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Full text of "Biographie universelle ancienne et moderne, ou, Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes : Ouvrage entièrement neuf"

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University  of  Ottawa 


littp://www.arcliive.org/details/biograpliieuniam58micli 


1 


UNIVERSELLE, 
ANCIENNE  Eï  MODERNE, 


SUPPLEMENT.  _^_ 


BER— BOQ. 


IMPRIMERIE    DE    PAUL    DUPONT    ET    COMP 
Rue  «le  Gren'Ile-Sl  Honoré,  a.  55. 


BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 
ANCIENNE   ET   MODERNE-. 


SUITE  DE  L  HISTOIRE  ,  PAR.  ORDRE  ALPHABETIQUE,  DE  LA  VIE  PUBLIQUE 
ET  PRIVEE  DE  TOUS  LES  HOMMES  QUI  SE  SOST  FAIT  REMARQUER  PAR 
LEURS  ÉCRITS ,  LEURS  ACTIONS ,  LEURS  TALENTS ,  LEURS  VERTUS  OU 
LEURS   CRIMES. 


i'^^ifr-'T^'--^' 


OUVRAGE    ENTIEREMENT    >'ELF  , 


RÉDIGÉ  PAR  U>'E  SOCIÉTÉ  DE  GEXS  DE  LETTRES  ET  DE  SAVANTS. 


On  doit  des  égards  aux  vivants  ;  on  ne  doit  anx  morts 
que  la  verilé.  (Volt.  ,  première  Lettre  sur  OKdipc.) 


TOME  CL\OUANTE-HUlTIE3IE. 


A  PARIS, 


CHEZ  L.-G.  I^ilCHAUD,  LIBRAIRE-ÉDITEUR, 

RUE    RICHELIEU,    K°    G7. 


BliSLHDTHECA    ^• 
Ott«vien8l8    ^ 


SIGNATURES  DES  AUTEURS 

DU  CINQUANTE-HUITIÈME  VOLUME. 


MM. 

MM. 

A  — D. 

Art.vl'd. 

G— T— R. 

Gauthier. 

A — L E. 

D'ALLO^VILLE. 

G  — Y. 

Gley. 

A— T. 

H.    AUDIFFRET. 

J— D— :». 

Jourda:i. 

B— D  — E. 

Badiche. 

Kl — H. 

Rlaproth. 

B-L— M. 

BlumMj 

L — c — J. 

Lacatte-Joltrois, 

B— N. 

Bici.\    (E.-A.). 

L  —  M X. 

J.  Lajiocreux. 

D— P. 

De  Beacchamp. 

L R  — Y. 

Leroy  (Aimé). 

B— S-K. 

BOISSIER. 

M— A. 

Mëldola. 

B— ss. 

BOISSONADE. 

M— D  j. 

MiCHAUD  jeune. 

C    D.   V. 

CarRON    du  VlLLAUDS. 

M— L. 

Miel. 

Gh— 0. 

Chodzro. 

M— N— s. 

MOXNAIS. 

Ch— u. 

Chassériau. 

M— z. 

MONGELLAZ. 

C— 0. 

Co.NSTANCIO. 

OZ— M. 

OzANAM. 

C.  T— Y. 

Coquebert  de  Taizy. 

p— c— T. 

Picot. 

D— B— s. 

Dubois  (Louis). 

P  — NY. 

De  Prony. 

D  — G. 

Deppi.vg. 

P-OT. 

Parisot. 

D— R— R. 

DOROZOIR, 

P— RT. 

PniLBERT. 

Ec— Dd. 

Éméric-David. 

R-D 

Rei.naud. 

E— K-D. 

ECKARD. 

R  — F       C. 

De  Reiffb.ybkrg. 

E— s. 

Eyriès. 

T— D. 

Tabaraud. 

F  — LE. 

Fayolle. 

V— 8  — H. 

Vi.^soît. 

F.    P— T. 

Fabien  Pillet. 

V— VE. 

Villesavb. 

F— T  — E. 

De   la  Fo?iTK:<ELLE. 

W-s. 

Weiss. 

G— CE. 

Ge.>ce. 

Z. 

Anonyme. 

G— 6— T. 

De  GRiJeoRY. 

UNIVERSELLE. 


SUPPLEMENT. 


B 


BERAIIV  (  Jean  ) ,  dessinateur 
Ordinaire  de  la  chambre  et  du  cahinet 
de  Louis  XIV,  né  à  Saint-Miliieî  , 
en  Lorraine,  vers  i65o,  niorl  a  l'âge 
de  77  ans  dans  les  galeries  du  Louvre 
où  le  roi  lui  avait  donné  un  apparle- 
ment  ,  est  demeuré  presque  inconnu 
jusqu'à  présent.  Cependant ,  on  a 
de  lui  un  volume  in-fol.  atlanlique  , 
sans  date  ,  sans  désignation  d'impri- 
meur ,  ni  de  lieu  d'impression  ,  et 
contenant  les  gravures  de  ses  princi- 
paux dessins  qui  consistent  surtout  en 
arabesques.  Ils  indiquent  beaucoup 
de  facilité,  un  talent  assez  remarqua- 
ble pour  la  |)er.\peclive  et  une  imagi- 
nation tout  à  la  fois  ricbe  et  sage.  On 
a  aussi  de  lui  des  cahiers  A'orne- 
nients  inventés  et  gravés  avec  esprit 
par  lui-même  j  des  recueils  pour  la 
décoration  des  appartements  ,  etc. 
Cet  artiste  laissa  un  fils  (Jea/i),  des- 
sinateur comme  lui  et  aussi  peu  con- 
nu. Les  cérémonies  des  pompes  fu- 
nèbres faites  a  Saint-Denis  en  l'bon- 
ucur  du  Dauphin  et  de  Louis  XIV, 
sont  de  Berain  fds  ;  c'était  sur  les 
dcsiins  de  son  invention  que  l'on 
sculptait  la  poupe  et  la  proue  des 
galères  et  des  vaisseaux  de  l'état  j 
il  donnait  aussi  les  dessins  des  costu- 


mes de  chaque  carrousel  —  Beraik 
[Pierre-Martin)  ,  frère  de  ce  der- 
nier, prévôt  du  chapitre  deHazelach, 
en  Alsace  ,  a  publié  un  Mémoire 
historique  sur  le  règne  des  trois 
Dagobei  t,clc.,  Strasbourg,  17 17, 
in- 8".  B— N. 

lîERARD  ,  né  en  Franche- 
Comté  ,  d'une  famille  peu  riche  , 
entra  au  service  dans  les  dragons 
de  Conti,  où  il  n'eut  pas  d'avancement. 
Avant  quitte  ce  corps  ,  il  fut  employé 
comme  régisseur  dans  une  terre  de 
l'Anjou,  par  un  de  ses  anciens  offiriers, 
et  vint  joiudre  Caihelineau  ,  d  Elbée 
et  Stofilet  dès  les  premiers  jours  de 
la  prise  d'armes,  en  1793.  Il  (obtint 
aussitôt  le  coramaudcmenl  de  la  cava- 
lerie de  celte  sorte  d'armée  improvi- 
sée. Chargé  peu  après  de  la  direction 
d'une  des  quatre  grandes  divisions  de 
l'armée  d'Anjou ,  d  la  conduisit  à  l'af- 
faire de  Beaupréau,  Bérard  se  trouva 
ensuite  a  l'occupation  d'Angers  ,  et 
signa  la  sommation  adressée  aux  au- 
torités de  Nantes  ,  pour  les  engager 
a  se  soumettre.  Lors  de  l'attaque  de 
cette  ville,  il  commandait  un  parti 
sur  la  roule  de  Reunes,  et  les  bou- 
lets pleuvant  de  ce  côté,  où  Ca- 
theliueau  fut  tué  ,  il  fît  retraite  avec 


LVIII. 


2  BER 

les  siens  el  contribua  ainsi  beaucoup 
h  'a  défdile  des  royalistes  Au-delà 
de  la  Loire,  il  fui  employé  comme 
aide-major-général  sous  Siofflit,  de- 
vint membre  du  conseil  militiirej  et 
même  ,  lorsque  le  priuct*  de  Talinont 
eut  abaadonué  le  commaudement  de 
la  ca\a'eiie,  on  le  donna  h  Bérard , 
au  lieu  de  le  resliluer  à  Forestier, 
qui  s'en  était  démis  en  faveur  du 
prince.  Bérard  survécut  aux  désas- 
tres de  cette  guerre  ,  se  joignit  d'a- 
bord aux  cbou.ms  ,  regagua  ensuite 
la  Vendée  ,  où  il  concourut  a  la  for- 
maliiin  de  la  seconde  armée  du  cen- 
tre dont  le  com'!  andement  fut  dévolu 
à  Sapineau  II  attaqua  bientôt  le 
poste  de  Saint- Fulgeot  avec  Pro- 
dbomme  .  et  finit,  comme  lui ,  par  se 
joindre  a  Tarmée  d'Anjou  et  Haut- 
Poilou.  jrapli(iné  dans  le  complot  de 
celui-ci,  il  fut  gai  dé  a  vue,  mais 
il  p.iruul  a  se  ju.stifiei  auprès  de  Stof- 
flet.  Siiivan',  l'iinpulsioude  Protlonin  , 
Bérard  signa  la  pacifiialion  de  la  Jau- 
nais  avant  son  général,  que  dès  lors 
il  abandonna.  I'  s'attacha  ensuite  au 
généra'  Caudaux,  ne  parut  point 
dans  l'insurrerlion  de  1799,  et  se 
fit  placer  comme  garde-géueral  des 
eaux  el  forêlsala  résid<  nce  de  Sainte- 
Hermine  5  puis  a  celle  de  Bourbon- 
Vendée,  où  d  est  mort,  cjuelques 
années   avant  la  restauration. 

F — T — E. 
BÉRARD  (  FbÉdéric;,  profes- 
seur de  médecine  h  Mimlpellier  ,  ou 
il  naquit  ,  eu  1789.  Voué  de  bonne 
henre  a  Tart  de  guéiir,  il  soutint  , 
à  peine  âgé  de  vingt  ans,  une  thèse 
intitulée  :  Plan  d'une  médecine 
naturelle ,  ou  la  nature  consi- 
dérée comme  médecin  ,  et  le  mé- 
decin considéré  comme  imita- 
teur de  la  nature.  Ce  litre  in.liqne 
assez  que  le  jeune  doileur  était  pé- 
nétré  des  principes    de  l'école     ui 


BER 

l'avait  formé.  Peu  de  temps  après, 
il  vint  a  Paris  pour  acquérir  de  nou- 
velles connaissances,  et  il  y  fut  as- 
socié à  la  rédaction  du  giand  Dic- 
tionnaire des  sciences  médicales. 
Le  premier  article  qu'il  y  inséra  est 
celui  de  Cranioscopie  ;  il  contient 
une  critique  assez  faible  du  système 
de  Gall.  Bérard  publia  ensuite 
l'article  Elément  ,  ovl  il  pré- 
sente un  tableau  de  la  doctrine 
analytique  que  Barlliez.et  Dumas 
avairnt  fondée  à  l'écolp  de  Monlpel- 
Ler.  Enfin,  il  donna  dans  le  nième 
ouvrage,  lésai  \.\Q\e$ Extase *:[ Force 
musculaire  Bérard  revint  a  Mont- 
pellier, en  1 8 1 6  ,  et  il  y  professa  la 
thérapeutique  dans  descouis  parti- 
culiers. Il  publia,  l'année  suivante  , 
une  dissertation  sur  la  distinction 
entre  la  petite  vérole  et  la  variole  , 
d'après  les  observations  qu'il  avait 
recueillies  pendant  une  épidémie  qui 
régna  a  iMontpel  ier  à  la  tin  de  l'an- 
née 1816,  I  vol.  iu-8".  Il  conçut 
en  même  temps  le  projet  d'éta- 
blir d  ins  cette  ville  un  journal  de  la 
doctrine  médicale  que  l'on  professait^ 
mais  n'étant  pas  soutenu  par  les  pro- 
fesseurs ,  il  se  contenta  de  publier  un 
ouvrage  sur  la  Doctrine  de  t  école 
de  Montpellier  \^\  snrlacomparaisoa 
de  ses  principes  avec  ceux  de-,  autres 
écoles  d'Europe,  i  vol  in  8'^.  On  re- 
marque dans  ce  travail  quelques  vues 
philosophiques  ,  et  un  style  qui  ne 
manque  ui  d'élégance  ni  de  force. 
L'aulenr  concourait  eu  même  temps 
a  la  rédaction  de  la  Revue  médi- 
cale ,  journal  fondé  par  les  doc- 
teurs Rouzet  et  Dupau  ,  contre 
l'envahissement  du  nouveau  système 
de  M.  Broussais.  Par  suite  de  quel- 
ques rivalités  locales  ,  Bérard  revint 
à  Paris  eu  1820  ,  afin  d'obtenir  une 
chaire  de  médecine.  Il  s'assoc  a  au 
docl.  Rouzet  pour  publier  l'ouvrage 


BER 

de  Dumas  sur  les  maladies  chroni- 
ques ,  2  vul.  ju  8''  ,  d\ec  fli'S  Dotes 
el  (!•  s  comincnlaires  sur  ladoclrine 
an  ily'iqiie.  Bientôt  ai)rès  parni  la 
Doctrine  des  rapports  du  physi- 
que et  du  moral ,  pour  servir  de 
loademenl  a  la  physiologie  inlellec- 
tuelle,  el  à  la  niélaphysi.|ue ,  1823, 
in-8°.  Bérard  y  expose  loutes  ses 
idées  de  philosophie.  Il  pubha  dans 
le  même  leiHjJS  une  lettre  iné'lile  de 
Cabanis  sur  les  causes  premières  , 
in-8°  ,  et  V  ajoula  un  grao  I  nombre 
de  noies  rpii  Oiit  été  blâmées  avec 
quelcpie  rai-.oi].  C'est  à  cette  époque 
que  l'univrrsilé  le  noinma  professeur 
d'hvgièuea  lafaculléde  ^Joulpelliei . 
Mdis  tant  de  travaux  avaient  altéré 
SI  santé  j  il  se  bàla  d'.lltrà  Mont- 
pellier pour  commence''  soii  cours, 
et  fit  imprimer  son  discours  d'nu- 
verlure  qui  a  jiour  objet  l'ame/io- 
ration  progressive  de  l'espèce 
humaine  par  C injluence  de  la  ci- 
vilisation ^  Paris  el  Muni  pi  Hier, 
1826  ,  in  -  8"  5  ce  fut  son  der- 
nier ouvrage.  La  mort  vint  L-  frap- 
per, le  1  6  avril  1828  ,  dans  la  Sp*" 
année  de  son  âg''.  On  a  encore  de 
Bérard  V Eloge  historique  de  F.- J. 
Léon  Rouzet  (  extrài  de  li  Revue 
médicale),  Paris,  182^,  in-8".  [1  a 
lai-sé  eu  manuscrit  1  Esprit  des  doc- 
trines médicales  de  Montpellier 
qui  a  été  imprim  •  dans  celte  ville, 
en  i85o,  in-8'^,  aver.  une  Pièce 
historique ,  sur  sa  >  ie  el  ses  éirils, 
par  M  H  Petiot.  M.  Améilée  Dupau 
a  publié  une  ]Sotice  historique  sur 
Frédéric  Bérard  ,  Va.r a,  ,  1818  , 
in-8°  de  i  6  p  ig.  Z. 

BERAUDÏ  (A>-cELo),  savant 
musicien  ,  était  né  ,  vers  le  milieu  du 
17*^  scièile,  à  Sanl-AL;ala  ,  dans  le 
royaume  de  Nap  e.>.  Ayant  embrassé 
l'eut  ecdé  iasiiqiie,  il  fui  pourvu 
d'un  canoûicat  au  chapitre  de  Viterbe, 


BER  3 

et  con'iacr.T  ses  1  isirs  h  la  cnlliire  de 
son  art.  Consulté  par  Ks  plus  célè- 
bres musiciens  de  l'ItaHe  ,  il  s'<ra- 
presiail  de  répon  Ire  a  leurs  ques- 
tions el  de  résoudre  les  problèmes 
qu'ils  lui  proposa  en! .  Selon  Choron 
[Dict.  des  musiciens)  ^  il  règne  dans 
ses  ouvrages  un  ton  de  pédanterie 
qui  les  d-paie;  mais  on  y  trouve 
bea-  coup  de  choses  utiles;  et  les  ar- 
tistes les  consullero  it  toujours  avec 
fruit.  Les  principaux  sont  :  l.  Ra- 
gionamenti  musicali  ,  Blugne  , 
1681.  C'est,  dii  le  luèrae  bio  ,ra- 
phe .  un  livre  exci  lient  pour  rhi>- 
toire  de  la  musique.  U.  Documenti 
armonici j  ibul.,  1687.  Ou  y  trouve 
les  règles  du  contre  point  double. 
in.    Miscellane    nuisicali ,    ibid., 

1689.  IV.  Arcani  musicali  ^  ibid., 

1690.  C'est  un  dialogue  dans  lequel 
l'auteur  ixpliqi;e  les  finesses  de  sou 
art.  V.  ri  Perché  nuisicalc^oi'vero 
Stafetta  arnionicu ,  ibid.,  1695. 
Berardi  da:is  ce  volume,  a  réuni  ses 
réponses  aux  principales  questions 
que  Sis  confrères  lii  avaient  adressées. 

W— s. 
BERAUD^Tean-Jacque-^  pl.y- 
bicieu  et  ualurahste  ,  naquit  le  5  fév. 
1753,  à  Allons  près  de  Castellane. 
Après  a>oir  terminé  ses  études  ,  il 
emra  dans  lacongrégalion  de  l'Ora- 
toire,  et  remplit  successivt  ment  les 
plices  d.'  p.éfel  el  de  professeur  de 
maihéma'iqu -s  et  de  plusicpie  txpé- 
rimeiitale  ,  au  collège  de  iMaiseille. 
En  1787  .  il  remporta  trois  prix  a 
l'académie  de  celle  ville  ,  qui  s'era- 
prt-ssa  de  se  l'associer.  A  la  1  évolu- 
tion, i'  ne  crul  pa>  devoir  s'éloi  ner 
de  Marsi  il  e  où  il  jouissait  de  l'es- 
time générale.  Elu  membre  du  bureau 
centra'  des  sections,  il  fut  avec  tous 
Si  s  collègues  mis  hors  la  loi  après 
la  jouruée  du  5  i  ira  .  Il  se  réfugia  en 
Espagne  ,  où  il  obtint  la  charge  d'iii- 


4  BER 

géaieur  livdraulique  du  port  de  Car- 
tliagèiie.  Il  y  raoïinit  le  i*^*^  février 
179/1-,  âgé  seulenienl  d^-  4.1  ans.  On 
a  du  P.  Beraiid  :  I.  Mémoire  sur 
la  culture  du  câprier.  II.  Sur 
l'éducation  des  abeilles.  III.  Sur 
une  machine  propre  à  pécher  le 
corail  Cis  trois  mémoires  couron- 
nés par  racadémie  de  Marseille  ont 
été  imnriinés  ,  les  deux  premiers  dans 
le  recueil  publié  par  P^ns-J.  Ber- 
nard (  Voy.  ce  nom,  ci-après)  sons 
le  litre  de  Mémoires  pour  servir 
à  l'histoire  naturelle  de  Proven- 
ce ;  et  le  iroislérae  dans  le  Jour- 
nal de  physiqie  ,  1792,  II,  21, 
avec  une  pi.  IV.  Mémoire  sur 
cette  question  :  Quelle  est  la  ma- 
nière la  plus  simple  ,  la  plus 
prompte  et  la  plus  exacte  de  re- 
connaître la  prése/ice  de  l'alun 
dans  le  vin  P  inséré  dans  le  Journal 
de  physique.,  1791,11,  24 1,  et 
dans  VEsprit  des  journaux.  L'au- 
teur partagea  le  prix  double  proposé 
par  Tacadémie  de  Lyon.  V.  Mé- 
moire sur  la  manière  de  resserrer 
le  lit  des  torrents  et  des  rivières^ 
Aix  ,  1791  5  in-8°  de  1 1  6  pag.  Cet 
excellent  ouvrage  fut  publié  par  or- 
dre de  radraiiiistration  départemen- 
tale des  Boucbes-du-Riiôiie.    W — s. 

BERCEO.  Voy.  Gonzalez, 
XVIII,  II 3. 

BERCllEM.  Fo/.Berghe^i, 
IV,  25r. 

BEIlCIiTOLB  (le  comte 
Leopold  de  ),  philantrope  allemand, 
né  en  1708  ,  d'une  famille  très- 
distinguée  ,  fut  chambellan  de  l'em- 
pereur et  chevalier  de  Saint-Etienne. 
Possesseur  d'une  fortune  immen- 
se ,  il  la  consacra  en  entier  au  sou- 
lagement de  l'humanité.  Une  par- 
tie de  sa  vie  fut  employée  h  de  nom- 
breux voyages  qu'il  entreprit  dans  le 
Inil  de  cyfliiaîlre  le  iiouheur  cl  le 


BER 

malheur  des  hommes  dans  leurs  dif- 
férents degrés  de  civilisation  et  d'a- 
brutissement ,  et  d'apprendre  les 
moyens  d'augmenter  leur  état  pros- 
père et  de  diminuer  leur  infortune. 
Pendant  plus  de  quinze  ans  il  par- 
courut l'Europe  ,  l'Asie  et  l'Afrique. 
Il  possédait  huit  langues  différentes 
et  savait  écrire  dans  chacune  d'elles  ; 
et  cette  connaissance  lui  servit  beau- 
coup pour  utiliser  ses  voyages.  Sou- 
vent quand  il  était  dans  un  pays,  il  y 
publiait  et  distribuait  gratuitement 
de  petits  ouvrages  propres  a  popu- 
lariser ses  vues  de  bienfaisance  et 
d'utilité  publique.  C'est  ce  qu'il  fit 
en  1795,  en  Portugal ,  malgré  les 
préjugés  qui  s'y  opposaient.  Afin 
que  son  expérience  ne  fût  pas  per- 
due pour  ceux  qui  chercheraient  à 
l'imiter,  il  fit  paraître  un  livre  con- 
tenant les  précautions  les  plus  sû- 
res pour  voyager,  et  l'écrivit  eu  an- 
glais sous  ce  titre  :  An  essay  to 
direct  and  extend  the  inquiries 
ofpatriotic  travellers  ,  Londres  , 
1789  5  la  première  partie  a  été  tra- 
duite en  français.  1797,  par  le  comte 
de  Lasteyrie  (  i  ).  La  seconde,  qui  con- 
iient  un  tableau  des  voyages  les  plus 
importants  entrepris  depuis  les  temps 
anciens  jusqu'en  1787,  n'a  pas  été  tra- 
duite. Le  comte  de  Berchtold  ne  se  con- 
tentait pas  de  publier  des  ouvrages  pour 
popu'ariser  ses  vues  de  bienfaisance. 
Quand  sesconnalssances  ne  suffisaient 
pas  ,  il  dépensait  des  sommes  consi- 
dérables pour  ouvrir  des  concours  sur 
des  objets  d'utilité  publique.  C'est 
ainsi  qu'il  proposa  un  prix  de  1000 
florins  pour  le  meilleur  ouvrage  sur 

(1)  Voici  le  tilie  de  cette  traduction:  Essai 
pour  diriger  et  étendre  les  recherches  des  voyo^eurs 
qui  se  pruposeiit  l'utilité  de  leur  patrie,  avec  des  oi- 
H'cvatiLiis  pour  préserver  la  vie  ,  la  saute  et  ses 
effets  ,  et  une  suite  de  questions  sur  les  objets  les  plus 
dignes  des  reclicrclics  de  tout  vorageur,  sur  les  mn- 
tiéres  rui  intéressent  la  socicté  et  l'humanité,  raiiî, 
au  V,  a  vol.  iu-S°. 


BER 

les  étalilissemcnts  d'iuiraanité.  Il  fou- 
da  une  société  d'humanité  en  Mora- 
vie, et  des  établissementsde  secours  a 
Brunneth  Prague.  Il  fut  un  des  mem- 
bres les  plus  actifs  et  les  plus  iuflueuls 
de  la  sociéié  humaine  de  Londres  , 
et   y    appuya  puissamment   les   mé- 
inoires    que    les     docteurs   Antoine 
Fothergill    et  Pope  présenlèrenl  au 
concours    ouvert  sur  les  moyens  de 
sauver  les  uoyés.  Comme  ou  s'oc- 
cupait beaucoup  ,  en  Allemagne  ,  du 
danger  d'enterrer  les  personnes  vi- 
vantes, il  recueillit  les  faits  les  plus 
importants  sur  celte  matière  et  pu- 
blia en  allemand  :  Courte  métJiode 
■pour  rappeler  à  la  vie  toutes  les 
personnes  atteintes  de  mort  appa- 
rente. Vienne,  1791,  in-8°.  11  tra- 
duisit lui-même  ce  livre  en  plusieurs 
langues  et  le  distribua  partout  gratui- 
tement. Il  en  adressa  une  traduction 
frauçaise  a  l'assemblée  constituante 
qui  lui  décerna  d'honorables  éloges. 
Dans  ses  voyages   en  Turquie  ,  en 
1795-97  ,  il  s'occupa  ,  avec  un  zèle 
admirable  ,   des    moyens   de   préve- 
nir et  de  guérir  la  peste,  et  s'exposa 
pour  cela  a  de  grands  dangers.  Il  fît 
imprimer  ,  sur  les  moyens  de  guéri- 
son  employés  dans  l'hôpital  de  Saint- 
Antoine  à  Smyrne,  unrapport  où  il  re- 
commande les  frictions  d'huile  d'olive 
sur  tout  le  corps,  comme  un  remède 
préservatif  et  curatif,  d'une  efficacité 
certaine.  Malheureusement  les  résul- 
tats obtenus  depuis  n'ont  pas  répondu 
à  ses  promesses.  Les  frictions  d'huile 
d'olive  ont   été   employées  avec   peu 
de  succès  dans   la  peste  qui  régna  à 
Malte,  en  1812.   La  vaccine  ,  cette 
découverte   si   précieuse  ne  pouvait 
manquer  d'exciter  le  zèle  philantro- 
pique  de  Berchtold.  Il  usa  de  toute 
son  influence  pour  en  favoriser  la  pro- 
pagation, et  vaccina  lui-même  un  grand 
nombre  de  personnes.  En  i8o5  ,  les 


BER  5 

habitants  des  montagnes  des  Géants 
avant  été  affligés  d'une  famine  ,  Ber- 
chtold ouvrit  pour  eux  nue  souscrip- 
tion ,  h  laquelle  il  contribua  pour  des 
sommes  considérables.   Il  parcourut 
l'Autriche  pour   recevoir  lui-même 
les  oHrandes,  et  fit  venir  des  contrées 
éloignées  du  seigle   et  autres  moyens 
de  subsistance  à  l'effet  de  secourir  ces 
infortunés.  Sa  principauté  de  But  lilau, 
en  Moravie,  était  surtout  le  lieu  où  il 
répandait  ses  bieufalls'a  pleines  mains 
sur  l'humanité  souffraute.  En  1801, 
il  inslitua  dans  son  château  de  Eu- 
chlovilz  une  école  d'instruction  pour 
la  jeunesse.  Plus  tard,  lors  de  la  san- 
glante  bataille  de  Vv  agram  ,  il  con- 
vertit ce  château  en  un  hôpital  pour 
les  malades  et  les  blessés  des  amées 
autrichiennes.  Il  y  prodigua  lui-même 
des  soins  à  ces  malheureux,  avec  ua 
zèle  dont  il  fut  victime.    Une  fièvre 
typhoïde  s'y  étant  développée,  il  crut 
pouvoir  la   braver  comme  la   peste 
d'Orient,  mais   il  en   fut  atteint  et. 
jBourut  eu  1809.   On  a  souvent  ap- 
pelé le  comte  deBercthold  le  Howard 
de  l'Allemagne.    Bœttiger  dit  que  si 
l'on  veut  établir  un  parallèle   entre 
ces  deux  grands  hommes  ,  on  ne  doit 
pas  oublier  que  l'activité  du  pliilan- 
trope  allemand  embrassait  une  sphère 
beaucoup  plus  étendue,  qu'il  com- 
muniquait ses  vues   de  bienfaisance 
soit  de  vive  voix  ,  soit  par  écrit,  avec 
beaucoup  plus  de  promptitude  et  de- 
facilité.  Outre  les  ouvrages  que  nous 
avons  cités,  Berchlold  a  publié  des 
Tables  dans  lesquelles  il  donne   aux 
artisans  et  aux  gens  de  campagne  des 
avertissements    sur    les  dangers   qui 
menacent  leur  santé  et  sur  les  moyens 
de   s'y    opposer.    Tienne,    1806, 
in -fol.  G — T — R. 

BERCKEL  (Théodore-Victor 
Van),  vit  le  jour  a  Bois-le-Duc  ,  le 
21    ayril    l'J^''^-   Sa  famille,    l'une 


6  BER 

des  pli'î  ancifnnes  de  celle  ville,  était 
ca  liiilii|iie  romaiue  ,  et  avail  élé 
ruinée  par  Its  révoliilions  qui  dé- 
noiiilleul  si  soiivenl  le  mérile  et  la 
vertu  pour  enrii  hir  le  vice  e1  Tinlri- 
giie.  Le  jeiineVan  Bercktlmonira,  dès 
sa  plus  tendre  enfance ,  un  goût  pro- 
noncé pour  le  dessin  ;  et  après  avoir 
fait  dans  cet  ail  des  progrès  rapuli  s 
et  rt-marquab'Cs,  i'  s'appliqni  a  la 
gravure  m  médalllfs  <  liez  nu  nom  ::é 
Marine  ,  grave  r  a  'liù'el  de  la  mon- 
naie qui  existait  a  (Uèves.  Il  se 
maria  ,  alla  s'établira  Rillerdani, 
b'inilia,  sans  doule  ,  à  Ti^idi-  de  son 
génie,  dan.s  les  secrets  de  son  art, 
et  commença  a  établir  sa  réputation. 
Il  avail  Ireiilt-sipt  mis  (en  1776), 
lors(|u'iiii  piiice,  aimant  et  cultivant 
lui-  .  èine  les  beaux-arts,  s  élanl  formé 
un  cabinet  deméd  illf  sd^nl  Gbes([niè- 
re  [f^.  ce  nom,  X\  II,  278)  a  rédigé 
le  calai. 'gue  ,  le  duc  CI  arles  de  Lor- 
raine, si  cher  encore  aux  Belges ,  le 
fit  \enir  à  B'uxi-llis.  11  voulail  (jue 
la  gravure  en  nié  (ailles  aiuiguît  chez 
les  Bilgesla  perfution  où  Hedlingi-r 
l'avait  portée  en  Albmagni-;  et  il 
choi-it  a  cet  efirl  Van  Bertkel  qui  s'é- 
tait formé  à  l'école  de  cetarti.vle.  ()n 
s'aperçut  I  ienlôl  que  la  moi.naie  lui 
était  confiée  :  le  plus  beau  de  S'  s  ou- 
vrages est  la  méii.iille  portant  l'i  ffi- 
gie  de  son  illustre  :\  éiène.  Mais  , 
malgré  la  pmli  ction  dont  il  jouissait 
à  Bruxelles  ,  Van  I  erckel  ne  cessait 
de  regretter  la  Hollande  5  car  il  paraît 
qu'il  ne  lron\a  point  à  cette  cour  la 
fortune  dont  il  se  croyait  assuré  dans 
sou  pays  natal  Lor  que  t  s  Français 
firent  la  conquête  des  Pays-Bas  en 
1792,  il  accompagna  dans  leur  re- 
traite les  autorités  autrichiennes  ,  fut 
pendant  quelque  temps  attaché  à  l'hô- 
tel des  monnaies  a  Vienne ,  avec  le  li- 
tre dt- giaveur  en  second,  et  obliul  en- 
fin une  cliélive  pension.  Découragé 


BER 

de  voir  ses  talents  si  mal  récompen- 
sés ,  il  revint  dans  le  seiu  de  -a  fa- 
mille in  i8o5  et  se  fixa  a  Bois-'e- 
Duc  ,  où  il  mourut  'e  1 9  sept,  i  808. 
Les  I  1*"  et  12^  liviaisuns  du  sixième 
volume  du  Messager  des  sciences 
et  des  arts,  publié  à  G  ind  ,  contien- 
nent une  notice  sur  Van  Berck.d  or- 
née de  son  poitrail  ,  et  suivie  de  la 
lisle  de  se-  médailles  ainsi  que  de  cel- 
les (lu'on  lui  ailrduie.       R — f — g. 

BERCKIÏEL^I  (leb.iron  Sigis- 
MOND  Fp.tDÉRicDE),  uéa  Rihi  aiivillé, 
près  Colmar,  le  9  mai  1775  ,  d'une 
fiiraiile  proleslaule,  entra  fort  jeune 
daus  la  carrière  des  armes  ,  devint 
eu  1793  officier  de  cavalerie,  et 
par\ini  en  1809  au  grade  de  colonel 
du  premier  régiment  de  cuirassiers. 
Il  fit  k  la  tèle  de  cette  belle  trou- 
pe Its  ca  I  pagnes  de  Prusse  el  de 
Pologne,  et  se  distingua  1  arllculiè- 
remeul  aux  batailles  de  Heilsbcrg  et 
de  Fiiedlanil,  puis  à  celtes  d'Eck- 
muhl  et  de  Wagrara.  INcmmé  géné- 
r.il  Je  brigade  après  la  paix  de 
Vienne  ,  il  fut  encore  chargé  de  com- 
mander 'es  cuirassiers  dans  la  cam- 
gne  de  Russie,  en  8  i  2,  el  se  signala 
de  nouveau  k  Horocimo,  k  Pololzh 
et  surtout  aux  rives  de  la  Bérésina , 
où  il  exécuta  très-k-propos  une  charge 
brillante  qui  .sauva  Napoléon  et  les 
débiiscle  son  armée.  Nommé  lieule- 
nanl-général ,  le  3  sept,  de  l'aimée 
suvanle,  il  fit  en  celte  qualité  la 
campagne  de  Saxe,  el  commanda  un 
corps  de  cavalerie  k  Dresde  el  a  Leip- 
zig. A  l'époque  de  1  invasion  de  la 
France,  en  i8i4i  lempereur  lui 
confia  le  comn  audemml  des  ga'des- 
d'honuMir  et  la  levée  en  masse  duJé- 
parlem  nt  du  Haut  Rhin  ,  opération 
dangereuse  el  (pie  les  circonsiances 
rendirei'i  impossible.  Après  'a  chute 
de  JNapoléoii ,  le  baron  de  Bercl  heim 
se  soumit  au  gouvernement  royal  et 


BËR 

fut  nommé  en  même  temps  chevalier 
de  Saint-Louis  et  commaiul^nit  du  dé- 
parlemenl  du  Hanl-Rliin.  Lorsque 
l'ouaparte  r'-vinl  de  Tîle  d'Elbe,  en 
181  5,  Berckheim  n'hésita  pas  a  se 
ranimer  sous  ses  drapeaux  5  ei  il  com- 
iiinnda,  dans  la  courte  campagne  des 
cmt  jours  ,  les  divisions  de  réserve 
sur  le  Rhin.  Après  le  second  retour 
des  Hdurbons  ,  il  ne  cessa  pas  d'être 
employé  ,  et  fut  piii  ticulièrement  ac- 
cueilli du  duc  d'Augoulèrae,  qui  le 
fit  nommi  r  inspe>.leur- général  de  la 
cavalerie.  Il  avait  été  élu  ,  à  la  mê- 
me époque,  par  le  département  du 
Haut-Rhin,  membre  de  1j  chambre 
des  députés,  et  il  y  vola  coa^l;ira- 
ment  avec  le  parti  de  l'opposition  , 
sans  jamais  paraître  à  la  tribune. 
Berckheim  es!  morl  a  Paris  ,  le  28 
décemb.  1819.  Le  général  Paullre 
de  la  Motte  ,  son  ami ,  prononça  sur 
sa  toii,b  un  éloge  qui  fut  inséré  dans 
le  3Ioniteur.  M — d  j. 

BERCY  ou  BERSIL  (Hugues 
de).    Poy.  Berze  ,  ci-apiès. 

BERE\DS(Charle>-Augusie- 
Guillaume),  médecin  ,néàAnklam, 
petite  ville  du  nord  de  la  Prusse,  en 
1755,  fil  ses  éludes  a  l'université  de 
Francfort  sur  l'Oder,  où  il  fut  reçu 
docteur  en  1780.  Il  obtiui  une  place 
de  professeur  en  1788.  L'univeisilé 
de  Francfort  ayant  été  tran>férée  à 
Breslaw  en  1811,  Rérends  y  fut 
aussi  professeur  •  ei  quelques  années 
après  il  vint  a  Berlin  occuper  la  chaire 
de  clini(pie  et  de  théraptulique  spé- 
ciale Il  V  jouit  d'une  grande  réputa- 
tion j  mai^  son  état  maladii  i^itcrrom  • 
pit  souvent  le  cours  de  ses  leçons,  pen- 
dant les  dernières  années  de  sa  vie  ;  et 
il  mourut  vers  1826.  Le  docteur  Sun- 
delin,  son  élève,  qui  le  remplaçait 
couime  professeur  de  clinique,  a  pu- 
blié après  sa  mort  ses  lecous  de  mé- 
decine pratique.    Elles  sont  inlitu- 


BER  7 

lées  :  P^otlesunsen  ueher  praklis' 
che  Arziietwissenschcifl,  herausge- 
gebeij  von  Karl  Sundelin,  Ri  rlm, 
1827-1829,  9  vol.  iM-8°.  Ces  le- 
çons   forment   un   des   ouvrages   les 
plus  et'  ndiis  qui  aient  élé   publiés  en 
Allemagne  sur   a  médecine  pratique. 
Les   trois  premiers  volumes  traitent 
de    la  séméiotique,    des   fièvres  et 
de.->  inflammations.  Les  autres  mala- 
dies sont  cla.'-sées  d'une  manière  assez 
arbitraire  dans  les  volumes  suivants. 
Cetouvriige  ne  provieit  point  de  ses 
manuscrits,  nais  des  cahiers  copiés 
a  ses  cours,    par   l'éditeur   qui   y  a 
ajouté  des  notes.  Le  docteur  Stosth  a 
fa  t  imprimer  en  l 'tin  les  œuvres  pos- 
tliumes  du  professeur  Rérends,  Ber- 
lin ,  1829-1830  ,  2  vol.  in- 8°.  Ces 
deux  volumes   contiennent  un  traité 
des  maladies  consompiives,  et  un  com- 
mentaire sur  les  aphorismes  d'Hip- 
pocrate.  Il  n'avait  publ  é  pendant  sa 
vie  qu'un   pelil    nombre    de  disser- 
tations  ,     savoir  :    1.    Dissertatio 
inaugurnlis  sstens  voinitoriorwn 
hstoriœ  pcricidum ,  Franclort  sur 
l'Oder,  1780,  in-4".  II.    Sur  l'in- 
struction des  jeunes  médecins  au 
lit  du  malade  ,  Rerlin  ,  1789.  i  1-8° 
(en    allemand).    \\\.  Dissertatio  de 
siiffocalionis     sigms  ,    Francfort  , 
1793,  lu  8".  IV.  De  lethalitate  vul- 
nerum    absoluta   algue  relativa  , 
Francfort ,  i  800,  in-4"  V.  Dedub.o 
plica-  polonicœ  inter  morbos  loco^ 
Francfort.  1801,  in-4"-  H  existe  en- 
core quelques  raénioiies  de   cet   au- 
teur   dans    divers    recueib   périodi- 
ques de  l'Allemagne.       G — x — R. 

BËREXGER  (Richard),  lit- 
térateur ang  ais  ,  né  en  1720,  aviiit 
le  litre  à'esquire  ,  et  en  effet  é'alt 
intendant  des  écuries  du  roi  Geor- 
ges III.  Ses  occiipalions  ou,  pour 
mieux  dire,  les  octupalions  de  ses 
subordonnés  lui  inspirèrent  un  traité 


3 


BER 


intitulé  The  Hislory  and  art  qf 
Horsenianship  ,  Bisloire  et  prin- 
cipes de  l'art  du  palefrenier  .  i  7  7  i , 
2  vol.  Ïh-S",  avec  planches.  L'iii&to- 
rique  de  cet  art  qui  est  pris  par  l'au- 
teur dans  son  acception  la  plus  large, 
et  qui  embrasse  tous  les  soins  à  don- 
ner aux  chevaux  cl  tout  le  parti  que 
le  luxe  peut  tirer  du  cheval ,  occupe 
le  premier  volume  tout  entier.  Sir 
Richard  y  fait  preuve  d'une  érudiiion 
variée  ,  quoique  ses  citations  ne  soient 
pas  toujours  aussi  nécessaires  que 
savantes  et  aussi  probantes  que  nom- 
breuses. Le  célèbre  Cl  itï(|ue  Johnson, 
qui  ne  prodiguait  pas  la  louange  , 
appelle  sir  Richard  Berenger  la 
type  de  la  véritable,  élégance. 
C'est  moins  sans  doute  h  son  His- 
toire de  l'art  du  palefrenier  qu'à 
ses  poésies  ,  qu'il  dut  cette  qualifi- 
cation un  peu  emphatique  :  celles-ci  se 
trouvent  dans  la  collection  de  Dods- 
lej.  On  y  remarque  en  effet  beau- 
coup d'élégance  et  de  simplicité.  On 
a  encore  de  Berenger  trois  bons  ar- 
ticles dans  le  Monde  (  The  71  orld), 
11°"  76  ,  i56,  202.  Il  mourut  le  5 
septembre  1782.  P — ot. 

BERENGER  (Laotekt- Pier- 
re (i),  liitérateur  médiocre,  naquit 
en  1749  a  Riez,  ville  de  Provence. 
Après  avoir  terminé  ses  éludes,  il 
entra  dans  la  congrégation  de  l'Ora- 
toire^ et  professa  la  rhétorique  dans 
divers  collèges  ,  notamment  h  celui 
d'Orléans.  Durant  le  séjour  assez 
court  qu'il  fit  dnns  cette  ville  ,  il 
se  lia  d'une  étroite  amitié  avec  l'abbé 
deReyrac,  dont  il  publia  depuis 
V  Eloge  y  avec  Couret  de  Villeneuve, 
imprimeur  connu   par  ses  jolies  édl- 


(i)  On  l'a  confondu  avec  Bébange»  ,  dont  le 
nom  ft  les  chansons  so\n  si  connus,  dans  la  Ca- 
Icn'e  lùstnrifjue  des  contemporains^  Bruxelles  ,  1828, 
compilation  dont  les  principaux  articles  sont 
tirés  littrraleir.ent  de  la  Liogrnphic  universelle  et 
de  celle  des  hommes  virants. 


BER 

tiens  d'Horace  et  des  classiques  ita- 
liens ;  et  enfin  avec  M.  Crignon  , 
auteur  de  la  traduction  des  P'ers  à 
soie,  poème  de  Yida,  que  Berenger 
a  insérée  dans  les  Soirées  proi'en- 
cales.  I!  remporta  le  prix  de  poésie 
eu  1781,  à  l'académie  de  Rouen 
pnr  une  Epure  à  mes  livres  ,  où 
l'on  trouve  des  détails  agréables  et 
quelques  vers  bien  tournés.  Sorti 
de  l'Oratoire  avec  une  pension  de 
quatre  cents  francs ,  il  vint  a  Paris , 
fut  placé  comme  instituteur  chez  le 
duc  de  Yalentinols  ,  et  obtint  la 
place  de  censeur  royal.  H  consacrait 
ses  loisirs  a  faire  des  vers  qu'il  publiait 
dans  les  journaux  et  les  almanachs.  En 
1786,  il  inséra  dans  le  Journal Po- 
Ijtype  (2)  ,  un  conte  intitulé  la 
Poularde,  o\\  il  dévoilait  la  conduite 
scandaleuse  de  la  nièce  d'un  chanoine 
d'Orléans.  Sur  la  plainte  des  person- 
nes offensées ,  un  arrêt  du  conseil 
d'état,  du  26  déc,  supprima  celle 
pièce  (5),  et  Berenger  perdit  sa  pen- 
sion (Voy.  les  ISlénioires  secrets  y 
xxxiii ,  267  ,  et  XXXIV  ,22)  (/).). 
Comme  tant  d'autres,  il  salual'aurorc 
d'une  révolution  qui  promettait  de  ré- 
former tous  les  abus.  Au  mois  d'oct. 
1789  ,  il  donna  sa  démission  de  cen- 
seur ,  et  offrit  a  l'assemblée  nationale 
un  don  patriotique.  Il  fut  compris  en 
1795  dans  le  nombre  des  gens  de 
lettres  auxquels  la  convention  accor- 
da des  secours.  A  la  création  de 
l'institut,  il  fut  élu  correspondant 
de  la  classe  de  littérature  :  il  venait 


(2)  Et  non  pas  politique  ,  comme  tous  les  Dic- 
tionnaires l'ont  rcpétr,  d'aprcs  la  Iliogrnji/iic  des 
homme;  vivants.  V.n  nous  copiant  il  faudrait  au 
m. lins  corriger  les  fautes  d'impression. 

(3)  Et  non  pas  \e  journal  qui  ne  fut  supprimé 
qu'en  178S  ,  pour  avoir  publié  des  réfIcNions 
offensantes  contre  le  ministère,  pendant  la  durée 
de  l'asôcinbiée  dis  nol^ibles.       • 

(il  Dans  le  même  lemps  il  fut  remercié  comme 
instituteur,  et  tomba  dans  la  disgrâce  de  la  du- 
chesse de  Villeroy,  qui  l'avait  cboisi  pour 
c'ever  un  grand  seigneur.  V — ve. 


BER 

d'être  nommé  professeur  do  belles- 
lettreskrécolecenlralede  Lyon;  plus 
tard  ,  il  remplit  la  même  chaire  nu 
lycée  de  cette  ville,  et  fut  fait  en- 
siiile  inspecteur  de  l'académie  ,  place 
qu'il  jugeait  fort  au  dessous  de  son 
mérite  ;  mais  toutes  ses  réclamalious 
auprès  de  Fontanes,  alors  grand  maî- 
tre de  l'uuiversité,  furent  sans  effet. 
11  mourut  à  Lyon,  le  26  septembre 
1822,  k  l'àgede  yS  ans.  Son  éloge, 
prononcé  par  M.  Dumas  ,  secrétaire 
perpéluel  de  l'académie,  fait  partie 
des  Mémoires  de  cette  société  pour 
l'année  1825.  Bérenger  est  auteur 
d'uu  grand  nombre  d'ouvrages  en 
vers  el  en  prose.  On  en  trouve  la 
lisle  couiplèle  dans  la  Biographie 
des  hommes  vivants,  I,  290.  Il 
serait  donc  inutile  d'en  transcrire 
ici  les  litres;  mais  on  rappellera 
les  plus  importants  :  I.  Le  porte- 
feuille d'un  troubadour  ou  essais 
poétiques  suivis  d'une  lettre  à 
G  rosier  sur  les  trouvères  et  les 
troubadours  ,  Marseille  et  Paris  , 
1782  ,  iu-8°.  La  lettre  h  Grosley  est 
un  plaidoyer  en  faveur  des  anciens 
poètes  provençaux  contre  Legrand 
d'Aussy,  qui  ,  dans  la  préface  de 
îon  édition  des  Fabliaux  avait  es- 
sayé de  diminuer  le  mérite  réel  des 
troubadours  {F  oy.  Legbaud  d'Aus- 
sy ,  XXlll,  58i).  Quoique  celte 
lettre  n'offre  rien  de  piquant  dans  la 
forme,  ni  de  remarquable  dans  le 
fond  ,  Bérenger  ne  l'a  pas  moins 
reproduite  dans  les  Soirées  proven- 
çales. IL  Iju  morale  en  aelion  ou 
élite  de  faits  mémorables  el  d'a- 
necdotes instructives  propres  à  fai- 
re aimer  la  vertu  y  Paris,  1785, 
in-  12.  Cette  compilation  adoptée  par 
les  collèges  et  les  maisons  d'éduca- 
tion a  été  souvent  réimprimée.  Elle  a 
été  traduite  en  espagnol  ,  Paris  , 
1825,  2  vol.  iu-i8.LçP.  Guibaud 


BER  9 

{Voy.  ce  nom,  XIX,  56 j,  orato- 
rien  ,  a  donné  sous  le  même  titre  un 
nouveau  recueil  pour  faire  suite  :i 
celui  de  Bérenger.  III.  P  oyage  en 
Provence,  Marseille  et  Orléans, 
1783,  in-8°.  C'est  un  recueil  de  let- 
tres mêlées  de  vers,  adressées  par  Bé- 
renger a  ses  amis  pendant  un  voyage 
qu'il  fil  dans  sa  patrie.  Gel  ouvrage  a 
été  réimprimé  avec  les  Essais  poé- 
tiques sons  le  titre  à'OEuvres  de 
Bérenger  ,  Paris  ,  1786  ,  2  vol. 
in-i8  ,  qui  font  partie  de  la  collec- 
tion de  Caziuj  et  avec  de  nombreu- 
ses additions,  sous  celui  de  Soirées 
provençales  (5) ,  1786,5  v.  in-12, 
fi"-.  Les  Soirées  provençales  ont 
été  traduites  en  allemand,  Golba  , 
1787  ,  in-S^.IV  .  Le  peuple  instruit 
parsespropresvertus,  Paris, 1787, 
2  vol.  in-8°5  ibid.,  i8o5,  5  vol. 
iu-i  2 ,  traduit  eu  allemand,  Bamberg, 
1789  ,  in- 8".  Bérenger  est  avec 
Couret  de  Villeneuve  l'éditeur  de 
l'Elite  des  poésies  décentes  et  du 
Recueil  amusant  de  voyages  en 
vers  et  en  proie  [P  oy.  Cot  EET  , 
X,    loi)  (6).  W— s. 

BERÇASSE  (Nicolas),  na- 
quit a  Lvon  ,  eu  1700,  d'une  lamille 
originaire  d'Espagne  ,  et  qui  ,  depuis 
long-temps  était  venue  se  fixer  dans 
le  midi  de  la  France ,  el  d'abord  a 
Tarascon.  11  était  le  troisième  de  cinq 
frères  dont  l'aîné ,  établi  a  Marseille, 
faisait  le  commerce  de  la  commis- 
sion, et  dont  deux  autres  se  trouvaient 
dans  Lyon  ,  à  la  têle  des  niessage- 


(5)  On  en  trouve  aussi  des  extraîls  assez  éten- 
dus clans  la  coUi-clinn  des  T  orages  en  t'rniice  ; 
par  (.amezangère,  170'' •  4  vol.  iii-i8  ;  el  dans 
celle  des  T'nrages  eu  France  et  autres  pnrs  ,  avec 
fif;.,  Paris,   l'Si's,  5  vi.l.  in-iS.  A— t. 

(6';  In  ouvrage  de  Bérenger  a  été  oublié  dans 
les  diveises  li.Mcs  qu'on  en  a  publiées,  ^ous  en 
rclablissons  ici  le  litre.  C'est  la  Cnlleclion  des 
vnraies  autour  du  monde  par  les  différentes  nations 
de  l'Europe,  Gencye  (Paris),  i-St^,  9  vol.  in.S". 

A— T. 


10 


BER 


ries  (i).  INicolas  Ber^risse  suivît  la 
carrière  du  barreau.  C'était  ';n  u.>^age 
établi  a  Ljou,  qu'un  avocat,  nou- 
ve'lement  reçu,  fut  désii^ué,  parTau- 
torité  municipale,  pour  prononcer 
une  harangue  le  jour  de  Sainl-Tho- 
inas,  en  présence  de  tous  les  fonc- 
tionnaires et  du  pub'icj  et  ce  jour- 
là  l'orateur  jouissait  de  toutes  les 
prérogatives  du  prévôt  desmarch  inds. 
Bergasse  n'avait  que  vingt-deux  ans 
lorsque,  invité  par  les  magistrats  ,  il 
nromm(^.?i  \n  Discours  sur  r  honneur, 
en  1772.  Un  autre  discours  lui  fut 
deinandé  ,  en  1774-1  dans  la  même 
circo  stance,  «  t  il  choisit  pour  «ujet  : 
L  humanité  des  j  ges  ,  dans  r ad- 
ministration de  Injustice  criminel- 
le. Bergassecroil  que  l'humanité  seule 
peut  écarter  du  juge  trois  vices  fu- 
nestes ,  la  prévention  ,  l'acception 
des  pei sonnes,  et  Tesprit  de  dureté 
engendré  pir  l'babilude  de  juger. 
Ce  discours  ne  fut  imprimé  qu'en 
1787  ,  à  Paris  ,  et  comme  pour  faire 
tomber  le  bruit  qui  altrib'  ait  au  pré- 
sident Dupai  V  le  premier  mémoire  de 
]]ergasse,  dans  le  procès  Kornmann. 
En  1774.  il  fit  imprimer,  dans  la 
Gazette  de  France ,  des  Réflexions 
sur  les  préjuges  ,  et  il  prononça  , 
a  rHôtei-de- Ville  de  L\ou,  un  Dis- 
couis  sur  cette  question  :  Quelles 
sont  les  causes  générale'^  des  pro- 
grès de  l'industrie  et  du  commerce, 
et  quelle  a  été  leur  influence  sur 
l'esprit  et  les  moeurs  des  nations  ? 
Ainsi  dès  son  début  dans  les  lettres, 
Bernasse  s'annonça  comme  moraliste, 
orateur  et  miblirisie  ;  et  dès  lors  il 
se  montra  ce  qu'il  fut  toujours,  hom- 
me de  conscience  ,  homme  de  vertu 


(ij  L'un  d'eux,  Doiuini({ue,  péril  sur  IViba- 
fiiud,  à  Lyon,  dans  l'aflieuve  anar'Jiir  de  i7y3; 
il  fui  coiicL.miié  l  19  fr maire  au  II,  nar  la  coui- 
iiîîssiou  révululionnaire  comme  cnitewi  des  droits 
tU  l'homme,  de  l'égulilé,  de  l'indiiisibililé,  des  bon- 
nets rouges  ,  eic. 


BER 

et  de  principes  austères.  Son  imagina- 
tion vive  et  portée  à  Tt^nlhousiasme  , 
put  seule  luir.ire  accorder  trop  de  la- 
titude et  trop  d'empire  a  une  science 
nom  elle  (|ui  conmiencail  a  se  répan- 
dre en  France.  En  1784,  il  publia 
ses  Considérations  sur  le  magné- 
tisme animal ,  ou  sur  la  théorie  du 
monde  et  des  êtres  organisés  , 
d'après  les  principes  de  M.  Mes- 
mer ,  in  -  8"  de  1^9  pages.  Ou 
lui  reprocha  d'attaquer  ,  dans  cet 
ouvrage,  d'ailleurs  écrit  avec  un  ta- 
lent remarquable ,  toutes  les  doc- 
trines des  médecins,  toutes  les  théo- 
ries des  physiciens  ,  sur  le  système 
des  mondes,  tous  les  principes  des 
moralistes  et  des  législateurs  sur  le 
système  social  ,  et  tous  les  principes 
qui  dir  genl  les  arts  dans  leur  créa- 
tion. Il  y  avait  sans  doute  beaucoup 
d'exagération  dans  ce  reproche  ,  et 
Bergasse ,  était  loin  de  vouloir  ren- 
ver.xer  les  principes  des  moralistes 
et  des  législateurs  •  il  est  au  moins 
certain  qu'il  ne  voyait  pas  ce  renver- 
sement dans  le  baquet  de  Mesmer.  Il 
faut  dire  cependant  qu'il  traite  Bailly 
et  Franklin  à' hommes  à  préjugés , 
devant  qui  «  Ihomme  de  génie,  qui 
te  veut  se  faire  comprendre  a  plus 
a  d'obstacles  a  surmonter  que  loi  squ'il 
K  s'adresse  aux  hommes  ordinaires  ;» 
et  il  reproche  aux  savants  de  s'être 
élevés  contre  Christophe  Colomb, 
Co.iernic,  Harvey  ,  Galilée,  Ramus, 
Kepler,  Descartes  ,  et  «  d'avoir  prê- 
te pnré  ,  dans  des  temps  plusreculés, 
tt  le  poison  donné  a  Socrate.  »  Mais 
quels  étaient  .  pour  la  plupart ,  ces 
savants  !  Faul-il  donner  ce  nom  à 
Auitus  ,  aux  moines  dEspagne  ,  aux 
inquisiteurs  italiens!  Déjà  Bergasse 
montre,  dans  cet  ouvrage  ,  un  esprit 
d'exallalion  [leu  propie  a  l'exasuen 
et  a  la  discussion  5  et  lui-même  ,  il 
dit  [Ai>nnt-propos  )  :  «Dans la  se- 


BER 


BER 


XI 


«  oiétémême  qui  me  convieni  le  p^us, 
«  tout  ce  qui  a  l'air  cl'iiiie  ilisc  u-sion 
ce  me  rapptUe  bien  vile  iiu  silence.  » 
Cept-mlanl  loule  science  ,  cdirine 
Icuite  cause  judiciaire,  a  besoin  d'exa- 
men ,  de  raisoum  meni  ,  de  discus- 
sion 5  et  Bergasse  ,  orateur  éloquent 
et  passionné  ,  mai^  bomme  de  con- 
viction, f^aura  plus  facilmienf  en- 
traîner ()iie  convaincre.  Des  l'abord  , 
avant  d'être  m<  nté  sur  un  grand 
tbéàlre,  et  encore  inconnu,  il  se 
montre,  avec  oudeir,  plein  de  sa 
propre  estime,  et  il  ose  dire  :  k  Vou-. 
K  savez  .-i  quelqu'un  .  (juaiid  je  vou- 
ée (Irai  parler,  peut  faire  Idire.  avec 
«  plu>  d'empire  et  de  fierté  i|ue  n  ci, 
ce  la  calomnie.  »  On  a  dit  qu'il 
croyiit  alors  au  somnambulisme  uia- 
guétique,  et  qu'il  n'eu!  ,  pendant 
plusiei  rs  années  ,  après  1784,  d'au- 
tre médecin  cu'nne  servanft- ,  douée 
ce  de  celte  seconde  vue,  de  cetie  in- 
cc  luilion  n  erveilicu,-e  qui  drviue 
ce  à-la-fui-  la  maladie  et  le  remè- 
ec  de.  3)  Bergas  e  ét"it  venu  s'éta- 
blir à  Paris.  —  Trois  proies  célèbres 
et  une  comédie ,  en  donnant  en 
France  un  grand  ébranlement  aux 
esprits,  ont  accéléré  la  révobtion. 
Ces  procès  furent  celui  des  dois 
hommes  condamnes  à  la  roue  ,  en 
1784^  celui  du  Collier,  <u  1786, 
et  de  celui  de  Kornmann,  eu  1788. 
La  comédie  fui  celle  de  la  Folle 
journée.  Dupaly  ,  digliostro  et 
d'hprémesnil ,  Bergasseet  Beaumar- 
cbais  imp,  imèi  en!  1  mouvement  pré- 
curseur. Le  mépri  fut  alors  versé  .^ur 
tout  ce  qui  soutenait  encore l.i  vieille 
monarchie  sur  la  cour  ,  la  nob'esse^ 
le  clergé  et  la  magistrature.  La  force 
peut  se  défendre  contre  la  haine  : 
ellf  *ombe  devant  le  mépris  Les  fon- 
dements ae  i  aiilique  édifice  étai  ni 
minés,  lors  [ue  le  i4-  juillet  arriva. 
Le  procès  de  Rornmann  qui  occupa 


le  public  pendant  plus  de  deux  ans 
(s'i,  fil  la  lépulation  de  Bergasse: 
elle  fut  alors  k  son  apogée  ,  el  depuis 
elle  semb'a  plutôt  descendre  que 
nmnier.  L'éc  at  mémorable  de  celle 
caue  fil  peidre  de  vue  ,  dans  les 
salons  .  l'assemblée  des  notables 
qui  avait  occupé  tous  les  esprits. 
On  commença  a  p.irler  beaucoup 
roiins  de  Necker  e.  de  Caloone,  que 
de  Bergafse  et  de  B(  aumarchais. 
Dèf-'ors  les  pamphlets  dont  lut  assailli 
l'auleui'  du  3Jariage  île  Figaro^ 
pièce  qui  ava  t  eu  déjà  plus  de  cent  re- 
présenta ions  ,  furent  pins  avidement 
recliercl  es  que  tous  les  écrits  pu- 
bliés sur  la  dette  publique  el  sur  la 
pi'Silion  cnliijne  oi!i  se  Irouvait  la 
mcnarihie.  Telb-  élail  alors  l  in- 
souciaule  légèreté  dts  Français  ,  et 
la  cour  elle-mèra.  riait  ,  éiourdie 
(levant  l'abîme  où  elle  devait  périr. 
Guillaume  Kor  mai  n,  ancien  n  agis- 
tral  a  Sirasbourg  ,  ci'nnu  a  Paris, 
dans 'a  banque  ,  a\ail  voulu  se  aire 
une  plus  sing  lière  répuiat'on  :  il 
iiitcnia  coulresa  femme  1  ne  accusa- 
lion  d'adullère.  L'ex-!i(  ulenant  de 
police  Le  INoir,  conseiller  d'étal ,  qui 
Venait  de  partager  la  disgrâce  de 
Calonne  ,  fut  al  laqué  ccn  me  corrup- 
teur ,  el  Beaun  arcbais  comme  l'agenl 
de  la  corruption  :  le  sieur  Daudet  de 
Jo>san  ,  syndic-adjiiiut  de  la  ville 
de  Slia>:bourg  ,  et  le  p  ince  de  ISas- 
s.u-Siegen,  se  troiivèrenl  aus>i  pour- 
suivis comme  CCI  rupteurs  de  la  dame 
Kornmanu.  L<  s  mémo  res  de  Ber- 
gasse  ,  pour  l'époux  trahi  eurent  nu 
succès  prodigieux  ,  el  amenèrent 
contre  B^aumai  chais  un  déchaîne- 
ment univers  1  :  il  fut  aussi  violent, 
en  1788,    qu'avait  été  grande,   en 


(1)  Le  picm'er  Hié"^^oire  de  Herfris'e  est  daté 
du  >o  fevrin-  i7!i7.  snn  dernier  |  I.^iilipyer  du  19 
iiinrs  I  ^  Sg,  et  l'arrêt  du  parlement  du  2  août  sui- 
vant. 


13  BER 

1774^,  la  faveur  publique ,  dans  le 
procès  de  Goëzraan  (|iu  Ht  sa  renom- 
mée et  sa  fortune.  Mais,  dans  le  pro- 
-ces  Kornmann,  l'auleur  de  Tarare, 
qu'on  répélail  a'ors,  ne  sut  pas  met- 
Ire  les  rieurs  de  son  coté.  Ses  mé- 
moires furent  trouvés  sans  verve  , 
sans  gaîté  communicative  ,  et  ne  se 
firent  remarquer  que  par  la  fu- 
reur dt^s  injures  et  par  un  mauvais 
goût.  Entre  les  nombreux  pamphlets 
dont  il  fut  poursuivi,  on  distingua 
le  Testament  du  père  de  Figaro , 
pt  une  parodie  du  rccit  de  Tliéra- 
niène,  où  Ton  rappela  le  mémoire  de 
Mirabeau  et  la  détention  de  Beau- 
marchais a  Sjint-Laxare  ,  provoquée 
par  sa  chanson  contre  un  mandement 
de  l'archevêque  de  Paris.  Le  scanda- 
leux procès  de  Kornmann  commença 
avec  une  violence  extraordinaire.  Le 
premier  mémoire  de  Bergasse  fut 
qualifié,  dès  le  17  mai  1787  ,  par 
Beaumarchais  ,  de  libelle  atroce,  et 
son  auleur  de  scélérat,  Ae  furieux 
qui  s  expose  au  cJidliment  du  crime. 
Dès  le  28  mai,  Bergasse  disait  au 
public  :  ce  M.  de  Beaumarchais  pu- 
ce bile  qu'il  n'aura  de  repos  que  lors- 
<c  qu'il  m'aura  fait  condamner  aux 
c  galères....  Depuis  trois  mois  oa 
ce  me  \ï^çwd,ç.^  d' assassinat ,  âfî  poi- 
cc  son ,  d'emprisonnement ,  de  lettres 
«  de  cachet  ,  et  maintenant  c'est  le 
ce  bourreau  qui  doit  être  le  vengeur 
et  de  M.  de  Beaumorchais.  »  Le  mé- 
moire de  Bergasse  avait  été  adressé 
par  une  circulaire  imprimée  a  chaque 
membre  de  l'assemblée  des  notables, 
«t  par  d'autres  lettres  ,  pareillement 
rendues  publiques  ,  au  garde  des 
sceaux  (  de  Ln moignon  ) ,  au  prin- 
cipal ministre  (l'archevêque  de  Tou- 
louse),  et  au  ministre  de  la  maison 
du  roi  (le  baron  de  Breteuil). 
et  Je  sais  5  disait  Bergasse  aux  nota- 
bles, qu'on  a  entrepris  de  faire  regar- 


,'BER 

der  ce  mémoire  comme  un  libelle  , 
on  a  même  été  plus  loin,  comme  une 
espèce  ^''attentat  à  l'autorité,  n 
L'ex-lieutenant  de  police  Le  Noir 
était  accusé  d'avoir  ,  k  la  sollicita- 
tion de  Beaumarchais  et  du  prince  de 
Nassau  ,  levé  la  lettre  de  cachet  que 
Kornmann  avait  obtenue  contre  sa 
femme,  d'avoir  ensuite  livré  cette 
femnip  a  Beaumarchais ,  et  puis  d'a- 
voir fait  offrir  600,000  francs  pour 
acheter  le  silence  de  Bergasse.  Ce 
procès  ne  tarda  pas  a  laire  a  Ber- 
gasse une  grande  célébrité.  Voulant 
donner  a  celte  ca\ne  un  intérêt  plus 
grand  et  plus  large  que  celui  qui 
pouvait  ressortir  d'une  simple  accu- 
sation d'adullère,  il  y  fit  entrer  la 
politique,  l'attaque  contre  le  despo- 
tisme ministériel,  et  la  nécessité 
de  réformer  les  mœurs  et  les  lois. 
Les  circonstances  le  favorisèrent  , 
car  plus  il  y  a  de  corruption  dansles 
mœurs ,  plus  la  sévérité  des  prin- 
cipes est  applaudie.  Bergasse  avait 
fait  d'un  de  ses  mémoires  un  traité  de 
morale  austère,  et  le  procès  de  Korn- 
mann ne  semblait  y  être  qu'un  texte 
a  des  réflexions  politiques  sur  l'état 
de  la  société.  Cet  état  était  déjà, 
profondément  troublé  ,  et ,  avec  de 
droites  intentions  sans  aucun  doute  , 
Bergasse  donna  aussi  l'ébranlement. 
Ce  mémoire  (du  ii  juin  1788)  est 
dédié  au  roi  :  «  Sire,  lui  disait  Ber- 
tt  gasse,  un  homme  de  bien  dépose, 
et  dans  les  mains  de  V.  M.  ,  son 
te  honneur  ,  sa  liberté  ,  sa  vie.  Il 
et  est  menacé;  il  pouvait  fuir.  Ea 
(£  pensant  à  la  noble  action  qu'il  a 
«  faite  ,  et  aux  vertus  personnelles 
et  de  V.  M.  ,  il  demeure.  »  Dans 
ce  mémoire  ,  Bergasse  dénonce  à 
Louis  XVI  ses  ministres,  et  atta- 
que les  opérations  du  gouvernement. 
11  n'en  fallait  pas  tant  pour  le  succès, 
qui  fut  prodigieux.  Ou  n'osa  arrêter 


BER 

cetle  publication  ,  et  le  roi  défendit 
que  raiiteur  fût  inquiété.  Cergasse 
avait  adressé  ce  mémoire  a  la  reine  , 
et  il  lui  disait,  dans  une  lettre  qui 
n'a  pas  été  publiée  :  «  Oa  trompe 
«  V,  M.,  madame,  et  on  la  trompe 
«  d'une  maniorc  bien  cruelle.  Il  faut 
a  cependant  que  l'erreur  dans  laquelle 
«  on  persiste  à  l'entretenir  se  dissipe, 
«  et  qu'avantquede  plusgrands  maux 
«  n'arrivent  ,  elle  soit  avertie  du 
«  bouleversement  affreux  qui  >e  pré- 
«  pare,  m  C'est  le  ii  aoùl  1788  que 
Bergassc  écrivait  ces  paroles  prop!;é- 
liques.  Il  ajoutait  :  «  Les  personnes 
et  qui  connaissent  les  qualités  parti- 
a  culières  de  V.  M.  sont  iudignées 
a  de  la  manière  dont  des  ministres, 
<i  justement  détestes ,  osent  calora- 
«  nier  des  intentions  bienfaisantes, 
«  attribuant  à  elle  seule  les  désordres 
a.  qu'ils  out  provoqués,  tic.»  C'est 
dans  ce  second  mémoire  que  ,  parlant 
de  Beaumarcbais,  Bergasse  dit  :  Il 
sue  le  crime.  Sou  éloquence  est  vive, 
ardente,  passionnée  J  sa  dialectique 
plus  déliée  que  serrée  ;  sa  métaphysi- 
que recherchée;  son  style  assez  sou- 
vent incorrect,  néologique  et  d'un 
goût  peu  épuré.  Parfois  sa  force  est 
de  l.i  déclamation,  et  sa  chaleur  res- 
semble à  de  la  frénésie.  Mais  le  la- 
lent  est  incontestable  et  élevé.  L'au- 
teur dit  des  vérités  utiles  et  har- 
dies. Cependant  il  atlaque,  comme 
étant  les  fautes  nouvelles  du  gouver- 
nement de  Louis  XVI ,  des  maximes 
d'administration  qui  avaient  été  con- 
.staniment  suivies  depuis  le  règne  de 
Louis  XIV.  On  voit  que  Bergasse  se 
croyait  déjà,  un  humme  important 
dans  l'état;  il  disait,  avec  un  singu- 
lier abandon  d'amour-propre  ;  jLa 
fière  et  imposante  destinée  que 
le  ciel  ni  a  départie  ;  ailleurs:  Le 
ciel  ni  a  destiné  à  dire  toutes  les 
vérités ,  fen  aurai  le  courage. 


BER^  1?. 

Toutes  les  vérités  se  pressent  dans 
mon  sein  ;  ailleurs  encore  :  Je  por- 
terai V  éloquence  humaine  jusquoii 
elle  peut  aller.  Avec  des  liora- 
mes  tels  que  Bergasse  et  Beau- 
marchais ,  la  cause  devait  finir  par 
passer  bientôt  des  clients  aux  avocats 
eux  -  mêmes.  Ils  plaidèrent  donc 
l'un  contre  l'autre  devant  la  tour- 
uelle  du  parlement.  Bergasse  avait 
conservé  ,  depuis  deux  an^ ,  tous  ses 
avantages  sur  son  adversaire.  Le  pu- 
blic lui  savait  gré  d'avoir  attaqué  le 
goMvernement  ;  le  parlement  avait 
été  loué  ,  défendu  par  lui ,  et  il  avait 
pour  lui  le  parlement,  qu'il  se  vantait 
d'avoir  seul  fait  revenir  de  son  exil 
aTroyes.  Bergasse  était  dans  la  même 
position  où  s'était  trouvé  Beaumar- 
chais eu  1774-11  plaida  le  19  mars 
1789,  et  eut  à  se  défeudre  contre 
les  avocats  Bonnet ,  Dclamalle,  Rim- 
beri,  etMarlineau,  défenseurs  de  la 
dame  Kornmann  ,  de  Daudet  de  Jos- 
sau  ,  de  Beauraarchais  et  du  prince 
de  Nassau.  Ses  adversaires  lui^-epro- 
chaient  de  n'avoir  entrepris  ce  procès 
que  par  soif  d'une  grande  célébrité  , 
et  Bergasse  répondait  ingénument  : 
a  J'ai  lait  A^s  mémoires  qui  m'ont 
ce  rendu  célènre  ,  a  ce  qu'on  assure  ^ 
a  et,  parce  que  ces  mémoires  m'ont 
a  rendu  célèbre,  on  en  a  conclu  a 
ce  l'audience  que  je  n'  avais  écrit  que 
K  pour  la  célébrité.  «  Il  disait  dans 
un  autre  écrit  :  ce  Pendant  sept  aii- 
«  dicnces  j'ai  demeuré  devant  eus  , 
a  écoutant  avec  une  patience  bien 
a  étrange  tout  ce  que  la  méchanceté 
a  humaine  peut  inventer  de  mensoa- 
a  ges ,  de  sopbismes  ,  de  calomnies.» 
Et  il  se  récriait  contre  le  système 
odieux  des  quatre  avocats  et  co:ilre 
leur  inconcevable  délire.  Une  seule 
citation  suffira  pour  faire  connaître 
jusqu'où  allait,  a  celle  époque,  la  li- 
tert^  des  plaido;vies .:  «  Ces  hommes 


i4 


BÈR 


a  pervers  que  j'ai  acnisés  devant 
a  VOUS  ..  comme  ils  sont  loin  de  me 
ce  connaître!  cnmme  ils  se  doutent 
a  peu  de  l'élévation  et  en  même 
a  temps  de  la  sévérité  di  s  principes 
a  auxquels  j'obéi-....  Qu'ils  ippreu- 
«  neiit  que  ,  tpels  que  puissent  être 
a  encore  leurs  complots  ,  leu  s  iulri- 
«  gués,  leurs  perfidies;  à  quelques 
a  vexations  que  je  me  trouve  encore 
«réservé,  je  ne  cessi-rai  jamais  de 
a  les  poursuivre;  que  tint  qu'ils  se- 
«  ront  impunis,  je  ne  me  tairai  pas; 
a  qu'il  faut  qu'on  in'immol  ■  à  leurs 
a  pieds,  ou  qu'ils lo  nbenlaux  miens. 
a  L'autel  de  la  justice  est  dans  ce 
«  moment  pour  moi  l'autel  de  la 
te  vengennce;  car.  après  tant  de  for- 
«  faits  ,  la  ju^lice  et  la  vengeance  ne 
a  sont  qu'une  même  chose  a  mes  jeuxj 
«  etsurcelaulel,  désoimaisfnneslc... 
a.  je  jure  que  ja nais  il  n'y  aura  de 
ce  paix  entre  nous  ;  que  je  serai  sans 
«  cesse  au  milit  u  d'eux  ,  comme  une 
«  providence  qui  éclate  parmi  des 
«pervers;  que  je  ne  les  quitterai 
«  plus  ,  que  je  ne  me  reposerai  plus, 
«  que  je  m'ai  lach' rai  k  eux  comme 
«  le  remords  a  li  conscience  coupa- 
etbie;  que  jamais,  nci  jam:iis,je 
«  n'abaudnnmrai  ma  lâche  commen- 
«  cée  ,  jusqu'à  l'inslant  tolen.iel  où, 
«  en  prononçant  sur  celle  masse 
K  d'atleulals  ,  les  magislrals  qui  m'é- 
K  coutrnt  auiont  oblenu  de  nouveaux 
«  droit.-»  à  la  reconnais>anLe  de  la  na- 
«  lion  entière ,  altenii»  e  a  la  lesiince 
«  de  celte  cause  mémoiable.El  vous, 
«  qui  présidez  ce  tribunal  auguste 
«  (célail  1.  tamt-ux  Lepellel.er  «le  Si- 
«  Fargeau),  vous  l'ami  des  mœ  ^rs  et 
«des  luis,  vous  dans  lequel  nous 
te  admirons  tous,  à  côté  dts  lai  nls 
te  qui  fo  .1  le  grand  ma^islrat,  les 
«  V'tIus  simples  et  douces  qui  ca  ac- 
K  tériseiil  1  homme  de  bien  et  1  hom- 
«îne  sensible...,  recevez  mes  ser- 


BER 

céments.  «  Dans  tout  ce  procès, 
BiTgasse  parut  couvrir  d'uni'  élo- 
quence violente  et  emportée  la  fai- 
blesse des  preuves.  Il  peint  Beaumar- 
chais comm  ■  un  homme  exécrable, 
te  dont  on  ne  peut  plus  par'er  sans 
ec  employer  quelque  expression  ex- 
te  Iraordinare  (par  exemple  :  //  sue 
te  le  crime  ) ,  parce  que  les  ex  pres- 
te sions  C'immunes  deviennent  insuffi- 
ee  santés  qua  id  il  faut  pt*in(lre  tant 
ce  de  scélératesse.  »  11  lui  oiitestait 
les  iiémoiresqui  Hrent>a  célébrité(3),* 
il  accusait  l'ex-lieutenanl-général  de 
police  d'avoir  prostitué  madame 
Kornmann  à  la  société  de  Paris  la 
plus  infâme  et  la  plus  corrompue  ; 
i!  appelait  le  s\n<iic-adjoinl  de  la  \ille 
de  Strasbourg  (  haudel  de  Jossan  ), 
ce  un  intrigant  scandaleux  .  connu  ]  ar 
ce  ses  mceurs  impu  es,  ses  escroque- 
tc  ries,  etc.»  Altaquanl  ensuite  les  avo- 
cats ,  il  disait  :  ce  Je  les  défie  de  faire 
ce  irapiimer  leurs  plaidoyer-....  Ils 
ce  nedoivent  pas  oubliei  quej  ai  forme 
ce  contre  eux  une  op  nion  redoutable 
ce  dans  l'Europe  entière ,  en  pu- 
ce bliant  mes  mémoires.  »  Ainsi  , 
depuis  plus  de  deux  ans',  la  fou- 
gueuse éloquence  d'un  oiateur  tou- 
jours homme  de  bien  et  toujours  in- 
digné, était  restée  la  même,  ce  Je 
ce  noii.raerai  tout  le  monde,  s'écriait- 
ce  il  .  el  j'en  contracte  'enga;,'ement. 
te  Ni  les  dignités,  ni  le  crédit,  ni 
te  le  p  uvoir  ,  ni  la  naissance  ,  ne 
ti  sousirairont  qui  que  ce  soit  à  mes 
te  justes  plaintes...  Je  me  reproche 
v-  mainlenaiit  d'a\oir  été /rt?^  modé- 
tt  ré...  .rex|)ierai  cette  faiblesse,  i-" 
Et  il  e  signale  comme  s'éiant  ce  exposé 
ce  à  la  venijcance  de  deux  ministres 
te  puissants  ^o«r  sauver  son  pays. -a 
—  Cependant  de  quoi  .s'agissait- il  ? 

(j'i  «  Je  l  ■  ciOTais  alors  (  avic  tout  le  monde  ) 
autctii'  des  iiieiuoiies  qui  ont  pai'U  sous  SOU  uom 
dans  l'affaire  de  Guézinan,  » 


BER 

Bergasse  ,   qui    avait   incessamment 
cherché  à  répandre  ,  dans  une  cause 
privée,  la  cause  de  la  nation  qui  s'agi- 
iail  alors;  lui  qui  se  vantail  que  la 
France  lui  serait  redevalile  du  beau 
présent  de  la  liberté;  lui  qui  criait 
contre    le    d<spoli-iae    ministériel  , 
contre  l'arbitraire  des  lellres  de  ca- 
chet,  écrivait  depuis  deux  ans,  sans 
relâche,  contre  la  levée  on  la  sun- 
pressioii  d'une  lettre  de  caclu't!  car 
c'était  la   toute  la  cause.  Kornmann 
avait  obtenu  du  n  iniitre  Breleuil  une 
de  ces  lettres  pour  fjire  enfermer  sa 
femme,  et  le  lieutenant  de  police  Le 
Noir  n'était  poursuivi  que  pour  avoir 
fait  exécuter   la  main-levée  de  cette 
lettre  ,  à  la  sollicitation  de  Beauit^ar- 
chaisjdeDaudetde  Jossaneldii  prince 
de  Nassau!  La   justifie  ition  du  ma- 
gistrat fut  établie  dans   un   mémoire 
qui  passa  pour  avoir  été  rédigé  par 
Suard.  Bergasse  avait  avancé   que, 
craignant    l'éclat    de   cette  affaire  , 
l'ex-lieutenanl-général  de  police  a\ait 
chaigé    le    conseiller   au    parlemeiit 
d'Eprémesnil  d'avoir,  chez  le  procu- 
reur du  roi  au  Châtelet  (de  Flandre 
de  Brunville  )  ,    une   entrevue    avec 
Kornminn,  et  de  lui   faire  offre   de 
six  cent  mille  hvres  pour  acheter 
son  silence  etempéchej-  l'émission  du 
premier  mémoire.  Mais  il  résulta  des 
déclarations  données  par  le  procureur 
du  roi  et  par  le  conseiller  au  pai le- 
ment,  que  c'étail  au  contraire  Korn- 
mann qui  avait  prié  d'Eprémesnil  de 
demandei  a  Le  Noir,  i"  la  clôture  de 
sa  femme   dans  un  couvent  j    2°   le 
remboursement    dVme    créance    de 
600,000    livres    dans    l'affaire    des 
Quiuze-\  ingts  ;   0"  une  commission 
honorable  dans  l'él ranimer  5  et  que  ces 
Irois  propositions  avaient  été  repous- 
sées par  un  triple  refus.  Or,  que  ré- 
pondait Bergasse?    «   Je   crois  bien 
V.  que  ces  refus  ont  été  faits  maté- 


BER 


i5 


K  ric'lpment  ,  puisque  M.  d'Epré- 
«  mesnil  les  atteste;  mais  i'  a  dû  les 
«  accomp'guer  d'offres.  »  C'était  se 
montrer  homme  droil  ,  homme  juste, 
mais  assez  faible  log'cien  ;  et  pendant 
deux  ans,   d'eloquenli  s  accusations  , 
quoique  moralement  admissibles,  ne 
purtrni  êlre  appuyées  des  seules  r<ii- 
sonsde  la  loi,  lespreuves.  Lesennemis 
de  Bergasse  disaient  que  son  acharne- 
ment contre  Le  Noir  était   une  ven- 
geance ;  et  qu'ardent  disciple  de  Mes- 
mer, il  ne   liii  avait  point   pardonné 
d'avoir  autorisé  la  représi  nialion  des 
Docteurs  modernes  [f"  oy.  Radet, 
au  Si'pp.),  et  permis  ainsi  de  livier  le 
mag  lélisme  a  la  risée  du  peuple,  en 
plein  théâtre.  Celait  méconnaîlre  le 
caractère  de  P>er;.;asse ,  qui  crovaitne 
défendre  que  la  cause  des  mœurs  et 
des  lois.    Enfin,  le   2   avril    1789, 
un  mois  avant  l'ouverture  des  éials- 
généraux  ,  le  parlement  rendit   son 
arrêt  dans  ce  procès  mémorable  5  'a 
séparation   des  deux  é['Oiix  fui  pro- 
noncée, et  Kornmann  condamné  a  res- 
lilut  r  un»^  dot  fie  3  64,000  livres.  Korn- 
mann, diffamé  par  lui  même  ,  sévit 
aussi  ruiné.    Le  prési  lent   de  Saint- 
Fargeau,  en  prouonçant  l'arrêt,  fut 
deux  fois  interrompu  par  des  mur- 
mures  approbateurs  ,    et    Bergasse 
s'écria  que  cet  arrêt  blessait  le  ciel 
et  déshonorait  la  terre.  L'est  ainsi 
que  se  termina  ce  procès,  où  chacun 
avait  apporté  son  scandale.   Peu  de 
jours  avant  l'arrêt,    Bergasse  s  était 
représenté  comme  ayant,  au  milieu 
du  bouleversement   des   destinées 
publiques,  J:èrement   attaché    la 
cause  d'un  infortuné  aux  destinées 
publiques  ;  t-t  il  ne  manqua  pas  de 
croire  après  le  jugement  ce  qu'd  avait 
prétendu    auparavant   :    qu'il   s'était 
élevé  au-dessus  de  tous  les  dan- 
gers ,  dévoué  aux  hcdnes  les  plus 
puissantes  j  et  que  tout  ce  qu'il  y 


î6 


BER 


avait  d'hommes  élevés  en  nom  et  eu 
crédit  dans  la  France  s'était  rénni  et 
ligué  pour  le  perdre  (4).  Le  procès 
seul  fut  perdu. — Bergasse  avait  traî- 
né, aux  applaudissements  delà  mul- 
titude ,  les  ministres  du  roi  dans  le 
scandale  de  sa  cause.  Il  s'était  adres- 
sé à  des  passions  qu'il  était  trop  facile 
de  remuer  j  et,  quoique  l'éloquence 
de  cet  orateur  ne  fût  ni  celle  du  bar- 
reau, ni  celle  de  la  littérature  d'alors  , 
sa  véhémence  et  son  énergie  pleine  de 
conviction,  de  chaleur  et  d'audace  , 
lui  avaient  fait  un  nom  célèbre.  On 
attendait  beaucoup  de  lui  dans  la 
criie  où  entrait  la  France.  Il  avait 
dit  à  la  fin  d'un  de  ses  mémoires  : 
n  Je  vais  me  retirer  a  la  campagne  , 
te  et  la ,  dans  une  suile  de  discours 
K  sur  les  destinées  et  sur  les  lois  de 
ce  l'empire,  je  dirai  aux  Français  ce 
qu'ils  ont  été,  ce  qu'ils  sont,  ce 
qu'ils  pourront  devenir.  «  Il  avait 
déjà  publié  dans  le  mois  de  février 
une  Lettre  sur  les  états-généraux 
(  in-8°  de  58  pag.  ).  Il  se  peii^nait 
comme  l'homme  a  qui  la  France  de- 
vrait la  liberté,  le  retour  de  la  jus- 
lice  et  des  lois,  etc.  Mais  il  voulait 
le  droit  de  veto,  la  noblesse  hérédi- 
taire, une  chambre  haute;  et  il  s'é- 
tait beaucoup  moins  avancé  que  ne 
le  firent  il  cette  époque  Target,  La- 
creîelle,  Sieyès ,  ivlorellet,  Cérulli 
et  Rahaud  SainL-Elienne.  Il  déposa 
chez  le  nolaire  Marganlin  un  exem- 
plaire de  celle  lettre,  signé  de  lui  et 
certifié  conforme  k  l'original,  an- 
nonçant  que   désormais   il  prendrait 


(4)  Le  noiï.bi-e  ilos  écrits  inipiiiiies  <lc  Eei  :,'asse 
dans  le  piocrs  Koniiaiiii,  sous  les  titrt-s  de  JÏcmoi- 
les.  Précis,  Obscnalioiis ,  liéjlejcions  ,  P^eqiictes  , 
/'/«(./ly^rj,  est  <le  ilix-sipt.  L»  iionil)re  (les  puiili- 
calions  des  autres  jiarlies  et  celui  des  painpUiels 
s'élèvent  à  plus  de  quarante.  Les  pièces  du  procès 
eurent  dejx  éditions,  l'une  in-^",  iaiitre  in-S". 
Les  inéiuoires,  dans  les  causes  célèlires  de  celle 
époque ,  se  vendaient  comice  les  pièces  de 
tUéàtre, 


BER 

la  même  précaution  pour  tous  les  ou- 
vrages qui  sortiraient  de  sa  plume  , 
afin  de  Se  garantir  h  Faveuir  du  bri- 
gandage qui  faisait  publier  plusieurs 
écrits  sous  son  nom ,  tels  que  le  Ca- 
hier du  tiers-état    à  l'assemblée 
des    états- généraux    de     1789, 
qu'il    désavouait    comme    absurde. 
Cette  précaution ,  qui  fait  connaître 
quelle   était    alors  la   réputation  de 
Bergasse  ,  n'était   pas     inutile.    Eu 
1789  ,   parut    un    libelle    horrible 
et  dégoûtant,  publié  sous  son  nom, 
dont  on  exploitait  la  célébrité.  Ce 
libelle  avait  pour  titre  :  Les  Pro- 
phéties françaises  ,    suivies  d'un 
projet  présenté  au  roi  pour  dé- 
grader   et    punir   le    duc    d^Or- 
léans ,  par  M.   Berc ,   dé- 
puté de  l' assemblée  nationale  ,  in- 
8"   de  24  p'Tge*'   11  suffit  de  lire  cet 
écrit  infâme  pour  se  convaincre  que 
1789   annonçait   déjà   1796.    On   y 
prédit   'a   Louis  XVI,  dont  on  loue 
d'ailleurs   les   vertus  privées  ,    qu'il 
cherchera   dans  l'ivresse  l'oubli  de 
ses  malheurs.  Marie-Anloinelle  ,  dite 
plus  horrible  (\ViAgrippine  et  illes- 
saline  ,  est  représentée  comme  ayant 
semé   dans  la  France    les  assassi- 
nats ,  les  pillages  et  les  ?neurtres. 
Le  cynisme  le  plus  effréné  accompa- 
gne les  plus  atroces  calomnies  et  les 
iinpiitalions   les  plus  extravagantes  : 
elles  ne  peuvent  être  toutes  citées,  et 
cependant  il  serait  bon  qu'elles  le  fus- 
sent ,  comme  une  leçon  pour  les  peu- 
ples.   On  prédit  a  celle  reine  infor- 
tunée qu'elle  mourra  d'une  maladie 
infâme,  nommée  en  toutes  lettres,  et 
que  déjà  elleen  a  étég^we/'/e  une  fois, 
en    1787^  par  un   médecin  alle- 
mand. Le  Dauphin  est  appelé   Vai- 
mabh:    enfant  de    Bacchus    et  de 
Messaline.  On  peut  du  moins  citer, 
sans  blesser  la  pudeur  ,   la  prédic- 
tion qui  concerne JVIo.NsiEUB  (depuis 


ÎÎER 

Louis  XVIII)  :  «  Il  périra  cet  égoïste 
a  insensé  et  avaricieux  ;  il  disparaî- 
a.  tra  cet  homine  trop  faible  pour 
ce  èlre  vertueux  ,  et  trop  lâche  pour 
«  èlre  criniiuel.  Rien  n'arrêtera  son 
«  nom  sur  Taile  des  siècles  futurs. 
«  Aussitôt  que  sa  masse  pesante  et 
«  méprisable  rentrera  dans  la  p^us- 
cc  sière  ,  on  doutera  s'il  exislajamais: 
«  Qtii  t'éciit  sans  vertus ,    pêrirci 
«  toul  entier.  »  Le  comte  d'Artois 
(depuis  Charles  X  )   est  rangé  par- 
mi les  scélérats.    Les   injures  sont 
exécrables ,   comme   les  imputations 
sont   infâmes.   Mais   les  fureurs  du 
libellisle  s'attachent  ,    avec  plus  de 
violence  encore  ,  au  duc  d'Orléans  , 
accusé  d'avoir  voulu  empoisonner  le 
roi ,  et  qui  est  peint ,   ainsi  que  Mi- 
rabeau ,   sous   des   couleurs   que  le 
temps   n'a  pas   toutes  effacées.    Cet 
horrible  libelle  ,  où  l'assemblée  con- 
stituante est   traitée    avec  un  grand 
mépris,   est  terminé    par    une    re- 
quête  au  roi,  pour  qu'il  fnsse    dé- 
pouiller, parla  main  du  bourreau, 
le  duc  d'Orléans  des  marques  de 
son  rang  et  des  titres  de  sa  nais- 
sance ;   qu'il    soit   ensuite   livré   à 
la  fureur    de    quatre    chevaux  ; 
que  sa  langue  soit   arrachée ^    et 
que  son  corps  ,    mis  en  morceaux , 
su'il  jeté  en  pâture  aux  chiens  affa- 
més. C'est  aiusi  qu'on  faisait  parler 
Bergasse  qui  n'eut  pas  besoin  de  dés- 
avouer une   des   premières  infamies 
de  la  presse  dans  la  révolution.  —  Il 
siégeait  alors  dans  l'assemljlée  natio- 
nale ,    ayant   été  nommé  député  du 
tiers-état   par   la    sénéchaussée    de 
Lvou.  D'altord,  il  parut  devoir  pren- 
dre unepart  active  aux  travaux  légis- 
latifs.  Il  soutint  l'opinion  de  Sieyès 
sur  la  dénomination   h   adopter  Dour 
les  communes.   Il   présenta   ensuite 
avec  Chapelier  un  projet  d'adresse  au 
roi,  sur  la  constitution  de  l'assemblée, 


BEÎl 


ï7 


et  fut  invité  a  le  refondre  avec  celui 
deBarnave.  ]Nommé  metrbre  du  CO" 
mcté  de  constitution.^  il  fil ,  en  son 
nom  ,  un  rapport  sur  l'organisa- 
tion du  pouvoir  judiciaire  ,  suivi 
du  projet  de  constitution  des  tribu- 
naux (  I  789,  in-8°  ,  64.  pages).  II 
fit  imprimer  un  Discours  sur  la  ma- 
nière dont  il  convient  de  limiter 
le  pouvoir  législatif  et  le  pouvoir 
exécutif  dans  une  monarchie 
(  1789  ,  in-S",  92  pages).  Ce  dis- 
cours, que  la  clôture  de  la  discussion 
empêcha  de  prononcer  ,  avait  été 
composé  a  l'occasion  des  grandes 
questions  qui  furent  agitées  ,  dans 
l'assemblée  ,  sur  la  permanence  du 
corps  législatif,  sur  son  organisation 
en  une  ou  en  deux  chambres,  sur  la 
sanction  royale,  etc.  Mais  déjà  l'on 
voit  que  Bergasse  trouve  trop  rapide 
le  mouvement  dans  lequel  il  est  entré, 
et  qu'il  s'était  peut-è'.re  flatlé  de  di- 
riger ou  de  maîtriser  ;  il  annonce 
qu'il  publie  son  discours  contenant 
des  idées  qui  n'ont  point  été  déve- 
loppées dans  les  débats,  parce  que 
«  l'assemblée  ne  peut  que  décréter 
provisoirement  une  constitution,  et 
que  c'est  à  la  nation  seule  à  pro- 
noncer en  dernier  ressort  sur  les 
avantages  ou  les  désavantages  de  celle 
qu'elle  lui  présentera,  jj  II  se  plaint 
de  \?.  fermentation  dans  laquelle  , 
dit-il ,  on  nous  fait  exister.    Il  es- 

f)ère  que  ,  quand  il  sera  libre  a  toutes 
es  pensées  de  se  développer  ,  on 
trouvera  convenable  de  revenir  sur 
ses  pas  :  «Alors,  dit-ii,  le  moment 
des  opinions  modérées  ,  les  seules  qui 
puissent  amt^ner  une  liberté  vérita- 
ble, sera  décidément  venu,  jj  Mais 
en  attendant ,  il  prévoit  que  ses  idées 
seront  rejetées  avec  une  censure 
amère.  Bergasse  veut  un  corps  lé- 
gislatif perpétuellement  existant , 
divisé  en  deux  chambres ,  dont  la 


ITUI. 


i8 


BER 


composition  serait  essentiellement 
différente ,  et  qui  tiendrail  une 
ses>ion  chai|ue  année.  Le  prince  ne 
pourra  ni  proposer,  ni  rédiger  la 
loi,  et  la  proposition  et  la  rédac- 
tion en  appartiendront  exclusi- 
vement au  corps  législatif.  Au- 
cune loi  néaniu  ins  ne  pourra  être 
exécutée  qu'autant  qu'elle  aura 
obtenu  le  consentement  libre  du 
prince.  Ainsi  Bergasse,  quis'allen- 
dait  à  une  censure  amère ,  comme 
resté  trop  en  arrière  dans  le  mouve- 
ment des  espiits,  eu'e\ail  cependant 
au  roi  le  droit  de  proposition  et  de 
rédaction  de  la  loi  ,  droit  qui  devait 
appartenir  exclusivement  au  corps 
législatif.  L'a«serablée  nationale 
venait  de  décréter,  contre  l'avis  de  la 
plural  té  des  membres  du  comité  de 
couslitutiou  ,  que  le  corps  législatif 
serait  constitué  en  une  assemblée 
uniqi.e,  et  que  le  consentement  libre 
du  prince  ne  serait  pas  nécessaire 
pour  la  promulgation  de  la  'oi.  Ce 
décret  détermina  la  démission  de 
Bf-rgasse  ,  de  Mouuier  et  dé  Lallj- 
Tolendal  ;  ils  cessèrent  de  faire  par- 
tie du  comité  de  couslitutiou  ,  et  ne 
taidèrent  pas  h  se  retirer  de  l'assem- 
blée. Bergasse  s'était  charge,  dans  le 
comitéçdf  constitution,  dt  s  municipa- 
lités, et  avait  a  nonce  ,  sur  leur  or- 
ganisation ,  un  grand  travail  quM  ne 
parait  pas  avoir  exécuté.  Aprè>  les 
événements  des  5  et  6  octobre  ,  il  ne 
reparut  plus  a  l'assemblée  nationale. 
Ce  fut  à  l'occaion  de  ces  fatales  jour- 
nées qu'il  publia  un  Discourssur  les 
crimes  et  les  tribunaux  de  haute 
trahison  (  1789  ,  in  S''.  46  pagO- 
Jl  l'aniionca  comme  suite  à  son 
Discours  sur  l' organisation  du 
pouvoir  judiciaire  ;  et,  à  la  fin  ,  il 
£1  connaîire  sa  ré>olution  de  refuser 
son  serment  a  la  conslitniion  II  dé- 
clara que  tout  homme  ec/rt/re  devait 


BÊR 

plutôt  faire  le  serment  d'empéclier, 
de  toutes  les  forces  de  son  intel~ 
ligence  ,  l'établissement  et  le  main- 
tien de  celle  constitution  ,  «afin  que 
l'ancien  despotisme  ne  reparût  pas 
sous  une  forme  nouvelle  ,  et  qu'une 
autre  espèce  de  servitude  ne  rem- 
plaçât pas  les  moments  trop  courts 
de  la  libellé.  »  Vers  celle  époque 
parut  sa  Lettre  relative  au  serment 
de  la  constitution,  1790,  in-S"  , 
e(  sa.  Lettre  à  M.  Dinochau ,  au- 
teur du  Courrier  de  Meudon  , 
1  790,  in-8°.  Retiré  de  l'assemblée  , 
Bergasse  continua  d'écrire.  Il  publia 
une  brochure  intitulée  :  De  la  li- 
berté du  commerce ,  1789  ,  in-8°  , 
et  dans  le  mois  de  novembre,  dcs/îe- 
cherches  sur  le  commerce ,  les 
banques  et  les  finances  (  in-8°  , 
99  P^g^")*  I^  traite  dans  cet  écrit 
de  la  richesse  des  nations  ,  de  l'îu- 
térèt,  de  l'impôt  ,  de  l'emprunt, 
des  banques  d'Amsterdam  et  dr  Lon- 
dres ,  de  la  caisse  d'escompte,  du 
papier-monnaie,  de  la  régénération 
du  commerce  et  des  finances  ;  il  se 
prononce  contre  rétablissement  d'une 
banque  nati(male  qui  ne  ferait,  dit-il, 
qu'accroître  les  maux  qu  a  pro- 
duits la  caisse d' escompte  ,  et  il  est 
d'avis  qu'il  faut  re'oncer  absolu- 
ment à  toute  institution  de  cette 
nature.  Quant  à  la  création  du  pa- 
pier-monnaie, il  la  regarde  comme 
V institution  la  plus  absurde  et  la 
plus  dangereuse.  Au  mois  d'avril 
1790,  il  fit  imprimer  sa  Protesta- 
tion contre  les  assignats-moiuinie 
(in-S**  ,  43  pages).  Les  assignats 
n'eurent  pas  de  plus  terrible  adver- 
saire. Il  adressa  sa  protestation 
par  lettres  imprimées ,  au  garde  des 
sceaux,  en  le  priant  de  'a  mettre  sous 
les  jeux  du  roi  ;  à  M.  Necker  et  an 
président  delasserabl-e  nationale,  se 
plaignant  du  parti  qui  la  domine^ 


BER 

le  club  des  Jacobins  ,  espèce  de 
corps  législ  itif  i.\m  fait  d' ivaiice  les 
décrets.  Il  se  regnrde  loujouis  com- 
me membre  de  rassemblée  consli- 
tuante;  mais  ,  dil-il  ,  a  le  parli  qui 
<c  la  domine  ue  m'aurait  p;is  permis, 
a  allpndu  mon  refus  de  prêter  le 
«  sermeal  civi'pie,  de  développer 
«  devaut  elle  les  motifs  qui  me  por- 
te lent  k  croire  que  le  système  Aes 
ce  assignats  -  m(mnaie  achèvera  la 
«  ruine  du  rovaume.  »  A  la  même 
époque  parut  une  Lettre  à  ses  com- 
mettants, au  sujet  de  saprotestn- 
tion,  I  le.  (in-8  ',  56  pag.).  Elle  est 
accompagnée  d'un  lablca  i  compara- 
tif du  système  de  Law  avec  le  systè- 
me des  ass'gnals-monnaie.  En  1791, 
Berga'^se  fit  paraître  une  Réponse 
ai  Mémoire  de  M.  de  Montes- 
quiou  sur  les  assignats  (in-8", 
67  pag.);  des  Observations  préli- 
minaires sur  l'état  des  finances , 
publié  par  M.  de  Montesqtnou  et 
adopté  par  l'assemblée  nationa- 
le (  in-y"  ,  24.  pag.  );  et  sa  Répli- 
que à  M.  de  Montesquiou  (  i\-S°, 
104.  pag.).  Au  mois  d'anùl  il  lit  im- 
primi-r  st  s  Réjlexions  sur  le  projet 
de  constitution  présenté  à  l'assem- 
blée nationale  par  les  comités  de 
constitution  et  de  révision  réunis 
(in-8°,4  6  pag.)  ;  projet  qu'il  appelle 
une  grande  absurdité  (ce  fut  la  con- 
stitution de  1791).  Bergasse  disait  , 
par  une  espèce  de  propbétie  qui  ne 
tarda  guère  a  se  réaliser  :  a  Quand 
ce  j  observe  l'esprit  infernal  des 
(.(■factions...^  quand  je  pense  qu;-  le 
ce  repos  pub  ic  et  la  liberté  n'ont 
ce  d'autre  iippui  que  l'étrange  consti- 
cc  tuiion  qu  on  nous  a  donnée,  qu'une 
te  constitution  qu'il  sera  toujours  aisé 
ce  de  renverser,  et  que  des  émeutes 
ce  populairesdétruirout  avec  tout  au- 
te  tant  Je  facilité  qu'elles  Tout  pro- 
«  duite,  je  Tavoue,  jenepuijm'em- 


BER 


19 


«  pècber  de  gémir  sur  l'nvenir  désas- 
ec  treux  qui  nous  est  préparé;  11  me 
«c  seuil  le  que  la  ruine  de  ctt  empire, 
a  autrefois  si  florissant,  va  se  con- 
ec  sommer;  que  di-s  crimes  plus  grands 
<r  (|ue  ceux  d(ml  nous  nous  sommes 
ce  rendus  coupables  vont  a  ener  de 
o  pLis  grands  malheurs  e  core  5  et 
te  qu'une  inévitable  destinée  nous  en- 
te traîne  malgré  nous  vers  des  jours 
tt  plus  dép'oral)les.  »  Dans  ses  écrits 
il  prenait  touji'urs  le  titre  de  député 
de  la  sénéchaussée  de  Lyon,  quoi- 
qu'il ne  siégeât  plus  a  l'assemblée  j 
et  il  avait  eu,  seul  piut-èlre,  la  ci- 
vique délicatesse  de  refuser  constam- 
ment (  et  cependant  il  n'était  pas  ri- 
che) l'indera.  ité  de  dix  huit  franco 
par  jour  qui  était  allouée  aux  mem- 
bres de  l'assemblée  constitua  ite. 
Bergasse  s'étiit  alors  rapproc'  é  du 
parli  de  la  cour.  11  fut  invité  par 
Louis  XVI,  qui  avait  lu  ses  écrits 
avec  attention  ,  de  recuedlir  ses  idées 
en  un  corps  d'ouvrage  où  il  expose- 
rait le  plan  de  constitution  et  de  gou- 
vernement qu'il  cro  rait  le  plus  con- 
venable daus  ces  temps  de  crise, 
ce  Louis  XVI  espérât  peu  ,  dit  M. 
Hennequin  ,  mais  il  espérait  encore  ; 
il  crovait  du  moins  que  c'était  un  de- 
voir sacré  pour  lui  que  de  s'occuper 
jusqu'au  dernier  moment  du  bonheur 
des  peuples  confiés  a  ses  soins.  5> 
Bergasse  iil  le  travail  demandé,  mais 
les  événements  en  empêchèrent  la  pu- 
hlicaliou.  Une  copie  lut  remise  au 
roi.  Le  man  scrit  ori_.(inal ,  par  une 
fatalité  qui  k  une  autre  époque  eût 
paru  singulière  ,  périt  dans  l'un  des 
incendies  du  siège  de  Lyon,  Berg  isse 
avait  aussi  fait  passer  au  roi  divers 
projets  et  mémoires  qui ,  après  le  1  o 
août  ,  furent  trouvé:,  aux  TuiLries 
daus  'armoire  de  fer.  Déjà  il  avait 
été  dénoncé,  en  1790,  pour  sa  pro- 
testation  contre   les    assignats;   un 


2. 


ao  BER 

grand  nomLre  de  l)rocI]urcs  et  de 
pamplilels  avaient  été  dirigés  contre 
lui.  Il  fut  attaqué  plus  sérieuse- 
ment dans  une  letlre  que  lui  adressa 
l'avocat  Loyseaii ,  alors  auteur  du 
Journal  de  coiislilution  et  de  lé- 
gislation. —  Ce  qu'avait  prédit 
Èergasse  ne  tarda  pas  à  s'accomplir. 
Les  mauvais  jours  de  la  révolution 
étaient  arrivés.  Beaumarchais  avait 
fait  représenter  ,  en  juin  1792  ,  sur 
le  théâtre  du  Marais ,  son  drame  de 
la  Mère  coupable  (5) ,  et  par  une 
ignoble  et  lâche  vengeance  ,  à  l'épo- 
que où  le  bonnet  rouge  était  violera  - 
meut  posé  ,  dans  une  journée  affreu- 
se ,  sur  la  tète  du  raouarque,  Ber- 
gasse  fut  comme  dévoué  aux  halues 
populaires,  dans  l'odieux  personnage 
de  Begearss  ,  anagramme  de  son 
nom.  Après  la  lin  tragique  de  Louis 
XVI,  regardant  sa  carrière  poli- 
tique comme  terminée  ,  il  s'éloi- 
gna de  Paris,  et  voulut  chercher  un 
asile  dans  l'ancienne  patrie  de  ses 
ancêtres  5  mais  le  passage  des  Pyré- 
nées était  gardé.  Ils'élait  enfin  retiré 
a  Tarbes  ,  oîi  il  s'applaudissait  de 
se  voir  rentré  dans  rul)scurité  ,  lors- 
qu'il fut  arrêté  au  commt-ncement  de 
juillet  1794,  et  conduit  de  brigade 
en  brigade  à  Paris.  Il  savait  qu'alors 
le  plas  sage  calcul  ét;iit  de  gagner  du 
temps  :  il  se  montra  faible  et  souf- 
frant ;  et  le  trajet  fut  long  suivant  son 
désir.  Il  reçut  dans  plusieurs  com- 
munes des  lémoiguagesd'mlérèt,  qu  il 
aima  depuis  à  rappeler  :  les  Irails  gé- 
néreux étaient  rares  a  cette  époque. 
Il  citait  souvent  M.  Sauluier,  officier 
de  gendarmerie  a  Orléaus  ,  oîi  il  avait 
obtenu  de  passer  huit  jours,  et  qui 
lui  fltremetlie,quond  il  qiiitiait  cette 
ville,  comme  s'il  1  eût  oublié,  un 
portefeuille  assez  bien  garni  d'assi- 

\ii)  Celte  pièce  fut  ponce  au  tbéàtre  Fcyiloau 
en  1797. 


BER 

giials,  seule  monnaie  qui  existât  alors  » 
Avant  d'entrer  dans  Paris  ,  Bergasse 
avait  appris  la  nouvelle  révolution  de 
thermidor  :  il  fut  conduit  a  la  Con- 
ciergerie j  mais  la  prudente  lenteur 
de  son  voyage  l'avait  sauvé  de  Técha- 
faud  :  il  fut  jugé  dans  l'an  II!  ,  et 
condamné  ,  comme  suspect ,  a  la  dé- 
tention jusqu'à  la  paix.  —  Ce  fut 
pendant  sa  captivité  qu'il  osa  écrire  , 
avec  une  brûlante  énergie  ,  avec  une 
hardiesse  de  courage  bien  remarqua- 
ble, en  faveur  de  d'Armaing,  dont 
Yadier  avait  fait  assassiner  jurldique- 
mentlepère.Loisquele  système  de  la 
terreur  n'était  pas  encore  abandonné 
et  n'avait  fait  que  passer  d'un  parti  à 
un  autre  (car  deux  mois  après  le  9 
tliermidor y  la  convention  en  corps 
avait  conduit  processionne'Iemeut 
Marat  au  Panthéon) ,  Bergasse  osa 
dire  :  «  Et  la  convention  flécliirait 
a.  devant  une  troupe  de  misérables 
«  dévoués  à  toute  rignominie  à^s 
«  siècles!  Elle  ne  verrait  ni  la posté- 
«  rite  qui  pleure  devant  elle,  ni 
«  l'Europe  qui  attend  pour  l'admirer 
a  ou  pour  la  flétrir!  Assise  sur  les 
a  tombeaux  où  gisent  abattues  tant 
«  de  générations  détruites ,  elle  ferait 
a  un  pacte  avec  leurs  bourreaux  ! 
«  une  même  enceinte  les  réunirait  ! 
«  et,  dans  celte  enceinte,  il  se  trouve- 
«  rail  des  hommes  assez  hardis  pour 
a  oser  parler  encore  le  langage  de  la 
«  législation  ,  de  la  morale  et  de  la 
«  nature  !...  Non  ,  non,  cela  ne  sera 
«  pas  ;  on  ne  ment  pas  ainsi  au  monde 
«  entier;  on  ne  veut  pas  être  accusé 
a  par  toute  la  conscience  du  genre 
«  humain.  La  rouven lion  remplira  la 
et  sévère  lâihe  qui  lui  est  imposée  , 
c  et  tous  ces  spectres  plalnllls  que  je 
«  crois  voir  siéger  h  côté  de  chaque 
<t  représentant  pour  lui  reprocher  sa 
«  politique  indulgence  ou  sa  honteuse 
K  faiblesse ,   rentreront   consolés  et 


BER 

a  vengés  dans  leurs  tombes.  »  Vadier 
fut,  sur-le-clinmp,  décrété  d'accusa- 
tion •,  et  Bergasse  ,  dans  les  fers,  fit 
ainsi  dresser  l'échafaud  d'un  des  plus 
vils  complices  de  Robespierre.  Ce 
fut  sous  Tinfluence  des  impressions 
produites  par  ce  discours,  que  l'on 
décréta  la  restitution  des  biens 
aux  familles  des  condamnés.  — De- 
venu libre  sous  le  directoire ,  il  se 
tut ,  comme  publiciste  ,  sous  le  con- 
sulat et  sous  l'empire  ;  il  vécut  dans 
la  retraite  cbez  son  frère  Alexandre, 
près  de  Lyon,  et  ne  publia  dans  celte 
période  de  quatorze  ans  qn\in  F'rag- 
ment  sur  l  injluence  de  la  voloiiLc 
sur  l'intelligence  (i  807,  in-8°j.  La 
même  année  il  rédigea,  sur  les  notes 
qui  lui  furent  fournies  par  le  nolaiie 
Boileau ,  un  Eloge  historique  du 
général  d'Hautpoul  (in-  8°)  ;  mais 
il  n'attacba  pas  son  nom  a  cet  éloge. 
En  1808  il  publia  des  Discours 
et  fragments,  in-8°  de  2^4  p^ges. 
C'est  le  seul  volume  qu'il  ail  lait 
imprimer,  tous  ses  autres  écrits  n'é- 
tant que  des  brochures.  Ce  volume 
contient,  outre  plusieurs  di-cours  déjà, 
cités  ,  des  JFragments  sur  la  manière 
dont  nous  distinguons  le  bien  et  le 
mal;  sur  la  liberté  des  mœurs  et  des 
raauières  j  sur  la  parole  et  sur  les 
athées;  sur  Dieu;  sur  l'éducation;  sur 
la  vlecbampélre.  Ces  Fragments  sont 
annoncés  comme  appartenant  a  un 
grand  ouvrage  dont  l'auteur  avait  jeté 
les  fondements  a  l'époque  de  notre 
révolution  ,  et  auquel ,  disait-il ,  des 
obstacles  de  plus  d'un  genre  ne  lui 
avaient  pas  permis  de  mettre  en- 
core la  dernière  main.  En  i8o8 
parurent  aussi  ses  Observations  pré- 
liminaires dans  l'affaire  de  M.  Le- 
mercier,  in-4-°.  Dans  une  fêle  don- 
née a  1  Hôtel-de-\  ille  ,  madame 
Lemercier  ,  'a  qui  Napoléon  avait 
adressé  la  parole,  sembla  affecter  de 


BER  0.  i 

ne  lui  donner  que  le  titre  de  Mon- 
sieur. L'empereur  lui  tourna  le  dos  : 
Quelle  est  cette  femme  ?  deman- 
da-t-il. — Sire,  c'est  la  femme  d'un 
fournisseur  des  armées  sous  le  di- 
rectoire. —  Qu'on  examine  ses 
comptes.  Et  les  comptes  furent  si 
bien  examinés  que  le  fournisseur  ci  ut 
avoir  besoin  de  recourir  a  Bergasse 
pour  prévenir  sa  ruine  ,  qu'il  ue 
put  éviter.  —  Enfin  la  restauration, 
si  impatiemment  attendue  par  Ber- 
gasse ,  arriva.  I!  se  bal  a  de  pu- 
blier une  petite  brochure  de  16  pa- 
ges, sous  le  titre  de  Réjlexions 
sur  l'acte  constitutionnel  du  sénat. 
Cet  écrit ,  plein  de  force  et  de  raison, 
fournira  quelques  pages  a  l'histoire. 
Bernasse  juge  le  sénat  comme  le  ju- 
gera la  postérité.  On  essaya  de  le 
réfuter  5  mais  on  attaqua  l'auteur  et 
ou  ne  lui  répondit  pas.  li  eut,  en 
1814.  ,  de  fréquentes  entrevues  avec 
l'empereur  Alexandre  chez  M™*"  de 
Krudner.  Ce  prince  lui  accorda 
bientôt  une  grande  estime  ;  il  le  con- 
sultait, il  l'écoulait ,  le  faisait  asseoir 
a  côté  de  lui  :  Mettez-vous  de  ce 
côté  ,  disait-il  ,  c'est  ma  bonne 
oreille  (il  était  un  peu  sourd  de  Tau- 
ire).  Bergasse  influa  sur  l'entrée  au 
ministère  du  duc  de  Richelieu ,  de 
Dnbouchage  et  du  marquis  de  Vau- 
jjlanc.  Il  fut  moins  heureux  quand  , 
réuni  a  la  baronne  de  Krudner 
et  a  la  duchesse  de  Polignac ,  il 
sollicita  la  grâce  du  maréchal  Ney. 
Le  duc  de  Richelieu,  venant  de  pren- 
dre congé  d'Alexandre  quand  il  partit 
pour  retourner  dans  ses  états,  écrivit 
à  Bergasse  :  «  Monsieur,  S.  M.  Tem- 
«  pereur  de  Russie  m'a  beaucoup 
«  parlé  de  vous ,  et  d'une  manière 
«  (lui  me  fait  désirer  vivement  avoir 
«c  le  plaisir  de  vous  connaître,  etc.  3> 
—  Bergasse  devint  bientôt  comme 
l'avocat  consultant   de  la  restaura- 


sa 


BER 


BER 


lion.  En  1816,  il  publia  une  Dê- 
J'erise  de  la  Monarchie  selon 
la  charte ,  onviage  de  M.  àe  Cha- 
teaubriand. C'est  un  pelil  écrit  de 
8  pages  ,  dont  la  3'  édition  païut 
en  février  1820,  sons  ce  titre  :  Fûts 
poliliq  :es  arrachées  à  un  homme 
d'état .  augmentées  d'une  note  et 
d'une  lettre  par  M.  Bergasse.En 
18  17  parut  son  Essai  sur  la  loi, 
sur  la  souveraineté  et  sur  la  libérale 
de  la  presse.  La  5"  édit.,  qui  est  de 
1822  ,  est  augmentée  d'ine  Lettre 
sur  VindiKKsibilité  du  pouvoir  lé- 
gislatif, ;n-8"  de  i  26  p.  M.  de  Cha- 
teaulinand  écrivait  à  Bergnsse  le  6 
août  1818  raNousavonsgrand  l'esoiu, 
«  monsieur,  de  vo'»  talents  et  de  votre 
«  courage.  Venez  à  notre  .secours. 
«  Les  plus  infâmes  calomniateuis  , 
€c  les  plus  lâches  et  les  plus  pervers 
«  des  hom-nes  triomphent.  Prenez 
«  vctire  plume,  écrasez  ces  malheu- 
«  reuï  de  toute  Téloquence  de  la 
«  vérité  Je  suis  resté  seul  sur  le 
«  champ  de  bataille  ;  mais  auprès  de 
et  vi  us  je  me  ranimerai.  Vous  devez 
«  aux  lioiimes  compte  du  géuie  que 
et  le  ciel  vous  a  donné.  Vous  vous 
et  repentiriez  toute  votre  vie,  si  nous 
«i  périssons  ,  de  n'avoir  pas  essayé  de 
«  nous  sauver.  Je  suis  avec  vérité 
«  votre p'usdévonéserviteur  etadiui- 
«  râleur.  De  Chateaui!Kiand  (6).  ?> 
—  Berga.sse  continuait  de  correspoi- 
dre  avec  l'empereur  Ahiandre  ,  qui 
lui  écrivit  de  Pétersbourir,  le  25  déc. 
18 19  :  (c  J'ai  reçu  ,  monsieur,  voire 
«  lettre  du  ■29  mai,  durant  mon  voya- 
«  ge  dans  l'intérieur  de  la  Russie  et 
K  en  Pologne.  En  vous  répondant 
ec  maintenant ,  Je  me  plais  a  vou--  té- 
«  moigner  la  salisfaclion  que  j'ai 
«  éprouvée  a  'ire  les  obsi  rvaiiuns  que 
tt  voire  grande  expérience  des  I  ora- 

(6)  Tijules  les  Iftties  citées  dans   cet    article 
ont  étu  copiées  |iar  l'auteur  sur  les  originaux. 


u.  mes  et  des  cboses  humaines  vous 
ce  suggère...  S'i'  est  du  devoir  d'un 
«  ciloven  dévoué  aux  iiilérèls  léglti- 
«  mes  d^  sa  patrie,  de  s  gnaler  le 
te  mal  ,  il  n'est  pas  toutefois  eu  son 
te  pouvoir  d'en  indiquer  les  remèdes, 
tt  surtout  lorsqu'il  s'agit  de  trouver 
a  dans  leur  application  le  salut  du 
te  monde  :  il  est  entre  les  mains  de 
«Dieu  (suivent  des  réflexions  po- 
litiques sur  li  silnalionde  l'Europe), 
ce  Je  vous  saurai  gré,  monsieur,  de  la 
«  continuation  de  voliecorrespcndan- 
te  ce^  j'y  attache  un  prix  réel.  Agréez 
te  l'as-urance  de  mon  estime.  Alexan- 
cc  DRE.  33  En  I  82  I  ,  BergHsse  lit  im- 
primer un  Essai  sur  le  rapport  qui 
doit  exister  entre  la  loi  religieuse 
et  les  lois  politiques ,  in- 8°  de 
12  pages.  C'est  on  discouis  que  l'au- 
leur  prononça  a  !a  société  des  bonnes 
lettres.  Le  ccmle  Achille  de  Jo  f- 
fioy  mand.iit  kBergasse,de  l^aybach, 
2  5  avril  1821  :  ce  ...  L'empereur 
te  Alexandre  m'a  dit  ,  il  y  a  un 
te  quart-d'heure,  qu'il  avait  écrit  a 
te  votre  sujet  à  M.  de  Richelieu 
te  pour  lui  témoigner  sa  surprise  de 
«■  ce  qu'un  homme  tel  que  vous  ne 
te  fût  pas  traité  com'ne  il  le  mérite 
te  sous  un  gouvernement  qu'il  a  si 
ce  bien  servi.  »  Cette  surprise  de 
l'empereur  A'exandre  venait  de  la 
récente  traduction  de  Bergasse  ,  en 
cour  d'assises,  pour  son  Essai  surla 
propriété  nw  considérations  morales 
et  poLtiques  sur  la  question  de 
savoir  s'il  faut  restituer  aux  émi- 
grés les  héritages  dont  ils  ont  été 
dépou  'liés  dans  le  cours  de  la  ré- 
volution (  in-8°,  qui  eut  deux  édi- 
tions consécutives).  On  sait  que  Ber- 
gasse plaida  lui-même  sa  cause  avec 
une  élotjUi  nie  énergie  que  Vhe,e  n'a- 
vait point  affablie  (y   •  (|u'il  confessa 

(7)  Celle   ilifense  fut  iiiipniiice    sous  le  litre 
de  Dùcours ,  in-S"  do  i»  pages.  Ou  la  trouT» 


BER 

courageusement  safoi  politt(pie;  qu'il 
fui  aussi  défendu  p  r  M.  berrjur 
fils  ;  que  l'avocat  -  général  Mar- 
cliangy  rendil  hommage  a  ses  talents, 
à  ses  vertus  ,  et  qu'il  lut  acquitté  le 
28  avril.  Le  lendemain  ,  le  vicomte, 
depuis  duc  de  Montmorency  ,  lui 
écriv.iit...  «  Je  voulais  vous  exprimer 
o  de  nouveau  un  profond  intérêt  dont 
«  vous  étiez  sur  d'avance,  el  qui  ne 
«  l'cnait  pas  de  moi  seulement , 
«  sur  celte  malhtureuse  affaire.  La 
a  manière  dont  elle  vimt  d'èlre  (er- 
«  minée  en  fait  un  véritable  Iriom- 
«  phe  pour  la  bonne  cause  et  la  mo- 
«  ralepublique,pourvo'isquiles  avez 
«  toujours  si  éloquemmeiit  défen- 
«  dues —  Je  suis  autorisé  par  une 
«  auguste  personie  a  vous  exprimer 
«  la  satisfaction  particulière  qu'elle 
«  eu  éprouve  relativement  à  vous, 
«  etc.  »  M,  de  Jouffrov,  poursuivait 
en  ces  termes  :  «  A  la  manière  dont 
«  S.  M.  m'a  dit  la  chose  .  j  ai  pu  jn- 
«  ger  que  la  lettre  devait  être  de 
«   bon  style,  el  je  ne  doute  pas  ,  mon 

«   cher  et  excellent  maître  ,  etc 

«  Je  vous  porterai  moi-même  la  ré- 

a  pouse  de  l'empereur Vous  avez 

«  ici  de  bien  bons  amis.  Je  vous 
«  tran-mets  les  compliments  de  MM. 
«  de  Metli-ruich  ,  de  Gtntz^  el  même 
«<  de  M.  de  Capo  d'Islria,  lequel 
«  est  bien  revenu  de  ses  idées  sur 
«  le  perfectionnement  du  siècle  ,  et 
«  qui  est  tout-a-fail  du  complot  de 
K  Laybach,  en  ce  moment^  etc.  » 
— Bergasse  avait  envo\  é  à  Berlin  son 
plaidoyer  devant  la  cour  d'assises,  l-e 
prince  Radzivill  écrivait  le  16  mai  : 
«  ....  Je  n'ai  pu  me  refuser  de  faire 
«  lire  celle  sublime  défense  au  prin- 
«  ce  royal,  dont  la  belle  âme  sent 
ce  si  vivement  tout  ce  qui  est  noble 
K  et    beau...   Quelle   foice  !   Quelle 

aussi  à  la  fin  de  la  seconde  édition  de  l'Essai  sut 
l*  propriété. 


BER 


a3 


K  siraplirilé  !  C'est  la  majesté  de  la 
a  verlu  ,  etc..  »  On  voit  que  la 
renommée  de  Bt-rgasse  était  alors 
moins  haute  eu  France  qu  a  l'étran- 
ger. Je  terminerai  les  extraits  de 
cette  correspondance  curieuse  et 
inédite,  par  cette  lettre  que  l'em- 
pereur Alexandre  adressa  k  Bir- 
gasse,  de  Sarskœ  Zelo  ,  le  ^  août 
1822  :  a  C'est  au  moment  même  de 
«  partir  pour  le  congrès  de  Vérone, 
u  que  j'ai  reçu  ,  mon^iel:r,  la  lettre 
«  que  vous  m'avez  adressée,  en  date 
«  du  i5  juil  et.  Je  n'ai  eu  'e  temps 
<c  que  de  la  parcourir  fort  a  la 
«  hâte  (8)  j  mais  il  m'a  sufE  d'une 
«  seulelecture  pour  apprécier  etcette 
«  nouvelle  m;inifeslalion  des  princi- 
«  pes  q' i  vous  distinguent  si  iuvaria- 
«  blement,  et  la  sagacité  avec  la- 
ïc quelle  vous  les  appliquez  iuix 
ce  cir(  onsiances  malheureuses  qui  ac- 
cc  câblent  l'Espagne.  S"us  ce  rapport 
ce  je  ne  puis  qu'atlathcr  un  intérêt 
ce  particulier  au  développement  de 
ce  vos  aperçus.  Je  recevrai  donc  avec 
ce  beaucoup  de  plaisir  le  travail  que 
ce  vous  m'annonciz.  el  vous  invite, 
ce  monsieur  ,  à  me  le  faire  parvenir  k 
ce  répo-]ue  où,  réuni  aux  souverains, 
ce  mes  alliés,  je  seiai  à  même  de 
ce  m'occuper  de  ces  questions  fonda- 
IX  mentales,  auxquelles  ie  bonheur  et 
«  la  tra  iquillité  de  l'Europe  soûl  si 
ce  intimement  liés.  Je  \ous  en  offre 
ce  d'avance  lous  mes  reraercîments  , 
it  et  vous  prie  ,  monsieur  ,  d'être  as- 
c<  sure  de  ma  plus  sincère  esiiintr. 
«  Alexandre  jj  Bergasse  influa  donc 
sur  la  gu.rre  d'Espagne,  et  sur  l'in- 
terve  :tion  de  la  France  qui ,  suivant 
la  déclaration  de  M.  de  Villèle,  fut 
exigée  par  les  souverains  étrangers. 
Ful-ce  un  service  rendu  k  la  France 


(8)  Ces  lettros  de  Ber^.isse  pi  nient  de  longs 
nîémoires  politiques,  dont  la  publication  serait 
tris-culitBse  pour  l'histoire  de  c«tte  époque. 


24 


BER 


et  a  l'Europe?  Celle  question  ne 
paraît  p.is  avoir  été  favorablemeut 
résolue  dans  la  Péninsule.  Depuis 
1821,  Bergasse  ,  qui  était  allacljo 
aux  Bourbons,  mais  qui  délestait  leurs 
ministres,  surloulM.deYillèle^  Ber- 
gasse qui  blâmait  hautement  le  licen- 
ciement des  gardes  nationales  ,  et 
presque  toutes  les  mesures  du  gou- 
vernement ,  cessa  ses  publications 
politiques ,  et  écrivit  peu  dans  sa 
retraite  au  sein  de  sa  famille.  11  se 
montrait  mécontent  du  présent,  el 
s'cffrajait  de  l'avenir.  Il  était  octo- 
génaire quand  la  révolution  de  i83o 
arriva.  Elle  lui  fit  perdre  une  pen- 
sion de  6000  francs  ,  el  ce  ne  fut 
pas  la  ce  qu'il  regretta.  Il  avait  été 
compris  comme  conseiller  d'étal  dans 
les  peliles  ordonnances  jointes  aui 
grandes  ordonnances  du  2  5  juillet.  11 
s'éteignit  sans  souffrance  ,  el  parut 
s'endormir  en  recevant  le  dernier 
sacrement  des  mouianls,  le  28  mai 
i832.  11  avait  épousé,  en  1792  , 
M  ''  Dupelit  -  Thouars,  sœur  du 
aiaturali^te  de  ce  nom.  Il  a  laissé 
un  fils,  héritier  de  ses  vertus,  et 
qui  a  préféré  a  l'active  culture  des 
lettres  celle  des  champs,  c'esl-a-dire 
le  bonheur  à  la  renommée.  On 
trouve  dans  le  Rénovateur  ^  l.  II, 
5  juin  1802,  el  dans  la  Gazette  de 
fsovmandie ,  n°  i55  ,  deux  notices, 
l'une  de  M.  Hennequin,  l'autre  de 
M.  Alphonse  Bergasse  neveu  ,  sur  un 
écrivain  célèbre  dont  on  peut  dire, 
que  s  il  divisa  les  opinions  sur  ses 
idées  politiques  ,  il  les  réunit  dans  ua 
même  hommage  rendu  à  ses  talents 
el  à  ses  vertus  (9).  V — ve. 

BEllGASSE    (  Alexandre  ) , 


^ç,)  Parmi  les  écrits  de  Bergasse,  il  faut  comp- 
ter sa  lleijucif  au  roi  sur  runlilulton  de  Sainte- 
Périne  de  Chuilht ,  publiée  sous  le  nom  du  barou 
du  Chaila  ,  eu  i8i4;  elle  eut  deux  éditions  (la 
seconde  porte  le  nom  de  Kcr^'asse],  in-S"  t'c  Sg 
paçes,  U  est  douteux  ,  maigre  ce  r[ue  (.lit  l'auteur 


BER 

frèi  c  du  précédent ,  s'était  formé  à 
Lyon   une    existence  honorable  dans 
le  commerce.  Sa  réputation  de  vertu 
el  de  probité  l'avait  [ail  nommer  un  des 
administrateurs  des  hospices ,  seule 
fonction  publique  qu'il  ait  acceptée  , 
et  qui  était  gratuite;    il   s'était  de 
bonne  heure  retiré  du  commerce  et 
vivait  dans  sa  maison  de  campagne  , 
sur  les  bords  de  la  Saône,  mêlant 
l'étude  et  la  culture  des  lettres  aux 
travaux  de  l'agriculture.  C'est  dans 
celte  douce  retraite  qu'il  appela  et 
qu'il  retint  pendant  plusieurs  années 
sou  frère  ,  tandis  que  la  république 
aclievail  de  s'user  dansl'anarchie  avant 
de  se  perdre  dans  le  despotisme.  Ses 
opinions    politiques    n'étaient     rieu 
moins  que  favorables  aux  gouverne- 
ments   cousidaire  el  impérial.  Tous 
ses  regrets  étaient  dans  le  passé  de 
la  monarchie ,  et  tous  ses  vœux  pour 
son  retour.  11  appartenait  a  ce  qu'on 
appelait  en  France  !a  petite  église  ^ 
el  il  s'était  rallathé  a  la  minorité  du 
clergé  qui  refusait  de  reconnaître  le 
concordat  de  i8oi.  11  salua  avec  joie 
la  restauration  :  mais  il  l'eût  voulue 
complète  ,    et  la  charte  lui  parut  une 
moustruosiié^  il  résolut  de  l'allaquer, 
mais  il  fut  moins   heureux  que  son 
frère  ,  qui  avait  combattu  avec  tant 
de    succès  l'acte   constitutionnel   du 
sénat,   et  qui  d'ailleurs  n'était  point 
ennemi  de  la  charte  ,    du  moins  dans 
l'ensemble  de  ses  dispositions.  Alexan- 
dre fit  imprimer  ,  a  Lyon  ,  en  181 6, 
chez  J.-M.  Bourhy,  un  volume  in-8" 
de  290  pages  ,  qui  avait  pour  litre  : 
Réfutation  des  faux  principes  et 
des  calomnies  avancées  par  lesjaco- 


du  Dictionnaire  dus  anon/mes ,  que  Bergasse  ait 
été  le  collaborateur  de  son  ami  l'ellier,  dans  la 
léd.icîinn  des  ^eles  des  Apôtres,  et  plus  dou- 
teux encore  qu'il  ait  composé  avec  M.  de  Puysé- 
gur,  la  Journée  des  Dupes  ,  pièce  tra^i-poUti-comt- 
que ,  représenlce  sur  le  l'ieutre_  JSutionul  pur  les 
graii-L  tçniciiiens  de  la  pairie ,  1789,  in-S". 


BEa 

lins  pour  décrier  l' administration 
de  nos  rois  et  justifier  l'usurpation 
de  l'autorité  royale  et  du  trône , 
par  un  vieux  Français.  Ce  livre  est 
curieux  el  bardi  :  Tauleur  y  regarde 
la  charte  coustiluti(3nnelle  comme 
illégilime  et  irrégulicre  j  il  soiUieut 
que  Louis  XVlil  peut  et  doit  la  ré- 
former. Il  déuie  aux  chambres  le  droit 
de  participation  au  pouvoir  législatif  5 
il  lilàme  la  prolecliou  accordée  aux 
cultes  non  catholiques  ,  el  la  confir- 
lualiou  de  la  yenle  des  biens  natio- 
naux ;  a  Les  véritables  Fiançais , 
dit-il  ,  ne  reconnaissent  plus  leur  pa- 
trie sous  le  régime  de  cette  charte; 
ils  ont  vécu  sous  l'empire  de  nos  an- 
ciennes lois  qui  condamnaient  toutes 
les  injustices,  et  on  leur  présenle 
aujoui'd'hui  des  lois  nouvelles  qui  au- 
torisent Tusiirpation  des  biens  enle- 
vés a  réalise  el  aux  défenseurs  de  la 

royauté    légitime La  charte    ne 

peut  donc  que  prolonger  les  divi.-ions 
qui  existent  parmi  nous  ,  au  lieu  de 
les  faire  cesser,  car  les  vrais  Fran- 
çais ne  sauraient  en  adopter  les  prin- 
cipes. Celle  nouvelle  constitution  n'a 
pour  partisans,  dans  nos  provinces, 
que  les  factieux  qui  prétendent  y 
trouver  un  appui  5  elle  est  vantée  par 
les  possesseurs  de  biens  nationaux  , 
dont  elle  autorise  la  scandaleuse  ac- 
quisition   Mais  les  factieux,  les 

acquéreurs  de  biens  nationaux  et  les 
amateurs  d'idées  libéiales  ne  com- 
posent pas  la  nation  ;  ils  n'en  forment 
heureusement  que  la  moindre  par- 
lie,  etc.  »  Ce  livre  élail  légalement 
et  politiquement  réprébeusible.  Le 
tableau  analytique  que  l'auteur  donne 
delaconstitulion  anglaise,  et  son  ex- 
position rapide  des  révolulions  de  ce 
pays  ,  sont  cependant  des  morceaux 
Irès-remarquables.  Mais  il  eut  besoin 
de  la  cousidératiùu  méritée  dont  il 
jouissait  parmi  ses  conciloycns  ,  pour 


BER 


45 


n'être  pas  traduit  devant  les  tribu- 
naux.  C'était  quelque   temps   après 
l'ordonnance  du  5  sept.  qu'Alexandre 
Berira^se   allait  iniblier  son  ouvrage 
déjà  imprimé.    A  peine  le  prelct  du 
Rhône   (  M.    Chabrol   de  Cronsol  , 
depuis  député  et  minisire  )  eu  fut-il 
informé  qu'il  fit  appeler  l'auteur  ,  et 
lui  représenta  la  nécessité  où  se  trou- 
verait le  gouvernement  de  le  pour- 
suivre et   de    faire   condamner  son 
livre  s'il  ne  consentait  lui-même  a  sa 
suppression.  Bergasse  déféra  aux  re- 
présentations bienveillantes    du  ma- 
gistrat;  le  livre  ne  fut  pas  mis  eu 
vente ,  et  il  est  devenu  très-rare  ,  n'y 
en  avant  eu  qu'un  très-petit  nombre 
d'exemplaires    donnés  a   des    amis. 
Alexandre  Bergas'^e  mourut  à  Lyon 
en  1821. — Son  (ils,  Alphonse,  héri- 
tier de  ses  vertus  et  de  son  talent  , 
nommé,  en  1822  ,  avocat-général  à 
la  cour  rova'e  de  Rouen  ,  depuis  pro- 
cureur-général a  la  cour  de  Montpel- 
lier,   donna   sa    démission  après   la 
révolution  de    i85o(le   17  aoîit  ). 

V— VE. 

BERGASSE-LAZmOULE 
CGeorges),  ancien  officier  dariilleric, 
de  la  même  famille  que  les  précé- 
dents (il  était  cousin  de  ÎNicolas  et 
d'Alexandre),  forma,  avec  Vadier  , 
la  dépulation  du  tiers-étals  de  la  sé- 
néchaussée de  Pamicrs  aux  éta(s-gé- 
uéraux.  Il  combattit,  comme  Nicolas 
Bergasse,  sou  collègue  et  son  parent, 
l'émission  des  a-siguais,  qu'il  déclara 
a:iti  -  patriotiques  ,  laits  pour  dé- 
truire les  finances  et  tromper  le 
peuple.  Comme  son  même  collègue 
encore  ,  il  attaqua  le  compte  des  fi- 
nances de  Montesquieu ,  qui  se  vit 
obligé  de  répondre  à  ses  accusations  : 
mais  là  finit  l'ideniiié  de  conduite  des 
deux  Berga'^se  constituants.  Celui  de 
Paraiers  se  signala  comme  un  ardent 
ami  de  la  révolulioa  et  ,   dans  les 


2« 


BER 


pamphlets  du  lemp>,  on  l'appela  Ber- 
gasse  l  enragé,  plutôt  sans  doute 
pour  le  distinguer  de  sou  cousin  ,  que 
pour  caractériser  ses  opi  ions  j  car, 
comparées  a  d'aulres ,  elle.s  auraitnl 
paru  modérées.  iSéanmoins ,  pen- 
dant le  règiie  de  Tanarcliie,  il  passa 
pour  avoir  des  relations  intimes  avec 
Vadler  ,  et  même  pour  partager  ses 
opinions  frénétiques.  Il  était  substitut 
du  commissaire  du  directoire  exécu- 
tif près  les  tribuuaux  de  l'Ariège  , 
lorsqu'il  fut  no  nmé  membre  du  con- 
seil des  cinq-cents ,  dans  Tan  vi 
(1798).  Il  fit  décider,  en  applaudis- 
sant k  l'arrêté  qui  ordonnait  la  célé- 
bration dn  9  thermidor,  que,  dans 
son  discours,  le  président  du  conseil 
rap|)t  lierait ,  avecé'o.^e,  les  tristes 
victoires  du  i3  vendémiaire  an  iv  et 
du  18  fructidor  an  v.  Cette  proposi- 
tion, vivement  combattue,  ne  fut 
adoptée  qu'a  la  seconde  épreuve.  Les 
présidents  dc-s  deux  conseils  ,  Lavaux 
(des  anciens),  Lecninle -Pujraveau 
(des  cinq  -  cents),  célébrèrent  donc  , 
k  la  manière  du  temps,  les  événe- 
ments des-  trois  journées,  dans  le 
Champ-de-Mars.  Cette  fêle  fut  d'ail- 
leurs magnifique  ,  car  on  y  vit  tigurer 
sur  des  (  hars  a  t'orme  antique  les  pre- 
miers fruits  de  nos  victoires  :  la  Vénus 
de  Médicis  ,  la  Transfiguration  de 
Raph  lëi  5  le  Glidiateur  mourant  ,  le 
Laocoon ,  l'Apollon  du  Belvédère, 
THorcule  Commode ,  et  les  bustes 
d'Homère  et  de  Brutus  ,  avec  un  ours 
de  Berne,  un  lion  du  désert  de  Zara, 
les  pétrifications  de  Vérone,  tous 
les  sivants,  tous  les  artistes  de  la 
capitale  ;  et  l'on  chanta  une  ronde 
dont  le  refrain  était  :  Rome  n'est 
plus  dans  Rome,  elle  est  toute  à 
Paris.  Les  fêtes  nationales  étaient 
alors  multipliées  ;  on  les  j'tait  au 
peuple  comme  distraction  de  ses  mal- 
heurs. Ou  célébra  ,  la  même  anuée  , 


BER 

dans  toute  la  France,  les  anniversai- 
res du  14.  juillet  1789,  du  10  août 
1 7  9  2 ,  de  la  fondation  de  la  république 
(22  sept.  1  792),  du  2  I  jauv.  1793, 
du  9  thermidor  (28  juil.  1794)  ,  de 
la  théophllantropie  (9  janv.  1796), 
du  18  fructidor  (  4- sept.  1797),  et 
aussi  les  fêtes  de  la  souveraineté  du 
peuple  ,  de  la  liberté  ,  de  la  paix .  de 
la  jeunesse,  de  la  reconnaissance, 
des  époux  ,  de  l'agriculture  ;  la  fête 
funèbre  du  général  Hoche  ,  etc. ,  etc. 
Le  16  août  1798,  Bergasse-Lazi- 
roule  fit,  au  nom  d'une  commission, 
un  rapport  sur  la  proposition  de  célé- 
bier  chaque  année  le  18  fructidor, 
avec  les  é\èuementsdu  9  thermidor 
et  du  i5  vendémiaire.  Bergasse  pei- 
gnit le  i5  vendémiaire  comme  ayant 
fait  taire  les  hurlemints  des  fu- 
ries,  et  arrêté  une  horde  de  can^ 
nibales  qui  semblait  avoir  envahi 
le  territoire  français.  Avant  le  18 
fructidor  ,  dit-il ,  la  France  entière 
n'était  plus  qu'une  horrible  P  en- 
dée.  Celte  journée  éclaira  une  des 
plus  grandes  victoires  ,  etc.  j  il 
parla  de  hjerocité  des  victimes  de 
celte  époque,  il  les  ap^^elcl  monstres , 
et  il  nommait  les  Boissj-d'Anglas,  les 
AVillot,  les  Pichegru  ,  les  Vaublanc, 
etc.  Les  proscriptions  de  fructidor  , 
dit-il,  rendirent  la  vie  au  corps  po- 
litique ,  t\c.  Bergasse-Laziroule  fut 
nommé  secrétaire  du  conseil.  On  le 
vit  tour-a-tour  combattre  et  défendre 
l'impôt  sur  le  sel;  prendre  part  aux 
discussions  sur  le  tabac  ,  sur  les  toi- 
les de  ciiton,  sur  une  levée  de  deux 
cent  mil'e  conscrits  .  sur  la  poste  aux 
lettres, etc.  C'est  sur  son  rapport  que 
fut  annulée  l'élection  de  Treilhard  au 
directoire.  Il  demanda  (août  1799), 
par  des  motifs  d  ordre,  et  comme 
conforme  d'ailleurs  a  la  constitution 
de  Tan  m,  le  maintien  d'un  article 
qui  restreint  la  déportation  aux  seuls 


BER 

prêtres  perturbateurs  et  insermentés. 
S'éliiil  fortement  prononcé  contre 
la  réioltilion  du  i8  Ijrumaire  ,  11 
fut  éliminé  du  rorps  législatif,  et 
lie  reparut  plus  sur  la  scène  poli- 
liijue.  V — VE. 

BERGE  (le  baron  François), 
général  français,  naijuit  ,  en  1779, 
à  Gi'Uionre  ,  dans  le  Rons.silloii. 
Destiné  à  la  marine,  il  fit  ses  premiè- 
res études  de  mathématiques  dans  sa 
ville  natale  sous  le  savant  H.ichelle, 
professeurd'hydrograp!  ie.  P  iis  lard, 
le  maître  et  Télève  vinrent  a  Pa- 
ris, et  Berge  fnl  admis  en  1794 
k  l'école  polvIecliMique .  où  il  fut 
distingua  par  le  rélèbre  Monge  ,  qui 
le  chargea  d  exécuter  les  p  an(  hes  de 
sa  Géométrie  descii  pi  ive.JNonimé  lieu- 
tenaiil  d'artillerie  en  1797,  Berge 
fut  désigné  l'année  suivante  pour 
faire  parlie  de  l'expédilion  d'Egy|)le  , 
et  il  y  obtint  le  grade  de  capitaine. 
A  son  retour  en  France  ,  en  I  79g  , 
le  premier  consul  l'envoya  à  Al^er 
pour  y  régler  les  diffénnds  qui  exis- 
taient entre  la  France  et  le  l^ey. 
Berge  s'acquilla  avec  lialiilcté  de 
celte  mission,  qui  eut  un  succès  com- 
plet. Peu  de  temps  après  on  lui  con- 
fia une  autre  mjs-ion  ,  ce  fut  d'ac- 
compagner en  Egvple  et  en  Syrie  le 
colonel  Horace  Sébastiani.  A  son 
retour,  en  i8o3  ,  Bf-rge  lut  nommé 
chefdebalaillon;  et  il  fit  en  cetlo  qua- 
lité l(-s  campagnes  du  Nord  de  i  8o5, 
1806  el  1807. li  passa  ensuite  a  l'ar- 
mée d'Espagne,  et  se  dislin^ua  par- 
iiculièreraenl  au  siège  deCalix  ;  puis 
à  l'armée  de  Portugal,  où  il  fut 
fait  colont-l  k  la  su  le  de  nou»  eaux 
exploi's.  Elevé  en  1  8  1  3  au  grade  de 
général  de  brigade,  Berge,  k  l'époque 
de  la  retlaiiration  ,  1  n  1 8 1 4-  ,  se  sou- 
mit sincèrement  au  nou\  eau  gouverne- 
ment. 11  f  l  créé  chevalier  de  Saint- 
Louis,  et  fit  parlie  du  comité  central 


BER 


a? 


d'artillerie.  Lors  du  retour  de  Napo- 
léon, en  mars  181  5  ,  il  fu!  attaché  k 
rélal-m.ijor  du  duc  d'Angoulème 
dans  la  très-courte  campagne  de  ce 
prince  ,  el  rail  beaucoup  de  zèle  k 
exécuter  ses  ordres.  En  i8t6  il  fut 
chargé  de  comu  ander  l'école  d'ap- 
plication d'arti'lerie  et  du  génie;  et 
en  1823  il  dirigea  toute  l'arlillerie 
dans  l'expédition  d'Espagne,  en  Ca- 
talogne, sous  le  II  arécbal  Moncey. 
Cette  dernière  campagne  lui  vilut  le 
grade  de  lieutenaut-général  el  la  dé- 
coiution  de  «rand- officur  de  la  Lé- 
gien-d"Houutur.  Il  conti  ua  de  faire 
parlie  du  com  técfutral  d'arlillerie  , 
où  se  conservent  les  rapports  qu'il  a 
réJi  es.  Ce  général  est  mort  à  Paris, 
en  avril  i852  ,  du  cbo'éra  asiatique. 

G G Y. 

BERGEAT  (Nicolas)  ,  cha- 
noine dt-  Reims  ,  naquit  dans  cette 
ville  en  1732  Son  père,  bailli  et 
lieulenant-général  de  police,   obtint 

fiourluide  l'archevêque  u  1  canonicat, 
iirsqu'd  était  'a  peine  âgé  de  seize 
ans.  Fait  vidame  de  la  même  église 
en  janvier  1758,  il  se  d  sli  igua  par 
ses  connaissances  en  physicpie  el  dans 
les  beaux-arts  ,  par  des  poésies  spi- 
rituelles et  par  des  épigrammes  tel- 
lement caustiques  ipie  ,  sous  ce  rap- 
port au  mo  ns ,  elles  peuvent  aller  de 
pair  avec  ce  que  Jem- Baptiste  Pvous- 
seau  et  Piron  ont  fait  de  pus  incisif. 
Il  succéda  en  1768  à  Desaulx,  poète 
de  la  ville  de  Remis  (don!  cm  a  quel- 
ques pièces  de  vers  imprimées)  ,  et 
fit  avec  l'abbé  Uéloge  les  devises  et 
inscriptions  pur  les  fêtes  que  cette 
ville  donnait  aux  sacres  ,  naissances  , 
m  iriages  et  enirées  dans  ses  murs  des 
rois,  reines,  princes  et  pri  cesses.  L.a 
révolution  lui  ayant  <nle\éune  grande 
parlie  de  ce  qu'il  pos^éilail,  il  iccepla 
la  place  de  conservateur  du  dépôt  des 
arts  ,    établi  dans  l'aucienne  maison 


28 


BER 


des  Magueuses,  et  forme  de  tableaux, 
gravures  ,  morceaux   de  sculpliire  et 
autres   objets    précieux  ,    provenant 
des  églises  ei  monastères,  et  sauvés 
des  nouveaux  iconoclastes  ouVandales 
du   dix-huilième    siècle.    Le   conseil 
municipal   voulant   uli'iser  ce  dépôt 
le  transféra  dans  l'Hôlel-de-Ville,  eu 
fit  un  muséum  el  en  conserva  la  direc- 
tion a  Fabbé  Bergeat ,  qui  éprouva  , 
vers  1802  ,  un  accident  fàcbeux.  La 
mîlre  de  l'archevêque  Hincmnr ,  cou- 
verte de  pierreries ,  le  beau  ciboire 
en  or,  donné  par  Louis  XVI,  Icrs  de 
son  sacre  .  ouvrage  de  l'orfèvre  Ger- 
main ,  et  d'autres  objets  précieux  ,  se 
trouvèrent  un  jour  enlevés  du  musée, 
quoique  enfermés  dans  une  armoire  à 
trois  clés,   dont    une  était  entre  les 
mains  du  sous-préfet ,   l'autre  entre 
celles  du  maire  ,  et  la  troisième  entre 
les  mains  du  conservateur.  On  vnulut 
faire  accroire  que  des  voleurs  avaient 
faitcelle  capture,  quoiqu'il  ne  se  fût 
tronvé  aucune  eflVacliin  ni  aux  portes 
de  la  salle  ni  à  l'armoire.  La  justice 
simula  un  commencement  de  procé- 
dure :  le  conservateur  et  les  gardiens 
du   musée  furent  mandes   devant   le 
magistrat  de  sûreté  ;  mais  personne 
ne  fut   dupe    de  cette  comédie,  qui 
n'empêcha  pas  de  croire  i|ue  les  ob- 
jets   disparus     avaient    été   enlevés 
]iar    ordre    supérieur.    Bergeat    se 
plaignit   ai  ec     amertume  ,    el    il   a 
toujours   pensé  qu'on   aurait  pu    lui 
épargner    ce    désagréiîient.  Il  mou- 
rut le    12  novembre   181 5.    C'était 
un  liomrae  aimable  et  spirituel ,  mais 
d'un  caractère  satirique  ,   ce  qui  le 
fil   soupçonner     d'être    l'auteur    de 
VAvis  aux  curieux  ,  bibliothèque 
choisie^   imprimé  h  Reims  eu    sep- 
tembre 1758,  avec  les  lettres  ini- 
tiales R R.D.T.  ,  ([ui  pouvaieut 

s'expliquer  par  Renaud  Florentin, 
rue  du   Tambour.  Ce  libelle  iuju- 


BER 

rieiix  ,  diffamatoire ,  rempli  de  ca- 
lomnies contre  la  plus  grande  partie 
des  chanoines  de  l'église  métiopoli- 
laine  de  Reims  ,  fut  condamné,  par 
sentence  du  2  i  octobre  i  ySS,  a  être 
lacéré  et  brûlé  par  l'exécuteur  de  la 
Laute-justice  j  mais  il  ne  fut  pas 
prouvé  que  Bergeat  ea  était  l'auteur. 
Les  deux  épigramraes  suivantes  peu- 
vent donner  une  idée  de  ce  qu'il  a 
fait  dans  ce  genre  :  la  première  est 
de  l'année  1800. 

Trois  prélots  nuiiis  vont  sacrer  un  confrère  : 
Ils  amont  tout  au  plus  ccnl  pistolcs  entr'eux  ; 
Quel  quf*  soit  l'appareil  qui  couvre  leur  uiisère, 
lis  ne  seront  jamais  que  quatre  sacrés  gueux. 

Menton  tic  bouc,  front  de  CUinois, 
<  lEil  (le  satyre  et  langue  de  vipère. 
En  quatre  traits  ,  1  a  FerronièrCj 
J'ai  peiut  tou  cœur  cl  ton  minois. 

On  a  de  Bergeat  des  Poésies  ana- 
cvéontiques  impiimées,  des  Fables, 
Fpitres ,  Epigramines  ,  etc.  ,  dans 
le  manuscrit  de  M.  Raussin  père  ,  à 
la  bibliothèque  de  Reims.  Il  avait  tra- 
duit de  Catulle,  de  Martial,  du  Bogge 
et  d'Owen  tout  ce  que  ces  poètes 
avaient  fait  de  plus  libre.  Avec  d'au- 
tres poésies  il  en  avait  formé  un  re- 
cueil de  quatre  a  cinq  cents  pages 
in-4-°,  qui  s'est  trouvé  perdu  lors- 
qu'on vendit  sa  bibliothèque  el  sou 
cabinet  de  physique.  L — c — j. 

BEilGELLAXUS  (Jean-Ar- 
>'old),  correcteur  d'épreuves  ,  très- 
rersé  dans  la  science  typographique, 
vivait  dans  le  16"  siècle.  Il  est  au- 
teur d  un  poème  a  la  louange  de 
l'imprimerie,  en  vers  latins  hexamè- 
tres et  penlamèlres  ,  intitulé  :  Enco- 
tniinn  chnlcographicv.  La  première 
édition  est  de  Mayence,  dansl'abbaje 
de  Saint-Victor,  i54i  ,  in-4.°,  avec 
dédicace  au  cardinal  Albert ,  arche- 
vêque de  Mayence  et  marquis  de 
Brandebourg.  C'est  a  tort  que  AVal- 
kius,  écrivant  en  1608  ,  Indique  le 
poème  de  Bergellanus  corame  publié 


BER 

depuis  quatre-vlngls  aus  ;  et  plus  à 
lort  encore  que  Mente!  [Parœiiesis 
de  vera  origine  iypographiœ  , 
p.  52)  reporte  le  même  ouvrage  a 
iDio.  Le  nom  de  Charles-Quint 
mentiouné  par  Tauteur  eût  seul  du 
suffire  pour  faire  reconnaître  Terreur. 
La  seconde  édition  est  celle  que  Du- 
verdier  a  mise  a  la  fin  de  son  Supplé- 
ment à  la  Bibliollièque  de  Gesuer, 
Lyon,  i5  85,  in-folio.  La  Iroisièuic  , 
faite  sur  la  première,  se  trouve,  avec 
quelques  notes  par  Gudl. -Ernest 
Tentzel,  dans  sa  Bibliothèque  cu- 
rieuse ,  Francfort  et  Leipzig,  1704 
et  suiv.,  in-8°.  La  quatrième,  aug- 
mentée d\iue  préface  curieuse  et 
de  quelques  notes  par  Georgc-Cbris- 
ti_in  Joliannls,  est  insérée  dans  le 
troisième  volume  de  ses  Kes  ino- 
guiitiacœ  in  unum  colleclœ,  Franc- 
Ibrt ,  1727  ,  in-folio;  !a  cincpiième, 
dans  VHisioire  de  V iniprunerie  de 
Prosper  Marchand,  La  Haye,  i  740, 
in-4-°  ;  la  sixième,  dans  le  l.  i^"" 
des  IMonumenta  typograpliica  de 
Jean-Christian  WoU' ,  Hambourg, 
I  740,  2  vol.  in- 8°  ;  et  enfin  dans  le 
t.  VI  de  la  nouvelle  édiiioii  des  Bi- 
blioth.  de  Lacroixdu  MaineetDiiver- 
dier,  Paris,  1775  ,  in-^"- Naudé  et 
Mentel  Font  beaucoup  loué  5  celui-là 
comme  un  écrivain  soigneux  et  dili- 
gent ,  celui-ci  comme  ingénieux  et 
érudit.  D'autres,  sur  la  foi  de  Mall'n- 
krot,  l'ont  jugé  Irès-savant.  La  vérité 
est  que  c'était  un  poète  sans  imaginta- 
tion,  que  son  style  e:t  un  peu  bar- 
J)are,  qu  il  pccne  même  souvent  con- 
tre les  lois  de  la  versification  ,  et 
qu'on  doit  plutôt  louer  ses  efforts  que 
A'anter  ses  talents.  L'intérêt  du  sujet 
et  le  zèle  des  typographes  ont  pu  seuls 
en  multiplier  les  éditions.  Jean-Con- 
rad Zeltner  a  consacré  un  long  arti- 
cle à  Bergellauus  ,  dans  son  histoire 
latine  des  correcleurs  d'imprimerie. 


BER 


29 


Il  l'y  nomme  Jean-Antoine  au  lieu 
de  Jean-Arnold  ,  et  le  regarde  , 
mais  faussement,  comme  le  plus  an- 
cien historien   de   l'imprimerie. 

P— OT. 

BEÏlGEFi  (  Curistophe-Henri 
De),  fils  aîné  de  Jean-ilenrl  de  Berger 
(^'^oj-.cenom,  IV,  24.8),  naquit  vers 
1680  a  Wiltenberg  où  son  père, 
célèbre  jurisconsulte  ,  re.nplissait 
une  chaire  de  droit  à  l'académie. 
Christophe  lui  succéda  comme  pro- 
fesseur et  plus  tard  comme  conseil- 
ler de  l'électeur  de  Saxe.  Revêtu 
dejiuis  de  divers  emplois  ,  il  fut 
enfin  appelé,  comme  l'avait  été  son 
père,  a  la  cour  de  Vienne,  et  mourut 
couseiller  aulique  ,  en  1707,  dans  un 
îi^e  avancé.  P;irmi  les  ouvrajres  qu'il 
a  publiés  on  se  contentera  de  citer  : 
T.  Decisiones  summi  /)rovocatio- 
num  senatus  electoralis  Saxonici, 
Dresde  etLeipzg,  1720,  in-i".  Ce 
recueil  des  arrêts  de  la  chambre  des 
comples  peut  être  utile  a  consulter 
pour  la  connaissance  du  droit  public 
de  11  Saxe.  IL  Convnentatio  de 
personis  vulgo  larvis  seu  mas- 
clieriSy  Francfort  et  Leipzig,  1725, 
in-4-°,  figures.  Cet  ouvrage,  nmpli 
de  recherches  curieuses  sur  l'ori- 
gine des  masques,  est  dédié  à  l'é- 
lecteur de  Saxe  ,  Auguste ,  roi  de 
Pologne.  Ce  prince  aimait  beaucoup 
les  spectacles  et  les  fêles  {T^'oy. 
Auguste,  111,  5 0};  et  Christophe  de 
Berger  était  trop  bon  courtisan  pour 
faire,  même  indirectement,  la  criti- 
que des  goùls  de  son  souverain.  Aussi, 
loin  de  blâmer  l'usage  des  masques , 
comme  la  plupart  des  moralistes  ,  il 
ne  voit  dans  les  mascarades  qu'un 
plaisir  très-innocent.  Il  rapporte  ce- 
pendant alafin  de  son  livre  quelques- 
uns  des  règlements  publiés  en  It;ilie 
et  eu  Allemagne  ,  pour  prévenir  les 
désordres  auxquels  ces  sortes  d'amii- 


3o 


BER 


sements  peuvent  donner  lieu.  Les 
figures  des  raa.si|ues  auliques  dont  ce 
livre  tst  orné,  sont  ce 'les  que  mada- 
me Dacier  avail  données  précédi  in- 
menl  d'après  un  manuscrit  de  la  bi- 
bliothèque rovale  {Voy.  Téeewce, 
XLV,i56).*  W— s. 

BERGER  (Albert  -  Louis  )  , 
jurisconsulte  ,  naquit  k  Oldinbourg, 
en  1768.  Son  père,  fonctionnaire 
public,  homme  extrêmement  sévère, 
était  descendant  d'un  célèbre  lé- 
giste du  même  nom.  Le  j-'une  iierger, 
destiné  k  cette  carrière,  fiisfs  ét'des 
à  Gœitini^ue  ,  el  fut  placé  ensuite 
dans  Tordre  judiciaire ,  d'abord  a 
Eulin  ,  puis  k  Oldinliourg  où  il  eut 
le  titre  de  conseiller  de  cbancellerie. 
Cependant  !a  jurispiudence  ne  le  ren- 
dit pas  insensible  k  la  poésie  ,  k  l'his- 
toire ,  a  la  société,  aux  charmes  de 
la  be!le  nature.  Ayant  hérité  de  son 
père  une  fortune  considérable,  il  l'em- 
ploya k  pai  courir  TAl  emagne  ,  la 
Suisse,  la  France  et  l'Italie.  On  voit, 
par  II  relation  de  ses  voyages,  qu'il 
était  nt  observateur,  etipi  il  savait  ren- 
dre un  coiDpte  iniéres-aiit  des  im- 
pressions que  les  objets  faijaienl  sur 
lui.  Il  avait  le  projet  de  s'étab'ir 
dans  uu  beau  S:le  tt  d'y  vivre  indé- 
pendant. Peut-èlre  avait-il  un  pies- 
sentimeut  secret  de  la  fin  tragique 
qui  l'attendait  dans  sa  patrie.  On  dit 
que  son  attachement  pour  sa  mère  le 
détermina  pour  son  malheur  k  rester 
au  service  du  granJ-duc  d'O'den- 
bouig.  Ce  prince  lui  donna  sa  con- 
fiance ,  et  l'employa  aux  affaires 
diplouiatiques.  Lorsque  Napoléon 
s'emjara  du  nord-ouest  de  l'Alle- 
magne, et  en  fit  des  départements  de 
son  empire  ,  en  i  8  i  1  ,  Berger  perdit 
ses  placesj  il  fut  nomme  ensuite  mem- 
bre du  conseil  de  la  préfecture.  Au 
commeu(  enunt  de  i8i3,  Tapproilie 
desRusses  causa  un  soulèyemeat  dans 


BER 

le  tas  Weser  :  le  sous-préfet  d'Olden* 
bourg  jugea  prudent  de  se  retirer  avec 
les  autoriiés  françaises.  Avant  son 
départ,  i  institua  une  coran  is^.i(ln  de 
cinq  membres,  parmi  lesquels  il  dé- 
signa Berger  et  Fin(  k  ,  pour  gérer 
les  affaires  administratives  en  son  ab- 
sence. Cette  commission  n  exerça 
son  autorité  que  trois  joi ts.  EUemO' 
difia  légèrement  le  système  français, 
et  fit  ce  qu'elle  put  pour  apaiser 
Pémeule.  Sur  ces  entrefaites,  le  gé- 
néral Vandamme  avail  envoyé  des  se- 
cours militaires.  La  commission  fut 
cassée  ,  Herger  et  Fiuck  furent  arrê- 
tés comme  rehelles,  et  tiaduits  a 
Brème  ,  devant  un  conseil  de  guerre, 
que  Vanlamme  avait  choisi.  Berger 
se  défendit  devant  cette  commission 
avec  beaucoup  de  digni  é  5  maison 
n'écoi  ta  rien  ,  on  condamna  k  mort 
ces  deux  citoyens  estimables,  contre 
lesqut  Is  le  rapporteur  même  ne  pro- 
V0(piail  que  la  peine  de  la  prison  5  ils 
furent  fusillés  le  10  avril  i8i3. 
On  présumecjue  Vandarame^voyant  le 
nord  de  i  Allemagne  prêt  k  se  sou- 
lever, voulut  1\  ffrayer  par  un  exem- 
ple éclatant  de  sévérité.  On  a  dit 
aussi  que  le  sons-piéfet.  se  sentant 
compromis  par  sa  fnite  précipitée  , 
avait  tout  rejeté  ^^r  les  deux  hom- 
mes qui  n'avaient  pourtant  fait 
qu'exécuter  ses  ordres.  Quoi  qu'il  eu 
soit ,  la  murt  de  deux  fonctionnai- 
res généralement  estimés,  immolés 
au  despotisme  iniliiaire,  causa  une 
indignation  générale.  Quand,  après  la 
déln  rance  de  l'Allemagne  ,  le  grand- 
duc  d'Oldenbourg  eut  été  rentré  dans 
sesitats,  il  Ht  transporter  les  restes 
des  deux  victimes  dans  sa  capitale, 
où  on  leur  fit  des  funérailles  soleu- 
ne  les.  Dans  les  biographies  alleman- 
des leur  mort  u'est  représentée  que 
comme  uu  assassii.at  ,  dout  personne 
ne  recueillit  même  le  triste   fruit. 


BER 

C'est  aussi  sous  le  titre  A'' Assassinat 
de  Fiiik  et  Berger,  que  Gilde- 
meister,  a  Brème,  a  publié  la  rela- 
tion de  'eur  moi  t.  Une  autre  brocluire 
parut  daus  la  même  ville  ,  eu  1826, 
sous  le  titre  de  Souvenir  de  Fink 
et  Berger.  Ce  dernier  a  puldié  :  I. 
Studien  ,  études  ,  seconde  édiiiou  , 
1  8  1  6  ;  dans  cette  édition  on  a  rét.'bli 
les  passages  Irou.tués  dans  la  première 
par  la  censure  impériale.  II.  Brieje 
etc.  ,  lettres  écrites  pendant  un 
voyage  enllalie,  dans  les  années  1802 
et  I  8o3,  Leipzig,  1  8i3,  in-8°.  Ces 
lettres  sont  piquantes  et  spirituelles. 

D  — G. 

BERGER  (  JEA:i-ERic  ) ,  ne'  en 
Danemaik  ,  vers  1773  ,  fut  profes- 
seur a  l'université  de  Riel  ,  oîi  il  en- 
seigna d'abord  l'astronoiuie;  il  obtint , 
en  1826,  la  chîire  de  philosophie. 
St's  principaux  ouvrai^es  soit  :  I. 
Philosoph.  Dar.  stteUung  des 
PF eltalls  (Exposé  philosophique  de 
l'univers),  Alloua.  1808,  tome  F"", 
contenant  des  vues  générales.  II. 
Allgenieiiie  grand  seize  der  TVis- 
senschaft  dernatur  und  des  iMens- 
chen  (  Principes  généraux  de  la 
science  de  la  nature  et  de  1  homme), 
Altona,  1817-27.  Le  premier  vo- 
lume de  cet  ouvrage  e.st  l'analyse  de 
la  faculté  de  connaître  ,  ou  la  con- 
naissance en  général-  dans  le  second 
volume  sont  exposés  les  éléments  de 
la  connaisance  philosophiijue  de  1:\ 
nature;  le  troisième  est  destiné  a  l'ex- 
position des  éléiiients  de  l'anlliropo- 
logie  et  delà  psycologie  ^  enfin  dans 
le  quatrième  l'auteur  traite  de  l'é.h - 
que  ,  de  la  connaissance  du  droit 
philosophique  et  de  ce  qu'il  appelle 
philosophie  religieuse.  Dans  cfs  ou- 
vrages ,  l'auteur  a  exposé  des  idées 
nouvelles  sur  la  philosophif.  Ou  a 
encore  de  lui  quelques  triilés  moins 
étendus  sur  divers  objets.  Berjer  est 


BER 


3i 


raorl    le  2  3    février    i853.    D — g. 
BERGERET  (Jean-Pierre), 

bo'aniste  ,  naquit  le  26  nov.  1761, 
k  Lasseube,dans  la  généralité  d'Auch. 
Après  après  avoir  suivi  les  cours  de 
chirurgie  et  d'anatomie  à  l'ordeanx  , 
il  étudia  rhisloire  naturelle  et  vint  a 
Paris  où  il  s'attacha  surtout  k  per- 
fectionner ses  connaissances  en  bota- 
nique. Il  avait  entrepris  ,  en  1776, 
]a. Descriptiondes  plantes  quicrois- 
seiit  aux  environs  de  Paris  ;  mais 
ayant  ouvert  un  cours  de  botanique, 
il  dut  renoncer  k  ce  travail  pour  pré- 
parer ses  leçons  et  se  dévouer  a  î'in- 
btruction  de  ses  élèves.  Il  acquit ,  en 
1785  ,  une  charge  de  chirurgien  de 
]M(n-ieur  (depuis  I.o'.iis  XMII  ). 
Pendant  la  révolution,  a  laquelle  d'ail- 
leurs il  resta  complètement  étranger, 
il  reprit  l'exerciee  de  la  chirurgie 
qu'il  avait  négligée  pourlaliofani(pic, 
et^'acqui!  la  réputation  d'un  praticien 
habile.  Il  mouruta Paris,  le  28  mars 
I  8  I  3.  On  connaît  de  lui  :  I.  Remar- 
ques sur  t ouvrage  de  Paulet ,  iuli- 
tu  lé  Mémoire  sur  un  ordrede  cham- 
pignons i\\\  on  y^vl^  op^ifler  coeffés 
ou  bulbeux  ,  dans  le  Journal  de 
médecine,  octobre  1783  (tome  LX, 
358).  En  terminant  cet  aiticle,  Ber- 
gerel  dit  qu'il  avait  fait  un  travail 
plus  éteudu  sur  les  dix-sept  espèces 
de  champignons,  décrite^  par  Pauletj 
mais  que  le  docteur  Desceraet  l'avait 
prévenu.  II.  Observations  de  gros- 
sesse extra-utérine  (Journal  de  n.é- 
deeineparSedillot,  XlV,288).  III. 
Pliytononiatotec finie  universelle, 
ou  l  art  de  donner  aux  plantes  des 
noms  tirés  de  leurs  caractères , 
Paris,  Dldot  jeune,  1783-85  ,  in- 
fol.  ,  3  vol.  Cet  ait  consiste  k  dési- 
gner les  caractères  des  plantes  par 
les  lettres  de  l'alphabet.  Si  l'on  rap- 
proche ensuite  ces  lettres  ,  on  aura 
un  mot  k  l'aide  duquel  on  pourra  dé- 


3a  BER 

terminer  la  classe  ,  le  genre  el  Ycs- 
pèce  delà  plante  inconnue.  Cet  ou- 
vrage,donirexécution  est  Irès-reinar- 
quaole  pour  répotjne  ,  était  annoncé 
comme  ne  devnul  être  lire  qu'à  deux 
cents  exemplaires.  L'auteur  l'avait 
promis  en  trente  livraisons  f  mais  les 
deux  dernières  n'ont  point  paru  , 
non  plus  que  la  vingt-unième  qui  de- 
vait contenir  le  système  de  Bergeret. 
Les  exemplaires  les  plus  complets 
sont  composés  de  028  planclies  en 
noir  ou  en  couleur^  représentant 
autant  de  plantes  ,  dont  le  teste  offre 
la  dcsciiplion.  Cet  ouvrage  estmain- 
tenant  peu  recherché  ,  bien  que  ce 
soit  le  plus  important  de  l'auteur. 
W— s. 
BERGERET  (  Jean-Louis  ). 
J  oj'.  Yertron  ,  XLVIII ,  299  , 
note  I. 

BERGERO?f  (NicoLA-s) ,  avo- 
cat au  parlement  de  Paris,  naquit  à 
Bélblsy  ,  dans  le  duché  de  \  alois  , 
vers  le  milieu  du  seizième  siècle. 
Lacroix  du  Maine  [Biblioth.J'raiic.y 
tora.  11,'pag.  24-6)  le  qualifie 
«d'homuse  très-docte  et  bien  versé 
«en  sa  profession  ,  sans  faire  men- 
cc  tion  des  langues  grecque  et  latine 
«et  autres  sciences  qu'il  a  apprises 
et  es  plus  célèbres  universités  do 
«France.  »  Loisel  [Dialogue  des 
avocats  au  parlement  de  Paris  ) 
nous  apprend  que  Bergeron  «  ne 
«brillait  pas  dans  la  plaidoirie, 
«  quoiqu'il  fust  docte  aux  bonnes  let- 
«  très  et  en  droicl.  »  11  avait  ras- 
semble les  matériaux  d'une  Histoire 
valésienne  touchant  la  louange  et 
illustration  tant  du  pays  ,  que  de 
la  maison  royale  de  V  alois  ;  mais 
il  n'eu  fit  paraître  qu'un  extrait  in- 
titulé :  Le  ï'alois  Royal,  Paris, 
i583,  in  -  8°.  Cet  extrait,  qui 
eut  beaucoup  de  succès,  lut  rema- 
nié par  Ant.   Maldruc  ,   prieur  de 


BER 

Longpont,    qui   publia,   en   1622, 
un  livre  sous  le  même  titre  ,  avec  des 
augmentations.    Bergeron   peut   être 
considéré  comme  le  premier  auteur 
de  ces  tailles  svnchroniques  qui  pré- 
sentent, d'un  seul  coup  d'œil ,  la  sé- 
rie   des    principaux  événements    de 
riiistoire.  Ce  fut  en    1662  qu'il   pu- 
blia k    Paris ,   chez   Vascosan  ,    un 
Sonunaire  des  temps [i),  qui  reçut 
l'accueille  plus  favorable,  et  fut  sou- 
vent réimprimé.  La  dernière  édition, 
fiiite  du  vivant   de  l'auteur  ,   parut 
sous  la  dénoraiualion  de  Table  /us- 
ta  ri  aie ,   contenant  un  abrégé  de 
ce  qui  est  advenu  de  plus  notable 
depuis  le  commencement  du  monde 
jusqu'à  présent ,   Paris,    1684.  Il 
avait  composé  un  très-grand  nombre 
d'ouvrages  sur  les  matières  les  plus 
diverses.  On  trouvera  dans  Lacroix 
du  Bïaine  cette  nomenclature  où  l'on 
remarque   V Arbre  universel  de  la 
suite  et  liaison  de  tous  les  arts  et 
sciences  ,  d'où  l'on  pourrait  inférer 
que  Bergeron  aurait  aussi  ,  le  pre- 
mier (2),  conçu  celte  vaste  pensée  de 
présenter,  dans  un  seul  tableau,  l'en- 
semble, la  liaison  et  la  génération  des 
connaissances  humaines  ;  mais  ce  tra- 
vail n'ayant  pas  été  publié,  le  mé- 
rite de  l'invention  semblerait  devoir 
appartenir   h.    Christophe    de    Savi- 
gny  (  Voy.  ce  nom  ,    XL  ,  5i6  )  , 
qui  mit  au  jour,  en  i  687,  l'ouvrage 
intitulé  :    Tableaux  accomplis   de 
tous  les  arts  libéraux ,  etc.,  Paiis  , 


(i)  En  une  feuille  c^yj/nrare/ (Bibliothèque  fran- 
çaise (le  Duverdicr,  toiuc  111 ,  p:if;e  io6). 

{■>.)  Le  clianceliri-  Bacon  ,  lie  vei-s  la  inciiie 
éivquc  (i56i  ',  publia  aussi  vers  le  même  len:ps 
soji  Arbre  geiicutogiijue  ',  ou  Syslrmc  raisonne  des 
co  iiiaissnnces  Immuines.  Le  ci^lèbre  voyageur  La 
réroiiso  avait  considérablemeiit  iteii'iu  ,  dans 
luules  ses  ramificalions  ,  cet  arbre  généalogi- 
que ,  sur  une  feuille  grandi  aigle  ,  conten;mt 
dtr\i\  ceiït  (juatre-vingls  cercles  ou  tlivisions.  Ce 
graml  travail,  de  sa  main,  est  dans  le  cubmet  de 
l'auteur  de  celte  note,  et  atteste  les  vastes  con- 
naissances de  cet  infortuné  navigateur.    V — ve. 


BER 

Jean  cl  François  Gourraont  frères  , 
in-folio.  D'un  autre  côté  ,  nous  ap- 
prenons de  Savigny  lui  -  même  : 
«  Que  son  bon  ami  et  conseil  M.  Ber- 
«gcron  lui  a  prèle  la  main  a  dres- 
«ser  les  tableaux  qu'il  offre  au  pu- 
«  blic.j)  On  lit  aussi,  au  verso  du 
frontispice  du  livre  de  Savigny,  un 
avis  des  imprimeurs,  portant  que 
Touvrage  «  a  passé  par  la  lime  de 
«M.  Bergeron ,  qui  a  suppléé  l'ab- 
«  seuce  cl  défaut  de  Tau  leur.  »  Ainsi 
la  coopération  bien  établie  de  Berge- 
ron et  de  Savigny  a  V Encyclopédie 
on  la  suite  et  liaison  de  tous  les 
arts  et  sciences  (5),  ne  permet  plus 
de  séparer  leurs  nnms  ,  lorsqu'on  re- 
vendiquera ,  pour  la  France,  Tbon- 
neur  d'avoir  découvert  la  tige  où  vien- 
nent se  rattacher  toutes  les  branches 
des  connaissances  humniues,  et  d'a- 
voir, la  première,  développé  leur 
enchaînement  par  la  configuration 
de  Tarbre  eucyclopédiqi'e.  Berj^eron 
ajouta  un  sixième  tableau  concernant 
la  théologie,  à  la  Partition  (4-)  géne- 
rale  de  tous  les  arts  libéraux.  C'est 
dans  le  sens  des  explications  où  l'on 
vient  d'entrer  qu'il  faut  entendre  la 
note  de  Rigoley  de  Juvigny,  mise  à 
la  suite  de  l'article  Bergeron  , 
de  la  Bibliothèque  française  de  La- 
croix du  Maine.  Nous  y  apprenons  , 
d'une  manière  assez  vague  ,   qu'il  a 

(3)  I.a  première  planche  gravée  des  Tableaux 
de  Savigny  porte  ces  énonciations  dont  on  re- 
marque la  ressemblance  avec  rinliltilé  de  l'ou- 
vrage (lp  Beigeron ,  tel  qu'il  est  rajiporté  par  La- 
croix «lu  Maine. 

(4)  Olti' far^/V/on  se  ramifie  en  divisions  et 
snbriivisious  fort  nombreuses.  M.  Brunet  [Manuel 
du  Libraire,  S"^  edilieu  ,  tom.  III ,  p.  jgi)  n'a  pas 
rapjiorlé  le  titre  de  l'ouvrage  d'une  manière  fi- 
dèle. 11  a  substitué  le  v.ioX.  poriion  à  celui  depar- 
litioii.  \ju  reste,  oji  tiouve  à  la  suite  de  cet  ar- 
ticle une  note  assez  curieuse,  dans  laquelle  on 
attribue  à  Bergeron  la  première  idée  de  la  créa- 
tion de  V.ïibre  *ucj-cloj,ec/iijiie.  M.  l'abbé  BfiuUiot 
[lirogruplde  ardennaise ,  i«:Jo  .  in  8",  loni.  II  ,  p. 
370-377)  n'hesiie  pas  à  reporter  tout  le  mérite 
de  celle  invention  a  Cliristciphe  do  .'-avigny.  Les 
■vues  expriuiéis  dans  le  corps  de  notre  article 
peuveut  «oncilier  ces  diverse»  opinions, 


BER 


33 


Jait  une  Encyclopédie  ,  tradui- 
te en  portugais  par  V illalobos . 
Cette  note,  au  surplus,  n'est  tju'un 
tis>u  d'erreurs  grossières.  On  y  at- 
tiibue  a  Nicola.s  Bergeron  une  his- 
toire des  Canaries  que  son  fiU  Pierre 
publia  comme  édileur  {Voy.  l'arti- 
cle suivant).  On  place  la  date  de  la 
mort  du  père  en  i623,  bévue  qui 
a  été  répétée  par  les  continuateurs 
de  \a.r  Bibliothèque  historique  de 
la  France  (tom.  II,  pag.  6),  tan- 
dis que  ,  dans  un  autre  passage  du 
même  livre,  cette  date  est  fixée  h  l'an- 
née I  584-  (lofue  IV,  page  i  36j.  Bar- 
bier qui  a  donné,  dans  son  Examen 
critique  des  Dictionnaires  histo  ■ 
riques  (  pai^  102 — io3  )  ,  un  arti- 
cle incomplet  sur  Bergeron  ,  dit  qu'il 
mourut  avant  l'année  i584-.  Une  in- 
dication qui  nous  est  fournie  par  La- 
croix du  Maine  ne  permet  pas  d'a- 
dopter ce  sentiment,  a  Le  sieur  Bér- 
et geron  ,  dit-il,  florist ,  a  Paris  ,  celte 
«année  i584,  non  sans  prendre  la 
«peine  de  profiter  au  public  ,  eu 
«toutes  façons  dignes  d'un  homme 
a  vertueux.  5)  Si  Ton  s'en  rapportait  à 
l'avis  des  frères  Gourmont ,  impri- 
meurs, en  léle  de  l'ouvrage  de  Savi- 
gny, Bergeron  eût  été  encore  vivant, 
en  1587,  puisqu'il  aurait  revu  et  cor- 
rigé le  livre  de  son  ami  ;  mais  si  l'on 
considère  que  le  privi  ège  obtenu  , 
pour  l'impression  des  Ti.bleaux  ac- 
complis, tist  de  i584,  que  Bergeron, 
a  pu  \ts  faire  passer  par  sa  lime  , 
avant  cette  époque,  rieu  n'empéchrra 
d'adopter  l'opinion  coinmun--  qui  fixe 
la  date  de  sa  mort  k  la  fin  de  l'année 
i584.  La  billiotbèque  de  N.c.B'jr- 
gercn  est  vantée  pour  le  grand  nom- 
bre des  manuscrits  et  des  mémoires 
de  llltératurs  et  d'histoire  qu'elle 
contenait.  Les  ouvrages  de  Brre,eron 
dont  nous  n'avon.s  pas  encore  parlé 
sont  ;  I,  Procès-verbal  de  Vexécu- 


iTin. 


3a 


BER 


tion  testamentaire  de  feu  Pierre 
de  ta  Ramée,  dit  Ramus,  touchant 
la  'profession  des  mathématiques, 
instituée  par  lui ,  Paris  ,  Jean  Ri- 
clier,  1676,  in-8°.  Le  célèbre  Ra- 
mus avait  choisi  Bergeron  et  Antoine 
Loisel  pour  ses  exécuteurs  lestamcn- 
tnires.  Cet  opuscule  est  relatif  à  une 
disposition  de  son  testament  qui  créait 
une  chaire  de  mathématiques  au  col- 
lège Roval.  IL  In  régis  HenricilII 
adventum  carmen ,  Paris,  iSyzt, 
111-4°.  IlL  Description  de  l'es- 
tat  f  gouvernement  et  justice  de 
France,  Paris,  Pxicher  ,  iSy^- 
te  Ledit  œuvre  entier  n'est  encore 
«imprimé,  dit  Lacroix  du  Maine, 
«  mais  seulement  la  table  du  dessein 
a  et  projet  d'icelle.  »  L'abbé  GonjeL 
lui  aîtribue  un  écrit  satirique  inti- 
tulé •  Admonitio  Philomusi  in  gra- 
ttant Nicolaï  Bergeronii ,  juris- 
consulti,  ad  M.  Bressium,  Paris, 
i58o,in-i2.  Maurice  Bressieu,  qui 
avait  été  pourvu  de  la  chaire  de  raa- 
lliémalbiqiies  fondée  par  Ramus,  s'é- 
tait permis  contre  Bergeron  des  atta- 
ques que  le  pseudonyme  Philomusus 
cherche  à  repousser.  Déjà  ce  Bres- 
sieu avait  été  cité  en  justice  par  Ber- 
geron ,  et  condamné  à  lui  faire  ré- 
paration. Bergeron  fut  l'éditeur  du 
recueil  des  opuscules  de  Ramus  et 
d'Orner  Talon,  qui  parut  en  iSyy: 
P .  Ram.  professons  regii  et  Au- 
domari  Talœi  collectanea  ,  prcefa- 
tiones  ,  epistolœ  ,  orationes  ,  Pa- 
ris ,  in-8".  L'édition  de  la  Gra- 
mère  franco  es  e  de  Ramus,  qui  parut 
eu  rSSy,  contient  des  addilions  de 
Bergeron.  //  revisa  et  recorrigea 
nn  ouvrage  de  Claude  d'Espence  , 
intitulé  :  Deux  notables  traités, 
l'un  desquels  enseigne  combien  les 
lettres  et  les  sciences  sont  utiles 
aux  rois  ;  Vautre  contient  un  dis- 
cours à  la  louange  des  trois  lys  de 


BER 

France,  Paris,  Auvray,  iSyS, 
in- 8".  Il  enrichit  la  deuxième  édition 
des  Arrêts  de  Papon  ,  publiée  en 
i584,  de  plusieurs  décisions  nota- 
bles qu'il  avait  eu  soin  de  recueillir 
lui-même  ,  peine  que  Papon  n'avait 
pas  toujours  prise.  On  croit  qu'il  eut 
quelque  part  à  la  rédaction  du  cora- 
menlaire  de  Dumoulin  ,  sur  la  Cou- 
tume de  Paris.  Il  cultiva  aussi  la 
poésie  grecque ,  latine  et  française  5 
on  trouve  des  vers  de  sa  façon  dans  plu- 
sieurs recueils  du  temps.  L-m-x. 
BERGERON  (Pierre)  ,  fils  du 
précédent ,  naquit  a  Paris  ,  et  ,  de 
même  que  son  père  ,  suivit  d'abord 
la  carrière  du  barreau.  Il  plaida  d'une 
manière  distinguée,  et  devint  conseil- 
ler du  roi  et  référendaire  en  la  chan- 
cellerie. Il  allia  la  culture  des  lettres 
à  l'étude  des  lois ,  et  s'occupa  prin- 
cipalement de  géographie  et  de  voya- 
ges. Il  mourut  en  lôSy  dans  un  âge 
avancé.  Il  •'publié  :  I.  Traité  de  la 
navigation  et  des  voyages  de  dé- 
couvertes et  conquêtes  modernes  , 
et  principalement  des  François  , 
Pans,  1629  ,  in-8°.  Cet  ouvrage  re- 
monte au-delà  des  découvertes  des 
modernes,  puisqu'il  y  est  question 
du  voyage  du  Carthaginois  Hamion  , 
etde  quelques  autres  entrepris  parles 
anciens  •  mais  Bergeron  s'élend  beau- 
coup plus  sur  les  voyages  des  moder- 
nes, et  il  commence  ceux-ci  par  la  dé- 
couverte des  Canaries,  qu'il  rapporte 
k  la  fin  du  treizième  siècle.  Il  passe 
en  revue  tout  ce  qui  s'est  fait  depuis 
cette  époque  jusqu'au  temps  où  il 
écrivait.  Il  parle  de  foutes  ces  expé- 
ditions en  homme  qui  possédait  bien 
le  sujet  qu'il  traitait.  Il  anuonce  une 
opinion  fort  raisonnable  sur  la  pos- 
sibilité d'un  passage  par  le  ]Nord, 
et  pense  que  les  glaces  doivent  le 
rendre  impénétrable.  Parmi  les  voya- 
geurs français ,  il  en  cite  nn ,   Mal- 


BER 

herbe  de  Vitré,  qu'il  a  connu,  et  qui, 
parti  en  i58i,  a  Tàge  de  quinze  ans, 
et  revenu  en  1608  ,  avait  employé 
plus  de  vingt-sept  ans  a  parcourir  le 
Levant  ,  l'Asie  ,  l'Afrique  et  l'Amé- 
rique. A  son  retour  il  proposa  au 
roi  de  grands  et  faciles  moyens  de 
voy^ages  très-utiles  a  la  France.  Des 
hommes  ignorants  des  affaires  du  de- 
hors détournèrent  Henri  IV  d  écou- 
ter les  propositions  de  3Iallierbe. 
«  Celui-ci ,  dit  Bergeron  ,  n'a  laissé 
«  aucuns  écrits  et  mémoires  de  ses 
«  longs  voyages  ,  dont  il  ne  reste 
«  que  ce  qu'il  en  a  dit  autrefois  a 
«  quelques  curieux  de  ses  amis.  t> 
On  peut  être  surpris  de  ce  que,  parmi 
les  navigateurs  français ,  Bergeron  ne 
fasse  pas  mention  du  Dieppois  Par- 
inentier  {V^oy.  ce  nom,  XXXIII,  6). 
Il  passe  de  même  sous  silence  les  en- 
treprises maiilimes  attribuées  aux 
compatriotes  de  ce  marin.  L'ouvrage 
est  terminé  par  la  généalogie  des 
Bétbencourt ,  et  se  trouve  ordmai- 
tement  relié  avec  le  suivant.  IL  His- 
toire de  la  première  découverte 
et  conquête  des  Canaries ,  J'aite 
dès  l'an  I402  ,  par  messire  Jean 
de  Bèthencourt ,  chambellan  du 
roi  Charles  VI,  Paris,  1 6  5  0  ,  iu-8°. 
Le  litre  annonce  de  plus  que  ce  livre 

.  â  été  écrit  par  les  aumôniers  de  Be- 
tb encourt  {V oj.  ce  nom,  IV  ,  400). 
m.  Relation  des  voyages  en  Tar- 
iarie  de  F rancois-Guillaume  dû 
Rubruquis  ,  François- Jean  du 
Plan  Carpin ,  François  Ascelin 
et  autres  religieux  de  Saint-Fran- 
çois et   Saint-Dominique  ,    qui  y 

J'urent  envoyés  par  le  pape  Inno~ 
cent  IV^  et  le  roy  Saint-Louys. 
Plus  un  Traité  des  Tartares  ,  de 
leur  origine,  mœurs,  religion,  con- 
quêtes, empire,  chams'\{.d.i\s),  hor- 
des diverses  et  changements  jus~ 
qu'au/'ourdhui ;    avec   un  abrégé 


BER 


35 


de  l'histoire  des  Sarrasins  et  Ma- 
hométans,  de  leur  pays ,  peuples ^ 
religion,  guerres  ;  suite  de  leurs 
calijes  ,  rois  ,  soudans  et  de  leurs 
divers  empires  et  états  établis  par 
le  monde  ,  Patis  ,  i654.,  in -8°. 
Bergeron  dit  dans  sa  préface  qu'il  a 
tiré  une  partie  de  ces  relations  du 
recueil  de  Hakluyt  ,  que  depuis  il 
trouva  moven  de  suppléer  ce  recueil 
par  celui  de  Purcbas  ,  et  qu'enfin  il 
acbeva  le  tout  avec  l'aide  d'un  ma- 
nuscrit latin  (^.  AscELiy,  II,  562  5 
Carpts,  VII,  i85;  et  Rubruquis, 
XXXIX,  2^8).  Le  Traité  des  Tar- 
tares offre  un  abrégé  eiact  de  l'Iiis- 
toire  des  peuples  connus  alors  sous 
ce  nom  ,  qui  comprenait  les  Turcs 
et  les  Mongols.  Bergeron  y  donne 
un  sommaire  de  tous  les  voyages 
faits  dans  finlérieur  de  l'Asie  ,  et 
aussi  de  ceux  (jui  avaient  été  entre- 
pris par  nous  pour  découvrir  le  pas- 
sage du  Nord.  Dans  cet  ouvi'age, 
de  même  que  dans  le  Traité  de  la 
navigation ,  Bergeron  dit  qu'il  se- 
rait à  propos  de  faire  un  volume 
latin  de  toutes  les  diverses  relations 
de  voyages  en  Tartarie  ,  qui  serait 
le  second  tome  du  livre  Gesta  Dei 
per  Francos.  Il  ajoute  que  Bongars 
avait  eu  ce  dessein  ,  comme  ou  le 
voit  dans  la  préface  de  la  seconde  par- 
tie de  son  livrcj  et  il  finit  par  s  expri- 
mer ainsi  :  k  II  faut  attendre  tout 
ce  cela  de  quelque  curieux /Î^tous/k^ 
Cl  français  qui  encbérisse  par-dessus 
ce  la  diligence  ,  les  recherches  et  le 
«  travail  des  Italiens  ,  Anglais  et 
et  Hollandais  ,  voire  de  nos  Français 
et  mêmes  jusqu'ici.  »  Van  der  Aa,  li- 
braire à  Leyde  {V .  son  article,  I,  i) 
fit  réimprimer  la  relation  des  T"  oya- 
ges  en  Tartarie ,  et  lui  donna  ce  ti- 
tre :  Recueil  de  divers  voyages  cu- 
rieux Jaits  en  Tartarie  et  ailleurs, 
précédé  du  Traité  de  la  navi^- 

3. 


B6 


BER 


iion  et  des  voyages  de  découver- 
tes^ etc.,  par  P.  Bergeron,  Leyde, 
1729,  a  vol.  in-4",   avec  cartes   et 
figures.  La  mort  de  réditeur  ayant 
nui    au   débit    de   celte    collection  , 
Neaulme,  libraire  de  La  Haye,  l'a- 
cheta des  bériliers  et  la  fit  paraîlre 
so:is  un    litre    nouveau:    P oyages 
faits  principalement  en  Asie  dans 
les  douzième  ,  treizième  ,  quator- 
zième et   quinzième   siècles ,   par 
Benjamin    de   Tudèle,    Jean   du 
Plan  Carpin,  N.  Ascelin,    Guil- 
laume de  Rubruquis ,  31  arc-Paul 
J^enitien  ,  Ilaiton ,  Jean  de  31  an- 
deville    et   Anibroise    Contarini  ; 
accompagnés     de   l'histoire     des 
Sarrasins    et    des    Tartares ,    et 
précédés  d'une  introduction  con- 
cernant les   voyages  et   les   nou- 
velle: découvei'tes  des  principaux 
voyageurs ,  par  Pierre  Bergei'on, 
La   Haye  ,    lySo,    i    vol.    in- 4-°  3 
caries  et  figures.  Plusieurs  auteurs, 
trompés  par  le  tilre  ,  ont  cité  le  re- 
cueil de   Van  der   Aa  comme  étant 
celui  de  Bergeron  ;  mais  on  a  vu  par 
les  explicalious  données  plus  baut  la 
différence   qui  existe  entre  les   deux 
collections.    La    seconde  ,   quoique 
renfermant  plus  de  choses  que  la  pre- 
mière j  lui  est  inléi  it'ure,  parce  qu'elle 
est  faile  avec   moins   de  soin  et  de 
jugement  :  il  suffit ,  pour  s'en    con- 
vaincre  ,    de     lire    V  Abrégé     des 
T^oyages  de  IMandeville  .    où   Ton 
chercbe  vainement  plusieurs  faits  cu- 
rieux  contenus  dans  cette  relation. 
Les  cartes  et  les  planches  sont  bien 
gravées;  c'est  le  seul  éloge  qu'elles 
méritent.  Les  premières ,  conformes 
aux  connaissances  du  temps  ,  n'offrent 
aucune    recherche    critique    sur   les 
voyages    qu'elles    sont    destinées    à 
éclaircir  5   quant  aux  figures  ,    elles 
sont  purement  d'iœagination^Malgré 
ces  défauts  ,  celte  publication  de\aa 


BER 

der  Aa  est  souvent   citée  comme  le 
véritable  recueil   de   Bergeron ,    et 
quel([ues  savants  allemands  Tout  mê- 
me désignée  sous  le  titre  de  Sylloge 
Van  der  Aa  ^  ce  qui  peut  iuduire 
en  erreur  ceux  qui  consultent  leurs 
ouvrages.  Bergeron  a  rédigé,  en  gran- 
de partiesurles  mémoiresderauteur, 
les  /■  oy  âges  fameux  du  sieur  J  in- 
cent  le  Blanc,  Marseillais .,  dans 
les  quatre  parties  du  monde  ,  Pa- 
ris. i649,in-4°.  La  mort  Tempècha 
d'achever  ce  travail  ;    il  fut  terminé 
par  Coulon  ,  qui  le  fil  paraîlre  avec 
une  dédicace  et  un  avis  au  Itcleur  , 
omis  dans  la  seconde  édition  de  1 6  5  8 . 
Ce  fut  Peiresc  qui  donna  le  conseil  a 
Vincent  le  Blanc  de  confier  ses  ma- 
nuscrits k  Bergeron  dont  il  connais- 
sait la  capacité.  Celui-ci  s'élait  d'a- 
bord adonné  à  la  poésie  ;  on  trouve 
des  vers  de  sa  façon  en  tète  de  l'édi- 
tion des  œuvres  de  du  Bartas,  1610, 
in-fol.,  et  des  frères  de  Sainte-Mar- 
the ,    i633,    in -4°.    Barbier,     a 
qui   Ton  doit  divers  renseignements 
sur  Bergeron  ,  nous  apprend  qu'il  eut 
beaucoup   de  part  k  l'édition  de  la 
traduction  latine  de  la  Géograpliia 
nubiensis,  Paris,  1619  ,  in-4°  ,   et 
qu'il  a  laissé  en  manuscrit  deux  itiné- 
raires ,  l'un  italo- germanique  ,    et 
l'autre  germano-belgique.  Ce  der-  , 
nier,  fait  en  16  i  7  ,  fut  communiqué 
au  savant  Claude  Joly  ,  qui  le  trouva 
plein   de  doctrines  et  de  choses  cu- 
rieuses. E — s. 

BERGIER  (Claxjde- Fran- 
çois ) ,  avocat  au  parlement  de  Paris, 
né  a  Darnay  en  Lorraine  vers  1720, 
était  frère  du  savant  abbé  Bergier 
{Voy.  ce  noMi ,  IV,  2  54)  Il  fut  d'a^ 
bord  secrétaiie  de  M.  Dujard  ,  fer- 
mier-général ;  puis,  encouragé  par 
l'exemple  et  les  con>eils  de  son  frère, 
il  cultiva  les  lettres ,  et  publia  plu- 
sieurs écrits  auxquels  il  n'attacha  pas 


BER 

son  nom.  «  L'interprète  de  BI.  Dow , 
a  dit  Fréron,  est  connu  lui-même 
a  par  plusieurs  ouvrages  qui  fonthou- 
ct  neur  a  ses  connaissances  yy  {Ann. 
littér. ,  1769,  I,  23i).  On  peut  en 
conclure  qu'il  ne  s'était  pas  borné  au 
rôle  de  traducteur.  Cependant  on  ne 
connaît  de  Bergier  que  les  traductions 
suivantes  :  I.  Recherches  sur  les 
beautés  de  la  peinture,  Irad.  de 
Dau.  Webb,  Paris,  1765,  petit 
in-8°;  l'Année  littér.,  Mil,  37-66, 
en  offre  une  analyse  très-étendue  ; 
Fréron  en  annonça  plus  tard  une  nou- 
velle édition  ,  qui  n'a  point  paru.  II. 
Observations  sur  la  religion  ,  les 
lois ,  le  gouvernement  et  les  mœurs 
des  Turcs,  trad.  de  Porter,  Lon- 
dres (Paris),  1769,  2  part., petitin- 
8°.  III.  Dissertation  sur  les  mœurs 
lesusageSyle  langage,  lareligionet 
la  philosophie  des  Hindous  ;  suivie 
d'une  exposiliongénérale  et  succincte 
du  gouvernement  et  de  l'élat  actuel 
deTHindoustan  ,  ibid.,  1769,  in-12, 
avec  deux  pi.  Dans  un  court  avertisse- 
ment ,  Bergier  annonce  qu'il  avait 
abrégé  plutôt  que  traduit  X'Histc^re 
de  l' Hindous  tan,  par  Dow  {F  oy 
ce  nom,  XI,  63  0);  mais  qu'avant  d'of- 
frir son  travaU  au  public,  il  avait  cru 
devoir  lui  présenter  ces  deux  mor- 
ceaux ,  digues  d'exciter  sa  curiosité, 
en  y  joignant  les  notes  de  Holwol. 
La  traduction  de  l'ouvrage  entier 
de  Dow  est  restée  inédite.  IV.  £"5- 
sai  sur  la  société  civile  ,  irad. 
(avec  Demeunier)  de  Fergusson  ,  Pa- 
ris, 1783,  2  vol.  in-12  Dans  le 
privilège  pour  l'impression  ,  le  tra- 
ducteur est  nommé  Bergier  de  Se- 
uonges  ;  c'est  un  village  de  Lorraine 
dont  probablement  il  avait  le  fief, 
Bergier  mourut  h  Darnav  en  17845 
et  c'est  par  erreur  qu'Ersch ,  dans 
sou  premiei- Suppl.  k  la  France  lit- 
tér..^ dit  qu'il  vivait  en  1790.  VV-s. 


BER 


37 


BERGLER  (Joseph),  directeur 
de  racadéniie  des  arts  à  Prague  ,  na- 
quit à  Salzbourg  le  i'"'  mai  1755  , 
et  passa  une  grande  partie  de  sa  vie 
a  Passau,  oii  son  père,  statuaire  de  l'é- 
vèque,  lui  enseigna  les  premiers  élé- 
ments de  dessin  et  de  peinture.  Le 
talent  qui  se  développait  cbez  le  jeune 
Bergier  donnant  de  grandes  espéran- 
ces, ce  prélat  l'envoya  faire  un  voyage 
en  Italie  ,  en  1776.  Il  séjourna  d'a- 
bord a  Milan,  où  il  travailla  pendant 
quatre  ans  sous  la  direction  de  Mar- 
tin Knoller,  peintre  de  la  cour.  Ber- 
gier quitta  ensuite  cette  ville  ,  et  après 
avoir  admiré  les  ouvrages  des  grands 
maîtres  à  Parme,  a  Bologne,  à  Flo- 
rence, se  rendit  a  Rome,  oîi  le  cbe- 
valicr  Maron  ,  artiste  du  plus  grand 
mérite,  le  prit  sous  sa  protection 
spéciale.  Après  trois  ans  d'études  as- 
sidues, il  concourut  r)our  le  prix  de 
peiulure  (Samson  chez  les  Philis- 
tins) a  l'académie  de  Parme,  et  ob- 
tint la  médaille  d'or.  La  réputation 
qu'il  s'acquit  par  ce  beau  travail ,  lui 
valut  de  nombreuses  commandes  dans 
toute  l'Italie.  Après  cinq  ans  de  sé- 
jour dans  le  sanctuaire  des  arts  ,  il 
retourna  dans  la  maison  poternelle. 
S'élant  lixé  a  Passau  ,  il  devint 
peintre  du  cardinal  Aversberg,  et  fut 
nommé  écuyer  de  la  cour.  Lorsque, 
en  1800,  une  école  des  arts  fut  créée 
h  Prague,  Bergier  dut  a  sou  talent 
d'être  appelé  pour  organiser  cet 
utile  établissement  ,  et  peu  de 
temps  après  il  fut  nommé  direc- 
teur de  l'acadénie  des  arts.  11  a  occu- 
pé ce  poste  honorable  pendant  29 
aus  avec  un  zèle  infatigable.  C'est 
de  cette  époque  que  les  arts  ont  pris 
uu  essor  remai  quable  en  Bohème  : 
beaucoup  d'artistes  distingués  sont 
sorlis  de  cette  école.  Lorsque  le 
ministre  aulrlcbicnKollowrat, nommé 
gouverneur  delà  Bohème,  cherci  a  à 


BER 


BER 


y  révei  1er  le  goùl  des  arts,  qui  de- 
puis deux  sièiles  y  était  assoupi,  il 
trouva  dans  Bergler,  quoique  déjà 
avancé  en  âge  ,  un  zélé  collaborateur. 
Bergler  a  produit  un  grand  nombre 
d'ouvrages  importants ,  parmi  les- 
quels est  un  Cyclus  en  70  feuilles, 
tiré  de  l'Iiisloire  de  la  Bohème.  Sou 
atelier  et  ses  porlefeuilles  offraient 
de  grandes  jouissances  aux  ama- 
teurs. On  cite  parliculièiement  trois 
tableaux  a  1  bu  de  qu'il  fit  pour  le 
comte  Kollovvrat,  et  qui  représenleiit 
des  scènes  prise»  dans  les  temps  re- 
culés de  la  Bobème  :  Libiissa  au 
bourg  de  PV issherad ,  décidant  une 
conleslation  entre  deux  frères  pour 
l'héritage  de  leur  père  ;  le  Jugement 
féodal  du  duc  Spitignew  II,  et  la 
Délivrance  de  Charles  IV ,  à  Pise, 
par  les  chevaliers  hongrois,  et  nolaai- 
ment  par  les  trois  frères  Kollowrat. 
Bergler  mourut  a  Prague,  le  a 5 
jum  1829.  Z. 

BERGMULLEll  (Jean-Geor- 
ges), peintre  et  graveur,  né  a  Dirck- 
heim  (lîavière)  en  1687,  mort  a 
Augsbourg  en  i  762,  dut  a  de  furies 
études  ,  à  uu  goùl  sévère  et  aux  dis- 
positions les  plus  heureuses,  la  répu- 
talion  brillante  dont  il  joultcîans  toute 
l'Allemagne.  Imitateur  enthousiaste 
de  Carie  Maratte,  il  prit  sa  manière, 
traita  avec  bonheur  plusieurs  sujets 
d'histoire,  qu'il  grava  eiibuile,  et  mania 
avec  une  habileté  peu  commune,  avec 
une  finesse  de  trait  et  une  douceur 
d'expression  charmantes  le  burin  elle 
pinceau.  Deux  ouvrages ,  dont  l'un 
traite  de  la  structure  de  l'homme  et 
l'autre  de  l'architecture,  ajoutèrent 
encore'a  la  renommée  de  BergmuUer. 
Plusieurs  princes  d'Allemagne  le 
comblèrent  de  bienfaits 5  il  fut  appelé 
à  la  cour  de  réleclcur,  et  nommé 
directeur  de  l'académie  d'Augsbourg, 
fondions   qu'il  remplit   avec  beau- 


coup d'honneur.  BergmuUer  a  gra- 
yé  presque  tous  les  sujets  peinlq 
par  lui.  On  cite  parmi  ses  estampes: 
1°  Le  Baptême  de  Jésus-Christ  ; 
2-^  la  Résurrection ,  la  Transfi- 
guration, l'Ascension  j  5°  la 
Mort  de  saint  Joseph;  4^°  une 
Sainte  FuJuille  ;  5"  Saint  Domi- 
nique recevant  le  Rosaire  des  mains 
de  l'Enfant- Jésus;  G"  Saint  Thomas 
baisant  les  pieds  de  l'Eufant-Jésus; 
7"  uue  Sainte  Catherine  ;  8*  cinq 
pièces  représentant  la  Crainte  de 
Dieu,  la  Force,  la  Piété,  la  Scien- 
ce, le  Conseil;  g°  un  Sujet  e/w- 
hlématique  sur  les  malheurs  du 
temps  ;  10°  la  Justice  et  la  Paix; 
II"  les  Signes  du  Zodiaque  ;  12° 
les  quatre  Saisons,  etc.  L'œuvre 
de  cet  artiste j  soit  peinture,  soit 
gravure,  est  presque  toujours  marqué 
des  lettres  initiales  J.  G.  B.,  ou  d'un 
chiffre  particulier  n'appartenant  qu'à 
lui.  B — N. 

BERGOEING  (François), 
né  k  Sl-Macaire  vers  1755,  était 
chirurgien  a  Bordeaux  ,  lorsqu'il  fut 
député,  en  1793,  a  la  convention 
nationale  par  le  département  de  la 
Gironde.  11  suivit  dans  celte  assem- 
blée la  bgne  tracée  par  la  députa- 
lion  a  laquelle  il  appartenait,  et  vota 
dans  le  procès  de  Louis  XVI  ,  pour 
la  détention  jusqu'à  la  paix,  pour 
l'appel  au  peuple  et  pour  le  sursis  \ 
l'exécution.  Dans  le  mois  de  mars 
1795,  il  fit  partie  de  cette  com- 
mission des  douze  chargée  de  sur- 
vedler  la  commune  de  Paris,  ce 
foyer  d  intrigues anarchiques,  et  qui, 
sous  l'influence  de  Billaud-Varen- 
nes  ,  de  Marat  et  de  Robespierre  , 
préparait  la  révolution  du  5  i  mai. 
Bergoeing  y  déploya  quelque  énergie, 
et  il  fit  imprimer  peu  de  jours 
avant  celte  terril)le  révolution  , 
uue   brochure  où   il   attaqua    avec 


BER 

force  les  Jacobins.  C'est  pour  cetle' 
hrocliure  surtout  qu'il  fui  dénoncé 
à  plusieurs  reprises  a  la  conven- 
tion ,  notamment  par  Rourdou  de 
l'Oise,  qui  demanda  sou  arrestation. 
Il  offrit  alors  sa  démission  :  mais,  vain- 
cue par  l'audace  et  la  fureur  de  ses  en- 
nemis ,  la  commission  des  douze  fut 
bientôt  dissoute,  sur  laprnposiiion  de 
Barère  ;    et   lorsque  le  triomphe  du 

f)arti  de  laMontague  fut  complet,  par 
a  révolution  du  3i  mai  ,  Bergoeing 
fut  mis  hors  la  loi  dans  la  séance 
du  2  juin.  Assez  heureux  pour  se 
soustraire  "a  ce  terrible  décret ,  il 
ne  reparut  à  la  convention  nationale 
qu'aprèsle  9  thermidor.  Alors,  déplus 
en  plus  opposé  k  la  faction  des  terro- 
ristes, il  la  combattit  avec  beaucoup 
d'énergie  dans  la  journée  du  i*'" 
prairial  an  III  (20  mai  1796),  lors- 
que la  populace  des  faubourgs  Ht 
craindre  au  parti  ihermidorien  une 
révolution  pareille  a  celle  du  3i  mai 
1793  (  P'oy.  Boissy-d'Anglas  ,  au 
Supp.).  Après  cet  événement,  Ber- 
goeing  entra  au  comité  de  sûreté 
générale;  et  il  s'y  trouvait  encore  a 
l'époque  du  i  3  vendémiaire  an  lY  , 
lorsqu'il  eut  a  lutter  contre  une  fac- 
tion bien  différente  des  terroristes  : 
c'élait  la  population  de  Paris  pres- 
que tout  entière  que  l'on  crut 
alors  influencée  et  dirigée  par  les 
royalistes.  Bergoeing  combattit  ce 
parti  avec  non  moins  d'énergie  qu'il 
avait  combattu  les  anarchistes,  et  peu 
de  jours  après  il  appuya  vivement  la  loi 
du  3  brumaire,  qui  excluait  des  fonc- 
tions publiques  les  parents  d'émi- 
grés. Il  se  plaignit  ensuite  avec 
amertume  d'avoir  trouvé  des  écrits 
royalistes,  même  dans  la  distribution 
qui  lui  avait  été  faite  comme  député. 
Devenu  membre  du  conseil  des  cinq- 
cents  ,  lors  de  rétablissement  de  la 
constitution  de  l'an  III ,  Bergoeing 


BER  39 

y  coopéra  de  tout  sou  pouvoir  a  la 
révolution  du  18  fructidor  (sept. 
1797),  elil  fil  maintenir  son  collègue 
Dupral  sur  la  liste  des  déportés.  Sa 
position  et  tous  ses  antécétienis  de- 
vaient le  faire  entrer  naturellement 
dans  le  complot  qui  prépara  le  i  8 
brumaire  •  mais  sou  intimité  connue 
avec  Barras  ne  permit  pas  aux  conju- 
rés de  lui  rien  communiquer  a  cet 
égard  ;  et  ,  après  cette  révolution  , 
Bergoeing  n^eut  aucune  pari  aux 
faveurs  et  aux  emplois  que  distribua 
le  nouveau  consul.  Cependant  Murât, 
qui  l'avait  connu  dans  les  salons  du 
directoire  ,  le  fit  venir  a  Naples , 
lorsqu'il  en  fut  le  souverain,  et  lui 
donna  une  place  de  peu  d'importance^ 
qu'il  conserva  jusqu'à  la  cliute  de 
son  protecteur,  en  181 5.  Revenu 
dans  sa  patrie,  Bergoeing  y  esl  mort 
peu  de  temps  après,  l^a  brochure 
qu'il  fit  imprimer  en  1793,  et  réim- 
primer dans  l'an  III  (  1795)  (in-8'' 
de  78  pages) ,  est  fort  curieuse  5  elle 
a  pour  titre;  La  longue  conspira- 
tion des  jacobins  pour  dissoudre 
la  convention  nationale ,  prouvée. 
C'est  ime  pièce  importante  pour 
l'histoire.  L'auteur  trace  le  tableau 
des  travaux  de  la  commission  des 
douze  ,  qui  tenait ,  dit  Bergoeing  , 
tous  les  fils  de  la  conspiration  ourdie 
aux  jacobins  pour  donner  un  dicta- 
teurà  la  France.  Bergoeing  adressa 
cette  brochure  à  ses  commettants 
et  à  tous  les  citoyens  de  la  répu- 
blique. Il  y  porte  a  dix  mille  le 
nombre  des  victimes  dans  les  massa- 
cres de  septembre.  Il  donne  drs  ex- 
traits des  séances  de  la  commune  de 
Paris,  d'un  grand  nombre  de  décla- 
rations ,  de  déposiliens  laites  à  la 
commission  des  douze,  de  noies  et  de 
letlres  qui  lui  furent  adressées  par 
Thomas  Payue,  Amelot ,  etc.;  le 
texte    d'une   horrible   proclamation 


4o 


BER 


adressée  axwjrères  et  amis,  et  si- 
gnée :  les  administrateurs  du  comité 
ds  salut  public  (  de  la  commune  de 
Paris)  ,  Panis ,  Sergent,  Marat , 
etc.  ,  constitués  par  la  commune 
et  séants  à  ht  mairie,  eic.  M — d  j. 
BERGOX  (  le  comle  Josepii- 
Alexandhe)  ,  né  à  Rjirabel,  dans  le 
Rouergue,  en  ly^i  ,  débuta  dans  le 
barreau,  à  Paris,  et  abandoniiacette 
carrière,  lors  de  l'exil  du  parlement 
sousle  ramislèie  Mau|ieou,pourse  li- 
vrer exclusivement  aux  lettres.  Il  com- 
posa ;ilors  un  grand  nombre  d'écrits 
sur  différentes  matières  ;  plusieurs  fu- 
rent publiées  sous  le  voile  de  l'anony- 
me ,  d'autres  avec  son  nom  ,  et  la  plus 
grande  partie  restèrent  manuscrits, 
et  ne  seront  probablement  jamais  im- 
primés. Les  seuls  que  l'on  connaisse 
aujourd  hui  sont  un  Eloge  du  mare" 
chald'Estrées ,  un  Eloge  de  C'iai- 
j^aut  et  un  autre  de  Restout.  Mais 
renonçant  bientôt  au  slérile  mélier 
d'auleur,  Bergon  à  l'âge  de  vingt- 
six  ans,  eutra  dans  la  carrière  de  Tad- 
minislration,  fut  nommé  secrétaire 
des  intendances  d'Aucb  et  de  Pau  , 
et  quelques  années  après  (1780) 
obtint  du  roi  une  pension  de  cent 
louis.  Ses  connaissances  auj^raentant 
avec  sa  réputation,  il  fui  nommé  suc- 
cessiTement  chef  de  division  au  con- 
trôle général  et  directeur  de  corres- 
jîond  '.nce  a  l'administration  de  l'en- 
reg'slreraent  et  des  domaines,  et 
enfin  intendant  de  Bi;;oire.  Bergon 
se  montra  partisan  modéré  de  la 
révolutou  ,  et  il  se  fit  peu  remar- 
quer pendant  la  terreur.  Le  gouver- 
nement cotisuhiire  ayant  en  é  en  1802 
une  admini^lration  des  forèls  ,  il  fut 
nommé  l'un  des  cinq  administrateurs 
avec  Gossuin  ,  Chauvet  ,  Allaire  et 
Guehentuc;  et,  le  4^  avril  1806  , 
il  en  devint  le  d  recteur  général,  avec 
le  litre  de  comle  et  celui  de  conseil- 


BER 

1er  d'état.  Il  a  conserve' cet  important 
emploi  pendant  toute  la  durée  du 
gouvernement  impérial.  Cependant 
il  jouissait  de  peu  de  faveur  auprès 
de  Napoléon  ,  et  il  y  a  lieu  de 
croire  qu'il  se  ressentit  trop  souvent, 
sous  ce  rapport,  de  la  disgiâce  du 
général  Dupont ,  son  gendre  ;  il  est 
même  probable  que  cette  considéra- 
tion fut  pour  beaucoup  dans  l'empres- 
sement qu'il  monlraen  1 8 1 4- au  retour 
des  Bourbons.  Il  adressa  à  Monsieur, 
comte  d'Artois,  le  17  avril,  au  nom 
du  conseil  d'état,  une  harangue  pleine 
d'enthousiasme,  et  qui  commençait 
ainsi  :  a  Enfin  les  fils  de  saint  Louis 
et  de  Henri  IV  nous  sont  rendus  !..  » 
Bergon  refusa  de  servir  Napoléon 
pendant  lesccnt'jours  de  1 8  i  5;  et, aus- 
sitôt après  le  retour  deLouisXV  III, 
il  fut  rétabli  dans  le  conseil  d'état, 
oiî  il  est  rest^  jusqu'à  sa  mort.  Il 
succomba  le  16  octobre  1824-  a  une 
attaque  d'apoplexie  ,  âgé  de  quatre- 
vingt-ijuatre  ans.  M — DJ. 

BERIXGER  (Jean-Barthéle- 
Mi-Adam  (i)),  médecin  et  naturaliste 
allemand ,  vivait  au  commencement 
du  18^  siècle.  Ses  talents  lui  avaient 
mérité  la  confiance  de  1  évèque-prince 
de  Wirtzbourg  et  une  chaire  à  l'uni- 
versité de  cette  ville.  Passionné  pour 
les  curiosités  naturelles,  il  les  amas- 
sait sans  choix  ,  et  metlail  surtout  un 
grand  prix  aux  productions  mons- 
trueuses. Ce  goùl  pour  les  choses  bi- 
zarres donna  l'idée  au  P.  Rodrick  , 
ex-jésuite,  d'essayer  jusqu'où  il  pous- 
serait la  crédulité.  Ayant  fabriqué  des 
pétrifications  représentant  toutes  sor- 
tes d'animaux  et  de  plantes,  il  les  fit 
présenter  à  Beiinger,  qui  les  acheta 
fort  cher,  et  en  encouragea  la  re- 
cherche. Le  malin  jésuite  le  servit  k 
souhait.  Dès  que  Beringer  en  eut  une 

\i)  Carrère  le  uomma  mal  Julius\ 


BER 

coUeclîon  assez  considérable,  ne  pou- 
vant résisler  au  désir  de  les  faire  con- 
naître au  monde  savant .  il  compo- 
sa sur  ces  prétendues  péliificalions 
une  thèse  qu'il  fit  soulenir  publique- 
ment par  Georges-Louis  Hueber,  son 
élève,  et  la  publia  sous  ce  titre  : 
Lilhographiœ  liirceburgensis  , 
ducenlis  lapidimi  Jiguratorum .  à 
potiovi  inseciiforrnium  prodigiosis 
iniaginibus  exornalœ  ,  spécimen 
primum.  Dissertatio  innugicraLsà 
G.-L.  Hueber  (2),  Wirtzbourg, 
1726,  in-folio  de  ^6  pag.  et  2  i  pi. 
Averti  peu  de  temps  après  de  la 
tromperie  qu'on  lui  avait  faite,  Be- 
ringer  retira  tous  les  exemplaires  de 
son  ouvrage  qu'il  parvint  a  recouvrer; 
mais  ne  pouvant  se  résoudre  a  les  dé- 
truire ,  il  les  garda  dans  son  cabinet. 
Après  sa  mort  ils  furent  achetés  par 
un  libraire  de  Leipzig  ,  qui  les  fit  pa- 
raître avec  un  nouveau  frontispice  , 
portant  le  nom  du  véritable  auteur, 
sous  ce  titre  :  Lithographia  TVirce- 
biirgensis ,  editio  secunda ,  Franc- 
f'orl  et  Leipzig,  1767.  Les  amateurs 
ne  recherchent  cet  ouvrage  qu'avec 
le  premier  titre.  Leschevin  a  donné 
dans  le  liJagasin  encj'clopédique, 
1808,  VI,  I  16-128,  la  oescriplioQ 
et  l'histoire  de  ce  livre  singulier,  qui 
avait  aussi  induit  en  erreur  le  rédac- 
teur du  catalogue  de  Faujas  de  St- 
Fond.  On  connaît  encore  (le  Beringer: 
L  Connubium  galenico-hippocia- 
ticiirn ,  sive  idea  institutionum 
medicinœ  rationalium,  WirI  zbourg, 
1708,  in- 8".  IL  Tracta  tus  de  con- 
servanda  corporis  humani  saiti- 
tate ,  ad  eamdemque  conservan- 
dam  necessariis  et  hon  necessariis 
rebus/\\)ià.,  1710,  in-8°.  111.  Z)/5- 


(2)  Trompé  par  le  titre,  Michault  attribue  cette 
thèse  à  Hueber,  dans  ses  Mélanges  hislorii/ues  et 
philologiques ,  1,  i42  ,  où  il 'lonne  d'^iilleurs  une 
idée  assez  «xacle  de  o«  singulier  ouvrage^ 


BER 


4i 


sertatio  depeste, l^xircmhcr^.iqxi^ 
in-4-^.  IV.  Plantariim  quarumdam 
exolicarum  pereimiuni  in  horto 
medico  Herbipolensi  1721  evecto 
catalogus  ,  Wirtzbourg  ,  1722  , 
in-fol.  C'est  un  catalogue  purement 
nominal.  V.  Dissertatio  de  emeti- 
cis  sive  vomitoi iis ,  ihid.  ,  1725  , 
in-4.°.  On  a  encore  de  Beringer  un 
manuel  de  chimie  en  latin  (Wirtz- 
bourg, 1756.  in-4.")  cl  une  descrip- 
tion ,  en  langue  allemande  ,  des 
eaux  minerait  s  de  Kisslngen  fibid., 
1708,1  -8).  J — D — >  et  W — s. 
BERIXGTOX  ou  BER- 
RIXGTOX  (Joseph),  historien 
anglais  ,  naquit  dans  le  comté  de 
Shrop  ,  vers  1760,  de  parents  ca- 
tholiques ,  et  fut  envové  fort  jeune 
en  France  au  collège  de  Saint-Omer, 
destiné  principalement  a  l'éducation 
des  éliangers  qui  voulaient  se  vouer 
au  sacerdoce.  Effectivement  ,  il  en 
exerça  les  fonctions  en  E'rance  pen- 
dant vingt  ans  5  puis  il  revint  en  An- 
gleterre ,  et  il  fut  nommé  en  1 8  1 4-  , 
curé  de  Buckland,  près  d'Oxford, 
où  il  mourut  en  1820.  Comme  mi- 
nistre de  la  religion,  Beringlon  ma- 
nifesta souvent  ,  et  avec  beaucoup  de 
franchise,  des  opinions  que  ses  supé- 
rieurs regardèrent  sinon  comme  hété- 
rodoxes ,  du  moins  comme  houleuses. 
On  a  de  lui  la  Vie  d' Abeilard  et 
d'Hélo'ise  ,  T784,in-4°,  ouvrage 
qui  eut  tn  pende  temps  trois  éditions 
(la  dernière  est  de  i  7  8  7 ,  2  vol.  in-8''), 
et  \' Histoire  du  règne  de  Henri  11 
(roi  d'Angleterre),  el  de  Richard  et 
Jean,  ses  Jils  ^  en  anglais,  1790, 
iu-4.".  Traduit  en  patie  par  Tluim. 
Payne,  ce  morcea  ■  d'histoire  est  de- 
venu ["Histoire  de  Jean  -  sans- 
Terre  ,  roi  d' Angleter/  e  ,  Paris, 
1821,  in-S"  Mais  le  véritable  titre 
de  Beringlon  à  la  reconu  lissance  des 
savants  est  son  Histoire  littéraire 


4a 


BgR 


du  moyen  âge  ,  dout  les  deux  pre- 
miers livres,  contenant  les  huit  pre- 
miers siècles  de  Tère  chrélieuue  ,  pa- 
rurent en  1  8 1 4-  5  et  doul  il  donna  la 
suite  en  I  8  I  6.  Cet  ouvrage,  qui  man- 
que souvent  de  méthode  et  toujours  de 
hautes  vues  et  de  profondeur ,  a  été 
traduit  en  français  par  A.- M. -H. 
Boulard  ,  mais  morcelé  en  sept  par- 
ties différentes,  qui  forment  comme 
des  traités  a  part  ,  et  qui  sont  :  i° 
Histoire  littéraire  des  huit  pre- 
miers siècles  de  l'ère  chrétienne  , 
depuis  Auguste  jusquà  Charle- 
magne ,  Paris,  i8i4,  ^-8".  2° 
Histoire  littéraire  des  neuvième 
et  dixième  siècles,,  Paris,  1826  , 
in- 8.  5°  Histoire  littéraire  des 
onzième  et  douzième  siècles  ,  Pa- 
ris,  1818,  in- 8°.  ^°  Histoire  lit- 
téraire du  treizième  siècle ,  Paris , 
1821  ,  in- 8".  b°  Histoire  littéraire 
du  quatorzième  siècle  et  de  la  moi- 
tié du  quinzième  y  Paris,  1822, 
in- 8°.  6°  Histoire  littéraire  des 
Grecs,  Paris,  1822.  7°  Histoire 
littéraire  des  Arabes  ou  des  Sar~ 
rasins ,  Paris,  1823.  Toutefois,  il 
est  nécessaire  d'ajouter  que,  quoique 
Berington  ait  le  mérite  d'avoir  pré- 
senté comme  un  conspeclus  général 
des  élémenls  de  l'histoire  littéraire  du 
moyen  âge  ,  il  est  loin  d'être  complet, 
et  que  le  tableau  du  mouvement  in- 
lellectael  de  cette  grande  époque  at- 
tend encore  un  peintre  et  un  histo- 
rien. P — OT. 

BERKELIUS  ou  BERKEL 

(Abraha'm),  philologue,  né  vers  i  65  0 
à  Leyde,  fréquenta  d'abord  les  éco- 
les de  médecine  5  mais  pressentant 
qu'il  s'était  trompé  sur  sa  vocation, 
il  revint  a  l'étude  des  lettres,  et  fit 
de  rapides  progrès  dans  les  langues 
grecque  et  latine.  Ses  talents  l'ayant 
bientôt  fait  connaître,  il  fut  pourvu 
d'uoe  chaire  a  l'académie  de  Délit , 


BER 

et  dans  la  suite  il  en  devint  recteur. 
Animé  du  désir  de  marcher  sur  les 
traces  des  Heiusiusel  des  Gronovius, 
il  voulut  h  leur  exemple  s'illustrer  en 
publiant  des  éditions  plus  correctes 
des  anciens  auteurs.  Le  hasard  ayant 
fait  tomber  son  choix  sur  le  Diction- 
naire géographique  d'Etienne  de 
Bjzance  ,  dont  il  ne  nous  est  parvenu 
qu'un  mauvais  extrait,  Berkel  con- 
sacra le  reste  de  sa  vie ,  avec  un  dé- 
vouement moins  rare  à  celte  époque 
qu'il  ne  le  serait  de  nos  jours ,  a  ré- 
tablir ce  précieux  ouvrage  d'après  le 
plan  primitif  de  l'auteur.  II  en  était 
occupé  déjà  depuis  plusieurs  années, 
lorsque  le  bruit  se  répandit  que  Hols- 
tenius  venait  de  découvrir  a  Rome 
«n  manuscrit  d'Etienne  de  Byzance  , 
qu'il  se  proposait  de  pu  lier.  Par  la, 
Beikel  se  ^erait  trouvé  privé  de  tout 
le  fruit  qu'il  attendait  d'un  travail 
qui  lui  avait  coulé  tant  de  soins  et 
de  faligaes ,  que  la  langue  ni  la  plume 
nepourraienl  en  donner  une  idée  (1). 
Heureusement  pour  lui,  la  nouvelle 
n'étall  pas  tout-k-fait  exacte.  Il  re- 
prit courage  ,  et  mit  euBn  la  dernière 
n.ain  à  son  travail  ;  mais  il  ue  devait 
pas  jouir  du  plaisir  d'en  voir  le  suc- 
cès. Berkel  mourut  eu  i  688  ,  âgé  de 
moins  de  60  ans,  pendant  l'impres- 
sion ,  qui  fut  achevée  par  Gronovius. 
Son  édition  A  Etienne  de  B}za?ice 
a.  été  appréciée  dans  cette  Biographie 
par  M.  Walckenaer,  l'un  des  juges 
les  plus  compétents  pour  tout  ce  qui 
concernel'ancienne  géographie.  C'est 
le  principal ,  mais  non  pas  le  seul 
titre  de  Berkel  a  l'estime  des  savants. 
Ou  lui  doit  encore  :  1.  Une  édition 
du  Manueld' Epictète,  etc.,  Leyde, 
1670,  in-8".  Elle  fait  partie  de  l'an- 
cieune  collection  des  V ariorum.  IL 


(i)  Nec  lingud  exprimi  nec  calama  delineari 
posset.  C'est  ce  que  Beikel  dit  lai-mémedans  sa 
préface. 


BER 

Une  éditioa  des  Métamorphoses 
d'Auloniuus  Llberalis,  ibid.,  1674, 
iu-i2.  A  la  même  époque,  Thomas 
Muncker  en  fit  paraître  ,  à  Am- 
sterdam, une  autre  édition,  dont 
le  succès  conlraiia  beaucoup  Berkel. 
Furieux  ,  il  prétendit  que  Mun- 
cker lui  devait  ses  plus  heureuses 
explications ,  et  signala  dans  le  tra- 
vail de  son  rival  de  simples  er- 
reurs typographiques  comme  autant 
de  fautes  inexcusables.  Mais  son 
Injustice,  loin  de  nuire  à  Muncker, 
ne  servit  qu'a  mieux  assurer  la  supé- 
riorité de  son  travail  {Voyez'\\\, 
MuxCKER  ,  au  Supp.  ).  Berkel  ayant 
annoncé  qu'il  possédait  un  fragment 
inédit  des  Fables  d'Hjgiii  , 
Heluslus  le  lui  demanda  pour  Fen- 
vojer  a  Scbeffer,  qui  venait  de  don- 
ner une  bonne  édition  d'Hjgin  ;  mais 
Berkel  le  refusa,  prétendant  qu'il 
travaillait  lui-même  sur  cet  ancien 
mythographe;  on  voit  par  une  lettre 
deGraevlusde  1676  qu'on  lui  annon- 
çait qu'une  éd.  d'Hygin,  par  Berkel, 
venait  de  paraître  5  mais  cette  nou- 
velle était  fausse.  III.  Genuina 
Stephani  Bj^zantiiii  de  urbibus  et 
populis  fragmenta  ;  cwn  HannO' 
iiis  periplo,  gr.-lat.,  Leyde,  1674., 
in-8°.  Cette  édition  du  texte  du  Pé- 
riple d'Haunou  ,  est  la  seconde. 
Les  observations  dont  elle  est  accom- 
pagnée sont  tirées  de  la  Géographie 
sacrée ,  de  Bochart  (  Foj.  Han- 
NON ,  XIX,  384.).  Quant  aux  frag- 
ments d'Etienne  de  Byzance  ,dont  le 
principal  concerne  Dodone,  ils  avalent 
déjà  paru  précédemment ,  et  ils  ont 
été  reproduits  par  Gronovlus  dans  le 
tome  VII  du  Thesaur.  antiquit. 
grœcar.  {Voy.  Etienne  de  By- 
zance, XIII,  44-4)-  On  trouve  dans 
le  Sylloge  de  Burmann  (  II,  65  i- 
55),  trois  Lettres  de  Berkel  kNicol. 
Blaacard.  —  Berkel  (/«««s),  fils 


BER 


43 


du  précédent  ,  nous  apprend  lui- 
même  (préf.  des  Z?<55erZ.  selectœ) 
qu'il  n'avait  que  i3  ans  a  la  mort  de 
sou  père.  Il  était  donc  né  vers  1675. 
Heluslus  et  Gronovlus  se  chargèrent 
de  diriger  son  éducation  j  et  il  dut 
faire  de  rapides  progrès  sous  de  si 
grands  maître^.  Il  n'avait  que  20  ans 
lorsqu'il  entreprit  de  venger  la  mé- 
moire de  son  père  des  reproches 
d'Etienne  Morin ,  qui  l'accusait  de 
s'être  approprié  les  remarques  qui 
lui  avaient  été  communiquées  par  di- 
vers suivants  sur  Etienne  de  Byzance, 
sans  leur  en  témoigner,  comme  il  le 
devait,  la  moindre  gratitude.  Janus 
était  recteur  de  l'académie  de  Dor- 
dreclit,  en  i  704.  Cette  même  année 
il  publia  un  recueil  intitulé  :  Disser- 
tationes  selectœ  crilicœ  de  poëtis 
grœcis  et  latinis,  Leyde,  1704  ou 
1707,  in-8°.  Ce  volume,  dont  les 
exemplaires  ne  différent  que  par  le 
frontispice,  confient  :  un  traité  post- 
hume de  Palrnerius  (  Paulmier  de 
Grentemesnil  ),  Pro  Lucano  con- 
tra F irgilium;  la  traduction  laline, 
par  un  anonyme,  de  Topuscale  du 
P.  Rapin  ,  Comparaison  d'Homère 
et  de  Virgile;  celui,  par  Berkel 
lui-même,  de  la  Comparaison  de 
Pindare  et  d'Horace,  par  l'arclii- 
tecte  Franc.  Blondel  j  et  enfin  l'ou- 
vrage de  Jacq.  Tolllus  ,  Poëtarum 
latinor.  cum  grœcis  comparatio- 
nes.  On  ignore  la  date  de  la  morl  de 
Janus  Berkel.  W — s. 

BERKEx\.  Voy.  Berquen, 
IV,  556. 

BERKIIEY  (Jean  Lefrancq 
van),  poète  et  naturaliste,  né  à  Ley- 
de, le  3  janv.  1729,  avait  pour  nom 
de  famille  Lefrancq ,  qu'il  changea 
pour  celui  de  vanBerkliey,  suivant  le 
vœu  de  son  aïeul  maternel  qui  prit 
so!n  de  sa  jeunesse  et  lui  légua  une 
portion  de  sa  fortune.  Fort  jeune  en- 


44 


BER 


core  et  sans  avoir  ouvert  un  livre 
d'analoaùe  ,  il  s'amusait  a  disséquer 
des  insectes  et  quanlilé  de  petits ani- 
imux.  L'adresse  qu'il  y  raellait  lui 
oblint  les  suffrages  des  professeurs 
AUainaud  et  Albinus  et  du  célèbre 
analomiste  anglais  Monro.  Ces  ho- 
norables témois^nases  l'encour;i2:è- 
reut  a  fonder  un  cabinet  d'anatomie 
comparée.  Il  se  livra  en  même  temps 
a- toutes  les  éludei  qui  pouvaient  le 
seconder  dans  la  spécialilé  a  laquelle 
il  se  vouait.  A  l'histoire  ualurelle,  a 
l'analomie  ,  il  joignit  les  lani;ues  grec- 
que et  latine.  En  1761,  il  se  fit  con- 
férer le  degré  de  docteur  et  s'établit 
comme  médecin  a  Amsterdam.  Alors 
il  ajouta  singulièrement  a  sa  réputa- 
tion comme  naturaliste  j  mais  sa  clien- 
lelle  fut  peu  nombreuse,  et  s'il  s'en 
affligea  :  on  ne  voit  pas  qu'il  ail  fait 
beaucoup  d'efforts  pour  y  remédier. 
Il  prit  le  parti  de  quitter  le  sé- 
jour de  la  capitale,  et  alla  s'éiablir  a 
Leervliet  aux  environs  de  Leyde. 
Là ,  il  partagea  son  temps  entre 
l'histoire  naturelle  ,  qui  ne  cessait 
pas  d'être  sa  science  favorite  ,  et  la 
poésie  qui  jusqu'alors  n'avait  été 
pour  lui  qu'un  délassement  ,  mais 
qui  devint  une  de  ses  occupations. 
En  lyy^,  il  fut  nommé  profes- 
seur à  l'université  de  Leyde  ;  dans 
cette  position  nouvelle  il  se  distingua 
également  comme  poète  et  comme 
savant.  Mais  l'exal talion  de  ses  opi- 
nions orangistes  k  une  époque  où 
l'on  inclinait  vers  des  restrictions 
au  slalhdudérat  lui  .suscita  des  en- 
nemis. Il  eut  a  soutenir  une  polémi- 
que vive  avec  le  célèbre  Jt-an  Nomz, 
et  même  avec  d'autres.  En  général,  il 
était  trop  absolu,  trop  animé  dans 
l'expression  de  ses  sentiments:  il 
offensait,  avançait  souvent  des  faits 
hasardés  et  ne  pouvait  supporter  la 
conlradicliou.  Cette  irascibilité,  ma- 


BiR 

nifestée  par  un  ton  tranchant  et  brus- 
que ,  éclata  surtout  daus  deux  occa- 
sions :  la  première  a  propos  d'un  point 
de  physique,  contre  M.  VanLelyTfld 
(il  s'agissait  de  vérifier  l'utilité  de  ce 
procédé  qui  consiste  a  verser  de  Ihuile 
sur  une  mer  agitée  pour  la  calmer  et 
arracher  un  navire  au  naufrage)  5  la 
ieconde  sur  la  vaccine.  Berkhey  ye 
déclara  contre  l'introducllon  de  cette 
méthode  avec  une  àprelé  qui  eût  gâté 
même  une  bonne  cause.  De  sembla- 
bles querelles  non  seulement  absor- 
bèrent son  temps  sans  utilité  pour  sa 
gloire,  mais  encore  éloignèrent  de 
lui  presque  tous  ceux  qui  auraient  pu 
lui  être  utiles  ;  et  il  eut  souvent  k 
lutter  contre  des  embarras  pécu- 
niaires. En  1807  ,  lors  de  l'explo- 
sion de  Leyde ,  il  fut  «nseveli  sous 
les  ruines  de  sa  maison  ,  d'où  par 
une  espèce  de  miracle  on  le  relira 
sain  et  sauf.  Il  fut  alors  ,  ainsi  que 
beaucoup  d'autres  victimes  de  cette 
catastrophe,  logé  aux  frais  du  gou- 
vernement dans  la  maison  du  Bois, 
près  de  La  Haye.  Il  alla  ensuite  habi- 
ter cette  ville,  jusqu'k  ce  que  sa  mai- 
sou  de  Leyde  eût  été  reconstruite. 
Ses  embarras  augmentèrent,  et  il  fut 
obligé  de  s'exiler  a  la  campagne,  k  l'âge 
de  quatre-vingt-deux  ans.  Il  y  resta 
quelques  mois,  et  enfin  sa  famille  se 
chargea  de  lui.  Elle  n'eut  pis  long- 
temps a  s'en  occuper  :  il  mourut  le 
i5  mars  1812.  Comme  naturaliste 
cl  comme  savant,  Berkhey  a  laissé  :  I. 
Expositio  de  structura  Jlorum  qui 
dicunlur  compositi ,  leyde,  1761. 
C'est  une  thèse  fort  savante  qu'il  sou- 
tint lors  de  sa  promotion  au  doctorat. 
II.  3Iéinoire  sur  les  meilleurs 
moyens  de  préparer  les  terres  de 
la  Hollande  ,  hautes  et  basses  , 
chacune  d'après  sa  nature  ,  de 
7tuinière  à  en  tirer  le  plus  grand 
profit  (  en  hollandais).  Ce  mémoire 


BER 

rernpoiia  le  prix  au  concours  ou- 
vert par  la  société  des  sciences  de 
Harlem.  Wl.  Histoire  naturelle  de 
la  Hollande,  Amsterdam,  1769  ,  6 
vol.  in-8«,  histoire  a  laquelle  il  donna 
une  suite  eu  i8o5.  C'est  l'ouvrage 
qui  l'a  classé  le  plus  haut  parmi  les 
savants  hollandais  j  les  étrangersuni- 
rent  leurs  louanges  a  celles  de  ses 
compatriotes  dans  l'appréciation  de 
ce  laileau  aussi  exact  que  profond  de 
la  nature  en  Hullaude  ;  il  en  parut  une 
traduction  française  abrégée,  en  1781, 
à  Bouillon  ,  sous  le  titre  d'Histoire 
géographique,  pliyslque^  naturelle 
et  civile  de  la  Hollande,  i  vol.  in- 
12.  IV.  Une  traduction  de  V Histoire 
naturelle  de  i?(^£^',  qui  fut  un  de  ses 
modèles  pour  la  composition  de  l'ou- 
vrage précédent.  V.  IJn  JMémoire 
sur  l'usage  des  cendres  de  la  tourbe 
et  du  bois.  \  I.  Une  Carte  du 
lac  de  Harlem.  Comme  liltéraleur  , 
indépendamment  de  certains  mor- 
ceaux d'apparat  et  qui  tiennent  le 
milieu  entre  les  sciences  et  la  litté- 
rature proprement  dite,  Berkhey  pu- 
blia :  Vu.  Des  Idylles,  dans  les- 
quelles il  intjoduit  des  bergers  et  des 
pêcheurs  et  qui  commeucèreut  sa  ré- 
putation. YllI.  lu' Il  loge  de  la  re- 
connaissance ,  poème  qui  remporta 
le  premier  prix  de  poésie  au  concours 
ouvert  par  la  société  poétique  de  La 
Haye.  IX.  Discours  en  vers  pro- 
noncé en  1774  pour  l'anniversaire  de 
la  délivrance  de  Leyde  ,  en  1574, 
lors  du  fameux  siège  que  cette  ville 
soutint  contre  les  Espagnols.  Ce  dis- 
cours eut  h  la  lecture  un  succès  pro- 
digieux qui  diminua  lors  de  l'impres- 
sion. X.  Adieux  d'un  père ,  pièce 
remarquable  qu'il  adressa  a  son  fils 
embarqué  sur  la  flolle  hollandaise 
pour  aller  combattre  les  Anglais,  et 
qui  assista  en  eflet  a  la  balaille  de 
Dogger's   Bank.   XL   Triomphe  de 


BER 


45 


la  liberté  batave  remporté  le  5 
août  1781,  au  combat  naval  de 
Dogger's  Bank  ,  Amslerd.,  1782, 
2  vol.  in-8°.  Ce  poème  est  prolixe, 
faible  de  pensée  et  de  style  ,  et 
fort  au-dessous  de  la  réputation  de 
l'auteur.  XH.  Poésies  détachées , 
1  vol.  in-8°  ,  parmi  lesquelles  il 
faut  distinguer  la  pièce  intitulée  :  L.e 
Pouvoir  de  lapoésie  hollandaise. 
L'auleur  essaie  d'y  faire  voir  par  ses 
propres  vers  combien  la  langue  néer- 
landaise est  souple,  gracieuse  et  pi  opre 
à  rendre  l'harmonie  imitalive.  XIU. 
Les  Amours  arcadiens  de  Dicht- 
rrslief  et  Glooroos,  ~^\N.  Narra- 
tions académiques.  XV.  Poésies 
posthumes  y  ^d^Aam  ,  181  3,  i  vol. 
in- 8^.  Elles  sont  en  général  très- 
faibles.  On  a  un  portrait  de  Berkhey, 
gravé  par  Houbraken  ,  d'après  un 
tableau  peint  par  Pulhoven  en  i  771. 

P— OT. 

BERLEXDîS(A:^GELo),  jé- 
suite, né  h  \icence,  le  22  déc.  1755, 
régenta  les  humanités  dans  différents 
collèges  et  fut  nommé  professeur  de 
rhétorique  a  Plaisance.  Envoyé  par 
ses  supérieurs,  eu  1765  ,  dans  la 
Sardaigne  ,  sur  la  dem.inde  du  roi 
Charles-Eramaiinel  III  ,il  contribua 
beaucoup  a  y  ranimer  le  goût  des  let- 
tres et  des  bonnes  études.  H  mourut 
en  1793  ,  a  Cagliari.  On  a  de  lui  : 
Délie  poésie ,  Turin,  1784,  3  vol. 
in- 1  2 .  Le  premier  contient  un  poème 
sur  l'ioiaginalion,  des  sonnets,  des 
Capitoli  et  des  épigrâmraes  j  le  se- 
cond,  des  odes  anacréontiques  ;  et  le 
troisième,  deux  traijédies  :  la  Déli- 
vi'a:ice  des  Sardes  et  le  3Jartyre 
de  saint  Saturnin.  Dans  le  genre  dra- 
matique le  P.  Berlendis  est  très-mé- 
diocre,  de  l'aveu  même  des  critiques 
italiens  ;  mais  comme  poète  lyrique 
il  jouit  d'une  grande  réputation.  Son 
style, formé  surcelui  des  grands  poètes 


46  BER 

anciens  et  modernes  ,  a  de  l'éclat  et 
de  roriginalilé.  On  a  publié  un  choix 
deses poésies,  Vicence.  i  788,  in-8°. 
L'abbé  Fr.  Carbooi  a  donné  Véloge 
de  Berlendisenlalin,  Cagliari  i  794? 
in-S'^  ,  réimprimé  la  même  année  a 
Yicence,  avec  une  Irad.  italienne  en 
regard.  —  Bekleîîdis  (  François  ), 
frère  du  précédent,  mort,  curé  de 
Saint-Michel  à  Vicence  ,  en  i8o3, 
occupait  un  rang  distingué  parmi  les 
prédicateurs  de  l'Ilalie.  On  cite  de 
lui  des  Poésies  Bernesqiies  [Voy. 
Berki,  IV,  3oi),  Vicence,  1789, 
in-S",  dont  le  succès  prouve  qu'il  au- 
rait pu  se  faire  une  grande  lépufa- 
tion  dans  ce  genre  j  des  Epigram- 
mati  rnorali,  ibid.,  1799,  qui,  Siii- 
vant  le  P.  3Ioschini  (  Letterat. 
veneta  del  secolo  X\I1I,  tomel, 
a  I  5),  n'eurentd'approbaleur  qae  ce- 
lui qui  les  avait  composées.  W — s. 
BERLICHIXGEX  (Jo.eph- 
Fbéd:';hic  Aktoi>'e  ,  comte  de),  né 
le  8  février  1769,  a  Tvrnnu  en  Hon- 
grie ,  reçut  sa  première  éducation 
sous  les  yeux  de  sa  mère  ,  tandis  que 
son  père  ,  alors  capitaine  ,  el  qui 
devint  plus  tard  feld-marécbal- lieu- 
tenant ,  faisait  la  guerre  de  sept  ans 
sous  Daun  et  Laudon.  Le  jeune  Ber- 
licbingen  alla  ensuite  au  Ivcée  de 
Galotsa,  puis  a  Œdenbourg,  enfin  à 
Tyrnau.  A  quinze  ans  ,  il  fut  admis 
a  l'académie  impériale  des  ingé- 
nieurs et  à  l'école  de  tactique  et  de 
diplomatie  de  A  ienne.  Formé  par 
les  leçons  de  ces  deux  institutions , 
il  commença  en  1778  sa  carrière 
militaire  et  fit  ,  en  qualité  de  lieu- 
tenant dans  les  cbe\ au -légers  de 
Lœvenemj  la  guerre  de  la  suc- 
cession de  Bavière.  En  1784^  il  en- 
tra dans  le  régiment  des  cuirassiers 
de  Mecklenbourg  ,  dont  le  prince 
George  de  MecklenbourgStrélilz  , 
frère  du  roi  d'Angleterre,  était  colo- 


BER 

nel.  Il  devint  son  adjudant  et  l'ac- 
compagna dans  plusieurs  voyages  au 
nord  del' Allemagne.  Ce  prince  étant 
mort  en  1786,  Berlichingen  rentra 
au  service  d'Autriche  et  fit  les  deux 
campagnes  de  1788  et  1789  con- 
tre les  Turcs.  Plusieurs  faits  d'armes 
attestèrent  sa  valeur,  et  il  obtint  le 
grade  de  chef  dVscadron  dans  le  ré- 
t;iment  des  hulans  de  Rerner.  Sa 
santé  s'étant  affaiblie  par  les  fatigues 
militaires,  il  obtint  son  congé.  La 
mort  de  son  père  ,  le  besoin  de  soi- 
gner sa  fortune  el  le  mauvais  état  de 
sa  santé  le  décidèrent  en  1790  à 
épouser  une  de  ses  parentes  et  h  se 
fixer  à  lagslhausen  ,  où  il  se  fit  éle- 
ver une  demeure  aussi  commode  qu'é- 
légante. Son  activité  améliora  bien 
vite  l'état  de  sa  maison.  11  porta  aussi 
son  attention  sur  ses  vassaux,  et  sur- 
veilla leur  bien-être  avec  autant  de 
sagesse  que  d'utilité.  11  organisa  un 
service  contre  l'incendie  ,  et  contri- 
bua de  sa  bourse  au  perfectionnement 
de  l'instruction  publique.  En  1796, 
lors  de  l'appaiition  des  Français  en 
Allemagne  ,  il  sut  par  une  sage  me- 
sure préserver  sa  maison  et  jusqu'à 
un  certain  point  ses  vassaux  des  ma'- 
beurs  de  Tinvasion.  La  connaissance 
qu'il  avait  de  plusieurs  langues  lui  fut 
fort  utile  en  cette  occasion.  A  l'épo- 
que de  lamédiation,  ses  terres  passè- 
rent en  grande  partie  sous  la  souve- 
raineté de  la  maison  de  Wurtemberg. 
Le  nouveau  roi,  Frédéric,  le  nomma 
chef  du  cercle  de  Schorndorf.  Dans 
Ce  poste  secondaire  Berlichingçn  fit 
preuve  d'activité ,  de  savoir ,  et  son 
souverain  lui  confia  en  1809  l'admi- 
nistration du  bailliage  de  Ludwigs- 
bourg.  résidence  d'été  de  la  cour  de 
Wurtemberg.  Il  eut  alors  assez  fré- 
quemn)ent  des  relations  avec  le  roi, 
qui  lui  conféra  le  titre  de  grand- 
Croix  de  l'ordre  du  Mérite  cinl,  l'ap- 


BÊR 

pela  au  conseil  d'état  (i  8i  4),  l'éleva 
au  rang  de  comte ,  et  enfin  le  nom- 
ma mcoiln-e  de  la  commission  pour 
le  projet  de  constitution  que  prépa- 
rait le  gouvernement.  Plus  tard 
Berlichingen  fit  partie  de  l'assemblée 
des  états  de  Wurtemberg.  Quoique 
fort  éloigné  de  toute  idée  révolution- 
naire, il  montra,  soitcomme  membre 
de  la  commission  ,  soit  comme  mem- 
bre des  états  ,  plus  d'indépendance 
que  l'on  n'en  attendait  de  lui.  La 
mort  du  roi  de  Wurtemberg  mit 
un  terme  a  sa  carrière  politique  en 
ï8i8.  Lui-même,  approchant  de  la 
vieillesse,  demanda  sa  retraite  et 
Toblint  avec  une  pension.  Revenu 
dans  ses  terres,  le  comte  de  Berli- 
ctingen  y  passa  le  reste  de  sa  vie 
dans  des  occupations  paisibles.  Ce 
fut  alors  qu'il  mit  en  ordre  les  archi- 
ves de  sa  famille ,  dont  il  dressa 
un  arbre  généalogique  composé  de 
plus  de  5oo  Dom3 ,  tous  soumis  a  un 
examen  approfondi.  Il  s'occupait 
aussi  beaucoup  de  littérature  ,  et  il 
composa  dans  le  même  temps  sa 
traduction  presque  littérale  ,  en 
vers  latins  ,  à^ Hemiann  et  Doro- 
thée ,  dans  laquelle  il  s'est  as- 
treint a  rendre  vers  pour  vers  la 
haute  et  souvent  mystique  poésie  de 
Goethe.  Ce  qui  est  plus  étonnant 
encore  peut-être,  c'est  qu'il  avait  6i 
ans  lorsqu'il  commença  ce  travail , 
imprimé  a  Tubiugue  en  1826  ,  et 
réimprimé  trois  ans  après  dans  la 
même  ville.  Le  comte  de  Berlichin- 
gen mourut  le  20  avril  i832.  Sa 
sœur  unique  avait  épousé  le  feld- 
maréchal   autrichien  Bellegarde. 

P— OT. 

BERLÏXGIIIERI    (  Akdbé 

Yagca),  l'un  des  plus  habiles  chirur- 
giens modernes,  vint  au  mondeaPise, 
en  1772.  Ce  fut  h  l'exemple  de  son 
père  (  Voy.  Vacca  Bbrlinghieri  , 


BER 


47 


XLVII,  24-5)  qu'il  embrassa  la  car- 
rière de  l'art  de  guérir  5  mais  trop 
bien  placé  pour  ne  pas  reconnaître 
de  bonne  heure  le  vague  et  l'incerti- 
tude  de  la  médecine  interne  ,  ce  fut 
à  la  chirurgie,  dout  la  salutaire  in- 
fluence se  manifeste  au  moins  d'une 
manière  évidente  ,  qu'il  résolut  de  se 
consacrer  tout  entier.  Les  écoles  de 
Paris  virent  ses  premiers  efforts  et 
ses  premiers  succès.  Desault,  qui  l'a- 
vait distingué  ,  ne  tarda  pas  a  se 
l'attacher,  et  long- temps  il  fut  l'aide 
habituel  de  ce  grand  praticien  dans 
les  opéiations  difficdes.  Berlinghieri 
passa,  vers  1795  ,  en  Angleterre, 
où  il  suivit  avec  non  moins  de 
zèle  les  leçons  de  Hnnterel  de  Bell. 
A  son  retour  en  Italie,  il  prit  le 
grade  de  docteur  ,  et  ,  malgré  son 
jeune  âge  ,  publia  un  ouvrage  qui  po- 
sa les  fondements  d'une  réputation  à 
laquelle  ses  talents  comme  opérateur 
donnèrent  bientôt  un  grand  déve- 
loppement. Cependant  ,  peu  satis- 
fait encore  des  connaissances  qu'il 
avait  acquises,  il  revint  en  1799 
à  Paris  ,  oii ,  de  son  propre  aveu  ,  il 
gagna  beaucoup  du  côte  de  la  prati- 
que ,  sans  ajouter  autant  a  ses  no- 
tions théoriques.  Il  y  lut  à  la  société 
médicale  d'émulation  ,  qui  les  inséra 
parmi  ses  actes,  deux  mémoires  fort 
bien  faits  ,  l'un  sur  les  fractures  des 
côtes,  l'autre  sur  la  structure  du  pé- 
ritoine et  les  rapports  de  cette  mem- 
brane avec  les  viscères  abdominaux. 
Dans  le  premier  il  soutint,  contre 
l'opinion  de  son  premier  maître  , 
mais  d'après  des  faits  et  des  expé- 
riences, que  les  fractures  des  côtes 
ne  peuvent  pas  subir  de  déplacement 
lorsque  les  plans  des  muscles  inter- 
costaux sont  demeurés  intacts  5  dans 
le  second  il  émit  l'opinion  hvpclhé- 
lique  que  le  péritoine  se  compose  de 
deux  lames  intimement  unies  ensem- 


48 


BER 


ble  dans  quelques  poinis  de  leur 
étendue,  mais  enlièremeut  séparées 
daus  d'autres,  où  elles  i  eçoiveut  entre 
elles  tous  les  viscères  du  bas-ventre. 
Vers  la  fin  de  1799  ,  il  deviut 
l'adjoint  de  son  père  pour  les  cours 
de  chirurgie  que  ce  dernier  faisait 
à  Pise  ,  et  trois  aus  après  on  le  mit  a 
la  tète  d'une  nouyelle  école  de  clini- 
que externe ,  qui  n'a  pas  cessé  d'at- 
tirer un  grand  concours  d'élèves  de 
tous  les  points  de  l'Italie  ,  jusi|u'a  sa 
mort  ,  arrivée  le  6  sept.  1826. 
Parmi  les  perfectionnements  dont  il 
a  enrichi  l'art  chirurgical ,  en  dis- 
tingue une  machine  compressive 
pour  l'anévrismede  l'artère  pnplilée, 
une  sorte  de  cuiller  pour  le  trichia- 
sis  ,  un  bistouri  boulonné  pour  l'opé- 
ration de  la  taille  chez  l'homme,  un 
instrument  nouveau  pour  celle  de  l'œ- 
sophagotomie  ,  et  diverses  modifica- 
tions apportées  tant  au  mode  de  trai- 
tement des  fractures  du  col  du  fémur 
et  des  fistules  lacrymales ,  qu'a  la 
taille  recto-vésicale  ,  dont  il  lut  Tun 
des  premiers  et  des  plus  chauiis  par- 
tisans. Ses  principaux  ouvrages  sont  ; 
I.  Ri/lessioiii  sul  trattato  di  chi- 
rurgiadel  sign.  Bell,  Pise,  1793, 
2  Vol.  in-8°.  I[.  Traité  des  m  ila- 
die  s  vénériennes  ,  Paris ,  1800, 
in-  8°.  Cet  ouvrage  fut  revu  par 
Aljon,  a  qui  on  l'a  faussement  attri- 
bué, m.  Storia  dell'  anevvisma  , 
Pise,  i8o3,  iM-8°.  IV.  Memoria 
sopra  V allacciatura  dclV  avterie  , 
Pise,  1819  ,  io-8".  V.  Z)(?//«  e5o/Yz- 
gotomia  e  di  un  nuovo  nieiodo  di 
csei^uirla  ,  Vise  ,  1820,  in-8".  VI. 
Istoria  di  una  allacciatura  dclV 
îliaca  esterna  ,  Pise,  1823,  in- 8^. 
VII.  Memoria  sopra  il  melodo  di 
estrarre  la  pietra  dalla  vesica 
orinaria  per  la  via  dell'  intestino 
retto  ^  Pise,  1821  iu-8°.  Ce  mé- 
moire ,    traduit  la  même  année  en 


BER 

français  ,  par  Blaquîère,  fut  suivi  en 
1822  d'un  second,  que  Morin  tia- 
duisil  eu  français,  avec  le  précédent 
(Geuève_,  1823,  in  8"),  et  eu  1823, 
d'uu  troisième  sur  le  même  sujet. 
VIII.  S  alla  litotomia  nei  due  ses- 
si,  Pise,  in  8".  Berllughieri  expose 
dans  ce  mémoire  son  procédé  particu- 
lier pour  la  tadle  tant  chez  l'homme 
que  chez  la  femme.  Celui  qui  a  pour 
objt-t  la  guérison  du  Irichiasis  est  in- 
séré dans  les  annales  universelles 
d'Omud  il ,   1825.  J — D — N. 

BERMANX  (de)  ,  avocat  k  la 
cour  sou  VI  rai  ne  de  Lorraine,  né  a  iNan- 
cj  en  1  74  I,  fit  dans  cette  vi'le  de  fort 
bonnes  éluiîes  et  remporta  ,  a  l'âge 
de  19  aus,  le  prix  de  belles-lettres, 
à  l'académie,  par  un  discours  sur 
celle  question:  En  écrivant,  c'est 
moins  son  siècle  que  l'on  doit  en- 
visager que  r avenir.  Il  se  livra  a 
des  recherches  sur  l'ancienne  cheva- 
lerie de  Lorraine,  qui  ,  appelée  a 
rendre  la  justice  et  "a  tenir  le  tribunal 
des  assises,  pouvait  revendiquer, 
pour  chacun  de  ses  membres  ,  le  titre 
de  chevalier  ès-armes  et  ès-lois.  Il 
mit  au  jour  son  travail ,  en  1760  , 
et  l'intitula  :  Dissertation  histori- 
que sur  l' ancienne  chevalerie  et  la 
noblesse  de  Lorraine,  JNancj,  petit 
in-8",  dédiée  au  prince  de  Beauvau. 
Quoiqu'on  puisse  reprccher  a  l'au- 
teur d'avoir  peu  cousullé  les  ancien- 
nes cliarles,  son  ouvrage  ne  manque 
pas  d'intérêt.  On  y  a  relevé  plu>ieurs 
erreurs,  entre  autres  rinexactitude 
de  la  lible  des  gouverneurs  de  Nancy. 
Mais,  à  tout  prendre,  il  n'est  pas  in- 
digne du  prix  qu'il  avait  obtenu  k  l'a- 
cadémie fondée  par  Stanislas.  On 
trouve  une  bonne  analyse  de  cette 
dissertation  dans  le  Journal  de  ju- 
risprudence (août,  1760  ,  p.  4-6). 
On  connaît  encore  de  Bermaun  un 
Mémoire  sur  la  terre  et  seigneurie 


BER 

de  Fènestr:inge  (Nancy),  1760, 
iu-8".  Il  mourut  dans  un  âge  peu 
avancé ,  sans  avoir  réalisé  toutes  les 
espérances  que  ses  débuts  dans  la  car- 
rière littéraire  avaient  d'aliord  fait 
concevoir.  —  Rermann  (M  ^  de)  , 
sœur  du  précédent,  fut  attachée  fort 
jeune  a  la  maison  de  la  princesse  Adé- 
laïde ,  et  remporla  le  prix  des  scien- 
ces ,  au  jugement  de  l'académie  de 
INaucy,  par  un  discours  sur  celte 
question  :  Est-il  plus  utile  â  notre 
siècle  de  J'ai re  des  oUx'rages  de 
pure  litlêt-ature  ,  que  d' écrire  sur 
la  jJioraleP  ^anc\,  l'jèi,  in-8'^  de 
27  p.  (i).  Ce  thème  assez  vague  , 
exprimé  en  Icrmes  ambigus  n'avait 
pasétédunué  par  l'académie,  dont  les 
statuts  laissaient  aux  aspirants  le 
choix  des  sujets  qu'ils  voulaient  trai- 
ter. L'orateur  féminin  se  décida  en 
faveur  de  la  morale.  Ses  aperçus  ont 
de  la  grâce  et  de  la  fiuesse ,  sans 
avoir  beaucoup  d'étendue.  Il  est  à 
remarcpier  que  M.  de  Berraann  pré- 
senta au  même  concours  un  ouvrage 
dans  lequel  il  établissait  cette  propo- 
sition .  O/i  est  heureux  par  V a- 
inour  de  son  état  et  par  Vdccom- 
plissement  de  ses  devoirs  ;  mais  le 
frère  fut  vaincu  par  la  sœur.  L'an- 
née suivante,  ils  purent  unir  leurs 
palmes  académiques.  Le  prix  des 
belles-lettres  fut  partagé  entre  eux. 
Mademoiselle  de  Bermann  fut  en- 
core couronnée  pour  une  nouvelle, 
intitulée  :  hes  Eaux  de  Plomerie 
(Plombières).  C'était  une  relation 
a'iégoiique  du  séjour  de  Mesda- 
mes de  France  en  Lorraine.  L'ou- 
vrage qui  valut  a  M,  de  Bermann  la 
moitié  de  cette  couronne  était  un 
Projet  de  nouveaux  prix  à  distri- 
buer ]Jour  les  belles  actions.    Ce 


(i)  Ce  discours  n  été  réiiiipniiip,  en  grande 
partie  ,  (Jans  l'Wsloiie  littéraire  des  f  emmes  fran- 
çaises par  I^a  Porte    tojn.  V,p.  Sry-5i!3. 


BER 


49 


vœu  a  depuis  été  rempli  par  l'acadé- 
mie française  ,  et  a  reçu  de  nouveaux 
développements  par  les  fondations  du 
vénér.ible  Montyon.  BI.  de  Solignae, 
secrétaire  perpétuel  de  l'académie  de 
Nancv,  exprima,  dans  la  séance  pu- 
blique du  8  janvier  1764.,  l'admira- 
tion qu'avait  éprouvée  la  compagnie 
ce  en  voyant,  entre  deux  persomies 
«  du  même  sang,  malgré  la  diffé- 
r  rence  de  sexe  et  d'éducation  ,  une 
«ressemblance  aussi  parfaite  d'es- 
«prit  et  de  talents  (2)'.  *  Mademcî- 
selle  de  Berntanu  remporta  ,  en 
1765^  avec  l'abbé  Jacquavt  de  Lyoù, 
le  secoud  prix  d^élqquence  ,  à  Tac?- 
démie  de  Besancon  ,  pour  un  discours 
sur  cette  question  :  Combien  les 
mœurs  donnent  de  prix  aux  talents 
Le  portrait  de  la  jeune  muse  lor- 
raine se  trcuvait  placé  ,  avec  celui  ds 
son  trère,  dans  la  salle  de  la  société 
roya'e  de  Nancy.  Ces  deux  tableaux 
et  un  grand  nombre  d'autres  furent 
livrés  aux  flammes,  en  1792,  par 
des  brfgauds  connus  sous  le  nom 
usurpé  de  Marseillais.  L'abbé  de  la 
Porte,  qui  avait  vu  le  portiait  de  la 
jeune  Bermann,  dit  qn''il  rcprése?i- 
tâit  une  jolie  personne  (3).  Elle 
épousa  un  gentilhomme  lorrain,  et 
semble  n'avoir  plus  cultivé  les  let- 
tres. L — M — X. 

BEKXAERTS  (Jeaw),  en  latin 
Bernarh'us  ,  vit  le  jour  a  Malines, 
en  i568.  Appliqué  de  bonne  heure 
aux  belles-lettres,  pour  lesquelles  il 
avait  un  goût  décidé,  il  y  joignit  l'é- 
tude de  la  jurisprudence,  et  prit  a 
l'université  de  Louvain  le  grade  de 
licencié  en  l  un  et  l'autre  droit.  Il 
retourna  eniuile  à  Malines  ,  où  il 
exerça  la  profession  d'avocat  au  grand 


fa)  Mémoires  (inédits)  Je  l'aeadcmie  de  Nanejr^ 
in-fc)l.,  toin    m,  p.  394. 

(j)  Hisioiie  ttléra  re  des  femmes  fran^niset , 
tom.  V,  p.  5--. 


I.VIII. 


5o 


BER 


conseil.  En  iSp/i,  il  épousa  Cathe- 
rine Ereiigbel  ,  fille  de  Guillaume 
Breugiiel,  conseiller  au  conseil  de 
Brabanl ,  a  Bruxelles ,  et  en  eut  deux 
enfants ,  qui  lui  survécurent  ,  aussi 
bien  que  sa  femme  ,  qu'il  laissa  veuve 
le  i6  décembre  1601,  lorsqu'il  n'a- 
vait encore  que  33  ans.  Valère  André 
et  Foppens  ,  dans  leurs  Bibliothè- 
ques^ Svveertius,  dans  ses /l-Zo/zz//?;. 
sépiilc.  et  son  Alliènes  Bèlg.,  rap- 
portent l'épitaphe  que  composa  pour 
lui  ISicolasOudaeil,  chanoine  el  offi- 
ciiil  de  Maliues  ,  laquelle  n'a  pas  été 
gravée  sur  sa  tombe.  Les  connaissan- 
ces de  Bernaerts  élaienL  variées  j 
mais  la  louange  le  gala,  et  il  avait 
quelque  droit  de  se  surfaireson  mérite, 
lorsque  Juste-Lipse  ,  une  des  puis- 
sances littéraires  de  l'époque,  l'ap- 
pelait Flos  Belgarum.  Il  est  vrai 
que  Juste-Lipse  élail  son  allié,  et 
que  ces  civilités  de  savants  ne  doivent 
pas  être  piises  a  la  lettre,  surtout 
quand  il  s'agit  d'hommes  qu'ils  ne  re- 
doutent point.  Parmi  les  lettres  de 
Juste-Lipse,  faites  pour  être  mises 
sous  les  yeux  du  public ,  il  y  en  a  seize 
qui  sont  adressées  à  Bernaerts.  Dans 
l'une,  datée  de  iSpy,  il  lui  parle 
d'une  iranière  énergique  et  pittores- 
que de  la  révol;:tion  prochaine  qui 
menaçait  de  renouveler  la  face  du 
monde  :  «  Jam  pridem  vidimus , 
(juidquid  illiid  est ,  muiationes  in 
Kuropa  et  nobis  JJciim  parare,  et 
velut  rc'fingere  velle  hune  orbeni. 
Et  il  ajoute,  avec  une  sagesse  qu'il 
nous  serait  utile  d'imiter  :  Queri , 
mollitia  est  ,  reluelari  insania. 
Juste-Lipse  fit  quelques  vers  à  l'oc- 
casion du  travail  de  Bernaerts  sur 
Boëce  ,  et  composa  son  épithalame 
en  vers  hexamètres.  On  a  de  notre  au- 
teur :  L  ha  vie  et  le  martyre  de 
Marie  Stuart ,  reine  d'Ecosse^  en 
flamand      Anvers,    i588,  in-12, 


BEll 

Irad.  de  Blackwood  {f^oy\  ce  nom, 
IV,  5i8).  II.  Oratiofunebrs...D. 
Joan.  Hauchini ,  secundi  I\lechli- 
niensium  archiepiscopi ,  Louvain  , 
1689  ,  in-12.  m.  OrationesJ'une- 
bres  duce  in  obituni..^  TJ.  Mich. 
duBay,  Alhensis(^ç,  célèbreBaïus), 
Louvain,  1589,  in-12.  IV.  De 
ïitditate  legendœ  historiœ ,  libri 
Il ,  Anvers ,  1689;  ibid.  ,  1693, 
iii-8°.  Ce  traité,  dédié  a  Juste-Lipse, 
a  tous  les  défauts  du  maître  j  c'est 
du  reste  peu  de  chose.  V.  Commen- 
tarl'  s  in  P.  Statii  Popinii  opéra, 
ad  veteres  codices  recensita,  édi- 
tion estimée,  Anvers,  Plantiu  , 
1595  ,  in-12  5  Leyde,  1698, in-12; 
Genève,  i6o5  et  16 12,  in-12.  VI. 
Comi7ientarius  in  P.  Popinii  Sta- 
tii Syh'as,  ibid.  ,  1699  ,  in-12  : 
el  ces  deux  ouvrages  réunis,  Anvers, 
1607,  in-12.  Ml.  De  Lirani  op- 
pidi ,  nb  Hollandis  occupati  ^  pcr 
Mechlinianos  el  Antuerpianos  ad- 
mirabili  liberntione  comnienta- 
rio/us  ,  Louvain  ,  1696  ,  in-12  , 
Malines,  vers  1738,51  pag.  in-12. 
VIII.  A.  M.  S.  Boetii  de  conso- 
latione  philosophiœ...  Jo.  Ber- 
nartius  recensait  et  comnie/itario 
illustravit ,  Anvers,  1607,  in-S", 
publié  par  les  soins  de  Nie.  Oudaert, 
qui  y  a  joint  une  préface.  Les  notes 
de  Bernaerts  ont  été  insérées  avec 
celles  de  Théod.  Sitzman  et  de  Fu'né 
Valliu  ,  dans  l'édition  de  Levde, 
1671,  in- 8°,  324  pages  sans  les  ta- 
bles et  les  préliminaires  ,  qui  con- 
tiennent ,  entre  autres,  une  préface 
de  Bertius.  il — f — g, 

BERXALDEZ  (A^DBÉ) ,  his- 
torien espagnol  du  X\  L  siècle,  né 
à  Fuentes,  fut  chapelain  del'archevè- 
que  de  Séville,  Deza  ,  protecteur  de 
Christophe  Colomb,  llconnul  ce  cé- 
lèbre navigateur  qui  eut  même  assez 
deconfiance  eu  lui  pourlui  laisser  des 


BER 

papiers.  Depuis  1488  jusqu'en  i5i5, 
époque  présumée  de  sa  mort ,  Bernal- 
dez  lut  curé  du  bourg  de  Los  l'jlacios. 
Il  a  laissé  manuscrite  une  Ilistoriade 
los  reyes  calolicos,  oir  il  résume  eu 
quatorze  chipitres  les  deux  premiers 
voyages  de  Coloml).  C'est  une  des 
sources  à  consullcr  pour  l'iiistoire  de 
la  découverte  de  l'Amérique,  l'au- 
leur  ayant  été  non-seulement  con- 
temporain de  cet  événement,  mais 
aussi  le  confident  du  grand  linrame  à 
qui  en  est  dû  liionneur.  M.  M'asing- 
ton  Irving  fait  remarquer  dans  sa 
notice  sur  Bernaldez  [Lifo  qf  Co- 
lombus,  t.  1\  ,  note  29)  que  cet  his- 
torien fait  connaître  mieux  que  tout 
autre  l'Iiistoire  de  la  navigation  de 
Colomb.  On  trouve  un  extrait  de 
ce  témoignage  authentique  dans  la 
Collection  des  voyages  espagnols 
par  D.  Navarrete.  D — G. 

BERXARD  de  Pavle,  célèbre 
canonisie,  était  né  dans  cette  ville  au 
milieu  du  12''  siècle.  Plusieurs  juris- 
consultes, entre  autres  Pancirole  , 
Kii  donnent  le  surnom  de  Circa,  soit, 
comme  le  conjecture  lliegger  {Bibl. 
juris  canonici ,  5o2),  parce  qu'il 
avait  écrit  autour  des  pages  du  volu- 
me un  Commentaire  sur  le  Décret 
de  Gratien  ,  ou  soit  que  ce  fût  réelle- 
ment le  nom  de  sa  famille.  Slais 
Lglielli  [Italia  sacra ,  II,  Bip)  le 
nomme  Balbus,  et  cherche  a  prouver 
qu'il  était  de  la  famille  des  Jiaibi,  de- 
puis loni^-temps  illustre  en  Italie, 
liernard  s'acquit  une  grande  réputa- 
tion dans  les  écoles  de  Rome  et  de 
Jiologuo ,  où ,  après  avoir  achevé  ses 
études,  il  enseigna  lui-même  avec 
succès  le  droit  canonique.  11  avait 
sans  doute  profité  de  son  séjour  a 
Rome  pour  recueillir  dans  les  divers 
dépôts  Ifs  pièces  qu'il  s'occupa  plus 
tard  de  mettre  eu  ordre.  Ses  ta- 
lent.?  le   firent    avancer  rapidement 


BER  5i 

dans  les  dignités  ecclésiastiques. 
Nommé  prévôt  du  chapitre  de  l'avie, 
il  succéda,  vers  la  fin  de  i  191,  sur 
le  siège  de  Faenza,  h  l'évêquejpan, 
mort  devant  Ptolémaïs  avec  la  plu- 
part de  ceux  qui  l'avaient  accompa- 
gné. L'évêche  de  Pavie  étant  devenu 
vacant ,  en  i  198  ,  Bernard  v  fut  élu 
parle  vœu  unanime  des  habitants  5  et 
tous  les  prélats  de  la  Lombardie  ap- 
plaudirent k  ce  choix.  Le  pape  Inno- 
cent III  prélendit  que  liernard  étant 
évêque  n'était  plus  éli^ible;  et  parut 
offensé  de  ce  que  dans  cette  circon- 
stance on  s'était  écarté  du  prescrit  des 
canons;  mais  comme  il  rendait  d'ail- 
leurs justice  au  mérite  de  Bernard  , 
il  finit  par  autoriser  sa  translation. 
En  i2o3  ,  Bernard  fut  emplové  par 
la  cour  de  Rome  a  rattacher  les  villes 
de  la  Lombardie  au  parti  de  l'empe- 
reur Olhon  IV.  C'est  a  peu  près  la 
seule  fois  que  son  nom  se  trouve 
mêlé  dans  les  affaires  de  son  temps. 
Dévoué  tout  entier  a  l'administration 
de  son  diocèse,  il  y  fit  fleurir  les  bon- 
nes études  par  son  exemple  et  ses  con- 
seils. Il  mourut  à  Pavie,  le  18  déc. 
I2i3,  et  fut  inhumé  dans  l'église  de 
St-Lanfranc,  son  prédécesseur,  dont 
il  avait  écrit  la  T  ie ,  publiée  dans  V I- 
tnlin  sacra  et ,  avec  des  notes ,  dans 
les  Acta  sanct.  an  25  juin.  Bernard 
est  principalement  connu  par  sa  col- 
lection de  Décrélah's  ,  imprimée  , 
en  1567  ,  à  Ilerda  (Leridaj  ,  par  les 
soins  du  savant  Ant.  Auguslin  [f^oy. 
ce  nom.  111,  64).  Son  but  n'avait  été 
d  abord  ((ue  d*^  rassembler  les  décrets 
promulgués  depuis  Gratien  [J^oy, 
ce  nom,  XVIII  ,  334  )'•)  mais  ,  pour 
rendre  son  travail  plus  utile,  il  crut 
devoir  recueillir  les  pièces  omi>es 
par  son  prédécesseur,  et  les  classa 
sous  divers  litres,  comme  les  Insti- 
tuts do  .Tustiuien,  divisées  en  cinq 
livres,  afin  de   faciliter  1  étude    des 


52 


BER 


BER 


diverses  malièrcs.  On  doit  en  outre 
à  Bernard  un  conimenlaire  ou  glose 
sinlesDécrétales,  intitulé  :  Siiinina 
super  capitula  extravagantium. 
La  Porte  du  Theil  n'ayaut  pu  s'assu- 
rer si  cet  ouvrage  a,  comme  le  disent 
plusieu)  s  jnrisconsul les,  été  réellement 
imprimé  dans  quelques  compilations 
sur  le  droit;  canonique,  eu  a  donné 
Tanalvse ,  d'après  la  copie  de  la  bi- 
Lliotlicque  du  roi,  dans  les  J\  otites 
des  manuscrits ,  \I ,  4g  ?  avec  une 
Yie  de  l'auteur,  dont  nous  nous  som- 
mes servis  pour  la  rédaction  dtî  cet 
article.  La  bibliothèque  rojale  de  Tu- 
rin possède  deux  autres  ouvrages  de 
Bernard  5  ce  sont  des  Commentaires 
sur  L^ Ecclésiaste  et  sur  le  livre  des 
Cantiques.  W — s. 

BER^^\RD(LEP.  Jea^),  do- 
minicain, naquit,  en  i555,  aLini- 
court,  près  deBapaume.  Ayant  em- 
brassé la  vie  religieuse  à  Douai,  il  s^ 
consacra  ,  quarante  ans,  a  la  prédica- 
tion, et  mourut  le  2  fév.  1620.  Il  est 
auteur  de  quebpies  opuscules  ascéti- 
ques dont  on  trouvera  les  litres  dans 
les  Scriptores  ord.  Prœdicator.^ 
ïi  j  417.  Les  curieux  recherchent 
encore  le  Fouet  divin  des  ju- 
reilrs  j  parjureurs  et  blasphéma- 
teurs du  très-saint  nom  de  Dieu, 
etc.  ;  extrait  de  divers  auteurs  di- 
gnes de  foi  ;  Douai ,  16  18,  ])ctit  in- 
12  de  352  pp.  Ce  vohiine  est  divisé 
en  deux  parties.  La  première  contient 
le  Fouet  des  jureurs,  extrait  des  cou- 
vres du  P.  Vincent  Mussart  ,  reli- 
gieux du  tiers-ordre  (i).  La  seconde 
est  un  Traité àtlAConhéne  du  très- 


(1)  Le  P.  1^'incirnl  Ml-ssart  ,  réforiTiateiir  et 
stipciieur  du  tiers  oidre  en  France  ,  elail  de  Pa- 
ris, et  y  mourut  le  17  aoiit  1637.  De  tous  ses  ou- 
vrages dont  on  trouve  l'indication  dans  les  Scrip- 
tor.  ont.  MinorumAe  Wadding,  3  3o,  le  seul  connu 
est  le  Fouet  des  Jurçurs.  Cet  opuscule  ,  publié 
pour  la  première  fois  à  Rouen  ,  en  1C02,  111-12, 
fut  léimprimë  à  Troyes  en  161 4-  L'édition 
doiiae«  par  le  P.  Bernard  est  la  troisième. 


saint  nom  de  Dieu  ,  etc.  ,  par  le  P. 
Bernard,  dont  il  avait  déjà  paru  deux 
éditions  j  un  Sermon  du  P.  Pierre  de 
la  Coste  ,  Condomois ,  sur  le  second 
cominandenieul  du  Décaloguc  ,  et 
quelques  autres  pièces.  Le  volume 
ejt  précédé  d'une  dédicace  par  le  P. 
Beruard  aux  échevins  de  Douai,  dans 
laquelle  il  leur  dit  :  a  Frappez  a 
a  grands  coups  de  fouet  ces  blasphé- 
ccmateurs,  lapidez  avec  Moïse  ces 
(c  exécrables  Décheurs  ,  remettez  les 
«  fers  au  feu  pour  percer  avec  le  bou 
a  saiul  Louis  ces  maudites  langues  , 
a  etc.  (2").  3J  W — s. 

iîEIlXAIlï)(PiERRE),  annaliste, 
ué  vers  1640  ,  à  Calais ,  était  delà 
même  famille  que  Jean  Bernard  , 
fameux  corsaire  de  cette  ville,  qui  se 
signala  contre  les  Anglais  sur  la  fin 
du  règne  de  Louis  XllL  II  exerçait 
la  profession  d'avocat.  Ayant  fait  di- 
vers vovasjes  eu  Angleterre  ,  il  avait 
eu  l'occasion  d'y  voir  plusieurs  fois 
la  reine.  Il  reconnut  celte  princesse 
lorsqu'en  1688  ,  elle  fuyait  avec  son 
fils  pour  échapper  aux  troupes  victo- 
rieuses de  Guillaume  ,  et  son  indis- 
crétion fut  cause  que,  pendantlesdeux 
jours  qu'elle  resta  a  Calais  ,  l'hôtel 
où  elle  était  descendue  ftit  constam- 
ment entouré  d'une  foule  de  curieux. 
Bernard  parvint  a  la  place  de  mayeur 
qu'il  remplissait  eu  lyoi  et  1702. 
Il  mourut  vers  1720,  dans  un  âge 
assez  avancé.  On  a  de  lui  :  Les  An- 
nales de  Calais,  Saint-Omer .  1  7  1 5 , 
in- 1  2  5  ce  volume  est  devenu  très-rare, 
u'avant  été  tiré  qu'a  deux  cents  eiem- 


(?.)  Quelques  années  plus  tard  parut  sous  ce 
litre  de  t'ouel ,  inventé  par  le  moine  iMussarl , 
le  Fouet  des  paillardL  ou  Juste  punition  des  vo- 
luptueux et  charnels,  coni|!osé  p.ir  Malhiirin  le 
Picard  ,  curé  de  Ménil-Jourdain  ,  et  imprimé  à 
Ri  uen  ,  tGïj  ou  i6jS  ,  in-12.  Ces  sorUs  de  li- 
vres n'ont  souvent  de  singulier  qne  le  tiire,  ce 
qui  suffit  pour  les  faire  rechercher  par  les  bi- 
bliophiles ,  qui  ont  rarement  le  courage  de  les 
lire.  V— vE. 


BÉR 

plaires (F". Lcnglcl-Dufrcsiioy,  Blé- 
moircjwurctudwrriii gloire,  XI II, 
5o).  Les  sièges  que  celte  ville  a  sou- 
tenus contre  les  Anglais  y  son l  dcciiîs 
avec  beaucoiipd'exachliHle.  Lenouvel 
bistorien  ik  Calais  (  le  P.  Lefelnre, 
doclriuaire  )  avoue  dans  sa  préface 
qu'il  a  profilé  de  l'ouvrage  de  Ber- 
nard ,  qui  renferme  ,  dil-d ,  des  do- 
cuments précieux  ,  et  un  grand  nom- 
bre de  faits  qu'on  aurait  clierclie's 
inutilement  aillnirs.  Vv — s. 

BER.\A11D  de  Varemu's 
(Dom)  .  historien  ,  né  vers  le  milieu 
du  dix-sppliéme  siècle  ,  probablement 
dans  le  village  dont  il  porte  le  nom  , 
d  une  famille  assez  disliugiiée,  puis- 
qu'un de  ses  frères  seivait  dansu:i  des 
régiments  de  la  garde.  Cet  officier 
étant  tombé  de  cheval  dans  une  ma- 
nœuvre ,  composa  sur  cet  accident 
une  ode  adressée  à  Louis  XIV,  et 
imprimée  dans  le  recueil  indiqué  ci- 
dessous,  n°  IV.  Dom  Bernard  avait 
embrassé  la  vie  rcligi:nise  dans  la 
congrégation  des  ihéalins  qui  ne  possé- 
dait qu'une  seule  maison  en  France  , 
celle  de  Paris.  Ses  la'enls  lui  méri- 
tèrent Taffection  de  ses  coofrèresqni 
rélevèrent  a  la  dignité  de  snpériiur. 
An;ès  en  avoir  rempli  les  devoirs 
avec  beaucoup  de  zèl-e ,  il  se  démit 
de  cet  emploi  pour  se  livrer  plus  tran- 
quillement a  l'élude.  Le  maréchal  de 
Câlinât  l'avait  choisi  pour  conlessenr 
et  l'honorait  de  toute  sa  confiance. 
Ayant  eu  le  bonheur  de  passer  plu- 
sieur;  années  dans  l'intimité  de  ce 
grand  homme,  on  espérait  qu'il  pu- 
blierait un  jour  sa  vie  5  mais  il  s'en 
excusa  sur  ce  que  le  maréchal  avait 
jeté  lui-même  au  feu  tous  les  mé- 
moires ([ui  auraient  pu  le  guider  dans 
ce  travail.  D.  Bernard  est  mort  vers 
lySo.  Oa  a  de  lui  :  I.  /  ie  de  S. 
Gaëtan  ,  fondateur  des  clercs  ré- 
guliers ,  Paris  j   1698  j    in- 12.   H, 


BER 


53 


Tvnilé  de  la  reconnaissance  chré- 
tienne,  in-i2.  Cet  ouvrage  est  cité 
connne  un  bon  livre  de  théologie 
dans  les  Mémoires  de  Trévoux  ,  an- 
née 17  18.  III.  Maximes  pour  la 
conduite  du  prince  Michel ,  roi  de 
Bulo'arie ,  traduites  du  Qrec  en 
vers  français  ,  Paris  ,  imprimerie 
royale,  1718,  in-/i°  ,  de  45  pp. 
C'est  li  traduction  d'une  épitiv  de 
Phoiius  ,  au  prince  Michel.  Cet 
opuscule  dont  tfrus  le«  exemplaires 
fureiit  distribués  en  présent,  est  assez 
rare  •  mais  il  a  été  réimprimé  dans  le 
volume  suivant.  IV.  Odes  morales 
sur  plusieurs  vérités  de  la  religion; 
avec  des  cantiques  ,  des  psaimws 
et  des  maximes  sur  la  conduite 
d'un  roi,  ibid.,  1722  ,  i«-i2.  V. 
Histoire  de  Constantin-leGrand, 
premier  empereur  chrétien ,  ibid., 
1728,  in-^*^.  Cet  ouvrage,  fruit  d'un 
travail  consciencieux,  n'est  pas  aussi 
connu  qu'il  mériler.îiit  de  l'être.  La 
prélace  ,  dans  laquelle  Taulrur  dis- 
cute plusieur:-;  faits  iraporlanls  du 
règne  de  Coiisianliu,  mérite  surtovpC 
d'être  lue.  V» — s. 

BEFJ'^^AilB  (Jean),  médecin  de 
Nnntes  ,  né  le  i4-  mai  1702  ,  fit  ses 
études  a  Montpellier,  et  y  prit  le 
bonnet  de  docteur  à  l'âge  de  trente 
ans.  Quelque  lemj'S  après  il  fut  nom- 
mé professeur  dhumanilés  K  Sa'i- 
m;ir  ,  mais  il  ne  conserva  pas  long- 
temps celle  place  ,  et  alla  exercer 
l'art  de  giiérir  a  La  Rochelle,  puis 
vint  h  Paris  ,  où  il  p;il  le  goût  de  l'a- 
natoraie  et  fit  des  préparations  sons 
le  célèbre  Ferrein.  Le  désir  de  prati- 
quer dans  sa  ville  natale  ,  le  ramcns 
k  Nantes  ,•  mais  n'avaut  pu  s'y  faire 
agréger  au  collège  de  médecine  ,  il 
revint  à  Paris  et  y  reprit  ses  tra- 
vaux analoraiques  avec  distinction. 
La  faculté  de  Douai  ne  comptait 
alors  qu'un  seul  professeur;  le  minis- 


54 


BER 


tre  d'Argenson  voulant  lui  redonner 
quelque  lustre  ,  créa  ,  en  i  746  ,  une 
clidlre  d'analoinie  et  de  physiologie 
pour  Bernard,  qui  transporta  dans 
celle  ville  une  collection  curieuse  de 
pièces  analouiiipies  ,  dont  il  forma  un 
cabiuet  iuléressant.  II  y  enseigna 
pendant  plusieurs  années  ,  et  devint 
membre  correspondant  des  sociétés 
royales  de  médecine  de  Paris  et  de 
Londres  5  mais  il  n'y  exerça  pas  la 
médecine  ,  alléguant  pour  excuse  son 
extrême  sensibilité.  11  était  d'un  ca- 
ractère fort  gai  et  ennemi  des  céré- 
monies 5  aussi  aurait-il  voulu  que  les 
grades  fussent  coniérés  sans  apparat. 
Toujours  il  eut  la  probité  de  se  mon- 
trer sévère  daus  les  examens,  ce  qui 
contribua  Leaucoup  a  la  réputation 
de  la  faculté  de  Douai.  Peu  d'hom- 
mes ont  eu  l'esprit  plus  délié  et  la 
lëte  plus  philosophique  que  IJernard: 
il  fut  peu  connu  parce  qu'il  ne  re- 
gardait pas  la  gloire  comme  le  plus 
grand  bonheur  de  la  vie.  Les  suites 
d'une  hernie  étranglée  le  conduisirent 
au  tombeau  en  1781.  Ses  idées  en 
physiologie  sont  consignées  daus  une 
série  de  petites  disser talions  académi- 
ques qui  n  ont  pas  franchi  les  limites 
cle  l'école  dans  laquelle  il  enseigna  1, 
et  qui  n'offriraient  aujourd'hui  qu'un 
bien  faible  intérêt.  INous  n'eu  signa- 
lerons qu'une  seule  ayaut  pour  titre  : 
Frobleina  pJijsiologicwn  ciuii  ta- 
bula figuratu'a  ipsii.s  solutionein 
exhibente  ,  seu  hjdi^auLcc  corpo- 
ris  huinani,  variis  tabulis  Jigura- 
tii'is,  dcmonsti-atn,  Douay,  17 58, 
1739  ,  in-4.".  J — D — N. 

BER^VAilD  (Jean-Uaptiste)  , 
clianolue  régulier  de  Sainte-Gene- 
viève, prieur  et  curé  de  INanteire, 
naquit  a  Paris  ,  en  1 7  i  ô.  11  fut  choisi 
par  sa  congrégation  pour  professer 
l'éloquence  ;iu  collège  royal  de  Kan- 
terre.   Aspirant  au  double  titre  de 


BER 

poète  et  d'orateur,  il  se  fit  connaître 
par   des  compositions   peu   étendues 
qui  obtinrent  le  suffrage  des  critiques 
de  son  temps:  Une  Ode  sur  le  prix  de 
sagesse  que  Louis,  duc  d'Orléans, 
se  proposait  de  fonder  à  Nanterre, 
Paiis,  1741  )  iu-i2  (1)  ,  fut  consi- 
dérée «  comme  une  des  meilleures 
a  qui   eussent    été    faites   depuis    le 
a  giand  Rousseau. 3J  C'est  le  jugement 
qu'eu  porte  Fréron  (2)5  et  s'il  faut 
s'en  rapporter  aux  auteurs  des  Ob- 
servntions  sur  les   écrits  moder- 
nes  (3):    a    Plusieurs   de    nos    plus 
«fameux   beaux  esprits   aumirèrent 
«l'ouvrage  5  celui  qui  est  a  la  tête 
ce  des  poètes  que  nous  possédons  ne 
«  fit   point  de   difficulté  de   l'égaler 
(c  aux  plus  belles  odes  de  Rousseau.» 
INéanmoins  quelques  puristes  y  trou- 
vèrent trop  de  hardiesse.  Aujourd'hui 
vraisemblablement,  elle  serait  trou- 
vée timide,  et  l'on  regarderait  avec 
raison  ces  louanges  comme  exagérées. 
VI Ode  sur  la  reconstruction  de  l'é- 
glise de  Sainte-Genct'iève,  que  le 
père  Bernard  fit    paraître  en   1755, 
est  loin  de  valoir  la  première.  Elle 
fut  réimprimée  eu  1764,   avec   des 
changeraeuls  et  des  corrections.  L'au- 
teur publia  en  même  temps  une  nou- 
velle Ode   sur  V apposition   de   la 
première  pierre  de  la  même  église  , 
Paris,   in-l'ol.  et  in-8".   Ses  autres 
éciits  sont  :  I.  Oraison Junèbre  de 
i7ionseignei:r    le    duc     d'Orléans 
(Louis),  Paris,  1752  ,  in- 4-°.  On  ne 
peut  souscrire  aux  éloges  qui  furent 
prodigués  a  ce  discours.  L'art  du  r,hé- 
tcur  s'y  montre  trop  a  découvert,  et 
c'est  en  vain  qu'ouy  cherche  les  éinc- 
tious  d'une  àme  pénétrée  de  son  sujet. 


(i)  Elle  est  iiiséiee  dans  les  Observations  sur 
hs  écrits  modernes  (par  Dcstoulaiiies ,  Gianet  et 
Frelon),  tom.  XXV,  p.  ii3. 

(2)  Le'tres  sur  gufiijues  écrits  de  ce  lemp:,  loin. 
VI  ,  p.  56. 

(JJTom.  XXV,  p.  fr3. 


BER 

II.  Patiëgyriqnc  de  saint  Louis  , 
Paris,  1766  ,  in-i2.  III.  Oraison 
funèbre  de  Henri  de  Bourbon  ,  se- 
cond du  nom ,  prince  de  Coudé , 
Paris,  lu-8",  1764.  Ou  trouve  a  la 
tèle  un  précis  historique  de  la  vie  du 
prince.  IV.  Discours  sur  l'obliga- 
tion de  prier  pour  les  rois  ,  Pans, 
1769,  in-8".  Le  père  Rernard  ob- 
liût  quelque  célébrité  par  ses  talents 
pour  la  chaire.  (Ju  cite  le  sermon 
qu'il  prononça,  tn  17^7,  lors  de 
l'assassinat  de  Louis  XV  par  Da- 
luiens.   Il  mourut  à  Paris  le  2  3  avril 

1772.  L M X. 

liERXAKD  (Pons-Joseph)  , 
un  des  membres  les  plus  distingués 
de  Tacadéniie  de  Marseille,  naquit, 
en  1748  ,  a  Trans  ,  près  de  Dtagui- 
gnan.  Après  avoir  terminé  ses  études, 
il  entra  dans  la  congrégation  de  lo- 
raloire  ,  et  professa  la  philosoplùe  et 
les  mathématiques.  Plusieurs  mé- 
moires importants  l'ayant  fait  con- 
naître ,  il  fut  nommé,  en  1778  ,  di- 
recteur adjoint  de  l'Observatoire  de 
Marseille.  En  1780,  les  étals  de 
Provence  le  chargèrent  d'examiner 
le  cours  de  la  Durance  ,  afin  de  re- 
connaître s'il  existait  des  moyens  de 
fixer  un  lit  a.  cette  rivière  dont  les 
débordements  causent  chaque  an- 
née des  pertes  considérables.  Les 
observations  de  Bernard  sont  impri- 
mées dans  le  Journal  de  physique, 
XXII,  2  0  2-550.  Eu  1786,  il  fut 
nommé  correspondant  de  l'académie 
des  sciences.  A  l'invitation  de  La- 
lande  ,  il  fit  des  observations  sur  les 
satellites  de  Saturne  ,  oubliés  depuis 
70  ans  5  et  ce  lut  d'api  es  ses  calculs 
que  l'on  dressa  les  nouvelles  tables 
insérées  dans  la  Connaissance  des 
temps  pour  1792  (Voy.  la  Biblio- 
graphie astronomique  ,  671).  Ber- 
nard avait  fait  un  voyage  a  Paris  , 
pour  l'impression  de  ses  ouvrages  , 


BER  55 

et  il  s'y  trouvait  ci  l'époque  de  la  ré- 
volution. Pendant  sou  séjour  à  Paris, 
il  fit  insérer  dans  les  journaux  et  no- 
tamment 'Isns  le  DIoniteur,    quel- 
ques articles  sur  des  (jucstions  d'hy- 
draulique  et  de  mécaui(|ue.  Effrayé 
des  premiers  désordres  de  la  rév(  hi- 
lion  ,  il  se  relira  dans  la  petite  ville 
de  Bngnols .   cherchant   a    s'y   faire 
oublier.  Pendant  plusieurs  années  il 
ne  cessa  de  parcourir  a  pied  le  dé- 
partement du  Var,  observant  la  na- 
ture du  sol,  ses  productions,  et  les 
recueillant  dans  des  mnnuscrils  dont 
il    est    fort    à    regretter    qu'il  n'ait 
[)U   exécuter   lui-même    la    publica- 
tion. A  la  création  de  l'inslilul  ,   il 
fut  maintenu  sur  la  liste  des  corres- 
pondants de  la   classe  des   sciences 
inathéuialiques.    Ce  savant  mourut  a 
Trans,  le  29  juillet  i8i6.  Pour  don- 
ner une  idée  des  travaux  de  Bernard, 
on  ne  peut  se  dispenser  de  rappeler 
ici  les  litres  de  ses  divers   ouvrages 
couronnés.  En  1776,  ilremporlale 
prix  à  l'académie  de  J.yon  ,  pour  un 
mémoire  sur    cette  question    :   Les 
étangs,  considérés  sous  le  rapport 
de  la  population   et  de  t agricul- 
ture,  sont-ils  plus  nuisibles  qu'uti- 
les?  En  1778  ,   il  partagea  le  prix 
proposé  par  la  même  académie,  sur 
les  moyens  de  garantir  les  canaux 
et  leurs  écluses  de  tout  aliérisse- 
ment  capable  de  retarder  la  navi- 
gation. En  1780,  son  mémoire  sur 
les  Avantages  de   l'emploi  de  la 
Houille  ,    fut  couronné  p.ir  l'acadé- 
mie de  Marseille  (i).  L'année  suivante 
elle  lui  adjugea  le  prix  pour  un  mé- 
moire 5///'  les  Moyens  de  vaincre 
les  obstacles  que  le  Rhône  met  au 
cabotage  entre  Arles  etlSLirseille; 
et  en    1782,  elle   lui  en  décerna  un 
troisième   pour    un   mémoire   sur  la 

(i)  Ou  en  triuvodca  c.\li-.  Us  ilans  lo  loiuc  2 


u 


BER 


Cidtnro  de  t olivier,  quL  fui  im- 
primé avec  ceux  d'Aïuorciix  et  de 
Coulure,  Aix  ,  1783,  in-o°.  ludé- 
peudcumnt'Dl  de  ces  ouvrages,  on  doit 
à  Bernard  :  I.  Mémoire  sur  les  en- 
grais que  laPrownce  peut  fournir 
et  sur  la  manièie  de  les  employer, 
suivant  les  diverses  espèces  de  Icr- 
raius  ,  Marseille,  1780  ,  iu-8".  IL 
Mémoires  pour  servir  à  l  histoire 
naturelle  de  Provence  ,  P:irls  , 
1787  ,  trois  vol.  in-12.  Le  premier 
volume  contient  un  Mémoire  de 
Bernard  sur  le  figuier,  couroriué  par 
l'académie  de  i\larseille  ,  en  1774.  , 
et  dont  ou  trouve  uu  long  exlrail  dans 
le  Journal  de  physique ,  1786, 
1 1,  45  ;  des  Recherches  sur  la  na- 
ture de  la  folle  avoine,  par  le  mé- 
decin Gérard,  auteur  de  la  Flore  de 
Provence  ;  et  m\  Dlémoire  sur  le 
câprier,  par  Je  P.  Béraud.  Le  tome 
II  conlient  le  P.Iémoire  de  Ber- 
nard sur  l'olivier;  le  tome  iii. 
Celui  du  P.  Béraud  sui'  l'Educa- 
tion des  abeilles.  Bernard  se  pro- 
posait de  publier  successivement,  sur 
les  divers  règnes  deTliistoire  naturel- 
le en  Provence,  les  mémoires  dont  il 
a  donné  la  liste  dans  iaverlissrmeut 
à  la  têle  du  premier  vo'ume  ,  parmi 
lesquels  on  doit  citer  son  mémoire 
sur  r amandier  ,  couronné  par  1  a- 
cadénne  de  Marseille  en  1777.  IIL 
Nouveaux  principes  d'hydrauli- 
que ,  applicables  à  tous  les  ouvra- 
ges d'utilité  et  principalement  aux 
rivières  ;  précédés  diin  discours 
historique  et  critique  sur  les  prin- 
cipaux ouvrages  qui  ont  été  pu- 
bliés sur  le  même  sujet ,  Paris  , 
1787,  in-^-"-  Irad.  en  allemand  par 
Langsdorl,  Francfort .  1790,  in-8''. 
C'est  le  résultai  des  travaux  de  Ber- 
nard ,  pour  encaisser  la  Durance  et 
assurer  la  navigalifn  du  Rhône  de- 
puis Arles  jusqu'à  son  embouchure. 


BER 

Lalande  en  a  donné  l'analjse  dans 
\' Histoire  des  maLliéinaliques  ,  par 
Moiiiuc'a,III.    712.  W — s. 

BEilA^ARî)  (sir  Thomas),  phil- 
anthrope anglais, était  le  deuxième  fils 
de  .sir  Francis  Bernard,  baronnet.  U 
naquit  a  Jjiucoln  ,  le  27  avril  i75o, 
suivit  sou  père  en  Amériipie,  a  l'âge 
de  huit  ans ,  étudia  au  collège  d'Iia- 
vard,  dans  la  Kouvelle-Angleterre, 
et  y  prit  le  degré  de  bachelier.  Re- 
venu dans  sa  pairie  ,  il  se  décida 
pour  la  carrière  des  lois,  enlra  com- 
me élève  à  Liucoln's  Inu ,  et  en 
1780  débuta  dans  le  barreau,  où 
il  choisit  pour  spécialité  les  ques- 
tion^ de  transports.  U  acquit,  dans 
celte  branche  délicale  et  lucra- 
tive de  la  jurisprudence,  assez  de  re- 
nom et  de  riches-es  pour  conclure 
en  1782  un  mariage  avantageux  et 
qui  le  fut  encore  davantage  par  la 
suite,  sa  femme  étant  devenue  l'uni- 
que héritière  d'une  torlune  considé- 
rable. Sir  Th.  Bernard  ne  vit  dans  cet 
accroissement  de  biens  qu'un  moyeu 
d'être  utile  h  l'humanité.  Il  se  relira 
graduellement  des  affaires  et  ne  se 
l;vra  plus  qu'aux  méditations  philan- 
thropiques les  plus  ca|  ables  de  dimi- 
nuer les  maux  des  classes  souflranles. 
Rien  de  ce  qui  tendait  à  ce  noble 
but  ne  lui  fut  étranger  :  secours  aux 
pauvres  ,  instrucliv>n  aux  ignorants, 
encouragements  aux  beaux-arls  ,  a 
l'industrie  el  a  l'agriculture,  tout 
était  également  l'objet  de  ses  solli- 
citudes j  tout  projet  utile  trouvait  en 
lui  un  patron  et  un  coopéialeur. 
L'établissement  des  enfants- trouvés,  a 
Londres  ,  dont  il  fut  d'abord  un  des 
directeurs  (1795),  puis  trésorier 
pendant  sepl  ans,  gagna  beaucoup 
par  SCS  soins,  sous  le  rapport  de  la 
santé,  et  sous  celui  de  la  considé- 
ration. Ayant  reconnu  qu'une  partie 
des  terrains  assignés  a  la  maison  par 


BER 

les  foucJalcnrs  élait  superflue,  il  fil 
aliéner  les  uns  ,  afleruicr  les  aulres, 
el  oblinl  ainsi  un  revenu  Irès-t'Ievé. 
Dl's  rues  s'ouvrirent  sur  un  emplace- 
ment lonj^-lenips  sans  usage  ,  el  les 
deux  principales  reçurent  les  noms  de 
Coram  el  Bernard.  La  société'  pour 
l'amélioralion  de  la  condilion  des 
classes  pauvres ,  conçue  par  lui  en 
1796  ,  el  bientôt  constituée  par  les 
soins  el  les  secours  de  l'évèque  de 
Durliam  ,  de  \\  ilberf'orce  ,  de  M. 
Morlon  Pilt  el  de  quelques  aulres 
pliilanlliropes ,  répandit  parmi  les 
niasses  un  grand  nombre  de  connais- 
sauces  utiles.  Non  moins  empressé 
de  les  rappeler  aux  principes  éter- 
nels de  la  morale,  il  donna  un  édifice 
qui  lui  r.ppartenait  pour  en  faire 
une  chapelle  libre,  et  il  fit  toutes  les 
démarches  pour  obtenir  le  ccnseule- 
nienl  du  recteur  de  la  paroisse  et 
rnulorisaliondc  Tévêqiie  de  Londres. 
Il  'es  obtint  en  efiet.  Ûloins  beureuxa 
Iirighton  ,  après  de  grandes  dépen- 
ses pour  un  élablissement  semblable, 
il  eut  le  chagrin  de  voir  le  vicaire, 
s'appuvant  de  quelque  erreur  de  (or- 
me, s'opposer  h  une  nouveauté  qui  ne 
pouvait  que  tourner  a  la  gloire  de  la 
religion.  Les  efiorls  de  sir  Tho- 
mas furent  récompensés  par  le  suc- 
cès, et  il  coulribua  beaucoup,  sans 
aucun  doute,  a  ramélioralion  qui 
s'est  fait  sentir  dans  les  mœurs  de  la 
porlion  de  Loudres  la  plus  populeuse 
et  la  plus  adonnée  aux  désordres  de 
tout  genre.  C'est  encore  lui  qui  le  pre- 
mier appela  l'altention  el  la  pitié  sur 
la  situation  des  enfants  employés  dans 
les  filatures  de  colon  ,  cl  dont  l'usage 
exigeait  un  travail  plus  long  que,  leur 
âge  ne  peut  lesuppoiler  ;  sur  celle  des 
ramoneurs,  soumis  a  des  raaîlres  dont 
la  brutalité  el  l'avarice  étaient  passées 
en  proverbe;  sur  celle  des  aveugles  , 
alors   dénués   de   tout    moTcn   d'ap- 


BER  &7 

prendre,  et  pour  lesquels  il  provoqua 
l'ouvcrlurc  d'écoles  appropriées  a 
leur  état,  en  publiant  s.>s  vues  soit 
pour  leur  insiruclion  .  soit  pour  leur 
amusemeul.  Bernard  fut  du  nombre 
de  ceux  qui  favorisèrent  le  plus  acti- 
vement la  propagation  de  la  vaccine. 
La  littérature  ,  les  sciences  ,  les 
beaux-arts  ue  lui  demeurèrent  pas  non 
plus  inditféreuls.  En  1799,  Thomson 
ayant  conçu  le  plan  d'un  établisse- 
ment du  raèrne  genre  à  peu  près  que 
l'institut  de  Trancc,  Bernard  seconda 
ses  vues  a\cc  un  zèle,  et  une  acti- 
vité extraordinaire*.  On  peut  dire  que 
sans  lui  l'idée  de  Thomson  aurait  été 
indéfiniment  ajournée  ou  qu'elle  eût 
péri  entre  des  mains  inhabiles. 
Mais  la  considération  dont  jouissait 
Bernard  et  srs  relations  avec  tout 
ce  qu'il  y  avait  de  plus  distingué  dans 
la  Grande  -  Bretagne  ,  appianirent 
les  obslaclis.  De  fortes  sommes  , 
des  dons  en  nature,  affilièrent;  une 
charte  de  fondation  fut  obtenue  eu 
1800,  el  l'institut  royal  d'Albe- 
niarle-street  fut  ouvert.  La  liblio- 
thèque  de  cet  établissement  est  riche, 
belle  et  bien  choisie.  La  salle  des 
journaux  est  abondamment  pourvue 
de  feuilles  el  recueils  périodiques. 
Les  laboratoires,  les  cabinets  de 
physique  et  de  chimie  sont  organisés 
sur  le  meilleur  pied  ;  el  l'on  sait  que 
c'est  la  que  Davv  a  t'ait  jes  belles  ex- 
périences el  ses  immortelles  décou- 
vertes. Cinc[  ans  après  la  fondalion 
de  la  société  d'Albemarle-slrcet ,  sir 
Th.  Bernard  esquissa  le  plan  d'un 
autre  établissement  formé  aussi  sur 
un  modèle  français.  Ce  fut  ITuslilul, 
connu  anjourdliui  sous  le  nom  de 
Galerie  britannique.  Ce  musée  con- 
tient un  grand  nombre  de  tableaux 
et  de  dessins  des  vieux  maîtres  de  la 
Grande-Bretagne.  Animés  d'une 
louable  émulation  eiflu  désir  de  cou- 


58 


BER 


Inbiier  a  rembellissemeut  d'un  vrai 
musée  uatioual ,  de  hauts  per,>)Ouunges 
euvoyèrcnt  h  la  Galerie  britannique 
des  pièces  qui  taisaieuL  roruemeut  de 
leurs  collections  particulières.  Cet; 
établissement  ne  fut  pas  plus  tôt  dans 
une  situation  prospère  que  sir  Th.  Ber- 
nard voulut  aussi  mériter  la  recon- 
naissance des  littérateurs.  Conjointe- 
ment avec  ses  amis  ,  il  fonda  le  club 
d'Alfred  ,  dans  le  voisiuage  de  l'in- 
stitut royal.  Ce  club,  eu  dépit  du 
nom  qu'il  porte,  n'était  ni  une  réunion 
politique,  ni  surtout,  suivant  l'usage 
des  c!ubi  en  Angleterre,  une  réu- 
nion gastronomique.  Son  but  était 
l'avancement  de  la  littérature.  Il  Cit 
auj'ourdhui  en  renom  ;  mais  il  sem- 
ble avoir  changé  d'objet  :  l'excellente 
compagnie  que  l'on  y  trouve  n'a 
point  regardé  comme  au-dessous 
d'elle  une  clière  délicate  5  et  l'on  y 
réunit  les  plaisirs  de  la  table  h  ceux 
de  la  lecture  et  de  la  conversation. 
Sir  Th.  Bernard  lui-même,  sans  avoir 
des  prétentions  littéraires  élevées  , 
avait  des  droits  au  titre  d'l;omme  de 
lettres.  Mais  l'utilité  publique  seule 
lui  mit  la  plume  a  !a  maiu  ;  la  plu- 
part de  ses  écrits  étaient  distribués 
a  ses  amis  et  ne  circulaient  que 
gratuitement.  En  voici  la  liste.  I. 
Observations  sur  les  procédés  des 
amis  de  la  liberté  de  la  presse  , 
I  793  ,  ln-8°.  II.  Lettre  à  l'évéfjiie 
de  Dnrham  sur  les  mesures  ac- 
tuellement soumises  aux  délibé- 
rations du  parlement,  concernant 
les  progrès  de  l'industrie  et  le 
soulagement  des  pauvres  ,  1807  , 
in- 8°.  III.  La  Nouvelle  Ecole  j 
Essai  d'un  exposé  de  ses  principes 
et  de  ses  avantages ,  1810,  in-8°. 
iV.  Ij'Ecole  de  Barrington  ,  ou 
Notice  sur  cet  établissement  de 
l'évéque  de  Durham ,  r  8  i  0 ,  in-  8" . 
V.    Notice    ^'  les   dislribulions 


BER 

de  poissons  aux  indigents  dans 
les  manufactures,  i  8 1  3 ,  in  -  8°.  VI. 
Spurinna  ou  Consolations  pour 
la  vieillesse  ,  1 8 1 3 ,  in- 8"  5  seconde 
édit.  1  81  6  •,  tioisième  ,  1817.  C'est 
le  plus  considérable  des  ouvrages  de 
Sir  Th.  Bernard,  et  ce  livre  seul  suf- 
firait pour  le  recommander  àreslime. 
Comme  Cicéron  dans  le  Traité  de  la 
vieillesse,  l'auteur  a  piisla  formedu 
dialogue.  L'interlocuteur  principal, 
le  panégyriste  de  la  vieillesse  est  le 
vénérable  évèque  Hough  ,  qui  se  dis- 
tin:^ua  comme  président  du  collège  de 
la  Madeleine  par  sa  résistance  à  Jac- 
ques II,  et  {[ui  conserva  sa  vigueur 
d'esprit  et  de  corps  jusqu'à  Tage  de 
92  ans.  La  scène  se  passe  en  1739  , 
dans  le  palais  deWorcesler,  où  il 
est  abordé  par  l'évéque  de  Londres, 
GibsoQ  et  par  M.  Littleton.  La 
conversation  ,  qui  commence  par  des 
compliments  au  vieux  prélat  ,  ne 
larde  pas  a  tomber  sur  sa  vieillesse- 
et  alors  Hough  réfuie  successivement 
toutes  les  objections  opposées  a  cette 
dernière  période  de  sa  vie.  11  les 
distribue  eu  quatre  classes  :  i"  inap- 
titude des  vieillards  aux  affaires  so- 
ciales et  polili(]ues  ;  2°  inHrmités 
corpoiellesj  3'^  diminution  de  la  ca- 
pacité organique  pour  le  plaisir;  4** 
état  d'anxiété  perpétuelle  en  pré- 
sence de  la  moit  ([u'on  regarde  com- 
me prochaine.  L'auteur,  sans  jamais 
quitter  le  style  simple  et  en  quelque 
sorte  patriarcal ,  qui  convient  si  bien 
a  son  principcil  personnage  ,  an  ive 
souvent  à  des  considérations  très- 
bautes,  surtout  dans  la  première  et 
la  quatrième  parties  de  la  discussiim. 
VIL  Examen  des  droits  sur  le  sel, 
avec  des  preuves  et  des  éclaircis- 
sements,  décerab.  18  1  7.  L'impor- 
tante question  relative  a  cet  impôt 
est  examinée  par  sir  Thomas  dans 
tous  ses  détails,  non  seulement  com- 


BER 

me  mesure  financière,  mais   comme 
rouage  de  Téconuinie  pulaiijue;  elil 
déiiiuulre  Tcuormilé  de  la  taxe,  Tin- 
jiiilice  de  la  rép;irlition ,  la  c'ierlé 
des  recouvrements ,  enfin   les  dom- 
mages immenses  causés  par  tout  le 
svsîème  a  l'agriculture  ,  a  l  éducation 
des  bestiaux  ,  aux  pèclieries  et  a  plu- 
sieurs branches  d  iuinstrie  ,    par  des 
arguments    tpii    nous  semblent   sans 
ré[jlique,  et  ijuieneffet  ont  été  sou- 
vent reproduits ,  tant  en  Angleterre 
qu'eu  France  ,   a  la  tribuner   et    par 
la  presse    sans    être  ré  (niés.    Mil. 
Méditations     de     l'habitant     des 
chaumières.   IX.  I}inloi^ue    entre 
un  monsieur  français  et  Jean  l'An- 
glais. X.  Dsi  Préfaces^  et  beaucoup 
de  rapports  de  la  société  pour  l'a- 
mélioraticn  de  la  condition  des  clas- 
ses pauvres. — Les  tentatives   de  sir 
Thomas  pour  l'abolition  ou  la  dimi- 
nution des  droits  sur  le  seine  se  bor- 
naient pas  aux   vœux  qu'il  publiait  , 
ou  même  aux  mo^eusi[u'il  proposait, 
pour   remplacer    celte    branche    du 
revenu    public  5    a    diverses    repri- 
ses,  et  notamment   en   1018  ,     sur 
rinvilalion  d'ui:e  comraissicu  du  par- 
lement .   il   multiplia  ses  démarches 
pour  cet  objet.  Sa  santé  en  souffi  it  : 
déjà  gravement  malade  d'hvdropible 
pendant  rhiver  de  iSiykiSiB,   il 
reçut  des  médecins  le   conseil   de  se 
retirer   a  Lcamington -Spa    (comté 
de  M^arwick  ).   L'air   de    la  campa- 
gne sembla  d':ibord   lui  être  favora- 
ble 5  mais    cette  amélioration  ne  fut 
que  momentanée  ,    et  il  mourut  le  i""^ 
juillet  1 8  1 8 .  Il  était  devenu  baronnet 
en  I  809 ,  parla  moi  t  de  son  frère  aî- 
né. Sa  Vie  a  été   écrite  par   le  rév. 
James  Baker,  18  rg,  iu-8'^     P — ot. 
lîERXAllD      de      Saintes 
(  Adriek-x\.ntoine  )  ,   né   dans  cette 
ville  vers   1700,  était  président  du 
tribunal  de  la  Charente  ,  lorsqu  d  fut 


BER  59 

nommé  ,  par  ce  département ,  député 
a  l'aoseniblée  lé-i-ialive  dans  le  mois 
de  sept.  I  791.  Il  vota  toujours  dans 
cette  assemblée  selon  les  principes  ré- 
volutionnaires ;  mais  il  ne  s'y  fit  point 
remarquer.  Nommé  en  i  792  membre 
de  la  convention  nationale,  il  se  mon- 
tra ,  dans  le  procès  de  Louis  XVI  , 
nn  des  plus  acharnés  contre  ce  prince, 
ce  En  ma  qualité  d'homme  de  bien, 
a  dit-il,  je  le  regarde  comme  coupa 
tt  hie  ,  et  je  vote  sa  mort.  )>  Dans  la 
question  de  l'appel  au  peuple  ,  il  s'é- 
cria :  a  Cest  trop  honorer  le  crime 
et    le   criminel...    »  Il  fut  ensuite 
nommé  membre  du  comité  de  sûreté 
générale,  et  dénonça  Brissot  comme 
n'ayant  pas  le  courage  d'avouer  une 
lettre  que-  cependant  il  avait  signée. 
Envoyé  quelque  temps  après  a  Or- 
léans avec  ses  collègues  Guimbertau 
et  Léonard  Bourdon  ,  Bernard  écri- 
vit a  la  convention  ,  pour  l'informer 
des  tentatives  d'astassinat  faites  sur 
la  personne  de  ce  dernier  5  el  sa  let- 
tre, dans  laquelle  il  dénonçait  toutes 
les   autorités    d'Orléans  ,    rléclarant 
que  dans  cette   ville  tout   était  en 
contre  -révolut.oii ,    fut    lue    dans 
la  séance   du    18    mars    1793,    où 
elle  produisit  la  plus  grande  sensa- 
tion. Bernard  fut  ensuite  envoyé  dans 
les  départements  de  la  Côte-d'Or  et 
du  Jura,  pour  y  faire   exécuter  les 
cruelles  lois  de  la  terreur  j  et  l'on  se 
souvient  encore  dans  ces  couirées  de 
la  rigueur  avec  laquelle  il  y  remplit 
son  épouvantable  mission.  Il  en  eut 
bienlol   une  aulre  ,  dans  la  piinci- 
pautë  de  Montbéliard  ,    où  il  ne  se 
montra  pas   moins  inexorable,  il  y 
épura  les  anciennes  autorités  ,    en- 
leva l'argenterie  des  églises  ,  et  écri- 
vit   à  l'assemblée   que  ,  voulant  de~ 
fanatiser  le  peuple  ,    il    avait    fait 
vendre  les   calices   et   les  burettes, 
afin  que  les  citoyens  pussent  s'en  ser- 


Go 


Êî-R 


vir  a  leur  laLle  ,  et  que  lui-même  en 
avait  donoé  l'exempl:"  en  buvant  dans 
un  calice  k  la  sanlé  de  la  Républiijue. 
Revenu  k  la  couveuliou,  Bernard  y 
prit  peu  de  part  aux  délibéralions. 
Cependant  k  la  suite  de  son  long- 
rapport  sur  le  9  thermidor ,  deux 
jours  après  cet  événement  ,  Barère 
le  proposa  pour  remplacer  au  co- 
mité de  salut  public  l'un  des  trois  re- 
présentants qui  avaient  péri  sur  Pé- 
chafaud  ;  mais  rassemblée  décida  que 
ce  remplacement  se  ferait  au  scrutin; 
et  par  cette  voie  Bernard  fut  porté  au 
comité  de  sûreté  générale.  11  parut 
alors  entrer  franchement  dans  le  parti 
qui  avait  reaversé  Robespierre,  et 
vouloir  toutefois  maintenir  le  gouver- 
nement révoiulionnaire  sur  ses  prin- 
cipales bases.  A  la  séance  du  28  thermi- 
dor, il  parla  poui  les  mises  en  liberté  5 
iiiùs  quelques  mois  plus  lard,  répon- 
dant, en  .sa  quolilé  de  président,  k 
une  députalion  de  la  société  des  Jaco- 
bms  ,  qui  se  plaignait  de  Teuiprison- 
nemenl  des  patriotes,  il  diji.-aLacon- 
*:  venlion,  qui  a  vaincu  îonles  les  fac- 
«  tions,  ne  sera  pa>  arrêtée  par  les 
«clameurs  des  aristocrates  impu- 
«{  dents;  elle  saura  maintenir  le  gou- 
«  vernement  révolutionnaire;  elle 
«reçoit  avec  intérêt  les  réclamations 
Cl  des  patriotes  persécutés,  n  Depuis 
ce  temps,  Bernard  se  rattacha  com- 
plètement au  parti  des  anciens  comi- 
tés. Plusieurs  motifs  d'accusation  con- 
tre lui  avaient  été  trouvés  dans  les 
papiers  de  Rubespierre  ;  et  il  fut 
encore  gravement  compromis  dans 
la  révolte  de  prairial  an  m  :  son 
arrestation  fut  décrétée.  Ce  fut  pen- 
dant sa  détention  qu'il  composa  un 
mémoire  justificatif  sous  ce  titre  : 
Bernard  de  Saintes ,  représentant 
du  peuple,  à  la  convention  natio- 
nale^in-Z".  Dans  celte  apologie,  le 
proconsul  cherche  surtout  à  se  justi- 


BER 

fier  de  la  mort  du  présiden  I  au  par- 
lement de  Dijon  ,  Micaut ,  ainsi  (|ue 
de  celle  des  émigrés  Colmont  et  Ri- 
chard qui  avaient  péri  sur  l'échafar.d 
k  l'époque  de  sa  mission  dans  l'a  Côtc- 
d'Or.  On  l'accusait  mêm«  de  s'être 
approprié  les  dépouilles  du  premier, 
et  d'avoir  confisqué  k  son  profit  une 
grande  quantité  d'argenterie  des  égli- 
ses. La  réfutation  qu'il  fit  de  tous  ces 
griefs  nous  paraît  très-insuffisante, 
et  l'on  pourrait  y  trouver  l'aveu  de 
ses  torts  plutôt  que  leur  dénégation. 
Bernard  ,  dénoncé  dans  le  même 
temps  par  Lecointre  de  Versailles  , 
comme  agent  et  complice  de  P.obes- 
pierre,  publia  un  Compte  rendu  sur 
la  partie  critique  de  sa  mission, 
qui  n'est  pas  moins  curieux  que  le 
précédent.  Malgré  tous  ces  mémoires, 
Bernard  ne  recouvra  la  Hberté  que  par 
l'amnistie  du  4  brumaire  an  iv.  Retiré 
dans  sa  patrie ,  il  fut  juge  au  !  ribunal  ci- 
vil sous  le  gouvernement  impérial.  En 
1 8  I  5 ,  le  département  de  la  Charente 
le  nomma  député  a  la  chambre  des  re- 
présentants, où  i!  ne  se  fit  pninl  re- 
marquer. Compris  en  18 16  dans  la 
loi  contre  les  régicides,  i!  se  réfugia 
a  Bruxelles,  y  dirigea,  dius  un  es- 
prit irès-démocralique  ,  un  jourual 
intitulé  le  Surveillant,  et  fit  paraître 
UQ  ouvrage  sur  l'inslruclion  publique. 
1!  est  prohalle  que  ce  fut  par  suite  de 
ces  publications  qu'il  reçut  du  roi  des 
Pavs-iias  l'ordre  de  s'éloigner  de 
ses  états.  11  se  rendit  alors  aux  Etats- 
Unis  d'Amérique  ,  où  il  est  mort  eu 
1 8 19. — Bernard  [Marc- Antoine), 
député  -  suppléant  des  Boucbes-du- 
Rhône  k  la  convention  nationale  ,  fut 
admis  k  la  place  de  Barbaroux,  le  20 
août  1795  ;  cinq  mois  après,  sur  la 
motiou  de  Dubarrand,il  fut  traduit 
au  tribunal  révolutionnaire  ,  et  con- 
damné k  moi  l  comme  conspirateur, 
le   3  2  janvier  1794  ;    il   n'élail  âgé 


BER 

{|ue  de  trcnle-huit  ans.  Bernard  , 
élaul  adminislrateur  de  son  district , 
avait  proteste  contre  les  évèiiemeuls 
du  5i  mal  1795.  M — d  j. 

BERXARD  d'Hcry ,  (Pier- 
re),  lillérateur  ,  né  en  1706,  dans 
unrillageprès  d'Aiixerrc,  dontiljoi- 
gnille  ncra  au  sien,  pour  le  distinguer 
de  ses  nonibreux  hoinonyn:es  ,  était 
fils  d'un  riche  marcliand  de  bois  ,  a 
qui  celle  parlie  de  la  Bourgogne  est 
redevable  de  l'introducliou  de  nou- 
velles raélhodes  de  culture  qui  ont 
doublé  ses  produits.  Après  avoir  (V'it 
d'excellentes  éludes,  il  vint  k  Paris 
perfectionner  ses  connaissances  5  el, 
ayant  acquis  une  charge  dans  la  mai- 
sou  du  comte  d'Artois  ,  il  put  se  li- 
vrer enlièremcut  a  son  goiit  pour  les 
lettres.  A  la  révolution,  dont  il  em- 
brassa les  principes  avec  modération, 
il  fut  nommé  membre  de  la  première 
admiiiislralion  du  département  de 
l'Yonne.  Député  par  ce  département 
à  l'assemblée  législative  ,  il  y  fit,  au 
nom  de  diverses  commissions  ,  plu- 
sieurs rapports  importants,  entre 
autres  sur  l'organisation  des  ser- 
vices publics  et  la  répression  de 
la  mendicité  ,  dont  les  conclusions 
adoptées  ne  purent  cependant ,  à  rai- 
son des  cil  constances  .  recevoir  même 
un  commencement  d'exécution.  Après 
la  journée  du  10  août  1792  ,  il  fit 
décréter  que  les  administrations  dé- 
partementales ,  élues  sous  l'influence 
de  la  cour ,  seraientrenouvelées.  Ce  sa- 
crifice au  désir  de  conserver  de  la  po- 
pularité ne  put  le  soustraire  aux  per- 
sécutions qu'amena  le  régime  de  la 
terreur.  Dénoncé  comme  royaliste, 
par  le  conventionnel  Maure,  (de 
r\onne)  ,  il  n'éclappa  qu'en  se  te- 
nant ca'hé.  A  la  création  des  conseils 
de  prélecture,  en  1800  ,  il  iul  nom- 
mé membre  de  celui  de  W  onne  ;  et, 
quelques  années  plus  tard,  il  reçut  la 


BKR 


61 


croix  de  la  Léglon-d  Honneur.  Sans 
rien  relâcher  de  ses  devoirs,  il  con- 
sacra ses  loisirs  a  la  cidture  des  let- 
Ires  et  à  l'embellisseraent,  de  sa  mai- 
son d'Héry  ,  où  il  avait  formé  des 
collections  de  livres  rares ,  d'anti- 
quités et  de  tableaux  des  meilleurs 
maîtres.  En  i85o  il  fut  remplacé 
dans  les  fondions  qu'il  remplissait 
avec  autant  de  zèle  que  de  capacité. 
Trop  sensible  à  celte  disgrâce,  il  ne 
s'en  consola  qu'en  se  livrant  a  l'élude 
avec  une  ardeur  que  ses  forces  ne 
pouvaient  plus  seconder.  La  perle 
d'une  épouse  chérie  et  celle  de  sa 
belle  fille  vinrent  ajouter  a  ses  cha- 
grins. Pour  se  distraire,  il  se  rendait 
a  Paris  ;  mais  arrivé  a  Sens,  il  y  fut 
frappé  d'apoplexie,  le  25  avril  i833, 
à  l'âge  de  soixanle-dix-sept  ans.  Il 
avait  eu  de  nombreux  amis.  L'un 
d'eux  le  P.  Laire,  savant  bibliogra- 
phe ,  lui  avait  légué  une  parlie  de  ses 
manuscrits.  On  a  de  Bernard  d'Héry  : 
I.  Pi  éludes  poétiques,  Paris  1786, 
in- 18.  Ce  volume  contient  des  imita- 
tions des  poètes  grecs  el  latins  ,  el 
la  traduction  en  vers  de  VOEdipe 
roi  de  Sophocle.  II.  Essai  sur  la 
vie  et  les  ouvrages  de  l'abbé  Pré- 
vost. Ce  morceau  se  trouve  a  la  tête 
de  l'édition  des  OEuvres  choisiesàe 
cet  écrivain,  Paris,  1783-85,  Sp 
vol.  in-8'-'.  Il  en  a  été  lire'  séparé- 
ment quelques  exemplaires.  III. 
EHistoire  naturelle  de  Buffbn, 
réduite  A  ce  quelle  contient  de 
plus  instructij'  et  de  plus  intéres- 
sant, ih'id.,  1  791-1801  ,  in-8°,  ir 
vol.  Le  discours  préliminaire  de 
l'éditeur  est  un  morceau  de  littéra- 
ture Irès-iemarquajjlo.  Le  dernier 
volume  contient  la  vie  de  Buflon.  la 
table  analytique  de  ses  0'ivras;es  ,  et 
une  notice  sur  lVlo;itbeilIard ,  avec 
un  choix  de  ses  œuvres.  IV  La  Jé- 
rusalem délivrée,  traduction  nou- 


62 


BER 


veïle,  en  versfrancais ,  Auxerre  , 
i852  ,  2  vol.  in-i2.  Celle  Iradiic- 
tiori  a  le  luérile  de  la  fidélité  ;  mais 
c'esl  a  peu  près  le  seul.  Elle  n'a 
élé  imprimée  qu'à  un  petit  nombre 
d'exemplaires  que  l'auteur  a  distri- 
bués a  ses  amis.  Bernard  a  laissé  en 
porte-feuille  des  chansons  et  des  piè- 
ces fugitives,  dont  plusieurs  seraient 
dignes  d'être  publiées.  LiVSj'ournat/.v 
du  déparlement  de  l'Yonne  contien- 
nent sur  Bernard  différentes  notices 
que  l'on  a  consultées  pour  la  rédac- 
tion de  cet  article.  Vt — s. 

BEIlXAilDES(DioGo}.  Foj: 
DiOGO  Bernabdes,  XI,  092 

BEilXARDI  (Etienne),  musi- 
cien ,  était  au  commencement  du  dix- 
septième  siècle  maiire  de  chapelle  de 
la  catiiédrale  de  Vérone,  et  [luhlia 
vn  traité  élémentaiie  sur  son  art,  inti- 
tulé Porta  musicali  ,  Vérone  , 
161 5,  in-^".  Cet  ouvrage  est  fort 
estimé  pour  la  claitéet  la  précision. 
L'auteur  en  avait  annoncé  une  seconde 
partie ,  que  la  mort  l'empêcha  de 
mettre  au  jour.  —  Bernardi  {Fran- 
çois) ,  surnommé  Senesino  ,  né  a 
Sienne  ,  vers  1706  ,  fut  un  des  pli:s 
fameux  chanteurs  qu'ait  produits  la 
cruelle  méthode  de  la  castration.  Ce 
fut  a  Dresde,  au  grand  opéra  de 
Lotti,  qu  il  commença  à  faire  con- 
naître son  éclatante  voix.  Haendel, 
frappé  d'élonnemenl ,  le  conduisit  a 
Londres,  elle  plaça  ,  avec  un  trai- 
lemeni  de  ([uinze  cents  guinées,  au 
grand  théâtre  de  l'opéra  ,  où  pendant 
neuf  ans  Bernardi  excita  l'admiration 
universelle.  H  se  brouilla  ensuite 
avec  Haendel,  et  se  rendit  à  Florence 
oîi  il  fut  entendu  avec  beaucoup  d'in- 
térêt, el  il  eut  l'honneur  d'j  chanter 
avec  l'archiduchesse  .  qui  devait  s'as- 
seoir sur  le  trù:ie  de  France.  La  voix 
de  Bernardi  était  pénétrante,  claire  et 
flexible.  Son  intonation  était  pure  ,  et 


BER 

il  fut  le  premier  de   son  temps  pour 
le  récitatif.  Z. 

BERXARDï  (Joseph-Elzéar- 
Dominique),  jurisconsulte  et  acadé- 
micien, né  dans  un  village  du  comtat 
venaissin  ,  appelé  Monieux,  le  i  6  fé- 
vrier lyBi,  d'une  famille  de  ma- 
gistrature fort  ancienne,  fil  ses  études 
h  Aix ,  el  se  livra  de  bonne  heure  a 
l'étude  des  lois,  et  surtout  a  la  re 
cherche  de  leur  histoire  ,  de  leurs 
causes  et  de  leur  origine.  Il  avait 
a  peine  20  ans  lorsqu'il  se  fit  rece- 
voir avocat  et  qu'il  publia  un  Eloge 
de  Cujas ,  remarquable  par  l'éiu- 
dition  et  la  profondeur  des  pensées. 
En  1779,  l'académie  de  Chàlons- sur- 
Marne  ayant  mis  au  concours  la  ques- 
tion de  savoir  quelles  améliorations 
il  convenait  de  faire  a  nos  lois  crimi- 
nelles ,  Bernardi  envoya  un  mémoire 
qui  fut  couronné  et  imprimé  sons  ce 
titre  :  ISloyens  d'adoucir  la  ri- 
gueur des  lois  pénales  en  France, 
sans  nuire  à  la  sûreté  publique. 
Chàlons,  1781,  in-8°.  Le  prix  fut 
partagé  entre  Bernardi  et  Brissot  de 
\Varville,  et  les  deux  discours  furent 
réunis  ensemble  5  celui  de  Bernardi 
est  surtout  remarquable  si  l'on  consi- 
dère l'âge  de  l'auteur  elle  temps  oîiil 
païut.  Les  vues  surtout  en  étaient 
extrêmement  sages  5  mais  ce  n'était 
pas  une  subversion  absolue  que  de- 
mandait Bernardi,  il  désir.iit  seuîe- 
m.ent  quebjues  modifications  ,  quel- 
ques perieclionuements,  que  le  temps 
et  l'expérience  avaient  rendus  aussi 
faciles  que  nécessaires.  Encouragé 
par  de  tels  succès  ,  Bernardi  pour- 
suivit avec  un  nouveau  zèle  ses  re- 
cherches historiques  ,  et  il  publia  ,  en 
1782,  sous  le  titre  modeste  à' Essai 
sur  les  révolutions  du  droit  fran- 
çais, pour  servir  d'introduction  à 
l'étude  de  ce  droit,  suivi  de  vues 
sur  la  justice  civile^   l   vol.  in- 8", 


BER 

un  ouvrage  fort  icmarquaMc  ,  et  qui 
conliii)ua  beaucoup  K  lui  faire  oblenir 
la  charge  de  iieutenaul-p^éuéral  du 
comté  de  Sault.  Laborieux  et  forte- 
ment constitué,  il  trouva  le  temps 
de  remplir  les  fonctions  de  celle 
place  et  de  coiiliniicr  ses  travaux 
sur  la  législation.  Il  publia,  eu  1786 
des  Lettres  sur  la  justice  cri- 
minelle de  la  France ,  et  sa  cou- 
Jormité  avec  celle  de  l'inquisition, 
1  vol.  in-ô"  j  eu  i']88,]esFrincipes 
des  lois  criminelles ,  suivis  d' ob- 
servations impartiales  sur  le  droit 
romain,  iu-8°.  Peu  de  temps  après, 
racadémie  dis  inscriptions  avant 
ouvert  un  concours  sur  la  nécessité 
d'une  réforme  dan.-^  nos  lois  criminel- 
les,  et  particulièrement  sur  liuslilu- 
tion  du  jurv,  Bernardi  se  mit  de  nou- 
veau sur  les  ran^s ,  et  pariaj^ea  le 
prix  avec  un  de  ses  concurrenis,  et 
son  discours  fut  imprimé  sous  ce  ti- 
tre :  VJ/e/no/re  sur  le  jugement  par 
jury,  1789,  111-8"^.  Dans  tous  ces 
écriis,  Bernardi  avait  demandé  et  pro- 
voqué des  réformes  utiles,  mais  il  était 
loin  de  vouloir  que  tout  réd.fice  de 
notre  ancienne  jurisprudence  fut  tout 
d'un  coup  renversé.  Lorsqu'il  vit,  en 
1790  ,  cette  destruction  si  subite  et 
si  complète  opérée  par  l'assemblée 
constituante  ,  il  en  aperçut  tous  les 
résultats  ,  et  il  blâma  bautenient 
celte  imprudence.  Dès  lors  il  ne 
dissimula  plus  son  opposition  à  la 
marche  révolutionnaire.  Cependant , 
après  la  suppression  de  sa  chare^e  , 
il  accepta,  en  1791  ,  une  place  de 
juge  ;  mais  ,  bien  que  nommé  pour 
sept  ans,  il  fu'.  delilué  après  la 
révolution  du  10  août  1792,  et 
mis  en  arrestation  nu  mois  de  mars 
suivant.  Pvendu  à  la  liberté  par  le 
parti  fédéralisin  ,  qui  s'empara  mo- 
mentanément du  pouvoir  a  Marseille, 
dans  le  mois  de  juin  1795,  il  se  hâta 


BER 


65 


de  fuir  dans  les  états  du  roi  de  Sar- 
daigne  ,  où  un  de  ses  frères  était  offi- 
cier 5  et  il  ne  rentra  eu  France 
qu'après  la  chute  de  Robespierre. 
Â'omiiié  peu  de  temps  après  (1797) 
député  au  conseil  des  cinq  cents,  par 
le  département  de  \aucluse  ,  il  se 
rangea  ,  dans  cette  assemblée  .  du 
parti  opposé  a  la  révolution  ,  fut 
membre  de  la  réunion  de  Clichv  .  et 
prit  la  défense  des  émigrés  de  Tou- 
lon avec, une  telle  chaleur,  qu'il  fit 
abroger  une  partie  des  lois  que  la  con- 
vention nationale  avait  rendues  con- 
tre eux.  Chargé,  au  nom  de  la  com- 
mission d'instruction  publique  ,  de 
faire  un  rapport  sur  la  fête  du  1^'' 
vendém  aire  (tondation  de  la  républi- 
que), il  s'acquitta,  dans  la  séance  du 
i3  fructidor  an  V,  de  cette  mission 
délicate  avec  beaucoup  de  ménage- 
ment. Cinq  jours  plus  tard  ,  sa  no- 
mination fut  annulée  par  suite  de  la 
révolution  du  18  fructidor  an  V 
(sept.  1797).  C'est  a  cette  époque 
que  ,  voulant  mettre  a  profit  pour  les 
lettres  1  inactivité  où  il  se  trouva  ré- 
duit ,  il  s'occupa  de  reproduire  le 
Traité  de  la  République ,  de  Cicé- 
ron  ,  dont  toutes  ses  études  lui  avalent 
fait  regretter  vivement  la  perte.  Ce 
fut  avec  les  citations  de  plusieurs 
auteurs  et  avec  celles  de  l'orateur 
latin  luj-raéme  qu'il  entreprit  pour 
Cicéron  ce  que  Broiier  avait  exécuté 
avec  tant  de  succès  pour  Tacite  et 
Freinshemins  pour  Tile-Live.  Cette 
production  remar  [uable  parut  sous 
le  voile  de  l'anonyme,  en  1798  , 
in-8° ,  et  pour  la  seconde  fois  e« 
1807  ,  2  vol.  in- 12  ,  avec  le  nom 
du  traducteur.  Elle  reçut  alors  les 
éloges  de  tous  les  savants  ;  et  depuis 
que  l'ouvrage  de  Cicéron  lui-même  a 
été  découvert  par  les  admirables  re- 
cherches de  ÎM.  IN'ai,  depuis  qu'on  peut 
lire  le  texte  de  Cicéron  et  lalraHuc- 


€4 


BER 


lion  c{u'(>n  a  faite  M.  Villeiiiain,  l'ou- 
vrage Je  Bernardi  est  encore  lu  avec 
inlérél  |)at  les  savants.  Dus  que  Bo- 
uapai'te  se  fut  emparé  du  pouvoir,  et 
qu'il  voulut  s'enlourer  d'hommes  véri- 
tablement capables  et  probes,  il  con- 
fia a  Bernardi  un  des  emplois  les  plus 
irapurlauls  du  ministère  de  la  jus'dcc. 
L'cx-dépuié  de  Yaucluse  ne  parut 
plus  dès-lors  s'occuper  que  des  fonc- 
tions de  CL-tte  place  et  de  la  compo- 
siiiou  de  quelques  écrits  sur  la  juris- 
prudence. Il  fut  nommé,  en  iSrs, 
membre  de  la  seconde  classe  de  l'In- 
stitut (ac.idémic  des  iuscriplions)pr.r 
le  choix  de  ses  confrères.  Il  était  en- 
core directeur  des  affaires  civiles  au 
ministère  de  la  justice  lors  delaclmle 
du  gouvernement  impérial,  en  i  8  iZf. 
On  ne  peut  duuler  au  il  n'ait  vu 
le  retour  des  Bourbons  avec  d'autant 
plus  de  plaisir  ,  qu'il  dut  se  flatter 
que  le  rétablissement  de  l'ancienne 
dvnaslie  ramènerait  au  moins  eu 
partie  1  ancienne  législation  ,  objet 
de  ses  constants  regrets.  Son  éton- 
Bement  fut  grand  lorsqu'il  vil  les 
Bourbons  eux-mêmes  revenir  a  des 
essais ,  à  des  théories  que  l'expé- 
rience semblait  avoir  condamnés.  Il 
publia  ses  Observations  sur  l'an- 
cienne constiliition  française  et  sur 
les  lois  et  les  codes  du  gouverne- 
ment révolutionna  ire-,  pa^^  un  an- 
cien jurisconsulte ,  Paris,  iSi^, 
in- 8".  Dans  cet  ouvrage,  très-remar- 
qual)le,  si  Ton  songe  a  l'épcque  où  il 
parut,  il  est  évident  que  Bernardi  ne 
présentait  l'éloge  de  notre  anrienne 
législation  que  comme  une  critique 
indirecte  de  ce  qui  se  faisait  alors; 
et  celte  intention  fut  encore  plus  ma- 
nifesle  lorsque  trois  ans  plus  tard  , 
dans  un  nouvel  écrit ,  il  condamna 
ouvertement  les  assemblées  représen- 
tatives, et  déclara  oue  les  réunions 
trop  nombreuses ,  snrtout  en  Frau- 


DER 

ce  ,  n'avaient  jamais  produit  que  du 
désordre  ;  que  Tordre  et  le  bien 
ne  pouvaient  être  fondés  que  sur  l'u- 
nité ,  etc.  Celait  dans  son  Traité 
de  l'origine  et  des  progrès  de  la 
législation  J'rancaise,  ou  histoire 
du  droit  public  et  privé  de  la 
France^  depuis  la  fondation  de  la 
monarchie  jusques  et  y  compiis  la 
révolution,  Paris,  1817,  2  vol. 
in-8''  ,  que  Bernardi,  blâmant  ainsi 
les  opéralions  de  toutes  les  assem- 
blées ,  laisait  indirectement  la  criti- 
que des  institutions  de  Louis  XVIII. 
Dacicr  ,  son  confrère  «H  l'acadé- 
mie,  a  dit,  dans  sa  notice  histo- 
rique sur  Bernardi ,  que  cet  ouvrage 
présentait  un  tableau  trop  rembruni 
des  derniers  temps;  quelon  devinait 
aisément  que  l'auteur  était  de  mau- 
vaise humeur  depuis  1789...  a  et  il 
«  faut  convenir,  ajoute- t-il ,  que  ce 
K  n'était  pas  tout-a-fait  sansmolif.  jj 
Dacier  aurait  pu  ajouter  que  l'on  de- 
vait seulement  èlre  étonné  que  cette 
mauvaise  humeur  eut  augmenté  sous 
le  règne  des  Bourbons.  Du  reste  , 
l'espèce  d'opposition  que  Bernardi 
montra  depuis  la  restauration  lut 
peu  remarquée  du  public ,  quoique 
plusieurs  journaux  aient  refuté  ses 
écrits  \  mais  peu  de  personnes  les  li- 
saient,  parce  que,  il  faut  le  dire, 
cet  écrivain  ,  qui  possédait  au  plus 
haut  degré  la  probité  dont  Cicéron 
vent  que  l'orateur  soit  doué  ,  n'é- 
tait pas  aussi  complètement  pourvu 
du  talent  de  bien  dif e  ,  dicendi  pe- 
ritus,  qu'exige  aussi  l'orateur  romain . 
Profondément  érudit ,  et  animé  com- 
me il  l'était  des  meilleures  inlenlious, 
Bernardi  aurait  pu,  s'il  eut  expri- 
mé ses  pensées  d'une  manière  plus 
brillame  ,  exciter  vivement  Tat- 
tention  publique ,"  mais  on  lut  peu 
ses  ouvrages  ,  écrits  péniblement 
et  saw    aucune    espèce    d  attraits. 


BER 

Les  hommes   qne    comballait  Ber- 
iiardi  le  comprirent  fort  bien  cepen- 
dant,  et  il   est  probable  que  ce  fut 
une  descausesde  Tespèce  de  disgrâce 
ministérielle  où  il  tomba.  Mis  h  la 
retraite  en  1818,  cet  homme  de  bien 
cessa  de  travailler  pour  l'état ,  quand 
ses  forces  et  son  expérience  lui  per- 
met talent  de  rendre  les  plus  grands 
services  ,    et  quaud  l'inslabilité  des 
évèuemenls  et  la  faiblesse  du  pouvoir 
les  rendaient  de  plus  eu  plus  néces- 
saires.   Il  considéra  celte    décision 
comme  une  véritable  insulte,  et  il  en 
ressentit  un   profond  chagrin,  a  Ce 
«  n'est  pas  sous  le  gouvernement  des 
«Bourbons,   dit-il  a  ses  amis,   que 
K  j'aurais  attendu  un    pareil  traite- 
tt  ment.  »  Ne  pouvant  plus  dès-lors 
supporter  le  séjour  de  Paris,  il  re- 
nonça a  toutes  ses  habitudes,    et  il 
allas'eDsevelir  au  fond  de  la  Provence 
dans  le   village   où  il  était    né.    On 
conçoit  qu'un  tel   isolement  ne  put 
long-temps  convenir  a  un  homme  qui 
avait  passé   tant  d'années  au  milieu 
des  savauls  et  des  hommes  d'état  les 
plus  distingués.  Après  avoir  supporté 
pendant  plusieurs  années    cet   ennui 
avec  la  plus  admirable  résisiuation  ,  il 
pensait  cependant  a  s  y  soustraire  ;  et 
déjà  il  avait   annoncé    son  retour   a 
Paris  ,  lorsque  la  mort  vint  le  frap- 
per le  2  5  octobre  1824..  Les  écrits 
deBeruardi,   outre  ceux   que    nous 
avons  cités,  sont  :  L  Del'lnjluence 
de   la  philosophie  sur  les  forfaits 
de    la    révolution  ,    par   un  offi- 
cier de  cavale: ie,   Paris,    1800, 
iu-8".    Cet    ouvrage    offre   des    dé- 
tails et  des  rapprochements  curieux. 
C'était  pour  l'époque  un  langage  si 
hardi,  que  Bernardl  crut  devoir   se 
caclier   sous  une  fausse  désignation. 
H.  Institution  au  droit  français , 
civil  et  criminel  ,   Paris  ,    an    \i\ 
('799)?  i"-8°.  Cet  ouvrage  eut  une 


BER  65 

seconde  édition,  augmentée  d'un  Mé- 
moire sur  Vorigine  et  les  révolu- 
tions des  jugements  par  pairs  et 
par  jurés  en  France  et  en  Angle- 
terre ^  qui  a  remporté  le  prix  a  l'aca- 
démie des  inscriptions  eu  1 7  89 ,  Paris^ 
1800,  in-8°.in.  Théorie  nouvelle 
des  lois  civiles,  où  l'on  donne  le 
plan  d'un  système  général  de  ju- 
risprudence et  la  jwdce  des  codes 
les plusfameux,Va.r'is,  1802,  in-8°- 
IV.  Cours  complet  de  droit  civil 
français,  Paris  ,  i8o3-  i8o5,  4- vol. 
in-8".    Cet  ouvrage  se  compose  des 
leçons  que   Bernardi  avait   données 
pendant  plusieurs  années  a  l'académie 
de  législation.  V.  Commentaire  sur 
la  loi  du  I  3  Jloréal  an  XI,  rela- 
tive aux  donations  et  testaments, 
Paris,   1804.,  in-S".  \L  Commen- 
taire sur  la  loi  du  20  pluviôse  an 
Ji-II.^  relative  au  contrat  de  ma- 
riage et  aux  droits  respectifs  des 
époux,  avec  les  formules  des  con- 
ventions, etc.,  Paris,  iBo^jin-B". 
Bernardi  a  encore  publié  un  Eloge 
de    l'historien    Papon ,     dans    le 
Journal  des  Débats,  en  i  8o3  5  il  a 
concouru  a  la  rédaction  des  Archives 
littéraires ,   et  h  celle  du  Bulletin 
de  l'académie  de  législation.  Il  a 
donné  quelques  articles  au  Diction- 
naire de   la   Provence,  aui    3Ié- 
moires  de  L'Institut,  cl  des  notices 
sur  des  jurisconsultes  à  la  Biogra- 
phie universelle,  entre  autres  celles 
de  Cujas  et  du  chancelier  de  L'Hôpi- 
tal, sur  lequel  il  avait  publié  un  Es- 
sai ç\\  1807,  in-8^.  On  lui  doit  une 
nouvelle   édition   des    OEuvres   de 
Pothier  ,    mise  en  rapport  avec  le 
Code  civil.  Il  a  laissé  inédit  un  ouvra- 
ge sur  l'origine  de  la  T)airie.  M — nj. 
BER^^EIION     '(le      chevalier 
Fr.A?<cois  de),  g-éiiéral français,  né  en 
17.50  d'une  famille  uoj-ile,  mais  dé- 
nuée de  fortune,  fut  destiné  de  bonne 


66 


BER 


heure  h  la  carrière  des  armes,  et  ser- 
vit (l'abord  dans  un  régiment  de  ca- 
valerie ,  puis  dans  la  maréchaussée 
(devenue  gendarmerie  a  l'époque  de 
la  révolution).  Nommé  capitaine  dans 
le  régiment  colonial  de  Tlle-de- 
France,  il  servit  dans  l'Inde  avec  quel- 
que distinction,  et  remplit  avec  beau- 
coup de  succès  plusieurs  missions  au- 
près deTippou-Sultlian  et  de  différents 
chefs  des  Marattes. Revenu  en  France 
au  commencement  de  la  révolution, 
il  en  adopta  les  principes  ,  fut  nommé 
adjadant-général  et  employé  eu  celte 
qualité  a  l'armée  de  Luckner,  puis  h 
celle  de  Dumouriez  où  il  concourut 
aux  victoires  de  Valray  et  de  Jemma- 
pes.  Chargé  du  siège  de  Willems- 
stadt,lors  deTinvasiou  delà  Hollande 
dans  le  mois  de  mars  i795,ilneréus- 
sit  pas  a  s'emparer  de  cette  place,  et 
revint  K  la  grande  armée  où  il  montra 
beaucoup  d'attachement  au  général 
en  chef  Dumouriez  ,  lors  de  sa  dé- 
fection. L'ayant  accompagné  dans  sa 
fuite,  il  séjourna  d'abord  à  Bruxelles, 
et  devint  suspect  aux  Autrichiens  qui 
le  retinrent  en  prison  pendant  près  de 
deux  ans,  le  soupçonnant  d'avoir  con- 
servé des  rapports  avec  les  républi- 
cains français.  Rendu  enfin  'a  la  li- 
berté ,  il  al'a  a  Londres  où  il  ne  fut 
pas  plus  heureux  :  il  y  mourut  dans 
l'obscurité  et  presque  dans  la  misère, 
vers  le  commencement  de  ce  siècle. 
M— DJ. 
BERNIIARDT,  bibliothécaire 
du  roi  a  Munich  ,  remplit  pendant 
quarante  ans  les  fonctions  de  cette 
p'ace,  et  fut  décoré  de  l'ordre  du 
mérite  civil  de  Bavière.  On  a  de  lui 
plusieurs  ou\Tages  importants,  entre 
autres  :  L  Codex  traditionum  ec- 
clesiœ  Ravennensis  in  papyro 
scriptus.  IL  Essais  sur  l'histoire 
de  r imprimerie  ^  qui  font  partie  du 
recueil    intitulé    Matériaux    pour 


BER 

seiviràVhistoii'c  de  la  littérnti/re, 
publié  sous  la  direction  du  baron 
Ch.  d'Aretin.  Bernhardt  est  mort  a 
Munich,  le  26  juin  182  I .  Z. 

BERMER,  trouvère  du  i3' 
siècle,  célèbre  par  son  talent  pour  la 
poésie  et  par  celui  de  conter  agréable- 
ment. La  seule  pièce  que  nous  con- 
naissions de  lui  est  un  fabliau  ,  tiré 
du  manuscrit  de  la  bibliothèque 
royale,  numéro  7218,  et  dont  les 
premiers  vers  manquent.  Elle  est  in- 
titulée :  la  Housse  partie  ,  et  im- 
primée au  tom.  IV,  p.  472-4-85  du 
recueil  de  Méon.  Legrand  d'Aussy, 
qui  l'a  traduite  librement  en  prose  , 
{Fabliaux  ,  édit.  in-8°  ,  lom.  III , 
pag.  220-228) ,  lui  donne  pourtitre  : 
Le  Bourgeois  (C Abbeville  ,  aliàs , 
la  Housse  coupée  en  deux.  Comme 
la  scène  est  en  Picardie ,  il  est  pos- 
sible que  l'an  leur  soit  né  dans  ce  pays, 
ce  que  le  style  semble  indiquer  aussi. 
Bernicr  débute  par  un  prologue  où 
il  remarque  que  ceux  a  qui  la  nature 
a  départi  quelque  esprit  devraient 
s'exercer  à  enromancier  toutes  les 
aventures  jolies  qu'ils  apprennent. 
C'est,  dit-il  ,  ce  que  faisaient  le? 
anciens  trouvères  ,  taudis  que  les 
modernes  ,  devenus  paresseux  ,  se 
contentent  de  leurs  vieux  contes. 
Pour  lui ,  il  veut  offrir  du  neuf  a  ses 
lecteurs.  Un  père  ,  afin  de  marier 
son  fils  plus  avantageusement,  con- 
sent a  lui  abandonner  tous  ses  biens. 
Il  reste  plus  de  douze  ans  avec  ses 
enfants,  sans  avoir  lieu  de  se  repen- 
tir de  sa  générosité.  Mais  la  vieillesse 
le  rend  a  charge  a  sa  famille.  Sa  bru  , 
qui  gouvernail  son  raari  ,  le  décide 
a  rcnvovcr  leur  bienfaiteur.  Ki  lar- 
mes ni  prières  ne  peuvent  changer 
cette  résolu  lion.  Tout  ce  que  le  pauvre 
homme  obtient  d'un  fils  ingrat,  c'est 
une  housse  de  cheval  pour  le  garantir 
du  froid.  Ce  fils  avait  lui-même  un 


BER 

cufanl  creuvirun  douze  ans  ,  qu'il 
charge  d'aller  cboisir  la  meilleure 
housse  5  mais  l'espiègle  ,  avant  de  la 
donner ,  la  coupe  en  deux  et  en  garde 
la  raoilié.  Interrogé  par  son  père  sur 
les  motifs  de  cette  action  ,  il  lui  ré- 
pond quc^voulant  suivre  sou  exemple, 
il  garde  la  moitié  de  la  housse  pour 
la  lui  donner  quand  il  sera  vieux. 
A  cette  repartie  ,  le  père  rentre  en 
lui-même  ,  et  restitue  au  vieillard 
tous  ses  biens.  Legrand  d'Aussy  re- 
marque que  ce  conte  est  dans  le  tome 
troisième  du  Novelliero  Italiano  , 
et  qu'on  le  retrouve  plus  ou  moins 
altéré  dans  les  Fables  de  labbé  Le- 
monnier,  dans  les  Histoires  plai- 
Sdiites  et  ingénieitses ,  dans  le  li- 
vre des  Abeilles  ,  de  Tliomas  Can- 
timpré  ,  dans  le  JJoctnnal  de  sa~ 
pience  ,  etc.  Le  théâtre  s'est  em- 
paré également  de  ce  sujet;  on  ea 
lit  en  I  54-0  le  iMirouer  et  Exemple 
des  Jils  ingrats ,  tilre  qui  rappelle 
celuid'unecomédiedePiron.  Conaxa 
et  \es  Deux  Gendres  roulent  sur  une 
intrigue  analogue.         R — r — 6. 

BERNIER  (Jean),  prévôt  de 
V^alenciennes,  se  rendit  célèbre,  ainsi 
que  sa  famille  ,  par  sa  fortune  et  sa 
magnificence.  £n  i333,  Louis  de 
Nevers ,  comte  de  Flandre  ,  se  pré- 
parant à  faire  la  guerre  au  duc  de 
Brabant,  vint  ,  accompagné  de  Sfj 
confédérés,  k  Valenciennes,  pour  s'y 
concerter  avec  le  comte  de  Hai» 
naut  Guillaume  I*''.  Ce  prince  ,  qui 
se  trouvait  malade  dans  son  palais 
appelé  la  Salle ,  requit  Jean  Der- 
nier de  traiter  tous  ces  hauts  person- 
nages ,  parmi  lesquels  ou  comptait 
Jean  ,  roi  de  Bohème.  Pendant  qu'on 
était  à  table  ,  Philippe,  roi  de  Na- 
varre, descendit  k  l'hôtellerie  du  Cy- 
gne. Aussitôt  qu'il  en  fut  informé, 
Bernicr  alla  le  supplier  de  se  joindre 
au  reste   de   ses  convives.   Philippe 


BER  67 

accepta  cette  invitation  et  s'étonna 
d'être  traité  avec  tant  de  luxe  et  de 
délicatesse  chez  un  simple  particulier. 
A  ce  repas  on  but  dix  sortes  de  vin 
que  Bernier  avait  de  provision  en 
son  hostel ,  et  de  ceux  k  qui  le  trou- 
vère  Henri  d'Andeli  fait  disputer  le 
prix  dans  sa  Bataille  des  vins.  L'as- 
semblée était  composée  de  deux  rois , 
de  huit  comtes  souverains  du  pays , 
de  vingt-quatre  de  ses  principaux  sei- 
gneurs ,  et  de  dix  des  plus  notables 
bourgeois  de  la  ville ,  chacun  ayant 
une  dame  pour  compagne.   La  mé- 
moire du   banquet  de   Bernier  était 
encore  populaire  quand  écrivait  d'Oul- 
treraau ,  c'est-a-dire  en  lôSp.  Cet 
historien  nous  apprend  que  les  Ber- 
nier   et   quelques   autres  négociants 
avaient  acquis  tant  de  crédit  dans 
Valenciennes  ,    que   leurs    maisons , 
qui  étaient  fortes  et  bien  munies ^ 
jouissaient    du    droit   d'asile.     Guil- 
laume II ,  comte  de  Hainaut ,  persé- 
cuta les  Bernier  ,  dont  le  chef,  Jean 
le  vieil ,  a  qui  est  consacré  cet  arti- 
cle ,  mourut  en  i34i.  Ses  obsèques 
répondirent  k  l'éclat  de  sa  vie  ;  neuf 
abbés  y  assistèrent  vêtus  pontificale- 
ment.  Les  Bernier  avaient  leur  cha- 
pelle sépulcrale  dans  l'église  de  l'ab- 
baye de  Saint-Jean.  En  i54o  un  in- 
cendie la  ruina,  et  l'abbé  i-acheta  le 
droit  que  leurs  descendants  pouvaient 
y  avoir.  Une  pauvre  villageoise  ,  hé- 
ritière principale  de  cette  famille  qui 
avait  autrefois  possédé  tant  de  riches- 
ses ,  en  céda  tous  ks  litres  et  vendit 
Paction  qu'elle  avait  sur  cette  cha- 
pelle pour  un  huitel  on  huitième  par- 
tie d'un  hectolitre  de  blé  !  Enlisant 
de  pareils  détails,  on  n'estpas  surpris 
que   les    bourgeois   de  Valenciennes 
contemporains  de  Bernier  aimassent 
mieux  être  appelés  honorables  que 
nobles.  R — f — g. 

BERNIER  (le  P.  Fr^Çois), 

5. 


66  BEA 

dominicaki,  né  vers  i58o  ,  a  Pont- 
sur-Yonne^  embrassa  !a  vie  religiruse 
à  Sens 5  et,  après  avoir  achevé  ses 
éludea  au  couvent  de  la  rue  Saiut- 
JacqiU's ,  fut  reçu  docteur  en  Sor- 
bonne.  Il  était  prieur  de  la  maison  de 
«on  ordre  a  Kevcrs  ,  lorsqu'il  mil  au 
jour  un  opuscule  iulilulé  ;  De  llo- 
minum  prima  l'alione  vivendi , 
éSens,  i6  10,  in-i2  de  XXXI1-2  0  2  pp. 
Aorès  avoir  recherclié  la  manière  de 
vivre  des  premiers  hommes  ,  l'auteur 
examine  les  causes  de  la  longévité 
fiue  les  livres  sainls  leur  atlribuent  ; 
et  il  prouve,  parle  témoignage  d'une 
foule  d'écrivains  anciens  el  modernes, 
qu'elle  était  due  'a  leur  sobriété.  Ce 
curieux  opuscule  est  devenu  très-rare. 
Voy.  les  Scriptores  ordin.  Prœdi- 
cator.  des  PP.  Quétif  et  EcLard  , 
II,  57  3.       ,  W— s. 

BiiRNIERES-LOUyiG^iY 
(Jean  de) ,  gentilhomme  d'une  des 
plus  anciennes  maisons  de  la  Norman- 
die ,  né  a  Caen  ,  en  1602  ,  fut  un 
de  ces  hommes  rares  qui  osent  obser- 
ver dans  le  monde  les  plus  sévères 
pratiques  de  la  religion.  IS'ayaul  em- 
brassé ni  le  sacerdoce  ni  la  vie  reli- 
gieuse ,  sa  piété  n'en  fut  que  plus  re- 
marquable. La  nature  et  la  fortune 
l'avaient  comblé  de  leurs  plus  hautes 
faveurs  j  et  dès  sa  plus  tendre  jeu- 
nesse il  ne  se  servit  de  ces  avantages 
que  dans  des  voes  de  charité  et  de 
dévotion.  Ouïe  vit  plusieurs  fois  tra- 
verser la  ville  de  Caen,  portant  a  l'Hô- 
icl-Dieu  des  malades  sur  ses  épaules  ! 
Devenu  trésorier  de  France,  à  Caen, 
il  ne  changea  rien  a  ses  pratiques 
de  piété ,  et  vécut  dans  le  célibat. 
S'étant  mis  sous  la  conduite  du  père 
Jean-Chrysostôme  (i),  il  fit  encore 

(i)  Le  p.  Jean-Chrysoslôme,  né  à  Saiiit-Frù- 
mtiQd  ,  diocèsf  de  Bayett*  ,  en  i5ç)4  ,  fit  pro- 
fession à  l'àjc  de  iS  ans  ,  dans  l'institut  du  tiers- 
ordre  de  Saint-François,  à  Picpus  ,  et  se  rendit 
util*  Il  sa  co0gtrég«ti<m  ttji»*  H  «terin»  bu  Ues 


BER 

des  progrès  plus  sensibles  dans  la  voie 
de  la  perfection.  Ce  fut  par  le  conseil 
de  ce  directeur  qu'il  fil  bâtir  une  mai- 
son dans  la  cour  extérieure  du  mo- 
nastère des  Ursulines  de  Caen  ,  dont 
sa  sœur,  Jourdaine  de  Bernières, 
était  fondatrice  et  supérieure.  La, 
Bernières  vécut  retiré ,  ne  sortant 
que  pour  les  affaires  de  sa  charge  ou 
pour  les  bonnes  œuvres  auxquelles  il 
prenait  part.  Celle  maison  s'appelait 
V E rmiLage  ,  et  ce  nom  désignait 
bien  le  genre  de  vie  de  Bernières  et 
de  ses  amis  ,  qui  s'y  étaient  égale- 
ment retirés.  Les  fonctions  ordmai- 
rcs  de  ces  associés  étalent  de  visiler 
les  hôpitaux  et  de  servir  les  malades, 
donnant  au  dehors  l'exemple  de  la 
charité  et  de  la  modestie  j  tandis 
que,  dans  l'intérieur  ,  leur  vie  était 
contemplative  et  toute  consacrée  à 
l'oraison.  Quoique  Dernières  ne  fût 
que  simple  laïque ,  plusieurs  per- 
sonnes pieuses  se  mettaient  sous  sa 
conduite  et  suivaient  sa  direction. 
Il  était  membre  de  la  congrégation 
de  la  Sainte-Yierge  ,  érigée  chez 
les  Jésuites,  et  il  avait  «ne  estime 
particulière  pour  ces  religieux.  Sa 
vie  privée  était  celle  d'un  pénilent 
ûustère  :  il  ne  mangeait  que  du  pain 
noir  comme  les  paysans  de  la  ISor- 
maudie.  Sa  vaisselle  était  de  terre 
comme  celle  des  capucins  ;  il  ne  vou- 
lait dans  sa  chambre  aucune  tapisse- 
rie. Enfin ,  malgré  l'opposition  de  ses 
parents ,  il  se  dépouilla  de  tout  en 
faveur  de  ses  neveux,  consultant  en 
cela  uniquement  re>prit  plutôt  que  la 
lettre  de  l'Evangile ,  ayant  des  rai- 
sons  particulières   d'agir   ainsi.  La 

pin»  bfaux  ornements.  La  rie  intérieure  el  l'hu- 
inîlité  faisaient  ses  délices.  Il  coinpôsa  difTérents 
opuscules  de  pieté,  Sous  ces  titres  :  Des  cent 
noms  divins  ;  De  îa  tJnte-puissance  de  Dieu;  De 
la  sainte  abjection  ;  De  la  Beauté  divine  et  De  tu 
Déioceupatioit  des  créatures ,  «te.  ;  quelques  Vies 
de  sainls,  et  de  personnages  édifiants.  11  mou- 
rut le  tè  atvi  xd4€-  Èoadon  a  dooDc  »a  tie. 


BER 

morl  (lu  pieux  trésorier  fut  digne  de  sa 
vie.  Le  8  mai  1659,  il  n'avait  eu 
aucune  alleinle  de  mal.  Le  domesli- 
oue  cliargé  de  l'averlir  lous  les  soirs 
que  le  temps  de  sou  oraisoii  elait  tini 
(parce  que  sans  celle  iirécaulion  il 
aurait  donné  à  La  prière  le  temps  qu'il 
devait  au  repos)  ,  le  domestique  , 
disons-nous,  étant  venu  pour  s'acquit- 
ter de  sa  commission  ,  Reruièrcs  le 
pria  avec  douceur  de  lui  donner  encore 
\\\\  momentj  le  moment  fini,  le  domes- 
tique entre  et  trouve  son  maître  a 
geuouK  et  sans  vie.  II  n'était  âgé 
que  de  57  ans.  Son  corps  fut  inhumé 
chez  les  Ursnlines  ;  et,  suivant  son 
détir,  son  épitaplie  consista  dans  ces 
mots  :  Jésus-Christ  est  mort  pour 
tous  les  hommes  C'était  la  devise 
qu'il  avait  fait  graver  sur  son  cachet. 
Peut-être  avait-il  affecté  de  la  pren- 
dre pour  montrer  son  opposition  a 
l'erreur  iansénienne  qui  commençait 
à  se  répandre.  Dernières  a-t-il,  dans 
ses  œuvres  ,  renouvelé  les  erreurs 
enseignées  et  désavouées  par  Mala- 
val ,  on  préludé  a  celles  de  l'illustre 
Fénelon  ?  Pour  répondre  a  cette 
question,  nous  allons  donner  quelques 
détails  bibliographiques  qui  ne  seront 
pas  sans  intérêt.  Bernières  n'avait 
rien  publié  et  môme  n  avait  rien  écrit. 
Par  obéissance,  et  a  cause  de  la  fai- 
blesse de  ses  yeux ,  il  dictait  a  un 
ecclésiastique  ,  et  il  forma  ainsi  de 
volumineux  manuscrits.  L'année  mê- 
me de  sa  mort  ,  Cramoisv,  imprimeur 
k  Paris  ,  donna  un  extrait  de  ses  let- 
tres sous  le  titre  de  V  Intérieur  chré- 
tien, qu'il  divisa  en  quatre  livres  , 
et  ce  volume  eut  nn  grand  succès. 
Peu  (le  temps  après  ,  Claude  Griver, 
libraire  a  Rouen,  donna  le  même 
ouvrage  un  peu  amplifié  ,  sous  le  ti- 
tre de  Chrétien  intérieur,  âivisé 
en  huit  livres;  mais,  par  arrêt  du 
conseil  d'état  j  du  12  ncv.     1660. 


BER 


69 


il  fut  obligé  de  céder  son  édition  a 
Cramoisy  ,  et  l'ouvrage  est  resté  sous 
ce  titre.  Il  eut  en  onze  ans  douze 
éditions  qui  ne  purent  empêcher  les 
éditions  furlivcs.  Une  quatorzième 
édition  fut  donnée  h  Paris  ,  par  la 
veuve  Martin,  en  1674,  in-ï2.  Alors 
Jourdainc  de  Bernières  obtint  un  pri- 
vilège pour  publier  les  écrits  de  son 
frère  ,  dont  une  partie  parut  chez 
Cramoisy,  en  1670,  sous  ce  titre: 
Les  OEui'rcs  spirituel/es  de  M.  de 
Beriiières-Loui'igny,  i  vol.  in-S", 
par  les  soins  du  P.  Robert  de  Saint- 
Gilles,  minime.  L'autre  ouvrage  avait 

•  r   r  °   1 

toujours    ele  anonvme  ,  et  quelques 

éditions  furent  soignées  par  un  capu- 
cin, le  P.  Louis-François  d'Argen- 
tan. Le  Chrétien  intérieur  doime 
dans  sou  titre  l'idée  véritable  do  ce 
qu'il  est.  Les  OEuvres  spirituelles 
sont  une  suite  de  maximes  et  de  let- 
tres ,  sur  les  trois  états  de  la  vie  qui 
mène  à  Dieu.  L'un  et  l'autre  étaient 
munis  d'approbations  honorables,  et 
cependant  Tun  eJ  l'autre  ont  été  misa 
PinJex  comme  quiétisles  :  le  Chré- 
tien intérieur  \e  3onov.  1689,  et 
les  OEuvres  spirituelles  le  i  c)  mars 
1692(2).  Cette  dernière  circonstance 
prouverait  peut-être  que  ce  n'est  pas 
à  cause  des  défauts  possibles  dans  la 
version  italienne  que  le  Chrétien  in- 
térieur a  été  condamné  a  Rome  ,  où 
il  avait  été  bien  re(:u  d'abord.  En 
1781,  un  nouvel  éditeur  donna,  k 
Pamiers  ,  le  Chrétien  intérieur,  en 
2  vol.  in- 12  ,  où  il  se  flatte  d'avoir 
corrigé  l'ordre  des  matières  et  les 
expressions  qui  pouvaient  sentir  le 
quiélisme.  C'est  donc  a  celte  dernière 
édition  que  doivent  s'en  tenir  les  per- 
sonnes  pieuses  qui  affectionnent  ce 


(i)  Nous  metlons  1692,  quoique  la  Biè/i'oiltèi/ue 
jansénisle  àisi:  iCjfia;  car  comment  accordei' cette 
cleriiiùre  date  avec  r(;cUtif>t)  du  livr.e<lui  ne  parut 
ijiL'cn    i(ï';o  ' 


^o 


BER 


livre  célèLre  j  et  l'on  doit  con- 
venir que  les  erreurs  ne  peuvent 
être  rejetées  sur  Beruières,  qui  les 
eût  d'ailleurs  rélraclées  sur  -  le  - 
champ.  L'éditeur  devait  encore  tirer 
des  manuscrits  du  pieux  trésorier  les 
ouvrages  intitulés  ainsi  :  i°  Médita- 
tions pour  ceux  qui  commencent , 
etc.  2.°.  La  vie  de  la  foi  et  de  la 
grâce.  3°.  De  la  raison  et  de  ses 
degrés.  4°-  Les  plus  fâcheuses 
difficultés  dont  la  vie  mystique  est 
combattue.  5°.  La  vie  de  31.  de 
Bernières  ,  écrite  par  lui-même  , 
etc.  Aucun  de  ces  ouvrages  n'a  paruj 
le  dernier  aurait  surtout  été  d'autant 
plus  intéressant,  qu'aucun  diction- 
naire historique  n'a  mentionné  le 
pieux  laïque.  L'auteur  de  cet  article 
se  propose  de  donner  une  place  im- 
portante à  Beruières  dans  un  re- 
cueil de  JSouvelles  vies  édifiantes. 

B— D— E 
BERXIXI  (  DO.MIKIQUE  \  ,   fils 

aîné  du  cavalier  Bernini  (  ï^oy. 
ce  nom,  IV  ,  309),  fut  chanoine 
de  Sainte-Marie -IMajeure  ,  et  pré- 
lat de  la  cour  de  Rome.  Il  est  au- 
teur d'une  Histoire  de  toutes  les 
hérésies j  depuis  saint  Pierre  jus- 
qu'au pontificat  d'Innocent  XI  ,  Ro- 
me ,  1705  et  suiv.,  4-  vol.  in-fol. 
C'est  l'ouvrage  le  plus  étendu  qu'il  y 
ait  sur  l'Jiistoire  générale  des  héré- 
sies ,  et  il  est  assez  exact ,  mais  peu 
connu  en  France.  Il  a  été  abrégé  par 
Joseph  Lancisi,  et  publié  k  Rome  en 
4  vol.  in-i2.  C.  ï — r. 

BERNO  (Joseph),  fils  d'un  chi- 
rurgien, naquit  en  1788,  à  Moncri- 
vello,  dans  le  Vercellais.  Il  fut  élevé 
a  Ivrée  ,  où  il  se  montra  toujours  le 
premier  de  sa  classe.  Etant  venu  k 
Turin  pour  suivre  les  cours  de  phi- 
losophie et  de  médecine  ,  il  y  reçut 
le  doctorat  en  1809  1  ^^  f"*-  nommé 
répétiteur  aa  collèg»  des  Proviaces 


BER 

pendant  le  temps  de  sa  clinique.  Il  a 
écrit  en  italien  Sur  V efficacité  des 
eaux  de  Courmdieur  et  de  Saint- 
Didier,  avec  des  observations  sur 
les  maladies  et  l'usage  des  bains, 
Turin,  18 17,  in-8°.  Cet  ouvra- 
ge fut  analysé  dans  le  Spcttatore 
Italiano  ,  qui  fit  observer  que  les 
moyens  proposés  par  l'auteur  pour 
guérir ,  avec  les  bains  minéraux  , 
la  terrible  maladie  de  la  lèpre  ,  sont 
dignes  d'un  grand  praticien,  et  une 
découverte  importante.  Le  journa- 
liste ajouta  que  le  docteur  Berno  avait 
non  seulement  réuni  dans  son  ou- 
vrage toutes  les  observations  faites 
sur  l'établissement  de  Courmaïeur  , 
mais  qu'il  avait  donné  des  renseigne- 
ments intéressants  sur  les  eaux  sali- 
nes-flogo  solfates,  dites  de  la  Sa- 
xe,  qui^  sont  fréquentées  pour  diffé- 
rentes maladies.  Ce  médecin  actif  et 
intelligent  mourut  en  1818,  a  la 
fleur  de  l'âge.  G — G — y. 

BERXOULLÏ  (Jérôme),  na- 
turaliste, naquit,  en  17^5,  kBàle, 
d'une  famille  illustre  par  le  grand 
nombre  de  savants  qu'elle  a  produits 
{Voj.  Bersoulli  ,  IV,  520).  Son 
père  joignait  a  Texercice  de  la  phar- 
macie le  commerce  des  drogues ,  et 
jouissait  dans  toute  la  Suisse  d'une 
grande  réputation  de  savoir  et  de 
probité.  Après  avoir  achevé  ses  étu- 
des avec  succès  au  gymnase  et  k  l'aca- 
démie de  Bàle  ,  le  jeune  Bernoulli 
devint  l'associé  de  son  père  j  mais, 
entraîné  par  son  penchant ,  il  profi- 
tait de  ses  loisirs  pour  cultiver  l'his- 
toire naturelle  5  et  avant  l'âge  de 
vingt  ans ,  il  avait  déjk  recueilli  des 
échantillons  de  luinéraux,  qui  furent 
la  base  de  son  cabinet ,  un  des  plus 
riches  delà  Suisse.  Dans  un  voyage 
qu'il  fit  pour  son  commerce,  en  1766, 
il  vit  les  plus  célèbres  naturalistes 
de  France,  de  Hollande  ,  d'AUcma 


BER 

gne;  el  dès  lors  il  ne  cessa  d'entre- 
tenir avec  eux  des  relations  qui 
tournèrent  au  profit  de  son  cabinet. 
Quoique  aucune  des  parties  de  l'iiis- 
toire  naturelle  ne  lui  fût  étrangère  , 
il  s'appliqua  cependant  d'une  manière 
plus  spéciale  a  la  minéralogie,  et  on 
lui  doit  d'utiles  observations  consi- 
gnées daus  les  journaux,  ou  dans  les 
recueils  des  sociétés  scientifiques  de 
la  Suisse.  Honoré  de  l'esliuie  géné- 
rale ,  il  remplit  successivement  diffé- 
rents emplois ,  et  fut  enfin  nommé 
président  du  conseil  de  Bâle,  charge 
dont  il  ne  se  démit  que  peu  de  temps 
avant  sa  mort.  Bernoulli  mourut  , 
en  1829,  a  84 ans.  Son  beaucabinel, 
ofiert  par  ses  héritiers  au  gouverne- 
ment ,  fait  partie  du  musée  de  Bile. 
UEloge  de  ce  modeste  savant  a  été 
prononcé  dans  rassemblée  de  la  so- 
ciété suisse  ,  pour  l'avancement 
de  l'histoire  naturelle ,  tenue  a 
Saint-Gall ,  en  i85o.  W — s. 

BERXWARD,  évêque  d'Hil- 
desheim  ,  amateur  des  arts  et  artiste 
lui-même  ,  naquit  k  Hildesheim  , 
dans  la  Basse-Saxe,  entre  les  années 
cjSo  et  955.  Il  était  neveu  par  sa 
mère  d'Adalbéron ,  comte  palatin  , 
et  parent  de  Tangmar  ,  homme  dis- 
tingué par  ses  connaissances  ,  chanoi- 
ne et  primicier  daus  le  chapitre  d'Hil- 
desheim  ,  et  chargé  de  la  direction 
de  l'école  attachée  à  ce  chapitre. 
C'est  a  Tangmar  que  l'éducation  de 
Bernward  fut  confiée.  Soit  qu'il  fût 
généralement  d'usage  'a l'école  d'Hil- 
desheim  ,  comme  dans  beaucoup  d'au- 
tres du  même  temps,  d'instruire  des 
jeunes  gens  dans  les  arts  utiles  à  la 
décoralion  des  églises ,  tels  que  la 
peinture,  la  sculpture,  l'architec- 
ture, l'orfèvrerie,  l'art  de  la  mo- 
saïque, et  celui  de  mouler  les  dia- 
mants: soit  que  Tangmar  eut  lui-même 
cultivé    cette   branche  des  couuais- 


BER 


Vt 


sances  humaines  par  un  goût  parti- 
culier, ilinllia  son  élève  dans  les  arts  5 
et  celui-ci,  que  favorisaient  ses  dispo- 
sitions naturelles,  y  obtint  de  rapides 
succès.  Il  devint  peintre,  sculpteur, 
orfèvre  ,  ouvrier  en  mosaïque  ;  il 
montait  les  diamants,  et  ne  copiait 
pas  moins  habilement  les  manuscrits  ; 
danslasuile,  dit  son  historien  ,  il  dé- 
veloppa même  les  talents  d'un  archi- 
tecte. Picturam  etiamliniate  exet^ 
cuit, . . .  onuiique  structura  mirificè 
excelluit ,  ut  in  plerisque  œdijiciis 
quœ  pompatico  décore  composuit, 
post  quoque  cîaruit  (  Tangmar  , 
ap.  Leibnitz,  Script,  rer.  Brunsw., 
tom.  i,p.  442).  Après  avoir  ter- 
miné ses  études  et  avoir  été  ordonné 
prêtre  .  Bermvard  alla  demeurer  au- 
près de  son  aïeul  Adalbéron.  Il  s'at- 
tacha ensuite  au  service  du  jeune  em- 
pereur Othon  m,  alors  âgé  de  sept 
ans  ,  et  fut  chargé  de  son  éducalion, 
sous  l'inspection  de  Théophanie  ,  im- 
pératrice-mère et  régente  A  la  mort 
de  cette  princesse,  il  dirigea  seul  l'in- 
struction d'Olhon  III ,  et  eut  la  plus 
grande  part  au  gouvernement  de  l'é- 
tat. Le  célèbre  Gerbert  ,  devenu 
quelque  temps  après  pape  sous  le 
nom  de  Sylvestre  II,  donnait  à 
Othon  des  leçons  particulières  ,  mai» 
il  ne  paraît  pas  avoir  été  jamais 
chargé  de  la  direction  de  ses  études. 
En  993  ,  Bernward  fut  nommé  a  l'é- 
vèché  d'Hildefslieim.  Les  soins  qu'il 
continua  de  donner  aux  affaires  nu- 
bliquesne  l'empèchcreut  pas  de  s'oc- 
cuper de  celles  de  son  diocèse  el  parti- 
culièrement de  l'embellissement  de  sa 
cathédrale.  Il  accompagna  Othon  en 
Italie,  oiJ,  suivant  sou  historien  ,  sa 
modération  servit  plusieurs  fois  a 
tempérer  la  colère  de  son  élève  contre 
les  habitants  de  Tusculuiu  et  contre  les 
Romains.  Il  est  possible  que  la  magni- 
ficence de  Rome  ait  accru  sa  pas 


92 


BES. 


KÏon  pour  les  arts,  quoiqu'il  en  soit, 
Téglise  (i'Hildesheim  uc  larda  pas 
à  s'embellir  non  seuleinent  par  son 
influence,  mais  encore  par  son  lia- 
hileté  personnelle.  Il  enricliit  de 
peintures  les  inurs  et  les  plafonds^ 
exquisitd  ac  lucidd  picturd  tain 
parief.es  quam  laquenria  exorna- 
but.W  répara  des  peinlures  auciea- 
n€s  et  leur  donna,  dit  son  historien  , 
tout  l'éclat  de  la  nouveauté  «  ex 
veteri  novani  putares.-»  Les  pavés 
de  plusieurs  chapelles  se  couvrirent 
de  mosaïques  5  il  exécuta  en  même 
temps  plusieurs  pièces  d'argenterie, 
le  tout  de  sa  proipre  raaiu.  Jamais  il 
ne  laissait  échapper  l'occasion  d'ac- 
quérir soit  des  vases  précieux  ,  soit 
d'autres  objets  propres  à  relever  la 
magnificence  du  culte.  Il  forma  aussi 
uue  bibliothèque  composée  d'ouvra- 
ges tant  profanes  que  sacrés  dont  il 
donna  l'usage  aux  personnes  stu- 
dieuses. Mais  il  fit  plus  encore  pour 
étendre  le  goût  des  ai  ts.  S'étant  at- 
taché quelques  jeunes  gens  eu  qui 
il  avait  reconnu  des  dispositions  , 
il  les  conduisit  avec  lui  dans  ses 
Toyagesj  il  leur  faisait  étudier  et  co- 
pier ce  qu'il  rencontrait  de  plus  di- 
gne de  remarque  ,  et  en  exerçant 
ainsi  leur  jugement  et  leur  main  , 
il  en  faisait  des  artistes  capables  de 
lui  succéder  et  d'étendre  plus  loin 
qu'il  n'avait  pu  le  faii'e  lui-même 
le  perfectionnement  <te  tous  les  arts. 
Un  calice  qu'on  dit  avoir  été  en 
or  ,  ou  en  argent  doré  ,  et  du 
poids  de  vingt  livres,  ouvrage  de  sa 
main  ,  se  voyait  encore  dans  le  tré- 
sor de  l'église  de  Saint-Michera  Hil- 
desheim,  au  commencement  du  siècle 
dernier.  Ce  prélat  mourut  le  20  nov. 
1025  ,  et  fut  canonisé  en  11 93.  On 
ne  peut  douter  que  les  écoles  de 
peinture  allemandes  du  moyen- âge 
pe  lui  aient  dû  une  partie  ^^  leurs 


BER 

progrès.  Sa  vie  est  une  preuve  de 
plus  de  l'application  qu'on  .ipportait 
a  l'étude  des  arts,  k  une  époque  où 
tant  d'auteurs  ont  cru  faussement 
qu'elle  était  abandonnée.  Ec — Dd. 
BEHOXIE  (Nicolas)  ,  philo- 
logue ,  né,  a  Tiille  ,  on  17^2  ,  em- 
brassa l'état  ecclésia&liquc  ,  et  h  la 
suppression  des  jésuites  ,  fut  nommé 
professeur  d'humanités  au  collège 
de  sa  ville  natale,  place  qu'il  remplit, 
vingt-cinq  ans,  avec  un  zèle  infati- 
gable. En  récompense  des  -services 
qu'il  avait  rendus  dans  l'enseigne- 
ment ,  on  voulut  le  nommer  à  une 
cure  d'un  revenu  considérable  5  mais 
ilsollicilalui-même  uneparoisse  plus 
petite  ,  aiiu  d'avoir  plus  de  loisirs 
pour  se  livrer  a  ses  goûts  studieux. 
A  la  création  des  écoles  centrales,  il 
fut  élu  bibliothécaire  de  celle  du  dé- 
parlement de  la  Corrèze  ,  et  il  s'em- 
pressade  disposer  dans  un  ordre  con- 
venable les  livres  dont  la  garde  lui 
était  confiée.  Ces  écoles  ayant  été 
remplacées  par  les  lycées  ,  la  place 
de  Béronie  se  trouva  supprimée.  Il 
revint  alors  avec  une  nouvelle  ardeur 
aux  études  grammaticales  et  philolo- 
giques. Deuuis  long- temps  il  rassem- 
blait des  matériaux  pour  un  diction- 
naire du  patois  limousin.  Ce  travail 
lui  fournit  l'occasion  d'entrer  en  co^r- 
respondance  avec  M.  Raynouard  ,  de 
l'académie  française ,  dont  il  reçut 
d'utiles  conseils  et  des  encourage- 
ments. Sur  le  rapport  de  M.  Ray- 
nouard, le  ministère  avait  accordé  des 
fonds  pour  la  publication  de  cet  ou- 
vrage ,  et  l'impression  en  était  com- 
mencée, lorsque  Béronie  mourut  à 
Tulle,  au  mois  de  déc.  1820.  M.  J.- 
Aug.  Vialle  ,  un  de  ses  amis,  fut 
désigné  par  le  préfet  du  dépar- 
tement ,  pour  terminer  la  publication 
de  l'ouvrage  qui  parut  enfin  sous  ce 
titre  :  Dictionnaire  du  patois  du 


BËft 

Bas-Limousin ,  et  plus  particuîiù- 
rentent  des  environs  de  Tulle,  elc. 
Tulle  ,  1825  ,  iH-4-°  de  554  p^'S'^s  •> 
non  compris  les  prélimiiiairts.  Il  est 
précédé  d'une  courle  notice  sur  l'au- 
leiii".  La  préface  offre  des  recherches 
ii;téressnn1es  sur  l'origine  dw  palois 
liinoHsin,  (^ue  Béraaie  fai[  dériver  du 
roman  ;  des  rera-arq^-es  grammal-ica- 
les  el  orlliographiques ,  digu«s  de 
fixer  l'altenlion  des  lingui&les,  et 
enfin  di's  objervatioD*  iuc  les  mots 
partieuli<?rs  a  ce  dialecte,  -et  dont  les 
équivaleals  daus  le  français  n'ont  ni 
la  mêiiK"  grâce  ni  la  tnéme  énergie. 
Dans  la  Dictionnaire  ch.-iqiie  mot  est 
accompagné  de  signes  prosodiques 
qui  «+)  défermineflt  la  prononciation, 
et  suivi  de  sa  définillon  d'après  les 
autorités  les  pUis  respectables.  L'ou- 
vrage est  tern:iné  par  une  table  des 
gasconismes  ou  fautes  coTilre  la  lan- 
gue les  plus  communes  aux  habitants 
du  Llfftousin.  M.  Ravflouard  en  a 
reftdu  «fl  compte  très-favorable  dans 
le  Journal  des  savants  ,  février 
1824.  C'est  une  des  sources  les  plus 
aboadautes  où  peuvent  puiser  les  per- 
sonnes curieuses  de  connaître  les  ori- 
gines de  la  langue  française.  W — s. 
BERRi  (Marie-Louise-Elisa- 
BETH  d'Orléans,  duchesse  de  )  ,  née 
le  20  août  1695  ,  était  l'aînée  des 
filles  de  Philippe  duc  d"Orléans  , 
depuis  régent  de  France ,  et  de  Fran- 
çoise-Marie (Mlie  de  Blois),  fille  lé- 
gitimée de  Louis  XIV  et  de  Mme  de 
Blonlespan.  A  l'âge  de  sept  ans,  elle 
eut  une  maladie  dont  les  médecins 
désespérèrent  de  la  guérir.  Le  duc 
d'Orléans,  qui  n'était  pas  étranger  a 
cet  arl,  entreprit  de 'a  traiter  asama- 
nière,  et  réussit.  De  la  cette  affection 
pour  sa  fille  aînée,  qui  ne  fit  que  croître 
avec  l'âge,  et  dont  l'excès  ne  donna 
que  trop  de  prise  a  la  malignité  des 
courtisans  et  du  public.    La   Jeune 


mA 


93 


priuccsse,  en  butte  d'aoe  pari  auK 
duretés  d  une  mère  jalouse,  de  Tau  lie 
à  l'excessive  indulgence  de  son  père , 
dut  a  ce  conflit  la  plus  mauvaise  édu- 
cation ,  ainsi  que  nous  l'apprennent 
les  mémoires  de  la  duchesse  douai- 
rière d'Orléans ,  grsnd'mère  de  la 
duchesse  deBerri  (^  oj^.  Charlotte - 
Elisabeth,  \  ill,  25  i).  atlleaété 
a  ma!  élevée  ,  dit-e^He  ,  ayant  pre.s- 
«  que  toujours  été  avec  des  femmes 
te  de  chambre...  Elle  est  hautaine  et 
a  absolue  dans  tOAit  ce  qu'elle  veut. 
a  Depuis  l'âge  Ae  huit  ans,  on  lui  a 
«  laisse  fair*  sa  volonté  :  il  n'est 
ce  doa-c  pas  étonnant  qu'elle  soit 
a  comme  un  cheval  fougueux.  Elle  se 
«  divertit  aulant  qu'elle  peut...  Je  la 
o  raille  souvent ,  en  lai  disant  qu'elle 
«  croit  aimer  la  chasse  ,  mais  que 
a  dans  le  fait  elle  n'aime  qu'il  changer 
"  de  place...  Elle  pr^'fère  la  chasse 
K  au  sanglier  a  la  chasse  au  cerf , 
te  parce  que  la  premier*  procure  a 
tt  sa  table  de  bans  boudins  et  des 
te  hures.  »  Cette  inégalité  d'humeur, 
ces  mauvaises  habitudes,  trop  d'ac- 
cord avec  un  naturel  pervers ,  ne 
l'empêchèrent  pas  de  devenir  une 
femme  fort  agréable,  quoiqu'elle  fut 
dépourvue  de  beauté  et  marquée  de 
la  petite  vérole.  Cependant  elle  plai- 
sait par  un  air  de  ])onne  humeur  et 
d'abandon.  Ses  mains  étaient  d'une 
beauté  admirable.  <c  Elle  a  des  chairs 
ce  grasses  et  saines,  ses  joues  sont  du- 
ce res  comme  des  pierres ,  »  dit  en- 
core la  duchesse  douairière.  El  Saint- 
Simon  ajoute  :  te  ]N<'e  avec  un  esprit 
«  supérieur  ,  et  quand  elle  le  voulait 
te  également  agréable  et  aimable  ,  et 
te  une  figure  qui  imposait  el  qui  arrê- 
te tait  les  veux,  mais  que  sur  la  fin  le 
a  trop  d'embonpoint  gà!a  un  peu  , 
ce  elle  parlait  avec  une  grâce  singu- 
ct  lière  ,  une  éloquence  naturelle,  qui 
<i  lui  était  particulière  5  el  qui  cou- 


74 


BER 


te  lail  avec  aisance  et  de  source,  enfin 
«  avec  une  justesse  crexpression  qui 
a  surprenait  et  qui  cliarmail.  jj  Elle 
lie  manquait  pas  d  instruction  ,  et, 
sans  avoir  la  voix  forte  ni  agréable  , 
elle  ckanlait  avec  justesse.  Louis  XIV 
la  prit  tellement  eu  affection ,  que 
M"''  de  MaintenoQ  en  conçut  d'a- 
bord quelque  ombrage  •  mais  les 
écarts  de  la  jeune  princesse  ne  tar- 
dèrent pas  a  mécontenter  le  roi.  En 
171  0  elle  devint  d'âge,  et  encore  plus 
de  figure,  dit  Saint-Simon,  a  être 
ce  qu'on  appelle  présentée  et  mise  a 
la  cour  et  dans  le  monde  5  mais  dans 
sa  prétention  de  préséance  pour  les 
filles  sur  les  femmes  des  princes  du 
sang,  la  ducliesse  d'Orléans ,  mère  de 
la  jeune  princesse,  ne  montra  ni  ne 
présenta  sa  fille ,  pour  avoir  le  temps 
de  faire  prévaloir  ses  vues  secrètes  a 
cet  égard.  Elle  commença  d'abord 
par  la  faire  appeler  I\IademoiscUe 
tout  court  au  Palais-Rojal.  La  cour 
et  le  monde  s'v  accoutumèrent,  les 
princes  du  sang  plus  que  les  autres; 
mais  quand  il  se  présenta  des  contrats 
de  mariage  a  signer  ,  la  duchesse 
d'Orléans  ne  voulut  pas  que  sa  fille 
signât  après  les  femmes  des  princes 
du  sang.  Ce  refus  mit  eu  émoi  toute 
la  cour,  et  fit  naître  entre  la  duchesse 
d'Orléans  et  la  princesse  de  Coudé 
une  brouillerie  qui  donna  lieu  de  part 
et  d'autre  à  des  mémoires  et  à  des 
répliques,  où  les  convenances  a'étaient 
nullement  observées.  Le  roi,  voyant 
toute  la  cour  partagée,  et  craignant 
d'indisposer  ceux  qu'il  condamnerait, 
hésita  long-temps  à  décider  la  ques- 
tion :  enfin  il  prononça  contre  la  pré- 
tention de  la  duchesse  d'Orléans. 
Celle-ci ,  désolée  de  cette  décision  , 
fit  une  démarche  auprès  du  roi  pour 
que  le  mariage  de  Mademoiselle 
avec  le  duc  de  Berri  fût  au  moins 
accordé  et  déclaré  j  et  lorsque  le  duc 


BER 

d'Orléans  en  parla  au  roi,  eu  disant 
que  ce  mariage  le  consolerait  de  tout  : 
un  «  je  le  crois  bien  ,  jj  d'un  ton  sec 
et  avec  un  sourire  amer  et  moqueur, 
fut  la  seule  réponse  du  monarque. 
Depuis  ce  temps  la  duchesse  s'obstina 
a  ne  poiut  montrer  Mademoiselle  a 
la  cour,  et  pensa  ainsi  compromettre 
le  mariage  qu^elle  désirait  tant.  A  la 
fin  la  duchesse  de  Bourgogne ,  qui 
avait  pour  Blademoiselle  une  bonté 
de  mère  ,  lui  représenta  qu'elle  ris 
quait  son  avenir  pour  obéir  au  vain 
dépit  de  la  ducliesse  sa  mère  ,  et  la 
conjura  de  se  servir  de  tout  son  cré- 
dit auprès  de  celle-ci  pour  en  obte- 
nir de  paraître  'a  la  cour.  Mademoi- 
selle suivit  ce  conseil,  et  la  duchesse 
d'Orléans  ne  consentit  qu'avec  des 
larmes  ace  quesafiUefùl  présentée  en 
habit  et  en  rang  avec  les  princesses. 
Long-temps  elle  refusa  de  la  voir  dans 
cethabit. — L'amour  effréné  desplai- 
sirs n'était  pas  la  seule  passion  de  la 
jeuue  princesse  :  elle  était  ambitieu- 
se ,  et  voulait  se  rapprocher  du  trône 
en  épousant  un  petit-fils  de  Louis  XIV. 
Elle  eut  donc  la  force  de  se  contrain- 
dre pendant  une  année,  en  dissimu- 
lant ses  vices.  Cette  réserve,  au  tra- 
vers de  laquelle  l'élourderie  perçait 
encore  assez  pour  que  l'hypocrisie  ne 
fut  pas  soupçonnée  ;  une  éloquence 
naturelle,  qui  donnait  a  ses  flatte- 
ries l'air  de  l'eulhousiasme,  lui  rame 
ncrent  le  roi  et  i\i™^  de  Maintenon. 
On  peut  lire  dans  les  Mémoires  de 
Saint-Simon  (i)  le  détail  de  toutes  les 
intrigues  qui  furent  mises  en  jeu  pour 
arriver  a  ce  résultat.  11  fallut  a  la 
fois  gagner  le  parti  janséniste  et  le 
parti  moliniste  ;  le  père  La  Chaise  et 
le  duc  de  Beauvilliers  ;   le   roi,. 

(i)  Xoiis  parlons  de  IVJition  iitihlirerLCeaunciit 
par  la  famille  de  ce  duc.  Toutei  les  éditions  qui 
oui  précédé  ce  n'ius  ont  donne  ces  ÎIcmoires 
(\\\e  imitilés  ,  et  sans  qu'on  puisse  y  reconnaître 
ia  suile  de«  faits. 


JÎER 

marquise  de  Maintenon,  le  dauphin, 
el  jusqu'à  M  "  Choiu,  sa  maîtresse. 
Salat-Siraon  fut  l'àme  de  toutes  ces 
mene'es  ,  et  sa  tàclie  fut  d'autant  plus 
difficile ,  «  qu'avec  tout  son  esprit  et 
ce  sa  passion  pour  Mademoiselle ,  le 
«  duc  d'Orle'ans  était  comme  uue 
«  poutre  immobile,  qui  ue  se  remuait 
ce  que  par  nos  efforts  redouble's.»  Eu 
lisant  toutes  ces  particularités,  on  ne 
peut  quelquefois  s'empêcher  de  rire 
aux  dépend  de  celui  qui  s'est  fait 
l'acteur  et  le  narrateur  de  tant  de 
graves  minuties.  Leclioixque  £tleroi 
de  madame  la  duchesse  de  Saint-Simon 
pour  dame  d'honneur  de  la  future 
duchesse  de  Berri,  mit  le  duc  entre- 
metteur dans  le  plus  grand  embarras 
où  un  courtisan  puisse  se  trouver.  Il 
rougissait  d'avance  pour  sa  respecta- 
ble femme,  d'une  position  aussi  intime 
auprès  d'une  jeune  princesse  dont  il 
connaissait  les  indomptables  passions. 
Il  aurait  bien  voulu  refuser;  mais 
tout  janséniste  de  religion  et  d'hon- 
neur qu'il  était,  le  courtisan  l'em- 
porta chez  lui  ,  et  ,  après  uue 
assez  belle  défense  ,  il  accepta. 
Le  mariage  se  fit  le  6  juillet  1710. 
Arrivée  au  but  de  toute  son  ambition, 
la  duchesse  de  Berri  conçut  l'aver- 
sion la  phis  marquée  contre  toutes 
les  personnes  qui  avaient  contribué 
a  sou  mariage  :  ce  parce  que ,  dit  Saint- 
ce  Simon,  elle  était  indignée  de  penser 
ce  qu'elle  put  avoir  obligation  a  quel- 
ce  qu'un,  et  elle  eutbientôt  la  folie,  nou 
<e  seulement  de  l'avouer  mais  de  s'en 
ce  vanter.»  Elle  ne  tarda  pas  aagir  en 
conséquence,  el  commença  par  brouil- 
ler son  mari  avec  le  duc  de  Bourgo- 
gne, frère  aîné  de  celui-ci.  Son  pro- 
jet était  de  s'appuyer  du  dauphin  son 
beau-père  pour  dominer  la  cour.  Le 
duc  de  Ik'rri,  prince  faible  et  borné, 
était  amoureux  à  l'excès  de  sa  femme  , 
et  en  admiration  perpétuelle  de  son 


BER 


73 


esprit  et  de  son  bien  dire  (Saiwt- 
SiMOTf).  La  mort  du  dauphin,  fils  uni- 
que de  Louis  XIV,  arrivée  le  i4  avril 
1 7 1 1 ,  fit  évanouir  ces  projets  en  fu- 
mée.ce  Delà,  dit  encore  Saint-Simon, 
ce  cette  rage  de  douleur  que  personne 
ce  de  ce  qui  n'était  pas  instruit  ne  pou- 
ce vait  comprendre.  Elle  se  voyait 
tt  ainsi  réduite  à  plier  sous  uneprin- 
ce  cesse  qu'elle  avait  payée  de  l'in- 
ee  gratitude  la  plus  noire ,  la  plus  sui- 
te vie ,  la  plus  gratuite  ,  qui  faisait  les 
te  délices  du  roi  et  de  madame  de 
ce  Maintenon  ,  et  qui ,  sans  contre- 
ce  poids,  allait  régner  d'avance  en  at- 
«  tendant  l'effet.  Enfin,  plus  d'égalité 
et  désormais  entre  les  deux  frères,  a 
te  cause  de  ladisproporliou  du  rang 
V.  de  dauphin.  Chaque  jour  éclataient 
ce  de  sa  part  les  traits  de  la  plus  iusi» 
ce  gne  méchanceté.  3)  Pleine  de  mépris 
pour  la  naissance  illégitime  de  la 
duchesse  d'Orléans ,  sa  mère,  elle 
recherchait  les  occasions  de  faire 
éclater  ce  sentiment  coupable.  Un 
trait  donnera  l'idée  de  cette  guerre 
continuelle  qu'elle  faisait  'a  sa  mère. 
Un  nouvel  huissier  de  la  chambre 
du  roi  faisait  chez  elle  un  malin  son 
service  ,  la  duchesse  d'Orléans  ar- 
riva subitement  ,  l'huissier  peu  au 
fait  de  l'étiquette  ouvrit  les  deux  bat 
tant 5  de  la  porte.  La  duchesse  de 
Berri  devint  rouge  de  colère  et  re- 
cul sa  mère  fort  sèchement.  Quand 
elle  fut  partie,  elle  voulut  faire  chasser 
l'huissier  ,  et  ne  céda  qu'a  la  considé- 
ration qu'elle  n'avait  pas  le  droit  d'in- 
terdire un  officier  du  roi.  Désormais 
tous  ses  mauvais  penchants  avaieu  t  re- 
paru :  elle  portait  dans  ses  dérègle- 
ments une  fougue  qui  indisposait 
jusqu'à  son  père.  «  Dès  les  premiers 
a  jours  du  mariage ,  dit  encore  Saint- 
ee  Simon,  la  force  du  tempérament  ne 
«c  tarda  pas  a  se  déclarer  :  les  indé- 
cc  cïuces  journalières  en  public,  ses 


95 


feER 


«  courses  avec  plusieurs  jeunes  gens, 
a.  avec  peu  ou  point  de  mesure.  »  Sou 
époux  était  tout  à  la  fois  son  esclave  el 
sa  victime  :  elle  le  persécutait  pour  lui 
faire  oublier  les  principes  de  piété  el 
d'honneur  dans  lesquels  il  avait  été 
élevé.  Au  bout  de  trois  mois ,  le 
pauvre  prince  se  trouva  tout  épris 
d'une  femme  de  cliambre  assez 
laide,  attachée  au  service  de  la  du- 
chesse. Celle-ci  PO  tarda  pas  a  s'a- 
percevoir de  cette  intrigue  ;  elle  dé- 
clara aussitôt  a  sou  mari  que  s'il 
continuait  K  vivre  amicalement  avec 
elle,  elle  le  laisserait  faire  j  mais,  que 
s'il  s'avisait  de  la  contrarier  ,  elle 
révélerait  au  roi  son  intrigue.  Par 
cette  menace,  elle  tint,  pour  ainsi 
dire  ,  en  bride  le  duc  de  Berri ,  qui 
devait  k  sa  mort  laisser  enceintes 
son  épou.'ie  et  sa  maîtresse.  Toutes 
deux  accouchèrent  h  peu  près  en 
même  temps.  La  duchesse  était  si 
peu  jalouse  qu'elle  garda  cette  femme, 
el  prit  soin  de  la  mère  et  de  l'en- 
fant. Un  des  premiers  amants  de  la 
princesse  ,  fut  La  Haye  ,  écnver 
tlii  duc  de  Berri  ;  elle  voulut  se  faire 
ealever  par  lui  ,  et  emmener  en 
Hollande.  La  Haye  frémit  k  cett«  pro- 
position ,  et  crut  devoir  en  avertir  le 
duc  dOiléans.  Ce  prince  parvint  non 
sans  jicine,  en  flattant  et  en  cffravant 
Ka  fille,  k  lui  faire  abandonner  un 
projet  aussi  insensé  ,  dont  il  craignait 
que  le  bruit  n'allât  jusqu'aLouis  XIV. 
Le  mariage  de  la  duchesse  deBerri 
avait  paru  une  occasion  favorable  aux 
«onemis  du  duc  d'Orléans  pour  l'ac- 
cuser d'un  coupable  amour  pour  sa 
fille  ;  toute  la  ville  et  la  cour  ei  par- 
laient, surtout  quand  ce  prince  eut 
gagné  l'amitié  de  son  gendre  (î).  Us 

(2)  On  a  attiibgiéà  Voltaire   le  coujilet  sui- 
vant ,  ;i  ce  sujet  : 

Enfin  votre  esprit  est  gUiTi 
Des  crainte.";  rfu  vutgaire 


mangeaient  souvent  tous  les  trois  en- 
semble et  eu  particulier  ,  servis  par 
la  seule  De  Vienne  ,  coniidenle  de  la 
duchesse  deBerri  ,  capable  de  favo- 
riser tous  les  genres  de  débauches- 
Ces  bruits  arrivèrent  jusqu'au  roi  qui 
eu  fut  très-mécontent,  et  qui  sentit 
redoubler  son  éloignement  pour  le 
duc  d'Orléans.  Une  nouvelle  que- 
relle entre  la  duchesse  d'Orléans  et  sa 
fille  vint  metlpe  le  comble  au  scan- 
dale. La  veille  d'un  grand  bal  donné 
a  la  cour  ,  la  duchesse  de  Berri  avait 
demandé  a  îa  mère  de  beaux  pen- 
dants d'oreille,  provenant  de  l'écrin 
de  la  feut  rcin€-mère  ,  Anne  d'Au- 
triche ;  Mndarae  d'Orléans  refusa 
ces  bijoux  a  sa  fille,  parce  que  la  du- 
chesse de  Bourgogne,  qui  croyait  y 
avoir  des  droits ,  l'engagea  k  ne  pas 
les  donner.  Piquée  de  ce  refus  ,  la 
duchesse  de  Berri  déclara  k  son  père 
que  s'il  ne  lui  faisait  avoir  les  dia- 
mants de  sa  mère,  elle  romprait  avec 
lui.  Par  ime  indigne  rouerie  ,  le  duc 
d'Orléans  les  demande  a  sa  femme, 
sous  prétexte  de  les  mettre  en  gage, 
pour  payer  de  grosses  sommes  qu'il 
devait  en  Espagne.  La  duchesse 
d'Orléans  s'empressa  de  lui  envoyer 
tous  ses  diamants.  Le, prince  ne  tou- 
cha qu'aux  pendants  que  désirait  sa 
fille,  et  les  lui  donna.  Triomnhaute, 
elle  se  rend  au  bal,  ornée  de  celte 
parure  ,  et  affecte  de  braver  la  du- 
chesse de  Bourgogne  ,  qui  alla  sur  le 
champ  s'en  plaindre  au  roi ,  k  mada- 
me de  Maintenon  et  k  madame  d'Or- 
léans. Le  roi  fit  appeler  dans  son  cabi- 
net la  duchesse  de  Berri,  lui  reprocha 

iJeilf  duchesse  de  Berri , 

Achevez  le  mystère. 
Un  nouveau  I.ollj  vous  ;crt  d'<îpoux  ; 

Mère  (!es  Moahilcs  , 
Puisse  bientôt  naître  de  vous 

Un  peuple  d'Ainin,onites  ! 

On  sait  que  Lolh  eut  de  ses  deux  filles  Ainmon 
et  .Moab,  qui  selon  l'écriture  furent  auieurs  de 
deux  pcmplcs,  les  Ammonites  et  les  Monhiles. 


BER 

les  désordres  de  sa  vie  et  lui  fil  ren- 
dre les  diainanls.  La  De  Vienne ,  ou- 
vrière de  toutes  ces  tracasseries  ,  fut 
chassée.  Madamed'Orléaus,  quiavait 
naturellement  le  don  des  larmes ,  ne 
chercha  point  a  se  contraindre  ,  et 
acheva  de  perdre  laré|)ulalion  de  son 
mari  et  de  iia  fille  par  Téclat  de  ses 
pleurs.  11  esl  plus  aisé  d'imaginer  que 
de  décrire  le5  fureurs  de  la  duchesse  : 
elle  demeura  six  jours  enfermée  chez 
elle  sans  voir  personne.  Elle  avait  , 
dit- on,  proféré  de  sombres  menaces 
contre  la  duchesse  de  Botirgogne  ; 
puis,  lorsque  si  près  de  la  cette 
princesse  intéressante  succomba  ainsi 
que  son  mari,  qui  la  suivit  six  jours 
après  dans  la  tombe  (  12  et  i8  fé- 
vrier 1713),  ou  se  rappela  ces  pa- 
roles ,  et  1  on  cl'.ercba  a  les  lier 
avec  un  évènemeut  qui  plongeait  la 
France  dans  le  deud.  Ces  soupçons 
furent  communiqués  au  roi.  Le  duc 
de  Berri,  lui  disait-on  encore  ,  sub- 
jugué par  celte  méclianle  femme  , 
et  destiué  peut-être  k  périr  par  ses 
maius,  restait  seul  pour  régner  avec 
le  duc  d  Orléans  ;  carie  duc  d'Anjou, 
(depuis  Louis  X\  ),  visiblement  mi- 
né par  an  poison  qui  n'avait  pas  en- 
core trauché  ses  jours,  n'aurait  pas 
long-ten)]3s  k  porter  ce  litre  de  Dau- 
phin qui  avait  été  si  fatal  k  son  grand- 
père,  k  son  père,  a  son  frèie.  On 
ne  saurait  dire  jusqu'à  quel  point  ces 
siûistres  insinualious  firent  impres- 
sion sur  Vesprit  du  monarque  :  il 
eut  besoin  pour  douter  du  crime 
d'en  considérer  toute  Tatrocilé.  La 
mort  prématurée  du  duc  de  Berri 
vint  encore  ajouter  k  tant  de  motifs 
de  suspicion.  Ce  prince  était  si  las 
des  désordres  et  de  1  humeur  violente 
de  sa  femme  ,  que  vingt  fois  il  avait 
formé  le  projet  de  se  plaindre  d'elle 
au  roi,  et  de  demander  quelle  fût 
renfermée  daiîs un  courent.  Sonbeau- 


BER 


77 


père  lui  était  devenu  odieux.  Il  avait 
eu  avec  lui  une  scène  terrible,  en  pré- 
sence de  la  duchesse  de  Berri.  Les 
bruits  d'îuceste,  répandus  dans  le  mon- 
de ,  avaient  causé  cet  emporteuit-ut , 
et  le  public  avait  été  confirmé  dans 
ces  soupçons  par  la  colère  du  prince. 
Mais  laLl)le  ,  irrésolu,  infidèle  lui- 
même  a  une  épouse  qu'il  avait  éper- 
dument  aimée,  qu'il  aimait  encore 
et  qui  portait  dans  son  sein  un  gage 
de  leur  union  ,  il  sélait  calmé,  il 
vint  la  voir  k  \  i.-rsailles  pendant  que 
la  cour  était  k  Marlv.  Après  une 
chasse  dans  le  parc,  il  dîna  avec  elle, 
éprouva  dès  le  soir  même  de  viclen- 
tes  douleurs  d'estomac  ,  se  rendit  k 
Marlj  et  v  mourut  peu  de  jours  après, 
le  4  mfii  1714.  11  avait  k  peine 
vingt-huit  ans.  La  mort  du  Dauphin 
et  de  laBauphine  n'avaient  pas  ofîert 
a  beaucoup  près  des  indices  aussi 
vraisemblables  de  poison.  Lue  cir- 
coDSlance  qu'une  partie  de  la  cour 
regarda  comme  un  fait  certain  ,  et 
i'aulre  comme  oificicusemenl  inven- 
tée, persuada  au  roi  que  cette  mort 
était  naturelle.  Le  duc  de  Berri  avait 
fait  depuis  plusieurs  jours  une  chute 
dangereuse  k  la  chasse  ;  des  vases 
pleins  de  sang  avaient  é  té  trouvés  sous 
son  lil.  Après  avoir  dissimulé,  mal- 
gré les  plus  vires  souBrances.  cet  ac- 
cident k  ses  domestiques,  pour  qu'on 
ne  l'empèchàt  pas  de  mander,  il  s'en 
était  ouvert ,  au  moment  de  mourir  , 
à  son  confesseur  ,  le  jésuite  Larue. 
a  T'iiou  père  ,  lui  avait-il  dit  ,  je  suis 
a  la  seule  cause  de  ma  mort.  »  1! 
était  d'ailleurs  d  une  extrême  intem- 
pérance j  ses  excès  de  table  avaient 
continué ,  même  depuis  sa  chute.  Il 
est  maintenant  impossible  d'éclaircir 
ces  faits  sur  lesquels  les  mémoires  du 
temps  n'offrent  rien  que  de  vague  • 
les  déuégalions  positives  ou  plutôt 
absolues  de  Voltaire  ne  prouvent  mû- 


78 


B£R 


heureusement  rien.  Marmonlcl,  dans 
son  ouvrage  sur  la  régence  ,  paraît 
persuadé  que  le  duc  de  Berri  fut  em- 
poisonné par  sa  femme  a  Tinsu  du 
duc  d'Orléans.  Cependant  il  ne  donne 
aucun  détail  sur  ce  fait  ,  et  n'indique 
aucune  preuve,  k  Le  roi,  ditM.  La- 
ce cretelle  (  Tableau  du  XV  IIP 
ce  siècle  ) ,  crut  cette  fois  tout  ce  que 
t«  son  repos  l'invitait  a  croire.  »  Il 
avait  assisté  aux  derniers  moments 
de  son  pelit-fils ,  qui  probablement 
lui  avait  parlé  de  manière  a  écarter 
tout  soupçon.  Il  alla  visiter  la 
ducbesse  de  Berri ,  lui  manifesta  un 
intérêt  que  depuis  long-temps  il  ne 
lui  témoignait  plus,  et  lui  laissa  les 
diamants  de  son  mari,  a  Le  public, 
a  assez  indifférent  sur  le  duc  de  Berri, 
ce  ajoute  le  même  historien  ,  eut  peu 
«e  de  soupçons  sur  une  mort  qui  lui 
«  inspirait  peu  de  regrets.»  Madame 
de  Maintenon  se  rapprocha  alors  delà 
duchesse  de  Berri,  et  essaya  de  la 
mettre  aussi  bien  auprès  du  roi  que 
l'avait  été  la  feue  dauphine  (duchesse 
de  Bourgogne)  5  u  mais  il  ne  paraît 
(c  pas  que  rinclination  du  roi  ait  été 
«  aussi  forte.  «LamorldeLouisXIV, 
en  faisant  passer  dans  les  mains  du  ré- 
gent, duc  d'Orléans,  toute  l'autorilé 
royale  ,  ouvrit  une  nouvelle  carrière 
à  l'orgueil  de  la  duchesse  de  Berri , 
orgueil  qui  allait  jusqu'à  la  folie.  Elle 
traversa  une  fois  Paris  précédée  de 
trompettes  etde  cymbales.  Une  autre 
fois  elle  parut  au  spectacle  sous  un 
dais  ,  inconvenance  d'autant  plus 
grande,  que  le  duc  et  la  duchesse  sa 
mère  étaient  présents.  Pour  recevoir 
l'ambassadeur  de  Venise,  elle  voulut 
s'asseoir  sur  un  fauteuil  placé  sur  une 
estrade.  Cette  incartade  d'une  jeune 
personne  mit  en  émoi  toute  la  diplo- 
matie européenne.  Les  ambassadeurs 
protestèrent,-  et  il  fallut  que  le  ré- 
gent promît  que  pareille  scène  ne  se 


BEK 

renouvellerait  plus.  La  duchesse  se 
plaisait  aussi  a  accabler  le  régent  de 
ses  hauteurs ,  et  faisait  même  con- 
tre lui  une  sorte  d'opposition  politi- 
que. Saint-Simon  dit  qu'elle  entrete- 
nait dans  sa  maison  «  des  braves 
«  pour  se  faire  compter  entre  l'Es- 
cc  pagne  et  son  père  ,  et  se  tourner  da 
«  côté  le  plus  avantageux.  «  En  un 
mot ,  toutes  ses  démarches  tendaient 
a  occuper  le  rang  de  reine.  Cette 
hauteur  ambitieuse  ne  l'empêchait  pas 
de  vivre  en  très-mauvaise  compagnie 
et  de  passer  ses  jours  et  ses  nuits  dans 
d'obscènes  orgies.  La  toujours,  par 
exemple  ,  elle  était  parfaitement 
d'accord  avec  son  père ,  que  les  cour- 
tisans aimaient  a  comparer  au  pa- 
triarcheLolh.On  ose  a  peine  rappor- 
ter les  termes  dans  lesquels  le  duc  de 
Saint-Simon  rend  compte  d'un  de  ces 
scandaleux  banquets.  «  Madame  la 
«  duchesse  de  Berri  et  M.  le  duc 
«  d'Orléans,  dit-il,  s'y  enivrèrent 
«  au  point  que  tous  ceux  qui  étaient 
ce  là  ne  surent  que  devenir.  L'effet 
ce  du  vin  par  haut  et  par  bas  fut  tel , 
ce  qu'on  en  fut  en  peine,  et  cela  ne 
K  la  désenivra  pas,  tellement  qu'il 
«  fallut  la  ramener  en  cet  état  a 
(c  Versailles.  Tous  les  gens  des  équi- 
té pages  le  virent,  et  ne  s'en  turent 
(c  pas.  »  Si  nous  vouHons  entrer  dans 
tous  les  détails,  nous  parlerions  en- 
core ici  de  ces  bals  masqués ,  où  la 
duchesse  de  Berri  oubliait  dans  de 
petites  loges  son  rang  aussi  bien  que 
toute  pudeur  j  nous  signalerions  ses 
intrigues  passagères  avec  le  duc  de 
Richelieu  et  d'autres  jeimes  courti- 
sans, et  Sa  vie  offrait ,  dit  St-Siraon  , 
et  le  mélange  de  la  plus  altière  grau- 
ct  dcur,  ainsi  que  de  la  bassesse  et 
te  de  la  servitude  la  plus  honteuse.» 
Si  le  régent  son  père  était  a  ses  pieds, 
elle  était  soumise  en  esclave  k  un  ca- 
det de  Gascogne ,  Rions ,  neveu  de 


CER 

ce  duc  de  Lauziin  qui  épousa  made- 
moiselle de  Moutpensier,  unii|iie  be'- 
ritièrede  la  première  maison  de  Bour- 
bon-Orléans.CeRions  n'était  pourtant 
qu'un  fat,  fort  laid  et  assez  sot,  ce 
qui  n'est  pas  toujours  une  raison  pour 
èlre  repoussé  des  dames  (5).  Il  avait 
pris   sur  la    duchesse    de  Berri    un 
ascendant  tel,  qu'il  l'avait  façonnée 
à  tolérer  jusqu'à  ses  mépris,  et  rédui- 
te à  souffrir  qu'il  eût  sous  ses  jeux  , 
dans  sa  maison,  une  autre  maîtresse, 
la  dame  de  Moucbj,  attachée  au  ser- 
vice de  la  princesse.  Du  reste  Rions 
finit  par  se  faire  épouser  secrètement, 
a  C'était  l'oncle  qui  avait  guidé  son 
K  neveu  dans  toute  cette  affaire.  Il 
«  lui   avait    conseillé    de    traiter  sa 
a  princesse  comme  il  avait  traité  lui- 
«  même   Mademoiselle.  Sa    maxime 
«  était  que  les   Bourbons  voulaient 
«  être  rudoyés   et  menés   le    bâton 
«  haut,  sans  quoi  ou  ne  pouvait  se 
«  conserver  sur  eux  aucun  empire.  » 
(Saint-Simon)  ;/[.).  Au  milieu  de  tous 
ces  désordres,  la  duchesse  faisait  fré- 
quemment    ce  des  retraites   austères 
«  aux  Carmélites  du  faubourg  Saint- 
ce  Germain  (5),  »  et  elle  eu  sortait  pour 
a  revenir  aux  soupers  les  plus  profa- 
K  nés  par  la  vile  compagnie ,    et  la 
a  saleté  et  l'impiété   des   propos  ,  » 
passant  ainsi  «  de  la  débauche  la  plus 
«  effrontée  à  la  plus  horrible  frayeur 
ce  du  diable  et  de  la  mort...  »  Elle 
ne  voulait  se  contraindre  sur  rien  • 
elle  était  indignée  que  le  monde  osât 
parler  de  ce  qu'elle-même  ne  prenait 
pas  la  peine  de  lui  cacher;  et  toute- 

(3;  Saint-Simon  nous  apprend  qu'il  avait  le 
Tisage  pâle,  Ins-joufflu  et  couvert  de  boutons- 
ce  qui,  dit-il ,  le  faisait   ressembler  à  un  abcès. 

(4)  Saint-Simon  dit  encore  que  Rions  n'était 
arrogant  qu'avec  la  duchesse  ;  et  qu'avec  tout 
le  monde  à  la  cour  il  était  poli  et  respectueux. 
Sa  tyrannie  allait  jusqu'à  forcer  la  princesse  de 
changer  deux  ou  trois  fois  de  toilutle  selon  son 
caprice  ,  de  la  contraindre  de  rester  quand  elle 
voulait  sortir ,  etc. 

(5)  Elle  y  avait  un  apparleiaenl. 


BER 


79 


fois  elle  clait  désolée  de  ce  que  sa 
conduite  fût  connue...  Elle  était  en- 
ceinte de  Rions,  et  s'en  cachait  tant 
qu'elle  pouvait...   La  grossesse  vint 
a  terme  ,  k  et  ce  terme ,  mal  préparé 
a  par  les  soupers  continuels  ,  fort 
a  arrosés  de  via  et  des  liqueurs  les 
«  plus    fortes  ,    devint    orageux    et 
«  promptement.dangereux...»  Le  pé- 
ril était  imminent;  Languet  {V.  ce 
nom,  XXIII,  566),  curé  de  St-Sul- 
pice,    parla  des  sacrements  au  duc 
d'Orléans.  La  difficulté  était  d'abord 
de  les  proposer  a  la  duchesse  ;  maisle 
curé  déclara  qu'il  ue  les  administre- 
rait point  tant  que  Rions  et  la  dame 
de  Mouchj  seraient  au  Luxembouro-. 
Le  cardinal  de  Noailles  approuva  le 
curé  dans  son  refus.  La  duchesse  se 
mit  en  fureur,  se  répandit  en  empor- 
tements contre  ces  cafards,  qui  abu- 
saient de  son  état  et  de  leur  carac- 
tère pour  la  déshouorer  par  un  éclat 
inofli ,  el  n'épargna  pas  son  père  sur 
sa  faiblesse  et  sa  sottise  de  le  souf- 
frir. A  l'en   croire ,    on   aurait    dû 
faire  sauter  l'escalier  au  curé  et 
au  cardinal.   Cette  scène  n'empêcha 
pas  la  duchesse  d'accoucher  heureu- 
sement. Infiniment  peinée  de  la  ma- 
nière peu  flatteuse  pour  elle  dont  la 
cour  et  la  ville  avaient  pris  sa  ma- 
ladie ,  elle    crut   regagner    quelque 
chose  dans  l'opinion  en  faisant  rouvrir 
au  public  les  portes  du  Luxembourg, 
qu'elle    avait  fait  fermer  il  y   avait 
long-temps.  «  On  en  fut  bien  aise , 
«  on  ^  en  profita  ,   4',  Saint-Simon  ,• 
a  mais  ce  fut  tout.  iJle  se  voua  au 
a  blanc  pour  six  mois  ;   et  cela  fit 
K  rire.  )>  Bientôt,  pour  éviter  l'em- 
barras de  se  trouver  k  Paris  pendant 
la  semaine  de  Pâques,  après  tant  de 
scandale,  elle  fit  vers  la  fin  de  mars 
un  voyage  prématuré  k  Meudon  ,  et 
voulut   y  offrir  une  fêle  nocturne  à 
son  père,  pour  donner  le  change  au 


ft» 


BER 


public  autant  sur  son  accouchement 
que  sur  la  froideur  qui  exislait 
entre  elle  et  le  réj^ent,  depuis  qu'elle 
Tubsédait  pour  faire  déclarer  son 
mariage.  Ce  mariage  ne  surprit  que 
médiocrement,  dit  Saint-Simon,  a 
cause  de  cci  assemblage  de  passion 
cl  de  peur  du  diable  dont  elail  pos- 
sédée la  duchesse  j  mais  on  fut  élouué 
de  celle  fureur  de  le  déclarer  dans 
une  personne  si  superbement  glo- 
rieuse. C'était  aussi  le  plus  vif  désir 
de  Rions,  qui  ne  s'était  marié  que  par 
ambition  j  mais  le  régent,  pour  ga- 
gner du  lemps  ,  l'avait  envoyé  k 
l'armée  après  les  scènes  de  l'accou- 
chement. Quant  a  la  duchesse,  le 
fatal  souper  de  Meudon,  fait  en  plein 
air,  au  mois  de  mars  ,  ne  lui  réussit 
pas  :  elle  éprouva  une  rechute  dont 
elle  ne  releva  plus.  Enfin,  le  i4 
juillet  ,  la  maladie  prit  un  caractère 
alarmant,  a  Elle  se  souuïit  aux  re- 
II  raècies  pour  ce  monde  et  pour  l'au- 
«  tre,  dit  Saint-Simon.  Une  première 
ce  fois  elle  reçut  les  sacrements,  les 
ce  portes  ouvertes  j  parla  aux  assis- 
ce  tanfcs  sur  sa  vie  et  sur  son  état  , 
ce  mais  en  reine  de  l'un  et  de  l'autre.» 
Après  ce  spectacle,  elle  s'applaudit 
avec  ses  familiers  de  la  fermeté 
qu'elle  avait  montrée,  et  leur  de- 
manda ,  comme  Auguste  ,  si  elle  n'a- 
vait pas  bien  joué  son  rôle.  Peu  de 
temps  après  celte  explosion  d'orgueil, 
la  peur  du  diable  revint ,  et  elle  reçut 
(le  nouveau  les  sacrements  avec 
beaucoup  de  piétc,  à  ce  qu'il  pa- 
rut. Le  2  I  juii'îet  1719  elle  exp:ra 
au  chàte;iu  de  la  Muette  ,  comme  si 
elle  s'était  endormie.  L'empirique 
Garus  qui  faisait  alors  beaucoup  de 
bruit,  fut  admis  a  lui  administrer  son 
élixir.  Le  remède  réussisialt  y  mais 
elle  fiit  empoisonnée  ,  dit  Saint-Si- 
mon ,  par  un  purgatif  que  lui  donna 
le  médecia  Chirac.  Pourquoi  a-t-ou 


BER 

été  chercher  des  causes  humaines  a 
une  fin  si  naturelle?  La  princesse, 
depuis  quatre  mois  qu'elle  était  sur 
le  lit  de  souffrance  ,  expiait  par  une 
horrible  complication  de  maux  les 
débauches  vraiment  romaines  de  sa 
courte  existence  :  goutte  ,  ulcère  a 
l'estomac  et  à  la  peau,  le  foie,  la  rate 
attaqués,  sans  parler  d'une  dernière 
affection  plus  honteuse  :  voila  les  poi- 
sons dont  elle  périt  victime ,  sans  qu  il 
fût  besoin  d'une  purgalion  malencon- 
treuse. Laissons  au  surplass'exprimer 
l'aïeule  de  la  princesse  sur  les  causes 
de  celte  mort  prématurée,  ce  Je  crois, 
ce  dit  elle,  que  ce  sont  ses  bains  cx- 
<e  cessifs  et  sa  gourmandise  qui  oui 
ce  miné  sa  santé... La  pauvre  duchesse 
ce  de  Berri  s'est  détruite  elle-a>ème 
a  comme  si  elle  s'était  tiré  un  coup 
ce  de  pistolet  5  car  elle  a  mangé  eu 
ce  secret  des  melons,  des  figues  et  du 
ce  lait.  Pour  cette  belle  œuvre,  elk  a 
ce  fermé  la  porte  de  sa  chambre  à  son 
ce  docteur  pendant  quinze  jours.'»  Le 
duc  d'Orléans  donna  seul  des  larmes 
a  la  ducbesse  de  tierri.  ce  A  l'ouver- 
«  tiire  du  corps  ,  ajoute  Saint-Simon, 
«  la  pauvre  princesse  fut  trouvée 
ce  grosse.  »  Lorsque  la  nouvelle  ds 
sa  mort  parvint  a  l'armée,  le  prince 
de  Conli  alla  trouver  Rions,  et  lui 
ch-anta  ce  vieux  refrain  . 

EJfe  esl  morte  la  Tache  aax  patwcrs, 

11  n'en  faut  plus  parler. 

Pour  terminer  cet  article,  laissons 
la  vieille  duchesse  d'Orléans,  douai- 
rière ,  dire  avec  sa  franchise  germa- 
nique le  peu  de  bien  que  l'on  ait  dit 
de  sa  petite-fille.  A  l'en  croire  ,  elle 
souffrait  tout  en  patience  de  sa  mè- 
re qui  la  maltraitait,  et  fit  toujours 
son  devoir  de  fille  respectueuse  et 
dévouée.  Les  anecdotes  de  l'huissier 
et  des  diamants,  rapportées  ci-dessus, 
semblent  prouver  le  contraire;  mais 
rien  n'autorise  à  nier  ce  qu'ajoute 


BER 

la  vieille  duchesse  ,  que  pendant 
une  maladie  de  sa  mère  elle  veilla 
auprès  d'elle  comme  une  garde-ma- 
lade ,  et  ne  la  quitta  point  d'un  in- 
stant, a  Si  la  duchesse  de  Berri  n'é- 
«  tait  pas  ma  petite-fille,  dit- elle 
ce  encore,  j'aurais  toutes  les  raisons 
«  du  monde  d'être  contente  d'elle... 
K  Je  serais  une  ingrate  si  je  ne  Tai- 
«  mais,  car  elle  me  fait  toutes  les 
«  amitiés  possibles,  et  a  tant  d'é- 
«  gards  pour  moi,  que  j'ensuis  sou- 
te vent  étourdie.  »  Jouissant  d'un 
revenu  de  six  cent  raille  livres  de 
rentes,  elle  était  magnifique,  ge'né- 
reuse,  et  se  laissait  sciemment  piller 
par  ses  gens  5  aussi  laissa-t-elle  k  sa 
mort  quatre  cent  mille  livres  de  dettes. 
Enfin,  comme  dans  ces  portraits  de 
famille  rien  ne  vise  au  panégyrique , 
ainsi  se  terminent  les  souvenirs  de  la 
duchesse  douairière  sur  sa  pelile- 
fille  :  te  On  fut  tellement  embarrassé 
K  pour  son  oraison  fuuèbre,  qu'on  a 
et  fini  par  se  résoudre  k  n'en  point 
te  prononcer...  Mon  fils  est  d'autant 
te  plus  profondément  affligé  ,  qu'il 
te  voit  bien  que  s'il  n'avait  pas  eu  trop 
te  de  complaisance  pour  sa  chère  fille, 
ce  et  s'il  avait  plus  agi  en  père ,  elle 
«  vivrait  encore  et  se  porterait  bien,  m 
On  n'a  de  la  duchesse  de  Berri  qu'un 
mauvais  portrait ,  gravé  pendant  sa 
vie  par  Desrochers  ,  et  un  dessin  du 
cabinet  de  Fonlette,  qui  esta  la  bi- 
bliothèque du  it)i.  D — R — R. 

BERRI    (CHARLES-FERDlN^rD 

de  BouRBOX,  duc  de),  né  a  Versail- 
les le  24.  janvier  1778,  second  fils 
du  comte  d'Artois  (depuis  Charles  X) 
et  de  Marie-Thérèse  de  Savoie ,  eut 
pour  gouverneur  le  duc  de  Sérent , 
et  pour  sous-précepteur  les  abbés 
Marie  et  Guénée.  De  pareils  maîtres 
n'étaient  guère  propres  k  lui  inspirer 
î  les  idées  et  les  goûts  militaires  dont 
les  événements  allaient  lui  faire  une 


BER 


Sx 


nécessité  et  que  dès  long-temps,  dans 
la  plupart  des  maisons  souveraines 
de  lEurope,  on  s'efforçait  de  donner 
aux  jeunes  princes.  Cependant  le  duc 
de  Berri,  nalureliement  porté  k  tous 
les  exercices  violents  et  montrant  peu 
(le  goût  et  d'application  aux  éludes 
sérieuses,  semblait  plus  qu'un'  autre 
destiné  a  la  carrière  des  armes  ;  et 
lorsque  son  père  l'eut  conduit  hors 
de  France  en  1789  ,  lorsque  k  peine 
âgé  de  douze  ans  il  fut  obligé  de 
parlager  les  travaux  et  les  périls  de 
Fémigralion,  on  le  vit  s'y  livrer  avec 
autant  de  zèle  que  de  véritables  dis- 
positions. Après  avoir  passé  quelques 
mois  dans  les  Pavs-Bas,  puis  en  Al- 
lemagne, et  a  la  cour  du  roi  de  Sardai- 
gne,  son  oncle,  il  vint  faire  ses  premiè- 
res armes  dans  !e  corps  d'armée  qui  at- 
taqua Thicnville  en  septembre  1792, 
sous  1  es  ordres  du  maréchal  de  Broglie. 
Après  l'issue  malheureuse  de  celte 
expédition,  le  duc  de  Berri  alla  passer 
quelques  mois  avec  son  père  au  châ- 
teau de  Haram  en  Westphalie,  et  il 
se  rendit  ensuite  a  l'armée  que  com- 
mandait le  prince  de  Condé  sur  les 
bords  du  Khin.  Ce  fut  la  qu'il  fit 
réellement  la  guerre  d'une  manière 
aussi  active  que  périlleuse.  11  com- 
mandait une  petite  troupe  de  cavale- 
rie ,  et  pendant  plus  de  quatre  ans  , 
depuis  la  fin  de  1794  jusqu'à  la  paix 
de  J.éoben ,  en  1797  ,  il  parut  dans 
toutes  les  affaires  des  armées  du 
Rhin  et  surtout  "a  Steinstadt,  a  Mu- 
nich et  devantHuuingue,  d'une  maniè- 
re aussi  brillante  que  le  permettaient 
son  jeune  âge  et  le  peu  d'importance 
de  son  commandement.  Le  corps  de 
cavalerie  commandé  par  le  duc  de 
Berri  passa  au  service  de  Russie 
en  1798,  lorsque  l'Autriche  eut 
déposé  les  armes.  Le  jeune  prince 
profita  de  cet  intervalle  de  repos 
pour  visiter  son  père  a  Edimbourg  , 


LVIII. 


8% 


MR 


et  il  se  rendit  ensuite  en  Italie,  où 
il  fut  près  d'époustr  la  princesse 
Christine,  fille  du  roi  de  iViples  ,  qui 
depuis  est  devenue  reine  de  Sardai- 
gne  ;  mais  ce  projet  fut  traversé  par 
le  ministre  Acton  ,  alors  tout-puis- 
sant a  la  cour  des  Deux-Sitilesj  et 
d'aillffurscelte  cour  avait  en  ce  teinps- 
Ja  trop  de  inénagemeuls  a  garder 
envers  la  république  française.  Le 
duc  de  Berri  fut  donc  obligé  d'y  re- 
noncer ;  mais  il  dut  a  sou  voyage 
eu  Sicile  et  au  iéjour  de  plu- 
sieurs mois  qu'il  fit  a  Rome  d'assez 
grands  progrès  dans  les  arts ,  surtout 
dans  la  peinture,  qui  fut  toute  sa 
vie  son  élude  de  prédi'eclion.  En 
quittant  l'ilalie  il  alla  de  nouveau  se 
ranger  sous  les  drapeaux,  du  prince 
de  Condé  5  qui  était  revenu  en  Ba- 
vière, pour  y  faire  sa  dernière  cam- 
pagne. Il  V  donna  encore  des  preuves 
de  courage  dans  plusieurs  occasions; 
et  ne  se  relira  que  lorsque  cette  mal- 
heureuse armée  fut  licenciée  et  dis- 
persée par  la  capricieuse  politique 
des  puiisances.  Se  trouvant  alors 
dénué  de  ressources  et  loin  de  sa 
famille ,  le  duc  de  Berri  passa  plu- 
sieurs mois  dans  la  retraite  k  Rla- 
genfurt  auprès  de  sa  mère,  puisa 
\ienne,  cherchant  en  vain  par  5es 
correspondances  k  renouer  un  projet 
de  mariage  qui  devenait  d'autant  plus 
difficile  que  la  posiliou  de  la  cour  de 
Naples  était  plus  enibarrassanle.  Il 
eut  aussi  h  c-  lie  époque  l'espoir  de 
faire  partie  d'un  débarquement  qui 
devait  b'opérer  sur  lescôlcs  de  Pro- 
vence ;  mais  les  succès  de  Bonaparte 
et  rafferuiisseraent  de  son  pouvoir 
rendirent  bientôt  impossible  l'exécu- 
lion  de  tous  ces  plans  5  et  le  jeune 
prince  n'eut  plus  qu'a  se  reudre  en 
Angleterre  pour  s'y  réunir  à  sou 
père.  Il  passa  plusieurs  années  à 
Londres  ,  vivant  presque  seul,  ou 


BER 

quelquefois,  il  f;uil  le  dire,  avec  des 
personnes  peu  dignes  de  son  rang. 
Ce  fut  dansce  temps  la  qu'il  coutractii 
une  iulime  liaison  avec  une  dame  an- 
glaise dont  il  eut  plusieurs  enfants. 
En  i8o4  il  se  rendit  en  Suède  où 
les  projets  guerriers  de  Gustave-Adol- 
phe semb'aient  lui  offrir  une  occasion 
de  reprendre lesarmes  5  mais  il  fallut 
encore  une  fois  y  renoncer,  lorsque 
les  événements  d'Ulm  et  d'Austerlilz 
eurent  forcé  les  grandes  puis>ances  ii 
demander  la  paix.  Leduc  de  Berri  re- 
louruaen  Angleterre,  et  il  y  vécut  'a 
peu  près  de  la  même  mauière  qu'au- 
paravant, ne  vovaut  que  rarement  son 
père  et  le  prince  de  Condé,  et  ne  faisant 
guère  que  des  apparitions  obligées  a 
Harlwell,  1  irsque  le  roi  Louis  XVIII 
y  eut  établi  sa  résidence.  Mais  au 
commencement  de  i8i4-s'ouvrlt  pour 
lui  une  nouvelle  carrière.  Ou  se  rap- 
pelle qu'a  celte  époque  les  princes 
de  sa  famille  se  distribuèrent  les  rô- 
les pour  pénétrer  eu  France,  et  que 
tandis  que  Monsieur,  comte  d'Artois, 
venait  par  les  provinces  de  l'Est  et 
le  duc  d'Angoulème  par  l'Espagne  , 
sou  frère  se  dirigea  vers  la  ISormau- 
die.  11  fut  alors  sur  le  point  de  tom- 
ber dans  un  piège  que  lui  lendit 
la  police  impériale.  De  perfides  cor- 
respondances avaient  fait  penser  asx 
crédules  conseillers  de  Louis  XVIII 
que  le  duc  de  Berri  était  attendu  sur 
les  côtes  de  l'Océan  par  40  mille 
royalistes  loularinés,  etqu'Jl  ne  s'agis- 
sait pour  lui  que  d'exécuter  une  mar- 
che triomphale  vers  Paris.  Ce  lut 
dans  celle  croyance  que  le  jeune 
prince  s'embarqua  sur  nu  vaisseau 
anglais  ;  mais  arrivé  a  l'île  de  Jer- 
sey, ayant  reçu  des  avis  plus  siirs  ,  il 
attendit  prudemment  que  les  événe- 
ments de  Paris  lui  permissent  de  dé- 
barquer paisiblement  h  Cherbourg, 
et  il  fut  accueilli  dans  celle  ville,  le 


BER 

1 5  avril ,  par  de  nombreuses  accla- 
malious.  Dès  le  lendcmaîu  il  se  di- 
rigea sur  Baveux,  puis  sur  Cnen,  où 
il  gagna  a  la  cause  royale,  par  sa  fran- 
cbise  et  ses  manières  chevaleresques, 
des  corps  de  Iroupes  qui  avaient  d'a- 
bord montré  quelque  répuguance.  Il 
fut  complimenté  dans  la  dernière  de 
ces  villes  par  le  piéfet  Mécbin,  et  il 
y  publia  une  proclamation  où  il  fit, 
comme  les  autres  princes  de  sa  mai- 
son, des  promesses  qui  n'ont  pas  été 
re'alisées    et    qui   ne    pouvaient   pas 
toutes  l'être  (  T'^oy.  Loris  XVIII  , 
au  Supp.  ).    Le  duc  de  Berri  conti- 
nua sa   route  par  Rouen  ,  et   arriva 
a  Paris  le  21  avril.  Après  avoir  été 
serré  dans  les  bras  de  son  père  qui  le 
reçut   aux  Tuileries  ,  il  se  jela  dans 
ceux  des  maréchaux  qui  étaient  pré- 
sents. Cherchant  a  mériter  l'affection 
de  l'armée  ,  il  se  montra  partout  Is 
protecteur  et  l'ami  des  militaires.  On 
répéta  alors  beaucoup  de  mots  heu- 
reux qu'il  leur  adressait  dans  les  re- 
vues et  les  manœuvres  auxquelles  il 
assistait  fréquemment  5  nous  n'en  ci- 
terons qu'un  seul.    Quelques  soldats 
avec  lesquels  il  causait  fcimilièrement 
lui  ayant  franchement  lait  connaître 
l'ai  tachemen  t  qu'ils  conser vaien t  pour 
IVapoléon,  il  leur  demanda  la  cause 
de  cet  attachement  :  «  C'est,  lui  di- 
«  renl-ils,   parce  qu'il  nous   faisait 
tt  remporter  des  victoires.  5) — k  Je  le 
«  crois  bien,  répliqua   brusquement 
«  le  prince,  avec  des  hommes  comme 
ce  vous,  cela  était  bien  difficile!...» 
Il  se  servit  même  d'une  expression 
plus  conforme  au  langage  des  soldais, 
et  qui  était  assez  dans  ses  habitudes. 
Sa    repartie    n'en   eut  que  plus    de 
succès  ,  et  il  est  sur  qu'il  fut  h  celte 
époque  celui  des  princes  de   sa  fa- 
mille qui  réussit  le  mieux  auprès  des 
troupes.  Mais  les  ennemis  des  Bour- 
bon^, qui  dès  lors  étaient  nombreux, 


BER 


.8â 


et  qui  devenaient  d'autant  plus  en- 
treprenanls   que  ceux-ci  cherchaient 
moins   k   se   faire  redouter,    s'étaut 
bienlôl  aperçus  que   tout  l'avenir  de 
cette    maison  reposait  sur  le  duc  de 
Berri,  ne  négligèrent  aucun  moyen  de 
Je  dépopulariser  ,  et  ils  répandirent 
contre  lui  des  calomnies  de  tous  les 
genres.    On   sait  que  c'est  toujours 
par  la  que   commencent  les  révolu- 
lions.   Quelque  absurdes  que  fussent 
la  plupart  de  ces  calomnies,  on  ne 
peut  douter  qu'elles  n'aient  eu  beau- 
coup d'influence  sur  les  événements; 
el  lorsque,  peu  de  temps  après  son  ar- 
rivée, le  prince  fut  envoyé   dans  les 
provinces  de  l'est,  pour  y  ramener  les 
esprits    à    la    cause    royale  ,    il    en 
éprouva    de    fâcheux  effets.   Le  roi 
l'avait  nommé     colonel-général    des 
chasseurs  et  lanciers.  Il  fut  question 
à  cette  époque  de  lui  faire  épouser 
une  princesse  russe,  et  il  paraît  que 
l'empereur  Alexandre  s'y  montra  fa- 
vorablement dispobéj  mais  ce  projet, 
qui  pouvait  avoir  les  plus  heureux  ré- 
sultats pour  la  famille  rovaie  ,  échoua 
devant  des  scrupules  de  religion  que 
nous  ne  pouvons  apprécier.  Ce  qu'il  y 
a  de  sur  c'est  que,  peu  de  mois  après, 
lorsque   iNapoléou  ,  échappé  de   l'île' 
d'Elbe,  vint  pour  renverser  la  mo- 
narchie des  Bourbons,  ces  princes, 
entourés  d'ennemis  a  l'intérieur,  ne 
s'étalent  fait  au  dehors  ni  alliance  ni 
appui.  Dans  cette  circonstance  diffi- 
cile ,  le  duc  de  Berri  déploya  toute 
l'énergie  et  la  valeur  que  l'on  atten- 
dait de  lui.    Nommé  chef  de  l'armée 
que  Ton  voulut  réunir  devant  Paris, 
il  se  montra  partout  aux  troupes,  dans 
les  revues-,    dans   les  casernes;  et 
quand  la  retraite  fut  décidée  il  com- 
manda le  petit  nombre  de  celles  qui 
étaient  restées  fidèles.  Faisant  bonne 
contenance  jusqu'ala  fronlièrebelge, 
il   sut  empêcher  un  engagement  qui! 

6. 


84 


BER 


voulait  éviter  entre  des  Français,  sans 
laisser  néanmoins  enlamer  son  ar- 
rière-garde par  les  soldats  de  Napo- 
léon. Pressé  a  Bélhune  par  un  corps 
de  cavalerie ,  il  ne  craignit  pas  de 
s'cifrir  seul  aux  coups  de  ses  ennemis, 
et  il  leur  en  imposa  par  sou  sang-froid 
et  sa  présence  d'esprit.  Lorsque 
Louis  XVllI  se  fut  établi  k  Gand , 
son  neveu  commanda  les  débris  de  la 
maison  militaire  qui  campèrent  a 
Alost  5  et ,  après  la  bataille  de  Wa- 
terloo ,  les  portes  de  la  France  étant 
de  nouveau  ouvertes  aux  Bourbons, 
il  commanda  encore  celte  petite  ar- 
mée royale  dans  sa  marche  vers  Pa- 
ris. Peu  de  jours  après  cette  seconde 
restauration,  le  roiTenvoya  présider 
ïe  collège  électoral  du  Nord  j  et  il 
contribua  de  tout  son  pouvoir  dans  ce 
département  a  former  celte  cbambre 
introuvable  qui  devait  ê  tre  plus  roya- 
liste que  le  roi  et  que  le  roi  devait  i  en- 
voyer [Voj.  Louis XVIII,  au  Sup.). 
H  fut  très-bien  reçu  par  les  Lillois, et  il 
se  fit  parmi  eux  beaucoup  de  parti- 
sans. C'est  désormais  entre  nous 
à  la  vie  à  la  mort ,  leur  dil-il  en  les 
([uit  tant;  el  ces  paroles  dignes  du  petit- 
fils  de  Heuri  IV  ont  été  souvent  ré- 
pétées. Revenu  dans  la  capitale ,  le 
duc  de  Berri,  ainsi  que  son  père  et  le 
duc  d'Angouléme  ,  se  montra  fort 
assidu  aux  séances  de  la  chambre 
des  pairs;  mais  desmotifs  politiques, 
qu'il  n'est  pas  facile  de  comprendre 
aujourd'hui,  firent  bienlôt  redouter 
leur  influence,  et  cette  faible  partici- 
pation au  pouvoir  leur  fut  interdite. 
Le  duc  de  Berri  n'eut  p'us  d'autres 
soins  que  de  passer  encore  quelques 
revues ,  de  faire  des  inspections  et 
d'adresser  aux  troupes  de  courtes 
et  heureuses  allocutions  qui  eurent 
toujours  beaucoup  de  succès.  Il  de- 
venait de  plus  eu  plus  certain  que 
c'était  sur  lui  seul  et  sa  postérité  que 


BER 

devait  se  fonder  l'avenir  de  la  bran- 
che aînée  des  Bourbons;  cette  consi- 
dération décida  son  mariage,  et  M. 
de  Blacas,  ambassadeur  à  INaples,  fut 
chargé  de  le  négocier.  Le  28  mars 
181 6,  un  message  royal  annonça  aux 
chambres  que  ce  prince  allait  épou- 
ser la  fille  aînée  de  l'héritier  du 
troue  de  Kaples,  et  proposa  d'augmen- 
ter d'un  million  son  apanage  qui 
jusque  la  n'avait  été  que  de  5 00, 000 
francs.  Les  chambres  portèrent  spon- 
tanément cette  somme  à  i,5oo,ooo 
francs;  mais  le  prince  déclara  qu'il 
consacrerait  pendant  cinq  ans  ce  sup- 
plément au  soulagement  des  départe- 
ments qui  avaient  le  plus  souffert  delà 
guerre  ;  et  il  a  religieusement  tenu  sa 
promesse.  Cette  union,  qui  se  fit  au 
milieu  des  applaudissements  de  la 
France,  fut  d'abord  très-heureuse  j 
mais  les  deux  premiers  enfants  qui 
en  naquirent ,  et  dont  l'un  était  un 
prince,  moururent  en  bas  âge  :1e 
troisième  (mademoiselle)  a  survécu, 
et  son  père  était  mort  depuis  six  mois 
quand  le  duc  de  Bordeaux  vint  au 
monde.  Cette  mort  fut  une  cruelle 
catastrophe,  et  elle  est  dans  l'iiisloire 
un  événement  de  la  plus  haute  im- 
portance. Le  i3  février  1820  , 
dernier  dimanche  du  carnaval,  le  duc 
de  Berri  étant  allé  a  l'opéra  avec 
sa  femme  ,  et  voulant  y  rester  en- 
core ,  lorsque  celle-ci  en  parlait  h 
onze  heures,  l'accompagna  jusqu'à  sa 
voiture.  Il  venait  de  lui  donner  lamaiu 
pour  l'aider  amonter,lorsqu'uu  homme 
passe  rapidement  entre  le  factionnaire 
qui  présentait  les  armes  et  un  valet 
qui  relevait  le  marche-pied  ;  appuie 
sa  main  gauche  sur  l'épaule  droite 
du  prince ,  et  le  frappe  de  la  maiu 
droite  au  dessous  du  sein  droit  en  le 
poussant  violemment  sur  le  comte  de 
Mesnard.  Croyant  d'abord  n'avoir 
reçu  qu'une  faible  contusion,  le  duc  y 


BER 

porte  la  ii^iin*  mais  dès  qu'il  a  senli 
la  plaie  et  le  poignard  qui  y  restait 
allaclié ,  il  s'écrie  :  a  Je  suis  assas- 
«  sine  5  cel  homme  m'a  tué;  je  suis 
«  mort  5  »  et,  retirant  lui-même  le 
poignard ,  il   répand  un   torrent   de 
sang  et  tombe  en  défaillance.  On  s'ef- 
force d'écarter  ses  liabits ,  de  recon- 
naître la   blessure;  et  il  s'écrie  de 
nouveau  :  «  Je  suis  mort;  un  prêtre; 
venez, ma  femme. ..53    Et  sa  femme, 
qui  était  descendue  précipitamment  de 
voiture,  qui  avait  arraché  sa  ceinture, 
pour  couvrir  la  plaie,  était  déjà  toute 
sanglante  attachée  aux   douleurs  de 
son  époux. . .  Deux  médecins  arrivent, 
et  ils  fout  des  saignées  au  bras,  qui 
produisent  peu  de  soulagement,  k  Je 
«  suis  bien  sensible  a  vos  soins  ,  leur 
ce  dit-il ,  mais  ils  sont  inutiles  ;  je  suis 
«  perdu. 3)  Un  troisième  se  présente; 
c'était  le  docteur  Bougon ,  qui  avait 
fait  le  voyage  de  Gand  en  181 5.  Le 
prince   le    reconnaît    et  il  s'écrie  : 
«  Adieu,  mon  cher  Bougon  ;  je  suis 
a  frappé  a  mort.  3)  Enfin  le  célèbre 
Dupuytren  arrive  a  une  heure  ,  et  il 
examine  la  plaie  :  il  interroge  la  vic- 
time ,    qui  ne  peut  plus  répondre... 
Alors   la   duchesse,   qui   elle-même 
peut  a  peine  parler,  se  penchant  eu- 
core  vers   le  lit  de  douleur  :    a  Je 
a  vous   en  prie  ,  mon  ami ,  dites  où 
a  vous  souffrez. 33    A  cette  voix   le 
prince  se  ranime  j  il  prend  la  main 
de  sa  femme  et  la  pose   sur  sa  poi- 
trine... «C'est  la,  lui  dit-elle. -tcOui; 
K  j'étouffe. 33  Alors  il  fut  décidé  que 
la  plaie  serait  élargie  pour  donner 
au  sang  une  plus  grande  issue.  Quand 
on  approcha  le  fer  il  s'écria  doulou- 
reusement :  «Laissez-moi,  puisque  je 
«   dois  mourir... 33    Cette  opératlou 
donna  cependant  un  peu  de  calme,  et 
ce  fut  alors  que  le  prince  put  adres- 
ser quelques  mots  de  bienveillance  a 
ceux  que  cet  événement  avait  fait  ac- 


BER 


8! 


courir.  Toute  la  famille  d  Orléans, 
qui  s'était  trouvée  ce  jour-la  même  a 
l'opéra,  ne  le  quitta  pas  un  instant. 
Le  duc  et  la  duchesse  d'Angoulême, 
le  père  de  l'infortuné  princey  étaient 
venus  des  premiers.  Il  les  pria  de  lui 
faire  voir  son  assassin.  «  Qu'ai-je  fait  a 
K  cet  homme?  dit-il;  peut-êtrel'ai-je 
«  offensé.  ..33 — ÎSon,  mon  fils,  répon- 
dit le    malheureux  père.  —  «  C'est 
«  donc  un  insensé  ;   il  faut  lui  faire 
«  grâce;  promettez-moi  de  la   de- 
K  manderau  roi. ..30  Le  désespoir  de 
la  duchesse  de  Berri   s' augmentant  a 
mesure  qu'elle  voyait  s'affaiblir  son 
époux  ,  il    la  conjura  de  se  ménager 
pour     Venjant      quelle     portait 
dans     son    sein.    Kous  avons    dit 
que  le  duc  de  Berri  avait  eu  en  An- 
gleterre une  de  ces   liaisons   que  la 
morale    et    la    religion    réprouvent 
également,    mais  qui  n'imposent  pas 
moius  k  l'homme  de  bien  des  devoirs 
impérieux.  Le  prince  ne  l'oublia  pas 
dans  ce  moment  suprême  ;  il  voulut 
voir  pour  la   dernière  fois  ses  deux 
filles,  et  il  eut  assez  de  confiance  eu 
sa  femme  pour  les  recommandera  sa 
bonté.  «Ce  sont  aussi  mes   enfants, 
«  s'écria  la  duchesse  ;    je   veux  les 
«  embrasser  ;33  et  dans  un  instant  les 
deux  pauvres  petites  étrangères  pa- 
rurent, et  se  mirent  a  genoux  en  san- 
glotant devant  le  lit   de  leur   père. 
Celui-ci  leur  donna  sa  bénédiction  , 
les  embrassa    et  les  présenta   k   la 
duchesse,  qui  les  reçut  dans  ses  bras. 
Bl.    de  Latil,    évêque    d'Amyclée  , 
aumônier   du  prince  ,    le  confessa  , 
et  le   curé  de  Saint-Tvoch  lui  admi- 
nistra l'extrême-onction.  Le  duc  sen- 
tait sa  fin   approcher  ;  il  éprouvait 
des  douleurs  affreuses  ,  et  tombait  a 
chaque  instant  en  défaillance.  A  cinq 
heures  le  roi  arriva;  et  le  duc,  en  lui 
baisant  la  main  :  «  Mon  oncle,  je  vous 
«  demande  la  grâce  de  la  vie  pour 


fié 


BER 


a  rhoœme  -.a  Le  roi, profondément 
ému,  répondit  :  te  Mon  neveu,  vous 
a  n'èles  pas  aussi  mal  que  vous  le 
«  pensez j  nous  en  reparlerons...» 
Le  roi  ne  dit  pas  oui,  reprit  le 
prince  ;  il  répéta  k  plusieurs  repri- 
y  ses  :  «Grâce  pour  la  vie  de  l'homme, 
tt  et  que  je  meure  tranquille  j 
a  cela  adoucira  mes  derniers  mo- 
K  ments!..»  Les  symptômes  deve- 
naient de  plus  en  plusa'armants;  tout 
espoir  s'évanouit,  et  le  prince  expira  a 
cinq  heures  et  demie.  Le  roi  appuyé 
sur  le  bras  de  M.  Dupuylren,  lui  fer- 
ma les  yeiix  ,  baisa  sa  main  et  se  re- 
tira. Une  heure  après  le  corps  fut 
porté  au  Louvre ,  puis  embaumé  et 
transféré  eu  grande  pompe  k  Saint- 
Denis  pour  y  être  déposé  dans  le 
caveau  royal.  Le  cœur  fut  séparé 
pour  être  porté  a  Rosny,dansle  cliâ- 
teau  de  la  duchesse  ,  et  les  entrailles 
furent  envoyées  a  Lille.  M.  de  Qué- 
len,  alors  coadjuteur  de  Paris  ,  pro- 
nonça l'oraison  funèbre.  La  mort  du 
duc  de  Berri  fut,  pour  la  famille 
royale  et  pour  tous  les  amis  delà  mo- 
narcbie ,  une  perte  immense  et  dont 
les  conséquences  sont  peut-être  enco- 
re incalculables.  Si  l'on  n'a  pu  savoir 
par  quelle  main  secrète  avait  été  di- 
rigé l'assassin  ,  et  si  l'on  ignore 
même  encore  aujourd'hui  s'il  eut  des 
complices  (  ^ty^.  Louvel,  XXV, 
2731,  on  sait  au  moins  k  quel  parti 
sou  crime  a  profité.  Le  résultat  le 
plus  immédiat  fut  la  chute  du  minis- 
tère qui  l'avait  au  moins  laissé  com- 
mettre par  sa  négligence.  Comme  le 
dit  alors  M.  de  Chateaubriand  .  ce 
ministère  glissa  dans  le  sang  du  duc 
de  Berri.  Tous  les  spectacles  et  les 
bals  du  carnaval  furent  interrompus. 
La  salle  de  l'opéra  près  de  laquelle 
le  crime  avait  été  commis  fut  dé- 
molie et  il  fut  statué  qu'un  monu- 
ment  expiatoire  serait  élevé  sur  la 


BER 

même  place.  Ce  monument  com- 
mencé depuis  long-temps  et  près 
d'être  achtvé  ne  le  sera  probable- 
ment jamais.  Sans  être  doué  d'une 
grande  capacité,  il  est  sûr  que,  par 
sa  résolution  et  son  courage  ,  ce 
prince  aurait  été  d'un  grand  poids 
dans  les  événements  ultérieurs.  Na- 
turellement bon  et  généreux ,  mais 
d'une  extrême  vivacité,  il  se  livrait 
quelquefois  avec  ses  inférieurs  , 
même  envers  des  personnes  d'uu 
rang  très  élevé,  h  des  violences  inex- 
cusables ,  mais  dont  lui-même  se 
montrait  presque  aussitôt  désespéré, 
au  point  d'en  demander  pardon  de 
la  manière  la  plus  humble.  Ce  fut 
ainsi  qu'après  avoir  traité  fort  gros- 
sièrement M.  de  la  Ferronnais,  son 
premier  gentilhomme  et  son  ami  ,  le 
compagnon  de  son  exil,  il  lui  témoi- 
gna le  plus  amer  repentir  •  mais  l'ou- 
trage avait  été  tel,  que  M.  de  la  Fer- 
ronnais fut  obligé  de  s'éioiî>ner  de  la 
cour,  et  ne  reparut  pins  devant  le 
prince.  Le  duc  de  Berri  aimait  réel- 
lement les  arts  et ,  dans  le  seul  but 
de  les  favoriser,  il  consacrait  une 
grande  partie  de  ses  revenus  h  des 
acquisitions  de  tableaux.  Il  avait  fon- 
dé dans  les  mêmes  intentions  la  so- 
ciété des  Jniis  des  arts,  qu'il  pré- 
sidait, et  qui  existe  encore,  mais  dont 
les  résultats  sont  loin  d'être  aujour- 
d'hui aussi  importants  qu'ils  le  furent 
d'abord  par  sou  influence.  Bien  (ju'il 
n'ait  jamais  cessé  de  se  livrer  k  son 
goût  excessif  pour  les  femmes  ,  et 
qu'il  ait  toujours  eu  des  maîtresses 
connues,  il  avait  pour  la  duchesse 
de  Berri  les  meilleurs  procédés. 
Il  1  aimait  sincèrement ,  et  il  ne 
chérissait  pas  ses  enfants  avec 
moins  de  tendresse.  Un  grand 
nombre  d'écrits  furent  publiés  k  Pa- 
ris cl  dans  les  départements  sur  la 
vie  et  la  mort  de  ce  prince.    Les 


BËR 

plus  remarquaWes  sont  :  I.  Mémoi- 
res,  Ici  1res  et  j)ièces  aitthenliques, 
touchant   la  vie  et  la  mort  de  S. 
A.  R.  monseig.  Ch.-Ferd.  d'Ar- 
tois,  Jîls  de  France  ,  duc  de  Ber- 
ri,  par  M.  le  vicomte  de  Chateau- 
briand, Paiis  1820,  in-8"5  deuxiè- 
me et  troisième  édition,  in-i8,mêrae 
année.  II.  Oraison  funèbre  ,  etc.  , 
par   ?J.    de   Boulogne ,    évèque    de 
Troyes  ,    prononcée  dans  sa  cathé- 
drale le  19  avril;  2"  édition,  Paris, 
3820  ,   in-8°.  III.    Discours  à   la 
mémoire,  etc.,  par   Tabbé  Fculrier 
(depuis  évèque  de  Keanvais),   Paris, 
1820,  in-8°.  IV.  Eloge  funèbre  , 
etc.,  par  M.  Choppin,  Paris,  1820, 
in-S".  V-  Eloge  historique  de  son 
altesse  roj'ale  Ch.Ferd.  d'Artois 
duc   de   Berri  ^   par  M.    le  chev. 
Alissan  de   Chazet,    Paris,  1820, 
in-8°     VI.     Vie    de    son    altesse 
royale    monseigneur    le  duc    de 
Berri ,  par  T. -G.    Delbare,    Paris , 
1820,  in-8°.  VII.  Relation  histo- 
rique, heure  par  heure ^  des  événe- 
ments funèbres  de    la  nuit  du  10 
février     1820,     d'après    des    té- 
moins oculaires ,    par  M.    lîapdé, 
cinquième    édition  ,    Paris  ,    1820  , 
io-B".  VIII.  Les  derniers  moments 
de  S.  A.  R.  Mgr.  le  duc  de  Berri, 
par   Magalon   (  du    Gard  ),    Paris  , 
i820,in-8°.  IX.  Quelques  larmes 
sur  le  tombeau  de  ,  etc.  ,  par  Aug. 
Hus,  iu-8°.  X.  Quel  est  l'assassin 
du  duc  de  Berri  ,  par   A. -A.   Sal- 
vaigue  de  la  Cipière  ,  Paris ,    1820, 
iu-8°.  XI.  La  France  justifiée  de 
complicité    dans    l'assassinat    du 
duc  de  Berri,  Paris,   1820,  in- 8". 
XII.   Le    Trône    du    martyr    du 
1 5  février,    précédé    d'événements 
' extraordinaires t:{  inédits  analogues 
à  la  mort  de  Monseigneur  le  duc  de 
Berri, h  la  vie  et  aux  sept  lieurcs  de 
soulfrauce  de  ce  prince    XI!I.  De 


BER  '      87 

l'assassin  ,  son  caractère,  ses  ha- 
bitudes,  le  lieu  qu'il  avait  choisi 
pow'poignairler  sa  victime  ,  avec 
la  description  topographique  de 
l'enceinte;  par  L.-A.  Pitou,  Paris, 
1820  ,  in- 8°.  Il  parut  encore  à  celle 
époque  un  grand  nombre  d'autres 
brocluires  ,  de  mandements  ,  d'orai- 
sons funèbres  ,  de  discours  ,  etc. 
M — D  J. 
lîERRÏ  (  Chahles  ,  duc  de  ). 
Voy.  GuiEASE  ,  au  Supp. 

iSERRîMAX  (Guillaume),  né 
le  24-  sept.   1688  ,  étudia  au  collège 
d'Oricel  a,  Oxford  ,  y  piit  ses  degrés 
de    17 10    a   1722,    fut    recteur   de 
Saint-André ,   dans  cette  même  an- 
née ,  puis  membre  du  collège  dEton, 
de  1727  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le 
5  février  1760.  Il  fut  enterré  dans 
le  même  caveau  que  sa  nièce  Marie 
Rupe,  morte  'a  vingl-quatre  ans;  et 
sa  femme  y  fut  placée  onze  ans  plus 
lard.  Berriman  avait  le  renom  d'un 
des  membres  les  plus  savants  de  Té- 
glise  anglicane.   Théologien  érudil  , 
casuiste  subtil  ,  écrivain  correct  ,  lo- 
gicien  irréprocbable .    il   se  signala 
éo^alement  dans  la  prédication  et  la 
polémique  sacrée.  Dans  celle  deu- 
xième classe  se  rangent  et  sa  Revue 
par  saisons,  i  7  1 7  - 1 8 ,  et  la  seconde 
revue  de  l'Histoire  des  Doxologies 
;;m;2/<iVe5,  par  Winston,  1719-  Ne 
pouvant  indiquer  tous  ses  sermons  , 
nous  appellerons  l'altention  sur   les 
discours  qu'il  prononça  en  cliai-'e  pour 
la  rédemption    des   captifs   (1721); 
contre  la  barbarie  de  ceux  qui  mé- 
prisent la  religion  et  sur  le  Iraile- 
mentqui  leur  est  dû  (1722)5  sur  l'au- 
torité du  pouvoir  civil  en  matière  de 
religion  :  Berriman  y  pose  en  fait  que 
pour  l'autorité  c'est  un  droit  et  un 
devoir  de  s'occuper  de  la  religion, 
cl  d'user  des  moyens  qui  peuvent  la 
faire  fleurir.  Indépendamment  de  ses 


«è 


BER 


sermons  isolés  el  imprimés  h  part,  Ber- 
riraau  pub!ia  :  I.  Huit  sermons  sur 
le  texte  de  lady  Mojer  .,  1726. 
II.  Sermons  sur  le  texte  de  Boy  le, 
z  vol.  1755  (il  faut  y  joindre  un  ser- 
mon unique,  a  titre  d'appendice,  sur 
Y  Obligation  d'éviter  la  conversa- 
tion des  injïdèles  et  des  héréti- 
ques). III.  Un  troisième  volume  de 
iSermOfis  sur  les  textes  de  Boyle. 
Après  sa  mort  parurent  encore  trois 
volumes  de  sermons  sous  le  titre  de 
Doctrines  et  devoirs  du  Christia- 
insute  ,  etc.  Deux  volumes  furent  mis 
au  jour  en  1750  ,  et  contiennent  qua- 
rante sermons  j  le  troisième  volume  ne 
fut  livréau  public  c[ue  treizcaus  après. 
Il  se  compose  de  dix-neuf  sermons. 
Les  deux  premiers  volumes  avaient  ëlé 
édités  par  le  frère  de  l'orateur,  Jean 
Berriman ,  de  Saint-Eduiond-Hall. 
a  Oxford, qui,  après  avoir  été  appren- 
ti tireur  d'or  et  d'argent,  se  sentit 
de  la  vocation  pour  des  travaux  plus 
relevés,  fréquenta  les  collèges,  et 
finit  par  être  curé  de  Saiut-Swithen  , 
lecteur  de  Sainte-Marie- Alderman- 
Lury,  recteur  de  Saiut-Albau  et  Saiui- 
Olave.  C'est  avec  ce  dernier  titre  qu'il 
mourut  en  1768  ,  âgé  de  79  ans.  Il 
a  .lussi  laissé  quelques  morceaux  d'é- 
loquence sacrée.  P — ot. 

BERRY  (John),  amiral  anglais, 
naquit  en  i655,  à  Khoweslon,  dans 
le  Devonshirej  il  navigua  d'abord  pour 
le  commerce,  et  fut  long-temps  pri- 
sonnier en  Espagne.  Il  s'embarqua 
vers  1661  ,  comme  maître,  sur  le 
Lecli  t  /e  Swallowj,  se  rendant  aux  In- 
des-Occidentales ,  de  conserve  avec 
deux  frégates  qui  périrent  dans  une 
tempête  an  milieu  du  golfe  de  la  Flori- 
de. Le  ketch  se  sauva  en  sacrifiant  ses 
mâts  et  son  artillerie,  et  parvint  a 
gagner  Campèclie,  puis  la  Jamaïque, 
après  avoir  été  pendant  quatre  mois 
le  jouet  des  flots.   Un  corsaire  de 


BEP. 

20  canons  et  de  60  hommes  d'équi- 
page exerçait  de  grandes  déprédations 
dans  ces  parages.  Le  S  wal/ow,  armé 
de  8  Ccironnades  et  monté  par  4.0 
hommes  seulement ,  reçut  l'ordre  de 
lui  donner  chasse ,  et  l'atteignit  sur 
les  côtes  de  Saint-Domingue.  Le  ca- 
pitaine hésitait  a  engager  une  lutte 
aussi  inégale.  Berry  ,  qui  en  partant 
avait  été  nommé  lieutenant,  l'en- 
ferme dans  sa  chambre ,  prend  le 
commandement,  aux  acclamations  de 
l'équipage ,  enlève  le  corsaire  à  l'a- 
bordage et  le  traîne  en  triomphe  à  la 
Jamaïque.  Traduit  â  une  cour  mar- 
tiale ,  il  fut  acquitté  avec  honneur , 
et  repartit  pour  l'Angleterre  au  mo- 
ment où  la  guerre  venait  de  recom- 
mencer entre  cette  puissance  et  la 
Hollande.  Après  une  fructueuse  croi- 
sière sur  le  sloop  la  3Iaria,  il  ob- 
tint le  commandement  du  vaisseau  la 
Coronation ,  et  fit  voile  pour  les 
Indes-Occidentales.  Arrivé  à  la  Bar- 
bade ,  le  gouverneur  de  cette  île  lui 
confia  la  direction  d'une  escadre  qu'il 
improvisait  avec  des  bâtiments  mar- 
chands, pour  secourir  Nevis,  mena- 
cée par  iesFrancais,  déjà  maîtresde 
St-Christophe,  d'Anligoaet  de  Mont- 
Serrat.  Dans  une  notice  sur  Berry, 
écrite  d'après  des  renseignements  four- 
nis par  son  frère,  on  lui  attribue  une 
importante  victoire ,  qui  ne  nous  pa- 
raît autre  que  celle  (  d'ailleurs  très- 
contestée)  du  17  mars  1667,  devant 
Saint-Christophe,  et  dont  l'honneur 
appartiendrait  plutôt  au  chevalier 
Harman  ,  qui  commandait  en  chef. 
Berry  passa  des  Antilles  dans  la  Man- 
che et  la  Méditerranée.  Il  montait  le 
vaisseau  la  Révolution  au  mémora- 
ble combat  de  Sols-Bay.  Voyant  le 
duc  d'York  enveloppé  par  plusieurs 
vaisseaux  ennemis  ,  il  s'exposa  au  plus 
grand  danger  pour  le  dégager,  et  fut 
fait  chevalier  par  Charles  II  eu  ré- 


BEil 

compense  de  ce  dévouement.  Cliargé 
en  1682  de  porler  le  duc  en  Ecosse, 
sur  la  frégale  le  Glocesler ,  qui  $e 
perdit  par  la  faute  du  pilote ,  ce  prince 
lui  dut  une  seconde  fois  la  vie.  Berry, 
le  sabre  k  la  main,  contint  l'équipage, 
lorsqu'il  voulait  se  précipiter  en  tu- 
mulledansTembarcationqui  venait  de 
le  recevoir,  au  risque  de  la  faire  chavi- 
rer. Choisi  l'année  suivante  par  lord 
Dannouth  pour  être  vice-amiral  de 
l'expédition  qu'il  dirigea  sur  Tauger, 
ce  lordluilaissa  le  commandement  en 
clief  de  l'escadre  pendant  le  bombar- 
dement, et  se  mit ,  pour  faire  sauter 
les  fortifications ,  à  la  tète  des  trou- 
pes de  débarquement.  En  récompense 
du  sang-froid  et  de  l'habileté  qu'il 
montra  dans  celle  difEcile  expédition, 
Berrj  fut  nommé  intendant  de  la  ma- 
rine, et  plus  tard  membre  de  la  cé- 
lèbre comoiission  instituée  par  Jac- 
ques II ,  à  laquelle  la  marine  anglaise 
dut  sa  puissante  organisation.  La 
Hollande  ayant  de  nouveau  menacé 
les  côtes  d'Angleterre,  une  flotte 
considérable  fut  réunie  sous  les  ordres 
de  lord  Darmouth ,  qui  cliolsit  une 
seconde  fois  Berry  pour  son  vice- 
amiral.  Après  le  débarquement  du 
prince  d'Orange  ,  l'amiral  ayant  cru 
devoir  quitter  la  flotte  ,  le  comman- 
dement en  chef  resta  à  Berry  jusqu'au 
désarmement.  Il  dut  a  sou  mérite  un 
grand  crédit  sous  Guillaume  III,  et  ne 
s'en  servit  que  dans  l'intérêt  de  la 
marine.  Le  vice-amiral  Berry  mourut 
empoisonné,  dit-on,  le  i4-  février 
169 1,  k  làge  de  56  ans.  Ch — u. 
BERRY  (William)  ,  gra- 
veur écossais ,  au  moins  le  second  et 
peut-être  le  premier  qu'ait  eu  de 
son  temps  la  Grande-Bretagne  ,  dut 
presque  tout  k  la  nature  ou  a  ses 
propres  études.  Oc  ne  sait  rien  de 
sa  famille.  Né  vers  lySo,  il  fut  mis 
eu  apprentissage  chez  Proctor  ,  gra- 


ËER 


^9 


veiir  de  cachets  k  Edimbourg,  y  resta 
le  temps  voulu  par  l'usage ,  travailla 
quelque  temps  pour  son  propre 
compte,  puis  revint  cbez  son  ancien 
patron  où  d'ailleurs  il  ne  resta  non 
plus  que  quelques  années.  Dès  lors 
son  talent  s'était  accru  au  plus  haut 
point ,  et  il  ne  lui  manquait  pour 
briller  aux  premiers  rangs  qu'une 
sphère  plus  vaste  ou  plutôt  des  ap- 
préciateurs plus  généreux.  Au  reste 
Berry  était  d'une  modestie  extraor- 
dinaire et  d'un  désintéressement  rare. 
Chargé  de  famille  ,  il  se  livrait  a  ses 
travaux  depuis  le  malin  jusqu'au  soir, 
exécutait  de  la  manière  la  plus  par- 
faite tout  ce  qu'il  entreprenait  et  ne 
demandait  qu'un  salaire  modique. 
La  conscience  avec  laquelle  étaient 
soignées  toutes  ses  productions  et  la 
modicité  de  ses  prix  lempèchèrent 
de  devenir  jamais  assez  riche  pour 
changer  sa  vie  ,  coter  plus  haut 
son  temps ,  attendre  des  comman- 
des plus  généreusement  payées  , 
et  ne  travailler  que  dans  un  genre 
au-dessus  des  cachets  héraldiques. 
Quelques  riches  personnages,  il  est 
vrai  (  car  la  renommée  de  son  ta- 
lent n'était  pas  tellement  enfouie  que 
les  connaisseurs  ne  lui  rendissent 
justice  )  ,  lui  demandèrent  des  têtes 
gravées  en  relief.  Mais,  quoique  ces 
travaux  lui  fussent  payés  plus  chè- 
rement que  les  autres  ,  ils  ne  l'étaient 
pas  encore  assez  rel3tive*ïient  au 
nombre  d'heures  qu'il  y  passait  5  et, 
balance  faite  ,  Berry  trouvait  qu'il 
perdait  soixante  pour  cent  a  faire  des 
chefs-d'œuvre. Il  en  résullaque,sageet 
maître  de  lui-même  comme  il  l'élail, 
il  s'attacha  de  plus  en  plus  a  sa  prosaï- 
que mais  lucrative  spécialité,  ne  con- 
sidérant que  comme  des  pertes  ou  des 
sacrifices  k  une  passion  les  jours 
passés  a  d'autres  sujets  que  les  sceaux 
héraldiques.   Toutefois    il  a  encore 


90 


fiER 


sacrifié  assez  souvent  a  cette|:>assloii 
pour  que  la  postérilé  ne  balance  pas 
à  le  placer  au  premier  rang  parmi 
les  illustres  graveurs.  On  a  de  lui  une 
douzaine  de  têtes  de  la  plus  grande 
beaulé,  parmi  lesquelles  on  disticgue 
César,  le  jeune  Hercule,  ]Ne-\vton,  le 
poète  Thomson  ,  la  reine  d'Ecosse 
Marie,  Olivier  Cromwell  et  le  poêle 
Hamilton  de  Bangour.  Les  deux  pre- 
mières seules  sont  des  copies  de  Tan- 
tique;  elles  ne  le  cèdent  a  aucun  des 
plus  beaux  intagli  des  temps  moder- 
nes. Doué  de  toutes  les  qualités  qui 
font  les  maîtres  en  glvplique  ,  Berry 
ne  savait  pas  seulement  imiter  les 
figures  ou  les  bustes  placés  devant 
lui  et  qui  lui  laissaient  apercevoir 
leurs  saillies  et  leurs  dépressions  .  il 
possédait  le  lalcnt  beaucoup  plus  rare 
de  deviner  aTiuspection  d'un  portrait, 
d  un  dessin  sur  le  plat ,  les  reliefs  et 
les  enfonccmenls  de  la  figure  et  de 
les  exprimer  comme  d'inspiralion. 
Ainsi  fut  faite  la  lêle  d''Hamillou  sur 
une  esquisse  Irès-imparfaite  et  saus 
qu'il  eut  jamais  vu  le  poêle  :  son 
travail  élail  merveilleux  de  resscm- 
blauce.  Pickîer,  sou  contemporain  , 
le  proclamait  le  premier  graveur 
du  temps  :  et  Berry,  non  moins  mo- 
deste qu'babile,  lui  renvoyait  cet  éloge 
dans  la  sincérité  de  son  cœur.  L'opi- 
nion publique  était  divisée  sur  leur 
supériorité.  Berry  mourut  le  5  juin 
1783.  P — OT. 

BERTA  (l'abbé  François),  sa- 
vant bibliographe,  né  en  1709,  a 
Turin,  d'une  famille  patricienne, 
acheva  ses  études  h  l'université  de 
cette  ville ,  sous  la  direction  du  vé- 
nérable Tagliazuccbi  [Voy.  ce  nom, 
XLIV,  392).  Ce  fut  dans  les  leçons 
de  cet  haLlle  maître  qu'avec  le  goût 
des  lettres  il  puisa  cette  pliilosophie 
chrétienne  qui  devint  la  règle  de  sa 
conduite.  A  seize  ans  il  avait  terminé 


BER 

ses  cours,  et  il  jouissait  déjà  de  l'es- 
time des  personnages  les  plus  distin- 
gués ,  entre  autres  de  l'abbé,  depuis 
cardinal  des  Lances  [Voy.  L.vnces, 
XXIII ,  325  ) ,  qui  fut  son  constant 
prolecteur.  Berta  l'accompagna  dans 
ses  voyages  "a  Florence ,  a  Bome  ,  a 
Naples,  etc.,  et  profila  de  celle  oc- 
casion favorable  pour  perfectionner 
les  connaissances  qu'il  avait  dans  les 
arls ,  en  visitant  les  galeries  et  exa- 
minant avec  soin  les  chefs-d'œuvre 
de  la  peinture  et  de  la  sculpture.  De 
retour  a  Turin ,  avant  embrassé  l'étal 
ecclésiastique  ,  il  lut  presque  aussit(')t 
nommé  l'un  des  conservateurs  de  la 
bibliothèque  royale  ;  et  il  se  livra  dès 
lors  avec  une  ardeur  infatigable  a 
l'histoire  littéraire  et  a  la  diplomati- 
que. La  bibliothèque  confiée  en  partie 
a  SCS  soins  lui  dut  un  accroissement 
notable  5  et  il  l'enrichit  d'une  belle 
suite  de  médailles  des  princes  de  Sa- 
voie ,  la  plus  complète  que  l'on  eût 
encore  vue.  Consulté  de  toutes  parts 
sur  les  points  d'histoire  ou  de  criti- 
que les  plus  embarassauls  ,  il  enlre- 
lenait  une  correspondance  active  avec 
les  savants  d'Italie  ;  et  cependant  il 
trouvait  encore  le  loisir  d'enlreprtn- 
dre  des  travaux  propres  a  jeter  un 
nouveau  jour  sur  l'origine  de  la  mai- 
son de  Savoie.  Berta  mourut  k  Turin 
le  y  avril  1787,  a  68  ans.  Il  a  eu 
part  avec  Jos.  Pasini  {J^'oy.  ce  nom, 
XXXIII,  86)  et  Bivanlella(ro7-.  ce 
nom  ,  XXXVIII,  i4-8  )  ,  à  la  réJac- 
lion  du  Calalogiie  des  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  de  Turin,  ^  7  4  9 , 
2  vol.  in-fol.  ;  et  avec  Rivautella ,  h 
la  publication  du  Cartulaire  de  V ah- 
hayc  d'Oulx  ,  1755,  in-4°.  Il  avait 
un  talent  particulier  pour  le  style  la- 
pidaire 5  et  ,  dans  diverses  circon- 
stances, il  a  composé  des  inscriptions 
qui  réunissent  toutes  les  qualités  de 
ce  genre.  Un  Eloge  emphatique  de 


Berla  ,  publié  en  italien  dans  les  yin- 
jiales  littériiires  de  Florence  ,  a  élé 
tiaduit  en  français  par  JMercier  de 
Saint-Léger,  et  inséré  par  Barbier 
dans  YExaincn  critique  des  Dic- 
tionnaires,   io5.  W — s. 

BERTAUT  (François),  sieur 
de  Fréainille,  fils  de  Pierre  Ber- 
taiit,  genlilliomme  ordinaire  du  roi, 
neveu  du  célèbre  poète  Jean  Ber- 
taut,  évèqne  de  Séez,  et  frère  puî- 
né de  madame  de  Molteville,  na- 
quit à  Paris,  eu  1621.  Il  obtint, 
par  la  proleclion  de  sa  sœur  ,  et  mal- 
gré le  cardinal  de  Ricbelieu  ,  une 
cbarge  de  lecleur  de  la  cbambre  du 
roi.  Ses  succès  à.  la  cour  furent  tels, 
que  le  jeune  monarque  quittait  sou- 
vent le  conseil  pour  aller  le  trouver, 
et  ce  qu'il  lui  donna  une  partie  dans 
«les  concerts  de  guitare  qu'il  faisait 
«  quasi  tous  les  jours  (i).'^  Le  cardi- 
nal en  prit  de  Tombrage  5  ce  qui  dé- 
terminai Berlaut  a  vendre  sa  cbarge, 
quoiqu'elle  ne  lui  eût  rien  coûté.  Il 
accompagna  eu  Espagne  (1659)  le 
maréchal  de  Graramont  qui  albiit  de- 
mander l'infante  Marie- Tbérèse  ,  au 
nom  du  roi.  Madame  de  Molteville 
]]ous  a  conservé  ,  dans  ses  mémoires 
(tom.  V,  p.  54-5-362),  le  journal  de 
l'ambassade  ,  qui  lui  fut  envoyé  par 
son  frère.  Fréauville  était  alors  con- 
seiller-clerc au  parlement  de  Roren 
et  prieur  du  Mont-aux- Malades.  Mais 
il  quitta  ensuite  la  cléricature  pour 
acheter,  cii  1666,  une  cbarge  de 
conseiller  au  parlement  de  Paris ,  où 
il  se  fit  estimer  par  sa  probité  et  ses 
lumières.  Il  mourut  avancé  en  âge  , 
dans  les  premières  années  du  18* 
siècle.  On  a  de  lui  :  I.  Journal  d'un 
voj-age  d'Espagne  ^fait  en  i65o, 
contenant  la  description  de  ce 
royaume ,  etc.,  Paris,  1669,  in-4°. 

(i)  Mémoires  de  madame  de  Molteville ,  tom. 
V,  p,  240. 


ÈER  91 

Cette  re'ation  renferme  des  remar- 
ques curieuses  sur  les  antiquités  (2). 
L'abbé   de  Marolles   nous    apprend 
que  a  Berlaut   avait    été    employé  , 
«  par    le   duc    de    La    Trémoille  , 
ce  a  faire  ses  protestations  en  Espa- 
ce gne  loucbant  ses  prétentions  pour 
ce  le  royaume  de  Navarre,  en  1648 
ce  (3). 5)  Il  avait  aussi  voyagé  en  Alle- 
magne et  dans  le  Nord.  II.  Les  pré- 
rogatives   de     la    robe  ,    Paris  , 
1701  ,    in- 12.    Le    but    principal 
de  l'auteur  est   de    prouver  que    la 
ce  noblesse  qui  naît  des   emplois   mi- 
ce  litaircs  n'est  pas  d'une  espèce  diflé- 
ec  rente  de  la  nolilesse  qui  vient  de  la 
ce  magistrature.    Elles   tirent    toutes 
ce  deux  leur  origine  du  même  prin- 
ce cipe  ,  c'est-'a-dire  de  la  vertu  (pag. 
ce  4o5).  3)  Il  cherche  a  établir,  dans 
le    chapitre   vm  ,    qu'en    iBSy    les 
états  .  ou  l'assemblée  des  notables  du 
royaume  ,  se  composèrent  d  un  qua- 
trième  ordre:   celui   de  la  Justice. 
Barbier  ,  qui  cite  cet  ouvrage  dans 
sou  Dictionnaire  des  anonymes , 
2"  édition,  tom.  III,    n°    1^,659, 
appelle  l'auteur  i>('/-/;'rt«f/deFréau- 
ville.  Le  père  Lelong  avait  commis 
la   même  erreur ,  en  donnant  a  ma- 
dame de  Mottevillc,  pour  nom  de  fa- 
mille,   celui    de    Bertrand.    Celte 
faute  a  élé  corrigée  dans  la  seconde 
édition  de  la  Bibliothèque  liistori- 
que  de  la  France.  Parmi  la  foule  des 
libelles  qui  furent  publiés  ,  en  1649  , 
contre  le  cardinal  Mazarin  ,  il  s'en 
trouva  un    dans   lequel    on    établit 
entre  autres  propositions  :  ce  Que  les 
ce  griefs  des  peuples  devaient  être  dé- 
ce  cidés  par  les  armes  ,  et  qu'ils  pou- 
ce valent    porter  la    couronne     dans 
«  d'autres  familles  ,   ou  changer  de 


{2}  Boucher  de  I.i  Ricli.Tr<!erie,  Bibliothèque 
des  voyngcs ,  toin.  III,  p.  386. 

(3)  Mémoires  de  Marolles,  abbé  de  filleioin  , 
inm   111  ,  p.  23S. 


BER 


BER 


«  lois.»  Berlaul,  qui  était  alors  fort 
jeune  ,  répondit  à  cet  écrit ,  et  sa 
réponse  fitt  estimée.  M™*^  de  Mot- 
teville,  qui  rapporte  cette  pailicula- 
rité,  ne  faitpasconnaîtreles  titres  des 
deux  ouvrages.  Bertaut  a  aussi  com- 
posé,  selon  labié  de  MaroUes  , 
a  quelques  vers  polis  qui  tiennent 
K  beaucoup  de.  ce  beau  naturel  qu'a- 
«  vait  son  oncle  ,  évêque  de  Séezj 
«  il    eu    a  fait    aussi    de  latins,   jj 

L M X. 

BERTAUT  (Léonaed),  histo- 
rien, naquit  a  Autun ,  au  commence- 
ment du  17*^  siècle,  de  parents  qui 
lui  inspirèrent  avec  le  goût  de  l'étude 
l'amour  des  vertus  chrétiennes.  Ayant 
embrassé  la   règle  des   Minimes,  il 
consacra  ses  loisirs  k  rechercher  dans 
les    archives     des   monastères    tous 
les  documents    relatifs  a    l'histoire 
de   Bourgogne.  Il   s'occupait  de  les 
pubHer  lorsqu'il    mourut  à  Châlons , 
le    12  mai   1662.  Déjà   il    avait  été 
l'historien     de    sa    ville  natale,  en 
publiant  La  très-ancienne  et  très- 
auguste  ville  d'Autun  couronnée 
de  joie  ,  d^  honneur  et  de  félicité  ^ 
par  la  promotion  de  monseigneur 
Louis  Doni   d' Attichi ,    dans  son- 
siège  épiscopal ,  Chàlons  ,    i653  , 
in-^".    On   trouve   dans  cet    ouvra- 
ge  quelques  recherches  sur  les  an- 
tiquités et  Porigine    d'une  des   plus 
vieilles  cités  des  Gaules  j  mais  l'éru- 
dition hors  de  propos  qui  le  .surcharge, 
les  allégories  et  les  louanges  fasti- 
dieuses dont  il  est  semé  ,  le  rendent 
peu   propre   a  être   consulté  (  Voy. 
les  3Jélanges  philologiques  de  Mi- 
chault  ,  II,    182).  Bertaut  fit  pa- 
raître ensuite  l'illustre  Orhandale , 
ou  l'Histoire  ancienne  et  moderne 
de  la  ville  et  cité  de  Châlons-sur- 
Saône ,    Chàlons ,    Pierre    Cusset , 
1662,  2  vol.  in  /t",    fig.  Le  pre- 
mier de  ces  volumes  contient ,  sous 


le  titre  d'Eloges  historiques  ,  des 
dissertations  assez  curieuses  j  et  plu- 
sieurs morceaux  de  différentes  mains, 
qui   ne   méritaient   guère   Ihonneur 
d'être  recueillis.  Le  second,  qui  ren- 
fermel'histoire  ecclésiastique,  est  très- 
supérieur  au  premier  pour  Tarrange- 
raent  et  la  discussion  des  faits.   On 
trouve  a  la  fin  de  ce  volume  un  assez 
grand  nombre  de  chartes  et  de  pièces 
très-importantes ,  tels  que  le  Testa- 
ment de  Philibert  de  Chàlons,  prjnce 
d'Orange.    L'imprimeur  Cusset  ai- 
da l'auteur  daus  la  composition  de 
cette  histoire  ,   qui   présente  a  peu 
pr-ès   les   mêmes    défauts    que  celle 
d'Aulun.    On  trouve  le  délai!  de  ce 
qu'elle  renferme  dans  la  Bibliothè- 
que    historique   de    la    France , 
tom.  III,  p.  4.5 1.  L'abbé  Papillon, 
dans  sa  notice  sur  Bertaut  (i) ,  pré- 
tend que  les  auteurs  de  la  nouvelle 
Gaule  chrétienne,  tom.  IV,  p.  890, 
donnent    entièrement   ce    livre  à 
Pierre  Cusset.  Il  est  vrai  que ,  dans 
le  passage  indiqué,  on  cite  V Histoire 
de  Chdlons  par  Cusset  ;  mais  les  sa- 
vants éditeurs  ne  disent  pas  qu'il  en 
fût  le    seul  auteur.   Ceci    d'ailleurs 
s'explique   naturellement:  l'ouvrage 
avait  paru  sous  le  voile  del'anonvme. 
Cusset  signa    l'épître     dédicaloire  à 
M.  Perrault,  président  de  la  cham- 
bre des  comptes,  et  rien  dans  cette 
longue    dédicace  ne    donne   lieu  de 
croire  qu'un  autre  que  lui  eût  nus  la 
main  a  l'Histoire  de  Chàlons.   On  a 
donc  pu  ignorer  alors  que  le  P.  Ber- 
taut en  était  le  principal  auteur.  C'est 
ici  le  lieu  de  rappeler  une  singulière 
bévue  d'Ellies  Dupin,  qui  prit  le  mot 
Orhandale     pour    un     nom    d'au- 
teur (2).  L — M — X  et  W — s. 


(i)  BiliUolhèque  des  auteurs  de  Bourgogne  in- 
fol.,  p.  i63. 

(2)  Table  des  principaux  oufrages  ccclésiasti' 
rjiies ,  tom,  V.  p,    1554. 


BER 

BERTAUT  (Eioi),lilte'rateur, 
De  a  Yesoul  ,  en  1782,  se  dislin- 
giia  dès  son  enfance  par  l'éclat  et  la 
rapidité  de  ses  progrès.  A  dix  -  huit 
ans  il  fut  nommé  professeur  de  ma- 
iLéraatiques  au  Ijcée  de  Besancon. 
L'obligation  d'imposer  du  respect  a 
ses  élèves,  dont  plusieurs  étaient 
plus  âgés  que  le  maître  ,  lui  fit  con- 
tracter de  bonne  heure  des  habitu- 
des sérieuses  et  des  manières  un 
peu  raides  qu'il  conserva  depuis 
dans  le  monde.  Loin  de  se  livrer 
aux  amusements  de  la  jeunesse, 
il  consacra  ses  loisirs  à  l'élude 
des  philosophes  et  des  publicistes  , 
et  il  acquit  ainsi  des  connaissan- 
ces très  -  étendues  en  droit  et  en 
économie  politique.  Il  entra  bientôt 
en  relation  avec  M3I.  Destutt-de- 
Tracy  ,  de  Gérando  ,  Royer-Co- 
lard ,  J.-B.  Say  ,  etc.,  qui  ne  cessè- 
rcDt  depuis  de  Thouorer  de  leur  bien- 
veillance. A  vingl-qualre  ans  il  avait 
composé,  Sui'  le  vrai  considéré 
comme  source  du  bien,  im  ouvrage 
qui  révélait  dans  le  jeune  penseur 
un  écrivain  nourri  de  la  lecture  des 
bons  modèles.  Il  en  lut  plusieurs  cha- 
pitres a  l'académie  de  Besançon  en 
1807,  annonçant  que  son  intention 
élait  de  le  retoucher  et  de  le  faire 
imprimer  j  mais  cette  publication 
n'a  pas  eu  lieu.  Nommé  peu  de 
temps  après  inspecteur  de  l'académie 
universitaire,  le  travail  auquel  il  se 
livra  pour  concilier  les  devoirs  de  sa 
place  avec  ses  études  favorites  finit 
par  altérer  gravement  sa  santé. 
Pendant  sa  convalescence ,  qui  fut 
assez  longue  ,  il  composa  pour  se  dis- 
traire quelques  opéras  et  traça  le 
plan  d'une  comédie  de  caractère  dont 
il  n'a  terminé  que  le  premier  acte. 
Cette  comédie,  écrite  en  vers  élégants 
et  faciles  ,  fut  communiquée  par  l'au- 
teur a  M.  Alex,  Duval  ,  qui  refusa 


BER 


95 


de  croire  que  ce  fut  l'essai  d'un 
homme  étranger  aux  combinaisons  du 
théâtre  et  aux  secrets  de  l'art  drama- 
tique. En  18 19,  il  fut  nommé  rec- 
teur de  l'académie  de  Clermont.  Le 
discours  qu'il  y  prononça  l'année 
suivante  ,  pour  la  distribution  des 
prix,  sortait  tellement  des  étroites  li- 
mites qui  semblent  assignées  a  ce 
genre  de  composition,  qu'il  fit  la  plus 
grande  sensation  même  k  Paris  ,  et 
qu'il  fut  réimprime  dans  le  feuilleton 
au  Journal  de  s  Débats. 'YxKas[évê.^tïï 
i82  3,àracadémiedeCahors,ilrefusa 
d'aller  occuper  un  poste  qui  l'éloignait 
de  plus  en  plus  de  Paris  ,  dont  il  dé- 
sirait de  se  rapprocher  pour  pouvoir 
y  mettre  la  dernière  main  à  ses  ou- 
vrages. Le  conseil  royal  de  l'univer- 
sité n'ayant  pu  vaincre  sa  résistance, 
il  resta  sans  emploi  jusqu'à  la  révolu- 
tion de  i85o,  où  il  fut  nommé  rec- 
teur de  l'académie  de  Besançon.  11 
montra  beaucoup  de  zèle  dans  l'exer- 
cice de  ses  nouvelles  fonctions  ,  pour- 
vut d'habiles  professeurs  les  différents 
collèges  de  son  ressort,  et  ne  négli- 
gea rien  pour  achever  prompteraent 
l'organisation  de  l'enseignement  pri- 
maire. Il  était  déjà  souffrant  depuis 
plusieurs  jours  ,  lorsqu'il  se  rendit 
dans  le  département  du  Jura  pour  en 
visiter  les  écoles.  La  fatigue  du 
voyage  augmenta  son  mal  5  et  peu  de 
temps  après  son  retour  à  Besancon,  il 
y  mourut,  le  26  juillet  i854-,  a  62 
ans  ,  avec  le  regret  de  n'avoir  pu  ter- 
miner aucun  des  ouvrages  qui ,  se- 
lon toute  apparence ,  lui  auraient  as- 
suré un  rang  très-distingué  parmi  les 
publicistes.  Un  long  fragment  de  son 
Traité  sur  les  lois  en  général,  inséré 
dans  le  recueil  de  l'académie  de  Be- 
sancon ,  année  i853  ,  et  reproduit 
dans  la  Revue  provinciale  ,  en  fait 
vivement  désirer  la  continuation,  qui 
doit  se  trouver  dans  les  manuscrits 


9  i  BER  BER 

assez  nombreux  qu'il  a  l;nssés.  Ber-  de  succès.  De  ce  nombre  sont  :  i°les 
laut  aimait  les  arts,  et,  si  sa  fortune  scènes  épisoclir|ues  de  la  révolution, 
le  lui  eût  permis,  il  en  aurait  été  le  vignettes  qui  accompagnent  les  por- 
protecteur.  Il  avait  une  galerie  de  traits  des  députés  de  ia  convention  na- 
lableaux  ,  peu  nombreux,  mais  choi-  tionale  •  a^k-s  métiers  ellescrisdePa- 
sis.  On  y  distinguait  un  Christ  peint  ris  ;  5°  les  campagnes  de  Bonaparte  en 
par  Miciiel  Coxcie  {Voy.  ce  nom,  Ilalie,  d'après  Carie  Vernet ,  et  les 
Â,  157),  que  Ton  a  vu  quelque  figures  du  Voyage  aux  terres  auslralcs 
temps  a  Paris,  où  Berlaut  l'avait  (par  Baudin),  ouvrage  dirigé  par 
porté  pour  le  faire  restaurer,  et  qu'il  M.  Milbcrt.  peintre  voyageur.  Lié 
fil  liihographier,  sur  la  demande  des  avec  les  acteurs  du  théâtre  de  la  ré- 
amaleiirs.  W — s.  publique,  Bertaux  a  fait  une  collée- 
BERTAUX  (DuPLEssîs) ,  des-  lion  curieuse  de  leurs  portraits  eu 
sinateur  et  graveur,  mort  eu  i8i5  ,  costumes  scéniques,  lesquels  au  mérite 
n'a  pas  joui  durant  sa  vie  d'une  ré-  de  la  ressemblance  la  phis  exacte  Joi- 
putation  égale  a  son  talent.  Il  aunon-  gnent  celui  d'une  exécution  facile, 
ça  de  bonne  heure  de  grandes  dispo-  précise  et  spirituelle.  Quoique,  indé- 
sitions  pour  l'art  dans  lequel  ildevail  pendamment  de  sou  talent,  il  eût  une 
un  jour  se  distinguer^  et  il  se  fil  surtout  lessource  assurée  contre  les  premiers 
remarquer  par  son  habiîelé  a  saisir  besoins  de  la  vie  dans  une  place  d'of- 
la  manière  de  Callot.  Ayant  copié  ficier  de  vétérans,  il  fut  couslamment 
avec  une  étonnante  précision  la  ten-  aux  prises  avecla  misère,  et  il  se  trou- 
tation  de  saint  Antoine,  par  ce  vait ,  h  sa  mort,  en  181  5,  daus  un  dé- 
maître, il  fut  appelé,  jeune  encore,  nùment  si  déplorable,  que  les  corae'- 
k  l'école  militaire  de  Paris  comme  diens  français  se  cotiser  eut  pour  les 
professeur  de  dessin  j  et  bieutôt  après  frais  de  son  euterreraeut.  Celle  mort , 
il  grava  quantité  de  planches  pour  le  d'ailleurs,  pasfa  inaperçue  :  lesevène- 
J^oyagc  d'Italie ,  sous  la  direction  menl-poliiiquesde  l'époque  étaient  si 
de  l'abbé  deSainl-Nou.  Al'époquede  graveset occupaient  tellement  tousles 
la  révolution  il  se  lia  avec  de  fou-  esprits,  que  la  perle  d'un  vieil  artisle, 
gueux  démagogues;  et,  quoiqu'il  tombé,  par  sa  faule,  dans  une  obscure 
ne  fût  pas  né  méchant,  il  se  laissa  Indigence,  ne  pouvait  produire  u:ie 
égarer  au  point  d'accepter  un  emploi  grande  sensation.  C'est  du  reste  avec 
dans  l'armée  révolutionnaire.  Aide-  justice  que  quelques  amis  des  arts  ont 
(ïc-camp  de  Ronsin  ,  qui  comman-  surnommé  Bertaux  le  Callot  fran- 
dait  celte  troupe,  il  fut  emprisonné  çais.  Comme  le  graveur  lorrain,  il 
avec  son  général  lorsque  le  comité  était  essentiellement  dessinateur  et 
de  salut  public  résolut  d'abattre  la  lirait  un  plusgrand  parti  de  l'eau-for- 
faclion  dite  des  cocdeliers  •  et  il  te  que  du  burin.  S'il  fut  inléiieura 
n'aurait  sans  doute  pas  échappé  a  Callot  dans  l'ait  de  la  composition, 
l'échafaucl ,  si  la  nullité  de  son  ca-  il  savait  aussi  bien  que  lui  donner 
raclère  et  de  ses  vues  politiques  une  expression  naturelle  et  pitjuanle 
n'eût  dissipé  toutes  les  craintes  qu'il  aux  plus  petites  figures;  il  le  surpas- 
avait  d'abord  inspirées.  Rendu  a  la  spit  même  par  la  linesse,  la  précision, 
liberté,  il  reprit  ses  travaux  d'artiste,  et  la  légèreté  de  l'exécution, 
et  grava  "a  l'eau-forte  des  coUec-  F.  P — t. 
lions  d'estampes  qui  eurent  beaucoup         BERTE  AUX  (NicoLAS-FBAri- 


BER 

çois),  ne'a  Metz  le  lo  octobre  1743, 
mourut  daus  la  même  ville  le  5  mai 
1820.  Il  était  un  des  membres  les 
plus  distingués  delà  société  littéraire 
dite  des  P/iilcithènes  de  Mclz,et  illui 
consacrait  tous  ses  loisirs,  lorsqu'un 
le  nomma,  le^ojaillel  1773,  rece- 
veur des  domaines.  Depuis  lors  il 
devint  successivement  secrétaire-gé- 
néral de  l'assemblée  provinciale  des 
Ïrois-Evècbés  ,  du  directoire  du  dé- 
partement et  de  la  préfecture  ,  fut 
appelé  eu  i8o5  au  corps  légis- 
latif ,  où  il  siégea  cinq  ans  ,  et 
ne  cessa  de  montrer,  daus  l'exer- 
cice de  ses  fonctions,  autant  de  zèle 
que  de  lumièies.  Ilfut  le  rédacteur 
du  Procès-verbal  des  séances  de 
l'assemblée  provinciale  des  Trois- 
Eve'chés  et  du  Clertnontois,  le  nue 
à  Metz  au  mois  d'août  1787, 
3Iel/.,  in-4-°  de   5o5   pages.  B — n. 

BEUTELS  (Jean),  historien, 
né  à  Louvain,  mourut  le  i  y  juin  1607 
dans  le  couvent  d'Epternach,  dont  il 
élaitabbé  depuis  1 595.11avait  exercé 
vingt  ans  les  mêmes  fonctions  au 
couvent  de  Sl-Pierre  de  Luxera- 
bourg.  Philippe  II,  roi  d  Espagne, 
en  faisait  un  cas  particulier.  Il  a  lais- 
sé en  latin  :  I.  Histoire  du  Luxem- 
bourg ,  Cobigne  ,  i6o5  et  i655  , 
in-4-".  II.  Un  Commentaire  dialo- 
gué sur  la  règle  de  St-Benoit , 
avec  une  liste  des  abbés  de 
son  abbaye.  III.  Histoire  de  l'ab- 
baye d' J^pternach.  Les  deux  ou- 
vrages historiques  de  Berlels  ,  quoi- 
que fort  incomplets ,  méritent  qu'on 
y  ait  recours.  On  y  trouve  quel- 
([ues  pages  digues  d'intérêt,  mais  il 
faut  se  défier  des  dates  et  surtout 
ne  pas  consulter  la  généalogie  fabu- 
leuse qu'il  donne  aux  comtes  de 
Luxembourg.  B — n. 

BERTEREAU  (Martise  de), 
baronne  de  Beavsoleil  et  d'AvrKEN- 


BER 


9^ 


BACH,  auteur  d'un  ouvrage  aussi  rare 
que  curieux  sur  la  minéralogie  de  la 
France,  mérite  a  ce  titre  une  place 
dans  la  Biographie.  Ou  peut  conjectu- 
rer d'aprè;>  son  nom  qu'elle  était  d'o- 
rigine française  5  elle  épousa,  vers 
i6oi  ,  Jean  Duchàtelel,  baron  de 
Beausoleil  ,  qu'elle  accompagna  dans 
les  difFéients  voyages  qu'il  entreprit 
uniquement  pour  étudier  l'art  d'ex- 
ploiter les  mines(i).  Outre  le  français, 
madame  de  Berlereau  parlait  le  latin, 
l'italien  et  l'espagnol,  et  elle  se  flat- 
tait d'avoir  des  connaissances  assez 
étendues  dans  presque  toutes  les 
sciences,  en  y  comprenant  la  théolo- 
gie. Sou  mari  ,  d'abord  employé 
comme  inspecteur  dans  les  mines  des 
états  de  l'Eglise ,  passa  depuis  au 
service  de  l'empereur  ,  qui  le  nomma 
conseiller  antique,  et  lui  donna  la 
charge  de  commissaire- général  des 
mines  de  la  Hongrie.  Le  baron  de 
Beausoleil  avait  déjà  lait  au  moins  un 
voyage  eu  France,  lorsqu'il  y  revint 
eu  1626  [l^oj.  Beausoleil,  LVII, 
4 18).  Le  marquis  d'Effiat,  surinten- 
dant des  finances,  lui  fît  expédier,  le 
5o  déc.  de  cette  année  ,  l'aulori- 
safion  de  se  livrera  toutes  les  recher- 
ches qu'il  jugerait  nécessaires  pour 
s'assurer  de  l'existence  des  mine-:,  de 
leur  plus  ou  moins  de  richesse,  et  de 
la  manière  la  plus  couvenable  de  les 
exploiter  ,  avec  défense  a  qui  que  ce 
fût  de  le  troubler  dans  ses  opérations. 
Il  paraît  que  l'empereur  ne  se  sou- 


(i;  Une  }ibr.  se  de  la  Restitulion  de  Platon 
peut  faire  coDJecluiei-  f]ue  le  baron  de  Beauso- 
leil et  sa  feuiine  avaient  pousse  leurs  excursions 
jusi|u'en  Amerrque.  Répondant  à  ceux  qui  trou- 
veraient que  le  travail  des  mijies  sur|iasse  les 
forces  et  l'industrie  de  son  sexe  ,  madame  de 
B^rtereaudit  «  que  depuis  treste  ans,  elle  s'est 
«  appliquée  avec  un  laborieux  exercice  à  la 
«  parfaite  recherche  de  cet  art,  étant  descendue 
«  dans  les  puils  et  dans  les  cavernes  des  mines 
«  (quoique  effroyables  en  ]>rofondenrj  ,  comme 
«  celles  d'or  et  d'argent  de  Potosi ,  au  royaume 
«  de  Perse,  dont  les  carrières  sont  appelées 
I'  par  les  Espagnols  E^pcran-.a  de  la  muerla.  n 


96  BER 

cîaitpas  de  le  laisser  partir.  Eu  effet, 
ce  ne  fut  qu'en  i65o  qu'il  obtint  la 
permission  de  se  faire  remplacer  par 
l'aîné  de  ses  fils  dans  ia  direction  des 
mines  de  Hongrie  (2)5  il  reprit  aussitôt 
la  route  de  France  ,  amenant  avec  sa 
famille  une  cinquantaine  de  mineurs 
hongrois  et  allemands  qui  devaient 
travailler  sous  ses  ordres.  Madame  de 
Bertereau,  deux  ans  après ,  rendit 
compte  au  roi  et  a  son  conseil  des  tra- 
vaux exécutés  par  son  mari  depuis 
son  arrivée  en  France  ,  demandant 
l'i^xompUssement  des  promesses  qu'on 
lui  avait  faites.  Son  mémoire,  ap- 
prouvé par  le  conseil ,  fut  renvoyé  au 
secrétaire  d'état  Emery  ,  pour  qu'il 
l'examinât,  et  qu'il  en  fit  un  rap- 
port au  roi.  Après  six  ans  d'attente, 
voyant  que  la  décision  qu'elle  sollici- 
tait n'arrivait  pas  ,  elle  prit  le  parti 
d'adresser  au  cardinal  de  Richelieu 
un  nouvel  écrit  dans  knpiel  ,  rap- 
pelant que  sou  mari  ,  depuis  dix 
ans  qu'il  est  en  France ,  a  déjà 
dépensé  plus  de  200,000  fr.  de  ses 
propres  biens ,  sans  avoir  reçu  la 
moindre  indemnité  ,  elle  offre  de  tra- 
vailler a  ses  frais ,  a  l'exploitation  des 
mines  qu'ils  ont  découvertes,  sous  les 
conditions  déjà  ratifiées  par  le  con- 
seil d'élat.  Cette  demande  n'avait 
rien  que  de  juste.  Toutefois  elle  eut 
un  fâcheux  résultat,  puisque  ,  suivant 
Hellot  {Préface  de  la  traduct.  de 
ScJduLler),  le  cardinal  de  Richelieu 
fit  arrêter  le  baron  de  Beausoleil ,  et 
probablement  sa  femme  5  car  on  ne 
trouve  plus  dans  les  mémoires  con- 
temporains aucune  trace  de  l'un  ni  de 

(î)  c'est  madame  de  Bertereaa  qui  nous  ap- 
prend que  l'ciiipereur  accorda  la  (icrmission  à 
son  mari  de  se  faire  reinplac^^r  par  sou  fils  dans 
la  dircctiou  des  mines  de  Uougrie.  Mais  ce  pas- 
sage est  si  obscui-  ,  qu'tn  le  lisant  on  pourrait 
présumer  que  cette  laveur  lui  fut  accordée  à  son 
premier  voyage  en  France ,  sons  le  règne  de 
Henri  IV.  11  est  plus  vraisemblable  qu'il  ne 
l'obtint  que  lorsque  son  iils  fut  eu  âge  de  le 
suppléer. 


BER 

l'autre.  On  a  de  madame  de  Berte- 
reau :  I.  V  éritahle  déclaration 
faite  au  roi  et  à  nosseigneurs  de 
son  conseil^  des  riches  et  inestima- 
bles trésors  nouvellement  décou- 
verts dans  le  royaume  de  France^ 
Paris,  i632,in-8°  (3).  L'édition  ori- 
ginale de  cet  opuscule  est  introuvable  j 
mais  l'abbé  Lenglet-Dufresnoy  l'a 
fait  réimprimer  a  la  suite  de  \3l  Métal- 
lurgie d'Alph.  Barba,  trad.  franc, 
II,  59,  et  Cobet  l'a  reproduit  dans  les 
Anciens  minéralogistes  de  France, 
I,  291.  II.  La  restitution  de  Plu- 
ton  au  cardinal  de  Richelieu  des 
mines  et  minières  de  France ,  ca- 
chées et  détenues  jusqu'à  ce  jour 
au  ventre  de  la  terre  ,  etc.,  Paris, 
1640,  in-8°  de  171  pp.  non  compris 
les  préliminaires.  Ce  curieux  ouvrage 
a  élé  réimprimé  a  la  suite  du  précé- 
dent. Hellot  dit  que  l'état  qu'on  y 
trouve  des  mines  de  France  est  très- 
suspect  j  cependant  il  s'en  est  beau- 
coup servi  pour  rédiger  celui  qu'il  a 
donné  a  la  tête  de  sa  traduct.  de 
Schlutter  (  Voy.  Hellot  ,  XX , 
i4).  Madame  de  Bertereau  indique 
les  moyens  de  découvrir  les  mines 
ainsi  que  les  eaux  souterraines  5  elle 
promet  (p.  i32)  la  description  des 
principcdes  Jontaines  de  France  , 
avec  leurs  vertus  et  facultés,  et  la 
méthode  comme  il  en  faut  user.  Ou 
doit  regretter  qu'elle  n'ait  pas  publié 
cet  ouvrage.  VV — s. 

BERTHAULT(i)(RÉne);  sieur 


(3)  IMadame  de  Bertereau  termine  cet  opus- 
cule en  annonçant  la  découverte  qu'elle  avait 
faite  l'année  précédente  1629  )  d'une  source 
d'eau  minérale  à  Chàteau-Thicrry.  «  Cette  dcs- 
«  couverte,  dit-elle,  est  une  Dénédiction  de 
«  Dieu ,  de  quoy  je  luy  en  rend  grâces  ,  et  croy 
«  qu'il  n'y  a  François  qui  ne  soit  obligé  d'en 
«  faire  autant  g  mon  nom,  et  le  remercier,  tant 
«  de  cette  eau  médicinalle,  que  des  autres  gran- 
«  des  commodités  par  moy  descouvertes  ,  pour 
«  le  bien  général  delà  France.  i> 

(i)  C'est  ainsi  que  le  nom  de  l'auteur  est 
écrit  dans  le  privilège  pour  l'iuqjression  du  Livre 
d'ordeMarc-Aurèle,dalcdei33i.  Rigolev  de  Ju. 


de  la  Grise,  liliérateur  sur  le.ju?l  ou 
n'a  pu  recueillir  ((iie  des  reuscigne- 
jnt'iils  fori  incoinplels  ,  élalt  seci'é- 
laire  du  cardinal  Gabriel  de  Gram- 
niont ,  mort  archevêque  de  Toulouse 
eu  i534-  \J^oj.  Grai\i:.io:>t  ,  au 
^upp),  et  il  l'accompagna  dans 
ses  ambassades  en  Espagije  el  en 
Italie.  Il  a  dédié  sa  liaducliou  du 
Livre  cTor  de  Maic-Aurèle  h  la 
reine  de  Navarre ,  qu'il  nomme  la 
Marguerite  des  princesses  {2.)  ;  c'é- 
tait la  sœur  de  François  P' .  Il  pa- 
raît que  Berlbaull  fut  afiacbé  quelque 
temps  k  Marguerite,  mais  on  ignore 
l'emploi  qn'il  avait  dans  sa  maison.  La 
traduction  dont  on  vicut  de  pailer  eut 
un  succès  tel  qu'il  serait  difficile  d  en 
trouver  un  autre  exemple  dans  tout  le 
seizième  siècle.  Imprimée  pour  la  pre- 
mière fois  en  i53i  ,  Paris,  Galiot 
Dupré ,  in-fol.  gotb.,  il  s'en  fit  dans 
l'espace  de  dix  années  au  moins  six 
éditions  dans  tous  les  formats  :  in-4'', 
i554  5  in-fol.,  15355  in-8°,  i  SSy; 
in-i6,  sans  date  {P  oy.  Gvevara  ^ 
XIX,  39).  On  doit  encore  a  La  Grise  : 
la  Pcnitejice  d'atnour  en  laquelle 
sont  plusieurs  persuasions  et  ré- 
ponses très-utiles  pour  ceux  qui 
Teulent  converser  honnêtement 
avec  les  dames,  etc.,  iSSy,  ia-i6. 
Suivant  Duverdier  {Bibl.  franc.,  \  , 
4-39),  ce  roman  ,  imprimé  a  Lvou  , 
est  une  traduction  de  l'italien;  il  est 
très-rare.  Mercier  de  Saint-Eéger  en 
a  donné  l'analyse,  avec  la  descrip- 
tion du  volume  ,  dans  le  Magasin 
ency-clopédique ,  année  1798,  II, 
99-102.  Tout  en  conveqant  que  les 
mœurs  de  cet  ouvrage  sont  celles  de 


vigny,  dans  ses  notes  sar  ta  Diblioth.  de  Daver- 
dier  ,  le  noin:ne  mal  Bertaut  ,  oitbograplie 
ac'opléepar  quelques  autres  biblio^aphes. 

(2;  D'autrrs  auteurs  lui  ont  d  >iin>"  le  même 
SDinom  ,  et  il  existe  même  trois  éditions  de  ses 
poésies  (154-,  i549et  ib54),sous  le  titre  suivant  : 
Les  Marguerites  de  la  Marguerite  des  princesses. 


BER 


î>7 


ITlalie  ,  Mercier  ne  croit  pas  que  ce 
soit  une  traduction.  31.  Bruiict  a  dé- 
crit es  rare  volume  avec  exactitude 
dans  le  jSlanuel  du  libraire^  au  mot 
Pénitence ,  etc.  W — s. 

BERTIÎAULT  (  Louis-Mar- 
tin ) ,  architecte  ,  né  à  Paris ,  vers 
1 7  7 1  ,  moutra  dès  son  enfance  beau- 
coup de  goùl  pour  l'art  qu'il  embrassa 
dans  la  suite,  et  on  le  vit  fréquemment 
s'essayer  daus  de  petites  construc- 
tions. A  l'âge  de  quinze  ans  il  sut  déjà 
subsister  par  ses  propres  moyens. 
Sans  avoir  eu  d'autres  leçons  que 
quelques  avis  de  son  oncle  ,  qui  était 
architecte  ,  il  se  fit  connaître  bientôt 
par  son  habileté  h  dessiner  les  parcs 
daus  le  goût  anglais  ,  quoiqu'il  n'eut 
point  fait  d'études  proprement  dites 
pour  ce  genre ,  et  qu'il  eût  peu  voya- 
gé. Ce  fut  surtout  la  disposition  des 
jardins  de  la  Malmaison  qui  le  mit  en 
vogue.  Joséphine,  femme  du  premier 
consul,  lui  ayant  laissé  pleine  liberté 
d'arranger  ces  jardins  suivant  ses 
idées,  Berthault  bouleversa  enlière- 
ment  l'ancienne  disposition.  Xano- 
léon,  arrivant  sur  ces  entrefaites,  té- 
moigna beaucoup  d'humeur  au  sujet 
de  ce  chargement,  el  ne  revint  que 
lorsque  tout  fut  fini.  Le  nouvel  arran- 
gement des  jardins  le  charma  alors 
au  point  qu'il  désira  voir  l'artiste  : 
il  lui  témoigna  sa  satisfaction  ,  et  le 
nomma  architecte  du  château  de  Com- 
piègne.  Eerlhault  restaura  ce  jia'ais 
que  Girodet  et  d'autres  artistes  dé- 
corèrent de  peintures.  Plusieurs  ar- 
chitectes avaient  essayé  d'arrano-er 
aiissi  les  jardins,  mais  sans  succès; 
les  plantations  nouvelles  avaient  péri 
au  bout  de  peu  d'années,  à  cause  de 
la  qualité  particulière  du  terrain. 
Berthault  fît  remuer  et  changer  eu 
partie  la  terre ,  y  planta  les  arbres 
convenables  ,  et  ces  jardins  ,  aupara- 
vant sinus,  devinrent  délicieux.  On 


LVIII. 


98  BER 

y  remarque  un  berceau  d'une  demi- 
lieue  de  long.  Lorsque,  après  la  nais- 
sance du  roi  de  Rome  ,  Napoléon  eut 
conçu  le  projet  de  faire  construire 
dans  la  métropole  du  monde  catholi- 
que ,  qui  alors  était  la  seconde  ville 
de  son  empire,  uu  palais  digne  pnr 
sa  m  ignificence  de  servir  de  séjour  a 
l'hériiier  futur  de  son  Irnne .  il  char- 
gea Berthault  de  construire  le  palais, 
et  le  parc  qui  devait  y  être  joint.  Ce  que 
ce  parc  devait  avoir  de  remarquab'e 
et  d'unique  c'étaient  les  ruines  de 
quelques-uns  des  célèbres  monuments 
de  l'empire  romain  ,  qui  devaient  y 
être  renfermés  de  la  manière  la 
plus  pittoresque.  11  s'agissait  de  dé- 
molir des  rues  entières  qui  les  entou- 
raient, et  d'isoler  ces  vieux  monu- 
ments. Jamais  desinateur  de  jardins 
n'avait  reçu  une  missiun  plus  grande. 
Berthau't  se  rendit  a  Rome  et  com- 
mença les  travaux  ,  ayant  des  md- 
lions  à  sa  disposition ,  et  faisant  agir 
des  milliers  d'ouvriers.  Les  Italiens 
furent  émerveillés  de  la  grandeur  co- 
lossale des  plans  de  Bertltault  ;  les 
académies  de  ce  pays  s'emnressèrent 
de  s'associer  un  artiste  aussi  éton- 
nant. Cependant  les  revers  de  fortune 
que  Napoléon  essuya  en  i8i4  et  son 
abdication  firent  tomber  ses  projets 
magnifiques.  Pie  VII  demanda  dans 
la  suite  les  plans  de  Berthault  ,  et 
on  assure  que  c'est  d'après  ces  plans 
qu'ont  été  laits,  depuis,  les  embellis- 
sements autour  des  ancie.ns  monu- 
ments de  Rome.  Berthault  avait  aussi 
été  chargé  deprésenterdes  plans  pour 
le  palais  que  Napoléon  voulait  faire 
construire  sur  les  hauteurs  de  Chail- 
lot,  a  Paris.  Un  grand  nombre  de 
parcs  et  de  jardins  des  environs  de 
Paris  ont  été  des  inés  et  embellis  par 
cet  artiste  5  de  ce  nombre  sont  ceux 
de  la  Jonclière ,  de  Saint-Leu,  du 
Raincy,  de  Pontchartrain,  Armonvil- 


BER 

lerSjCondé,  Bàville,  Fontenay-sous- 
Brice  ,  ainsi  que  des  jardins  dans 
d'autres  parties  delà  France,  entre 
antres  ceux  de  Navarre  et  de  Châ- 
teau -  Margaux.  Il  avait  un  talent 
rare  pour  tirer  parti  des  localités,  et 
profiter  de  tous  les  agréments  que 
donnait  !e  site.  Ve  Ions  les  pays 
de  l'Europe  on  lui  demandait  des 
plans,  qui  étaient  exécutés  ensuite 
par  d'autres  archlectes.  Il  resiaura 
aussi  plusieurs  hôtels  à  Paris  ,  en- 
tre autres  celui  d'Osmond  sur  les 
boulevarts  et  celui  du  banquier  Ré- 
camier ,  à  la  Chaussée  d'Antin.  Na- 
poléon l'avait  nemné  raeuibre  de  la 
Légion-d'Honneur.  Berthault  con- 
serva sous  la  resiauialion  la  place 
d'architecte  du  château  de  Compiè- 
gne  et  du  palais  de  la  Légion- 
d'Honneur.  Il  avait  acquis  par  ses 
travaux  'ine  fortune  con>idérable  j  il 
en  employa  une  partie  h  -agrandir 
et  k  embe'llr  sa  propriété  à  Chan- 
tilly ,  dunl  les  plantations  avaient  été 
son  début  dans  sa  première  jeunesse, 
et  à  construire  pour  sa  famiHe  ,  a 
Paris  ,  rue  Neuve-des-Maihurins  , 
une  habitation  pourvue  de  toutes 
les  aises  d'un  luxe  élégant.  Sa  santé 
s'élant  altérée  ,  il  se  rendit,  en  1823, 
aux  ea"X  des  Pyrénées  ,  mais  il 
mourut  en  roule,  à  Tours,  au  mois 
d'août  de  la  même  année.  Il  a  été 
inhumé  dans  son  parc  à  Chantil'y. 
Be-^lhault  était  d'un  caractère  vif, 
d'une  grande  activité  ,  et  fort  obli- 
geant ;  il  fut  le  bienfaiteur  d'une 
partie  de  sa  famille.  D — g. 

lîERTJlE  ,  première  femme  de 
Philippe  l".  f^  o;'.Philippe,XXXIV, 
90  -  91 ,  et  Yves  ,  de  Chartres,  Ll, 

BE11T3ÎELÏN  (Pierre-Char- 
les) ,  lexicographe  ,  naquit  à  Paris, 
vers  1720.  Après  avoir  aclievé  ses  étu- 
des, il  embrassaTélat  ecclésiastique. 


BER 

p!  fut  pourvu  d'un  canonical  an  ilia- 
pilre  de  Doué  ,  dans  le  Bas- Anjou. 
Quelque  lenips  après  il  se  fil  recevoir 
avocat  au  parlement.  Son  projet, 
selon  toute  apparence,  était  de  con- 
sulter les  questions  de  droit  canoni- 
que qui  se  présentaient  alors  fré- 
quemment devant  les  tribunaux  ;  mais 
il  V  renonça   !)0ur  suivre  la  cnrrière 


BER  <jg 

jnjffs,  il)îd.  ,  1752,  in-t2=  Cette 
compila'ion  est  Irès-ulile  pour  les 
jeunes  gen'i,  que  Fauteur  a  eus  parti- 
culièrement en  vue.  Le  modeste  et 
hibo  lieux  Berthelin  mourut  vers 
1780.  Il  était  membre  de  l'académie 
d'Angers.  W — s. 

BERTMELOT  (Clacde-Fratî- 
cois) ,   ingénieur-mécanicien,  oublié 


de  l'enseignement.  Nommé  professeur     jusqu'ici  dans  tous  les  dictionnaires, 


de  1  m-ue  latine  à  l'école  mililaii  e  ,  à 
l'époque  de  sa  création  ,  en  r  7  5  i  ,  il 
remplit  cette  placejusqu'en  1776,  i|ue 
cet  établissement  fui  rerais  a  des  con- 
grégations religieuses. Berthelin. •î'ét  it 
appliqué  spécialement  à  l'étude  de  la 
langue  française.  En  1  76  r  ,  il  publia 
«ne  nouvelle  édition  du  Di~  tiotinaire 
des  rimes  de  Riclielet  [f^oy.  ce  nom 
XXXVIH,  II),  corrigée  et  auL;men- 
lée.  Elle  fut  suivie  d'un  S upplémenl 
au  Dictionnaire  de  Trévoux,  Pa- 
ris, 1752,  In-tol.,  refondu  dans  l'é- 
dition imprimée  la  même  année  et 
dans  celle  de  1778.  Enfin  il  donna 
depuis  un  très-bon  Abrégé  de  cet 
utile  ouvrage,  Paris,  1763,  3  vol. 
in-4".  Il  s'était  assoiié  pour  ce  tra- 
vail le  raéd<ciu  Goulin ,  philologue 
instruit.  Indépendamment  de  ces 
publieations  ,  ou  couuaîl  de  Berthe- 
lin :  I.  Des  Odes  en  latin  et  en 
grec  [France  litt.  1769).  Barbier, 
dans  son  Examen  crit.  des  diction. , 
207,  se  contente  de  citer  l'Or/e  la- 
tine de  Berthelin  sur  le  siège  de 
Bergopzoom.  H.  Lettre  à  Jatnet 
l'aîné  [Voy.  ce  nom,  au  Supp.)  sur 
les  additions  dont  le  Dictionnaire 
de  Trévoux  serait  susceptible  , 
Paris,  1745,  i'i-12.  III.  Recueil 
d'énigmes  et  de  quelques  logogri' 
plies,  ibid.,  1749^  in  12.  IV.  ixe- 
cueil  de  pensées  ingénieuses  tirées 
des  poètes  latins ,  avec  les  imita- 
tions ou  traductions  en  vers  français, 
rangées  par  classes  selon  les  divers 


était  né  le  i  9  avril  1  7  i  8,  a  Château- 
Cliàlous,  en  Franclie-Comlé,  de  pa- 
rents pauvrci.  Arrivé  h  1  âge  de 
choisir  u^  état ,  il  vint  à  Paris ,  où  il 
travailla  quelque  temps  dans  divers 
ateliers  de  charpenlerie  et  de  serru- 
rerie, se  faisant  chérir  de  ses  chcTs 
par  sa  bonne  conduite  et  son  intelli- 
gence. Il  fmploy.'iit  tous  ses  'oisirs  à 
réparer  en  lui  autant  qu'il  le  pouvait 
le  délaul  de  première  éducation.  La 
lecture  des  OEuvres  de  Mariette 
et  des  Mémoires  de  l'académie  des 
sciences  lui  révéla  ses  di.spo.sitions 
pour  la  mécanique.  Dès-lors  il  con- 
sacra ses  VI  illes  et  .ses  économies  a 
divers  essais^  et  il  fit  même  plu'-ieurs 
voyages  en  Angleterre  pour  exaniiner 
les  machines  employées  dans  les 
principales  manufactures.  De  retour 
eu  France,  il  s'empies.':a  d'offrir  au 
gouvernement  le  résultat  de  son  ex- 
périence ,  et  fut  nommé  prolessenr  de 
mathématiques  à  l'école  royale  mdi- 
talre.  Il  composa  p  ur  l'usage  de  ses 
élèves  un  Cours  de  mathémati- 
ques,  Paris,  1762,  in-8",  i'^*  par- 
tie, coulenanl  la  théoiie  et  la  pra- 
tique de  l'arithmétique.  En  1775  ,  il 
donnaune  continuation  de  cet  »  nvrage 
in-8°.  Il  avait  obti  nu  en  1765  l'au- 
torisation de  construire  à  l'arsenal 
d'Auxoune  un  affût  de  son  invention . 
L'année  suivante  il  en  fit  un  autre  a 
Strasbourg;  et  sur  le  rapport  de  M. 
deGribcau\al,  que  cet  aiiïit  pourrait 
être  utilement  employé  dans  les  bat-r 

■^'rVl] 


iOO 


liER 


teriespour  la  défense  des  côtes,  Ber- 
ihelol  obtint,  en  1765,  une  pension 
de  600  livres  sur  la  caisse  de  Tar- 
lillerie.  Encouragé  par  ce  succès ,  il 
rédigea  un  mémoire  dans  lequel  il 
développait  tous  les  avantages  de  son 
affût .  et  montrait  la  facilité  de  le 
substituer  à  l'ancien,  presque  sans 
aucune  dépense  pour  l'état.  Ce  mé- 
raoire,  apostille  par  le  prince  de 
Listenoi>,  fut  remis  dans  les  bureaux 
de  la  marine  5  mais  le  principal  com- 
mis, de  qui  dépendait  l'expédition  de 
cette  affaire  ,  après  avoir  amusé  Ber- 
ilielol  pendant  plus  de  deux  ans  par 
de  belles  paroles,  finit  par  le  congé- 
dier durement,  en  lui  disant  que  s'il 
li'était  pas  content,  il  n'avait  qu  à  por- 
ter ses  découvertes  h.  l'étranger  (i). 
Alors  il  cessa  des  démarches  mutiles  ^ 
mais  il  eut  depuis  la  satisfaction  de 
voir  adopter  son  affût  sur  les  côtes  et 
dans  les  places  de  guerre  (2).  Il 
imagina,  quelque  temps  après,  un 
moulin  à  blé  qui  pouvait  être  mis  eu 
mouvement  avec  facilité  par  deux 
tomïties  ;  le  lieutenant-général  de 
police  Lenoir  en  fit  établir  quel([ues- 
uns  ,  en  i  778,  a  Bicélre  pour  le  ser- 
vice de  ccttemai-on.  Cette  ingénieuse 
invention,  qui  devait  faire  la  fortune 
de  Berthelot,  lui  valut  seulement  le 
titre  d'ingénieur  mécanicien  du  roi, 
avec  le  privilège  de  construire  et  de 
débiter  seul  ses  machines  dans  toute 
l'étendue  du  rojauine.  Il  sentit  qu'en 
usant  de  ce  privilège  qui  portait 
six  mille  francs  d'amende  et  coulis- 
callou  des  mncbines,  envers  les  con- 
trefacteurs, il  empèclierait  une  gran- 

(i)  Berthelot  a  eu  la  gt-Dérosité  de  ne  point 
nommer  ce  commis,  dans  la  crainte  d«  lui  faire 
tort.  Voy.  «.a  JIccaniijuc,  11,  f)5. 

(  •)  Cet  affùf  dont  l'utilili;  a  é'.é  si  générale- 
ment reconnue  i)o;ir  la  surete  du  service,  el  par 
l'économie  des  hoinmi-s  et  dc^  frais  ,  a  ttc  in 
jiisleii;cnt  nommé  affût  de  Giibeauval ,  parce 
«ju'ou  en  attribue  la  déccuverte  au  protecteur 
69  rinvenieur. 


BER 

de  partie  du  publie  de  profiler  de 
ses  inventions j  et  11  y  renonça  gé- 
néreusement en  faveur  de  tous  les 
souscripteurs  à  l'ouvrage  qu'il  se  pro- 
posait de  publier,  et  qui  devait  con- 
tenir la  descriplicm  de  ses  machines. 
Cet  ouvrage,  intitulé  La  Mécanique 
appliquée  aux  arts ,  aux  manufac- 
tures, à  l'agriculture  et  à  la  guer- 
re, Paris,  1782,  forme  2  vol.  iu-4°. 
Le  premier  volume  est  accompagné 
de  60  pi.  et  le  second  de  72,  ce  qui 
porte  le  nombre  des  pi.  k  102  ,  au 
lieu  de  120  promis  par  le  frontis- 
pice. Des  exemplaires  restant  en  ma- 
gasin ont  été  reproduits,  en  1792  , 
avec  des  additions  et  une  augmenta- 
tion de  09  pi.,  ce  qui  en  élève  le 
nombre  total  a  193.  Ce  recueil,  un 
des  plus  considérables  que  l'on  con- 
naisse ,  contient  une  foule  de  machi- 
nes ingénieuses  et  utiles  5  diverses 
espèces  de  moulins,  des  grues,  des 
scies,  des  affûts  de  canon  ,  des  mo- 
dèles de  voitures  h  larges  jantes  , 
des  mouvements  'a  pédale,  etc.  ]3ans 
les  deux  ouvrages  qu'il  a  publiés  , 
Bertht-lot  ,  habitué  à  parler  le 
langage  des  ouvriers,  demande  grâ- 
ce pour  son  style:  et,  dans  ses  ma- 
chines, il  substitue  avec  raison  la 
force  des  hommes  a  celle  des  bêles 
de  somme  ,  afin  de  procurer  h  une 
foule  de  malheureux  des  ressources 
contre  la  misère  et  l'oisiveté.  La 
plupart  des  machines  imaginées  ou 
perfectionnées  par  Berthelot  sont 
d'une  utilité  reconnue  et  d'un  usacre 
journalier;  mais  l'artiste  auquel  on 
en  est  redevable ,  après  avoir  con- 
sumé sa  vie  et  sa  fortune  en  travaux 
et  en  essais  pénibles,  souvent  sans 
résultats  et  toujours  dispejidieux  , 
n  en  reste  "pas  moins  aujourd'hui 
presque  inconnu.  A  l'époque  de  la  ré- 
volution ,  Berthelot  perdit  sa  place 
el  la  pension  qui  le  faisait  subsister, 


BER 

et  il  fut  oublié  dans  la  réparlition 
(les  secours  accordés  par  la  Conven- 
tiou  aux  savants  et  aux  artistes  pau- 
vres. D'après  le  rnpport  d'une  coni- 
mission  sur  les  découvertes  et  les  tra- 
vaux dt'  Berllielot ,  le  Lvcée  des  arts, 
dans  sa  séance  publiipie  du  20  nov. 
1797,  lui  décerna  une  couronne  et 
une  méda  lie.  Ce  vieillard  octogé- 
naire y  inspira  le  plus  douloureux  iu- 
lérèt  eu  parai>sant  dans  un  élat  de 
niidilé  presque  complète.  Il  venait  de 
soixante-dix  lieues  réclamer  quelques 
secours.  Le  Lycée  le  recommanda  vi- 
vement au  ministre  de  l'mlérieur 
(Bénézech)  qui ,  après  trois  ans  d'at- 
tente,lui  fit  compter  cinquante  francs, 
sans  lui  payer  les  arrérages  de  sa  mo- 
dique pi-nsion.  Il  mourut  a  Noailles, 
près  de  Beauvais  en  1800,  a  l'âge  de 
82  ans.  A — T  et  W — s. 

EEP^TIIELOT  (Jean-Fkan 
cois]  ,  avocat ,  naquit  a  Paris  ,  au 
mois  de  juin  1749-  Ayant  obtenu 
au  concours,  en  1779,  une  place 
de  docteur  agrégé  a  la  Faculté  de 
droit  de  Paris,  il  fit  paraître  plu- 
sieurs ouvrages  qui  accrurent  sa 
réputation  ,  el  parmi  lesquels  on 
distingue  le  Traité  des  c^'ictions 
et  de  la  garantie  formelle , 
Paris,  1781,  2  vol.  in-12.  Garât 
avait  attaqué,  dans  le  Mercin-e  de 
France  (février  1780),  lauloriié  du 
droit  romain.  Bertlielot  réfuta  des 
assertions  aa  moins  peu  réfléchies  , 
avec  quelque  succès,  dans  un  écrit  in- 
titulé :  Réponse  à  quelques  propo- 
sitions Jiasardées  par  M.  Garât 
contre  le  droit  romain,  Paris,  1786, 
in-12.  Garai  ayant  répondu  à  cette 
critique,  dans  le  même  journal  ,  les 
auteurs  du  Mercure  eurent  'a  bonne 
foi  de  donner  un  extrait  fort  étendu 
de  l'ouvrage  de  Berlhrlot  (septemb. 
1785),  et  d'insérer  aussi  une  let- 
tre   dans    la(!uc!!e     il   relevait    les 


BER 


lOt 


nouvelles  erreurs  où  le  philoso- 
pbe  était  tombé.  Berthelot  publia 
dans  le  même  temps  des  Ré- 
flexions sur  la  loi  du  Digeste,  de 
Qnœstionibus,  relatives  à  la  ques- 
tion dans  l'empire  romain  ,  à 
son  origine  en  France  et  à  ses 
différents  états  jusqu'à  nos  jours, 
Paris,  1785,  in- 8".  Peu  d'an- 
nées après  la  suppression  des  fa- 
cultés de  droit,  il  fut  nommé  pro- 
fesseur de  législation  à  i'écol-  cen- 
trale du  département  du  Gard.  Il 
occupa  cette  chaire  jusqu'à  la  créa- 
tion des  écoles  de  droit ,  et  f':t  alors 
appelé  a  celle  de  Paris ,  comme  pro- 
fesseur de  droit  romain.  En  1802  ,  il 
s'était  chargé  de  traduire  les  six  der- 
niers livres  du  Digeste ^  pour  com- 
pléter la  traduction  que  feu  Hulot 
avait  faite  des  quarante-quaire  pre- 
miers et  qui  fut  publiée  k  Metz,  i  8  o5- 
i8o5  ,  7  vol.  in-^".  La  version  de 
Berthelot  remplit  la  plus  grande  par- 
tie du  septième  volume  (p.  i  a  4-34); 
car,  malgré  les  indications  du  titre  de 
l'ouvrage,  il  ne  traduisit  que  quatre 
livres  (i).  Ses  occupations  ,  comme 
professeur  de  droit  romain,  l'empê- 
chèrent de  poursuivre.  Il  se  livra  tout 
entier  h  l'enseignement  dont  il  était 
chargé  jusqu'en  181 3,  après  avoir 
publié,  dans  l'intérêt  des  élèves  qui 
suivaient  ses  cours ,  plusieurs  ou- 
vrages propres  a  leur  faciliter  l'intel- 
ligence des  lois  romaines,  et  notam- 
ment une  édition  du  Î\I annale  juris 
de  Jean  GoJefrui,  Paris,  1 8  o6j  iu-8^; 
des  Instituts  de  Justinien,  Paris, 
1809,  2  vol.  in-S",  et  une  traduction 
des  éléments  (lu  droit  civil  romain 
d'Hciueccius  (J.-G  ),  avec  le  texte  en 
regard,  Paris,  i8o3;  2''édili!in, 
1812,    4    vol.   in-12.    Vers  la  fin 

(t)  m.  Delji-as  est  l'auteur  delà  traduction  du 
49"=  et  du  Do''Uvre(p.  434  a  673).  11  avait  été  choi- 
si par  Bcflbelot  lui-uiêiue  ,  iionr  le  remplacer. 


te% 


BËR 


de  sa  cari icre,Berlliplot  parut  atteîal 
d'aliénalion  mentale  ,  el  on  l'eulen- 
dit,  avec  une  surprise  extrême,  d.ms 
les  leçons  qu'il  dinnail  à  l'école  de 
droit ,  tourner  en  dérision  cette  même 
jurisprudence  romaine  qui  auiit  fait 
le  cbarme  de  sa  vie.  Il  mourut  a  Pa- 
ris,le  1 5  février  i8i4.  L — im — x. 
liERTlIIEU  (Jeak-Baptiste), 
naquit  à  Tonneire  en  1721.  Le  ma- 
réchal de  Belle-Isle,  ministre  de  la 
guerre  ,  qu'il  avait  accompagné  aux 
armées  ,  en  qualité  d'ini^éuit  ur  géo- 
graphe ,  le  chargea  en  1769,  par  or- 
dre du  roi,  de  construire  h  Versailles 
les  hôtels  vastes,  et  contigus  de  la 
guerre,  de  la  marine  el  des  affaires 
étrangères.  Ces  édifices  d'une  archi- 
tecture simple,  pour  lesquels  il  ima- 
gina un  projet  de  voûtes  plates  incom- 
bustibles et  dont  la  distribution  el  la 
décoiation  intérieure  étaient  admi- 
rées, ue  fumaient  qu'une  partie  du 
plan  géuéral  qu'il  avait  proposé  peur 
réunir  non  seulement  les  bureaux,  les 
archives  el  les  dépôts  de  ces  trois 
mnistèies,  mais  encore  les  plans  en 
relief  des  places  de  guerre.  Voulant 
le  récompenser  de  ces  travaux  et  de 
l'économie  qu'il  y  avait  apportée  (ce 
sont  les  ter  '  es  du  brevet),  LouisXV 
le  créa  gouverneur  de  ces  hôleîs,  di- 
recteur du  dépôtdelaguerre,  mit  une 
compagnie  militaire  sous  ses  ordres 
et  décida  qu'il  ne  rendrait  compte  de 
ces  fondions  qu'au  roi  lui-même.  Ce 
fut  ensuite  sous  la  direclion  de  B  r- 
thier  ,  secondé  par  ses  trois  fils^ 
(/^.  les  deux  articles  suivants,  et  Léo- 
pold  Berthier  ,  IV  ,  35b),  que  fu- 
rent levées  et  exécutées  les  Cartes 
dites  des  chasses  du  roi ,  chef- 
d'œu^Te  de  topo:;rai.hie,  etdunl  la 
gravure  par  Tardieu  n'est  pas  moins 
remarquable.  Ces  caites,  au  nombre 
de  onze,  sont  d'ailleurs  d'une  utilité 
générale,  et  les  épreuves  du  premier 


BER 

tirage  sont  rares.  Le  roi  qui,  ainsi  que 
les  princes,  avait  surveillé  les  opé- 
rai ions,  en  fut  si  satisfait  qu'il  conféra 
h  Berthier  des  lettres  de  noblesse 
dans  lesquelles  il  voulut  que  les  servi- 
ces de  cet  ingénieur  fussent  co  istalés, 
et  il  lui  accorda  une  pension  de  douze 
mille  livres  réversible  k  ses  enfants. 
Outre  les  titres  qu'où  vient  d'in'li- 
quer ,  il  était  colo;  cl  d'infanterie  et 
commandant  en  chef  les  ingénieurs 
géographes  des  camps  et  armées  ,  la 
plupart  ses  élèves  et  qui  deviurent  des 
officiers  distingués.  Chevalier  de  St- 
Lonis  et  de  St-Mich>  1 ,  il  l'était 
aussi  de  plusieurs  ordres  étrangers. 
La  révolulii.n  lui  ayant  fait  perdre 
tous  ces  avantages,  il  s'était  retiré  k 
Boynesdans  le  Loiret.  Plusieurs  an- 
nées après,  cédant  a  x  inslances  de 
son  fils  Alexaiidre  ,  alors  ministre  de 
la  gneire  il  vint  1  abiler  avec  lui,  et 
mourut  k  Paris  le  21  mai  i8o4. — Il 
avait  eu  d'un  second  ma'"iage  un  qua- 
trième fils  aussi  nommé  Alexandre  , 
aujourd'hui  maréchal  de  camp. 
E — K — D. 

BERTHIER  (?ii;p,R;i-ALEXAN- 
dre),  prince  de  W  agram  et  de  Neuf- 
chàlel  ,  était  le  fils  aîné  du  précé- 
dent ,  el  naquit  k  Versailles  le  20  no- 
vembre 1753  11  recul  une  éducation 
toute  militaire  ,  et  il  s'appliqua  sur- 
tout au  génie.  Dès  l'âge  de  dix-sept 
ans,  il  était  lieutenant  dans  le  corps 
royal  d'état-major,  qu  il  quitta  pour 
entrer  dans  le  régiment  de  Soissonais, 
infanterie.  Devenu  capitaine  en  1778, 
il  fut  un  des  officiers  qui  passèrent  eu 
Amérique  avec  Rochambeau.  Sa  con- 
duite aux  premières  actions  qui  eu- 
rent lieu  sur  les  bnrds  de  l'Ohio  lui 
fit  une  réputation,  et  il  devint  co- 
lonel, alaHnde  la  guerre  ;  ce  qui  était 
un  avancement  extraordinaire  pour 
un  officier  dont  la  noblesse  était  dou- 
teuoe  ou  du  moins  fort  réceule.   £11 


BER 

1789  Louis  XVI  le  nomma  inajor- 
gpiiéral  tie  la  garde  nalionale  de  Ver- 
sailles ,  et  il  rendit  en  celte  qualité 
queKjues  services  à  la  cour.  Lccoiu- 
tre,  depuis  membre  de  la  Convention, 
ajant  demandé  que  les  gardes-du- 
corps  fassent  astreints  a,  prêter  le 
serment  civique  ,  et  a  porter  la  co- 
carde tricolore,  l'opposition  de  Ber- 
thier  fit  rejeter  celte  proposition.  Il 
contribua  en  même  temps  de  tous 
ses  efforts  au  maintien  de  l'ordre  et 
à  la  sûreté  de  la  famille  royale  jus- 
qu'aux journées  des  5  et  6  octobre  , 
où  le  flot  populaire  était  déjk  trop 
fort  pour  être  arrêté  par  les  faibles 
digues  que  Louis  XVI  pouvait  lui 
opposer. En  1790  Beribitr demanda, 
par  une  péliiion  a  l'assemblée  natio- 
nale, que  Ton  é'evàt  un  monument 
f'inèbre  a  la  mémoire  des  soldats 
tués  a  Kaiici.  Dès  celle  époque  il 
^emplis'^a^l  les  fonctions  de  comman- 
dant-général de  la  garde  natiimale  de 
Versailles,  auxquelles  avait  renoncé 
La  ïour-du-Pin.  Le  19  fév.  1791 
il  eut  h  lutter  contre  une  émeute 
grave.  Les  tantes  de  Louis  XVI  ve- 
naient de  partir  du  cliàteau  de  BtUe- 
vue  pour  l'Italie  :  Bertliier  connais- 
sait ce  départ  ,  et  il  l'avait  favorisé 
de  sou  mieux  en  gardant  un  profond 
secret  et  en  évitant  d'évilUer  les 
soupçons.  Mais  les  augustes  fugitives 
étaient  encore  dans  la  cour  qu-^  déjk 
la  nouvelle  de  ce  qui  a' lait  arri\er  se 
répandit.  Des  rassemblements  se  for- 
mèrent a  Paris,  el  se  portèrent  au 
clià  eàu  de  Be  levue  ,  demandant  k 
grandi  cris  les  princesses.  El'es 
étaient  parties  dans  l'intervalle.  Fu- 
rieuse de  ce  désippoinlement ,  la 
foule  semblait  décidée  a  se  porter 
aux  plus  violents  excès,  et  voulait  au 
moins  piller  le  château.  Berlliier,  a 
la  tète  d'un  détacbement,  parvint, 
par  la  sagesse  de  ses  mesures  et  la 


BER 


io3 


modération  de  son  langage  ,  a  dissi- 
per le  rassemblement.  Sa  conduite 
en  celte  occasion  le  rendit  Tobjet 
des  éloges  des  rojctlistes  ,  mais  en 
même  temps  elle  lui  aliéna  les  révolu- 
lio'niii  es.  Ou  voulut  lui  taire  donner 
sa  démission,  en  répandant  d'avance 
le  bruit  qu'il  était  décidé  a  l'offrir. 
Il  se  crut  obligé  de  couper  court  k 
ces  incrimlui'- lions  en  écrivant  le  21 
mai,  dans  le  i)/orti7e«?',  qu'il  n'enten- 
dait ni  abandonner  ni  se  faire  retirer 
un  poste  qui  Tbonorait  et  dans  lequel 
il  croyait  pouvoir  être  utile.  \ers 
la  fin  de  1791  il  fut  élevé  au  rang 
d'adjudanf-général  ,  et  se  rendit  , 
avec  le  ministre  Narbonne  ,  k  Metz, 
oi!i  il  portait  aux  généraux  Luckuer  et 
Rocbambeau  le  bâton  de  maréchal 
de  France.  Dès  le  commencement  de 
179211  deviutciief  delétat-major  de 
Luckner.  Le  système  qui  bieulùt  pré- 
valut dans  la  capitale  faillit  lui  être 
funeste  :  sa  mndération  le  rendait  sus- 
pect ;  ses  mesures  dans  les  journées 
des5el6  octobre,  pour  coopérer  au 
salut  du  roi,  dans  celle  du  9  fév  lier, 
pour  préserver  des  aristocrates  de  la 
fureur  du  peuple  ,  furent  l'objet  d'un 
sévère  examen.  Luckner  lui-même 
écrivit  a  rassemblée  pour  justitier  son 
chef  d'état-major  j  mais  dans  le  même 
temps  Dumouriez  écrivait  au  roi  aue 
Berthier  abu>ail  de  la  faiblesse  du 
vieux  maréchal,  et  qu'il  ie  perdait. 
Ce  fut  alors  que  cilui-ci  passa  dans 
la  Vendée,  et  qu'il  fui  successivement 
chargé  de  plusieurs  commandements 
dans  les  deparleu'ents  Insurgés,  lise 
comporta  eu  brave  dans  plusieurs  aflai- 
res  ,  et  fut  mentionné  honorablement 
dans  les  rapports  des  commissaires 
de  la  Convention.  Le  général  en  chef 
Ronsin  reconnut  bientôt  l'avantage 
de  l'avoir  pour  lever  les  plans  du 
pays.  La  bataille  de  Sauraur  (i5  juin 
1795),  suivie  delà  prise  delà  ville. 


-io4 


B£a 


lui  présenta  le  moyen  de  prouver  son 
dévouement.  Bravant  les  plus  grands 
périls ,  il  eut  trois  chevaux  tués  sous 
lui  dans  cette  occasion.  Cependant 
Custine,  oblisé  de  tenir  la  campagne 
avec  une  poigree  de  monde  conlre  la 
formidaljle  armée  prussienne,  ne  ces- 
sait de  demander  Berlbier  comme  seul 
capable  de  suppléer  a  l'inégalité  des 
forces.  La  prudence  de  celui-ci  l'era- 
pêclia  alors  d'être  enveloppé  dons  la 
disgrâce  de  ce  général.  Aussitôt  après 
]eg  thermidor,  il  fut  chef  d'étal-major 
de  Kellcrraann ,  et  ce  fut  lui  qui  fit' 
prendre  à  l'aimée  des  Alpes  la  ligne 
de  Borglielto  qui  arrêta  l'ennemi. 
Lorsque  Bonaparte  fut  nommé  com- 
mandant de  l'armée  d'Italie,  en  1796, 
Berthier,  récemment  élevé  au  grade 
dégénérai  de  division,  l'accompagna 
en  qualité  de  chef  d'état-raajor.  Bien- 
tôt il  se  rendit  très-utile  au  jeune 
conquérant  par  sa  connaissance  de  la 
carte,  par  son  activité  ainsi  que  par 
celle  qu'il  savait  imprimer  a  ses  bu- 
reaux, et  enfin  par  l'attachement  pour 
son  ctef,  dont  il  se  fit  une  sorte  d'ha- 
bitude. Les  éloges  que  Bonaparte 
lui  donna  sous  tous  ces  rapports  ne 
tardèrent  pas  a  se  répandre  :  il  lui 
attribuait,  en  l'an  v,  une  part  de  sa 
gloire  dans  la  conquête  d  Italie;  mais 
ces  services  furent  exagérés  par  la 
renommée,  k  tel  point  que  la  vanité 
du  général  en  chef  s'en  inquiéta.  Sui- 
vant certains  témoignages ,  Berthier 
et  Carnot  auraient  tout  fait  à  l'ar- 
mée d'Italie  :  Carnot  ,  en  envoyant 
les  plans  dt  campagne  ,  Berthier  en 
veillant  k  ce  qu'ils  fussent  exécutés. 
Le  fait  est  que  Bonaparte  n'avait  pas 
plus  besoin  qu'il  n'avait  envie  de 
recevoir  des  plans  tout  faits  ,  et 
que  ,  dès  le  commencement  de  ses 
guerres  d'Italie  ,  les  ordres  venus  du 
Luxembourg  furent  souvent  écartés 
6-t  méprisés.  I!  est  assez  connu  que 


BER 

Berthier  ne  conserva  auprès  de  lui 
une  si  longue  faveur  que  par  une  ab- 
négation complète,  et  surtout  en  se  te- 
nant avec  une  grande  réserve  au  second 
rang,  sans  jamais  témoigner  l'intention 
de  briller  au  premier.  Celte  modéra- 
lion  a  même  donné  lieu  a  beaucoup  de 
propos  et  d'assertions  injurieuses  k 
sa  mémoire  (i).  Si  l'on  en  croit 
Wour'itnne  elle  3Ié/norial  de  Sai/ile' 
Hélène,  Napoléon  s'est  livré ,  dans 
les  derniers  temps  de  sa  vie ,  a  des 
plaintes  ,  et  même  k  des  in>ulies 
bien  faites  pour  étonner  ,  conlre 
celui  qui  fut  si  long-temps  son  com- 
pagnon d'armes  et  son  ami.  C'était 
ini  oison,  lui  fait-on  dire  ,  dont 
j'avais J'ait  un  aigle.  Et  il  faut  con- 
venir cependant  q^ie  ce  n'était  guère 
le  fait  d'un  oison  que  d'avoir  .  dès  le 
premier  instant,  assez  bien  compris  la 
position  et  surtout  le  caractère  de  son 
chef,  pour  se  plier  a  son  gré  et  se  sou- 
mettre a  toutes  ses  volontés.  Parfai- 
tement placé  dans  son  poste  secon- 
daire de  chef  d'élat-major ,  il  sentit 
k  merveille  que  le  premier  rang  ne 
pouvait  convenir  ni  k  son  humeur  ni 
a  son  talent  ,  et  il  s'effaça  complète- 
ment devant  Bonaparte  ,  qui  le  laissa 
volontiers  nommer  sou  bras  droit, 
pouvu  qu'il  fût  bien  entendu  que  le 
bras  droit  n'inventait  rien  ,  n'ordon- 


(i)  Berlhier  fit  graver  en  Italie  (179S)  une 
grande  vignette  sin;;ulièreinent  aduladicc,  pla- 
cée en  tète  de  ses  lettres  :  en  y  voit  une  renom- 
mée planant  dans  l'espace,  enibouchanl  la  trom- 
pette ,  et  montrant  à  l'univers  nn  métlaillon 
couronné  de  lauriers  ,  portant  pour  légende  . 
Bonapurle,  géiiernl  en  clief.  A  droite,  est  une 
minerve  tenant  d'une  main  une  longue  pir|ne 
surmontée  du  bonnet  de  la  liberté,  et  s'ap- 
puyant  de  l'autre  sur  des  faisceaux  consulnires 
(an  vi).  Adroite  est  une  pyramide,  sur  la<iu(>lle, 
sous  le  titre  de  f'icloins  de  l'armée  d  Italie , 
sont  gravées  trente-neuf  balaiiles  ou  combats  , 
avec  leurs  dates.  Le  génie  de  l'histoire  écrit  sur 
des  tablettes:  Traité  de  paix  de  Campo-Faimio  , 
le  ïi\  frimaire,  an  ti.  Sur  une  carte,  qui  serl  de 
(!inmp,  on  lit  les  noms  des  villes  de  Viiiuie, 
Turin  Manloue,  Gènes,  Venise,  Rmuc  ,  etc.  Ou 
trcjve  encore  d'autres  cmblèiues  non  mi,ins  adu- 
li:evrs  sur  fcttc  iinme;;sc  vigr.ctle. 


BER 

naitrieu,  mais  faisait  vite,  et  faisait 
bieu  ce  que  la  tête  inventait  et  or- 
donnait. EneiTct,  il  paraît  que  ce 
que  Bonaparte  aliuait  surtout  dans 
Berthier  ,  ce  n'était  pas  sa  ponctua- 
lité ,  son  activité  ;  c'était  la  force  de 
sa  constitution,  qui  lui  permettait  de 
passer  jusqu'à  huit  nuits  de  suite  , 
enfin  c'était  son  habitude  de  ne  jamais 
donner  de  conseils,  de  ne  jamais  ou- 
vrir (i'avis  sans  en  être  prié.  Au  reste, 
il  excellciit  dans  l'art  de  rendre  compte 
en  termes  simples  et  lucides  des  évo- 
lutions les  plus  compliquées  d'une  ar- 
mée ^  et  sur  un  champ  de  bataille,  son 
coup-d  œil  était  assez  juste  ,  son 
expérience  assez  grande  pour  voir 
a  l'instant  même  où  il  importait  de 
donner  des  ordres.  INapoléon  l'appré- 
ciait très-bien  sous  ce  rapport,  et 
l'on  raconte  qu'à  Waterloo,  ayant  de- 
mandé au  maréchal  Soult,  devenu  chef 
d'état-major  général,  s'il  avait  fait 
parvenir  ses  ordres  au  général  Grou- 
chj,  elle  maréchal  lui  ayant  répondu 
que  deux  officiers  étaient  partis,  Bo- 
naparte s^écria  avec  humeur  :  a  Ber- 
ce tliier  en  aurait  envoyé  dix!  »  Sa  mé- 
moire était  sans  égale  pour  tout  ce 
qui  regardait  les  mouvements  des 
corps, leur  force,  leurs  cantonnements, 
leurs  chefs.  Sur  tous  ces  points,  ses 
rapports ,  en  parlant  ou  en  écrivant 
étaient  exacts  ;  mais  il  savait  moins 
bien  glisser  les  inexactitudes,  les  hy- 
perboles, les  fausses  insinuations 
destinées  aux  populations  ,  ou  même 
à  larmée.  Bonaparte  lui  apprit  les 
éléments  de  cet  art,  mais  ii  y  resta 
son  maître  ,  et  les  bulletins  ,  les 
ordres  du  jour  furent  aussi  souvent 
dictés  qu'Inspirés  par  le  général  en 
chef.  Berthler,  dans  la  campagne 
d'Italie,  remplit  les  devoirs^ d'un  bon 
général  divisionnaire  en  même  temps 
que  ceux  de  chef  d'élal-major  j  et 
Bonapavie  a  r'.dit  plus  d'ui-e  ilis  de- 


BER 


lo5 


puis  que  jamais  sa  présence  sur  le 
champ  de  bataille  n'empêchait  le  tra- 
vail des  bureaux  de  s'exécuter  avec 
la  même  régularité.  Lorsque  Lahaipe 
fut  tiré  a  Udogno,  dans  une  surprise 
nocturne,  Berthier  accourut  :  sa  ré- 
solution ,  son  exemple,  rallièrent  les 
troupes  qui  allaient  se  disperser.  Il 
les  fit  tenir  jusqu'au  jour,  et  alors  les 
Autrichiens  ,  qui  s'étaient  étendus 
sur  leurs  ailes  pour  envelopper  les 
Français,  reconnurent  qu'au  contraire 
ils  allaient  être  attaqués  par  une 
force  supérieure  Ils  se  retirèrent  , 
et  Berthier  les  poursuivit  vigou- 
reusement. Il  eut  une  grande  part 
au  passage  de  l'Adda .  a  Lodi.  Pour 
énumérer  tous  ses  exploits  et  tous  ses 
services  ,  il  faudrait  uommer  toutes 
les  affaires  importantes  qui  eurent 
lieu  pendant  la  campagne  de  dix- 
sept  mois  faite  par  Bonaparte. 
Sa  conduite  a  l'alfjire  d'Arcole  lui 
mérita  les  éloges  du  général  en  chef 
dans  le  rapport  au  gouvernement. 
Ce  fut.  lui  qui  annonça  au  directoire 
les  victoires  de  Lunado  et  de  Casti- 
glione,  ctcefuta'issi  lui  qui,  ala  fin 
d'oct.  1797  ,  vint  avec  Mongc  re- 
mettre aux  directeurs  ,  en  audience 
publi(|ue ,  le  traité  de  Campo-For- 
mio.  On  croit  que  ce  voyage  a  Pa- 
ris couvrait  de  la  part  de  Bonaparte 
des  projets  encore  loin  d'être  miirs. 
Il  est  sur  que  dès-lors  le  général 
eu  chef  cherchait  ,  par  l'éclat  de 
ses  victoires  ,  par  la  perspective  de 
sa  puissante  protection  ,  a  se  créer 
un  parti,  a  acquérir  de  l'influence 5 
et  déjà  beaucoup  de  journalistes 
et  de  députés  avaient  commencé  a 
nouer  des  relations  avec  lui.  Berthier 
leur  transmit  le  mot  d'ordre,  dont 
le  résultat  devait  être  une  prochaine 
apparition  du  chef;  el  il  retourna  en 
Italie,  où  il  eut  le  commandement 
de  l'armée, lorsqnç  Bonaparte  se  reii- 


loS 


BER 


dit  a  Rasladt,  Mais ,  habitué  qu'il 
était  a  ne  prendie  jamais  [urli  de 
lui-même  et  à  taire  exécuter  les  or- 
d»cs  d'ua  autre,  il  ue  tarda  |/as  à 
trouver  sa  position  emliarrassante  et 
a  regretter  s  s  paisibles  et  irrespon- 
sables fonctions  de  l'état-major.  Il 
s'était  passablement  tiré  de  la  prési- 
dence du  congrès  de  Bassano  ,  où  il 
ne  s'agissait  en  apparence  que  de 
choisir  une  capitale  pour  les  étals 
vénitiens  de  Terre-Ferme  ;  mais  lors- 
qu'il se  vit  a  la  tète  d'une  armée  des- 
tinée a  s'emparer  de  Rome,  lorsqu'il 
connut  toutes  les  iulrigues  qui  pré- 
paraient cet  événement  ,  il  sentit 
mieux  que  jamais  Ifs  inconvénients  du 
pouvoir^  et  ce  fut  alors  (i*^""  janvi(;r 
1798)  qu'il  écrivit  k  Bonaparte  : 
«  Je  suis  très- fatigué  et  très-peiné, 
«général,  du  commandement  que 
«  vous  m'avez  fait  donner.  Voila 
«  vingt  jours  que  je  suis  parti  de 
«  Paris  et  quatorze  que  je  suis  en 
K  Ililie  sans  avoir  reçu  un  seul  mot 
«  du  gouvernement  ni -de  vous  sur  la 
K  conduite  que  jai  a  tenir...  Je  vous 
a  le  demande  en  grâce,  tirez-moi  de 
a  ce  commandement ,  que  je  n';ii  pas 
«  désire',  que  je  n'ai  accepté  que 
«  parce  que  vous  me  l'avez  proposé, 
«  et  dont  je  portais  h  durée  à  un 
«  mois  tout  au  plus.  J'ai  besoin  de 
«  repos   et    encore  plus  de  rentrer 

K  dans  l'état  de  simple  général Je 

a.  VOUS  l'ai  toujours  dit,  le  comman- 
«  dément  de  l'Italie  ne  me  convient 
«  pasj  jt'  veuxsorlirdesrevoliitions... 
a  Je  me  baltr;ii  comme  soldat  tant 
«  que  la  patrie  aura  des  ennemis  k 
K  combattre;  mais  je  ne  veux  pas  me 
ce  mêler  de  la  politique  révolitionnai- 
«  re...  3)  C'est  bitn  la  Thomine  dont 
ClarLe,  envoyé  par  le  directoire. pour 
examiner  ce  qui  se  passait  a  l'armée 
d  Italie,  avait  écrit  :  «  Il  se  mêle  le 
«  moins  possible  de  politique.  »  Ge- 


BER 

pendant,  après  avoir  reçu  les  instruc- 
tions du  directoire,  Berthier  partit 
pour  se  mettre  k  la  tête  du  corps 
d'armt^e  rasseml)lé  dans  le  duché 
d'Urbin  Ce  fut  la  que  le  prinre  Bel- 
monte-Fignalellieut  avec  lui  une  con- 
férence ,  pour  intercéder  en  faveur 
du  S;iint-Siége.  Il  répondit  que  ses 
instniciions  lui  défendaient  toute  né- 
gociation de  ce  genre;  et  lorsqu'il 
fui  arrivé  k  Spolette,  où  unedéputa- 
tion  l'attendait ,  il  refusa  de  l'enten- 
dre. Les  princes  Giustiniani  et  Ga- 
brielli,  qui  se  présentèrent  ensuite 
avec  la  même  intention  ,  ne  furent 
pas  plus  heureux.  Bientôt  l'armée 
française  fut  aux  portes  de  Rome  5 
elle  occupa  toutes  les  hauteurs  qui 
dominent  la  ville  ,  plaça  son  artille- 
rie sur  le  Monte-Mario,  et  prit  [pos- 
session du  château  Saint-Ange  ,  qu'é- 
vacuer, nt  les  troupes  pontificales 
sans  opposer  de  résistance.  Quelques 
moiivemeiitspopuldires  lui  fournirent 
un  prétexte  d'entrer  da:is  la  capitale 
de  l'ancien  monde  :  le  1 5  février 
1798  il  marclia  droit  au  Cap  l oie, 
et ,  a  la  suite  d'un  discours  vél  ément, 
dans  lequel  il  invoqua  les  mânes  de 
Galon,  de  Pompée,  deBrulis,  etc., 
il  proclama  la  république  romaine, 
en  présence  du  pontife  qui  avait  eu 
le  cour  ige  de  rester  dans  son  palais 
{Foy.  Pie  VI,  XXXIV,  5  1  5).  Mais 
celte  proclamation  ne  fut  pas  accueil- 
lie avec  autant  d'empressement  que 
l'on  s'en  était  flatté;  et  les  désor- 
dres, les  concussions  qui  suivirent  de 
près,  n'étaient  guère  propres  k  faire 
revenir  les  Pvoraains  de  leurs  préven- 
tions. Ce  ne  fut  pas  le  géuérjl  en 
chef  sans  doule  qui  ordonna  ces  vexa- 
tions ;  mais  il  n'était  point  en  son  pou- 
voir de  les  empêcher.  Une  nuée  de 
fournisseurs  ,  de  cnurliers  ,  de  juifs  , 
attiiés  en  Italie  pour  faire  valoir  le 
buliu  et  ballre  monnaie  avec  lei  dé- 


BER 

pouilles  des  vaincus  ,  tomba  sur 
Ktiiiu".  Ou  inventoria ,  on  mil  les 
scellés  ,  on  enitva  ,  on  ventlil  parlout. 
Le  Vatican  lut  rétliiit  h  une  nudité 
cojiiplèle.  Dtpuis  la  liaiterie  de  cui- 
sine jusijuaux  chi'fb-d  œuvre  de  Ra- 
pliaul  et  de  Michel- Acge,  tout  de- 
vint la  proie  des  pillards  qui  inon- 
daient l'armée.  Ou  brisail  les  cloi- 
sons ,  les  parquets,  pour  découvrir 
les  portes  secrètes,  les  trésors  cachés 
On  brûlait  les  habits  sacerdotaux 
pour  en  extraire  les  broderies  d'or 
et  d'argent.  El  la  ville  n'en  avait  pds 
moins  été  condamnée  à  une  contribu- 
tion de  quatre  millions  en  espèces  , 
deux  millions  en  vivres  et  trois  mille 
ctevaux!...  Et  les  agents  du  direc- 
toire ,  les  plus  b  tuts  personnages 
de  l'armée  ,  en  s'établis.->aut  dans 
les  plus  riches  maisons  ,  les  met- 
taient encore  a  d'autres  épreuves. 
Enfin  les  cl  oses  en  vinrent  au  point 
que,  le  20  février  ,  pendant  la  célé- 
bration d'une  cérémonie  funèbre  en 
1  honneur  de  Diiphut,  taudis  que  la 
mulliludc  était  rassemblée  sur  le  lieu 
de  la  cérémonie  ,  on  piofita  de  cette 
circonstance  pour  piller  plus  com- 
modément toutes  les  églises  et  tous 
les  palais.  L'arrestation  et  la  dépor- 
tation du  pape  vmrent  mettie  le 
comble  à  tant  d'oppression  Berthier 
lui  li-moigna  d'aburd  autant  d'é- 
gaids  que  'e  permettait  le  rôle  qui 
lui  était  imposé  5  el,  quoique  forcé  de 
répondre  aux  demaïides  de  Sa  Sain- 
teté à  l'effet  d'obtenir  protection  et 
sûreté  «  qu'il  n'était  pas  juge  en- 
tre le  peuple  et  lui,  el  qu'il  se  bor- 
nait a  exécuter  les  orilres  de  son 
gouvernement  ,  »  il  fit  garder  le 
pontife  dans  son  palais  par  cinq  cents 
soldais  ,  autant  pour  le  mettre  a  cou- 
vert de  tout  danger  qu'afin  de  s'as 
surer  de  sa  personne.  Il  avait  même 
été  dit  danj  l'acte  do  souveraineté 


BER 


Î07 


signé  au  nom  du  peuple  romain,  que 
le  P'ipe  ser.iit  Uiainlenu  dans  s:i  di- 
gnité de  chef  de  l'église  :  que,  déchu 
de  sa  souveraineté  temporel'e,  il  sié- 
gerait néanmoins  à  Ri-me  tant  qu'il 
lui  pla  rait  d'y  siéger.  Mais  Berthier 
n'était  probablement  pas  dans  le  se- 
cret de  son  gouvernement  5  et  Mas- 
séna,  qui  était  alors  a  l'armée,  en 
savait  plus  (|ue  lui  sans  doute.  Ce 
fut  par  1  influence  de  celui-ci  que 
les  mesures  vexatoireset  concussion- 
naires devinrent  de  jour  en  jour  plus 
intolérables  ;  et  ,  après  que  le 
Saint  Père  eut  été  conduit  à  Sienne 
par  un  régiment  de  dragons  (février 
1798  ),  \v  pdlagedes  églises  fui  com- 
plet. Mais  ce  que  l'on  n'avait  pas 
prévu,  c'est  que  lesofiicicrsdi  s  curps 
et  les  soldais  qui  n'y  avaient  aucune 
part ,  qui  ,  luiu  de  la  ne  recevaient 
pas  même  leur  .-olde  depuis  plusieurs 
mois  ,  témoignèrent  beaucoup  de 
uiéconleulement.  Rassemblés  en 
grand  nombre  h  Sainte -iVlarle  de  la 
Rotiiiide  (l'ancien  Panihéou),  ils 
prirent  la  résulution  de  constater  et 
de  flétrir  par  un  acte  public  la 
conduite  intàme  de  leurs  chefs  j  et 
pour  C' la  ils  adressèrent  une  dé- 
claratioa  énonciatrice  des  faits  au 
général  en  chef.  Berthier.  qui  con- 
naissait et  l'énormité  des  abus  et 
l'exaltation  des  pétilionnaircs  ,  mais 
qui  ne  savait  queli  remèdes  appli- 
quer au  mal ,  ne  trouva  rien  de  mieiiX 
à  faire  que  de  se  soustraire  a  la  crise; 
et,  ne  pouvant  pins  supporter  le  poids 
du  comin^nulenienl ,  il  eu  chargea 
Masséna ,  que  le  prévoyant  direc- 
toire avait  d'ailleurs  désigné  p0i:r  le 
remplacer.  L'armée  ne  ratifia  point 
un  tel  choix,  et  le  uouviau  géné- 
ral en  chef  ,  après  deux  jours  d'im- 
puissantes colères ,  de  vaines  me- 
naces .  fut  aussi  contraint  d'al  an- 
donner  le  commandement  au  général 


îoS 


BEË. 


Dailema,!:;ne  (  J^oy.  ce  nom  ,  au 
Snpp.).  Pendant  ce  temps  Berlliitr  se 
reu(lait  k  Bdloj^ne  ,  puis  à  î\Iilan  où 
il  retrouva  la  belie  dame  \isconti, 
qu'il  préférait  a  toutes  les  grandeurs, 
k  tous  les  pouvoirs.  Il  reçut  au  reste 
bientôt  du  directoire  uue  lettre  de  sa- 
tisfaction sur  sa  conduite.  Mais  Bo- 
naparte ne  l'approuva  pas  aussi  com- 
plètement :  ce  général  eût  vu  avec 
plus  de  plaisir  sans  doute  l'autorité 
souveraine  exercée  dans  Rome  par 
un  homme  k  ses  ordres  ,  par  un 
homme  qui  lui  faisait  hoifneur  de 
tout  ce  qui  pouvait  lui  arriver  de 
glorieux  et  de  grand  5  qui,  lorsque  des 
députés  lui  avaient  présenté  une  cou- 
ronne, leur  avait  répondu  qu'elle 
appartenait  au  généra!  Bonaparte  , 
dont  les  exploits  étaient  la  première 
cause  de  la  liberté  des  Romains  , 
qu'il  la  lui  enverrait  en  leur  nom... 
Berthier  ne  tarda  pas  k  venir  lui- 
même  se  mettre  aux  pieds  de  son  maî- 
tre; car  c'était  déjà  le  seul  mot  qui 
pût  exprimer  son  abnégation,  sondé- 
vouement  absolu.  Bonaparte  se  pré- 
parait a  sa  grande  expédition  d'E- 
gypte. Il  fallut  bien  promettre  de  l'y 
iuivre.  M;)is,  retenu  par  sa  Clèopatre, 
le  nouvel  Antoine  obtint  de  rester 
quelques  jours  de  plus  a  Paris  ,  et 
lorsqu'il  alla  rejoindre  Bonaparte  k 
Toulon  ,  ce  fut  pour  lui  dire  que  dé- 
cidément l'Egvpte  serait  son  tom- 
beau, qu'il  ne  pouvait  s'y  rendre... 
Le  maître  ne  répondit  que  par  uu 
sourire  de  raillerie  ,  et  il  fallut  par- 
tir.... On  conçoit  toutes  les  peines  , 
tous  les  ennuis  qui  l'acconipagnèrenl 
dans  cette  longue  cxpédjllonj  et,  pour 
comble  de  maux  ,  ses  compagnons 
d'armes  ,  le  général  en  chef  lui-même 
ne  Itii  ép'irguèreut  pas  les  plaisan- 
teries auxquelles  d'ailleurs  il  donnait 
ample  matière.  A  cùlé  de  sa  Icnle  , 
il  eu  avait  élevé  une  seconde,    dont 


BER 

il  faisait  une  espèce  de  ierapl'e  ,  où 
il  venait  sérieusement  bi  ùler  de  l'en- 
cens et  se  prosterner  k  genoux  devant 
le  portrait  de  son  idole.  Si  l'on  en 
croit  Bonaparte ,  qui  plus  tard  fut 
intarissable  en  sarcasmes  sur  les 
faiblesses  de  son  chef  d'état-raajor  , 
plus  d'une  fois  on  profana  le  temple 
en  y  admettant  d'autres  divinités. 
Quoi  qu'il  en  soit  ,  lorsque  l'expé- 
dition de  Syrie  fut  résolue  ,  les  in- 
stances de  Berthier  pour  qu'il  lui  fût 
permis  de  revenir  en  Europe  devin- 
rent si  vives  qu'enfin  le  général  en  chef, 
ne  voulant  pas  le  laisser  périr  de  ros- 
talgie,  lui  rendit  sa  liberté.  Depuis 
quelque  temps  on  équipait  pour  lui 
la  frégate  la  Courageuse,  et  il  de- 
vait quitter  le  Caire  le  29  janvier 
1799.  Au  moment  de  partir  il  sent 
le  besoii  de  revoir  encore  son  chef, 
de  ne  point  le  quitter  mécontent, 
a  Vous  allez  donc  décidément  fai- 
re la  guerre  en  Syrie  ?  35  —  «  \ous 
savez  bien  que  tout  est  prêt  ;  je 
pars  dans  quelques  jours.  33  —  «  Eh 
bien  ,  je  ne  vous  quitte  pas  :  il  m'est 
impossible  de  vous  abandonner  au 
moment  du  péril.  Voici  mon  pa^se- 
port.  33  Bcnaparte  lui  sut  gré  de 
cette  nouvelle  preuve  de  dévouement; 
et  quelques  jours  après  ils  paru- 
rent pour  la  Syrie ,  où  Berthier 
rendit  encore  de  très-grands  services 
par  son  esprit  d'ordre  et  sa  pré- 
voyance (/^o/.  Napoléon,  auSup.). 
Lorsque  Bonaparte  se  décida  k  re- 
venir lui-même  a  Paris,  on  sent  qu'il 
ne  put  faire  autrement  que  d'y  ra- 
mener Berthier  ;  et  il  est  juste  de 
dire  que  ,  par  sa  prudence  et  sou 
calme  inaltérable,  ce  fidèle  servi- 
teur lui  fut  encore  trf's-utiîe ,  sur- 
tout dans  les  mémorables  journées 
de  brumaire.  Dès  que  Napoléon  fut 
maître  du  pouvoir  souverain  ,  le 
chef  d'étal -major  devint  raii'islre. 


BER 

II  «avait  retrouvé  son  idole  ,  et  alors 
quelques  jours  de  bonheur  s'écou- 
lèrent pour  lui,  jusqu'à  ce  que  le  pre- 
ini-^r  consul  ,  ne  croyant  pas  devoir 
d'abord  prendre  le  commandement 
d'une  armée  qu'il  destinait  a  recon- 
quérir rilalie ,  eu  chargeaBerlhier, 
qui  se  rendit  au  mois  de  mars  1800 
à  Dijon  ,  où  se  réunissaient  les  trou- 
pes. Mais  Bonaparte  ne  tarda  pas  k 
venir  en  personne  le  débarrasser  de 
ce  trop  lourd  fardeau  ,  et  lui  rendre 
sa  place  si  regrettée  de  cbef  d'élat- 
raajor.  11  n'eut  donc  a  cetle  courte 
et  brillante  campagne,  que  termina 
si  heureusement  la  victoire  de  jMa- 
rengo  ,  d'aulre  part  que  celle  qu'il 
avait  prise  a  toutes  les  autres.  Il  se- 
rait injuste  de  lui  attribuer  les  fautes 
qui  reudirent  l'issue  de  la  bataille  si 
incertaine  pendant  les  trois  quarts 
de  la  journée  ,  plus  qu'au  premier 
consul  qui  ,  si  contrairement  a  tou- 
tes les  règles,  avait  placé  une  ar- 
mée fort  inférieure  en  nombre  ,  dans 
de  vastes  plaines  ,  en  présence  des 
Autrichiens  ,  trois  fois  plus  forts  en 
artillerie  et  en  cavalerie.  Nous  ne 
faisons  celte  observation  que  parce 
qu'il  s'est  trouvé  des  hommes  qui , 
dans  leur  enthousiasme  pour  Napo- 
léon, ont  rais  souvent  ses  fautes  sur 
le  compte  de  son  lieutenant  ,  et  lui 
ont  fait  honneur  dans  cette  occasion, 
contrairement  a  toutes  les  traditions, 
de  la  persévérance  ,  de  Tinébranla- 
b'e  fermeté  à  laquelle  il  dut  la  vic- 
toire. Toutefois  les  faux  rapports 
reçus  et  transmis  par  le  chef  d'é- 
tat-raajor  sur  la  marche  des  Autri- 
chiens, qu'il  crut  repliés  derrièie  la 
Bormida  ,  dirent  inûucr  sur  les  pre- 
iriers mouvements.  Personnellement, 
Berthier  se  conduisit  avec  courage  , 
et  reçut  plusieurs  balles  dans  ses 
liahils.  On  lit  pourtant  dans  une  re- 
lation de  celte  campagne  ,  imprimée 


BER 


109 


à  Paris  ,  sous  le  gouvernement  im- 
périal, que  dans  le  moment  où  le 
succès  fut  le  plus  désespéré  ,  il 
donna  des  signes  d'effroi,  et  que  le 
consul  lui  dit  d'un  ton  sévère  :  a.  Je 
crois  que  vous  pâlissez!  »  Fondée  ou 
non  ,  cette  allocution  n'autorise  à 
rien  conclure  contre  la  bravoure  de 
Berthier.  Sans  être  effrayé  pour  sa 
personne  ,  il  était  fort  naturel  qu'il 
vît  alors  toute  la  grandeur  du  péril; 
et  que  son  amitié  ,  son  dévouement 
en  fussent  alarmés  pour  le  consul  qui 
lui-même  n'était  pas  plus  rassuré  , 
et  qui  certes  devait  bien  voir  aussi 
clairement  que  son  chef  d'état-major  k 
quel  jeu  de  la  fortune  il  avait  exposé 
toutes  ses  destinées.  Après  la  victoire 
et  la  conclusion  de  l'armistice  ,  le 
commandement  de  l'armée  fut  confié 
k  INJasséna  3  et  Berthier  fut  chargé 
d  organiser  un  gouvernement  provi- 
soire dans  le  Piémont  ,  qui  allait  de- 
venir partie  intégrante  de  la  républi- 
que française.  Celte  tâche  terminée  , 
il  vi>itales  places  de  la  Belgique  ,  et 
passa  en  Espagne  avec  le  titre  d'am- 
bassadeur extraordinaire  .moins  sans 
doute  pour  aplanir  des  difficultés  re- 
latives au  duché  de  Parme  ,  que 
pour  examiner  de  près  l'intérieur  de 
la  famille  royale  ,  et  y  jeter  les  se- 
mences de  ces  dissensions  qui  plus 
tard  devaient  amener  les  événements 
d'Aran juez et  de Bayonue. Bonaparte, 
k  celte  époque,  ne  portait  pa^  encore 
ses  vues  jusqu'à  la  couronne  d'Es- 
pagne pour  un  prince  de  sa  famille. 
Plaisance  et  Parme  en  Europe  ,  la 
Louisiane  en  Amérique  furent  aban- 
données k  la  république  franchise 
qui ,  en  dédommagement ,  con.  éda 
l'Etrurie  aux  infants  d'Espagne.  Re- 
venu en  France  après  ces  courses 
militaires  et  diplomatiques  ,  Berthier 
reprit  le  portefeuille  de  la  guerre  , 
confié  k  Carnot  pendant  soa  absence. 


tio 


BER 


BER 


Plus  souple  que  celni-rl  dans  ce  poste 
si  iinportant  pour  les  projets  de  Bo- 
nnpai  te  ,  il  affcclail  a  l'égard  de  ceux 
qui  l'approchaient  autant  de  morgue 
et  de  raideur  qu'il  montrait  d'abné- 
galion  et  de  zèle  en  la  piésf^nce  du 
consul.  Bonaparte  expliquait  relte 
anomalie  apparente  ,  en  disant  : 
«  Rien  de  si  impérieux  que  la  fai- 
te blesse  appuvée  sur  la  'orce  :  voyez 
«  les  femmes!  jj  Le  sénalus-coiisulle 
qui  conféra  au  premier  consul  le  titre 
d  empereur  des  Français  (i8  mai 
i8oii)  fut  pour  Bertliier  une  nou- 
velle source  de  faveurs.  Tout  en  con 
ser\a  il  le  déjiartemi^nt  de  la  {^m  rre, 
il  fui  créé  maréchal,  grand- officiel  de 
Ti-mpire  5  et  en  peu  de  temp,->  .  il  cu- 
mula les  titres  de  grand-veneur  ,  de 
chef  de  la  première  cohorte  de  la  Lé- 
gioii-d'Hoiiijeur  ,  de  colonel  général 
de.>  Suisses,  de  président  a  vie  du  col- 
lège électoral  de  Seine-  el-Oise  ,  etc. 
Li/rsdc  l'arrivée  de  Pie  V  lien  l'rancc, 
il  alla  au  palais  de  Fontainebleau  ren- 
dre ses  hommages  au  pontife,  qui  lui 
témoigna  par  son  accueil  combien  il 
avait  apprécié  la  modération  de  sa 
conduite  a  Rome,  en  1798.  Le  chan- 
gement survenu  dans  la  fortune  de 
]Napoléon  n'eu  apporta  aucun  dans 
le  genre  de  ses  relatons  avec  Ber- 
thier.  Admis  a  tous  les  secrets  de 
Pempereur  ,  le  ministre  de  la  guerre 
fut  peut-être  le  seul  dignitaire  de 
l'empire  qui  ne  se  vil  pas  exposé  a  la 
violence  de  ses  eniporlemenls.  L'an- 
née i8o5  fut  signalée  pour  lui  par 
la  réception  de  quelques  ordres 
étrangers  :  l'Aigle  noir  de  Prusse  , 
l'ordre  de  Saint-Hubert  d^'  Bavière 
furent,  après  la  croix  de  la  Légion- 
d  Honneur,  les  premières  déco'-ations 
qu'il    poita(2J.    Il  f.il  ensuite  du 


(2)  Ses  hautes  ronclions  ,  ses  nnmbrruses  rel.T 
tioiis  avfc  1rs  cliploiiLiies  et  les  giMntls  person- 
nages élraiigers  ,  lai  valurent  les  décorations  de 


voyage  de  l'cmprreur  à  Milan  ,  et  il 
assista  au  couronnement  deNnpuléou, 
cou  me  roi  d'Italie  ,  en  janvier  i8o5. 
Peu  de  temps  après,  1  Autriche  ayant 
recommencé  la  guerre  ,  le  maréchal 
Berthier  quitta  encore  momentané- 
ment le  porte  feuille  de  ministre  pour 
suivre  Napoléon.  Ses  talents  et  son 
activité  contribuèrent  puissamment 
aux  prodigieux  succès  de  celte  cam- 
pagne mémoralde.  C'est  lui  qui  ,  le 
19  octobre,  signa  avec  Ma- k  la  ca- 
pitulation d'Ulm.  Napoléon  reconnut 
amplement  ses  sei  vices  en  lui  confé- 
rant, le  3i  mars  1806,  la  princi- 
pauté de  Neufchàlel  avec  le  comté 
de  Valengin  ,  qui  venaient  d'être  cé- 
dés par  la  Prusse,  et  dont  le  revenu 
s'élevait  à  près  d'un  demi-million. 
Il  prit  dès-  ors  le  titre  d'altesse  sé- 
réuissime,  printeet  duc  de  NenfJià- 
tel  ,  et  ne  signa  plus  ,  h  l'exi  m- 
p'e  des  siiuveiains  ,  que  son  prénom 
Alexandre.  L'année  suivante  com- 
mença la  guerre  de  Prusse.  Ber- 
thier ,  toujours  nécessaire  a  l'empe- 
reur ,  l'accompagna  encore  sur  le 
champ  de  bataille  d'Iéna.  A  Fried- 
land,  tout  le  monde  rendit  justice 
à  son  saug-fruid  et  a  1  l'abiL  lé  de  ses 
dispositions.  Napoléon  mit  ;dors  le 
comble  aux  faveurs  qu'il  se  plaisait  à 
verser  sur  son  ancien  compagnon  d'ar- 
mes, en  l'alliant  a  une  maison  nivale, 
et  il  demanda  po  -r  lui  la  main  de  la 
princesse  Marie-Elisabeth, (iHe  du  duc 
Guillaume  de  Bavière-Bikenfeld. 
Mais  Berthier  ,  toujours  plein  de  sa 
preitiière  passion  ,  élail  loin  d'avoir 

presque  tous  les  ordiesde  l'Europe. Hn  807  il  fut 
irraiid'cioix  del'oidre  mili'airede  llavière;  à  Til- 
sit,  Al'Xaiidre  lui  conféra  le  grand  ordre  de  fiaiul- 
Audie  de  Russie.  Il  élait  de  pins  chevalier  de  l'or- 
dre royal  de  l'Ai^le-dOr  de  Wurleinh-ri;  ,  de 
l'urdre  de  la  Couronne  rie  Saxe,  gr.ind'cruix  de 
l'ordre  de  Sainl-iienri  de  Saxe  ,  de  la  Fidélité 
de  Bad  • ,  grandcmnmnndeur  de  l'ordre  royal  de 
\V(St|)lialie,  commandeur  graiid'<roix  de-,  ordres 
du  grand  duc  de  Utsse  ,  de  Saint-Joseph  de 
Wurtzbourg,  de  Saint-Etienne  de' Hongrie,  «le. 


BER 


BER 


III 


sollicité  celle  faveur;  il  eut  même 
beaucoup  de  peine  à  s'y  lésigncrj 
et  il  ne  fal'ut  pas  moins  que  la  per- 
mission et  les  conseils  de ''objet  même 
de  son  adoration  pour  l'y  décider  (3). 
Tels  sont  les  auspices  sous  les 
quels  s'occoraplil  un  mariage  dont  les 
suites  furent  pour  Bertiiier  de  nom- 
breux chagrins  domesti([ues  et  des 
scènes  aussi  comiques  peut-être  mais 
non  aussi  touchaiiles  (|ue  peuvent 
le  sembler  celles  dont  il  rendit  lé- 
moins  'es  sables  de  la  Syrie. Au  reste, 
M'"^  Yisconti  elle-même  vint  mettre 
souvent  la  paix  dans  le  ménage.  De- 
venue l'amie  intime  de  la  princesse 
de  Neufcliàlel  ,  lorsque  les  humeurs 
noires  du  mari  dégénéraient  en  per- 
sécutions,  elle  y  mettait  fin  comme 

(3)  Depuis  Ions-temps  Napoléon  lui  adres- 
sait des  leproches  sur  sou  eilibat  :  «  Je  n'en- 
tends pas  que  vos  biens  passent  à  des  collaté- 
raux ,  disait-il  souvent,  je  veux  vous  marier.» 
Berthiei-  presse  enire  deux  pouvoirs  également 
impérieux  ,  .itlermoyait ,  refusait.  Impossible  de 
songer  n  s'unir  à  une  femme  dont  le  mari  vi- 
vait.  Eiiliii  elle  redevint  libre;  on  assure  qu'il 
fut  un  instant  qur.stion  di-  mari.ge  entre  elle 
et  ^on  éternel  adorateur  L'empereur  y  consen- 
tait, Berlliier  le  voulait,  m..is  la  Milanaise  re- 
fusa ,  ne  voulant  pas  ,  disait-elle  ,  se  mésallier 
Un  accès  de  jalousie  fit  cesser  tons  ces  obsta- 
cles Berthier  eut  la  preuve  inconleslable  qu'il 
avait  au  moins  iin  rival  préféré.  A  loi  s  il  se 
rend  auprès  de  l'empereur  et,  dans  son  di|)it  , 
il  lui  dit  qu'il  e^l  prêt  à  recevoir  lu  femme 
qu'il  voudra  bien  lui  don'ner.  «  Ab  I  ah!  c'est  un 
di  pit  rimoureiix,  dit  JNapoléon  ,  je  savais  bien 
que  vous  en  viendriez  la-  Bien!  bien!  je  vous 
ferai  .onnaitre  duns  la  jourme  la  feuimequeje 
vous  destine.  »  Dans  la  journée,  en  elTet,  il  vit 
le  prince  (iuillaume  de  Birkenfeld,  qui  alors 
sollicitait  à  Paris  un  didoramagemeot  pour 
une  province  qui  Ini  avait  été  enb  vée  ;  et 
avec  la  brusquerie  qui  lui  ctaii  ordinaire  :  «  Je 
marie  voire  fille  à  Berthier,  dit-il.»  Le  prince, 
à  c'tte  iianière  si  nouvelle  et  si  expéilitive  de 
conclure  un  pareil  mariage,  se  trouva  mal  daus 
les  apparteiiienls  des  Tuileries  .  En  ii  cme  temps 
Napoléon  détachait  le  préfet  de  police  chez 
madame  Viscoiiti  ,  pour  la  prévenir  que  ,  si  elle 
opposait  le  moindre  obsi.icle  au  niariage  de  Ber- 
thier,il  l'enverrait  à  Cayeiine...  .  La  précaution 
fut  bonne:  car  presque  aussitrii  Bir  hier,  revenu 
de  son  accès  de  jalousie,  était  aile  demander 
pardon  à  son  idole,  promettant  celle  fois  de 
dés'  beir  à  l'i  nipereur  s'il  lui  «tait  permis  de  re- 
pr'  ndre  sa  chaîne.  Jlais  inad.iine  Visconli,  qui 
ne  doutait  pas  que  Bonaparte  n'exéfutàt  ses  me- 
naces,.fut  inexorable  ;  il  fiillul  épouser  la  fille 
du  doc  Guillaume.  Z. 


par  encbauteraent. — Cependant,  a  la 
cour  impériale,  tous  les  yeux  étaient 
éblouis  de  la  faveur  de  Herthier  :  on 
n'élail  pas  loin  de  voir  dans  Ihomme 
qui  à  une  alliance  si  hante  rénnissait 
la  possession  de  la  principaulé  de 
Neufcbâiel  le  futur  successeur  du 
prince  qui  l'avait  cédée  h  l'empire 
français  pour  êtreTapanai^e  d'un  de  ses 
lii'ulenants.  Toutes  cbimérinues  que 
pouvaient  être  des  vues  de  ce  genre, 
vues  très-communes  du  reste  à  une 
époque  où  les  ambitions  étaient,  a 
l'i-semple  de  celle  du  maîlre,  si  déme- 
surément exaltées,  et  où  l'on  voynitle 
monarque  de  la  veille  dire  bautemeut 
que  sa  dynastie  devait  ou  cesser  d'êlre 
ou  devenir  la  plus  ancienne  de  l'Eu- 
rope ,  il  est  probable  qu'elles  con- 
tril)uèrent  a  décider  Berthier.  En 
attendant  la  réalisation  d'espérances 
plus  ou  moi  is  iliusores  ,  le  nouvel 
époux,  avant  de  recevoir  la  main  de 
la  princesse  bavaroise  (9  mars  1808), 
obtenait  (4.  oct.  1807)  le  titre  de 
vice-connélable,  et  il  prêtait  serment 
en  cette  qualité.  Ces  litres,  on  le 
sait  ,  n'élaienl  pas  de  vains  et  stéri- 
les honneurs;  tous  élaient  accompi- 
gnés  de  lorges  émolumenls,  de  do- 
tations, d'inscripiioiis  de  renies, 
d'énormes  revenus..."  Je  lui  ai  bien 
donné  quaranle  millions,  jj  disait  en 
parlant  de  Berthier  Napoléon  a 
Ste-Hèlène.  Le  calcul  ne  nous  semble 
pas  exagéré.  En  1 809  ,  l'empereur 
donna  au  vice-connélable  'e  titre  de 
général  en  chef  de  la  Grande- Armée, 
voulant  ainsi  le  rele\er  encore  par 
une  nouvelle  marque  de  confiance, 
mais  comptant  sansdoule  ne  pas  le 
laisser  louL^-temps  agir  sans  guide.  Il 
l'v  laissa  cependant  encore  assez  de 
temps  pour  commettre  des  faules  et 
fléchir  sous  le  poids  inusité  de  ce  com- 
mandement temporaire.  Le  4  avril 
il  était  a  Strasbourg  et  s'y  établissait  j 


lia 


BER 


\e  6  il  annouçalt  la  guerre  par  une 
proclamation  5  le  i5il  avait  déjà 
comproiDis  l'armée  par  de  fausses 
manœuvres,  se  portant  sans  plan  suivi 
tantôt  à  Neustadt,  tantôt  à  Augs- 
bourg  ;  ordonnant  a  Oudinot  de  se 
rendre  a  Pi,aslisbonne ,  à  Davousl 
d'envoyer  la  division  St-Hilaire  et 
lacavaleriede  réserve  sur  Landshut  et 
Frejsingen  ,  laissant  ainsi  entre  les 
deux  ailes  de  Tarmée  uu  Vide  qui 
permettait  de  la  couperj  ne  sachant  eu 
nn  mot  s'il  devait  avancer,  reculer 
ou  attendre  Davoust  ipii^  jaloux  de 
la  faveur  de  Berthier,  désobéit  aux 
ordres  qu'il  reçut  de  lui,  et  obtint 
en  désobéissant  plusieurs  avantages. 
Heureusement  l'arrivée  de  INapoléoâ 
vint  mettre  £n  aux  embarras  de 
Bertbier  5  et  le  médiocre  général 
d'armée  redevint  un  excellent  chef 
d'état-major.  Télégraphe  vivant  des 
jiensées  de  Napoléon,  il  fut  surtout 
utile  dans  cette  campagne  où  tout 
dépendait  de  la  célérité  ,  de  la  sû- 
reté avec  laquelle  des  ordres  multi- 
pliés devaient  courir  en  tout  sens 
et  surtout  arriver  h  leur  adresse.  Le 
22  avril,  a  la  bataille  d'Eckmiilil,  il 
fil  de  nouveau  ses  preuves  de  courage, 
en  marcbanl  plusieurs  fois  a  rayant- 
garde  avec  les  troupes  bavaroises. 
Pendant  les  mois  de  mai  et  de  juin, 
il  resta  encore  près  de  l'empereur 
au  château  de  Schœnbriinn,  où  il  pré- 
para sous  ses  ordres  les  mouvements 
qui  devaient  amener  et  qui  rendirent 
décisive  la  bataille  de  Wagram  dont 
le  nom  glorieux  lui  fui  donné  pour 
récompense.  L'année  suivante  il  fut 
envoyé  h  la  cour  de  \ienne  pour  de- 
mander l'archiducbesse  en  mariage. 
Celte  union  ,  ou  le  sait,  était  décidée 
d'avance  et  avait  formé  la  base  se- 
crète du  traité  de  Vienne.  Le  10 
janvier  181 2  ,  Berlbior  fut  nommé 
président  à  vie  du  collège  électoral 


BER 

du  département  du  Pô.  —  Puis  vint 
cette  gigaulescjue  expédition  de  Rus- 
sie, où  deiall  se  briser  la  fortune 
de  Napoléon.  Ecrlbier,  qui  comptait 
seize  ans  de  plus  que  son  maître  , 
et  qui  de  jour  eu  jour  souhaitait 
phis  vivemeut  le  reposjBerl'iier  qui, 
depuis  i8o5  surtout,  ne  pouvait  sup- 
porter l'idée  de  ces  guerres  perpé- 
tuelles, qui  non  seulement  étaient  des 
déplacements  insupportables  ,  mais 
qui  remettaient  toujours  en  question 
l'existence  de  la  monarchie  napoléo- 
nienne et  ses  dignités,  sa  puissance,  sa 
forlun-ej  Bertbier,  qui  ne  pouvait  sur 
un  champ  de  bataille  et  dans  le  tu- 
multe des  camps  aimer  la  morgue 
hautaine  et  l'affectation  de  supériorité 
des  généraux  auxquels  il  uonuait  des 
ordres  et  dont  ilsescntaitconfusément 
l'inférieur  en  mérite  5  Berthier,  di- 
sons-nous, n'était  point  enthousiaste 
de  celte  guerre.  Mais  il  fallut  encore 
obéir  au  maître,  qui  de  plus  en  plus  de- 
venait exigeant  et  impérieux.  Après 
avoir  assisté  au  pompes  de  Dresde  , 
il  fallut  se  diriger  vers  les  déserts 
de  la  Ûîescovie.  Il  est  sûr  qu'arri\é  à 
Smoleusk  ,  Berthier  se  réunit  h  Mu- 
rât pour  supplier  Napoléon  de  s'ar- 
rêter. 3Iais  fiusaliable  conquérant , 
se  croyant  si  près  du  terme,  ne  pouvait 
ainsi  renoncer  a  la  conquête  du  mon- 
de. Il  parut  fort  piqué  des  remontran- 
ces de  deux  hommes  qui  jusqu'alors 
avaient  montré  tant  de  soumis>ion. 
Cependant  il  les  rappela  en-uile  ; 
mais,  cintre  la  co  lume,  ils  lui 
résistèrent  ,  et  il  fallut  de  vérita- 
bles effusions ,  des  caresses  pour 
qu'ils  se  rendissent.  Enfin  ils  cédè- 
rent aux  marques  de  regret  du  po- 
tentat, aimable  lorsqu'il  voulait 
1  être  ,  qui  appelait  Berlhier  sa 
femme,  et  ses  bouderies  des  querelles 
de  ménage.  L'idée  dominante  de  ]Na- 
poléon  n'en  fut  pas  moins  suivie,  et  il 


BER 

continua  désormais  sans  conlradic- 
lion  sa  gigantesque  entreprise  (4). 
On  entra  dans  Moscou  ,  et  bientôt 
Moscou  ne  fut  plus  qu'un  monceau 
de  ruines.  Ber  tLier  resta  constamment 
près  de  l'empereur  dans  ces  journées 
terribles.  Lorsque  les  flammes  me- 
nacèrent le  Kremlin  ,  il  tenta,  mais 
vainement,  de  le  faire  sortir  ;  il  fallut 
que  le  roi  de  Naples  et  Eugène  se 
joignissent  a  lui  pour  tirer  leur  maî- 
tre commun  de  ce  lieu  funeste.  C'est 
ici  que  Berlliier  commença,  même 
comme  cbef  d'état-major,  à  déchoir 
de  la  haute  réputation  qu'il  devait , 
on  ne  peut  le  nier  ,  en  grande  partie 
à  l'empereur.  Habitué  a  transmettre 
des  ordres, il  ne  suppléa  jamais  INapo- 
léon  dans  celte  crise  épouvantable  où, 
seul,  celui-ci  ne  pouvait  suffire  a  tout. 
Il  ne  recommandait  nulle  précaution 
nouvelle;  il  confondait  sans  cesse  la 
pariie  positive  des  ordres  avec  la 
partie  conjecturale.  Il  était  décou- 
ragé, affaissé  j  peut-être  aussi  se  lais- 
sa-! il  parfois  aller  a  quelque  res- 
sentiment personnel.  Ou  lui  reproche 
d'avoir  essayé  de  rendre  Davoust 
odieux  à  l'empereur^  et  contribuéainsi 
k  éloigner  des  postes  les  plus  impor- 
lants  les  hommes  les  plus  habiles. 
Les  délibérations  qui  eurent  lieu  k 
Marienbourg,  relativement  au  choix 
du  chef  auquel  Napoléon  dut  lais- 
ser le  commandement  en  s'éloignant 
de   l'armée  ,   firent  éclater  ces  hai- 


(4)  C'est  dans  celle  longue  marche,  des  con- 
fins de  la  rdogne  à  ÎNIoscou  ,  où  tant  de  com- 
bats sanj^lanls  furent  livrés  ,  que  Napoléon 
ayant  remarqué  que  le  régiment  de  Nenfcbâlcl 
n'était  jamais  placé  en  première  ligne  par  le 
chef  d'état-major  ,  son  souverain,  en  fit  l'obfer- 
calion  à  Bcrthier  ,  d'une  maniève  piquante  :  i<  Je 
ne  vois  jamais  les  serins,  lui  dit-il  (  c'était  la 
couleur  de  l'uniforme  des  troupes  ncufchâtelai- 
ses  )  ;  vous  les  ménagez.  »  Quelques  jours  plus 
tard  ,  le  prince  de  Neufchàtel  mit  son  régiment 
au  posie  le  plus  meurtrier  ;  et,  de  deux  mille 
hommes  .quinze  cents  restèrent  sur  la  place.... 
Après  la  bataille,  Aapoléon  dit  gaimcnt  à  BiT- 
tbier  :  «  Aujourd'hui  j'ai  vu  des  serins....  » 

LTIII. 


BER 


ii5 


nés  secrètes.  Davoust  parla  pour 
le  vice-roi;  et  Berthier  qui  proposa 
Murât  y  mit  tant  de  chaleur ,  que 
Napoléon  en  fut  étonné.  Davoust,  en 
le  réfutant,  ne  se  borna  pomt  k 
des  arguments  calmes  et  modérés  ; 
il  exprima  des  doutes  sur  la  capacité 
et  même  sur  le  courage  du  prince  de 
Wagram  ;  et  ce  qu'il  y  eut  de  plus 
fâcheux  pour  celui-ci,  c'est  que  son 
adversaire  triompha.  11  venait  d'a- 
voir une  altercation  assez  vive  avec 
l'emnereur  lui-même  ,  et  il  était 
encore  navré  et  stupéfait  de  ce  que  , 
prenant  le  chemin  de  la  capitale , 
Napoléon  ne  l'emmenait  pas  avec 
lui.  et  Rien,  avait  dit  celui-ci  en  par- 
ce tant ,  rien,  malgré  mon  absence ,  ne 
K  sera  changé  dansla  forme  et  l'orga- 
«  nisationdeTarraée.  Daru, Bcrthier, 
«  restent  avec  mes  fidèles  soldats. 
K  Ces  dispositions  sont  un  gage  de 
ce  mon  prochain  retour.  »  Daru  con- 
sentit k  demeurer  avec  la  lourde 
charge  de  l'administration  d'une  ar- 
mée désorganisée.  Mais  Bcrthier  , 
qui  depuis  seize  ans  n'avait  pas  quitté 
JNapoléon ,  et  qui  d'ailleurs  était  im- 
patient de  retourner  k  Paris,  mon- 
tra beaucoup  de  résistance.  Il  allé- 
gua ses  services  ,  son  âge,  la  rigueur 
du  chmat ,  l'inutilité  de  sa  présence  k 
l'armée.  Tout  fut  sans  .succès  ;  Napo- 
léon lui  reprocha  ses  bienfaits  ,  et  lui 
dit  qu'il  avait  besoin  k  son  armée  de 
la  réputation  que  lui  Napoléon  lui 
avait  faite.  Il  finit  en  lui  donnant 
vingt-quaire  heures  pour  se  décider, 
et  déclara  qu'en  cas  de  refus,  il  ciit 
k  se  retirer  dan>s  ses  terres,  pour 
ne  jamais  se  représenter  k  Paris  ou 
en  sa  présence.  Le  lendemain  Bcr- 
thier se  soumit  et  balbutia  ses  excuses. 
Il  faut  cependant  avouer  qu'il  était 
bien  dur  pour  un  homme  de  son  âge  et 
de  son  caractère  ,  arrivé  au  foîle  des 
honneurs  et  de  la  richesàc  ,  de  vivre 

8 


îj;, 


BER 


ainsi  dans  une  agilalion  ,  une  anxiélé 
conlinuellos.    Son    affliction    fut    si 
grande  ,  qu'elle  sembla  troubler  ses 
facultés.  On  riait  alors  de  voir  l'iin- 
pnssible  chef  d'étal-major  ,   lidèle  k 
ses  usages,  à  ses  traditions  ,  donner 
k  un   bataillon  ,    quelcjuefois    à   une 
compagnie  d'arrière-garde  ,  les  mê- 
mes ordres  que  si  cette  arrière-garde 
eût    encore    été  composée  de  trente 
raille    hommes;   assigner  des  postes 
à  des  régiments,  a  des  divisions  qui 
n'existaient  plus 5  multiplier  les  esta- 
fettes, les  écritures,   comme  si  une 
armée  sur  le  papier  eût   pu  tourner 
Piatof  ou  battre  Miloradovitch.  Mal- 
.gré  ces  altercations  entre  l'empereur 
cl  son  favori ,    Berthier  se  maintint 
l'année  .-uivante  et  en   i8i4-  dans  la 
faveur  de  Napo'éon.    Les  invectives 
de  Davousl  n'avaient  p.is  jelé  de  pro- 
fondes racines  dans  l'esprit  du  maître; 
rt  quoique,  selon   M.   de  Ségur  ,   a 
la  suite  de  cette  conversation  avec  le 
prince  d'Eckmiihl  ,  il  se  soit  écrié  : 
K  il   m'arrive  quelquefois  de  douter 
«  de  la  fidélité  de  mes  plus  anciens 
«  amis  5  mais  alors  la  lète  me  tourne, 
a  et  je  chasse  le  plus  loin  que  je  peux 
a  ces  funestes   idées  .  2>    il    ne   crut 
point  que  le  prince  de  Wagram  fût 
un  traître;  il  sentit  seulement  avec 
douleur  que  ses  plus   intiraca  amis  , 
ses  plus  vieux   camarades  ,    avaient 
aussi  un  moi  5    qu'ils  voulaient  goû- 
ter  d'un    peu    de    bonheur    et   de 
calme;  eulin  qu'ils  n'étaient  pas  com- 
me lui  de  fer  ou  de  granit.   Berthier 
n'était  pas  le  seul  a  penser  ainsi  ;  et 
certes  il    ne    faut   pas  eu   conclure  , 
comme    on    l'a  dit  fort    légèrement 
et    sans  preuves,    que,   sollicité   en 
secret  par  les  Bourbons  de  les  servir 
et  de  préparer  leur  rétablissement, 
soit  en  leur  communiquant  lest;ccrets 
di:  palais,  soit  en  les  tenant  au  cou- 
rant de  la  politique  du  maître  et  des 


BER 

opérations  de  larmée  ,  il  ait  consenti 
a  jouer  un  rôle  si  vil   et  si  odieux. 
Toutefois  sa    conduite  dans  les  évé- 
nements d'avril  181 4  fut  peu  hono- 
rable, il  faut  le  dire.    L'homme  dé- 
voué se   sacrifie   pour   son    ami  ,   et 
l'adversité  resserre  encore  les  nœuds 
qui  les  ont  enchaînés  l'un  à  l'autre. 
Le  public  l'entendait   bien  ainsi;  rt 
il  pensait  que  iSapoléon  et  Berthier 
étaient  inséparables.  C'est  donc  avec 
une    surprise  mêlée    d'improbation 
qu'on  apprit  que  dès  le  1  1  avril  i  8 1 4, 
c'est-a-dire     avant    l'abdication   de 
l'empereur ,  le  prince  de   Wagram 
adressait  de  Fontainebleau  son  adhé- 
sion   en  ces    termes  :    «  Sénateurs  , 
K  l'armée,  essentiellement  obéissan- 
te te,  n'a  pas  délibère;  elle  a  manl- 
«  fesié  son  adhésion  quand  son  devoir 
«  le  lui  a  permis.  Fidèle  a   ses  ser- 
cc  raeuts  ,  l'armée  sera  fidèle  au  prince 
a  que  la  nation  appelle  au  trône  de 
a  ses  ancêtres.  J'adhère  pour  moi  et 
te  pour  mon  état-major  aux  actes  du 
tt  sénat  et  k  ceux  du   gouvernement 
tt  provisoire.  »     On    trouva    encore 
plus  déplacé  qu'il  allât  k  Compiègne 
k  la  tête    des   maréchaux,    et    qu'il 
tînt  en  leur  nom  k  Louis  XVIII  le 
discours  suivant  :  «Sire,  après  vingt- 
te  cinq  ans  d'incertitudes  et  d'orages, 
tt  le  peuple  français  a  lemis  de  noii- 
u  veau  le  soin  de  son  bonheur  kretle 
a  dvnastie  que  huit  Siècles  de  gloire 
ti  ont    consacrée    dans   l'histoire    du 
tt  monde  comme  la  plus  ancienne  qui 
tt  ait  existé.    Comme     guerriers    et 
tt  comme  citoyens,  les  maréchaux  de 
a  France  ont  été  portés  par  tous  les 
tt  mouvements  de  leur  âme  k  seconder 
tt  cet  élan   de  la  volonté   nationale. 
ii  Condance    absolue   dans   l'avenir, 
tt  admiration  pour  la  grandeur,  dans 
tt  l'infortune,  tout ,  jusqu'aux  anti-> 
u  ques  souvenirs,  concourt  k  exciter 
tt  dans  nos  guerriers,  constants  sou- 


BëR 

«  liens  de  l'éclat  des  armes  francai- 
cc  ses,  ces  Iransporisqiie  V.  M.  a  vus 
ce  éclater  sur  son  passage.  Déjà,  Sire, 
a  les  accenis  de  leur  recouiiaissance 
«  vous  avaient  précéiié.  Comment 
ce  peindre  Fémotion  dont  ils  furent 
ce  pénétrés  en  apprenant  avec  quel 
ce  louclianl  inléièt  V.  M.,  oubliant 
ec  ses  propres  malheurs  ,  ne  semblait 
ce  depuis  long-temps  occupée  que  de 
ce  ceux  des  prisonniers  français  ?  Peu 
ce  importe,  disait-elle  au  magnanime 
ce  Alexandre,  sous  quels  drapeaux 
ce  ces  i5o  mille  prisonniers  oui 
ce  servi  s  ils  sont  malheureux  ;  je 
ce  ne  vois  parmi  eux  cpie  mes  en- 
v-fants.  A  ces  paroles  mémorablts  , 
ce  (|ue  le  soldat  redit  au  soldat,  quel 
ce  Français  pourrait  niécon'  aître  le 
ce  sang  du  grand  Henri  qui  nourrissait 
ce  Paris  assiégé?  Comme  lui,  son  il- 
«  lustre  fils  vient  réunir  tous  les 
ce  Français  en  une  seule  famille.  Vos 
ce  armées,  Sire,  dont  les  maréchaux 
ce  sont  aujourdhui  Torgane  ,  se  trou- 
ée venl  iieureuses  d'être  appelées  par 
ce  leur  dévouement  et  leur  fidélité  r 
ce  seconder  d'aussi  généreux  efforts. jj 
Cependant ,  tout  en  blâmant  la  pré- 
cipitation de  Berthier  dans  celle  oc- 
casion ,  on  doit  considérer  quil  ex- 
primait ici  la  pensée  du  corps  des 
maréchaux  plus  que  la  sienne;  et 
que  de  tout  temps ,  surtout  depuis 
plusieurs  années,  il  avait  assez  laissé 
voir  sou  désir  de  jouir  en  repos  des 
biens  achetés  par  tant  de  périls  et  de 
faligues.  N'eùt-il  pas  été  cruel,  h 
rii'slanl  oii,  pour  la  première  fois  , 
allait  se  réaliser  ce  rêve  de  toute  sa 
\ie,  et  avec  si  peu  d'années  devant 
lui,  de  se  gàler  ce  court  avenir,  de 
se  créer  des  tempêtes,  et  d'attirer 
sur  lui  les  défiances  du  nouveau  gou- 
vernement? Sans  contredit  il  eut  été 
beaucoup  plus  beau  de  se  consacrer  a 
INapoléon ,  de  tout  quitter  pour  le 


BER 


1 15 


suivre  sur  la  terre  d'exil.  C'eût  été 
là  de  rhéroïsme!  Mais  à  l'héroïsme 
nul  n'est  tenu  :  le  sublime  n'est  su- 
blime que  parce  qu'il  est  rare.  Peu 
eu  sont  capables,  et  les  antécédents 
de  Berlhier  ne  devaient  pas  faire 
croire  a  nu  si  grand  dévouement. 
Ce  que  nous  excuserons  moins,  c'est 
la  petitesse  avec  laquelle  il  sollicite 
de  Napoléon  la  permission  d'aller  a 
Paris  pour  terminer  quelques  affai- 
res ,  et  revenir  a  ses  cotés  pour  ne 
le  quitter  jamais.  Cependant  il  avait 
peut-être  réellement  alors  l'intention 
de  revenir  5  mais  la  vue  de  ce  qui  se 
passait  k  Paris  changea  ses  desseins  • 
et  Napoléon  ,  qui  le  connaissait  mieux 
qu'il  ne  se  connaissait  lui-même,  put 
dire  en  le  vovant  s'éloigner  (5)  : 
ce  Vous  voyez  cet  homme  qui  s'en  va; 
ce  je  l'ai  comblé  de  bienlails.  Eh 
ce  bien,  il  court  se  salir  j  et,  quoi 
ce  (pi'll  m'ait  dit,  il  ne  repaïaîtra 
ce  plus  ici.  »  Si!  fallait  s'en  rapporter 
aux  mémoires  du  duc  de  Rovigo  , 
l'histoire  aurait  encoro  k  reprocher 
k  Berlbier  un  trait  d'ingratitude  qui 
serait  un  cnme  odieux  :  ce  Les  iiiaré- 
ec  ciiaux ,  dit-il,  conspirèrent  k  Fon- 
ce lain(  bleau  contre  la  vie  de  l'em- 
cc  pcreur,  qui  n'avait  pas  encore  ab- 
cc  diqué.  33  Et  Bertliier  aurait  été  k  la 
tête  de  ce  complot.  Il  est  difficile 
de  croire  qu'un  crime  aussi  éuergi([ue 
ait  pu  être  conçu  sous  les  auspif  es 
et  en  quelque  sorte  par  l'iu'^pirciliou 
de  Bcrihiei  ;  et  r(  n  avouera  que,  sur 
une  question  aussi  délicate,  l'autorité 
que  nous  citons  est  loi]i  d'élre  suffi- 
sante {Voy.  Savary,  au  Supp.).  Le 
4-  juin  1 8  I  4  le  prince  de  Wagrani 
et  de  Neufchàtel  fut  porté  sur  la 
liste  des  pairs  de  France  j  le  <i  sep- 
tembre il  fut  nommé  commandeur 
de  Tordre  de  Saint-Louis,  il  obtint 

l'')   M'hmrial  fU.  S.iinl^- Hel^ni-, 


ii6 


BER 


aussi  le  titre  de  capitaine  de  l'uuè  des 
deux  compagnies  de  gardes-du-corps 
qui  furent  ajoutées  aux  quatre  pie- 
iiiières.  Louis  XYIII ,  reconnaissant 
du  service  qu'il  avait  rendu  aux  prin- 
cesses françaises  en  1790,  avait  pour 
lui  quelque  amitié  ;  et  Berlliier  y  ré- 
pondait en  se  ralliant  francliement  k 
l'ordre  de  choses  nouveau  et  en  se 
refusant  aux  ouvertures  de  ceux  qui 
de  longue  main  préparaient  le  retour 
de  l'ile  d'Elbe.  Eu  janvier  181 5, 
î^apoléon  lui  écrivit  pour  le  ramener 
k  lui.  Quoiqu'un  homme  de  confiance 
eût  été  chargé  de  la  lettre,  le  secret, 
ma!  gardé,  parvint  k  Louis  XVIIL  II 
attendit  huit  k  dix  jours  que  Berthier 
lui  apprît  lui-même  le  contenu  de  la 
mystérieuse  missive.  Le  voyant  muet, 
il  envova  le  duc  de  Raguse  pour  lui 
témoigner  son  élonnement  et  deman- 
der communication  de  sa  lettre.  Ber- 
thier répondit  qu'il  l'avait  détruite,  vu 
qu'elle  ne  contenait  rien  d'important. 
Après  quelques  explications  ,  qui 
convainquirent  le  duc  de  Raguse 
qu'un  plus  long  entrelieu  serait  sans 
résultat,  il  se  retira,  et  rendit  au 
roi  un  compte  fidèle  de  ce  qui  s'était 
passé.  Louis  X\  III,  depuis  ce  temps, 
témoigna  beaucoup  de  froideur  audis- 
cret  capitaine  des  gardes;  et  sa  situa- 
tion était  une  véritable  disgrâce  au  2  0 
mars  1 8 1 5  •  Le  triomphe  passager  de 
Bonaparte  le  replongea  dans  des  per- 
plexités nouvelles.  Celui-ci  souhaitait 
beaucoup  le  revoir  :  connaissant  son 
caractère,  et  d'ailleurs  l'aimant  en- 
core, avant  du  moins,  comme  il  le 
disait,  l'habitude  de  son  Berthier,  il 
était  loin  de  lui  porter  raucunc. 
a  Pour  toute  pénitence  ,  dit-il ,  je 
a  veux  le  voir  dans  son  habit  de  ca- 
cc  pitaine  des  gardes.  »  Il  n'eut  pas  ce 
plaisir  :  Berthier  suivit  d'abord  le 
roi  k  Gand,  emportant  pour  toute 
fortune  uuécrin  de  i5oo  mille  francs, 


BER 

qui  n'était  pas  celui  de  sa  femme  ; 
puis ,  mal  vu  de  Louis  XVIII  lui- 
même  et  de  sa  cour,  il  se  relira  en 
Allemagne,  et  vécut  a  Bamberg  ,  en 
Bavière,  dans  la  principauté  de  son 
beau-père  ,  oii  la  fierté  germanique 
ne  le  voyait  pas  d'un  bon  œil.  Une 
raélaucolie  sombre  le  minait.  Il  pas- 
sait, dit-on,  des  journées  entières 
seul,  muet,  et  sans  aliments,  ver- 
sant des  larmes  continuelles.  Tout  k 
coup  des  trompettes  retentissent  ; 
c'est  un  régiment  russe  qui  passe  et 
qui  marche  sur  la  frontière  de  France. 
A  rinslaut  même  une  fièvre  céré- 
brale s'empare  du  prince  ;  il  s'élance 
par  une  fenêtre  ,  et  tombe  mort.  Des 
enthousiastes  virent  là  le  doigt  de 
Dieu.  D'autres  ont  voulu  .  et  cela  est 
très-probable  ,  que  la  main  des  hom- 
mes ait  un  peu  aidé  au  miracle.  Mais 
trop  de  narrations  contradictoires, 
et  surtout  trop  de  noms  de  person- 
nages, auxquels  le  biographe  doit  en- 
core des  égards  puisqu'ils  sont  vi- 
vants, ont  circulé  sur  cette  fin  singu- 
lière, pour  qu'il  soit  convenable  d'eu 
parler  avec  plus  de  détails. — Le  prin- 
ce de  W  a  gram  a  laissé  un  fils  et  deux 
filles.  On  a  de  lui  une  Relation  des 
campagnes  du  général  Bonaparte 
en  Egjpte  et  en  Syrie ,  Paris  , 
an  VIII  (1800)  ,  in-8°;  et  une  Rela- 
tion de  la  bataille  de  Marengo  , 
ibid.  ,  1806,  in-4-°.  Comme  on  doit 
le  présumer,  ce  ne  sont  que  des  apo- 
logies sans  exactitude.  Le  général 
Mathieu  Dumas  a  donné ,  dans  son 
Précis  des  événements  militaires , 
une  notice  sur  Berthier,  qui  est  bien 
moins  un  morceau  historique  qu'un 
hommage  rendu  k  l'amitié. 

]M D  j  et  P OTj 

BERTHIER  (  César  ) ,  frère 
du  précédent  ,  né  k  \ersailles  le 
9  novembre  1766  ,  fut  comme  lui, 
dès   sa  jeunesse,    destiné  k   la  car- 


BER 

rière  des  armes.  Nommé  officier 
dans  un  régiment  d'iufaalorie,  lors- 
que la  révoluliou  commença  il  devint 
bientôt  adjudanl-genéral(i). Employé 
eu  cette  qualité  à  l'état-major  de 
Tarmée  d  Italie  ,  dès  que  son  frère 
en  devint  le  chef,  il  n'y  resta  que 
peu  de  temps.  En  janvier  1802  ,  il 
fut  nommé  inspecteur  aux  revues,  ce 
qui  était  une  retraite  peu  honorable 
et  prématurée.  Il  fut  remis  néan- 
moins en  activité  peu  de  temps  après, 
et  nommé  général  de  brigade  et  chef 
d'état-major  de  la  place  de  Pari^.  Ce 
fut  en  cette  ([ualité  qu'il  présenta  les  ' 
troupes  de  la  gai'nisou  au  premier 
consul,  au  commencement  de  1804, 
et  qu'il  lui  prèla  serment ,  a  la  fin  de 
la  même  année.  En  1810  il  adressa 
une  proclamation  aux  habitants  du 
Valais  ,  où  il  commandait  an  corps 
de  troupes  ;  fut  créé  bientôt  après 
général  de  division  ,  comte  de  l'em- 
pire ,  et  remplaça  Menou  dans  le 
gouvernement  du  Piémont;  il  fut 
ensuite  commandant  a  Corfou.  En 
1809  ,  il  fut  nommé  intendant  de  la 
maison  que  l'on  avait  formée  malgré 
lui  au  pape  Pic  YII ,  retenu  prison- 
nier a  Savone.  Comme  le  pontife 
refusa  toute  espèce  de  traitement ,  et 
que  l'on  voulait  cependant  avoir  au 

(i)  Des  bureaux  topographiques  ayant  été 
établis,  en  179^  ,  aux  armées,  afin  de  recueillir 
des  matériaux  pour  l'histoire  de  la  guerre,  lever 
Jes  plans  des  siè|^es  et  dessiner  iesholailles,  Céèar 
Berlhier  fut  nomme  chef  du  bureau  des  armées 
du  Nord  et  Je  Samhrccl  Meuse,  par  le  crédit  du 
gérerai  Clarkc,  qui  dirigeait  le  bureau  central  à 
Paris.  11  vint  avec  sa  famille  s'établir  à  Bruxelles, 
el  y  installa  son  bureau  ,  composé  de  deux 
adjoinis  ,  dont  l'un  était  son  beau-frère,  l'autre 
le  jeune  Duereux,  peintre  et  fils  de  peintre  ,  de 
deux  géographes  et  du  quatre  rédacteurs.  Du 
reste,  ne  s'occupant  en  aucune  manière  d'un 
travail  dont  il  était  absolument  incapable  ,  ne 
mettant  jamais  le  ])ied  au  bureau,  ne  payant 
ancun  de  ses  employés,  qui  n'avaient  que  le  lo- 
gement et  les  rations  militaires  ,  mais  aussi 
n'exigeant  rien  d'eux  ,  et  passant  tout  son  temps 
à  monter  à  cheval,  à  acheter,  à  vendre  des  che- 
yaux,  h  faire  des  dettes  ,  et  à  recourir  à  toute 
sorte  d'expédients  pour  satisfaire  sa  manie,  çt 
subvenir  à  ses  prodigalités.  A — T. 


BER 


117 


raoinsl'airdeluien  faire  un,  on  char- 
gea César  Berthier  de  recevoir  pour 
lui  cent  mille  francs  par  mois,  et  l'on 
était  ainsi  bien  assuré  ,  a  dit  Bou- 
rienne,  que  la  somme  serait  dépen- 
sée par  cet  homme  prodigue .  Lors- 
que Pic  \II    fut  amené  a  Fontaine- 
bleau ,   César  Berthier  alla  rejoin- 
dre son  frère  a  la  grande  armée ,  et 
lui  rendit  quelques  services.  Il  pa- 
raît cependant  que  sur  le  champ  de 
bataille  sabi-avoure  se  démentit  quel- 
quefois; car,  si  l'on  en  croit  l'auteur 
de  la  Notice  qui  précède  l'édition  des 
Mémoires   de  Courier,     cet    (  ÎE- 
cier  ayant  cru  voir  que  dans  une  af- 
faire César  Berthier  n'avait  pas  mon- 
tré nue  bravoure  tout-k-fait  romaine, 
effaça  le  lendemain  sur  un    fourgon 
qu'il  vit  passer  le  nom  de  César,  et 
dit  au  conducteur  ;  ce  Ya  dire  à  ton 
K  maître  qu'il  peut  continuer  a  s'ap- 
cc  peler  Berthier  ;  mais  pour  César  je 
K  le  lui  défends  (2). îîSuivant  toujours 
l'exemple    de  sou   frère  Alexandre  , 
César  Berlhier  se  soumit  pleinement 
aux  Bourbons  en    i8i4  ,  ^t  fut  créé 
chevalier  de  St-Louis  le  24  octobre 
même  année.  Cependant  il  ne  fut  pas 
employé  sous  le  gouvernement  royal, 
et  mourut  a  Grosbois ,  chez  sa  belle- 
sœur,  la  princesse  de  Neufchàlel,  le 
18  août  1819,  p:ir  suite  d'une  atta- 
que d'apoplexie  qui  le  fît  tomber  dans 
l'eau  après  dîner,  au  moment  où  il 
montait  sur  un  bateau  pour  s'y  pro- 
mener avec  une  nombreuse  compa- 
gnie. M — DJ- 

BERTIIOLB  ,  célèbre  prédi- 
cateur du  XIIP  siècle  ,  eut  sur  cette 
époque  la  même  influence  que  saiut 

[■>.)  La  manie  qu'avait  eue  le  père  des  Ber- 
thier de  donner  à  tous  ses  enfants  des  noms 
tellement  illustres  (Alexandre,  Léopold,  César), 
qu'il  était  impossible,  quels  que  fussent  leur  va- 
leur et  leurs  succès  ,  qu'ils  en  portassent  digne- 
ment le  poids  ,  leur  attira  par  la  suite  un  grand 
nombre  d'épigrammes  qu'ils  ne  mérilaienl  pas 
plus  que  lewrs  grand?  noms. 


iH 


RKR 


Bernard  avait  exercée  sur  le  siècle 
précédent.  L'Impression  qu'il  faisait 
sur  son  auditoire  était  extraordinaire. 
Toutes  les  clironiques  du  temps 
parlent  du  frère  Bertliold  et  de 
ses  discours.  Les  Annales  de  Her- 
raann  d'Allach  disent  qu'en  l'anuée 
i25o  ,  te  Berlliold  ,  frère  mineur  , 
delà  maison  de  Ratisbonne,  célèJTe 
prédicateur  ,  a  souvent  rassemblé 
autour  de  lui  jusqu'à  sniianle  mille 
auditeurs,  n  Les  Annales  de  Henri 
Sleron ,  publiées  par  Canisius  , 
tome  IV  ;  les  Annales  des  Domini- 
cains ,  a  l'année  i255  ;  Rader,  Ba- 
Varia  saiicta  ,  tome  I  ,  rapportent 
des  choses  incroyables  sur  l'alflut  nce 
des  auditeurs  qui  accouraient  de  loin 
pour  l'en  tendre,  ^^'adding  ,  Anna- 
es  I\linoruin,  Rome,  1732  ,  t.  IV, 
dit  :  cf  C  est  l'an  du  Seigneur  i  25o , 
«  que  le  frère  Bertliold,  originaire 
«  de  Ratisbonne,  de  l'oi  dre  des  Frè- 
te res  Mineurs  ,  commença  à  prêcher. 
«  On  assure  que  l'on  a  vu  souvent 
«  jusqu'à  cent  mille  fidèles  rassem- 
"  blés  pour  l'entendre.  ?>  Il  mourut 
ea  1272  ,  et  fut  enterré  a  Ratis- 
bonne, dans  la  maison  de  son  ordre. 
—  L'annaliste  de  Léoben  .  publié 
par  le  P.  Pe7.[  Script.  Austr.,  I), 
dit,  à  l'an  1262  :  te  Le  frère  Ber- 
tbold  parco'.rut  ,  en  prêchant,  l'Au- 
triche et  la  Moravie  ;  assiégé  par  la 
foule  des  auditeurs  ,  il  prononçait 
ses  discours  dans  les  champs  et  dans 
les  forêts.  »  Il  parcourut  aussi 
la  Thuringc  et  la  Bohême,  comme 
nous  l'apprennent  les  annalistes  de 
ces  contrées.  Rader  dit  :  «■  J'ai 
ic  vu  près  de  Glatz  (en  Silésie)  le  til- 
«  leul  sur  lequel  on  érigeait  une 
fe  chaire  ,  et  d'où  Berlhold  prê- 
«t  chait  5  l'arbre  porte  encore  au- 
«  juurd'hui  le  nom  de  ce  grand  ora- 
<t  teur.  Cet  autre  Elie  fit  des  con  • 
«  version-s  .«urprenantes  j  il  rciroena 


BËH 

tt  h  la  religion  chrétienne  un  grand 
te  nombre  de  Hongrois  ,  qui  s'é- 
tt  taient  laissé  séduire  par  les  Cu- 
tf  mans.  »  D'après  les  téraoignaj^es 
unanimes  de  cette  époque  ,  l'Alle- 
magne n'a  point  eu  avant  Berthold , 
et  elle  n'a  pas  eu  après  lui  ,  un  ora- 
teur qui  ait  possédé  a  un  si  haut  de- 
gré l'art  de  dominer  le  peuple  et 
de  l'attirer  à  lui.  Il  paraît  que  c'est 
a  Paris  que  l'on  a  commencé  à  pu- 
blier au  moins  une  partie  de  ses 
sermons.  Ta.nzer{Aniial.  tjp.,  tome 
Vni,  n°  2769)  cite  l'ouvrage  sui- 
vant :  Fratris  Bertholdi  Teutonis 
Horologium  clevolioni.s  circa  vi- 
tatn  Christi ;  Paris,  par  Jean  Gour- 
mont  ,  sans  date.  Ln  savant  alle- 
mand (Ch.-Fried.  Kling)  a  publié  : 
Berthold  ,  des  Frajiziskajwrs 
deutsche  Predis;teii,  ausderz\vey- 
ien  Halfte  des  xs^'^^^  Jahrhiindert 
(  Sermons  allemands  du  Franciscain 
Berlhold  ,  de  la  deuxième  moitié 
du  KIU"=  siècle),  Berlin,  1824. 
ISéaudre  a  fait  la  préface.  Ces  deux 
savants  ont  rassemblé  une  infinité  de 
témoignages  et  de  faits  sur  ce  célèbre 
prédicateur  ,  sur  sa  vie  ,  sur  Tuliome 
dont  il  s'est  servi,  sur  les  manuscrits 
où  l'on  trouve  ses  sermons  ,  etc. 
\ov.  aussi  les  Annales  de  la  lit- 
téi-ature ,  Vienne,  vol.  62,  page 
i9<i.  tt  La  popularité  du  frère  Ber- 
tliold ,  dit  Grimm,  dans  ce  journal , 
n'a  rien  qui  doive  nous  surprendre. 
Son  éloquence  est  la  véritable  ;  elle 
est  simple  ,  elle  part  du  fond  du 
cœur,  jamais  les  pensées  et  les  mots 
ne  lui  refusent  leur  secours.  Ses  ima- 
ges sont  tirées  de  la  vie  sociale  ,  telle 
qu'elle  était  alors;  il  sait  les  placer 
a  propos  ef  toujours  avec  une  grande 
modération.  Il  insiste  ronslaiiimt-nt 
sur  la  nécessité  de  purifier  son  cœur, 
de  le  diriger  vers  une  piété  solide  , 
et  non  vers  des  pratiques  extérieures. 


8£R 

11  s'é'ève  avec  force  conire  rinjusiicc; 
aucuu  acte  de  rergion  lu-  [profite  a 
celui  qui  retient  le  bien  d'aulrui.  jj 
«  A  quoi  vous  sert  ,  s'écriail-t-i! , 
«  d'aller  au  delà  des  mers  ,  si  vous 
«  possédez  injuslemeut  ?  — Le  pape, 
«  me  direz-vous  .  ma  donué  la  croix 
a  de  sa  main  et  je  vais  eu  Paiesliue  , 
a  pour  des  âmes  dont  le  salut  m'est 
a  couKé.  — Allez  doue  avec  celle 
«croix;  mais  eussiez  -  vous  celles 
K  sur  lesquelles  S.  Pierre  et  S.  An- 
«  dré  sont  morts  ;  eussiez-vous  écrasé 
«  tous  les  infidèles,  et  reconquis  la 
a  Terre-Sainle  ;  eussiez-vous  eu, 
a  après  voire  mort ,  le  bonheur  d'élre 
«  placé  dans  le  tombeau  de  Jesus- 
«  Christ,  ayan  1*1  ouïes  vos  croix  et 
a  celle  de  votre  rédempteur  même 
a  sur  la  poitrme  5  eussiez-vous  Jésus- 
ce  Clirist  a  voire  tète,  la  saiule  Vierge 
«  a  vos  pieds  ,  tous  les  augns  k 
«  voire  droite  et  tous  les  saiuls  a 
a  la  gaucbe  5  cela  empècherait-il  le 
"a  démon  de  venir,  au  moment  de 
«  voire  trépas  ,  vous  arracher  l'àme 
ce  du  corps  et  la  traîner  avec  lui  au 
a  fond  des  enfers  ,  pour  !a  punir  des 
o.  injustices  que  vous  avezcommises.'» 
—  L'idiome  dans  lequel  Berlliold 
exprimait  ses  pensées,  lorles,  bardies 
est  celui  des  Minnesinger  ,  anliquc 
dialecte  qui  est  a  la  langue  allemande 
d'aujourd'hui  ce  que  les  chanls  de 
nos  troubadours  sont  a  la  langue 
française  du  XIX*^  siècle.  Le  iiianu- 
scril  dont  Kliug  s'est  servi  appar- 
tient à  cette  bibliolhèque  palaline 
qui,  après  avoir  elc  transportée  a 
Rome  ,  est  revenue  "a  Heidelberg. 
La  princesse  Elisabeth  le  fit  tran- 
scrire eu  1070  ;  la  beauté  du  par- 
chemin et  la  ricbesse  des  caractAres 
atleslent  le  soiu  que  Ton  a  donné  h 
celle  copie.  Kliug,  ne  sachant  com- 
ment  sou  travail  serait  reçu  ,  n'a  pu- 
blié qu'uu  liers  des  scrmoas   conle- 


BER 


119 


nus  dans  le  manuscrit.  Ou  espère  que 
celle  publication  sera  continuée  , 
d'autant  plus  que  la  bibliotlièque  de 
HeidelLejg  possède  encore  un  autre 
jnanuscrit  de  Berlhuld.  Fabricius, 
dans  sa  Bibl.  lut-  mecl.  œtat. ,  et 
d'autres  bibliographes  ,  parlent  de 
Sennoiias  de  tcmpore  et  de  sanclis, 
et  de  Sermones  rusticani  de  Ber- 
ihold  ,  que  l'on  trouve  dans  quelques 
bibliothèques  d'Allem.igne.  Peut-être 
sout-ce  des  discours  qu'il  adressait 
aux  religieux  instruils  dans  la  langue 
laliue  ;  mais  en  parlant  au  peuple, 
il  se  servait  certainement  de  l'ancien 
dalectc  teuton  ,  alors  en  usage  dans 
les  contrées  où  il  faisait  ses  missions. 
On  pense  que  S.  Bernard  ,  l'orateur 
sacre  qui  a  le  plus  de  rapport  avec 
Berlhold,  a  prêché  ,  non-seulement 
en  laliu  ,  mais  aussi  dms  Tidinmeen 
usage  eu  France  an  milieu  duXIP  siè- 
cle. 11  est  a  désirer  que  Ion  retrouve 
les  sermons  de  l'oralcur  français  , 
comme  on  a  découvert  ceux  du  vieux 
prédicateur  allemand.  La  comparai- 
son entre  les  deux  pourrait  offrir 
des  résultats  curieux  et  utiles  pour 
l'histoire  des  deux  langues  ,  celle  du 
moyen  âge  e1  de  ses  mœurs.  G — i'. 
iîERTHOLLET  (  Claudi:- 
Louis},  chimiste  célèbre,  né  au 
bourg  de  Talloireà  deuxlieuet,  d'An- 
neci ,  le  9  novembre  i  748,  apparte- 
nait, par  sa  mère  Philiberte  1  ouier, 
a  une  des  familles  noMes  de  la  Savoie: 
sou  père  élail  châtelain  du  lieu.  Quoi- 
qu'il ne  jouît  que  d'une  forlune  mt- 
d;ocre,  il  n'épargna  rien  pour  sou 
éducation.  Du  collège  d'Anneci , 
fondé  ,  il  y  a  quatre  siècles  ,  par  uu 
berger  devenu  cardinal,  Berlhollet 
pas.-a  au  collège  de  Chambéri  ,  puis 
h  celui  desPiovinces  a  Turin.  Ses 
éludes  de  lalin  et  de  philosophie 
achevées,  il  fut  question  de  choisir 
une   profession.   Au  lieu    des  poîles 


lao  BÉR 

brillants  cl  lucratifs  qu'aurait  pu  lui 
présenter  Téglisc  o;i  l'état  ,  obéis- 
sant à  l'iuslinct  encore  vague  qui 
reiitraînait  vers  les  sciences  naturel- 
les, il  choisit  la  médecine,  et  fut  reçu 
docteur  a  l'université  de  Turin ,  eu 
1770.  Mais  soit  qu'il  crût  avoir  en- 
core a  s'instruire,  soit  qu'il  espérât 
dans  une  grande  ville  de  plus  utiles 
succès  que  dans  Anneci  ou  même  a 
Turin  ,  a  l'exemple  de  beaucoup  de 
jeunes  médecins,  ses  compatriotes, 
il  se  rendit  à  Paris  en  1772.  Là 
c'est  aux  sciences  accessoires  de  la 
médecine  qu'il  consacra  ses  veille^  : 
mais  bientôt  l'accessoire  devint  pour 
lui  l'affaire  principale  ;  et  la  cKiraie  , 
qui  depuis  le  commencement  du 
siècle  était  sortie  des  voies  tor- 
tueuses et  obscures  qu'elle  avait 
labourées  si  long-temps,  compta  un 
adepte  de  plus.  Mais,  pas  plus  que 
l'ancienne  alchimie,  la  chimie  intéri- 
maire, qui  allait  mettre  au  jour  une 
science  nonvcUe,  ne  donnait  de  l'or 
h  ses  adorateurs;  et  Rerlhollet  après 
avoir  beaucoup  étudié,  beaucoup  ex- 
périmenté ,  avait  toujours  a  décou-  ' 
vrir  le  grand  œuvre  de  la  vie  hu- 
maine vulgaire ,  le  moyeu  d'avoir 
de  quoi  vivre.  Il  en  était  k  se  po- 
ser ce  dilemme ,  quitter  Paris  ou 
battre  monnaie  k  Paris  avec  la  mé- 
decine, lorsque  tout  a  coup  il  lui  vint 
une  idée.  Tronchiu,  élève  de  Boer- 
baavé  ,  propagateur  de  l'inoculation 
en  Hollande  ,  a  Genève,  k  Parme, 
en  France ,  peu  ferme  d'ailleurs  en 
sa  foi  aux  médecins  et  peu  aimé 
de  ses  confrères ,  remplissait  alors 
de  l'éclat  de  son  nom  les  journaux 
et  les  salons.  Or  Trouchin  était  de 
Genève.  C'était  donc  presque  uncom- 
patriote.  Tous  deux  d'ailleurs  étaient 
d'origine  française,  fous  deux  descen- 
daient de  familles  que  les  guerres  re- 
ligieuses avaient  bannies  de  France. 


BER 

BerlhoUet  imagine  de  se  présenter 
k  l'illustre  praticien,  et  ne  tarde 
point  k  lui  dévoiler  ses  embarras. 
Dès  la  première  vue  Tronchin,  habi- 
tué par  ses  voyages  et  ses  relations 
avec  sa  nombreuse  clieutelle  a  juger 
les  hommes  ,  sut  démêler  sous  les  de- 
hors un  -peu  négligés ,  sous  l'air 
franc  et  grave  du  jeune  Savoisien,  la 
candeur  de  son  âme  et  la  vivacité  de 
son  esprit.  Il  l'encouragea,  lui  dit 
de  rester  a  Paris,  et  promit  de  s'oc- 
cuper de  son  avenir.  Bientôt  sa  ten- 
dresse pour  BerlhoUet  fut  celle  d'un 
père.  Jouissant  d'un  grand  crédit  au- 
près du  duc  d'Orléans ,  il  le  recom- 
manda aux  bontés  de  ce  prince  qui  aus- 
sitôt 1  attacha  en  qualité  de  médecin  k 
M'^^^dcMonlesson.  Cen'estpas  tout, 
le  goût  des  sciences  était  en  quelque 
sorte  inné  dans  la  famille  d'Or- 
léaus.  Le  régent ,  au  grand  scandale 
de  la  cour  de  Louis  XIV ,  avait 
souvent  participé  aux  expériences 
chimiques  de  Homberg;  sou  tils,  indé- 
pendamment des  études  théologiques 
qui  avaient  fini  par  absorber  sa  vie, 
avait  cultivé  la  minéralogie.  Guet- 
tard  ,  son  guide  dans  cette  branche 
de  ses  travaux,  était  resté  attaché  k 
sou  successeur.  Ce  dernier  k  qui  la 
chimie  offrait  l'attrait  le  plus  vif , 
avait  un  laboratoire  et  un  prépara- 
teur. Tout  fut  mis  k  la  disposition 
de  BerthoUet.  Heureux  les  princes 
qui  reversent  ainsi  sur  le  génie  in- 
connu les  faveurs  qu'ils  ont  reçues 
de  la  Providence  1  heureux  les 
hommes  qui ,  comme  Tronchin , 
aplanissent  la  carrière  au  mérite 
naissant  !  Sans  Tronchin^  sans  le 
duc  dOrléans ,  qui  sait  si  jamais 
BerthoUet  se  fût  placé  au  premier 
rang  des  chimistes  de  tous  les 
pays ,  et  s'il  eût  rendu  k  l'humanité 
les  services  dont  elle  lui  est  rede- 
vable! Convaincu  que  pour  se  main- 


tenir  dans  le  poslc  que  la  science  seule 
lui  avait  valu,  la  scifuce  vaudi-ait 
toujours  mieux  que  les  moyens  ordi- 
nairement employés  dans  les  cours, 
BerlhoUel  n'eut  plus  d'aulres  soins 

3ue  ceux  auxquels  l'astreignait  le 
ésir  de  savoir  et  de  découvrir. 
Abandonnante  le  terrain  des  faits 
connus,  il  s'appliquait  à  en  con- 
stater d'autres  ;  et  les  résultats  de 
ces  reclit-rclies  furent  consii^nés  dans 
des  Mémoires  empreints  de  cette 
sagacité,  de  cette  finesse  ,  de  cette 
étendue  dont  plus  lard  il  devait  pré- 
senter aux  savants  le  modèle  accom- 
pli. Dès  ce  temps  (1776 ,  77  ,  78), 
il  lisait  ou  imprimait  ses  Expé- 
riences sur  l'acide  tartareux , 
ainsi  que  celles  sur  l'acide  sulfu- 
reux,  ses  Observations  sur  l'air, 
son  Mémoire  sur  les  combinaisons 
des  huiles  avec  les  terres  ,  l'alcali 
volatil  et  les  substances  métalli- 
ques. Un  peu  plus  tard  (17  mars,  9 
déc.  1780),  il  préludait  à  la  cliiraie 
organique  en  lisant  ses  Recherches 
sur  la  nature  des  substances  anima- 
les et  sur  leur  rapport  avec  les  sub- 
stances végétales.  C'est  encore  en 
1780  que  l'académie  des  sciences 
écoutait  ses  observations  sur  la 
combinaison  de  l'alcali  Jixe  avec 
l'acide  crayeux.  Mais  déjà  ce  corps 
savant  l'avait  admis  en  quelque  sorte 
au  nombre  de  ses  membres  en  le 
nommant  adjoint-cbimiste  à  la  place 
de  Bucquet  (i5  avril  1780):  cinq 
ans  après  (23  avril  1786),  il  devait 
succéder  a  Baume  devenu  pension- 
naire. Chemin  faisant  et  sans  inter- 
rompre un  instant  ses  études  chimi- 
ques ,  il  avait  par  une  thèse  médi- 
cale sastisfait  à  la  loi  de  la  faculté 
de  médecine  de  Paris  qui  ,  pour 
que  l'on  exerçât  dans  i^on  ressort  , 
exigeait  un  nouveau  doctoral.  La 
thèse  latine  qui  valut  pour  la  deuxième 


BER  lai 

fois  ce  titre  a  Bertbollet  avait  pour 
titre  TJe  lacté  animalium  medica- 
mentoso.  il  est  aisé  de  voir  que, 
dans  ce  sujet  ,  la  médecine  et  la 
chimie  s'étaient  donné  rendez-vous. 
Toutefois  les  expériences  de  Eer- 
thoUel  sur  les  chèvres  (car  il  n'expé- 
rimenta que  sur  ces  animaux)  furent 
peu  concluantes  ou  pour  mieux  dire 
ne  produisirent  que  des  résultats  né- 
gatifs. Il  avait  cherché  surtout  si  le 
mercure  administré  eu  frictions  peut 
s'incorporer  au  lait  :  la  chèvre  sou- 
mise a  l'expérience  après  avoir  ab- 
sorbé en  huit  jours  vingt  six  gros 
d'onguent  napolitain,  était  mou- 
rante, mais  pas  un  atome  de  métal 
n'avait  péuétié  dans  le  lait.  Comme 
cependant  il  est  hors  de  doute  qu'on 
a  rencontré  des  globales  très-attë- 
nués  de  mercure  dans  le  liquide 
urinairej  comme,  par  induction, il  est 
rationnel  de  supposer  dans  la  sécré- 
tion lactée  des  phénomènes  absolu- 
ment analogues  à  ceux  qui  ont  lieu 
dans  toute  autre  sécrétion  ;  comme 
enfin  il  est  prouvé  par  l'expérience 
que  le  lait  d'une  femme  acquiert  par 
le  mercure  des  propriétés  antivéné- 
riennes, il  ne  faut  rien  conclure  des 
expériences  de  Berthollet  contre  la 
présence  de  particules  médicamen- 
teuses dans  le  lait.  Le  fait  est  seule- 
ment que  ces  particules  se  trouvent 
arrivées  par  une  suite  indéfinie  de 
divisions  a  un  degré  de  ténuité  tel 
qu'elles  cessent  d'être  et  visibles  et 
pondérables  par  les  moyens  qui  sont  a 
la  disposition  de  l'homme.  Au  reste  il 
est  croyable  que  BerlboUet,  plus  oc- 
cupé de  sacrifier  à  une  convenance 
que  de  creuser  réellement  le  sujet, 
n'avait ,  malgré  l'émulation  que  de- 
vaient lui  inspirer  les  recherches  an- 
térieures de  Bergman  et  de  Klaprolh 
sur  le  même  sujet,  opéré  que  sur  des 
quantités  trop  petites.  Nous  ne  le  ver- 


132 


BKR 


TOUS  pas  moins  effleurer  encore  de 
temps  a  ;iulre  le  domaine  de  la  mé- 
decine. Ainsi,  par  exemple,  dans  ses 
Observations  sur  l'acide  phospho- 
rique  de  l'urine  ,  lues  en  1780  a 
l'académie  ,  comme  dans  son  Essai 
sur  la  causticité  des  sels  mètalli' 
ques  ,  analy>anl  les  urines  avanl  et 
après  les  accès  arthritiques,  il  vou- 
lut savoir  quels  rapports  existaient 
entre  les  modilications  de  Texcré- 
lion  urinaire  et  la  maladie  qui  les 
occasionne  ;  et  il  se  crut  fondé  a  éta- 
blir une  espèce  de  théorie  sur  la 
nature  de  la  goutte  et  du  rachilis  , 
attribuant  la  preiiàère  à  un  excès  de 
phosphate  de  chaux,  et  le  seconda 
la  surabondance  de  l'acide  phospho- 
rique  dans  les  fluides  animaux,  «  ihéo- 
«  rie  toule  chimiipie,  2>  dit  un  méde- 
cin dont  nous  empruntons  les  termes, 
«  et  qui  ,  ne  tenant  aucun  compte 
«  des  modificalions  sans  nombre  qu'é- 
«  prouvent  a  chaq\ie  inslant  nos  Uni- 
ce  des,  même  dans  l'état  de  saule,  ne 
«  peut  guère  conduire  a  la  vérité  sur 
K  l'éliologie  àes  maladies  en  ques- 
«  lion.  3)  Cependant  la  chimie  pre- 
nait de  jour  en  jour  uu  essor  plus 
vasie  :  de  tous  les  coins  de  l'Eu- 
rope sortaient  des  faits  nouveaux  : 
les  ancicnnr'S  théories  se  taisaient  ou 
balbutiaient,  déconcertées  par  des 
révélations  inattendues,  et  tout  an- 
nonçait que  la  plus  ingénieuse,  la 
plus  belle  d'entre  elles  ,  allait  dispa- 
raître cbvanl  uu  autre  système.  11  y 
a  plus,  ce-système  était  déjà  proclamé 
depuis  1775  :  Lavoisiei'  annonçait  au 
monde  savant  que  la  cumbustion  a 
lieu  nou  point  ])ar  le  dégagement  du 
principe  comburant  (qn'o^  le  nomme 
phlugislique  ou  qu'on  lui  donne  tout 
autre  nom),  mais  par  la  combinaison 
de  ce  prinripe  cou)!>uraut  au  corps 
/  combnsilh'e.  Mais  telle  est  la  destinée 
des  vérités  les  plus  importantes,  les 


BER 

plus  heureuses!  il  faut,  sinon  des 
siècles,  du  moins  des  années  pour 
renverser  les  vieilles  idoles.  Tout 
le  monde  continuait  a  sacrifier,  mal- 
gré Lavoisier  ,  à  ce  phlogistique  , 
bri'Iantc  chimère  du  génie  de  Stahl  ; 
et  raa'gré  la  beauté  de  ses  vues  , 
malgré  les  preuves  qu'il  accumu- 
lait sans  cesse  afin  de  convaincre  , 
ma'gré  la  concordance  pai  faite  de 
toutes  les  expériences  avec  ses  princi- 
pes,  malgré  l'appui  que  des  géomè- 
tres et  des  physiciens  du  premier  or- 
dre commençaient  à  donner  aux  tra- 
vaux du  grand  chimiste,  en  1777  cl 
même  en  1780,  ce  rénovateur  de  la 
science  ne  comptait  dans  l'académie 
d'autre  partisan  declirc  que  lui- 
même.  l]erlh(dlet,  dont  les  expé- 
riences continuelles  contribuaient  si 
eilicaceraenl  dès  lors  a  préparer 
le  triomphe  de  l'oxigène  siir  le 
phlogistique,  ne  saisissait  pas ,  par 
une  intuition  synthétique  anticipée  , 
la  supériorité  de  la  théorie  nouvelle 
qui  allait  s'élever  sur  les  ruines  de  la 
théorie  en  vogue  :  au  contraire  ,  il 
multipliait  en  laveur  de  celle-ci  des 
efforts  dignes  d'une  meilleure  cause, 
et  s'évertuait  a  faire  cadrer  les  dé- 
couvertes qui  se  succédaient  sans  re- 
Icàche  avec  les  idées  phlogisticiennes 
tempérées,  mitigées,  adoucies  •,  tris- 
tes tempéraments  entre  la  vérité,  im- 
patiente de  l'empire,  et  Terreur,  qui 
demandait  a  vivre  encore  un  jour. 
C'est  diius  ces  idées  qu'il  composait 
son  Essai  sur  la  causticité  des  sels 
métalliques  (1780);  ses  Observa- 
tions sur  la  décomposition  de  l'a- 
cide nitreux  (en  trois  mémoires, 
1781);  ses  Recherches  sur  F  aug- 
mentation de  poids  qu'éprouvent 
le  soufre ,  le  phosphore  et  l'ar- 
senic lorsqu  ds  sont  changés  en- 
acides  (1782);  ses  Observations 
sur  la  causticité  des  alcaLs  et  de 


B'£R 

la  chaux  (1782).  Le  second  de  ce* 
ouvrages  dut  sduvent  dans  la  suite 
lui  inspirer  de  vifs  regnls,  en  lui 
rappelant  que  sa  lenlt-ur  à  quiltrr  le 
point  de  vue  stalilien  l'avait  privé 
d'une  grande  découverte  quil  t(t|p 
chait  en  quelque  façon.  Au  milieu  de 
ses  expériences  sur  la  décomposition 
du  nilre,  s'offraient  des  faits  dont 
rexj.licalion  est  toute  simple  dans  la 
théorie  de  l'oxigène,  et  qui  condui- 
saient bien  nalurelîemcnt  à  rccon- 
naîlre^ans  l'acide  nilreux  une  com- 
binaison d'oxigène  et  d  azote  ,  vérité 
qui  fut  annoncée  quelques  années 
après  par  Caveutiish.  Mais,  par  une 
fatalité  bizarre,  c'est  dans  ses  expé- 
riences même  sur  le  nitre  que  Ber- 
ihollet  puisait  ses  défiances  contre  la 
théorie  de  Lavoisier ,  et  retrouvait 
une  foi  uouvelle  au  phlogislique. 
L'acide  ,  eu  se  décomposant ,  rendait 
libre  et  élastique  un  grand  volume 
d'air  :  il  aurait  donc  dû  s'absorber 
beaucoup  de  chaleur,  et  tout  le  con- 
traire avait  lieu.  En  revanche,  les 
hypothèses  auxipielles  il  se  livra  pour 
expliquer  ce  fait  exceptionnel  étaient 
si  vagues  ,  si  peu  probantes ,  qu'à  la 
longue  elles  durent  lui  déplaire  à  lui- 
même.  Lavoisier,  d'ailleurs,  ne  ces- 
sait de  les  comballre  avec  la  plus 
grande  modération ,  mais  avec  une 
dialectique  vigoureuse.  Mesurant  déjà 
Ici  portée  de  cet  esprit  élevé  ,  il  cher- 
chait a  le  convaincre  plutôt  qu'à  le 
vaincre,  et  même,  a  diverses  repri- 
ses ,  il  lui  donna  des  conseils  d'ami. 
Distillant  de  l'espril-dc-vin  sur  des 
alcalis  fixes,  Rerthollel  avait  obtenu 
un  peu  d'alca'i  volatil  ;  et  de  ce  fait 
mal  vu  ,  quoiquM  l'eut  souvent  re- 
nouvelé ,  il  avait  déduit  sur  l'origine 
de  cettt?  substance  un  système  com- 
])léleraeut  éloigné  du  vrai.  Lavoisier, 
dans  son  rapport  sur  ses  cxpéiieii- 
ces  (1778),  engagea  le  ji-une  auteur 


BER 


12:^ 


à  différer  la  publication  de  son  mé- 
moire. Beithullet  se  montra  docile  , 
et  ce  fut  pour  lui  un  grand  bunhtur. 
Quelques  années  plus  tard,  il  découvrit 
la  véritable  composition    de  l'alcali 
volatdj   et  il  est  presumable  qu'une 
fois  enKairé  dans  une  fausse  roule  par 
la  publication  de  ses  recherches,  il  y 
eut  persévéré  par  vanité,  ou  que  du 
mollis  il  lui  en  aurait  coûté  beaucoup 
pour  en  sortir.     BerlhoUet   termina 
l'année  1783  par   la  lecture  de  ses 
Observations    sur    la    disposition 
spontanée  de  quelques  acides  vé- 
gétaux (18  déc),  et  signala  le  cours 
delasui\antepar  deux  mémoires,  l'un 
Sur  la  di^fférence  du  vinaigre  ra- 
dical et  de  l'acide  acéteux,  l'autre 
Sur    la    préparation    de    l'alcali 
caustique  ,    sa    cristallisation    et 
son    action     sur     l'esprit-devin. 
L'année  1784  fut  pour  lui  un  temps 
de  silence,  mais  non  un  temps  d  in- 
action. C'est  alors  sans  doute  ,  qu  al- 
léiaul  de  p'us  en  plus  le  système  du 
phlogistique ,  pour  le  laire  coïncider 
avec  les  faits  nouveaux,  il  en  vint  à 
s'apercevoir  que  des  modihcaliuns  si 
graves  au  dire  du  maître  ,  étaient  eu 
définitive  des  infidélités ,  des  contra- 
dictions formelles  ,  et  que  son  slablis- 
me    mitigé   élail   plus  loin  de  Stahl 
que  de  Lavoisier.  Il  se  rendit  alors  , 
avec  d'aulaut  plus  de  conviction  qu'il 
avait   la  conscience  d'avoir   tout  fait 
pour  éiaver  l'édifice  lézardé  de  toutes 
parts  ;  et  la  séance  publique  de  l'aca- 
démie des  sciences,  le  6  avril  1785, 
le  vil  faire   sou  abjuration  en  mèiiio 
temps   que    lire    son    Mémoire  sur 
l'acide  marin  dépJilogisliqué  :  <ib- 
juratlon    tardive  ,     mais   complète  , 
mais  solennelle,  et  qui ,  avec  la  mort 
récente  de  Eergmau,  porta  le  dernier 
coup   au    phlogistique  ,    et   entraîna 
tous   les  chimistes.   La  même  année 
Ï785  plaça  BerlhoUet  au    premier 


124 


BER 


rang ,  tant  par  le  nombre  que  par 
l'iraporlance  tics  ducinnenls  qu'il  mit 
au  jour.  C'est  alors  que  \e  Mémoire 
sur  l'analyse  de  [alcali  volatil , 
analyse  dont  il  a  été  parlé  plus  haul, 
fut  lu  a  l'académie  j  c'est  alors  que  la 
Suite  des  Recherches  sur  la  na- 
ture des  substances  anhnales  et 
sur  leur  rapport  avec  les  substan- 
ces végétales  ,  ou  Recherches  sur 
t acide  du  sucre ,  vint  prouver  que 
l'azote  est  le  caractère  essentiel  des 
substances  animales,  et  compléter  ain- 
si le  nouveau  système  chimique. 
N'oublions  ni  les  Observations  sur 
l'eau  régale  et  sur  quelques  affini- 
tés de  t  acide  marin  ,  ni  celles  sur 
la  combinaison  de  l'air  vital  avec 
les  huiles,  ni  enfin  le  Mémoire  sur 
la  décomposition  de  l' esprit-de-vin 
et  de  Véther  par  l'air  vital,  qui 
tous  aussi  se  rapportent  à  la  date  de 
1785,  L'année  suivante  est  moins 
remarquable  peut-être  par  le  Mé- 
moire sur  le  fer  considéré  dans 
ses  différents  états  métalliques 
(  par  Bcrihollet  ,  ^  andermonde  et 
Monge),  par  l'article  De  V influence 
de  la  lumière  (lu  a  la  faculté  de  mé- 
decine ,  I  5  juillet),  parla  Lettre  à 
M.  de  la  Métherie  sur  la  décom- 
position de  l'eau,  par  les  Notes 
sur  l'analyse  du  sable  vert  cui- 
vreux du  Pérou  rapporté  par 
Dombey,  que  par  la  parlicipalioude 
Bertbollet  a  la  nouvelle  noraeuclalure 
chimique   nécessitée  par  la  réforme 

3 ui  venait  de  s'opérer  dans  les  bases 
e  la  science.  Guytou  de  Morveau  , 
qui  le  premier  avait  conçu  l'avantage 
et  l'urgence  de  cette  langue  analyti- 
que ,  et  qui  en  avait  fait  approuver 
le  principe  par  Bergman  et  par  Buf- 
fon,  se  rend  a  Paris  a  la  fin  de  1786. 
11  y  trouve  BerlhoUct  et  Lavoisier 
dans  les  mêmes  dispositions  que  lui 
sur  son  plan  favori ,  la  refonte  de  L-\ 


BEk 

terminologie  scientifique  :  tons  trois 
y  travaillent  do  concert.  A  ce  trium- 
virat s'adjoint  Fourcrojj  et,  en  1787, 
le  magistrat  et  les  trois  académiciens 
portèrent  leur  œuvre  a  l'académie. 
(|||  sait  avec  quel  enthousiasme  et  les 
savants  et  le  public  accueillirent  cette 
nomenclature  si  philosophique ,  qui 
non-seulement  simplifiait  un  langage 
jusque-la  aussi  compliqué  que  puéril 
ou  burlesque,  mais  encore,  a  l'aide 
de  quelques  finales  chaugeantes  et  de 
légères  modifications  dans  la  Struc- 
ture intérieure  des  mots,  dounaitaux 
noms  des  corps  ,  tant  simples  que 
composés ,  une  espèce  d'affinité  arti- 
ficielle, qui  semble  un  reflet  des  af- 
finités naturelles,  et  mettait  par  ces 
variations  seules  sur  la  voie  de  la  vé- 
ritable composition  des  nus,  de  la 
principale  propriété  des  autres.  Tou- 
tefois nulle  œuvre  humaine  n'est  par- 
faite, (c  Comparé  au  langage  extra- 
«vagant  que  la  chiuiie  avait  hérité 
et  de  l'art  herraélique,ditM.  Cuvier, 
«  ce  nouvel  idiome  fut  un  service 
a  réel  rendu  à  la  science,  et  contri- 
«  bua  k  accélérer  l'adoption  de  non- 
ce velles  théories.  On  ne  lui  repro- 
«  chera  pas  sans  doute  de  n'avoir  pu 
fc  exprimer  que  ce  que  l'on  savait 
tt  quand  on  le  créa ,  et  d'avoir  été 
a  sujet ,  encore  plus  promptement 
a  qu'aucune  autre  langue,  à  de  gran- 
«  des  mutations  :  ce  sont  des  incon- 
tt  vénients  communs  aux  langages  les 
«  mieux  faits.  Mais  on  se  demande 
a  pourquoi  l'on  y  manqua,  sur  quel- 
ce  ques  points  déjà  bien  connus  ,  aux 
ce  principes  que  l'on  avait  posés  ; 
ce  pourquoi  l'on  donna  un  nom  simple 
te  a  l'ammoniac  ,  pourquoi  l'acide 
te  nitrique  ne  reçut  pas  le  nom  d'a- 
ce zotique?  Et  l'on  ne  peut  s'empè- 
ct  cher  de  voir  encore  ici  un  effet  de 
ce  la  modestie  de  Berlhollet  et  du 
p  peu   d'insistance    qu'il   mettait    à 


BER 

K  faire  prévaloir  les  choses  auxquelles 
a  il  avait  le  plus  de  part.  »  En  re- 
vanche on  sait  que  trois  corps,  ou 
simples,  on  réputés  simples,  puisque 
jusqu'ici  rien  ne  les  décompose  , 
l'oxigène  ,  l'hydrogène  ,  l'azote  ,  ont 
reçu  des  noms  composés.  C'est  Berg- 
man qui  dès  l'origine  avait  proposé 
ce  principe  si  peu  rationnel  de  dési- 
gner les  corps  simples  par  des  noms 
empruntés  de  leurs  propriétés  essen- 
tielles. Encore  le  principe  fut-il  assez 
malheureusement  appliqué. Azole  peut 
signifier  aussi. bien  k  sans  lequel  on 
a  ne  peut  vivre  >>  que  k  ce  qui  ôte 
a  la  vie  5  M  l'hydrogène  n'engendre 
pas  plus  l'eau  que  l'oxigène;  et  ce 
dernier,  on  le  sait  trop  maintenant , 
n'est  pas  l'unique  générateur  des  aci- 
des. Chaplal,  en  France  ,  Azéjula  , 
en  Espagne,  disaient  donc  bien  : 
«  Pourquoi  déclarer  absolues  des 
K  propriétés  qui  ne  sont  quecorréla- 
«  lires  et  réciproques  ?  N'est-ce  pas 
«  dire  'a  la  fois  trop  et  trop  peu? 
a  ]N'es!-ce  pas  anticiper  sur  l'expé- 
«  rience ,  et  se  préparer  des  démentis 
a  pour  l'avenir  ?  »  Le  démenti  était 
tout  arrivé  :;  et  c'est  Berlhollct  lui-mê- 
me qui  l'availdonné.  Dès  1787,  c'est- 
à-dire  l'année  même  où  l'on  saluait 
officiellement  l'oxigène  du  titre  de 
principe  acidifiant ,  et  par  une  exa- 
gération toute  naturelle  ,  seul  prin- 
cipe acidifiant,  il  proclamait  dans 
son  Mémoire  sur  l'acide  prussique 
(aujourd'hui  acide  hydrocyanique) , 
que  ce  violent  poison  ne  contient  pas 
une  parcelle  d'oxigène.  Il  avait  ob- 
servé des  faits  analogues  sur  l'hy- 
drogène sulfuré  (aujourd'hui  acide 
hydrosulfurique),  el  plus  tard  (1796) 
il  reprit  ses  expériences  sur  ce  corps 
dont  on  méconnaissait  la  nature,  et 
les  appuya  de  développements  qu'il 
lui  le  II  mars  1796  a  l'Institut. 
Mais  la  vérité  ne  put  triompher  ;  la 


BER 


125 


doctrine  si  long-temps  proscrite  était 
devenue  despotique  et  intolérante  à 
son  tour.  Berthollet ,  K  qui  dix  ans 
a  peine  avaient  suffi  pour  admettre 
les  idées  deLavoisier,  subissait  la  loi 
du  talion;  et  il  a  fallu  toutes  les 
recherches  de  la  chimie  moderne  , 
appuyées  par  les  hautes  conceptions 
qu'a  multipliées  la  physique  ,  et  par 
une  force  de  logique  irrésislible,  pour 
inscrire  enfin  sur  la  liste  des  axio- 
mes fondamentaux  de  la  chimie  que 
l'hydrogène,  le  chlore  ,  l'iode  peu- 
vent rendre  acides  certaines  sub- 
stances simples  ,  avec  lesquelles  ils  se 
combinent,  et  pour  approcher  de  la 
loi  en  vertu  de  laquelle  s'opèrent 
toutes  ces  combinaisons  ,  aussi  bien 
celles  qui  ont  semblé  long-temps  ano- 
males,exceptionnelles, que  celles  qu'on 
croyait  les  seules  possibles  ou  du 
moins  les  seules  régulières.  Le  nom 
de  chlore  nous  mène  a  une  des  plus 
belles  découvertes  de  Berthollet.  La 
mort  de  Macquer,  en  1784,  avait 
laissé  deux  places  vacantes  :  une 
chaire  de  chimie  au  Muséum  d'his- 
toire naturelle  et  le  poste  de  commis- 
saire pour  la  direction  des  teintures. 
Buifon,  de  qui  dépendait  la  première 
nomination,  élut  Fourcroy  de  pré- 
férence h  Berthollet  ;  le  ministère,  qui 
disposait  de  la  seconde  ,  préféra 
Berlbollet  k  Fourcroy  :  et  le  minis- 
tère et  Buffon  avaient  agi  sagement. 
Personne  mieux  que  Fourcroy  ne 
maniait  la  parole  ;  personne  mieux 
que  Berlbollet  ne  maniait  les  agents 
chimiques,,  non  pas  de  ses  doigts,  il 
est  vrai ,  car  il  réussissait  mal  à  la 
munipulation  ,  mais  par  rintelligence 
qui  sait  varier  el  diriger  les  expé- 
riences. Les  deux  choix  produisirent 
les  résultats  les  plus  heureux  :  Four- 
croy ,  par  son  élocutiou  facile  ,  bril- 
lante et  lucide ,  popularisa  la  science 
chimique;  Berthollet ,  par  ses  expé- 


ii6  BER 

ri  en  ces ,  la  servit.  Bicnlol,  par  suite 
de  ses  nouvelles  découvertes,  par  suile 
des  travaux  mullipliés  auxquels  il 
s'était  livré  pour  améliorer  l'art  de 
la  teinture,  il  avait  été  conduit  à 
chercher  les  moyens  les  plus  brefs  , 
les  plus  sûrs  de  communiquer  aux 
tissus  la  plus  grande  blancheur  pos- 
sible ,  afin  qu'ils  se  pénétrassent 
plus  aisément  des  diverses  nuan- 
ces qu'on  voulait  leur  imprimer. 
Les  anciens  procédés  de  blanchis- 
sage exigeaient  des  manipulations 
mnllipliées,  partant  dispendieuses; 
absorbaient  un  laps  de  temp.s  consi- 
dérable ,  et  ravissaient  a  l'agriculture 
d'énormes  étendues  de  terrain  ;  car 
les  toiles  étaient  soumises  alteruati- 
veinenl  a  une  -série  sans  fin  de  lessives 
dans  les  laboratoires,  et  aux  influen- 
ces combinées  de  l'ajr  et  de  la  lu- 
mière sur  le  pré  :  six  mois  quelquefois 
s'écoulaient  dans  ce  dédale  d'opé- 
rations routinières.  Tout-h-coup  une 
idée  lumineuse  apparaît  hBerlhollet  : 
il  réfléchit  a  la  découverte  récente  de 
Scliicle  sur  la  propriété  f[uc  possède 
l'acide  muriatiipie  déphlogisliqué  ou 
oxigéné  (aujourd'hui  le  chlore)  de 
décomposer  les  couleurs  végétales  , 
cl  il  imagine  d'en  tenter  l'app'ica- 
tiùH  "a  larl  de  blanchir  ;  en  eifet  , 
les  matières  colorantes  ,  les  taches 
uièmi-s  d'un  tissu  (|uelronque  se  dé- 
composent dans  la  solution  de  chlore 
(employons,  dès  cet  instant,  les 
termes  modernes  ),  ei  il  ne  reste  plus 
pour  le  blanchir  que  d'entraîner  ces 
matières  par  une  lessive  alcaline. 
De  la  moins  de  main-d'œuvre  (<;ar 
deux  ou  trois  lessives  au  plus  suiE- 
sent),  moins  de  temps,  moins  de 
frais  de  toute  nature;  des  prairies 
immenses  rendues  a  la  culture;  la 
texture  intérieure  des  toiles  moins  fa- 
tiguée, pnisquelelingc  n'est  plus  sou- 
mis a  ce  grand  nombre  de  raanipula- 


BER 

tionsetde  baltnges  qui  en  altéraient 
plus  ou  moins  la  texture  ;  enfin  , 
comme  si  tous  les  avantages  devaient 
se  trouver  réunis  dans  cette  admira- 
ble découverte  ,  un  blanc  plus  pur  et 
plus  égal.  Aussi  la  supéiiorilé  en 
tut-elle  bientôt  généralement  recon- 
nue ;  et  les  termes  techniques  de 
h\a.Qchiint'nl  berl/iollien  ont-ils  don- 
né au  nom  de  l'inventeur  le  sceau 
de  la  popularité.  Nul  plus  que  Ber- 
thollet  ne  mérita  de  voir  ainsi  sou 
nom  fixé  dans  le  vocabulaire  ;  car, 
au  lieu  de  vendre  ou  d'exploiter  a 
sou  profit  une  découverte  qui  l'eût 
rendu  dix  fois  millionnaire  en  quel- 
ques années,  il  voulut  que  tous  en 
goûtassent  îes  fruits  sur-le-champ  , 
et  il  publia  \^  Annales  de  chimie, 
tome  II,  page  î5i,  de  Tannée 
1789  ,  et  tome  VI,  page  204  ,  de 
1790)  la  Description  du  blan- 
cliîment  des  loiles  et  des  Jils  avec 
l'acide  murlaliqiie  oxigéné  ,  et 
de  quelques  propriétés  de  celle 
liqueur  relativement  aux  arts  , 
description  réimprimée  h  part ,  en 
1790,  et  reproduite  en  18 04,  à  la 
suite  de  sa  2"  édit.  des  Eléments 
de  l'art  de  la  teinture  (i).  Son  Mé- 
moire sur  l'action  que  l'acide  mu- 
riatique  oxigéné  exerce  sur  les 
parties  colorantes  ,  lu  h  l'académie 
des  sciences  (  5o  mai  1790),,  est 
l'exposition  scientifique  des  phénomè- 
nes dont  ii  décrivait  pour  les  fabri- 
cants la  pratique  extérieure  et  maté- 
rielle. Concevant  ensuite  un  plan  plus 
vaste,  en  faveur  des  ouvriers  mêmes,  il 
rédigeait  ses  Eléments  de  l'art  de  la 
teinture  (Paris,  2  vol.in-8''  ,  1791, 
2'' édit.,  iSoi,  publiéepar  Berlhollet 


(i)  L'ouviage  snr  le  bl.Tiicliiinpiit  des  toiles 
fut  couroniii'  en  "793,  il.ins  une  ^éance  |inblique 
du  Lycée  des  .iris;  et  Bertbollet  fut  reçu  mem- 
bre de  cette  sociélc  qui  ,  à  cette  éj)0()ue  où  les 
académies  n'existaient  pas  ,  devint  l'asile  des 
^av.^nt5  et  fut  le  novaa  dt-  l'Institut.         A  —  i. 


BER 

fils),  dans  lesquels,  parcouraTitsiicces- 
sivernent  loutes  les  parties  de  cet  art, 
il  essaie  de  le  soustraire  à  la  routine 
dont  jusque-là  il  avait  été  le  do- 
maiui'  ,  el  desubsiiluer  h  reiiiplrisme 
absurde  qui  n'avait  cncoree;;faiiléque 
desrecetlesiucoherentes,  iiuparfaites 
et  Irès-ctiùteuses,  des  priucipes scien- 
tifiques faciles  à  saisir.  La  teinture 
est  une  fil'e  de  la  chimie,  et  tout  en 
teinture  se  borne  a  la  mise  en  jeu  des 
affinités  en  vertu  desquelles  telle  ou 
telle  substance  se  combine  plus  ou 
moins  aisément  avec  des  oxides,  des 
acides,  des  alcalis,  des  terres  et 
partïculièremeut  avec  l'alumine.  Cet 
ouvrage  ,  amélioré  dans  les  éditions 
posléi  ieures  ,  sera  le  manuel  indis- 
pensable des  leuilnritrs  jusqu'il  ce 
qu'un  homme,  praticien  et  chimiste 
consommé ,  réunisse  dans  un  autre 
vade-mccum  'a  science,  la  méthode, 
la  lucidité,  tous  les  procédés  expédi- 
tifs  el  économiques  imaginés  depuis 
trente  an.>  ,  et,  s'il  est  possible  ,  de 
bonnes  figures,  avec  des  échantillons 
coloriés.  Au  reste  un  homme  ordi- 
naire qui  a  en  tète  !e  manuel  de  Ber- 
ihoUet,  doit  èlre  en  fond  pour  ima- 
giner des  moyens  nouveaux  5  el,  ne 
iul-ce  (|ue  sous  ce  r;ipporl,  les^Ve- 
nients  de  notr*;  auteur  ont  rendu  un 
service  inappréciable  :  ils  ont  inspiré 
des  perfectionnements ,  et  la  gloire 
lui  eu  revient  par  une  voie  indirecte. 
Nous  jie  mentionnons  qu'eu  passant  , 
malgré  l'importance  qu'ils  ont  eue 
et  qae  {[utlqui's-uu>  out  encore,  les 
travaux  que  Berthollet  publia  dans 
l'espace  qui  sépare  son  Âiia/jse  de 
l'acide  hydrot'}-a>iique  de  ses  l^lé- 
ments.  Se>  Qh&(ix\d.\\oussiir  quelques 
combinaisons  de  l  acide  maria 
dcpidogistiquê  (  1788  )  ;  sur  les 
combinaisons  des  oxides  métal- 
liques ai'ec  les  alcalis  et  la  chaux 
(1789)  ;    sur  la  combinaison  des 


oxides  métalliques  avec  les  par- 
ties astringentes  et  les  parties 
colorantes  des  végétaux  (mê- 
me année  )  ,  trouvaient  .surtout 
leurs  applications  dans  la  teinture  , 
mais  enrichissaient  aussi  la  science  de 
vérités  théoriques.  Sa  Suite  d'ex- 
périences sur  l'acide  sulfureux 
[i  789),  sujet  qu'il  a\ait  déjà  entamé 
douze  ans  aupara\ant,  et  sur  lequel- 
roule  un  de  jes  premiers  essais  ,  porte 
plus  spécialement  ce  dernier  carac- 
tère ,  amsi  que  ses  Observations  sur 
la  décomposition  du  tarlrite  de 
potasse  aiitirr.onié  et  du  nniriate 
mercuritl  r orras ij"  par  quelques 
substances  végétales  (  1791  J. 
Son  Précis  d'une  théorie  sur  la 
nature  de  C acier  et  ses  préparci- 
fiO«s(  1789),  complètent  avec  bou- 
lieur  le  Mémoire  que  jadis  il  avait 
fait  en  commun  avec  \audermonde  et 
Monge  ,  et  appuyait  ses  prélenlions 
h  une  place  dans  l'administraliou  de 
la  monnaie.  Il  obtint,  en  1792  ,  ce 
poste,  objet  de  ses  vœux,  et  là,  com- 
me ailleurs,  il  signala  .«-a  présence  par 
des  améliorations.  Ses  Considéra- 
tions sur  les  expériences  de  Pries- 
tley\  relatives  à  la  décomposition 
de  l'eau  (1789),  comme  ses  Obser- 
vations sur  quelques Jhits  que  l'on 
a  opposés  à  la  doctrine  anti- 
phlogislique  (  1791  )  ,  sont  des 
réponses  péremptoires  aux  der- 
niers partisans  de  l'antique  hypo- 
thèse que  Priestley,  on  le  sait, 
défendit  jusqu'au  dernier  soupir. 
Mais  de  Ion  les  les  expériences  qui 
amenèrenl  a  ces  ouvrages,  aucune 
n'est  aussi  curieuse  peut-être  que 
celles  qui  donnèrent  lieu  a  sa  note 
sur  un  procédé  pour  rendre  la 
chaux  d' argent  fulminante  (1788). 
Il  semblait  que  ce  fût  h  lui,  homme 
éminemment  pacifique  et  généreux, que 
la  nature  se  plût  à  révéler  ses  cora- 


128 


BER 


binalsons  les  plus  redoutables.  Tou- 
jours suivcant ,  dans  les  combinaisons  les 
plus  diverses  ,  ce  chlore  qui  pour  lui 
était  un  acide  et  nou  un  corps  simple, 
BertlioUet  arriva  aux  chlorates,  qui, 
comme  leur  nom  l'indique  assez,  se 
composent  d'acide  chlorique  et  d'une 
base  ,  et  qui  diffèrent  essentiellement 
des  murialcs  jusque-la  connus  et  sou- 
mis a  rexpërlence.  Il  devina  bien  dans 
les  premiers  la  présence  d'un  acide 
particulier,  mais  il  n'en  connut  pas  la 
véritable  nature,  témoinlenomd'acide 
muriaticpie  suroxigcné  qu'il  lui  don- 
na. Dans  les  idées  du  temps,  c'élait 
indiquer  ce  que  tout  le  monde  était 
disposé  a  admettre  sincèrement,  que 
les  deux  acides  auxquels  il  croyait, 
ne  diffèrent  l'un  de  l'autre  que  par 
une  proportion  d'oxigène  plus  grande 
dans  le  premier,  moins  grande  dans 
le  second.  Or  la  différence  consiste 
en  ceci ,  que  le  chlore  n'est  point  un 
acide,  et  que  le  prétendu  acide  muria- 
tiqiie  suroxigéné  n'est  autre  chose 
que  l'acide  chlorique;  ou  bien  en- 
core, dans  le  cas  où  Ton  admettrait 
que  la  comparaison  se  fît  entre  deux 
acides  réels,  en  ceci  que  l'acide  mu- 
riatique  simple  est  un  hydracide  tan- 
dis que  l'acide  murialique  nxigéné 
est  un  oxacide.   On  ne  sera  dès-lors 

f)oint  étonné  que  Berthollet  ait  seu- 
F.ncnt  pressenti  l'existence  de  cet 
acide,  nais  n'ait  pu  l'obtenir  isolé. 
Comment  eut-il  pu  y  parvenir  sûre- 
ment, préoccupé  qu'il  était  de  l'idée 
qui  lui  présentait  de  ToxigènedansThy- 
dracide?  Il  n'en  découvrit  pas  moins,  eu 
traitant  ses  muriates  par  le  charbon, 
le  phosphore,  lesoufre  et  les  acides, 
ce  qu'il  nomma  les  muriates  suroxi- 
génés  ou  oxirauriales  et  spéciale- 
ment l'oximuriate  dépotasse,  dont  la 
vive  déflagration  au  contact  du  feulai 
fit  imaginer  de  le  substituer  kla  pou- 
dre de  chasse,  et  dont  la  force  lui  pa- 


BER 

rut  double  de  celle  de  la  poudre  or- 
dinaire. Ces  idées  donnèrent  lieu  , 
pendant  les  guerres  de  la  révolution, 
au  projet  de  remplacer  par  l'oximu- 
riate de  potasse  la  poudre  a  canon, 
qui  est  bien  moins  terrible.  Un  essai 
en  grand  se  fit  a  Essonne ,  sous  la 
présidence  de  Letrone, directeur  des 
poudres  et  salpêtres.  Au  premier 
cboc  des  pilons,  le  moulin  saute,  cinq 
personnes  périssent  écrasées  par  les 
débris,  et  cette  épreuve  tristement 
décisive  fait  renoncer  a  l'emploi  d'un 
corps  dont  Texpansivité  se  développe 
avec  autant  de  force  que  de  facilité. 
Il  ne  s'emploie  que  dans  la  compo- 
sition de  quelques  poudres  fulminan- 
tes et  pour  les  fioles  à  briquets  oxi- 
génés.  Mais  un  composé  d'une  susccpti- 
bihté ,  d'ime  irrilabililé  encore  plus 
grande  s'était  manisfesté  a  Berthollet 
dans  son  laboratoire.  En  traitant  par 
l'ammoniac  de  l'oxide  d'argent  pré- 
cipité de  l'acide  nitrique  par  l'eau  de 
chaux  ,  il  obtint  cet  épouvantable  ar- 
gent fulminant  qui ,  pour  éclater  et 
mettre  eu  pièces,  n'attend  pas  qu'on 
le  triture,  qu'on  le  presse,  qu'on 
le  percute,  qu'on  élèvfi  brusque- 
ment le  degré  de  température,  ^jal- 
heur  a  qui  oserait  l'agiter  impru- 
demment! Un  seul  grain  resté  au 
fond  d'un  vase  peut  foudroyer  celui 
qui  le  frotterait.  Une  fois  qu'on  est 
parvenu  a  l'obtenir,  il  faut  en  quel- 
quesorte renoncer  aie  toucher.  Quel- 
quefois ,  au  fond  du  bocal,  immobile 
et  baigné  par  la  liqueur  qui  en  dimi- 
nue la  puissance  ,  le  formidable  sel 
éclate  et  fulmine  spontanément.  Bien 
d'autres  mystères  d'exlermluallon 
s'offrirent,  dit-on,  à  Blonge  et  à  Ber- 
thollet pendant  les  essais  auxquels 
ils  se  livrèrent  par  ordre  du  gou- 
vernement républicain.  La  note  dont 
Fin  titillé  précède  ,  et  des  Obser- 
vations sur  quelques  combinaisons 


BER 

de  l'acide  muriatiquc  oxigèné 
{adresséesà  Vacad.  deTuriii,  1798), 
furent  les  seules  publications  que  lui 
arrachèrent  ses  effrayantes  décou- 
vertes. Peut-être  aussi  s'est-on  plu  a 
exagérer  le  nombre  des  voies  et , 
moyens  de  destruction  qui  se  pré- 
sentèrent a  nos  savants,  le  tout 
afin  d'exalter  et  leur  génie  et  leur 
sensibilité.  L'historique  morne  de 
leurs  expériences  ne  démontrc-t-il 
pas  que  si  l'on  abandonna  le  pro- 
jet d'utiliser  militairement  ces  armes 
nouvelles,  c'est  qu'elles  auraient  été 
fatales  à  ceux  qui  les  maniaient  avant 
de  l'être  a  l'ennemi?  Et,  au  fond,  la 
rapidité  des  agents  destructeurs  est- 
elle  funeste  a  l'Iiumanité?  A  coup  sûr 
la  guerre  est  moins  meurtrière  depuis 
l'invention  des  armes  a  feu;  et  dans 
l'hypothèse  même  de  guerres  plus 
promptes  dans  leurs  meurtres,  puis- 
que l'extermination  ne  dépasse  que 
rarement  certaines  limites  a  peu  près 
fixes,  la  promptitude  avec  laquelle 
on  arrive  a  ces  limites  n'cst-elle  pas 
un  bien  ?  Les  interminables  guerres  du 
moyen  âge  ne  doivent-elles  pas  leur 
longue  durée  a  Texiguité  des  moyens 
homicides?  et  puisque  la  grande  af- 
faire des  nations  est  d'être  heureuses 
par  le  travail ,  tout  ce  qui  économise 
le  temps  n'est-il  pas  un  avantage? 
Quoi  qu'il  en  soit,  si  ces  inventions 
exterminatrices  ont  besoin  de  quel- 
que autre  excuse,  l'état  de  la  France 
au  commencement  de  1792  eût  pu 
à  lui  seul  les  justifier.  Une  coalition, 
indéciseeucore,  grondait  au  loin  con- 
tre l'anarchie  naissante  j  bientôt  des 
légions  que  suivraient  des  milliers  de 
légions  allaient  tenter  le  passage  du 
Rhin  ,  des  Alpes  ,  des  Pyrénées;  on 
pressentait  des  périls,  des  campagnes 
gigantesques  ,  et,  chose  inouie!  la 
France  n'avait  que  peu  de  soldats , 
peu  de   munitions,   peu  de  matériel 


BER 


129 


de  guerre.  La  Convention  en  s'inslal- 
lant  ne  désespéra  point  delà  victoire, 
et  pleine  de  loi  dans  ce  principe,  que 
le  dernier  tronçon  d'homme,  que  le 
dernier  écu  français  était  a  laFrance, 
elle  déclara  aussi  que  tous  les  génies 
lui  appartenaient.  Elle  fit  un  appel 
au  patriotisme  des  savants.  Elle  s'a- 
dressa spécialement  à  Berthollet  et 
à  Monge .  Le  sol  avait  fourni  des  héros 
inattendus  5  le  sol  fournit  alors  du 
soufre  ,  de  l'airain  ,  du  salpêtre.  La 
France,  qui  jusque  -  la  demandait 
tout  kl'étranger,  s'aperçut  que  tout 
était  chez  elle.  Les  guerriers  la  défen- 
daient sur  lafrontièreetdanslescamps; 
de  paisibles  expérimentateurs  la  dé- 
fendirent dans  la  capitale  et  au  coin 
de  leur  feu.  Un  petit  bataillon  de 
chimistes,  sous  la  direction  des  deux 
savants,  se  livrait  aux  essais  nécessaires 
pour  suffire  sans  relâche  à  la  prodi- 
gieuse consommation  des  quatorze  ar- 
mées. A  ce  spectacle  les  cours  mêmes 
retentirent  d'un  cri  de  surprise  qui, 
avant  d'être  proféré  publiquement, 
était  déjà  devenu  un  cri  d'admiration. 
Tout  en  remplissant  ainsi  la  tâche 
magnifique  qui  lui  avait  été  confiée, 
Berthollet  faisait  marcher  de  front 
d'autres  travaux.  Ses  Observations 
sur  l'usage  des prussiates  d'alcali 
et  de  chaux  en  teinture  Y^v\\re\i\  en 
1792.  Quoique  lus  en  1 796,  /e  3ié- 
moire  sur  la  propriété  eudiomé- 
trique  du  phosphore,  ses  Observa'^ 
lions ,  si  graves  et  si  fécondes  ,  sur 
l'hydrogène  sulfuré,  que  nous  avons 
reconnu  plus  haut  pour  un  hydraci- 
de  5  enfin  celles  sur  un  acide  retiré 
des  substances  animales  (ou  acide 
zootique)  se  réfèrent,  au  moinsla  plu- 
part ,  aux  années  1794-  et  1795. 
Les  académies,  on  le  sait,  avaient 
été  dissoutes  par  la  Convention  :  à 
leur  réorgani.^ation  (1795),  sous  le 
nom  d'Institut,  Berthollet  fut  de  droit 


i3o 


BER 


compris  clans  la  liste  des  nouveaux 
membres.    Déplus,  il  avait  été,  en 
1794.  ,   nommé  professeur   de  chi- 
mie aux   écoles   normales  :   mais    sa 
brève  apparition   dans  celte   cliaire 
ne    servit  qu\H    prouver ,    ce    qu'au 
reste  on  n'ignore  pas,  qu'autre  chose 
est   de   découvrir    des  faits  ,    autre 
chose  est  de  les  exposer.   On  écou- 
tait l'habile  chimiste   avec  respect  , 
mais  peu    d'élèves     sortaient    ayant 
compris,  ayant  appris  ce  qu'ils  étaient 
venus  pour  entendre.    Berthollet  le 
sentit .  et  bientôt  abandonna  des  fonc- 
tions si  peu  en  rapport  avec  ses  ta- 
lents. L'année  suivante  (1796)  il  fut 
envoyé    en  Italie  par  le  directoire , 
pour  pre'sidcr  la  commission  chargée 
du  choix    des   objets   d'art    les  plus 
précieux  qui  devaient  être  transportés 
à  Paris.  C'est  alors  qu'il  s'établit  en- 
tre Berthollet  elle  chef  de   l'armée 
d'étroites  relations  ,    dans  lesquelles 
Bonaparte  ,  frappé  de  tant  de  génie 
et  de  simplicité ,  manifesta  le  dessein 
de  s'initier  avec  un  tel  maître  dans 
les  secrets  de  la  chimie  ,  dessein  qu'il 
réalisa,  dit-on,  quelques  mois  après, 
lorsqu'il  fut  de  retour  à  Paris.  Ber- 
thollet fut  le  seul   à  qui  Bonaparte 
confia  d'avance  le  secret  de  son  expé- 
dition d'Egypte  ;  et  il   lui  déclara 
qu'il  l'emmènerait  avec  Monge  et  tout 
un  corps  de  savants,  lui  laissant  du 
reste  le  soin  de  choisir  tous  ceux  qui 
feraient  partie  de  cet  immortel  pèle- 
rinage  scientifique.    On    sait    quels 
hommes  d'élite  se  pressèrent  autour 
des  deux  illustres  amis.  Aucun  pour- 
tant ne  savait  oii  il  allait.  «  Je  serai 
«  avec  vous,  5>   tel  était  le  seul  mot 
qu'il  lui  fut  permis  de  dire  à   ceux 
qu'il  enrôlait.  Sous  l'influence  de  ce 
nouveau  ciel,  si  favorable  a  la  chimie, 
le  génie  de   BerlhoUet  ne   put   que 
s'enflammer  d'une  nouvelle   ardeur. 
Il  recueillit  et  publia  (dans  les  DIc- 


BER 

moires  sur  l'Egypte  et  la  Deçà 
égyptienne),  après  les  avoir  lues 
l'Institut  du  Caire  ,  diverses  Obser- 
vations sur  les  propriétés  tincto- 
riales du  frêne;  sur  la  teinture  du 
coton  et  du  Un  par  le  carthame  ; 
sur  r action  eudiométrique  des  sul- 
fures alcalins    et  du   phosphore. 
La  composition  de  l'air  atmosphéri- 
que en  Egypte  lui  parut ,  d'après  ses 
expériences,  parfaitement  semblable 
a  celle  de  l'air  de  Paris.  Biais  c'est  en 
Egypte  que  notre  savant  devait  trouver 
le   dernier  anneau  d'une    chaîne   de 
phénomènes  insolites  donlil  n'avait  pu 
encore  se  rendre  compte  ,  parce  qu'il 
lui  fallait  en  quelque  sorte  surpren- 
dre la  nature  dans  le  mystère  de  ses 
opérations.  En  examinant  de  quelle 
manière  pouvait  se  former  le  carbo- 
nate de  soude  dans  les  lacs  de  ISa- 
trum  ,  il  reconnut  que  ce  sel  était  le 
résultat  d'une  opéralionchimique  tout- 
k-fait  contraire  aux  lois  alors  admises 
sur  les  affinités.    C'est  après    avoir 
long-temps   médité  sur  ces  singuliers 
phénomènes  qu'il  parvint  h  s'en  rendre 
compte  et  h  expliquer  d'autres  ano- 
malies semblables ,  observées  précé- 
demment. Eh  quoi,    des  masses  im- 
menses de  muriate  de  soude  ,  pesant 
sur  un  banc  de  pure  craie  (carbonate 
de  chaux) ,    s'y    métamorphosent    en 
carbonate  de  soude  !  Que  deviennent 
la  les  lois  de  Bergman?  De  deux  cho- 
ses l'une ,    ou   l'acide   muriatique    a 
moins  d'affinité  sur  la  soude  que  sur 
la  chaux  (et   cependant  le  contraire 
est  certain),  ou  quelque  cause  incon- 
nue dérange  cette  affinité  naturelle. 
Or,  des  deux  hypothèses,  la  seconde 
seule  est   admissible.  Soudain  deux 
grandes  découvertes  se  dessinent  si- 
multanément dans  l'esprit  de  l'obser- 
vateur :  1°  Et  nous  aussi,  comme  la 
nature ,  nous  décomposerons  ce  mu- 
riate de  soude,  si  abondant  dans  nue 


BER 

foule  de  lieux,  mais  que  l'on  croyait 
indécomposable;  et  par  cette  décom- 
positiou  nous  aurons  en  immense 
quantilé  l'acide  murialique  qu'exigent 
nos  blanchisseries,  eu  immense  quan- 
tité la  soude  nécessaire  a  nos  fabriques 
de  verre,  désaveu,  à  nos  lessives. 
2°  Mais  celte  décomposition  est  un 
démenti  solennel  donné  par  les  faits 
a  la  théorie  des  affinités  électives.  Il 
n'est  pas  vrai  que  l'affinité  soit  une 
préférence  constante  :  l'action  chimi- 
que s'exerce  en  raison  de  l'affinité  et 
de  la  quantilé  de  chacun  des  corps 
mis  eu  contact  j  l'affinité  d'un  corps 
pour  un  autre  peut  s'exprimer  par 
la  quantité  qu'il  doit  en  dissoudre 
pour  en  être  saturé,  en  d'autres  ter- 
mes, par  sa  tapacité  de  saturation. 
La  première  de  ces  découvertes  , 
inème  en  la  réduisant  a  ce  qui  con- 
cerne l'extraction  de  la  soude,  a  fait 
verser  annuellement  plus  de  quarante 
millions  dans  le  commerce  de  la 
France.  La  deuxième,  non-seulement 
nous  ouvre  un  champ  illimité  dans 
le  domaine  des  combinaisons,  en  nous 
permettant  de  varier,  de  paralyser, 
de  déplacer  a  notre  gré  les  affinités; 
de  plus  elle  e>t  le  fondement  d'une 
théorie  magnifique  exposée  par  l'au- 
teur dans  ses  Reclierches  sur  les 
lois  de  l'affinité  et  dans  sa  Statique 
chimique,  théorie  qui,  quoique  jugée 
aujourd'hui  incapable  de  soutenir  la 
lutte  avec  le  système  électrochiiuique, 
n'en  restera  pas  moins  un  chef-d'œu- 
vre de  sagacité  ,  de  hardiesse  ,  de 
profondeur, et  sera  toujours  regardée 
dans  l'histoire  de  la  science  comme 
l'ère  de  la  chimie  mathématique,  que 
la  théorie  atomique  et  les  nombres 
proportionnels  d'une  part ,  de  l'autre 
les  expériences  par  la  pile  et  les 
courants  électriques  ,  ont  en  peu  d'an- 
nées porté  k  un  point  si  élevé,  A  ce 
lilrc,    le  système  de  L'ertholkt  ue 


BER 


i3r 


peut  être  passé  sous  silence.   Oblio-é 
Il  11      I  ° 

d  eu  retracer  1  analyse  ,  nous  eu  em- 
pruntons les  traits  principaux  k  Cu- 
vier.  ce  L'action  chimique  s'exerce 
en  raison  de  l'affinité  et  de  la  quan- 
tité de  chacun  des  corps  mis  en  con- 
tact. L'affinité  d'un  corps  pour  un 
aulre  s'exprime  par  sa  capacité  de 
saturation.  Que  deux  acides  agissent 
sur  une  base,  ils  agissent  chacun  en 
raison  de  leur  masse  et  de  leur  ca- 
pacité' de  saturation  j  mais  ces  trois 
substances  demeureraient  unies  et 
formeraient  un  même  liquide  (  il  en 
serait  de  même  de  la  dissolution 
commune  de  deux  composés  binaires, 
leurs  quatre  substances  demeureraient 
ensemble),  s'il  ne  survenait  pour  les 
séparer  des  causes  étrangères  k leurs 
affinités  mutuelles.  Mais  ces  trois  , 
ces  quatre  substances  peuvent  former, 
prises  deux  k  deux  ,  diverses  combi- 
naisons; et  si  l'une  de  ces  combinai- 
sons est  de  nature  a  devenir  cohé- 
rente ou  k  se  gazéifier,  ou  il  se  fait 
un  précipité,  ou  il  s'élève  une  vapeur, 
et  le  liquide  ne  garde  que  les  sub- 
stances que  ces  causes  n'en  ont  pas 
séparées.  Rarement  même  la  sépara- 
tion est  complète.  Pour  cela  ,  il  faut 
que  l'échange  des  combinaisons  n'ait 
laissé  au  liquide  aucune  force  dissol- 
vante, sur  le  composé  qui  tend  soit  k 
se  précipiter,  soit  a  devenir  élastique. 
Même  chose  a  lieu  dans  les  simples 
dissululious.  L'affinité  les  considére- 
rait dans  toutes  sortes  de  propor- 
tions, si  telle  de  ces  proportions,  à 
l'instant  où  elle  se  réalise,  n'amenait 
pas  un  effet  qui  contrarie  ceux  de 
l'affinité,  comme  une  cristallisation 
ou  une  évaporalion.  Alors  seulement 
se  forment  les  composés  a  propor- 
tions fixes.  De  là  l'auteur  apprécie 
séparément  toutes  Ls  circonstances 
qui  amènent  ou  solidification  ou  pas- 
sage k  l'état  élastique,  puis  les  varia- 


iSa 


BER 


tions  que  ces  états  eux-mêmes  appor- 
tent aux  affinités  des  substances.  Il 
montre  comment  la  chaleur,  qui  na- 
turellement devrait  contrarier  Faffi- 
nité ,  puisqu'elle  écarte  les  molécules, 
la  favorise  parfois,  vu  qu'elle  détruit 
la    cohésion ,    autre   antagoniste   de 
raffinllé.  Son  action  alors  diffère  en 
raison  de  l'atteinte   plus   ou  moins 
forte  qu'elle  porte  a  la  cohésion ,  ou 
du  plus  ou  du  moins   de   solubilité 
qu'elle  donne  aux  diverses  substances 
dans  ses  divers  degrés.  De  la  les  va- 
riations   des    afiinités   qui  changent 
avec  les  températures.    La  lumière 
aussi  est  un  agent  modificateur  des 
affinités.  Enfin  la  force  relative  des 
alcalis  et  acides   l'occupe,  le  jette 
dansune  foule  d^expériences  difficiles 
et  délicates  ,  et  il  prononce  qu&  l'a- 
cidité et  l'alcalinité  s'entre-dé  truisent, 
en  d'autres  termes  se  saturent  dans 
une  proportion  fixe,  non-seulement 
quand   tel  acide  agit  sur  telle  base , 
ou  telle  base   sur    tel  acide,    mais 
quelle  que  soit  la  base  dont  l'acide 
se  sature ,    ou  quel   que  soit  l'acide 
qui  sature  la  base.  L'alcalinité  et  l'a- 
cidité sont  donc  des  propriétés    de 
nature  contraire  ,  mais  d'une  nature 
toujours   la   même  dans  chacun  des 
deux  genres  ;  qui  varie  selon  les  es- 
pèces pour  l'intensité,  mais  qui  dans 
chacune  de  ces  espèces  conserve  tou- 
jours la  même  intensité:  en  sorte  que 
l'acide  qui  prend  plus  ou  moins  de  tel- 
le base  pour  se  saturer  que  tel  autre 
acide  ,  prend  aussi  plus  ou  moins  de 
toutes  les  autres  bases,  et  toujours  dans 
la  même  proportion.  3>  On  ne  s'éton- 
nera pas  d'après  cela  que  les  Recher- 
ches de  BerthoUet   sur  les  lois  de 
l'affinité,  lues  de    1799  a   1806, 
aient  été  insérées  dans  un  grand  nom- 
bre de  recueils  ,  et  que  la  première 
partie  ,  imprimée  a  part  (  1801  ,  et 
1 806) ,  ait  été  traduite  en  allemand 


BER 

par  Fischer   (Berlin^    1802)  et  en 
anglais  par  Farrel  (Londres,  i8o4). 
Mis  au  jour  en  i8o3,  les  Essais  de 
statique   chimique    obtinrent  ,    dès 
iSo/f  ,  les  honneurs  de  la  traduc- 
tion :    Lambert  les  traduisit  en  an- 
glais (Londres);  Dandolo  en  italien 
(Rome)  :  Bartoldy  et  Fischer  en  pu- 
blièrent   une    traduction   allemande 
k  Berlin  ,    i8o5.  —  Jusqu'ici  nous 
avons  vu  BerthoUet  prendre  grande 
part  aux  travaux  de  l'académie ,  de 
l'institut  de   France  et  de  l'institut 
du  Caire.  A  partir  de  cette  époque^ 
il  eut  aussi  sa  grande  part  de  digni- 
tés ,  d'honneurs ,  de  richesses.    Ap- 
pelé au  sénat  conservateur  après  la 
révolution  du  1 8  brumaire ,  il  fut  en- 
suite  nommé  comte,    grand-officier 
delà  Légion-d'Honneur,  et  plus  tard 
grand'croix  de  l'ordre  de  la  Réunion. 
—  Il  fut  doté  de   la   sénatorerie  de 
Montpellier,  oii  il  se  rendit  en  i8o5, 
et  où  il  retourna  en   1806,  lorsqu'il 
alla  présider  le  collège  électoral  du 
département  des  Pyrénées-Orienta- 
les. Heureusementpourlascience  que 
BerthoUet   ne  se  laissa  ni  éblouir  ni 
absorber  par  des  fonctions  aussi  éle- 
vées, aussi  importantes.    Toujours  il 
conserva  sa   simplicité  et   son   goût 
pour  la  retraite  et  l'étude.    C'était 
sans  doute  afin  de  pourvoir  aux  frais 
de  la   science   que  l'empereur  avait 
désigné  pour  BerthoUet  la  riche  sé- 
natorerie de  Montpellier.  Cependant 
les  revenus  de  cette  sénatorerie  et  de 
tous  ses  emplois  ne  pouvaient  suffire 
aux   dépenses  multipliées   auxquelles 
il  était  entraîné  comme  malgré  lui 
par  des  expériences  faites  en  grand  , 
par  des  travaux  continuels  pour  l'a- 
mélioralion  des  arts,  par  l'entretien 
d'un   vaste  laboratoire  ouvert   sans 
cesse  aux  amis ,   aux  étrangers ,   et 
surtout  a  ses  nombreux  élèves,  qu'il 
voyait  avec  plaisir  s'exercer  sous  ses 


BËR 

yeux  aux  préparalions  les  plus  déli- 
cates de  la  cliimie.  Aussi  noire  sa- 
vant se  trouva-t-il  une  foisforcé  d'in- 
troduire la  plus  grande  économie  dans 
sa  mai>on  ,  de  vendre  ses  chevaux  et 
de  ne  plus  aller  a  la  cour.  Instruit 
de  cela ,  Napoléon ,  qui  l'aimait  et 
qui  l'appelait  son  cliimiste,  le  fait 
mander  aux  Tuileries  5  et  ,  après  lui 
avoir  reproché  de  ne  s'être  pas  plus 
lot  adressé  a  lui,  il  ajouta  :  «  J'ai  tou- 
cc  jours  cent  raille  écus  au  service 
«  de  mes  amis.  55  Et  celte  somme 
lui  fut  remise  le  lendemain.  C'était 
par  de  nouvelles  découvertes  ,  par  de 
nouveaux  services  rendus  aux  arts  et 
à  la  société  que  Berthollct  répondait 
a  de  si  grands  bienfaits.  C'est  vers 
ce  temps  qu'en  faisant  diverses  ex- 
périences ,  il  fut  frappé  de  la  grande 
tendance  qu'a  l'hydrogène  h  se  com- 
Liner  avec  le  charbon  ,  et  de  la  té- 
nacité avec  laquelle  celui-ci  retient 
l'hydrogène.  S'étant  assuré  que  ,  par 
suite  de  ce  phénomène,  l'eau  qui  se 
trouvait  en  contact  avec  le  charbon 
n'était  point  altérée,  que  le  charbon 
de  son  côté  restait  intact,  il  comprit 
que  c'était  là  un  moyen  de  conserver 
l'eau  douce  dans  les  embarcations  de 
long  cours ,  en  faisant  brûler  l'inté- 
rieur des  tonneaux  destinés  a  la  con- 
tenir. L'expérience  fut  faite ,  et  con- 
firma que  Ton  devait  a  Berthollet 
une  nouvelle  et  utile  découverte. 
«  Singulière  destinée  ,  s'écrie  M. 
a  Pariset,  qu'une  idée  conçue  dans 
«  un  cabinet  de  Paris  sauve  la  vie  a 
K  des  marins  dans  le  détroit  de 
ce  Behring  ;  »  c'est  en  1 8 1 5  que  l'é- 
quipage de  M.  de  Rruseustern  se 
trouvait  si  bien  de  l'avis  de  Berthol- 
let; et  c'est  en  1 8  0 1  que  cet  habile  ap- 
plicaleur  des  faits  scientifiques  avait 
lu  a  rinstilut  ses  Observations  sur 
le  charbon  et  sur  les  gaz  hydro- 
gènes carbonnés.  L:i  haute  fortune 


BER 


i35 


k  laquelle  semblaient  le  convier  les 
boutés  de  l'empereur  ne  put  le  dis- 
traire sérieusement  de  ses  études 
chéries.  Au  lieu  de  faire  preuve  d'as- 
siduité a  la  nouvelle  cour,  il  se  retira, 
se  confina  pour  ainsi  dire  à  la  campa- 
gne, dans  sa  maison  d'Arcueil. Il  y  avait 
construit  un  laboratoire  ;  il  y  vivait 
au  sein  de  l'amitié,  mais  d'une  amitié 
toute  chimique  5  il  exerçait  une  noble 
hospitalité  envers  les  chimistes  étran- 
gers 3  il  formait  a  la  science  des  jeu- 
nes gens  dont  il  avait  pressenti  le  mé- 
rite, et  acquittait  ainsi  en  faveur  de  ta- 
lents encore  inconnusla  lettre  de  chan- 
ge qu'il  avait  jadis  tirée  sur  Tronchin; 
il  fondait  la  société  d'Arcueil ,  dont 
il  était  l'àrae,  et  dont  le  monde  savant 
connaît  les  trois  excellents  volumes 
de  recueils  j  infatigable  dans  ses  tra- 
vaux, il  y  insérait  la  Descriptioti 
d'un  manomètre  pour  reconnaître 
les  changements  qui  surviennent 
dans  l'élasticité  et  la  composition 
d'un  t>olume  d'air  déterminé  (T.  i , 
1807)5  ^^^  Observations  sur  l'al- 
tération f/ue  l'air  et  l'eau  produi- 
sent dajts  la  chaleur  (T.  1)5  sur 
les  proportions  des  éléments  et 
quelcpies  combinaisons  (T.  2)  j  sur 
les  hydrogènes  carburé  etoxicar- 
buré  (même  T.)  5  et  des  notes  sur  di- 
vers sujets  (T.  2,  p.  4^485  454.,  463, 
470  ,  484).  L'Institut  eut  encore  de 
lui,  outre  trois  rapports  (1°  sur  les 
Recherches  chimiques  touchant  la 
végétation,  de  M.  Th.  de  Saussure, 
18045  -"sur  le  mémoire  du  même 
auteur,  relatif  a  la  composition  de 
l'alcool  et  de  l'éther  sulfurique  , 
1807:  3°  sur  les  Recherches  phy- 
sico-chimiques de  MM.  Gay-Lussac 
et  Théuard  .  18 11"),  des  Considéra- 
tions sur  l'analyse  végétale  et  l'a- 
nalyse ajiimale,  1809;  des  Obser- 
vations sur  les  précipités  mercu- 
riels  et  sur  ceux  du  sulfate  d'alu- 


i34 


BER 


mine,  1 8 1 2  :  enfin  des  Observations 
sur  la  composition  de  l'acide  o.ri- 
miiriatique ,  même  année.  Son  fils 
alors  venait  de  mettre  fin  a  ses  jours. 
Celte  mort  prématurée  lui  causa  une 
affliction  d'autant  plus  viv^e  ,  que  ses 
talents  et  son  goût  pour  la  chimie 
promettaient  un  digne  héritier  de  la 
gloire  paternelle.  Il  ne  se  remit  ja- 
mais complètement  de  ce  coup  terri- 
ble, auquel  il  songeait  toujours,  et 
qu'une  haute  discussion  de  chimie 
transcendante  avait  seule  le  privilège 
de  lui  faire  oublier  un  instant.  L'an- 
née i8i4  commença  tristement  pour 
Berthollet.  La  mort  de  Guyton  de 
Morveau,  un  de  ses  meilleurs  amis,  et 
sur  la  tombe  duquel  il  fit  un  dis- 
cours le  i  janvier ,  avait  laissé  dans 
son  caractère  une  profonde  atteinte 
de  tristesse  et  d'incertitude.  Au  mois 
d'avril  suivant  ,  cédant  aux  conseils 
de  son  ami  Laplace ,  il  prononça 
la  déchéance  de  Napoléon  et  vola 
la  création  d'un  gouvernement  pro- 
visoire. Cet  acle  sans  doute  lui 
coûta.  Il  ne  pouvait  oublier  que  Na- 
poléon l'avait  nommé  son  ami.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'il  ne  fut 
appelé  à  aucun  emploi  pendant  les 
cent-jours.  Louis  XVIH  ,  après  son 
second  retour,  le  rappela  a  la  cham- 
bre des  pairs,  dont  il  avait  fait  partie 
depuis  sa  création.  Il  s'y  moulra  le 
défenseur  des  principes  constilulion- 
nels  ,  fil  plusieurs  rapports  intéres- 
sants sur  les  ftrs ,  sur  les  poudres  ^et 
salpêtres,  et  présenta  quelques  vues 
utiles  sur  les  canaux  de  petites  dimen- 
sions. C'est  au  milieu  de  ces  distrac- 
tions politiques  et  de  ces  chagrins  de 
cœur  qu'il  fut  attaqué  d'une  de  ces 
maladies  qui  surprennent  et  désespè- 
rent la  médecine.  A  la  suite  d'une 
fièvre  légère  ,  un  anthrax  de  la  nature 
la  plus  maligne  vint  le  dévorer  pen- 
dant des  mois  entiers.  Médecin, i!  put 


BER 

supputer  lui-même  les  lents  progrès 
de  l'incurable  maladie,  et  calculer  les 
pas  que  ferait  vers  lui  celle  mort  ac- 
compagnée de  la  douleur  ;  philosophe, 
il  subit  sans  plainte  celle  longue  ago- 
nie. C'est  qu'il  possédait  tous  les 
genres  de  courage.  Dans  le  désert  et 
parmi  les  sauvages  Mamelouks  ,  à 
l'exemple  de  Monge  ,  il  avait  ranimé 
le  courage  et  la  gaîlé  des  soldats,  qui 
presque  tous  croyaient  que  Monge  et 
Berthollet  n'élaient  qu'un  seul  et 
même  homme.  Le  danger  ne  s'oppo- 
sait point  a  ses  recherches  scientifi- 
ques :  un  jour  qu'il  remontait  le  Nil 
sur  une  barque  où  les  Mamelouks  lui 
envoyaient  force  balles,  on  le  vit 
remplir  ses  poches  de  pierres.  «  Que 
préteudez-vousfaire?  »  lui  demanda- 
t-on.  —  et  Couler  à  fond  plus  vile  , 
a  répondit-il  ,  et  n'être  pas  mutilé 
par  ces  barbares,  jj  Pendant  le  siège 
de  Saint- Jean -d'Acre,  Berlhollet 
voyant  la  peste  imminente  n'hésila 
point  à  se  joindre  au  baron  Lar- 
rey ,  pour  annoncer  ce  fléau  ter- 
rible. Ou  le  blâme,  on  l'accuse  d'im- 
prudence et  de  témérité  :  «  Dans 
ce  huit  jours ,  s'écrie  Berthollet  avec 
«douleur,  je  serai  trop  vengé.  » 
Sinistre  prédiction  ,  et  qui  bientôt 
s'accomplit  en  dépit  du  chef  qui  vou- 
lait se  dissimuler  a  lui-même  cet  hor- 
rible fléau.  La  retraite  commença. 
Berthollet,  forcé  de  céder  son  car- 
rosse a  des  généraux  blessés,  par- 
court à  pied  vingt  lieues  de  désert 
comme  il  eût  fait  une  promenade. — 
Peu  de  temps  avant  le  9  thermidor  , 
un  dépôt  graveleux  trouvé  au  fond 
de  quelques  barriques  d'eau-de-vie 
donne  lieu  a  une  grave  accusation 
contre  un  fournisseur  qui  voulait,  di- 
sait-on ,  empoisonner  l'armée.  On 
confie  a  Berlhollet  l'analyse  du  li- 
quide. Tout  annonçait  qu'on  cliercLiit 
un  coupable  et  que    ion    convoitait 


BER 

les  richesses   du    fournisseur.    Ber- 
tliollct,   toujours  inflexible   quand  il 
s'agissait  de  probité  et  de  justice, 
n'iiéslte    point  à    faire   un    rapport 
favorable.  Appelé  devant  cet  indigne 
tribunal  qui  portait  le  nom  de  comité 
de  salut   public,    il   est  interrogé 
d'un  ton  menaçant:  «  Es- tu  sur  de  ce 
que  tu  dis?  —  Très- sur,  répond  avec 
calme  le  savant.  —  Ferais-tu  sur  toi 
l'épreuve  de  celte  eau-de-vie?  Ber- 
thollet,  sans  dire  un  mot ,    en  avale 
un  grand  verre. — •  Tu  es  bien  bardi! 
—  3Ioius  que  je  ue  Tétais  en  écrivant 
raonrapport.  "  Son  désintéressement, 
sa  générosité  ne  méritent  pas  moins 
d'admiration  que  sonberoïsme.  Quoi- 
que conlinuellemeut  gêné,    soit  par 
SCS  dispendieuses   expériences  ,  soit 
parce  que  ,  comme  beaucoup  de  gé- 
nies élevés,  il  avait  toujours  Part  de 
partir  d'un   arriéré  ,    il   ne   cbercba 
jamais  a  tirer  parti  pour  lui  de  ses 
rccberclies  ,  qu'il  eût  pu  tenir  secrè- 
tes sans  que  qui  que  ce  fût  l'en  eût 
blâmé.  Une  découverte  n'était  pour 
lui  qu'un  théorème  de  plus ,    et  ce 
théorème  un  degré  plus  haut   pour 
monter  "a  la  vérité.  Sous  le  point  de 
vue  utilitaire,  sa  patrie,  ou  plutôt  le 
monde  ,  et  non  lui ,  devait  récolter  la 
moisson  semée  par  lui.  Le  chlore  ne 
lui  valut  qu'un  ballot  de  toiles  blan- 
chies par  son  procédé  :  encore  sa  dé- 
licatesse héslla-t-elle   "a   l'accepter, 
quoique   les  Anglais  qui  le  lui  en- 
voyaient lui  eussent  offert  de  le  pren- 
dre pour  associé.   Son  fils  éleva  une 
manufacture    de  soude  5    mais   déjà 
BerlhoUel  avait  appris  a  l'Europe  le 
moyen  d'obtenir  de  la  soude  ,  et  plus 
d'une  opulente  fabrique  s'était  élevée 
à  sa  voix.   Sa   modestie  égalait  son 
mérite:    et   souvent  iSapoléou ,    qui 
rassemblait  sur  la  tète  de  sou   chi- 
miste lo;itesles découvertes  chiml([ues 
du  siècle,  l'cnlendait  faire  la  répar- 


BER 


î35 


lllion   des  gloires   entre    lui  et   ses 
confrères  ,  entre  les  Français  et  l'é- 
tranger. Les  gens  de  lettres  ont  re- 
marquéque,  quoique  peu  habile  dans 
Part  d'exposer  ses  idées,    il  n'était 
pas  ennemi  de  la  littérature,  et  que 
dans  l'âge  mûr  et  dans  la  vieillesse  il 
était  resté  fidèle  au  goût  que  jeune  il 
avait  pour  les  représentations  de  la 
scène.    Sa  mort,  trop  annoncée  par 
les  douleurs  qu'il  ressentait ,  arriva 
le  6  nov.  1822,  dans  sa  maison  d'Ar- 
cucil.   Ses  obsèques  se  firent  dans  la 
commune  même,  avec  toute  la  solen- 
nité que  commandaient  son  rang  et  sa 
célébrité.  Son  buste,  magnificjuement 
exécuté  par  M.  Gajrard,  est  un  des 
plus  beaux  ornements  de  la  bibliothè- 
que de  l'institut.  Au  nom  de  linstitut 
de  France  et  de  l'institut  d'Egypte, 
MM.  Chaptal,  Thénard,  Gay-Lussac, 
furent    les  premiers   organes   de  la 
douleur  publique.  Chaptal  renouvela 
cet  hommage  a  sa  mémoire  dans  la 
chambre  des  pairs,  le  19  fév.  1823. 
Cuvier  a  prononcé  son    éloge  le   y 
juin  1824.,  dans  le  sein  de  l'acadé- 
mie des   sciences.   Un  autre  éloge, 
par  le  docteur  Pariset,  a  retenti  au 
milieu  de  l'académie  rovale  de  mé- 
decine. Enfin  ,  la  Revue  eiicyclopé' 
clique  fXM ,   /i.54  ,  XXX,  25),  le 
Journal desDéhcits  (23  nov.  1822, 
art.  Auger  et  Chevreul),  le  Journal 
philosophique  cl'Eclinburgh  (  IX  , 
pag.    I,    1823)    et    la    Biographie 
piémontaise  (II,  202)  lui  ont  consa- 
cré des  notices    intéressantes.    Les 
ouvrages  de  BerlhoUet  n'ayant  jamais 
été   réunis ,  nous   en  avons  donné  la 
bibliographie  avec  le  plus  grand  soin. 
On  remarque  que  presque  tous  sont 
épars  dans  les  Mémoiics  de  l'aca- 
démie  des  sciences  et  les  lilénioi- 
res  de  l'institut ,  dans  le  Journal 
de  phys. ,  dans  les  Ann.  de  chimie, 
le   Bulletin  de  lu  société    phil. , 


[36 


BER 


le  Magasiîi  encycl.  ,  les  Mém. 
surl'Egypte  ^  les  Mém.  de  la  soc. 
d' Arcueil.  Pour  compléter  la  bi- 
bliographie de  Beiihollel  il  faudrait 
y  joindre  la  liste  de  quelques  ouvrages 
auxquels  il  a  coopéré  et  de  quelques 
autres  dout  il  n'a  été  que  traducteur 
ou  éditeur.  Tels  sont  notamment  le 
Mémoire  de  TV ollaston  sur  le  pal- 
ladium [kwi.  de  chimie  ,  1809)  et 
celui  de  Davy  sur  quelques  affinités 
secrètes  de  l'électricité [\h.,  1807). 
M — z  et  P — OT. 
BERTI  (Pierre),  littérateur, 
naquit  à  Venise,  en  174-I.  Entré 
chez  les  jésuites,  il  professa  la  rhé- 
torique a  Parme  et  ensuite  a  Reggio. 
Quoi  jue  très-jeune  encore  ,  il  fut,  sur 
la  présentation  du  célèbre  Paradisi, 
reçu  membre  de  l'académie  de  cette 
dernière  ville.  A  la  dissolution  de  la 
société  ,  l'abbé  Berti  revint  a  Venise, 
où  il  se  chargea  de  l'éducation  de 
quelqtfes  jeunes  patriciens.  Il  parta- 
geait son  temps  entre  ses  élèves  ,  la 
culture  des  lettres  et  la  recherche  des 
livres  rares ,  dout  il  forma  une  col- 
lection très  -  remarquable.  Estimé 
pour  ses  talents  et  surtout  pour  son 
caractère,  il  eut  de  nombreux  amis, 
et  mourut  à  Padoue  en  i8i3  ,  a 
73  ans.  Où  lui  doit  une  bonne  édi- 
tion de  VEsopo  volgarizzato  per 
unoda Siena,?3iàovie y  i8ii,in-8°. 
Elle  est  enrichie  d'une  préface  très- 
érudite ,  dans  laquelle  Berti  rend 
compte  de  ses  travaux^  et  de  trois 
tables  des  mots  cités  dans  le  Diction- 
naire de  la  Crusca.  Le  P.  Bloschini 
(  Biografia  uiiiversale  )  trouve  cette 
édition  préférable  à  celle  qu'avait  pu- 
bliée Manni  a  Florence  ,  17 78.  Il  en 
existe  au  moins  six  exemplaires  sur 
vélin  (  Gamba  série  dé  testï).  La 
nouvelle  édition  de  Brescia,  1818, 
in- 16,  reproduit,  il  est  vrai,  le  texte 
de  Berti  j  mais  on  en  a  retranché  la 


BER 

préface  et  les  tables.  Outre  \Orai- 
soii  funèbre  ^  en  latin,  du  Doge 
Louis  Mocenigo,  Venise,  1779  ,  et 
quelques  Discours  prononcés  dans 
des  occasions  solennelles  ,  on  cite  de 
Berti  un  petit  poème  ,  dans  le  genre 
gracieux,  publié  quelques  années  après 
sa  mort  par  un  de  ses  élèves  :  La 
Pesca  di  Coimnacchio ,  stanze^  Pa- 
doue ,  181 4,  in-8°.  W — s. 

BERTIE  (Thomas  Hoar, 
connu  sous  le  nom  de)j  amiral  an- 
glais ,  naquit  a  Londres  le  3  juillet 
1758.  Destiné  dès  l'enfance  kla  ma- 
rine ,  il  fut  a  l'âge  de  treize  ans  placé 
sur  les  registres  d'équipage  du  yacht 
Guillaume  et  Marie.  Deux  ans  plus 
tard  (1773),  il  vit  pour  la  première 
fois  la  mer  sur  la  frégate  le  Cheval 
marin ,  capitaine  Farmé.  C'est  là 
que  commencèrent  ses  liaisons  avec 
les  deux  célèbres  marins  Nelson  et  sir 
Thomas  Trowbridge.  En  1777,  sur  le 
désir  de  lord  Mulgrave,  son  protec- 
teur, il  quitta  le  Cheval  marin  pour 
le  S alishury  qui  portail  le  pavillon  de 
sir  Ed.  Hugues^  et  revint  en  Anglerre 
avec  cet  officier,  le  i^mai  de  l'année 
suivante.  Huit  jours  après  il  recevait 
sa  commission  de  lieutenant  avec 
l'ordre  de  se  rendre  sur  le  Monar- 
que, vaisseau  de  ligne  de  74  canons  j 
11  s'y  distingua  également  par  son 
habileté  comme  théoricien,  et  dans  la 
bataille  entre  Keppel  et  d'Orvilliers 
(27  juillet  1778);,  par  sa  bravoure 
comme  homme  de  guerre.  Ces  deux 
qualités  éclatèrent  de  même  h  bord 
du  Sujfolk  où  il  accompagna  au 
mois  de  décembre  suivant  le  ca- 
pitaine Rovs'ley.  Ce  dernier  fit  voile 
aussitôt  avec  une  escadre  destinée  a 
renforcer  l'amiral  Byron  dans  les  In- 
des occidentales.  Trois  mois  environ 
s'étaient  passés  depuis  la  jonction  de 
la  flotte  et  de  Pescadre  ,  quand  , 
le  6  juillet  1779  5  eut  lieu  le  cora- 


BER 

bal  devant  la  Greiiade.  he  Suffi) Ik 
prit  une  part  très-vive  à  cette  action 
où  il  eut  trente-deux  borames  tant 
tués  que  blessés.  Au  mois  de  décem- 
bre de  la  même  année  ,  Bertie  fut 
chargé  d'aller  ,  a  l'aide  des  embarca- 
tions du  Suffhlk,  détruire  les  vais- 
seaux ennemis  sur  la  côte  delà  Mar- 
tinique; il  en  détruisit  deux  et  ne 
perdit  dans  cette  excursion  qu'un 
seul  homme ,  quoiqu'il  eût  été  atta- 
qué par  la  milice  de  l'île.  Pendant  ce 
temps,  le  capitaine  Rowley  était  de- 
venu contre-amiral.  De  plus  en  plus 
attaché  k  un  officier  dont  les  services 
n'avaient  point  été  inutiles  à  son  pro- 
pre avancement  ,  il  voulut  en  être 
accompagné  sur  le  Conquérant,  le- 
quel fil  partie  de  la  flotte  qui  les 
1 7  avril ,  i  3  et  19  mai  1780,  eut  a 
combattre  l'amiral  français  Gulchen. 
(  J^oj.  ce  nom,  XIX,  78).  L'é- 
quipage compta ,  dans  cette  triple 
affaire  ,  dix-huit  morts  et  soixaule- 
neuf  blessés.  La  brillanteconduitede 
Bertie,  dans  ces  diverses  circonstan- 
ces ,  lui  valut  au  mois  de  juillet  le 
rang  de  lieutenant  de  pavillon  de 
l'amiral  Rowley.  Le  i  0  août  1782, 
il  fut  nommé  commandant  et  eut 
d'abord  sous  ses  ordres  le  sloop  le 
duc  d'Estissac  avec  lequel,  pendant 
le  reste  de  la  guerre  contre  la  France, 
il  rendit  beaucoup  de  services  tant 
sur  les  côtes  de  l'Amérique  continen- 
tale que  dans  l'archipel  des  Antilles. 
La  paix  de  1783  le  mit  en  non-ac- 
tivité, jusqu'en  1790,  C'est  dans  cet 
intervalle  qu'ayant  épousé  miss  Ber- 
tie, Hoar  crut  devoir  condescendreau 
vœu  de  sou  beau-père,  en  substituant 
ce  nom  au  sien.  Le  22  nov.  1790,  il 
reçut  le  commandement  de  la  Lédw^ 
mais  presque  aussitôt  un  contre-ordre 
le  rendit  k  sa  vie  casanière,  et  il  n'en 
sortit  que  dans  l'automne  de  i  796  , 
pour  prendre  le   commandement  de 


BER 


i37 


VHindoustan,  vaisseau  de  cinquante- 
quatre  canons,  alors  k  Spithead.  Il 
fit  voile  de  ce  port  pour  les  Indes 
occidentales  avec  le  reste  de  l'escadre 
commandée  par  l'amiral  Bowen  ,  et 
une  flotte  qui  avait  abord  plusieurs 
milliers  d'hommes  sous  les  ordres  du 
général  White  pour  conquérir  St-Do- 
mingue.  L'expédition  manqua  :  Ber- 
tie fut  pris  de  la  fièvre  coloniale  au 
Port-au-Prince  ,  et  forcé  de  résigner 
son  emploi  et  de  revenir  en  Angleterre 
(oct.  1796).  L'année  suivante  on  lui 
confia  V Ardent ,  de  soixante-quatre 
canons.  Il  y  signala  son  entrée  en 
proposant  dans  la  construction  du  bâ- 
timent diverses  modificalionsingénieu- 
ses  qui  furent  approuvées  por  l'ami- 
rauté, puisbientôt  étendues  k  un  grand 
nombre  de  bâtiments.  Il  fut  ensuite 
employé  sous  lord  Duncan  au  blocus 
de  la  flotte,  du  Texel.  Lors  de  l'ex- 
pédition contre  la  Hollande,  en  août 
1799,  il  passa  sous  le  commande- 
ment du  vice-amiral  Mitchell.  Après 
la  reddition  de  la  flotte  hollandaise, 
il  prit  possession  du  vaisseau-amiral 
le  Ruj-ter,  et  peu  après  escorta 
les  autres  prises  jusqu'aux  rives 
de  la  Grande  -  Bretagne.  Il  assista, 
en  octobre,  k  l'évacuation  du  Texel, 
et  fut  un  des  officiers  qui  recurent 
nominativement  les  félicitations  des 
deux  chambres  pour  leurs  services 
dans  celle  expédition.  En  1 800,  l'Ar- 
dent fut  une  des  voiles  de  l'escadre 
envoyée  dans  le  Sund  sous  les  ordres 
de  Dickson  pour  y  appuyer  la  mission 
de  lord  Whilworth.  Peu  après,  ce 
navire  passa  dans  l'escadre  de  Nelson 
etpritpart,  sous  cet  intrépide  amiral, 
k  la  bataille  en  vue  de  Copenha- 
gue. Il  s'empara  de  quatre  vaisseaux 
danois,  et  fut  nommé  avec  beau- 
coup d'éloges  dans  le  rapport  de 
Nelsou.  Bientôt  Bertie  pas^a  au  coiu- 
mandemeut  de  la  Bellone  (vaisseau 


i38 


BER 


BER 


de  74),  continua  son  service  dans 
la  Baltique  sous  Nelson  et  sous  son 
successeur  Pôle;  il  se  joignit  ensuite 
à  l'escadre  de  Tboinas  Grave,  dont 
une  partie  cingla  vers  Cadix  et  fut 
employée  au  Llociis  de  la  flolte  espa- 
gnole. Cette  expédition  terminée, 
Berlie  se  rendit  avec  Tyler  aux  In- 
des orientales.  Revenu  en  Angleterre, 
il  y  resta  sans  emploi  jusqu'en  i  8o3, 
ou  plutôt  jusqu'en  i8o5.  Car  il  ne  fit 
qu'une  courte  apparition  ,  de  nov. 
1 8  0  3  k  février  1 8  0  4^ ,  sur  le  Coura- 
geux,  vaisseau  de  74^,  qui  portait  le 
pavillon  du  contre-amiral  Dacres  et 
qui,  chargé  d'escorter  une  flotte  mar- 
chande de  170  voiles  .  fut,  ainsi  que 
tout  le  convoi,  battu  par  une  épouvan- 
table tempête.  De  i8o5  a  1808,  il 
commanda  le  S t- George  qui  faisait 
partie  de  la  flolte  du  canal.  Enfin, 
eu  avril  1808  ,  il  fut  élevé  au  poste 
de  conlre-amiral  qu'il  avait  acheté 
par  tant  de  services.  Il  n'eut  guère  le 
temps  de  s'y  distinguer  de  nouveau. 
Envoyé  dans  la  Baltique  sous  Sau- 
marez,  il  fut  obligé  par  la  formation 
prématurée  de  glaces  de  revenir  k 
Yarmouth.  L'année  suivante  il  fut 
employé  au  blocus  de  la  Zélande  et 
aux  stations  le  long  des  côtes  de  Da- 
nemark ,  de  Norvège  et  de  Suède. 
En  1810,  le  mauvais  état  de  sa 
santé  le  força  de  quitter  le  service  ac- 
tif. Il  n'en  reçut  pas  moins  le  titre 
de  chevalier  et  le  brevet  de  vice-ami- 
ral. En  18 13  ,  le  roi  de  Suède  lui 
avait  confère  l'ordre  du  Glaive.  Le 
vice  -  araiial  Bertie  mourut  le  i3 
juin  1826  k  Wyford-Lodge  (comté 
de  Hamps  ).  P — ot. 

BERTIX  (  Henri  -  Léonard- 
Jean-Baptiste)  ,  contrôleur-général 
des  finances  ,  naquit  eu  17  19,  dans 
le  Périgord,  d'une  ancienne  famille 
de   robe  (i).    Conseiller  en  174^, 

{')  II  av.'.iî  les  litres  de  comte  de  Bo'U'dcilli's, 


puis  président  au  grand-conseil ,  ou 
1760  ,  il  fut  l'un  des  commissaires 
chargés  d'instruire  le  procès  de  Mahé 
de  laBourdonnais(/^.  Mahé,XXYI, 
1.67);  et,  suivant  Voltaire ,  ce  fut 
principalement  a  son  équité  que  le, 
vainqueur  de  Madras  dut  une  justice 
qu'il  ne  tint  sans  doute  pas  k  Bertin 
de  rendre  plus  prompte  (2).  De  l'in- 
tendance de  Px-oussillon  ,  il  passa 
bientôt  (  1754)  k  celle  de  Lyon  où 
il  se  fil  connaître  par  ses  talents 
comme  administrateur.  Admis  k  l'a- 
cndémie  de  celte  ville  ^  il  lui  fit  don 
d'un  herbier  des  Pyrénées ,  formé 
par  Barrère  (  Voy.  ce  nom ,  III,  4 1 7) , 
habile  botaniste.  Il  fut  nommé  eu 
1707,  lieutenant-général  de  police 
k  Paris,  et  mérita  dans  cette  place 
importante  la  confiance  dtfroi,  en  sa- 
chant se  ménager  laprotcction  de  M""' 
de  Pompadour.  Les  finances  étaient 
dans  lasiluatiou  la  plus  déplorable  ; 
elles  contrôleurs-généraux, qui  se  suc- 
cédaient rapidement,  n'imaginaient 
aucun  moyen  de  remédier  aux  em- 
barras du  trésor,  qu'augmentait  en- 
core la  nécessité  de  soutenir  une 
guerre  dont  il  était  impossible  de 
calculer  la  durée.  Silhouette  {J^oy. 
ce  nom,  XLÎI ,  348),  en  bulle  kla 
haine  et  au  mépris  des  courtisans  qui 
contrariaient  toutes  ses  opérations, 
en  les  décriant  d'avance  ,  fut  obligé 
de  se  retirer,  et  le  roi  jeta  les  yeux 
sur  Berlin  pour  le  remplacer  (ocf. 
1769).  Trop  habile  pour  nepas  pré- 
voir toutes  les  dilEcullés  qu'il  aurait 
k  vaincre  dans  cette  place,  il  ne  ca- 
cha pas  la  répugnance  qu'il  éprou- 
A'ait  k  l'accepter  ;  et  lorsqu'il  alla 
remercier  le  roi ,  il  lui  demanda  la 
permission  de  s'endéineltre  k  lapaix. 
a  Je  vois  ,  lui  dit  ce  prince,  que  vous 

seigneur  de  Brantôme  et  premier  l)aron  dn  Pé- 
rigord. 

(2)  Voyez,  d.Tn5  les  œuvres  de  Vollairc, /'"ro^--- 
ni<-ri(s  Sdrl'lni/r  ,  avt.  3, 


BER 

connaissez  la  place  que  je  vous  con- 
iie.  »  Jamais  aucun  ininislre  ne  s'é- 
iait  trouvé  dans  un  plus  grand  em- 
barras. Les  coffres  élaieut  vides,  les 
revenus  dépensés  par  anticipation  ;  et 
le  refus  de  payer  les  jjillets  des 
fermes  avait ,  en  alarmant  les  prê- 
teurs ,  détruit  fouLe  espèce  de  crédit. 
La  première  opération  de  Berlin  fut 
d'ftuvrir  un  emprunt  viager ,  dans 
lequel  il  admit,  avec  des  sommes  ef- 
fectives, les  créances  sur  TElat  qui 
navaient  aucune  valeur.  C'était  offrir 
aux  prêteurs  l'appât  d'un  intérêt 
énorme;  mais  pour  soutenir  la  guerre, 
il  fallait  de  l'argent  a  quelque  prix 
que  ce  fût  ;  et,  malgré  l'espérance  de 
gros  bénéfices,  les  capitalistes  ne  te 
montraient  rien  moins  qu'empressés 
de  porter  leurs  fonds  au  trésor.  Ce- 
pendant la  confiance  qu'inspirait  la 
loyauté  du  nouveau  ministre  lui  fit 
trouver  des  ressources  la  où  il  ne 
pouvait  pas  l'espérer  (3).  Le  prince 
de  Conli,  l'ennemi  déclaré  de  Sil- 

(3)  Bertin  fit  créer  par  édit  (1760)  un  nctro! 
dans  les  villes  et  bourgs  du  royaume  ,  et  les 
parlemenis  firent  dus  remontrance.':.  Un  pré- 
cédent édit  (août  17&9)  avait  étaljli  un  droit  sur 
les  cuirs,  malgré  la  résistance  des  parlements. 
t?n  autre  édit  (févr.  1760),  en  supprimant  celui 
de  subvention,  créa,  pour  en  tenir  lieu,  un  nou- 
veau vinçtièi'ne  avec  augmentaticn  de  capita- 
tiou ,  et  les  parlements ,  les  chambies  des 
comptes  et  les  cours  des  nides  refusèrent  l'en- 
l'egistrement.  Des  difficultés  s'élevaient  aussi 
sur  le  paiement  du  dou  graluit  On  connaît,  par 
la  volumineuse  correspondance  de  Bertin,  dont 
l'auteur  de  cette  note  a  les  originaux,  quels 
étaient  alors  les  embarras  du  pouvoir.  11  lui 
fallait  sans  cesse  avancer  et  reculer.  On  voit 
Bertin  blâmer  l'intendant  Feydeau  de  Brou  de 
s'èlre  laissé  effrayer  au  point  d'avoir  pris  sur 
lui  de  suspendre  la  publication  et  l'affiche  d'un 
arrêt  du  conseil  (24  juill.  17(30);  on  voit  le  mi- 
nistre réduit  à  méditer  des  moyens  vi<  l^-nls.  Il 
demande  au  chancelier  communication  des 
pièces  sur  les  deux  inierdictions  du  parlement  de 
Mouerit  sous  le  chancelier  Pojet  et  sous  te  pitance- 
lier  Séguier.  Il  e.  rit  au  chancelier  (L.nmoignon  de 
Blaucmesnil),  le  24  fevr.  1760,  que  «  si  lesreso- 
«  lutions  du  conseil  restent  toujours  ainsi  sans 
«  exécution,  il  sera  très-difficile  de  penser  à  agir 
«  de  quelque  façon  que  ce  soit.  >>  La  lutte  était 
alors  vivement  engagée;  les  parlemenis  refu- 
saient de  déférer  aux  leltiPS  de  jussion.  Les  pays 
d'états  entraient  aussi  dans  la  résistance  des  cours 
souveraines.    L'histoire  de  reste  lutte  et  decette 


HEP. 


H:, 


houette,  offrit  à  Bertin  5 00,000  fr. 
qui  lui  furent  très  -  utiles  dans  ce 
pressant  besoin  ;  et  cet  exemple 
trouva  des  imitateurs.  Le  liasard  vint 
aussi  quelquefois  à  son  secours.  In- 
struit que  l'argent  manquait  pour  le 
prêt  des  troupes,  en  Allemagne  , 
Bertin  avait  expédié  un  courrier  à 
Strasbourg  ,  pour  négocier  avec  les 
Juifs  un  emprunt  à  quatre  pour  cent 
par  mois.  Son  courrier  était  a  peine 
parti  qu'il  reçut  la  nouvelle  de  la 
défaite  de  l'escadre  française,  com- 
mandée par  le  marquis  de  Conflans 
(20  novembre  lySçj).  Il  contre- 
mandason  courrier,  et,  mettant  à  pro- 
fit un  malheur  irréparable,  il  se  hâta 
d'expédier  en  Allemagne  l'argent 
qui  se  trouvait  sur  les  vaisseaux 
rentrés  dans  la  Vilaine.  Malgré 
tant  de  sollicitudes  que  lui  donnait 
l'état  du  trésor,  Bertin  put  s'occuper 
utilement  d'encourager  le  commerce 
etl'agriculture.  On  lui  dut  l'établisse- 
ment k  Paris  et  dans  les  provinces  des 
sociétés  d'agriculture  cnargées  d'é- 
clairer les  cultivateurs  sur  les  moyens 
d'augmenter  leurs  récoltes,  et  d'in- 
diquer au  ministre  les  modifications 
dont  les  anciens  règlements  pourraient 
être  susceptibles.  Il  faut  le  regarder 
aussi  comme  le  fondateur  des  écoles 
vétérinaires  en  France,  puisque  c'est 
a  sa  protection  éclairée  que  Bour- 
gelat  [Voy.  ce  nom,  V,  372)  dut 
les  fonds  nécessairespour  établir  celle 
de  Lyon, la  plus  ancienne  du  royaume. 
Le  gouvernement  avait  promis  de 
supprimer  à  la  paix  le  second  et 
le  troisième  vingtième  qui  ne  lui 
avaient  été  accordés  que  pour  sou- 
tenir la  guerre'  mais  le  trésor  était 

résistance  ,  qui  amenèrent  dix  ans  plus  tard  la 
dissolution  des  parlements  ,  et  enfin  la  révolu- 
tion de  178g,  n'a  pas  encore  été  écrite  avec  des 
documents  complets;  ce  serait  un  livre  histori- 
que riche  en  enseignements  et  en  utiles  et  hau- 
tes Irions,  V — VE  . 


i/,o 


liER 


trop  obéré  pour  qu'il  fut  possible 
de  tenir  celle  prouiesse  imprudente. 
La  cour  peusa  qu'un  lil  de  justice 
f  tonfferait  kleur  naissance  les  murmu- 
res du  parlemeuL  ;  mais  l'enregistre- 
ment  forcé  des  édils  bursaux  fut  sui\  i 
de  représentations  don  lie  duc  de  Choi- 
seul  feignit  d'être  eifrajé.  Berlin  ,  en 
corrigeant  ses  plans  ,  laissa  voir  aux 
parlements  que  la  cour  les  craignait  : 
cl  1  opposition  parlementaire  en  de- 
vint plus  menaçante j  le  contrôleur 
se  bâta  de  donner  sa  démission.  Il  fut 
remplacé  par  TAverdj  {J^oj.  ce 
nom,  m,  112).  Enquitlant  le  minis- 
tère (1760,  où  i!  s'était  conduit  avec 
plus  de  fermeté  qu'on  ne  devait  l'al- 
Icudre  d'nn  protégé  de  madame  de 
Pompadour  (4),  Berlin  conserva  sa 
place  au  conseil  avec  le  titre  et  le 
traitement  de  minisire  d'état.  Un  jour 
Louis  XV ,  s'eniretenant  avec  lui  des 
movt-ns  de  réformer  les  abus ,  finit 
par  lui  dire  qu'on  n'j  réussirait  jamais 
sans  refondre  entièrement  l'esprit  de 
ia  nalion,  et  il  le  pria  de  songer  de 
quelle  manière  on  pourrait  y  parvenir 
pins  sûrement.  Quelque  temps  anrès, 
Berlin  dit  au  roi  qa  il  croyait  avoir 
trouvé  le  secret  de  satisfaire  k  ses 
vœux. —  El  quel  esl-il?  demanda  le 
monarque. — Sire,  répondil  Berlin, 
c'est  d'iuocnler  aux  Français  l'esprit 
cbinois.  Telle  est,  suivant  Grimm,  à 
qui  nous  empruntons  cette  anecdote 
■iju'il  est  permis  de  suspecter  (Voy. 
Con-espondance  ,  nov.  lySS),  la 
cause  du  zèle  que  Berlin  montra 
pour  tout  ce  qui  concernait  la  Chine, 
zèle  auquel  nous  sommes  d'ailleurs 
redevables  des  Mémoires  sur  les 
Chinois  {ï^oy.  A-miot  ,  II,    48), 

(4)  Il  sut,  dit  MontyoD,  résister  avec  ferine- 
If  aux  ijrelentiins  du  duc  de  Choiseul  et  iixjiue 
à  (■fl.t;s  de  madame  de  Pom(iadour.  Jin  offrant 
sans  cesse  sa  démission,  il  garda  sa  place  qu'il 
ne  quitta,  comme  il  l'avait  annonce,  f(u'après  la 
sfsualure  de  la  jiaix  on  i^fi3. 


BER 

uu  des  ouvrages  les  plus  importants 
du  dernier  siècle.  L'bistoire  de 
France  ne  doit  pas  moins  h  Berlin 
que  celle  de  la  Cbine  :  c'est  lui  qui 
lit  recbercher  a  Paris,  dans  les  pro- 
vinces et  jusque  dans  la  Tour  de 
Londres  les  documents  inédits  pro- 
pres k  répandre  quelque  lumière  sur 
les  temps  encore  obscurs  de  la  mo- 
uarciiie.  Il  entretenait  une  correspon- 
dance suivie  avec  les  savants  qui  se 
livraientacespéuiblesrecberclies,  et 
les  encourageait  par  des  éloges  ,  par 
des    gratifications    qui   leur   furent 

fiayées  jusqu'à  l'époque  oîi  la  révo- 
ulion  vint  suspendre  leurs  travaux  , 
et  même  leur  en  dérober  le  fruit 
{Voj.  Brequigny  ,  V  ,  543,  et 
Grappin  ,  au  Supp.j.  C'est  a  lui  que 
la  manufacture  de  lèvres  a  du  son 
développement;  11  encouragea  aussi 
l'exploitation  des  mines  ,  et  fit  tra- 
duire de  l'allemand  les  meilleurs 
ouvrages  métallurgiques.  La  pro- 
tection que  Bertin  accordait  aux 
lettres  lui  mérita  d  être  admis  dans 
la  classe  des  membres  honoraires  k 
l'académie  des  sciences,  en  1 760  ,  et 
k  celle  des  inscriptions ,  en  1772. 
Il  était  aussi  commandeur  des  ordres 
du  Saint-Esprit  et  de  Saint-Michel. 
Après  la  retraite  du  duc  d'Aiguillon 
(1774),  il  tint  le  portefeuille  des 
affaires  étrangères  jusqu'à  la  nomina- 
tion de  \ergennes.  A  la  révolution, 
Berlin  fut  si  complètement  oublié 
que  so  1  nom  ne  se  trouvepas  une  seule 
fois  dans  le  JMoniteur.  Il  figure  ce- 
pendant encore  dans  la  liste  des  aca- 
déiiiicieus  honoraires,  en  1792  •  mais 
comme  il  a  disparu  de  celk;  de  l'année 
suivante,  on  peut  en  conclui'e  qu'il 
muurut  eu  1792?  âgé  d'environ 
soixanle-lreizeans.  On  trouve  quelques 
détails  sur  Berlin  dans  les  Particu- 
larités sur  les  mlnisti-es  desjinau- 
ces ,  édit.  de  Londres,  i45,  el  dans 


BEPv 

Vllisluirc  du  Xf^III'^  siècle,  par 
M.  Lacrelellc.  Dutens  rapporte 
dans  les  3/émoires  d'un  voyageur 
qui  se  repose ,  H  ,  1 1 3  ,  une  aven- 
ture extraordinaire  arrivée  k  Berlin  , 
et  qu'il  avait  racontée  lui-même  a 
madame  de Choiseul. On  aie  portrait 
de  ce  minière,  gravé  par  Gaillard, 
d'après Rosliu, in  fol.,  etparCatlie- 
lin  ,  in-4°-  — Un  autre  Bertijs 
{Pierrc-V' încent)  avait  été  tréso- 
rier-général du  sceau,  puis  des  par- 
ties casuelles,  sous  le  règne  de  Louis 
XIV. Ou  a  deux  beaux  portraits  de  lui 
gravés  par  G.  Edelinck  et  Vermeu- 
Jen,  d'après  Larglllière  et  Rigaud  , 
in-fol.  W — s. 

BERTI\  de  Blagny  {kv- 
cusTE-Louis) ,  membre  de  l'aca- 
démie des  inscriptions,  était  parent 
du  contrôleur-général,  qi:i  ne  fut  sans 
doute  pas  inulile  à  sou  avancement. 
Il  entra  jeune  dins  la  carrière  des 
finances,  et  obtint  en  17^2  la  charge 
de  trésorier-général  des  fonds  parti- 
culiers du  roi  (bureau  des  parties  ca- 
suelles). Il  s'y  maintint  jusqu'à  la 
suppression  de  cette  caisse,  qui  fat 
réunie  au  domaine  eu  janvier  1788  , 
et  il  consacra  ses  loisirs  a  la  culture 
des  lettres.  Admis  en  i749aracadé- 
raie  des  inscriptions,  dans  la  classe 
des  associés,  il  lui  communiqua  deux 
mémoires:  l'un  intitulé,  Réjlexioiis 
sur  la  vénalité  des  charges  en 
France,  impiimé  par  extrait  dans 
le  recueil  de  cette  savante  compagnie, 
tiim.  XXII,  278  ;  et  l'autre,  Disser- 
talion  sur  les  bailliages  royaux  , 
tom.  XXIV,  737.  En  1769,  il  passa 
dans  la  classe  des  vétérans'  (i), 
quoiqu'il    ne  fût  pas    alors  dans    un 

(i)  I>a  liaison  scandaleuse  de  Beitin  avec 
^lUe  Hiis  durait  encore  quelques  années  api-ès 
(y'oy.  une  lettre  de  Voltaire  à  d'Argental,  du 
II  octobre  1761).  11  la  quitta  pour  la  fameuse 
Sophie  Arnould,  qui  ne  tarda  pas  à  l'abandonner 
pour  revenir  à  son  ancien  amant ,  le  comte  de 


BER 


lAi 


âge  avancé  ,  et  son  nom  se  trouve  en- 
core sur  la  liste  des  académiciens , 
en  1-^91.  W — s. 

B  E  R  T I X  d'Antilly  (  Louis- 
Auguste),  littérateur  ,  né  Fers 
1760  ,  à  Paris,  était  le  fils  naturel 
de  M""  Hus,  actrice  de  la  Comédie- 
Française  ,  et  de  Berlin  trésorier- 
général  des  parties  casuelles  [Koy. 
l'art,  précédent),  qui  prit  soin  de  son 
éducation,  et ,  en  lui  donnant  la  place 
de  premier  commis  daus  ses  bureaux, 
crut  lui  assurer  une  existence  honora- 
ble. Aimant  les  lettres,  d'Anli'lv  les 
cultiva  dans  ses  loisirs  j  et  il  dut  a 
quelques  pièces  fugitives  la  réputation 
d'homme  d'espiit,  qu'on  soutenait 
alors  avec  assez  de  facilité  quand  on 
v  joignait  (juelque  fortune.  Bertin 
d'Antilly  concourut,  en  1785,  pour 
\'Elos;e  de  F auban;  mais,  dit  le 
malin  Rivarol,  dans  le  Petit  Alnia- 
jiach  des  "rands  hommes ,  Va.Cd.de- 
mie  craignit  de  prononcer  sur  le 
Hiérile  de  sou  ouvrage.  Ayant  perdu 
sa  place  el  obtenu  une  pension  en 
1788,  lors  de  'a  suppression  delà 
caisse  des  parties  casuelles  ,  d  An- 
tillj  se  livra  entièrement  k  la  lillé- 
laturc.  En  1789,  il  fit  jouer  au 
Théâtre-Italien  l'Ecole  de  l'ado- 
lescence, comédie  en  deux  actes, 
et  non  pas  eu  quatre  ,  comme  le  dit 
M.  Ouérardj  et  la  f  ieillessed'A- 
nette  et  Lubin,  opéra-comique  en 
un  acte.  Ces  deux  pièces  furent  reçues 
assez  favorablemeutdu  public  ;  la  se- 
conde surtout  ,  a  raison  de  l'intérêt 


Lîuraguais;  et  ''éclat  qu'elle  mit  à  celte  rupture 
amusa  quelque  temps  les  oisifs  aux  dépens  du 
trésorier  des  parties  casuelles  (  Ko/,  les  Mémoi- 
res de  Barbauinont,  t.  I,  61.  «  Les  actrices  el 
<(  les  danseuses  qui  le  voyaient  toujours  à  leur 
Il  suite,  et  qui  le  connaissaient  bien,  avaient 
«  ajouté  une  syllabe  au  commencement  de  son 
ic  nom.  »  (  Dictionnaire  iiéotogi'/'ie  des  Uoixines  el 
des  choses,  tom.  II,  p.  5o'-  Bertiu  aimait  la  litté- 
rature; et  l'on  dit  qu'il  a  eu  part  à  quelques- 
unes  des  pièces  représentées  sous  le  nom  d'An- 
sc.iume  ,  entre  autres  à  l'Ile  des  F  jus.     L — h —  x. 


i/,2  BER 

qu'avalL  excilé  la  présence,  au  spec- 
tacle, des  personnages  du  conle  de 
r\larmonteI.  11  fit  paraître,  en  1790, 
le  Prospectus  de  la  vie  publique 
et  privée  des  députés  à  l'assemblée 
nationale^  mais,  n'avant  pas  trouvé 
sans  doute  un  nombre  sufEsant  de 
souscripteurs,  il  ne  donna  aucune 
suite  à  celte  annonce,  et  revint  au 
ihéàlic.  Quoiqu'il  ne  dût  pas  aimer 
Tordre  de  choses  qui  Tavait  ruiné  , 
il  choisissait  les  sujets  de  ses  compo- 
sitions dramatiques  dans  les  e'vène- 
menls  les  plus  capables  d'attirer  la 
foule  en  excitant  sa  curiosité.  Ce  fut 
ainsi  qu'il  donna,  en  1 79 1 ,  au  Théâ- 
tre-Montansier,  la  Communauté  de 
Copenhague ,  ou  les  religieuses 
danoises,  en  deux  actes  5  au  Théâtre- 
Italien  ,  en  1795,  Lepellelier  de 
Saint-Fargeau ,  ou  le  premier 
martyr  de  larépublique  française^ 
au  Ïhéâtre-Feydeau  ,  dans  la  même 
année  ,  le  Siège  de  Lille  en  17945 
Encore  une  victoire  ou  le  Lende- 
main de  la  bataille  de  Fleurus,  en 
un  acte.  Toutes  ces  pièces,  aujour- 
d'hui oubliées,  obtinrentalors  un  suc- 
cès qu'elles  durent  en  parlie  a  la  mu- 
sique. Celle  des  deux  dernières  était 
de  Kreutzer.  D'Antillj  est  encore 
auteur  de  la  Baguette  magique, 
prologue  d'ouverture,  en  J793,  du 
Théâtre-Moulansier  de  la  rue  de  Ri- 
chelieu, qui  fut  depuis  occupé  par 
l'Opéra  e  t  plus  lard  démoli .  Le  dernier 
ouvragedramalique  que  nous  puissions 
citer  de  Bertin  d'Antillj ,  c'est  Béli- 
sa«re,dramelyriqueen  troisactes,  en 
prose,  musique  posthume  dePhilidor, 
dont  le  buste  fut  couronné  sur  le 
Théàtre-Favart,eu  i  799.Malg!é cette 
ovation,  la  pièce  ne  réussit  pas.  Lors- 
que ,  fatiguée  du  régime  de  la  terreur 
la  France  en  eut  secoué  le  joug , 
d'Antilly  .  jugeant  le  moment  favora- 
ble h  la  manifestation  de  sentiments 


BER 

long-temps  comprimés,  fit  paraître 
le  Thé,  ou  le  Contrôleur-général, 
feuille  royaliste,  dans  laquelle  toutes 
les  opérations  du  directoire  étaient 
vouées  au  ridicule.  Ce  journal,  com- 
mencé le  27  germinal  an  \  (i  5  avril 
1797),  n'eut  qu'unecourle  existence- 
Il  cessa  de  paraître  le  18  fructidor 
(4- septembre),  et  l'auteur  fut  inscrit 
sur  la  liste  des  condamnés  a  la  dé- 
portation. D'Antilly  parvint  a  se  sous- 
traire aux  recherches  de  la  police,  et 
il  se  réfugia  a  Bâle,  puis  k  Ham- 
bourg où  il  fonda  le  Censeur,  jour- 
nal très-peu  connu  en  France,  l'in- 
troduction en  étant  sévèrement  dé- 
fendue. En  1799  il  fit  imprimer  un 
poème  de  cinq  k  six  cents  vers,  dans 
lequel  il  célébrait  les  efforts  de  l'em- 
pereur Paul  l*"""  contre  les  progrès  de 
l'esprit  révolutionnaire.  Ce  poème  , 
dont  les  différentes  parties  sont  in- 
cohérentes, mais  qui  offre  dans  les 
détails  de  la  chaleur  et  du  mouve- 
ment (Voy.  l'Examen  critique  de 
Barbier  ,•  107) ,  fut  accueilli  par  le 
czar.  Ce  monarque  rendit  bientôt  k 
l'auteur  un  très-grand  service,  eu  le 
faisant  réclamer  par  le  chargé  d'af- 
faires russe  auprès  du  sénat  de  Ham- 
bourg ;  ce  sénat  l'avait  fait  arrêter  k 
la  demande  de  Bonaparte  ,  et  il  était 
près  de  le  livrer  aux  agents  du  con- 
sul. Bertiu  d'Antilly,  ayant  recouvré 
la  liberté  ,  se  rendit  a  Pétcrsbourg, 
où  il  fut  très-bien  accueilli  et  attaché 
comme  poète  au  théâtre  de  la  cour. 
La  mort  de  Paul  P"^  changea  un  peu 
sa  position.  Cependant  il  conserva 
une  assez  belle  existence  sous  Alexan- 
dre et  fut  chargé  de  l'éducation  de 
deux  jeunes  seigneurs.  H  mourut  dans 
cette  capitale  en  juillet  1804.  On  a 
de  lui  des  épigrammes  ,  geure^  dans 
lequel  il  se  vantait  d'exceller  ;  mais 
ses  adversaires  disaient  que  la  meil- 
leure h  faire  contre  lui  aurait  été  de 


BER 

puLlier  les  siennes.  Le  nom  de  d'An- 
tilly  figure  seul  (sans  celui  de  Berlin) 
sur  le  lilre  des  pièces  qu'il  a  fait 
imprimer.  Une  comédie  ,  l'Anglais 
à  Paris,  jouée  au  théâtre  des  Va- 
riétés-Amusantes,  en  1785  ,  fut  im- 
primée la  même  année  sous  le  nouoi 
de  d'Antilly  l'aïué.  Nous  ignorons  si 
cette  comédie  était  du  même  ou  d'un 
de  ses  frères.  A — t. 

BERTIX  (Rose),  marchande  de 
modes  ,  a  mérité  par  son  désintéresse- 
ment et  le  courage  de  sa  reconnais- 
sance pour  la  reine  Marie-Antoinette 
que  son  nom  fût  transmis  a  la  posté- 
rité. Née  en  ly^-i,  a.  Amiens ,  elle  y 
reçut  une  éducation  assez  soignée,  et 
fut  envoyée  par  ses  parents  à  Paris, 
pour  y  travailler  chez  la  modiste 
du  Trait-Galant ,  dont  la  maison 
joignait  a  des  relations  d'affaires 
très-étendues  ,  surtout  avec  la  cour 
d'Espagne,  une  régularité  de  mœurs 
fort  rare  dans  celte  profession. 
M"''  Rose  arriva  dans  la  capitale 
à  l'époque  de  la  légitimation  et 
peu  de  temps  avant  le  mariage 
de  deux  iiiles  naturelles  du  comte 
de  Charolais ,  mort  en  1760,  et 
oncle  du  prince  de  Condé.  La  vieille 
princesse  de  Conti ,  chez  qui  elle  avait 
porté  leurs  robes  de  noces^  lui  accorda 
sa  bienveillance,  et  la  fit  charger  de 
porter  aussi  le  trousseau  de  M"'=  de 
Penlhièvre,  qui,  en  1769,  épousa  le 
duc  de  Chartres,  depuis  duc  d'Or- 
léans. Associée  alors  avec  la  modiste 
du  Trait-Galant ,  M""  Bertin  prit 
quelque  temps  après  un  magasin  a  son 
compte.  Les  grâces  de  sa  personne 
et  de  ses  manières,  non  moins  que  ses 
talents  ,  avaient  plu  à  la  cour  ,  et  ce 
fut  a  la  protection  des  princesses  de 
Conti  ,  de  Lamballe  et  de  la  du- 
chesse de  Chartres  qu'elle  dut  l'a- 
vantage de  fournir,  en  1770,  les 
parures  destinées  a  la  dauphiuc  Marie- 


BER 


143 


AnIoiueKe.  Celte  princesse  sut  ap- 
précier l'espril  et  le  caractère  de  M"® 
Rose;  et,  devenue  reine,  elle  se  fit 
un  plaisir  de  contribuer  a  sa  fortune, 
en  la  chargeant  exclusivement  de  la 
fourniture  de  tousles  objets  de  modes 
pour  la  maison  rovale.  Le  nopi  de 
celle  modiste  obtint  la  vogue  à  Paris 
comme  à  Versailles ,  et  sa  réputation 
devint  européenne.  Accueillie  avec 
bonté  par  la  reine  ,  admise  à  toute 
heure  dans  sa  familiarité,  recherchée 
pnr  tout  ce  qu'il  y  avait  dep'us  (juali- 
\\i^  il  était  difficile  que  xd"'' Berlin  pût 
entièrement  se  préserver  de  quelques 
accès  de  vanité.  On  raconte  qu'une 
duchesse  étant  venue  lui  demander 
des  modes  nouvelles ,  «  Je  suis  fâ- 
K  chée ,  répondit  gravement  la  mo- 
«  diste,  de  ne  pouvoir  vous  satisfaire; 
K  mais  nous  avons  décidé,  dans  le 
te  dernier  conseil  tenu  chez  la  reine , 
K  que  ces  articles  ne  paraîtraient 
K  que  dans  un  mois  (i).5>  Les  cré- 
dits considérables  qu'elle  était  obligée 
d'accorder  aux  femmes  des  grands 
seigneurs,  qui  la  payaient  fort  mal 
et  fort  tard  ,  et  les  dépenses 
qu'elle  faisait  pour  soutenir  l'esnèce 
de  rang  qu'elle  tenait  k  la  cour  , 
dérangèrent  sa  fortune  peu  d'années 
avant  la  révolution  ,  et  cet  événement 


(i)  Il  parait  cependant  que  Mlle  Bertin,  on- 
l)Î!ant  quelquefois  ses  habitudes  de  cour  ,  se  li- 
vrait à  des  accès  un  peu  scandaleux  de  colère, 
comme  on  peut  en  juger  par  l'anecdote  suivante 
qui  ne  figure  point  dans  ses  JIi moires.  Sa  pre- 
mière 6lle  de  boutique  ,  Mlle  Picot,  forma  nn 
établissement  et  enleva  un  grand  nombre  de 
pratiques  à  son  ancienne  maîtresse.  Celle-ci,  fu- 
rieuse ,  l'ayant  renconlrée  dans  la  paierie  de 
VeisaiUes,  en  17S1,  l'injuria  et  lui  cracba  au  vi- 
sage. iJe  là,  procès  .H  la  prévôté  de  l'hôtel  ,fac- 
tums  de  part  et  d'autre,  dont  le  plus  plaisant  fut 
celui  de  Mlle  Berlin,  par  Coquelcy  de  Chausse- 
pierre  ;  enfin  jugement,  du  3  septembre,  qui  fit 
défeus.e  à  la  modiste  de  la  reine  de  récidiver,  et 
la  condamna  h  20  fr.  d'amende  et  aux  dépens; 
appel  au  grand-conseil  et  plaidoiries  où  les 
avocats  s'égayèrent  sur  le  comple  de  ces  demoi- 
selles. L'arrêt  devait  intervenir  Je  12  décembre; 
mais  la  reine  assoupit  l'aflaire. 


ï44 


BER 


fâclieux,  qui  l'exposa  aux  inconve- 
nantes railleries  de  ses  illustres  dé- 
bitrices ,  aurait  suffi  pour  la  discré- 
diter totalement,  si  la  reine  n'eût 
pas  continue  a  lui  faire  le  même  ac- 
cueil et  contribué  peut-être  a  rétablir 
ses  affaires.  M''^  Berlin  se  montra 
digne  de  ces  bienfaits.  Il  paraî- 
trait ,  d'après  les  Mémoires  publiés 
sous  son  nom,  qu'à  la  fin  de  1 791 
ou  au]  commencement  de  1792  , 
elle  fut  chargée  par  sou  auguste  pro- 
tectrice d'une  mission  secrète  pour 
l'Angleterre  5  que,  s'étant  rendue  en- 
suite kVienne,  elle  y  eut  un  entretien 
avec  l'empereur  François  II ,  qu'elle 
fit  revenir  de  ses  préventions  contre 
sa  tante  Marie-Antoinette.  Elle  était 
de  retour  en  France  lors  de  la  déten- 
tion de  cette  princesse ,  et  lui  fut  fi- 
dèle dans  le  malheur.  En  1790,  des 
agents  du  gouvernement  révolution- 
naire se  présentèrent  cbez  elle,  et  lui 
demandèrent  l'état  des  fournitures  qui 
lui  étaient  dues  par  Marie-Antoinette. 
Informée  d'avance  de  cette  deman- 
de, et  prévoyant  les  suites  funestes 
qu'elle  pouvait  entraîner,  M"''  Bertin 
avait  brûlé  ses  registres  de  commerce 
où  figuraient  le  nom  et  les  dettes  de 
son  infortunée  bienfaitrice.  Elle  ré- 
pondit avec  assurance  que  la  reine 
ne  lui  devait  rien ,  oubliant  ainsi  ses 
propres  intérêts  pour  ne  se  souvenir 
que  de  sa  reconnaissance.  M^'*^  Bertin 
est  morte  a  Paris  le  22  septembre 
i8r3,  a  l'âge  de  69  ans.  Les  Mé- 
moires publiés  sous  son  nom,  tant  a 
Paris  qu'a  Leipzig,  1824.  ,  in-8", 
sont  regardés  comme  apocryplies  ,  et 
sa  famille  a  réclamé  contre  leur  au- 
tbenticlté.  Cependant  le  style  de  ces 
Mémoires  porte  assez  bien  le  cachet 
d'une  femme  qui ,  peu  versée  dans  la 
connaissance  de  la  langue  et  de  la  lit- 
térature ,  écrit  comme  elle  parle.  Ils 
n'offrent  d'ailleurs  rien  de  neuf  ni  de 


BER 

piquant,  et  ne  contiennent  aucun 
fait  postérieur  a  l'année  1791,  quoi- 
qu'ils paraissent  avoir  été  écrits  en 
1795.  L'auteur,  quel  qu'il  soit ,  a 
eu  pour  but  de  disculper  Marie-An- 
toinette des  torts  que  lui  ont  imputés 
de  perfides  courtisans ,  surtout  dans 
la  fameuse  affaire'  du  collier.  Les 
notes  sont ,  au  reste,  plus  curieuses 
que  le  texte.  A — t. 

BERTIN  (Théodobe-Pierre), 
littérateur^  était  né  ,  vers  17 60, dans 
la  Brie  ;  il  avait  une  sœur  mariée  a 
Provins  ,  et  l'on  a  quelque  raison  de 
conjecturer  qu'il  était  lui-même  ori- 
ginaire de  cette  ville.  IN'ayant  reçu 
de  ses  parents  aucune  fortune,  la 
connaissance  qu'il  acquit  de  l'anglais 
devint  sa  principale  ressource.  Il  en 
donna  des  leçons  à  Paris;  et  jeune 
encore  il  publia  les  traductions  des 
Satires  d'Young,  en  prose,  delà 
Vie  de  Bacon,  par  David  Mallet,  et 
de  quelques  ouvrages  politiques  de 
Gulll.  Paley  {Voy.  ce  nom.  XXXII, 
-407),  entre  autres  de  ses  Réflexions 
sur  le j  itry  .Yj-asim^W^dMÛt  système 
de  sténographie  ,  inventé  par  Jean 
Taylor ,  et  en  l'adaptant  a  la  langue 
française ,  il  contribua  beaucoup  a 
répandre  cette  utile  invention  j  et  dès 
1 790  il  employa  lui-même  ce  procédé 
pour  recueillir  les  discours  prononcés 
à  la  tribune  législative  ,  qu'il  trans- 
mettait ensuite  aux  journaux.  Il  fut 
compris,  en  1 796,  dansie nombre  des 
gens  de  lettres  auxquels  la  Conven- 
tion accorda  des  secours,  et  il  reçut 
i5oo  fr.  A  cette  époque  il  avait  un 
magasin  de  librairie  et  faisait  aussi 
le  commerce  des  médailles.  Le  27 
sept.  1799,  il  obtint  un  brevet  d'in- 
vention pour  une  lampe  doclmasti- 
que.  Cette  lampe  ,  qui  ne  différait 
de  celles  qu'on  avait  employées  jus- 
qu'alors que  par  une  modification 
dans  l'ajustage  de  l'éolipyle  ,  n'eut 


BER 

aucun  succès  (i).  Il  prit  un  se- 
cond bfevet,le  12  juin  181  i  ,  pour 
l'applicalioa  k  la  reliure  de^  livres  d'un 
carlonnage  recouverl  d'un  vernis  (2). 
Aidé  de  M.  Frocliol,  piéfeL  de  la 
Seine,  ijui  s'inléressait  k  lui,  il  éta- 
blit un  vasie  alelier  de  reliure  ilaiis 
l'ancien  bàtlineni  du  Chàlelet  ,  qui  a 
été  démoli,  mais,  toujoursmaihcureux 
dans  SIS  entreprises, il  fulbientôt  obli- 
gé de  l'abandonner.  En  18  i4- il  salua 
le  retour  des  Bourbons  ,  et,  comme 
tant  d'autres,  crut  devoir  atlaquerle 
pouvoir  (jui  venait  d'être  renversé  (3)- 
mais  son  zèle  sans  doute  ne  reçut  pas 
la  récompense  qu'il  attendait,  puis- 
t|ue,  arrivé  a  1  âge  où  le  repos  devient 
nécessaire,  il  fut  forcé  de  continuer 
le  mélier  ingrat  et  pénd)le  de  tra- 
ducteur. Cet  écrivain  laborieux,  et 
digne  d'un  meilleur  .-ort,  mourut  a 
Paris  en  janvier  1819,  âgé  d'envi- 
ron soixante  ans.  On  lui  a  reproché 
la  négligence  de  son  style  .  en  géné- 
ral diffus  et  incorrect  5  mais,  obligé 
par  sa  position  de  faire  vile,  il  ne 
lui  élail  guère  po.ssible  de  faire 
mieux-  et  i  lanl  lui  savoir  gré  d'a- 
voir,dans  ses  traductions  comme  dans 
ses  écrits  ,  toujours  respecté  les 
mœurs  et  la  religion.  La  liste  cpie 
M.  Q'iérard  adonnée  dans 'a  7v'rt//ce 
littéraire  des  traductions  et  des  opus- 
c  les  di-  Bertin  ne  s'élève  pas  k  moins 
de  cinquante,  formant  plus  de  cent 
volumes.  Nous  nous  bornerons  k  citer 
les  piincipaux  :  I.  Système  univer- 
sel et  complet  de  sténographie , 
adapté  k  la  langue  française,  d'a- 
près Taylor  ,  Paris  1792.  in-8"  ,  et 
avec  des  améliorations  ,  ibid  ,  lypi» 


It")  C«"lle  lampe  est  décrite  dans  le  Recueil  des 
Brevets  ,  Il ,  5i,  t-t  reprisenUe  sur  hi  pljnhe  i3. 

(2)  Voyez  \e  Beuei/  des  /hefels ,  VI  ,  54a.  l.es 
livrer  était  at  .linsi  tiès  brillaiils  ,  mais  Je  peu 
de  durée. 

(3)  Le  Cri  de  l'indignation,  ou  VA  mi  des  Bour- 
bons,  Paris,  1814,  in-8*  de  48  pp. 


BER 


145 


1796,  ioo4,  in-S".  C'est  de  fous 
les  ouvrages  de  Berlin  le  seul  qui 
paraisse  destiné  a  lui  survivre.  II. 
Histoire  des  principaux  lazarets 
de  l'Europe,  Irad.  de  l'angl.  de  J. 
HowarH  {P oy.  ce  nom,  XX,  628). 
Cette  traduction  ,  dont  on  trouve  des 
exemplaires  séparément  ,  fait  partie 
du  Recueil  de  mémoires  sur  les 
établissements d/tumanité,  trad.  de 
l'angl.  et  de  l'allem.  ,  publié  par 
ordre  du  ministre  de  Tiulérienr  .  Pa- 
ris,  1799-1804}  i5  vol.  in-8° 
{Poy.  Adr.Duquesnoy,XII,  335). 
III.  L'Eté  du  Nord  (  Northern 
summer),  Irad.  de  John  Cari ,  ibid., 
1808,  2  vol.  in-8''.  IV.  Les  Misères 
de  la  vie  humaine  ,  trad.  de  l'angl. , 
de  James  Beresford,  sur  la  huitième 
édil.,  ibid.,  1818,  2  vol.  in-8^,  fig. 
en  bois,  ouvrage  singulier.  V.  Les 
Curiosités  de  la  littérature,  trad. 
d'Israéli,  ibid.,  i  8  19  ,  2  vol.  in-8° 
Voy.^  pour  les  litres  des  antres  tra- 
ductions de  Berlin  ,  la  Biographie 
des  vivants,  I,  319.  W — s. 

BEKTIX  (l'abbé  Antoine)  na- 
quit a  Drollpt-Sl.-Ba^le  en  lyôr, 
et  mourut  k  Reims,  le  3o  juillet 
1823,  curé  de  la  paroisse  St-Reini 
de  celte  ville  ,  qu'il  desseï  vait  depuis 
21  ans.  IS'é  avec  d'heureuses  dis- 
positions, il  fit  de  bonnes  études  au 
collège  et  au  séminaire  de  Tioyes; 
ordonné  prêtre  vers  1785,  on  l'en- 
voya vicarier  k  B.irbonne,  au  diocèse 
de  Meaux,  où  il  était  quand  l'assena- 
blée  consliluante  décréta  la  consti- 
tution civile  du  clergé.  Bertin  en 
adopta  tous  les  principes  ,  vint  à 
Reims  et  fut  bien  accueilli  par  l'e- 
vêque  de  la  Marne  qui  prenait  le 
titre  de  métropo  itain  ,  et  qui  lui 
donna  d'abord  la  chaire  de  théologie 
dans  son  nouveau  séminaire,  le  mil 
ensuite  k  la  lêle  de  celte  maison  ea 
qualilédesupérieur,  place  qui  se  trou- 


1  VIII 


i'.6 


BEI 


vait  vacante  parîaretraiie  de  BI.  Fran- 
çois de  Torci ,  et  le  iit  enfin  un  de  ses 
ficaires  éplscopaux.  Le  culte  pubilc 
ajanl  clé  culièieiuenl  aboli  dans  les 
aunéfs  1790  ,  1794  et  1793  ,  Tabbé 
Berlin  se  trouva  dans  une  fàcbeuse 
position  •  enfin  l'oidre  étant  un  peu 
revenu  sur  la  fin  de  celte  dernière 
année,  il  reprit,  avec  l'abbé  Servant, 
les  fonciiuus  du  ministère  dans  la 
calliédrale,  mais  a  des  heures  dif- 
férentes de  CL-lles  où  officiaient  les 
prêtres  insermentés  ,  et  il  resta 
dans  celte  église  jusqu'à  l  époque  du 
concordat  (10  sept.  1801).  Ayant 
fait  sa  soumission  et  promis  sa  rétrac- 
tation ,  M.  de  Barrai,  évèqiie  de 
Meaiix ,  le  nomma  k  la  cure  de 
Saiiit-Remi  et  lui  donna  pour  vi- 
caires trois  prèlres  insermentés. 
Avec  de  tels  coopéraleurs ,  Berlin  se 
trouva  souvent  embarrassé  5  m:iis 
comme  il  était  naturellement  paci- 
fique, il  ne  paraissait  jamais  être  mal 
avec  eux.  Plein  de  zèle  et  d'amour 
pour  ses  paroissiens  ,  il  ne  négligea 
rien  ,  non  pour  rendre  a  son  église 
son  ancienne  splendeur  ,  mais  au 
moins  pour  réjjarer  autant  qu'il  était 
en  lui  les  dégradations  causée.^  par  la 
révolution.  Assez  bon  prédicateur^  il 
attirait  dans  les  solennités  une  grande 
affluencc  de  fidèles,  et  avec  les  of- 
frandes qu'il  en  recevait  et  d'autres 
secours  qu'il  savait  obtenir,  il  eut 
le  bonheur  de  réparer  en  partie  son 
église.  En  1817,  voulant  y  établir 
la  confrérie  du  Chemin  de  la  Croix  , 
il  en  sollicita  la  permission  de  Rome, 
et  déclara  dans  sa  supplique  au  sou- 
verain pontife  et  dans  ses  lettres  a 
M.  de  Coucy,  archevêque,  qu'il  se  fou- 
œettait  aux  rescrils  du  saint-siège 
concernant  la  cousiilution  civile  du 
clergé  ,  et  il  annonça  les  mêmes  dispo- 
sitions a  ses  paroissiens.  En  18:; 2, 
il  fit  une  rélraclaliou  plus  précise  et 


BER 

encore  pbis  forte  dont  les  passages  les 
plus  importants  ont  été  insérés  dans 
l'jdmi  de  la  religion  et  chi  roi 
(27  novemb.  1822),  et  a  laquelle 
adhérèrent  dom  Bernard  ,  ancien 
bénédictin  ,  et  l'abbé  Chancelot  , 
jeune  vicaire.  L'abbé  Berlin  a  lais- 
sé des  sermons  et  quelques  opuscu- 
les manuscrits.  Ses  ouvrages  impri- 
més sont:  L  Le  jeune  cosmogra- 
j>he  ou  description  de  la  terre  et 
des  eaux,  etc.,  I\eims,an  vii(i799), 
in-i2.  IL  Esquisse  d'un  tableau 
du  genre  humain  ou  introduction 
à  la  gcograpltie  ,  Reims  ,  an  vu 
(1799),  in-i2.  liL  Eléments  d'his- 
toire naturelle ,  extraits  de  Bul- 
fon  .  Yalmout  de  Bornai  e  ,  Pluche, 
etc.  :  cet  ouvrage  élémentaire  a  eu 
cinq  éditions,  de  1801  a  i834;  et 
il  est  véritablement  utile.  IV.  Elé- 
ments de  géographie,  extraits  des 
meilleurs  géographes  ,  Reims  , 
i8u5,  1809.  V.  Discours  pro- 
noncé, le  5  juin  181  4,  au  service  so- 
lennel de  Louis  XYl ,  l^ouis  XVII, 
Marie-Anloinelie,  elc.,Rei'iis,  18  i  4, 
in  8".  VI.  Instruction  surlesdevoirs 
des  sujets  em'ers  leurs  souverains, 
Reims,  I  8 1  5 ,  in-S*^, MI.  Instruction 
sur  la  nécessité  de  craindre  Dieu 
et  d'honorer  le  roi,  piêcbée  le  6 
août  1816,  Reims,  1 8 1 6,  in  8°.V1IL 
Reims  est  la  ville  du  sacre ,  1 8  1 9  , 
in-S".  IX.  Relation  delaneuvaine 
solennelle  qui  s'est  J'aite  dans  lé- 
glise  de  Saint-Remi  de  Reims , 
depuis  le  22  septembre  ju'^qu'au  i*''' 
octobre  1820.  Reims  1820  in-8°. 
L'annuaire  du  département  de  la 
Marne  ,  pour  1824-,  contient  une  no- 
lice  sur  Tablié  Berlin.    L — c — J. 

BERTî:^-  (RenÉ-Hyacinthk)  , 
fils  aîné  du  célèbre  anatomiste  de 
ce  nom  [Fuj.  Bei-.tin  ,  IV,  564), 
naauil  le  10  avril  1767,  a  Ga- 
hard ,  près   de   llenues.    Il  fit   sea 


humanilés  dans  celle  (Icrnii-re  \i!le  , 
eludia  la  médecine  a  Paris  ,  et  re- 
çut le  tilre  de  docicur  h  Montpellier. 
En  1795  ,  il  servit  a  l'arméf  des  cotes 
de  Brest ,  d'où  il  passa  a  celle  d  Italie. 
En  I  798  ,  il  fut  euvoyéen  A-  gleierrc, 
comme  inspecteur-général  du  service 
ne  santé  des  prisonniers  français,  et 
pendant  l'année  qu'il  séjourna  dans 
celte  île  ,  il  rendit  de  nombreux  ser- 
vices a  ceux  de  ses  compatriotes  qui 
lurent  confiés  a  ses  soins.  A  son  re- 
tour en  France  ,  il  devint  médecin  en 
chef  de  l'hopilal  Cochin  et  de  celui 
des  vénériens  ,  et  en  1807  ,  il  fit  les 
campagnes  de  Prusse  et  de  Pologne. 
En  1822  ,  l'arailié  d  un  minisire  lui 
fit  coniérer  la  chaire  d'hygiène  que 
la  mort  de  Halle  laissait  vacante  h  la 
faculté  de  Paris  ;  malgré  les  réclama- 
tions auxquelles  donna  lieu  cette  no- 
mination ,  elle  n'en  fut  pas  moins 
confirmée,  lorsque  après  la  dissolulion 
de  la  faculté  en  1823  ,  cecurps  savant 
eut  été  reconstitué  sur  d'autres  bases. 
Eylin,  que  la  faveur  seule  soutenait , 
qui  depuis  n'a  dû  1  honneur  de  figurer 
dans  la  science  qu'au  la'enldiicoopé- 
rateur  quM  sut  s'adjoindre,  resta  de- 
bout au  ralieu  de  la  révolution  qui 
rayait  de  la  faculté  les  noms  de 
Pinel ,  de  Vauquelln  ,  de  Cliaussler  , 
de  Desgenetlrs.  Il  est  mort  en  1827, 
laissant:  I.  Quelques  observations 
critiques,  philosophiques  et  médi- 
cales sur  l'Angleterre,  les  Anglais 
et  les  Français  détenus  dans  les 
prisons  de  Plymoulh^  Paris ,  i  80 1 , 
in- 12.  II.  Dissertation  suri' emploi 
des  incisions  dans  les  plaies  d'ar- 
mes à  J'en,  Paris,  1802  in  8°.  III. 
Traité  de  la  maladie  vénérienne 
chez  les  nouveau-nés ,  les  femmes 
etles  nourrices,  Paris,  181  0,  in-S"*. 
I V .  Traité  des  maladies  du  cœu  r  et 
des  gros  r  aisseaux ,  Paris  ,  1824, 
in- 8'^.  11   avait  traduit,  pendant  son 


LER 


i4v 


voynge  en  Angleterre  ,  les  Elé- 
ments  de  la  doctrine  de  Brown. 
Berlin  avait  lu  a  l'Institut  des  mé- 
moires sur  les  maladies  organiques 
du  cœur,  contenant  diverses  observa- 
lions  asstz  intéressantes,  et  quelques 
opinions  dont  d'autres  se  sont  eusute 
attribué  la  propriété.  11  avait  recueilli 
sur  les  affections  de  l'organe  central 
de  la  circulallon  un  assez  grand  nom- 
bre dénotes  que  mil  eu  ordre  et  rédi- 
gea le  docicur  Boui'land,  aujourd'hui 
professeur  à  la  faculté  ,  et  alors  son 
élève  interne  a  Phôpital  Cochin. 
Telle  est  l'origine  de  ce  traité  qui , 
sans  êlre  comp'^et  ni  même  parfait 
dans  les  points  sur  lesquels  il  roule  , 
est  cependant  une  des  plus  remarqua- 
bles productions  de  notre  moderne 
école  de  Paris  (i).  J — D — N. 

B  E  R T O  L  A  (l'abbé  Aurjlle- 
Geobge),  né  a  Riminl  en  1755  ,  fut 
appelé  fort  jtune  au  séminaire  de 
lesl,  par  l'cvèque  son  parent  ,  qui 
résolut  de  le  faire  entrer  dans  l'ordre 
des  0  ivélains;  mais  l'elal  religieux 
n'était  point  dans  ses  goûîs  ,  et  peu 
de  temps  après  qui!  eût  prononcé 
ses  vœux  ,  il  s'échappa  de  son  cou- 
vent pour  aller  s'enrôler  en  Hongrie, 
dans  ies  Iroupes  autrichiennes  ,  où  il 


(i)  Bektix  (  Jeim  )  ,  né  à  Giiipntn  ,  p)t'5  de 
Ruines,  Tcis  1750,  d'une  famille  d'a;,Ticnlteur?, 
peiit-ctie  la  même  que  celle  du  précédent  ,  fut 
eirployé  dans  l'adminislralion  des  domaines,  et 
fil  paitie,  au  commencement  de  la  révolution  , 
de  l'.^dininislration  deparlemrnlalc  d'illc  et  - 
Vilaine.  Ayant  voulu  s'opposer  aux  premiers 
excès  de  la  révolution  ,  il  paya  d'une  longue 
caplivitésa  courageuse  résistance.  Il  fut  uon.mc 
e!i  iSoi  membre  <iu  corps  légi.-laiif,  et  mourut 
à  Paris,  en  mars  ]8o3.  Ami  de^  arts  f  t  passionné 
pour  l'agriculture,  il  naturalisa  dans  ses  do- 
maines plusieurs  arbres  exotiques.  Il  enrichit 
l'agrionlturc  de  son  riép.iriemi  nt  de  plusieurs 
varieti  s  de  froment ,  et  il  y  propagea  la  culture 
de  la  châtaigne.  L'insiructica  qu'il  i.ulilia  pour 
en  faire  apprécier  les  avantages  fu'.  bien  ac- 
cueillie lie  ses  corapalriotes  ,  et  lui  valut  le  liire 
de  lorrespondant  des  socictés  d'agriculture  de 
la  Hanle-Saone,  du  Rhône,  elc.  11  était  associé 
de  r.icdciémie  de  législaiion  de  Paris,  et  il  avait 
ettt  l'un  des  fondateurs  et  jirésident  de  la  société 
d"5  sciences  et  arîs  ^1?  Rennes.  A — i. 


i48  BER 

passa  plusieurs  années  sans  être  con- 
nu, S'enmiyant  a  'afin  d'une  paicil'e 
vie,  et  ne  pouvant  plus  résister  aux 
fatigues  du  service  mililaire,  il  re- 
tourna vers  son  couvent,  et  y  fut 
reçu  avec  tant  de  bonté  qu'on  lui 
donna  aussitôt  un  emploi  au  collège  de 
Sienne;  il  y  reprit  ses  éludes, et  publia 
un  puème  sur  la  mort  de  Clément 
XLV  ,  intitulé  les  ISuits  Clémenti- 
nes ^  qui  eut  beaucoup  de  succès. 
Bientôt  la  cour  de  Naples  lui  fit 
proposer  une  chaire  de  géographie 
et  d'histoire  ,  dans  le  collège  royal 
de  la  marine  :  il  se  hâta  d'aller  la 
remplir,  et  publia  dans  cette  capi- 
tale, pour  l'usage  de  ses  élèves,  des 
Leçons  d'Histoire  très-estimées;  el 
composa  aussi,  dans  ce  pavs  si  pitto- 
resque et  si  remarquable  par  la 
beauté  de  ses  sites,  un  grand  nom- 
bre de  poésies  phines  de  verve  el  de 
pensées  très-poétiques.  Il  se  rendit  à 
Vienne  en  17 85,  et  s'y  lia  avec 
tout  ce  que  celte  capitale  avait  de 
plus  distingué  dans  les  lettres,  et 
particulièrement  avec  des  littérateurs 
allemands.  Pendant  son  séjour  en 
Hongrie  ,  il  avait  éludié  avec  beau- 
coup d'ardeur  et  de  succès  la  langue 
allemande  5  et  ce  fut  alors  qu'il  se 
lia  avec  Gessner  dont  il  avait  traduit 
les  Idylles  eu  italien.  Il  alla  même  le 
voir  en  Suisse,  lorsqu'il  se  reudit  a 
Pavie ,  pour  y  occuper  une  chaire 
que  lui  avait  donnée  le  gouvernement 
autiicliien.  11  vi>ita  en  même  temps 
les  bords  du  Rliin,  dont  il  publia 
plus  lard  uat  Description  pittores- 
que. A  Pavie  il  publia  sa  Philoso- 
phie de  l'Histoire  ,  qui  eut  trois 
édilious  en  quelques  mois  ;  puis  une 
traduction  d'Horace,  divers  Eloges 
d'hommes  célèbres,  et  des  Observa- 
tions sur  Métastase ,  dont  il  loue 
dignement  le  génie  et  les  bulles  inspi- 
rations. Obligé  de  quitter  sa  chaire 


BER 

en  1 796  ,  lors  de  l'invasion  de  l'Ita- 
lie par  les  Français,  il  se  réfugia  a 
Rome  où  il  mourut  en  1798.  Outre 
les  ouvrages  que  nous  avons  cités, 
Ecrthola  a  publié  :  I.  Essai  sur  la 
poésie  allemande ,  Naples,  1779  , 
in- 8°  II.  Essai  sur  la  littérature 
allemande,  Lucques,  1784^,  in-8°. 
III.  Centjables  ,  Bassano,  1785  , 
in- 8°.  IV.  OEuvres  diverses  ,  en 
prose  et  en  vers,  Bassano,  1789, 
in- 8°.  V.  Le  premier  poète  ,  Vé- 
rone, Ï792  ,  in-8".  VI.  Sonnets 
amoureux,  Milan,  1796,  in-8°. 
On  lui  a  reproché  d'avoir  mêlé  à  ses 
poésies ,  qu'il  appelle  maritimes  et 
champêtres  ,  des  images  qbscènes  et 
des  maximes  perverses.  Ces  dange- 
reux écarts  diminuent  le  plaisir  qu'on 
éprouve  à  lire  des  descriplions  qui  , 
duresle,  sont  gracieuses  el  revêtues 
de  \ives  couleurs  poétiques.  Le  style 
de  Beriola  est  en  général  pur  et  ani- 
mé. Comme  Delille  dans  ses  vers,  et 
Piuffon  dans  sa  prose ,  il  a  le  ^on 
d'enuoLlir  les  sujets  les  plus  com- 
muns et  de  prêter  un  charme  inconnu 
de  grâce  et  de  diction  h  des  détails 
même  pcqndaires  el  triviaux.  A — n. 
BERÏOLACCI  (Antoine), 
fils  de  Pascal  Berlolacci  ,  ancien 
président  de  la  cour  suprême  en 
'Corse  ,  émigra,  lors  de  la  révolution 
de  1790  ,  avec  sa  famille,  en  Angle- 
terre ,  sous  le  ministère  de  lord  Guil- 
ford.  Ses  conuaissances  économiques 
le  firent  employer  par  le  cabinet 
anglais  dans  l'île  de  Ceylau  ,  où  il 
exerça  pendant  dix-sept  années  la 
charge  d'administrateur  pour  le  roi 
et  de  conirôleur-génëial.  Les  hautes 
fondions  de  sa  place  développèrent 
ses  vues  politiques  et  civiles;  et  il  ne 
ces>a  de  les  diriger  vers  la  morale  et 
le  dioil  public,  comme  les  vrais  fou- 
dements  de  la  liberté  et  de  l'ordre, 
l'u  y  appropriautlesnolioQS  qu'il  avait 


BER 

acquises  sur  rai]li.|ue  civilisation  re- 
ligieuse deriadf.  M;iis  les  excessives 
fatigues  causées  par  l'ardenle  acli\  ilé 
de  son  esprit  et  enlreienucs  par  les 
chaleurs  extrêmes  sous  le  lropi([ue, 
le  déterminèrent  a  quitter  son  emploi, 
et  k  revenir  en  Europe.  Il  s'occupa  en 
Angleterre  d'appliquer  ses  principes 
sur  l'économie  sociale,  d'abord  à  l'ad- 
ministraliou  des  éiablissemenls  de  la 
Grande-Bretagne  dans  l'Inde  ,  et  en- 
suite k  l'état  présent  de  l'Angleterre 
elle-même,  en  publiant  :  I.  A  view 
of  the  agricultiiral,  commercial , 
and  financial  interesls  of  Ceyloii; 
with  ail  Appendix  contaiiiingsome 
of  the  principal  laws  and  usages 
of  the  Candians ,  etc.  ,  Londres^ 
i8i7,in-8°,  577  pages,  avec  une 
carte  de  l'île  de  Ceylan,  par  Shneider . 
II.  Aninquiry  into  se\^eral  ques- 
tions ofpoliiical  economy  applica- 
ble to  the  présent  state  of  Great- 
Britain  y  i^ondres  ,  18  17,  in- 8'', 
94  pages.  La  Corse  nous  ayant  été 
rendue,  l'auteur  vint  se  fixer  en  Fran- 
ce loisqu'elle  fut  redeveuue  l'alliée 
de  l'Angleterre.  Lk  ,  livré  k  d'utiles 
méditations  dans  une  retraite  solitaire 
au  petit  Chenay  ,  près  Versailles  , 
une  liaison  intin.e  sous  le  rapport 
moral  l'unit  avec  le  rédacteur  de  cet 
article,  dont  il  traduisit  en  anglais  la 
Notice  sur  la  Vie  du  Christ,  insérée 
dans  la  Biographie  universelle.  III. 
Un  écrit,  plein  d'un  patriotisme  vrai- 
ment chrétien  ,  qu'il  composa  en 
français,  intéressa  vivement  les  deux 
peuples  amis,  en  faveur  des  Grecs, 
victimes  de  la  tyrannie  musulmane. 
Ce  fut  après  la  victoire  de  Nava- 
rin ,  qui  a  signalé  l'accord  de  deux 
nations  rivales ,  qu'il  publia  la  bro- 
chure patriotique  dont  il  s'agit  et 
dans  laquelle  il  proposait  une  al- 
liance étroite  ,  par  mariage  ,  avec 
la  princesse   de  Kent,  sous   le  litre 


BER  149 

de  La  France  et  la  Grande-Bre- 
tagne unies,  avec  l'épigraphe  Ter- 
rœ  tnarisque  connuhiwn  ,  Paris  , 
1828  ,  in  8"  ,  45  pages.  L'auteur  , 
diplomate  judicieux  et  profond  , 
considère  ces  deux  grandes  puissan- 
ces continentale  et  maritime  ,  com- 
me le  comp'ément  l'une  de  l'autre, 
et  comme  les  garants  mutuels  de 
la  paix  de  PEurope  entière  ,  par 
l'établissement  légal  de  l'ordre  chez 
les  divers  peuples,  d'après  la  force 
et  l'analogie  de^  institutions  dont  le  but 

o 

politique  est  le  même  ,  quoique  le 
champ  et  les  moyens  d'action  soient 
différents.  IV.  Ce  fut  enfin  dans  la 
même  vue  qu'il  esquijsa  et  mit  au  jour 
en  1809  un  Projet  d'Assurances 
générales  sur  la  vie,  qui  seraient  ad- 
ministrées et  garanties  par  le  Gouver- 
nement ,  afin  d'atlacber  réciproque- 
ment les  peuples  a  l'état ,  et  l'état 
aux  peuples,  par  un  plan  basé  non, 
comme  les  autres  projets  de  ce  genre, 
sur  des  associations  particulières  , 
mais  sur  le  crédit  public  même  5  plan 
qui  n'eût  pu  que  consolider  l'édifice  so- 
cial, en  assurant  véritablement  l'ave- 
nir de  la  vie  et  le  bien-être  des  indivi- 
dus et  des  familles.  Mais  les  troubles 
civils  et  les  agitations  politiques  dé- 
tournèrent l'attention  du  ministère 
de  ce  grand  projet  d'économie  vrai- 
ment fondamentale  ,  qui  fut  commu- 
niqué k  Casimir  Perier,  et  connu  de 
MM.  Sapey,de  Noé,  pair  de  France, 
et  de  Pozzo  di  Borgo ,  compatriote 
de  l'auteur  ,  et  avec  lequel  il  avait 
eu  des  relations  ,  ainsi  qu'avec  les 
autres.  Les  délaUs  d'exécution  dont 
il  s'occupait ,  puisés  dans  ses  obser- 
vations et  dans  l'examen  des  divers 
plans  d'assurances  formés  en  Angle- 
terre et  en  France  ,  sont  restés  en- 
tre les  mains  de  Norlh  Bei  lolacci  , 
pupille  de  lord  Guilford,  et  l'aîné  des 
quatre  fils  de  l'auteur,  qui  mourut  j 


1  ^0  BER 

le  10  août  i855,  aux  eaux  de  For- 
ges, par  suile  tl'iufii  mités  contraclées 
clans  l'Jnde  et  dont  il  avait  rapporté 
le  germe  en  Europe.  G — ce. 

BERTOLIO  (Antoike-Reké- 
CoNSTA^•CE  )  ,  né  a  Avignon ,  se  des- 
tina d'abord  a  l'état  ecclésiastique, 
mais  ne  fut  jamais  engagé  da  is  les 
ordres.  Reçu,  en  lyyS,  avocat  au 
parlement,  il  coopéra  a  Tancieniie 
collection  de  droit  (  Répertoire 
universel  de  Jurisprudence  )  , 
dont  Guyol  était  rédileur ,  et  au 
Diclioiiuaire  de  droit  de  l'Ency- 
clopédie mélliodique.  Il  s'occupait 
uniquement  d'affaires  judiciaires  , 
quand  la  révoluiiou  éclala.  Elle 
trouva  en  loi  un  de  ses  plus  fervents 
apôtres.  Electeur  de  1789,  et  re- 
présentanl  de  la  commune  de  Paris, 
il  se  présenta,  le  6  juillet,  à  la 
barre  de  l'assemblée  nationale  ,  à  la 
têle  d'une  deputalion  de  la  ville,  et 
y  prononça  un  discours  relatif  à  la 
délivrance  des  gardes-françaises  déte- 
nus a  TAbbaye  ft  a  la  grâce  que  le  roi 
leur  avait  accordée.  Il  parla  des  efforts 
que  lui  et  ses  collègues  avaient  faits 
pour  apaiser  les  troubles  qni  s'étaient 
élevés  dans  la  capitale,  et  il  accom- 
pngna  sa  harangue  delà  présentation 
d'un  rameau  d'olivier.  Bertolio  pro- 
nonça ,  le  i5  juillet  1790,  dans 
l'église  métropolitaine  de  Paris  ,  un 
discours  a  l'occasion  du  Te  Deuin 
qui  fut  chanté,  d'après  le  vœu  Açi 
électeurs /le  1789.  Lvs  actions  de 
grâce  krElernel  y  occupaient  moins 
de  place  que  l'éloge  de  ces  mêmes 
électeurs  et  de  MM.  Sieyès,  La- 
fayette  et  Bailly,  qu'ilcomparaît ,  le 
premier  a  Solou  et  à  Lvcurgue,  et  les 
deux  autres  a  Washington  elâFranc- 
klin.  Ce  discours  a  été  imprimé. 
L'abbé  Bertolio  publia,  la  même 
année  ,  un  pamphlet  intitulé  :  Tjlli- 
matum  à  tnoiiseigiieur  l' éi'érjue  de 


liï.R 

ISaiicy^  Paris,  in-8°,  de  78  pages. 
I!  était  destiné  a  réfuter  l'écrit  où 
3Î.  de  la  Fare  contestait  a  l'assemblée 
nationale  le  droit  de  s'iuimiscer  dans 
les  affaires  de  discipline  ecclésiasli- 
que.  ]j'aulcur  cherche  "a  y  établir 
que  le  catholicisme  n'est  pas  la  reli- 
gion de  l'état ,  mais  une  religion 
dans  l'état.  Pendant  le  cours  des 
années  .1793  et  1794,  l'abbé  Ber- 
tolio eut  Tadresse  de  s'effacer  de  la 
scène  politique  ;  mais  il  reparut,  plus 
jeune  de  républicanisme  ,  sous  le 
directoire.  Après  avoir  rempli  les 
fondions  de  secrétaire  de  légation  à 
Bastadt  ,  il  fut  nommé  ,  le  i  5  mes- 
sidor an  VI ,  commissaire  français  a 
Bome,  avec  Duport  du  Mont-Blanc, 
en  remplacement  de  M.  Daunou  et 
deMonge.  L'année  suivante  ,  lorsijue 
la  république  romaine  eut  été  consti- 
tuée ,  il  lut  élevé  a  l'emploi  d'ambas- 
sadeur près  ce  nouveau  gouverne- 
ment ,  et  il  y  joignit  les  pouvoirs 
légis'alifs.  En  1799,  il  annonça  aux 
Fiomains  la  prochaine  délivrance  de 
l'Italie,  et  les  engaL;ea  h  se  rallier  aux 
Français,  en  leur  présentant  le  ta- 
bleau de  B.onciglione  livré  aux  flam- 
mes ,  pour  avoir  trahi  notre  cause. 
L'occupation  de  Rome  parles  Anglo- 
]Napolilains  vint  démcnlir  les  pro- 
messes de  l'ambassadeur  et  terminer 
sa  mission.  Mais  Bertolio  livré  a  lui- 
même  avait  montré  un  grand  courage, 
et,  dans  le  conseil  de  guerre  tenu  pour 
la  capitulation  ,  il  stipula  et  obtint 
qu'il  aurait  pour  relouiner  en  France 
une  garde  d'honneur  d'une  compa- 
gnie de  grenadiers  armés ,  et  une 
pièce  de  eanon  servie  par  ses  ca- 
iionniers;  c'est  le  premier  exemple 
d'une  semblable  capitulation  ;  elle 
fut  signée  avec  le  comraodore  anglais 
Trowbridge  ,  au  commencement  de 
septembre  1799-  Sous  le  consulat 
de  Bonaparte ,   Bertolio  fut  nommé 


I 


BËR 

grand-juge  a  la  Guadeloupe;  cl,  lors- 
que celte  colonie  eut  secoué  le  joug 
de  la  méircipole,  il  reviul  eu  Fnmce 
où  il  oblinl  uue  place  de  conseiller  a 
la  cour  d'Araieus.  il  en  exerça  les 
fondions  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le 
2  juin  1812.  Outre  les  ouvrages  cités, 
Berlolio  a  fait  paraître  :  JSouvel 
équilibre  poliLique  à  établir  en 
1^  rope,  0:1  mes  idées  sur  les  con- 
ditions de  la  paix  continentale, 
Paris,  an  IX  (  1801  ),  in-8°.  Cet 
opuscule  eut  peu  de  succès  et  ne  con- 
ti  ibua  pas  a  rouvrir  a  l'auteur  la  car. 
rière  diploniiitique.       L — m — x. 

BERïOX     r  PIERRE-MOKTAN-  ), 

chef  de  Irois  générations  de  compo- 
sileurs-inusiciens  ,  uaquit  à  Paris  en 
J727.  Ses  disposilioffs  furent  si  pré- 
coces qu'à  six  ans  il  lisait  la  musique 
à  livre  ouvert,  ei  qu'à  douze  il  tou- 
chait Torgue,  et  faisait  exécuter  plu- 
sieurs motets  a  la  cathédrale  de 
Senlis.  Après  avoir  chanté  la  basse- 
laille  a  jSotre-Dame  de  Paris,  il  en- 
tra à  rOpéra  en  ly^-i,  en  sortit  deux 
ans  après,  alla  jouer  deux  autres 
années  à  Marseille,  et,  trouvant  que 
sa  voix  baissait,  renonça  au  clianl. 
Chef  de  l'orchestre  de  iJordeaus,  en 
i-5o,  il  obtint  au  concourt  la  mèine 
place  k  Tacadéinie  royale  de  musi(|ue, 
et  fut  tiaran)é  successivement  maître 
et  surintendant  de  la  musique  du  roi, 
et  ada.inistraleur  de  l'Opéra  en 
1774,  1776,  177^  ^^  1780.  Ce 
fut  pendant  son  administration  qi  e 
Gluck  et  Picciui  vinrent  k  Paris, 
et  que  s'effectua  en  France  la  révolu- 
tion musicale.  11  essaya  lui-même 
d'opérer  une  réconciliation  entre  ces 
deux  grands  hommes  ,  dans  un  sou- 
per où,  nprès  s'être  embrassés,  ils  fu- 
rent  olacésTun  a  coté  de  l'autre.  C'est 
a  Berton  que  l'orchestre  de  l'Opéra 
doit  sa  haute  réputation.  Sou  lalent  et 
son  travail  pour  diriger  l'exéculio!)  de 


BER  1 5  j 

la  nouvelle  musique  sont  d'autant  plus 
dignes  d'éloges,  que  les  artistes  de 
celte  époque  n'égalaient  ]ias  ceux 
d  aujouid'hui ,  et  qu'il  fallait  pour 
ainsi  dire  leur  faire  parler  une  langue 
étrange]  c.  Il  mourut  le  1 4-  mai 
1780  ,  des  suites  d'une  fluxion  de 
poitrine  que  lui  occasiona  la  reprise 
de  Castor  et  Pollux ,  a  laquelle  il 
présida  lui-même.  Outre  les  heureux 
changements,  les  coupures  ou  aug- 
mentations qu'il  a  faits  a  plusieurs 
anciens  opéras,  tels  que  la  Camille 
de  Cainpra ,  en  i  76  1  5  VIphigénie  en 
Tauride  de  Desmarets  et  Campra, 
en  1766J  VAniadis  des  Gaules  de 
Lulli,  en  1772  ;  le  Castor  et  Pol- 
lux et  le  Dardanus  de  Rameau,  où 
il  a  ajouté  le  murceau  long- temps 
fameux  sous  le  nom  de  Chaconne  de 
Berton;  et  k  la  cour,  en  1775  ,  le 
Bcllérophon  de  Lulli , et  /«se  de  Des- 
touches,  il  a  donné  seul  ou  en  so- 
ciété :  en  1755,  Ueucalion  et  Pyr- 
rha,  paroles  de  Saint- Foix  ;  en  i  765, 
Erosine  ,  paroles  de  Moncrif  ;  en 
1767,  Sjlvie ,  paroles  de  Lan  ion  ; 
en  l'J'Ji,  T/fe'O»/^,  paroles  de  Poln- 
siuetj  et  en  ijjô  ,  Ailèle  de  Pon- 
thieu  ,  paroles  de  Saint-Marc.  Telle 
était  la  confiance  de  Gluck  dans  les 
talents  de  Berton,  qu'il  lui  laissa  le 
soin  de  composer  toua  les  airs  des  di- 
vertissements de  son  opéra  de  Cy- 
tJière  assiégée ,  et  de  refaire  le  dé- 
nouement de  son  Jphigénieen  Au- 
lide,  tel  qu'on  Ta  toujours  exécuté  de- 
puis Berton  était  'epèrede31.Heuri- 
Montan  r»ejton.  membre  de  l'Insti- 
tut .  un  de  nos  con^positeurs  vivants. 
— F rancois-JIe iiri Berton,  petit- 
fils  de  Pierrc-Moulan,  et  né  k  Paris 
le  5  mai  1784,  était  fils  naturel  de 
M.  Henri-Monlan  Berton  et  de  M"" 
Maiilard.  actrice  de  l'académie  royale 
de  musique.  Elève  de  son  père,  il 
fit  de  rapides  progrès  dans  l'art  mu- 


1  ''rx  BRR 

sical  cl  dans  la  coraposiliou  ,  et  s  an- 
nonça cFabord  avanlageusemeiit  par 
des  morceaux  délacliés  et  cfueUjues 
romances  avant  de  s'essayer  dans  la 
composition  dramalic|ue.  H  a  donné 
a  rOpéra-Comique,  en  1810,  M. 
Deshosquels  ,  en  un  acte,  paroles 
de  M.  Sewrin;  en  181 1  ,  Jeune  et 
vieille,  en  nnacte,  paroles  de  M. 
Gluizel.  Ces  deux  ouvrages  ne  réussi- 
rent pas  à  cause  de  la  faiblesse  des 
poèmes.  Beilon  fui  plus  heureux  en 
adaptant  sa  nouvelle  rauslqne  a  d'an- 
ciennes pièces  avantageusement  cou- 
nues,  telles  que  ISinelte  à  la  cour, 
de  Favart ,  retouchée  en  181 1  par 
M.  Creuzé  de  Lesser  ;  tes  Caquets, 
comédie  de  Riccohoni ,  arrangée  eu 
opéra-coniiquepar  M.  Vial,  en  18215 
el  ZJne  heure  d'absence ,  comédie 
de  M.  Loraux,  arrangée  aussi  en 
opéracomicjue ,  1827.  On  a  encore 
de  Berfoii  fils  plusieurs  aiis  tirés  des 
opéras  de  divers  compositeurs  ,  et 
arrangés  pour  le  piano  ,  et  des  ro- 
mances, dont  quelques-unes  ont  ob- 
tenu beaucoup  de  vogue  .  telles  que 
la  Barque  ;  la  Feuille  morte  ; 
Voilà  t amour  ;  Faut-il  encor 
l'aimer^  etc.  ;  les  Veillées  pari- 
siennes ^  collection  de  contredanses, 
walses ,  etc.  Pianiste  distingué,  il 
lut  uoinmé  en  1821  professeur  de 
chant  k  l'école  roysle  de  musique  et 
de  déclamation  ;  il  promettait  de  sou- 
tenir dignement  la  réputation  de  son 
père  et  de  son  ai'eul ,  lorsqu'il  fut 
enlevé  par  le  choléra-morbus  ,  le  19 
jui'let  1  832.  A — T. 

lîERTOX  (  Louis-Sébastien  ) , 
jjrincipal  de  l'école  militaire  de 
Hrienne  ,  naquit  dans  cette  dernière 
ville,  le  6  mars  1746.  Fils  d'un  culti- 
vateur qui  ne  uéL^ligea  rien  pour  sou 
éducation  ,  il  fit  ses  éludes  à  l'uni- 
vcrsilé  ,  et  s'engagea  dan>  le  ré";i- 
naent  du  roi.  L'étal  militaire  n'étaiiL 


BER 

pas  du  tout  son    fait  ,   il  le  quitta 
bientôt  pour  prendre  le  froc  ,  entra 
chez    les  Minimes   et  devint  un  bon 
prédicateur.     Ses    talents    plus    que 
sa  belle  taille  (  il  avait    cinq  pieds 
neuf  pouces)  le   firent  choisir  pour 
la    place    de    principal    de    l'école 
militaire    de    Brienne    qu'il    occupa 
près  de  vingt  ans  5   jusqu'à    la   sup- 
pression de  cette   école,   en   1790. 
A   cette    époque  le    j>ère  Berton  se 
retira  k  Sens   et   devint  vicaire  épis- 
copal  de  l'évèque  conslilutionnei   de 
cette  ville  ,   oii   il   passa   les  années 
orageuses    de    la  révolution    occupé 
de  l'éducation  d'un  jeune  homme  et 
de  la  culture  d'un  jardin.  Bon.iparte, 
qui  avait  été  son  é'ève  a  Brienne,  étant 
devenu    premier  consul ,   se   lessou- 
vint  de  lui  et  lui  coalia  'a  direction 
du   Lycée  des  arts    de   Cumpiègne. 
a  En  passant  par  cette  ville  avec  Jo- 
K  séph  ne    pour  un   voyage   sur  les 
K  côtes  du  nord,  le  père  Berton,  dit 
K  Bourienne   dans    ses     Mémoires  , 
«  (tome  m,  page  199),  bon,  simple 
a  comme  au  Itmps  où   il  nous  tenait 
a  sous  sa  léiule,  s'en  vint  prier  sou 
a  ancien  élève  et  sa  femme  d'accepter 
ce  chez  lui  un  déjeuner.  Us  acceptè- 
«  rent   tous  deux.  Notre  bon  prin- 
«  cipal  se  croyait  encore  au  temps  oîi 
«  Bonaparte    faisait    ses    premières 
K  éludes  :  hélas  !  il  se  trompait  bien. 
a  Le  père  Berton  avait  pour  com- 
te mensal    un    autre    condisciple    de 
«  Bonaparte  et  de  moi  nommé  Bou- 
«  quel.    Le   père    Berton   1  li  avait 
te  expressément  défendu  de  se  mon- 
te trer  ,    d'autant  plus  qu'il  avait  été 
te  disgracié  a  l'armée  d'Italie  où  il  était 
ee  commissaire  des  guerres.  BoU([uet 
te  promit  de  ne  pas  sortir  de  sa  cham- 
t(  bre,   mais  dès  qu'il  vit  arriver  la 
et  voiture,  il  se  précipita  a  la  por- 
«  tière  et  offrit  cavalièri  ment  la  main 
(c  h  Joséphine  qui  lui  dit  en  l'accep- 


BER 

K  tau),  Bouquet^vous  vous  perdez! 
«  Bonaparte  l'avait  aperçu  5  indigné 
«  de  ce  qu'il  regardait  comme  une 
«  impardonnable  familiarité,  il  se 
K  livra  a  un  de  ses  mouvemenis  de 
a  colère  que  rien  ne  pouvait  dompter, 
a  et  h  peine  entré  dans  la  salle  où  le 
a  déjeuner  était  servi,  dit  k  sa  fera- 
«  me  ,  d'une  voix  impérieuse  ,  après 
«  s'être  assis  ,  Joséphine^  mets-toi 
«.  là.  Puis  il  se  mit  k  déjeuner  sans 
K  dire  seulement  au  père  Berlon  de 
«  s'asseoir  ,  quoiiju'il  eût ,  comme  on 
«  le  pense  bien  ,  fait  meltre  un  troi- 
«  sièrae  couvert  pour  lui.  i.e  père 
K  herton  resta  defcout  derrière  son 
«  ancic  n  élève,  et  consierné  de  sa  vio- 
«  lence.  »  Peu  de  temps  après,  en 
t8o3,  Berton  quitta  le  Lycée  de 
Compiègne  pnur  la  place  de  provi- 
seur du  Lvcée  de  R'  im>,  qci  venait 
d'être  établi ,  et  perdit  cette  place, 
en  i8og  ,  a  cause  de  sa  mauvaise  ad- 
ministration. Depuis  ce  moment  sa 
tète  se  dérangea  ,  et  relire  ser.l  dans 
une  petite  maison,  il  se  laissa  mou- 
rir après  un  jeûne  de  quarante-deux 
jour>,  le  2  0  juil  et  I  8  1  I .  L — c — j. 
BERTOX  (le  baron  Jean- 
Baptiste),  général  français,  naquit 
le  I  5  juin  1769,  d'une  famille  aisée, 
k  Fraucheval,  près  de  Sedan,  et  fil  ses 
études  dans  cette  ville,  A  l'âge  de 
dix-sept  ans  ,  il  entra  k  l'école  de 
Brienne,  au  moment  où  Bonaparte  en 
sortait.  De  là  il  passa  k  l'école  d'ar- 
tillerie ,  qui  venait  de  se  former  k 
Chàlons- sur -Marne.  Nommé,  en 
1792  ,  sous-!ieuteuaut  dans  la  légion 
des  Ardennes,  il  fit  ,  avec  ce  corps  , 
les  premières  campagnes  aux  armées 
du  INord  et  de  Sambre-elMeuse , 
et  parvint  au  grade  de  capitaine. 
Durant  les  campagnes  de  1806  et 
1807  ,  en  Allemagne  ,  il  st-rvil  dans 
l'élal-major  de  B.  rn;i(lolle  ,  puis 
dans   celui  du  maréchal  Victor ,  etc. 


BER 


<tj\ 


Sa  conduite  k  la  bataille  de  Fried- 
land  attira  sur  lui  les  regards  de  ce 
dernier,  qui  l'emmena  en  Espagne  , 
où  il  se  distingua  ,  parliculièrement  à 
Spinosa.  Présenté  kNapoléon,  au  mo- 
ment d'une  revue  passée  k  Burgos, 
par  Victor  qui  vanta  ses  talents  et  sa 
valeur,  et  sollicita  pour  Ini  le  grade 
de  cclonel,  il  fut  créé  adjudant-com- 
mandant, Quelque  temps  après,  Ber- 
ton (ut  al  lâché  k  l'élat-major  du 
général  Valence  ,  puis  a  celui  de  Sé- 
basliani.  Il  combattit  avec  une  rare 
valeur  aux  journées  de  Talaveira  , 
et  d'Ocnna.  Après  celle  dernière  af- 
faire, le  [irince  Sobieski  ,  témoiu  du 
courage  qu'il  av  it  déployé,  l'em- 
brassa et  le  félicila  ,  en  présence  du 
régiment  de  lanciers  polonais  qu'il 
avait  mené  k  l  ennemi.  Elan!  passé 
avec  le  corps  du  général  Sébasti.mi 
dans  le  royaume  de  Grenade,  Berlon 
y  donna  de  nouvelles  preuves\le  bra- 
voure. A  la  télé  d'un  délacbemciil  de 
m  lie  hommes  ,  il  s'empara  de  Ma- 
laga  ,  défendue  par  sept  radie  Espa- 
gnols ,  et  fut  nomm?  gouverneur  de 
cetle  place.  Créé  général  de  brigade 
le  3o  mai  1 8  :  3,  il  se  distingua  de  nou- 
veau k  la  bataille  de  Toulouse.  Après 
la  reslauralion,  il  fut  créé  chevalier 
de  Sai  il-Louis  et  mis  en  demi-solde. 
Mais  aussitôt  après  le  20  mars 
il  reparut  sous  les  armes  et  com- 
battit k  Waterloo.  Revenu  k  Pa- 
ris après  cetle  défaite,  Berton  fut 
gravement  compromis  et  conduit  k 
la  prison  de  l'Abbaye  ,  d'où  il  ne 
sortit  qu'au  bout  de  cinq  mois  ,  sans 
avoir  subi  de  jugement.  Le  souve- 
nir de  cette  captivité  l'avait  singu- 
liè  ement  aigri  (1),  comme  on  en 
peut  juger  par  l'ardeur  avec  laquelle 
il  se  jeta  dans  le    parti  de  Toppo- 


(•j  lin  iSi'.  il  léclama  ,  dans  1<  s  journ.iux  , 
contre  la  noii-iiiseitioii  dans  raliu..ii.ich  royal 
des  officiers-geuéraux  qui  n'étaient  pas  en  acti- 


tS4 


BER 


sitlon  ,  e{  surloiit  par  cette  conspi- 
ration funesle  qui  lui  coûta  la  vie. 
En  1818  ,  il  fil  paraître  sur  la  cam- 
pagne de  181  5  un  Précis  histori- 
que et  critique ,  écrit  avec  plus  de 
vivacité  que  de  coi  rectiou  et  de  jJ,oût, 
mais  qui  annonçait  quelques  connais- 
sances dans  l'art  de  la  guerre.  Ad- 
mirateur passionné  de  Napoléon  , 
Berlon  s'efforce  de  le  justifier  sur 
tous  les  points,  et  d'élablir  que  le  dé- 
sastre de  Waterloo  doit  être  attri- 
bué aux  fautes  commises  par  ses  lieu- 
tenants. Cet  ouvrage  fut  suivi  de 
quelques  opuscules  politiques  qui , 
pliius  d'idées  inexactes  et  d'un  libé- 
ralisme outré  ,  ne  faisaient  voir  en 
lui  qu'un  publicisle  médiocre,  et  trop 
long-temDS  distrait  par  le  tumulte 
des  camps  des  études  sérieuses  de  la 
politique.  A  la  même  époque,  il 
fournissait  des  articles  a  la  Mi' 
ncri'e  française  et  aux  Annales 
militaires.  Tous  ces  écrits  de  Ber- 
ton  ,  surtout  ses  pétitions  aux  deux 
chambres,  et  ses  Considérations  sur 
la  police  j  précédées  dune  lettre 
extrêmement  violente  a  M.  Mounier, 
alors  directeur-général  de  la  police, 
éveillèrent  raltcnlion  de  l'autorité. 
Fréquenlanta^-sidùment  la  société  des 
Amis  de  Inpresse^  il  figura,  comme 
témoin,  dans  le  procès  auquel  donna 
lieu  cette  société.  A  l'audience  du 
II  décerab.  1819,  interrogé  par  le 
président  ,  il  déclara  qu'il  s'était 
trouvé  dans  plusieurs  réunions  chez 
M.  Gévaiidan  ,  chez  M.  d'Argen- 
son  ou  chezM.de  Broglie  5  qu'on 
s'y  occupait  de  tout  ce  qui  pouvait 
intéresser  des  amis  de  la  p;itrie; 
qu'une  fois  on  y  avait  examiné  un  pro- 
jet de  loi  sur  la  liberté  de  la  presse, 

vilé,  omission  qui  n';ivait  pas  ('ti- faite  (1.1115  1."! 
aliiianadi-  de  i8i5et  di-iSiti.  I.'cditrur  Tcslu 
rrpniitlil  que  la  icdactiou  de  l'almana  li  fiait 
.•ioumibc  tous  les  an?  a  la  revision  des  uiiiiiilèies, 
îi  diacun  pour  la  pariie  qui  le  concoine.  V — ve. 


BEPt 

apporté  par  M.  de  Broglie.  Tons  ces 
faits  furent  évidemment  cause  de  la 
radiation  de  Berlon  du  contrôle  de 
l'armée,  laquelle  fut  prononcée  le 
£0  septembre  1820.  Un  mandat 
d'arrêt  fui  même  lancé  contre  lui  ,  ii 
cette  époque;  ou  vinl  pour  l'arrêter 
dans  son  domicile,  et  il  n'eut  que  le 
temps  de  s'enfuir.  Bientôt  (  janvier 
1822),  étant  aile  en  Bretagne, 
il  fut  désigné  par  les  chefs  de  la 
conspiration  qui  se  tramait  alors  a 
Saumur  pour  eu  diriger  Texplosion  5 
il  se  rendit  dans  celle  ville,  puis 
a  Thouars  où  le  complot  avait  un 
grand  nombre  d'adhérents,  entre  au- 
tres l'adjoint  du  maire  et  le  comman- 
dant de  la  garde  nalionale.  Le  24 
février  ,  il  paraît  revêlu  de  son 
grand  uniforisie  ,  accompagné  d'une 
espèce  d'étal-majork  cheval,  portant 
la  cocarde  el  le  drapeau  tricolores  ; 
il  publie  des  proclamations,  où  il 
ann(!nce  que  la  république  va  être 
rétablie  et  qu'un  mouvement  insur- 
rectionnel doit  avoir  lieu  simullaué- 
inent  dans  toute  la  France.  Berlon 
désignait  même  les  cinq  membres  de 
la  chambre  des  députés  qui  devaient 
être  mis  à  la  tête  du  nouveau  gouver- 
nement. Ensuite  il  s'empare  de  l'au- 
torité et  pourvoit  au  remplacement 
des  fonctionnaires  publics.  Il  se  dé- 
corait du  litre  de  commandant  de 
V armée  nationale  de  t Ouest.  Le 
cri  de  sa  troupe  était  :  vive  la  li- 
berté! cri  auquel  quelques  person- 
nes ajoutaient  celui  de  :  vive  Na- 
poléon Il  !  Bientôt  à  la  tète  de 
quinze  hommes  a  cheval  et  de  cent 
viugt  hoinmes  il  pied,  il  marche  vers 
Sa'unur  ,  el  pendant  la  rnute,  sa 
troupe  se  grossit  de  quelques  hommes 
venus  des  villages  environnants.  Déjii 
il  est  arrivé  à  Monlreuil  ,  qu'on  ne 
sait  rien  encore  de  sa  marche  h  Sau- 
mur. Il  était  trois  heures  après  midi. 


BËR 

Un   geiularme    de    Monlreull   court 
dans  celle  ville,  informe  les  aulorllés, 
et   des     mesures    de  déieuse   v  fcont 
pries  à  la  hâle.    Berion    arrive   et 
dépasse  lepont  Fciucliard.   Après  un 
cutrelien  de    quelques  minutes  avec 
le  maire  de  Saumur,  il  conclut  une 
espèce  de  copitulalion  ,  par  laq:!elle 
il  lui  est   accordé  deux  heures  pour 
se   retirer  ;    en   effet  ,   il   repasse  le 
pont,  qu'il  barricade  de   ],eur  d'être 
surpris,    et  vers   minuit  il  s'éloigne 
pa  sibleiiunt   avec    sa    troupe    qu'il 
conduil  ju-qu'k  Brion.  Sou  intenlion 
était  de  retourner  a  ïiiouars  j  mais  , 
ayant   appris   que  les  portes  lui  eu 
seraii-nt  fermées  ,  il  renvoya  ses  sol- 
dats qui  se  dispersèrent ,  cl  lui  même 
alla  chercher    un     asile.   Quelques- 
uns  des  chefs  furent  bientôt  arrêtés. 
Quant  a  Berlon  ,    il    erra    quelque 
temps    dans    les    départements    des 
Deux-Sèvres  et  de  la  Charente-In- 
férieure et  surtout  a  'a  Rochelle,  où 
il  chercha  encore,   selon  les  iuslruc- 
lions  du  comité  directeur  de  Paris, 
et  par  le  moyen  des  intelligences  qu'il 
conservait   daus  plusieurs  corps    de 
l'armée,  "a  susciter  des  complots  qui 
nn  peu  plus  lard,  devaient   conduire 
à  Techafaud  le  Jeune  Bories  et  trois 
autres  sous-officiers.    Ce  fut  en  vain 
qu'on  lui  offrit  alors  des  inovens  de 
se  rendre  eu  Espagne  ;  il  aima  mieux 
rester  en  France.  La  police,  qui  n'a- 
vait pas  cessé    de  l'observer,   le  fit 
bientôt  tomber  dans  un  piège.  Il  fut 
arrêté^    le    17  juin,  dans  la  maison 
d'un  notaire    de    Salnl-F'orent ,    et 
conduil   par  une  escorte  de  cuiras- 
siers au  château   de   Saumur.    Celte 
arrestation  fut  surtout  due  a  un  sous- 
officier  de  carabiniers,  nommé  Wol- 
fel ,  q^ii  avait  feint  de  partager  ses 
scnliaieuts.  Berlon  f-t  traduit  devant 
la  cour  rovale  de  Poitiers,  avec  cin- 
quanîc-cinq  personiies  accusées  d'a- 


BER 


i5i 


voir    participé    à    l'insurrcclion   de 
Tliouars.    Ce    procès  donna    lieu    a 
de  longues  discussions.  Bertou  voulut 
d'abord,  conlorinémeut  à  l'art.  55  de 
la  Charte  ,  être  jugé  par  la  cour  des 
Pairs.  Cette  den  aude  ayant  été  re- 
poussée, il  imagina  d'appeler  en  té- 
,muiguagequelqits-uns  des  jurés.  En- 
lin  ,  il  demanda  pour  défenseur  ]\F 
Mérilhou  du  barreau  de  Paris,  et,  a  son 
défaut,    I\P  Mesuard  du  barreau  de 
Rochefort.  Aucune  de  ces  demandes 
ne  fut  admise.  Le  président  delà  cour 
nomma  d'cflice  ,  pour  le  défendre  , 
un  avocat   de  Poitiers,  qui   protesta 
comme  l'accusé  contre  celte  nomina- 
tion ,  et  enfin  les  débals   furent  ou- 
verts   le  26  août.  L'accusation    fut 
soutenue  par  le   procureur  -  géné- 
ral Mangin,    depuis  préfet  de    po- 
lice de  Paris  :    après    avoir    établi 
l'existence  du  complot,  ce  magistrat 
soutint  que  Berlon  n'avait  été    que 
rinslruraenl  d'une    société    dite  des 
clievalicrs  de  la  liberté  ,  laquelle 
était  dirigée  par  un  comité  siégeant  a 
Paris,   et  ayant  Berion  pour  agent 
principal  daus  l'Ouest.  11  aji'Ula  que 
si  le  premier  complot,  ourdi  à  Sau- 
mur ,   par  Delon  ,  Sirjau  et  autres  , 
eût  réussi ,   Bertou  devait  se  mettre 
à  la  tête    des   rebelles-   que  celui-ci 
était  désigné   dans  la  procédure  in- 
struite a  jNantes  contre  les   Carho- 
Jiari  ,   comme  devant  prendre   la  di- 
rection  du  mouvement;   (jue  c'était 
encore  lui  que  l'un  avait  désigné  nour 
prendre  le  commandement  des  mili- 
taires de  la  Rochelle,   qui  avaient 
foniié   un   complot  du  même  genre. 
Berlon  ,  persistant  daus  la  ré.-olulion 
de   se    défendre  lui-même  ,    déclara 
que,  s'il  n'élail  point  parti  pourl'Es- 
pague    où  rappelaient    des   intérêts 
particuliers,  c'est  qu'il  avait  regardé 
comme  une   infamie  de  fuir  loin  de 
la  France  ,    pendant   qu'un    ceriaiu 


i55 


BER 


nombre  de  ses  co-accusés  étaient  dans 
les  fers.  Il  se  plaignit  ensuite  des 
vexations  et  des  tortures  dont  ses 
compagnons  et  lui  avaie  t  été  l'ob- 
jet depuis  leur  détention  ;  de  l'épi- 
ihète  de  lâches  c[i\e  leur  avait  donnée 
le  procureur-général  dansson  réqui- 
sito  re  5  eu6n  du  refus  qu'on  avait 
fait  à  ses  deux  fils  de  le  voir  dius 
la  prison.  Arrivant  ii  l'objet  prin- 
cipal ,  le  mouvement  qui  avait  eu  lieu 
a  Tliouars  le  24  février  ,  il  soutint 
qu'il  n'avait  pas  eu  pour  but  de  ren- 
verser le  gouvernement  du  roi ,  et 
qu'il  élail  bien  moins  encore  dirigé 
contre  S.  M.,  puis(|u'il  était  l'œuvre 
des  chevaliers  de  la  liberté  ,  qui 
a\ aient  placé  dans  le  premi'  r  article 
de  leurs  statuts  la  conservation 
du  roi  et  de  t  auguste  famille  ré- 
gnante et  le  soutien  de  la  Charte , 
avec  l'engagement  de  combattre  les 
ennemis  de  la  liberté  ,  qui  sont  cvws. 
de  la  Cliarte.  Selon  Berlon  ,  il  n'était 
pas  le  cbcfdela  tentative  de  Thouarsj 
e'ie  n'avait  pas  été  préparée  par  lui  j 
elle  n'avait  pu  être  déterminée  pnr 
sa  présence ,  et  elle  aurait  pu  avoir 
lieu  sans  lui.  L'accusé  niait  aussi 
d'être  l'auteur  des  proclamations  pu- 
bliées a  Tbouars  ,  et  de  les  avoir  si- 
gnées. Il  affirmait  même  qu'il  n'était 
point  chevalier  de  la  liberté ,  que 
seulement  on  lui  avait  lu  l'article  des 
statuts  de  celte  société,  qui  concer- 
nait le  maintien  des  Bourbons  ,  et 
qu'on  lui  avait  fait  promettre  d'j 
adhérer.  Enfin,  relativement  k  un 
gouvernement  provisoire,  il  préten- 
dait qu'aucun  de  ses  compagnon^  n'a- 
vait dii  ni  pu  en  parler.  «Le  procu- 
«  reur-général.  dit-il,  eu  terminant, 
«  V'iusa  parlé  de  sou  indulgence  ,  et 
a  il  vous  demande  beaucoup  de  sang. 
«  Si  votre  co/nscienre  vous  dit  qu'il 
«■  faut  en  verser ,  je  ferai  bien  vo- 
ce lontiers  le  sacrifice  du  mien  j  j'en 


BER 

a  ferais  surtout  le  sacrifice  avec  joie, 
te  s'il  pouvait  rendre  la  liberté  a  tous 
ce  ceux  qui  m'ont  suivi  jusqu'à  Sau- 
ce mur.  Vous  pouvez  les  épargner  , 
ce  messieurs  ;  aucun  sentiment  inlé- 
«  rieur  ne  doit  vous  en  faire  de  re- 
tc  procbe.  Je  dé^irerais  ,  en  ce  cas  , 
«  pouvoir  fournir  a  moi  seul  assez  de 
te  sang  pour  apaiser  la  soif  de  ceux 
a  qui  en  paraissent  si  altérés.  Pen- 
ce dant  vingt  ans  ,  j'en  ai  versé  sur 
et  quelques  cbamps  de  bataille  5  j'y 
ce  ai  épargné  celui  des  émigrés,  lors- 
a  qu'ils  se  battaient  contre  nous, 
te  J'en  ai  sauvé,  comme  bien  d'au- 
ce  très  de  mes  compagnons  d'armes 
ce  l'ont  fait  5  et  crtte  générosité  avait 
a  ses  dangers.  Je  n'ai  jamais  fait 
ce  couler  une  seule  goulte  de  sang 
te  français.  Celui  qui  me  reste  est 
ce  pur  ;  il  est  tout  français...  Quoi 
ce  qu'il  puisse  ai  river,  ma  devise 
et  sera  ce  qu'elle  a  toujours  été  : 
ce  dulce  et  décorum  est  pro  patria 
ce  mori.  3J  Ce  système  de  défense  lut 
combattu  avec  beaucoup  de  véhé- 
mence par  le  procureur-général  Man- 
gin  ,  qui  se  livra  a  de  graves  incul- 
pations contre  ceux  des  membres  de 
l'opposilion  de  la  chambre  des  dé- 
putés, Lafayette,  Benjamin  Constant 
et  Manuel,  dont  les  noms  avaient  été 
plusieurs  fois  prononcés  durant  les 
débats.  Ces  députés  inculpés  ayant 
demandé  k  la  cour  de  cassation  l'au- 
torisation de  réclamer  une  répara- 
tion des  tribunaux  ne  purent  l'ob- 
tenir. Seulement  ,  dans  son  arrêt  , 
la  cour  suprême  admit  la  possibi- 
lité de  juger  peu  mesurées  les 
expressions  du  procureur-général. 
Les  débats  de  cette  affaire,  qui  avaient 
été  si  vifs  et  si  animés  ,  se  terminè- 
rent au  bout  de  17  jours,  par  un 
arrêt  de  mort  contre  Berton  et  cinq 
de  ses  complices.  Il  se  hâla  de  se 
pourvoir  en  cassation.   Son  pourvoi 


BER 

fut  plaidé  avec  beaucoup  de  chaleur 
par  deux  avocats  du  barreau  de  Paris, 
(MM.  Isambert  el  Mérllbou)  ,  qui 
présentèrent,  surfout,  comme  moyen 
de  cassation  l'anirausilé  qu'ils  re- 
prochaient au  procureur  -  général 
d'avoir  montrée  pi  udant  les  débats. 
Ce  moyen  n'eut  aucun  succès  ,  et  la 
cour  suprême  rejeta  le  pourvoi.  Le 
lendemain  du  jour  où  cette  décision 
fut  parvenue  à  Poitiers  (le  5  oct.), 
le  général  fut  conduit  k  l'échafaud  , 
et  reçut  courageusement  la  mort  j 
c'est  du  moins  ce  qu'on  apprit  par 
la  voix  publique  a  l'époque  de  cet 
événement.  INéannioins  ,  quelques 
jours  après,  i^abbé  Lambert,  vlcaire- 
géuéral,  publia  une  lettre  où,  après 
avoir  loué  lessentimens  religieux  que 
Berloa  avait  manifestés  ,  il  prétendit 
qu'au  moment  de  marcher  à  la  mort 
il  était  devenu  d'une  extrême  faiblesse 
et  que  la  pâleur  de  son  visage  le 
rendait  méconnaissable.  Les  fils  du 
généra',  affligés  de  cette  lettre, 
répondirent  ,  dans  les  journaux  , 
qu  il  V  avait  bien  peu  de  charité  "a 
démentir  ainsi  la  voix  publique,  et  a 
vouloir,  par  l'expression  dt'Jaib/essa 
extrême  ,  flétrir  les  derniers  mo- 
ments de  leur  père.  Ces  deux  jeenes 
gens,  officiers  de  cavplerie,  se  hâtè- 
rent de  donner  leur  démission.  Le 
général  l'erlon  avait  reçu  ,  en  1819, 
du  roi  de  Suède  (  Bernaddtle  )  la 
déroration  de  l'ordre  Ael'Epée.  Son 
nom  fut  rayé  de  la  liste  des  cheva- 
liers de  cet  ordre  quand  la  nouvelle 
de  sa  révolte  parviut  en  Suède.  Ou 
a  publié  en  i832,  k  Paris,  une 
Histoire  de  la  conspiration  de 
Saumw\  par  le  colonel  Gauchais  , 
condamné  k  mort  dans  celle  affaire 
pour  avoir  tout  conduit  dans  l'ouest, 
comme  chargé  de  cette  partie  de 
la  France  par  le  comité  directeur, 
avec  cette  épigraphe    Quorumpars 


BEPv 


i57 


magna  fui ,  in-8".  Le  colonel  Gau- 
chais décl  ire  positivement  dans  cette 
brochure  que  le  but  de  la  con-piia- 
tion  était  le  renversement  de  la  mo- 
narchie, pour  lui  substituer  la  répu- 
blique 5  que  la  trnme  était  depuis 
long-temps  ourdie  et  dirigée  par  un 
comité  directeur  a  Paris,  et  qu'elle 
s'étendait  a  toutes  les  contrées  de 
l'Europe  5  qu'elle  avait  parlent  pour 
auxiliaires  des  sociétés  secrètes  , 
telles  que  les  carbonari ,  les  phila- 
delphes,  les  amis  de  la  liberté  ; 
qu'elle  n'échoua  que  par  la  faiblesse 
et  l'incapacité  de  Berlon  ;  enfin  ,  que 
si  un  autre  général  eût  été  envoyé  a 
Saumur,  comme  cela  avait  d'abord  été 
déridé,  il  serait  dès-lors  arrivé  ce  que 
l'on  a  vu  [)lustnrd,  etc.  Cettebrochure 
écrite  par  un  ami,  un  coopéraleur  de 
Berton  ,  est  un  témoignage  authenti- 
que et  très-important  pour  l'Iiiitoire 
de  cette  lutte  de  quinze  ans  entre  les 
Bourbons  de  la  branche  aînée  et  le 
parti  révolutionnaire,  qui  a  fini  par 
les  renverser.  Voici  la  liste  des  écrits 
de  BeitdU  :  L  Précis  historique  , 
militaire  et  critique  des  batailles 
de  Fleuras  et  de  IJaterloo,  dans 
la  campagne  de  Flandres  ,  en 
juin  1 8  I  5  5  de  leurs  manœuvres 
caractéristiques  et  desmouvements 
qui  les  ont  précédées  et  suivies, 
1818,  iii-8".  IL  Commentaire  sur 
l'ouvrage,  tn  18  chapitres,  précédé 
d'un  Avant-propos,  de  M.  le  géné- 
ral J.-J.  Tarayre,  intitulé  ;  De  la 
force  des  gouvernements  ^  ou  du 
rapport  que  la  force  des  gouver- 
nements doit  avoir  avec  leur  na- 
ture et  leur  constitution  ,  1 8  i  9 , 
in- 8".  IlL  Considérations  sur  la 
police  ;  observations  touchant  les 
bruits  quelle  répand,  précédées 
d'une  lettre  à  M.  le  baron  Mou- 
nier,  directeur-général  de  la  po- 
lice du  royaume^  1820, in- 8°.  IV. 


i58 


Btll 


A  M^I.  les  membres  de  la.  cham- 
bre des  pairs  et  à  MM.  les  députés 
djs  départements  au  corps  lé^is- 
lat.f,  1821,  in  8°.  —  Le  fils  aîné 
du  général  Berlon,  qui  avait  été 
nommé  depuis  la  révolulion  de  i83o 
inspecleur-adjoint  de  la  culture  au 
Sénégal,  est  mort  d;ius  cette  colonie 
vers  la  fin  de  l'année  i83i,  h  Fàge 
de  32  ai>s.  M — DJ. 

BERTRADE  ,  seconde  femme 
de  Philippe  I^"".  Voy.  Philippe  , 
XXXIY,  ^Ki-(^\^  et  ivEs  de  Char- 
tres, Ll,  543-/,4. 

BE  RT  R  A  M  (Chrétien- Au- 
guste), conseiller  de  guerre  et  des 
domaines  de  Prusse  ,  naquit  aB^;rlin 
le  17  juillet  1731,  et  fit  ses  élu- 
des au  gymnase  de  Joachimsial ,  puis 
a  l'université  de  Halle  qu'il  qui;ta  en 
1774.  pour  les  finances.  De  retour 
dans  sa  ville  natale  en  1775,  il  fut 
attaché  deux  ans  après  a  la  direction 
générale  des  domaines  en  qualité  de 
secrélaire  inlime.  et  devint  conseiller 
intime  de  guerre.  Indépendamment  de 
cet  emploi,  il  fut  chargé  de  l'adminis- 
tra! ion  des  llnauces  du  Tilargrave  Henri 
de  Brandenhourg-Schwedl.  Dès  son 
plus  jeune  âge  liertram  avait  mon- 
tré bea-îcoup  de  goût  pour  les  lettres, 
et.  comme  élève  du  gymnase  de  Joa- 
chimsthal,  il  avait  fait  une  traduction 
de  l'éloge  du  professeur  Gellert, 
qu'il  fit  imprimer  plus  tard  ainsi 
qu'une  brochure  sur  les  passions  de 
Werther,  qu'il  composa  pendant  un 
séjour  a  Dresde.  Lorsqu'il  fut  de  re- 
tour a  Berlin  son  goût  pour  la  lit- 
térature ne  fit  que  s'accroître.  Il 
devint  col'ahorateur  de  plusieurs  jour- 
naux cl  se  (it  surtout  connaître  par 
la  puhlicallon  de  sa  Gazette  litté- 
raire (les  théâtres.  En  1789  ,  ses 
occupations  a  li  di'ecilondes  (luau- 
ces  et  a  celle  du  ihéàtre  de  Berlin 
1  obligèrent  de  cesser  ses  travaux  lil- 


téraircs.  En  1790  l'électeur  de  Ba- 
vière. Charles-Théodore  ,  Téleva  a  la 
dignité  de  baron.  En  1806  ,  la  direc- 
tion générale  des  finances  et  des  do- 
maines ayant  été  transférée  dans  la 
vieille  Prusse,  il  y  accompagna  son 
chef  ,  le  ministre  Schroetler,  et  fut 
mis  h  la  retraite  en  181 5  par  suite 
d'une  nouvelle  organisation.  Alors  il 
s'occupa  de  réunir  une  collection  de 
portraits  de  personnages  historiques 
dont  i!  fit  la  biographie  ,  et  il  con- 
tinua de  cultiver  les  sciences.  C'est 
ainsi  que  parla;^eant  son  temps  entre 
l'étude  et  li  culture  d'un  petit  jard  n, 
où  il  avait  réuni  les  fleurs  les  plus 
rares ,  il  atteignit  une  assez  haute 
vieillesse.  Il  mourut  le  18  sept. 
i85o.  A  de  vastes  connaissances 
Beriram  joignait  une  grande  mémoire 
qu'il  conserva  jusqu  a  la  fin  de  ses 
jours.  Parmi  les  nombreux  ouvrnges 
qu'il  a  publiés,  on  cite  ;  I.  Almanach 
des  muses  cdlemaiides,  Francfort  et 
Leipzig,  1775  ^.Feuille  littéraire, 
de  1776  a  1777.  ni.  Bibliothèque 
générale  pour  les  artistes  drama- 
tiques ,  Francfort  et  Leipzig,  1776- 
1777.  IV.  Gazette  des  théâtres,  de 
1778  il  1784.  V.  Projet  d'amélio- 
ration du  théâtre  allemand,  1780. 
VI.  Biographie  des  artistes  et  des 
savants  de  l'Allemagne  ,  Berlin  , 
1700.  VII.  Annales  du  théâtre  , 
Ber'in,  1788-1797.  Z. 

BEP».tRAM   '(   AUGUSTE-GUIL- 

lav^îe),  médecin  allemand,  nfiquif, 
le  18  août  1762  ,  diius  la  Vieille- 
Marche  ,  où  son  père  exerçait  l'art 
de  guérir.  A  quatorze  ans  il  fui  en- 
voyé aux  écoles  de  la  ville,  d'où  il 
passa  ensuite  a  Halle,  et  fut  admis 
au  nombre  des  élèves  de  l'universi- 
té. Il  partagea  dès  1  >rs  son  temps 
entre  rélude  de  la  .médecine  et  celle 
d'.'s  sciences  acce-;r-i;;res,  particulière- 
ment de  l'histoiic    naturvlle    et  des 


BEll 

mrilhémaliqucs  ,  qu'il  aimait  avec 
passion.  Persuadé  que  les  voyages 
seuls  peuvent  procurer  des  connais- 
sanct'S  positives  en  rainéralopjie,  il 
profila  d'une  occasi.n  qui  se  présenta 
en  1776,  pour  aller  parcourir  les 
montagnes  des  Géants,  dans  la  Bo- 
liêra  ■.  L'année  suivante  .  il  se  rendit 
à  Gœltingue  ,  puis  revint  a  Halle  où 
le  honncl  de  docteur  lui  fut  donné  en 
1781  ,  après  niHif  années  d'études. 
La  pratique  à  laqutUe  il  s'adonua 
dès  lors  lui  réuisil  dabord  très-peu 5 
mais  avec  le  temps  sa  clienlcUe  aug- 
menta ,  et  il  finit  par  devenir  un  mé- 
decin très-répandu.  En  1787  ,  il  fui 
nommé  proffsseur  à  l'université,  mais 
l'année  suivante,  le  2  5  mars,  u::e 
fièvre  putride  termina  prématurément 
sa  carrière.  On  n'a  de  lui  qu'un  seul 
opuscule  ,  intitulé  :  Disscrtatio  de 
s/iasmo ,  ah  cxaininatione  conjec- 
turas sislens  ,  Halle  ,  i'-8i  ,  in- 8°. 

J— D—N. 

BERTRAND  (Jea>),  agrono- 
me, naquit  en  1708,  à  Orbe,  d'une 
fnnille  origi  iaire  de  Toulouse  (/-  oj. 
Bertrakd,  IV,  578),  dont  une 
branche  ayant  embrassé  la  réforme  , 
vint  ,  api  es  la  révocation  de  l'édit  de 
iNanU's  ,  chercher  un  asile  en  Suisse. 
Il  était  le  frèic  aîné  à! Elle  Ber- 
Tr.AisD(i)  {P  OJ-.  ce  nom,  iiàd.  , 
077)  ,  savant  et  laborieux  natura- 
liste. Après  avoir  achevé  ses  étu- 
des   dans    les    académies    de    Lau- 


[l'j  L'hoinonyiiiif  est,  comme  on  l'a  d.jà  dit, 
la  source  de  la  pliipait  dus  eneiirs  lépundues 
dans  i'iiisto.re  liiit-rairc  ;  cl  1-s  bio;^rapIies  les 
plus  e\acis  n'ont  pas  toujoms  pu  s'en  picsci- 
ver  :  c'est  ainsi  <|u'h  l'iii-t.  £/ie-IÎEBTEA»D,  on  lui 
atlnb-.ie,  d'après  la  Fnmce  liitrrairc  d'I  rs  li ,  la 
Morale  evanj^éliquc  (c'est  la  Morale  de  l'Efaiig/e 
qa'il  aurait  f  illu  dite  ) ,  ouvrage  qui  est  de  Jean- 
l:.li('  lît'rlraii .'.  La  U^bliogr.  agronomique  fait  Klie 
Bi-rlra:i'l  l'iulcur  de  V Eau  •  onsidiirce  sous  le  rop. 
p'iri  économique,  laissant  à  Jean  Bertrand  le 
Tra't'J  de  t'irngttt  oit  des  pra:iies  ,  comme  si  c'é'ait 
un  autre  ouvrage;  cile  ilonne  encore  à  Elie  les 
Elément i  d'agrh  uUnre,  qui  siml  inconleilublcmeat 
de  jon  frère,  le  paslcar  d'Orbe. 


BEP^ 


i59 


saune  et  de  Genève,  il  se  rendit  en 
Hollande  pour  y  perfi-clionner  ses 
connaissnuct's  par  la  fréquentation  des 
savants.  Il  n'avait  que  ungf  ans  lors- 
qu'il soumit  sa  traduction  des  Noii- 
veaiix  sermons  de  Tiliotstm  au  ju- 
gement de  Barbejrac,  qui  la  trouva 
digne  de  paraître  a  la  suite  de  celle 
qu'il  avait  donnée  des  premiers  ser- 
mons de  ce  célèbre  prédicateur  (2). 
Pendant  son  séjour  en  Hollande  , 
Bertrand  |ul  lia  successivement  di- 
verses tiaduclions  de  l'auglais.  On 
lui  doit  celle  de  Léonidas^pQème  de 
G'over,  La  Haje  .  1739,10  i2;de 
i'yJmitié  après  la  mort ,  ou  lettres 
des  morts  aux  vivants ,  par  mis- 
fri^sRowe,  Amsierd.,  17^0,  2  vol. 
in-i2;  de  la  Fable  des  abeilles 
de  Mandeville  ,  ibid  ,  17^0,  4-  vol. 
in-i2  (0)5  et  enfin  du  Voyage  de 
Kolb  au  cap  de  Bonne-Espérance^ 
ibid.,  17415  3  vol.  in-12,  dont  il 
retrancha  les  longueurs.  A  sou  retour 
dans  sa  pairie  il  fut  attaché  d'abord 
à  l'église  de  Grandson  ,  et  quelque 
temps  après  nommé  pasteur  d  Orbe. 
Dès  lois  il  consacra  tous  ses  loisirs 
à  l'agronomie  ,  examina  it  les  procé- 
dés et  les  méthodes  de  culture  en 
usage  dans  les  divers  cantons ,  et  tra- 
vaillant sans  relâche  aies  améliorer. 
Trois  prix  quM  remporta,  par  autant 
de  niémoires  sur  des  questions  pro- 
posées par  la  société  économique  de 
Bi'rae  ,  étendirent  sa  réputation. 
Cette  société,  dont  on  ne-peut  mé- 
connaître les  importants  services  , 
l'admit  au  nombre  de  ses  membres 
et  le  choisit  pour  son  secrétaire. 
Chéri  de   tous   ceux   qui  le    connais- 


(2)  Les  Nou^-eaux  sermous  de  Tlîotson,  traduits 
parJ.  Berlrand,  forment  le  6*^  vo!.  dnsl'idi- 
lion  d'AmslerdaJi ,  172S.  Le  7*"  uorle  le  nom  de 
Bcausobre. 

;3]  L'anteur  de  V Eloge  de  J.  Bertrand  ne  cile 
point  p.iriai  ses  ir.iduclions  la  EaOle  des  Abeilles 
de  MaudeviUc. 


i6o 


B£R 


saient,  pour  sa  douceur  et  sa  bienveil- 
lance .  Bertr.uul  passa  ses  derii  ères 
années  au  milieu  tie.sescompalrioles, 
et  tiiourulle  28  décembre  iyy7,dans 
sa  69"  aunée  (4)-  Outre  les  tniduc- 
tioiis  dont  on  a  déjà  parlé,  Barbier 
{Examen  critique,  io8)lui  allrdKie 
eurore  celle  des  ÎSouveaux  sermons 
de  Doddrige  ,  Genève,  1739;  et  M. 
Quérard  [France  /ittèraircjcellc  de 
la  Théologie  astronomiciue ,  de 
Derham,  ibid.  ,  1760.  Ou  lui  doit 
une  édition,  considérablement  aug- 
nicnlée,  de  la  Théorie  et  pratique 
du  jardinage,  in -4-"  [V^oy.  Dezal- 
LiER  d'Argenville  ,  XI,  275).  Le 
Recueil  de  la  société  économique  de 
Berne  coniient  de  lui  divers  Traités 
sur  les  labours,  sur  la  cullure  alter- 
native ,  sur  r<-mploi  et  Tusage  des 
marais,  etc.  Eufin  on  a  de  lui  :  I. 
De  l'eau  relativement  à  V économie 
rustique^  ou  traité  de  l'irrigation 
des  prés,  pLW^nun  et  Lyon,  1764, 
in-B",  avec  7  pi.  5  2^  édit.  ,  Paris  , 
1801 .  in-8";  Irad.  en  allem.  Nurem- 
berg .  1765.  \ï.  Essai  sur  l'esprit 
de  la  législation  favorable  à  l'a- 
gi ic:dture ,  à  la  population  .  au 
commerce,  aux  arts  et  aux  métiers, 
Berne,  1766,  in- 8".  Cet  ouvr^ige  , 
l'un  de  ceux  rjui  furent  couronnés  par 
la  société  de  Berne  ,  a  été  traduit  en 
ila  if-n  el  en  allemand.  IIl.  Eléments 
d' agriculture J'ondés  sur  lesfidts, 
à  l'usage  des  gens  de  la  campagne^ 
ibid.,  i773,in-8°-  Irad.  en  allem., 
ibid.,  1785.  IV.  \J Encyclopédie 
économique ,  Yverdun  ,  177-71, 
16  vol.  in- 8°.  Bertrand  fut  éditeur 
de  cette  utile  compilation  dans  la- 
quelle il  a  refundu  tous  ses  ouvrages. 

(4)  l-a  Btbliograph.  agronomique  place  la  mort  (îe 
.J.  IJrrir.inil  en  178^,  et  Barbier,  <lans  ."ion  Exa- 
men ciiliqne,  vers  i^Sfi.  (.'est  une  douille  erreur. 
11  est  proliahle  que  l'une  de  ces  deux  daics  est 
cel'e  de  la  m.irt  iVElie  Bketb»nd,  durit  aucune 
Biographie  n'a  fixé  juiqu"ici  l'époque  d'une  ma- 
nière précise. 


BER 

Vov.  son  Eloge  dans  le  Journal 
helvétique ,  jiinvier  1778.  W — s. 
BEllTRAXI)  (Philippe),  géo- 
logue et  ingénieur,  né  vers  1730  , 
près  de  Sens,  au  château  de  la  Com- 
raanderie  de  Launay  ,  dont  .son  père 
était  régisseur,  fut  admis  jeune  daus 
le  corps  du  génie  civil,  et  employé 
successivement  daus  l'Auvergne  ,  les 
Alpes  et  les  Pyrénées.  Il  sut  mettre 
à  profit  ses  excursions  pour  acquérir 
de>  conn-iissances  étendues  dans  les 
difiérentes  branches  de  l'histoire  na- 
turelle, mais  surtout  dans  la  géolo- 
gie. Ses  études  scientifiques  ne  le 
détournaient  pointdes  devoirs  de  .son 
état  5  el  en  1769  il  fut  nommé  in- 
génieur en  chef  de  la  province  de 
Franche  Comté.  Lachiche  (  t  oy. 
ce  nom  ,  au  Supp.;,  offii  ier  du  génie 
militaire  ,  sollicitait  a  cette  épo  |ue, 
du  gouvernement  ,  rexéeulion  d'un 
canal  du  Bliniie  au  Rhin  ,  par  la 
Saône  el  le  Doubs.  Le  mémoire  et 
les  p!ans  qu'il  avait  adressés  au  mi- 
nistre lureut  renvoyés  a  l'examen  de 
Bertrand.  Celle  entreprise  présen- 
tait des  difficultés  (|u'il  exagéra 
dans  un  rapport ,  moins  peut-être 
par  une  basse  jalousie  ,  conme  La- 
chiche le  lui  a  reproché  ,  que  par  suite 
de  la  mésiulelligence  qu'on  a  tou- 
jours vue  subsister  entre  lesingénieurs 
civils  et  les  ingénieurs  militaires.  Le 
projet  du  canal  du  Rhône  au  Pvhin 
fut  donc  ajourné. Peu  de  temps  après, 
Bertrand  présenta  un  plan  pour  ré- 
tablir la  navigation  du  Doubs  à  la 
Saône,  non  telle  qu'elle  avait  existé 
jadis  par  le  lit  de  la  rivière  du  Doubs, 
maisen  construisant,  de  Dole  a  Saint- 
Jean  de  Loue,  un  canal  qui  joindrait 
a  l'avantage  d'abréger  le  tr:ij.  t  de 
huit  lieues  sur  onze  celui  de  rendre 
laiiavigalion  praticable  en  lout  len  ps. 
C'était  le  projet  proposé  pjr  La  bi- 
che dès  1765.  En  supposant  qu'il  se 


BER 

fùl  Ironipé  sur  les  nivellements  cl  sur 
quelques  aulres  détails  d'cxéculion  , 
il  n'en  avait  pas  moins  eu  le  premier 
ridée  du  canal  de  dérivation  ,  et  il 
était  juste  de  lui  en  laisser  l'honneur. 
Mais  Bertrand,  après  avoir  fait  exé- 
cuter le  plan  de  Lacliiclie,  souliat 
yu'il  n'eu  avait  jamais  eu  connais- 
sance {Projet  d'un  canal,  page  5\ 
Malgré  toutes  les  réclamalious  de 
Lachiclie  ,  un  arrêt  du  conseil  du  2  5 
septembre  1780,  autorisant  la  con- 
struction du  canal  de  Dole  à  Saint- 
Jean  de  Lône  ,  confia  la  direction 
des  travaux  a  Bertrand ,  qui  ies  ad- 
jugea le  5  novembre  suivant,  pour  la 
somme  bien  insuffisante  de  6  r  0,000 
livres.  TSomiué,  en  17B7,  inspec- 
teur-général des  ponts  et  chaussées, 
il  laissa  le  soin  d'achever  ce  canal  à 
son  successeur,  et  vint  a  Paris  pren- 
dre part  aux  travaux  de  la  direction 
du  génie.  Depuis  qu'il  n'avait  plus  a 
redouter  la  concurrence  deLachiche, 
les  obstacles  qu'il  avait  trouvés  dans 
le  projet  de  jonction  du  Rhône  au 
Rhin  ne  lui  paraissaient  plus  insur- 
montables. Il  présentadonceni  790, 
h  l'assembléenationale,  un  DIémoirc 
dans  lequel  il  monire  toute  l'impor- 
tance que  peut  avoir  la  réunion  de 
ces  fleuves,  au  moyen  de  la  rivière 
du  Doubs  ;  mais  n'osant  pas  se  donner 
pour  l'auteur  de  ce  projet,  et  ne 
voulant  pas  en  restituer  l'honneur  a 
Lachiche  ,  il  l'attribue  aux  Romains 
qui  paraissent  en  effet  avoir  conçu 
l'idée  d'un  plan  général  de  canalisa- 
lion  des  Gaules.  Lachiche  ,  comme  le 
véritable  auteur  du  projet ,  demanda 
que  l'exécution  lui  en  fût  confiée  5 
mais  on  jugea  qu'il  n'était  pas  sans 
inconvénient  de  charçjer  un  in";écieur 
militaire  d'un  travail  qui  rentrait 
dans  les  attributions  des  pouls  et 
chaussées.  Ou  se  contenta  donc  de 
lui  accorder  une  indemnité  |)our  ses 


BER 


161 


plans  ,  cl  l'adopticn  du  projet  de 
Rertraud  fut  décidée.  La  traversée 
de  la  ville  de  Besançon  oftVait  de 
grandes  difficultés.  Bertrand  proposa 
de  l'éviter  en  perçant  le  rocher  sur 
lequel  la  citadelle  est  placée  ;  mais 
les  négociants  insistèrent  pour  le  pas- 
sage du  canal  sous  les  murs  de  la 
ville  ,  et  leur  demande,  appuyée  par 
le  génie  militaire,  a  prévalu,  malgré 
toutes  les  objeciious  des  ponts  et 
chaussées.  La  portion  du  canal  de 
Dole  h  Besançon  fut  terminée  eu 
1820  ;  celle  de  Besançon  a  RJulhau- 
sen  ,  en  1829  ;  et  cette  grande  entre- 
prise fut  entièrement  achevée  en 
1802.  Bertrand  n'eut  pas  la  satisfac- 
tion de  voir  exécuter  sou  projet;  il  était 
mort  à  Paris,  en  181 1 .  Depuis  1786 
il  était  membre  de  l'académie  de  Be- 
sançon ,  et  correspondant  de  la  so- 
ciété d'agriculture  du  département 
duDoubs^  depuis  sou  organisation  , 
en  1800.  Outre  quelques  articles  in- 
sérés dans  le  Joui-nal  des  mines  , 
tomes  VII- IX  ,  dont  on  trouvera  les 
titres  dans  la  France  littéraire  de 
Quérard,  I,  3 1 2-1 3,  on  a  de  Ber- 
trand :  I.  Projet  d'un  canal  de 
na<i'igalion  pour  joindre  le  Doubs 
à  la  Saône,  Besançon,  1777  ,  in-4-" 
de  57  pag.,  avec  un  plan.  Ce  canal  est. 
celui  de  Uolea  S. -Jean  de  Lône  dont 
on  a  parlé.  II.  Lettre  à  M  .le  comte 
de  Buffon,  ou  critique  et  nouvel 
essai  sur  la  théorie  générale  de 
la  terre ,  Besançon  et  Paris,  1780, 
in- 12, seconde  édit.,  augmentée  d'un 
Supplément  oit  l'on  traite  plus  en 
détail  les  questions j'ondamentales 
de  la  géographie  physique,  ibid., 
1782  ,  in- 8".  Au  système  de  Buf- 
fon ,  Bertrand  en  oppose  un  autre  qui 
n'a  pas  été  plus  goûté  des  physiciens, 
et  qui  d'ailleurs  n'a  pas,  comme  celui 
du  brillant  aifteur  de  l'histoire  natu- 
lurelle,    l'avantage  d'être    présent? 


Lvm. 


i6a 


BER 


d'une  manière  séduisante.  Suivant 
Bertrand  ,  l'eau  est  le  principe  de 
toutes  choses  5  et  c'est  à  cet  agent. 
que  l'on  doit  rapporter  l'ordre  actuel 
de  l'univers.  Celte  idée  ,  comme  ou 
voit,  n'est  pas  neuve.  III.  Avis  im- 
portants sur  Véconomie  politico- 
rurale  des  pays  de  montagnes , 
sur  la  cause  et  les  effets  progressifs 
des  torrents  ,  etc.,  Paris,  1788, 
in-S"  de  i5  pages.  IV.  Mémoire 
présenté  à  rassemblée  nationale 
sur  le  projet  de  jonction  du  Rhô- 
ne au  Rhin,  ibid.,  1790,  iu-4°. 
Lachiche  le  fit  réimprimer  la  même 
année  ,  avec  ses  observations,  V. 
Projet  du  canal  à  continuer  pour 
la  jonction  du  Rhône  au  Rhin , 
ibid. ,  in-^"  de  5  0  pages.  VI.  Sys- 
tème de  navisalionjluviale ,  iind. 
1793  ,  in-/|.°;  fieconde  édit.,i8o4, 
in-4.°  de  3i  pages,  avec  une  plancbe 
représentant  l'écluse  construite  eu 
1787  sur  la  Saône  ,  a  Gray.  VIL 
Nom^eau  système  sur  les  granits  , 
les  schistes,  les  inollaces  et  autres 
pierres  vitreuses  ;  précédé  de  quel- 
ques observations  sur  les  Pyrénées  , 
ibid.,  1794^,  in-8°  de  64  pages.  Ce 
n'est  qu'un  extrait  de  la  Lettre  a 
Buffon.  VIII.  Nouveaux  principes 
de  géologie,  ibid.,  i798,iu-8°; 
seconde  édit..  revue  et  corrigée, 
i8o4-  ,  in- 8°.  Cet  ouvrage  est  une 
critique  des  différents  systèmes  an- 
ciens et  modernes  sur  la  formation 
de  la  terre;  l'auteur  s'allacbe  princi- 
palement a  combattre  la  théorie  géo- 
logique de  La  Méthérie  ,  alors  la  plus 
accréditée.  Ce  géologue  abandonna 
depuis  le  principe  qu'il  avait  admis 
dans  la  théorie  de  la  terre ,  que  les 
substances  dont  est  composé  le  globe 
terrestre  ont  joui  d'une  liquidité 
aqueuse  ;  mais  ce  fut  uniquement 
d'après  sespropres  réflexions.  Breis- 
lacK  dit  que   les   idées  de  Bertrand 


BER 

sur  la  formation  des  granits  sont 
non-seulement  étranges  et  bizarres , 
mais  encore  peu  intelligibles  et  con- 
traires aux  notions  les  plus  reçues  en 
c\\\ïOL\e{Introd.à  la  géologie,  120). 
IX.  Précis  de  l'affaire  concernant 
le  canal  proposé  sous  la  citadelle 
deBesancon,  pour  la  jonction  du 
Rhône  au  Rhin  ,  ibid.,  18 00, in- 8". 
Un  anonyme  (M.  Félix  Muguet) 
publia  des  Réflexions  sur  le  précis, 
etc.,  in- 8°.  X.  Avis  important 
sur  le  canal  de  tOurcq  ,  ibid.  , 
i8o5  ,  in-8^  W— s. 

BERTRAND  (  Louis  )  ,  géo- 
mètre distingué  ,  naquit  à  Genève, 
le  3  octobre  1731.  Ses  progrès  dans 
les  sciences  exactes  furent  très-ra- 
pides. A  vingt-un  ans  il  se  présenta 
pour  disputer  la  chaire  que  la  re- 
traite de  Jallabert  laissait  vacante  ; 
Trembley,  l'un  de  ses  concurrents,  lui 
fut  préféré.  Mais  le  jeune  géo- 
mètre avait  donné  l'idée  la  plus  avan- 
tageuse de  ses  talents,  et  il  emporta 
l'estime  de  ses  juges.  Peu  de  temps 
après,  il  se  rendit  a  Berlin,  attiré  par 
la  réputation  d'Euler  (  F  oy.  ce 
nom  ,  XIII ,  494.  ).  Ce  grand  hom- 
me l'admit  au  nombre  de  ses  élè- 
ves, et  bientôt  s'en  fit  un  ami.  L'aca- 
démie de  Berlin  s'associa  Bertrand 
en  1 764  ;  il  y  lut,  dans  des  séances 
publiques  des  mémoires  sur  quel- 
ques problèmes  de  haute  géométrie, 
qui  furent  jugés  dignes  de  paraître 
dans  ses  recueils.  En  quittant  Berlin, 
où  il  laissait  d'honorables  souvenirs, 
Bertrand  visita  la  Hollande,  l'Angle- 
terre ,  et  revint  a  Genève ,  riche  de 
nouvelles  connaissances.  Cette  chaire, 
objet  de  sou  ambition,  devint  une  se- 
conde fois  vacante,  en  1761  •  il  se 
mit  de  nouveau  sur  les  rangs  et  l'ob- 
tint. Il  la  remplit  pendant  plus  de 
trente  ans  avec  un  zèle  infatigable  et 
un  succès  qu'attestent  le  nombre  et 


BER 

le  mérite  des  élèves  qu'il  a  formes. 
Lors  de  la  révolution  de  Genève,  il 
se  démit  de  sa  chaire;  et,  retiré 
dans  une  vallée  paisible  de  la  Suisse, 
il  chercha,  par  l'étude  de  la  géologie, 
à  se  distraire  des  maux  qui  pesaient 
sur  sa  patrie.  Il  y  revint  eu  1799  , 
et  consacra  ses  dernières  années  à 
perfectionner  ses  Eléments  de  géo- 
métrie,  ouvrage  devenu  classique  k 
Genève.  Bertrand  mourut  le  i5  mai 
181 2,  a  81  ans.  Outre  plusieurs  ;«e- 
moires,  dans  le  recueil  de  Tacadémie 
de  Berlin,  on  a  de  lui  :  I.  De  l'in- 
struction publique,  Genève,  1774^, 
in-i2.  IL  Développements  nou- 
veaux de  la  partie  élémentaire  des 
mathématiques  ,  prise  dans  toute 
son  étendue,  ibid. ,  1778,  2,  vol. 
in-4-''.  C'est  dans  cet  ouvrage,  le  prin- 
cipal titre  de  Bertrand  à  l'estime  de  la 
postérité,  que  furent  données,  pour 
la  première  fois  ,  la  véritable  défi- 
nition de  la  quantité  angulaire  et  la 
dcmonsiration  rigoureuse  de  la  théo- 
rie des  parallèles,  aujourd'hui  géné- 
ralement adoptées.  III.  Renouvel- 
lements  périodiques  des  continents 
terrestres,  Hambourg,  1799  ;  2." 
édition,  Genève,  i8o5,  in-8°.  On 
y  trouve  plusieurs  faits  curieux  et 
des  observations  intéressantes  ;  mais 
on  doit  regretter  que  Bertrand,  égaré 
par  l'esprit  de  système,  ait  donné 
pour  base  k  son  ouvrage  une  théorie 
inadmissible.  Il  suppose  le  globe 
creux,  et  place  au  centre  un  noyau 
d'aimant  qui  se  transporte  au  gré 
des  comètes  d'un  pôle  a  l'au'.re,  en- 
traînant avec  lui  le  centre  de  gravi- 
té et  la  masse  des  mers,  et  noyant 
ainsi  alternativement  les  deux  hémi- 
sphères (  Yoy.  Cuvier ,  Discours 
sur  les  révolutions  de  la  surface 
du  globe,  p.  2G ,  éd.  in-^").  IV. 
Eléments  de  géométrie  ^  Genève  , 
i8i2,in-4.°,  avec  11  pi. C'est,  k  pro- 


BER 


i63 


preraent  parler,  une  seconde  édition 
de  la  géométrie  élémentaire  ,  conte- 
nue dans  l'ouvrage  indiqué  sous  le 
n°  IL  L'auteur  y  a  fait  les  change- 
ments nécessaires  pour  rendre  cette 
partie  de  son  travail  plus  correcte , 
plus  claire  et  plus  complète.  Son 
style  ,  dit  M.  Raymond,  a  de  l'élé- 
gance ,  de  l'agrément  même,  et  une 
grande  clarté  (Voy.  Magasin  en- 
cjclopéd.  ,  1812,  11,433-40). 
M.  Boissier  ,  alors  recteur  de  l'aca- 
démie de  Genève ,  a  publié  une  nO' 
tice  sur  Bertrand  ,  dans  la  Biblio- 
thèque britannique  ,  t.  5o,  scien- 
ces et  arts,  173-81.  AV — s. 

BERTRAND  (  Jean-Elie  ) , 
parent  du  précédent ,  naquit  k  Neuf- 
chàtel  en  ijoj.  Après  avoir  terminé 
ses  études  ,  il  embrassa  Tétat  ecclé- 
siastique ,  et  fut  appelé  k  Berne  pour 
y  remplir  les  fonctions  de  premier 
pasteur  de  l'église  française.  Ses 
talents  pour  la  chaire  ayant  étendu 
promptement  sa  réputation  dans 
toute  la  Suisse  ,  i!  fut  nommé  pro- 
fe-.seur  de  belles-lettres  k  l'académie 
de  ISeufchàlel  ;  et  il  s'empressa  de 
revenir  dans  .^a  patrie,  dont  il  ne 
s'était  éloigné  qu'k  regret.  L'un  des 
fondateurs  de  la  société  typographi- 
que établie  dans  cette  ville ,  en 
1770,  il  se  chargea  de  surveiller 
l'impression  des  ouvrages  qu'elle  ju- 
geait utile  de  reproduire.  C'est  eu 
particulier  a  ses  soins  que  l'on  est 
redevable  de  la  nouvelle  édition  des 
Descriptions  des  arts  et  métiers , 
Neufchâtel,  1771-80,  in-4.°,  19  vol. 
Cette  édition ,  dont  on  a  retranché 
plusieurs  articles,  tels  que  \e  menui- 
sier et  le  facteur  d'orgues,  en  ren- 
ferme beaucoup  d'autres  qui  ne  se 
trouvent  pas  daus  celle  de  Paris ,  in- 
fo I.  (Voy.  le  Man,  du  libraire  de 
M.  Brunet)  ;  elle  est  en  outre 
augmentée  des  additions  insérées  par 


li. 


1^4 


BER 


Justi  el  Sclireber  dans  la  trndnclîon 
allemande  et  des  noies  de  l'éditeur. 
Berlrand  ne  vit  pas  terminer   cette 
utile  entreprise.  Il  mourut  a  Neuf- 
châtel  le  26  février  1779.    Il   e'tait 
membre  de  l'académie  des  sciences 
de  Munich  el  de  la  sociélé  des  cu- 
rieux de  la   nature  de    Berlin.    On 
lui  doit  une  édition  d'Eutrope  [Bre- 
viarium  hist.   romance  ) ,    corrigée 
sur  les  mannscriîs  de  la  bibliothèque 
deBerne,    1762  ou  1768,   iu-8°  , 
et  une  édition   du  Voyage  de  La- 
lande  en  Italie  ^  Yverdun  ,    1769, 
avec  des  notes  que  Barbier  trouve  in- 
signifianles(£'xrtwz.  critique^  108). 
On  connaît  encore  de  Bertrand  :  I. 
Sermons  sur  différents  textes  de 
l'Ecriture  -Sainte  ,     Neufchàtel  , 
1775;  seconde  édit,  ,  1779,   in-8°. 
II.  Morale  évangêlique  ,   ou   dis- 
cours sur  le  sermon  deN.-S.  J.-C. 
sur  la  montagne,  ibid.,  1775,  /i  vol. 
in-8°    (i).    III.    Sermons  pour  les 
Jetés  de  l'église  chrétienne,  Yver- 
dun ,   1776,2  vol.  in-8°.  Les  ser- 
mons de  Bertrand  soDi  estimés.  IV. 
Combien  le  respect  pour  les  mœurs 
contribue  au  bonheur  d'un  état. 
Discours  qui  a  concouru  pour  le  prix 
proposé  par  l'académie  de  Besancon 
(dans  \e  Journal  helvétique  ]\\m-im\- 
let  1777).  W — s. 

BERTRAXD  (  l'abbé  ),  astro- 
nome, né  vers  1705,  à  Autun  ,  se 
distingua  de  bonne  heure  par  ses 
dispositions  pour  les  sciences  et  les 
lettres.  L'évèque  d' Autun  ,  charmé 
de  sou  mérite ,  l'envoya  continuer 
ses  études  à  Paris  ,  oii  il  fut  reçu 
bachelier  en  théologie.  Après  qu'il 
eut  embrassé  l'état  ecclésiastique  ,  il 
fut  nommé  vicaire  à  Braux  ,  près  de 
Semnr ,  dans  l'Auxois.  Son  goût  pour 


(i)  Et  non  pas  sept,  comme  le  dit  B.irbier  :  c'est 
la  CfpUectioD  des  Sermons  du  Bertro'id  qui  forme 
sept  Tolum«s. 


BER 

l'astronomie  lui  avait  attiré  déjà  plu- 
sieurs réprimandes  de  la  part  de  sou 
curé,  lorsque,  en  1782,  l'abbé  Faba- 
ret,  grand-chantre  de  la  Sainte-Cha- 
pelle de  Dijon  ,  le  fit  venir  dans  cette 
ville  et  mit  a  sa  disposition  roi)ser- 
vatoire  qu'il  avait  récemment  établi 
dans  la  tour  du  logis  du  roi.  Sur  la 
recommandation  de  son  protecteur  . 
l'abbé    Bertrand   fut   pourvu  de    la 
chaire    de   physique    au   collège   de 
Dijon  ,  et  ne   tarda  pas  a  déployer 
un   talent   très-remarquable.    Admis 
a   l'académie   de    Dijon  ,  il  seconda 
Guyton  de  Morveau  {Voy.  ce  nom, 
XIX,  262)  ,   dans  ses  travaux  aé- 
rostatiques;   et    il   l'accompagna  le 
2  5    avril    1784    dans    son     voyage 
aérien,  le  cinquième  dans  l'histoire 
de  cette  science  alors  nouvelle.  Dès 
1786  il  avait  déterminé  la  position 
des  principales  villes  de  Bourgogne  : 
il  réduisit  les  étoiles  du  catalogue  de 
Maver,  et  commença  le  calcul  de  leurs 
longitudes  [Connaissance  des  temps 
pour  l'année  1787)5  il  observa,  le 
2  5  juin  1787,  l'éclipsé  dont  les  astro- 
nomes   de   Paris  n'avaient   pu    voir 
que  le  commencemeut ,    et  adressa 
son  travail  à  Lalande  ,  avec  lequel  il 
était  en  correspondaucc  depuis  plu- 
sieurs années  (  Mémoires  de  l'aca- 
démie royale  des  sciences).   A  sa 
sollicitation, Lalandele  fit  comprendre 
comme  astronome  au  nombre  des  sa- 
vants qui  devaient  accompagner  d'En- 
trecasteaux  dans  son  voyage  à  la  re- 
cherche de  la  Pérousc.    Arrivé   au 
cap  de  Bonne-Espérance,  le  17  jan- 
vier 1792,  il  donna  sa  démission  à 
raison  du  mauvais  état  de  sa  santé,  et 
fut  remplacé  par  M.  de  Rosse!.  Mal- 
gré sa  faiblesse,  il  gravit  au  sommet  de 
la  montagne  de  la  Table  pour  en  me- 
surer la  hauteur  el  faire  des  observa- 
tions météorologiques  j  mais  en  des- 
cendant il  tomba  de  rocher  en  rocher 


BER 

de  plus  de  cinquaule  pieds  de  Lau- 
teur(i).  Aucune  de  ses  blessures  ne 
se  trouva  dangereuse  ,  et  d'Eufrecas- 
Icanx,  en  quittant  le  cap  {J^oyage, 
I  ,  54-),  se  félicita  de  n'avoir  pas  eu 
la  douleur  de  voir  périr  un  de  ses  com- 
pagnons au  début  de  son  expédition. 
Kertrand   conservait   lui-même   l'es- 
poir de  se  rétablir  assez   prompte- 
ment.  Le  i*^'  mars  il  écrivit  a  La- 
lande  qu'il  se  rembarquerait  pour  la 
France  a  la  première  occasion  •    et 
qu'eu  attendant  il  allait  employer  le 
temps  de  sa  convalescence  a  faire  la 
réduction  et  le  calcul  de  ses  observa- 
lions  ;  mais  son  mal  empira  ,  et  il  mou- 
rut dans  le  mois  d'avril  1792.  Les  re- 
cueils de  l'académie  de  Dijon  ,   1784.- 
90,  contiennent  de  Bertrand  des  Mé- 
moires ,  des  Rapports  ,  des  obser- 
vations physiques  et  astronomiques  , 
parmi    lesquelles    on    dislingue    ses 
Considérations     sur     les     étoiles 
fixes  ,   et  YËloge  de  Guéneau  de 
Montbeillard ,    que  Lalande  trouve 
plein  de  sentiment  et  de  goût.  Il  a 
publié  séparément  :  Table  astrono- 
mique à  l'usage  de  l'observatoire 
de  Dijon,    1786,   in-S".   Lalande 
lui  a  consacré  une  page  intéressante 
dans  la  Bibliographie  astronomi- 
que ,  723.  W — s. 

BERTRAXD  (  Chaeles-Am- 
broise),  connu  sous  le  nom  de  Ber- 
trand-de-la-Hodiesnière,  né  à  La 
Corneille  (département  de  l'Orne), 
élail  pi  ocureur  du  roi  près  le  bailliage 
de  Falaise  lorsque  la  révolution  écla- 
ta. Il  y  prit  une  part  Irès-active  ,  et 
fut,  eu  1792,  nommé  par  le  dépar- 
tement de  l'Orne  député  à  la  conven- 
tion nationale.  Il  y  vola  la  mort  de 
Louis  7vVI  sans  appel  au  peuple  et 
sans  sursis  a  l'exécution;  et  ,  ce  qui 
est   assez    remarquable  ,    il    accusa 

(0  De  deux  cents  pieds  snirant  I.iilsmlf. 


BER 


i65 


Garât,  alors  ministre  de  la  justice, 
d'avoir  écarté  du  procès  des  pièces 
favorables  a  l'accusé.  Ce  fut  ensuite, 
sur  la  demande  de  Bertrand,  que  la 
convention     prononça      l'arrestation 
d'Acbille  \  iard,  agent  diplomatique, 
qui   périt   sur  l'échafaud  5    et  ce  fut 
aussi  d'après  sa  proposition  qu'elle 
décréta  le  partage  des  biens  commu- 
naux. Il  fut  ensuite  l'un  des  membres 
de  la  fameuse  commission  des  douze, 
et  donna  sa  démission  quelques  jours 
avant  la  révolution  du  3i  mai,  dont 
il  prévoyait  sans  doute  les   terribles 
résultats.    Celte  démarche  le  reudit 
suspect  au  parti  vainqueur,  et  Bour- 
don de  1  Oise  fit  décréter  son  arres- 
tation dans  la  séance  du  2  juin:  mais, 
Saint-Just  lui-même   avant   pris   sa 
défense  ,    il  fut  rendu  a  la  liberté, 
bien  que  dans    la   discussion  on  eût 
articulé  contre  lui  de  violents  griefs, 
et  que  Duperret  Fy  eût  traité  iiaule- 
raent  de  lâche.    Rentré  dans  le  seiu 
de  la  convention  nationale,  Bertrand 
y  garda  un  silence  alors  fort  prudent. 
Compris   dans  le   tiers   des   députés 
que  le  sort  exclut  du   corps  législatif 
après  la  fin  de  la  session  en  1795,  il 
se    retira  dans   le    département    da 
Calvados,  dont  il  devint  un  des  admi- 
nistrateurs, et  qui  le  nomma  en  1798 
député  au  conseil  des  cinq  cents  ,  où 
on  le  désigna  sous  le  nom  de  Ber- 
trand du  Calvados,    ce  qui  a  induit 
en   erreur   les  auteurs  de  plusieurs 
biographies,  qui  ont  fait  deux  indi- 
vidusdu  même  personnage.  Dans  celte 
assemblée  ,   Bertrand    se  fit    encore 
remarquer  par  l'exagération  de  ses 
opinions;  et  ce  fut  sur  sa  proposition 
que,  dans  sa   séance   du  25   juillet, 
elle  ordonna  la  création  dune  com- 
mission   de    surveillance    contre    les 
émigrés.    Il   dénonça  ensuite  les  ré- 
dacteurs de  plusieurs  journaux  ,   les 
accusant  de  calomnier  les  républi- 


i66 


BER 


cains  ;  et,  par  une  contradiction  assez 
ordinaire ,  lorsqu'il  fut  quesliou  d'at- 
taquer le  directoire  près  de  succom- 
ber, dans  la  journée  du  3o  prairial  , 
il  se  montra  un  des  détenseurs  les 
plus  ardents  de  la  liberté  de  la  presse. 

11  appuya  fortement  ensuite  la  propo- 
sition de  déclarer  la  patrie  en  dan- 
ger ,  faite  par  Jourdan,  organe  du 
parti  révolutionnaire;  et  se  réunit 
en  vain  à  ce  parti  dans  la  journée 
du  18  brumaire  pour  empêcher  le 
triomphe  de  Bonaparte.  Il  fut  en 
conséquence  exclu  du  corps  législatif 
et  vécut  depuis  cette  époque  dans 
l'obscurité ,  jusqu'à  ce  que  la  loi  du 

12  janvier  1816,  contre  les  conven- 
tionnels régicides  ,  l'obligea  de  sortir 
de  France.  Il  se  rendit  alors  à 
Bruxelles  5  mais  il  revint  bientôt  dans 
sa  patrie ,  par  une  exception  ministé- 
rielle ,  et  il  mourut  a  La  Corneille 
en  iSig.  Sa  veuve  lui  fit  élever  dans 
le  cimetière  de  ce  village  un  monument 
sur  lequel  étaient  inscrites  ces  paro- 
les :  La  patrie  perdit  en  lui  un  de 
ses  meilleurs  citoyens,  et  la  liber- 
té un  de  ses  plus  zélés  défenseurs. 
Cette  inscription  fut  conservée  in- 
tacte pendant  six  ans  5  mais  en  1826 
un  jeune  substitut  de  Domfront  ,  M. 
Giraudeau,  ne  croyant  pas  sans  doute 
que  sous  le  gouvernement  du  frère  de 
Louis  XV'I  il  fût  permis  de  louer 
ainsi  publiquement  un  de  ceux  qui 
avaient  envoyé  ce  prince  al'écliafaud, 
la  fit  enlever  de  vive  force.  La  fa- 
mille de  Bertrand  adressa  aussitôt 
des  réclamations  aux  différentes  au- 
torités ,  et  la  conduite  du  substitut 
fut  blâmée  par  le  procureur-général 
de  Caen  ;  mais  le  président  de  la  cour 
royale  rendit  en  sa  faveur  une  or- 
donnance de  non-lieu,  motivée  sur 
ce  que  l'inscription  était  un  outrage 
a  la  morale  publique  et  un  attentat 
à  la  majesté  royale.  Madame  Bertrand 


BER 

ne  s'en  tint  pas  là  5  elle  adressa  à  la 
chambre  des  députés  une  pétition  qui 
donna  lieu  à  de  longs  débats  et  fut 
repoussée  par  l'ordre  du  jour  dans  la 
séance  du  28  février  1829,  après  un 
discours  véhément  de  M.  de  Conny 
et  malgré  les  réclamations  de  M.  Le- 
mercier.  M — DJ. 

BERTRAND  (Jean-Baptiste), 
né  à  Cernay-les -Reims ,  en  Champa- 
gne, le  8  sept.  1764,  fit  ses  pre- 
mières études  à  Reims  ,  et  entra 
dans  la  congrégation  de  l'oratoire. 
Lorsque  la  révolution  éclata,  n'ayant 
plus  de  moyens  d'existence ,  il  vint 
à  Paris ,  où  il  fut  employé  assez  long- 
temps à  la  bibliothèque  du  Louvre, 
puis  correcteur  d'épreuves  dans  plu- 
sieurs imprimeries.  Après  avoir  été 
professeur  à  l'école  centrale  de  Li- 
moges, il  fut  nommé  en  i8o3,  pour 
remplir  les  mêmes  fonctions  au  lycée 
de  Renues ,  où  il  exerçait  en  même 
temps  la  profession  de  libraire.  Mem- 
bre de  la  société  académique  de  cette 
ville  ,  il  y  lut  plusieurs  dissertations 
grammaticales ,  entre  autres  sur  le 
participe  eu  ant  ^  dont  il  soutenait 
avec  opiniâtreté  la  déclinaison.  Au 
bout  de  quelques  années  ,  il  vendit 
son  fond  et  quitta  Rennes,  où  son 
caractère  insociable  lui  avait  fait 
des  ennemis.  Revenu  à  Paris,  il 
donna  des  soins  à  un  grand  nom- 
bre d'éditions,  et  fut  très  -  utile  à 
beaucoup  d'auteurs  et  éditeurs  pour 
la  correction  de  leurs  livres.  Quel- 
ques pages  de  la  Biogiaphie  ont  été 
revues  par  lui ,  et  il  a  fait  pour  cet  ou- 
vrage l'article  de  Meigret,  grammai- 
rien •  mais  sa  santé  ne  lui  permit  pas 
de  continuer  ce  travail.  Son  humeur 
intraitable  lui  ayant  fermé  toutes  les 
portes,  il  se  retira  à  Ste-Périne  de 
ChaillotjOÙilestmortle  iioct.  i83o. 
On  a  de  lui  :  I.  Il  y  a  des  cas 
dans  toutes  les  langues ,    et  c'est 


BER 

une  erreur  de  croire  qu'il  n'y  en 
a  point  dans  les  noms  français  , 
Dissertation  philosophique  lue  à 
l'institut  national,  1797,  in-S". 
Voj.  le  jllagasin  encyclopédique, 
3^  année,  tome  2  ,  pi'.g.  i4.2-i4-5. 
II.  Dissertations  sur  une  urne  con- 
servée au  musée  de  Rennes,  et  qui  a 
dû  contenir  les  cendres  d'Arlémise , 
reine  de  Carie  ;  lue  dans  la  séance 
publique  de  la  société  des  sciences  et 
arts  de  Reunes,  i8o6.  III.  Raison 
de  la  syntaxe  des  participes  dans 
la  langue  française  ,  1809  ,  in- 8° 
de  i55  pag.  Le  premier  et  le  troi- 
sième de  ces  opuscules  ont  été  réu- 
nis,  sans  être  réimprimés,  sous  le 
titre  de  Dissertations  grammati- 
cales,  i8o9,iu-8°.  Bertrand  a  dû 
laisser  en  manuscrit  uu  long  travail 
sur  le  Télémaque ,  qui  Ta  occupé 
durant  la  moitié  de  sa  vie.  Il  en  avait 
collationué  les  meilleures  éditions 
sur  le  manuscrit  autographe  de  Fé- 
nelon  ,  qui  existe  k  la  bibliothèque 
rovale  de  Paris,  et  il  prétendait  avoir 
découvert  d'autres  corrections  et  ver- 
sions de  la  main  de  l'auteur.  A — t. 
BERTRAXD-MOLEVÏLLE 
(le  marquis  Antoi^e-Fraxcois  de,) 
né  k  Toulouse  en  x^kk  ,  élait  de  la 
même  famille  que  le  chancelier  Ber- 
trand. Destiné  dès  l'enfance  a  la  car- 
rière de  la  magistrature,  il  iîL  de 
bonnes  études  dans  sa  ville  natale  ,  et 
se  rendit  k  Paris  sous  le  ministère  du 
chancelier  Maupeou  ,  qui  le  protégea, 
et  le  fil  nommer  maître  des  requêtes , 
puis  intendant  de  Bretagne  (i).  Char- 
gé, en  I  7 88, conjointement  avecM.de 
Thiard,  de  dissoudre  le  parlement 
de  Renues,  Bcrlrand-Moleville  y  fit 
preuve   de  fermeté  et  de    courage. 

(i)  Il  fut  nommé  en  1784  ;  le  3o  mai ,  il  de- 
manda dans  un  placet  à  Louis  XVI ,  pour 
frais  d'établissement,  une  somme  de  quatre- 
vingt  mille  livres;  et  le  roi  écrivit  au  bas,  de 
sa  main,  hon  poM.r  vinp  mille  Uvr(^,         V — ys. 


BER 


167 


Les  détails  de  celle  opération  sont  rap- 

fiortés  avec  beaucoup  d'étendue  dans 
e  premier  volume  de  son  Histoire 
de  la  révolution.  Elle  lui  fit  alors  une 
réputation  ,  et  le  mit  eu  crédit.  Ce- 
pendant il  n'avait  obtenu  aucun  em- 
ploi important  lorsque  la  révolution 
commença.  Bien  que  sa  position  et 
tous  ses  antécédents  lui  fissent  eu 
quelque  façon  un  devoir  de  s'y  mon- 
trer opposé  ,  il  en  approuva  d'abord 
quelques  vues  et  même  les  premiers 
résultats ,  qu'il  croyait  utiles.  Ce  fut 
sans  doute  k  cause  de  ces  opinions 
intermédiaires  que  dans  le  mois  d'oc- 
tobre I  79 1 5  lorsque Thévenard quitta 
le  ministère  de  la  marine,  Louis  XVI, 
devenu  roi  constitutionnel ,  lui  donna 
Bertrand-Moleville  pour  successeur. 
C'était  un  temps  bien  difficile  pour  les 
ministres  chargés  de  soutenir  un  gou- 
vernement sans  force  et  sans  capacité, 
Bertrand-Moleville  y  déploya  néan- 
moins de  la  fermeté  et  du  talent  ^ 
et  ce  fut  une  des  causes  qui  fireut 
bientôt  de  lui  le  point  de  mire  de 
tous  les  coups  portés  a  ce  faible  gou- 
vernement. \  oulant  gagner  la  con- 
fiance de  l'assemblée,  il  y  fit  d'a- 
bord ,  sur  l'état  et  l'organisation 
de  la  marine  ,  plusieurs  rapports 
assez  satisfaisants  ,  et  qui  furent  loués 
par  le  petit  nombre  de  bons  esprits 
qui  s'y  trouvaient 5  mais  rien,  de  la 
part  d'un  ministre  de  Louis  XVI,  et 
surtout  de  la  part  d'un  ministre  ferme 
et  éclairé ,  ue  pouvait  alors  être  ap- 
prouvé par  une  faction  décide'e  a 
renverser  le  trône.  Le  comité  de 
marine  se  déclara  hautement  contre 
M.  de  Bertrand  j  et  la  députation  de 
Brest ,  k  la  tête  de  laquelle  se  trouvait 
un  sieur  Cavelier ,  révolutionnaire 
outré ,  l'accusa  d'avoir  trompé  le 
corps  législatif  en  lui  disant  que  les 
officiers  de  la  marine  étaient  k  leur 
poste  ,  et  la  nation  ,  en  n'employant 


î68 


BER 


que  des  arîslocrates  <à  l'expédilion  de 
S-Dominguc  (/^o/.Behague,  LVII, 
466).  Le  ministre  se  justifia  par  iiu 
long  discours  ,  où  il  ne  craignit  pas 
d'accuser  les  amis  des  noirs  de  tous 
les  désastres  de  celle  colonie;  et  il  fit 
de  ces  désastres  une  peinture  déplo- 
rable. L'assemblée  écouta  ce  discours 
avec  assez  de  calme,  et  même  elle  en 
ordonna  l'impression.  Mais  un  Mé- 
moire justificatif  que  Bertrand-Mo- 
leville  publia  dans  le  même  temps  , 
sur  les  mêmes  faits  ,  fut  dénoncé  par 
le  comité  de  marine.  Après  de  longs 
débats, auxquels  donnèrent  lieu  toutes 
ces  récriminations,  l'assemblée  décida 
qu'il  n'j  avait  pas  lieu  k  suivre  con- 
tre le  ministre,  mais  qu'il  serait  fait 
au  roi  un  rapport  sur  sa  conduite. 
Cette  espèce  de  dénonciation  ,  qui  fut 
rédigée  par  Hérault  de  Sécbelles  ,  ne 
changea  rien  aux  dispositions  du  mo- 
narque ,  et  il  répondit  à  l'assemblée 
que  M.  de  Bertrand  n'avait  pas  cessé 
de  mériter  sa  confiance.  Mais  dans 
de  pareilles  circonstances  il  était  diffi- 
cile que  le  faible  Louis  XVI  conser- 
vât auprès  de  lui  un  ministre  qui  avait 
eu  le  malheur  de  déplaire  a  l'assem- 
blée. Bertrand-Moleville ,  ne  voulant 
pas  que  sa  présence  ajoutât  encore 
aux  difficultés  de  la  position  de  ce 
malheureux  prince  ,  lui  donna  sa  dé- 
mission. Louis  XVI  ne  l'accepta  qu'à 
regret,  et  le  pria  du  moins  de  con- 
tinuer a  le  servir  de  ses  conseils.  Il 
lui  confia  même  la  direction  d'une 
police  secrète,  et  le  chargea  de  âur- 
veiller  les  complots  du  parti  révolu- 
tionnaire. Berlrand-Moleville  mil  en- 
core beaucoup  de  zèle  k  cette  mission, 
et ,  s'exposant  chaque  jour  a  de  nou- 
veaux périls ,  il  se  rendit  de  plus  en 
plus  suspect  au  parti  révolutionnaire. 
Ce  fut  alors  que  Carra  le  dénonça  au 
club  des  jacobins  comme  l'un  des 
chefs  de  ce  comité  aulrichioa  dont  la 


BER 

fable  avait  été  imaginée  par  les  en- 
nemis du  roi  et  surtout  par  ceux  de 
la  reine.  Sans  s'effrayer  de  ces  impu- 
dentes attaques,  Berlrand-Moleville 
rendit  lui-même  plainte  en  justice 
contre  son  calomniateur  5  mais  le  juge 
de  paix  Larivière,  qui  reçut  cette 
plainte,  fut  lui-même  alors  décrété 
d'accusation  pour  des  poursuites  qu'il 
avait  osé  commencer  contre  plusieurs 
députés,  et  l'affaire  de  l'ex-minlstre 
dut  en  rester  la.  Celui-ci  continua 
de  former  pour  le  salut  de  Louis  XVI 
beaucoup  de  plans  et  de  projets,  qui 
furent  sans  résultat  par  la  diffi- 
culté des  circonstances  et  les  funestes 
irrésolutions  du  monarque.  Rien  ne 
pouvait  alors  le  sauver  de  sa  ruine, 
et  la  catastrophe  du  10  août  1792 
vint  y  jîiettre  le  comble.  Cinq  jours 
après  cet  événement,  Berlrand-Mo- 
leville fut  décrété  d'accusation  sur  la 
demande  de  Gohler  et  de  Fouché  de 
Nantes.  Mais  il  réussit  k  se  soustraire 
k  toutes  les  recherches ,  et  se  réfugia 
en  Ang'eterre,  où  son  arrivée  fit  une 
grande  sensation.  Les  ministres  et  les 
plus  grands  personnages  lui  montrè- 
rent toujours  dans  ce  pavs  beaucoup 
de  confiance  et  d'empressement  ;  et 
il  passa  les  années  d'exil  aussi  bien 
que  pouvait  le  faire  un  émigré  dénué 
de  fortune  et  de  toute  espèce  d'indus- 
trie qui  eût  pu  lui  procurer  des  moyens 
d'existence  dans  une  pareille  position. 
On  lui  a  reproché  avec  amertume 
d'avoir  fait  alors  passer  en  France 
quelques  faux  assignats,  qui  compro- 
mirent un  habitant  de  Boulogne,  et 
le  firent  périr  sur  l'e'chafaud.  Ou  ne 
peut  nier  que  ce  fait  ne  fût  au  moiuà 
une  grande  imprudence  de  la  part  de 
Berlrand-Moleville  5  il  le  sentit  lui- 
même  vivement,  et  il  en  a  gémi 
pendant  le  reste  de  sa  vie.  Con- 
damné ainsi,  jeune  encore,  a  toutes 
les  privations,  a  tous  les  ennuis  de 


BER 

l'exil ,  Berlrand-Moleville  chercha  à 
se  distraire  par  la  compositiou  de 
quelques  écrils  politiques.  Il  avait 
vu  de  près  toutes  les  intrigues  , 
tous  les  ressorts  cachés  de  la  révolu- 
lion  ,  et  l'ou  peut  dire  que  personue 
n'en  connaissait  mieux  que  lui  les 
hommes  et  les  choses  :  personue  ne 
pouvait  donc  en  offrir  un  témoignage 
plus  exact  et  plus  inconstestable.  Ce 
lut  dans  celte  pensée  qu'il  conçut  le 
plau  de  ses  écrits  sur  la  révolution, 
et  c'est  surtout  dans  ce  sens  qu'ils 
doivent  èlrelus.  Le  style  n'eu  est  ni 
brillant  ni  pompeux  ,  mais  il  est  sim- 
ple ,  vrai ,  et  quelquefois  énergique, 
surtout  quand  il  s'agit  de  flétrir  de- 
vant la  postérité  les  auteurs  des 
crimes  qui  ont  déshonoré  cette  épo- 
que. Cette  énergie  et  celle  fran- 
chise déplurent  à  certains  hommes 
exclusifs  du  parti  royaliste ,  el  il 
en  résulta  dans  les  journaux  anglais 
une  controverse  où  Bertrand  ~Mo- 
leville  se  fit  encore  remarquer  par 
l'inflexibilité  et  la  vigueur  de  ses 
opinions.  Toujours  plein  de  zèle  pour 
le  rétablissement  de  la  monarchie  des 
Bourbons,  il  n'en  désespérait  même 
pas  lorsque  Bonaparte  ,  devenu  em- 
pereur, était  reconnu  par  toutes  les 
puissances  j  et  ce  fut  dans  ce  temps- 
la  (1804.)  qu'il  accueillit  avec  une 
extrême  confiance  le  fourbe  Méhée  , 
qui  le  fit  croire  a  la  sincérité  de  son 
repentir.  Sétaut  mis  de  bonne  foi  en 
correspondauce  avec  ce  misérable, 
il  fournit  a  ses  ennemis  une  assez 
bonne  occasion,  il  faut  en  convenir, 
de  se  moquer  de  sa  crédulité  [Voy. 
MÉhÉe  ,  au  Supp.).  Quelques  années 
plus  lard,  Berlrand-Moleville  eut 
encore  le  tort  de  croire  aux  menson- 
ges de  Puisaye  et  de  prendre  sa  de'- 
fense  {f^oy.  Puisaïk  ,  au  Supp.) 
contre  des  hommes  que  prolégeait 
toute  la  faveur  de  Louis  XMIl.  Ce 


BER 


169 


tort  ne  lui  a  jamais  été  pardonné  , 
même  à  l'époque  de  la  restauration  , 
en  1814,  lorsque  l'on  proclamait 
avec  tant  de  solennité  l'oubli  et  le 
pardon  de  tous  les  torts  et  de  toutes 
les  injures.  Bertraud-Moleville  s'était 
hâté  de  revenir  en  France^  mais  bien 
que  par  son  âge,  son  expérience,  et 
surtout  par  sa  fermeté,  il  pût  encore 
rendre  d'utiles  services  a  la  monar- 
chie des  Bourbons ,  il  ne  fut  pas  em- 
plové  ,  et  ne  réussit  pas  même  a  se 
faire  payer  de  quelques  sommes  qui 
lui  étaient  dues  par  la  liste  civile. 
Le  chagrin  qu'il  éprouva  d'un  tel  dé- 
laissement altéra  sa  sanle ,  et  il  est 
probable  que  ses  jours  en  furent  abré- 
gés. Il  mourut  k  Paris  le  19  octobre 
]8i8.  On  a  de  lui  :  I.  Lettre  à 
l'auteur  de  l'Eloge  du  chancelier 
de  V Hôpital ,  qui  a  pour  épigraphe  : 
Nec  vit^  ANiMiEQOE  tepercit  ,  etc, 
Paris,  1778,  in-8°.  Condorcet,  au- 
teur de  cet  Eloge ,  y  avait  dirige'  con- 
tre le  chancelier  Bertrand  quelques 
traits  dont  M.  de  Moleville  crut  avoir 
k  se  plaindre;  il  ne  voulut  cependant 
pasle  faire  sans  connaître  les  intentions 
de  Condorcet,  et  ce  ne  fut  qu'après 
la  lui  avoir  communiquée  qu'il  publia 
l'apologie  du  plus  illustre  de  ses  an- 
cêtres. II.  Lettre  au  président  de 
la  convention  nationale  (sur  le  pro- 
cès du  roi) ,  1792,  in-8°.  III.  His- 
toire de  la  révolution  de  France^ 
Paris,  i8oo-o3,  i4- vol.  in-8°.  Cet 
ouvrage  avait  été  auparavant  publié 
a  Londres,  en  anglais  ,  sous  le  tilre 
A^ Annales  de  la  révolution.  La 
traduction  française  est  de  l'auteur 
lui-même.  La  police  consulaire  fit 
saisir  une  partie  de  l'édition,  ce  qui 
en  a  rendu  les  exemplaires  fort  rares. 
Les  quatre  derniers  volumes  sont  de 
Delisle  de  Sales  ,  qui  en  avait  rédigé 
un  cinquième  dont  la  censure  impé- 
riale ne    permit  pas    l'impression. 


170 


BER 


rV.  Réfutation  du  libelle  contre  la 
mémoire  du  roi  Louis  Af^I,  pu- 
blié par  M^^"   Helena  Williams 
sous   le  titre  de  Correspondance 
politique  et  confidentielle   de  ce 
prince  (en  anglais),  Londres,    i8o<i 
(  ^o)^,  Williams  ,  au  Supp.).   V. 
Costumes  des   états   héréditaires 
de  la  maison  d'Autriche ^  etc.,  re- 
cueil de  5o  pi.  coloriées,  avec  un 
texte  français ,  par  M.  de  B.  M.  5  et 
en  anglais ,    par  Dallas ,  Londres  , 
i8o4-,  in-fol.  VL  Mémoires  parti- 
culiers pour  servir  à  l'histoire  de 
la  fin  du  règne  de  Louis  XVI , 
Paris,   i8i6,  2  vol.  in-8°.  Cet  ou- 
vrage peut  être  considéré  comme  un 
abrégé  de  son  Histoire  de  la  révolu- 
tion dont  il  contient  les  documents 
les  plus  remarquables.  Cette  édition 
doit  être  préférée  a  celle  qui  fut  faite 
à  Paris  en  1797  ,  d'après  la  version 
anglaise  que  l'auteur  avait  publiée  a 
Londres  5  elle  a  été  réunie  par  l'édi- 
teur à   la  Collection    complémen- 
taire des  Mémoires  relatifs  a  l'his- 
toire de  la  révolution.  VIL  Histoire 
d' Angleterre  ,  depuis  la  première 
invasion  des   Romains  jusqu'à  la 
paix  de  ijGo  ,  avec  tables  généa- 
logiques et  politiques,  Paris ,  1 8 1 5 , 
6  vol.  in-8°.  Cet  ouvrage,  composé 
sur  le  plan  de  l'Histoire  de  France  du 
président  Hénault,  avait  également  été 
composé  en  Angleterre  ,  d'après  les 
autorités  et  les  monuments  que  l'au- 
teur était  k  portée  de  consulter  sur 
les  lieux  ,  et  il  l'avait  d'abord  publié 
en  anglais.  Le  succès  qu'il  obtint  eu 
Angleterre  le  décida  a  en  faire  une 
traduction  française.   On  y  a  ajouté 
un  7*  volume,  qui  est  la  continuation 
de  l'histoire  d'Angleterre,  jusqu'à  la 
mort  de  George  lU.  M — d  j. 

BERTRAXS  CLERC,  ainsi 
surnommé  à  cause  de  sa  profession  , 
composa  à  Bar-sur-Aube ,  au  XIJP 


BER 

siècle  ,    le  roman  de    Gérard  de 
KianeoVide  p  ienne,ào'a\.W.  Em. 
Bekker  a  donné  un  extrait  de  4° 60 
vers.  Le  héros  de  cette  épopée,  qui 
a  beaucoup  d'intérêt ,    est  frère  de 
Hernaud   de  Beaulande  ,   de  Milon 
de  Puille  et   de  Renier  ,  et  fils  de 
Garin    de  Mont  glaive  ,    lui  -  même 
célébré  par  un    anonyme  du  XIIF 
siècle  ,    dans  un  poème   de  plus  de 
i4-^ooo  vers,  dont  M.  Van-Praet  a 
donné  un    extrait  sous  le    n°  2729 
du  catalogue  de  la  Vallière  et  qui  , 
traduit  de  rimes  en  prose ,   fut  im- 
primé "a  Paris  ,  eu  1 5 1 8  ,  chez  Mi- 
chel le  Noir,  puis  en   15^9  ,  chez 
Vincent  Sertenas ,  in-fol.  Ce  dernier 
roman,  sur  lequel  on  trouve  des  ren- 
seignements dans  le  Wiener  Jahr- 
biicher  de   Val.   Schmidt ,  XXXP 
livr.,  pp.  123-124^   a   été  mis  en 
flamand ,  sur  la  fin  du  XIIF  siècle. 
On  ne  connaît  de  cette  version  que 
deux  fragments  ,  de  192  vers,  insé- 
rés avec  des  notes  parmi  les  Varié- 
tés philologiques  deBilderdyk  [V . 
ce  nom,  ci-après).  R — F — g. 

BERTUCH  (Frédéric-Justin}, 
littérateur  allemand  ,  naquit  a  Wei- 
mar  le  3o  septembi-e  1747.  Ayan 
perdu  son  père  a  l'âge  de  quatre  ans, 
il  fut  élevé  d'abord  chez  le  second 
mari  de  sa  mère  ,  a  Grospéda,  près 
d'iéna.  Privé  "a  ouze  ans  de  ce  nou- 
veau protecteur  ,  il  revint  k  Weimar 
ovi  la  maison  de  son  oncle,  le  conseiller 
Schrœn,  lui  fut  ouverte.  Après  avoir 
fait  de  bonnes  études,  il  se  rendit  en 
1765  a  léna  pour  y  suivre  les  cours 
de  théologie.  Mais  bientôt  il  renonça 
au  ministère  évangélique,  et  il  se  mit 
k  étudier  la  jurisprudence.  On  pré- 
sume que  ce  changement  fut  dû  k  son 
ami  Slevogt  de  Waldeck  dont  posté- 
rieurement (en  1776)  il  épousa  la 
sœur.  A  ses  travaux  habituels  Ber- 
tucb  joignit  l'étude  des  sciences  na- 


BËR 

turelles,  et  fit  a  cette  époque  des 
collections  de  minéraux  et  de  plan- 
tes. Eu  1765  il  entra  chez  le  baron 
Bachof  d'Echt   en  qualité    de    pré- 
cepteur de  ses  deux  enfants  ,  et  il  y 
resta  huit   ans ,  pendant  lesquels   il 
dut  beaucoup  a   la  conversation   à 
la  fois  spirituelle  et  savante  du  ba- 
ron.   Ce  st;igueur  danois ,  qui  avait 
représenté  sa  cour  à  Madrid ,  et  qui 
possédait  a  fond  la  langue  espagno- 
le ,  inspira  au  précepteur  de  ses  en- 
fants le  goût  très-vif  qu'il  avait  lui- 
même  pour  une  littérature  qui  a  été 
la  source  la  plus  abondante  où  Cor- 
neille et  Shakspeare  ont   puisé.  La 
littérature   espagnole    était   alors   a 
peu  près  inconnue  en  Allemagne.  Ber- 
îuch  est  un  des  premiers  qui  fixa  l'at- 
tention des  Allemands  sur  ce  sujet  :  il 
ne  tarda  pas  a  devenir  a  la  mode  5 
et  en    général  l'étude   sérieuse    des 
littératures  étrangères,   depuis  cette 
époque  ,  prépara   ou   seconda  l'im- 
mense  développement  intellectuel  qui 
signala  la  fin  du  iS*'  siècle  de  l'au- 
tre côté  du  Rhin.  Bertuch  avait  déjà 
publié  plusieurs  ouvrages  lorsque  par 
les  conseils  de  Wieland  il  mit  au  jour 
la  traduction  de  FraGerundio  deCam- 
pazas  (1778) ,  puis  un  peu  plus  tard 
(1787) ,  celle  de  don  Quichotte,  bien 
surpassée  depuis  par  Tieck,  Soltau, 
Forsler,JéràmeMuller.maisqui  alors 
était  vraiment  remarquable,  et  qui  en 
peu  de  temps  eut  plusieurs  éditions. 
Ces  deux  ouvTages  achevèrent  de  ré- 
pandre dans  le  monde  littéraire  son 
nom  déjà  connu  par  divers  opuscules, 
mais   principalement    par   des    tra- 
ductions    d'ouvrages     dramatiques. 
Ses  liaisons  avec  le  directeur  Seiler 
avaient  été  l'occasion  de  ces  travaux 
auxquels  plus  tard  il  renonça,  mal- 
gré des  succès   assez  réels ,  lorsque 
l'incendie  du    théâtre  du  château  à 
Weimar  força  Seiler  a  chercher  for- 


BÈR 


171 


tune  ailleurs.  En    1779  ,    Bertuch 
obtint    la  place   de     secrétaire    in- 
time du  grand-duc  de  Saxe-\Veimar, 
et  six  ans  plus  tard  il  fut  nommé  con- 
seiller de  légation.  Ses  fonctions  ne 
l'empêchèrent  point   de  cultiver    la 
littérature.  Il  s'y  livra  au  contraire 
plus   activement   que   jamais.    Mais 
bientôt  l'esprit  d'entreprise  littéraire 
l'absorba  presque  entièrement ,  et  il 
fit  exécuter  plus  qu'il  n'exécuta  lui- 
même.  C'est  ainsi  qu'en  17  84  il  forma 
le  plan  de  la  Gazette  littéraire  uni- 
verselle d'Iétia  qui  fut  d'abord  rédi- 
gée par  Wieland  et  par  le  professeur 
Schutz   de  Halle,    et  a    laquelle    il 
consacra  la  meilleure  partie  de  son 
temps  jusqu'au  moment  où  Ersch  et 
Schutz ,  (le  premier    avait  remplacé 
Hufeland  qui,  lui-même  était  succes- 
seur de  Wieland),  transportèrent  la 
Gazette  imiverselle'^  Halle.  On  sait 
que  Goethe  et  Voigt    créèrent  alors 
une  autre  Gazette  a  Weimar  ,  et  que 
cet  exemple  ,  bientôt  imité  a  Vienne, 
a   Leipzig,    a  Munich,    donna  nais- 
sance aux  nombreuses  feuilles  pério- 
diques   littéraires     de    l'Allemagne. 
Aussi  Bœltiger  désigne-t-il   quelque 
part  Bertuch  par  le  titre  de  père  des 
Gazettes    littéraires  allemandes.    En 
effet,  indépendamment  du  journal  uni- 
versel   d'Iéna,    il  créa  en   1786    le 
Journal  des  modes,  qui  changea  sou- 
vent de  titre    (il     et  d'objet ,    mais 
dont  le  but  primitif  était  de  retracer 
les  mœurs  des  diverses  classes  de  la 
société  allemande  ;  le  Journal  po- 
mologique ,   le  Magasin   d'horti- 
culture ,  les  Ephëmërides  géogra- 
phiques,  commencées  en  1798  avec 
le  baron  de  Zach,  et  dont  il  continua 
la  publication,  depuis  1800  ,  en  so- 

(i)  1°  Journal  des  modes.  Weimar,  1796. 
2°  Journal  du  luxe  et  dej  modes.  3°  Journal  delà 
lUtérature  ,  de  l'art,  du  luxe  et  des  modes.  On  Jieut 
y  joindre  Pandore ,  ou  Calendrier  du  luxe  et  des 
modes ,  pour  les  années  1767,  68  et  6g. 


172 


BER 


ciété  avec  Reichard  de  Lobenstein; 
les  Archives  pour  V ethnographie 
et  la  Linguistique  avec  Vater  j  Lon- 
dres et  Paris',  la  Bibliothèque  des 
francs -maçons  ;  la  Némésis  ;  la 
Gazette  d'oppositionde  TVeimar. 
Ces  deux  dernières  publicalions 
étaient  purement  politiques.  Berluch 
fonda  le  coinploir  d'induslrie  ,  grand 
établissement  dont  le  premier  but 
avait  été  de  faciliter  le  débit  des  li- 
vres et  des  gravures  qu'il  vendait ,  et 
aussi  des  fleurs  artificielles  que  sa 
femme  faisait  exécuter.  Vers  1797, 
et  qnel'iue  temps  avant  l'apparition 
des  Ephémérides géographiques,  il 
imagina  de  faire  graver  des  cartes 
chorograp!)iques  qu'il  put  vendre  a 
très-bas  prix.  Cette  branche  ,  qu'il 
joignit  à  son  comptoir  d'industrie, 
lui  réussit  a  merveille.  Non  seule- 
meut  il  éclipsa  plusieurs  entreprises 
qui  exploitaient  la  même  idée  ,  mais 
pendant  les  années  que  la  domination 
de  Napoléon  rendit  si  désastreuses  en 
Allemagne  pour  la  librairie  ,  grâce 
aux  cartes  cborograpbiques  à  bon  mar- 
ché, le  comptoir  d'industrie  se  soutint 
avec  éclat.  Il  faut  dire  quelesGaspari, 
les  Wieland  ,  les  Lassel ,  les  Ehr- 
mann,  les  Uckert  coopéraient  à  la 
confection  ou  du  moins  à  la  révision 
des  cartes.  Aussi  plusieurs  sont-elles 
encore  très-utilement  consultées.  On 
distingue  surtout  la  grande  carte  d'Al- 
lemagne, en  220  feuilles,  étendue 
depuis  h  quelques  régions  voisines 
(Pays-Bas , France  orientale,  Suisse)j 
la  carte  de  Prusse  et  de  Pologne  en 
85  feuilles,  l'Atlas  manuel  et  classi- 
que de  Ga^pari.  L'établissement  de 
Bertuch  était  considérable.  Unvaste 
local,  élevé  sous  ses  yeux  et  en 
quelque  sorte  d'après  ses  plans,  réu- 
nis.vait  et  les  magasins  elles  bureaux 
d'exploitation  et  les  logements  de 
presque  tous  ceux  qu'il  employait.  La 


BER 

société  clialcograpbîque  ,  fondée  <à 
Dessau  par  Bertuch  et  Erdmannsdorf 
pour  réunir  les  graveurs  ,  fut  moins 
heureuse  que  son  comptoir  •  elle  n'eut 
que  troisannées  d'existence,  de  1797 
k  1800.  La  mort  d'Erdmannsdorf 
et  l'éloignemenl  de  Bertuch,  qui  ne 
résidait  point  a  Dessau,  amenèrent  la 
dissolution  de  la  société  5  mais  elle 
avait  signalé  les  trois  ans  de  sa  courte 
existence  par  plusieurs  ouvrages  aux- 
quels les  artistes  et  les  connaisseurs 
ont  accordé  leurs  suffrages.  Bertuch 
rendit  un  autre  service  au  pays  en  for- 
mant, près  de  Weimar,  nue  pépinière 
où  les  élèves  du  séminaire  normal  ve- 
naient s'instruire  dansl'artdu  pépinié- 
riste. C'estau  milieu  decesoccupations 
qu'il  mourut  ,  le  5  avril  1822.  De- 
puis i8o4-  il  avait  fait  agréer  au 
graud-duc  sa  démission;  et  depuis 
plusieurs  années  il  ne  se  réservait  que 
la  rédaction  ou  plutôt  la  direction 
de  quelques  feuilles  périodiques.  Il 
avait  abandonné  a  peu  près  entière- 
ment l'administration  du  comptoir 
à  son  gendre  le  docteur  Froriep.  La 
mort  successive  d'un  fils  unique  ,  de 
sa  femme ,  de  sa  belle-sœur,  l'avait 
profondément  affecté.  Il  voulut  qu'on 
l'enterrât  près  d'eux  dans  un  jardin 
qui  jadis  avait  été  un  marécage  et 
dont  ses  soins  avaient  fait  un  des  orne- 
ments de  Weimar.  C'est  ici  le  lieu  de 
dire  que  les  prétentions  littéraires  de 
Bertuch  étaient  de  beaucoup  supé- 
rieures asou  mérite.  11  se  croyait  très- 
fermement  l'auteur  principal  de  tout 
ce  quipassalt  par  ses  mains  ,  et  voyait 
k  peine  des  collaborateurs  dans  les 
hommes  honorables  qu'il  faisait  con- 
courir k  ses  entreprises.  Ceux-ci .  on 
le  pense  bien  ,  étaient  loin  de  parta- 
ger son  opinion.  Cette  divergence 
donna  lieu  quelquefois  a  des  allocu- 
tions, a  des  récriminations  fort  acres  ; 
Berluch,  malgré  des  voix  ainies  ,  y 


BER 

reçut  un  vernis  de  ridicule  et  de  char- 
latanisme dont  sa  mémoire  ne  restera 
point  exempte.  Il  eu  est  résulté  qua 
l'exception  de  ses  premiers  essais, 
ses  compatriotes  soupçonnaient  tous 
que  les  écrits  qu'il  avait  signés,  soit 
comme  auteur  unique  ,  soit  comme 
collaborateur  ,  n'étaient  point  vrai- 
ment de  lui.  Quoi  qu'il  eu  soit,  voici 
les  ouvrages  principaux  qui  portent 
son  nom*  tous  sont  en  allemand. 
I.  Copie  pour  mes  amis  ,  Alteu- 
Lourg ,  1770  (une  portion  seule- 
ment de  l'ouvrage  appartient  a  Ber- 
tucli  ).    II.  Henri  et  Emma  ,  ibid. , 

1771,  in-B".  C'est  une  imitation  de 
l'anglais  de  Prior,  III.  Le  conte  du 
bilboquet  ,  ihid.,  1772.  IV.  Chan- 
sonnette  pour  bercer  les  enfants  , 
ibid.,  1772.  V.  Le  comédien,  ibid., 

1772.  C'est  un  ouvrage  théorique 
sur  l'art  du  théâtre ,  traduit  du  fran- 
çais de  Rémond  de  Sainle-Albine. 
\I.  Histoire  du  célèbre  prédica- 
teur, frère  Gérundio  deCampazas 
autrement  Gérundio  Zotès  ,  Leip- 
zig, 1773;  2*  édition  ,  1777.  C'est 
le  célèbre  roman  du  P.  Isia  :  il  est 
à  noter  que  la  version  allemande  a 
été  faite  non  sur  l'original  espagnol  . 
mais  sur  une  traduction  anglaise:  de- 
là ces  prétendus  bous  mots  contre  les 
catholiques  qu'on  trouve  dans  l'alle- 
niaud  et  qui  ne  sont  point  dans  l'es- 
pagnol. VII.  De  la  poésie  dra- 
matique,  i"^^ partie,  Leipzig,  1774- 
(Iraduit  du  français  de  Marmontelj. 
\I1I.  Inès  de  Castro  ,  ibid.  , 
1774.  (traduit  de  La  Mothe).  IX. 
Le  gros  lot ,  opéra-comique  de 
C.-S.  Favart,  arrangé  pour  le  théâ- 
tre de  Weimar ,  ^Veimar,  ijji- 
X.  Elfride,  tragédie  en  trois  actes, 
Weimar,  1773;  dernière  édition, 
Berlin,  i789(traduit  del'anglais  de 
Mason). XL Po/j^rt"/ze,  mélodrame^ 
avec  musique  de   A.  Schweizer  (dans 


BER  173 

le  Mercure  allemand ,  octobre 
1774.,  page  64;  et  depuis  im- 
primé a  part,  Weimar,  1793).  XII. 
Chants  de  don  Etienne-Manuel 
de  T  illcgas,  traduits  de  l'espagnol, 
avec  un  essai  sur  ce  poète  {Mercure 
allemand ,  février  17745  p.  267). 
^\\..Histoi]'e  et  exploits  de  l'ingé- 
nieux hidalgo  Don  Quichotte  de  la 
jManche,  Weimar,  1775-77,  6  vo- 
lumes in-S"  ,•  2"  édition,  Leipzig  , 
1780.  Bertuch  y  a  pris  pour  mo- 
dèle le  style  et  la  manière  de  Vvie- 
land  dans  son  Don  Silvio  deRosalva. 
Ainsi  que  notre  Florian  ,  il  a  élagué 
beaucoup  de  délads  qu'il  regardait 
comme  incompatibles  avec  le  génie 
de  sa  nation;  il  a  joint  a  Cervantes 
la  continuation  d'Avellaneda.  XIV. 
Spécimen  des  ouvrages  du  vieux 
maître  chanteur  allemand,  Hans 
le  Saxon,  etc.,  Weimar,  1778. 
C'était  une  tentative  pour  populariser 
l'élude  des  vieux  chants  allemands  , 
en  commençant  par  Hans ,  et  un 
appel  aux  souscripteurs  pour  une 
édition  de  ce  poète.  Beriuch  ne  réus- 
sit pas;  mais  d'autres  ne  tardèrent 
pas  à  être  plus  heureux.  On  peut 
comparer  a  cet  ouvrage  un  mor- 
ceau du  Mercure  allemand  (  mai 
1778,  page  180),  signé  de  lui  et 
intitulé  :  Question  adressée  par 
Bertuch  au  public  ,  etc.  XV. 
3Iagasin  des  littératures  espa- 
gnole et  portugaise  (avec  Zantliier 
et  Seckendorf) ,  Weimar,  1780- 
82  ,  5  vol.  C'est  un  recueil  de  mor- 
ceaux choisis  pour  ceux  qui  se  livrent 
a  l'élude  de  ces  littératures.  XVI. 
Théâtre  des  Espagnols  et  des  Por- 
tugais. XVII.  Cagliostro  à  Var- 
sovie ou  Nouvelles  et  Journal  con- 
cernant les  opérations  magiques 
et  alchimiques  de  Cagliostro  à 
J^arsovie  ,  par  un  témoin  oculaire 
(traduit   du    français)  ,    Strasbourg 


174 


BER 


1786.  XVIII.  Fables  littéraires 
d'Yriarte,  Leipzig,  1788  (traduites 
de  l'espagnol  et  presque  toutes 
publiées  d'abord  dans  le  Mercure 
allemand,  avril  1784,  p-  86,  etc). 

XIX.  Manuel  de  la  langue  espa- 
gnole]} oui- les  commençants  (recueil 
de  morceaux  d'exercices  choisis  dans 
les  œuvres  des  meilleurs  écrivains  en 
vers   et  en  prose),   Leipzig,  1790. 

XX.  Porte-feuille  iconographique 
des  enfants,  contenant  unmélange 
intéressant    de  plantes  ,  Jleurs , 
fruits,  animaux,  minéraux,  costu- 
mes, antiquités,  et  autres  objets  de 
toutes  sortesfownis  par  la  nature, 
l'art  ou    les  sciences,  Weimar     et 
Gotha,  1790-1815,  161  cah.  ia-4-°5 
figures    noires  et  coloriées  et  texte 
allemand  (publié  aussi  avec  texte  fran- 
çais ,  anglais ,  italien).  XXI  .  Nou- 
veau vojage  deBourgoing  en  Es- 
pagne de  1782  à  1788  (traduit  du 
français    en    société  avec    Kajser)  , 
léna,    1790,    2  vol.,  auxquels    ont 
été  ajoutés  un  troisième  (sous  le  titre 
d'Additions  et  corrections,    etc.  ) 
d'après  la  nouvelle  édition    française 
de  1797,  avec  des  remarques  de  Fis- 
cher, léna,  1800,    et  un  quatrième 
[Nouvelles    additions   et    correc- 
tions) ,  léna,  1808.  XXII.  La  Bi- 
bliothèque bleue  de  toutes  les  na- 
tions,   Gotha,  les  quatre  premiers 
volumes,  1790,  les  huit  suivants, 
1 791-1800    (traduit   du    français). 
XXIII.  Tableaux  de  l'histoire  na- 
turelle universelle    distribuée   en 
ses  trois  règnes ,  avec  l'é  numéra- 
tion synoptique  de  tous  les  corps 
connus,  etc.,    Weimar,  1801-025 
s.""  édit.,  1807,  seize  livraisons,  dont 
quatre  de  minéraux,  trois  de  plantes, 
neuf  d'animaux.  XXIV.  Recueil  de 
toutes  les  positions  géographiques 
connues  ,  Weimar  ,    1 8  0  9  - 1 8 1 0  , 
quatre  livraisons.  P — OT. 


BER 

BER  Vie  (JEAN-GriLLArME(i) 
Balvaï),  célèbre  graveur  entaille- 
douce,  naquit  a  Paris,  le    aS   mai 
1766.  Le  vrai  nom  de  sa  famille  était 
Balvaj  ;  celui  de  Bervic  était  un  sur- 
nom   de   son  père  qu'il  adopta;   ce 
n'est  que  dans  des  actes  publics  qu'il 
signait  Balvay.    Le  jeune   Balvay, 
que  nous  n'appellerons  plus  que  Ber- 
vic ,  se  sentit  de  bonne  heure  une 
disposition  extraordinaire  pour  cul- 
tiver l'art  du  dessin.  De  l'amour  du 
dessin  ,  il  passa  naturellement  a  celui 
de  la  peinture  ,  qu'il  étudia  chez  Le- 
prince  ,  et  a  laquelle  il  eut  volontiers 
consacré  sa  vie  ,  s'il  eût  été  libre  de 
suivre  ses  inclinations.   Ses  parents 
ne  voulurent  pas  qu'il  fût  peintre  , 
et  par  une  sorte  de  Iransaclion  avec 
une     passion    qu'ils    ne     pouvaient 
vaincre  en  lui,  ils  consentirent  à  ce 
qu'il  fût  graveur.  On  le  plaça  chez 
George  Wille,  un  des  plus  habiles 
graveurs  du  temps  ,  et  qui  avait  con- 
servé la  belle  méthode  des  procédés 
de  la  gravure  au  burin  ,  que  plus 
d'une  cause  faisait  alors  négliger.  La 
nioilié  du  dix-huitième  siècle  n'offrit 
à  l'imitation  du  graveur  aucun  talent 
original  en  peinture.  Une   certaine 
lassitude  du  grand  et  du  beau  ,  cette 
sorte     d'orgueil    qui    croit    pouvoir 
marcher   seul ,  avaient  jeté  le  goût 

(i)  Ses  vrais  prénoms  étaient  Chnrles-Clemerit, 
qu'il  porta  dans  sa  jeunesse  et  qui  se  trouvent 
sur  plusieurs  de  ses  ouvrages.  Pendant  la  révo- 
lution, les  registres  des  paroisses  furent  déposés 
à  l'hôtelde-ville  et  une  double  expédition  au  pa- 
lais de  Justice.  Bci  vie  ,  ayant  eu  besoin  de  son 
extrait  de  baptême,  fut  étonné  de  voir  qu'il  s'ap- 
pelait Jean- Guillaume  ,  et  se  vit  oblige  de  faire 
rectifier  par  un  jugement  tons  les  actes  qu'il 
avait  passés  sous  les  prénoms  de  Charles-Clément. 
Quelques  années  après,  ayant  demandé  un  nou- 
vel acte  de  naissance  ,  on  lui  en  remit  un  qui 
portait  les  prénoms  de  Chartes -Clément.  On  exa- 
mina les  registres  et  l'on  s'aperçut  que  l'expédi- 
tion en  double  était  erronée-  Les  prénoms  de 
Jean-Guillaume  portés  à  l'acte  de  Bervic  étaient 
ceux  de  l'enfant  baptisé  avant  lui;  mais  les  dif- 
ficultés qu'il  avait  cprcuvées  pour  faire  rectifier 
tons  ses  papiers  de  famille  l'empêchèrent  de  re- 
prendie  ses  premiers  prénoms. 


BER 

dans  la  relâche  affectée  d'un  méca- 
nisme d'effet  puéril  ;  les  artistes  des- 
sinaient sans  le  modèle  ,  il  semblait 
qu'ils  eussent  un  immanquable  souve- 
nir des  beautés  et  des  formes  de  la 
nalure ,  et  tous  les  jours  ils  tombaient 
dans  de  graves  méprises  •  la  gravure 
n'avait  a  répéter  que  de  semblables 
malentendus ,  jusqu'à  ce  que  le  re- 
tour au  goût  de  l'antiquité  et  de  ses 
imitateurs   eût  remis  en  honneur  les 
écoles  du  seizième  siècle.  Bervic  doit 
passer  pour   un   de  ceux  qui  ont  le 
plus  contribué  k  cette  autre  rejiais- 
sance.  Deux  ouvrages  qu'il  mit  au  j  our 
en  1780,  l'un,  leRepos,  l'autre,  la 
Demande  accordée  ,  d'après  Lëpi- 
cié,  lui  firent  d'autant  plus  d'honneur, 
qu'il  n'y  avait,  nidanslesdeux  sujets, 
du  genre  le  plus  vulgaire  ,  ni  dans  la 
célébrité  du  peintre,  rien  qui  pût  assu- 
rer de  la  vogue  à  laplanche  du  graveur. 
Les  préludes  de  Bervic  annonçaient  un 
artiste  destiné  a  retrouver  les  ancien- 
nes routes  ,  ou  a  s'en  frayer  de  nou- 
velles. L'académie  royale  de  peinture 
le  reçut  en  1784.  On  lui  demanda, 
pour  morceau  de  réception  ,  de  gra- 
ver le   portrait  du  directeur-géné- 
ral des  bâtimenis,  M.  d'Angiviller  . 
qui  jouissait  d'une  grande  considéra- 
tion ;  mais  une  plus  haute  entreprise 
réclama  l'emploi  du  burin  de  Bervic. 
M,  Callet  venait  de  peindre  le  por- 
trait de  Louis  XM,  en  pied,  revêtu  du 
manteau  royal- c'était  un  ouvrage  d'une 
beauté  remarquable.  Bervic  eut  ordre 
de  graver  ce  portrait,  en  1700  :  ec  On 
aime,  dit  M.  Quatremère  de  Quincy, 
dans  sa  notice  sur  Bervic,  a  retrouver 
dans  le  ton  doux  et  brillant  de  la 
planche  de  ce  graveur  ,  dans  la  légè- 
reté de  la  touche,  dans  une  certaine 
harmonie  gracieuse,  mais  un  peu  fai- 
ble d'effet,  toutce  qui  distingue  l'ou- 
vrage du  pinceau.»  Une  particularité 
qui  associa  au  sort  de  l'infortuné  rao- 


BER 


175 


narquo  la  destinée  du  cuivre  fait  pour 
en  multiplier  les  traits,  a  attaché  aux 
épreuves  qu'a  épargnées  la  proscrip- 
tion révolutionnaire  ,  un  intérêt  poli- 
tique qui  a  constamment  accompagné 
l'ouvrage  et  l'artiste.  Lorsque  l'on 
crut  anéantir  en  France  toute  idée  de 
la  royauté  ,  en  poursuivant  les  rois 
jusque  dans  leurs  images  ,  on  se  doute 
bien  que  celle  de  Louis  XVI  dut  être, 
pour  ces  nouveaux  iconoclastes,  l'ob- 
jet d'une  proscription  particulière. 
Aussi  combien  d'épreuves  de  la  plan- 
che de  Bervic  ne  furent-elles  pas  dé- 
chirées et  brûlées  ?  Averti  que  l'on 
viendrait  chez  lui  chercher  la  planche, 
il  brisa  son  cuivre  ,  mais  les  morceaux 
subsistèrent,  et,  dans  des  temps  meil- 
leurs, on  a  trouvé  un  moyen  de  les 
re'unir,  qui  permet  d'en  tirer  de 
nouvelles  épreuves.  Bervic  a  gravé, 
en  179X,  pour  la  collection  dite  de 
Florence,  le  Saint  Jean  dans  le  dé- 
sert, d'après  Piapha'él  et  sur  le  des- 
sin de  Vicar.  Malheureusement  cette 
gravure  ne  se  trouve  pas  facile- 
ment "a  part ,  et  le  public  connaît  peu 
un  des  plus  vigoureux  ouvrages  de  cet 
artiste.  UEducation  d'Achille,  de 
Regnault,  doit  une  grande  partie,  non 
de  son  mérite,  mais  de  sa  réputation, 
au  burin  qui  l'a  multipliée  et  répandue. 
Le  pendant  ordinaire  de  VEdiica- 
tion  d' Achille  est  V Enlèvement  de 
Déjnnire ,  l'un  des  chefs-d'œuvre 
du  Guide.  Cette  planche  passe  pour 
être  le  travail  le  plus  accompli 
de  cette  époque ,  et  le  jugement  du 
concours  décennal  lui  adjugea  le  prix 
sur  toutes  les  gravures  qui  avaient 
paru  de  1800  k  i8io.  Le  musée 
Robillard  contient  le  beau  Laocoon 
du  même  auteur.  Ce  morceau  mit  le 
sceau  k  sa  réputatioa  :  on  y  revoit  ce 
qu'un  ingénieux  auteur  a  appelé  le 
marbre  souffrant.  La  vue  de  Ber- 
vic s'étant  affaiblie  ,  il  n'a  pu  termi- 


i:^  BKR 

lier  la  planche  du  Testament  d'Eu- 
damidas ,  d'après  le  Poussin ,  que 
finit  en  ce  moment  M.  Paolo  Toschi, 
l'un  de  ses  élèves,  célèbre  graveni  à 
Parme.  Bervic  avait  reçu  la  décora- 
tion de  Tordre  de  la  Réunion  en  1 8 1 5 . 
La  faveur  royale  ne  manqua  pas  non 
plus  de  reconnaître  les  services  de  cet 
artiste,  et  nous  rappellerons  le  texte 
de  l'ordonnance  qui  le  nomma  cbeva- 
lier  de  la  Légion-d'Houneur  en  1 8 1 9  : 
et  Considérant ,  dit  le  mouarque  ,  que 
«la  gravure  en  taille-douce,  portée, 
te  sous  le  règne  de  notre  illustre  aïeul, 
«  a  un  degré  de  perfection  qu'au- 
«  cune  autre  nation  n'a  pu  atteindre, 
«  a  pris  ensuite  une  marche  rétro- 
«  grade  jusqu'à  l'époque  oîi  la  supé- 
K  riorilé  des  ouvrages  du  sieur  Ber- 
ce vie  ,  en  ranimant  le  goût  de  l'élude 
K  de  la  gravure,  a  favorise  le  dé- 
«  veloppement  des  talents  qui  hono- 
tcrent  l'époque  actuelle,  et  voulant 
«  récompenser  dignement  les  heureux 
«  efforts  de  cet  habile  artiste  ,  sur  le 
V  rapport  de  notre  ministre,  etc.  » 
Membre  de  l'Institut  (académie  des 
beaux-arts  )  depuis  i8o5,  il  l'élait 
aussi  d'un  grand  nombre  de  sociétés 
savantes  françaises  et  étrangères,  no- 
tamment des  académies  de  Copenha- 
gue, de  Beriin,  de  Bologne,  d'Ams- 
terdam, de  Saint-Pétersbourg,  elc. 
Une  névralgie  du  poumon  et  du  cœur 
l'enleva  subitement  le  26  mars  1822. 
Outre  les  ouvrages  que  nous  avons  ci- 
tés, on  a  de  Bervic  \\q  portrait  de  Mi- 
chel Letellier,  étude  copiée  d'après 
l'estampe  de  Nanteuil,  1770  5  le  Pe- 
tit Turc ,  d'après  un  dessin  de  Wille 
fils,  177^5  les  portraits  de  Linné ^ 
d'après  Roslin,  17795  de  Massalki^ 
évêque  de  Wilua ,  1780J  du  comte 
de  Vergennes ,  d'après  son  propre 
dessin,  1780J  de  Sénac  de  Meil- 
lian,  d'après  Duplessis,  l'jZ'h'^XTn- 
nocence  ,  d'après  M.  Mérimée  5  un 


BER 

buste  de iYrt;;o/co/i,  d'après  le  dessin 
de  Robert  Lefebvre,  planche  non  ter- 
minée 5  le  portrait  àeLouisXFIII, 
d'après  Augustin,  dont  il  existe  trois 
épreuves;  depuis,  la  pUmche  a  été  re- 
gratlée  et  non  terminée.  Dans  les  ca- 
binets étrangers,  on  n'a  négligé  aucun 
sacrifice  pour  acquérir  son  œuvre 
complète.  Aussi  cl'eest  devenue  très- 
rare  en  France.  A D. 

BERZE  cuBERSIL  (Hugues 
DE  )  ,  poète  français  du  XIII'^  siècle, 
a  long-temps  été  confondu  avec  Guyot 
de  Provins  (  Voy.  ce  nom  ,  XIX  , 
2  5  7), auteur, comme  lui,  d'un  ouvrage 
satirique  qui  porte  le  nom  de  Bible. 
Hugues  était  seigneur  de  Berze-Ie- 
Chàtel  ,  bailliage  de  Màcou  5  ainsi 
Papillon  aurait  dû  le  comprendre 
dans  sa  Bibliothèque  des  auteurs 
de  Bours.os.ne.  Son  éducation  avait 

r    r  °     ^ -v      ■  M 

ete  toute  militaire  ;  et  ,  comme  u 
l'avoue  lui-même  ,  il  n'était  ni  clerc 
ni  lettré  ;  mais  il  avait  passe  la  plus 
grande  partie  de  sa  vie  dans  des 
voyages  de  long  cours,  et  il  devait  à 
son  expérience  du  monde  une  in- 
struction que  ne  donnent  pas  les  li- 
vres, d'ailleurs  fort  rares  a  Pépoque 
où  il  vivait.  Il  parle  comme  témoin 
oculaire  de  la  chute  de  l'empire  grec , 
et  de  la  fin  déplorable  des  Comnèncs. 
Il  nous  apprend  aussi  qu'il  assista  a  la 
prise  de  Conslautinople  par  les  La- 
tins, en  1204.  Celte  expédilion  ter- 
minée ,  Hugues  revint  en  France  ;  et 
ce  fut  alors  qu'il  composa  le  poème 
qu'à  l'exemple  de  Guyot,  il  intitula 
Bible  ,  et  qui  ,  comme  celui  de  sou 
modèle  ,  offre  un  tableau  réel  des 
désordres  du  siècle.  Ce  poème  ,  dans 
lequel  on  trouve  de  la  vigueur  ,  du 
nerf,  et  niêuie  des  morceaux  assez 
bien  frappés  ,  est  supérieur  à  la  plu- 
part des  productions  conlemporaines. 
Il  est  écrit  en  vers  de  huit  syllabes, 
et    ca  contient   858.    Caylus  en   a. 


BER 

donné  l'analyse  dans  les  3Iémoires 
de  l'académie  des  inscript . ,  XXI  ,1915 
et  Leirraiid  d'Aussv  en  a  fall  men- 
lion  dans  les  JSotices  des  manu- 
scrits, V,  279.  Enfin  Méon  a  publié 
la  Bible  au  seignor  de  Berze  à 
la  suite  de  celle  de  Guyot  de  Pro- 
vins, dans  son  édition  des  Fabliaux, 
II _,  394-450,  connus  sous  le  nom  de 
Barbazan  {J^oy.  ce  nom  ,  III,  334-), 
qui  en  fut  le  premier  éditeur.  C'est 
donc  par  une  singulière  distraction 
que  ,  dans  son  Examen  critique 
des  Dictionnaires,  101  ,  Barbier, 
qui  avait  celte  édition  sous  les  yeux, 
dit  que  la  Bible  de  Hugues  de 
5e/rj- est  resiée  manuscrite.  W — s. 
BERZEWICZY  de  liER- 
ZEWICZ  ET  KAKAS  LOM- 
IVITER  (Grégoire  de^ ,  naquit  le 
i5  juin  1763,  a  Kakas-Lomnitz  ou 
grand  Lomnitz,  comitatde  Lips,  en 
Croatie ,  d'une  famille  noble  et  riche. 
Il  fut  d'abord  élevé  dans  la  maison  de 
son  père,  puis  envoyé  a  Kesmark.  A- 
près  avoir  parcouru  le  cercle  ordinaire 
de  l'éducation  collégiale  ,  il  s'appli- 
qua aux  sciences  politiques,  k  la 
jurisprudence  ,  el  il  obtint  en  1783 
le  diplôme  d'avocat.  L'année  suivante 
il  alla  passer  six  mois  à  luniversité 
de  Gœllingue  pour  s'y  perfectionner 
dans  ses  études,  et  voyagea  ensuite 
dans  les  pays  étrangeis.  L'Angle- 
terre ,  la  France ,  divers  états  de 
l'Allemagne  le  virent  successivement. 
Revenu  k  Vienne  ,  en  1787  ,  il  eut 
l'honneur  d'y  être  présenté  k  l'empe- 
reur Joseph  II,  qui  répondant  k  son 
désir  de  faire  partie  du  service  d'état, 
lui  donna  l'assurance  de  le  placer 
bientôt  près  d'un  tribunal  provin- 
cial. Effrctivemenlk  peine  B(Tzev\iczy 
eut-il  passé  deux  mois  dans  sa  patrie 
qu'il  fut  no 'limé  pratiquant  (employé 
subalterne),  et  ensuite  commis  près  de 
radminlstration   supérieure  gouver- 


BER 


177 


nant  la  Hongrie.  Mais  c'est  en  vain 
qu'il  allindit  de  l'avancement.  Fati- 
gué de  vaines  promesses  et  d'inter- 
minables délais,  il  renonça  en  1796 
k  la  carrière  administrative  et  se  lixa 
dans  ses  domaines  du  comitat  de  Lips, 
où  il  parlagea  ses  loisirs  entre  les 
travaux  philosophiques  el  littéraires 
qu'il  affectionnait,  el  les  fonctions 
gratuites  dont  l'honorait  la  con- 
fiance de  ses  concitoyens.  A  la  mort 
d'Eméric  Horwalz^  il  fut  nommé  k 
Funaniraité  ,  par  la  surintendance 
de  la  Theiss,  inspecteur  des  églises 
et  des  écoles  de  district.  Plus  lard 
il  fut  assesseur  de  plusieurs  tribu- 
naux ,  oti  il  se  distingua  par  ses 
connaissances  positives  autant  que 
par  son  esprit  d'équité.  Cependant 
la  hauteur  et  l'indépendance  même 
de  ses  idées  ne  plaisaient  que  médio- 
crement au  gouvernement,  el  aux 
nobles  hongrois  ,  ses  compatriotes 
et  ses  voisins.  Sans  voir  en  lui  pré- 
cisément un  ennemi,  on  le  regardait 
comme  suspect.  Il  s'en  fallait  pour- 
tant de  beaucoup  qu  il  eîit  la 
moindre  tendauce  hostile  soit  k  la  dy- 
nastie autrichienne,  soit  a  Fenserable 
de  l'ordre  de  choses  existant.  Il  ne 
souhaitait  que  des  améliorations  pra- 
tiques ,  utiles  k  tous  ,  et  totalement 
étrangères  aux  grandes  questions  delà 
politique  proprement  dite.  Ces  amé- 
liorations d'ailleurs ,  suivant  sa  ma- 
nière de  voir,  ne  ressemblaient  en 
rien  k  des  utopies  j  et  pour  asseoir 
ses  projets  sur  des  bases  positives, 
il  fit  divers  voyages,  afin  de  compa- 
rer ce  qui  se  passait  dans  sa  patrie 
aux  moyens  en  usage  dans  les  autres 
contrées  Telle  fut  entre  autres  bon 
excursion  k  Varsovie  et  k  Danizick  eu 
1807.  ^^  reste  plus  ami  de  la  paix 
que  de  la  gloire,  il  cherchait  k  faire 
comprendre  et  admettre  ses  vues, 
saos  leur  donner  uu  retentissement 


LVUI. 


«2 


178 


BER 


souvent  préjudiciable  a  ce  qu'elles 
ont  d'utile  ,  ou  offensant  pour  les 
susceptibilités  de  ceux  qui  gouver- 
Bent.  M<ais  il  ne  parvint  pas  .tou- 
jours à  se  faire  pardonner  la  fran- 
chise de  certains  exposés  de  faits  sur 
lesquels  ou  eût  voulu  laisser  indéfini- 
inenl  reposer  le  voile.  Eu  revanche, 
il  fut  apprécié  hors  des  limites  de  la 
Hongrie,  et,  indépendamment  des 
éloges  que  lui  adressèrent  plus  d'une 
fois  dans  les  feuilles  périodiques  les 
penseurs  les  plus  illustres  de  l'Alle- 
magne, il  eut  la  satisfaction  d'être  ad- 
mis, comme  membre  citrrespondant, 
à  la  société  royale  des  sciences  de 
Gœitingue,  en  1 8o4-Berzewiczy  mou- 
rut le  22  février  1822.  La  plus 
grande  partie  de  ses  travaux  se  trouve 
éparse  dans  les  journaux  de  la  Hon- 
grie ou  de  rélrauger,dont  il  était  un 
collaborateur  actif.  Parmi  ces  mor- 
ceaux nous  citerons  les  fragments 
de  son  voyage  a  Varsovie  et  h 
Dantzick,  publiés  dans  le  Libéral  et 
dans  les  Annales  de  la  littérature 
et  de  l'art  de  Vienne.  Voici  la  liste 
des  ouvrages  qu'il  fit  imprimer  sépa- 
rément :  1.  De  coiwnercio  et  indus- 
tria  Hungariœ ^  Leutschau  ,  1797 
(  traduit  en  allemand  ,  Weimar  , 
1802).  Le  sujet  traité  par  Ber- 
zewiczy  n'occupait  alors  personne  * 
et  il  est  indubitable  que  si  plus  tard 
l'attention  du  gouvernement  et  du 
public  se  porta  vers  ces  deux  sources 
importantes  de  la  prospérité  hon- 
groise, c'est  en  grande  partie  à  cette 
publication  que  lut  dû  un  tel  chan- 
gement. Cet  ouvrage  a  été  complété 
par  Bardozzi  (  f^oj.  ce  nom  , 
LVn,  i55).  IL  De  coiulitione  in- 
doleque  rusticorum  in  JFIungaria  , 
1806.  L'auteur  révélait  ici  une  de 
ces  plaies  féodales  dont  l'Europe 
orientale  est  si  lente  a  s'affranchir^  les 
cinquante-deux  corvées  par  an  pour 


BER 

fout  possesseur  de  mélalrie  integrœ 
sessionis,  les  dix  huit  corvées  de  cha- 
que habitant  marié  ,  les  douze  cor- 
vées de  tout  autre,  les  corvées  suré- 
rogatoires ,  les  redevances  du  neu- 
vième de  toutes  les  récoltes,  lin, 
chanvre,  les  obligations  de  filer  gra- 
tis six  livres  de  lin  pour  le  seigneur , 
de  faire  trois  fois  par  an  des  battues 
au  temps  de  la  chasse  pour  le  sei- 
gneur, de  ne  distiller  de  l'eau-de-vie 
qu'en  payant  deux  florins  de  droit  au 
seigneur,  etc.,  etc.,  et  les  juridictions 
seigneuriales  dont  quelque-unes  ont 
par  privilège  le  droit  de  condamner 
aux  fers  et  à  la  mort.  L'intention  de 
Kerzewiczy  n'était  pas  de  publier  ce 
travail  j  mais  un  de  ses  amis  obtint 
consentement  pour  le  faire  imprimer, 
en  prenant  sur  lui  toutes  les  suites 
de  la  publication.  Ces  suiles  furent 
beaucoup  de  petites  vexations  qui 
toutefois  ne  purent  aller  jusqu'à,  une 
mise  en  cause  ,  et  les  louanges  des 
Schlœzer,  desHeeren,  des  Eichhorn, 
des  Grellmanu ,  des  Sartorius.  Le 
premier  de  ces  hommes  illustres  donna 
dans  la  Gazette  de  Gœttingue  une 
analyse  de  l'ouvrage ,  qui  obtint 
a  Weimar  les  honneurs  de  la  tra- 
duction. HL  Tableau  du  com- 
merce entre  l'Asie  et  l'£urope, 
considéré  sous  le  point  de  vue 
des  circonstances  actuelles  (en  al- 
lemand),  Pesth  ,  1808,  in- 8 MV. 
Notice  sur  l'état  actuel  de  la  reli- 
gion évangélique  (  protestantisme  ) 
e?i  Hongrie,  Leipzig,  1822,  in-8°. 
Dans  cet  ouvrage  publié  trois  mois 
après  la  mort  de  l'auteur,  celui-ci 
soutient  que  les  adhérents  du  hilhé- 
ranisme  ont  beaucoup  à  se  plaindre 
de  la  mauvaise  volonté  de  l'adminis- 
tration et  des  états  a  leur  égard  ;  et 
a  l'appui  de  celte  assertion,  il  allègue 
un  grand  nombre  de  faits  qui  ,  s'ils 
étaient  exacts^  ne  pourraient  qu'affli- 


B£S 

ger  les  esprits  sages  et  amis  de  la 
tolérance;  mais  ils  ont  éié  positive- 
ment déniés  pour  la  plupart.  P-ot. 
BESAXÇOIV  fExiEN. -Modeste), 
litléiateur, naquit  eniySo,  aLavotte, 
bailliage  de  Baume ,  d'une  famille 
honorable.  Avant  achevé  ses  études 
au  séminaire  de  Besancon,  il  em- 
brassa l'étal  ecclésiastique,  et  fut 
nommé  desservant  de  la  chapelle  des 
Fonlenottcs  ;,  près  de  Morteau. 
Nourri  de  la  lecture  des  poètes ,  il 
employait  ses  loisirs  a  composer  de 
petites  pièces  de  vers  ,  dont  il  adres- 
sait des  copies  a  ses  amis.  L'n  procès 
que  les  habitants  de  Saint  Hippolyte 
(i)  suscitèrent ,  en  1778,  aux  com- 
munes' voisines  ,  pour  faire  revivre 
des  droits  que  le  temps  avait  abrogés, 
éveilla  la  verve  satirique  de  l'abbé 
Besançon.  Intéressé  lui-même  dans 
le  procès,  il  attaqua  les  prétentions 
de  ses  adversaires  dans  un  petit  poè- 
me ,  intitulé  le  Vieux  bourg ,  où 
l'on  trouve  de  fréquentes  imitations 
du  Lutrin  et  de  Vert-vert  ;  mais 
qui  n'en  annonce  pas  moins  un  talent 
agréable  et  facile.  Il  s'en  fit  deux  ou 
trois  éditions  la  même  année.  L'au- 
teur s'attendait  si  peu  a  ce  succès , 
que  ,  dans  une  note  placée  à  la  tète 
d'une  des  réimpressions  de  son  poème, 
il  remarque  avec  surprise  qu'il  s'en 
est  vendu  des  exemplaires  même  à 
Paris.  Cependant  les  chanoines  de 
Sainl-Hippoiyte  qu'il  n'avait  pas  mé- 
nagés dans  son  poème  ,  portèrent 
plainte  à  l'archevêque  de  Besançon 
(le  cardinal  de  Cholseul),  qui, pour 
le  bien  de  la  paix,  engagea  l'auteur  k 
supprimer  son  ouvrage. C'était  luide- 
mander  une  chose  impossible. L'abbé 
Besancon  continua  de  rimer  5  mais  il 
ne  retrouva  plus  la  verve  et  l'enjoue- 
menl    qui  avalent  fait  le   succès  du 

(i)  Pi'tite  ville  au  confluent  du  Dessoubre  et 
da  Doabs,  capitale  de  la  Franche  Jllontagae, 


BES 


179 


J'ieux bourg. Encore  simple  chape- 
lain ,  à  l'âge  de  soixante  ans  ,  il  em- 
brassa les  principes  de  la  révoliilioii 
avec  beaucoup  de  chaleur  •  mais  il  fut 
obligé  peu  de  temps  après  de  quitter 
la  cure  qu'on  venait  de  lui  donner  , 
et  de  chercher  un  asile  dans  les 
hautes  montasrnes  du  Jura  où  il  se  tint 
caché  pendant  la  terreur.  En  1802  , 
il  fut  nommé  succursaliste  à  Fessevil- 
1ers  ,  arrondissement  de  Montbé- 
liard.  Il  y  mourut_,  le  i8  mai  1816, 
h  l'âge  de  quatre-vingt-six  ans.  On  a 
de  lui  :  I.  Le  vieux  bourg  ,  poème 
héroï-comique  en  cinq  chants,  Paris, 
(en  Suisse),  1779  ,  in-S"^  ;  nouvelle 
édit.  corrigée  et  augmentée  de  sept 
autres  chants  par  une  main  gas- 
conne, Strasbourg  (enSuisse),  i  779, 
in-8°  de  64-  pages;  les  derniers 
chants  sont  très-mférieurs  aux  pre- 
miers. IL  Blanc-Blanc ,  ou  le  chat 
de  mademoiselle  de  Clilon  ,  pcèrae 
héroï-comique  en  quatre  chants  , 
Lyon  (en  Suisse),  1780,  in -8' 
de  25  pages.  Cette  bagatelle  est  dé- 
diée h  l'abbé  Grandjacquet  {Voy. 
ce  nom,  auSupp.)  ,  un  des  amis  de 
l'auteur.  III.  Le  curé  savoyard , 
poème  en  cinq  chants  ,  Paris  (  en 
Suisse),  1782,  in-B"  de  4-o  pages. 
C'est  une  satire  contre  le  curé  de 
Morteau,  dont  l'auteur  avait  eu  k  se 
plaindre.  IV.  Dictionnaire  portatif 
de  la  campagne ,  contenant  les  vrais 
noms  de  tous  les  instruments  d'agri- 
culture ,  de  leurs  parties,  de  leurs 
usages,  etc.  ,  Paris  (en  Suisse), 
1786,  in-S"  de  iG^  pag.  et  un  Sup- 
plément de  27  pag.  C'est  l'ouvrage 
le  plus  utile  de  l'abbé  Besancon.  Les 
mots  y  sont  rangés  d'une  manière 
ingénieuse  et  qui  rend  ce  dictionnaire 
très-commode.  Ainsi  ,  par  exemple  , 
au  mot  arbre  ,  on  trouve  la  nomen- 
clature des  espèces  les  plus  commu- 
nes dans  les  bois  de  la  province  j  au 


12. 


i8o 


BES 


mot  charrue  ,  l'indication  des  dif- 
férentes parties  dont  elle  se  compose, 
etc.  L'ouvrage  est  terminé  par  un  re- 
cueil des  expressions  vicieuses  les 
F  lus  répandues  en  Franche-Comté  ; 
auteur  préparait  une  nouvelle  édi- 
tion de  ce  dictionnaire,  pour  laquelle 
il  a  laissé  des  notes.  Tous  ses  autres 
manuscrits  ont  été  brûlés  par  ses  hé- 
ritiers. 'W — s. 

BESCHI(Constantin-Joseph), 
célèbre  jésuite  italien  ,  qui  a  princi- 
palement contribué  à  faire  fleurir  la 
mission  catholique  du  royaume  de 
Madoura,  dans  l'Inde.  Il  arriva, 
en  I  y  00,  a  Goa  ,  d'où  il  se  rendit 
à  Avour  dans  le  district  de  Trit- 
chinopoly,  pour  y  apprendre  la  lan- 
gue tamoule  dans  ses  deux  dialectes, 
ainsi  que  le  sanscrit  et  le  lelougou. 
Comme  son  but  était  d'y  obtenir  un 
emploi  civil  ,  chose  que  les  jésui- 
tes n'ont  jamais  négligée  dans  ces 
contrées  ,  il  apprit  également  les 
langues  hiudoustani  et  persane.  Il 
est  probable  que,  dans  les  premiers 
temps  de  son  séjour  dans  l'Inde  ,  il 
occupait  déjà  une  place  dans  l'admi- 
nistration ,  car  on  ne  peut  présumer 
qu'il  soit  toul-k-coup  devenu  ^iVrt«  ou 
conseiller ,  charge  qu'il  a  remplie 
sous  le  règne  de  ïchenda  -  Sahib  , 
lequel  ne  parvint  qu'en  lySô  a  la 
dignité  de  nabab  de  Tritchlnopoly. 
Depuis  son  arrivée  dans  rinde,  Besclii 
se  conforma  en  tout  aux  mœurs  et  aux 
usages  des  Hindous;  il  s'abstint  de 
nourriture  animale  ,  et  n'employa 
que  des  brahmans  pour  préparer  ses 
mets.  Il  adopta  les  habitudes  des 
yoghis  hindous,  et  quand  il  visitait 
ses  ouailles ,  c'était  toujours  avec  la 
pompe  que  déploient  dans  leurs 
voyages  les  gourous,  ou  docteurs 
ecclésiastiques  de  l'Inde.  Il  fonda 
une  église  ,  sous  l'invocation  de  la 
Sainte  Vierge ,  à  Konângouppam 


BES 

Ariyanour,  dans  le  district  de  Ba- 
rour.  A  celte  occasion  ,  il  composa, 
en  l'honneur  de  la  mère  du  Sauveur, 
de  son  époux  saint  Joseph  et  de  N.- 
S.  Jésus-Christ ,  le  poème  sacré  in- 
titulé Témbâvani ,  qui  est  aussi  vo- 
lumineux que  l'Iliade,  et  le  plus  cé- 
lèbre de  ses  ouvrages.  Il  contient 
36x5  télrastiches  ,  dont  chacun  est 
accompagné  d'une  interprétation  en 
prose.  Dans  cet  ouvrage,  le  récit  du 
massacre  des  innocents  est  regardé 
par  les  indigènes  du  Madoura  comme 
le  morceau  le  plus  beau  qui  existe 
dans  leur  langue.  Beschi,  connu  en- 
core aujourd'hui  dans  toute  1  Inde 
méridionale  sous  le  nom  de  Vîra- 
mdmouni ,  ou  le  grand  ascète  com- 
battant, fonda  une  autre  église  h  27- 
roukdvalour,  nom  qu'il  avait  donné 
a  la  ville  de  Vadougapit,  dans  le  dis- 
trict d'Ariyalour,  et  par  lequel  il 
désigna  également  la  Sainte  Vierge, 
en  l'honneur  de  laquelle  il  composa 
les  trois  poèmes  intitulés:  Tiroukd- 
valour  Kalambagam ,  Anneija- 
djoungal  Andddi  et  Adeikala 
Mdlei.  Nous  indiquerons  plus  bas  les 
titres  de  ses  ouvrages  qui  ont  été 
imprimés.  Ceux  qu'il  laissa  en  ma- 
nuscrit ,  et  qui  sont  tous  fort  esti- 
més par  les  gens  du  pays  ,  tant 
pour  leur  contenu  que  pour  l'élé- 
gance de  la  diction,  sont  le  Ki- 
téri  Atnmal  Ammdneï  poème  j  le 
Vèdiyarodjoukkam  ,  en  prose  , 
contenant,  comme  le  titre  l'indique, 
un  aperçu  des  devoirs  de  ceux  qui 
embrassent  lavie  religieuse;  le /^eû^« 
Vilakkani  ,  ou  la  lumière  de  l'é- 
vangile ,  écrit  en  prose,  et  qui  est 
une  exposition  de  la  foi  catholique  ; 
un  Dictionnaire  tamoul-franç aii, , 
un  autre  tanioul  et  portugais  et 
un  troisième  tamoul  -  latin.  Les 
missionnaires  danois  de  Tranquebar 
avaient  l'intention  de  publier  ce  der- 


BES 

nier,  mais  différentes  circonstances  et 
principalement  le  manque  de  fonds, 
firent  échouer  celte  entreprise.   En 
1823  on  en  avait  commencé  l'impres- 
sion   à     Madras  j    nous    ne   savons 
pas  si  elle  a   été  achevée.  Sadour 
Agharddl    ou    les   quatre   diction- 
naires;  un   ouvrage    tamoul   relatif 
au  haut  dialecte.  Le  Tonnoid  V i- 
lakkain  ,  grammaire  iamoule  écrite 
par  Beschi   dans  celte  langue    mê- 
me ,    est   regardée  comme   la  meil- 
leure qui  existe.   Le  Clavis  hiuna- 
niorum  tamulici  Idiomatis  est   un 
autre  traité  eu  latin  ,  relatif  aubaut- 
tamoul.    Bescbi   était    généralement 
estimé  pour  sa  piété,  sa  bienveillance 
et  son  savoir.  Il  s'occupait  principa- 
lement de  la  conversion  des  idolâtres, 
et  son  zèle  était  récompensé  par  des 
succès  extraordinaires.  Initié  dans  la 
science  ,    les  opinions  et  les  préjugés 
des  Hindous  ,   il    était  plus   en  état 
que  tout  autre  missionnaire  de  prou- 
ver à  ces  Gentils  la  fausseté  de  leur 
croyance  et  Tabsurdité  de  leurs  pra- 
tiques religieuses.  Néanmoins  il  con- 
tinua d'exercer  les  fonctions  de  divan 
jusqu'en  lyio,  époque  a  laquelle  la 
ville   de  Tritcbiuopoly  fut  conquise 
par  les  Mabrattes  ,  sous  Morary  Rao, 
etTcbenda-Sabibfait  prisonnier.  Bes- 
chi réussit  a  se  sauver  à  Gàyal  pata- 
nam  ,  ville  appartenant  alors  aux  Hol- 
landais,  où  il  mourut  en  1742.  Son 
nom  y  est  encore  célèbre,  etl'on  y  dit 
des  messes  pour  le  repos  de  son  âme. 
Ses    ouvrages    imprimés    sont  :   I. 
Gramtnaiica  latino-tamulica,  uhi 
de  vidgari  tamulicœ  linguœ  idio- 
mate  Rotun-Tamil  dicto  ;  adusuni 
Miss.  Soc.  Jesu.-  TrangambajHce 
(Tranquebar],  typis  niissionis  dani- 
cœ,  1738,  in-8",  Irès-rareenFrance. 
Hervas  dit  que  c'est   une   nouvelle 
édition  et  qu'une  première  a  paru  a 
Tranquebar ,  en  17283  mais  il  n'est 


BES 


181 


pas  dit    sur   le  titre  de  l'autre   que 
c'est  une  réimpression.   Gel  ouvrage 
avait  originairement  été  écrit  en  por- 
tugais.La  préface  estdu  4- janv.  1728. 
On  y  trouve  ordinairement  joint  un 
écrit   de    Cbr.-Th.  Wallher  ,    inti- 
tulé :   Observationes  grammaticœ 
quibiis    linguœ   tamulicœ    idioma 
vu-lgare  illustratur ,  Tran(|uebar, 
1739,    in -8".   Une    nouvelle  édi- 
tion a  paru  sous  ce  titre  :  Beschu 
(  C.-J.  )    Gramtnaiica  latino-ta- 
mulica ,      apud      Madraspatnarn 
(Madras),  181 5,  in-4.°.  Une  traduc- 
tion anglaise  publiée  à  Madras,  que 
nous  n'avons  pas  eu  occasion  de  voir, 
et  dont  l'auteur  n'était  pas  anglais, 
est   remplie   de    fautes    et    de  con- 
tre-sens. II.  La  grammaire  du  haut 
dialecte   du  Tamoul ,  composée  par 
Beschi,  en  latin,  parut  en  anglais 
sous   le  titre  :  ^  grammar    of  the 
high  dialect  of  the    Tamil    lan- 
guage ,  termed  Shen-Tamil  :  with 
an  introduction  to  Tamil  poetry, 
byt/wRev.F.   C.-J. Beschi,  trans- 
late d  from  the  latin  by  Benjamin 
Guy  Babington ,    Madras,    1822, 
in-4-°  Kl — H. 

BESCHITZY  (Elie),  surnom- 
mé le  Byzantin ,  parce  qu'il  passa 
la  plus  grande  partie  de  sa  vie  aGon- 
stanliuople  ,  est  auteur  d'un  ouvrage 
intitulé  le  Manteau  d'Elie,  fameux 
parmi  les  Juifs  Karaïtes  qui  le  regar- 
denlcomme  le  code  etlarègle  de  leurs 
croyances.  ]Né  vers  1420  à  Andri- 
nople ,  Elie  fut  initié  de  bonne  heure 
à  la  connaissance  des  lois,  des  céré- 
monies et  des  usages  de  sa  nation. 
Celte  étude  terminée,  il  visita  la 
Palestine  et  les  différentes  contrées 
de  l'Asie  ,  dont  il  est  parle'  dans  la 
Bible  ;  et  s'établit  à  Constantinople, 
où  il  devint  l'oracle  de  ses  co-reli- 
gionnaires.  A  la  prière  de  ses  disci- 
ples ,  il  entreprit  de  rassembler  tou$ 


les   clocumrnts  qu'il   avait  recueillis 
sur  les  usages  civils  ou  religieux  des 
Karaïtes  •,  mais  il  mourut  en  i/Jpo  , 
avant  d'avoir  pu  terminer  cet  ouvrage 
qui  fut  achevé,  en  1497,  par  Kaseb 
Aphendopol.    Le  31anteau    d'Elie 
a    été   imprimé    a    Constanlinople , 
sous  le  règne  de  Soliman  (  i53i  )  , 
in-fol.   Rossi  a  décrit  celte  édition  , 
beaucoup  plus  rare  que  le  manuscrit 
dans  ses  Annali  Ebreo-tipograf.. 
i5oi-4.o,  page   3<4.  Ce  savant  bi- 
Lliographe  nous  apprend  que  les  Ka- 
raïtes de  Lithuanie  n'en    ont  qu'un 
seul  exemplaire  qu'ils  conservent  avec 
un  soin   tout  particulier.  La  biblio- 
thèque de  Leyde  possède  un  traité  de 
Logique  ,  sous  le  nom  d'Elie.  W  olf 
l'allribue  a  Beschitzy    (  Bibl.  Ue- 
hrœa^  I  )  ;   et  Rossi   partage   cette 
opinion  [Hebr.   CocUces  mss.,  II, 
164);  mais    Barlolocci  [Bibl.  la- 
tino-hebraica  )    le    fait    auteur   de 
plusieurs   autres   ouvrages,   d'après 
des  probabilités  que  Wolf  et  Rossi 
ne  croient  pas  pouvoir  admettre  (  V. 
le  Dizionario  degli  nutori  Ebrei, 
66.  —  Beschitzy   {Moïse).,   érudit 
oublié  par  Baillet  et  Klefeker  dans 
leurs  bibliothèquesdes savants  préco- 
ces ,    était  l'arrière-petit-fils  d'Elie. 
Né  vers  i554  a  Constanlinople,  il 
fut  élevé  par  les  soins  et  sous    les 
yeux  de  son  père  ,  savant  rabbin  ,  et 
fit  de  rapides  progrès  dans  la  con- 
naissance du  grec  ,  de  l'arabe  et  de 
l'espagnol.   Il  visita    les   principales 
synagogues  de  1  Orient  pour  recueil- 
lir des  manuscrits  dans  ces  trois  lan- 
gues 5   et  dans  ses  voyages  il  soutint 
avec  succès  plusieurs  disputes  contre 
les   chefs  des  rabbanltes.  Il  mourut 
en  iSya  ,  a  dix-huit  ans,    regardé 
par  ses  co-religionnaires  comme  un 
prodige  d'esprit   et  d'érudition.    Le 
rabbin   Mardochée  (  V oy.  ce  nom, 
XXVI  j  62c))  dit  que  Moïse  avait 


BËS 

laissé  245  ouvrages,*  mais  presque 
tous  furent  détruits  dans  un  incendie 
(:ui  réduisit  en  cendres  une  partie  de 
Constanlinople.  Parmi  ceux  qui  sub- 
sistent encore,  WoU'  cite  la  f^erge 
de  Dieu,  dont  Mardochée  a  publié 
un  assez  long  fragment  dans  la 
Notitia  Karœorum  ,  ch.  IX  5  on 
en  trouve  l'analyse  dans  les  Me- 
moifes  de  Trévoux  ,  1 7  i  7  ,  IV  , 
2047-  Ce  même  ouvrage  est  Indiqué 
dans  le  Catalogue  de  la  Bibl.  de 
Leyde,  page  284,  sous  ce  titre  :  De 
gradibus  prohibilis  consanguini- 
tatis.  A  la  suite  est  un  second  opus- 
cule de  Moïse  :  Sacrijicium  Pas- 
chale  ,  dans  lequel  le  jeune  auteur 
traite  des  cérémonies  de  la  Pàque, 
pratiquées  par  les  Karaïtes  (  Voy. 
la  Bibl.  Hebrœa  de  Wolf,I,  8o5,- 
et  III,  730).  W — s. 

BESiVARD(FBATIÇOIS-JoSEPH), 

médecin  alsacien,  né  le  20  mal  1748, 
a  Buschvveiler  ,  fil  ses  premières 
études  a  Haguenau  ,  chez  les  jésuites 
et  fut  ensuite  envoyé  par  ses  parents 
à  Strasbourg  où  il  embrassa  la  car- 
rière de  la  médecine  qu'il  pratiqua 
même  quelque  temps  avant  sa  récep- 
tion. Aussitôt  qu'il  eut  obtenu  le 
doctorat  ,  11  se  rendit  auprès  de 
Maximilien,  comte  Palatin  ,  qui  ve- 
nait de  le  nommer  son  premier  mé- 
decin. En  1780,  il  soumit  a  l'aca- 
démie des  sciences  ses  idées  particu- 
lières sur  la  nature  et  le  mode  de 
propagation  des  maladies  vénérien- 
nes ,  pour  le  traitement  desquelles  il 
conseillait  de  renoncer  a  l'emploi  du 
mercure.  Des  malades  lui  furent 
confiés  sous  l'inspeclioa  d'un  comiié 
choisi parmiles  membresde  la  société 
de  médecine,  pour  faire  Tessai  de  sa 
nouvelle  méthode-  mais  la  révolu- 
tion vint  interrompre  le  cours  de  ses 
travaux.  Il  retourna,  en  1790,  dans 
le  Palatlnat ,  exerça  d'abord  la  mé- 


BES 

tlecine  a  Manlieim  ,  et  fui  ensuite  mis 
h  la  lête  des  hôpitaux  militaires  de 
Munich.  C'est  surtout  a  son  influence 
et  a  son  activité  que  la  Eavière  est 
redevable  des  bienfaits  de  la  vaccine. 
Il  est  mort  le  1 6  juin  i  8 1 4^ ,  laissant 
les  ouvrages  suivants  :  I.  Thèses  ex 
universa  inedicina^  Strasbourg  , 
1770,  in-i*^.  IL  Mémoire  à  con- 
sulter &\iv  la  maladie  de  feu  M.  de 
Stainville,  maréchal  de  France,  Pa- 
ris, 1788,  iu-^".  III.  Organisation 
sanitaire  des  liôpitanx  militaires 
du  Palatlnat  (  en  allemand  ),  Mu- 
nich ,  1801  ,  in-fol.  IV.  Avis  sé- 
rieux et  fondé  sur  l'expérience 
aux  amis  de  F  humanité ,  contre 
r emploi  du  mercure  dans  diverses 
maladies  (en  allemand  ;,  Munich  , 
1808,  in-8".  Lue  seconde  édition  a 
paru  en  i  8 1  i ,  V.  Exposé  analytl- 
(jue  de  l'organe, de  la  nature  et  des 
i^ffets  du  virus  vénérien  (  en  alle- 
mand), Munich,  18  1  i,in-8°.  J-D-îf, 
BESXIER  (Pierre),  jésuite 
né  a  Tours  .  eu  1 64.8  ,  passa  la  plus 
grande  partie  de  sa  vie  dans  lespavs 
étrangers ,  et  mourut  "a  Conslanlino- 
ple  le  8  septembre  1705.  Il  avait 
nn'e  mémoire  prodigieuse  et  une 
grande  connaissance  des  langues  , 
qu'il  apprenait  avec  une  extrême  fa- 
cilité. On  a  de  lui  :  I.  La  réunion 
des  langues  ou  fart  de  les  ap- 
prendre toutes  par  une  seule  , 
Paris,  1674.,  in-4-°  ;  Liège,  1674., 
in- 12.  IL  Discours  sur  la  science 
des  étynwlogles  ^  Paris,  1694, 
in-i2  5  il  se  trouve  aussi  k  la  tète  du 
Dictionnaire  étymologique  ,  de 
Ménage.  Bcsnier  a  travaillé  avec  les 
pères  Bouliours  et  Lelellier  a  la 
traduction  du  Nouveau  Testament^ 
suivant  la  Yu'gate  ,  Paris  ,  1697  et 
1703,  2  vol.  iu-12;  réimprimée 
'a  Paris,  17045  in-i 2.  —  Eesnier 
{Henri),    médecin,   a  pul'Hé    le 


BES 


i83 


Jardinier  botaniste  ,  Paris,  1 7  0 5 , 
in-i2,  ouvrage  dans  lequel  il  en- 
seigne non-seulement  la  culture  des 
plantes  ,  mai^  encore  leur  usage  eu 
médecine.  11  a  donné  aussi  ,  avec  des 
corrections  et  additions,  la  3*^  édition 
de  la  Nouvelle  Blalson  rustique 
de  Liger  ,  Paris,  1721  ,  2  vol.  in- 
A"  (  Foy.  Liger,  XXIV  ,  474  )•  Il 
mit  au  jour  ,  en  1  7  1 7  ,  le  Traité  de 
lu  matière  médicale  de  Toainefort, 
2  vol.  iu-i2.  Besnier  fut  le  beau- 
père  du  célèbre  Dionis.      C.  T — y. 

BESSE  (Guillaume),  avocat, 
né  k  Carcassonne  dans  le  i  7*^  siècle  , 
composai  histoire  de  cette  ville  en  un 
vo'ume  in-4.°  ,  qu'il  fit  imprimer  a 
Béziers,  en  1 64-5 ,  sous  le  litre  A' His- 
toire des  comtes  de  Carcasson- 
ne ,  autrement  appelés  princes  des 
Goths  ,  ducs  de  S eptlmanle  ,  et 
marquis  de  Gothle.  En  1660  il 
donna  une  nouvelle  édilion  de  cet 
ouvrage,  qu'il  intilula  Histoire'  des 
ducs,  marquis  et  comtes  de  Car- 
cassonne. Il  se  servit  utilement  des 
recherches  savantes  de  Bertiard  de 
Stellat,  chanoine  de  l'église  cathé- 
drale de  celte  ville,  mort  en  1629  du 
fléau  de  la  peste ,  sans  avoir  pu  mettre 
au  jour  le  iruitde  ses  travaux.  Besse 
est  un  historien  fort  crédule;  il  mêle 
sans  discernement  la  vérité  avec  les 
fables,  et  donne  pour  premier  fon- 
dateur de  Carcassonne  l'eunuque 
Carcas,  exilé  de  la  cour  d'Assuérus 
après  qu'Eslher  eut  délivré  le  peuple 
juif.  Il  représente  les  tours  de  celte 
■\ille  s'inclinant  devant  Charlema?ne, 
et  ce  prince,  comme  un  autre  Moïse, 
faisant  jaillir  des  fontaines  de  la  terre, 
en  la  frappant  avec  son  épée.  Besse 
mourut  en   i()8o.  ^ — ve. 

P>ESSlÈRES;lemaréchalJEA>-- 
Baptiste),  duc  d'Islrie,  était  né  k 
Preissac ,  en  Languedoc,  le  6  août 
1 7683  d'une  famille  obscure  et  dénuée 


i84  BES 

de  fortune.  Son  éducation  fut  frès- 
négligée,  et  il  commença  par  être  per- 
ruquier. La  révolution  lui  ouvrit  la 
canière  des  armes,  et  il  entra,  en 
1792  ,  comme  simple  soldat  dans  la 
gardeconstitutionnelle  deLouisXVI. 
Dévoué  a  ce  prince,  il  resta  dans  la 
capitale  après  le  licenciement  ,  et 
fit  tous  ses  efforts  pour  défendre  le 
trône  dans  lii  journée  du  10  août.  Il 
eut  même  le  bonheur  de  sauver 
quelques  personnes  de  la  maison  de 
la  reine.  Obligé  de  se  tenir  caché  ,  ce 
ne  fut  que  trois  mois  après  (  1  ^^  nov.) 
qu'il  rentra  au  service  dans  la  légion 
des  Pyrénées,  devenue  plus  tard  le 
22''  régiment  de  chasseurs  a  cheval. 
Bessières  parvint  successivement  dans 
ce  corps  aux  grades  d'adjudant  sous- 
officier  et  de  capitaine,  et  se  distin- 
gua dans  la  guerre  contre  les  Es- 
pagnols. Après  la  paix  de  Bâle  , 
en  1795,  il  passa  à  l'armée  d'I- 
talie ,  et  se  fit  encore  remarquer 
dans  plusieurs  occasions,  notamment 
a  Roveredo,  oii  il  prit  deux  pièces  de 
canon,  et  à  Rivoli ,  où  le  général  en 
chef  Bonaparte ,  témoin  de  ses  ex- 
ploits ,  le  nomma  chef  d'escadron, 
commandant  de  ses  guides,  et  l'en- 
voya à  Paris  pour  présenter  au  direc- 
toire les  drapeaux  pris  sur  l'ennemi. 
Dès  ce  moment  Bessières  ne  se  sépara 
plus  de  Napoléon  j  partoutillui  donna 
des  preuves  d'un  zèle  et  d'un  dévoue- 
ment sans  bornes,  et  chaque  jour  il 
fut  comblé  par  lui  d'honneurs  et  de 
bienfaits.  Déjà,  il  était  colonel  lors- 
qu'il partit  pour  l'Egypte,  en  i  798  ; 
et  il  commanda  encore  dans  cette 
expédition  le  corps  des  guides  a  pied 
et  k  cheval.  Compris  dans  le  petit 
nombre  des  amis  les  plus  intimes  qui 
revinrent  en  France  avec  le  général 
en  chef,  il  le  seconda  merveilleuse- 
ment dans  son  audacieuse  entreprise 
du  18  brumaire.  A  Marengo  il  eut 


BES 

une  grande  part  à  la  dernière  charge 
où  quelques  escarlrons  décidèrent  la 
victoire,  en  enfonçant  l'immense  li- 
gne de  la  cavalerie  autrichienne.  Il 
fut  nommé  général  de  brigade  le 
mois  suivant.  Dès  ce  moment  les  hon- 
neurs de  toute  espèce  vinrent  pleu- 
voir sur  sa  tète.  Promu  au  grade  de 
général  de  division  le  1 3  sept.  1802, 
Il  fut  créé  maréchal  d'empire  le  19 
mai  1804.,  puis  grand  -  aigle  de  la 
Légion-d'Honneur,  et  enfin  ducd'Is- 
trie  5  et  dans  le  même  temps  il  reçut 
les  décorations  de  la  plupart  des  puis- 
sances de  l'Europe.  Tous  ces  bienfaits 
furent  mérités  par  un  zèle  qui  aug- 
mentait chaque  jour  et  par  de  nou- 
veaux exploits,  notamment  a  la  gran- 
de journée  d'Austerlitz,  où  Bessières 
culbuta  la  garde  impériale  russe  et 
enleva  son  artillerie  ;  puis  aux  ba- 
tailles d'Iéna  et  d'Eylau.  Il  accom- 
pagna l'empereur  a  l'entrevue  de  Til- 
sit ,  sur  le  Niémen,  et,  dès  que  la 
paix  fut  conclue,  il  partit  pour  l'Es- 
pagne, où  Napoléon  lui  donna  le 
commandement  d'un  corps  d'armée. 
Arrivé  dans  cette  contrée  au  moment 
où  le  roi  Joseph  .  forcé  de  se  retirer, 
allait  être  coupé  de  sa  capitale  ,  le 
maréchal  Bessières,  à  la  tête  d'un 
corps  de  douze  mille  hommes  ,  obtint 
sur  le  général  Cuesta  une  victoire  dé- 
cisive a  Médina-de-Rio-Seco  ,  et  ré- 
tablit complètement  les  communica- 
tions. Ce  succès  important  fut  dû  tout 
entier  k  la  justesse  de  son  coup-d'œil 
et  k  ses  bonnes  dispositions.  Les  Es- 
pagnols y  perdirent  dix  mille  hommes 
et  toute  leur  artillerie.  Le  maréchal 
eut  a  peine  le  temps  de  recueillir 
les  fruits  de  cette  victoire  ,  que  déjà 
il  lui  fallut  retourner  en  Allemagne 
pour  combattre  l'Autriche.  Il  reprit 
alors  le  commandement  de  la  garde 
impériale,  et  conduisit  celte  formi- 
dable troupe  a  Landshut,  k  Elsberg, 


BES 

elkWagram.  Dans  cette  dernière  ba- 
taille un  boulel  le  renversa  de  son 
cheval  sans  lui  faire  de  mal.  Toute 
la  garde  le  crojant  perdu  ,  exprima 
son  effroi  par  un  cri  de  douleur  una- 
nime. INapoléon  ,  non  moins  effrayé 
sur  le  péril  de  son  ami  ,  lui  dit  a 
haute  voix  :  «  Bessières ,  voila  un 
a  beau  boulet  :  il  a  fait  pleurer  toute 
«  ma  garde.»  La  campagne  terminée, 
le  duc  d'Istrie  alla  remplacer  Berna- 
dette dans  le  commandement  de  l'ar- 
mée qui  devait  reprendre  Flessingue 
sur  les  Anglais;  et,  par  ses  bonnes 
dispositions,  il  parvint  rapidement 
a  ce  but.  Revenu  dans  la  capitale  , 
il  assista  à  toutes  les  solennilés  du 
mariage  de  INapoléon  ,  et  eut  encore 
une  grande  part  aux  faveurs  qui  fu- 
rent distribuées  a  cette  occasion.  Il 
retourna  bientôt  après  en  Espagne  , 
où  il  commanda  pour  la  seconde  fois 
l'armée  du  Nord, et  fui  gouverneur  de 
la  Vieille-Caslllle  et  du  royaume  de 
Léon.  Son  rare  désintéressement  et  sa 
conduite  ,  toujours  juste  et  modelée, 
lui  avaient  fait  dans  cette  contrée  de 
nombreux  partisans  j  on  l'y  vit  donc 
reparaître  avec  beaucoup  dejoiejmais 
lui-même  s'y  trouvait  avec  peine  en- 
vironné de  difficultés  et  mal  secondé 
par  les  autres  généraux  5  il  demanda 
son  changement ,  et  l'obtint.  A  peine 
revenu  auprès  de  sa  chère  garde 
impériale  ,  il  fallut  suivre  l'empe- 
reur dans  celle  mémorable  expédi- 
tion de  Russie,  qui  devait  avoir 
de  si  funestes  résultats.  Il  ne  de'pen- 
dit  pas  du  maréchal  Bessières  que 
Napoléon  s'y  engageât  moins  témé- 
rairement, et  tout  le  monde  a  connu 
les  sages  avis  qu'il  lui  avait  alors 
donnés  5  mais  on  sait  aussi  combien 
de  telles  représentations  furent  tou- 
jours inutiles.  Après  avoir  rempli  les 
devoirs  d'un  ami  prudent  et  dévoué, 
Bessières  n'eut  plus  qu'a  s'acquitter 


BES 


i85 


de  ses  fondions  militaires.  Il  com- 
manda encore  dans  celle  campagne 
les  nombreux  et  brillants  bataillons 
de  la  garde  impériale  ,  qui  se  trouva 
cette  fois  presque  toute  entière  réunie 
sous  ses  ordres.  Aucune  puissance 
humaine  ne  semblait  capable  de  vain- 
cre une  pareille  troupe.  Mais  l'àprelé 
du  climat ,  l'immensité  des  déserts, 
étaient  des  ennemis  bien  autrement 
redoutables  que  le  canon  des  Russes. 
La  garde  impériale  perdit  peu  de 
monde  sur  le  champ  de  bataille  ,  et 
l'on  sait  que ,  présente  au  grand  et 
inutile  massacre  de  la  Moskowa,  elle 
n'y  prit  aucune  part.  Bessières  n'y 
eût  certainement  pas  moins  déployé 
de  valeur  que  dans  tant  d'autres  oc- 
casions, et  plus  d'une  fois,  dans  cette 
terrible  journée,  il  demanda  ,  il  pro- 
voqua même  l'ordre  qui  devait  lui  en 
donner  le  signal  5  mais  cet  ordre  lui 
fut  constamment  refusé.  Quelques 
bataillons  de  la  garde  furent  a  peine 
engagés  dans  la  retraite  ;  ceux  qui 
eurent  la  force  de  résister  au  froid  , 
a  la  fatigue  et  a  toutes  les  privations, 
restèrent  constamment  auprès  de  INa- 
poléon, qu'ils  sauvèrent  à  Wiasma  , 
où  six  mille  Cosaques  fuient  près 
de  l'enlever  a  son  quartier-général. 
Ce  fut  surtout  dans  un  aussi  grand 
péril  qu'éclatèrent  le  dévouement  et 
la  valeur  de  Bessières.  Il  ne  s'éloigna 
pas  un  instant  dans  cette  longue  mar- 
che de  la  personne  de  l'empereur* 
et  lorsque  celui-ci  eut  quitté  l'armée, 
après  le  passage  de  la  Bérézina ,  il 
resta  en  Allemagne  pour  y  railleries 
débris  de  cette  garde  naguère  si  re- 
doutable. Il  ne  fit  au  commencement 
de  181  3  qu'une  courte  apparition  à 
Paris,  et  il  retourna  bientôt  en  Al- 
lemagne ,  pour  commander  encore  la 
garde  impériale  dans  celle  campagne 
de  Saxe,  qui  pour  lui  devait  ètie  la 
dernière.  Le   i^""  mai,  veille  de  la 


i86 


BES 


bataille  de  Lutzen ,  il  fut  tué  d'uu 
coup  de  canon  ,  comme  Turenne  , 
lorsqu'il  allait  reconnaître  la  position 
de  l'ennemi ,  et  non  loin  des  lieux  où 
avait  péri  Gustave  -  Adolphe.  Dé- 
pourvu de  savoir  et  d'instruction , 
Besbières  était  pourtant  un  homme  de 
beaucoup  de  sens.  Sa  douceur  et  sa 
probité  l'avaient  fait  cbérir  et  esti- 
mer de  tout  le  monde  ,  et  particu- 
lièrement de  celle  garde  impériale 
qu'il  avait  en  quelque  sorte  créée 
et  si  long-temps  commandée.  Napo- 
léon le  regretta  sincèrement,  et  lors- 
que plus  tard  il  fut  abandonné  par 
d  autres  hommes  qu'il  avait  également 
comblés  de  bienfaits  ,  on  l'entendit 
plus  d'une  fois  s'écrier  :  «  Ce  n'est 
«  pas  ainsi  qu'eiit  fait  Bessières  !  » 
Le  duc  d'Istrie  était  surtout  d'une 
probité  et  d'un  désintéressement  bien 
rares  k  celle  époque.  Aucun  général 
ne  ménagea  plus  que  lui  les  habi- 
tants des  contrées  qu'il  eut  à  parcou- 
rir ,  et  partout  il  reçut  des  témoigna- 
ges de  leur  reconnaissance.  Le  roi  de 
Saxe  lui  fit  élever  un  monument  sur 
la  place  même  où  il  était  tombé,  et 
ce  monument  a  été  respecté  par  tou- 
tes les  nations.  L'empereur  d'Autri- 
che a  fait  en  1816  uue  pension  a  la 
veuve  de  Bessières  ,  en  faveur  du  no- 
ble désintéressement  avec  lequel  ce 
maréchal  avait  adminislré  la  pro- 
vince a  lui  concédée  par  Napoléon,  et 
qui  fut  rendue  h  son  ancien  souverain 
en  I  8  i4-. Napoléon  avait  fait  transpor- 
ter aux  Invalides,  a  Paris,  les  restes  de 
ses  deux  lieutenants  qu'il  regrettait  le 
plus  ,  Bessières  et  Duroc,  et  il  leur 
réservait  des  honneurs  extraordinai- 
res ,  que  les  événements  ne  lui  ont 
pas  permis  d'accomplir.  — Le  fils  du 
maréchal  Bessières  avall  éle'  créé 
pair  de  France  par  Louis  XVIII.  — 
Ln  frère  aîné  du  maréchal  était  déjà 
parvenu,  en  1794,  au  grade  de  gêné' 


BES 

rai  de  division ,  et  commandait  ,  à 
cette  époque  a  Metz ,  la  troisième 
el  la  quatrième  division  militaire.  Il 
obtint  sa  retraile  sous  le  gouverne- 
ment impérial  à  cause  de  ses  infirmi- 
tés, et  mourut  à  Montauban  le  22 
septembre  1826,  a  l'âge  de  71  ans. 
M— D  j. 
^BESSIÈRES  (D.  George),  gé- 
néral espagnol,  né  en  France  vers 
1780,  dans  la  même  province  et  pro- 
bablement de  la  même  famille  que  le 
précédent,  se  réfugia  eu  Espagne 
pour  échapper  aux  lois  de  la  conscrip- 
tion, et  se  trouvait  k  Barcelone  lors- 
que le  général  Duhesme  vint  dans 
cette  ville,  en  1809.  Il  lui'scrvit 
pendant  quelques  mois  d'interprète 
et  de  secrétaire,  puis  s'enrôla  dans 
un  régiment  français;  mais  bientôt , 
frappé  d'admiration  pour  le  patrioti- 
que courage  des  Espagnols,  il  déserta 
les  drapeaux  de  la  France,  et  alla 
prendre  du  yervice  dans  la  légion  de 
Bourbon ,  où  il  parvint  au  grade  de 
capitaine.  Il  fit  en  celle  qualité  toute 
la  guerre  de  l'indépendance,  et  fut 
nommé  chef  de  bataillon  eu  i8i3. 
Licencié  en  1 8x4.,  et  peu  récompensé 
de  ses  services  par  Ferdinand  VII  ou 
par  ses  ministres  ,  lorsque  ce  prince 
remonta  sur  le  trône  ,  Bessières  se 
trouva  dans  un  dénuement  complet  et 
forcé  de  se  livrer  pour  vivre  k  tous 
les  genres  d'industrie.  C'est  dans 
ce  temps-lk  qu'accusé  d'êlre  entré 
dans  une  conspiration  contre  le  roi , 
il  fut  condamné  k  mort  par  uue  com- 
mission spéciale,  k  Barcelone.  La 
sentence  allait  être  exécutée,  lorsque 
le  peuple  demanda  sa  grâce.  Il  fut 
sursis  k  l'exécnlion  ,  et  le  gouverne- 
ment commua  la  peine  en  un  bannis- 
sement. Bessières  se  rendit  alors  a 
Perpignan  j  mais  il  rentra  bienlôt  en 
Espagne  pour  s'y  réunir  aux  royalis- 
tes qui  occupaient  Urgel.  La  régence 


BES 

le  nomma  colonel  et  commandant  de 
Mequlnenca,  donl  il  s'élait  emparé, 
et  il  dirigea  de  la  plusieurs  expédi- 
tions très-audacieuses  sur  Saragosse 
et  jusqu'aux  portes  de   Madrid.    Il 
était  près  d'entrer  dans  cette  capita- 
le, lorsque  le  duc  d'Angoulêrae  s'y 
présenta,  et  conclut  avec  le  général 
descortès,  comte  de  TAbisbal ,  un 
arrangement  qui  donnait  aux  troupes 
constitutionnelles  le  temps  de  se  reti- 
rer sans  combattre.  Bessièrcs,  mécon- 
tent  de    cette    convention  ,    e.^saya 
d'entrer  de  vive  force  dans  la  ville  5 
mais    n'étant    pas    secondé   par   les 
Français  ,    et    n'ayant    qu'un     petit 
nombre   de  soldats,  il  fut  contraint 
de  se  retirer,  après  avoir  fait  quelques 
pertes.   Ferdinand    VII   ayant    re- 
couvré son  autorité ,  confirma   Bes- 
sières   dans    le    grade   de  général  , 
et    lui    donna    un   commandement  j 
mais  on  sait  a  combien  de  vicissitu- 
des la  faiblesse  et  l'incapacité  de  ce 
malbeureux  prince  livrèrent  bientôt 
son  royaume.  Ses  amis  les  plus  dé- 
voués, ceux  qui  lui  avaient  rendu  Its 
plus  grands  services,  ceux  même  qui 
pouvaient  lui  eu  rendre  de  plus  grands 
encore,  furent  plus  d'une  fois  saciifiés 
a  de  petits  ressentiments,   à  de  ces 
misérables  intrigues  qui  environnent 
et  qui  perdent  toujours  les  rois  fai- 
bles. D'un  caractère  ardent  et  plein 
de  zèle  ,  Bessières  s'en  indigna  plus 
qu'un  autre  ,  et  il  fit  tout  ce  qui  était 
en  son  pouvoir  pour  que  le  gouver- 
nement de  Ferdinand  VII  adoptât  un 
système  plus  ferme  et  plus  courageux. 
Enfin,  désespérant  de    réussir    par 
d'autres  moyens,  il  monte  brusque- 
ment a  cbeval,    le    i4-    août  1825, 
suivi  de  quelques  amis   et   d'un  petit 
nombre  de  troupes,    et   il   se  dirige 
sur  Fueucara,   puis  sur  Torrejo  de 
Ardos  et  surBribuega,   où  ipielques 
partisans  viennent  se  réunir  h  lui.  Lh 


BËS 


1B7 


il  déclare  hautement  que  la  monar- 
chie livrée  aux  negros  (révolution- 
naires) est  dans  le  plus  grand  péril  , 
que  le  roi  est  captif,  et  qu'il  faut  le 
délivrer.  On  a  même  prétendu  qu'il 
dit  nettement  que  le  seul  moyen  de 
sauver  la  patrie  était  de  proclamer 
roi  l'infant  don  Carlos.  Son  discours 
fut  applaudi  par  sa  petite  troupe  5 
mais  le  nombre  ne  put  s'en  accroître 
avec  assez  de  rapidité;  et  pendant  ce 
temps,  les  ministres  de  Ferdinand, 
qui  avaient  prévu  ou  peut-être  provo- 
qué l'entreprise  ,  firent  marcher 
contre  Bessières,  sous  les  ordres  du 
général  d'Espagne,  un  grand  nombre 
de  troupes.  Ce  malheureux  fut  atteint 
près  de  Moliua  d'Aragon  le  2  5  août, 
etfusillé  le  lendemain  avec  sept  de  ses 
compagnons  d'armes.  Le  gouverne- 
ment ne  publia  aucune  pièce  ,  aucune 
preuve  a  l'appui  de  cette  conspiration. 
Plus  tard  on  entendit  souvent  Ferdi- 
nand \'II  prononcer  en  gémissant  le 
nom    de  Bessières.  M — d  j. 

BESSOjV  ,  historien  ,  naquit 
au  commencement  du  dix-huitième 
siècle  a  Flumel  ,  petite  ville  du  Haut- 
Faucigny.  Après  avoir  achevé  ses  étu- 
des au  séminaire  d'Annecy,  il  em- 
brassa l'état  ecclésiastique ,  et  fut 
nommé  directeur  du  couvent  de  la 
Visitation ,  fondé  par  la  mère  de 
Chantai  [l'^oy.  ce  nom  ,  VIII ,  42). 
Il  employa  ses  loisirs  a  compulser  les 
archives  de  l'évéché  ,  et  ayant  décou- 
vert une  Histoire  du  diocèse  da 
Genève  ,  écrite  en  latin  par  un  cha- 
noine de  la  cathédrale  nommé  Boni- 
face  Dumonal  de  Chcrasson  ,  il  s'em- 
pressa de  la  communiquer  aux  savants 
bénédictins  qui  travaillaient  alors  à  la 
nouvelle  édition  delà  Gallia  chrislia- 
na.  Ce  fut  d'après  leur  invilalion 
que  Besson  s'occupa  de  compléter 
l'ouvrage  de  Cherasson  ,  qui  finissait 
k  l'année  1666  ,  et  qu'il  étendit  ses 


x8S 


BES 


recherches  à  toute  la  Savoie.  Actif  et 
plein  de  zèle  ,  il  parcourut  cette  pro- 
vince, et  se  rendit  même  dans  la 
vallée  d'Aoste ,  qui  dépend  pour  le 
spirituel  de  l'archevècbé  de  Tarentai- 
se ,  interrogeant  tous  ceux  qui  pou- 
vaient lui  donner  des  renseignements, 
et  visitant  avec  le  plus  grand  soin  les 
archives ,  quand  il  parvenait  a  se  les 
faire  ouvrir.  Mais  cela  n'arrivait 
pas  toujours ,  soit  que  les  gardiens 
manquassent  de  complaisance  ,  ou 
soit,  comme  le  dit  le  biographe  de 
Besson,  que  celui-ci,  d'un  caractère 
brusque  et  grossier ,  choquât  tous 
ceux  auxquels  il  s'adressait.  Besson 
mit  au  jour  son  travail ,  sous  ce  titre  : 
Mémoires  pour  l'histoire  ecclésias- 
tique des  diocèses  de  Genève  , 
Tarentaise ,  Maurienne  ^  Aosteet 
du  Décanat  de  Savoie  ,  Nancy 
(Annecy),  lySp,  in-4.''.  Cet  ouvrage, 
le  seul  que  l'on  ait  sur  ces  différents 
diocèses ,  mérite  par  cela  même  d'être 
placé  dans  toutes  les  bibliothèques. 
La  partie  qui  concerne  le  diocèse  de 
Genève  est  celle  qui  laisse  le  plus  a 
désirer,  parce  que  l'auteur,  vivant 
mal  avec  la  plupart  de  ses  confrères, 
ne  put  obtenir  les  documents  dont 
il  avait  besoin.  Les  bénédictins  , 
qui  ont  profilé  de  ses  recherches 
sur  l'archevêché  de  Tarentaise  e( 
les  évèchés  de  Sion  et  d'Aoste ,  ses 
sufFragants,  déclarent  qu'il  ne  leur  a 
pas  été  d'un  faible  secours  [haud  te- 
nuem  nobis  opem  tulit)  pour  cette 
partie  de  leur  travail  (Voy.  Gallia 
chrisliatia ,  xii ,  701).  Ou  doit  eu 
outre  a  l'abbé  Besson  la  Table  gé- 
néalogique de  la  maison  de  Sa- 
voie,  in-folio,  et  il  a  laissé  manu- 
scrites les  Généalogies  de  cent  vingt 
faanlles  nobles  de  Savoie,  qui,  s'il 
avait  eu  l'imprudence  de  les  livrer  à 
l'impression  ,  n'auraient  pas  manqué 
de  lui  attirer  des  désagréments,  à 


BES 

raison  des  traits  satiriques  dont  elles 
sont  semées.  Nommé  curé  de  Cha- 
peiry  ,  près  d  Annecy,  Besson  desser- 
vit cette  paroisse  pendant  un  grand 
nombre  d'années,  et  y  mourut  vers 
1780.  Grillet  lui  a  consacré,  dans 
son  Dictionnaire  de  la  Savoie ,  II, 
272  ,  une  notice  qu'il  aurait  pu  faci- 
lement rendre  plus  complète,  puis- 
que, comme  il  nous  l'apprend,  il 
avait  eu  à  sa  disposition  tous  les 
manuscrits  de  Besson.        W — s. 

BESSOX  (Alexandre),  conven- 
tionnel ,  était  né  vers  1 7  5  7  au  village 
d'Amancey,  près  d'Ornans.  Son  père, 
meunier  fort  aisé ,  lui  procura  les 
moyens  de  faire  d'assez  bonnes  études, 
et  lui  acheta  ensuite  une  charge  de 
notaire.  Ayant  embrassé  la  cause  de 
la  révolution  avec  chaleur,  il  fut  élu 
maire  de  sa  commune  et,  en  1790  , 
membre  du  directoire  du  département 
du  Doubs.  Député  par  le  district 
d'Ornans  a  l'assemblée  législative ,  il 
n'yjoua qu'un  rôle  secondaire.  Réélu 
à  la  convention,  il  vota  la  mort  du 
roi  sans  appel  et  sans  sursis  ,  et  il 
appuya  toutes  les  mesures  de  ri- 
gueur que  fit  adopter  le  parti  domi- 
nant. Des  administrateurs  de  son  dé- 
partement, ses  anciens  collègues, 
ayant  été  traduits ,  après  le  3  1  mai , 
comme  fédéralistes,  au  tribunal  révo- 
lutionnaire ,  il  leur  refusa  la  plus  lé- 
gère marque  d'intérêt ,  djns la  crainte 
de  se  compromettre.  Devenu  membre 
du  comité  des  finances ,  il  fit  rendre 
deux  décrets  pour  accélérer  laven  le  des 
biens  et  du  mobilier  des  émigrés. 
Après  le  9  thermidor  il  se  montra 
un  des  plus  ardents  réactionnaires , 
fat  chargé  de  diverses  missions  dans 
les  départements  de  la  Gironde  ,  de 
la  Dordogne  et  de  Lot-et-Garonne  , 
oiî  il  fit  désarmer  et  mettre  en  prison 
les  terroristes  j  et  il  usa  de  son  influen- 
ce pour  faire  remplacer  dans  son  dé- 


BES 

partement  les  fonctionnaires,  dont  les 
opinions  n'étaient  pas  aussi  flexibles 
que  les  siennes(i).  Après  la  session, 
il  entra  au  conseil  des  cinq  cents ,  et 
tournant  toutessesvuessurles  moyens 
de  réparer  le  désordre  des  finances  , 
il  fit  adopter  le  projet  de  rétablir  la 
ferme  des  salines,  dont  il  devint  un  des 
adjudicataires  ;  il  s'opposa  de  toutes 
ses  forces  a  Faliénalion  des  forêts  de 
l'état,  et  fit  décréter  diverses  mesures 
pour  arrêter  la  dégradation  des  bois 
et  en  assurer  la  conservation.  Ses 
fonctions  législatives  étant  expire'es 
en  1799  ,  il  revint  a  Besançon  solli- 
citer sa  réélection;  et,  avec  l'appui 
des  royalistes  ,  il  fut  élu  membre  du 
conseil  des  anciens;  mais  les  opéra- 
tions de  l'assemblée  électorale  ayant 
e'té  annulées  ,  il  n'y  fut  point  admis. 
Après  le  18  brumaire  il  fut  nommé 
président  du  conseil-général  du  dé- 
partement du  Doubs  et  inspecteur- 
général  ,  puis  un  des  administra- 
teurs de  la  régie  intéressée  des  sali- 
nes,  qui  fut  supprimée  en  1806.  Il 
se  livra  dès-lors  à  des  spéculations 
commerciales  importantes  ,  et  devint 
un  des  actionnaires  pour  l'exploila- 
tioQ  des  houillères  de  Grand-Denis. 
Ayant ,  en  1 8 1 5 ,  assisté  comme  élec- 
teur au  champ  de  Mai ,  il  fut  compris 


(i)  U  s'occupa  beaucoup  aussi  des  salines  de 
l'est.  Envoyé  en  mission  à  Salins,  il  écrivait,  le 
3  venlose  an  m  (21  févr.  ^792)  ,  «  ses  collègnes 
composant  le  comité  de  commerce,  en  leur  envoyant 
un  premier  rapport  sur  les  salines  de  ia  repu 
blique  ;  rapjiort  qu'il  adressa,  en  même  temps 
au  comité  de  salut  public  ,  avec  copie  des  airé 
tés  qu'il  avait  pris  relativement  à  ces  usines 
K  J'ai  encore  à  parler  des  salines  du  Jura  ,  du 
Doubs  ,   du  Mont-Blanc  et  du  Palatiuat ,    ains 

que  de  la  vente  des  sels  aux  Suisses J'a 

parcouru  beaucoup  de  mémoires  sur  les  salines 
un   grand  nombre  portent  de  fausses  données 
et  presque  tous  sont  dictés  par  des  vues  d'inté 
rêt  particulier.  J'ai  pris  plusieurs  arrêtés  ,  tant 
sur  le  traitement  des  ouvriers  et  employés,  que 
sur  les  salaires  des  bûcherons  et  voituriers  . . . 
Je  vous  envoie  celui   par    lequel  j'ji  réglé   les 
contingents   des  départements  ,   et  augmenté  le 
prix  des  sels,  etc ,. .  »  [Correspondance  inédite.) 

V— VE. 


BES  189 

dans  U  loi  de  bannissement  con- 
tre les  régicides.  Cependant  il  par- 
vint à  se  soustraire  a  tous  les  mandats 
d'arrêt  lancés  contre  lui,  en  se  tenant 
caché  dans  sa  maison  d'Amancey,  où 
il  avait  pratiqué  une  chambre  souter- 
raine ,  dont  sa  femme  avait  seule  le 
secret.  11  y  mourut  d'apoplexie  le  2g 
mars  1826  ,  a  70  ans,  ne  laissant 
aucune  fortune  {Voj.  Briot  ,  au 
Supp.)-  W — s. 

BEST  (Guillaume),  juriscon- 
sulte hollandais ,  né  à  Amersfort  en 
i683  ,  obtint  a  vingt-un  ans  le  ti- 
tre de  docteur  en  droit,  et  se  distin- 
gua au  barreau.  Choisi  pour  ensei- 
gner le  droit  civil  a  l'université  d'Har- 
derwick  ,  il  en  fut  quelque  temps  le 
recteur.  Il  mourut  en  1719  ,  avant 
d'avoir  mis  la  dernière  main  a  diffé- 
rents ouvrages  de  jurisprudence  qu'il 
avait  entrepris.  Pierre  Burmaun  , 
dont  il  avait  été  le  disciple,  en  avait 
conçu  la  plus  haute  espérance;  il  dit 
de  lui  :  Qiiodejus  immatura  mors 
multa  nobis  egregia  inviderit  (  i  ). 
— Les  écrits  que  Best  a  publiés  sont  : 
I.  De  ratione  emendandi  leges , 
Ulrechl ,  1707,  in-8°.  Le  célèbre 
jurisconsulte  Ludewig  faisait  grand 
cas  de  ce  traité,  et  le  croyait  propre 
k  donner  aux  jeunes  gens  une  notion 
exacte  des  règles  de  la  critique  du 
droit.  On  trouve  dans  \ts  Acta  eru- 
ditoriim  Lipsiensium  (nov.  1708) 
des  Observations  de  Ch.  Wachllersur 
l'ouvrage  de Be«t.  Celui-ci  y  répondit 
dans  le  même  recueil  au  mois  d'avril 
1710.  II.  Oratio  de  œquilale  juris 
romani ,  illiusque  stiidii  jucundi- 
tate^  Harderwick  ,  17 17,  iu-8**. 
III.  Oratio  de  pactuum  et  con- 
tractiium  secundiim  jus  gentiiim  et 
Romanorum ,  naturd  et  œqiiitate^ 
ibid.  ,  1719.  L — N — X. 

(i)  Couunentar.  in  Phœdr.  Fabul.,  lib.  111, 

prolog.,  V.    22. 


19® 


BES 


BESTUCHEFF-RIUMLX  , 

ou,  plus  exacteraenl,BESTorjEF-Ru- 
BiiNii  ,  gentilhomme  russe  de  race 
élrangère,  établie  en  Russie  depuis 
Pierre  le  Grand,  était  arrière-pelit- 
fils  du  chancelier  de  ce  nom  {Voy. 
Bestucheff,  IV,  397  )•  N'éiant 
que  lieutenant  au  régiment  de  Pul- 
tava  ,  11  fat  un  des  agents  les  plus 
actifs  de  la  conjuration  qui  éclata 
lors  de  l'avènement  à  la  couronne  de 
l'empereur  Nicolas.  Comme  cet  évé- 
nement est  encore  a  peu  près  ignoré, 
et  que  nous  possédons  des  renseigne- 
ments aussi  exacts  que  curieux,  nous 
croyons  devoir  en  tracer  la  rapide 
esquisse,  tout  en  faisant  connaître  le 
rôle  qu'y  joua  Bestucheff-Riurain. 
Vers  la  fin  de  181  5  ,  époque  de  la 
plus  brillante  gloire  de  la  Russie,  et 
de  sa  prépondérance  en  Europe  , 
le  colonel  Alexandre  Mouravief, 
le  capitaine  Nikila  Mouravief,  et  le 
colonel  prince  Serge  Troubetskoï , 
conçurent  l'idée  d'établir  une  société 
secrète  dont  l'objet,  osteusiblement 
philantropique  ,  mais  non  sans  motif 
d'ambition  et  de  vanité,  devait  être 
la  réformallon  des  mœurs,  de  l'édu- 
cation et  du  gouvernement  russe. 
Ils  s'associèrent  le  colonel  Peslel, 
Iakouchkine,  Serge  et  Mathieu  Mou- 
ravief Aposlol.  Cette  société  s'orga- 
nisa définitivement  en  février  1 8 1 7 , 
sous  le  titre  d'»n/o/z  du  bien  public. 
Conformément  à  ses  statuts  elle  était 
divisée  en  trois  classes  j  celle  des 
boyards  parmi  lesquels  on  choisissait 
tous  les  mois  les  directeurs,  qui  de- 
vaient demeurer  inconnus  au  reste  de 
la  société  •  celle  des  hommes  aptes 
k  être  élevés  au  rang  de  boyards  ; 
celle  àtsj'rèresy  simples  instruments 
de  l'associaliou.  Telle  esll'origine  de 
la  conjuration  du  midi  de  la  Russie  , 
qui,  eu  s'étendant,  subdivisa  ses  mem- 
bres en  un  certainuombre  de  direc  lions 


BES 

et  de  comités,  mais  presque  toujours 
sous  l'influence  régulatrice  de  Peste! 
et  de  son  principal  agent  Bestuclieff- 
Riumin,  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  trois  autres  Bestucheff,  membres 
d'une  association  semblable  ,  et  qui, 
dans  le  même  temps,  se  formait  au 
nord,  par  les  soins  du  conseiller 
d'état  actuel  Nicolas  Tourguénief, 
sous  le  nom  de  chevaliers  russes. 
Ces  deux  associations  ,  marchant  au 
même  but,  ne  cessèrent  d'avoir  entre 
elles  des  relations,  mais  par  suite  de 
jalousies  et  d'ambitions  ou  de  vanités 
individuelles,  elles  ne  purent  jamais  se 
soumettre  k  une  direction  commune. 
Quoique  l'empereur  Alexandre  ne 
fût  pas  homme  k  tolérer  de  sembla- 
bles sociétés,  il  paraissait  indirecte- 
ment les  autoriser  ,  tant  par  sa  pré- 
dilection pour  les  libéraux  étrangers, 
polonais  et  russes ^  que  par  mille  pro- 
pos journaliers,  et  surtout  par  la  ma- 
nière gracieuse  avec  laquelle  il  ac- 
cueillait les  vues  réformatrices  de 
toute  espèce  qu'a  sa  demande  même 
on  s'empressait  de  lui  présenter.  Plu- 
sieurs hommes  honorables  et  sujets 
des  plus  dévoués  lui  adressèrent 
alors  des  projets  de  réforme  et 
même  des  conslitutious  que,  certes, 
il  était  loin  de  vouloir  adopter.  Aussi 
une  caricature  anglaise  le  repré- 
senta-1-elle  offrant  et  retirant  un  gi- 
got k  des  chiens  affamés  qui  finissaient 
par  le  prendre  k  la  gorge  j  et  tel 
peut-être  eùl  été  le  sort  d'Alexandre, 
si  les  sociétés  secrètes,  fondées  sur 
des  principes  de  morale  et  d'humanité 
spéculatives,  et  qui  de  proche  en  pro- 
che arrivèrent  jusqu'à  l'idée  des  plus 
horribles  forfaits,  eussent  été  plus 
unies,  ou  aussi  audacieuses  en  atcions 
qu'en  projets.  Ces  sociétés  occultes 
semblaient  d'abord  ,  comme  nous 
l'avons  dit,  n'avoir  pour  but  que  Ta- 
mélioration  des  mœurs ,  l'économie 


BES 

politique ,  la  dénonciation  des  ahns  ; 
elles  songL-rent  même  un  moment  à 
solliciter  du  monarque  la  reconnais- 
sance de  leur  publique  existence.  3Iais 
elles  ne  tardèrent  pas  à  v  renoncer,* 
exigeant  au  contraire  de  leurs  adep- 
tes le  secret  le  plus  impénétrable,  un 
serment  terrible  ,  et  un  ensageiiient 
signé ,  que  la  direction  brûlait  a 
Tinsu  de  l'asserraenlé.  Celui-ci  pou- 
vait quitter  la  société,  mais  on  la 
lui  di>ait  alors  généralement  dis- 
soute ,  et  il  ignorait  qu'elle  subsistât 
encore;  il  ignorait  aussi  la  des- 
truction de  l'engagement  qu'il  avait 
signé  ;  il  n'avait  donc  aucun  motif 
pour  en  dénoncerles  membres,  dont 
il  eût  frémi  d'ailleurs  de  provoquer 
la  vengeance.  Quoique  les  socié- 
taires eussent  arrêté  que  chacun 
verserait  dans  la  caisse  commune  la 
vingt-cinquième  parlie  de  sou  revenu, 
et  que  chaque  direction  annonçât 
mensongèremeni  auxa<itres  un  grand 
nombre  d'associés  nouveaux  ,  la  so- 
ciété s'accroissait  lentement  ;  et  , 
malgré  l'énorme  contribution  de  Bo- 
brinski  ,  fils  du  comte  Bobrinski, 
issu,  par  bâtardise,  de  Calherine  II 
et  du  prince  Orlof,  les  fonds  étaient 
si  peu  considérables,  que  ces  brouil- 
lons désespérèrent  momentanément 
d'un  succès  qu'ils  avaient  d'abord 
considéré  comme  très-facile.  Cepen- 
dant ils  cherchèrent  h  le  préparer  , 
en  influant  sur  l'opinion  publique  , 
par  des  écrits  clandestins ,  des  épi- 
grammes  ,  des  chansons  séditieuses  , 
des  lithographies  j  et  aussi  par  des 
journauxliltéraires  ovi  leurs  intentions 
perturbatrices  étaient  voilées  sous  des 
allégories, des  théories  vagues,  des  in- 
ductions séduisantes.  Ces  travaux  fu- 
rent principalement  dirigés  par  le 
très -spirituel  Rélèief.  Enfin,  les 
tètes  s'exallant  de  plus  en  plus ,  un 
conciliabule    central,  composé   des 


BES  igr 

directeurs  des  deux  associations  du 
nord  et  du  midi ,  se  réunit  k  Péters- 
hourg  ,  au  commencement  de  1820, 
(  époque  où  le  libéralisme  de  l'empe- 
reur Alexandre  tendait  a  s'éteiudre), 
et  l'on  y  arrêta  la  création  d'un  gou- 
vernement représentatif.  La,  pour  la 
première  fois ,  on  vit  poindre  les 
idées  républicaines  ;  mais  tout  était 
vague  encore  dans  ces  jeunes  et  creux 
cerveaux  ,  quoique  chacun  présentât 
la  constitution  qu'il  avait  rêvée  ,  et 
que  plusieurs  eussent  osé  dire  : 
K  Tous  ceux  qui  ont  vécu  avant  nous 
K  n'étaient  que  de  véritables  écoliers. 
ce  C'est  par  nous  que  le  génie  po- 
K  litique  va  sortir  de  son  berceau.  » 
et  mille  propos  semblables.  Cepen- 
dant aucun  personnage  important  ne 
faisait  encore  parlie  des  sociétés,  et 
si  les  quatre  généraux  soupçonnés  de 
connivence  avec  elles  ne  leur  furent 
pas  totalement  étrangers,  ils  demeu- 
rèrent du  moins  très-prudemment  k 
l'écart,  attendant  l'issue  de  ces  sour- 
des menées  ,  pour  diriger  des  insensés 
incapables  de  se  diriger  eux-mêmes. 
Quelques  personnes  quittèrent  la 
société  en  1821-  beaucoup  d'au- 
tres commençaient  même  a  redouter 
Pestel.  dont  les  vues  leur  semblaient 
être  de  viser  au  pouvoir  suprême  a 
l'aide  de  ces  aveugles  sicaires,  et  Ré- 
léief,  directeur  de  1  association  du 
nord,  dit  de  ce  factieux  ,  à  tête  plus 
forte  que  celle  des  autres  :  «  C'est 
«  un  ambitieux  plein  d'artifices,  un 
o  Bonaparte  et  non  un  AVasbin- 
K  gton.  n  Dans  la  constitution  ré- 
digée alors  par  le  colonel  Pestel  , 
a  laquelle  était  joint  un  catéchisme 
composé  de  concert  avecRestucheff- 
Riumin  ,  et  où  la  révolte  était  com- 
mandée au  nom  même  de  la  religion, 
l'empereur  ne  conservait  pas  des  at- 
tributions supérieures  a  celles  d'un 
président   des  Etats-Unis  d'Améri- 


igï 


BES 


que  ;  existence  transîloire  entre  le 
gouvernement  absolu  et  tm  gouver- 
nement républicain ,  dont  le  rédac- 
teur se  flattait  de  devenir  l'arbitre. 
Il  voulait  encore  dans  ce  travail , 
intitulé  Code  russe ,  partager  l'em- 
pire en  quatre  étals  réunis  par  uu  lien 
fédéral ,  et  en  détacher  la  Pologne  , 
où  une  société  secrète  et  insurrec- 
tionnelle existait  depuis  la  création 
de  son  gouvernement  constitutionnel. 
C'était  de  cette  manière  que  des 
jeunes  gens  sans  consistance  dis- 
posaient à  leur  gré  du  territoire  et 
de  l'avenir  de  la  Russie ,  dont  ils 
eussent  fait  crouler  la  formidable 
puissance.  Quant  a  cette  société  se- 
crète polonaise  dont  Pestel  cherchait 
ainsi  a  se  procurer  la  coopération  , 
elle  avait  été  découverte  par  Beslu- 
cheff'-Riumin  ,  qui,  lors  de  son  ad- 
mission dans  l'association  du  midi,  fut 
chargé  de  chercher  à  la  réunir  aux 
sociétés  occultes  russes  ;  et  c'eslalors 
que  les  chefs  de  celles-ci,  reconnais- 
sant de  plus  en  plus  leur  faiblesse,  ten- 
tèrent de  les  rendre  puissantes  et 
redoutables  par  une  conspirât  ion  mili- 
taire dont  celles  d'Espagne  et  de  Na- 
ples  leur  avaient  donné  l'idée.  En  con- 
séquence, ils  commencèrent  à  tour- 
menter les  troupes,  d'après,  disaient- 
ils  ,  les  ordres  positifs  de  l'empereur, 
pour  les  irriter  contre  ce  prince  ;  et 
déjà  révoltés  contre  lui ,  ils  conçurent 
le  projet  de  l'assassiner.  Cette  pro- 
position inspira  d'abord  de  l'horreur  à 
un  grand  nombrej  mais  bientôt  la  plu- 
party  accédèrent,  etpresque  tous  pas- 
sèrent rapidement  de  l'assassinat  d'un 
seul  kla  i ésolulion  d'exterminer  toute 
la  famille  impériale;  car  telle  est 
l'inévitable  marche  des  passions  poli- 
tiques. Aussi  Bestucheff-Riumin  qui 
n'avait  consenti  qu'au  meurtre  de 
l'empereur  ,  et  qui  avait  offert  de 
l'exécuter  lui-même  ,  demanda-t-il , 


BES 

en  1824,  a  la  société  secrète  de 
Varsovie  l'assassinat  du  grr.nd-duc 
Constantin  ;  mais  elle  s'y  refusa ,  et 
promit  seulement  de  le  surveiller 
et  de  l'empêcher  de  se  porter  au 
secours  de  son  frère.  Les  Polo- 
nais en  même  temps  se  faisaient  forts 
de  séduire  ou  de  désarmer  le  corps 
de  Lithuanie,  tandis  que  Bestuchefr- 
Riumin  insurgerait  la  neuvième  di- 
vision de  l'armée  russe  et  sVmpare- 
rait  de  Bobrousk  ,  comme  place  de 
sûreté.  Trop  faibles  cependant ,  et 
trop  peu  en  crédit  pour  réaliser  de  si 
vastes  desseins,  les  conspirateurs  se 
restreignirent  a  l'idée  de  faire  assas- 
siner Alexandre  par  des  officiers  dé- 
guisés en  soldats  ,  lors  de  la  revue 
qu'il  devait  passer,  en  avril  1824.,  a 
Belaïa  Tserkof  (  l'église  blanche  ); 
mais  cette  revue  n'eut  pas  lieu.  L'at- 
tentat ainsi  manqué  avait  été  tramé 
par  Pestel,  Serge,  Mouravief-Apos- 
tol,  et  Bestucheff-Riumin.  Le  régici- 
de ,  conçu  au  midi ,  fut  approuvé  au 
nord,  mais  de  part  et  d'autre  on  voulait 
le  faire  personnellement  commettre 
par  des  séides  étrangers  à  la  direction 
des  deux  sociétés  ,  qui ,  lors  de  l'évé- 
nement, saisies  du  pouvoir  par  néces- 
sité ,  espéraient  profiter  du  crime  , 
sans  en  avoir  l'odieux.  Pestel  se 
rêvait  déjà  souverain.  Dès  i8i3,  une 
troisième  société,  purement  républi- 
caine ,  s'était  formée  sous  le  nom  de 
Slaves  réunis  ;  composée  presque 
entièrement  d'officiers  d'artillerie  , 
elle  comptait  attirer  a  elle  tous  les 
peuples  d'origine  slavonne.  Russes  , 
Polonais,  Hongrois ,  Bohèmes,  Mo- 
raves,  Valaques,  Dalmates,  Croates, 
Transylvains,  Moldaves  ;  mais  elle  se 
rattacha  a  l'association  du  midi  par 
les  soins  de  Bestucheff-Riumin  ,  et 
le  jour  fatal  assigné  fut  le  i  2  mars 
1826,  vingt-cinquième  anniversaire 
du  règne  d'Alexandre.  Les  assassins 


BES 

se    tlislrihuèrcnt    des    bagues    da- 
cier  ,  sur  lesquelles   élaieul  graves 
uu  poiguard  el  les  cliiffres  12  cl  20. 
(^)uaut  au  choix  des  régicides  ,  il  avait 
été    lait   par   Besluclieif- Riua-io  _, 
parmi  les  Slaves  qu'il  dirigeait,  dont 
il  exaltait  les  passious  ,    et  qu'il  re- 
gardait comme  les  sociétaires  les  plus 
déterminés.    Malgré   les  six  polices 
qui  semblaient  devoir  être  pour  l'em- 
pereur im  impénéîraLle  bouclier,  et 
la  police  particulière  et  Irès-aclive  du 
comte    Aratcheif ,  une    conjuriitioii 
confiée  a  plus  de  trois  cents  person- 
nes, et  ti\imée  durant  dix  années  con- 
sécutives, demeurait  inconnue  de  l'au- 
torité, quand  en  juin  1825  le  nom- 
mé Sliervvood  (i),    sous-ciEcier  au 
troisième  régiment   de   lanciers   du 
Ijoug,  que  Ton  cherchait  a.  séduire  , 
en  eut  connaissance  ,  et  en  donna  avis 
Il  l'empereur,  qui  était  alors   a  Ta- 
gaurog ,  dénonciation   vague    encore 
et   moins   propre    à    leffrayer    qu'a 
l'affliger.  Mais  un  avertissement  plus 
précis  et  qui   confirma  la  dénoncia- 
tion ,    ce   fut  celui  de   M.aboroda , 
membre  lui-même   de  l'association 
du  midi  ,   la  seule  qu'il   connût.  Il 
adressa    cet    avis    a    Taganrug  ,  le 
i*""^  décembre,   douze  jours  après  la 
mort  de  l'empereur  ;    ce  qui  fit   ar- 
rêter  plusieurs    conjurés   du   midi, 
sans  lever  le  voile  qui  couvrait  l'as- 
sociation du  nord,  dirigée  alors  par 
Réléief.    L'empnreur    était  mort  le 
19  iiov.  ;  le  27  furent  soleuaclleriieul 
annoncés  k  Pétersbourg  et  cette  nou- 
velle el  l'avènement    du    graud-duc 
Constantin    (  Voj.    ce    nom ,     au 
Suppl.  ).  Ce  prince  fut  proclamé  a 
Moscou  le  29  ,  nonobstant  sa  renou- 


(1}  Par  un  ukase  de  i'empcrcur  Kicolas, 
Sherwood  fut  autorisé  à  jointîi'c  à  sou  nom  l'é- 
pilliète  de  \ernoï  (le  fidèlci.  On  prcJil  a'.O;  s  qu'il 
ne  la  porterait  lias  Icn^-leuips;  e;i  elfct,  il  mou- 
rut en  1828,  au  début  de  la  [>re:nière  campagne 
de  Turquie. 

LVm. 


BES 


^95 


cialion  à  Ferapire  ,    donnée  le    :.i 
janv.  1822  ,  cl  déposée,  cachetée, 
le  i5   octobre  1820,   aux  archives 
du  grand  conseil  de  l'état.  Toutes  les 
autorités  lui  prêtèrent  serment  aux 
acclamations  générales  ,  car  les  fac- 
tieux   exaltaient    depuis    long-temus 
ses  vertus,  pour  l'opposera  son  frère. 
Ce  double  événement  consterna   les 
conjurés  du  nord  ,  encore  dans  l'igno- 
rance du  sort  de  ceux  du   midi  :  Il 
nous  est  donc  échappé!  s'écrièrent 
avec   rage   Ijatenkoff    et   Yakoubo- 
vvitch.  Mais  ils  se  rassurèrent  bientôt 
eu  apprenant  le  refus  de  la  couronne 
lait  et  répétépar  Constantin  ,  malgré 
les  vives  instances  de  sou  frère;  et, 
se  fondant  sur  ce  refus,  ils  se  livrè- 
rent à  l'espoir  d'insurger  les  gardes 
contre  Nicolas,  en  le   représentant 
comme  l'usurpateur   de   la  couronne 
due  a  celui  auquel  elles  avaient  déjà 
prêté  serment;    car  ce  n'était  qu'eu 
vertu  de  leur  inébranlable  jidéliLé 
qu'on  pouvait  les  enlraîuer  à  la  révol- 
te ,    et    Constantin  n'était  lui-même 
aux  yeux  de  ces  brouillons  qu'un  ma- 
uequiu ,   dont  ils  voulaient   se    ser- 
vir,  puis    le   briser.  Ils  nommèrent 
donc    le    prince  Serge  ïroubetskoï 
dictateur,  ayant   pour  adjoints  Ba- 
tenkoff    et  Yakoubowilch  ,   qui   de- 
vaient prendre  le  commandement  des 
gardes  insurgées.  Comme  ils  ne  dou- 
taient  point    du    succès  ,    et    qu'ils 
croyaient  que  le  triomphe  de  la  con- 
juration leur  donnerait  tous  les  em- 
ployés de   chancellerie  et  les  i4-    ou 
i5  cents  secrétaires  titulaires,  gens 
déplume  et  d'intiigue  ,  ainsi  que  tous 
les    domestiques  ,    très-nombreux  k 
Pétersbourg  ,  leur  projet  était  d'éta- 
blir   un    gouvernement  provisoire  , 
légitimé   par    la   sanction  du  sénat; 
d  ordonner  la   convocation  d'assem- 
blées nomiuatrices  d'une  chambre  de 
députés;  de  créer  une  chambre  hau- 

j3 


194 


BES 


tej  d'établir  des  administrations  pro- 
vinciales 5  de  transformer  les  colonies 
militaires,  très-méconlenles  de  leur 
sort,  en  gardes  nationales;  de  re- 
metlre  la  citadelle  de  Pétersbourg 
entre  les  mains  de  la  municipalité- 
de  proclamer  l'indépendance  des  uni- 
versités de  Moscou,  Dorpat  et  VVil- 
na;  de  présenter  k  la  fois  aux  deux 
grands-ducs  Nicolas  et  Constantin  la 
constitution  ainsi  décrétée;  de  cou- 
ronner celui  des  deux  qui  l'accepte- 
rait ,  ou  ,  a  leur  refus ,  le  grand-duc 
Alexaudre-Nicolaïewitcli.  Puis,  sur 
quelques  dissentiments  qui  s'élevèrent 
k  cet  égard,  ils  en  vinrent  k  la  révolte 
armée  et  k  l'assassinat  général,  mus 
par  Kakhowski  ,  qui  su»  tout  se  mon- 
tra un  des  plus  forcenés  terroristes. 
Us  s'assemblèrent  le  12-24.  décerab. 
chez  Ré'éief.  Une  seconde  réunion  y 
eut  lieu  le  lendemain  ,  et  la  police  en 
ayant  rendu  compte  au  gouverneur  gé- 
néral Miloradowitch  (/-^ojk-  ce  nom, 
au  Su  pp.),  celui-ci  ne  fit  qu'en  riie  , 
en  disant  ;  «  Bah  !  ce  ne  sont  que 
«  des  bavards ,  occupés  a  lire  de 
«  mauvais  vers  !  »  C'était  cependant 
le  projet  du  meurtre  de  toute  la 
famille  impéi'iale  qu'on  y  décidait,  el 
au  palais  on  ne  s'en  doutait  point 
encore,  quand,  très-avant  dans  la 
soirée  du  i3-2  5  ,  le  lieutenant  Ros- 
tovtzoff  écrivit  a  Nicolas  pour  lui  ré- 
véler le  complot.  Les  gardes  du  pa- 
lais ,  déjà  séduites,  furenl  changées 
daus  la  nuit,  et  le  lendemain  14-26, 
pour  éviter  toute  réunion,  le  ser- 
ment fui  demandé  dans  les  casernes, 
avant  mêmequel'on  eùteu  le  temps  de 
répandre  la  proclamation  impériale. 
Mais  des  compagnies  du  régiment  de 
Moskou,  des  grenadiers  du  corps  des 
équipages  de  la  garde  et  de  quelques 
autres  régiments,  au  nombre  d'en- 
viron quatre  mille ,  se  précipitè- 
rent vers  la  place  d'Isaac ,    et   là , 


BES 

adossés  au  palais  du  sénat,  qu'ils 
bloquèrent ,  ils  refusèrent  le  serment, 
fidèles,  disaient-ils,  k  leur  souverain 
légitime.  Cependant  ils  ne  purent 
pénétrer  jusqu'au  premier  corps  de 
l'état  ,  dont  la  porte  fut  défendue 
avec  un  inébranlable  courage  par 
l'officier  de  garde  Nassakiue  ,  du 
régiment  de  Finlande  (2).  Pour 
les  ramener ,  on  fit  venir  le  métro- 
politain ,  accompagné  de  tout  son 
clergé  j  mais  ils  ne  voulurent  point  se 
rendre  k  ses  exhortations.  Les  che- 
valiers-gardes et  la  garde  k  cheval 
ayant  reçu  l'ordre  de  les  charger,  ne 
Texécutèrent  que  mollement ,  el  s'ar- 
rêtèrent plusieurs  foisk  portée  de  pis- 
tolet. Miloradowitch,  chéri  des  trou- 
pes, homme  intrépide  el  populaire  , 
s'approche  d'eux;  et  il  les  eût  ramenés, 
si  Kakhowski,  d'un  coup  de  feu,  ne 
l'avait  blessé  a  mort.  INicolas,  indigné, 
mais  impassible,  hésitait  k  employer 
les  moyens  les  plus  violents,  quind 
son  frère  Michel,  sans  le  consulter,  fit 
avancer  l'artillerie, qui  cependanlsem- 
blail  disposée  k  ne  point  tirer. La  nuit 
approchait, etses  ombres  eussent  favo- 
risé la  révolte  ;  enfin  un  officier  saisit 
la  mèche  ,  fait  partir  la  première 
pièce,  d'autres  coups  suivent,  et  la 
troupe  insurgée  s'échappe  par  la  rue 
du  Galernoff  ou  les  quais,  coupée, 
fusillée  de  toutes  parts  ,  et  laissant 
trois  a  quatre  cents  morts,  qui, 
dans  la  nuit,  furent  jetés  sous  les 
glaces  de  la  INéva.  Outre  Milora- 
dovilch  ,  le  général  Sturler  avait  été 
tué  dans  la  caserne  des  grenadiers 
du  corps  5  le  général  Schenschiue 
blessé  grièvement  dans  celle  du 
régiment  de  Moskou  ,  par  le   prince 


(2)  L'empereur  Nicolas  ayant  laissé  au  jeune 
Nas>akine  le  choix  d'une  récompense  ,  il  ne  de- 
manda pour  toute  faveur  que  la  liberté  d'un  [iri- 
soiiuiir  retenu  dans  son  corps  de  garde  ,  et  aux 
conseils  duquel  il  avait  dû  la  fermeté  de  sa  con- 
duite. 


BES  BES                    195 

Schepiii  -  Roslowski ,    un    des    plus  révoliilion  politique  possible ,  la  où. 
arcleuls  promoteurs  de  la  rébellion,  elle  n'a   d'éiéiueuls  ni  dans  le  peuple 
Le  colonel  Frédérics  et  quelques  au-  ni  d;ins  l'armée  5  et  tel  élait  le  cas  de  la 
très    étaient    aussi    du    nombre  des  Russie,    oii  la    populace    très -peu 
officiers  auxquels  leur  fidélité   avait  nombreuse  ,  et  trop  occupée  pour  de- 
coùté  la  vie. Dèsla  première  annoHce  venir  turbulente,  n^  se  montra  sur  la 
delà  révolte,  le  général  chef  de  lapo-  place  d'Isaac  que  mue  par  une  oisive 
lice,  Kuijnine,  voulant  lui  ôlerdesali-  curiosité.  Si  le  complot  eût  momen- 
menls,   avait    fait   répandre  dans  les  lanément  réussi ,  les  soldats  désabu- 
canaux  toute  l'eau-dc-vie  des  cabarets,  ses  et  furieux  auraient  iiumantiuable- 
Durant  cette  sanglante  échauffourée,  ment  égorgé   ceux  qui    par    tant  de 
le  prince  Serge  Troubetskoï  qui  de-  mensonges  les  auraient  rendus  rebel- 
vait  commander  les  lebelles,  ne  parut  les.  Quant  aux  conjurés  ,  a  qui   mille 
point  sur  la  place  qu'il  leur  avait  lui-  propos  injurieux,  tenus  sur  les  grands- 
même  assignée  ;  il  courut  prêter  son  ducs,  dans  les  salons  et  dans  les  caser- 
sermtnt,  trembla  ,  pria  ,  pleura,    se  nés  par  des  hommes  même  encore  au- 
cacba  ,  et  finit  par  demander   lâche-  jourd'hui  en  laveur,  avaient  pu  inspi- 
ment    qu'on   lui  tît  grâce  de  la   vie,  rer  l'espoir  du  succès^  le  respectable 
L'exalté    Batenkoff     n'y    parut    pas  amiral    MorJvinoff  ,     les    regardant 
davantage  ;  le  terrible  Yakoubowitcli  comme    une    troupe    d'enfants    mu- 
seul   s'y    montra,    mais   sans  agir,  tins,  eût   voulu  que  la    plupart    ne 
suivant  l'empereur,  toujours  la  main  fussent  que  fouettés  publiquement  et 
sur   son   poignai-d  ,   et    n'osant    s'en  renfermés  dans  une  mai.>)0u  de   cor- 
scrvir.  Le  même  jour  (  i  4-  déc),  le  recliou  ;   mais  tout  le  reste  du  con- 
colonil  Pestel  était   arrêté  a,  Kief ,  seil  fut  d'un    autre  avis ,  et. Nicolas 
sur  la  dénonciation   de   Maïboroda,  crut  devoir  venger  son  frère  Alexan- 
el  Serge   Mouravief-Apo.'ilol   le   fut  dre.   Les    conspirateurs   furent  tra- 
ie   29.    Délivré    aussitôt   par   quel-  duils  premièrement  devant  une  cora- 
ques  uns  des  Slaves  réunis,  il  en-  mission  d  enquête  ,  chargée  de  dési- 
traîna  dans  la  révolte  quelques  com-  gner  les  coupables  de  la  liste  desquels 
pagnies  du  régiment  de  Tcbernigoft  ,  on  écarta,  selon  le  vœu  du  monarque, 
en  invoquant  leur  fidélité  à  l'empe-  ceux  qui  étaient  le  moins  compromis 
ré-M/' Constantin,  faute  d'avoir  pu  les  plusieuis    même  n'ont  été  ni  arrêtés 
séduire  autrement.  Il  erra  avec  eux  ni  nommés.  Puis  on  lesfitcomparaîlre 
durant  quatre  ou  cinq  jours,  espérant  devant    une   haute-cour    criminelle, 
grossir    son  corps,  et   en  remplir  la  composée  de  juges  pris  dans  toutes 
caisse  aux  dépens  des  immenses   tré-  les  sommités  russes  ,  et  qui  avait  or- 
sors  de  la  comtesse  Braniska;  mais  dre  d'épargner  l'erreur  eu  frappant 
atteint,  le  3-i5  janvier  1826,  près  le  crime.  Mais  les  prévenus cessèient 
de  Belaïa  Tzorkafi"  (lieu   oi!i  il  avait  bientôt   d'inspirer    autant  d'intérêt  • 
dû   assassiner  Alexandre) ,  il  tomba  car  ils  s'emorcssèrent  de  s'accuser 
blessé  d'un  coup  de  mitraille,   et  fut  les  uns  les  autres,  et  de  compromet- 
fait  prisonnier  avec  Bestucheff-Riu-  tre  une  foule  d'innocents  ,  dans  l'es- 
min    et    quelques-uns  île  ses  autres  poir   d^eiTrayer   et  de   faire  reculer 
complices.  Celle  insuirecliou ,  consi-  l'aulorilé,    ou  insurger  les   provin- 
dérée    en   elle-même  ,   élait  évidem-  ces  par  la  masse  et  le  mécontente- 
ment absurde ,  car  il  n'y  a  point  de  ment  de  leurs  prétendus  complices. 

i3. 


i,j6  BES 

Enfin,  quelques-uns  moururent  de 
peur  avant  le  jiigcir.eul,  (]ui  uc  !ut 
rendu  que  le  ii-25  juillet  1826, 
Toi:s,  conrormcment  aux  lois  russes, 
étaient  passibles  de  la  peine  deniort; 
mais  sur  le  nombre  de  cent  trente-six, 
les  plus  coupables  seulement  furent 
condamnés ,  savoir  :  quatre-vingt- 
quatre  a  la  déportation  temporaire 
en  Sibérie;  trente -un  à  être  déca- 
pités, et  cinq  a  être  écartelés;  l'em- 
pereur commua  la  décapitation  en 
déportation  a  vie,  réduite  plus  tard  a 
vingt  ans  d'exil  5  ceux  qui  devaient 
être  écarteîés  furent  pendus,  et  quant 
aux  simples  exilés,  leur  temps  d'exil 
fut  abrégé  ,  au  point  cju'un  certain 
nombre  en  est  déjà,  libéié.  Mais  les 
cinq  condamnés  h  mort,  Réléief, 
Kakhovski  ,  Serge  Muuravief-A|30>- 
tul  ,  Pestel  et  lîeslucheff  -  iliu- 
min  ,  subirent  leur  arrêt  (3)  le  i5- 
2  5  juillet  1826,  sur  un  des  bastions 
de  la  citadelle  et  eu  présence  de  leurs 
complices.  liestucbeff-Riumiu  avait 
a  peine  trente  ans.  L'empereur  ISico- 
ias  qui  eut  voulu  faire  grâce  à  tous, 
mais  qui  ne  crut  pas  en  avoir  le  droit, 

(3)  Voici  le  considcrnnt  de  l'airét  qui  con- 
«laiima  à  mort  Pe>lHchffr-Rii:iMin  ;il  donnera  ri- 
dée de  tous  les  aiitros  :  «  A  trame  le  réf;ic-dc  ,  a 
<t  cberrhc  lus  ;noycn5  de  l'accomplir  ;  s'est  ofi'ert 
n  lui-même  pour  a^fastiner  feu  l'empereur 
«  Alexaiidi'c,  et  remj)ercup  Nicolas;  a  choisi  et 
«  désigné  des  individus  pour  commettre  ce  crime; 
«voulait  eNterminer  la  fajnille  impériale ,  se 
«servant,  |)Our  en  annoncer  le  [-.rojct,  de  l'hor- 
«  rible  expression:  Il  fniit  en  disi^erser  /es  cendres. 
K  11  a  eu  le  dessein  de  faire  drporter  la  famille 
«impériale;  de  jeter  feu  l'empereur  dans  hs 
«fers,  et  s'est  offert  lui -uiéme  pour  accomplir 
«ce  dernier  complot;  a  pris  part  à  ladireclioci 
«de  la  société  du  midi,  y  a  réuni  celle  des  S/a- 
«  us;  a  composé  des  proclamations  et  prononcé 
«des  discours  séditieux;  a  concouru  à  la  rédae- 
«  tion  du  faux  cattcliismc,  a  excité  et  préparé 
«d'autres  individus  à  la  revoUe,  a  exiije  d'eux 
«un  serment  en  leur  faisant  baiser  une  image; 
«est  l'auteur  du  projet  de  détacher  de  l'empire 
«  plusieurs  proviucts  ,  et  a  travaillé  h  son  exi  cu- 
«  tiou  ;  a  pris  les  mesures  les  plus  actives  pour 
«étendre  la  société,  en  y  associant  de  nouveaux 
«membres;  a  personnellement  pris  part  à  l'in- 
«surrectiou,  avec  la  risolution  de  répandre  le 
«sang;  a  poussé  les  officiers  et  les  soldats  à  la 
«  révoitc;  enfin  a  été  pris  les  armes  à  la  uiain.  » 


BET 

s'était  retiré  a  Tsarco-Selo  ,  durant 
cette  exécution.  Il  commença  par 
dédommager  ceux  qui  avaient  inno- 
cemment soufîert ,  chercba,  par  des 
consolations  et  des  faveurs  accordées 
aux  familles  des  condamnés  ,  a  tarir 
des  pleurs  que  sa  jusllce  avait  été 
contrainte  de  faire  couler,  et  prit 
même  sous  sa  prolection  les  enfants 
de  cet  lakoubovilcb,  mort  eu  prison, 
qui  personnellement  avait  projeté  de 
l'assassiner.  A — L — e. 

B  E  T  E  X  'C  O  ÏJ  R  ï  (Pi mr.E- 
Louis-JosEni  de),  né  le  16  juillet 
1743,  dans  l'Artois,  jl'iine  famille 
honorable  ,  fmbra.>-sa  l'état  ecclé- 
siastique. Pourvu  de  riches  béné- 
fices ,  il  partagea  sa  vie  entre  l'étude, 
les  devoirs  de  son  état  et  les  exercices 
de  la  bienfaisance.  Le  i^aoïit  1816, 
il  fut  élu  membre  honoraire  de  Ta- 
cadémiq  des  inscriptions  et  belles- 
lettres.  Pour  justifier  ce  litre  ,  il  pu- 
blia, mais  ea  gardant  l'anonyme  : 
N  unis  féodaux ,  ou  noms  de  ceux 
qui  ont  tenu  des  Jiffs  en  France 
depuis  le  douzième  siècle  jusque 
vers  le  milieu  du  dix-huitième  , 
extraits  des  archives  du  royaume, 
Paris,  1826,  2  vol.  iu-8°.  Cet  ou- 
vrage ,  qui  paraît  avoir  quelque  ana- 
logie avec  celui  de  Bévy  {Voj.  ce 
nom,  ci-après),  n'a  point  été  terminé. 
L'abbé  de  Betencourt  mourut  a  Taris 
en  1829.  W — s. 

BÉTMEXCOrilT  Y  MO- 
LIKA  (AuGUSiix  de),  célèbre  in- 
génieur ,  naquit  en  1760  ,  daus  Tile 
de  Teneriffe  (i).  Après  avoir  achevé 


(1)  II  descendait  en  ligne  directe  de  Jean  de  Eé- 
tlienconrt,  baron  normand  et  hardi  navigateur, 
qui,  vers  le  milieu  du  XIV"^ siècle, conquit  les  iles 
Canaries  qui  venaient  d'être  érigées  en  royaume 
par  le  pnpc  Clément  Vi.rn  faveur  de  Louis  de  La 
Cerda.  Henri  111,  roi  de  Castiile, les  céda  .à  l'heu- 
reux aventurier  qui  se  fit  couronner  roi  cl  fut 
recoimu  en  cette  qualité  par  la  cour  de  France. 
Mais  les  monarques  espagnols  enlevèrent  le  Irène 
à  sa  famille  qui  toxiba  dans  la  médiocrité. 


BET 

ses  études  a  l'ccole  ml'ilaire  de  Ma- 
drid ,  il  entra  dans  le  corps  des 
roules  et  canaux  (  pouls  et  chaus- 
sées) ,  parvint:  rapidemeul  au  grade 
d'iiLspecleur-ge'néi'al  ,  et  fut  décoré 
de  l'ordre  de  St-Jacques.  Etant  a 
Paris  en  1807,  '^  soumit  à  Tinstitut 
le  plan  d'une  nouvelle  écluse  appli- 
cable aux  canaux  de  petite  naviga- 
tion. C'était  un  moyen  d'éviter  la 
déperdition  des  eauK  par  l'immer- 
sion d'un  corps  auquel  il  avait  donné 
le  nom  de  bélier  hydraulique. 
L'examen  en  fut  renvoyé  a  une 
commission  composée  de  Bossut  , 
de  Monge  et  de  fvî.  de  Pronj,  qui 
déclarèrent  (jue  celte  écluse  ol- 
frait  de  «rrauds  avanta";os.  Bélhcn- 
court  fit  présent  de  son  modèle  a 
l'école  des  ponts  et  ciiaussées.  Il  pro- 
fita de  son  séjour  en  France  pour  pu- 
blier quelques  ouvrages  ,  qui  ne  firent 
qu'ajouter  a  sa  réputation.  Son  refus 
de  reconnaître  le  gouvernement  que 
Kapolébn  venait  d'imposer  'a  l'Espa- 
gne l'avant  laissé  sans  emploi  ,  il 
passa,  verslafinde  1808,  au  service 
de  la  Russie,  dans  le  corps  des  voies 
de  communication  (ponts  et  cbaussées), 
avec  le  grade  de  général-major.  Dès 
l'année  suivante,  il  fut  fait  lieutenant- 
général  et  décoré  de  l'ordre  de  St- 
Alexandre  Newski.  Bélbencourt  a 
exécuté  d'immenses  travaux  dans  di- 
verses provinces  de  ce  vaste  empire, 
C'est  sous  sa  direction  que  furent 
construits,  en  1818,  à  INiscbnei- 
ISovogorod  les  bâtiments  dans  les- 
quels l'empereur  Alexandre  trans- 
porta cette  célèbre  foire  de  Maka- 
rief,  où  s'écbangenl  les  marchandises 
de  l'Europe  et  de  l'Asie  ,  et  princi- 
palement celles  de  la  Chine  ,  foire 
qui  se  tient  tous  les  ans  ou  mois 
d'août,  et  où  il  se  fait  pour  trente- 
cinq  h  quarante  millions  d'affairrs. 
On  lui  doit  la  création  du  corps  des 


BET 


197 


ingénieurs  hvdrauliciens  et  une  école 
pour  les  sciences  exactes.  11  mourut 
à  Péler.sbourg  le  26  juillet  1826, 
à  66  ans,  des  suites  d'une  lon- 
gue et  douloureuse  maladie.  Quoi- 
qu'il ne  laissât  point  de  fortune,  ses 
obsèques  curent  lieu  le  29  avec  une 
pompe  remarquable.  Il  était  corres- 
pondant de  1  institut  de  France  et 
membre  de  plusieurs  académies.  On 
doit  à  cet  habile  ingénieur  :  I.  7i/e'- 
moire  sur  la  force  expansivc  de  la 
vapeur  de  l'eau,  1790,  in- 4°.  II. 
Mémoire  sur  un  nouveau  système 
de  navigatioji  intérieure ,  Pans  , 
i8o5,  in-4.°,  fig.  III.  Essai  sur  la 
composition  des  machines ,  Paiis  , 
imprim.  impériale,  1808,  in-4.'^  : 
deuxième  édition  ,  revue  et  augmen- 
tée par  M.  Lanz;  ibid.  ,  Bachelier, 
1818,  in-4-°,  avec  i5  pi.  Cetouviage 
offre  le  tableau  de  toutes  les  machiues 
connues ,  accompagné  d'une  descrip- 
tion claire,  quoique  succincte,  et  de 
l'indicaliou  des  auteurs  auxquels  on 
peut  recourir  pour  avoir  des  détails 
plus  étendus.  M.  Francœur  en  a 
donné  l'analyse  dans  la  Revue  ency- 
clopédique,  1819,  III,  2  2C)-0C). 
Le  Journal  des  voies  de  commu- 
nication ,  qui  se  publie  en  russe  et 
en  français  a  Pétersbourg,  a  fait  l'é- 
loge des  profondes  connaissances  et 
des  rares  talents  de  Bélbencourt. 
11  avait  épousé  une  Anglaise  dont  il 
eut  trois  iilles  et  un  garçon,  qui  est  au 
service  de  Russie.        A-l-e  et  W-s. 

BETHISY  (le  comte EucÈNK- 
Eustaghe),  général  français,  naquit  a 
Monlière  ,  le  5  janvier  1739  ,  d'une 
ancienne  famille  de  Picardie  ,  dont 
la  noblesse  remonte  jusqu'au  onzième 
siècle,  et  qui  dès  ce  tcmps-la  possé- 
dait la  terre  de  Bélliisy-Verberie  , 
près  de  Compiègne  ,  tenant  par  ses 
alliances  aux  maisons  de  Lorraine  et 
de  Savoie-Carigp^an.  Son  pcTC,  lieu- 


198  BET 

tenant  -  s^néral  et  s:ouvenieur  de 
Longwi^  mourut  dans  cette  ville  en 
1781.  Le  comte  de  Bélhisv  entra  au 
service,  comme  enseigne,  dans  le  ré- 
giment de  son  cousin  le  prince  de 
Roban-Rocbefort ,  ea  lySo,  el  se 
trouva  au  premier  siège  du  fort  Saiut- 
Philippe,  en  1766  ,  sous  le  duc  de 
Richelieu.  Il  fit  ensuite  les  campagnes 
de  la  guerre  de  sept  ans ,  en  Allema- 
gne ,  et  reçut  une  blessure  grave  ,  en 
1760  ,  à  la  bataille  de  AVarbourg, 
oii  il  reprit  un  canon  sur  les  Anglu's. 
Celle  action  d'éclat  lui  valut  la  croix 
de  Saint- Louis.  Devenu  ,  en  1762  , 
colonel  en  second  des  grenadiers 
royaux  de  Cambis  ,  il  se  trouva ,  a  la 
tête  de  ce  corps,  dans  plusieurs  affai- 
res, notamment  à  Jolianisberg,  oii  le 
prince  de  Condé  lui  promit  une  pen- 
sion qui  fut  en  effet  accordée.  A  la 
paix  de  1765  ,  le  comte  de  Béthisy 
rentra  au  corps  des  grenadiers  de 
France;  il  obtint  peu  après  le  régi- 
ment de  Cambrésis  ,  et,  en  1770, 
celui  de  Piitou.  Maréchal-de-camp 
en  1781  ,  commandeur  de  Saint- 
Louis  en  1787  .  il  était  commandant 
temporaire  à  Toulon  eu  1789,  et 
par  sa  fermeté  il  sut  maintenir  l'or- 
dre parmi  les  troupes,  que  les  ré- 
volutionnaires excitaient  k  la  révolte. 
Il  émigra  au  commencement  de  1 79 1 , 
et  fit  à  l'avant  garde  du  corps  de 
Condé,  comme  inspecteur  et  brigadier 
de  la  brigade  de  Hohenlohe ,  les 
carapagne-s  de  1792,  1793,  1795 
et  1796,  et  se  trouva  à  toutes  les 
affaires  de  cette  époque  ,  mais 
plus  particulièrement  à  ce'les  de  Bo- 
denllial  et  de  Weissembourg ,  le  17 
oct.  1793.  Foulé  aux  pieds  des  che- 
vaux par  la  cavalerie  républicaine  au 
pont  de  la  Kinsing ,  en  1796,  il  n'é- 
cbappa  que  par  une  sorte  de  miracle 
a  un  si  grand  péril.  C'est  pour  les 
deux  affaires  de  Bodenthalel  de  Weis- 


BET 

sembourg  qu'il  obtint  dès  ce  temps  la 

graud'-croix  de  Saint-Louis.  Loisque 
l'armée  de  Condé  se  rendit  en  Russie, 
en  1797,  le  comte  de  Bélhisj  entra 
comme  général-major  au  service  de 
TAulricbe,  avec  le  consentement  du 
roi  Louis  XVIIL  II  revint  en  France 
eu  1  8  1 4-  Alors  il  fut  créé  lieutenant- 
général  à  partir  de  1801,  el  nommé 
gouverneur  de  la  la*"  division  mili- 
taire, puis  gouverneur  des  Tuileries. 
Il  mourut  k  Paris  le  i  4-  juin  1825. 
Le  comte  de  Bélbisy  avait  épousé, 
en  1767  ,  une  demoiselle  du  Uet- 
fand  ,  dont  il  eut  plusieurs  enfants. 
— Le  vicomte  JulesJacques-Eléo- 
nore  de  Béthisv,  frère  du  précédent, 
né  en  1747,  entra  en  1764^  dans  la 
marine  ,  passa  dans  le  régiment  de 
Royal -Auvergne ,  où  il  devint  colo- 
nel en  second  ,  et  fit  avec  ce  corps 
la  guerre  d'Amérique.  Il  se  trouva, 
sous  les  ordres  du  comte  d'Estaing  , 
k  l'affaire  de  Savanab  ,  et  y  recul  cinq 
blessures  graves;  il  en  reçut  encore 
deux  en  revenant  en  France  ,  dans  un 
combat  de  mer.  INommé  k  son  retour 
colonel  des  grenadiers  royaux  de  Pi- 
cardie, il  refusa  le  grade  de  maréchal- 
de-camp  ijui  lui  lut  offert  au  com- 
mencement de  la  révolution.  Alors  il 
éraigraj  fit  toutes  les  campagnes  des 
armées  des  princes  ;  fut  créé  lieute- 
nant-général le  i*"^  juin  i8i4-,  et 
mourut  k  Paris  des  suites  de  ses  bles- 
sures k  la  fin  de  1816.  M DJ. 

BETHISY  de  Mézières  (Hen- 
ri-BenoÎt-Jules  de),  évèque  d'Uzès, 
frère  des  précédents,  naquit  au  cfâ- 
teau  de  Mézières  ,  diocèse  d'Amiens, 
lesSjuill.  174.4.  Dès  qu"'leut  achevé 
ses  éludes,  il  s'engagea  dans  les  ordres 
sacres,  fui  nommé  abbé  de  Bazzelles, 
et  devint  un  des  vicaires-généraux  de 
M.  de  Talleyrand  ,  aichevèque  de 
Reims.  Après  avoir  déployé ,  dans 
cette  fonction  ,  tous  les  talents  et  les 


BET 

vertus  de  l'épiscopatj  il  fut  nommé, 
par  Louis  XVI,  à  l'évèclié  dX'zès, 
et  sacré  le  i6  j.inv.  1780.  Député  par 
le  clc)  gé  de  U  sénéchaussée  de  Kîmcs 
et  Beaucaire ,  aux  ëlats-généraux  de 
1789  ,  ce  prélat  siégea  constamment 
avec  les  défenseurs  delà  religion  et  de 
la  monarchie.  Il  n'approuva  point 
l'abandon  quela  députation  du  clergé 
fit  de  ses  dîmes  dans  les'  fameuses 
séances  des  4-  et  1 1  août  1789-  ce- 
pendant il  ne  s'éleva  point  puLli- 
cjuement  contre  cet  excès  de  dévoue- 
ment ;  mais  lorsque,  dans  une  séance 
encore  plus  mémorable,  il  entendit 
l'évêijue  d'Autun  ,  au  nom  d'un  co- 
mité ,  déclarer  que  le  clergé  ne 
possédait  point  ses  biens  a  l'instar 
des  autres  propriétaires,  que  la  na- 
tion y  avait  des  droits  incontestables, 
et  qu'elle  pouvait  légitimement  s'en 
emparer  et  les  appliquer  aux  besoins 
de  l'état  ;  ■  lorsqu'il  vit  l'assemblée 
adopter  les  principes  et  discuter  le 
projet  de  son  collègue  Talleyrand,  il 
s'y  opposa  avec  beaucoup  de  lorce,  et 
cita  ,  en  faveur  de  son  opinion  ,  un 
ouvrage  de  l'abbé  Sieyes  lui-même, 
intitulé  .  Observations  sur  les  biens 
ecclésiastiques.  Après  avoir  parlé  , 
comme  évèque  ,  pour  la  conservation 
des  biens  consacrés  au  culte  catholl- 
q;!e,  Bélhisy  dit  que  cette  spoliation 
serait  non  seulement  inutile,  mais  pré- 
judiciable a  réiat  et  au  gouvernement 
qui  voulait  l'opérer.  Ce  fut  avec  la 
même  inflexibilité  de  principes  qu'il 
se  montra  dans  toutes  les  séances  où 
la  conslilulion  civile  du  clergé  fut 
disculée  ,  surtout  le  12  juillet  1790, 
lorsqu'on  décréta  les  articles  relatifs 
a  l'établissement  de  l'église  consti- 
tutionnelle. L'évèque  d'Uzès,  au 
milieu  de  plus  de  trois  cents  mem- 
bres immobiles  sur  leurs  sièges  ,  et 
silencieux  comme  lui,  ne  voulut  par- 
ticiper en  aucune  manière,  pas  même 


BET 


Ï99 


par  la  négative  ,  au  décret  que  ren- 
dit Pautre  portion  de  l'assemblée. 
Malgré  cette  opposition  ,  l'église 
constitiitioiinelle  triompha  ,  et  elle 
s'établit,  fondée  sur  ces  principes  , 
que  l'assemljlée  nationale  avait  le 
droit  et  le  pouvoir  de  détruire  tous 
les  évècbés ,  de  destituer  les  évèques 
et  les  pasteurs  du  second  ordre  ,  de 
circonscrire  de  nouveaux  diocèses  et 
de  nouvelles  cures,  sans  l'interven- 
tion de  l'autorité  ecclésiastique;  qut» 
les  évèques  nouveaux  seraient  nommés 
par  l'assemblée  des  électeurs ,  sans 
leconcours  du  monarque  nidu  clergéj 
qu'ils  seraient  institués  par  le  métro- 
politain sans  aucune  bulle  du  pape, 
et  sans  son  intervention  quelconque, 
et  qu'ils  se  contenteraient  d'adresser 
au  souverain  pontife  une  lettre  en  si- 
gne de  communion,  pour  annoncer 
a  Sa  Sainteté  leur  élévation  a  tel  ou 
tel  siège  de  France  ;  que  le  pape  en- 
fin n'avait  plus  aucune  autoiité  ,  et 
ne  pouvait  plus  exercer  aucune  juri- 
diclion  ecclésiastique,  ni  sur  les  évè- 
cbés ,  ni  sur  les  évèques  de  France. 
L'épiscopat  gallican,  alors  compo- 
sé de  cent  trente-un  évèques  vivants, 
ne  fournit  a  cette  église  qu'un  con- 
sécrateur  des  nouveaux  prélats;  ce 
fut  l'évèque  d'Autun  M.  de  Talley 
rand-Périgord  ,  deux  assistants  (les 
évèques,  in  partibus  ,  de  Lidda  et 
de  Babylone),  et  trois  adhérents ,  sa- 
voir :  Loménie  de  Brienue  ,  arche- 
vêque de  Sens  ,  Jarante  ,  évèque 
d'Orléans,  et  Lafont  de  Savines,  évè- 
que de  Viviers.  Tous  les  autres  pré- 
lats de  France  restèrent  opposants  ; 
et  cette  opposition  fut  cause  de  leur 
exil  et  de  beaucoup  de  persécu- 
tions. Oblij';é  de  quitter  la  France  eu 
1792,  Bélhisy  se  retira  à  Bruxel- 
les ,  puis  en  Allemagne,  à  la  fin  de 
la  même  année  ,  chassé  par  les  armées 
f^-ançaises.  Les  événements  militaires 


200  BÈT 

lui  permirent^  qiieltjue  temps  après, 
de  se  rendre  en  iloUaudcj  et  de  la  , 
il  rentra  dans  Paris ,  au  péri!  de  sa 
vie  ,  en  1790  ,  liualre  jours  après  le 
meurtre  de  Louis  XVI,  «  Avant 
K  trouvé  celte  capitale,  dit-il,  aussi 
ce  tranquille  ,  aussi  livre'e  a  la  dissipa- 
ct  tion  et  a  la  joie ,  que  si  aucun  crime 
«  n'y  eût  été  commis ,  il  se  hàla  d'eu 
a  sortir  plein  d'horreur...  53  ,  revint 
a  Bruxelles ,  passa  en  Angleterre  , 
et  ,  de  cette  terre  hospitalière  .  ne 
cessa  jamais  de  gouverner  son  égli- 
se, malgré  la  dislance  et  !a  persécu- 
tion. Ce  fut  dans  ce  temps-la  que 
les  révolulionnaires  français  se  saisi- 
rent a  Rome  de  la  personne  du  sou- 
verain pontife,  Pie  VI,  le  chargè- 
rent de  chaînes,  et  l'entraînèrent  a 
Valence,  oii  il  mourul.  Malgré  le 
bouleversement  général  dont  la  révo- 
lution française  avait  couvert  l'Eu- 
rope, lescardiuaux  de  l'égliseromame 
se  rassemblèrent  a  Venise  ;  et  ,  au 
commencement  de  mars  1800,  ils 
élurent  a  la  chaire  pontificale  le  car- 
dinal Chiaramonli ,  év(?que  d'Imola, 
qui  fut  proclamé  sous  le  nom  de  Pie 
VIL  L  évêque  d'Uzès,  ainsi  que  plu- 
sieurs prélats  de  l'église  de  France  , 
entourés  d'un  grand  nombre  d'ecclé- 
siastiques ,  exilés  comme  eux,  se  trou- 
vaient alors  à  Londres.  Le  nouveau 
souverain  pontife  leur  adressa  une 
lettre  encyclique,  pour  leur  annon- 
cer son  exaltation  a  la  chaire  de  St- 
Pierre  ,  les  consoler  dans  leur  exil  , 
les  féliciter  de  leur  courage  a  com- 
battre pour  la  foi ,  et  les  engager  a 
persévérer  daiisla  condulle honorable 
qu'ils  avaient  tenue  jusqu'alors.  Mais, 
quelques  mois  après  ,  ils  reçurent  du 
même  pontife  une  seconde  lettre  , 
datée  de  Rome  ,  le  i3  sept.  1800, 
qui  leur  annonça  que  S.  S.  était 
entrée  en  négociations  avec  le  gouver- 
nement français,  pour  le  rétablisse- 


ment  delà  religion  catholique,  k  Da- 
te près  celte  cuiumunicalion  ,  dit  l'é- 
(c  vè'pie  dUzès,  de  concert  avec  ses 
ce  compagnons  d'exil  ,  les  évêques  de 
«  Frai'Ce  ,  pénétrés  de  respect  pour 
et  la  sollicitude  du  chef  de  l'Eglise, 
te  attendirent  en  silence  le  moment 
te  où  de  nouvelles  communications 
ec  pourraient  suivre  cette  première 
ee  ouverture.  Ils  étaient  toujours 
ee  dans  celle  confiance  quelaprudcnce 
ec  pontificale  viendrait  se  concerter 
ce  avec  eux,  lorsque,  tout-h-coup,  le 
ec  bref  du  lo  août  1801  vint  leur 
ee  apprendre  que,  par  le  résultat  des 
ce  conférences  entre  le  pape  et  le  chef 
ce  de  l'administration  de  France  ,  il 
ee  fallait  qu'ils  se  démissent  Ions, 
ce  spontanément,  de  leurs  sièges  épis- 
ee  copaux;  qu'ils  répondissent  dans  dix 
ce  jours  j  qu'il  fallailencore  que  laré- 
ee  ponse  fût  absolue, et  non  dilatoire, 
ce  en  sorte  que,  si ,  dans  cet  espace  de 
ec  dix  jours  ,  ils  ne  faisaient  pasparve- 
ee  nir  une  réponse  ahsoUie^  et  telle  que 
ce  le  St-Père  ne  pouvait  Iroplerecom- 
tc  mander  ,  il  serait  forcé  de  regarder 
ce  toute  autre  réponse  comme  un  re- 
ee  fus  d'acquiescer  a  ses  instances  5  et 
ce  enfin  ^  ajoutait  la  lettre  ,  si  ce  refus 
te  avait  lieu  ,  il  faudrait  que  le  pape 
te  en  vînt  k  des  moyens  qui  pussent 
te  écarter  tous  les  empêchemenis.  » 
A  cet  envoi  était  jointe  une  autre 
lettre  du  ministre  de  S.  S.,  qui  faisait 
connaître  que  ces  démissions  généra- 
les devaient  être  suivies  d'une  nou- 
velle circonscription  de  territoires 
épiscopaux  ,  et  par  conséquent  de 
Texlinclion  de  tous  les  litres  d'évêchés 
existants,  et  de  la  création  de  nou- 
veaux sièges.  Les  évèques  de  France, 
dispersés  ,  par  la  perséculiou  ,  dans 
tous  les  pays  de  l'Europe,  ne  pou- 
vant ni  se  consulter,  ni  concerter  en- 
semble une  réponse  générale  et  una- 
nime ,  prirent  des  résolutions  diffé- 


BET 

rentes.  Trpute-deux  donnèrent  leur 
démission  pure  et  simple  ,  sans  res- 
triction ,  telle  qu'elle  élait  demandée, 
et  sans  réclamations  postérieures. 
Huit  firent  des  réponses  dilatoires, 
et ,  cédant  a  quelques  considératious, 
envoyèrent  leur  démission  ,  qu'ils 
avaient  d'abord  refusée.  D'autres  en- 
fin crurent  devoir  refuser  leur  dé- 
mission jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  été 
mis ,  par  le  pape  et  par  le  gouverne- 
ment Irancais,  dans  le  cas  de  juger  si 
cet  abandon  de  leur  siège  était  vérita- 
Menieut  avantageux  et  nécessaire  au 
rétablissement  de  la  religion  catholi- 
que en  France  ,  et  au  bien  de  leurs 
églises  en  particulier.  Ils  adressèrent 
ensuite  au  souverain  pontife  des  ré- 
clamations ,  qui  furent  signées  par 
eux  tous,  an  nombre  de  trente-liuit. 
C'est  parmi  ces  derniers  que  se  trouva 
l'évèqiie  d'Uzès.  Dans  un  écrit  publié 
k  Londres  ,  le  6  avril  i8o3,  ces 
trente-huit  prélats  réclamèrent  et 
protestèrent,  i"  contre  le  concor- 
dat conclu  entre  Pie  Ylï  et  Bonaparte, 
le  i5  juillet  18015  2"  contre  les 
lettres  apostoliques  ,  2am  iniilta  ac 
iani  prœclara  ,  du  i5  août  1801  ■ 
3°  contre  la  h\.\\\<:  Ecclesia  Christi, 
du  18  des  calendes  de  sept.  1801  ; 
4°  contre  la  bulle  Qui  Christi  Do- 
mini  vices  ,  du  3  des  calendes  de 
déc.  1802  5  5°  contre  les  lettres 
apostoliques  Qiioniamfavente  T)eo, 
du  29  nov.  1801  j  6"  contre  deux 
décrets  rendus  par  le  cardinal  Ca- 
prara ,  légat  à  latere ,  datés  de  Paris, 
le  9  avril  i8or  ;  enfiu  ,  contre  tous 
les  actes  et  toutes  les  lois  par  lesquels 
on  avait  ,  disaient-ils  ,  usurpé  les 
sièges  des  évèques  ,  les  propriétés 
de  l'église  gallicane  ,  la  juridic- 
tion ecclésiastique,  et  le  trône  du 
légitime  souverain.  L'évèque  d'Uzès 
écrivit  au  pane,  le  6  août  1802  : 
«  Toutes  rétractations  sont   aujour- 


BET  201 

a  d'bni  désavouées  par  ceux  qui  de- 
tt  vaient  y  avoirélé  soumis.  Ouelscan- 
«  dale,  très-saint  Père,  que  ces  dés- 
ci  aveux!  En  vain  chercherait-on  a 
«  en  obscurcir  la  certitude  :  ils  ne 
K  sont ,  héîas  !  que  la  suite  d'une  ré- 
«  conciliation  précipitée,  sans  preuve 
K  suHisnule  d'arai^nderaent  et  de  re- 
tcpentir.  Ils  se  répandent,  ils  se 
«  publient  notoirement  par  toute  la 
a  France  ,  et  ils  ne  sont  démentis  par 
a  personne,  ni  par  ceux  qui  en  parais- 
«  sent  les  auteurs,  et  qui  devraient 
«  les  repousser  avec  horreur,  ni  par 
«  votre  légat  que  l'honneur  et  le  zèle 
«  obligeaient  de  réclamer  contre  les 
te  détails  rapportés  d'une  conférence 
«  tenue  entre  lui  et  les  évèques  à  ré- 
a  concilier  ,  et  le  mépris  de  son  ah- 
«  solution,  etc.  » — Après  la  mort  de 
l'évèque  de  Léon  ,  M.  de  Béthisy 
mérita  la  confiance  du  gouvernement 
anglais  ,  pour  l'administration  des 
secours  accordés  aux  émigrés  et  aux 
ecclésiastiques  exilés ,  dont  celui-ci 
était  chargé;  et  c'est  peut-être  a  ce 
prélat  (pi'ils  ont  du  la  continuation  de 
ce  bieniait,  après  la  restauration  de 
Louis  XVin.  Lorsque  le  roi  fut  re- 
monté ^ur  le  trône  de  ses  ancêtres  , 
eu  i8i4-j  l'évèque  d'Uzès  revint  a 
Paris  5  il  parut  un  instant  aux  Tui- 
leiies;  mais  les  affaires  ecclésiasti- 
ques n'avaient  pas  encore  pris  la 
marche  qu'il  eût  désirée;  et  ce  fut  en 
vain  que  les  habitants  d'Uzès  lui  fi- 
rent oiTrir  de  préparer  et  de  meubler 
a  leurs  frais  son  ancien  palais  épis- 
copal ,  s'il  voulait  revenir  l'habiter  : 
rien  ne  put  le  retenir  ;  il  retourna 
bientôt  aLondres,  Il  élait  dans  cette 
viile  au  commencement  de  1816, 
lorsque  le  roi  lui  fit  écrire  ,  ainsi 
qu'aux  auti  es  évèques  réfugies  eu 
Angleterre,  pour  leur  demander  la 
démission  de  leurs  sièges  :  ils  se  ras- 
semblèrent pour  délibérer;  et  M,  de 


202 


BET 


Béthisy  ,  iavilé  par  ses  confrères 
à  parler  le  premier,  dit  :  «  Mon 
ce  avis  est  de  prendre  aussitôt  des 
ce  passe-ports  pour  nous  rendre  a  Paris, 
ce  aux  pieds  du  roi  j  c'est  la  qu'il  cou- 
ce  vient  de  délibérer  sur  une  quesliou 
ce  si  délicate  et  si  importante  ,  pour 
ce  l'inlérêt  de  S.  M.  ,  le  bonheur 
«  de  la  France  ,  le  bien  spirituel 
ce  de  nos  troupeaux,  et  le  salut  de 
ce  nos  âmes.  3>  Cet  avis  ne  fut  point 
adopté;  et  tous  ces  prélats  envoyè- 
rent des  démissions  conditionnel- 
les. L'évèque  d'Uzès  fut  le  seul 
qui  ajouta  k  la  sienne  la  condition  de 
juger  par  lui-même  des  avantages 
et  de  Tutilité  de  celte  importante 
démarche  et  du  bien  qui  pourrait  en 
résulter.  Ce  prélat  mourut  à  Londres 
à  la  fin  de  Tannée  suivante  (1817). 
Il  avait  publié  ,  en  1800,  dans  cette 
ville,  sur  le  serment  qu'exigeait  le 
gouvernement  consulaire  des  ecclé- 
siastiques qui  voulaient  rentrer  en 
France,  une  brochure  intitulée  (Véri- 
table état  de  1 1  question  de  la  pro- 
messe de  fidélité  ,  d;ins  laquelle  il 
se  prononçait  avec  force  contre  cette 
promesse.  V — s — n. 

BEÏHISY  (le  comte  Chakles 
de),  iils  du  comte  Eugène,  naquit  en 
1770  ,  entra  au  service  dans  le  régi- 
ment du  roi ,  infanterie,  en  1786,  fut 
fait  capitaine  de  cavalerie  en  1788  , 
émigra  eu  1791,  fit  la  campagne  de 
1792  au  corps  de  Coudé,  dans  la  com- 
pa^jnie  du  régiment  du  roi,  devint  co- 
lonel en  second  d'un  des  régiments 
o 

de  Hohenlohe  ,  eu  1793,  et  se  trouva 
a  toutes  les  affaires  de  ces  différentes 
campagnes  ,  où  il  reçut  plusieui  s  bles- 
sures, entre  autres  deux  a  Bergslein, 
en  prenant  un  canon  aux  républicains. 
Il  oblin  t  la  croix  de  Saint-Louis  pour 
celle  action  courageuse,  hvingt-lrois 
ans,  ainsi  que  l'avait  obtenue  son 
père  au  même  âge  et  pour  des  causes 


BET 

semblables.  II  fit  encore  les  campa- 
gnes de  1794  et  1795,  en  Hollande, 
comme  lieulcnant-colouel  des  hus- 
sards de  Rohan.  Nommé  maréchal- 
de-camp  ala rentrée  du  roi  en  France, 
il  fut  fait  lieutenant  des  gardes-du- 
corps  dans  la  compagnie  de  Luxem- 
bourg, en  i8i4,  puis  aide-de-camp 
du  duc  de  Berri ,  et  chargé  d'un 
commandement  très-important  sur  la 
frontière  du  nord  pendant  les  cent 
jours  de  181 5.  Dans  la  même  année, 
le  département  du  Nord  le  nomma 
l'un  de  ses  députés  a  la  chambre , 
où  il  prononça,  le  16  janvier,  sur  la 
question  de  l'exil  des  régicides,  un 
discours  qui  fit  beaucoup  de  sensation, 
ce  Je  ne  répondrai ,  dit-il ,  qu'a  une 
ce  seule  des  pensées  exprimées  dans 
ce  cette  tribune  :  peut-on  être  plus 
ce  sévère  que  le  roi?  Oui,  messieurs, 
ce  on  le  peut  5  et  il  est  des  circon- 
ce  stances  où  on  le  doit.  Laissons  au 
ce  roi  ce  besoin  de  pardonner  ,  qu'on 
ce  ne  peut  comparer  qu'au  b^soin  que 
te  les  factieux  ont  d'en  abuser.  Pou- 
ce vons-nous  ,  voudrions-nous  l'empê- 
a  cher  d'être  clément  jusqu'à  la  raa- 
cc  gnanimité?  ISon,  car  il  ne  serait 
ce  plus  lui;  le  doux  sang  des  Bour- 
et  bons  coule  dans  ses  veines,  et,  fils 
ce  aîné  de  l'église,  il  pardonne.  Mais 
ce  nous,  messieurs,  qui  devons  a  la 
(c  France,  comme  ses  représenlanis, 
ce  de  rejeter  sur  les  vraisT  sur  les 
ce  seuls  coupables  l'horreur  d'un 
ce  grand  crime,  chargeons-nous  du 
ce  poids  de  la  sévérité,  de  la  justice, 
ce  Reporlons-nous  au  jour  de  cet  exé- 
«  crable  forfait.  Quel  est  celui  de  nous 
ce  qui ,  il  y  a  vingt-trois  ans ,  devant 
ce  des  Français,  en  présence  de  toutes 
(c  les  nations ,  eut  osé  s'élever  pour 
ce  les  régicides  ,  et  prononcer  que  la 
ce  France  leur  pardonne?  Quel  est  ce- 
ce  lui  quil'osera encore  aujourd'hui?... 
ce  N'oublions  jamais  que  la  devise  de 


BET 

a  nos  pères  est  Dieu ,  l'honneur  et 
a  le  roi  ;  el  si  l  inflexible  honneur 
«  nous  force  un  instant  a  dépasser 
ce  ses  voloulés^  si,  méconlent  de  ses 
ce  fidèles  serviteurs  ,  de  les  voir  con- 
te trarier  sa  royale  et  pieuse  clémen- 
ce ce ,  il  détourne  un  moment  de  nous 
ce  ses  regards  de  bonté  ,  nous  dirons, 
ce  comme  les  habitants  de  l'Ouest , 
a  comme  les  nobles  soldats  du  trône 
ce  et  de  l'autel  :  P^ive  le  roi!  quand 

ce  même »  Ce    discours   fut  sou- 

rent  interrompu  par  les  applau- 
dissements de  la  majorité  3  et  quel- 
ques jours  après,  Moksieur  ,  frère 
du  roi,  apercevant  le  père  de  l'o- 
raleur  ,  lui  dit  :  ce  Vous  êtes  bien 
ce  heureux  d'avoir  un  pareil  filsj  il 
ce  parle  comme  il  se  bat.  »  Le  comle 
de  Béthisv  fui  porté  à  la  présidence 
du  second  bureau  de  la  chambre  i/i- 
trouvable  deux  jours  nprès  et  tie  séan- 
ce. 11  était  i.lurs  commandant  d  une 
brigade  de  la  garde  royale.  11  fut  un 
des  membres  du  conseil  de  gueire 
qui  jugea  le  général  Debelle,  dans  le 
mois  de  mars  i8ig.  Réélu  membre 
de  la  chambre  des  députés  en 
1820,  par  le  département  du  INord  , 
BélLisy  fut  créé  marquis,  pair  de 
France  .  et  gouverneur  des  Tuile- 
ries après  la  mort  de  son  père. 
Chargé  du  coir.mandement  d'une  bri- 
gade de  la  garde  royale  dans  la  cam- 
pagne d'Espagne,  en  1823,  il  se  dis- 
tingua parliciilièremeut  à  l'attaque  du 
Trocadéro,  et  fut  nommé  lieulenant- 
généial.  Revenu  dans  la  capitale,  il 
tomba  malade,  et  ne  fit  plus  que 
languir  jusqu'à  l'époque  de  sa  mort , 
le  5  octobre  1827. —  Son  fils  aîné, 
le  marquis  Richard  de  Béthisy,  qui 
lui  avait  succédé  a  la  pairie,  mourut 
a  Paris  le  2  5  sept.  i85o  ,  âgé  de 
2[  ans,  a  son  retour  d'Alger  ,  où  il 
avait  servi  avec  distinction  comme 
officier  de  cavalerie.  M — DJ. 


BET 


ao3 


BETHUXE  (QuESNEs  ou  Coes- 
lîES  de),  un  des  ancêtres  de  Sully, 
qui  en  parle  dans  ses  Mémoires,  na- 
quit en  1 1  5o  ,  ou  même  auparavant, 
puisqu'en  l'année  1224.  le  poète- 
historien  Ph.  Mouskes,  en  rappelant 
qu'il  n'existait  plus  ,  le  nomme  le 
vieux  Quesnes.  Son  frère  aîné  Guil- 
laume était  avoué  de  la  ville  de  i3é- 
thuue.  Quant  a  lui  ,  il  passa  une 
grandi'  partie  de  sa  vie  hors  de  son 
pays.  Il  vint  à  la  cour  de  France  vers 
1 180,  et  ce  fut  là  qu'il  put  voir  la 
comtesse  de  Champagne,  qui,  quoique 
plus  âgée  d'au  moins  dix  ans,  lui  in- 
spira une  véritable  passion.  Quesnes, 
avec  Antoine  de  Êéthuue  ,  arbora 
le  premier  l'élendard  sur  les  murs 
de  Conslantino['le, lorsqueBaudojin, 
comle  de  F'andre,  emporta  celle  ca- 
pitale sur  Alexis  Conmène  5  il  gou- 
verna plusieurs  fois  en  l'absence  de 
l'empereur  ainsi  que  pendant  Flnter- 
règne,  et  ne  se  rendit  pas  moins  cé- 
lèbre par  ses  vers  que  par  sa  bra- 
vouie  et  ses  talents  politiques.  La 
reine  Alix  de  Champagne,  qui  se  mê- 
lait aussi  de  rimer,  voulut  l'enlendre. 
Mais  cette  épreuve  ne  fui  pas  favo- 
rable à  Kéihune.  Alix  le  trouva 
suranné  el  dénué  de  délicatesse.  Pour 
venger  ses  vers,  Quesnes  en  fit  de 
nouveaux.  Il  composa  des  pièces  sati- 
riques, genre  dans  lequrl  il  réussit 
complètement.  M.  Paulin  Paris  a 
ressuscité  en  quelque  sorte  Quesnes 
de  Béthune  ;  et  dans  son  B.oniancero 
(Paris,  i833^p.  77-1 1  0  )  a  inséré 
neuf  chansons  Irès-remarquables  sous 
son  nom ,  avec  des  notes  el  uncnolice 
sur  sa  vie.  Geoffrov  de  Villeliardouin, 
Henri  de  Valenciennes  et  Philippe 
Mouskes  racontent  avec  complai- 
sance les  nombreux  services  qu  il  ren- 
dit aux  croisés,  et  ils  insistent  sur 
sa  renommée  de  prud'hommie. 
R— F— G, 


2u4 


BET 


BETTINI  (Aktoinf,),  l'auleur 
du  plus  ancien  lirre  counu  ,  où  l'on 
trouve  des  planches  en  lalUedouce  , 
mérite  a  ce  tilre  seul  une  place 
danslaBiograpliie.  llnaquitcn  1396, 
h  Sienne,  et  consacra  ses  premières 
auuées  a  l'élude  des  lettres  et  des 
sciences  cultivées  de  sou  temps.  Avant 
embrassé  la  vie  religieuse  ,  en  liôg., 
dans  l'ordre  des  Jésuates,  il  fut  tiré 
de  son  couvent  ,  en  i46i  ,  pour  oc- 
cuper le  siège  épiscopal  de  Foligno. 
Dans  ses  nouvelles  fonctions,  il  se 
distingua  surtout  par  sou  zèle  pour  le 
soulagement  des  pauvres.  Il  élablit 
un  monl-de-plété  pour  diminuer  le 
fléau  de  l'usure  ,  et  le  dota  de  la  plus 
grande  partie  de  ses  revenus,  ne  se 
réservant  que  le  plus  strict  nécessaire. 
Il  se  démit  de  son  siégea  raison  de 
son  grand  âge,  et  se  retira  dans  un 
couvent  a  Sienne,  où  il  mourut  le 
22  oct.  1487.  Celui  de  ses  ouvrages 
auauel  il  doit  sa  réputation  est  in- 
titulé :  //  monte  santo  di  Dio , 
Florence,  1 4-7 7  ?  i''-^"  5  orne  de 
trois  estampes  gravées  sur  cuivre  (i), 
que  l'on  croit  du  même  artiste  a  qui 
l'on  attribue  celles  du  Dante  de  i  4-8  i 
[Voy.  Baldini,  III,  275).  Aucun 
livre  n'a  plus  occupé  les  bibliogra- 
jtbes.  Il  a  été  décrit,  d'après  l'exem- 
plaire de  la  Casanate  ,  dans  la  pre- 
mière des  Lettres  de  Mercier  de 
Saint-Léger,  à  ^I.  le  baron  de  H. 
(Heiss),  sur  différentes  éditions  rares 
du  XV*"  siècle  (  Voj.  Mercier  (2) , 


(i)  L'auteur  de  VEs^ai  sur  l'origine  de  la  gra- 
vure en  bais  et  en  laii/eiiouce  (  M.  Jaiisen  ),  tom. 
1,  p.  I74>  commet,  à  l'égard  du  livie  de  Bettini, 
uue  ineiirise  que  l'on  s'élonne  de  rencontrer  dans 
un  ouvrage  aussi  estimable.  11  place  l'edilion  de 
1477  du  Monte  santo  au  nombre  des  livres  <!u 
quinzième  siècle,  (jui  se  font  remarquer  par  des 
estampes  en  bois  ,  tandis  qu'elles  sont,  ajjrès  les 
nielles  florentines,  le  plus  ancien  monumcat 
connu  delà  gravure  sur  métal.  L — m — x. 

(2)  Dans  cel  article  l'imprimeur  a  fait  Betlini 
jésuite  au  lieu  de  jésuute.  Voy.,  sur  cet  ordre, 
l'art.  S.  CoioMBiïi,  son  fondaleur,  IX,  3o6. 


BET 

XXVIII,    543)  ;  P'ir  le  P.  Lalrc  , 
tlans  l'Index librorum ah  invent,  ty- 
f)Ograph.,  I,  409  ,  où  il  relève  quel- 
ques inexactitudes  de  Mercier;   par 
Fossl ,    dans  le  Catalog.    codicuni 
bihlioth.  magUabecciiiana,  I,  317; 
par  Audiffredi,  dans  le  Calai,  edit. 
italicar.  sœculi  XV^,  266-71,  où 
il  répond  à  la  critique  du  P.  Laire  ; 
et  enfin  par  la  Serna,  dans  le  Dicl. 
bibUograpIi.    choisi,   II,  174-  La 
li-oisième   estampe  ,    qui   représente 
l'enfer,  d'après  les  idées  du  Dante,  a 
été  reproduite  dans  le  Catalogne  de 
La  Vallière,  tom.  I,  265,   Cet  ou- 
vrage a  été  réimprimé  à   Florence  , 
1491,  petit  in-fol.  à  deux  colonnes  , 
avec  trois  gravures  sur  bois,  copiées 
sur  celles  de  l'édition  précédente.  On 
doit  encore  àBeltini  :  I.  De  divina 
prœordinatione  vitœ  et  mortis  hii- 
mance ,   i48o,in-4°.  Les  bibliogra- 
phes en  citent  une  autre  édition  ,  sans 
date,  qu'ils  croient  sortie  des  presses 
de  quelque  imprimeur  deFlorence.  Ce- 
pendant Mercier  de  St-Léger  donne 
cet  ouvrage  comme  manuscrit,  inad- 
vertance qui  lui  a  été  reprochée  du- 
rement  par    l'abbé    Rive  ,    dans   la 
Chasse  aux  bibliographes,  3  7  4-  IL 
Esposizione  délia  donùnicale  ora- 
zione ,  Brescia,  1086,  in- 12  ;  Gènes, 
1690,  même  format.  Paul  Morigia  , 
jésuate  et  non  jèsuile ,  a   donné  la 
vie  de  Bettini  d:ns  la  Storia  deiper- 
sonnagi   illiislri    delU    ordine    de 
Gesuati  [Voy.   MoRiGiA ,    XXX, 
160).  W— s. 

IÎETTOXI(le  comte  Charles), 
né  a  Bugliaco  ,  sur  le  lac  de  Garde , 
le  26  mai  1735,  fit  ses  premières 
études  h  Bologne  ,  et  les  termina  a 
Floience  et  a  Home.  Il  montra  dès 
l'enfance  celte  tendre  sensibilité  qui 
dispose  àlabienfr.isance.  Cet  heureux 
penchant  se  fortifia  avec  l'âge  ,  et 
l'amour  de  l'humanité  devint  sa  pas- 


BET 

sion  domiuaute.  L'agriculture  et  les 
arts  mécaniques,  qui  so:it,  pour  les 
états  comme  pour  les  particuliers  ,  la 
source  réelle  de  toute  prospérité  , 
furent  les  principaux  objets  de  sesélu- 
des.  Recueillant  avec  soin  tout  ce  que 
l'on  avait  écrit  sur  l'art  de  cultiver 
la  terre  ,  il  répétait  les  expériences , 
en  essayait  de  nouvelles ,  et  propa- 
geait de  tout  son  pouvoir  les  découver- 
tes utiles.  En  1768,11  fondaaBres- 
cia  une  société  d'agriculture,  dont  il 
ne  fut  pas  un  membre  iuactif.  Le 
Eombre  de  ses  Mémoires  est  con- 
sidérable. Ou  a  distingué  ceux  qui 
traitent  de  la  tourbe ,  des  engrais ,  des 
vers  a  soie,  de  la  culture  des  oliviers, 
àvsaigrio'es,  des  vignes.  La  maladie 
des  mûriers  l'avait  parliculièremeut 
occupé,  et  en  1776  il  eu  proposa  le 
remède,  offrant  eu  même  temps  un 
prix  de  vingt  sequins  a  celui  qui,  par 
des  expériences  bien  faites,  en  consta- 
terait la  bonté  ou  FinefËcacité.  Trois 
ans  auparavant ,  il  avait  proposé  un 
prix  de  vingt-cinq  sequins  pour  la 
medleure  manière  déformer  et  d'em- 
ployer les  engrais  5  et  depuis  il  en  pro- 
posa un  de  même  valeur  pour  le  per- 
teciionnement  de  1  agriculture  dans  le 
Bresciau  ,  un  autre  de  cinquante  se- 
quins pour  les  moyens  les  plus  propres 
h.  généraliser  la  pratique,  encore  peu 
étendue,  de  nourrir  avec  des  feuib- 
les  d'arbres  le  gros  et  le  menu  bé- 
tail. Il  fit  aussi  de  nombreuses  re- 
cherches et  des  découvertes  pour  la 
cousiruction  des  jardins  à'aig/-iires  , 
des  dévidoirs  d'un  mouvement  plus 
facile,  et  des  fourneaux  économi- 
ques. Uu  grand  travail  qui  l'oc- 
cupait beaucoup  ,  et  que  ta  mort 
prématurée  a  malheureusementinter- 
rompu,  c'était  une  carte  topographi- 
que et  géologique  du  lac  de  Garde  et 
des  terres  environnantes  ,  dans  une 
étendue  de  douze  a  quinze  milles.  En 


BEL 


2o5 


1782,  il  publia  ,  sous  ce  titre  :  Pen- 
sieri  sulgoveriio  de  Fiumi ,  un  vol. 
is-4-",  dans  k  quelil  rappcrleles  expé- 
riences qu'il  avait  faites  pour  préserver 
sespossessiousdesdégâts  des  eaux  flu- 
viales. Eu  1784^,  en  suivant  les  ex- 
périences de   MongoiËer  ,  il  écrivit 

I  Lojno  volante  per  aria,  per  ac- 
qua  e  per  terra  y  vol.  in-8°,  Venise. 

II  ne  songeait  pas  seulement  aux 
progrès  des  scieuces  ,  il  recherchait 
aussi  soigneusement  les  moyens  de 
pcrfecliouner  la  morale  publique. 
En  1776,  il  fonda  à  Brescia  uu  prix 
de  cent  sequins ,  pour  un  recueil  de 
vingt-cinq  iNouvelles  à  l'usage  de  la 
jeunesse,  oîi  les  principales  vertus 
pratiques  fussent  mises  eu  action  , 
pour  former  un  cours  de  philosophie 
morale.  En  1786,  il  en  fonda  uu 
pareil  a  Milan  pour  viugt-cinq  autres 
ÎNouvelles,  et  enfiu  uu  autre  prix 
de  deux  cents  sequins  ,  a  Padoue , 
pour  l'auteur  qui  indiquerait  les  meil- 
leurs moyens  de  réveiller  et  de  con- 
server l'amour  de  riiumanité  dans  le 
cœur  des  jeunes  gens  que  leur  fortune 
et  leur  naissance  destinaient  aux 
grandes  places.  Ce  philantrope  mou- 
rut d  une  affection  de  poitrine  le  5i 
juillet  1786,  âgé  de  5i  ans,  après 
avoir  légué  tous  ses  biens  k  l'acadé- 
mie de  Padoue.  Dans  ses  loisirs,  le 
comte  Beltoui  avait  fait  quelques 
pièces  de  théâtre  j  mais  songeant 
toujours  a  l'utile,  c'était  dans  un  but 
moral  et  pour  l'inslruclion  de  la  jeu- 
nesse qu'elles  étaieut  composées. 
Kous  citerons  celle  qu'il  avait  intitu- 
lée le  ?,Iilord  philantrope.  B — ss. 

BEUGîiEM  (  Charles -An- 
TOiNE-Fp.A>'(:ois-DE-PArLE  ,  Yau )  , 
né  a  Bruxelles,  eu  I74-4-  •,  obtint,  en 
1763  ,  a  l'université  de  Louvain,  le 
grade  de  bachelier  de  la  faculté  de 
théologie  ,  et  cinq  ans  après  reçut 
les  ordres  sacrés.  Se  sentant  du  "oiit 


2o6 


BEU 


pour  l'enseignement ,  il  fut  d'abord 
professeur  de  poésie  a  Turnhout  ,  et 
passa  ensuite  au  collège  de  Conrlrai, 
qu'il  diiigea  pendant  ([uatre  années. 
En  s'appliqiiaul  à  l'éducation  de  la 
jeunesse,  il  accordait  quelques  in- 
slanls  a  la  poésie  latine,  flamande 
et  française  ,  oii  il  réussit  fort  peu. 
Il  fut  plus  heureux  en  réclamant  , 
un  des  premiers,  !a  répression  dt-s 
désordres  de  la  raendiclié  ,  question 
qui  donna  occasion  au  vicomte  de 
Vilain  XIV  ,  de  publier  a  Gand  ,  en 
1776  ,  in-/i°,  son  Mémoire  sur  les 
moyens  de  corriger  les  malfai- 
teurs et  f.dnéanls.  Les  coUè^fes 
theresiens  ayant  succédé,  l'année  pi  é- 
cédente,  a  ceux  des  jésuites  j  Van 
Beughem,  malgré  son  affection  pour 
ces  pères  ,  obtint  la  place  de  princi- 
pal du  collège  de  la  ville  de  Gand  , 
qu'il  ne  quitta,  douze  ans  après  ,  que 
pour  remplir  les  fonctions  de  secré- 
taire du  siège  vacant  de  l'évêché  de 
Tournai.  Son  attachement  aux  prin- 
cipes de  la  révolution  brabançonne 
le  fit  choisir  en  1790,  par  le  cardinal 
de  Fraukeuberg  ,  archevêque  de  Ma- 
lines  ,  pour  occuper  le  même  poste 
auprès  de  sa  personne.  Il  est  a  croi- 
re qu'il  eut  beaucoup  de  part  a  plu- 
sieurs des  factums  lancés  alors  dans 
le  public  ,  et  qu'il  fut  chargé  de  la 
défense  de  sou  patron  .  qui  entre 
autres  adversaires  comptait  l'abbé 
Sabalier  de  Castres  (i).  Le  prélat 
ne  put  long-temps  mettre  à  profit 
le  zele  de  son  secrétaire.  Il  prit  lui- 
même  la  fuite  ,  quand  l'armée  fran- 
çaise envahit  la  Belgique  ,  en  1792. 
De  sou  côté  Van  Beughem  n'avantpas 
voulu  prêter  serment  de  haine  à  la 
royauté ,   coulre  laquelle  cependant 

(i)  Voy.  Sabatieb  ,XXX1X  ,  421  ,  dont  i'.nr- 
ticle  ne  inenlioniie  pas  le  C'nifitcor  de  .M.  lu 
cardinal  ,  anltcveque  de  Jtalines  ,  ni  la  f^eiilé 
vengée,  Bruxelles,  171(9,  in-8°  ;  brochares  qui 
sont  pourtant  de  lui . 


BEU 

il  avait  vu  avec  joie  se  former 
une  révolution  ,  fut  arrêté  a  Mali- 
nes  ,  détenu  sept  mois  dans  celte 
ville,  conduit  ensuite  a  Versailles, 
et  condamné  a  être  déporté  à  l'île 
d'Oléron.  Mais  le  mauvais  état  de 
sa  santé  ne  le  permit  pas  5  et  ,  après 
avoir  passé  deux  ans  dans  la  prison 
de  Versailles,  il  obtint  la  permis-ion 
de  se  promener  quelques  heures  de 
la  journée  dans  la  ville,  et  même, 
plus  lard,  celle  de  s'y  choisir  une  ha- 
bitation sous  la  responsabilité  du 
maire.  Il  partageait  son  temps  entre 
la  culture  des  lettres  et  la  visite  des 
hôplauxj  car,  quoique  intolérant  et 
fougueux  dès  qu'il  s'agi.^sait  de  ses 
opinions  et  de  ses  préjugés,  il  était 
charitable  et  bienveillant  quand  ses 
idées  de  prédilection  n'étaient  point 
contrariées.  A  la  chute  de  Napoléon, 
il  revint  dans  sa  patrie,  et  se  brouilla, 
pour  quelques  motifs  assez  frivoles, 
avec  sa  famille,  llétait  alors  question 
du  Sort  de  la  Belgique  et  de  sa  réu- 
nion à  la  Hollande.  Van  Beughem 
considérait  cet  événement  comme  la 
perte  de  la  religion  catholique.  Il 
voulait  le  rétablissement  des  jésuites 
et  le  gouvernement  conçu  par  Vander 
Noot  {Voy.  ce  nom,  au  Suppl.). 
Ses  vieilles  rancunes  se  réveillèrent 
peu  après,  plus  ardentes  que  jamais. 
En  18  i4,ilpnb'ia  plusieurs  brochures 
que  l'on  n'a  pas  énuraéi-ées  dans  la 
première  livraison  du  Messager  des 
sciences  et  des  arts,  Gand  ,  i832, 
in  -  8°  ,  quoiqu'on  y  ait  inséré  sa 
notice  biographique.  Il  déclara  sur- 
tout la  guerre  à  Van  Boeckhout  , 
qui  se  portait  l'avocat  de  la  réu- 
nion de  toutes  les  anciennes  provin- 
ces belges.  Ce  fut  cette  année  qu'il 
impriîîia  \e Bouclier,  TUnité,  l'An- 
tidote contrée  le  sonmambulisnie. 
Il  ne  fut  pas  étranger  non  plus  aux 
querelles  de  l'évêque  de  Gaad  (  Bro- 


BEU 

glie),  avec  le  gouvernement.  La  mort 
seule  mit  un  terme  a  son  ardeur  bel- 
liqueuse. Il  mourut  a  Bruxelles  le 
2  1  déc.  1820,  âgé  de  soixante-six 
ans.  La  plupart  de  ses  vers  latins  , 
flamands  et  français  onlelé  recueillis 
sous  ce  tilre  ;  Documenta  e  variis 
testanienti  historiispetita,  Maliues, 
1797  ,  in-8"^  il  u'y  en  a  pas  un  au 
dessus  du  médiocre.  Le  Messager 
des  arts  contient  une  longue  liste  de 
morceaux  de  Van  Beu^hem,  j)eu  éten- 
dus et  sans  aucune  importance,  entre 
lesquels  néanmoins  on  dislingue  :  L 
Fructus  suppressd  Corlraci  men- 
dicitale  exorti ,  Courtrai  ,  X776, 
in -12  5  traduit  en  flamand  par  M. 
Wolf  ,  échevin  de  Courirai.  IL 
O ratio  in  funere  M ariœ-The re- 
stée, Gaud,  1781  ,  in-4°.  Cette  orai- 
son fut  traduite  en  français  par  J.- 
B.  Lesbroussart,  qui  traduisit  encore 
un  autre  discours  scolaslique  du 
même,  sViV  V Homme ,  œuvre  de  la 
Providence.  R — f — g. 

BEULAN  (en  latin  Beulaî.us)  , 
historien  anglais  qu'on  croit  avoir 
vécu  au  milieu  du  septième  siècle 
(en  64-0,  selon  Baie,  65o  suivant 
Pils)  ,  avait  pour  père  un  autre  Beu- 
lan  a  tort  confondu  avec  lui  par 
INicolas  ,  dans  sa  Bibliographie  de 
l'Histoire  d'Angleterre.  Breton  de 
naissance  ,  Beulau  le  père  étudia 
laborieusemeRt  les  généalogies  des 
familles  étrangères  introduites  parles 
invasions  saxonne  et  angle  dans  la 
Grande-Bretagne  ,  et  en  consigna  les 
résultats  dans  son  De  Genealogiis 
gentium.  Le  fils  qui  semble  avoir 
été  natif  du  Northumberland,  étudia 
du  moins  pendant  sa  jeunesse  dans 
l'île  de  \Vij;lit.  De  retour  dans  sa 
patrie,  il  futlélève  d'Elbode,  évèque 
aussi  renommé  en  ces  temps  de  ténè- 
bres pour  l'érudition  que  pour  la  sain- 
teté. Le  célèbre  !P^nnius,évêque  de 


BEU 


207 


Bangor,  avait  été  le  disciple  de  Beu- 
lan  le  père  ;  il  fut  intime  ami  du  (ils. 
Comme  toute  science,  a  cetteépoque, 
était  retirée  dans  les  monastères  ,  les 
historiens  littéraires  de  la  Grande- 
Bretagne  ont  présumé  ,  avec  beau- 
coup de  vraisemblance,  que  Beulan 
était  moine.  On  a  même  prétendu  que 
l'état  ecclésiastique  avait  été  celui 
du  père  j  et  l'on  a  vu  là  un 
exemple  nouveau  de  la  liberté  que 
les  prêtres  avaient  de  se  marier. 
Ces  conclusions  nous  paraissent  peu 
fondées.  Du  reste  Beulan  semble 
s'être  plus  livré  aux  études  profanes 
qu'aux  travaux  sacrés,  s'il  faut  en 
juger  par  ses  ouvrages  ,  qui  sont  tous 
écrits  en  latin  ,  savoir  :  I.  Descrip- 
tion de  l'île  de  TVight  (  rédigée 
sur  les  notices  de  Pline  et  de  Ptclé- 
mée,  et  sur  ses  propres  observations). 
IL  Annotations  sur  ISonnius.  III. 
Histoire  des  actions  du  roi  Arthur 
en  jtJcosse.  IV.  Itinéraire  histo- 
rique. F CT. 

lîEURNONVïLLE  (le  marquis 
Pierre  Riel  de),  ra;iréchal  de  Fran- 
ce,  né  le  10  mai  1752,  k  Champi- 
gnoles  ,  près  de  Bar-sur-Aube,  d'une 
taiiille  de  bourgeoisie,  fut  d'abord 
destiné  k  l'état  ecclésiastique  5  mais 
pendant  qu'il  suivait,  sans  vocation, 
un  cours  de  théologie,  il  obtint,  dès 
l'âge  de  quatorze  ans,  son  admission 
dans  le  beau  corps  de  la  gendarme- 
rie deLunéville,  où  les  simples  ca- 
valiers avaient  rang  de  sous-lieute- 
naut ,  et  passa  en  1776  ,  avec  ce 
grade,  dans  le  régiment  colonial  de 
l'Ile-de-France  ,  où  il  devint  bientôt 
capitaine.  Après  avoir  fait,  sous  Suf- 
fren  ,  les  trois  campagnes  de  l'Inde 
(  1779-1781  ),  où  il  reçut  deux 
blessuies  ,  il  revint  a  l'î  e  Bour- 
bon ,  et  V  fut  successivement  aide- 
m.ijor,  major  et  commandant  des 
milices.  A  la  suite  de  quelques  que- 


2oS 


BEC 


relies  avec  le  gouverueur  de  celle 
colonie,  il  fut  deslllué  eu  1789,  et 
vint  aussitôt  en  France,  où  il  {)oifa 
ses  plaintes  k  tous  les  pouvoirs,  et 
même  a  l'assemblée  nationale.  Ou  lui 
donna  pour  toute  satisfaction  la  croix 
de  Saiul-Louis.  S  étant  déclaré  avec 
beaucoup  de  chaleur  pour  la  cause  de 
la  révolution,  il  publia  un  projet  de 
cunslltutioii  des  colonies  orienta- 
les. M.  Ciiasteauueuf  dit  (probable- 
ment d'après  Beurnonville  lui-même), 
que  le  ministre  de  la  marine  Tbéve- 
uard  avait  adopté  ses  plans ,  et  i]u'il 
lai  destinait  le  gouvernement  de  Tîle 
Bourbon  ,  lorsqu'il  fut  remplacé 
par  Eertraud-Mole ville.  La  guerre 
ajant  éclaté  en  1792,  Beurnonville 
devint  aide-de-carap  du  marécbal 
Luckuer,  avec  le  grade  de  colonel,  et 
le  i5  mai  1792  maréchal decamp.  On 
le  chargea  aussitôt  de  la  défense  du 
camp  de  Maulde,  oîiil  résista  pendant 
plusieurs  mois  K  des  forces  supérieu- 
res. Cette  résistance  lui  valut  de 
grands  éloges  du  général  en  chef,  et  un 
peu  plus  tard  le  grade  de  lieiilenant- 
géuéral.  Dumouriez,  qui  l'avait  pris 
dans  une  grande  affection,  et  qui, 
soit  a  cause  de  sou  courage,  soit  k 
cause  de  sa  baute  stature  ,  l'appelait 
i Ajax  françcds  ,  le  fit  veuir ,  k 
marches  forcées,  de  la  frontière  du 
nord  ,  avec  sa  division ,  dans  les 
premiers  jours  de  septembre,  pour 
prendre  part  aux  grands  événements 
qui  allaient  s'accomplir  dans  les 
plaines  de  la  Champagne.  Beurnon- 
ville arriva  la  veille  de  la  bataille 
de  Valmy  ,  et  il  concourut  a  celte 
facile  victoire.  ISommé  aussitôt  après 
commandant  de  l'avant  -  garde  ,  il 
suivit  les  Prussiens  daus  leur  re- 
traite, qu'il  avait  ordre  de  ne  pas  in- 
quiéter, et  il  témoigna  plusieurs  fois 
dans  ses  rapports  toute  son  impatience 
d'un  pareil  ordre.  Il  commandait  une 


BEU 

division  a  Jciuniapes ,  cl  il  reçut  ce 
jour-là  même  (  I^  nov.  ) ,  sur  le 
champ  de  bataille,  la  commission  de 
général  en  chef  de  l'armée  du  centre  , 
destinée  a  conquérir  le  Luxembourg 
et  le  pays  de  Trêves,  taudis  que  Du- 
mouriez allait  envahir  la  Be'giijue. 
Mais  celle  conquête  ne  fut  pas  aussi 
facile  qu'on  l'avait  espéré.  Les  Fran- 
çais essuyèrent  a  la  montagne  Verte, 
a  Pelligcu  et  k  Greweu  -  Macker 
des  perles  considérables ,  que  Beur- 
nonville dissimula  de  son  mieux.  11 
donna  même  a  cette  occasion  un 
exemple  de  rélicence  et  de  mensonge 
tel  qu'aucun  autre  rapport  ou  bulletin 
officiel  ne  l'asurnasse  depuis.  tcL'en- 
«  uerai,  dit-il,  a  perdu  beaucoup  de 
ce  monde  ^  elnous  en  avons  été  quittes 
«  pour  le  petit  doigt  d'un  chasseur,  jj 
Cette  gascouaade  lit  long-temps  rire 
toute  la  France  ;  et  elle  douna  lieu  k 
celte  épiiTramme  : 

Quand  d'ennemis  tués  on  couiple  plus  de  mille  , 

ISousnc  (levdons  qu'un  doigt,  encor  lepluspelil.' 

ilolà  !  monsieur  de  Beurnonville  , 

Le  petit  doigt  n'a  pas  tout  dit. 

Dumouriez  n'ayant  pu  lui-m'-me  re- 
jeter les  Autrichiens  au  -  delà  du 
Pv-hin  ,  eî  s'élant  vu  forcé  de  s'arrêter 
derrière  la  Roér  pour  y  prendre  ses 
quartiers  d'hiver  ,  Beurnon\ille  fut 
obligé  de  prendre  les  siens  derrière 
la   Sarre  (i).  Mais  dès  les  premiers 


(ij  il  écrivait  ïïu  coinilc  de  la  guerre  :  «  Citoyens 
législateurs.  .  ,  depuis  le  C  ntiv.  jiisques  au  2> 
déc.  que  l'aïuiée  est  rentrée  d;ris  ses  ca^itoune- 
ments  ,  elle  a  constamment  vécu  sur  le  pays 
ennemi  ou  sur  ceux  de  Kassau  et  Az  Deux- 
Ponts,  dont  elle  lire  encore  la  plus  grande 
partie  de  ses  subsistances.  J'ai  coustannuejit 
tiré  de  ces  divers  pays  ,  depuis  le  ciunmen- 
cement  de  novembre  ,  trois  cents  milliers  de 
foin  ,  et  dix-buil  mille  boisseaux  d'avoine  tous 
les  Jours  f  que  j'ai  payes  en  bons,  et  sans   avoir 

déboursé   un   écu Cependant  ma  situation 

est  telle  ,  qu'ayant  tout  consommé  dans  le  pays 
ennemi  d'outre  Sarre  et  Moselle,  j'ai  <to  forcé 
de  prendre  une  ligne  défensive  depuis  Saarbruck 
jusqu'à  I.ongwy  ,  et  que  je  n'ai  trouvé  aucun 
moyen  sur  mes  derrières  pour  pouvoir  exister. 
J'ai  et^  forte  d'éioignft'  ma  eavaleric  ,  mes  the- 


BEU 

jours  de  février  ,  ayant  é(é  nom- 
mé ministre  de  la  gucirc  a  la  pla- 
ce de  Pache ,  il  se  rendit  à  Paris, 
où  il  était  k  peine  entré  dans  ces 
nouvelles  fonctions  qu'aux  prises  avec 
le  parti  de  la  montagne,  il  se  vit 
environné  de  iQutes  sortes  de  diffi- 
cultés. Il  écrivit  alors  a  la  conven- 
tion nationale  <jue  ,  se  croyant  plus 
propre  à  servir  la  patrie  par  son  épée 
que  par  sa  plume  ,  il  demandait  sa 
démission  pour  retourner  k  l'armée. 
Cette  demande  excita  beaucoup  de 
rumeur  dans  l'assemblée,  et  la  de- 
mission  ne  fut  acceptée  qu'a  condition 
que  le  ministre  rendrait  ses  comptes 
avant  de  partir.  Il  les  rendit  ;  et  déjà 
il  était  près  de  s'éloigner,  lorsqu'une 
nouvelle  nomination  aux  mêmes  fonc- 
tions (du  4-  mars  1795),  obtenue  par 
une  sorte  de  triomphe  du  p.arti  mo- 
déré ,  le  força  de  rester.  Quelques 
jours  après  il  faillit  être  assassmé  par 
des  émissaires  de  la  société  des  jaco- 

vaux  d'.imbulance  et  d'.nrtiUciie  faute  dé  four- 
rages .  el  je  suis  réduit  m.iinlenanl  à  ne  pouvoir 
meltre  un  ch-val  à  mrs  avaut-nostes  ,  faute 
d'une  boce  de  foin.  Je  me  vois  eufin  réduit  à  la 
dure  nécessité  de  reculer  mes  lignes  défensives 
ou,  de  renvoyer  mes  pièces  de  campagne  ,  faute 
de  fourrages,  pour  pouvoir  faire  exister  le  peu 
de  chevoux  d'artillerie  qui  leur  sont  altacliés. 
A  IV'garcI  des  autres  objets  de  subsistances  ,  il 
résuUe,  des  elats  de  situation  qui  m'ont  été 
remis  par  l^s  commandants  des  places  ,  que  je 
n'ai  que  pour  quin?e  jours  de  vivres  à  Metz, 
pour  douze  à  Sarre-Louis  ,  et  pas  [jour  deux  à 
TliionviUe  ,  et  il  en  est  de  même  de  toules  mes 
places  de  première  ligne.  J'observe  que  toutes 
mes  places  n'ont  pas  le  tiers  des  garnisons  sur 
le  p'ed  de  guerre;  qu'au  moyen  de  sept  mille 
hommes  que  je  viens  d'envoyer  au  secours  de 
Custine  ,  il  ne  m'en  reste  pas  huit  d'infanterie 
pour  surveiller  quirante-luiit  lieues  de  frontière  ; 
qu'étant  dépourvu  de  fourrages  ,  je  ne  puis  faire 
usage  de  ma  cavalerie  ;  et  que  si  'Thioiiville  était 
seulement  investi  par  quinze  mille  hommes , 
cette  excell-înte  place  ,  qui  s'est  si  vaillamment 
défendue,  serait  obligée  de  se  rendre  en  moins 
de  cinq  jours  par  la  faim  ,  ainsi  que  les  autres. 
L'on  m'a  dit  qu'il  existait  des  magasins  immen- 
ses à  Cliàlons.  Je  lue  sois  assuré  ,  en  y  passant 
moi  même,  qu'il  n'y  a  pas  de  quoi  nouriir  mon 
armée  seulement  pendant  six  jours.  On  m'a 
dit  que  ces  magasins  immenses  se  versaient  sur 
Metz  ;  je  n'ai  rencontré  que  quàranic-ci^iq  voi- 
tures en  route  ,  au  lieu  de  deux  cent  cinquante 
qui  me  sont  nécessaires. ....  Fiualement  je  re- 

LVIII. 


BEU 


aog 


bius ,  auxquels  II  n'échappa  qu'en  es- 
caladant les  murs  de  son  jardin.  Il 
lecut  k  la  même  époque  une  lettre  de 
Duraouriez  ,  qui  lui  faisait  part  de  ses 
griefs  contre  la  cènvenlion  nationale, 
sans  toutefois  lui  communiquer  ses 
projets  de  résistance  ,  sur  lesquels  il 
est  probable  que  lui-même  n'était  pas 
encore  fixé.  Beurnonville  ,  environné 
d'ennemis  et  de  délateurs,  ne  put  se 
dispenserde  coramuniquercetle  lettre 
k  la  convention  nalionale,  et  ce  fut 
sans  doute  d'après  celte  apparence  de 
confiance  et  de  dévouement  que  , 
quelques  jours  plus  tard  ,  lorstju'il 
s'agit  d'exécuter  le  décret  d'arresta- 
tion contre  ce  général  ,  les  commis- 
saires de  la  convention  crureutdevoir 
se  faire  accompagner  du  ministre  de 
la  guerre,  qu'ils  deslinuieiit  k  le 
remplacer.  C'était  pour  Beurnonville 
un  rôle  bien  embarrassant.  Dumou- 
riez  l'a  accusé  long-temps  d'une  noire 
ingiatitude  5  mais  plus  lard   il  a  re- 


cevais à  l'époque  de  mon  départ  quarante-cinq 
sacs  de  farine  ,  et  j'en  consomme  cinq  cents. 
Bief,  je  suis  sans  agent  du  directoire  (des  achats 
des  subsistances  militaires).  Théodore  Cerf-Beer 
a  déserte  son  poste  ,  malgré  l'extiénic  ]>énurie 
où  il  a  vu  r.irinée  ,  m.ilgré  même  les  moyen? 
locaux  qu'on  lui  a  offerts,  etc.  ;  et  un  tel  agent 
mérite  nne  punition  exeni!>iairc;  ou  si  de  telles 
fautes  restent  impunies  ,  on  ne  peut  calculer  sur 
les  opérations  mililaires  les  plus  intéres.santes. 
J'ai  combattu  djlis  la  Belgique  ,  dans  l'Avdcnne 
et  dans  le  pays  de  Trêves,  et  j'ai  toujours  été 
parfaitement  satisfait  de  l'uncienne  administra- 
tion.» Mais  depuis  l'établissement  du  directoire 
des  achats,  Benrnoiiville  se  plaint  d'être  sans 
fourrages,  bientôt  sans  pain  ,  d'avoir  sis  places 
cnmpromises  faute  de  subiislances .  Il  dénonce  Bi- 
derm  un' comme  infiniment  coupable.  L'armée 
trie  à  la  trahison.  Le  général  insiste  sur  la  né- 
cessité d'avoir  derrière  chaque  armée  des  maga^ 
sins  d'abondance ,  «  pour  la  subsistance  des 
grandes  forces  que  la  répnhlique  se  propose  de 
mettre  sur  pied  ;  »  il  craint  que  l'.ingleterre 
n'intercepte,  par  des  croisières,  les  vivres  qu'on 
pourrait  tuer  de  1' .Amérique  septentrionale  ,  de 
la  côte  de  Barbarie  et  de  Danlzick  «Nous  devons, 
dit-il ,  en  terminant  sa  lettre,  redoubler  de  pré- 
cautions; car  ,  en  portant  tous  le«  bras  culti- 
vateurs sur  la  frontière  ,  il  n'est  pas  douteux 
que  notre  sol  complétera  difficilement  nos  be- 
soins »  L't>riginal  de  ce  document  ii;edil  ,  et 
d'un  haut  intérêt  pour  l'histoire  des  premières 
guerres  de  la  révolution  ,  est  dans  le  cabinet  de 
l'auteur  de  cette  note.  V— ve. 


i4 


aïo  BEU 

connu  dans  ses  Mémoires  que  son 
Ajax  lui  était  reslé  fidèle  au  moins 
(l'iutenlîoD.  Ce  qu'il  j  a  de  sûr,  c'est 
que ,  témoin  des  vis  es  altercalions 
(|ui  s'élevèrent  tiifre  le  général  et  les 
commissaires  ,  Ceurnonville  ne  pro- 
féra pas  une  parole  ;  que  lorsque  Du- 
raouriez  voulut  l'exccplcr  de  Tordre 
d'aireslalion  qu'il  dunna  pour  ceux- 
ci  ,1e  miiiîslre,  effrajé  d'une  telle  ex- 
ception, lui  dit  a  voix  basse  :  a  /  oua 
me  perdez  ;   »    et   que   le   général 
Tajant  compris  ordouna  aussitôt  de 
le  réunir  aux  commissaires,  ce  qui  le 
.sauva  évidemment  d'une  mort  cerlal- 
ne;  car  s'il  est  vrai  que  celle  arres- 
tatloD  pi  éserva  de Téchafaud  plusieurs 
de  ces  commissaires ,   et  noiamraent 
Bancal  (/^oj-.  ce  nom,  LVII,  97),  il 
ne  l'est  pas  moins  que,  soil  qu'il  (ùtre- 
tournéa  Paris  ,  soil  qu'il  eût  conservé 
le  commandement  de  l'armée,  Beur- 
nonville  .  Ho  comme  il  l'était  avec  le 
parti  de  la  Gironde,   qui  sucro:nba 
dans  le  juols  suivant ,  n'eut  pu  échap- 
per aux  proscrijilious  qui  le  frappè- 
rent.  Livré  aux  Autrichiens,  il  fut 
conduit  de  prison  en  prison,  d'abord 
a  Ehreubrcilsleiu  ,  puisa  Egra  et  à 
Olmulz,  d'où  il  fit  h  plusieurs  repri- 
ses de  vains  efforts  pour.se  sauver. 
«Vingt-sept    mois   de   fièvre,    sur 
trente- (rois  passés  dans  des  cachots 
humides  ,  a  dit  le  maréchal  Macdo- 
nald  ,  et  les  mauvais  tralleiiienls  qu'il 
eut  h  supporter,  altérèrent  sensible- 
ment la  sanlé  de  mon  illustre  ami. 
La  vigueur  de  son  tempérament  et 
surtout    sou  courage    purent   seuls 
l'arracher  a  la  mort.  »  Enfin  ,   au 
mois  de  novembre  lypS  ,  son  échan- 
ge et  celui  des  commissaires  pour  la 
fille  de  Louis  XVI  fut  convenu  avec 
l'Autriche,  et  ils  revinrent  dans  leur 
patrie,  où  tout  élaitbienchangédepuis 
une- absence  de  deux  ans  et  demi.  Ils 
urent  parfaitement  accueillis  par  la 


BEU 

convention  nationale ,  que  tant  de  ré- 
volutions et  de  catastrophes  avalent 
mutilée,  décimée,   et   aussi  un  peu 
éclairée.  Reurnonvllle  recouvra  aus- 
sitôt son  grade  militaire,  et  il  obtint 
même  le  commandement  de    l'armée 
de  Sambre-el-Meuse,  qu'il  ne  con- 
serva que  quelques   mois.    Revenu  à 
Paris  au  coumiencement  de  1797,  il 
s'y  trouvait  dans   une  sorte  de  dis- 
grâce au  plus  lort  de  la  lutle   entre 
le  directoire  et  les  conseils  légi>latirs. 
Disposé  a  suivre  le  parti  qu'il  croyait 
devoir  triompher,  il  recherclia  avec 
beaucoup  d'empressement   Pichegru 
et  les  autres  chefs  des  clichiens,  et 
fut  mètiie  près  d'être  nommé  par  eux 
l'un  des  cinq  directeurs;  Cartliéleray 
ne    l'emporla  que  de  quelques  voix. 
Mais  lorsque  la  révolution  du  1 8  fruc- 
tidor eut  renversé  un  parti  que  tant 
d'avantages  avaient  semblé  favoriser, 
Beuruonville    ne    songea   plus    qu'à 
faire  oublier  ses  liaisons  avec  lui,  et 
il  y  réussit  tellement,  que,    dès   le 
mois  suivant ,  il  fut  chargé  par  le  direc- 
toire du  coiiiuiaudement  de  toutes  les 
troupes  françaises  qui  se  trouvaient  en 
Hollande  (2).  Mais  ,  quels  que  fussent 
ses  talents  et  sa  flexibllllé,  on  doit 
remarquer  que  P»curnonville  n'a  ja- 
mais pu  rester  long-lemps  a  la  même 
place.   Le   directoire,    qui  dans  ce 
temps-là  faisait  chez  les  Balaves  des 
cssaisde  révolulion  etde  constitution, 
pensa   que  Jouberf  entrerait    mieux 
dans  ses  vues,  et  lui  donna  la  place 
de  Beuruonville  ,  qui  revint  à  Paris, 
pourvu,  suivant  l'usage  de  cessorles 
de  disgrâces,  d'une  commission  d'in- 
specteur-général.  Telle  était  sa  posi- 

(2)  Général  en  clicf  de  r.Trinée  du  Nord 
dans  l'an  VI  (  1798)  ,  BLurnoiiviUe  aynit  fait 
giaver  ,  pour  télé  de  ses  lellies  ,  une  TigncUe, 
ou  l'on  \  o\ait  la  liberté  tenant  un  drapeau  sur- 
monté du  bonnet  rouge  ,  et  sur  un  autel  tes 
drodi  de  i' homme  ,  avec  un  niveau;  à  droite  et 
à  gauche  des  caiiuns  ,  des  mortiers ,  des  fasci- 
nes ,  etc.  V— vii. 


BEU 

lion  vers  la  fia  de    1799,   lorsque 
Bonaparte ,  revenu  d'Egynle  ,  Tasso- 
cla  h   ses  projets  trélévalion  ,    ainsi 
(|ue  tous  les  hommes  de  qiu-Ljue  in- 
fluence qui  voulurent  y  prendre  part. 
Beuruonville  se  montra    un  de  ses 
coopéraleurs  les  plus  zélés  dans  l'au- 
dacieuse entreprise  du  i  8  brumaire  , 
et  il  en  fut  récompensé  dès  le  mois 
suivant  par  Tambassade  de  Berlin  , 
où  Ton  ne  lui   donna  pas  néanmoins 
des  preuves  d'une  extrême  confiance, 
puisque  Duroc  y  fut  envoyé  presque 
aussitôt  chargé  des    plans  et  des  se- 
crets les  plus  importants.  L'affaire  la 
plus  remarquable  qui  fut  alors  confiée 
k  Beuruonville  auprès  de  la  cour  de 
Berlin ,  paraît  être  l'arrestation  de 
quelques   royalistes   fiançais  qui  s'é- 
taient établis  a  Bareulb,  et  dont  Bo- 
naparte voulut  se  faire  livrer  les  per- 
sonnes et  les  papiers.    Ce    fut  a  sa 
demande,  intimée  par  TambassaJeur 
de  France,  que  la  Prusse  fit  arrêter 
ces  malheureux,  qui  furent  détenus 
pendant  plusieurs' mois  {Voy.   Lm- 
BERT-CoLor»ii:s,XXI,  202,  etPRÉGY, 
XXXVI,  56).   Ou  a  dit  dans  un  ou- 
vrage d'origine  prussienne  (les  71/cf- 
moires    tirés    des    papiers     d'un 
homme  d'état,  tom.  VIII)  que  c'é- 
tait au  ministre  ïlardenberg  ,  et  sur- 
tout a  la  belle  et  bonne  reine  Louise, 
que   Pichcgru  dut    Favanlage  d'être 
averti  a  temps  pour  se  sauver.  Mais, 
s'il  eu  est  ainsi,    pourquoi  les  amis 
de  Pichcgru  ne  furent-ils  pas  égale- 
ment prévenus?  Et  il  resterait  encore 
le  tort  ineffaçable  d'avoir  livré  les 
papiers  d'une  agence  royale  ,  qui  fu- 
rent apportes  a  Paris  par  l'ambassa- 
deur Beuruonville  lui-même ,  papiers 
qui  compromirent  beaucoup  de  mon- 
de ,  et  dont  la  police  lit  imprimer  la 
plus  grande  partie,  sous  le   titre  de 
Papiers  saisis  à  Bareiith  ,   i   vol. 
in-B"  ,    de   l'ipiprimcrie  nationale  , 


BEU 


211 


Paris,  1800  (3).  Beuruonville  ne  re- 
tourna pas  à  Berlin  ;  il  fut  bientôt  en- 
voyé en  la  même  qualité  a  Madrid, 
où  il  trouva   une  cour  jilus  humble 
encore,  plus  docile  ,  et  où  il  lui  fal- 
lut être  plus  exigeant,  plus  sévère. 
Mais  il  ne  le  fut  point  assez  au  gré 
du  consul ,  qui  dès-lors  voulait  que 
tous  les  trésors,    toute  la  mariue  et 
tous  les  soldats  de  l'Espagne  fussent 
a  sa  disposition.  Pour    signifier  de 
telles  prétentions,  ou  pour  iulimcr  do 
pareils  ordres  la  voix  de  Beurnonville 
ne  fut  pas  trouvée  assez  forte  ni  assez 
impitoyable.  Ou  l'accusa  de  faiblesse, 
même  d'incapacité,  et  il  fut  rappelé 
pour  être  abso:  bé  dans  le  sénat ,  d'où 
l'empereur  ne  le  tira  pas  une  seule 
fois  pendant  tout  son  règne  pour  lui 
confier  des  fonctions  de  la  moindre 
importance.  Il  lui  donna  cependant 
le  titre  de  comte,  celui  de  grand- 
ofllcler  delà  Légion-d'Houneur;  uiais 
il  ne  le   fit  pas  maréchal ,    ainsi  que 
tous  les  généraux  qui  avaient  com- 
mandé eu  chef.   Il   ne  lui  croyait  ni 
capacité  ni  valeur,   et  l'on  voit  dans 
les   Mémoires  de  Sainte-Hélène 
qu'il  ne  le  regardait  pas  comme  capa- 
ble de  remuer  un  bataillon.  Ce  n'est 
qu'au  commencement  de  i8i4,  lors- 
que l'imminence    du    péril    le    for- 
ça d'employer   tout  le  monde ,  que 
Beurnonville    fut    envoyé    commis- 
saire extraordinaire  sur  la  froiitière 
de  l'Est;  mais  tout  allait  bientôt  être 
décidé  par  les  armes,  et  les  événe- 
ments militaires  forcèrent  Beurnon- 
ville a  revenir  dans  la  capitale  dès  la 
fin  de  mars.  Il  n'y  était   arrivé  que 
depuis  quelques  jours,    lorsque    les 
alliés  s'en  emparèrent.  Adm:s  aussi- 
tôt dans  les  projets  de  M.  de  Talley- 
rand  ponr  le  rétablissement  des  Bour- 

(3)  Il  se  trouvait  dans  les  papiers  saisis  phi- 
sii'urs  lettres  cle  la  maiu  de  Louis  XVUl,  <jui  no 
furent  pas  imprimées. 


212 


mv 


bons ,  il  fui  un  des  membres  du  gou- 
vernemeut  provisoire  qui   gouverna 
en    allendaut    leur    arrivée.     Louis 
XVIII,  dès  qu'il  fut  sur  le  trône,  le 
récompensa  de  son  zèle  en  le  faisant 
pair  deFrauce,  et  enl'admellant  dans 
son   conseil.  Mais  lorsque  Napoléon 
revint  de    l'ile  d'Elbe  ,   Tannée   sui- 
vante ,  il  le  proscrivit  par  un  décret, 
ainsi  que  tous  les  autres  membres  du 
gouvernement    provisoire,  et  il  or- 
donna   le    séquestre    de    ses    biens. 
Beurnonville    se    réfugia    auprès   de 
Louis  XYIII ,   a  Gand,  et  il  revint 
trois  mois  après  avec  ce  prince,   qui 
le  rétablit  dans    lous  ses  litres,  et 
l'envoya  présider  le  coHège  électoral 
de  la  Moselle,  où  il  prononça  un  dis- 
cours d'ouverture  empreint  du  plus 
ardent  rovalisme.  A  son  rtiour,    le 
ministre  de  la  guerre  Clarke  le  nom- 
ma président  d'une  commission  char- 
gée d'examiner  les  réclamations  des 
anciens  cffiL-icrs ,  c'est  k-dire  de  pio- 
noncer  sur  les  nombreuses  demandes 
de  grades,  de  pensions  ou  de  décora- 
tions .  qu'adressait  nt  alors  au  roi  tous 
les  émigrés  et  les  Vendéens.  C'étaient 
pour  un  général  de  la  république  et 
un  sénateur  de  l'empire    des  fonc- 
tions embarrassantes ,  et  elles  lui  at- 
tirèrent plus  d'une  fois,  de  la  part  des 
réclamants,  des  raillerie  s  et  des  épi- 
grammes  assez  piquantes.  Cependant 
ilj  mit,  ou  ne  peut  le  nier,  autant  de 
justice   que  d'impartialité,  et  il  ac- 
quit des  droits  réels  a  la  confiance  du 
TOI ,  qui  le  nomma  commandeur  de 
Saint-Louis  le  8  iuil.  1 8 1 6,  puis  mar- 
quis, ministre  d'état,  membre  du  con- 
seil-privé et  enfin  maréchal  de  France. 
Ainsi ,  Beurnonville  fui  sans  contredit 
un  des  hommes  les  plus  favorisés   de 
la  restauration,  k  laquelle  cependant 
on  a  vu  qu'il  ne  songeait  guère  avant 
le  01  mars  i8i4.  Depuis  celte  épo- 
que, il  la  servit  franchement  et  avec 


BEL 

zèle  jusqu'à  sa  mori,  le  20  avril  1821. 
Il  s'était  marié  dans  les  colonies.  De- 
venu veuf,  il  épousa,  en  i8o5  ,  M"" 
de  Dur  fort  (4).  N'ayant  point  laissé 
de  postérité,  il  eut  pour  successeur  à 
la  ciiambre  des  pairs  un  de  ses  ne- 
veux, le  maiécbal-de-camp  baron  de 
Beurnonville  qu'il  avait  élevé  comme 
son  fils  et  adopté  comme  tel.  Son 
éb'ge  y  fut  prononcé  (séance  du  i  2 
juin)  par  le  maréchal  Gouvion-Saint- 
Cyr,  son  ancien  ami,  en  l'absente 
du  maréchal  Macdonald  ,  également 
son  ami,  qui  se  trouvait  malade. 
Ce  discours  fut  imprimé,  suivant  l'u- 
sage, par  ordre  de  la  chambre,  in-8° 
de  i5  pages.  Les  francs-macons  , 
dont  il  était  un  des  grands-maîtres  les 
plus  zélés  elles  plus  assidus,  firent 
imprimer  après  sa  mort  :  1°  F'éie 
J'unèbre  en  l'honneur  du  maré- 
chal Beurnoiwille  ,  grand  com- 
mandeur ,  etc.  ,  Paris  ,  1821  , 
in- 8*5  2°  Pompe  funèbre  célébrée 
par  les  loges  réunies  de  l'orient 
de  Marseille  en  mémoire  de  T.  F. 
maréchal  Beurnonville ,  Marseille, 
1821,  in-4°.  M — DJ. 

BEUVELET  (Mathieu),  écri- 
vain ascétique  ,  n'est  pas  aussi  connu 
qu'où  devrait  le  présumer  d'après 
l'estime  que  toutes  les  personnes  pieu- 
ses oui  pour  ses  ouvrages.  Rocoles, 
dans  son  Introduct.   à  l'histoire, 

(4)  FiUe  cadoUe  de  Felicité-Jeïn-LouisEtien- 
iie  ,  coiule  de  Dui  fort  ,  ancien  ambassadeur  de 
France  à  Venise  ;  mort  dans  celle  viUi^  ea  1801, 
sans  en  être  sorti  pen-lant  la  révolution  ,  et 
dont  les  biens  avaient  été  contisqués  et  vendus  , 
quoique  deux  arrêtés  du  département  de  la 
Seine,  pris  en  1793,  eussent  prommcé  sa  radia- 
tion. Beurnonville  écrivit  de  IMadrid,  le  i  flo- 
réal an  XIU  ,  à  M.  Boulay  de  la  Mcurthc  ,  con- 
seiller d'état ,  chargé  du  contentieux  des  do- 
maines ,  pour  réclamer  )c  maintien  des  deux 
arrêtes  ,  et  pour  empêcher  la  vente  du  petit 
domaine  de  Sajac  ,  qui  avait  été  provisoirement 
affecté  à  l'hospice  civil  de  Cnrcas^onue  ,  et  qui 
restait  invendu.  «  L'étal,  écrivait-il,  a  en  plus  de 
trois  ou  quatre  raillions  de  cette  famille  injus- 
tement dépouillée  11  ne  reste  plus  que  ce  do- 
maine ,  de  la  valeur  d'à-peu-près  trente  mille 
livres ,  etc.  »  V — te. 


i 


Î3EU 

2995  affirme  qu'il  était  ne  \ers  la  fiu 
du  16*^  siècle,  daus  la  Franche- 
Comté;  mais  Beiivelet,  dans  une 
épître  déditaloirea  1  évèque  de  Laon 
(i),  lui  dit  qu'il  tst  sou  diocésai:i  et 
qu'il  a  fait  .ses  études  au  séminaire 
de  celle  ville.  Feller,  dans  son  Dic- 
tionnaire historique,  le  lait  naître  en 
1620  ,  à  Maries  ,  petite  ville  de  la 
généralité  de  Soissonsj  mais  il  se 
trompe  sur  la  date  de  sa  naissance  , 
qui  paraît  devoir  être  reculée  de  plu- 
sieurs années.  Ayant  reçu  les  ordres 
sacrés,  Beuvelet  vint  a  Paris,  cii  il  en- 
tra dans  la  congrégation  des  ])rèlres 
du  séminaire  de  SlNicolas-du-Char- 
donnct.Il  partagea  sa  vie  entre  Ten- 
seigneraenl  des  jeunes  clercs  et  la  di- 
rection des  âmes  ,  et  mourut  avant 
l'année  1664.  En  composant  ses  ou- 
vrages, Beuvelet  n'avait  en  vue  que 
l'utilité  de  ses  élèves,  auxquels  il  les 
destinait.  Ce  fut  a  son  insu  qu'on  fit 
imprimer  ses  Méditations ,  dont  le 
succès  lui  causa  moins  de  plaisir  que 
de  surprise.  Jamais  il  n'avait  eu  l'idée 
de  devenir  auteur;  aussi,  daus  la 
préface  qu'il  mit  à  la  tète  de  ses 
Mcditatiojis  (i655,  2^  éd.),  fait-il 
a  ses  lecteurs  cet  aveu  naïf:  «Je 
If  serai  satisfait  que  mou  esprit  et 
«  mou  style  vous  déplaisent ,  si  les 
«  vérités  que  j'ai  recutilhes  peuvent 
«  vous  agréer  et  vous  plaire.  «De  tous 
les  ouvrages  de  Beuvelet ,  le  plus  con- 
nu est  les  Méditations  sur  les 
principales  vérités  chrétiennes  et 
ecclésiastiques.  Imprimées  pour  la 
première  (ois  en  i652,  elles  furent 
traduites  en  lalin  et  en  italien  ,  et 
elles  ont  eu  un  graud  nombre  d'édl- 
tious  dans  !e  format  in-4.°.  La  plus 
récente,  Besançon,  1819,  5  vol. 
in-i2  ,  a  été  revue  et  corrigée  par 
Louvot,  mort  la  même  anuée  curé  de 

(i)  César  cI'EsIrées,  depuis  cardinal. 


BEV 


ai3 


Saint-Maurice  de  celle  ville  (2).  Ses 
autres  ouvrages  sont  :  I.   La  vraie 
et  solide  dévotion  ,  2^  éd.  ,  Paris  , 
l658,  iM-8'\  11.  Instructions  sur  le 
manuel,  iijid.,   167 5,  2  vol.  in-12. 
Celte  édition  est  la  huilicme  ,   et    il 
en  existe  probahlement  de  postéritu- 
res.  III.  Conduite  pour  les  princi- 
paux exercices  qui  se  font  dans  les 
séminaires,    ibid.,    1660,    iii-12, 
trad.  en  latin  par  Ignace  de  Bathyani, 
évêque  de  \Ve  sscmbourg  ,   daus  la 
Transylvanie,  2^  éd.,  Vienne,  1784., 
in-8°.  IV.  Le  symbole  des  apôtres 
expliqué  et  divisé  en  prônes ,  ibid,, 
1670,    in-8",   ouvrage  posthume, 
publié  par  des  confrères  de  l'auteur. 
W— s. 
BEVER  (Thomas),  légiste  an- 
glais,  naquit   k  Mortimer,  dans  le 
comté  de  Berks ,  en  1725,  et  fit  ses 
études  a  l'université  d'Oxford,  oii  il 
prit  le  degré  de  bachelier  ès-lois  .  en 
1753,  et  cinq  ans  plus  tard  celui  de 
docteur.  Devenu  ainsi  membre  de  sou 
collège  ,  11  obtint  eu  1762,  tant  du 
vice-cl'ancelit'r  de  l'université  que  du 
professeur  royal  de  législation  ,  l'au- 
torisaliou  de  remplacer  ce  dernier  , 
dans  l'euseignt  ment  des  lois,  lorscju'il 
serait  malade.    11   professa    effecti- 
vement a  sa  place  ,  dans  cette  même 
chaire  où  Blackstoue  avait  développé 
ses   commentaires,    et  un   peu   plus 
tard  ,  dans  ses  propres  appartements, 
lors([ue   l'aflluence  des  auditeurs  di- 
minua, au  collège  d'AU  Soûls.  Il  fut 
ensuite  nommé  juge  des  Cinq-Ports 
et  chancelier  de  Lincoln  et  de  Bangor. 
Il  mourut  le  8  nov.  i  791 ,  à  Londres, 
d'un  asthme,  qui  peut-être  n'eût  point 
été  mortel  s'il  eut  voulu  aller  respirer 
l'air  de  la  campagne.  Moins  écrivain 


(j)  Grâce  à  celle  édition  ,  Beuvelet  occupe  une 
place   daas  la  Biographie  poriattvt  dm   contem-' 

porairts . 


ai/» 


BEV 


que  professeur  ,  mais  moins  homme 
de  barreau  qu'écrivain,  Bevcrpublia 
un  Discours  sur  l'étude  de  la  ju- 
risprudence    et   des  lois   civiles , 
1766,   in-4.°  ,  et  une  Histoire  de 
l'origine^  des  progrès  et  de  V ex- 
tension des  lois  dans  l'état  romain, 
■Londres,  1781,  in-4.''.  Le  premier 
de  ces  deux  ouvrages  était  une  intro- 
duclion  à  son  cours,  que  probable- 
ment il  avait  alors  dessein  de  publier. 
Mais ,  soit  k  cause  du  manque  d'en- 
courngement,    soit  pour  tout  autre 
motif,    il  finit  par  renoncer  h  cette 
idée.  L'Histoire  des  loisromainesfut 
ge'néralement  goûtée  :   l'auteur   s'y 
est  livré  à  de  profondes  recliercbes 
sur  la  constitution  des  Romains,  et 
y  a  déployé  une  érudition  très-vaste 
sur  tous  les  sujets  qui  de  près  ou  de 
loin  se  lient  au  droit  civil.    On  re- 
gretta beaucoup   que   sa  mort  trop 
prompte   l'oùt  empêclié  de  terminer 
cet  ouvrage.  Il  s'en  occupait  Irès-acli- 
vemeut,  et  un  grand  nombre  de  ma- 
tériaux étaient  préparés;  mais  il  dé- 
clarait  souvent  que  ,   dans  l'état  oii 
se  trouvaient  ses  manuscrits,   ils  n'é- 
taient point  dignes  de  l'œil  du  public, 
et  il  les  brûla  lui-même  dans  sa  der- 
nière maladie.  P — ot. 

BEVERLEY  (R.-B.)  est,  sui- 
vant Barbier  (Dict.  des  ano?iyt7ies)f 
l'auteur  d'une  Histoire  de  la  Vir- 
ginie,  qui,  même  après  les  descrip- 
tions plus  récentes  que  l'on  a  de  cette 
contrée,  mérite  encore  d'être  lue.  Il 
nous  apprend  lui-même  qu'il  était  né 
dans  ce  pays  et  qu'il  Tbabitaitau  mo- 
ment où  il  s'occupait  d'en  écrire  l'his- 
toire ;  mais ,  quoiqu'il  ne  le  dise  pas  , 
ou  ne  peut  guère  douter  qu'il  n'eût 
lait  de  bonnes  et  fortes  études  en 
Angleterre  ,  puisque  son  ouvra<;e 
suppose,  avec  le  îalent  de  l'observa- 
tiou,  des  connaissances  très-variées. 
En  le  composant ,  il  s'est  proposé  de 


BEV 

faire  mieux  apprécier  par  ses  compa- 
triotes les  avantages  qu'offrait  alors 
la  Virginie,  pour  y  former  des  établis- 
sements. Il  l'a  divisé  en  quatre  livres. 
Le  premier  contient  l'histoire  chro- 
nologique des  événements  qui  s'étaient 
passés  dans  cette  colonie  depuis  que 
Walter   Ralegh   (  Voy.   ce    nom  , 
XXXVII,  i)  en  avait  pris  possession, 
en   1 588  ,  au  nom  de  la  reine  Elisa- 
beth. Le  second  traite  des  productions 
naturelles   du    pays.    Le    troisième 
renferme  des  détails  sur  la  religion  , 
la  politique  et  les  mœurs  des  anciens 
habitants  ,  avec    i4-  planches  ,  qui 
représentent  un  temple  des  Indiens, 
leurs  cérémonies   religieuses ,  leurs 
habitations,    leurs    instruments    de 
chasse  et  de  pêche,   etc.   Enfin   le 
quatrième   donne    une    idée    exacte 
de  l'administration  de  celte  colonie 
par  les  Anglais  et  des  règlements  qui 
y  ont  été  en  vigueur  jusqu'à  l'époque 
de  son  émancipation.  Dans  l'Avertis- 
sement, l'auteur  demande  grâce  pour 
son  style  5  mais  il  proteste  de  sa  sin- 
cérité, et  déclare  qu'il  n'a  rien  avancé 
dans   son  ouvrage   qui  ne  soit  d'une 
exactitude    rigoureuse.    JJHistoire 
delà  Virginie,  imprimée  en  anglais, 
Londres ,    1702,  parut  en  français  , 
Amsterdam,    1707,   in- 12.   Une 
partie  des  exemplaires  porte  la  ru- 
brique   de    Paris.     Le     frontispice 
de    celte    édition    a    été    renouvelé 
en  17 12.  Les  exemplaires  avec  cette 
date  présentent  comme  initiales  des 
noms  de  l'auteur  les  lettres  D.  S. , 
qui  n'ont  aucune  analogie  avec  ceux 
que  lui  ont  imposé  Barbier  et  les  au- 
tres bibliographes  français.     W — s. 
lîEVIN  (Elway),'  un  des  plus 
célèbres  musiciens  du  seizième  siècle, 
florissail  sous  le  règne  d'Elisabeth  et 
de  Jacques  P"".  Gallois  de  naissance  , 
il  eut  Tallis  pour  maître ,    et  c'est 
sur  sa  recommandation  qu'il  fut  nom- 


BÊV 

mé,  en  1589,  gentilhoranie  extraor- 
dinaire de  ]a  chapelle.  Acetle  place, 
il  joigiiil  dans  la  suile  celle  d'orgauisle 
de  la  cathédrale  de  Bristol.  Il  garda 
ces  deux  emplois  jusqu'en  1657, 
époque  à  laquelle  il  fut  dénoncé 
coinme  secrètement  catholique.  On 
a  de  lui  beaucoup  de  musique  sa- 
crée ,  de  services  funéraires,  d'antien- 
nes, de  chœurs  concertans.  Mais  ce 
qui  recommanda  surtout  son  nom  aux 
compositeurs  et  même  aux  simples 
exécutants  contemporains ,  ce  fut  sa 
Brève  et  courte  explication  de  l'art 
musical  (  A  briej"  and  short  in- 
struction oftlieart  oJ'muslck,t\.C.), 
i65i,  in-4.°.  Dans  cet  ouvrage, 
dédié  a  l'évéque  de  Gloucester  , 
Bevin  expose,  par  des  règles  géné- 
ratement  assez  courtes ,  mais  avec 
une  grande  profusion  d'exemples  , 
Tart  de  composer  et  surtout  de  dé- 
chiffrer les  canons,  qui  jusqu'alors 
avaient  été  des  énigmes,  et  que  l'on 
disposait  delà  manière  la  plus  bizarre 
en  croix,  en  cercle,  en  cadran  solai- 
re, etc.  La  publication  de  1  ouvrage 
de  Bevin  commença  a  faire  disparaî- 
tre ces  difficultés  qui  obstruaient  la 
carrière  des  sciences  sévères  et  des 
études  élégantes  5  difficultés  que  l'on 
ne  pouvait  surmonter  qu'avec  beau- 
coup de  peine  ,  et  sans  aucun  profit 
pour  l'art  et  pour  le  public,  toujours 
insensible  au  mérite  des  tours  de  force 
et  de  la  difficulté  vaincue)  lorsqu'elle 
n'ajoule  rien  au  plaisir.       P — or. 

BEVIS  ,  secrétaire  de  la  so- 
ciété royale  de  Londres,  un  des 
plus  habiles  astronomes  d'Angleterre, 
uaipiit  dans  le  comté  de  W  ilis  le  5  i 
oct.  1695,  et  mourut  en  1771,  des 
suites  d  une  cliute  qu'il  avait  faite  en 
se  tournant  trop  rapidement  pour  re- 
garder sa  pendule,  dans  une  observa- 
tion astronomique.  Il  avait  annoncé 
de  très-bonne  heure  son    goût  pour 


BEV 


ai5 


l'astronomie,  portant  toujours  dans 
sa  poche  l'Optique  de  INewlon  ,  et 
s'appliquait  k  faire  des  verres  de 
lunettes.  Avant  pris  le  grade  de  doc- 
leur  en  médecine  ,  il  exerça  cette 
profession  pendant  quelques  années  ; 
mais  sa  passion  pour  l'astronomie 
l'emporta.  Il  fît  un  grand  nombre 
d'observations,  d'après  lesquelles  il 
entreprit  une  Lranographie  britan- 
nique ,  qui  fut  gravée  dans  le  temps. 
Elle  ne  fut  pas  publiée,  parce  que, 
celui  qui  avait  tenu  la  sousciiplion 
avant  fait  banqueroute  ,  les  cui- 
vres étaient  tombés  en  des  mains 
étrangères.  Cet  habile  homme  contri- 
bua a  la  publication  des  Tables  c-le 
Halley,  son  auii:  il  y  ajouta  des  Tables 
auxiliaires.  On  a  de  lui  une  règle 
mobile  pour  trouver  les  immer^ons 
des  satellites  de  Jupiter.  Plusieurs  de 
ses  ouvrages  furent  bien  reçus  du  pu- 
blic ;  mais  sa  modestie  l'ayant  porlé 
k  dissimuler  son  nom  ,  ses  amis  ont 
respecté  ses  intentions,  ce  qui  nous 
met  hors  d'état  d'en  donner  les  litres. 
Il  a  inventé  une  espèce  de  micro- 
scope circulaire,  duul  la  description 
était  entre  les  mains  de  M.  Mcssier. 
Ses  papiers  furent  remis  à  Magel- 
lan {f^oy.  ce  nom  ,  XX\I,  119). 
Bevis était  obligeant,  charitable 5  son 
seul  défaut  était  d'aimer  trop  le  plai- 
sir de  la  table.  On  croit  que  c'est 
ce  qui  lui  fit  manquer  la  place  d'as- 
Ironome  royal  après  la  mort  de 
Bradley.  On  trouve  un  précis  de  la 
vie  de  Bevis  dans  le  Recueil  pour 
les  astronomes  ,  par  J.  Bernoulli  , 
1772.  T — D. 

BEV  Y,  (i)  [Dom  Chakles- Jo- 
seph) ,  naquit  k  Saint-IIilaire  ,  près 
d'Orléans,  le  4-  l'ov.  1758.  Béné- 
dictin de  la  congrésation  de  Sainl- 
Maur ,  et  historiographe  du  roi  pour 

(i)  II  signait  ni  BtvY;  mais  son  .nctc  de  nais- 


2lG 


BEV 


la  Flandre  cl  le  Haiuaul ,  ii  s'occupa 
pendaul  loutc  sa  vie    de    reclierches 
sur  la  maison  royale  âe  Frauce  et  sur 
la  noblesse  de  TEurope.  11  a  publié  : 
Histoire    des    inaugiiralions    des 
rois,  des  empereurs  et  des  autres 
souveraitis  de  l'univers,  elc,  avec 
gravuies,  Paris,  1776.  in-8*^.  Mal- 
gré ce   lilre  ,  l'auleur  s'est   .presque 
exclusivement  occupé  de  la  Frauce. 
Ci't  ouvrage  est  curieux  et   es'imé. 
La   révolution    TajaRl  privé    de  ses 
prieurés  ,   il  se  vil  eu  oulie  menacé 
dans  sa  personne  a  cause  de  ses  opi- 
nions  politiques.  Alors  il  se   relira 
en  Angleterre,  où  il  Ht  imprimer  son 
Histoire  de  lanohlesse  héréditaire 
et     successive    des    Gaulois,    des 
Français  et  des  autres  peuples  de 
l'Europe,  etc.,  tome  1''%  Londres, 
1791,  in-4'';réimpriii  éa  Liège,  mê- 
me année  et  même  format.  Cette  his- 
toire  devait  être  complétée  par  un 
Dictionnaire  alphabétique  et  chro- 
nologique ,   composé    de  plus  de 
cent-vingt  mille  noms  des  nobles, 
tant  français    qu  étrangers  ,    qui 
ont  servi  en  France  depuis  P hilip- 
pe  de  y  alois,  en  i558,  jusquen 
I  5  I  5  ,  époque  des  anoblissements 
par  argent.    Bévy  avail  travaillé  , 
pendant  dix  auuées  consécutives  ,   à 
disposer  ce  diclionuaire  sur  les  origi- 
naux ,  qu'il  avait  élé  chargé  de  met- 
tre en  ordre  à  la  chambre  descomples 
de  Paris,  des  rôles  de  paiements  lails 
à  tous  ces  militaires  pour  appoiule- 
menls   et  suide:    outre  les    noms   et 
grades,  il  y  indiquait  les  qualilés  et 
les  possessions  de  chacun  eu  différents 
pays.  Le  grand  chancelier  d'Angle- 
terre ,  lord    Lauwborroug    et   deux 
autres    savants  ,    André    Stuart    et 
Lomisden,  y  avaient  ajouté  des  notes 
pour  donner  plus  de  poids  a  ce  qui 
co  icerne  ce  royaume.  L'auteur  nous 
apprend  qu'il  avait  envoyé  en  Fiance 


BEV 

quatre  cents  exemplaires  der^/i<o//-e 
de  la  noblesse^  et  que  le  gouverne- 
ment les  lit  brûler  en  1797-  C'est  sans 
doute  la  cause  pourlaquelle  nous  n'a- 
vons pu  nous  enprocurer  qu'un  seul  de 
l'édition  faite  à  Liège.  Quant  au  dic- 
llonnaire  ,  il  paraît  certain  que  Bévy, 
découia^'é  par  le  désastre  qu'il  venait 
d'essuver,  ne  la  point  rais  au  jour: 
on  ignore  ce  que  le  manuscrit  est  de- 
venu.   On  a  aussi  de  lui  :  Mémoi- 
res sur  huit  grands  chemins  mili- 
taires construits  par  Marcus  Fi~ 
psanius  Agrippa,  qui  conduisaient 
de    Bavaj'  ,    capitale    des    i\  er- 
viens,  aux  huit  principales  villes 
de  la   seconde  Belgique  ;  dans  le 
tonne    Y   du  recueil    de   l'académie 
de  Bruxelles.  En    1797,  le  gouver- 
nement d'Angleterre   chargea  Bévy 
de  meltre  en  ordre  les  papiers  d'état, 
comme    il  y  avail  mis    ceux    de  la 
chambre  des  comptes  a    Paris.  Ren- 
tré en  France  vers   1802^  ou  lui  de- 
nanda  de  prêter  le  serment  de  haine 
ala  royauté:  ilrépouditqu'uuchrélien 
n'avait  de   haine  contre  personne_,  et 
qu'il    respectait   trop  les   personnes 
des  rois  pour  les  haïr.  On  lui  objecta 
que  le  roi  de  France  était  mort  j  il  ré- 
pliqua :  «  Je  ne  dois  pas  haïr  les  rois, 
ce  et  d'ailleurs  le  roi   de  France  ne 
?£  meurt  jamais.  nOule  mil  en  prison, 
pour  avoir  eu  des  relations  avec  les 
Bourbons  5  puis  on  l'exila,  et  quatre 
mois  après  .il  obtint  de  revenir  a  Pa- 
ris. Lors  de  la  restauration,  il  pu- 
blia une  dissertation  composée  depuis 
longtemps  sous  ce  lilre  -.L  nique  ori- 
gine des  rois  de  France,  to:.s  issus 
d'une   même  djnastie,   etc. ,  Pa- 
ris, 18 14,    in -8°.   L'auleur    pré- 
tend prouver,   par  le  témoignage  de 
nos  chroniques  les  plus  anciennes, 
que  la  succession  de  nos  rois  n'est  pas 
formée  de  trois  races  diclinctes,  mjis 
debrancheset  de  rameaux  d'une  même 


BEW 

lignée  issue  de  Mérovée  (2),  Oiilre 
ses  ouvrages  inipriiués,  Bévy  a  com- 
posé des  généalogies,  principalemeut 
de  familles  nobles  de  Flandre  ,  du 
Hainaul  et  de  Tlrljinde.  Le  duc  de 
Felire  (  Voy,  Clarke,  au  Suppl.), 
qui  aimait  les  savants ,  et  qui  était 
lui-même  savant  en  histoire  et  sur- 
tout en  généalogies,  l'avait  nommé 
aumônier  et  bibliolhécaire  du  minis- 
tère de  la  guerre.  Bévy  était  membre 
de  la  société  royale  de  Londres,  de 
l'académie  de  Bruxelles  et  de  plu- 
sieurs autres  sociétés  savantes  de  l'Eu- 
rope. Il  est  mort  a  Paris,  dans  sa 
quatre-vingt  douzième  anuée,le  28 
juin  i85o.  E — K — D. 

BEWICK  (  Thomas),  célèbre 
graveur  anglais,  naquit,  le,i2aoîit 
1755,  a  Cherry-Burn  ,  dans  le  comté 
de  jNorlbumberland.  Son  père  était 
propiiétaire  d'une  m  ne  de  houille  a 
Mickley-Bank.  Dès  renlance,il  mon- 
tra les  plus  heureuses  dispositions 
pour  le  dessin.  Son  passe-temps  la- 
vori  était  de  dessiner  au  charbon  ou 
à  la  craie,  sur  les  porles  et  les  volets, 
des  animaux  et  tons  les  objets  qui 
souriaient  k  sa  jeune  imagination.  Le 
graveur  Ralph  Beilby,  de  ]Nev\'caslle  , 
en  passant  dans  le  hameau  de  Cherry- 
Burn,  fut  frappé  des  talents  qu'annon- 
çaient les  croquades  de  Bewick  et 
le  demanda  k  ses  parents,  qui  le  lui 
confièrent  en  qualité  d'apprenti.  Beil- 
by était  un  article  distingué  sans  être 
du  premier  ordre  5  mais  si  Bewick 
eut  pu  trouver  un  maître  plus  habile  , 
il  lui  eut  été  impossible  d'en  trouver 
ua  plus  tendre,  plus  affectueux  pour 
ses  élèves.  Le  jeune  graveur  n'avait 
pas  encore  terminé  ses  années  d'ap- 

(2)  Un  tableau,  dressé  d'après  le  syslèine  de 
Bévy,  se  trouve  dans  une  Notice  généalogique  et 
liislorique  de  la  maison  de  France,  Pniis,  1816, 
gr.  in-12.  Ce  systèiue,  conti'aire  à  lous  les  mo- 
numents de  l'hisloire,  n'a  pas  fait  fortune,mèine 
à  l'époque  de  sa  publication. 


BEW 


âi^ 


prenlissage,  lorsque  Charles  Hulton' 
préparant  la  publicaliim  de  son  Trai- 
té d'arpentage,  pria  Beilby  d'exécu- 
ter pour  lui,  sur  des  jilanchesde  cuivre, 
les  figures  nécessaires  a  l'intelligence 
de  l'ouvrage  (1770).  Beilby  pensa 
qu'il  serait  mieux  de  les  graver  sur 
bois  ,  et  il  confia  l'exécution  de  cette 
tâche  k  Bewick.  Celui-cis'euacquilta 
de  manière  a  ce  que  Hulton ,  son 
maître,  et  le  public  fussent  également 
charmés  et  de  l'idée  et  du  travail.  En 
effet,  grâce  k  ce  procédé,  les  figures, 
au  lieu  d'être  réunies  en  une  masse 
et  pêle-mêle,  refoulées  k  la  fin  du 
volume  ,  se  trouvent  isolement ,  cha- 
cune k  la  place  qui  lui  convient  ,  a 
côté  du  théorème  ou  du  problème 
dont  elles  rendent  la  démonstralion 
facile.  Cet  essai  ,  pour  faire  revivre 
un  art  en  quelque  sorte  éteint  di  puis 
un  siècle  et  demi,  l'art  de  la  gravure 
sur  bois,  ne'demeura  pas  iufruclueux. 
Bewick,  ala  sollicil  ition  ou  diaprés  le 
conseil  de  son  patron,  s'y  livra  spé- 
cialement 5  et  le  reste  de  son  appren- 
tissage fut  signalé  par  l'exécution 
d'un  grand  nombre  de  figures  de  ce 
genre  pour  des  ouvrages  de  mathé- 
matiques ou  de  physique,  parmi  les- 
quels nous  ne  citerons  que  la  traduc- 
tion anglaise  des  Kléments  de  géo- 
métrie de  Rossignol.  A  l'expiration 
de  son  noviciat,  il  alla  visiter  Londres 
et  y  séjourna  quelques  mois  ([ui  ne  fu- 
rent pas  sans  fruitpour  soniustmclion 
et  le  développement  de  ses  talents  ; 
mais  la  capitale  de  l'Angleterre  eut 
peu  d'atiraits  pour  lui ,  et  il  revit 
avec  plaisir  ses  parages  septentrio- 
naux. Il  alla  même  jusqu'en  Ecos- 
se 5  vint  k  INewcastle  ,  et  s'associa 
avec  son  ancien  maître.  Son  jeune 
frère  ,  Jean  Bewick  (  P  oy.  plus 
bas  )  ,  devint  le  disciple  commun  des 
deux  graveurs.  Un  grand  nombre 
d'ouvrages  sortirent  de  leurs  mains  , 


2l8 


BEW 


mais  prlucîpalemeut  de  celles  de  notre 
artiile,  dont  la  réputalion  commen- 
çait a  se  répandre  ,  et  qui  chaque 
jour,  se  surpassant  lui-même,  poussa 
enfin  l'art  de  la  gravure  sur  bois  à 
un  tel  point  ,  qu'il  en  fut  presque 
considéré  comme  Tinventeur.  A  dire 
vrai  pourtant,  il  n'en  étaitque  le  réno- 
vateur. Le  quinzième  et  le  seizième 
siècle  ont  compté  un  grand  nombre  de 
graveurs  sur  bois ,  témoin  la  Danse 
des  morts  de  Holhein,  témoin  ces  vi- 
gnettes et  ces  lettres  initiales  des 
premiers  missels,  des  premières  bi- 
bles, et  ces  gravures  de  fleurs  etd'é- 
cailles  qu'on  trouve  dans  Gérard,  Ges- 
ner  etFuchs.  Mais  d'une  part  Bewick 
usa  de  procédés  nouveaux  j  et  de  l'au- 
tre il  exécuta  des  détails  minutieux 
avec  une  délicatesse,  un  fini,  un 
moelleux  qui  quelquefois  le  cèdent  a 
peine  aux  plus  élégantes  tailles-dou- 
ces. Les  anciens  xylographes  n'ont  , 
pour  la  plupart,  jeté  sur  le  bois  que 
des  esquisses  hardies  où  presque  tou- 
jours les  ombres  sont  nulles  ou  à  peine 
indiquées  j  et  lorsqu'ils  ont  voulu 
renforcer  ces  ombres,  ils  ont  employé 
les  hachures  croisées.  Celles-ci  ne 
peuvent  guère  s'obtenir  sur  le  papier 
que  par  l'application  successive  de 
deux  blocs  divers  et  diversement  gra- 
vés à  la  surface  qui  doit  recevoirl'em- 
preinte  complexe  5  car  rien  de  si  dif- 
ficile, de  si  long  ,  de  si  dispendieux 
que  l'exécution  sur  un  même  bloc  de 
cette  multitude  de  petits  parallélo- 
grammes ou  lozanges  que  forment  les 
intersections  des  hachures  croisées. 
Or,  celte  application  successive  de 
deux  blocs  au  paj)ier  neutralise  juste- 
ment un  des  immenses  avantages  de 
la  gravure  sur  bois,  celui  de  permet- 
tre à  l'irapriuieur  de  tirer  en  même 
temps,  et  tout  d'un  coup,  les  textes 
écrits  et  la  gravure  (qui,  comme  oO 
sait,  est  enrelief,  tandis  que,  aucou- 


BEW 

traire,  la  taille-douce  est  en  creux). 
Bewick  évita  tous  ces  inconvénients, 
toutes  ces  imperfections.  Il  laissa  de 
côté  les  hachures  croisées,  que  quel- 
ques-uns de  ses  disciples  seulement 
(  Nesbitt,  Harvey,  etc.)  ont  exécu- 
tées avec  beaucoup  de  succès,  mais  au 
prix  d'un  travail  et  d'un  temps  que 
ne  compense  pas  suffisammentla  beauté 
de  leurs  productions.  Et  pourtant  ces 
gravures  produisent  souvent  des  effets 
magiques  :  non-seulement  on  y  trouve 
un  dessin  hardi,  des  contours  irré- 
prochables, des  lignes  pures,  exactes 
et  délicieuses ,  mais  on  y  admire  une 
variété  de  teintes,  une  distribution  de 
la  lumière  qui  ont  souvent  étogné  les 
graveurs  en  taille-douce.  Les  charman- 
tes graïures  que  Bewick  exécuta 
ainsi  pour  XErmite  de  Parnell  et 
pour  deux  poèmes  de  Goldsmith,  {le 
P^oyageiir  et  le  J^illage  aban- 
doTiné)  ,  sont  d'une  telle  perfection 
que  le  roi  Georges  III,  se  refusant 
à  croire  qu'elles  eussent  été  taillées  en 
relief  sur  le  bois ,  voulut  que  Nicol , 
son  libraire  ,  lui  procurât  les  blocs 
gravés  5  et  l'inspection  seule  de  ces 
témoins  irréfragables  put  le  convain- 
cre de  la  réalité  du  fait.  Bewick 
obtenait  ces  effets  de  dégradation  de 
lumière  eu  raclant  légèrement  la  sur- 
face du  bloc  aux  points  qui  devaient 
être  médiocrement  éclairés.  Souvent 
aussi  il  laissait  complètement  intactes 
certaines  parties  du  bloc,  celles  où 
Albert  Durer  aurait  introduit  les 
hachures  croisées.  Par-la  ,  l'ombre  a 
un  moelleux  ,  une  teinte  brillante 
au  moins  égale  a  celle  des  dessins  le 
plus  précieusement  exécutes  "a  l'encre 
de  Chine.  Une  autre  louange  qu'il 
faut  donner  k  cet  habile  restaurateur 
d'un  genre  perdu, c'est  qu'en  le  pous- 
sant presque  k  ses  dernières  limites, 
il  ne  s'en  exagéra  pas  l'importance  5 
çl  n'imagina  pas  que  celle  branche 


BEW 

(le  gravure  dût  délrôner  la  tail- 
le -  douce.  Bien  différent  de  ses 
eutlioiusiasles  disciples  ,  de  ses 
successeurs  exailés ,  il  ne  cherclia 
dans  la  gravure  sur  bois  qu'uu  cer- 
tain nombre  d'effets  déterminés  , 
qui  tiennent  K  la  large  distribu- 
lion  de  la  lumière  et  des  ombres. 
Toutefois  cesdisciples  eux-mêmes  sont 
une  partie  de  la  gloire  de  Bewick  ; 
et  n'eùt-il  eu  d'autre  mérite  que  d'a- 
voir foi  mé  les  Ransom  ,  les  Cleunell, 
les  Hole  ,  les  Johnson  ,  les  Nesbitl , 
les  Harvey,  enfin  Jean  Bewick,  son 
frère,  ce  mérite  lui  vaudrait  un  long 
souvenir  dans  l'iiistoire  delà  gravure. 
C'est  au  milieu  de  ces  occupations  et 
de  ce  haut  enseignement  que  s'écoula 
la  vie  entière  de  Bewick,  a  partir  de 
son  établissement  k  Newcaslle.  Des 
événements  trcs-ordiuaires ,  tels  que 
la  mort  de  sou  père  et  celle  de  son 
frère,  troublèrent  seuls  sa  paisible  car- 
lière.  Un  mal-enlendu  amena  enlre 
son  patron  et  lui,  vers  1799  >  la  rup- 
ture de  l'associaliou  qu'ils  avaient  for- 
méepour  donner  au  public  Y  Histoire 
des  oiseaux  de  la  Grande-Breta- 
gne AWïi  cncoxit  avec peiue  le  libraire 
Chai'uley  utiliser  par  de  nouveaux  ti- 
rages les  nombreuses  gravures  sur  bois 
qu'il  avait  exécutées  dans  sa  jeunesse, 
et  lorsqu'il  était  loin  de  la  perfection 
h  laquelle  il  arriva  depuis.  A  ces  tri- 
bulations près,  les  jours  de  Bewick 
coulèrent  sans  orage.  Jeune,  il  avait 
affecté  beaucoup  d'indifférence  ,  on 
eût  dit  presque  d'antipathie  pour  la 
propriété,  pour  la  richesse  ;  arrivé 
à  Tàge  mùr ,  il  se  corrigea  de  ce  dé- 
faut. Très-simple  dans  ses  manières 
et  dans  son  langage,  il  aimait  la  so- 
ciété des  personnes  simples  ,  qui 
pourtant  ne  présentait  rien  d'artis- 
tique. Après  son  dîner  il  allait  poli- 
liquer  dans  une  pièce  réservée  d'un 
cabinet  lilléraire  dv'Newcasthv  pièce 


BEW 


2Ï9 


oiî  n'étaient  admis  que  quelques  adep- 
tes et  que  les  profanes  appelaient  en 
riant  la  chambre  des  lords.  Il  aimait 
beaucoup  le  poète  Cuningham,  qui 
passa  quelques  années  de  sa  vie  a 
Kewcastle.  Bewick  mourut  près  de 
Windmill-Hillslc  8  nov.  1828  ,  dans 
sa  soixante -seizième  année.  Voici  la 
liste  de  ses  principales  productions  : 
I.  Les  planches  du  Traité  d'arpen- 
tage de  riutlon  ,  1772.  II.  Les 
planches  des  Eléments  de  géomé- 
trie de  Rossignol  ,  trad.  angl.  du 
docteur  Enfield.  III.  Toutes  les 
planches  de  l'édition  des  Fables  de 
Gay  ,  donnée  en  1779,  à  New- 
caslle (une  de  ces  planches, /e^  Vieux 
Chien  j  obtint  le  prix  proposé  en 
177,5  par  la  société  des  arts  pour 
la  meilleure  gravure  sur  bois).  I\. 
Toutes  les  planches  des  Fables  choi- 
sies, publiéesfn  1784,  par  le  même 
libraire  (sur  quoi  nous  remarquerons 
qu'une  autre  édition  de  Fables  choi- 
sies parut  aussi  en  1776,  avec  des 
gravures  en  bois,  mais  dont  on  ne 
peut  assurer  que  Bewick  fût  l'au- 
teur). Y.  Histoire  générale  des 
quadrupèdes.  Cet  ouvrage  capital 
pour  la  réputation  de  Bewick  est 
peut-être,  de  tous  ceux  qui  ont  été  pu- 
bliés sur  la  zoologie,  celui  qui  a  in- 
spiré K  plus  d'hommes  de  toutes  les 
conditions  et  de  tous  les  âges  le  goût 
de  cette  branche  de  l'histoire  natu- 
relle. Le  prospectus  en  fut  distribué 
en  1787,  et  le  volume  parut  en 
1790  j  mais,  dès  le  commencement  de 
1785,  Bewick  y  avait  déjà  travaillé. 
Au  resle  ,  l'hisloire  naturelle  des 
animaux  n'était  pas  chose  nouvelle 
pour  lui  :  il  en  connaissait  a  mer- 
veille les  mœurs,  les  habitudes  non 
moins  que  les  attitudes  et  les  for- 
mes. Ce  goût  pour  la  zoologie  pit- 
toresque s'était  accru  et  développé. 
Habitant    et   ami   de   la   campagae. 


220 


BEW 


il  avait  de  fréquentes  Oùcasious  d'é- 
tudier les  animaux  :  des  bailleurs 
passaient  souvent  par  Newcastle  avec 
de  grands  mamiiiifères  a  leur  sui- 
te ou  dans  des  cages  j  Bevvick  ne 
manquait  pas  de  les  visiter.  Dans  les 
environs  ,  un  ardent  pronioleur  de 
l'étude  des  sciences  naturelles,  Mar- 
maduke  Tonslall  de  ^Vycliife,  possé- 
dait un  musée  et  une  espèce  de  mé- 
nagerie ,  où  noire  graveur  allait 
dessiner  les  vivants  et  les  morts.  — 
Les  mammifères  publiés  par  Bewick 
sont  principalement  ceux  de  l'Angle- 
terre ,  et  j)lus  spécialement  encore 
ceux  auxquels  les  Anglais  rappoitent 
eu  grande  partie  leur  prospérité  com- 
merciale. Ainsi  toutes  les.vai-iélés  et 
races  de  bœufs ,  de  cbevaux  ,  de 
moutons,  de  chiens,  occupent  une  place 
considérable  dans  l'ouvrage.  Les  an- 
ciennes races  de  bestiaux  calédoniens, 
races  k  peu  près  perdues  aujourd'hui, 
s'y  trouvent  surtout  retiacées.  Des 
textes  par  Hodgson  et  Beilby  ,  revus 
du  reste  par  Bevvick,  accompagnent 
chaque  figure.  Mais  ce  qui  charma 
surtout  le  public,  ce  fut  le  nombre 
des  vignettes  et  des  culs-de-lampe, 
tous  si  gracieux  ,  si  riches  d'idées  , 
si  naïvement  dramatiques.  Dans  ces 
tableaux  en  miniature,  qui  devraient 
faire  donner  k  Bév.'ick  le  nom  de 
Lafontaine  de  la  gravure.  Us  ani- 
maux: se  trouvent  mis  en  scène  de  la 
manière  la  plus  naïve ,  la  plus  en  har- 
monie avec  leurs  mœurs,  leur  nature 
ou  leurs  besoins  ,  la  phis  frappante 
sous  le  point  de  vue  de  leurs  relations 
avec  rhomme  ;  ce  sont  presque  tou- 
jours des  leçons  morales  ,  parfois  des 
satires  plaisamment  incisives,  parfois 
aussi  des  solutions  que  Tarliste  donne 
k  sa  manière  sur  les  hommes  et  sur 
les  choses,  sur  les  questions  et  les 
événements  du  jour.  L'Histoire  des 
quadrupèdes     a    eu    sept    éditions. 


BEW 

\LUn  magnifique  Taureau  sauva- 
ge^ d'après  nature,  sur  un  individu 
gardé  au  parc  de  Chillingliam ,  de- 
meure de  lord  Taukarville  ,  est  k  la 
fois  le  chef-d'œuvre  de  Bewlck  et  le 
nec  plus  ultra  de  ce  que  peut  tenter 
le  burin  du  xylographe.  Ou  n'en  tira 
d'abord  que  quelquesepreuves,  après 
quoi  l'on  brisa  le  bloc  de  bois  ; 
mais ,  en  1817  ,  on  eu  rassembla  les 
morceaux  et,  en  les  rejoignant  artis- 
tement,  on  recomposa  la  figure  pri- 
mitive moins  toutefois  la  riche  bor- 
dure qui  lui  servait  d'encadrement,  et 
l'en  en  tira  de  nouveaux  exemplai- 
res. Un  d'eux  sur  vélin  s'est  vendu 
jusqu'à  vingt  guinées.  VII,  VIII. 
Les  planches  de  V Ermite  de  Parnell, 
du  Voyageur  et  du  P  illage aban- 
donné ,  de  Goldsmilh.  Ces  chefs- 
d'œuvre  de  gravure  sur  bois  fu- 
rent exécutés  en  société  avec  son 
frère.  IX.  U Histoire  des  oiseaux 
delà  Grande-Bretagne,  2  vol., 
1797  et  1800.  Le  premier  contient 
les  oiseaux  de  terre  ;  le  second 
est  consacré  aux  oiseaux  aquati- 
ques. Les  textes  du  premier  sont 
dus  k  Bt-ilby  :  la  rupture  dont  il  a 
été  question  força  Bevvick  a  se  char- 
ger de  ceux  du  second  volume  ,  mais 
avec  la  collaboration  ou  la  révision 
de  Cotes,  vicaire  de  Bedlington. 
Toutes  les  espèces  représentées  dans 
ces  deux  volumes  le  sont  avec  une  fi- 
délité, une  délicatesse  surprenantes. 
Comme  dans  la  publication  des  qua- 
drupèdes, ce  n'est  pas  aux  détails 
zoologiques  seuls  que  l'artiste  s'est 
attaché  :  il  met  eu  scène  les  oiseaux 
comme  les  mammifères,  et  par  quel- 
ques traits  de  burin  initie  aux  mys- 
tères variés  de  leurs  ruses,  de  leurs 
chasses,  de  leurs  voyages,  de  leur 
nidification  et  de  leurs  amours.  Aussi 
cet  ouvrage,  plus  estimé  encore  que 
l'autre  ,  a-t-il  eu  un  grand  nombre 


BEW 

d'édillous  avec  et  sans  la  lelfie.  X. 
Les  planches  du  recueil  inlitiilé  Fa- 
bles cV Esope  et  autres  avec  dessins 
de  Tli.  Bewick,  1818  (ce  recueil 
fort  beau  n'eut  pas  lout  le  succès 
qu'il  méritait  ).  XI.  Celles  desFables 
choisies,  édit.  Emerson  Cliarnley  , 
1820.  Les  gravures  apparlieuuent 
presque  toules  au  premier  âge  de 
Bewick  ,  qui  fut ,  comme  on  Ta  vu  , 
mécontent  de  leur  seconde  publica- 
tion. Cependant  onlui  fit  comprendre 
que  la  réunion  de  ses  premiers  tra- 
vaux serait  un  jour  nécessaire  pour 
qui  voudrait  tracer  l'histoire  de  la 
xylographie  ;  et  ,  a  la  tète  de  la 
colleclion,  il  plaça  lui-même  un  mé- 
moire flirt  bien  écrit  avec  le  catalo- 
gue de  ses  productions  les  plus  im- 
portantes. XIL  Pallie  des  planches 
du  f^ojage  en  Suède  ,  Laponie , 
etc.,  de  Consett  (particulièrement  le 
renne  et  les  traîneaux  des  Lapons). 
XTIL  Le  Bœuf  gras  de  Whilley, 
auquel  on  peut  joindre  celui  de  Kyloe. 
XIV.  Le  Zèbre,  V Eléphant  ,  le 
Lion  y  le  Tigre,  quatre  grands  sujets 
exécutés  pour  le  fameux  Pidcok.  XV. 
Beaucoup  de  dessins  pour  un  livre 
sur  les  poissons  de  la  Grande-Breta- 
gne. Le  plan  de  cet  ouvrage  était  le 
même  que  celui  de  l'histoire  des  qua- 
drupèdes et  de  l'histoire  des  oiseaux. 
— Bewick  a  fait  de  plus  le  seul  portrait 
deCunningliara  quel'ou  connaisse.  Le 
sien  a  été  gravé  un  grand  nombre 
de  fois  sur  de  simples  dessins  :  celui 
qui  a  été  peint  par  Ramsay  est  un 
fort  beau  morceau  ;  et  son  buste  par 
Bailv  orne  la  bibliothèque  de  la  so- 
ciété pliilosophique  de  INewcaslle. — 
Jean  Bewick,  frère  du  précédent , 
né  a  Cherry  Burn ,  en  1760,  fut 
initié  par  Beilhy  et  par  son  frère  à 
l'art  ciont  celui-ci  reculait  les  limi- 
tes. Il  quitta  ensuite  Newcastle  pour 
aller  s'établir  a  Londres  et  y  acquit 


BEX  221 

en  peu  d'années  un  grand  renom.  Sous 
quelques  rapports,  il  surpassait  Tho- 
mas, et  il  eût  peut-être  été  plus  loin 
que  kii.  Malheureusement  une  affec- 
tion pulmonaire  l'emporta  eu  lypS. 
On  n'a  de  lui  que  quelques  planches  de 
Y  Ermite,  du  Voyageur  et  du  Vil- 
luge  abandonné ,  plus  tous  les  des- 
sins des  planches  de  la  Chasse  , 
poème  de  Somerville  ,  moins  une  qui 
a  été  fournie  par  PoUard.  Ces  dessins 
n'ont  point  été  perdus;  tous  ont  été 
gravés  ])ar  Thomas.         .  P — ct. 

ïîEXOiV  (  SciPiON  -  Jérôme  ), 
jurisconsulte  ,  était  frère  de  l'abbé 
Bexou,  connu  par  l'honneur  que  lui 
fit  Buffon  en  le  choisissant  pour  son 
collaborateur  (  Voy.  Bexon  ,  lY  , 
425).  Né  en  i^53  a  Remiremont, 
il  acheva  ses  études  a  l'université  de 
Nancy,  et  revint  dans  sa  ville  natale 
exercer  la  profession  d'avocat.  Quel- 
que temps  après,  la  princesse  L.-Ad. 
de  Bouibon,  abbesse  de  Remiremont, 
le  nomma  son  procureur  fiscal.  Il  fut, 
en  1787,  un  des  commissaires  élus 
pour  rédiger  les  cahiers  du  bailliage. 
Comme  beaucoup  d'autres,  il  ne  pen- 
sait pas  que  la  réforme  des  abus 
dût  amener  le  renversement  desinsli- 
tutious  ;  et,  lorsqu'il  vit  que  l'existen- 
ce de  l'abbaye  de  Remiremont  était 
menacée,  il  publia  en  1790,  sous 
ce  titre  :  Cri  de  l' humanité  et  de 
la  raison  ,  une  apologie  de  l'i'lus- 
Ire  chapitre,  dont  la  suppression, 
disait-il  ,  entraînerait  la  ruine  de 
la  contrée.  A  l'organisation  des  mu- 
nicipalités, il  fut  nommé  commis- 
saire du  roi  près  celle  de  Remire- 
mont"; mais  il  ne  tarda  pas  a  quitter 
cette  ville  pour  venir  a  Paris,  cù  il 
fut  employé  successivement  dans 
diverses    fonctions     judiciaires    (i). 


(i)  On   le   nomma    en    1794   rapporteur  ou 
accusateur   public  d'une  commission    militaire 


a22  BEX 

Elu  président  du  tribunal  crimi- 
nel de  la  Seine  en  1796,  il  lourna 
dès -lors  ses  vues  vers  l'e'tude  du  code 
dont  il  élait  obligé  de  faire  sans  cesse 
rapplicalion,  el  composa  sur  ce  sujet 
divers  ouvrages,  auxquels  il  doit  uue 
V)lacc  dislinguée  parmi  les  criminalis- 
tes.  A  la  réorganisation  de  Tordre 
judiciaire,  en  1800,  il  fut  nommé 
vice-président  du  tribunal  de  première 
instance  de  Paris.  Malgré  les  devoirs 
de  cette  cliarge  ,  il  trouva  leloisirde 
faire  à  l'académie  de  législation  un 
cours  de  droit  criminel ,  qui  fut  im- 
primé dans  les  Annales  de  celte  so- 
ciété en  i8o3.  Connu  déjà  par  plu- 
sieurs ouvrages  estimés,  el  dont  l'un, 
Théorie  des  lois  criminelles  (2)  , 
lui  avait  mérité  la  grande  médaille 
d'or  de  Facadémie  de  Berlin,  qui  lui 
fut  envoyée  par  ordre  du  roi  comme 
hommage  rendu  au  m.êrilc  (3).  A 
la  même  époque  il  fut  invité  par  l'é- 
lecteur, depuis  roi  de  Bavière,  de 
s'occuper  de  la  rédaction  d'un  Code 
criminel  pour  ses  états.  Maximilien  et 
son  ministre,  le  baron  de  Mongelas, 
lui  écrivirent  des  lettres  de  remer- 
cîment  ,  contenant  des  éloges  flat- 
teurs sur  celte  rédaction  que  Bexon 
envoya  à  Munich  ,  au  mois  de  jan- 
vier i8o5.  L'électeur  avait  char- 
gé son  miuiblre  de  lui  mander 
is^ appréciant  à  leur  juste  valeur 
et  l'auteur  et  l'ouvrage  ,  il  ver- 
rait avec  plaisir  que  son  nom  parût 
cl  la.  tète  duu  livre  qui  coutei:ait  des 


près  les  armées  de  l'Ouest  ;  et  il  parut  clans  ces 
contrées  sous  l'habit  uiilitaire  ,  ce  qui  ne  lais- 
sait  pas  d'être  plaiiaut ,  avec  sa  taili^  petile  et 
contrefaite.  il — dj. 

(2)  Le  ministre  plénipotentiaire  de  la  républi- 
que helvétique  (P. -A.  Stapfcr)  lui  écrivait  en 
1802  :  «  Vos  savantes  et  profondes  rcchenhes 
sur  la  théorie  des  lois  criminelles  vous  as>uiTnt 
un  rang  distingué  parmi  les  bicnlaiteurs  de  ia 
socieié  humaine....  Grâces  vous  soient  donc 
rendues,  respectable   m.ngisirat,  etc.  »     V ve. 

(3)  Lettre  du  uiarquis  de  Lachcîiiii,  1802. 


BEX 

principes  et  des  vues  si  utiles.  Et 

Bexon  publia  en  1807  ,  Application 
de  la  théorie  de  la  législation  pé- 
nale ,  ou  Code  de  la  sûreté  publi- 
que et  particulière  ,  fondé  sur  les 
règles  de  la  morale  universelle  , 
sur  le  droit  des  gens  ou  droit  pri- 
mitif des  sociétés, et  sur  leur  droit 
particulier  dans  Vétat  actuel  de  la 
civilisation;  rédigé  en  projet  pour 
les  états  de  S.  M.  le  roi  de  Ba- 
vière,  2  vol.  in-folio.  Dans  le 
même  temps  il  reçut  du  grand-juo-e 
du  royaume  d'Italie  une  lettre  très- 
flatteuse  ,  qui  réclamait  son  avis 
sur  le  projet  du  code  qu'il  venait 
de  soumettre  a  l'examen  des  prin- 
cipaux jurisconsultes  italiens.  Mal- 
gré toute  l'estime  dont  jouissait 
Bexon,  il  ne  fut  pas  compris  dans  la 
nouvelle  réorganisation  des  tribunaux, 
eu  1808.  Son  opposition  au  despo- 
tisme iinpérial,  et  d'autres  causes 
moins  honorables  ,  mais  qui  sont 
restées  ignorées  du  public  ,  furent 
les  motifs  de  son  exclusiou.  Ayant 
traversé  la  révolution  sans  augmenter 
sa  modeste  fortune,  il  fut  obligé  de 
reprendre  les  fonctions  d'avocat  (4). 
Dans  le  célèbre  procès  des  patriotes 
de  1816,  il  plaida  pour  Desbaunes, 
ancien  garde  de  Monsieur;  mais  la 
police,  qui  avait  évidemmenl  préparé 
cette  affaire,  rendit  inutile  le  zèle  des 
avocats,  et  Bexon  ne  put  sauver  son 
client.  Pvetiré  depuis  quelques  années 
a  Chaillot,  il  y  mourut  le  17  nov. 
1825.11  élait  membre  de  l'académie 
de  législation,  de  l'Alhénée  des  arts, 


(4'l  En  i8i5,  le  prince  de  Condé  le  recom- 
manda vivement  au  chancelier  ,  comme  avant 
rendu  des  ser^'ices  très  uliles  à  sa  fille,  lorsqu'elle 
était  abbessc  du  chapitre  de  RemiremonI .  Le  prin- 
ce louait  aussi  la  pureté  de  ses  pnriciues  el  la 
fermeté  de  sa  conduite  dans  l'exercice  des  dange- 
reuses/onctions attribuées  à  la  pince  qu'il  a  rem- 
plie au  tribunal  cifil  de  l'iiris.  On  ne  voit  pas  (lue 
cette  recommandation  ait  été  fort  utile  à  Bexon. 
V— \i. 


BEY 


ai3 


de  la  société  académique  des  sciences, 
de  la  société  phllantropique,elc. Outre 
un  grand   nombre    d'écrits    de    cir- 
constance ,    el  qui   sont    aujourd'hui 
lola'eraent  inconnus,  on  a  de  Bexon  : 
I.   Mémoire   sur   la  forme  de   la 
procédure  par  jurés,  et  sur  l'u- 
tilité   d'un    tribunal    de    correc- 
tion paternelle,    Paris,    1799,  iu- 
8".  II.  Parallèle  du   Code  pénal 
d'Angleterre  avec  les  lois  pénales 
françaises ,  et  considérations  sur 
les  moyens  de  rendre  celles-ci  plus 
utiles,  ibid.  ,  1800,  in-8".   Cet  ou- 
vrage fut  couronné  par  le  lycée  des 
arts.    III.    Développement    de    la 
théorie   des    lois  criminelles  par 
la  comparaison  de  plusieurs  légis- 
lations  anciennes    et   modernes , 
ibid.,  1802,  2  vol.  in-8°.  IV.  Ap- 
plication de   la  théorie   de  la  lé- 
gislation pénale,  etc.,  ibid.,  1807. 
iîn  annonçant  cet   ouvrage  dans   les 
Archives  littéraires,  Dussault  s'ex- 
prima d'une   manière  peu  favorable 
S'jr  Beccaria  et  sur  les  philosophes 
du    18'^  Aiècle,   qui  se  sont   occupés 
de  la  réforme   des  lois  pénales.  Cet 
article Irès-piquanl  lui  attira  de  1  abbé 
IMoi^ilel,  premier  traducteur  franchis 
de  Beccaria  ,  une  lettre  assez  vive  ,  a 
laquelle  Dussault  fit  une  réponse  non 
moins  forte  que  son  premier  article. 
Ces  trois  pièces  ,  qui  méritent  d'être 
lues,  sont  insérées  dans  les ^rcAiVe^, 
XVI,  406;  XVII,   8i-5i4.    V.    Du 
pouvoir  Judiciaire  en  France  et  de 
son  inamovibilité,  ib. ,  i  8 1 4,  in-S*^. 
Composé  sous  le  régime  impérial  , 
dont  il  signalait  le  despotisme,  cet 
écrit  ne  parut  cependant  qu'après  sa 
chute.   \  I.    De   la  liberté  de    la 
presse  et  des  moyens  d'enprévenir 
et  d'en  réprimer  les  abus  ,  ibid.  , 
l8i4  ,  in-folio.  W — s. 

BEY  DE  BATILLY.  Foy. 
LEEtY  j  au  Suppl. 


BEYTS  (le  baron  Joseph-FrAN- 

çois)  ,    né    à    Bruges,    se  distingua 
dès   ses   premières   années   par   une 
grande   force   de  coucepliou  et   une 
aptitude  marquée   aux  sciences  ma- 
thématiques, l'our  devenir  alors  quel- 
que cho>e  ,  il  fallait  aller  à  l'univer- 
sité de  Louvain  ,  qui  cependant  élait 
bien  déchue.  Celui  qui  y  obtenait  la 
première    place  au  concours  de  la 
faculté  des  arts,  composée  des  pé- 
dagogiesduPorc ,  du  Faucon  ,  du 
Château  et  du  Lys  (  et  non  pas  de 
Lille,  comme  on  l'a  dit  par  erreur  a 
l'article  DoBPirs,  tom.  XI,  p.  095), 
recevait  des  honneurs  extraordinaires, 
pouvait  parvenir  a  tout  s'il  se  desti- 
nait à  l'état  ecclésiastique,   et  con- 
servait jusqu'à  la  fiu  de  sa  vie  le  titre 
glorieux,  mais  assez  peu  chèrement 
acheté,  de  primus.  Beyts. obtint  cet 
avantage  ea  1782,    quoique  B. -F. 
Bax  l'ait  omis  dans  son   Catalogus 
omnium  primorum  (Malines,  1824, 
in-12  ).    11  fat  nommé   substitut  du 
procureur-général  au   conseil  de  la 
Flandre  autrichienne,  puis  conseiller 
pensionnaire  et  greffier  en   chef  du 
magistrat  de    Bruges.    La   Belgique 
ayant  été  réunie  a  la  France  ,  Beyts 
continua  d'exercer  des  fonctions  ad- 
ministratives, et  mérita  par  ses  ta- 
lents, son  zèle  et  sa  probité,  d'être 
élu,  en   1797,  au  conseil  des  cinq- 
cents  comme  représentant  du  dépar- 
tement de  la  Lys.  Dans  cette  assem- 
b'ée   il  ne  fit  pas  moins  remarquer 
ses  connaissances  en  iégi.datlon  que 
la  sagesse  de  ses  doctrines  politiques. 
Ln  de  ses  premiers  soins  fut  d'atti- 
rer ratteullon   de  ses  collègues  sur 
l'iuslructiou   publique,    et  d'exciter 
leur  intérêt  en  faveur  des  émigrés  par 
l'effravaule   peinture  qu'il  traça  des 
effits  de  la  terreur  dans  les  départe- 
ments du  Haut  et  Bas-Rhin,  où  trente 
mille  individus ,  forcés  d'aller  cher- 


224 


BEY 


cher  uu  refuge  au  foud  de  la  Forêt 
Noire,  u'avalenl  pu  rentrer  daus  les 
délais  prescrits.  Une  autre  fois  ,  il 
plaida  avec  énergie  la  cause  des  ren- 
tiers et  des  pensionnaires  de  l'élat, 
et  s'opposa  à  ta  réduction  des  intérêts 
qui  leur  étaient  dus,  déclarant  que 
les  plus  beaux  décrets  de  l'assemblée 
constituante  étaient  ceux  des  17 
juin,  18  juillet  et  27  août,  «  qui 
avaient  mis  la  dette  publique  sous  la 
sauve-garde  de  la  loyauté  française,  n 
Plus  tard  ,  il  s'éleva  contre  le  projet 
de  loi  qui ,  en  excluant  des  fonctions 
publiques  les  ci-dc  vaut  nobles,  flétris- 
sait d'une  exception  injurieuse  une 
classe  entière  de  citoyens ,  et  il  pro- 
posa l'ajournement  de  la  partie  du 
projet  de  Chollet ,  laquelle  tendait  a 
exiger  de  tout  homme  qui  avait  éfé 
prêtre  un  serment  spécial.  En  d  au- 
tres circonstances,  il  s«  montra  l'en- 
nemi des  mesures  de  police  et  le  zélé 
défenseur  de  la  liberté  individuelle. 
Mais,  si  l'on  en  croit  Beffroy  deRei- 
gnj,  a  au  18  fructidor  il  sut  conser- 
ver sa  place,  moyennant  quelques  dia- 
tribes contre  les  nobles,  qui  ne  coûtè- 
rent rien  a  son  talent,  mais  qui  durent 
coûter  quelque  chose  à  sa  conscience.  » 
(  Dict.  des  hommes  et  des  choses.) 
Lorsque  le  18  brumaire  eut  changé 
le  gouvernement  de  la  France,  Beyts, 
accusé  d'avoir  voulu  s'opposer  au 
succès  de  cette  journée,  fut  contraint 
a  s'éloigner  de  Paris  ;  mais  au  bout 
de  quelque  temps  il  obtint  la  levée  de 
la  mise  en  surveillance  à  laquelle  il 
avait  été  soumis.  Il  s'était  en  effet 
borné,  candide  légiste,  à  invoquer  le 
texte  de  laloi,  puis,  comme  la  plupart 
de  ses  collègues  ,  il  avait  sauté  bra- 
vement par  une  des  fenêtres  du  châ- 
teau de  Saint-Cloud.  Le  prenàer 
consul ,  qui  l'appréciait  et  devinait  la 
portée  de  son  opposition  ,  le  nomma 
préfet  du  département  de  Loir-et- 


BEY 

Cher.  Mais,  comme  son  penchant  et 
la  nature  de  ses  premières  occupa- 
t.onsle  rappelaient  vers  une  carrière 
différente,  Beyts  demanda  et  obtint 
la  place  de  commissaire  du  gouver- 
nement près  le  tribunal  d'appel  de 
Bruxelles,  place  qui ,  aussitôt  après 
la  nouvelle  organisation  judiciaire, 
fut  transformée  en  celle  de  procureur- 
général  impérial.  En  i8o4,  il  fut  dé- 
coré de  la  croix  de  h  Légion  d'Hon- 
neur, distinction  dont  on  était  encore 
avare.  \  ers  la  fin  de  1810,  il  partit 
pour  La  Haye  comme  procureur-gé- 
néral près  la  cour  impériale  établie  en 
cette  ville.  L'invincib'e  et  naturelle 
aversion  des  Hollandais  pour  les  créa- 
tures d'un  gouvernement  qui  voulait 
anéantir  leur  nationalité^  lui  rendit  le 
séjour  de  ce  pavs  peu  agréable,  et 
lui  fit  désirer  de  retourner  dans  sa 
patrie,  vœu  qui  fut  accompli,  en  avril 
181  I,  par  sa  nomination  à  la  place 
de  premier  président  de  la  cour  im- 
périale de  Bruxelles.  Il  portait  alors 
les  titres  de  baron  et  de  comman- 
dant de  la  Légion -d'Honneur.  On 
se  rappelle  l'affaire  déplorable  du 
maire  d'Anvers,  dont  la  sentence 
d'acquittement  fut  cassée  par'un  sé- 
nalus-consulle.  Le  préfet  des  Deux- 
INèthes,  M.  d'Argenson,  eut  alors 
le  courage  de  résister  aux  injonc- 
tions du  ministre  de  la  justice  et  du 
conseil  d'état*  Beyts,  plus  souple, 
rédigea  le  nouvel  acte  d'accusation 
selon  les  vues  du  pouvoir.  En  181 3, 
il  reçut  une  mission  non  moins  épi- 
neuse, et  fut  chargé  de  présider  la 
cour  spéciale  formée  à  Hambourg 
par  suite  des  troubles  qui  avaient 
éclaté  dans  les  villes  anséatiques.  Ces 
fonctions  rigoureuses  ,  qu'il  exerça 
jusqu'en  i8i4j  il  s'appliqua  à  les 
adoucir  autant  qu  il  dépendait  de  luij 
cependant  il  en  fut  en  quelque  sorte 
puni  par  l'oubli  où  on  le  laissa  depuis 


BEI 

celle  époque.  Pour  se  consoler  de  la 
perte  de  ses  emplois,  il  se  livra 
avec  une  ardeur  intaligable  aux  élu- 
des les  plus  diverses  et  les  pins 
abstraites.  La  révolution  de  i85o 
trouva  en  lui  un  parlisan  chaleureux 
et  satisfit  des  ressentiments  per- 
sonnels que  l'homme  le  moins  pas- 
sionné ne  sait  pas  toujours  éleuffer. 
Appelé  au  congrès  ,  il  vola  l'exclu- 
sion des  ISassau,  et  fil  ensuite  jiar- 
tie  du  sénat,  où  son  talent  parut 
l'avoir  abandonné.  Desidées  conluses, 
une  jovialilé  déplacée,  de  1  érudition 
de  collège,  voilà  ce  iju'on  gémit  de 
trouver  dans  la  plupart  de  ses  dis- 
cours. Mais  l'âge  avait  affaibli  sa 
tète,  et  ,  par  une  longue  inaction  ,  il 
était  devenu  presr|ue  étranger  aux  af- 
faires publiques.  11  mourut  au  com- 
mencement de  l'année  i852.  Ses 
manuscrits,  achetés  pour  la  biblio- 
thèque de  Bourgogne,  sont  des  re 
cueils  de  notes  et  de  dissertations  sur 
l'astronomie  ,  la  physique  et  le  sys- 
tème planétaire.  Parmi  ses  essais , 
(jui  occupent  les  n°*  1286-1292  du 
Catalogue  de  sa  bibliothèque,  il  en 
est  un  intitulé  Jlanetho/i  restitue , 
et  un  autre  Histoire  ancienne  et 
critique  de  l'ouvrage  (de  M.  de 
Grave)  qui  a  pour  titre:  la  Républi- 
que dts  Champs  El)  sées.  11  avait 
conçu,  en  i  8  i  3  ,  et  lait  exécuter  a 
Paris,  en  182.5,  un  globe  céleste 
destiné  a  vérifier  les  dates  et  à  con- 
stater ou  à  combattre  la  haute  aiili- 
quité  des  monuments  sur  lesquels 
l'histoire  écrite  des  nations  manque  de 
renseignements  suffisants.  Le  premier 
supp'ément  ii  la  Galerie  des  con- 
temporains, Bruxelles,  1829,  IX, 
65,  en  ofFre  une  descrinlion  fournie 
par  rinventeur  lui-uiéme.  Il  avait 
été  inspecteur- général  des  écoles  de 
droit,  spécialement  chargé  de  celles 
de  Bruxelles  ,  de  Strasbourg   et  de 


liL'Z  ïrj 

Coblenlz,  et  chancelier  de  la  troi- 
sième cohorte  de  la  Légion-d'Hon- 
n»ur.  Nous  ne  connaissons  rien  d'im- 
pWmé  de  sa  façon  ,  excepté  un  JJis- 
cours  français,  prononcé  le  20  mars 
1806,  lors  de  l'iuslallation  de  l'école 
spéciale  de  droit  à  Bruxelles,  et  in- 
séré dans  le  procès-verhid  de  celte 
cérémonie,  Bruxelles,  i8o6,in-4"j 
plus  deux  Discours  latins ,  pro- 
noncés en  I  8 I 0  et  en  1 8 1 3 ,  Bruxel- 
les ,  18  i3  ,  I  0  et  i4-  pag>  in-4.°.  Ils 
se  terminent  également  par  le  cri  of- 
ficiel de  f^ive  l'empereur  !  et  sont 
surtout  destinés  a  protester  de  l'admi- 
ration et  du  dévouement  de  l'orateur 
pour  la  personne  sacrée  du  héros 
du  i^"  siècle.  —  Pierre  Beyts  , 
frère  du  précédent ,  fut  professeur  de 
chimie  et  de  physique  expérimentale 
a  l'école  centrale  du  déparlement  de 
l'Escaul.  On  a  de  lui  :  Discours 
inaugural  sur  les  progrès  récem- 
ment faits  dans  les  sciences  phy^si- 
qies  et  chimiques ,  sur  les  avanta- 
ges de  la  nouvelle  méthode  d'en- 
seigner ces  sciences,  etc.,  Bruxel- 
les, an  X  (1802),  67  pag.  in-12. 
\'ov.  Jjagas.  encycl.,  \1II°  ann., 
t.  III,  pag.  i56-i4o.  R — F — G. 
BE20^' S  (Claude  Bazin  ,  sei- 
gneur de),  conseiller  d'élat  ordinaire, 
me.iibre.de  l'académie  française  ,  na- 
quit a  Paris  ,  en  1617.  A  l'âge  de 
vingt-deux  ans  il  fut  pourvu  dune 
charge  d'avocal-îéuéral  au  <rrand-con- 
seil.  Nommé  intendant  du  Langue- 
doc, il  eu  exerça  les  fondions  vingt 
ans,  avec  beaucoup  dhabileté.  De 
retour  a  Paris  ,  en  1675  ,  il  reprit 
son  service  ordinaire  de  conseiller 
d'état ,  jusqu'à  sa  mort  armée  le  20 
mirs  1684.  Il  avait  remplacé  a  Ta- 
cadémie  française  ,  le  5  février 
1645  .  le  chancelier  Séguier  ,  de- 
venu protecteur  de  cette  compagnie. 
Il  fut  le  premier   qui,  a  Texemplc 


226 


BEZ 


de  Palru  ,  prononça  un  discours  de 
réception.  Dans  sa  harangue  (i)  il  fut 
hi^ancoupp'us simple  que  son  raodèlj. 
On  y  trouve  nëauraoius  le  gerii# 
de  tous  les  lieux  communs  qui  ont  été 
débités  depuis  eu  pareille  circon- 
stance. Ou  a  de  lui  :  I.  Discoiws  sur 
le  t  l'ai  té  de  Prague  fait  ^  /e  3  o-  2  o 
mai  1655,  entre  l'empereur  et  le 
duc  de  Saxe,  translaté  du  latin[2) 
et  augmenté  des  articles  mêmes  du 
traité,  Paris,  lôSy,  in-8°  de  182 
pages.  Cet  écrit  composé  par  le  ju- 
risco  isulte  .lean  Stel  a,  déguisé  sous 
le  nom  de  Juste  Aslerius,  te  repré- 
sente clairement  les  desseins  et  arti- 
fices de  la  maison  d'AutricLe  et  la 
simplicité  des  Saxons.  »  Les  conti- 
nuateurs de  laBibllolhèqueliislorique 
du  P.  Lelong  [lom.  III,  pag.  8,  n° 
29,24.6  )  n'en  ont  connu  ci  l'au- 
teur ni  le  traducteur  (5).  II.  Dis- 
cours prononcés  en  1666,  aux 
états  de  Carcassonne  ,  comme 
inteiulant  de  la  province  de  Lan- 
guedoc. Il  eut  quatre  fils  dont  l'aîné, 
d'abord  conseiller  au  parlement  de 
Metz,  mourut  intendant  de  Bor- 
deaux. Le  second  devint  maréchal 
de  France  (/^'oj'.  Bezons,  IV,  43 5 j. 
Le  troisième,  chevalier  de  Malte, 
périt  sur  le  vaisseau  le  Conqué- 
rant, en  1679.  ^^  deruier,  Ar- 
mand Bazin  de  Bezoxs  ,  né  en 
i635  ,  agent  général  du  clergé,  suc- 
cessivement évèque  d'Aire,  archevê- 
que de  Bordeaux  et  ensuite  de  Rouen, 
fut  député  aux  assemblées  générales 
du  clergé    qui  se  tinrent  de  i685  a 


(ij  Recueil  des  harangues  prononcées  pat  mes- 
sieurs de  V  académie  française ,  Paris,  Coignaid  , 
168S,  iii-4°,  p.  4. 

(?.)  L'origiual  latin  a  poni-  titre:  Deploratio 
pacis  germanicce,  sine  disserlulio  de  pace  fragensi, 
inila  auno   i63d  ,  Paris,  i636,  in  folio. 

(3)  Cependant  Pelisson.danssa  Relation  conte- 
nant l'histoire  de  l'académie  française,  fait  Bizons 
aiUeur  de  celte  traduction  ,  à  laquelle  ,  dit-il,  il 
n'a  point  mis  son  nom,  V ve. 


BIA 

1 7  [  5 .  Après  la  mort  de  Louis  XIV, 
il  fît  partie  du  conseil  de  régence  et 
fut  chargé  de  la  direclion  des  écono- 
mnls.  Il  mourut ,  le  8  octobre  172  i, 
dans  son  château  de  Gaillon.  On  a  de 
lui  des  Ordonnances  sjnodales  du 
diocèse  de  Bordeaux ,  Bordeaux, 
i7o4,in-8°,  et  \t  Procès  verbal 
de  l'assemblée  du  clergé  tenue, 
en  i685^  à  Saint-Germain  -  en 
Laje,  qu'il  publia,  eu  qualité  de 
secrétaire,  avec  CLiude  tiennequîu  , 
Paris,  i690,in-ful.    L — m — x. 

BIAGI  'Je  P.  ClèIment),  savant 
archéologue  ,  né  vers  174^0  ,  k  Cré- 
mone ,  entra  dans  l'ordre  des  Camal- 
dules  ,  et  consacra  ses  loisirs  aux  re- 
cherches d'érudition.  Ses  talents  lui 
méritèrent  bientôt  l'eslime  du  cheva- 
lier Jacques  Nani ,  patricien  de  Ye- 
uîse  ,  qui  mit  a  sa  disposition  le  mu- 
sée qu'il  possédait  et  qui  était  regardé 
comme  un  des  plus  riches  de  l'Italie 
en  inscriplions grecques  et  romaines. 
De  l'étude  des  langues  et  des  anti- 
quités ,  le  père  Biagi  fut  obligé  de 
passer  à  celle  de  la  théologie.  Nommé 
professeur  au  collège  de  la  Sapience 
a  Rome  ,  il  fut  en  même  temps  chargé 
de  la  continuation  du  Diaiio  eccle- 
siastico;  mais,  quoiqu'il  s'acijuitlàt 
de  celte  double  tâche  avec  beaucoup 
de  zèle,  les  travaux  du  théologien  ne 
purent  jamais  balancer  dans  l'estime 
publique  ceux  de  l'antiquaire.  Ayant 
obtenu  sa  sécularisation,  il  se  démit  de 
sa  chaire  et  vint  habiter  Milan,  oiî  il 
mourut  en  1 804.  Outre  les  notes  iné- 
dites dont  il  enrichit  la  traduction 
italienne  de  VArgonautique  de  Va- 
lerîus  Flacons  ,  par  le  cardinal  Flan- 
gini  [J^oy.  ce  nom  ,  XV,  24),  et  une 
traduction  du  Dictionnaire  théolo- 
gique de  Bergier,  avec  de  uotn- 
breuses  additions  (i),  on  connaît  du 

(i)  L'édition  la  plus  récente  est  celle  de  182'-, 
12  vol.  in-8".  ' 


BIA 

P.  l'iagi  :  I.  Ragionamento  sopra 
un'antica  statua  nuovainente  sco- 
perta   nell'agro  romano  ,    Rome  , 
1772,     in -4.°.     II.     JMoniwienla 
grœca  ex    musœo  J.  Nanii  illus- 
trata,    ibld.,     1785,    in  -  4°,    fig. 
III.    Tractatus  de  decretis  ^the- 
nie/isibus ,   in  quo  illustratur  sin 
gulare  decretum  Atheniense ,  ex 
musœo  J.   Nanii,  ibid.,    1787,  3 
vol.   iu-4°.  Cet  ouvrage  n'a  été  tiré 
qu'a  260  exempl.  {P  oj.  le  Manuel 
du  Libraire,  de  M.  Bi  unet,  I,  1 89). 
Dans  cet    ouvrage,   l'auteur    montre 
une  connaissance  approfondie  de  la 
léi;islnlion     des    républiques    de    la 
Grèce    et    particu'ièrement   de   celle 
d'Atliènes.  Il  corrige  avec  une   sa- 
gacité rare   el  complète  en  plusir-urs 
endroits  Ies/^a5/e5  de  Cormn^P'oj. 
ce  nom  ,  X,  5),  el  les  Leges  atticœ 
de   Samuel   Petit    (  Voj.    ce   nom  , 
XXXIII,  482).  Tout  en  rendant  jus- 
tice  a    son    érudition,    M.    Mahul 
lui   reproche   de   trop   négliger   son 
stjle  (Voy.   la  Revue  encyclopédi- 
que , 'S  W  ^  5  02).  IV.  Monumenta 
grœca  el  latina  ex  musœo  J.  Na- 
nii illustrata ,   ibid.,  1787,  in-4'', 
fig.   Le  P.  Paulin   de  Saint-Barthé- 
lemi  a  publié  \' Eloge  de  Biagi  dans 
le  Giornale  di  Padova  ,  décembre 
180.5.  W— s. 

BIAGIOLI  (  Nicolas -JosA- 
phat),  grammairien  et  littérateur, 
naquit  en  1768,  a  Vezzano ,  petite 
ville  de  l'état  de  Gènes.  Ses  parents, 
qui  jouissaient  de  quelque  aisance ,  ne 
négligèrent  rieu  pour  lui  procurer 
les  avantages  d'une  excellente  éduca- 
tion. Il  répondit  à  leurs  soins  , 
alla  faire  ses  humanités  a  Rome  ,  et 
h  dix- sept  ans  occupala  chaire  de  lit- 
térature grecque  et  laliiie  a  l'unlver- 
silé  d'Urbin.  On  prétend  que,  d'a- 
près le  désir  de  son  père ,  il  en- 
tra   dans    Pétai   ecclésiastique   au- 


BIA 


%•>.•] 


quel  il  renonça  bientôt ,  et   que  plus 
tard    il    obtint  sa   sécularisation,  et 
se    maria.  Ayant  embrassé  la  cause 
de   la   révolulion  à  l'époque   où   les 
Romains  essajèreut,  sous  la  protec- 
tion des  armées  françaises,   de  réta- 
blir le  gouvernement  républicain  ,  il 
futnommépréfetjel  lorsque, en  1799, 
les  Français   furent    ob'igés  d'aban- 
donner l'Ilalie,  il  vint  chercher  un 
asile  k  Paris.  Pourvu,  au  Prytanée, 
d  une  chaire  d'italien,   qui  fut  sup- 
primée  dès  l'année   suivante ,   il    se 
trouva  dans  la  nécessité  de  se  créer 
des  ressources.  Ce  fut  alors  qu'il  ou- 
vrit, en  société  d'A.   Mango,  ancien 
professeur   au    lycée   de    Lyon,    des 
cours  de  langue  el  de  littérature  ita- 
liennes dont  le  snccès  toujours  crois- 
sant surpassa  toutes  ses  espérances.  Ja- 
mais à  Paris  aucun  professeur  d'italien 
n  avait  vu  tant  d'é'èves  accourir  à  ses 
leçons,  qui  étaient  d'ailleurs  accompa- 
gnées de    deux    concerts  par    mois. 
Les  divers  ouvrages  qu'il  publia  suc- 
cessivement ne  firent  que  confirmer  et 
accroître  saréputalion d'habile  gram- 
mairien.   Passioniié  pour  Dante  et 
pour  Pétrarque, qu'il  nomme  le  second 
de  ses  maîtres  (i)  ,    Biagioli  poussa 
beaucoup   trop   loin  son  admiration 
pour  ces  deux  grands  poètes  (2),  en 
traitant  d'ignorants  ^    de  barbares 
et  d' inse/tsés  ceu%  qui  ne  partagaient 
pas  son  enthousiasme  fanatique  pour 

(i)  Biagioli  ne  dit  pas  quel  est  le  preiniei- ; 
on  peut  conjecturer  que  c'est  Duinarsais,  dont  il 
parle  avec  le  même  enthousiasme  que  de  Pt-trar- 
qiie  ou  de  Daiile,  et  aux  ouvrages  duquel  il 
av.iil  réellement  de  irès-grandes  obligations. 

(2)  11  est  vraiment  curieux  de  voir  la  manière 
dont  Eiagioli ,  dans  la  préface  de  son  édition  de 
Dante  ,  parle  de  Voltaire  et  de  Laharpe  ,  qui 
s'claient  permis  quelques  observations  sur  son 
fameux  poème.  C'est  par  une  espèce  de  grâce 
qu'il  veut  bien  les  ranger  parmi  ceux  dont  la 
fulie  1 1  la  sottise  fà/Ha  esiinjj/icilaj  lui  paraissent 
dus  dignes  de  pitié  que  de  courroux;  inas  il  traite 
avec  bien  jdus  de  mépris  Bcttinclii,  Loinhardi, 
etc.  ,  qui  devant  mieux  conn;iiîre  Dau;e  ,  ne 
sont  pas  excusables  d'avoir  ose  relever  quelques 
fautes  dans  son  admirable  ouvrage. 


I5. 


228 


BIA 


les  objets  de  son  culte  5  et  il  s'attira 
par  Ta  des  reproches  assez  vifs  de  la 
part  de  ses  compalrioles  5  il  se  prépa- 
rait a  leur  répoudre  ,  lorsqu'au  retour 
d'un  voyage  qu'il  avait  faU  en  Angle- 
terre sur  l'invitation  de  quelques-uns 
de  ses  élèves,   il  fut  atlaque'  d'une 
fluxion   de   poitrine,  dont  A  mourut 
le  i3  décembre  1 85o.ll  seraitinjusle 
de  reprocher  à  Biagioli  d'avoir  eu- 
ceusé   tour-h-tour   Bonaparte    et   les 
Bourbons.   Etranger  ,    il    était    eu 
quelque  sorte  obligé  de  payer  un  tri- 
but au  gouvernement  qui  lui  accor- 
dait rhoïpllalité.  Tous  ceux  qui  se 
sont  contluils  comme  Biagioli  n'ont 
pas    la    mèrae    excuse.   On  a  de  ce 
grauiniairit.'n    :    I.   Des   éditions    de 
la  tiaducliou  italienne  de    Tacite  , 
par  Davanzali ,  Paris  ,  1804.5  ^  ^'"^• 
in-ia,  avec  une  préface  5  des  Lettres 
du  cardinal  Bentivoglio,  ibid.,  1807, 
iil"i2,  accompagnées  de  noies  gram- 
luaticales  et  analytiques  5  du   Tcso- 
relto  dclla  linguii  toscana,  ossia  la 
Triniizia,  etc.,  ibid.,  i8i6,in-8"; 
1822  ,  même  format  {Voy.  Firen- 
zuoLA  ,    XIV,    558);    de  Dante  ^ 
j8i8  ,  5  vol.  in  -  8>\,  avec  un  nou. 
veau  commentaire    en   italien  :  tra- 
vail ,   qui  l'occupa,   dit  il,    pendant 
dix  -  sept     ans,    et    qu'il    dédia   au 
comte    Corvetto    (  cette    excellente 
édilio:i    a    été    reproduite    a    Milan 
en  1819)^   des  Rime;  de  Pétrar- 
que,   1821,     3    vol.    in -8°,   édi- 
tion   ornée    d'une    vie    de    Pétrar- 
que ,     pleine  d'intérêt  5  chaque  piè- 
ce ,     précédée    d'un    argument,  est 
accompagnée  d'un  commentaire  utile, 
mais  trop  empreint  malheureusement, 
suivant  le  judicieux  M.   Gamba  ,  de 
l'admiration    superstitieuse  de    Bia- 
gioli  pour   son    auteur   favori  5    des 
Poésies  de  Michtd-Ange  Buonarotti, 
ibid.,  1821,  in-o".  Il  serait  k  dési- 
rer q.ic  le»  notes  fussciil  moins  uom- 


BIÂ 

breuses ,  mais  plu5  importantes  {P^. 
la  Série  de'  testi).  II.  Grammaire 
italienne  élémentaire  etraisonnée, 
suivie  d'un  traité  de  la  poésie  ita- 
lienne ,  Paris,    i8o5,   iu-8°.   Celte 
grammaire,  approuvée  par  l'iuslitut, 
sur  le  rapport  de  Doinergue,  a  eu 
beaucoup  de  succès,  comme  nu  peut 
en  juger  par  le  nombre  des  éditions. 
Celle  de  1829  est  la  sixième.  L'au- 
teur, pour  répondre  au  vœu  de  ses 
élèves,     en    publia    lui-même    un 
abrégé.  Cependant  M. de  Francolini 
reproche  k  Biagioli  d'avoir,  par  l'en- 
vie de  se  singulariser  ,   adopté  le  sy- 
stème le  plus  erroné,  et  de  s'être  trop 
occupé  de  puérilités,  tandis  qu'il  laisse 
sans   solution  des  difficultés   réelles 
(voy.  JSoiiv.  Grammaire  italienne , 
i853,   préf.,  viii).  ni.    Gramma- 
tica  raggionata  délia  linguaj'rnn- 
cese  ,  ibid.,  1808,  in-8".  Biagioli 
se  flatte  que,  au  moyen  de  la  méthode 
qu'il  a  suivie,  les  Italiens  en  étudiant 
le    français    apprendront    en    même 
temps  leur  propre  langue.  IV.  Trat- 
tato  délia  poesia   italiana,  ibid., 
1819,    in-8°.    V.    Préparation  à 
l'étude  de  la   langue  latine ,  sui- 
vie d'une  nouvelle  méthode  d'a- 
nalyse logique  et  d  analyse  gram- 
maticale,    et  de   l  application  de 
cette  méthode  d  cinquante  exer- 
cices ;  ouvrage   nouveau  au  moyen 
duquel  on   peut  apprendre    le   latin 
en  soixante   leçons,  ibid.,    1829, 
in-S".    Cette    méthode  ,     annoncée 
avec  un  peu  trop  de  charlatanisme  , 
n'est  autre   que  celle  de  Duraarsais 
{voy.      ce     nom,    XII,     212). 
VI.    La     traduction    française    des 
Fables  de  Phèdre,  nouvellement  dé- 
couvertes, Paris.  i8i2,  in-8"(/^'oj^. 
Phèdre,    XXXIV,    17  ).  Vil.   Des 
notes    sur   la   Napoléide ,    ou    les 
Fastes  de  Napoléon ,    ouvrage  de 
son  compatriote  Pctroiii ,  traduit  eu 


Bl.i 

français  par  M.  Tercy,  1812,  în- 
4-'.  VIII.  Un  poème  latin  sur  la 
mort  de  Kenible  ,  célèbre  acteur 
anglais  5  et  des  pièces  de  vers  sur 
la  naissance  de  Rossini,sur  le  cou- 
ronnement de  Charles  X,  etc.  II 
a  laissé  manuscrits  un  Commentaire 
historique  et  littéraire  sur  le  Dé- 
camtron  dcBoccace  (3);  une  Vie  de 
Dante,  avec  les  notices  des  diverses 
éditions  de  son  poème,  et  la  réfuta- 
tion des  critiques  (pi'en  ont  faites  quel- 
ques écrivains  distingués  ,  suivie  de 
l'analyse  impartiale  de  toutes  les 
traductions  et  des  autres  travaux  cnT 
trepris  sur  ce  fameux  poème  ;  Rac- 
conlo  di  visioni  e  Jatti  veri  ri- 
guardanti  la  sesta  edizione  delta 
grammatica  iiostra,  et  Saggio  dei 
sublimi  jatti  in  Italia  su  la  Di- 
vina  Commedia ,  dal  i  8 1 5  ;  et  enfin 
UD  Dictionnaire  italien,  rédige  sur 
un  nouveau  plan  ,  auquel  il  travail- 
lait depuis  plus  de  quinze  ans. 
IVJ.  Henri  Bescherelli,  élève  de  Bia- 
gioli,  a  publié  une  Notice  sur  son 
inaîire  dans  la  Revue  encyclopédi- 
cjue ,  février  io3i.  W — s. 

BIAMOXTI  (  l'abbé  JosEPH- 
Louis),  philologue  et  poêle  distin- 
gué ,  lut  un  des  hommes  les  plus 
profondément  instruits  de  l'Italie.  Né 
vers  1700,  a  Vintimille,  de  parents 
pauvres,  il  rencontra  heureusement 
au  sortir  de  ses  études  classiques  quel- 
ques familles  nobles  qui  lui  confiè- 
rent l'éducation  de  leurs  enfants.  Il 
s'en  acquitta  avec  succès  et  trouva 
dans  ses  élèves  des  protecteurs  qui 
l'aidèrent  plus  tard  à  mettre  ses 
connaissances  au  grand  jour.  Devenu 


(3)  L'intérêt  que  ne  pput  m.T!ii[uer  d'offrir  ce 
travail  sur  Boccace  fait  espérerque  le  public  n'en 
ier^i  pas  privt.  En  i83J,  on  annonçait  une 
nouvelle  cdilion  de  la  Divine  C'iintilie  di-  F)ai;te, 
•  vcc  une  traduclion  en  prose  italienne  ,  par  liia- 
gioli  ,  et  une  nouvelle  li-.uluclio!)  française  p«i 
M.  Bescherelli. 


BIA,  a'ig 

conservateur  de  la  bibliothèque  pri- 
vée  du     prince     de    Kheveuliiiller , 
Biamonti  sut  profiler  de  celte  posi- 
tion favorable  pour  ajouter  k  son  sa- 
voir et  pousser  aussi  loin  que  possi- 
ble l'étude  des  langues  latine,  grec- 
que, hébraïque  et  italienne.  Il  quitta 
les  fonctions  de  bibliothécaire   pour 
occuper    la    chaire    d'éloqu»  ice    de 
l'université  de  Bologne  d'où  il  passa 
bientôt    a    celle    de    Turin.    Quand 
l'âge  et  les  travaux  du  cabinet  l'eu- 
rent mis  dans  l'impossibilité  de  con- 
tinuer le  professorat  ,  il  prit  sa  re- 
traite et  vint  se  fixer  a  Milan,  où  il 
mourut  le  i3  octobre  1824..  On  lui 
doit  :   I.   plusieurs  Discours    pro- 
noncés dans  des  occasions  solennelles. 
II.   Une  Grammaire  de  la  langue 
italienne.  III.  Un  Traité  sur  l'art 
oratoire.   IV.   Iplùgénie  en  Tau- 
ride  ,    tragédie.    V.    SopJionisbe  , 
ir;igédie.   VI.   Des  pièces    de  vers 
estimées  et  beaucoup  de  fragments  en 
prose.  Il  traduisit  du  grec  ,  en  prose 
italienne  ,  quelques  morceaux  d'jLs- 
chyle^  les  OEuvres  entières  de  So- 
phocle,   la    Poétique   cï/lristote  , 
V Iliade  d' Homère ,    les   Odes  de 
Pindare  5  il  Candllo,  poème,  Mi- 
lan, i8rA  et   1817,  in-8°.   Laver- 
sion  qu'il  avait  entrenrlse  du  Livre 
de  Job  est  demeurée  inachevée.  Nous 
souhaitons  qu'elle   trouve   un   digne 
continuateur  et  que  les  œuvres  post- 
humes de   cet  illustre  abbé  ne  soient 
point  perdues  pour   les  amis  de  la 
bonne    lillérature.  Biamonti   élait  de 
racadémie  dos  sciences  de  Turin,  cl 
membre   honoraire   de  l'iuslllut    de 
Milan.  B— X. 

BSAXCIÎI  (Ls  P.  IsiroRE), 
historien  et  archéologue,  s'e^t  exercé 
dans  presque  tous  les  genres  sans  ex- 
celler dans  aucun.  ÎSé  en  lySS,  k 
Crémone  .  il  embrassa  jeune  la  règle 
àei  C?.mald!iles  el  !it  profession  h  lia- 


9,3o 


BIA 


venne   dans   la    cûlèbro  abbaye    de 
Ciaîse.  Après  y  avoir  cuseigné  quel- 
que temps  la  philosophie  el  la  rhéto- 
rique, il   fut  relégué  par  ses  S'jpé- 
rieurs  au  monastère  de  TAvelkua, 
dont  la  situation  au  milieu  de  raonla- 
gnes    arides    fait    un   séjour  afireux 
surtout  pour  des  Italiens.  Dans  celle 
sorte   d'exil,  ce  fui   une  consolation 
pour  lui  de  se  trouver  dans  la  cham- 
bre  même   que    Danle  avait  habitée 
lorsqu'il   travaillait    a   son  im;iiorlel 
poème   de  l'Eiifet\    Cherchant   des 
distractions  dans  l'étude  ,  il  employa 
ses  loisirs  a  perfectionner  les  cours 
qu'il  avait  dictés  à  ses  élèves  ,  a  re- 
cueillir des  matériaux  pour  une  Bio- 
graphie sacrée,  et  kcomposer  des  dis- 
sertations sur  des  sujets  de  morale  , 
de   philosophie,   de  physique  ,  etc. 
Ce  fut  aussi  la  qu'il  écrivit  ses  3Ié- 
ditations .  où  il  sut  unir  à  d'excel- 
lents  principes  théoriques   un  cours 
de  leçons  pratiques,  sages  et  faciles, 
qui  peuvent   élre  suivies    dans    tous 
les  étals  et  dans  touies  les  classes  de 
la  société.  Cet  ouvrage  eut  un  très- 
grand  succès.  L'archevêque  de  Mont- 
Kéal  en  Sicile,  informé  des  talents 
du  P.  Isidore,  le  tira  de  cet  exil  en 
le  nommant  a  une  chaire  de  philoso- 
phie qu'il  venait  de  londer  au  collège 
de  sa  ville  épiscopale.  Avant  de  s'é- 
loigner pour  un  temps  dont  il  ne 
pouvait  fixer  la  durée,  le  P.  Isidore 
•voulut  revoir  sa  fai.ille;  et  pendant 
son  séjour  à  Crémone  il  en  examina 
les  archives,   et  commença  dès  lors 
un  travail  qui,  s'il  était  publié  ,  jet- 
terait, a   ce   que   Ton   présume,   un 
nouveau  jour  sur  1  histoire  de  cette 
ville  au  raoyen-àge.  A  son  arrivée  a 
Mout-Réal,  '\  prit  possession  de  sa 
chaire  ,  et  acquit  bientôt  ccmme  pro- 
fesseur une  réputation  dont  il  se  ser- 
vit pour  encourager  la  culture  des 
lettres  et  des  sciences.  Il  concourut 


BIA 

a  la  fondation  d'un  journal  [Notizle 
dé"  letterati),    qui  se  soutint  quel- 
que temps  par   des  articles  très-re- 
marquables, suc  différents  points  de 
morale  et  d'économie  politique.  Ce 
journal    ayant  cessé  de  paraître   en 
1774)  il   recueillit  ses  articles  dans 
un    volume    qui    fut    très-bien    reçu 
du   public ,    puisqu'il    s'en   Et   deux 
éditions    la    même    année.   L'acadé- 
mie   royale    de    Sicile     s'empressa 
d'associer  l'auteur  a  ses  travaux  ;  et 
il  obtint  des  témoignages  d'estime  des 
savants  les  plus  distingués  de  l'Italie. 
Le  prince  Raffadale  envo\é  l'année 
suivante ,  par  la  cour  de  Naples,  en 
Danemark  ,    Teaimena    comme     se- 
crétaire. Accueilli  de  la  manière  la 
plus    honorable    à    Copenhague  ,  il 
V  trouva  tous  les  secours  dont  il  avait 


besoin  pour  étudier  ;  et  rédigea,  sur 
l'état  des    arts  et  des  sciences  dans 
cette  contrée,  plusieurs  lettres,   qui 
furent   insérées  dans   le  Diario  de 
Florence,  ettraduites  en  français  dans 
\ Esprit  des  journaux.  Le  prince 
Raffadale,  s'étant  acquitté  delà  mis- 
sion qu'il  devait  remplir  àCopenhague, 
reçut  de  sa  cour  Tordre  de  se  rendre 
à  Lisbonne  5   et    le  P.    Isidore,  que 
ses  qualités   rendaient  plus  cher    de 
jour  en    jour   à   Tarabassadeur ,    fut 
compris  dans  la  liste   des  personnes 
qui  devaient  l'accompagner.  En  tra- 
versant la  France  il   s'arrêta  quel- 
que temps  a  Paris,  pour  y  visiter  les 
littéiateurs  les   plus  éminents,  et  il 
reçut    un   accueil    Irès-dislingué    de 
Buf  on ,     de   d'Alembert  ,    etc.    Il 
désirait  vivement  avoir  un  entretien 
avec  J.-J.  Rousseau  dont  il  avait  eu 
occasion  de  combattre  les  paradoxes^ 
mais,    après    une    conversatlun  fort 
courte,   ils  se   séparèrent  peu  salis- 
faits  l'un  de  l'autre  (i).  A  son  pas- 

(i)  Celle  visite  du  |ière  Isidore  è  J.-J.   Rnos- 
•eau  n'a  d'autre  garant  que  M.  Loais  BeUo,/''t<«) 


BIA 

sage  a  Bordeaux,  il  fut  admis  a  une 
séance  de  Tacadéiiiie  et  il  y  prononça, 
en  italien  ,  un  discours  qui  fut  très- 
appla.idi.  Quoique  malade,  il  poursui- 
vit son  voyage  jusqu'à  Madriil  ;  mais, 
d'après  l'avis  des  médecins,  il  reprit 
la  route  de  l'Ilalie,  sans  avoir  vu  le 
Portugal.  Le  comie  Firm!;in  le  retint 
à  Milan,  où  il  professa  la  philosophie 
morale  au  collège  de  Brera.  A  sa 
prière,  ses  amis  firent  des  démarches 
pour  obtenir  sa  sécularisation  5  mais, 
n'ayant  pu  l'obtenir,  il  reprit  a  regret 
l'habit  monastique  qu'il  avait  cesse  de 
porter  depuis  son  départ  de  la  Sicile, 
et  revint  à  Crémone  où  il  professa  de- 
puis 1775  jusqu'à  la  suppression  de 
son  couvent.  Devenu  libre ,  il  ne  se 
livra  qu'avec  plus  d'ardeur  a  sou 
goût  pour  l'élude,  et  surtout  pour 
les  recherches  d'antiquités.  Les  inva- 
sions de  rita'ie  ne  le  détournèrent 
point  de  ses  doctes  travaux  5  et  il 
était  occupé  d'un  ouvrage  important 
sur  l'histoire  de  Crémone,  lorsqu'il 
mourut  dans  cette  ville  en  1807  ^ 
l'âge  de  7^  ans.  On  a  du  P.  Isidore 
un  assez  grand  uombre  d'écrits  sur 
différents  sujets^  mais  nous  devons 
nous  borner  à  mentionner  ici  les  prin- 
cipaux :  L  Medilazioni  su  varipnii- 
ti  di fclic.là puhhlica  eprivata^  l'a- 
lernie  1774-,  in- 12.  C'est  le  recueil 
des  articles  qu'il  avait  pijj'iés,  com- 
me on  Ta  dit  dans  \e  Journal  de  Mont- 
Réal.  Il  a  été  traduit  en  danois  pen- 
dant le  séjour  de  l'auteur  a  Co- 
penhague, puis  en  allemand  ,  etc.  II. 
Discours  sur  le  commerce  de  la 
Sicile,  ibid,  1774,111-12,  a  la  tète 
de  la  traduction  iialienne  des  Essais 
politiques    de   Hume.   III.  LetU-es 

dcl  P.  Isidoro  Bianc/ti,  p  Sg.  Roussiau  n'en  a 
point  paile  dans  ses  Confessions  ;  et  Mu.'set-I'a- 
ihay,  a  <jui  l'on  doit  une  f-'ie  du  philosophe  do 
Genève,  si  pleme  de  détails  et  de  reîhi-iches  , 
n'a  pas  connu  telle  pjiticulai'Jté  ,  puisqu'il  n'en 
(ail  aucui^e  lueniion. 


m; 


23l 


5;//'  Vétat  des  sciences  et  des  arts 
en  Danemark  ^  Crémone,  1779? 
in-Zi"  .W[  ■Lamoraledelsentimento, 
Lodi  ,  1775,  in-8*^,  a  la  suite  des 
Medilazioni.  C'est  le  discours  que 
l'auteur  a\  ait  prononcé  devant  l'aca- 
démie de  Bordeaux;  il  a  été  traduit 
en  français  par  l'abbé  Zacchiroli,  Flo- 
rence, 1779.  \.  /  marmi  Cremo- 
nesi.  C'est  une  explication  très-éru- 
dile  des  inscriptions  découvertes  à 
Crémone  on  sur  son  territoire.  VI. 
Délie  vicende  délia  coltura  de' 
Cremonesi.  C'est  l'histoire  civile  et 
littéraire  du  Crémonais.  L'ouvrage 
est  encore  inédit  j  mais  iRI.  Louis 
Bcllo  l'a  fait  connaître  par  un  long 
extrait  dans  la  f'iedu  P.  Blanchi. 
Voy.  aussi  la  Storia  délia  letLera- 
tura  ilaliana  du  P.  Lombardi,  I\  , 
296-98.  A — D    etW — s. 

BiAXCONI  (Jean-Baptiste  ), 
philologue, était  l'oncle  du  conseiller 
d'Auguste  m.  roi  de  Pologne (^oj'- 
J.-L.  BiANCOKi ,  IV,  454).  Né  en 
1698,  à  Bologne,  il  acheva  ses  élu- 
des au  séminaire  (Je  Padoue,  et  eut 
le  bonheur  de  compter  parmi  ses 
maîtres  Facciohiti.  De  retour  à  Bo- 
logne, il  Y  vécut  dans  l'intimité  du 
P.  Baccbini,  qui  lui  apprit  les  pre- 
miers éléments  de  la  uum  smalique  , 
et  du  P.  Gotti,  qui  se  chargea  de  le 
dirio-er  dans  le  dédale  de  lalbéologic. 
A  sa  nomination  au  cardinalat ,  le 
P.  Golti  détermina  facilement  sou 
élève  à  raccompagner  à  Rome.  iiMais 
Bianco'i  ne  tarda  pas  a  revenir  a 
Bologne  j  et,  ayant  été  pourvu  d'une 
des  principales  cures  de  cette  ville  , 
il  se  dévoua  six  ans  aux  fonctions 
pénibles  du  pastoral.  En  1741,  il 
rési'^na  ce  bénéfice  pour  eutrer  dans 
la  carrière  de  l'enseignement.  Il  ob- 
tint la  double  chaire  de  grec  et  d'hé- 
breu a  racadémie.  L'abbé  Mingarelli 
c^   le   célèbre  SpaH.anzaul  furent  au 


2^2  BIA. 

«ombre  de  ses  élèves.  Il  joignil ,  en 
1746,  a  ses  autres  fonctious  celle  de 
conservaleur  des  antiques  de  l'insti- 
tut. Son  neveu,  qui  jouissait  d'un 
grand  crédit  k  la  cour  de  Saxe  ,  lui 
lit  donner,  en  1762,  par  Télecleur, 
une  commission  honorable,  qui  le  re- 
tint plusieurs  années  h  Milan.  Ce  fut 
pendant  son  séjour  dans  cette  ville 
qu'il  découvrit  a  la  bibliotlièque  Am- 
broisieune  un  manuscrit  d'une  an- 
cienne chronique  ecclésiastique  j  il  la 
publia  (i)  avec  une  version  latine  et 
des  notes  ,  sous  ce  litre  :  Anouymi 
scriptorc.s  historiœ  sacrœ  ah  orbe 
condilo  ad  V alentinianiim  et  Va- 
lentem^  iinp.,  Ijologne,  1779,  in- 
fo!. Ce  manuscrit  ambroisien  était  dé- 
fectueux :  il  y  manquait  le  premier 
feuillet  j  mais  on  en  a  retrouvé 
depuis ,  k  la  bibliothèque  de  Mu- 
nich, une  autre  copie  avec  le  nom 
de  l'auteur,  Julius  PoUux  [^Voy. 
ce  nom  ,  XXXV  ,  208).  Bian- 
coni  mourut  la  même  année  que  son 
neveu  ,  auquel  il  ne  survécut  que 
quelques  mois  ,  a  Bologne,  le  i  7  août 
1781.  Outre  l'édition  dont  on  vient 
de  parler,  on  a  de  lui  :  De  antiquis 
litteris  liebrœoriim  et  Grœcorum, 
Bologne,  174-8  et  1765,  in-^"- 
Dans  ce  curieux  opuscule,  l'auteur 
se  propose  de  faire  voir  que  les  chan- 
gements qu'on  remarque  dans  les  ca- 
ractères hébraïques  ne  doivent  pas 
être  attribués  k  Esdras  ,  mais  qu'ils 
sont  le  résultai  de  la  marche  de  toutes 
les  langues.  Bianconi  croit  que  les 
caractères  grecs  sont  dérivés  des  ca- 
ractères hébreux ,  et  pour  le  prouver 
il  les  met  en  regard  dans  une  planche. 
W— s. 
BIAXBRATE  (Benveî^uto)  , 


(i)  c'est  par  inadvertance  que  l'on  a  dit  à 
r^irt.  PoLLux  (xxxv,  J08)  que  Ûianconi  n'avait 
inibllé  qu'une  version  lalinc  de  cette  Chronique; 
if  lexte  est  en  regard. 


BU 

seigneur  de  San-Giorgio  ,  né  dans 
le  quinzième  siècle  d'une  ancienne  et 
illustre  famille  du  Vercellais ,  fut 
d'abord  chevalier  puis  commandeur 
de  l'ordre  de  Saint-Jean-de-Jérusa- 
1cm  •  mais  sa  prudence  et  sa  connais- 
sance approfondie  des  affaires  publi- 
ques le  firent  distinguer  des  marquis 
de  Monferrat,  dont  il  était  vassal. 
Bientôt  il  fut  président  du  sénat  de 
Casai,  oiî  ces  princes  faisaient  leur 
résidence  ,  et  après  la  mort  du  mar- 
quis BonifacelV.  en  i/ipS  ,  il  fut 
chargé  de  la  tutelle  de  ses  enfants  et 
du  gouvernement  de  l'état.  Benvenulo 
s'acquitta  de  ces  emplois  avec  la  plus 
grande  distinction.  Il  fut  député  a 
Kome  vers  le  pape  Alexandre  VI,  vers 
l'empereur  Maximilien  et  autres  prin- 
ces, et  donna  dans  ces  diverses  occa- 
sions des  preuves  de  son  habileté. 
Mais  des  fonctions  aussi  importantes 
ne  purent  le  détourner  de  l'étude  des 
lettres,  et  il  a  laissé  :  I.  Oralio  obe- 
dietitialis  habita  in  publico  con- 
sistorio,  Rome,  i493,,  m-i''.  II. 
Tiistoria  marchionum  Montisfer- 
rrt//,Asti,  i5i5;Turiii,  i52r, 
in-^**.  Cette  histoire  fut  traduite  en 
italien  par  l'auteur  lui-même,  mais 
cette  traduction  est  restée  inédile. 
III.  Chronique  du  Monjevrat  (en 
italien  )  ,  dédiée  au  marquis  de  Mout- 
ferral  ,  Casai,  1639  ,  in-folio.  Tira- 
boschi  lui  attribue  une  Histoire  des 
comtes  de  Biandrate  ,  manuscrite. 
La  bibliothèque  de  Turin  possède  de 
lui  plusieurs  manuscrits  relatifs  à 
l'histoire  du  Monlferrat.  Biandrate 
mourut  k  Casai  en  1627. — Son  frère 
aîné  {Jean-Antoine),  évèque  de  Par- 
me et  cardinal ,  appelé  le  cardinal 
alexandrin,  parce  qu'il  occupait  le 
siège  d'Alexandrie  ,  en  Italie,  quand 
il  fut  promu  au  cardinalat,  a  laissé 
divers  ouvrages  sur  le  droit  canoni- 
que. Voy.  Sforia  délia  vercellese 


BIA 


BIA 


a^3 


leltc ratura,  1 ,  445.      G — G — y, 

BIAUZAT  (  Jeak-François 
Gaultier  DE)elail  avocalh  Clerraont 
en  Auvergne,  lorsqu'il  lui  nommé  , 
en  1789,  député  du  tiers-état  de 
celle  province,  aux  étals-généraux. 
Il  V  embrassa  avec  beaucoup  de  cha- 
leur la  cause  de  la  révolution  j  déclara, 
dans  les  premières  séauces,  regar- 
der les  mauilats  impératifs  comme  un 
moyen  de  rendre  inutile  1  aiSi-mblée 
nationale,  et  proposa  qu'il  fût  en- 
joint aux  députés  d'opiuer  sur  tous 
les  objets  qui  couceruaieiit  Tutililé 
générale  du  royaume.  Le  8  juillet, 
il  appuya  l'avis  de  Mirabeau ,  qui 
demandait  qu'on  éloignât  les  trouves 
de  la  capitale,  et  cinq  jours  plus  tard 
il  parla  avec  véhémence  contre  le  ren- 
voi des  ministres,  se  plaignant  de 
ceux  qui  les  avalent  remplacés,  de 
manière  a  faire  croire  qu'il  n'était 
po.ul  étranger  aux  mouvei;:euts  qui 
eurent  lieu  le  lendemain  (  la  prise  de 
la  Basldle  ).  Dans  la  discussion  de 
l'adresse,  il  disait  :  «  Le  seul  moyeu 
de  parvenir  au  monarque  est  un 
canal  pestiféré.  «  Lois  de  la  dis- 
cussion sur  les  Droits  de  l'hom- 
me et  du  citoyen  ,  il  parla  beau- 
coup contre  la  déclaration  pro- 
posée ,  dont  il  contestait  la  uécessilé. 
Il  voulut  qu'on  expliquât ,  dans  la 
constitution,  que  par  le  mot  monar~ 
cJiie  on  n'entendait  ju)int  un  gouver- 
nement iondé  sur  la  division  des  trois 
ordres,  mais  sur  les  trois  pouvoirs  lé- 
gislatif, exécutit  et  judiciaire.  Le  1  4- 
oclobre,  il  provoqua  la  discussion  bur 
rétablissement  des  municipalités  ,  et 
proposa  d'autoriser  provisoirement 
chaque  ville  à  les  nommer.  «  Trois 
pouvoirs,  disait-il,  régnent  dans  cha- 
que ville  :  la  municipalité  ancienne, 
le  comité  permanent  et  la  garde  na- 
tionale. Tout  annonce  l'anarchie.  » 
Et  il  s'éleva  contre  le  plan  du  comilé 


de  conslitullon,  qu'il  trouvait  iinpru' 
ticable,  dangereux  et  inutile.  Il 
vouiait,  pour  l'admission  des  citoyens 
aux  assemblées  primaires,  une  con- 
tribution équivalente  à  une  ou 
deux  onces  d'argent,  pour  neulra- 
liser  V iujluence  du  curé.,  du  sei- 
gneur, et  les  intrigues  des  brouil- 
lons de  village.  Le  16  lévrier 
1790,  il  fut  élu  secrétaire;  le 
lendemain,  il  proposa  d'ajourner, 
après  la  consllluliou ,  une  motion 
de  Cazalès  pour  le  renouvellement 
de  l'assemblée.  Le  10  avril,  il 
s'éleva  contre  les  dépenses  ministé- 
rielles, et  accusa  Necker  et  Diifresne 
Saint-Léon  de  s'opposera  la  commu- 
nication du  registre  de  liquidation. 
A  l'occasion  de  la  nomination  de 
M.  de  Virieu  h  la  présidence,  quoi- 
que signataire  de  protestations  et  un 
des  membres  de  l'assemblée  le  plus 
atlaihés  a  l'ancienne  monarchie, 
Biauzat proposa  den'exiger  des  mem- 
bres entrant  en  fonctions  que  la  dé- 
claration de  ne  point  protester  a  l'a- 
venir contre  les  décrets.  Le  21  mai, 
il  combattit  la  proposition  de  confier 
au  roi  le  droit  de  faire  la  guerre.  Le 
2.  août,  il  dénonça  un  libelle  impri- 
mé à  Clermout  et  ayant  pour  titre  : 
Tableau  de  t  assemblée  prétendue 
nationale.  A  l'occasion  de  la  démis- 
sion de  Necker,  il  obtint,  le  4  septem- 
bre,  que  l'assemblée  s'en  parât  de 
la  direction  du  trésor  public.  Le  21 
octobre  ,  il  dénonça  des  manœuvres 
employées  dans  les  régimeiits,  parles 
officiers  ennemis  de  la  révolution, 
pour  se  défaire  des  &o\àa.\.s  patriotes , 
et  Ht  demauderauministredelaguerre 
l'état  de  louslescongés.  Lei4décem- 
bro,  il  dénonça  encore  la  résistance 
des  eccléblasliques  du  Puy-de-Dôme 
h  la  conslitullon  civile  du  clergé, et  un 
manifeste  des  évèques  ,  membres  de 
rassemblée,  ['eude  jours  après,  il  fit 


234 


Bli 


décréter  qu'on  demanderait  au  roi 
une  réponse  signée,  au  sujet  du  refus 
fait  par  S.  M. ,  de  sanctionner  la  con- 
stitution civile  du  clergé.  Au  commen- 
cement de  1791  ,  il  ûénonca  de  nou- 
veau div.^rs  actes  d'opposition  à  celte 
constitution,  entre  autres  une  lettre 
imprimée  de  M.  de  Bonald,  ancien  évè- 
que  de  Clerniont.  Le  3o  mai,  il  ré- 

firoduisit  la  motion  de  Mirabeau  pour 
e  licenciement  de  l'armée,  et  fil  ensui  te 
accorder  des  récompenses  aux  estro- 
pies et  blessés  de  ISaiicj  et  de  la  Bas- 
tille. Le  24-  juin,  il  interpella  le  jni- 
nistre  Montmoi  in,  au  sujet  des  passe- 
ports sigués  de  lui,  que  la  reine  avait 
dans  ia  fuite.  Le  i3  août,  il  soU  cita 
des  mesures  contre  les  prêtres  réfrac- 
taires.  Adversaire  infatigable  de  l'au- 
torité royale,  lors  de  la  discussion  sur 
la  constitution  ,  il  refusa  aLouisXVI 
la  faculté  de  faire  des  observations 
sur  les  réformes  votées  par  la  pre- 
mière législation,  et  s'opposa  a  ce 
que  le  roi  et  le  prince  roval  portas- 
sent le  cordon  bltu.  Enfin  dans  toute 
celte  longue  session  de  l'assemblée 
constituante,  Biiuzat,  orateur  très- 
verbeux  et  de  très-courte  vue,  fut  le 
provocateur  et  l'appui  de  foules  les 
mesures  révidutionnaires;  et,  lors  de 
la  revision  de  la  constitution,  en  1791, 
il  se  sépara  de  la  majorité  revenue  k 
des  idées  plus  sages,  et  se  réunit  a 
cette  portion  la  plus  exaltée  de  l'assem- 
blée, composée  des  Robespierre,  des 
Péthion  et  des  Grégoire,  qui  rê- 
vaient déjà  la  république.  Après  la 
session,  il  retourna  modestement  re- 
prendre a  Clermont  ses  fonctions 
d  avocat,  et  restant  toujours  lié  avec 
le  par'i  révolutionnaire  le  plus  exa- 
géré, il  n'essuya  pas  les  mêmes  persé- 
cutions que  la  plupart  de  ses  anciens 
collègues  pendant  le  régime  d»^  la  ter- 
reur. Le  6  avril  1790  ,  on  le  vit  re- 
paraître comme  orateur  d'une  dépu- 


BtB 

tation  de  Clerinont-Ferraud  pour  fé- 
liciter la  convention  de  s'êtie  affran- 
chie ,  le  12  germinal,  de  la  faction 
des  terroristes  qui  avait  tenté  de  res- 
saisir le  pouvoir.  Cependant  nommé 
l'année  suivante  juré  de  la  haute  pour 
convoquée  a  Vendôme,  pour  juger 
Babeuf  et  ses  complices,  il  se  mon- 
tra d  sposé  en  faveur  des  prévenus  , 
et  contiibua  beaucoup  a  en  faire  in- 
nocenter la  plus  grande  partie.  Ce  fut 
probablement  par  reconnaissance  d'un 
tel  service  que  cette  même  faction 
anarchiquc,  qui  dirigeait  les  élections 
de  Paris  en  1798,  le  fit  nommer  dé- 
puté ;  mais  le  directoire  annula  les 
opérations  de  l'assemblée  qui  Tavait 
élu.  Un  peu  plus  tard,  Biauzat,  s'é- 
tant  réconcilié  avec  le  gouvernement, 
fut  nommé  juge  au  tribunal  de  cassa- 
tion. Sous  le  gouvernement  impérial 
il  devint  conseiller  alacour  d'appel  de 
Paris,  et  conservacesfonciions  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  le  22  février  i8i5. 
Il  a  publié  :  L  Doléances  sur  les 
surcharges  que  les  gens  du  peuple 
supportent  en  toutes  espèces  d'im- 
pôts, avec  des  observations  histo~ 
riques  et  politiques  sur  L'origine 
et  r accroissement  de  la  taille, 
1789,  in-8°.  IL  Projet  motivé 
d'articles  additionnels  à  la  loi 
du  19  janvier  l'j^i  ,  relative  à 
l'organisation  des  ponts  et  chaus- 
sées. 1791,  iu-8".  M — DJ. 

BiBÎÎIEXA  (Jea>-  Gai.li  de)  , 
romancier,  né  vers  1709a  Nancy  (i), 
était  neveu  de  Ferdinand  et  fils  de 
François Bibbiena  (F",  ces  noms,  IV, 
459-6 T),célèbrearcliitecte,  que  Léo- 
pold,  duc  de  Lorraine  ,  avait  appelé 

(0  Dans  sa  Notice  des  aiileuri  qui  ont  écrit 
dansie  genre  des  Conte;  de  Fées,  y\a)eT  [foy  <f. 
nom  au  Sup  i,  confondant  avec  son  oncle  et  son 
père  l'auteur  d(  s  Amoun  de  h  ait  ne  et  de  la 
l'oupée ,  le  fait  njitre  à  Bologne  en  1757,  et  inou- 
lir  aveugle  en  itdS.  Il  est  difficile  de  pousser 
plus  loin  la  négligence  et  la  "lislrîiction.  Voy.  /c 
Cabinet  des  Fées,  XXXVll ,  80. 


dans  sa  capitale  pour  y  conslruire  une 
salle  de  spectacle  Quelques  années 
après.  François  se  rendit,  rmnienaut 
son  Ëls  a  Vérone  ,  où  Maffei  l'atten- 
dait avec  impatience  pour  le  consul- 
ter sur  le  pion  d'un  nouveau  théâtre. 
De  Vérone  il  revint  à  Cologne,  et 
l'on  peut  conjecturer  avec  assez  de 
vraisemblance  que  le  jeune  Bibbiena 
fut  élevé  dans  cette  ville  ,  berceau  de 
sa  famille.  La  nature  ue  lui  avait  point 
accordé  le  goût  des  arts  ni  les  talents 
qui  distinguèrent  son  père  et  son  on- 
cle. Il  culliva  les  lettres  ,  et  vint  en- 
core jeune  a  Paris  pour  s'y  perfec- 
tionner dans  la  connaissance  de  notre 
littérature.  Il  y  publia  des  romans, 
maintenant  oubliés,  mais  qui  pen- 
dant assez  long-temps  ont  été  recher- 
chés. Bibbiena  fit  jouer,  eu  1762, 
sur  le  Théàlre-Ilalien,  la  Nouvelle 
Italie  ,  comédie  héroï-comique  en 
trois  actes  et  en  prose,  mêlée  de 
chants,  dont  la  musique  était  de 
Duni,  et  dont  on  a  fait  récemment 
une  espèce  de  tragédie.  Celte  pièce, 
imprimée  la  même  année  (chez  Du- 
chesne,  in-8°),  et  dans  laquelle  une 
partie  Aes,  personnages  s'expriment  en 
Irançais  et  les  autres  en  italien  ,  ob- 
tint un  succès  qu'elle  ne  dut  pas 
uniquement  au  jeu  des  acteurs  et  a  la 
nouveauté  du  spectacle  (2).  Fréron  y 
trouva  du  talent,  de  l'esprit  et  de 
l  invention  ,  et  il  pensait  que  Fauteur 
méritait  d'être  encouragé  (  Voy. 
\ Année  littéraire^  1762,  VI,  5i); 
mais  le  malheureux  Bibbiena  fut  bien- 
tôt, par  une  catastrophe  épouvanta- 
ble, obligé  d'abandonner  la  carrière 
dramatique.  Convaincu  de  tentatives 


(î)  Les  Mémoires  de  Rachaiimont  disent  que 
celte  pièce  est  très-ennuypiise;  Favart  (  JUe'/n. 
et  corresp.  Itt.f  iavfï.  2)  dit  que  l'itice  en  est  assez 
ii)<;éiiieuse;  mais  tous  deux  sont  d'accord  avec 
d'Origny  (^Annules  du  Tliéùlre-ltidien),  qu'elle 
dut  son  succès  à  la  jolie  musique  de  Duni,  et  aux 
talents  de  mademoiielle  Piccinelli.  A — t. 


BiB 


t35 


de  viol  sur  une  fille  de  trois  ans  ,  il 
fut  condamné  à  mtrt  par  un  arrêt  du 
Châteletdu  26  octobre  1763  [Foj-. 
Dictionn .  des  anonymes,  n°  2  2  7  0  o 
(5)).  Bibbiena,  qui  s'était  soustrait 
dans  les  premiers  moments  aux  re- 
cherches dirigées  contre  lui ,  n'atten- 
dit pas  l'issue  de  FalFaire  pour  pren- 
dre la  fuite.  Il  est  assez  vraisembla- 
ble qu'il  se  retira  en  Italie  ,  où  il 
mourut  vers  1779-  Les  romans  de 
cet  écrivain  sont  :  I.  Mémoires  de 
M.  De...^  trad.  de  Fitalieu,  in-i 2. 
IL  Histoire  des  amours  de  V alérie 
et  du  noble  Vénitien  Barbarigo, 
Lausnnne,  174-152  vol.  in- 1  2  ,  réim- 
primé dans  le  tome xviii  delà  Biblio- 
thèque de  campagne.  III.  Le  jietit 
Z'oufoî/,  Amsterdam,  1746,  2  part, 
in- 12.  IV.  La  Poupée.,  La  Haye", 
1748,  2  part.  in-i2.  V.  La  force 
de  l'exemple,  ibid.,  i  748  ,  in- 12  , 
et  dans  le  tome  vi  de  la  Bibliothè- 
que choisie  et  amusante.  VI.  Le 
Triomphe  du  sentiment,  ih.,  1750, 
2  vol.  in- 12.  W — s. 

BIBERSTEIN  (le  baron 
Marschall  de  ),  conseiller  d'état 
russe,  né  dons  le  pavs  de  Wurlem- 
herg  en  1768,  est  surtout  connu  par 
les  services  qu'il  a  rendus  a  la  bota- 
nique. Ce  savant,  après  avoir  ter- 
miné ses  études  a  Stuttgart ,  entra  au 


(3)  Barbier,  en  rapportant  cette  anecdote,  dont 
les  Mémoires  secrets  ni  la  Correspondance  de 
Crimm  ne  font  aucune  mention,  n'en  dit  rien  lui- 
mêmedanï  son  Lxanien  critiijue  des  Dictionn. hist., 
à  l'article  de  Biliiina,  qu'il  fait  mourir  à  P^iris, 
vers  i'79-  Le  fait  est  oourtant  vrai,  quoiqu'il 
n'ait  pas  cité  ses  garants.  Barbier  a  dû  ie  trou- 
ver dans  l'Histoire  du  Thvatrt- Italien,  par  Des- 
boulmiers,  dans  les  Annales  du  Théatre'Itohen, 
psr  d'Origny,  tom.  11,  |>ag.  12,  année  1762,  <  ii 
il  dit  que  la  Nouvelle  Italie  esi  généralement  at- 
tribuée à  B^bien::  qui  ,  poursuivi  par  lu  justice,  fut 
contraint  de  se  sauver  eu  Hollande  (ce  ^n\  est  plus 
vraisemblable  que  de  siqiposer  qu'il  mourut  à 
Pans,  ou  qu'il  se  retira  en  Italie);  enfin  dans 
les  Mémoires  et  Correspondances  de  Favart,  qui 
dit  po.vitiTeinent ,  tom.  il,  pag.  170,  dans  une 
lettre  du  22  nov.  1763  :  Le  mulheunux  Bibbiena 
«  été  pendu  en  effigie  la  semaine  dernière.       A— T, 


•^36 


BIB 


service  militaire  de  Russie  en  1792. 
Encouragé  par  le  célèbre  Pallas  , 
qu'il  avait  connu  en  Crimée  ,  il  se 
rendit,  en  1793,  à  Saint-Péters- 
bourg ,  d'où  le  gouvernement  allait 
l'envoyer  à  l'armée  de  Perse,  afin 
de  le  mettre  à  portée  de  faire  des 
recbercbes  géologiques  dans  les  pro- 
vinces de  la  mer  Caspienne  5  mais 
ce  projet,  qui  répondait  tant  k  Tes» 
prit  actif  de  biberstein,  ne  fut 
réalisé  qu'en  partie.  L'empereur 
Paul  ayant  rappelé,  aussitôt  après 
son  avènement  au  trône  ,  son  ar- 
mée de  Perse ,  notre  savant  ne  put 
laire  qu'un  très-court  séjour  dans  ces 
contrées-,  cependant  il  eut  assez  de 
temps  pour  enrichir  la  géographie 
d'une  description  des  provinces  de 
la  mer  Caspienne.  Bientôt  après  ,  il 
fut  nommé  inspecteur-général  pour 
l'éducation  des  vers  a  soie  dans  les 
provinces  méiidionales  de  l'empire. 
Cette  branche  industrielle  avait  déjà 
pris  naissance  dans  les  mèniesprovin- 
ces,  sous  le  règne  dePierre-le-Grand. 
Ces  fonctions  ,  qu'il  remplit  avec 
beaucoup  de  zèle  et  avec  les  résul- 
tats les  plus  heureux, rendirent  néces- 
saire sa  présence  en  Crimée  et  dans 
les  provinces  du  Caucase.  Il  y  consa- 
cra ses  momenlsde  loisir  a  son  occu- 
pation favorite  ,  la  botanique  5  aussi 
s'cst-ll  montré  dans  celte  science  le 
digne  émule  de  son  prédécesseur  Pal- 
las.  Ce  dernier  avait  publié  la  Flora 
Jxiissica  j  liiberslein  lit  connaître 
Il  Flora  Taurico  -  Caucasica.  La 
première  grande  édition  de  ce  dernier 
ouvrage  renlerme  cent  planches  su- 
périeurement exécutées,  et  elle  est 
devenue  l'ornement  des  bibliothèques. 
Eu  1804,  il  fit  encore,  avec  l'agré- 
ment du  gouvernement  russe,  un 
voyage  scienlilique  en  Allemagne  et  en 
France.  L'empereur  le  décora  de  sa 
grand'-  croix  de  Saint-Wladiffiir  de 


BIC 

la  seconde  classe.  Il  est  mort  k  l'âge 
de  60  ans,  en  1828. —  Biberstein 
{Ernest-François  Louis  Marschall 
de),  de  la  même  famille,  né  le  9 
août  1770  a  Wallertein,  fut  minis- 
tre-dirigeant du  duc  de  INassau  et 
son  envoyé  près  de  la  diète  de  Franc- 
fort. A  l'iÀge  de  12  ans  il  entra  comme 
élève  k  l'école  militaire  de  Stuttgart, 
où  11  acheva  ses  études.  En  1791  , 
il  prit  du  service  dans  les  troupes 
de  Naïsau-Ussingen.  S'élant  livré 
dès  sa  jeunesse  a  rélude  de  l'écono- 
mie politiqucjil  entra  dans  la  carrière 
civile  et  devint  en  1806  ministre 
d'état.  Habile  administrateur^  Biber- 
stein se  distingua  principalem.ent  dans 
l'amélioration  des  finances  de  l'état 
de  Kassau ,  et  il  parvint  surtout  a 
établir  la  plus  parlaite  égalité  dans 
la  répartition  des  impôts.  Il  est  mort  k 
Franclort,  le  22  janv.  i834-.  G-c-y. 
BICKEÎITON  (sir  PucHAP.D 
HCSSEl  ),  amiral  anglais,  né  le  11 
oct.  1759,  avait  pour  père  nn  ha- 
bile marin  qui  fut  conlre-amir.il  et 
baronnet,  Richard  ne  comptait  ([ue 
douze  ans  lorsqu'il  entra  ,  en  qualité 
de  midshipman,  k  bord  du  Malbo- 
rougliy  commandé  par  son  père.  Il  n'v 
resla  que  dix  mois  ,  et  passa  rapide- 
ment kur  divers  navires,  lanlôt  suivant 
son  père,  tantôt  cherchant  les  moyens 
de  se  familiariser  avec  les  doubles 
devoirs  de  sa  profession  moitié  mari- 
time, moitié  guerrière.  Il  atteignit 
ainsi  le  mois  de  déc.  1777,  époque  k 
laquelle  il  fut  nommé  lieuleiiaut  et 
placé  sur  le  Prince  Georges ,  puis 
sur  \c  Jupiter.  Ce  vaisseau  de  guerre 
eut  un  engagement  avec  le  navire 
français  le  Triton  qui  fut  forcé  par 
les  Anglais  de  rentrer  dans  le  port 
du  Fcrrol.  L'intrépidité  dont  Bicker- 
ton,  k  peine  âgé  de  dix -neuf  ans,  fit 
preuve  en  cette  circonstance,  lui  va- 
lut ,   avec  les  éloges   de  son   capi- 


BIC 

laine,  qui  devint  commodore ,  le 
rang  de  raaîlre  et  de  commandant. 
C'est  en  celle  qualité  qu'en  1779  et 
1780  il  fil  partie  de  l'escadre  qui, 
sous  les  ordres  de  Fielding  ,  de- 
vait intercepter  une  flolle  de  vais- 
seaux marchands  holl<tnd;iis  char- 
gés d'armes  et  de  niimitions  de 
guerre.  Le  sloop  le  ^5'(vrt//ot^■,  que 
monlall  Bickerlon,  seconda  très-ac- 
livement  Fielding  dans  l'exéculion 
des  ordres  de  l'amirauté  :  c'est  prin- 
cipalement h  sa  vigilance  que  fut  dû 
l'a-propos  avec  lequel  l'escadre  bri- 
tauiii([ue  se  montra  tout-k-coup  en 
présence  des  uavires  hollandais,  en 
retint  trois,  dispersa  les  autres,  et 
vérifia  les  assertions  qui  avaient  mo- 
tivé sa  défiance.  Le  iSwaîlow  passa 
ensuite  aux  Indes  occidentales  (  f é - 
vrier  1781);  et  Bickerlon  assista  aux 
combats  qui  .se  terminèrent  par  la 
conquête  de  l'île  de  Sainl-Euslaclie  , 
à  l'aide  des  forces  réunies  de  Rodney, 
et  de  Vaughan.  Du  Swallow,  Ilic- 
kerloti  passa  au  Gibraltar,  puis  k 
V Invincible ,  puis  au  Russe l  ni  r\i 
Terrible.  Ces  trois  derniers  étaient 
des  vaisseaux  de  soixante-quatorze. 
Le  Gibraltar  était  de  quatre-vingts. 
A  bord  du  second,  Bickerlon  prit  part 
au  petit  combat  qui  eut  lieu,  le  29 
avril  1781,  entre  les  flottes  française 
el  anglaise  commandées  1  une  par  le 
comte  de  Grasse,  l'autre  par  sir  Sa- 
muel Hood.  Mécontent  de  son  vais- 
seau le  Terrible,  qu'il  regardai:  k 
juste  titre  comme  impropre  au  service, 
il  consentit  k  eu  échanger  le  comman- 
deiiient  contre  celui  de  la  frégate  VA- 
mazone ,  puis  contre  celui  d'une  au- 
tre frégate,  \a.Brii/ie.  Maislapaixde 
1783,  en  coupant  court  aux  hostilités 
entre  l'Angleterre  et  ses  ennemis, 
força  beaucoup  de  militaires  k  la 
retraite.  Bickerlon  alla  passer  qua- 
tre   ans    en    station    dans   les    îles 


BIC 


237 


Sous-le-Vent,  sous  l'amiral  Parcker  ; 
mais  rien  de  mémorable  ne  sio-nala 
cette  expédition.  Les  années  suivantes 
se  pa^sèrent  de  même  en  allées  et 
venues  k  Terre-Neuve,  dans  le  golfe 
de  Gascogne,  dans  la  mer  du  JNord  , 
dans  !a  Maaclie.  Les  blocus  des  porls 
et  des  côtes  de  France  étaient  alors 
l'occupation  principale  des  forces  na- 
vales britanniques.  Bickerlon,  dans 
ces  innombrables  et  laborieuses  évo- 
lutions, déploya  toutes  ces  qualités 
qui  ont  valu  a  la  marine  ang'aise  une 
supériorité  incontestable.  En  février 
1799,11  fui  nommé  contre-amiral,  et, 
dans  l'automne  de  la  même  année,  il 
arbora  son  pavillon  k  Portsmjutii 
en  qualité  d'aide-commandanl  du 
port.  Le  10  mai  i  800,  il  fit  voile  pour 
la  Méditerranée  sur  sa  frégate  le 
Chevalmarin,  qui  avait  étédésigiiée 
pour  un  commandement  dans  cette 
station  sons  lord  Keilb,  et  qui  avait  a 
son  bord  comme  passagers  les  géné- 
raux Abercromby,  RJoore  et  Hutchin- 
son  •  il  prit  part  au  blocus  de  Cadix  par 
lord  Keitb,  puis  avec  cet  amiral  il  se 
dirigea  vers  Alexandrie  ,  qui  fut  sou- 
mise k  un  blocus  bien  plus  rigoureux 
que  Cadix  ,  blocus  qui  hâta  la  capitu- 
lation de  l'ar.mée  française  en  Egvp- 
te.  Lord  Keilh  ayant  ete  obligé 
de  s"absenter  de  l'escadre,  ce  fi  l  Bic- 
kerlon qui  dirigea  celle  opération.  Ce 
fut  aussi  lui  qui  présida  ,  en  l'ab- 
sence de  l'amiral  rappelé  en  Angle- 
terre par  la  nouvelle  de  la  paix,  k 
l'embarcation  des  débris  des  troupes 
françaises.  Tout  le  monde,  amis  et 
ennemis,  rendit  justice  k  l'activité,  k 
l'Iiabiieté  soutenues  dont  il  donna  des 
preuves  avant,  pendant  et  après  cette 
capitulation  mé.iiorable.  IVlenou  lui- 
même  ne  put  lui  refuser  àes  louanges. 
Le  capitan-pacha,  au  nom  du  sultan 
Sélim  m,  lui  remit  en  cérémonie  les 
insiirnes  de  l'ordre  turc  du  Croissant. 


238 


BIC 


L'intervalle  qui  s'écoula  de  la  paix 
d'Amiens  à  la  reprise  des  hoslilités 
ne  Tut  point  pour  Bickertou  uu  temps 
de  repos  :  il  commanda  dans  la  Mé- 
diterranée une  des  divisions  desti- 
nées a  garder  les  nouvelles  acqui- 
sitions britanniques.  En  1804.,  INel- 
sou  ,  s'éloignant  pour  se  diriger 
vers  les  Indes  occidentales  ,  lui  laissa 
le  commandement  de  la  station  médi- 
terranéenne. L'année  suivante  ,  le 
mauvais  état  de  sa  sauté  le  força  de 
repasser  eu  Angleterre.  Il  n'en  lut 
pas  moins  nommé  vice-amiral  le  9 
nov.  i8o5  ,  et  devint  à  la  même 
époque  ua  des  lords  de  l'amirauté. 
L'année  suivante  .  il  fut  envoyé  à 
la  chambre  des  communes  ,  comme 
représentant  de  Poule.  Enfin  ,  nom- 
mé ,  le  3i  juillet  iBio  ,  amiral  de 
la  flotte  bleue,  il  ne  cessa  point  pour 
cela  de  faire  partie  de  rarairaulé:il 
y  resta  au  contraire  jusqu'en  1812  , 
et  à  cette  époque  il  remplaça  Tamiral 
sir  Roger  Curtis,  comme  commandant 
en  chef  de  PortNmouth.  C'est  pendant 
qu'il  remplissait  les  devoirs  de  cette 
loucliun  qu'il  eut  à  organiser  la 
grande  parade  de  la  marine  britanni- 
que, a  Spilhead,  pour  l'arrivée  des 
souverains  aUiés  en  Angleterre.  Le 
roi  actuel  y  paraissait  comme  grand- 
amiral  de  la  flotte  5  Bickerton  et 
Blackwood  étaient  ses  seconds  et  re- 
çurent ses  félicitations  par  un  ordre 
du  jour.  Déjà  il  élait  baronnet  5  l'a- 
née  suivante  il  fu)j  éé  chevalier  com- 
mandeur de  l'or^^^j  du  Bain  :  à  ces 
titres  il  ajouta  successivement  ceux 
de  lieutenant-général  du  corps  des 
marins  royaux  (  1 8  i  8  )  et  de  général 
de  ce  même  corps.  Il  avait  ainsi 
passé  par  tous  les  honneurs  qui  peu- 
vent illustrer  la  carrière  d'un  marin  , 
lorsqu'il  mourut,  le  9  février  i832. 
11  y  avait  neuf  aps  qu'à  la  soUici- 
tatioude  son  oncle  maternel,  le  lieute- 


BIE 

nant- général  Vere  AVarnerHussey,  il 
avait  ajouté  le  nom  de  Hussey  à  celui 
de  Bickerton.  — Son  père,  Richard 
BiCKERTON,avait  été  nommé  lieutenant 
vers  1745,,  capitaine  en  second  en 
1769,  Commodore  en  1786,  et  plus 
tard  commandant  de  Portsmouth.  Le 
20  juin  1783  ,  il  avait  eu  part  au 
combat  entre  sir  Ed.  Hughes  et  Suf- 
freu.  Il  était  membre  du  parlement 
pour  Rochester  F — ot. 

BIE.  FojBy^,  VI,  4ii. 

BIELLE  SKI  (PiEREE),    séna- 
teur-palatin, naquit  dans  la  Grande- 
Pologne  ,  en  1754  ,  d'une  famille  qui 
a  donné  plusieurs  hommes  distingués 
à  ce  pays.  Jeune  encore  ,  il  fut  élu  à 
diverses  reprises  nonce  aux  diètes,  et 
nommé  par  l'une  d'elles,  en   1782, 
membre  de  la  commission  des  finan- 
ces ,  où  il  donna  des  preuves  de  son 
inlégrilé.   A  l'époque  de  la  création 
du  graud-duchéde  Varsovie, en  18  r  2, 
il  fut  élu  a  la  présidence  du  nouveau 
gouvernement   a    Kalisz.   Quand   les 
Prussiens  eurent  abandonné  toute  la 
partie  du  territoire  qui  leur  était  dé- 
volue, Napoléon  y  établit  une  cor?i~ 
mission     suprême    de    goiiuerne- 
meiitj  dont  Pierre  Bielinski  fit  partie; 
et,  lorsque  le  traité  de  Tilsit  fut  pu- 
blié, cette    commission  se   rendit  à 
Dresde  pour  y  recevoir  des  mains  de 
l'empereur    des    Français   le    statut 
constitutionnel  qui,  selon  le  traité, 
devait  être  accordé  au  grand-duché 
de  Varsovie.  Bielinski  fut  l'un   des 
signataires^  et,  le  22  juillet  1807, 
Napoléon  approuva  ce  statut  à  Dres- 
de. Lorsque  le  roi  de  Saxe  fut  arrivé 
comme  duc  de  Varsovie  dans  la  ca- 
pitale de  ce  nouvel  état,  il  nomma 
une  dénutalion  dont  Bielinski  ut  par- 
tie ,  pouraller  a  Paris  porter  l'hom- 
mage de   son  dévouement  a  l'empe- 
reur. Avant  le  départ  du  roi  Frédé- 
ric-Auguste de  \arsovie,    plusieurs 


BIE 

décrets  furent  publiés.  Par  l'un  d'eux 
neuf  sénateurs  ,  dont  cinq  pahilins  et 
quatre  castellans,  furent  désiguéspour 
composer  la  chambre  baulej  et  dès 
que  Bielinski  fut  revenu  de  sa  mission 
il  y  occupa  la  place  des;'nateur-pa]a- 
tin.  Mais  les  résultats  de  la  campagne 
de  1812  changèrent  bientôt  les 
destinées  du  grand-duché  de  Varso- 
vie 5  et  du  sein  du  congrès  de  Vienne 
sortit  en  i8i4-  le  royaume  de  Polo- 
gne ,  fraction  du  duché.  La  conduite 
de  Bielinski  obtint  de  nouveau 
l'approbation  de  ses  compatriotes, 
mais  non  pas  celle  du  gouvernement 
russe.  Il  fut  privé,  en  1821,  de 
la  présidence  du  sénat ,  qui  lui  ap- 
partenait par  l'ancienneté.  Ce  fut 
alors  que  conJmencèrent  dans  ce  pays 
les  sociétés  secrètes,  et  l'on  présume 
qu'il  y  eut  beaucoup  de  part.  Quand, 
aToccaslon  de  la  mort  d'Alexandre 
{Voy.  ce  nom,  LVI,  190),  une 
catastrophe  éclata  a  Saint-Péters- 
bourg, le  26  décembre  1825,  le 
mémorable  procès  d'une  conspiration 
russe  en  fut  la  suite  [Voy.  Bestu- 
CHEFF,dans  ce  vol.).  Des  arrestations 
nombreuses  eurent  lieu  dans  toute 
la  Pologne.  Quoique  les  crimes 
d'état  ressortissent  du  tribunal  de 
la  diète,  une  commission  mixte, 
composée  de  Polonais  et  de  Rus- 
ses, fut  nonimée  au  mois  de  février 
1826,  pour  faire  les  recherches  com- 
mandées par  les  circonstances.  Sta- 
nislas Zamoyski ,  président  du  sénat 
polonais,  était  a  la  tête  de  cette  com- 
mission qui,  après  une  année  de  Ira- 
vaux  assidus,  présenta  son  rapport 
le  3  janvier  1827  5  et  ce  rapport  ne 
permit  plus  de  douter  que  le  nouveau 
tzar  ne  fût  dans  une  position  diffi- 
cile. Il  attendit  deux  ans  avant  de  se 
prononcer,  et  fut  trois  ans  avant  de 
convoquer  la  diète.  Mais  l'embarras 
où  la  guerre  de  Turquie  jeta  le  cabi- 


BIE  a 39 

net  russe  et  surtout  l'attitude  de  l'Au- 
triche influèrent  sur  les  décidions  du 
tzar  (1).  Ayant  résolu  de  se  faire 
couronner  à  Varsovie,  et  voulant  y 
disposer  en  sa  faveur  l'opinion  pu- 
blique ,  il  déclara  illégale  i'œuvre  de 
la  commission  d'enquête;  et  huit  des 
principaux  accusés  furent  renvoyés 
devant  le  tribunal  de  la  diète,  com- 
posé du  sénat  du  royaume  et  présidé 
par  Bielinski.  Quoique  sou  organisa- 
tion et  les  voies  de  procédure  eussent 
été  prescrites,  les  accusés  n'en  con- 
çurent pas  moins  beaucoup  d'espoir 
lorsqu'ils  connurent  leurs  juges.  Une 
nouvelle  enquête  fut  ordonnée,  et 
prouva  que  les  premiers  commissaires 
n'avaient  pas  agi  légalement.  Tous 
les  sénateurs  s'empressèrent  de  se 
rendre  k  Varsovie  pour  cette  impor- 
tante affaire.  Cette  ville  était  dans 
une  agitation  extraordinaire.  Tous 
les  yeux  se  tournaient  sur  le  pré- 
sident Bielinski.  11  nomma  une  com- 
mission composée  de  cinq  mem- 
bres pour  procéder  à  une  nou- 
velle enquête;  le  17  cet  1828  ,  le 
sénat  tout  entier,  composé  de  onze 
évêques,  de  sept  sénateurs-palatins 
et  de  vingt-six  sénateurs  castellans  , 
k  l'exception  d'une  seule  voix,  celle 
du  général  Vincent  Krasinski ,  ancien 
chet  des  ehevau-légers  polonais,  de 
la  garde  de  Napoléon ,  prononça  l'ac- 
quittement de  tous  les  accusés  ,  qui 
recouvrèrent  leur  liberté  après  une 
détention  de  trois  ans.  Toute  la  popu- 
lation fit  éclater  une  joie  que  le  gou- 
vernement russe  était  loin  de  par- 
tager.   Ce  ne  fut  que  le   18    mars 

(i)  La  inésinteUigeuce  entre  les  deux  cours 
imi>iriales  était  assez  visible  :  une  circon- 
stance en  offrit  la  preuve,  lorsqu'aprùs  la  nuit  du 
29  novembre  i83o,  on  trouva  dans  les  papiers  du 
tzarevit-.ch  Constantin  un  plan  de  cain|iagiie  en 
Hongrie  qu'on  avait  fait  dessiner  dans  le  plus 
gra;id  détail  par  le  lienteiiant-colonel ,  <lepuis 
général ,  Prondrynbki  ,  pendant  que  cet  officier 
était  en  pi  ison  pour  les  sociétés  secrètes  ,  aux- 
quelles il  n'est  pas  lonjouis  resté  fidèle. 


2/iO 


BIE 


BIE 


i82gquVn  conséquence  d'un  rapport 
du  conseil  des  ministres  et  du  prési- 
dent du  tribunal,  le  décret  fui  pu- 
blié avec  une  sévère  désapprolialion 
énoncée  à  tout  le  corps  de  la  haute- 
cour  nationale  ,  au  nom  de  S.  M.  I. 
et  R.  par  Valentin  Sobolewski ,  pré- 
sident du  conseil  des  ministres.  Le 
général  Krasinski  fut  excepté  daus  le 
blâme.  Mali  dès  le  g  mars,  c'est-a- 
dire  dix  jours  avant  cette  publication, 
le  président  Bieliuski  était  mort, 
après  une  courte  maladie.  La  capi- 
tale entière  assista  à  ses  funérailles, 
et  ses  nombreux  amis  mirent  eu 
pièces  le  drap  mortuaire  qui  avait 
recouvert  le  cercueil  pour  se  le  par- 
tager. Ch — o. 

ÎUEXAOÎÉ  (I'iebre-ThÉo- 
dose),  architecte,  né  le  1 1  janvier 
1765  ,  a  Amiens,  v  fit  de  bonnes 
éliules  et  eut  Tabbé  Delille  pour 
professeur.  Fils  d'un  entrepreneur 
de  bâtiments  et  doué  d'heureuses  dis- 
positions pour  les  sciences  et  les  arts, 
11  apprit,  dans  la  maison  paternelle, 
la  pratique  de  toutes  les  prolessions 
relatives  a  rarchilecture,  rhisloire 
naturelle  de  tous  les  matériaux  em- 
ployés dans  les  constructions,  et  le 
parti  que  peuvent  en  tirer  la  physique 
et  la  mécanique.  Il  vint  à  Paris  pour 
se  perfectionner.  Les  élèves  de  Ta- 
cadéraie  d'architecture  étaient  alors 
divisés  en  élèves-académiciens  et  élè- 
ves-externes •  les  preuiiers  avaient 
seuls  le  droit  de  concourir  pour  les 
prix,  et  leurs  places  ne  s'obtenaient 
qu'au  concours.  Admis  comme  elève- 
externe ,  Bienaimé  prit  part  à  un 
concours  d'émulation  :  quoique  son 
esquisse  eut  été  jugée  digne  du  [>rix, 
il  fut  obligé  de  tra\al'lcr  encore  huit 
ans  pour  attendre  une  place  d'élèvc- 
académiclen.  EuKu  on  donna  pour 
sujet  de  concours  :  L'ne  salle  cla 
spectacle  dans  le  palais  (V un  soia-C' 


rain.  Le  professeur  Julien  Leroi  , 
satisfait  du  travail  de  Bienaimé  ,  le 
proposa  a  l'académie  pour  élève  in- 
terne; et  Bienaimé  obtint  celte  pla- 
ce au  concours  ,  à  l'unanimité  ,  sur 
quarante-un  concurrents.  Couronné 
dans  qualie  concours  annuels  consé- 
cutifs, Bienaimé  concourt  enfin  pour 
le  grand  prix.  Son  travail  est  dé- 
claré par  le  jury  le  meilleur  des  cinq 
qui  oBt  été  admis  5  mais  au  lieu  de  re- 
cevoir le  grand  prix  ,  il  n'entend  que 
ces  tristes  paroles:  «  Bienaimé, votre 
«  projet  est  fort  bien  conçu  ,  fort 
K  bien  élaboré  ;  nous  vous  en  félici- 
«  tons,  et  vous  eussiez  obtenu  la  pal- 
«  me  si  la  dissolution  de  l'acadé- 
«  raieeût été  reculée  d'un  seul  jour.  » 
En  effet,  toutes  les  académies  ve- 
naient d'être  supprimées  par  un  dé- 
cret de  la  convention  nationale.  Bien- 
aimé ne  se  laissa  [101  ut  décourager  par 
ce  revers.  Julien  Leroi,  avant  rétabli 
à  ses  frais  des  concours  d'émulation, 
l'avait  nommé  membre  du  jury  ;  et  , 
par  la  suite ,  le  gouvernement  le  con- 
firma dans  ces  fonctions  gratuites.  Ho- 
noré de  l'amitié  du  physicien  Charles 
et  du  célèbre  Lavoisier  ,  dont  il  avait 
suivi  les  cours,  collaborateur  de  l'ar- 
chitecte Boulet,  dans  la  partie  lé- 
gislative des  bâtiments,  Bienaimé 
allait  de  pair  avec  les  hommes  qui 
avaient  alors  le  plus  de  réputation 
daus  son  art.  Le  gouvernement  répu- 
blicain ,  ayant  établi  un  concours 
pour  élever  une  colonne  monumen- 
tale dans  ciiaque  département,  Bien- 
aimé l'emporta  sur  huit  cents  concur- 
rents. Dans  trois  autres  concours , 
dont  les  prix  étaient  pécuniaires  ,  11 
eut  pour  rivaux  MiVl.  Fontaine  et 
Percier  ,  qui  d'abord  partagèrent  le 
premier  prix  et  ne  lui  laissèrent  que 
le  second  ;  puis  11  obtint  le  pre- 
mier, et  ils  partagèrent  le  deuxième  j 
enfin,   il  partagea  le   premier  prix 


BIE 

avec  eux.  On  salL  à  quel  point  de 
fortune  et  ds  renommée  sont  parve- 
nus les  deux  rivaux  de  Bienaimé,  et 
l'on  a  oublié  celui  qui  fut  leur  égal 
et  leur  vainqueur!  Ce  lut  lui  qui,  eu 
1797,  reconstruisit  la  salle  du 
tliéàlre  Favarl  ;  il  eut  pour  concur- 
rents Pojet,  Broiigniard,  Célérier  el 
de  Wailiy,  et  celui-ci  ne  craiguit 
pas  de  donner  ,  dans  un  journal ,  de 
justes  éloges  au  talent  de  son  heureux 
rival.  Parmi  les  travaux  qu'exécuta 
Bienaimé  pour  de  riches  particuliers  , 
nous  citerons  :  1°  A  Epinay ,  pour 
M.  Barillon  ,  ancien  régent  de  la 
Banque  ,  un  jardin  pittoresq;'.e.  a"  A 
Carrières-sous-Bois ,  chez  M.  Ger- 
main, conseiller  d'état,  une  mécani- 
que qui  mettait  en  mouvement  trois 
corps  de  pompe  a.'^pirante  et  fou- 
lante pour  le  service  de  plusieurs 
fontaines.  3"  A  Jouy  ,  la  façade 
sur  le  jardin  du  château  que  M.  Ar- 
mand Séguin  vient  de  vendre  à 
M.  Lehon,  ambassadeur  du  roi  des 
Belges;  4-°  A  Neullly  ,  dans  la  mai- 
son Saint-James,  un  canal  de  720 
pieds  de  long  sur  26  de  large;  deux 
pouls,  une  pompe  a  feu  et  un  théâ- 
tre,- 5°  Au  Val-sous-Mcudon  ,  une 
manufacture  de  faïence  et  d'autres 
grands  travaux  pour  M.  Dldelot  ; 
6°  AExquevilly  ,  une  brasserie  pour 
M.  de  Reuneval.  Membre  de  la 
commission  chargée  de  rendre  compte 
de  l'état  défectueux  des  piliers  qui 
soutiennent  le  dôme  du  Panthéon, 
Bienaimé  fil  un  rapport  où  il  établit 
que  le  poids  qu  ils  supportent  est  de 
02,546,564  livres.  11  suivit  en 
1800  Elisa  Bonaparte  dans  sa  prin- 
cipauté de  Lucques  et  de  Plombino. 
Après  avoir  achevé  les  dessins  des 
travaux  de  cousiruction  et  d'embel- 
lissement dont  il  devait  s'occuper  , 
il  fut  chargé  de  parcourir  les  étals 
de    la    princesse.   11    découvrit   ujje 


lilE 


241 


source  d'eau  thermale  ,  propre  h  uu 
établissement  de  bains  ;  des  marais  a 
dessécher  près  la  plaine  de  Marengo; 
une  mine  dalun  et  une  source  d'eau 
sulfureuse.  Lorsqu'il  revint  par  Car- 
rare ,  l'académie  de  celte  ville  le 
reçut  au  nombre  de  ses  membres  , 
et  obtint  pour  lui  du  duc  de  Mo- 
dène  le  privilège  exclusif,  et  con- 
traire auxréglemenls,  d'avoir  voix  dé- 
libérative  dans  ses  assemblées.  Au  re- 
tour de  ce  voyage  ,  il  voit  tous  ses 
plans  accueillis  par  la  princesse;  il 
doit  construire  les  bains,  rendre  les 
marais  k  l'agriculture;  bâtir  un  petit 
bourg  près  de  la  mine  d'alun  avec  une 
maisuu  pour  le  gouverneur  qui  en  sur- 
veillera l'exploitation  ;  il  ouvrira 
une  place  publique  devant  le  palais 
de  la  princesse,  élèvera  un  nou- 
veau théâtre,  elc.  Déjà  il  avait  ter- 
miné les  décorations  intérieures  des 
appartements ,  quand  la  princesse 
fut  nommée  grande-duchesse  de  Tos- 
cane. Après  un  an  de  travaux  inuti- 
lement commencés  ou  élaborés  ,  il  la 
suivit  k  Florence,  où  il  n'était  cpies- 
lion  de  rien  moins  que  de  mettre  dans 
le  goùl  français  les  appartements  du 
palais  Pitli.  Mais  un  message  de  Na- 
p(déon  défendit  a  sa  sœur  d'entrepren- 
dre aucun  travail.  Bienaimé, n'ayant 
plus  rien  k  faire  en  Toscane  ,  revint  k 
Paris.  En  1  8  1  0,  il  se  rendit  a  Mont- 
pellier, et  s'y  occupa  ,  pendant  qua- 
tre mois,  des  plans  de  reconstruc- 
truction  du  Palais  de  Justice.  Fou- 
ché ,  de  Nantes,  ministre  de  l'inté- 
rieur par  intérim,  l'avait  chargé  de 
ce  travail.  Montalivet,  ministre  dé- 
finilif,  lui  envoya  ordre  de  tout  sus- 
pendre ,  avec  promesse  d'uldiscr  ses 
talents  a  Paris  ;  promesse  qui  ne  se 
réalisa  point.  En  18  12  ,  il  fut  chargé 
par  le  directeur-général  des  tra- 
vaux publics  d'un  des  quatre  Champs 
de     repos    projetés    j)our    Paris,  y 

i6 


242 


BIE 


compris  celui  du  Père  Lacbaise,  au- 
qu(l  provisoiremenl  on  ne  devait  pas 
loucher.  r,5oo,ooo  francs  élait-nl 
mis  a  la  disposiliou  des  arcliilccles 
pour  les  trois  autres  ;  mais  ÎH^apo- 
léon  s'empara  de  celte  somme  eu 
parlant  pour  son  expédition  de  Rus- 
sie, et  Bienaimé  en  lut  pour  ses  des- 
siusetsesdevis.  Onlui confia,  quelque 
tempsaprès,  les  réparations  des  ther- 
mes antiques  de  la  rue  Si- Jacques,  tra- 
vnux  encore  suspendus  et  inaclievés. 
Nommé  enfin  ,  en  i82  3  ,  inspecteur 
des  bâtiments  civils  ,  il  dirigeait  de- 
puis trois  ans  la  restauration  de  l'égli- 
se Saint-Germaiu-des-Prés,  lorsqu'il 
mourut,  le  1-4  déc.  i  826,  des  suites 
d'une  affection  au  cœur.  Bienaimé  fai- 
sait parlie  du  jury  chargé  de  pronon- 
cer sur  les  ouvrages  de  l'école  d'ar- 
chitecture. Membre ,  depuis  vingt- 
huit  ans,  de  l'alhénée  des  arts,  il  y  fut 
chargé  d'une  foule  de  rapports  et  de 
travaux  académiques,  parmi  lesijuels 
on  a  remarqué  sou  Eloge  de  Souf- 
Jloi.  Il  était  aussi  de  la  société 
libre  des  sciences,  lettres  et  arts  de 
Paris  ,  de  la  société  philotechnique  , 
de  l'académie  d'Amiens  et  de  celle  de 
Carrare,  seul  résultat  de  son  voyage 
eu  Toscane.  Sou  éloge  ne  fut  pronon- 
cé à  l'athénée  que  six  ans  après  sa 
mort  j  et  c'est  dans  celui  qu'a  publié 
M.  INliraull  que  sont  puisés  les  faits 
que  nous  avons  rapportés.         A — t. 

MEXAYMÉ    (PiERRE-FiiAK- 

coisj,  savant  ecclésiasiique  et  natu- 
raliste instruit  ,  fut  d'abord  chanoine 
de  Moutbard,  sa  ville  natale,  et  vécut 
long-temps  dans  la  fanàliarilé  de  Buf- 
fon  et  de  Daubenton.  Nommé  a  un 
canonicat  de  la  cathédrale  d'Evreux, 
il  devint  prieur  commendataire  du 
prieuré  de  Dolus  en  Touraine,  et 
continua  de  Taire  marcher  de  front 
les  devoirs  de  son  élat  avec  l'étude 
si  attrayante  de  rbisiôire  nalurelle. 


BIE 

Pendant  les  troubles  de  la  révolution, 
il  vivait  a  Paris  el  visitait  souvent  le 
Jardin  des  PLmtes,  où  il  rencontra 
quelquefois  le  jeune  Bonaparte.  Na- 
poléon ,  h  son  avènement  au  con- 
sulat, se  rappela  Bieuaymé  ,  et  lui 
offrit  la  chaire  éplscopale  de  Metz 
qu'il  accepta.  Son  installation  ,  eut 
lieu  le  2^  juin  1802.  Personne  ne 
pouvait  mieux  que  lui  ramener  les 
esprits  divisés.  Il  publia  divers  man- 
dements, vrais  modèles  de  style  apos- 
tolique ;  mais  ,  après  uu  boulever- 
sement tel  que  celui  qui  venait  d'a- 
voir lieu  ,  il  fallait  plus  que  des 
conseils  el  des  exemples  pour  ré- 
tablir l'ordre  au  sein  du  désordre. 
Bienayraé  avec  des  intentions  droi- 
tes se  fit  beaucoup  d'ennemis  et  suc- 
comba,  le  9  février  1806,  sous  le 
fardeau  de  l'épiscopat.  Il  a  publié  : 
Mémoire  sur  les  abeilles  :  nou- 
velle méthode  de  construire  les 
ruches  en  paille,  lajaçon  de  gou- 
verner les  abeilles,  etc.,  nouvelle 
édition,  Metz  et  Paris,  i8o/f,  iu-8°. 
La  première  édition ,  rédigée  sous 
les  yeux  de  P)uffon,  qui  avait  suivi  les 
expériences  de  Bienayraé  ,  parut  en 
1780.  •    B — N. 

BIENYILLE(J.-D.-T.)  était 
dans  le  dix-huilième  siècle  un  habile 
médecin  sur  lequel  on  n'a  presque 
aucun  renseignement.  YAojÇDict.de 
médecine)  dit  qu'il  était  né  en  Fran- 
ce j  son  nom  prouve  du  moins  qu'il 
en  était  originaire.  Un  passage  de  la 
préiace  de  la  iSymphomanie  nous 
apprend  que  dans  sa  jeunesse  il  avait 
visité  le  nord  de  l'Europe  en  obser- 
vateur. Après  avoir  reçu  le  grade 
de  docteur ,  sans  doute  dans  une 
des  universités  de  Hollande  ,  il  s'é- 
tablit a  Rotterdam,  puis  "a  La  Haie  où 
il  pratiqua  son  art  avec  beaucoup  de 
succès.  Il  vivait  en  17805  mais  on 
i<^nore    la    date    de    sa    mort.    On 


BIE 

connait  de  lui  :  I.  La  nymphn- 
manie.,  ou  traité  de  la  fureur  ulc- 
rinc  ,  Amsterdam  ,  1771  ,  iii-8"; 
ibid.,  i788,ia-i2  5  traduit  en  al- 
lemand ,  Amsterdam,  17725  en  an- 
glais,  Londres  1775-  et  une  se- 
conde fois  en  allemand  par  Antoine 
Hiltenbraudl,  Presbourg,  1782.  C'est 
le  pendant  de  \ Onanisme  {J^oy. 
TissoT ,  XL\I,  i56).  II.  Le  pour 
et  le  contre  de  V inoculation  de  la 
]>etite  vérole ,  ou  dissertation  sur 
les  opinions  des  savants  et  du  peuple 
sur  la  nature  et  les  effets  de  ce  re- 
mède ,  Rotterdam  1 77 1,  iu-S".  II[. 
Recherches  théoriques  et  pratiques 
sur  la  petite  vérole  ,  Amsterdam, 
1772,  iii-8".IV.  Traité  des  erreurs 
populaires  sur  la  santé  ,  La  Haye, 
1775,  iii-8";  traduit  en  allemand  par 
Kritzinger  ,  Leipzig  ,  1776,  ouvra- 
ge rempli  d'observations  intéressan- 
tes ,  et  i|ui  peut  être  utilement  con- 
sulté. \'V— s. 

BIESTEll  (JEAN-Epac),  philo- 
logue ,  naquit  en  i  74.9  a  Lubeck  ,  où 
son  père,  iabn'cant  de  soieries  et 
jouissant  d'une  fortune  assez  consi- 
déralile,  ne  négligea  rien  pour  son 
éducation.  Après  avoir  achevé  ses 
premières  études  au  gymnase  de  sa 
ville  natale,  le  jeune  Biester  se  ren- 
dit à  Gœttingue  ,  où  il  suivit  les  cours 
de  la  faculté  de  droit ,  et  reçut  le 
diplôme  de  docteur.  Le  baron  de 
Zedlitz  {Foj.  ce  nom  ,  LU  ,  178), 
alors  minisire  de  l'instruction  publi- 
que a  Berlin  ,  le  choisit  pour  son  se- 
crétaire intime  ,  et  l'honora  de  toute 
sa  confiance.  Sous  le  patronage  de  cet 
ami  des  arts  et  des  sciences ,  Biesler 
se  trouva  en  contact  et  bientôt  en 
liaison  avec  les  hommes  les  plus  illus- 
tres de  l'Allemagne.  Parmi  ceux-ci, 
Gedike  surtout  lui  voua  une  amitié 
aussi  vive  que  sincère.  En  1784-, 
Biester  obtint  la  place  de  bibjiolhé- 


BIE 


243 


Caire ,  vacante  par  la  retraite  de  dom 
Pernety  [F.  cenom,  XXXill,  589). 
Il  était  associé  depuis  quelque  temps- 
avec  Gedike  (/^.  ce  nom,  XYII,  i5) 
pour  la  rédaction  d'une  Revue  men- 
suelle {Illonath  schrift)yAoni  le  ra- 
pide succès  fut  d'autant  pins  étonnant 
qu'il  existait  déjà  plusieurs  écrits  pé- 
riodiques du  même  genre.  Tout  eu 
rendant  justice  au  mérite  des  rédac- 
teurs ,  l'abbé  Denina  prétend  que 
l'esprit  de  secSe  ne  fut  pas  étranger  a 
la  vogue  de  ce  journal ,  où  perce  la 
haine  la  plus  prononcée  contre  le  ca- 
tholicisme (Voy.  la  Prusse  littérai- 
re, I,  260).  Bieslf^r  le  continua  seul 
depiris  1790'.-  Admis  vers  cette  épo- 
que a  l'aCàdéiilie  royale  fie  Ber.Hii  . 
il  y  lut ,  en'  179^'^ "lin  'Bléiiioire  sur 
celte  inLixirae  d«  -Socrate,  que  «  la 
«science  él  laver tus(î>nt  la  riiême cho- 
se. »  Dès  l'année  précédente  il  avait; 
eulre^jris  un  nouveau  journal  mensuel 
[Berlinische  blkffei^)nyec  le  libraire 
INicolaï  (F',  ce  riora,  XXXI,  2  36).  Il 
mourut  à  Berlin  eu  1 8 1 6.  •  Outre  une 
excellente  édition  des  Q iiêifi^e Dia- 
logues de  Platon  ,  Berlin,  1780, 
in-8",  enrichie  de  notes  par  Gedike  , 
ou  connaît  de  Biester  des  traductions 
en  allemand  du  Discours  de  récep- 
tion du  baron  de  Zedlitz  à  l'aca- 
démie de  Berlin  .y  ^111 'y  ^^^  ^^~ 
servalions  de  Cavanilles  sur  l'ar- 
ticle Espagne  de  l'Encyclopédie 
méthodique,  1*785;  au.  Voyage 
du  jeune  Anacharsis,  1792,  6  vol. 
in-8°.  Celte  Iraduclion  tres-estimée 
a  été  reproduite  plusieurs  fois. 
W— s. 
BÏET  CÂ^'TOI!s'E'),  sunérieur  de 
la  mission  de  Cayenne ,  était  né  vers 
1620  dans  le  diocèse  de  Seulis. 
Ayant  embrassé  l'état  ecclésiastique, 
il  remplit  les  fondions  de  vicaire  ,  et 
fut  ensuite  pourvu  de  la  cure  de  Ste- 
Geneviève  ,  à  Senlis.  En  i65i  ,  une 


2/i4 


BIE 


compagnie  obtint  du  gouverneraciit 
la  cession  do  Cayenne,  abandonnée 
depuis  la  mort  du  malbeureux  Bre- 
ligny  {Koy.  ce  nom,  au  Supp.). 
Les  associés  choisirent  pour  chef  de 
la  nouvelle  colonie  Royville  ,  gen- 
tilhomme normand,  homme  de  tête 
el  d'action,  qui  d'ailleurs  avait  eu 
le  premier  l'idée  de  former  cet  éta- 
Blissemeul.  La  direction  de  la  par- 
tie ecclésiastique  fut  confiée  h  l'abbé 
de  L'IsIe-Marivault  ,  qui  s'adjoignit 
plusieurs  jeunes  prêtres  ,  el  décida 
Blet  h  quitter  sa  cure  pour  le  suivre 
dans  une  contrée  où  il  devait  trouver 
l'occasion  d'exercer  son  zèle  aposto- 
lique. Le  nombre  des  colons  était  de 
cinq  a  six  cents,  qui  furent  dis- 
tribués par  compagnies,  ayant  cha- 
cune ses  officiers,  auxquels  ils  pro- 
mirent ojjéissance.  Sur  ce  nombre, 
h  peine  cinquante  étaient  en  état  de 
supporter  les  fatigues  d'un  voyage  de 
long  cours.  Tous  les  autres  étaient 
des  aventuriers  et  des  débauchés,  la 
plupart  sans  ressources,et  qui  n'avaient 
pris  parti  dans  cette  expédition  que 
persuadés  qu'arrivés  a  Cayenne  ils  y 
vivraient  dans  l'abondance  sans  tra- 
vailler. Les  premiers  préparatifs  étant 
terminés,  les  colons  s'embarquèrent 
prèsduPont- Rouge, le  i  Sniai  1602, 
sur  des  bateaux  qui  devaient  les  con- 
duire au  Havre,  où  deux  bâtiments 
avaient  été  noiisés  pour  les  transpor- 
ter en  Amériijue.  Au  moment  du  dé- 
part, l'abbé  de  L'Isle-Maîivaultayaut 
voulu  passer  d'un  bateau  dans  un  au- 
tre, tomba  daus  la  Seine  et  se  noya. 
Biet ,  désigné  tout  d'une  voix  poui  le 
remplacer,  n'accepta  qu'avec  une  ex- 
trême répugnance  une  charge  qu'il 
jugeait  au-dessus  de  s.e,>>  forces.  Les 
bâtiments  noiisés  avaient  besoin  de 
réparations,  qui  retiuient  les  colons 
au  Havre  pendant  trois  semaines. 
-.JloyviUp  employa   ce  temps  à  com- 


BIE 

pléler  l'organisation  de  sa  troupe.  Il 
lira  des  diverses  compagnies  les  hom- 
mes les  plus  beaux  et  les  plus  forts 
pour  en  faire  sa  garde  particulière  ; 
et  dès-lors  il  prit  avec  ses  associés  des 
airs  de  hauteur  dont  ils  furent  vive- 
ment blessés.  Le  séjour  des  colons 
au  Havre  avait  diminué  leurs  provi- 
sions; et  lorsqu'on  mit  à  la  voile,  le 
2  juillet,  ils  n'avaient  plus  de  vivres 
que  pour  trois  mois.  Boyville  n'en 
commit  pas  moins  la  faute  de  s'arrêter 
devant  Madère  pendant  plusieurs 
jours.  H  descendit  seul  dans  l'île  avec 
une  partie  de  ses  gardes,  et  reçut  du 
gouverneur  des  fêtes  magnifiques , 
qu'il  lui  rendit  h  son  bord  aux  dépens 
de  ré([uipage.  Dans  celte  circon- 
stance il  traita  ses  associés  avec  tant 
de  mépris ,  qu'ils  résolurent  de  s'en 
venger  a  la  première  occasion.  Elle 
ne  larda  pas  a  se  présenter.  Royville 
étant  tombé  malade  voulut  rester  la 
nuit  couché  sur  le  tillac  pour  y  res- 
pirer le  frais.  Pendant  qu'il  dormait, 
quelques-uns  des  conjurés  se  jetèrent 
snrlui,  et  après  l'avoir  percé  de  coups 
de  baïonnette,  le  précipitèrent  dans 
la  mer.  Ce  fut  le  29  septembre,  jour 
de  la  fête  de  saint  Michel ,  que  les 
nouveaux  colons  débarquèrent  a  Ca- 
yenne. Ils  furent  mis  sur-le-champ 
en  possession  du  fort  bâti  dix  ans 
auparavant  par  Eretigny.  Ce  fort, 
entouré  d'une  bonne  palissade ,  était 
plus  que  suffisant  pour  soutenir  les 
attaques  des  sauvages.  Mais  le  nou- 
veau gouverneur,  qui  se  défiait  de 
ses  propres  associés,  en  fit  con- 
struire un  second  ,  entouré  de  fos- 
sés el  de  remparts,  pour  sa  propre 
sûreté.  Comme  il  désirait  que  cet 
ouvrage  fût  achevé  promptement,  il 
y  employa  tous  ceux  qui  étaient  en 
état  de  travailler,  et  laissa  passer  la 
saison  des  siîmailles  sans  en  profiter. 
Loin  dç  s'cccuoer  des  intérêts  de  la 


\ 


BIE 

colonie  naissante,  les  associés  ne  soii- 
goaienl  qu'a  contrarier  le  gouverneur 
dans  ses  vues,  et  même  à  lui  disputer 
1  autorité.  Un  complot  qu'ils  avaient 
formé  contre  lui  ayant  été  découvert, 
il  en  traduisit  les  auteurs  devant  un 
tribunal  qu'il  avait  établi  pour  les 
juger.  Un  seul,  reconnu  le  plus  cou- 
pable, fut  mis  k  mort ,  et  ses  compli- 
ces déportés  sur  le  continent.  Cet 
exemple  de  sévérité  ne  put  ramener 
le  calme  dans  la  colonie.  La  division 
qui  régnait  parmi  les  associés  ne  leur 
permettant  pas  de  se  concerter  pour 
la  défense  commune  ,  ils  eurent  le 
cbagrin  de  voir  plusieurs  habitations 

dévastées  et  brûlées  par  les  sauvages, 
n  j        1  1     ^  •      > 

l^cpendant  les  coions  eurent  moins  a 

souffrir  de  leurs  ennemis  que  da 
manque  de  vivres.  Ils  étaient  réduits 
à  quelques  onces  de  mauvais  pain  ,  et 
la  pêche,  quoique  abondante,  ne  sup- 
pléait qu'imparfaitement  au  défaut 
d'autres  aliments.  Une  fièvre  maligne 
ne  tarda  pasa  se  déclarer.  Dans  quel-, 
qucs  jours  elle  enleva  les  médecins  et 
les  ecclésiastiques.  Biet  resta  seul 
pour  soigner  et  consoler  les  malades, 
et  s'acquitta  de  cette  pénible  tâche 
avec  un  dévouement  héroïque.  Les  co- 
lons n'étaient  plus  soutenus  que  par 
l'espoir  qu'ils  recevraienl  bientôt  des 
secours  de  France  ;  mais  l'époque  où 
les  vaisseaux  d'Europe  fréquentent 
ces  parages  élaut  uassée  ,  ils  se  déci- 
dèrent à  quitter  Cavenne ,  et  s'em- 
barquèrent le  26  déc.  i653  sur 
un  bâtiment  hollandais  qui  se  ren- 
dait a  Surinam  ,  où  ils  trouvèrent  un 
capitaine  anglais  ,  avec  lequel  ils 
traitèrent  pour  leur  transport  a  la 
lUrbade.  Biet  fut  reconnu  chez  le 
gouverneur  par  un  jeune  clerc  irlan- 
dais, qu'il  avait  nourri  quatre  ans 
dans  la  maison  de  Sainte-Genevi'^ve  , 
et  qui  lui  témoigna  sa  reconnaissance 
par  toutes  sortes  de  services.  Ce  u:^  de 


BÏE  a/,  5 

ses  compagnons  qui  n'avaient  aucune 
ressource  en  France,  ayant  témoij;né 
le  désir  de  retourner  "a  Cavenne  (i), 
Biet  se  rendit  vers  la  fin  d'avril  (  i  6  5  /i.) 
a  la   Martinique,  pour    y  traiter  de 
leur  transport  avec  quelques  capitai- 
nes de  vaisseaux  marchands.  Mais  le 
gouverneur,  auquel  il  avait   été  si- 
gnalé comme  un  espion  anglais,  ne 
lui  permit  pas  de  débarquer,   et  il 
fut  obligé  de  rester  sur  le  bâtiment 
jus(]u'au    départ    d'un    autre    vais- 
seau pour  la  Guadeloupe,    où   l'ac- 
cueil qu'il  reçut  le  dédommagea  bien 
de  l'affront    qu'il    venait  d'essuyer. 
Le   gouverneur  de   la   Guadeloupe  , 
obligé  de  faire  un  voyage  eu  France, 
offrit  a  Biet   de  l'y  ramener,    et  ne 
cessa  de  lui  donner  des  témoignages 
d'estime.  Il  arriva  sur  les  côtes  de 
Normandie  le  2  5  août  i65i,  deux 
ans  et  deux  mois  après  son  départ. 
Biet   rapportait    des    notes    dont    il 
se    servit   pour   rédiger  le  P  o^yage 
da  Iti  France  équinoxiale,  ou  l'île 
de    Cayenne ,     entrepris   par   les- 
Français   en   i652,   Paris,     1664^,. 
\n-i°.  Cet  ouvrage  ,  écrit  avec  can- 
deur    et    simplicité  ,   présente    une 
lecture  attachante.  Le  volume  se  ter- 
mine   par  un   Dictionnaire   de   la 
langue     galihi     (  F  oy.    Pjséfon- 
TAiNE ,      au    Supp.   ).      Biet    n'»' 
vait    pas    fait   uu  assez  Icxag   séjour 
aux  Antilles  pour    en    parler    avea- 
exactitude.    Ce  qu'il  rapporte  ,  d'ki- 
près  des  mémoires    qui  lui   av.aiau4 
été  fournis  ,  a  été  réfuté  par  le  P.  Dtir 
tertre(  f^oy.  ce  nom  ,  XII,  'i<)<),)- 
—  Biet  (Claude),   pharmacien,,  né 
vers  1668  a  Chauvot,  près  de  Ver- 
dun-sur-Saône,   s'acquit   une    rapu- 
tation   par  la    pratique  de   son  art, 
et    fut    nommé    premier   apothicaire 
du  roi ,  a  Versailles.  11  mourut  dans 

(i)   Cette  île  fut  pri^e  i>t'ii  Je  loiuiis  aini-s  par 
les  HoUaailais  {roj:  L*  BAïis,-i.viJ,  2o5). 


ifi6 


BÏC- 


l'exercice  de  celte  charge  le  i8  juil- 
let 1728.  On  a  de  lui  r|iielqiies  op'js- 
cules  insérés  dans  les  Mémoires  de 
Trévoux,  snr  \a.  thériaquf,  lyo^; 
sur  \qs pilules  de  longue  vie,  même 
année;  sur  lo  quinquina,  1707; 
sur  les  gouttes d' Angleterre j  [715. 
L'abl)é  i\ipilloti  lui  a  donné  Une  no- 
lice  dans  la  Bihl.  des  auteurs  de 
Bourgogne.  W — s. 

BIGELOT  (Françots-Emma- 
nuel-Siméon),  né  à  Nancy,  le  t8' 
février  1789,  avec  d'heureuses  dis- 
positions pourla  poésie,  fut  détourné 
du  culte  des  musts  par  des  occupa- 
tions plus  graves.  Admis,  en  1810, 
dans  radmiiiistralion  des  contribu- 
tions indirectes,  comme  simple  surnu- 
méraire, il  parvint  en  peu  de  temps 
a  remploi  de  chef  de  bureau  (divi- 
sion du  conteiilieux),  et  en  exerça 
les  fonclinus  jiis.pi'en  1818.  Quoi- 
qu  il  put  espérer  d'aller  beaucoup 
plus  loin  dans  celte  carrière,  il  pré- 
féra revenir  dans  sa  ville  natal-  où 
11  acheta  une  étude  de  noinirc.li  con- 
sacra encore  quelques  loisirs  aux  mu- 
ses, et  mourut prémainréraent  le  14. 
juillet  i83o.  Il  a  publié  1°,  dans  le 
Mercure  de  Fi  anee{\  8 1  6 — i  818}, 
plusieurs  morceaux  de  poésie  qui  se 
font  remarquer  par  un  tour  heu- 
reux et  facile,  notamment  la  tra- 
duction de  la  première  salire  d'Ho- 
race (9  mars  1816);  2°  une  Ode  sur 
la  poésie,  dédiée  h  M.  Castel,  Pa- 
ris, j  8  I  6  ,  in-8"  ;  3°  une  Salire  sur 
le  dix  -  neuvième  siècle ,  Paris , 
Pillet,  1817,  in-8°;  elle  prouve 
(ju'il  eût  pu  réussir  dans  ce  genre. 
L — M — X. 

BIGEOT  (  Claude-Étiekne  ) , 
publicisle  ,  élail  fils  de  François  Bi- 
geol,  avocat-général  au  parlement  de 
Dole.  On  sait  qu'avant  164.6,  il 
remplissait  la  charge  de  lieutenant- 
général  du  bailliage  de  Pontarlier. 


Empbvé,  dès  celte  époque,  par  la 
cour  dEspagne  dans  diverses  mis- 
sions ,  i!  fut  autorisé  k  se  choisir  un 
suppléant.  Après  la  conquête  de  la 
Franche-Comté  et  sa  réunion  défini- 
tive a  la  France  ,  Bigeot  se  relira 
dans  lés  Pays-Bas ,  et  y  mourut  en 
1675.  Il  est  auteur  de  plusieurs  ou- 
vrages ,  tous  anonymes ,  écrits  les 
uns  en  français  et  les  autres  en  espa- 
gnol,  contre  les  projets  de  Louis  XIV. 
Celui  qui  fil  le  pluS  de  bruit  dans  le 
temps  est  le  Bourguignon  inté- 
ressé ,  Cologne  ,  1668,  in-12. 
On  peut  lui  attribuer  aussi  le  Bon 
Bourguignon.,  in-12,  que  d'autres 
bibliographes  donnent  a  Bojvin 
[f^oy.  ce  nom,  V,  442),  qui, 
comme  Bia:eot  se  nommait  Claudc- 
Etienne.  Cet  ouvrage  est  destine , 
GOmrtie  le  précédent ,  a  niontrer  qu'il 
était  avantageux  poiir  la  Franche- 
Comté  de  rester  sous  la  domination 
espagnole.  W — s. 

F.lCiET.  Voj.  Marthe,  au 
Supp.  ' 

BIGLAiVD  TJkan),  historien 
anglais ,  né  à  Skirlaugh ,  dans  le 
comté  d'York,  en  1730,  passa  la 
plus  grande  partie  de  sa  vie  dans  les 
humbles  fondions  de  maître  d'école 
de  village.  Il  avait  '  plusieurs  fois 
changé  de  résidence,  et  lise  contentait 
philosophiquement  du  peu  qu'il  ga- 
gnait par  ses  travaux,  lorsqu'à  l'âge 
■de  plus  de  cinquante  ans  ,  il  publia 
■an  petit  volume  intitulé:  Réflexions 
si'r  la  j'ésurrection  et  Vascefision 
de  Jésus-Christ ,  i8o3.  Bigland 
en  mettant  cet  opuscule  au  jour  n'a- 
vait aucune  prétention  littéraire.  Son 
livre  n'était  que  le  résultat  des  médi- 
tations fort  longues  auxquelles  lui- 
mètîi  e  s'était  livré  sur  le  fait  fonda- 
mental du  christianisme  ,  et  par 
lesquelles  il  était  arrivé  à  la  démons- 
tration ^^  l'événement  que  conteste 


BIG 

le  sceplicismc.  Coiivaincii ,  il  criil 
devoir  livrer  au  public  les  r;iisons 
i;  rclragables  auxquelles  il  s'était 
rcudii.  Il  obtint  ua  grand  succès; 
et  les  témoignages  d'approbaliou 
qu'il  reçut  de  diverses  pails  l'en- 
gagèrent a  persévérer  dans  la  voie 
qu'il  venait  de  s'ouvrir.  Insensible- 
ment il  devint  auteur  de  profession. 
Voici  la  liste  des  ouvrages  qu  il  pu- 
blia les  années  suivantes  :  I.  Lettres, 
sur  l'étude  et  (usage  de  l'histoira 
ancienne  et  moderne  ,  i8o4« 
II,  Lettres  sur  l'histoire  moderne 
et  sur  l' aspect  politique  de  l'Lu- 
rope ,  1804.  III.  Essai  sur  divers 
sujets,  2  vol.,  iBo.T.  IV.  Lettres 
sur  l'histoire  naturelle  ,  i8o5. 
V.  Système  de  géographie  et  d'his- 
toire ,  5  vol.,  1809.  W.  Histoire 
d''Espagne  ,  depuis  la  plus  ancienne 
époque  jusqu'à  la  fin  de  1809-10,  2 
vol.  (traduite  en  français  et  continuée 
jusqu'à  la  restauration  de  1814.,  5 
vol.  in-8°,  1825-24,  avec  une 
grande  carte  ,  par  le  colonel  Bory 
de  Saint-Vincent).  VIL  Précis  de 
l  histoire  politique  et  militaire  de 
l'Europe ,  depuis  la  paix  de  i  783 
jusqu'à  l'époque  actuelle,  2  vol., 
I  8  I  I  (continuée  jusqu'en  1 8 1  4,  dans 
la  dernière  édition^  traduite  en  fran- 
çais et  poussée  jusqu'à  18  19,  5  vol. 
in-8").  VIII.  Les  voyageurs  philo- 
sophes^ ou  Histoire  de  la  tribune 
et    du    sacerdoce    de    Minerve , 

181 1.  IX.  Le  comté  d'York, 
1812  (seizième  volume  des  Beautés 
d'Angleterre  et  du  pays  de  Gal- 
les ).    X.   Histoire  d^ Angleterre  , 

1812.  XL  Lettres  sur  l'histoire 
naturelle,  depuis  sa  naissance  jus- 
qu'à la  fin  de  x  8 1 2,  2  vol. ,  i  8 1 3 
(cet  ouvrage  a  été  réimprimé  avec 
continuation  jusqu'en  iSi/j.).  XII. 
Système  de  géographie  à  l'usage 
des  écoles ,  1816,  XîlL  Explica,- 


BIG 


2/,7 


tion  historique  et  effets  des  causes 
physiques  et  morales  sur  le  carac- 
tère et  les  vicissitudes  des  nations, 
18  17.  XIV.  Lettres  sur  l'histoire 
de  France  j,  181  8.  XV.  Lettres  sur 
l'histoire  d'Angleterre.  X\L  His- 
toire des  Juifs.  Bigland  travaillait 
aussi  h  (^\i.e\(\viC%  Magazines.  Ses  Ira- 
vaux  littéraires  ne  lui  firent  point 
quitter  sa  province.  Il  menait  dans 
ion  jardin  à  Finniugley,  près  de  Don- 
casier ,  la  vie  d'un  sage  et  d'un  pa- 
triarche. C'est  la  qu'il  mourut ,  âgé 
de  82  ans,  le  22  février  i832. — Lu 
autre  Bigland  a  publié  :  Collection 
historico-monumentale  et  généa- 
logique du  pays  de  Glocester, 
Kent,  1791,  2  vol,  in-8°.  P — ot. 
BIGNOTTI  (Vikcent),  fié  a 
Verceil,  en  1764,  £ls  d'une  pauvre 
veuve,  fit  ses  premières  études  dans 
sa  patrie,  et  obtint  une  bourse  au 
collège  royal  des  Provinces  a.  Turin. 
En  1788,  il  fut  reçu  docteur  eu 
théologie,  puis  nommé  cbauoine  de 
la  métropole  de  Verceil.  Orateur 
distingué,  il  fut  cbargé,  en  1806, 
d'un  Discours  sur  le  rétablissement 
de  la  religion  par  l'empereur  A  a- 
poléon,  imprimé  à  Verceil,  in-S*^. 
Il  a  publié  les  ouvrages  suivants  en 
italien  :  L  Collection  de  poésies 
diverses^  1784  et  1787,  in-S".  IL 
Le  baume  salutaire,  ou  RéJlexioJis 
philosophiques  et  morales.  III. 
Eloge  du  bienheureux  Amédée  , 
duc  de  Savoie,  à  l'occasion  de  la  so- 
lennité célébrée  le  20  avril  1825  , 
pour  la  translation  du  corps  de  ce 
prince  dans  une  châsse  d'argent  de 
trente  mille  francs  donnée  par  le  roi 
Charles  -  Félix  ;  V'erceil  ,  1823, 
in-B".  L'orateur  dit  qu'au  XIL  siècle 
on  se  disputait  les  os  et  les  cendres 
des  saints  sans  se  soucier  de  l'or  ou 
de  l'argent,  mais  que  les  voleurs 
du  XVIIP  méprisèrent  les  reliques 


248 


BIG 


en  s'emparant  des  ornemenls  pré- 
cifiix.  Bignotll  fut  victime  du  jeùue 
et  des  privations  qu'il  s'imposait  par 
dévotion:  il  mourut  en  i83i,  et  fut 
enterré,  par  une  disliucliou  particu- 
lière, dans  la  cathédrale  de  Yer- 
ceil.  G — G — Y. 

lîIGOXI  (Louis),,,  poète  esti- 
mable oublié  par  l'abbé  Lombardi 
dans  sa  Storia  délia  letteratura  ita- 
liana^  naquit  à  Brescia  le  29  juin 
1712.  Sa  fortune  lui  permettait  de 
se  livrer  à  ses  goûts  studieux  ;  mais 
content  des  suffrages  de  quelques 
amis ,  il  n'aurait  jamais  recueilli  les 
productions  de  sa  muse  élégante  et 
iacile  ,  sans  les  encouragements  qu'il 
reçut  de  Louis  Ricci  {J'  oy.  ce  nom, 
au  Suppl.)  .  poète  lui-même  ,  et 
très-bon  crilique.  Trop  modeste  pour 
rechercher  les  honneurs  littéraires , 
il  fut  cependant  élu  membre  de  l'aca- 
démie des  Agiati  de  Roveredo  ,  sous 
le  nom  de  Tessalo.  Il  mourut  à 
Chiari,  petite  ville  du  Brescian  ,  le 
10  avril  1785,  a  72  ans.  Outre  une 
traduction  en  vers  italiens  du  poème 
de  Partit  virginis  de  Sannazar, 
Brescia,  1765,  in-8°,  et  celle  des 
Coutumes  (  Statuti  )  de  Brescia  , 
ibid.,  1776,  in-4-°,  on  lui  doit  un 
recueil  de  vers  (/î//7ze) ,  ibid.,  1765^ 
in-8°.  W — s. 

BIGOXNET  (Jean-Adrien), 
né  en  175 5,  était  président  de  l'ad- 
ministration municipale  de  Màcon , 
en  1798,  lorsqu'il  fut  nommé  député 
au  conseil  des  cinq-cents  par  le  dé- 
partement de  Saône-et-Loire.  Fran- 
chement pénétré  des  idées  révolution- 
naires les  plus  exagérées ,  il  se  mon- 
tra dans  cette  assemblée  du  parti  le 
plus  extrême ,  et  dans  la  séance  du 
2  5  aoiît,  lorsqu'il  fut  question  de 
rétablir  les  impôts  que  la  révolution 
avait  abolis ,  il  s'y  opposa  avec  force, 
en  disant  :  «  Ou  la  révolution  est  une 


BIG 

«c  injustice  ,  ou  les  impôts  qu'on  a 
«  supprimés  pour  la  faire  sont  injus- 
te tes.»  Ce  dilemme,  assez  concluant, 
ne  pouvait  pas  être  compris  de  ceux 
que  la  révolution  avait  enrichis  et 
rendus  maîtres  du  pouvoir;  et  suc- 
cessivement les  gabelles,  le  contrôle, 
etc.,  furent  rétablis  sons  le  nom  de 
droits-réunis  et  d'octrois.  Le  8  déc.  de 
la  même  année ,  à  l'occasion  d'une 
déclaration  de  guerre  contre  INaples 
et  la  Sardaigne  ,  Bigonnet  se  livra 
contre  les  rois  a  des  déclamations  qui 
n'étaient  plus  guère  de  saison  ,  puis- 
que la  république  avait  dès-lors  des 
rois  pour  alliés.  «  Barbares  ennemis, 
«  s'écria-t-il;,  vos  trônes'  seront  ren- 
«  versés  ;  le  sort  en  est  jeté!.... 
cf  L'austère  franchise  el  la  sévère 
a  bonne  foi  ne  cesseront  pas  d'être  le 
a  caractère  et  l'àme  des  traités  qu'of- 

ct  frira  la  république ;  un  million 

«  d'hommes  armés  en  seront  les  né- 
«  gociateurs.  «  Cette  sortie,  inter- 
rompue par  des  murmures,  ne  fut  pas 
insérée  au  MoJiiteiœ ;  mais  l'orateur, 
qui  tenait  a  ses  opinions,  la  fit  impri- 
mer lui-même.  Trois  mois  plus  tard, 
il  la  réitéra  a  la  tribune  ,  a  peu  près 
dans  les  mêmes  termes,  et  il  fut  en- 
tendu avec  plus  de  calme.  Dans  le  mê- 
me temps,  il  proposa  d'instituer  un 
Code  du  mérite  et  des  récompenses, 
pour  exciler  le  patriotisme  des  Fran- 
çais; et  cette  espèce  de  projet  àeLé- 
gion-d' Honneur  républicaine  fut 
renvové  h  une  commission  qui  n'a  ja- 
mais fait  de  rapport...  Le  8  sept. 
1799.  Bigonnet,  attribuant  les  re- 
vers des  armées  françaises  à  la  réac- 
tion des  royalistes,  ajouta  que  le 
meilleur  moyen  d'arrêter  celte  réac- 
tion e'tait  de  donner  à  la  presse  une 
entière  liberté  et  d'organiser  des  so- 
ciétés patriotiques.  Il  appuya  en- 
suite vivement  la  proposition  du 
général  Jourdan  de  déclarer  la  pa- 


Bir. 

trie  en  danger,  aTn  de  donner  un 
plus  libre  cours  aux  mesures  révo- 
lutionnaires. Ainsi  Bignnnet  était 
alors  un  des  députés  les  plus  attachés 
au  parti  de  la  république,  et  il  devait 
se  raontrcr  fortement  opposé  à  tous 
ceux  qui  tenteraient  de  la  renverser. 
Dans  la  mémorable  séance  du  18  bru- 
maire ,  à  Sainl-Cloud  ,  il  s'élança 
contre  Bonaparte,  lorsque  ce  général 
entra  dans  la  salle  des  séances,  et 
lui  dit  :  Téméraire^  que  faites- 
vous?  Vous  violez  le  sanctuaire 
des  lois.  Bonaparte  ,  a  ces  mots 
prononcés  d'une  voix  forte ,  et  se 
sentant  saisi  à  l'ëpaule  par  un  homme 
vigoureux  et  d'une  haute  stature ,  se 
retira  aux  cris  presque  unanimes  de 
hors  la  loi.  Mais  ou  sait  comment  il 
rentra  bientôt,  précédé  de  Murât  et 
de  ses  grenadiers.  Bigounet ,  comme 
ses  collègues,  se  sauva  par  les  jar- 
dins; et  la  république  cessa  d'exis- 
ter... On  pense  bien  qu'après  un 
pareil  éclat,  il  ne  fut  comprisdans  au- 
cune fonction  du  nouveau  gouverne- 
ment. Cependant  il  ne  figura  pas  sur 
les  listes  de  proscription  qui  accom- 
pagnèrent ce  triomphe  de  Bonaparte, 
mais  qui  ne  furent  au  reste  que  com-" 
minatoires.  Il  se  retira  sans  bruit 
dans  son  département,  et  il  y  vécut 
fort  à  son  aise  ,  sans  essuvcr  la  moin- 
dre perséculion,jusqu'au  mois  de  mars 
i8i5,  époque  alaquelle  ildut  à  celui 
qui  l'avait  fait  rentrer  dans  l'obs- 
rité  l'avantage  d'en  sortir  momenta- 
nément. Ce  fut  a  son  retour  de  l'île 
d'Elbe  que  Napoléon ,  cédant  aux 
vœux  de  la  populace  de  Màcon,  des- 
titua M.  de  Bonne,  maire  de  cette 
ville,  pour  mettre  a  sa  place  son  an- 
cien adversaire  du  1 8  brumaire,  resté 
invariablement  attaché  au  parti  répu- 
blicain, que  Napoléon  se  croyait  alors 
obligé  de  ménager .  ÎSommé  deux  mois 
après  député  à  la  chambre  des  repré- 


BIG 


249 


sentants  par  l'arrondissement  de  Ma- 
çon, Bigonnet  v  vota  encore  avec  le 
parti  le  plus  exagéré.  Cependant  il 
ne  s'y  fit  guère  remarquer,  si  ce  n'est 
dans  la  séance  du  20  juin,  oîi  il 
s'opposa  h  la  proposition  de  Defer- 
mont  et  de  M.  Boulay  de  la  Meur- 
the,  qui  voulaient  faire  reconnaître 
Napoléon  II  aussitôt  après  l'abdica- 
tion de  son  père.  Retourné  dans  sa 
patrie  après  la  dissolution  des  cham- 
bres, Bigonnet  rentra  dans  l'obscu- 
rité, et  il  mourut  dans  lemois  de 
mai  i852,  d'une  attaque  de  choléra. 
Ou  a  de  lui  deux  écrits  qui  jettent  un 
nouveau  jour  sur  les  projets  de  Bo- 
naparte :  I.  Coup  d'état  du  18 
brumaire  .,  Paris,  1819,  in-8°.  IL 
Napoléon  Bonaparte  considéré 
sous  le  rapport  de  son  influence 
sur  la  révolution,  Paris,  1821  , 
in-8".  M — DJ. 

BIGOT  de  Préameneu  (Fé- 
Lix-JuLiE:>r-jEAN) ,  né  a  Redon  en 
lySo,  était  avocat  au  parlement 
de  Paris  avant  le  révolution,  dont  il 
embrassa  la  cause  comme  la  plupart 
des  gens  de  sa  profession,  mais  avec 
tout  le  calme  et  la  modération  de  son 
caractère.  Lors  de  l'établissement  des 
premiers  tribunaux  qui  succédèrent 
aux  anciennes  cours,  en  1790,  il  fut 
élu  juge  du  quatrième  arrondissement 
de  la  capitale  ,  et  c'est  dans  cette  po- 
sition que,  distingué  par  le  nouveau 
ministère  du  roi  constitutionnel,  il  fut 
envoyé  commissaire  à  Uzès ,  pour 
apaiser  des  troubles  qui  venaient  de 
s'y  manisfester.  Celte  mission  fut 
courte  et  sans  résultats  importants. 
En  septembre  1791,  Bigot  de  Préa- 
meneu fut  nommé  l'un  des  députés 
de  Paris  à  la  première  législature, 
où  il  se  rangea  du  parti  modéré, 
ainsi  que  le  témoigne  le  discours 
qu'il  prononça  le  7  janvier  1792, 
malgré  les  huées  des  tribunes,   pour 


25o 


BIG 


BIG 


frouver  que  le  roi  était  autant  que     reur.  (i)Onnele  vit  reparaître  quV 
assemblée  le  représentant  de  la  ua-     près  le  Irioraplie  de  Bonaparte  ,   au 
tiou.  Bigot  obtint  le  22.  mal  suivant      18  brumaire.  Ayant  applaudi  de  tout 
que,  par  la  loi  qui  ordonnailleséques-     son  cœur  a  cette  révolution,  il  futaussi- 
tre  des  biens  des  émigrés  ,  il  fût  ac-     tôt  nommé  commissaire  du  gouverne- 
cordé  un  mois  de  délai  à  ceux  qui     ment  près  le  tribunal  de  cassation,  et 
voudraient   rentrer.    Quelques  jours      dans  la  même  année  appelé  au  conseil 
après  il  fut  élu  président,  et  c'est  en      d'étal ,  dont  il  présida  la  section  de 
cette  qualité  qu'il  fit,  le  20  avril,  a     législation.  C'est  dans  cette  place  qu'il 
Louis  XVI,  lorsque  ce  prince  vint     â  concouru  long-temps,  et  d'une raa- 
annoncer    sa   déclaration  de  guerre     nière  ausbibnnorablequ'utile,  avec  les 
à    l'Autriche,    une    réponse,    dont     Portails  et  les  Troncbet,  a  la  rédac- 
les  circonstances  seules  peuvent  faire     lion  de  nos  codes  immortels.  Parmi 
excuser    l'inconvenance.    «  L'assem-     les  nombreux  discours  qu'il  a  pronon- 
a  blée,  dit-il  sèchement  au  monarque,     ces  a  la  tribune  du   corps-législatif, 
«examinera   votre    proposition,   et     pour  présenter  ou  soutenir  les  projets 
a  elle  vous  instruira  du  résultat  de  ses     de  loi  sur  le  droit  civil,  on  a  remar- 
ie délibérations.  »    Le  26   du  même     que  celui  qui  a  pour  objet   les  con- 
mois,  il  s'opposa  au  projet  de  loi  que      trais    ou    les  obligations  conven- 
Thuriot  présentait  contre  les   ecclé-      tionnelles  en  général.  C'est  un  bon 
siasliques    qui   refusaient   de   prêter     résnaié  des  rapports  les  plus miilti- 
serment  a  la  constitution;  et  l'on  a     plies  des  hommes  en  société.  kVé^o- 
prétendu,  contre  toute  vraisemblan-     que  du  couronnement  de  ISapoléon , 
ce  ,     que    c'est  a  cette  circonstance     \[  fut  récompensé  de  ces  travaux  par 
qu'ilavaitdùplustardsanominalionau     le  titre  de  comte  de  l'empire  et  celui 
ministère  des  cultes.  Nous  lui  avons     de  grand  officier  de  la  Légion-d'Hon- 
enteudu  dire  a  lui-même  que  ce  n'était     neur.  Quatre  ans  plus  lard,  lorsque 
que  d'après  son  nom  [Bigot)  que  Na-     Porlalis  mourut ,  en  1808  ,  le  comte 
poléon  avait  pensé  a  lui^  et  cette  bi-     Bigot  le  remplaça  au  ministère  des 
zarrerie  de  la  part  du  grand  homme     cultes.   Il  a    conservé   ces  paisibles 
n'est  pas  sans  exemple.  Bigot  de  Préa-     fonctions  sans  s'y  faire  remarquer  , 
meneu  fit  encore  pour  le  maintien  de     et  suivant  exactement  les  ordres  du 
Tordre  d'honorables    efforts  5    après     maître,  jusqu'à  la  chute  du  goliver- 
les  scandaleuses  scènes  du    20   juin     nement  impérial.  (2)  A  cette  époque, 
1792,  il  obtint  un  décret  qui  interdit     voyant  Paris  menacé,  il  se  réfugia 
aux  pétitionnaires   de   se    présenter     prudemment  en  Bretagne  ,    et    n'en 

armés  a  la  barre  de  l'assemblée.  Mais ■ 

ces  efforts  de  quelques  hommes  sages 
ne  purent  que  retarder  de  peu  de 
jours  la  catastrophe  dent  l'état  était 
menacé  •  et,  lorsque  le  trône  chance- 
lant de  Louis  XVI  fut  définitivement 
renversé  par  la  révolution  du  i  0  août 
17.92  ,  Bigot  de  Préameneu  n'eut 
plus  qu'a  se  tenir  caché  j  ce  qu'il  fil 
avec  autant  de  soin  que  de  succès  tant 
que  dura  le  gouvernement  de  la  ter-! 


(i)  11  était  à  Rennes  en  juillet  1793,  lorsqu'il 
fut  visité  par  Bailly,  qui  parti  de  >antcs  se  ren- 
dait à  Melon,  dans  la  maison  de  campagne  que 
Laplace  ,  son  collègue  à  l'académie  des  scien- 
ces, lui  avait  offerte  pour  séjour,  et  où  il  fut 
arrêté  en  arrivant.  V — ve. 

(2)  Une  de  ses  plus  importantes  fonctions  était 
d'anah  séries  mandements  des  évêques  sur  les 
victoires  de  l'empire  et  sur  la  vaccine,  d'en  ex- 
traire les  paSî-ages  les  plus  saillants  à  la  louante 
du  maître  fet  les  évêques  alors  étaient  laudalifs 
jusqu'à  l'extrême  adulation),  et  d'envoyer  ces 
extraits,  bien  recommandés,  au  Moniteur  et  aux 
journaux  ecclésiastiques  de  cette  époque, 


BIG 

revint  que  bien  convaincu  qu'il  n'avait" 
rien  a  craindre.  ?.lais  dans  ce  vovage 
il  avait  perdu  sou  porle-feuille  par  un 
arrêté  du  gouvernement  provisoire  , 
qui  déclara  déchus  tous  les-fonclion- 
naires  fugitifs,  et  sa  place  ne  lui  fut 
rêpdue  qu'après  le  retour  de  Napo- 
léon ,    en  mars  1 8 1 5  ,  sous  le   litre 
plus  modeste  de  direction  générale 
des  cultes.  Le  comte  Elgot  fut  en 
même  temps  créé  pair  de  France  daus 
la  nouvelle  chambre;  mais   il  perdit 
encore  une  fois  tous    ces   avantages 
par  le  second  retour  des  Bourbons  , 
et  depuis  ce  temps  il  ne  reparut  plus 
sur  la  scène  politique.  Vivant  dans  la 
retraite  ,  il  ne  s'occupa  que  de  visiter 
les  prisons  et  les  hospices,   dont   il 
était  un  des  administrateurs  ;  et  il 
juslifia  au   moins,   par  un'e   grande 
assiduité  aux  séances,   le  choix  que 
l'académie  française  avait  fait  de  lui, 
en  Tannée  i  800,  en  le  nommant  a  la 
place   de  Baudiu.   La  seule  produc- 
tion -littéraire  que  Ton  connaisse  de 
lui  est   la   réponse    qu'il   ht  au  dis- 
cours de  réception  de  l'évêque  d'Her- 
juopolis  (  M.     Frayssinons  ),  le     8 
novembre    1822.    D'ailleurs   on    ne 
connaît  aucun  ouvrage  de  ce  juris- 
consulte et  de  cet  académicien.  Le 
comte  Bigot  est  mort  a  Paris  le  3i 
juillet    1820,   laissant    une    fortune 
considérable,     et    que    son     écono- 
mie ,  a  laquelle  on  aurait  pu  donner 
unautrcnom,  availfort  augmentée (3). 
Daru  prononça  son  Eloge  funéraire  , 
<]ui  tut  inséré  au  Moniteur.  Le  duc 
de    Montmorency  ,     son   successeur 
à  l'académie,    ne    sachant    de  quoi 
le  louer  sous  les  rapports  littérai- 
res ,  et  se  voyant    forcé  de    se  re- 
jeter sur  les  bienfaits  de  son  admi- 

(jj  Quand  on  allait  voir  le  ii'inlstre,  il  n'é- 
tait pas  i-are  de  rencontrer,  sur  l'esuaUer,  la 
comtesse  Bigot  dans  un  déshabille  remarquable, 
tenant  un  trousseau  de  clés  et  descendant  à  la 
cave.  V — VE. 


BÎG 


25î 


nistration  ministérielle  ,  dit  qu'il  ne 
fallait  pas  laccuser  de   tout  le   mal 
qu'il  n'avait  pas  été  en  son  pouvoir 
d'empêcher,    mais   le  louer  du    peu 
de  bien  qu'il  avait  pu  faire.  On  a  im- 
primé un  Catalogue  de  sa  bibliothè- 
que, composé  de  plus  de  neuf  feuilles, 
et  renfermant  près  de  seize  cents  ar- 
ticles, do!!t  plus  de   quatre  cents  de 
droit   et  de  jurisprudence,   formant 
environ  trois  mille  volumes.    M-d  ji 
BÏGOT(]Marie  KiÉNÉ), pianiste 
célèbre,  naquit  le  5  mars  1786  a Col- 
mar,  où  ses  parents  professaient  la 
musique  avec  distinction.   Douée  de 
rorganisaliou  la  plus  heureuse  ,  elle 
sentit  dès  Fenfance  le  besoin  de  cul- 
tiver toutes  les   dispositions    qu'elle 
avait  reçues  de  lanatnre.  Très-jeune 
encore,  elle  s'était   fait  une  habitude 
constante    d'un    travail  raisonné    et 
très-varié.   Le   piano  étant  devenu, 
sous  la  direction  de  sa  mère,  l'ob- 
jet  de    ses    études    spéciales ,     elle 
n'interrompit    pas    ses   autres    étu- 
des.   Elle    disait  que  le   temps  était 
élastiijue  ,  et  elle  le  doublait  réelle- 
ment par  la  manière  de  Temp'ovcr, 
comme  elle  doublait  l'efficacité    des 
exercices    par    les    procédés     ingé- 
nieux    qu'elle    imaginait    pour    s'y 
rompre.    Bientôt  il  ne  lui  resta  plus 
qu'à  colorer  par  l'expression  un  ac- 
quis   où   rien    ne   manquait   sous    le 
rapport   du  mécanisme.    La   famille 
Kiéné  quitta  l'Alsace  pour  s'établir  à 
jNeufcbàtel  en  Suisse.  Elle  y  connut 
M.    Bigot,     dont    une    instruction 
étendue,    des  voyages    dans  presque 
toutes   les    contrées  de  rEurope  ,  et 
une  rare  aptitude  k  parler  les  langues 
vivantes  ,   marquaient  la  place   dans 
les   chancelleries   diplomatiques.  Un 
goût  vif   pour  la  musique    s'alliant 
chez  lui  a  toutes  les  conditions  d'une 
existence  honorable ,  il  rechercha  la 
jeune  Marie,  et  l'épousa  eu  i8o4' 


aSa 


BIG 


Peu  de  temps  après  son  mariage  ,  il 
la  conduisit  k  Vienne  en  Aulriclie. 
La  elle  vit  Haydn,  Saliéri,  Beetho- 
ven, et  se  livra  entièrement  a  son 
art.  Dans  le  commerce  de  ces  liom- 
mes  célèbres,  ses  idées  s'étendirent, 
son  goût  s'éclaira;  son  sly^e  ,  vivifié 
par  les  sentiments  nouveaux  d'épouse 
et  de  mère,  prit  une  physionomie. 
Elle  fit  encore  des  progrès  eu  France, 
où  les  événements  de  1809  avaient 
fait  passer  son  mari.  Au  coloris  mé- 
lancolique qui  appartient  k  l'école  al- 
lemande ,  elle  associa  l'élégance  sans 
manière ,  la  fini'sse  des  nuances  ,  la 
convenance  des  ornements, quidistin- 
guent  les  virtuoses  français.  On  retrou- 
vait dans  son  talent  ce  qui  la  caractéri- 
sait elle-même ,  l'union  constantedela 
raison  et  du  sentiment.  En  même 
temps  qu'elle  perfectionnait  son  jeu, 
elle  approfondissait,  sous  la  direc- 
tion de  Cbéruhini  et  d'Auber  ,  la 
science  de  l'art ,  et  elle  se  fortifiait 
dans  la  composition  mu.sicale.  La 
maison  de  M"""  Bigot  devint  le  ren- 
dez-vous des  artistes  les  plus  fameux, 
des  connaisseurs  les  plus  délicats,  et 
des  vrais  amateurs.  Les  savants,  les 
liommes  de  lettres  recherchèrent  k 
l'envi  sa  société.  Rien  n'éfralaitTa^ré- 
ment  de  ses  soireesj  uue  conversa- 
tion solide  et  animée  ,  une  musique 
exquise  s'y  succédaient  et  s'y  entre- 
mêlaient. Quand  JM'"^  Bigot  touchait 
le  piano,  on  l'entendait  avec  délices  5 
quand  elle  causait ,  on  l'écoutait  avec 
fruit.  En  1 8  1 1 ,1a  campagne  deRussie 
fut  décidée.LcsfonclionsdeM.  Bigot, 
sa  connaissance  des  langues  du  nord 
et  des  localités  que  l'armée  française 
devait  parcourir  le  firent  attacher 
k  l'expédition.  A  la  suite  du  désas- 
tre, prisonnier  kWilna,  il  perdit 
ses  places.  Sa  femme ,  chargée  de 
deux  enfants  en  bas  âge  ,  restait  sans 
ressources  j  elle  s'en  fit  une  de  son  ta- 


BÎG 

lent  ;  la  musî([ne  qui  jusqu'alors  n'a- 
vait servi  qu'a  embellir  son  existence, 
devint  un  moyen  de  la  soutenir;  elle 
donna  des  leçons  de  piano ,  et  ses 
succès  dans  l'enseignement  furent 
tels ,  que  bientôt  elle  eut  peine  a 
suffire  k  l'affluence  des  élèves.  En 
formant  des  pianistes,  M"*  Bigot 
se  proposait  surfout  de  faire  des  mu- 
siciennes. Un  choix  sévère  des  mor- 
ceaux d'étude  devait  la  conduire  k 
ce  but.  Jamais  elle  ne  mit  sons  les 
yeux  de  ses  élèves  que  des  productions 
consacrées  par  une  lougue  unanimité 
de  suffrages  ;  et,  quoiqu'elle  ait  elle- 
même  composé  ,  elle  n'eut  jamais  le 
faible,  si  ordinaire  aux  professeurs,  de 
faire  étudier  sa  musique  j  cependant 
ses  ouvrages,  trop  peu  nombreux,  et 
particulièrement  ses  Suites  d'Etu- 
des, sontdevenus  classiques.  Tenant  k 
fonderune  école,  elle  appela  auprès 
d'elle  sa  mère  et  sa  sœur.  Disciple 
de  l'une  et  maîtresse  de  l'autre, 
elle  trouvait  dans  toutes  deux  des  col- 
laboratrices en  état  de  la  suppléer;  sa 
fille,  déjà  musicienne,  devait  hé- 
riter de  sa  doctrine  et  la  perpétuer. 
Ainsi  ce  cours ,  d'un  genre  neuf , 
ce  cours  remarquable  par  la  pureté 
des  principes,  l'aurait  été  encore 
plus  par  leur  parfaite  unité.  M™"  Bi- 
got poursuivait  son  utile  entreprise 
avec  tout  le  dévouement  dont  elle 
était  capable,  soutenue  par  la  con- 
viction de  servir  l'art  qu'elle  chéris- 
sait ,  encouragée  par  les  plus  hono- 
rables suffrages.  Malheureusement 
les    forces    du  corps  ne  répondaient 

fias  chez  elle  k  l'énergie  de  l'àuiej 
a  fatigue  altérait  sa  santé  j  une  ma- 
ladie de  poitrine ,  suite  d'un  travail 
excessif,  la  consumait;  elle  y  suc- 
comba le  16  septembre  1820  ,  k 
rào^e  de  trente  -  quatre- ans.  Son 
vœu  le  plus  cher  s'est  réalisé,  son 
^cole  lui  a  survécu;  sa  mère  et  sa  fille 


BIG 

lacoutiniienl,  et  les  nombreux  talents 
qui  en  sont  sortis  lui  assurent  une 
loDgMc  durée.  Le  talent  de  M"''  Bi- 
got a  fait  époque.  C'est  elle  qui  a 
introduit  en  Frauce  la  musique  de 
Beethoven,  aujourd'hui  si  goûtée  du 
public  français.  Liéeàlienne  avec  ce 
compositeur,  elle  le  reproduisit  d'o- 
riginal a  Paris.  Tous  les  grands  maî- 
tres au  surplus  trouvèrent  enelleun 
digne  interprète  ou  un  digue  émule. 
Qui  ne  l'a  pas  entendue  accompagnée 
par  IjatUot,  ne  connaît  ni  toute  l'éten- 
due d1  toute  la  puissance  de  l'exécu- 
tion insiruraenlalc.  Quelle  intelli- 
gence et  quel  feu!  Que  d'intentions 
hnes comprises  ou  devinées!  Combien 
d'heureuses  saillies,  de  reparties 
inattendues!  Quel  brillant  échange 
de  traits  improvisés!  Quelle  chaleur 
et  en  même  temps  quel  aplomb! 
Qu'il  élall  beau  de  voir  les  deux  cou- 
ccrlanls  se  piovoquer,  se  répliquer, 
s'éleclrlser  l'un  l'autre,  se  rendre 
inspiration  pour  inspiration,  et  at- 
teindre les  bornes  de  l'art  avant  d'en 
avoir  épuisé  les  ressources  !  Mais 
quel  que  fût  l'inlérùt  de  ces  conversa- 
tions musicales,  M"""'  Bigot  n'était 
jamais  plus  admirable  que  quand  elle 
touchait  seule.  INous  ne  nous  airèlons 
point  h  l'extérieur  d'un  mécanisme 
parfait  sous  tous  les  rapports  ;  nous 
voulons  parler  de  ce  sentiment  vif,  dé- 
licat et  profond,  qui,  prompt  a  saisir, 
habile  a  rendre,  fait  ressortir  toutes 
les  beautés  d'une  composition  ,  et  as- 
simile la  musique  a  l'éloquence.  La 
première  fois  qu'elle  joua  devant 
Haydn,  ce  vénérable  vieillard  fut 
si  ému,  que,  se  )ciant  dans  les 
bras  de  l'exécutaute  .  il  s'écria  :  O 
ma  chère  fille,  ce  n'est  pas  mui 
qui  ai  fait  cette  musique ,  c'est 
vous  qui  la  composez;  et  depuis 
lors  il  n'a  plus  appelé  M"'"  Bigot 
que  sa  chère  flUc.  Nous  avons  vu  un 


BIG 


253 


témoignage  de  la  satisfacliou  de  ce 
grand  homme,  exprimé  avec  autant 
d'abandon  que  de  naïveté  :  sur  l'œu- 
vre même  qu'elle  venait  d'exécuter 
devant  lui ,  il  écrivit  de  sa  main  : 
Le  2  0  février  i8o5,  Joseph 
Haydn  a  été  heureux.  Personne 
n'a  réussi  comme  elle  a  reproduire 
Beethoven:  sans  ôter  au  compositeur 
allemand  son  air  sauvage  et  la  liberté 
de  son  allure  ,  elle  modérait  une  fou- 
gue trop  impétueuse  et  mitigealt  un 
génie  fier  jusqu'à  l'àpreté  5  elle  le 
traduisait  comme  Racine  a  imité  les 
anciens,  l'adoucissant,  ne  l'énervant 
pas.  Un  jour  elle  fit  entendre  a 
Beethoven  une  sonate  qu'il  venait 
d'écrire  :  Ce  n'est  pas  là  précisé- 
ment,  lui  dit-il,  le  caractère  que 
fai  voulu  donner  à  ce  morceau  , 
mais  allez  toujours  ;  ce  n'est  pas 
tout-à-fnt  moi  ;  c'est  mieux  que 
moi.  Le  jeu  de  M'""  Bigot  fut  ap- 
précié par  Dussek.  démenti  se  com- 
plaisait à  lui  donner  des  conseils  qui, 
saisis  aussitôt  que  reçus  et  mis  en 
œuvre  a  l'instant  même,  causaient  au 
Nestor  des  planistes  un  ravisse- 
ment inexprimable.  Cramer  la  pria 
souvent  de  jouer  devant  lui  ses 
fameuses  Etudes^  et  chaque  fois 
qu'elle  les  redisait ,  elle  étonnait 
leur  auteur.  Les  amis  de  M""  Biaot 
n  oublieront  jamais  une  séance  ou 
elle  exécuta  avec  Cramer  les  sonates 
à  quatre  mains  de  Mozart.  D'abord 
intimidée  par  la  présence  d'une  re- 
nommée européenne  ,  mais  se  rassu- 
rant par  degrés,  et  trouvant  enfin 
dans  la  cause  même  de  ce  premier 
trouble  le  principe  d'un  enthousiasme 
prodigieux,  elle  s'exalta  tellement 
qu'elle  devint  une  véritable  muse.  Le 
plan:ste  de  Londres  ne  pouvait  reve- 
nir de  sa  surprise.  L'œuvre  entière 
ne  lut  qu'un  crescendo  de  verve  et 
d'expression.  Après   cet  assaut   de 


254 


BIG 


talent  ,  Cramer,  exalté  lui-même  au 
plus  haut  degré  ,  dit  à  son  heureuse 
rivale  :  Je  n'ai  jamais  rien  enten- 
du de  pareil;  disposez  de  moi  à 
toute  heure '^  faire  de  la  musique 
avec  vous  sera  toujours  pour  moi 
une  honnefortune  sans  prix.  INous 
avons  eu  la  satisfaction  de  voir  ces 
beaux  effets  se  renouveler  sous  nos 
yeux.  Cramer,  dansle  voyage  qu'il  a 
fait  enFrauce,  klafiude  1 853,  avant 
exécuté  les  mêmes  sonates  avec  la  fille 
de  M"""  Bigol,  lui  adressa  ce  sim- 
ple el  précieux  éloge  :  J'ai  cru  en- 
tendre encore  votre  mère.  M-l. 
BÏGOT  de  Morogues.    Foy. 

MOROGUES,    XXX,   2o3. 

BIGOT     de     Sainte  -  Croix. 
Foy.  Satnte-Croix,  au  Supp. 

ÈIGOTIER  ou  Bigotherius 
(Claude),  poêle  latin,  était  né 
dans  la  Bresse  au  commencemeul 
du  1 6*  siècle,  et  suivant  Guicbenon 
au  village  de  Treffort  (  Histoire  de 
Bresse,  35).  Nommé  professeur  de 
rhétorique  au  collège  de  la  Triuilé  de 
Lyon^  a  l'époque  de  son  établisse- 
ment, il  y  remplit  cette  chaire  plus 
de  vingt  ans  avec  beaucoup  de  zèle. 
Il  s'amusa  dans  ses  luisirsa  composer 
une  apologie  de  la  rave,  sous  ce 
tilre  :  Rapina  seu  raporum  enco- 
mium,  Lyon,  i54o,  pelit  in-S".  Ce 
petit  poème  est  devenu  si  rare  qu'on 
ne  le  trouv'e  cité  ni  dans  le  Ca- 
talogue de  la  bibliothèque  du  roi, 
ni  dans  celui  de  la  bibholhèque  de 
Lyon  [Voy.  Delandine,  au  Supp.). 
Il  est  divisé  en  trois  livres.  Dans  le 
premier,  l'auteur  considère  cette  ra- 
cine comme  un  aliment ,  et  il  en  exa- 
mine avec  soin  toutes  les  qualités. 
Dansle  second,  il  traite  de  ses  vertus 
médicales,  el  il  vante  ses  heureux 
effets  surtout  pour  la  goutte  et  les 
engelures.  Le  troisième  contient  l'é- 
loge  de  la  Bresse  el  des  hommes  il- 


BIG 

lustres  qu'elle  a  produits.  Cet  ouvra- 
ge ,  dit  Guichenon  ,  se  ressent  encore 
de  la  rudesse  du  siècle,  mais  toute- 
fois ilesl  digne  de  louange. L'historien 
de  la  Bresse  en  a  reproduit  un  long 
fragment,    tiré   du  troisième  livre  , 
dans  les  généalogies  des  familles  no- 
bles de  celte  province.  Ou  trouve  a 
la  suite  :    Alectryomachia  ,  id  est 
Galloruin    certamen   cum   pompa 
scholasticorum  Lugduni  acta,  pe- 
tit poème  de  deux  à  trois  cents  versj 
De  adventu  Cœsaris  in  Galliam , 
autre   poème  ,    que  l'auteur    donne 
comme  une  traduction  de  Clém.  Ma- 
rot,  et  deux  /7^«2/,-e5,  Tune  adressée 
aux  saiuts  patrons  de  la  Bresse,   et 
l'autre  a  sainte  Catherine,  patronne 
des  philosophes.  W — s. 

BiGOTÎÈRE  (  Percham- 
BAXJLT  de  la  ) ,  né  a  Reunes,  de  la 
même  famille  que  le  Cinnmentateur 
de  la  coutume  de  Fretagne  [Voy. 
IV,  4S7),  quitta  la  France  plusieurs 
années  avant  la  révolution  avec  sou 
père,  qui  avait  figuré  dans  les  trou- 
bles de  Bretagne  et  dans  les  actes 
de  résistance  du  parlement.  A  l'é- 
poque de  l'émigration  _,  le  jeune  La 
Bigolière  se  rendit  a  Cobleulz,  et 
le  cardinal  de  Rohan,  dont  il  était 
allié,  le  présenta  aux  princes,  eu 
disant  :  a  J'ai  l'honneur  de  présen- 
ce ter  à  V.  A.  R.  le  chevalier  de  La 
K  Bigolière,  mou  parent,  et  le  plus 
te  ancien  émigré,  car  il  est  sorti  de 
«  France  dix  ans  avant  nous.  3>  Cela 
faisait  allusiouala  manière  dont  étaient 
reçus  de  l'autre  côté  du  Rhin  les  Fran- 
çais qui  arrivaient  par  ceux quiavaienl 
émigré  quelques  semaines  avant  eux. 
Apprenant  ensuite  la  levée  d'armes 
de  la  Vendée,  La  Bigolière  passa  k 
Jersey,  el  s'embarqua  pour  la  Bre- 
tagne. Ayant  joint  l'armée  vendéenne 
après  1  occupation  de  Saumur  ,  il 
assista  à  la  bataille  du  Bois-du-Mou- 


BIL 

liu-aux-Chèvres ,  où  il  eut  uii  braa 
fracassé  par  un  boulet.  Ne  voulant 
pas  que  les  soldats  quittassent  le  com- 
Jjat  pour  le  secourir,  il  alla  se  cacher 
dans  une  métairie,  où  il  resta  quel- 
que temps  évanoui ,  et  le  soir  il  eut 
encore  la  force  de  se  rendre  dans  uu 
village  voisin,  puis  k  Cliollet  ,  où  on 
lui  fit  l'ampulaliou  du  membre  fra- 
cassé, et  quelques  semaines  après  il 
fut  guéri.  Etant  retourné  a  l'armée, 
il  reçut  une  nouvelle  blessure,  ce 
qui  ne  l'empêcha  pas  de  suivre  les 
Vendéens  dans  leur  expédition  d'ou- 
tre-Loire. On  a  imputé  h  ce  chef 
royaliste  d'avoir  figuré  dans  la  bande 
noire  ,  ainsi  nommée  parce  que  ceux 
qui  en  faisaient  partie  portaient  en 
signe  de  ralliement  uu  crêpe  noir  au 
bras.  Celte  troupe  ,  composée  en 
grande  partie  d'Allemands  et  de  dé- 
serteurs, commit  beaucoup  d'excès. 
La  Bigotière,  qui  se  fit  remarquer  en 
toutes  circonstances  par  une  grande 
bravoure ,  fut  pris  a  la  déroule  du 
Mans,  en  1794-5  condi.It  k  la  prison 
de  l'Oratoire,  et  fusillé  quelques 
jours  après.  F — t — e. 

BILDERDYK  (Guillaume)  , 
uu  des  plus  grands  poètes  du  siècle, 
et  que  ses  compatriotes  placent  sans 
balancer  a  côté  de  Schiller,  de  Goe- 
the et  de  Byron,  naquit  a  Amsterdam 
en  1766.  Comme  Ovide,  Voltaire, 
et  Pope,  il  raconte  lui-même  qu'il 
balbutiait  déjà  des  vers  sur  les  genoux 
de  sa  nourrice.  Mais  la  poésie  seule 
ne  pouvait  suffire  a  cette  tête  ardente, 
a  cette  vaste  inlelligence  j  son  séjour 
a  l'université  fut  donc  consacré  k  la 
fois  aux  travaux  de  l'imagination  et 
aux  études  si  variées  du  droit ,  des 
langues  anciennes  et  modernes  ,  de 
l'histoire,  de  la  géographie,  de  la 
géologie  ,  des  antiquités  ,  de  la  mé- 
decine ,  et  même  de  la  théologie. 
Génie  puissant  et  élevé,  il  dominait 


BIL 


255 


toutes  les  parties  des  connaissances 
humaines,  si  l'on  en  excepte  la  phi- 
losophie, qu'il  représente  dans  un  de 
ses  ouvrages  comme  propre  k  étouffer 
la  faculté  poétique,  et  k  laquelle  il  fit 
dans  la  suite  une  guerre  bien  autre- 
ment sérieuse.  L'université  de  Leyde 
jetait  alors  le  plus  vif  éclat,  et  ouvrait 
à  la  solide  érudition  une  route  ovl 
l'Allemagne  se  précipita  bientôt  tout 
entière,  laissant  derrière  elle  le  reste 
de  TEuropc.  Bilderdyk  y  étudia  la 
jurisprudence  sous  Bavius  Voorda  et 
Vauder  Keesselj  la  littérature  grec- 
que et  romaine,  sous  W alckenaer  et 
Kuhnkenius  ,  fondateurs  d'une  école 
philologique  que  saluent  encore  de 
leur  reconnaissance  les  Jacobs  et  les 
Crcutzer  ,  les  Hase  et  les  Boissona- 
de.  Ce  commerce  étroit  de  l'antiqui- 
té, auquel  le  talent  ne  renonce  ja- 
mais impunément,  donna  une  trempe 
plus  forte  k  son  esprit ,  et  k  son  style 
l'abondance  ,  la  fermeté  et  la  cor- 
rection, qui  le  caractérisent.  Grand 
homme  anticipé  au  milieu  d'une  jeu- 
nesse étourdie  et  frivole,  il  recher- 
chait la  solitude,  et  travaillait  avec 
une  ardeur  qui  fit  concevoir  des 
craintes  pour  sa  santé.  Ce  fut  en 
1776  qu'il  se  révéla  pour  la  première 
fois  au  public.  La  société  littéraire 
de  Leydc  avait  proposé  un  prix  pour 
le  meilleur  poème  cjui  exposerait 
Tinjluence  de  la  poésie  sur  Le  gou- 
vernement d'un  état.  La  médaille 
lui  fnt  décernée  j  et  il  la  méritait: 
il  avait  su  jeter  de  la  vie  dans 
ce  lieu  cominim,  en  y  introduisant  la 
figure  mâle  de  Tyrtée.  Déjà  sa  ver- 
sification s'y  montrait  brillante  ,  sou- 
ple, riche  de  formes  et  d'images 
nouvelles.  L'année  suivante  il  fut 
couronné  deux  fois:  pour  un  poème  en 
trois  chants,  intitulé  Le  véritable 
amour  delà  patrie ,  et  pour  une  ode 
sur  le  même  sujet ,  ou  lui  adjugea  le 


256 


BIL 


premier  el  le  troisième  prix.  Le  se- 
cond fut  accordé  a  son  amie  Julie- 
Cornelie,  baronne  de  Lannoy,  née 
eu  jjùS  à  Bréda  ,  et  qui  jouit  encore 
de  toute  sa  renommée.  Dès  ce  mo- 
ment la  poésie  hollandaise,  dont  la 
première  moitié  du  dix-huitième  siècle 
avait  vu  la  décadence,  et  qu'une  imi- 
tation malheureuse  des  grands  modè- 
les français  avait  failli  perdre  sans 
ressource,  se  réveilla  brillante  de  fraî- 
cheur el  de  force  ,  comme  au  siècle  de 
Hooft,  de  Vondel  et  de  Cats.  A  vingt 
ans,  Bilderdjk  était  un  des  écrivains 
qui  avaient  le  plus  coopéré  à  celle 
rénovation.  Soutenu  par  le  sentiment 
de  sa  capacité ,  stimulé  par  les  ap- 
plaudissements de  ses  compatrioles , 
il  redoubla  d'efforls ,  exerçant  sur 
lui-même  cette  sévérité  qui  est  le 
gage  d'un  succès  durable.  Ce  fui  alors 
qu'il  publia  sa  romance  à'Elius , 
composition  étendue,  etoùl'on  trouve 
une  foule  de  beautés  de  détail.  Eu 
1779,  il  traduisit  en  vers  XOEdipa 
roi,  de  Sophocle.  Cette  traduclion  , 
aussi  fidèle  qu'élégante,  se  dislingue 
surtout  par  la  couleur  antique.  Le 
i.-avail  s'y  fait  d'ailleurs  si  peuscnlir, 
qu'on  croit  lire  un  original.  La  même 
année  parurent  ses  Loisirs  ou  délas- 
sements, recueil  de  pièces  détachées, 
qui  rivalisent  entre  elles  de  grâces  et 
de  beautés.  Vers  ce  lemp'^,  les  Hol- 
landais, a  l'exemple  de  plusieurs  écri- 
vains célèbres  de  l'Allemagne  ,  tels 
que  Klopslock  ,  Voss ,  Stolberg, 
avaient  commencé  a  écrire  en  vers 
blancs  et  mesurés,  d'après  le  rhy- 
ihme  des  anciens,  qu'avaient  essayé 
d'introduire  en  français  Ronsard  el 
Baïf,  et  après  euxTurgot.  Bilderdyk 
sacrifia  aussi  a  la  nouveauté,  et  in- 
séra quelques  morceaux  eu  versblancs 
dans  ses  Loisirs.  Cet  essai  prouva 
deux  choses  :  l'exlrême  flexibililé  du 
talent  de  l'auteur  et  les  ressources 


BIL 

de  la  langue  dont  il  faisait  usage. 
Mais  il  en  connaissait  trop  bien  le 
génie  pour  recommander  ce  pro- 
cédé comme  un  exemple  a  suivre; 
au  contraire  il  le  condamna  toujours 
avec  force,  et  s'il  n'avait  fait  lui- 
même  des  hexamètres  et  des  pen- 
tamètres, qu'on  a  lus  avec  plaisir, 
principalement  sa  traduction  de  l'^- 
nechoinenos  A' k'pvXè.Hj  on  serait  au- 
torisé k  douter  que  ce  système  de 
versification  puisse  jamais  être  appli- 
qué a  la  laugne  hollandaise,  qui  n'a 
pas  moins  besoin  que  la  langue  fran- 
çaise du  secours  de  la  rime.  —  On 
a  reproche'  a  Bilderdyk  d'avoir  in- 
séré dans  ses  Loisirs  plusieurs  tra- 
ductions d'anciens  poètes  ,  Bion  , 
Théocrile  ,  Anacréon ,  etc.  ,  sans 
que  rien  indique  la  source  d'où  el- 
les sont  tirées,  et  de  s'être  ainsi 
exposé  a  l'accusalion  de  plagiat.  — 
L'année  1780  fut  encore  très-glo- 
rieuse pour  notre  poète.  La  so- 
ciété de  littérature  de  Levde  avait 
proposé,  trois  ans  auparavant  ,  celle 
question  :  La  poésie  et  l'éloquence 
ont-elles  des  rapports  avec  la  phi' 
losophie  ^  et  quels  sont  les  avanta- 
ges que  l'une  et  l'autre  retirent 
</t;  ccV/e- Ci?  Bilderdyk,  c|ui  n'avait 
pas  encore  rompu  avec  la  philosophie, 
répondit  par  un  long  mémoire  qui 
fut  honoré  du  premier  prix,  et  qui 
est  imprimé  daus  le  sixième  volume 
des  œuvres  de  cette  société ,  avec  les 
addilions  faites  par  l'auteur  en  1783. 
Cependant  la  profession  d'avocat,  qu'il 
exerçait  a.  La  Haye  ,  nuisait  a  ses  tra- 
vaux lillérairesj  à  peine  Irouva-l-il 
quelques  iuslanls  pour  chauler,  sous 
le  nom  à' Odilde ,  celle  qui  devint 
son  épouse.  Ces  vers  furent  publiés 
à  l'insu  du  poète,  mais  il  les  revit 
ensuile,  et  on  donna  une  édition  en 
1808,  en  un  volume  in-8°.  Pen- 
dant   l'auuée    1785,  uu   autre   re- 


BIL 

cueil  de  poésies ,  dans  le  genre  aua- 
créonlique  ,  intitulé  Petites  Jîciirs  , 
lui  valut   encore  les   suffi  âges   uni- 
versels. Les  pensées  grandes  et  gé- 
néreuses qu'il  admirait  dans  le  poè- 
me des   Gueux  de  \  an  Haren  et  le 
désir  de  rendre  la  vogue  à  cette  œu- 
vre patriotique  long-tt  raps  négli.^ée , 
lui  inspirèrent  le  dessein  d'en  corriger 
les  parties  qui  lui  paraissaient  défec- 
tueuses. Il  s'associa  dans  celte  vue  au 
célèbre  Feilh,  e1  leur  travail  parut  en 
deux  volumes,  en  j  785.  Il  était  digne 
des   applaudissements   qu'il    obtint  j 
mais  si  dans  celle  refonte   on  devait 
louer  des  vers  plus  châtiés  ,  un  style 
plus  pur,  on  y  regrettait  quelquefois 
le  mo\\\çïQe\i\  prime-sautier  Az  \\n- 
spiraiioo,    la   verve   et     la    vigueur 
de  l'original.   Des  différences  d'opi- 
nions politiques  produisirent   bientôt 
une   rupture   entre   les   deux  poètes 
amis,  qui  depuis  ne  serapproclièrent 
plus,  lildcrdyk  s'était  louiours  mon- 
tré chaud  partisan  de  la  maison  d'O- 
range; Feilli   au   contraire   était   au 
nombre  des  adversaires   du  slalbou- 
dérat.    Avant    que   les  factions    fus- 
sent tout-k-fait  aux  prises  ,    Bilder- 
djk,  encouragé  par  l'accueil  ou'avait 
reçu    VOEdipeRoi,    entreprit    de 
faire  passer  dans  sa  langue  un  autre 
chef-d'œuvre  de  la  scène  grecque  :  en 
I  7  8  9 ,  il  donna  au  public  sa  traduclicn 
de  VOEclipe  à  Colonne ^  qu'il  inti- 
tula la  31ort  d'OEdipe.  L'invasion 
étrangère  suivit  la  guerre   civile,  et 
força  bientôt  le  poète  à  aller,  comme 
le   prince  tbébain  ,   chercher  une  re- 
traite  loin  de  sa  patrie.  Il  se  rendit 
en  Allemagne  ,   puis  en  Angleterre  , 
et  séjourna  long-temps  a  Brunswick. 
Le  malheur,   qui  prête  une  énergie 
nouvelle  aux  âmes  viriles  eu  les  meur- 
trissant, l'habitua  à  fixer  sur  la  pos- 
térité un  regard  plus  sur  et  plus  fier. 
Mais  en  exaltant  son  imagination,  il 


BIL 


257 


commuuiqiia  a  sa  raison  une  amertu- 
me que  sa  vie  toute  solitaire  ne  fit 
qu'accroître  avec  le  temps.  Une  aus- 
térité poignante,  une  intolérance  qui 
parfois  ressemble  a  du  fanatisme,  un 
ton  magistral  et  dur  furent  les  tristes 
fruits  de  cet  isolement.  En  Angleter- 
re, Bilderdjk  ouvrit  des  cours  de 
poésie  très-fréquenlés  ;  et,  ce  qui 
est  digue  de  remarque,  c'est  eue 
pour  être  généralement  compris,  il 
se  servit  de  la  langue  française  , 
qu'il  maniait  très-bien,  et  contre  la- 
quelle il  a  affiché  les  préventions  les 
plus  injustes.  Pieconnaîtrait-on  en 
effet  la  langue  de  Racin^  dans  cette 
soxde  juvénaliejine ,  où  la  beauté  des 
vers  ne  saurait  faire  excuserl'injustice 
de  lapeusée?aiIi«(2/'weg-/«efM,  etc. 
ce  Loin  d'ici ,  jargon  aux  sons  bâtards, 
ce  glapi  par  les  hyènes  et  par  les 
ccichacals,  renié  par  ta  postérité 
ce  comme  tu  as  renié  ton  origine, 
ce  crée  pour  la  moquerie  qui  se  joue 
ce  de  la  vérité  5  ta  prononciation  ua- 
ee  sillarde  et  mal  articulée  sait  à  peine 
ce  se  faire  entendre.  Exécrable  fran- 
ce  çais  !  tu  n'es  digue  que  du  diab'e  , 
ce  toi  qui  veux  t'emparer  du  monde 
ce  avec  tes  contorsions  de  singe.  » 
Ce  trait,  créé  pour  la  moquerie  qui 
se  joue  de  la  vérité ,  rappelle  un 
passage  fameux  du  Ff^  ilhelin  Meis- 
ter  At  Goethe.  Il  est  impossible  au 
reste  d'être  plus  brutal  et  plus  pas- 
sionné. Le  poète  se  venge  sans  géné- 
rosité du  mépris  que  nous  avons  quel- 
que! ois  prodigué  sans  connaissance  de 
cause  à  la  littérature  de  son  paysj 
et  quand  on  songe  que  zt\  exécrable 
français^  il  le  parlait  avec  une  facilite' 
rare ,  on  est  tenté  de  lui  appliquer 
ce  que  disait  Voltaire  d'AchiJe,  qui 
s'em.portait  contre  la  gloire,  ou  du 
père  ^lalebranche,  doutla  brillante 
imagination  s'efforçait  de  détrôner 
l'imagination.    Le  talent  particulier 


LVIU. 


ajô 


BIL 


de  Bilderdyk  est  l'art  de  conter  en 
vers  :  la  nalure  l'avait  créé  conteur. 
Alors  il  oublie  ses  animosités  ,  ses 
préjugés,  ses  vieilles  rancunes;  les 
images  pillorescjues,  les  idées  ingé- 
uieuses  ,  les  détails  imprévus  se  pres- 
sent sous  sa  plume  ,  et  ilcaptive  parce 
(pi'il  commence  par  être  captivé  Itii- 
luème.  hes  Poésies  diverses,  dont  il 
publia  deux  volumes  en  1799,  atles- 
ient  au  plus  haut  degré  ce  que  nous 
venons  d'avancer.  Outre  un  poème 
didactique  sur  V Astronomie  et  des 
traductions  dOssian,  qu'il  annonce 
avoir  été  faites  non  pas  sur  l'anglais 
deiMacphersou,  mais  sur  les  originaux 
mêmes,  ce  recueil  contient  des  ro- 
mances cl  des  contes,  dont  le  tour 
est  aussi  heureux  que  la  versificalioa 
en  est  gracieuse  et  piquante.  Quelque- 
fois il  imite;  mais  ses  imilatlons  sont 
si  libres,  si  indépendantes,  qu'elles 
peuvent  passer  pour  appartenir  eu 
propre  à  l'auteur.  Le  joii  conte  de 
Voltaire,  Ce  qui  plaît  aux  daines, 
dont  le  fonds  est  emprunté  à  Chau- 
cer,  est,  ainsi  qu'il  le  dit  lui-même, 
tout-afa  l  liollandisé  [verliollan- 
dcht).  Au  surplus,  les  personnes 
qui  n'enleudcnt  pas  l'idiome  batave 
sont  en  état  d'apprécier  la  manière 
de  BiMerd\k,  eu  lisant  la  iiadiclion 
en  vers  français  qu'a  risqué^  M.  L.- 
\.  Raoul  de  la  pièce  intitulée  l'Im- 
précation^ dans  ses  Leçons  de  liilé- 
ratuiehollandaise(Rruxt]\.,  1  829). 
Deux  aulies  volumes  de  poésies  pa- 
rurent en  i8o5,  ainsi  qu'une  Imita- 
tion de  r Homme  des  champs  de 
Delille,  qu'il  rendit  complèlemenl 
bollandais,  et  au([uel  il  enleva  tou- 
tes les  petites  grâces,  que  n'avait 
pas  eu  !c  courage  de  s'interdire  un 
écrivain  traité  aujourd'hui  avec  tant 
d'injustice ,  mais  qui  n'en  restera 
pas  moins  notre  premier  vcrsilica- 
teur.    Dans   sa   Préface,  Eilderdvk 


BIL 

devança  les  jugements  sévères  dont 
Delille  a  été  l'objet ,  et  sembla  pren- 
dre l'engagement  lie  dénigrer  tout  re 
qu'il  voudrait  bien  imiter  a  l'avenir. 
L'Homme  des  champs  tut  une  se- 
conde édition  en  1821.  Quoiqu'il  se 
plaignîl  des  glaces  de  l'âge  ,  la  verve 
de  Edderdyk  semblait  inépuisable. 
Sa  fécondité  ,  loin  d'être  le  résullat 
de  la  facilité  malheureuse  d'un  Scu- 
déry,  enfantait  co:ip  sur  coup  des 
productions  également  remarquables 
par  la  pensée  et  par  le  style,  et 
offrait  uu  phénomène  qui  n'a  rencon- 
tré de  point  de  comparaison  que  dans 
les  deux  hommes  prodigieux  cités 
avec  un  juste  orgueil  par  la  France 
et  l'Allemagne  pour  l'unlversalilé  de 
leurs  connaissances  et  la  variété  irti  r- 
veilleuse  de  leurs  talents.  Eu  i8o4,  il 
mil  au  jour  trois  volumes  de  J\lé- 
langes ;  tn  i  8o5,  le  poème  de  /^//j- 
g^rt/j  d  aprèsOssian  5  en  1806,  deux 
volumes  de  Nouveaux  mélanges  en 
prose  et  en  vers ,  dont  le  preniler  est 
presque  entièrement  consacré  à  des 
matières  religieuses,  et  dont  le  se- 
cond contient  les  poèmes  d^yJsse/iède 
et  à'' Achille  à  Scyros;  en  1807  , 
deux  volumes  destinés  a  compléter  le 
recueil  de  i8o3,  el  uu  poème intilulé 
les  Maladies  des  savants,  dont  on 
a  blâmé  le  sujet,  mais  qu'il  serait 
impossible  de  ne  pas  louer  sous  le 
rapport  de  l'exécution.  Uu  des  épiso- 
des conduit  le  poète  au  fond  des 
enfers,  comme  le  Dante,  qu'il 
imite  encore  avec  sa  libellé  accou- 
tumée. Il  jette  les  yeux  autour  de 
lui ,  et  voit  avec  horreur  qu'il  est  en- 
touré d'une  foule  lunoiubrable  de 
maux  physiques  et  moraux.  Cette 
peinture  est  d'une  vigueur  effrayante. 
En  1822,  M.  J.-H.  Rraane,  connu 
par  un  poème  intitulé  la  Littérature 
^française,  qui  parut  en  1804.,  sou- 
mit au  public  quelques  échanlilloos 


BIL 

d'une  Iradiicliou  envers  de  l'ouvrage 
de  Bildcrdyk.  Depuis  1806  ,  et  non 
pas  depuis  1799,  ainsi  qu'on  le  lit 
dans  la  Gnlerie  des  contemporains 
et  le  Dictionnaire  de  la  conversa- 
tion,  il  était  revenu  dans  sa  pairie, 
où  il  avait  été  accueilli  avec  un  légi- 
time enthousiasme.  Sou  poème  sur 
les  maladies  des  gens  de  lettres  fut 
a  la  lois  un  bon  ouvrage  et  une  bonne 
action.  Il  en  abandonna  le  produit 
aux  infortunes  que  le  désastre  de 
Leyde  avait  plougés  dans  la  détresse. 
Luuis-jNapoléon  cherchait  à  se  ren- 
dre populaire,  et  savait  y  réussir  5 
il  choisit  pour  sou  maître  de  lan- 
gue hollandaise  le  plus  beau  génie 
de  la  nation  dont  un  décret  impé- 
rial l'avait  fait  roi  ;  le  combla  de 
marques  de  faveur  et  le  nomma 
président  de  la  seconde  classe  de 
l'iuslllut  fondé  K  Amsierdam  à  Tiu- 
slar  de  celui  de  Paris.  Sensible  h 
ces  avances  de  bon  goût,  Bilderd\k 
ne  crut  pas  renier  ses  anciennes  affec- 
tions eu  acceptant  les  bienfaits  d'un 
honnête- homme  devenu  roi.  Datis 
celte  période  de  sa  vie  ,  ses  écrits  se 
miiiliplièrent  et  se  soulinrenta  la  hau- 
teur de  ses  premiers  chefs-d'œuvre. 
Sasecoudefemme,Will)elniine,pHcte 
distingué  elle-même,  si-mblait  l'inspi- 
rer et  l'encourager.  Voulant  ne  res- 
ter étranger  a  aucune  partie  de  la  poé- 
sie ,  il  composa  plusieurs  tragédies, 
qui,  sans  avoir  eu  de  succès  sur  la 
scène,  n'en  font  pas  moins  d'honneur  à 
l'écrivain.  Cw/7/rt«/«e  I^'  de  llollan' 
de,  Korniak  ,  Cinna ,  d'après  Cor- 
neille, avec  une  dissertation  sur  la 
tragédie,  où  les  classiques  français 
ne  sout  guère  plus  épargnés  que  ne 
l'avait  été  Delille ,  furent  imprimés 
en  1808,  3  vol.  in-8°,  avec  deux 
tragédies  de  madame  Bilderdjk, 
Elfride  et  Iphtgénie  en  Aiilide, 
4'après  Racine.  La  même  année  fut 


iJIL-  aày 

dotée  encore  des  Fleurs  d'autom- 
ne ,  d'un  poème  sur  le  Désastre 
de  Leyde  ,  d'une  traduction  des 
Hymnes  de  Callima  ,ue  ^  de  Fia- 
ris  y,  tragédie  allégori(|ue  composée 
pour  célébrer  la  translation  du  gou- 
vernement k  Amsterdam,  erdoni.ée 
par  le  roi  Louis  •  du  Chant  funèbre 
dlbn  Doreid  (deuiième  édition  .  la 
première  est  de  1790);  enfin  d'une 
imitati.m  de  V Essai  sur  l'iionmie  de 
Pope,  queBilderdvk  ajoute  aux  illus- 
tres viclimcs  de  la  bizarre  acrimonie 
de  ses  jugements.  Yoici  les  litres  des 
poésies  qu'd  mit  sous  presse  en  1809: 
l'Arrivée  du  roi  au  trône  ,  i  vol. 
in-S"*  Poésies  éparses,  2  vol.  in-S", 
dans  lesquelles  on  doit  accorder  une 
mention  particulière  à  sou  imitation 
du  Pervigiliuni  Veneris,  ainsi  qu'à 
des  traductions  de  plusieurs  odes 
d  Horace  j  d'une  ode  de  Pindare  ,  du 
commencement  de  1  Iliade  ,  d'une 
idylle  de  Théocrile,  de  Théroïde  de 
Saphoà  Phaon  d'Ovide,  etc.  Mais 
n'oublions  pas  que  lorsque  Bilderdyk 
se  propose  de  traduire,  sou  modèle 
n'est  en  quelque  sorte  que  le  thème 
d'une  composition  nouvelle,  et  qu'il 
le  quitte  ,  le  modifie  ,  y  ajoute  ou  eu 
retranche,  au  gré  de  sa  fantaisie. 
Depuis  long-temps  la  critique  litté- 
raire ,  qui ,  en  Hollande  comme  dans 
tous  les  pays  où  les  talents  vivent  en 
famille,  manque  d'aulorilé  et  de  di- 
rection ,  ne  parlait  de  Bilderdyk  que 
pour  l'admirer,  et  n'osait  pas  même  , 
parmi  la  mullilude  de  ses  excellents 
ouvrages,  signaler  quel([ues  ccmposi- 
tions  qui  mauquent  totalement  de  goût 
et  d'intérêt.  Tel  esl,  eu  effet,  le  pou- 
voir d'une  haute  célébrité,  qu'elle  fait 
fermer  les  veux  jusque  sur  les  défauts 
les  plus  choquants.  Bdderdyk  vi- 
vant avait  dominé  l'envie  et  jouissait 
■de  ces  hommages  qu'on  n'accorde 
volontiers  qu'aux    tombeaux.    Mais 


a6o 


BIL 


quelques  transports    qu'il  inspirât  , 
ces  applaudissements  ne  pouvaient  le 
distraire  de  la  noire  mélancolie  a  la- 
quelle vint  le  livrer  la  mort  de  pres- 
que   tous  ses  enfants.  Il  ne  trouvait 
de  consolation  que  dans  ses  travaux 
littéraires,  qui,  cliose  étonnante  ,  ne 
portent  aucune  empreinte  du  décou- 
ragement de  son  âme.    Le  titre  seul 
des  poésies  qu'il  pulilia  en  i8i  i  ,   a 
celte  époque  si  funeste  de  sa  vie,  tra- 
hit  les  émotions    douloureuses   dont 
il  était  assailli.  Le  deuxième  volume 
de     ses  Fleurs    d'hher  offre   uue 
pièce  de  vers   qu'il  récita  cette  an- 
née dans  une  séance  de  la  société  des 
sciences  et  arts  d'Amsterdam  j  mais 
ce  n'est  que  la  premièie  partie,  la 
dernière    avant    été   supprimée  par 
la  basse    obséquiosité  de    la    police. 
Ce  poème  contient  les  Adieux  que 
Bilderdjk    avait  adressés    aux    Mu- 
ses dès   1799.  Il  respire  d'un   bout 
a  l'autre   uue    sensibilité    noble    et 
vraie ,   une    mélancolie  profonde   et 
touchante.  L'auteur  y  fait  uue  réca- 
pitulation de  sa  vie  ,  qui  a  été  ,  dit-il, 
une  succession  continuelle   de  souf- 
frances et   de  maux  insupportables  5 
il  n'en  exclut  pas  même  un  dénuement 
complet  et  la  misère  avec  son  hideux 
app;'.rel!  ,  la  misère  (jui  le  força  quel- 
quefois  de    prostituer  sa  plume  aux 
libraires,  et  d'écrire  avant  que  l'heure 
de  l'inspiration  eût  sonné.    En  rap- 
procbant  de  ce  sub'ime    discours  le 
morceau  intitulé  Néron  â  la  pos- 
térité,   on  est  tenté  de  demander, 
avec  M.  Von  Kampen,  si  Xénophon 
n'a  pas  eu  raison   de  donner  deux 
âmes  a  1  homme.  En  effet ,   dans  ce 
dernier  poème  l'auteur,  aussi  para- 
doxal que  Linguet,   entreprend  l'a- 
pologie du  meurtre  d'Agrippine.  A 
côté  de   ce   dégradant  plaidoyer  en 
faveur'  du  panicide ,  on  lit  des  vers 
élincelanls  d'uue  gaîlé  moqueuse  ,  où 


BIL 

sont  traduites  en  ridicule  les  sociétés 
poétiques  du  dernier  siècle.  Un  autre 
poème  ,    intitulé    le    Hollandais , 
pourrait ,  de  même  que  le  précédent, 
obtenir  tous  les  suffrages  ,  s'il  n'était 
défiguré  par  une  partialité  révoltante, 
dirigée  principalement  contre  la  lan- 
gue allemande,  qu'il  appelle  un  ab- 
ject et  perpétuel  barbarisme ,  dont 
il  place  les  partisans  dans  des  char- 
rettes de  fumier.  Ces  épigrammes  , 
sans    finesse   et  sans  atticisme,   sont 
en  général  trop  familières  a  Bilder- 
dyk  dans  ses  accès  d'hypocondrie;  car 
pour  cette  sorte  d'injustice  en  elle- 
même  ,  elle  n'est  pas  tout-a-fait  irré- 
missible ,  attendu  le  grand  nombre 
d'hommes    distingués   (|ui    s'en  sont 
rendus  coupables.    Si  le  poète  avait 
été  mordant  et  fidèle  aux  convenan- 
ces, on  luiauralt  peut-être  pardonné 
de   renvoyer  aux  étrangers  les  traits 
malins  qu'ils  n'ont  pas  épargnés  à  ses 
compatriotes;  car  tout  le  monde  sait 
qu'on  a  généralement  fait  desHol'an- 
dais  des  espèces  de  caricatures  au  phy- 
sique et  au  moral.  Dans  les  Mémoires 
de  Byron^    par  exemple^  i^  J  ^  "ne 
censure  fort  irréfléchie  de  Vondel  \ 
Waller-Scott  s'égaie  volontiers   aux 
dépens  de  la  lourdeur  balave  ;    le 
satirique  allemand  Lichtenberg    dit 
quelque  part  a^un  due  fait  sur  lui 
l'effet  d\in  cheval  traduit  en  hol- 
landais.   Les   Français  ne    se    pi- 
quent pas  toujours    d'équité   envers 
leurs  rivaux.    Il  n'y  a  guère  que  les 
romantiques  qui  aient  combattu  les 
préventions  des  beaux-esprits  de  Pa- 
lis,   et   encore   n'ont  ils  vanté  avec 
exagération  Shakspear  ,    Schiller  , 
Goethe,  que  pour  leur  impuler  leurs 
propres  défauts.  —  L'abdication  de 
Louis,   a  la  suite  de    laquelle   eut 
lieu  la  réunion  de   la  Hollande  h  la 
France,  réunion  dont  en  assure  qu'Es- 
ménard  fut  à -la -fois  l'avocat  et  le 


Bîî, 

censeur  officiel  (i),  fit  perdre  k 
Bilderdvk  la  pension  qu"ii  devait  a 
la  liliéralité  de  ce  prince,  et  sa  po- 
sition deviul  exlrèmeraeul  criliqiie. 
Quel  que  fût  le  mérite  de  ses  ou- 
ourrages,  observe  M.  \an  Lennep  , 
ils  ne  pouvaient  cependant  pas  lui 
fournir  les  moyens  de  vivre.  Le  nom- 
bre des  lecteurs  et  des  amis  de  la 
poésie  en  Hollande  n'est  pas  assez 
considérable  pour  qu'un  écrivain 
puisse  espérer  de  trouver  des  ressour- 
ces bien  productives  dans  ses  talents 
littéraires.  Yondel ,  le  premier  des 
poètes  hollandai  -,  n'a  jamais  été  riche  j 
Nomz  ,  très-bon  poète  ,  est  mort  à 
l'hôpital  •  et ,  malgré  la  révolution 
favorable  qui  s'est  opérée  presque 
partout  dans  la  condition  des  gens  de 
lettres,  aucun  poète  de  la  Hollande  , 
dénué  des  dons  de  la  fortune,  n'a  pu 
s'enrichir  par  ses  productions,  qui 
ont  cependant,  fondé  l'opulence  de 
quelques  libraires  ,  puisqu'il  est  d'u- 
sage dans  ce  pays  qu'un  auteur  ne 
conserve  presque  jamais  la  propriété 
de  son  ouvrage,  mais  qu'il  la  cède  a 
l'imprimeur  movennant  un  honoraire 
très-modique.  D'ailleurs  l'état  de  dé- 
tresse où  la  Hollande  se  trouva  ré- 
duite alors  n'était ,  on  le  pense  bien  , 
nullement  favorable  aux  lettres.  Eil- 
derdyk  ,  ne  trouvant  pas  même  à 
Amsterdam,  où  il  demeurait ,  de 
libraires  disposés  a  faire  l'acquisi- 
tion des  écrits  qu'il  avait  encore  en 


(i)  Il  fallait  an  gouvernement  impérial  un  ('cri- 
vdin  qui  composât  à  l'heure  même  un  hean  faclitm 
destiné  à  faire  sentir  aux  Hollandais  l'honneur 
qu'on  pretendint  leur  faire.  I.a  police  disigna 
Êsménard.  De  leur  côté,  les  amis  de  l'indépen- 
dance balave  cherchèrent  un  écrivain  dont  la 
plume  eiercé«  et  facile  pût  répondre  dans  l'instant 
à  ce  manifeste.  On  leur  indiqua  encore  Esménard. 
Soit  que  leur  cause  fut  meilleure ,  soit  qu'ils 
eussent  mieux  payé  que  le  duc  de  Rovigo ,  la 
réplique  se  trouva  bien  supérieure  à  l'attaque. 
Napoléon,  surpris,  voulut  savoir  qui  avait  osé 
avoir  riiison  contre  lui.  Mais  en  apprenant  qne 
c'était  l'auteur  du  poème  de  la  ?i<i,igation  ,  il 
rit  et  fut  désarmé. 


BIL 


a6i 


portefeuille ,    fut    obligé    d'en  aller 
chercher  un  dans  une 'province  éloi- 
gnée   de    la   capitale.    Ou    connais- 
sait   en    Hollande   son    allacbement 
au  roi  Louis ,   et   les    libraires  ds 
cette    province    craignaient   en    im- 
primant un  ouvrage  sorti  de  sa  plume 
de  se  compromettre  vis-a-vls  du  gou- 
vernement français  ;   mais  la  presse 
était  moins  esclave  a  Groningue ,   et 
c'est   là  ,    qu'en    1 8 1 3  ,   Bilderdjk 
publia    deux    ouvrages  en     prose  , 
sans  nom  d'auteur.  L'un  est  une  Re- 
lation curieuse  d'un  voyage  aéro- 
statique et  de  la  découverte  d'une 
nouvelle    planète ,    prétendue   tra- 
duite   du  russe.    On    ne    comprena 
pas  trop  le  but  de  cette  brochure  , 
moins  amusante  que  le  Voyage  dans 
Il  lune   de   Cyrano    de  Bergerac  ; 
aussi  est-elle,   dès   son  apparition, 
tombée  dans  l'oubli.  L'autre  est  un 
Traité  de  géologie,  et  le  premier 
k    notre    connaissance    qui    ait    été 
écrit  en  hollandais  .  Les  observations 
qu'il  renferme  sont  la  plupart  puisées 
dans  les   ouvrages  de  Saussure ,    de 
Dolomieu  ,    et   surtout    de    Deluc. 
Elles  s'accordent  d'ailleurs  avec  les 
idées  religieuses,    et  servent  princi- 
palement  k  corroborer  les  récits  de 
Moïse    sur  la   création    du  monde. 
La  Hollande  recouvra  enfin  son  in- 
dépendance ,  et  confia  de  nouveau  ses 
destinées  k  une  famille  qui  lui  avait 
conquis  la  liberté  et  le  honheur.  Bil- 
derdyk  sentit   se  réveiller   tout    son 
amour  pour  la  maison  d'Orange,  au 
retour  d'un  de  ses  plus  digne»  re- 
présentants. Sa  femme  et  lui  enton- 
nèrent des  chants  de  triomphe  et  d'al- 
légresse ,  où  l'on  sent  la  preuve  que 
sa  muse  était  faite  pour  l'expression 
des  sentiments    élevés  et  généreux  , 
et  non  pour  celle  de  la  haine   et  du 
fanatisme.    Le    volume    intitulé    la 
Délivrance  de  la  Hollande,   im- 


9r>2  BÏL  BIL 


i; 


;)rimé  en  i8i4,  contient  la  fin  du  poème  également  satirique.  C'est 
eau  poème  Inséré  clans  ses  Fleurs  vers  cette  époque  qu  il  s'éloigna 
d'hiver  ,  où  le  poète  rend  avec  d'Amsterdam  pour  se  fixer  à  Leyde. 
une  noble  modestie  h  ses  jeunes  ému-  Le  gouvernement  avait  cherché  a 
les  la  justice  qui  leur  est  due  5  ii  pré-  améliorer  sa  position  ,  et,  il  faut  le 
dit  a  sa  patrie  u'e  jirochaine  renais-  dire,  n'avait  pas  eu  une  idée  très- 
sance  a  la  naliona'ité.  Cette  même  heureuse  en  le  nomtv/ant,  en  18 15, 
année  il  publia  encore  deux  tomes  de  auditeur  mi'itaire.  Aussi  ne  garda-t- 
poésies,  qu'il  \iAi\vC  a.  Asphodèles  ;  il  pas  long-temps  celte  place.  Il  rc- 
c'esile  nom  de  plantes  qui,  selon  Ho-  nonça  également  a  sou  fauteuil  aca- 
mère,  croissent  à  l'entrée  de  l'empire  démique  ,  car,  sa  misanthropie  ayant 
des  morts.  Les  di'ux  morceaux  les  fait  des  progrès  avec  l'âge,  il  était 
plus  brillants  sont  un  poème  sur  le  tombé  dans  un  état  pareil  a  celui  de 
Mariage  ^  et  un  autre  iûtitulé  le  l'auteur  d'£'/«//Ê';  comme  lui,  il  re- 
P'rai  Bien.  Lorsqu'en  1  8  1  5  Na-  poussait  la  main  amie  qui  cherchait 
poléon  ,  en  l'honneur  duquel  il  avait  a  consoler  sa  vieillesse ,  et,  empoi- 
pourlant  rimé  une  Ode  pindarique^  sonnant  par  le  soupçon  les  relations 
et  dont  11  avait  célèbre  le  mariage  ,  les  plus  douces,  afiFeciait  des  bizarre- 
reviiit  de  l'île  d'Elbe  et  sembla  ries  extérieures  dont  gémissaient  les 
menacer  le  trône  qui  a  été  ren-  sincères  appréciateurs  de  sou  raé- 
versé  plus  tard  ,  Bilderdjk  fut  l'un  rite.  Bien  des  personnes  se  sou- 
des premiers  a  crier  aux  armes  5  ce  viennent  d'avoir  vu  Bilderdyk  parcou- 
qu'il  fit  dans  uu  morceau  lyrique,  rir  les  rues  d'Amsterdam  en  traîneau, 
admirable  de  tous  pnints,  et  où  la  revêtu  d'une  robe  de  chambre,  la 
faiblesse  du  sexagénaire  ne  se  laisse  tèle  enveloppée  d'une  servielle,  la 
aucunemint  apercevoir.  En  181  5  pa-  barbe  longue  et  négligée,  et  de  Pa- 
rurent aussi  son  Dévouement  à  le  voir  ensuite  vu  k  Leyde  dans  une 
Tnaisoncl' Orange ;Guillaume-F ré-  demeure  qui  neretiaçait  ni  cet  ordre 
déric,  rai  des  Pays-Bas,  chant  de  ni  celte  propreté  devenus  prover- 
fète  ,  et  ses  Transports  patrioti-  bes  en  Htdlaude;  mais  il  n'en  con- 
^«^5,  qui  contiennent  vingt-huit  poè-  tinnait  pas  muins  d'écrire.  En 
mes  tant  de  lui  que  de  sa  femme.  1819,  il  publia  avec  sa  femme  de 
En  1817,  ses  amis  se  demandaient  Nouveaux  mélanges  et  un  Hom- 
si  quelques  fleurs  ne  pousseraient  pas  mage  à  la  mémoire  de  J .-TV . 
sur  la  tombe  de  celui  qui  en  avait  Bilderdyk.  En  1820  ,  il  composa 
tant  produit  pendant  sa  vie.  Le,  mort  seul  les  Fust  gâtions  morales  à  la 
tout  étonné  leva  la  tête  de  son  manière  de  Perse  ;  en  1821,  la 
cercueil,  leur  fil  présent  des  Nou-  Guerre  des  souris  et  des  grenouil- 
veaux  rejetons ,  et  bientôt,  ressus-  les  el  les  Broufdles,  qui  conliennent 
citant  loul-a-fait,  leur  offrit  Ze^/n//c  quelques  héroïdes  et  des  imitations 
et  le  rose,  litre  bizarre,  qui  faisait  d'Horace.  INous  ne  disons  rien  du 
allusion  aux  cheveux  blancs  du  poète  Chant  de  la  cigale  (  1822)  ni  de 
unis  aux  joues  de  rose  de  sa  compa-  l'Echo  des  rockers  (  1824  )  ,  où 
gne.  Dans  les  Nouveaux  rejetons  il  déclame  contre  les  idées  les 
se  trouve  nue  pièce  du  genre  face-  plus  saines,  contre  les  hommes  les 
iieux  sur  les  Mystifications  du  plus  recommandables  donfc  s'énor- 
l"  d'avril.  Les  Animaux  Honl  un  gueillit  l'époque  actuelle,  el  voue  au 


BÏL 

mépris  non  seiilemcnl  les  sages  amé- 
liorations politiques,  raiis  encore  la 
vaccine  et  d'autres  bienfaits  accordés 
à  Tespèce  humaine.  Ce  délire,  qu'a 
p.irtagé  son  disciple  d'Acosla,  lui  a 
inspiré  son  Traité  de  droit  naturel, 
où  tons  les  principes  gothiques  ,  fruit 
de  l'ignorance  du  moyen  âge,  sont 
préconisés  comme  des  vérités  incon- 
testables, comme  des  oracles  de  la 
sngesse  :  déplorables  folies,  (jni  ont 
été  réfutées,  avec  toute  la  pnissance 
d'une  raison  supérieure,  par  M.  J. 
Kmker  dans  ses  Lettres  à  M .  Paul 
Pan  Heinert,  Amst.,  1823,  in-8". 
Eildtrdjk  a  mérité  une  gloire  plus 
solide,  en  qualité  de  grammairien, 
par  ses  Variétés  grammaticales  et 
poétiques ,  par  Sf  s  Observations 
sur  Huydecoper  (1828),  par  son 
Traité  sur  le  genre  des  substan- 
tifs dans  la  langue  hollandaise 
(i8o5-i8i8,  et  depuis  sa  mori), 
par  son  Tableau  des  genres  d'après 
des  règles  Jixes  et  positives  (1822). 
INous  ne  mettrons  pas  au  même  rang 
ses  Dissertations  sur  l'art  drama- 
tique (1823),  quoique  quelques-unes 
de  ses  remarques  soient  de  nature  a 
plaire  aux  novateurs  modernes.  Bil- 
di^rdjk  signa,  en  1808,  un  ou- 
vrage de  botanique  intitulé  Expo- 
sition et  défense  de  ma  théorie  de 
r organisation  végétale  ,  par  M. 
Brisscau-Mirhel,  franc,  et  allem.  , 
La  Hâve  ,  in-8°.  On  a  aussi  de 
lui  :  Observationes  et  emendatio- 
nes  juris ,  signées  Guillaume  de 
Tejsterband ;  car,  entre  ses  singu- 
larités ,  la  moins  étonnante  n'est  pas 
la  manie  qu'il  avait  de  descendiedps 
anciens  comtes  de  Teyslerband.  Il 
faut  avouer  pouitant  qu'il  est  difficile 
d'-résisti-r  aux  arguments  par  lesquels 
il  prouve  celte  descendance,  argu- 
ments qui  paraissent  ne  devoir  pas 
être  confondus  avec  ceux  dont  se  sert 


lilL 


a6'j 


Jos.  Scaliger  pour  étnblir  ses  droits 
à  la  primijauté  de  Vérone.  Bilder- 
djk  ne  dédaigna  pas  le  rôle  d'édi- 
teur et  de  commentateur;  le  troisiè- 
me volume  deMaerlant  est  enrichi  de 
ses  notes,  et  une  édition  in-18  de 
Huvgens  porte  son  nom.  Wais  le 
plus  beau  titre  de  sa  vieillesse,  et  qui 
honore  sa  vie  entière  ,  c'est  la  Des- 
truction du  premier  monde.  Il  lui 
restait  a  aborder  'a  poésie  épique,  et 
dans  les  i  inq  premiers  chants  de  cette 
grdude  ipcpée,  qu'il  n'a  pomt  lei  mi- 
née ,  il  nous  transporte,  nouveau 
Millon,  au  milieu  des  primitifs  ha- 
bitants de  la  terre  ;  il  nous  montre 
dans  ses  majestueux  tableaux  une  race 
d'aboi  d  pure  et  céleste,  séduite  cnSri 
par  les  tentations  terrestres,  et  nous 
peint  les  fils  d'Adam,  de  Seth  et  de 
Caïn,  dégénérés,  il  est  vrai,  mais  en- 
core animés  de  toute  la  vigueur  ju- 
vénile des  preniiers-nésde  la  création. 
C'était  par  ce  n-agniBque  ouvrage 
qu'il  lui  convenait  de  terminer  sa 
carrièie,  au  lieu  d'éparpiller  son  gé- 
nie dans  une  foule  d'écrits  oii  se  ré- 
vèle toujours  la  plume  du  maître  , 
mnis  qui  n'ont  ni  la  perfection  ni  lin- 
lérél  qu'en  est  en  droit  d'exiger  de 
lui.  Bilderdyk,  dont  le  Dictionnaire 
de  laconversation  et  de  la  lecture 
parle  en  i853  comme  s'il  était  vi- 
vant ,  est  mort  h  Hnarlem  le  18  di-'- 
cembrei83i.  Il  fut  enterré  dans  la 
grande  église  de  celle  ville.  Le  4 
février  suivant  ,  la  chambre  de  rhé- 
torique ,  sous  la  devise  Liefde  bovc- 
nal{  l'amour  avant  tout),  lui  a  consa- 
cré un  mausolée.  Le  roi  des  Pays-Bas 
voulant,  de  son  côté,  honorer  la  mé- 
moire de  ce  grand  humme,  a  fait 
exécuter  son  buste  par  M.  Rover, 
sculpteur,  ne'  k  Malines.  Plusieurs 
écrits  et  notices  ont  élé  publiés  a 
l'occasion  de  sa  mort  5  nous  indique- 
rons :  I.    Gedenkzeul  voor   W> 


204 


BIL 


Bilderdyk  (MoDument  élevé  k  Bil- 
derdyk),  Amsterdam,  i834,  iu-8". 
Ce  livre,  dont  l'Ami  de  la  patrie 
(  Vriend  des  f-'^aderlands)  a  donné 
un  extrait,  i854-,  VIIl'^  partie, 
contient  une  dissertation  de  M.  Guill. 
de  Clerq,  écrivain  distingué  lui-mê- 
me et  improvisateur  hollandais,  dans 
laquelle  il  considère  Bilderdyk  comme 
poète.  II.  M.  Slegenbeck,  professeur 
aLeyde,  et  qui  a  été  le  législateur 
de  sa  langue,  prononça  Téloge  du 
défunt  dans  le  sein  de  la  société  de 
littérature  de  Leyde,  eu  i832.  III, 
Le  Letterbode  ,  ou  Coiiirier  des 
lettres,  etc.,  pour  1802,  mentionne 
encore  d'aulres  notices  par  MM.  C. 
de  Koning  et  J.  Van  Walré.  IV.  Un 
Supplément  [aanhaiigsel]  au  Dic- 
tionnaire général  des  sciences  et 
des  arts  [Algemeen  woordenboek 
van  kunstew  en  TV etenschappen  ^ 
Zutplien  ,  182  0-1829),  Supplément 
publié  a  iSimègue  en  i853,  offre 
deux  bons  articles  sur  Bilderdyk  et 
sa  femme.  M.  d'Acosla  ,  associé  na- 
guère aux  passions  de  Bilderdyk , 
prépare  en  ce  moment  sa  biographie. 
—  Cet  écrivain  fécond  a  laissé  de 
nombreux  manuscrits,  confiés  la  plu- 

Earl  h  M.  le  professeur  Tydeman, 
ien  digne  k  tous  égards  de  recueillir 
une  pareille  succession.  Le  principal 
de  ces  ouvrages  posthumes  est  une 
Histoire  de  la  Hollande  ^  qui  doit 
avoir  dix  volumes  ia-8"  5  M.  Tyde- 
man eu  a  publié  cinq  jusqu'ici  (i*'' 
sept.  i854-).  A  celte  composition  ca- 
pitale il  faut  ajouter  deux  volumes 
de  poésies  [Nalezingen)  ,  deux  de 
Mélanges  de  philosophie  et  de 
théologie,  et  un  de  Sermons  tra- 
duits de  Merle  d'Aubigné,  ancien 
prédicateur  évangélique  à  Bruxelles. 
Ces  cinq  volumes  ont  déjà  é lé  livrés 
au  public.  M.  Tydeman  a  encore  en- 
tre li's  mains  des  notes  phllologico- 


BIL 

critiques, en  latin,  sur  le  Corpus  j'u" 
ris  et  différents  auteurs  anciens,  et 
s'occupe  de  la  publication  des  Leçons 
sur  la  connaissance  de  la  langue 
hollandaise.  Enfin  ,  une  Notice  sur 
Bilderdyk  ,  imprimée  a  Rotterdam, 
1832,  in -8°,  est  précédée  de  deux 
morceaux  de  poésies  de  sa  composi- 
tion, la  Nicotiane  [le  tabac)  et  Re- 
gards sur  ma  tojnbe.  UHistoire 
littéraire  de  M.  Van  Kampen,  le 
Cours  préparatoire  à  l'étude  de 
la  littérature  hollandaise  de  M.  J.- 
F.-X.  Wurlb,  les  Leçons  de  litté- 
rature hollandaise  de  M.  L,-V. 
Raoul  ,  la  Galerie  des  contempo- 
rains et  le  recueil  allemand  Zeitge- 
nussen ,  traduit  dans  la  Nouvelle 
Revue  germanique  [1)^  xmm. ,  1829), 
contiennent  des  notices  sur  Bilderdyk. 
—  Catherine  Wilhelmi>:e  ,  sa  se- 
conde femme  ,  dont  on  a  mentionné 
plusieurs  ouvrages,  s'est  fait  connaî- 
tre en  outre  par  ses  poèmes  sur  la 
Bataille  de  TT  aterloo  et  Y  Inonda- 
tion de  la  Gueldre  en  1809  ,  par 
àts  Poésies  pour  les  enfants,  qui 
n'approcbcnt  point  de  celles  de  Van 
Alphen  (^.  ce  nom,  LVI,  241),  ainsi 
que  par  une  belle  traduction  du  Ro- 
drigue àe  Southey.  Celte  femme  dis-  i 
liuguée  est  morte  a  Harlem  le  16 
avril  i83o.  R — f — g. 

BILHOX  (Jean -Joseph- Fke- 
DÉRiCj,  né  a  Avignon  le  2  février 
1759,  d'une  famille  honorable,  fut 
destiné  au  barreau  ,  et  vint  faire  ses 
études  de  droit  a  Paris:  il  y  publia 
une  Dissertation  sur  l'état  du 
commerce  des  Romains,  1788,  in- 
8",  qu  il  fit  réimprimer  ious  le 
titre  de  Discours  historique  sur 
l'état  du  commerce  des  Romains, 
Paris,  i8o5  ,  in-8'.  I!  avait  com- 
posé un  Eloge  de  Je  an- Jacques- 
Rousseau  qu'il  publia  sons  le  voile 
de  l'anonyine,    1788,  in-S*^,    parce 


BIL 

que  le  censeur  en  avait  bàtonné 
dix  pages  Billion  donna  une  se- 
conde édition  de  cet  Eloge,  sous  son 
nom  ,  en  rétablissant  les  passages 
supprimés  par  la  censure ,  Paris , 
1799,10-8°.  La  révolution,  dont 
Aviguon  ressentit  de  bonne  heure  les 
eflets,  ayant  contrarié  les  projets  de 
Bilhon  et  de  sa  famille  ,  il  se  fixa  à 
Paris  j  il  entra  le  i''''  janvier  1790 
au  ministère  des  finances,  où  il  de- 
vint eu  peu  d'armées  cbef  de  bureau 
du  contentieux  :  il  occupait  encore 
cette  place  ,  lorsqu'il  fut  mis  a  la  re- 
traite le  I*''  juillet  i8i4.  Il  mourut 
à  Paris  le  8  avril  i834.  Outre  les 
ouvrages  que  nous  avons  cités,  on  a 
de  lui  :  I.  De  V administration  des 
revenus  publics  chez  les  Romains ^ 
Parisj  i8o3,  in-8°.  Les  éloges  qu'a- 
vaient obtenus  dans  les  journaux  cette 
dissertation  et  celle  sur  le  commerce 
des  Romains,  déterminèrent  Fauteur 
a  leur  donner  plus  de  développement 
et  a  les  renfermer  dans  un  cadre 
plus  étendu  ,  sous  ce  titre  :  IL  Le 
gouvernement  des  Romains  consi- 
déré sous  le  rapport  de  la  po- 
litique,  de  la  justice  ^  des  finau' 
ces  et  du  commerce  ^  ibid.,  1807  , 
in-8°  de  3  1 2  pages.  Peucbet,  qui  eu 
a  lendu  compte  dans  le  Moniteur^ 
en  loue  le  plan,  la  méthode,  l'exac- 
titude ,  ainsi  que  la  correction  et  la 
clarté  du  style.  Mais  il  reproche  a 
l'auteur  d'avoir  inutilement  traité  les 
deuxpremièresparties,  après  ce  qu'en 
avaient  dit  Wably  et  Montesquieu  ; 
d'avoir  trop  resserré  encore  les  deux 
autres,  sur  lesquelles  il  aurait  pu  re- 
cueillir un  plus  grand  nombre  de 
faits  inléresiants ,  notamment  sur 
l'odieuse  fiscalité  des  Pv-oruains ,  et 
d'avoir  oublié  de  parler  de  rensei- 
gnement public  qui  n'a  pas  moins 
d'influence  sur  la  prospéiité  et  la 
décadeuce  des  états.  Malgré  ces  la- 


BIL 


165 


cunes,  l'ouvrage  est  instructif  et 
utile,  liï.  Principes  d'administra- 
tion et  d'économie  politique  des 
anciens  peuples ,  appliqués  aux 
peuples  modernes,  Paris  i  8 1 9  , 
iu-8°.  A — T. 

BÏLIXCI.   Voyez  Byli^g,   au 
Suppl. 

BÎLISTEIX  (Charles -Léo - 
POLD  Andreu,  baron  de),  conseiller 
de  commerce  en  Russie  ,  naquit  en 
1724,  en  Lorraine,  d'une  ancienne 
famille  hollandaise  originaire  de 
Delfl.Un  séjour  de  dix  années  qu'il^fit 
h  jNanty,  lui  donna  l'occasion  de  re- 
cueillir sur  l'agriculture,  la  popula- 
tion et  le  commerce  de  sa  province  , 
un  grand  nombre  d'observations 
qu'il  mit  a  profit  eu  publiant  suc- 
cessivement: 1.  Essai  sur  la  ville 
de  Nancy,  capitale  du  duché  de 
Lorraine^  Amsterdam,  j  762,  petit 
in-8°.  Cet  écrit,  quoique  recherché, 
donne  des  notions  trop  restreintes 
sur  la  cité  que  l'auteur  voulait  faire 
connaître.  La  plus  grande  partie  du 
volume  est  remplie  par  le  détail  d'un 
projet  de  canal  et  de  bassius  a  établir , 
a  Porient  de  Nancy,  dans  le  même 
genre  que  ceux  qu'on  admire  en 
Hollande.  IL  Essai  sur  les  du- 
chés de  Lorraine  et  de  Bar,  Am- 
sterdam ,  1762  ,  petit  in-8°.  On 
trouve  dans  cet  Essai  de  vastes  con- 
niissances  en  économie  politique  ap- 
pliquées à  un  petit  état.  Si  les  considé- 
rations auxquelles  se  livre  l'auteur  ne 
sont  pas  toujours  d'une  extrême  ju- 
stesse, jamais  du  moins  on  n'est  porté 
à  accuser  ses  Intentions.  III.  Essai 
sur  la  navigation  lorraine ,  Am- 
sterdam, 1 764, petit  in-8°.  Le  travail 
de  Bilistein  ne  se  borne  pas,  ainsi  que 
le  titre  de  cetouvrage  pourrait  le  faire 
croire  j  a  la  navigation  dune  seule 
province.  Après  avoir  exposé  ses  vues 
sur  les  jnoyens  de  rendre  la  Meuse  , 


266 


BIL 


la  Moselle  et  la  Meurtlie  navigables, 
le  p'us  près  possible  de  leurs  sources, 
de  faire  coinmuuiquer  ces  rivières  en- 
tre elles,  el  de  les  joindre  même  au 
Rhinel  ala  Saône,  il  établit,  siirl'exé- 
culion  de  ces  plans  ,  un  immense  sys- 
tème de  relations  internationales  qui 
auraient  fait  de  la  Lorraine  une  con- 
trée de  pissage  el  d'entrepôt,  pour 
le  commerce  du  midi  et  du  centre  de 
la  France  avec  la  Hollande  et  les 
étals  d'Allemagne.  Il  y  a  quelques 
couceplions  vraies  dans  tous  ces  pro- 
jets ;  mais  on  s'aperçoit  que  l'au- 
teur a  travaillé  de  mémoire  ,  sans 
tenir  com[)le  des  obstacles  de  tout 
genre  qui  rendraient  à  peu  près  inexé- 
cutables la  plupart  des  entreprises 
qu'il  Conseille.  Cependant  on  doit  à 
Èibsteiu  la  justice  de  dire  que  ce  fut 
d'après  ses  écrits  que  Louis  X\  I  or- 
donna, en  juin  1778  ,  une  enquête 
d'après  laquelle  furent  décidés  la  plu- 
part des  travaux  nécessaires  a  l'era- 
bellissemenl  de  Nancy.  Andreu  de  Bi- 
listein  avait  aussi  composé,  dans  le 
même  sens,  un  Mémoire  sur  les  ca- 
naux de  France.  IV.  Institutions 
militaires  de  la  France  ,  ou  le 
y égèce  français  ,  Amsterdam  , 
1762,  2  vol.  in-S".  Ce  titre  ambi- 
tieux promet  des  faits  5  l'ouvrage  en 
présente  assez  peu  :  on  n'y  trouve 
guère  que  des  léflexions  sur  le  systè- 
me militaire  suivi  par  la  France. 
Le  style  de  Biiistein  a  celte  chaleur 
que  donne  la  conviction,  mais  un  cer- 
tain air  détrangeté  qui  dégénère  quel- 
quefois en  incorrection.  11  avait 
épousé  en  secondes  noces  !a  fille  du 
prmce  moldave  Jean  Rosetto,  dont  il 
eut  deux  filles  mariées  à  desofticiers- 
généraux  russes.  Celle  femme,  après 
avoir  tenté  vainement  de  le  faire 
changer  de  religion,  le  fit  périr  vic- 
tiaie  de  sou  attachement  à  sa 
croyance.   Il  avait  eu  d'un  premier 


BIL 

mariage,  avec  une  dame  d'honneur  de 
l'impératrice  .  un  fils  nommé  Paul, 
qui  l'ut  colonel  aux  gardes  d'Lmaïloff, 
et  une  fille  nommée  Callierine  ,  du 
nom  de  l'impéialrice  Catherine  If,  sa 
marraine.  Elle  épousa  le  comte  d  Ari- 
uionl,  d'une  branche  cadette  des 
comtes  de  Spanheim.        L — m — x. 

BILL  (Robert),  mécanicien  an- 
glais, né  en  1754,  d'une  bonne  fa- 
mille du  comté  de  Stafford,  avait  été 
destiné  à  h  profession  militaire.  Il 
ne  reçut  en  conséquence  qu'une  édu- 
cation classique  des  plus  ordinaires. 
Mais  son  goût  soilpourla  littérature, 
soit  pour  les  études  qui  s'en  rappro- 
chaient p'us  que  la  carrière  des  ar- 
mes, l'empoi  ta  sur  les  déterminations 
de  ses  parents;  elils  avaient  renoncé  à 
l'espérance  de  le  voir  entrer  au  ser- 
vice ,  lorsque  leur  mort  le  laissa, 
jeune  ercore,  possesseur  d'une  for- 
tune Indépendanle  quoique  peu  con- 
sidérable. Hill  ne  voulut  se  livrer  pour 
l'accroître  a  aucune  profession  ,  à 
aucune  espèce  de  commerce.  Doué 
d'un  esprit  très-inventif,  instruit  par 
les  lectures  qu'il  avait  faites  el  qui 
suppléaient  aux  lacunesdeson  éduca- 
tion ,  fornié  enfin  pnr  les  expériences  a 
de  phvsiqne  auxquelles  il  consacrait 
une  partie  de  so::  temps,  il  se  plai- 
sait surtout  à  faire  passer  les  résultats 
de  l'observation  ou  de  'a  science 
dans  le  domaine  de  la  vie  usuelle,  a 
imaginer  des  améiioralions  positives. 
Les  murailles  de  son  jardin  a  Slrme 
étaient  construites  non  seulement  d'a- 
près un  plan  économique,  mais  en- 
core de  manière  a  concentrer  plus 
fortement  el  k  retenir  pluslopg-temps 
que  d'autres  la  chaleur  du  soleil.  Son 
pavillon  de  bains,  son  pressoir  étaient 
chauffés  par  un  mode  particulier  a 
l'aide  de  cylindres  de  fer.  Une  mé- 
thode aussi  iug'nieuse  que  nouvelle 
maintenait  sa  maison  a  une  tempéra- 


tiire  Irès-iloiice,  et  distribuait  k  vo- 
lonlé  de  Tair  chaud  daus  toutes  ses 
parties.  En  1796  ,  il  publia  un  traité 
sur  les  dangers  de  la  circulation  du 
papier-monnaie.  A  la  lin  de  cet  opus- 
cule élaieul  indiijué<'S  plusieurs  idées 
nouvelles  qu'il  signalait  a  rattenlion 
publique  ,  et  qui  étaient  de  nature 
a  introduire  d'heureux  chaiigeinenls 
dans  1  industrie  et  les  manulartures. 
Une  de  ces  idées  consistait  h  enfermer 
dans  des  barils  de  fer  l'eau  destinée 
aux  voyages  des  navigateurs.  L'avis 
de  Bill  ne  fut  pas  dédaigné  :  on  1  exé- 
cuta bientôt  ;  mois  il  n'en  relira  ni 
gloire  ni  profil.  Son  livre,  qui  du  reste 
ue  portait  pas  de  signature,  avait  été 
distribué  a  ses  amis  ;  et  Bill  d'ailleurs 
avait  au  plus  haut  de^ré  ce  "-enre 
desprit  qui  caractéiise  les  inven- 
teurs, et  qui  consiste  à  ne  s'occuper 
de  la  découverte  que  tant  qu'elle  n'est 
pas  terminée,  puis  a  la  laisser  la  dès 
qu'elle  est  faite,  à  ne  pas  en  faire 
mvslèie.  à  ne  pas  l'exploiter  ;  en  un 
mot,  a  dépenser  beaucoup  d  argent 
m  expériences,  en  essais,  pour  aban- 
donnera qui  le  voudra  les  profits  de  la 
découverte.  Lorsque  les  préjugés  du 
piiLlic  contre  Tédairage  par  le  g.Tz 
nvdiogèue  commencèrent  à  perdre 
de  leur  force,  Bill  fut  un  des  promo- 
teurs les  plus  ardents  de  ce  mode 
d'éclairage  :  il  ens^agea  de  fortes  sora- 
mes  dans  l'établissement  qui  se  forma 
pour  la  production  et  la  distribution 
du  gaz:  il  prodigua  ses  conseils, 
donna  des  plans,  dirigea  des  expé- 
riences dans  le  dessein  de  faciliter  et 
d'assurer  les  opérations.  Mais  dès 
que  les  appareils  furent  organisés  et 
fonctionnèrent  d'une  manière  satis- 
faisante^ il  se  retira  de  la  compagnie 
à  l'occasion  de  quelques  légers  dés- 
agréments. Cependant,  en  1820, 
les  conseils  de  ses  amis  le  décidèrent 
a  changer  ses  habitudes,  et  il  prit  une 


iJlL 


267 


patente  pour  faire  des  mats  en  fera 
l'usage  de  la  navigation.  Le  gouver- 
nement,  appréeùiut  les  procédés  in- 
génieux a  l'aide  desquels,  dans  la 
combinaison  de  ses  matériaux,  il 
unissait  la  légèreté  à  la  force  ,  lui 
commanda  deux  grands-mâts  et  deux 
beauprés  pour  frégates.  Malheureu- 
sement a  l'essai ,  on  jugea  la  force 
des  ouatres  mâts  insuffisante.  Bill 
l'avait  prévu;  et  il  attribua  ce  mau- 
vais résultat  a  l'usage  que  le  gouverne- 
ment s'était  obslii.é  a  f,.ire  de  cables 
et  de  cordnges  élastiques,  tandis 
qu'il  avait  recommandé  des  ressorts 
en  fer.  Peut-être  au'^.^i  cet  échec  doit- 
il  en  partie  être  attribué  à  l'imper- 
fection avec  laquelle  procèdent  tou- 
jours dans  un  premier  essai ,  ceux  qui 
confectionnent  les  pièces  ou  ceux 
qui  les  mettent  en  oeuvre.  Quoi  qu  il 
en  soit ,  on  ne  peut  douter  que  l  idée 
de  Hill  ne  soit  destinée  'a  opérer  un 
grand  changement  daus  la  construc- 
tion des  vaisseaux.  Ma's  la  découverte 
qui  doit  le  mieux  recommander  ^on 
nom  à  la  postérité,  c'est  celle  d'un 
procédé  pour  donner  aux  planches 
du  bois  le  plus  commun,  le  hêtre  ,  le 
frêne,  l'orme,  le  peuplier,  elc, 
toute  la  solidité  des  bois  les  plus  durs 
et  les  plus  forts,  et  cela  au  meilleur 
marché  possible.  Ses  échantillons  de 
merraiu  ainsi  préparés  furent  huit 
ans  de  suite  soumis  par  le  gouver- 
nement aux  épreuves  les  plus  révères 
sans  qu'il  lussent  aucunement  altérésj 
tandis  que  tous  les  autres  bois,  ou  na- 
turels ou  modifiés  par  l'art  ,  placés 
dans  les  mêmes  circt  nstances  étaient 
crmplètement  détruits.  L'administra- 
tion de  la  marine  demeura  telLment 
convaincue  de  l'excellence  de  la  mé- 
thode de  Bill  qu'elle  lui  permit  de 
construire  un  vaisseau  avec  ses  mcr- 
rains,  dans  les  chantiers  de  Dtplford, 
Bill  n'eut  paslc  plaisir  de  mettre  celte 


268 


BÎL 


œuvre  à  exécution,  car  11  mourut  le 
2  3  sept.  1827,  a  Birmingham,  par 
suite  d'une  augiue.  Parmi  ses  autres 
inventions  plus  ou  moins  ingénieuses, 
nous  ne  pouvons  passer  sous  silence 
ni  son  nouveau  moyeu  pour  mesurer 
exactement  le  chemin  fait  sur  mer , 
ni  ses  ressorts  élasticjues  pour  faire  in- 
définiment garder  l'accord  aux  pianos. 
Il  avait  beaucoup  de  goût  pour  la 
musique  ainsi  que  pour  la  peinture, 
la  poésie,  et  même  la  métaphysique. 
Il  avait  un  laboratoire  fort  beau, et  sa 
bibliothèque  était  remarquable  par 
l'excellent  choix  des  livres.  P — ot. 
BILLARD  (Jean-Pierre),  mé- 
decin, né  en  1726,  a  Yesoul ,  mou- 
rut dans  la  même  ville  ,  le  2g  janvier 
1790  ,  avec  la  réputation  d'un  habile 
praticien  et  d'un  bon  observateur.  Il 
était  membre  correspondant  de  la  so- 
ciété royale  de  médecine  de  Paris  et 
de  l'académie  d'Arras.  Il  a  laissé  plu- 
sieurs ouvrages  manuscrits  ,  entre 
autres  un  Traité  complet  des  fiè- 
vres. On  cite  encore  de  lui  :  Mé- 
moire sur  une  fausse  grossesse  sin- 
gulière ;  Obseri'ation  sur  un  dépôt 
au  bas-ventre;  Histoire,  analyse 
et  propriétés  des  eaux  minérales 
froides  de  Rèpes  près  Vesoul  ; 
Antisepticorum  medicanunum  na- 
tura^  vires  et  selectus  ;  De  lactis 
usu  in  febribus .  C'est  l'explication 
de  l'aphorisme  d'Hlppocrale  ,  (>i  , 
sect.  III.  Ces  cinq  opuscules  foui  par- 
lie  du  recueil  de  Dissertations  fran- 
çaises et  latines  sur  les  points  les 
plus  importants  de  l'art  de  gué- 
rir,  publié  par  M.  Billard  fils  (i), 
Vesoul  (vers  1820),  iu-8**.  — Bil- 
lard (i^/'awco/i-Grti/ve/),  fils  aîné 
du  précédent,  mort  a  Genevreuil  près 


(i)  La  Biographie  portative  des  contemporains 
confond  les  ouvrages  du  prre  avec  ceux  du  Ois, 
et  ne  distingue  puint  les  jiii]nimés  des  manu- 
scrits. 


BIL 

Vesoul  le  29  avril  1824,  à  l'âge 
de  60  ans,  est  auteur  d'un  Cours 
théorique  et  pratique  sur  les  prai- 
ries artificielles ,  1809,  ln-8"j  2" 
édlt.  augmentée  ,  i  8  i  0.  11  était  cor- 
respondant de  la  société  d'agriculture 
de  la  Haute-Saône,  depuis  son  orga- 
nisation, et  il  lui  a  communiqué  plu- 
sieurs mémoires  sur  des  objets  d'éco- 
nomie rurale.  AV — s. 

BILLARD  (Etienne)  ,  rece- 
veur des  finances  de  Lorraine,  né  h 
Nancy  vers  le  malien  du  XVIII''  siè- 
cle ,  reçtit  de  la  nature  une  imagina- 
tion qu'on  ne  put  assujétir  a  aucun 
frein.  Cette  folle  de  la  maison^ 
comme  l'appelle  Montaigne  ,  l'en- 
traîna dans  des  écarts  de  conduite  et 
des  aberrations  de  jugement  qui 
firent  le  malheur  de  sa  vie.  11  avait 
composé  pour  le  Théàtre-Francais 
plusieurs  comédies,  mais  il  ne  put  les 
faire  jouer  et  s'en  dédommagea  en  les 
livrant  a  l'impression  et  en  lançant 
des  épigrammes  et  des  satires  con- 
tre les  membres  du  comité  qui  les 
avaient  refusées.  On  trouve  dans  les 
mémoires  du  temps  (i)  le  récit  d'une 
scène  assez  plaisante  dont  il  fut 
l'acteur  principal  a  la  Comédie- 
Française,  le  3.0  nov.1772.  Avant 
la  repj  ésentallon  du  Comte  d'Es- 
sexj  Billard  monta  sur  une  ban- 
quette de  l'orchestre  et  haranguant 
le  parterre,  lui  fit  connaître  que  les 
comédiens  avaient  «  refusé  une  co- 
te médie  de  caractère  intitulée  le 
«  Suborneur,  qu'il  leur  avait  pre- 
«  senlée  et  que  les  connaisseurs 
«  avaient  jugée  digne  d'être  oiferte 
«  au  public;  qu'ayant  en  valu  tenté 
ec  tous  les  moyens  de  domter  la 
ce  résistance  des  histrions  ,  il  en  ap- 

(  1  )  Mémoires  secrets  de  la  république  des  let- 
tres ,  toui.  VI,  p.  268;  Correspondance  de  Grimm, 
2"  pallie,  tiim.  11,  paç;.  36b,  et  nouvelle  édil., 
tom.  VUl,  pag.  io5;  Galerie  du  l'ancienne  cour, 
1576,  in->2  ,  tom.  3  ,  p.  4gi. 


BIL 

a  pelait    au   public   assemblé,'   qu'il 
«  le   priait  d'enlendre   la  leclure  de 
«  sa  nièce  et  que,  s'il  la  jugeait  plus 
«  favorablement,  il  espérail  que^  par 
ce  ses   acclainatious,   il  forcerait  les 
«  coaiédieus  a  la  recevoir.  »  Le  par- 
terre ,  qui  cède  volontiers  à  d'autres 
impressions  qu'a  celles  de  la  scène , 
consentit  a  l'écouler  ;  mais  Billard 
avait  a  peine  commencé  ,  qu'un  ser- 
gent  vint  lui  mettre  la   main  sur  le 
collet. Il  tira  son  épée,  qui  lui  fut  ar- 
racbée.    On  le   mena    au  corps-de- 
garde  :   ne  démentant  point  son   ca- 
ractère, il  voulut  prendre  les  soldats 
pour  juges  entre  les  comédiens  et  lui. 
L'inspecteur  de  police  devant  lequel 
il  fut  ensuite  conduit  ne  put  parvenir 
a  le  calmer  ,    qu'en  subissant  la  lec- 
ture du  Suborneur.  Le  parterre,  en- 
tre les  deux   pièces,    accueillit    par 
des  buées  Mole  ,  qui  s'était  présenté 
pour   annoncer  ,    et    redemanda     a 
grands  cris  l'auteur  du  Suborneur. 
On  fil  envaliir  cette  partie  de  lasalle 
par  la  force  armée,  et  les  plus  mutins 
allèrent  partager  le  sort  de  Billard. 
Celui-ci  fut  transféré  ,  le  lendemain, 
à  Cbarenton  ,  où  il  ne  resta  que  quel- 
ques jours  (2;.  Renvoyé  aNancjdaus 
le  sein  de  sa  famille ,  il  n'y  devint  pas 
plus  sage.  Ses  parents  furent  obligés 
a  plusieurs  reprises  de  solliciter  con- 
tre lui  des  lettres  de  cacbet.  Il  mou- 
rut en  1785  ,  ayant  bâté  sa  fin  par 
ses  déporlemeuts.  On  connaît  de  lui  : 
I.  Du  théc'iLre  et  des  causes  de  sa 
décadence  ,  épitre  aux  comédiens 
français  et  au  parterre  ,  Londres 
et  Paris,  177  i,  in-8°.  C'est  une  sa- 
tire ,  en  vers  de  buit  syllabes,  oii  les 
comédiens  ne  5ont  pas  ménagés.  Van 
Tbol  dans  les  notes  qu'il  a  fournies 

(2)  M.  P;nil  Lacioix,  plus  connu  sons  le  nom 
du  bibidJijIiile  Jacob,  a  fait  de  celte  aventure  de 
Billard  le  sujet  d'une  Nouvelle  insérée  d'abord 
dans  la  Revue  de  Pcris,e\.  reproduite  depuis  daus 
les  OEucres  de  l'auleur. 


BIL  269 

à  Bai-bier,  pour  son  Dictionnaire  des 
anonymes,  dit  que  Dussausoir  a  pu- 
blié   celte  brocbure    par  permission 
tacite.   Mais  les  matériaux  s'en  re- 
trouvent   eu     partie     dans   les   ma- 
nuscrits de  Lillard.  II.  Le  Joyeux 
moribond,     comédie  ,     par     E*** 
B***,    Genève  ,      1779,    in-8°. 
Dans  la  dédicace  de  l'auteur  k  son 
frère  ,  il  dit  :  «  qu'il  fut  jeté  dans  la 
a  finance,  mais  qu'il  ne  put  y  mor- 
te dre.  Une  s'agit  là  que  d'or,  et  mon 
K  Pérou  c'est  un  Molière.  3)    11    n'a 
guère    suivi  les  traces  de  celai  qu'il 
voulait    prendre    pour   modèle.    Le 
joyeux  moribond  est  un  vieillard  qui, 
n'ayant  plus  qu^un    souffle   de   vie , 
s'amuse   a  jouer   du  tambourin,  en 
robe  de  chambre  galante ,  a  gam- 
bader, a  boire  du  vin  de  Gbampagne 
avec  une  jeune  maîtresse,  et  qui  pré- 
tend ainsi  se  rajeunir.  Cette  malheu- 
reuse conception  est  écrite  en  style 
«ncure  plus  extraordinaire  et  qui  rap- 
pelle la  manière    de  Maîlre  André. 
111.    Le   Suborneur  ,    comédie    en 
cinq  actes  et  en  vers  ,    Amsterdam  , 
1780;  2''  édit,  ,  1782  ,in-8°.  u  La 
ce    voilà   donc  ,    cette  comédie  qu'au 
ce  spectacle  même  ,    tout   Paris   té- 
tt  moin,  j'annonçai  avec  trop  d'éclat, 
ce  et  j'en  fus  trop  puni ,  il  y  a  sept 
ce  ou  buit  ans  !  3)  C'est  ainsi  que  l'au- 
teur s'exprime  ,  a  la  fin  de  sa  pièce, 
sur  l'aventure  fàcbeuse  du  5o   no- 
vembrej  elle  ne  l'a  point  encore  dés- 
encbauté ,    car   il  persiste   à  penser 
que  sa  comédie  est  digne  de   la  re- 
présentation. Mais  les  règles  du  goût 
et  de  la  grammaire  y  sont  également 
blessées,  et  laconlexture  n'en  estpas 
moins  vicieuse  que  le  style.  Lorsque 
le  marquis  de  Bièvre  fît  représenter 
sa  comédie  du  Séducteur  {riOYemhre 
1785),    des  critiques   chagrins   pré- 
teiidirenl  qu'il  en  avait  puisé  l'idée 
dans  la  pièce  de  Billard.  Il  est  cer- 


270 


3IL 


tain  que  plusieurs  Iraits  de  ressem- 
tlance  clans  les  siluallons  purent  don- 
ner quelque  crédit  a  cette  opinion. 
M  lis  quand  il  serait  vrai  que  le  rudr- 
quis  fût  jjrofilé  d'un  ouvran;e  tombé 
dans  If  mépris  ,  n'aurait-il  pas  élé 
absous  par  le  succès,  coinnie  Re- 
gnard  autrefois  avait  dû  l'être  lors- 
qu'on l'accusa  d'avoir  pillé  le  CJic- 
valierjoueuràt  Dufresuy.^La  biblio- 
ihèque  publique  de  Nancy  possède 
les  œuvres  manuscrites  de  Billard  ,  3 
vol.  in-4°.  E'ies  sont  composées  de 
comédies,  d'épîlres,  etc.  Parmi  les 
premières  on  remarque  ArcJiiloque^ 
ou  Le  poète  aux  petites  maisons. 
L'auteur  paraît  avoir  voulu  s'y  pein- 
dre lui-même.  Un  poème  en  dix 
cbaots,  Sdus  le  nom  àt  Boutades, 
offre  plusieurs  passages  écrits  avec 
une  certaine  àpieté  de  verve.  II  y 
renouvelle  ses  attaques  contre  les  co  • 
uiédieu'^,  et  mallraile  surtout  Hrévi'le 
à  l'occasion  duquel  il  dit  en  s'adres- 
sant  au  pnb'ic  : 

Oui  I  tes  valets  sont  devenus  tes  maîtres. 

Il  décoche  aussi  quelques  Iraits  con- 
tre Voltaire,  dans  une  épîlre  a  Cré- 
billon  qu'il  appelle  cligne  élève  cor- 
nélien. Ces  différentes  pièces  de  Bil- 
lard offrent  moins  d'incorrections  que 
ses  comédies  ,  mais  elles  ne  pour- 
raient pas  plus  que  relles-ci  soutenir 
le  grand  jour  de  1  impression. 

L M X. 

BILLARD  (Charles-Michel), 
médecin  distingué,  naquit  le  16  juin 
i8oo  a  Pelouaille  près  Angers. 
Orphelin  dès  son  bas  âge  ,  il  resta 
confié  a  la  tendresse  d'une  tante  dont 
les  soins  contribuèrent  à  développer 
ses  heureuses  dispositions.  Il  com- 
mença ses  études  à  Laval  et  vint  les 
terminer  k  Angers  ,  où  de  très-bonne 
heure  se  manifesta  en  lui  un  goût 
prononcé  pour  l'oliservation  de  la 
nature ,   qui  laissa  bientôt  aperce- 


BIL 

voir  la  direction  k  laquelle  il  s'aban- 
donnerait. La  carrière  médicale  fut 
celle  qu'il  résolut  de  suivre,    et  en 

1  8 1 9  il  s'inscrivit  a  l'école  secondaire 
d'Angers  où  peu  de  temps  après  il 
obtint  une  place  dans  le  service  de 
l'hôpital.  Ce  premier  succès  accrut 
sou  ardeur ,  et  fut  bientôt  suivi  d'au- 
tres ^  qui,  en  récompensant  son  zèle 
pour  l'élude  de  Tanatomie  normale  et 
pathologique  et  pour  l'observation 
des  maladies  j  lui  ouvrirent  une  mine 
fécoude  eu  éléments  d'instruction.  Ce 
fut,  pénétré  déjà  des  principes  philo- 
sophiques de  Bacon  ,  et  nouiri  de  la 
lecture  de  Morgagul,  qu'il  vint  à 
Paris  pour  compléter  son  éducation 
médicale  dans  la  fréquentation  des 
hôpitaux.  Au  milieu  de  celle  grande 
école  ,  rappiochant  sans  cesse  les 
svmplômes  observés  pendant  la  vie 
des  malades,  des  altérations  trouvées 
après  leur  mort,  il  parvint  eu  peu 
de  temps  k  recueillir  une  grande  suite 
de  faits  qui  lui  permirent  de  mettre 
au  jour  un  ouvrage  estimé  ,  sous  ce 
titre  :  1  rai t é  ele  la  membrane  mu- 
queuse gastro  intestinale  clans  l  é- 
tut  sain  et  dans  l'état  morbide  , 
ou  Recherches  d'anatomie  patho- 
logique sur  les  divers  aspects  sains 
et  morbides  que  peuvent  présenter 
l'estomac  et  les  intestins,  Paris, 
1825.  in-8°.  En  même  temps  il  tra- 
duisait de  l'anglais  les  Principes  de 
chimie  de  ïhom.son  (Paris,  1826  , 

2  Vol-  in-8") ,  insérait  dans  les  jour- 
naux de  médecine  une  observation  de 
paralysie  partielle  de  la  face,  prove- 
nant d'une  lésion  avec  perle  de  sub- 
stance du  tronc  du  nerl  facial,  et  des 
considérations  sur  quelques  altéra- 
tions de  couleur  de  la  substance  cor- 
ticale du  cerveau,  et  donnait  une  édi- 
tion <SviPrécis  de  l' art  des  accouc  hc" 
ments  de  M.  Clievrenl  (Paris,  i  826, 
in-12),  à  laquelle  il  ajoutait  une  hi«- 


blL 

loire  rapide  des  vices  de  confoniiatioa 
du  fœlus.  Ayant  obtenu  au  concours 
une  place  d'iuleine  a  l'hospice  des 
Enfauls-Trouve's  ,  il  ne  larda  pas  a 
se:ilir  vivement  le  mancpie  d'un  ou- 
vrage complet  sur  les  maladies  des 
nouveau-nes,  et  résolut  de  remplir 
celte  lacune.  Quelques  me'moires  sur 
la  chute  du  cordon  ombilical,  sur  le 
croup  ,  sur  l'induration  du  tissu  cellu- 
laire et  sur  le  cri  des  enfants  cpii  vien- 
nent de  naître  ,  indiquèrent  la  ma- 
nière dont  il  envisageait  ce  sujet  dif- 
ficile ,  objet  cousla  it  alors  de  ses  raé- 
dilations.  Un  moment,  toutefois,  il 
fut  d  sirait  par  un  voyage  dans  la 
Grande-Bretagne, qui  lid  fournil  l'oc- 
casiou  de  publier  des  documents  d'un 
haut  intérêt  sur  les  hôpitaux  ,  les  éta- 
b'issemcnts  de  charité  et  l'instruclioa 
médicale  tant  en  Angleleire  qu'en 
Ecosse  ;  mais  'a  son  retour  il  se  hâta 
de  livrer  a  l'impression  son  Traité 
des  maladies  des  enjatil s  nouveau  ■ 
nés  et  d  ta  tuanwlle ,  fondé  sur  de 
nouvelles  observations  cliniques  et 
d' anatomie compart'e ,  Paris,  1828, 
in-8'^*,  seconde  édition  ,  Paris ,  1  855, 
in-8°.  A  cet  ouvrage,  il  joignit  un 
Allas  d' anatonde  pathologique  , 
pour  servir  à  l  histoire  des  mala- 
dies des  enfants  ,  Paiis  ,  1828  , 
in-^",  dont  il  avait  lui-même  peint  les 
figures  originales  avec  une  grande  vé- 
riié.  La  même  année  il  prit  le  grade 
de  docteur,  et  souliuta  cette  occasion 
nne  Dissertation  médico-légale  sur 
la  viabililé  [Y^dus .  1828,  in-4.°), 
dans  laquelle  il  app:éciait  le  degré 
d'influence  des  diverses  maladies  du 
fœtus  considérées  comme  obstacles  a 
rétablissement  de  la  vie.  Peu  de 
temps  après  il  vint  demeurer  'a  An- 
gers ,  où  les  fatigues  inséparables 
dune  clicntelle  étendue  ne  purent  le 
distraire  entièremeul  de  son  goùl  dé- 
cidé pour  la  liltéralure  médicale.  Il  y 


traduisit  les  Leçons  sur  les  maladies 
des  jeux  de  Lawrence  (Paris,  1  85  0, 
in-8"),  augmentées  d'un  Précis  de 
l'auatomie  palhologique  de  l'œil.  11 
donna  aussi  quelques  mémoires  s'Jr 
l'emploi  du  calomcl  dans  le  croup  , 
sur  un  cas  particulier  de  colorisalion 
bleue  de  la  pe;iu,  causée  par  une  alté- 
ration de  la  transpiration,  et  sur  un 
cas  de  supposition  de  part.  Enfin  ,  il 
publia  quelques  opuscules  d'un  inté- 
rêt purement  local  ,  un  Projet  d'as- 
sociation pour  l'extinction  de  la 
mendicité  dans  la  ville  d' Angers 
(AuL^ers  ,  i85i,  in-8°);  un  Rapport 
sur  lu  souscription  destinée  à  Véla- 
hlissement  d  un  dépôt  de  mendicité 
dans  la  ville  d'Angers  (  ibid.  , 
i85i  ,  in-fol.);  les  Statuts  et  rè- 
glements pour  la  maison  destinée 
à  l'extinction  de  la  mendicité 
(ibid.,  I  85  I ,  in- 8°  ).  Une  phibisie 
pulmonaire  vint  prématurément  inter- 
rompre sa  labor.euse  carrière,  le  5i 
janvier  1 852.  Un  de  ses  condisci|)Ies, 
le  docteur  Ollivier,  a  porté  de  lui  un 
jugement  que  nous  transcrirons  en 
entier,  parce  qu'il  n'est  qu'équitable, 
bien  que  sorti  de  la  plume  d'un  ami  : 
a  Ce  qu'a  écrit  Billard  porte  généra- 
lement le  cachet  de  celte  observation 
éclairée  qui  s'entoure  des  li'mières  et 
de  l'expéiience  que  Ton  puise  dans 
l'histoire  approfondie  de  la  nature. 
Ce  ne  sont  pas  seul  ment  les  fa  Is  qu'il 
observe  qui  consliluent  la  base  des 
principes  qu'il  veut  élal)lir  5  une  éru- 
dition acquise  avec  discernement  lui 
lonruil  encore  des  éléraenls  nombreux 
pour  compléter  ou  rectiiier  les  re'- 
sultats  de  ses  propres  recherches.  II 
était  doué  d'un  esprit  juste  et  réservé, 
qui  le  tenait  en  garde  conlreles  écarts 
où  pouvaient  Peuiraîner  l'ardeur  ella 
facilité  de  son  imagination.  Inter- 
prète ingénieux  et  fidèle  de  la  nature  , 
il  s'attache  surtout  a  ne  parler  que 


272 


BÎL 


d'après  ses  inspirations.  »  Une  notice 
historique  sur  Billard  ,  insérée  dans 
les  journaux  de  médecine,  a  été  im- 
primée séparément.        J — d — w. 
BILLARDAX.  Voy   Saxjvi- 

GNY,  XL,  496. 

BILLAUD-VAREIVIVE  (J. 

Nicolas),  l'un  des  hommes  les  plus 
sanguinaires  qui  aient  paru  dans  nos 
sanglaules  révolutions  ,  naquit  a  La 
Rochelle  eu  1762.  Fils  d'un  avocat 
sans  clienlelle  et  sans  fortune,  il  reçut 
cependant  quelque  éducation.  A  pei- 
ne sorti  du  collège  il  enleva  une  jeune 
personne  de  la  maison  paternelle  et 
s'enrôla  dans  une  troupe  de  comé- 
diens. Mais  il  ne  réussit  pas  dans  ce 
métier  ,  auquel  il  n'était  propre  ni 
par  sou  extérieur,  ni  par  la  tournure 
de  son  esprit.  Obligé  de  revenir  dans 
sa  patrie  il  s'y  fit  de  nombreux  enne- 
n.is  par  des  vers  satiriques  ,  surtout 
par  une  comédie  intitulée  la  Femme 
comme  Un  yen  a  /j/h5,  dans  laquelle 
il  outragea  scandaleusement  toutes 
les  dames  de  La  Rocbelle.  Forcé  de 
quitter  cette  ville  ,  et  dénué  de  res- 
sources, il  entra  dans  la  congrégation 
de  l'Oratoire,  sans  être  admis  aux 
ordres  sacrés.  Il  devint  préfet  des 
études  à  Juillyj  et  beaucoup  d'élè- 
ves de  ce  collège  célèbre  se  souvien- 
nent eucore  de  l'y  avoir  vu  les  diriger 
dans  leurs  répétitions  et  dans  leurs 
promenades,  avec  un  air  d'humilité  et 
d'hypocriMe  qui  cachait  une  âme  si 
noire  et  si  perverse!  Il  s'occupait  beau- 
coup à  cette  époque  de  compositions 
poétiques;  et,  de  même  queson  digne 
émule  Fouqiiier  -  Tainville  ,  il  fil 
pour  Louis  XVI,  qu'il  devait  pour- 
suivre si  cruellement  un  jour,  de  mau- 
vais vers,  qui  méritent  cependant 
d'être  cités  comme  un  contraste  re- 
marquable avec  ses  discours  régicides. 
C'était  au  temps  de  Tinvention  des 
ballons ,  en  1  785  5  les  élèves  de  BIl- 


BIL 

laud  en  avaient  construit  un,  auquel 
il  attacha  cette  inscription  : 

les  boules  de  savon  ne  sont  plus  de  notre  âge. 
En  chanscant  de  baUon  ,  nous  changeons  de 

plaisirs. 
S'il  poilaità  Louis  notre  plus  tendre  hommage, 
Le  veut  le  soufflerait  au  gré  de  nos  désirs. 

Un  peu  plus  tard,  Billaud  composa 
des  vers  moins  innocents  et  très-peu 
classiques ,  qui  déplurent  a  ses  supé- 
rieurs ,  et  il  lut  obligé  de  quitter  une 
maison  oîi  les  moindres  fautes  n'e'- 
taient  pas  jolérées.  C'est  ai  ors  qu'étant 
venu  habiter  la  capitale  il  s'y  fit  rece- 
voir avocat  (1785),  et  devint  l'époux 
d'une fiUenalurelle  de  M.  de\erdun, 
fermier -général  j  ce  qui  lui  donna 
quelque  appui  dans  le  monde  et  des 
moyensd'existencequilui  manquaient. 
Mais  rieu  ne  pouvait  satisfaire  son 
ambition  sans  mesure  ni  ses  penchants 
funestes.  La  révolution  leur  ouvrit 
une  libre  carrière. Billaud  en  embrassa 
la  cause  avec  fureur,  et  il  pub'ia  les 
brochures  les  plus  virulentes,  les  plus 
incendiaires.  Dès  le  commencement 
de  178g,  il  avait  fait  paraître,  sous 
le  voile  de  l'anonyme,  une  longue 
diatribe  contre  l'ancien  gouverne- 
ment, intitidée  :  Le  despotisme  des 
ministres  de  France  ,  3  vol.  in- 8°. 
Il  n'osa  y  mettre  son  nom  que  l'an- 
née suivante,  lorsqu'il  crut  le  triom- 
phe de  la  révolution  bien  assuré;  et, 
dans  une  nouvclleédition,  il  ajouta  en- 
core a  la  violence  de  ses  attaques.  Il 
fut  nommé  en  1 791,  par  l'assemblée 
électorale,  l'un  des  juges  du  quatrième 
arrondissement  de  Paris;  mais  ces 
paisibles  fondions  ne  pouvaient  suf- 
fire h  sa  turbulente  ambition.  Lié  dès 
le  commencement  des  troubles  avec 
Danton  ,  Marat,  Robespierre  et  tout 
ce  que  le  parti  des  démagogues  avait 
déplus  exalté, il  fut  l'un  descorvphées 
du  club  des  Jacobins.  Ses  discours  dans 
celle  société  sont  très-remarquables  j 


EU, 

cl  l'ou  y  Irome  la  preuve  iju'il  éUiil 
dès-lors  clans  tous  les  secrets  et  à  la 
tèie  de  tous  les  complots  du  parti  ré- 
volutionnaire, ce  Je  pense,  disail-il , 
le  i6  ocl.  1791 5  qu'une  révolu- 
tion qui  fait  rentrer  dans  la  fange 
le  pouvoir  des  despotes.  Torgueildes 
grands  et  la  superstition  des  prêtres, 
ne  peut  finir  que  par  une  catastro- 
phe terrible.  »  Et  le  29  juin,  six 
semaines  avant  la  révolution  du  i  o 
août  1792,  dans  un  long  discours  sur 
les  mesures  à  prendre  pour  assu- 
rer le  salut  public  :  «  Il  faut,  dit- 
il,  FRAPPER  TROP  HAUT  pOUr  que 
l'assemblée  nationale  puisse  y  at- 
teindre, et  je  ne  vois  plus  que  le 
bras  tout-puissant  du  souverain 
qui  soit  capable  de  porter  de  si 
grands  coups  3)  (1  ).  Ou  ne  peut  donc 

(i)  Voici  quelques-unes  des  mesures  proposées 
par  lUllaud  dans  lemèiric  discours.  «  L'asseniljlée 
lëgislalive  déclarera,  par  une  proclamation,  que 
l'riinilibie  du  gouvernement .  .  .  touche  au  moment 
(l'être  rompu  ;  qu'en  conséquence  ,  une  fédéra- 
tion nouvelle  est  decrélee  d'urgence  pour  le  i4 
juillet.  L'assemblée  législative  prononcera  sur-Ic- 
chajnp  la  convocation  des  assemblées  primaires 
dans  /ouf /Vffi^/re, pour qnele peuplesouverain  ait 
à  jiotirvoir  sans  délai  à  la  sûreté  de  l'état  et  au 
maintien  de  ses  droits  y:ir  des  mesures  indispen- 
sables, et  qu'il  u'.ipparlient  qu'à  lui  de  prendre 
et  d'ordontier.  L'assemblée  législative  prononcera, 
à  l'instant  ,  le  licenciement  des  officiers  de  la 
garde  nationale,  réduisant  l'exercice  de  leur 
grade  à  un  mois  seulement.»  Billaud  repoussa 
ensuite,  pour  lui  et  pour  le  club  des  Jacobins, 
le  reproche  ridicule  de  servir  un  parti 
d'(Jrli'ans  :  «  Les  amis  de  la  liberté  seraient-ils 
assez  stupides  pour  ne  renverser  des  idoles 
qu'alin  d'en  créer  de  nouvelles?  «  (C'était  avouer 
d'j.i  publiquement,  le  29  juin,  le  dessein  de 
renverser  Louis  X\'l.  )  La  société  des  Jacobins 
arrêta  l'impressioir  de  ce  difcours,  la  distribu- 
tion à  ses  membres,  et  l'envoi  aux  sociétés  affi- 
liées :  Signé  Ilérault-Sccitelles,  président;  Sdlery, 
vice-président;  Martbon-Monlaut,  député;  Gar- 
eau,  député;  Marie-Jnsenb  C/ie/i/er;  faire  rf'£. 
g/aniine,  Mnl/iieu  ,  /îea/ ,  secrétaires.  —  Le  7 
juillet,  Biil.uid,  vicc-president.pnmonra  encore 
une  violente  déclamjtion  cimtre  le  rapproche- 
ment de  tous  les  partis,  qui  s'était  opère  la  veille, 
dans  le  sein  de  l'assemblée  législative.  «Les 
traîtres  m'.qipcllcront ,  s'ils  le  veulent,  nn  ci- 
loycn  exccrable .  .  .  ;  miis  les  patriotes  .sont  mis 
sous  le  couteau  par  celte  même  réconciliati'Ui... 
On  peut  dire  qu'un  seul  instant  a  fait  tomber 
l'assemblée  nationale  de  bien  haut.  >•  Et  il  veut 
qu'elle  déclare  les  dangers  de  la  patrie  par  une 
convocation  accêtérve  des  assemblées  élémentaires. 

Lvm. 


pas  douter  que  Eillaud-Vaienne  ait 
ait  été  un  des  principaux  moteurs  de 
l'insurrection  du  lo  août  i'jg2.  Lors- 
que le  troue  de  Louis  XVI  fut  tombé, 
il  se  montra  un  des  plus  ardents 
persécuteurs  du  parti  vaiucu.  dom- 
iné substitut  du  procureur  de  la 
commune,  qui  s'était  emparée  du  pou- 
voir avec  tant  d'audace  et  qui  fit 
trembler  l'assemblée  lé2;islalive  el  la 


«Le  souverain  tout-puissaut  a  seul  la  force  né- 
cessaire pour  exterminer  ses  ennemis.  Contre 
des  brigands  couronnes  et  des  mangeurs  d'hommes, 
il  faut  Hercule  et  sa  massue.  >•  Les  Jacobins  ar- 
rêtèrent encore  l'impression  et  l'envoi  de  cette 
séditieuse  oraison.  Lnlin  l'assemblée  ié^i^îdt'Ve 
proclama  la  [latrie  en  danger,  comme  l'avait  dt- 
inandé  Billaud  ,  el  cet  éuergumène,  parlant  en- 
core aux  Jacobins  (  séance  du  i5  juillet)  ,  quand 
le  Irùne  ét^ait  à  la  veille  de  s'i-crouler,  s'écriait  : 
«Le  roi,  plus  puissant  quejimais,  (crasedéj.î  dn 
poids  de  si. 11  autorité  le  pouvoir  législatif. 
Maître,  comme  autrefois,  de  la  fortune  publique, 
et  fabricaleur  de  nos  assignats,  il  prodigue  notre  or 
à  tous  les  scélérats  qui  veulent  embrasser  ses 
intérêts,  et  ruine  la  nation  en  conspirations  our 
die»  contre  la  liberté.  »  Et  il  accuse  Louis  XVI 
de  ia  dissimulation  de  Louis  XI  et  de  sa  férocité'. 
Le  jour  de  la  fidération  (t.l  juillet),  le  roi  avait 
embrassé  Maric-Aiiloinetle  au  balcon  de  l'École- 
Militaire,  tt  Billaud  dit  :  J'ai  lu  un  Charles  IX 
embrasser  Médicis.  11  traite  de  fourbes  ceux  qui 
raccu.vent  de  demander  un  renversement  ;  il  ne 
vote,  dit-il,  (\ue  pourla  réjorme.  Il  veut  c|u'on 
profite  du  moment  oii  tes  fédérés  des  déparle- 
nients  sont  encore  à  Paris  pour  que  tes  grandes 
mesures  soient  prises  «  C'est  ]iour  s'être  contenté 
de  denii-triompbes  ,  c'est  pour  avoir  transigé,  et 
le  i4  juillet,  et  les  5  et  6  octobre,  et  le  18  avril, 
et  à  l'époque  du  parjure  éclatant  de  Louis  XVI  , 
que  la  France  est  tombée  insensiblement  dans  un 
état  si  déplorable.  .  .  .\ttendions-nous  que  deu.x 
cnt  mille  hommes  inondent  nos  frontières?. .. . 
et  il  propose  que,  dès  lo  lendemain,  les  fédérés 
présentent  à  l'assemblée  législative  une  adresse 
pour  demander  non  /n  destititio:»  du  roi,  puis- 
que ce  serait  conserver  dans  son  sein  ta  couleuvre 
iju'nn  )•  a  réchauffée  ;  mais  demandons  qu'une  «• 
cor/c  SLTFisAyxE  conduise  le  roi  et  toute  safumilfe 
Itors  des  frontières.  ..  ;  que  sans  délai,  le  corps 
entier  des  officiers  de  l'armée  soit  licencié  et  renom' 
mé par  les  régiments  eux-mêmes. ^'MaaA  veut  en- 
core qu'une  convention  nationale  soit  formée, 
el  que  des  iMembres  soient  nommés  non  par  des 
assemblées  électorales ,  mais  par  tous  les  Français 
sans  distinction  ,  réunis  en  assemblées  primaires  ; 
il  demande  le  veto  pour  les  quatre  vingt-trois 
(lé\-)arleLnen\s,  le  renouvellement  instantané  de  tous 
les  corps  administratifs  et  de  tous  les  tribunaux  ; 
l'arrestation  ,  à  Cinstaut.  de  Lafayette  et  Lukner  j 
la  déportation  de  tous  les  ennemis  publics  connus 
qui  supporteront  exclusivement  les  dépenses  de  la 
révolution;  la  décharge  de  toute  cuntributio,, 
pour  le  citoyen  qui  n'aura  pas  plus  de  six  cents  li. 
vres  de  revenu;    i<  Puifscnt,  dit-il  enfin,  tous  'es 

18 


•i74 


BIL 


convention  nallonale  elle-même,  il 
fut  aussi  membre  de  ce  corailé  de 
salut  public  qui ,  créé  au  sein  de 
cette  même  commune  de  Paiis  , 
"■ouverna  réellement  la   France  en- 


tyrans  lire  clans  le  camp  des  ennemis!  La  fuite 
les  sauva  à  la  journée  de  Marathon;  niais  nous 
qui  ne  voulons  cum'nitlre  qu'eux,  nous  les  clior- 
cUerons  dans  la  mêlée,  pour  que  nos  cou])S  ne 
tombent  que  sur  leurs  Icles  ,  et  que  le  preinier 
jour  de  la  liberlé  conquise  devienne  aussi  le 
dernier  de  leur  odieuse  existence.  «L'impression 
et  l'envoi  de  celte  extravagante  déclamation  ,  oii 
semblent  se  trouver  avec  les  pensées  du  lo  août 
celles  du  3  septembre,  forent  encore  ordonnés 
par  les  Jacobins,  lit  dès  le  i  août,  Billaud  pré- 
parait la  journée  du  dix  :  «  Messieurs,  disait-il 
«e  serait  jdulol  le  moment  d'agir  que  de  haran- 
guer. .  .  Â'oubliez  pas  que  c'est  à  Paris  à  don- 
ner l'cxenqile. . .  Déjà  les  progrès  et  l'euergie  de 
l'esprit  public  s'élèvent  pour  demander,  une 
convention  nationale  et  la  déchéance  d'un  roi 
cent  fois  parjure...  Mais  il  ne  suffit  p;is  d'être 
décidés  à  brider  l'idole  ,  il  faut  assurer  l'exécu- 
tion de  ce  !;rand  projet  par  des  mesures  d'un 
succès  indubitable. .  .  Je  l'avoue,  si  quelque  chose 
m'étonne,  dans  ce  inoniint,  c'est  de  ne  p^s  être  ré- 
veillé chaque  nuit  par  les  transports  tumultueux 
de  la  fureur,  par  Us  cris  de  la  crainte  et  du 
desespoir  ;  en  un  mol  par  les  flammes  d'un  em- 
ùrusement  universel.  Car,  enîin,  qui  peut  ignoi'er 
que  le  cheval  de  Troie  est  dai^  nos  murs:'»  Et 
il  retrace  à  sa  manière  les  dangers  qui  menacent 
la  révolution.  Deux  cent  mille  ennemis  sur  les 
fi-ontièrcs  ;  le  roi  qui  doit  fuir  à  Rouen,  le  camp 
de  Soissons,  où  les  citoyens  n'ont  trouvé  que 
ilii  pain  em/joisonné  et  pas  une  tente  La  disette 
de  l'arsenal  de  l'aris,  où  il  ne  reste  pas  cinq 
grosses  jiicves  d'urlillaric  ,  oii  tontes  les  mu- 
niliims  sont  dans  une  pénurie  c^ule.  U  annonce 
que  le  projet  est  de  désarmer  le  peuple,  de  lui 
monti'er,  à  son  réveil,  toutes  les  places  publi.jues 
hérissées  d'éc/tufuuils,  et  déjà  surchargées  des  plus 
chaleureux  patriotes  .  .  Dormez  en  paix  si  vous 
l'osez,  et  il  veut  qu'on  s'occupe  sur-le-champ  de 
mettre  à  exécution  la  grande  mesure  dont  la  sec- 
tion des  ïjOmbards  a  donné  Vidée  :  c'est  un  camp 
sous  les  murs  île  Paris.  Formez-le,  plutôt  ce  soir 
que  demain,  et  dès  ce  moment  vous  devenez  invin- 
cibles, a  tlii  camp  donnera  la  fjrce  qui  paraît 
manquer  an  corps  législatif  et  pour  prononcer 
la  déchéance  et  pour  appeler  ia  convention  na- 
tionale et  enfin  pour  frapper  du  glaive  de  la  loi 
le  scélérat  Lalajette.  (  Lafayelle  était  encore  à  la 
tète  de  l'armée  la  plus  considérable.)  Le  décret 
d'accusation  une  lois  porté,  si  le  traître  refuse 
de  se  remlre  à  Orléans,  V(ms  verrez,  je  vous  en 
réponds,  la  léte  du  monstre  au  bout  d'une  |iique.» 
Sillaud  parle  ensuite  des  charmes  de  la  fratei- 
u!te  au  milieu  d'un  camp  qui  serait  formé  dans 
les  Chainps-Kljsers,  où  les  piques  ser.iient  mê- 
lées aux  fusils,  et  qui  serait  permanent  jusi/u  à  ce 
ijue  la  révolution  fut  terminée.  Il  veut  qu'on  joigne 
a  ce  camp  cent  escadrons  de  cavalerie  formés 
aveu  les  attelages  de  caiosses  et  de  cabnolels^i  Assez 
et  trop  long-temps  les  chevaux  des  riches  ont 
écrasé  le  pauvre  ;  et  pour  leur  faire  expier  ce 
forfait,  il  faut  les  employer  maintenant  à  broyer 


riL 

lière  (:i)j   et  ce  fui  dans  ces    dou- 
bles fondions  que  ,  de  concert  avec 
Danton,    devenu  ministre  de  la  jus- 
lice,    il  conçut,  prépara  et  fit  exé- 
culer   les  massacres   de  septembre. 
De  tous  les  moteurs  ou  ordonnateurs 
de  ces  crimes  ,  qui  ont  survécu  à  la 
chute  de  leur  parti ,  il  est  le  seul  qui 
n'en  ait  iamais  repoussé  Taccusalion, 
le  seul   qui  ne  s'en   soit   pas  même 
défendu,  lorsque  Tindignalion  publi- 
que força   tous  ses  complices   a  les 
désavouer.    Quelques  jours    aupara- 
vant ,  lorsqu'il  délibérait   au   milieu 
de  ce  comité  de  salut  public  sur  les 
moyens  d'exécuterses horribles  plans, 
son  collègue  Duplain  lui  ayant  expri- 
mé quelques  doutes  sur  la  possibilité 
de  réunir   assez  d'assassins  pour  im- 
moler a  la  fois  dans  toutes  les  pri- 
sons un  aussi  ^raud  nombre  de  victi- 
mes :    «  Nous   faut-il    doue  tant  de 
ce  monde?  répoudit-iij  d'ailleurs  on 
ce  en  trouvera...  »   On  en  trouva  eu 
effet,  et  Ton  ne  peut  douter  que  le 
Gubstilut  de  U  commune  n'ait  contri- 
bué plus  qu'aucun  autre  a  les  réunir, 
a  les  organiser,  et  qu'il  n'ait  person- 
nel leraent  distribué  les  rôles  et  donné 
toutes   les  instruclions.    Deux  cents 
hommes  lui  suiSrent  po'jr  égorger  eu 
une  semaine ,  dans  huit  prisons  a  la 
fois,  plus  de  six  mille  victimes  (5)  !  Le 
soir  même  du  2  sepl.  où  les  massacres 
commencèrent  ,  Billaud  ,   décoré  de 
son  écharpe  municipale,  se  rendit  à 
l'Abbaye.  Déjà  larueSte-Marguerile, 
devant  celte  prison,  était  obstruée  de 

sous  leurs  pieds  les  ennemis  de  la  liberlé  et  les 
reptiles  de  la  révolution.  »  Suit  l'éloge  des 
frères  de  jflarseille.  Vimprcsiioa  et  la  disiribulion 
de  ce  discours,  précurseur  du  lo  août,  furent  ar- 
rêtées par  Dclauna/  ,  d'Angers,  président  du 
club  des  Jacobins,  Robespierre,  vice-président, 
Thurial  et    Bellegarde,   secrél aires.  V  — ve. 

(2)  Le  con.ilé  Je  salut  public  de  la  coiiiiniine 
était  composé  de  P.  J)up  ain  ,  Panis,  Sepgent  , 
I.eiifaut,  Jourdeuil,  Marat,  Deforge»  ,  Lecierc, 
Lefort  et  Cally. 

(3)  Quelques  historiens  Its  portent  à  dix 
mille. 


BIL 

plusieurs  amas  de  cadavres.  Alors  , 
en  prestnce  de  riiorril)le  tribunal 
qui  ordonnait  ces  meurtres,  sous  la 
présidence  de  îîiaillard  (  F oy.  ce 
nom  ,  au  Stipp.  ),  posant  Tun  de 
ses  pieds  sur  les  cadavres  et  l'autre 
dans  un  large  ruisseau  de  sang,  il  dit 
aux  égorgeurs  :  «  Peuple,  tu  immoles 
ce  tes  ennemis  ;  tu  fais  ton  devoir. 
«  Jamais  lu  n'as  donné  une  plus 
«  grande  preuve  de  ta  puissance  et 
a  de  ta  justice  !  La  reconnaissance 
«  nationale  t'attend...»  El  il  alla  dans 
les  autres  prisons  où  s'exécutaient  de 
pareils  CI  imes;  11  y  porta  les  mêmes 
encouragements.  Le  lendemain  il  y 
revint  encore,  k  Mes  amis  ,  leur  dit- 
«  il,  la  commune  m'envoie  pour  vous 
«  représenter  que  vous  déshonorez 
a  celte  belle  journée... On  lui  a  dit 
«  que  vous  voliez  ces  coquins  d'a- 
«  ristocrales ,  après  en  avoir  fait 
«  justice.  Laissez  tous  les  bijoux  , 
«  tout  l'argent  et  tous  les  effets 
a  qu'ils  ont  sur  eux  pour  les  frais 
«  du  gi  and  acte  de  souveraineté  na- 
ît tiouale  dont  l'exécution  vous  est 
a  commise.  On  aura  soin  de  vous 
«  payer  comme  on  en  est  convenu 
te  avec  vous.  Soyez  nobles  ,  grands 
ce  et  généreux,  comme  votre  profes- 
ce  sion...  venez  au  comité  quand  vous 
ce  aurez  rempli  ce  grand  devoir  j  je 
et  prends  tout  sur  moi ,  je  me  charge 
ce  de  votre  récompense..."  Le  lende- 
main,  en  effet ,  des  dépulatious  parti- 
rent de  chaque  prison  pour  se  rendre 
a  la  commune.  La  présence  de  pa- 
reils hommes  causa  d'abord  quelque 
embarras  aux  municipaux,  etBillaud- 
Varenne  lui-même ,  a  qui  ils  s'a- 
dressaient plus  spécialement,  parut 
un  moment  déconcerté.  Cet  licmnic 
qui  faisait  trembler  to'.'te  la  France  , 
qui  n'était  cruel  que  parce  qu'il  était 
lâche,  trembla  lui-même  devant  ces 
assassins,  ce  Respectables  citoyens  , 


BIL 


27J 


«  leur  dit-il  bassement,  vous  ne  cessez 
et  pas  de  bien  mériter  de  la  patrie, 
«  et  la  commune  ne  sait  comment 
a  vous  exprimer  sa  reconnaissance  ; 
tr  elle  me  charge  de  vous  annoncer 
«  que  chacun  de  vous  va  recevoir 
c(  une  gratificalion  de  2.^  francs. 
te  Instruisez-en  vos  camarades  ,  et 
ce  continuez  k  délivrer  la  patrie  de 
te  ses  ennemis...  «  Quelques-uns  de 
ces  misérables  insistant  encore  pour 
que  tout  le  butin  leur  fût  aban- 
donné, Billaud  dit  ,  avec  son  hy- 
pocrisie habituelle  ,  qu'ils  n'igno- 
raient pas  que  la  commune  avait  des 
comptes  k  rendre...  ,  mai.-,  qu'ils  se- 
raient indemnisés.  On  ignore  a  qui 
et  comment  ces  comptes  ont  été  ren- 
dus 5  ce  qu'il  y  a  de  sur,  c'est  que  la 
commune  ne  s'est  jamais  justifiée  du 
reproche  qui  lui  fut  adresse  par  Bar- 
haroux,  dans  la  séance  de  la  conven- 
tion nationale  du  10  oct.  1792, 
de  s'être  approprié  une  immense 
quantité  d'or  et  d'argent.  Quels  motifs 
avaient  donc  les  municipaux  d'être  si 
parcimonieux?  Comment  pouvaient- 
ils  dans  un  pareil  moment  disputer  le 
salaire  aux  bourreaux  qu'ils  avaient 
mis  fu  œuvre?  Ces  misérables  ,  peu 
satisfaits  de  telles  explications  ,  in- 
sistèrent. L'un  d'eux  surtout  ,  qui 
avait  entendu  les  promesses  et  reçu 
les  encouragements  de  Billaud-Va- 
renne ,  le  pressa  vivement.  Alors 
tout  effrayé  ,  le  substitut  présente 
cet  homme  k  ses  collègues  :  a  Voi- 
ce ci  un  de  ces  braves  ,  leur  dit- 
<t  il,  k  qui  la  république  doit  une 
te  reconnaissance  éternelle.  11  vient 
«  au  nom  de  ses  camarades,  qui  de- 
«  mandent  justice,  et  auxquels  il  est 
ce  de  votre  devoir  de  la  faire...  »  Le 
conseil  n'hésita  p'us  j  les  dépouilles 
furent  partagées  entre  les  muiiicijaux 
et  les  assassins...  Ces  misérables, 
a  la  fin   satisfaits ,   retournèrent  à 

iS. 


•J.-,(j 


lilL 


lilL 


leurs    opéralious;    et   ils  les   conti- 
nuèrent sans  interruption  durant  six 
jours    et   six   nuits.   On    a   dit  qu'à 
Bicètre,  où  il  y  avait  un  grand  nora- 
hre    de  dëtt=uus    qui ,  pour  la   plu- 
part ,   n'étaient  pas  des  prisouuiers 
politiques,   on   avait  tiré  à  mitraille 
pour  les  expédier  en  masse.  Biais  ce 
fait  a  été  démenli  par  une  lettre  du 
^4  sept.  i8i4,  écrite  aux  rédacteurs 
de  plusieurs    journaux    par  le   sieur 
Cortier.ÇiCi  ancien  employé  de  l'ad- 
miiiislraliun  de  Bicètre  a  révélé,  après 
vingt-dtux  ans  de  silence  et  d'incerti- 
tudes, que  les  brigands  étaient  armés 
de  fusils,  de  sabres,  de  piques,    de 
faux,  de  bùclies,  etc.-,  qu'ils  étaient 
accompagnés  d'un  officier  municipal, 
et  d'un  détachement  de  la  garde  na- 
lioacde  de   la  section  de   TObserva- 
loire,  qui  avait  deux  pièces  de  canon  5 
qu'ils  anivèrent  le   5   sept.,  sur  les 
(j  heures  du  matin,  et  qu'un  message 
pour  engager  les    autorités  à  ?ie 
point  faire  de  résistance,  les  avait 
précédés  d'une  heure.  Il  ajoute  que 
trois  septembriseurs  s'érigèrent  alors 
en  juges  5  que  le   mot  à  l'Abhaye\ 
était  toute  la  sentence.  Le- prisonnier 
était  assommé  sur-le-champ. . .  Et  tout 
cela  se  fit  sans  aucune  espèce  d'oppo- 
sition.   Il    n'exisiait   réellement  pas 
alors  dans  la  capitale    d'autre   auto- 
rité que  celle  de  la  commune  de  Pa- 
ris ;  il   n'y    avait   pas    d'autre  pou- 
voir que   celui   des    bourreaux.   j)cs 
détachements  de  g.irde  nationale  di- 
rigés par   les  municipaux  assistaient 
partout     aux    exécutions.    L'assem- 
hlée     législative     tremblait  ;    beau- 
coup de  ses  membres  avoient  pris  la 
fuite,  et  quelques-uns  étaient  notoi- 
rement dans  le  secret  de  cet  exécra- 
Lie  complot.  Toute  son  influence  et 
sa  sollicitude  se  bornèrent  a  soustraire 
au  fer  des  assassins  le  député  Jouneau, 
qu'un  décret  de  discipline  avait  quel- 


ques jours  auparavant  mis  au  nom- 
bre des  prisoiiniers.  Ce  fut  unique- 
ment pour  sauver  ce  député  que  le 
second  jour  des  commissaires  se 
rendirent  sur  les  lieux  ,  ayant  le 
vieux  Dussaulx  a  leur  tèle.  Ils  osè- 
rent à  peine  approcher  des  égor- 
geurs  ,  et  revinrent  bientôt  dé- 
clarer a  l'assemblée  que  a  les  tê- 
te nehres  les  avaient  empêchés  de 
K  voir  ce  qui  se  passait... 1^  Le 
maire  Pélhion,  homme  faib'e  et  sans 
caractère,  ne  pouvait  dans  dépareil- 
les circonstances  être  autre  chose 
qu'un  instrument  de  crimes.  On  le  vit 
a  la  prison  de  la  Force,  où  quatre 
municipaux,  ses  collègues,  siégeaient 
en  écharpe  ,  au  milieu  des  cada- 
vres (4-).  l\Iais  plus  lâche  que  cruel  , 
il  ne  put  supporter  long-temps  la  vue 
d'un  pareil  spectacle  ,  et  se  rendit  au 
Temple  pour  v  arracher  k  la  faiblesse 
de  Louis  X\I  une  dernière  conces- 
sion. Ce  fut  le  même  jour  qu'une 
troupe  de  brigands  portant  sur  une 
pique  !a  tête  de  la  princesse  Lam- 
balle  (  P"oy.  ce  nom  ,  au  Supp.  )  , 
vint  menacer  la  famille  royale  de 
lui  faire  subir  le  même  sort.  Le 
malheureux  prince  ,  cédant  aux  me- 
naces et  surtout  aux  larmes,  aux 
terreurs  de  sa  famille,  écrivit  alors 
au  roi  de  Prusse  cette  lettre  dont 
il  n'est  plus  possible  de  contester  la 
réalité  ,  ei  qui  était,  on  ne  peut  en 
douter,  le  principal  but  de  tout 
cet  horrible  complot.  Le  ministre 
Roland  fut  le  seul  qui,  dans  ces  dé- 
plorables journées,  lit  quelques  ef- 
forts pour  mettre  fia  aux  massacres. 
ÎSe  pouvant  y  réussir  ,  il  écrivit  à 
l'assemblée  qu'il  fallait  jeter  un 
voile  sur  des  excès  que  le  pou- 
voir  exécutif  n'avait  pu  prévoir 


(.;)  Taiig"'!  Mic'noni5,  Monnciise   cl  LaiL'ull- 
lon. 


BIL 

ni  empccher  ,  ruais  qu'il  était 
temps  que  le  règne  de  la  loi  s'é- 
tablit   Lorsque  tout  fut  con- 
sommé la  commune  daigna  faire  dire 
aux  législateurs  que  k  les  prisons 
a  étaient  vides  5  qu'on  n  avait  pu 
K  arrêter  la  vengeance  du  peuple; 
«  mais  quil  n'avait  péri  que  des 
Il  scélérats...  »  Et  ce  fui  alors  que, 
sur  la  proposition  de  V'erguiaux,  ras- 
semblée rendit  cette  loi  dérisoire  , 
qui  cousti'iuait  la  commune  respon- 
sable de  la  sûreté  des  prison- 
niers. Dans  le  même  temps  et  pres- 
que aux  mêmes  lieux  où  s'exécu- 
taient les  massacres,  l'assemblée  élec- 
torale de  Paris  nommait  des  députés 
k  la  convention  nationale.  Le  couié- 
dien  CoUol-d'Herbois,  qui  fut  un  de 
SCS  élus  avec  Robespierre  ,  Danton 
et  Marat  ,  lui  dénonçait  les  tno- 
dérés  ,  les  hommes  pusillanimes  , 
effrayés  des  grandes  mesures. 
Il  faisait  un  éloge  pompeux  de  ce 
courageux  conseil  de  la  com- 
mune ,  dont  la  marche  rapide  , 
énergique  et  populaire  sauvait  la 
clicyse  publique...  Sous  de  tels  aus- 
pices et  par  de  tels  électeurs  Billaud- 
Vareiiue  ne  pouvait  manquer  d'être 
aussi  nommé  ;  et  il  le  fut  un  des  pre- 
miers. —  Mais  les  massacres  étaient 
à  peine  terminés  qu'il  eut  à  remplir 
une  mission  bien  autrement  impor- 
tante. Tous  les  journaux  du  temps  ont 
dit*  et  les  bislorieus  ont  répété  sans  le 
moindre  examen,  que  cette  mission, 
qui  lui  fut  donnée  par  la  commune, 
n'eut  pour  objet  qu'une  tournée  dans 
les  départements  aux  environs  de  Pa- 
ris •  qu'elle  se  borna  a  une  courte 
apparition  daus  la  ville  de  Meaux  où 
Billaud  fit  encore  exécuter  quelques 
massacres,  et  dans  celle  dcCbàloiisoù 
il  ne  putcn  faireaulanl,  grâce  alafer- 
meté  d'une  municipalité  qu'il  menaça 
de  sa  colère,  et  qui  eu  ressentit  plus 


BIL 


^77 


tard  les  cruels  effets  ,  comme  aussi  le 
vieux  Luckner,  qu'il  trouva  tiède^ 
dépourvu  de  mémoire,  et  qui  fut 
ainsi  dès-lors  voué  k  l'écbafaud.  Mais 
ce  n'était  pas  la,  nous  ne  pouvons  en 
douter,  le  plus  important  de  la  mis- 
sion de  Pjillaud  ;  il  nous  est  démon- 
tré qu'il  lut  envoyé  a  l'armée  de 
Dumouriez  avec  deux  autres  com- 
missaires porteurs  de  la  lettre  de 
Louis X\lauroide  Prusse,  etqu'ilfut 
aussi  porteur  d'objets  non  moins  im- 
portants et  destines  aux  Prussiens. 
Nous  avons  sous  les  veux  une  lettre 
de  Dumouriez  au  ministre  de  la 
guerre,  datée  de  Sainle-Menehould  , 
le  I  8  sept.  1  792,  dans  laquelle  il  dit 
positivement  que  Billaud-Yarenne  , 
qui  est  venu  a  son  quartier-général  , 
«  la  beaucoup  aidé  à  sauver  la 
«  chose  publique, ..n  El  certes  ce 
n'était  ni  par  des  conseils  ni  par  des 
moyens  militaires  que  le  substitut  de 
la  commune  pouvait  daus  de  pareilles 
circonstances  aider  le  clief  de  l'ar- 
mée française  à  sauver  la  chose  pu- 
blique. Qu'on  songe  a  la  disparition 
des  diamants  de  la  couronne  ,  au  vol 
du  garde-meuble  ,  k  celui  dos  Tuile- 
ries et  de  tous  les  dépôts  pub'icsj 
aux  dépouilles  de  trmt  de  victimes, 
qui  disparurent  égaltment  ,  el  sur- 
tout au  rôle  que  Billaud-Yarenne 
avait  joué  dans  ces  terribles  événe- 
ments!... (5).  La  commune  fil  part 
à  l'assemblée  d'une  partie  de  la  cor- 
respondance que  ces  commissaires 
cnlrelinreiil  avec  elle  pendant  leur 
mission  5  mais  elle  garda  le  silence 
sur  leurs  rapports  avec  Dumouriez  ; 


(5)  Cette  question  historique  e-l  Je  la  plus 
haute  importance.  Elie  doit  expliquer  tous  les 
faits  Je  cette  epoqxie  ;  mais  jusqu'à  présent  les 
hisloriciis  l'ont  méconnue  ec  mal  comprise. 
Kausl'approfoiidiions  plus  ampîonicut  à  l'article 
Dumouru'z  ,  1 1  nruis  y  cléinoalierons  que  la  re- 
traite des  Prussiens  ne  peut  pas  être  expliquée 
ir.ililairemcnl  {f^oj:  Dumoukieï  ,  au  Supp  )  ; 
qu'ainsi   il    faut    l'attribuer  à  d'autre»    c^uiies. 


•>7S 


BlL 


et  ce  gi'uéral  qui  dans  ses  mémoires 
a  parlé  de  cette  époque  avec  tant  de 
détails  sur  les  choses  el  les  personnes, 
se  garde  bien  de  rien  dire  de  Billaud- 
A'^areunej  il  ne  prononce  pas  même 
son  nom ,  et  nous  pourrions  douler 
qu'il  l'ait  vu  ,  sans  sa  lettre  que  nous 
avons  lue,  copiée  sur  la  ininule  et 
dont  nous  garantissons  Taullien licite. 
il  faut  surlout  en  considérer  la  dale 
et  songer  qu'elle  fut  écrite  trois  jours 
après  Teffioyable  déroule  du  i5  sep- 
tembre ,  où  les  fu}  ards  se  sauvèrent 
jusqu'à  Paris,  et  deux  Jours  avant  la 
parade  convenue  de\almy,  à  laquelle 
nous  avons  personnellement  assisté , 
el  qu'aucun  mililaire  de  quelque  ex- 
périence ne  peut  qualifier  autrement. 
Ce  n'est  que  irois  ans  plus  tard,  et 
lorsqu'il  eut  a  se  défendre  contre  les 
accusations  de  Lccoinire  de  Ver- 
sailles, qui  avait  fait  impria>er  une 
de  ses  lettres  aDumouriez  (6),  que 
Bdlaud-\arenne  avoua  une  partie  de 
ses  rapports  avec  ce   général  5   et  il 

(G)«  Airivr  depuis  trois  jours,  écrit  Billaud 
h  Tlumouiiez  ,  mon  cher  général ,  à  cliaquc  in- 
stant j'ai  eu  i'inlcniion  de  vous  écrire,  sans  pou- 
voir trouver  celte  salisfaction. .  Je  voulais, 
d'.Tilleurs,  vous  donner  îles  nouvelles  de  la  .-itua- 
lion  dans  laquelle  j'ai  trouvé  Paris,  tant  pour  les 
chosps  ijiie  pjiir  les  personnes.  C'est  hier  seulement 
que  j'ai  pu  .'«n'oir  la  parole  à  la  convention,  pour 
l'aire  le  rapport  de  ma  conduite  à  l'armée,  et  des 
faits  dont  j'ai  é;é  le  témoin...  l.e  porteur  de  cette 
K-ltre  esl  le  citoyen  Laribeau.  Ce  sera  pour  vous 
un  homme  de  confiance;....  C'est  mon  ani  in- 
time tjue  Je  donne  à  mon  ami,  et  cela  senl  altère  le 
sacrifice  que  je  fais  de  l'un  et  de  l'autre.  Se  vous 
demande  une  gràue,  celle  de  m'écrire  aussi  dans 
les  circonstances  décisives,  pour  me  me' Ire  eu 
mesure  d'agir,. ,  Bonjour,  mon  cher  ginéral, 
cruyezmoi  voire  ami  pour  la  vie.  »  Billaud  ne 
désavoua  pas  celte  leltie,  et  dans  sa  Réponse 
à  Laurent  Lecoinlre,  il  dit  :  «  M:i!i;rc  les  la- 
cunes qui  mutilent  celle  lettre,  je  demande  ce 
qu'elle  a  di-  répréheii'iible,  lorsqu'elle  est  da- 
tée ilu  2Ji  septembre  1792  ,  et  qu'elle  ne  con- 
tient rien  qui  ne  soii  conforme  au  rapport  que 
j'ai  fait  de  ma  mission  à  la  convenu  n  natio- 
nale (<e  rapport  est  re>té  inconnu;  il  n'est  point 
au  Moniteur,  el  flous  pensons  qu'il  n'a  jamais-  clé 
fait).  J'arrivais  de  rarm('e;j'avais  Irouvf  Uumou- 
riez  dans  la  position  ta  plus  critique,  n'ayant  que 
i5,oûo  hommes  ,  presque  nus,  a  op/joser  ul'ur' 
mée  des  Prus'iens  ,  compose'e  de  S:), 000  Itommes  , 
qui  étaient  déjii  maîtres  de  Longwy  el  de  Verdun, 
et  qui  tenaieut,  pouv  ainsi  dire,,  investi  le  camp 


BlL 

esl  h  remarquer  que  s'il  a  réellement 
rendu  compte  a  la  convenlion  de  sa 
mission,  ainsi  qu'il  le  dit  dans  celte 
leltre,  son  discoui'b  n'a  pas  élé  inséré 
au  Monilew\  et  qu'il  n'en  re.^e  au- 
cune trace  dans  les  journaux  du 
temps.  Le  vague  el  Tobscurilé  qu'il 
s'efforce  de  jeter  sur  eetle  lettre, 
dont  uous  n'avons  d'ailleurs  que  des 
fragments,  prouve  qu'a  celte  époque 
encore  il  était  loin  de  vouloir  loul 
dire  sur  sa  mission  5  et  bien  qu'il 
cherche  à  insinuer  que  Fabre-d  E- 
glanline  fut  le  principal  agent  des 
négociations  avec  les  Prussiens,  nous 
sommes  convaincus  que  ces  négocia- 
tions étaient  terminées  lors  de  l'arri- 
vée de  Fabre,  qui  ne  vint  a  l'armée 
que  le  20  sept.,  trois  jours  après 
l'affaire  de  \almy  ;  nous  pensons 
même  qu'elles  l'étaient  lors  de  la  dé- 
route du  i5  sept.,  où  l'armée  prus- 
sienne ,  qui  avait  une  tel'e  supé- 
riorité, qu'elle  pouvait  d'un  seul  mou- 
vement anéantir  quinze  mille  liomaies 


de  Grand-Pré  ,  n'ayant  qu'une  issue  pour  en 
sortir.  Penlaiït  mon  spjnur  là,  j'avais  \u  Du- 
mouricz  se  donner  beaucoup  de  peiu'-  pour  openr 
la  jonction  des  reuforls  qui  ni  étaient  envoyés 
et  qui  n'arrivaienl  point;  enfin  la  clé  principalo 
de  son  camp  fut  prise  et  il  ne  restait  plus  d'au- 
tre ressource  que  de  l'i  vaeuer  tlans  la  nuit  ;  ce  qui 
fut  exécuié.  Le  lendem.iin,  arrivés  au  camp  de 
Dammartin,  à  peine  les  soldats  dressaient-ils 
leurs  tentes,  après  quinze  heures  de  marche  , 
qu'une  icrrcur  panique  se  répand  dans  l'armée, 
el  que  dans  un  instant  la  déroute  devient  géné- 
rale. .Vu-silùL  Dumouriez  monte  i\  cheval,  cl,  en 
moins  d'une  demi-'aeure  ,  il  la  rallie.  Il  ne  pou- 
vait, sans  doute,  rendre  un  service  plus  im|)or- 
tant  à  la  patrie, exposée  au  plus  grand  danger,  si 
tout-.à-coup  elle  se  fiii  trouvée  sans  armée  dans 
le  point  oit  il  y  avait  une  foi  ce  ennemie  l'e  qua- 
tre-vingt miil';  hommes.  Je  ne  l'ai  pas  caché 
dans  le  temps,  et  je  ne  le  nie  point  aujourd'hui... 
Le  crime  eut  éle  d'avoir  des  liaison.s  avec  ce  gé- 
néral perfide  lorsqu'il  trahissait;  mais  j'ai  rompu 
avec  lui  dès  l'époque  de  la  fuite  concertée  des 
J'russicns,  et  lorsque  je  fus  instruit  qne  Fabre- 
d'E'jlantiue  était  aile  secrètement  au  camp  de  la 
l.une,  pour  arranger  cette  trahison.  »  l)n  voit 
q  ue,  Billaud,  einbai  rasse  dans  cette  réponse  à  Le- 
coliitre,  sur  ce  cbei  d'accusation,  leiinine  par 
dire  :  «  Du  reste,  je  n'avoue  ni  ne  dénie  que  ce 
soit  là  la  véritable  leltre  que  j'ai  écrite...»  Mais, 
s'exprimer  ainsi,  c'était  l'avouer;  et  l'on  doit 
regretter  qu'elle  ail  élé  tronquée,  V-r-VE, 


eii  ùi'soi'clre  et  loul-à-fail  clé-ori};aiu-' 
sés,  rosia  coinplèlonienl  iiuiiiohlf,  cl 
lie  {îl  pas  même  une  di'inonslralion 
pour  profiler  de  ses  avantages.  Bil- 
laud-Vnreniie  ,  qui  étail  auprès  de 
Dumouriez,  dès  le  12  sept.,  ue  rail 
pas  beaucoup  de  temps  a  sauver  In. 
chose  publique  avec  lui.  Dès  le  :;o 
de  ce  mois,  il  était  revenu  dans  la 
capitale  pour  y  assister  à  la  première 
séance  de  la  convention  nationale. 
Déployant  aussitôt  da:is  cette  as- 
senildée  le  caractère  de  férocité 
qui  le  distinguait  si  éminemment  , 
il  demanda  la  suppression  de  tous  les 
juges  et  de  tous  les  tribunaux,  com- 
me des  fauteurs  du  despotisme-^ 
puis  il  proposa  un  décret  d'accu- 
sation contre  Tancien  ministre  La- 
coste, contre  le  général  Dillon  ,  et 
contre  Rolnnd  qui  avait  eu  le  tort, 
bien  grave  a  ses  yeux- ,  de  vouloir 
mettre  fin  aux  m.assacres  des  prisons. 
A  la  séance  du  29  oct.,  il  parla 
encore  contre  Louvet  qui  avait  aussi 
condamné  les  massacres,  et  qui  avait 
eu  le  courage  d'attaquer  Robespierre 
et  la  commune  j  mais  ce  fut  surtout 
dans  le  procès  de  Louis  XVI  que 
Biilaud  se  montra  sanguinaire  et 
féroce.  D'abord,  il  voulut  faire 
a  l'acte  d'accusulion,  que  Maral  lui- 
même  demandait  h  réduire,  des  ad- 
ditions si  absurdes  ,  si  brutale- 
ment cruelles ,  que  !a  majorité  s'y 
refusa.  Il  s'opposa  ensuite  a  ce  qu'il 
fût  permis  au  malheureux  prince  d'a- 
voir plusieurs  conseils  j  et,  voyant  que 
la  discussion.durait  trop  long-temps, 
il  fit  une  sortie  contre  ceux  de  ses 
collègues  qu  il  anpelait  les  amis  du 
tr?Yin-  proposa  de  briser  la  statue 
de  Brutus  placée  dans  la  salle  des 
séances  et  s'écria  :  «Cet  illustre  Ro- 
cc  main  n'a  pas  balancé  a  détruire  un 
a  tyran  j  et  la  convention  ajourne  la 
«  justice  du  peuple  contre  uu  roi...» 


Bïr. 


'■>-79 


Il  vola  pour  la  mort,  contre  tout 
sursis  h  l'exécution  j  et  dans  la  ques- 
tion de  l'appel  au  peuple  il  demanda 
ironiquement  si  les  Français  de 
r Amérique  et  des  Grandes  -Indes 
seraient  aussi  conifoqués  pour  pro- 
noncer sur  cet  appel.  Il  dénon- 
ça ensuite  successivement  Clavière  , 
Fournier  l'Américain  ,  Houchard  , 
Gusline  ;  et,  lorsque  le  5  mars  on  hé- 
sitait à  donner  de  la  publicité  aux 
revers  d'Aix-la-Chapelle  ,  se  rappe- 
lant tout  le  parti  qu'il  avait  lire  de  la 
prise  de  Verdun  pour  les  massacres 
de  septembre ,  il  déclara  qu'il  ue 
fallait  rien  cacher  au  peuple ,  que 
c'était  ainsi  qu'on  avait  déjà  sauvé  la 
pa'rie  !  —  Quinze  j^ours  plus  tard  il 
était  avec  Seveslre  en  mission  dans  le 
fond  de  la  Bretagne,  où  ils  firent  les 
rapports  les  plus  alarmants  sur  les 
premiers  symptômes  d'insurrection 
qui  s'y  manifestaient.  Ils  demandèrent 
avec  de  vives  instances  des  envois  de 
Iroupi  s  qu^il  ne  purent  obtenir.  Alors 
Biilaud  revint  a  la  convention,  et  il  y 
dénonça  le  conseil  exécutif,  puis  les 
administrateurs  du  département  d'Il- 
le- et- Vilaine.  Mais  ce  fut  surtout 
dans  la  lutte  qui  précéda  le  3i  mai 
que  ce  fougueux  orateur  se  signala 
par  ses  violences  et  sou  acharnement 
contre  le  parti  de  la  Gironde.  Il 
apostropha  Lanjuinais,  àplusieursre- 
piises,  lorsque  ce  député  courageux 
résistait  avec  une  si  rare  fermeté  aux 
attaques  des  montagnards^  et,  quand 
ces  derniers  eurent  triomphé  ,  ce  fut 
encore  Billaud-Vareune  qui  ,  dan,=,  la 
séance  du  2  juin,  prononça  contre 
trente-deux  de  ses  collègues  une 
philippique  véhémente  ,  k  la  suite  de 
laquelle  il  demanda  le  décret  de  mort 
qui  fut  prononcé.  Ce  qu'il  y  a  de  plus 
remarquable  dans  cette  harangue, 
empreinte  de  toutes  les  fureurs,  de 
toute  la  démence  de  l'époque,  c'est 


iSr, 


RIL 


([lie  Billauil-Vareime  y  fait  aux  co- 
ryphées de  la  Gironde  ,  et  surtout  h 
Péthion,  le  reproche  d'avoir  volé  la 
mort  de  Louis  XVI.  Celte  partie 
de  son  discours  prouve  d'ailleurs 
d'une  manière  si  inconleslable  l'exis- 
tence de  la  lettre  de  Louis  X\  I  , 
dont  nous  avons  parlé  ,  que  nous 
croyons  devoir  la  citer  textuellement. 
«  ..  Telle  est  la  fausseté  de  ces 
«  hommes  qu'après  avoir  employé 
a  toutes  les  ressources  de  l'éloquence 
«  pour  soustraire  Louis  le  dernier 
(c  à  l'échafaud ,  ils  ont  eux-mêmes 
a  voté  la  plupart  pour  son  supplice. 
a  Barbaroux  le  condamne  au  nom  de 
a  ses  commettants  alors  trop  pronon- 
ce ces  pour  admettre  un  autre  juge- 
«  ment.  Vergniaux oublie  ses  peintu- 
tc  res  dégoûtantes  de  proscription  et 
«  de  cadavres  entassés  dans  des  fosses, 
«  pour  y  précipiter  le  tvran  de  sa 
«  propre  main.  Péthion  plus  fourbe 
«  encore,  Vé\.Wio\\(]nis'élait  e?igagë 
«  avec  Louis  XVI  a  le  sauver  ,  s'il 
«  voulait  prier  le  roi  de  Prusse  d'é- 
a  vacuer  momentanément  le  terri- 
K  toire français;  Péthion  qu'on  asso- 
«  ciepour  celle  machination  avecPi'Ia- 
K  nuel  et  Kersaintj  Péthion  quia  imité 
K  en  tous  points  leur  conduite  conlre- 
«  révolutionnaire,  a  néanmoins  une 
a  teinte  de  noirceur  de  plus  que  les 
K  deux  autres,  pusque  ceux-ci  ont 
«  eu  la  conscience  de  voter  pour  la 
«  grâce  qu'ils  avaient  promise , 
K  tandis  que  Péthion  a  sacrilié^rt/:»^- 
tc  rôle  a  la  crainte  de  perdre  sa  po- 
«  pularilé,  et  a  voulu,  au  mépris  d'un 

a  ENGAGEMENT  FORMEL  ,   SC  faire  Un 

«  masque  de  la  tète  abattue  du  des- 
cc  pote... 35  Après  les  massacres  de 
septembre  et  la  mort  de  Louis  X\I, 
Billaud-Varenne  semblait  avoir  con- 
centré toutes  ses  fureurs  sur  les 
Girondins 5  et,  lorsqu'il  les  eut  ren- 
versés   et    fait    périr   presque    tous 


BIL 

sur  l'échafaud,  il  s'acharna  contre  les 
débris  de  ce  parti,  a  Je  demande  , 
a  dit-il,  dans  la  séance  du  5  sept. 
a  179'^,  que  Lebrun  et  Clavière  soient 
«  jugés,  toule  affaire  cessante,  par 
ce  le  tribunal  révolutionnaire  ;  qu'ils 
«  périssent  avant  huit  jours...  Lors- 
cc  que  leurs  tètes  seront  tombées  ainsi 
a  que  celle  de  Marie- Anloinelle,  vous 
a  direz  aux  puissances  coalisées  qu'un 
ce  seul  fil  relient  le  fer  suspendu  sur 
ce  la  lèle  du  fils  du  tvran  ;  que  si  elles 
ce  font  un  pas  de  plus  sur  voire  lerri- 
ee  toire  ,  il  sera  la  première  victime. 
«  C'est  par  des  mesures  aussi  vigou- 
ce  reuses  qu'on  donne  de  l'aplomb  k 
ce  un  nouveau  gouvernement..  »  C'é- 
tait évidemment  le  souvenir  des  vi- 
goureuses mesures  de  septembre 
1792  qui  dictai!  de  pareilles  phrases. 
Dans  toutes  les  circonstances  qui  eu- 
rent quelque  ressemblance  avec  cette 
terrible  époque  ,  Billaud  ne  parla 
que  de  tribunaux,  d'armées  révolu- 
tionnaires, de  têtes  a  faire  rouler 
sur  l'échalaudj  c'étaient  ses  expres- 
sions favorites.  Envoyé  dans  les  dé- 
partements du  Nord  et  du  Pas-de- 
Calais ,  au  mois  d'août  1795,  il  y 
mit  ,  selon  son  propre  langage  ,  la 
terreur  à  l'ordre  du  jour.  Mais  il 
fut  tellement  épouvanté  lui-même 
des  progrès  que  les  armées  de  la  coa- 
lition faisaient  sur  cette  frontière, 
qu'il  revint  cacber  sou  effioi  dans  la 
capitale,  oh  il  demanda  le  premier 
nue  levée  en  masse  de  tous  les  Fran- 
çais. Ce  fut  encore  lui  qui,  dans  la 
séance  du  3  ocl.  1795  ,  fit  décré- 
ter d'accusation  le  duc  d'Orléans  , 
auquel  on  semblait  ne  plus  pen- 
ser, et  qui  dans  la  même  séance 
fit  envoyer  à  la  mort  l'infortunée 
Warie-Anloinetle  ,  par  ces  cruelles 
paroles  :  «  Une  femme  ,  la  honte  de 
ec  son  sexe  et  de  l'humanité,  la  veuve 
K  Capet  doit  enfin  expier  ses  forfaits 


BIL 

a  sur  récnafatul...  Je  demande  que 
te  If  Iribuualrévoiiilionnaire prononce 
a  celle  semaine  sur  sou  sort...»  Un 
tel  homme  ne  pouvait  manquer  d'ob- 
tenir à  la  couvenlion  nationale  une 
grande  influence.  Llu  président  le  i  o 
sept.  1795,  il  succéda  dans  ces  im- 
portantes fonctions  à  rvîaximilieu  Ro- 
bespierre ,  et  fut  bientôt  après  son 
digne  collègue  au  couiité  de  salut 
public.  Dès-lors  il  fît  beaucoup  de. 
discours  et  de  rapports  au  nom  de 
ce  comité  ,  devenu  le  ccnlre  de  tous 
les  pouvoirs.  La  convention  s'était 
réservé  le  droit  de  traduire  les  chefs 
des  armées  devant  les  tribunaux  5  Bi'- 
laud  fil  rapporter  ce  décret  5  et, 
comme  il  l'avait  annoncé  ,  Houcbard 
paya  bienlùt  de  sa  tète  ses  trahi- 
sons. De  même  que  son  digne  émule 
Robespierre,  c'était  surtout  contre 
les  militaires,  dont  il  redoutait  la 
loyauté  et  l'énergie,  qu'il  dirigeait 
ses  attaques.  Comme  on  Ta  dit  sou- 
vent, c'est  par  lâcheté  que  ces 
gens-la  étaient  cruels,  et  ce  fut  par 
la  peur  d'expier  un  premier  crime 
qu'ils  répandirent  des  torrents  de 
sang  1  Ce  fut  encore  Billaud  qui 
fit  rapporter  le  décret  par  lequel 
étaient  interdites  les  visites  domici- 
liaires pendant  ia  nuit.  EnGn  il  brisa 
sans  pudeur  jusqu'aux,  dernières  ga- 
ranties qui  restaient  a  la  snrelé  , 
k  la  liberté  dis  Français.  Mais  le 
rapport  le  plus  important  ,  et  peut- 
êtie  le  plus  curieux  ,  qnil  fit  au  nom 
de  ce  comité  ,  fut  celui  du  gouverne- 
ment révolutionnaire.  On  y  voit  clai- 
rement oue  ces  hommes,  qui  avalent 
détruit  avec  tant  d  aveuglement  tous 
les  éléments  de  l'ancienne  monar- 
chie, sentaient  alors  le  besoin  d'un 
système  d'unité  et  ue  centralisation  , 
et  que  c'était  dans  le  comité  de  salut 
public  qu'ils  voulaient  placer  toute  la 
iorce  d'unité  et  de  coactioii,  comme 


BII, 


181 


disait  Billaud -Varenne.  La  conven- 
tion nationale  fit  tout  ce  qu'il  voulut, 
et  elle  créa  par  ses  conseils  le  gou- 
vernement le  plus  oppressif ,  le 
plus  atroce  qui  ait  jamais  exis- 
té. Billaud  eu  fit  aussitôt  l'appli- 
cation a  cette  même  commune  de 
Paris,  dont  il  avait  tant  contribué  a 
fonder  le  pouvoir  ,  et  qui,  suivant 
encore  la  première  imruLvion.  ve- 
nait de  convoquer  les  imités  ré- 
volutionnaires de  la  capitale  pour 
leur  donner  ses  ordres  et  ses  instruc- 
tions. L'arrèlé  de  convocation  fut  ir- 
révocablement cassé ,  et  dès-lors  la 
commune  dut  obéir  aux  comités  delà 
convention  nationale.  Hébert, R.oniiu, 
Momoro  et  Vincent  ,  qui  tentèrent 
ensuite  de  lutter  avec  ces  mêmes  co- 
mités, furent  attaqués  successivement 
par  Billaud-Varenne  dans  la  société 
des  Jacobins  de  même  qu'a  la  con- 
vention nationale,  et  ils  périrent  sur 
l'échafaud.  Chabot,  Lacroix  ,  Chau- 
mette  et  Danton  lui-même,  son  an- 
cien ami  ,  eurent  le  même  sort, 
et  périrent  pour  les  mêmes  cau- 
ses. Fouché  ,  Tallien  et  Bourdon 
de  rOise  ,  devenus  suspects  aux  co- 
mités, allaient  aussi  être  sacrifiés, 
lorsque  le  besoin  de  leur  salut  les 
réunit  et  leur  donna  le  courage  d'at- 
taquer d'aussi  redoutables  ennem.ls. 
C'est  ainsi  que  fut  amenée  la  chute 
de  Robespierre.  Deux  mois  aupara- 
vant Billaud  a\ail  lait  une  violente  sor- 
tie contre  Tallien.  lequel  se  plaignait, 
de  l'espionnage  des  comités,  attachés 
aux  pas  des  représentants  qui  leur 
déplaisaient,  et  il  avait  dit  nettement 
que  ces  terreurs  11  étaient  que  l'ac- 
cent du  crime  cherchant  à  se 
dérober  au  supplice.  Robespier- 
re paraissait  encore  k  cette  époque 
marcher  d'accord  avec  Billaud-Va- 
renne ;  mais  lorsque  ce  dernier  se 
crutkson  tour  menacé;  lorsqu'il  vit 


y.  s -2 


BIL 


Maxiiailiense  séparer  de  ses  anciens 
amis,  il  devint  uu  de  ses  plus  redou- 
laLles  adversaires ,  et  il  lavait  déjà 
combattu  pllI^ieu^s  fuis  au  conàlé 
de  salut  public  ,  lorscjue  dnns  la  n;é- 
jiiorable  séance  du  9  thermidor,  il  fut 
un  des  premiers  a  prononcer  le  mot 
de  tjyran,  et  donna  ainsi  le  signal 
d'une  victoire  qui  cerlainemenl  n'eût 
pns  été  obtenue  sans  lui.  Il  révéla 
ensuite  quelques  détails  de  l'intérieur 
du  comité  qui  excitèrent  l'indigna- 
tion ;  et ,  quand  Robespierre  fut 
complètement  renversé,  il  coucou- 
rut  de  tout  son  pouvoir  a.  assurer 
le  triompbe  des  vainqueurs.  Il 
donna  volontairement  sa  démis- 
sion de  membre  du  comité  de  sa- 
lut public,  et  fournit  avec  empresse- 
ment à  ceux  qui  lui  succédèrent  les 
renseignements  et  les  secours  dont 
ils  eurent  besoin-  Mais,  ainsi  que  la 
plupart  de  ceux  qui  avaient  concouru 
à  la  révolution  du  9  thermidor,  il 
s'aperçut  bientôt  qu'il  avait  fait 
triompher  une  cause  qui  ne  pouvait 
pas  être  la  sienne.  Dès  le  mois  sui- 
vant, il  fut  dénoncé  à  la  tribune  et 
dans  plusieurs  brochures  par  Lecoin- 
tre  de  Versailles,  comme  complice  de 
Robespierre  ,  et  comme  ayant  con- 
couru avec  lui  h  couvrir  la  France 
de  sang  et  d'échafauds.  Ce  fut 
alors  qu  il  fil  la  réponse  dont  nous 
avons  parlé.  Accusé  encore  pour 
les  mêmes  faits  ,  et  d'une  manière 
plus  positive,  par  Legemlre ,  le  3 
oct.  1794?  il  réussit  par  son  adresse 
a  repousser  cette  nouvelle  altaque,  et 
fit  même  décbirer  par  la  convention 
que  sa  conduite  avait  été  conforme 
nu  vœu  national.  11  est  impossible 
de  lire  sans  en  être  indigné  hs  im- 
pudentes et  mensongères  apologies 
qu'il  publia  dans  ce  temps-la  :  «  Jt; 
«  n'ai  jamais  exprimé  une  idée  que 
(ç  Thomme  le  plus  philanlrope   ne 


VAX. 

n  puisse  avouer...  Il  n'est  pas  un 
ce  citoyen  qui  ait  a  me  reprodu'r  la 
te  moindre  injustice.  Je  délie  mes 
«  accusateurs  de  citer  dans  ma  con- 
cc  duite  \macte féroce...  «  Mais  ces 
mensonges  eurent  peu  de  succès,  l'o- 
rage grossissait  de  jour  en  jour  ;  et  la 
couventiou  nationale  elle-même  ne 
pouvant  plus  se  défendre  contre  la 
clameur  publique  ,  allait  être  obligée 
de  livrer  au  ressentiment  de  la  France 
tous  les  membres  des  anciens  co- 
mités. Après  de  longs  débals  et  de 
nombreuses  plaintes  qui  arrivèrent 
contre  eux  de  toutes  les  parties  de 
la  France  ,  ces  représentants  (Ba- 
rère  ,  Vadier  ,  CoUot-d'Herbois  et 
Billaiid- Varenne  )  ,  sur  uu  rapport 
de  ôaladin  ,  furent  condamnés  ,  le 
i"^""  avril  1795,  a  être  déportés  a 
la  Guiaue.  Ce  qui  est  digne  de  re- 
marque ,  et  ce  qui  caractérise  bien 
cette  époque  postlhermidorienne,  c'est 
que  dans  lo  ites  ces  accusations  il  ne 
fut  pas  dit  un  mot  des  assassinats  de 
septembre,  de  ces  crimes  si  horribles 
que  Billaud-Varenne  avait  si  notoi- 
rement conçus  et  dirigés  avec  son 
ami  Danton.  Mais  c'était  précisément 
pour  venger  Danton  que  Robespierre 
avai  été  immolé  au  9  thermidor  5  et 
Tallifn  ,  un  des  ordonnateurs  des 
massacres  de  septembre,  était  lebéros 
de  la  révolution  thermidorienne... 
Le  décret  de  déportation  contre  les 
trois  membres  de  l'ancien  comité  de 
salut  public,  fut  rapporté  quelque 
temps  après  ;  et  la  convention  or- 
donna que  Billaud  et  Coliot-d'Her- 
bois  fussent  jugés  par  le  tribunal 
criminel  de  la  Charente-Iuférieure. 
Mais  déjà  ils  étaient  partis  pour 
Cayenne  lorsque  le  décret  parvint  à 
Rochefort.  On  ne  les  fit  pas  re- 
venir. CoUot-d'Herbois  mourut  bien- 
tôt ,  et  Billaud  fut  transféré  dans 
l'intérieur  de  la  colonie,   où  la  force 


BIL 

de  sa  coustiUilion  le  souliot  encore 
long-teinps.  Il  était  k  Siuamary  lors- 
que  les    déportés  du  i8  fructidor  y 
arrivèrent,  en  i  797;  et  ce  fulnu  spec- 
tacle  remarquable    et    uu    exemple 
bien  frappant  des  vicissitudes  humai- 
nes, qu'un   pareil  homme    subissaul 
la  même  peine  que  les  Pichegru,  les 
Barlhéleraj    et  les    Barbé-Marbois. 
Mais  ce  qui  était  plus  bizarre  encore, 
c'était  de  voir  Bourdon  de  l'Oise,  son 
ancien   collègue  a   la  convention  ,  le 
complice  de  la  plupart  de  ses  crimes 
révolutionnaires,    conJatnné   comme 
rovaliste...  On  raconte  qu  ils  eurent 
une    querel'e    dès    le  premier    mo- 
ment,   quils   se   prirent   même  aux 
cheveux ,  et   que  leurs  compagnons 
d'infortune   se  virent   obligés  de  les 
séparer.  Tous  les  déportés  donnèrent 
a  Billaud  des  marques  évidentes  de 
leur  mépris.  L'abbé  Brolier    fut  le 
seul  qui  eut  avec  lui   quelques  liai- 
sons, dont    on    dut  s'élonuer   de   la 
part  d'un  ancien  agent  royaliste,  d'un 
prêtre    que  Eiîlaud  eût  certainement 
fait  périr  sur  l'échafaud  ,  s'il  l'avait 
connu  au  temps  de  ia  puissance.  Cet 
homme  continua  donc  a  vivre  pres- 
que seul,  et  l'on  a  dit  que  son  unique 
plaisir  dans  cet  affreux  climat  ,  où  il 
passa  vingt   ans,  était  d'élever  des 
perroquets.  11  parvint  à  s'évader  en 
1816, etil  allaoffrirses  services  aux 
nègres  de  Saint-Dominsue.  Le  mu- 
làlre  Petion  ,  qui  y  gouvernait  alors 
avec  le  tilre  de  président,  l'accueillit 
assez    bien ,   et    lui    fit    même    une 
pension    dont    il     a    joui     pendant 
le  reste    de    sa  vie.    Il   mourut    au 
Port-au-Prince   en    1819.   L'ancien 
espion     des    comités  ,    Vilate  ,    qui 
mieux  que  personne  connaissait  Bil- 
laud -  Varenne     (  ^ oj.     V  ilite  , 
XLVIII,  4.9i)>  f"  3  fail  le  portrait 

suivant:  «  Bilieux  ,  induiet  et 

olaus,  pélri  d'hypocrisie  monacale, 


BIL 


a8:i 


«  se  laissant  pénétrer  par  ses  efforts 
a  même  à  se  renire  impénétrable  ; 
«  ayant  toute  la  lenteur  du  crime 
«  ciu'il  m.éd^te,  et  l'énergie  coucen- 
a  trée  pour  le  commettre...  Son  ain- 
tt  biliou  ne  peut  souffrir  de  rivaux  : 
te  morne,  silencieux,  les  regards  va- 
«  cillants  et  convulsifs ,  marchant 
«  comme  a  la  dérobée  ;  sa  figure,  au 
a.  teint  pâle,  sinistre,  raonire  les  symp- 
K  tomes  d'un  esprit  aliéné.  »  — On 
a  dit  que  Billaud-Varcnne  avait  lais- 
sé en  France  des  Mémoires  poli- 
tiques manuscrits,  ce  qui  est  peu 
probable.  C'est  sans  doute  d'après 
cette  assertion  que  le  libraire  P.an- 
cher  a  imaginé  de  faire  imprimer,  en 
1821,  des  Mémoires  de  Bdlaid- 
Varenne  ,  ex  -  conventionnel  , 
écrits  au  Port-au-Prince  e«  1 8  1 8  , 
contenant  la  relation  de  ses  voya- 
ges et  aventures  dans  le  Mexique 
depuis  1 8 1  5  jusqu'en  1 8 1  7  ,  etc.  , 
2  V.  in-8°.  Le  faussaire,  auteur  de  cet 
ouvrage,  évidemment  apocryphe  ,  n'a 
pas  même  cherché  a  présenter  quelque 
vraisemblance.  —  On  a  de  BiUaud- 
Varenne  :  I.  Le  dernier  coup  porté 
aux  préjugés  et  à  la  superstition, 
Londres  (Paris),  1789,  in-8'\  Il 
Le  peintre  politique,  1789,  in-8°. 

III.  Le  despotisme  des  ministres  de 
France,  ou  exposition  des  princi- 
pes et  des  moyens  employés  par 
V aristocratiepourmettre  la  France 
dans  les  fers ,  1790  ,  5  vol.  in-o". 

IV.  Plus  de  ministres ,  ou  point  de 
grâces,  avertissement  donné  aux 
patriotes  français  ,  et  justifié  par 
quelques  circonstances  de  l'affaire 
de  ISancy,  1790,  in-8°.\  .  L'Acé- 
phalocratie ,   ou   le  pouvernement 

je  de  rat  if  démontré  le  medleur  de 
tous ,  pour  un  grand  empire ,  par 
les  principes  de  la  politique  et  les 

faits  de  l'histoire ,  Paris,  1791, 
in-8".  VI.  Eléments  de  républica- 


i84 


BIL 


nisme,  i795,in-8°.  VII.  ]\Ies  opi- 
nions politiques  et  morales ,  pour 
servir  de  suite  a  l'ouvrage  iulitulé 
Les  Eléments  de  républicanisme  , 
lyp^j  in- 8".  \III.  Question  du 
droit  des  gens  :  Les  répuhlicuins 
d'Haïti  possèdent-ils  les  conditions 
requises  pour  obtenir  la  ratifica- 
tion de  leur  indépendance  ?  par 
un  observateur  philosophe  ,  au 
Porl-au- Prince  ,  1818  (an  XV  de 
riudépendauce) ,  in-4°.  IX.  Grand 
noiiibre  de  rapports  et  discours  pro- 
noncés à  la  trihuue  de  la  convention 
nationale  et  h  celle  de  lasociélé  des  ja- 
cobins, imprimés  dans  le  3Io/iileurel 
séparément.  Nous  citerons  i°Rapport 
sur  un  mode  de  gouvernement  pro- 
visoire et  révolutionncdre^  28  bru- 
maire an  2.  2°  Rapport  sur  la 
théorie  du  gouvernement  démo- 
cratique, et  sa  vigueur  utile  pour 
contenir  V ambition  ,  et  pour  tem- 
pérer l'essor  de  l'esprit  nùlitaire, 
!*•■  floréal  an  2.  '5°.  Réponse  des 
anciens  membres  du  comité  de  sa- 
lut public,  dénoncés,  signée  :  BiL- 
laud-Varenne  et  Collot,  ven- 
tôse, an  5,  imp.  nationale,  in-S"  de 
142  pag.  4"-  Réponse  de  J.-IS . 
Billaud,  aux  inculpations  qui  lui 
sont  persojinelles,  imprimée  par  or- 
dre de  la  convention  nationale  ,  ven- 
1ose,.an  3,  in-8°  de  i8])ag.  5°.R.é- 
ponse  de  J.-]\.  Billaud  â  Laurent 
I^ecoinlre ,  Paris,  an  3,  in-8°  de 
126  pages.  On  lit  dans  V Isogra- 
phie des  liommes  célèbres  le 
fac-similé  de  plusieurs  lettres  de 
Ijillaud-Vareune,  où  il  n'y  a  ni  or- 
thographe ni  correction,  ce  qui  est 
assez  extraordinaire  de  la  pari  d'un 
ancien  oralorien.  M — dj. 

BILLE  (Steen- Andersen),  ami- 
ral danois ,  naquit  le  22  août  1 7  5  r  . 
à  Assense ,  en  Fionie.  Issu  d'une  des 
plus  anciennes  familles  du  Danemark, 


BIL 

el  qui  s'était  illustrée  dans  la  marine , 
il  se  voua  à  celle  arme  dès  !e  plus 
Jeune  àL;e,et  malgré  une  complexion 
dilicatc.  Il  navigua  beaui  oupdans  les 
mers  d'Europe  et  des  deux  Indes,  et 
franchit  les  premiers  grades  aussi  ra- 
pidement que  le  permettaient  les  rè- 
gles de  l'avancement  dans  la  marine 
danoise  ,  où  le  grade  est  toujours  le 
prix  de  l'aucienneté ,  et  où  des  distinc- 
tions honorifiques  sont  la  récompense 
des  actions  d'éclat.  Il  fut  nommé  ca- 
pitaine de  vaisseau  en  1789  ,  et  au 
commandement  du  Superbe  ,  sur 
lequel  l'amiral  Schindel ,  qui  fut  le 
chef  des  escadres  combinées  de  Suède 
et  de  Danemark,  vint  mettre  son  pa- 
villon. Telle  était  déjà  la  réputation 
de  Bille  comme  homme  de  mer  instruit 
et  expérimenté,  qu'on  le  choisit  pour 
présider  a  l'essai  qui  se  fit  vers  celte 
époque  de  plusieurs  bâtiments  d'un 
nouveau  modèle,  dû  au  célèbre  con- 
structeur Hohlenberg.  En  1796  , 
une  rupture  ayant  éclaté  entre  la 
cour  de  Danemark  el  la  régence  de 
Tripoli,  Bille  reçutle  commandement 
de  la  frégate  la  Naïade  ,  de  36  ca- 
nons, et  d'un  brick  de  10,  avec  l'or- 
dre d'aller  relever  la  station  de  la 
Médilerranée.  Il  arrive  devaut  Tri- 
poli le  i4  'n^i  1797)^1,  dès  le  lende- 
main, il  allaque  les  forts.  La  division 
tripolitaine  ,  composée  de  deux  fré- 
gates ,  une  corvette  et  deux  canonniè- 
res ,  sortit  !e  jour  suivant  pour  ré- 
pondre au  défi  de  la  veille.  Bille 
fait  aussitôt  signal  au  brick  ,  trop  fai- 
ble pour  le  seconder  efficacement,  de 
s'éloignerj  et,  sur  de  la  supériorité 
de  5a  manœuvre ,  il  préfère  soutenir 
la  lutte  seul  contre  toute  la  division 
ennemie.  Manœuvrant  en  effet  avec 
une  prodigieuse  dextérité  ,  il  passe 
successivement  à  poupe  des  deux  fré- 
gates, et  dirige  sur  chacune  d'elles 
un  feu  d'enfilade  qui  démonte   plu- 


BIL 

sieurs  caroiiuades,  balaie  les  ponts  et 
liacbe  le  gréemenl.  Le  brick,  malgré 
l'ordre  qui  l'avait  tenu  éloigné  du 
combat ,  voyant  la  N aiacle  envelop- 
pée ,  arrivait  à  son  secours.  La  plus 
forte  frégate  tripolilaine,  le  beaupré 
surchargé  d'hommes,  se  dispose  à 
l'enlever  a  l'abordage.  Mais  Bille 
avait  vu  le  danger  :  il  se  dégage  , 
force  de  voiles  ,  et,  grâce  a  la  supé- 
rioté  de  sa  marche  ,  il  se  trouve  tout 
à  coup  enire  le  brick  et  sa  redouta- 
ble ennemie.  Quelques  coups  heureux, 
partis  de  la  Naïade  ou  de  sa  con- 
serve ,  enlèvent  le  beaupré  de  la  fré- 
gate cl  précipitent  dans  la  mer  tous 
les  hommes  qui  s'y  trouvaient.  La 
nuit  mit  fui  a  ce  combat,  qui  rappelle 
les  prodiges  des  Tourville  et  des  Dii- 
guay-Trouiu  ,  et  dont  le  résultat  fut 
de  décider  le  pacha  a  signer  une  paix 
aussi  honorable  qu'avantageuse  pour 
le  pavillon  danois.  La  clé  de  chanî- 
bellanduroi  et  un  magnifique  service 
en  argent,  offert  par  la  corporation 
des  négociants  de  Copenhague,  furent 
les  récompenses  de  iiille.  Il  n'obtint 
le  grade  de  capitaine  commandeur  ,. 
dont  no I  rehiérarchie  navale  n'offre  pas 
d'équivalent,  qu'a  la  iin  de  l'année  et 
sans  doute  k  son  tour  d'avancement. 
Il  continua  de  commander  la  station 
de  la  Méditerranée  jusqu'en  1800. 
Dans  ses  fréquents  démêlés  avec  les 
étais  barbaresques  ,  il  se  montra  aujsi 
habile  négociateur  qu'il  avait  élé 
prompt  et  inirépide  dans  son  attaque 
contre  Tripoli.  La  Suède  dut  a  son 
intervention  de  voir  terminer  h  l'a- 
mialiie  un  différend  très- sérieux  avec 
la  régence  d'Alger.  L'ordre  de  l'Epée 
fat  le  prix  de  ce  service.  A  l'ai  laque 
de  Copenhague  par  les  Anglais,  en 
1801,  Bille  reçut  le  commandement 
d'une  division  de  deux  vaisseaux , 
nnc  frégate  et  deux  bricks,  formant 
la  partie  mobile  de  la  ligne  de  défense 


BIL 


•285 


qui  combattit  si  glorieusement  le 
2  avril  contre  Nelson.  11  sollicita 
avec  les  plus  vives  instances ,  mais  eu 
vain  ,  l'ordre  de  sortir  de  la  rade  in- 
térieure pour  aller  se  placer  près  du 
Stubbegriiiid ,  et  prendre  en  enfilade 
l'escadre  anglaise  qui  avait  été  déjà 
si  maltraitée  eu  prolongeant  la  ligne 
danoise,  et  se  trouvait  tellement  ex- 
posée sous  la  formidable  batterie  des 
Trois-Couronties  ,  que  JNelson  de- 
manda a  parlementer.  Le  comman- 
dant en  chef  Fischer  était  bles."<é  5 
Bille  voulut  retenir  le  parlementaire 
et  sortir  :  mais  un  nouvel  ordre  vint 
l'enchaîner  dans  la  rade  intérieure, 
et  il  eut  la  douleur  de  ne  pas  com- 
battre dans  cette  journée  si  glorieuse 
pour  la  marine  danoise.  Il  est  à  peu 
près  prouvé  par  des  renseignemenls 
ultérieurement  acquis  sur  l'élat  de 
l'escadre  anglaise,  dont  deux  vaisseaux 
s'étaient  échoués  sous  le  feu  de  la 
batterie  des  Trois- Couronnes  (i), 
que  celte  escadre  était  perdue  si  Bille 
lut  sorti  avec  sa  division  inlacte  et 
dévouée.  11  lut  nommé  en  i8o5  mem- 
bre du  collège  royal  de  l'amirauté  et 
commandeur  en  180^.  Lorsde  l'alla- 
que  inal  tendue  des  Anglais,  en  1807, 
l)dle  commandait  en  second  dans 
Copenhague,  et  fut  chargé  de  la  dé- 
fense dii  coté  de  la  mer.  On  sait  que 
les  Anglais  ,  se  rappelant  sans  doute 
le  péril  auquel  les  avait  exposés  Tal- 
laquc  maritime  de  1801  ,  se  décidè- 
rent k  prendre  celle  capitale  par 
lerre.  Leur  flotte  resta  éloignée,  et 
les  glorieux  corobals  soulenus  par  les 
canonnières  danoises  contre  les  divers 
pelotons  de  l'escadre  légère  qui  s'é- 
taient plus  avancés,  la  mainlinrent  a 
celte  dislance  rcspecUieuse.  Bille 
s'opposa  avec  une  héroïque  opinià- 

(i)  Celle  haliei-ie  avait  élé  clevte  d'aprôs  !es 
plans  de  l'amhal  Billp  ,   nomme  prés!  Jeu  t  delà 

commission  de  ilOfcnSe. 


286 


BIL 


trelé  à  la  cajjllulaliou  II  demaiula  k 
faire  une  sorlie  a  la  lèle  de  Ions  ceux 
qui  seraient  en  âge  de  prendre  les 
armes,  pour  repousser  l'enneiDi ,  qui 
menacail  de  donner  Tassant.  Pendant 
cette  sorlie  ,  la  tlulle  devait  être  dé- 
truite, et  déjà  il  avait  lait  percer  le 
fond  de  tous  les  bâtiments,  rassem- 
bler les  gouvernails  pour  les  brûler 
et  les  voiles  pour  être  coupées  en 
lambeaux.  Les  Anglais  ,  prévenus 
de  ces  dispositions  ,  menacèrent  de 
saccager  la  capilale  si  l'on  pertis- 
lait  a  détruire  la  flotte  qu'ils  convoi- 
taient comme  nne  proie.  Copeubague 
dut  capituler  5  mais  Bille  refusa  de 
signer  lacapilulalion.  Nommé  contre- 
amiral  en  1809,' il  conserva  la  di- 
rection des  afiaircs  de  la  marine  et  le 
commandement  suprême  des  foi  ces 
navales,  qui  se  trouvaient  réduites  à 
de  simples  chaloupés  canonnières ,  les 
Anglais  s'élant  emparés  de  20  vais- 
seaux et  de  16  frégates,  et  même  de 
tous  les  approvisionnements  des  chan- 
tiers et  arsenaux.  Cependant  telle  fut 
la  bonnedirectionqu'd  sut  donner  aces 
chaloupes,  qu'elles  se  rendirent  très- 
redouiables  aux  Anglais  et  les  obli- 
gèrent a  entretenir  des  forces  consi- 
dérables dans  la  Baltique  et  sur  les 
côtes  de  Danemark,  pour  proléger 
leur  commerce  incessamment  menacé. 
A  son  avènement  au  trône  ,  le  roi 
régnant  conserva  le  litre  et  les  fonc- 
tions de  président  de  l'amirauté  k 
Bille ,  qui  se  montra  dans  ce  conseil 
aussi  bon  administrateur  qu'il  a^ait 
été  homme  de  guerre  intrépide.  Le 
Danemark  lui  doit  une  nouvelle  flotte, 
exactement  calciJée  sur  sou  reA  enu  , 
et  dans  le  double  but  de  défendre  ses 
côtes  et  de  proléger  son  cmmerce. 
Cetleflolle  secon)pose  de  6  vaisseaux 
de  ligne ,  8  frégates,  4^c0:velles, 
4  bricks  et  80  chaloupes  canonnières. 
Bille  donna  tous  ses  soins  au  choix 


EIL 

et  k  la  bonne  organisation  du  per- 
sonnel ,  étendit  l'ordre  et  l'économie 
sur  toutes  les  bi^ucbes  du  service, 
fit  les  approvisionnements  avec  pré- 
voyance et  mesure ,  et  institua  une 
caisse  de  réserve  pour  la  marine,  afin 
qu'elle  put  suffire  avec  ses  propres 
fonds  aux  premiers  frais  d'un  arme- 
ment imprévu  ou  secret.  11  avait  été 
nommé  vice-amiral  en  1824.,  ami- 
ral en  182 9  ,  et  enfin  ministre  d'é- 
tat et  membre  du  couseil  intime  du 
roi  en  i83i.  A  un  discernement  ra- 
pide et  sur,  a  des  lumières  étendues 
et  au  plus  noble  caractère.  Bille  joi- 
gnait une  volonté  de  fer.  Sa  maxime 
était  :  Sois  Juste  ,  et  ne  crains  per- 
so/me. Il  mourut  a  Copenhague  le 
1 5  avril  i  854,  k  l'âge  de  près  de  82 
ans.  Le  roi  Frédéric-  VI  dit  alors  en 
essuyant  ses  larmes  :  «  Il  y  a  qua- 
a  ranle  ans  que  je  lui  demande  ses 
«  conseils,  et  toutes  les  fois  que  je 
«  me  suis  avisé  de  ne  pas  les  suivre  , 
a  je  m'en  suis  repenti.  »  Cn — u. 
BILLECOCQ  (Jean-Baptisïe- 
Louis-Jcseph),  avocat  du  barreau  de 
Paris  ,  était  né  dans  cette  ville  le  5  i 
janvier  1760.  Après  avoir  achevé 
ses  études  au  collège  du  Plcssis, 
sous  la  direction  de  Binet  (  P  ojr. 
ce  nom,  dans  ce  vol.)  ,  dont  le 
mérite  est  surtout  d'avoir  formé  tant 
d'élèves  distingués ,  il  suivit  les  cours 
de  droit  et  se  fit  recevoir  avo- 
cat. Mais  il  n'avait  pas  encore  pu  se 
faire  connaître  lorsque  la  révolution 
déiruisil  l'ancien  ordie  judiciaire.  Sa 
conduite  prudente  dans  ces  temps 
difficiles  lui  mérita  la  confiance  des 
habitants  de  sou  quartier.  En  1790, 
il  fut  nommé  électeur,  et  l'année  sui- 
vante député  suppléant  k  l'assemblée 
législative'  mais  il  n'y  siégea  point, 
et  ce  fut  nu  bonheur  pour  iuij  car  il 
s'y  serait  cerlainemeiil  rangé  parnii 
les  défenseurs  des  principes  raonar- 


BIL 

chiijues,!  et  plus  tard  il  aurait  ex- 
pié clans  les  prisons  ou  sur  l'écha- 
f'iud  ie  courage  d'avoir  souleuu  son 
opinion.  La  suspension  du  cours 
de  la  justice  avant  laissé  Bille- 
cocq  sans  occupati.in,  il  chercha  d:ms 
la  culture  des  lettres  à  se  distraire 
des  scènes  pénibles  dont  il  était  envi- 
ronné dans  ces  temps  malheureux. 
Ce  fut  dans  la  terriijle  année  1798 
qu'il  fit  paraître  la  traduction  du 
F  oyage  de  l'Inde  en  Europe,  par 
Irwin,  et  depuis  il  publia  successive- 
ment, en  1794  5  le  F  oyage  deLe- 
long  chez  différentes  nations  sau- 
vages de  V Amérique  septentrio- 
nale^ iu-8°  5  et  eu  1795  celui  de 
lSlt;a.TiiS^de laChine  àla  côte  nord- 
ouest  d' Amérique  ,  5  vol.  in-8°  et 
allas  in  -  4".  La  même  année  il 
donna  la  traduction  de  V Histoire  de 
la  conjuration  de  Catilina ,  avec 
des  notes  elundiscours  pré  iminaire. 
11  avait  annoncé  celle  de  la  guerre  de 
Jugurlha,  et  bien  des  années  après 
(1809),  Dussault ,  eu  lui  rappelant 
sa  promesse,  l'invitait  à  ne  point  se 
laisser  effrayer  par  la  traduction  de 
Bureau  de  la  Malle,  et  à  profiler  de 
l'avantage  de  venir  le  dernier  pour 
donner  enfin  une  bonne  traduction 
de  Sallusle  {Annales  littéraires^ 
m,  22).  Dans  la  préface  de  Lucain, 
qu'il  publia  en  1796,  2  vol.  iu-8", 
Billecoq  se  montra  critique  très-judi- 
cieux ;  mais  ce  qui  Thonore  bien  plus, 
c'est  d'avoir  alors  élevé  la  voix  eu 
faveur  de  Laharpe  ,  et  demandé  que 
le  gouvernement  permit  enfin  k  un 
des  hommes  qui  faisaient  le  plus 
d  honneur  "a  la  France  de  jouir  pai- 
siblement de  l'estime  que  lui  avaient 
acquise  ses  travaux  (  i  ).  Dès  que  le  re- 
tour de  l'ordre  put  le  lui  permettre, 
Billecocq  s'empressu  de  reprendre 
l'exercice  de  sa  profession  5  mais  il  se 

(i)  Vie  de  Brébeuf,  p.  43. 


BIL 


28-^ 


sentait  trop  redevable  aux  lettres 
pour  ne  pas  leur  consacrer  les  loisirs 
que  lui  laisserait  le  travail  de  son 
cabinet.  Il  reparut  au  barreau  en 
1798  ,  dans  la  cause  d'une  femme 
divorcée  qui  demandait  a  conserver 
son  enfant.  Le  talent  qu'il  y  déploya 
fil  une  impression  d'autant  plus  vive 
sur  les  auditeurs  ,  qu'ils  n'étaient 
plusaccoutumé.^a  ce  langage  plein  de 
convenances,  et  surtout  à  cette  sen- 
sibilité vraie ,  a  ces  expressions  de 
Toraleur  vertueux,  vir  bonus  ^  dont 
la  source  est  dans  le  cœur  ,  et  qui 
.  caractéi  isaient  le  talent  de  Billecocq. 
Son  triomphe  fut  complet,  et  dès  ce 
moment  sa  place  resta  marquée  parmi 
les  premiers  avocats  de  la  capilale.  11 
serait  impossible  d'énumérer  toutes 
les  affaires  dans  lesquelles  il  fit 
preuve  de  talent;  nous  ne  citerons 
que  sa  défense  du  marquis  de  Pùvière 
{f'^oy.  ce  nom  ,  au  Supp.)  ,  ac- 
cusé de  complicité  avec  Georges  Ca- 
doudal ,  et  son  plaidoyer  en  laveur 
d'un  fils  de  la  première  temme  du  duc 
deMontebelloî /'^oj'.  ce  nom,  XXIX, 
475).  Il  parlait  toujours  de  convic- 
tion 5  les  juges  ne  l'ignoraient  pas  , 
et  c'était  un  excellent  préjugé  pour 
une  cause  que  de  la  voir  dans  ses 
mains.  Jaloux  de  rendre  k  son  ordre 
l'ancien  éclat  dont  il  avait  joui .  Bil- 
lecocq rélablitdès  1812  les  conféren- 
ces judiciaires,  où  les  jeunes  avocats 
vont  se  former  aux  luttes  du  barreau, 
et  il  composa  pour  ces  réunions  plu- 
sieurs discours  (2)  remarquables. 
La  poésie  latine ,  si  dédaignée  de 
nos  jours  ,  était  son  principal  délas- 
sement 5  et  soit  qu'il  prenne  dans 
ses  vers  la  défense  de  ce  collège 
du  PK-ssis  dont  il  se  glorifiait  d  être 
l'élève  ,  soit  qu'il  demande  a  sa  muse 

(2)  Sur  la  pinjession  d'uvocal ,  1S12;  Sur  la 
confiance  que  les  jc-anes  avocais  doivent  avoir 
dans  les  anciens  ,  1821  ;  Sur  l'alliance  de  la  ina- 
ïistiatuie  et  du  baireau  ,  1S22. 


288 


lill 


BIL 


des  cousolalions  ou  la  force  pour 
supporter  les  peines  de  la  vie,  soit 
eiinn  qu'il  célèbre  la  religion  victo- 
rieuse de  ses  ennemis,  partout  on  re- 
connaît un  homiue  nourri  de  la  lecture 
des  meilleurs  modèles  (5).  En  i  8  i  5, 
Billecocq  qui ,  d'après  ses  principes 
politiques,  avait  dû  se  prononcer  eu 
faveur  de  la  restauration,  n'en  réfuta 
pas  moins  avec  autant  de  talent  oue 
de  patriotisme  la  lettre  par  laipulle 
lord  W  ellinglon  essayait  de  justifier 
la  spoliation  du  musée  de  Paris  (4-). 
Membre  du  conseil  de  discipline  des 
avocats,  de  1817  k  1818  ,  il  en  fut 
bâtonnier  en  1821  et  1826,  et  dans 
cette  place  il  défendit  courageusement 
les  privilèges  et  l'indépendance  de 
l'crdrc.  Un  des  fondateurs  .  en 
1819,  de  la  société  pour  l'améliora- 
lion  du  sort  des  prisonniers,  il  en 
fut  élu  secrétaire  en  1827  ,  et  ne 
cessa  de  prendre  ,  autant  que  ses 
forces  le  lui  permirent,  une  part 
très-active  a  tout  ce  qui  pouvait  inté- 
resser l'ordre  et  le  bien  public. 
Dans  les  dernières  années  de  sa  vie , 
la  faiblesse  de  ."-a  santé  et  une  sur- 
dité presque  absolue  ne  lui  permet- 
taient plus  de  plaider.  Cet  excel- 
lent citoyen  mourut  ,  à  la  suite 
d'une  longue  maladie,  le  i5  juillet 
1829  ,  et  fut  inbumé  dans  le  cime- 
tière Montmartre,  où  ses  nombreux 
amis  lui  ont  érigé  un  monument. 
11  était  membre  de  la  Légion-d'Hon- 
neur  depuis  i8i4-  el  chevalier  de 
Saint-BIichel.  Outre  les  ouvrages  ci- 


(3)  Nous  avons  pensé  qu'on  ne  sérail  pas  f.iclié 
de  trouver  ici  la  liste  îles  potsies  de  Billecoc([: 
ïn  anmiam  parisinontm  ad  CIndoaldum  pai^iim 
jieregrinntionem  ,  1 80g  ;  P/exsis  gymnasii  encomium 
(f-'or.  Nicolas  -  Rloi  LeMaiee,  au  Supp.^, 
rSog.  In  aunutim  Surenœ  rosuiitc  festum  ,  iSii. 
Tcmporc  foreiistitm  feriarunt  spes  ,  advcrsœ  ?7'ce.(  el 
solatia  ,  1812.  Jii  re/gionem  upud  Gallos  perpcluo 
triwnphanlem  ,  1816. 

(4)  f/n  Français,  à  l'honorable  lord  Wellington, 
sur  sa  lettre  du.  23  sept,  i8i5  à  lord  Cii^ilc- 
rcagh  ,  in  S". 


tés ,  »n  lui  doit  :  I.  Lue  traduction 
du  J^oyage  de  Tiraberlake  chez  les 
sauvages  du  Nord  de  l'Amérique  , 
1797.  II"  Celle  du  J^oyage  de 
Néarque  (Foj'.  ce  nom,  XXXI,  3), 
par  le  docteur  Vinrent ,  Paris,  1800, 
in-4-".  Cette  traduction  ,  imprimée 
aux  frais  du  gouvernement  ,  est  ex- 
cellente. Dans  la  piéface  ,  le  mo- 
deste traducteur  reconnaît  qu'il  a  été 
sojitenudans  sou  travail  par  Fleurieu, 
Gossellin  ,  Langlès  et  Barbie  du  Bo- 
cage. III.  Billecocq  a  eu  part  a  la 
traduction  du  Cultivateur  anglais 
[Foy.  YouNG,  LI,  5o4).  IV.  Quel- 
ques considérations  sur  les  tyran- 
nies diverses  qui  ont.  précédé  la 
restauration,  sur  le  gouvernement 
royal  et  sur  la  dernière  tyrannie 
impériale,  Paris,  i  8 1 5 ,  in-8°.V. Z?k 
chansemeiit  de  ministère  en  déc. 
182  I,  par  un  royaliste,  in-8°.  \I. 
C  ne  soirée  du  vieux  chdtel,  ou  le 
dévouement  de  Malesherbcs ,  pièce 
qui  n'a  point  concouru  pour  le  prix 
de  l'académie  française,  1821,  in-8". 
VII.  T)e  V injluence  de  la  guerre 
d'Espagne  pour  l' affermissement 
de  la  dynastie  légitime  et  de  la 
monarchie  constitutionnelle  en 
France  ,  ibid.,  1823,  in-8".  VIII. 
De  la  religion  clirétienncie\a.hve- 
ment  a  l'état,  aux  familles  et  aux  in- 
dividus, 5^édit.,  revuect  augmentée, 
ibid.,  1824,  in-8°.  C'est  un  ouvrage 
important  el  qui  mérite  d'être  lu  par 
tons  les  hommes  de  bonne  foi.  IX. 
Coup  d'œil  sur  t état  moral  et  po- 
litique de  la  France  à  l'avène- 
ment du  roi  Charles  X.  ibid., 
1824.,  in-8*'.  X.  Du  Clergé  en 
1825,  in- 8".  XI.  Mémoire  sur  les 
effets  désastreux  pour  les  colonies 
J'i  ancaises  du  système  de  fiscalité 
appliqué  à  leur  commerce  ,  ibid., 
1825,  in- 8°.  XII.  jSotice  sur  M. 
Bellarl{Foy.  cenora,LVII,  5 01), 


BIL 

1828  ,  in-8°  de  \ii  pages  ,  troi- 
sième édition.  XIIl.  Des  iMémoires 
et  des  Plaidoyers.  Pour  compléter 
cette  notice  Libliograpbiqiie  .  il  faut 
encore  citer  :  la  traduction  d'un 
écrit  d'Edward  ,  dans  les  Mémoires 
liist.  et  géogr.  sur  les  pays  situés 
entre  la  mer  Noire  et  la  mer  Cus- 
pienney  Paris,  1796,  in-4-°j  une  no- 
tice sur  Bergasse  dans  le  Réiw^'a- 
teur,  etc.  W — s. 

BILLEMAZ  (François  ),  l'un 
des    plus    ardents   propagateurs  des 
principes    révolutionnaires  à  Lyon, 
naquit  vers    1700,  aBelley,  de  pa- 
rents aisés.  Doué  de  quelque  esprit  , 
mais  manquant  des  (jualilés  qui  pou- 
vaient le  faire  réussir  au  barreau,   il 
acheta  la  charge   de  greffier  civil    et 
criminel   a   Lyon,    qu'il  exerçait   en 
1787.  Malgré  la  perte  de  sou  emploi, 
par  la  suppression  des  tribunaux,   il 
montra   le   plus   grand  zèle   pour  la 
révolution   dans  laquelle    il    aperce- 
vait les  moyens  de  se  venger  de  ses 
ennemis  et  de  satisfaire  sa  vanité. 
Dans   un    voyage    qu'il   fit  "a  Paris , 
il  vit  les  principaux  chefs  des  Jaco- 
bins 5  et,   dès  quil   fut  de  retour  a 
Lyon,  il  s'empressa  d'organiser    un 
club  ,  qui  s'ouvrit  le   3o  mai   1790. 
Ce   fut  le  premier  qui  s'établit  dans 
cette  ville  ,  el  il  (ut  appelé  depuis  le 
club  central.  Billeraaz  ,  qui  se  vautait 
d'a\  oir  allumé  dans  Lyon  le  feu  de  la 
liberté  ,   devint    bientôt   un  person- 
nage influent.  Nommé  juge  de  paix  en 
1791,   il  prononça,    quelques   mois 
après,  en  présence  des  électeurs  réu- 
uispour  choisir  unévèque,  undiscoui-s 
qui  fut  imprimé,  et  dans  lequel  on  re- 
marque ce  trait  :  k  Lu  paysan  breton 
ce   voulait  un  évèque  qui   ne  fut  pas 
K  prêlrej  celui  que  vous  nommerez 
a  le  sera  nécessairement  parce  qu'il 
«  sera    un  sage   »    (Voy.   les    Ta- 
blettes chronologiques  de  M.  Péri- 


BIL  289 

caud).  Billemaz  poursuivit  avec  fu- 
reur    tous     les     ecclésiastiques    qui 
avaient  refusé  le  serment  ;   non  con- 
tent de  les  dénoncer  dans  les  clubs, 
il  les  accablait  d'invectives  dans  les 
journaux,  cherchant  par  d'atroces  et 
sales  calomnies  a  leur  faire  perdre  la 
confiance  dont  ils  jouissaient  (  y .  les 
Nudités,   par  Cbassaigneau  ,  167). 
Après  la  mort  du  roi,  il  vint  a  Paris  et 
parut  a  la  barre  delaconvenlion  pour 
y  faire  parade  des  services  qu'il  avait 
rendus  à  lachose publique.  Ouigno- 
re  le  rôle   qu'il  joua  durant  le  siège 
mémorable  de  Lyon;  mais  il  ne  put 
échapper  a  la   vengeance  que  le  co- 
mité de  salul  public  tira  des  habitants 
de  cette    malheureuse  ville.   Arrêté 
comme  agenl  des  Girondins,   il  périt 
sur    l'échafaud  ,    le    5    déc.     1795. 
On  connaît  de  Billemaz  :  1.  Discours 
de  l'âne  de  F*""*  Nabolh,    1787, 
in-8°.  C'est  un   pamphlet  conlre  les 
francs-raaçous.    IL  Le  grand  bail- 
liage de  Lyon,  comédie  en  un  acte 
et    en    prose ,     représentée     par 
M3I.  les  ojjiciers  audit  siège ,    le 
samedi    27    sept.    1788  ,    Lyon  , 
de  V imprimerie  de  l'auteur,  à  l'en- 
seigne de  lu  vérité,  in -8"  de  54-  p. 
Celle    pièce    satirique    est    devenue 
rare.  W— s. 

BILLIXGSLEY  (sir  HtwRi), 
:nialhématicien  el  lord-maire  de  Lon- 
dres sous  le  règne  d'Elisabeth  ,  avait 
pour  père  un  Roger  Billingsley  de 
Canterbury,  de  très-mëdiocre  nais- 
sance. Cependant  il  fui  placé  a  l'u- 
niversilé  d'Oxford,  el  l'a  il  inspira  de 
l'attachement  a  un  ex-augustin  de 
la  ville  ,  Whitehead ,  mathémati- 
cien profond  pour  l'époque  où  il  vi- 
vait. Les  parents  de  Billingsley  ne 
se  souciant  pas  qu'il  parcourut  la 
carrière  des  sciences ,  le  mirent  en 
apprentissage  chez  un  armurier.  Ef- 
feclivement  il  eût  été  difficile  que  les 


J9 


ago 


BIL 


travaux    littéraires  ou    scientifiques 
auxquels  il  s'initiait  a  Oxford  lui  va- 
lussent jamais  autant  d'avantage  que 
le  commerce.  La  fortune  de  Billing- 
sley  finit  par  être  une  des  plus  con- 
sidérables de  Londres  :  il  fut  succes- 
sivement nommé  shérif,  aider man  , 
membre  de  la  commission  des  doua- 
nes, et  enfin  en  1697  lord-maire  de 
cette  capitale.  A  ces  dignités  munici- 
pales, il  joignit  par  la  faveur  de  la 
cour  celle  de  chevalier  (Rnight).  Ses 
richesses  et  ses  honneurs  ne  l'empê- 
chèreut  point  de  se  livrer  à  ses  pre- 
miers goùls.  Il  retira  chez  lui  Whi- 
teliead  que  la  suppression  des  maisons 
religieuses  sous  Henri  YIII  avait  ré- 
duit à  un  état  précaire  j   il  continua 
sous  ce  maître  de  ses  jeunes  années 
l'étude  des  mathématiques  ,  hérita  de 
ses  manuscrits  et  de  tous  ses  papiers. 
Parmi  ceux-ci  étaient  des  notes  sur 
Euclide;  Billingsley  rendit  un  der- 
nier hommage  à  la  mémoire  de  son 
ami  en  les  publiant  a  la  suite  d'une 
traduction  d'Euclide  dont  lui-même 
était   l'auteur  ,  sous  ce  titre  :    Tlie 
éléments  of  geomett^y  of  ihe  most 
ancient   philosophe?^  Euclide    of 
Megara,faithfullytranslatedinto 
the  english  longue,  etc. ,  Londres, 
iByo,   iu-fol.  Celle  traduction  est 
précédée  d'une  longue  et  savante  pré- 
face du  docteur  John  Dee.  Billingsley 
mourut  dans  un  âge  liès-avancé  le  22 
uov.    1606.  Il  était  un  des  premiers 
membres  de  la  société  des  antiquai- 
res. P OT. 

BILLIIVGT ON  (Elisabeth 

Weicschell  ,  plus  connue  sous  le 
nom  de  mistriss  ),  la  plus  célèbre 
cantatrice  de  l'Angleterre  et  peut- 
être  de  son  siècle  ,  naquit  k  Londres 
en  1769  ,  s'il  faut  en  croire  ses  pro- 
pres assertibns  5  mais  comme  le  dé- 
pouillement des  registres  de  celle  an- 
née n'y  a  point  fait  découvrir  son 


BIL 

nom,  les  biographes  se  sont  permis 
de  voir  dans  l'indication  de  mistriss 
Billington  une  de  ces  fautes  chrono- 
logiques qu'il  faut  pardonner  aux 
femmes.  Les  Anglais  auxquels  on 
a  souvent  reproché  une  organisa- 
tion anti-musicale  se  sont  plu  à  citer 
mistriss  Billington  comme  im  argu- 
ment irrébislible  de  l'injustice  de  celle 
imputation.  La  réponse  n'est  pas 
complètement  péremptoire  ,  car  l'il- 
lustre cantatrice  n'était  Anglaise  que 
par  le  lieu  de  sa  naissance  ;  son  père 
et  sa  mère  étaient  Allemands ,  et 
tous  deux  avaient  parcouru  la  car- 
rière musicale  avec  assez  d'éclat.  Le 
premier ,  quoique  ayant  des  pré- 
tentions à  une  noble  ascendance  ,  et 
quoique  son  frère  remplît  les  fonc- 
tions de  juge  provincial  k  Erbach, 
était  musicien  de  profession  et  pas- 
sait pour  un  instrumentiste  distingué. 
Madame  Weicschell  était  sans  con- 
tredit une  des  cantatrices  les  plus 
habiles  de  son  temps.  Elève  favorite 
de  Jean-Chr.  Bach ,  qui  parut  en 
Angleterre  en  1763  ,  elle  se  fit  en- 
tendre dans  plusieurs  des  concerts 
auxquels  présida  ce  maître  ,  puis  fut 
engagée  k  l'orchestre  du  Wauxhall 
comme  première  chanteuse.  Pour  elle 
fut  composé,  entre  autres  chants,  le 
célèbre  rondo  I>i  this  shady  hlest 
retreat.  Un  fils  et  une  fille  naqui- 
rent de  ce  couple  musical ,  cl  tous 
deux  ,  chacun  dans  sou  genre,  étaient 
destinés  k  surpasser  leurs  parents. 
Beaucoup  plus  jeune  que  sa  sœur, 
Charles  Weicschell  devait  plus  tard 
l'accompagner  sur  le  continent  et  , 
par  le  choix  des  morceaux  qu'il  exé- 
cutait sur  le  violon  tandis  que  celle-ci 
chantait,  contribuer  encore  k  ses  suc- 
cès etksa  réputation.  Quant  a  Elisa- 
beth ,  ses  dispositions  pour  l'art  au- 
quel se  livraient  ses  parents  se  mani- 
festèrent dès  l'âge  le  plus  tendre.  Sou. 


BiL 

père  lui  eu  enseigna  les  premiers 
principes ,  et  fut  secondé  par  son 
compatriote ,  le  virtuose  Sclirœter. 
Ce  qui  pour  les  commençants  ordi- 
naires est  une  tâche  pénible  n'était 
pour  elle  qu'un  passe-temps.  Le  piano 
était  son  jouet  favori  j  et  comme  elle 
s'en  occupait  avec  autant  d'assiduité 
que  les  jeunes  filles  eu  mettent  ordi- 
nairement à  s'occuper  de  leurs  pou- 
pées, elle  eut  bientôt  acquis  sur  cet 
instrument  une  force  remarquable. 
A  peine  âgée  de  sept  ans  elle  exé- 
cutait des  concertos  sur  le  petit  théâ- 
tre de  Hayraarket,  et  quatre  ans 
plus  tard  elle  commençait  h  joindre 
au  talent  de  l'exécutant  celui  de  la 
composition.  Cette  précocité,  la  con- 
science de  ses  talents  lui  faisaient 
supporter  avec  impatience  !e  joug  de 
l'autorité  paternelle,"  et,  pour  s'af- 
franchir de  cette  tutelle ,  elle  ac- 
corda sa  main,  contre  ie  vœu  bien 
prononcé  de  ses  parents,  k  un  mu- 
sicien du  théâtre  de  Drury-Lane  , 
Jean  Billington  qui  avait  en  quelque 
sorte  présidé  à  l'éducation  de  celte 
rare  écolière  et  qui  n'était  pas  demeuré 
insensible  k  la  réunion  de  la  beauté  , 
de  la  jeunesse  et  des  talents.  Bil- 
lington était  fort  pauvre.  La  lune  de 
miel  passa  bien  vite  ,  et  le  nouveau 
couple  abandonna  la  Grande-Breta- 
gne pour  chercher  fortune  en  Irlan- 
de ,  taudis  que  tant  d'Irlandais  vont 
la  demander  k  l'heureuse  île,  leur  voi- 
sine. Peu  de  temps  après  ,  mistriss 
Billington  parut  pour  la  première  fois 
sur  le  théâtre  de  Dublin.  Ses  débuts 
firent  une  sensation  prodigieuse  ;  et 
bientôt  le  nom  de  mistriss  Billington 
fut  proclamé  par  la  renommée  jus- 
que dans  cette  Grande-Bretagne  qu'el- 
le venait  de  quitter,  et  qui  voulut  la 
revoir  dès  que  l'Irlande  lui  eut  ré- 
vélé k  quelle  illustre  cantatrice  elle 
avait  donné  naissance.  Engagée  an 


BIL 


291 


théâtre  de  Covcnt-Garden ,  elle  y 
débuta  en  17 85  dans  la  pièce  de 
V Amour  au  village,  qui  avait  été 
commandée  par  le  roi  et  la  reine. 
Dans  l'exécution  de  cette  œuvre  où  le 
dessein  du  compositeur  avait  été  de 
donner  k  l'artiste  l'occasion  de  dé- 
ployer toutes  les  richesses  et  les  puis- 
sances musicales,  mistriss  Blllini^ton 
surpassa  les  espérances  de  ses  amis 
et  les  éloges  de  ses  admirateurs.  Dès- 
lors  elle  fut  placée  par  tous  tes  juges 
compétents  au  nombre  des  premiers 
talents.  Jalouse  pourtant  de  se  per- 
fectionner encore,  et  sentant  que  les 
maîtres  les  pins  habiles  pouvaient 
seuls  lui  apprendre  quelque  chose  , 
elle  se  rendit  l'été  suivant  k  Pa- 
ris où  elle  se  fil  l'élève  du  compo- 
siteur napolitain  Sacchiui ,  qu'elle  vit 
en  quelque  sorte  mourir.  Revenue 
en  Angleterre  ,  elle  y  suivit  avec 
le  même  succès  la  carrière  dans  la- 
quelle elle  s'était  engagée  :  le  théâ- 
tre de  Covent-Garden  lui  dut  con- 
stamment d'énormes  recettes.  Elle- 
même  se  fût  trouvée  en  peu  de  temps 
fort  riclie,  si  elle  s'eut  été  k  celte 
époque  aussi  prodigue  de  guinées  et 
tle  banknotes  que  prompte  a  les  ga- 
gner. Ses  dépenses  extravagantes  ne 
furent  pas  le  seul  tort  qu''on  lui  re- 
procha :  elle  eu  eut  de  plus  graves 
encore  ,  dans  quelque  sens  qu'on 
veuille  le  prendre^  avec  son  mari-  et 
la  liberté  de  ses  amours  alla  plus 
d'une  fois  jusqu'au  scandale.  Nous  de- 
vons ajouter  que  peut-être  le  scandale 
fut  aidé,  que  la  vérité  fut  exagérée 
par  des  rivales  qui ,  sous  ce  rapport 
mieux  que  sous  celui  du  talent  et  de 
la  célébrité  ,  eussent  pu  lui  disputer 
la  palme.  Quoi  qu'il  en  soit,  mistriss 
Billington  se  vit  k  peu  près  obligée 
de  quitter  Londres  en  lyp/i--  Elle 
profita  de  celte  espèce  de  nécessité 
pour    visiter   la   terre   classique  de 


19- 


2iJ2 


BIL 


riiarmonie  et  des  beaux-arts  ,  llla- 
lie.  Son  frère  Charles  et  M.  BlUing- 
ion  l'accompagnèrent  dans  ce   péle- 
riniige   qui  accrut    immensément   sa 
réputation  ,  et  dans  lequel  elle  re- 
commença  l'édifice    de    sa    fortune. 
Milan,   Venise,    Livourue  ,  Gènes  , 
Padoue,  Florence  rendirent  successi- 
vement hommage   aux  îalents  de  ces 
touristes  d'un  nouveau  genre  5  et  pour 
la  première  fuis  on   vit  une  Auglaise 
lever  au-delà  des  Alpes  l'impôt  que 
depuis  un  siècle  tant  de  virtuoses  ul- 
tramonlains  ont  fait  payer  aux  rive- 
rains delà  Tamise.   Naptes  même  , 
cette  melropole  des  notabilités  mu- 
sicales, devint   le  théâtre  de  la  gloi- 
re de  mistriss  Billinglon.  Lady  Ha- 
milton  en  prenant  sa  corapalriole  sous 
sa  protection  donna  l'élan  a  toute  la 
ville.  Elle  parut    k  la  cour  avec  la 
trop  fameuse  ambassadrice  :  le  roi  et 
la  reine  accueillirent  avec  le  respect 
le  plus  marqué  la   nouvelle  regina 
del  canto  et    lui   prodiguèrent   des 
marques  de  leur  faveur.  Les  Anglais, 
toujours  nombreux  dans  cette  belle 
capilale,  ne  furent  pas  les  derniers  k 
partager  Tenlhousiasme  général.  Por- 
ter aux  nues  la  brillante  sirène,  dont 
les  excellences,  les  majestés  avaient 
recherché  la  familiarité,  devint  ])our 
tout  enfant  des  Iles-Britanniques  un 
acte  de  patriotisme   eu  même  temps 
que  de  bon  goût  ;  et  les  lady  Temple- 
ton  ,  Palmerston,   Grandison  ,  Ger- 
trude  \illars  ,   en  un  mot  tout  ce  qui 
aimait  ou  feignait  d'aimer  les  arts  , 
s'eaipressèrent   de   suivre  l'exeniple 
donné  par  les  tètes  couronnées  en  re- 
cevant a  l'envi  mislrissBillington.  Sur 
ces  entrefaites  elle  perdit  son  mari  , 
qui  fat  subitement  frappé  d'apoplexie. 
Des  bruits  étranges  coururent  k  cette 
occasion  ,  et   les   gazettes  anglaises 
allèrent  jusqu'à  parler  de  stilet,  d'a- 
qua-lopbana  ,  etc.  ,   a   propos   d'un 


BIL 

accident  qui  n'était  ni  romanesque 
ni  fort  singulier  ,   surtout  après  le 
copieux  dîner  par  lequel  le  virtuose 
avait  voulu  ce  jour-lk  préluder  a  l'ap- 
parition qu'il  devait  faire  a  la  cour. 
11  expira  sur  un  escalier.  La  nou- 
velle  en    fut    d'abord   cachée    à    sa 
femme    qui   devait   chanter   le    soir 
même.  Elle  ne  ressentit  sans  doute 
point  un  violent  chagrin  de  cet  évé- 
nement,  s'il  faut  en  juger  par   les 
querelles  domestiques  qui  si  souvent 
avaient    troublé    son    ménage.    Une 
perte  plus  sensible  pour  elle  fut  celle 
de  20,000   sequins  qu'elle  avait  dé- 
posés a  la  banque  de  \enise  et  qui, 
vers  cette  époque,  allèrent   se    per- 
dre avec  tant  d'autres  dans  les  caisses 
publiques  ou    privées  des  Français, 
maîtres  de  ITtalie.  Au  reste  Tune  et 
l'autre  perte  ne  lardèrent  pas  k  être 
réparées.    Un  des   fournisseurs  a   la 
suite  de  l'armée,  M.  de  Felessenl,  se 
chargea  de  payer  celte  dette  nationa- 
le. Fort  bien   partagé  du  côté   des 
avantages  extérieurs,  il  n'eut  aucune 
peine  k  faire  agréer  ses  recherches 
k  la  belle  veuve ,  qui  plus  d'une  fois 
depuis  déclara  que  sou  nouveau  mari 
était  le  seul  homme  pour  lequel  elle 
eut  ressenti  de  l'amour.  Leur  union 
fut  consacrée  en  1797  ;  M.    de  Fe- 
lessenl  a  celle  occasion  envoya   sa 
démission  de  la  place  qu'il  occupait 
aux  armées;  et    tous  deux  allèient 
passer  ensemble  quelque  temps  dans 
un  établissement  acheté  du  reste  des 
biens  de  la  cantatrice  sur  le  terri- 
toire   de  Venise.  Ils  vécurent  ainsi 
deux  ans  et  demi,  au  bout  desquels 
sans  doute  cette  flamme  unique  qui 
avait  décidé  la  grande  artiste  a  quitter 
le   théâtre   de  son  triomphe  ,  brûla 
moins  vivement.  Le  public  napolitain 
et  le  public  anglais   s'étai^-nt  aper- 
çus de  l'absence  de  leur  favorite  ; 
et   diverses   propositions    d'engagé- 


BIL 

menl  vinrent  la  frouver  dans  sa  re- 
traite. Elle  se  décida  pour  l'Angle- 
terre et  Coveut-Garden.  Malgré  la 
répugnance  de  son  mari  pour  ce 
voyage,  elle  repartit  pour  Londres, 
où  une  pluie  d'or,  disait-elle,  attendait 
la  nouvelle  Danaé,  tandis  que  lui-mê- 
me eu  cas  de  désappointement  gouver- 
nerait leur  casino  et  veillerait  sur  les 
débris  de  leur  fortune.  C'est  sous  ces 
auspicesqu'ellereparut  sur  la  scène  de 
Covent-Garden  le  3  cet.  1801,  dans 
l'opéra  A'Artaxerce.  Son  succès  y 
fut  encore  plus  grand  que  lors  de  ses 
premiers  débuts.  Il  est  vrai  que  le 
chef-d'œuvre  du  docteur  Arne  ,  dans 
lequel  sont  si  savamment  combi- 
nées les  deux  manières  italienne  et 
anglaise,  était  de  nature  a  faire  écla- 
ter dans  tout  son  jour  la  supériorité 
de  la  cantatrice.  K  Dans  le  duetto-F'^iV 
Aiirora  (  Belle  Aurore  )  ,  où  elle 
chantait  avec  Inclidon  ,  dit  un  des 
habiles  dilellanti  qui  l'entendirent  a 
cette  représentation ,  elle  franchis- 
sait les  passages  chromatiques  qui 
terminent  la  première  et  la  seconde 
phrases  avec  une  suavité  qu'il  eût  été 
impossible  a  tout  autre  d'égaler  j 
arrivée  a  la  troisième  et  plus  particu- 
lièrement a  ce  vers  Toru  J'rotn  the 
idol  of  my  hearth  (l'idole  de  mon 
cœur  m'est  ravie)  ,  elle  rendait  ce 
passage  mineur  avec  une  délicatesse 
et  un  accent  de  tendre  bonheur  qui 
faisait  vibrer  les  nerfs  k  tout  l'audi- 
toire. Dans  l'air  si  beau ,  si  riche 
d'accompagnements,  Adieu  thou  lo- 
vely youLh^^t  était  également  ra- 
vissante :  son  expression  était  par- 
tout extrêmement  juste  ,  et  ses  repos 
parfaitement  distincts.  Un  autre  mor- 
ceau, Ifo'er  the  cruel  tyrant^  love, 
élnit  pour  elle  la  source  d'un  pareil 
triomphe.  Jamais  on  n'a  entendu  de 
chant  plus  doux  ,  plus  expressif  et  en 
même  temps  plus   pur  que  celui   de 


BIL  293 

notre  virtuose,  d'un  bouta  l'autre  de 
cet  air  aussi  cbarmant  qu'orio^inal. 
Ses  fioritures  quoique  riches  étaient 
irréprochables;  et  les  notes  qu'elle 
ajoutait  a  la  fin,  et  dans  lesquelles 
elle  faisait  avec  une  aisance  parfaite 
résonner  le  ré  d'en  haut  ,  étaient 
aussi  spirituellement  ,  aussi  correcte- 
ment improvisées  que  faites  pour  ex- 
citer k-la-fois  l'émotion  et  la  surprise. 
Dans  le  grand  air  F  ailier,  bro- 
ther ^  lover ,  friend  (père,  frère, 
amant,  ami),  elle  accentuait  chacun 
de  ces  mots  avec  une  énergie  crois- 
sante et  qui  allait  jusqu'au  sublime. 
Mais  c'est  surtout  dans  le  final  qu'elle 
déployait  tout  le  luxe  d'un  gosier  qui 
se  jouait  des  plus  inimaginables  difti- 
cultés  des  airs  de  bravoure^  et  dansle 
The soldiertir  djromwar  s alarms 
(Le  soldat  las  des  fatigues  et  des  alar- 
mes de  la  guerre),  elle  se  surpassait 
elle-même  par  la  réunion  des  talents 
qui  font  la  grande  actrice  et  la  grande 
cantatrice.  Ceux  qui  avaient  entendu 
avec  admiration  (et  nous  sommes  de 
ce  nombre)  le  même  morceau  chanté 
par  mi>s  Bunt  ne  revenaient  pas  de 
leur  surprise,  en  l'entendant  exécuter 
avec  tant  de  supériorité  par  mislriss 
Billington.  »  Tous  les  rôles  dans  les- 
quels parut  depuis  ce  temps  la  célè- 
bre Anglmise  ou  soutinrent  ou  aug- 
meulèrent  sa  réputation.  Jamais  elle 
ne  donna  prise  par  le  moindre  affai- 
blissement a  la  jalousie,  a  la  mali- 
gnité qui  eussentvoulu  la  trouver,  au 
moins  parfois,  au-dessous  d'elle-même. 
Quinze  ans  de  suite ,  elle  jouit  au 
plus  haut  degré  de  la  faveur  du  pu- 
blic. Telle  était  l'admiration  univer- 
selle pour  sentaient,  que,  par  une 
exception  unique  jusque-la  ,  deux 
théâtres  en  même  temps  l'engagè- 
rent, Drury-Lane  et  Covent-Garden. 
Il  ne  se  dunnait  point  sans  elle  de 
concert  dans  le  monde  fashiouable. 


ii94  BIL 

Aussi   en   deux    saisons   moissonna- 
t-elle  plus  que  Ions  les  hommes  de 
génie  du  siècle  d'or  de  la  littérature 
anglaise.  Dès   i8or    et    1802,  sou 
double  eno-ageraent  lui  valut  dix  mille 
livres   sterling  (deux  cent  cinquante 
mille  francs) 5  et  toutes  les  autres  an- 
nées   lui    furent   aussi    profitables  , 
sans  compter  les  gratifications,   bé- 
néfices ,    etc.    Instruite  par    l'expé- 
rience ,  dans  cette  troisième  période 
de  sa  vie  où  elle  créait  pour  la  troi- 
sième fois  sa  fortune ,  elle  mit  de  l'é- 
conomie dans  ses  dépenses,    et  cha- 
que année  plaça  des  sommes  consi- 
dérables. On  a  calculé  que  sa  fortune 
en    18 16    montait    k    soixante-cinq 
mille  livres  sterling  (un  million  six 
cent    vingt-cinq   mille    francs  ).    Ces 
soins  prudents  ne  l'empêchaient  pas 
de   tenir   splendidement  sa  maison. 
Sa     charmante     résidence    dans    le 
voisinage   de  Hammersmith  eut  fait 
envie  à  une  princesse 5  et  des  princes 
en  effet ,  des  lords ,  des  dames  de  la 
plus  haute  noblesse,  des  notabilités 
de  tous  les  genres  se  faisaient  hon- 
neur d'y  être   admis  :  la  brillaient 
dans  l'architecture  ,  les  décors  ,  l'a- 
meublement, l'élégance  italienne ,  l'o- 
pulence britannique;  la  se  donnaient 
rendez-vous  tous  les  beaux-arts,  mais 
c'est  toujours  la  musique  qui  était  le 
centre  et  l'àme  de  ces  réunions.  Les 
concerts  gratuits  de  mistriss  Billing- 
ton  avaient  peut-être  encore  plus  de 
vogue  que  ceux  où  elle  paraissait  en 
public  au  milieu  des  cercles  payants 
et    auxquels  elle   devait    en    partie 
sa  haute  existence  5  mais  il  n'était 
pas  aussi  facile  d'y  être  admis.   Au 
reste,  la  vie  que  l'illustre  cantatrice 
menait  a  la  ville  et  a  la  villa  était , 
il  faut  le  dire,  moins  édifiante   que 
brillante  :  parmi  ses  visiteurs  plus 
d'un  avait  passé  de  l'admiration  de 
sa  voix  a  celle  de  ses  charmes,  sans 


BIL 

trouver  chez  elle  plus  de  s^v^rité  que 

SCS  anciens  adorateurs;  et  si,  dansl'é- 
uumération  de  ses  revenus,  nous  n'a- 
vons compris  que  ceux  qu'elle  devait 
a  ses  talents,  ce  n'est  pas  que  ceux-là 
seuls  figurassent  sur  le  livre  de  ses 
recettes.  Cependant  ses  charmes  n'é- 
taient point    inaltérables  comme  sa 
voix  :  a  vrai  dire  même,  si  notre  hé- 
roïne avait  été  gracieuse  et  charman- 
te dans  sa  jeunesse  ,  l'approche  de 
l'âge  mûr  lui   avait    donné  quelque 
chose  de  masculin  et  de  robuste  qui 
ne  pouvait  plaire  qu'a  des  yeux  fort 
prévenus  en  sa  faveur.  Probablement 
on  commençait    a    s'en    apercevoir 
plus    généralement   qu'elle   ne   l'eût 
souhaiié  ,  lorsqu'en  1817  M.  de  Fe- 
lessent ,  que  la  guerre  avec  l'Angle- 
terre  n'avait  sans   doute   pas    seule 
empêché  de  franchir  les  distances  qui 
le  séparaient   de  sa  femme  ,   parut 
inopinément,   dit-on,  a  Londres  et 
fut  reçu  a  bras  ouverts.  Il  fut  décidé 
que  l'on  prendrait  a  l'instant  la  route 
du  continent  5  l'argenterie ,  les  joyaux 
furent  emballés  :   on  franchit  le  pas 
de  Calais ,  on  traverse  la  France  ,  on 
Tole  vers  l'Adriatique.  L'intention  des 
deux  époux  était  d'abord  de  rendre 
visite  a  leur  maisonnette  de  Venise 
pour  eux  si  fertile  en  souvenirs  ,  puis 
de  se  rendre  a  Rome ,  et  enfin  de  se 
fixer  alNaples.  Mais  la  mort  vint  met- 
tre un  terme  aux  voyages  de  mistriss 
Billington  :  elle  expira  le  2.5  août 
1818,  frappée   d'apoplexie,  comme 
son   premier  mari.   Elle  ne   laissait 
point  d'enfants,  et  M.  de  Felessenl 
hérita  de  la  plus    grande  partie  de 
ses  biens.  Un  fils  et  une  fille  qu'elle 
avait  adoptés  ,  h.  deux  époques  diffé- 
rentes de  sa  vie,  avaient  reçu  par  ses 
soins  une  excellente  éducation.    La 
dernière  était  près  d'elle  lorsqu'elle 
mourut.  La  sollicitude  et  les   soins 
dont  mistriss  Billington  entoura  cette 


BIL 

jeune  personne  prouvent  qu'elle  eu  télé 
une  excellente  mère.  Elle  se  montra 
de  même  fille  tendre  et  affectueuse. 
Son  père,  pauvre  et  infirme,  trouva 
chez  elle  tous  les  avantages  d'une 
vie  tranquille  et  confortable.  Ces 
qualités  demandent  grâce  pour  le 
reste.  Il  existe  un  beau  portrait  de 
mistriss  Billington  eu  sainte  Cécile, 
par  sir  Jobliua  Reynoids  :  il  a  été 
gravé  par  Ward  qui  a  rendu  avec 
une  fidélité  spirituelle  toutes  les  beau- 
tés de  l'original.  P — or. 

BILL  U  ART  (Charles-Rexe), 
naquit  le  i8  janv.  1 685,  hRevin,  sur 
les  bords  de  la  Meuse,  dans  le  dio- 
cèse de  Liège.    Après  'avoir  fait  ses 
humanités  h  Charleville,  sous  les  jé- 
suites ,  il  fit  profession  chez  les  do- 
minicains en  1702,  et  fut  en  1710 
nommé  professeur  de  philosophie  au 
collège  de  Saint-Thomas  de  Douai. 
Il  était  en  171 5  maître  des  étudiants 
de  ce  collège,  lorsqu'il  mit  au  jour 
son  premier  ouvrage.  Il  prècba  ,  en 
17  18  et   I  719  ,  avec  tant  de  succès 
a  Liège,  que  le  comte  de  Tilly,  (-ui 
commandait  la  cavalerie  des  Provin- 
ces-Unies ,  voulut  l'entendre  à  Maes- 
tricht  ,    dont   il   était    gouverneur. 
Prieur  du  couvent  de  Reviu  en  1 7  2  i , 
BiUuart  était  devenu  en  1725' pre- 
mier professeur  du  collège  de  Douai, 
loi'squ'à  la   fin  de    1728  il   fut  élu 
provincial  de  la  province  de  Sainte- 
Piose.  Il  fjit  en  1733  élu  prieur  de 
sa  maison  professe,  après  avoir  en- 
core signalé  ses  talents  pour  la  pré- 
dication.   BiUuart  mourut  dans  son 
couvent  de  Revin  le  2  i  janvier  1707. 
Ses  ouvrages ,  fort  nombreux ,  et  dont 
on  trouve  la  liste  raisonnée   dans  la 
Biographie    avdennaise,  par  l'ab- 
bé  Douillot,    annoncent   qu'il  était 
très-savant  en  théologie  et  que    sa 
-  dialectique  ne  manquait  ni  d'adresse 
ui    de  vigueur.  Voici   les  titres  des 


BIL 


3^5 


plus  importants  :  I.  T)e  mente 
ecçlesiœ  catholicœ  circa  acci- 
dentia  euchnristiœ  ,  contra  D . 
Lengrand ,  lÀhge  ,  I7i5,  iu-12. 
IL  Le  Thomisme  vengé  de  sa  pré- 
tendue conilamnation  par  la  con- 
stitution Lnigenitus,  i72o,in-i2. 
m.  Lettre  du  R.  P.  BiUuart  aux 
docteurs  de  laj'aculté  de  théologie 
de  Douai ,  ijzd  ,  in-4.°.  IV.  Exa- 
men critique  des  réflexions,  qu'a- 
vait faites  un  moliniste,  sur  le  bref 
Demissas  preces,  1725,  in- 4.°.  V. 
Le  Thomisme  triomphant,  etc.\I. 
jiéponse  de  l'auteur  du  Tliomisme 
triomphant  à  M.  Stievenard,  cha- 
noine de  Cambrai,  au  sujet  de  son 
Apologie  pour  M.  deFéuelon.  Deux 
autres  brochures  sur  le  même  sujet 
suivirent  cette  Réponse  ,  à  laquelle 
Stievenard  ne  manqua  pas  de  répli- 
quer. VII.  Summa  S .  Thomœ  ho- 
diernis  academiarum  moribus  ac- 
commodata,  sii'e  Cursus  theologlœ 
juxta  mentem  D.  Thomœ,  Liège, 
1 74-6-5 1  ,  29  vol.  in-8°.  Ce  cours 
de  théologie,  qui  jouit  d'une  grande 
réputation  dans  les  écoles  ,  a  été 
réimprimé  a  Venise  ,  puis  k  ^Vurtz- 
bourg,  3  vol.  in-fol.,  L'auteur  en  a 
donné  V  abrégé  ,  Liège  ,  1754,  6 
vol.  in-S'^.  D — B — s. 

B1LLY(Nigolas-Aktoi>"eLab- 
EEY  de),  littérateur,  naquit  en  1755 
k  Vesoul,  d'une  famille  honorable  et 
qui  a  produit  plusieurs  hommes  de 
mérite  (/^ojK«  Labbet,  XXIII,  17). 
La  nature  avait  doué  le  jeune  Billy 
des  plus  heureuses  dispositions  5  mais 
la  liberté  que  ses  parents  lui  laissè- 
rent de  choisir  un  état ,  l'erapècha 
long-temps  de  connaître  sa  véritable 
vocation.  Admis  k  quinze  ans  daus 
l'école  de  génie  ,  il  ne  tarda  pas  k  se 
lasser  de  la  discipline  militaire ,  et 
en  1770  il  quitta  Metz  pour  venir  k 
Besancon  commencer  l'étude  de    la 


495  BIL 

théologie.  Les  difficultés  que  lui  pré- 
senta cette  science,  et  peut-être  aussi 
la  sévérité  de  ses  maîtres,  le  rebutè- 
rent Lienlôi,  et  dès  l'année  suivante 
il  abandonna  la  théologie  pour  le 
droit.  S'étant  fait  recevoir  avocat  , 
il  retourna  dans  sa  ville  nalale  avec 
l'intention  d'y  fréquenter  le  barreau  5 
mais,  changeant  encore  une  fois  d'idée, 
il  reprit  Télude  de  la  théologie  ,  alla 
continuer  ses  cours  à  Paris,  au  sémi- 
naire de  Saint-Sulpice  ,  et  revint  eu 
1782  k  Besançon  subir  ses  examens 
et  recevoir  les  ordres  sacrés.  Il  re- 
tourna la  même  année  k  Paris;  et, 
s'étant  fait  agréger  a  la  communauté 
des  prêtres  de  Saint-Roch,  il  ne  tarda 
pas  a  se  distinguer  par  son  talent 
pour  la  prédication.  L'éclat  de  ses 
débuis  lui  mérita  l'amitié  de  l'abbé 
Taîbert  (  Voy.  ce  nom ,  XLIV, 
409),  qui  le  désigna  sou  coadjuteur 
au  chapitre  de  Besançon;  et,  peu  de 
temps  après,  l'évèque  de  Langres  , 
M.  de  La  Luzerne  ,  le  nomma  son 
grand-vicaire.  Il  conlinua  cependant 
d'habiter  Paris  .  au  moins  une  partie 
de  l'année;  et,  s'élaut  fait  connaître 
de  plus  en  plus,  il  eut,  eu  1786  , 
l'honneur  de  prêcher  k  Versailles 
devant  la  famille  rovale.  Il  ne  vit 
d'abord  dans  la  révolulion  que  la  ré- 
forme des  abus  qu'il  désirait  avec 
autant  d'ardeur  que  s'il  n'en  eût  pas 
profité.  Ces  principes  le  firent  élire 
en  1790  membre  de  la  municipalité 
de  Besançon;  mais  il  s'excusa  d'ac- 
cepter sur  l'incompatibilité  qu'il 
trouvait  entre  le  sacerdoce  et  toute 
magistrature  civile.  Le  discours  qu'il 
prononça  l'anne'e  suivante  pour  la 
bénédiction  des  drapeaux  de  la  garde 
nationale  accrut  sa  populaiité  :  peu 
s'en  fallut  qu'on  ne  l'ealevât  de  .'■a 
chaire  pour  le  porter  en  triomphe 
daus  les  rues,  et  il  eut  beaucoup  de 
peine  k  se  préserver  de  cette  lurbu- 


BlL 

lente  ovation.  Cependant  les  événe- 
ments se  succédaient  avec  une  rapi- 
dité qu'il  n'avait  pu  prévoir.  Bientôt 
arriva  le  décret  relatif  au  serment 
des  ecclésiastiques.  L'abbé  de  Billy 
refusa  de  le  prêter,  et  rejoignit  a 
Lintz  l'évèque  de  Langres,  qui  Tavait 
précédé  dans  l'exil.  Des  éludes  sé- 
rieuses en  adoucirent  l'amertume.  Il 
parcourut  l'Allemagne  et  l'Italie  en 
homme  curieux  de  s'instruire.  Plus 
tard  il  vint  k  Florence  avec  le  comte 
d'Aubusson  de  La  Fcuillade  ,  lors- 
que ce  dernier  fut  nommé  ministre 
plénipotentiaire  de  Napoléon  près 
de  lareined'Etrurie.  M.  d'Aubusson, 
charmé  de  son  esprit  et  de  ses  ma- 
nières, lui  confia  l'éducation  de  ses 
enfants.  Pendant  son  séjour  k  Flo- 
rence, il  s'acquit  l'estime  des  littéra- 
teurs et  des  savanis  (i) ,  et  parvint  a 
former  une  collection  nombreuse  de 
livres  rares  et  précieux.  Dès  qu'il  lui 
fut  permis  de  revoir  sa  patrie  ,  il  se 
hâta  d'y  rentrer,  rapportant  avec  lui 
les  trésors  littéraires  qu'il  avait  amas- 
sés dans  ses  voyages  ,  et  qu'il  ne  cessa 
depuis  d'augmenter,  malgré  la  médio- 
crité de  lafortunequ'il  avaitreirouvée 
en  France.  11  fut  ,  en  1809,  nommé 
professeur  d'histoire  a  la  faculté  de 
Besançon;  mais  ses  infirmilés  préco- 
ces l'obligèrent  bientôt  k  se  faire 
suppléer  dans  son  cours.  Le  rapide 
affaiblissement  de  ses  forces  ne  l'em- 
pêcha pas  de  continuer  a  parlager 
son  temps  entre  la  culture  des  lettres 
et  les  soins  qu'exigeait  sa  belle  bi- 
bliothèque. Ce  fut  dans  ces  douces 
occupations  qu'il  termina  sa  vie  a 
Besançon  le  21  mai  1825,  k  l'âge  de 
72  ans.  Il  avait  d'abord  légué  sa  bi- 
bliothèque a  l'universilé  ;  mais  il  re- 

(i)  Cependant  on  lui  reproihe  d'avoir  con- 
Itiljué  à  répandre  des  hrujis  eiitir'rcincnt  faux 
eonlre  une  des  personnes  les  jilns  estimables 
attachées  à  la  li'gatioii  ,  dans  la  vue  de  faire 
donner  la  place  à  un  de  -e^  parrnis.  /. 


BIL 

vînt  sur  cet  acte  de  générosité  5  et, 
ayant  trouvé  le  moyen  de  la  retirer 
du  bâtiment  où  elle  était  déjà  pla- 
cée, il  la  partagea  entre  ses  héri- 
tiers :  on  sait  que  cette  collection 
précieuse  est  maintenant  perdue  pour 
le  public.  L'abbé  de  Billv  était  mem- 
bre de  la  société  Colombaire  de  Flo- 
rence ,  et  de  plusieurs  autres  acadé- 
mies d'Italie.  Outre  une  éditiou  de 
\' Histoire  de  P.  (V Auhusson,  aug- 
mentée de  notices  sur  quelcjues-uns 
des  personnages  de  cette  maison 
(J  oy.  BouHOURS,V,  509),  et  plu- 
sieur  Discours  dans  les  recueils  de 
l'académie  de  Besancon  ,  on  a  de 
Billy  :  I.  Histoire  de  l'université 
du  comté  de  Bourgogne ,  et  des 
différents  sujets  qui  l'ont  honorée^ 
Besançon,  i8i4,  2  vol.  in-4-"-  Cet 
ouvrage  ,  rempli  de  recherches  ,  a  été 
composé  sur  les  Mémoires  de  Dunod 
{^Poy.  ce  nom,  XII,  246).  Fondée 
en  1424  par  Philippe-le-Bon,  duc 
de  Bourgogne ,  celte  université  fut 
transférée  en  1691  de  Dole  a  Besan- 
con ,  où  elle  s'est  soutenue  avec  éclat 
jusqu"a  sa  suppression  ,  en  1792. 
Les  deux  volumes  publiés  par  l'abbé 
de  Billy  contiennent  l'iiistoire  de  cet 
établissement  depuis  son  origine,  ses 
divers  statuts  et  règlements  ,  et  des 
notices  historiques  et  généalogiques 
sur  ses  officiers  et  ses  recteurs.  Le 
troisième  volume  devait  renfermer 
la  biographie  des  professeurs  ,  dont 
plusieurs  se  sont  fait  une  réputation, 
mais  il  n'a  point  paru.  On  trouve  en 
outre  dans  ces  deux  volumes  plusieurs 
pièces  intéressantes  pour  l'histoire 
du  comté  de  Bourgogne.  A  la  fin  du 
premier  on  remarque  la  Correspon- 
dance de  Cundé  avec  Louvois  et  le 
parlement  de  Dole,  pendant  l'occupa- 
tion de  cette  province  par  les  Fran- 
çais,  en  i668-  et  dans  le  second, 
p.   1^9,  un  Etat  des  fiefs  en  i6i4j 


BIL  297 

avec  l'indication  de  leurs  revenus.  II. 
Sermons ,  ibid.,  18 17,  in -8°.  Com- 
posés dans  l'exil,  ces  sermons  n'ont 
point  été  prononcés.  Ils  sont  écrits 
avec  élégance,  et  la  morale  en  est 
pure;  mais  on  n'y  trouve  point  ces 
traits  d'éloquence  qui  distinguent  les 
productions  des  grands  orateurs 
chrétiens.  W — s. 

BILON  (Hippoltte),  médecin, 
secrétaire  de  la  faculté  des  sciences 
et  professeur  de  sciences  physiques  'a 
l'académiede  Grenoble,  né  dans  celte 
ville  en  1780,  y  mourut  le  29  octo» 
bre  i824.  Digne  élève  de  Bicliat, 
saisissant  avec  une  admirable  perspi- 
cacité les  points  les  plus  difficiles  et 
les  plus  contestables  des  nouvelles 
théories  médicales  qui  commençaient 
k  s'introduire  dans  le  monde  >avant , 
Bi'on  quitta  les  bancs  de  l'école  pour 
annoncer  a  ses  concltuyens  la  parole 
du  maître  qu'd  avait  entendu.  Il  le 
fît  avec  succcsi^  son  éloquence  facile, 
la  nouveauté  de  sa  doctrine  lui  atti- 
rèrent un  auditoire  nombreux,  et  la 
réputation  du  jeune  Bilon  s'était  déjà 
propagée  jusqu'à  Montpellier  lorsqu'il 
vint  y  soutenir,  pour  arriver  au  doc- 
torat, une  thèse  brillant  e  sur  l'ensem- 
ble de  la  médecine.  Le  sanctuaire 
de  la  vieille  école  s'émut  en  enten- 
dant professer  des  principes  qui  n'é- 
taient pas  les  siens  ;  car  Bilon  fut 
nn  des  premiers  élèves  sortis  de 
son  sein  qui  cherchèrent  a  y  intro- 
duire les  nouvelles  doctrines.  Pxe_ 
venu  k  Grenoble  .  le  jeune  docteur  se 
fit  une  double  réputation,  et  comme 
praticien  et  comme  professeur  de 
physique  k  la  faculté  des  sciences. 
En  1812,  il  épousa  la  fille  du  célè- 
bre Antoine  Petit  ,  médecin  lyonnais 
d'un  rare  mérite.  Celte  alliance  ne  fit 
qu'animer  son  ardeur  pour  l'étude , 
tant  il  désirait  se  montrer  digne  du 
père  qui   l'avait    adopté'  mais    les 


agS  BIN 

veilles  de  Bilon  abrégèrent  ses  jours, 
et  il  mourut, k  kk-  ans,  d'une  affection 
pulmonaire.  On  lui  doit  :  I.  Disser- 
tation sur  la  douleur^  Paris  i8o3, 
in-4°  ,  opuscule  remarquable  par  les 
considérations  neuves  qui  s'y  trouvent 
développées.  II.  Un  Eloge  histori- 
que de  Bichat  ,  1802  ,  in-8°.  III. 
Plusieurs  articles  insérés  dans  le 
Dictionnaire  des  sciences  mé- 
dicales,  ainsi  que  différents  Mé- 
moires ^Dissertations  ou  Rapports 
lus  aux  sociétés  des  sciences  et  de  mé- 
decine de  Grenoble  dont  il  faisait 
partie.  Il  a  laissé  manuscrits  :  des 
Essais  sur  l'influences  des  passions 
dans  la  production  des  maladies, 
et  sur  l'amour  considéré  pliysio- 
logiquement.  B — jr. 

BIXET  (François-Isidore),  né 
a  Niort  en  1620,  entra  dans  l'ordre 
des  capucins,  et  fut  successivement 
provincial  de  la  province  de  Tou- 
raine  et  gardien  du  couvent  de  Poi- 
tiers. Plein  d'instruction,  doué  d'une 
grande  mémoire  et  d'un  organe  très- 
agréable  ,  ii  se  fit  remarquer  comme 
un  liabile  prédicateur  ,  et  parcourut 
les  provinces  voisines  du  Poitou  ,  s'ef- 
forcant  d'appeler  a  lui  les  chrétiens 
séparés  de  l'église  romaine.  Il  com- 
posa un  livre  ,  écrit  avec  mélliode  , 
qui  a  eu  plusieurs  éditions ,  sous 
ce  titre  :  Le  Missionnaire  con- 
troversiste ,  ou  Cours  entier  de 
co7itroverses  ,  Poitiers,  1686  et 
années  suivantes.  Binet  mourut  k 
Poitiers,  dans  un  âge  avancé,  vers 
la  fin  du  XYIP  siècle.  —  Binet 
[Isidore) ,  neveu  du  précédent  ,  né 
aussi  k  Niort ,  entra  dans  le  même 
ordre  et  fut  deux  fois  provincial. 
C'était  un  religieux  instruit,  éloquent, 
de  mœurs  douces  et  d'une  piété  fa- 
cile. Il  fut  appelé  par  plusieurs  évè- 
ques  pour  prêcher  le  Carême  ou  l'A- 
vent,  et  se  rendit  a  Rome,  comme 


BIN 

rédicateur  du  chapitre  général  de 
'ordre.  Il  avait  écrit  son  voyage  d'I- 
talie, destiné  surtout  a  relever  les  er- 
reurs et  les  fausses  allégations  de  Mis- 
son  et  Jouneau.  Desloges ,  qui  l'avait 
lu  ,  prétend  qu'il  contenait  des  cho- 
ses excellentes.  Mais  avant  de  mourir 
Binet  exigea  qu'on  brûlât  son  manu- 
scrit. Il  mourut  a  Poitiers  en  lyy/i,  k 
l'âge  de  8  i  ans. — Binet  {Benjamin) 
est  auteur  d'une  Histoire  des  dieux 
et  des  démons  du  paganisme,  Delft, 
1696,  in-i2.  C'est  une  des  critiques 
du  livre  de  Ballhazar  Bekker,  intitulé 
le  Monde  enclianté,  et  la  seule  en 
français  :  on  la  joint  toujours  au  livre 
de  Bekker  [Voy.  ce  nom  ,  IV  ,  72). 
F — T — E. 
BIXET  (René),  traducteur  de 
Virgile,  naquit  le  2  3  janvier  1732 
k  Kotre-Dame-du-Thil  ,  près  de 
Beauvais  ,  d'une  famille  de  simples 
cultivateurs.  Après  avoir  achevé  ses 
études  avec  succès  au  collège  de 
Sainte-Barbe,  déjk  l'un  des  meilleurs 
de  Paris ,  il  entra  dans  la  carrière  de 
l'enseignement.  Nommé  professeur  a 
l'école  militaire  et  ensuite  au  collège 
de  Plessis ,  il  y  enseignait  la  rhéto- 
rique lors  de  la  suppression  de  cet 
établissement  ,  en  1792.  A  celte 
époque  il  remplissait  les  fondions 
de  recteur  de  l'aucienne  université  ; 
son  nom  ferme  ainsi  la  liste  honorée 
par  ceux  des  Rollin,  des  Hersant  et 
de  tant  d'autres  hommes  d'un  rare 
mérite.  Sa  position  le  força  d'accep- 
ter, k  la  création  des  écoles  centra- 
les, l'humble  place  de  professeur  de 
grammaire  latine  k  l'école  du  Pan- 
théon. Plus  tard  il  fut  nommé  pro- 
viseur du  lycée  qui  prit  le  nom  de 
Bonaparte.  Dans  les  courts  loisirs 
que  lui  laissaient  ses  pénibles  fonc- 
tions ,  il  s'était  occupé  a  faire  passer 
dans  notre  langue  quelques-uns  des 
chefs-d'œuvre  de  la  littérature  latine  j 


Blîf 

et,    malgré  les    défauts   qu'on   peut 
leur  reprocher,  sesversiouscrHorace 
et  de  Virgile  lui  assureut   un  rang 
distingué  parmi  les  traducteurs  fran- 
çais (i).  Sur  la  fin  de  sa  vieil  travaillait 
encore  à  revoir  des  ouvrages  élémen- 
taires, dont  il  soignait  les  éditions.  Il 
mourut  à  Paris  le  3 1  octobre  1 8 1 2, 
à  80  ans.  Ses  nombreux  élèves,  dont 
plusieurs  avaient  dans  les  lettres  une 
grande  réputation  ,  accompagnèrent 
ses  restes  au  cimetière  Montmartre  , 
oii  deux  d'entre  eux ,  M.  Legrand  , 
alors  censeur  du  même  lycée ,  et  le 
respectable  Boulard  {P^oy.  ci-après, 
Ant.-JMar. -Henri  Boulard),  pro- 
noncèrent des  discours  qui  ont  été  im- 
primés. Avant  de  se  séparer,  ils  ouvri- 
rent une  souscription  pour  ériger  a  la 
mémoire  de   leur  maître  un  monu- 
ment ,  que  décora  d'une  belle  épita- 
phe  latine  Leraaire  {V^oy.  Lemaire 
ÇSicoIas-Eloi),  auSupp.).Un  autre 
élève  deBinet,  Dussault,  caractérise 
ainsi  cet  excellent  professeur  :  a  Ce  qui 
«  le  distinguait  dans  sa  classe,  c'était 
a  un  sentiment  parfait  des  convenan- 
«  ces  et  une  critique  très-judicieuse. 
a  II  avait  beaucoup  de  goiîl ,   mais 
«  peu  de  talent  5  il  écrivait  avec  sa- 
«  gesse  et  avec  pureté  ,  mais  il  man- 
te quait  de  chaleur  »  {Annales  litté- 
raires, lY,  558).  Outre  une  traduc- 
tion de  l'allemand   de  l'ouvrage  de 
Weiners  ,  Histoire  de  la  décadence 
des  mceurs  chez  les  Romains^  et  de 
ses  effets  dans  les  derniers  temps 
de  la  république^  Paris,    lycjS  , 
in-8°,  on  a  de  Binet  les  traductions 
suivantes  :  1°  OEuvres  d'Horace, 
avec  le  texte  en  regard,  Paris,  1780, 


(i)  Sa  traduction  tle  Virgile  n'est  guère  qu'une 
révision  soignée  de  la  version  dite  des  quatre 
professeurs.  On  raconte  que,  tons  les  soirs,  Binet 
lisait  à  sa  femme  et  à  sa  servante  son  travail 
de  la  journée;  qu'il  demandait  à  son  auditoire 
femelle  s'il  était  content.  —  Oui ,  répondait-il. 
»—  St  moi  aussi  ;  allons  nout  cout/ttr. 


BIN 


^99 


2Vol.  in-i2;  sixième  édition,  1827. 
Cette  version  est  élégante   et  fidèle. 
Binet,  dans  la  préface,  prouve  sans 
peine  que    la   traduction  en  prose  a 
sur  la  traduction   en  vers  l'avantage 
de  pouvoir  rendre  l'original  avec  plus 
de  fidélité  ;  mais  sa  fidélité  scrupu- 
leuse a  ne  le  conduit  que  trop   sou- 
te vent  à  éteindre  un  mouvement  heu- 
<t  reux   et  rapide  dans  une   phrase 
<t  molle  et  traînante  3>   {Préface  de 
la  "traduction    d'Horace    par    MM. 
Campenon  et  Després  ).  2°  T^alère^ 
Maxime,     ibid.  ,     1796,    3    vol. 
in-8''.  3"  OE livres  de  p^irgile,  ib., 
i8o5  ,    4-  vol.   in  -  I  2  ;   cinquième 
édition,  i833.  Toute  faible  de  style 
qu'elle  est,  c'était  encore  la   meil- 
leure traduction  en  prose  que  nous 
eussions  de  ce  grand  poète,  lorsque 
les  deux  premiers  volume  de  l'Enéide, 
traduite  par  M.  Yillenave  ,   ont  été 
publiés  dans  la  Bibliothèque  latine- 
francaise  ^  dont  31.  Pauckoucke  est 
l'éditeur.  4-°  Oraisons  de  Cicéron. 
Cette    traduction  ,    terminée    avant 
1796,  était  restée  inédite.  Revue  par 
Lemaire,  elle   a  été  imprimée  dans 
la  collection  des  OEuvres  de  Cicé- 
ron, Paris,  Fournier,  i8i6  ,  in-8", 
3i  vol.  W — s. 

BIXG  (Isaïe-Beef.)  ,  homme  de 
lettres,  né  a  Metz  en  1769,  d'une 
famille  juive  ,  fut  le  premier  en 
France  qui,  entraîné  par  la  haute 
philosophie  de  Mendelsohn  ,  s'élança 
vers  les  voies  nouvelles  ouvertes  par 
le  rabbin  berlinois.  Bing  avait  passé 
une  grande  partie  de  sa  jeunesse  à 
étudier  la  langue  hébraïque  et  la 
théologie  juive.  A  vingt-cinq  ans  il 
traduisit  en  hébreu  l'ouvrage  de  Meu- 
delsohn  intitulé  Phédon.,  ou  Traité 
sur  l'immortalité  de  l'âme,  et  de- 
vint de  la  sorte,  pour  toute  sa  nation, 
l'interprète  du  théisme  autour  du- 
quel on  voulait  grouper  les   dogmes 


3oo  BIN 

des  enfants  d'Israël.  Ce  Juif  fran- 
çais ,  se  pliant  bientôt  à  un  nouveau 
langage  qui,  sans  lui  élre  aussi  fa- 
milier que  le  premier,  devait  se  prê- 
ter sous  sa  plume  à  toute  Télégance 
dont  il  est  susceptible  ,  plaida  la 
cause  de  sa  nation  outragée  dans  la 
brochure  suivante  :  Lettre  du  Sr 
I.-B.  i>.,  Juif  de  3Ietz,  à  l'auteur 
anonyme  d'un  écrit  intitulé  :  Le 
cri  du  citoyen  contre  les  Juifs, 
Metz,  1787,  in-8°  de  57pp.  Ils'agis- 
sait  de  venger  l'humanité  dans  la  per- 
sonne des  Juifs,  et  de  faire  triompher 
leur  cause  en  prenant  pour  guide 
l'histoire  éclairée  par  la  raison.  Bing 
y  réussit  au-delà  de  ses  espérances. 
Les  al  laques  maladroites,  lescalomnies 
irréfléchies  d'Aubert-Dubayet  tombè- 
rent à  la  voix  d'Isaïe-Beer  Bing,  et  sa 
brochure  eut  un  long  retentissement 
a  une  époque  où  les  faits  politiques 
paraissaient  devoir  seuls  intéresser. 
Mirabeau  parla  de  la  lettre  du  Juif 
de  Metz  dans  sa  31onarchie  prus- 
sienne; il  en  cita  les  principaux  pas- 
sages, et  annonça  Bing  comme  devant 
faire  la  gloire  de  sa  nation.  Il  habi- 
tait alors  loin  de  la  capitale  où  il  n'é- 
tait pas  encore  venu ,  et  Mirabeau 
ne  le  vit  jamais.  Ce  fut  après  ce  suc- 
cès que  le  jeune  Bing  se  lia  d'amitié 
avec  le  fameux  Grégoire  ,  qui  venait 
d'être  couronné  par  l'académie  de 
Metz  pour  avoir  exposé  les  moyens  de 
régénérer  les  Juifs.  A  la  même  épo- 
que Bing  se  lia  aussi  avec  le  général 
La  Fayette  dont  l'armée  occupait  la 
plaine  de  Melz ,  ainsi  qu'avec  Rœderer 
et  Emmery.  Devenu  conseiller  mu- 
nicipal ,  il  se  fit  estimer  par  sa  justice 
et  sa  modération;  mais  son  peu  de  for- 
lunel'obligeade  quitter  un  poste  pure- 
ment honorifique  pour  se  rendre  à 
Paris  où  il  espérait  subvenir  aux  be- 
soins de  sa  famille.  Ainsi  finit  la  car- 
rière littéraire    de  Bing  ,    l'un   des 


BIN 

homraesdusièclequi  pouvaient  préten- 
dre le  plus  facilement  aux  avanta- 
ges de  la  renommée,  a  S'il  n'éclai- 
cc  ra  plus  ses  co-religionnaires  par 
ce  des  écrits,  dit  une  de  ses  Biogra- 
«  phies,son  exemple  fut  une  leçon  vi- 
ce vante  pour  ceux  qui  voulaient  je- 
cc  ter  quelques  regards  sur  le  specta- 
cc  cle  qu'il  offrait  au  milieu  des  siens  : 
ce  il  excitait  l'émulation  par  sa  con- 
cc  sidéralion  et  ses  lumières;  on 
ce  aimait  son  cœur ,  sa  charité  et 
ce  ses  vertus.  3>  Bing  était  adminis- 
trateur-général des  salines  de  l'Est, 
lorsqu'il  mourut  a  Paris  le  21  juillet 
i8o5.  D'illustres  contemporains  ont 
déploré  sa  perle  prématurée,  et  tous 
les  Juifs  de  la  capitale  ont  accompa- 
gné son  convoi  funèbre,  La  Décade 

... 
philosophique     contient     plusieurs 

morceaux  littéraires  de  sa  composi- 
tion ,  entre  autres  la  traduction  d'un 
long  fragment  de  Nathan-le-Sage  , 
composition  dramatique  de  Lessing. 
Sa  Lettre  â  Aubert-Dubayet  eut 
après  sa  mort  une  seconde  édition  , 
précédée  d'une  notice  biographique  ; 
in-8°  ,  34  pp.  B — N. 

BlXGtiEY ,  un  des  plus  célè- 
bres acleurs  du  INord  ,  naquit  a 
Rotterdam  en  1755  ,  de  parents  an- 
glais nouvellement  établis  dans  le 
pays.  Destiné  au  commerce,  lorsqu'il 
eut  fini  ses  études  il  fut  mis  dans 
un  comptoir.  Mais  déjà  sa  vocation 
théâtrale  s'était  déclarée.  H  passait 
au  spectacle  la  plus  grande  partie  du 
temps  dont  il  pouvait  disposer;  bien- 
tôt, malgré  l'aisance  de  ses  parents 
et  la  facile  carrière  que  semblaient 
lui  promettre  leurs  antécédents,  il 
se  lit  acteur  a  dix-huit  ans.  L'estima- 
ble Corvcr,  delà  troupe  dramatique 
duquel  il  fit  d'abord  partie  ,  lui  donna 
les  premières  leçons  de  l'art  scénlque. 
A  vingt-quatre  ans  ,  il  vint  faire  ses 
débuts  au  grand  théâtre  d'Amster- 


BIN 

dam  :  il  y  fut  d'abord  assez   désa- 
gréablement reçu ,  non  que  Ton  trou- 
vât à  redire  a  son  jeu  ,  mais  à  cause 
de  son   orijiiae  anglaise.   Il  faut  dire 
qu'à  cette  époque  Texaltaliou  de  la 
plèbe  hollandaise  contre  les  Anglais  , 
a  la  suite  de  la  saisie  faite  par  ceux- 
ci.  préalablement  a  toute  déclaration 
de  guerre  ,    de  tout  navire  sous  pa- 
villon hollandais,  était  a  son  apogée. 
Bingley  eut  besoin  de  tout  son  talent 
pour  lutter  contre  ces  fàclieux  pré- 
jugés.   Enfin   l'éclat   avec   lequel  il 
remplit  le  rôle  d'Achille,  dans  une 
tragédie  de  ce  nom  ,  triompha  d'une 
prévention  aussi  absurde  que  peu  pa- 
triotique 5  et  dès  ce  moment  il   de- 
meura le  favori  du   public  ,  qui  sut 
rendre  justice  aussi  bien  à  ses  heu- 
reuses dispositions  dramatiques  qu'aux 
études  profondes  par  lesquelles  il  les 
avait  développées.  Les  talents  de  cet 
artiste    étaient  très-variés.  Quoique 
la   tragédie  ait  toujours  été  sa  spé- 
cialité principale  ,    il  eut  des  succès 
dans  plusieurs  rôles  comiques  ,   que 
souvent  il  créa.  Il  po?sédait   et  pro- 
nonçait  la  langue  française  si  par- 
faitement que ,  lorsque    les   artistes 
les  plus  illustres  de  notre  théâtre  ap- 
paraissaient en  Hollande  ,  il  se  mon- 
trait k  leur  côté  sur  la  scène,  tant  à 
La  Haye  que  dans  Amsterdam  ,  sans 
être  effacé  par  eux.   C'est  ainsi  qu'en 
181 1  ,  particulièrement  ,  il  remplit 
avec   le  plus  grand    succès ,  sur  le 
théâtre   français  d'Amsterdam  ,  les 
rôles  de  Philoctète  et  du  rci   Léar. 
Les  Anglais  ,  énergiques  admirateurs 
de  sa  manière ,    le    qualifièrent    de 
Garrick  hollandais.    Bingley  se  mit 
en  1796  a  la  tète  d'fiie  compagnie 
théâtrale,  qui  jouait  le  plus  souvent 
sur  les  théâtres  d'Amsterdam  et  de 
La  Haye  ,  mai->  qui  ,   pendant  une 
partie    de   Tannée  ,    parcourait  les 
autres  villes  de  la  Hollande.  l\  n'en 


BIN 


3oi 


était  pas  moins  prêt  ,  toutes  les  fois 
qu'il  eu  était  requis,  a  jouer  sur  le 
théâtre  principal  d'Amsterdam  ,  les 
rôles  que  lui  seul  pouvait  remplir. 
Une  de  ses  dernières  représentations 
fut  celle  qu'il  donna  en  181H  ,  de- 
vant la  fiimille  rovale,  avec  la  gran- 
de actrice  Ziesenis  :  la  pièce  jouée 
à  cette  occasion  était  la  Marie  de 
Lalain  ,  oîi  Bingley  remplissait  le 
rôle  de  Farnèse.  H  mourut  la  même 
année  a  La  Hâve.  P — ot. 

BIXGLEY  (William),  né  dans 
le    comté    d'Yorck ,   resta    orphelin 
en  bas  âge.  Ses  tuteurs  le  destinaient 
au  barreau,  et  il   commença   l'étude 
des   lois.    Mais  préférant  bientôt  la 
carrière   ecclésiastique  ,  il   se  rendit 
au  collège  de  Saint-Pierre  à  Cam- 
bridge ,    et    y  prit  ses   degrés  vers 
les  premières  années  du  dix-neuviè- 
me siècle.    C'est   a  l'époque  de  son 
baccalauréat   qu'il    publia   son  pre- 
mier ouvrage  sous  le  titre  de  T^oya- 
ge  dans  le  nord  du  pays  de  Gal- 
les pendant  l'été  de  j  798  ,  2  vol. 
in-8°,   1800.    Ce  travail  résulta   de 
deux     excursions  qu'il     fit   au   pays 
de  Galles,    tandis    qu'il    étudiait    k 
Cambridge,  eut  du  succès.  H    donna 
ensuite  sa  Biographie  animale,  ou 
Anecdotes  sur  la  vie,  les  mœurs  et 
l'économie  du  règne  animal ^  1802, 
3  vol.iu-8°.  Cette  compilation,  dont 
le    litre  indique  assez  le    sujet,  eut 
beaucoup  de  succès  tant  en  Angleterre 
qu'à  l'étranger.   Elle  fut  réimprimée 
plusieurs  fois  (4. "  édition  ,  18  i3),  et 
eut  los  honneurs  de  la  traduction   en 
allemand  et  en  français.  Ou  a  encore 
dthu  :  L  Economie  de  la  vie  chré- 
tienne ,   1808,   2     vol.  in-i2.     IL 
I\Jémoires  sur  les  quadrupèdes  de 
la  Grande-Bretagne,  i  8o9,in-8°. 
\\\. Dictionnaire  biographique  des 
compositeurs  de  musique  des  trois 
derniers  siècles,  i8i3,  2  vol.  in- 


3o& 


BIN 


8°.  Il  avait  composé  une  Histoire 
du  comté  de  Hamp  ;  mus  tWc  n'a 
pas  été  publiée.  W  .  Bingley  mou- 
rut a  Bloomsbury  ,  le  1 1  février 
1823.  P_-OT. 

BIXOS  (l'abbé  de),  voyageur  , 
était  ué  vers  1 7  3  0  ,  a  Saint-Bertrand 
de  Comminges ,  d'une  ancienne  et 
noble  famille  du  comté  de  Foix.  Il 
embrassa  l'état  ecclésiastique  et  fut 
pourvu  d'un  canonicat  de  la  callié- 
drale  de  Coraminges.  Naturellement 
curieux  ,  et  jouissant  d'une  fortune 
assez  considérable  ,  il  résolut  de  satis- 
faire son  goût  pour  lesvoyages  elpour 
la  dévotion,  en  visitant  les  lieux  oîi  se 
sont  accomplis  les  mystères  de  notre 
foi.  Parti  de  Saint-Berlrand  le  26 
octobre  1776,  il  alla  s'embarquer  k 
Marseille.  Le  vaisseau  qu'il  moulait 
fut ,  en  sortant  du  port,  accueilli  par 
une  tempête  qui  le  força  d'y  ren- 
trer :  il  ne  perdit  pas  courage,  et 
dès  le  lendemain  il  eu  prit  un  autre  fré- 
té pour  Aucune  ;  mais  avant  d'arri- 
ver k  sa  destination,  il  fut  encore 
contraint  par  le  mauvais  temps  de 
relâcher  a  Céphalonie,  Arrivé  en 
Italie  ,  il  visita  la  Santa  Casa,  Ro- 
me et  Florence,  et  se  rendit  k  Venise 
où  il  s'embarqua  pour  Alexandrie.  Il 
parcourut  l'Egypte,  examina  les  py- 
ramides avec  soin  ,  et  lit  des  recher- 
ches sur  les  momies  ainsi  que  sur  la 
manière  d'embaumer  des  anciens.  De 
Damietle  il  se  rendit  k  Sidon  et  au 
mont  Liban.  Il  avait  eu  la  précau- 
tion de  prendre  le  costume  d'un 
prêtre  arménien,  et  il  traita  pour 
une  faible  somme  avec  un  chef 
arabe  qui  se  chargeait  de  le  conduire 
dans  la  Palestine  5  mais  son  guide 
l'abandonna  dans  le  chemin ,  et  il 
continua  seul  la  route  sans  accident. 
Au  mois  de  décembre  1777,  il  quitta 
Jérusalem  pour  reveuir  eu  Italie  où 
il  passa  près  d'uu  au.  Il  vil  ensuite 


BIO 

la  Carinthie  ,  la  Styrie  et  poussa  jus- 
qu'k  Vienne.  Enfin,  après  une  absence 
de  trois  années,  il  revint  a  Saint- 
Bertrand  ,  riche  d'une  foule  d'obser- 
vations que  ses  amis  l'engagèrent  k 
publier.  A  la  révolution,  l'abbé  de 
Binos,  élu  curé  de  sa  ville  natale, 
remplit  avec  zèle  les  nouveaux  de- 
voirs qui  lui  étaient  imposés  et  mou- 
rut en  i8o5  a  74  ans. ail  réunissait, 
dit  M.  du  Mège ,  h  beaucoup  d'in- 
struction une  piété  solide  et  une 
touchante  bonté.  J'ai  été  témoin  de 
la  douleur  qu'excita  sa  mort,  et  je  l'ai 
partagée  »  {Bihlioth.  toulousaine^ 
I,  65).  On  a  de  l'abbé  de  Binos  : 
Voyage  pur  l'Italie  en  Egypte  , 
au  mont  Liban  et  en  Palestine , 
Paris,  1786,  2  vol.  in-i2  ,  fig.  Ce 
voyage,  dédié  k  Madame  Elisabeth, 
est  écrit  d'un  style  agréable  et  plein 
de  détails  curieux.  11  a  été  traduit  en 
allemand  ,  Breslau ,  1787  ,  in-8°. 
L'auteur  promettait  la  continuation 
^ui  n'a  point  paru.  W — s. 

BION  (Nicolas)  ,  cosmographe 
et  marchand  de  globes  et  de  sphè- 
res ,  était  né  vers  le  milieu  du  dix- 
septième  siècle.  Joignant  k  la  pra- 
tique la  théorie  de  son  art  ,  il 
publia  plusieurs  ouvrages  estima- 
bles, et  reçut  le  titre  d'ingénieur  du 
roi  pour  les  instruments  de  mallié- 
matiques.  Il  mourut  a  Paris  eni753, 
âgé  de  plus  de  quatre-vingts  ans  , 
laissant  un  fils  qui  a  continué  son 
commerce.  On  a  de  lui  :  I.  Usage 
des  globes  céleste  et  terrestre  et 
des  sphères ,  suivant  les  différents 
systèmes  du  monde ,  imprimé  pour 
la  première  fois  en  1699.  Cet  ou- 
vrage fut  amélioré  successivement 
par  l'auteur  ;  l'édition  la  plus  ample 
est  celle  de  Paris,  1761  iu-8°,  lig. 
C'est,  dit  Lalande ,  le  livre  le  plus 
élémentaire  et  le  plus  clair  qu'il  y 
ail  en  français  pour  les  premiers  priu- 


BIO 

cipes  de  l'aslronomie  :  il  était  ques- 
tion de  le  réimprimer  en  1779 
(  Voy.  la  Bibliograph.  astrono- 
miq.,  336).  Il  a  été  traduit  en  al- 
lemand par  Ch.-Phil.  Berger,  Lem- 
gow,  1736,  in-8°.II.  Traité  de  la 
construction  et  des  principaux 
usages  des  instruments  de  mathé- 
matiques^ Paris,  i752,in-4^°  (cette 
édition  est  la  meilleure  et  la  plus 
complète).  Il  a  été  trad.  en  allemand 
par  J.-Gabr.  Doppelmayer,  Leip- 
zig, 1715  ;  Nuremberg,  1721  , 
in-4.**  ;  et  en  anglais  par  Stone,  avec 
des  augmentations  utiles,  Londres  , 
1723  et  1738  ,  iu-fol.  Bion ,  dans 
la  préface  de  Fédition  de  1726  , 
nomme  parmi  les  personnes  qui  l'ont 
aidé  de  leurs  conseils,  Lahire,  Cas- 
siui  et  Delisle  le  cadet.  Cependant 
on  l'accuse  dans  le  Journal  des  Sa- 
vants (1726,  p.  480)  d'avoir  copié 
de  longs  passages  des  Expériences 
de  physique ,  imprimées  en  i  y  1 8  , 
sans  indiquer  la  source  a  laquelle  il 
avait  puisé.  L'auteur  des  JSouvel- 
les  de  la  république  des  lettres 
(  Jacq.  Bernard)  lui  avait  reproché  d'a- 
voir inséré  dans  son  livre  de  Y  Usage 
des  globes,  etc.  ,  le  Traité  de  cos- 
mographie de  Pierre  Courtin,  sans 
le  nommer  (Yoy.  ce  journal,  1700, 
tom.  II,  548).  III.  Description  et 
usage  d'un  planisphère  nouvelle- 
ment construit, V avis,  I727^in-i2. 
Le  portrait  de  Bion  a  été  gravé  in-^". 
On  lit  au  bas  ce  vers  tiré  des  Fastes 
d'Ovide  : 

Admovct  ilte  oculis  distantia  sidéra  nostris , 

que  le  poète  Roy  a  traduit  avec  au- 
tant de  fidélité  que  de  précision  par 
celui-ci  : 

Les  astres  par  sou  art  s'approchent  de  nos  yeux. 

Le  Dictionnaire  des  Artistes  par 
Foutenai  contient  une  notice  sur 
Biou  ,  qu'on  aurait  pu  rendre  facile- 
ment plus  complète.  W — s. 


BIO 


3o5 


BIOX  (Jean),  ministre  de  l'é- 
glise anglicane  ,  moins  connu  par 
ses  propres  ouvrages  que  par  ses 
traductions,  naqultkDijon  en  1668. 
Ayant  embrassé  l'état  ecclésiastique, 
il  fut  pourvu  de  la  cure  d'Ursy  ,  vil- 
lage k  peu  de  distance  de  la  capitale 
de  la  Bourgogne-  mais,  ennuyé  bien- 
tôt de  cette  vie  paisible  ,  il  sollicita 
son  changement,  et,  par  le  crédit  de 
ses  protecteurs,  il  oblint  la  place 
d'aumônier  sur  la  galère  la  Su- 
perbe ,  qui  servait  de  prison  aux 
protestants.  La  patience  et  la  ré- 
signation de  ces  malheureux  le  tou- 
chèrent 5  et  il  ne  tarda  pas  a  par- 
tager les  croyances  de  ceux  qu'il 
était  chargé  de  convertir.  S'étanl  dé- 
mis de  sou  emploi,  Bion  se  retira  vers 
1704.  a  Genève  oîi  il  embrassa  le 
calvinisme.  Il  passa  depuis  en  An- 
gleterre ;  et ,  après  y  avoir  rempli 
quelque  temps  les  fonctions  de  rec- 
teur d'une  école  ,  il  fut  fait  chapelain 
d'une  église  anglaise  en  Hollande. 
Bion  vivait  encore  en  1731 ,  mais  on 
ignore  la  date  de  sa  mort.  On  cite  de 
lui  :  I.  Relation  des  tourments 
que  ton  fait  souffrir  aux  protes- 
tants qui  sont  sur  les  galères  de 
France,  Londres,  1708  (Voy.  les 
Nouvelles  de  la  république  des 
lettres,  par  Jacq.  Bernard,  octobre, 
469);  Amsterdam,  1709,  1q-8°(/^. 
Barbier,  Examen  critiq.  des  dic- 
tionn.,  1 13  ).  Cet  ouvrage  est  si  ra- 
re qu'il  n'existe  dans  aucune  des  bi- 
bliothèques de  Paris.  En  1725  l'au- 
teur en  annonçait  une  édition  très- 
augmentée  5  mais  elle  n'a  point  paru. 
IL  Essais  sur  la  Providence  et  sur 
la  possibilité  de  la  résurrection, 
trad.  de  l'anglais  du  docteur  B-.., 
La  Haye,  17  19,  in-125  Amslerd., 
1731  et  l'j'ji-  Bion  est  le  véiitable 
auteur  de  cet  ouvrage.  Ce  fut  son  ami 
Prosper  Marchand  qui  le  fit  impri- 


3o4 


BIO 


mer  après  en  avoir  retouché  le  style 
{Journal  littéraire,  lyôi,  XYII, 
210).  III.  Eelation  exacte  et  sin- 
cère du  sujet  qui  a  excité  le  fu- 
neste   tumulte    de     la    ville    de 
T/iorn,tTa.d.  de  l'anglais,  Amslerd., 
1725,  iu-8*^.  Ona  sur  cet  événement 
un  ouvrage  bien  plus  important  que 
celui  de  Biou  {f^.  Dan.  Jablonsky  , 
XXI ,  319).  IV.  Traité  dans  lequel 
on  approfondit  les  funestes  suites 
que  les  Anglais  et  les  Hollandais 
ontà  craindre  de  F  établissement  de 
la  compagnie  d'Ostende  ,  Amster- 
dam, 1726,  in-4-"  de  42  pages.  A  la 
fin  de  ce  volume  l'auteur  propose  par 
sousciiplion:  Y  Histoire  des  persé- 
cutions excitées  contre  les  protes- 
tants dans  toute  l'Europe  depuis 
t onzième  siècle  ,    traduit  de  l'an- 
glais 5  cette  version,  annoncée  dans 
les  Mémoires    de   Trévoux  ,    n'a 
jamais   paru.    V.     Recherches   sur 
la     nature     du    feu    de    l'enfer 
et    du    lieu  oii   il  est    situé,  trad. 
de  l'angl.    de    Swinden ,  Amsterd., 
1728,  petit  in-B*^.    Le  système  de 
S^vinden    a    été    réfuté    par    Mich. 
Amato  {Voy.  ce  nom  ,  LVI,  257). 
YI.  Traité  des  morts  et  des  ressus- 
citants, trad.  du  latin  de  Th.  Bur- 
uet,  Rotterdam,  lySi,  petit  in-S**, 
avec     une    préface    du     traducteur 
(Foj^.BuRNET.VI,  539).  Dans  son 
J^oyage  littér.,  Jordan  parle  d'une 
Histoire  des   quiétistes  de  Bour- 
gogne,  y'^^hiée  ^iS-r  ^ion   en  1709. 
Cet  ouvrage,  inconnu  aux  Libliogra- 
plies  ,    ne   peut    être    qu'un  abrégé 
de    VHistoire    du   qudlotisme  par 
Hubert  Mauparty  ,    imprimée   sous 
la    rubrique    de    Zell    (  Reims  )   en 
17035  et  non  pas  en  1 7  1 3  ,  comme 
on  l'a  dit  par  une  erreur  typographi- 
que a  l'article  Quillot  ,  XXXYI , 
4i6.  W— s. 

PION  (Jeau-Mabie),  avocat  à 


BIO 

Loudun,  fut  nommé  député  du  tiers- 
état  de  ce  bailliage  aux  étals-géué- 
raux  •   puis   député  à    la    conventiou 
nationale    par    le   département    de 
la    Yienne.    11    ne     se     fit     point 
remarquer    dans    cette    assemblée  j 
mais   il    y   vota   constamment   avec 
les  partisans  de  la  révoluliou.  Dans 
le  procès  de  Louis  XVI  il  vota  pour 
la  détention  et  le  bannissement.  Bion 
se  montra  toujours  homme  du  juste- 
milieu,  même  a  l'époque  oîi  il  était 
le  plus   dangereux  d'annoncer  de  la 
modération.  Il  dénonça  courageuse- 
ment les  crimes    de   la   montagne, 
notamment  les  auteurs  de  la  jour- 
née du  5i  mai.  Il  attaqua  aussi  plus 
tard  le   parti  royaliste,  et  demanda 
après  le  i3  vendémiaire  an  IV  (179  5) 
î'arreslalionde  Richer-Serisy.  Après 
la  constitution  de  l'an  III,  il  fut  nom- 
mé  au  conseil    des    cinq-cents,  et 
en  fut    élu  secrétaire     le      19  avril 
1796.   Marchant    toujours     sur    la 
même   ligne,  il  demanda  le  2  3  du 
même  mois  une  amnistie   pour  tou- 
tes les  personnes  mises  hors  la  loi, 
Bion  cessa  de  faire  partie  du  corps 
législatif  en  1798,  et  se  retira  dans 
son  pays  ,   oîi   il  est   mort  quelques 
années  après  emportant  l'estime  de 
tous     ceux   qui   le   connaissaient. 
F — T — E. 
BIOXDÏ   (  Angélique- Llcie), 
née  en  Piémont  en  1771,  était  fille 
de  l'architecte  Zucchi  établi  a  \er- 
ceil  depuis   plusieurs  années.    Aussi 
belle  que  spirituelle^  elle  futinstruile 
dans  la  littérature  italienne   par  le 
chanoine  Biondi,  auteur  de  poésies 
et    d'écrits  littéraires  estimés.  Elle 
était  encore  jeune  lorsque  ses  parents 
la  marièrent  avec  Etienne  Biondi,  ne- 
veu du  chanoine.  Cette  union  ne  fut 
pas  très-heureuse,  et  Angélique  resta 
bientôt  veuve.  La  poésie  fut  sa  conso- 
lation :  mais,  trompée  indignement 


BIR 

dans  l'espoir  qu'elle  avait  conçu 
de  former  de  nouveaux  nœuds  ,  elle 
mourut  a  Voghéra  en  i8o5.  Parmi 
ses  composilious  poétiques  on  admire 
\' Anacrtontica  sopra  il  sogno  , 
dans  laquelle  sont  exprimées  des 
pensées  philosophiques  assez  remar- 
quables. Elle  a  laissé  manuscrites 
quelques  autres  compositions  litté- 
raires. G — G — Y. 

BIORX  ET  LEIF.  Foy.  Zeko, 
LU  ,207,   note  22.. 

BIRAGO  (Lapo  ,  diminutif  de 
jACoro;,  philologue,  était  neveu  de 
Lapo  de  Castiglionco  ,  célèbre  ca- 
noniste,  avec  lequel  la  plupart  des 
biographes  l'ont  confondu  [P^oy. 
Lapo  ,  XXIII ,  585).  11  naquit  com- 
me son  oncle  en  Toscane  ,  et  peut- 
être  à  Florence,  puisqu'il  prend  lui- 
même  la  qualité  de  Florentin  ,  au 
bas  de  l'épître  dédicatoire  de  sa 
version  latine  de  Denys  d'Halicar- 
nasse.  Cependant  l'Argellati,  dans 
une  notice  peu  digne  de  sa  vaste 
érudition  ,  s'efibrce  de  prouver  qu'il 
était  de  Milan  (Voy.  les  Scriptor. 
mediolan.,  tom.  II).  Il  fut  disciple 
de  Franc.  Philelphe  dont  il  resta 
constamment  l'ami.  Les  lettres  du 
premier  offrent  des  témoignages  nom- 
breux de  leur  intimité.  Lapo  s'atta- 
cha principalement  a  l'élude  des  lan- 
gues anciennes  ,  et  il  professa  la  lit- 
térature et  ensuite  la  philosophie  a 
Bologne.  Cette  circonstance  n'a  point 
été  connue  de  l'Alidoni ,  puisqu'il  ne 
Ta  pas  citée  dans  ses  Dottorifores- 
tieri  che  in  Bologna  haiiiio  letto 
teologia  ,  fdosojla^  etc.  Ses  la- 
lents  lui  méritèrent  l'estime  d'Am- 
broise  ïraversari  ou  le  Camaldule  , 
de  Franc.  Barbaro  ,  du  cardinal 
Cesarini  et  de  plusieurs  autres  sa- 
vants. Ln  distique  dUgolin  Verini, 
sur  la  mort  prématurée  d'un  litléra- 
leur  du  même  nom  .    a   trompé  tous 


BIR 


3o5 


les  biographes,  qui  font  mourir  Lapo 
dans  la  force  de  l'âge  (  i  ) .  Le  P .  IN'egri 
borne  même  la  durée  de  sa  vie  à  trente- 
trois  ans  (V'.  Fiorentini  Sciiltori, 
5  43).  Cependant  on  voit  par  une  lettre 
d'Ambroise  Traversari  (lib.  XIII, 
ep.  II)  qu'eu  1433  Lapo  travaillait  a 
la  traduction  latine  des  Yies  de  Plu- 
tarque  j  et  l'on  peut  croire  qu'il  avait 
alors  au  moins  vingt  ans.  On  sait 
aussi  que  Lapo  n'entreprit  la  traduc- 
tion de  Denys  d'Halicarnasse  qu'à  la 
prière  du  Pape  Paul  II,  qui  lui  re- 
mit les  deux  manuscrits  sur  lesquels 
il  fit  cette  version.  Or  Paul  H  ne 
monta  sur  le  troue  pontifical  qu'en 
1464?  e't  d'après  notre  calcul  Lapo 
n'était  plus  un  jeune  homme  a  cette 
époque  ,  puisqu'il  devait  avoir  au 
moins  cinquante  ans.  Avec  quelque  ha- 
bileté qu'il  travaillât ,  cette  version 
dut  lui  coûter  plusieurs  années;  et 
rien  ne  prouve  qu'il  n'ait  pas  vécu 
jusqu'eu  1470.  On  a  de  Birago  ;  I. 
Quatorze  P' ies  des  hommes  illus- 
tres de  Plutarque ,  trad.  eu  la- 
tin (2).  Elles  ont  été  recueillies  dans 
la  première  édition  des  7  itœ  pa- 
ralltlœ  à  diversis  i/ite/'pretibus  la  t. 
factœ.  L'éditeur  mit  une  partie  des 
vies  traduites  par  Lapo  sous  les  noms 
de  Fr.  Philelphe  ,  d'Antoine  Tu- 
derlino  ou  de  Todi.  Mais  Philelphe 
s'empressa  de  réclamer  en  faveur  de 
Lapo  ,  (laus  une  lettre  au  savant 
J.  Andréa  ,  évêque  d'Aleria,  et  elles 
lui  ont  été  restituées  dans  les  édi- 
tions postérieures.  II.  DionjsiiHa- 

(r)  Voiui  Ce  distique  : 

Te  ,  Lape  ,  mors  juvenem  iiimis  insidiosa 
j) 'leinil; 

luLjt'iiii  sed  limita  tui  luonumeiila  bupersunl. 

(2)  Ce  sont  celles  de  Tliesce,  Romulus,  Ly- 
curgue  ,  Numa  l'nmpilius  ,  Solon  ,  Publicola  , 
ïhéuiistocle  ,  Camille,  Periclès  ,  l'hociou  ,  Ca- 
loii-le  Jeune,  Arlaxercès  et  Anilus.  Les  autres 
ti  ;.duc!euis  des  Vies  de  Plutarque  sont  Douât 
Acci;iiuoiJ,  Guariuo,  Aut.  Toderiiii  ,  I.eon.  Arez- 
/.o  ,  Fr.  Barbaro,  Léon.  Giustiuiaiii,  Angeio  de 
Scarpusia  et  Fr.  PlulelpUe  ,  (jui  n'a  tradu;t  qi.e 
les  vies  de  Galba  et  d'Olbon. 


20 


3o6 


BIR 


Ucarnassii  antiquitatuni  libri,  Tré- 
vise,  1,480,  in-fol.,  première édiliim, 
rare  (5).  Celle  version  est  très  fau- 
tiye{F o^.  Dë>'ys,  XI,  1 1  0).  Elle  a 
été  réimprimée  ,  Paris,  iSz^,  iu-fol. 
Henri  Glareanus  en  donna  une  troi- 
sième édition,  Bàle  i532,  in-fol., 
qu'il  purgea  de  six  mille  fautes. 
Fréd.  Sylburge  avoue  cependant  que 
la  traduction  de  Lapo  ,  quoique 
défectueuse,  n'a  pas  laissé  de  lui  être 
utile,  parce  que  le  traducteur  ayant 
rendu  son  auteur  mot  pour  mot  , 
met  sur  la  voie  même  lorsqu^il  se 
trompe ,  pour  trouver  le  véritable 
sens  qu'il  n'a  pas  su  découvrir.  III. 
Trois  lettres,  l'une  a  Fr.  Barba- 
re ,  publiée  par  le  cardinal  Querini 
dans  la  Diatribe  preliminaris  ad 
Fr.  Barbari  et  alioruin  ad  Ipsum 
epistoias,-p.  124.  (^  oj-.  Queeini, 
XXXVI,  392)  5  la  seconde  au  car- 
dinal Cesarini  ,  en  lui  adressant  la 
traduction  latine  de  la  vie  d'Ara- 
tus  ,  publiée  par  l'abbé  Méhus  dans 
le  recueil  des  Lellres  d'Ambroise 
Traversari  (  lib.  XXV,  cp.  21)5  et 
la  troisième  ,  insérée  dans  le  même 
recueil  (  lib.  XXV  ,  ep.  36),  à 
Simon  Lamberti.  Lapo  l'engage  à  re- 
noncer a  la  gloire  des  armes  pour 
celle  des  lettres.  Elle  peut  être  con- 
sidérée par  son  étendue  comme  un 
véritable  traité  sur  la  matière.  IV. 
Straligeticoii.  Cet  ouvrage  dans  le- 
quel l'auteur  indique  les  moyens  qui 
lui  paraissent  les  plus  propres  a  com- 
battre les  Turcs  ,  qui  menaçaient 
alors  d'envahir  l'Europe,  est  dédié 


(3)  Les  exemplaires  diffèrent  par  le  dernier 
fcuiUet,  où,  dans  les  uns, la  souscription  est  im- 
primée en  majuscules,  et  dans  les  autres  en  pe- 
tites  lettres.  Suivant  le  Catalogue  de  Crevenna  , 
la  toialité  des  feuillets  de  ce  te  édition  est  de 
299.  L'exemplaire  de  Clavier  n'en  contenait  que 
397.  Celui  que  le  rédarteur  de  cet  article  a  sous 
les  yeux,  et  qu'il  croit  complel ,  en  contient 
29S  :  trois  pour  l'épitre  dédicatoire  au  pape 
Paul  11  ,  et  29a  pour  le  texte. 


BIR 

au  pape  Nicolas  V.  Le  manuscrit 
original  est  conservé  a  la  bibliothè- 
que Vaticane.  L'ablié  ÎMébus,  dans  la 
/;/-e/rice  du  recueil  des  Lellres  d'Am- 
broise Traversari,  indique  quelques 
autres  ouvrages  de  Biiago,  conservés 
en  manuscrit  dans  la  bibliothèque 
de  Florence.  W — s. 

BIRD  (A.-A.) ,  peintre  anglais  , 
mourut  en  1820  ,  après  une  maladie 
qui  lui  causait  depuis  six  ans  les  plus 
vives  souffrances  ,  et  qui  avait  fini 
par  le  mettre  hors  d'état  d'exercer 
son  art  favori.  11  s'était  eu  quelque 
sorte  formé  lui-même  par  une  lon- 
gue pratique  des  branches  inférieu- 
res de  la  peinture ,  et  connaissait  a 
fond  toute  la  partie  mécanique  de 
l'art.  On  ne  peut  douter  que  si  la  fai- 
blesse de  sa  santé  ne  l'eût  arrêté  de 
bonne  heure  dans  la  carrière  ,  il  ne 
fût  parvenu  alaplushaule  renommée. 
Le  marquis  de  Slafford  ,  son  premier 
protecteur  ,  encouragea  ses  talents  , 
dès  qu'ils  commencèrent  h  se  déve- 
lopper,  et  plaça  son  premier  tableau, 
parmi  les  chefs-d'œuvre  des  vieux 
maîtres  ,  dans  une  galerie  célèbre 
qu'il  possédait-  La  princesse  Char- 
lotte de  Galles  lui  donna  le  titre 
de  son  peintre.  Lord  Bridgewater 
lui  commanda  deux  grands  tableaux  : 
le  débarquement  et  l'embarque- 
ment du  roi  de  France  ;  l'un 
et  l'autre  furent  magnifiquement 
payés.  Bird  exécuta  aussi  pour  le 
prince-régent  les  Chantres  de  psau- 
mes dans  une  église  de  campagne, 
et  reçut  la  commande  d'un  autre  ta- 
bleau qui  devait  être  le  pendant  de 
celui-là  ,  mais  il  ne  lui  fut  pas  possi- 
ble de  l'exécuter.  Il  travailla  aussi 
beaucoup  sous  MM.  Baugh  et  Hill- 
house,  grands  et  généreux  admira- 
teurs de  son  talent,  et  pour  la  magnifi- 
que salle  des  fraucs-macons  de  Brid- 
gestreet,  à  Londres,  dont  leslambris 


BIR 

allestcut  son  goût  et  son  lialnlelé 
dans  toutes  les  parties  de  Tart.  Il 
élait  membre  du  club  royai  deFlios- 
pilalilé  de  Sussex  ,  et  membre  élu  de 
l'académie.  Bird  méritait  ces  succès 
par  la  réunion  de  toutes  les  belles 
qualités  qui  fonl  le  bon  citoyen  •  par 
la  proleciion  dont  il  entourait  les  dé- 
buts des  jeunes  gens  de  talent,  pnr  le 
soin  avec  lequel  il  évitait  dans  ses 
compositions  tout  trait  licencieux  et 
toute  personnalité,  réserve  bien  re- 
marquable chez  un  artiste  doué  au 
plus  haut  degré  du  talent  de  saisir 
et  de  rendre  le  comique  des  évé- 
nements. Quoique  fort  sensible  aux 
critiques  et  assez  porté  d'abord  k  en 
nier  l'exactitude,  il  ne  tardait  pas  k 
en  profiter  et  à  obéir  a  ce  qu'elles  lui 
prescrivaient.  Sa  facilité ,  du  reste  , 
était  extrême  et  tenait  du  prodige. 
Toute  heure  lui  élait  commode  , 
tout  endroit  lui  servait  d'atelier  ; 
cent  fois  on  l'a  vu  peindre  a  l'huile 
a  la  lueur  d'une  mauvaise  chan- 
delle. Souvent,  sans  esquisses  préala- 
bles, il  entamait  un  tableau  par  trois 
côtés  différents,  continuait  ainsi,  et 
tout  se  trouvait  parfaitement  en  har- 
monie. Il  commençait  et  terminait 
un  tableau  tandis  que  l'on  préparait 
le  déjeuner,  crayonnait  un  sujet  avec 
tousses  détails,  tandis  qu'on  faisait 
chaufferie  thé  ,  et  très-souvent  ache- 
vait un  portrait  en  cinquante  minutes. 
Les  environs  de  Bristol  sont  remplis 
de  petites  esquisses  qu'il  improvisait 
a  la  plume  ou  au  crayon,  et  dont  il 
était  extrêmement  libéral  dans  les  sa- 
lons et  surtout  chez  ses  anciennes 
connaissances.  P — ot. 

BIROLI  (Jean  ),  professeur  de 
botanique  a  l'université  de  Turin,  né 
a  TNovare  ,  en  1772,  fil  ses  étude  s  a 
Pavie.  Il  s'adonna  d'abord  a  la  cli- 
nique, et  ensuite  k  la  botanique. 
Nominé  professeur  à  Novare,  il  fut 


BIS 


307 


chargé  de  la  direction  du  jardin 
formé  par  la  société  d'horticulture 
novaraise.  Il  y  cultiva  particulière- 
ment l'Arac/tis  hj-pogea,  et  publia 
en  1 8  0  7  ,  'a  Milan  ,  une  lettre  sur  la 
culture  de  cette  plante.  Il  était  pro- 
fesseur d'agriculture  a  Pavie,  lorsque 
les  événements  de  r8i4-  amenèrent 
la  dislocation  du  royaume  d'Italie. 
Biroli  fut  alors  appelé  a  Turin  ,  et 
pourvu  d'une  chaire  de  botanique  et 
de  matière  médicale ,  avec  le  titre 
de  premier  professeur  de  la  faculté. 
En  1817  ,  atteint  de  paralysie,  il 
demanda  sa  retraite  et  mourut  a  No- 
vare le  i"^*"  janvier  1825.  On  a  de 
lui  :  Del  riso  trattato  economico 
rustico  ,  Milan,  1807  ,  in-8°.  II. 
Flora  agoniensis  ,  seu  plantaruni  ' 
in  novariensi  provincia  sponte 
nascentiuni  descriptio ,  Vigevano  , 
1808  ,  2  vol.  in-8°.  III.  Trattato 
(Tagricoltura  ,  Novàre  ,  1809  ^  4- 
vol.  in-8°.  IV.  Georgica  del  di- 
partimento  dell'  Agogna,  ibid.  , 
1809,  in-8°.  V.  Trois  lettres  sur  la 
culture  du  colon  ,  du  Ciperus  escu- 
lenlus  et  du  Sedum  novarlensis , 
adressées  a  la  société  géorgique  de 
l'Agngna.  G — G — Y. 

mSI10P(  Samuel),  professeur 
et  poète  anglais,  issu  d'une  bonne  fa- 
mille du  comlédeWorcester,  naquit 
k  Londres  au  commencement  d'ocl. 
Ï731.  Quoique  d'une  constitution  dé- 
licate, ils'appliqua  de  bonnebeureaux 
études  sérieuses.  Telle  était  son  apti- 
tude qu'à  l'âge  de  neuf  ans  il  expli- 
quait le  Nouveau  Testament  en  grec. 
Envoyé  au  collège  dit  Merchant 
Taylor's  School  ,  a  Fàge  de  douze 
ans,  il  en  devint  l'élève  le  plus  distin- 
gué. L'histoire  et  la  poésie  se  parta- 
geaient alors  ses  moments.  Dans  .la 
suite  il  donna  la  préférence  k  la  der-^' 
nière.  En  1760  ,  il  fut  admis  au  col- 
lège de  St-Jean  à  Oxford ,   dont  il 


ao. 


3o8 


BIS 


devint  membre  en  lySS  et  oÎl  l'aunée 
suivante  il  prit  le  degré  de  bachelier. 
Entré  dans  les  ordres,  il  fut  envoyé  a 
la  cure  de  Hcadley  (comté  de  Surrey^, 
qu'il  abandonna  momentanément  pour 
raison  de  santé.  Lorsqu'il  y  fut 
revenu,  il  partagea  son  temps  entre 
l'université,  ses  devoirs  sacerdolaux 
et  ses  délassements  poétiques  ,  jus- 
qu'en lySS.  lise  fit  alors  recevoir 
maître  ès-arts,  quitta  Headlej  ,  fixa 
sa  résidence  a  Lundi  es,  fut  élu  sous- 
maître  à  Mercbant  Ta\lor's  School , 
et  obtint  la  cure  de  Ste-Marie- 
Abcbarch,  ainsi  que  laplace  delecteur 
à  Saint-Christophe.  Eu  janv.  1780, 
il  fut  choisi  pour  maître  en  chef  de 
Mercbant  Taylor's  School 5  et,  quel- 
ques années  après,  il  joignit  à  cette 
place  la  survivance  de  Saint- Martin- 
Ontwieh,  que  la  compagnie  de  Mer- 
chant  Taylor's  lui  déférait  comme  ré- 
compense de  ses  longs  services ,  et 
le  rectorat  de  Ditton  ,  bénéfice  que 
lui  donna  le  comte  d'Aylesford  sur 
la  recommandation  de  Warden,  évè- 
que  de  Bangor.  De  graves  infirmités 
troublèrent  îa  félicité  dont  ces  avan- 
tages lui  eussent  permis  de  jouir,  et 
causèrent  sa  mort,  à  la  fin  de  nov. 
1795.  L'année  suivante  furent  pu- 
bliées par  souscription  ses  œuvres 
poétiques ,  J-iondres,  1796,  2  vol. 
in-  4-°.  C'est  surtout  dans  les  sujets  fa- 
miliers qu'il  excelle:  la  il  a  delà 
vivacité,  de  la  grâce,  du  sentiment, 
quelquefois  de  la  force  5  ilpasse  avec 
bonheur  du  grave  au  doux ,  de  l'in- 
structif au  badin.  Ses  images  sont  va- 
riées et  innombrables;  mais  dès  qu'il 
s'éloigne  de  celte  sphère  ,  il  est  au- 
dessous  de  lui-même  :  ou  sent  qu'iln'est 
plus  sur  sou  terrain.  Il  essaya,  dit- 
on,  de  travailler  pour  le  théâtre  ; 
mais  il  trouva  peu  d'encouragements 
dans  une  carrière  fort  contraire 
aux  fonctions  ecclésiastiques.  Bishop,. 


BIS 

avait  aussi  du  talent  pour  la  poésie 
latine,  et  il  le  prouva  par  la  publica- 
tion de  ses  Feriœ  poelicce  ^  1763- 
64-.  Eufin  on  a  de  lui  des  Sermons, 
sur  des  sujets  de  morale  pratique , 
1798.  La  vie  de  Bishop  par  Thomas 
Clare  se  trouve  "a  la  tête  des  œuvres 
poétiques.  P — ox. 

BISOT  ou  BIZOT  (Jean- 
Louis),  gnomoniste ,  né  en  1702 
à  Besancon,  était  fils  du  procureur 
du  roi  a  la  maîtrise  des  eaux  et 
forêts.  Ayant  acheté  la  charge  de 
conseiller  au  bailliage  ,  il  en  remplit 
les  fonctions  avec  zèle  et  intégrité. 
Dans  ses  loisirs  il  cultivait  les  scien- 
ces ,  assez  négligées  alors  dans  la 
province,  et  s'attacha  particulière- 
ment a  la  pyrotechnie  et  a  la  gnomo- 
nique.  Il  imagina  une  nouvelle  es- 
pèce de  bombes  a  fusée  ;  et  l'épreuve 
qu'il  en  fit  (1752),  en  présence  du 
marquis  de  Vallière  {Koy.  ce  nom, 
XLYII  ,  376),  fut  couronnée  d'un 
plein  succès.  En  1707  il  construisit 
dans  un  des  faubourgs  de  Besançon 
un  cadran  solaire  très-ingénieux.  Ou 
en  trouve  l'idée  dans  la  Gnoinoni- 
que  de  Jean  Gauppen,  publiée  en 
171 1  (Yoy.  \di  Bibliographie  as- 
tronomique,  558);  mais  Bisot  ne 
connaissait  pas  cet  ouvrage,  écrit  en 
allemand.  Un  auge  peint  contre  la 
muraille  est  abrité  par  un  toit  incli- 
né, sur  lequel  sont  découpées  les 
heures  et  les  demi-heures ,  depuis 
Il  jusqu'à  5,  et  c'est  le  doigt  de 
l'ange  qui  montre  l'heure.  Ce  gno- 
mon ,  décrit  dans  le  Mercure ,  fév. 
1758,  l'a  été  par  Lalande  dans  le 
Journal  des  savants,  juin,  même 
année.  C'est  encore  à  Bisot  que  l'on 
doit  le  méridien  de  l'Hotel-de-Ville, 
tracé  en  1771,  et  celui  de  la  cha- 
pelle des  fonts  baptismaux  de  Sainte- 
Madeleine.  Il  avait  rectifié  précé- 
demment les  calculs  du  méridien  de 


BIS 


BIS 


3o9 


Besancon  ,  et  publié  ,  dans  le  Mer-     Cûntiornent  l'éloge  de  Bisot.  W — s. 
cure  et  \t  Journal  encyclopédique.,  BISSE  (  Thomas  )  ,  prédicaleur 

un  mémoire  sur  les  mesures  de  Fraii-     célèbre,  avait   pour    frère   Pbilippe 
che-Comié  et  plusieurs  observations     Bisse,  évoque  de  Saint-David  et  en- 
de  physique  et  de  météorologie.  Son     snile  d'Herelord.  Membre  du  collège 
goût  pour  les  sciences  ne  l'empêchait     de  Christ  a  Oxford  ,  il  y  avait  pris  ses 
pas  de  faire  quelquefois  des  excur-     degrés  de  1698  a  1712,  et  fut  nom- 
sions  dans  le  domaine  de  la  poésie  ,     raé  prédicateur  en   lyiB.  Sou  frère 
et  il   a   composé    dans  le  patois  de     lui    lit  conférer  l'année  suivante   la 
Besancon  des  chansons  et  de  petits     chancellerie  d'Hereford,  vacante  par 
poèmes,  où  l'on  trouve  bien  quelques     la  retraite  de  Jean  Harvey  ,  qui  re- 
traits de  mauvaisgoût,  mais  d'ailleurs     fusdit    de    prêter    le   serment   anti- 
pleins de  malice  et  de  gaîté.  Malgré     jacobite.  Il  fut  aussi  prébendier  dans 
les  infirmités  qui   l'accablèrent  dans     la  cathédrale,  recteur  de  Crudley  et 
sa  vieillesse,    il   conserva    toujours     de  Weston,  et  chapelain  ordinaire  du 
le  goût  de   l'étude  avec  son  enjoué-     roi.  II  mourut  le  22  avril  lySijavec, 
ment.  Il  mourut  le  i/t  sept.  lySijk     la  réputation  d'un  des  orateurs  sacrés 
79  ans,  lorsqu'il  se  proposait  de  pu-     les  plus  éloquents  de   l'Angleterre, 
blier  un  Traité  des  feux  d'arlijice     Un   grand    nombre   de   ses  sermons 
sur  l'eau.  Cet  ouvrage  était  le  fruit     ont     été    imprimés  ,     entre    autres 
d'expériences    multipliées    et    d'une     deux  sur  la  musique  ,  1727,  17295 
longue  pratique;    ainsi  l'on  doit  re-     la  Défense  de  l'épiscopat ,  171 1  ; 
gretter  que  le  manuscrit  de  Bic-ot  soit     Y  Usage  chrétien  du  monde,  1717, 
perdu.    Parmi  ses  poèmes  en  patois,     et   deux   discours   prononcés  ,    l'un 
on   n'en  connaît  que  deux  d'impri-     a    l'occasion   de    l'ouverture    d'une 
mes  :    I.    Ïj^ Arrivée   dans   l'autre     église  (  sur  le  mérite  et  l'utilité  des 
inonde  d'une    dame    en  paniers,      fondations  de  ce  genre),  en  1712  , 
Besançon  (1735)^   in-8°  de  26  pag.      l'autre  lors  de  l'ouverture  d'uneécole 
C'est  une  critique  assez  plaisante  des     de  charité,  en  1725.  On  trouvera  la 
inconvénients  de    la   mode.   IL  ha     liste  complète  de  tous  ces  morceaux 
J aquemardade ,    poème  épi-corai-     d'éloquence     sacrée     dans     Bowjer 
que  ,  Dole  (1753),  in-12  de  58  pag.      {Anecd.  litt.  du  18''  siècle,  tom.  I, 
Quelques  traits  contre  les  principaux     pag.  1 20-121).  Huit  sermons  de  Bisse 
membres  de  l'académie  naissante  de     furent  publiés  en  un  volume,  1701. 
Besançon,  et  la  critique  de  divers  ac-     Cet  éloquent  prédicateur  se  délassait 
tes  de  l'autorité  municipale,    firent     de  ses  travaux  ecclésiastiques  en  cul- 
refuseraBisot  la  permission  d'impri-     tivant  la  poésie  latine.  Ou  a  de  lui 
mer  ce  badinage  5  elle  ne  lui  fut  ac-     quelques  poèmes  dans  la  langue  de 
cordée  que  sous   la  condition  de  re-     Yirgile  ,  imprimés   sous  le   titre  de 
trancher  les  passages   mis    à  l'index     iw^ma  crtrwzma,  Londres,  Bowyer, 
par  le  censeur.  Mais  en  les  rétablis-      17  16.  P — ot. 

saut    a  la  main,    au  moins  dans  un  EISSEIi  ou  BîSSELIUS  (le 

exemplaire,  il  y  joignit  des  expli-  P.  Jean),  jésuite  ,  né  en  1601  a  Ba- 
calions  beaucoup  plus  malignes  que  benhausen  ,  en  Souabe  ,  embrassa 
le  texte.  Ces  deux  opuscules  sont  jeune  la  règle  de  Saint-Ignace.  Après 
très-rares.  Les  Affiches  de  Fran-  avoir  professé  quelque  temps  la  rhé- 
che-Comté  (21    septembre    17B1)     torique  et  la  philosophie  dans  plu- 


3io 


BIS 


sieurs  collèges ,  il  se  voua  a  la  pré- 
dication,   el  remplit   Ireute  ans  les 
principales     cliaiies      de     l'Allema- 
gne. Sur    la  fin  de    sa   carrière,  il 
rentra     dans     renseignement.     En 
1676,  il  était  au  collège  d'Araloerg 
{Bibl.  societ.  Jesu ,  4-2  2),  dirigeant 
encore  ses  jeunes  confrères,  dociles 
aux  leçons  que  sa  longue  expérience 
le  mettait   a  même   de   leur  donner. 
Ses  constantes  occupationsueFavaient 
pas  empêché  de  cultiver  les  lettres  , 
et  il  jouissait  en  Allemagne  de  la  ré- 
putation d'un  bon  jioète  et  d'un  prosa- 
teur élégant  el  poli.  Indépendamment 
de  quelques    ouvrages  ascétiques   et 
d'opuscules  sans  intérêt  aujourd'hui  , 
dont  le  P.  Soulhwel  a  recueilli  les 
titres ,  on  a  de  Bissel  :  I.  Icaria, 
Ingolstadt,  i636,  in- 16,  réimprimé 
en  1766.  L'Icarie  est  le  haut  Palali- 
nat  ,    et  l'auteur  désigne  également 
S0U.S  des  noms  supposés  les  différents 
personnages   dont  il  parle  dans   cet 
ouvrage,  qui  contient,  avec  la  descrip- 
tion de  cette  province,  le  récit  des 
événements    dont   elle    avait   été   le 
théâtre.  On    a    joint    a    la  seconde 
édition  une  clé;  mais  Christ.  Gryphe 
promettait  d'en  donner  une  plus  exac- 
te et  plus  complète  ,  si  ses  travaux 
lui  laissaient  le  loisir  de  s'en  occu- 
per   (  Voj.    Apparatus   de    scrip- 
torih.  illustr.  sac.  XVII ^  r66).  II. 
Vernalia   seu   de  laudibus  veris , 
ibid.,  i638,in-i6,etMunich,  164.0. 
,  Celte  seconde  édition  est  préférable  à 
'la  première.  Deliciœ  œstatis ,  ibid, 
i644-3  '11-16.  Ce  recueil  d'élégies  est 
une  suite   du  précédent.  III.  Argo- 
nauticon  Amevicanorum ,  sive  histo- 
riœ  periculorum  Pétri  de  Victoria 
acsociorum  eJus^libriX  ^, Munich, 
1647,  in-i2  j  réimprimé,  Amslerd., 
1698,  in-i2.    C'est  une  traduction 
de  l'ouvrage  espagnol  de   Pierre  de 
Yictoria,  qui  se  fit  jésuite  au  Pérou, 


BIS 

après  avoir   couru   les  plus  grands 
dangers.    IV.   Illustrium   ah   orbe 
condito    ruinarum    Décades  IV ^ 
Amberg  et  Dillingen  ,  i  656- 16 64, 
neuf  parties,  in-8°  ;  2"  cdit.  ,  Dil- 
lingen, 1679.  On  y  trouve,  ditBayle, 
la  description    très-ample   des   dérè- 
glements  des   nations  païennes ,    le 
t»ut  bien   prouvé  par  des   citations 
[Continuation  des  pensées  diverses 
sur  la   comète,  ch.   i^o)-  V.  Pa- 
lœstina,    seu    terrœ  sanctœ    lopo- 
thesis  ,  cum  tabellis  cJironographi- 
cis,  Amberg,  1659,  in-8°.  IV.  Rti- 
publicœ  romance   veteris   ortus   et 
interilus ,  Dillingen,  i664,in-8°. 
\  II.  Antiquitatum  T^vangelicarum 
veteris  Testamenti  libri  très,  cuni 
testimoniis     et     observationibus  : 
accedil  Dactyliotheca  Senecœa  ^ 
Amberg  ,  1668,  in-12.  C'est  un  re- 
cueil de  vers.  YlII.  jMedulla  histo- 
rié a  ,  ibid.,    1675,    5  vol.  in- 8°. 
L'auteur  donne  cet  ouvrage  comme 
un  abreVé   de  l'histoire   des  vingt  - 
une  premières  années  du  dix-sep'.ième 
siècle  j  mais  on  doit  plutôt  le  regar- 
der comme  un  recueil  de  pièces  his- 
toriques (  Voy.     Christ.      Gryphii 
Apparatus ,  33).  ^V — s. 

BISSET  (Jacques),  assez  mince 
littérateur  anglais ,  mais  grand  ama- 
teur de  curiosités,  était  né  a  Perth, 
en  1752;  il  vint  à  Birmingham,  et 
y  établit  une  espèce  de  muséum  ou 
magasin  de  curiosités,  qu'en  18  i5  il 
transportakLeamington.Uavail  aussi 
formé  dans  ce  village  une  colleclion 
de  tableaux  renommés.  Son  magasin 
de  curiosités  consistait  surtout  en 
objets  d'histoire  naturelle  ,  en  meu- 
bles ,  armes  et  ustensiles  de  nations 
sauvages  ,  en  modèles  de  cire  ou 
de  pâle  de  riz,  etc.  En  18 14,  il 
obtint  le  litre  de  modeleur  du  roi.  Du 
reste  il  réunissait  àcs  talents  de  dif- 
férents genres  ,   et  sa  facilité   pour 


BIS 


BIS 


3ii 


écrire,  soil  en  vers,  soit  eu  prose  , 
était  exlrèine.  Il  mourut  a  Leaming- 
ton,  le  17  août  i832.  L'excessive 
fécondité  de  Bisset  s'est  exlialée 
en  une  foule  de  vers  de  circon- 
stances, tantôt  pour  des  fêtes  publi- 
ques ou  de  famille  ,  tantôt  a  propos 
des  événements  politiques  du  jour. 
Ces  productions  éphémères  ne  doi- 
vent au  reste  être  tirées  ni  des  car- 
tons de  ses  amis  ,  ni  des  colonnes  de 
journaux,  où  pour  la  plupart  elles  sont 
venues  mourir. Toutefois,  nous  excep- 
terons de  cette  sentence  ses  Chants 
sur  la  paix,  1802;  son  Clairon 
patriotique,  ou  Appel  de  la  Graii- 
de-Bretagne  à  la  gloire.  Ou  lit  avec 
plaisir  ses  Essais  critiques  sur  les 
essais  dramatiques  du  jeune  Ros- 
cius  ,  par  des  gentlemen  lettrés  et 
des  amateurs  de  théâtre  ,  opposés 
à  l'hjpercriticisme  de  certains 
écrivains  anonymes  ,  1804..  Les 
réflexions  souvent  judicieuses  et  im- 
partiales de  l'auteur  y  sont  semées 
d'anecdotes  intéressantes.  Enfin  ,  les 
étrangers  consultent  encore  avec 
fruit  ses  opuscules  ,  destinés  à  servir 
de  vade-mecum  aux  curieux  ;  par 
exemple  ,  le  Conducteur  de  Bir- 
mingham,  1808,  in-8°,  4-4-  pi-  eu 
taille-douce  •  le  Guide  àLeaming- 
ton,  1 8 1 4- ,  in- 1 2  ;  Voyage  poéti- 
que autour  de  Birmingham  ,  avec 
une  description  abrégée  des  di- 
verses curiosités  ,  manufactures, 
etc.,  1800,  in-8°,  avec  de  belles 
gravures.  Ces  vade-mecum,  entre- 
mêlés de  prose  et  de  vers,  plurent 
beaucoup  au  monde  fasbionable  ,  et 
ne  furent  pas  inutiles  a  la  prospérité 
de  l'auteur.  P — ot. 

BISSETT  (Guillaume),  rec- 
teur de  Whiston  ,  dans  le  comté  de 
Nortliamplon,  e\. frère  aîné  de  l'é- 
glise collégiale  et  de  Thôpital  de 
Sainle-Catheriue-près-la-ïour,  se  fit. 


au  commencement  du  dix-lmitième 
siècle  ,  une  espèce  de  réputation  par 
ses  pamphlets  religieux.  Dès  1704 
il  avait  publié,  sous  le  titre  du 
Franc  Anglais,  VLn  sermon,  bientôt 
suivi  de  deux  autres,  intitulés  l'An- 
glais plus  franc  encore.  Ces  trois 
morceaux  étaient  eu  faveur  de  l'an- 
cienne constitution  et  de  la  religion 
anglicane,  menacées  l'une  et  l'autre 
par  la  tendance  du  gouvernement. 
Ensuite  vint  le  Bon  averti  (fair 
warning),  ou  Essai  récent  du  gou- 
vernement français  en  Angle- 
terre, Londres,  17  10.  Bissett,  d'a- 
près son  titre ,  tâchait  d'y  démontrer 
par  un  grand  nombre  de  faits  que  les 
doctrines  arbitraires  de  la  monarchie 
française ,  telle  que  l'Europe  s'était 
habituée  à  la  considérer  depuis  que 
Louis  XIV  occupait  le  trône ,  étaient 
inconciliables  avec  une  constilutioa 
légale  et  l'initiative  des  droits ,  et 
que,  quelque  dispendieuse  que  fut  la 
délivrance  d'un  pays  opprimé  par  un 
joug  de  fer,  jamais  l'événement  qui  le 
brisait  ne  pouvait  être  payé  trop  cher. 
L'ouvrage  fut  adressé  a  aux  nobles 
patrons  et  gardiens  des  droits  tant 
religieux  que  civils  de  l'Angleterre  , 
les  membres  de  son  parlement.  )>  Peu 
de  temps  après  parut  la  première 
partie  du  Moderne  fanatique  ,  fac- 
tum  violent ,  dans  lequel  respirait 
avec  la  haine  du  torysme  une  haine 
non  moins  vive  contre  la  personne  du 
docteur  Sacheverell.  Il  contenait  eu 
effet  un  exposé  très-peu  flatteur  y 
mais  fort  inexact,  de  la  vie,  des  opi- 
nions ,  etc. ,  de  ce  théologien  fameux. 
La  seconde  partie  du  Moderne  fa- 
natique est  datée  du  2 1  fév.  1 7 1 1  , 
et  la  troisième  de  mai  1714.  Il 
est  croyable  que  jamais  ces  deux  der- 
nières parties  n'auraient  vu  le  jour, 
et  que  peut-être  jamais  Bissett  n'eût 
songé  à  les  composer  ,   s'il  n'eût  été 


3l2 


BIS 


provoqué  par  des  pamphlets  et  des 
injures.  Le  docteur  King  donna  le 
signal  par  son  Apologie  [Xx'widica- 
tion)  du  réi'érend  D.  Henri  Sache- 
verell  contre  les  menteuses ,  scan- 
daleuses et  malicieuses  aspersions 
i^ersées  sur  lui  dans  le  pamphlet 
diffamatoire  intitulé  :  Le  moderne 
fmatique  ,  etc.  Dans  celte  apologie 
Ton  donnait  effectivement  a  Bissait  !e 
titre  de  pauvre  fou.  Du  reste  ou  af- 
fectait de  le  connaître  aussi  peu 
qu'il  avait  prétendu  connaître  à 
fond  Sac'neverell  ;  et  taudis  qu'il 
avait  voulu  donner  une  biographie  du 
docteur,  on  avertissait  au  contraire  , 
dès  le  titre  même,  que  la  réfutation  du 
pamphlet  se  ferait  sans  trop  s'occuper 
du  pauvre  et  obscur  pamphlétaire. 
Un  autre  écrit  des  Sacheverellistes  , 
la  Palinodie  de  31.  Bissett,  datée 
de  Saiiite-Catherine,  17  janv.  17  1 1, 
n'était  encore  qu'une  plaisanterie. 
Bissett,  animé  par  cette  levée  de 
boucliers _,  allait  publier  la  seconde 
partie  de  sou  Fanatique  ,  lorsque  le 
docteur  King,  instruit  de  la  réponse 
qu'il  projetait ,  et  peut-être  connais- 
sant par  une  infidélité  de  l'imprimeur 
les  arguments  de  son  adversaire  ,  fit 
paraître  sa  Réponse  au  deuxième 
écrit  scandaleux  que  31.  Bissett 
est  en  train  d'écrire  ,  et  qui  paraî- 
tra au  premier  jour.  Cette  publica- 
tion prématurée  n'attira  au  docteur 
King  qu'un  violent  postscriptum  placé 
au  bout  de  la  seconde  partie  du  Fa- 
natique. Mais  Bissett  eut  un  adver- 
saire plus  redoutable  dans  l'auteur 
de  la  Lettre  au  frère  aîné  de  la 
collégiale  de  S ainte- Catherine  ^ 
et  du  Dialogue  entre  le  frère  aine 
de  Sainte-  Catherine  et  un  curé  , 
l'une  et  l'autre  publiés  en  )7ii.  On 
y  discutait  pied  a  pied  les  imputa- 
tions, les  insinuations  de  Bissett  , 
et   o;î  l'accusait  d'incsaelitude  ,   de 


BLS 

puérilité  et  de  mensonge.  Les  deux 
ouvrages  furent  allribués  au  docteur 
Wcllon  ;  aussi  Bissett ,  dans  sa  troi- 
sième partie  du  Fanatique ,  l'asso- 
cia-t-ilaSacheverell.  En  même  temps 
il  se  plaignit ,  dans  un  postscriptum  , 
d'avoir  été  en  butte  aux  calomnies  , 
aux  outrages,  et  trois  fois  sur  le  point 
d'être  assassiné.  La  fin  du  règne 
d'Anne  amortit  toutes  ces  querelles  , 
auxquelles  Bissett  lui-niême  survécut 
encore  long-temps.  P — ot. 

BISSOX  (Louis- Charles),  évo- 
que constilulionneldeBay  eux,  naquit, 
le  I  0  oct.  174-2,  à.  Geffosses,  près  de 
Coulances.  Son  père,  cultivateur  aisé, 
l'envoya  de  bonne  heure  au  collège  , 
où  il  puisa  le  goût  des  lettres.  Avant 
embrassé  l'état  ecclésiastique,  il  iut, 
dès  l'âge  de  27  ans,  pourvu  de  la 
curedeSaint-Louet-sur-Lozou,  qu'il 
administrait  à  l'époque  de  la  révolu- 
tion 5  il  prêta  le  serment  exigé  par 
l'assemblée  consliluante ,  et  devint 
l'un  des  grands-vicaires  du  nouvel 
évèque  de  Coulances  (Becherel).  Sa 
docdité  n'alla  pas  ,  comme  celle  d'un 
assez  grand  nombre  de  ses  confrères, 
jusqu'à  renier  sou  caractère.  Détenu 
pendant  dix  mois  ,  pour  avoir  refusé 
de  remettre  ses  lettres  de  prêtri- 
se ,  il  ne  sortit  de  prison  qu'après 
le  9  thermidor.  En  1799,11  fut  choisi 
pour  succéder  au  malheureux  Fauchet 
\Voy.  ce  nom  ,  XIV,  191),  et  fut 
nommé  évêque  de  Bayeux.  Il  assista 
en  1 801  au  concile  de  Paris ^  et  la 
même  année  il  donna  la  démission  de 
son  siège  entre  les  mains  du  cardinal 
Caprara,  mais  sans  rétracter  son 
serment.  Nommé  chanoine  honoraire 
de  Bayeux  ,  il  y  passa  les  dernières 
années  de  sa  vie,  partageant  son 
temps  entre  la  culture  des  lettres  et 
les  exercices  de  piélé.  Il  remporta  le 
prix  a  l'académie  de  Caeu  par  im 
3Iémoire  sur  les  changements  que 


BIS 

la  mer  a  apportés  au  littoral  du 
Cnlvndos  ^  iloril  oa  Irouve  l'analvse 
dans  le  recueil  de  cette  compa^^nie 
pour  1816.  Bis5on  mourut  le  28  fe'vr. 
1820.  Il  a  rédigé  X AlmanacJi  de 
Coutances  (i),  qui  contient  des  re- 
cherches curieuses  sur  les  antiquités 
civiles  et  ecclésiastiques  de  ce  diocèse, 
et  \ Almanach  du  Calvados  pour 
Tan  XII  (i8o3-i8o4)-  Outre  des 
Mandements,  des  Lettres  pastora- 
les ,  et  deux  opuscules  en  faveur 
des  prèlres  constitutionnels  (2),  on 
lui  doit  :  I.  Instructions  sur  le 
Jubilé^  Caen  ,  1802,  in-i8.  IL 
Méditations  sur  les  véritésjonda- 
ynentales  de  la  religion  chrétienne^ 
ibid.,  1807  ,  in-i2.  Il  a  laissé  ma- 
nuscrits Y  Eloge  du  général  Da- 
gobert  {Voj.  ce  nom,  X,  ^29); 
Pensées  chrétiennes  pour  tous  les 
jours  de  l'année  ;  X Année  chré- 
tienne ;  Histoire  ecclésiastique  du 
diocèse  de  Bayeux  pendant  la 
révolution  ;  Dictionnaire  biogra- 
phique des  départements  de  la 
JManche,  du  Calvados  et  de  l'Or- 
ne, formant  à  peu  près  la  Basse-Nor- 
mandie. Ce  dernier  ouvrage  ,  fruit 
de  dix  années  d'un  travail  conscien- 
cieux ,  offre  des  recherches  intéres- 
santes sur  plus  de  six  cents  auteurs 
peu  connus.  M.  Pluquet  avait  fourni 
beaucoup  d'articles  pour  ce  Diction- 
naire, et  il  a  donné  une  Notice  sur 
Bisson  dans  l'Annuaire  nécrologi- 
que ^oar  1820.  On  trouve  dans  la 
Chronique  religieuse  ,  une  autre 
Notice  sur  L.-Ch.  Mlsson,  impri- 
mée aussi  séparément,  in-8°.  W-s. 
BISSOX  (le  comte  P.-F.-J.-G.), 
général  français,   né    en   1767  ,   a 


(i)  De  1770  à  1776  suivant  M.  Pluquet,  et 
jusqu'à  178 1  suivaot  l'auteur  de  la  France  litlé- 
raire  ,  I,  343  . 

(2)  .-liis  aux  personnes  pieuses  dans  les  circon^ 
stances  présentes ,  Bayeux  ,  an  IX  (1800)  ,  in- 12. 
Pré.ervatif  contre  la  séduction,  ibid.,  in-8'. 


ËIS 


Si3 


Montpellier ,  était  enfant  de  troupe 
et  fut  par  conséquent  sold.it  en  nais- 
sant. 11  n'avait  obtenu  aucun  avance- 
ment jusqu'à  la  révolution  ;  mais  alors 
il  devint  officier  5  et  il  était  chef  de 
bataillon  dans  le  mois  d'oct.  1793, 
lorsqu'il  fut  chargé  sur  les  bords  de 
la  Sambre  ,  avec  soixante  grenadiers 
et  cinquante  dragons,  de  défendre  la 
petite  ville  du  Catelet  dont  six  mille 
hommes  tentèrent  vainement  de  for- 
cer les  remparts.  Plus  tard  ,  il  sou- 
tint a  Neissenheini  avec  quatre  cent 
dix-sept  fantassins  le  choc  de  quatre 
mille  hommes.  Voyant  qu'il  avait 
perdu  les  deux  tiers  de  son  monde, 
il  se  précipita  seul ,  a  cheval ,  dans 
les  rano;s  ennemis ,  passa  la  IXaw  à 
la  nage ,  arriva  à  Rlrn  et  parvint ,  en 
s'emparant  des  défilés  voisins  avec 
une  poignée  débrayes,  a  arrêter  la 
marche  de  l'ennemi.  Bisson  com- 
mandait la  4.3^  demi-brigade,  lors- 
qu'un décret  consulaire  (juill.  iSoo) 
le  nomma  général  de  brigade.  En 
février  i8o5,  l'empereur  l'éleva  au 
grade  de  général  de  division  5  et  le 
7  jany.  1806  ,  h  celui  de  grand-offi- 
cier de  la  Léglon-dTIonneur  avec  le 
titre  de  comte.  Le  20  mai  suivant 
il  fut  pourvu  du  commandement  de 
la  6^  division  ,  et  devint,  la  même 
année,  gouverneur  des  états  de  Bruns- 
wick, puis  administra  pîus  lard,  avec 
le  même  titre  ,  la  TSavarre,  le  Frioul 
et  le  pays  de  Goritz.  Doué  d'une 
force  et  d'une  taille  prodigieuses, 
Bisson  avait  un  de  ces  appétits  vora- 
ces  qu'il  est  difficile  de  satisfaire.  Il 
dévorait  en  un  repas  ce  qui  eût  ali- 
menté cinq  ou  six  personnes,  et  faisait 
une  énorme  consommation  de  vin, 
sans  qne  ni  sa  santé  ni  sa  raison  en 
aient  jamais  souffert.  Ou  pouvait 
même  le  regarder  comme  fort  sobre 
jusque  dans  les  excès.  jNapoléon, 
connaissant  les    besoins   du  général 


3i4 


BIS 


Bisson,  y  pourvoyait  en  campagne 
par  imtraitemeut  supplémentaire.  Il 
mourut  à  Mantoue ,  le  20  juillet 
181 1.  B— N. 

BISSON  (  HippOLYTE  ) ,  lieu  fa- 
nant de  marine,  était  fils  de  Laurent- 
Magloire  Bisson,  négociant  de  ]Nor. 
mandie,  et  de  mademoiselle  Duchelas, 
d'une  famille  noble  de  Bretagne. 
Son  père,  établi  jeune  a  Lorient,  ac- 
quit une  verrerie  au  lieu  dit  le  Ker- 
nevel,  arma  des  vaisseaux  et  fit  pen- 
dant quelque  temps  des  affaires  très- 
brillantes.  Devenue  enceinte,  madame 
Bisson  se  rendait,  avec  la  permission 
de  son  mari,  chez  ses  parents  pour 
y  faire  ses  couches.  Dans  le  chemin , 
la  voiture  est  arrêtée  par  une  troupe 
de  chouans  :  son  domestique  est  tuéj 
mais  s'étaut  fait  connaître  pour  la 
fille  d'un  de  leurs  chefs,  les  chouans 
l'escortèrent  jusqu'à  sa  destination. 
C'était  la  petite  ville  de  Guémené. 
Elle  y  mit  au  jour^  le  3  fév'ricr  1 796, 
Hippolyte  Bisson  ,  et  mourut ,  quel- 
ques heures  après,  des  suites  du 
saisissement  qu'elle  avait  éprouvé.  Le 
père  d'Hippolyte  épousa  l'année  sui- 
vante mademoiselle  delaPioche-Pon- 
cié,  d'une  famille  de  Bourgogne  j  et 
le  jeune  orphelin  trouva  en  elle  les 
soins  et  la  tendresse  d'une  véritable 
mère.  Placé  d'abord  au  collège  d'A- 
vranches ,  puis  k  l'école  de  la  marine 
a  Brest,  il  fut  promu  ,  le  i'^'"  mars 
1820,  au  grade  d'enseigne  5  et  il 
fit  en  cette  qualité  plusieurs  voyages 
de  long  cours.  Devenu  lieutenant  il 
était  eu  1827  abord  de  la  frégate 
la  Magicienne^  qui  faisait  partie  de 
la  croisière  de  l'amiral  Rigny  dans 
l'Archipel.  Le  4  novembre,  cette  fré- 
gate ayant  capturé  le  brick  le  Pan- 
nioty  ,  Bisson  fut  chargé  d'en  pren- 
dre le  commandement  avec  quinze 
matelots  sous  ses  ordres.  Un  coup  de 
vent  sépara  le  brick  de  la  flotte  fran- 


BIS 

çaise  ;  et  Bisson  se  trouva  dans  la  né- 
cessité de  chercher  un  abri  sous  les 
rochers  qui  bordent  l'île  de  Slampa- 
lie.  Quelques-uns  de  ses  prisonniers 
profitèrent  du  voisinage  de  la  terre 
pour  s'évader,  et  donnèrent  avis  aux 
pirates  que  l'équipage  français  était 
trop  faible  pour  résisteren  cas  d'atta- 
que. Environné  presqueaussilôl d'une 
foule  de  barques,  Bisson  est  sommé 
d'amener  son  pavillon  5  mais  il  dé- 
clare qu'il  fera  sauter  le  bàlimcnt 
plutôt  que  de  le  rendre  a  des  forbans. 
Le  brick  est  alors  attaqué  par  deux 
misticks  ,  portant  chacun  soixante 
hommes.  Au  premier  feu  ,  le  coura- 
geux lieutenant  voit  tomber  neuf  de 
ses  compagnons  ,  et  reçoit  lui-même 
une  blessure  grave.  Il  descend  alors, 
une  mèche  a  la  main,  dans  la  cham- 
bre des  poudres  5  et,  après  avoir  or- 
donné à  son  pilote  Trémiutin  de  se 
jeter  a  la  mer  avec  le  reste  de  l'équi- 
page, il  accomplit  sa  généreuse  réso- 
lution. Le  bâtiment  saute  5  Trérain- 
tin  est  lancé  vivant  sur  le  rivage 
qu'atteignirent  les  quatre  autres  ma- 
telots. Ainsi  périt  glorieusement 
Bisson,  a  qui  son  intrépidité  a  fait  dé- 
cerner le  litre,  qu'il  conservera,  du 
d'Assasde  la  marine  française.  Le  17 
mai  suivant,  une  pension  de  quinze 
cents  francs  fut  accordée  à  la  sœur 
de  Bisson,  par  une  loi  que  présenta 
aux  chambres  M.  Hyde  de  Neuville, 
alors  ministre  de  la  marine.  La  poésie 
a  célébré  le  dévouement  de  ce  héros. 
Sa  P^ie  a  été  publiée  par  M.  Revel, 
Lorient,  1 828,  in-8°,  et  sa  statue  en 
bronze  décore  la  place  principale 
de  cette  ville.  W — s. 

BISTAC  (François),  grammai- 
rien, né  a  Langres  eu  1677,  et  mort 
eu  1752,  étudia  sous  Ant.  Garnier, 
recteur  du  collège  de  cette  ville  , 
auquel  il  succéda.  Il  fit  paraître  ,  en 
174.5  ,  avec  des  corrections  et  des 


BIV 

augmentations,  la  sixième  édition  des 
Rudiments  de  la  langue  latine,, 
conDiis  sous  Xtxiomàe  Rudiments  de 
Langres.  Cet  ouvrage,,  composé  et 
publié  primitivement  par  Garnier  en 
1710.  et  revu  par  Bistac  ,  eut  un 
grand  nombre  d'éditions,  et  fut  alors 
adopté  dans  la  plupart  des  collèges 
de  province.  On  l'a  réimprimé  a 
Lyon  en  1810,  a  Avignon  en  10 24» 
et  Fabbé  Pages  l'a  traduit  en  italien, 
Péronse,  181  3,  in-8°.  P — RT. 

BIVEPiO  (Pierre  de)  ou  Biver, 
Jésuite ,  né  en  1 5 7 2  ,  a  Madrid,  pro- 
fessa d'abord  la  rhétorique  ,  la  phi- 
losophie et  la  théologie  dans  divers 
collèges  de  l'instllut.Ses  talentspour 
Jacliaire  le  firent  envoyer  en  161  6 
'a    Bruxelles  ,    pour    y   remplir  les 
fonctions  de  prédicateur  des   infants 
Albert  et  Isabelle,  gouverneurs  des 
Pays-Bas.  Il  ne   revint  en  Espagne 
qu'après  la  mort  de  ces  princes  ,  fut 
nommé  recteur   du   collège  de   Ma- 
drid, et  mourut  en  cette  ville  le  26 
avril  i656.  Outre  plusieurs  sermons 
en  espagnol,  on  a  du  P.  Bivero  des 
ouvrages  ascétiques  en  latiu  dont  on 
trouve  les  titres  dans  la  Biblioth.  du 
P.  Southwell,  et  dans  les  Scriptor. 
Hispan.  de  D.  Antonio.  INous  nous 
contenterons  de  citer  les  trois   sui- 
vants que  les   gravures  dont  ils  sont 
ornés   font   encore    rechercher  :    I. 
Emblemata    in   psalmuni  Misere- 
re,     I    volume  ln-8°.    Le  P.  Sou- 
thwell nous  apprend  que  le  texte  de 
cet   ouvrage  est  gravé.   II.  Sacrum 
sanctuarium    cruels   et   patientice 
crucifixorum  et  crucigercrum^  em- 
hlemat.  imaginih.    ornatum,   etc., 
Anvers,  i634,  In-^*'.  III.  Sacru/n 
oratorium  piarum  imaginant  imma- 
culatœ  31ariœ,  etc.  Ars  nova  bene 
Vivendi  et  moriendi  sacris  piarum 
imaginum  embleniatibus  jlgurata  et 
illustrata,  ibid.,  i634,  in-^".  Ces 


BIZ 


3i! 


deux  ouvrages  doivent  être  réunis: 
le  premier  contient  70  planches,  et 
le  second  5g.  AV — s. 

B  I Z  E  T  (  Martin- Je a>-Bap- 
TiSTE  (i)),  théologien,  né  près  de 
Bolber,  entra  en  1746  dans  la  con- 
grégation des  cbanolnes  réguliers  de 
Sainte-Geneviève ,  fut  successivement 
prieur  a  Beaugency  ^  à  Cliàteau- 
duu  ,  et  curé  de  INantoulllet.  A  1  é- 
poque  de  la  révolution,  il  alla  cher- 
cher un  asile  eu  Angleterre,  d'où  il 
ne  revint  en  France  que  lorsqu'il  y 
put  exercer  son  ministère  sans  dan- 
ger. Après  le  concordai  de  1 801,  il 
fut  nommé  vicaire  de  la  paroisse  de 
Saint-Elienne-du-Montj  el,alamort 
de  Leclerc  de  Bradin ,  il  lui  suc- 
céda dans  celte  cure.  Il  mourut  à  Pa- 
ris le  8  juillet  1821,  regretté  des 
pauvres  de  sa  paroisse  auxquels  il 
légua  par  son  testament  une  somme 
de  dix  raille  francs.  On  a  de  lui  : 
Discussion  épistolaire  entre  G. 
TT^.,,  protestant  de  l'église  angli- 
cane et  M.-J  -B.  i?.,  catholique 
romain,  Paris  ,  i  8  0 1 ,  in- 12  de  208 
pages.  Les  lettres  qui  composent  cet 
ouvrage  sont  datées  de  J797.  Bar- 
bier, dans  son  Diction,  des  anony~ 
mes  ,  n°  4-2  01  ,  lui  attribue  :  Les 
soirées  de  l'ermitage,  contes  trad. 
de  l'anglais .,  Paris,  1801-02,  2 
vol.  in- 18  ;  mais  il  est  plus  vraisem- 
blable que  cette  traduction  est  d'un 
homonyme  (A  oy.  la  Biographie  des 
hommes  vivants,  \,  354)'     AV — s. 

BIZZARI  (Pierre),  historien 
distingué  ,  dont  la  vie  est  moins  con- 
nue  que  les  ouvrages ,  naquit,  vers 
i53o  ,  a  Sassoferato  dans  l'Ombrie. 
Il   vint    jeune    a    Yenlse  ,    et    l'on 

(i)  M.  Mahul,  (lans  son  Annuaire  nécrologique, 
de  1821  ,  et  d'après  lui  ,  la  plupart  des  biogra- 
phes ,  donnent  à  Bizet  les  prénoms  de  Charles- 
Jules  ;  mais  on  ne  peut  les  accorder  avec  les  ini- 
tiales M  -J.-B.  B.  ,  que  l'auteur  a  employées 
lui-même  sur  lo  frontispice  de  son  ouvrage. 


3i6 


BIZ 


peut  conjecturer   qu'il  y  donna  des 
leçons  de  littéralure.  Il  quitta  cette 
ville,    après   i565,   pour  aller   en 
Angleterre,    espérant   que   la  reine 
Elisabetb  ,  qu'il  avait  célébrée  dans 
plusieurs  pièces  de  vers  ,  réparerait 
à  son  égard  les   loris  de   la  fortune. 
Trompé  dans  cette  attenle,  et  voyant 
ses  talents  mal  appréciés  par  les  cour- 
tisans, il  ue  farda  pas  a  retourner 
en  Italie  oii  il  s'arrêta  quelques  mois 
K  Gênes.  Il  se  rendit  ensuite  dans  les 
Pays-Bas  j  et  l'on  suppose  qu'il  avait 
embrassé   les  principes  de  la  réfor- 
me ,  puisque  le  célèbre  Hubert  Lan- 
gue!   [Voj-.  ce  nom  ,  XXIII,  064.) 
se  déclara  son  protecteur,  et  lui  fit 
obtenir  de  l'électeur  de  Saxe  un  em- 
ploi ou  du  moins  un  traitement.  On 
sait  qu'en  iSyô  Bizzari  se  trouvait  à 
Bàle,  où  il  faisait  imprimer  sa  tra- 
duction latine   de    l'Histoire  de   la 
guerre  de  Hongrie.  Il  retourna  peu 
de  temps  après  a  Anvers,  et  il  pro- 
fita de  son  séjour  dans  cette  ville  pour 
se  lier  avec  les  savants  qui  fréquen- 
taient l'atelier  de  Chr.  Plaulin.  Une 
lettre  de  Juste  Lipse  (dans  VEpisto- 
laruin  syllogeàs  Burraann,  I,  558) 
nous  apprend  que  dans  le  courant  de 
i58i  Bizzari  ,  passant  h   Leyde,  lui 
avait  laissé  le  manuscrit  d'une  His- 
toire universelle  en  8   volumes ,  le 
priant  de  cbercberun  imprimeur  qui 
voulût  la  publier  a  ses  frais.  Bizzari, 
retourné  sans  doute  en  Allemagne, 
vivait  encore  en  i585;  mais  on  n'a 
pu  découvrir  le  lieu  de  sa  mort.  Quel- 
ques écrivains  allemands  l'ont  accusé 
de  plagiat.  On  a  de  lui  :  I.  Varia 
opuscula  ,    \emse,    Aide,    i565, 
in-8°.    (Je  recueil,  dédié  a  la  reine 
EHsabeth   par  une  épître   datée   de 
Venise ,  est  divisé  en  deux  parties. 
La  seconde  renferme  les  vers  de  Biz- 
zari dont  on  retrouve  quelques  piè- 
ces dans  les  Deliciœ  poëtar.  ita- 


BIZ 

lor.,  454-5  et  dans  les  Carmina  il- 
lustr.  poëtar.  iialor.,  Il,  2  5o.  La 
première  se  compose  de  déclamations 
dans  le  genre  de  celles  des  anciens 
rbéteurs  :  De  optimo  principe. -De 
hello  et  pace.-Pro  philosopliin  et 
eloquentia. -^jnilii  accusatio   et 
dej'ensio  pro   L.    F  irginio  contra 
Ap.    Claudium,  Ce  volume  est  un 
des  plus  rares  de  la  collection  Aldine 
(Voy.  le  Catalog.  de  M.  A. -A.  Re- 
Douard).  II.  Délie  guerre  J'atte  in 
Ungheriadall'  imperatore  de'Cris- 
tiani coniro  quello  de''Turchi,  etc., 
Lyon,     1669    (i)    in-8°.    L'auleur 
traduisit  lui-même  cette  bistoire  en 
latin,   Bàle   iSyS,  in-8°-  elle  a  été 
insérée  par  Bongars  dans  les  Reruni 
Hungaricar.     scriptor.  ,    Hanau  , 
16005   et  par  Maltb.  Bell,  dans   la 
réimpression  ,  Yienne,    174-6.  III. 
Epitome  insigniorum  Europœ  his- 
toriarum  Jiinc  Inde  gcstarum  ,  ab 
anno  i564,  Bàle  iSyS,  in-8°,  a  la 
suite  du  précédent.  Cet  ouvrage  est 
intéressant  surtout  en  ce  qui  concer- 
ne   les  troubles  des  Pays-Bas.    IV. 
Cyprium  helluin  inter  F  enetos  et 
Solima?iuTn  imperatorem  gestum, 
ibid.,  lôyô.  V.  Senatus popidique 
genuensis  rerum  domi  ,  for'isque 
geslaruni    historiée    atque    anna- 
Ze^,etc.,  Anvers,  Planlin,   iSyp, 
in-fol.  Cette  histoire  traite  des  que- 
relles qui  s'élevèrent  en  iSyS  entre 
les  nouveaux  et  les   anciens    nobles 
génois,  et  qui  se  terminèrent  en  1 5  7  5 
par   une  transaction.  Grœvius  a  pu- 
blié deux  pièces  tirées  de  ce  volume, 
dans  le  tome  i  *■''  du  Thésaurus  a?t- 
tiquitat.  italicar.  VI.  Narrationes 
de  Christianorum  in  Sj'riam  ex- 
peditionibus    F II ;    a   la  suite  de 
l'ouvrage  précédent.   VII.  Ilistoria 

(i)  C'est  par  une  transposition  de  cliiffres 
que  celte  édition  se  trpuve  de  iSgG  dans  la  Bi- 
bliot,  de  Hayra. 


BJE 

rèrum  persicarum,  ibid.,  i583  , 
in-fol.  Celle  liisloire  qui  commence 
à  Cyrus  finit  eu  i  58i.  Elle  a  été  ré- 
imprimée dans  les  Reritin  persicar. 
scriptores  ,  Francfort,  i6oi.  Cette 
édition  quoique  moins  belle  est  la  plus 
estimée,  parce  qu'elle  est  augmentée 
de  plusieurs  pièces.  W — s. 

BJERKEN  (Pierre  de),  un 
des  médecins  les  plus  distingués  de 
notre  siècle,  naquit  à  Stockhlom  le 
2,  janvier  1760.  Ayant  fait  sqs 
premières  études  avec  un  précepteur 
sous  les  yeux  de  son  père,  Pierre  de 
Bjerkén,  assesseur,  il  fut  envoyé' à 
Upsal  en  1781,  pour  les  terminer; 
il  y  obtint  le  grade  de  docteur,  après 
avoir  soutenu  deux  thèses  brillan- 
tes intitulées  :  I.  I\luseum  na- 
turalium  academiœ  iipsaliensis. 
II.  De  iiidolc  et  curalione  J'cbris 
piierperalis.  En  lypS,  il  se  rendit 
à  Londres  pour  se  perfectionner  dans 
lapraliquedela  médecine  et  acquérir 
de  nouvelles  connaissances  auprès  des 
célèbres  praticiens  de  cette  ville. 
Bjerkén  se  lia  d'amilié  avec  le 
savant  Cline  sous  lequel  il  exerça 
dans  les  hôpitaux  de  Saint-Thomas 
et  de  Guy.  Après  un  séjour  de  trois 
ans  eu  Angleterre,  il  revint  en  Suède 
el  fut  nommé  médecin  de  l'hôpital 
vénérien  de  Stockholm.  Il  reçut,  en 
1802,  le  titre  de  médecin  ordinaire 
du  roi,  et  fut  six  ans  plus  tard  promu  au 
grade  de  chirurgien-major  de  l'armée 
finoise.  Dans  les  diverses  expéditions 
contre  lesFiusses,  Bjerkén  se  fit  re- 
marquer par  son  activité  a  soigner  les 
blessés,  el  reçut  en  récompense  l'or- 
dre de  Wasa  et  la  décoration  d'une 
médaille  en  or,  portant  pour  lé- 
gende :  Illis  quorum  nierucve  la- 
boves.  La  guerre  étant  lerraiuée 
en  1809,  il  fut  attaché  à  l'bôpi- 
lal  de  Tordre  du  Séraphi.i ,  comme 
chirurgien-major.  En  1 8 1 2 ,  !e  collège 


BLA 


J17 


de  médecine  le  compta  au  nombre  de 
ses  assesseurs.  Deux  ans  après,  il  fut 
nommé  chirurgien  en  chef  et  décoré 
de  rordrederEtoilePolaire.il  mou- 
rut le  2  féviier  1 8  i  8  ,  n'ayant  encore 
que  53  ans.  La  Suède  perdit  en  lui 
un  chirurgien  profondément  instruit 
et  un  oculiste  du  premier  mérite. 
Trop  occupé  delà  pratique  de  son  art, 
Bjerkén  a  peu  écrit.  On  a  cependant 
de  lui  les  traités  suivants:  Sur  t opé- 
ration d'un  prolapsus  linguœj  De 
t^^ffet  spécijique  de  V arsenic  sur 
les  chancres,  etc.,  insérés  dans  les 
Annales  de  la  société  de  médecine 
de  Slockolm.  B — l — ^i. 

BLACIîE  (Antoine),  né  a  Gre- 
noble, le  28  août  1655,  d'une  famille 
honnête  ,  embrassa  la  profession  des 
armes ,  et  se  distingua  dans  plusieurs 
combats  par  son  intrépidité  ^  mais 
étant  resté  estropié  d'une  blessure 
qu'il  reçut  à  l'assaut  de  Valence  ,  eu 
Italie  ,  il  entra  dans  l'état  ecclésiasti- 
que ,  et  se  livra  avec  ardeur  aux  élu- 
des convenables  à  sa  nouvelle  vu- 
cation  ,•  devint  curé  de  Piuel ,  et 
eut  plusieurs  conférences  avec  le 
ministre  Claude..  Il  publia  une  Rë- 
futation  de  Vhèrèsie  de  Calvin 
par  la  seule  doctrine  des  préten- 
dus réformés  ,  dont  l'objet  était 
d'affermir  les  nouveaux  convertis  dans 
la  foi  catholique.  Il  s'était  aussi  oc- 
cupé de  l'astronomie  ;  et  ce  fut 
avec  un  télescope  de  sa  façon  que 
Louis  XIV  observa  l'éclipsé  de  1684. 
C'est  peut-être  k  celte  circonstance 
qu'il  dut  sa  dépulalion  de  la  province 
de  Vienne  à  l'assemblée  du  clergé 
de  i685  ,  sur  la  recommandation  du 
roi,  ayant  eu  pour  concurrent  un 
protégé  du  P.  Lachaise.  L'abbé  Bla- 
che  était  de  la  communauté  des  prê- 
tres de  la  paroisse  de  Sainl-Sulpice, 
lorsque  M.  de  Péiéfixe  le  nomma  , 
en  1670,  directeur  des  calvairiennes 


3i8 


BLA 


du  Luxembourg.  Deux  ans  après  ,  il 
devint  visiteur  de  toute  la  congréga- 
tion. Pendant  sou  séjour  dans  la 
communauté  de  Paris,  il  fit  connais- 
sance avec  la  marquise  d'Asserac , 
logée  dans  une  maison  adossée  au 
couvent.  Il  raconte  qu'elle  lui  fit  con- 
fidence du  projet  qu'elle  avait  d'em- 
poisonner le  roi  et  le  dauphin  avec  des 
parfums  J  qu'étant  allé  consulter  le 
recteur,  le  procureur  et  le  P.Guilloré, 
du  noviciat  des  jésuites,  pour  appren- 
dre d'eus  de  quelle  manière  il  devait 
en  faire  prévenir  S.  M.,  ils  lui  repré- 
sentèrent que  c'était  un  affreux  com- 
plot ,  auquel  il  n'était  pas  permis  de 
prendre  part;  mais  cependant  qu'il  ne 
fallait  pas  le  révéler,  parce  que  ces 
grands  coups  étaient  quelquefois  des- 
tinés par  la  providence  a  servir  de 
leçon  aux  princes  ,  et  les  porter  à 
rentrer  eu  eux-mêmes  ;  que  telle  était 
l'opinion  des  théologiens  de  leur  so- 
ciété. Peu  rassuré  par  cette  décision, 
Blache  en  écrivit  auchancelier  Letel- 
lier,  en  le  priant  de  faire  mettre  eu 
rouge  la  première  lettre  de  la  Ga- 
zette de  France  du  lendemain,  afin 
qu'il  fût  certain  que  l'avis  était  par- 
venu a  son  adresse.  Cette  condition 
fut  exécutée,  comme  on  peut  s'en 
convaincre  parl'inspection  de  la  Ga- 
zette. Cependant  la  marquise,  malgré 
cette  dénonciation,  n'en  resta  pas 
moins  tranquille  jusqu'à  sa  mort 
arrivée  en  1690  ,  et  les  trois  jé- 
suites ne  furent  exposés  a  aucune  re- 
cherche. Quelques  personnes  ont 
conjecturé  que  c'était  un  artifice  de 
l'abhé  Blache  ,  pour  attirer  sur  lui 
les  grâces  de  la  cour  ;  mais  toute  son 
histoire  ,  qui  contient  d'autres  rêve- 
ries semblables,  donne  plutôt  lieu  de 
penser  que  l'auteur  était  atteint  de 
foli.'.  Celte  folle,  qui  lui  laissait  ce- 
pendant des  intervalles  lucides,  pa- 
raît avoir  eu  pour  cause  principale 


BLA 

son  extrême  prévention  contre  les 
jésuites,  qu'il  regardait  comme  des 
artisans  de  toute  sorte  de  complots  ; 
il  leur  attribuait  la  lettre  de  cachet 
par  laquelle  il  fut  enfermé  ,  en  1679, 
a  Saint-Lazare ,  où  l'on  reléguait  les 
personnes  qui  étaient  aliénées  avec 
espoir  de  guérison.  Blache,  sorti  de 
Saint-Lazare  par  la  protection  du 
cardinal  de  Noailles,  s'occupa  d'é- 
crire l'histoire  de  ses  malbeurs,  ou 
plutôt  de  ses  folles  ;  elle  a  pour  ti- 
tre :  Anecdotes  ou  histoire  se- 
crète qui  découvre  les  menées 
sourdes  du  cardinal  de  Retz  et  de 
ses  adhérents  pour  oter  la  vie  au 
roi  et  à  Mgr.  le  dauphin,  par  les 
mêmes  moyens  dont  le  cardinal 
s'était  servi  pour  la  faire  oter  au 
cardinal  3Iazarin.  On  y  voit  le 
sentiment  unanime  des  jésuites 
sur  le  parricide  des  rois,  soutenu 
par  le  père  Lachaise,  qui  s'associa 
par  de  noires  intrigues  avec  M.  de 
Harlay,  archevêque  de  Paris, 
pour  faire  mettre  dans  un  cachot 
le  Mardochée  du  roi,  afin  de  lui 
oter  la  liberté  d'en  donner  con- 
naissance à  S.  M.;  dédiée  à  Mgr. 
le  duc  de  Bourgogne,  par  AI. 
Blache,  prêtre,  docteur  en  théo" 
logie.  C'est  un  manuscrit  de  mille 
pages  in-folio,  que  les  commissaires 
du  parlement  découvrirent,  en  1763, 
au  collège  de  Louis-le-Grand  ,  signé 
et  paraphé  par  l'auteur  et  par  M. 
d'Argensou  ,  lors  de  l'interrogatoire 
qu'il  avait  subi  en  1709,  à  Chareu- 
ton,  devant  ce  magistrat.  Ce  même 
original  s'est  trouvé  dans  l'immense 
collection  de  livres  et  de  papiers  de 
feu  Boulard.  C'est  d'après  ce  manu- 
scrit que  les  auteurs  de  la  Revue  ré- 
trospective,  ont  publié  les  l\Iénioi- 
res  de  l'abbé  Blache,  ou  plutôt  un 
extrait  dégagé  des  répétitions  sans 
nombre  et   des  inutiles   digressions 


BLA. 

dont  l'œuvre  primitive  abonde  ,  1. 1, 
p.  7  ;  II,  1 8 1  et  III^  33 1  •  Il  en  exis- 
tait une  copie,  que  l'auteur  avait  faite, 
avec  quelques  notes  peu  impoiiantes  : 
il  la  destinait  à  être  imprimée  après  sa 
mort.  Celte  copie  était  déposée  dans 
la  bibliothèque  des  pères  de  la  doc- 
trine chrétienne.  C'est  par  cet  ouvra- 
ge,   auquel  l'esprit   de  parti  donna 
dans  le  temps  plus  d'importance  qu'il 
n'en  mérite  ,    que   Tabbé   Blache  est 
devenu  uu  personnage  historique.  Le 
président  Rolland  présenta  ce    ma- 
nuscrit  aux  chambres  du   parlement 
le  27  fév.   1768,    dans    un   rapport 
fort    étenduj    comme  étant  une  pièce 
de  conviction  contre  les  jésuites  pour 
tous  les  reproches  faits  a  la  Société. 
Le  parlement  se  contenta  d'en  ordon- 
ner   le   dépôt   au    greffe.  — Blache 
s'était  promis  de  tenir  son  ouvrage 
secret,     mais     il  eut   l'imprudence 
d'en  faire  courir  des  extraits ,  et  l'im- 
prudence  bien    plus  grande  encore 
d'écrire  une  longue  lettre  à  madame 
de  Maintenon  ,   en  lui    envoyant  un 
placet  au  roi ,  pour  être  mis  sous  les 
yeux  de  S.  M.  Il  l'y  exhortait  a  bannir 
uue  seconde  fois  les  jésuites ,  comme 
ils  avaient  été  bannis  sous  Henri  IV, 
et  pour  les  mêmes  raisons.  Cette  pièce 
ne    fit    que    confirmer    l'idée   qu'on 
avait  de  sa  folie.  Il  fut  en  conséquence 
arrêté  de  nouveau  en  1709,  conduit 
a  la  Basldle  ,  peu  après  a  Charenton, 
et  enfin  reconduit  a  la  Bastille.  Il  écri- 
vit de  là  à  différentes  personnes  en 
crédit  a  la  cour,  pour  obtenir  d'être 
transféré  a  THotel-Dieu  ,  afin  de  s'y 
consacrer  entièreuient  au  service  des 
pauvres ,  avec  la  promesse  de  ne  plus 
s'occuper  des  jésuites.  Mais  on  ne  le 
jugea  pas  capable  de  tenir  un  pareil 
eu":ao;ement ,   et  il    lut  condamné    a 
finir  ses  jours   a  la  Bastille,  où   il 
mourut  le   29  janvier  1714,  ayant 
nommé  les  pauvres  de  l'Hô  tel-Dieu  ses 


BLA.  319 

héritiers.  L'abbé  Blacbe  avait  natu- 
rellement beaucoup  d'esprit  ;  c'était 
un  homme  rempli  de  piél»  et  qui  ne 
manquait  pas  d'instruction  ,  comme 
l'attestentplusieursde  ses  manuscriis. 
Il  n'était  point  janséniste  :  ce  n'était 
donc  pas  sous  ce  rapport  qu'il  s'était 
mis  en  guerre  avec  les  jésuites  j  mais 
il  voyait  partout  ces  pères,  comme 
le  fameux  Hardouin  voyait  partout 
des  athées  et  des  faussaires.  Il  n'y  a 
que  l'esprit  de  parti  qui  ait  pu  porter 
des  personnes  qui  ne  manquaient 
pas  d'ailleurs  de  jugement  k  pren- 
dre a  la  lettre  plusieurs  des  contes 
que  renferme  son  fameux  manuscrit. 
Le  compte  qu'en  a  rendu  le  président 
Rolland  suffit  pour  en  donner  une 
juste  idée  (i).  T — d  et  Z. 

BLACKBOURXE  (Jea>), 
né  en  1 683,  était  membre  du  collège 
de  la  Trinité  k  Cambridge.  Ayant, 
après  la  révolution,  refusé  de  prêter 
le  serment  politique,  il  fut  obligé 
de  résigner  sa  place,  et  pour  vivre  il 
se  mit  comme  correcteur  d'épreuves 
au  service  de  Pimprimeur  Bovvyer. 
Tout  ce  qui  lui  restait  de  temps  après 
ses  travaux  était  consacré  aux  études 
philologiques  et  religieuses.  Lord 
\^  incbelsea,  qui  appréciait  son  mérite, 
le*ecomraanda  au  roi  Jacques,  et  peu 
de  temps  après  Blackbourne  en  reçut 
une  commission  de  consécration.  En 
d'autres  termes  il  fut  évêque,  mais 
le  siège  n'était  pas  plus  vacant  que  le 
trône  de  Jacques ,  alors  occupé  par 
Guillaume  III.  Aussi  le  pouvoir 
épiscopal  de  Blackbourne  fut-il  borné 
au  plaisir  de  donner  de  temps  k  au- 
tre sa  bénédiction  k  ceux  qui.  comme 
son  patron  Bowyer  ,  lui  faisaient  ce- 
lui de  la  demander.  Quoique  zélé 
jacohile,  il  était  anglican  ;    également 


(i)  Rtcucil  de  plusieurs  des  outrages  de  JII.  /e 
président  Rolland ,  Paris,  1783,  in-4°,  pag.  278- 
334. 


320 


BLA 


opposé  aux  catlioliques  et  aux  pres- 
bytériens ,  il  paraissait  très-flatté  de 
s'enlendre  appeler  le  marteau  des 
papistes  et  des  novateurs,  péri- 
ptrase  pompeuse  que  l'on  grava  sur 
son  tombeau.  Il  mourut  le  17  no- 
vembre i74i«  Sa  bibliothèque  assez 
belle  fut  recherchée  après  sa  mort. 
Maillaire  dans  ses  J^iesdes  impri- 
meurs ,  Paris  1717,  ainsi  que  dans 
ses  Miscellanea  aliquot  scriptorwn 
cannina,  1722  ,  lai  a  payé  un  tribut 
d'éloges.  On  a  de  lui  une  excellente 
édition  des  œuvres  de  Bacon,  Lon- 
dres, 17^0,  et  une  édition  de  la 
Chronique  concernant  bir  Jean 
Oldcastell  (  Chronjcle  concern- 
ing  j  etc.  ),  avec  uu  appendice, 
Londres  ,  deux  éditions  dont  la 
seconde  est  de  1729,  in  -  8°  ; 
la  première,  extrêmement  rare,  s'il 
faut  eu  croire  Hearne  ,  n'a  d'autre 
mérite  que  cette  rareté  même  (Hear- 
ne ,  Hisloria  Ricardi  II,  i'J2C)^ 
p.  4-4-I).  P— OT. 

BLACKE.  Fojr.  Blakï. 

BLACKET  (Joseph),  poète  an- 
glais qui  ne  dut  son  talent  qu'à  la 
nature,  naquit  en  1786  dans  un 
obscur  village,  au  nordduYorkshire, 
C'était  le  plus  jeune  de  douze  enfants 
d'un  simple  ouvrier.  Lorsqu'il  eut  at- 
teint sa  douzième  année,  son  frère, 
cordonnier  a  Londres ,  le  fit  venir 
auprès  de  lui.  Là,Blacket  consa- 
cra ses  heures  de  loisir  à  la  lec- 
ture ,  et  donna  d'abord  la  préfé- 
rence aux  livres  de  religion.  Plus 
lard,  ayant  vu  représenter,  sur  le 
théâtre  deCovenl-Garden,une  des  tra- 
gédies de  Shakspeare,  il  fut  trans- 
porté d'admiration  pour  les  beautés 
sublimes  de  ce  grand  maître. Il  réussit 
dans  sa  profession,  et  se  maria  3  mais 
ayant  perdu  sa  femme  en  1807,  après 
une  longue  maladie  ,  il  in!  obligé  de 
vendre  tous  les  effets  qu'il  possédait, 


BLA 

pour  acquitter  les  dettes  qu'il  avait  été 
dans  la  nécessité  de  contracter.  Ac- 
cablé de  chagrin,  il  quitta  les  lieux 
oi!i  il  avait  goûté  le  bonheur,  envoya 
sa  petite  fille  a  Deplford ,  et  alla 
renfermer  sa  douleur  dans  la  soli- 
tude. C'est  la  qu'il  commença  a  con- 
fier au  papier  quelques-unes  de  ses 
pensées  qu'il  adressa  à  M.  Pratt , 
son  protecteur.  Plusieurs  passages  de 
ses  lettres  révèlent  du  talent  et  même 
du  génie.  Blacket  ne  négligeait  pas 
pour  cela  l'état  de  cordonnier  dans 
lequel  il  s'était  fait  quelque  réputa- 
tion j  mais  il  dérobait,  pour  se  livrer 
à  l'élude^  toutes  les  heures  qn'il  au- 
rait àù.  consacrer  au  repos  que  récla- 
mait sa  faible  constitution.  Le  désT 
de  produire  quelque  chose  de  remar- 
quable absorba  toutes  ses  pensées 5 
et  cette  contention  d'esprit,  jointe  à 
ses  occupations  manuelles,  portaune 
telle  atteinte  a  sa  sauté,  qu'il  mourut 
a  Seaham,  le  23  août  1 8 1 0.  Ses  ou- 
vrages, qui  furent  recueillis  par  M. 
Pratt  et  publiés  l'année  suivante, 
sous  le  titre  de  Ce  qui  reste  de  J. 
Blacket  (Remains  ofJ.  Blacket) , 
prouvent  le  goût  et  le  génie  de  cet 
enfant  de   la  nature.  Z. 

BLACK WOOD  (Henri), 
vice-amiral  anglais,  naquit  en  1770. 
Son  père  était  baronnet.  Il  entra 
fort  jeune  (1781)  dans  la  marine 
royale,  et  dès  lors  se  familiarisa  com- 
plètement avec  le  spectacle  des  com- 
bats niaritimes.il  fut  témoin  de  l'en- 
gagement du  Dogger-Bank  sous 
1  amiral  Parker  ,  et  ensuite  de  l'ac- 
tion a  la  suite  de  laquelle  turent  cap- 
turés les  deux  sloops  hollandais  le 
Pylade  et  VOreste.  Il  avait  déjà 
servi  sur  cinq  bords  différents  lors- 
qu'il fut  élevé  au  rang  de  lieutenant 
en  1790.  L'année  suivante,  il  fut 
employé  sur  lafrégate /a  Proserpine 
Exempt   de   service    Tannée  d'après 


BLA 

(1792},  il  put  venir  en  France  soil 
pour  y  suivre  les  progrès  de   la  ré- 
volution   à   laquelle    il    s'intéressait 
sans  l'approuver,  soit  pour  y  étudier 
la   langue.    Il    séjourna    d'abord    à 
Angouléme,  puis  a  Paris.  Ln  émigré 
l'avait  chargé  de  remettre  un  livre  a 
une    personne    de  sa  connaissance  î 
ce  livre  contenait  une  lettre.  Black- 
wood  probablement  n'en  savait  rien. 
Il  n'en  fut  pas  moins  compromis  très- 
sérieusement  ,    comme   agent    d'une 
correspondance    contre  -  révolution- 
naire,   jeté   en    prison    par  les  or- 
dres   du   conseil  municipal    et    plus 
tard  traduit  à  la  barre  de  la  Conven- 
tion.  Toutefois,  en  dépit  des   furi- 
bondes déclamations  de  Tallieu  ,  sou 
innocence    éclata,    11  resta     encore 
quelque  temps  a  Paris  où  il  suivit 
les    séances  du    club  des    jacobins. 
Revenu  en  Angleterre ,  il  reprit  du 
service  'dès    le    commencement    des 
hostilités  avec  la  France,  s'acquit  au 
plus    haut    degré    l'estime  générale; 
devint  premier  lieutenant  de  ['Invin- 
cible ^  et  y  resta  jusqu'après  les  ac- 
tions des  28,    2.^    mai    et    i""  juin 
1794    avec    la  flotte  française.   Sa 
brillante   conduite   dans    ces  divers 
engagements,  et  principalement  dans 
le  dernier,  lui  valut   le  commande- 
ment de  la  Mégère  qui  ,  jusqu'au  2 
juin  1793,  fit  partie  de  la  flotte  du 
canal    aux   ordres  de  lord  Hower. 
Blackvvood  passa  ensuite  au  rang  de 
capitame  en  second  du  ]\o/i-Pareil, 
destiné  a  la  garde  de  l'embouchure 
delHumber.   Mais  trouvant  ce  ser- 
vice trop  peu  actif,  il  obtint  le  com- 
inandemeutdu  Brillant  {diSi^  1796), 
a  bord  duquel  il  passa  deux  ans  dans 
la  station  delà  mer  du  Nord  sous  loi  d 
Duncau,  puis  un  an  a  celle  de  Ter- 
re-ISeuve.  llsoulint  alors  (juin  i  798) 
un  combat  inégal  contre  deux  fréga- 
tes françaises  de  quarante-quatre  ca- 


BLA 


611 


nous,  la  kertu  et  la  Régénérée-^ 
et,  malgré  la  supériorité  de  chacune 
d'elles  eu  particulier,  il  échappa   et 
leur   causa  beaucoup  de  dommai^es. 
L'amirauté  récompensa   cet    exploit 
en  nommant  Blackvvood  au  comman- 
dement    de    la     Pénélope     (  mars 
1799).  11  fut  alors  employé  au  blocus 
des  ports  du  Havre  et  de  Cherbourg, 
puis  dans   la  Méditerranée  où  il  fut 
chargé    successivement    de    diverses 
missions.    Au    blocus   de    Malte,  il 
eut  une  part    considérable  à  la  prise 
du   Guillawne-Tell,   qui  portait  le 
pavillon  du  vice-amira!  Decrès.  L'in- 
trépide résistance  de   ce  marin  et  de 
son  équipage  ne  put  balancer  la  su- 
périorité immense  qu'avaient  sur  lui 
deux  vaisseaux  de  ligne  anglais,  le 
Foudroyant  et  le  Liovi,  secondés  en- 
core par  la  Pénélope.  Mais  ceux-ci 
firent  bien  des  efforts  pour  s'en  ren- 
dre maîtres;  et  il  y  eut  de  la  gloire 
pour  le  vaincu  comme  pour  les  vain- 
queurs. Blackvvood  reçut  a  celte  oc- 
casion les  félicita  lions  de  ÎSelson,  qui 
lui  écrivit  de  Palerme  dans  les  ter- 
mes les  plus  flatteurs.  La  paix  d'A- 
miens viut  suspendre  les  hostilités. 
Dès   qu'elles    recommencèrent  ,     eu 
i8o3  ,   lord   Saiut-\incent  investit 
Blackwood    du    commandement    de 
\Euryale  ,  vaisseau    de    trente-six 
canons.   Après  avoir  assisté  quelque 
temps  au  blocus  de  Boulogne  sous 
lord    Reilh   et  sir    Thomas-Louis  , 
après  avoir  à  deux  reprises  diiféreu- 
tes  fait  partie  delà  station  irlandaise, 
sous  les   ordres  de  loid  Gardner  et 
de  l'amiral  Drury,  il  fut  dépéché  par 
ce  dernier  pour  surveiller  les  mouve- 
ments de  la  flotte  hispano-française 
qui  avait  fait  voile  du  Ferrol   sous 
Villeneuve  et   Graviuaj  il  la   suivit 
jusqu'à  Cadix  ,  revint  en   toute   hâte 
en  Angleterre,  et  mit  le  gouverne- 
ment a  même  de  faire  partir  Kelson 


'ili 


elA 


avec  tous  les  vaisseaux  en  étal  de 
tenir  la  mer.  Blackwood  accompagna 
cet  illustre  marin  dans  cette  mémo- 
rable campagne,  et  a  son  arrivée 
devant  Cadix,  2^  sept.  i8o5  ,  il  fut 
chargé  du  commandement  de  l'esca- 
dre côtic-re  consistant  en  cinq  frégates 
et  n\  atre  sloops.  La  mission  de  cette 
escadre  était  de  surveiller  encore  les 
mouvements  de  la  (lotte  liispano -fran- 
çaise.Dans  ce  poste  de  conliauce,  il  se 
montra  di^ne  de  l'estime  que  INelson 
lui  témoignait  en  le  choi^issant  pour 
un  service  de  celle  importance,  et  il 
le  tint  parfaitement  au  courant  de 
tout  ce  qui  se  passait  dans  le  port 
ennemi.  Le  20  au  soir,  comme  on 
craignait  que  la  flotte  combinée  ne 
tentât ,  a  la  faveur  de  la  nuit ,  d'é- 
viter le  combat  et  de  franchir  le 
détroit  de  Gibraltar  ,  il  se  tint  con- 
tinuellement à  deiii-porlée  de  canon 
du  vaisseau  amiral  français.  Le  21 
au  malin,  jour  de  la  batadie  de  Tra- 
falgar,  Nelson  le  fit  venir  a  bord  de 
son  vaisseau  amiral ,  et  dans  un  long 
entretien  il  se  plut  a  le  combler  de 
marques  d'amitié.  Qui  Ique  tcmpï  il 
avait  hongi"  à  lui  confier  le  comman- 
dement d'un  navire  supérieur  à  l^ii"!/- 
ryale  ;  mais  après  réflexions  il  le 
crut  capable  de  rendre  plus  de  ser- 
vices a  la  tète  de  son  escadre  légère, 
Blackwood  en  effet  montra  dans  l'ac- 
tion autant  de  bravoure  que  d'acti- 
vité. Le  vaisseau  amiral  de  Colling- 
wood  ayant  été  démàié,  c  est  sur 
VEurynle  qu'il  transféra  son  pavil- 
lon ;  c'est  l'iiwrv'ft/equi  exécuta  Ions 
ses  signaux.  Fortement  recommandé  k 
l'amirauté  par  les  talents  qu'il  avait 
développés  dans  cette  occasion,  il  fut 
promu,  en  1806  ,  au  rang  de  capi- 
taine de  VAjax,  vaisseau  de  quatre- 
vingts  canons  ,  et  il  se  rendit  sur  ce 
navjre  près  de  Colliugwood  qui  sta- 
tionnait dans  la  Méditerranée.  Il  ac- 


BLA 

compagtia  ensuite  lord  Duckworlh 
dans  l'e-xpéditiou  contre  Constanti- 
nople.  Mais ,  chemin  faisant ,  le  feu 
prit  h  X Ajax  qui  péril  avec  la 
moitié  de  l'équipage  (  i4-  février 
1807),  à  l'entrée  du  détroit  des  Dar- 
danelles. Une  cour  d'enquête  et  une 
cour  martiale  acquittèrent  bonora- 
blement  Blackwood,  qui  alors  passa 
en  qualité  de  volontaire  k  bord  du 
vaisseau  amiral  le  Royal-Georges, 
où  il  servit  encore  avec  le  même  zèle 
et  la  même  distinction.  Revenu  en 
Angleterre,  il  fut  nommé  capitaine 
d'un  autre  vaisseau  de  guerre  ,  dont 
il  garda  le  commandement  six  ans, 
étant  employé  dans  les  flottes  de  la 
mer  du  Nord  ,  de  la  Manche,  de  la 
Méditerranée.  Au  blocus  de  Toulon, 
il  obligea  a  rentrer  dans  le  port  six 
vaisseaux  de  lii^ne  français ,  qui  en 
étaient  sortis.  Il  repassa  ensuite  le 
détroit  ,  figura  successivement  au 
Llocus  de  Brest  et  de  R^ochefort ,  en 
nov.  i8i3  ;  et  donna  sa  démission. 
La  protection  du  duc  de  Clarence 
(  aujourd'hui  le  roi  Guillaume  IV  ) 
lui  valut  l'année  suivante  le  titre  de 
capitaine  de  la  flotte,  et  l'honneur  de 
conduire  en  France  Louis  XVIII  et 
les  autres  Bourbons.  Désigné  aussi 
pour  conduire  les  souverains  alliés  de 
France  en  Angleterre,  il  fut  k  cette 
occasion  créé  baronnet ,  contre-ami- 
ral et  l'un  des  aides-de-camp  de  ma- 
rine du  prince-régent.  En  181 8,  il 
devint  groom  de  la  chambre ,  titre 
qui  lui  fut  confirmé  lors  de  l'avè- 
nement de  Guillaume  IV.  Elevé 
en  1819  au  commandement  de 
toutes  les  forces  navales  dans  les 
Indes  orientales,  il  se  rendait  k  sa 
destination,  lorsque  le  vaisseau  qui 
le  portait  fut  sur  le  point  de  faire 
naulrage  devant  Madère.  De  nou- 
veaux  arrangements  pris  par  1  ami- 
rauté, et  en  vertu  desquels  les  fonc- 


BLA 

tionsde  coitiinandant  en  chef  devaient 
être  remplies  par  descommodores.  le 
firent  revenir  eu  Angleterre.  La  dés- 
approLalion  qu'il  donnait  aux  iano- 
raliiiDs  tentées  alors  fut  justifiée 
quelques  années  après  ^  mais  on  ne 
lui  rendit  pas  le  posie  élevé  qu'il 
avait  du  croire  le  sien  un  instant. 
Seulement,  en  1827,  leducdeCla- 
rence ,  a  celte  époque  lord  grand- 
amiral,  lui  donna  le  commandement 
de  la  station  de  Chalham.  Blackwood 
le  garda  trois  ans  selou  l  usage, puis, 
peu  content  de  ce  pis-aller,  il  sem- 
bla vouloir  se  retirer  du  service  actif 
(1800).  Blackwood  mourut  le  17 
déc.  i852  k  Eallyliedy  (comté  de 
Down).  ^        P — OT. 

BLAGDEX(sir  Charles), 
savant  anglais,  né  vers  1740  ,  em- 
brassa de  b(  une  Leure  la  carrière  de 
la  médecine  ,  et  la  fit  marcher  de 
front  avec  celle  de  1  histoire  natu- 
relle et  de  la  phvsique.  Ses  éludes 
le  lièrent  avec  les  principaux  savants 
de  la  Grande-Bretagne  et  principa- 
lement avec  Joseph  Banks,  dont  son 
nom  est  en  quelque  sorte  devenu  in- 
séparable. Cette  intimité  ne  fut  pas 
son  unique  titre  à  l'estime  de  ses  . 
contemporains.  Ses  belles  expériences 
sur  la  ch.deur  et  sur  la  glace,  divers 
travaux  de  physique  et  de  chimie 
mnlr  èrent  en  lui  rexiiérimcnlaleur 
habile,  et  eniicbirent  la  science  de 
faits  nouveaux.  Sir  Charles  Blagden 
ne  la  servit  pas  moins  par  le  judi- 
cieux emploi  de  sa  fortune.  Arrivé 
après  de  longs  services  au  poste  de 
médecin  en  chef  des  armées  ,  il 
jouissait  d'un  revenu  honorable.  De- 
puis, Cave;  dish  lui  légua  une  somme 
de  seize  mille  livres  sterl.  (quatre 
cent  mille  francs)  ,  qu'il  a-graenla 
encore  parion  ècono'i.ie.  Il  avait  beau- 
coup voyagé  en  Amérique  ,  en  Italie  , 
en  Allemagne  5  mais  la  France  était 


BLA 


:i23 


sa  terre  de  prédilection.  Dès  que 
i8i4-  eut  rouvert  aux  Anglais  la 
route  de  Paris ,  il  vint  invariable- 
ment passer  six  mois  chaque  année 
dans  celte  capitale,  et  nul  homme 
peut-être  n'a  plus  que  lui  contribué 
à  établir  entre  les  savants  des  deux 
nations  ces  relations  amicales  si  fruc- 
tueuses pour  la  science.  Il  a  rendu  des 
services  a  tous  ceux  qui  ont  voulu  al- 
ler étudier  en  Angleterre  les  sciences 
et  les  arts,  tant  en  leur  ouvrant  la 
maison  de  Banls  qu'en  leur  donnant 
des  lettres  de  recommandation  pour 
tous  les  points  qu'il  pouvait  leur  être 
utile  de  visiter.  C'est  au  milieu  des 
soins  de  cette  immense  correspon- 
dance, k  laquelle  il  est  étonnant  qu'un 
homme  de  quatre-vingts  ans  put  en- 
core suffire  ,  qu  11  mourut  presque 
subitement  a  Arcueil,  chez  Berthol- 
let,  le  26  mars  1820,  d'un  épanche- 
ment  au  cerveau.  Sir  Charles  Blagden 
était  membre  de  la  société  rovale 
de  Londres.  M.  Jomard  a  donné 
sur  lui  nue  notice  dans  la  Revue 
encyclopédique,  avril  i82o(repro- 
duile  dans  le  Moniteur i\\i  22  sept.). 

P— OT. 

BLAGRAVE  (Joseph),  pa- 
rent du  célèbre  mathématicien  Jean 
Blagrave  [P  oy.  ce  nom,  IV,  55o), 
se  distingua  par  son  enthousiasme 
pour  les  études  astrologiques.  Il  élalt 
né  a  Londres  en  i6io,  et  il  y 
mourut  en  1675.  On  a  de  lui: 
I.  Introduction  à  l'astrologie  , 
1682  ,  in  8°.  IL  Supplément  à 
l'herbier  de  Culpepper.  A  ce  Sup- 
plément ont  été  ajoutés:  1°  une  Nw 
tice  de  toutes  les  substances  médi- 
cinales qui  se  vendent  dans  les 
boutiques  de  droguistes  et  d'apo- 
thicaires ,  etc.  ;  2°  un  JSouveau 
traité  de  chirurgc.  III.  La  Mé- 
decine astrologique  [The  aslrolo- 
gical  praetise  of  Physick),     aie 


3 '2  A 


BLA 


BLA 


exposition  de  la  véritable  méthode 
à  suivre  pour  guérir  toutes  les 
maladies  par  des  herbes  et  des 
plantes  qui  croissent  en  Angleter- 
re. La  Biographie  brilannique  parle 
d'un  manuscrit  vu  p.ar  le  docteur 
Caniubell,  et  qui,  si  l'on  en  croit 
l'indication  consignée  sur  le  premier 
feuillet,  aurait  été  composé  par  J. 
Blagrave.  Ce  manusciil,  qui  a  pour 
titre  Remontrance  en  faveur  de 
V ancienne  science  contre  les  su- 
perbes prétentions  de  la  moderne, 
spécialement  dans  ce  qui  concerne 
la  doctrine  des  étoiles,  est  spiri- 
tuellement écrit ,  et  semble  indiquer 
un  auteur  d'un  tulent  supérieur  à 
celui  de  Joseph  Blagrave,  taat  pour 
la  composition  qui;  pour  le  style. 
On  a  donc  été  tenté  de  l'altribu^r 
a  Jean  Blagrave.  Malheureuse- 
ment il  y  est  question  de  la  société 
royale  qui  n'existait  pas  du  temps 
de  ce  dernier.  Reculé  ainsi  vers 
les  années  1669  ou  1670  ,  ce  ma- 
nuscrit présente  aux  biblicgra- 
phes  un  problème  singulier.  Tou- 
tefois on  a  fini  par  s'arrêter  a  l'idée 
assez  plausible  que  ,  parent  de  Jean 
Blagrave,  Joseph  trouva  dans  les  pa- 
piers du  savant  mathématicien  les 
éléments  d'un  travail  qu'il  lui  devint 
facile ,  a  l'aide  de  quelques  iulerca- 
lations,  de  rendre  applicaMe  a  l'épo- 
que contemporaine.  En  effet  Joseph 
avait  héiilé  d'un  domaine  dans 
Svvallowiield  qui  avait  appartenu  a 
son  parent.  P — ot. 

BLAiXVILLE  (  Charles - 
H.  ),  violoncelliste  et  maître  de  mu- 
sique a  Paris,  mort  vers  1768,  a 
publié  plusieurs  compllalious  sans 
goût ,  qui  ne  valent  guère  mieux 
que  ses  symphonies  5  savoir  :  I. 
ÎLssai  sur  un  troisième  mode  , 
Paris,  1760  ,  in-i2.  Ce  troisième 
mode  qu'il  piélençlail  avoir  découverl , 


et  qui  était  mixte  entre  le  majeur  et 
le  mineur  ,  n'est  selon  J.-J.  Rous- 
seau que  le  mode  plagal,  le  douzième 
des  anciens,  encore  en  usage  daus  le 
plain-chant ,  et  qui  résulte,  comme 
l'a  prouvé  Sene  de  Genève,  du  sim- 
ple renversement  du  mode  majeur  , 
quant  aux  intervalles.  En  un  mot, 
c'est  l'échelle  du  mode  mineur  de  la, 
prise  par  la  quinte  ,  ou  bien  celle  du 
mode  majeur  à'ut,  prise  par  la  tierce. 
En  i8o4,  Fabre  d'Olivet  tenta  de 
reproduire  ,  sous  le  nom  de  Mode 
hellénique ,  le  mode  de  BlainviUe; 
mais  il  n'a  obtenu  que  le  suffrage  de 
Ptl.  Momigny.  II.  Harmonie  théu- 
rico-praliqne,  Paris,  i  7  5  i .  III.  Es- 
prit de  l'art  musical,  ibid.,  1754, 
in-i:j.  IV.  Hist.  générale,  ciiti- 
que  et  philologique  de  lamusique, 
ibid,,  1761  ,  in-4.°  ,  fig.  F — le. 
BLAISE  (Barthélemi),  sculp- 
teur, naquit  en  1758  a  Lyon,  où  il 
reçut  les  premiers  principes  de  stu 
art.  A  son  retour  d'Italie,  il  fut  chargé 
par  le  chapitre  d'exécuter  les  sta- 
tues en  marbre  de  Saint  Etienne  et 
de  Saint  Jean-Baptiste .  que  l'on 
voit  encoie  daus  le  chœur  de  la  cathé- 
drale de  Lyon.  Il  vint  ensuite  a  Paris, 
et,  surla  présentation  de  laslalue  d'un 
Berger,  il  fut  admis  en  1785,  comme 
agréé ,  a  l'académie  de  peiu  ture  et  scul- 
pture. Quelques  années  après  (1787), 
la  famille  du  comte  de  Yergeniies 
lui  confia  l'exécution  du  Mausolée 
qu'elle  se  proposait  d'ériger  a  la  mé- 
moire de  ce  ministre.  Ce  monument 
était  a  peine  terminé,  lorsque  la  révo- 
lution éclata.  L'artiste  se  vil  forcé  de 
le  tenir  caché  daus  son  atelier,  et 
ce  n'est  qu'en  181  8  qu'il  a  élé  pla- 
cé dans  une  chapelle  de  l'église  No- 
tre-Dame à  Versailles.  Biaise  se 
relira  pendant  la  terreur  à  Poissy^ 
avec  sa  famille  ;  mais  il  laissait  a  Pa- 
ris des  amis  zélés ,  qui  veillèrent  a 


BLA 

ses  inlérêts.  L'Institut  a  sa  création 
le  comprit  dans  la  lisle  de  ses  asso- 
ciés, et  il  fut  du  nombre  des  artistes 
qui  fureut  a  cette  époque  cbargés  de 
travaux  par  le  gOHvernement.  Ce  fut 
d'après  l'ordre  du  ministre  de  Tinté- 
rieur  qu'il  exécuta  les  bustes  eu  mar- 
bre de  Jules  Romain  et  du  Pous- 
sin ,  qui  sont  placés  dans  la  grande 
galerie  du  Musée,  el  celui  du  roi  de 
Prusse  Frédéric  IT.  Sou  modèle  en 
plâtre  d'une  statue  de  Phocion, 
haute  de  six  pieds ,  qu'il  mit  dans  le 
même  temps  a  l'exposition,  lui  valut 
un  prix  d'eucouragement.  Parmi  les 
autres  ouvrages  de  Biaise  ,  ou  cite 
son  bas-relief  en  pierre  ,  représen- 
tant le  Commerce  et  la  Navigation, 
dans  l'intérieur  de  Sainte-Geneviève, 
et  un  autre  représentant  le  Nil ,  au 
Musée,  dans  la  salle  des  empereurs. 
Cet  estimable  artiste  mourut  à  Paris 
en  avril  1 8  i  9 .  La  veille  de  sa  mort  il 
dicta  la  notice  de  ses  principaux  ou- 
vrages ,  en  recommandant  a  sa  fem- 
me de  la  rendre  publi([ue;  et  pour 
se  conformer  a  ses  intentions,  elle 
la  fit  insérer  dans  le  Moniteur  du 
i4  avril.  De  tous  les  élèves  de  P)laise, 
Cblnard  {Foj.  ce  nom,  au  Siipp.) 
est  le  seul  dont  il  fût  fier  ,  et  c'est 
effecllvement  celui  qui  lui  fait  le  plus 
d'iionneur.  W — s. 

BLAKE  (Robert),  amiral  an- 
glais ,  né  en  i  SgS,  a  Bridegvvater  , 
s'était  préparé  par  de  fortes  éludes 
à  suivre  la  carrière  universitaire 3 
mais  les  puritains  de  son  pays, 
lui  avant  reconnu  un  esprit  vaste 
et  rigide ,  le  choisirent  pour 
les  représenter  au  parlement  de 
i64-o.  Celte  assemblée  dissoute, 
Blake  entra  au  service  et  prit  parti 
pour  le  long  parlement  contre  le  gou- 
vernement royal.  A  la  défense  de 
Bristol,  en  i645,  il  commandait  un 
fort,  el  il  continua  le  feu  après  la 


BLA 


325 


reddition  ,  s'exposant  a  une  mort 
certaine  ,  s'il  avait  eu  affaire  a  uu 
ennemi  moins  clément  que  le  prince 
Rupert.  L'année  suivante,  il  s'em- 
para de  la  ville  de  Tauton  et  la  dé- 
fendit avec  une  très-faible  garnison 
contre  dix  mille  hommes  accourus  K 
son  secours.  Quoique  partisan  décidé 
de  l'omnipotence  parlementaire,  il 
Màma  hautement ,  comme  Fairfax  , 
la  mise  en  accusation  et  l'exécution 
de  Charles  F"".  Pour  atténuer  l'effet 
de  celte  catastrophe  ,  et  fa're  recon- 
naîlre  la  nouvelle  république  ,  le 
parlement  donna  tous  ses  soins  a  la 
marine  ,  auxiliaire  puissante  des  né- 
gociations. Blake ,  déjà  reconnu 
pour  la  plus  forte  tête  de  son  parti 
après  Cromwel!  et  Ireton  ,  fut 
nommé  en  1648  membre  du  con- 
s'eil  de  marine.  Il  se  montra  si  ha- 
bile à  organiser  et  a  combiner  la 
force  navale ,  qu'il  fut  investi  du 
commandement  de  la  flotte  ,  avec 
Deaue  et  Popham  ,  tous  deux  mem- 
bres du  parlemeut.  La  flotte  royale 
aux  ordres  du  prince  Rupert  mena- 
çait les  côtes  d'Angleterre  ,  et,  pa- 
ralysant le  commerce  de  la  républi- 
que,  la  tenait   dans  une  dangereuse 

agitation.    Blake    eut  bientôt  chassé 

o  ... 

celte    flotte  ,    la    poursuivit    jusque 

dans  la  Méditerranée,  et  intimida 
tellement  PEspagne  et  le  Portugal , 
que  ces  deux  puissances  n  osèrent  se 
déclarer  contre  le  parlement.  En  re- 
venant il  rencontre  un  bâtiment  fran- 
çais de  quarante  canons,  et  demande 
au  commandant  s'il  cousent  à  se  ren- 
dre. Sur  une  réponse  négative  il  Icpne 
de  retourner  a  son  bord,  et  de  se  dé- 
fendre autant  qu'il  le  croira  nécessaire 
à  l'honneur  de  son  pavillon.  Après 
deux  heures  de  combat,  Pollicier  fran- 
çais vint  remettre  son  épée  a  Pami- 
ral  qui  l'accueillit  avec  la  plus  grande 
distinction.    En    1662,    Blake    sou- 


3^6 


BLA 


mit  a  l'autorité  du  parlement  les 
îles  de  Gueriiesey  et  Jersi^y,  reçut 
les  reraercîmtnlb  de  celle  assemblée 
et  fut  nommé  commandant  eu  clief 
de  la  flotte  pour  neuf  mois.  La  nou- 
velle république,  jalouse  de  main- 
tenir ia  prélendue  souveraiuelé  que 
s'attribuait  la  vieille  Angleterre  sur 
les  mers ,  refusa  de  renoncer  à 
riiommage  du  pavillon  et  au  droit  de 
visile  contre  lesquels  réclamait  la 
Hollande.  Le  14.  mai,  le  commodore 
YouDg  avait  forcé  ,  après  un  vif  cora- 
fcat ,  une  division  hollandaise  a 
baisser  pavillon  devant  la  bannière  de 
St-Georges.  Le  20,  Tromp  se  pré- 
sente avec  son  escadre  devant  celle 
de  Blake  sur  la  rade  des  Dunes.  Ce- 
lui-ci ,  au  moment  d'être  accosié, 
tire  plusieurs  coups  de  canon  sur 
l'amiral  hollandais  qui  j  après  avoir 
fait  feu  du  côté  opposé  en  signe  de 
mépris,  riposte  par  toute  .sa  bordée. 
\oyaut  le  combat  inévitable,  il  se 
délaelie  de  son  escadre  dans  le  des- 
sein de  proposer  a  Tromp  un  combat 
particulier  ,  afin  d'éviter  l'eiFusion 
dii  sang  et  la  guerre  entre  les  deux 
nalions.  Accueilli  par  une  nou- 
velle bordée  il  soutint  seul  le  feu 
des  Hollandais  ju:,qu'à  ce  que  l'esca- 
dre aux  ordres  de  Bourne  vint  le  ral- 
lier au  bruit  du  canon.  Le  combat , 
devenu  général  et  très-animé  ,  se 
prolongea  jusqu'à  la  nuit.  Les  histo- 
riens anglais  et  hollandais  ne  s'accor- 
deut  m  sur  la  foice  des  deux  flottes, 
ni  sur  les  circonstances  du  combat. 
Quand,  après  un  examen  réfléchi 
des  divers  récits  de  celte  affaire  et 
de  celles  qui  vont  suivre,  nous  n'a- 
vons pu  arriver  a  la  vérité  probable, 
nous  avons  reproduit  la  version  an- 
glaise, afin  de  l'oppnser  'a  la  version 
hollandaise  adoptée  a  l'article  Tromp 
{^  oy.  ThO.MP,  XLYI,  570),  et  de 
mettre  le  lecteur  à  même  de  juger 


BLâ 

d'après  ses  propres  observations.  Les 
élats  généraux  envoyèrent  k  Lon- 
dres Paw  ,  négociateur  habile  , 
pour  prévenir  une  ruplure.  Mais  le 
parlement,  excilé  par  Cron:well  (|ui 
ne  leur  pardonnait  pas  l'appui  qu  i's 
avaient  accordé  au  prélendanl,  se 
moulrapeu  disposé  a  la  conciliation. 
Le  8  judlet  la  guerre  fut  déclarée,  et 
de  part  et  d'aulre  on  fit  d'immenses 
préparatifs.  Resté  dans  la  Manche, 
Clakc  avait  augmenté  et  si  bien  di- 
rigé ses  forces,  que  les  Hollandais 
u  osaient  plus  s  y  montrer  même  sous 
escorte.  Leurs  cargaisons,  débarquées 
dans  les  porls  de  France,  arrivaient 
aux  Pays-Bas  par  terre  et  par  eau. 
Kon  coûtent  d'avoir  ainsi  paralysé  le 
commerce  des  élats, il  voululporleruu 
dernier  coup  a  leur  puissance  navale 
en  détruisant  les  pêcheries  de  hareng 
qui  employaient  annuellement  un  quart 
de  leur  poj)alalion  et  plus  de  3 000 
bàtimeuts.  11  laissa  la  défense  des 
Duues  a  Sir  G.  Ayscue  récemment 
arrivé  de  la  Barbade,  et  fit  voile  au 
nord.  Malgré  la  belle  défense  de 
l'escadre  chargée  de  proléger  les 
pêcheries,  B  ake  s'en  rendit  maître 
ainsi  que  du  convoi.  Mais  par  une 
modération  qui  fut  sévèrement  blâ- 
mée en  Angleterre  ,  il  se  borna  a 
exiger  le  tribut  du  dixième  imposé 
par  Charles  L'',  et  ne  détruisit  que 
ceux  des  pêcheurs  qui  refusèrent  de 
l'acquitter.  Tandis  que  Blake  s'empa- 
raildespècheries  hollandaises,  Tromp 
se  présenta  a  l'entrée  de  la  Tamise 
avec  une  flolle  de  70  voiles  pour  y 
surprendre  le  vice- amiral  Ayscus^ 
Kc  l'ayant  pas  trouvé,  il  fit  roule  au 
nord  pour  iulercepler  l'amiral  à  sou 
retour.  Les  deux  flottes  se  rencon- 
trèrent eu  vue  des  côles  d'Ecosse 
et  se  préparaient  au  combat  lois- 
qu'elles  furent  séparées  par  une  vio- 
lente tempête.  Cinq  frégates  boUau- 


BLA 

daises,  restées  de  Farrlère,  loinbè- 
reut  au  pouvoir  do  l'enueini.  Blake  fut 
encore  blâmé  de  n'avoir  pas  poursuivi 
les  Hollandais,  et  Tromp  .  plus  mal- 
tjailé,  sevitrein[)lacer  parRnyterqiii 
livra  peu  de  temps  après  à  l'amiral 
Ayscue  le  sanglant  combat  de  Plj- 
mouth.  Une  escadre  française  aux 
ordres  du  duc  de  Vendôme  s'avan- 
çait au  secours  de  Dunkercpie  assiégé 
par  les  Espagnols.  11  entrait  dans  les 
vues  de  Cromwell  de  faire  tomber 
cette  place  eu  leur  pouvoir  :  en  con- 
séquence, sous  prétexte  de  représail- 
les ,  pour  de  prétendues  déprédalions 
commises  par  des  bâtiments  français 
à  Terre  Neuve  ,  il  ordonna  a  Blake 
de  détruire  l'escadre.  Vendôme  fut 
surpris,  défait,  et  Dunkerque  dut  se 
rendre  k  rarchiduc.  La  Lille  entre  les 
deux  républiques  d'Angleterre  et 
de  Hollande  s'étendit  du  détroit  k 
toutes  les  mers.  Une  nouvelle  flolte, 
aux  ordres  de  Wilt,  fut  promple- 
ment  équipée  et  fit  jonction  avec  celle 
de  Ruyler,  entre  Dunkerque  et  Neu- 
port  ,  le  2  octobre  1662.  Wiit 
piit  le  commandement  en  clief  dt's 
deux  flottes  réunies,  et,  après  s'être 
débarrassé  de  son  convoi,  fit  voile  à 
la  recherche  des  Anglais  qu'il  attei- 
gnit le  28  septembre.  Blake,  tou- 
jours intrépide  ,  prit  l'initiative  lie 
l'attaque 5  coula  plusieurs  vaisseaux 
hoUaui-lais  ,  poursuivit  les  autres 
jusqu'à  Corée,  et  revint  triomphant 
aux  Dunes.  Il  s'éleva  en  Hollande 
une  tede  clameur  contre  M'ill  qu'il 
faillit  en  mourir  de  douleur.  Il  al- 
légua pour  sa  jaslificalion  riniérlo- 
rilé  numériciue  de  ses  vaisseaux  et 
de  ses  équipages,  et  la  lâcheté  de 
vingt  de  ses  capitaines  qui  s'étaient 
tenus,  en  effet,  hors  de  la  portée 
du  canon.  En  moins  de  six  semaines, 
les  états  mirent  a  la  mer  unellolle 
de  quatre-vingts  voiles  ans  ordres  de 


BLA 


3^7 


Tromp  ,  pour  escorter  un  immense 
convoi.  B'ake  venait  de  disperser  la 
sienne  et  n'avait  aux  Danes  que  trente- 
sept  Lâlimeots.  Malgré  celto^  gronde 
intériorité,  il  eut  le  tort  héroïque 
d'accepter  le  combat  que  Tromp  vmt 
lui  présenter  le  29  novembre,  et  dut, 
après  avoir  fait  des  prodiges  de  va- 
leur, se  retirer  devant  un  ennemi 
qui  se  montra  trop  fier  d'une  victoire 
obtenue  par  le  nombre  ,  s'il  est  vrai 
que  Tromp  attacha  un  bal.ii  k  son 
grand  mât  de  hune  ,  pour  dire  qu'il 
avait  balayé  les  Anglais  des  mers  pré- 
tendues britanniques.  Le  parlement, 
non  moins  acharné  que  les  états , 
équipa  une  nouvelle  flolte  pour  pu- 
nir Tromp  de  sa  jactance,  a  sou  re- 
tour de  Bile  de  Pté  ,  oii  il  était  allé 
prendre  la  direction  d'un  convoi  de 
trois  cents  voiles.  Afin  de  faciliter  les 
levées,  il  décréta  :  1"  une  avance  de 
solde  et  des  secours  aux  tamilles  j  2° 
des  primes  calculées  sur  le  tonnage  et 
l'artillerie  des  bâtiments  qui  seraient 
pris  oudéiruils;  3"  l'établissemeut 
de'  plusieurs  hôpitaux  pour  les  ma- 
lades et  les  blessés.  Le  commande- 
ment fut  partagé  entre  Blake^  Deane 
et  Popham.  Le  1 1  février  i653, 
les  deux  escadres  se  réunirent  sous 
le  cap  Bévéziers  ;  puis  Blake  alla 
attendre  les  Hollandais  devant  Porl- 
land.  Tromp  croyait  avoir  mis  les 
Anglais  hors  dictai  de  reprendre  la 
mer,  et  il  fut  hien  étonné  de  se  voir 
allaqué  le  28  février.  Les  flollcs  , 
au  dire  des  deux  amiraux  .  étaient  de 
soixante-dix  voiles  chacune.  Blake  et 
Deane  montaient  le  Triumph  qià 
fondit  le  premier  sur  l'ennemi  et  lut 
exlrèraemenl  maltraité  avant  d'être 
rallié  par  l'armée.  Un  même  coup 
blessa  Blake  et  faillit  tuer  son  collè- 
gue ;  leur  capitaine  de  pavillon  et  le 
commissaire  d'escadre  tombèrent 
piorts  a  leurs  côtés.  Plus  de  cent 


^2t> 


nLA 


hommes  de  l'équipage  furent  lues  et 
le  vaisseau  était  tellcinent  criblé 
qu'il  ne  prit  qu'une  faible  part  aux 
combats  des  jours  suivants.  Trorap  , 
long  -  temps  engagé  avec  Blake  , 
perdit  la  plupart  de  ses  officiers  et 
fut  désemparé;  Rujter  vit  tomber 
ses  pelils  et  grands  mais  de  bune,  et 
faillit  être  pris.  Un  vaisseau  hol- 
landais sauta  ;  six  autres  furent  cou- 
lés ou  pris.  Les  Anglais  n'en  perdi- 
rent qu'un,  le  Samsoii .  qu'ils  firent 
sauter  pour  qu  il  ne  tombât  pas  au 
Bouvoir  de  l'ennemi.  Les  deux  flot- 
tes profitèrent  de  la  nuit  pour  se 
réparer,  et  le  combat  recommença 
le  lendemain  en  vue  de  l'île  de 
Wight.  Blake  ,  s'attacbant  surtout  à 
détiuire  le  convoi,  les  marchands 
jetèrent  leurs  cargaisons  par  dessus 
bord  et  forcèrent  de  voile  pour  s'é- 
chapper. Le  vaisseau  monté  par 
Ruyter  fut  complètement  désemparé^ 
huit  bàlimculs  de  guerre  hollandais 
et  quatorze  marchands  furent  pris. 
Le  combat  dura  toute  la  nuit  et 
recommença  le  lendemain  près  de 
Boulogne.  Tromp  profitant  de  la 
nuit  alla  mouiller  aux  Dunes  de  Ca- 
lais, et  fit  route  pour  la  Hollande 
faiblement  poursuivi  par  les  Anglais. 
Les  deux  nations  s'attribuèrent  la 
victoire.  Elle  fut  aux  Anglais  si  l'on 
cousiîlère  le  combat  uniquement 
sous  le  point  de  vue  militaire^  car 
les  Hollandais  perdirent  plus  de 
vaisseaux  et  se  retirèrent  les  pre- 
miers j  mais,  sous  le  rapport  politi- 
que et  commercial,  Tromp  rendit  un 
immense  service  a  son  pavs  en  conser- 
vant le  convoi.  Cette  lutte  mémorable 
ne  se  termina  qu'en  avril  i  654,  parle 
traité  d'union  entre  les  deux  répu- 
bliques, traité  par  lequel  la  Hollande 
vaincue  se  soumit  a  l'hommage  du 
pavillon.  Dès  que  la  paix  fut  signée, 
Cromwell  voulut  exiger  de  l'Espagne 


BLA 

ce  qu'il  venait  d'obtenir  de  la  Hol- 
lande :  1°  d'abandonner  les  intérêts 
du  prétendant;  2°  des  indemnités 
commerciales  et  des  cessions  de  colo- 
nies; 5°  l'hommage  du  pavillon  sur 
toules  les  mers.  Il  équipa  deux  flottes 
considérables:  l'une  commandée  parle 
vice-amiral  Penn,  fit  route  pour  les 
Indes-Occidentales;  l'autre,  aux  or- 
dres de  Blake,  eut  pour  mission  d'éta- 
blir dans  la  Méditerranée  la  prépon- 
dérance navale  de  l'Angleterre. 
Après  avoir  exigé  une  indemnité  con- 
sidérable du  grand-duc  de  Toscane 
pour  le  commerce  anglais  5  après 
avoir  obtenu  satisfaction  des  pira- 
teries commises  par  les  Algériens, 
bombardé  Tunis  et  forcé  a  la  paix 
le  dey  de  Tripoli ,  il  entra  dans  Ca- 
dix avant  l'époque  convenue  de  la 
prise  de  la  Jamaïque  par  Penn.  Les 
Espagnols,  justement  indignés  de  la 
surprise  de  cette  colonie  si  importante 
par  sa  situation  a  l'entrée  du  golfe 
du  Mexique,  séquestrèrent  tous  les 
biens  des  sujets  anglais.  Le  protec- 
teur envoya  un  renfort  k  Blake  et 
l'ordre  de  bloquer  Cadix,  afin  d'em- 
pêcher la  sortie  de  l'escadre  qui  de- 
vait aller  a  la  rencontre  du  convoi 
des  Indes-Occidentales.  Tandis  qu'il 
était  allé  se  ravitailler  sur  les  côtes 
du  Portugal ,  ce  convoi  parut  et  fut 
pris  ou  détruit  par  le  conlre-amiral 
Stayuer.  Blake  continua  de  croiser 
devant  Cadix  et  dans  le  détroit  jus- 
qu'en avril  1607.  Informé  de  l'arrivée 
de  huit  galions  et  de  dix  autres  bâti- 
ments richement  chargés  dans  le 
port  de  Sainte-Croix  de  Ténériffe , 
il  força  le  20  l'entrée  de  la  baie  , 
les  brûla  ou  coula  tous  ,  et  res- 
sortit malgré  le  feu  des  batterie?. 
Le  parlement  lui  vola  des  remercî- 
ments  pour  cet  exploit,  resté  un  des 
plus  célèbres  dans  les  fastes  de  la 
marine  anglaise.  Il  voulut    continuer 


BLA 

sa  croisière;  mais  se  sentaut  atteint 
du  scorbut,  il  fit  voile  pour  l'Angle- 
terre, et  mourut  dans  la  traversée  le  17 
août  1607,  âgé  de  5g  ans.  Ainsi  il  ne 
revit  pas  cette  pairie  qu'il  venait  de 
servir  avec  tant  de  dévouement  et  de 
gloire.  Il  fut  inhumé  avec  pompe  a 
Wcstiniiister  dans  la  chapelle  de 
Henri  VII.  Blake  était  d'une  petite- 
taille ,  et  d'un  caractère  taciturne. 
Ayant  trouvé  dans  la  marine  un  ali- 
ment ason  ardente  activité,  il  reslaia- 
différent  k  la  pollticjue  et  fut  respecté 
de  tous  les  partis.  «  Il  est  le  prê- 
te mier  ,  dit  Clareudon  ,  qui  soit  .sor- 
«  li  de  la  routine  et  qui  ait  prouvé 
a  que  la  science  nautique  peut  s'ac- 
tc  quérir  eu  moins  de  temps  qu'on 
«  ne  l'imaginait.  Il  méprisa  la  règle 
«  ancienne  qui  consistait  k  tenir  son 
«  vaisseau  hors  du  danger,  comme  si 
a  la  grande  habileté  d'un  capitaine 
a  était  de  revenir  du  combat  sain  et 
«  sauf.  Le  premier  il  fit  voir  aux 
a  vaisseaux  que  les  batteries,  jus- 
«  qu'alors  jugées  si  formidables  ,  ne 
«  servaient  qu'k  intimider  par  du 
K  bruit  et  ne  pouvaient  nuire  que 
«  rarement.  Le  premier  ,  enfin  ,  il 
«  donna  l'exemple  de  cette  inlrépi- 
K  dite  de  l'homme  de  mer  qui  se 
«  complaît  aux  entreprises  les  plus 
«  périlleuses  et  combat  dans  le  feu 
«  comme  dans  l'eau.  »       Ch — u. 

BIiAKE  (Jeax  Bradley)  ,  na- 
turaliste ,  né  a  Londres  le  4-  novem- 
bre 174-5,  f»'t  élevé  au  collège  de 
Westminster.  Les  mathématiques  , 
la  chimie  ,  le  dessin  ,  la  botanique 
furent  les  principaux  objets  de  ses 
études  ,  mais  c'est  a  la  dernière  de 
ces  sciences  qu  il  se  dévoua  tout  en- 
tier. Il  y  fît  de  grands  progrès.  En 
1766  ,  la  compagnie  anglaise  des 
Indes-Orientales  l'envoya  en  qualité 
de  subrécargue  ,  k  Canton,  en  Chine. 
Rendu  k  sa  destination  ,  sans  négili- 


BIA  3'i9 

ger  les  devoirs  de  sa  charge  ,  il  con- 
sacra tout  ce  qui  lui  restait  d'instants 
a  former  une  collection  des  graines 
de  tous  les  végétaux  de  la  Chine  qui 
peuvent  être  de  quelque  utdité  pour 
la  médecine  ,  pour  les  arls  ou  poin- 
l'alimenlation ,  et  il  les  envova  en 
Europe  ,  afin  d'en  introduire  la  cul- 
ture ,  soit  dans  la  Grande-Bretagne 
ou  l'Irlande  ,  soit  dans  les  colonies 
de  l'Angleterre.  Aux  graines  Blake 
joignit  autant  qu'il  le  put  les  plantes 
elles-mêmes.  Ses  idées  s'agrandis- 
sant  ,  il  en  vint  k  prendre  autant 
d'intérêt  a  la  minéralogie  qu'k  la  bo- 
tanique ,  et  il  commençait  k  mériter 
aussi  bien  de  celle-là  que  de  celle-ci , 
lorsqu'une  fièvre  dévorante  ,  causée 
par  des  fatigues  excessives  ,  l'em- 
porta le  16  nov.  1773  ,  k  Can- 
ton. La  société  royale  de  Londres , 
qui  se  préparait  k  le  comprendre 
parmi  ses  membres  ,  lui  donna  des 
regrets  amers  5  et  le  président  J. 
Pringle  ,  en  prononçant  l'éloge  de 
Blake,  déplora  son  trépas  prématuré. 

P OT. 

BLAKE  (Guillaume)  ,  graveur 
anglais,  né  vers  1759  ,  avait  été 
l'élève  du  célèbre  Basire.  A  un  ta- 
lent incontestable  il  joignait  une  telle 
naïveté,  une  telle  incurie  des  affaires 
de  la  vie,  qu'il  ne  sortit  jamais  d'une 
position  voisine  de  la  misère.  Jamais 
pourtant  on  ne  vit  sa  résignation  se 
démentir.  C'était  le  plus  cordial  et 
le  plus  obligeant  des  hommes.  Au 
milieu  de  son  étroite  chambre^  qui  , 
pour  tous  meubles,  avait  son  lit  dans 
un  coin  ,  une  petite  table  chargée 
d'un  maigre  dîner  dans  l'autre  ,  ses 
planches  de  cuivre  ,  ses  tableaux  , 
ses  dessins,  ses  couleurs  et  ses  livres, 
il  était  heureux.  Une  piété  vive  con- 
tribuait sans  doute  ,  avec  l'amour  de 
l'art  ,  a  soutenir  son  courage.  Une 
seule  chose  manquait  k  sa  félicité  ; 


33o 


BLA 


c'était  de  ne  pouvoir  lire  le  Dante 
en  italien.  Agé  de  soixaute-six  ans  , 
il  se  mit  à  étudier  celle  langue  pour 
goûter  dans  l'iiliome  origin  il  les 
beau'és  du  Gibelin  de  Florence. 
G.  Ëlakeinouriit'e  i3  août  1827.  On 
a  de  cet  arlisie  :  1.  Les  Portes  du 
Paradis,  T^si.  v.  in- 1 2,  1 755,  avec 
I  5  plancLfS  d'emblèmes.  II.  Chants 
de  l'Expérience  ,  ijgo,  avec  des 
planches.  III.  L'Amérique ,  prophé- 
tie ,  in-folio.  IV.  L'Europe,  pro- 
phétie ,  in-folio.  Ces  deux  estampes 
sont  maintenaul  fort  rares.  V.  Plan- 
che.', r)Qm\e& Nuits  d'Youns,  1707. 
LWI-.         j        .  .  HT     /  y  / 

edilion  devait  avoir  une   gravure 

à  chaque  page  :  la  publication  inter- 
rompue après  le  premier  numéro  iîe 
fut  jamais  reprise.  VI.  Collection  do 
Ballades,  fârtisL^lej ,  eiGravures, 
par  hlake  ,  i8o5.  Huit  numéros 
seulement  parurent.  VU.  Illustra- 
tions pour  les  Tombeaux  de  Bîair. 
Ces  illustrations  au  nombre  de  douze, 
dessinées  par  Blake  .  furent  gravées 
par  Scliiavouelli.  VIII.  Catalogue 
descriptif  de  j>eintures  ,  sujets  de 
poésie  et  d'histoire  ,  exécutés  par 
Guillaume  Blake,  à  l'aqua-tinta, 
etc.  Ces  sujets  sont  au  nombre  de  sei- 
ze :  on  a  remarqué  surtout  le  Pèle- 
rinage de  Chatcer,  à  Canterbury . 
IX.  Suite  (ï Illustrations  pour  le 
livre  de  Job.  Les  graveurs  et  les 
peintres  les  plus  renommés  de  la 
Grande-Biclague  ont  payé  un  juste 
tribut  d'éloges  au  lalejit  de  Blake. 
Selon  Flaxmau,  la  péijurie  de  cet  ar- 
tisle  est  une  preuve  alfligeanle  de 
l'apathie  avec  laquelle  ce  pays  trop 

f)ositif  considère  la  grande  peinture  , 
a  peinture  qui  a  des  idées,  de  l'en- 
thousiasme ,  des  croyances  et  de  la 
piété.  Fuessli,  si  connu  par  sa  sévé- 
rité en  même  temps  que  par  la  pu- 
reté de  son  goût,  donne  les  éloges 
le«   plus   vifs    aux  ilhislration*   de 


BLA 

Blake,  tout  en  remarquant  l'excentri- 
cité du  genre  de  Tarlisle  ,  dont  l'o- 
rigiujlilé  impétueuse  et  grandiose 
semble  souvent  sur  le  point  de  fran- 
chir les  limites  tracées  par  le  goiit  à 
l'imai^ination.  P — ot. 

BLAKE  (  JoACHiM  )  ,  général 
espagnol,  naquit  a  Vclez-Malaga. 
Safamille,  irlandaise  d'origine,  tenait 
a  celle  des  Blake  du  comté  de  Gal- 
lovvay.  Son  père  était  négociant. 
Très-jeune  encore,  il  embrassa  la 
profession  des  armes  et  fut  admis 
en  qualité  de  cadet  dans  le  ré- 
giment d'Amérique  ,  où  il  obint 
quelque  avancement.  11  était  adju- 
dant ,  lorsqu'il  passa  comme  pro- 
fesseur au  collège  des  cadets  établi 
à  Port  Ste-Marie  par  O'Reilli,  gou- 
verneur de  Cadix.  Cette  institution 
militaire  qui  eût  pu  être  si  utile  a 
l'Espagne  ayant  été  supprimée,  Blake 
revint  au  régiment  d  Amérique  avec 
la  répulalion  d'un  des  officiers  les 
plus  instruits  de  la  péninsule.  Il  y 
resta  jusqu'en  lypS,  épo([ue  à  la- 
quelle le  roi  Charles  IV  mil  a  exécu- 
tion les  menaces  de  guerre  qu'il 
avait  faites  si  vainement  pour  em- 
pêcher la  mort  de  Louis  XVI. 
Blake  était  alors  canitaiue;  il  entra 
en  qualité  de  major  dans  le  régi- 
ment des  volontaires  de  Castille,  que  le 
duc  de  riulaiitado  levait  k  ses  frais, 
et  filles  campagnes  de  Roussillon  et 
de  Catalogne  ,  où  il  montra  beau- 
coup de  bravoure  et  de  talent.  H  fut 
blessé  a  la  prise  de  San-Lorenzo  de 
la  Maya,  et  se  trouvait  après  la  paix 
de  Bàle  lieutenant-colonel  du  régi- 
ment des  volontaires  de  la  couronne, 
dont  il  devint  colonel  en  1802.  Un 
des  derniers  actes  du  malheureux 
roi  Charles  IV  lui  conféra  le  grade 
de  maréclial-de-c-imp.  A  Tépoque 
des  événements  de  Bayoune  ,  Blake* 
était   avec  sou  régiment  a  U  Co- 


BLA 

rogne  ;  et  ,  de  tous  les  officiers  ré- 
pandus dans  la  Galice,  il  .se  Irou- 
vail  le  plus  élevé  en  grade.  La  junte 
mil  sous  son  commandement  toutes 
les  levées  que  cette  province  allait 
fournir  et  le  chargea  de  les  organi- 
ser. Cette  tâche  n'était  pas  facile. 
L'entlousiasnie  pour  la  cause  espa- 
gnole était  au  comble  dans  cet  angle 
nord-ouest  de  l'Espagne  ;  mais  cet 
enthousiasme  ne  conuaissait  ni  règle 
ni  frein.  Les  nouvelles  levées  avaient 
égorgé  leur  général  Filangieri  ,  uni- 
quement parce  qu'elles  le  soupçon- 
naient de  vouloir  se  tenir  sur  la  dé- 
fensive au  lieu  de  marcher  droit  à 
l'ennemi.  Blake,  en  prenant  posses- 
sion de  ce  dangereux  commaudemeni, 
fut  oblige  d'afficher  une  jactance  qui 
n'était  pas  dans  sa  pensée.  Cepen- 
dant on  s'enrôlait  en  foule  :  l'An- 
gleterre, décidée  k  soutenir  les  efforts 
de  l'Espagne;  délivrait  les  prisonniers 
espagnols  entassés  sur  ses  pontons  et 
les  dirigeait  sur  la  Corogne,  habillés, 
équipés,  armés.  Elle  envoyait  en 
même  temps  cinquante  mille  fusils, 
et  proraellait  des  troupes,  quoique 
au  dire  des  Espagnols  ce  fût  ce  dont 
on  avait  le  moins  besoin.  Divers  ré- 
gimenls  revenant  de  Portugal  et  d'Es- 
tremadure  augmentèrent  le  noyau 
de  l'armée  de  Galice.  De  ces  forces 
réunies,  Blake  forraaquatredivisions. 
Se  mellant  à  la  lèle  des  deux  plus 
considérables  et  les  mieux,  organi- 
sées,  il  partit  deLugoh  la  fin  de  juin, 
passa  les  monts  ,  et  arriva  le  6  juillet 
a  Benaveute,  où  il  opéra  sa  jonction 
avec  le  général  Cuesta.  Ce  qu'il  faut 
remarquer,  c'est  que  la  junte  autori- 
sait Biake  a  ne  point  recevoir  d'or- 
dres de  Cuesta,  qui  de  son  côté  pou- 
vait agir  indépendaii  ment  de  lui. 
Quoique  tout  nouvellement  battu  a 
Cabezon,  Cuesta  voulait  hasarder  une 
autre  bataille ,  à  cause  de  l'insubor- 


BLA 


33  j 


dination  des  troupes  :  Blake,  qui  ap- 
préciait à  ta  valeur  la  supériorité  de 
la  tacli  ]ue  française,  voulait  au  con- 
traire éviter  tout  en<ra£:emtnl  sérieux. 
Bessières  ne  leur  donna  pas  le  temps 
de  se  mettre  d'accord,  et  le  1 4  juillet,  à 
la  tète  de  quinze  mille  hommes  au  plus, 
il  vint  atta(juer  les  deux  chefs  espa- 
gnols a  Médina-del-Rlo-Seco,  quoi- 
que ceux-ci  eussent  au  moins  le  dou- 
ble de  soldais.  L'artillerie  de  part 
et  d'autre  était  égale  j  mais  la  cava- 
lerie était  nulle  du  côté  des  Espa- 
gnols, tandis  qu'au  contraire  les 
Français  avaient  quinze  cents  chevaux 
commandés  par  Lasalle,  un  des  meil- 
leurs généraux  de  cavalerie.  Accep- 
ter avec  un  tel  désavantage  la  bataille 
en  plaine  était  une  faute  grave.  On 
reproche  encore  àBlake  d'avoir  range 
ses  troupes  en  avant  d'un  défilé.  Les 
Espagnols  furent  complètement  bat- 
1u~  :  le  corps  de  Cuesta  déjà  entamé  a 
Cabezon  fut  anéanti.  Blake  se  replia 
en  assez  bon  ordre  sur  Benavente  , 
sur  Astorga,  et  prenant  position  a 
Manzana,  sur  la  chaîne  de  montagnes 
qui  sépare  les  affluents  du  IMiulio 
d'avec  ceux  du  Dueio  et  qui  forme 
comme  l'avant-mur  de  la  Galice  ,  il 
s'y  maintint  et  s'y  réorganisa.  La 
perte  de  cette  journée  n'en  tut  pas 
moins  immense:  a  C'est  ,  disait  Bo- 
naparte, la  bataille  de  V^illaviciosa: 
Bessières  a  donné  le  trône  à  Joseph 
comme  Berwick  l'avait  autrefois 
donné  "a  Philippe  V  j  »  et  Joseph  en 
effet  put  avancer  de  \'illevia  jus- 
qu'à la  capitale  de  l'Espagne  et  s'y 
installer.  Mais  l'insurrection  méri- 
dionale vint  au  secours  de  celle  du 
nord;  et  la  capitulation  d«  corps 
français  a  Baylen  força  Joseph  k  se 
rapprocher  des  Pyrénées.  Blake  alors 
marcha  en  avant,  etj  occupant  B.lbao, 
étendit  sadroite  de  proche  en  proche 
jusqu'à  Burgos,oi\  il  finit  par  être 


332 


BLA 


maître.  Sur  ces  entrefaîtes  débarquale 
corps  espagnol  que  La  Romaiia  avait 
ramené  du  fond   des  îles  danoises  et 
qui    vint   grossir   Farinée  de  Blakr. 
Mais  INapol'.'on  en  personne   arrivait 
avec  des  reuTorts.    Décidé  k  écraser 
les  Espagnols  avant  que  Texpédilion 
anglaise     commandée    par  sir  John 
r^îoore  parût  .  tandis   que  plusieurs 
divisions  assaillaient  Casiagnos,  il  Fit 
marcher  conlre    Blake  une   division 
sous  les  ordres  du  maréchal  Yiclor. 
L'engagement  eut  lieu  k  Espinosa  et 
dura  trois  heures  de  Taprès-midi.  L'on 
recommença   le    lendemain  avec  plus 
d'acharnement    que    la    veille.    En» 
fin    les   Français    ayant    tourné    la 
position   de  l'ennemi,   la   résistance 
devint  inutile,  et  B'ake  vaincu  aban- 
donna le  champ  de  bataille  pour  te- 
nir ferme  k  Reynosa  où  étaient  tous 
ses    magasins.    DIalheureusement   la 
défaite  du  jeune  comte  de  Belvidère, 
dont  le  corps  devait  couvrir  Burgos 
et  soutenir  le  flanc  droit  de  Blake, 
compromit  la   situation    de    ce    gé- 
néral,   déjà  menacé   dans   Reynosa 
par  les    divisions  Yiclor   et   autres, 
aux  opérations  desquelles   le    maré- 
chal Soult  put  dès-lors  lier  les  sien- 
nes. Blake,  voyant  son  armée  de  plus 
en  plus  désorganisée,  sur  le   poiut 
d'être    cernée  ,    n'eut    plus     d'autre 
moyen  de  salut  que  de  se  retirer  sur 
Santander.  Mais  cette  retraite  ,  opé- 
rée avec  précipitation,  par  des  trou- 
pes sur  lesquelles  la   discipline  était 
sans  pouvoir,  fut  vraiment  désastreu- 
se :  la  plus  grande  partie  de  l'armée 
de  Blake  y  péril.  On  regretta  surtout 
la  perte  du  beau  corps  de  La  Romana 
qui,  engigé  maladroitement  dans  les 
rochers  d'Espinosa,  y  finit  sans  gloire 
comme  sans  utilité  pour  la  cause  natio- 
nale.Ces  échecs,  que  d'au  Ires  sans  dou- 
te n'eussent  guère  évités  qu'en  s'expo- 
sant  a  des  risques  plus  grands  encore. 


BLA 

n'empêchèrent  pas  que  Blake  ne  fut 
regardé  par  les   patriotes  d'Espagne 
comme  un  de  leurs  principaux  appuis. 
Sa  constance  a  ne  point  désespérer 
du  salut  de  la  patrie  ,   son  activité  , 
le  soin  qu'il  mit  a  rallier  ,  ;i  réorga- 
niser  ses    troupes,    la    promptitude 
avec  laquelle   il  remplit  a   l'aide  de 
nouvelles   recrues    les   vides    laissés 
dans  ses  rangs    par  la    défaite,  lui 
méritaient  cette  confiance.  Toutefois 
ce   fut  pousser  l'indulgence  trop  loin 
que  de  mettre  la  retraite  d'Espinosa 
au  rang  des  plus  belles  opérations  de 
ce  genre.  La  junte  centrale  reconnut 
les  services  de  Blake    en  lui   décer- 
nant le  titre  de    lieutenant-général. 
Mandé  par  elle  ,    il    remit  le  com- 
mandement k  La  Romana  qui  avait 
été  promu  aux  mêmes  fonctions,    et 
se  rendit  k  Séville  où  était  le  siège 
du   gouvernement.  Une   décision    de 
l'assemblée    provisoirement    souve- 
raine lui  conféra  le   commandement 
général  des  provinces  d'Aragon,  de 
Catalogne    et  de    Valence  (1809). 
Blake  se   rendit  d'abord  en  Catalo- 
gne, où  il  reconnut  l'état  de  Girone, 
puis,    après   avoir  laissé   dans    cette 
province  le    général    Coupigny ,    se 
dirigea  vers  Saragosse  en  remontant 
l'Ebre.  Peu  de  temps   lui  avait   suffi 
pour  réunir  uq  corps  d'armée  sur  les 
frontières  de  Valence  et  de  l'Aragon. 
Aidé  de  cesforces,  il  avait  conçu  l'es- 
pérance de  battre  le  troisième  corps 
français  aux  ordres  de  Suchet ,  de  le 
rejeter    sur  la   Navarre  et  les  Pyré- 
nées ,  de   couper  la  grande  commu- 
nication  de  Bayonne  k  Madrid  et  de 
séparer  ainsi  de   leur  base  d'opéra- 
tion les    armées  françaises  enfoncées 
dans    îa    Péninsule.    Il    eut  li'abord 
que'ques  avantages  :    en  vain  Suchet 
au  combat  d'Alcagniz  (20  mai)  vou- 
lut    s'emparer      du    mamelon      de 
Las  Horcas.    Non   seulement   il  ne 


BLA 

put  déposter  Blake,  mais  encore  il 
fut  obligé  de  faire  sa  retraite  ,    dans 
la  direction  de    Saragosse  ,  et  quel- 
que désordre  se  mit  dans  ses  troupes^ 
Probaldement  il  eût  été  forcé  d'éva- 
cuer tout  TAragon   et  leplaa  de  son 
adversaire  se  fût  ainsi  trouvé  rempli, 
si  celui-ci  se  fût  rapidement  porté  en 
avant.  Mais  B'ake  craignit  de  com- 
promettre son  succès  par  la  précipi- 
tation j    il   attendait  un   renfort   de 
quatorze  mille  Yalencais  qui  ne  tar- 
dèrent pas  a  se  montrer  j  d'ailleurs  il 
cherchait  a    organiser  Tinsurrectiou 
autour  de  lui  :    et    bientôt  en    effet 
le  colonel   Ramon    Gayan ,    le  bri- 
gadier Perena  firent  quelques  mou- 
vements.    Alors     seulement      ceux 
de  Blake  se  dessinèrent  :   il  se  diri- 
gea vers  Belchite  à  trois  lieues  de  Sa- 
ragosse.   Deux   combats   eurent  lieu 
dans  ces  parages  :  le  premier  à  Maria 
le  I  5  juin,  le  second  trois  jours  après 
sur  les  hauteurs  mêmes  de  Belchite. 
La    victoire   y    fut    disputée  •    mais 
elle  resta  à  Suchet.  Suivant  les  Mé- 
moires de  ce  général  les  neuf  derniè- 
res pièces   de    canon    que  possédait 
Blake  tombèrent  alors  au  pouvoir  des 
Français.  Celui-ci  dut  se  replier  sur 
la  Catalogue;  et,  par  des  manœuvres 
aussi  hardies  que  rapides,  il  sut  mal- 
gré l'exiguilé  de  ses  forces,  et  quoique 
Gouvion  Saint-Cyr  tînt  la  campagne 
avec    un    corps    nombreux  ,    intro- 
duire des  secours  dansGirone.  Après 
cette  belle  opération  sur  laquelle  le 
guerrier    français    ne   s'est   exorimé 
(|u  ambigumeut  dans  ses  Mémoires, 
Blake   repassa  dans  la  province    de 
Yalence  ,  ranima  l'eiilhousiasme  par 
sa    présence  ,   et    la    défendit    pied 
a  pied  dans  plusieurs   engagements. 
Pendant    ce    temps    les    E?pagnuls 
avaient  perdu  la   bataille    d'Oca^^na, 
qui   ouvrait  aux  généraux  de  Napo- 
léon la  route  de  l'Andalousie,  et  la 


BLA 


333 


junte  centrale  qui  déjà  s'était  trans- 
portée  d'Aranjuez  a  Séville  se  réfu- 
giait   de   Séville  à    Cadix,    La  ficit 
son  existence.    La    junte    prononça 
elle-nnème  sa  dissolution,  en  déléguant 
provlsionellement   le   pouvoir  a  une 
régence    de  cinq  membres  par    elle 
nommés,    a   la  charge  de  convoquer 
incessamment  les  Cortès.  Réunies  en 
vertu   de   cette  espèce  de  testament 
politique  (  2  4- septembre  i8io),  les 
Cortès  choisirent   une  autre  régence 
composée  de  trois   membres.    Blake 
en  fit  partie.  On  avait  arrêté  en  prin- 
cipe que  dans  la  régence  entrerait  un 
militaire.  iSul  plus  que  lui  ne  possédait 
la  confiance  et  l'estime  publiques  né- 
cessaires a  ce  poste   éminent.  11  en 
remplit    les   fonctions  pendant  plu- 
sieurs mois  à  la  satisfaction  générale. 
Mais  on    s'aperçut   bientôt   que  les 
opérations  militaires  soufi'raienl  de 
son  absence,  absence  forcée  puisque 
le  règlement  desCortès,  stirles  attri- 
bulioDs  et  les  devoirs  de  la  rép^ence, 
défendait     que    sous     quelque    pré' 
texte  que   ce  fût  un  membre  du  haut 
triumvirat    juuîl  du  moindre  pouvoir 
militaire.    Les    deux   collègues    de 
Blake  (  Pierre  Agar  et   don  Gabriel 
Cescar  )    demandèrent  qu'en   raison 
de  la    nécessité  il   fût  dérogé  au  rè- 
glement ,    et  que  B'ake  reparût  k  la 
tète  des  troupes.  Les  Cortès  accueil- 
lirent a  l'unanimité  celte  proposition 
et  le  nommèrent    capitaine-général, 
dignité   qui  dans  la  Péninsule  e'aui- 
vaut   a  celle   de  maréchal.  C'ett  en 
cette  qualité  qu'il  prit  part  aux  opé- 
rations subséquentes  tant  dans  l'ouest 
que   dans  l'est  de   l'Espagne.     C'est 
Blake  qui   en  réalité  commandait  k 
toutes  les  forces  anglaises  et  natio- 
nales  dans    l'Estràmadure  ,  quoique 
nominalement  le   commandement  en 
chef  appartînt  a   Casiagnos.   Parmi 
les  affaires  principales  dont  cette  pro- 


BLA 


vînce  fut  le  théâtre  ,  la  bata-Jle  d'Al- 
butéra  mérite  une  mcnlion.  Trente 
mille  Anglo-Espagnols  débusquèrent 
vingt- citjq  raille  Français  el  le  raaré- 
clialSoult  d'une  position  Irès-avanla- 
geuse  :  la  reprise  de  Badajoz  fut  le 
fruit  de  celle  journée  iraport;inle.  De 
rEstramadure,Blake  se  rendit  dansla 
province  de\alence,  et  y  opposa  aux 
Français  une  vive  résistance.  Enfin  , 
après  avoir  tenu  la  campagne  aussi 
long-temps  que  possible  ,  il  per- 
dit la  bataille  décisive  de  Murvié- 
dro,  pi  es  des  ruines  de  Tancienne  Sa- 
gonte,  el  fut  réduit  a  s'enfermer  dans 
Yalence.  Il  avait,  dit- ou  ,  promis 
aux  habitants  de  les  défendre  jus- 
qu'à la  dernière  extrémité.  Tou- 
tes les  approches  de  celte  cité  im- 
portante se  couvrirent  a  sa  voix  de 
bastions,  de  redans,  de  crémail- 
lièresj  les  retranchements  se  garni- 
rent de  troupes  el  d'artillerie  5  les 
nombreux  canaux  qui  parlent  du 
Guadalaviar  et  qui  ramiliés  dans  la 
campagne  y  forment  des  lignes  mulli-» 
pliees  de  défense  naturelle  furent 
tous  mis  a  proSt.  Enfin  ralliant  de 
tous  les  côtés  tantôt  des  hommes  et 
des  détachements  épars  ,  tantôt  des 
pay-ans  insurgés  et  de  la  milice,  il 
se  mit  en  mesure  de  réunir  autour 
de  Valence  trente  mille  hommes  et 
trois  mille  chevaux.  Ces  eflbrts 
letardèrent  long-temps  le  maréchal 
Sucbel  qui,  vainq.ieur  a  Murviédro, 
était  impatient  de  profiter  de  son 
avantage.  La  persévérance  fut  égale 
de  part  et  d'autre,  et,  le  26  décem- 
bre, Blake  vit  l'armée  française  fran- 
chir le  Guadalaviar.  11  n'en  céda  pas 
les  rives  sans  unebataillej  mais,  après 
avoir  opiniâtrement  disputé  la  vic- 
toire, il  se  laissa  .-éparer  des  généraux 
Math,  Obispo,\'dlacampa,-  el  fui  re- 
foulé dans  Valence  mcme^  avecODon- 
nel ,  Miranda  ,  Zayas  ,  Lardizabal , 


EJjfL 

et  environ  les  deux  tiers  de  ses 
troupes, c'est-a-dire  une  vingtaine  de 
mille  hommes.  Dans  celte  situation  ^1 
critique,  il  songea  d'abord  à  sortir 
furtivement  de  la  ville  à  la  tète  de 
quinze  mille  hommes  pour  se  jeter 
dans  les  montagnes  et  revenir  de  là 
troubler  les  opérations  des  Fran- 
çais. Ce  projet  hardi  reçut  un  com- 
mencement d'exécution  dans  la  nuit 
du  28  au  29  déc.  Mais  soit  que 
Sachet  eût  été  prévenu,  soit  qu'il 
eût  prévu  un  mouvement  de  ce  genre, 
Blake  le  trouva  toujours  préparé. 
L'avant  -  garde  seule  alleignil  les 
montagnes  :  le  reste  revint  occuper 
le  camp  retranché  sous  les  murs  de 
la  ville  qui  fut  attaquée  régulière- 
ment le  2  janvier  1812.  Blake  con- 
traria de  son  mieux  rétablissement 
des  batteries  jusqu'au  5  j  mais  il  ne 
put  empêcher  que  ce  jour  le  bombar- 
dement ne  commençât.  Invité  le  len- 
demain a  capituler,  il  répondit  fière- 
ment que  la  veille  peu'-être  avant 
midi  (heure  à  laquelle  le  feu  s'était 
ouvert)  ,  il  eût  accepté  ce  qu'on  lui 
proposait  j  mais  que  vingt-quatre 
heures  de  bombardement  lui  avaient 
appris  quel  fond  il  devait  faire  sur  l'é- 
nergie de  la  population  valençalse,  non 
moins  que  sur  celle  de  ses  propres 
troupes.  Cependant  il  paraît  que  cette 
énergie  était  à  bout  •  et  au  fond  la 
position  n'était  pas  tenable  ,  à  moins 
que  l'on  ne  voulût  exposer  Valence 
à  toutes  les  horreurs  d'une  prise 
d'assaut.  Le  8  ,  Elake  oiîril  de  ren- 
dre la  ville  et  de  se  retirer  sur 
Alicante,  lui  el  son  armée,  avec  armes 
et  bagages  el  quatre  canons.  Ces  con- 
diiions  furent  rejelées  et  Blake  dut 
souscrire  a  une  capitulation  pure  et 
simple  dont  la  seule  clause  modifica- 
trice était  l'échange  de  deux  mille 
Français  prisonniers  aCadix,  Alicante 
et  Cabrera  contre  uu  pareil  nombre 


BLÀ 

d'Espagnols.  Celte couvenlion, signée 
par  les  deux  généraux  en  chef  le  9 
janvier,  remit  aux  mains  des  Fran- 
çais dix-huit  mille  prisonniers,   plus 
deux   mille   chevaux,   vingl-un  dra- 
peaux ,  etc.  Blake  prisonnier  comme 
tout  son  corps  voulut  parlir  immédia- 
tement pour  Saragosse  et  Pau.   11  fui 
accompgné  jusqu'à,  la  frontière  par 
l'adjudanl-général   Floreslan    Pépé, 
qui  alors  était  mandé  a  ]Naple<;.  Une 
fois  en  France,  il  fut  transféré  à  Pa- 
ris et  de  là  au  châleau  de  Vincennes, 
où  il  resta  jusqu'à  la  chute  du  gou- 
vernement  impérial.  Celte   captivité 
n'empêcha  pas  les  Corlès  de  le  nom- 
mer, lors  du  n  nouvellement  de  la  ré- 
gence, conseiller  d'état.  Le  triomphe 
des  alliés  ayant  brisé  ses  fers  en  î  8 1 4-, 
Fempereur  Alexandre  lui  donna  des 
marques  d'estime.    Rentré  en  Espa- 
gne sous  le  ministère  de  Ballesléros, 
Bldke   fut  nommé   directeur-général 
du    corps   des  ingénieurs.    Il  garda 
ce  posie   honoralle  jusqu'à  la  révo- 
lution de  1820,  et  recul  en  échange 
une  place    au  conseil  d'état.  La  res- 
tauration   opéiée    en    iSaS   par  les 
armes  françaises  faillit   lui  être  fu- 
neste. Devenu  suspect  aux  royalistes 
qui  gouvernèrent  alors,  il  n'obtint  sa 
purification  qu'avec  beaucoup  de  pei- 
ne et  après  de  longues  soUicilalions. 
Il  mourut  à   Valladolid   en    1827. 
Les    militaires     qui    ont    porté    sur 
Blake  un  jugement  impartial  lui  ont 
reconnu  des     talents    positifs,    un 
grand   savoir,    de    la  perspicacité, 
de  la  tactique,  assez  d'rabilelé  pour 
former  dans  le  cubinelde  bons  plans: 
mais   il   lui    manquait    deux    points 
essentiels,  ce  coup  d'œil  prompt  qui 
improvise  sur  le  champ  de  bataille  , 
et  l'art  de  manier,  d'animer,  d'en- 
thousiasmer le  so'dat.  P — ot. 
BLAMPIN  (Dora  Thomas:,  bé- 
nédictin de  la  congrégation  de  Saint- 


BLA 


3SS 


Maur,  né  aNoyon  en  1 6^0,  fut  clioisi 
par  ses  supérieurs  pour  continuer  la 
belle  édilioa  de  St  Augustin  ,  com- 
mencée sous  la  direction  deDomDel- 
fau(F^oj.cenom,X,  670).  Les  onze 
volumes  quicomposent  cettecolleclion 
furent  publiés  de  1679  a  1700  (i). 
Dom  Lecerf ,  qui  a  donné  une    Bi- 
bliothèque historique    et   critique 
des    auteurs  de  son   ordre ,     dit 
que  tt  Dom    Blampin    suppléa   par 
a  une    science  attentive  et    discrète 
«  a  la  vivacité  d'esprit  surprenante 
«  et  a    tant  d'autres  talents   que   le 
«  P.  Delfau  avait  reçus  du  ciel  pour 
K  conduire     une      pareille      entre- 
tt  prise  (p.  24  ).  »  Elle  donna  lieu 
a  une  polémique    très-vive  engagée 
par  les  jésiiites  ,  qui  lancèrent  dans  le 
public   plusieurs  pamphlets,   v,vl    les 
éditeurs   de    Saint-Augustin    étaient 
accusés  de  favoriser  les  doctrines  de 
Jansénius.  Les  PP.  Lami,  Massuet , 
Sainte-Marthe  et  Monlfaucon  repous- 
sèrent ces  attaques  dans  divers  écrits. 
La  grâce  suj)isante  et  la  grâce  ef- 
ficace étaient  devenues  le  thème  sur 
lequel   s'exerçaient    des    convictions 
plus  ou  moins  réelles.  On  commençait 
à  s'échauffer  de  part  et  d'autre,  quand 
un  ordre  précis  du  roi  vint  terminer 
ce  combat,  oti  le  mérite   de  la  mo- 
dération ne   resta  pas  aux   aggres- 
seurs.    Dom    Blampin  ,     doué    d'un 
caractère  modeste  et  candide,  avait 
laissé  k  ses  confrères  le  soin  de  ven- 
ger  son  travail  des   atteintes   de  la 
critique.  Il  se  conlenla  de  justifier  ses 
intentions  près  de  ses  supérieurs  ec- 
clésiastiques.    Les    PP.    Coulant   et 
Guesnié  le  secondèrent  pour  l'achè- 
vement de  l'édition  de  Saint-Augus- 
tin ,  qud  conduisit  à  sa  perfec- 

(i^  Suttcli  ^urelii  Augustini ,  Hipponensis 
episcopi,  opéra,  einendat»  studio  monacborum 
oiclînis  S.  Benedicti,  cum  vit.)  pjusdpm  S.  Au- 
gustini,  indicibus,  etc.,  Paris,  Muguet,  167g- 
1700,  Xltom.  en  S  Tol.  in-fol. 


336 


BLA. 


tion  (2).  La  correction  du  texte,  les 
noies  et  les  préfaces  dont  elle  est  ea- 
richie,  rendent  celle  coUeclion  une 
des  plus  recoramaiidaUes  de  la  Bi- 
baollièipie  des  pères  de  l'église.  Les 
dignilésde  l'ordre  furent  le  prix  des 
travaux  et  des  vertus  de  Dom  Blam- 
pin.  Successivement  prieur  de  Saiul- 
Rémi ,  de  Saint-Nicaise  de  Pieims, 
el  de  Saiul-Oueu  de  Rouen,  visiteur 
de  la  province  de  Bourgogne ,  il 
mourut  dans  l'abbaye  de  Saiut-Be- 
uoît-sur-Loire  ou  de  Fleury,  le  i3 
février  i  7  i  0 .  L — M — x. 

BL  AMPOIX  (Jean-Baptiste), 
évèque  consLitut;onnel  du  déparle- 
ment de  l'Aube ,  était  né  le  i6oct. 
1 74. 0  a  Mâcon.  Ayant  embrassé  l'état 
ecclésiastique,  il  professa  d'abord  la 
pbilosopliie  au  collège  de  sa  ville  na- 
tale, el  fat  ensuite  pourvu  de  la  cure 
de  Vaudœuvres,  près  de  Troyes.  Le 
zèle  avec  lequel  il  remplissait  ses  mo- 
destes fondions  lui  mérita  re.vtime 
du  seigneur  de  sa  paroisse.  Il  lui  con- 
féra une  chapelle  de  six  cents  francs 
a  sa  nomination 5  et,  sachant  que  le 
patrimoine  du  digne  curé  passait  en- 
tièrement aux  pauvres,  11  continua  de 
lui  payer  les  revenus  de  ce  bénéfice, 
long-temps  après  sa  suppression. 
L'abbé  Blarapoix  prêta  le  serment 
exigé  des  prêtres  et  ne  quitta  sa  pa- 
roisse que  lorsqu'il  y  fut  contraiut 
par  les  décrets  de  la  Convention.  Elu 
évêciue  de  Troyes,  par  le  clergé  con- 
stilutionnel,  il  assista  en  cette  qua- 
lité au  concile  national  de  1801, 
et  ,  a  l'exemple  de  ses  collègues  , 
donna  sa  démission  par  suite  du 
concordat.  Depuis  ,  il  occupa  quel- 
que temps  la  cure  d'Arnay,  dans 
le  diocèse  de  Dijon  ;  mais  ,  son 
grand  âge  ne  lui  permettant  pins  de 
remplir  les  devoirs  de  pasteur,  il  se 

(2)  ■Vigueul-Marrllle  (B.  è'hY^o\iue],  Méhujics 
d'Idslcire  et  de  ItUcmlure,  toui,  I,  i).  82. 


BLA 

retira  dans  sa  famille  a  Mâcon.  Lors 
du  passage  de  Pie  VII  dans  cette 
ville,  en  i8o/i,  il  sollicita  l'honneur 
de  lui  être  présenté ,  et  il  en  recul 
un  touchant  accueil.  Après  un  long 
entretien,  qui  eut  lieu  a  voix  basse,  en 
présence  des  principales  autorités,  le 
pape  lui  tendit  les  bras  et  le  pressa 
contre  son  sein  ,  en  disant  :  ^p- 
puyezj  appuyez.  On  a  su  de  l'abbé 
Blampoix  que  le  seul  reproche  que  le 
pape  lui  eût  fait,  était  d'avoir  ac- 
cepté un  évêché ,  sans  l'intervention 
de  la  cour  de  Rome;  mais  que  lui 
ayant  répondu  que,  malgré  cette  irré- 
gularité, il  n'avait  jamais  cessé  d'être 
attaché  de  cœur  et  d'âme  au  saint- 
siège  ,  le  pontife  lui  avait  témoigné 
sa  satisfaction  en  l'embrassant  ;  et 
qu'il  y  avait  ajouté  des  offres  de  ser- 
vice. L'abbé  Blampoix  mourut  a  Mâ- 
con en  1820.  Outre  des  Mande- 
ments et  des  Lettres  pastorales  ,  il 
a  publié  quelques  articles  dans  les 
Annales  de  la  religion.  Des  No- 
tices sur  Blampoix  ont  été  insérées 
dans  la  Chronique  religieuse ,  V, 
279,  et  dans  \ Annuaire  nécrologi- 
que^, 2.3.  ^V — s. 

BLA]VC(Jean-Den]s-F£reéol), 
avocat,  naquit  à  Besauçon^  eu  i7/i4-- 
Sou  père,  procureur  au  parlement,  ne 
négligea  rien  pour  lui  donner  une 
bonne  éducation.  Après  avoir  achevé 
ses  études  au  collège  de  Juilly,  il 
suivit  les  cours  de  droit  delà  faculté 
de  Paris  et  reçut  ses  grades.  De  re- 
tour a  Besancon,  il  ne  tarda  pas  à  se 
distinguer  au  barreau  de  cette  ville 
par  son  érudition,  non  moins  que  par 
son  éloquence  5  et,  quoique  trè.'i- 
jeune  encore,  il  se  vit  bientôt  honoré 
de  la  confiance  des  principales  maisons 
de  la  province.  Il  publia  plusieurs 
Métnoires  dans  l'affaire  de  l'enlève- 
ment de  M""*  de  Mounier  par  Mira- 
beau ,  et  contribua  beaucoup  à  faire 


BLA 

condarauer  le  ravisseur  (  f'ov.  Mi- 
EABEAU,  XXIX,  92).  A  rasscinLlée 
des  états  de  Frauche-Coiulé,  Blanc 
fut  uu  des  coramissaiies  chargés  de 
rédiger  les  cahiers  du  tiers- état  5  et 
il  s'acquitta  de  celle  mission  avec  un 
tel  succès,  que  Fasseliiblee  lui  témoi- 
gna sa  satisfaction  en  faisant  frapper 
une  médaille  ,  de  grand  modèle  , 
portant  un  faisceau  de  piques  ,  en- 
louré  d'une  couronne  de  chêne,  avec 
cette  inscription  :  Les  gens  du  tiers- 
état  de  F  ranch  e- Comté ,  assem- 
blés le  26  novembre  1788;  et  au 
revers  ;  Sequani  civi  Bisiinlino 
Dyon.  Ferr.  Blanc.  Il  fut  ensuite 
élu  député  aux  états-généraux  5  mais, 
déjà  souffrant  a  sou  départ,  des  sui- 
tes d'une  chute  de  voiture,  il  ne  prit 
qu'une  faible  part  aux  premières  dé- 
libérations des  trois  ordres  j  et  mou- 
rut a  Versailles  ,  le  i5  juillet  1789. 
La  ville  de  Besançon  lui  fit  faire  des 
obsèques  magnifiques,  et  dont  la  des- 
cription a  été  imprimée  in-8°,  avec 
son  Oraison  yunêbre,  ^àr  D.  Grap- 
pin (  Voy.  ce  nom,  au  Supp.). 
W— s. 
BLANC  (Le).  Voj.  Leblanc, 
XXIII,  482,  et  au  Supp. 

BLANC ARD  (Pierre)  ,  navi- 
gateur ,  né  à  Marseille  ,  le  2  i  avril 
1741,  entra  de  bonne  heure  dans  la 
marine  marchande.  Il  avait  déjà  fait 
dix  campagnes  en  Amérique  ,  et  con- 
naissait bien  la  manière  d'y  traiter  les 
affaires  de  commerce  ,  lorsqu'ea 
1769  le  privilège  exclusif  de  l'an- 
cienne compagnie  des  Indes  orienta- 
les fut  supprimé.  Alors  les  différen- 
tes villes  de  commerce  s'empressèrent 
de  faire  des  armements  pour  ces 
contrées,  et  Blancard  fut  chargé,  en 
1770,  des  opérations  commerciales 
de  la  frégate  la  2  hé  Lis,  que  le  gou- 
vernement avait  accordée  a  uue  mai- 
Son  de  Marseille   qui  eu  fit   l'arme- 


BLA  3;;57 

meut.  Pour  son  début,  Blancard  alla 
jusqu'à  Batavia,  et  il  y  fut  témoin, 
en  septembre    1772  ,  de  la  cérémo 
nie  annuelle  dans  laquelle  uu  conseil- 
ler des  Indes  mettait  le  feu  a  un  bû- 
cher composé  des  épiceries  les  plus 
précieuses  ,  formant   la  portion  sur- 
abondante que  la  compagnie  hollan- 
daise ne  voulait  pas  livrer  à  la  con- 
sommation. Le  succès  de  Blancard 
dans  cette  première  opération,   et  la 
sagacité  qu'il   montra  dans  la  gestion 
des  affaires,  lui  lireut  donner  le  com- 
mandement  d'un  vaisseau  qui  attei- 
gnit Mocka  en   i774-'  H  y  donna  des 
preuves  d'intelligence  et  de  fermeté 
en  forçant  le  gouverneur  a  se  confor- 
mer aux  clauses  du  traité  conclu  pour 
la  France  en  1757  par  La  Garde- Ja- 
zier  (  Voj.  Merveille  ,    XXVIII, 
o()G   ).     Afin   de    s'assurer     de    la 
bonne    qualité  du   café   qu'il   devait 
charger,  il  se  rendit  a  Beith-el-Fakhi, 
principal   entrepôt  de  celle  denrée  ; 
et,  cuinme  il  parlait  assez  couramment 
la  langue  du  pays,  il  put  s't?xpliquer 
sans   l'intermédiaire   d'un  interprète 
avec  le   gouverneur ,   et    obtint   de 
lui    que    les    Français    eussent    les 
mêmes   avantages    que  les  Anglais. 
Les    voyages   de    Blancard   avaient 
été  heureux  sous  tous  les  rapports  : 
ce  borheur  fut  interrompu  en  1777; 
la  frégate  le  Duras  ^  qu'il  comman- 
dait, fit  naufrage   le  12    avril,    sur 
les  écueils  qui  bordent  les  Maldives. 
C'est  sur  ce  vaisseau  qu'était  embar- 
qué Barras  (  ^oj-".    ce  nom,  LVIl, 
186)  depuis  directeur  de  la  républi- 
que française.    La    guerre  qui  écla- 
ta en  1778  entre  la  France  et  l'An- 
gleterre, puis  le  rétablissement  de  la 
compagnie  des  Indes,  après  la  paix, 
obligèrcnl  Blancard  à  naviguer  sous 
les  pavillons  toscan  et  autrichien  elk 
effectuer  son  retour   a  Livourne    et 
à   Ostende.   Dans   uue    période    de 


3S8 


h\.\ 


tÎBgt  ans  ,  il  visita  ious  les  marcliés 
de  l'Asie  sur   la  mer  des  Indes  ,  où 
les  Européens  vont  commercer  ,  de- 
puis Mocka  jusqu'à   Canton  ,    où   il 
était    en     1792.     Les    événements 
qui  ne  tardèrent  pas  a  répandre  le 
deuil  sur  sa   pairie   le  déterminèrent 
à  allérir  aux  Eiats-Unis  de  l'Améri- 
que seplenirionale  ,   et  k  y  vendre  sa 
cars!,aison  et  son  vaisseau.  De  retour 
k  Marseille,  quand  la  paix  intérieure 
y  reparut  ,  il  tut  nommé  syndic    des 
classes,  et  membre  du  conseil  decora- 
luerce.  Au  déclin  de  l'âge,  il  cherclia 
une  reliaite  a  Aubagne  et  il  y  mourut 
le  I  6  mars  1826.  On  a  de  lui  :  Jlln- 
nuel    du     commerce    des     Indes 
Orientales  et  de  la  Chine,  Paris, 
1806,   in-folio  ,  avec  une  carte   de 
M.  Lapie.  Ce  livre,  dans  lequel  l'au- 
teur a  consigné  le  résultat  de  sa  longue 
expérience,  est  i:n  des  meilleurs  que 
l'on  puisse    consulter  sur  la  matière. 
On  y  trouve    des  uolions  précieuses 
sur  les  diverses  espèces  de  marclan- 
dises    qu  il   convient    de  porter  au 
niarcbé   des  Indes  et  sur    celles  que 
l'on  en    tire;    sur  la  manière   de   se 
conduire  envers  les  naturels  du  pays, 
sur  les  poids,  les  mesures  ,  les  mon- 
naies.   Malgré  les  cbangemenls  con- 
sidérables  que   le    temps  a  apportés 
au    négoce    des   Européens  avec  les 
Indes,  l'ouvrage  de  Blancardest  tou- 
jours bon  a  consulter,  surtout  pour 
ce  qui  concerne  le  commerce  d'Inde 
en  Inde.  Sa  lecture  n'en  est  pas  même 
sans  agrément  par  les  faits  que  l'au- 
teur   rapporte.     Il  avait  connu    au 
Bengale  j'olts  {V.  ce  nom,  V,  68), 
qui  était  membre  delà  cour  des  al- 
dermans,  et  il   se  trouvait  a  Pondi- 
cb.éryen  1790,  quand  le  jeune  prince 
de  la  Cochincbiue  y  vint  débarquer 
avfc  l'évêque  d'Adran(K.  Pigneatj, 
XXXIV,   43o).  Cliarpenlisr-Cossi- 
gny   (  Voj,  ce  nom ,  X,  47  )  a 


BLA 

publié  des  observations  sur  ce  livre  : 
il  en  critique  quelques  passages; 
mais  il  lui  rend  une  justice  complète 
eu  disant  que  a  c'est  un  des  plus  im- 
«  portants  qu'il  connaisse ,  et  qu'il 
K  mérite  d'être  étudié  pnr  les  bom- 
«  mes  d'élat,  par  les  négociants, 
«  par  les  philosophes  et  par  tous 
«  ceux  qui  aiment  a  s'instruire.  » 
L'introduction  de  l'ouvrage  de  Rlan- 
card  et  ses  Considérations  sur  le 
commerce  de  l'Inde,  qui  se  trou- 
vent a  la  suite  ,  avec  une  pagination 
différente  ,  avaient  été  imprimées  a 
part  sous  le  titre  de  Manuel,  etc., 
Marseille,  1803  ,  in-^".  A  l'époque 
où  B'ancard  écrivit ,  le  calendrier 
appelé  républicain  était  encore  en 
usage  en  France.  L'emploi  qu'en  fait 
Fauteur  produit  un  effet  bizarre, 
qunnd  il  nomme  les  mois  vendémiiire, 
fiimaiie.  nivôse,  en  parlant  des  cen- 
trées de  l'Inde  maritime  ,  où  l'on  ne 
connut  jamais  ni  la  vendange  du  rai- 
sin, ni  les  frimas,  ni  la  neige;  du  reste, 
la  dénomination  ordinaire  des  mois 
suit  toujours  l'autre  indication.  Blan- 
card  était  un  navigateur  distingué  : 
son  désastre  aux  Maldives  lui 
prouva  l'importance  de  s'appliquer  a 
la  méthode  des  longitudes  par  les 
dislances  lunaires  :  jusqu'alors  il  l'a- 
vait négligée,  ainsi  qu'il  en  fit  l'aveu 
k  Zach,  qui,  dans  sa  Correspon- 
dance astronomique ,  l'appelle  son 
ami,  et  qui  p'us  d'une  fois  la  nom- 
mé avec  éloge  a  l'auteur  de  cet  ar- 
ticle. De  Perthes  ,  dans  le  lome  III 
de  son  Histoire  des  NauJ'rages,  a 
inséré  la  relation  du  naufrage  du 
vaisseau  le  Duras  ;  mais  le  nom  de 
Blancard  n'y  est  pas  cilé  et  celui  de 
Barras  est  transforme'  en  de  Barre. 
On  trouve  une  iVo/Zce  sur  ce  navi- 
gateur, par  M.  Jauffret,  dans  les 
jilémoires  de  l'académie  de 
Marseille.  E — 5. 


BLA 

BLANCHARD  (Alain),  habî- 
tânl  de  Rouen  ,  commaoïlail  nue  par- 
tie de  la  populaliou  de  celle  ville  lors 
du  siège  mémorable  qu'elle  soalint 
en  i4i8  contre  Henri  V,  roi  d'An- 
glelerre.  Le  cournge  que  dépb'ja 
Blanchard  ,  et  qu'il  sut  inspirer  a  ses 
conclloyens,  retarda  pour  quelque 
temps  la  prise  de  la  ville;  mais  ne 
recevant  pas  de  secours,  trahis  par 
le  gduverneur  Gui  Le  Bouleiller,  li- 
vrés aux  horreurs  de  la  famine  ,  les 
Ronennais furentcontraints de  capitu- 
ler. Le  roi  d'Ang'eterre,  d'après  une 
coutume  barbare  dont  il  donna  des 
exemples  à  Beaumonl,  a  Monlereau, 
à  Melun,  à  Chei bourg,  exigea  qu'on 
lui  livrai  un  certain  nombre  de  victi- 
mes ,  parmi  lesquelles  se  trouvait 
Blanchard.  Ces  malheureux  rachetè- 
rent leur  vie  à  prix  d'argent;  mais 
Blanchard,  qui  était  sans  fortune  , 
fut  décapité.  «  Je  n'ai  pas  de  bien  , 
tt  disait-il  en  marchant  au  supplice  5 
et  mais  quand  j'en  aurais,  je  ne  l'em- 
K  ploierais  pas  pour  empêcher  un 
«  Anglais  de  se  déshonorer.  »  C'est 
ainsi  (|u'nn  raconte  ordinairement  ce 
trait  d'histoire.  Eu  1828,  lorsqu'il 
fut  question  à  Rouen  de  décerner  des 
hommages  publics  à  la  mémoire  d  A- 
lain  Blanchard,  ime  polémiq'ie  assez 
vive  s'éleva  entre  deux  académiciens 
de  cette  ville.  M.  Licquet  ,  président 
de  l'académie,  y  lut  UDe  Notice  sur 
Alain  Blanchard  ,  dans  laquelle  il 
le  peint  des  plus  noires  couleurs  ,  et 
ne  lui  accorde  aucun  droit  à  la  re- 
connaissance de  ses  compatriotes.  M. 
Dupias,auteur  d'une  tragédie  d  Alain 
Blanchard ,  publia  une  Réfutation 
du  discours  de  son  confrère.  Enfin, 
M.  Aug.  Leprevoslj  autre  mesubre 
de  l'ac.idémie,  fit  paraître  des  Ré- 
flexions sur  Alain  Blanchard,  ten- 
dant à  corroborer  les  arguments  du 
président.  Nous  ne  reproduirons  pas 


BLA 


339 


ici  les  longs  détails  où  sont  entrés  ces 
antagonistes.    D'un  côte  il  y  a  peut- 
être  trop  d'enthousiasme  pour  le  hé- 
ros rouenuais  ,  et  de  l'autre  trop  d'a- 
charnement contre  sa  mémoire.    M. 
Licquet  représente  Alain  Blanchard 
comme  vendu  au  parti  bourguignon  , 
et  comme  l'un  des  meurtriers  du  bailli 
Raoul    de   Gaucourt  et  autres    ma- 
gistrats de  Rouen,   massacrés   pen- 
dant une  émeute.   La  seule  autorité 
sur    laquelle    il  '  s'appuie    est    celle 
de  Moustrelet,    historien     contem- 
porain à   la  vérité ,    mais    dont   l'u- 
nique témoignage  ne  peut  fournir  une 
preuve  irréfragable.  Suivant  l'auteur 
de  la  notice,  Alain  Blanchard  ne  prit 
que  peu  ou  point  de  part  a  la  défense 
delà  ville;  il  fut  cependant  décapité 
après  la  reddition  ,  mais  sans  quon 
sache  pourquoi.  \  oila  une  étrange 
assertion.  Que  le  monarque  anglais, 
non  moins  a\are  que  cruel,  ail  quel- 
quefois compris  dans  ses  listes  de  vic- 
times certains  personnages    unique- 
ment parce   qu  ils   étaient   riches  et 
qu'il  espérait  en  tirer  de  fortes  ran- 
çons .  ce'a  se   conçoit.    Mais  Alain 
Blanchard  n'étail  pas  dans  celte  calé- 
goiie.    Sa  pauvreté    au   contraire  a 
donné  lieu  de  lui  prêter  des  paroles 
mémorables,    dont    nous  ne  préten- 
dons pas  pourtant  garantir  l'anthen- 
licilé.  Si  donc  le  cupide  vaii  queur  le 
fit  mourir,    c'est  qu'il  s'était  signalé 
pendant  le  siège  par  une  courageuse 
résistance,   et  k  ce  titre,  il  mérite- 
rait encore  des  éloges  ,  quand  même 
il  se  serait  laissé  entraîner  k  des  excès 
malheureusement  trop  communs  dans 
les  temps  d'anarchie,  mais  qu'aucun 
document  irrécusable  et  sans  réplique 
n'autorise  k  lui  imputer.      P — rt. 

EL  AXCHARD  :J^  ix-PiERRE), 
aéronanle ,  né  au  petit  Andely  en 
1753  ,  était  fils  d'un  tourneur.  Doué 
d'une  imagination  vive  et  d'un  esprit 


12, 


3.Vj                   BLA.  BLA 

inventif,  il  s'appliqua  dès  sou  eufaace  l'idée  de  montrer  à  Long-Champ  une 
h  la  mécanique  5  ayant  conçu  l'idée  voilure  allant  sans  chevaux  ;  mais  le 
de  s'élever  dans  les  airs,  il  étudia  la  iemps  ne  lui  permit  pas  de  l'exécuter, 
conformation  et  la  manière  de  voler  II  fut  alors  pendant  quelques  jours  un 
de  plusieurs  espèces  d'oiseaux.  Après  sujet  de  conversation  et  un  objet  de 
divers  essais,  inutilement  tentés  pour  curiosité.  Les  frères  de  Louis  XVI  , 
les  imiter,  il  imagina  une  machine  qui,  les  ducs  de  Chartres  ,  de  Bourbon  , 
contenant  assez  d'air  pour  se  soutenir,  et  plusieurs  grands  personnages  allè- 
pûl  fendre  cet  élément,  comme  un  renl  le  voir.  Les  trois  premiers  lui 
navire  fend  les  eaux.  Il  lui  donna  promirent,  dit- on,  chacun  quatre 
la  forme  d'un  oiseau,  convexe  par  mille  louis ,  s'il  réussissait.  Le  5  mai, 
'dessus  et  par  dessous,  étroit  a  l'avant  jour  indiqué  pour  la  démonstration 
et  a  l'arrière,  ayant  pour  tête  la  proue  publique  de  sa  voiture  aërienoe.  l'af- 
et  pour  queue  le  gouvernnil  :  le  corps,  fluence  se  porta  chez  lui  autant  qu'à 
en  bois  léger  et  solide,  était  comme  l'ouverture  de  la  nouvelle  salle  du 
celui  d'un  vaisseau  ,  partagé  en  plu-  Théâtre-Français.  Comme  la  foule 
sieurs  membrures  matelassées  ,  tra-  ne  permettait  pas  de  laisser  la  ma- 
versé  par  deux  petits  mâts,  et  recou-  chine  dans  le  salon  doré  où  elle  élait 
vert  a  l'extérieurd'un  carton  vernissé,  exposée,  et  que  la  pluie  empêchait 
L'inventeur  pouvait  entrer  dans  celte  delà  montrer  au  dehors,  Blancbardlut 
machine  par  une  porte  qu'il  refer-  un  discours  où  il  en  développa  l'uti- 
mait  5  s'y  asseoir  avec  un  compagnon  lité  et  les  inconvénients  .  qui  étaient 
de  voyage  ;  y  voir  clair  a  travers  des  surtout  de  ne  pouvoir  découvrir  an- 
glaces,  et  y  renouveler  l'air  au  moyen  dessous  de  lui  sur  quel  endroit  il 
d'une  soupape.  Six  ailes  de  dix  s'abattrait,  et  de  se  trouver ,  en  cas 
pieds  d'envergure  sur  dix  de  large,  d'indisposition  subite,  hors  d'état 
qu'un  ressort  faisait  déployer  rapide-  de  manœuvrer  j  a  moins  d'avoir  un 
ment,  étaient  adaptées  a  sa  voiture  compagnon.  Quoiqu'il  assurât  qu'il 
ae'iienne.  Celle  de  devant  et  celle  de  pouvait  s'élever  en  tous  lieux,  en  tous 
derrière  devaient  servir  a  son  ascen-  temps  et  faire  trente  lieues  par  heure, 
sion,  et  les  quatre  autres,  placées  de  il  apercevait  sans  cesse  de  nouvelles 
chaque  côté,  la  soutenir  et  la  faire  difficultés  eu  approchant  du  terme  ; 
planer.  Blanchard  travailla  long-  mais  sa  jactance  et  ses  vaines  promes- 
temps  a  perfectionner  son  ouvrage^  ses  cachaient  très-bien  son  inqulétu- 
qu'il  annonçait  aussi  comme  un  bateau  ile.  Ce  lut  alors  qu'un  de  sesentliou- 
insubmcrsible  ;    mais,    désespérant  siastes  fit  le  distique  suivant  : 

de     recevoir    en   France     des     dédom-  ililhereum  transibit  itei-   quo  nomine  Blanchard 

magementS    suffisants,  il   était    sur  le  Impavidus  soncm  non  timet  Icaiiam. 

point  déporter  son  industrie  dans  les  Ses  essais  n'avaient  produit  aucun  ré- 
pays étrangers-,  un  abbé  Devitnnav,  sultatco!mu,lorsquelemarquisde  Cau- 
chez  lequel  il  était  logé  a  Paris,  au  sans  tenta  l'expérience  de  l'appareil  a 
commencement  de  1782,  le  retint  l'aide  duquel  il  s'élancadu  Pont-Royal 
dans  sa  patrie.  C'est  chez  lui  que  les  dans  la  Seine.  Bien  que  cette  inven- 
curleux  allaient  voir  la  machine,  et  lion  fût  l'inverse  de  la  sienne,  Blan- 
Blanctiard  répondait  a  toutes  les  ob-  chard  crut  pouvoir  en  tirer  quelque 
jections  en  homme  qui  semblait  les  parti.  Mais  toutes  ses  assertions,  ses 
avoir  toutes  prévues.  Il  avait  eu  aussi  tentatives  et  ses  prétendus  perfection- 


BLA 

nemenls  u'aboalireut  a  rieu,  beureu- 
sement  pour  lui ,  car  il  y  aurait  perdu 
la  vie.  Blanchard  élait  oublié  ,  lors- 
que le  moteur  qu'il  avait  cherché  eu 
vain  fut  trouvé  par  Montgolfier , 
inventeur  des  aérostats  (P  oj'.  ce 
nom  ,  XXIX  ,  566  ).  Blanchard 
se  flatta  de  les  diriger  en  y  adap- 
tant sa  voilure  aérienne.  Il  reparut 
alors  sur  la  scène  5  malgré  l'in- 
exécution de  ses  précédentes  pro- 
messes ,  on  approuva  sa  méthode,  et 
il  fut  autorisé  à  ou\Tlr  une  souscrip- 
tion a  trois  francs  le  blilet,  qui  lui 
produisit  quarante  à  cinquante  mille 
irancs.  Le  2  mars  1784,  tout  élait 
préparé  au  Champ-de-^Iars  pour  bon 
ascension.  Il  devait,  k  une  certaine 
hauteur,  couper  les  cordes  du  ballon, 
le  laisser  aller  au  gré  du  vent  et 
manœuvrer  avec  ses  ailes  et  son  gou- 
vernail ,  soutenu  par  un  parachute 
en  forme  de  grand  parasol.  11  était 
embarqué  avec  le  physicien  dom 
Pech,  bénédictin,  petit  homme  mai- 
gre et  fluet  comme  lui,  lorsqu'un  élève 
de  rÉcole-Militaire,  nommé  Dupont 
(  et  non  point  Bonaparte ,  comme 
on  l'a  prétendu  )  ,  pour  gagner  un 
pari  fait  avec  ses  camarades,  ou  peut- 
être  pour  favoriser  Blanchard ,  se 
précipita  vers  la  machine  et  voulut 
partir  avec  les  aéronautes.  Furieux 
d  être  refusé  ,  il  tua  l'épée  ,  brisa 
le  parachute  et  les  ailes,  et  bles- 
sa le  mécanicien  k  la  maiu.  Dom 
Pech  descendit  alors  5  et  Blanchard 
s'éleva  seul ,  passa  et  repassa  la  Seine^ 
et  descendit,  au  bout  de  deux  heures, 
près  de  la  manufacture  de  Sèvres.  Il 
se  vanta  d'être  monté  jusqu'à  deux 
mille  toises  plus  haut  qu'aucun  des 
aéronautes  ses  prédécesseurs,  et  d'a- 
voir navigué  contre  les  vents  k  l'aide 
de  son  gouvernail;  mais  les  physi- 
ciens publièrent  que  les  variations  de 
sa  marche  ne  devaient  être  attribuées 


BLA 


o4i 


qu'auxcouranls  d'air  au  milieu  desquels 
il  avait  lourbilionnéj  etcorame  il  avait 
mis  sur  sa  banderoUe  et  sur  ses  car- 
tes d'entrée  la  fastueuse  devise  •  Sic 
itiir  ad  astra  ,  on  lança  contre  lui 
cette  épigramme  : 

Au  Champ-de-Mars  il  s'envola; 
Au  champ  loisin  il  resta  là  ; 
Beaucoup  d'argeut  il  ramassa. 
Messieurs,  sic  itur  ad  astra. 

Toutefois  les  Parisiens,  toujours  en- 
goués des  nouveautés,  regardaient  la 
méthode  du  mécanicien  aéronaute 
comme  préférable  k  celLe  de  ses  de- 
vanciers. N'ayant  pu  obtenir  de  ré- 
péter son  expérience  dans  la  capitale, 
il  al'a  faire  sa  deuxième  ascension  a 
Rouen,  le  20  mai.  Ses  ailes  étaient 
en  bon  état  ;  mais  on  ne  remarqua 
point  qu'il  s'en  fut  servi  utilement  : 
ce  n'est  qu'a  sa  troisième  ascen- 
sion, dans  la  même  ville,  le  18  juil- 
let, qu'il  parut  les  employer  comme 
moyen  de  direction.  Recevant  peu 
d'encouragements  en  France,  où  Mont- 
golfier, Charles  Robert  et  même  Pi- 
laire de  Rozier  avaient  obtenu  des 
honneurs  et  des  pensions,  il  partit 
pour  l'Angleterre  et  fit  a  Londres,  le 

6  octobre  ,  une  nouvelle  ascension 
avec  des  ailes  perfectionnées,  et  pour 
laquelle  les  billets  d'entrée  furent  de 
douze  et  de  six  francs.  Ayant  annon- 
cé le  projet  de  traverser  la  Planche 
eu  ballon,  il  trouva  un  rival  dans  Pi- 
laire qui  ,  jaloux  de  ses  succès  et  lort 
de  quelques  protections  k  Paris  ,  en- 
treprit de  le  précéder  dans  ce  voyage. 
ÎMais  ,  tandis  qu'il  faisait  construire  a 
grands  frais  deux  ballons  a  Bou- 
logne, d'où  il  se  proposait  de  partir, 
Blanchard,  plus  actif  et  plus  heureux, 
le  devança.  Ils'éleva  de  Douvres,  le 

7  janvier  1785,  avec  le  docteur  Jef- 
feries,  et  descendit,  en  moins  de  trois 
heures,  sans  accident,  a  une  lieue  de 
Calais,  au-delk  de  la  forêt  de  Guiues. 
Mais  les  aéronautes  avaient  couru  les 


34^ 


BLA 


plus  grands  dangers.  Pour  alléger  le 
ballon,  ils  avaient  élé  obligés  de  jt-ter 
à  la  mer  Itur  lesl,  leurs  livres,  leurs 
provisions,  leurs  habits  et  jusqu'à 
l'ancre  qui  devait  fixer  la  machine  a 
terre;  accrochés  dans  les  cordages, 
ils  avaient  été  au  moment  de  couper 
la  nacelle.  On  dit  même  que  le  doc- 
teur anglais  sacrifia  son  pavillon  et  dé- 
clara à  son  compagnon  qu'il  était  prêt 
à  se  précipiter  ,  s'il  le  croyait  néces- 
saire. Ils  arrivèrent  h  Calais  'dans 
une  voilure  a  six  chevaux,  envoyée 
parles  magistrats  5  la  foule  se  pres- 
sait sur  leur  passage,  fn  criant  :  Pri- 
vent les  voyageurs.  Le  lendemain, 
le  pavillon  français  fut  hissé  devant 
la  maison  oiJ  ils  avaient  couché.  Le 
corps  municipal ,  les  officiers  de  la 
garnison,  vinrent  les  visiter.  Ala  suite 
d'un  dîuer,  qu'on  leur  donna  a 
l'Hôtel-de- Ville,  le  maire  présenta  a 
Blanchard  une  boîte  d'or  sur  laquelle 
était  giavé  un  ballon  et  contenant 
desleltres  qui  lui  accordaient  le  titre 
de  citoyen  de  Calais.  L'aérostat  ex- 
posé dans  la  principale  église,  fut  ré- 
clamé par  les  magistrats,  qui  donnè- 
rent à  Blanchard  trois  mille  francs  de 
gratification  et  une  pension  de  six 
Ceutsfiaucs:  il  fut  arrêté  que  le  ter- 
rain sur  lequel  s'était  opérée  la  des- 
cente serait  nommé  canton  Blan- 
chard., et  qu'une  colonne  en  marbre 
y  serait  érigée  pour  perpétuer  le  sou- 
venir d'un  événement,  qui,  quel  que 
puisse  être  plus  lard  le  sort  de  cette 
découverte  ,  sera  toujours  un  fait  mé- 
morable. La  nouvelle  de  ce  voyage 
excita  le  [ilus  grand  enthousiasme.  La 
reine,  qui  était  au  jeu,  mit  pour  Blan- 
chard sur  une  carte  et  lui  fit  compter 
une  forte  somme  qu'elle  venait  de  ga- 
gner. Les  envieux  du  mécanicien 
aéronaute  lui  donnèrent  le  sobriquet 
de  don  Quichotte  de  la  Manche;  mais 
le  peuple  le  célébra  dans  ses  chan- 


BLA 

sons  Arrivé  a  Paris  trois  Jours 
après,  il  dîna,  le  16,  diez  le  baron 
de  Breleull  ,  alors  ministre  ,  qui  lui 
annonça  que  le  roi  lui  accordait 
une  gratification  de  douze  mille  francs 
et  une  pension  de  douze  cents.  Le 
pavillon  qu'il  avait  fait  flotter  sur 
la  Manche  fut  placé  dans  la  salle  de 
l'académie  des  sciences.  Blanchard 
s'empressa  d'aller  recueillir  a  Londres 
les  mêmes  tributs  d'élogesqu'à  Paris. 
Il  \il  h  Boulogne  Pilâtre  de  Bozier, 
qui,  désespéré  de  s'être  laissé  préve- 
nir et  jaloux  de  surpasser  son  rival, 
entreprit,  peu  de  mois  après,  la  mal- 
heureuse a-^ccnsiou  où  il  périt  avec 
l'infortuné  Romain  ,  son  compagnon 
(  Foy.  PiLATRE  ,  XXXI V,  445  ). 
Quant  à  Blanchard  ,  il  partit  de 
Calais,  le  21  février,  pour  l'An- 
gleterre ,  et  fit  a  Londres  une  as- 
cension avec  mademoisele  Simo- 
iiet,  âgée  de  quinze  ans  ,  la  première 
Française  qui  soit  montée  en  ba  lun, 
mais  non  la  première  personne  de  son 
sexe  j  car  une  Anglaise  ,  madame 
Tible ,  l'avait  précédée.  Blanchard 
allait  vile  en  besogne.  Arrivé  à  La 
Haye,  le  24.  juin,  il  y  fit,  le  12  juil- 
let ,  sa  douzième  ascension  iMais  sou 
ballon  ,  construit  trop  à  la  hâte,  ne 
lui  permit  de  prendre  qu'un  des 
quatre  compagnons  de  voyage  annon- 
cés. A  la  veille  de  tomber  dans  le 
Bie-BuSy  à  six  lieues  de  la  v.ile,  il 
ouvrit  la  soupape  et  alla  descendre  à 
cent  pas  du  bord  de  l'eau,  dans  une 
prairie,  dont  le  propriélaire  exigea 
dix  ducats  de  dommages-intérêts.  Il 
eut  même  beaucoup  de  peine  à  se  ti- 
rer des  mains  des  paysans  hollandais, 
qui  raccueillirent  avec  des  bàlons  et 
des  fourches,  brisèrent  lanacele  et  em- 
portèrent la  gaze  d'or  et  la  toile  qui 
l'entouraient.  Une  jouissance  d'amour- 
propre  le  consola  de  cette  pctile  dis- 
grâce :  en  passant  à  Guines,  le  sS,  il 


fut  coiidnit  en  cavalcade  au  canlon 
Blanchard  ,  où  il  vit  la  colonne 
érigée  en  mémoire  de  son  passage 
de  la  Manclie  ;  il  eu  calcula  les 
proportions  avec  un  crayon,  et  s^é- 
cria  dans  renllinusiasme  de  sa  recon- 
naissance ;  K  Grâces  a  Dieu  et  k  vous, 
«  messieurs ,  je  ne  crains  plus  ni  le 
«  persiflage  ni  la  calomnie.  Il  fau- 
a  drail  cinquante  mille  rames  de 
a  libelles  entassés ,  ptur  masquer 
«  cette  colonne  sur  toutes  ses  faces,  jj 
Sa  quatorzième  ascension  eut  lieu  à 
Lille.  Après  diverses  expériences  du 
parachute,  qu'il  avait  ajouté  k  son  ap- 
pareil, comme  il  ne  remplissait  pas 
sa  promesse  de  monter  en  ballon  le 
2  5  août ,  les  magistrats  le  firent  com- 
paroir et  garder  k  vue  jnsq'i'au 
lendemain  j  a'ors  il  s'éleva  avec  un 
chevalier  de  Lespinar  5  laissa  d'a- 
bord tomber  en  parachute  un  chien, 
qui  ne  se  fit  aucun  mal  5  et,  après 
sept  heures  de  voyage  aérien  ,  il 
alla  descendre  a  soixante  -  trois 
lieues  de  la  ,  a  Savon  ,  en  Cler- 
myntois.  A  Francforl-sur-Mein  ^  au 
moment  où  il  montait  dans  sa  na- 
celle ,  le  27  septembre  ,  avec  le 
prince  de  Hesse-Darmstadt  et  un  of- 
ficier de  dragons,  un  coup  de  veut 
déchira  du  haut  eu  bas  le  ballon  qu'on 
lui  avait  préparé  j  il  s'évanouit,  et  le 
duc  de  Deux-Ponts,  pour  le  soustraire 
k  la  foule  des  mécontents,  le  prit 
dans  sa  voilure.  Ayant  fait  réparer 
le  balion  qn"il  avait  apporté  de  Lille, 
il  partit,  le  3  octobre  ,  avec  son  pa- 
rachute et  son  chien;  et  au  bout  de 
trente-trois  minutes,  il  prit  terre  k 
Weilboiirg,  a  quatorze  lieues  de 
Francfort,  où  il  revint  le  lendemain. 
Ce  quinzième  voyage  lui  valut  des  hon- 
neurs extraordinaires.  Le  comte  de 
Romanzoff,  ambassadeur  de  R-.'Ssie , 
le  conduisit  a  son  balcon  ,  en  tenant 
deux  flambeaux  pour  le   montrer  au 


bla 


%lt^ 


peuple.  Deshommes  traînèrent  son  ca- 
resse jusqi'.'au  spectacle  ,  où  on  le 
transporta  lui-méaie  de  loge  en  lo^e 
Sonbuttey  fut  couronné  sur  un  trône 
placé  au  temple  de  mémoire.  Lestrois 
Giaces,  les  Amours  lui  cbanlèrent  des 
couplets  et  vinrent  le  couronner  dans 
sa  loge.  11  reçut  des  boîtes  d'or,  des 
montres,  des  médailles,  de  l'argent; 
et  douze  princes  et  princesses  d'Alle- 
magne, qui  se  trouvaient  a  Francfort, 
souscrivirent  pour  un  ballon  capable 
d'enlever  cinquante  personnes,  k  l'é- 
poque du  couronnement  du  roi  des  Ro- 
mains. Dans  sa  seizième  ascension, 
qu'il  fit  kGand,  le  1 9  nov.,  Blanchard 
courut  de  grands  dangers.  Ne  pouvant 
résister  k  la  froide  température  jus- 
qu'à laquelle  son  ballon  s'était  éle- 
vé ,  il  le  creva  ,  laisja  tomber 
sa  nacelle  ,  s'accrocha  aux  cordes 
et  descendit  sans  se  faire  de  mal,  mais 
en  causant  quelques  dégâls.  L'as- 
tronome Lalande  avant  publié  qu'il 
y  avait  erreur  sur  les  trente-deux 
mille  pieds  (  cinq  raille  trois  cent 
trente-trois  toises),  a  la  hauteur  des- 
quels Blanchard  prétendait  être  mon- 
té ;  qu'il  était  impossible  d'exister  k 
celte  élévation,  et  qu'aucun  aéro- 
naute  n'avait  été  plus  haut  que  deux 
mille  cinq  cents  toises,  Blanchard  fit 
insérer  dans  les  journaux  une  lettre 
datée  de  Lille,  le  2  5  décembre,  dans 
laquelle,  sans  contredire  les  raisonne- 
menls  du  savant  académicien  ,  il  Tin- 
vilait  a  l'accompagner  dans  un  pro- 
chain voyage.  Ce  ne  fut  que  treize 
ans  plus  tard  que  Lalande  accepta 
celte  invitation.  Blanchard  assista.  It 
7  janvier  1786,  dans  la  forêt  de  Gui- 
nes,  a  l'inauguration  de  la  colonne, 
sur  laquelle  fut  gravée  unelongnein- 
scripiion  latine,  envoyée  parl'scadé- 
mie  des  belles- lettres  et  contenant  la 
relation  du  voyage  de  Douvres  a  Ca- 
lais. Il  fit    preuve  d'ignorance  dans 


3/,4  BLA. 

une  plate  réponse  qu'il  adressa  aux 
magistrats.  Le  soir,  ou  lui  offrit  un 
banquet  et  un  bal  ;  ion  portrait  était 
placé  dans  la  salle  ;  et  vis-a-vis,  dans 
un  médaillon  entouré  de  lauriers,  on 
lisait  ces  vers  de  La  Place,  citoyen 
de  Calais  : 

A'itant  que  le  Français  l'Anglais  fizt  intrépide; 
Tous  les  deux  on  t  plane  jusqu'au  plus  haut  des  airs, 
Tous  les  deux,  sans  navire,  onl  traverse  les  mers  ; 
Mais  la  France  a  produit  l'inventeur  et  le  guide. 

La  dix-septième  ascension  de  Blan- 
chard, tentée  trois  fois  el  toujours  con- 
trariée par  les  vents,  eut  lieu  a  Douai, 
le  i8  avril.  Ildesccndit  a  trenle-deux 
lieues  de  celte  ville,  où  il  revint  le 
surlendemain.  Une  musique  militaire 
et  un  nombreux  cortège  de  dames  et 
de  gens  distingués  l'accompagnèrent 
jusqu'à  l'Hôtel-de-Ville  ,  où  il  reçut 
une  montre  entourée  de  brillants  et 
ime  somme  d'argent.  Au  mois  de  mai 
1786,  il  perdit  h  Bruxelles  un  superbe 
ballon  de  cent  quarante-deux  pieds 
cubesj  qui ,  aux  trois  quarts  plein  , 
rompit  les  cordes  qui  le  retenaient  , 
s'éleva  rapidement  et  retomba  en 
lambeaux.  Blanchard  fit,  le  10  juin, 
devant  l'arcbiduc  et  l'arcbiducbesse 
des  Pays  -  Bas ,  sa  dix- huitième  as- 
cension avec  deux  ballons.  Il  était 
dans  la  nacelle  du  plus  grand  , 
et  a  l'autre  était  attaché  un  pa- 
rachute dont  il  coupa  la  corde  et 
qui  retomba  sans  accident  avec  un 
mouton.  Il  répéta  la  même  expérience 
a  Hambourg,  le  2.0  août,  saus  inno- 
vations, et  sans  progrès  dans  sa  manœu- 
vre. En  effet,  on  voit ,  par  une  lettre 
qu'il  écrivit  d'Aix-la-Chapelle  au 
chevalier  de  Lespinar,  pour  lui  an- 
noncer sa  vingt-unième  ascension,  qui 
eut  lieu  dans  cette  ville  ,  le  9  octo- 
bre, qu'il  confessait  n'avoir  trouvé 
dans  les  airs  aucun  moyen  de 
direction  ;  que  ,  pour  traverser  Ja 
jManclie  ,  il  ne  lui  avait  fallu  que  du 


BLA 

courage  et  un  moment  favorable  ] 
mais  qu'avec  un  ballon  de  quatre- 
vingts  pieds  de  diamètre,  il  se  risque- 
rait a  voyager  la  nuit  et  a  planer  sur 
les  mers.  Si,  avec  cette  conviction, 
Elanchard  fut  le  seul  aéronaute  qui  ne 
se  dégoûta  pas  de  son  dangereux  mé- 
tier, s'il  devint  le  chef  d'une  école  qui 
survécut  a  toutes  les  autres,  et  d'une 
légion  de  voyageurs ,  qui  successive- 
ment l'accompagnèrent  dans  ses 
voyages  aériens,  il  est  évident  qu'il 
en  avait  fait  un  objet  de  spéculalion, 
un  moyen  de  fortune.  Son  aiubition 
et  sa  vanité  croissant  avec  ses  succès, 
il  voulait  porter  son  industrie  dans 
toutes  les  cours  de  l'Europe;  mais  il 
ne  trouva  point  partout  les  mêmes  fa- 
cilités. L'empereur  Joseph  II  lui  ré- 
pondit que  ,  lorsque  l'utilité  des  aé- 
rostats lui  serait  démontrée  ,  il  s  em- 
presserait d'accueillir  sa  demande 
el  même  de  le  fixer  auprès  de  lui.  Le 
roi  de  Prusse  allégua  que,  malgré  sa 
confiance  dans  Ihabileté  deTaéro- 
naute  ,  il  n'était  pas  rassuré  sur  les 
dangers  de  ses  expériences^,  et  qu'il 
serait  fâché  qu'un  malheur  lui  arri- 
vât dans  ses  étals.  Comme  l;lanchard 
n'était  ni  physicien,  ni  chimiste,  mais 
seulement  mécanicien,  on  a  peine  a 
croire  qu'il  ait  découvert  deux  sortes 
de  gaz,  comme  il  s'en  vanlait  5  l'un 
extrait  du  feu,  sans  acide  vitriolique, 
sans  limaille  de  fer  et  dix  fois  plus  lé- 
ger que  l'air  atmosphérique  j  l'autre 
fait  avec  de  l'eau  en  ébuUition  et  de  la 
limaille  de  fer:  tous  deux  plus  prompts, 
plus  faciles  et  plus  économiques  que 
celtii  que  Charles  avait  inventé.  Il 
fit  usage  du  premier,  dans  sa  vingt- 
deuxième  ascension,  h  Liège,  après  y 
avoir  perdu  un  autre  ballon  neuf,  par 
la  négligence  des  ouvriers  qui  le 
laissèrent  échapper.  A  Yalenciennes, 
le  27  mars  1787,  il  s'enleva  avec  une 
flottille  de  cinq  pctiisLa'Jons,  qu'il  as- 


BLA 

siirait  "lire  plus  commodes  et  plus 
sûrs  qu\iu  gros  aérostat  •  ce  qui  ne 
l'eiupècha  pas  de  s'accrocber  aux 
cheminées ,  aux  arbres ,  et  a  im 
clocber.  A  Naucv ,  oii  il  fit  sa  vingt- 
quatrième  ascension,  le  i*""  juillet, 
avec  la  seconde  espèce  de  gaz  ,  qu'il 
disait  de  sou  invention  5  a  Strasbourg, 
le  z6  août,  à  Leipzig  ,  le  29  sept., 
il  répéta  la  descente  en  paraclnile 
d'un  animal,  cl  ses  évolutions  ordinai- 
res ,  mais  toujours  sans  pouvoir  se 
diriger.  Cependant  il  attirait  partout 
la  même  affluence  j  partout  il  excitait 
le  même  entliousiasrae  ;  partout  on 
lui  rendait  les  mè:nes  honneurs  ,  on 
lui  pavait  les  mêmes  tributs.  Son 
ringt-huitième  vojage  eut  lieu  ,  au 
mois  d'octobre  ,  a  Nuremberg.  En 
1788  ,  il  traversa  encore  le  Pas- 
de-Calais  en  ballon  et  descendit  en 
Angleterre.  Mais  au  mois  de  mai 
1793,  il  fut  arrêté  parcourant  le 
Tjrol ,  et  renfermé  dans  la  forteresse 
de  Kustein ,  comme  soupcouné  d'a- 
voir voulu  propager  les  principes  de 
la  révolution  française.  Il  recou- 
vra bientôt  la  liberté  et  alla  porter 
son  industrie  hors  de  l'Europe.  En 
août  1796,  il  fit  a  Nevv-lork  son 
quarante-sixième  voyage  aérien;  mais 
les  succès  de  son  rival  Garnerin  ex- 
citèrent alors  sa  jalousie  et  l'enga- 
gèrent à  revenir  en  France.  Au  mois 
d'août  1798  .  il  s'éleva  a  Rouen  avec 
seize  personnes  dans  une  flotte  aérien- 
ne, et  alla  descendre  a  Bazancourt , 
près  de  Gournay.  Piqué  contre  Gar- 
nerin ,  qui  lui  avait  dérobé  l'invention 
du  parachute,  mais  qui,  au  lieu  d'y 
attacher  un  chien  ou  un  mouton  , 
avait  osé  faire  lui-même  cette  des- 
cente périlleuse  ,  Blanchard  établit 
dans  les  journaux  ufie  polémique 
qui  amusa  les  Parisiens  oisifs.  Défié 
par  son  adversaire  ,  il  ne  put  se 
dispenser     de    l'imiter   :     en    juillet 


BLA  345 

1799,  il  fit  une  ascension  à  Tivoli _, 
traversa  la  Seine  ,  la  retraversa  ; 
puis  ,  ayant  coupé  la  corde  de  son 
parachute  ,  descendit  dans  un  jar- 
din ,  au  village  de  Boulogne.  Le 
26  du  même  mois  ,  il  partit  de 
Tivoli,  avec  Lalande,  dans  une  nacelle 
suspendue  à  cinq  ballons,  et  laissa 
descendre  une  corde  a  laquelle  pen- 
dait une  ancre,  qui  maintint  la  flot- 
tille à  la  même  hauteur,  mais  sans 
qu'il  en  résultât  aucune  découverte 
intéressante,  ni  pour  l'astroucmie, 
ni  pour  la  direction  des  ballons. 
Ce  qu'on  ne  pouvait  du  moins  con- 
tester a  Blanchard,  c'était  la  persé- 
vérance et  le  courage.  Ln  déc. 
i8o3,  il  fit  a  Lyon  sa  cinquante-cin- 
quième ascension,  par  un  temps  af- 
freux, à  travers  les  vents,  la  pluie  et 
la  grêle.  Les  glaçons  qui  couvraient 
son  ballon  le  mirent  dans  un  cruel 
embarras,  lorqu'il  voulut  ouvrir  la 
soupape,  pour  laisser  échapper  le  gaz 
et  opérer  sa  desceute ,  qu'il  lit  a 
plusieurs  lieues  de  la  ville,  quoiqu'il 
eût  été  cinq  heures  dans  les  airs. 
Dans  les  premiers  jours  de  février 
1808,  Blanchard,  ayant  fuit  sa 
soixantième  ascension,  au  château  du 
Bois,  près  de  La  Haye,  fut  frappé 
d'apoplexie  ;  hors  d'état  d'entrete- 
nir le  feu  de  sou  fourneau,  il  tomba 
de  plus  de  soi.xante  pieds  et  reçut  de 
Louis  Bonaparte,  roi  de  Hollande  , 
tous  les  secours  qu'exigeait  sa  posi- 
tion. Ces  soins  le  rendirent  a  la  vie 
et  permirent  de  le  transporter  eu 
France  ;  mais  il  retomba  bientôt  dans 
un  état  de  névralgie  complète,  dont 
les  symptômes  singuliers  et  la  longue 
durée  fournirent  matière  a  de  nom- 
breuses observations  physiologiques  ; 
et  il  mourut  a  Paris,  le  7  mars  1809. 
Cet  homme  qui  avait  gagné  tant  d'ar- 
gent ne  laissa  que  des  dettes.  En 
1798,  il    avait  écrit  au  conseil  des 


3\6 


ÉLU 


cinq-cenis  pour  réclamer  les  arréra- 
ges de  la  pension  qui  lui  avait  été 
accordée  par  l'ancien  gouvernemeul. 
Sa  pélilion  ,  renvoyée  au  ministre  , 
était  probablement  restée  sans  ef- 
fet  (i).  A— T. 

BLANCHARD  (  Maeie-Ma- 
DELEiisE-SopiiiE  Armant)  ,  femme 
du  précédent,  naquit  le  sS  mars 
1778  (peut  êlremème  trois  ou  quatre 
ans  plus  tôt)  ,  k  Trois-Canons ,  près 
de  la  Rochelle.  On  raconte  que  sa 
mère  étant  grosse  vit  un  voyageur  qui 
lui  promit  d'épouser  l'enfaul  dont 
elle  devait  accoucter,  si  c'était  une 
fille.  Ce  voyageur  était  Blanchard, 
avec  qui  la  jeune  Armani  fut  mariée 
dans  son  adolescence.  Epouse  d'un 
aéronaule,  madame  Blanchard  de- 
vait se  familiariser  de  bonne  heure 
avec  les  dangers  inséparables  des 
voyages  dans  les  régions  de  l'air; 
mais  quoique  la  vivacité  de  ses  désirs 
égalât  celle  de  son  imagination  ,  elle 


BLA 

différa  son  début  dans  celle  carrière 
jusqu'à  ce  qu'elle  eut  acquis  la  certi- 
tude que  le  ciel  lui  refusant  les  dou- 
ceurs de  la  maternité,  elle  serait  dis- 
pensée d'en  remplir  les  devoirs.  Elle 
avait  à  peu  près  vingt-six  ans  lors- 
qu'elle fil  avec  son  mari  sa  première 
et  probablement  sa  seconde  ascension 
aérostatique;  mais  ce  fut  au  mois 'de 
mars  i8o5,  qu'ayant  fait  seule  la 
troisième  a  Toulouse,  elle  descendit 
''  a  Lux  ,  près  de  Caraman  ,  a  dix-sept 
mille  cinq  cents  toises  ,  en  ligne  di- 
recte, du  lieu  de  son  départ.  Tel 
était  le  dénuement  où  devait  la  réduire 
la  mort  de  son  maii ,  qu'il  lui  disait 
quelque  temps  auparavant  :  «  Tu 
n'auras  après  moi  ,  ma  chère  amie  , 
d'autre  ressource  que  de  te  noyer  ou 
de  te  pendre.  3)  Mais,  loin  de  se  livrer 
au  désespoir  ,  madame  Blanchard 
fonda  son  existence  sur  les  produits 
du  métier  d'aéronaute.  Elle  multiplia 
ses  voyages  aériens,  etacquit  une  telle 


(i)  Bl.inchaid  était  un  homme  sans  science 
et  sans  lettres  :  il  parlait  mal  sa  langue  et  ne 
savait  pas  l'oithographe.  On  a  de  lui  une  lie/a- 
tion  de  la  ciiK/uanteunième  el  dernière  ascension  , 
etc.,  faite  à  Nantes,  le  19  février  1800  (3o  plu- 
viôse an  viî^  ,  et  qui  fut  imprimée  dans  cette 
ville,  in  4'  de  12  pages.  Cette  pièce  est  vrai- 
seuiblablement  à  peu  nr'^s  inconnue  à  Paris  ; 
Blanchard  j  prend  les  titres  de  citoy.n  adopiif 
des  pnnripa/es  villes  des  Deux-Mondes  ,  de  membre 
honoraire  de  plusieurs  académies  étran-'ères,  et  de 
pensionnaire  aérien  de  la  rcpubli'iue  française.  11 
raconte  que,  lors  de  sa  descente  à  trc.is  liiues  et 
demie  de  iSaiites,  il  lut  secouru  par  quelques 
paysans  qui,  saisissant  une  corde  qu'il  leur  jeta, 
fixèrent  l'aérostat,  l.oiidissaut  dans  un  bois  tail- 
lis j  que  ,  par  reconnaissance,  il  leur  abandonna 
ses  provisions,  consistant  en  une  bouteille  de 
vin  ,  du  pain  et  un  poulet,  qu'ils  se  partagè- 
reut  en  disaut  :  Je  n'oas  jamais  rin  bu  ni  majigai 
gui  vnl  de  si  /iflt(haut).  Mais  un  autre  paysan, 
de  sinistre  figure ,  survint  ,  et  dit:  C'est  le  diable 
qui  t'a  amenai,  dis-moi,  sorcier  que  t'est  ,  de  quel 
dret  t'avises- lu  de  v'nir  descendre  ç/ieu  nous  >  Tu 
méritrais  ben  d'être  péar  pour  ca...  Il  faudrait  bcn 
l'  f trais  cous  de  couliuu  dans  le  ventre.  En- 
suite BlancUard  se  plaint  amèrement  du  public 
nantais  qui,  au  lieu  de  venir  lui  payer  trente 
sols  dans  l'enceinte,  s'est  tmu  sur  les  hauteurs 
aRii  de  voir  gratis  sou  ascension,  pour  latjnelle 
«  j'ai  dépensé  ,  dit-il,  près  de  cinq  mille  fr.  ;  » 
et  il  ajoute  ;  «  Mon  but  aujourd'hui  n'est  pas 
d'acijuérir  de  la  jloire  ,  mais  bien  d'obtenir  le 


fruit  de  mon  travail...  Ayant  eu  quarante  six 
fois  la  preuve  que  l'ingratitude  du  public  est 
la  même  dans  tou~  les  pays  du  monde,  la  com- 
mune de  Nantes  a  mis  le  sceau  à  ma  décision. 
Car  malgré  mon  zèle  pour  la  carrière  aérostati- 
que, dont  la  richesse  des  veines  inépuisables  ne 
pouvait  manquer  d'augmenter  le  domaine  des 
sciences  ,  je  déclare  que  je  tiendrai  dorénavant 
à  la  lerre  ,  le  public  ni'ayant  mis  hors  d'eiat 
de  faire  de  nouvelles  expériences...  Je  termine 
donc  ici  ma  carr:ère  aérostatique  et  met  ma 
flottille  aérienne  en  vente.  La  totalité  de  mes 
b. liions  est  composée»  d'environ  dix-huit  cents 
aunes  de  taffeias  de  bonne  qualité;  j'en  ferai 
bon  marché  aux  amateurs  qui  se  i^resenieront. 
Ces  ballons  dépecés  sont  projires  à  faire  de  bon- 
nes capotles  ,  des  coéfes  de  chapeaux  ,  des  ta- 
bliers-, des  parapluies  ,  eic,  etc.  C'est  en  encou- 
rageant les  arls  de  la  sorte,  qu'un  les  conduit  au 
tombeau...  Je  n'ignore  pas  combien  il  sera  tenu 
de  vils  discours.  Je  me  trouve  dispensé  de  ré- 
plique ;  d'ailleurs  j'ai  répondu  h  tout  en  m'ele- 
vaiit  au  dessus  de  tout.  »  Cependant  il  fait  un 
dernier  appel  aux  riches  Kantaisdont  on  lui  a 
donné  une  longue  liste  ,  et  qui  se  sont  pl-icés  , 
dit  il ,  dane  les  champs  ,  etc.  ,  pour  jou,r  de  mon 
ascenciûn  gratis.  K  Se  ïear  <Mrn\  >  à  ces  personnes 
riches,  qu'elles  me  doivent  toutes  leur  rétribu- 
tion ;  savoir:  les  trente  sols  des  dernières  pla- 
ces ,  si  mieux  elles  n'aiment  ni'envoyer  le  prix 
des  premières.  .'Mon  adresse  est  chez  le  citojren 
Curas  ,  perruquier.,  derrière  la  comédie  briilee.  i) 
V — YH. 


BtA  BTA                   Î47 

intrépidité  qu'il  lui  arrivait  souvent  de  qui  bordaieut  l'enceinte ,  elle  le  dé- 
s'endorinlr    pendant  la  unit   dans  sa  gagea  en  jetant  du  lest,  et  renversa 
frêle  el  étroite  na-eUe  ,  et  d'attendre  en  s'élevant  quelques  cassolettes  d'es- 
ainsi  le  lever  de  l'aurore  pour  opérer  prit  de  viu.  A  une  certaine  hauteur 
sa   descente    avec   sécurité.    Il    s'en  elle  lança  des  fusées  romaines -,  mais 
fallait  beaucoup  qu'elle   montrât  le  bientôt,  soit  queTunede  ces  fusées  eût 
même  courage  dans  les  voilures  1er-  percé  le  ballon  ,  soit  que  Vaéronaute, 
reslres.  Ses  ascensions  à  Rouie  el  à  voulant  descendre  aune  distance  très- 
Naples,  en  i8i  i,  furent  aussi  bril-  rapprochée,  n'eût  point  fermé  Tap- 
lantes     que    lucratives.    Dans    celle  pendice  par  oi!i le  gaz  hydrogène  avait 
qu'elle  fit  a  Turin,  le  26  avril  1812,  été  introduit,  et  qu'en  mettant  le  feu 
elle  éprouva  un  froid  glacial  et  une  à  une  autre  pièce  d'artifice  ,  adaptée 
forte  hémorrhagie  par  le  nez  ;  lesgla-  au  petit  parachute  qu'elle  devait  lan- 
çons s'attachaient  k,ses  mains  el  a  son  cer  ,  la  mèche   eût   enfla!i;mé  le  gaz 
visage  ,  en  pointes  de'diamants.   Ces  qui  sortait  par  l'appendice  ,  une  vive 
accidents  ,    loin   de   la   décourager  ,  lumière  annonça  Tiucendie  du  ballon 
redoublèrent  son   ardeur  et  son  ac-  et  le  malheur   qui   arrivait.    Un  cri 
tivité,   que  vint  stimuler  la  concur-  d'effroi  s'éleva  spontanément  de  lou  • 
renée  de  mademoiselle  Garnerin.  Ses  tes  parts j  plusieurs  femmes  s'évanoul- 
voyages    furent  plus    fréquents;     il  rent  et  la  fête  fut  interrompue.  L'in- 
n'y  eut  pas  de  fêle  publique  où  Tune  fortunée   tomba  avec  sa  nacelle  sur 
des  deux  rivales  ne  jouât  le  principal  une  maison  dont  elle  enfonça  le  toit , 
rôle  avec  son  ballon.  L'ascension  que  au  coin  des  rues  Chauchat  tt  de  rro- 
madame  Blanchard   fit  a  Nantes,  le  vence.  Son  corps,  enveloppé  dans  les 
21  sept.  1817,  était  la  ciiiquanle-troi-  restes  des  cordages  el  de  la  nacelle, 
sième  5  ayant  voulu  descendre  a  qua-  fut  porté  a  Tivoli,   où  tous  lis  se- 
tre  lieues  de  celte  ville,  dans  ce  qui  cours  lui  furent  vainement  prodigués. 
lui  paraissait  être  une  prairie  ,  entre  Comme  il  n'était  pas  défiguré  ,  quoi- 
Couëron  et  Saint-Etienne  de  Mont-  que  fracassé,  el  q'ie  la  tête  et  les 
lue,  elle  se  tiouva  sur  un  marais  où  jambes  étairnt  entières ,  on  a  suppose 
son  ballon  ,    accroché  a  un  arbre  ,  que  l'asphyxie   avait  d'abord   occa- 
lomba  sur  le  côié  ,  de  telle  manière  sioné  la  mort.  On  fît  une  collecte  a 
qn'elle  aurait  eu  beaucoup  de  peine  'a  Tivoli  pour  ses  héritiers;  mais,  comme 
se    dégager   si    l'on  ne   fût   venu  a  madame  B'anchard  n'avait  eu  qn  une 
son    secours.    Cet     accident    n'était  fille   adoptive   ou  naturelle  qui   était 
que  le  précurseur  de  l'événement  fu-  morte  ,  les  cent  louis  que  proclui^ll  la 
nesle  qui  mit  fin  à  ses  jours.  Après  quête  furent  employés  a  ses  funérailles 
s'être  montrée  dans  les   principales  et  au  monument  que  ses  amis  lui  fi- 
villes   de  France    et    dans   quelques  rent  ériger  au    cimetière  du  Père- 
capitales  de    l'Europe  ,  elle   fit,  'a  Lachaise.  Ses  restes  y  furent  portés 
l'ancien  Tivoli  de  Paris  ,  sa  soixan-  sans  avoir  été  présentés  au   temple 
l€-seplième    ascension,    le    6  juil-  luthérien  des  Billettes,  quoique  ma- 
lel    1819,    a  dix    heures   et  demie  dame  Blanchard   appartînt   a    cette 
du  soir,  dans  une  nacelle  pavoisée,  communion.   Chacune   de  ses  ascen- 
brillammenl  llluuiinée  et  supportant  slons  lui  avait  coulé  mille  francs  de 
un  artifice.  Son   ballon  trop  chargé  frais  ,  non   compris    la    cguslruclion 
peut-être  s'élant  accroché  aux  arbres  des  ballons  lorsqu'il  faljait  lesrenou- 


348 


BLA 


vêler 5  et  cependant  elle  était  parve- 
nue, malgré  sa  manie  d'acheter  des 
tableaux  ,  à  ramaj-ser  uouze  cents 
francs  de  rente  qu'elle  a  laissés  a  la 
fille  d'un  de  ses  amis.  A — t. 

BLAXCMESXIL.  Voy.  Po- 
tier, XXXV,  524.. 

BLAXKEXSTEIX  (  Ericest, 
comte  de),  général  autrichien,  d'une 
des  plus  anciennes  familles  de  l'Alle- 
magne, naquit  à  Reinsdorff,  dans  la 
ïhuringe,  en  1753,  entra  au  ser- 
vice comme  cornette  dansle  régiment 
des  cuirassiers  de  Schmerzing,  et 
fut  nommé  lieutenant  a  la  bataille 
de  Kollia  ,  où  il  se  distingua. 
Son  nom  ayant  été  cité  honorable- 
ment dans  plusieurs  circonstances  , 
et  particulièrement  à  Breslau  ,  Hoch- 
kirch  ,  Maxen  ,  Troppau  ,  il  fut  avant 
l'âge  (1758)  nommé  capilaine  chef 
d'escadron  ,  et  passa  dans  le  régi- 
ment des  cuirassiers d'Anhall-Zerbst. 
En  1760,  il  devint  capilaine  chef 
d'escadron  titulaire,  et  fut  nommé 
commandant  de  l'escadron  des  ca- 
rabiniers, cequi^  trois  ans  après,  lui 
valut  le  grade  A' ohcrstwachtmeis- 
tcr.  Un  mois  auparavant  il  avait  été 
nommé  chambellan.  Eu  1765,  il 
passa  dans  le  régiment  des  chevau-lé- 
gers,  devint  lieutenant-co'onel,  et  un 
an  après  (1768)  colonel  et  com- 
mandant du  régiment.  Il  ne  resta 
que  trois  ans  dans  ce  grade.  Marie- 
'Ihérèse  le  nomma  général  feldwa- 
chlmeister.  Dans  la  guerre  de  la 
succession  de  Bavière,  il  commandait 
l'avant-garde  de  la  division  Dalton  ; 
et  ce  fut  lui  qui  atteignit  les  Prussiens, 
commandés  par  le  duc  de  Brunswick, 
derrière  les  Trois-Maisons  (  Drey- 
Hausen),  et  qui,  après  un  combat 
de  dix  heures ,  les  repoussa  dans 
leur  camp  avec  une  perte  considé- 
rable. H  fut  nommé  lieutenaut-feld- 
maréchal   peu    de   temps   avant    la 


BLA 

guerre  contre  les  Turcs,  dont  il  fit 

toutes  les  campagnes.  Attaché  k  la 
di\ision  des  Crcates-Slavons ,  il  se 
distingua  principalement  devant  Ber- 
bir  et  Belgrade.  Dans  la  guerre  de 
la  révolution  française,  Blankenstein 
commandait,  en  1793,  près  de  Trê- 
ves, une  division  de  neuf  bataillons  et 
quatorze  escadrons,  avec  lesquels  il 
couvrait  la  Moselle  et  formait  l'aile 
gauche  de  la  grande  armée.  Après 
l'occupation  de  Mayence  ,  il  prit 
une  position  retranchée  entre  la  Mo- 
selle et  la  Sarre  ,  et  fit  une  attaque 
sur  Thionville  pour  soutenir  l'entre- 
prise du  prince  de  Cobourg  sur  Mau- 
beuge.  I/ennemi,  qui  était  posté  entre 
Kirch  et  Sierck  ,  fui  rejeté  sur  Thion- 
ville ,  et  Blankenstein  s'établit  près 
de  Perl-Efft  et  de  llehliugen  ,  où  il 
resta  jusqu'à  la  fin  d'octobre.  A  cette 
époque  les  Français  ayant  réuni  des 
forces  considérables  sur  la  Moselle 
pour  l'attaquer  ,  il  alla  occuper  de 
nouveau  son  ancienne  position  près 
de  Mertzkirchen  ,  entre  Graevenma- 
chern.  Trêves,  Sarrebourg  et  Mer- 
zig.  Xommé  général  de  cavalerie  ,  il 
reçut  en  mai  i  -jcfi  l'ordre  de  recom^ 
mencer  ses  mouvem.enlspouréloigner 
l'ennemi  de  la  Sambre.  Il  partit  de 
Trêves  avec  quatre  bataillons ,  deux 
compagnies  de  Croates  et  cinq  esca- 
drons ,  et  poussa  jusqu'à  Bastogne 
pour  renforcer  l'aîle  gauche  de  l'ar- 
mée sous  les  ordres  du  lieutenant- 
général  Mêlas.  En  juillet ,  le  danger 
devint  si  pressant  devant  Trêves,  que 
Mêlas  fut  obligé  de  se  retirer  sur 
cette  position.  Après  un  combat  long 
et  opiniâtre  contre  des  forces  supé- 
rieures ,  Trêves  tomba  au  pouvoir 
des  Français  le  9  août.  Blankenstein 
se  retira  jusqu'à  AVillich  sans  être 
poursuivi.  Il  laissa  ses  avant  postes 
près  de  Kloster-Klausen  et  reçut  de 
Worms  un  renfort  de  quatre  batail- 


BLA. 

lous.  Réduit  néanmoias  a  six  mille 
hommes  ,  il  fut  attaqué  par  une  nom- 
breuse armée  et  contraint  de  se  re- 
tirer sur  Coblentz.  Mêlas  prit  ensuite 
le  commandement  ,  et  Blankensteiu 
fui  chargé  de  la  cavalerie  et  des  gre- 
nadiers, ainsi  que  du  contingent  saxon, 
dans  le  camp  de  Grumstadt,  près  de 
Darmstadt.  L'affaiblissement  de  sa 
santé  ,  joint  a  son  grand  âge  ,  Tobli- 
gea  ,  l'année  suivante,  à  se  retirer 
dans  ses  terres.  Il  avait  été  nommé, en 
i792,coloneltitiilaire  du  6*^régiraent 
de  hussards  (aujourd'hui  régiment  du 
roi  do  AV  urtemberg) ,  qu'il  avait  eu 
sons  ses  ordres  comme  brigadier.  On 
sait  la  réputation  que  les  hussards  de 
Elankeusteln  s'acquirent  alors  eu 
Allemagne.  Leur  chef  mourut  le  12 
juin  181  6,  a  Baltelau  en  Moravie. 

M— Dj. 

BLANPAÎN  (Jean),  religieux 
prémonlré  ,  né  au  Vignot  ,  bourg 
près  de  Commercy  ,  le  21  octobre 
1704. ,  fit  profession  ,  à  l'âge  de  dix- 
sept  ans ,  dans  l'abbaye  de  Sainte- 
Marie  de  Pont-a-Mousson.  Son  mé- 
rite précoce  le  fit  appeler  successive- 
ment aux  chaires  de  rhétorique,  de 
philosophie,  de  tliéologie  et  de  droit 
canon  dans  l'abbaye  d'Estival,  dont  il 
devint  prieur.  Le  savant  Hugo  ,  qui 
en  était  abbé,  trouva  en  lui  un 
collaborateur  utile  povir  achever  ses 
Annales  des  Prémonlrés.  Blanpaiu 
lui  fournit  aussi  des  matériaux  pour 
son  recueil  intitulé  :  Sacrœ  Anli- 
quilatis  monumenta  ^  deux  vol.  in- 
fol.  [P^oj.  Hugo,  XXI,  28)  ;  mais 
la  mésintelligence  éclata  bientôt  en- 
trelesdeuxreligieux.  Le  P.  Blanpaiu, 
qui  avait  compté  sur  la  place  de  coad- 
juteur  del'abbaye,  s'élantvu  préférer 
unde  ses  confrères,  qu'il  croyait  y  a- 
voir  moins  de  droils,  lompit  avec  son 
chef  et  se  relira  à  Nancy ,  où  il  forma 
le  plan  d'une  critique  gécérale  des 


BLA 


349 


ouvrages  de  l'abbé  Hugo.   Le  pre- 
mier ouvrage  qu'il  publia  dans  ce  but 
fut  le  Jugement  des  écrits  de  M. 
Hugo  ,    évéque   de   Ptolémaide  , 
abbé  d' Estival  en  Lorraine  ,  his" 
toriographe  de   l'ordre  de  Pré- 
montré,   Nancy,  i736,in-8°.    Ce 
Jugement  ne  porte  que  sur  les  An- 
nales de  l'ordre  des  Prémontrés ,  aux- 
quelles le  censeur  avait  lui-même  tra- 
vaillé •  et  c'est  peut-être  parce  qu'il 
connaissait  mieux  qu'uu  autre  le  côté 
faible  de  l'ouvrage,   que  sa  critique 
est  a  la  fois  judicieuse  et  solide.  Quoi- 
que les  traits  décochés  contre  l'évê- 
que  de  Ptolémaïde  soient  assez  vifs  , 
ils  n'ont  rien  d'acrimonieux  dans  la 
forme.    Les    recherches   auxquelles 
s'était  livré  le  P.  Blanpaiu  ont  un  tel 
degré    de    certitude   que  ,   depuis  la 
publication  de  son  livre  ,  il  ne  trouva, 
sous  ce  rapport  ,  qu'une  seule  recti- 
fication a  y  faire.    Il   critiqua   aussi 
avec  beaucoup  de  finesse  le  mande- 
ment   que    l'évèque   de    Ptolémaïde 
avait  donné  ,  lors  de  la  prise  de  pos- 
session du  duché  de  Lorraine  par  le 
roi  Stanislas  ;  mais  ce  petit  pamphlet 
est  resté  manuscrit.  ï)çs  études  plus 
sérieuses  occupaient  les  loisirs  du  P. 
Blanpaiu.  11  travaillait  k  la  conlinua- 
tiou  des  Annales  de  l'ordre  de  Pré- 
montre,  mais  il  ne  l'acheva  pas,  ce 
qui  lui  a  tait  reprocher  de  n'avoir  pas 
apporté  dans  ses  travaux  la  constance 
dont  les    Bénédictins    lui  donnaient 
l'exemple.  Après  la  mort  de  l'abbé 
Hugo  ,  il  revint  k  Estival ,  où  il  fut 
curé  et  officiar  jusqu'k  la  fin  de  ses 
jours,  vers    1765.   Parmi  les  mor- 
ceaux dont  il  a  enrichi  le    recueil  des 
monuments  sacrés  de  Hugo,  on  dis- 
tingue la  Chronique  de  Baudouin 
de  Ninove,  dont  ou  ne  connaissait 
que  des  fragments,  et  la  Chronique 
inédite    de  l'abbaje  de  F  icogne, 
par  Nicolas  de  Montigny.  Lesremar- 


35o  BLâi 

qiies  qu'il  y  a  jointes  sont  judicieu- 
ses. 1,1  a  fourui  pour  la  Bibliothè- 
que de  Lorraine  de  dora  Calmet 
des  mémiiires  sur  la  vie  ef  les  écrits 
des  religieux  de  1  ordre  des  Pre'mon- 
trés  et  la  /^/e  du  B.  Louis  comte 
d'Arnstein ,  pour  la  Bihli '(hèque 
des  Préniontrés  du  P.  Pagi.  La 
France  lilléraire  de  1769  et  celle 
de  M.  Quérard  indiquent  ,  comme 
ayant  été  publié  ,  un  ouvrage  du  P. 
lilonpain  qui  n'a  pas  vu  le  jour  ; 
c'est  le  Jus  canonicum  resularium 
prœsertim  Preentonstratensiu/n  , 
3  vol.  in-4-°.  L  —  i\i — X. 

BLANQUET  (Samuel),  me'- 
deciu  et  naturaliste,  naquit  vers  la 
fin  du  dix-seplièiîje  siècle,  dans  le 
diocèse  de  Mende.  Apres  avoir  achevé 
ses  coursa  la  faculté  de  Montpellier, 
il  reçut  le  doctorat,  et  revint  dans 
sa  patrie  où  il  ne  tarda  pas  K  se  faire 
connaîlre.  Il  fut  un  des  médecins  ap- 
pelés a  combattre  la  peste,  qui  s'était 
déclarée  dans  le  Gévaudan  en  1722. 
Il  rendit  compte  de  ses  observations 
ainsi  que  des  moyens  qu  il  avait  em- 
ployés ,  dans  une  Lettre  à  Dodart , 
qui  la  fit  imprimer.  C'est  un  in -4^° 
de  9  pages,  dont  on  trouve  l'analyse 
dans  le  Journal  des  Savants,  même 
année.  Blanquet  employait  ses  loisirs 
a  l'étude  de  l'histoire  naturelle  ;  et 
il  communiquait  ses  remarques  k  l'a- 
cadémie de  Béziers  ,  qui  le  comptait 
parmi  ses  membres  correspondants. 
Il  mourut  a  Mende ,  avant  l'année 
1760  ,  puisqu'il  n'en  est  fait  aucune 
mention  dans  la  France  littéraire 
d'Hébrailh.  Outre  la  lettre  dont  on  a 
parlé  ,  on  conu-iît  de  ce  médecin  :  I. 
Examen  de  la  nature  et  vertu  des 
eaux  du  Gévaudan,  Mcadè,  1728, 
in-8".  II.  Discours  pour  servir  d'^ 
plan  à  l'histoire  naturelle  du  Gé- 
vaudan^ lu  h  l'assemblée  des  états 
de  ce  diocèse,,   le    i3  février  lySo  , 


BLA 

îu-4°,  sans  date,  ni  lieu  d'impression. 
WlEpistola  de  aqua  quœin  Saxa 
obrigescit,  Mende,  lySi  ,  in-4.". 
Cette  lettre,  adressée  par  l'auteur  'a 
l'académie  de  Béziers.  contient  une 
description  très-bien  faite  des  grottes 
de  Merveis ,  près  de  Mende,  qui  pro- 
duisent en  abondance  des  stalactites. 
Elle  fut  traduite  en  francas  par 
Rcfuillet  ,  secrétaire  de  l'académie  , 
lequel  en  lit  lecture  k  la  séance  pu- 
blique du  6  déc,  même  année  (Voy. 
la  Bihl.  Instar,  de  la  France ,  I , 
2799).  —  Blanquet  (  A?itoine- 
Athanase),  petit-fils  du  précédent, 
né  à  Mende,  le  i5  sept.  1754-,  sui- 
vit la  carrière  administrative  el  rem- 
plit les  fonctions  de  subdélégué  de 
l'intendance  du  Languedoc.  Il  rendit 
d'importants. services  k  cette  province, 
en  y  introduisant  des  méthodes  de 
culture  ,  d;int  sa  propre  expérience 
lui  avait  fait  connaîlre  les  avantages. 
Dans  ses  loisirs,  il  se  délassait  avec 
les  muses  latines.  On  cite  de  lui  trois 
poèmes,  restés  probablement  inédits, 
puisqu'on  ne  les  trouve  mentionnés 
dans  aucun  catalogue  :  Opotheca 
sive  Poniarium  mimatense  {\\i  ver- 
ger de  Mende). — T^udicra  stirpium 
gebane.nsis.  — Psyché,  seu  horto- 
rum  origo.  RlonquetmourutaMeude 
le  II  déc.  i8o3.  W — s. 

BLANQUET  DU  CHAY- 
LA  (Armand-Siimon- Marie  de), 
d'une  ancienne  famille,  naquit  le  9 
mai  1759,  a  Marvejols  (Lozère), 
et  se  destina  de  très-bonne  heure  à 
la  marine.  Il  naviguait  déjà  depuis 
plusieurs  années,  quand  éclata  la 
guerre  d'Amérique ,  soutenue  avec 
des  chances  si  diverses  ;  mais  qui  eut 
pour  Importants  résultats  d'assurer 
l'indépendance  américaine  ,  de  ren- 
dre a  la  France  la  pèche  de  Terre- 
Neuve  et  de  la  délivrer  de  1  ignomi- 
nieuse présence   d'un    commissaire 


BLA. 

britannique  a  Duukercfue.  Pendant 
cette  guerre,  le  jeune  Blanquet  par- 
ticipa aux  combats  des  8  et  i  o  août 
1781,  a  l'entrée  et  a  la  sortie  de 
la  rade  de  Nevvport,sous  les  ordres 
du  comte  d'Eslaing;  au  combat  du 
29  avril  devant  le  tort  Royal,  sur  le 
Languedoc  monté  par  le  comte  de 
Grasse,  et  au  combat  du  5  sept. 
sur  le  Paimier,  a  1  ouverture  de  la 
Chesapeak.  Etant  repassé  sur  le 
Languedoc,  il  .se  distingua  les  £5, 
26  et  27  janvier  1782,  devant 
Saint-Cbrislopbe,et  les  9  et  1  2  avril 
conire  l'amiral Rodney.  Il  fut  blessé 
aux  jambes  a  cette  dernière  affaire. 
La  paix  signée,  il  servit  daus  les 
escadres  d'évolution  de  la  Manche, 
des  mers  de  l'Allemagne  et  de  la 
Méditerranée.  Des  pirates  a\ aient 
fait  souffrir  de  grands  dommages  au 
commerce  des  Echelles  :  la  corvette 
la  Belette  reçut  l'ordre  de  leur 
donner  chasse.  Blanquet,  qui  était 
second  de  cette  corvette,  se  mit  a 
la  tète  d'uu  détachement  de  troupes 
de  marine  et  pnursuivit  les  forbans 
jusque  dans  une  ause  de  la  côte  d'Al- 
bauie  où  ils  s'étaient  réfugiés.  Nommé 
capitaine  de  vaisseau  en  1792,  il  fut 
choisi  par  l'amiral  Truguet,  com- 
mandant l'escadre  de  la  Méditerra- 
née .  pour  son  capilaiup  de  pavillon. 
Il  fit  en  celle  qualité,  sur  le  Ton- 
nant, l'expédition  contre  la  Sardai- 
gue,  et  reçut  une  blessure  devant 
Oneille  oii  l'amiral  l'avait  envoyé  en 
parlemealaire.  Destitué  comme  no- 
ble en  1795,  Blanquet  vit  tous  ses 
biens  séquestrés  et  n'obtint  d'être 
réintégré  dans  son  grade  qu'après  la 
chute  de  Robespierre.  Appelé  au  mi- 
nistère de  la  marine  en  1796,  l'ami- 
ral Truguet  se  fit  seconder  daus  cette 
tâche  difficile  par  son  ancien  capitaine 
de  pavillon ,  dont  il  avait  pu  appré- 
cier le  zèle.  Promu  au  grade  de  con- 


BLA 


35i 


Ire-amiral  en  sept,  de  cette  année, 
Blanquet  porta  successivement  son 
pavdlon  sur  les  vaisseaux  le  Ré- 
publicain et  la  Constitution  de  la 
flotte  de  Brest  qui  désarma  en  i  798. 
Il  se  trouvait  a  Paris  lorsque  Bo- 
naparte le  choisit  pour  comman- 
der en  second  la  flotte  de  la  JNié- 
dilerranée  qui  devait  le  porter  sur  la 
terre  des  Pharaons,  mais  dont  la 
destiua'ion  était  encore  un  mys- 
tère. L'ami) al  Blanquet  monta  le 
Franklin  et  fut  détaché  avec  une 
partie  de  l'escadre  pour  diriger  l'at- 
taque conire  Malte.  Dans  le  conseil 
qui  précéda  le  désastreux  combat 
dAboukir,  lui  et  l'héroïque  Dupe- 
tit-Thoi;ars  soutinrent  avec  la  plus 
grande  éni^rgie  qu'il  fall.il  appareil- 
ler et  coraballre  sous  voiles.  Ou  sait 
que  cet  avis  ne  put  prévaloir,  une 
partie  des  équipages  étant  allée  faire 
de  l'eau  jusque  dans  \g  bogas.  Nel- 
son ayant  réussi  h  couper  la  ligue, 
les  vaisseaux  embossés  furent  envelop- 
pés et  criblés  par  les  pelotons  de  l'es- 
cadre anglaise.  Le  Franklin  reçut 
presque  a  bout  portant  le  feu  Je 
cinq  vaisseaux  ennemis  et  ne  se  rendit 
qu'après  une  des  plus  belles  défenses 
dont  s'Iionore  la  maiine  française. 
Alteintd'un  coup  de  feu  qui  lui  avait 
horriblement  fracturé  la  cloison  na- 
sale, Blanquet  demande  en  repre» 
nant  connaissance  pourquoi  on  ne 
tire  plus?  Sur  la  réponse  qu'il  ne  res- 
tait qu'un  seul  canon  en  étal:  Tirez 
toujours,  s'écria-t-il ,  le  dernier 
coup  est  peut-être  celui  qui  nous 
rendra  victorieux.  A  sou  retour  eu 
Frauce  il  se  plaignit  d  abord  au 
directoire  ,  puis  au  premier  consul,  de 
la  conduite  des  trois  coutre-aniiraux 
qui,  après  la  mort  de  Bmeys,  s'é- 
taient trouvés  sous  ses  ordres  ;  mais 
ses  plaintes  ne  furent  point  accueil- 
lies ,  et  il  tomba  dans  une  disgrâce 


3  5-> 


BLA. 


qui  ne  peut  être  attribuée  qu'à  la 
franchise  avec  laquelle  il  s'était 
exprimé  sur  les  causes  du  désastre 
d'Aboukir.  Admis  a  la  retraite  en 
i8o3,  il  ne  reparut  sur  les  cadres 
de  la  marine  qu'a  la  première 
restauration,  où  il  fit  partie  un  in- 
stant de  la  compagnie  de  marine  de  la 
garde  royale.  Il  insista  ensuite  beau- 
coup, mais  vainement,  pour  être  re- 
mis en  activité  j  et  les  témoignages 
de  royalisme  qu'il  fit  éclater  à  cette 
époque  eurent  peu  de  résullals  pour 
son  avancement.  Il  fut  cependant  fait 
chevalier  de  Saint-Louis,  officier  de 
la  Légion-d'Honneur  et  vice-amiral 
honoraire.  Quelque  flatteuses  que  fus- 
sent ces  distinctions,  elles  ne  purent 
adoucir  les  ennuis  d'une  retraite  an- 
ticipée. Le  vice-amiral  Blanquet  du 
Chayla,  après  d'inutiles  sollicitations 
el  de  longues  souffrances,  mourut 
le  2g  août  1826  ,  à  Versailles. 
Ch — u. 
BLAIVQUI  (Jean-Dominique) 
naquit  à  INice  en  lySg.  Fils  d'un 
cultivateur  aisé  du  petit  village  de 
Drap,  il  reçut  une  bonne  éducation. 
A  vingt  ans  il  remplaçait  souvent  nu 
professeur  de  philosophie  ,  de  mathé- 
matiques et  des  sciences  naturelles  au 
collège  royal.  Lorsque  la  révolution 
française  éclata,  en  1789  ,  Blauqui 
eu  embrassa  les  principes  avec  ar- 
deur, et  trois  ans  après,  le  22  sept, 
1792,  l'armée  française  ayant  oc- 
cupé Nice  et  la  Savoie,  les  peu- 
ples demandèrent  la  réunion  (i)  de 
leur  pays  a  la  républit[ue  française, 
qui  fut  accordée  le  27  novembre 
suivant,  et  ces  contrées  furent  orga- 
nisées en  départements.  La  réputa- 
tion de  savoir  et  de  modération  dont 


(i)  La  cession  définitive  du  duchc-  de  Savoie  et 
du  comté  de  Nice  à  la  Fiance,  par  le  loi  de 
Sardaigne,  fut  opérée  par  le  traité  de  Cherasco  , 
en  1796. 


BLA 

jouissait  Blanqui  le  fit  nommer,  par 
le  département  des  Alpes  maritimes, 
député  a  la  convention  nationale. 
D'un  caractère  essentiellement  droit, 
il  figura  parmi  les  membres  de 
cette  fraction  de  la  Gironde  qui 
fit  d'inutiles  efforts  pour  arrêter 
le  torrent  révolutionnaire  ,  et  il 
partagea  son  malheureux  sort.  L'un 
des  signataires  et  des  principaux  au- 
teurs de  la  fameuse  protestation  des 
73  contre  le  3i  mai,  il  expia,  avec 
eux, cet  acte  de  courage  par  un  empri- 
sonnement de  dix  mois.  C'est  pendant 
cette  cruelle  et  périlleuse  détention 
qu'il  composa  une  brochure  intitulée: 
3lon  agonie  de  dix  mois,  ou  His- 
torique des  traitements  essuyés  par 
les  déj)utés  détenus^  et  les  dan- 
gers qu'ils  ont  courus  pendant 
leur  capti^'ité,  avec  des  anecdotes 
intéressantes,  Paris,  1794,  in-8° 
de  4.4  pag-  Cet  écrit  produisit  alors 
quelque  seusation ,  et  il  est  encore 
recherché  aujourd'hui.  Rentré  au  sein 
de  la  convention  nationale  après  le 
9  thermidor,  Blanqui  resta  constam- 
ment étranger  a  toute  espèce  de  réac- 
tion ;  il  se  consacra  exclusivement  à 
ses  éludes  favorites  surles  finances  et 
radmiuislration.  On  lui  doit  une  foule 
de  rapports  intéressants  sur  les  mon- 
naieSy  les  poids  et  mesures,  les  ca- 
naux et  les  grandes  routes,  qu'il 
trouvait  trop  larges,  et  par  conséquent 
d'un  entretien  dispendieux  et  difficile. 
Après  la  session  conventionnelle  , 
Blanqui  devint  membre  du  conseil 
des  cinq-cents,  d'où  il  sortit  bientôt 
par  le  sort.  Après  le  18  bru- 
maire, le  nouveau  consul  le  nomma 
sous  -  préfet  de  Paget  -  Thénières, 
et  il  exerça  ces  fonctions  jus- 
qu'en 1814  j  époque  de  l'occupation 
du  comté  de  IN'ice  par  les  Piémim- 
tais.  Blanqui  se  relira  alors  dans 
un  petit  village  du  département  d'Eu- 


BLA 


BLA 


re-  t't  -Loir.  Au  retour  de  JNapo- 
léoii ,  eu  1  8  1  5  ,  II  fut  nommé  sous- 
préfet  à  Maimancle  ,*  inais  deslilué 
aprcsle  second  rclour  de  Louis  X\  III, 
il  vécut  a  Paris  dans  la  plus  profonde 
retraite,  occupé  de  littérature  et  de 
sciences.  Il  y  mourut  du  choléra  asia- 
tique, le  1*"^  juin  1802,  dans  une 
médiocrité  de  fortune,  qui  eût  ressem- 
blé a  la  misère  sans  la  pieuse  inter- 
vention de  son  fils  aîné  ,  directeur  de 
l'école  du  commerce  et  professeur 
d'économie  politique  au  conservatoire 
des  arts  et  métiers.  G— g — y. 

BLAYx\EY  (Benjamin),  ha- 
bile hébraïsant ,  était  chanoine  de 
l'église  du  Christ^  professeur  royal 
d'hébreu  a  l'université  d'Oxford  , 
recteur  de  Polshot^  premier  du 
collège  de  Worcesler,  où  il  fut  reçu 
maître  ès-arls  en  ijS5  ,  membre  du 
collège  d'Hertford,  où  lui  furent 
conférés  les  degrés  de  bachelier  et 
de  docteur  en  théologie  (1768  et 
1787).  Il  fut  aus.si  pendant  plusieurs 
années  un  des  prédicateurs  de  A\'hi- 
lehall.  Il  mourut  a  Polshot,  le  20 
sept.  1801.  Non  moins  remar- 
(piable  comme  traducteur  et  com- 
mentateur que  comme  savaut  dans 
l'ancien  idiome  des  Hébreux  ,  11  pu- 
blia entre  autres  ouvrages  :  I.  Dis- 
sertation tendant  d  Jixer  le  véri- 
table sens  et  l' application  de  la 
vision  relatée  dans  Daniel ,  IX  , 
2.0^  et  connue  sous  le  nom  de  Pro- 
phétie des  soixante-dix  semaines 
de  Daniel,  avec  des  remarques 
occasionelles  sur  les  lettres  de 
Michaelis  au  D.  Jean  P  ring  le 
sur  le  même  sujet,  l'j'jS  ,  in- 4-°. 
IL  Jérémie  {Prophéties  de)  et  ses 
Lamentations ,  traduction  nouvelle, 
avec  notes  critiques,  philologi- 
ques et  explicatives  ,  i  784- ,  iu-S". 
III.  Zacharie ,  traduction  nouvelle, 
avec  notes  critiques ,    etc.,  et  un 


Appendice  en  réponse  au  Sermon 
duD.  Eveleighsur  Zacharie,  I, 
8-11.  A  cet  ouvrage  est  ajoutée, 
mais  avec  des  changements,  une  édi- 
tion de  la  DisserlalioD  sur  Daniel. 
Ces  travaux  sont  d'une  haute  impor- 
tance pour  l'étude  et  la  critique  de 
la  Pjible  :  presque  tous  les  juges  com- 
pétentsenont  adopté  les  conclusions, 
quoiqu'elles  changent  et  le  texte  de 
la  Bible  aus;laise  vulgaire  et  celui 
de  la  Iraducliou  de  Michaelis.  Blay- 
ncy  surtout  n'a  jamais  vu  recours  à 
cette  méthode  ingénieuse  ,  mais  si  peu 
certaine  et  si  peu  satisfaisante  ,  du 
savant  Allemand,  qui  compte  par 
années  lunaires  les  semaines  de  Da- 
niel. Ses  explications  aussi  s'étendent 
au  chapitre  que  jNlichaelis  semble 
abandonner  comme  iuexplicable,  ou 
dont  au  moins  il  désespère  de  donner 
une  explication  qui  ait  pour  elle  les 
couleurs  de  la  vraisemblance.  La  ver- 
sion des  Prophéties  et  des  Lameu- 
lalions  de  Jérémie  est  faite  d'après  l 
méthode  du  D.  Lowth  ,  dans  sa  tra- 
duction d'Isaïe.  Nous  devons  en  dire 
aulant  de  la  version  de  Zacharie. 
Blayney  y  a  mérité  un  autre  genre 
d'éloge  par  la  modération  avec  la- 
quelle il  necessede  s'exprimer  en  ré- 
futant un  adversaire  qui  avait  pri 
avec  lui  un  ton  de  pédaulisine  et  d'a- 
crimonie intolérable.  Toutefois,  quel 
que  soit  le  mérite  de  ces  publications, 
les  manuscrits  légués  par  Blayuey, 
d"'abord  h  l'évêquc  de  Durham  ,  son 
ami,  et  ensuite  a  la  bibliothèque  de 
Lambetli,  semblent  plus  importants 
encore.  Ce  sont  :  1°  Une  Traduc- 
tion nouvelle  des  Psaumes ,  2  vol. 
in-4-"j  2°  un  Commentaire  critique 
sur  le  même  ouvrage,  3  vol.  in-4°5 
5°  des  JSotes sur Isaïe,  5  vol.  in- 4°; 
4"  des  Remarques  sur  les  petits 
Prophètes  (et  comparaison  avec  la 
version    et    les    notes    de    l'évêque 

23 


3j4 


BLA 


Newcome)  5  5°  Remarques  sur  le 
Chant  de  Moise ,  comparé  avec  le 
passage  de  Samuel ,  II,  22  ;  le  Chant 
de  Débora,  la  Bénédiction  de  Jacob, 
celle  de  Moïse,  el le Cbanl d'admoni- 
tion de  ce  législateur, Deut.,  XXXII, 
65  6°  Nouvelles  Observations  sur 
quelques  psaumes  ^  quelques  cha- 
pitres d'Isaie  et  quelques-uns  des 
petits  prophètes  ,  notamment  de 
Zacharie ,  i  vol.  in-fol.  Blayney 
surveilla  la  correction  de  la  Bible  an- 
glaise vulgaire,  sortie  en  1769,  in- 
4.",  des  presses  de  Clarendon ,  une 
des  plus  rares  et  des  meilleures  édi- 
lioiis  des  Ecritures.  P — ot. 

BLAZE  (Henri-Sébastien),  né 
a  Cavaillon  ,  dans  le  comtat  Venais- 
sin,  en  1760,  vint  achever  ses  éludes 
à  Paris  en  1779.    Destiné  au  nota- 
riat ,  profession  de  son  père,  il  pré- 
féra se  livrer  à  sa  passion  pour  la  mu- 
sique,  prit   des  leçons  de  quelques 
maîtres   fameux,    tt  devint  un   des 
premiers     élèves    de    Séjau    sur    le 
piano  et  sur  l'orgue.  Son  retour  clans 
sa   province  produisit    une  sorte  de 
révolution  musicale.  Le  piano   qu'il 
avait  apporté  a  Cavailloa  ,  instru- 
ment nouveau  pour  le  pays,  y  parut 
une  merveille  5  et  les  organistes  qui 
avalent    prédit     qu'il     ne     jouerait 
jamais  que  du  violon  ,  tàchih'ent  de 
se  modeler  sur  sou  jeu  el  firent  pour 
la  première  lois  usage  du  pouce  afin 
d'exécuter  les  passages  rapides.  De- 
venu notaire  malgré  lui,  iJazenere- 
uonca  point  a  la   musique  ,     et   ses 
coraposllions    obtinrent    de   grands 
succès  au  concert  de   Marseille,    un 
des  plus  remarquables  de  France.  La 
révolution  interrompit  la  double  car- 
rière de  Blazc.  Poursuivi  pendant  la 
terreur,  et  membre  de  l'administra- 
tion départementale    de  Vaucluse  , 
après   le  neuf  thermidor,   il  fut    en 
guerre  ouycrte  avec  le  représentant 


BLA 

du  peuple  Boursault-Malherbe ,'  mais 
le    goût  des  arts  réconcilia  les  deux 
champions  à  Paris  quelques    années 
après.  La  paix,  négociée  dans  un  ba- 
teau oîi  ils  se  trouvèrent  tète  à  tète, fut 
conclue  dans  un  banquet  chez  Bour- 
sault,   oii    figuraient    les    musiciens 
et  les  comédiens  les  plus  distingués 
de  l'époque.  C'était  en    1799.  Blaze 
profita  de  son  séjour  k  Paris  pour  se 
livrer  a  son  art  favori.  Il  y  publia 
un  œuvre  de  romances,   deux  œuvres 
de  sonates,  el  des  duo  pour  harpe  et 
piano,  dont  madame  Bonaparte  (Jo- 
séphine )    accepta  la    dédicace     en 
1800.  Il  écrivit  trois  opéras,  dont 
un,  )l  Héritage,  fut  répète'  au    théâ- 
tre Favart.  Un  autre,  Sémiramisy 
dontil  avait  arrangé  le  poème  d'après 
la  tragédie  de  Voltaire,  le  mit  en  ri- 
valité  avecCatel  qui,  premier  en  date, 
obtint  la  préférence  pour  son  opéra 
joué  sous  ie  même  titre  au  théâtre  de 
la  République  et   des  Arts.  Mais  la 
partition  de   Blaze,  connue  de  Gré- 
try,    de  Méluil ,  ses   amis,    et  des 
premiers    musiciens    de    Paris ,  lui 
valut  le   titre  de    correspondant  de 
l'institut^    en  remplacement  de  Gi- 
roust,  mort    depuis    peu.  Après    la 
réorganisation   de  ce   corps  savant, 
il   fut   maintenu   sur  le   tableau  des 
membres    correspondants   de     l'aca- 
démie desbeaux-arls.  De  retour  dans 
sa  pairie,  Blaze  vint  s'établir  a  Avi- 
gnon ,  en  i8o5  ,  et  y  exerça  la  pro- 
fession de  notaire  jusqu'à  sa  mort  ar- 
rivée h  Cavaillon,  le  1 1  mai  i833. 
lia   laissé   plusieurs    enfants,  dont 
l'aîné  ,  M.  Castil-Blaze  ,  s'est  fait  un 
nom  dans  les  lettres  el  dans  la  musi- 
que ;  un  autre  ,  M.  Sébastien  Blaze  , 
pharmacien  à  l'armée  d'Espagne  .  en 
18  08,  est  au  leur  des  Mémoires  d'un 
apothicaire  ,  qui  ont  obtenu  un  suc- 
cès de  vogue  en  1829.  On  a  du  père: 
L  De  la  nécessité  d'une  religion 


BLE 

dominante  en  France^  i  vol.  1*11-8°, 
vers  1796  ;  ouvrage  que  l'abbé  Gaz- 
zera  a  reproduit  k  peu  près  eu  eulier 
dans  un  livre  écrit  sur  le  même  sujet, 
en  italien  et  en  français.  II.  Julien, 
ou  le  Prêtre,  roman,  Paris,  i8o5, 
2  vol.  i(i-8°.  III.  Messe  brève  à 
trois  voix,  avec  chœur  et  accompa- 
gnement d'orgue  et  de  basse,  pu- 
bliée par  son  fils  Caslil-Blaze.  IV. 
Une  Cantate,  exécutée  k  grand  or- 
chestre, pour  lacére'monie  expiatoire 
qui  eut  lieu  sur  les  ruines  de  Bédouin, 
bourg  incendié  et  dépeuplé  par  le 
conventionnel  Maignet  (  K.  ce  nom, 
auSupp.).Blaze, alors  administrateur 
du  département;  conduisait  le  deuil- 
puis  il  prit  le  bâton  de  mesure,  diri- 
gea Forchestre  ,  et  électrisa  un  audi- 
toire de  dix  mille  spectateurs  ,  sur- 
tout au  mot  vengeance ,  qui  était 
placé  d'une  manière  foudroyante. 
V.  Un  Requiem,  exécuté  avec  une 
rare  perfection  a  Aviguou  ,  par  les 
musiciens  du  pays,  pour  les  fune'- 
railles  du  duc  de  ^lontebello.  Plu- 
sieurs îllcsses  et  HJotets ,  avec 
chœurs  et  symphonie;.  Comme  com- 
positeur, Blaze  s'était  formé  a  l'école 
deMéhu!.  Théologien  savant  et  rival 
de  Périer  ,  éyêque  d'Avignon,  il 
avait  remporté  unprix  kl'académie  de 
Besancon  ,  quelques  années  avant  sa 
mort,  par  un  discours  sur  une  ques- 
tion rellgituse.  Il  s'est  occupé  pen- 
dant trente  ans  d'un  ouvrage  impor- 
tant sur  les  mêmes  matières,  resté 
iuédit  et  dont  le  manuscrit  formerait 
douze  k  quinze  volumes.  A — t. 

BLEDA  ,;leP.  JAiM2),bislorIen 
espagnol,  était  ne'  vers  i55o  dans 
Algemese,  petite  ville  du  royaume  de 
Valence.  Ayant  embrassé  l'état  ec- 
cléiia-tique  ,  il  fut  établi  curé  dans 
un  canton  habité  par  les  descendants 
de  ces  anciennes  lamiîles  maures  qui, 
pour  écJiapuerkla  prison  ou  a  l'exil, 


BLE  355 

s'étaient  fait  baptiser.  Il  ne  tarda  pas 
à  se  convaincre  que  ces  prétendus 
chrétiens  ne  l'étaient  que  An  nom,  et 
qu'ils  continuaient  presque  tous  de 
pratiquer  en  secret  le  culte  de  leurs 
pères.  Désespérant  d'opérer  leur  con- 
version sincère  ,  il  pensa  que  son  de- 
voir était  de  les  iaire  expulser  de 
l'Espagne.  En  conséquence  ,  il  prit 
l'habit  de  Saint-Dominique  ,  et,  en 
1 559,  il  se  rendit  k  Rome  ,  avec  l'a- 
grément de  ses  supérieurs ,  pour  sol- 
liciter le  pape  de  seconder  les  bons 
catholiques  dans  leur  intention  de 
purger  l'Espngne  des  Mauresques.  Il 
paraît  que  le  P.  Bleda  ne  réus^it  pas. 
complètement  dans  cette  première 
tenialive  près  du  Saint-Siège,  puis- 
([u'il  fut  obligé  de  retourner  deux  fois 
k  Pv-Ome,  en  i6o3  et  en  1606.  Pen- 
dant ce  temps,  l'archevêque  de  Va- 
lence, Jean  de  Ribera,  qui  parta- 
geait le  zèle  inconsidéré  du  P.  Bleda 
contre  les  Mauresques,  priait  Phi- 
lippe m  de  prononcer  l'expulsion  de 
cette  race  impie 5  mais  cette  mesure 
était  vivement  combattue  par  les 
grands  d'Espagne,  qui  craignaient 
de  voir  leurs  terres  rester  eu  friche 
s'ils  étaient  privés  des  bras  qui  les 
faisaient  valoir.  La  persévérance  de 
Bleda  finit  par  l'emporter  sur  l'inté- 
rêt de  l'état.  L'expulsion  des  Mau- 
resques fut  prononcée  en  1609,  et  il 
ne  leur  fut  accordé  que  quelques 
mois  pour  sortir  de  l'Espagne.  Cette 
émigration  lui  fit  perdre  un  million 
d'habitants  sobres  et  laborieux,  qui 
n'ayant  pu  s'établir  dans  les  landes 
delà  Guyeuie,  comme  ils  l'avaient 
demandé,  passèrent  presque  tous  eu 
Afrique  et  en  Turquie.  Quelques-uns 
se  fixèrent  en  Provence  et  en  Lan- 
guedoc. Le  P.  Bleda  vivait  en  1622: 
on  ignore  l'époque  de  sa  mort .  Outre 
quelques  écrils  ascétiques  ,  dont  on 
trouvera  les  titres  dans  la  Biblioth. 

ai. 


3j6 


BLI 


scriptor.  Hispnnice  de  D.  Anlonio 
et  daas  les  Scriplores  ordin.  prœ- 
dicat.  des  PP.  Ecliard  el  Quélil , II, 
4.26,  on  a  de  lui  :  I.  Defensiojulei 
in  causa  Jicophytoruin  sive  iSloris- 
coviim  regni  P  alenlird  .  iotiusqné 
HispanicB ,  Valence,  161 0,  in-^"- 
II.  Tractatus de  justaJSIoriscovum 
ab  Hispania  expuhione ,  ibid., 
1 61  0,  iD-4-°'  Ces  deux  ouvrages  sont 
ordinairement  réunis.  111.  Coronica 
de  los  Moros  de  Espana ,  Va- 
lence, 1618,  in-ful.5  ouvrage  estimé, 
et  dont  les  exemplaires  sont  rares. 
Ce  livre  ,  dit  Lenglet-Dufresuoy,  est 
très-utile  pour  toute  l'histoire  d'Es- 
pagne. Llorente  y  désirerait  plus  de 
critique  (Voy.  Histoire  de  ULiqui- 
5z7io/i,  III,  4.3o).  On  conçoit  aisé- 
ment que  notre  auteur  était  trop 
animé  contre  les  Maures  pour  en 
parler  avec  toute  rimpartialité  qu'on 
exi^e  d'un  historien.  W — s. 

BLESSEBOIS.  P^oy.  Cor- 
neille, IX ,   629. 

BLIGH  (Guillaume),  naviga- 
teur anglais,  naquit  en  lySS  ,  à 
Faruingliam  dans  le  comté  de  Kent. 
Il  servit  sous  les  ordres  de  Cook  , 
quand  cet  homme  célèbre  fit  pour  la 
troisième  fois  le  voyage  autour  du 
monde ,  et  il  parvint  au  grade  de 
lieutenant  de  vaisseau.  L'expérience 
qu'il  avait  acquise  fixa  sur  lui  l'altea- 
lioti  du  gouvernement ,  lorsqu'en 
1787,  cédant  au  vœu  des  habitants 
des  Antilles,  Georges  ' III  ordonna 
d'expédier  un  bâtiment  aux  îles  du 
grand  Océan,  pour  y  aller  chercher 
des  plants  d'arbres  à  pain  et  d'autres 
végétaux  utiles.  Le  vaisseau  de  trans- 
port le  Boiuitj,  de  deux  ceut  quinze 
tonneaux  et  de  quarante-cinq  hom- 
mes d'équipage  ,  fut  armé  et  disposé 
eu  conséqnence.  Le  commandement 
en  fut  donné  à  Bligh,  qui  partit  de 
Spilhead  le  23  décembre  1787.  Le 


BLI 

'2. 0  août  suivant ,  il  mouilla  dans  une 
baie  de  la  Terre  Van  Diemen  ,  où  il 
reconnut  un  des  naturels  qu'il  avait 
vus  en  1777.  Le  19  septembre,  il 
découvrit  au  sud  de  la  Nouvelle-Zé- 
lande,  par  4.7°  4.4'  sud  et  179°  7' 
est  de  Greenwicb,  un  groupe  d'îlols 
rocailleux  et  arides  qu'il  nomma  Iles 
du  Bountj.  Le  26  octobre  ,  il  laissa 
tomber  l'ancre  dans  la  rade  de  Ma- 
lavaT  de  l'île  Taïti.  Bligh  vit  avec 
plaisir  que  les  bonnes  intentions  de 
Cook  pour  les  insulaires  de  l'archipel 
de  la  Société  n'avaient  pas  été  en- 
tièrement vaines,  et  que  |)lusieurs 
des  végétaux  et  des  animaux  qu'il  leur 
avait  laissés  s'étaient  multipliés.  Les 
relations  avec  ces  indigènes  lurent 
îrès-amicales;  quelques  petits  objets 
volés  furent  restitués  sans  difficulté. 
Le  3i  mars  1729,  tous  les  plants 
d'arbres  à  pain  furent  embarqués  au 
nombre  de  mille  quinze  pied.s,  indé- 
pendamment de  beaucoup  d'autres 
arbres ,  les  uns  produisant  des  fruits 
exquis,  d'autres  donnant  des  substan- 
ces propres  a  la  teinture  ou  à 
d'autres  usages.  Eu  retour  ,  Bligh 
planta  ,  durant  sou  séjour  ,  diverses 
plantes  ligueuses ,  et  en  sema  plu- 
sieurs autres.  Avant  sou  départ,  il 
construisit  une  chaloupe  et  mit  a  la  voile 
le  4  avril.  Après  avoir  passé  a  Houa- 
héiué  oiî  il  ne  voulut  pas  s'arrêter, 
il  découvrit  le  1 1  une  île  que  ses 
habitants  nommaient  Ouaïtoutaki 
(  ces  insulaires  sont  de  la  même 
famille  que  les  Taïtiens).  Le  sS  ,  le 
Bounty  était  devant  Anamouka ,  une 
des  îles  des  Amis.  Bligh  voulait  rem- 
placer quelques  plants  d'arbres  à 
pain  qui  étaient  morts,  mais  les  insu- 
laires ayant  commis  plusieurs  vols, 
il  se  hâta  de  s'éloigner.  Le  27,  il 
élall  entre  les  îles  Toufoua  et  Kou- 
tou.  «  Jusque-la  ,  dit-il ,  le  voyage 
«  avait  élé  constamment  heureux  , 


BLÏ 

«  el  accompagné  de  circonslances 
«  agréables  et  satisfaisantes.  Mais 
«  une  scène  bien  différente  élait  sur 
«  le  point  de  se  passer,  jj  Le  28  , 
avant  le  lever  du  soleil,  Fletcher 
Christian,  wn^/er  a  qui  Bligh  avait 
donné  nne  corainis.iion  de  lieutenant, 
le  capitaine-d'armes,  Taide-canon- 
n;cr  et  un  matelot  entrent  dans  la 
chambre  du  capitaine  qui  dormait , 
se  saisissent  de  sa  personne  ,  lui  lient 
les  mains  derrière  le  dos  et  le  me- 
nacent de  le  tuer  s'il  parle  ou 
s'il  fait  le  moindre  bruit.  INéanmoins 
Bligh  crie  de  toutes  ses  forces,  dans 
l'espérance  que  l'on  viendra  a  son 
secours  5  mais  les  conjurés  avaient 
placé  des  sentinelles  aux  portes  des 
officiers  qui  n'étaient  pas  de  leur  com- 
plot. Bligh  fut  arracbé  de  son  lit  et 
traîné  en  chemise  sur  le  pont.  «  Je 
«  souffrais  beaucoup,  dit-il,  parce 
«  que  mes  mains  étaient  extrême- 
K  ment  serrées  j  je  demandai  le  mo- 
«  tif  d'une  telle  violence  ,  on  ne  me 
K  répondit  que  par  des  injures.  Le 
«  maître ,  le  canonnier  ,  le  chirur- 
«  gien  ,  un  des  contre -maîtres  et  un 
«  des  jardiniers  ,  étaient  prisonniers 
te  dans  leurs  chambres  ;  l'écoulille 
K  élait  gardée  par  des  sentinelles.  » 
Quelques  chefs  de  l'équipage  el  Té- 
crivain  obtinrent  la  permission  de 
monter  sur  le  pont.  Christian  ordonna 
au  maître  d'équipage  de  faire  mettre 
la  chaloupe  h  la  mer  et  de  se  dépê- 
cher s'il  ne  voulait  pas  qu'on  lui  fit 
sautir  la  cervelle.  Dès  que  la  cha- 
loupe fut  'a  flot,  trois  hommes  recu- 
rent l'ordre  de  s'y  embarquer.  Bligh 
essaya  de  nouveau  d'adresser  des  re- 
présentations aux  révoltés,  elles  n'eu- 
rent pour  résultat  que  l'injonction  de 
se  taire  sons  peine  d'être  tué  à  l'in- 
stant.Tous  ceux  qui  devaient  descen- 
dre dans  la  chaloupe  ayant  été  appe- 
lés furent  forcés  d'y  passer  :  on  leur 


BLI  357 

permit  d'emporter  du  fil  de  caret , 
de  la  toile  à  voile,  des  lignes,  des 
voiles,  des  cordages  ,  un  baril  d'eau  , 
cent  cinquante  livres  de  biscuit,  nne 
petite  quantité  de  rhum  el  de  vin  ,  un 
quart  de  cercle  et  une  boussole;  mais 
on  leur  défendit ,  sous  peine  de  niorl, 
de  prendre  ni  caries,  ni  livres,  ni 
instruments  de  navigation  ,  ni  les  des- 
sins et  les  relèvements  de  côtes  que 
Bligh  avait  faits.  Le  maître  charpen- 
tier n'obtint  qu'avec  peine  la  per- 
mission d'embarquer  son  coffre  d'ou- 
tils j  l'écrivain  put  sauver  les  jour- 
naux, les  brevets  et  la  commission 
de  Bligh ,  ainsi  que  divers  papiers 
importants.  Celui-ci  demanda  des  ar- 
mes, on  se  moqua  de  lui  en  disant 
qu'il  connaissait  bien  les  gens  avec 
lesquels  il  allait,  et  que  par  consé- 
quent elles  lui  seraient  inutiles  ;  ce 
pendant  on  jeta  quatre  sabres  dans  la 
chaloupe.  A  la  fin ,  Christian  dit  a 
Bligh  :  «  Allons,  capitaine,  vos  offi- 
ce ciers  et  vos  matelots  vous  atten- 
te dent  ;  il  faut  que  vous  vous  embar- 
tc  quiez  avec  eux.  Si  vous  faites  la 
ft  moindre  résistance  ,  vous  êtes 
tt  mort.  »  Dès  qu'il  fut  hors  du  bâ- 
timent on  lui  délia  les  mains.  On 
lança  dans  la  chaloupe  quelques  mor- 
ceaux de  petit  salé  et  des  vêtements. 
A'ors  quelques-uns  des  officiers  ma- 
riniers et  des  matelots  crièrent  h 
Bligh  qu'ils  étaient  étrangers  a  tout 
ce  qui  s'était  passé,  qu'on  les  avait 
retenus  de  force  el  qu'ils  le  priaient 
de  ne  pas  oublier  leur  déclaration. 
Les  révoltés,  après  avoir  retenu  quel- 
que temps  la  chaloupe  à  l'ancre  et 
fait  servir  de  jouet  à  leur  humeur 
railleuse  les  infortunés  qui  s'y  trou- 
vaient, larguèrent  enfin  l'amarre  et 
les  laissèrent  al'er  en  dérive  au  mi- 
lieu de  l'Océan.  Dix-huit  hommes 
étaient  avec  Bligh  :  il  en  restait  vingt- 
cinq   avec    Christian  j    c'étaient    les 


358 


BLI 


meilleurs  de  rcqiiîpage.  Le  vent 
étant  faible ,  Bligli  fit  route  vers  Toii- 
foua,  afin  de  s'y  procurer  de  l'eau  et 
des  vivres  et  de  gagner  ensuite  Ton- 
gatabou.  Au  commencement  de  la 
nuit,  il  atteignit  Toufoua  et  s'y  ra- 
vitailla. Les  indigènes  auxquels  il  ra- 
conta que  son  navire  avait  péri,  et 
qu'il  ne  s'était  sauvé  qu'avec  les  hom- 
mes qu'ils  voyaient,  écoulèrent  ce 
récit  avec  indifférence.  Le  i'^''  mai, 
dans  la  soirée  ,  ils  attaquèrent  les 
Anglais  ;  un  matelot  qui  n'avait  pas 
eu  le  temps  de  s'embarquer  fut  as- 
sommé ,  plusieurs  furent  blessés  ,  car 
les  Indiens  les  poursuivirent  dans 
leurs  pirogues.  Cet  incident  décida 
Bligh  à  s'éloigner  au  plus  tôt  de  l'ar- 
chipel des  Tonga.  Le  5  ,  une  tempête 
lui  fit  courir  les  plus  grands  dangers; 
il  fut  obligé,  pour  soulager  la  cha- 
loupe,  de  jeter  a  la  mer  les  hardes 
superflues ,  ainsi  que  les  cordages  et 
les  voiles  inutiles.  Le  4  ,  on  décou- 
vrit quelques  petites  îles  basses,  et 
l'on  passa  au  milieu  de  ce  groupe  qui 
fut  nommé  lies  de  Bligh;  elles 
sont  situées  par  i8°i2'sudet  183" 
2o'  de  longitude  est.  On  jugea  que 
les  plus  grandes  étaient  habitées; 
mais  la  prudence  ordonnait  de  ne 
pas  débarquer.  Elles  font  partie  de 
l'archipel  des  Fidji  ou  Vill.  Le  7,  on 
découvrit  encore  une  terrehaute,  d'où 
il  se  détacha  deux  pirogues  qui  pour- 
suivirent les  Anglais  avec  une  grande 
vitesse.  Une  pluie  abondante  procura 
une  bonne  provision  d'eau ,  mais  les 
hommes  étaient  trempés  par  l'humi- 
dité et  transis  de  froid.  Le  1 4.  et  le 
i5,  on  eut  encore  connaissance 
d'îles  nouvelles  et  habitées,  appar- 
tenant a  l'archipel  du  Saint-Esprit. 
Le  28  ,  on  aperçut  la  côte  de  la  Nou- 
velle-Hollande 5  on  passa  en  dedans 
des  récifs  et  on  se  trouva  dans  une 
eau  tranquille;  on  étail  par  12°  46' 


BLI 

de  latitude  sud.  On  longea  la  côte  eu 
se  dirigeant  au  nord,  on  débarqua 
sur  les  îles  dont  elle  est  bordée  5  on 
n'y  trouva  d'autres  ressources  pour 
subsister  que  des  coquillages  ,  des  oi- 
seaux de  mer  et  quelques  racines  5  on 
rencontra  des  indigènes  qui  se  montrè- 
rent paisibles.  Le  3  juin,  on  atteignit 
le  détroit  de  Torrès.Le  12  au  soir, on 
aperçut  l'île  de  Timor.  «Il  m'est  im- 
K  possible  de  décrire  ,  s'écrie  Bligli, 
«  le  plaisir  que  nous  causa  la  vue  de 
ce  la  terre 5  il  nous  semblait  a  peine 
a  croyable  qu'eu  quarante-un  jours 
K  nous  eussions  pu  parcourir,  dans 
«  une  chaloupe  non  pontée  et  si  mal 
ce  approvisionnée  ,  les  trois  mille  six 
«  cent  treize  milles  marins  qui  sépa- 
a  rent  Toufoua  de  Timor,  et  que  dans 
«  notre  détresse  extrême  personne 
ce  n'eût  péri,  u  Le  14,  on  arriva  de- 
vant Coupang;  le  gouverneur,  Adrien 
Van  Este,  prodigua  les  marques  du 
plus  touchant  intérêt  aux  Anglais; 
tous  les  secours  possibles  leur  furent 
donnés  5  ils  ressemblaient  a  des  spec- 
tres ambulants.  Grâce  aux  attentions 
bienveillantes  des  Hollandais  ,  ils 
recouvrèrent  bientôt  leurs  forces. 
Bligh  remit  au  gouverneur  un  rap- 
port officiel  sur  la  révolte  k  bord 
du  Bountj  ,  et  une  réquisition,  au 
nom  du  roi  de  la  Grande  -  Bre- 
tagne, d'expédier  a  tous  les  comp- 
toirs hollandais  des  instructions ,  re- 
commandant d'arrêter  ce  vaisseau 
s'il  s'y  présentait  ;  il  joignit  K  cet 
écrit  la  liste  et  le  signalement  des  ré- 
voltés. Ensuite  il  acheta  une  goélette, 
afin  d'arriver  a  Batavia  avant  le  mois 
d'octobre-  époque  du  départ  des 
flottes  pour  l'Europe.  Il  nomma  ce 
bâtiment  la  Ressource ,  et  s'y  em- 
barqua le  20  août,  avec  tout  son 
monde  ,  excepté  le  jardinier  mort  à 
Coupang.  Le  i"'  oct.  ,  il  mouilla 
sur  la  rade  de  Batavia.  Peu  s'en  fallut 


BLl 

qu'il  uc  fût  victime  de  riusaliiln-ilé 
du  climat:  il  se  liâla  donc  de  partir 
parla  première  occasion  qui  s'offrit, 
el  eut  le  regret  de  ne  pouvoir  em- 
mener que  l'écrivain  du  Bountj.  Il 
prit  son  passage  sur  un  paquebot  hol- 
landais destiné  pour  Middelbourg. 
Arrivé  dans  la  Manche,  le  lomars 
1790,  un  bateau  de  pêcheur  le  con- 
duisit a  Portsraoulh.  La  révolte  de 
l'équipage  du  Boiintj-  avait  produit 
nu  si  grand  éclat, que  le  gouvernement 
britannique  jugea  qu'd  devait  se  hâ- 
ter d'envoyer  a  la  recherche  des  cou- 
pables j  en  conséquence,  la  frégate 
la  Pandore,  commandée  par  le  ca- 
pitaine Edwards, fut  expédiée  au  mois 
d'août.  Bligh  publia  bientôt  le  récit 
de  la  révolte  de  s  m  équipage  et  de 
sa  navigation  miraculeuse  5  ce  récit 
excilaleplus  vif  inlérêt,  et  fut  tra- 
duit dans  toutes  les  langues  de  l'Eu- 
rope. Bligh  donna  plus  tard  la  rela- 
tion complète  deson  voyage. En  1 792, 
le  gouvernement,  persistant  dans  son 
loual)le  projet  de  procurer  l'arbre  a 
pain  aux  Antilles, expédia  de  nouveau 
Bligh  aux  îles  de  la  Société.  Afin  de 
prévenir  une  nouvelle  catastrophe , 
on  mit  sous  ses  ordres  deux  corvet- 
tes :  la  Providence  ■)  qu'il  comman- 
da, et  V Assistance,  qui  fut  confiée 
h  Portiock,  connu  par  un  voyage 
au  loir  du  monde.  Bligh  partit  le 
2.3  août  j  il  mouilla  le  3  février  1792, 
dans  la  baie  de  l'Aventure  ,  h  la 
Terre  Van  Diemeu,  y  piaula  plu- 
sieurs arbres  fruiliers ,  y  sema  des 
plantes  potagères  d'Europe,  et  y  lais- 
sa un  coq  el  deux  poules.  D'Enlre- 
casleauxf/^.  ce  nom, XIII,  174), qui 
plus  tard  aborda  au  même  endroit, 
trouva  que  les  bonnes  intentions  dn 
marin  anglais  n'avaient  pas  élé  inu- 
tiles. Le  5  avril,  Bligh,  après  avoir 
couru  jusqu'au  5  0*"  degré  de  latitude 
auslrale,  était  remonté  jusqu'au  21° 


BLI 


•>^9 


4.0'.  Il  découvrit,  par  219"  3o' de 
longitude  est,  une  île  très-basse, 
boisée  cl  bordée  de  brisans  ;  elle 
ne  parut  pas  habitée,  et  fut  nom- 
mée Ile  du  Lagon.  Le  1 0  avril, 
les  deux  vaisseaux  étaient  a  Ta'i'ti. 
Bligli  apprit  que  la  Pandore  avait 
quitté  l'île  depuis  onze  mois  ,  emme- 
nant dix  des  révoltés  du  Bou/iij-, 
qu'on  avait  pu  saisir ,  et  eue  les  au- 
tres s'étaient  embarques  auparavant 
sur  ce  navire,  que  commandait  Chris- 
tian. L'île  était  livrée  k  la  guerre  ci- 
vile j  mais  grâce  aux  bons  offices  de 
Bligh  les  hostilités  cessèrent.  Aussi- 
tôt il  s'occupa  de  remplir  l'objet  de 
sa  mission,  et  fit  porter  à  son  bord 
deux  mille  six  cent  trente  plants  d'ar- 
bres a  pain  et  plusieurs  autres  grands 
végétaux  ;  deux  Taïtiens  l'accompa- 
gnèrent pour  en  prendre  soin.  Le  16 
juillet  il  appareilla.  Le  2  août ,  il 
vit  les  trois  îles  de  Mayorga  ,  décou- 
vertes par  les  Espagnols  en  i78.ijle 
5,  il  aperçut  celles  qu'il  avait  décou- 
vertes dans  son  premier  voyage.  Favo- 
risés par  un  beau  temps  et  par  un  bon 
vent ,  les  deux  vaisseaux  entrè- 
rent le  2  septembre  dans  le  détroit 
de  Torrès ,  et  ne  naviguèrent  qu^avec 
la  plus  grande  difficulté  au  milieu  du 
labyrintlie  dîles  dont  il  est  semé. 
Ils  furent  attaqués  ,  sans  sujet ,  par 
huit  pirogues,  sur  lesquelles  ils  firent 
feu.  Us  avaient  trouvé  en  s'engagcant 
dans  le  détroit  une  nouvelle  passe 
qui  fut  nommée  Entrée  de  Bligh. 
On  prit  possession  ,  au  nom  du  roi  de 
la  Grande-Bretagne,  de  toutes  ces 
îles  ,  et  on  les  appela  Archipel  du 
duc  de  ùlarence.  Le  2  octobre , 
Bligh  laissa  tomber  l'ancre  à  Timor 
où  il  fut  instruit  du  naufrage  de  la 
Pandore.  Pour  témoigner  sa  recou- 
naissance  des  services  que  le  gouver- 
neur de  celle  île  avait  rendus  aux  An- 
glais dans  la  délresscj  il  lui  dinina 


36o 


BLI 


dix  plants  d'arbres  h  pain  :  ensuite  il 
cingla  vers  le  cap  de  Bonne-Espé- 
rance ;  la  un  vaisseau  (pii  revenait  de 
rinde  remit  a  Bligh  des  plants  de 
végétaux  de  cette  contrée.  Le  17  dé- 
cembre ,  la  Providence  et  Y  Assis- 
tance étaient  mouillées  sur  la  rade  de 
Sainte-Hélène;  le  26,  ces  deux  bàti- 
mens  en  partirent ,  et  en  dix  jours  ils 
atteignirent  Saint-Vincent,  dans  les 
Antilles ,  oîi  ils  déposèrent  une  par- 
tie de  leur  cargaison  :  le  reste  fut 
porté  à  la  Jamaïque.  Ils  revinrent 
en  Angleterre  vers  le  milieu  de  1793. 
Bligh  continua  de  servir  dans  la  ma- 
rine royale.  Par  malheur  ou  le  ré- 
compensa en  le  nommant  gouverneur 
du  INew-South-Wales,  ou  Nouvelle 
Galles  du  Sud.  Jusqu'alors  cette  co- 
lonie naissante  n'avait  été  administrée 
que  par  des  hommes  qui,  tels  que 
PliUlip(/^.  ce  nom,  XXXIV,  192), 
savaient  allier  la  douceur  et  même 
l'indulgence  àla  fermeté. La  conduite 
de  Bligh  fut  en  tout  différente  de 
celle  qu'ils  avaient  tenue,  k  Pendant 
K  toutela  durée  de  son  gouvernement, 
«  dit  Wentworth,  auteur  d'une Z)<?5- 
«  crîption  du  New-SouLh-PVa- 
cc  les,  la  colonie  fut  en  deuil.  »  Les 
actes  de  la  cruauté  la  plusrévollante, 
exécutés  de  la  manière  la  plus  arbi- 
traire, répandaient  l'épouvante  et 
l'effroi  ;  chaque  habilant  était  dans 
des  transes  continuelles  pour  la  sûreté 
de  sa  personne  et  de  sa  propriété. 
Cette  tyrannie  odieuse  eut  un  ter- 
me :  le  26  janvier  1808,  les  habi- 
lanls  se  soulevèrent  par  un  mouve- 
ment spontané.  Redoutant  le  juste 
ressentiment  d'hommes  qu'il  avait  si 
long-temps  opprimés,  Bligh  alla, 
comme  Néron,  se  cacher  sous  le  lit 
d'un  domestique ,  dans  un  coin 
obscur  de  sa  maison.  On  l'y  dé- 
couvrit. Conduit  pâle  et  tremblant 
devant  l'officier  qui  avait  ordonné  son 


BLI 

arrestation  ,  il  resia  plus  d'une  heure 
avant  d'être  convaincu  par  cclui-cî 
que  sa  vie  était  en  cureté.  Il  fut  em- 
barqué pour  l'Angleterre.  Depuis 
plusieurs  années  on  savait  que  sa  bru- 
talité avait  causé  la  révolte  du 
Boutity;  et,  pour  le  distinguer  de 
quelques  officiers  de  la  marine  rovale 
portant  le  même  nom  que  lui ,  on 
faisait  précéder  le  sien  de  celui  de 
ce  vaisseau.  Parvenu  au  grade  de 
contre-amiral  ,  il  mourut  a  Lon- 
dres le  7  décembre  18  17.  On  a  de 
Bligh:  I.  A  narrative  qfthe  mutiny 
onboardii.  M.  ship  Bounly,etc., 
Londres,  1790,  in-4°,  avec  trois 
cartes  et  plans;  traduit  en  français, 
par  Lescallier  sous  ce  titre  :  Ke- 
lation  de  l'enlèvement  du  navire 
le  Bounty  ,  appartenant  au  roi 
d' Angleterre  et  commandé  par  le 
lieutenant  Bligh,  avec  le  voyage 
subséquent  de  cet  officier  et  d'une 
partie  de  son  équipage  ,  etc.  , 
Paris,  1790,  in -8°,  avec  trois 
cartes.  En  comparant  le  titre  dans 
les  deux  langues,  on  s'aperçoit  que 
Lescallier  n'a  traduit  ni  avec  fidélité 
ni  avec  précision.  Ce  volume,  com- 
posé d'un  petit  nombre  de  pages  ,  est 
écrit  avec  une  simplicité  et  un  ton  de 
modération  très-remarquables.  On 
conçoit  que  Bligh  y  représente  sa 
conduite  comme  exempte  de  blâme  ; 
il  attribue  le  soulèvement  de  la 
plus  grande  partie  de  son  équipage 
au  désir  de  mener  une  vie  exempte 
de  peines  avec  les  belles  Taïliennes; 
mais  cette  opinion  ne  peut  soutenir  un 
examen  sérieux.  Cependant  a  l'épo  • 
que  de  l'apparition  du  livre  de  Bligh, 
on  la  reçut  sans  objection  et  l'on 
plaignit  le  malheureux  capitaine.  Ce 
ne  fut  que  plus  tard  que  l'on  apprit 
avec  étonnement  que  ?a  brutalité 
envers  Christian  avait  été  la  princi- 
pale cause  du  fatal  événement,  Celui- 


BI.I 

ci,  malgré  son  grade  de  master, 
avait  éle  Irallc  comme  le  dernier  des 
matelots.  Dès  1791,  ua  des  officiers 
de  \a.Pandoi'e  avait  raconté  les  faits 
à  son  arrivée  au  cap  de  Bonne-Es- 
pérance. Mais  si  Bligh  mérite  de 
justes  reproches  pour  avoir  par  un 
excès  de  dureté  poussé  un  équi- 
page a  lare'volte,  il  adroit  a  des 
éloges  pour  sa  conduite  depuis  le 
moment  oii  on  le  descendit  dans  la 
chaloupe  jusqu'à  celui  où  il  aborda  la 
côte  de  Timor.  Sa  prévoyance  et  son 
sang-froid  sauvèrent  les  hommes  dont 
le  sort  était  uni  au  sien  et  dont  seu- 
lement douze  revirent  l'xVngleterre. 
K  Le  capitaine  Bligh  ,  dit  l'amiral 
a  Krusenstern  ,  a  montré  ,  comme 
«  commandant  d'une  chaloupe  de 
«  vingt-un  pieds  de  long  ,  une  force 
«  d'esprit  que  pourrait  lui  envier 
K  plus  d'un  amiral  chargé  de  la  con- 
te duite  d'une  escadre  considérable. 
K  II  n'existe  rien  dans  les  annales  de 
ce  la  navigation  qui  soit  comparable 
«  a  cette  traversée.  Il  y  avait  sur 
«  son  bateau  dix-neuf  hommes  ,  et 
K  des  vivres  seulement  pour  cinq 
te  jours.  »  L'amiral  russe  s'appuie 
du  témoignage  d'un  brave  officier 
anglais  pour  dépeindre  Bligh  comme 
un  homme  sévère, a  la  vérité,  mais  sans 
dépasser  les  bornes-  il  le  jugeait  d'a- 
près lui-même,  et  cependant  la  pre- 
mière édition  de  son  livre  estdeiSi  (). 
IL  A  voyage  to  tlie  South  sea 
utidertakeii  by  command  ofhis  ma- 
jestyfor  the purpose  ofcoiiveyi/ig 
the  brcnd fruit  tree  to  the  TT  est- 
Indies  in  H.  M.  ship  Bounty,  iti- 
cluding  an  account  of  the  niu- 
tiny,  etc.,  Londres,  1792,  in-4°, 
avec  les  mêmes  planches  que  dans 
l'ouvrage  précédent ,  et  un  dessin  de 
l'arbre  à  pain.  La  traduction  fran- 
çaise par  Soûlés  est  intitulée  : 
P^oyage  à  la  mer  du  Sud  entre- 


ELl 


36 1 


pris  par  ordre  de  S.  31.  britan- 
nique pour  introduire  aux  îles 
Occidentales  l'arbre  à  pain  et 
d'autres  arbres  utiles ,  avec  une 
relation  de  la  révolte  ,  etc. ,  Pa- 
ris,  1792,  in -8°.  On  n'y  trouve 
pas  toutes  les  cartes  de  l'original 
ni  l'avertissement  dans  lequel  Bligh 
rend  compte  des  mol,ifs  qui  l'ont 
délermiue  a  ne  pas  suivre  pour  cet 
ouvrage  la  marche  qu'il  s'était  d'a- 
bord proposée.  Il  donne  un  récit  com- 
plet de  son  vovage,  dont  la  partie  la 
plus  intéressante  et  la  moins  éten- 
due est  celle  qui  contient  sa  naviga- 
tion dans  la  chaloupe.  Les  marins 
regrettent  qu'il  ait  négligé  de  publier 
la  relation  de  son  second  voyage  qui 
fut  si  heureusement  accompli.  — 
On  peut  voira  l'article  Adams  [John) 
(tom.  LVI,  p.  70)  quel  fut  le  sort 
d'une  partie  des  révoltés  au  Bounty  y 
et  que  le  premier  bâtiment  anglais  qui 
eut  connaissance  de  la  petite  colonie 
qu'ils  avaient  formée  h  l'île  Pitcairu 
fut  la  frégate  le  Breton.  John  Shil- 
libeer,  premier  lieutenant  de  ce  vais- 
seau, fît  paraître  :  A  narrative  of 
the  Briton's  voyage  to  Pitcairns 
island  (Relation  du  voyage  du  Bri- 
ton  k  l'île  Pitcairn),  Londres,  1817, 
in- 8°  ,  avec  figures.  —  II  est  dit 
à  l'article  Adams  que  ce  marin  sou- 
leva réquipage  contre  Bligh  5  on 
lit  partout  que  ce  fut  Christian  ,  ex- 
cité par  ÎMalhieu  Quintal.  D'ailleurs 
voici  comme  s'exprime  sir  T.  Stai- 
nes ,  capitaine  du  Briton  :  a.  Adams 
te  protesta  qu'il  n'avait  eu  aucune 
te  part  au  complot,  que  même  il  n'en 
te  avait  pas  été  instruit  d'avance.  En 
ec  même  temps  il  témoigna  une  lior- 
tc  reur  extrême  de  la  couduite  de 
ee  Bligh  envers  ses  matelots  et  ses 
te  officiers,  n  II  est  du  reste  singulier 
que  le  nom  d'Adams  ne  se  trouve 
point    parmi    ceux    dont     Bligh     a 


36! 


BLl 


donné  la  liste/Quatre  individus  por- 
taient le  prénom  de  John  ,  peut- 
être  Bligli  aura-t-il  commis  une  er- 
reur en  copiant  le  ro'e  d'équipage 
qu'il  emporta  dans  la  chaloupe.  Par- 
mi les  hommes  qui  avaient  le  pré- 
nom de  John ,  AVilliams  est  celui 
dont  le  nom  de  famille  s'éloigne  le 
moins  d'Adams ,  par  la  désinence. — 
p.  Hajwood,  un  des  miJshipmen 
restés  à  bord  du  Bounty,  et  ensuite 
ramené  en  Angleterre  parle  capitaine 
Edwards ,  parvint  à  un  rang  élevé 
dans  la  marine.  Il  a  publié  ses  Mé- 
moires ^  Londres,  i855,  in-o".  En 
racontant  les  événements  qui  font  la 
matière  de  cet  article,  il  dépeint  la 
conduite  de  Bligh  comme  ayant  été 
aussi  arbitraire  que  brutale.  E — s. 
BLIX  (Pierre),  ancien  membre 
de  l'assemblée  constituante,  naquit  à 
Rennes  eu  lySB  ,  et  y  fit  ses  études. 
Il  alla  ensuite  à  Paris  faire  ses  cours 
de  médecine  et  y  fut  reçu  docteur. 
Il  exerçait  a  Nantes  la  profession  de 
médecin  lorsque  les  premiers  in- 
dices de  la  révolution  se  montrè- 
rent. Il  'en  embrassa  la  cause  avec 
chaleur  j  et,  dès  le  7  août  1788,  fut 
un  des  douze  que  le  peuple  nantais 
envoya  a  Versailles  pour  présenter 
une  requête  au  roi ,  a  l'effet  d'obtenir 
l'égale  répartition  des  impôts;  l'au- 
torisation de  s'assembler  5  la  repré- 
sentation du  tiers-état  aux  états  de 
Bretagne,  par  un  député  pour  dix 
mille  habitants,  et  que  les  députés  ne 
fussent  ni  nobles,  ni  anoblis,  ni 
fonctionnaires  salariés,  ni  fermiers 
des  seigneurs.  De  retour  de  sa  mis- 
sion,  Bliu  fut  élu,  en  mars  1789, 
un  des  députés  de  la  sénéchaussée  de 
Nantes  aux  états-généraux.  Il  ap- 
puya la  proposition  de  priver  du 
droit  d'éligibilité  les  enfants  héritiers 
ou  donataires  d'un  père  failli.  Il  fit, 
le  6  nov.  ,   une  motion  pour  que  les 


ËLI 

ministres  ne  pussent  siéger  ni  être 
choisis  parmi  les  législateurs.  Le  12, 
il  proposa  d'accéder  au  vœu  de  grâce 
émis  par  le  roi  en  faveur  du  parle- 
ment de  Rouen.  Le  i"''  déc. ,  dans 
la  discussion  sur  l'insurrection  des 
noirs  a  la  Martinique,  il  soutint  que 
l'assemblée  n'avait  pas  le  droit  de 
faire  une  constitution  pour  les  colo- 
nies d'Amérique;  que,  semblables  a 
l'Ecosse  et  à  l'Irlande,  elles  devaient 
se  constituer  elles-mêmes,  et  que 
leurs  députés  étaient  aussi  sans  qualité 
pour  voter  sur  leur  constitution.  En 
jauv.  17go.il  opina  contre  un  impôt 
sur  le  luxe,proposé  par  l'abbé  Maury , 
et  en  février,  pour  la  suppression  des 
ordres  religieux.  Le  22  du  même 
mois,  dans  unediscussionsur  les  trou- 
bles des  provinces,  il  prétendit  qu'ac- 
corder la  dictature  au  pouvoir  exécu- 
tif, pour  les  apaiser,  «  ce  serait 
envoyer  des  assassins  pour  répri- 
mer des  assassinats.  »  Sur  la  de- 
mande de  JMenou  ,  il  fut  rappelé  à 
l'ordre  pour  ces  expressions  ,  quoi- 
qu'il les  eut  désavouées  et  qu'il  eiit  été 
défendu  par  Maury,  par  Cazalès  et 
d'autres  membres  de  la  droite.  Lors- 
qu'il tut  question,  au  mois  d'août, 
de  l'affaire  des  pensions  ,  il  trou- 
va Irop  faibles  celles  qui  étaient 
assignées  aux  savants  et  aux  gens 
de  lettres.  En  avril  1791  ,  il  vola 
pour  la  formation  et  l'entretien  d'un 
corps  d'officiers  de  marine.  Dans 
les  diverses  séances  où  l'assemblée 
nationale  s'occupa  des  colonies ,  il 
défendit  le  droit  des  hommes  de  cou- 
leur libres  ,  présenta  une  adresse  du 
commerce  de  îsantes  contre  le  dé- 
cret du    i5  mai  sur  les  colonies,  et 


pro^: 


proj 


et     de    décret 


-'t    qi 


devait  le  remplacer.  La  session 
terminée  ,  Bliu  revint  a  Nantes  et 
se  livra  exclusivement  à  la  prati- 
que de  la  médecine.  Il  avait  travaillé 


BLI 

Il  quelques  journaux  ,  nolammenl  , 
avec  Regnaull  de  Saint-Jean-d'An- 
gely  et  Adrien  Duquesuoy,  a  V Ami 
des  patriotes ,  feuille  hebdomadaire 
dans  le  sens  de  la  conslitulion  de 
Jjgi ,  imprimée  aux  frais  de  la  liste 
civile,  et  supprimée  après  le  i  o  août 
1792.  BHu,  qui  s'était  montré  d'a- 
bord zélé  patriote  constilutiounel , 
avait  singulièrement  modifié  ses  opi- 
nions. Avant  la  fin  de  la  session  con- 
stituante, il  se  prononçait  à  Kantes 
contre  la  marclie  de  la  révolution  j 
lorsque  vint  la  république  ,  il  se  pro- 
nonça contre  elle  avec  énergie  ;  et , 
sous  le  règne  de  l'anarchie,  il  dut  , 
en  se  cachant,  pourvoir  a  sa  sûreté. 
Il  ne  se  fit  point  remarquer  sous 
le  directoire  et  sous  l'empire,  mais  il 
se  montra  en  i8i4-  un  des  plus  ar- 
dents partisans  de  la  restauration. 
Nommé  en  181  5  conseiller  de  pré- 
fecture de  la  Loire-Inférieure,  il 
conserva  cette  place  jusqu'à  la  révo- 
lution de  i83o.  Il  avait  obtenu  eu 
1821  la  croix  de  la  Légion-d'flon- 
neur.  Son  âge  avancé  ne  lui  permet- 
tant plus  d'exercer  sa  profession  ,  il 
s'était  retiré  depuis  quelque  temps  k 
la  campagne,  lorsqu'il  mourut  à  la 
fin  d'oct.  1834^.  Il  a  publié  :  Opi- 
nion sur  les  réclamations  adres- 
sées à  l'assemblée  nationale  par 
les  députés  extraordinaires  du 
commerce  et  des  manufactures  de 
France  relativement  aux  colo- 
nies, Paris,  1790,  in- 4.°.  Blin  avait 
été  un  des  premiers  membres  de  la 
société  académique  de  la  Loire-In- 
férieure. A — T. 

BLIX  fJosEFFî) ,  ancien  membre 
du  conseil  des  cinq-cents,  frère  du 
précédent,  naquit  à  Rennes  en  1763. 
A  peine  avait-il  achevé  ses  éludes 
qu'il  s'enrôla  dès  Tàge  de  16  ans,  et 
servit  dans  les  Antilles  comme  soldat 
pendant    quatre    ans.    Il   revint    en 


BLI 


363 


France  après  la  paix  de  1783,  et  en- 
tra dans  les  aides.  En  1789  il  se 
montra  un  des  premiers  défenseurs 
de  la  révolution,  et  dès  le  mois  de 
janvier  il  fut  blessé  dans  l'affaire  où 
commença  la  première  association 
bretonne.  En  i  792  11  fit  la  campagne 
contre  les  Prussiens  comme  capitaine 
d'une  compagnie  de  volontaires.  De 
retour  dans  ses  foyers,  il  fut  nommé 
directeur  de  la  poste  aux  lettres  par 
les  assemblées  populaires.  En  1795 
il  partit,  a  la  tète  d'une  compagnie 
de  la  garde  nationale,  pourcombattre 
lcs\endéens,  et  reçut  deux  blessures 
dans  cette  expédition.  Il  osa  néan- 
moins résister  a  Carrier  ,  en  1794., 
et  sauva  Rennes  des  malheurs  dont  le 
féroce  procouHilaccablail Nantes (i). 
Il  fut  en  1798  député  au  conseil  des 
cinq-cents.  Peu  de  temps  après  son 
adunssion,  il  eut  une  vive  allcrcaliou 
dans  uu  banquet  de  députés  a  Pocca- 
sion  d'un  toast.  On  jugea  dès-lors  que 
ses  voles  ne  seraient  pas  favorables  au 
directoire.  Mais  Pavenir  fit  voir  que 
son  opposition  provenait  moins  de  ses 
opinions  que  de  la  raideur  et  de  l'in- 
flexibilité de  son  caractère.  Bientôt 
il  appuva  le  projet  de  Berlier  pour 
maintenir  les  journaux  sous  la  sur- 
veillance du  gouvernement.  En  déc. 
il  fit  un  rapport  sur  le  remplacement 
des  conscrits  chefs  de  commerce.  En 


(i)  Blin  se  trouvait  à  Rennes  lorsque  Car- 
rier y  arriva  ;  un  banquet  fut  donné  au  farou- 
che proconsul.  Blin  était  présent;  et,  tandis  que 
Carrier  exposait  brutalement  son  atroce  Ibéorie 
de  gouvernement  ,  Blin  ,  qui  entendait  autre- 
ment la  république  ,  ne  put  contenir  son  indi- 
gnation ;  il  se  leva,  criant:  «  Qu'on  éteigne  les 
lumières  et  que  j'étouffe  ce  b.  .-là.  »  Et  bientôt 
Carrier  effraye  partit  de  Rennes  sans  avoir  osé 
y  faire  une  seule  arrestation.  Cependant  Bailly, 
Bigot  de  l'réameneu  ,  et  bon  nombie  -le 
fédéralistes  ,  eutre  autres  les  députes  des  cinq 
départements  de  la  Bretagne,  formant  un  co~ 
mile  Je  résistance  à  l'oppressinn  (dont  l'auteur  de 
celle  note  faisait  partie  ,  étaient  encore  dans 
cette  ville.  Et  si  Carrier  eût  trouvé  à  iSanIcs 
des  hommes  d'énc.-,'ie  comme  l'était  Biin  ,  bien 
des  criiues  cpouv-.'i tables  n'eussent  peut-être 
p.TS  clé  commis.  V — ve. 


36/, 


BLI 


janv.  1799  ,  il  demanda  la  question 
préalable  sur  un  projet  de  Villers.son 
compatriote,  concernant  un  tarif  de  la 
posteaux  lettres,  et  il  opina  pour  la 
détentiondes  émigrés  naufragés  à  Ca- 
lais.Le  5  juillet  il  fit  renvoyer  au  di- 
rectoire une  lettre  de  Scliérer  sur  ses 
opérations  à  l'armée  d'Jlalie,en  rap- 
pelant que  le  conseil  des  cinq-cents  avait 
déjà,  dénoncé  la  conduite  de  ce  géné- 
ral. Lorsque,  le  li  juillet,  Lucien 
Bonaparte  fit  sa  motion  pour  le 
maintien  de  la  constitution  de  l'an 
III,  Elin  demanda  que  ,  pour 
Iranquiillserle  peuple  sur  la  durée  de 
celte  constilulion  ,  on  poursuivît  les 
traîtres  qui  avaient  mis  la  patrie  en 
danger...  Le  23  ,  il  proposa  de  re- 
trancher le  mot  anarchie  du  ser- 
ment exigé  des  officiers  de  la  garde 
nalionnle.  Le  i4.  août  il  s'éleva  con- 
tre le  rovalisme ,  et  déclara  que  les 
plus  grands  dangers  menaçaient  la 
république.  Le  i4  seplcmbrc,  il  in- 
sista sur  la  nécessité  de  signaler  ces 
dangers ,  et  demanda  la  permanence 
du  corps  légis'alif.  Le  lendemain  il 
fit  observer  qu'un  message,  par  lequel 
le  directoire  demandait  ime  levée 
de  quarante  mille  chevaux,  n'était 
pas  constitutionnel.  Blin ,  qui  pen- 
dant toute  la  session  avait  combattu 
le  directoire,  fut  aussi  un  des  dé- 
putés qui  s'opposèrent  à  la  révo- 
lulion  du  18  brumaire.  Après  le 
triomphe  de  Bonaparte  et  sous  le 
consulat,  il  ne  fut  compris  dans  au- 
cune des  deux  chambres  législatives. 
Il  alla  reprendre  ses  fonctions  de 
directeur  de  la  poste  a  Rennes , 
où  son  humeur  intraitable  lui  at- 
tira plusieurs  affaires.  Comme  il 
était  d'ailleurs  d'une  rigide  probité, 
il  conserva  sa  place,  et  ne  reparut 
sur  la  scène  polilii[ue  qu'a  la  restau- 
ration. L'antagoniste  du  directoire  et 
de  Napoléon  ne  se  montra  pas  davan- 


BLI 

tage  le  partisan  des  Bourbons.  Le  sS 
avril  181 5,  il  fut  élu  président  de  la 
fédération  des  cinq  départements  de 
la  Bretagne,  qui  donna  l'exemple  a 
toutes  les  autres,  et  danslanuit  même 
il  présida  à  la  rédaction  du  pacte 
fédératif,  où  rappelant  que  la  Bre- 
tagne avait,  vingt-six  ans  auparavant, 
df  ployé  la  première  l'étendard  de  la 
liberté,  on  avouait  le  but  de  résister 
a  une  invasion  étrangère.  3Iais  celte 
confédération  ,  moins  nombreuse 
qu'on  ne  l'avait  espéré,  trouva  elle- 
même  lieaucoup  d'opposition  et  ne 
produisit  aucun  résultat.  Blin  reçut 
en  celte  circonstance  la  croix  de 
la  Légion-d'Honneur  qu'il  perdit, 
avec  sa  place,  après  la  seconde  ren- 
trée des  Bourbons.  A  la  révolution 
de  i83o,  il  avait  recouvré  sa  décora- 
tion ,  et  on  lui  offrit  la  direction  de 
la  poste  de  Caen.  Biais,  son  âge  lui 
faisant  un  besoin  du  repos  dont  11 
jouissait  depuis  long-temps  a  la  cam- 
pagne, il  se  contenta  de  sa  pension 
de  retraite  et  mourut  k  Rennes, 
le  12  juillet  i834-  (2).  A — T. 

BLÎTTEIISWYCK  (Guil- 
tAUME  de),  d'une  ancienne  famille 
patricienne  de  Bruxelles,  originaire 
de   Gueldre ,    commença    par     être 


(2)  Blin  a  laissé,  entre  nulles  enfants,  deux 
fiUes  ;  l'une  mariée  à  SI.  Rouliii,  correspondant 
do  l'académie  des  sciences  et  connu  par  sou 
voyage  seicntifuiue  dans  l'inlérieurde  la  Colom- 
bie ;  l'autre  est  veuve  de  Bertrand  (^/fjo/it/re- 
Jacijucs-t'rancois),  né  à  Rennes,  le  23  avril  1795, 
iiu-decin  de  la  fatuité  de  Paris,  où  il  est  mort,li!  îi 
janv.  I  83  t.  On  a  de  lui:  1*^  Traité  du  somnambu- 
lisme et  des  différentes  modifications  qu' il  présente, 
Paris,  7823  ,  iu-S".  II.  Lettres  sur  les  refolulions 
du  globe,  l'aris,  deux  éditions,  1824  et  1836, 
in-i8.  III.  Lettres  sur  la  p/ijsique,  ibid.,  iSaâ, 
2  vol.  in-S"",  traduites  en  espagnol  sous  cetiire: 
RecreacionesfisicnSf  etc.  ,  ibid.,  i825,  4  volumes 
in-T8.  IV.  De  l'Ezlose{  e-xtTnh  de  l'Eneyclojrilie 
progressive),  ibid.,  1876,  in-S".  V.  Du  magnétisme 
animal  en  France  et  des  Jugements  qu'en  ont  porté 
tes  sociétés  savantes,  etc.  ,  suivi  de  l'aiiparilion 
de  l'cxlase  dans  les  traitements  mapneliqnes  ; 
ibid.,  1S27,  in-S".  Bertrand  a  publié  plusieurs 
articles  sur  les  sciences  physiques  et  naturelles 
dans  le  Globe,,  qui  n'était  pas  encore  dans  les 
mains  dcsSaint-Simoiiiens,  A — t, 


BLI 

eclievin  de  celle  ville.  En  i645,lc 
rui  d'Espagne  le  nomma  conseiller 
du  conseil  supérieur  de  Gueldre  et 
vice-chancelier  de  lamème  province  j 
dignités  qu'il  al)andonna  en  1662, 
pour  siéger  au  grand  conseil  deMa- 
lines  ,  où  il  mourut  en  1680,  avec 
la  répulatiou  d'un  savant  juriscon- 
sulte, d'im  orateur  et  d'un  poète. 
En  celte  dernière  qualité  ,  il  com- 
posa les  inscriptions  emphatiques 
qu'on  lisait  autrefois  dans  le  palais 
de  la  cour  souveriiiue  de  Malines  et 
qui  étaient  dans  le  goût  d'Ervcius 
Puteanus  (Van  dePutles  ou  Du  Puy) 
avec  qui  il  entretenait  des  relations 
intimes.  Il  traduisit  de  l'espagnol  en 
latin  ,  mais  sans  y  mettre  son  nom, 
Sjmhola  politica  chrisLiaiia  , 
Bruxelles,  16^9,  in  ïq\.,  et  Amster- 
dam, i652.  L'original  est  de  Di- 
dace  de  Saavedra  ,  qui  avait  repré- 
senté l'Espagne  au  traité  de  Muns- 
ter. Ou  a  encore  de  lui  :  Disscr- 
iatio  de  rébus  puhlicis  et  Rure- 
miinda  vigens ,  ardens,  renas- 
cens ,  Bruxelles,  1666,  iu-fol.  La 
ville  de  Ruremonde  avait  été  pres- 
que entièrement  incendiée  le  3i 
mai  i665.  Blillerswyck  dédia  sou 
ouvrage  au  souverain  poulife  Alexan- 
dre Vil ,  qu'il  avait  connu  nonce  à 
Cologne  et  qui  ,  parvenu  h  la  tiare , 
consentit  à  être  le  parrain  du  sep- 
tième fils  que  lui  avait  donné  Gud- 
Iclmine  Yan  Ziunicq ,  sa  femme. 
Ce  fils,  entré  dans  la  compagnie  de 
Jésus,  avec  son  frère  Charles,  qui 
passait  pour  un  des  premiers  prédi- 
cateurs de  son  temps,  finit  ses  jours 
a  Anvers,  le  i4-  avril  1706.  Voy. 
Nobil.  des  Pays-Bas ,  I,  i5r, 
17 5,  2  1^5  Mém.  de  J.  Duclercq^ 
I,   2i5,  235,  257.  R — F — G. 

BLITTERSWYCK  (  Jeax 
DE  ),  de  la  uîème  famille  ,  peut-être 
frère  du  précédent ,    naquit  aussi  a 


BLO 


365 


Bruxelles.  Après  avoir  fait  ses  hu- 
manités chez  les  pères  autrusllns  ,  il 
entra  ^  le  22  janvier  i6o5,  chez  les 
chartreux  et  y  remplit  dahord  les 
fonctions  de  sacristain.  Envoyé  a 
Bruges,  en  1637,  par  le  père 
Bruno  d'Outelair  ,  prieur  de  la  char- 
treuse de  Bruxelles  et  visiteur  de  la 
province  teutonique  ^  afin  d'y  ad- 
ministrer les  biens  d'un  couvent  de 
religieuses  de  son  ordre  ,  il  ne  chan- 
gea rien  à  sa  vie  simple  ,  austère  et 
studieuse.  Quoique  les  biographes  le 
passent  sous  silence,  il  a  laissé  un 
très-grand  nombre  d'ouvra2;es  de  dé- 
volion  écrits  en  flamand  et  traduits 
soit  du  latin,  soit  du  français, 
soit  de  l'espagnol,  et  les  suivants 
qui  ne  sont  pas  des  traductions  : 
L  Soupirs  spirituels  vers  Dieu  , 
Bruges,  162^,  in-i2.  IL  Trésor 
de  prières  à  ta  T^ierge,  avant  et 
après  la  confession.  111.  Oraison 
à  l'usage  des  personnes  qui  visi- 
tent les  saintes  images  de  la 
V ier^e  exposées  à  Bruxelles  à  la 
vénération  publique  ,  Bruxelles  , 
1623,  in-165  enfin  en  manuscrits 
inédits,  dix-huit  traités  et  discours 
dont  ou  trouve  la  notice  dans  un  ma- 
nuscrit de  la  bibliothèque  de  Bour- 
gogne contenant  l'histoire  de  la 
chartreuse  de  Bruxelles ,  par  J. 
Baptiste  De  \addere,  car  c'est  ainsi 
qu'il  faut  lire  ce  nom  (  J^oj.  t. 
XLVII,  p.  24.7).  Blitterswyck  n'a 
rien  écrit  qui  ail  échappé  a  l'oubli  ; 
il  appartient  tout  entier  a  cette  ère 
d'affadissement  du  caractère  belire  si 
jiollliqucment  ouverte  par  les  archi- 
ducs Alberl  et  Isabelle,  et  si  bien  con- 
tinuée par  le  gouvernement  espagnol. 
11   mourut  le    28   juillet    1661. 

R_F_G. 

BLOM  (Chakles-Magm's),  mé- 
decin suédois,  naquit  k  Kafsvik  en 
Smolandie,   le   i*""^  mars  1737.  Son 


365 


BLO 


père,  pasleur    dans   le  mémo   lieu, 
l'envoya  faire  ses  éludes  k  Upsal  et 
le  deslii^alt  a.  l'état  ecclésiastique. Ce 
projet,  auquel  s'opposaient  les  goùls 
du  jeune  Blom,ne  reçut  point  d'exé- 
cution, et  la  médecine,  pour  laquel'e 
il  avait    un  pencliaut  très-prononcé, 
l'emporta.  Partageant  son  temps  en- 
tre l'étude  de  la  médecine  et  celle  de 
l'histoire    nalurelle,     il      eut  pour 
maîlre  1  illustre  Linné  qui  contribua 
beaucoup  k  ses  succès  par  ses  con- 
seils et  ses  leçons.    Un  voyage  qu'il 
entreprit  eu  1760    dans  divers  pays, 
et  principalement  eu  Hollande  ,  lui 
donna  l'occasion  d'acquérir  de  nou- 
velles connaissances.  Il  revint  dans 
son  pays  quelque  temps  après ,  et  !a 
thèse  De  ligno  quassiœ  ,  qu'il  sou- 
tint a  Upsal  pour  son  examen  de  mé- 
decin, lui  fil  le  plus  grand  honneur. 
Il  obtint  le  bonnet  de  docteur  le  7 
juin  1765  ,  et,  dès  ce  moment,  saré- 
putation    comme   savant    et   comme 
médecin  fut  complèlemeut    établie. 
L'année  précédente,    la  société  des 
sciences  de    Bàle    l'avait  admis    au 
nombre  de  ses  membres.  En  ïT]U-, 
il  se  rendit  en  Dalécarlie  ,  y  prati- 
qua la  médecine  pendant  quatre  ans, 
et   fut  promu  au  grade  d'assesseur. 
Blora    a   rendu    son   nom   immortel 
en  l'associant  k  l'introduction  de    la 
vaccine   en   Suède.    Ce    bienfait   fut 
consacré  par   une    médaille   que  fit 
frappera  cette  occasion  l'administra- 
tion de  sauté.  Blom  mourut  le  4  avril 
18 15.    Il    était  membre    de    l'aca- 
démie  des  sciences  de  Stockholm  et 
de  la  société  médicale  de  Paris.  Il  a 
laissé  de  nombreux  ouvrages  qui  at- 
testent son   talent  d'écrivain  et  de 
praticien  :  L     Descriptioiies    quo- 
rumdam  insectoriim  nonduin  cog- 
nitoium  ad  Aqids  graniim    anno 
1761   detectonim.    II.    Essai   de 
l'aconilum    napcllus  e«   médecine. 


BLO 

m.  Remèdes  et  préservatifs  con- 
tre la  dyssenterle.  IV.  Remè- 
des contre  la  fièvre  de  rhume  et  la 
Jîèvre  putride.  ^ .  Remèdes  contre 
la  Jièvre  bilieuse.  VI.  Conseils 
pour  la  connaissance  des  médica- 
nwnts.^WXn  grand  nombre  detrai- 
tésj  insérés  dans  les  recueils  de  dif- 
férentes sociétés  savantes,  et  notam- 
ment dans  celui  de  l'académie  de 
Stockholm.  B — L — M. 

BLOXDE  (AxDRÉ),  né  a  Au- 
xerre,    en  1734,  fit    ses  premières 
éludes  au  petit    séminaire  de    cette 
ville    et  les  continua  au  collège  de 
Rhinviek  ,    près    d'Utrecht.     Etant 
ensuite  entré  dans  la  congrégation  de 
l'oratoire  ,   il  j  professa  la  philoso- 
phie pendant    plusieurs   années  et  il 
en  sortit  pour  se  faire  recevoir  avo- 
cat j  il  fut  admis  dans  les  conféren- 
ces et  associé  aux   travaux  de  Mey, 
Maullrot,  Aubry,  Camus  et   autres 
canonistes.  Lors  de  la  révolution  par- 
lementaire, en  1771  ,  s'étant  pro- 
noncé avec  beaucoup  de  force  contre 
les.  innovations   du    miuistère   Mau- 
peou,  il  se  vit   contraint  de  se  ré- 
fugier en  Hollande  ,  où  il  publia  une 
traduction    àes  Fondements    de  la 
Jurisprudence   naturelle    de   Pes- 
tel  ,    Amsterdam  ,     1774.     H    fit 
aussi  imprimer  dans  celte  ville  les 
T\Iaximes  du  droit    public  fran- 
çais de  Mey  et  Maullrot,   avec  une 
dissertation  de  sa  composition  sur  le 
droit  de  vie    et  de    mort.    Lorsqu'il 
voulut  les  faire  entrer    en  France , 
il  s'adressa  au   libraire  Piey  qui  lui 
répondit    nettement  :    «  Si  vous  me 
«  proposiez    d'introduire  des   livres 
«   contre  Dieu  et  cunlre  la  religion, 
«  ]e  m'en  chargerais  sans  difficulté; 
a  mais  celui  dont  vous  parli-z  atla- 
«   que  le  svslème  du  chancelier  Mau- 
«  peou  5    adressez-vous  k  d'autres.» 
Rentré  dans  son  pays  après  l'ayène- 


BLO 

ment  de  Louis  XVI,  et  lors  du  re'la- 
blissement  de  la  magistralure .  il  y  re- 
prit le  cours  de  ses  Iravaiix.  Au  com- 
ineucemeut  de  la  révolution,  Bloude 
fut  un  des  signataires  d'uu  iSlémoire 
à  consulter  et  consultation  sur  la 
compétence  de  la  puissance  tempo- 
relle, relativement  a  l'érection  et  à  la 
suppression  des  sièges  épiscopaux. 
Celle  consultation  est  dirigée  contre 
les  décrets  de  rassemblée  constituan- 
te-, elle  est  datée  du  i5  mai  1790, 
et  signc'e  de  Jabineau  ,  Maultrot  , 
Mey,  DaléaJ,  Meunier,  Vancc[iietin, 
Maucler^  Blonde  et  Bayard.  Blonde 
prit  part  svixNouvelles  ecclésiasti- 
ques ;  on  le  croit  auteur  des  articles 
(jui  parurent  dans  les  anciennes  Nou- 
velles ,  contre  les  ouvrages  de  Ber- 
gier,  et  il  est  certain  qu'il  travailla 
au  recueil  commencé  par  Jabineau  , 
le  i5  sept.  1791  (i)  ,  sous  le  litre 
de  Nouvelles  ecclésiastiques  ou 
3Iémoires  pour  servir  à  r histoire 
de  la  constitution  civile  du  clergé. 
On  y  réfutait  les  autres  JSouvelles 
dirigées  par  Pabbé  de  Saint-Marc,  et 
qui  s'étaient  déclarées  pour  les  inno- 
vations de  la  constituante.  Jabineau 
étant  tombé  malade  au  commence- 
ment de  1792  ,  Blonde  le  suppléait, 
et  après  la  mort  de  Jabineau,  arrivée 
les  premiers  jours  de  juillet  de  celle 
année,  il  fil  paraître  quelques  numé- 
ros ,  mais  Its  progrès  de  la  révolu- 
tion le  forcèrent  hieiitôl  au  silence. 
Le  dernier  numéro  de  ces  îllémoires 
est  du  A  août  1792.  On  a  lieu  de 
croire  que  Blonde  ne  fut  point  étran- 
ger a  la  vive  controverse  élevée  en 
1791  et  1792  contre  les  décrets  de 
la  constituante,  mais  nous  ne  saurions 
indiquer  précisément  les  écrits  dont  il 

(i)  Barl>ier  se  trompe  quiiul  il  dit,  dans  la 
deuxième  cdilion  de  son  Diitionnuire  des  ano- 
nymes ,  que  ces  l\Iemoiies  commencèrent  le  6 
janvier  1792  ;  nous  avons  sons  les  yenx  la  suite 
des  numéros,  à  partir  du  i5  sept.  i79i. 


BLO 


367 


est  Fauteur  (  F'oj'.  Maultrot  , 
XXVII,  509).  Blonde  mourut  a  Pa- 
ris, le  3  avril  1794^.  On  a  encore 
de  lui  :  I.  Lettre  à  M.  Bergier^ 
docteur  en  théologie ,  sur  son 
ouvrage     intitulé    :    Le     Déisme 

EÉFUTÉ     PAR     LUI  -  MÊME  ,     Paris   , 

1770  ,  iu-i2.  L'auteur  reprochait 
a  Bergier  une  doctrine  peu  exacte 
sur  des  points  de  théologie  oîi  Ber- 
gier n'avait  d'autre  tort  que  de  ne 
pas  adopter  les  principes  sévères  et 
outrés  de  l'école  janséniste.  II.  Let- 
tre d'un  profane  à  31.  l'abbé 
Bandeau  j  très-vénérable  de  la 
scientifique  et  sublime  loge  de  la 
Franche-Economie^  Paris,  1775, 
in-i2.  Celait  une  critique  du  systè- 
me des  économistes,  alors  dans  toute 
sa  vigueur.  L'auteur  fut  mis  K  la 
Bastille  pour  avoir  osé  l'attnquer  (2). 
On  lui  attribue  une  réfutation  à\i.Mi- 


(2)  Ce  fut  en  janr.  1776  que  l'avocat  Blonde 
fut  enferme  à  la  Bastille,  par  lellrc  de  cachet  , 
expédiée  sous  le  nom  de  Maleslierbes  ,  car  iSla- 
lesberbes  lui-même  eut  quelquefois  recours  à 
cet  arbitraire.  Bloude  était  accuse  d'avoir  fait 
imprimer  clandestinement  jilutieurs  libelles, 
entre  autres,  la  Lettre  d'un  profane  ,  conire  de 
Vaines,  alors  ci>mmis  des  iinauces  sous  le  mi- 
nistère Turgot.  Oéjà.dès  le  20  nov.,  Jl.  de  Ju- 
milbac,  gouverneur  de  la  Bastille,  avait  accusé, 
dans  une  lettre  à  Malesherbes,  la  réception  du 
sieur  Bourgeois,  présumé  complice  de  Blonde. 
Ce  dernier  écrivit,  de  la  Bastille,  à  Malesherbes 
(20  janv.  1776  )  qu'il  avait  vu  arec  ctonnement 
au  bas  de  la  lettre  de  cachet  le  nom  de  Lumoi- 
gnon  ,  si  cher  à  la  pairie  j  de  l'auteur  des  imntor- 
tellcs  rewonîranccs  de  la  cour  de^  aides.  Il  lui  rap- 
pelle que  peu  de  teinps  auparavant  il  avait 
chargé  l'avocat  Morizot  de  l'inviter,  lui  Blonde, 
à  s'occuper  du  projet  de  rclurmer  l'instruction 
publique.  «Si  j'avais  pensé,  dit-il  ,  que  la  lettre 
du  profane  dût  faire  tant  d'éclat ,  je  l'aurais  pré- 
venu en  vous  faisant  savoir  que  c'est  moi  qui 
suis  le  coupable,  s'il  peut  y  avoir  une  faute  de 
crier  au  voleur  quand  on  voit  les  voleurs  dans 
la  maison. ...  M.  Turgot  ne  voulait  rien  croire 
conire  son  commis.  Ce  fat  alors  que  je  pris  le 
parti  d'écrire  les  faits.»  Cependant  celte  arres- 
tation avait  fait  grand  bruit.  Blonde  était  l'ami 
de  l'avocat  Jabineau  et  de  tout  le  parti  jansé- 
niste. Ue  Vaincs,  efl'rajé  des  clameurs  qui  s'éle- 
vaient avec  force,  écrivit  lettres  sur  lettres  au 
nriiistre  Malesherbes,  pour  solliciter  la  mise  en 
libellé  de  Bourgeois  et  de  Blinde,  n  Quoiqu'il 
en  soit,  di-ait  il  (24  janv.),  c'est  toujours  pour 
moi  d  par  moi  que  deux  hommes  sont  à  la  Bas- 
tjUe.  Je  vous  proteste  que  c'est  uu  fardeau  qu« 


568 


BLO 


lUalre  philosophe,  et  une  Lettre  d 
31.  Turgot[  sur  de  Vaisnes).  Paris, 
i776,in-8°.  P — c — x. 

BLONDE  AU  (Antoine-Fran- 
cois-Raimond)  général  français,  né 
le  7  janvier  174-75  a  Baume-les-Da- 
mes,  pelile  ville  de  la  Franche-Com- 
té, entra  jeune  au  service,  comme 
simple  soldat  dans  les  chasseurs  d'A- 
frii[ue,  parvint  au  grade  de  capitaine, 
et  reçut  la  croix  de  Saint-Louis  en 
1791.  Nommé,  l'année  suivante, 
chef  du  second  bataillon  des  volon- 
taires du  Doubs  ,  il  fit  en  cette  qua- 
lité la  campagne  de  1793  sur  le  Rhin  5 
et,  s'étant  signalé  dans  quelques  affai- 
res, il  fut  fait  adjudant- général  et, 
quelques  mois  après  ,  maréchal  de 
camp.  Il  servit,  en  1794,  à.  l'armée 
du  Nord,  sous  les  ordres  de  Pichc- 
gru  ,  et  commanda  une  des  brigades 
qui  s'emparèrent  de  la  Hollande.  Eu 
1795  ,  il  se  trouvait  à  Paris  lors 
de  la  révolte  des  sections  ;  Barras 
{Voy.  ce  nom,  LVII ,  189)  lui 
ayant  confié  le  commandement  de 
la  colonne  postée  dans  la  rue  de  l'E- 
chelle ,  il  contribua    a   la    victoire , 


je  ne  puis  supporter,  etc.  »  On  voit  par  une 
lettre  de  Trudaine  à  Malesherbes  (du  jyjanv.), 
que,  la  veiUe,  Ips  chambres  assembkes  du  parle- 
ment s'étaient  occupées  de  cette  affaire,  et  qu'il 
avait  été  résolu  d'aller  en  avant.  De  Vaines,  vive- 
ment alarmé  ,  écrivait:  «  La  clémence  ne  chan- 
gera pas  l'ame féroce  de  ce  Blonde...  IVlais  je 
pense  que  ce  n'est  pas  dans  le  temps  où  l'on  a 
besoin  de  voix  pour  l'enregistrement  des  édits 
qu'il  faut  indisjjoser  toute  la  classe  janséniste 
(du  parlement).))  Enfin,  le  lieutenant- général 
de  police  Albert  écrivit  à  Malesherbes  ,  le  3o 
janv.  :  «  Blonde  et  moi,  sommes  sortis  hier  de  la 
Basliile  à  neuf  heures  du  soir  ,  etc.  )>  l>e  prési- 
dent de  Lamoignon ,  qui  fut  depuis  garde-des- 
sceaux  ,  disait  à  son  cousin  Malesherbes,  dans 
une  longue  lettre  confidentielle  ,  inédite  comme 
toutes  les  pièces  mentionnées  dans  cette  note  : 
«  Blonde  vis-à-vis  de  moi ,  vis-à-vis  de  vous  et 
vis-.i-vis  de  tçus  les  jansénistes,  a  joué  et  joue 
le  rôle  d'économiste,  aimant  M.  Turgot  plus 
que  lui-même...  M.  de  Saint-Vincent  a  déjà 
écrit  en  sa  faveur  à  M.  Albert. . .  Les  jansénistes 
prétendent  que  c'est  moi  qui  ai  fait  arrêter 
lUonde  :  je  m'en  moque  ;  mais  c'est  pour  vous 
faite  voir  que  toutes  ces  chiennes  d'affaires  ne 
nou3  réussissent  ni  à  vous  ni  à  moi,  »      V— vb. 


BLO 

d'ailleurs  assez  facile,  de  !a  conven- 
tion. Il  prit,  en  1799,  une  part  glo- 
rieuse h  l'attaque  du  camp  retranché 
devant  Manloue  ;  et  quoique  blessé  à  la 
bataille  de  la  Trébia,  il  n'en  continua 
pas  moins  de  servir  pendant  le  reste  de 
la  campagne.  Nommé  officier  de  la  Lé- 
gion-d'Honneur  en  i8o4,  il  prit  sa  re- 
traite deux  ans  après,  et  vint  habiter 
Clerval  ,  petite  ville  non  loin  de 
Baume,  oîi  il  passa  ses  dernières  an- 
nées, et  mourut  le  8  mai  1825.W-S. 
BLONDEL  (  Jean  )  ,  président 
a  la  cour  impériale  de  Paris, naquit  a 
Reims ,  fils  d'un  boulanger,  en  avril 
1753  et  mourut  a  Paris  en  18  10.  Il 
avait  fait  ses  études  en  cette  ville  et 
s'était  fait  recevoir  avocat  en  1760. 
Il  débuta  dans  le  procès  du  maréchal 
de  Richelieu, contre  madame  de  Saint- 
Vincent,  et  prit  ensuite  la  défense  de 
la  d'Oliva  dans  l'affaire  du  Collier, 
où  il  se  montra  d'une  manière  in- 
directe l'apologiste  Ae  la  reine 
Marie -Antoinette  (  i  ).  Nommé  eu 
1787  secrétaire  du  sceau,  il  obtint 
du  roi  une  pension  qu'il  perdit  en 
1791.  Fidèle  a  ses  bienfaiteurs  , 
Blondel  seproaonçafortemeutcontre 
la  révolution  ,  et  il  subit  une  longue 
détention.  Sous  le  gouvernement  im- 
périal,  en  i8o3,  il  devint  membre 
et  ensuite  président  de  la  cour  d'ap- 
pel, et  fut  un  des  rédacteurs  du  Code 
criminel.  Blondel  jouissait  dv^ns  le 
monde  et  au  palais  de  celte  considé- 
ration que  les  magistrats  de  l'empire 
ne  s'attiraient  pas  toujours.  Il  vécut 
plus  de  cinquante  ans  avec  une 
épouse  qui  fit   le  charme  de  sa  vie. 


(i)  Dans  la  fameuse  affaire  du  procès  do 
Salra-Kirbourg,  poursuivi  pour  dettes  peu  ho- 
norables ,  Blondel,  avec  sa  sagesse  et  sa  modé- 
ration ordinaires  ,  publia  un  minioiie  justificatif 
de  ce  prince;  mais,  malgré  tous  ses  elfurts,  il  ne 
put  rendre  extrêmement  nette  la  conduite  dn 
-son  client  ,  qui  fut  condamne,  en  fev.  17S7,  à 
payer  le  capital  ,  les  frais  et  les  dommages, 
A — T. 


BLO 

loliuiexucnt  liés  avec  Bitaubé  et  sa 
femme, ils  eurent  avec  ce  couple  res- 
pectable un  trait  de  ressemblance  : 
c'est  que  cliacun  des  époux  qui  eut  le 
malheur  de  survivre  aTaiilre, le  suivit 
diins  la  tombe,  a  peu  de  jours  d'inter- 
valle. Blondel  a  publié  :  I.  Loisirs 
philosophiques  ou  étude  de  l'hom- 
me, Londres  et  Paris,  1756,  in-12. 
11.  Notes  sur  ce  qu'on  voit  dans 
le  monde  social^  \~ibl ,  in-12. 
Cet  ouvrage  ne  se  trouve  point  iudl- 
(jué  dans  le  Dictionnaire  des  auteurs 
anonymes  de  Barbier.  HT.  Les  hom- 
mes tels  qu'ils  sont  et  tels  qu'ils 
doi\>enl  être ,  Londres  et  Paris , 
1758,  in-12-  Hdmbourg,1760.IY. 
Introduction  à  l'ouvrage  intitulé 
De  l'administration  des  finances,  par 
Necker ,  avec  de  petites  notes  , 
1785,  in-8°.  Cet  ouvrage  a  été  allri- 
bué,  mais  atort,aLoiseau  deBéren- 
ger,  fermier-général,  et  aussi  a  Bour- 
boulon.  V.  Discussion  des  prin- 
cipaux objets  de  la  législation 
criminelle,  Paris,    1789,    in- 8=". 

L G— J. 

BLOXmiV  (  Jean-]Xoel  )  ,  la- 
borieux grammairien,  né  à  Paris,  en 
1753,  entra  daus  Tordre  des  feuil- 
lants ,  où  il  professa  la  théologie, 
et  devint  secrétaire-interprète  à  la 
bibliothèque  royale.  Il  était  aussi 
membre  de  l'académie  d'Orléaus  et 
de  plusieurs  autres  sociétés  savantes. 
Pendant  la  révolution  ,  lorsque  tous 
les  collèges  étaient  fermés  ,  la  con- 
duite de  Blondin  fut  des  plus  hono- 
rables ;  il  ouvrit  gratuitement,  au 
Louvre  et  a  l'Oratoire  ,  des  cours  d-e 
grammaire  ,  et  depuis  il  ne  cessa  de 
se  livrera  l'élude  des  langues.  I!  est 
mort  à  Paris,  le  13  mai  1832.  Sa 
Grammaire  française  démonstra- 
tive ,  dont  la  8^  édition  est  de  1822, 
in-8°,  lui  mérita  un  des  prix  décer- 
nés, en  1796,  par  le  jury  des  livres 


ELO 


3(J9 


élémenlalres.  Nous  citerons  encore 
de  lui  :  L  Nouvelle  grammaire 
pour  apprendre  le  français  aux 
Anglais,  Paris,  1788,  in.8°; 
ibid.,  1797  ,  5*^  édition.  IL  Précis 
de  la  grammairt  française  ,  Pari% 
1788,in-8°j  ibid.,  1816,  6"  édit. 

III.  Précis  de  la  grammaire  an- 
glaise, ibid.  ,   1790,  1800,  iu-8^ 

IV.  Précis  de  la  grammaire  ita- 
lienne,  ibiJ.  ,   1791 ,  1800,  in-8". 

V.  Ua  recueil  de  morceaux  littérai- 
res en  anglais,  sous  ce  titre  :  Pièces 
on  varions  subjects  ,  from  the 
bestenglishauthors,  both  in  prose 
and  poetry  ,  Paris,  1798  ,  in-8°. 
\I.  Grammaire  polyglotte  ,  fran- 
çaise, latine,  italienne,  espagno- 
le, portugaise  et  anglaise  ,  Paris, 
1811,  in-8";ibid.,  1825,  2"=  édit. 
VIL  Grammaire  latine  démon  - 
strative ,  comparée  par  analogie 
avec  le  français,  Paris,  1819,  in-8"'; 
ibid  ,  1822,  2-  édit.  VIU.  Manuel 
de  la  pureté  du  langage,  etc.  , 
ibid.,  1823,  in-8°.  C'est  un  recutil 
alphabétique  de  locutions  vicieuses 
avec  leur  corrigé.  IX.  M.  Casimir 
Delavigne  cité  au  tribunal  de  la 
raison,  de  la  langue  et  du  goût, 
ou  critique  raisonnée  ,  grammaticale 
et  liitéraire  de  sa  3Iessénienne  sur 
lord  Byron,  Paris,  1826,  in-S" 
de  16  pages.  X,  Le  flambeau  des 
participes,  Paris,  1828,  in-8°.  On 
trouve  a  la  fin  de  cet  ouvrage  des 
Stances  de  félicitallon ,  adressées 
par  François  de  Neufchàteau  à  l'au- 
teur ,  qui  lui  avait  communiqué  iou 
manuscriî.  P — ax. 

BLOOMFIEL  D  (  Robert  ) , 
poète  iinglais,  né  le  3  déc.  1766, 
au  hameau  dHouiuglon,  daus  le 
comté  de  Suffolk  ,  n'avait  que  sis 
mois  lorsque  sou  père,  pauvre  tail- 


eur   t!e    village 


iila 


fei 


veuve  avec  six  eufauls,  et  sans  autre 


i.VIII. 


24 


370  BLO 

ressource  que  la  pcllle  école  qu'elle 
lenaita  Honingtou.  Robert  y  apprit 
a  lire  en  commençant  a  parler;  mais 
lorsqu'il  s'agit  d'énriture ,   sa  mère 
fut  obligée  de  l'envoyer  a  une  école 
voisine.    H  n'y   resta  qu'un  trimes- 
tre.    Peu     de     temps    après   cette 
femme  se  remaria,  eut  d'autres  en- 
fants, et  l'éducation  de  Robert ,    qui 
n'eût  jamais  été  brillante,  fut  totale- 
liîcnt    abandonnée.  Il  avait  onze  ans 
lorsqu'un    oncle    par  alliance ,    M. 
Wiliiam  Auslin ,    dont  il  a  immor- 
talisé le   nom  dans  le  plus  connu  de 
ses  poèmes ,   offrit  de    le    prendre 
dans  sa    ferme^    sans  imposer   à  la 
mère  d'autre   condition    que  de  lui 
fournir  un  léger   trousseau.   C'était 
un  acte   d'autant  plus    généreux   de 
la  part  de  ce  parent  que ,  selon  lui , 
Robert  probablement  ne  serait  ja- 
mais en  éjal  de  gagner  sa  vie.  Quel- 
que faible  que  fût  l'exigence  du  bon 
William  Austin  ,  sa  demande    excé- 
dait encore  les  facultés  de  la  pauvre 
mère  5  elle  écrivit  en  conséquence   à 
deux  aînés  de  Robert  (Georges  et  Na- 
thanielBIoomfield),  ouvriers  cordon- 
niers a  Londres,  les  priant  de  contri- 
buer   pour  quelque   chose  à  l'équi- 
pement de    leur  frère.    Ceux-ci  ré- 
pondirent en  invitant    leur  mère  à 
rompre   son   engagement  avec  Au- 
stin   et  à  leur  envoyer  Robert  :  ils 
se  chargeaient  j  l'un  de  le  nourrir  et 
loger,  l'autre   de  le  vêtir.  Arrivé  à 
Londres,  Robert  leur  parut  si  chétif, 
si  maigre  qu'ils   ne  lui  imposèrent 
pas  de  rudes  travaux.  C'est  lui  qui 
faisait  leurs  petites  commissions ,  qui 
allait  chercher  leurs  repas,  et  qui  le 
plus  souvent  lisait  aux  ouvriers  cordon- 
niers la  gazette  de  la  veille.  Il  est  inu- 
tile d'ajouter  que  son  auditoire  et  lui 
n'y   comprenaient    pas   grand'chose. 
Cependant  Robert   éprouvait  un  vif 
désir  de   tout  comprendre_,  et  possé- 


BLO 

der  un  dictionnaire  eût  été  pour  lui 
le  comble  de  la   félicité.    Son  frère 
Georges   finit  par  lui  en  acheter  uu, 
tout  usé,  relégué  avec  la  vieille  fer- 
raille et  la  faïence   ébréchée  sur  le 
pavé  des  quais  de  Londres.  Ce  tré- 
sor coûtait  quatre  pences  (huit  sous), 
Bloomfield  le  mit  largement  à  con- 
tribution ,  et    grâce  à  ce  vénérable 
V ade-mecum  ,  grâce  a  la  vivacité 
naturelle  de  son  esprit ,  il  en  vint  h 
suivre  aisément  les  débats  du  parle- 
ment et  h  comprendre  d'un  bout  à 
l'autre  ce  que  disaient  les  Burke  , 
les  Fox,  les  Pitt,  les  Wilberforce. 
Il  l'expliquait  à  l'atelier  émerveillé. 
Un  dimanche ,  le  hasard   le  conduit 
au   quartier   delà  Vieille-Juiverie, 
dans    une   maison   destinée  au  culte 
non- conformiste.    Le   prédicateur, 
nommé  Fawcett,  était  un  homme  élo- 
quent^ peut-être  un  peu  emphatique  , 
un  peu  trop  poète  dans  sa  déclama- 
tion  ainsi  que  dans  son   style.    La 
chaleur  de  son  débit ,  l'accentuation 
donnée  auxsyllabes,  laprosodiemélo- 
dieuse,  sensible  jusque  dans  la  prose, 
exercèrent  une  impression  extraordi- 
naire sur  Bloomfield,  alors  âgé  de 
quinze  ans.  Il   se  mit  à  phraser  son 
débit    comme    le    prédicateur  ,    et 
tous  les  dimanches  le  retrouvèrent 
assidu  au  petit  temple  de  la  Vieille- 
Juiverie.  Il  visitait  aussi,  mais  seu- 
lement de  loin  en  loiu  ,  la  société  de 
conférence  de  Coachmaker'sHall;  et 
dans  quelques  occasions  solennelles 
il  allait  au  théâtre  de  Covent-Garden. 
Tels  sont  les  seuls  maîtres   qui  for- 
mèrent    l'éducation      de      Robert 
Bloomfield.  On  peut  y  joindre  une 
Histoire    d'Angleterre  ,     un     vieux 
traité  abrégé    de    géographie  ,     le 
Bristls/i    Traveller,  et  quelques  li- 
vres dépareillés,  enfin  ce  qui  pouvait 
former  le  fond  de  bibliothèque  d'un 
ouvrier  cordonnier.  Ou  prêle  peu  de 


BLO 

livres  en  Annleterre,  et  Robert  u'a- 
vail  pas  de  quoi  eu  louer.  Cependaat 
au  milieu  de  cette  absence  complète 
de  tout  ce  qui  peut  révéler  le  génie 
h  lui-même  ,  au  milieu  d'au  monde 
aussi  étranger  aux  idées  littéraires 
qu'on  peut  Timaginer  ,  Robert  s'é- 
tait senti  poète.  De  la  déclamation 
il  était  en  quelque  sorte  a  son  insu 
venu  a  la  poésie  :  il  agençait  ses 
sjllables  en  nombre  convenu  ;  il 
disposait,  il  enlaçait  les  rimes,  il 
arrivait  au  couplet.  Le  London 
Magazine  et  les  chansons  des  rues, 
peut-être  quelques  stances  ou  cou- 
plets de  Coven-Garden,  l'avaient  mis 
sur  la  voie.  Mais  de  ces  préliminaires 
si  vagues  ,  même  lorsque  la  musique 
des  couplets  gravée  dans  la  mémoire 
semble  solliciter  des  paroles  nouvel- 
les ,  il  y  a  loin  a  la  poésie.  Enfin  un 
jour  Robert  se  trouva,  sans  qu'il  sût 
comment ,  avoir  composé  ,  sur  uu 
vieil  air,  uu  chant  dont  il  répétait 
souvent  les  paroles,  et  dont  il  finit, 
à  la  grande  surprise  de  son  frère 
Georges,  par  se  déclarer  l'auteur. 
Georges  fut  d'avis  d'essayer  si  le  di- 
recteur du  London  3Iagazine  in- 
sérerait ses  vers  ;  Robert,  en  vrai  fils 
des  muses,  se  laissa  persuader  :  la 
pièce  fut  accueillie  et  parut  dans  un 
des  premiers  numéros;  c'est  celle 
qui  a  pour  titre  ,  la  Laitière  ou  le 
Premier  de  mai.  Encouragé  par 
ce  succès,Bloomfieldcom[)osa  le  Re- 
tour du  tailleur  et  envoya  au  jour- 
nal ce  morceau  qui  fui  publié  comme 
le  premier.  Il  était  dans  sa  dix-sep- 
tième année.  Bientôt  il  fit  connais- 
sance avec  un  nommé  James  Kay , 
calviniste  enthousiaste,  mais  assez  in- 
struit, qui,  outre  les  livres  de  contro- 
verse, possédait  beaucoup  de  romans, 
de  poèmes,  Milton  ,  Thomson,  etc. 
E.obert  les  lut,  les  dévora.  Les  Sai' 
sons  surtout  devinrent  son  ouvrage 


BLO 


371 


de  prédilection  ,  et  il  ne  cessait  de 
les  vanter  et  de  les  relire.  Nous  ver- 
rons bientôt  quel  effet  cet  enivre- 
ment produisit  sur  lui.  A  celte  épo- 
que la  dissension  se  mit  à  Lundres 
dans  l'association  des  cordonniers. 
Bloomfield  par  suite  de  ces  dé- 
bals ,  auxquels  il  ne  voulait  point 
prendre  part  ,  retourna  dans  le 
comté  de  Suffolk,  et  reçut  uu  cordial 
accueil  à  la  ferme  de  Tû.  Austin 
jusqu'à  ce  qu'il  put  revenir  à  Lon- 
dres. La  vue  des  riches  paysages  , 
des  sites  pittoresques  de  la  campa- 
gne, lui  rappela  délicieusement  les 
tableaux  de  son  poète  favori.  Mais  , 
ne  l'ayant  pas  a  sa  disposition  ,  il  se 
mit  a  recomposer  de  tête  ces  descrip- 
tions si  belles  et  si  vraies.  Toutefois  il 
envisagea  la  campagne  sous  un  aspect 
nouveau  quiavait  échappék  Thomson, 
ou  qui  du  moins  n'avait  été  qu'épiso- 
dique  a  ses  yeux  :  il  décrivit  les  tra- 
vaux des  hommes  qui  se  vouent  à  la 
vie  des  champs  ,  et  les  délails  multi- 
pliés de  l'exploitation  rurale,  détails 
qu'un  goût  mesquinement  classique 
avait  en  général  regardés  comme 
puérils  et  prosaïques,  mais  qui,  chan- 
tés par  un  poète  qui  les  sait  et  qui 
les  aime,  se  prêtent  à  tous  les  charmes 
de  la  poésie.  Au  bout  de  quelques 
mois  d'absence,  Bloomfield  revint  a 
Londres,  et,  sans  attendre  la  lin  des 
querelles  qui  divisaient  son  corps  de 
métier  ,  il  entra  en  qualité  d'ap- 
prenti chez  le  cordonnier  Dudbrido'e, 
et  choisit  pour  spécialité  la  chaussure 
de  dames.  Bientôt  assez  habile  pour 
suffire  "a  sou  existence,  il  étudia 
la  musique  ,  et  devint  bon  violo- 
niste. Pendant  ce  temps,  son  frère 
Georges  s^était  marié  à  Woohvich  j 
Robert  l'imita  et  prit  femme  dans  la 
même  ville,  mais  il  retourna  a  Lon- 
dres. Il  eut  long-temps  a  lutter  contre 
les  circonstances  difficiles  qui  assiè- 

a4 


Sp  BLO 

gent  si  souvenl  les  ouvriers  :  le  man- 
que d'ouvrage,  le  bas  prix  de  la 
lusiu-d'œuvre,  le  peu  d'espace  el  de 
salubrité  du  local.  C'est  entravaillant 
ainsi  dans  une  chambre  ,  au  milieu 
de  six  ou  sept  ouvriers  cordonniers , 
ses  compagnons,  que  Bloomfield  com- 
posa son  beau  poème  du  Garçon  de 
ferme.  Nul  ouvrage  peut-cire  ne 
prouve  ,  quant  a  la  manière  dont  il 
fut  composé,  plus  de  force  de  lêle 
et  de  mémoire.  Soit  que  le  poète 
n'eût  ni  encre  ni  plumes  a  sa  dispo- 
sition, soit  que  son  génie  l'enlraînât 
K  ne  rien  écrire,  presque  tout  le 
Iroisième  chant  de  son  ouvrage  et  le 
quatrième  furent  non  seulement 
composés,  mais  corrigés  dans  sa  tête 
sans  qu'il  en  confiât  une  seule  ligue  au 
papier.  Bloomfield  termina  son  œuvre 
en  1 798.  Désirant  en  donner  connais- 
sance k  sa  mère,  il  s'adressa  à  divers 
libraires  de  Londres,  maisloujoursen 
vain-  Eufin  il  alla  voir  l'éditeur  et  le 
rédacteur  du  Monthly  lilagazine  , 
leur  livrant  gratuitement  son  ouvrage 
et  se  réservant  seulement  une  dou- 
zaine d'exemplaires.  La  modicité  de 
ses  demandes  et  ses  démarches  réité- 
rées escilèrent  quelque  attention  , 
mais  en  un  sens  peu  favorable  k  ses 
vues.  Il  arriva  même  qu'un  gentle- 
man fort  versé  dans  l'économie  ru- 
rale ,  après  avoir  ,  sur  l'invitation 
de  l'éditeur,  Iule  manuscrit  dont  on 
demandait  l'impression,  paraphrasa 
durement  le  vieil  adage  ne  sutor 
ultra  crepidam ,  et  recommanda 
au  pauvre  Bloomfield  de  retourner 
à  ses  chaussures  et  de  ne  plus  perdre 
.son  temps  en  travaux  pénibles  pour 
lesquels  il  n'avait  pas  de  vocation , 
surtout  de  ne  plus  toucher  a  un  su- 
jet épuisé  par  Thomson.  Cependant 
la  constauce  qu'il  opposa  aux  bons 
avis  du  gentleman  et  ses  instances 
cD-rat'èreu'i  encore  l'éditeur  àcousul- 


BLO 

1er  une  autre  personne  ^  el  Bloom- 
field reçut  une  lettre  d'introduction 
pour  un  M.  Capel  Lofft  de  Troston. 
Cet  iiomme  de  goût  jugea  de  la  pro- 
duction qu'on  lui  présentait  tout  au- 
trement que  les  aristarques  qui  l'a- 
vaient précédé  ;  non  moins  offi- 
cieux qu'éclairé,  il  corrigea  la  mau- 
vaise orthographe  du  manuscrit  et 
changea  une  quarantaine  de  mots  au 
texte  ,  le  fit  recopier  et  l'envoya  , 
non  sans  une  très-pressante  lettre  de 
recommandation ,  k  l'un  des  deux  pro- 
priétaires du  Bliroir  du  mois.  Bien- 
tôt le  libraire  Hood  se  chargea  d'édi- 
ter l'ouvrage  j  et  le  traité  assura  au 
poète,  au  lieu  des  douze  exemplaires 
qu'il  avait  sollicités  en  vain  du  Mon- 
thly Magazine ,  cinquante  livres 
sterling,  plus  une  part  dans  les  béné- 
fices. Celle  part  devint  importante; 
car  en  peu  de  temps  Hood  vendit 
quarante  raille  exemplaires  du  Gar- 
çon de  ferme;  et  Bloomfield  reçut 
deux  cents  livres  sterling  indépen- 
damment de  la  somme  fixe  qui  lui 
avait  été  allouée.  Les  critiques  les 
plus  habiles  s'accordèrent  k  louer 
dans  le  Garçon  de  ferme  non  seu- 
lement un  plan  sage,  une  versification 
l'arnionieuse  et  coulante,  un  style 
varié,  fleuri  et  simple  comme  la  na- 
ture, enfin  une  profusion  d'images 
fraîches  et  vraies  ,  mais  un  tableau 
achevé  de  la  vie  rurale,  empreint  de 
toute  la  naïveté  des  champs,  dout  il 
retraçait  avec  élégance,  quoique  avec 
fidélité  5  la  physionomie  et  la  cou- 
leur. Ce  poème  k  la  main  ,  oa 
respire  vraiment  l'odeur  delà  ferme, 
de  la  laiterie  ,  des  sainfoins  nouvel- 
lement coupés;  on  voit  les  mœurs  , 
les  amours  de  la  basse-cour  ,  les 
mouvements  variés  des  garçons  de 
labour,  des  servantes,  du  berger, 
du  maître  de  ferme,  les  instruments 
aratoires  inaciif>  ou  en  activité,  les 


P-Î.O 

meures  de  blé  ou  de  fuiu;  ou  croit 
entendre  les  pas  variés  des  bestiaux  , 
les  cloclietles  suspendues  au  cou  des 
moulons,  les  chalumeaux  ou  la  cor- 
nemuse du  pasteur,  les  longs  récits 
ou  les  ballades  de  la  veillée.  En  un 
mot,  chez  lui  tout  est  d'une  rusticité 
et  d'une  grâce  qu'on  ne  trouve  pas 
dans  Thomson,  qui  ne  voulait  que 
peindre  la  nature.  Bloomfield  re- 
présental'hommeexploitanl  la  nature 
par  l'art  agricole.  Les  traits  du  pre- 
mier devaient  être  plus  grandioses, 
plus  hardis,  et  aussi,  on  doit  le  dire, 
plus  vagues;  le  second  au  contraire 
est  plus  minutieux,  plus  précis  :  aux 
larges  lignes  jetées  par  la  main  de 
Dieu,  ont  succédé  les  dimensions  un 
peu  étroites  de  l'homme.  Celte  dif- 
férence se  retrouve  jusque  dans  les 
formes  du  poème  :  les  Saisons  sont 
en  vers  blancs,  le  poème  de  Bloom- 
field est  rimé.  Du  reste,  l'un  et  l'au- 
tre se  composent  de  quatre  chants 
consacrés  chacun  à  une  des  quatre 
saisons  5  et  même  cette  parité  fut 
une  des  causes  qui ,  aux  yeux  des 
premiers  lecteurs  ,  firent  du  Gar- 
çon de  ferme  une  pâle  imita- 
tion des  Saisons.  Mais,  si  lun  des 
deux  poètes  devait  subir  des  re- 
proches pour  cette  division,  a  coup 
sur  ce  serait  Thomson  plutôt  que 
Bloomfield.  Les  saisons  ne  sont 
qu'une  division  artificielle  de  l'année, 
division  imaginée  par  l'homme  , 
en  rapport  avec  les  travaux  de 
l'homme  :  le  poète  qui  a  choisi  pour 
sujet  les  travaux  agricoles  de  l'homme 
peut  donc  et  peut-êlre  a  dû.  suivre 
celle  division  5  mais  lorsqu'on  peint 
la  nature,  et  surtout  la  nature  en- 
tière, celle  des  Tropiques  comme 
celle  de  la  Grande-Bretagne  ,  il  est 
mesquin ,  il  est  faux  de  partager 
l'année  en  quatre  saisons  :  on  en 
compte  trois  ou  six  aux   Indes ,  on 


Ï'.LO  3;  3 

n'en  compte  (jue  deux  sous  la  ligue  , 
et  au  fond  la  nature  ne  change- 
t-elle  [tas  de  face  tous  les  jours?  L'an- 
parition  du  Garçon  de  ferme  influa 
sur  le  sort  de  Bloomfield.  Le  duc 
d'York ,  grand  admirateur  de  ce 
poète,  lui  accorda  une  gratification. 
Le  feu  duc  de  Grafton  lui  fit  une  pen- 
sion d'un  schclling  par  jour,  pension 
que  lui  continua  le  duc  actuel,  après 
la  mort  de  son  père,  et  deux  ans  plus 
tard  ,  il  obtint  pour  lui  un  emploi. 
Cependant  il  travailla  encore  quel- 
ques années  après  la  publication  de 
son  poème  à  sa  première  profession. 
Il  se  mit  ensuite  a  faire  d'admirables 
harpes  éoliennes.  Beaucoup  de  per- 
sonnes du  grand  monde  achetèrent  a 
très- haut  prix  ces  instruments,  profi- 
tant ainsi  de  l'occasion  pour  lui  faire 
des  présents,  sans  que  sa  délicatesse 
put  les  refuser.  Peut-être  dans  celle 
situation  nouvelle  où  il  ne  cessa  point 
de  sacrifier  aux  muses,  Bloomfield  ne 
songea-t-il  pas  assez,  malgré  son  ex- 
trême modestie,  qu'il  y  avait  dans 
cette  veine  de  fortune  un  peu  d'engoue- 
ment, un  peu  de  mode.  Au  reste  il  ue 
s'occupa  guère  d'assurer  son  avenir  ; 
et  la  faute  en  fut  plus  encore  k  son 
excellent  cœur  qu'au  désir  si  naturel 
d'un  peu  de  luxe  ou  au  laisser-aller 
du  poète.  Tous  ses  frères  trouvèrent  en 
lui  un  appui  généreux  ;  et  ses  frères, 
moins  richement  do  lés  ([ue  lui  par  la  na- 
ture, et  toujours  réduits  a  la  vie  de  i'a- 
telier,  avaient  k  eux  trois  trente-un 
enfans  !  Vers  1815  ,  sa  santé  s'affai- 
blit. Les  privations  de  son  enfance, 
les  angoisses  de  sa  jeunesse  avaient 
sans  doute  contribué  k  ce  résultat. 
Il  abandonna  sa  place  ,  quitta  Lon- 
dres et  se  retira  dans  le  comté  de 
Bedford,  aux  environs  de  Shefford  : 
là  il  eut  pour  voisin  M.  Whitbread 
qui  l'avait  toujours  traité  avec 
beaucoup  d'égards,  et  dont  la  maisoa 


374  BLO 

lui  était  toujours  ouverte.  Eu  1819, 
il  devint  incapable  de  supporter  le 
moindre  travail  j  cependant  il  donua 
encore  ,  depuis  ce  temps  ,  deux 
morceaux  différents,  notamment  une 
pièce  en  trois  actes  ,  et  l'on  a 
quelques  raisons  de  croire  qu'il  a 
laissé  d'autres  compositions  qui 
datent  de  cette  époque.  Il  eut  ensuite 
Je  malheur  de  perdre  presque  en- 
tièrement la  vue.  Des  embarras 
pécuniaires  vinrent  ajouter  à  ces 
causes  de  souffrances.  Malgré  les 
soins  pieux  de  sa  fille  ,  BloomGeld 
eut  donc  une  fin  presque  aussi  mal- 
heureuse que  l'avait  été  sa  jeunes- 
se. A  peine  même  ses  amis  purent- 
ils  désirer  qu'il  survécût  a  l'attaque 
qui  l'emporta  :  car  les  médecins  dé- 
clarèrent que  s'il  eût  gardé  la  vie , 
il  eût  perdu  la  raison.  Bloomfield 
mourut  le  19  août  1823.  On  a  de 
lui,  outre  le  Garçon  de  ferme  et  les 
deux  premières  pièces  que  nous  avons 
mentionnées  :I.  Contes, Ballades  et 
Chants  de  campagne,  1802.  Ces 
petits  poèmes  respirent  absolument 
l'esprit  du  Garçon  de  ferme  ;  ils 
obtinrent  aussi  un  accueil  flatteur, 
quoique  moins  brillant  que  le  grand 
poème.  Beaucoup  de  ces  charmantes 
productions  furent  composées  pour 
Ta  musique  des  leçons  de  piano  de 
Hook  j  et  certes  jamais  personne  ne 
se  douterait  quelamusiquea  été  com- 
posée avant  les  paroles.  Parmi  ces 
dernières  on  a  remarqué  le  Chant 
du  chasseur.  II.  Heureuse  an^ 
nonce  ou  JSouvelles  de  la  ferme , 
1804.  Ce  morceau  est  relatif  à  la 
pratique  nouvelle  alors  de  la  vaccine. 
M.  Lofft  dans  une  lettre  écrite  d'I- 
talie ,  après  la  mort  de  Bloomfield  , 
recommande  de  l'intercaler  dans  le 
Garçon  de  ferme  dont  il  a  le  ton 
et  les  formes.  III.  Fleurs  sauva' 
ges  ou  poésies  pastorales  et  loca- 


BLO 

les  ,  1806.  Ce  volume  est  dédié 
par  l'auteur  à  son  fils.  IV.  Les 
Bor^ds  de  la  Wye^  1811,  com- 
posés après  un  voyage  sur  la  rivière 
de  Wje,  au  sud  du  pays  de  Galles , 
dans  l'été  de  1807.  V.  Le  premier 
du  mois  de  mai  avec  les  Muses ^ 
1822.  VI.  Hazlewood  Hall,  pas- 
torale en  trois  actes  :  la  préface  est 
datée  du  12  avril  1823.  M.Etienne- 
Fraucois  Allard  a  traduit  en  français 
le  Valet  du  fermier, V  Ans,  \Hi)0, 
un  vol.  in-12,  avec  dix  gravures.  On 
en  a  aussi  une  traduction  de  Parny. 
M.  E.  L***  de  Lavaisse  a  traduit  les 
Contes  et  chansons  champêtres, 
Paris,  1802,  in-12.  T.-P.  Berlin 
a  traduit  aussi,  d'après  Bloomfield, 
VHistoire  du  chapeau  neuf  du 
petit  Davy ,  Paris,  1818,10-18. 
P— OT. 

BLOUET  (Jean-Feaxçois-Ni- 

coLAs),  littérateur,  né  à  Metz  le  21 
mars  1745,  était  fils  d'un  procureur 
au  parlement  de  la  même  ville.  Reçu 
avocat  en  1 764  ,  mais  restant  pres- 
que sans  affaires  au  barreau,  il  eut 
le  loisir  de  se  livrer  à  son  goût  pour 
les  lettres  et  devint  l'un  des  fonda- 
teurs d'une  société  académique,  insti- 
tuée h  Metz  sous  la  dénomination  de 
Sociétèdes  Philathènes, réamon  oii 
figuraient  en  même  temps  Lacretelle 
aîué,  Rœderer,  Emmery  et  plusieurs 
autres  hommes  qui  ont  marqué  dans 
l'histoire  contemporaine.  Blouet  était 
devenu,  au  moment  de  la  révolution, 
propriétaire-rédacteur  du  Journal 
de  la  Moselle.  Enfermé  à  l'ancienne 
abbaye  de  Saint- Vincent  en  1793,  il 
ne  sortit  de  prison  qu'après  la  chute 
de  Robespierre.  Lorsqu'il  fut  ren- 
du à  la  liberté  ,  il  continua  la  pu- 
blication de  sa  feuille  périodique , 
mais  elle  tomba  dans  un  discré- 
dit dont  l'insouciance  du  rédacteur 
était  la  principale  cause.  Le  Jour- 


r.LO 


,i: 


nal  de  la  Moselle  paraissail  Lucore 
sous  ses  auspices  lorsqu'il  iul  frappé 
de  l'apoplexie  dont  il  mourut  le  3 
aoùl  1809.  Peu  d'hommes  ont  laissé 
d'aussi  nombreux  manuscrits  que 
Blouet  5  mais  aucun  ne  lui  a  survécu 
et  nous  ne  pensons  pas  qu'on  doive 
beaucoup  en  regretter  la  perle.  Ses 
seuls  ouvrages  connus,  dont  le  pre- 
mier seulement  a  été  imprimé  ,  sont  : 

I.  fllcnioire  sur  cette  question  : 
Quels  sont  les  obstacles  politiques 
ijui  s^ opposent  aux  progrès  de  la 
navigation^  relativement  au  com- 
merce, sur  les  rivières  des  Trois- 
Evêchés  ^  principalement  sur  la 
Moselle  ;  et  quels  sont  les  moyens 
de  détruire  ou  de  diminuer  ces 
obstacles?  Ouvrage  couronné  par 
l'académie  royale  de  Metz  eu  1772, 
et  imprimé  dans  un  recueil  de  Mé- 
moires sur  le  même  objet,  publié  aux 
frais  de  celte  société, en  1773,  in-4". 

II.  Mémoire  en    réponse  à    cette 
<yi/e5fiO«,proposéepar  lamêmeacadé- 
inie:  Çwe/5er«t7  le  meilleur  système 
réglementaire   concernant  la  po- 
lice champêtre?  Blouet  et  un  autre 
avocat  ,    Vaultrin  ,     partagèrent    la 
couronne  en  1775.   111.    Observa- 
tions  sur  Vavantage  qui  résulte- 
rait pour  le  pays  Messin  de  la  li- 
berté de  fabrication    et  de  com- 
merce des  eaux'dc-vie  de  grains 
et  de  fruits  ,    mémoire  lu  a  l'acadé- 
mie de  Metz, le  16 novembre  1778. 
IV.  Mémoire  sur  une  nouvelle  ma- 
nière de  faire  les  vins  dans  quel- 
ques cantons  du  pays  Toulois,  lu  a 
la  même  académie  au  mois  de  novem- 
bre 1779.  V.  Discours  sur  le  com- 
merce considéré   relativement  au 
rang  qu'il  occupe  dans  la  politi- 
que, et  à  son  injluence  sur  le  sort 
des  nations  ,  lu  le  25  août  1781. 
VI.  Considérations  sur  la  question 
proposée  par  t académie  .  cancer- 


nant  Futilité   de  la  jonction  de  la 
Moselle  à  t  Aisne,  et  de  la  Meuse 
à  la  Moselle  ,  lues  au   mois  de  no- 
vembre il aS.Wl.  Nouvelles  con- 
sidérations sur  le  même  objet,  lues 
le  15  novembre    1784.  VIII.  Mé- 
moires sur  les  modifications  quil 
conviendrait  de  donner  à  la  loi  du 
partage   des    communes  ,    lues  au 
mois  de    mars  1787.  IX.  Discours 
sur     l'amélioration    de    plusieurs 
branches  d  agriculture  ,  et  la  dé- 
cadence de  quelques   autres  dans 
le  pays  Messin,\\x\Q{A  avril  1 788. 
B— A. 
BLUCHEÎI{GebhabtLebrecht 
de),  prince  de  Wahlslaedt  ,   naquit  a 
Roslock,  dans  le  duché  de  Mecklen- 
bourg-Schwerin ,    le    16    décembre 
1742.    Sa    famille  était  ancienne  et 
son  père  possédait,  a  Gross-Renzow  , 
une   terre  où  il   faisait    sa  résidence 
habituelle.  Lorsque  la  guerre  de  sept 
ans    éclata  (1756),  il    envoya    ses 
deux  fils  chez  une  parente ,  M""®  de 
Krakwllz,  dans  1  île  de  Rugen.  L'é- 
ducalion  de  ces  enfants  y  fut,  comme 
elle  avait  été  déjà,    fort  négligée. 
En  revanche,  les  deux  frères  eurent 
et  saisirent,    sur  terre  et    sur  mer, 
de  nombreuses   occasions  de  se  per- 
fectionner   dans    les     exercices    du 
corps.  Le    régiment    des    hussards 
suédois     de    Moeruer     fixa    surtout 
leur   attention;  et    ils    s'en^jagèrent 
dans    celle    troupe  eu  1757.   Leur 
oncle  Krakwitz  ht  d'inuliles  efforis 
pour  les  détourner  de  celle  résolu- 
tion, etil  tenta vainementdeleur faire 
comprendre  que  ,  si  Gebhart  obéis- 
sait a  sa  vocation,  le  choix  du  service 
où  il  entrait  n'élait  pas  heureux.  Les 
Suédois   devenaient  de  jour  en  jour 
moins  dignes  de  cette  haute  réputa- 
tion qu'ils  avaient  acquise  sousGusia 
ve-Adolphe  et  Charles XII.  Bliicher, 
enseigne  ,    put   s'en  apercevoir  h  la 


376  BLU 

première  affaire  où  il  se  trouva  :  la 
contenance  des  Suédois  fut  molle  ,  et 
ils  eurent  le  dessous.  Heureusement 
pour  lui ,  son  étoile  le  fil  sortir  de  la 
fausse  route  où  il  s'était  engagé  :  pris 
à  l'affaire  de  Suckowpar  les  hussards 
de  Belling,  sa  jeunesse  et  son  carac- 
tère résolu  inspirèrent  de  l'intérêt 
at\  colonel ,  et  cet  officier  le  pressa  de 
prendre  du  service  dans  l'armée  de 
Prusse.  Bliicher  résistait  depuis  un 
an  ,  lorsqu'on  se  décida  ,  pour  l'a- 
voir sans  qu'il  put  passer  pour  déser- 
teur ,  a  renvoyer  un  lieutenant  sué- 
dois prisonuîer.  Alors  il  entra  cor- 
nette dans  le  régiment  des  hussards 
noirs  (20  déc.  1760)  et  fut  fait  sous- 
ïieulenant,  et  lieutenant  dès  l'année 
suivante.  Ce  régiment  prit  une  part 
irès-active  a  la  guerre  de  sept  ansj 
Bliicher  se  fit  remarquer  aux  batail- 
les de  Kunersdorff  et  de  Freiberg  , 
et  fut  blessé  au  pied  k  la  dernière. 
Ses  duels  fréquents  lui  firent  aussi 
«ne  réputation  de  bravoure  ;  mais 
s'étant  un  jour  avisé  de  provoquer 
Belling  ,  son  ancien  colocel  ,  alors 
général,  il  dut  passer  du  premier  es- 
cadron, ou  escadron  du  colouel,  dans 
celui  du  major.  La  longue  paix  qui 
régna  en  Europe ,  à  partir  du  traité 
d'Hubertsbourg  (1763),  satisfit 
peu  le  jeune  lieutenant.  Les  re- 
vues et  les  exercices  militaires 
étaient  les  seules  occupations  des  of- 
ficiers. 11  paraît  cependant  qu'il  uti- 
lisa quelques-uns  de  ses  loisirs ,  en 
étudiant,  avec  les  conseilsde  son  ma- 
jor Podscharli,  les  principes  de  l'art 
militaire.  Mais,  en  général,  il  s'a- 
donna aux  passe-temps  les  moioshono- 
rables  des  garnisons  avec  une  fougue 
indomptable  et  qui  ne  connais- 
sait d'autres  limites  que  celle  de 
sa  bourse ,  fort  médiocrement  gar- 
nie à  cette  époque.  La  table ,  les 
femmes  et   le  jeu  se  disputaient  ses 


BLtl 

instants;  et  l'on  sait  qu'il  a  conservt? 
tant  qu'il  a  pu  foutes  ces  habitudes 
jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  Sept  ans 
se  passèrent  ainsi  pendant  lesquels 
Bliicher  devint  capitaine.  En  1770, 
commencèrent  les  évènementsde  Polo- 
gne. Les  hussardsnoirsfirentparliedii 
cordon  que  Fou  établit  sur  les  fron- 
tières de  ce  pays.  Bientôt  Bliicher 
trouva  moyen  de  se  brouiller  avec  le 
général  de  Lossow,  chargé  du  com- 
mandement de  ce  cordon  ;  et  il  eut  en 
même  temps  le  tort  de  se  porter  pour 
opposant  au  système  de  douceur  et 
de  ménagement  que  la  Prusse  affec- 
tait de  garder  à  l'égard  des  malheu- 
reux Polonais.  Les  hussards  ayant 
arrêté  un prétrecatholique, soupçon- 
né d'être  un  des  mobiles  secrets  des 
cruautés  que  les  Polonais  commet- 
taient pour  se  débarrasser  de  leurs 
oppresseurs ,  Bliicher  feignit  de  déci- 
der qu'il  passerait  par  les  armes,  et  fit 
faire,  en  présence  du  tremblant  ecclé- 
siastique, tous  les  préparatifs  de  son 
supplice.  L'exécution  n'eut  pas  lieu  ; 
mais  la  frayeur  ressentie  par  le  pri- 
sonnier lui  causa  une  maladie  longue 
et  douloureuse.  La  plaisanterie  ,  si 
c'en  était  une,  ne  réussit  pas  auprès 
du. général  de  Lossow.  Toutefois  les 
faits  qui  semblaient  accuser  le  prêtre 
polonais  militèrent  assez  en  faveur  de 
Bliicher  pour  empêcher  qu'il  n'eût 
une  peine  à  subir.  Mais  Lossow  se  crut 
fondé  a  proposer  au  roi  de  ne  point  le 
comprendre  dans  le  prochain  avan- 
cement; et  le  premier  escadron,  qui 
vint  à  vaquer,  fut  donné  à  un  de  ses 
cadets.  Bliicher  se  plaignit  de  ce 
passe-droit  au  général,  qui  n'en  tint 
compte.  Alors  il  écrivit  au  ministre 
de  la  guerre,  pour  solliciter  son  congé 
définitif.  Frédéric,  qui  avait  déjà 
reçu  un  rapport  défavorable,  répondit 
eu  ordonnant  de  mettre  le  turbulent 
capitaine  en  prison  et  de  l'y  garder 


BLU 

jiisi|u"a  ce  qu'il  devîal  plus  raison- 
nable. Mais  le  prisonnier  s'obstiua  ; 
el  le  monarque  impalienlé  finit  par 
accepter  sa  démission  en  ces  termes  : 
«  Le  capitaine  Bliicber  est  congédié 
«  et  peut  aller  au  diable  (1773).  » 
Ainsi  rendu  à  la  vie  civile,  Bliicber 
qui ,  lors  de  cet  événement  ,  était  à 
la  veille  de  se  marier,  fut  près  de  re- 
cevoir aussi  son  congé  de  la  famille  où 
il  voulait  entrer.  Mais  des  amis 
s'interposèrent,  et  déraonirèrent  au 
futur  beau-père ,  M.  de  Mehling , 
que  la  destitution  était  injuste  ; 
ce  qui  fut  très-beureux  pour  Blii- 
cber, car  M.  de  Meliling  ,  colo- 
nel saxon  et  fermier-général ,  était 
fort  ricbe.  Son  gendre  prit  alors  à 
ferme  une  de  ses  terres,  et  en  peu  de 
lemps  il  y  fit  des  bénéfices  assez  con- 
sidérables pour  pouvoirlui-mêrae  de- 
venir propriétaire  d'une  terre  près 
de  Slargard  ,  en  Poméranie.  Alors, 
appliquant  au  terrain  qui  lui  appar- 
tenait le  système  qui  l'avait  enricbi 
lorsqu'il  n'était  que  fermier,  il  obtint 
dans  le  pays  toute  la  considération  qui 
s'altacbe  à  larichesseet  à  l'industrie. 
Ses  voisins  le  nommèrent  membre  du 
conseil  de  la  noblesse.  Enfin  il  eulle 
honheur  d'attirer  l'attention  du  roi, 
qui  lui  prêta  des  sommes  considéra- 
tles  pour  le  mettre  à  même  de  réa- 
liser des  plans  nouveaux ,  et  plus 
lard  il  lui  fit  don  de  tout  l'argent 
prêté.  Ainsi  pendant  quatorze  années 
la  fortune  de  Bliicber  alla  sans  cesse 
«'améliorant.  Néanmoins,  au  milieu 
des  travaux  de  l'agriculture  ,  le 
souvenir  de  la  carrière  qu'il  avait 
abandonnée  se  présentait  "a  lui ,  et 
souvent  il  avait  senti  le  désir  de 
reprendre  du  service.  La  naissance 
de  six  fils  et  d'une  fille ,  et  peut- 
être  le  désir  de  se  créer  une  po- 
silion  en  acquérant  de  la  fortune, 
l'avaient   empècbé  de   donner  suite 


BLU  3;  7 

à  ces  velléités.  En  178o,  à  la  mort 
du  grand  Frédéric  ,  il  se  rendit  à 
Berlin  ,  où  Bischoffswerder  le  lit 
rentrer  presque  aussitôt  en  qua- 
lité de  major  dans  le  même  régiment 
qu'il  avait  quitté  avec  le  titre  de  capi- 
taine. Safemme,  qui  s'était  vainement 
opposée  à  ses  desseins,  mourut  l'été 
suivant.  Dans  la  même  année  ,  vingt 
mille  Prussiens  ayant  été  dirigés  sur 
la  îlollaude  ,  le  régiment  de  Bliicber 
fît  partie  de  cette  armée.  Uu  reste  , 
nulle  action  ne  signala  celte  espèce 
de  promenade  militaire,  dont  le  but 
fut  atteint  sans  qu'on  trouvât  de  résis- 
tance. Néanmoins  Bliicber  y  confirma 
sa  réputation  d'officier  actif  et  babile. 
En  1788  ,  il  fut  promu  au  grade  de 
lieutenant-colonel  5  et ,  après  avoir 
obtenu  l'ordre  du  Mérite  ,  il  devint 
colonel  des  bussards  noirs  eu  1790. 
Deux  ans  après  il  fit  partie  de  l'inex- 
plicable et  insignifiante  invasion  de  la 
France,  qui  ne  lui  offrit  pas  plus 
qu'aux  autres  officiers  prussiens  l'oc- 
casion de  se  distinguer.  Cependant  il 
se  fil  remarquer  par  sa  résoluliou  et 
son  activité  ,  et  ii  joua  un  des  prin- 
cipaux rôles  dans  le  petit  nombre 
d'affaires  de  postes  qui  eurent  lieu. 
Souvent  en  rapport  avec  le  fameux 
partisan  autrichien  Szekuly  ,  il  eut 
avec  lui  de  fréquents  démêlés,  dans 
lesquels  les  torts  sans  doute  furent 
partagés,  mais  où  l'on  doit  reconnaî- 
tre que  Bliicber  penchait  toujours 
pour  le  parti  le  plus  audacieux.  Le 
général  Van  der  Golz  ayant  été  blessé 
a  mort,  Bliicber  le  remplaça  dans  le 
commandementd'une  partie  des  avant- 
postes  5  et  quelque  temps  après  ,  par 
le  changement  de  destination  du  gé- 
néral Knobelsdorf,  que  l'on  rappelait 
des  Pays-Bas  ,  il  se  vit  à  la  tête  de 
i'avanl-garde.  Les  Prussiens  se  rap- 
prochaient alors  des  frontières  de 
France.  Le  30  novembre  eut  lieu  k 


378  BLU 

bataille  de  Moorlautern  :  Bliicher  , 
avec  son  ÎDlrépldité  ordinaire,  char- 
gea la  cavalerie  ennemie ,  beaucoup 
plus  nombreuse ,  et  contribua  au 
succès  de  la  journée.  Le  lendemain  , 
il  se  mit  a  la  poursuite  des  Français 
conjointement  avec  Szekuly  5  mais  ce 
dernier  s'arrêta  ,  et  Bliicher  ,  mar- 
chant toujours  en  avant,  fut  sur  le 
point  d'être  coupé.  Il  lui  en  coûta  , 
pour  revenir,  une  partie  de  sou  déta- 
chement. Envoyé  peu  après  pour  re- 
connaître l'état  des  Français  depuis  la 
bataille,  il  poussa  jusqu'à  Deux-Ponts. 
Lepremierévènement  important  de  la 
campagne  suivante  fut  la  bataille  de 
Kaiserslautern  (23  mai  1794).  Les 
troupes  de  Bliicher  se  comportèrent 
vaillammentjel^alafin  du  combat, leur 
chef,  chargé  de  poursuivre  les  Fran- 
çais, les  refoula  jusque  surNeustadt. 
Toutefois,  ses  mesures  n'empêchèrent 
pas  qu'une  brigade  ennemie  ,  coupée 
de  toutes  parts,  ne  lui  échappât  en 
traversant  ses  postes.  Le  4  juin  delà 
même  année  il  fut  nommé  général-ma- 
jor, et  bientôt  il  eut  a  commander  l'a- 
%'ant-garde  de  l'armée.  Dans  le  grand 
nombre  d'affaires  qui  se  succédaient 
presque  sans  relâche,  la  seconde  ba- 
taille de  Kaiserslautern  mérite  une 
mention  :  Bliicher  y  fit  encore  preuve 
de  bravoure  5  maisilselaissa  tourner, 
et  l'apparition  des  Français  sur  les 
hauteurs  de  Schânzel  le  contraignit 
à  faire  retraite.  Kaiserslautern  fut 
encore  le  théâtre  d'un  troisième 
combat,  oii  Bliicher  fut  très-sérieu- 
sement engagé  ,  et  il  eut  l'avantage , 
quoique,  suivant  le  général  MoUen- 
dorf  et  quelques  autres ,  l'attaque 
eut  été  plus  heureuse  que  bien  calcu- 
lée. La  retraite  des  Autrichiens  dans 
les  Pays-Bas  ne  permit  pas  alors  aux 
Prussiens  de  tirer  parti  de  leurs  avan- 
tages; et  il  est  assez  démontré  au- 
jourd'hui que,  delà  part  de  ceux-ci,  la 


BLU 

guerre  n'était  pas  alors  très-sérieuse. 
LapaixdeBâ!e,signéele  3avril  1795, 
mit  fin  à  ces  moUeshoslililés.  WôUen- 
dorf ,  qui  déjà  s'était  porté  sur  la 
Westphalie,  alla  fixer  son  quartier- 
général  à  l'intérieur.  Bliicher    resta 
non  loin  des  frontières;  il  eut  même 
quelque  temps  le  commandement  des 
forces  destinées  à  main  tenir  l'ialégrité 
de  la  ligne  de  démarcation.  Sa  rési- 
dence était   alors  dans  l'Ost-Frise. 
C'est  a  cette  époque   qu'il  épousa  en 
secondes  noces  M"*^  de  Kolomb ,  fille 
d'un  président  de  chambre  d'Aurich. 
Remplacé  ensuite  par    le  prince  de 
Brunswick  dans  le  commandement  du 
corps  destiné  à  garder  les  frontières, 
Bliicher  n'eut  plus  que  celui  de  l'a- 
vant-garde  ,  dont  le  quartier-général 
fut  établi  a  Munster.  Frédéric-Guil- 
laume  III,   devenu  roi  (1797)  ,   le 
nomma  lieutenant-général  en  1801. 
La  paix  de  Lunéville  rendit  bientôt 
superflu  le  cordon  militaire   qui  ob- 
servait la  limite  du  Rhiu  ;  mais  une 
partie  des  pays  qu'obtint   la  Prusse 
comme  indemnité  de  ce  qu'elle  per- 
dait sur  la  rive  gauche  du  Rliin ,  fut 
occupée  au  nom  du  roi  par  Bliicher, 
et,  le  10  février  1803,  il  devint  gou- 
verneur de  Munster.  Aucune  autre  cir- 
constance de  sa  vie  ne  fut  importante 
jusqu'à  la  guerre  de  1806  :  seulement 
on   le  vit  se    prononcer  hautement 
contre  ce  qu2  l'on  appelait  en  Prusse 
le  parti  français  ou  le  parti  tempoti- 
seur,  qui,  tout  en  avouant  la  néces- 
sité de  mettre  des  bornes  aux  enva- 
hissements de  la  France,  voulait  qu'on 
attendît  une  occcasion  favorable,  Blii- 
cher ne  comprenait  rien  k  ces  hési- 
tations, à  ces  ménagements;  et,  pour 
délier  tous  les  nœuds  gordiens  de  la 
diplomatie,  il  ne  voyait  que  l'épée. 
En  attendant  le  jour  des  batailles,  le 
gouverneur  de  Munster  donna,  dans 
tous  les  excès  qui   avaient  signalé 


BLU 

Si  jeunesse  avec  uue  énerg,ie  propor- 
tionnée aux  moyens  que  mettait  à 
sa  portée  une  position  beaucoup  plus 
haute.  Ses  panégyristes  ont  vu 
dans  son  goût  excessif  pour  les  paris 
et  le  jeu  la  conséquence  ou  l'annexe 
nécessaire  de  cet  esprit  hasardeux  , 
téméraire  ,  qui  lui  suggérait  tant  de 
plans  sur  le  champ  de  bataille  ,  et 
qui  lui  faisait  delà  sensation  du  péril 
une  espèce  de  besoin.  Quoi  qu'il  en 
soit,  dans  le  mois  de  mars  1806, 
lorsque  les  troupes  de  Napoléon  oc- 
cupèrent le  comté  de  la  Mark,  Blii- 
cher  eut  encore  le  déplaisir  de  leur 
céder  la  place,  et  de  consentir  ainsi 
en  quelque  façon  a  cette  violation  du 
territoire.  Mais  en6n  au  mois  d'oc- 
tobre la  rupture  devint  inévitable. 
Bluclier  considérait  alors  comme 
certain  l'anéantissement  de  la  puis- 
sance française  par  les  Prussiens  ; 
et  il  fut  sans  nul  doute  un  de  ceux 
qui  contribuèrent  le  plus  à  décider  la 
guerre.  On  lui  donna  d'abord  le 
commandement  d'une  avant-garde 
sous  Riichel.  Dans  la  fameuse 
journée  du  14  octobre,  signalée 
par  deux  batailles  ,  celle  d'Iéna 
et  celle  d'Auerslaesdt ,  il  ue  prit 
part  qu'à  la  dernière;  ce  fut  lui 
qui  commença  raltaque,en  marchant 
à  la  tète  de  vingt-cinq  escadrons 
contre  les  Français,  que  commandait 
Davoust  {Voy.  ce  nom,  au  Supp.). 
On  a  varié  sur  l'opportunité  de  cette 
attaque,  qui  échoua  sous  le  feu  terri- 
ble de  l'artillerie  française  ;  mais  il  n'y 
aqu'uue  voix  sur  le  tort  qu'eut  Bliicher 
en  s'éloiguant  du  combat  et  en  ces- 
sant d'y  prendre  part.  Il  est  vrai  que 
l'on  a  rejeté  cette  inaction  sur  l'incer- 
titude que  répandit  dans  toute  l'armée 
prussienne  la  blessure  du  général  en 
chef  Riichel ,  et  sur  le  contre-ordre 
qui  fut  donné  a  Bliicher  de  la  part 
du  roi  a  l'instant  où  il  allait ,  avec 


BLU  37g 

des  troupes  fraîches  et  toule  sa  cava- 
lerie, tenter  une  nouvelle  attaque. 
Peut-élre  au  fond  un  vague  désir 
d'agir  seul  e1  indépendammeut  de  tout 
ordre,  soit  du  roi,  soit  des  généraux 
en  chet  ,  le  poussait-il  secrètement  à 
tenir  celle  ligne  de  conduite ,  qui,  de 
la  part  de  tout  autre,  eût  élé  dés- 
honorante et  sévèrement  punie. 
Après  s'être  réuni  au  prince  de 
Hohenlohe  et  à  Kallireulh,  qui  ral- 
liaient les  débris  de  l'armée,  iandis 
que  le  premier  signait  la  capitulation 
dePrenzlau,  Bliicher  eutl'art  de  per- 
suader au  général  français  Klein 
qu'on  venait  de  signer  un  armistice, 
et  par  cette  ruse  il  échappa  avec  dix 
mille  hommes.  Son  projet  était  de  se 
jeter  dans  le  Meckleubourg  et  de  ma- 
nœuvrer sur  les  derrières  de  l'armée 
victorieuse,  qui  marchait  vers  l'Oder. 
Chemin  faisant,  il  rallia  environ  dix 
raille  hommes  des  troupes  du  duc  de 
^Veimar,  qui  erraient  sous  les  ordres 
du  général  de  Winniug  ,  et  qui  se 
trouvaient  alors  près  de  Sandow, sur 
l'Elbe,  réunis  à  d'autres  débris  des 
corps  de  Brunswick-Œls  et  du  duc 
de  Wurtenberg.  Ces  forces  montaient 
à  vingt-cinq  mille  hommes.  Le  1^*^ 
nov., Bliicher  combattit  entre  Wahren 
et  Vienx-Schvvérin,  et  il  fit  quelques 
prisonniers,  mais  sans  avantage  réel. 
Bientôt,  traqué  par  les  corps  de  Ber- 
nadette, de  Soult,  et  de  Murât,  il  dut 
s'avouer  l'impossibilité  d'arriver  jus- 
qu'à l'Oder,  et  n'eut  d'autre  parti  que 
de  marcher  de  plus  en  plus  au  nord,  ou 
de  se  rendre  aux  Français  ,  dont  le 
cercle  se  resserrait  autour  de  lui. 
Déjà  il  se  trouvait  au-delà  du  pays 
de  Lauenbourg,  entre  la  mer  Bal- 
tique et  les  frontières  danoises , 
que  la  neutralité  le  forçait  de  res- 
pecter. Voulant  à  tout  prix  pro- 
longer sa  résistance ,  il  força  le.s 
portes  de  la  ville  libre   d^  Liibeck  , 


38o  BLU 

égaleiiienl  neiil.'e,  et  s'y  mil  a  la 
hâte  en  état  de  cléfeuse.  En  même 
temps,  il  envoya  un  corps  le  long  de 
la  Trave,  pour  occuper  'J'raveraimde. 
LeGnov.lesFrançaisparurentdevatit 
Lubeck,etD'eurenl  pasde  peiaea  en- 
trer dans  une  ville  démantelée;  mais  il 
leur  fallut  combattre  dans  l'enceinte 
des  murailles.  Les  Prussiens  ,  chas- 
sés de  place  en  place  ,  de  rue  en 
rne,  prolongèrent  la  résistance  : 
une  cbarge  de  cavalerie  fit  n  ème 
quelque  peu  retirer  les  tirailleurs 
français  j  mais  leur  infanterie  viut 
les  soutenir,  et  la  troupe  de  Bliicher 
en  désordre  se  relira  sur  Schwartau, 
laissant  quatre  mille  prisonniers  , 
un  grand  nombre  de  morts  et  pres- 
que toute  sou  artillerie  (23  pièces). 
Le  lendemain,  les  Français  se  prépa- 
rant a  l'attaquer  eu  plaine,  11  reconnut 
l'impossibilité  de  résister,  el  devint 
leur  prisonnier,  ainsi  que  le  duc  de 
Brunsvvick-Œ's,  dis  généraux ,  seize 
mille  ofEciers  et  soldats,  dont  quatre 
mille  de  cavalerie.  Liibeck  paya  cruel- 
lemenl  cet  le  tentative,  honorable  peut- 
être  pour  Bliicher,  mais  sans  résultat 
pour  son  souverain.  Pendant  trois 
jours  la  soldatesque  s'y  livra  à  tous  les 
excès  dont  les  villes  prises  d'as- 
saut sont  le  théâtre.  Ce  sanglant  épi- 
sode de  la  campagne  de  1806  a  été 
fréquemment  reproché  à  Bliicher  par 
les  Allemands  eux-mêmes.  Yillers, 
entre  autres ,  s'en  est  expliqué  avec 
énergie  dans  la  brochure  Intitulée 
Combat  de  Liibeck,  qu'il  ht  impri- 
mer a  cette  époque  dans  ses  Ob- 
servations  sur  le  rapport  des 
opérations  du  corps  d'armée  de 
S.  E.  le  général  Bliicher  à  S.  M. 
le  roi  de  Prusse  ,  et  dans  sa 
Lettre  à  la  comtesse  Fanny  de 
Beauharnais  ,  contenant  un  récit 
des  événements  qui  se  sont  pas- 
sés à  Liibeck  dans  la  journée    du 


BLU 

6  nov.  et  suiv.  (1)  [Voy.  Villebs^ 
XLIX,  73).  A  CCS  graves  accusations, 
les  amis  de  Bliicher  ont  répondu 
«  qu'un  général  à  la  tête  de  trente 
a  mille  hommes  ne  peut  pas  se  dés- 
«  honorer  en  se  rendant  à  la  première 
te  sommation,  y»  Mais  ce  que  l'on  re- 
proche au  général  prussien,  ce  n'est 
pas  d'avoir  résisté  aux  Français,  c'est 
d'avoir  résisté  dans  une  ville  ouverte, 
Indéfendable ,  qu^il  vouait  ainsi  à 
toutes  les  conséquences  d'une  prise 
d'assaut,  et  d'avoir  ensuite  mis  bas  les 
arme  en  rase  campagne,  à  la  tête  da 
douze  mille  hommes  d'infanterie  etda 
quatre  mille  chevaux  j  c'est  surtout 
d'avoir  attiré  tous  ces  malheurs  sur 
une  ville  neutre  en  violant  son  terri- 
toire, malgré  les  représentations  du 
sénat.  Au  reste, il  ne  faut  pas  oublier 
que  dans  toutes  ces  guerres  le  droit 
des  gens  et  les  lois  de  la  ueulralilé 
n'ont  été  respectés  par  les  divers 
partis  que  lorsque  la  force  en  a  fait 
une  obligation  ;  que  d'ailleurs  , 
à  la  troupe  de  Bliicher  ,  dernier 
débris  de  l'armée  prussienne,  sem- 
blait être  alors  attaché  le  sort  de 
la  monarchie  de  Frédéric  ;  et  qu'en- 
fin, l'exemple  unique  de  fermeté  et 
de  vigueur  qu'il  a  donné  dans 
cette  occasion  n'a  pas  été,  mal- 
gré sa  défaite  ,  entièrement  perdu 
pour  la  patrie  allemande.  Napoléon 
sentit  fort  bien  tout  cela,  et  plus  ca- 
pable qu'aucun  autre  d'apprécier  la 
conduite  de  Bliicher, il  donna  l'ordre 
de  le  traiter  avec  beaucoup  d'égards,  et 
l'envoya  prisonnier  sur  parole  à  Ham- 

(i)  Cet  écrit  doit  être  joint  aux  deux  piécc- 
dents.  Il  est  fort  rare,  n'ayant  été  im|.riraé  qu'à 
lin  très-petit  nombre  d'exemplaires  et  pour  tenir 
lieu  de  copie  manuscrite.  Ch.  Villers  avait  même 
ajouté  à  la  main,  sur  chacun  d'eux,  pour  n'être 
communique  que  par  confiance  et  ai'ec  la  plus 
grande  réserve.  L'auteur  craignait  peul-èlie  au- 
tant les  Français  que  les  Prussiens.  On  y  trouve 
cette  phrase  bien  hardie  alors  :  ><  1/ empereur  sur- 
cliargé  des  soiis  du  monde  perd  de  vue  un  objet 
isole  »  (le  désastre  de  Lii()eck\  L— H— x.. 


DLU 

bourg.  ?fîais  ce  séjour  lui  déplut  biea- 
lol  et  il  demanda  qu'on  le  transférai 
à  Spandau.  Ce  fut  alors  que  le  raa- 
réclial  Victor  ayant  été  fait  prison- 
nier on  consentit  à  son  cchang^e  con- 
tre Bliiclier  5  et  ce  général  parut 
Jjienlôt  à  la  cour  de  Kœnigsberg  , 
où  il  reçut  raccueil  le  plus  Hat- 
leor.  On  l'envoya  presque  aussitôt 
dans  la  Poméranie  suédoise ,  Dour 
défendre  Slralsund.  La  froideur 
avec  laquelle  il  fut  accueilli  des  mili- 
taires suédois  et  de  la  population 
paralysa  ses  opérations  ,  et  son 
avant-garde  seule  eut  quelques  af- 
faires à  soutenir  contre  la  cavalerie 
espagnole  du  général  La  Romana.La 
paix  de  Tilsilt  vint  mettre  fin  à  ces 
insignifiantes  hostilités  ,  et  BlLicher, 
laissant  les  Anglais  et  lesSuédois  sou- 
tenir seuls  la  lutte  contre  les  Français, 
établit  son  séjour  à  Kolberg  ,  dont  il 
fut  nommé  commandant.  Dans  cette 
nouvelle  position  ,  il  dirigea  sans  or- 
dre ostensible  les  travaux  des  fortifi- 
cations de  la  ville  avec  assez  d'activité 
pour  que  Napoléon  s'en  inquiétai.  Le 
gouvernement  prussien  s'empressa  de 
désavouer  son  général ,  et  méir.e,  en 
apparence,  de  le  mettre  hors  de  ser- 
vice. Bllicher  vécut  dès-lors  tantôt  à 
Berlin,  tantôt  à  Stargard  ,  Treptov, 
etc.,  toujours  s'exprimant  avec  amer- 
tume sur  le  compte  des  Français  ,  et 
prédisant  le  terme  prochain  de  la 
domination  napoléonienne.  Sans  beau- 
coup aimer  les  principes  duTugend- 
bund,  qui  déjà  voulait  la  liberté  de 
l'Allemagne  en  même  temps  que  son 
indépendance,  et  surtout  sans  devenir 
membre  de  celte  société  fameuse,  il 
en  favorisa  la  tendance  en  tant  qu'elle 
était  hostile  aux  Français.  Enfin  eut 
lieu  la  désastreuse  campagne  de 
Russie,  qui  en  trois  mois  détruisit 
cette  belle  armée,  base  si  puissante 
du  pouvoir  de  Napoléon.  Les  défec- 


BLU 


38 1 


lions  commencèrent;  et  l'exemple 
d'York  ,  de  Masseubach  fut  bien- 
tôt suivi  par  toute  l'armée  prussien- 
ne. Bliicher  ,  long-temps  condamné 
al'inactivilé  parla  volonté  impérieuse 
du  conquérant  de  l'Allemagne,  sortit 
alors  de  sa  retraite,  et  fut  chargé  du 
commandement  de  l'armée  deSilésic, 
deslicée  à  former  l'aile  droite  des 
forces  coalisées.  Il  avait  altrs 
soixante  -  onze  ans.  Sa  nominatioa 
à  un  poste  aussi  important  n'eut  pas 
lieu  sans  de  graves  difficuUés  :  les 
uns  le  regardaient  comme  trop  fou- 
gueux ,  comme  trop  téméraire  pour 
un  général  eu  chef  ;  les  autres  crai- 
gnaient au  contraire  que  l'âge  et 
surtout  la  maladie  qui  en  1808  avait 
mis  sa  vie  en  danger  n'eussent  affaibli 
ses  facultés.  D'ailleurs  on  ne  le 
goûtait  point  a  la  cour  ,  et  il  faut 
avouer  qu'il  n'avait  encore  donné 
que  de  faibles  preuves  de  talent. 
En  revanche ,  sa  haine,  ou  plutôt 
sa  rage  contre  le  nom  français, éveil- 
lait au  plus  haut  degré  les  sympathies 
du  peuple  prussien.  Interprète  de 
cette  opinion  populaire,  le  général 
Scliarnhorst  la  fit  triorapheràla  cour. 
Bliiclier  conserva  le  commandement, 
et  il  s'avança  aussitôt  à  la  lête  de 
quarante  mille  Prussiens  et  Russes  , 
par  Neumarkt.Lieguitz,  vers  les  fron- 
tières de  laSaxe.  C'est  Ih  qu'il  publia, 
de  son  quartier-général  de  Bunzlau, 
sa  proclamation  eniphalique  du  23œai 
J813  :  «  Le  D;eu  des  arn.ées  a  dans 
«  l'orient  de  l'Europe  prononcé  une 
il  sentence  terrible  ;  et  l'ange  de  la 
«  mort  ,  etc.  »  Celle  pièce  était 
terminée  par  des  menaces  violentes 
contre  les  vils  partisans  de  la  ty- 
rannie étrangère.  Au  reste,  une  au- 
tre proclamation  du  même  jour  re- 
commandait aux  Prussiens  de  traiter 
les  Saxons  eu  frères,  pourvu  qu'ils  se 
ralliassent  franchement  à  la  cause  de 


38a  BLU 

rAlleiTiagne.  Il  mit  en  libsTlé  les  ci- 
toyens détenus  pour  offense  au  géné- 
ral Revnier,  et  proclama  laliherté  de 
la  presse.  Le  30  ,  il  était  dans 
Dresde,  et  quelques  jours  après  il 
traversa  Freiberg  et  Chemnilz;  il 
atteignit  Alteubourg  le  14  avril  ,  et 
détacha  quelques  troupes  sur  Gotha 
et  sur  Eisenach.  Toutefois,  les  Russes 
n'avançant  pas  avec  la  même  rapi- 
dité,  il  reçut  l'ordre  d'attendre 
que  réunis  ils  pussent  l'appuyer-  La 
jonction  opérée  ,  il  se  trouva  sous 
les  ordres  de  Wiltgenstein,  comman- 
dant en  chef  de  toutes  les  troupes 
alliées,  et  ne  se  soumit  qu'avec  peine 
a  cette  nouvelle  organisation.  Tou- 
jours ayant  son  quarlier'général  dans 
Altenbourg  ,  tandis  que  la  grande 
armée  française  se  réunissait  sur  la 
ligue  de  la  Saale  ,  il  observait  les 
montagnes  de  la  Thuringc.  Le  l^'" 
mai  ,  il  soutint  dans  la  plaine  de 
Luizen  quelques  engagemens,  pré- 
ludes de  la  grande  bataille  du  lende- 
main. Ses  Prussiens  y  formaient  la 
première  ligne.  Cinq  villages,  occu- 
pés en  force  par  les  Français,  fu- 
rent attaqués,  défendus,  pris,  cl 
repris  avec  acharnement.  A  l'attaque 
de  celui  de  Kaïa  ,  Bliicher  blessé  lé- 
gèrement ne  quitta  point  le  combat. 
En  définitive,  l'avantage  resta  aux 
Français  ,  que  commandait  Na- 
poléon en  personne.  Mais,  avant  de 
retirer  leurs  troupes,  les  alliés  es- 
sayèrent un  coup  hardi.  La  nuit 
venue,  Bliicher  marcha  en  avant, 
suivi  de  loutesacavalerie,  se  dirigeant 
vers  les  Français  qu'il  comptait  sur- 
prendre et  chasser  de  leur  position. 
Les  avant-postes  furent  enlevés  sans 
difficulté;  mais  il  fallut  s'arrêter,  et 
bientôt  plier  devantla masse  compacte 
de  l'infanterie.  Un  ravin  profond  , 
dans  lequel  tombèrent  plusieurs  esca- 
drons, ajouta  au  désordre  ,  et   les 


BLU 

assaillants  ,  repoussés  de  loules 
parts  ,  eurent  surtout  à  regretter 
leur  cavalerie.  Au  point  du  jour 
la  retraite  était  commencée  ,  et  l'on 
abandonna  la  ligne  de  1  Elbe.  Dans 
ce  mouvement  rétrograde  ,  Bliiclier 
eut  une  affaire  très-vive  à  Col- 
dilz,  en  se  rabattant  sur  Meissen. 
La,  il  passa  FElhe ,  joignit  son 
corps  a  celui  de  Rleist ,  et  arriva 
en  avant  de  Baulzen.  Le  21  eut 
lieu  la  bataille  de  Bautzen  ,  perdue 
encore  par  les  Russes  et  les  Prus- 
siens ,  mais  où  la  victoire  ne  fut  pas 
moins  disputée  qu'a  Lutzen.  Les 
corps  do  Bliicher,  de  Wiltgenstein  et 
de  Miloradowilch  formaient  l'aile 
droite  5  et  ces  généraux, trompés  par 
les  démonstrations  de  Napoléon  , 
se  préparaient  à  marcher  vers  la 
gauche,  lorsque  tout  a  coup  une  forte 
canonnade  à  droite  leur  fit  voir  qu'ils 
avaient  été  dupes,  et  que  le  général 
russe  Barclay  deToUy  était  vivement 
pressé  par  des  forces  supérieures. 
Bliicher  courut  a  son  secours,  prit 
l'ennemi  en  flanc,  et  le  tint  quelque 
temps  en  échec.  Les  corps  de  Kleist 
et  d'York  appuyèrent  ce  mouve- 
ment. Une  charge  de  4,000  chevaux 
rendit  aux  alliés  le  village  de  Krake- 
vilz,  pris  par  l'infanterie  française  ; 
mais  ils  ne  purent  le  garder  long- 
temps. Napoléon  fit  marcher  sur  ce  ^ 
point  des  troupes  fraîches ,  et  qui 
bientôt  mirent  en  sa  possession  les 
collines  les  plus  élevées  et  une  bat- 
terie ([ui  dominait  la  plaine.  Le  corps 
russe,  pris  en  flanc,  fut  contraint  k  la 
retraite.  L'armée  alliée  dut  changer 
déposition,  et  elle  alla  s'établir  sur  les 
hauteurs  de  Weissenbourg.  Bliicher 
fil  sa  retraite  sur  Schweidnitz.  Dans 
ce  mouvement  rétrograde,  il  se  dis- 
tingua par  un  fait  d'armes  du  genre 
de  ceux  qu'il  avait  toujours  affection- 
nés. Dirigeant  contre  la  division   du 


RLU 

géuéi'al  Maison,  lorsqu'elle  déboii- 
cliait  de  Haaaa  ,  une  atlaque  de  sa 
cavalerie  qu'il  avait  lenue  cachée  der- 
rière un  pii  de  terrain,  il  s'empara  de 
11  pièces  de  canon  el  fit  1300 
prisimuiers.  Le  25  mai,  Wittgens- 
tein  remplaça  dans  le  commande- 
ment en  chef  de  toutes  les  troupes 
alliées  Barclay  de  Tollj,  qui  pritce- 
lui  des  Russes,  tandis  que  Bliicher 
reçut  celui  de  toute  l'armée  prus- 
sienne. L'armistice  qui  eut  lieu 
sur  ces  entrefaites  trouva  les  troupes 
de  Bliicher  distribuées  de  Strehlin 
a  Breslau ,  et  lui-même  occupant 
Schweidnitz.  Il  s'indignait  de  l'in- 
lerventioii  de  la  diplomatie  dans  le 
grand  drame  qui  se  jouait  a  cette 
époque.  Pourtant  il  est  certain  qu'au 
tond  les  conférences  qui  s'ouvri- 
rent a  Prague  devinrent  funestes  à 
la  cause  de  Napoléon,  puisque  leur 
résultat  fut  l'accession  de  l'Aulriche 
et  de  la  Suède  a  la  coalition.  Lors  de 
la  dénonciation  de  Tarmislice  (  10 
août  ),  Bliicher  se  trouvait  a  la  lèle 
de  soixante-dix  mille  hommes,  dont 
deux  corps  russes  sous  Lapgeron  ,  et 
il  avait  Gneisenau  pour  chef  d'état- 
raajor  {P^oy.  ce  nom,  au  Suppl.  ). 
Schwarzenberg  était  devenu  général 
en  chef.  Bliicher  qui,  en  conséquence 
de  sa  position  a  Schweldnitz,  devait 
occuper  successlvementles lieux  éva- 
cués par  l'ennemi ,  mais  en  évilant 
loute  action  importante  ,  se  dirigea 
sur  Bunzlau,  tandis  que  l'armée  de 
Bohème  marchait  sur  Dresde,  el 
s'avança  jusqu'à  la  Bober  ;  mais 
la,  pressé  par  les  corps  de  Ney  et 
de  iMarmont,  il  se  retira  sans  beau- 
coup de  perte  derrière  la  Katzbach, 
et  ,  le  26  ,  il  attaqua  les  corps 
français  qu'il  avait  en  présence 
(Macdonald  et  Sébastiani).  La  Katz- 
bach ,  qui  a  donné  son  nom  à  cette 
bataille,  fui  passée  entre   Goldberg 


RLU 


58- 


et  Liegnitz.  La  pluie  tombaîl  par 
torrents  pendant  toute  l'action  ,  qui 
se  prolongea  fort  avant  dans  la  nuit: 
et  vers  le  soir,  les  fusils  ne  pouvant 
plus  faire  feu  ,  on  ne  se  battit  plus 
qu'kla  baïonnette.  Cette  victoire  de 
Bliicher,  jointe  au  succès  de  Kulm, 
obtenu  sur  V^andamme  ,  compensa 
fort  a  propos  pour  les  alliés  l'échec 
qu'ils  venaient  d'éprouver  sous  les 
murs  de  Dresde.  Eu  même  temps  le 
général  Puthod,  détaché  vers  Jauer 
pour  opérer  contre  l'arrière-garde 
des  Prussiens,  fut  coupé  el  forcé  de 
mettre  bas  les  armes.  Du  reste,  Blii- 
cher exagéra  sans  mesure  son  triom- 
phe, a  La  Silésie  est  délivrée  !  dit-il 
dans  un  ordre  du  jour  5  l'ennemi  s'a- 
vançait présoroptueusement  sur  vous, 
braves  soldats!...  Vous  marchâtes 
sur  lui  a  la  baïonnette  ,  et  vous 
le  précipitâtes  dans  la  Neisse  et 
la  Katzbach...  Vous  avez  dans  vos 
mains  cent  trois  canons ,  deux  cent 
cinquante  caissons,  tous  les  baga- 
ges et  dix-huit  mille  prisonniers, 
dont  trois  généraux,  etc.,  etc..  »  — 
Tandis  que  l'armée  silésienne  , 
passant  la  Neisse,  profitait  ainsi  de 
sa  victoire  ,  Napoléon  en  personne 
dirigea  contre  elle  les  forces  qui  lui 
restaient.  Bliicher  alors  prit  position 
derrière  le  Lobauer-Wasser.  Atta- 
qué le  5 ,  il  fut  forcé  de  repasser 
la  Neisse  et  le  Queiss.  Mais  Tim- 
possibililé  où  l'empereur  des  Fran- 
çais se  trouvait ,  par  suite  des 
événements  de  Kulm  ,  de  reprendre 
l'offensive ,  remit  bientôt  Bliicher 
à  même  de  marcher  de  nouveau  en 
avant.  En  présence  de  jNapoléon  , 
d'ailleurs ,  il  suivit  avec  prudence 
le  plan  général  qui  avait  été  adop- 
té ;  c'était  de  se  retirer  devant  des 
attaques  supérieures,  et  de  ne  com- 
battre qu'avec  de  grands  avanta- 
ges. Dès  le  13  sept.   Bubna  ,  com- 


384 


BLU 


iiiandaut  d'un  corps  autrichien,  étant 
venu  se  réunir  h  lui,  il  reprit  l'offen- 
sive ,  porta  ses  avanl-postes  à  un 
mille  de  Dresde,  et  se  mit  en  rap- 
port avec  le  prince  royal  de  Suède  , 
ipii  jusqu'à  ce  moment  n'avait  agi 
f|u'avec  mollesse.  Napoléon,  arrivé  le 
^3  KBischoffswerda  ,  sembla  vouloir 
lenter  une  attaque  contre  les  Silé- 
siens.  Maisles  dispositions  de  Bliioher 
le  forcèrent  a  reprendre  la  roule  de 
Dresde.  Cependant  les  troupes  alliées 
avançaient  en  masse  vers  celle  ville, 
et  l'on  projeta  dès-lors  les  opérations 
^ur  une  vaste  échelle.  Suivant  les 
amis  de  Bliicher  ,  le  plan  qu'il  en- 
voya au  quartier-général  des  sou- 
verains obtint  leur  approbation  ^  et 
c'est  celui  que  dut  taire  exécuter 
Schwarzenberg.  Il  est  probable  que 
l'on  doit  modifier  celte  assertion  , 
et  qu'une  partie  seulement  des  idées 
de  Bliicher  fut  admise,  car  des  jalou- 
>.ies  secrètes  germaient  dès-lors  entre 
les  souverains  (  Foy.  Alexandre  , 
LVI ,  176  ),  et  les  deux  empereurs 
jouaient  le  rôle  de  protecteurs  vis-à- 
vis  de  la  Prusse.  Il  n'était  donc  point 
probable  que  l'on  accueillît  exclusive- 
ment les  plans  du  général  prus- 
sien ,  a  moins  que  leur  supériorité 
ne  semblât  décidément  incontesta- 
ble 5  et  l'on  peut  en  douter.  Ces 
plans  d'ailleurs  paraissaient  fort 
^imples  ;  c'était  d'avancer  autant 
que  possible,  mais  avec  des  masses 
concentrées  sur  le  même  point  ,  et 
de  faire  retraite  a  ta  première  appa- 
rition (Puue  force  supérieure.  Di- 
verses affaires  qui  eurent  lieu  à  la  fin 
«leseptembre,  et  l'extrèmedétressede 
l'armée  française,  facilitèrent  singu- 
lièrement les  opérations  des  alliés. 
Bliicher  passa  l'Elbe,  la  Mulde  ,  la 
Saale;  et  chaque  jourful  marqué  de  sa 
pari  par  quelque  nouvelle  entreprise. 
Bien  que  les  succès  de  laul  de  combats 


BLU 

fussent  très-variés,  il  en  résulta  pour 
les  Français  des  pertes  d'autant  plus 
sensibles  qu'ils  étaient  hors  d'étal  de 
les  réparer.  Le  14,  en  avançant  sur 
la  route  de  Leipzig,  Bliicher  rencon- 
tra leurs  4^ ,  iS^  et  1^  corps  et  une 
grande  partie  de  la  garde,  sousles  gé- 
néraux IKey,  Marmont  et  Bertrand  , 
tenant  nue  ligne  a  droite  sur  Frei- 
roda,  et  une  autre  à  gauche  sur  Lin- 
denlhal.  Malgré  Tabseuce  de  l'artille- 
rie légère  et  de  la  cavalerie  du  prince 
royal  de  Suède ,  il  ordonna  le 
combat  ;  et  quelque  opiniâtre  que  fût 
la  résistance  des  Français,  les  alliés 
l'emportèrent. Le  village  deMockeru, 
pris  et  repris  jusqu'à  cinq  fois,  resta 
enfin  au  général  lork.  Les  Français 
se  concentrèrent  alors  autour  de 
Leipzig;  tous  les  corps  des  alliés 
se  dirigèrent  vers  cette  ville  et  tout 
annonça  une  bataille  importante  et 
décisive.  Le  16,  Napoléon  en  per- 
sonne attaqua  toute  la  ligne  des  al- 
liés et,  mettant  sa  cavalerie  au  centre, 
il  parvint  à  s'ouvrir  un  passage  avaat 
que  celle  des  ennemis  pût  s'y  op- 
poser ;  mais  bientôt  il  perdit  le 
terrain  qu'il  avait  gagné.  La  journée 
du  17  se  passa  de  part  et  d'autre  en 
nouveaux  préparatifs.  Ce  que  Blii- 
cher fil  alorsde  plusimportant,  ce  fut 
de  triompher  enfin  des  longues  hési- 
tations du  prince  royal.  Déjà  aupara- 
vant il  lui  avait  écrit  d'un  ton  très- 
sévère  ,  déclarant  qu'il  allait  passer 
lEibe  avec  lui  ou  sans  lui  ;  et  le 
prince  n'avait  suivi  cet  exemple  que 
quelques  jours  après.  Ses  mouve- 
ments, depuis  ce  temps,  étaient  tou- 
jours lents  et  peu  décisifs.  Encore 
alors  devant  Leipzig  ,  ses  mesu- 
res annonçaient  qu'il  comptait  pour- 
suivre l'ennemi ,  mais  non  prendre 
part  à  l'action.  LardStewsrt,  com- 
missaire de  la  Grande-Bretagne  près 
des   armées  confédérées  ,  s'eulreiuit 


Irès-aclivemenlpour  obtenir  du  prince 
une  coopération  plus  efficace  ;  el  les 
deux  généraux,  s'élant  vus  ,  s'expli- 
quèrent a  leur  salisfacUon  mutuelle. 
Le  prince  même  ,  dans  un  moment 
d'effusion  remarquable,  s\;ffriL  à  com- 
mander son  cdrps  pendant  l'action  ;  et 
le  commissaire  anglais  écrivit  à  sa 
cour  l'impression  que  celte  scène 
avait  produite  sur  lui  (2).  En  effet,  le 
If  ndemaii)  ,  non-seulement  l'armée 
du  INord  prit  part  au  combat,  mais 
encore  Bliicher  confia  au  prince 
00,000  hommes  ,  pour  attaquer  les 
hauteurs  de  Taucba.  tandis  que  lui-mê- 
me restait  devant  Leipzig  prêt  h  se 
mettre  eu  mouvement  dès  qu'il  aper- 
cevrait la  grande  armée  engagée. 
Le  village  de  Schuœfeld  ayant  été 
repris  par  les  Français  ,  il  le  fit 
enlever  de  nouveau  à  la  baïonnette  • 
et  la  défection  de  treize  bataillons 
\vest|ihaliens  et  saxons,  qui  passèrent 
aux  alliés  pendant  la  bataille  ,  com- 
pléta la  défaite  des  Français.  Malgré 
leur  résistance  désespéiée ,  le  succès 
le  plus  complet  couronna  les  efforts 
de  leurs  ennemis,  et  ceux-ci  bivoua- 
quèrent sur  le  champ  de  bataille. 
Vers  le  soir,  Bliicher  recul  ordre 
de  se  porter  sur  Weissenfels  et 
Naumbourg  ,  direction  dans  laquelle 
les  Françiiis  opéraient  leur  retraite, 
el  il  fit  fermer  par  le  prince  royal 
la  roule  de  Witlenberg  ,  ce  qui 
ne  laissait  plus  à  Napoléon  d'autre 
ligne  que  celle  de  la  Saale  pour  ga- 
gner le  Rhin.  Le  lendemain  rp, 
Leipzig,  après  une  courte  résistance, 
lut  emporté  par  Bliicher  et  le  prince 
royal  ,  Beunigsen  et  la  grande  ar- 
mée. C'est  à  celte  occasion  qu'im- 
palienlé   des    sollicitations   réitérées 


(2)  CVst  le  genéial  Stewarl  Uumème,  deveuu 
depuis  lord  Loudondeny,  qui  a  revclé  ces  dé- 
tails dans  son  Histoire  rie  la  guerre  de  i8i3  el 
!8i4  I  réccinmcnl  piibliei;  en  franrais. 


BLL 


35: 


des  habitants,  pour  lui  faire  suspen- 
dre les  hostilités  ,  il  fit  entendre  le 
fameux  Eu  avant  {F orwdrts),  qui 
lui  valut  depuis  le  surnom  populaire 
de  maréchal  Vorwdris.  C'est  le 
lendemain  de  celle  grande  bataille 
des  JSations  que  Bliicher  fut  créé 
par  le  roi  son  maître  feld-maréchal. 
De  tous  les  généraux  confédérés,  c'est 
lui  qui ,  sans  contredit  ,  pressa  le 
plus  vivement  les  Français  dans  leur 
retraite.  Cependant,  il  se  trompa  sur 
leur  direclionj  el  s'étant  engagé  dans 
les  montagnes  impraticables  de  la 
Thuringe  ,  il  leur  lit  peu  de  mal, 
et  ne  les  rejoignit  réellement  qu'à 
Eisenach,  où  il  s'empara  d'un  millier 
de  prisonniers  et  de  quelques  cais- 
sons d'artillerie.  Il  se  dirigea  ensuite 
vers  Fulde,  puis  sur  Wetzlar  el  Co- 
blenlz  ,  cédant  aux  inionelious  de 
Schwarzenbeig  ou  croyant  a.  faux, 
avec  bien  d'autres  ,  que  Napoléon 
se  relirait  sur  Cobleniz.  Sa  mar- 
che vers  Urlichstein,  a  travers  des 
routes  où  jamais  la  roue  n'avait 
passé,  prouva  ce  que  peuvent  la  per- 
sévérance et  la  volonté  ferme  dans 
le  commandement  d'une  armée.  Enfin 
il  arriva  devant  le  Rhin.  L'inva- 
sion était  résolue.  On  devine  aisé- 
ment que  Bliicher  fut  alors  un  de 
ceux  qui  entendirent  avec  le  plus 
d'impatience  parler  de  paix  avec 
l'empereur  des  Français.  11  vou- 
lait, disait-il  ,  planter  son  drapeau 
sur  le  trône  de  Napoléon.  Dans  le 
plan  d'invasion  adopté  parles  souve- 
rains ,  l'armée  silésieuue  dut  encore 
former  le  centre  des  troupes  combi- 
nées et  agir  vis-a-vis  des  treize  for- 
teresses du  Rhin,  tandis  que  la  gran- 
de armée  entrerail  par  la  Suisse  ,  et 
que  le  prince  royal  de  Suède  occupe- 
rait le  nord  de  l'empire.  Cet  an-an« 
gement  déplut  beaucoup  a  Bliicher. 
LegénéralGneisenau  présenta  un  plaa 


386 


BLU 


auquel  le  chef  de  l'armée  de  Sllésie 
n'e'lait  certainemeut  pas  étranger  et 
qui,  différant  iDalériellement    de  ce- 
lui que  Pou  veuaiL  d'adopter,  envoyait 
en  Hollande  le  feld-maréchal  prus- 
sien à  la  place  du  prince  royal.  Ce 
plan  fut  rejeté  comme  trop  vaste.  Les 
I*''',  2  et  3  janvier  i8i4-  ,  Bliiclier 
passa  le  Rhin  sur  trois  points,  Co- 
blentz,  Kaub  etManheim,  et  s'avança 
jusqu'à  Kreuznach,   poussant  devant 
lui  le  maréchal  Marmout,  qui,  réduit  k 
livrer  bataille  avec  des  fore  es  inférieu- 
res, ou  k  faire  retraite,  s'éloigna  par 
des  marches  forcées.  Le  feld-maréchal 
prussien  passa  la  Sarre;  fit  occuper 
Trêves,  entra  le   17   dans  Nancy, 
ordonna  au  corps  de  Sacken  de  pren- 
dre Toul  j  et  du  16  au  18  opéra  sa 
jonction  avec  la  grande  armée  entre 
la  Moselle  et  la  Meuse,  taudis  que  les 
Français   se  retiraient  derrière  celle 
rivière.  Bientôt  cent  soixante   mille 
hommes ,  appartenant  à  l'armée  de 
Schwarzenberg  et  a  celle   de  Silésie, 
se  trouvèrent  réunis  autour  de  Tran- 
nes,  Brleune  et  La  Rothière.  Napo- 
léon les  attaqua  le  i'=''  février  ,  a  la 
tête  d'une  armée  moitié  moins  nom- 
breuse, et  après  des  efforts   réitérés 
il  donna  le  signal  de  la  retraite.  Le 
succès  de    celte  bataille  fut  du    en 
grande  partie  h  la  valeur  de  Bliicher. 
L'attaque  qn'd  dirigea  sur  la  cava- 
lerie française  mérita  surtout  les  plus 
grands    éloges.    Enflée   de    ce    suc- 
cès ,    chaque    armée    des   alliés    se 
croyait  capable  désormais  de  triom- 
pher seule  de   Napoléon  ;  et  le  feld- 
maréchal    prussien  ,     voulant    arri- 
ver le  premier  à  Paris,  se  sépara  de 
Schwarzenberg.      Son      mouvement 
pour  s'approcher  de  la  Marne   dé- 
cida l'empereur   des   Français  a  se 
retirer  de  Troyes   sur  Nogent,  de 
peur  d'être  pris  en   arrière.  Cepen- 
dant Bliicher  ea  filant  ainsi  entre  la 


BLU 

Seine  et  la  Marne  ,   séparé    de  la 
grande  armée     qui ,   pour  le  rejoin- 
dre, avait  'a  passer  des  rivières  très- 
difficiles  en  cette   saison  ,    ne  tarda 
pas  a  s'apercevoir  que  Kapoléon  mé- 
ditait une   nouvelle  et  vive  attaque 
contre  lui.  Mais  il  n'était  plus  temps 
de  revenir.  II  avait  ,  d'ailleurs ,  dans 
son  impatience,    commis  une    autre 
faute    capitale  ;    ses    divers     corps 
étaient  tous  séparés  et  dans  l'impos- 
sibiHlé  de  se  soutenir  mutuellement. 
Profitant  habilement  de  cette  disper- 
sion ,  Napoléon  surprend  ,  le  i  0  ,  a 
Champ-Aubertle  corps  russe  d'Alsu- 
fiev,  le  fait  prisonnier  avec  deux  mille 
hommes  ,  atteint  Sacken  et  York  k 
Monlmirail  et  remporte  sur  eux  une 
victoire  pareille.  Le  1 4-  au  soir,  il  en- 
toure   de    ses  colonnes   victorieuses 
l'armée  de  Bliicher  k  Yauchamp,  en- 
fonce ses    ligues,  lui  tue  ou  prend 
12,000   hommes.  Le  16,  il  revient 
se  mettre  en  position  sur  la  Seine  et 
se  réunit  k  Victor  et  k  Oudinot,  qu'il 
avait  quittés   huit  jours   auparavant. 
Bliicher  ,  dans  cette  semaine,  perdit 
près  de  20,000  hommes.  L'arrivée 
du  corps   russe  Winlzingerode  ,  de 
la    Belgique  ,    et    sa    jonction    avec 
Schwarzenberg,  qui  lui  ordonna  de  se 
rendre  k  Méri  et  k  Epernai,  lui  don- 
nèrent la  facilité  de  se  réorganiser. 
Il    était    alors  d'avis  de    passer    la 
Seine  et  de  livrer  bataille  a  Napoléon. 
Le  feld-maréchal  autrichien  refusa  , 
et  s'avança  vers  Coulomniers  ,  tenant 
toujours  son  armée  réunie.  Le  22  , 
Bliicher  fut  attaqué  a  Méri  et  se  reli- 
ra non  sans  perte.   Ses  communica- 
tions avec  la  grande  armée  devinrent 
très-difficiles.     Il     était     acculé     k 
l'Aisne ,   et  sa  position   était   criti- 
que. La  prise  ou  plutôt  la  reddition 
de    Soissous  diminua  ce  danger.  Il 
s'établit  dans  une  forte  position  sur 
les  hauteurs  de  Laou  avec  quatre- 


BLU 

viugt  mille  hommes.  Napoléou  vlut 
l'y  attaquer  les  9  et  lo  mars  avec  la 
plus  grande  vigueur,  mais  de  beau- 
coup inférieur   eu  nombre.  De  celte 
bataille  peut-être  dépendit  l'événe- 
ment de  la   campagne.  Si  Bliicber  , 
dans  cette   sangla;ile    et   mémorable 
affaire  ,   n'eût    pas    été    vainqueur  , 
il  se  serait  vu   forcé  de  se  retirer  dans 
les  Pavs-Bas,et  tous  les  plans  des  al- 
liés étaient  rompus .  Le  succès  de  Laon 
les  encouragea  a  reprendre  l'offen- 
sive. Lue  bataille  générale  eut  lieu 
àla  Fère-Champeuoise  et  Arcis,les 
20    et  21  :  le   22    les  deux  armées 
(silésienne  et  Grande-Armée) se  joi- 
gnirent dans  l'ouest;  et,  par  une  mar- 
che excessivement  rapide  ,  Bliiclier, 
après  avoir  suivi  divers    corps  fran- 
çais   que    Napoléon    dirigeait    vers 
l'ouest,  revint  manœuvrer  sur  la  Mar- 
ne. Le   26  ,  après  une  autre  marche 
de  vingt-six  lieues ,  en  deux  jours  ,  il 
combattait  à  la  Ferté-Gaucher,  et  le 
lendemain  ,    toutes    les    armées    se 
concentraient  autour    de  Paris.  Blii- 
cber commanda   le    centre  des  alliés 
dans  l'attaque  de  cette  ville,  le    3o 
mars  1 8 14.,  et  il  eut  encore  une  grande 
part  "a  leur  triomphe.  Mais  la  capi- 
tulation lui    déplut   singulièrement  j 
il  fallait,  selon  lui,  entrer  de  vive 
force  dans    celte    capitale,    afin  d'y 
dicter    des  lois  :    il    fallait    brûler 
cette   Sodome,  cette  Babylone  (5). 
On    pense   que  ce  fut   par   dépit    de 
n'avoir  pu    faire  prévaloir  de  pareil- 
les  idées   qu'il  n'entra  pas  à  Paris, 
le  5i    mars,    en  même  temps  que 
les  souverains  alliés  ;  et  qu'il  se  tint, 
pendant  que  ceux-ci  faisaient  leur  en- 
trée solennelle  ,   sur  les  hauteurs  de 
Montmartre.   Ce  ne  fut   que  le   len- 


(3)  11  eut  dû  excepter  de  cet  anathèine 
les  maisons  de  jeu,  auxquelles  ,  pendant  son 
séjour  dans  Babjloiie,  il  rendit  de  fréquentes 
visites. 


BLU 


387 


demain  qu'il  vint  se  loger  K  l'hôtel  de 
Fouché.  Le  2  avril,    il  se  démit  da 
commandement,  alléguant  le  besoiu 
de  rétablir  sa  santé.  En  effet,  le  mal 
d'yeux  et  la  fièvre  le  minaient.  Le  00 
mars    il    avait    en    vain    essayé    de 
monter    à    cheval.     Toutefois       la 
véritable  cause  de  celte   démission, 
qui  causa  une    sensation   d'étonne- 
meut  ,   c'est  que  l'on  n'avait  plus  be. 
soin  des  services  de  Bliicher  ,  et  que 
la  fureur  qu'il  affichait  en  toute  oc- 
casion contre  la  nation  française  ne 
pouvait  convenir  aux  vues  plus  élevées 
des  alliés,  et  principalement  à  l'adroi- 
te et  sage  politique  d'Alexandre,  qui, 
par  des  démonstrations  de  générosité 
et  des  manières  affables,  acquit  si  vite 
une    grande  influence.    Le    litre   de 
prince   de  Walilslœdt  (4),     que  lui 
donna  le  roi  de  Prusse,  fut  pour  lui 
un   moyen    de    consolation.    Simple 
particulier,  Bliicher  vécut  sans  grand 
éclat  a  Paris  :  il  portait  souvent  une 
redingote  bourgeoise  sans  aucune  dé- 
coration. Parfois,  mangeant  chez  les 
restaurateurs  et   incommodé    de    la 
chaleur,  il  se  débarrassait  de  ses  vê- 
tements a    la    grande    surprise    des 
assistants,  et  aux  applaudissements 
des  Anglais,  qui  voyaient  dans   celle 
absence  de  toute   gène  une   certaine 
conformité    avec    leur    humeur.    La 
paix  signée,  il  s'embarqua  pour  l'An- 
gleterre, dans  la  compagnie  dessouve- 
rains. A  peine  eut-il  touché  le  rivage 
de  Douvres,  que  la  foule  le  porta  de 
main  en  main  jusqu'aux  portes  de  la 
ville.    Les  premières  dames  voulu- 
rent l'embrasser  ,    ou  au  moins   lui 
baiser  la  main.  Arrivé  k  son  hôtel,  il  v 
trouva  d'autres  dames  qui  lui  deman- 
dèrent des  boucles  de  ses  cheveux.  Blii- 
cher découvrit  sa  tète  chauve,  et  leur 
fit  dire  par  l'interprète  qu'il  n'avait 

(4)  Vahlstadt   est   un   couvent    silué  près  du 
champ  de  bataille  de  la  Kat^acb. 

25. 


388 


BLU 


plus  assez  de  clieveux  pour  en    dou- 
ner  un  a   chacune  d'elk-s.    A  Lon- 
dres ,    les  démoustraliuns  ne  fan  ni 
pas  moins   vives.    Il    fît   son    eulrée 
sur  une  voilure  découverte,  envoyée 
par   le  piiiice-régenl  ;   et   S.  A.  il. 
îui   donna   son  portrait,    qu'elle  lui 
passa  elle-même  autour  du  cou.  Le 
lendemain  ,   lorsque  Bliiclitr  rendit 
visite  a  la  reine  ,  le  peuple  détela  ses 
chevaux  et  traîna  sa  voliure.  Bientôt, 
]a   mode  voulut  que  tout  homme  de 
ion  ton  ,  tout  gentleman  pût  se  van- 
ter d'avoii    reçu    du    felJ-maréchal 
prussien  ou  de  Platow  une   poignée 
de  main.  Après  avoir   passé  quaire 
jours    k    Londres  ,     les    ironarques 
se  rendirent  aux  universités  d'Oxford 
et    de    Cambridge.   Bliicher   qui    les 
accompagnait    reçut  de    celle-là   le 
titre  un  peu  facétieux  k  son  égard  de 
membre  honoraire   de  la   faculté  de 
droit  ,    et  de  celle-ci  le    titre    non 
moins    plaisant   de  docteur.   A    son 
départ,  le  prince-régeut  lui  fil  pré- 
sent d'un  magnifique  fusil  de  chasse. 
Des  hoiumag'-s  moins   sp'endidement 
exprimés,   mais   probablement    plus 
sincères,  raccueillirent   en  Allema- 
gne.  L'ancien    comté  de   la   Mark, 
el  Brunswick  ,  se   distinguèrent  sur- 
tout   par    leur    enthousiasme.     Une 
pompe  triomphale  et  Tinanguration 
de  la  statue  de  la  Victoire  qui ,  huit 
ans  anuaravant ,  avait  été  emportée 
a  Paris  ,  signalèrent  l'entrée  de  Blii- 
cher dans   la  capitale  de  la  Prusse. 
L'université  de  Brrliune  vouiui  point 
rester  au  -  dessous  Je  celle  de  Cam- 
bridge, et  elle  lui  délivra  un  diplôme 
de  docteur  en  pbi'osophie,  ainsi  qu'au 
nrince  de  llardenbrrg  eî  aux  géné- 
raux Gncisenau  jloik,  Eu'ow,  Kleist 
et  Tauenzien.  Vers  le  commcrucenu  nt 
de  l'automne  Bliicher  fit   un   vovage 
en    Silésie  ;    puis    revint    a  Berlin , 
d'oiii    il   obser^3.     avec     un    intérêt 


BLU 

très-vif  tout  ce  qui  se  passait  au  con- 
grès de  Vienne.  Suivant  lui,  on  avait 
laissé   beaucoup   trop  a  la  France  , 
qu'il  falliit  démembrer,  pour  la  ren- 
dre incapable  de  nuire.  Avec  elle  ,  la 
paix  ne    pouvait   être  qu'une  trêve  , 
et  il   faudrait   bientôt    en  revenir  a 
la  guerre...   Un  autre  grief  vint  se 
joiuJreaii  premier:  la  Prusse  était  trai- 
tée avec  beaucoup  d'ingralilude.  Ou 
oubliait  que,  de  tous  hs  états  oppri- 
més par  Napoléon,  nul  n'avait  autant 
souffert,  nul  n'avait  autant  fait  pour 
la  cause  commune.  Bliicher  était  donc 
décidément  un  de  ces  mécontents  qui 
trouvèrent  a  redire  sur  tous  les  actes, 
sur  toutes  les  décisions  du  congrès  de 
Vienne.   C'est   dans   ces  dispositions 
qu'il  se  trouvait  lors   du    débarque- 
ment   de    Bonaparte    a    Cannes.    A 
peine  en  eut-il  reçu  la  nouvelle  qu'il 
reprit  son  épée  et  endossa  l'uniforme. 
INomnic  général   en  chef  de  l'armée 
deslinée  k  opérer  entre  le  Rhin  et  la 
Moselle,  il  partit  de  Berlin  le  lo  avril; 
et  huil  jours   après  il  se   trouvait  a 
Liège.    Il    y    manda  les  autorités   k 
rHôlel-de-Ville  ,  et  leur  adressa  de 
vifs  reproches   sur  le  mauvais  esprit 
des  habit.mts.   Le  fait  est   que  des 
émissaires     cherch  ient   k    fomenter 
parmi  le  peuple  le  regret  de  la  domi- 
nation française  5  et  ils  y  réussissaient 
sans  peine.   Mais  les  magistrats   ne 
pouvai  nt  guère  s'opposer  k  une  opi- 
nion tacite,  et  qui,  pour  se  déclarer, 
attendait  les  hostilités.   Les  troupes 
saxonnes  ,  qui  n'avaient  reçu  d'autre 
prix  de  leur  dévouement  k  Leipzig  et 
en  Flandre  que  le  démembren.eul  de 
leur  patrie  au  profit  de  la  Prusse, 
devinrent  décidément  hostiles.  Le  3 
mai  quelques-uns  de  leurs  grenadiers 
se  portèrent  en  tumulte  k  l  hôltl  du 
maréchal,  qui  s'échappa  par  une  fe- 
nêtre. Les  séditieux  assouvirent  leur 
ressentiment  sur   des  meubles,  des 


BLU 

vitres  qu'ils  brisèrent.  Les  Irou- 
pes  pnissieuDcs,  s'élant  aiissilûl  ras- 
semblées, enlourèrenl  les  Saxons ,  et 
se  saisirent  des  plus  mutins.  Bliiclier 
livra  ensuite  les  cbefs  fin  mouvement 
a  une  commission  militaire  .  qui  en 
condamnadeux  àêlre  fusillés.  Lerégi- 
ment  des  grenadiers  fat  dissous  et 
Ton  brûla  puhliquemeul  ses  drapeaux. 
A  la  fin  de  mai ,  B'iicher  se  porta 
sur  la  Saiiibre.  Il  avait  près  de  cent 
mille  hommes.  Le  i  5  juin,  INapoléou 
commença  les  hostilités  en  repoussant 
un  corps  de  tronpes  qui  occupait 
Charleroi.  Cel'es-ci  se  retirèrent 
avec  iieaucoup  d'ordre  sur  Fltuius, 
et  Bliicher  les  recevant  se  concentra 
sur  Soudiref.  Le  lendt  main  i6,les 
Français  pa^'^èrenl  la  Snmbre  et  mar- 
chèrent contre  les  Prussiens  étendus 
en  araphiihéâire  sur  toute  la  largeur 
d'un  eoleau  que  défendait  nu  ravin 
profond  garni  de  bouquets  boisés.  La 
droite  prussienne  était  appuyée  au  vil- 
lage de  Saiut-Amand,  le  centre  a 
Ligni,  la  gauche  ,  dont  à  peine  on 
apercevait  Texlrémité  ,  à  Sorabri  f. 
La  cavalerie  prolongeait  la  gauche 
fort  avant  sur  la  route  de  JVamur.  Ces 
fortes  positions  fun  nt  enlevées  par  la 
vieille  garde  impériale;  et  a  dix 
heures  du  soir  ,  Bliither,  après  une 
résistance  opiniâtre  ,  après  s'être 
continuellement  exposé  au  feu  le  plus 
vif,  et  avoir  été  culbuté  par  la 
chute  de  sou  cheval,  fit  sa  retraite 
sur  Gembloux  et  Namur,  toujours 
poursuivi  jusqu'à  ce  que  les  ténèbres 
et  la  fatigue  forçassent  enfin  Tarmée 
française  à  prendre  quelque  repos. 
Napoléon  ,  dans  cette  sanglante  jour- 
née, tua  ou  prit  aux  Prussiens  quinze 
mille  hommes.  11  est  positif  que  Blii- 
cher lui  même^  en^jagé  sous  t.on  che- 
val ,  au  milieu  des  ci  irassiers  fran- 
çais,  serait  resté  prisonnier,  si  la 
rapidité  de  ceux-ci  «e  les  eût  empê- 


EJ.U 


589 


chés  de  Tapcrcevoir  A  quoi  tiennent 
1.  s  événements  qui  décident  du  sort 
des  empires  !  Pendant  ce  lenip»;,  ISey 
tombait  sur  l'avant- garde  de  Wel- 
lington c!  lui  faisait  perdre  six  mille 
hommes.  Liirépide  et  infatigable  .  au 
moment  même  de  .-a  défaite,  et  tau- 
dis que  Napoléon  faisait  courir  le 
bruit  de  sa  mort  ,  Bliicher  s'occupa 
toute  la  journée  du  i  y  a  cincentrer  ses 
troupes  surV\  avres,  et  parvint  a  déro- 
ber une  marche  au  général  Grouchy. 
Grâce  a  celle  circonstance,  il  apparr:t 
dans  la  soirée  du  1 8  aux  champs 
de  Waterloo,  sur  le  flinc  gauche  de 
1^  el'iugton  ,  h  Tinstant  où  les  deux 
armées,  après  une  lutte  terrible,  mais 
sans  avantage  décisif  de  part  ni 
d'autre,  recommençaient  a  combatt;  e 
avec  une  nouvelle  fureur.  Ce  fut 
comme  l'arrêt  du  destin:  Welliiig- 
lon  seuhaitail  Biiither,  Napoléon  at- 
tendait Grouchy.  Grouclsy  ne  vint 
point:  il  n'avait  pas  reçu  d'ordres. 
Bliicher  n'en  avait  pas  reçu  non  plusj 
seulement  il  avait  prorais  a  Welling- 
ton de  venir  a  son  secours  s'il  était 
aitaqué.  Long  temps  Napoléon  s'ob- 
stina ,  malgré  les  avis  de  ceux  qui  Ten- 
louraient,  a  croire  que  le  corps  qu'il 
voyait  s'approcher  était  celui  de  son 
général.  Enfin  détrompé,  il  n'en 
donna  pas  11. oins  l'ordie  d'agir  avec 
vigueur.  Bulow  qui  se  présenta  le 
premier  avec  trente  n.ille  hommes  fut 
repoussé  ;  mais  Bl'icher  accourut  avec 
de  nouvelles  masses.  L'armée  anglaise 
alors  dirigea  une  altaepie  sur  toute 
la  ligue.  Les  munitions  commen- 
çaient a  manquer  aux  Français  ; 
une  terreur  soudaine  s'empara  de 
leur  armée  ;  INapctléon  ne  put  arrêter 
le  désordre  et  fut  sur  le  point  d'être 
pris.  Les  Prussiens  se  chargèrent  de 
la  poursuite  et  firent  toute  la  nuit 
des  prises  incalculable;;  en  hom.'nes, 
en   artillerie,    en     équipai^rj»     Na- 


îgo 


BLÛ 


poléon  n'ayaiit  tenté  aucune    résis- 
tance ,  aucime  diversion  ,  et  s'élaiit 
rendu  en  toute  hâte  à  Paris ,  où  les 
chambres,   loin   de  le  soutenir,  hii 
imposèrent   la   loi   d'abdiquer  pour 
la   seconde   fois,    rien   ne   s'opnosa 
plusala  marche  des  Anglo-Prussiens, 
En  moins  de  dix  jours  les  deux  géné- 
raux   furent    aux    portes   de    Paris. 
Peu    de  jours   après   Bliicher  passa 
la  Seine  au  Pecq,  et  seul  ainsi,  sur  la 
rive  gauche  de  ce  fleuve,  tourna  la 
capitale   avec  son  armée    par  Saint- 
Germain,    Versailles,    et    Meudon. 
Chassé  de  Versailles  par  le  général 
Excelmans   qui   écrasa  sa  cavalerie  a 
Roquencourl,  il  fut  heureux  d'en  être 
quille  à  si  bon  marché.  Ou  sait  au- 
jourd'hui que  ,  si  des  intrigues  inté- 
rieures n'eussent  pas  retenu  dans  l'i- 
naction l'armée  française  réorganisée 
depuis  Waterloo,  et  surtout  si  Bona- 
parte, qui,  de  sa  retraite,  avait  seuti 
la  faute  capitale  que  Bliicher  commet- 
lait,  en  s'aveniurant  loin  de  Welling- 
ton au  sud  de  la  Seine  ,  si  Bonaparte, 
disons-nous,  eût  été  chargé  du  com- 
mandement de  l'armée,  les  Prussiens 
î\uiaieut  été  anéantis,  et  certes  dans 
cette   hypothèse  Wellington,  avec  la 
prudence  qui  caractérise  les  Anglais, 
aurait   sur-le-champ  rétrogradé  jus- 
qu'à   la   frontière.    Ce    qu'on    peut 
dire  de  plus    favorable    a  Bliicher, 
c  est  que  débarrasse'  de  son  phis  re- 
doutable ennemi,  par  la  nullité  oi!i  se 
trouvait    alors    Bonaparte ,    il    crut 
inutile  de  prendre  des  précautions  et 
de  suivre  les  règles  de  l'art  militaire. 
Quoi  qu'il  eu  soit,  la  convention  de 
Saint-Cloud  (3  juillet),     h  laquelle 
pour  sa  part  il  se  montra  ou  ne  peut 
moins  disposé,  ouvrit  aux  deux  géné- 
raux  alliés  les  portes  de  Paris.  Eu 
attendant  que  la  capitale  fût  évacuée, 
le  quartier-général  de  Bliicher  resta 
dans  Sainl-Cloiid,  Ainsi  que  l'année 


BLU 

précédente  il  se  plaisait  dans  ce  séjour 
de  Napoléon.  Mais  cette  fois  il  ne 
se  borna  pas  a  insulter  les  meubles, 
les  marbres,  les  tableaux  ,  il  emballa 
ce  qui  lui  parut  le  plus  a  la  convenance 
de  son  gouvernement  et  a  la  sienne, 
entre  autres  le  célèbre  passage  des 
Alpes ,  peint  par  David.  Lorsqu'il 
fut  enfin  dans  la  capitale  ,  il  s'y  livra 
a  toute  sa  haine  contre  les  Français. 
Déjà  dans  sa  marche  il  avait  donné  des 
ordres  pour  séquestrer  les  biens  des 
promoteurs  de  la  guerre,  et  pour 
en  faire  retomber  les  frais  sur  eux 
seuls  ,  ordres  que  des  considérations 
politiques  auxquelles  il  dut  céder  le 
forcèrent  a  révoquer.  De  même  à 
Saiul-Cloud  il  eut  beaucoup  de  peine 
h  renoncer  au  désarmement  de  la 
garde  nationale  ,  vu  qu'une  partie  de 
cette  garde  avait  combattu  les  alliés: 
il  voulait  même  qu'elle  se  rendît  pri- 
sonnière de  guerre  a  Paris.  Indépen- 
damment des  provisions  en  nature  qu'il 
se  lit  délivrer  en  abondance  pour  ses 
troupes,  il  imposa  une  contribution  de 
cent  raillions,  surlaquelleil  put  donner 
à  chaque  soldat  une  gratification  équi- 
valente a  deux  mois  de  solde.  Pre- 
nant a  tâche  de  rendre  insultantes 
des  mesures  déjà  si  rigoureuses  ,  il 
donna  en  ces  termes  à  un  de  ses 
officiers  l'ordre  de  reprendre  les 
objets  d'art  enlevés  eu  Allemagne  et 
en  Hollande  par  les  Français  :  «  Le 
lieutenant  de  Groot  est  chargé  par 
moi  de  l'enlèvement  de  toutes  les  pro- 
priétés allemandes  volées  par  les 
Français,  etc.  »  Quelques-uns  de  ses 
officiers  lui  ayant  demandé  la  per- 
mission d'emporter  quelques  volumes 
de  la  Bibliothèque  Royale,  comme 
souvenir  de  la  campagne  de  i8x5. 
«  Tous  les  livres,  dit-il,  sont  pri- 
«  sonniers  de  guerre  :  ils  sont  en 
«  rangs  et  en  files 5  prenez,  erapor- 
«  lez   tout  ce  que  yous   voudrez.  » 


BLU 

Enfin  il  lui  vint  a  l'idée  de  faire  sau- 
ter le  pont  d'Iéna,  sous  prétexte  qu'il 
portait  un  nom  injurieux  à  la  nation 
prussienne.  C'est  en  vainque  tout  fut 
mis  en  mouvement  pour  le  détourner 
d'une  re'soUilion  aussi  puérile  que  dé- 
sastreuse. Il  répondit  de  la  manière 
la  plus  insolente  aux  représentations 
que  lui  adressa,  au    nom   du  prince 
de  Talleyrand  ,    le  comte  de   Golz, 
autrefois    son    adjudant    (5),     et  il 
pressa   l'exécution  des    ordres   qu'il 
avait  donnés  à  cet  égard.  Heureuse- 
ment les  ingénieurs  prussiens  ne  surent 
pas  miner  le  pont  avec  la  rapidité  né- 
cessaire •  et  la  ville  ayant  porté  trois 
cent  mille  francs  au  général ,  il  les 
accepta  et  fit  cesser  les    travaux  de 
destruclion.    Bientôt    l'arrivée     des 
souverains    et     particulièrement    de 
l'crapereur     de    Russie   mit    fin  ,  au 
moins  dans  la  capitale,  aces  actes  de 
vandalisme.    On   regrette    que    lord 
Wellington  ,  sollicité  par  les  munici- 
paux de  s'opposer  à  la  détermination 
deRliicher,  aulieu  d'accepter  une  mis- 
sion   si  noble  ,    ait  répondu   d'une 
manière  évasive  et  peu  exacte.  «  Je 
a  suis    le    maître   dans    Paris  ,    le 
«  prince  Bliicher  est  le  maître  hors 
«  de  Paris,  et  le  pont  d'Iéna  est  de- 
«  hors  :  cela  ne  me  regarde  pas.. .  » 
Bliicher  se  dédommagea  dans  les  dé- 
partements  de  ce  qu'il  ne:  pouvait 
faire   dans  la  capitale.  La  paix  défi- 
nitive n'étant  pas  encore  conclue  ,  il 
transporta    son    quartier-général    a 
Piambouillct ,  à  Chartres  ,  continuant 
la     guerre    contre    les    forteresses 
et   espérant   avoir  a  se  battre  con- 
tre l'armée  de  la  Loire  5  mais  celle-ci 
se   soumit   au  roi   de  France  et  fut 
licenciée.  Alors  Bliicher  répandit  ses 

(6)  Voici  cette  réponse  :  «  J'ai  arrêté  que  le 
M  pont  sauterait ,  et  V.  Exe.  ne  peut  empêcher 
«  que  cela  me  plaise ,  que  M.  de  Talleyrand 
«  le  veuille  ou  non.  Je  prie  V.  Exe.  de  le  lui 
«  faire  savoir.  « 


BLU  3(>i 

troupes  dans  l'Eure,  Eure-et-Loir, 
la   Sarthe  ,    l'Orne  ,  Loir-et-Cher, 
le  Loiret ,  en  un  mot  dans  tous  les 
pays    en    deçà    de    la    Loire ,     où 
elles     vécurent     à     discrétion     et 
commirent    des    désordres   de  tout 
genre ,    en  présence    de  leur  géné- 
ral. Il  leva  lui-même  de  fortes  con- 
tributious  ,  fit  arrêter  et  envoya  pri^ 
sonniersen  Prusse  beaucoup  d'indivi- 
dus ,  autorisa  tacitement  les  voies  de 
fait  et  le  pillage  contre  ceux  qui  lui 
étaient   dénoncés.    Personne ,    parmi 
les  chefs  des  troupes  alliées  ^  n'ap- 
prouvait la  conduite  de  Bliicher  5  et 
son  roi  lui-même  tenta  en  vain  d'à 
doucir    ce    caractère    indomptable. 
Souvent  forcé  de  faire  révoquer  des 
ordres  trop  sévères  ce  prince  fut  obli- 
gé de  l'eu  dédommager  par  de  nou- 
veaux bienfaits,  m'honoramème  d'un 
ordre  créé  exprès  pour  lui;  c'était 
une  croix  de  fer  entourée  de  rayons 
d'or.  Bliicher  quitta  la  France  en  au- 
tomne, mécontent  de  tout,  exécré  des 
Français  et  même  des  ennemis  de  ha 
France.  Sa  santé  depuis  long-temps 
délabrée  languissait  de  plus  eu  plus  : 
il  se  rendit  cleux  fois  a  Carlsbad  eu 
1 8 1 6  et  en  1 8 1 7 .  Du  reste  il  passait 
son    temps   moitié    dans  ses  terres, 
moitié  dans  les   villes  de  Breslau  et 
de  Berlin.  Ilfit  aussi  quelques  excur- 
sions a  Hambourg ,  a  Dobberau,  etc. 
Sa  vie    était     redevenue    obscure, 
comme  avant  les  guerres  de  1806  et 
de    i8i3,   mais  il   était  plus  riche. 
Quant  a   sa  réputation  militaire,    h 
mesure  que  l'enthousiasme  germani- 
que contre  Napoléon  perdait  de  sa 
force  ,  elle  était  soumise  à  un  exa- 
men plus  sévère ,  et  le  colosse  perdait 
de  ses  proportions.    En  18  19   il  de- 
vint mélancolique,  irascible,  jaloux 
des   honneurs    qu'il   se  croyait  dus. 
Atteint  d'une  hydropisie  de  poitrine 
et  d'une  inflammation,  11  s'en  exagéra 


392 


BLU 


le  dauger  ;  enfin  il  devint  limlde  au 
point  de  ne  plus  vouloir  passer  la 
nuit  seul,  n  Mes  enfants,  di.-ail-il,  ne 
«  m'abandonnez  pas,  de  peur  que  je 
«  n'atlenle  a  ma  vie.  n  11  fit  un 
nouveau  vnvage  a  Carlsbad  où  il 
passa  quelques  jours  auprès  du  prince 
de  Schwarzenberg.  £n  revenant 
dans  ses  terres,  il  toralia  malade  à 
Krieblowitz.  Les  médecins  furent 
appelés  et  voulurent  lui  donner  des 
espérances  qu'ils  n'avaient  pas.  Le 
roi  de  Prusse,  qui  assistait,  dans  les 
environs,  aux  manœuvres  d'automne, 
vint  le  voir.  Bliicber  n'accepla  point 
l'augure  de  son  rétablissement  :  «  Je 
«  sens  ,  dit-il  ,  mieux  que  tous  ces 
«  docteurs  en  quel  étal  je  suis.  35  II 
recommanda  sa  veuve  au  roi  ,  et 
raourutle  lendemain,  12  sept.  1819. 
C'est  a  Krieblowitz  qu'on  l'enterra. 
Ou  lui  éleva  des  statues  a  Rostock^  a 
Beilin  et  a  Breslau.  La  première  lut 
érigée  le  26  août  1819  pour  célé- 
brer l'anniversaire  de  la  bataille  de 
la  Kalzbach.  La  statue  de  Berlin  dale 
de  1826;  comme  celle  de  Rostock 
elle  est  colossale  et  en  bronze  5  celle 
de  Breilau  ne  fut  élevée  qu'en  1827. 
—  La  vie  de  Bliicber  a  été  plusieurs 
fois  écrite.  Dès  son  vivaut  on  avait 
publié  :  p^ie  de  Bli'icher,  Paris , 
18 16,  2  vol.  in  8°,  et  Vie  et 
campagne  du  feld-maréchal prince 
Bli'icher  de  TJ  ahlstœdt ,  Londres, 
i8i5  (en  anglais).  11  n'est  pas  vrai 
que  Gneisenau  ait  eu  part  a  cette 
compilation  ,  que  l'on  donne  comme 
traduite  de  rfillemand  de  ce  général. 
Vernbagen  d'Ense  et  L.  de  A\  al- 
lenrodt  ont  publié  en  allemand  des 
hiograpbies  du  feld-marécbal.  La 
première  est  de  1827,  Berlin;  la 
deuxième  ,  impriméeà  Sletlin  ,  1 85  i , 
in  12  ,  est  un  manuel  à  l'usage  de  la 
masse  plutôt  que  des  classes  lettrées 
de  la  population  prussienne,  ^iilitairc- 


BLi: 

ment  l'ouvrage  est  nul  :  du  reste  l'au- 
teur transforme  Bliicber  en  grand  gé- 
néral ,  en  sage  ,  en  ami  de  la  liberté. 
Le  héros  sans  doute  eut  ri  de  ces 
éloges  comme  il  avait  fait  des  diplô- 
mes délivrés  par  les  universités  au 
docteur  Bliicher.  Le  seul  titre  du 
prince  de  \\  alslffidl  au  souvenir  delà 
postérité  sera  sans  doute  sa  valeur 
militaire.  Peut-être  en  tenant  fidèle- 
ment compte  et  des  énormes  fautes 
qu'il  comn  it  en  plusieurs  occasions, 
et  de  l'immensité  des  ressources  tou- 
jours renaissantes,  toujours  croissan- 
tes que  les  alliés  eurent  a  leur  dis- 
position en  I  81  5,  1 4-,  et  I  5  ,  la  pos- 
térité, commedéjk  bien  des  Allemands, 
ne  verra-t-elle  en  lui  qu'un  pa'  tJsan, 
un  co7i<^o/^ie/'«.  Ses  principes,  décrits 
par  l'auteur  des  Caractères  prus- 
siens, conviennent  en  effet  à  un  parti- 
san plus  qu'au  cbef  d'une  grande  ar- 
mée. Mais  la  postérité  ne  lui  refusera 
ni  une  intrépidité  rare  ,  ni  une  gran- 
de habitude  de  la  guerre,  ni  enfin 
une  inébranlable  opiniâtreté  au  mi- 
lieu des  obstacles,  des  défaites  et 
des  fatigues.  Vingt  fois  battu  ,  tou- 
jours Bl'icher  était  prêt  à  se  faire 
battre  de  nouveau.  Avec  les  troupes 
qu  il  avait  et  qui  non  seulement  se 
recruta:eut  sans  cesse,  mais  encore 
étaient  animées  d'un  enthousiasme 
a  la  fois  civique  et  militaire,  Bliicber 
avait  de  grands  avantages  contre  jNa- 
poléon,  dont  les  jeunes  soldais  et  les 
vieux  généraux  ne  faisaient  plus  la 
guerre  qu'avec  regret  et  décourage- 
ment. Celui-ci  d  ailleurs  avait  en  hor- 
reur les  escarmouches .  la  petite  guer- 
re, ladeslruclicn  de  détailj  il  lui  fallait 
enlacer  son  ennemi  dans  de  grandes 
combinaisons,  et  l'écraser  par  quel- 
que grand  coup.  Bliicber  tenant  du 
cosaque  et  du  guéri  las  avait  une  por- 
tée infiniment  moins  vaste  ,  mais  ope- 
rail  (oujours ,    harcelait  tans  laisser 


BLU 

de  répil,  ballu  ou  Laltaulrccommcn- 
caîl  encore,  perdait  des  hommes,  mais 
pouvait  en  perdre  ,  et  eu  tuait  sans 
cesse  a  un  euiiemi  qui  était  réduit 
a  compter  de  pUis  près  que  lui. 

P_OT. 

BLUTEL   (  Chakies-Aucuste- 
Esprit-Rose),  né  à  Caeu  le  29  mars 
lySy,  étc'àt  avocat  a  Rouen  nvant  la 
révolution.  Modéré  par  caractère  et 
par  [irincines  ,  il  en  embrassa  la  cause 
sans  exagération,  fut  nommé  en  1790 
juge  de  paix  et  l'un   des  chefs  de  la 
garde  nationale  de  Rouen,  et  en  1792 
député   de    la   Seine-Inférieure  h  la 
Convention  nationale.  Dans  le  procès 
(le  Louis    XVI ,   il  o?a   dire   que   la 
nalion,  par  la  constitution  de  1791, 
ayant  lié  ce  monarque  a  son  contrat 
social  ,   et   lui   ayant   offert  la   pre- 
mière fonction    dans  soQ    gouverne- 
ment ,  il  avait  cessé  de  devoir  le  Irône 
à  sa  naissance ,   qu'il  était  de^'enu 
roi  par  la  volonté  de   la  nation, 
et  que  le  crime,  si  c'en  était  un  , 
était  le  crime  de  la  nation  et  non 
le  sien.  Blutel  s'opposa  conséquem- 
raent  a  ce  que  ce  prinne  fût  mis  eu  ju- 
gement j  mais,  son  opinion  n'ayant  pas 
prévalu,  il  vota  Tappel  au  peuple, 
puis  la  réclusion  et  le  bannissement  a 
la  paix  ,  et  enfin  appuya  la  proposition 
de  Mailbe,    tendant   k   ce    qu'il  fût 
sursis  a  rexécullon.  Dans  les  derniers 
mois  de  1795,  il  signala  les  actes 
d'oppressio  1  et  les  excès  de  pouvoir 
commis  par  la  municipalité  et  le  co- 
mité révolutionnaire   de   Rouen  ,   et 
cita  a  celle  occasion  douze  cents  in- 
dividus illégalement  détenus  dans  les 
prisons  de  cette  ville,   ajoutant  (ce 
qui  était    k   cette  époque    d'un  cou- 
rage  sans  exemple)  que  l'arbitraire 
éta-.t  tel  dans  celte  commune,  que  si 
un   prévenu    o^ait    se  plaindre  de  la 
violation  des  lois  k  son  égard,  on  lui 
appliquait  aussitôt  cette  phrase  inqui- 


sitorlale  :    Suspect  d'incivisme  et 
d'aristocratie ,    et    on    le    traînait 
a  l'instant  même  dans   les    cachots. 
Blutel  se  montra  dans  plusieurs  occa- 
sions le  zélé  défenseur  de  la  liberté  , 
non  de  cette  liberté  qui ,  comme  il  le 
disait  un  jour  a    !a   tribune  ,    n'était 
que  la  licence,    et  ue  tendait   qu'à 
faire  de  la  société  un   amas   de  bri- 
gands,  dont  le  p'us   fort  écraserait 
impunément  le  plus  faible ,    mais  de 
cette     liberté    sociale    qui    rendant 
rhomme  k  sadignité_,a  pour  base  la 
morale  et  la  justice.    Il  prit  ensuite 
peu    de  part  aux    dissensions      des 
partis   qui  déchirèrent    rassemblée, 
et     parvint    ainsi    a    échapper    aux 
proscriptions     et   k   la    mort,    dont 
il    fut    plusieurs  fois  menacé    Après 
le    9    thern  idor ,    il    fit    mettre   en 
liberté    plus   de    mille  habitants  de 
son  département ,  en  se  chargeant , 
par  un  travail  non  interrompu  ,    de 
l'examen  des  dossiers  et  de  la  rédac- 
tion el  présentation  au  comité  de  sû- 
reté générale    des  rapports  qui  les 
concernaient.  Envoyé,  vers  la  fin  de 
1794,  en  miss  on  dans  les  tléparte- 
mentsde  la  Charenle-Inférieure  ,  de 
la  Gironde  ,  des  Landes  et   des  Bas- 
ses-Pyrénées ,  il   mit  fin  au  syslènie 
de  terreur  qui  désolait  encore  cette 
partie  de  la  France,  et  rendit  compte 
a  la  Convention   des  crimes  commis 
par  des  représentants,  ses  prédéces- 
seurs, qui  avaient  établi  en  principe 
que  l'arbre  de  la  liberté  ne  pouvait 
prendre  racine  que  dans  le  sang  hu- 
main. Il  dénonça  plusieurs  agents  du 
gouvernement  qui,  abusant  du  droit 
de    réquisition  ,   avaient    enlevé    et 
détourné  k  leur  profit  des  quantités 
considérables  de  piqués,  mousselines 
et  basins,    pour   faire,  disaient-ils, 
des  culottes  aux  défenseurs  de  la 
patrie.    11  fit   débarquer  et  placer 
dans  des  los^ements  salubres  neau- 


394 


BLU 


coup  de  prêtres  inserraenlés  qui,  des- 
linés  a  être  déportés  ,  gémissaient 
dans  le  port  de  Brouage ,  entassés 
sur  des  pontons  infects,  oii  chaque 
jour  la  mort  moissonnait  une  partie 
d'entre  eux.  Le  12  janvier  1793,  il 
rendit  k  la  liberté  un  grand  nombre 
d'habitants  des  départements  de 
l'Ouest,  détenus  au  bagne  de  Roche- 
fort,  comme  royalistes  et  rebelles  de 
la  Vendée.  Le  mois  suivant,  il  ferma 
la  société  populaire  de  Bordeaux  ,  et 
quelques  jours  après  restitua  au  com- 
merce de  celte  place  toutes  les  den- 
rées enlevées  au  maximum ,  qui  se 
trouvaient  encore  dans  les  magasins 
de  la  république.  La  même  année, 
il  apaisa  par  sa  seule  présence  et  sa 
fermeté,  tant  k  la  Rochelle  qu'a  Ro- 
chefort,  des  mouvements  séditieux, 
qui  avaient  pour  motifs  apparents  la 
rareté  des  subsistances ,  mais  qui  se 
rattachaient  aux  révoltes  de  la  même 
époque  a  Paris.  Député,  en  1796, 
par  le  département  de  la  Seine-Infé- 
rieure et  par  la  colonie  de  Cayenne 
au  conseil  des  cinq-cents,  il  parut 
plusieurs  fois  k  la  tribune  pour  y  dis- 
cuter des  objets  d'intérêt  général , 
et  fit  décréter  la  prohibition  des 
marchandises  anglaises,  au  moment 
même  où  lord  Malmesbury  était  a  Pa- 
ris pour  traiter  de  la  paix.  Il  présenta 
en  février  1797  un  rapport  lumineux 
sur  les  douanes,  et  donna  peu  de 
temps  après  sa  démission ,  motivée 
sur  des  affaires  de  famille.  L'admi- 
nistration des  douanes ,  qui  lui  devait 
en  partie  sa  réorganisation,  lui  offrit 
aussitôt  une  place  de  directeur  de 
correspondance  a  Paris,  et  en  1798 
le  directoire  le  nomma  un  des  régis- 
seurs-généraux; mais  Magnieu, auquel 
il  succédait,  avant  été  réintégré,  il 
passa  à  la  direction  de  Rouen ,  puis 
a  celle  d'Anvers  ,  qui  alors  était  la 
plus  importante  de  France.  Il  mourut 


BLY 

dans  celle  ville  le  i^""  nov.  1806, 
laissant  deux  fils,  qui  ont  suivi  la 
carrière  des  douanes.  Z. 

BL  YENBURG  (Damase  Yak), 
poète  latin  ,  né  en  1 558  aDordrecht, 
d'une  famille  très-distinguée  ,  remplit 
après  son  père  la  charge  de  garde  de 
la  monnaie  de  Hollande,  et  fut  dans 
la  suite  premier  conseiller  du  vice- 
roi  de  Virginie.  Le  chagrin  qu'il 
éprouva  de  la  mort  de  sa  femme  fut 
si  violent ,  qu'on  lui  conseilla  de  voya- 
ger pour  se  distraire.  Il  se  mit  eu 
route,  en  16 16,  pour  la  Bohème,  et 
comme  on  n'entendit  plus  parler  de 
lui,  on  conjecture  que  la  douleur  ter- 
mina ses  jours.  On  a  de  lui  :  I.  Cento 
ethiciis  ex  ducentispoetis  hinc  inde 
contextiis ,  Leyde,  1699  ,  petit  in- 
^^  ,  et  altéra  ,  Dordrecht ,  1600, 
in-8°.  Cette  prétendue  seconde  édi- 
tion ne  diffère  de  la  première  que 
par  le  changement  du  frontispice.  IL 
V^eneres  hly enhurs,icœ ^  sive  amo- 
riun  hortus ,  in  quiiique  areolas 
distinctus  et  J'ragrantissimis  i48 
celeberrimorumpoetarumjlosculis 
7'ç/è/'<wA-,  Dordreclit,  1600,  petit 
in-8°.  Ces  deux  volumes,  qu'il  est 
bon  de  réunir,  sont  rares  et  recher- 
chés. L'éditeur  y  a  rassemblé  les  pa5- 
sages  les  plus  agréables  des  meilleurs 
poètes  latins  modernes.  III.  B.  Ful- 
gentii  sententiœ  sacrœ  ^  sive  epi- 
tome  operiim  in  triginta  tilidos 
sive  capita  distributa ,  Amsterdam, 
1612  ,  in-8''. — BlyEjN'burg  [Adrien 
Van),  neveu  du  précédent,  h  son 
exemple  partagea  ses  loisirs  entre  la 
culture  des  lettres  et  les  devoirs  de 
différentes  charges.  Né  en  î56o,  a 
Dordrecht,  il  y  mourut  le  2 3  février 
1699.  On  a  de  lui  :  Poemala  varia, 
Leyde,  i582,  petit  in-8°.  Ce  re- 
cueil est  estimé.  On  trouve  plu- 
sieurs pièces  d'Adrien  dans  les  De- 
liciœ  poëtar.    Belgar, ,  I,    687, 


BNI 

Voy.  ,  pour  des  détails  sur  ces  deux 
poêles  et  sur  d'autres  e'crivains  de  la 
mêaie  famille,  \es  /Mémoires  de  Pa- 
quot  pour  servir  à  l'histoire  lit- 
téraire des  Pays-Bas ,  éd.  in-fol., 
II,  469  et  suiv.  W — s. 

BXINSKI  (  AiEXAKDEE  ,  comte 
de  )  ,  né  à  Cracovie  en  1788  ,  d'une 
ancienne  famille  ,  reçut  une  éduca- 
tion soignée  dans  la  maison  pater- 
nelle ;  parcourut  ensuite  divers  pays 
et  entra  en  i8oy,  comme  volontaire, 
dans  la  légion  polonaise  au  service 
de  France.  Il  parvint  rapidement 
au  grade  de  capitaine  ,  signala  sa 
bravoure  dans  la  guerre  d'Espa- 
gne 5  devint  major,  et  suivit,  en 
1812  ,  les  troupes  fiancaises  en 
Russie.  Lors  du  désastreux  passage 
de  la  Bérésina  ,  il  concourut  a  sus- 
pendre pendant  quelques  heures  la 
marche  des  ennemis ,  sans  quoi  l'ar- 
mée française  eût  eu  a  déplorer  des 
perles  lieaucoup  plus  considérables. 
Napoléon  apprécia  ce  service  et  le 
nomma  major-général.  Bienlôl  après, 
le  chagrin  de  voir  ses  espérances  pa- 
triotiques déçues  ayant  altéré  sa 
sanlé  ,  il  accepta  sou  congé  et  retour- 
na en  Pologne.  Depuis  cette  époque , 
Bninskl  vécut  a  Varsovie  dans  une 
profonde  retraite ,  évitant  jusqu'au 
moindre  contact  avec  les  agitateurs 
qui  alors  abondaient  en  Pologne, 
et  (pi'il  regardait  comme  le  plus  grand 
fléau  de  sa  patrie.  Il  se  trouvait  dans 
une  terre  de  sa  femme  ,  sur  les  fron- 
tières de  la  Lithuanie,  lorsqu'il  reçut 
lanouvcllederinsurrecliondui29nov. 
i85o.  Soit  qu'on  lui  représentât  cet 
événement  sous  de  fausses  couleurs  , 
soit  que  ,  par  suite  de  son  long  iso- 
lement du  monde  et  des  affaires,  il 
se  fît  Illusion  sur  le  véritable  état 
du  pays  et  qu'il  ajoutât  foi  aux  plain- 
tes des  mécontents ,  son  ardeur  pa^ 
triolique  se  réveilla;  il  quitta  a  l'iu- 


BO 


395 


slant  même  sa  famille  ;  et ,  malgré  le 
froid  excessif  et  la  hauteur  de  la 
neige  ,  11  alla  à  pied  a  Varsovie.  Ar- 
rivé dans  cette  ville,  il  fut  élu  séna- 
teur et  se  chargea  spontanément  de 
la  difficile  mission  de  pourvoir  l'ar- 
mée de  vivres  ,  mission  qu'il  remplit 
avec  un  zèle  que  trahirent  ses  forces 
physiques.  Accompagnant  un  con- 
voi pendant  la  nuit  ,  il  fut  atteint 
du  choléra ,  qui  mit  un  terme  à 
sa  vie  le  i5  juin  i83i.  Les  troupes 
se  ressentireni  bientôt  do  la  perte 
qu'elles  avaient  faite  en  lui,  car  après 
sa  mort  le  service  des  approvlsion- 
uemenls  fuL  si  mal  assuré,  qu'il  ne 
put  plus  y  avoir  de  régularité  dans 
les  distributions,  chose  qui  exaspéra 
au  plus  haut  degré  les  soldats,  et  de- 
vint la  cause  de  nombreuses  déser- 
tions. Peu  de  temps  avant  sa  fin, 
Bnlnstl  comprit  dans  quel  abîme  de 
maux  l'insurrecliou  avait  précipité  la 
Pologne  ,  et  11  prédisait  a  qui  voulait 
l'entendre  l'iî^sue  qu'en  effet  la  révo- 
lution ne  tarda  pas  a  avoir.  Ses 
dernières  paroles  furent:  «Dieu  tout- 
ce  puissant,  délivre  ma  patrie  de  ses 
«  ennemis  intérieurs  !  »  On  a  de  lui 
plusieurs  ouvrages  écrits  en  polonais, 
entre  autres  :  I.  Traité  sur  l'exer- 
cice de  V infanterie  polonaise^  Var- 
sovie ,  181  0  ,  in-8°.  II.  Traité  sur 
la  cavalerie^  ibid.  ,  181 1  ,  in-8''. 
III.  Tables  de  logarithmes ^  ibid., 
I  8 1 8 ,  in-4.°.  IV.  Traité  d'arithméti- 
que, Plotsko,  1822  ,  in-8°.  M — A. 
BO  (Jean-Baptiste)  ,  député  a  la 
convention  nationale,  exerçait  la  pro- 
fession de  médecin  avant  l'année 
1789  ,  qui  le  trouva  établi  h  Mur- 
de-Barrcz,  dans  le  déparlement  de 
l'Aveyron.  Suivant Prudhomme(//i.v- 
toire  des  crimes  de  la  révolution), 
Bô  avait  été  musulman  a  Con- 
stantluople  ,  où  quelque  temps  il  fut 
employé  comme  chirurgien  ,   et  en- 


3<)G 


BO 


suite  juif  sur  lesbords  du  Rliîn  ;  mais 
celte  singulière  asserlion  aurait  be- 
soin d'être  prouvée.  Dès  l'ouverture 
des  états  i?énéraux,  il  se  prononça 
de  la  manière  la  plus  exaltée  en  fa- 
veur des  idées  de  réformalion  ,  et  fut 
élu  ,  en  1790.  procureur-svndic  du 
district  de  Mur-de-Barrez.  Le  dépar- 
tement de  l'Aveyron  l'envoya  comme 
député  a  rassemblée  législative  en 
1791;  et,  satisfaits  du  zèle  qui  lui 
tenait  lieu  d'éloquence  ,  car  Bô  n'y 
avait  jamais  pris  la  parole,  ses  com- 
mettants  le  nommèrent  de  nnuvpan 
lorsque  la  Convention  remplaça  l'as- 
semblée législative.  Bô  se  distingua 
parmi  les  plus  effrénés  révolutionnai- 
res. Il  vota  la  mort  de  Louis  XVI, 
sans  appel  et  sans  sursis  Dans  son 
Opinion  sur  le  Jugement  de 
Louis  Capet  se  trouvent  données 
a  Louis  XII  les  épilhètes  de  scé- 
lérat, de  serpent,  de  tigre,  de 
monstre.  Et  tous  les  rois  sont  appe- 
lés brigands,  voleurs  ,  loups  affa- 
més. Ainsi  le  style  de  ce  discoursn'a, 
comme  le  fond  des  idées,  que  des 
formes  grossières  et  barbares.  Bô 
ne  déplova  pas  moins  de  fureur 
dans  la  révolu'.ion  du  3  i  mai  1790. 
Son  exalt;)tinn  lui  vabit  diverses 
missions  dans  les  départements  ,  dont 
bientôt  il  devint  l'horrt- ur  et  l't  ffroi. 
Envoyé  en  Corse  dans  le  mois  de  juil- 
let,  il  fut  incarcéré  a  Marseille  par 
les  autorités  fédéralistes.  Mais  ses 
col'ègues  Rovère  et  Poullier,  en  mis- 
sion dans  le  midi,  seconHés  par  l'ar- 
mée de  Carlaux,  le  délivrèrent.  Dans 
les  Ardennes,  'a  Marne  et  l'Aube  ,  il 
épura  les  outoiilés  cons'.iluées  dont 
l'boslililé  se  manifestait  trop  vive- 
ment depuis  la  cbute  des  Girondins  5 
et  il  annonça,  dans  une  lettre  aux  ja- 
cobins de  Paris,  l'arrestaticm  d^s 
administrateurs  qu'il  avait  ordonnée. 
Le  Cantal  subit  les  mêmes  mesures; 


BO 

et,  comme  là  on  ne  se  soumellait  pas 
sans    réserve  ,  les    persécutions    de 
tout  genre  furent  bientôt    a  l'ordre 
du  jour.  Bô  y  établit  une  commission 
révolutionnaire.  Les  bommes  les  plus 
immoraux    formaient    son    conseil  : 
des  taxes  exorbitantes    furent    arbi- 
trairement imposées  ;  lesdéprédations 
et  le  pillage  furent  organisés.  On  as- 
sure  que  les  séides   du  commissaire 
de  la  Convention   s'étaient  procuré 
des  sceaux  pnreils  à  ceux  de  Worms 
et  de  Coblentz  ,  et  qu'ils  parcouraient 
le  pays,  levant  des  impôts  à  lenrgre, 
et    menaçant    ceux   qui  bésitaient  à 
pnycr  de  les  accuser  de  correspon- 
dance avec  les  émigrés  en  produisant 
contre    eux    des    lettres   scellées  du 
sceau  de  l'émigration.  Dans  le  Lot  , 
oi'i    il    passa   ensuite ,    Bô   suivit    la 
même  marcbe.     Les  paysans   même 
n'étaientpas  kl'abri  de  ses  exactions, 
et,  en  criant  guerre  aux  cbàleaux  ,  il 
ne    disait  pas  paix  aux  cbaumières. 
Il  arrachait  dans  les  campagnes  jus- 
qu'aux croix   d'or  que   portaient  les 
femmes.  Cette  ex[)éditive  manière  de 
battre  monnaie  souleva  l'indignation 
générale  contre  lui  :  il  n'est  pas  éton- 
nant que,  dans  l'effervescence  causée 
par  tant  de  raaUienrs  ,    quelques-uns 
de   ces  bommes   méridionaux  ,    chez 
qui  la  baine  est  si  vive  et  si  prompte 
a  frapper,  aient   voulu   attenter  a  sa 
vie (i). Une  insurrection  faillit  éclater 
dans  le  district  de  Figeac  \  et,  si  elle 
n'eût  été   étouffée   en    quelijue  sorte 
avant  d'éclore,  il  est  probable  que  le 
commissaire  de  la  Convention  aurait 
été  mis  en  pièces.  Sa  fureur  en  re- 
doubla et  devint  pre>que  de  la  dé- 
mence. On  a  écrit  qu'une  jeune  fille 
étant  venue  lui  demander  son   père  , 
qui  était  enfermé  dans  un  cacbot  ,  il 

{<)  A  Aurillac  on  lai  lira  un  coup  de  fusil  et 
on  le  manqua;  les  aulcurs  de  celte  tentalive 
)>iTirpiil    sur  réchafaud. 


BO 

liii  répondit  :    «  Sois  tranquille ,  Je 
«  ne  veux  que  sa  tète-  je  le  laisserai 
Cl  le   Irouc.  3>    On  lui   témoignait  au 
nom  du  peuple  de  Cahors  de  l'inquié- 
tude  sur  les  subsislances  :  pour  ras- 
surer les  habitants  du  Lot,   il    pro- 
mettait qu'avant  peu  lui  et  sesaffidés 
réduiraient  la  population  ,  de  plus  en  . 
plus    exubéraulc,    de    la   France  a 
douze  millions  d'individus.   «  En  ré- 
«  volut  ou  ,  disail-il ,  on  ne  doit  con- 
a  naître  ni  parents  ni  amis  :   le  fils 
K  peut  égorger  son  père,    s'il  n'est 
«  pas  a  la  hauteur  des  cil  constances.  5> 
Lu  tel  langage ,    s  il   n'était   avéré  , 
serait  incrovable,   tant  il  est   absur- 
de ,  tant  l'imbécililé  ici  égale  ,   sur- 
passe la  barbarie.  C'en  est  plus  qu  il 
ue  faut  pour  bien  compre  idre  toute 
l'ineptie  de  l'homme   qui   le  tenait. 
Après  le  9  thermidor,  Bô  parla  (en 
novembre  1794)  contre  Carrier,  qui 
se    disait    son    ami    d'enfance.    Un 
décret  rendu  le  26  janvier  1795,  sur 
la  proposition  de  Grauel,  ordonna  la 
punition  des  factieux  qui  l'avaient  in- 
sulté et  emprisonné  à  JMarseille   en 
.  1795  ■  mais ,  six  jours  après  ,  le  dé- 
cret fut  rapporté  sur  la  proposition 
de  Durand-.Viaillaue,  qui  déclara  que 
l'insulte  faite  à  Bù  avait  été  sullisain- 
raeut  vengée  par  le   sang  répandu  à 
Marseille  et  a  i  oulon.  Bô  parla  dans 
cette  discussion  et  manifesta  des  opi- 
nions conciliantes.  Un  décret  du  1 1 
mars  l'envoya  eu  mission  a  l'armée 
des  Pyrénées-Occidentales,  mais  la 
paix  conclue  le  22  juillet  avec  l'Es- 
pagne l'empêcha  d'y  jouer   un  rôle. 
Ce  n'est  qu'un  an  après  la  chute  de 
Robespierre  que  Bô  lut  dénoncé  par 
les  villes  de  Sedan  et  de  \'itry-sur- 
Marne ,  comme   provccaleiir  de  l'a- 
narchie, et  par  les  habitants  du  Lot, 
pour  avoir  fait  juger  des  malheureux 
à  huis-clos  et  sans  jury.  Genissieux, 
dans  un  rapport  foudroyant,  articula 


BO 


3y7 


sur  son  compte  les  incriminations  les 
plus  fortes.  Aubanel  et  L(.tficial ,  en 
prenant  sa  défense,  ne  purent  qu'in- 
voquer le  plus  triste  des  subterfu^^es^ 
le  défaut  de  pièces,  de  preuves  suffi- 
santes (2).  Le  débat  ne  se  termina  pas 
immédiatement.  Enfin  pourtant  la 
Convention  se  déclara  :  Bù  lut  décrété 
d'arrestation,  le  9  août  1790,  pour 
vexations  et  cruautés  de  toute  espèce 
commises  pendant  ses  missions.  L'am- 
nistie du  4  brumaire  au  IV  vint  bien- 
tôt le  tirer  de  là;  il  recouvra  la  li- 
berté; mais  son  rôle  politique  était 
fini.  Merlin  de  Douai  gratifia  sa  nul- 
lité d'une  place  de  chef  du  bureau 
des  émigrés  au  ministère  de  la  police. 
Mais  le  consulat  fut  plus  sévère  que  le 
directoire  :  Bô  perdit  sa  place  a  la  fin 
de  1799.  Alors  il  reprit  ses  fonctions 
de  médecin ,  et  il  alla  exercer  cette 

(2)  11  faut  aire  que  Lofliciul  ,  députe  de 
l'Ouest ,  liouinie  sage ,  motlérc  ,  el  premier  [>aci- 
ficaleur  de  la  Vendée,  dans  l'an  lll,  ne  con- 
uai^sail  bien  di:  Bo  que  sa  ion  uite  à  iNantcs  ; 
oii ,  arrivé  a|)rc  s  le  départ  de  Carrier,  plusieurs 
mois  avant  la  cUute  de  Soliespierre ,  U  semljla 
ne  cbercber  qu'a  réparer  les  désastres  ou  du 
inuins  à  consoler  les  indheurs  de  celle  grande 
cité,  lléuni  à  son  collègue  Bourboite,  il  osa 
faire  incircér-T  tous  les  membres  de  l'horrible 
comiterevolutionnaire,  ainsi  queses  principaux 
agents,  et  mc:tire  en  liberté  les  victimes  de  ses 
fureurs,  qui  existaient  encore.  C'était  beai. coup 
entreprendre  ,  car  rien  n'annonçait  encore  lare- 
volutiiin  de  tbermidor.  li  i  traduisit  au  triluual 
rcvol  iliunnairo  tons  les  menii»res  du  comité  ,  .  t 
ce  fut  a  Versailles  seulement,  oii  ils  arrivèrent 
enchaînes,  le  g  lliermijor,  qu'ils  apprirent  avcc 
une  sur[)rise  extrême  les  grands  evènein.-nts 
de  cette  journée.  On  trouve  tous  ces  dé- 
tails dans  la  lictation  du  -voyage  des  cent  trente- 
deux  Nantais  emojês  à  Pans  par  le  comité  re\'ii' 
luiionnaire  de  Nantes.  On  y  lit  enfin  (page  43) 
que  les  Nantais  bcniient  lio  ,  et  qu'il  laissa  dans 
leur  ville  un  souvenir  qui  ne  mourra  Jamais, 
Ainsi  l'homme  est  souvent  inexplicable.  I,a  der- 
nière mission  de  Bo  parut  elre  un  désaveu  et 
comme  nue  amende  lionorable  des  fureurs  de 
SCS  jue^nicrs  proconsulats.  Les  travaux  législa- 
tifs de  lîù,  djns  le  sein  de  la  Convention,  furent 
presque  nuls.  Membre  du  comité  des  secours 
publics ,  il  fit  accorder  une  pension  de  600  fr. 
au  citoyen  Sans,  pour  /a  découverte  de  l'électricité 
médicale.  U  présenta  ,  à  la  suite  d'un  rapport  , 
un  projet  de  décret,  sur  les  bases  de  l'organisa- 
tion générale  des  secours  publics  (in-S"  de  ">  p  ). 
l.'idee  des  dépots  de  niei.dicité,  qui  furent  établis 
dans  la  suite,  6C  trouve  dans  l'article  ij  de  ce 
projet.  V— vii. 


398  BOA 

profession  à  Fontainebleau.  C'esl  là 
qu'il  mourut  en  1812.  Oa  a  de  lui  uue 
Topographie  médicale  de  Fontai- 
nebleau y  Vàiis  ,  iSiijin-S''. 
A — T  et  P — OT. 
BOARETTI    (Tabbé    Fran- 
çois), littérateur,  né  en  1748,  dans 
un  village  près  de  Padoue  ,   acheva 
ses  études  au  séminaire  de  cette  vil- 
le, avec  un  tel  succès  que  ses  maîtres 
l'associèrent    sur-le-champ    a    leurs 
travaux.    Nommé    professeur    d'élo- 
quence sacrée  eu  1785,  au  gymnase 
ecclésiastique   de  Veuise  ,  il  occupa 
cette  chaire,   pendant  dix  ans,  de  la 
manière  la  plus  brillante.  Le  chagrin 
que  lui  causa  la  suppression  de  cette 
école,  en  179 5,  fut  si  vif  que  peu  de 
jours  après    il  eut  une  atlaque  d'a- 
poplexie. En  vain  le  sénat,  informé 
de    sa    situation,   s'empressa  de  lui 
confirmer  son  traitement  par  un  dé- 
cret,   qui,    plus  tard,  fut  respecté 
par  les  partisans  de  la  démocratie. 
Le  coup  élait  porté.  Boaretti  ne  fit 
que  languir  et  mourut  a  Venise,    le 
1 5  mai  1799,  a  5i  ans.   Doué  d'une 
grande    capacité    d'esprit   et   d'une 
vaste  mémoire  ,  il  s'élait  rendu  très- 
habile  dans  les  langues,  la  théologie, 
les  mathématiques  ,   la  physique  ,  la 
chimie  et  le  droit  naturel.  Les  nom- 
breux ouvrages  qu'il  apubliésj  quoi- 
que écrits  avec  précipitation  ,  décè- 
lent  un  véritable    talent.  Outre  des 
thèses  [Assertiones  philosophicœ) 
Padoue,  1783  ,  in-8",  et  des  poésies 
dans  les  Raccolte,  on  a  de  Boaretti  : 
I.  Les  Trachiniennes  de  Sophocle  ; 
V  Electre  ,    Y  Hé  cube ,   V  Iphigénie 
en  Tauride  et  la  Médée  d'Euripide, 
trad.   in  versi  sciolti ,  publiées  sé- 
parément ,    in- 8°    U.  U Hymne  à 
Cérès  d'Homère ,  in  versi  sciolti, 
Padoue,  1784,  in-B-'.  YSl.Ulliade 
d'Homère,  in  otiava  j^ima,  Venise, 
1788,  2  vol.  in-8°.  Les  douze  pre- 


BOA 

miers  livres  avaient  paru  sous  le  li- 
tre d'Omero  in  Lombardia.  Betli- 
nelli  parle  de  cette  traduction  avec 
éloge.  IV.  Les  Psaumes  de  David, 
ibid.,  1788,  2  vol.  iu-8°.  Cette  ver- 
sion est    estimée.  V.    Dotlrina  de' 
padri  greci  relativa   aile  circos- 
tanze  délia  chiesa    net  secolo  1 8 
tratta  de'   testi  originali ^    ibid., 
1791  ,   2   vol.  in-8°.  VL  UEcclé- 
siaste  de  Salomon  traduit  en  prose, 
ibid.  ,  1792,  in-8".  \II.  Le  Livre 
de  la  Sagesse,  ihïà. y  1792,  in-S", 
précédé  d'une  dissertation  où  Boa- 
retti   réfute    les   principes    éuoucés 
par  l'abbé   jNicol.  Spcdalieri  ,   dans 
son  livre  :  De'  diritti  de  II'   uomo , 
sur  l'origine  de  la  souveraineté  ,  les 
droits  des  princes  et  les  devoirs  des 
sujets.  VIIL  Pensieri  sulla   trisc" 
zLone dell' angolo ,  ib.,  1 793,  in-4°. 
Cet  ouvrage  a  été  critiqué  par  Vinc. 
Dandolo.    On    peut  consulter    pour 
des  détails  la  Storia  délia  lettera- 
tura  di  Venezia,  par  le  P.  Mos- 
chini,  273-76  et  les  V  itœ  virorum 
illustriwn  seminar.  Patavini,  4l3, 
où    se   trouve    l'éloge   de   Boaretti. 
W— s. 
BOATON    (  Pierre-François 
DE  ) ,  lilttérateur  ,  naquit,  en  1734, 
a   Longiraud  près  d'Aubonne  ,  dan* 
le  pays  de  Vaud,  d'une  famille    ho- 
norable. Ayant  embrassé  l'état  mili- 
taire ,  il  obtint  une  compagnie  dans 
un   des  régiments  suisses  au  service 
du  roi  de  Sardaigue  5   mais  sa  santé 
l'obligea  bientôt  de  renoncer  a  cette 
carrière  ;     et   le    général    Lentulus 
{V.  ce  nom,  XXIV,    io5)    le  fit 
nommer  gouverneur  a  l'école  militai- 
re de  Berlin.  Quelques  désagréments 
qu'il  enta  essuyer,  de  la  part  d'uu  de 
ses  supérieurs,  le  décidèrent  a  quitter 
celte  place  5   et  il  ouvrit  dans  la  ca- 
pitale   de   \x  Prusse  un  pensionnat 
qui,  dès  la  première  anuée^  réunit  un 


BOB 

grand  uombre  d'élèves.    Cependant 
il    aliandonua  rétablissement    qu'il 
venait  de  créer,  pour  se   cbarger,  à 
des  conditions  très-avantageuses ,  de 
Téducalion  du  fils  unique  d'un  riche 
banquier  de  Berlin.  Devenu  libre  ,  et 
jouissant  d'une  honnête  aisance,  qu'il 
devait  a  sou  travail  et   a  sou  écono- 
niie,  Boaton  consacra  le  reste  de  sa 
vie  à  la   culture  des  lettres.  Il  fut 
nommé    membre    de  l'académie   de 
Berlin,  et  mourut   en  cette  ville  au 
mois  de  juin    i79/t.  Outre  quelques 
pièces  fugitives  dans  le  journal   de 
Berlin  ,    on  lui  doit  :  I.  Une  traduc- 
tion eu  vers  français  des  Idylles  de 
Gessner,  Berlin,    177 5;    Copenha- 
gue, 1780,   in-8°.  II.  Des  Essais 
en  vers  et  enprose^  Berlin,  1782  , 
in-8''.  UI.  Obevon,  poème  de  Wie- 
laud,  Irad.  eu  vers  français  et  en  oc- 
taves, ibid.,  1784,  in-8°.  Celte  tra- 
duction, dédiée  à  Wieland  ,  sans  être 
parfaite,  est  pourtant  bien  supérieure 
à  celle  du  comte    de  Borch  (  V.    ce 
nom,  ci-après).  IV.  La  mort  cl' A- 
bel,  poème  de  Gessner,  trad.  en  vers 
français,  ibid.,  1785,  et  Hambourg, 
1791.    Boaton  a   laissé  manuscrites 
quatre    pièces  de  théâtre  :  La  Bar- 
be-Bleue.F  adlallah,  roi  de  Mous- 
sul ,    le  Triomphe    de   la  bienfai- 
sance et  V Avare  dupé.  Denina  lui 
a  consacré  une  courte  notice  dans  la 
Prusse  littéraire.  \V — s. 

BOBOLIXA,  héroïne  de  la 
Grèce  moderne ,  appartenait  a  une 
riche  famille  albanaise.  Son  mari  , 
officier  dans  le  corps  des  Armatolis , 
alors  au  service  de  la  Porte,  fut  exé- 
cuté en  1812,  sans  doute  comme  en- 
tretenant des  liaisons  avec  Ali.  Bo- 
bolina  devint,  dès  ce  jour,  l'ennemie 
acharnée  des  Turcs.  Sitôt  que  la  révo- 
lution grecque  éclata,  elle  arma  trois 
vaisseaux  kses  frais, et  envoya  ses  deux 
fils  àravant-garde  de  l'armée  de  terre 


BOB  399 

ferme.    Elle-même  voulut  assister, 
avec  l'élite  des  chefs  grecs ,  au  long 
siège  de  Tripolilza,  non  comme  sim- 
ple spectatrice,  mais  comme  guerrière 
intrépide  (1821).  Elle  j  fit  des  pro- 
diges  de  valeur.  Ce  ne   fut  pas  sou 
seul  mérite.  Voyant  combien  le  dé- 
faut de  concert  nuisait  aux  opérations 
des  Grecs  ,  elle  essava  de  faire  cesser 
leurs  divisions  et  eraplova  toute  son 
influence  à  leur  persuader  que,  sans 
l'unité  de  pouvoir  et  de  vues  ,    leur 
cause    était  perdue.    Ses    efforts  fu- 
rent inutiles ,   mais  peut-être  contri- 
buèrent-ils  a  jeter    les   germes  de 
quelques  idées  plus  raisonnables  chez 
des  hommes   indomptables.  En  at- 
tendant ,  les   discordes    entre  l'ar- 
mée navale   et  l'armée  de  terre   en 
vinrent  au  point  que  les  navarques. 
(chefs   de   vaisseau)    se  retirèrent. 
Forcée   de  les  suivre  ,   elle  fit  hom- 
mage de  ses   vaisseaux  a   la  patrie. 
Chargée   plus    tard    d'appuyer  avec 
une    division     navale  le    blocus   de 
Naupli  de  Romanie  ,  elle  y  déploya 
la  même  vigueur  ,  mais  peut-être  la 
poussa-l-elle  trop   loin.  En  vain  les 
Turcs,  renfermés  dans  la  ville  et  pri- 
vés   de    leurs  communications   avec 
Fatras,  demandèrent-ils  une  capitula- 
tion.  Elle  s'y    opposa  d'autant  plus 
éncrgiquement  que  son  fils  aîné  venait 
de  périr   sur  le  champ  de   bataille. 
Rien  ne  put  faire   fléchir  sa  déter- 
mination. Cependant,    lorsque  le  12 
déc.  1822,  la  ville  fut  prise  d'assaut 
par  la  bravoure  de  Stoïkos,  les  Grecs 
laissèrent  la  vie    sauve  a  un  millier 
de  prisonniers  et  au  pacha j   ce  fut 
le  premier    exemple    de  modération 
donné  dans  cette  affreuse  guerre.  La 
conquête  deîSaupli  élait  la  plus  im- 
portante   que  les  Grecs  eussent  faite 
jusque-là  :  elle  leur  donnait  quatre 
cents  canons  de  bronze  ,  une  ville  for- 
te, un  port  militaire  a  l'abri  de  tou- 


/,oo 


BOC 


te  surprise ,  ime  capitale  commode 
et  uu  centre  ou  une  base  d'opéralioiis 
parfaite.  Boboliua,  décidément  de- 
venue guerrière,  ne  cessa  pas  de 
prendre  part  aux  opéralions  des 
Grecs,  et  principalement  à  celles 
dont  l'Argolide  fut  le  théâtre.  Uue 
de  ces  rixes  qui  prouvent  combien 
la  civilisation  est  restée  en  arrière 
daus  certains  pays  vint  mettre  fin 
a  sa  carrière  en  1826.  Son  frère 
avait  séduit  une  jeune  Grecque.  Les 
parents,  les  amis  de  celle-ci  ne  virent 
rien  de  mieux  à  faire  que  de  courir 
aux  armes ,  afin  de  venger  leur  inju- 
re :  ils  se  rassemblèrent  en  tumulte 
devant  la  maison  de  Boboliua,  qui  ou- 
vrit uue  fenêtre  et  les  harangua  en 
termes  assez  hautains.  Soit  mécon- 
lentemeul  de  ce  lungage ,  soit  dessein 
préuiédité  ,  un  d'eux  lui  tira  un 
coup  de  (usil ,  et  Boboliua  tomba 
morte  sur-le  champ.         P — ot. 

lîOCAGE.    Foy.    DcBOCAGE  , 
XII,  61. 

BOCCAGE  (Pierre -Joseph 
FiQUET  du),  mari  de  la  femme  cé- 
lèbre qui  compta  parmi  ses  admira- 
teurs les  écrivains  les  plus  distingués 
du  dix-huitième  siècle  {f-^.  Boccage, 
IV,  6  1  5  ) ,  cultiva  lui-même  la  litté- 
rature avec  quelque  succès.  Ké  ,  en 
1700,  a  Rouen,  il  entra  jeune  dans 
les  finances,  et  obtint,  eu  se  mariant, 
la  place  de  receveur  des  tailles  a 
Dieppe.  A  lexemple  de  sa  femme, 
et  sans  doute  par  ses  conseils,  il 
consacra  ses  loisirs  à  la  culture  des 
lettres.  Il  avait  fait  une  étude  parti- 
culière du  théâtre  anglais;  et  sans 
partager  l'enthousiasme  de  quelques- 
uns  de  nos  contemporaius  pour  un 
genre  A:  pièces  (pi'ds  ont  tenté  de 
mettre  a  la  mode,  d  essaya  de  faire 
connaître  les  productions  dram;iti- 
ques  ,  alors  nouvelles,  des  Anglais 
daus  des  Iraductiojis  dont  il  eut  sohi 


BOC 

de  retrancher  les  situations  ou  les 
passages  qui  auraient  pu  choquer  des 
lecteurs  moins  habitués  que  ceux  de 
nos  jours  a  des  émotions  fortes. 
11  put  jouir  de  l'accueil  que  re- 
çurent les  principaux  ouvrages  de 
sa  femme,  et  mourut  a  Rouen  ,  au 
mois  d'août  1767.  On  a  de  lui  :  I. 
Mélanges  de  d  ffèrentes  pièces  de 
vers  et  de  prose,  traduites  de 
Vaiiglais ,  d'Elise  Hagwood,  Suzan- 
ne Cenllivre  ,  Pope,  Souihcrn  ,  etCt, 
Berlin(Rouen),  1751,  3  vol.  in- 12. 
C'est  dans  ce  recueil  que  l'on  trouve 
Oronoko ,  ou  le  prince  nègre^ 
drame  de  Southern  ,  et  V  Orpheline, 
de  misiriss  Cenllivre.  II.  Lettres 
sur  le  théâtre  anglais,  avec  une 
traduction  de  V Avare ,  comédie  de 
Shadvvell  (/^. ce  nom,  XLII,  218), 
et  de  la  Femme  de  campagne,  co- 
médie de  Wicherley  (Rouen),  1752, 
2  vol.  in- 12.  W — s. 

BOCCAGE  (  Manoel  -  Maria 
Barbosa  du),  célèbre  poète  portu- 
gais ,  de  la  même  famille  que  le  pré- 
cédent,  naquit  à  Seluval  en  1771, 
fils  d'un  magistrat.  Après  avoir  ter- 
miné ses  premières  études  dans  les 
écoles  primaires  et  secondaires,  il  en- 
tra dans  le  corps  des  gardes-marines, 
mais  il  ne  tarda  pas  à  en  soi  tir.  Ayant 
offensé  le  minisire  de  la  marine, 
comte  de  Saint-Vincent,  par  une  ré- 
partie très-piquante,  celui-ci  le  fit  em- 
barquer pour  Goa,  après  l'avoir  expul- 
sé du  corps.  Arrivé  dans  l'Inde,  plus 
heureux  que  Camôens,  du  Boccage 
fut  bien  accueilli  par  ses  compatrio- 
tres ,  et  il  trouva  partout  des  amis  gé- 
néreux, grâce  au  talent  poétique  et  a 
l'extrême  facilité  d'improvisalion  qu'il 
poNsédait  a  un  degré  peu  commun. 
Malheureusement  pour  le  jeune  poète, 
la  nature  ,  si  prodigue  de  ses  dons  , 
lui  dvait  fait  le  funeste  présent  d'une 
verve  satirique  qui  n'épargnait  per- 


BOC 

sonne.  Pendant  son  séjour  k  Macao  , 
du  Boccage,  entraîné  par  ce  penchant, 
fil  un  poèine  mordant  contre  la  maî- 
tresse du  premier  magistral,  et  Fersa 
le  ridicule  sur  cet  lioramc,  un  de  ses 
bienfaiteurs.  Obligé  de  fuir,  il  retour- 
na à  Goa,  où  il  trouva  un  prolecleur 
et  un  ami  dans  JoatjuimPereirad'Al- 
meida.  Ce  riche  négociant  le  ramena 
à  Lisbonne,  et  mit  sa  maison  et  sa 
bourse  k  la  disposilion  du  poète. 
Exempt  de  souci  ,  du  Boccage  se 
livra  dès-lors  avec  ardeur  au  culte 
des  Muses  et  a  toutes  sortes  de  plai- 
sirs Doué  d'une  imagination  ardente, 
rimant  avec  une  inconcevable  facilité, 
et  incapable  de  toulc  application  sui- 
vie, il  se  voua  entièrement  a  l'improvi- 
sation ,  et  se  vit  bieulùt  entouré  d'ad- 
mirateurs qui  ne  pouvaient  se  lasser 
d'écouter  le  flot  intarissable  de  pen- 
sées ,  d'images  et  d'expressions  heu- 
reuses et  varie'es  qui  jaillissaient  du 
cerveau  de  ce  favori  d'Apollon  avec 
plus  de  rapidité  que  la  parole  ne  pou- 
vait les  reproduire.  Faire  dix,  vingt, 
cent  sonnets  ,>ur  un  sujet,  les  termi- 
nant tous  par  un  vers  que  donnait  un 
des  auditeurs,  n'était  qu'un  jeu  pour  du 
Boccage  5  il  improvisait  souvent  cinq 
et  six  heures  de  suite ,  et  plus  il  avan- 
çait, plus  les  images  s'amoncelaient 
dans  sa  léle  volcanique  :  c'était  véri- 
tablement la  Pythie  remplie  de  son 
dieu.  Plus  d'une  fois  nous  l'avons  vu, 
suffoqué  k  force  de  verve  ,  n'avoir 
plus  la  force  d'articuler  ce  que  l'ima- 
gination lui  dépeignait.  Ce  qui  ajoutait 
encore  au  prudige,  c'était  la  faculté 
précieuse  d'une  mémoire  telle  , 
qu'il  pouvait  k  volonté  répéter  une 
pièce  quelconque  de  celles  qu'il  ve- 
nait d'improviser  j  il  suffisait  pour 
cela  de  lui  en  désigner  un  trait  ca- 
ractéristique. Les  improvisateurs 
sont  aussi  communs  en  Portugal 
qu'en  Italie,    et  du  temps  de  notre 


BOC 


•ioi 


poète  il  y  en  avait  de  Irès-remar- 
([uables  ;  mais  jamais  on  n'en  avait 
entendu  de  comparable  k  du  Boc- 
cage ,  soit  pour  la  fécondité  des 
images,  soit  pour  le  choix  des  ex- 
pressions et  le  mérite  réel  des  pro- 
ductions sorties  du  premier  jet  de 
son  cerveau.  11  savait  k  fond  le 
latin,  le  français,  l'italien,  l'espa- 
gnol 5  et,  commeil  n'oubliait  rien  de 
ce  qu'il  avait  lu  ,  il  étonnait  les  plus 
savants  philologues  par  sa  connais- 
sance profonde  des  auteurs  classiques. 
Il  savait  Corneille  ,  Racine,  Voltaire, 
-Créhillon,  Mulière  par  cœur-  et  le 
Tasse,  l'Arioste  ,  Yirgile  ,  Ovide, 
Horace,  Tibulle  ,  et  même  des  au- 
teurs raoius  marquants  lui  étaient 
également  familiers.  L'auteur  de  c-ct 
article  se  rappelle  encore  une  discus- 
sion qui  s'éleva  un  jour  entre  lui  et 
un  savant  professeur  de  rhétorique 
sur  l'usage  d'une  particule  latine  :  du 
Boccage  avait  raison,  et  il  cita  a 
l'appui  de  son  opinion  un  passage  de 
Plante,  dont  l'exactitude  fut  vérifiée 
sur-le-champ.  Si  l'auteur  de  l'His- 
toire de  la  langue  et  de  la  poésie 
portugaises ,  placée  en  tête  du  Par- 
iiaso  Lusitano ,  publié  a  Paris  en 
1827,  avait  mieux  connu  du  Boccage, 
il  n'aurait  pas  dit,  pag.  56  ,  que  ce 
poète  était  peu  versé  dans  sa  langue. 
Rien  n'est  moins  exact:  du  Boccage 
avait  lu  tous  les  anciens  prosateurs, 
surtout  les  poètes  nationaux  ,  et 
nous  l'avons  plus  d'une  fois  entendu 
citer  des  passages  peu  connus  de  ces 
auteurs.  Ce  qui  a*  sans  doute  donné 
lieu  k  cette  supposition  gratuite,  c'est 
que  notre  poète  ,  persuadé  que  la 
langue  portugaise,  telle  qu'on  la  parle 
de  nos  jours,  est  propre  a  tous  les  gen- 
res de  poésie,  a  constam.ment  dédaigné 
d'emprunter  k  l'antiquité  des  expres- 
sions et  des  tournures  surannées,  que 
l'exemple  de  Francisco  Manoel  avait 


402 


BOC 


mises  en  vogue.  II  eut  le  même  soin 
d'éviter  des  locutions  étrangères,  si 
fort  a  la  mode  parmi  les  mauvais  écri- 
vains* mais  il  faisait  remarquer  à 
ceux  qui  déclamaient  sans  cesse  con- 
tre les  gallicismes  que  l'ancien  por- 
tugais en  est  plein.  Jouissant  du  pré- 
sent et  ne  songeant  guère  a  Taveuir, 
du  Fîoccage  mena  pendant  quelques 
années  une  vie  joyeuse^  que  rien  ne 
troublait ,  si  ce  n'est  quelques  accès 
de  jalousie  amoureuse  ,  passion  qui 
chez  lui  prenait  le  caractère  d'iia  vé- 
ritable délire.  Aussi,  la  pièce  qu'il 
a  consacrée  à  cette  terrible  passion 
(O  Ciiime)  est-elle  un  chef-d'œuvre. 
Vers  1797,  il  composa  une  Epîlre 
philosophique  h  la  manière  de 
Voltaire,  dans  laquelle  il  niait  l'im- 
mortalilé  de  l'àme.  Ce  morceau  re- 
marquable fit  une  grande  sensation  , 
et  bientôt  de  nombreuses  copies  ma- 
nuscrites circulèrent  dans  la  capitale. 
L'auteur,  arrêté  par  ordre  de  Tinqui- 
sition,  languit  pendant  quelque  temps 
dans  les  prisons  de  ce  tribunal ,  qui 
à  celte  époque  était  cependant  peu 
redoutable.  Il  y  fut  traité  avec  beau- 
coup de  douceur.  Jj'inlluence  du  mi- 
nistre de  l'intérieur  Scabra  ,  du  duc 
de  Lafôes  et  du  marquis  de  Pombal, 
fils  du  grand  Carvalho,  lui  rendit  la 
liberté;  mais  !a  terreur  que  lui  avait 
inspirée  le  séjour  du  cachot  fit  sur 
son  esprit  une  impression  si  pro- 
fonde qu'elle  abrégea  ses  jours.  Sca- 
bra lui  ayant  oiîert  une  place  de  com- 
mis dans  sa  secrétairerie,  dont  le 
célèbre  N.  Tolenlino  d'Almeida  fai- 
sait partie  ,  il  la  refusa,  alléguant  sa 
répugnance  invincible  pour  nu  travail 
assidu.  Son  esprit  droit  et  indépendant 
ne  pouvait  d'ailleurs  consentir  a  tou- 
cher des  appointements  sans  les  méri- 
ter. Ce  n'est  qu'après  sa  sortie  de  pri- 
son que  du  Boccage  songea  a  l'aire  im- 
primer quelques-unes  de  ses  nombreu- 


BOC 

ses  productious.Vivement  sollicité  par 
ses  amis  ,  qui  se  cliargèrent  des  frais, 
lui  laissant  fout  le  produit  de  l'édi- 
tion, il  consenlil  apublier  un  premier 
volume  ,  qui  fut  suivi  de  quatre  au- 
tres (1798-18-05).  L'impression  ne 
fit  qu'augmenter  la  réputation  de 
l'auteur.  Le  public  fut  saisi  d'admi- 
ration en  lisant  des  vers  qu'il  savait 
avoir  été  improvisés  ,  car  il  était 
connu  que  du  Boccage  ne  relouchait 
jamais  ses  compositions ,  qui  toutes 
avaient  été  faites  d'un  seul  jet ,  sans 
en  excepter  les  traductions.  Le  plus 
souvent  c'était  k  la  suite  d'un  repas 
qu'il  dictait  ses  versions;  et  c'est 
ainsi  qu'en  notre  présence  il  composa, 
sans  préparation  et  à  livre  ouvert,  la 
traduction  de  plusieurs  métamorpho- 
ses d'Ovide,  notamment /(ij'/'rAfl;  et 
cette  traduction  est  un  chef-d'œuvre 
d'élégance  et  de  fidélité.  Vers  la 
fin  de  i8o5,  sa  santé  s'altéra  visi- 
blement, et  un  anévrisme  au  cœur 
l'entraîna  dans  la  tombe  en  1806  , 
après  des  souftrances  cruelles.  Me- 
nacé d'une  suffocation  prochaine ,  et 
pouvant  a  peine  articuler,  il  dicta 
son  dernier  sonnet  ,  empreint  d'un 
sentiment  a  la  fois  philosophique  et 
religieux.  Le  poète  mourant  y  expri- 
me en  beaux  vers  le  vif  remords  qu'il 
éprouvait  d'avoir  fait  un  si  mauvais 
usage  de  sa  vie  et  de  ses  talents.  Il 
termine  par  un  beau  vers,  digne  d'ê- 
tre rapporté,  et  qui  peint  bien  le 
sentiment  qui  remplissait  l'âme  de 
l'auteur  : 

Saiba  niorrer  o  que  v'wer  nàc  soube  , 

dont  le  sens  est  :  Qu'il  sache  mou- 
rir celui  qui  n'a  pas  su  vivre.  Les 
OEuvres  de  du  Boccage  ont  été  im- 
primées a  Lisbonne,  en  6  vol.  in- 12. 
Elles  se  composent  de  Sonnets  , 
d'Épîlres,  dldylles,  d'Elégies,  d'O- 
des ,  de  Satires  ,  de  Cantates ,  d'Epi- 
grammes  et  autres   pièces  fugitives. 


BOC 

Il  a  fait  paraître  à  part  la  Iracliicliou 
des  poèmes  de  Rosset  sur  l'Agricul- 
ture, des  Plantes  de  Caslel  ,  des 
Jardins  et  de  rimaglnalion  de  Delille, 
el  a  lai.^sé  une  traduction  delà  Co- 
lombiade  de  madame  du  Boccage.  Il 
a  aussi  traduit  du  français  le  roman 
de  Gil  Blas.  Dans  les  dernières  années 
de  sa  vie ,  désirant  s'illustrer  par 
quelque  production  importante,  il 
avait  ébauché  le  plan  de  trois  tragé- 
dies :  f^iriatus,  j4lj)honse  Henri- 
quès  ^  et  F asco  de  Gama  ;  mais  il 
n'en  composa  que  quelques  scènes  , 
avDUint  avec  ingénuité  qu'il  crai- 
gnait de  ne  pas  réussir  dans  le  genre 
dramatique.  La  haute  poésie  lyrique 
ne  convenait  pas  non  plus  au  talent  de 
du  Boccage,  que  son  inapplication 
habituelle  rendait  peu  propre  à 
toute  composition  d'une  certaine 
étendue.  L'exubérance  de  sa  verve 
fougueuse  lui  faisait  préférer  des  su- 
jets dont  la  pensée  put  saisir  a  la 
fois  tout  l'ensemble.  Inimitable  dans 
les  sonnets ,  et  sans  rival  dans  les 
traductions  en  vers,  il  s'est  placé  au 
premier  rang  danslidylle,  l'élégie, 
Tépître  philosophique  et  la  satire. 
L'idylle  piscatoire  intitulée  TtHtoii 
a  enlevé  tous  les  suffrages  des  natio- 
naux el  des  étrangers  ;  la  littérature 
portugaise  ne  possède  rien  en  ce 
genre  qui  puisse  être  mis  en  parallèle 
avec  celte  charmante  production.  La 
Grotte  de  la  Jalousie  ^  la  cantate 
Inès  de  Castro,  l'élégie  adressée  à 
son  ami  J.-P.  Pereira  d'Almeida  , 
offrent  des  beautés  du  premier  ordre,* 
mais  on  peut  assurer  que  parmi  les 
poésies  inédites  de  du  Boccage  il 
en  est  qui  surpassent  ce  qu'il  a 
puLlié  de  plus  beau.  îlalgré  son 
penchant  pour  la  satire  ,  il  faut  dire 
a  sa  louange  que  les  traits  les  plus 
sanglants  de  sa  verve  partaient  de 
la  tète  ,  et  non  du   cœur.  Il   était 


BOC 


4o3 


satirique  par  tempérament ,  et  Ja- 
mais il  n'a  dans  ses  vers  attaqué 
deux  fois  le  même  individu.  ISous 
l'avons  souvent  entendu  rendre  une 
entière  justice  au  mérite  de  plusieurs 
de  ses  ennemis  qu'il  avait  voués  au 
ridicule.  Jamais  un  intérêt  sordide  ou 
le  désir  de  plaire  à  un  protecteur  ne 
Tui  dicta  un  seul  trait  satirique.  Du 
Boccage  et  Francisco  Manoel  sont  les 
derniers  poètes  dont  le  Portugal 
s'honore;  car  J.-A.  de  jMacedo  fut 
un  versilicateur  fécond  ,  mais  dé- 
pourvu de  verve  et  de  goiît.      C — o. 

BOCG  ASDO.  Foy.  PiL.vnts , 
au  Slipp. 

BOCEîlUS  (Jeaîî  Boeoekerou 
BoCKER  ,  plus  connu  sons  le  nom  de), 
historien  -  poète  ,  dont  les  récits 
sont  très-exacts  ,  quoique  en  vers 
faciles  et  gracieux ,  nnquit  en  1 525  , 
à  Hausberge,  près  de  iMindcn,  dans 
la  Westphalie.  Il  suivit  a  l'acadé- 
mie de  Wiltenberg  les  leçons  de 
Mélanchthon  ,  et  k  Fraticfort-sur- 
rOder  celles  de  Georges  Sabinus  ,  qui 
passait  pour  le  meilleur  poète  de  soa 
temps.  Les  dispositions  précoces  de 
Bocerus  ne  le  ".arantirent  noint  des 
maux  qui  accomp'ignent  la  m'sere. 
Errant  ,  sans  ressource  ,  il  éprouva 
plus  d'une  fois  la  faim  et  la  privation 
des  objets  les  plus  indispensables.  Il 
a  décrit  lui-même  sa  triste  situation 
dans  un  livre  d'Elégies  touchantes. 
Enfin  le  sort  se  lassa  de  le  puur- 
suivre.  Poète  lauréat,  il  prit  ses  de- 
grés, fut  pourvu  d'une  chaire  de 
droit  à  l'académie  de  Rostock  ,  et 
put  enfin  cultiver  son  talent  pour 
la  poésie.  Doué  d'une  facilité  pro- 
digieuse ,  il  lui  arrivait  souvent  de 
composer  après  souper  une  grande 
quantité  de  vers  excellents  ,  qui 
ne  lui  coûtaient  que  la  peine  de  les 
écrire.  Anrès  avoir  mis  en  vers  la 
généalogie  et  l'histoire  des  ducs  de 

a6. 


Aoii  BOG 

Mecklenbourg  et  celles  des  rois  de 
Danemark,  il  avait  entrepris  de  cé- 
lébrer dans  uu  poème  intitulé  Frau- 
das les  belles  actions  des  rois  de 
France  ,  lorsqu'il  mourut  de  la  peste 
le  6  octobre  i565.  On  a  de  Boce- 
riis  :  I.  F ribergum  in  Misnid , 
Leipzig  ,  i555  ,  in-S"  ,  très  -ra- 
re. Cette  description  de  la  ville  de 
Freiberg  a  été  réimprimée  en  1677, 
in-4-°.  11-  Elcgiarum  liber  priinus , 
ibid.,  i554,  in-8°.  .111.  De  origine 
et  rébus  gestis  ducuni  Megapo- 
lensium  ,  libri  très,  ibid.  ,  i556, 
in- 8".  IV.  Carminum  de  origine 
et  rébus  gestis  reguni  Daniœ  et 
ducuni  Holsatiœ  ,  etc.,  libri  qiiin- 
que  ,\h'\.à.,  1557,  in-8°.  Freyiag  a 
donné  l'analyse  de  ce  poème  .  Adpa- 
rat.  lillerar. ,  I,  283.  V.  Brevis 
illustr  atio  urb.s  Hagensis^  Roslock , 
i56o,  iu-4.'  ,  opuscule  de  lapins 
grande  rareté.  VI.  De  origine,  an- 
tiquilate  et  celebritate  ut  bis  Min- 
dœ  brevis  declaratio y  ibid.,  i563  , 
in-8°.  Vil.  S acrorum  carminum  et 
piarum  precationum  ,  libri  qua- 
tuor, ibid.,  i565,  in-8".  David 
Clément  ,  Biblioth.  curieuse  ,  IV, 
388,  dit  que  ce  volume  fut  réimprimé 
la  même  année  avec  des  additions  • 
mais  ilcst  plus  vraisemblable  qu'après 
la  mort  de  Bocerns  ses  amis  ajoutè- 
jent  quelques  pièces  aux  exemplaires 
qui  restaient  en  magasin,  et  que  les 
deux  éditions  ne  diffèrent  que  par  la. 
Opilz  a  publié  la  f^  ie  de  Bocerus, 
Miudcn,  1  750,  in-4°.        W — s. 

BOCIIAT  (Charles-Gxjillau- 
me-Loïs  DE  ),un  des  écrivains  qui 
se  sont  occupés  avec  le  plus  de  succès 
de  l'histoire  ancienne  de  la  Suisse  , 
naquilj  en  1696,  à  Lausanne,  d'une 
famille  honorable,  qui  a  produit  plu- 
sieurs hommes  de  mérite.  Ajirès 
avoir  achevé  son  cours  de  phi  0- 
sophle  sous  Croulas  et  celui  de  droit 


EOC 

naturel  sous  le  célèbre  Barbey- 
rac  ,  il  fut  envoyé  a  Bàle  pour  étu- 
dier la  théologie.  Mais  étant  tom- 
bé malade  ,  peu  de  temps  après  ,  il 
revint  a  Lausanne;  et  ses  parents, 
craignant  que  la  faiblesse  de  sa  santé 
ne  le  rendît  pas  propre  aux  fonctions 
ecclésiastiques ,  lui  permirent  de  re- 
prendre l'étude  du  droit.  En  17  16,  il 
concourut  pourlacbaire,quele  départ 
de  Barbeyrac  pour  Grocingue  lais- 
sait vacante  •  et  il  l'obtint  avec  Tau- 
lorisalion  de  voyager  pendant  trois 
années ,  afin  de  se  mettre  en  état  de  la 
mieux  remplir.  11  y  joignit  en  1725 
la  place  d'assesseur  5  et  put  concilier 
avec  les  devoirs  de  professeur  ceux 
que  lui  imposait  son  titre  de  magis- 
trat. Vers  le  même  temps  ,  il  devmt 
l'un  des  fondateurs  de  la  Bibliothè- 
que italique  (  V oy.  Bourcuet,  V, 
3  85)  5  et  ce  journal  lui  dut  une  par- 
tie de  ses  succès.  Les  talents  et  le 
zèle  qu'il  avait  montrés  dans  diffé- 
rentes circonstances  furent  récom- 
pensés, en  174-0,  par  sa  nomination 
à  la  place  de  lieutenanl-baillival  du 
canton  de  Lausanne.  S'étant  alors 
démis  de  sa  chaire  ,  il  profita  de  ses 
loisirs  pour  se  livrer  "a  l'étude  des  an- 
tiquités de  la  Suisse.  Il  entreprit  d'a- 
bord la  traduction  de  V Histoire  de 
Lauffer  {Foy.  ce  nom,  XXIII, 
432  )pnais,  trouvant  que  les  origines 
des  Helvétiens  n'y  sont  pas  suffisam- 
ment éclaircies,  il  abandonna  ce  tra- 
vail pour  s'appliquer  h  refaire  l'his- 
toire des  premiers  habitants  de  la 
Suisse  ,  a  l'aide  des  monuments  et 
des  auteurs  qui  en  ont  parlé.  Cet- 
te tâche  immense  n'était  point  au- 
dessus  de  ses  forces,  et  il  l'avait 
déjà  très-avancée  ,  quand  il  mou- 
rut ,  le  4-  avril  i753  ,  laissant  la 
réputation  d'un  savant  distingué  et 
d'un  excellent  citoyen.  Son  zèle  pour 
le  bien  public  l'avait  décidé  ,  sur  la 


BOC 

fia  de  sa  vie,  a  se  charger  des  fonc- 
tions pénibles  de  conirôleur-général. 
Il  avait  ienlé  de  faire  ériger  en  uni- 
versité l'académie  de  Lausanne  5  et 
il  lui  substitua  sa  bibliollièque  ,  non 
moins  précieuse  par  le  choix  que  par 
le  nombre  des  volumes.  Indépen- 
damment de  la  thèse  (  De  optimo 
principe)  qu'il  soutint,  en  17  16,  à 
Bàle  pour  sa  licence  ,  et  de  deux  dis- 
sertations sur  les  antiquités  de  la 
Suisse  dans  le  jMuseuin  Heh'eti- 
citm  ,  op  doit  a  Bochat  :  I.  Mémoi- 
re pour  servir  à  l'iiistoire  des  dif- 
férends entre  le  ^ape  et  le  canton 
de  Lucerne ,  Lausanne,  1727, 
in-8°.  Celte  affaire,  qui  faillit  occa- 
sioner  des  troubles  sérieux  dans 
le  canton  ,  avait  commencé  par  une 
querelle  entre  le  bailli  et  le  curé 
d'un  village  au  sujet  de  la  danse.  Le 
bailli  avait  accordé  la  permission  de 
danser  le  jour  de  la  fêle  du  patron; 
le  cure  le  défendit  a  ses  paroissiens. 
On  dansa  malgré  le  curé  qui  s'en  prit 
au  badli  et  l'invecliva  publiquement. 
Sur  la  plainte  du  bailli,  le  curé  fut 
banni  du  canton.  Le  nonce  du  pape 
en  Suisse  intervint  pour  faire  rap- 
porter la  sentence  ;  et  ce  ne  fut  qu'a- 
près de  longs  débats  qu'on  parvint 
a  un  accommodement.  Bochat  affirme 
que  la  police  appartient  a  l'autorité 
civde ,  et  que  le  clergé  ne  peut 
s'immister  dans  l'administration  .«ans 
de  graves  inconvénients.  Paul-Louis 
Courier  [Koy.  ce  nom,  au  Suppl.) 
a  traité  depuis  le  même  sujet ,  mais 
avec  plus  de  verve  et  de  malice  que 
Bochat.  II.  Ouvrages  pour  et 
contre  les  services  militaires  étran- 
gers, considérés  du  côté  du  droit 
et  de  la  ?}iora/e  ,\h\d.,  'ijog,  in- 8". 
Ce  volume  jcnfeime  une  lettre  tirée 
du  Journal  littéraire  de  La  Haye, 
et  que  fou  croit  de  Saint-Hvacinîbe, 
dans   laquelle   l'anonyme    reproche 


vivement  aux  Suisses  de  fournir  des 
soldats  aux  différentes  puissances  de 
l'Europe  ;  la  réponse  de  Bochat  ;  avec 
ssiReyutationTpsLT  un  second  anoiivme 
(imprimée  a  Genève  en  1731}, et  enfin 
une  autre  réponse  de  Bochat.  lU. 
Cinq  lettres  sur  le  culte  de%  dieux 
égyptiens  et  en  particulier  celui 
d'isisà  Rome ,  dans  le  Journal  hel- 
vétique,  août  17/ti  a  sept.  1742. 
Bochat  y  prend  la  défense  du  sen- 
timent de  Bourguet  contre  l'abbé 
Olivieri  (i).  1\  .  Mémoires  criti- 
ques pour  servird'éclaircissemtnts 
sur  dive/'S  points  de  l'histoire  an- 
cienne de  la  Suisse,  Lausanne, 
I  "4  7-4-9-  3  vol.  in-4°,  avec  une 
carie  de  l'Helvétie,  dressée  par  Loys 
deCheseau  (F',  ce  nom  ,  MIL  545', 
parent  de  Bochat.  Ces  trois  volumes 
contiennent  quinze  dissertations  dans 
lesquelles  l'auteur  examine  l'origine 
des  Helvéliens,  'a  division  de  leurs 
terres  enpagi  ou  contrées,  la  forme 
de  leur  gouvernement  sous  les  Ro- 
mains, leur  culte  ,  les  changements 
arrivés  dans  la  forme  primitive  de 
leur  constitution  sous  les  rois  de  la 
Bourgogne  trnnsjuraue  ,  etc.  Cet  ou- 
vrage, rempli  de  recherches  curieu- 
ses,  est  écrit  avec  trop  de  diffusion. 
Bochat  semble  avoir  pressenti  ce  re- 
proche quand  il  dit  dans  sa  préface  • 
«  Je  n'ai  travaillé  que  pour  les  lec- 
teurs qui  ne  sont  pas  gens  de  let- 
tres 5  »  mais  a  cesleeleurs  Une  faut 
que  des  abrégés.  Des  dissertations 
sur  des  points  obscurs  d'histoire  et 
de géograpliie n'ont  d'importance  que 
pour  les  savants.  Comme  Ruchat 
(  r  .  ce  nom,  XXXIX  ,  202  ^  ,  son 
collègue  a  racadémie  de  Lausanne  et 


(i)  11  y  revint  encore  i!ans  quatre  Lettres  à 
Allinann  sur  un  piisiage  de  Tite-Livr,  mut  entendu 
yM5flu*/cr,  concernant  le  tu  te  cîcs  tiicux  ét]-an;;ei'S 
h  Ri>iiie  sons  Roninliis;  avril,  mai,  juin  i7i3  rt 
«:vril  i-jXi,Jotinial  lielvé'iijHt^ 


lioG 


BOC 


son  ami  le  plus  intime,  Bochat  fait 
dériver  du  celtique  (ousles  noms  an- 
ciens de  la  Suisse;  et  l'on  peut  con- 
jeclurer  qu'il  a,  sur  différents  points, 
adopté  les  opinions  d'un  tavant  pour 
lequil  il  ai  ait  beaucoup  d'estime; 
mai.'»  quoi  qu'eu  aient  dit  Théophile 
Haller  (  Foj-  ce  nom,  XIX.  35 7  ), 
dans  la  Bibliothèque  de  la  Suisse  .  et 
après  lui  Barbier  ,  dans  son  Exatiwn 
des  Dictionnaires,  1 19  ,  il  est  sans 
vraisemblance  qu'il  n'ait  presque  fait 
que  copier  un  ouvrage  manuscrit 
de  Pvuchat  sur  l'Iiistoire  de  la  Suisse. 
Ruchat  n'est  mort  qu'en  lySo,  c'est- 
à-dire  quatre  ans  après  la  publication 
du  premier  volume  des  3Iémoiresdû 
Bochatj  et  puisqu'il  n'a  pas,  comme 
il  eut  pu  le  faire  ,  réclamé  contre 
un  tel  plagiat  ,  on  peut  regarder 
l'accusation  de  Haller  comme  des- 
tituée de  preuves.  Bochat  a  laissé 
plusieurs  manuscrits^  parmi  lesquels 
on  cite  la  traduction  d'une  partie  de 
l'Histoire  ecclésiastique ,  d'Arnold 
{P^oj-.  ce  nom,  II.  5 1 9);  et  un  Essai 
sur  l'injluence  de  la  réforme  de 
Luther;  sujet  traité  depuis  avec 
beaucoup  de  succès  par  Villers 
(  Voy,  Villers  ,  XLIX,  78).  Bo- 
chat était  meiub.'-e  de  l'académie  de 
Gottingue.  Sou  Eloge  ,  par  CUvel 
de  Brenles ,  ami  de  Voltaire,  Lau- 
sanne ,  1 7  5  5  ,  in-  8°^  a  été  inséré  dans 
la  Nouvelle  Bibliothèque  germa- 
tilque  ,  t.  XVII,  225-74.  VV — s. 
BOCK  (le  baron  Jean-jNicolas- 
Etienne  de),  homme  de  lettres  ,  né 
à  ïhionville  le  i4-  janvier  174-7, 
était  fils  d'unlieutenantdes  marécl:aux 
de  France  et  membre  de  la  noblesse 
immédiate  de  l'empire.  11  embrassa  de 
bonneheurele  partidesarmes  clobliut 
le  grade  de  capitaine  dans  un  regîment 
de  cavalerie  ;  mais  il  quitta  bientôt 
celte  profession  pour  exercer  l'emploi 
de  son  père  dont  il  avait  obtenu  la 


BOC 

survivance.  Fixé  a  Metz ,  quoique 
sa  juridiction  regardât  Thionville, 
Saiut-Avold  etRoulay,  il  vécut  tantôt 
à  la  ville,  tantôt  a  la  campagne, 
s'occnpant  de  travaux  littéraires  et 
de  l'éducation  de  plusieurs  enfants 
auxquels  il  portait  une  rare  affec- 
tion.Ce  fut  au  milieu  de  ces  soins  qu'il 
perdit  une  fille  chérie  a  la  suite  d'une 
longue  et  douloureuse  maladie.  Bock 
avait  épuisé  près  d'elle  tous  les  soins 
que  la  tendresse  peut  imaginer  ,  et 
ijuand  les  ressources  de  l'art  vinrent  a 
faillir  ,  quand  la  mort  s'approcha  pour 
saisir  sa  victime  ,  elle  dut  l'arracher 
des  bras  de  Bock  lui-même ,  qui ,  sus- 
pendu au  chevet  de  la  malade,  compta 
ses  derniers  soupirs.  Cette  perte  ra- 
viva dans  son  cœur  une  plaie  récente 
causée  par  la  mort  de  sa  femme  , 
dont  sa  fille  lui  retraçait  l'in'age. 
Accablé  de  douleur,  il  quitta  Metz, 
visita  la  ligne  frontière  de  l'Allema- 
gne, et  seul  avec  sa  pensée  laissa  un 
libre  cours  aux  tristes  réflexions  que 
lui  suggérait  cet  isolement.  Le  pu- 
blic ne  tarda  pas  néanmoins  a  en  rece- 
voir la  confidence ,  car  c'est  a  lui 
que  s'adresse  l'homme  de  lettres 
dans  ses  revers  comme  daus  sa  pros- 
périté. Bock  publia  une  petite  bro- 
chure ,  moins  intéressante  par  les 
détails  topographiques  qu'elle  ren- 
ferme(car  tout  esprit  préoccupé  d'une 
idée  fixe  n'observe  guère),  qu'en  ce 
qu'elle  nous  initie  aux  souffrances 
moralesd' un  littérateur  digne  de  no- 
tre estime  (i).  Revenu  à  Metz  après  six 
semaines  d'absence,  Bock  se  retira  au 
château  de  Buy  (  Moselle  ) ,  et  trouva 
dans  la  cultuie  des  lettres  un  calme 

(1)  Ctt  opusculu,  au-dessous  du  médiocre,  e»t 
imilule  :  Relation  d'un  voyage  phUosoiildque  f ail 
ilaiis  le  Palaliital  et  dans  ijuelques  autres  parties 
de  l\4llemugiie  ,  in-S°,de  8S  pag.  Bock  réclama 
contre  cette  publication,  faite  sur  >in  manuscrit 
inlidèle,  par  une  lettre  insérée  dans  V Aimée 
littéraire,  1784  ,  V  ,  287  ;  mais  le  foud  de  l'ou. 
vra 'c  était  i/ien  de  lui,  >V-^s. 


BOC 

inespéré.  Ce  fut  alors  que  parurent 
presque  en  nième  temps  les  quatre 
ouvrages  suivants  :  I.  Recherches 
pjiilosopliiques  sur  l'urigine  de 
la  Pitié ,  et  divers  autres  sujets 
de  morale^  Ijoudres  (Metz),  1787, 
in-i2,  saus  nom  d'auteur  ni  d'im- 
primeur. \\.  La  vie  de  Frédéric, 
baron  de  Trench  ,  écrite  par  lui- 
même  ,  traduite  de  V allemaïul, 
Metz,  1787,  in-i2,  en  2'parties. 
Cette  traduction  a  joui  d'une  grande 
vogue  (2)  •  il  en  parut  a  Metz  une  se- 
conde édition  la  même  année,  puis 
une  troisième  en  1788.  Le  Tour- 
neur traduisit  également  la  vie  du 
malheureux  Trenck  et  y  laissa  sub- 
sister plusieurs  passages  que  Bock 
avait  crude\oir  omettre (5).  III.  ISIé- 
nioires  sur  Z oroastre,  Confucius, 
et  Essai  sur  l'histoire  du  Sa- 
béisme,  Halle,  1787,  in-4-°.  Ce 
mémoire  avait  d'abord  été  imprimé 
dans  le  tome  XXI  du  journal  publié 
par  Buscbiug.  IV.  OEuvres  diverses, 
Metz,  1788-1  789,  4  vol.  in-i2.  Le 
tome  P'  cox\ÛQn\.\' Essai  sur  l'his- 
toire du  Sabéisme  ,  auquel  l'au- 
teur a  joint  le  Catéchisme  de  la 
religion  des  Druses;  une  plan- 
che de  caractères  inconnus,  et  un 
Mémoire  historique  sur  le  peu- 
ple nomade  appelé  en  Allema- 
gne Zigeuner  et  Bohémien  eu 
France.  Tue  tome  II  renferaie  les 
Apparitions ,  anecdote    titrée  des 

(2)  La  vogue  et  le  succis  de  cette  traducliun 
ne  prouvent  fjae  l'intérêt  du  l'ublic  aux  malheurs 
de  Trenck;  car  elle  e.<.t  très-inférieure  à  telle  de 
Le  Tourneur.  ^^ — s. 

(3)  Les  auteurs  du  Mercure  de  France  repro- 
chèrent au  baron  de  Bock  d'avoir  un  peu  trop 
rcduit  son  original.  Mais  ils  trouvèrent  sa  version 
mieux  écrile  que  celle  de  Le  Tourneur.  «  (ju 
«  ie«/ ,  disent-ils,  qu'un  gentilliomme  tenait  la 
«  plume,  et  i\\i'\\  sentait,  r[\i\\  parlait  A'\ia  geii- 
u  tilf.omme ,  de  la  vie  duquel  il  avait  à  suppri- 
«  mer  des  traits,  pour  le  piésenler  dans  un 
M  maintien  convenable.  »  (  Mercure  de  France  , 
juin,  1788,  p.  i65).  Croirait-on,  en  lisant  ce  pas- 
saj;e  ,  que  le  .Mercure  fût  alors  dirigé  par  La- 
harpe   et    Mariuontel  ?  L — n — x. 


BOC 


407 


papiers    du   comte   d'O. ;   Le 

Foyageur,  fragment  tiré  des 
œuvres  de  Goethe  et  traduit  de 
l'allemand;  une  ISotice  surConfu- 
cius  et  son  système  religieux  ;  Le 
tribunal  secret,  drame  historique 
en  cinq  actes,  traduit  de  V alle- 
mand,  et  plusieurs  autres  morceaux. 
On  trouve  dans  le  tome  III ,  divisé 
en  deux  volumes  ,  Y  Histoire  de  la 
guerre  de  sept  ans,  commencée 
en  1756,  et  terminée  en  1763, 
par  M.  d'Archenholtz.  Cet  ou- 
vrage est  dédié  au  savaut  Bailly  avec 
qui  Bock  entretenait  une  correspon- 
dance. Lors  de  la  convocation  des 
états-généraux,  Bockfit  partie  comme 
électeur  de  l'assemblée  des  trois  or- 
dres pour  la  noblesse.  Il  salua  avec 
enthousiasme  l'aurore  de  la  révolu- 
tion ,  mais  lorsqu'il  la  vit  marcher 
d'excès  en  excès ,  il  regagna  son  asi- 
le champêtre  et  continua  de  s'y  livrer 
a  des  travaux  littéraires.  Il  donna  une 
nouvelle  édition  du  Tribunal  secret 
et  publia:  V.  Un  Tableau  de  l'ar- 
mée prussienne  avant  et  pendant  la 
guerre  de  sept  ans,  d'après  d'Ar- 
chenholtz. VI.  Hermann  d'Lnna, 
roman  de  M°"  B.  TSaubert,  2  vol. 
in-i2.  Ces  trois  ouvrages  parurent  a 
Metz  en  1 791.  Au  commencement 
de  l'année  suivante ,  Bock  ne  voyant 
iilus  de  sûreté  dans  sa  retraite  ,  émi- 
gra ,  parcourut  plusieurs  provinces 
de  l'Allemagne  ,  lit  un  long  séjour  a 
Auspacb,  s'occupa  de  plusieurs 
éducations  particulières  qu'il  dirigea 
avec  le  plus  grand  succès,  et  prit  occa- 
sion de  sa  présence  en  Allemagne 
pour  en  étudier  la  littérature  et 
transporter  dans  notre  langue  quel- 
ques-unes de  ses  beautés.  MI.  Ce 
fut  sur  ces  entrefaites  que  Behmer, 
libraire  messin,  a  qui  Botk  avait 
laissé  en  partant  pour  l'émigration  sa 
Petite  chronique  du  royaume  da 


4o8 


BOC 


Tatoiaba,  traduite  de  TJ  ieland, 
la  publia  en  1797,  5  vol.  in-ia. 
Rentré  en  France  après  dix  années 
d'exil,  Bock  dut  ai:  sénateur  Colcheu, 
alors  préfet  de  la  Moselle  ,  son  éli- 
minalion  de  la  liste  fatale.  Il  fut 
nommé  conseiller  de  préfecture  à 
Luxembourg  pendant  la  réunion  et 
reprit  le  cours  de  ses  publications. 
On  vif.  paraître  successivement  :VIII. 
Les  cJievaliers  des  sept  montagnes 
etc.,  Metz,  1800,  3  vol.^  avec  lig. 
IX.  Histoire  du  Tribunal  secret  , 
etc.,  Metz,  i8oi,in-ii.  Cet  écrit 
lire  des  recherches  de  Hulter  et 
de  MuUer  prouve  invinciblement 
l'existence  des  francs-juges ,  et  jus- 
tifie la  mémoire  de  Cbarlemagne  de 
la  création  de  leur  tribunal  ,  l'ef- 
froi de  l'Allemagne  pendant  plu- 
sieurs iiiècles.  BolIc  traduisit  en- 
core de  l'allemand  :  X.  La  vie  du 
feld  maréchal  baron  de  Laudon , 
1798,  nouv.  édit.  XL  Erminia 
dans  les  ruines  de  Rome,  Metz, 
Behmer,  1801  ,in-i2.  XII.  De  la 
fièvre  en  général ,  de  la  rage ,  de 
la  fièvre  jaune  et  de  la  peste , 
par  C.-C.  Rcisch,  Metz,  1800, 
in-i2.  XIII.  Traitement  de  dif- 
férentes maladies  guéries  par 
M.  le  docteur  Reisc/i,  elc.,T\Ietz, 
1800,  in- 12.  XIV.  Mémoire  sur 
la  peste ,  du  même,  Metz,  1801, 
in-i2.  Enfin,  si.  dans  la  liste  déjà 
fort  longue  des  œuvres  de  notre 
auteur,  nous  ajoutons  la  traduction 
du  Mensonge  généreux  ,  drame  de 
Kotzebue  ,  et  la  Relation  d'un 
voyage  philosophique  imprimée  a 
Leipzig,  1788,  in-8° ,  nous  au- 
rons complété  l'inventaire  de  ses 
productions;  car  M.  Pigoreau  s'est 
Irompé  en  indiquant  comme  venant 
de  Bock  quatre  romans  qui  appar- 
tiennent a  M™^  Bénédicte  Naubei^t, 
la  roirautière  la  plus  féconde  de  l'Ai- 


BOC 

lemagne.  Bock  est  mort  à  Arlon  en 
1809.  11  eut  des  rclalions  d'eslimc 
avec  Goethe,  M  ieland  ,  Buffon,  etc. 
Ce  dernier  dans  son  Supplément,  édi- 
tion in- 4.°,  M,  142,  rapporte  deux 
fragments  de  lettres  que  Bock  lui 
avait  adressées.  INoIrc  romancier  n'é- 
toit  ni  un  génie  du  premier  ordre  , 
ni  un  écrivain  élégant.  On  trouve 
beaucoup  de  uéologismes  dans  son 
style,  de  rexaclilude  plutôt  que  de 
l'invention  dans  ses  portraits.  Les 
ouvrages  qu'il  a  donnés  ,  suit  comme 
auteur,  soit  comme  li"aducteur  sont 
néanmoins  recherchés.  B — N. 
BOCKLEll  (George-Akdré). 

Voy.  BoECKLER,  IV,    647. 

lîOCTHOR  (Ellious),  orienta- 
liste, naquit  a  Syout  dans  la  Haute- 
Egypte  ,  le  12  avril  1784,  de 
celte  race  antique  des  Egyptiens- 
Coptes  ,  qui,  lors  de  l'expédition 
de  Bonaparte  en  Orient ,  reçurent 
les  Français  comme  des  libéra- 
teurs. Quoique  k  peine  âgé  de 
quinze  ans  ,  il  fut  attaché  comme  in- 
terprète à  l'état-major  de  l'armée  j  et, 
lorsque  des  revers  forcèrent  cette  ar- 
mée d'abandonner  ses  conquêtes,  il 
vint  en  France  avec  ceux  de  ses  com- 
patriotes que  leur  attachement  aux 
Français  pouvait  exposer  a  la  ven- 
geance des  anciens  maîtres  de  l'E- 
gypte. Doué  d'une  aptitude  très-rare 
chez  les  Orientaux  ,  Ellious  apprit 
a  s'exprimer  en  français  avec  pres- 
que autant  de  facilité  que  dans  sa 
propre  langue,  et  se  rendit  bientôt 
familiers  les  ouvrages  de  nos  meil- 
leurs écrivains.  Le  ministre  de  la 
guerre  informé  de  ses  succès  lui  per- 
mit, en  18 12,  de  se  fixer  a  Paris 
pour  y  travailler  à  des  traductions 
d'ouvrages  arabes  déposés  aux  ar- 
chives de  la  guerre  et  qui  h:i  seraient 
désignés  par  l'Institut.  Em[)loyé  d'a- 
bord h  traduire   la  partie  arabe   de 


BOC 

la  Correspondance  de  l'armée  d'O- 
rieul,  il  hit  ensuite  attaclié  comme  in- 
terprèle au  dépôt  généi-al  de  la  guer- 
re ,  avec  un  traitement  de  deux  mille 
francs.  Sa  place,  supprimée  une  des 
premières    en    1814»    ft  rétablie, 
l'année  suivante,  sur  les  instances  de 
quelques  académiciens  qui  prenaient 
un    vif  intérêt   au   jeune    Egyptien, 
fut  encore  supprimée  eu  1817,  lors- 
que les  chambres  parurent  décidées 
a  des  économies.  Mais  le  ministre  lui 
rendit,  en   1818,  le  traitement  qui 
faisait  son  unique  ressource  pour   le 
mettre  en  état  de  continuer  le  Dic- 
tionnaire arabe-J'rancais ,  auijuel  il 
travaillait  avec  un  zèle  infatigable  ,  et 
que  les  orientalistes  attendaient  im- 
patiemment. En  1819,  EUious  reçut 
rautorisation    de    donner    un    cours 
d'arabe  vulgaire  a  l'École  des  lan- 
gues orientales.  Il  en  fit  Vouvcrture 
le    8     décembre  ,    par   un    discours 
dont  M.  Jomard ,    un   de    ses    pro- 
tecteurs, s'empressa  de  publier   les 
passages  les  plus  remarquables  dans 
la  Revue  encyclopédique ,  Y,  55. 
Malgré   le   succès  qu'avaient  obtenu 
les  leçons  d'Elllous ,  il  ne  fut  nom- 
mé professeur  en  titre  qu'au  mois  de 
janvier    1821.  Mais  il  ne   jouit  que 
peu  de  temps  d'une  place  qui  devait 
enfin  lui  donner  le  rang  et  l'aisance 
qu'ilméritait.L  nemaladie  de  foie  l'en- 
leva le  26  septembre  de  la  même  an- 
née, a  peine  âgé  de  57  ans.  La  con- 
naissance que  ce  jeune    savant  avait 
des  localités  n'a  point  été  inutile  aux 
géographes    chargés  de    dresser    la 
grande  carte  de  l'EgypIe.  Outre  une 
explication  nouvelle  de  l'inscription 
arabe  gravée  sur  une   cassette    que 
l'on  conserve  dans  le  trésor  de  la  ca- 
thédrale de  Baveux  [Revue  encjclo- 
pédque,   VIII,   199),  on  lui  doit: 
Discours    prononcé  à  l'ouverture 
du  cours  d'arabe  vulgaire,   Paris, 


BOD 


409 


1820,  in-8"  de  16  pag.  ;  de  nouvelles 
éditions,  qu'il  fit  lilhoi;raphier  pour 
ses  élèves  ,  de  V Alphabet  arabe  , 
in-4°  de  i  0  pages  j  et  de  V  Abrégé 
des  conj'us^aisons   arabes,    Paris, 

1821,  iu-8°,  avec  des  améliorations 
qui  lesrendeul  supérieures  à  toutes  les 
autres.  Sou  Dictionnaire  arabe  et 

français  a  été  imprimé  a  Paris  en 
1828-29,  2  V.  in-i°  de  461  et  45 5  pa- 
ges. Le  manuscrit  autographe  de  cet 
ouvrage,  acheté  par  le  marquis  xVmé- 
dée  de  Clermont-Tonnerre  ,  dont  ou 
connaît  le  zèle  pour  le  progrès  des 
études  orientales,  fut  remis,  pour  le 
publier,  a  M.  A.  Caussinde  Perceval, 
fils .  successeur  d'EUious  'a  la  cl;aire 
d'arabe  vulgaire.  Le  savant  éditeur  a 
refondu  dans  le  dictionnaire  de  Boc- 
thor  les  porabreux  matériaux  qu  il 
avait  rassemblés  pour  un  ouvrage  sem- 
blable ,  pendant  son  séjour  en  Syrie  , 
et  l'a  fait  précéder  d'une  courte  mais 
intéressante  notice  sur  Ellious.  Le 
Catalogue  des  livres  et  manuscrits 
arabes,  turcs,  persans  et  coptes, 
composant  la  bibliothèque  d'EUious 
Bocthor,  Paris,  1821,  in-S"  de 
3  2  pages,  est  précédé  d'u'ie  autre 
notice  formée  des  articles  que  M.  Jo- 
mard avait  publiés  sur  son  ami  dans 
\a.  Revue  encyclopédique  ^  V,  58, 
et XII,  258(i).  W— s. 

BODARD  DE  TEZAY  (ÎVi- 

•  i)  La  chaire  d'arabe  vulgaire,  à  laquelle 
Bocthor  fut  appelé  en  iStç.  était  vacante  depuis 
quatre  ans,  p.;r  la  déiuission  de  doni  Raphaël  de 
Monachis,  prêtre  syrien,  en  faveur  de  qui  elle 
avait  été  créée  ,  pour  récompense  des  services 
qu'il  avait  rendus  à  l'armée  l'iançaî'e  en  Syrie. 
De  longues  privations,  des  inquiétudes  cnieiles 
causées  par  les  persécutions  de  l'intrigue  et  de 
l'envie,  avaient  épuisé  le  courage  et  Its  forces 
d'un  homme  qui  ,  dans  un  coips  grêle  et  valé- 
tuiinaiVe  ,  avait  une  imr.gination  vive  et  une 
àme  ardente.  La  mort  le  frappa  lors([i;'iI 
commençait  à  recueillir  le  fruit  de  ses  travaux 
el  de  son  dévnuenunt  à  sa  patrie  adoptivf.  Son 
Dictionnaire  francaisirabc  ,  revu  ,  augnienli-  et 
publié  par  SI.  Caussin  de  Perceval  fiN  ,  contient 
aussi  de  nombreux  extraits  des  Diilionnaiies 
c-pagnol-arabe  et  itulien-urabe  du  1'.  Canals  et 
de  r.  Doniciiieo  r.eri:;:i:io  di  .Sciesia.      A^t,  , 


4io 


BOD 


colas-Mahie-Félix),  lilléraleur,  né 
à  Baveux,  en  1767  ,  et  non  l'année 
suivante  comme  l'inclique  la. Biogra- 
phie des  contemporains  ,  mourut 
à  Paris  le  i3  janvier  1820.  Ilfit  ses 
études  à  Caeu  et  eut  pour  condisci- 
ple et  pour  ami  le  fabuliste  Lebailly, 
qui  l'a  céle'bré  dans  le  prologue  du 
livre  III  de  ses  fables,  édition  de 
1814  (IV  de  l'édit.  de  1823),  et 
qui  lui  a  consacré  une  notice  dans  le 
Moniteur  du  26  janvier  1820. 
Destiné  au  barreau  ,  Bodard  le 
négligea  pour  le  culte  des  Muses. 
Après  avoir  publié  quelques  poé- 
sies fugitives  et  donné  k  divers  théâ- 
tres de  la  capitale  des  pièces  d'un 
genre  léger  qui  eurent  un  succès 
éphémère ,  il  entra,  dans  les  bureaux 
de  l'administration  générale  et  de- 
vint, en  1792,  chef  de  division  à  la 
caisse  de  l'exlraordiuaire  dont  Lau- 
moud ,  son  ami,  était  directeur. 
Dénoncé  pendant  la  terreur,  comme 
modéré  ,  il  fut  incarcéré  et  ne  recou- 
vra saliberté  qu'après  le  9  thermidor. 
Lorsque  Laumond  fut  nommé  consul- 
général  k  Smyrne,  Bodard  l'y  suivit 
en  qualifé  de  vice-consul ,  et  il  dé- 
ploya dans  ce  nouvel  emploi  autant 
de  fermeté  que  de  talents.  Chargé  de 
demander  k  la  Porle  la  réparation 
de  plusieurs  avanies  essuyées  par  le 
commerce  français,  il  obtint  une  sa- 
tisfaction complète,  et  revint  en 
France  après  avoir  visité  la  Grèce. 
En  I  799  ,  on  le  nomma  commissaire 
civil  k  JNaples  ,  d'où  il  fut  envoyé  k 
Gènes  vers  la  fin  de  la  même  année , 
avec  le  double  titre  de  consul-géné- 
ral et  de  chargé  d'aiïaires,  et  il  se 
trouva  dans  cc'lte  ville  pendant  le  fa- 
meux siège  que  Masséna  y  soutint. 
Ce  poste^  difficile  k  tenir  dans  ces 
circonstances,  ne  fut  point  au-des- 
sus de  la  capacité  et  du  caractère 
de  Bodard.  Estimé  de  ses  ennemis 


BOD 

mêmes,  il  servait  d'égide  k  ceux 
qui  réclamaient  pour  des  droits  mé- 
connus. Gènes,  réunie  k  la  France, 
en  i8o5  ,  perdit  son  existence  poli- 
tique, et  les  fonctions  de  Bodard  ces- 
sèrent immédiatement.  Il  se  livra 
alors  entièrement  aux  lettres.  Nous 
citerons  de  lui:  I.  une  Ode  sur  l'é- 
lectricité, couronnée  par  l'académie 
de  Caen.  II.  Le  siècle  des  Ballons, 
satire.  III.  Le  Ballon ,  ou  laPhj- 
sicomanie ,  comédie  en  un  acte  et  eu 
vers,  Paris,  1780,  10-8".  IV.  Le 
Rival  par  amitié  ou  Frontin  qua^ 
ker,  comédie  ,  en  un  acte  et  en  vers, 
représentée  avec  un  grand  succès  k 
l'Ambigu-Comique ,  en  1784,  et  ré- 
imprimée ,  sous  le  pseudonyme  mada- 
me de  F***,  dans  la  Petite  Biblio- 
thèque des  théâtres.  V.  T^es  trois 
Damis ,  comédie  en  un  acte  et  en 
vers  ,  jouée  au  théâtre  des  Variétés 
du  Palais-Royal,  Paris,  1780,  iu- 
8°,  insérée  aussi  dans  la  Petite  Bi- 
bliothèque des  théâtres.  Cette  co- 
médie sort  tout-à-fait  du  genre  des 
théâtres  forains  et  répond  au  vœu, 
formé  par  l'auteur  dans  sa  préface,  de 
les  ramener  au  goût  de  la  bonne  co- 
médie. VI.  Arlequin,  roi  dans  la 
lune  .^  comédie  en  trois  actes  et  eu 
prose ,  représentée  ainsi  que  les 
deux  suivantes  au  théâtre  du  Palais- 
Royal,  Paris,  1786,  in-8".  VII. 
Les  saturnales  modernes ,  ou  la 
soirée  du  carnaval ,  comédie  en 
deux  actes  et  en  prose  ,  Paris ,  1787, 
in-S".  VIII.  Le  duc  de  Mont- 
mouth  ,  comédie  héroïque  en  trois 
ac'.es  et  en  prose,  Paris,  1788, 
in-8°.  Cette  pièce  a  été  aussi  jouée 
sous  le  titre  à'Otlotisko ,  ou  le 
Proscrit  polonais.  IX.  Pauline  et 
J^alniont,  comédie  en  deux  actes  et 
en  prose ,  jouée  au  théâtre  Italien , 
Paris,  1787,  in-8°.  X.  Spinette  et 
Marine,  opéra-comique  eu  uu  acte, 


BOD 

musique  de  Bruni,  jouée  en  1790 
au  théàlre  Wontansier,  non  imprimée. 
Tous  les  ouvrages  dramatiques  de 
Bodard  ont  paru  sous  le  voile  de  l'ano- 
nyme. ]Nous  connaissons  encore  du 
même  auteur  l'Etiquette ,  comédie, 
qui  probablement  n'a  pas  été  impri- 
mée. On  trouve  fréquemment  dans 
les  journaux  et  les  recueils  de  la  fin 
du  XVIIP  siècle  des  poésies  de  Bo- 
dard de  Tezav;  elles  portent,  en  géné- 
ral, l'empreinte  d'une  grande  facilité. 
Bodard  était  membre  de  la  Légion- 
d'Honneur.  A — T  et  B — îî. 

BODDAERT  (Pierre),  poète 
bollandais,  naquit  à  Bliddelbourg  en 
Zélaiide,  en  1  694..  Il  débuta  par  une 
traduction  de  VAtrée  et  TJiyeate 
de  Crébillon.  En  1717,  il  publia 
en  société  avec  deux  de  ses  compa- 
triotes, Jean-Sleengracbt  et  Pierre 
de  la  Rue,  un  recueil  de  Récréations 
poétiques  qui  fut  réimprimé  en 
1728,  mais  oiî  règne  une  constante 
médiocrité.  Ses  Poésies  sacrées  et 
édifiantes  eurent  un  grand  succès 
à  leur  apparition  ;  mais,  sous  le  rap- 
port littéraire  ,  elles  sont  de  peu  de 
valeur.  Boddaert  publia  aussi  les 
poésies  posthumes  d'Anne  Retbaau, 
sa  belle-mère,  et  cel'es  de  Jeau- 
Moorman,  avocat  de  Hulst  en  Flan- 
dre, qui  vécut  dé  1696  a  tj^j. 
Pour  lui,  il  termina  sa  carrière  eu 
1760.  Voici  une  petite  pièce  de  cet 
écrivain  ,  traduite  par  M.  L.-V. 
Raoul  (pjc  la  reconnaissance  avait 
engagé  a  répandre  de  tout  son  pou- 
voir le  goût  de  la  littérature  hollan- 
daise : 

Conseils  à  quelfju'un  pour  ne  pas  voir  de  sots  : 
Les  sois  te  font  hoireur,  et  tu  voudraù  avoir 

Le  secret  de  n'en  jamais  voir! 

Rien  de  plus  facile,  mon  maître, 

Ferme  chez  loi  porLe  etfeiièire; 
Abstiens-toi  de  sortir;  renonce  à  recevoir  ; 
tnfiii ,  el  ce  moyen  est  le  jilus  sur  peut-être. 

Mets  un  rideau  sur  ton  miroir. 

On   iait  que  ce   dernier  Irait  n'est 


BOD 


/,ir 


pas  neuf  en  français.  L'ne  notice  sur 
Boddaert  se  lit  à  la  tête  de  ses  Mé- 
langes posthumes.,  où  1  on  distingue 
le  poème  de  Daphné.  R — f — g. 
BODDAEllT  (Pierre)  ,  savant 
médecin  et  naturaliste  ,  de  la  même 
fauiille  que  le  précédent,  était  né 
dans  la  Zélande  vers  1730.  Après 
avoir  pris  ses  grades  à  l'université  de 
Leyde,  il  s'établit  a  Flessingue  et 
partagea  son  temps  entre  la  pratique 
de  son  art  et  la  culture  des  sciences 
naturelles.  Nommé  membre  du  con- 
seil de  cette  ville  ,  il  se  démit  bientôt 
de  sa  place  pour  se  livrer  plus  tran- 
quillement à  l'étude  j  et,  désirant  ac- 
croître ses  connaissances  par  la  fre'- 
quentalion  des  savants,  il  visita  les 
principales  villes  de  Hollande.  Pen- 
dant son  séjour  a  Amsterdam ,  il  se 
lia  de  l'amitié  la  plus  étroite  avec 
Jean-Albert  Scblosser,  qui,  jeune 
encore,  avait  déjà  formé  une  collec- 
tion précieuse  d'histoire  naturelle. 
Scblosser  étant  mort,  en  1769,  il 
se  chargea ,  par  attachement  a  sa 
mémoire,  de  continuer  la  descrip- 
tion des  objets  les  plus  curieux  de  son 
cabinet.  Boddaert  habitait  Utrecht 
en  1770,  et  il  demeura  deux  ans 
dans  cette  ville.  Outre  des  Disser- 
tations ,  dans  les  mémoires  des  aca- 
démies des  Curieux  de  la  nature  de 
Harlem  et  de  Zélande ,  dont  il  était 
membre,  entre  autres  sur  les  poisons 
et  leurs  réactifs,  et  une  édition  des 
Planches  anatomiques  de  Dauben- 
ton,   en  couleur^    avec  un  texte  ex- 

fdicatif  en  hollandais,  on  connaît  de 
Lii  :  I.  La  traduction  en  hollan- 
dais de  Y Elenchus  zoophitoruni^  de 
Pallas,  Utrecht,  1768,  ln-8°  ,  aug- 
mentée d'une  préface  et  de  nouvelles 
descriptions,  accompagnée  de  figu- 
res. II.  Mélanges  de  zoologie,  où 
sont  décrites  plusieurs  espèces  d'ani-^ 
maux,  nouvelles  ou  non  encore  cou-' 


4ia 


BOD 


nues  j  Irad.  du  lalin  de  Pallas  en  !iol- 
landais  ,  avec  des  remarques,  ibid., 
1770,  in-4.°,  6  caliiers,  fig.  co'.  III. 
La  traduction  en  lalin  et  en  hollan- 
dais de  la  première  partie  de  V His- 
toire naturelle  des  dents,  par  Jcaii 
Hunier  {Voy.  ce  nom,  XXI  ,  68) , 
D<'rdrei.hl,  i773,in-4°,  fig.,  enri- 
chie de  notes  et  d'une  préface.  IV. 
De  Chaetodonie  Argo  ,  Amster- 
dam ,  1770.  — De  testudine  car- 
tialginea,  ihid.,  1770. — De  rana 
bicolore ,  ibid. ,  1770. — De  Chae- 
todondé  dincantho ^  ibid.,  1772, 
gr.  ih-4-°,fig.  col.,  lat.  et  holland. 
Ces  quatre  descriptions,  eu  forme  de 
lettres  adressées  à  autant  de  méde- 
cius,  ses  amis,  doivent  être  précédées 
de  celle  de  Schlosser  :  de  lacerta 
ainboinensi ,  Awslerà.  ,  1768,  la 
seule  qu'ait  publiée  ce  jeune  méde- 
cin ,  enlevé  trop  tôt  aux  sciences 
naturelles,  dont  il  aurait  sans  doute 
agranJi  le  domaine.  Ainsi  complet, 
ce  volume  est  rare  et  recherché.  V. 
Elenchiis  animalium ^  Rotterdam, 
1785,  in  8°.  VI.  \,' Histoire  géo- 
graphique de  l'homme  et  des  qua- 
drupèdes, par  ZImmermann,  traduit 
en  iioUandaisjUtrecht,  1787,  in-8°. 
W— s. 
BODE  (Jean -J0ACH151 -Chris- 
tophe), célèbre  eu  Allemagne,  comme 
musicien  instrumentiste  ei  composi- 
teur, comme  écrivain,  et  l'un  des 
chefs  de  la  secte  des  illuminés , 
naquit  à  Brunswick  le  16  janvier 
1730.  Son  père,  ancien  soldat,  après 
avoir  obtenu  son  congé  ,  se  retira 
dans  un  villiige,  où  il  geignait  péni- 
blement sa  vie  en  fabriquant  des  tui- 
les. Le  jeune  Bode  apprit  a  lire  et  à 
écrire  avec  les  autres  enfants  du  vil- 
lage. Son  père  ne  pouvant ,  à  cause 
de  la  faiblesse  de  sa  sauté ,  l'em- 
ployer a  de  rudes  travaux  ,  l'envoya 
chez  son  grand-père,  qui  le  chargea 


BOD 

du  soin  de  g:Arder  les  troupeaux. 
L'enfant  se  montra  tout-k-fait 
inhabile  aux  occupations  rustiques 
de  tout  genre  ,  et  dans  la  famille  on 
ne  l'appelait  pas  autrement  que 
Christophe  timbécile.  Cependant 
Bode  se  sentait  une  vocation  :  il  avait 
un  goût  prononcé  pour  la  musique; 
et,  a  l'âge  de  quinze  ans,  il  obtint 
d'être  mis  en  pension  chez  KroU  , 
musicien  de  Brunswick  ,  aux  frais 
d'un  oncle  maternel.  Il  profita  des 
leçons  de  KroU  avec  une  ardeur  ex- 
traordinaire. Réduit  dans  la  maison 
de  sou  maître  a  une  condition  pres- 
que servile ,  il  consacrait  tous  ses 
moments  de  loisir  et  les  heures  de 
la  nuit  a  sati.'-faire  sa  soif  d'instruc- 
tion el  de  lecture.  En  sept  années  , 
son  talent  musical  se  développa  tel- 
lement qu'il  jouait  avec  facilité  de 
tous  les  instruments  a  vent  et  a  cor- 
des ,  et  qu'on  lai  accorda  une  place 
de  hautbois  à  Brunswick.  Alors  il  se 
maria  ;  mais  celte  union  ,  k  laquelle 
l'amour  seul  avait  présidé,  le  jeta 
dans  des  embarras  de  fortune.  Pour 
se  perfectionner  dans  l'étude  de  son 
instrument  favori, le  basson,  et  dans 
celle  de  la  composition,  qu'il  avait 
déjà  essayée  avec  succès ,  il  sollicita 
un  congé  ,  et  se  rendit  a  Helmstadt , 
(174.9),  auprès  de  Stolze  ,  basson 
célèbre.  En  même  temps  ,  un  de  ses 
amis,  Schlabeck,  lui  enseignait  les 
langues  française,  italienne  el  latinej 
le  professeur  Slockausen  l'initiait  k 
la  théorie  des  beaux-arts  et  a  la  con- 
naissance de  la  langue  anglaise.  Plus 
tard  Bode  avait  coutume  d'appeler 
l'académie  d'Helmstadt  la  nourrice 
de  son  esprit,  et  ne  pouvait  jamais 
se  la  rappeler  sans  une  vive  émotion. 
Revenu  a  Brunswick, _  et  trompé 
dans  respoir-tl'être  admis  k  la  cha- 
pelle de  la  cour,  il  alla  se  fixer  a 
Celle  ,  au  service  do  Hanovre,  en  qua- 


BOD 

lilé  (le  hautbois.  Là,  il  s'occupa 
de  imislque  et  de  composition  avec 
une  ardeur  toujours  croissaute.  Il 
publia  deux  recueils  lyriques,  sous 
le  litre  d'Odes  et  chansons  plai- 
santes et  sérieuses.  La  mort  lui 
ayant  ravi  sa  femme  et  sou  en- 
fant ,  il  partit  en  1707  pour  Ham- 
bourg ,  où  son  esprit  et  ses  talents 
acbevèrt'nt  de  prendre  l'essor,  et  où 
il  fut  introduit  dans  les  meilleures 
maisons ,  comme  maître  de  musi(jue 
et  raaîlrede  langues.  Il  traduisit  plu- 
sieurs romans  et  pièces  de  théâtre, 
soit  de  l'anglais  ,  soit  du  français^ 
et,  pendant  les  années  1762  et 
1  763,  il  fut  chargé  de  la  rédaction  du 
journal  le  Correspondant  Ham- 
bourgeois ,  qui  dès  lors  offrait  beau- 
coup d'intérêt  a  tous  les  amateurs 
de  musique.  Bode  avait  été  reçu 
franc-maçon  ,  et  pendant  le  reste  de 
sa  vie  la  franc-maçonnerie  devait 
l'occuper  beaucoup.  Plein  de  zèle 
pour  les  progrès  d'une  association  a 
laquelle  il  ne  voyait  d'autre  but  que 
la  bienfaisance  ,  il  parcourut  l'Alle- 
magne ,  visitant  les  loges  maçonni- 
ques ,  cherchant  a  pénétrer  les  mys- 
tères qu'on  ne  lui  avait  pas  encore 
révélés ,  et  recevant  partout  des  té- 
moignages d'amitié  et  d'estime.  Le 
tameux  Weisshaupt  [T^oy.  ce  nom, 
au  Supp.)  venait  de  fonder  la  société 
dont  les  membres  ,  connus  sous  le 
nom  à^ Illuminés  ,  furent  pendant 
quelque  temps  la  terreur  de  l'Alle- 
magne j  et  cependant,  en  l'instituant, 
.son  but  avait  été  non  de  renverser 
iv.ais  d'éclairer  les  gouvernements. 
Bode  voulut  en  faire  partie;  après 
la  fuite  de  Meisshaupî,  il  devint  mê- 
raele  véritable  chef  de  l'IUuminisme, 
et  continua  de  l'èlre  jusqu'à  l'en- 
iièie  exllnclion  de  cette  secte,  qui 
pouvait  devenir  redoutable  ,  mais 
qui  ne  parait  pas  ra\oir  été  réel- 


BOD 


4i3 


lement  pendant  sa  courte  exis- 
tence. Les  travaux  littéraires  de  Bo- 
de ne  l'avaient  pas  détourné  de 
la  musique  ;  il  dirigeait  des  concerts, 
conduisait  des  orchestres,  donnait 
des  leçons.  Une  de  ses  anciennes  éco- 
lières ,  jeune  ,  belle  et  riche  ,  vou- 
lut l'épouser  ;  mais  elle  mourut 
dans  la  première  année  de  son  ma- 
riage. Bode  fit  preuve  dans  celte 
circonstance  d'une  rare  délicatesse. 
Sa  femme  lui  avait  fait  une  donation 
considérable  j  il  en  rendit  la  plus 
forte  part.  Néanmoins  ce  qui  lui 
restait  de  bien  pouvait  lui  assurer  une 
existence  agréable  et  indépendante: 
il  l'employa  à  réaliser  un  projet  qu'il 
nourrissait  depuis  long-temps  :  il  se 
fit  imprimeur.  La  Dramaturgie  de 
Lessing  fut  le  premier  ouvrage  qui 
sortit  de  ses  presses.  S'étaul  marié  , 
en  troisièmes  noces,  avec  la  fille  d'un 
libraire  ,  Bode  s'associa  avec  Lessing 
pour  ouvrir  une  librairie  spéciale- 
ment destinée  aux  gens  instruits  :  les 
ouvrages  marqués  au  coin  du  génie  et 
du  bon  goût  devaient  s'y  publier  au 
profit  des  auteurs.  Malheureusement 
Lessing  et  Bode  no  connaissaient 
pas  le  commerce  aussi  bien  que  la 
littérature:  l'entreprise  échoua,  et 
leur  association  ne  fut  pas  de  lougue 
durée.  Bode  en  revint  aux  travaux 
qu'il  avait  quittés  :  ce  fut  Lessing 
qui  ren;^ngea  à  traduire  le  F  oyage 
sentimental  et  Tristram  Shandy. 
Bode  traduisit  encore  le  F  icaire  de 
fV  akefield^  les  Essais  de  Montai" 
gne ,  les  Incas  de  jlarmontelj  i\;iii 
Jones  ,  Humphry  Klinkcr  ^  plu- 
sieurs ouvrages  périodiques  ,  entre 
autres  :  the  TV orld,  journal  anglais, 
et  le  Pensador  de  Clavijo  ,  journal 
espagnol,  Son  troisième  mariage  eut 
le  sor!  des  deux  autres  :  dans  l'espace 
de  dix  a:is  ,  Bode  perdit  sa  femme  et 
les  ipiatre    enfants  ([u'clle  lui  avait 


414 


BOD 


donués.   La  comtesse   de  Bernslorf, 
veuve  du  célèbre    minisire  danois, 
qu'il    avait  connue    à  Hambourg,  le 
choisit  pour  sou  bomme  d'affaires  , 
et   l'emmena  à  Weimar  en    1778. 
Il  fut  successivement  honoré  des  li- 
tres de  conseiller  de  la  cour  de  Saxe- 
Meiuupoen,  de  conseiller  de  légation 
du  duc  de  Saxe-Gotha ,  et  de  conseil- 
ler piivédu  margrave  deHesse-Dar- 
msladl.  En    1787,   Bode   avait  fait 
un  voyage   à  Paris ,   comme   député 
par  les  loges  maçonniques  de  l'Alle- 
mas-ne,  auprès  de  la  lo"e  des  Phila- 
lèles ,  pour  s  occuper  de  recherciies 
sur  l'origine  et  le  but  de  lafranc-ma- 
connerie.  A  son  retour,  il  fut  chargé 
d'examiner   un   projet    d'associaliuu 
proposée  par  le  docteur  Barhdt  pour 
éclairer  le  peuple  5   il  n'y  vit   qu'une 
spéculation  déguisée  sous  l'apparence 
du  bien  public  ,  et  dévoila  ce  charla- 
tanisme dans  un  écrit  intitulé  :  Mehr 
noten  aïs  tex^  (Plus  de  notes  que  de 
texte).  Cet  opuscule  fit  beaucoup  de 
bruit  en  Allemagne  j  mais,  comme  le 
danger  des   a,ssociations    secrètes   y 
était  signalé  ,  l'abbé  Barruel  soutint, 
malgré   l'évidence ,   que   Bode    n  en 
pouvait  être  l'auteur.  Ce  dernier  avait 
publié   précédemment  un  petit   ou- 
vrage ,   dans  lequel  il  s'altacbait  a 
prouver  que  le  but  de  Saint-Martin 
était  de  servir  les  intérêts  des  Jésui- 
tes et  du  Pape  [Foj.  Saiwt-Mar- 
TiN  ,  XL  ,  24).   En  parlant   de  cet 
opuscule,  Mirabeau,  dans  sa   Mo- 
narchie prussieiuie  ,  dit  que  le  nom 
de  Fauteur  sera  cher  à  l'humanilé  , 
quand  la    crise   souterraine   qui 
agite  l'Allemagne   sera    passée. 
Peu  de   temps   avant  sa  mort  ,    re- 
levant  d'une    maladie  ,    Bode    était 
venu   en  Basse-Saxe  dire  un  dernier 
adieu  aux  lieux  où  il  avait  passé  sa 
jeunesse.  A  sou  retour  à  Weimar  , 
ayant  recouvré  ses  forces  ,  il  se  dis- 


BOD 

posait  a  commencer  uue  traduction 
de  Rabelais  ,  lorsque  sa  dernière 
heure  sonna,  le  i  3  décembre  Ï793  , 
comme  il  l'avait  toujours  désiré  ,  sans 
se  faire  pr&ssentir.  Bode  appartient 
au  petit  nombre  d'écrivains  qui,  tout 
en  se  bornant  a  traduire,  ont  pris  lang 
parmi  les  auteurs  originaux.  Ses  ou- 
vrages sunt  classiques  en  Allemagne: 
on  estime  surtout  ses  traductions  de 
Sterne  et  de  Moulaigne.  11  a  même 
écrit  dans  le  style  du  premier  quel- 
ques pages  qui  reproduisent  fidèle- 
ment sa  manière.  11  a  laissé  de  nom- 
breuses compositions  musicales ,  50- 
los,  concertos,  symphonies.  L'un 
de  ses  amis,  le  savaut  Bœttiger,  a 
donné'  un  essai  curieux  sur  sa  vie 
littéraire.  Sous  quelques  rapports, 
Bode  pourrait  être  conoparé  au  célè- 
bre Hoffmann,  l'auteur  des  Contés 
fantastiques  ^  qui,  comme  lui,  passa 
par  la  musique  pour  arriver  a  la  lit- 
térature. M — N — s  et  W — s. 

BODE  (Jean-Elert),  astronome 
célèbre  ,  naquit,  le  19  janvier  17-47, 
a  Hambourg  ,  où  son  père  tenait  un 
pensionnat  pour  les  jeunes  gens  qui 
se  destinaient  au  commerce.  H  y  fit 
ses  premières  études  ,  et  dès  1  âge  de 
17  ans  fut  en  état  d'aider  son  père 
dans  ses  fonctions  d'instituteur.  Ani- 
mé du  zèle  le  plus  ardent  pour  l'étu- 
de ,  il  consacrait  a  celle  des  mathé- 
matiques, de  la  géographie  et  de 
l'astronomie  les  moments  destinés  à 
la  récréation.  Les  premières  notions 
de  mathématiques  lui  furent  données 
par  sou  père ,  et  plus  tard  il  reçut 
des  leçons  du  docteur  Busch,  direc- 
teur de  l'académie  du  commerce  à 
Hambourg ,  qui  l'encouragea  particu- 
lièrement dans  les  études  aslronomi- 
aues.  I!  avait  arrangé  une  sphère  avec 
la  boule  d'un  jeu  de  quilles ,  et  il  avait 
dessiné  un  rapporteur  sur  du  carton  , 
ignorant  qu'il  eu  existât  en  cuivre. 


BOD 

A  l'aide  do  verres  de   lunettes,   il 
s'était  fait  un  télescope;  et,  «'instal- 
lant   dans    le  grenier  de  la  maison 
paternelle  ,  il  observait  les  astres.  A 
l'âge  de  i  8  ans,  il  calculait  et  décri- 
Tait  arec  beaucoup  de  précision  et 
d'exactitude  la  marche  des  planètes 
et  les  éclipses  de  lune.  Uoe  maladie 
grave  que  lit  son  père   en  1760  lui 
offrit  une  occasion  d'étendre  ses  con- 
naissances astronomiques.  Le  docteur 
Reimarus,    professeur  d'histoire  na- 
turelle  au  gymnase  de  Hambourg, 
ayant  été  appelé  en  consultation,  lut 
frappé  de  voir  le  jeune  Bode  occupé 
a  calculer  et  à  dessiner  une  éclipse 
de  soleil.  Il  le  pria  de  lui  confier  son 
travail ,  et  se  liâta  de  le  communiquer 
au  professeur  Busch  [Voy.  Busch  , 
VI ,  358)  qui ,  ayant  fait  venir  chez 
lui  le  jeune  savant,  l'engagea  à  con- 
tinuer ce  genre  d'étude,  et  mit  tous 
ses  livres,  tous  ses  instruments  d'astro- 
nomie à  sa  disposition.  L'année  sui- 
vante (1766),  Bode  fit  connaître  ses 
progrés  par  la  publication  d'un  petit 
écrit  sur  l'éclipsé  de  soleil  qui  devait 
avoir  lieu  le  5'  août  de  celte  même 
année,  et  qu'il  avait  calculée  d'après 
les  tables  et  la  méthode  de  Lacadle. 
Peu  de  temps  après,  par  les  conseils 
de  Busch,  il  composa  un  traité  élé- 
mentaire   d'astronomie  ,    qui    parut 
sous  ce  titre  :   Introduction   à.  la 
connaissance  du  ciel  étoile,  Ham- 
bourg ,  1768  ,  in-8",  avec  une  pré- 
face,  que  Busch  rédigea  lui-même. 
Cet  ouvrage,  qui  jouit  dès-lors  dans 
toute  l'Allemagne  de  la  vogue  classi- 
que à  laquelle  semble  destinée  en  An- 
gleterre et  eu  France  l'Astronomie 
élémentaire  d'Herscbell,  en  est  a  sa 
vingtième  édition.   La  réputation  du 
jeuue  astronome  s'accrut  bientôt  par 
la  publication  des  feuilles  mensuelles 
connues  sousleùlreàe  •.Inti^oduction 
à  la  connaissance  de  la  situation  et 


BOD  Ai5 

du  mouvement  de  la  lune  et  des 
autres  planètes^  qu'il  continua  depuis 
l'année  1770  jusqu'en  1777,  c^est- 
à-dire  pendant  sept  ans.  L'astronome 
Lalande  distingua  bientôt  Bode  et 
eut  avec  lui  une  correspondance  sui- 
vie 5  souvent  il  lui  demanda  et  il  en 
reçut  de  précieux  avis.  En  1769, 
Bode  publia  une  petite  dissertation 
sur  le  passage  de  Venus  devant  le  so- 
leil ,  qui  devait  avoir  lieu  le  3  juin. 
Ce  fut  ce  phénomène  qui  fit  alors 
entreprendre  au  capitaine  Cook  un 
voyage  dans  la  mer  du  Sud  ,  et  qui 
conduisit  également  Chappe  d'Aute- 
roche  [Voy.  ce  nom,  VIII,  65) 
dansla  Californie,  où  il  mourut.  Le  29 
août  de  la  même  année,  Bode  décou- 
vrit la  mémorable  comète  qui  se 
montra  dans  la  constellation  du 
Taureau.  C'était  la  première  qu'il  eût 
vue  ,  et ,  dès  le  mois  de  sept.,  il 
publia  sur  cette  apparition  un  article 
où  il  en  annonça  le  retour  pour  le 
mois  d  octobre.  Ces  découvertes 
ajoutèrent  beaucoup  à  la  réputation 
de  Bode,  et  il  compta  dès-lors  au 
nombre  de  ses  amis  les  hommes 
les  plus  distngués  ,  entre  autres 
Pieim.arus  ,  Ebeling  ,  Claudius  et 
Klopstock.  En  I  772, _  ayant  adressé 
un  exemplaire  de  ses  Eléments  d'as- 
tronomie au  professeur  Lambert ,  il 
en  reçut  les  remercîments  les  plus 
flatteurs  ,  et  fut  nommé  presque  aussi- 
tôt astronome  pratique  de  l'acadé- 
mie de  Berlin.  Appelé  dans  cette  ré- 
sidence par  l'illustre  Frédéric  II ,  il 
y  trouva  de  grands  avantages,  et  se 
livra  au  pénible  calcul  des  Ephé- 
mérides  ou  Annales  du  cours  des 
astres.  En  1782  ,  il  fut  admis, 
comme  membre  titulaire,  al' académie 
des  belles-lettres  de  Berlin  ,  et  peu 
de  temps  après  il  lut  nommé  direc- 
teur de  l'observatoire  de  cette  ville. 
Plein  de  reconnaissouce  pour  le  mo- 


4i6 


BOD 


narque  sou  bienfaiteur,  il  donualenom 
de  Gloire   de   Frédéric  {Friedrichs 
Ehre)   a  un  groupe  d'étodes  placé 
auprès  de    Céphée,   de  Cassicpée , 
de    Pégase,    elc    Celte    dénomina- 
tion   a    été    généralement    adoptée 
par  les  astronomes,  et  l'on  peut  dire 
que    F:ode    a  ainsi   érigé   au   prince 
guerrier  el  philosuplie  un  monument 
plus  durable  que  le  marbre  et  l'ai- 
rain.  Ce  fut  sans  contredit  un    des 
savants  les  plus  laborieux  du  XVIIP 
siècle ,  et  il  contribua  beaucoup  par 
ses  écrits  à  rendre  en  quelque  sorte 
populaire    en   Allemagne  la  science 
aslronomique.    Indépendamment    de 
ses  fonctions  et   de  ses  occupations 
habituelles,    il   se  livra  particulière- 
ment aux  calculs  des  Ephéniérides 
astronomiques,    qui    depuis    1774 
avaient  été  publiées  sous  les  auspices 
de  l'académie  royale.  Ce  recueil  pré- 
cieux ,  et    indispensable    pour    tout 
astronome,    avait   paru    sans   inter- 
ruption ,    et  le  ii"   volume    venait 
d'élre  terminé  peu  de  temps  avant  la 
mort  de  l'auteur.  En  1773,   la  so- 
ciété des  Amis  de  Ihistoire  naturelle 
{jialurjorsclienden  Freunde  )  avait 
été  organisée  a  Berlin  5  Bode  était  le 
dernier   des   fondateurs  existants  de 
celte  réunion.  On  a  trouvé  dans  les 
registres  de  cette  société  de  nombreu- 
SL'A  dissertations   écrites  de  sa  main, 
lin  I  798  ,  il  assista  a  la  célèbre  as- 
semblée    des     astronomes    réunis    a 
fobservatoire  de  Gotha,  un  des  plus 
beaux  et  des  plus  utiles  élablissemeuls 
de  ce  génie.  On  sait  qu  a  l'occasion 
de  cetle  réunion ,  provoquée  par  La- 
laude,  l'Angleterre  fit  des  représen- 
talions  a  la  cour  de  Golha ,  alléguant 
qu'on  ne  pouvait  savoir  si  messieurs 
les   astrouoraes    ne    s'occupaient  pas 
plutôt  des  affaires  de  la  terre  que  de 
celles  du. cie!  5  mais  ce  qui  est  peut- 
être  moins  connu ,  c'est  ce  que  Bode 


BOD 

fit  dans  celte  circonstance  pour  don- 
ner plus  d'exleusion  a  la  science  de 
l'astrouornle.  Son  souverain ,  recon- 
naissant des  services  qu'il  avait  ren- 
dus à  cette  science  ,  l'en  récompensa 
à  son  retour  par  l'addition  de  cent 
cinquante  frédérics  a  son  traitement. 
Les  résultats  des  observations  de  Bo- 
de sont  la  découverte  de  plusieurs  co- 
mètes, d'étoiles  doubles,  de  nébu- 
leuses et  autres  objets  remarqua- 
bles. Le  i"^'  août  1781,  il  aperçut 
la  planète  Uranus,  qui  déjà  signalée 
plusieurs  fois  par  des  observateurs , 
mais  prise  pour  une  étoile ,  avait  été 
enfin  retrouvée  et  reconnue  pour  une 
planète, le  1 3 mars  delà  même  année, 
par  Herscbell,  en  Angleterre.  Outre 
ses  Annales  astronomiques  ,  il  pu- 
blia son  Liranographe  ou  Grand 
Atlas  céleste  (en  latin},  en  20 
cartes ,  dans  lequel  il  a  donné  une 
liste  de  17,240  étoiles,  étoiles  dou- 
bles ,  nébuleuses,  groupes  d'étoiles, 
c'est-à-dire  12,000  de  plus  que  n'en 
renferment  les  anciennes  cartes.  Ce 
travail,  auquel  il  joignit  les  descrip- 
tions et  insiructions  nécessaires, 
suffit  pour  faire  passer  le  nom  de  son 
auteur  a  la  dernière  postérité.  Plu- 
sieurs académies  et  sociétés  savantes 
des  principales  villes  de  l'Europe  , 
telles  que  Berllo;,  Londres,  Péters- 
bourg,  Stockholm,  Copenhague, 
Gœltiugue  ,  Munich,  Ulrecht,  Mos- 
cou, admirent  Bode  dans  leur  sein. 
En  1817,  a  l'occasion  de  la  fêle  de 
la  réformation,  l'université  de  Breslau 
lui  envoya  le  diplôme  de  docteur  eu 
philosophie.  Décoré  en  181 5  de  l'or- 
dre de  l'Aigle-Rouge  de  Prusse  de 
troisième  classe,  il  le  fut  en  1822  de 
la  deuxième  classe  ,  à  l'occasion  de 
son  jubilé  comme  fonctionnaire  de 
l'élal ,  el  recul  en  même  ten:ps  la  dé- 
coralion  de  l'ordre  de  Sainte-Anne 
de  Russie  ,  que  l'ambassadeur  Alo- 


BOD 

pens  lui  remit  au  noui  de  sou  souve- 
rain. Les  membres  de  l'académie  ,  un 
graud  nombre  de  professeurs  de  l'uni- 
versité, etc.,  prirent  part  a  cette  fêle, 
et  une  dépulation  de  la  société  des 
Amis  de  Thisloire  naturelle,  dont 
Bode  était  le  dojea ,  lui  remit  une 
coupe  en  argent.  Lorsque  dans  le 
mois  d'octobre  suivant ,  |k  l'occasioa 
delà  publication  du  5o''"  volume  des 
Ephémérides  astronomiques ,  il 
célébra  son  jubilé  comme  littéra- 
teur, les  minisires  de  l'intérieur  et 
des  finances  ,  MM.  de  Schuckmann 
et  de  Rlewitz,  honorèrent  cette  fête 
de  leur  présence,  et  le  buste  de 
Bode ,  qui  plus  tard  a  été  placé  a 
l'observatoire  ,  fut  un  des  ornements 
de  la  table ,  ainsi  qu'une  mappe- 
monde en  argent  ,  sur  laquelle  on 
remarquait  la  constellaliou  qui  avait 
reçu  de  lui  le  nom  de  Gloire  de 
Frédéric.  Quoique  forcé,  par  l'af- 
faiblissement de  ses  forces  physi- 
ques, de  se  démettre  de  ses  fonctions 
soit  comme  astronome  et  comme  di- 
recteur de  l'observatoire  de  Berlin  , 
soit  comme  membre  de  l'académie  , 
Bode  ne  cessa  de  se  livrer  à  l'élude 
avec  son  zèle  accoutumé.  Les  calculs 

four  son  Annuaire  astronomique 
occupèrent  jusqu'à  la  fin  de  sa  car- 
rière 5  et  déjà  il  avait  calculé  le  cours 
du  soleil  pour  l'année  i83o,  et  celui 
de  la  lune  pour  deux  mois  de  la  mê- 
me aunée  ,  lorsque  la  mort  vint  le 
frapper  le  ^5  novembre  1826  ,  a  la 
suite  d'une  fluxion  de  poitrine.  Ayant 
conservé  toutes  les  facultés  de  sou 
esprit  jusqu'au  dernier  moment,  il 
s'occupait  paniculièremeutdel'éclipse 
desoleilqui  devait  avoir  lieu  le  29  no- 
vembre, et  s'en  entretenait  encore 
le  jour  de  sa  mort  avec  le  profes- 
seur Enke.  On  donne  le  nom  de  loi 
de  Bode  a  la  célèbre  loi  de  la  pro- 
gression double  des  rayons  des  or- 


BOD 


417 


biles  planétaires.  Cette  relation  avait 
élé  entrevue  avrul  lui,  puisqu'elle 
avait  déjà  fixé  l'attsutiou  de  Kepler^ 
n  ais  il  l'a  précisée  en  I  énonçant  de 
la  manière  suivante  :  «  Prenant  pour 
4.  le  rayon  de  lorbile  de  JNlercure, 
on  a  pour  ceux  des  autres  orbites 
planétaires,  4-  +  5  (Vénus),  4  -f- 
2  X  3  (la  Terre),  4-  +  4  X  3  (Mars) , 
4-4-8x5  (Cérès) ,  4  +  16  x  3 
(Jupiter),  4  -|-  3-  X  3  (Saturne),  4 
4-  64x  3  (Lranus).  Mais  ce  qu'il 
y  a  de  vraiment  remarquable ,  c'est 
que  Bode  ,  en  formulant  ainsi  sa  loi 
long-temps  avant  1800,  exprimait  le 
soupçon  qu'entre  Mars  et  Jupiter 
existait  une  planète  qui  satisfaisait  a 
cette  loi  de  progression:  merveilleux 
pressentiment  confirmé  le  premier 
jour  de  notre  siècle  par  la  découverte 
de  Cérès!  Toutefois  on  doit  remarquer 
que  l'expression  de  la  loi,  telle  que 
nous  venons  de  la  donner, semble  avoir 
élé  imaginée  exprès  pour  montrer  ce 
qu'il  y  a  en  quelque  sorte  de  contra- 
dictoire entre  la  distance  de  Mercure 
à\enus,  et  la  loi  telle  que  natu- 
rellement lesprit  la  suppose.  En 
effet,  que  conçoit  ou  de  prime  abord  .* 
des  intervalles  doubles  ,  et  Mercure 
rompt  cette  harmonie  puisque  de  son 
orbite  à  celle  de  \  énus  il  y  a  pres- 
que autant  que  de  celle  de  Vénus  h 
celle  de  la  Terre.  Mais  Mercure 
offre  encore  bien  d'autres  anomalies  : 
seul,  de  toutes  les  planètes  non  téle- 
scopiqueSjil  a  une  orbite  à  excentricilé 
très-forte  5  et  seul  d'entre  elles  il  a 
le  pôle  de  son  orbite  à  une  dislance 
considérable  de  la  région  du  ciel  où 
sont  groupés  aujourd'hui  les  pôles 
des  autres  orbes  planetaiies.  Il  serait 
donc  mieux,  afin  de  maiulenir  la 
simplicité  du  système,  de  faire  abs- 
tracliou  de  Mercure.  Alors  la  pro- 
gression des  intervalles  doubles  se 
vérifierait  rigoureusement   entre  les 


^i8 


BOD 


limites  des  excentricités,  c'esl-a-dire 
sur  des  rayons  vectenrs  pris  entre  le 
périhélie  et  l'apliélie  de  chacpie  or- 
bite. Ainsi  comprise  ,  la  loi  de  Bode 
comme  celles  de  Keppler  serait  sus- 
ceptible d'un  énoncé  mathématique 
{Voj.  Keppler,  XXII,  ooi).  Bode 
a  laissé  de  nombreux  écrits,  parmi 
lesquels  on  remarque ,  outre  ceux 
que  nous  avons  cités  :  I.  Représen- 
tation des  astres  sur  trente-quatre 
planches,  <ivec  une  traduction, 
etc.,  Berlii^  1782,  in-4.°  oblong  ; 
deuxième  édition,  Berlin,  i8o5,  in- 
4-°  et  in-8°,  II.  Système  plané- 
taire du  soleil,  1 788.  III.  Un  grand 
nombre  de  Dissertations  (  en  fran- 
çais) ,  dans  les  Mémoires  de  [aca- 
démie de  Berlin.  Voici  les  titres 
des  principales  :  1°  Considérations 
générales  sur  la  situation  et  la 
distribution  de  toutes  les  planètes 
et  comètes  qui  ont  été  calculées 
jusqu'à  ce  jour  (1 792)  5  2°  Sur  les 
points  lumineux  observés  dans  la 
partie  obscure  de  la  lune  (1790)  ; 
5°  Observations  sur  la  distribution 
des  nébuleuses  et  des  groupes  d'é- 
toiles dans  le  firmament  (1799I; 
k°  Conjectures  sur  les  déplace- 
ments des  pôles  et  de  l'axe  de  la 
terre  5  5°-9°  Observaiions  astro- 
nomiques faites  à  l'Observatoire 
de  Berlin  de  1798  à  1800  (i8o3)  , 
en  i8oi  (i8o4-),  en  1802(1804), 
en  i8o3  (i8o5j,  eu  1804(1807); 
10°  Histoire  de  V  Observatoire  de 
Berlin,  etc.  (i8o4),  avec  trois 
planches;  11°  Histoire  de  la  dé- 
couverte,  faite  en  1801,  d'une 
étoile  mobile  qu'avec  beaucoup 
de  probabilités  on  peut  regarder 
conune  la  planète  supposée  depuis 
long- temps  entre  Mars  et  Jupiter 
(x 8 04)5  12"  Apeix-iis  ,  calculs  et 
observations  supplémentaires  sur 
le  vrai  cours  de  Cérès  et  de  P allas 


BOD 

(1804.),  avec  une  planche.  La  bio- 
graphiede  Bode, écrite  par  lui-même 
jusqu'à  sa  59''  année  ,  est  insérée 
dans  la  Biographie  des  savants, 
publiée  par  Lowe,  1806.  P — ot- 
BODEXSTEIiV  (Adam),  mé- 
decin spagyrique,  né  en  1628  ,  à 
Wiltemberg ,  était  fils  du  doyen  de 
la  faculté  de  théologie  de  cette  ville 

[Voj.   BODENSTEIN,    IV,    636).     Il 

n'avait  que  vingt-un  ans  a  la  mort 
du  fameux  Paracelse  [Voy.  ce  nom, 
XXXII,  543),  en  sorte  qu'il  ne 
put  recevoir  long-temps  ses  leçons  j 
cependant  il  embrassa  ses  principes 
avec  beaucoup  de  chaleur,  et  les  pro- 
pagea le  premier  dans  toute  l'Aile' 
magne.  Héritier  des  secrets  de  son 
maître,  il  se  flattait  aussi  de  posséder, 
avec  le  talent  de  faire  de  l'or,  celui 
de  prolonger  la  vie  humaine  bien  au- 
delà  des  boines  naturelles.  Néan- 
moins il  vécut  pau\Te  et  mourut 
aussi  jeune  que  Paracelse.  Se  trouvant 
à  Bàle  dans  le  moment  où  une  fièvre 
contagieuse  y  faisait  de  grands  rava- 
ges ,  il  annonça  qu'il  guérirait  tous 
ceux  qui  en  seraient  atteints  au  moyen 
d'une  thériaque  de  sa  composition. 
On  ne  sait  s'il  fit  usage  de  ce  remède, 
mais  il  mourut  vers  la  fin  de  février 
1577,  ^  ^9  '^"^'  ^^^  restes  furent 
déposés  dans  l'église  Saint-Pierre , 
où  l'on  voyait  l'épitaphe  qu'il  s'était 
composée  et  qu'on  a  recueillie  dans 
la  Basilea  sepulta.  Bodenstein  s'y 
montre  chrétien  confiant  dans  la  vie 
future,  et  très-indifférent  sur  le  juge- 
ment que  la  postérité  porterait  de  lui. 
On  y  retrouve  au  sujet  de  la  mort  le 
JHec  metuens ,  nec  optans  (i)  em- 
ployé depuis  par  Maynard(/^o_^.  ce 
nom,  XXVIl,  627).  De  Thou  fait 
mention  de  Bodenstein  dans  son 
Histoire,    et   Teissicr  a  reproduit 

(i)    C'est  l'idée  de  Martial  :  Summum  nec  me- 
tuas  diem,  nec  optes. 


BOD 

à^nsst&Ëloges  deshonvjies  savants , 
III,  i56,  ce  passage,  amplifié  d'un 
extrait  des  Vitœ  medicoruni  de 
Melchior  Adam.  Outre  des  traduc- 
tions latines  de  quelques  écrits  de 
Paracelse  ,  on  a  de  Bodenstein  : 
Epistola  ad  Fuggeros  in  qud  ar- 
gumenta alchjmice  in/îrniantia  et 
conjirmantin  addiicuntur.  De  Po- 
dagrœ  prœservatione.  De  Herbis 
duodecim  Zodiaci  sig/iis  dicatis. 
fsagogen  in  rosariwn  chynùcoruni 
Arnoldi  de  J^illanova.  Ces  ou- 
vrages ont  été  réunis  en  un  volume 
in-folio,  Bàle  ,  i58i.         W — s. 

BODIN  (Pieere-Joseph-Fran- 
çois)  était  cbirugien  dans  le  bourg 
de  Limcray  en  Touraine ,  avant 
la  révolution.  II  en  adopta  les  prin- 
cipes avec  modération  et  devint,  en 
1790,  maire  de  Gournay.  Le  dé- 
partement d'Indre  -  et  -  Loire  le 
nomma,  en  1792,  un  de  ses  députés 
a  la  convention  nationale,  où  il  parla 
pour  la  première  fois  dons  le  procès 
de  Louis  XVI.  Sou  discours  en 
cette  occasion  donne  une  idée  juste 
des  concessions  auxquelles  était  alors 
obligé  un  homme  de  bien,  lorsqu'il 
avait  le  courage  de  dire  la  vérité. 
On  y  voit  que  ce  n'est  qu'après  de  ré- 
dicules  déclamatious ,  selon  l'esprit 
de  cette  époque,  que  Bodin  ose  expri- 
mer sa  véritable  opinion,  a  Louis  a 
«  rompu  le  contrai  social  quil'unis- 
«  sait  au  peuple,  dit-il  5  il  a  parjure 
«  son  serment,  a  conspiré  contre  la 
«liberté:  tels  sont  ses  crimes,  et 
«  tel  est  le  coupable  sur  lequel  il 
a  s'agit  de  prononcer ,  non  en  juges 
a  mais  en  hommes  d  état ,  non  en 
«  gens  passionnés ,  mais  en  hommes 
K  sages  ,  lisant  dans  le  passé,  réflé- 
ic  chissant  sur  l'avenir,  et  de  ma- 
«  nlère  à  faire  tourm-r  le  sort  de 
tt  Louis  au  plus  grand  bien  de  la 
«  républi([ue.  Comme  le  muude  cu- 


BOD  419 

«  lier  nous  contemple ,  que  la  pos- 
te lérité  nous  jugera,  et  que  le  salut 
K  public  dépend  de  noire  délermi- 
cc  nation;  comme  on  n^est  pas  grand 
a  par  de  grandes  exécutions,  mais 
«  par  de  grands  exemples  de  modé- 
«  ration  et  d'humanité ,  par  des  ac- 
fi  les  de  prudence  et  non  par  le  sen- 
te liment  de  la  haine  et  l'amour  de 
a  la  vengeance  ;  comme  enfin  jamais 
tt  un  holocauste  de  sang  humain  ne 
ft  peut  fonder  la  liberté ,  je  vote 
t^L  pour  la  réclusion  de  Louis  et  de 
<c  sa  famille,  pour  être  déportés  a  la 
ce  paix.  3)  Bodiu  vota  ensuite  pour 
le  sursis  a  l'exécution.  Mais  après 
ce  grand  procès  ,  il  sembla  rester 
consterné  et  très-effrayé  des  périls 
auxquels  il  s'était  ainsi  exposé ,  il 
garda  le  silence  le  plus  complet, 
lut  le  témoin  le  plus  impassible  de 
tous  les  excès  qui  marquèrent  la 
session  conventionnelle  jusqu'à  la 
révolution  du  9  thermidor.  Ce  ne  fut 
que  le  2  octobre  1794,  trois  mois 
après  la  chute  de  Robespierre,  qu'il 
reprit  la  parole  en  faveur  des  sus- 
pects, dont  toutes  les  prisons  étaient 
encore  remplies.  Il  fut  ensuite  élu 
secrétaire  ;  fit  décréter  la  liberté  des 
entreprises  des  voitures  publiques  et 
dispenser  les  ouvriers  du  service  de 
la  garde  nationale.  Il  eut  en  1796  , 
dans  les  départements  de  l'Ouest, 
une  mission  où  il  fit  encore  preuve 
de  raison  et  de  sagesse.  Après 
la  session,  il  fut  du  nombre  des 
deux  tiers  des  conventionnels  qui  fi- 
rent partie  du  conseil  des  cinq-cents^ 
où  il  provoqua  des  mesures  sévères 
contre  les  déserteurs  k  l'intérieur. 
Réélu  en  1799  ,  pour  la  même  as- 
semblée ,  par  le  département  des 
Deux-Sèvres,  il  ne  vil  cesser  ses 
fondions  législatives  que  par  la  ré- 
volution du  18  brumaire  ,  et  fut  en-r 
suite  nommé  par    le    gouvernement 


a-]. 


420  BOD 

consUktiire  corainandaul  de  la  gen- 
dariticrie  du  déparlement  de  Loir  et- 
Cher.  C'est  daus  ces  fondions  qu'il 
mourut  à  Blois  en  i  809.  Bodin  avait 
publié,  en  i'797,uu  Essai  sur  les  ac- 
couchements qui  eut  peu  de  s'iccès. 
—  BoDiN  [Laurent) ,  né  à  Saint- 
Paterne  en  1762,  et  médecin  dans  la 
même  ville,  a  pub'ié  divers  écrits  sur 
sa  profession  ,  entre  autres  des  Ré- 
flexions couire  le  système  de  Gall , 
et  une  Bibliographie  analytique 
de  la  médecine.  M — nj. 

BODI\  (Jean -François)  ,  né 
à  Angers  le  26  septembre  1766,  fit 
ses  études  dans  celte  ville  et  se  con- 
sacra d'abord  à  l'architecture  ,  où  il 
avait  acquis  uue  liabileté  remarqua- 
ble. Mais  la  révolution,  si  ienible 
dans  ces  contrées,  y  rendit  bit-ntôt 
sou  art  inutile.  Il  en  adopta  néan- 
moins la  cause  avec  beaucoup  d'en- 
thousiasme et  fut  nommé,  en  1792, 
l'un  des  administrateurs  du  district  de 
Saint -FLirent.  Placé,  dès  l'année 
suivante  ,  au  commeucemeul  de  la 
guerre  civile,  dans  le  ceulie  des 
événements  les  plus  désastreux  ,  et 
forcé  de  renoncer  à  ses  fonctions 
d'administrateur ,  il  devint  piyeur 
de  l'armée  de  l'Ouest,  et  ,  dans  les 
premières  défaites  qu'éprouvèrent 
les  troupes  républicaines  ,  fut  exposé 
plusieurs  fois  a  perdre  sa  caisse. 
Il  réussit  à  la  sauver  par  sa  pré- 
voyance et  par  son  aciiviié.  Après  la 
pacification,  il  obtint  divers  emplois 
de  finances  et  continua  cependant  a 
s'occuper  d'architec'ure.  L'institut 
ayant  ouvert,  en  1796.  un  concours 
pour  un  monument  a  élever  aux  ar- 
mées françaises ,  Bodin  envoya  un 
projet  d'arc  tiiomphal  qu'il  plaçait 
ii  1  endroit  même  où  l'on  a  élabli  ce- 
lui de  l'Eiuile  j  mais  il  fut  jugé  trop 
dispendieux.  A  l'époque  de  la  res- 
tauration ,    en    181 4,   Bodin    était 


BOD 

receveur  des  contributions  a  Saumur. 
i>0(sque,  aprèslaJéfailede  Waterloo, 
l'armée  française  se  retira  derrière  la 
Loire,  enjuillet  i  81  5,  il yremplilmo- 
menlanément  les  fonctions  de  payeur  5 
et,  dans  l'élat  de  pénurie  où  se  trou- 
vait celte  armée,  il  contribua  beau- 
coup, par  son  zèle  et  son  crédit,  à  y 
maintenir  l'ordre  en  assurant  la  solde 
et  lasubsistance  des  tmupes.  Après  le 
licenciement,  il  reprit  sou  emploi  de 
receveur.  Nommé,  en  1820,  mem- 
bre de  la  chambre  des  députés  par 
le  département  de  Maine-et-Loire, 
et  ayant  pris  avec  les  électeurs  leu- 
gagemeut  de  se  ranger  du  parti  de 
l'opposition ,  il  donna  sa  démissioa 
d'un  emploi  lucratif,  qui  le  tenait 
dans  la  dépendance  du  ministre  des 
finances.  Il  vola  toujours  eu  consé- 
quence contre  le  ministère,  mais 
il  prit  rarement  la  parole  ,  se  bor- 
nant a  adresser  chaque  année  a  ses 
commetiants  des  lettres  où  il  leur 
faisait  connaître  les  opérations  de 
la  chambre  et  la  marche  des  évé- 
nements. Il  fit  ainsi  imprimer 
trois  Lettres  en  1820,  1821  et 
1822.  Il  cessa,  en  1823,  de  faire 
partie  de  la  chambre  des  dépu- 
tés, et  retourna  dans  son  départe- 
ment, où  il  vécut  dcins  ses  terres  et 
ne  parut  plus  occupé  que  de  la 
culture  des  sciences  et  des  lettres. 
H  avait  publié,  dans  les  années  i  8  r  2 
à  I  8  I  5  ,  un  ouvrage  fort  remar- 
quable sous  le  litre  de  Recherches 
historiques  surlaville  de  Saumur 
(Haut- Anjou)  ,  ses  monuments  et 
ceux  de  ses  arrondissements ,  2  v. 
in-S'^,  avec  planches  et  une  Bio- 
graphie saumuroise.  On  y  trouve 
quelques  détails  minutieux,  maisinté- 
res'sanls,  sur  les  mœurs  des  habitants 
de  cette  contrée  dans  les  différents 
siècles.  Bodin  publia,  en  1821-22, 
sur  le  même  plan,  des  Recherches 


BOD 

historiques  sur  l'Anjou  et  ses  mo- 
numents, Angers  et  le  Bas-Anjou, 
2  vol.  in- 8",  avec  planches  et  une 
Biographie  angevine.  Une  suite 
a  été  im|)rimée  dans  le  tome  III 
des  Mémoires  de  la  société  royale 
des  antiquaires  de  France,  dont 
Bodin  était  correspondant.  Ces  deux 
ouvrao;cs  le  fiient  nommer  corres- 
pond.int  de  l'inslitnl.  Il  est  mort 
en  1829,  dans  sa  terre  Je  Lau- 
nav.  On  a  encore  de  lui  une  Let- 
tre à  Eloi  Jdkanneau  sur  la  tour 
d'Evraud  à  Fontevraud ,  av  ec 
pliinche,  insérée  dans  le  tome  V  des 
Mcraoires  de  l'académie  celtique. 
J.-F.  BoJin  était  le  père  de  M.  Fé- 
lix Bodin.  homme  de  lettres,  et  au- 
jourd  hui  membre  de  la  chambre  des 
députés.  M — DJ. 

BODONI  (Jean-Baptiste),  un 
des  plus  célèbres  imprimeurs  du  dix- 
huilième  siècle,  naquit^  le  16  février 
1  74.0  ,  a  Saluées,  daiislesélaisduroi 
de  Sardaigne,  d'une  famille  honnête  , 
mais  mal  partagée  des  biens  de  la  for- 
tune. 11  apprit  dans  l'alelier  de  son 
père  les  premiers  principes  de  l'art 
qu'il  devait  portera  une  perfection  in- 
connue jusqu'alors,  mais  il  avait  au- 
paravant fait  d'excellentes  études  au 
collège  de  sa  ville  natale  ;  et  l'on  ne 
peut  (loulcr  que,  s'il  eût  suivi  la  car 
rière  des  lettres  ,  il  n'y  eût  éiialcment 
acauis  une  grande  réputation.  Dès 
son  enfance  il  montra  du  gnùt  pour 
le  dessin  ,  el  dans  ses  loisirs  il  gravait 
sur  bois  de  petites  vignettes  que  les 
curifux  recherchent  encore.  A  dix- 
huit  ans  ,  le  désir  de  se  perfectionner 
dans  son  état  lui  fit  entreprendre  le 
voyage  de  Rome.  H  partit  de  Saluées 
avec  sou  condisciple  Dominique 
Covta  ,  qui  se  flattait  qu'un  de  ses 
oncles,  seciélaire  d'un  prélat  ro- 
main ,  leur  faci'itcr.iil  les  moyens  de 
vivre  ,  en    attendant   qu'ils    eussent 


BOl) 


4îi 


trouvé  de  l'ouvrage.  Les  deux  amis 
encore  éloignés  du  terme  de  leur  voya- 
ge ,  avaient  épuisé  toutes  leurs  res- 
sources. En  vendant  quelques-unes 
de  ses  ladles  de  bois  aux  imprimeurs, 
Bodoni  se  procura  l'argent  nécessaire 
pour  continuer  sa  roule;  mais  a  leur 
arrivée  a  Piome  ,  l'oncle  de  Costa  sur 
lequel  ils  fondaient  toutes  leurs  espé- 
rances, déclara  qu'il  ne  pouvait  rien 
pour  eux  ,  et  leur  conseilla  de  repren- 
dre le  chemin  de  Saluces.  Découragé 
par  cette  réception  inattendue,  peu 
sVn  fallut  que  Bodoni  ne  suivît  ce  con- 
seil 5  mais,  avant  de  quilter  Rome,  il 
voulut  voir  l'imprimerie  de  la  propa- 
gande qu'il  avait  entendu  vanter  tant 
de  fois  à  sou  père.  La  politesse  de 
ses  manières  et  la  vivacité  de  son  es- 
prit plurent  à  l'abbé  Ruggierl  [T' oy. 
ce  nom  ,  XXXIX,  291  ),  surin- 
tendant et  directeur  de  l'établisse- 
ment, et  il  y  fut  admis  comme  ou- 
vrier ;  c'était  plus  que  n'avait  espéré 
le  pauvre  Bodoui  ddos  ses  rêves  de 
gloire  et  de  fi>rtune.  H  montra 
dans  les  différents  travaux  dont  il  fut 
chargé  tant  de  goût  el  d'habileté, 
(pie  le  cardinal  Spinelli  se  déclnra 
son  protecteur.  D'après  les  conseils 
de  ce  prélat ,  il  suivit  les  cours  de 
langues  orientales  a  l'université  de  la 
Sapience;  et,  dès  qu'il  fut  enélat  de 
lire  facilement  l'arabe  et  l'hébreu, 
il  remplaça  les  compositeurs  pour  ces 
deux  langues.  Ayant  été  chaigé  de 
l'impression  du  Missel  arabe- 
cophte  et  de  \ alphabet  tibétain, 
du  V .  Giorgi  [l  uj-.  ce  nom  ,  XYII, 
4.14),  il  s'acauitla  de  celte  tâche 
avec  un  tel  succès  que  Ruggieri  fit 
mettre  sou  nom  dans  la  suscrip- 
tiou  avec  celui  de  sa  ville  natale. 
Les  beaux  poinçons  que  Six!e\  avait 
fait  graver  par  Garamond  et  Lebé , 
pour  Fiiiiprimerie  de  la  propagande  , 
étaient  deniiis  long-lemjjs  négligés. 


4'22 


BOD 


En  les  remettant  en  ordre,  Bodoui 
conçut  l'idée  de  graver  lui-même  des 
poinçons,  art  dans  lequel  après  plu- 
sieurs essais  infructueux  ,  il  finit  par 
égaler  et  même  surpasser  tout  ce  ijue 
Ton  connaissait  de  plus  parfait  en  ce 
genre.  La  fin  tragique  deRuggieri(i) 
lui  rendant  le  séjour  de  Rome  insup- 
portable ,  Bodoni  accepta  les  propo- 
sitions qui  lui  furent  faites  pour  Tal- 
tirer  eu  Angleterre  ;  mais   arrivé  à 
Saluces  pour  prendre  congé  de  ses 
parents,  il  j  tomba  malade.  Sur  ces 
entrefaites  ,  le   marquis  de   Felino  , 
premier  ministre  de  Parme  ,  lui   fit 
offrir  par   le  P.  Paciaudi  la  direction 
de  rimpriraei-le  qu'il  se  proposait  d'é- 
tablir sur  le  modèle  de  celle  du  Lou- 
vre. Bodoni  flatté  de  cette  marque  de 
confiance    rompit  tous   ses  engage- 
ments et  se  rendit  a  Parme  eu  1768. 
Il  s'occupa  sur-le-champ  de  la  con- 
struction des  presses  j  et,  ayant  fait 
venir   de   Paris    des    caractères    de 
Fournier,  il  imprima   dès  la  même 
année  un  opuscule  poétique  qu'avait 
composé  l'abbé  Frugoui,  Ne  voulant 
pas  se  servir  plus  long-temps  de  ca- 
ractères étrangers  ,  il  en  grava  lui- 
même  d'après  les  beaux  modèles  lais- 
sés   par  les  imprimeurs   italiens   du 
quinzième  siècle  ,  et  il  en  publia  les 
épreuves  en    1771  ,  sous  ce  titre  : 
Saggio  tlpogrqfico  difregi  e  ma- 
juscole^  in-8°,  de  76  pages  ,  avec 
une  préface  dans  laquelle  il  repro- 
che a  Fournier  de  n'avoir  ,  en  parlant 
des   fonderies   italiennes  ,   dans    son 
Manuel  typographique,    cité  que 
celle  du  Vatican,  ouJdiant  la  fonderie 
des  Médicis,  a  Florence,  de  même 
que  celle  du  cardinal  Frédéric  Borro- 
meo,  a  Milan,  et  enfin  celle  du  car- 


(i)  M.  Lama  place  la  mort  de  l'abbé  Utiggifri 
vers  l'aniipe  1762  ;  ce  serait  quatre  ans  [<liis  tiit 
que  ne  l'a  fixée  M.  de  ângclis  dans  la  Biogra- 
phie universelle. 


BOD 

dinal  Barharigo  ,   pour  les  caractères 
orientaux ,   a   Padoue.    Ce   premier 
essai   ne  contient  que  les  alphabets 
grecs    et  latins;   mais  Bodoni   pro- 
mettait aux  bibliophiles  de  leur  don- 
ner les  alphabets  étrangers  ,  et  11 
remplit  cet   engagement  en    l'j'ji, 
par   la    publication    des   Iscrizioni 
esotiche ,   composées  par  J.-B.  de 
Rossl,  il  l'occasion  du  baptême  de 
rinfaut  don  Louis.  Cet  opuscule  de 
vingt- six  pages,  contient  vingt  in- 
scriptious  en  autant  de  langues,  avec 
la  traduction  latine  en  regard.  Cha- 
que Inscription  est  imprimée  avec  le 
caractère  propre  de  sa  langue,  gravé 
et  fondu  par  Bodoni.  L'année  suivan- 
te ,  il  profita  du  mariage  du  prince  de 
Piémont  avec  la  princesse  Clotilde  de 
France  ,  pour  faire   paraître  un  se- 
cond essai  de  ses  caractères.  Ce  vo- 
lume,  In-fol,,   de  cent  cinq  pages, 
est   intitulé  ;  Epithalamia  exolicis 
linguis  reddita 5  il  ofFie  vingt-cinq 
alphabets  de  langues  étrangères,  dont 
neuf  paraissaient  pour  la  première  fols. 
Le  conseil  de  Saluces,  auquel  il  en  fit 
ofi^rir   un  exemplaire ,    lui   témoigna 
sa  satisfaction  par  l'envol  d'une  paire 
de  flambeaux  d'argent  aux  armes  de 
la  ville.   Il  serait  inutile  d'indiquer 
ici  les  divers  ouvrages  sortis  chaque 
année  des    presses   de    Bodoni ,   et 
qui,  pour  la  plupart,  sont  autant  de 
chefs-d'œuvre  typographiques;  mais 
on  doit  citer  le   Couronnement  de 
la   célèbre    Corilla    Olimpia    (  Mo- 
relli-Fernandez),  1779,  petit  in-4°, 
enrichi  de  vignettes,  de  fleurons  et 
d'autres   ornements  que  Bodoni  em- 
ploya depuis  très-rarement,  persuade 
que  les  éditions   devaient  tirer  tout 
leur  mérite  de  leur  exécution  typo- 
graphique 5  les  OEuvres  de  Mengs , 
I  780.  2  vol.;  la  traduction  italienne, 
par  Aunibal  Caro,  de  Dapîinls   et 
Clïloé,  de  Longus,  avec  le  texte  grec, 


BOD 

Î786  ,  el  euFin  son  M  annale  tlpo- 
grajîco ,  1788  ,  in-4.°-  Ce  dernier 
volume  contient,  outre  la  série  de  ses 
caractères  grecs  (qui  s'élevait  alors 
à  vingt-huit  et  qu'il  porta  depuis  a 
trente-cinq),  cent  descriptions  de 
villes  en  italien ,  dont  les  cinquante 
dernières  sont  traduites  en  français^ 
imprimées  en  autant  de  sortes  de 
caractères  depuis  le  minuscule  que 
Bodoni  nomme  Pannigionina  , 
jusqu'au  gros  parangon  qu'il  désigne 
sous  le  nom  de  Papale.  Cette  même 
année,  Bodoni^  cédant  aux  instances 
d'Azara  ,  ambassadeur  d'Espagne, 
fil  un  second  voyagea  Rome  oij  il 
reçut  l'accueil  le  plus  distingué  des 
savants  et  des  membres  du  sacré 
col'ège,  ainsi  que  du  pape  Pie  VI, 
qui  s'entretint  long-temps  avec  lui 
d'objets  relatifs  a  son  art.  Le  cheva- 
lier d'Azara  tenta  de  le  retenir  à 
Rome ,  lui  offrant  d'établir  dans  son 
palais  une  imprimerie  pour  donner 
des  e'ditions  des  classiques  grecs,  la- 
tins et  ilaliensj  mais  Bodoni  sut  ré- 
sistera toutes  ces  sollicitations.  Avant 
de  revenir  dans  sa  pairie  adoptive,  il 
visita  Kaples,  et  il  fut  accompagné 
dans  ce  voyage ,  qui  devint  pour  lui 
une  suile  de  triomphes .  par  le  savant 
abbé  Fortis.  La  reine  de  Naples 
ayant  appris  son  arrivée  ,  an  moment 
où  elle  allait  partir,  lui  envoya  un 
gentilhomme  pour  l'inviter  à  se  ren- 
dre dans  son  cabinet.  Bodoni  s'étant 
excusé  sur  le  mauvais  état  de  sa  toi- 
lette ,  elle  lui  fit  dire  de  se  présenter 
comme  il  se  trouvait ,  car  c'était  lui , 
lui  seul  qu'elle  voulait  voir.  Il  était  de 
retour  à  Parme  dans  les  premiers 
mois  de  1789.  Azara, qui  n'avaltpoint 
abandonné  son  projet  de  donner  de 
belles  éditions  de  ses  auteurs  favoris  , 
le  pressait  de  revenir  a  Rome  pour 
en  diriger  l'impression.  Le  duc  de 
Parme  qui  l'aur.ait  vu  s'éloigner  avec 


BOD 


423 


peine  ,  voulant  concilier  avec  le  désir 
d'Azara  son  désir  de  conserver  Bo- 
doni, l'autorisa  àétablir  une  imprime- 
rie particulière ,  mettant  pour  cet 
objet  a  sa  disposition  un  immense  bâ- 
timent. Bodoni  fit  exécuter  aussitôt 
de  nouvelles  presses  avec  les  perfec- 
tionnements qu'il  avait  imaginés  pour 
obtenir  un  tirage  plus  égal ,  et  fondit 
une  assez  grande  quantité  de  carac- 
tères pour  pouvoir  envoyer  à  Rome 
des  épreuves  au  chevalier  d'Azara  , 
sans  que  l'impression  en  fût  retardée. 
C'est  de  celle  imprimerie  que  sorti- 
rent successivement  les  Edizioni 
Bodoniane.,  très-précieuses,  savoir  : 
Horatii  Flacci  opéra  ^  ^19^t  i 
vol.  in-folio ,  dont  la  valeur  est  de 
4oo  fr.'  J^irgilii  opéra  1793  ,  2 
vol.  in-folio,  4 00  fr.,  édition  très- 
recherchée,  que  les  amateurs  préfè- 
rent k  celle  de  Didot  5  Catulli,  Ti- 
bulli  ,  Propertii^  opéra,  ij^/\., 
I  vol.  in-folio  ,  200  fr.  ;  Taciti 
Annales,  1795  ,  3  vol.  in  -  4°? 
200  fr.  L'impression  de  Lucrèce  , 
dont  les  trois  premiers  livres  étaient 
déjà  tirés  ,  fut  interrompue  par  le 
départ  d'Azara  de  Rome ,  et  elle 
n'a  point  été  terminée.  En  1792  , 
Bodoni  reçut  du  pape ,  avec  un  bref 
conçu  dans  les  termes  les  plus  hono- 
rables, deux  médailles  ,  l'une  d'or  et 
l'autre  d'argent ,  en  remercîment  de 
son  Horace  dont  il  avait  adressé  un 
exemplaire  au  pontife ,  ainsi  que  de 
ses  trois  éditions  de  CalUmaque  ^ 
deux  imprimées  en  caractères  minus- 
cules et  la  troisième  en  lettres  on- 
ciales.  Le  roi  d'Espagne  Charles  III 
lui  avait,  dès  1782  ,  conféré  le  litre 
de  son  imprimeur  particulier  ;  en  le 
lui  confirmant,  Charles  IV  joignit  a 
ce  titre  honorifique  une  pension  de 
six  mille  réaux.  Bodoni  offrit  a  ce 
prince ,  par  reconnaissance  ,  la  dédi- 
cace   de    sa    belle    édition    de    la 


4î4 


BOD 


Gerusnlemtne  liherata  ,  1789, 
deux  vol.  in-folio.  Eu  1795,  il 
(lounacleux  éditions,  in-tol.  et  in-/i°, 
du  Traité  du  sublime  ,  de  Lon- 
giii ,  en  grec;  avec  une  dédicace  au 
pape  Pie  VI,  dcius  laquelle  il  rap- 
pelle le  bienveillant  accueil  que  le 
pontife  lui  avait  fait  à  Rome  et  les 
marques  d'estime  qu'il  en  avait  reçues 
plus  tard.  Celle  même  année  1790, 
il  publia  l'édition  iii-fol.  de  Y  Imi- 
tation de  Jésus-Christ  ^  dédiée  à 
l'infant  Louis ,  de  Parme  ;  il  re- 
produisit aussi  dans  le  même  format 
VAmiiite  du  Tasse  ,  dont  il  avait 
donné  une  édition  iu-4-°,  en  1789  ,  et 
mil  au  jour  ÏAnacréo)i,  ^rtc  et  la- 
tin, un  de  ses  cbefs-d'œuvre.  Ce  futau 
mois  de  déc.  de  cette  année  que 
Monsieur  (depuis  Louis  XVIII), 
accompagné  du  duc  de  Parme  ,  visita 
les  ateliers  de  Bodoni,  ainsi  que 
ceux  de  l'imprimerie  ducale  dont 
il  était  le  directeur.  Ce  prince , 
étonné  de  leur  étendue  et  de  l'ordre 
qu'il  V  vit  régner,  ne  put  s'empêcher 
de  dire  :  «  C'estlapremière  imprime- 
rie du  monde.  »  L'entrée  des  armées 
françaises  en  Italie  fut  pour  Bodoni 
l'occasion  de  nouveaux  triomphes. 
Les  simples  soldats  comme  leurs 
chefs  ambitionnèrent  la  possession 
de  quelques  ouvrages  sortis  de  son  im- 
primerie, et  ceux  qui  ne  pouvaient  se 
procurer  un  volume  achetaient  des 
billets  ou  des  lêles  de  lettres  quils 
conservaient  avec  respect.  Pvien  peut- 
être  ne  fait  plr.s  d'honneur  au  carac- 
tère de  la  nation  française  que  cet 
hommage  rendu  spontanément  au 
mérite  d'un  artiste  étranger.  Quoique 
la  guerre  ce  nuisît  point  à  ses  tra- 
vaux typographiques,  Bodoni  fut 
obligé  de  les  ralentir  poirr  faire  face 
aux  demandes  de  caractères  qu'il  re- 
cevait de  toutes  parts.  Ses  magnifi- 
ques éditiotjs,  en  répandant  son  nom 


BOD 

dans  toute  l'Europe,  avaieutiuspiré  le 
désir  à  chaque  imprimeur  de  pour- 
voir ses  ateliers  des  beaux  types  avec 
lesquels  on  avait  produit  de  tels 
chefs-d'œuvre.  Avec  ses  bénéfices  il 
se  trouva  bientôt  en  état  d'acheter, 
près  de  Borgo-San-Dounino,  une  riche 
propriété,  dans  une  situation  déli- 
cieuse. C'est  dans  celte  charmante 
retraite  ,  appelée  il  Pozzetto ,  qu'il 
se  proposait  de  se  '«étirer  dès  (ju'il 
aurait  achevé  son  3i^..iua/e  tipogra- 
fico  5  pour  y  jouir  enfin  du  repos  ac- 
quis par  uue  vie  laborieuse  Mais  ce 
projet,  dont  il  aimait  a  s'entretenir 
avec  ses  amis ,  ne  devait  jamais  se 
réaliser.  Des  affaires  de  famille  l'ayant 
appelé  en  1798  h  Turin,  il  y  fut 
accueilli  de  la  manière  la  plus  distin- 
guée par  les  savants  et  par  le  roi 
Charles-Emmanuel  ;  mais  rien  n'é- 
gale la  réception  qui  lui  fut  faite  a 
Saluées  où  il  avait  annoncé  qu'il  se 
rendrait  de  Turin.  Son  entrée  dans 
sa  ville  natale  fut  celle  d'un  prince 
dans  sa  capitale  après  une  longue 
absence.  Toute  la  population  s'était 
portée  à  sa  rencontre;  des  députés 
du  corps  municipal  furent  envoyés 
pour  le  complimenter  5  et,  deux  jours 
après,  s'étanlrendualHôtel-de-Ville, 
au  milieu  des  acclamations  de  ses 
compatiiotes ,  fiers  de  sa  renom- 
mée ,  Bodoni  fortement  ému  ,  s'é- 
cria :  «  Il  n'est  donc  pas  toujours 
«  vrai  que  nul  n'est  prophète  dans 
«  son  pays.  »  La  joie  que  lui  fit 
éprouver  celle  réception  fut  bien 
diminuée  par  les  critiques  qui  pa- 
rurent en  France,  "a  la  même  époque, 
de  son  édition  de  Virgile,  dans  laquel- 
le on  signala  plusieurs  fautes  gra- 
ves (2).  Bodoni,  en  annonçant  qu'il 

(21  Bodoni  prétendit  que  les  iiicoi rodions 
qu'on  lui  reprochait  ne  se  trouvait'iit  que  dans 
les  exemplaires  de  son  Virgile  qui  lui  avaient 
élé  volés;  mais  qu'elles  avaient  été  conigées 
dans  les  antres  exemplaires. 


BOD 

n'avait  jamais  ambitinuné  la  réputa- 
tion d'homme  de  lettres,  mais  celle 
de  typographe  ,  déclara  qu'il  ne 
répondrait  à  ses  critiques  que  par  la 
publication  de  son  3Ianuale  tipo- 
grajico  ■)  dont  il  s'occupait  depuis 
plusieurs  années  et  qu'il  se  flattait 
vainement  de  pouvoir  bientôt  ter- 
miner. En  1802,  il  se  chargea 
de  l'impression  de  l'Oraison  funè- 
bre de  1  infant  D.  Ferdinand,  dont  il 
El  trois  éditions  de  différents  formais; 
mais  il  ne  voulut  pas  qu'on  lui  rem- 
boursât ses  frais  ,  disant  qu'il  se 
trouvait  payé  par  l'honneur  qu'on  lui 
avait  fait  de  le  choisir,  dans  celte 
circonstance  ,  pour  reproduire  des 
sentiments  qu'il  partageait  avec  toute 
la  ville.  Le  conseil  de  VAnzianato, 
touché  de  ce  procédé  ,  ordonna,  par 
une  délibération  du  28  juillet  i8o3  , 
que  le  nom  de  Bodoui  fut  inscrit  sur 
le  livre  de  la  noblesse  ,  dans  la  c'asse 
des  Piazzetti;  et,  par  un  acte  du  17 
août  suivant,  il  décida  qu'une  médaille 
serait  frappée  en  l'honneur  de  ce 
grand  artiste, distinction  d'autant  plus 
flatteuse  pour  Bodoni  que  la  ville  de 
Parme  s'en  est  toujours  montrée  très- 
avare.  L'exécution  de  celle  médaille 
fut  confiée  à  Manfredini,  habile  gra- 
veur de  Milan.  Elle  est  entourée 
d'une  couronne  d'olivier,  et  au  re- 
vers de  l'effigie  de  Bodoni  on  lit  cette 
inscription  : 

Civi  opiiino 
Decurioni  snlertiss. 
Artis  ty|)Ogiophica" 
Coryphaco  eruditiss. 
Ex  XII  ïirùm  Parm. 
Décrète. 

Il  a  été  frappé  de  cette  médaille 
quatre  épreuves  en  or,  deux  cents  eu 
argent  ,  deux  cent  cinquante  en 
bronze  et  les  coins  ont  été  brisés. 
t  ne  des  médailles  d'or  fut  remise, 
le  24  février  1806,  à  Bodoni,  dans 
une  assemblée   de    tous  1rs  corps  de 


BOD  /,2  5 

magistrature.  Invité  la  même  année 
à  envoyer  pour  Texpojition  des  pro- 
duits de  l'industrie  française  quel- 
ques-uns des  ouvrages  sortis  de  ses 
presses  ,  Bodoni  s'en  défendit  en  di- 
sant qu'il  y  avait  en  France  des  im- 
primeurs qui  avaient  presque  ai- 
teint  le  maximum  de  la  perfec- 
tion ;  mais  d'après  de  nouvelles  in- 
stances du  ministre  Cliampagnv  ,  il 
lui  fil  passer  quatorze  ouvrages  (5)  , 
dont  le  plus  récent  était  l'Orai- 
son dominicale  en  cent  cinquante- 
cinq  langues  orientales  et  latines.  Bo- 
doni ,  comme  on  sait,  obtint  le  pre- 
mier prix.  En  le  lui  décernant,  le 
jury,  dont  on  doit  conserver  les  ter- 
mes, s'exprimait  ainsi  :  31.  Bodoni ^ 
de  Parme,  est  un  des  hommes  qui 
ont  le  plus  contribué  aux  progrès 
que  la  typographie  a  faits  dans  le 
dix-huitième  siècle  et  de  notre 
temps.  Il  réunit  plusieurs  talents 
ordinairement  séparés  ;  et  pour 
chacun  desquels  il  nié  ri  te  mit  la 
distinctioji  du  premier  ordre  .etc. 
Celte  même  année,  il  avait  commencé 
l'impression  de  l'Iliade  ;  mais,  par  la 
lenteur  des  savants  chargés  d'en  cor- 
riger les  épreuves,  elle  ne  fut  termi- 
née qu'en  1808.  Celle  magnifique 
édition,  en  trois  vol.  in-fol.,  est  dé- 
diée k  Napoléon.  Ln  exemplaire,  sur 
vélin,  lui  en  fut  présente  le  21  jan- 
vier 1810,  dans  la  galerie  de  Saint- 
Cloud  (^4)-  L'Empereur,  après  aviir 


rS)  IJ Anacréon,  grec-italit-n,  pet.  in-4°,  1784. 

—  Le  même  ,  grec  et  latin,  in-^",  1786  ,  litter. 
qaadralis.— Le  même  ,  jirt.  in-fi',  1791. — Le 
même  ,  in-i6.  1791,  sur  vélin.  —  VAnuiita  ,  gr. 
in^'.'TS;.  —  Le  même,  i;r.  infol.,  1793,  sur  vf- 
lin. — Théophrasre,  grec  et  lat.,  gr.  10-4°  — ^'7' 
phiodore  ,  grec-italien  ,  pet.  in-fol.,  sur  soie. — 
Les  Stances  de  Pnlilien  ,  pet.  in-4'',  sur  soie.  — 
Description  ae  la  cliLmbre  du  Corrcge.    gr.  in-fol. 

—  VlJrmiie  à  Ccrès  ,  gr  in-fol.,  1803.  — Doni. 
Cyrillo  ,  Reclierchrs  sur  la  plante  de  papyrus  ,  gr. 
infol.,  1794. —  Bref  du  pape  Pie  f' I ,  en  grosse 
nonpartiUe.  V Oraison  dominicale,  pet.,  in-fol., 
1S06. 

(il  Cet  exemplaire  fait  anjoiii d'Uni   parlie   <\e- 


4^6 


BOD 


donné  de  justes  éloges  à  la  belle  exé- 
cution de  l'ouvrage  ,  fit  expédier  k 
riraprimeur  lebrevet  d'unepension  de 
trois  naille  francs.  Depuis  que  Tltalie 
était  sous  la  domination  française, 
Bodonl  avait  reçu  les  offres  les  plus 
avantageuses.  Le  prince  Eugène  lui 
avait  proposé  la  direction  de  l'impri- 
merie royale  de  Milan  (5),  et  Murât , 
celle  de  Naples  j  mais,  s'excusant  sur 
son  âge  et  ses  infirmités  ,  il  refusa 
constamment  de  quitter  Parme,  de- 
venue ,  depuis  long-temps ,  sa  seconde 
patrie.  En  1811,  Bodoni  recul  de 
Murât  la  croix  de  l'ordre  des  Deux- 
Siciles  j  et ,  voulant  témoigner  sa  re- 
connaissance, lui  proposa  de  publier , 
pour  l'éducation  du  prince  royal ,  une 
suite  de  classiques  français.  Une  ma- 
ladie grave  ne  permit  au  célèbre  typo- 
graphe de  commencer  l'exécution  de 
ce  projet  qu'en  1812  ,  par  l'impres- 
sion du  Télémaque  in-fol.  Le  Ra- 
cine, qui  devait  suivre,  ne  fut  ter- 
miné qu'après  la  mort  de  Bodoni , 
en  18 14.,  par  sa  veuve,  W^^  Margue- 
rite deir  Aglio  qui,  pour  !  emplir  les 
intentions  de  son  mari,  a  fait  paraître 
les  Fables  de  La  Fontaine  et  les 
OEiivres  de  Boileau,  complétant 
cette  précieuse  collection.  Dans  les  in- 
tervalles que  lui  laissaient  ses  douleurs 
de  goutte  ,  devenues  presque  conti- 
nuelles ,  Bodoni  revenait  a  son  3fa- 
nuel,  qu'il  était  jaloux  de  terminer. 
Un  jour  que  ses  amis  l'engageaient 
à  prendre  quelque  repos  ,  il  leur  ré- 
pondit :  «  Je  n'ai  p'us  de  temps  k 
perdre,  -n  Puis  eu  soupirant  il  ajouta: 
«Qu'unnom  célèbre  est  difficile  k  por- 
ter !  »  Dans  les  derniers  mois  de  sa 
vie,  Bodoni  reçut  de  nouvelles  mar- 
ia belle  collection  des  livres  imprimes  sur  vélin, 
de  la  bibliolhèque  royale. 

(5)  En  recevant  uu  exemplaire  de  l'O'aisnn 
dominicale,  le  vice-roi  fit  expédier  à  Bodoni  le 
brevet  d'une  pension  de  douze  cenls  francs  ré- 
versible sur  la  tèto  de  sa  femine. 


BOD 

ques  delà  bienveillance  de  Napoléon' 
il  fut  nommé  chevalier  de  la  Réunion 
et  reçut  une  gratification  de  dix-huit 
mille  francs,  pour  Paider  dans  la  pu- 
blication des  classiques  français.  La 
fièvre  s'étant  jointe  a  ses  autres  maux, 
il  succomba  le  20  nov.  i8i3.  Ses 
obsèques  furent  célébrées  avec  une 
pompe  extraordinaire.  Yiucent  Jaco- 
bacci,  son  intime  ami ,  prononça  son 
oraison  funèbre.  N'ayant  pour  héri- 
tier que  des  neveux  auxquels  il  avait 
fait  présent  d'un  établissement  typo- 
graphique ,  k  Saluces  ,  il  institua  sa 
femme  son  héritière.  Cette  dame  a 
continué  k  diriger  l'imprimerie  bodo- 
nienne.  Le  Rlaniiaîe  tipograjico  de 
Bodoni,  terminé  par  Louis  Orsi,  parut 
en  i8î8,  2  vol.  gr.  in-4°.  C'est  sans 
contredit  le  plus  magnifique  ouvrage 
de  ce  genre.  Il  offre  des  échanlillous 
de  plus  de  deux  cent  cinquante  ca- 
ractères différents.  Tous  ne  sont  pas 
également  beaux  5  et  quelques-uns 
des  minuscules  ont  été  critiqués. 
Le  manque  de  correction  que  1  ou 
reproche  aux  éditions  de  Bodoni  , 
eu  a  fait  baisser  le  prix  en  France 
et  en  Angleterre  j  mais  son  Ana- 
crèon ,  son  Aniinte,  son  Horace 
in-fol.,  son  Oraison  dominicale^ 
ses  Classiques  français,  et  surtout 
son  Homère  conserveront  toujours 
un  rang  très- distingué  parmi  les 
chefs-d'œuvre  de latvpographie.  Peu 
d'hommes  ont  joui  de  leur  renommée 
plus  complètement  que  cet  illustre 
imprimeur.  Pendant  plus  de  qua- 
rante ans,  son  imprimerie  fut  visitée 
par  les  rois  et  les  princes,  dont  la 
plupart  lui  donnèrent  des  preuves 
éclatantes  de  leur  estime.  Ses  qualités 
personnelles  lui  valurent  de  nom- 
breux amis.  Toutes  les  sociétés  d'Ita- 
lie s'empressèrent  k  l'envi  d'inscrire 
son  nom  sur  leurs  registres  ;  et  les 
plus  grands  poètes  lui  prodiguèrent 


BOE 

des  éloges.  Bodoui  joignait  à  ses  la- 
lents,  comme  typographe  ,  des  cou- 
naissances  très-variées.  On  a  de  lui 
des  sonnets  très-agréables.  Ses  Let- 
tres dont  plusieurs  sont  imprimées  , 
formeraient  une  coliectlon  intéressante 
pour  l'histoire  littéraire  de  son 
temps.  On  peut  consulter  pour  les 
détails  :  la  Vie  de  Bodoni ,  suivie 
du  Catcdogue  chronologique  de 
ses  éditions,  en  italien  (  par  i\I.  Jo- 
seph de  Lama),  Parme,  1816,2 
part.  in-/i".  L'estimable  auteur  an- 
nonce qu'il  a  beaucoup  profité  pour 
son  travail  des  ISlemorie  anedotti 
per  servlre  un  giorno  alla  vita  di 
G.-B.  Bodoni,  par  le  P.  Passeroni. 
V oy.  aussi  la  Biographie  des  trois 
illustres  Piémontais ,  Lngrange  , 
Denina  et  Bodoni,  décédés  en  1 8 1 5 , 
par  M.  de  Gregory,  Verctil,  i8i4, 
iu-8°.  Le  portrait  de  Bodoni  a  été 
gravé  dans  tous  les  formats. 

G — G — Y  et  W — s. 
BOECKHOUT     (  .Te ak- Jo- 
seph Yaa'),  né  a  Bruxelles,   avait 
applaudi ,  dans  sa  première  jeunesse, 
aux   principes    des    Van    Enpen   et 
Vander  Nnot(^.  ce  nom,  au  Supp.). 
Mais  les  idées  françaises  ayant  en- 
vahi   la   Belgique ,    il    se  fit   dans 
celles  du  jeune  enthousiaste  une  révo- 
luticin  si  complète  qu'il  devint  un  des 
adeptes  les  plus  ardents    de  ce  qu'on 
appelait   la  philosophie  du  dix-hui- 
tieme  siècle.  Plus  tard,  des  éludes 
sérieuses  ,    des  réflexions  mûries  par 
l'âge  ne  lui  laissèrent  de  ses  opinions 
naissantes   qu'une    crainte  soupçon- 
neuse delà  prépondérance  du  clergé. 
Aussi,   Jorsqu'en    i8i4  il  fut  ques- 
tion de  régler  les  destinées  de  la  Bel- 
gique et  que  plusieurs  personnes  rê- 
vèrent le  retour  des   vieilles  institu- 
tions ,  Van  Bœckliout,  qui  jusque-la 
avait    rempli     silencieusement     des 
fonctions  obscures,  celles  de  chef  de 


BOE 


4r 


division  a  l'administration  déparle- 
menlale  de  la  Dyle  ,  puis  de  direc- 
teur des   prisons  du  même  ressort , 
attira  sur  lui  l'attention  et   se  mon- 
tra   partisan    de  la    réunion   de    la 
Belgique  h  la  Hollande,   par  la  rai- 
son   que    celle-ci   était  protestante. 
Il    jeta    alors   dans   le    public  plu- 
sieurs   facturas   dont  l'a-propos    fit 
le  principal  mérite  ;  tels  qu'une  Re- 
nonciation de  la  souveraineté  des 
Pays-Bas    faite    prétenduement 
par  Vander  Noot  ,  en  faveur  de 
l'empereur    d'Autriche ,     dont    il 
avait  jadis  proclamé  audacieuseraent 
la  déchéance,'    une   Lettre    de  son 
excellence  Pierre  Van  Eupen,  en 
son  vivant  secrétaire- général  du 
congrès    belgigue^    à  son  excel- 
lence Hejiri  Vander  Noot,  ci-de- 
vant père  de  la  patrie ,  Bruges    et 
Bruxelles,    chez    Berthot,    in -8°; 
une  brochure  sur  cette  question  :  La 
réunion  de  la  Belgique  à  la  Hol- 
lande serait^elle  avantageuse  ou 
désavantageuse?    par    A.    B.   C, 
Bruxelles,  in-8° ,  brochure  attribuée 
à  un  des  comtes  de    Bylaud  dans  le 
catalogue  de  Vandenzande,  Anvers, 
i834-,    u**    5453  ,    et    qui    donna 
lieu    h    une    polémique    à    laquelle 
Vander  ISoot,   encore   vivant  ,    prit 
une  part ,  du  moins   nominale  5  une 
facétie     assez     gaie     intitulée  :   Le 
Réveil  d'Epiménide ,  dont  le  ca- 
dre   pourtant    n'était    pas    neuf    et 
rappelait  une  comédie  deFlins  et  une 
du   président  Hénault.    L'abbé  Van 
Beughen  y  opposa  son  antidote  con- 
tre   le    somnambulisme  ;    mais   les 
rieurs  furent  pour  Van  Bœckhout ,  et 
dès  que  le  gouvernement  des  Pays- 
Bas  se  trouva  constitué  ,  il  le  récom- 
pensa par  la  place   d'inspecteur  de 
renregistrernent  et  des  domaines.  En 
i8i5,    Van  Bœckhout  entreprit    un 
ouvrage   périodique   sous    ce  titre  : 


/,aH 


BOE 


Les  Ephémérides  de  l'opinion,  ou 
observations  politiques, philosophi- 
ques et  littéraires  sur  les  écrits  du 
temps  ,  avec  celle  épigraphe  qu'il  sut 
généralement  juslifier  :  ni  satire 
ni  adulation  ;  Bruxelles,  in  8°.  Ses 
idées  él.iient  devenues  plus  étendues, 
son  style  plus  ferme,  plus  correcl. 
Il  s'allacha  pi incipale^ment  à  conser- 
ver au  gouvernement  la  haute  sur- 
veillance de  l'instruclion  publique . 
surveillance  qu'on  lui  disputait  dès 
son  établissement  ,  et  qui  a  été 
cause  en  partie  de  la  révolution  de 
i83r  ,  dont  un  diplomate  railleur  a 
dit,  en  di^passant  les  bornes  de  Pépi- 
gramme,  que  c'était  de  l'eau  bénite 
en  ébullition.  Le  ministre  Falck  , 
reconnu  par  tous  IfS  parli»  pour  un 
homme  d'état  du  plus  noble  caractère 
et  d'une  haute  portée  d'esprit,  hono- 
rait Yan  Bœckhoul  de  sa  bienveil- 
lance. Le  4  juillet  1820,  cet  admi- 
nistrateur, qui  avait  renoncé  aux 
luîtes  du  journalisme  ,  prononça  dans 
le  sein  de  la  société  Concordia,  k 
Bruxelles,  un  Discours  svr  la  civi- 
lisation que  ne  désavouerait  point 
lui  chaud  partisan  du  progrès,  et  qui 
aélé  imprimé,  pages  i55-i7o  des 
TtJengelingen  van  het...  genoots- 
chnp  Concordia,  V>vv\t:\\es,  1820, 
in-8".  Van  Bœckliout  est  mort  à 
Bruxelles  en  1827.  R — f — G. 

BOECKMA]Vi\(JoNAs),  méde- 
cin suédois,  naquit  le  16  décembre 
1716  àWindherg  près  de  Falkenberg, 
pelile  ville  de  la  province  de  Hal- 
land.  Dirigé  par  son  père  ,  habile 
prédicateur,  il  fit  des  progrès  rapi- 
des dcins  les  éludes  préliminaires,  et 
aba  s'inscrire  à  l'universiié  de  Lund, 
oi^i  il  fut  reçu  maître  es -arts  en 
1738.  Ses  parents  le  destinaient  a 
l'étal  ecclésiastique,  qui  ne  lui  répu- 
gna point  d'abordj  mais  tout  à-coup  il 
conçut  le  projet  de  se  livrer  a  la  mé- 


BΠ

decine  et  partit  pour  Bezen,  où  il 
se  proposait  d'étudier  l'anatomie 
et  la  chirurgie.  Après  avoir  ter- 
miné ses  cours  ,  il  vint  s'établir  k 
Stockholm.  Sa  réputation,  toujours 
croissante,  lui  fit  accorder  ,  en  l'ji'Jy 
une  chaire  a  l'université  de  Greifswald, 
oii  il  mourut  au  bout  de  treize  ans 
(1760),  laissant  les  ouvrages  suivants  : 
1.  Dissertatio  de  cardine  novato- 
rum ,  sive  de  erroribus  sto'icorwn 
fundainentalibus,\j\mà^  i  737,in-4°. 
H.  Dissertatio  de  fanaticismo 
sto'icoruni  per  novatorrs  recocto^ 
Lund,  1738  ,  in- 4.°.  lH-  Disserta- 
tio de  consciencia  sut  ut  unico 
simpliciuni  fundamento  ,  Lund  , 
1739,  in-4°.  IV.  Dissertatio  de 
venœ  sectione  corroborante, \j\)&^f 
1744,  in-4°.  V.  Spécimen  medi- 
cumdesudore  corroborante,  Greifs- 
wald,  1762,  in- 4".  VI.  Disserta- 
tio epistolica  contra  inepta  judicia 
de  arthridite  laxantibus  balsami- 
cis  retropulsa,  Greifswald,  i7  53, 
in-4°.  VII.  Exercitium  academi- 
cum,  dejectionem  corroborantem, 
et  siniul  nexitmpurgationis  alvinœ 
cum  sudore ,  culisque  cum  ventri- 
cnlo  exhibens  ,  Greifswald,  lySS, 
in-4''.  J — D — N. 

BOEHM     (WENZEL-AllÉnÉE    ), 

artiste  célèbre,  né  à  Pr.'igue,  en  1771, 
mort  le  i*"''  mai  i8o3,  a  Leipzig, 
où  il  était  établi  depuis  1786,  doit 
être  considéré  comme  un  des  hommes 
envers  lesquels  'a  nature  a  été  le  plus 
prodigue  de  ses  dons.  H  eût  occu- 
pé le  premier  rang  des  graveurs  de 
l'Europe,  si  l'inconslance  de  son  es- 
prit ne  l'avait  porté  sans  cesse  d'une 
composition  a  une  autre,  ne  faisant 
qu'ébaucher  ce  que  lui  suggérait  une 
imai;ination  prodigieusem- ni  facile. 
Elève  de  Schurazer  et  de  Kuhl  ,  qui 
f  isalent  école  dans  la  \  ille  de  Prague, 
Bœhm  fui  un  des  artistes  sur  lesquels 


BOE 

ils  complèrenl  le  plus  pour  souleuir 
les  bonnes  doctrines.  A  seize  ans,  il 
giMvait  déjà  pour  les  principaux  li- 
braires de  rÀHemagae  qui  achevé - 
reul  (le  gâter  soq  burin,  ea  l'obli- 
geant de  faire  vile  et  beaucoup.  Ce- 
peniianl  ,  il  revint  (jueltpiefois  a  lui- 
iiièine  et  sembla  lra\ ailler  pour  se 
survivre  lorsrji'il  grava  la  Portrait 
du  roi  de  Danemark  ,  et  ua 
Saint  Paul  d'après  Sereta.  Ce  sont 
ses  plus  beaux  ouvrages.       B — n. 

BOERIO  (Joseph),  jurisconsul- 
te italien,  uaquiL  a  Lendinaia  en 
I754-.  Il  étudia  le  droit  à  Padoue  , 
sous  la  direcliun  du  célèbre  prof<  s- 
seur  Bragulino  ,  et  il  vingt-deux  ans 
il  fut  nomme  par  le  sénat  vénitien 
coadjulcurde  son  père,  magistrat  dis- 
tingué ,  puis  juge  dans  divers  tribu- 
naux de  la  république.  Il  publia  alors: 
Raccolta  délie  legsi  venete,  con- 
cernenti  i  corpiinagistrali  edofjîci 
municipali  di  C/iioggia ,  1761, 
ic-8".  —  Raccolta  délie  leggi 
venete  pel  territorio ,  Vérone, 
1793,  in-S"*.  Bonaparte  ajanl  livré 
les  états  vénitiens  a  l'Autriche  eu 
1797,  Bœiio  fut  nommé  assesseur 
dn  tribunal  criminel  de  Venise. 
Après  la  bataille  de  Marengo ,  en 
1800  ,  les  étals  vénitirns  ayant  été 
incorporés  dans  le  royaume  d'Iialie, 
Bxrio  fut  placé  juge  à  la  cour  de 
justice  de  l'Adriatique.  Enfin,  en 
181  4,  l'empereur  d'Autriche  le  dé- 
signa pour  juge  à  Rovigo  dans  le 
royaume  lomb  irdo-vénitien  ,  puisa 
Padoue  ,  et  enfin  le  nomma  conseiller 
a  Venise.  Après  trente  ans  de  magis- 
trature, il  oblint  sa  retraite  et  mou- 
rulle  25  février  i852.  Bœrio  est  en- 
core auteur  de  plusieurs  ouvrages 
très-remarquables  de  jurisprudence  et 
de  grammaire.  I.  Lapraiica  delpro- 
cesso  criininalc ,  avec  les  formules 
des  actes  relatifs  au  Code  autrichien, 


BOE 


''129 


Venise,  181 5,  in-8".  II.  Réperto- 
ria del  Codice  criniinali  aus- 
triaco,  Venise,  181 5,  in- 8".  lil. 
Dizionario  del  dialelto  vene- 
ziano  ,  ouvrage  estimé  paries  hom- 
mes de  lettres  ,  entrepris  par  Tau - 
leur  en  1797,  et  qu'il  publia  eu 
1827.  Il  a  bissé  manuscrit  In- 
dice italiano  veneto ,  que  son  fils, 
actuellement  juge  au  tiibunal  de  Zara, 
se  piopose  de  pablier.  G — G — y. 
BOERXER  (Nicolas),  méde- 
cin, ué  a  Schinieritz  ,  dans  la  Thu- 
ringe,  le  27  janvier  1690, perdit  sou 
père  de  Irès-bonne  heure.  Sa  mère 
ayant  Irtqi  pende  fortune  pourfaire  les 
frais  d'une  éducation  dispendieuse,  il 
entra  comme  apprenti  chez  un  apo- 
thicaire de  Fraueubourg.  Au  bout  de 
quelques  années,  il  fut  envoyé  a  Tina, 
dans  une  autre  o3i:ine  ,  où  il  pa.^sa 
encore  trois  ans.  Il  pou\ait  donc  se 
croire  destiné  a  la  profession  de 
pharmacien,  lorsque  les  circonstances 
développèrent  en  lui  le  goût  de  la  mé- 
decine, et  lui  inspirèrent  le  désir  de 
l'apprendre.  Voulant  toutefois  se 
perlectionner  dans  l'art  pharmaceu- 
tique ,  qu'il  sentait  devoir  lui  être 
fort  utile  dans  sa  nouvelle  carrière, 
il  parcourut  succe>sivement  diverses 
officines  a  Francfort  ,  Strasbourg  , 
Landau  ,  Spire  et  Worm^..  Ses 
voyages  terminés,  il  revint  chez 
lui  j  mais  a  peine  trois  mois  s'é- 
taient-ils écoulés,  qu'un  gros  mar- 
chand de  Francfort  lui  écrivit  de  se 
rendro  a  Cobleniz  ,  où  il  Favail  re- 
commandé au  pharmacien  du  prince 
électeur  de  Trêves.  Bœrner  se  ruit 
aussitôt  en  route,  malgré  la  rigueur 
de  la  saison,  el  arriva  en  1717  à  sa 
destination.  Ayant  appris  la  m  "ri  de 
sa  mère  ,  il  alla  recueillir  un  modeste 
héritage^  et,  après  avoir  mis  ordre  à 
ses  affaires,  il  vint  ii  léna  ,  bien  ré- 
solu d'y  étudier  la  médecine  ,  depuis 


43o 


BOE 


si  long-lemps  l'objet  de  ses  vœux.  Les 
deux  Wedel ,  Slevogl  et  Teichmeyer 
furent  les  maîtres  dout  il  suivit  le 
plus  assidûment  les  leçons.  Lors- 
qu'il se  crut  assez  avancé  dans  la 
théorie,  il  voulut  s'essayer  dans  la 
pratique  j  se  rendit  ,  d'après  les 
conseils  d'un  ami,  d'abord  a  Freu- 
kenthal,puis  k  Giefser^  alla  prendre 
le  grade  de  docteur  à  léna,  et  se  fixa 
enfin  a  Neusladt  sur  l'Orta  ,  où  il 
mourut  vers  1770.  L'académie  des 
Curieux  de  la  nature  l'avait  admis  au 
nombre  de  ses  membres  en  1757, 
sous  le  nom  d'AslérionlL  II  a  publié: 
l.Dissertatio  exhibe/is  roreni  mari- 
num,  léna,  1725,  in-4.°.  IL  Traité 
rationnel  des  sciences  naturelles 
(eu  allemand),  Leipzig  i735,  in-8°; 
ibid.,  17 4-1, in- 8°.  III.  Le  médecin 
de  soijiié'me,  ou  Traité  d'hygiène 
domestique  (  en  allemand),  Leipzig  , 
i744-,in-8°,-ibid.,  t.  I,  17^7,  t.  II, 
1748,  in-8°.  Cet  ouvrage  est  sans 
contredit  un  des  meilleurs  qui  aient 
paru  sur  la  médecine  populaire. 
L'auteur  a  eu  le  bon  esprit  de  sentir 
qu'on  ne  peut  tracer  au  peuple  que 
des  préceptes  d  hygiène,  et  que  c'est 
lui  nuire  que  de  mettre  k  sa  portée 
des  remèdes  plus  ou  moins  énergi- 
ques ,  dont  le  défaut  de  connais.'-an- 
ces  précises  lui  fait  toujours  faire 
uue  application  fausse  ou  intem- 
pestive. On  lit  avec  intérêt  son  cha- 
pitre consacré  aux  ménagements 
qu'exigent  'es  habitudes  contractées. 
Ceux  qui  traitent  des  bains,  de  la 
gravelle,  de  la  goutte,  sont  aussi  fort 
intéressants.  Uu  pareil  manuel,  mis 
au  niveau  des  connaissances  actuelles, 
serait  une  acquisition  précieuse  pour 
toutes  les  classes  de  la  société.  IV. 
Manuel  des  maladies  des  enfants 
(eu  allemand),  Leipzig,  1762  ,  2 
vol.  in-8°.  C'est  un  très-bon  aperçu 
des  soins  qn'cxigeut  les  enfants  ,    les 


BOE 

femmes  enceintes,  les  accouchées  et 
les  nourrices.  Bœrner  a  inséré  aussi 
quelques  observations  dans  les  Actes 
des  Curieux  delà  nature.  J — d — n.' 
BOERÎVER  (Frédéric),  méde- 
cin allemand,  fils  du  célèbre  théolo- 
gien Chrétien-Frédéric  Bœrner  {V . 
ce  nom  ,  IV,  666),  naquit,  le  i  7  juin 
1725,  k  Leipzig,  où  son  père  lui  fit 
donner  une  brillante  éducation.  Le 
précepteur  auquel  sa  jeunesse  était 
confiée  depuis  cinq  ans  ayant  élé  ap- 
pelé k  l'école  de  Torgaw,  Bœrner  l'y 
suivit  et  resta  trois  années  dans 
cette  ville.  Il  revint  en  1739  dans  le 
sein  de  sa  famille,  qui  l'envoya  en- 
core passer  quelque  temps  k  Halle. 
A  son  retour,  il  étudia  la  théologie, 
par  déférence  pour  la  volonté  pater- 
nelle,  et  apprit  la  langue  hébraïque. 
Cependant,  les  leçons  de  botanique 
que  l'habile  Plaz  lui  donnait  éveil- 
lèrent en  lui  le  goût  des  sciences  phy- 
siques; et  lorsqu'au  1744-  il  alla  k 
Wittenberg,  ce  fut  avec  l'inlentiou 
bien  formelle  de  renoncer  a  la  théo- 
logie et  de  se  consacrer  a  la  médeci- 
ne. En  effet,  il  suivit  avec  assiduité 
les  cours  de  la  faculté  médicale  de 
cette  école  ,  alors  fort  renommée.  Au 
bout  de  deux  années  ,  il  partit  pour 
Brunswick ,  où  il  pratiqua  l'art  de 
guérir  ,  sous  la  direction  et  les  aus- 
pices d'un  médecin  en  vogue.  L'année 
suivante  ,  un  collège  de  médecine 
ayant  été  établi  dans  celte  ville  , 
Bœrner  y  fut  agrégé.  En  174.8,  il 
prit  le  bonnet  doctoral  k  Helmstàdt, 
et  en  1756  le  titre  de  maître  ès-arfs 
k  Wiltemberg.  Déjà  l'académie  im- 
périale desCurieux  de  la  nature  l'avait 
admis  dans  son  sein  sous  le  nom  de 
CinéasII.  Aussitôt  après  saréception 
k  Helmstadl,  il  était  venu  s'établir  k 
Wolfenbultel,  où  il  éjousa  la  fille  du 
bourgii.estre;  mais  en  1754.  il  accepta 
une  chaire  de  médecine  qui  lui  fut 


BOE  BOE                 43 1 

offerte  a  Willemberg.    La    guerre  swick,  lyôi  ,  in-4".  VI.  ZJeCowzfir 

avant  éclalé,  il   ne  se  cnil  point  en  et    Damiano  ,   artis  medicœ    dus 

surelé  clans  celle  ville  ,  el  vint  se  ré-  olim  et  adJiiic  hodie  hinc  iUincqiie 

fugier  a,  Leipzig,  oîi  il  termina  ses  tutelarihus  ,    commenlatio  ,  Heïin- 

jours  le  3o  juin  1761.  Sa  mort  pré-  stsdt,  ijSi  ,  in-4.''.  VIL   De  vita 

maturée  l'empêcha  de   mellre  fin  a  et  meritis  Martini  Pollichii  Mel- 

divers  ouvrages  qu'il  avait  annoncés,  lerstadii^  primi  in  academia  Vit- 

et  dont  on  doit  vivement  regretter  la  tembergensi  rectoris  magnijici   et 

perte.   Bœrner  était  très-versé  dans  professoris  medicitiœ ,  commenta- 

l'iiisloire  de  la  médecine,   et   per-  tio ,    Wolfenbultel,    lyôi  ,    iu-4.°. 

sonne    plus    que  lui    n'était    propre  VIIL  Bibliothecœ  lihrorum  vario- 

k   remplir   les    lacunes   qui  existent  rwnphysico-medicorumjiistorico- 

dans    le    Diclionnaire    de     Kestner  -criticœ,  spécimen  I,  Helmstœdt  , 

et  dans  l'Histoire    de  Lenge.  C'est  lyôi,  in-4-°;  5/?ec//«(?« //,  Helin- 

comme    lilléraleur     ou     érudit ,    et  sKxdl ,    lyôz,  in-z^".  Bœrner  décrit 

non   comme  praticien,    qu'il    figure  dans  ces  deux  opuscules  trente-cinq 

dans  les  fastes  de  la  médecine  5  mais  ouvrages  rares   sur  la    médecine  et 

à  ce  titre ,  il  y  occupe  une  place  d'au-  l'histoire  nalurelle.  Son  travail  a  paru 

tant  plus   distinguée,    qu'il   eut  peu  une  seconde  fois  ,  enrichi  de  quelques 

d'émulés  et  encore  moins  de  rivaux,  additions  dans  les  Noctes  Guelphi- 

Ses  nombreux  ouvrages  sont .  L  O/'rt-  cœ.W.  La  femme  qui  accouche  et 

tiode  adorandaDeimajestale,  ex  son  fruit  représentés  de  grandeur 

mirabili  narium   structura ,  ^xwn-  ««^wre/Zc;  (en  allemand),  Wolfeubut- 

swick,  l'j^j-,  in-4°.  C'est  après  avoir  tel,  lySo  ,  in-8°.  X.  De  tabe  sicca 

prononcé  ce  discours  un  peu  empha-  lethali    a    prœternaturali    plane 

tique  que  Bœrner  fut  agrégé  au  cou-  ventriculi  situ,  mirabilique  duo- 

veau  collège  des   médecins  de  Brun-  ^/e«/ rt7ig-j<5/m, Wolfenbultel,  17 53, 

svvick.     IL     Dissertatio    d,e    arte  iii-^°.  XI.  Super locumHippocratis 

gy?nnasticaJiova,}îe\mst2eAt,i']/i8,  in  jurejurando  maxime  vexatum 

iu-4-°.    C'est    la   thèse    que    Bœrner  nieditationes,\iû'çz\^-f\'^hk^m-l^°. 

soutint,  sous  la  présidence  de  l'illustre  XII.  De  yEmilio  Macro ,  ejusque 

Laurent  Helster,  pour  obtenir  le  titre  rariore  hodie  opusculo  de  virtuti- 

de  docteur  en  médecine.  Cet  opuscu-  bus  herharum ,  diatribe  ,  Leipzig, 

le,  qui  est  très  complet  et  écrit  avec  I754-,    in-4-°.     XQI.    Dissertatio 

beaucoup   de  soin ,   prouve  combien  cpistolaris     de    medico  ,    reipu~ 

l'auteur   s'était    livré    a   l'étude     de  blicœ  conservatore^legumquecus- 

l'histoire  de  la  médecine  et  des  beaux  tode ,  Leipzig,  lyô/i,   in-4''.   XIV. 

aris.Ul.  Examende  cette  question:  Programma  de    vera    medicince 

Est-il  permis  aux  femmes  d'exer-  origine  potioribusqueejus  ad  Hip- 

ce/'/rtweV/ÊfCf/itf  (en  allemand)?  Leip-  pocratis  usque  tempora  incremen- 

zig,   1750  ,  in-^".  lY.DeAlexan-  tis  ,   Wittemberg  ,    1754.  ,    in-4.°. 

dro  Benedicto   T^eronensi ,  medi-  XV.     Dissertatio   de    statu    me- 

cinœ  post  litteras  renalas  restau-  clicinœ    apud    veteres   Hebrœos  , 

ratore,  commentatio  ,    Brunswick,  Wittemberg,     17  55,   in-^".  XVI. 

1731  ,  in-4.°.  V.  De  vita  ,  moribus  Rtlationes    de  libris  physico-me- 

et  scriptis  Jlieronymi  iMercurialis  dicis    parlim     antiquis ,      narlim 

Forolii^iensis  commentatio,  Uraa-  raris  fasciculus    £,   Wittemberg, 


432 


BOE 


1756,  iii-4".  Bœrncr  décrit  Irenle 
ouvrages  rares  dans  cet  opuscule  , 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  un 
aulre  roulanl  sur  le  même  arguiueut , 
dont  il  est  question  plus  haut.  Le 
second  fascicule  ,  indiqué  dans  quel- 
ques cata'ogues,  u'a  point  élé  im- 
primé. XVII.  AntiquiLales  medici- 
nœ  JEgyptiacœ ,  Witleraberg  , 
1756,  in  4-"-  Ou  trouve  à  la  suite  de 
celte  savante  et  curieuse  dissertation 
une  lettre  de  Bœrner  a  Fabri  :  De 
Hung'iroru7?i  alque  Hungaricn; 
gentis^  ad  ornandam  acndemiaiii 
f^T" itlembergenseni,  studio. X.\{{\. 
Institutiones  inedicinœ  legalis, 
Witlemberg,  1756,  iu-8".  Ce  ma- 
nuel ,  destiné  à  servir  de  guide  aux 
élèves,  remplit  bien  ce  but,  quoi- 
qu'il soit  très-court,  parce  qu'il  est 
rédigé  d'après  une  assez  bonne  mé- 
thode. Bœrner  a  eu  soin  d'indiquer  h 
chaque  chapitre  les  principaux  ou- 
vrages où  il  a  spécialement  traité  de 
la  matière  qui  en  fait  l'objet.  XIX. 
Notices  sur  la  vie  et  les  écrits  des 
médecins  et  naturalistes  les  plus 
distingués  de  l'Allemagne  et  de 
C étranger[endX\eTa.),  Wolfenbullel, 
tom.  I  et  il,  1749  5 III  et  IV,  17525 
V,  1753;  VI  ,  1756',  in-8°. 
XXI.  Récréations  pour  les  mo- 
ments de  loisir  (en  allem.),  Wit- 
temberg,  1761,  in-8°.  C'est  un  ou- 
vrage hebdomadaire  qui  roule  sur 
la  inorale  ,  et  que  Bœrner  publia  sans 
y  mettre  son  nom.  La  guerre  qui 
éclata  et  la  mort  qui  vint  terminer 
sa  carrière  ne  lui  permirent  pas 
d'eu  donner   plus  de  vingt  cahiers. 

J D N. 

BOETZLAER  (le  baron  de), 
général  hollandais,  né  vers  1720, 
entra  de  bonne  heure  dans  la  carrière 
des  armes,  et  parvint  au  grade  de 
général- major.  Il  commandait  en 
celle  (jualité  la  place  de  Willcmsladl 


au  commencement  de  1793,  lorsque 
Dumouriez  voulut  envaldr  la  Hollan- 
de. Le  courage  de  Boe'tzlaer,  secondé 
parle  chevalier  de  Verclay  ,  ancien 
capitaine  du  génie  au  service  de 
France,  fut  un  des  plus  grands  ob- 
stacles que  rencontra  dans  son  projet 
le  généial  français.  Après  avoir  ré- 
pondu négativement  a  toutes  les 
sommations,  Bo'elzlaer  soutint  un 
bombardement  de  près  de  deux  mois, 
repoussa  deux  assauts ,  et  fil  plusieurs 
sorties.  Délivré  le  16  avril  par  la  re- 
traite des  Français,  il  fut  nommé  lieu- 
tenant-général,  et  recul  des  étals  de 
Hollande  une  lettre  extrêmement 
flatteuse,  avec  une  épée  a  poignée 
d'or,  et  une  pension  de  mille  florins 
pour  chacune  de  ses  filles.  Appelé 
aussitôt  k  ]ia  Haye,  il  y  reçut  aussi 
du  stathouder  les  témoignages  de  la 
plus  vive  reconnaissance,  et  M  *" 
Louise  de  Boe'tzlaer  ,  sa  fille,  fut 
nommée  dame  de  cour-  Le  baron  ne 
jouit  pas  long-lemps  de  sa  gloire  5 
il  mourut  dans  les  dernières  années 
du  dix-huitième  siècle.  —  Un  de  ses 
parents,  Boetzlaer  de  Laugrock, 
avait  élé  condamné  en  1789a  un  ban- 
nissement perpétuel  et  k  la  confisca- 
tion de  ses  biens,  pour  avoir  pris 
part  a  Tinsurrectiou  qui  éclata  con- 
tre la  maison  d'Orange.  Z. 

COGD  AiXOVlTSCH  (Hippo- 
lyte-Feodorovitsch  (  I  )),  surnommé 
l'Anacréon  russe,  naquit  le  28  décem- 
bre 1745  kPerevoltchno,  bourg  delà 
petite  Russie.  Il  fui  admis  dans  sou 
entance  a  Tuniversité  de  Moscou, 
nouvellement  fondée  par  l'impéra- 
trice Elisabeth  5  et  le  célèbre  Khe- 
x-ascof  (  Voy.  ce  nom  ,  au  Supp.), 
qui  en  était  le  directeur  ,  prit  plaisir 
h  cultiver  les  dispositions  piécoces 
d'un  élève  dont  les  talents  ne  pou- 

(j)  C'est-à-diro  fils  do  Tliéodore. 


iiOCr 

vaitMil  (juc  faire  lioniieiii"  a.  l  t-cole  cl 
k  ses  mcuties.  D'après  quelques-unes 
de  cesiudiLatioiis,  assez  souvent  liom- 
peuses,  on  le  jugea  d'abord  propre 
au  génie  milita.re  j  et  en  conséquence 
on  lui  enseigna  les  mathématiques 
avec  le  dessin.  Mais,  le  jeune  élève 
ajant  eu  l'occasion  d'assister  k  la 
représentation  de  quelques  pièces  de 
théâtre  ,  la  pompe  du  spectacle  et  le 
charme  des  vers  firent  sur  lui  une 
telle  impression ,  qu'il  ne  s'occupa 
plus  que  de  poésie.  Des  essais  lyri- 
ques donnèrent  une  idée  avantageuse 
de  son  talent  •  et  bientôt  un  poème  en 
trois  chants,  l'Ile  de  laJiHicité , 
qu'il  fit  paraître  en  1765,  élendit  sa 
réputation  jusqu'à  St-Pétersbourg. 
Attachél'auuée  suivanlek  l'ambassade 
russe  près  de  l'électeur  de  Saxe  ,  il 
profita  de  son  séjour  a  Dresde  pour 
se  perfectionner  par  la  lecture  des 
meilleurs  ouvrages  et  par  la  fréquen- 
tation des  hommes  les  plus  spirituels. 
Le  français  lui  devint  bientôt  fami- 
lier ;  et  il  traduisit  en  russe ,  outre 
les  Révolutions  romaines  de  Vertot, 
VExtrait  (\\xA.\\i;\'i  venait  de  publier 
des  œuvres  du  bon  abbé  de  ijaint- 
Pierre(^oj-.  ce  nom,  XL,  5i).  Son 
poème  de  Douchenka,  gracieuse 
imitation  de  la  Psyché  de  notre  La 
Fontaine,  qu'il  mit  au  jour  en  1775, 
plaça  Bogdanovltsch  au  rang  des  pre- 
miers poètes  russes.  Rappelé  vers 
1776  en  Russie,  il  rédigea  pendant 
deux  années  le  Courrier  de  Saint- 
Pétersbourg.  En  1796  ,  il  aban- 
donna la  carrière  diplomatique,  et  fut 
nommé  président  des  archives  de 
l'empire.  Il  mourut  à  Koursk,  le  6 
janvier  i8o3.  Outre  les  ouvrages 
déjà  cités ,  on  connaît  de  lui  :  le 
Tableau  historique  de  la  Russie, 
Sl-Pétersbourg,  1777,  in-8°,  ce  vo- 
lume est  le  seul  qui  ait  paru  ;  des 
Proverbes      dramatiques ,     ibid.  , 


EOG 


ti) 


1785  ,  5  vol.  in  8'  ,  et  un  Recueil 
de  poésies  lyriques.  On  trouve  des 
fragir.enis  de  Bogclar^oviUsch  dans 
\ Anthologie  lusse,  publiée  en  aU' 
glais  par  Joim  Bowring  ,  avec  la 
Biographie  de  ce  grand  poète  ,  par 
le  célèbre  Karamsin.  W — s. 

BOGSCH  (Jean),  né  en  174-5, 
h  Deutschendorf ,  fit  ses  études  a 
Leutschau,  à  Presbourg,  et  revint 
dans  la  première  de  ces  villes  pour  y 
tenir  une  école.  Il  s'acquitta  pen- 
dant seize  ans  de  cette  tâche  avec 
beaucoup  de  succès ,  puis  il  fut 
appelé  a  Presbourg  (1785),  pour  y 
remplir  la  double  fonction  d'organiste 
et  de  maître  de  grammaire.  C'est  la 
qu'il  mourut  le  18  janvier  1821, 
après  cinquante  années  passées  dans 
la  carrière  de  l'enseignement.  Indé- 
pendamment de  sou  mérite  comme 
mstituteur,Bogsch  s'acquit  des  droits 
à  l'estime  du  public  éclairé,  par  deux 
ouvrages  d'agronomie  :  I.  Maïuiel 
abrégé,  contenant  des  préceptes 
fondés  sur  l'expérience,  relative- 
ment à  l' art  de  foire  croître  les  ar- 
bres fouitiers  utiles  et  les  plantes 
indispensables  à  la  cuisine,  Wenne, 

1794.  IL  Instruction  abrégée, 
d'après  des  essais  nuiltipliés,  pour 
T éducation  des  abeilles.    Vienne, 

1795.  Le  succès  de  ces  deux  ou- 
vrages fut  dû  surtout  a  leur  clarté, 
aux  faits  positifs  et  peu  connus  dont 
ils  sont  enrichis,  et  enfin  a  la  faci- 
lité avec  laquelle  chacun  peut  réali- 
ser les  préceptes  qu'ils  contiennent. 

P_OT. 

BOGUSLAWSKI  (Albert), 
auteur  dramatique  polonais,  né,  en 
1752,  d'une  famille  honorable  ,  re- 
çut une  bonne  éducation  et  apprit  la 
plupart  des  langues  de  l'Europe. 
Passionné  pour  le  théâtre  ,  dès  sa 
jeunesse,  ilcommmenca  par  jouer  lui- 
même  la  comédie  avec  ueaucoup  de 


/,i4  BOG 

succès.  Ce  fut  sous  le  règue  de  Sla- 
uislas-Ponialovvski  que  TarL  llicâLial 
se  répandit  en  Pologne.  Avanl  celte 
époque  onnecoraptaitque  troisp:èces 
qui  avaient  obtenu  les  honneurs  de  la 
représentation,  et  ces  pièces  étaient 
représentées  par  des  amateurs.  En 
1764,  un  théâtre  s'établit  à  Varso- 
vie; et  quinze  ans  après  il  avait  déjà 
un  répertoire  de  56  volumes.  Le 
jeune  Bogusiawski  apparut  au  milieu 
de  cette  foule  de  nouveaux  auteurs. 
La  première  pièce  qu'il  fit  repré- 
senter était  une  traduction  de  la  co- 
médie française  :  les  Fausses  infidé- 
lités. Le  directeur  du  théâtre.  Mont- 
brun,  se  lia  avec  lui  d'une  étroite 
amitié,  et ilTencourageadansses  es- 
sais, l'engageant  à  traduire  toutes  les 
pièces  remarquables  des  théâtres 
étrangers.  Mais  le  génie  de  Bogus- 
lawski  ne  pouvait  pas  s'asservir  tou- 
jours à  la  traduction  j  il  composa 
l'Amant  auteur  et  serviteur  qui 
fut  très  -  bien  accueilli;  ce  qui 
l'excita  à  mettre  en  opéra  une 
pièce  de  Bobomoiec,  intitulée:  Ze 
bonheur  triomphant  de  laj'alalité, 
qui  eutégnlement  un  succès  complet. 
Boguslawski  arrangea  alors  des  opé- 
ras italiens  en  leur  donnant  plus 
d'étendue.  En  1780  les  principaux 
artistes  dramatiques  quittèrent  Var- 
sovie pour  aller  a  Léopol.  L'entre- 
preneur Bizesti  fut  obligé  de  casser 
son  contrat  avec  Boguslawski ,  et 
celui-ci  contraint  de  se  rendre  a 
Léopol,  pour  poursuivre  sa  car- 
rière. Il  éprouva  mille  tracasseries  , 
par  suite  de  ce  changement;  et  il  était 
presque  décidé  a  abandonner  le  théâ- 
tre quand  il  reçut  de  nouveaux  en- 
couragements de  la  part  de  Moszjnski, 
direct eur-général  du  théâtre.  Il  re- 
vint alors  à  Varsovie.  En  i  782,  après 
avoir  surmonté  d'immenses  difficultés 
eu  appliquant  les  combinaisons  musi- 


BOG 

cales  à  la  langue  nationale,  il  fit  re- 
présenter l'opéra  original  polonais. 
En  1785,  le  prince  Martin  Lubo- 
rairski  fut  nommé  directeur  du  théâ- 
tre, mais  l'année  suivante  le  roi  con- 
fia k  Boguslawski  la  direction  des 
théâtres  allemand  et  polonais  et  celle 
des  ballets,  et  il  l'aida  de  toute  sa 
protection  lui  permettant  de  donner 
plusieurs  représentations  pendant  la 
diète  de  Grodno.  A  la  suite  d'un 
procès  avec  les  monopoleurs  du  théâ- 
tre de  Varsovie,  Boguslawski  quitta 
celte  ville  et  se  rendit  avec  sa  troupe 
a  Wilna,  oii  il  obtint  de  nouveaux 
succès.  En  1787,1!  fil  le  voyage  de 
Dubuo,  de  Léopol  et  de  Grodno. 
Rentré  a, Varsovie  en  1790, il  obtint 
de  nouveau  la  direction  générale  des 
théâtres, et  le  monopole  fut  aboli  par 
la  volonté  du  roi  que  sanctionna  la 
Diète.  A  cette  époque,  Varsovie  pos- 
sédait toute  l'élite  de  la  jeunesse  et 
de  la  république  qui  s'y  était  donné 
rendez-vous.  Boguslawski  ne  dé- 
mentit pas  les  espérances  qu'il  avait 
fait  naître  ,  et  le  théâtre  polonais 
égala  les  premiers  théâtres  de  l'Eu- 
rope. La  Pologne  après  des  ef- 
forts inouïs  succomba  dans  la  lutte 
acharnée  de  trois  puissances  voisines. 
Boguslawski  dut  se  retirer  a  Kra- 
kovie.  Cependant  son  infatigable  ac- 
tivité lui  ouvrit  une  nouvelle  voie. 
11  apprit  qu'un  théâtre  allemand 
s'organisailâ  Léopol,  et  il  se  hâta  d'y 
aller.  Il  se  mit  en  relation  avec 
l'entrepreneur  Bulli,  et  donna  des 
représentations  allemandes  et  polo- 
naises, qui  durèrent  jusqu'à  la  moitié 
de  l'année  1799.  Plus  tard  il  revint 
a  Varsovie,  et,  dans  l'espace  de  neuf 
mois  il  fit  représenter  trente  pièces 
nouvelles.  Delà  il  se  rendit  a  Posen 
et  àKalisz,  et  partout  il  obtint  de 
grands  succès;  mais  ses  opinions  pa- 
triotiques, manifestées  dans  plusieurs 


B03 

circonstances,  le  mirent  eu  disgrâce 
auprès  du  gouvernement  prussien  qui 
s'était  emparé  de  celle  [artie  de  la 
Pologne.  Ou  lui  fit  défense  de  re|a- 
raître  sur  la  scène;  une  chanson  li- 
bérale fut  le  prétexte  ou  la  cause  de 
celte  rigueur  :  mais  bientôt  il  fut 
rappelé  au  théâtre,  et  de  i8o4  à 
1807  il  dirigea  la  scène  ds  Varsovie. 
Eu  1807,  il  alla  à  Posen  •  mais  les 
armées  Irancaises  y  avaient  établi  un 
théâtre  français,  et  Boguslawski  dut 
se  rendre  à  Bialyslok.  En  1809,  il 
obtint  du  roi  de  Saxe  ,  devenu  grand- 
duc  de  Varsovie,  la  permission  d'é- 
lever un  théâtre  dans  cette  ;ille; 
mais  l'entrée  des  troupes  autrichien- 
nes mit  obstacle  à  ce  projet  5  il  cher- 
cha des  ressources'k  Krakovie,  et  re- 
vint dans  la  capitale  après  sa  déli- 
vrance. C'est  alors  qu'il  y  fonda  une 
école  dramatique.  Les  événements  de 
1812  et  des  années  suivantes  eurent 
une  fâcheuse  influence  sur  le  théâtre 
polonais.  Bogtislawi'kl  cependant  per- 
sévéra dans  ses  entreprises  ;  mais  le 
5o  avril  i8i4  il  ferma  difinilivement 
son  théâtre,  et  se  mil  à  faire  des 
voyages  en  Gallicie  et  en  Lithuanie 
pour  publier  ses  œuvres  dramatiques 
qui  composent  10  volumes  in-8°, 
1819  k  1821.  Il  est  auteur  de  80 
pièces  de  théâtre  dont  les  10  volumes 
imprimés  à  Varsovie  ne  contiennent 
que  soixante  5  les  autres  sont  des 
traductions  d'opéras  italiens.  Son 
Histoire  du  théâtre  polonais  for- 
me le  premier  volume  de  ses  OEii- 
vres  dramatiques.  Boguslavvski.  ac- 
teur inimitable  ,  excellait  également 
dans  lacoméde  et  la  tragédie.  Après 
avoir  parcouru  une  carrière  riche  de 
gloire  et  de  succès,  mais  traversée 
par  toutes  les  peines  qui  s'attachent 
si  souvent  aux  hommes  supérieurs, 
il  moiirul  a  \arsuvie  eu  1829. 
Ch — o. 


BCMi 


435 


BOHAIRE  (  DuTHEiL  DE  ) , 
auleur  dramatique  et  satirique,  que 
tous  ses  efforts  n'ont  pu  tirer  de 
l'obscurité,  naquit  vers  1750  à  La 
Fei  lé-sous-Jouarre.  Quelques  études, 
achevées  dans  les  collèges  de  Paris, 
lui  iuspirèrent  le  goût  des  lettres;  et , 
se  croyant  un  talent  décidé  pour  le 
théâtre,  il  débuta  par  un  drame  en 
prose  ,  intitulé  :  Eulalie ,  ou  les 
préférences  amoureuses.  Cette 
pièce  avant  été  refusée  par  les  comé- 
diens, il  la  fit  imprimer  en  1777;  et, 
loin  de  cacher  l'arrêt  porté  contre 
son  ouvrage,  il  l'annonça  sur  le  fron- 
tispice, et  y  joignit  un  long  mémoire 
dans  lequel  ,  après  avoir  démontré 
que  la  pièce  est  excellente,  il  déclare 
qu'il  l'a  lue  à  une  demoiselle,  a  un 
gentilhomme,  à  un  marchand  et  k 
une  cuisinière  qui  l'ont  trouvée  très- 
amusante;  et  qu'il  n'y  a  que  les  sa- 
vants, les  beaux-esprits  et  les  comé- 
diens qui  l'aient  trouvée  mauvaise. 
Eohaire  conçut  ensuite  l'idée  au  moins 
bizarre  de  mettre  la  Henriade  en 
tragédie,  sous  le  nom  de  Siège  de 
Paris  y  et  il  trouva  le  secret  de  com- 
poser, avec  les  vers  de  Vcltaire,  une 
pièce  dont  il  est  impossible  de  sup- 
porter la  lecture.  Craignant  sans 
doute  que  le  public  ne  lui  attribuât 
d'autre  parla  cette  œuvre  que  le  plan 
et  la  distribution  des  scènes,  il  eut 
soin  d'avertir,  dans  la  préface  ,  qu'il 
n'y  avait  pas  mal  àe  vers  de  lui. 
La  Nouvelle  Iléloïse  ,  dont  il  con- 
serva le  litre,  lui  fournit  le  sujet  d'une 
seconde  tiagédle,  imprimée  en  ijçjz^ 
et  la  même  année  il  publia  la  Pas- 
sion de  Jésus-Christ  ^  ou  la  véri- 
table religion,  pièce  dont  le  style  fait 
regretter  celui  des  Mvstères.  Ou  doit 
cependant  tenir  compte  k  l'auteur  d'a- 
voir eu  le  courage  de  .se  déclarer  en 
faveur  d'uu  culte  dont  les  ministres 
étaient  alors    proscrits.    En  faisant 

28. 


4^6 


ïijli 


iaiprimcr  ses  pièces ,  Hohaire  ne  put 
réussir  a  leur  dounerla  moindre  [)i:- 
blicité.  Elles  ont  éJiappé  même  aux 
lecherclies  ir.icroscopicjues  du  raaliu 
Rivarol,  q'.ii  ,  s'il  les  eût  connues  , 
n'aurait  pas  manqué  de  s'égayer,  aux 
dépens  de  l'auteur,  dans  son  petit  Al- 
manach  des  grands  hommes.  Per- 
suadé sans  doute  qu'il  serait  plus 
heureux  dans  un  autre  genre,  Bo- 
haire  abandonna  le  théâtre,  mais 
sans  renoncer  à  la  manie  de  rimer. 
Des  Epitres  ,  dont  une  a  Chénier  , 
une  autre  a  Bonaparte  ,  restées  cer- 
tainement sans  réponse,  àc$ poèmes, 
des  satires,  etc.,  furent  le  fruit  des 
loisirs  de  son  âge  mùr.  Il  fit  impri- 
mer, de  i8i3  à  1824.,  a  Meaux, 
une  vingtaine  d'opuscules ,  qui  tous 
ont  le  mérite  de  la  rareté  ,  puisqu'ils 
n'ont  été  tirés  qu'a  un  très-petit  nom- 
bre d'exemplaires.  On  en  trouve  les 
litres  dans  la  France  littéraire  ,  de 
M.  Quérard ,  I,  5 70.  Bohaire  est 
mort  en  1825  "a  la  Ferté  dans  uu 
âge  avancé.  Parmi  ses  opuscules 
il  s'en  trouve  deux  ,  le  Zélateur 
du  régime  monarchique,  182 3  5 
et  le  B.oyaliste  philosophe ,  ou 
l'opinion  d  un  bon ,  d'un  véri- 
table citoyen  (envers),  1824,  dans 
lesquels  l'aulcur  ,  parlisan  de  la  res- 
tauration, fait  des  vœux  pour  sou  af- 
fermissement. Sur  le  litre  de  ces 
deux  pièces  la  Biographie  uni\>er~ 
selle  et  portative  des  contempo- 
rains, 452,  dit  que  les  Bourbons  ont 
trouvé  Bohaire  entièrement  dévoué  a 
leur  cause  qu'il  soutient  de  sa  plume 
(quel  soutien  !)  ;  que  sous  l'empire, 
il  avait  flagellé  Napoléon  (de  1 799  a 
i8i3,  il  n'a  pas  publié  une  seule 
pièce)^  et  que  précédemment,  parti- 
san exagéré  de  la  révolution,  il  avait 
lait  paraître  une  foule  de  brochures, 
où  le  délire  révolutionnaire  est  porte 
a  sou  comble.  Le  (ail  est  que  Bohaire 


liOlI 

n'csl  nomnié  ni  dans  le  Moniteur, 
ni  dans  aucune  des  nombruises  com- 
pilations des  crimes  et  des  soLlises  de 
1  époque-  et  que,  depuis  i  792  jusqu'au 
consulat,  il  n'a  publié  que  VEpître 
à  Chénier,  en  1795.  Yoilà  puurlaul 
avec  quelle  mparlialilé  les  contem- 
porains sont  jugés  dans  la  Biogra- 
phie contemporai/ie  !  \\ — s. 

BOHAX,  (  François -Philippe 
LouKAT,  baron  de),  tacticien  ,  naquit 
en  1761  ,  a  Bourg  en  Bresse ,  d'une 
famille  noble,  fut  admis  de  bonne 
heure  a  l'école  militaire  ,  et  s'y 
distingua  par  ses  talents  pour  Téqui- 
tation.  Il  entra  comme  sous-licute- 
nanl ,  a  l'âge  de  1 7  ans ,  dans  Royal- 
Pologne,  cavalerie.  Quatre  ans  après, 
il  obtint  une  compagnie  dans  les  dra- 
gons de  La  Rochefoucauld.  En  1 7  84, 
il  fut  fait  colonel  des  dragons  de  Lor- 
raine, puis  major-général  de  la  gen- 
darmerie, corps  que  fit  supprimer 
une  mauvaise  économie.  Joignant  à 
l'expérience  que  donne  la  pratique 
beaucoup  d'esprit  et  de  jugement,  il 
écrivit  sur  l'organisation  militaire  de 
la  France  un  ouvrage  très-remarqua- 
ble ,  et  qui,  chose  rare,  en  lui  con- 
ciliant le  suffrage  des  officiers  les 
plus  instruits,  ne  lui  suscita  pas  d'en- 
nemis parmi  ceux  qui  ne  partageaient 
pas  ses  opinions.  Mis  a  la  retraite, 
Bohan  revint  habiter  sa  ville  natale. 
Dans  les  premières  années  de  la  ré- 
volution, dont  il  adopta  les  principes 
avec  modération  ,  il  accepta  les  fonc- 
tions d'administrateur  des  hospices 
et  de  commandant  de  la  garde  natio- 
nale à  cheval.  Malgré  la  considéra- 
tion dont  il  jouissait,  il  n'en  fut  pas 
moins  inscrit  un  des  premiers  sur 
la  liste  des  suspects,  en  1793.  Le 
proconsul  Albitte  avait  signé  l'ordre 
de  le  conduire  à  Lyon  avec  dix-sept 
autres  proscrits,  dont  quinze  périrent 
sur  l'échafaud  5  mais  il    révoqua  cet 


BOH 

ordre  sur  Tobservatioii  que  Eolian 
qu'il  envoyait  k  la  mort  sans  If  con- 
uaîlreélail  le  même  que  Boliaii  daus 
la  maison  duquel  il  était  logé.  Toute- 
fois celui-ci  ne  recouvra  sa  liberté 
qu'après  le  g  thermidor.  Membre 
depuis  1785  de  la  société  littéraire 
de  Bourg  ,  Boban  avait  eu  plusieurs 
fois  l'honneur  de  la  présider,  et  lui 
avait  communiqué  des  mémoires 
pleins  d'intérêt,  mais  qui  sont  restés 
manuscrits.  Il  en  fut  un  des  nouveaux 
fondateurs  ,  et  contribua  beaucoup  h 
donner  une  direction  utile  k  ses  tra- 
vaux. Il  possédait  une  bibliothèque 
choisie  ,  un  cabinet  d'histoire  natu- 
relle,  et  un  jardin,  où  il  avait  réuni 
beaucoup  d'arbres  étrangers qu  il  vou- 
lait acclimater.  Sur  la  fin  de  sa  vie,  il 
s'occupait  exclusivement  d'agricul- 
ture. Privé  dans  l'espace  de  quelques 
années  d'une  femme  digne  de  sou  at- 
tachement et  de  deux  filles  qu'elles 
lui  avait  données,  il  ne  put  survivre 
k  ces  êtres  chéris,  et  mourut  a  Bourg 
le  12  mars  (i)  1804..  On  a  de  lui  : 
I.  Examen  critique  du  militaire 
français  ,  Genève,  1781,  5  vol. 
in-S",  fig.  L'auteur  j  passe  en 
revue  tout  ce  qui  concerne  l'organi- 
sation d'une  armée,  montre  les  in- 
convénients de  nos  usages  ,  et  propose 
les  remèdes  qu'il  conviendraiî.  d'y 
appliquer.  Le  troisième  volume ,  qui 
contient  les  Principes  pour  monter 
et  dresser  les  chevaux  de  guerre , 
a  été  réimprimé  avec  des  extraits 
des  deux  premiers  volumes,  Paris, 
1821,  in-8'%  fig.  II.  Notice  sur 
t acacia-robinia ,  Bourg,  i  8o5,  in- 
8°.  m.   Mémoire  sur  les  haras  , 


(i)  Lalande  vaiie  sur  la  date  de  la  mon  de 
Bolian.  Dans  la  Aolice  en  tète  du  Mémoire  sur 
les  Haras,  il  la  place  au  f)  mars,  et  dans  l'Eloge 
publié  en  i8o5,  au  12  du  niéiiir  mois.  Celle 
dernièredate  est  exacle  puisque  Lalande,  s'étant 
rendu  à  Bourj  pour  y  lire  l'éloge  de  son  ami, 
n'auia  fait  celte  recliûcation  qne  sur  des 
rer.spi^nçnients    contr-iiree. 


HOII 


'1  '7 


considérés  comme  une  nouvelle 
richesse  pour  la  France^  etc.,  Paris, 
i8o4,  in-8".  Cet  otivrngc  posthume 
a  été  publié  par  Lalande  ,  précédé 
d'un  extrait  de  ï Éloge  de  Tauleur, 
qu'il  ])ronouça  l'année  suivante  a  la 
société  littéraire  de  Bourg.  Boban  y 
démontre  qu'une  bonne  administra- 
tion des  haras  épargnerait  chaque- 
année  a  la  France  douze  millions, 
que  lui  coûte  la  remonte  de  sa  cavale- 
rie. Parmi  ses  autres  Mémoires  ,  on 
se  contentera  de  citer  celui  mr  la 
manière  de  préserver  les  ballons 
de  la  foudre,  ^1^1  ■>  et  un  autre 
sur  le  froid  et  la  chaleur,  1789  , 
qui  prouvent  de  grandes  connaissances 
en  pbvsique.  —  Son  frère  ,  qui  fut 
d'abord  comme  lui  officier  de  cavale- 
rie, devint  général  dans  la  révolution  ; 
fit  toutes  les  campagnes  de  cette  épo- 
que jet,  parvenu  k  un  âge  très-avancé, 
obtint  sa  retraite  et  mourut  vers 
i85o.  W — s. 

BOHL  (Jea>'-Chrktien),  méde- 
cin du  roi  de  Prusse  et  professeur  a 
l'université  de  Kœnlgsberg,  naquit 
dans  cette  ville  le  19  novembre 
1705.  Après  V  avoir  commencé  ses 
études,  qu'il  alla  terminer  K  Leipzig 
et  k  Levde  ,  il  prit  le  litre  de  docteur 
dans  cette  dernière  école,  et  peu  de 
temps  après  son  retour  dans  sa  pa- 
trie ,  obtint  une  chaire  ,  qu'il  remplit 
jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le  29  dé- 
cembre 1785.  On  a  de  lui  :  1.  Dis- 
sertatio  de  morsu  ,  Leyde,  1726  , 
in-4.'\  IL  Uiisertatio  epistolaris 
de  usu  novarum  cavœ  propai^inum 
in  sjstemate  Chylojiao  ,  Amster- 
dam, 1727,  in-4".  On  trouve  cette 
Dissertation  dans  les  OEuvres  de 
Ruysch,  Bohl  v  émet  des  doutes 
contre  l'opinion  de  Ruysch,  que  la 
substance  corticale  du  cerveau  est 
purement  vasculaire.  Wl.Dissertatio 
exhihens  medicnmenla  litlionfrip- 


4^8 


BOH 


tica  anglicana  revisa,  Kœnigsbcrg, 
174.1  ,  in-4-"«  IV.  JDissertatio  sis- 
tens  liistoriam  naturalemviœ  lac- 
tcœcorporishamani,perexlispicia 
aiiimalium  oUm  detectœ,  nunc  in- 
solilo  diictu  chylijero  genuino 
auctœ ,  cum  Jiotis  criticis  necessa- 
riisque  commentariis  ad  placita 
Ruyschiana  et  Boerhaaviana  , 
Kœnigsberg,  i74-i,  ia-4.°.  Cetle 
disstrlatiou  renferme  une  excellenie 
description  des  vaisseaux  lactés  et 
une  bonne  figure  du  canal  tbora- 
ciqiie.  V.  Des  précautions  à 
prendre  dans  les  expériences  sur 
les  êtres  vivants  pour  constater 
r insensibilité  des  tendons  (en  aile- 
mand) ,  Kœnigsberg  ,  1767,  in-8°. 
Bohl  rapporte  des  expériences  con- 
statant cjue  les  aponévroses  des  mus- 
cles de  l'abdomen,  le  périoste,  la 
dure-mère  et  le  tendon  d'Achille  sont 
insensibles  chez  Tliomme.  IX.  Pro- 
gruînma  de  lacté  aberrante ,  Kœ- 
nigsberg, 1772,  in  4.".  J — D — ^\ 
BOHTORI  (Alvalid),  poète 
arabe,  de  la  tribu  de  Tay,  naquit  en 
Syrie,  a  Manbedj  (  l'ancienne  Hiéra-' 
polis),  vers  l'an  206  de  l'bégire,  821 
de  J.-C.  Il  fui  dirigé  dans  son  goût 
pour  les  vers  par  le  célèbre  Abou- 
Temam  {Foj.  ce  nom,  I,  loi)., 
^aii  de  sa  mère  ,  el  se  rendil  ensuite 
à  Bagdad  pour  y  chercher  fortune. 
C'est  la  qu'admis  dans  les  bonnes 
grâces  du  khalife  Motavakkel  et  de 
son  visir  Falh ,  il  composa  la  plus 
grande  partie  de  ses  ouvrages.  Il 
mourut  en  Syrie  vers  la  fin  du  neu- 
vième siècle  de  notre  ère.  Bohiori 
s'était  fait  une  grande  réputation  par 
ses  poésies.  Ou  donnait  à  ses  vers  le 
nom  de  chaînes  d'or.  Il  avait  reçu 
tant  de  présents  pendant  sa  vie,  qu'on 
trouva  chez  lui  après  sa  mort  cent 
babils  complets  et  cinq  cents  turbans. 
Il  est  ordinairement  regardé  comme 


BOÎi 

l'un  des  trois  poètes  arabes  les  plus 
distingués  qui  soient  venus  après  le 
premier  siècle  de  l'hégire.  Les  deux 
autres  sont  Abou-Temam  et  Mote- 
nabby  yP'oy.  ce  nom,  XXX,  267). 
Il  nous  reste  de  Bohtori  :  I.  Un  di- 
van ,  où  ses  poésies  sont  rangées  d'à' 
près  l'ordre  alphabétique  des  rimes  : 
ce  divan  se  Irouveala  bjbliolhèquedu 
roi.  Il  existe  une  autre  édilion  où  les 
poésies  sont  classées  par  ordre  de  ma- 
tières. Ce  recueil  a  eu  plusieurs  com- 
mentateurs, entre  autres  Aboul'-Ola 
[F oy.  ce  nom,  I,  97).  II. Un  recueil 
d'anciennes  poésies  arabes  ,  a  l'iiiiila- 
tion  de  celui  d'.Vbou-Temara  ,  et  in- 
titulé égalemeiiti/rtwairt.  Ce  recueil, 
beaucoup  moins  célèbre  que  celui 
d'Abou-Teraam  ,  se  trouve  a  la  bi- 
bliothèque de  Leyde.  M.  Freylag  a 
publié  dans  ses  Selecta  ex  lustoria 
Ilalebi  ,  Paris,  i8i9,in-8°,  une 
des  pièces  du  divan  ,  adressée  au 
khalife  Motavakkel.  R~-d. 

BOIIUSZ  (Xavier),  historien 
polonais,  naquit  en  Lilhuanie  le  i'^'' 
janvier  i  746.  Elève  à  l'université  de 
\\  ilna,  il  ne  tarda  pas  à  être  employé 
dans  la  maison  du  célèbre  Antoine 
Tyzenbauz,  surnommé  le  Colbert 
de  la  Pologne^  à  cause  des  immen- 
ses services  qu'il  rendit  à  sa  patrie 
sous  les  rapports  industriels  et  com- 
merciaux. Bohusz  voyagea  dans  pres- 
que toute  l'Europe ,  et  laissa  trois 
énormes  volumes  d'observations 
recueillies  pendant  ses  longs  voya- 
ges. Frère  d'Ignace  Bohusz,  secré- 
taire de  la  confédération  de  Bar  , 
un  des  hommes  les  plus  influents  de 
celle  époque,  Xavier  Bohusz  écrivit 
l'histoire  de  cette  confédération, 
mais  en  1794  ^es  Russes  l'enle- 
vèrent à  Wilna,  et  l'emmenèrent  en 
Sibérie.  Ses  papiers  furent  égarés; 
mais  on  assure  que  bieu  plus  tard 
ils  passèrent  à  la   bibliothèque  des 


BOl 

princes  CzarlorTskih  Piilawy-  Apres 
une  longue  caplivilé,  Bohusz  rentra 
dans    sa  pairie   et  fut  nommé  juge 
de  paix  du   premier  arrondissement 
de  la  ville  de  Varsovie,  et  membre 
de  la  sociélé    royale    des  amis  des 
sciences  de  cetle  ville.   En  1786  ,  il 
fit   imprimer  à   Wilna   un    ouvrage 
intitulé:  Le   philosophe  sans  reli- 
gion ;  mais   son  ouvrage   capital  et 
celui  qui  le  place  au  rang  des  savants 
et  des  historiens  du  premier  ordre , 
ce  sont  ses  Recherches  sur  les  anti- 
quités de  t histoire  et  de  la  langue 
lithuajùennes,  publiées  en  18  08,  et 
réira primées  en  1 8 2 8 .  Bohusz  mourut 
a  Varsovie  en  1825,  âgé  de  79  ans. 
Ch — o. 
BOICÎÏOT   (  Guillaume  (i), 
sculpteur,  né  en  1738  a  Chalon-sur- 
Saône,  alla  fort  jeune  se  perfection- 
ner en  Italie  et  s'attacha  particulière- 
ment a  Félude  des  chefs-d'œuvre  an- 
tiques ,    conservés  a  Rome  et  à  Flo- 
rence. A  son  retour  dans  sa  patrie, 
il  fut  chargé  d'exécuter,  pour  l'église 
Saint-Marcel-les-Chàlons,  deux    an- 
ges de  proportion  colossale,  destinés 
a  soutenir  ia  châsse  qui  renfermait  les 
reliques   du  saint   patron.  Quoiqu  on 
reconnaisse  dans  cet  ouvrage  ,    qui 
subsiste  encore  ,  un  artiste  formé  sur 
les  grands  modèles ,   il  ne  faut  pas 
juger   Boichot    sur   ce    morceau   de 
commande   qui  produit  un  effet  mé- 
diocre a  ia  place  qu'il  occupe.   Ap- 
pelé quelque  temps  après  dans    la 
capitale  de  la  Bourgogne  par  Fabbé 
de  Saint-Benigne,  il  décora  le  réfec- 
toire  de  cette  abbaye  de  bas-reliefs, 
dontladestruction  n'est  pas  le  moindre 
mal  que  le  vandalisme  ait  fait  a  Di- 
jon, lien  exécuta  trois  autres  qui  sub- 
sistent encore  dans  la  salle  de  l'aca- 
démie ,  où  les  connaisseurs  retrouvent 

(i)  Et  non  pas  /ean,  coiinne    ou    le    dit  dans 
les  Dictionnaifss  et  les   Biojraphios   modwnes. 


BOI 


439 


celte  pureté  de  trait,  celle  simplicité 
de  composition ,  ce  goût  de  Fantique, 
qui  distinguent  les  productions  d'un 
artiste   trop  peu  connu.    Plus  tard, 
Boichot  vint  'a  Paris  5  mais  trop  mo- 
deste pour  se  produire,  et  manquant 
de  prôneurs  ,    il    y    resta  plusieurs 
années  dans  un  état  voisin  de  la  mi- 
sère. Cependant,  c'est  à  celte  époque 
qu'il  exécuta  le  beau  bas-relief  qui 
forme  le  rétable  du  maître-autel  de  la 
paroisse  de   Montmartre.  En   1789 
il  fut  admis  a  l'académie  royale    de 
sculpture,  sur  «ne  statue  de  Télèphe 
blessé  par  Achille ,  qui,  la  même 
année  ,    exposée    au   salon,  y  réunit 
tous  les   suffrages.  Boichot,   n'ayant 
point  été  compris  au  nombre  des  ar- 
tistes qui  furent  employés  parle  gou- 
vernement  pendant  la  révolution,  se 
vit  forcé  ,  pour  subsister  avec  sa  fa- 
mille, d'accepter  la  modeste  place  de 
professeur  de  dessin  a  l'école  centrale 
d'Aiitun.  Toutefois, il  fut  nommé  cor- 
respondant del'Institut  à  !-a  création, 
et  il  revint  à  Paris  dès  qu'il  eut  l'es- 
pérance d'y  être   occupé.    11   mit  a 
l'exposition,    en  180 1,  les  iM5fe.î  de 
Denon    et  de   Bernardin   de   Saint- 
Pierre.  Cet  habile  artiste,  aussi  mo- 
deste que  laborieux,  mourut  pauvre 
le  9  déc.  i8i/f.  Parmi  les   ouvrages 
qu'il  a  laissésa  Paris,  on  cite  -.ï Her- 
cule assis  •   le  grand   bas-relief  du 
porche  de  Ste-Geneviève  ;    la  statue 
du  patron  a  Saint-Roch  et  enfin  les 
Z'rts-re/Ze/i  du  grand  portique  del'arc- 
de-triomphe  du  Carrousel,  où  les  ama- 
teurs retrouvent  le  style  et  la  manière 
de  Jean  Goujon.  C'est  sur  les  dessins 
de  Boichot  qu'ont  été  gravées  les  figu- 
res du  Théocrite,  de  VHérodote, 
du  Thucydide  et  du  Xénophon  de 
Gail,  qui  a  donné  une  JSolice  très- 
incomplète    sur  Boichot.  (Voy.   le 
Moniteur  du  i5  février  181 5.) 
W— s. 


kkf* 


BOI 


BOIE  (Henri- Chrétien),  né  h 
Meldorp,dans  le  Holstein  ,  eu  ly^ô, 
mourut  conseiller  d'élat  eu  i8o6.  Il 
fut  avec  Frédéric-Guillaume  Golter 
le  père  et  le  créateur  des  Almanaclis 
des  Muses  en  Allemagne,  et  publia 
celui  de  Gœllingue  avec  cet  écrivain, 
de  1770  a  1773.  L'Almanarli  des 
Muses  était  une  imilation  française,  à 
laquelle  nos  voisins  applaudirent  avec 
une  sorte  d'enthousiasme.  De  1776 
k  1778  ,  il  eut  pour  rédacteur  L.- 
F.-G.  von  Gockingk  ;  de  1779  a 
1794.,  le  célèbre  Biirger.  Le  doc- 
teur Reinhard  le  continua  jusqu'en 
i8o5.  On  a  un  recueil  des  poésies 
de  la  jeunesse  de  Boie,  iuiilulé  : 
Gedichte,V>vèvae,  1770.  R — f — c. 

BOIELDIEU  (Fra^çois- 
Adrie\),  compositeur  français,  na- 
quit k  Rouen  le  1  6  décembre  1775. 
Son  père,  qui,  après  la  révolution 
et  par  le  crédit  de  Mollien,  son  com- 
patriote ,  obtint  une  place  k  la 
caisse  d'amortissement,  était  alors 
secrétaire  de  rarchevêclié  :  sa  mère 
tenait  le  magasin  de  modes  le  plus 
achalandé  de  la  ville.  Les  disposi- 
tions musicales  de  l'enfant  s'annoncè- 
rent de  bonne  heure ,  et  Broche , 
organiste  de  la  cathédrale,  se  char- 
gea de  les  cultiver.  Par  la  bizarre- 
rie de  ses  manières,  et  sa  dureté  envers 
ses  élèves.  Broche  était  tout -à-fait 
un  artiste  de  l'ancienne  école:  le 
petit  Boïel  (c'est  ainsi  qu'on  nom- 
mait Boïeldieu)  eut  k  souffrir  plus 
que  tout  autre  :  il  était  le  plus  jeune 
de  ses  condisciples,  et  il  lui  fallait 
remplir  auprès  de  Broche  l'office  de 
valet  de  chambre  ,  comme  jadis 
Haydn  auprès  du  vieux  Porpora. 
Broche,  qui  tenait  k  Rouen  le  mo- 
nopole de  l'enseignement  musical , 
t|ui fréquentait  les  meilleuresmaisons, 
hnniine  du  monde,  homme  de  plai- 
sirs   chez   les   autres,  redevenait  en 


BOI 

entrant  chez  lui  pédagogue  farouche, 
tyran  impitoyable.  Un  jour,  le 
petit  Boïel,  saisi  de  terreur  k  la  vue 
d'une  tache  d'encre  qu'il  venait  de 
faire  sur  un  livre  de  son  maître,  ne 
crut  pouvoir  se  soustraire  au  péril 
que  parla  fuite;  il  partit  seul,  a 
pied  ,  et  vint  k  Paris.  Bientôt  rendu 
k  sa  famille  ,  k  son  maître,  qui  mo- 
difia quelque  peu  sa  méthode,  le 
jeune  Boieldieu  fit  des  progrès  si 
rapides,  que  nul  doute  ne  resta  plus 
sur  sa  vocation.  Dès  l'âgede  sept  ans 
il  avait  commencé  k  toucher  le  cla- 
vecin :  deux  ans  lui  avaient  suffi 
pour  se  mettre  en  état  d'improviser 
sur  l'orgue.  Il  ne  s'en  tint  pas  Ik  : 
il  composa  de  petits  morceaux,  so- 
nates ,  romances ,  et  sans  savoir  en- 
core bien  les  règles  de  l'harmonie,  il 
écrivit  la  partition  d'un  opéra  en  un 
acte;  le  poète  et  le  musicien  étaient 
de  Rouen  :  leur  ouvrage  obtint  un 
plein  succès  sur  le  théâtre  de  leur  ville 
natale.  Boïeldieu  ne  tarda  pas  k  re- 
prendre la  route  de  Paris ,  et  cette 
fois  de  l'aveu  de  sa  famille  (1795). 
Il  avait  k  peine  vingt  ans.  Avec  une 
figure  charmante,  des  manières 
exquises,  il  possédait  un  beau  talent 
de  pianiste  ,  une  voix  agréable  :  il 
semblait  donc  avoir  tout  ce  qu'il  fal- 
lait pour  réussir,  et  pourtant  il  ne  réus- 
sit pas  d'abord.  La  musique  avait  subi 
la  même  influence  que  les  autres  artsj 
c'était  l'époque  de  l'énergie  et  non  celle 
de  la  grâce  :  on  voulait  avant  tout 
des  seusations  vigoureuses  et  profon- 
des. Mélml,  Chérubini,  Lesueur 
avaient  donné  des  ouvrages  du 
style  le  plus  sévère  ,  tels  qu'jE'î^- 
plirosine  et  Coradin^  Lodoïska, 
la  Caverne,  L'heure  de  Boïeldieu 
n'était  pas  venue  :  son  petit  opéra  , 
soumis  au  jugement  des  maîtres  ,  fut 
trouvé  d'une  extrême  faiblesse.  Pen- 
dn  n  t  quelque  temps,  il  vécut  au  hasard , 


BOI 

enseignant  le  piano,  ne  dédaignant 
pas  même  le  luélier  d'accordeur, 
composant,  chantant  de  délicieuses  ro- 
mances ,  dont  plusieurs,  et,  entre 
autres,  J^ivre  loin  de  ses  amours, 
jouirent  d'une  vogue  populaire.  Ga- 
rât ,  le  chanteur  a  la  mode,  les  prit 
sous  sa  protection,  et  la  réputation 
de  Boïeldieu  commença  dans  les  sa- 
lons. Enfin  le  talent  du  jeune  compo- 
siteur inspira  assez  de  confiance  pour 
qu'on  jouât  au  théâtre  Fejdeau  son 
opéra  de  la  Famille  suisse,  et  ce- 
lui de  Monhreuil  et  Merville  ,  en 
1797  :  1  un  et  l'autre  étaient  en  un 
acte.  Zordime  et  Zulnare,  opéra 
eu  trois  actes,  composé  auparavant, 
ne  put  être  représenté  que  Tannée 
suivante  (1798),  ainsi  que  la  Dot 
de  Suzette.  En  1799,  les  Mépri- 
ses espagnoles  et  le  Calife  de  Bag- 
dad parurent  au  théâtre  Favart.  Tels 
furent  les  débuts  de  Boïeldieu  :  il  ne 
se  laissa  pas  éblouir  par  leur  éclat.  11 
avait  été  nommé  professeur  de  piano 
au  conservatoire:  et  c'est ,  dit-on, 
dans  sa  classe ,  entouré  de  ses  élè- 
ves ,  que  ,  sur  un  coin  du  piano  ,  il 
écrivit  les  mélodies  si  originales  et 
si  franches  du  Calife.  Après  l'im- 
mense succès  de  cet  ouvrage  ,  que 
trente  années  n'ont  pu  vieillir , 
Boïeldieu  pouvait  croire  que  le  gé- 
nie tenait  lieu  de  science  :  au  con- 
traire il  avait  senti  Tinsuffisance  de 
son  éducation  musicale,  et  prié  Ché- 
rubini  de  lui  donner  des  leçons.  Les 
conseils  du  savant  professeur  fructi- 
fièrent. Après  la  réunion  des  deux 
troupes  d'ojiéra-comique  dans  la 
salle  Feydeau  ,  Boïeldieu  donna 
Ma  tante  Aurore  (  1802  );  et 
l'on  remarqua  dans  ce  nouvel  ou- 
vrage des  progrès  décidés ,  une  in- 
strumentation élégante  et  soignée , 
des  dessins  bien  suivis,  des  mor- 
ceaux d'ensemble  combinés  avec  art 


BOI 


hU\ 


et  remplis  d'effets  ingénieux.  Le  fa- 
meux quatuor  restera  un  des  mor- 
ceaux classiques  de  l'école  française. 
D'aliord  la  pièce  était  en  trois  actes, 
et  le  premier  jour  on  la  sifDa:  c'é- 
tait presque  une  chute*  mais  Boïel- 
dieu, qui  avait  apprécié  son  œuvre, 
n'en  désespéra  pas  :  deux  jours 
après,  diminué  d'un  ace  ,  l'opéra  de 
]\Ia  tante  Aurore  se  releva  complè- 
tement. Boïeldieu  avait  épousé  eu 
I  8  02  m"*"  Clotilde,  célèbre  danseuse 
de  l'Opéra:  ce  mariage  ne  fut  pas 
long-temps  heureux.  Dès  Tannée 
suivante,  voulant  se  délivrer  des  cha- 
grins domestiques  qui  l'obsédaient , 
Boïeldieu  prit  loul-a-coup  la  résolu- 
lion  de  quitter  la  France  ,  et  de  par- 
tir pour  la  Russie,  où  il  allait  retrou- 
ver une  famille  qu'il  aimait  comme 
la  sienne.  Arrivé  aux  frontières  de 
l'empire  russe,  il  reçut  un  message 
d'Alexandre,  qui  lui  conférait  le  titre 
de  son  maître  de  chapelle.  Une  récep- 
tion brillante  Tattcudait  à.  Saint-Pé- 
tersbourg :  on  exécuta  a  l'Ermilage 
le  Calife  de  Bagdad ,  devant  la  la- 
mille  impériale  ei  toute  la  cour,  dans 
une  salle  étincelanle  de  lumières  et  de 
parures.  Un  traité  fut  conclu  entre 
le  directeur  du  théâtre  impérial  et 
Boïeldieu  :  le  compositeur  promit  d'é- 
crire trois  opéras  nouveaux  chaque 
année ,  moyennant  que  Ttmpereur 
lui  fournirait  Ks  poèmes.  Cette  der- 
nière clause  n'était  pas  la  plus  facile 
a  exécuter  5  aussi  Tempereur  y  raan- 
qua-t-il,  et  Boïeldieu  se  vit-il  obligé 
de  prendre  dans  'OU  porte-feuille  des 
poèmes  déjà  mis  en  musique  ou  qui 
n'étaient  pas  destinés  a  eu  recevoir. 
C'est  ainsi  qu'il  écrivit  une  partition 
à' Aline,  reine  de  Golconde,  après 
celle  de  M.  Berton  ;  de  Télémaque, 
après  celle  de  M.  Lesueur;  des  l  oi- 
tures  versées ,  sur  un  vaudeville  de 
I\I.  Dupalv;  delà  Jeune  femme  co- 


444  BOI 

lère^  sur  nue  comédie  de  M.  Etien- 
ne j  des  Deux  paravents  ,  A""  Amour 
et  mystère  sur  des  vaudevilles 
de  MM.  J.  Pain  et  Bouilly.  Il  com- 
posa encore  des  chœurs  pour  VA- 
thalie  de  Racine,  et  un  grand 
nombre  de  marches  et  de  morceaux 
militaires  pour  la  garde  impériale 
russe.  Un  seul  poème  fut  écrit  pour 
lui  aSainl-Pétershourgpar  un  Fran- 
çais, attaché  comme  chanteur  au 
théâtre  impe'rial  ;  mais  la  chute 
à' Ahderkan  punit  le  poète  de  sa 
présomption.  Télcmaque  était  un 
des  ouvrages  que  Boïeldieu  affection- 
nait le  plus.  Il  l'avait  composé  en 
six  semaines  pour  les  relevailles  de 
l'impératrice  5  et ,  a  mesure  qu'il  écri- 
vait ,  les  acteurs  apprenaient ,  on 
répétait  au  théâtre ,  de  sorte  que 
l'ouvrage  fut  aussitôt  représenté  que 
fini.  Les  chœurs  S Athalie  renfer- 
maient aussi  de  grandes  beautés ,  et 
produisaient  tant  d'effet  qu'une  cé- 
lèbre tragédienne  française,  qui  se 
trouvait  alors  en  Piussie  ,  cessa  de 
jouer  le  rôle  principal,  parce  que  la 
musique  enlevait  une  trop  large  part 
d'applaudissements.  Quelque  bril- 
lante que  fût  son  existence  a  Saint- 
Pétersbourg,  Boïeldieu  sentit  le  be- 
soin de  revoir  sa  patrie  :  l'air  et  le 
ciel  de  la  France  étaient  nécessaires 
à  sa  santé  affaiblie.  K'osant  rompre 
entièrement  sa  chaine  ,  il  sollicita  un 
congé  (181 1)  ,  que  les  circonstances 
d'accord  avec  sa  volonté  devaient 
rendre  définitif.  Quand  Boïeldieu 
revint  'a  Paiis  ,  le  gracieux  et  fécond 
Nicolo  était  en  possession  del  Opéra- 
comique  :  Boïeldieu  et  lui  se  le  par- 
tagèrent, au  grand  profit  de  l'art  et 
des  plaisirs  du  public.  Dans  l'année 
même  de  son  retour,  Boïeldieu  fit 
jouer  les  J9ew.r  paravents  ou  Rien 
de  trop,  dont  il  avait  compose  la 
musique  en  Russie.  L'année  suivante, 


ÊOI 

(18 12),  il  écrivit  et  donna  Jean  ds 
Paris  ,  un  de  ses  meilleurs  ouvra- 
ges :  il  j  avait  placé  un  morceau 
tiré  de  son  Télémaque,  l'air 
chanté  par  la  princesse  de  Navarre, 
Quel  plaisir  d'être  en  voyage  ,  et 
qui  faisait  partie  du  rôle  d'Encharis. 
La  Jeune  femme  colère,  égalcnient 
composée  en  Russie,  suivit  de  près 
Jean  de  Paris.  Quoique  le  sujet 
fût  peu  musical ,  on  y  remarqua  un 
trio  et  un  quatuor  pleins  d'expres- 
sion et  de  vérité  dramatique.  Le 
ISouveau  seigneur  de  7Hllage  ,  qui 
fut  joué  en  181 3,  reçut  l'accueil  que 
mérite  un  chef-d'œuvre:  jamais  le 
compositeur  ne  s'était  montré  plus 
vrai,  plus  élégant  ,  plus  fin  dans  ses 
mélodies,  plus  habile  et  plus  varié 
dans  son  insirumentation.  En  février 
1814.,  Boïeldieu  fit  sa  part  de 
Bayard  à  Mézières ,  ouvrage  de 
circonstance,  avec  Chérubini ,  Catel 
et  Nicolo.  Il  donna  l'opéra  à' Ange- 
la  ^  avec  madame  Gail ,  sou  élève. 
En  181  6,  il  donna  la  Fête  du  vil- 
lage voisin  ,  partition  spirituelle  , 
mais  un  peu  froide.  La  même  année, 
à  Foccasion  du  mariage  du  duc  de 
Berri,  il  composa  Charles  de  Fran- 
ce,  en  société  avec  Hérold ,  encore 
inconnu  ,  et  dont  il  favorisait  ainsi  les 
premiers  pas  :  le  trio  des  Chevaliers 
de  la  fidélité ,  écrit  par  Boïeldieu  , 
a  survécu  k  toute  la  partition  de 
Charles  de  France.  Méhul  étant 
mort  en  i  817  ,  Boïeldieu  et  Nicole 
se  présentèrent  pour  lui  succéder  a 
rinstitut.  L'élection  fut  vivement  dis- 
putée :  Boïeldieu  l'emporta;  et,  com- 
me pour  légitimer  l'honneur  qu'on  lui 
accordait,  il  écrivit  la  belle  partition 
du  Petit  chaperon  rouge ,  joué  en 
1818:  son  talent  qui  s'élevait  tou- 
jours ,  n'avait  encore  rien  produit 
d'aussi  fort,  ni  d'aussi  complet.  Les 
Voitures  versées  y  opéra  joué  a  Saint- 


BOÎ 

Pélershourg  et  presque  enlièrement 
refondu  pour  la  scèii»*  française,  pa- 
rurent en  1820.  Siflle'e  le  premier 
jour  ,  comme  ^la  tante  Aurore ^  la 
pièce  se  releva,  grâce  a  la  musique, 
le  surlendemain.  Deux  ouvrages  de 
circonstance ,  représentés  au  graud 
opéra,  Blanche  de  Provence.^  com- 
posée pour  la  naissance  du  duc  de  Bor- 
deaux, avec  Chérubini,  Berlon , 
'Kreutzer  et  Paër  (1821),  et  P/m- 
ramojid,  composé  pour  le  sacre  de 
Charles  X,  avec  Bertou  et  Kreuizer 
(1825),  précédèrent  le  dernier  et 
peut-être  le  plus  admirable  des  chefs- 
d'œuvre  que  Boïeldieu  ait  enfan- 
tés. La  Daine  blanche^  représentée 
le  1 0  déc.  1825,  oblint  un  succès 
immense  non  seulement  a  Paris  et 
en  France,  mais  dans  toute  l'Europe j 
l'Allemagne  en  fit  ses  délices,  et  FI- 
lalie  même,  si  exclusive  dans  son 
goût  musical,  ne  put  s'empêcher  de 
l'applaudir.  Les  TJeux  nuits  termi- 
nèrent la  carrière  théâtrale  de  Boïel- 
dieu (20  mai  1829).  11  avait  rap- 
porté de  Piussie  le  germe  d'une  souf- 
france habituelle  que  dans  le  monde 
on  appelle  maladie  noire.  Dans  les 
dernières  années  de  sa  vie,  une  phlhi- 
5>ie  laryngée,  s'attaquant  d'abord  a 
l'organe  vocal,  et  le  détruisant  par 
degrés,  mina  sourdement  ses  forces. 
Privé  de  la  faculté  d'écrire  de  la  mu- 
sique, parce  qu'il  ne  pouvait  en  écrire 
sans  chanter,  il  voyagea,  parcourut 
la  Provence,  l'Italie  ,  alla  chercher 
dans  les  Pyrénées  des  bains  dont  il 
avait  éprouvé  l'influence  salulaire. 
Dans  l'hiver  de  i833  a  i  834,  il  com- 
posa encore  pour  les  bals  de  1  Opéra, 
sous  le  nom  vulgaire  de  galop ,  une 
petite  symphonie  pétillante  d'esprit 
et  de  verve,  oîi  se  retrouvent  tout  le 
charme  et  la  fraîcheur  de  son  talent. 
Dans  l'automne  suivant,  il  revint  de 
Bordeaux  dans  sa  maison  de  Jarcy, 


BOI 


44'^ 


près  Grosbois,  faible,  languissant,  et 
il  V  mourut  le  8  opt.  1854.  Ses  ob- 
sèques se  célébrèrent  dans  l'église  des 
Invalides ,  l'archevêque  dt-  Paris 
n'ayant  pas  permis  qu'elles  eussent 
lieu  dans  celle  de  Saiut-Iloch.  On 
y  exécuta  la  messe  des  morts  com- 
posée par  Chérubini  pour  les  funé- 
railles de  Louis  X\III.  Sa  dépouille 
morlells  fut  portée  au  cimetière  de 
l'Est ,  dit  du  Père-la-Chaise,  et  dé- 
posée entre  les  tombes  de  Grétry, 
Monsigny  ,  Dalayrac  ,  Méhul  ,  ISi- 
colo ,  et  de  Hérold ,  mort  peu  de 
temps  avant  lui.  Bouen,  oii  il  avait 
vu  le  jour,  réclama  son  cœur  qui  lui 
fut  accordé  par  la  famille,  pour  être 
placé  dans  un  n.onumenl  construit 
aux  frais  de  la  ville.  Boïeldieu,  de- 
puis son  divorce  avec  Clolilde,  s'élait 
marié  en  secondes  noces  avec  la  sœur 
de  M  *  Philis ,  qui  avait  crée'  plu- 
sieurs rôles  de  ses  opéras,  tant  k 
Paris  qu'en  Pvussie.  Il  a  laissé  un 
fils  ,  qui  était  en  même  temps  sou 
élevé ,  dans  la  classe  de  composi- 
tion créée  pour  lui  au  Conserva- 
toire. Parmi  ses  autres  élèves ,  on 
cite  MÎVl  Adolphe  Adam  el  Théo- 
dore Labarre.  Comme  professeur 
de  piano  ,  il  avait  eu  pour  élèves 
MM.  Fétis  et  Zimmernnann.  Outre 
les  vingt-six  opéras  qu'il  écrivit,  tant 
seul  qu'avec  des  collaborateurs,  Boïel- 
dieu avait  composé  une  foule  de  ro- 
mances,  et  plusieurs  trios  po'ir  pia- 
no ,   violon    et  violoncelle  (i).  Dans 


(i)  Nous  connaissons  encore  de  lui  ()eux  au- 
tres opéras  :  l' Heureuse  nouvelle  ,  pièce  de  cir- 
constance, jouée  à  l'occasion  du  traite  de  Campo- 
Formio,  en  1797,  au  théâtre  Feydean  ;  et  la  Pri- 
sonnière, coni|>osée  avec  Cherubi:ji  et  jouée,  en 
1799,  au  théâtre  Montansier.  U  a  fait  en  oiilie 
piusiems  sonates  et  concertos  de  piano.  Boïel- 
dieu était  doué  d'une  grande  flexibilité  de  ta- 
lent :  il  avait  su  faire  du  bruit,  en  179S,  d:ins 
Zorainie  et  Zulnare  comme  on  en  fais.tit  alors  ; 
il  contribua  au  retour  de  la  mél'die,  opiTe 
par  Oella  Msria  ,  et  depuis  il  a  été  un  des  plus 
habile$  imitateurs  de  l'école  italienue  moderne, 

A T. 


f^!^l^ 


BOI 


le  genre  de  la  comédie  musicale  (l'o- 
péra-comique  n'est  pas  autre  chose), 
Boïeldieu  s'est  placé  immédiatement 
après  Grélry  ,  et  a  coté  deDaloyrac. 
]Sul  n'a  rendu  mieux  que  lui  le  ton 
de  la  conversation  et  du  monde  ; 
nul  n'a  mis  plus  d'esprit  dans  la  mu- 
sique, bien  que  la  musique  et  l'es- 
prit soient  regardés  par  beaucoup 
d'artistes  comme  incompatibles.  La 
phrase  mélodique  de  Boïeldieu  est 
toujours  éminemment  française,  c'est 
à-dire  toujours  claire,  facile,  élégan- 
te, spiritue  le,  coquette  même,  sans 
être  prétentieuse  ni  recherchée  :  son 
Jiarmonie,  travaillée  avec  un  soin 
parfait ,  spirituelle  et  coquette  aussi 
plus  souvent  que  ferme  et  hardie, 
avait  suivi  ses  progrès  personnels  non 
moins  que  ceux  de  l'art  même.  Sous 
ce  rapport  surtout ,  Boïeldieu  mé- 
rite d'être  étudié  :  c'est  en  exami- 
nant l'orchestre  de  ses  diverses  par- 
titions qu'on  voit  jusqu'à  quel  point 
il  portait  l'intelligence  et  le  senti- 
ment des  réformes,  ou  si  l'on  veut, 
des  innovations  musicales.  Son  style 
avait  marché  avec  le  siècle  :  il  s'était 
élargi,  coloré,  fortifié  j  la  Dame 
blanche  montre  comment  il  avait 
profité  de  l'exemple  d'un  homme  de 
génie ,  sans  tomber  dans  le  servi- 
lisme  de  l'imitation.  Admirateur  pas- 
sionné de  Gluck  et  de  Mozart ,  Boïel- 
dieu comprit  un  des  premiers  le  prodi- 
gieux mérite  de  Rossini,  et  ne  négligea 
rien  pour  le  faire  comprendre  à  ses 
élèves.  «  Mes  enfants,  »  leur  disait-il, 
après  leur  avoir  analysé  une  nouvelle 
partition  de  ce  maître,  a  voilà  la 
«  meilleure  leçon  que  je  puisse  vous 
a  donner.  11  faut  avant  tout  étudier 
K  les  auteurs  qui  ont  du  chant ,  et 
a  on  ne  reprochera  pas  à  celui-là 
«  d'en  manquer.  »  Boïeldieu  attachait 
un  grand  prix  aux  succès,  et  ne  s  épar- 
gnait  aucune  peine  pour  les  obtenir. 


ROI 

Le  long  intervalle  qu'il  mit  entre 
ses  derniers  ouvrages  lui  attira  le 
reproche  de  manquer  de  facilité  ; 
c'était  une  erreur.  11  concevait  faci- 
lement, exécutait  vite,  mais  n'était 
presque  jamais  content  de  ce  qu'il 
avait  fait.  Plus  d'une  fois  ,  il  lui 
arriva  d'écrire  jusqu'à  six  versions 
différentes  d'un  morceau  avant  d'en 
trouver  une  à  laquelle  il  s'arrêtât. 
Quand  il  avait  achevé  un  opéra,  ou 
pouvait  être  sûr  que  dans  ses  rebuts 
il  y  avait  de  quoi  en  composer  qua- 
tre ou  cinq  autres.  Il  soufîrait  cruel- 
lement des  incertitudes  d'une  pre- 
mière représentation ,  des  rigueurs 
d'un  article  de  journal  j  mais  ni  les 
sifflets  ni  les  critiques  ne  le  fai- 
saient désespérer  d'un  ouvrage  au- 
quel il  avait  foi.  On  a  vu  que  les 
Voilures  versées  avaient  été  mal- 
traitées par  le  public  ,  le  premier 
jour.  Le  poète  ,  passant  condamna- 
tion ,  Invitait  les  acteurs  à  ne  pas 
tenter  une  seconde  épreuve  :  k  Qu'est- 
ce  ce  que  tu  dis?  5>  s'écria  Boïeldieu, 
qui  entrait  en  ce  moment  dans  le 
fover  ,  «je  veux  que  notre  ouvrage 
«  ait  cent  représentations  et  qu'il 
a  reste  au  répertoire.  y>  En  effet 
l'ouvrage  y  est  resté.  La  musique 
n'était  pas  le  seul  art  que  culti\àt 
Boïeldieu  ^-Gtrmme  amateur,  il  ma- 
niait avec  talent  le  pinceau  et  le 
crayon.  Pendant  la  longueur  des 
séances  académiques,  son  crayon  lui 
servait  de  ressource  ,  et  ses  confrères 
f-e  disputaient  ensuite  ses  ingénieux 
badinages.  Sa  conversation  aimable 
et  spirituelle  reflétait  fidèlement  son 
caractère.  Parmi  les  traits  nombreux 
qui  le  peignent  et  l'honorent  ,  nous 
ne  citerons  que  le  suivant.  Quand  il 
reçut,  en  1821,  la  décoration  de  la 
Légion-d'Honneur,  il  regretta  vive- 
ment que  Catel  ne  l'eût  pas  obtenue 
avant  lui,   et  il  se  mita  faire,  dans 


liOl 

linlércl  de  son  coufrère,  tt)ulei  les 
dL-marcbes  qu'il  n'aurait  pas  failespoui' 
Itii-inèiiie  :  il  réussit ,  mais  Catel,  qui 
n'avait  pas  ambitionné  cette  faveur, 
ne  s'en  luoalra  pas  fort  reconnaissant. 
Pendant  son  séjour  en  Russie.  Boïel- 
dieu  avait  été  remplacé  au  Conserva- 
toire dans  renseignement  du  piano  : 
à  son  retour,  en  lui  conféra  le  titre 
de  professeur  honoraire,  qu'il  garda 
jusqu'en  i8i5  :  en  1815,  il  ob;inl 
celui  de  professeur  de  composition 
qu'il  perdit  eu  i832  ,  et  qui  lui  fut 
rendu  en  janvier  18 34-.  boïeldieu 
avait  été  en  outre  membre  du  jury 
de  lecture  de  l'Opéra  (iBiô-ios^), 
du  conseil  musical  (18  16)  5  composi- 
teur-accompagnateur, adjoint  de  la 
chapelle  du  roi  (iSiy-iSSo)^  com- 
positeur de  la  duchesse  de  Berri ,  et 
membre  du  conseil  d'administration 
de  l'école  royale  de  chant  et  de  dé- 
clamation (i824-i833).  M — N — s. 
BOIGNE  (le  général  Benoit 
Leborgne,  comte  de) ,  naquit,  le  8 
mars  1741,  à.  Cbambéry,  où  son 
père  était  marchand  de  pelleleries. 
A  défaut  de  fortune,  il  lui  donna  une 
bonne  éducation  dans  le  |col'ège  de 
cette  ville  et  le  destina  a  l'étude  du 
droit.  Mais  le  jeune  de  Boigne  ou  plu- 
tôt/^e^org'we^  car  tel  était  son  vé- 
ritable nom  ,  qu'il  changea  lui-même 
lorsque  pour  la  première  fois  il  s'é- 
loigna de  sa  famille,  était  tourmenté 
par  le  désir  d'acquérir  de  la  gloire  , 
et  ce  fut  vers  la  carrière  des  armes 
que,  dès  sa  première  jeunesse,  il  se 
sentit  entraîné.  Cette  carrièie  offrait 
alors  peu  d'espoir  de  succès  a  un 
homme  d'origiiie  roturière  quel  que 
fin  son  mérite,  les  emplois  élevés 
étant  exclusivement  réservés  à  la 
noblesse.  Les  chances  d'avancement 
n'étaient  guère  plus  favorables  dans 
l'armée  française  •  mais  la  brillante 
réputation  doul  elle  a  toujours  joui 


liOI 


•H -> 


fixèrent  ses  regards  ;  et  il  entra  dans 
un  régiment  irlandais  au  service 
de  France,  où  l'on  n'admettait  que 
des  hommes  robustes  et  bien  consti- 
tués. Personne  ne  réunissait  de  tels 
avantages  à  un  plus  haut  degré  que 
le  jeune  Leborgne  :  d'une  constitution 
forte,  d'une  taille  élevée  ,  d'une  phv- 
sionomie  avantageuse  ,  il  offrait  dans 
son  caractère  un  contraste  remarqua- 
ble de  douceur  et  d'emportement, 
secondé  par  une  volonté  ferme  et 
une  activité  extraordinaire.  Le  régi- 
ment de  Clarck,  dans  lequel  il  entra, 
en  1768,  avait  pour  commandant  pro- 
visoire le  major  Leighs,  excellent 
officier,  connu  surtout  par  sa  sévé- 
rité, à  laquelle  ce  régiment  était 
redevable  d'une  discipline  citée  com- 
me modèle.  Boigne  suivit  ce  corps  h 
l'île  de  France  ,  et  revint  en  Europe 
au  bout  de  dix-huit  mois.  Il  comptait 
alors  cinq  ans  de  service  qu'il  avait 
employés  à  étudier  avec  soin  l'art 
théorique  et  pratique  de  la  guerre. 
]\Jalgré  sa  bonne  conduite,  son  zèle 
et  son  application,  il  obtint  peu  d'a- 
vancement. Voyant  ainsi  s'évanouir 
toutes  ses  espérances  ,  il  ne  perdit 
point  courage  et  résolut  de  porter 
plus  loin  son  ardeur  aventureuse  et 
ses  désirs  immodérés  d'illustration. 
Il  demanda  donc  son  congé  et  se  ren- 
dit a  Turin  où  il  obtint  du  marquis 
if'Aigues- Blanche  ,  alors  ministre  du 
roi  de  Sardaigne ,  une  lettre  de  re- 
commandation pour  l'amiral  Orloff  , 
qui  commandait  dans  l'archipel  grec 
les  forces  de  terre  et  de  mer  de  la 
Piussie.  Il  s'embarque  aussitôt  pour 
la  Grèce  ,  et  va  rejoindre  a  l-'aros 
l'amiral  russe  qui  se  disposait  à  aller 
assiéger  Ténédos.  Orloff  accueillit 
avec  bienveillance  le  jeune  militaire, 
non-seulement  à  cause  de  sa  lettre  de 
recommandation  ,  mais  encore  parce 
qu  il  sut  apprécier  au  premier  abord 


446 


BOI 


son  excellente  tenue  et  son  air  mar- 
tial. Bolirne  fut  admis  comme  ca- 
piiaine  dans  un  régiment  grec  au 
service  de  Catherine.  Dans  une  sortie 
de  la  garnison  ,  au  siège  de  Ténédos 
en  1780,  la  compagnie  qu'il  com- 
mandait fui  presque  entièreinent  dé- 
truite et  lui-même  tomba  au  pou- 
voir de  reuuemi.  Conduit  prisonnier 
à  Chio  ,  puis  à  Constanliuople  ,  il  y 
languit  sept  mois  dans  une  captivité 
très-dure  et  qu'il  pensait  devoir  être 
encore  bien  plus  longue.  La  paix  vint 
le  délivrer^raais  cette  circonstance  qui 
le  rendait  libre  devait  mettre  obstacle 
a  ses  succès  5  car  la  Russie,  en  licen- 
ciant une  partie  de  ses  troupes,  non- 
seulement  avait  besoin  de  réduire  le 
nombre  des  officiers,  mais  encore  n'of- 
frait qu'un  faible  espoir  d'avance- 
raenta  ceux  qu'elle  conservait.  Cepen- 
dant il  reçut  le  grade  de  major.  Alors 
n'espérant  plus  s'élever  davantage  au 
service  de  la  Russie,  il  donna  sa  démis- 
sion, et  se  rendit  a  Smjrue ,  oîi  il 
fit  connaissancd  avec  le  consul  de 
France ,  Rousseau  ,  et  avec  beaucoup 
d'étraugers  oui  revenaient  de  l'Inde. 
Ayant  entendu  faire  de  séduisantes  des- 
criptions de  cette  contrée  ,  il  sentit 
remiître  dans  sou  esprit  tous  les  rê- 
ves de  sa  jeunesse ,  et  ne  s'occupa  plus 
que  des  moyens  de  les  réaliser.  La 
voie  de  terre  lui  paraissant  la  plus 
convenable  ,  il  se  rendit  k  Constauti- 
nople  et  de  la  a  Alexandrie  et  a  Alep 
pour  joindre  une  caravane  qui  par- 
tait pourBassoraj  mais  elle  ne  put 
continuer  sa  roule,  a  cause  de  la 
guerre  entre  les  Turcs  et  les  Persans. 
Tout  autre  se  fût  rebuté;  mais  l'Inde 
était  devant  lui  et  il  voulait  y  parve- 
nir a  loul  prix.  Espérant  qu'il  serait 
plus  heureux  par  mer,  il  se  rendit  à 
Alexandrie  ;  et ,  dans  la  traver.-.ée  de 
cette  ville  a  lloselle  ,  il  fil  naufrage 
a  l'entrée  du  NI  où  il  «e  trouva  a 


BOI 

la  merci  des  Arabes  qui,  au  lieu  de  le 
dépouiller^  comme  il  s'y  attendait, 
exercèrent  envers  lui  la  plus  géné- 
reuse hospitalité  et  le  conduisirent 
jusqu'au  Caire.  Grâce  a  la  protection 
de  M.  Baldev\'in  ,  consul  anglais ,  il 
put  atteindre  l'Inde  en  passant  par 
Suez  ,  et  de  la  se  rendit  a  Bombay, 
puis  a  Madras,  où  il  reconnut  toute 
la  difficulté  de  se  faire  employer  k 
cause  de  sa  qualité  d'étranger.  Livré 
k  ses  propres  ressources,  il  fut  con- 
traint pour  exister  de  donner  des  leçons 
d'escrime,  genre  d'exercice  dans  le- 
quel il  avait  toujours  excellé  ;  et  il  at- 
tendit avec  résignation  un  meilleur 
sort.  Enfin  on  lui  accorda  un  emploi, 
mais  il  ne  l'obtint  que  par  un  sacrifice 
pénible  pour  un  militaire,  ce  fut  de 
rétrograder  en  acceptant  un  brevet 
d'enseigne  dans  un  bataillon  d'infan- 
terie du  pays.  A  cet  te  époque  ,Haïder- 
Aly,  sultan  de  Maïssour,  avait  ré- 
solu de  mettre  une  barrière  à  l'en- 
vahissement toujours  croissant  de  la 
puissance  anglaise.  Dans  une  affaire 
partielle  entre  l'armée  de  ce  prince 
indien  et  celle  de  la  compagnie  des 
Indes,  le  corps  où  se  trouvait  Boi- 
gne  fut  presque  entièrement  dé- 
truit, et  lui-même  n'échappa  que  parce 
qu'il  avait  été  envoyé  en  détachement 
quelijues  instants  avant  ce  désastre, 
qui  ajouia  encore  aux  difficultés  de  sa 
position  et  rendit  moins  probables  les 
ch.wces  de  son  avancement.  Il  de- 
manda son  congé,  décidé  k  revenir  en 
Europe.  Ne  voulant  plus  tenter  le 
voyage  monotone  et  insignifiant  de 
la  mer,  il  résolut  d'effectuer  son 
retour  par  terre,  lors  même  qu'il  de- 
vrait traverser  entièrement  l'Inde  et 
la  Perse,  jusqu'à  la  mer  Caspienne, 
Sans  être  effrayé  des  fatigues  et  des 
périls  d'un  pareil  voyage,  Boigne, 
jeune  et  plein  de  santé ^  comptait 
pour  réussir  sur  la  force  de  son  lem- 


BOl 

pératnent,  sur  Tétude  approfondie 
qu'il  avait  faite  de  la  géographie  du 
pays,  des  mœurs  et  surtout  des  di- 
vers idiomes  iiidous  qu'il  parlait  avec 
une  facilité  remarquable.  L'exactitu- 
de dans  l'accomplissement  de  ses  de- 
voirs ,  le  courage  qu'il  avait  montré 
dans  la  dernière  campagne,  lui  valu- 
rent de  la  part  de  ses  chefs  d'excel- 
lentes recommandations  pour  lord 
Hasling.  Ce  gouverneur  de  l'Inde  ac- 
cueillit dès  le  premier  abord  le  jeune 
étranger,  et  l'encouragea  surtout  à 
tenter  son  retour  en  Europe  par 
terre,  voyage  périlleux  sans  doute, 
mais  qui  annonçait  dans  celui  qui  en 
avait  conçu  l'idée  un  courage  extraor- 
dinaire. Il  lui  donna  des  lettres  de 
créance  pour  toutes  les  autorités  an- 
glaises et  pour  tous  les  princes  alliés 
de  la  compagnie  (i).  Il  se  rendit  d'a- 
bord a  Luckuovv,  capitale  de  la  pro- 
vince d'Oude ,  où  il  fut  présenté  par 
l'ambassadeur  anglais  Middlelon  ,  au 
Habab  Assefed-Daulah  ,  qui  lui  fit 
un  présent  en  étoffes  et  en  bijoux  de 
la  valeur  de  quatre  mille  roupies 
(environ  douze  mille  francs  de  notre 
monnaie).  Après  l'avoir  gardé  quel- 
ques mois  auprès  de  lui,  le  nabab  lui 
donna  encore  des  traites  pour  douze 
milleroupies  sur  Caboulet  Candahar. 


(i)  Tout  indique  ici  que  l'enseigne  Boigne 
ne  réussit  aussi  promptement  auprès  de  Lord 
Hasling  qu'en  proposant  de  lui  rendre  d'impor- 
tants services  auprès  des  différents  souverains 
de  l'Inde,  ennemis  ou  iributaires  des  Anglais; 
qu'il  reçut  de  lui  des  instructions  et  des  moyens 
de  remplir  auprès  de  ces  princes  une  mission 
secrète  et  à  laquelle  son  courage,  son  intelli- 
gence et  surtout  la  connaissance  qu'il  avait  des 
différentes  langues  de  l'Iude  le  rendaient  extrê- 
mement propre.  Ce  n'est  ,  il  faut  le  dire  ,  qu'en 
soalevant  ainsi  le  voile  qu'il  s'est  efforcé  lui- 
mèine  de  jeter  sur  celte  époque  de  sa  vie  que 
l'on  peut  expliquer  en  même  temps  cet  excès  de 
confiance  et  de  bonne  volonté  cliez  un  eouver- 
neur  anglais,  et  d'un  autre  enté  celte  transition, 
subite  et  si  imprévue,  de  l'existence  la  plus  pé- 
nible et  la  plus  obscuie,  à  la  plus  haute,  à 
la  plus  brillante  dettinée.  La  suite  de  cet  ailic!e 
offre  encore  plusieurs  circoUitauces  à  l'appui 
da  motre  opioioa.  H — s  j. 


BOI 


447 


Avec  de  pareils  témoignagesd'inlérét, 
Boigne  sentit  renaître  dans  son  cœur 
tous  les  projets  dont  il  s'était  bercé  si 
long-temps j  et,  s'il  est  vrai  qu'il  eût 
réellement  pensé  a  revenir  en  Euro- 
pe, dès-lors  il  n'en  parla  plus  que 
pour  couvrir  ses  projets  d'entrer  au 
service  de  quelque  souverain  indien. 
Après  s'être  perfectionné  a  Lucknow 
dans  les  divers  dialectes  iudous,  il  se 
rendit  a  Delili  vers  la  fin  de  lySS. 
Son  premier  soin  comme  sou  plus 
grand  désir  était  d'être  présenté  a 
Chali-Aalem  {Voy.  ce  nom,  YII , 
6i6)  ,  empereur  régnant,  mais  la 
défiance  et  la  position  équivoque  du 
ministre  Maza  -  ShufEe  rendirent 
vaines  toutes  les  tentatives  qu'il  fit 
pour  y  parvenir.  Forcé  d'attendre 
l'arrivée  de  l'ambassadeur  anglais 
Brown ,  qu'il  avait  devancé  ,  afin 
d'être  présenté  par  lui,  il  prit  de 
nouveau  des  renseignements  sur  la 
situation  politique  et  militaire  du 
pays  ,  et  il  sut  bientôt  que  Sindiah  se 
disposait  a  l'envahissement  du  terri- 
toire du  ranah  de  Gohed.  Dès  cet  in- 
stant, il  renonça  publiquement  à  son 
retour  en  Europe  ,  et  il  offrit  ses  ser- 
vices au  ranah  de  Gohed  contre  Sin- 
diah ,  proposant  de  lever  un  corps  de 
huit  mille  hommes  qu'il  instruirait 
lui-même  et  avec  lequel  il  se  faisait 
fort  de  repousser,  même  de  défaire 
complètemennt  l'armée  mahrate.  Il 
devait  être  secondé  dans  cette  en- 
treprise par  un  écossais  nommé 
Saugster,  qui  commandait  depuis 
long-temps  un  corps  de  douze  cents 
hommes.  iVIais,  voyant  Chitter-Sing, 
ranah  de  Gohed  ,  traîner  les  négo- 
ciations en  longueur  et  préférer  la 
médiation  anglaise  pour  éloigner  Sin- 
diah ,  Boigne  rebuté  de  ces  délais 
offrit  ses  services  au  radjah  de  Dja'i- 
pour  ,  qui  ne  tarda  pas  a  les  agréer. 
Alors  il  crut  devoir  faire  part  de  cette 


448  EOl 

nouvelle  au  gouicrueur  Ilasl:ug  ^  luais 
la  compagnie  qui  avait  si  peu  appré- 
cié ou  du  luoins  si  mal  récompensé 
son  zèle  ,  prit  ombrage  de  sa  dé- 
termination d'entrer  au  service  d'un 
prince  étranger  j  et  ce  qui  indique 
assez  qu'il  avait  contracté  des  enga- 
gements avec  les  Anglais ,  c'est  que 
le  conseil  de  cette  compagnie  iuien- 
ioio'nit  de  retourner  a  Calcutta.  Ce- 
pendant  son  premier  mouvement  fut 
de  résister  5  mais  la  reconnaissance 
qu'il  devait  a  lord  Hasting  ,  et  d'au- 
tres motifs  assez  vraisemblables  le 
décidèrent  à  se  soumettre.  Dès  qu'il 
fut  revenu  a  Calcutta,  Hasting  parut 
lui  savoir  gré  de  cette  soumission , 
et  bientôt  il  le  chargea  d'autres  opé- 
rations du  même  genre,  en  lui  re- 
commandant une  extrême  prudence  ; 
mais  Boigne  était  a  peine  arrivé 
auprès  du  radjah  de  Djaïpour,  qu'il 
lui  fut  aisé  de  se  convaincre  que  son 
voyage  à  Calcutta  lui  avait  été  funes- 
te, car  ce  radjah,  qui  avait  fait  la  paix 
avec  ses  voisins  ,  le  remercia  de 
l'offre  de  ses  services,  en  le  priant  tou- 
tefois d'accepter  dix  mille  roupies  pour 
indemnité  de  voyage.  Boigne  sans  se 
déconcerter  par  un  contre- temps 
aussi  imprévu  revint  a  Dehli,  où  son 
ami,  le  major  Brown,  lui  conseilla 
d'offrir  ses  services  à  ce  même  Sin- 
diah ,  qu'il  avait  dû  combattre  sous 
les  drapeaux  du  ranah  de  Gohedj  et 
l'ambassadeur  anglais  se  chargea  lui- 
même  d'envoyer  ses  propositions,  qui 
étaient  de  lever  et  d'exercer  a  l'eu- 
ropéenne une  partie  des  troupes. 
Cette  négociation  se  termina  promp- 
tement,  et  il  fut  convenu  que  la  solde 
serait  de  mille  roupies  par  mois  pour 
Boigne  ,  et  de  huit  roupies  pour  cha- 
que soldat.  Dans  un  pays  où  tout 
homme  est  habitué  a  porter  les  armes, 
où  les  guerres  intestines  forcent  tous 
les  petits  princes  k  lever  sans  cesse  des 


liOl 

troupes,  rien  uY-tait  plus  facile  que 
de  créer  une  armée  ;  mais  ce  qui  pré- 
sentait le  plus  de  difficultés  c'était  de 
plier  le  caractère  et  les  habitudes 
des  Indiens  k  la  sévérité  de  la  disci- 
pline européenne.  Boigne  seul  pou- 
vait surmonter  ces  obstacles  et  il  le 
fit  en  moins  de  cinq  mois.  Sa  petite 
armée  fut  bientôt  mise  k  l'épreuve  , 
Sindiah  lui  ayant  donné  l'ordre  de  le 
rejoindre  dansleBundelcond,  où  il  se 
distingua  particulièrement  au  siège 
de  Callindjer.  L'empire  mogol ,  dé- 
voré par  des  querelles  intestines 
et  des  déprédations  ministérielles, 
semblait  alors  pencher  vers  sa  ruine. 
Chah-Aalem ,  monarque  sans  pou- 
voir, fut  détrôné  par  ses  ministres. 
Sindiah  ,  comprenant  toute  l'impor- 
tance du  rôle  qu'il  pouvait  jouer  en 
secourant  l'empereur, passe  le  Cum- 
bul ,  k  la  tète  de  sou  armée,  et  at- 
taqueles  usurpateurs  déjk  divisés  entre 
eux  et  près  d'en  venir  aux  mains. 
C'est  dans  cette  occasion  que  Sindiah 
put  apprécier  la  supériorité  du  corps 
de  Boigne,  et  toute  l'influence  qu'il 
eut  sur  la  victoire.  Rentré  triom- 
pliant  k  Dehli ,  il  le  nomma  général 
commandant  de  toute  son  infante- 
rie. Mais  les  Mogols,  délivrés  de 
leurs  ennemis  intérieurs  et  voyant 
avec  peine  l'ascendant  qu'avait  pris 
Sindiah  sur  les  destinées  de  l'Inde, 
résolurent  de  s'affranchir  de  son  pou- 
voir. Sindiah  avait  prévu  ce  dan- 
ger; et  Boigne,  chargé  de  réprimer 
l'insurrection ,  trouva  une  nouvelle 
occasion  de  développer  ses  talents. 
Son  infanterie  seule  soutint  les  efiorts 
de  la  cavalerie  radjepoule  et  d'une 
nombreuse  artillerie,  lorsque,  au  mo- 
ment de  l'action,  vingt-cinq  bataillons 
de  troupes  du  pays  refusèrent  de 
donner,  et  passèrent  k  l'ennemi  avec 
quatre-vingts  pièces  de  canon.  Force 
fut  a  Sindiah  d'opérer  sa    retraite  j 


BOI 

et  il  la  fit  en  bon  ordre,  protégé  par 
I  infanterie  de  Boigne  qui,  par  sa 
prudence  et  son  habileté,  exécuta  en 
buit  jours,  avec  de  faibles  débris, 
une  retraite  si  difficile.  Siudiah,  con- 
traint d'ajourner  ses  projets,  b'occujia 
de  réparer  ses  forces,  et  chargea  Boi- 
gne d'augmenter  le  corps  d'infanterie 
régulière.  A  peine  les  préparatifs 
él.iieul-ils  commencés  ,  qu'il  se  vit 
obligé  de  repasser  le  Cumbul  pour 
délivrer  Agra,  seule  position  fortiliée 
qui  lui  restai  dans  l'Indoustan.  Is- 
maïl-Bej  vint  a  sa  rencoatre(i  7  avril 
1788),  et  encore  tout  fier  de  sa  vic- 
toire de  Djaïponr,  il  se  rua  sans  pru- 
dence, avec  toute  l'impétuosité  de  son 
caractère,  sur  l'année  de  Sindiab. 
ce  fut  surtout  contre  l'infaulerie  de 
Boigne  qu'il  dirigea  ses  plus  grands 
efforts.  Mais  il  trouva  sur  tous  les 
points  un  rempart  de  baïonnettes  im- 
mobiles j  et  si  l'aile  droite  ,  compo- 
sée de  troupes  du  pays,  n'eût  plié, 
malgré  l'inégalité  de  forces,  la  vic- 
loiie  restait  à  Siudiah,  qui,  forcé  de 
se  retirer,  fut  encore  protégé  par  la 
brave  infanterie  de  Boigne.  Cette 
belle  retraite  mit  le  comble  a  la  répu- 
tation militaire  de  ce  général.  Après 
de  nouveaux  préparatifs  ,  l'infatigable 
Sindiab  reparut  bientôt  devant  Agra. 
Cette  fois  la  fortune  se  montra  favo- 
rable 5  et  grâce  encore  à  l'infanterie 
de  Boigne ,  les  armées  d'Ismaïl- 
Bey  et  de  sou  allié  Gholam-Kadir 
furent  détiuites  :  le  premier  ne  dut 
son  salut  qu'a  la  vitesse  de  sou  che- 
val et  se  réfugia  'a  Djaïpour.  Sin- 
diab transporté  de  joie  combla 
le  général  d'honneurs  et  de  riches- 
ses ;  mais,  comuie  tous  les  souve- 
rains, cédant  aux  insinuations  de  ses 
courtisans ,  il  conçut  ensuite  des  dé- 
fiances et  se  montra  soupçonneux  et 
a  oux  de  celui  qui  l'aiait  sauvé  par 
son  dévouement.  Boigne    ne  pouvait 


BOI 


'•49 


supporter  long-temps  de  pareils  dé- 
goûts j  il  donna  sa  démission  qui  fut 
acceptée ,  et  se  rendit  'a  Lucknow, 
où  il  rencontra  son  ami ,  le  major 
Martin,  le  même  qui,  après  avoir  fait 
dans  l'Inde  une  fortune  colossale,  la 
consacra  toute  entière  a  des  fondations 
philantropiques,  aCalculta  etaLyon, 
sa  ville  natale. Martin  donnaaBoigne 
quelques  utiles  conseils  pour  des  spé- 
culations de  commerce  5  et  celui-ci , 
ayant  su  en  profiter,  fit  dans  cette  ville 

des  bénéfices  assez  considérables. 

Cependant  Sindiab  était  dans  une  at- 
mosphère trop  orageuse  pour  vivre 
en  paix  ;  sa  prépondérance  effrayait 
la  confédération  mahrale^  etHolkar, 
un  des  principaux  membres  de  cette 
confédération  ,  leva  une  armée  pour 
le  détrôner.  C'est  alors  q.ie  compre- 
nant enfin  ses  torts  envers  Boigne, 
il  lui  dépêcha  un  message  avec  prière 
de  revenir,  se  soumettant  d'avance  k 
toutes  ses  conditions,  et  quant  a  lui 
ue  voulant  pas  en  faire  d'autre  que 
celle  du  retour  le  plus  prompt. 
Boigne  n'hésita  pas,  et  il  eut  k  peine 
reparu  devant  les  troupes  deS.ndiah, 
que  ses  anciens  officiers  et  tous  les 
soldats  se  groupèrent  autour  de  sa 
personne  En  peu  de  jours  treize  ba- 
taillons furent  sur  pied.  Les  limites 
de  cet  articlenenous  permettent  point: 
d'entrer  dans  tous  les  détails  des  amé- 
liorations qu'il  introduisit  dans  l'ar- 
mée mahrate;  nous  renvovons,  pour 
cet  objet ,  k  l'ouvrage  intitulé  :  Mé- 
moires sur  la  carrière  politique  et 
Jiulilaire  du  général  Boigne,  pu- 
bliés par  la  société  académique  de  Sa- 
voie, I  vol.  in-8°_,  Chambéry,  1828; 
secoude  édition,  i83o.  Dès  que 
Holkar  se  fut  mis  en  devoir  d'accom- 
plir ses  desseins,  Boigne  vola  k  sa 
rencontre  (1792),  l'attaqua,  et 
malgré  de  profonds  marais,  qui  cou- 
vraient l'armée  envahissante,  maigre 


4^11,1. 


'-'y 


45o 


BOI 


l'explosiou  de  douze  Be  ses  propres 
caissons  chargés  de  munitious,  il  le 
de'fit  complèlement  ;  et  les  lalenls  de 
M.  Drudenne,  officier  français,  qui 
avait  un  commaudeinenl  dans  l'armée 
de  Holkar,  el  Faidait  de  ses  conseils, 
ne  purent  l'euipêcher  de  voir  son 
camp  ,  son  artillerie  et  ses  bagages 
tomber  au  pouvoir  du  vainqneur. 
— Cette  année  si  mémorable  pour  Boi- 
gne  devait  être  couronnée  par  un  au- 
tre triomphe.  Le  rahjad  de  Djaïpour, 
Pertaub-Siug ,  s'étaut  révolté  ,  il 
marcha  contre  lui  ,  le  défit  et  l'as- 
siégea dans  sa  capitale.  Le  rebelle, 
effiayé  des  préparatifs  de  siège,  se 
soumit  et  remit  tout  Parriérë  de  ses 
tributs  avec  vingt  millions  d'indem- 
nité. Ce  fut  Boigue  qui  signa  le 
traité,  et  il  se  montra,  dans  cette  cir- 
constance ,  avec  tout  l'appareil  de  (a 
puissance,  si  nécessaire  pour  imposer 
à  ces  peuples  turbulents.  Il  fit  son 
entrée  triomphale  kDjaïpour,  monté 
sur  un  éléphant  chargé  d'or,  de  bro- 
deries, et  suivi  d'un  brillant  corps 
d'officiers.  Après  avoir  mérité  par 
tant  d'exploits  sa  réputation  de  cou- 
rage et  d'habileté  mditaire  ,  il  vou- 
lut encore  acquérir  d'autres  titres  a 
l'admiration  des  peuples.  Aussi  bon 
admiuistrateurqu'intrépide  guerrier ,  il 
mit  un  frein  à  !a  déprédation  des  col- 
lecteurs d'impôts,  eu  établissant  dans 
les  finances  et  dans  l'admiuistraliou  de 
l'armée  une  régularité  inconnue 
jusqu'alors.  Etendant  ces  sages  me- 
sures a  la  discipline  militaire,  il  ré- 
prima sévèrement  le  pillage.  Sindiah 
ne  crut  pouvoir  mieux  le  récom- 
penser de  tant  de  services  qu'en  le 
nommant  gouverneur  et  administra- 
teur des  pays  conquis,  avec  part  au 
tribut.  Ainsi  s'explique,  au  moins  en 
partie,  sa  rapide  et  prodigieuse  for- 
tune. L'Iude  était  pacifiée,  des  confins 
de  Lahore   à  la  mer  de  Cambave, 


BOI 

tout  était  soumis  a  Sindiah  [Koy.  ce 
nom,  tom.  XLII  ).  Au  sein  des 
honneurs  et  des  richesses ,  Boigne 
continuait  ses  améhoratlons  dans  l'ar- 
mée 5  il  établissait  a  Agra  une  fonde- 
lie  de  canons;  et  l'infanterie  irrégu- 
lière recevait  des  fusils  a  baïonnette. 
Toute  cette  armée  fut  organisée  dans 
le  courant  de  l'année  1793,  et  elle  ne 
s'élevait  pas  à  moins  de  trente  mille 
hommes  de  troupes  régulières,  y  com- 
pris un  corps  de  cavaliers  persans, 
composé  de  six  cents  chevaux  ,  de 
cent  chameaux,  avec  quatre  pièces 
d'artillerie  légère ,  qui  appartenait 
spécialement  au  général  Boigne.  Et 
ce  qui  n'est  pas  indigue  d'être  re- 
marqué, c'est  que  pendant  que  la  puis- 
sauce  de  la  maison  royale  de  Savoie 
tombait  devant  les  armes  de  la  répu- 
blique française,  et  que  le  roi  Charles- 
Emmanuel  ne  pouvait  plus  arborer  son 
drapeau  que  dans  l'île  de  Sardaigne, 
la  croix  blanche  de  Savoie  brillait 
sur  les  bannières  victorieuses  d'un  de 
ses  sujets,  qui  les  avait  déployées  aux 
rives  de  l'Indus. — Dès  cette  époque, 
l'heureux  savoisien  eut  un  pouvoir 
sans  limites  dans  tous  les  états  mah- 
rates  situés  au  nord  du  Cumbul  ; 
mais  au  milieu  de  tant  de  prospérités 
un  coup  affreux  vint  le  frapper.  Sin- 
diah mourut  à  Wunolie,  le  12  fé- 
vrier 1 794  5  à.  rage  de  soixante-qua- 
tre ans ,  laissant  la  couronne  à  son  pe- 
tit neveu  Daulah-Rao-Siudiah.  Cette 
mort  inattendue  brisa  le  cœur  du  gé- 
néral. Avec  Sindiah  s'évanouissaient 
tous  ses  projets  de  conquêtes  :  en 
perdant  sou  bienfaiteur,  sou  ami, 
il  perdit  le  mobile  de  toutes  ses  ac- 
tions, l'àrae  de  toutes  ses  pensées. 
Pour  lui  l'Inde  ne  fut  plus  ricnj  il 
songea    sérieusement   a    revenir    en 

o 

Europe  et  fit  ses  préparatifs  de  dé- 
part. Comme  l'a  judicieusement  ob- 
servé M.   Grantj  dans  sou  Histoire 


BOI 

des  Mahrales,  la  mort  de  Sindiali 
fut  un  grand  événement  non-seule- 
ment pour  la  confédération  mahrate 
mais  encore  pour  tout  l'Indoslan. 
La  plupart  des  souverains  soumis  ou 
tributaires  brûlaient  de  reconquérir 
leur  indépendance.  L'empereur  mo- 
gol ,  le  roi  de  Caboul  sentirent  les 
premiers  de  quel  poids  serait  le  se- 
cours de  Boigne ,  et  tous  deux  en- 
voyèrent des  ambassadeurs  pour  lui 
oifrir  la  place  de  premier  minis- 
tre. Ces  offres  ne  purent  l'ébranler. 
Loin  de  chercher  à  démembrer  les 
états  laissés  par  Sindiah,  il  donna  a 
sou  successeur  tous  les  conseils,  tou- 
tes les  instructions  nécessaires  pour  en 
maintenir  liiitégritéj  et,  afin  de  con- 
solider son  ouvrage  ,  il  relarda  son 
départ  pendant  deux  ans.  Alors,  sa 
santé  ne  lui  prescrivant  plus  de  dif- 
férer, il  dit  adieu  a  ses  compagnons 
d  armes  ;  et, après  avoir  pris  congé  de 
Daulah-Rao- Sindiah ,  il  partit  pour 
Calcutta  avec  le  régiment  de  cava- 
lerie persane  qui  lui  appartenait ,  et 
que  le  neveu  de  Sindiah  voulait  bien 
acheter  mais  ne  payer  qu'au  retour  de 
Boigne.  N'ayant  point  accepté  cette 
condition,  ce  général  le  proposa  a  la 
compagnie  des  Indes ,  qui  l'acheta  a 
raison  de  cinq  cents  roupies  par  che- 
val ,  ou  de  neuf  cent  mille  francs  pour 
le  corps  entier;  ainsi  tout  le  corps 
passa  au  service  de  l'Angleterre. 
Cette  vente  et  quelques  autres  cir- 
constances ont  donné  lieu  à  une  ac- 
cusation ridicule  contre  Boigne. 
On  a  prétendu  qu'il  avait  trahi  Tipou- 
Saëb  en  faveur  des  Anglais,  et  qu'il 
avait  ainsi  causé  la  perle  de  celui-ci. 
Mais  en  1799  ,  lorsque  le  sultan  de 
Maïssour  tomba,  Boigne  était  de 
retour  en  Europe  depuis  Irois  ans. 
Et  d'ailleurs  il  n'eut  jamais  de  rap- 
port avec  ce  prince,  qui  résidait  à  plus 
de  cinq  cents  lieues  des  contrées  oh 


BOI  45i 

l'illustre  savoisien  acquit  toute  sa 
gloire  et  sa  brillante  fortune.  Lorsque 
ce  général  quitta  pour  la  première 
fois  le  service  de  Sindiah  ,  il  eut  soiu 
de  faire  passer  en  Europe  et  de  pla- 
cer dans  des  maisons  sûres  une  par- 
tie de  sa  fortune.  Il  apporta  ensuite 
avec  lui  tout  ce  qu'il  avait  réalisé 
avant  son  départ,  et  vint  se  fixer  en 
Angleterre,  où  il  fut  très-bien  ac- 
cueilli par  la  plus  haute  société.  C'est 
alors  qu'il  épousa  la  fille  du  marquis 
d'Osmond ,  ancien  ambassadeur  de 
France  près  la  cour  de  Londres; 
mais  cette  union,  si  peu  convenable 
par  l'extrême  différence  d'âge,  n'offrit 
pas  même  au  général  un  seul  jour  de 
félicité.  Renonçant  alors  aux  plaisirs 
bruyants  des  grandes  villes,  il  vint 
chercher  dans  son  pays  natal  le  repos 
et  le  bonheur. — Ici  commence  celte 
nouvelle  carrière  de  bienfaisance,  ce 
généreux  emploi  de  sa  fortune,  qui 
rendra  son  nom  plus  grand  que  ses 
trophées  dans  l'Inde,  ou  qui  le  fera  du. 
moins  retentir  a  jamais  sur  les  mon- 
tagnes de  la  Savoie.  Voulant  finir  ses 
jours  dans  cette  paisible  contrée,  où 
les  grandes  fortunes  sont  rares  ,  il 
monta  sa  mai>on  comme  un  simple 
particulier.  Ou  peut  seulement  dire 
que  sa  délicieuse  villa  de  Buisson , 
k  la  porte  de  Chambéry,  rappelait  , 
par  ses  constructions  et  ses  dé- 
cors, des  souvenirs  de  l'Indoslan. 
De  cette  manière ,  il  lui  fut  aisé 
d'accumuler  ses  revenus ,  et  de  ré- 
pandre de  nombreux  bienfaits  sans 
altérer  ses  capitaux.  Ne  bornant  point 
ses  largesses  a  des  actes  de  bienfai- 
sance, il  s'occupait  de  tout  ce  qui  a 
rapport  h  l'utilité  publique.  Chara- 
béiy  lui  doit  un  théâtre  ,  des  rues 
nouvelles,  des  fondations  scientifiques, 
des  dotations  aux  sapeurs-pompiers, 
l'agrandissement  de  ses  hôpitaux  et 
surtout  le  collège  des  Jésuites,  pour 

29. 


452 


BOI 


lesquels  il  montra  {oujoiirs  une  grande 

frédileclion.  Il  a',  ail  si'uli  depuis 
OD};-leinps  tout  ce  que  l'mdigeuce  a 
d  affreux  pour  un  vieillard  élevé  dans 
Taisance-Sun  cœur,  ému  par  le  spec- 
tacle d'iiilorlunes  non  mériiées,  lui 
suggéra  radinirable  idée  d'éltver  un 
asile  alavieillesse  malheureuse  el  bien 
née,  en  créant  sdus  Tinvocalion  de 
saint  Benoît,  son  patron,  avecune  do- 
tation de  neuf  cent  mille  francs  ,  une 
maison  où  quarante  sexagénaires  des 
deux  sexes  sont  tiailés  avec  les  soins 
et  les  égards  dus  "a  leur  âge  et  à 
leur  naissance.  Boigne  s'appliqua 
aussi  a  éteindre  le  vagabondaj'e  et 
la  mendicité,  sources  de  tant  de  cri- 
mes, en  ouvrant  un  refuge  aux  per- 
sonnes sans  travail  el  sans  ressource, 
avec  une  dotation  de  six  cent  cin- 
quante mille  francs.  Enfin  il  consacra 
enrore  quatre  cent  mille  francs  à  un 
é[abliss(  ment  pour  les  aliénés.  Tant 
de  bieiifails  sont  plus  que  suffisants 
pour  faire  oublier  quelque^  travers 
dus  plutôt  à  des  luibiludes  contractées 
dans  rOrient  qu'à  des  faiblesses  que 
l'envie  et  la  calomnie  se  sout  plu  k 
grossir.  S'il  fut  grand  et  généieux  , 
ses  concitoyens  fureut  reconnaissauts. 
Son  souverain  ordonna  que  son  busie 
en  marbre  .  exécuté  de  son  vivant , 
fut  placé  dans  la  bib  iotbèque  de 
CliHmbérv.  11  le  créa  en  même  temps 
comte  ,  lieutenant-général  et  graud- 
croix  de  l'ordre  militaire  de  S.  31au- 
rice  el  S.  Laz.ire.  Louis  XVllI,  dès 
son  retour  en  France,  l'avait  nommé 
maréchal  -de-camp  ,  et  chevalier  de 
Saiut-LouisetdelaLégion-d'Honneur. 
La  mort  de  Boigne  ,  arrivée  a  Cham- 
béry  le  21  juin  i85o,  fut  pour  cette 
ville, pour  la  Savoie  tout  enlièie  une 
calamilé.  Un  convoi  magnifique  l'es- 
corta a  sa  dtrnière  demeure  j  et  plu- 
sieurs discours  fureut  prononces  sur 
sa  tombe.  L'académie  de  Chambéry 


BOI 

ouvrit  un  concours  pour  son  Eloge; 
et  de  nombieuses  el  éloquentes  com- 
posilioiis  ui  furent  en\  oyées.  Celle  de 
M.  Tabbé  Turina  ,  qui  fut  couron- 
née, a  été  imprimée  sou^  ce  litre  : 
Eloge  historique  du  comte  Boi- 
gne,  Chambéry,  i85i,  in  8°. — 
boigne  n'avait  qu'un  fils,  issu  d'un 
premier  mariage  coiilraclé  dans 
l'Inde,  le  comie  Charles -Benoît 
lioigne,  déjà  pure  d'une  nombreuse 
famille.  La  forîuue  qu'il  a  laissée  a 
été  évaluée  à  trente-sept  millions  six 
cent    soixante-dix-huit    raille   francs. 

C.   D.  V. 

BOILEAU  (Marie-Louis-Jo- 
sEPu  DE  )  ,  jurisconsulte  et  littérateur 
médiocre,  naquit  à  Dimkerque  en 
1741.  11  nous  apprend  lui-même 
qu'il  descendait  auvingl-seplième  de- 
gré d'Etienne  Boyleaux  (A  07'.  ce 
nom,  tom.  V),  célèbre  prévôt  de 
Paris  au  xiii*  siècle,  et  qu'il  comp- 
tait l'auleur  de  VArf  poétique  au 
nombre  de  ses  parents.  Quoiqu'il  en 
soit  de  celle  prétention,  le  jeune 
Boileau,  après  avoir  terminé  ses  étu- 
des, se  fit  recevoir  avocat  eu  1762, 
et  s'établit  dans  la  Picardie  ,  où  il 
exerça  quelque  temps  sa  profession 
d'une  manière  honorable.  Il  était 
déjà  sur  le  relOi:r  de  l'âge  lorsque 
des  chagrins  domeslicpies  vinrent 
empoisonner  sa  vie.  Forcé  de  remet- 
tre a  sa  femme  la  totalité  de  son 
douaire  .  et  n  ayant  pu  remboursrr 
les  sommes  qu'il  avait  empruntées 
pour  plaider  contre  elle,  il  resta  plu- 
sieurs anuées  en  pri-on.  La  tendresse 
de  sa  fil^e  {F oy.  Boileau,  Biogra- 
phie des  vivants^  I,  38  i  )  adoucit 
seule  l'araerlume  de  son  sort.  Il 
mourut  a  Paris  le  7  avril  1817.  On 
a  de  lui  plusieurs  ou\ rages,  déjà 
tombés  dans  l'oubli  :  I.  Recueil  de 
règlements  el  recherches  concer- 
naniles  municipalités,  Paris,  1785, 


BOi 

6  vol.  in- 12.  II.  Les  embarras  du 
père  de  famille,  comiAie  en  cinq  ac- 
tes el  eu  vers,  imitation  libre  de  l'al- 
lemand, ibid.  ,  1787,  iu-8".  Celte 
})ièce  u'a  poiut  été  représentée.  L'au- 
teur, qui,  depuis,  a  fait  un  assez 
grand  nombio  de  vers,  iL;norait  en- 
core les  premières  règles  de  la  versi- 
fication, m.  P  oyages  et  réflexions 
du  chevalier  d'Ostalis,  ou  ses  let- 
tres au  marquis  de  Simiane  ,  ibid., 
1787  ,  2  vol.  in-i2.  Cet  ouvrage  , 
([u'il  paraît  avoir  entrepris  pour  ex- 
haler son  Lumeur  contre  les  femmes, 
est  moins  un  recueil  de  voyages , 
comme  le  titre  l'annonce ,  qu'une 
compilation  mdigeste  de  tout  ce  qu'il 
avait  trouvé  de  plus  saillant  dans  ses 
lectures.  IV .  E/itreliens  philoso- 
ph.ques  et  historiques  sur  les  pro- 
cès, ibid.,  i8o5,  i8o5,  i8o6,in-i2 
(ouvrage  très-superCcif  1).  V.  Histoi- 
re du  droit  français,  ibij.,  1806, 
iu  12.  Elle  n'est  point  cilée  dans  la 
dernière  édition  de  la  Bibliothèque 
d'un  avocat  [P' .  A. -Gaston  Camus, 
tom.  VI),  augmentée  par  M.  Dupin. 
VI.  Code  des  faillites, ïhid. ,  1806, 
in-i2.  \\l.  L'opi!non,^-)oèa\e;  ibid., 
i3o6,iu-8°.  \ m.  Histoire  ancien- 
ne et  moderne  des  départements 
belgiques,  ibid.,  1807,  2  vol.in-12. 
IX .  Epître  à  Etienne  et  Nicolas 
Boileau  ,  ibid.,  1808,  in-i  2.  C'est 
à  la  tète  de  celle  pièce,  où  l'on  tiou- 
ve  quelques  détails  intéressants  ,  que 
l'auteur    s'annonce  comme  le  vingt- 

o 

.septième  descendant  du  prévôt  de 
Paris.  X.  La  femme  slellionataire 
à  ses  enfants.,  poème-  ibid.,  1809, 
in-8°.  XI.  Epître  à  l'amitié,  ibid., 
181  (.  in-8'.  Xi.  De  la  contrainte 
par  corps,  abus  k  réformer;  ibid., 
i8i4>  iu-S*^  de  40  pages.  C'est  sa 
propre  cause  que  l  auteur  défend 
dans  cet  écrit.  XIII.  Droit  d'appel 
de  toutes  condamnations  par  corps 


BOI 


45H 


prononcées  par  les  Jug-es  de  com- 
merce, ibid.,  1817,  in-8"  de  44. 
pages.  —  Moyens  additionnels, 
confirmatifs  du  droit  d  appel,  etc. , 
iu-8"  de  20  pages.  —  Mise  en  li- 
berté des  détenus  pour  dettes,  par 
le  consentement  des  trois  quarts  eu 
sommes,  in-8°.  —  jSotions  som- 
maires sur  les  septuagénaires ^ 
et  réclamations  au  roi  et  au  corps 
législatif,  in-8°.  Ce  dernier  écrit 
obtint  latlenlioa  des  deux  cliambres 
et  fut  renvoyé  dans  les  bureaux  pour 
y  avoir  égard.  W — s. 

BOILEAU  de  Maulaville 
(Edme-Frauçoiî>-Makie),  archéolo- 
gue, néa  Auxeire,  le  21  décembre 
1739  ,  se  vantait,  comme  le  pré- 
cédent ,  de  compter  parmi  ses  ancê- 
tres le  prévôl  de  Paris,  Etienne  Boy- 
leaux.  Possesseur  d'une  fortune  qui 
lui  permi Hait  de  se  livrer  à  ses  goûts, 
il  s'établit  dans  sa  terre  de  Mont- 
Regnauil ,  près  de  Tours,  et  partagea 
ses  loisirs  entre  l'élude  et  l'adminis- 
traiion  de  ses  domaines.  Ses  opinions 
monarchiques  Payant  rendu  suspect 
aux  agents  de  la  terreur,  il  fut  jeté 
d.ins  une  prison  avec  scn  père,  et 
n'en  sortit  qu'après  le  9  thermidor. 
Il  était  n  aire  de  sa  commune  a  l'é- 
poque des  deux  invasions  qui  pesè- 
rent sur  la  France  ,  et  fit  tout  ce 
qui  dépendait  de  lui  pour  en  alléger 
le  fardeau  àsesaJmiuisIrés.  Désirant 
mettre  au  jour  le  curieux  ouvrasse 
d'Etiennt'  Boyleaux,  sur  les  métiers 
au  XIIP  siècle ,  il  se  rendit  k  Pa- 
ris, où  il  se  flattait  de  trouver  toutes 
les  ressources  nécessaires  pour  com- 
pléter cet  important  travail.  L'aca- 
démie celtique  l'avait  admi^  au  nom- 
bre de  ses  coirespondanls,  et  il  lui 
communiqua  divers  extraits  de  se>re- 
cherchts  îur  les  métiers  au  mo\en 
âge.  Mais  il  ne  les  avait  pas  encore 
complétées  lorsqu'il    mourut,  le  2  5 


Kt. 


454 


BOI 


septpml)re    1826.    D'après  le   vœu 
qu'il  avait  exprimé,  ses  rpstes  furent 
Iransporlésk  Mont-l\egnault,   el  in- 
humés dans  la  chapelle  qu'il  y  avait 
construite  pour  sa  lamille.  Indépen- 
damment de  quelques  articles   dans 
la  Biographie  universelle,  dont  le 
plus    remarquable    est    celui    A'E- 
tieniie  Boyleaux  ,   tom.  V,    on  a 
de  lui  :  Notice  sur  un  dicton  popu- 
laire de  Picardie  :  tout  le  monde, 
c'est  le  vacher  de    Chauny  (1)  ; 
sur  le    sobriquet    des    singes  de 
Chauny   et  sur   quelques    usages 
singuliers  ,  dans  les  Alémoires  de 
l'académie  celtique  YI.  —  Nou- 
veau  mémoire  sur  le  monument 
antique,   autrefois  connu  sous  le 
nom.  de  marbre  de   Thoriguy,  ac- 
tuellement transféré  dans  la  ville 
de  Saint-Lé  ;  avec  des  pi.,  dans  le 
Recueilde  la  société  des  antiquai- 
res,   VII,     278-307.    L'abbé  Le- 
beuf  avait  déjà  décrit  ce  monument 
dans  les  IMémoires   de  ï académie 
des  Belles  -  Lettres ,   XXI ,   4  9  5  j 
mais  en  reproduisant  les  inscriptions 
telles    que  l'abbé  Lebeuf  les    avait 
données  d'après  Maffei,  Boileau  en  a 
présenté  le  calque  relevé  sur  le  raonu- 
laent,  et  a  mis  ainsi  les  antiquaires 
en  état  d'apprécier  toutes  les  expli- 
cations   proposées    jusqu'alors. 
W— s. 
BOILLOT  (Joseph),  architecte, 
né  à  Langres,  vers  i55o  ,  et  auquel 
Dous  n'avons  consacré  que   quelques 
lignes   insuffisantes  [Voy.   tom.  V), 
étudia  dans  sa  jeunesse  les  mathéma- 
tiques et  le  dessin  ,  et  se  rendit  fami- 
liers les  divers  procédés  de  la  gravure. 
Il  fut  employé  comme  ingénieur  a  Far- 
inée de  HenrilV, et  depuis  il  contribua 


BOI 

detoutsonpouvoira  maintenir  sa yille 
natale  dans  l'obéissance  de  ce  prince. 
En  récompense  il  obtint  le  modeste 
emploi  de  contrôleur  du  grenier  à 
sel,  et  la  direction  du  magasin  des 
poudres  et  salpêtres.  Il  vivait  en 
i6o3  ;  mais  on  ignore  la  date  de  sa 
mort.  On  a  de  lui  :  I.  Nouveaux 
portraits  et  figures  de  termes 
pour  user  en  V architecture  ; 
composez  et  enrichis  de  diversité 
d'animaux  (i)  et  représentez  au 
vrai  selon  l'antipathie  et  contra- 
riété naturelle  d'iceulx ,  Langres, 
Jehan  Desprey,  sans  date,  in-fol.  de 
60  feuillets  non  chiffrés.  Ce  volume 
est  très-rare.  Boillotl'a  dédié  au  duc 
de  Nevers  par  une  épîlre  datée  du 
l*"^  janvier  1592.  Indépendamment 
du  frontispice  et  du  portrait  de  Tau- 
teur  en  médaillon,  gravés  a  l'eau- 
forte  ,  cet  ouvrage  contient  cin- 
quante-trois planches  ,  dont  les  unes 
sont  gravées  sur  bois  et  les  autres  sur 
cuivre,  avec  une  grande  délicatesse. 
Il  a  été  traduit  en  allemand  par  Jean 
Brantz,  Strasbourg,  i6o.i,  iu-fol. 
Mariette  l'a  reproduit  vers  1750, 
mais  sans  nom  d'auteur,  sous  ce  li- 
tre :  Livre  de  termes  et  animaux 
et  leurs  antipathies ,  fort  utile  pour 
toutes  sortes  de  personnes  se  mê- 
lant de  dessin,  Paris,  in-8°.  Celle 
édition  dont  le  texte  est  gravé,  ne 
contient  que  cinquante-une  planches. 
Le  nouvel  éditeur  en  a  d'ailleurs  re- 
tranché le  poitrail  de  Boillot ,  l'épî- 
tre  dédicatoire  el  la  préface.  II. 
Modèles  d'artifices  de  feu  et  de 
divers  instruments  de  guerre,  avec 
les  moyens  de  s'en  prévaloir  pour 
assiéger,  battre  et  défendre  toutes 
sortes  de  places  ;    utiles  et  néces- 


(j)  Ce  diclon  n'est  poini  particulier  à  la  Pi- 
cardie :  ou  dit  en  Franche-Comté  :  Tout  le 
Blonde,  c'est  l»  vaclier  de  Craj; 


(i)  L'ouvrage  de  Boillot  est  l'opposé  des 
Termes  d'hommes  et  de  femmes ,  par  Hugues 
Siuç^ip^./^'o/.  ce  nom,  tom.  XLj, 


BOI 

saires  à  tous  ceux  qui  font  pro- 
fession des  armes  ^  Chaiimont,  i  698 , 
in-4°,  Tig.,  Irès-rare.  Cet  ouvrage  a 
été  réimprimé  avec  la  traduclicu  al- 
lemande de  Branlz ,  Strasbourg , 
i6o5,  in-fol.  ;  il  est  orué  de  qua- 
tre-vingt-onze planches  gravées  à 
l'eau-forte  par  Boillot.  Hanzelet  en 
a  beaucoup  profité  pour  composer 
son  Recueil  de  plusieurs  machines 
militaires  (  Voy.  Hanzelet  ,  tom. 
XIX);  et  il  a  eu  le  tort  de  ne  pas 
nommer  une  seule  fois  Boillot  auquel 
il  était  redevable  de  la  plupart  des 
inventions  qu'il  annonçait  comme 
nouvelles.  W — s. 

lîOIXVILLïERS  (i)  (Jean- 
Etien?;e-Jx;dith  Forestier  de),  labo- 
rieux grammairien,  naquit  a  Versailles 
le  5  juin.  1764..  Après  avoir  fait  ses 
éludes  au  collège  de  cette  ville  ,  il 
vint  se  perfectionner  a  Paris  dans  la 
société  des  savants ,   et  il  y  ouvrit  a 
vingt  ans  un  cours  de  littérature.  A 
Tépoque    de    la  révolution  ,   il    en 
adopta  les  principes  avec  toute  l'ar- 
deur de  sou  âge  ;  mais  plus  tard   il 
reconnut  et  déplora  les  erreurs    où 
lepbilosopbisme  l'avait  entraîné  (2). 
Désigné    par  le   département  de  la 
Seine   comme   élève   de  cette    école 
normale  dont  les  maîtres  étaient  les 
hommes  les  plus   distingués   que  la 
France  eût  alors  dans  tous  les  genres, 
il  y  suivit  les  leçons  de  Garât  et  de 
Sicard,  et   s'ailacha   dès  lors  plus 
spécialement  a   l'étude  de  la  gram- 
maire. Lors  de  la  création  des  écoles 
centrales,   il  fut  nommé   professeur 
de  belles-lettres  a  Beauvais;  et,  mal- 
gré les  devoirs  que  lui  imposait  cette 
place,    il    put    trouver  le    loisir  de 

(1)  Les  biographies  modernes  joignent  à 
ce  nom  ceir.i  de  Des.iardins;  mais,  comme 
Boinvilliers  ne  l'a  itiis  à  la  lète  d'aucun  de  ses 
nombreux  ouvrages,  on  s'est  cru  dispensé  de 
le  reproduire. 

C2)  Voy.   VAlmanarh    des  Miis^i ,    iZo-j,  t-S, 


BOI 


455 


composer  quelques  ouvrages  de  gram- 
maire. L'institut  (classe  de  la  littéra- 
ture et  des  arts)  le  choisit,  en  1800, 
pour  un   de  ses  correspondants  ;  et 
l'instruction    publique    ayant    été  , 
quelque   temps    après,    réorganisée 
sur  de  nouvelles  bases ,  il  fut  nommé 
censeur  du  lycée  de  Rouen.  Il  rem- 
plit ensuite  les  mêmes  fonctions  à  Or- 
léans; et ,  en  1809  ,  il  fut  fait  inspec- 
teur de  1  académie  de  Douai.  Pendant 
son  séjour  dans  cette  ville  ,  la  société 
d'agriculture dudépartement  dulNord 
l'élut  son  secrétaire-général.    Admis 
a  la   retraite  en   1816,   il  revint  à 
Paris  avec  le  projet  de  s'y  fixer  pour 
surveiller  la  réimpression  de  ses  ou- 
vrages ,  dont  plusieurs  avaient  obtenu 
l'approbation  de  l'université  et  ser- 
vaient à  l'enseignement  dans  les  col- 
lèges.   En    1819  il  se  mit  sur  les 
rangs  pour  remplacer  l'abbé  Morellel 
a  l'académie  française  ;  mais  il  n'eut 
pas  une  seule  voix  {^Poy.    Lemon- 
TEY,     au  Suppl.).    Boinvilliers  dut 
être  d'autant  plus  sensible  a  cet  af- 
front, qu'il  regardait  plusieurs  aca- 
démiciens comme    ses    amis.    Il  se 
retira  peu  de  temps  après  a  Ours- 
camp ,  département  de  l'Oise,  et  il 
y  mourut  le  i*"''  mai  i85o  ,à  66  ans. 
«  Personne  ,  dit  M.  Eckard  ,  ne  s'est 
«voué  avec  plus  de  zèle  a  l'instruc- 
ct  tien  de   la  jeunesse.  »  (Voy.  iîe- 
cherches   sur   J^ ers  aille  s  ^    i55). 
La  liste  des  écrits  auxquels  il  a  mis 
sou  nom  est  très-étendue;  mais  ce  ne 
sont  pour  la  plupart  que  des  éditions 
améliorées  ou  des  traductions  d'ou- 
vrages destinés  aux  écoles.   Comme 
éditeur  ,  11  a  publié  les  Dictionnai- 
res fratiçais  et  latin,  de  Boudot  et 
de  Lallemand,  le  Gradiis  ad  Par- 
nassuni ,    le  Dictionnaire  des  sy- 
nonymes ,  le  Dictionnaire  des  an- 
tiquités de  Furgault ,  les  Comédies 
de  Térence  ,  les  Fables  de  Phèdre, 


/ij6 


BOI 


celles  de  Faërue  ,  le  De  viris  il- 
liis tribus  de  Lhomoud ,  et  il  a  donné 
des  traductions  de  ces  trois  derniers 
ouvrages.  On  lui  doit  en  outre  les 
abrégés  du  Dictionnaire  de  Bou- 
dot ,  a  l'usage  des  commençants,  de 
V Histoire  et  des  Antiquités  ro- 
maines ;  et  de  plus  il  a  composé  les 
Dictionnaires  des  mots  qui  se  trou- 
vent dans  Cornélius-lS  épos  ,  Phè- 
dre et  Y Appendix  du  P.  Jouvency. 
Enfin ,  on  a  de  cel  iufaligable  gram- 
mairien :  I.  Avantage  de  l'étude 
approfondie  de  la  langue  françai- 
se, et  moyens  de  la  perfectionner^ 
Paris,  1796,  iu-8°.  II.  Manuel 
latin., \ViA.,  1797;  i6''édil.,  1824, 
3  vol.  in-i2.  m.  Grammaire  élé- 
mentaire latine  ,  réduite  à  ses  vrais 
principes  ,  ibid.,  1798  ,  in- 12.  IV. 
Apollineum  opus,  ibid.,  1801,  in- 
12.  C'est  un  traité  de  prosodie.  V. 
Grammaire  raisonnes  ,  ou  cours 
théorique  et  analytique  de  la  langue 
française,  ibid.  ,  i8o5  ,  2  vol.  inT25 
l8i8,  2  vol.  in-i2.  YI.  Cacogra~ 
phle ,  ou  Recueil  de  plirases  dans 
lesquelles  on  a  violé  a  dessein  l'or- 
tbograpbe,  ibid.,  i8o3. — Corrigé 
de  la  cacoi;raplile,  i8o3  ,  7"  édit.  , 
1 8 2  2  ,  2  vol.  in- 1 2 .  VII.  Cacologie, 
ou  Recueil  de  locutions  vicieuses  5 
avec  le  Corrigé,  ibid.,  18075  6^ 
édit.,  1824.,  2  vol.  in-12.  Cet  ou- 
vrage, par  son  but,  ainsi  que  par 
son  titre,  semblerait  n'élre  qu'un 
recueil  d'éplgrammes  contre  les  au- 
teurs modernes  ,  si ,  dans  le  choix 
de  ses  exemples ,  Boinvilliers  ne  leur 
avait  associé  les  écrivains  les  plus 
célèbres  par  la  correction  et  la  pu- 
reté de  leur  style,  VIII.  Grammaire 
latine  théorique  et  pratique  ,  9"^ 
édit.,  181 5,  in-12.  On  n'a  pas 
compris  dans  celle  liste  quelques 
ouvrages  de  Boinvilliers,  tels  que  : 
Monsieur  le  Marquis  ,  comédie  en 


BOI 

deux  actes  et  en  vers,  1792.  Con^ 
dorcet  en  fuite  ,  fait  liistorique  en 
trois  acies,  1797.  he  Manuel  du 
Républicain ,  ouïe  Contrat  social 
mis  à  la  portée  de  tout  le  monde  , 
1794  ,  in- 18,  etc.  Ces  écrits,  oubliés 
aujourd'hui,  sont  indiqués  dans  la 
Biographie  des  hommes  viiuaits. 
Les  pièces  de  vers  qu'il  a  fournies  a 
VAlmanach  des  Muses  et  aux  re- 
cueils du  temps  sont  très-médiocres. 
Boinvilliers  a  rédigé  quelques  articles 
dans  les  premiers  volumes  de  la  Bio- 
graphie universelle.  W — s. 

BOISASID  (J.-J.  F. -M.),  le 
plus  fécoud  des  fabulistes,  né  k 
Caen ,  d'une  famille  honorable  en 
1745,  était  membre  de  l'académie 
des  belles-lettres  de  cette  ville  et 
secrétaire  de  Tinlendance  de  Norman- 
die, depuis  1768  ,  lorsqu'il  fut 
nommé,  en  1772,  secrétaire  du 
conseil  des  finances  de  Monsieur, 
comte  de  Provence,  puis,  en  1778, 
secrétaire  du  sceau  et  de  la  chancel- 
lerie de  ce  prince.  Larévolution  ayant 
obligé  le  frère  de  Louis  XVI  à  faire 
des  réformes  dans  sa  maison  en  1790, 
Boisard  perdit  sa  place  et  obtint  une 
modique  pension  qui  cessa  bientôt  de 
lui  être  payée,  par  suite  de  l'émigra- 
tion de  son  ancien  maître.  Il  passa 
quelques  années  k  Paris  oiî  ses  opi- 
nions anti-révolutionnaires  et  son  ca- 
ractère frondeur  l'empêchèrent  d'ob- 
tenir un  emploi.  11  vécut  dès-lors  ou- 
blié ,  malheureux,  el  sur  la  fin  du 
dernier  siècle  il  retourna  dans  sa  ville 
natale,  où  il  est  mort  presque  nona- 
génaire dans  les  derniers  mois  de 
i83i.  Dès  l'année  1764,  il  fit 
des  vers;  et  il  publia  en  1769,  dans 
le  Mercure  de  France  quatre 
fables  lues  k  l'académie  de  Caen. 
Il  continua  d'en  insérer  dans  ce  re- 
cueil jusqu'en  1773  que  parut  le 
tome  L'"  de  ses  Fables^  Paris,  in-8". 


Bot 

lieu  publia  un  secc^ud,  ibid.,  1777, 
in-8°.  Ces  deux  volumes  ,  ornés  de 
gravures  d'après  les  dessins  de  Mon- 
net et  de  Saint- Aubin  ,  reparurent 
avec  un  uouieau  frontispice,  Paris, 
1779,  in-S".  Il  est  plusieurs  de  ces 
fables  qu'on  lit  avec  plaisir,  entre  au- 
tres celle  qui  est  lahhAée  f  Histoire  •, 
mais  un  grand  norabie  d'autres, 
n'offrant  point  de  moralilc  et  n  en 
laissant  deviner  aucune,  sont  moins 
des  fables  que  des  contes,  dont  la  fin 
même  ti'est  pas  toujours  salistaisante. 
Des  détails  heureux  ,  une  narration 
quelquefois  agréable ,  se  trouvent 
noyés  dans  une  multitude  de  vers 
médiocres.  Grimm  ,  en  rendant 
compte  du  premier  recueil,  dit 
qu'il  fit  peu  de  sensation ,  parce 
que  les  fables  n'étaient  déjà  plus  de 
mode  ;  mais  il  avoue  que  celles  de 
Boisard  sont  moins  précieuses  que 
celles  de  La  Moite,  plus  naturelles 
que  celles  de  Dorai,  plus  variées, 
plus  naïves  que  celles  de  l'abbé  Au- 
bert  ;  cependant  il  en  trouve  la  chute 
rarement  heureuse,  la  morale  com- 
mune, souvent  répétée,  el  le  style  dé- 
pourvu delà  précision  de  Phèdre  et  du 
coloris  gracieux  deLaFoatainejumais 
peut  être,  ajoute  Grimm,  Boisard 
est-il  de  tous  les  fabulistes  celui  qui  a 
le  moins  imité  La  Fontaine  et  qui  s'en 
est  le  moins  éloigné,  si  une  narration 
simple,  facile  et  naïve  est  le  premier 
mérite  de  ce  genre  de  poésîe>'.  Voltaire 
aussi  a  parlé  avec  éloge  du  premier 
recueil  de  Boisard,  dans  sa  corres- 
pondance avec  Didemt.  La  plupart 
des  fabulistes  nonl  fait  que  cinquante 
ou  cent  fables.  Quelques-uns  en  ont 
publié  deux  cent  cinquante  a  l'exem- 
ple de  La  Fontaine.  C'est  ce  nombre 
que  conliciiuenl  les  deux  volumes  de 
Boisard.  Mais  il  avait  continué  d'en 
insérer  dans  V Almanach  des  Muses 
etdans  d'autres  ouvrages  périodiques^ 


feÔÎ 


/,57 


il  en  publia  uu  nouveau  volume  divisé 
en  dix  livres  qui  en  contenaient  trois 
centsj  Caen,  i8o3,  in-12.  Dans  le 
prologue ,  l'auteur  se  félicite  de  la 
tranquil'ité  rendue  à  la  Fracce  par 
Bonaparte,  el  se  console  des  larmes 
qu'il  a  constamment  versées.  Ce  re- 
cueil passa  inaperçu  :  on  y  trouva 
pourtant  quelques  jolies  fables,  mais 
la  plupart  sont  trop  négligées  el  on 
ne  peut  en  deviner  la  morale.  La 
Bibliothèque  française  de  i8o4 
est  le  seul  journal  littéraire  qui  en 
ait  parlé  dans  un  article  signé  E.Tou- 
lougeon.  Dans  le  prologue  d'un  autre 
volume  qui  parut  sous  le  titre  de 
Fables  et  Poésies  diverses,  Caen  , 
1804,  in-12,  Tanteur  s'excuse  de 
celle  indifférence  du  public j  il  dit: 

J'écris  beaucoup  et  mou  salaire  e.sl  mince, 
Il  se  réduit  à  rien; les  Muses  de   province 
ÎSe  font  pas  fortune  à  Paris. 

La  moitié  du  volu'ne  contient  cent 
vingt  fables,  formant  les  livres  XI  a 
XIV,  et  l'autre  moitié  des  poésies 
diverses,  dont  plusieurs  contre  le  ré- 
gime de  la  terreur,  el  la  Grotte  de 
Merlin,  divertissement  en  trois  ac- 
tes^ représenté  dans  un  cbàleau,  en 
1772,  pour  la  fête  de  Tintendant 
M.  de  Fonlette  ,  son  protecteur.  Ln 
troisième  volume  de  Fables^  faisant 
suite  aux  deux  précédents,  parut 
à  Caen,  i8()5,  in  12.  Il  contient 
trois  cent  trenle-une  fables,  com- 
prises dans  les  livres  XV  h  XXV. 
Dans  la  première,  l'auteur  fait  en- 
tendre qu'il  avait  reçu  des  secours 
ou  une  peUïion  de  Bonaparte.  Ln- 
fiu  Biiisard  a  fait  réimprimer  ses  deux 
premiers  recueils  de  1773  et  1777, 
sous  ce  titre  :  Mille  et  une  Fables,  l '^ 
partie,  Caen,  i  806.  i a- 12.  Il  annonce 
dans  l'averlissement  qu'il  a  indiqué 
par  un  astérisque  les  fables  qui  se  res- 
sentaient de  sa  jeunesse,  ainsi  que  des 
opinions  qui  commençaient  à  devenir 


458 


BOI 


à  l'ordre '<3ii  jour,  et  donl  il  fait  son 
acte  de  conlrition.Il  ajoute  que, dans 
le  cas  d'une  nouvelle  édition,  ce  volu- 
me doit  devenir  le  premier,  puisqu'il 
contient  les  huit  premiers  des  trente- 
cinq  livres  que  forment  ses  Mille  et 
une  Fables.  A  la  En  de  ce  volume  se 
trouvent  quatre  psaumes  traduits  en 
yers  ;  mais  on  n'y  voit  point ,   non 
plus  que  dans  le  volume  de  Fables  et 
poésies  diverses,  qui   doit  être  le 
quatrième  et  dernier  tome  ,  une  Ode 
sur  le  déluge  ,  couronnée  par  l'aca- 
démie de  Rouen,  1790,  in-8°.  Au 
mérite  delà  fécondité  Boisard  a  joint 
celui  de  l'invention  ,  car  il  ne  paraît 
pas  que  ses  fables  aient  été  des  imita- 
tions. Son  style  est  naturel,  mais  trop 
souvent  prosaïque. — Boisakd(J.-F.), 
neveu  du  précédent,  né  aussi  à  Caen, 
vers  1762,  cultiva  la  peinture  et  fut 
élève   de    Regnault ,    de  l'académie 
royale;  mais,  de  son  propre  aveu  ,  il 
ne   sortit  jamais  de  la  médiocrité  et 
jeta  souvent  le  pinceau  pour  pren- 
dre la   plume.    11  émigra   au   com- 
mencement de  la  révolution ,  rentra 
eu   1795,  fut  arrêté,    condamné  a 
mort,  et  sauvé  par  un  miracle  qu'il 
n  explique  pas.    Il  eut  toujours  a  se 
plaindre  des  rigueurs  de  la  fortune,  et 
mena  une  vie  errante  et  mallieureuse , 
souvent  éloigné  de  sa  femme  ,   qu'il 
adorait  et  qu'il  a  célébrée   dans  ses 
vers  sous  le  nom  de  Rose.  H  conte 
ses  malheurs  domestiques  avec  une 
naïveté     verbeuse,      entremêlée    de 
plaintes  fréquentes,  dans  ses  fables  et 
dans  ses  nombreux  prologues  adressés 
au  roi,  aux  princes  et  a  MM.  Gérard, 
Horace  Vernet ,  Bosio,  et  a  plusieurs 
autres  dont  il  réclamait  les  secours. 
Il  paraît  que  Boisard  est  mort  dans 
la  misère.   Il  a  publié  :  I.   Fables 
dédiées  au  roi ,  Paris ,  1817,  in-8°  ; 
II.  Fables  faisant  suite  a  celles  qui 
sout  dédiées  au  roi,  Paris,   1822, 


BOI 

2*  partie ,  i  vol.  in-8°.  Digne  émule 
de  son  oncle  en  fécondité  (puisque 
ses  fables  sout  au  nombre  de  trois 
cent  quatre-vingt-douze) ,  mais  non 
pas  en  talent  (car  elles  sont  toutes 
au-dessous  de  la -médiocrité) ,  nous 
aurions  a  peine  fait  mention  de  lui , 
si  la  Biographie  portative  des 
contemporains  n'eût  pas  confondu 
l'oncle  et  le  neveu  ainsi  que  leurs  ou- 
vrages, en  ne  parlant  que  des  fables  de 
1775  et  1777  du  premier,  et  en  disant 
qu'elles  ont  été  réimprimées  en  1817 
et  1822.  La  France  littéraire  de 
M.  Quérard  a^ aussi  commis  une  er- 
reur a  l'article  de  l'oncle,  en  citant 
une  édition  de  Fables  et  œuvres 
diverses,  Caen,  1773-1801,15  vol. 
in-8°,  qui  n'existe  pas,  et  en  omet- 
tant les  titres  des  volumes  publiés  eu 
i8o4-,  i8o5  et  1806.  A — T. 

BOÏSBAUDRON  (le  baron  de 
LoTjN'Es  de),  d'une  ancienne  famille 
du  Poitou,  était  le  frère  du  marquis 
de  la  Coudraye  député  de  la  noblesse 
d'Anjou  aux  états-géuéraux  de  1789. 
Il  fut  destiné  dès  son  enfance  au 
service  de  la  ranrine ,  dans  laquelle 
il  servit  jusqu'à  l'époque  de  son 
émigration,  en  1791-  Alors  il  entra 
dans  l'armée  de  Condé,  et  il  en  fit 
toutes  les  campagnes  jusqu'à  celle 
de  1795.  A  cette  époque  ,  il  se  ren- 
dit à  Jersey,  d'oi!i  il  s'embarqua  pour 
la  Bretagne,  avec  des  instructions 
particulières  pour  les  royalistes  de 
celte  contrée.  Il  débarqua  à  Erqui , 
dans  les  Cotes-du-ÎSord.  En  abor- 
dant, la  petite  troupe  avec  laquelle 
était  Boishaudron  fut  rencontrée  par 
un  détachement  de  républicains  très- 
supérieur  en  nombre.  Il  se  défendit 
néaumoins ,  et  ne  se  rendit  qu'a- 
près avoir  eu  la  cuisse  percée 
d'une  balle.  Conduit  à  la  prison 
de  Rennes  sur  une  charrelle  dé- 
couverte,  quoique  la  neige  tombât 


BOI 

par  flocons  ,  il  souffrit  cruellement 
pendant  ce  trajet.  Ce  fut  au  milieu 
de  ces  souffrances  ,  et  avec  la  presque 
certitude  d'èlre  mis  a  mort ,  qu'il 
écrivit  aux  chefs  royalistes  pour  les 
engager  à  refuser  toute  proposition 
de  paix.  Remis  en  liberté  peu  de 
temps  après  par  un  article  spécial 
du  traité  de  la  Mahilais  ,  il  se  rendit 
aux  eaux  d'Aix-la-Chapelle,  puis  à 
Orléans,  où  il  vécut  fort  tranquille. 
Averti  qu'on  l'avait  dénoncé  au  direc- 
toire, il  partit  pour  Paris,  afin  de 
prouver  qu'il  était  compris  dans  la 
pacification.  On  l'arrêta  néanmoins 
alhôlel  même  du  ministre  de  la  po- 
lice. Ramené  en  prison  a  Orléans , 
il  fut  traduit  devant  une  commis- 
sion militaire.  L'assemblée  était  pu- 
blique et  fort  tumullueuse.  Bois- 
baudron  se  défendit  avec  force.  Les 
habitants  ,  électrisés  par  son  éloquen- 
ce ,  l'applaudissaient  vivement  et  té- 
moignaient bautemeul  leur  intérêt  , 
surtout  lorsqu'on  apprit  que  vingt- 
cinq  soldats  avaient  été  commandés 
d'avance  pour  l'exécution.  La  com- 
mission prétendait  n'avoir  à  prouver 
que  l'identité  sur  le  fait  de  Témigra- 
tion,elBoisbaudrou  soutenait  avec  rai- 
son que  le  traité  de  laMabilais  l'avait 
absous  du  fait  de  l'émigration.  Le  ju- 
gement fut  remis  à  huitaine.  L'accusé 
se  défendit  avec  les  mêmes  moyens  que 
la  première  fois. ïoulannonçait  pour- 
tant sa  condamnation  ,  lorsqu'un  dé- 
cret, sollicité  par  Lanjuiuais  et  rendu 
la  veille  a  la  sollicitation  de  ses  amis, 
arriva  pendant  la  séance,  et  déclara 
la  commission  incompétente.  Désirant 
toujours  être  utile  à  la  cause  qu'il 
brûlait  de  servir  de  nouveau,Boisbau- 
dron  se  trouva  à  Paris  à  l'époque  du 
i8  fructidor,  et  fut  compris  dans  le 
décret  qui  renvoyait  les  émigrés  hors 
de  France.  11  passa  en  Angletejre  et 
de  la  en  Danemark.  ISe  pouvant  s'ha- 


BOI  459 

blluer  à  vivre  dans  ces  climats  étran- 
gers, dès  qu'il  vit  la  possibilité  de 
rentrer  dans  sa  patrie ,  il  y  revint  j 
mais  les  douleurs  de  sa  blessure 
se  firent  de  nouveau  sentir  avec 
tant  de  violence,  que,  pour  les  calmer, 
il  prit  de  fortes  doses  d'opium.  Sa 
santé  s'altéra  de  plus  en  plus  j  et  enfin, 
après  plusieurs  mois  de  souffrances  , 
il  mourut  âgé  d'environ  5o  ans ,  au 
mois  de  sept.  1801,  dans  la  terre 
de  M.  d'Auteroche,  son  parent,  a 
troislieuesd  Orléans. Il  joignait^  dans 
les  dernières  années  de  sa  vie,  une 
piété  aimable  et  tolérante  a  ses  ver- 
tus militaires.  Sou  esprit,  cultivé 
et  plein  d'agrément,  était  d'une  teinte 
chevaleresque,  rappelant  nos  anciens 
preux.  Il  avait  perdu  un  fils  chéri  à 
l'affaire  de  Quiberon,  et  sa  femme 
avait  été  massacrée  à  la  défaite  du 
Mans,  en  1794.  B — p. 

BOIS  BEREXGER  (la  mar- 
quise Charloxte-HetsRiette  Tar- 
dieu-jMalessy  de) ,  née  a  Paris  en 
1767,  fut  une  des  femmes  les  plus 
héroïques  d'un  temps  où  tant  de  fem« 
mes  déployèrent  un  grand  courage. 
M.  de  Bois-Bérenger  ayant  émigré  , 
elleresla  courageusement  exposée  aux 
proscriptions  révolutionnaires  dans 
le  seul  but  de  conserver  son  bien  à 
sa  famille;  et,  pour  y  parvenir, 
elle  feignit  de  se  séparer  de  son 
mari,  et  fit  une  demande  judiciaire  en 
divorce.  Mais  ce  moyen  eut  peu  de 
succès  ,•  elle  fut  arrêtée  comme 
suspecte  et  renfermée  avec  son  père  , 
sa  mère  et  sa  sœur  dans  la  prison  du 
Luxembourg ,  puis  comprise  avec 
toute  sa  famille  dans  une  de  ces 
conspirations  de  prison  imaginées 
pour  envoyer  en  même  temps  à 
l'échafaud  un  plus  grand  nombre  de 
victimes  ,  co.itre  lesquelles  il  n'y 
avait  pas  même  l'ombre  d'un  motif. 
Conduite  avec  ses  parents  devant  le 


46o 


BOI 


sanglant  tribunal  révolutionnaire,  et 
n'.iyant  pas  encore  entendu  son  acte 
d'accusation  lorsque  déjà  tous  con- 
naissaient le  leur,  elle  se  crut  ou- 
bliée par  les  bourreaux,  et  s'écria  en 
versant  un  torrent  de  larmes!  «  Dieu, 
avons  mourrez  avant  moi;  je  suis 
a  condamnée  a  vous  survivre!... 
«  Barbares!  a  quelle  pénible  exis- 
K  tt-nce  me  condamnez-vous  ?  o  Elle 
s'arrachait  les  cheveux,  embrassait 
tour  a  tour  son  père  ,  sa  sœur ,  sa 
mère,  et  répétait  avec  anierlume  ; 
«  Nous  ne  mourrons  pas  ensemble  !  » 
Pendant  qu'elle  s'abandonn;iit  ainsi  a 
sa  dou'eur,  l'acte  d'accusation  arriva. 
La  joie  éclata  aussitôt  sur  son  visage, 
et  toute  son  affliction  iîl  place  au 
plai^ir  douloureux  de  consoler  ses 
parents.  Elle  se  coupa  elle-même  les 
cheveux,  mangea  avec  appétit ,  même 
avec  gaieté,  et  soutint  le  courage 
de  sa  mère  jusqu'à  l'écliafaud  «Cou- 
ec  sol' z -vous ,  lui  disait- elle  ,  nous 
«  mourrons  ensemble  :  vous  n'em- 
«  portez  pas  le  moindre  rej^ret  ; 
et  toute  votre  famille  vous  accoin- 
te pagne,  et  vos  vertus  vont  rece- 
«  voir  leur  récompense  dans  le  sé- 
tt  jour  de  la  paix  et  de  l'innocence.  » 
Cette  jeune  femme,  belle,  aimable, 
avait  été  la  garde-malade  de  toutes 
les  femmes  prisonnières  avec  elle, 
Sou  père  ,  presque  mourant ,  avait 
surtout  été  l'objet  de  sa  tendre  sol- 
licitude. Séparée  quebpe  temps  de 
sa  mère  ,  qu'on  avait  mise  au  secret 
dans  un  cachot,  elle  se  privait  d'une 
partie  de  sa  nourriture  pour  la  lui 
porter ,  sans  se  rebuter  des  propos 
et  de  la  dureté  des  geôliers.  Ce  fut  le 
26  messidor  an  1 1  (  1 4-  juillet  i  794) 
douze  jours  avant  la  chute  de  Robes- 
pierre, que  périt  ainsi  la  famille  de 
Bois-Bérenger ,  qui  deux  semaines 
plus  tard  eût  été  sauvée!  M — d  j. 
BOÏSGELl^■  (le  comte  Lntns- 


fiOÎ 

Bruno  de) ,  frère  du  cardinal  de  ce 
nom  {J^oy.  Boisgelin,  tom.  V),  né 
à  Rennes  en  lySS,  fut  d'abord 
connu  sous  le  nom  de  chevalier,  puis 
sous  celui  de  comte  de  Cicé  et  de- 
vînt le  chef  de  sa  f;imille  par  la  mort 
de  son  aîné  et  la  résolution  que  prit 
le  puîné  de  suivre  la  carrière  ecclé- 
siastique. Entré  coiirae  enseigne 
dans  les  Gardes- Françaises  en  174-8, 
il  fut  dix  ans  plus  tard  cornette  da'is 
les  mousquetaiies  avec  rang  de  colo- 
nel et  chevalier  de  Saint-Louis  en 
1761.  INouimé  colonel  des  Gardes- 
Lorraines  Tonnée  suivante,  il  fui  eu- 
suite  brigadier  et  raaréchal-de-cainp 
en  1780.  11  était  en  même  temps 
maître  de  la  garde-robe  du  roi,  piis 
ministre  de  France  a  Parme  ,  cheva- 
lier du  Saint-Esprit  et  baion  des 
états  de  Bretagne.  H  présida  en  celte 
qualité  à  diliérentes  époques  la  no- 
blesse de  cette  province,  notamment 
en  1789,  où  il  deplova  un  caractère 
très-énergique.  Ayant  juré  dene  point 
assister  aux  états-géoéraux ,  d  n'en- 
lendil  à  aucune  des  propositions  que 
lui  firent  les  minisires  pour  l'enga- 
ger k  y  siéger,  et  se  tint  à  l'écart 
pendant  les  premiers  orages  de  la 
révolution.  Cependant  il  némi^^ra 
pas.  Il  fut  arrêté  en  1794  et  conduit 
à  la  pri.son  du  Luxembourg  ,  où, 
compris  dans  une  de  ces  conspirations 
imaginées  par  les  bourreaux  de  cette 
époque,  il  fut  traduit  au  tribunal  ré- 
volutionnaire et  condamné  a  mort  le 
19  messidor  au  1 1  (8  juillet  1794) 
Sa  femme ,  sœur  du  chevalier  de 
Boufflers,  dame  d'honneur  de  mada- 
me Victoire  ,  subit  le  même  sort. 
C'était  une  personnede  beaucoup  d'es- 
prit, et  elle  montra  un  grand  cou- 
rage dans  ses  derniers  momr-nis.  — 
Son  cousin  ,  le  vicomte  Gilles-Do- 
minique de  BoisGELiN,  ancien  colo- 
nel du  régiment  de  Béarn^  commau- 


BOl 

dait  ce  corps  dans  les  premières  an- 
nées de  la  rév<plulioa,  el  il  y  iiiain- 
lial  la  (lisci()liiii-  la  plus  exacte  au. 
milieu  du  désordre  j^éiéral.  Il  fui  en- 
suite fait  maréchal-de-camp,  donua 
sa  démission  el  se  relira  en  1792  ai,i 
Havre. où  il  fui  arrèlécomine  suspect. 
Conduit  h  Paris  dans  la  prison  du 
Luxembourg,  il  n'en  sorlil  que 
pour  aller  a  l'échdfaud  ,  enveloppé 
dans  la  mè  le  condaniuation  que  ses 
parents.  —  I/abbé  de  Boisgeli?*"  , 
frère  du  précédent,  agent-général  du 
cleigé  de  France,  et  grand-vicaire 
de  l'arclievèque  d'Aix  ,  péril  dans  les 
massacres  deTabliaye  Saint-Germain, 
en  septembre  1792,  à  côté  de  l'abbé 
Lenfaut.  qui  lui  adininisira  dans  ce 
momenl  suprême  les  derniers  secours 
de  In  religion,  {f^oy.  Lenfaut,  lom. 
XXIV.)  M— Dj. 

BOISGELIN  de  Kerdu 
(  le  chevalier  Pierre-Marie-Louis 
de  ).  frère  de  l'aldié  el  du  colonel  de 
Béarn  (  V oy .  l'arlicle  précédtnl), 
né  a  Plélo,  diocèse  de  Sainl-Brieux, 
en  1708,  fut  destiné  à  l'éiat  ecclé- 
sicistijiie  et  passa  une  partie  de  sa 
jeunesse  au  sémnaire  de  Saint-Sul- 
pice.  Quelques  changements  survenus 
dans  sa  famille  le  décidèrenl  k  entrer 
dans  la  carrière  des  armes,  et  il  fuL 
nommé  officier  dans  le  régiment  du 
roi,  infanterie,  oii  il  se  lia  d'une 
étroite  amitié  avec  iVl.  de  Forlia  de 
Piles,  alorslieiitenanl  dans  le  même 
corps.  Ils  visitèrent  ensemble  le  nord 
de  lEurojie  de  1790  a  1792  ;  mais 
Boisgeliu  n'eut  aucune  part  a  la  ré- 
dartion  de  l'ouvrage  publié  par  son 
ami  Fortia,  sous  le  titre  de  J^  oya- 
ge  de  deux  Français  au  JSord 
{Foy.]a.  préface  du  i'^''  volume,  et 
Farlicle  Fortiade  Piles,  au  Supp.). 
Admis  dans  l'ordre  de  Malle,  il  se 
trouvdit  dans  cette  ile  en  1  790  5  et  il 
se   rendit    à    Toulon    lorsque  cette 


BOl 


461 


place  fut  occupée  par  les  Anglais  au 
nom  de  Louis  XVII.  Il  y  commanda 
un  régiment  qui  fut  levé  pour  le  ser- 
vice du  roi  ,  el  qu'après  l'évncuation 
il  conduisit  en  Corse,  li  passa  ensuite 
en  Anglfterrc  et  ne  retourna  point  à 
Malle.  Ainsi  il  ne  s  y  trouvait  pas  , 
comme  on  l'a  prétendu,,  lorsque  les 
Français  s'en  emparèrent  en  1798; 
et  s'il  a  peint,  dans  la  description 
de  celle  île  ,  avec  des  traits  énergi- 
ques les  fâcheux  résultats  de  celle 
occupation  pour  les  habilauts,  ce 
n'est  que  d'api  es  les  récits  de  lémoius 
oculaires.  Il  fil  pendant  la  révolution 
plusieurs  voyages  sur  le  continent  j 
et  plus  lard  il  a  fait  connaîlre  ses 
judicieuses  observations  sur  le  com- 
merce, l'administration  et  les  forces 
militaires  de  divers  étals.  Le  cheva- 
lier de  Boisgelin  ne  revint  en  France 
qu'après  le  retour  des  Bou  bons,  eu 
1 8 1 4.  et  il  mourut  k  Pleubihan, 
département  des   Côles-du-iVord,  le 

10  sept.  18  16.  Il  fut  un  des  auteurs 
ou  éditeurs  de  la  Correspondance 
de  Mesmer.  (  f"oy.  ce  nom  ,  tora. 
XXVIII.)  On  a  de  lui  :  I.  Jncient 
and  modem  M  alla ,  Londres, 
i8o4,  3  vol.  in-8".  Cet  ouvrage,  ac- 
compagné de  p'anches  et  d'une  bonne 
carie  i^éograj.hique,  a  élé  liadiiit 
en  français  et  publié  par  M.  de  For- 
tia de  Piles,  Paris,  1809,5  vol. 
in-8".  Le  premier  contient  le  tableau 
physique  de  l'île  ,  de  ses  productions 
et  de  son  commerce.  Les  deux  au- 
tres sont  consacrés  k  l'histoire  de 
l'ordre  de  SainI- Jean  de-Jérusalem  , 
depuis  son  origine  jusiju'en  1800. 
L'auteur  y  provoque  le  rétablisse- 
ment d'une  institution  long-temps 
utile,  mais  qui  deviendrait  sans  but 
si  la  destruction  de  la  piraterie  est 
une  conséijuence  de  l'occupation  du 
royaume    d'Alger  par   les  Français. 

11  y  manque  un   chapitre    intitulé  : 


tiÛà 


BOI 


Malte  niêlallique  et  littéraire, 
dontnous  savons  queBolsgelin  s'était 
occupé.  U.  Travels  through  Den- 
mark  and  Sweden ,  Londres , 
1810,  2  vol.  gr.  in-4-°,  fig.  Ce  voya- 
ge est  très-estiraé.  III.  Histoire  des 
révolutions  de  Portugal ,  par  l'ab- 
bé de  F  ertot ,  continuée  Jusqu'au 
temps  présent,  enrichie  dénotes 
historiques  et  critiques,  d'une  ta- 
ble historique  et  chronologique 
des  rois  de  Portugal  et  cTune  des- 
cription du  Brésil ,  Londres,  im- 
primé par  et  pour  R.  Juigné, 
1809,  m-i2.  Outre  les  additions 
indiquées  sur  le  litre,  l'éditeur  a 
joint  au  livre  de  Vertot,  p.  viii-xv, 
un  Catalogue  raisonné,  historique 
et  critique  des  principaux  ouvra- 
ges écrits  sur  l'histoire  de  Portu- 
gal et  des  Noms  des  principaux  au- 
teurs qui  ont  écrit  sur  le  Brésil. 
(Voy.  Rouard,  Notice  sur  la  biblio- 
thèque publique  cVAix,  i83i, 
in-8°.)  De  concert  avec  son  ami  For- 
lia  de  Piles,  Boisgelin,  pour  char- 
mer les  ennuis  de  la  garnison ,  avait 
imaginé  nue  facétie  dont  ils  publièrent 
plus  lard  les  résultats  sous  ce  tilre  : 
Correspondance  de  Caillot-Du- 
val y  rédigée  d'après  les  pièces  ori- 
ginales y  et  publiée  par  une  société 
de  littérateurs  lorrains  (Nancy, 
juillet  1795).  C'était  une  myslilica- 
tion  fort  gaie,  adressée  de  leur  gar- 
nison à  toute  la  France  par  les  deux 
officiers,  qui  reçurent  beaucoup  de 
réponses  naïves  aux  lettres  qu'ils  en- 
voyaient partout  sous  le  nom  d'un 
être  incaginaire.  Boisgelin  de  Rerdu 
a  laissé  divers  manuscrits  qui  sont 
déposés  a  la  bibliothèque  publique 
d'Aix  en  Provence.  —  Le  mar([uis 
Bruno  de  Boisgelin,  qui  était 
devenu  le  chef  de  cette  famille, 
et  pair  de  France  en  1814  ,  est 
mort  a   Paris   le   zc)  juin  i85i,h 


BOX 

l'âge  de  6r  ans.  M — d  j  et  W — s. 
BOISIIARDY  (  le  chevalier 
Charles  de),  ancien  officier  au  régi- 
ment de  Pioyal-Marine,  quitta  le  ser- 
vice au  commencement  de  la  révolu- 
tion 5  prit  part  a  la  première  conspi- 
ration vendéenne,  celle  de  La  Roua- 
rie,  et  fat  désigné  par  lui  pour  com- 
mander les  forces  militaires  de  la 
ligue  bretonne  sur  les  Côles-du-Nord. 
Après  la  mort  de  La  Piouarie,  il  se 
relira  vers  la  côte  entre  Lamballe  et 
Moncoulour;  et,  réunissant  tout 
ce  qui  s'armait  contre  la  révolution  , 
il  établit  son  quartier-général  a 
Brehan.  Boishardy  était  dans  la 
force  de  l'âge,  et  aussi  adroit  qu'in- 
trépide j  son  ascendant  était  tel  sur  les 
paysans  qu'ils  se  seraient  tous  exposés 
a  la  mort  pour  le  défendre,  et  qu'il 
passait  dans  leur  esprit  pour  pré- 
dire l'avenir.  D'ailleurs,  ses  manières 
douces  et  l'aménité  de  son  caractère 
le  faisaient  généralement  aimer.  Au 
mois  d'août  1794  5  il  alla  trouver 
Puisaye  et  le  reconnut  comme  géné- 
ralissime des  chouans.  Puisaye  le  fit 
colonel  et  lui  donna  la  croix  de 
Saint-Louis.  Il  commanda  les  roya- 
listes des  Côtes-du-]\ord  5  et  au  mois 
d'octobre  1794,  se  voyant  accablé 
par  la  division  du  général  républicain 
Rey,  et  autorisé  par  l'exemple  de 
Charelle  ,  il  crut  écarter  le  danger 
en  faisant  des  ouvertures  de  paix. 
Ayant  demandé  une  entrevue  au 
général  Humbert ,  qui  commandait  à 
Moncontour  une  division  républi- 
caine, il  lui  indiqua,  dans  les  pre- 
miers jours  de  décembre  ,  un  bois 
pour  le  lieu  de  la  conférence,  et 
il  s'y  trouva  avec  cinquante  chouans 
armés.  Humbert  arriva  seul  sans  au- 
cune escorte.  Le  général  rovaliste, 
étonné  (le  la  sécurité  de  cet  officier, 
lui  dit  :  Le  témoigJiage  de  confian- 
ce que   tu   me  donnes  me   décide 


BOÏ 

à  la  réciprocité  ;  je  vais  renvoyer 
ma  troupe^  et  chercher  avec  toi 
les  moyens  de  ramener  la  paix 
dans  ces  malheureuses  contrées  ! 
Après  la  pacification  ,  les  haslililés 
ayaut  recommencé  entre  les  deux 
partis,  Boishardy  reprit  l'offensive. 
Les  républicains  avant  été  instruits 
qu'il  se  trouverait  ,  le  i3  juin  179 5, 
dans  son  château  de  \  illeheraet ,  une 
compagnie  de  grenadiers  marcha  pour 
l'y  surprendre.  Boishardy  s'aperçut 
trop  tard  qu'il  était  trahi  5  il  voulut 
fuir  :  les  grenadiers  le  poursui- 
virent à  coups  de  fusil  5  il  fut  at- 
teint et  achevé  a  coups  de  sabre.  Sa 
tète  sanglante  et  séparée  de  son 
corps  fut  promenée  dans  les  rues  de 
Laniballe  et  de  Moncontonr.  B — p. 
BOISJOSLIN  (Claude- Au- 
gustin ViEiLH  de),  né  à  Paris  le  24 
février  1788,  mort  le  2.0  juin  i832, 
était  le  fils  aîné  deM.de  Boisjoslin, 
poète  distinguéjéiève  ami  de  LaHarpe 
et  de  Delille,  qui  après  avoir  quitté 
la  lyre,  il  y  a  plus  de  quarante  ans , 
devint  tribun ,  puis  sous-préfet  de 
Louviers.  Il  était  depuis  long-temps 
le  doyen  de  cette  classe  de  fonc- 
tionnaires si  amovibles,  lorsqu'il  prit 
sa  retraite  en  i  83  r .  Dans  sa  jeunesse 
Augustin  de  Boi'^joslin  se  livra  k  l'é- 
lude des  mathématiques.  11  se  desti- 
nait a  l'école  polytechnique  ;  des  re- 
vers de  famille  le  forcèrent  a  entrer 
prématurément  dans  l'arme  du  génie 
en  qualité  de  simple  soldat  ;  et  il  fit 
en  Espagne  les  campagnes  de  1808  , 
1809  et  1810.  Nommé  caporal  dans 
les  sapeurs  il  assista  au  siège  de  Sa- 
ragosse.  Ses  prolecteurs,  désespérant 
de  lui  faire  obtenir  un  avancement 
toujours  lent  et  difficile  dans  le  gé- 
nie, lui  firent  avoir  l'emploi  d'adjoint 
au  paveur-général  de  l'armée,  ce  qui 
était  as.^urément  une  fortune  pour 
un    ex-caporal,    Mais ,  des   revers 


BOI  463 

ayant  contraint  les  Français  d'évacuer 
l'Espagne  en  18 15,  Boisjoslin  re- 
vint en  France,  blessé,  après  avoir 
perdu  tout  ce  qu'il  possédait  à  la 
journée  de  \iltoria.  Pour  comble 
de  malheur,  il  fut  du  nombre  des 
agents  du  trésor  que  l'on  réforma 
comme  les  moins  anciens.  Boisjoslin, 
a  qui  ses  protecteurs  reconnaissaient 
beaucoup  de  talents,  et  qui  d'ailleurs 
était  doué  d'un  extérieur  séduisant , 
fut  près  d'être  nommé  secrétaire  par- 
ticulier de  la  grande-duchesse  de 
Toscane  [J-^oy  Baciocchi,  LVII, 
17),  lorsque  les  événements  de  i  8  i  4- 
détruisirent  encore  pour  lui  cette  nou- 
velle chance  de  fortune.  Après  avoir 
été  sur  le  point  d'obtenir,  par  le  cré- 
dit de  Fontanes ,  la  place  de  secré- 
taire d'ambassade  en  Espagne,  il  se 
décida  a  entrer  dans  la  maison  du  roi, 
oii  ses  goûts  littéraires  le  singulari- 
sèrent un  peu,  et  où  il  fut  signalé 
comme  mal- pensant  ,  et  réforme 
sans  traitement.  11  embrassa  alors  le 
commerce  de  la  librairie,  qu'il  quitta 
pour  la  direction  d'une  imprimerie. 
La  mort  d'Alphonse  Rabbe ,  eu 
rendant  vacante  la  direction  de  la 
Biographie  portative  des  co/z^em- 
/j>orrt//«  (i)  (édition compacte),  à  la- 
quelle Boisjoslin  avait   déjà,    fourni 


(i^  Celle  Biographie  fut  commencée  en  iS25 
par  Babeuf,  (ils  du  démagogue  de  ce  nom  qui 
périt  sur  l'échafaud  en  1797-  Ce  jeune  homme 
manquant  bientôt  de  fonds  la  céda  à  ses  impri- 
meurs, Aucher  Eloy  et  Comp.,  de  Blois,  qui  eu 
confièrent  la  direction  à  Alphonse  Rabbe,  l'uu 
des  rédacteurs.  Mais  son  imagination  désor- 
donnée et  sou  esprit  brouillon  le  rendaient  peu 
capable  de  l'ordre  et  du  la  régularité  qu'exige 
un  pareil  travail.  Dès  le  milieu  de  la  lettre  C, 
JL.iucUer  Eloy  vint  lui-même  a  Paris,  et  dirigea 
en  personne  son  entreprise  avec  autant  d'intelli- 
gence que  d'activité  jusqu'à  latin  de  la  lettre  S; 
mais  s'élanl  brouillé  avec  son  associé  de  Blois, 
pour  avoir  dépassé  le  nombre  des  livraisons 
promises  aux  souscripteurs,  il  partit  pour  la 
hus5!e  eu  182g.  Ce  fut  alors  que  Boisjoslin, 
un  des  cno  lérateurs  de  la  Biographie,  en  de- 
vint directeur  à  forfait  ;  il  n'y  «-tait  pas  plus 
propre  que  "Rabbe  :  ses  distractions,  ses  causeries, 
ses  lenteurs,  ses  accès  d'humeur  occasionés|:ar 


fM 


BOI 


plusieurs  articles,  lui  ouvrit  une 
carrière  plas  conforme  à  ses  goùls  et 
à  ses  laleuls.  Celle  enireprise  tou- 
cliait  k  sa  tin,  mais  un  Supplément 
élail  nécessaire  :  ce  fui  la  lâche  a 
laquelle  Boisjoslin  se  consacra  tout 
entier.  Sous  sa  direclion  les  articles 
de  celle  Biographie  cessèrent  de 
présenler  ce  défaut  de  convenance  , 
celte  àprelé  de  slyle  qu'on  avaii  pu 
reprocher  a  quelques  notices  insérées 
dans  les  premières  livraisons.  Bois- 
joslin, qui  élail  homme  du  monde 
et  surtout  un  causeur  dislingué , 
n'eut  pas  de  peine  à  attirer  à  *ou 
enireprise  des  lillérateurs  faits  pour 
s'enlendre  avec  lui  j  il  se  les  don- 
na pour  collaborateurs.  Parmi  les 
articles  les  plus  remarquables  qu'il 
a  composés  pour  cet  ouvrage,  nous 
citerons  Ancelol ,  Creuzé  ,  Decaen  , 
Dejean  ,  Destourntlles  ,  Fourier  , 
Fox,  Fraucœur ,  Heyne ,  Lassus, 
]\] asséna,  Meunier,  Motiiuda,  Pro- 
ny,etc.  ^2).  On  a  de  lui,  outre  ses 
notices  biographiques  :  i  "  Sur  l'é- 
ducation des Jemmes, Pa.rh,  1 8 1 8 , 
in-4°  5  2"  la  Préface  du  Diction- 
naire de  médecine  d' Auboni  ;  5" 
la  Préface  placée  en  lêle  du  livre 
de  l' amour  ^dit  Senancour,  dont  il 
avait  élé  l'éditeur.  Croyant  avoira  se 
jilaindre  de  la res'auralion,  Boisjoslin 
avait  vu  sans  peine  la  révolution  de 
18305  il  fut  élu  officier  de  la  garde 
nationale  aussitôt    après;    mais  son 


le  mauvais  état  de  sa  santé,  firent  traîner  telle- 
ment la  jiiiblicatinn  des  livraisons ,  qu'à  sa 
mnii  ,  c'esl-a  dire  dans  IVspace  c'e  deux  ans, 
il  li'en  avait  paru  que  quatorze  ou  quinze.  Tour 
rendre  sa  besogne  plus  facile  et  plus  lucrative, 
il  avait  deux  commis  qui  abrégeaient  et  re- 
fouchjieul  assez  maladroitement  les  articles  dé- 
jà publ  es  dans  des  ouvrsf;es  analogues.  A — t. 
(2)  Il  a  rédigé  aussi  celui  d'Uuvrard,  qui  est 
d'une  longueur  démesurée,  cav  il  formerait  à 
lui  feul  un  volume.  Boisjoslin  n'a  fjit  au  reste 
qu'abréger  les  Mémoires  de  ce  fauiciix  fournis- 
seur, auxquels  il  attachait  une  grande  impor- 
tance. A — T. 


BOI 

esprit  inquiet  le  jela  promptemeul 
dans  l'opposition  ,  bien  qu'au  2 
août  1800,  il  eût  salué  le  nouveau 
gouvernement  par  la  publication 
d'une  brochure  intitulée  :  Noti- 
ces historiques  sur  S.  A.  R. 
Louis-Philippe  d'Orléans  et  sur  le 
général  Lafayette  (extraites  de  la 
Biographie  des  contemporains  ) , 
précédées  de  quelques  mots  sur  la 
nécessité  de  se  rallier  au  duc 
d'Orléans.  Boisjoslin,  condamné 
depuis  plusieurs  mois  a  un  silence 
absolu  par  une  esquinancie,  a  été  une 
des  victimes  du  choléra  j  et  peut-être 
aussi  le  sentiment  pénible  que  lui 
avaient  fait  éprouver  les  événements 
du  6  juin  1 832  n'a  pas  peu  conlri- 
i»ué  a  rendre  sa    maladie    mortelle. 

D— R— R. 

BOISLANDRY  (Louis  de), 
né  en  ijig,  était  négociant  a 
Vei'sailles  lorsqu'il  fut  nommé  dé- 
puté du  tiers  ••  étal  de  Paris  aux 
états-généraux  de  1789.  11  se  ran- 
gea dans  cette  assemblée  du  parti 
de  la  révolution;  mais,  naturellement 
sage  et  modéré  ,  il  ne  s'y  occupa 
guère  que  d'objets  de  finances  et 
d'administration.  Le  6  juillet  1790, 
il  fit  au  nom  du  comité  ecclésiastique 
un  rapport  sur  la  division  du  royau- 
me en  arrondissEmens  métropolilains, 
et  proposa  l'établissemenl  d'un  siège 
épiscopal  dans  chaque  déparlement. 
Le  5  septembre  suivant  il  prononça 
un  long  discours  sur  la  liquidation  de 
la  dette  publique,  et  présenta  des 
raisonnements  1res  lumineux  sur  lé- 
missii)n  excessive  de  deux  milliards 
d'assignats  qu'avait  proposée  Mira- 
beau. Mais  ses  raisonnements,  qui 
étaient  une  véritable  prophétie,  ne 
furent  point  accueil'is;  l'émission  eut 
lieu,  el  la  France  ne  tarda  pas  k 
subir  toutes  les  calamités  que  Bois- 
landry  avait  prévues.  Ce  député  parla 


liOI 

encore  avec  ])eaucoup  de  sagesse,  le 
5o  iiov.  de  la  même  année,  sur  les 
droits  d'enliée  et  sur  le  nouveau 
tarif  (les  douanes  j  et,  dans  la  séance 
du  i5  février  1791  ,  il  s'éleva  avec 
orce  contre  les  taxes  qu'il  s'agissait 
d'établir  a  l'entrée  des  villes.  Il  pro- 
posa à  l'assemblée,  dans  le  même 
discours  ,  de  s'occuper  du  projet  sur 
les  patentes  qui  lui  avait  été  présenté. 
Après  la  session  ,  Boislandry  parut 
avoir  renoncé  aux  affaires  publiques. 
Il  essuya  quelques  persécutions  pen- 
dant la  terreur  j  et  i!  est  mort  a 
Paris  en  uov.  i  854- On  a  de  lui  :  I. 
/  ues  impartiales  sur  l'éLablisse- 
metit  des  assemblées  provinciales  , 
sur  leur Jbrmation,  sur T impôt  ter- 
ritorial et  sur  les  charges  ,  Paris, 
1787,  in- 8°.  n.  Considérations 
sur  le  discrédit  des  assignats  pré- 
sentées à  l'assemblée  nationale , 
Paris,  1791,  iu-8°.  III.  Exanieti 
des  principes  les  plus  favorables 
aux  progrès  de  l'agriculture  ,  des 
uuuuifactures  et  du  commerce  de 
France .)Y^v  L.  D.  B.  (Louis  de 
Boislandry),  Paris,  i8i5  ,  2  vol. 
iu-8".  IV.  Des  impôts  et  des  char- 
ges des  peuples  en  France  ,  Paris, 
1824,  1  vol.  in-8°.  On  trouve  dans 
tous  ces  écrits  des  observations  ju- 
dicieuses et  des  vues  sages  sur  le 
commerce  et  l'admiuislration  publi- 
que. M — D  j. 

iîOISLÈVE  (Pierre),  ofE- 
cial  du  diocèse  de  Paris,  dont  le  nom 
appartient  a  l'histoire,  pour  avoir 
prononcé  le  divorce  de  INapoléon  et 
de  Joséphine,  naquit  a  Saumur,  le  i  •^ 
septembre  174^-  Ayant  embrassé 
l'état  ecclésiastique,  il  se  fit  recevoir 
docteur  en  droit  ;  fut  nommé  vi- 
caire de  Saint-Michel  d'Angers  ,  et 
développa  beaucoup  de  talent  dans 
l'exameu  des  procédures  qui  lui 
étaient  envoyées  par  le   prébidial  de 


BOl 


46;") 


celle  ville.  Pourvu  d'un  canonical  de 
la  collégiale  de  Saint-Maiiin,  il  fut 
en  même  temps  nommé  vice-promo-* 
teur  du  diocèse,  place  qu'il  remplis- 
sait à  l'époque  de  la  révolution.  Son 
refus  de  prêter  le  serment  l'obligea 
de  quitter  Angers.  11  vint  k  Paris, 
jugeant  qu'il  y  serait  plus  en  sûreté 
que  dans  la  province  ;  et  il  se  tint 
caché  pendant  la  terreur  a  Passy, 
dans  une  maison  que  son  ancien  con- 
disciple ,  l'évêque  de  Sainl-Papoul 
(  Maillé  )  ,  avait  retenue  et  meu- 
blée sous  un  nom  supposé.  Après 
le  concordat,  i'abbé  Boisiève  lut 
nommé  chanoine  honoraire  de  No- 
tre-Dame. INapoléon  voulant  faire 
casser  son  mariage  sans  riuterveuliou 
du  pape,  alors  captif,  rétablit  l'offi- 
cialité  de  Paris  j  et  Boisiève,  comme 
jurisconsulte,  fut  revêtu  du  titre  dof- 
ficial.  La  cause  ayant  été  portée  de- 
vant lui,  après  i'instrucliou  préli- 
minaire, il  prononça  ,  le  9  janvier 
i8io  ,  la  sentence  de  divorce  ,  qui 
ne  fut  point  publiée  (  Voy.  Jo- 
séphine, au  Suppl.).  On  croit 
que  l'abbé  Boisiève  fut  également 
chargé  d'annuler  le  mariage  de  Jé- 
rôme Bonaparte  avec  mademoiselle 
Paterson.  Devenu  chanoine  titulaire 
et  vicaire-général,  il  était  eu  même 
temps  directeur  des  religieuses  de 
1  Hotel-Dieu  et  des  dames  de  la  Con- 
grégation. 11  mourut  a  Paris,  le  3 
déc.    i85o.  W — s. 

BOïSSEL  DE  MOXVILLE 
(le  baron  Thomas-Charles- Gaston), 
])air  de  France  ,  naquit  à  Paris  au 
mois  d'août  1765  ,  d'une  famille  ho 
norable ,  originaire  de  Normandie. 
Ilecu  conseiller  au  parlement  en 
1785,  il  prit  part  aux  délibérations 
de  ce  corps  jusqu'à  sa  suppression  , 
et  fut  du  no  1  bre  des  jeunes  magis- 
trats qui,  par  leur  résistance  k  l'auto- 
rité royale,  hâtèrent  la  révoluUou. 

3o 


466  BOI 

Quoique  lié  intimement  avec  Adrien 
Duport  [T'oy.  ce  uom  ,  lom.  XII  ), 
il  ne  partagea  poiul  la  violence  de  ses 
principes ,  et  sut  se  tracer  une  ligue 
de  conduite  également  éloignée    de 
tous  les  excès.  A  l'époque  de  la  ter- 
reur, ne  se  croyant  pas  en  sûreté  a 
Paris (i),  il   se  fit  employer  comme 
ingénieur.  Il  avait  dans  sa  première 
jeunesse  cultivé  son  goût  naturel  pour 
la  mécanique.  Maniant  avec  beaucoup 
d'iiabilelé  la  lime  et  la  varlope  ,    il 
exécuta  différentes  machines   utiles  , 
entre  autres  uue  faux  h  moissonner 
le  blé  ,  très-supérieure  à  celle  que 
l'on  emploie  aujourd'hui  dans  diffé- 
rentes provinces.    11    s'occupa   aussi 
quelque   temps    a  perfectionner    les 
moulinsa  veut.  Après  !e  9  thermidor, 
se  trouvant  sur  les  bords  du  Rhône, 
il  résolut  de  descendre  ce  fleuve  de- 
puis le  fort  l'EcluGe  jusqu'à.  Seissel, 
partie  réputée  nou  navigable^  et,  dans 
celle    entre-prise   hasardeuse,    il   fit 
preuve    d'uu  courage  extraordinaire. 
11  ne  tenta,  comme  il  le  dit  lui-même 
(  Voyage   pittoresque,    i36),  ce 
trajet    périlleux   que    dans    l'espoir 
d'ouvrir  uue  nouvelle  voie  au  com- 
nierce_,  etd'obtenir   sinon  des  récom- 
penses   brillantes  ,   du  moins   l'hon- 
neur   d'une    mention   au   Bulletin. 
Lorsque  le  calme  fut  rétabli ,  Boissel 
vint  habiter  Rouen  avec  sa  famille. 
Quelque  temps  après  ,  une  partie  des 
gardes  nationales  ayant  été  mobilisée 
pour  la  défense  des  côtes,  il  entra  vu- 
lonlairemenl  dans  la  légion  de  la  Sei- 


(i)  Dn  passage  des  Mémoires  de  Slorellet,  11, 
io3,  nous  apprend  que  Monville  babitait  alors 
;<  Fonteuay  la  Liicme  maison  que  Suard.  Condor- 
cet  croyant  aller  chez  Suard  se  Uompa  de  porte 
et  vint  frapper  h  celle  de  Monville  :  un  domes- 
tique ouvrit  au  fugitif  qui  lui  demanda  s'il  (jou- 
vait  le  recevoir.  «  Hélas  '.  non,  Monsieur,  car 
mon  maître  ne  vous  aime  pas.  >i  On  voit  pnr-là 
que  Monville  désapprouvait  la  conduite  de  Con- 
dorcet  ;  mais  il  est  à  croire  cependant,  d'après 
ce  que  l'on  sait  de  son  caractère,  qu'il  n'aurait 
pas  refusé  d'aider  Coudorcet  proscrit. 


BOI 

ne-Inférieure  ,  dont  il  fut  nommé  ma- 
jor ,  et  il    reçut  eu    18 10    la  croix 
d'honneur.  A  la  restauration,  nommé 
pair  de  France  par  Louis  XVIII,  il 
se  montra  dans  celle  assemblée  parti- 
san de  toutes  les  réformes  utiles  et  de 
toutes  les    améliorations  compatibles 
avec  l'ordre  public.  11  fut  en  i  8 1 9  l'un 
des  fondateurs  de  la  société  des  pri- 
sons,   dont    le    but  est  d'adoucir  le 
sort  des  détenus ,  en  leur  procurant 
les  moyens  de  travailler  et  de  s'in- 
struire. Après  la  révolution  de  i83o, 
il  adopta  toutes  les  mesures  qu'il  crut 
nécessaires  au  prompt  rétablissement 
de  la  tranquillité  dans  Paris,  et  vota 
dans  ce  but  l'abolition  de  l'hérédité 
de  la  pairie.  Boissel  mourut  au  mois 
d'avril   i832.  A  une  grande  ardeur 
pour  l'étude   il  joignait   des  mœurs 
simples  et  uue  bienfaisance  éclairée. 
On  a  de   lui   :    I.     Voyage  pitto- 
resque   et     navigation     exécutée 
sur  une  partie  du  Rhône  réputée 
non  navigable  ;  moyens  de   rendre 
ce  trajet  utile  au  commerce  ,  paris  , 
an  III  (1796),  in-4.''.  Cette  relation, 
qu'on  lit  avec  un  vif  intérêt ,  est  ac- 
cumpagnée  de  1 7  pi.  dessinées  et  en 
partie  gravées  par  l'auteur.  IL  Des- 
cription des  atomes^  Paris  18135 
Développements,  tic,  18  i  5,  2  vol. 
iu-80.    C'est  une  nouvelle  théorie  de 
l'univers.    III.    Peut-être ,   ibid.  , 
1825  .  in-S".  Cet  ouvrage  doit  être 
considéré  comme  une  suite  du  précé- 
dent. M.  Ferry,  dont  l'opinion  est 
ici  d'un  très-grand  poids,    le  juge 
toul-a-fait  hors  de  ligne.  Ounepeut, 
dil-d,  le  comparer  a  aucun  autre.... 
aucun  livre  n'est  plus  propre,  pourvu 
qu'il  soit  bien  lu,  a  développer  les 
forces  inlellectuelles  et  a  diriger  leur 
emploi  (Voy.  la.  Revue  encyclopé- 
dique ,    XXIX,  4ii).   Toutes  les 
parties  du  cadre  immense  que  l'au- 
teur s'était  tracé  ne  sont  pas  égale- 


BOI 

meut  bien    remplies  5    quelques-unes 
de  ses  idées  manquent  de  justesse  , 
ou   sont    exprimées    d'uue    manière 
obscure  ;  mais  on  y  trouve  a  chaque 
page  Texpression  des  sentiments  les 
plus  nobles  et  les  plus  généreux.  IV. 
De   la    législation   sur   les  cours 
d'eau,  février    1818,   in-4".   Dans 
cet  opuscule  ,     l'auteur  approfondit 
plusieurs    questions   qui  intéressent 
également  l'administration,  la  juris- 
prudence et  la  propriété.      ^\ — s. 
BOISSET  (  Joseph  de  ) ,   né  a 
Montélimart,  vers   lyôo,  d'une  fa- 
mille noble ,    y  reçut  une  éducation 
Irès-superËcielle   et  adopta  ,  dès  le 
commencement    de    la     révolution , 
toutes   les   idées   nouvelles.  Nommé, 
en  septembre  1792  ,   député  du  dé- 
partement de  la  Drôme  à  la  conven- 
tion   nationale  ,     il   vota    pour    la 
mort   de  Louis  XVI ,  sans  appel  au 
peuple  et    sans  sursis  a  l'exécution. 
Cependant  il  n'était  ni  cruel  ni  san- 
guinaire; mais  essentiellement   peu- 
reux j    et  l'on   sait  que,  dans  ce  mé- 
morable procès,  plus  de  votes  furent 
dictés    par    la     peur    que    par     la 
conviction.     Dès     qu'il  fut     engagé 
dans  cette  funeste   voie  ,    Bolsset  en 
suivit    toutes   les    conséquences;    et 
sa   conduite  dans  la  révolution   s'ex- 
plique par  ce  premier  fait.  A  la  fin 
d'avril  1793  ,    envoyé  dans  le  Midi 
avec  Moïse  Bayle  ,  il  cassa  le  tribu- 
nal populaire  et  le  comité  central  de 
Marseille,  qui  leur  avaient  signifié  de 
partir  de  celte    ville  sous  vingt-qua- 
tre heures  (  Voy.  Batle  ,  LVII, 
337).  A   son  retour,   il  se  plaignit 
aux  Jacobins  de  l'iufluence  des  riches 
et  des  muscadins  dans   les  assem- 
blées des  sections,  et  proposa  de  les 
chassera  coups  de  bdlon.  Il  fut  en- 
suite commissaire  chargé  de  la  levée 
en  masse  des  Français.  Le  2  oct., 
i^l  demanda  aux  Jacobins  le  jugement 


BOI  467 

de  Brîssot  et  de  ses  co-accusés.  Le 
1 5     novembre,    la  Convention    ap- 
prouva sa  conduite  dans  le  départe- 
lement  de  la  Drôme,  et,  peu  de  temps 
après,  le  comité  de  salut  public  le  fit 
renvoyer    eu   mission  dans  le  Midi. 
En  février  1794-5  il  fut  dénoncé  aux 
Jacobins  par  la  société  populaire  de 
Nîmes,  comme  oppresseur  des  pa- 
triotes dans  le  département  du  Gard. 
Il  avait  destitué    Gourbis,  maire   de 
Nîmes  ,  dit  le  Marat  du  Midi,  ce 
que  n'approuva  point  la  Convention. 
Le  maire  fut    réintégré.   Trois  jours 
avantla chute  de  Robespierre,  Boisset 
présenta  aux  Jacobins  un  projet  sur 
la   liberté  de  la  presse    et   sur    les 
moyens  d'en  prévenir  les  abus.  Ayant 
été  envoyé    dans  le   département  de 
l'Ain  après   le   9    thermidor,    il  fut 
dénoncé  aux  Jacobins  comme  s'élant 
laissé  égarer   par  les  nobles  qu'il   j 
avait  mis  en  liberté.  Il  passa  de  la  a 
Autun  et  a  Moulins  ;  et,  en  rendant 
compte  de  ses  opérations,  après  avoir 
dénoncé  le  comité  de  surveillance  ,  il 
annonça,  comme  correctif,  qu'il  avait 
donné  la  chasse  aux  prêtres  réfrac- 
iaires.  De  retour  a  la  Convention,  il 
y  appuya  laréclamalion  des  comédiens 
français   pour   le   rétablissement    de 
leur    théâtre.   Envoyé  de  nouveau  à 
Lyon  et  dans  le  Midi,   en  1796,  il 
écrivit  que  l'esprit  de  vengeance  ani- 
mait les  Lyonnais  contre  les  terro- 
ristes qu'ils  appelaient  mathevons ; 
qu'ils  les  massacraient  dans  les  rues 
et  dans  les  prisons.   Comme  il  parut 
ensuite  fermer  les  yeux  sur  ces  excès, 
la  Convention  le  rappela.  Le  9  août, 
il   demanda  un  prompt  rapport  sur 
la  fête  du    10  août  qu'il  voulait  cé- 
lébrer. Lors  de  la  lutte  des  sections 
de  Paris  contre  la  Convention,   en 
oct.  1793  ,  Boisset  annonça  que  la 
ville  de  Lyon  avait  accepté  la  consti- 
tution et  les  décrets  pour  l'admission 

3o. 


468 


BOI 


des  deux  tiers  des  convenliouuels.  De- 
venu membre  du  conseil  des  anciens, 
il  s'y  fit  peu  remarquer  jusqu'au  18 
fructidor  an  V  (  4-  seplcmh.  1797  )  , 
et  se  joignit  daus  celte  journée 
a  la  minorité  du  conseil,  réunie  a 
l'école  de  médecine.  En  juin  1798  , 
il  fut  élu  secrélaire,  et,  peu  de  temps 
après,  il  demanda  l'urgence  sur  la 
réiolulion  assimilant  aux  émigrés 
les  individus  qui  s'étaient  soustraits 
à  la  déportation  (i).  Il  ne  fit  pas  par- 
tie du  corps  législatif  après  le  18 
brumaire  (9  novembre  1799),  et  de- 
puis ce  temps  il  vécut  retiré  à  Mouté- 
limart,  où  il  mourut  quelque  temps 
avant  la  cbule  du  gouvernement  impé- 
rial. —  Sou  Irère,  Ségiir  de  Boisset, 
qui  avait  émigré  eu  1791,  et  fait, 
au  service  de  TEspagne,  plusieurs 
campagnes  contre  la  république,  mou- 
rut a  Lvon  en  i8i4.  Z. 
BOIS  S  Y  -  D  AXGLAS 
[  le  comte  François-Antoine  di:)  , 
né  d'une  famille  protestante,  a  Saint- 
Jcan-Chaœbre,  village  du  canton  de 
Yernoux,  (départ,  de  l'Ardècbe),  le 
8  déc.  1756  ,  fit  ses  éludes  a  Anno- 
nay.  Un  goût  assez  vif  pour  les  lettres 
et  quelques  essais  le  firent  recevoir 
dans  plusieurs  académies  de  provin- 
ce. 11  ne  tarda  pas  à  se  lier  avec  deux 
de  ses  compatriotes  ,  El.  Montgolfier 
ei;  Rabaut  de  Saint-Etienne.  11  s'était 
fait  recevoir  avocat  au  parlement  de 
Paris  ;  mais  il  ne  suivit  point  la  car- 
rière du  barreau ,  et  il  acbela  une 
charge  de  maîlre-d'holel  de  MoN- 
siEVR  ("depuis  Louis  X\'III(i).  Dans 

I  II  l.eb  février  '799,  Boisseucrivail  au  diiuc- 
Ifur  Mcrlm,  en  lui  itdicssant  uv.  projet  ilc  tiiinrj'ie 
ïiatiOhah,ii.le  le  crois  assez  bien  f.iit  pour  pouvoir 
cantivei"  voire  attention.  Lisez-le,  et  si  vous  'e 
ci'ovez,  ainsi  que  moi,  susceptible  de  faire  le 
bien  de  iioti  e  république,  voyez  de  prendre  telles 
mesures  que  vous  jugerei  dans  votre  sagesse 
pour  en  faire  l'application.  «  lit  le  directeur  mit 
sur  la  lettre  cette  aprslille:  Kcuvoyé  à  Cexnmeit 
tlu  ministre   des  fiiiait.e      [pour  lui    seul).  Signe 

MrXI.111.  V VE. 

(i)  Il  i«  di'mil  de  celle  charge  eu  1791 . 


BOI 

les  premiers  mois  de  1787,  une  affai- 
re importante  l'avait  appelé  dans  la 
capitale  j  il  s'agissail  de  faire  rétrac- 
ter, sur  opposition  par  'ui  formée,  un 
arrêt  du  conseil ,  rendu  deux  ans  au- 
paravant, et  qui,  sans  que  Boissy- 
d'Anglas  eût  élé  eu  tendu,  et ,  sur  un 
faux  exposé  des  faits  et  des 
moyens,  avait  cassé  un  arrêl  du  par- 
lement de  Toulouse,  rendu  depuis  siï 
ans  en  sa  faveur.  Boissy-d'Anglas 
écrivit,  le  17  mars,  une  longue  let- 
tre a  Maleslîerbes  ,  qui ,  rentré  une 
seconde  fois  au  ministère  ,  était  déjà, 
en  relation  avec  Rabaut  et  Mont- 
golfier. Boibsy  se  disait  «  ciloyen 
«  obscur  el  ignoré  ,  cultivant  les  lel- 
«  très  mais  sans  prétention  ,  et  uni- 
«  quement  pour  le  charme  qu'elles 
«  répandent  sur  la  vie  de  celui  qui 
«  les  aime.  «  Il  se  présentait  sous 
les  auspices  d'un  de  5^5  amis  les  plus 
chers,  Etienne  Montgolfier,  el  aussi 
sous  les  auspices  deRabaul  de  Sainl- 
Etienne  qui  m'a  permis,  écrivait-il, 
de  jn  honorer  du  titre  de  son  ami, 
aux  yeux  de  Malesberbes  ,*  et  après 
avoir  beaucoup  loué  le  ministre  phi- 
losophe, il  lui  parlait  de  son  affaire  : 
«Il  s'agit,  disail-il,d'une  partie  de  ma 
fortune,  d'ailleurs  médiocre  ,  et  sur- 
tout du  repos  et  de  la  tranquillité  de 
ma  vie  entière...  J'avais  raison  au  par- 
lement sur  le  fond  :  j'ai  raison  au  con- 
seil sur  la  forme,  n  Or,  le  rapporteur 
de  sa  cause  était  le  président  de 
Boisgibault,  ami  intime  de  Maies- 
herbes.  Boissy  désirait  donc  que  Ma- 
lesberbes le  recommandât  au  rappor- 
teur, et  il  terminait  ainsi  sa  lettre  : 
K  Je  vous  prie  de  m'excuser ,  Mon- 
sieur ,  si  je  ne  vous  donne  pas  la 
qualification  qui  vous  est  due.  J'ai 
su  que  je  vous  déplairais  en  vous 
donnant  un  titre  que  vous  êtes 
assez  grand  par  vous-même  pour 
dédaigner  :  et    cette    consldéraliti» 


BOI 

seule    m'a    déterminé  a    ni  écarter 
un  instant  des  convenances.   2)  Il  y 
avait  (Icja  dans  ce  rejet  des  conve- 
nances par  le  ministre,  et  dans  l'es- 
pèce d'empressement  de  Boissy-d' An- 
glas  a  ne  pas  se  conformer  à  l'usage, 
quelque  chose  qui  sentait  l'approche 
de  la  révolution.   Dans  son  premier 
ministère  (  1776),  Malesberbes  s'é- 
tait lais!-é  donner,  par  tous  ceux  qui 
lui  écrivaient,  même  par  Vollaire  et 
p;ir  d'Aiemberl,    la  qualification    de 
monseigjieur ;  mais  ,   dans  le  court 
espace  de  douze   ans,    le   sentiment 
des  convenances  s'était    singulière- 
ment affaibli 5    et  les    hautes  classes 
l'avaient  elles-mêmes   oublié.    On  ne 
disait  plus  dans  les  salons  que  mon- 
sieur el  madame  :\ts  titres  n'étaient 
déclinés  que  par  les  laquais  ,   au  mo- 
ment où  ils  annonçaient  ;  et  ces  titres 
avaient  disparu  dans    la   suscription 
des  lettres  que  s'écrivaientles  person- 
nes du  rang  le  plus  élevé.   Cependant 
tandis  que  Boissy-d' Anglas  ne  donnait 
point  au  ministre   sa  qualification , 
il   avait    soiu   de    prendre  lui-même 
tous  les  titres  qui   lui  appartenaient, 
et  il  ajoutait  a  sa  signature  :  des  aca- 
démies de   Lyon,    de   Nimes,  de 
La  Rochelle,  etc.  Maleslierbes  s'em- 
pressa d'envoyer  a  Boissy   une   très- 
Jjoune  lettre  de  recommandation  pour 
son  ami,  rapporteur  de  la  cnuse ,   et 
l'arrêt  du  conseil  fut  rétracté.  Dès 
lors,  des  relations  et  une  correspon- 
dance  s'élablirent     entre    Malesher- 
Les  et  Boissy-d' Anglas.  A  cette  épo- 
que. Et.  Jlontgcllier  sollicitait  l'en- 
trepôt   de  tabac  d'Annonay.    Boissy 
et   Rahaud  agirent    pour   qu'il    l'ob- 
tînt. Ils  demandèrent  aussi  quelque 
bénéjice  pour    l'abbé    Montgolfier, 
second  frère  de  l'inventeur  des  aéro- 
stats ,  et  qui  exerçait  «  avec  distinc- 
tion une    charge    de    conseiller  a  la 
sénéchaussée  d'Annonay,  avec  un  re- 


BOI  l^C>() 

venu  de  moins  de  huit  ceuls  livres.» 
Ainsi,  deux    proleslanis    sollicitaient 
alors,  auprès  de  Maleshcrbcs,  et  au- 
près de   l'évêque  d'Autun  (Marbœuf), 
un  bénéfice  pour  un  prêtre  catholique. 
En  sept.  1787,  Et.  Montgolfier  avait 
annoncé,  par  une  lettre  confidentielle 
h  Malesherbes,    qu'il  venait  de  faire 
de  nouvelles   et  importanics  décou- 
vertes pour  la  direction  des  aérostats. 
On  ne   sait  pas  que  Boissy-d' Anglas 
s'était  associé  aux  travaux  et  aux  ex- 
périences des  deux  frères,  Etienne  et 
Joseph  Montgolfier.   Le  18  septem- 
bre,    il     écrivait    a     Malesherbes  • 
«  Vous  sentirez  ,    Monsieur,   a  quel 
point    on  peut  ,  sans    danger,    an- 
noncer d'avance  les  nouvelles  expé- 
riences, et  vous  distinguerez,  mieux 
que  qui  que  ce  soit,  ce  qui  ne    doit 
être  su  que  de  vous,  moTasieur,  et  ce 
qui  doit  l'èlre  de  l'administration  et  des 
savants  qu'elle  consultera;»   et  peu 
de  jours  après  il  adressa  au  ministre, 
qui   le   lui    avait  demandé ,  un  long 
Mémoire  (inédil)   sur  les  avanta- 
ges que  le  commerce  peut  retirer 
des  aérostats  (2).  On  y  voit  jusqu'à 
quel   point   ils   partageaient   l'un   et 
l'autre    les  illusions  de  Montgolfier  : 
ce  J'espère,  disait  Boissy,  démontrer 
l'utilité  des  aérostats  [pour  le  trans- 
port des  marchandises)  5»  elle  se- 
rait surtout  importante  pour  voiturer 
des  objets  fragiles    k  comme  les  gla- 
ces dont  Paris  possède  l'unique   ma- 
nufacture, objets  fragiles  et  craignant 
le  cahot  des    voitures    par  terre.  » 
Cette  utilité  s«  manifesterait  encore, 
disait-il,  pour  le    transport  des  pa- 
piers peints  et  pour  tous  les  objets 
de   luxe  que  la  capitale  fournit  aux 
provinces.   Suivent  de  singuliers  dé- 
tails sur   Vétude    des  vents,  i-t    un 


(2)  L'original  ontographe  de  ce  mémoire  et 
les  lelties  citùes,  qui  sonl  également  autogra- 
phes, appartiennent  à  l'auteur  de  tetarlicle. 


fl"/} 


BOÎ 


itinéraire  plus  singulier  encore  pour 
les  transports  du  commerce,  a  travers 
les  airs,  dans  toutes  les  parties  du 
monde. Ce  mémoire  est  terminé  par 
des  réflexions  fort  tristes  sur  l'in- 
suffisance des  moyens  pécuniaires 
des  inventeurs  pour  continuer  leurs 
expériences,  ce  qui  était  évidem- 
ment un  moyen  indirect  de  stimu- 
Ifr  le  gouvernement  et  de  l'invi- 
1er  h  faire  les  frais  de  ces  expé- 
riences. Mais  le  gouvernement  n'ac- 
corda pas  de  nouveaux  fonds  (5). 
Ainsi  les  premières  pensées  de  Bolssy 
furent  un  rêve  patriotique  ,  et  ce 
n'est  pas  le  dernier  qu'il  ail  fait  sur  le 
bonlieur  de  la  France.  Son  premier 
écrit  politique,  qui  parut  au  commen- 
cementde  1789,  le  seul  qui  ne  porte 
pas  son  nom,  a  pour  titre  :  Adresse 
au  peuple  languedocien ^pai^  un  ci- 
toyan  du  Languedoc ,  in-8°.  L'au- 
teur dit  lui-même,  eu  rappelant  cette 
production,  dans  son  Adresse  à  ines 
conciLoyens ,  (  1790  )  :  k  J'ai,  l'un 
des  premiers,  réclamé,  11  y  a  dix-huit 
mois,  contre  cette  constitution  go- 
thique, sous  laquelle  vous  gemis- 
sez.Ti — Elu  député  du  tiers-état  delà 
sénéchaussée  d'Annonay  aux  étals- 
généraux,  il  se  montra  dw  le  com- 
mencement un  des  plus  chauds  par- 
tisans de  la  cause  populaire.  Mais  il 
marqua  peu  dans  cette  assemblée  ,  oîi 
les  grands  talents  qui  brillaient  k 
la  tribune  parurent  d'abord  l'inti- 
mider. Cependant  il  se  prononça  sur 
la  nécessité,  pour  les  députés  des 
communes ,  de  se  constituer  en  as- 


(3)  Le  roi  arait  assigné,  en  1786,  soixante 
mille  livres  pour  les  frais  d'un  aérostat  ; 
mais  Montgolfier  ue  reçut  que  quarante  mille 
livres,  et  il  fut  insciit  pour  cette  dernière  som- 
me sur  le  Livre  rouge  ,  publie  au  mois,  de  mars 
1790.  Boissy  d'Anglas  fit  iinprimer,  le  10  avril , 
une  noie  pour  expliquer  que  les  quarante  mille 
livres  n'étaient  pas  une  grul'ficalion  déguisée.  Il 
trouve  que  le  gouvernemciit  a  été  ingrat  envers 
Montgolfier  ^«(>yi<'/V  ne  l'a  point  récompensé . 


BOI 

semblée  nationale,  et  il  discuta  les 
motions  faites  a  ce  sujet  par  Rabaut 
et  Chapelier.  C'est  injustement  qu'on 
lui  a  reproché  d'avoii  fait  l'apologie 
des  tristes  journées  des  3  et  6  octobre 
1789;  il  a  repoussé  cette  accusa- 
tion et  déclaré  qu'il  les  avait  flétries 
de  ce  mot  mémorable  de  L'Hôpital 
sur  la  Saint- Bar ihélemi  :  Excidat 
illa  dies  !  En  1790,  il  vota  pour 
qu'il  fût  pris  des  mesures  contre  les 
conspirateurs  rassemblés  au  camp  de 
Jalès  ,  oii  ils  organisaient  la  guerre 
civile  dans  le  Midi  •  et  il  dénonça 
comme  contre  -  révolutionnaire  un 
mandement  de  l'archevêque  de 
Vienne.  Vers  la  fin  de  cette  anne'e,  le 
vicomte  de  Beauharnais  avait  pro- 
posé de  décréter  que  le  roi  ue  pour- 
rait jamais  commander  les  armées  en 
personne  :  k  Je  vis,  dit  Boissy- 
d'Anglas ,  M.  de  Malesherbes  le  jour 
même  de  cette  proposition.  Nous  la 
discutâmes  long-temps  verbalement, 
saus  trop  nous  entendre  5  je  lui  en- 
voyai le  lendemain  quelques  obser- 
vations sur  les  principes  qui  avaient 
pu  déterminer  M.  de  Beauliarnais , 
en  les  soumettant  a  son  examen  5  y>  et 
peu  de  jours  après  Malesherbes  fit 
une  très-longue  réponse  ,  dont  la  plus 
grande  partie  était  l'apologie  de  sa 
longue  carrière  ,  comme  président 
de  la  cour  des  aides  et  comme  deux 
fois  appelé  dans  le  conseil  du  roi. 
Venant  enfin  a  l'objet  de  la  discus- 
sion, il  disait  :  «  Le  projet  de  décret 
de  M.  de  Beauharnais,  tel  que  je 
l'ai  compris ,  se  réduit  en  dernière 
analyse  a  ceci  :  //  est  dangereux 
que  le  roi  ait  un  pouvoir  sans 
bornes  f  et  par  conséquent  il  faut 
lui  ôter  toute  espèce  de  pouvoir. 
Est-il  bien  vrai  que  c'est  là  ce  que 
vous  pensez  ?  j'espère  que  non,  et 
qu'il  suffit  de  nous  expliquer.  Il  y  a 
peu    de    temps   que  j'ai  l'iioniieur 


BOl 

de  vous  connaître  :  mais  j'ai  cru  voir 
en  vous  une  vertu,  des  lumières, 
même  une  douceur  de  caractère 
qui  me  semblaient  incompatibles 
avec  de  tels  principes.  La  candeur 
est  empreinte  sur  votre  physio- 
nomie 5  vous  êtes  Tarai  de  M.  Mont- 
golfier  ,  dont  je  respecte  encore 
plus  la  vertu  que  le  génie  ,•  oui, 
monsieur,  il  faut  nous  expliquer... j  33 
et  Malesherbes  joignit  a  sa  lettre  un 
mémoire  sur  la  question  débattue. 
Boissj-d'Anglas ,  dans  une  brochure 
qui  parut  alors,  et  qui  a  pour  litre  : 
A  mes  concitoyens ,  fit  un  ma- 
gnifique éloge  des  travaux  de  rassem- 
blée constituante,  en  opposant  au  ta- 
bleau de  tous  les  abus  qu'elle  avait 
renversés  la  série  de  tous  les  droits 
qu'elle  avait  établis;  il  s'attacha  sur- 
tout ala  justifier  de  tous  les  reproches 
qui  lui  étaient  adressés,  et  montra 
l'heureux  avenir  qu'elle  ouvrait  pour 
la  France.  En  même  temps,  il  par- 
lait de  Louis  XYI  comme  du  meil- 
leur des  rois  ,  toujours  occupé  du 
bonheur  du  peuple  ,  toujours  entouré 
de  la  confiance  et  du  respect  de  la 
nation.  Boissy  déplorait  les  scènes 
sanglantes  qui  avaient  souillé  quel- 
ques journées  de  la  révolution ,  et 
il  ajoutait  :  «  Mais  je  dois  le  dire 
aussi,  dussé-je  passer  pour  barbare. . , 
la  moindre  guerre  entreprise  pour 
flatter  l'orgueil  d'un  ministre  ou  les 
caprices  d'une  maîtresse  a  fait  cou- 
ler bien  plus  de  sang  que  n'en  a  coulé 
parmi  nous  la  conquête  de  la  liberté.  33 
(On  n'était  alors  qu'en  1790.)  Il 
recommandait  l'union ,  la  confiance 
dans  l'assemblée  ,  dans  le  roi ,  dans 
les  curés  ,  classe  de  citoyens  res- 
pectable, dans  laquelle  les  Français 
trouveront,  disait-il,  des  amis,  des 
consolateurs,  des  arbitres,  v  II  y 
a  du  rêve  dans  cette  brochure  ,  mais 
c'est  le  rêve  d'un  homme  de  bien. 


BOI 


471 


Peu  de  temps  après  ,  Boissy  fit 
imprimer  un  assez  gros  volume  ,  qui 
a  pour  titre  :  Observations  sur 
f  ouvrage  de  M.  de  Galonné  ,  in- 
titulé de  /'Etat  de  la  Fbaisce  pré- 
sent ET  A  VEKiR  ;  et,  à  son  occasion, 
sur  les  principaux  actes  de  l'as- 
semblée nationale  ,  avec  un  post- 
scrit  sur  les  derniers  écrits  de 
MM.  MoTJTîiER  et  Lallt  (Paris, 
1791,  iii-8°).  C'est  le  même  fond 
d'idées  que  celui  de  la  brochure  A 
mes  concitoyens ,  avec  plus  de  dé- 
veloppements et  quelques  attaques 
un  peu  vives,  dans  le  postscrit^conire 
ses  deux  collègues  déserteurs  de 
l'assemblée  constituante,  et  qui  n'é- 
taient point  optimistes  comme  lui. 
D'ailleurs  l'auteur  dit  lui-même  . 
K  Cet  ouvrage  a  été  rédigé  avec 
beaucoup  de  précipitation,  et  l'on 
s'en  apercevra  sans  peine.  33  On 
s'en  aperçoit  en  effet.  Boissy-d'An- 
glas  fut  élu  en  1791  secrétaire  de 
l'assemblée  nationale.  Il  réclama 
contre  l'insertion  de  son  nom  dans 
un  pamphlet  intitulé  :  Liste  des 
députés  qui  ont  voté  pour  l'An- 
gleterre dans  la.  question  des  co- 
lonies,  et  il  déclara  qu'il  se  faisait 
gloire  d'avoir  voté  avec  la  mino- 
rité' qui  voulait  conserver  les  droits 
des  hommes  de  couleur.  11  s'é'eva 
dans  le  même  t^mps  contre  les  dé- 
vastations qui  affligeaient  le  comiat 
Veuaissin  ainsi  que  le  département 
de  la  Drome  ;  et  il  appuya  la 
demande  des  honneurs  du  Pan- 
théon pour  J.-J.  B-ousseau ,  dé- 
clarant que  la  crainte  de  priver  Gi- 
rardin  des  restes  de  son  ami  ne 
pouvait  être  un  motif  pour  empê- 
cher cet  acte  de  reconnaissance 
nationale.  —  Lorsque  l'assemblée 
constituante  eut  mis  fiu  k  ses 
travaux,  Boissy- d'Anglas  fut  élu 
procureur-syndic  du  département  de 


kl'>. 


BOI 


l'Ardèche.  Cette  raagistraliirc  était 
importante  clans  des  temps  devenus 
difficiles;  il  y  déploya  une  fermeté 
impartiale  et  courageuse  :  on  le  vit 
pendant  plusieurs  lieures  couvrir  de 
son  corps  la  porte  de  la  prison  d'An- 
nonaj,  lorsqu'une  force  militaire  , 
étrangère  au  pays,  voulait  la  briser 
pour  égorger  des  prêtres  catholiques 
qui,  la  nuit  suivante,  furent  rendus 
à  la  liberté  (4-).  Boissy  avait  déjà 
provoque  sur  sa  conduite  la  censure 
publique  ,  qu'il  disait  être  d'obliga- 
tion pour  les  membres  d'une  nation 
libre.  Une  brochure  intitulée  j5ow^- 
d'Anglns  à  Thomas  Raynal  (Paris, 
1792,  in-8°)  fut  regardée  comme 
une  assez  faible  réfutation  de  la  fa- 
meuse Lettre  adressée  à  Vassembléa 
nat'ionah' ,  par  le  vieux  philosophe, 
pénitent  de  ses  longues  erreurs. 
Mais  Raynal  n'avait  fait  qu'adopter 
et  signer  cette  lettre  remarquable, 
ouvrage  de  Malouet.  Au  mois  de 
juin  de  la  même  année  (1792) ,  Bois- 
sy publia  Quelques  idées  sur  la  li- 


(4)  Dans  l'hiver  de  1791  à  1792 ,  Boissy. 
<l'Anf;las  vint  à  Avignon  ou  son  caractère  con- 
ciliant ne  put  parvenir  à  rapprocher  les  esprits 
ni  à  calmer  les  passions  exaspérées  par  l'élat 
tl'incertilude  et  d'anarchie  oii  ce  malheureux 
pays  était  plongé.  Peu  de  mois  après,  le  fameux 
décret  d'amnistie  rendu  par  l'assemblée  législa- 
tive en  faveur  des  assassins  de  la  Glacière, 
Joardan,  Daprat,  Mainvielle  ,  etc.  ,  a3'ant  forcé 
plusieurs  Avignonais  de  se  dérober  par  la  fuite 
à  la  vengeance  des  tigres  déchaînés,  queli|ues- 
uns  se  trouvaient  dans  une  auberge  à  Kimes  : 
au  sortir  du  souper,  ils  fuient  assaillis  dans 
la  salle  à  manger  par  dix  on  douze  coune- 
jarrels  qui  s'étaient  donné  le  nom  de  pouvoir 
exécutif  et  qui,  armés  de  sabres  et  d'énormes  bâ- 
tons, étaient  les  séides  des  jacobins,  les  précur- 
seurs  des  septembriseurs.  Le  père  de  l'auteur  de 
cette  note  ayant  voulu  faire  drs  rejirésentations 
et  opposer  de  la  résistance,  fut  potir>uivi  au- 
tour de  la  table  o'hôte  par  les  scélérats,  et  il 
allait  être  massacré,  lorsque  lioissy-d'Anglas  , 
un  des  convives  ,  s'interposa  couragensrment 
«ntre  les  assassins  et  leur  victime,  et  sauva  ce- 
lui-ci ainsi^  que  sa  famille  et  ses  compatriotes, 
sous  la  condition  (|u'ils  quitteraiinl  Nîmes  le  len- 
deaiain  matin.  Mais  dès  la  nuit  même,  pour  les 
soustraire  à  de  nouveaux  dangers,  Boissy  les  fit 
partir  sous  l'escorte  de  quelf(*ies  gardes  natio- 
naux, ses  «mis,  A — r. 


BOI 

berté ,  la  rê\>olutlon ,  le  gouverne- 
ment républicain ,  et  la  constitu- 
tion française  (in-8°  de  4-6  pages), 
avec  cette  épigraphe  :  Nous  voulons 
l'égalité,  toute  l'égalité,  rien  que 
l'égalité.  C'est  un  recueil  de  pensées 
politiques,  souvent  empreintes  des  il- 
lusions de  cette  époque. — Trois  mois 
plus  tard,  Boissy-d'Anglas  fut  élu  dé- 
puté de  l'Ardèche  à  la  convention  na- 
tionale. Il  prit  peu  de  part  aux  pre- 
miers travaux  de  cette  assemblée  ,  et 
fut  envoyé  deux  fois  en  mission  à 
Lyon,  d'abord  avec  Yitet  et  Legen- 
dre ,  pour  rétablir  l'ordre  que  trou- 
blait la  rareté  des  subsistances  j  en- 
suite avec  Vitet  et  Alquier,  pour  assu- 
rer les  approvisionnements  de  l'armée 
des  Alpes.  Devenu  membre  du  co- 
mité de  la  guerre,  il  fit  un  rap- 
port sur  V arrestation  de  Bider- 
mann  et  jSIax-Berr,  membres  du 
directoire  des  achats  (in-S"  de 
20  pag.  )  ;  et  ,  sur  sa  proposition  , 
les  deux  administrateurs  des  vivres 
furent  mis  en  liberté.  —  Le  pro- 
cès du  roi  allait  commencer  :  Boissy- 
d'Anglas  demanda  qu'au  premier  mur- 
mure des  citoyens  dans  une  tribune, 
elle  fut  évacuée.  Mais  l'ami  de  Ma- 
lesherbes  ne  le  seconda  point  dans 
son  généreux  dévouement  pour  un 
monarque  infortuné.  «  Je  n'ai  point 
parlé  dans  la  discussion  qui  a  précédé 
le  jugement  de  Louis,  je  n'ai  pas 
même  publié  de  discours.  »  C'est  eu 
ces  termes  que  Boissy  s'exprima  lui- 
même  lorsque,  le  17  janvier  1793, 
il  prit  enfin  la  parole.  D'ailleurs  il 
avait  voté  «  pour  la  nécessité  de 
faire  ratifier  par  le  peuple  le  juge- 
ment qui  serait  rendu;  »  et,  sur  la 
question  de  la  peine  qui  serait  appli- 
quée ,  il  dit  :  ts.  Il  s'agit  moins  pour 
moi  d  infliger  un  juste  châtiment,  de 
punir  des  attcnlats  nombreux  ,  que  de 
procurer  la  paix  inférieure...  je  re- 


ROI 

Jelte  doue  l'opinion  de  ceux  qui  veu- 
lent faire  mourir  Louis...  je  vote  pour 
que  Louis  soit  retenu  dans  un  lieu 
sur,  jusqu'à  ce  que  la  paix  et  la  recon- 
naissance de  la  république  par  tou- 
tes les  puissances  pernicllent. ..  d'or- 
donner son  bannissement  hors  du  ter- 
ritoire (5).  »  Après  le  21  janvier, 
Boissj-d'Anglas  fit  imprimer  une  pe- 
tite brochure  in-8"  de  douze  pages, 
intitulée  :  De  noire  situation  pré- 
sente et  future.  En  voici  le  début: 
«  La  royauté  est  .ibolie  et  le  sang 
du  dernier  de  nos  rois  vient  de  sceller 
la  résolution  prise  par  le  peuple  fran- 
çais d'être  effacé  de  la  terre  plutôt 
que  de  n'y  pas  demeurer  libre.  » 
Et  dans  une  noie  sur  celte  pbrase  il 
disait  :  «  Je  n'ai  pas  volé  pour  la 
mort  de  Louis,  parce  que  j'ai  cru 
cette  mesure  rigoureuse  coulraire  à 
l'intérêt  national ,  et  j'ai  dit  et  im- 
primé mes  motifs  ;  f  avais  tort,  sans 
doute,    puisque   la   majorité    de   la 

Convention  a  pensé  autrement 

Loin  de  moi  toute  idée  de  séparer 
ma  responsabilité  de  celle  de  mes 
collègues....  nous  sommes  tous  soli- 
daires   envers    les    assassins  et    les 

rois et  lorsque  après  être  arrivés 

sur  la  terre  de  la  liberté,  nous  avons 
brûlé  nos  vaisseaux,  il  faut  vouer  a 
l'infamie  et  k  l'opprobre  celui  qui  au- 
rait conçu  l'espoir  de  retrouver  un 
esquif  pour  lui.  »  — Bolssy-d'Anglas 
ne  monta  point  àla  tribune  pendant  la 
lutte  qui  s'étaljlit  eutre  les  monta- 
gnards et  les  girondins,  mais  11  volait 
avec  ces  derniers.  Avant  le  3 1  mai, 
divers  plans  de  conslitulion  furent 
proposés  :  il  en  fut  publié  une  ving- 
taine par  divers  membres  de  la  Con- 
vention. Un  des  plus  singuliers  était 
celui  du  capucin  Chabol ,  un  des  plus 


(5)  Opinion  de  lîoissv-d'Anglas,  rflativcmcnt 
à  Ludis,  pronoQcée  le  17  janvier.  !)e  Vimprimc' 
ne  ndttomiU,  in-8''  de  3  pagfs. 


BOI  /,73 

raisonnables  celui  de  Bolssy-d'Anglas. 
Le  projet  du  comité  avait  été  rédigé 
parCondorcet,  etce  futCondorcetqui 
fit  le  rapport  :  mais  ni  ce  projet  ni  au- 
cuu  de  ceux  qui  avaient  élé  Imprimés 
en  grand  nombre  ne  purent  élre  discu- 
tés avant  la  révolution  du  5i  mai;  et 
l'on  sait  qu'après  celle  révolution  un 
aul-re  comité  de  conslltutiou  fut  nom- 
mé,  une  aulre  constilullon  adoptée, 
et  que  cette  constitution  ,  dite  de 
1795  ,  fut  immédialement  suspendue 
pour  faire  pince  au  gouvernement 
révolutionnaire  jusqu'à  la  paix. 
Boissy  n'avait  point  approuvé  la  ré- 
volution du  3i  mai:  il  vil  l'oppres- 
siou  de  la  représentation  nallonale  , 
et  il  écrivit  une  Lettre  au  citoyen 
TDumonts  .,  vice-président  de  l'Ar- 
déchc  ,  qui  fut  Imprimée  a  Annonay. 
Celts  lettre,  dalée  de  Paris,  le 
28  juin  1795,  exprimait  une  ver- 
tueuse indignation  qui  n'était  pas 
alors  sans  danger,  mais  qui  aurait 
eu  plus  de  retentissement  a  la 
tribune  nallonale  (6).  Peu  de 
lemps  après  l'avoir  écrite,  Boissy- 
d'Anglas  ayant  voulu  prendre  la 
parole  :  Tais-toi,  coquin ,  lui  cria 
Chabot  ,  nous  savons  ce  que  tu  as 
écrit ,  tu  devrais  être  déjà  guillo- 
tiné. Et  un  jour,  tandis  q  l'il  traver- 
sait les  Tuileries  ,  Legen'lre  ^'avau^a 
vers  lui  avec  fureur  :  Eh  bien!  scé~ 
lérat ,  dit-il  ,  tu  as  osé  dire  que  tu 
n'étais  pas  libre ,  et  cependant  ta 
voilà  ici.  —  Non  ,  répondit  Boissy - 
d'Anglns  ,  je  ne  suis  pas  libre^  car 
si  je  fêtais  ,  je  pourrais  te  répon- 
dre. C'est  ainsi  que  peut  s'expliquer 
le  silence  de  Bolssy-d'Anglas  a  la  Con- 
venlion,  pendant  toute  la  durée  de 
la  turreur.  Alors  la  parole  libre  d'un 

(6)  Cette  lettre  fut  réiin|Frimép  à  Pjiis,  en 
seize  pages,  sans  date  ,  mais  apn's  la  nvoliiliou 
du  9  thermidor.  Cette  réimpression  eut  pour  but 
de  justifier  lioissy-i!'.4ngias  sur  Sun  silence  à 
l'époqne  du  3  i  mai. 


tklk 


BOl 


honnêle  homme  n'avait  ^)our  ré- 
ponse que  réchafaud.  Boissj  était 
membre  du  comité  d'insiruclion  pu- 
blique 5  il  sigua  en  cette  qualité 
le  ridicule  rapport  fait  par  Léo- 
nard Bourdon  .sur  la  fête  de  la  cin- 
quième sans-culotide,  jour  oîi  le  corps 
de  Marat  devait  être  transféré  au 
Panthéon.  Le  i3  février  lypi, 
il  adressa  a  la  Convention  ,  au  nom 
du  comité ,  Quelques  idées  sur 
les  arts ,  sur  la  nécessité  de  les 
encourager ,  sur  les  institutions 
qui  peuvent  en  assurer  le  perfec- 
tionnement ,  et  sur  divers  établis- 
sements nécessaires  à  renseigne- 
ment public.  La  Convention  ordonna 
l'impression  de  cet  écrit ,  ainsi  que 
celle  des  Courtes  observations  que 
Boissy  présenta  le  i8  avril  suivant , 
au  nom  du  même  comité,  Sur  le 
projet  de  décret  concernant  le 
dernier  degré  d^ instruction.  Ce 
fut  vers  cette  époque  ,  qui  semble- 
rait d'abord  assez  mal  choisie ,  que 
Boissy  publia  sou  Essai  sur  les  fê- 
tes nationales ,  suivi  de  quelques 
idées  (déjà  imprimées) ,  sur  les  arts 
et  sur  la  nécessité  de  les  encoura- 
ger, adressé  à  la  Convention  natio- 
nale (an  II,  in-8°  de  192  pag.). 
Boissy  loue  l'institution  des  fêtes  dé- 
cadaires, consacrées  a  la  fraternité, 
a  la  bienfai.-ance  ,  au  malheur,  h  la 
naissance  ,  au  mariage  ,  a  l'agricul- 
ture ,  etc.  5  il  voudrait  qu'aux  funé- 
railles ,  des  chants  lugubres ,  tels 
qu'en  invente,  dit-il,  le  génie  de 
Gossec,  conduisissent  les  citoyens  au 
centre  même  de  cette  enceinte  où 
l'ambition  vient  s'anéantir.  «  Je  vou- 
drais ,  ajoute-t-il ,  qu'»/z  arrêt  solen- 
nel sefit  entendre  surchaque  tombe 
au  moment  oii  elle  devrait  se  re- 
fermer pour  jamais.  J'appellerais 
la  censure  la  plus  rigoureuse  envers 
toutes  les  mémoires  ,  afin  qu'une  pro- 


BOl 

scription  morale  fut  aussitôt  pronon- 
cée contre  celle  qui  devrait  être  dés- 
héritée de  l'estime  des  gens  de  bien.» 
Il  croit  que  le  règne  des  rois  va  finir  sur 
la  terre  :  k  Qu'importe  la  vie  des  rois  ? 
Qu'importent  les  tyrans  et  leur  mé- 
moire? bientôt  la  terre  en  sera  déli- 
vrée ,  et  il  ne  restera  plus  d'eux  que 
le  souvenir  de  leurs  crimes.  33  II  veut 
ce  qu'il  appelle  la  démocratie  de  la 
mort  comme  le  complément  néces- 
saire de  la  démocratie  politique. 
Il  parle  avec  éloge  du  discours  de 
Robespierre  sur  le  rapport  des  idées 
religieuses  et  morales  avec  les  prin- 
cipes républicains:  «Il  ne  me  semble 
pas ,  dit-il ,  qu'on  puisse  rien  ajouter 
aux  principes  de  celte  morale  bien- 
faisante et  sainte  qui  y  sont  déve- 
loppés avec  tant  de  charmes,  et  qu'un 
homme  de  bien  ne  rencontre  jamais 
sans  les  adorer,  sans  les  bénir.... 
Robespierre  parlant  de  l'Elre-Su- 
prême  au  peuple  le  p'us  éclairé  du 
monde,  me  rappellait  Orphée  en- 
seignant aux  hommes  les  premiers 
principes  de  la  civilisation  et  de  la 
morale,  et  j'éprouvais  un  plaisir  in- 
concevable. »  Mais  quoique  ce  livre 
soit  empreint  de  la  couleur  du  temps, 
et  qu'on  y  voie  un  des  esprits  les 
plus  sages  de  la  Convention  mutilée 
atteint  de  cette  fièvre  révolutionnaire 
dont  aucun  ami  de  la  liberté  n'était 
alors  exempt ,  il  faut  dire  que  VEssai 
sur  les  fêtes  nationales  semble 
avoir  été  rédigé  pour  ramener  k 
des  idées  plus  calmes ,  à  des  senti- 
ments humains  un  peuple  que  les 
factions  emportaient  avec  tant  de  fu- 
reur dans  tous  les  excès.  —  La  ré- 
volution du  9  thermidor  était  enfin 
venue,  et  Boissy -d'Auglas  allait 
commencer  une  carrière  législative 
pleine  de  mouvement  et  d'action. 
Il  fut  élu  secrétaire  de  la  Convention 
nationale,  le  7  octobre  1794.  Voici 


BOI 

quels  furent  ses  principaux  travaux 
législatifs  :  car  leur  série  complète 
serait  trop  considérable  dans  cet  ar- 
ticle. En  novembre  1794  (brumaire 
an  III)  ,  il  fait  un  Rapj)ort  sur  le  ly- 
cée républicain  et  sur  les  encoura- 
gements h  donner  a  ses  travaux  (in- 
8°  de  8  pag.).  Il  appuie  la  de- 
mande faite  par  David,  arrêté  k  la 
suite  des  événements  de  thermidor,  . 
d'être  gardé  dans  son  domicile  pour 
Y  Ëuir  un  tableau.  Le  i5  déc.  (26 
frimaire),  il  est  nommé  membre  du 
comité  de  salut  public  :  il  demande 
des  mesures  contre  les  prêtres  qui 
troublent  le  département  de  l'Ar- 
dèche  ;  il  dénonce  le  honteux  gaspil- 
lage des  domaines  nationaux.  Prin- 
cipalement chargé  dans  le  comité  de 
salut  public  de  fa  partie  des  subsis- 
tances et  de  l'approvisionnement  de 
Paris,  il  rassure,  avec  trop  d'impré- 
voyance, la  Convention.  Il  vote  en 
faveur  de  la  levée  du  séquestre  mis 
sur  les  biens  des  étrangers  5  puis  il 
annonce  encore,  en  prenant  son  vœu 
pour  la  vérité,  que  les  subsistances  de 
Paris  sont  assurées  5  et  il  fait  un 
rapport  k  ce  sujet.  Le  27  déc.  1794-5 
il  prononce  un  Discours  sur  les 
principes  du  gouvernement  et  sur 
les  bases  du  crédit  national  (m-8° 
de  23  p.).  Un  peu  plus  tard  il  parle 
avec  étendue  sur  les  conditions  aux- 
quellesla  France  doit  traiter  avec  les 
puissances  étrangères  ;  et  il  fait  un 
nouveau  rapport  suc  les  subsistances. 
Il  discute  le  traité  de  paix  conclu  avec 
la  Toscane 5  il  lit,  le  3o  janvier 
1795  (11  pluviôse)^  un  Discours 
sur  les  véritables  intérêts  de  quel- 
ques-unes des  puissances  coali- 
sées ,  et  sur  les  bases  d'une  paix 
durable.Y.Q  2 1  février,  il  lit  encore  un 
Discours  sur  la  liberté  des  cultes  j 
et  le  28,  il  fait  un  nouveau  Rap- 
port   sur  l'état    actuel   des    sub' 


Boi  475 

slstanccs  de  Paris.  Un  décret  or- 
donne que  ce  rapport  soit  imprimé 
de  suite ,  affiché  et  envoyé  le  soir 
aux  quarante-huit  sections ,  pour 
que  la  lecture  en  soit  J'ai  te  dans 
leurs  assemblées.  En  même  temps 
l'insertion  est  ordonnée  au  Bulletin 
delà  Convention.,  qu'on  imprimait 
en  placard  d'affiche  ,  et  aussi  in-8°. 
On  voit  par  ce  rapport  que,  malgré 
qnarante-cinq  jours  de  la  gelée  la 
plus  rigoureuse  ,  qui  avait  fermé  tous 
les  arrivages  par  eau  et  rendu  les 
routes  de  terre  impraticables  aux 
voitures ,  que  quoique  tous  les  mou- 
lins parussent  devoir  être  enchaînés 
par  le  froid,  on  avait  cependant 
fait  entrer  a  Paris  ,  à  travers  tous 
les  obstacles ,  et  livré  k  la  consom- 
mation six  cent  mille  quintaux  de 
farine;  que  la  distribution  journa- 
lière qui,  avant  1789,  était  de  quin- 
ze cents  sacs  ,  avait  été  ,  la  veille 
du  rapport,  de  deux  mille  cent  dix- 
huit.  Boissv-d'Anglas  voit  dans  l'in- 
quiétude de  la  population  ,  dans 
les  attroupements  devant  la  porte 
des  boulangers  un  complot  des 
malveillants  de  l'intérieur  ;  il  accuse 
aussi  les  émigrés  et  le  ministère  an- 
glais. Cependant  il  convient  que  le 
moment  actuel  est  le  plus  difficile; 
mais,  dit-il ,  «  déjà  des  navires,  pré- 
curseurs de  beaucoup  d'autres,  ar- 
rivent au  Havre  ,  k  Dunkerque  5  déjà 
tous  les  points  de  l'univers  s'apprê- 
tent k  effectuer  leurs  promesses. . .  On 
sera  surpris  un  jour,  quand  il  sera 
possible  de  le  dire,  de  l'immensité 
des  moyens  mis  en  œuvre  pour  ap- 
provisionner la  république,  des  sa- 
crifices immenses  faits  par  la  na- 
tion. 3)  Il  annonce  que  «  dans  ce 
moment ,  six  représentants  du  peuple 
sont  dans  les  départements  affectes 
aux  approvisionnements  de  Paris, 
pour  activer  le  versement  des  grains 


470 


BOI 


etfaciliter les  réquisitions... Non,  s'é- 
crie-t-il  ,  Paris  ne  manquera  pas, 
pourvu  que  Paris  soit  tranquille....» 
Il  y  avait  bien  quelque  contradiction 
entre  les  assertions  et  les  faits. 
Ce  rapport  annonçait  que  la  distri- 
bution de  la  veille  avait  été  de  deux 
mille  cent  dix-huit  sacs  de  farine  ;  et 
cependant  on  ne  délivrait  a  chaque  in- 
dividu ;,  muni  d'une  carte  de  la  sec- 
tion, que  quelques  onces  de  pain  et 
quelques  onces  de  riz:  encore  fallait- 
il  faire  queue ,  toute  la  nuit ,  a  la 
porte  des  boulangers.  Les  restaura- 
teurs avaient  leurs  tables  servies  com- 
me a  l'ordinaire  ,*  mais,  a  ces  ta- 
bles publiques ,  comme  aussi  chez 
leurs  amis  ,  les  dîneurs  devaient 
apporter  leur  pain.  —  Boissy-d'An- 
glas  avait  déjà  fait  d'autres  rap- 
ports sur  les  subsistances  et  sur  les 
troubles  dont  elles  étaient  la  cause 
ou  le  prétexte.  Il  avait  dénoncé  l'a- 
giotage ,  proposé  de  rouvrir  la 
bourse  (7)  ,  et  fait  décréter  le  mode 
de  distribution  des  comestibles  j  il 
avait  fait  une  motion  d'ordre  sur  les 
dangers  que  courait  la  liberté,  atta- 
quée par  le  royalisme  et  l'anarchie. 
Dans  d'autres  séances,  car  il  montait 
presque  tous  les  jours  a  la  tribune  ,  il 
avait  discuté  le  projet  des  attributions 
a  donner  au  comité  de  salut  public  5 
il  avait  proposé  de  décréter  l'annula- 
tion des  jugements  rendus  par  les  tri- 
bunaux révolutionnaires,  depuis  le 
22  prairial,  la  révision  des  jugements 
antérieurs,  la  suspension  de  la  vente 
des  biens  des  condamnés,  et  demandé 
des  indemnités  pour  ceux  qui  avalent 
été  vendus.  «La  justice,  s'écriait-il, 
voila  notre  devoir,  voila  noire  force; 
les  siècles  passent  et  s'anéanlissent...: 
la  justice  seule  demeure  et  survit  a 

(7)  Rapport  et  projet  de  décret  sur  le  rétablisse- 
ment de  lu  Bourse,  fait  le  i3  ventôse  (3  mars 
'795  },  in-8'  de  7   pages. 


BOI 

toutes  les  révolutions.  »  Il  avait  pré- 
senté une  adresse  pour  calmer  les  in- 
quiétudes du  peuple  sur  les  subsis- 
tances 5  il  avait  demandé  l'envoi,  par 
des  courriers  extraordinaires  ,  de  la 
loi  de  grande  police  pour  prévenir  les 
excès  dont  on  était  menacé  sur  tous 
les  points  de  la  république;  il  avait  de 
nouveau  exposé  les  entraves  apportées 
a  l'arrivage  des  subsistances ,  les  me- 
sures prises  pour  les  lever  et  annonce' 
que,  le  jour  même  où  il  parlait,  sept 
cent  quatorze  mille  livres  de  pain 
avaient  été  distribuées  dans  Paris  : 
enfin  les  nombreux  rapports  de  Boissy 
sur  les  subsistances,  et  ses  assertions 
qu'elles  étalent  assurées  quand  le 
pain  manquait  partout ,  lui  avaient 
fait  donner  par  le  peuple,  et  dans  les 
pamphlets  du  temps,  le  sobriquet  de 
Boissy-F aminé  ,  lorsque  la  journe'e 
du  12  germinal  an  III  (i*^"" avril  179 5) 
commença  la  renommée  historique  de 
Boissy-d'Anglas.Il  était  a  la  tribune,' 
11  avait  commencé  un  rapport  sur  le 
svstème  de  l'ancien  gouvernement 
dans  la  partie  des  subsistances.  Sou- 
dain^ dans  la  salle  où  la  Convention 
siégeait  auxTulleries,  déborde  comme 
im  torrent  une  populace  ivre  et  dés- 
ordonnée, précédée  de  sales  drapeaux 
en  guenilles,  hurlant  et  vociférant: 
L,a  constitution  de  1790  et  du 
pain'.  Tous  les  bancs  des  députés 
sont  envahis  ,  la  terreur  règne  dans 
l'enceinte  où  elle  s'était  organisée  , 
et  plus  d'un  visage  a  pâli.  Boissy- 
d'Anglas  reste  impassible  a  la  tribune: 

toute  délibération  est  suspendue 

Enfin  ,  le  bruit  des  tambours  battant 
la  générale  domine  et  fait  taire  les 
clameurs  de  la  multitude.  Le  son 
lugubre  du  tocsin  ,  placé  depuis  trois 
jours  dans  le  pavillon  de  l'Horloge, 
(qu'on  appelait  alors  pai'illon  de 
rUnité),est  entendu  :  l'eifroi  se  ré- 
pand dans  la  foule  ameutée,  elle  s'é- 


BO 

cliappe  par  loutes  les  issues,  el  dispa- 
raît sabilemenl  :  Boissy  reprend  tran- 
quillement son  rapport ,  et  i'assem- 
ble'e  ,  qui  s'étonne  et  qui  admire,  a 
repris  elle-mèine  le  cours  de  ses  dé- 
libérations avec  un  calme  digne  des 
temps  antiques.  Un  décret  prononce 
la  déportation  de  CoUol-d'Herbois , 
deBarère,  de  Billaud-Yarenne  et  de 
\  adier  ;  uu  autre  décret  met  en  arres- 
tation Amar,  Choudieu ,  Léonard 
Bourdon  ,  avec  cinq  autres  conven- 
tionnels montagnards  ;  et  par  un 
troisième  décret ,  Pichegru  est  nom- 
mé général  eu  chef  de  la  garde  na- 
tionale parisienne.  Six  jours  après, 
Eoissj  -  d'Anglas  fut  élu  64.'^  prési- 
dent de  la  Convention.  C'est  à  cette 
époque  que  Chazal  proposa  de  faire 
choix ,  pour  gouverner ,  de  vingt- 
quatre  membres  qui  ne  pourraient 
siéger  à  la  Convention  pendant 
l'exercice  de  leur  pouvoir.  Sans  ap- 
puyer celle  proposition,  Boissy  en  fit 
ordonner  le  renvoi  aux  comités.  Il 
reclama  une  mesure  générale  en  fa- 
veur des  conventionnels  comme  ayant 
été  absents  a  deux  appels  nominaux  en 
1793.  Le  18  avril  (29  germinal), 
Boissy  fut  nommé  membre  de  la  com- 
mission des  onze,  chargée  de  la  con- 
fection des  lois  organiques  de  la 
constitution  (8).  Le  3o  ventôse  (20 
mars  1795  ),  il  prononça  un  Dis- 
cours sur  la  nécessité  d'annu- 
ler et  de  re viser  les  jugements 
rendus  par  les  tribunaux  révo- 
lutionnaires,  et  de  rendre  auxj'a- 
milles  des  condamnés  les  biens  con- 
Jisqués  par  ces  jugements  ;  le  len- 
demain, W'àiuacmotion  d'ordre  con- 
tre les  terroristes  et  les  royalistes. 


(8)  Les  auires  membres  de  cette  comiuission 
t'tiiicnt  :  Caïubacérès,  Mciliii,  «le  Douai  ;  Sieyès, 
Thibciiudcau,  La  Kcvi-illere-Lépcaux ,  Le:>age 
d'Eure-c!-Loii-,  Creuzé-Lalouche  ,  Louvel,  du 
Loiret;    i'cilier     et   Uaunuu. 


BOI 


A77 


— Cependant  les  chefs  cachés  de  l'é- 
meute du  12  germinal  n'y  avaient  vu 
qu'un  coup  manqué,  qu'iuie  révolution 
avortée,  et  ils  avaient  arrêté  de  mieux 
prendre  leurs  mesures.    Le  i''"'  prai- 
rial (20  mai  1795)  fut  le  jour  mar- 
qué pour  cette  nouvelle  tentative.  Les 
mêmes    instruments     et    les    mêmes 
moyens    sont    employés  ;  une    foule 
immense  ,  armée  de  toutes  pièces,  et 
où  figurent  tous  les  sexes  ei  tous  les 
âges,    se    précipite,    en   grossissant 
toujours  ,   des   faubourgs    Saint- An- 
toine et  Sainl-Marceau,  vers  les  Tui- 
leries, poussant  d'horribles  clameurs, 
et  prête  a  tous  les  excès.  Elle  s'est 
recrutée  ,  sur  son  passage,  de  tout  ce 
que  Paris  renfermait  alors  d'individus 
faciles  à  entraîner   au  désordre,   au 
meurtre  et  au  pillage.  La  salle  de  la 
Convention  est  de  nouveau  envahie  5 
les  forces  du  pre'sident  Vernier  sont 
bientôt  épuisées,  il  descend  du  fau- 
teuil ^  André  Dumont  le   remplace  , 
comme    ancien   président    :    mais   il 
sort  bientôt  de  la   salle  au   bruit  du 
tumulte  croissant.  Boissy-d'An^^las  , 
appelé    par    tes    collègues,     monte 
au    fauteuil,    s'assied   et  se   couvre. 
Soudain  les  cris  de  mort  retentissent 
contre  luij  son  visage  est  calme  el 
son  regard  sans  trouble  j  il  voit  le 
fer  levé  sur  sa  tèle  ,   les  fusils  diri- 
gés contre  lui;    il  u'est  point  ému. 
Son  collègue  Kervélégan  est  atteint 
sous  ses  yeux  ,  el  près  de  la  tribune  , 
de  plusieurs  coups  de  sabre  :  le  pré- 
sident est  immobile.  Le  reorésenlant 
Féraud  vient  d'être  égorgé  ;  5a  tête  , 
placée  au  bout  d'une  pique  ,  prome- 
née dans  la  salie  ,  s'arrête  en  face  du 
président  :  le  président  se  lève,  se 
découvre  et  la  salue  religieusement  : 
ni  les  hurlements  de  l'émeute ,  ni  les 
menaces  des  égorgeurs  ,  ni  les  piques 
dirigées  sur  sou  sein  ,  ne  peuvent  le 
décider  a  abandonner  son  siège.  Cet 


A78 


BOI 


exemple  héroïque  empêche  ses  col- 
lèsues   de   déserter  une  enceinle  où 
Tanarchie    est    près    de    triompher. 
Quelques  orateurs    de  la  montagne 
demandent ,    en  vociférant ,  le  réta- 
blissement  de    toutes    les   lois    ré- 
volutionnaires ,      l'arrestation      des 
membres  des  comités   de  gouverne- 
ment ,    l'élargissement   du   tous  les 
détenus  depuis    le    9    thermidor  ,  le 
rappel  de  Barèrc  ,  CoUot  et  Billaud  , 
des  visites  domiciliaires ,  la  ferme- 
ture des  barrières,  etc. ,  etc.  Boissy 
semble  ne  rien  voir  et  ne  riei.  enten- 
dre: son  immobilité  frappe  la  multi- 
tude étonnée...  C'était  le  malin  qu'a- 
vait commencé  le  tumulte  5   déjà  la 
uuit  était  venue,  les  sections  s  étaient 
enfin  réunies  5  la  générale  bat  ail,  le 
tocsin  retentissait  dans  les  ténèbres  j 
enfin  on  entend,  de  la  salle  envahie, 
le   bruit  du  pas  de  charge ,    et  celte 
populace  révoltée,  déjà  lasse  de  ses 
excès  et  de   ses  crimes  impuissants  , 
saisie    d'une     épouvante     soudaine , 
prend  la  fuite  ,  se  disperse  et  s'éva- 
nouit en  un  moment.  A  onze  heures 
du  soir ,    la  Convention    peut   déli- 
bérer,  et  elle   ordonne  l'arrestation 
de  Romme ,  Duquesnoy,  Prieur  de 
la  Marne,  Bourbolte,  Goujon,  Sou- 
branj,Duroy,  Albitle  l'aîné,  Fayau, 
Rhul ,  Pinet,  Borie,  Peissard  et  Le- 
carpenlier  de  la  Manche.  Le  lende- 
main, lorsque  Boissy-d'Anglas  entra 
dans  la  salle  ,  il  lut  salué  par  des 
cris    unanimes    d'enthousiasme  :    il 
venait  de  conquérir  dans  une   seule 
journée  la   gloire  de  toute  sa  vie.  Il 
fit  part  de  plusieurs  traits  de  dévoue- 
ment dont  il  avait  été  témoin  dans 
cette  hideuse  et  sanglante  journée  , 
et  des  remercîmeuts  lui  furent  votés 
par  J.-B.  Louvet,  au  nom  de  la  pa- 
trie. Boissy-d'Anglas  a  souvent  ra- 
conté  à    sa   fan.ille   et   k    ses   amis 
qu'un  jeune  honime  assez  proprement 


BOI 

mis  s'était  au  plus  fort  de  l'émeute 
approché  de  lui ,  et  lui  avait  dit  ironi- 
quement et  a  voix  basse  :  a  Eh  bien  , 
M.  de  Boissy,  croyez-vous  que  ce 
peuple  mérite  la  liberté  que  vous 
vouliez  lui  donner?  3)  Boissy  allait 
répoudre ,  mais  l'inconnu  avait  déj'a 
disparu ,  et  depuis  il  n'en  a  plus 
entendu  parler.  La  France  et  l'Eu- 
rope admirèrent  la  vertu  héroïque  de 
Boissy-d'Anglas,  et  ce  courage  ci- 
vil qui  s'élève  bien  au-dessus  du  cou- 
rage guerrier,  ce  Piien  ne  peut  être 
placé  (disait  a  la  Chambre  des  pairs 
M.  le  marquis  de  Pastoret  en  1827), 
même  dans  la  vie  d'un  tel  homme , 
a  côté  d'une  si  grande  action,  si 
grande  par  ses  résultats  et  par  tout 
ce  qu'elle  sUj'pose  d'intrépidité,  w  — 
Boissy-d'Anglas  continua  de  monter 
souvent  a  la  tribune.  11  avait  él« 
nommé  rapporteur  de  la  commission 
des  onze,  chargée  de  présenter  un 
nouveau  projet  de  constitution.  Le 
23  juin  1795  (5  messidor  au  IU),il 
fit  son  rapport  qui  fut  imprimé  sous 
le  titre  de  Discours  pvcliniinaire 
au  projet  de  constitution  ^  (in-8° 
de  65  pages),  et  réimprimé  entête 
du  projet.  Ce  discours  était  ainsi  ter- 
miné :  K  Si  le  peuple  se  livre  encore 
au  démagogisrae  féroce  et  grossier, 
s'il  prend  encore  des  Marat  pour  ses 
amis,  des  Fouquier  pour  ses  magis- 
trats, des  Chaumette  pour  ses  muni- 
cipaux ,  des  Henriot  pour  ses  géné- 
raux ,  des  Vincent  et  des  Rcnsiu  pour 
ses  ministres  ,  des  Robespierre  et  des 
Chalier  pour  ses  idoles  ;  si  même,  sans 
faire  des  choix  aussi  infâmes  ,  il  n'en 
tait  que  de  médiocres,  s'il  n'élit  pas 
exclusivement  devrais  et  franns  répu- 
blicains ,  alors  nous  vous  le  déclarons 
soleuncUeraent,  et  a  la  France  entière 
qui  nous  écoute,  tout  est  perdu  :  le 
roytdisme  rep.end  son  audace ,  le 
terrorisme  %ts  poignards ,   le  fana- 


BOI 

lisme  ses  torches  incendiaires ,  1  in- 
trigue ses  espe'rauces  ,  la  coalilion  ses 
plans    destructeurs  ;    la   liberté    est 
anéantie  ,  la  république  renversée  , 
la   vertu  n'a  plus  pour  elle  que  le 
désespoir  et  la  mort ,  et  il  ne  vous 
reste  plus  a  vous-mêmes  qu'a  clioisir 
entre  l'échafaud  de  Sidney,  la  ciguë 
de  Socrate  ou  le  glaive  de  Citon.  » 
Les   applaudissements  les  plus  vifs 
furent  donnés  a  l'orateur.  La  Con- 
vention décréta  l'envoi  de  ce  discours 
a  toutes   les  communes  de  la  répu- 
blique et  aux  armées.  Dix  jours  après 
(3  juillet) ,  Boissy  entra ,  une  seconde 
fois ,  au  comité  de  salut  public  j    le 
lendemain,  la  discussion  s'ouvrit  sur 
le  projet  de  constitution.  Lanjuinais, 
Daunou  ,    Cambacérès  ,    Grégoire  , 
d'autres  encore  parlèrent  sur  la  ré- 
daction de  la  déclaration   des  droits. 
Dans  les  séances  suivantes  ,  Tliomas 
Payne,  La  RévelUère-Lépaux ,  Ber- 
lier,  Eschasseriaux,  Dubois-Crancé, 
Defermou  ,  Jean  Debry,  Tbibaudeau 
et   un  grand   nombre    d'autres  pri- 
rent part  à  la  discussion  qui  se  pro- 
longea  pendant  près  de  deux  mois, 
et  dans  laquelle     Boissy  -  d'Anglas 
fut  souvent  entendu.  Le   i3   août, 
la   déclaration  des    droits    et   celle 
des    devoirs    furent    adoptées.     Le 
i4,   Biissy  fit  décréter  les  articles 
constitutionnels  qu'il  avait  présentés 
sur  les  colonies  (9).  Eufiu,le  17  août 
1795,   on  acheva  la  lecture  de   tous 
les  articles  de  la  conslilution,  et  le 
vote  définitif  de  l'adoption  fut  long- 
temps suivi  des  cris  de  vive  la  répu- 
blique! Tel  fut,  au  milieu  de  trou- 
bles incessants, du  procès  de  l'exécra- 
ble Joseph  Lebon  ,  du  décret  d'arres- 


(9)  Boissy  avait  fait ,  à  la  séance  du  3  août  . 
un  rapport  sur  les  moyens  de  rendre  les  colo- 
nies llurifsanles  et  libres.  Il  fit  décréter  qu'elles 
seraient  régies  par  la  nouvelle  constitution,  et 
suivant  les  lois  de  la  république. 


BOI 


479 


talion  de  dix  autres  députés  (lo),  du 
déplorajjle  événement  de  Quiberon , 
de  l'emprunt   d'un   milliard ,  tel  fut 
l'enfantement  pénible  de  cette  con- 
stitution dite  de  l'an  IIL  Elle  établit 
le  directoire  exécutif,  les  deux  com- 
seils  des  cinq-cents  et  des  anciens  j 
et  ,    après  quelques  années  de  com- 
plots, de  discorde  au  dedans  et  d'une 
gloire  extérieure  par  les  armes ,  qui 
a\  ait  pâli  en  1799,  elle  traîna  la  répu- 
blique jusqu'à  la  fameuse  révolution 
du  i8  brumaire,  où  elle  périt  par  le 
sabre  d'un  soldat.  —  PeudaLt  la  dis- 
cussion des  articles  de  son  projet  de 
constitution,   Boissy  fit  (19  juillet) 
une  motion  d'ordre  sur  les  mouve- 
ments qui  avaient  lieu  à  Paris,  et  il 
les  attribua  au  cabinet  de  Londres, 
qui  usait,   dit-il,    de   ses   dernières 
ressources.  11  l'accusa  encore  d'avoir 
provoqué  les  crimes  de  prairial ,  di- 
rigé les  massacres  dans  le  Midi  j  et 
il  s'écria  :  «  Non ,  vous  ne  voulez  point 
rétablir  la  terreur!  »  (Vifs  applaudis- 
sements), et  Legendre  lui-même  dit 
d'une  voix  forte  :  «Pas  plus  de  terreur 
que  de  roi  !  pas  plus  de  roi  que  de 
jacobins!   »    Boissy  reprit   son   dis- 
cours ,  et  fit  adopter  un  décret  por- 
tant que  les  comités  de  gouvernement 
présenteraient  un  rapport  sur  la  si- 
tuation de  Paiis,  et  qu'il  serait  fait 
une  adresse  a  ses  habitants  pour  les 
éclairer  sur  les  pièges  dont  on  les 
environnait.  Cette  adresse  fut  rédigée 
par  Cbénier,  etlaConvention  ordonna 
l'envoi  du  rapport   et  de    l'adresse 
aux  départements  et  aux  armées. 
Le    12    août,    parlant  au   nom  des 
comités  de   salut  public ,   de  sûreté 
générale    et   de    législation,   Boissy 
avait   fait    adopter   l'ordre  du  jour 
sur  la  proposition:  d'ordofiner  la  clô- 


(10)  Lequinio,  Laneau,  Ltfiot ,  Diipin,  Bô, 
Piorry,  Massicu  ,  Chaudron  -Rousseau,  La- 
planche  et  Fouché,  de  Mantes. 


48o  BOI 

ture  des  assemblées  géne'rales  des 
i|uarante-luiit  seclions  de  Paris,  qui 
remplissaient  une  partie  des  fonctions 
municipales.  Ce  fut  nue  faute:  l)ien- 
tôl  après  ,  la  plupart  de  ces  sections 
raarclièrent  en  armes  contre  la 
Convention  ;  et ,  dans  la  fameuse 
jouruée  du  i5  vendémiaire,  la  repu- 
blitjue,  telle  que  Boissy-d'Aiiglas  la 
voulait,  fut  gravement  comprouiise. 
Il  avait  communiqué  la  ratiticalion 
donnée  par  le  roi  de  Prusse  au  traité 
de  Bàle,  et  démenti  le  bruit  que  la 
république  dut  abandonner  k  ce  mo- 
narque les  places  fortes  de  la  Bala- 
vie  et  de  la  Zélande  j  il  avait  tait  or- 
donner au  comité  de  sûreté  générale 
de  rendre  compte,  sous  vingt-quatre 
heures ,  de  Texéculion  du  décret 
pour  la  mise  eu  jugement  de  l'ex-mi- 
nistre  Boucholte  ,  de  l'cx-maire  de 
Paris  Pache  ,  et  de  l'ex-général  en 
chef  dans  la  Vendée,  Rossignol  ^  il 
avait  défendu  Massieu ,  Fouché , 
Cavaigoac,  et  demaudé  que  la  Con- 
vention se  bornât  a  examiner  les  dé- 
nonciations portées  contre  llenlz  , 
Noél-Poiule  et  Francastel.  Enfin  , 
depuis  1789,  la  France  n'a  point 
eu  de  législateur  qui,  dans  le  court 
espace  de  quinze  mois  ait  montré 
une  activité  comparable  a  celle  que 
déploya  Bolssy-d'Anglas  depuis  la 
révolution  de  thermidor  jusnu'a  la 
fin  de  la  session  conventionnelle  (26 
ocl.  1795).  Le  ^5  août,  il  pro- 
nonça un  Discours  sur  la  situation 
intérieure  et  extéi^ieure  de  la  ré- 
publique. Il  communiqua  a  la  tri- 
bune ,  au  nom  du  comité  de  salut 
public ,  et  peu  de  jours  après  (  4 
tept.  )  il  fit  ralifier  le  traité  de  paix 
entre  la  république  et  le  landgrave 
de  Hesse  -  Cassel.  Il  fil  charger  le 
comité  d'instruction  de  présenter  la 
liste  des  Français  auxquels  la  re- 
connaissance   nationale    devait    des 


BOI 

statues ,  et  il  en  demanda  pour 
Fénélon,  Corneille,  Racine,  Yol- 
taire,  J.-J.  Rousseau  et  BufFon , 
dont  il  s'étonnait  de  ne  pas  trouver 
les  images  dans  les  places  publiques. 
Le  22  seplembre,  il  proposa,  a  la 
suite  d'une  motion  d'ordre  ,  de  char- 
ger le  comité  d'instiuction  publique 
de  présenter,  dans  deux  jours,  le 
plan  d'une  fête  anniversaire  de  la 
fondation  de  la  république  ,  ayant  en 
même  temps  pour  objet  d'honorer  la 
mémoire  des  représentants  du  peuple 
et  de  tous  les  citoyens  assassinés  par 
la  tyrannie  décemvirale.  Guyomard 
demanda  la  dirision  ,  ne  croyant  pas 
que  l'on  dût  rire  et  pleurer  dans  le 
même  jour,  et  la  proposition  fut  ren- 
voyée au  comité  d'instruction  pu- 
blique (11).  Dans  la  séance  du  2.S 
sept.  1793.  Fioissy  se  réunit  a  Gou- 
pilleau  et  à  Jean  Debry,  pour  solli- 
citer une  loi  contre  les  journalistes 
incendiaires.  Ce  fut  quelques  jours 
après  la  sanglautc  journée  du  i3  ven- 
démiaire ,  où  Bonaparte  commandait 
sous  Barras  ,  qu'à  la  suite  d'un 
discours  de  Eoissy  ,  le  décret  de 
réunion  de  ia  Belgique  fut  pro- 
noncé le  16  oct.  (24  vendémiaire). 
Boissy  résuma  ainsi  son  opinion  : 
a  1°  La  volonté  invariable  de  la  na- 
tion est  de  conserver  et  d'iucorporer 
les  provinces  belgiques  :  sa  gloire  le 
lui  commande  ,  son  intérêt  le  lui  pres- 
crit j  2"  les  avantages  politiques  ,  mi- 
litaires et  commerciaux  conseillent 
cette  réunion  5  5°  l'intérêt  et  le  vœu 
des   Bel";es  la  sollicitent  également  : 


(il)  Ce  fut  le  II  vendéinlnire  au  iv  (3  oclo- 
brc  )  cjuc  la  Couventioii  célébra,  dans  son  sein, 
l'aiiiiivrisaire  de  l'assasiinal  de*  Girnndins. 
Tous  les  députés  avaient  un  cicjie  au  l)ias.  Di- 
veis  attributs  funéraires  étaient  places  dans  la 
salie.  On  lut  lo  nom  de  quarante-sept  conven- 
lionntls  victimes  du  régime  dccemviral;  et  le 
président  Eaudiu  rappela,  dans  un  discours,  leurs 
talents ,  liurs  vertus ,  et  les  services  qu'ils 
avaient  rendus  à  la  pairie.  Des  marches  et  une 
musique  guerrière  terminèrenl  la  séance. 


BOl 

hàlez-vous  doue  de  la  pronouccr  ; 
qu'elle  soit  le  fondemeut  inébranla- 
ble des  Irailéà  que  la  république  doit 
souscrire  encore.»  Plufin  Boissy,  Lan- 
juinais,  Henri  Larivière  et  JLesage, 
d'hure-et- Loir  ,  eurent  a  justifier 
1  éloge  qu'ils  avaient  fait  des  sections 
de  Paris,  lorsqu'on  avait  proposé  la 
clôture  de  leurs  assemblées  générales. 
— EnlréJansle conseil  des  cinq-cents, 
lîoissj  lut  bientôt  nommé  secrétaire 
(22  nov.  lycjDj.  Ou  le  vil  appuyer  la 
demande  des  teinmes  de  Cullot-d'Her- 
bois  et  de  lîillaud -\'arenne  pour  la 
mise  en  liberté  de  leurs  maris  et  le 
paiement  de  leurs  indemnités.  Celte 
demande  fut  repoussée  par  l'ordre  du 
jour.  Le  1 0  décembre ,  Boissj  fit 
une  motion  eu  faveur  de  la  liberté 
de  la  presse,  et  conclut  à  ce  qu'il  fut 
nommé  une  commission  chargée  de 
présenUr  un  projet  de  loi  qui  garaulît 
celte  liberté,  classât  et  précisât  les 
déli'.s  qui  peuvent  êlre  commis  par 
sou  abus,  et  indiquât  les  moyens  de 
les  réprimer.  Job  Aymé,  membiedu 
conseil  ,  était  vivement  dénoncé  et 
poursuivi  par  Tallieu  et  Louvel  j 
Boissy  deinanda  qu'il  fùl  jugé  selon 
les  formes  constitutionnelles  5  mais, 
après  de  longs  débats,  Job  Aymé  fut 
expulsé.  Boissy  parla  en  faveur  des 
palrioles  de  la  Corse  ,  réfugiés,  qui 
avaient  fui  la  domination  des  Anglais, 
alors  maîtres  de  cette  île.  Il  combaltit 
le  projet  relatif  aux  parents  d'é- 
migrés, et  manifesta  son  indignation 
contre  ceux  qui  voLlaient  iaire  re- 
vivre les  lois  de  1793.  Une  discus- 
sion s'élaut  engagée  relativement  a  la 
comaiiss.on  formée  pour  la  liberté  de 
la  presse,  Boissy  s'oppoja  à  toute  li- 
mitaliou  temporaire.  M.  de  Pasloret 
souliiit  que  cette  liberté  était  la  base 
de  la  république  et  Vejfroi  de  la 
tjrannie.  Jean  Debry  demandait 
aussi  la  suspension.  Lemerer  soulinl 


FOI 


:,8i 


qu'avec  Cil  le  susueusiou  la  coasliluliou 
ne  serait  qu'une  tyrannie  organi- 
sée. Cbénier  appuya  la  suspension  et 
établit  que,  dans  une  organisation 
sociale,  liberté illinntée élu'uui  deux 
mots  qui  formaient  une  alliance 
monstrueuse .  M.  DoulcLt(de  Ponlé- 
coulant)souiiut  que  les  feuilles  de  Ma- 
ral  el  d'Hébert  n'étaient  devenues  dan- 
gereuses que  parles  mesures  prohibi- 
tives qui  turent  prises  contre  elles. 
Enfin,  après  de  longs  débals,  le  19 
mars,  la  motion  de  Boissy-d'Auglas 
lut  adoptée  et  le  conseil  des  cinq- 
cents  passa  a  l'ordre  du  jour  sur  I  ouïes 
propositions  de  mesures  prohibitives. 
Mais  la  liberté  illimitée .,  loin  de  sau- 
ver la  république  ,  précipita  sa  fin. — 
Boissy  vota  ensuite  contre  le  projet 
de  loi  sur  les  parents  d'émigrés.  H  ap- 
puya celui  qui  avait  pour  but  de  fix.er 
le  traitement  des  membres  de  l'Insti- 
tut 5  et  il  parla  aussi  sur  les  moyens 
d'encourager  les  manufactures  de  pa- 
pier. H  fut  nommé  dixième  président 
du  conseil,  le  19  juillet  1796.  Parmi 
ses  nombreux  travaux  législatifs, 
nous  citerons  seulement  sou  rapport, 
pour  la  réduction  du  prix  des  ouvra- 
ges périodiques  ;  ses  opinions  sur  le 
mode  de  radiation  des  émigrés; 
contre  l'amnislie  des  délits  relatifs  à 
la  révolution  ;  sur  les  prévenus  de  l'al- 
tiique  de  Greuelle  5  en  faveur  de  la 
lecture  d'une  pélilion  des  détenus  au 
Temple,  lecture  qu'il  fit  ordonner 5 
pour  l'autorisation  a  donner  aux  con- 
seils mililaires  de  diminuer  ou  com- 
muer les  peines  portées  par  les  loisj 
pour  ijue  le  corps  législatif  énonçât  sou 
vœu  eu  faveur  de  la  pais  j  sur  la  loi  du 
5  brumaire  an  iv,  el  sur  son  applica- 
tion aux  amnisties,  qu'il  cousiciérait 
comme  une  dérogeauce  à  l'acie  con- 
stitutionnel ;  contre  la  continuation 
de  la  prohibition  des  marchandises 
anglaises,  Il  réclama  t'ucore  la  liberté 


482 


BOI 


des  journaux ,  et  accusa  le  directoire 

d'avoir  donné  l'exemple  de  la  licence, 
en  répandant  des  calomnies  contre  les 
députés.  Il  pri  t  la  parole  sur  le  prix  des 
feuilles  périodiques,  et  exprima  sa 
crainte  quel  augraenlalion  de  ce  prix 
n'anéantît  la  circulation  de  la  pensée. 
Dans  la  discussion  de  la  loi  du  3  bru- 
maire, il  déclara  qu'on  devait  craindre 
en  limitant  le  cLoix  du  peuple  ;  mais 
qu'il  n'y  avait  point  de  danger  a 
limiter  celui  du  gouvernement  5 
et  il  £1  une  sortie  contre  ceux  qui 
avaient  ensanglanté  Bordeaux  et 
mitraillé  Lyou.  Enfin  il  prononça 
des  discours  contre  les  maisons-  de 
jeu ,  contre  le  divorce  ,  contre  la 
loterie  nationale ,  et  il  en  appela 
de  Mercier  législateur  k  Mercier  au- 
teur du  Tableau  de  Paris  (  P^oy. 
Merciek,  tom.  XXVIII)  (12).  De- 
venu hostile  au  directoire,  Boissy- 
d'Anglas  attaqua  presc^ue  tous  ses 
actes.  Il  fit  une  motion  d'ordre 
sur  1  inconvenance  de  nommer  des 
comités  généraux  pour  discuter  des  ' 
messages'  que  le  directoire  faisait 
impriiner  le  lendemain  dans  les  jour- 
naux. Il  appuya  le  projet  de  Daunou, 
sur  la  répression  des  délits  de  la 
presse  5  fit  ajourner  le  projet  sur 
le  divorce  :  lut  son  rapport  contre  les 
taaisons  de  jeu,  parla  contre  les  écri- 
vains, qui  provoquaient  les  conspira- 
tions par  leurs  écrits  ,  enfin  il  s'op- 
posa a  ce  que  les  tribunes  fussent 
lerraécs    aux  journalistes.    Le  va.ste 


(i2)(;c  fui  à  celle  époque  q'ifi  porul  un  pam- 
phlet inlituli^  :  Pic  de  lioissj--d' Aiij^lus  ,  mem- 
bre des  Ciiiij-Ceiits,  traité  suns  égard  et  comme  il  le 

mérite,  par  le  citoyen  B ,  (sans  date,  in-8° 

de  8  pages)  C'est  un  libelle  dégoûtant,  dont  je 
ne  citerai  que  ce  passage  •  «  Malgré  les  spécimx 
raisunnements,  Ion  système  nelriompht-ra  pas,  et 
jjour  l'avantage,  pour  la  eonsolulioii  dapiiufie,  les 
loteries  seront  rétablies,  et  la  republique  per- 
cevra un  impôt  de  plus  sans  que  personne  eu 
murmure,  sans  que  personne  en  soit  blessé.. 
C'est  avec  raison  qu'on  l'a  donné  le  sobriquet 
de  Boiss^-Faminet  Personne  n'ignore  que  lu  au- 
rais voulu  enterrer  le  peuple  lout  vivant,  etc.  « 


EOI 

ensemble  des  travaux  législatifs  de 
Boissy  -  d'Anglas  ,  mériterait  d'être 
présenté  au  moins  comme  sujet  d'é- 
tonnement;  mais  nous  devons  nous 
borner  à  citer  les  plus  remarquables. 
11  demanda  que  le  directoire  fil  con- 
naître les  mesures  qu'il  avait  prises 
contre  les  prêtres  perturbateurs  j  il 
annonça  que  son  collègue  Louvet  , 
rédacteur  de  la  Sentinelle  ^  était  en 
jugement  comme  calomniateur  ;  et 
proposa  qu'on  discutât  le  mode  de 
punir  les  députes  prévenus  de  ce  dé- 
lit. Il  appuya  le  projet  contre  l'ar- 
rêté du  directoire  ,  qui  interdisait 
l'exercice  des  droits  politiques  aux 
prévenus  d'émigralion.  Il  combattit 
le  serment  proposé  par  le  directoire 
pour  les  électeurs ,  comme  contraire 
k  la  liberté  des  cultes.  Il  demanda  la 
translation  du  corps  électoral  de  Ne- 
vers,  traita  ceux  qui  l'interrompaient 
de  protecteurs,  Afi  faiseurs  d'anar- 
chie ,  et  il  fut  rappelé  k  l'ordre.  — 
Fiééhi  député  au  conseil  des  cinq-cents 
en  1796  ,  par  le  département  de  la 
Seine,  il  réclama  contre  l'injustice 
barbare  qui  avait  mis  hors  la  loi  les 
émigrés  rentrés ,  et  proposa  k  cet 
égaid  un  projet  qui  fut  rejeté.  Il  vota 
pour  qu'on  s'occupât  de  l'instruction 
publique  j  il  s'éleva  contre  les  confis- 
cations; appuya  le  projet  de  retirer 
au  directoire  la  nomination  des  agents 
aux  colonies.  Il  ne  voulait  pas  qu'on 
l'autorisât  a  en\oyer  de  nouveaux 
agents  k  Saint-Domingue ,  et  il  dé- 
signa larairal  Truguet  comme  ayani 
déterminé  le  malheureux  choix  de 
Sonthduax.  Il  prononça  (6  mars  1797) 
uû  Discours  sur  la  proposition  de 
remettre  ou  de  commuer  la  peine 
des  crinunels  qui  révèlent  leurs 
complices.  «  Un  scélérat  ,  dit  -  il . 
fort  de  l'impunité  que  votre  loi  lui 
aura  garantie ,  viendra  s'accuser 
lui-même,    k   tort    ou    k    raison, 


BOI 

d'une  coiispiralion  <jni  aura  ou  n'au- 
ra pas  existé,  et  nommer,  comme  ses 
complices  ,  les  citoyens  qu'il  aura  le 
projet  de  perdre,  ou  que  la  faction 
qu'il  voudra  servir  aura  le  besoin  de 
proscrire...  Ceci  ressemble  trop  aux 
conspirations  des  prisons,  inventées 
par  nos  derniers  tyrans  5  »  et  il  de- 
manda sur  l'entier  projet  la  ques- 
tion préalable.  Il  appuya  les  propo- 
sitions de  Dumolard  sur  le  silence 
gardé  par  le  directoire  a  Foccasion 
des  révolutions  de  Gènes  et  de  Ve- 
nise. En  même  temps  qu'il  poursuivait 
ainsi  le  directoire,  il  fut  accusé  lui- 
même,  par  une  société  populaire,  de 
travailler  à  la  contre-révolution.  Le 
i4  mars,  il  lut  a  la  tribune  un  nou- 
veau Discours  sur  la  liberté  de  la 
pi^esse  (an  V,  in-8°)  (i3).  Il  pro- 
nonça, le  II  juillet  1797,  une  Opi- 
liioa  sur  la  liberté  et  la  police 
des  cultes.  Enfin  il  demanda  qu'on 
rejetât  l'usage  des  clocbes  comme 
dangereux  :  mais  il  ne  voulait  pas  de 
persécution.  Alors  le  18  fructidor 
n'était  pas  loin.  Boissy  se  plaignit 
de  la  destitution  des  ministres  ,  de 
l'apparition  a  Paris  d'une  foule  de 
brigands,  et  il  provoqua  l'ouver- 
ture de  la  discussion  sur  la  réor- 
ganisation de  la  garde  nationale, 
déjà  demandée  par  Picliegru.  Il  parla 
aussi  sur  le  projet  coucernaut  la 
garde  du  corps  législatif.  Ses  der- 
nières paroles  ,  dans  le  conseil  des 
cinq-cents,  exprinièrent  la  demande 
que  les  affiches,  dont  se  couvraient 
les  murs  de  la  capitale,  fussent  sou- 
mises au  visa  de  la  police.  Boissy, 
qui  avait  eu,  dans  beaucoup  de  cir- 
constances, le  courage  de  ses  opi- 
nions, fut  compris  comme  complice  du 


(i3)  Ce  discours  fut  rcimpriinp  en  ^i4,  par 
les  soins  de  M.  Augiiis  ;  el,  en  1817,  dans  le/ie- 
cueil  des  discours  mr  la  lib  rie  de  la  presse,  pu- 
blié cheï  Mongic,  iii-8°  de  120  pages. 


BOI 


483 


parti  clichien ,  avec  tant  d'autres 
illustres  victimes,  sur  la  liste  des  dé- 
portés de  fructidor  5  et,  pour  justi- 
fier cette  inique  mesure,  le  directoire 
exécutif  qui,  d'ailleurs,  se  mutila  lui- 
même,  fit  imprimer  des  notes  sus- 
pectes sur  Boissy- d'iVnglas,  annoncées 
comme  ayant  été  trouvées  dans  les 
pièces  de  la  conspiration  Brolbier 
et  La  \illeuruoy.  Il  échappa  a  la 
déportation  a  Sinnamary  eu  se  tenant 
caché  et  muet  pendant  deux  ans.  La 
carrière  démocratique  de  Boissy- 
d'Anglas  se  termina ,  comme  tant 
d'autres,  par  une  proscription  :  il 
avait  été  nommé  membre  du  conseil 
des  cinq-cents  par  soixante-douze  dé- 
partements ;  et  il  s  était  écrié,  à  la 
nouvelle  de  ce  triomphe  unique  dans 
nos  fastes  législatifs  :  Ils  ne  savent 
ce  quils  font  ;  ils  me  nomment 
plus  que  roi.  Il  n'était  monté  (lue 
cinq  fois  a  la  tribune,  dans  la  longue 
session  de  l'assemblée  constituante. 
Après  le  9  thermidor ,  il  avait  pris 
phis  de  quatre-vingts  fois  la  parole 
a  la  Convention,  et  il  avait  parlé  dans 
soixante-treize  séances  du  conseil  des 
cinq-cents.  Dans  les  derniers  temps 
du  directoire,  il  vint  se  constituer 
prisonnier  a  l'île  d'Oleron,  afin  d'é-- 
viler  la  spoliation  qui  menaçait  sa 
famille.  11  ne  reparut  k  Paris  qu'a- 
près le  ï8  brumaire,  et  fut  nomrn* 
membre  du  tribunat  en  1800.  Cette 
assemblée  l'élut  ra-ésident  le  24.  uov. 
i8o3.  Il  entra  au  sénat  le  8  fév. 
1804,  et  reçut  alors  le  tilre  de 
conite,  qui  fut  aussi  conféré  k  plu- 
sieurs de  ses  collègues  de  la  Con- 
vention. En  1806,  après  la  paix 
de  Presbourg ,  il  proncnça  ,  dans  le 
sénat ,  un  discours  a  la  gloire  de 
iSapoléou  5  et  le  6  nov.  1809  il  lui 
adressa  encoïc,  kla  lêle  de  l'Insùtut , 
dont  il  était  membre,  les  félicita- 
tions de   ce  corps ,  a  l'occasion  de 

3i. 


484 


SOI 


la  paix  de  Vienne.  Un  mois  après, 
il  ÎliI  préseulé  ,  par  !c  si'nat,  com- 
me candidat  pour  une  sénat oierie. 
Cette  faveur  ne  lui  fut  point  ac- 
cordée ;  mais,  eu  1811  ,  il  recul  le 
cordon  de  graud-officier  de  la  Le- 
giou-d'HoBULur.  11  avait  assisté  a  la 
chute  de  la  monarchie,  à  celle  de 
la  république  :  il  allait  voir  celle  de 
l'empire.  Tandis  que,  au  mois  de  lé- 
vrier i8j4,  l'Europe  en  armes  pé- 
nétrait sur  le  sol  de  la  France  au 
nord  et  au  midi ,  le  comte  Boissy- 
d'Anjijlas  fut  nommé  commissaire  ex- 
traordinaire de  Tcmpereur,  dans 
l'ouest,  pour  y  organiser  des  movcns 
de  résisliince.  Celte  mission  était 
importante  et  difficile.  Les  Anglais 
occupaient  déjà  la^iile  de  Bordeaux. 
Il  enipèclia  les  Iles  de  Ré  el  d'Oleron 
de  tomber  entre  leurs  mains  j  il  pré- 
serva les  établissements  maritimes 
dellocbetorL  d'une  ruine  imminente. 
Le  repos  de  la  ^  endée ,  presque 
inexplicable  ,  dans  cette  grande 
crise  ,  fut  peut-être  aussi  son  ou- 
vrage 5  enfin  aucun  acte  arbitraire 
ne  souilla  sa  mission.  Mais  la 
restauration  s'était  accomplie  dans 
Paris.  Boissy  -  d'.Auglas  envova 
sou  adhésion  ,  et  il  fut  compris 
dans  la  première  nomination  des 
pairs  de  France,  le  4- juin  1814. 
—  Cependant  les  aimées  d'Europe 
étaient  venues  et  s'étaient  retirées 
comme  un  torreul.  Bmiaparte  avait 
abdiqué  et  semblait  n'avoir  été  re- 
légué dans  l'île  d'Elbe  que  pour  en- 
tretenir les  rêves  de  son  ambition,  les 
espérances  de  ses  parlisaus ,  i'agi- 
tafiou  el  les  troubles  de  l'intérieur 
qui  légitimeraient  une  nouvelle  inter- 
venlicu  plus  décisive  ,  el  l'exécution 
d'un  [ilan  d'énervalion  de  la  France, 
que  d'abord  on  n'avait  osé  réaliser. 
Eu  effet,  bientôt  Bimapaiie  tenta  de 
ressaisir  l'empire ,  el  le  moûdy  fut 


BOI 

encore  ébranlé.  Nommé  commissaire 
extraordinaire  dans  les  départements 
de  la  Gironde,  des  Landes  et  des 
Basses-Pvréné'^s  ,  Boissy  -  d'Anglas 
y  réorganisa  Fadministration  impé- 
riale ,  et,  le  2  juin  ,  il  fut  appelé  a 
la  nouvelle  cliambre  des  pairs,  car 
le  sénat  n'avait  pas  été  rétabli. 
Lorsque  les  destins  de  Fex- empe- 
reur se  furent  irrévocablement  ac- 
complis dans  les  champs  de  Water- 
loo, Boissy  dAnglas  jugea  qu'il  était 
temps  de  séparer  la  cause  nationale 
de  la  personne  de  Napoléon.  Une  ré- 
solution des  représentants  déclarait 
traître  a  la  patrie  quiconque  tente- 
rait de  dissoudre  leur  chambre. 
Celte  résolution  transmise  par  un 
message  a  la  chambre  des  pairs  v 
lut  vivement  appuvée  par  Boissv- 
Le  lendemain,  il  couiballit  la  propo- 
sition de  proclamer  ÎSapoléon  11,  et 
demanda  la  formation  d'un  gouver- 
nement jirovisoire.  Une  loi  de  police, 
sur  la  liberté  individuelle  ,  mise  en 
délibération  a  Une  époque  oîi  les  évé- 
nements marchaient  plus  vite  que  les 
discussions  légi.>lalives ,  fut  éuergi- 
queinent  combattue  par  Boissv,  qui 
termina  sou  discours  par  ces  paroles 
remarquables  :  ce  Les  circonstances 
où  nous  nous  trouvons  sont  graves 
el  difficiles  ;  notre  indépendance  est 
atta(|uée  :  peut-être  nos  institutions 
politiques  sont-elles  à  la  veille  d'être 
renversées.  ÛJais  si  elles  doivent  pé- 
rir j  si  une  subversion  absolue  doit  ef- 
facer de  nos  tables  sacrées  les  lois  bieu- 
laisantes  que  nous  avons  eu  tant  de 
peincay  graver,  Userait  encore  hono- 
rable et  beau  que,  du  sein  de  tant  de 
débris,  pussent  s'élever,  au-dessus  de 
l'océan  des  âges,  les  restes  de  Quel- 
ques institutions  tutélaires  destinées  à 
servir  de  modèle  et  de  consolation 
aux  races  futures.  »  Le  lendemain, 
l'orateur  devait  lire  'a  la  chambre  Id 


BOI 

projet  d'une  loi  complète  sur  la  li- 
berté individiielle  •  mais,  nommé  par 
le  gouvernement  provisoire  un  des 
commissaires  chargés  d'aller  propo- 
ser au  général  Bliiciier  un  ar- 
mistice qui  ne  fut  pas  obtenu, 
le  comte  de  Latour-Maubourg  fut  a 
la  chambre  ce  projet  ,  où  l'auteur 
avait  voulu  concilier  les  deux  prin- 
cipes de  la  liberté  individuelle  et  de 
l'ordre  public  5  mais  ce  projet  ne 
put  être  discuté  :  la  chambre  n'avait 
plus  que  peu  de  jours  a  siéger.  — 
Le  54-  juillet,  Boissv-d'An^las  fut 
compris  dans  l'ordonnance  royale  qui 
éliminait  de  la  chambre  les  pairs 
nommés  par  Napoléon  ;  mais  une  au- 
tre ordonnauce,  du  17  août,  le  réta- 
blit dans  son  litre:  et  celte  excep- 
tion ,  qui  fut  unique  à  cette  époque, 
le  public  l'attribua  au  grand  carac- 
tère et  k  la  renommée  de  Roissv- 
d'Anglas.  Peut-être  aussi  Louis 
XVIH  voulut-il,  par  cette  promotion, 
gagner  les  protestants  à  sa  cause. 
Boissj-d'Anglas  était,  depuis  i8o5. 
membre  du  consistoire  de  Pans  ^  et 
la  société  biblique  le  comptait  parmi 
ses  vice-présidents.  Déjà  il  appartenait 
a  la  troisième  classe  de  llnstilul  :  il  fut 
compris,  le  2 1  mars  1816,  dans  la 
réorganisation  de  ce  corps,  et  nom- 
mé membre  de  l'académie  des  belles- 
lettres.  Quand  tout  était  changé  dans 
la  forme  du  gouvernemeut ,  Boissy 
marcha  d'un  pas  ferme  dans  les  voies 
constilutionuelles  :  il  défendit  la  li- 
berté individuelle ,  la  liberté  de  la 
presse  a  la  chambre  des  pairs,  comme 
il  les  avait  défendues  "a  la  Convention, 
au  conseil  des  cinq-cents  5  et,  dès 
18 18,  il  demanda  que  le  jury  fût 
appelé  a  prononcer  sur  les  délits  de 
la  presse  (i4)-  JLors    de   la  fameuse 

(1  !\)  Opiiiims  de  MM.  hs  comtes  de  Boiiij- 
d'  .éngtua,  Luujuinais  et  le  duc  de  ISrogtie,  rela- 
tii-es  aiipro/et  de  loi  sur  la  Itbtnlé  hidividurllr,  Paris, 


BOI 


48; 


proposition  de  Barthélémy  pour  le 
changement  de  la  lui  des  élections  (5 
fév.  1817),  Boissy  s'éleva  avec  force 
contre  celle  proposition  qu'il  jugeait 
dangereuse  pour  la  liberté.  Il  poursui- 
vit encore  de  sa  vive  indignation  la  lo- 
terie et  les  jeux  publics,  et  il  les  dé- 
nonça sous  la  monarchie  comme  il 
l'avait  fait  sous  la  république.  A  la 
suite  de  son  rapport  sur  le  droit  d'au- 
baine et  de  délraction  ,  ce  vestige 
de  la  barbarie  des  anciens  temps  fut 
aboli.  Il  profita  de  l'amitié  qui  l'u- 
nissait au  duc  de  Pvichelieu  pour  de- 
mander le  rappel  de  plusieurs  dépu- 
tés de  la  Convention  dont  il  estimait 
le  caractère  et  qui,  par  une  interpré- 
tation trop  sévère  de  la  loi  du  6 
janv.  1816  ,  avaient  été  exilés  du  sol 
français.  Le  12  janvier,  il  exposa, 
dans  une  longue  lettre  au  duc  de  Ri- 
chelieu, que  quarante-six  membres 
de  la  Convention  avaient  été  injuste- 
ment exceptés  de  la  loi  d'amnistie 
comme  ayant  vote'  la  mort  de  Louis 
XVI ,  puisque  ce  vote  ,  qui  était  con- 
ditionnel,  n'avait  point  compté  pour 
l'application  de  la  peine.  Mais  il  fut 
décidé  ,  dans  le  couseil  des  ministres, 
que  ceux  qui  avaient  prononcé  le  mot 
de  mort.,  quoique  leur  vote  n'eût  point 
compté  ,  seraient  regardés  comme  ré- 
gicides. Cependant,  quelque  temps 
après ,  plus  heureux  dans  ses  nou- 
velles instances,  Boissy  obtint  la  le- 
vée de  l'exil  pour  plusieurs  conven- 
tionnels, même  pour  un  de  ses  anciens 
collègues  ,  qui  avait  beaucoup  contri- 
bué a  sa  proscription,  au  18  fructi- 
dor; et  lorsque  ce  député,  rentré,  de- 
manda à  lui  porter  l'expression  de  sa 
reconnaissance  ,  11  lui  fil  dire  :  k  Je 

1817,111-8'' de  se  p. — Deux  discours  de  M.  (e  comte 
de  lîo/'syd'Jngias,  pair  de  France  :  l'u.i  sur  In 
liberté  individuelle ,  l'au:re  sur  la  liberté  de  la 
presse,  iinpiiinés  ]iOur  la  première  roiAeaféï. 
1817,  et  réiinurimcs  au  mois  de  février  iSst , 
iu-S''  de  6S  pa^'€s. 


486 


BOI 


tens,  et  je  me  le  reproche,  que  je 
n'ai  pas  encore  assez  de  philosophie 
pour  lui  pardonner  enlièrement  le 
mal  qu'il  a  voulu  me  faire  5  j'ai  été 
assez  heureux  pour  lui  ('tre  utile  :  je 
le  remercie  de  sa  visite.  Le  monde 
est  assez  gran.1  pour  nous  contenir 
éloignés  l'un  de  l'autre,  y)  —  En 
1819,  le  ministre  de  l'inte'rieur 
ayant  formé  auprès  de  lui  un  conseil 
choisi  parmi  les  calvinistes  et  les 
luthériens,  pour  en  recevoir  des  ren- 
seignements sur  tout  ce  qui  pourrait 
intéresser  ces  deux  communions , 
nomma  membres  de  ce  conseil  le 
comte  de  Boissj-d'Anglas,  avec  le 
marquis  de  Jaucourt ,  MM.  Guizot, 
Benj.  Delessert ,  le  lieutenant-géné- 
ral Maurice  Mathieu,  etc.  —  Le 
calme  des  esprits  et  les  loisirs  que 
laissaient,  sous  la  restauration,  les 
débats  parlementaires  avaient  ra- 
mené Boissy-d'Auglas  à  la  culture 
des  lettres.  Il  fit  imprimer,  en  i  819, 
son  Essai  sur  la  vie,  les  écrits  et  les 
opinions  de  Al.  de  Maleslierhes , 
adressé  à  mes  enfants  (Paris,  deux 
parties  in-8")  ;  et,  en  182  i,  il  ajouta 
a  cet  ouvrage  une  troisième  partie 
avec  ce  second  titre  :  Supplément 
contenant  une  réponse  à  la  Bio- 
graphie universelle.  Le  comte 
Boissy,  mécontent  de  l'article  il/a/fs- 
herbes ,  inséré  dans  la  Biographie 
universelle ,  attaqua  vivement  non- 
seulement  l'article ,  mais  aussi  ce  grand 
ouvrage  dont  cependant  il  était  un 
des  souscripteurs,  un  des  lecteurs  les 
plus  assidus  ;  mais  il  eut  le  malheur 
d'être  seul  de  son  avis,  comme  il 
avait  eu  celui  de  se  voir  désavouer 
par  le  petit- fils  de  jMalesherbes. . . . 
«Une  réclamation,  dit -il,  s'est 
élevée...  hélas!  elle  est  sortie  d'une 
bouche  de  laquelle  on  n'aurait  pas  dû 
l'attendre:  tout  offensante  qu'elle 
ail  pu  être  pour  moi ,  le  respect  que 


BOT 

je  dois...  m'a  prescrit  démettre  dans 
ma  réplique  autant  de  modération 
que  de  brièveté  ;  3)  mais  il  s'écarta  de 
celte  modération  et  de  cette  briè- 
veté en  attaquant  l'article  de  la  Bio- 
graphie.  Cet  article  ne  resta  pas 
sans  défense  dans  les  jom'naux.  La 
brochure  de  Boissy  fut  sévèrement 
jugée;  ou  reprocha  a  l'auteur  de 
traiter  le  biographe  qui  n'était  pas 
du  même  avis  que  lui  «  avec  un  ton 
de  hauteur  qu'on  aurait  eu  peine  a 
tolérer  dans  le  quinzième  siècle, 
même  a  un  pair  de  France.  33  On  fit 
celte  observation  que  la  presque 
totalité  des  trois  volumes  semblait 
destinée  a  faire  connaître  au  monde 
que  Boissy- d'Anglas  fut  en  cor- 
respondance avec  Malesherbes ,  et 
que  ce  grand  homme  eut  de  l'estime 
pour  lui.  ..Ou  remarqua  encore  qu'ad- 
mirateur enthousiaste  de  Males- 
herbes ,  Boiisy-d^Anglas  avait  gardé 
le  silence  dans  le  procès  de  Louis 
X\I,  au  lieu  d'unir  sa  voix  "a  celle  de 
son  héros ,  de  son  ami,  et  de  parta- 
ger son  glorieux  danger,  son  noble 
et  coui-ageux  dévouement,  qui  est  si  fi- 
dèlemeut  retracé  dans  XdiBiographie 
universelle.  Le  titre  modeste 
d  Essai  sur  la  vie  de  JMalesherbes 
ne  permet  guère  de  juger  avec  sé- 
vérité cet  ouvrage  sous  le  rapport 
littéraire;  c'est  un  recueil  de  faits, 
d'opinions  qu'on  peut  ne  pas  adopter, 
de  sentiments  toujours  honorables , 
et  une  collection  de  documents  pour 
l'histoire  :  c'est  enfin  l'œuvre  d'un 
homme  de  conscience  j  mais  Males- 
herbes attend  encore  un  historien. 
—  Dans  ses  loisirs,  le  noble  pair 
réunit  et  publia  les  Etudes  littéraires 
et  poétiques  d'un  J^ieillard  ou 
Recueil  de  divers  écrits  en  vers 
et  en  prose ,  Paris,  1826  .  six  vol. 
in-i2,  qu'il  fit  imprimer  à  Coulom- 
raiers,   et  qu'il  dédia  au  comte  de 


BOl 

Sésriir,  son  ami  et  son  collè<ri'c  a 
rinsliliil  el  a  la  chambre  des  pairs. 
Les  deux  premiers  volumes  contien- 
nent deux  poèmes  :  Bougivnl  (mai- 
son de  campagne  de  l'auleur,  pres- 
qu'en  face  de  la  machine  de  Marlv),  et 
la  Bienfaisance^  en  deux  chants  (i  5), 
suivis  d'un  très-grand  nombre  de 
notes  et  éclaircissements  ;  plus, 
une  Epître  adressée  k  Laharpe  en 
1784.,  et  une  autre  «  J^.  Pieyre, 
(1786),  nussi  avec  notes  et  éclair- 
cissements. Le  troisième  volume  se 
compose  de  notices  historiques  sur 
Vincent  de  Paul ^  La  Kochefou- 
cauld ,  ha  Bruyère ,  Massillon  ^ 
Fontenelle  ,  Saint-Lambert ,  La- 
harpe, J^lorian  [16) ,  Rabaut  de 
Saint- Etienne^  Scrvan,  d'Epré- 
mesnily  Barou  du  Soleil,  Beau- 
marchais. Plusieurs  de  ces  notices 
avaient  été  composées  pour  laGrt/e/v'e 
française .  On  trouve  dans  les  au- 
tres volumes  des  notices  sur  ifi/e/z/ie 
31ontgolfier  ,  Badly  ,  Diiclos  ; 
le  discours  prononcé  aux  funé- 
railles de  Sainte-Croix  (1809), 
et  une  Réclamation  contre  les 
maisons  de  jeux  de  hasard,  adres- 
sée à  la  chambre  des  pairs,  et  qui 
avait  été  déjà  imprimée  séparément, 
(juillet  1822,  in- 8°).  Les  trois  der- 
niers volumes  contiennent  les  Frai^- 
ments  d'une  histoire  de  la  littéra- 
ture française  au  dix  -  huitième 
siècle ,  dédiés  k  M.  de  Jouj,  en 
échange  de  la  dédicace  que  ce  der- 
nier lui  avait  faite  de  sa  Morale 
appliquée  à  la  politique.  L'auteur 
dit  que,  sans  avoir  la  prétention  d'a- 
jouter un    supplément  au  Cours  de 

(là)  Un  épisode  de  ce  poème  :  Cange,  ou  le 
commissionnaire  de  Saint-Laziire  ,  fut  imprimé 
sépiiivment,  Paris,   i8?5,  m. S". 

/iG)  La  notice  sui- Floriai^  avait  paru  en  i8jo, 
à  la  tète  d'un  lecueil  des  lettres  écrites  iiar 
Florianà  Boissy-d'Anglas  dont  il  fut  l'ami  ; 
Paris,  Reriouard,  i  vol.  iniS,  de  67  paj-. 


BOI 


A87 


Laharpe,     il  s'est  pourtant  attaché 
(dans  ces  trois  volumes  de  fraguients 
écrits   il  y  a  long-temps  ,  et  qui 
devaient  faire  partie  d'un  ouvrage 
beaucoup  plus  long,  que  diverses 
circonstances  de  sa  vie  ne  lui  ont 
pas  permis  de  conduire  à  sa  fin) 
«    a    parler   avec    plus    d'étendue, 
quand  l'occasion  s'en  est  présentée, 
des     écrivains    dont     Laharpe    n'a 
rien  dit ,   ou  dont  il  n'a  parlé  que 
d'une   manière   succincte,    ou    enfin 
dont  il  a  pu  avoir  une  opinion  diffé- 
rente de  11  sienne.  3)  On  chercherait 
en  vain  l'inspiration  ,  la  verve  poé- 
tique dans  les  vers  de  Boissy-d'An- 
glas :  il  faut  se  contenter  d'y  trouver, 
au  lieu  de  l'empreinte  duvrai  talent, 
celle  de  la  vertu   exercée  dans  une 
belle  vie ,  où  la  versification  ne  fut 
que  le  repos  du  sage  ,  et  une  illu- 
sion    souvent     cherchée    aussi    par 
d'autres   écrivains  dans  les  derniers 
loisirs  de  la  vieillesse.  Mais  la  plu- 
part des   notices  historiques  et  les 
fragments    d^une    histoire    de    la 
littérature  française   offrent   assez 
souvent,  avec  le   mérite   d'un   style 
facile  ,    des   jugements  solides ,   de 
sages  aperçus ,    de    l'intérêt  et   de 
la  variété.  Cet  intérêt  et  cptte  va- 
riété ne   manquent  pas  souvent  aux 
nombreuses    notes ,    beaucoup    plus 
amples  que  le  texte,  dans  les   deux 
premiers  volumes  qui  contiennent  les 
vers  de  l'auteur.  Fidèle  kla  mémoire 
de  Rabaut   de    Saint-Etienne,     son 
ancien  ami,    Boissy  fit   réimprimer 
tous   ses    ouvrages  k   Couloramiers. 
{Voy.  Rabaut  ,  tom.  XXXVI).  Le 
noble  pair  annonça  la  même  année 
(1826)    une    nouvelle  édition  des 
Sermons    complets     de    Jacques 
Saurin  ,  avec   une   notice    sur  sa 
vie  et  ses  écrits ,  en  six  vol.  in-8°. 
Le  prospectus  fut  publie  peu  de  mois 
avant  la  mort  de  Boissy  •  mais  l'édi- 


4S8 


BOI 


tîon  n'a  point  paru.  Dans  la  publica- 
tion des  Discours  et  Opinionsde  Mira- 
beau faite  en  1820,  (5  vol.  iu-B'^), 
par  M.  Barthe,  on  trouve  un  Pa- 
rallèle de  Mirabeau  ei  du  car- 
dinal de  Retz,  par  Boissy-d'An- 
glas.  Ses  dernières  paroles  à  la 
chambre  des  pairs  appuyèrent  un 
amendement  proposé  par  M.  de 
Kergorlay  k  l'article  i*"''  du  projet 
de  loi  sur  l'indemnité  du  milliard 
qui  fut  accordé  aux  émigrés  (182  5). 
—  Boissy  présida  Tadministralion 
de  l'Athénée  royal  avec  un  zèle  sage 
et  intelligent  (1825- 1824).  L'af- 
faiblissement de  sa  santé,  qui  avait 
pnur  cause  (depuis  reconnue)  une 
maladie  au  cœur,  lui  fit  chercher 
le  ciel  du  Midi.  11  passa  k  Nîmes 
l'hiver  de  1824.  k  1825,  et  voulut 
revoir  la  ville  où  il  avait  reçu  le  jour. 
Les  habitants  d'Annonay  se  montrè- 
rent également  fiers  et  joyeux  de  sa 
présence.  Il  habita  pour  la  dernière 
fois  l'humble  toit  paternel,  qui  avait 
été  religieusement  conservé  dans  sa 
simplicité  première.  Il  revint  k  Pa- 
ris et  y  mourut  le  20  octobre  i  826, 
âgé  de  70  ans.  Son  corps  fut  trans- 
porté k  Annonay,  conformément  k  sa 
dernière  volonté.  Le  plus  jeune  de  ses 
£Is,  M.  le  baron  Théophile  de  Boissy- 
d'Anglas,  qui,  en  1814,  était  dans 
l'intendance  militaire  (17),  accompa- 
gna son  convoi.  La  garde  nationale 
et  la  population  du  chef-lieu  de 
l'Ardèche  allèrent  recevoir,  hors  des 
portes  de  la  ville,  les  resles  mortels 
du  grand  citoyen^  ils  furent  dépo- 
sés dans  le  cimetière  public,  et  ce- 


(17)  En  i8i4,aprr5  la  restaaration,  M.  le  baron 
Théophile  de  Bnissy-trAnglas  fut  un  des  snus- 
inspecteurs  le  plus  activement  employés  dans 
la  revue  générale  des  officiers  de  l'armée  ci-devant 
impériale,  pour  le  traitement  en  deniers  qui 
leur  était  dû  :  il  a  siégé  depuis  dans  la  chambre 
des  députés.  —  Le  frère  aîué  a  succédé  au  titre 
de  comte  et  à  la  pairie. 


BOÏ 

lui  qui  prononça  l'éloge  funèbre  (18) 
était  le  fils  du  général  d'Aymé  ,  qui, 
trente-sept  ans  auparavant,  en  1789, 
lors  de  la  réunion  des  trois  ordres  du 
Vivarais  ,  avait  proclame  Boissy- 
d'Anglas  député  du  tiers  aux  états- 
généraux.  —  Orateur,  Boissy-d'An- 
glas  dut  souvent  la  puissance  de  sa 
parole  k  l'indignation  de  la  vertu  de- 
vant les  crimes  des  factions,  k  l'a- 
specl  des  dangers  et  drs  malheurs  de 
la  patrie. Lorsqu'il  n'était  point  ému, 
ses  discours  manquaient  de  nerf  et  de 
chaleur,  mais  jamais  de  solidilé,  de 
sensetde  conviction. Un  lé";er  bésraie- 
ment  nuisait  d'ailleurs  k  son  accentua- 
tion oratoire  5  et  de  mauvais  plaisants 
l'appelaient,  avant  les  temps  de  l'em- 
pire;, l'orateur  Babébihobu  ;  ils 
avaient  aussi  donné  celte  épithèle  bur- 
lesque a  sa  constitution  de  l'an  IIF. 
Homme  de  lettres,  Boisssy  brillait 
moins  par  Je  double  éclat  du  style  et 
de  la  pensée  que  par  une  raison  éclai- 
rée et  une  franchise  qui  n'était  point 
saus  attrait.  Homme  d'état,  il  eut  pu 
combattre  avec  plus  de  force  les  pre- 
miers envahissements  de  f  anarcJiie  : 
d'au  tresl'avaient  osé. Il  eût  pu  montrer 
plus  de  stoïcisme  en  face  du  pouvoir 
qui  brisa  sa  constitution  et  la  répu- 
blique :  d'autres  l'avaient  osé  en  - 
core.  Il  eût  pu  rejeter  les  faveurs 
du  despotisme  :  d'autres,  en  bien 
petit  nombre,  l'avaient  fait.  Il  eût 
pu  montrer  des  principes  plus  in- 
flexibles ;  d'autres  l'avaient  fait  en- 
core. Mais  nul  ne  fut  plus  coura- 
geux que  lui  a  certaines  époques  :  il 
arracha  plusieurs  détenus  k  la  ha- 
che du  tribunal  révolutio -.naire.  Lu 
jour  qu'il  réclamait,  au  com.ilé  de 
sûreté  générale ,  une  victime  dé- 
vouée k  la  mort  ;  Te  voilà  encore. 


(iS)   Cet  éloge  a  été  imprimé  dans  \' Indcpen-. 
danl,\m\\\M\  de  Lyon,  numéro  du  3  nor.  1826. 


fiOI 

s'écria  un  des  membres  :  combien  te 
donne-t-on  j)ourJ'airc  ce  métier? 
—  «  Je  dévorai  cet  oulrage,  disait 
depuis  Boissy-d'Anglas  ;  mais  j'ob- 
tins la  délivrance  de  celui  pour  qui 
je  sollicitais,  et  je  me  crus  bien  dé- 
dommagé. 5)  Une  autre  fols  qu'il 
réclamait  pour  Florian,  Duhem  lui 
dit  :  a  Tes  gens  de  lettres  sont  tous 
aristocrates  et  contre -révolution- 
naires ,  et  on  n'en  pourra  jamais 
rien  faire  de  bon.  Ce  Voltaire  ,  dont 
on  parle  tant  ,  il  était  royaliste  et 
aristocrate  5  et  il  aurait  émigré  l'un 
des  premiers,  s'il  avait  vécu.  Et 
Rousseau,  il  n'y  aqu"a  lire  ses  écrits 
pour  voir  qu'il  aurait  été  fédéraliste 
et  modéré.  Ton  Florian  ne  vaut  pas 
mieux  ,  malgré  son  histoire  et  ses 
phrases  (19).='  Boissv-d'Anglas  brava 
les  dangers  de  la  Iribuue  et  fut  pro- 
•scrit  sous  le  directoire  5  enfin  aucun 
autre  citoyen  n'a  pu  placer,  dans  sa 
vie  un  acte  d'héroïsme  comparable 
à  celui  qui,  en  un  jour  (  le  i"^  prai- 
rial an  III),  Fa  fait  si  grand  dans  l'his- 
toire nationale.  —  La  tête  de  Boissv- 
d'Anglas  avait  un  caractère  expres- 
sif de  noblesse  et  de  bonté  ;  les 
cheveux  blancs  qui,  dans  son  dernier 
âge,  ombragenient  son  front,  et 
descendaient  négligés  le  long  de  son 
visage,  lui  donnaient  un  aspect  vé- 
nérable 5  et  ,  dans  tioutes  les  réunions 
où  il  se  montrait,  les  regards  se 
fixaient  long -temps  sur  lui.  Son 
buste  a  été  fort  bien  sculpté  par 
Houdon.  Son  portrait,  ti-ès-res- 
semblant,  se  trouve  a  la  tèle  du  i*"" 
volume  de  ses  Etudes  littérai- 
res, dans  la  Collection  des  por- 
traits des  membres  de  l'Institut, 
publiée  par  M.  -  J.  Boilly  ,  et  dans 
i  Iconographie  des  contemporains 
depuis  1789.  y — VE. 

(15)   Rnup proti-stante  ,    ri-diçce   p-ir  Charles 
Coqiieie],  lome  2,  page  iSï. 


BOI 


489 


BOISTE  (Pierre-Claude -Vic- 
toibe)  ,  né  a  Paris  en  i  76.1  ,  et  mort 
k  Ivri-sur-Seine  le  24.  avril  1824, 
avait  depuis  long-temps  altéré  sa 
santé  par  ses  immenses  travaux , 
malgré  la  vie  paisible  et  régulière 
qu'il  menait.  C'était  un  homme  labo- 
rieux et  consciencieux  ,  mais  de  peu 
de  goiit  et  de  jugement.  Ses  lectures 
prodigieusement  étendues,  quant  au 
nombre  de  volumes ,  n'avaient  pas  été 
soumises  k  un  contrôle  assez  sévère, 
surtout  n'avalent  jamais  été  suffisam- 
ment classées  dans  sa  tète.  Son  slvle 
est  souvent  peu  net  et  quelquefois  tri- 
vial. On  a  de  lui:  I.  (en  collaboration 
avec  Baslien)  Dictionnaire  uni- 
l'ersel  de  la  langue  J^rancaise , 
1800  ,  in-8°  ;  2*  éd.  ,  i8o5  ,  2  vol, 
in-8";  S*",  18085  4.",  1812  ,  in-4.° 
oblong,  et  2  vol.  in- 8"  5  ô'",  18 19, 
in-4."  oblong,  et  2  vol.  in-8°;  ô'", 
Verdière ,  1823,  in-^",  ou  2  vol- 
in-8";  7<-  édit.,  1834,  in-4-°.Ce  grand 
ouvrage  est  sous  quelques  rapports 
un  des  meilleurs  que  nous  avions  dans 
notre  langue.  Ses  définitions  ne  man- 
quent point  d'exactitude  j  ses  exem- 
ples éclairent  et  prouvent,  ses  autori- 
tés sont  bien  ci'oisies  :  il  épuise  les  sens 
divers  du  même  mot,  et  souvent 
les  échelonne,  les  gradue  avec  bon- 
heur. En  revanche  ou  lui  a  reproché  , 
outre  des  omissions  réelles  et  quel- 
ques fautes  qui  sont  le  contraire 
des  qualités  générales  spécifiées  ci- 
dessus  ,  la  multiplicité  des  abré- 
viations et  des  sii;ues  presque  hié- 
roglyphiques qui  rendent  difficile 
1  usage  de  son  livre,  la  négligence  avec 
laquelle  il  agiissésurlaprononcialion, 
l'idée  bizarre  (|u'il  a  eue  de  ne  pas 
admettre  dans  le  corps  de  l'ouvrage, 
et  en  conséquence  de  rejeter  k  la  fin, 
sous  la  forme  d'un  lexicpie  particu- 
lier, une  foule  de  muts  scientifiques 
de  jour  en  jour  plus  familiers,  et  qui 


490 


BOI 


d'ailleurs  ont  tout  autant  la  pliysîo  - 
nomie  ïraittcùse  qne  parallc'lipipède , 
hypoténuse  et  sphci'o'ide.  Mais  les 
tables  d'homonymes  et  de  paronymes, 
le  recueil  de  synonymes  avec  les  sens 
et  les  nuances  de  chacun  d'eux,  les 
dictionnaires  de  noms  propres  liistori- 
ques,  mythologiques j  géographiques 
et  autres,  le  diclionnaire  de  rimes, 
le  tableau  synoplitpe   de  grammaire 
française  ,  tous  ces    appendices  fort 
considérables,  Joints  au  corps  de  l'ou- 
vrage, sont  autant  de  services  rendus 
a  toutes  les  classes  de  lecteurs  ;  et  il 
est  certain  que    jusqu'à  ce   que  l'on 
ait  fait  mieux ,  l'ouvrage  de  Boiste 
sera    le  vrai  manuel    de  la  langue 
française.  On  raconte  à  propos  de  la 
deuxième  édition  de  ce  Dictionnaire, 
imprimée  en  i8o3,une  anecdote  as- 
sez curieuse.  A  côté  de  chaque  mot 
sujet  d'un    article ,    l'auteur    plaçait 
une    autorité:   il   se  trouva  qu'à    la 
suite  du  mot    spoliateur  était  écrit 
Bonaparte.  La  police   eut    vent  de 
celte  inadvertance  ou  de  cette  malice; 
on  exigea  de  l'auteur  un  carton,  et 
Frédéric-le-Graud   remplaça    Bona- 
parte.  II.  ISouveaux  pvincipiis  de 
grammaire,  suivis  de  notes  gram- 
maticales élémentaires ,  de  solu- 
tions   de   questions   et  difficultés 
grammaticales  d'après    ces  prin~ 
cipes ,   de  réjlexions  sur  la  géné~ 
ration  des  idées,  sur  le  langage  et 
V harmonie ,    avec    un  appendice 
sur    la  philosophie  et  une   lettre 
sur   la   critique,  Pajis,     1820,   r 
vol.  in-8°.  IIL    Dictionnaire    des 
belles-lettres  ,    contenant  les  élé- 
ments de   la  littérature  théorique 
et  pratique    appuyés     d'extraits 
raisonnes  des    écrits  didactiques 
d'Aristote,  de    Cicéron ,    d'Ho- 
race, de  MM.  de  Barante ,  Lefe- 
hure ,   Guizot ,    etc.,  Paris,  1821- 
24,  in-8'%  5  vol.  (on  en  promettait 


BOI 

dix).  Cet  ouvrage,  avec  les  Jeux  pré- 
cédents, devait,   sidon    les  idées    de 
Boiste,  former  un  Ar^t  d'écrire  et  de 
parler  français  ;  et  ces  mots  se  re- 
trouvent effectivement  comme   faux- 
titre  sur  le  premier  recto  de  chacun 
des   trois.)    IV.     Dictionnaire    de 
géographie  universelle,  ancienne 
et   moderne ,    comparée,    rédigée 
sur  le  plan    de    Vosgieti ,   Paris , 
1806  ,    I    vol.  in-8°  ,  avec  un  atlas 
de  5  I  cartes  coloriées.  V.Z^L^«iVer^, 
poème  en  prose  et  en  douze  chants, 
publié  sous  le  voile  de  l'anonyme, 
Paris,  1801  (an IX),  2*^  édit.,  1802, 
2  vol.  in-8°  5  3*",  i8o5  :  puis  repro- 
duit sous  le  titre  de  l'Univers  déli- 
vré,   narration  épique  en  vingt- 
cinq   livres,  1809^   in-8°^  fig.    Ce 
poème  prétendu    est  accompagné  de 
notes    et  observations    tant    sur    le 
système  de  Newton  que   sur  la  théo- 
rie physique   de  la  terre.  Boiste  se 
proposait    d'y    combattre     certaines 
théories  cosmogoniques  et  métaphysi-' 
ques ,  fausses  selon  lui.  Malheureuse- 
ment il  raisonnait  physique  comme  un 
poète,  et  maniait  la  langue  poétique 
comme    un    physicien.   On   est    de- 
meuré d'accord  que  son  Jjnivers  était 
le  chaos j    et,    s'il  est    vrai  que  ce 
poènne  en  prose    ait  eu  quatre  édi- 
tions réelles,  on  peut  tenir  pour  cer- 
tain qu'il  n'en  aura  pas  une  cinfjuième. 

P— OT. 

BOIS  VILLE  (Jea^^-François- 
Martinde)  évêque  de  nijon  ,  na- 
quit, en  1755,  à  Rouen.  Destiné  par 
sa  famille  à  l'état  ecclésiastique,  ses 
études  furent  dirigées  vers  ce  but  ; 
et,  après  avoir  pris  ses  grades  en 
Sorbonne,  il  fut  pourvu  d'un  cano- 
nicat  de  la  cathédrale  de  Rouen. 
Pendant  la  révolution  ,  il  dut  se 
condamuer  "a  l'exil  pour  échapper 
aux  lois  cruelles  rendues  contre  les 
prêtres.    Mais  au   retour  de  l'ordre 


BOI 

il  se  liàta  de  rentrer  dans  sapatrîe; 

cL  le  uouvtl  archevêque  Cambacérès 
{Voy.  ce  nom  ,  au  Supp.)  le  nomma 
l'un  de  ses  viraires -généraux:  en 
1  8  0 1 .  Il  se  démit,  en  1812,  a  raison 
de  sa  santé  ,  uaturellemenl  délicate  , 
et  se  relira  dans  pne  terre ,  près  du 
Havre,  ovi  il  partageait  ses  loisirs 
entre  Tétude  et  rexercice  des  de- 
voirs religieux.  Contraint,  en  1822, 
d'accepter  l'évèclié  de  Dijon  ,  il 
montra  beaucoup  de  zèle  et  de  fer- 
meté dans  l'administration  de  son 
diocèse  5  et  mourut  dans  sa  ville  épis- 
copale,  le  27  mai  1829,  a  la  suite 
d'une  longue  et  douloureuse  maladie. 
Ce  prélat  est  auteur  d'une  traduction 
en  vers  de  \ Imitation  de  Jésus- 
Christ,  Paris^  i8i8,in-8°.  La  ver- 
sification en  est  faible  5  mais  le  dis- 
cours préliminaire  mérite  d'être  lu. 
M.  Amanloa  a  publié,  dans  le  Jour- 
nal de  la  Cote-d'Or,  une  Notice 
sur  Boisville  ,  dont  il  a  été  tiré  sépa- 
rément soixante  exempl.  pap.  vél., 
iu-8°.  \V — s. 

BOIVIX  (  Jacques-Denis),  gé- 
nérai français,  né  a  Paris,  le  28  sep- 
tembre 1756,  entra,  comme  simple 
dragon,  dans  le  régiment  du  roi,  le 
12  mars  1771,    et    en   sortit  après 
huit  ans  de  service,   sans  avoir  obte- 
nu aucun  avancement.  Douze  ans  s'é- 
coulèrent saus  qu'il  songeât  a  rentrer 
dans  la  carrière  militaire.  Mais  lors- 
que, après  la  révolution,  la  guerre 
étrangère  allait  commencer,   Boivin  , 
qui,  depuis  1789,    servait    dans  la 
garde    nationale    parisienne,    partit 
avec  les  premiers    bataillons  de  vo- 
lontaires qui   se  rendirent  aux  fron- 
tières du  nord  (  1792  ).  Il  se  distin- 
gua dans  les  combats  qui  ouvrirent 
les  Ioniques  guerres  de  la  révolution, 
et  fut  rapidement   r;ommé  capitaine, 
ebef  de  bataillon  et  adjudant -général. 
L'insurrection   ayant  édalé  dans  la 


POI 


491 


Vendée,  le  17  mars  1793,  il  fut  en- 
voyé dans  roueï.t  a  ranuée  que  com- 
mandait Biron.  et  signala  s>oa  courage 
dans  diverses  affaires,  devant  Saumur, 
aux  Ponls-de-Cé,'a\  ic  et  à  Parthenay. 
Nommé  général  de  brigade,  il  com- 
mandait la  place  de  Nantes  au  com- 
mencement de  l'an  II  (nov.  1795  ), 
lorsque  le  comité  révolutionnaire  lui 
transmit  l'élrange  arrêté  suivant, 
que  l'histoire  doit  conserver  comme 
un  des  plus  curieux  monuments  des 
fureurs  de  l'anarchie  :  «  Au  nom  du 

COMITÉ     RÉVOLUTIONNAIRE    DE     NaN- 

TES  ,   le  commandant  temporaire  est 
requis  de  fournir  de  suite  trois  cents 
hommes    de    troupes    soldées,   pour 
une  moitié  se  transporter  a  la  maison 
d'arrêt  du  Bouffay,  se  saisir  des  pri- 
sonniers désignés  dans  la  liste  ci-join- 
te ,     leur    lier    les  mains    deux    à 
deux ,   et  se  transporter  au  poste  de 
l'Eperonnière  (maison  transformée  en 
prison  ,  a  l'exlrémilé  de  liantes,  sur 
la  route  de  Paris  )  ;  l'autre  moitié  se 
porter    aux  Saintes-C' aires    (  prison 
OLi  l'auteur   de   cet  article   était  dé- 
tenu ),   et  conduire  de  celte  maison  h 
celle  de  l'Eperonnière  tous  les  indivi- 
dus indiqués  dans  la  liste  également 
ci  jointe;   enfin,  pour  le  tout,    ar- 
rivé a  l'Eperonnière  ,  prendre  en  ou- 
tre ceux  détenus  k  cetlcmaisou  d'ar- 
rêt, et  LES  FUSILLER  TOUS  INDISTINC- 
TEMENT ,    de   la   77ianière    que   le 
commandant  le  jugera    convena- 
ble.  Nantes,    le    7    frimaire ,     l'an 
deuxième    de   la  république    une  et 
indivisible.   Signé    J.-J.   Coulis  , 
M.    GrajSdmaison  ,    J.-B.    ÏVIain- 
GUET.  »  Cet  horrible     arrêté,    re- 
vêtu du   sceau  du  comité,  révolta  le 
■généreux  Boivin,  qui  savait  combat- 
Ire  et  non  assassiner.  ?>îais  dans  ces 
lemps    épouvantables    il  dut  cacher 
sa  vive  indignation.  Il  avait  été  pré- 
venu secrètement,  la  veille,  que  c'é- 


4ga 


lîOI 


tait  un  balaillon  de  noirs,  récem- 
ment arrivé  à  Nanfes,  (jiii  devait 
être  requis  par  le  comité  pour  fu- 
siller indistinctement  cent  trcnle- 
deux  Nantais ,  portés  sur  les  trois 
listes  qui  lui  seraient  remises  (i),  et 
aussitôt  il  prit  sur  lui  de  faire 
partir  dans  la  nuit  le  bataillon  de 
noirs  ponr  la  Vendée,  pensant  qu'au- 
cun bataillon  français  ne  voudrait 
souiller  l'honneur  de  ses  armes 
par  ce  vaste  assassinat.  Le  comité 
révolutionnaire  modifia  son  arrêté 
par  un  autre  du  même  jour,  portant 
que  les  cent  trente-deux  Nantais 
seraient  conduits  sous  escorte  à 
Paris,  mais  que  si  l'un  d'eux  venait  k 
s'évader  sur  la  route,  tous  les  autres 
seraient  fusillés  sur-le-champ.  Le 
général  Boivin  dut  déférer  a  la  ré- 
quisition de  fournir  l'escorte,  et  il 
choisit  un  détachement  de  braves  vo- 
lontaires parisiens  de  la  section  du 
Luxembourg,  dont  il  donna  le  com- 
mandement au  capitaine  Boussard, 
homme  d'honneur  et  de  vertu,  K  qui 
la  liste  de  mort  et  l'arrêt  furent  re- 
mis. Mais  Boivin  et  Boussard  igno- 
raient ce  qui  fut  depuis  établi  dans 
le  procès  du  comité  révolutionnaire 
et  de  Carrier,  que  le  comité  s'était 
entendu  avec  un  des  prisonniers  qui 
devaient  êl^e  transférés.  C'était  un 
horloger,  demeurant  a  Nantes,  place 
du  Pilori,  lequel  avait  consenti  a  s'é- 

(i)  Parmi  les  cent  trente-deux  Nantais  figu- 
raient les  administrateurs  du  départi  ment  de  la 
loire-lnfirieure,  le  procureur  de  la  commune, 
Kerverseau  ,  depuis  général  et  commissaire  du 
gouvernement  à  Sainl-Domingne  ;  Sotin,  depuis 
ministre  de  la  police  f/^'ur.  ce  nom,  tom.  XLUIj, 
le  comie  de  Menou,  amien  s^uvernenrdu  châ- 
teau de  Nantes;  plusieurs  noliles,  un  grand  nom. 
brn  de  riches  négociants  ,  de  médecins  ,  de 
procureurs.  Chaque  membre  du  comité  avait  eu 
soin  de  faire  porter  sur  la  lisle  ses  ennemis 
personnels ,  et  ceux  qui  exerçaient  la  même 
profession  que  lui,  pour  augmenter  sa  clientelle, 
£n  léte  de  la  liste  fut  placé  un  vieillard  riu 
nom  de  Charette,  et  ,  sur  la  route,  on  annon- 
çait que  celaient  le  général  vendéen  Charetle  et 
son  éta!-major  que  l'on  condui^ail  i  Part*. 


BOI 

cbapper  alahauteur  d'Ancenîs,surla 
promesse  qui  lui  avait  été  faite  de 
pouvoir  ensuite  rentrer  tranquillement 
dans  ses  foyers.  «  11  partit  avec  nous 
de  Nantes,  le  7  frimaire  an  II  (  27 
nov.  1795);  il  était  le  seul  (|ui  se  fût 
coiffé  d'un  bonnet  rouge.  11  se  sauva 
en  eiFtt  à  la  de.*cente  d'Oudon  ;  il 
était  également  facile  a  tous  les  au- 
tres de  s'échapper  :  les  chemins 
étaient  si  mauvais  et  la  nuit  si  noire, 
que  soldais  et  citoyens  tombaient 
pêle-mêle  dans  les  fossés,  et  s'entrai- 
daient  a  se  relever  (2).  »  Mais  quand 
le  Jour  fut  venu  ,  quoique  surveillé  et 
pressé  par  un  membre  du  comité  , 
horloger  aussi,  nommé  Bologniel , 
qui  accompagnait  les  détenus  ,  en 
qualité  de  commissaire  ,  le  capitaine 
Boussard  refusa  d'exécuter  l'exé- 
crable arrêté.  Les  Nantais  arrivèrent 
k  Angers,  où  le  représentant  Fran- 
cnstel  était  en  mission.  Bologniel 
alla  lui  dénoncer  l'inexécution  de  la 
mesure  ordonnée  -,  et,  sur-le-champ, 
le  brave  Boussard  fut  incarcéré.  Ain- 
si, ce  fut  au  général  Boivin  et  au 
capitaine  Boussard,  par  lui  chargé  de 
l'escortedescenttrente-deuxNantais, 
que  ces  victimes  dévouées  à  la  mort 
durent  la  vie  (3).  Quant  aux  fameu- 
ses novades  de  Nantes  ,  le  comman- 
dant  de  la  place    ne   lut  pas  appelé 

(2)  Relation  du  voyage  des  cent  trente-deux 
Nantais   (  publiée    en  thermidor    an    ii,    1794  )• 

(3)  Le  comité  révolutionnaire  comptait  si  bien 
sur  l'exécution  de  son  arrêté",  que,  dès  le  lende- 
main de  notre  départ ,  il  annonçait  que  nous 
n'existions  plus  :  c'était  aussi  l'opinion  générale 
dès  Nantais,  car  les  noyades  étaient  déjà  com- 
mencées ;  et ,  quinze  jours  avant  notre  proscrip- 
tion, le  comité  avait  fait  précéder  la  célébration 
de  la  fêle  de  la  Raison  par  b  première  épreuve 
des  bateaux  à  soupape,  oit  furent  engloutis 
quatre-vingt-dix  prêtre;  envoyés  par  le  proconsul 
en  mission  dans  la  Nièvre.  Lorsque  nous  arri- 
vâmes à  Angers,  on  venait  cl'exécutemne  grande 
noyade  aux  Ponts-de-Cé,  sans  autre  motif  que 
celui  d'évacuer  la  [u.son  du  Pitit-Î^éminaire,  qui 
devait  nous  recevoir.  Nous  trouvâmes  dans 
toutes  les  chambres  ou  du  feu  dans  les  chemi- 
nées, ou  des  aliments  préparés,  ou  des  couverts 
mis,  on  des  bardes  ,    et    toutes  les  tiac»«  d'une 


BOI 

k  y  prendre  |.art.  Elles  fureiil  loiiles 
exécutées  par  uue  cornpag/ue  ilite 
de  Manit  ^  (jiii  avait  été  orj^^aiiisée 
et  année  ])ar  le  comité  révululion- 
uaire.  Après  la  révolution  delhermi- 
tlor,  Boivin  alla  servir  sur  le  llhiu- 
Dans  l'an  MI,  (  i  798  )  ,  il  pas^a  à 
l'armée  d'Helvélit;  et  se  couvrit  de 
gloire  à  l'affaire  de  Scliwitz ,  où  à 
la  léle  de  sa  brigade  il  enleva  aux 
iiusses  quatre  canons,  un  draptau  et 
mille  piisoufiiers.  Le  i3  brumaire, 
étant  à  Paris  ,  il  se  tléclaia  pour 
Bonaparte,  et  le  suivit  kSaiiU-Cioud. 
Lien  tôt  après  ,  sa  conduite  a  la  La- 


BOl  493 

taille  de  IScw-IsemLourg  ,  près  de 
Frauclorl,  lui  valut  les  éloges  du  géné- 
ral en  chef.  Il  lit  encore  avec  honneur 
les  campagnes  de  i  801-1802,  celles 
des  trois  années  suivantes  (i  8o3- 
i8o5),  à  Tarmée  gallo-batave,  sous 
Augereau.  Napoléon  lui  confia  plus 
lard  le  gouvernement  de  Bordeaux, 
et  Boivin  continua  de  servir  jusqu'à 
la  chute  de  l'empire.  Sa  probité  et 
SJn  désintéressement  honorèrent  sa 
carrière  militaire,  où,  comme  tant 
d'aulrea,  il  eut  pu  élever  l'édifice  de 
sa  fortune  :  et  quand  ce  brave  vété- 
ran des  armées    de  la  république  et 


li.ib.tatidii  HHenle,  qui  ne  pouvait  avoir  ci  ssé 
<|ue  drpuis  queli|ucs  liemcs.  .  .  ;  et  pas  un  être 
vivant!  Uipeiulant  les  Vcudeeiis,  après  la  déroule 
du  Mans,  aUaient  se  préseiiter  devant  Angers, 
pour  repasser  la  Loire  :  bu  jugea  a  propos  de 
nous  transférer  dùus  l'aucieniie  prison  de  la 
Sénéchaussée.  >,ous  la  trouvâmes  également 
destite:  ou  venait  aussi  de  uojcr  précipitaai- 
ir.ent,  pour  nous  faire  place  ,  les  prisonniers  de 
1.1  ^enliee,  qui  la  remplissaient  ,  et  dont  ics 
bardes  {(rossieres  étaient  encore,  en  graud  nom- 
bre, accrochées  aux  parois  de  la  cour,  de  la 
chapelle  et  des  cachots  (  Voy.  Va  Relation  du 
vjyii^e  des  cent  tunU-deux  Nantais).  ISous  de- 
vions être  noyés  aussi;  Carrier  et  le  comité  ré- 
vuliitiounaire  de  ÎSantes  avaient  arrangé  ceîte 
cipediliou  avec  le  proconsul  d'Angers  ;  mais 
le  géner.il  Danican  nous  sauva  par  sa  résistan- 
ce et  par  sou  énergie.  Lui-même  a  publie  quelle 
fut  sa  uoblc  couduUe  eu  cette  circonstance  .  . 
Il  ialluldonc  se  résoudre  à  nous  laisser  jurtir 
d'Augers  et  à  nous  remetlre  sur  la  roule  de 
l'aiis.  Mais  notre  dépare  fut  combiné  avec  le 
jour  ou  nous  devions  rencontrer,  sur  la  levée, 
l'aruiee  révolutionnaire,  comuiandée  par  Uon- 
siu  ,  qui  avait  reçu  mission  de  nous  égorger. 
Aous  pariiuies  lies  iiz  à  six,  sous  l'escorte  de 
trente  à  quarante  hommes  du  régiment  ci-de- 
vant Royal-Coiniois,  et  comiuaudés  par  nn 
brave  oflicier,  originaire  de  Alayeuce,  dont  on 
regrette,  dans  la  llelut-uit  tléjà  citée,  de  ne  pou- 
voir faire  coniii-ilie  le  nom.  Kotre  destinée 
éiait  de  ne  trouver  des  seulimeuts  humains  que 
dans  les  militaires.  Les  soldats  demandaient  à 
porter  nos  faibles  bagages,  et  nous  confiaient 
assez  souveul  leurs  armes  en  eeiiange.  Arrivés 
à  .Saint-Maihuriu  ,  le  commandant  de  l'escorte 
nous  avertit  que  quinze  cents  hommes  de  l'ar- 
mée révolutionnaire  approchaient,  et  il  uoiisût 
entrer  dans  l'église,  nous  l'ecommaii'Jant  le  silen- 
ce jusqia  ce  que  la  troupe  eut  uéfiié.  C'est  ainsi 
que  nous  fùm'S  encoie  sauvés,  et  il  ne  rcsia 
plus  [luur  nous  que  les  daiii;ers  encore  bien 
grandi  du  tribunal  de  iMUiquirr-'iaiin  ille-  Ce- 
pendant, même  a  ce  nibunal  de  sang,  il  fallait 
la  matière  qicicoiique    d'un  acte  d'ac-cusatiou. 


cl  le  «.liiiiiié  de  Xanîes  n'avûit  envoyé  aucune 
pièce,  parce  qu'il  ne  pensait  pas  que  notre 
voyage  Uut  s'achever.  Fouquier  écrivit  ;  le  co- 
mité n'avait  point  de  charges  a  lui  Iransmcltre. 
L'accusateur  public  réitéra  plusieurs  fois,  avec 
instance,  la  demamie  de  quelques  pièces.  Enfin, 
arrivèrent ,  au  lien  de  pièces,  des  noies  ;  celle  qui 
me  concernait  était  la  plus  grave  :  la  voici  dans 
sa  courte  énergie  :  ^  tilenayc,  secrétaire  du  scé- 
lérat  giiilloli}ié  Builly,  guUlutiiiable  cv/nme  lui.  Or 
je  n'avais  connu  ÏJailly  que  lorsqu'il  n'avait 
plus  besoin  dj  secrétaire;  lorsqu'il  vint  passer 
dans  ma  maison,  à  îîantes-  la  dernière  année  de 
sa  vie.  Les  autres  notes  étaient  beaucoup  plus 
insignifiantes.  Un  grand  uombre  de  mes  camara- 
des d'infortune  n'avaient  pour  accusation  que 
les  épilhètes  dejederaliste  ,  ou  d'anslocrate,  ou 
même  di"  muscadis.  Fouquier  avait  toujours  at- 
tendu, mais  en  vain  ,  trautres  éléments  de  l'acte 
d'dcciisatiou  qu'il  voulait  rédiger  ;  en  sorle  que 
le  g  thermidor  ariiva  avant  notre  mise  en  ju- 
gement. Mais  déjà  le  tiers  d'entre  nous  avait  suc- 
comijè  aux  maladies  ou  aux  chagrins  ;  et  les 
cent  Ironie-deux  Nantais  étiiient  réduils  à  qua- 
tre-vingt-quatorze, lorsqu'ils  furent  jugés  et  ac- 
quilles,  le  28  fruclidor  an  11  •(  14  septembre 
1794  )-  J'avais  le  trisle  honneur  d'occuper  ce 
(îii'on  apjii  lait  le  fatUeuil  dans  ce  procès  uié- 
miTable  qui  ,  avec  la  lielation  que  j'avais  pu- 
bliée, dont  six  éditions  furent  faites  dans  huit 
jours,  et  qui  a  eie  traduite  en  plusieurs  langues, 
eut  une  grande  influence,  fon;,:  la  ni^se  en  ju- 
gement du  coiniié  révolutionnaire  et  de  Car- 
rier,et  reudit  impossible  le  projet,  existant  en- 
core à  celte  époque,  de  inain'.eiiir  le  règne  de 
la  terreur.  Après  des  conclusions  a  mort  prises 
contre  moi,  contre  les  administrateurs  du  dépar- 
tement de  la  Loire-Inférieure,  contre  le  procu- 
reur, de  la  commune  de  Nantes,  et  contre  le  gé- 
néral Kerversiau,  je  fus  déclare,  aiuti  qu'eux, 
alleiul  et  convaincu  d'avoir  conspiré  contre  /'unité 
et  i'indivinOilité  de  la  république  ;  mais  il  fut  dé- 
clare eu  même  Iriujjs  que  nous  n'avions  |)oiut 
agi  aiec  des  intenliors  contre-révolutionnaires  : 
cjuiinesi,  en  l'g-i,  i'  eut  éié  possibli^  de  conspi- 
rer avec  d'aulres  intentions  1  Le  fait  eôt  que 
BOUS  n'avions   nnllement  coaspirë. 


494 


BOL 


de  remplre  mourut,  âgé  de  soixante- 
seize  ans,  au  mois  de  juillet  1802, 
il  n'avait,  pour  lui  et  pour  sa  femme, 
d'autres  moyens  d'existence  que  sa 
pension  de  retraite.  V — ve.    • 

BOLGEjVI(Jean-Vikcent),  cé- 
lèbre théologien  ,  naquit  a  Ber^ame, 
le  22  janvier  lySo.  Ayant  embrassé 
la  règle  de  Saint-Ignace,  il  fut  chargé 
d'enseigner  la  philosophie  et  ensuite 
la  théologie  à  Macerala.  La  suppres- 
sion de  la  Société  lui  causa  d'autant 
plus  de  chagrin  que  ses  talents  lui 
donnaient  l'espoir  de  briller  dans  les 
premiers  emplois.  Le  pape  l*ie  VI, 
instruit  de  bon  méiile,  le  fit  venir  a 
Rome  et  le  nomma  son  théologien- 
pénitencier.  Défenseur  ardent  des 
principes  qu'il  avait  puisés  chez  les 
jésuites,  Bolgeni  ue  cessa  de  com- 
battre ceux  qui  les  attaquaient  j  mais 
ce  fut  avec  si  peu  de  mesure  que 
plusieurs  de  ses  confrères  se  crurent 
obligés  de  le  réfuler.  Dans  les  con- 
troverses auxquelles  donnèient  lieu 
presque  tous  ses  ouvrages  ,  il  se 
montra  plus  jaloux  de  faire  triompher 
ses  opinions  que  de  conserver  en- 
vers ses  adversaires  les  égards  dont 
tout  écrivain  qui  se  respecte  ne  de- 
vrait jamais  s'écarler.  Il  se  prononça 
contre  la  nouvelle  église  de  France 
avec  un  tel  emportement  que,  dans 
une  brochure  publiée  en  1794^  (i), 
il  alla  jusqu'à  soutenir  que  tous  les 
jansénistes,  c'est-a-dire  les  constitu- 
tionnels ,  étaient  sans  exception 
des  jacobins.  Cependant  la  républi- 
que romaine  ayant  en  1799  ordonné 
que  les  instituteurs  et  fonctionnaires 
publics  prélassent  le  serment  civi- 
que ,  il  écrivit  eu  faveur  de  cette  me- 
sure. Abandonné  dès-lors  par  ses 
amis,  il  ne  trouva  d'appui  que  dans 
les  ranos  de  ceux  nu'il  n'avait  cessé 


(1)    l'roblema    se    i  giuu\enisti   siaiiu   jacobint. 
Rouie,  in-S*. 


BOL 

de  combattre.  Une  telle  position  n'é- 
tait pas  tenable,  et  Bolgeni  s'em- 
pressa d'adiesser  sa  rétractation  au 
sacré  collège  assemblé  a  Yeuise  pour 
l'élection  d'un  pape.  Il  mourut  a 
Rome,  le  3  mai  181 1,  Morcelli 
composa  son  épitaphe ,  qui  est  rap- 
portée par  Caballero  a  la  fin  de  l'ar- 
ticle qu'il  lui  a  consacré  dans  le  Sup- 
plément s.  la  Bibliothèque  du  P. 
Southwell.  On  y  trouve  une  liste  de 
ses  écrits  dont  les  principaux  sont  : 
I.  Esame  délia  vera  idea  délia 
santa  Sede,  Macerata,  1786,  in-8°. 
(l'est  une  réfutation  de  l'ouvrage  du 
fameux  P.  Tamburini.  IL  //  criti- 
co  (2)  corretto  ossia  ricerche  cri- 
tiche  ,  ibid.  ,  1786,  in-8°.  III. 
FalLi  dommatici  ossia  délia  infal~ 
lihilità  délia  chiesa  nel  décidera 
sulla  dottiina  buona  o  cattiva  de' 
libri,}ictiscia.,  1788,  z  vol.  iu-8°- 
et,  avec  des  additions,  Rome,  1796, 
3  vol.  Cet  ouvrage  fut  vivement  cri- 
tiqué par  Guadaguini,  archi-prètre 
de  Valcaraouica.  IV.  Délia  cari  ta 
o  ainor  di  Dio^  dissertazione  in 
quattro  parti  cou  appendice,  Ro- 
me, 1788.  2  vol.  iu-8".  Cet  ouvrage 
fut  censuré  par  deux  de  ses  anciens 
confrères,  Muzzarelli  et  Certes.  Bol- 
geni leur  répondit  par  les  Schiari- 
nienti,  Follgno  ,  1788  ,  ttV^polo- 
gia ,  ibid.,  1792.  in-8°.  V.  Ilves- 
covado  ossia  délia  podestà  di  go- 
l'ernarc  la  chiesa,  Rome,  1789, 
in-4".  VI.  l'Economia  délia  fede 
cristiana,  Brescia ,  1790.  VII.  // 
possesso ,  principiojbndamentale 
per  décidera  i  casi  morali ,  ibid., 
1796.  La  suite  de  cet  ouvrage  n'a 
été  publiée  qu'après  la  mort  de  l'au- 
teur ,  à  Crémone  ,  en  181 6.  Vt — s. 

?.)  Et  non  pas  Cristiano,  comme  on  lit  dans 
Il  llio^rajia  ('.((fcrtn/r,  VI,  3S6.  On  a  liù  signa- 
ler cette  faute  tj|)Ogia]>lii((ue,  pour  empêcher 
qu'elle  ne  se  iierpslue,  comuie  cela  u'arrire  que 
trop  souvent. 


BOL  BOL  495 

laOhlV  AlA.  y  Ponte  {don  Si-     Je  dormir,   ce  sont  là  île  ces  lieux 
WOiV),    né  a  Caracas,    le    24.  juillet     comicuus  que  les  flatleurs  prodiguent 
1783,  d'une   famille  de  Manluauas,      tu'ijours  aux  hommes  puissants,  même 
avait  pour  père  un  colonel  de    mi-     après  leur  mort,  et  les  libérateurs 
lice  de  la  plaine  d  Aragua  (province     n'en  manquent  pas  plus  que  les  autres. 
de  Barcelone).    Le    plus   jeune    de     Ce    qui   semble    plutôt  avoir   frappé 
quatre  enfants,  qui  demeurèrent  or-     Bolivar,  à  Paris,  c'est  Tomnipotence 
phelins    de     père    et    de     mère    eu     à  laquelle  arriva  si  promptemenl  Bo- 
lySg,  11  reçut  une  éducation  très-     aiaparte ,  c'est  son  couronnement.  Il 
incomplète.  Cependant  ayant  été  en-     y  assistait  en   1804  ,   et  l'année  sui- 
voyé  en  Europe  a  l'âge  de  quatorze     vante  il  fut  présent  à  la  prise  de  pos- 
ans ,  il  y  fut  accueilli  par  un  de  ses     session   de  la  couronne  de  fer  par 
oncles ,  qui  habitait  Madrid ,   et   qui     l'homme    qui  un    instant    renouvela 
prit  soin  de  sa  jeunesse.  D'un  carac-     Charlemagne.  Toutefois  il  paraît  que, 
tère  ardent  et  très-aclif,  il  répara  le     cédant  a  l'entraînemeul  de  quelques 
temps  perdu  eu  étudiant  avec  le  plus     amis,  il  avait  laissé  échapper,  sur  l'am- 
grand  zèle   les  lettres  et  surtout  les     bitiou  et  la  marche  peu  libérale   du 
sciences  exactes.  Maisl'amour  l'enleva     fds  de  la  révolution  française,   quel- 
bientôt  à  l'étude.  Il  avait  h  peine  dix-     ques  propos  que  la  police   impériale 
sept  ans  lorsqu'il  demanda  en  mariage     aurait  puuis,  si  l'influence  de  quelques 
dona  Térésa,  sa  cousine.  En  vam  ses     hauts  personnages  n'eût  fait  passer  sur 
amis  cherchèrent  a  le  détourner  d'une      les    paroles   sans   conséquence    d'un 
passion  aussi  précoce,  en  l'engageant     jeune  homnie  de  vingt  ans.  Quant  a 
a  se  rendre  "a  Paris.  Il  ne  resta  que     ses  occupations  réelles  au  sein  de  la 
quelques  mois   dans    celle   capitale,     capitale  de  la  Erance,  elles  se  rédui- 
et    ne     tarda    pas    a    reparaître    a     iaient  à  de  légères  éludes  peu  suivies  è 
Bilbao  ,  alors  le  séjour  de  dona  ïé-     les  cours  publics,  les  leçons  v  jouaient 
résa.     Malgré    sou    âge,    il   obtint     un  rôle  moins  grand  que  des  leclurcs, 
enfin  la  main  de  la  jeune  personne     des  conversalions,  la  plupart  frii-^les 
qu'il  emmena  aussitôt  en  Amérique,  où     ou  superfi^elles.  Il  acquit  néanmoins 
11  eut  le  malheur  de  la  perdre  cinq     ainsi  des   notions  assez   variées  5   il 
mois  après  son  arrivée.  Celle  perte     entendit  parler  d'objets  de  tous  les 
l'affligea  vivement ,  mais  il  ne  fut  pas     genres  j  et,  sans  être  a  même  de  se 
inconsolable  ,    et  ce  ne  fut  point  afin     former  des  opinions   raisonnées  ,    il 
de  quitter  les  lieux  témoins  de  son  in-     apprit  du  moins  l'existence  des  q"es- 
forlune  que  deux  ans  après  (i8o3)      lions.   Il   ne   sut   jamais    que    très- 
il  s'embarqua  de  nouveau  pour  l'Eu-     imparfaitement  le  français  ,  et  l'on  a 
rope  ,  et  qu'Use  rendit  à  Madrid,  puis     de  lui  des  lettres  dans  cette  langue  qui 
à  Paris.    Ses  panégyristes  ont  vanté     offrent  de  nombreuses  fautes.  Ainsi 
l'ardeur  avec  laquelle  il  reprit  l'étude     on  ne  l'a  pas  calomnié   eu  affirmant 
des  sciences  physiques  et  politiques  5     qu'il    se    livra  à   tous     les    plaisirs 
llssontallésjusqu'adireciu'ilclierchait     qu'offre  à  l'oisiveté  opulente  le  séjour 
à  s'instruire  plus  particulièrement  de     de    Paris.    Au  reste,   c'était    imiter 
tout  ce  qui  pouvait  le  servir  dans  ses     ses  compatriotes  ,    ([ui  presque  tous, 
projets   de  donner   la  liberté  à  son     penda:it  un  court  séjour  en  Europe, 
pays.  Que  dès-lors  la  gloire  de\\a-     dépensent  plusieurs  années  de  leurs 
shington  et  de  Fraiikliu  l'empêchât     revenus.  Le  sien  était  considérable  et 


4yfJ 


BOL 


lui  permellalt  de  satisfaire  des  goùls 
inème  dispendieux.  De  Milan  ,  où  il 
était  allé  voir  le  second coiironuement 
de  jNapoléoa,  Bolivar  se  dirigea  vers 
le  midi  de  la  Péninsule ,  eu  visita  les 
principales  villes,  et  enfin  se  rendit  à 
Rome, où  nous  ne  croyons  pas,  comme 
on  l'a  prétendu  ,  qu'il  ait  juré  sur  le 
Mojit-Sacré  de  rendre  sa  patrie  libre. 
11  Ht  aussi  une  excursion  en  i^llemague, 
avec  des  lettres  de  recommandation  , 
parmi  lesquelles  ou  distingue  celle  de 
M.  de  Humboldt.  H  retourna  ensuite 
en  Espagne,  traversa  l'Atlantique,  et, 
avant  de  rentrer  dans  sa  patrie  amé- 
ricaine, alla  observer  les  Etats-Unis. 
Revenu  dans  ses  domaines  d'Aragua  , 
il  y  mena  la  vie  obscure  et  inactive 
des  Mautuanas  jusqu'aux  événements 
qui  bouleversèrent  la  péninsule  espa- 
gnole en  1808,  événements  dont  la 
commotion  se  fit  bientôt  sentir  dans 
le  fond  de  l'Amérique.  Une  anar- 
chie complète  vint  troubler  ces  pro- 
vinces. Des  ordres  ,  des  procla- 
mations et  des  décrets  de  tous  les 
partis  y  parvinrent  a-la-fois.  Ici, 
Murât  réclamait  pour  Charles  IV  j  là, 
Ferdinand  VII,  roi  par  l'abdication 
de  son  père,  intimait  des  cydres  à  ses 
fidèles  sujets  d'Amérique  ;  puis  ve- 
naient les  ordres  du  jour  au  nom  de 
JNapoléon  et  de  Josepli-lXapoléon  ,  et 
enfin  toute  la  foule  des  déclarations 
de  la  junte  de  Cadix,  de  la  junte  de 
Séville ,  de  la  junte  des  Asluries  , 
toutes  se  proclamant  légitimes  et 
seules  légitimes,  toutes  prétendant  a 
une  aveugle  soumission.  Jamais  co- 
lonie n'eut ,  il  faut  le  dire,  une  plus 
belle  occasion  de  secouer  le  joug  de 
la  métropole.  Mais  a  cette  époque  l'i- 
dée d'indépendance,  loin  d'être  do- 
minante ,  avait  a  peine  été  conçue 
par  quelques  esprits  ardents.  ()ueique 
temps  la  balance  dans  l'Amérique  du 
Sud  pencha  en  faveur  du  parti  fran- 


BOL 

çais  :  les  autorités,  pour  se  main- 
tenir dans  leurs  postes,  étaient  dis- 
posées à  reconnaître  la  dynastie  de 
JNapoléon.  L'opinion  populaire  flot- 
tait indécise.  La  présence,  les  propos 
de  l'anglais  Deaver  que  le  capitaine- 
général  de  Caracas  eut  l'imprudence 
de  laisser  initier  les  Caraguins  à 
tout  ce  qui  s'était  passé  en  Espagne, 
changea  ces  dispositions  en  haine.  II 
n'y  eut  plus  dès-lors  qu'unevoix  con- 
tre JNapoléon,  contre  les  Josephinos, 
lesafrancesados,  les  hérétiques,  etc. 5 
on  porta  en  triomphe  le  buste  de  Fer- 
dinand VII  j  le  capitaine  -  général  dut 
se  mettre  en  communication  avec  la 
junte  de  Séville  ,  et  peu  après  il  re- 
çut sa  destitution  des  mains  de  don 
Manuel  Emparan  ,  envoyé  pour  le 
remplacer.  Bolivar,  colonel  de  mlHce 
à  Aragua,  comme  son  père  l'avait  été, 
ne  prit  d'abord  aucune  part  aux  événe- 
ments. Malgré  les  instances  réitérées 
de  son  cousin  don  Féhx  Ribas,  il  re- 
fusa d'entrer  dans  les  plans  de  To- 
bar  et  de  ses  compagnons ,  pour 
l'indépendance  de  la  capitainerie- 
générale  ,  et  il  traita  l'entreprise 
projetée  contre  le  délégué  euro- 
péen de  folle  et  d'inexécutable. 
Cotte  entreprise  n'en  eut  pas  moins 
lieu  5  elle  réussit  le  19  avril  i8ro. 
Tonlefuis  la  junte  suprême,  installée 
par  les  insurgés,  reconnaissait  en  ap- 
parence Ferdinand  VII,  et  ne  refusait 
obéissance  qu'a  la  régence  qui  venait 
de  se  substituer  a  la  junte  centrale 
d'Andalousie,  et  dont  alors  toutes  les 
possessions  se  bornaient  à  Cadix  et  à 
la  Galice.  Mais  celle-ci  ne  vit  qu'une 
rébellion  dans  les  événements  du  19 
avril;  et  une  mésintelligence,  prélude 
de  guerre,  sépara  la  colonie  de  la 
métropole,  entre  ce  que  l'on  nom- 
mait dès-lors  le  parti  européen  et  les 
Américains.  Malgré  le  triomphe  de 
ses  amis ,  Bolivar  ne  se  prononça  pas 


BOL 

frauchemenl  sur  le  parti  a  prendre 
dans  la  lutte  qu'où  pressentait;  il 
n'inspira  au  nouveau  gouvernement 
pas  plus  de  confiance  qu'il  n'en  mon- 
trait lui-même.  Aussi  de  tant  de 
fondions  militaires  ou  civiles  qui 
eussent  pu  plaire  a  sou  ambition, 
n'accepta-f-il  ou  u'oLtint-il  que  celles 
d'envoyé  à  Loudresj  encore  lui  im- 
posa-t-on  pour  collègue  don  Louis 
Lopez  y  Mendez.  Les  deux  envoyés 
devaient  demander  la  protection  de 
l'Angleterre  en  cas  d'attaque,  et  sa 
médiation.  La  réponse  fut  ambiguë. 
Il  était  impossible  de  reconnaître  un 
gouvernement  encore  informe  ,  et  qui 
d'ailleurs  ne  s'an:ioncait  pas  comme 
fait  définitif 5  d'autre  part,  la  puis- 
sauce  qui  avait  le  monopole  des  mers 
et  du  commerce  devait  chercher  a 
perpétuer  ces  avantages.  Le  marquis 
de  Wellesley  dit  donc  à  Lopez  et  à 
Bolivar  que  le  gouvernement  britan- 
Dique  les  protégerait  contre  les  atta- 
ques françaises,  qu'on  ne  craignait  pas, 
et  il  promit  les  bons  offices  du  cabinet 
près  de  la  métropole.  Les  deux  en- 
voyés n'obtinrent  de  plus  que  l'ex- 
portation d'un  petit  nombre  d'armes, 
qu'ils  dnreut  payer  comptant  et  fort 
cher.  î>i  l'un  ui  l'autre  n'étaient  dans 
le  secret  des  vues  de  la  Grande-Bre- 
tagne. Bolivar,  rebuté,  laissa  son  col- 
lègue poursuivre  ses  négociations,  et 
arriva  eu  Amérique  le  5  déc.  ,  ac- 
compagné de  Miranda ,  que  le  ca- 
hinet  de  Saint-James  envoyait  popr 
exploiter  au  profit  des  x\nglaisles  dis- 
positions des  Caraguins.  Il  était  ren- 
tré dans  le  cercle  de  la  vie  privée, 
lorsquel'accession  du  général  Miranda 
au  suprême  commandement ,  après  les 
deuxconspiratious  royalistes  de  i  8 1 1 , 
le  fit  sortir  de  cette  inaction.  Il  prit 
part  aux  combals  qui  eurent  lieu  pour 
la  réduction  des  rebelles  de  Valence 
et  au  siège  de  Guacara  •  puis,  après 


BOL 


497 


la  déclaration  d'indépendance  par  le 
congrès  de  Venezuela,  le  tremblement 
de  terre  du  26  mars  et  la  dictature 
de  î\lirauda ,  il  reçut  le  brevet  de 
lieutenant  -  colonel,  et  fut  nommé 
commandant  de  Puerto -Cabello,  dont 
la  possession  devait  empêcher  sur 
toute  cette  côte  le  débarquement  des 
Espagnols.  Miranda  ,  qui  avait  eu 
quelques  succès,  comptant  sur  la  force 
de  la  place,  y  envoya  ses  prisonniers 
que  l'on  tint  enfermés  dans  la  cita- 
delle. Mais  ceux-ci  se  révoltèrent  et, 
quoique  sans  armes  ,  demeurèrent  , 
par  la  trahison  de  \inoni ,  maîtres  de, 
la  citadelle.  Bolivar  rallia  en  vain  les 
restes  de  la  garnison  qu'il  avait  dans 
la  ville  5  il  fut  obligé  au  bout  de  six 
jours  de  l'abandonner  aux  royalistes. 
Outre  le  défaut  de  surveillance,  ses 
ennemis  lui  reprochèrent  alors  de  ne 
pas  avoir  fait  sortir  de  la  place  qu'il 
abandonnait  la  pendre,  les  armes  et 
les  munitions.  La  position  déjà  fâ- 
cheuse de  Miranda  devint  intenable 
par  cet  échec  inattendu:  tout  se  dé- 
clara pour  son  ennemi  qui  de  jour  en 
jour  voyait  ses  forces  se  grossir  et  par 
les  désertions  et  par  l'accession  des 
douze  cents  prisonniers  de  Puerlo- 
Cabello,  et  par  les  renforts  que  les 
communications  libres  désormais  lui 
permettaient  de  recevoir.  Peu  de 
temps  après,  la  capitulation  de  Vi- 
toria,  entre  Monleverde  et  Miranda, 
promit  amnistie  aux  Caraguins,  mais 
fit  poser  les  armes  a  tous  les  fauteurs 
de  l'indépcndauce  et  remit  leur  pays 
sous  le  pouvoir  de  l'Espagne.  On  sait 
avec  combien  d'éclat  les  promesses 
d'amnistie  furent  violées.  Miranda  , 
qui  se  préparait  a  quitter  les  lieux  où 
triomphait  son  adversaire,  fut  la  plus 
illustre  victime  du  système  de  perfi- 
die et  de  réaction  qui  s'appesantit 
sur  le  Caracas.  Au  moment  de  s'em- 
barquer sur  la  corvette  anglaise ,  le 

32 


/iy8 


BOL 


Snp/iir,  il  fut  arrélé  par  Peiia  et 
Maria  Casas  ,  qui  le  livrèreui  a  Mou- 
tevtrde  ,  lequel  l'envoya  mourir  dans 
les  cacbols  de  CadiX.  On  e,t  affligé 
de  liouver  Bolivar  a  cùlé  de  ces  en- 
nemis de  Mirauda.  Quel  molif  le 
poussait  ])arnn  ei'X?  Les  reproches 
de  ce  général  sur  l'aveulure  de  Puer- 
to Cabtllo?  ou  bien  l'envie  de  faire 
disnaraîlre  un  liomme  qui,  dans  touie 
îiisurreclion  conlre  la  ii)étrû[/ole  ,  le 
primerait  nalurelkincul?  ou  la  dé- 
couverte de  ses  intrigues  en  faveur 
de  TAnglelerre?  Quoi  qu'il  en  soit  , 
les  partisans  Ks  plus  eilhousiasles  de 
liolivar  ont  jeté  uu  voile  sur  celte  cir- 
constance de  sa  \ie.  —  Cependant  les 
fureurs  du  parti  de  la  métropole  de- 
venaient effrayantes.  Uolivar,  au  foml 
de  sa  terre  de  San-Matco.  craignit 
que  l'orage  ne  vînt  lallcludre  malgré 
la  proleclion  de  don  iLurbe  ,  secré- 
taire de  Moiiteverde.  11  se  rendil  près 
de  ce  général,  cjui ,  entraîné  par  le 
toricul,  donnait  les  mains  a  ce  qu'il 
ne  pouvait  empêcher.  Bolivar  reçut  de 
lui  un  passe-port  pour  Curaçao,  avec 
des  lettres  de  recommandation  pour 
un  marchand  anglais  t[ui  allait  quitter 
Puerto  Cabello  j  mais  ,  sans  égard 
pour  la  recommandation  du  général 
espagnol,  celui-ci  reprocl.alrès  vive- 
ment h  Bolivar  sa  conduite  a  l'égard 
de  Mirauda ,  et  refusa  de  le  recevoir. 
Bo!i\ar  n'en  débarqua  piis  moins 
quelques  jours  plus  taid  ,  avec  son 
';f>usiii  Félix  Ribas  ,  a  Curaçao,  puis 
h  Cuithagène,  libre  alors  du  joug  es- 
pagnol. Beaucoup  de  soldais  de  Mi- 
randa  et  de  réfugiés  de  Caracas  s'y 
Irouvaienl.  Bolivar  et  son  cousin  y 
furent  très-bien  reçus  du  président 
Moni;e!- Rodriguez  Tonicès  et  du 
Français  Pierre  Labatut ,  comman- 
dant. Bolivar  publia  pluîieu;s  écrits 
kur  les  désastres  de  Venezuela  et  sur 
[a  aéi  cssité  de  l'union  entre  les  pa- 


BOL 

trioles.  11  fui  ensuite  nommé  inspec- 
teur des  milices  républicaines,  puis 
colonel  dans  l'armée  active.  Il  son- 
geaila  former  un  corp.'>  d'armée,  afin 
de  prendre  la  revanche  des  indépi^n- 
danls  sur  Monteverde.  Ses  projets 
plurent  au  congrès  de  Carthagène  j 
el  Torricès  aulorisa  les  ofliciers  et 
quelques  corps  de  l'armée  grenadine 
k  prendre  paît  a  la  tentative  des  ré- 
fugiés caraguins.  11  leur  fournit  même 
de  l'argent,  des  munitions,  des  ar- 
mes, et  leur  adjoignit  Jfanuel  Cas- 
lillo,  son  cousin  5  avec  cinq  cents 
hommes.  Mais  cet  auxiliaire  ,  au 
fond  ,  n'était  qu'un  chef  avec  des 
pouvoirs  mal  définis.  Bolivar  condui- 
sait les  Vénézuéliens  au  nombre  de 
trois  cents  ;  Ribas  commandait  en 
second.  C'est  au  commencement  de 
janvier  i8i3  que  Bolivar  et  Castillo 
quittèrent  Carthagène.  Mais  la  mé- 
sintelligence éclata  bientôt  dans  cette 
petite  armée.  Les  Grcnalins  et  les 
Caraguins  se  divisèrent,  et  Castillo  , 
prétendant  n'avoir  point  d'ordre  à 
recevoir  de  Bolivar ,  marchait  a  son 
gré ,  campait  "a  part.  Simple  ré- 
fugié ,  protégé  du  gouvernement  de 
Carthagène  et  au  fond  sou  ennemi 
secret  el  redouté,  Bolivar  ne  pouvait 
sans  doute  forcer  le  parent  de  Tor- 
ricès k  reconnaître  son  pouvoir;  d'ail- 
leurs ses  trois  cents  hommes  n'au- 
raient pas  suffi  pour  en  réduire  cinq 
cents  k  l'obéissance.  Il  y  eut  plus  : 
un  décret  du  congrès  lui  confia  le 
commandement  de  Barancas,  bourg 
sur  la  Madeleine  ,  tandis  que  le  corps 
greuadiu  s'avançait  a  l'est  ;  c'était  in- 
directement le  condamner  k  l'inac- 
tion. Ribas  ouvrit  alors  l'avis  de 
passer  outre  et  de  désobéir,  d'agir 
sans  les  Grenadins  el  d'effacer  l'in- 
subordination par  de  la  gb^Ve.  k  II 
faut  ,  disail-il ,  remonter  la  Made- 
leine ,    franchir  les   luouts  de  Pam- 


BOL 

plona  ,  prendre  les  Caraguins  a  re- 
vers. La  capitainerie-générale  n  al- 
tend  ijii'un  libérateur  ,  notre  faible 
escorte  sera  bienlôl  décuplée  par 
l'adjonction  des  patriotes,  des  mé- 
contents ,  partout  où  nous  passe- 
rons. »  Ribas  parlait  avec  autant  de 
raison  que  d'énergie ,  et  tout  se  passa 
comme  il  le  prédisait.  Réunissant  an- 
tour  d'eux  tout  ce  qu'ils  purent  trou- 
ver de  forces  ,  ils  s'emparèrent  de 
Ténériffe ,  sur  la  rive  droite  de  la 
Madeleine  ,  passèrent  sans  obstacle 
dans  tous  les  villages  de  cette  même 
rive,  arrivèrent  li  Mompox,  où  Bo- 
livar fut  reçu  avec  enthousiasme  et  où 
il  trouva  de  l'argent ,  des  provisions 
et  quelques  recrues.  L'armée,  pour- 
suivant ses  opératious ,  mit  en  dé- 
roule l'ennemi  et  arriva  à  Ocana, 
sur  les  confins  de  la  Grenade  et  du 
Venezuela.  Le  récit  des  cruautés  es- 
pagnoles leur  attirait  beaucoup  d'au- 
xiliaires. Déjà  suivi  de  plus  de  deux 
m  die  bommes,  lorsqu'il  arriva  aux 
Andes,  Bolivar  passa  ces  hautes  mon- 
tagnes dans  les  parages  de  Pamplona, 
puis  traversa  le  Tachira  ,  limite 
orientale  de  la  Nouvelle-Grenade. 
Plusieurs  milliers  de  Vénézuéliens 
vinrent  se  rassembler  sous  ses  dra- 
peaux. Ribas,  a  la  tête  de  six  cents 
hommes  de  la  Nouvelle-Grenade, 
que  lui  accordait  le  congrès  de  Tuuja, 
opérait  sa  jonction  avec  Bolivar  sur 
les  terres  de  Venezuela.  Il  est  vrai 
qu'en  même  temps  le  congrès  impo- 
sait k  celui-ci  l'obligalion  de  rétablir 
le  système  fédéral.  Bolivar  accepta 
les  troupes  et  n'eut  souci  de  la  con- 
dition. Détaché  du  côté  de  Guada'ito, 
le  colonel  Briceno  lui  amena  uu  corps 
de  cavalerie  dont  chaque  instant  lui 
taisait  vivement  sentir  le  besoin.  Plus 
heureux  ,  Bolivar  commença  par  bat- 
tre l'enuemi  devant  La  Grila,  s'em- 
para de  celle  ville,  puis  de  Mérida  cl 


BOL 


^99 


deloul  le  dislricl  de  ce  nom;  il  soumit 
la  province  de  Varinas  avec  la  même 
rapidité.  Ses  succès  porlaienl  le  dé- 
couragement dans  l'esprit  des  Espa- 
gnols :  les  ciéoles  désertaient  par 
centaines  ,  des  corps  entiers  passaient 
aux  indépendants  :  on  eût  dit  une 
promenade  plutôt  qu'une  campagne 
militaire.  Pendant  le  même  temps, 
Marino  s'étant  élabli  k  Maturin, 
avait  battu  Monteverde  ,  fait  fuir 
Cagigal  ;  et ,  resté  maître  des  pro- 
vinces de  Cumana  et  de  Barcelone, 
il  prenait  le  litre  de  général  en  chef, 
dictateur  des  provinces  orientales  de 
Venezuela.  Favorisé  par  cette  diver- 
sion ,  quoique  défavorable  k  ses  vues 
d'unité  ,  Bolivar  partagea  ses  troupes 
en  deux  divisions,  dont  l'une  fut  con- 
fiée a  Ribas  ,  tandis  qu'il  guidait 
l'autre.  Les  indépendants  s'avancè- 
rent ainsi  sur  Caracas  ,  traversant  les 
provinces  de  Trujillo  ,  de  Varinas  et 
de  Carabobo.  Les  combats  de  Ni- 
quitao  ,  de  Bétioque ,  de  Barquisi- 
melo  ,   de    Varinas  ,    furent   tous  k 

leur  avanlaç-e.  Tiscar  s'enfuit  k  San- 
o 

Tome  de  Angoslura  et  y  rejoignit  Ca- 
gigal. iVIoulevejde  alors  rassembla 
ses  meilleures  troupes  et  vint  pré- 
senter la  bataillek  Bolivar  aux  envi- 
rons de  Los  Taguaues.  Sa  cavalerie, 
composée  d'indigènes,  passa  aux  in- 
dépendants dès  le  commencement  da 
combat  j  il  perdit  encore  plusieurs 
centaines  d'hommes  et  alla  se  renfer- 
mer dans  Puerlo-Cabello  ,  taudis  que 
Bolivar  marchait  en  hàle  vers  Cara- 
cas que  le  gouverneur  Fierro  quittait 
précipitanieut  après  avoir,  sur  ra\ls 
d'uue]unle,  proposé  k  Bolivar  une  ca- 
pitulation qui  fut  acceptée  par  le  vain- 
queur, mais  dont  il  n'attendit  point 
la  ratification  par  Monteverde.  Bo- 
livar fit  quelques  jours  après  (  4 
août  18 13)  sou  entrée  solennelle  k 
Caracas,  Le  citar  Iriomphal  dans  le- 

32* 


5oo 


BOL 


quel  il  parut  debout,  nu-lête,  en 
graud  uuiforrae ,  et  une  baguette  de 
comuiandcmeut  a  la  main,  était  traîné 
par  douze  demoiselles  des  preiulèrcs 
familles  de  la  ville.  En  même  temps 
il  prit,  à  l'instar  de  Marino  ,  le  tilrc 
de  général  eu  chef,  dictateur  des 
provinces  occidentales  de  Venezuela. 
—  Cependant  JMouleverde  refusait 
de  ratifier  la  capitulation  :  c'eût  été 
reconnaître  les  rebelles.  Mais^  à  la 
fin  d'août  i8i5  ,  le  géuéral  espa- 
gnol ,  maître  nominal  des  provinces 
de  Maracaïfco  et  de  Coro  ,  ne  pos- 
sédait plus  réellement  que  Puerto- 
Cabello  :  on  l'y  assiégea  j  la  ville 
fut  prise  ,  mais  la  citadelle  résista. 
Bientôt  un  renfort  de  quinze  cents 
hommes  que  lui  amenèrent  d'Espagne 
cinq  vaisseaux  de  transport ,  et  que 
Ribas  tenta  en  vain  d'enlever  par 
surprise,  inspira  aux  royalistes  l'idée 
de  reprendre  l'offensive.  Monteverde 
attaqua  les  républicaius  à  Naguaua- 
gua,  près  de  \alence  ,  sans  être  se- 
condé par  le  chef  nouvellement  ar- 
rivé ,  Saloraon ,  qui  ne  voyait  en 
lui  qu'un  parvenu;  il  se  fit  battre, 
même  blesser ,  et  fut  obligé  de  re- 
mettre le  commandement  a  Salomou  , 
qui  bientôt  le  transmit  a  Istueta. 
Cependant  la  citadelle  de  Puerto-Ca- 
bello,  assiégée  par  terre  et  par  mer, 
tenait  avec  une  opiniâtreté  telle  ,  que 
Bolivar  renonça  au  dessein  de  l'em- 
porter d'assaut.  C'est  alors  que  Ce- 
vallos  elles  royalistes  de  Coro  péné- 
trèrent sur  le  territoire  de  Cara- 
cas ,  et  vainquirent  à  Barquisimeto  , 
le  10  novembre.  Eu  même  temps, 
Boves,  ex -sous -officier  de  l'armée 
de  Cagigal,  battait,  a  la  tète  de  cinq 
cents  hommes,  le  dictateur  Marino 
a  Calabozo  (  i3  décembre  i8i5  )  , 
levait  des  taxes,  organisait  des  gué- 
rillas ,  attaquait  Camacagua  ;  et , 
sans  s'occuper   de   Monteverde    ou 


BOL 

de  Saloraon ,  gagnait  du  terrain  et 
cliaque  jour  rendait  plus  incertain  , 
plus  précaire,  le  triomphe  du  parti 
patriote.  Ce  triomphe  était  encore 
possible,  sans  doute  ;  mais  i\  s'en  fal- 
lait de  beaucoup  que  les  indépendants 
sussent  profiler  de  leurs  ressources 
et  de  toutes  les  fautes,  de  toutes  les 
impuissances  de  l'ennemi.  Bolivar, 
eu  se  revêtant  du  titre  pompeux  de  dic- 
tai eur,  n'avait  pas  ces  grandes  qualités 
indispensables  aux  chefs  qui  sauvent 
les  peuples  dans  les  temps  de  crise.  Ce 
n'est  pas  l'ambition  que  nous  blâme- 
rons chez  lui,  c'est  l'insuffisance  de 
génie  qui  eût  dû  réaliser  les  rêves  de 
celte  ambition.  Certes,  l'Amérique 
méridiouale,  h  celte  époque,  ne  pou- 
vait échapjicr  à  la  métropole  qu'a 
deux  conditions  :  i°  unité  nationale, 
2"  unité  de  pouvoir.  Contre  l'unité 
nationale  luttait  l'esprit  de  fédéra- 
lisme ;  contre  l'unité  de  pouvoir  lut- 
taient l'instinct  démocratique  et  les 
prétentions  contraires  des  chefs,  qui 
tous  se  croyaient  les  sauveurs  par  ex- 
cellence. Bohvar  fit  bien  de  viser 
toujours  a  l'une  et  a  l'autre  unité.  Seu- 
lement il  est  fâcheux  qu'il  semblât 
par  la  plaider  sa  propre  cause  ;  d'ail- 
leurs ce  pouvoir  unique  ne  pouvait 
guère  alors  être  mieux  confié  qu'à  lui. 
Car,  au  dire  même  d'un  de  ses  plus 
violents  ennemis,  le  général  Ducou- 
dray-Holstein  ,  pas  un  de  ceux  qui 
le  secondaient  dans  la  grande  entre- 
prise de  l'émnucipation  des  colonies 
espagnoles  ne  réunissait  au  même 
degré  les  qualités  nécessaires  dans  un 
chef  suprême.  C'est  dans  cet  esprit 
qu'il  finit  juger  les  événements,  si 
l'on  veut  se  faire  une  juste  idée  du 
mérite  de  Bolivar.  De  plus,  on  doit 
tenir  compte  des  difficultés  de  sa  si- 
tuation, de  l'exiguité  des  ressources, 
de  l'immensité  des  dislances,  enfin, 
des  antipathies  et  des  sympathies  oscil- 


BOL 

lanles  du  pays  habité,  ou  le  sait,  par 
quatre  et  même  cinq  classes  bien  di- 
verses. Lu  plus  graud  géuie  eîit  dû 
faire  disparaître  ces  obstacles ,  les 
surmouter,  les  utiliser  même-  mais 
où  sout  de  tels  génies?  Quoi  qu'il 
en  soit ,  Bolivar,  reconnu  daus  Cara- 
cas dictateur  des  provinces  occidenta- 
les de  Venezuela,  et  possédant  a  peu 
près  la  moitié  delà  capitainerie-géné- 
rale (le  reste  était  occupé  par  le  dic- 
tateur oriental  Marino  et  par  les  roya- 
listes),  s'était  trouvé,  eu  septembre 
et  octoltre  i8i3,  daus  une  situation 
très-prospère.  L'opinion  était  pour 
lui;  la  campagne  qu'il  avait  entreprise 
par  la  vallée  de  la  Madeleine  et  par 
les  Andes,  de  manière  à  prendre  are- 
vers  l'oucif  du  Yénézuébi,  tandis  qu'un 
autre  chef  indépendant  se  rendait 
maître  des  provinces  de  l'est,  était 
une  idée  heureuse  5  le  succès  l'avait 
ratifiée  :  toujours  marchant  eu  avant, 
le  général  eu  chef  n'avait  point  eu  de 
ces  faiblesses  qui  indisposent  les  sol- 
dats, et  provoquent  les  reproches. 
Les  infaiiiies  et  les  cruautés  dont  les 
suivants  de  Mouteverd''  s'étaient  souil- 
lés, les  avaient  rendus  si  odieux  que 
quiconque  se  présentait  h  leur  place 
était  reçu.  Des  femmes  apnorlaient 
leurs  bijoux  ,  des  négociants  leurs 
marchandises,  des  citoyens  de  toutes 
les  classesleur  argent.  De  nombreuses 
acclamations  accueillirent  le  litre  de 
libérateur  {H.bertador),  que  Bolivar 
reçut  en  même  temps  que  celui  de  dic- 
tateur, et  le  titre  d'armée  libératrice 
fut  donné  h  toutes  les  troupes  qui 
avaient  pris  part  a  celte  brillante 
marche  de  Garlhagène  à  Caracas. 
Bolivar  donna  carrière  aux  vanités  de 
ses  suivants,  eu  fondant  l'ordre  du 
Libérateur,  qui  pbis  tard  ,  prit  le 
nom  d'ordre  des  Libérateurs.  Il 
forma  des  troupes  d'élite  qui  eurent  le 
litre  de  gardes-du  corps  et  qu'il   fit 


BOL  5oi 

commander  pnr  des  officiers  de  son 
état-major.  L'administration  fut  cou- 
fiée  à  quatre  ministres,  et  divisée  en 
quatre  départements  :  l'intérieur, 
lajustice,les  finances,  la  guerre.  Tous 
recurent  de  lui  leur  direction  et  leurs 
instructions  5  ses  décisions  étaient 
sans  appel.  Cependant  quelques 
républicains  demandaient  la  division 
des  pouvoirs  et  'a  convocation  d'un 
congrès  national.  Déterminé  h  oppo- 
ser k  leurs  vœux  tous  les  obstacles 
imaginables,  Bolivar  tantôt  lui-isla  sur 
la  nécessitéd'imprimer,  pour  l'instant, 
un  caractère  énergique  et  rapide  a  la 
marche  du  gouvernement ,  tantôt  pro- 
mit la  prochaine  convocation  du  con- 
grès et  l'éluda.  Souvent  ces  ruses  fu- 
rent peu  compatibles  avec  la  dignité 
du  chef  d'un  empire.  Cetlerépugnance 
pour  tout  contiôle  h  son  absolutisme, 
et  l'usage  qu'il  fit  de  sou  pouvoir  re- 
froidirent assez  vite  :  ou  compara 
le  passé  au  présent  5  on  accusa  le 
dictateur  d'ambition  :  enfin  on  crut 
que  le  haut  rôle  joué  par  jXapo- 
léon  dans  le  monde  européen  tentait 
Bolivar.  Ses  emphatiques  proclama- 
tions semblèrent  copiées  sur  celles  de 
l'empereur  des  Français;  et  il  fut  dit 
qu'une  de  ses  créatures  avait  dû  toute 
sa  faveur  a  cette  flatterie  :  k  J"ai 
voulu  voir  le  ÎSapoléon  du  Nouveau- 
Monde.  35  Ses  parasites  ,  ses  flatteurs 
lui  formaient  une  véritable  cour,  qui, 
k  toutes  les  petitesses  des  œils-de- 
bœuf  européens  ,  joignait  des  vices 
propres  aux  Caraguins  et  aux  colons, 
la  jalousie  contre  les  étrangers,  une 
inactivité  honteuse,  un  amour  effréné 
du  plaisir.  Bolivar  lui-même  donnait 
de  fâcheux  exemples.  Ses  maîtresses, 
entre  autres  la  Pépita,  disposaient  de 
toiit,  nommaient  les  fonctionnaires 
civils  et  militaires,  puisaient  au  trésor, 
L'étal-major  trop  nombreux,  des  aven- 
turiers sans  talents  et  sans  valeur  ab- 


5o2 


BOL 


sorbaieut  des  sommes  importantes  et 
disparaissaient.  L'armée  ,  la  marine, 
tous  les  services  éprouvaient  alors 
des  relards,  des  déficits.  L'iusufEsancc 
des  recettes  amena  les  moyens  vexa- 
toires,les  laxes  forcées,  tous  remèdes 
pires  que  le  mal.  Enfin  ,  le  trésor  en 
vint  arefuser  ses  propres  obligations. 
Ce  n'est  pas  ainsi  qu'un  grand  homme 
eût  marché  a  l'accomp'issemeut  de  sa 
triple  tâche  ,  refouler  ses  rivaux  au  se- 
cond rang,  anéantir  l'étranger,  ouvrir 
des  voies  de  richesse  et  de  prospérité  au 
pays.  Bolivar  ne  fit  rien  de  tout  cela. 
D'unautrecùlé,  Marino.  loin  de  recon- 
naître sa  suprématie,  ne  voulait  pas 
même  se  concerter  avec  lui ,  et  cepen- 
dant un  tel  concert  eût  indubitable- 
ment amené  la  ruine  des  Espagnols. 
L'éclio  du  mécontentement  général 
parvint  enfin  a  Bolivar  5  il  crut  le 
calmer  en  convoquant  le  congrès  des 
provinces  occidentales  de  Venezuela, 
et  en  se  faisant  confirmer  par  celte 
assemblée  (  2  janvier  181/i).  Envi- 
ronné d'officiers  et  d'un  fort  déta- 
chement de  gardes-du-corps,  le  dic- 
tateur déclara  qu^il  n'aspirait  qu'a 
remettre  le  pouvoir  aux  représen- 
tants que  la  nation  choisirait,  et  que 
l'unique  grâce  qu'il  ambitionnât,  c'é- 
tait l'honneur  de  combattre  les  enne- 
mis de  la  patrie.  Quelques  patriotes 
furent  d'avis  qu'il  fallait  accepler  la 
démission  ;  mais  les  rues  principales 
de  Caracas  étaient  remplies  desoldats, 
et  les  adversaires  du  libérateur  n'en 
avaient  pas.  Hurtado  de  Mendoza  , 
Rodriguez  ,  Alzaru  ,  opinèrent  pour 
qu'on  le  contraignît  à  garder  le  com- 
mandement suprême  jusqu'à  l'expul- 
sion totale  des  troupes  espagnoles  , 
et  jusqu'à  la  réunion  des  provinces  du 
Venezuela  et  de  la  Nouvelle-Grenade. 
Cette  comédie  ne  trompa  personne  ; 
mais  les  choses  restèrent  dans  la 
jnérac  position.  Pendaui  ce  temps  ^ 


BOL 

les  royalistes  avançaient  dans  les 
valle'es  de  Tui  et  d'Aragua  .  que 
dépeuplait  leur  barbarie.  Rosette 
avait  pris  possession  d'Ocumare  ; 
Boves,  vainqueur  du  général  Campo- 
Eiias  kSan-Juan-de-los-Morros,  avait 
établi  son  quartier-général  à  Villa- 
del-Cura,  d'où  il  délachalt  sur  la 
route  de  Caracas  une  colonne  com- 
mandée par  Morales.  D'un  autre 
côté,  lanez  et  l'ni,  après  avoir  re- 
pris Varinas ,  s'avançaient  de  l'ouest 
pour  joindre  Boves  et  Rosette.  Par- 
tout ,  sur  leur  passage,  ces  chefs  es- 
pagnols armaient  les  esclaves  et  leur 
octroyaient  provisoirement  la  liberté. 
Enfin  1,4-00  prisonniers  espagnols  a 
La  Guaira  el  à  Caracas  forçaient  h 
y  tenir  des  troupes.  De  jour  en  jour, 
la  position  des  indépendants  devenait 
plus  critique;  le  massacre  des  habi- 
tants d'Ocumare  porta  au  comble 
l'anxiété  du  libérateur.  Son  fameux 
jxanifeslc  du  8  février  annonça  que 
tout  prisonnier  de  guerre  serait  mis 
à  mori  ;  et  huit  jours  après  .  douze 
cent  cinquante-trois  Espagnols  et  Is- 
lenos,  parmi  lesquels  se  trouvaient 
des  marchands  ,  des  vieillards  de 
quatre-vingts  ans,  furent  fusillés 
sans  jugement  à  Caracas  et  k  La 
Guaira.  Le  12,  Bolivar  avait  rem- 
porté sur  Boves  un  avantage  signalé 
a  La  Vitoria.  Bientôt  Rihas  vainquit 
Rosette  sur  les  bords  du  Tui.  lanez, 
battu  près  d'Araure,  avait  trouvé  la 
mort  au  combat  d'Ospino;  maison  lieis 
des  troupes  républicaines  avait  péri, 
et ,  faute  de  cavalerie  ,  on  n'avait  pas 
pu  poursuivre  les  fuyards.  Successeur 
de  Ribas,  Campo-Elias,  au  lieu  d'agir 
avec  vigueur,  se  reposa  dans  Valence. 
Les  royalistes  reconquirent  ce  qu'ils 
avaient  perdu  ,  et  marchèrent  de  nou- 
veau sur  Caracas.  Bolivar  était  sur- 
pris et  battu  k  San-Maleo  par  Boves  ; 
Marino  éprouvait  les  mêmes  échecs. 


BOL 

Les  débris  des  deux  armées  se  réu- 
nirent alors;   et,  grâce  a    quil(|ues 
renforts   que  coramaudait  Montilla  , 
le   libérateur  repoussa  l^-s  rovalistes 
h  r>oca-Chica  ,  fit  lever  a  Cevallos  et 
Calzadale  siège  de  Valence,  refoula 
Boves  vers  les  plaiues  d'Apuré,  battit 
à  Calabozo  [  2  8  mai  i  8  1 4  )  Cagigal  , 
nommé  capitaine-général  a   la  place 
de   ]\luntcverde.    11   eût   alors    fallu 
accabler  F.oves  ,  qui  s'était  porté  des 
plaines  d'Apuré    sur   La    Guaira   et 
que  Piar  avait  forcé  de  rétrograder. 
Bolivar  commit  la  faute  capitale  de 
faire  de  son  armée  trois    divisions  , 
qu'il   ne    pouvait  réunir  à  son  gré  : 
il  envoya  Urdaneta  a  la  tète  de  Tune, 
détacba  la  seconde  sous  les  ordres  de 
IMariuo    vers    San  -  Fernando  ,    sur 
l'Apure,  et  s'avança  vers  les  plaines 
de  Caracas  avec  la  Iroisième.  Mais 
Boves  part  brusquement  de  Calabozo, 
renconire,  le   lA  j^'U;»  l^'s  indépen- 
dants a  La  Piierta  ;  et ,  quoique  en  cet 
instant  les  deux  dictateurs  se   trou- 
vent encore  a  peu  de  dislance  l'un  de 
l'autre  .  il  les  bat  successivement  tous 
les  deux.    Bolivar  va    s'enfermer  à 
Caracas,    et  IMarino  dans  Cumana  j 
Urdanela,  Incapable  de  réduire  Coro, 
se  relire  sur  les  froulières  de  Bogota 
dans  Cucuta.  Boves  coupe  les  com- 
munications de  Caracas  et  dé  La  Ca- 
brera, disperse  uu  dernier  corps  de 
patriotes  qui  veut  s'opposer   a  lui, 
inarclie  sur  Valence  ,  et,  sans  attendre 
qu'on  capitule,  s'avance  vers  Caracas 
et  La  Guaira.  Nulle  armée  républi- 
caine n'en  défendait  les  approclies  : 
le  siège  de  Puerlo-Cabello  avait  été 
levé;    les    troupes  s'élaient    embar- 
quées  pour  Cumana.   où  Bolivar   se 
rendit    par  terre  avec  les  débris  Je 
son  armée.   Caracas,  La  Guaira    se 
soumirent  au  mois  de  juillet  ;  Valence 
tint  avec  courage  et  tut  enfui  obligée 
d'accepter  une  canllulatiou  j  qui  fut 


BOL 


io3 


jurée  dans  une   messe   solennelle,  a 
l'instanl  de  l'élévation,  elqueles Espa- 
gnols violèrent  comme  la  précédente. 
Bolivar  IcnLa  un  nouvel  effort  a  la  tète 
des  iiidépeudants  ;    mais  il  fut  encore 
vaincu  près  d'Areguila.   Ainsi  furent 
déçues    les  espérances  que  l'on  avait 
pu    concevoir   du    triomphe  de   l'in- 
dépendance.    Le   dictateur    vaincu  , 
quitta  momentanément  la  partie,   et 
s'embarqua    pour    Cartbagène    avec 
ceux  qui  voulurent  s'associer  h  sa  for- 
tune, laissant  Ribas  et  Bermudez  sur 
les  terres  de  Maturin,  qui  fut  alors  le 
rendez-vous  de  tout  ce  qui  n'avait  au- 
cun ijuartier  h  espérer  des  royalistes. 
Us  s'y    maintinrent  quelques  jours  , 
et  contre  Morales  et  contre  Boves  ; 
mais  enfin   ils  furent  écrasés  à  Urica 
le   5   déc.    i8r/|..   Les  Espagnols  y 
gagnèrent  3Ialuriii,  mais  ils  perdirent 
Boves.  —  Pendant  ce  temps,  Bolivar 
s'élaitrendu  a  Cartbagène  qui,  comme 
toute  la  Nouvelle-Grenade,  et  avec  la 
pro\ince  de  Santa-Marta,  formait  une 
république  à  pari,  et  dont  iManuel-Ro- 
driguez  Torricès  était  encore   prési- 
dent. C'ile  fois,    Bolivar  ne  pouvait 
y  è!re  bien   reçu  des  partisans  de  ce 
magistrat,    mais   Torricès    avait  des 
enneaiis.  Le  libérateur  se   joignit    a 
eux  ,  pour  le   dépiuiiller  du    pouvoir 
suprême  ;  mais   le   complot   échoua. 
Forcé  de  quilier  le  territoire  de  la 
républic|ue,  Bolivar  se  rendit  aTiinja, 
et  fit  offre  de  ses  services  au  congrès 
de  cette   vll'e.    Nommé   général    en 
cbef  de  l'armée  .  qui  allait  marcher 
contre  Bogota  et   son  président  Al- 
varez .  il  eut  dans  cette  entreprise 
le  succès    le    plus    complet  ;   et  une 
cajiltulalion    fut    lignée  ,     en    vertu 
de  laquelle  les   provinces  dissidentes 
convinrent  de  se  joindre    à  la  coufé- 
dération,  sous  la  condition  qu"a  l'ave 
nir   le    congrès    siégerait  'a  Bogota. 
Ln  guerre  dès  hïs  se  truuyail  pveS' 


5o^ 


Bbt 


lïe  ^ans  oTijet  .  râncïèïme  capitale  , 
evenant  ainsi  fè  centre  du  gouver- 
nement ,  lie  perdait  pas  son  rang , 
et  !es  tonfédéiés  s'applaudissaient 
de  la  conquête  de  celte  grande  -ville 
et  de  son  territoire.  Installé  à  Bo- 
gota ,  le  congrès  songea  d'abord  aux 
moyens  de  soutenir  la  guerre  contre 
les  Espagnols,  que  l'on  s'attendait 
h  voir  hienlôt  paraître.  On  expulsa  de 
larépublique  ceux  dont  l'établissement 
sur  ses  terres  était  nouveau ,  et  Ton 
recueillit  beaucoup  d'argent  :  le  clergé 
même  contribua  sans  murmure.  Au 
sud  on  envoya  des  troupes  pour  con- 
tenir le  gouverneur  de  Quito,  I\Iou- 
tès,  tandis  que  dans  Test  un  corps 
sous  les  ordres  d'Urdoneta  préservait 
la  province  de  Paraplona  des  incur- 
sions dévastatrices  de  Pui.  Ou  vou- 
lait surtout  expulser  les  royalistes  de 
Santa-Marta  ,  où  était  attendue  l'ar- 
mée de  Morillo.  Bolivar  fut  chargé  de 
cette  importante  expédition  ,  et  nom- 
mé à  cette  occasion  capitaine-général 
de  la  Nouvelle-Grenade  et  du  Vene- 
zuela. L'ex-dictateur  partit  a  la  tête 
de  3,000  hommes,  descendit  la  3Ia- 
deleine  ,  surprit  Morapox  où  il  fusilla 
400  prisonniers  espagnols,  et  requit 
de  Torricès  un  renfort  pour  l'attaque 
de  Santa -Blarta.  Torricès  déclina 
la  demande  :  Bolivar  alors,  au  lieu  de 
continuer  a  marcher  dans  la  direc- 
tion de  cette  place,  voulut  contrain- 
dre le  président  à  exécuter  son 
ordre,  et  mit  le  siège  devant  Cartlia- 
gène,  où  il  perdit  un  temps  irrépa- 
rable. 11  n'était  pas  plus  avancé  que 
le  premier  jour  ,  quand  on  .-ut  que 
l'expédition  de  Morillo  allait  arriver. 
Il  fallut  renoncer  a  un  siège  entrepris 
par  vanité.  Admis  dans  la  ville  comme 
allié  ,  Bolivar  réunit  ses  forces  a  celles 
de  Torricès  pour  défendre  Garlbagène 
contre  Morillo.  Cette  place  n'en  fat 
pas  moins  dans  l'obligation  de  capi- 


ÈbL 

tuïer  au  bout  de  quatre  mois  de  siège, 
le  6  décernbre  1 8  i  5  ,  à  peu  près  à 
l'époque  qui  vit  Ribas  battu  et  fu- 
sillé a  Urica.  Bolivar  était  parti  pour 
la  Jamaïque  où  des  intelligences  avec 
les  Anglais  semblaient  lui  promettre 
quelques  succès  5  et  il  s'y  occupait 
d'une  expédition  pour  secourir  Car- 
tbagène  lorsqu'il  apprit  la  capitula- 
tion de  cette  place.  Alors  il  passa 
dans  l'île  d'Haïti  ,  où  le  président 
Pétion  lui  promit  des  secours  ,  à 
condition  qu'il  proclamerait  la  liberté 
de  tous  les  noirs  dans  les  contrées 
qu'il  allait  affranchir.  Beaucoup  de 
Vénézuéliens  étaient  réfugiés  dans 
cette  île.  Bolivar  leur  communiqua 
ses  plans,  ses  espérances  5  mais  il  in- 
spira peu  de  confiance  a  la  plupart 
d'entre  eux.  Cependant  les  plus 
éclaires,  tout  en  avouaul  les  fautes, 
les  vices  du  dictateur,  montrèrent 
que  seul  il  pouvait  rattacher  toutes  les 
provinces  vénézuéliennes  a  la  cause 
de  l'indépendance,  et  qu'aucun  des 
autres  chefs,  quelle  que  fût  sa  su- 
périorité dans  telle  ou  telle  partie  de 
l'art  militaire  et  du  gouvernement, 
n'approchait  autant  que  lui  de  l'idéal 
dont  ils  auraient  besoin  pour  rendre 
leur  cause  i-apidement  et  a  toujours 
triomphante.  Cet  avis  prévalu!  5  et 
Bolivar,  a  Saint-Domingue  ,  se  vit 
réélu  capitaine-général  de  Venezuela 
et  de  la  INouvelle-Grenade.  Seul  le 
Commodore  Aury  refusa  de  se  sou- 
mettre a  celte  décision,  et  abandonna 
la  cause  commune.  L'amiral  Brion  le 
remplaça  (fin  de  i8i5).  De  nom- 
breuses guérillas  tenaient  encore  dans 
quatre  des  sept  provinces  vénézué- 
liennes et  dans  laGuiane  :  Arismendi 
surtout,  relevant  l'étendard  de  l'indé- 
pendance dans  l'île  Marguerite,  avait 
à  plusieurs  reprises  battu  les  roya- 
listes. Bolivar  et  Brion  mirent  à  la 
voile  aux  Caycs  a  la  fin  de  mars  1 8 1 6« 


BOL 

L'expédilion  ,  pfescjne  loule  aux 
frais  du  dernier,  consistait  en  deux 
vaisseaux  de  guerre  et  treize  bâti- 
ments de  transport  armés  et  montés 
par  un  millier  de  combattants.  Le 
2  mai  ,  a  la  suite  d'un  engagement 
très-vif  et  dans  lequel  Brion  fut 
blessé,  il  cnplura  deux  bâtiments  es- 
pagnols. On  débarqna  ensuite  à  l'île 
Marguerite,  où  bientôt  les  Espagnols 
furent  réduits  à  la  seule  forteresse 
de  Pampalar  ;  après  quoi  les  patriotes 
se  dirigèrent  sur  la  Terre -Ferme, 
descendirent  h  Carupano  ,  et  entrè- 
rent dans  Cumana  ,  dont  ils  expulsè- 
rent les  royalistes.  A  la  nouvelle 
de  celte  réapparition  de  Bolivar,  la 
rage  des  Espagnols  fut  au  comble, 
et  se  manifesta  par  des  barbaries  qui 
eussent  compromis  leur  cause,  si  deux 
fautes  du  liljérateur  ou  de  ses  parli- 
sauls  ueles  eussent  servis  encore  une 
fois.  La  première  fut  la  précipitation 
avec  laquelle  on  annonça  que  désor- 
mais les  nègres  seraient  libres  5  la 
seconde,  le  renouvellement  de  ces 
fatales  divisions  qui  affaiblissaient  des 
forces  déjà  bien  insuffisantes  ,  puis- 
qu'elles ne  s'élevaient  qu'à  1,200 
borames  au  plus.  Mac-Gregor  ,  à  la 
tète  de  l'avant- garde,  s'avança  dans 
l'intérieur  du  pays;  Marino.  malgré 
le  vreu  de  Bolivar,  alla  former  le  siège 
de  Cumana  ;  le  reste  de  l'armée  se  ren- 
dait a  Ocumare.  Lorsque  Morales  , 
établi  a  quelque  distance,  dans  une  po- 
sition avantageuse,  entama  le  combat, 
on  fit  courir  parmi  les  troupes  de  Fin- 
dépendance  le  bruit  que  toute  l'armée 
de  Morillo  était  la.  Une  terreur  pani- 
que s'empara  alors  de  qucbiues  offi- 
ciers ,  et  à  leur  exemple  cbacuu  se 
mit  a  fuir.  Bolivar  se  rembarqua 
précipitamment  et  il  alla  débarquer 
à  Bon-Air,  mais  pour  reparaîlre  bien- 
tôt dans  les  environs  d'Ocumare. 
Piar  et  Mariuo  s'çmportèrcnl  en  re- 


BOL 


5o5 


proches  contre  lui.  et  même  le  mena- 
cèrent. Il  est  clair  que  soit  jalousie, 
soit  préférence  pour  Marino ,  on 
voulait  se  débarrasser  de  Bolivar. 
Celui-ci  reprit  le  chemin  d'Haïti, 
laissant  l'expédition  se  continuer  sans 
lui.  et  se  promettant  bien  de  tirer 
vengeance  dePiar  qu'il  regardait,  non 
sans  raison ,  comme  l'iustlgateur  de 
Blarino.  En  t  ffet  le  combat  d'Ocu- 
mare avait  moins  été  la  victoire  des 
royalistes  sur  les  indépendants  que 
celle  des  chefs  subalternes  sur  le  chef 
suprême.  Ainsi  évincé  par  sa  propre 
armée,  Bolivar  eu  arrivant  à  Port-au- 
Prince  reçut  un  tiède  accueil  ûe 
Pélion;  mais  l'arrivée  de  Brion  mo- 
difia un  peu  ces  dispositions.  L'a- 
mlial ,  toujours  plein  de  confiance 
dans  rex-diclateur  ,  trouva  par  son 
crédit  des  ressources  nouvelles,  et,  de 
concert  avec  lui,  prépara  une  autre 
expédition.  Le  président  d'Haïll  , 
appréciant  l'importance  de  tout  évé- 
nement qui  rendrait  l'Amérique  du 
Sud  Indépendante  ,  fournit  encore 
des  secours ,  dont  le  fameux  bataillon 
noir,  tout  dévoué  h  Bollvnr,  faisait 
partie.  Enfla  les  Indisclplinables  gé- 
néraux restés  en  Terre-Ferme,  au 
bout  de  deux  mois  de  pourparlers 
avec  Brion,  sentirent  la  nécessité 
d'un  chef  suprême  et  formèrent  ma- 
jorité en  faveur  de  l'ex-diclateur. 
Arismendi,  'Via,  Paez  ,  Boxas,  Mo- 
nagas ,  Sedegno  ,  Bermudez  ,  con- 
vinrent de  le  reconnaître  pour  gé- 
néralissime ,  a  condition  qu'il  assem- 
blerait un  congrès  ;  que  son  autorité 
serait  purement  milltuire  et  que  sous 
aucun  prétexte  il  ne  s'immiscerait 
dans  radralnistratiou  civile.  Rappelé 
par  celte  espèce  de  traité  ,  Bolivar 
arriva  le  01  déc.  1816  a  Barcelone, 
que  les  patriotes  possédaient  depuis 
le  mois  d'octobre.  11  y  convoqua  un 
nouveau  congrès,  et,    en  attendant 


f, 


5o6                   BOL  BOL 

la  venue  des  cicpulés ,  proclama  un  celoiie  ,  dl>aut  a  Freltes  ,  cliargé 
ouvernement  provisoire  dont  il  fui  du  coramaudfim'iit  en  son  absence, 
e  ciief ,  sous  le  litre  de  président  qu  il  allait  recruter  des  re'gimculs  et 
de  la  république  de  \énézuéla  ,  rén-  qu'il  reparaîtrait  sous  peu.  Le  lende- 
nissant  les  trois  pouvoirs;  puis  il  fit  main,  les  retrancheraenls  des  palrio- 
publier  la  loi  martiale  ,  eu  vertu  de  les  furent  emportés,  et  Freites  mis 
laquelle  un  certain  nombre  d'iiabi-  à  mort  à  Caracas.  Cette  perte  fut 
tanls  devaient  porteries  armes,  in-  heureusement  compensée  par  les  raou- 
corpora  parmi  ses  troupes  les  esclaves  vcments  insurrectionnels  delà  Nou- 
qui  venaient  k  lui,  et  marcba  vers  velle-Grenade ,  et  parle  nombre  des 
Xiraenès ,  campé  a  Clarius.  L'eu-  guérillas  qui  couraient  les  provinces 
gagemeuf  (9  janvier  1817)  fut  fatal  d'Anlioquia,  de  Cboco,  de  Quito  , 
aux  indépendauts  qui  perdirent  en-  de  Popaïau.  D'nutre  part ,  le  général 
core  toute  la  province  de  Ijarceloua,  Piar,  accompagné  de  Scdeno  et  se- 
moins  la  capitale,  que  Bolivar  se  hàla  condé  par  Brion  ,  cuvabit  la  Guiane  , 
de  mettre  en  élat  de  défense,  cl  que  battit  le  gouverneur  Miguel  de  la 
Pascal  Real  n'investit  que  pour  se  Torre  a  San-Félix,  s'empara  delà  ca- 
faire  battre.  En  vain  même  une  es-  pitale  Sau-Toraé-de-Angostura,  mal- 
cadre  espagnole  voulut  forcer  l'eu-  gré  l'héroïque  résistance  de  Fitz-Gé- 
trée  du  port;  très  maltraitée  ,  elle  raid,  entra  dans  la  ville  de  Vieja- 
prit  le  large  pour  se  sauver  d'une  Guavana,etfilpassertoutela province 
destruction  totale.  La  situation  rcde-  sous  l'oljéissance  de  Véné/.uéla.  Pro- 
venait prospère  ,  lorsque  Marino  et  filant  eusuitcderéloiguemenldeBoli- 
Bolivar  se  divisèrent  de  recbef  :  l'un  varqui,  après  avoir  quitté  Barcelune, 
voulait  assiéger  Cumaua;  l'autre  avait  s'était  mis  en  sûreté  sur  le  territoire 
en  vue  Caracas;  de  là  une  sépara-  de  Cumana,  Brion,  Marino  ,  Aris- 
lion  nouvelle.  Tout  le  tort  en  celte  niendi,  Zéa  ,  établirent  à  Curiaco  un 
occasion  fut  k  Marino-  car  Bo!i-  congrès  provisoire,  dans  lecjuel  ils 
var  était  le  chef  reconnu  de  la  repu-  figuraient  avec  huit  autres  membres  , 
l)lique  ,  et  Caracas  le  point  de  mire  en  attendant  la  convocation  de  tout 
de  la  campagne.  S'il  eût  fallu  porter  le  premier  congrès  fcelui  de  Caracas, 
la  guerre  d'un  autre  côté  pour  re-  2  janvier  1814),  et  confièrent  le 
venir  ensuite  avec  plus  de  force  sur  pouvoir  exécutif  a  trois  personnages: 
Caracas  ,  c'est  vers  la  Guiane  espa-  Bolivar,  Francisco  di^lToro,  François 
gnole  qu'eussent  dû  être  dirigés  ces  Xavier  3Iaiz.  Ce  partage  du  pouvoir 
efforts.  Un  plan  expédié  a  Bolivar,  raontrail  assez  combien  Brion  et  Aris- 
par  le  colonel  Bidol ,  établissait  l'im-  mcndi  avaient  k  cœur  de  mettre  des 
portance  de  cette  conquête  comme  limites  k  l'omnipotence  du  dictateur  ; 
base  de  toutes  les  opérations;  mais  et  cependant  personne  plus  que  Brion 
Bolivar  avait  décidé  que  la  conquête  n'était  attaché  k  Bolivar.  Celui-ci 
de  la  Guiane  ne  serait  entreprise  qu'a-  informé  de  tout  ce  qui  s'était  passé 
près  celle  de  Caracas.  Toutefois  le  en  conçut  un  vif  déplaisir.  Il  se  ren- 
plan  de  Bidot  devait  s'accomplir  mal-  dit  aussitôt  k  Angostura  et  annula  les 
gré  Bolivar,  que  l'éloignement  de  actes  du  congrès  provisoire  ;  Brion  et 
Warino  affaiblissait  beaucoup,  et  qui,  Zéa  essayèrent  de  l'apaiser  en  di- 
bifntôt  menacé  de  la  manière  la  plus  sanl  que  le  bruit  de  sa  mort  avait  été 
sérieuse  par  d'Mmada ,  quitta  Bar-  général  :  (ju'eus-raèmes  avaient  parla- 


nOL  BOL                   5o7 

gé  l'erreur  comimiup.  A  ce«  arguments  sanare,  sur  le  point  de  communiquer 
s'enjoig;nirents,ui5floutef!"a!ilrespliis  avec  Paez  ,  cernaient  de  trois  côtés 
persuasifs ,  et  loul  finit  par  une  espèce  la  province  de  Caracas.  Aussitôt  que 
detransaclion  :  Bolivar  laissa  subsister  la  saison  des  pluies  fut  passée  et  qu'il 
le  congrès,  mais  il  eut  la  plus  forte  fut  possible  de  reprendre  les  opéra- 
partie  de  la  puissance  executive.  De  tions.  tandis  que  Paez  commençait  le 
plus  ,  il  suscita  autant  qu'il  le  put  des  .siège  de  San-Fernando  ,  Morillu  , 
embarras ,  même  des  persécutions  après  avoir  partagé  son  armée  en 
aux  membres  les  plus  influents  ,  et  cinq  divisions  qu'il  pouvait  réunir  h 
par  des  déplacements  conliiiuels  il  volonté,  s'avançait  sur  Calabozo  où 
rendit  fort  diffici'e  la  coopération  du  déjà  il  avait  été  défait  par  ce  général, 
congrès  aux  actes  législatifs  qu'il  de-  Bolivar  partit  le  3  i  déc.  1817  d  An- 
vait  souvent  proposer,  et  toujours  si-  goslura,  avec  deux  mille  hommes 
gncr.  Au  bout  de  quelques  mois  cette  d'infanterie  et  deux  mille  cinq  cents 
assemblée  fatiguée  de  son  rôle  fut  chevaux,  les  uns  suivant  TOré- 
obligée  de  se  dissoudre  et  laissa  tous  uoque ,  les  autres  la  rive  gauche 
les  pouvoirs  aux  mains  de  Bolivar,  du  fleuve,  opéra  ia  jonction  avec, 
— Pendantce  temps,  Paez,  parcourant  Monagas  ,  Paez,  Sedcùo  ,  ha- 
ies plaines  avec  deux  k  trois  mille  versa  ainsi  l'Apure  vis-a-vis  de  San- 
ludiens  ou  zambos ,  avait  remporté  Fernando;  et  le  11  février  1818, 
sur  les  royalistes  detix  victoires  bril-  après  quarante-deux  jours  de  marche 
lantes,  l'une  a  Guavabal ,  sur  le  gé-  ou  plutôt  de  course  a.  travers  des  dif- 
néral  Calzada,  l'autre  sur  ^lorillo  en  ficidlés  bans  nombre,  huit  mille 
personne.  L'armée  espagnole  aux  hommes  se  déplovèrenl  devant  Cala- 
abois  demandait  a  évacuer  Caracas  et  bozo,  et  la  ville  fut  sommée  de  se 
laGuiira,  poursc  retirer  sur  Puerto-  rendre.  i\Iorillo  avait  au  plus  trois 
Cabello  ,  lors([u'un  renfort  de  quatre  mille  hommes,  mais  tous  soldais 
mille  hommes  permit  h  son  général,  d'élite.  Le  12  eut  lieu  la  bataille 
toujours  maître  de  Cumana,  d'aller  de  Calabozo  qu'il  perdit  ;  le  leu- 
batlre  Marino  a  Curiaco,  de  prendre  demain,  il  évacua  Calabozo  C'é- 
Cumanacoaet  Carupano,  dereconqué-  tait  linstant  d'écraser  les  Espagnols; 
rir  ainsi  presque  toute  la  province  de  mais  la  cavalerie  américaine  ne  fut  ni 
Cumana,  et  de  couper  les  communi-  active  ni  heureuse  dans  sa  poursuite, 
calions  des  indépendants  avec  leur  Morillo  effectua  sa  jonction  avec  Lo- 
flolte.  Au  lieu  de  poursuivre  avec  vi-  pès_,  renfoica  les  quatre  mille  hom- 
gueur  ces  avantages  ,  il  voulut  ré-  mes  qu'il  groupait  ainsi  autour  de 
duireTilelMarguerite  devenue  le  siège  lui  par  quelque  cavalerie.  Bolivar 
de  l'amirauté  vénézuélienne.  Ce  tut  perdit  du  temps,  divisa  de  nouveau  ses 
une  faute  :  en  deux  mois  1  île  Mar-  troupes,  el  Morillo  puise  reformer, 
guérite  devint  le  tombeau  de  ses  tandis  que  Morales,  son  lieutenant, 
quatre  mille  hommes.  Pour  comble  battait  Mouagas  aTapatapa,  puis 
d'infortune  ,  Paez  vainqueur  de  Cal-  a  \  illa-dd  -  Cura  et  le  poi:ssait 
zada  et  Correo  .  a  San-Fernando-de-  jusqu'à.  Boca-Chica.  En  vain  Bo- 
Apure;  Eazas  a  Alatnrin;  Saraza,  livar  accourut  a  son  secours;  al- 
Monaga?,dans  les  plaines  du  \arinas:  iaqné  deux  fc'is  dans  son  camp,  h 
laNouvel'e-Grenade  n'attendant  plus  Semen  ,  puis  h  Orlez  ,  il  essuva  deux 
que  le  moment  d'agir  j  Perez  ,  h.  Ca-  échecs.  Une  troisicn;e  défaite  ;,  h  la 


568 


BOL 


Pnerlâ  (6  avril),  semblait  devoir 
achever  sa  ruine.  Il  se  relira  presque 
seul  à  El-E.incon,et  la  il  s'occupa  de 
réparer  ses  pertes-  Déjà  il  avait  réuni 
six  cents  chevaux  et  trois  cents  fantas- 
sins, lorsqu'une  surprise  de  ses  avant- 
postes  ne  lui  laissa  que  le  temps  de 
sauter  de  son  hamac  et  de  s'échapper 
à  cheval  à  la  faveur  de  la  nuit.  El 
pendant  ce  temps,  Pacz  était  aussi  rais 
en  déroute  à  Coxede.  Enfin  Calahozo 
retomba  au  pouvoir  des  royalistes. 
Dans  une  position  aussi  critique, 
Bolivar  ne  perdit  pas  courage ,  et 
c'est  alors,  il  faut  le  dire,  qu'il  se 
montra  véritablement  grand  :  si  sou- 
vent défait ,  il  se  relevait  comme  par 
enchantement  avec  des  forces  inat- 
tendues. De  nouveaux  appels  au  pa- 
triotisme des  Américains,  la.po|)n- 
larité  qu'il  conservait  malgré  ses  dé- 
faites ,  le  mirent  bientôt  en  état 
de  reprendre  l'offensive  ;  et  dès  le 
mois  de  juin  il  occupait  Calahozo  et 
faisait  marcher  ses  colonnes  sur 
Caracas.  Ses  postes  avancés  n'en 
étaient  plus  qu'a  cinq  lieues.  Mais, 
suivant  son  usage ,  il  avait  encore 
isolé  ses  divisions.  Morillo  ,  instruit 
de  tout  par  ses  espions,  les  attaqua 
successivement  et  successivement  les 
battit.  Il  y  eut  jusqu'à  neuf  actions 
partielles  :  a  Sombrero  ,  à  Maracaj, 
à  la  Puerta  ,  a  El-Cayman  ,  a  Orliz , 
k  El-Rincon-de -los-Torres,  a  la 
savane  de  Coxede,  sur  les  monta- 
gnes de  Los  Patos  ,  à  Nutrias.  En 
soixante-dix  jours ,  les  Américains 
perdirent  encore  cinq  mille  hommes, 
tués  o»  faits  prisonniers  ,  trois  mille 
chevaux  et  mulets ,  plusieurs  milliers 
de  fusils ,  sept  pièces  de  canon  ,  etc. 
Toutes  les  villes  et  toutes  les  places 
au  nord  de  l'Orénoqne  (  Gniria  , 
Carupano  ,  etc.  )  restèrent  aux 
mains  des  Espagnols,  sauf  Arau- 
re  que  Paez  reprit    quelque  temps 


BOL 

après  ;  Marino  ,  Bermudez  se 
retirèrent  dans  leurs  plaines  res- 
pectives. Bolivar  reprit  la  ronte 
d'Angostura ,  où  des  ennemis  non 
moins  dangereux  que  les  Espa- 
gnols cherchaient  a  ruiner  son  pou- 
voir. Cinq  des  personnages  les  plus 
influents  y  mirent  ouvertement  en 
délihération  la  question  suivante  : 
«  Faut-il  ôter  a  Bolivar  la  prési- 
tc  dence  et  en  revêtir  Paez  ?»  Si 
Paez  n'eût  été  l'ennemi  de  l'un  des 
cinq  délibérants,  et  si  la  force  mili- 
taire dont  Bolivar  était  entouré  n'eût 
fait  craindre  son  ressentiment,  peut- 
être  aurait- on  décrété  l'affirmative. 
Ici  revenons  sur  les  dissensions  inté- 
rieures des  indépendants.  Deux  partis 
se  disputaient  toujours  le  pouvoir, 
les  unitaires  et  les  fédéralistes  qui 
sons  un  autre  rapport  prenaient 
pour  la  plupart  les  caractères  de 
quasi- monarchistes  et  de  républi- 
cains. C'est  à  l'influence  de  ceux- 
ci  qu'étaient  dues  les  fréquentes 
réclamations  en  faveur  d'un  congrès, 
d'une  représentation  nationale  ,  de  la 
division  des  pouvoirs.  Bolivar  et  ses 
amis  insistaient  sur  l'excellence,  au 
moins  provisoire,  de  l'unité.  On  a  vu 
avec  combien  de  ténacité  le  chef  su- 
prême s'était  appliqué  a  rendre  toutes 
les  opérations  du  congrès  imj)0ssibles  : 
la  dissolution  de  cette  assemblée  et 
le  premier  triomphe  du  chef  suprême 
furent  le  résultat  de  ces  combinaisons  ; 
mais  c'était  bien  peu  encore.  En  res- 
saisissant le  pouvoir  absolu  ,  Bolivar 
dut  consentir  à  feindre  au  moins  pour 
quelque  temps  de  le  partager.  Tou- 
jours éloigné  de  convoquer  un  nou- 
veau congrès,  appuyant  d'ailleurs 
sur  l'impossibilité  qu'il  y  avait  a  en 
réunir  réellement  les  membres,  tant 
que  durerait  la  guerre  ,  il  nomma  en 
remplacement  de  cette  assemblée  un 
conseil  suprême  ,  divisé  en  dpux  sec- 


BOL 

tions  :  l'une,  politique,  eut  Zéa  pour 
piésideul  5  l'autre,  luilltaire  ,  fut  pré- 
sidée par  Brion.  Tous  deux  étaient 
d'accord  avec  Bolivar,  qui  d'ailleurs , 
sous  le  nom  de  président ,  avait  seul 
le  pouvoir  exécutif.  Tout  se  fai- 
sait avec  sa  sancliouj  et  ,  pendant 
toute  la  durée  de  la  campagne  ,  on 
n'avait  cessé  d'expédier  des  courriers, 
pour  lui  faire  signer  et  approuver 
les  affaires.  C'est  dans  de  telles 
circonstances  qu'eut  lieu  le  fameux 
procès  de  Piar.  Cet  homme  de  cou- 
leur, qui  jouissait  a  Barcelone  d'une 
grande  considération  ,  et  que  ses  suc- 
cès en  Gui.ine  plaçaient  au  premier 
rang  des  généraux  de  l'indépendance , 
avait  songé  plus  d'une  fois ,  sans 
doute  ,  soit  pour  Marino  ,  soit  pour 
lui -même,  a  déposséder  Bolivar. 
Mais  avait-il  formé  un  complot  pour 
l'accomplissement  de  ce  dessein? 
Les  Bolivaristes  l'en  soupçonnèrent  • 
et  pour  prévenir  l'exécution  de  ses 
plans  ils  l'accusèrent  de  conspiration 
contre  tous  les  blancs  indistincte- 
ment. Ces  accusations  n'ont  jamais 
été  prouvées,  et  la  cause  la  plus 
réelle  de  son  arrestation  fut  la  crainte 
qu'il  inspirait.  La  puissance  dont  le 
président  était  investi  lui  permit  de 
diriger  la  procédure  a  son  gré.  Il  fut 
condamné  à  mort  par  une  cour  mar- 
tiale que  présidait  Brion,  son  ennemi 
juré,  et  subit  sa  sentence  le  16  oct. 
1817.  Ce  supjilice  ,  en  débarrassant 
Bolivar  d'un  ennemi ,  consolida  le 
gouvernement  unitaire  d'Angosluraj 
mais  il  rendit  le  président  encore 
plus  odieux  a  beaucoup  de  militaires 
et  de  républicains  utopislts.  De  plus 
en  plus  obligé  de  se  créer  des  appuis 
contre  les  ambitieux  ou  les  mécon- 
tents, le  président  ,  qui  jusqu'alors 
avait  regardé  d'un  œil  jaloux  les 
étrangers,  en  vint  à  sentir  combien 
ils  pouvaient  lui  être    utiles,   non- 


BOL 


5of 


seulement  pour  combattre  les  Espa- 
gnols exercés  a  l'européenne  ,  et  pour 
donner  à  toutes  les  bandes  insubor- 
données qu'il  employait  l'exemple 
d"une  discipline  et  d'une  lacti  jue  sé- 
vères, mais  encore  pour  défendre  son 
pouvoir  contre  des  attaques  k  foi  ce 
ouverte.  "Vers  la  fin  de  18 17,  le  lieu- 
tenant-colonel anglais  Hippislej 
lui  avait  amené  trois  cents  hom- 
mes équipés  en  Angleterre.  Un 
autre  lieutenant  -  colonel ,  nommé 
Euglish ,  qui  devait  commander 
sous  Hippisley,  était  resté  dans  la 
Grande-Bretagne  d'où  il  euvova  suc- 
cessivement deux  mille  hommes  par  de'- 
tachements.  Mais  déjà  Hippisley,  dé- 
goûté, non  sans  cause,  du  service  amé- 
ricain, avait  quitté  les  indépendants  , 
lorsque  English  arriva  fort  k  propos 
pour  le  remplacer.  Bolivar,  au  lieu 
de  continuer  ,  ainsi  qu'il  l'avait  fait, 
k  incorporer  les  Européens  dans  ses 
bandes,  et  dans  celles  de  Paez,  forma 
des  derniers  venus  une  légion  que  des 
additions  successives  portèrent  k 
deux  mille  hommes.  A  partir  de  cette 
époque,  il  suivit  la  même  tactique  et 
chercha  toujours  a  se  procurer  des 
espèces  de  troupes -modèles  en  les 
faisant  venir  d'Europe.  Il  essayait 
aussi  d'avoir  accès  auprès  des  cabi- 
nets étrangers,  et  il  accréditait  des 
chargés  d'affaires  k  Washington  et  k 
Londres.  Déjà  dans  cette  dernière 
ville  Lopcz  Mendez  était  toléré,  sans 
être  reconnu  officiellement,  et  un  en- 
voyé des  Etals-Unis,  M.  Irving,  pa- 
rut dans  le  mois  de  juillet  a  Angos- 
tura.  Ainji  la  campagne  de  1818, 
sans  produire  précisément  de  grands 
résultats  territoriaux,  exerçait  une 
influence  morale  et  faisait  admettre 
au  monde  l'existence  d'une  nouvelle 
nation.  Deux  autres  graves  sujets  oc- 
cupèrent Bolivar,  le  reste  de  l'an- 
née ,    le   congrès    cl   la    prochaine 


5io  BOL 

campagne.  La  uouvelle  de  la  délibéra- 
tion secrète  des  cinq,  cl  l'éloquence 
de  l'ex-député  German  Roscic  ,  qui 
venait  de  Philadelphie  avec  des  let- 
tres de  Torrès,  le  déteimluèrcnl  a 
convoquer  le  congrès.  H  en  fixa  Tou- 
veriure  au  i5  février  1819,  et  ne 
chercha  point  h  la  retarder  par  des  sub- 
terfuges: mais  riiislallation  de  celte 
assemblée  de  vingt-six  députés  ne 
changea  rien  a  l'essence  du  gouver- 
nement. Des  intrigues  préparées  de 
longue  main  en  donuèreut  la  prési- 
dence a  Zéa  qui,  sans  consistance  mi- 
litaire, ne  pouvait  devenir  le  rival  du 
président.  Celui-ci  remit  alors  aux 
représentants  de  la  nation,  avec  tou- 
tes les  apparences  de  la  franchise  , 
l'autorité  militaire  et  tous  les  pou- 
voirs que  la  république  lui  avait 
confiés.  L'assemblée  refusa  ;  et  une 
lutte  d'apparat  s'éleva  entre  le 
congrès  et  le  chef  suprême.  Enfin  une 
députalion  obtint  de  lui  qu'il  se 
chargerait  pour  quarante-huit  heures 
de  l'autorité.  Le  lendemain  ,  nouvel- 
les instances,  et  Bolivar^  cédant  enfin, 
se  laissa  imposer  la  présidence  de  la 
république  jusqu'à  l'achèvement  de 
la  constitution...  Il  ne  tarda  pas  a  en 
présenter  le  plan  qu'il  avait  long- 
temps médité,  et  dans  lequel  il  pro- 
posait la  division  de  la  législature  en 
deux  chambres ,  un  sénat  ou  chambre 
des  pairs  héréditaire,  et  une  cham- 
bre des  députés.  Les  représei;ta- 
lions  de  quelques  amis  le  déterminè- 
rent a  élaguer  du  projet  un  article 
totalement  aristocratique  en  vertu 
duquel  les  membres  de  la  chambre 
des  pairs  auraient  porté  des  titres 
de  comtes,  marciuis ,  barons,  etc. 
On  comprend  combien  avec  une  telle 
organisation  il  eût  trouvé  de  facili(és 
'a  vivre  avec  ce  congrès  redouté. 
Mais  les  députés  alors  réunis  dans 
Angostura  mirent  au  néant  toutes  les 


BOL 

chimères  dont  il  pouvait   encore  se 
bercer:  et  ils  biffèrent  du  projet  de 
constitution  le  sénat  héréditaire.  Du 
reste,  on  prit  quelques  mesures  sages 
et  de  nature  a    répandre   l'instruc- 
tion ,  a  favoriser  le  commerce,  l'agri- 
culture et  l'industrie  ,  a  exciter  l'é- 
mulation desdéfenseurs  de  la  patrie. 
La  création  de  l'Ordre  des  libérateurs 
fut  approuvée.  Un  décret    régla    le 
partage  des  propriétés  nationales  en- 
tre  les  combattants,  et  déclara  les 
étrangers   eux-mêmes    admis      aux 
récompenses.  Zéa  fut  chargé  de   la 
vice-présidence  5  et  les  départements 
ministériels  restèrent  au  nombre  de 
quatre,  intérieur,  extérieur,  guerre 
et   justice.   Une  compagnie   anglaise 
qui  offrait  des  sommes  considérables, 
h  condition  qu'on  lui  accorderait  le 
privilège  de  r'exjiortaliou  des  tabacs 
du  Varinas ,  reçut  pour  réponse  que 
la   république   s'interdisait   tout   mo- 
nopole,  mais  qu'on  lui  accorderait 
de  vastes  terrains  'a  la  seule  condi- 
tion  de   les    défricher.    Quant    a   la 
campagne  qui    allait  s'ouvrir,    Boli- 
var avait   conçu    un  excellent  plan: 
c'était  de   feindre   l'intention   d'atta- 
quer   Caracas  et  d'adiMuchir  Yéné- 
zuéla;  puis  ,  quand  Morillo  ,  dupe  de 
ses   démonstrations,    aurait   dégarni 
la    Nouvelle -Grenade  pour  concen- 
trer ses  forces  vers  Ica  points  mena- 
cés, de  se  réiînir  aux  nombreuses  gué- 
rillas vénézuéliennes  et  de  marcher 
sur  Bogota.  Il  partit  en  conséquence 
le   27  février,  envoyant  Urdanela  et 
Valdfz  a  l'île  Marguerite ,  avec  une 
vingtaine   d'officiers ,  pour  organiser 
les  troupes  anglaises  qui  lui  étaient  ex- 
pédiées par  English,  et  chargea  Mariuo 
d'occuper  lesprovinccs  orientales  avec 
six  n^ille  hommes,  et  de  prendre  les  vil- 
les de  Cumanaet  de  Barcelone.  Lui- 
même  n'avait  avec  lui  que  son  état- 
major,  et    environ  deux  mille  hom- 


BOL 

mes;  mais  il  comptait  sur  les  ren- 
forts étransrers,  Mir  les  sruérillas  de 
Paez  ,  enliri  sur  les  forces  des  Gre- 
nadins. Effeclivement  Paez  opéra  sa 
jonclion  avec  lui  le  20  mars  et  ap- 
prouva son  plan.  Mais  ses  Llaneros, 
habitués  k  se  développer  dans  les 
plaines  ,  refusèrent  de  traverser  les 
Andes  et  menacèrent  de  déserter. 
QiiOMjue  déconcerté  jiav  cet  obstacle, 
et  peu  après  battu,  ainsi  que  Marine, 
par  Pereira,  près  de  Trapiche  de  la  Ga- 
marra,  il  ressaisit  bientôt  l'avantage. 
Morillo  fut  mis  en  déroute  k  sou  tour 
devant  Achaguas,  et  Ht  retraite  jus- 
qu'à Calabozo.  LaTorredéfait sur  un 
autre  point  fuvail  également  par 
les  plai.nes  d'Aragua  et  rejoignait 
sou  chef.  Maître  du  Varinas  euiier  , 
Bolivar  y  leva  des  recrues  et  at- 
tendit les  renforts  anglais,  Paez 
avec  ses  Llaneros  tint  constamment 
en  échec  Morillo  qui  avec  une  nou- 
velle armée  cherchait  k  envahir  les 
plaines  d'Apuré;  il  refusa  la  bataille 
((lie  lui  offrait  le  général  espagnol, 
intercepta  ses  convois,  le  hnrassa , 
lui  tua  en  détail  plus  de  quinze  cents 
hommes,  et  enfin,  le  forçant  de  nou- 
veau k  faire  retraite,  l'assiégea  dans 
son  camp  d' Achaguas.  Morillo  était 
perdu,  et  n'avait  d'autre  alternative 
que  de  voir  son  armée  anéantie  d'un 
seul  coup  ,  ou  de  souscrire  a  une  hon- 
teuse capitulatiou.  Mais  ses  ennemis 
n'avaient  pas  les  premières  notions 
de  l'art  de  la  guerrre;  et,  lorsqu'il 
eût  été  facile  de  le  cerner,  il  s'ouvrit 
un  chemin  k  travers  le  camp  de  Paez 
et  rentra  sans  pertedans  Caracas,  d'où 
il  envoya  deux  délacliemenis  renfor- 
cer Barcelone  et  Cumana  Pendant  ce 
temps,  Bolivar  franchissait  la  chaîne 
des  Andes  et  entrait  dans  la  Nou- 
velle-Grenade ,  où  déjà  Sanlander 
r.vait  battu  les  Espagnols  en  plusieurs 
rencontres.   D'immenses  fleuves  dé- 


BOL  5ii 

bordés,  de  hautes  montagnes  ne  pu- 
rent arrêter  le  président  ;  il  _v  laissa 
son  artillerie,  ses  bagages  5  et  la  plu- 
part des  chevaux  y  périrent.  Enfin 
pourtant  il  atteignit  la  rivière  de  Paya, 
et  rencontra  le  général  royaliste  Ba- 
rasino  le  i"""  juillet  k  Samagozo  , 
puis  le  20  k  Palano-de-Barg  (pro- 
vince de  Tunja).  Ces  deux  journées 
furent  désastreuses  pour  les  Espa- 
gnols. Un  dernier  combat  eu  lieu  k 
Vanta-Quémada(7  août).  Bolivar  pro- 
fila des  accidents  du  terrain  pour  y 
dresser  une  emLu^:cade  k  laquelle  Ba- 
rasiuo  se  laissa  prendre  :  mille  roya- 
listes restèrent  sur  le  champ  de  ba- 
taille ;  et  le  9  au  malin  le  vice-  roi 
Samaua  quitta  P)Ogota  ,  suivi  d'une 
centaine  de  personnes,  et  laissant 
dans  les  caisses  du  gouvernement 
un  demi-million  d'argent  monnayé. 
Ainsi  se  terminait  une  campagne 
aussi  brillante  que  rapide ,  entre- 
prise dans  la  saison  la  plus  défavora- 
ble ,  celle  des  inondations.  Trois 
jours  après  le  départ  de  Samana.  Bo- 
livar entra  en  triomphe  dans  la  ville 
abandonnée,  fit  occuper,  le  17, 
Ocaùa  .  organisa  dans  la  capitale  de 
la  Nouvelle-Grenade  un  congrès  dont 
iltul  président,  et  sevitainsimaîlrede 
celle  province  presque  tout  entière» 
Tout  dans  celte  glorieuse  campagne 
eût  niérilé  des  applaudissemenis  si  les 
sommes  considérables  obtenues  par 
Bolivar  (trois  millions  de  dollars  des 
Grenadins  ,  et  un  million  mensuelle- 
ment des  diverses  autorités)  eussent 
été  consacrées  au  paiement  des  trou- 
pes, aux  munitions,  aux  armes.  Mais 
il  n'en  tut  pas  ainsi.  On  lui  reproche 
encore  d'avoir  perdu  surtout  k  Pam- 
plona  un  temps  précieux  en  fêtes,  en 
vaines  cérémonies.  De  celle  ville,  il 
se  porta  sur  Guadalita  ,  arriva  le 
2  nov.  k  MonSecal,  dans  le  Vene- 
zuela où  il  avait  donné  rendez-vous  k 


5l2 


BOL 


plusieurs  chefs;  et  bieulôt,  quoique 
ayant  perdu  en  route  huit  cents  dé- 
serteurs, eut  autour  de  lui  neuT  mille 
liommes  dont  trois  mille  de  troupes 
anglaises,  irlandaises  et  hanovrieunes. 
Morillo  évacua  San-Fernando  et  se 
concentra  sur  Sau-Carlos  :  le  \  éué- 
zuéla  fut  de  recLef  perdu  pour  l'Es- 
pagne. Tout  annonçait  que  les  roya- 
listes réduits  à  quatre  raille  boiumes, 
allaient  être  expulsés  des  contrées  en 
deçà  de  l'Orénoque.  Mais  Bolivar 
avait  a  vaincre  les  siens  et  les  Espa- 
gnols. Au  lieu  d'employer  contre  les 
ennemis  de  l'Amérique  la  force  im- 
posante qu'il  avait  à  sa  disposition  , 
il  se  mit  en  marche  sur  Angos- 
tura  où,  pendant  son  absence,  Aris- 
mendl  avait  éle  substitué  à  Zéa  dans 
le  titre  de  président  du  congrès  et 
de  vice-prcsideut  de  la  république.  Ce 
chansemenl  au  fond  était  une  protes- 

-  n  r 

talionbienmuins  contre  Zeaque  contre 
Bolivar  lui-même.  Trois  mille  hom- 
mes dévoués  accompagnèrent  le  libé- 
rateur dans  la  marche  rapide  qu'il 
diiigea  sur  Angostiira.  Pris  a  i'im- 
proviste,  Arismendi,  qni  n'avait  que 
six  cents  hommes ,  n'essaya  pas  de 
résister  au  chef  suprême  qui  réinstalla 
Zéa  et  renvoya  son  antagoniste  a  La 
Marguerite.  Il  pensa  même  a  le  tra- 
duire comme  Piar  devant  une  cour 
martiale  ;  mais  Arismendi  avait  des 
amis  puissants  dans  le  congrès  et  dans 
l'armée  ;  nombre  de  Llaneros  lui 
étaient  dévoués;  enfin  l'Ile  Margue- 
rite ,  si  importante  pour  la  républi- 
que, aurait  pu  s'insurger  en  sa  faveur. 
Tranquille  de  ce  côté,  Bolivar  mit  a 
profit  l'avis  qu'il  venait  de  recevoir 
par  la  petite  révolution  d'Angostura, 
et  annonça  pompeusement  qu'il  allait 
former  le  congrès  sur  un  plan  nou- 
veau et  plus  étendu.  Le  17  novembre 
18  19,  en  effet,  une  délibération  so- 
lennelle du  congrès  proclama  la  réu- 


BOL 

niou  des  provinces  de  Venezuela  et 
de  la  Nouvelle-Grenade  en  une  seule 
république  sous  le  nom  de  Colombie, 
et  la  division  de  la  Colombie  en 
troisgrands  départements,  Venezuela, 
Quito,  Cundiuamarca.  Des  dispositions 
subséquenlesétaientrelativcs  aux  capi- 
tales des  trois  départements ,  à  la  ca- 
pitale générale  qui  serait  fondée 
plus  tard  et  qui  prendrait  le  nom 
du  libérateur ,  à  lu  présidence  et 
a  la  vice-présidence  ,  aux  vice-prési- 
dences et  administrations  supérieures 
départementales,  a  la  dette,  etc. 
Il  était  décidé  que  le  congrès 
actuel  suspendrait  sa  session  le  i5 
janvier  1820;  que  le  congrès  futur 
serait  ouvert  le  i^'^  janvier  1821  , 
dans  E-osario  de  Cucuta;  que  le 
mode  des  élections  serait  réglé  par 
un  comité  spécial  et  approuvé  par 
le  congrès  siégeant  ;  que  l'on  pro- 
céderait aux  élections  dans  toute 
la  Colombie,  dès  la  séparation  de  ce 
dernier  congrès  j  enfin  ,  que  pen- 
dant l'intervalle  des  deux  sessions, 
un  comité  de  six  membres  avec  un 
présideut  siégerait  et  se  concerterait 
avec  le  gouvernement.  Ces  disposi- 
tions en  apparence  limitatives  du  pou- 
voir suprême  le  limitaient  fort  peu  au 
fond,  et  même  étaient  de  nature  a  lui 
donner  une  force  nouvelle  ,  en  sanc- 
tionnant les  mesures  administra- 
tives de  l'autorité  du  congrès  ;  et 
certes  Bolivar  comptait  bien  que  le 
comité  de  six  ou  sept  membres  se- 
rait composé  de  manière  a  le  con- 
trarier moins  que  le  congrès.  Sous 
tous  les  rapports  sa  position  deve- 
nait plus  élevée  et  plus  belle.  Les 
succès  de  la  campague  de  Bogota, 
l'éviucemenl  d'un  rival  formidable 
daus  la  personne  d'Arismendi,  enfin 
la  naissance  de  la  Colombie  plaçaient 
son  nom  bien  haut  dans  l'opinion,  et 
l'cnlouraieut   de    celle   auréole     de 


liOL 

gloire  qui  s'atlacbe  aux  fondateurs. 
11  ne  s'agissait  plus  ijue  d'acliever  la 
couquète  coiuiuencée  ,  tl  raniiée 
1820  pouvait  amt'ucr  ce  grand  ré- 
sultat. La  Nouvelle-Grenadcj  quoi- 
que mécontentée  par  les  levées  d'hom- 
mes et  d'argent,  et  menacée  par  cinq 
corps  espagnols,  résistait,  grâce  à 
Saulauder  :  les  forces  des  indépen- 
dants montaient  k  seize  mille  hommes  j 
celles  de  Morillo  étaient  k  peine  de 
quatre  mille ,  et  les  enrôlements  de- 
veniiient  de  plus  en  plus  difficiles. 
Bolivar  a  la  tète  de  quatre  mille  sol- 
dats d'élile  marcha  vers  la  Nouvelle- 
Grenade,  tandis  que  des  troupes  mar- 
gueritaines  devaient  y  débarquer  sous 
la  conduite  de  Montilla,  et  y  opérer 
leur  jonction  avec  quatre  radie  hom- 
mes qui  viendraient  du  Varinas  et  du 
Maracaïbo.Paez,  k  qui  restaient  enco- 
re huit  millehommes,  attaquerait  Ca- 
racas et  nettoierait  le  Venezuela.  Tou- 
ies  ces  opérations  étaient  bien  conçuesj 
mais  elles  furent  conduites  mollement. 
Paez  d'abord  ne  fit  aucun  mouve- 
ment et  laissa  Morillo  se  renforcer 
à  Valence  et  k  La  Guaira.  A  Rio-de- 
la- Hacha,  huit  cents  Irlandais  refusè- 
rent de  marcher,  parce  qu'on  ne  les 
payait  point,  et  firent  manquer  l'ex- 
pédition dirigée  sur  les  trois  places 
septentrionales  de  la  Nouvelle-Gre- 
nade. On  reprit  celte  expédition  plus 
tard  et  avec  assez  d'avantage,  mais 
sans  succès  décisifs.  11  eu  fut  de  même 
dans  la  iXouvelle-Greuade  ,  cù  Bo- 
livar en  personne  reçut  plusieurs 
échecs.  D'un  autre  côté  les  désertions 
commençaient  dans  les  troupes  euro- 
péennes: et  des  contrées  qui  jusque- 
là  semblaient  hésiter  se  déclarèrent 
pour  l'indépendance.  Ces  change- 
ments tenaient  surtout  a  la  nouvelle 
récemment  arrivée  de  la  révolution 
de  Cadix.  Cette  révolution  en  un 
sens  fut  due  au  ^Nouveau-Monde  ;  car 

LVllJ. 


BOL  ii3 

l'insurrection   partit  du  sein  de  Tcx- 
pédiliou  de  vingt-cin(j  mille  hommes 
qui,  sous  les  ordres  d'O'Donnel,  de- 
vaient agir  contre  le  Pérou  et  la  Co- 
lombie. Sous  d'autres  rapports  elle 
eut    des   résultats  fâcheux    pour    les 
indépendants  j   elle  fît  naître  dans  la 
république  une  espèce  de  tiers-parti 
qui   voyait  la  liberté  coloniale  dans 
la  soumission  k  la  métropole  devenue 
libre  j   elle  donna   même  lieu  a  des 
négociations,  sinon  fatales,  nuisibles 
du   moins  k  la    cause  de  l'indépen- 
dance.   Morillo,   après  avoir  balancé 
k  recevoir  la  constitution   nouvelle  , 
prit  enfin  le  parti  de  la  publier  ;  mais 
aussitôt  il    répandit    des   proclama- 
tions dans  le  but  de  faire  croire  que 
désormais  une  lutte  entre  la  colonie 
cl   la    métropole    était    ^ans    objet. 
Il  envoya  des  parlementaires  aux  di- 
vers généraux,   et  des  commissaires 
au  congrès   ou  plutôt  au  comité  re- 
présentant le  congrès.  On  lui  répon- 
dit que  la  seule   base  sur  laquelle  il 
fût  possible  de  traiter  était  la  recon- 
naissance   de     l'indépendance      co- 
lombienne 5  on  savait  bien  qu'il  n'a- 
vait pas  de  pouvoir  pour  une  pareille 
reconnaissance;  et  les  hostilités  con- 
tinuèrent. Mais  bientôt  on  se  dépar- 
tit de  celte  marche  ferme,  et  les  hos- 
tilités se  ralentirent.    Morillo  ,     par 
des    propositions  artificieuses  et  am- 
higuës  ,   gagna   du  temps,     se    ren- 
força  et  diminua   les  chances   d'une 
ruine  assurée.  Les  généraux  indépen- 
dants, Bolivar  surtout,  se  trouvèrent 
flattés  d'entendre  les  propositions  de 
la  métropole,  de  conférer  comme  de 
puissance  a  puissance  avec  les  hom- 
mes de  Ferdinand,  de  recevoir  leurs 
lettres  et  d'y  répondre.  Un  armistice 
de  six  mois  fut  signé  le  2 5  novembre" 
k  Trujillo  entre  les  généraux  Sucre  , 
Briceiïo  et  Ferez  pour  la  Colombie, 
Correa,  Toro  et  Linares  pour  l'Espa- 

33 


5i4 


BOL 


gne.  Le  lendemain  les  deux  généraux 
en  chef  ratifièrent  la  convenlion. 
Puis  une  entrevue  solennelle,  au  vil- 
lage de  Santa-Anna,  scella  celte  sus- 
pension d'armes. Bolivar  et  Morillo  s'y 
jurèrent  éternellearallié  comme  hom- 
mes privés,  mangèrent  ensemble,  cou- 
chèrent dans  la  même  chambre  el  po- 
sèrent la  première  pierre  d'une 
pyramide  destinée  a  perpétuer  la 
mémoire  de  cette  entrevue.  Beau- 
coup d'officiers  de  part  et  d'autres 
partagèrent  leur  enthousiasme.  Ce- 
pendant l'éclat  de  cette  journée,  cjui 
indiquait  évidemment  la  décadence 
de  la  cause  espagnole  et  la  supé- 
riorité de  la  Colombie ,  ne  doit  pas 
faire  illusion  sur  la  faute  que  com- 
mettait le  chef  suprême  en  signaut 
un  armistice  a  l'instant  où  il  lui  était 
facile  d'écraser  le  reste  dos  troupes 
espagnoles  j  et  quel  armistice  encore? 
un  armistice  dans  lequel  on  ne  re- 
connaissait pas  la  Colombie!  Cepen- 
dant les  Cortès,  qui  alors  étaient 
maîtres  du  pouvoir  en  Espagne^  se 
montrèrent  très-raéconlentcs  de  la  di- 
plomatie de  Morillo,  et  il  fut  rappelé. 
Le  vice-président  Zéa,  qui  avait  d'a- 
bord été  chargé  de  négocier  un  em- 
prunt soit  en  Angleterre  ,  soit  en 
France  ,  et  qui  ,  à  la  nouvelle  de 
l'armistice  ,  alla  dans  la  Péninsule 
pour  y  agir  en  faveur  de  la  paix , 
n'entendit  sortir  du  sein  des  Cortès 
que  des  propositions  dérisoires.  Le 
duc  de  Frias  ,  ambassadeur  d'Es- 
pagne a  Londres,  lit  les  mêmes  ré- 
ponses aux  instances  des  envoyés  de 
Bolivar.  En  Amérique  la  suspension 
d'armes  excitait  des  murmures  dans 
le  peuple  et  dans  l'armée.  Le  chef  des 
indépendants  sentait  sa  faute;  et  les 
deux  partis  violaient  en  secret  les 
conditions  de  l'armistice.  Enfin  trois 
mois  et  demi  après  la  signature  de  la 
trêve ,  Bolivar  en  dénonça  le  terme 


BOL 

à  La  Torre  qui  commandait  en  chef 
depuis  le  départ  de  Morillo.  secondé 
par  les  manœuvres  du  mulâtre  Pa- 
dilla.  Le  zi  juin,  le  libérateur  ayant 
sous  lui  Paez  ,  Sedeùo  ,  Anzoate- 
gui,  Plaza  ,  Marino,  et  neuf  mille 
hommes  dont  trois  mille  de  cava- 
lerie, opéra  sa  jonction  avec  Yaldez 
et  Bermudez  dans  la  plaine  de  Tina- 
guillo  ,  et  se  porta  vers  le  quartier- 
général  de  La  Torre  et  de  Morales 
établis  tous  deux  dans  une  position 
très-forte,  a  Calabozo  ,  entre  San- 
Carlos  et  Vulence.  Il  hésitait  a  les 
attaquer  :  Bermudez,  Paez  ,  insistè- 
rent pour  que  la  bataille  fût  livrée  ; 
ils  voulaient  même  ,  contrairement 
a  Marino,  que  l'attaque  eût  lieu 
de  front.  Un  guide  connu  de  Bo- 
livar leva  toutes  les  difficultés,  en 
lui  indiquant  un  ravin  par  lequel 
on  pouvait  tourner  l'aile  droite  des 
Espagnols  .  Paez  y  passe  sous  le  feu 
de  l'enuemi  5  puis,  a  la  tête  de  trois 
bataillons  et  d'un  régiment  de  lan- 
ciers, se  précipite  sur  son  flanc  droit 
qui  cède  enfin  a  l'impétuosité  des  in- 
dépendants. Morales  n'a  que  le  temps 
de  former  des  débris  de  son  armée  un 
carré  avec  lequel  il  se  retire  sur 
Puerlo-Cabello,  et  les  débris  de  sou 
parti  el  de  son  armée  s'y  rendent  à  sa 
suite.  Ce  jour  fut  le  dernier  de  la  do- 
mination espagnole  dans  ces  contrées. 
Le  soir  même  de  la  bataille  de  Cala- 
bozo ,  Bolivar  entra  dans  Valence. 
Caracas ,  La  Guaira  rentrèrent  au 
pouvoir  des  indépendants  pour  n'en 
plus  sortir  :  la  dernière  de  ces  villes 
était  défendue  par  le  colonel  Pereira 
déterminé  a  se  faire  sauter  plutôt 
qu'a  rendre  le  fort  ;  la  médiation  de 
l'amiral  français  Jurieu  prévint  ces 
terribles  extrémités.  Provisoirement 
Bolivar  établit  deux  gouvernements 
militaires  qu'il  confia,  l'un  à  Marino, 
l'autre  à  Paez,  el  qui  comprenaient,  le 


BOL 

premier  Coro ,  Maracaibo ,  Truxîllo, 
Méridaj  le  second  Caracas  et  Valence. 
Le  2  1  sept.,  Cartliagène  se  rendit , 
et  Cumaua  suivit  bientôt  cet  exem- 
ple. Une  seule  ville  dans  tout  le 
Venezuela  restait  a  La  Torre,  c'é- 
tait Puerto-- Cabello  dont  la  résis- 
tance se  prolongea  jusqu'en  juillet 
1824^.  Déjà  même  le  territoire  de  Co- 
lombie était  plus  vaste  que  ne  l'avait 
jamais  été  Caracas  réuni  a  la  Nou»- 
velle  -  Grenade.  Les  intelligences 
que  le  chef  suprême  s'élait  ménagées 
dans  les  provinces  de  Tislhme  y 
avaient  préparé  une  insurrection  qui 
éclata,  le  28  nov.  182  i,  a  Panama, 
et,  sept  jours  plus  tard,  h  Porto- 
Belo.  Les  Espagnols  cliassés  de 
l'isthme  se  retirèrent  dans  la  pro- 
vince de  Quito,  la  seule,  de  la  Nou- 
velle-Grenade, qui,  avec  celles  des 
Pastos  et  de  Guayaquil,  n'eût  pas 
arboré  le  drapeau  de  l'indépendance. 
Les  Paslos  du  reste  étaient  con- 
traires k  cette  cause  ,  tandis  que 
Guayaquil  et  Quito,  possédés  par  les 
royalistes  ,  complaicnt  beaucoup  de 
fauteurs  de  l'indépendance.  Confor- 
mément a  la  déclaration  du  congrès 
d'Angostura,  qui,  sous  son  influence, 
avait  compris  dans  la  Colombie  tou- 
tes les  provinces  de  la  Nouvelle- 
Grenade  et  du  Venezuela,  Bolivar 
était  bien  déterminé  à  expulser  les 
Espagnols  de  Quito  et  des  Pastos.  et 
il  avait  de  longue  main  préparé  les 
événements  par  ses  intelligences.  Du 
reste,  l'expédition  était  approuve'e  par 
le  nouveau  congrès  qui ,  depuis  le 
i^^  janvier  1821  ,  avait  ouvert  ses 
séances  et  publié  le  3o  août  la  consti- 
tution connue  sous  le  no'.n  de  Cucuta. 
Cette  constitution,  remarquable  sous 
plusieurs  rapports,  cl  principalement 
en  ce  qu'elle  abolissait  l'inquisition, 
reconnaissait  la  dette  des  deux  états, 
divisait  le  pouvoir  législatif  en  deux 


BOL  5i5 

cliambres,  sans  admettre  Tliérédité 
du  sénat,  et  remettait  le  pouvoir 
exécutif  k  un  président  quadriennal 
élu  par  le  peuple;  enfin  elle  sanc- 
tionnait la  loi  fondamentale  d'Angos- 
tura sur  la  réunion  des  provinces. 
La  peut-être  les  législateurs  avaient 
fait  preuve  d'inexpérience.  Des  con- 
trées aussi  dissemblables  queCartha- 
gène  et  Bogota,  Pamplona  et  Guaya- 
quil pouvaient-elles  être  régies  par  un 
même  congrès?  c'est  une  question  qui 
n'est  pas  encore  jugée.  Au  reste,  la 
toute-puissance  du  président  était  res- 
treinte dans  des  bornes  plus  étroites 
peut-être  qu'il  n'eût  été  sage  de  le 
faire,  k  coup  sûr  plus  qu'il  ne  con- 
venait a  Bolivar.  Toujours  fidèle  a 
son  usage  de  refuser  le  p»mvoir,  il 
avait  remis  son  autorité  militaire  au 
congrès;  et,  toujours  accoutumé  k 
triompher  de  ce  désintéressement, 
le  congrès  l'avait  de  nouveau  investi 
de  la  présidence.  En  même  temps 
Sanlander  avait  reçu  la  vice -prési- 
dence de  Bogota,  et  Paez  celle  de  Ca- 
racas.  Peu  de  temps  après  la  clôture 
du  congrès  (i4-  oct.  1821),  s'ouvrit 
la  campagne  de  Quito.  Bolivar  et  Su- 
cre prirent  le  commandement  des 
troupes  :  Sucre  partit  de  Guayaquil 
ou  il  s'était  rendu  par  Esmeraldas  , 
en  suivant  les  côtes  de  l'ouest,  et  se 
dirigea  sur  Quito  :  Bolivar  quittant 
Bogota  franchit  la  haute  chaîne  des 
Andes  et ,  après  des  marches  pénibles 
sur  ces  versants  escarpés,  descendit 
dans  les  plaines  occupées  par  les  corps 
espagnols,  les  mit  en  déroute  k  Bam- 
bona,  puis  a  Pichincha  où  fut  tué  le 
général  Crux-Mourgeon ,  entra  vain- 
queur dans  Quito  et  dans  Guayaquil 
(11  juillet  1822),  où  les  trois  cents 
quatorze  représentants  déclarèrent 
pa'"  acclamation  l'incorporation  de 
ces  contrées  kla  Colombie,  qui  s'ac- 
crut ainsi  de  2,65o,ooo  habitants. 

33. 


La  rrcoiinaissance    de   la   Colombie 
par  les  Etals-Uuis    avait  marcjué   le 
cummenceinent  de  celte   année  j    des 
trailés  d'unioa   et   ligue  avec  le  Pé- 
rou et  le  Chili  en  signalèrent  la  fin. 
(Trailés  de  Lima  et  de  Santiago  ,    6 
juillet,   5i    ocLobrc.)  A    Guayaquil 
élail  venu  le   général  Saint-Martin, 
nroiecteur  du  Pérou,   i^ui,  lui   aussi, 
avait  fondé  un  empire,  mais  dont  les 
affaires  étaient  dans   un    état  moins 
brillant    que    celles   du   clief   de     la 
Colombie.    Bolivar  le   reçut    comme 
un  souverain    reçoit    son    allié,    lui 
promit  des  secours  en  cas  de  besoin, 
et  fil    entendre    les    grands  mots  de 
fédération  américaine,  d'alliance  des 
peuples,  qui  au  fond   indiquaient    le 
but  de  familiariser  avec  l'idée  de    la 
Colombie,  soit  comme  puissance  pro- 
tectrice, soit  comme  puissance  domi- 
nanle    ou  appelée  a    dominer  toutes 
les  républiques  du  Nouveau-Monde. 
En  effet,  Tannée  suivante,  les  secours 
de  la  Colombie  furent  indipeiisables 
au   Pérou 5   et  Bolivar  ne  les  refusa 
point.  Le  résultaldevait  èlrerassujet- 
tissemeul  de  cette  contrée  a  l'état  que 
Bolivar  avaii  fondé.  Mais  c'est  al'ar- 
liclc  de    Sucre   qu'appartiennent  les 
détails  de  celle  campagne,    couron- 
née   par    les   batailles    de   Junln    et 
d'Ayacucho.    Callao    seul  resta  aux 
mains  des  Espagnols,  qui  ne  le  rendi- 
rent qu'en    1826.  Bolivar,  pour    se 
faire   conférer  un    po.ivoir  immense 
chez,    les     Péruviens  ,     n'avait    pas 
attendu  les  derniers  triomphesde  Su- 
cre. Tout  était  dans  une  désorgani- 
sation complète  lorsqu'il  apparut  dans 
les  provinces   subéquatoriales  ;  il    le 
disait,  et  il  disait  vrai;    il   fallailun 
réorganisateur  :  ce  fut  lui.  Dès  le  3 
septembre  1823,  il  avait  fait  une  en- 
trée  triomphale  à  Lima  ;  et,   le     10 
février  1824,  le  congrès   duPérou, 
travaillé  par  ses  agents,  lui  avait  dé- 


BOL 

cerné  la   dictature  qu'il  exerçait  en 
fait  depuis  cinq  mois.  Des  dissensions, 
des  révoltes  suivirent   cette  nomina- 
tion, mais  des  améliorations  partiel- 
les dans   le    gouvernement ,    et    les 
succès     éclatants     qui    eurent    pour 
suite      l'expulsion     des     Espagnols 
fermèrent     la    bouche    aux    mécon- 
tents.  Au  fond  ,  il  est  visible   qu'un 
double  but    occupait   Bolivar,  a  De 
deux  choses  l'une,  se  disait-il  :  ou  je 
maintiendrai  sans  obstacle  la  Colom- 
bie dans  mon  obédience,  ou  elle  vou- 
dra m'échapper.  Dans  le  premier  cas, 
non  seulement  le  Pérou  doit  être  l'al- 
lié de  la  Colombie,  mais  lot  ou  tard 
il  doit   être    absorbe    par  elle  ;    ma 
puissance  en  grandira  d'autant.  Dans 
l'autre  cas  ,   si  cette  puissance  chan- 
celle dans  la  Colombie,  où  laconslilu- 
tinn  de  Cueuta  limite  trop   mes  pou- 
voirSj  il  me  faut,  pour  être  a  même  de 
la  modifier,  un  point  d'appui  hors  de  la 
Colombie,  et  ce  polut  d'appui  ,  qui, 
peut  me  l'offrir   mieux    que  le   Pé- 
rou?»   Réuni  de  nouveau  le  i  0  fé- 
vrier 1825,  le  congrès  péruvien  n'ac- 
cepta   point  la   démission  de  Bolivar 
et,  à  défaut  de  la  dictature,  lui  déféra 
la  présidence  pour  un  an.  Semblable 
tactique  avait  eu  lieu  de  sa  part  rela- 
tivement a  la   Colombie,  et,   le  22 
déc.  1824,  il  écrivait  au    président 
du   sénat   pour  résilier    le  pouvoir  : 
a  Je   désire  convaincre   l'Europe  et 
«  l'Amérique,  lui  disait-il,    de  l'hor- 
«  reur  que   mlnspire  le  pouvoir  su- 
u  prème ,   sous  quelque  nom  qu'il  se 
a  déguise.  Ma  conscience    est  révol- 
te tée  des    calotnnies   atroces   qu'ac- 
«  cumulent  contre  moi  les  libérales 
a  de    l'Amérique  et    les  serviles  de 
«  l'Europe...  »    Et,     comme     les 
gens    sensés   s'y   attendaient,   il    fut 
supplié  de  garder    ce    pouvoir    qu'il 
abhorrait;    et  il  le  garda.  C'était  sa 
troisième  présidence   en   Colombie. 


BOL 

Pendant  ce  temps,  rAngkierre  avait 
reconnu  le  noui'el  état,  et  des  traités 
avaient  été  conclus  avec  Buénos-Ay- 
res    et     Mexico.     La    même    année 
(1824)  fut  signalée  par  une  nouvelle 
conquête   de    Sucre.  Sept   provinces 
autrcfoi"!  dépendantes   du   gouverne- 
ment de  Buénos-Ayres,  et  depuis  réu- 
nies   h    la    vice-royauté    du     Pérou 
sous  le  nom    de  Haut-Pérou  ,  furent 
proclaiT:éps  indépendantes  par  ce  gé- 
néral ,  qui  leur  donna,  en  l'honneur  du 
libérateur,  le  nom  de  Bolivie.   L'au- 
torité de  Bolivar  dans  cette  dernière 
des  républiques  du  Nouveau-Monde 
■fut  plus  absolue  peut-être  qu'au  sein 
du   Pérou  et  de    l,'i    Coloiribie.  Il  lui 
donna  un  code  qui  fut  connu  sous  le 
litre  de   code  bolivien  et   qui  ,  aux 
yeux  des   amis  du  dictateur,  était  le 
code  modèle.  On  peut  croire  que  le 
président    se    proposait    de    l'intro- 
duire dans  la   Colombie;  mais  aupa- 
ravant 11     fallait    le   faire    admettre 
dans  les  provinces  péruviennes.  Mal- 
heureusement plusieurs  obstacles  s'op- 
posaieut  à  ce  plan.    D'abord  le  code 
bolivien     était     très-peu     populaire 
dans  ces  provinces.  Ensuile  il  existait 
dans  la  nation  un  esprit  anti-colom- 
bien   de  plus  en   plus  prononcé.  De 
toutes  paris    on   criait  que  le  prési- 
dent sacrifiait  le  Pérou  ii  la  Colom- 
bie,   comme  en   Colombie  on  l'accu- 
sait de   tout   sacrifier    à  ses  maîtres- 
ses ,  a  ses  amis,  à  ses  créatures.  De 
plus,  le  vice-président  Santander  et 
Paez,  commandantdu  Venezuela,  ain- 
si que  son   ancien   rival  Marino,   se 
montraient  fort  opposés  à  ses  vues. 
Enfin     les    fautes     que     déjà    nous 
avons  indiquées  dans  sa  conduite  se 
reproduisaient  souvent,  de  sorte  que 
non  seulement  le  sysièrae  politique, 
mais  encore  le  mécanisme  administra- 
tif et  les  relations  de  l'homme  privé 
donnaieul  lieu  a  des  invectives,  à  des 


BOL  5 17 

Laines.  De  toutes  ces  causes  et  du 
malaise  général  ne  pouvait  manquer 
de  résulter  incessamment  une  coUi  • 
sion.  En  1826,  il  découvrit  ou  pré- 
tendit découvrir  un  complot  dont  le 
but  était  do  l'assassiner  et  d'expulser 
les  troupes  étrangères.  Des  mesu- 
res sévères  furent  prises,  et  pour  l'in- 
stant Bolivar  intimida  ses  adversai- 
res étonnés;'  mais  ceux-ci  reprirent 
bientôt  courage.  Alors  il  résolut  de 
frapper  un  grand  coup,  et  commença 
par  un  moven  non  moins  usé  (jue  le 
coup  de  poignard  :  ses  émissaires  ré- 
pandirent avec  affectation  le  bruit 
de  son  prochain  départ,  s'exlialèrent 
en  lamentations  sur  l'avenir  du  Pérou 
qu'allait  ressaisir  l'anarchie,  et,  après 
ce  prologue, usèrent  de  toute  leur  in- 
fluence sur  le  peuple,  pour  qu'il  joignît 
ses  prières  aux  instances  q\i'ils  multi- 
pliaient auprès  de  Bolivar,  afin  de  le 
iaire  changer  de  détermination.  Ecou- 
tons ici  un  journal  partisan  déclaré  du 
président.  «Le  1 3  août,  jour  fixé  pour 
le  départ  de  Bolivar,  des  dépulations 
de  toutes  les  sections  de  Lima  se  ren- 
dirent en  procession  sur  la  grande 
place  qui  est  vis-a-vis  du  palais.  Le 
libérateur  parut  au  balcon,  et  on  lui 
adressa  des  discours  pour  le  supplier 
de  rester.  Il  ne  pourrait  partir, 
lui  disait-on  ,  sans  réduire   au  déses- 

fioir  une  population  dont  il  avait  été 
e  prolecteur.  »  Bolivar  parut  iné- 
branlable. Il  promit  seulement  de 
faire  connaître  sous  huit  jours  ses 
dernières  intentions.  Pendant  cet 
intervalle,  des  pétitions  envoyées  par 
les  provinces  ,  par  l'armée,  par  le 
clergé  ,  par  les  tribunaux,  lui  furent 
adressées  :  mais  il  répondait  Ion  jours 
que  son  pays  l'appelait;  que  les  dis- 
cussions qui  s'étaient  élevées  en  Co- 
lombie réclamaient  sa  présence  ;  que 
le  Pérou  ne  souffrirait  pas  de  son 
absence,   qiie  si  les  jours  de   danger 


oa 


BOL 


renaissaient  pour  lui,  ri  accourrait  a 
son  secours.  Enfin  les  femmes  les 
plus  distinguées  de  la  capitale  se 
rendirent  au  pjlais  ,  espérant  encore 
par  leurs  prières  clianger  sa  détermi- 
nation. Il  répondit  a  ces  belles  sup- 
plianlcs  qu'il  fallait  que  le  devoir 
qui  le  forçait  a  partir  fût  bien  impé- 
rieux, puisqu'il  lui  donnait  le  courage 
deleur  résister.  IN'avaiit  point  encore 
perdu  tout  espoir^  elles  l'entourèrent; 
et,  après  une  discussion  vive  et  ani- 
mée, on  entendit  du  milieu  de  la 
foule  une  voix  qui  parut  angélique 
prononcer  ces  mots  :  a  Le  libérateur 
consent  à  rester!  33  Des  acclamations, 
des  cris  d'allégresse  répondirent  à 
ces  paroles  :  les  cloches  sonnèrent 
toute  la  nuit ,  et  le  lendemain  un  bal 
fut  donné  en  l'honneur  des  dames  qui 
avaient  obtenu  ce  triomphe.  Le  jour 
suivant,  le  collège  électoral  de  la 
province  et  de  la  ville  de  Lima  dé- 
cida que  le  code  bolivien  serait  adopté 
dans  tout  le  Haut-Pérou,  et  le  libé- 
rateur nommé  président  a  vie.  Tous 
les  collèges  provinciaux,  à  l'exceiition 
de  celui  de  Tarapaca,  adoptèrent 
également  ce  code.  Ainsi  Bolivar 
reuiportait  encore  une  vicloire^  et 
voyait  s'avancer  l'accomplissement 
du  plus  cher  de  ses  vœux.  Mais  cette 
espérance  ne  devait  que  luire  de  loin 
à  ses  yeux  et  bientôt  disparaître  : 
un  orage  se  formait  contre  sa  puis- 
sance ,  ou  du  moins  contre  son  sys- 
tème,  au  sein  même  de  la  Colombie. 
Les  trois  années  de  1822  à  1826 
furent  l'apogée  de  sa  gloire.  C'est 
alors  qu'au  milieu  de  l'éclat  un 
peu  factice  qui  l'environnait,  au 
milieu  des  louanges  de  ses  amis  qui 
l'adulaient  comme  l'on  adule  les 
rois ,  et  de  l'Europe  libérale  qui 
commençait  par  le  déifier,  sauf  k 
l'étudier  età  le  comprendre  plus  lard, 
il  attira  l'atteûlion  sur  le  projet  de 


BOL 

son  congrès  de  Panama,  de  celte  bril- 
lante utopie,  véritable  sainte-alliance 
des  peuples,  Amphiclyonie  des  deux 
Amériques  ,  diète  colossale,  qui  de- 
vait poser  un  nouveau  code  interna- 
tional a  l'usage  et  au  profit  des  de'- 
mocralies.  Ce  congrès  se  réunit  effec- 
tivement a  Tacubaya,  en  1827,  et  se 
composa  de  plénipotentiaires  de  la 
Colombie,  du  Brésil,  de  la  Plata , 
de  Bolivie,  du  Mexique,  de  Guate- 
mala. Un  ambassadeur  des  Etats- 
Unis  y  avait  été  député,  mais  il  mou- 
rut a  Carthagène.  Un  commissaire 
anglais  y  assista  aussi ,  mais  sans 
prendre  une  part  directe  aux  délibé- 
rations. Le  but  secret  de  Bolivar 
avait  été  de  préparer,  par  ce  congrès^ 
l'érection  de  l'Amérique  méridiona- 
le tout  entière  en  une  immense  répu- 
blique dont,  sous  un  nom  quelconque, 
il  eut  été  le  chef  unique  et  le  directeur 
suprême.  Mais  déjà  les  événements 
avaient  rejeté  bienloin la réalisatioude 
ces  gigantesques  idées.  Mise  à  exécu- 
tion,la  constitution  de  Cucuta  s'était 
trouvée  ne  convenir  à  personne.  Les 
fédéralistes j  Paez  a  leur  tète,  se 
plaignaient  des  entraves  que  l'unité 
leur  imposait  j  les  agents  du  pouvoir 
exécutif  détestaient  les  limites  dans 
lesquelles  ils  étaient  retenus.  Ceux-ci 
ne  pouvaient^  il  est  vrai ,  proclamer 
leurs  orriefs.  mais  ils  n'en  souliai- 
talent  pas  moins  le  renversement  de 
cette  loi  fondamentale  si  solennelle- 
ment jurée.  Le  fédéralisme  dès  lors 
avait  beau  jeu.  Le  vice  -  prési- 
dent de  Bogota,  Santander,  tout  en 
simulant  une  courageuse  opposition  a 
ces  menées,  les  appuyait.  Son  but  à 
luiétait  tout  autre.  Tromper,  détruire 
les  fédéralistes,  mais  se  substituer  à 
Bolivar  dans  la  place  de  chef  suprê- 
me, était  le  rêve  de  son  ambition. 
Tels  étaient  les  ennemis  que  Bolivar 
avait  à  perdre.  Il  ne  pouvait  y  réus- 


BOL 

sir  qu'eu  les  allaquaut  séparcineut  el 
les  uus  par  les  autres.  Il  s'y  prit  lual. 
En  mars  1826,  il  avait  aineué  le 
congrès  a  purter  nue  accusation  con- 
tre radrainistraliou  de  Paez ,  cpii  se 
révolta  en  avril  suivant,  soutenu  par 
Marino.  Quito,  Guayaquil ,  Mara- 
caïbo,  Puerlo-Cabello  ,  se  pronuucè- 
rent  en  sens  plus  ou  moins  hostiles. 
Bolivar  alors  quitta  le  Pérou,  pour 
remédier  aux  désastres  qu'il  était  fa- 
cile de  prévoir.  Dans  la  conjoncture 
délicate  où  il  se  trouvait,  quel  était 
le  parti  à  prendre?  S  il  était  homme 
de  conscience,  il  devait  iou tenir  la 
constitution  qu'il  avait  jurée  ,  qui  l'a- 
vait investi  du  pouvoir  ,  qui  faisait  de 
lui  le  gardien  des  lois  ,  l'ennemi  des 
rebelles  et  non  un  médiateur,  un 
conciliateur  entre  les  rebelles  et  les 
lois  :  s'il  était  ambitieux  et  machia- 
véliste  ,  quoique  peu  content  de  la 
coustitulion  de  Cucuta,  il  devait  en- 
core en  prendre  la  défense ,  dans 
un  temps  de  révolte  •  il  devait  surtout 
ne  pas  céder  a  d'irréconciliables  ri- 
vaux. Une  anmislie,  mais  rien  de 
plus,  et  plus  tard  une  révision  de  la 
loi  attaquée,  révision  paisible,  libre, 
telles  eussent  dii  être  les  bases  de  sa 
conduite.  En  annonçant ,  au  contraire, 
que  le  libérateur  venait  presser  éga- 
lement dans  ses  bras  les  amis  de  la 
justice  et  ses  ennemis,  les  innocents 
et  les  coupables  ;  en  faisan  t  ainsi  pres- 
senlir  que  les  termes  constituliou- 
nelles  foulées  aux  pieds  étaient  une 
contravention  excusable,  et  qu'en 
fait  les  révoltés  seraient  ses  amis  ,  il 
décela  on  de  la  faiblesse;  ou  de  l'as- 
tuce 5  il  se  perdit  :  car ,  d'une 
part,  il  ruina  peut-être  à  toujours  ce 
système  unitaire  qu'il  avait  si  péni- 
blement élaboré  ,  el  qui  désormais 
ne  pouvait  plus  vivre  que  d'une  vie 
factice j  de  l'autre,  il  ruina  l'idée 
qu'on    avait  conçue  de  sa  force  au 


BOL 


5i9 


temps  où  il  faisait  fusiller  Piar  ,  et 
donna  la  mesure  de  sa  faiblesse  et 
de  son  impuissance.  C'était  dire  a 
tous  les  mécontents  :  «  Piévollez- 
vous!»  La  suite  des  faits  ne  fut  que 
trop  d'accord  avec  ces  sinistres  pré- 
visions. Toutefois  il  eut  d'abord  une 
apparence  de  succès,  et  développa 
de  l'habileté  ,  même  de  l'énergie. 
Stimulées  par  son  délégué,  Léocadlo 
Guzman,  qu'il  leur  avait  envoyé 
avant  de  quitter  Lima  ,  les  munici- 
palités de  Guayaquil  ,  de  Cuenca  , 
de  Quito  lui  offrirent  le  titre  de 
dictateur.  Il  le  refusa,  mais  se  déclara 
président  avec  pouvoirs  exiraordinai- 
res  ,  et  en  conséquence  exerça  dans 
toute  sa  plénitude  la  puissance  dicta- 
toriale. A  Bogota,  lise  déclara  ou- 
vertement contre  Santander,  dont  il 
n'était  pas  dupe  ,  et  qui,  marchant 
sur  une  ligue  autre  que  celle  de  Paez, 
n'en  était  pas  moins  un  rival.  A  Va- 
lence, après  avoir  comprimé  l'insur- 
rection ,  il  eut  le  tort  de  ne  pas  bri- 
ser d'un  coup  ses  ennemis.  Jeter  un 
voile  sur  le  passé  par  l'amnistie  de 
Puerto-Cabello  était  déjà  beaucoup^ 
il  fit  plus,  il  favorisa  ceux  qu'il  n'eût 
dû  qu'amnistier;  il  distribuâtes  em- 
plois et  les  houneurs  aux  auteurs  , 
aux  fauteurs  de  la  rébellion  5  il  ré- 
primanda les  amis  de  la  constitution, 
pour  l'avoir  chaudement  soutenue  , 
pour  avoir  arrêté  les  progrès  de 
l'insurrection.  Tel  est  le  sort  de  la 
faiblesse  !  On  délaisse  ou  l'on  sacrifie 
des  amisj  on  flatte,  on  arme  des  ad- 
versaires. A  Maracaïbo  ,  a  Carllia- 
gène ,  a  Cumaua,  il  reconnut  de 
même  le  droit  qu'avait  le  peuple  de 
chaque  localité  de  se  donner  un  gou 
vernement,  des  lois,  des  chefs.  Grâce 
à  ces  concessions  multipliées ,  grâce 
enfin  a  une  loi  par  laquelle  on  con- 
voquait pour  1827  une  convention 
nationale  à  Ocaaa ,    pour  réviser  la 


Sao 


B3L 


conslltiilion  de  Cucula  ,  une  appa- 
rence de  calme  se  réiabllt  dans  la 
Culomliie.  Nous  disons  une  apparen- 
ce .  car  la  moindre  élincelle  pouvait 
rallumer  l'incendie.  «  Chacun  des 
a  actes  du  président ,  dit  un  pu- 
«  bliciste ,  fut  une  blessure  raor- 
a  telle  faite  à  l'ordre  constitu- 
«  tionnel  ,  une  mine  préparée  pour 
«  faire  sauter  tout  autre  système  qui 
«  viendrait  a  s'établir.  Quand  on  ac- 
«  cordait ,  non-seulement  aux  villes 
«  et  aux  cités ,  mais  encore  aux  corps 
«  militaires ,  le  droit  de  discuter  l'u- 
«  tilité  et  l'opportunité  d'une  cousti- 
«  talion,  d'exiger  avec  menaces  et 
«  par  des  voies  de  fait  sou  abolition 
«  ou  sa  reforme  ,  comment  a-t-on  pu 
a  espérer  que  ces  doctrines  et  cette 
«  expérience  ne  seraient  pas  toujours 
«  présentes  a  l'imagination  d'hommes 
«  dont  l'obéissance  n'est  ni  inspirée 
«  par  un  sentiment  de  conviction  , 
«t  ni  éclairée  par  la  connaissance  des 
«  lois  ?  »  Il  est  vrai  que  la  revision 
de  la  constitution  par  une  convention 
nationale  était  un  article  de  cette 
constitution  même;  mais  la  loi  en  vertu 
de  laque  Ile  elle  s'exécutait  en  iSsyan- 
iicipait  sur  l'époque  constitutionnelle. 
La  Convention  fut  réunie  •.  des  intri- 
gues, les  unes  en  faveur  de  Bolivar, 
les  autres  ourdies  par  Saulander , 
avaient  présidé  à  réleclion  de  ses 
membres.  Alors  les  sourdes  pratitjnes 
et  le  machiavélisme  reprirent  un  nou- 
vel essor.  De  io8  représentants, 
6i  seulement  se  rendirent  a  Ocana  ; 
les  autres  craignaient  Bolivar  j  ils  res- 
tèrent chez  eux.  Bientôt  des  discor- 
des éclatèrent.  D'une  part  ,  des  rap- 
ports de  finances  faits  par  des  amis  du 
r résident  accusaient  de  dilapidation 
administration  précédente,  celle  de 
Saiitanderj  de  l'autre  ,  un  décret  de 
l'assemblée  portait  qu'aucun  de  ses 
membres  ne  pourrait  ,   pendant  les 


BOL 

quatre  ans  qui  suivraient  la  clôture  de 
la  Convention  ,  remplir  aucune  fonc- 
tion dans  le  gouvernement  ,  décret 
rendu  dans  un  esorit  d'indépendance 
contraire  k  Bolivar.  Néanmoins  la 
question  fondamentaïe ,  la  réforme 
delà  constitution  colombienne  arriva. 
La  nécessité  des  modifications  fut 
admise  a  l'unanimité.  Mais  il  fut 
posé  eu  principe  que  la  forme  du 
gouvernement  n'en  subirait  aucune. 
Puis  le  projet  d'une  constitution  pro- 
posée par  Caslillo  ,  sans  reproduire 
mot  k  mot  celles  de  Bolivie  et  du 
Pérou  ,  augmentait  l'influence  légis- 
lative et  complétait  la  puissance  exe- 
cutive du  président.  Tandis  qu'à 
l'appui  du  projet  les  bolivaristes  fai- 
saient valoir  la  nécessité  d'un  pouvoir 
fort,  pour  contenir  et  lier  une  popu- 
lation ignorante,  disséminée,  étran- 
gère k  toute  idée  politique,  menacée 
k  la  foispar  l'Espagne  et  par  le  Pérou, 
les  fédéraliste»  ,  unis  aux  amis  de 
Santauder,  ne  voyaient  dans  ce  pro- 
jet de  constltulion  que  le  fondement 
d'un  trône  pour  Bolivar.  Leurs 
craintes  furent  partagées ,  et  ils 
gagnèrent  assez  de  terrain  pour  que 
les  bolivaristes  s'aperçussent  que  leur 
nombre  diminuait  de  jour  en  jour.  Le 
président  craignit  alors  que  le  projet 
amendé  ne  sortit  de  la  Convention 
tout  différent  de  ce  qu'il  avait  été 
d'abord;  et,  sur  son  mol  d'ordre,  ses 
vingt  amis  se  retirèrent  de  l'assem- 
blée ,  ce  qui  rendit  les  délibérations 
impossibles  ,  la  majorité  nécessaire 
pour  délibérer  n'existant  plus.  Boli  ■ 
var  alors,  k  quelques  lieues  d'Oca- 
ïïa,  feignit  d'en  être  surpris  et  fâ- 
ché. Une  proclamation  dans  laquelle 
il  inculpait  implicitement  la  conven- 
tion, ap[)ela  les  provinces  kdes  me- 
sures extraordinaires,  et  promit  de  sa 
part  un  dévouement  k  toute  épreuve. 
A  Caracai  ,  à  (larlbai^ène  ,  a  Rogo- 


BOL 


BOL 


fa,  où  H  se  rendit,  s'ouvrirent,  sous 
Ifs  auspices  des  autorités  et  la  pro- 
tccliou  des  baïonneUfS,  des  assem- 
blées municipales  et  populaires  ,  où 
on  le  supplia  de  prendre  l'autorité  su- 
prême et  de  sauver  la  patrie.  La  loi 
ancienne  était  morte  j  la  loi  nouvelle 
u'existait  pas  encore  et  ne  pouvait 
exister:  dans  cette  crise  dangereuse, 
la  dictature  seule  pouvait  guider  le 
vaisseau  de  la  répubiicpie  au  milieu 
des  écueils.  Telle  était,  en  i  828  ,  la 
])osition  de  la  Colombie.  Bolivar  vou- 
lait le  sceptre,  Bolivar  n'eut  pas 
le  taleut  de  le  saisir.  Du  reste,  parmi 
les  actes  qui  marquèrent  sa  nou\elle 
administration  doivent  être  signalés 
ses  efforts  pour  remédier  au  désor- 
dre des  finances  et  rétablir  le  crédit 
public  ,  les  mesures  pour  une  levée 
de  quarante  mille  hommes,  soit  contre 
les  teulalivc's  des  Espagncils  ,  soit 
contre  le  Pérou  ,  le  Pérou  ,  qui 
libre  de  sa  présence  avait  aussi  essayé 
de  la  révolte!  Le  congrès  déclara,  dès 
1827,  que  Bolivar,  président  à  vie, 
était  un  contre-sens  avec  la  liberté  : 
que  le  code  bolivien  avait  été  im- 
posé au  Pérou  et  répugnait  à  ses  ha- 
Liludes.  Bolivar  et  son  code  cessè- 
rent de  régir  le  pays  ;  et  le  /i  juin 
1827,  le  général  Lamar  fut  nommé 
président  de  la  république.  Bientôt 
même  les  Péruviens,  sous  sa  conduite, 
vinrent  compliquer  les  discordes  ci- 
viles par  la  guerre  étrangère,  et  blo- 
quèrent les  côtes  occidentales  de  la 
Colombie  jusqu'à  Panama.  Des  Co- 
lombiens même  les  y  appelaient. 
Dans  la  Bolivie,  deux  insurreclions 
(25  décembre  et  18  avril  1828) 
éclatèrent,  l'une  h  La  Paz,  l'autre 
a  Chuquisaco,  contre  le  maréchal 
d'Ayacucho  (Sucre),  que  Bolivar 
avait  imposé  k  la  république  nouvelle. 
Des  fusillades  les  cumprimèreul  pour 
le  momtut,  mais  l'irnlation  générale 


augmenta  si  fortement  cjue  Sucre  crut 
prudent  de  donner  sa  démission  et 
laissa  ses  pouvoirs  a  Penz  d'Ur- 
diminea.  Les  Péruviens  envahirent 
alors  la  Bolivie  pour  la  délivrer  du 
libérateur:  et  les  généraux  conclureut 
une  convention  dont  la  clause  fon- 
damentale fut  que  tous  les  Colom- 
biens de  1  armée  bolivienne  quitte- 
raient le  territoire  de  la  république. 
Ainsi  l'édifice  gigantesque  (ju'avait 
voulu  élever  Bolivar  croulait  de  tou- 
tes paris.  Le  Pérou  ,  la  Bolivie  lui 
échappaient  :  la  Colombie  se  débal- 
lait sous  sa  main  .  Toutefois  il  la 
maintenait  encore.  Presque  tous  les 
postes  imporlanis  avaient  été  con- 
fiés k  ses  créatures  5  une  conspiration 
tramée  par  Horment  Carujo  et  au- 
tres ,  et  dont  il  fai'lit  réellement  être 
la  victime  ,  lui  fournit  rocraslim  de 
rétablir  son  autorité.  Il  déclara  qu'il 
mettrait  en  vigueur  le  por.yoir  que 
le  vœu  national  lui  avait  conféré 
dans  toute  l'extension  que  les  circon- 
stances rendraient  nécessaire  ;  il  fit 
fusiller  les  conspirateurs  et  même 
Ranion  Guerra  et  Padilla  ,  dont  la 
participation  au  complot  n'élait  pas 
prouvée  ,  et  traduisit  en  jugement 
Santander  menacé  d'ailleurs  comme 
concussionnaire  et  dilapidateur ,  et 
déjà  retenu  en  prison.  Une  com- 
mission militaire  ,  présidée  par  Ur- 
daneta ,  prononça  sa  mort;  mais 
le  président,  sur  l'avis  de  son  conseil, 
commua  la  peine  eu  un  bannissement 
k  vie.  Bolivar  comprima  encore  une 
antre  insurrection  dans  le  Popavan  ; 
mais  la  il  fallut  faire  des  concessions, 
et  Obaude ,  qui  en  était  le  chef, 
conserva  son  commandement.  Ce- 
pendant la  guerre  avec  le  Pérou  de- 
venait plus  active.  La  flotte  de  Guj 
pressait  très-vivement  Guayaquil,  qui 
même  fit  une  capitulation  condition- 
nelle. Compromis  au  posie  de  Tarqui, 


^3(2 


BOL 


Lamar  slgua  la  convenlion  de  Jirou 
(28  février  1829)5  mais  peu  après, 
ofiensé  de  l'orgueil  avec  lequel  les 
Colombiens  vantaient  leur  douteuse 
victoire,  et  prétextant  le  refus  de 
ratification  par  le  congres,  il  reparut 
sur  le  territoire  de  la  Colombie,  fit 
transporter  trois  mille  hommes  à 
Guayaquil ,  et  se  renforça  dans  Yau- 
quilla.  Privés  de  marine,  et  retenus 
par  les  inondations,  les  Colombiens 
ne  pouvaient  arrêter  les  dévastations 
de  Lamar  ;  mais  un  changement  dans 
le  gouvernement  du  Pérou  renversa 
ce  redoutable  ennemi,  qui  fut  rem- 
placé par  Gutierrez  de  la  Fueute, 
dans  la  présidence  ,  et  par  Gamarra 
dans  le  commandement  de  l'armée. 
Bolivar,  par  un  armistice,  rentra  en 
possession  de  Guayaquil;  et  le  traité 
du  2.2  nov.  1829  rendit  à  la  Co- 
lombie ses  limites  primitives  .  stipula 
1  égalité  des  deux  pays  ,  et  sépara  les 
dettes.  Deux  mois  avant  la  sl2;nature 
de  ce  traité  qui  détruisait  des  rêves 
si  brillants,  un  autre  fédéraliste, 
Cordova  ,  dans  Rio-Kegro,  avait  levé 
l'étendard  de  la  révolte  :  un  fort  parti 
le  seconda ,  puis  l'abandonna  5  il 
mourut  en  combattant  le  17  oct.  ,  à 
Sautuario  ;  mais  ce  triomphe  de  Bo- 
livar devait  être  le  dernier.  Sentant 
que  son  étoile  pâlissait ,  le  libérateur 
voulait  eu  finir,  c'est-k-dire  qu'il 
voyait  la  nécessité  de  devenir  maître 
ou  de  s'exiler,  il  tenta  un  dernier 
effort.  Une  circulaire  invita  les  ci- 
toyens à  exprimer  avec  franchise  les 
modifications  qu'où  désirait  faire  à  la 
constitution.  Cinq  cents  notables  as- 
semblés a  Caracas  répondirent  a  cet 
appel  5  et  un  nombre  a  peu  près  égal 
de  généraux  et  de  fonctionnaires  pu- 
blics signèrent  une  résolution  portant 
séparation  du  gouvernement  de  Bogo- 
ta et  de  Venezuela,  qui  néanmoins 
devaient  conserver  la  dénomination 


BOL 

commune  de  Colombie.  Une  députa- 
lion  présenta  ce  décret  h  Paez,  et 
sollicita  son  adhésion  et  celle  du  Vé- 
nézuélaj  mais,  secondépar  Arismendi, 
il  demanda  une  séparation  totale. 
Fort  embarrassé  pour  répoudre  a  une 
pareille  demande ,  ou  plutôt  pour 
faire  admettre  la  négative  par  le  con- 
grès et  surtout  par  l'opinion  ,  Bolivar 
en  revint  à  se  montrer  en  butte  aux 
poignards  des  amis  de  la  liberté.  Un 
miracle  seul  l'avait  soustrait  aux  coups 
des  assassins  dans  la  nuit  du  2  5  sept. 
1829-  il  fit  certifier  ce  fait  par  une 
médaille  dont  on  distribua  les  épreu- 
ves en  bronze,  en  argent  et  eu  or, 
avec  beaucoup  de  bruit.  Le  sénat 
répondit  k  Paez  par  un  refus  formel  ; 
et  tandis  que  cette  réponse  ajoutait 
au  mécontentement  de  Venezuela, 
l'insurrection  se  préparait  sur  d'au- 
tres points.  A  Casanare ,  le  colonel 
Pereira  se  déclai'a  en  révolte  :  un 
autre  oflScier  menaça  d'en  faire  au- 
tant a  Cauca.  Bolivar  se  mit  en 
roule  par  le  sud  et  se  convainquit 
par  ses  yeux  des  symptômes  toujours 
cruissans  du  mécontentement  public 
et  du  découragement  de  ses  amis. 
Ses  chances  les  plus  favorables ,  il 
le  voyait ,  c'était  le  défaut  d'organi- 
sation de  ses  adversaires  5  c'était  la 
bienveillance  des  ministres  d'Angle- 
terre, des  Etats-Unis  et  du  Brésil, 
accoutumés  k  traiter  avec  lui.  Plus 
que  jamais  il  s'occupa  de  leur  être 
agréable.  En  même  temps  ,  pour 
sonder  la  pensée  publique  jadis  ef- 
frayée de  l'idée  de  son  absence,  il 
recommença  pour  la  cinquième  fois 
ses  simulacres  de  démission,  et  joua 
plus  verbeusement  que  jamais,  dans  sa 
proclamation  et  son  message  au  con- 
grès du  20  janvier  i83o,  l'abnéga- 
tion de  soi-même  et  le  désintéresse- 
ment. Nommé  alors  k  la  présidence  , 
il  quitta  néanmoins  la  ville  de  Çogola, 


BOL  BOL                   523 

laissant  le  pouvoir  exécutif  par  intérim  renouvelant  l'offre  de  son  abdication, 

au  général    Calcédo  ,   et  encore  une  il    fit   à     cette    assemblée    c|ueltjues 

fois  il  lit  répondre  aux  manifestes  de  modestes  demandes.    Cette   fois    le 

Paez  que  le  congrès  était  décidé  aux  congrès  promit  de  prendre   en  con- 

mesures    les    plus  vigoureuses   |)0ur  sidération  tous  les  vœux  du  libérateur, 

empêcher    le   démembrement    de    la  et   nomma   (4-  mai)   président  de  la 

Colombie ,    et  que  la  guerre  en  dé-  Colombie    don  Joachim  Mosquera  , 

ciderait.  Effectivement,  vers  la  fin  de  et  vice -président  Calcédo;   il  vota 

mars  ,  il  se  mit  à  la  tèle  de  huit  mille  une  con.Mitution  nouvelle,  et,  pour  le 

hommes ,    prit  Cucula  révoltée  ,  se  général   Bolivar ,    des   remercîments 

dirigea  vers  la   province    de    Mara-  et  une  pension  annuelle  de  cent  cin- 

caïbo,  où  Paez  Pattendait  avec  douze  quanle  mille  francs,  payable  soit  en 

mille  hommes,  dans  une  forte  posi-  Colombie,  soit  hors  de  la  Colombie, 

tion  ,  et  se  renforçant  tous  les  jours.  Quoique  en  apparence  on  lui  laissât 

Lorsqu'il  fut  informé  de  ces  disposi-  ainsi   le  choix   de   rester   dans  celte 

lions,  Bolivar,  déconcerté,  ne  sut  plus  contrée  ou  d'eu  sortir,  on  pense  que 

quel  parti  prendre.   Il  voulut  aller-  les  auteurs   de   celte  résululion    lui 

nalivement  se  soumettre  à  Paez,  dis-  avaient  imposé  d'avance  la  condlliou 

soudre  le  congrès  j    et  il  écrivit  à  du  départ.  II  se  relira  d'abord  dans 

Calcédo  ,  puis   se  prépara  à  partir  sa  maison  de  campagne  aux  environs 

pour  l'Europe.  Et  pendant  ce  temps  de  Bogota,  où  il  recul  la  visite  et  les 

les  ministres  anglais  ,   anglo-araéri-  félicitations  des  autorités  et  des  ci- 

cain  et  brésilien  ,  notifièrent  officiel-  loyens  les  plus  honorables.  Lorsqu'il 

lemeut  au   général  Calcédo   (et  non  prit  congé  de  ses  anciens  compagnons 

au  congrès)    que  la  séparation    des  d'armes,  l'émotion  du  général  Urda- 

deux  parties  intégrantes  de   la  Co-  neta  et   des  officiers  qii  Taccompa- 

lombie    et  la   couvocation    d'assem-  gnaient  fut  telle  ,  que  des  larmes  con- 

blées  provinciales  mettraient  à,  leurs  lèrent  des  yeux  de  tous  les  assistants, 

yenxun  termea  l'existence  delà  repu-  Le  i  o,  il  quitta  Bogota,  dans  la  com- 

blique',  et  les  forceraient  a  demander  pagnie  de  son  aide-de-camp  le  colonel 

leurspasse-ports.  A  cette  déclaration,  Wiison,  et  de  quelques  ofliciers.  Sur 

du  2  5  avril ,  il  fut  répondu  que,  par  sa  route,  il  reçut  des  adresses  de  di- 

la  convocation  des  assemblées  pro-  verses  villes  et  corporations.  Quelles 

vinciales,  le  congrès  voulait,  autant  qu'eussent  été  les  impuissances  du  li- 

qu'd  le  pourrait ,  prévenir  le  démem-  béraleur,  en  cet  instant  il  était  im- 

brement  redouté.  Un  instant  le  bruit  possible  de  ne  pas  donner  un  regret 

courut  que   le  congrès  se  rattachant  à  son   départ,  de  ne  pas  sentir   que 

plus  que  jamais  k  l'unité  nationale  ,  par  son  absence  tout  irait  plus  mal 

conférait  au  libérateur  la  présidence  dans  le  Nouveau-Monde.  Ces  senli- 

a  vie  ,  et  que  désormais  le  seul  point  ments  surtout  eussent  été  plus  vifs 

incertain  ,  c'était  de  savoir  s'ill'accep-  si    sa    renonciation     eût     été    crue 

terait.Maisce  dénouemenln'était  plus  sincère:   mais    pouvait-elle  l'être? 

possible  •   l  influence  et  la  puissance  II  s'avança  le   plus  lentement   qu'il 

des  amis  de  Bolivar  allaient  sans  cesse  put,   et  resta  dans  Carlhagèue  sous 

a'affaiblissant.  Après  plusieurs  négo-  prétexte   d'attendre    de    l;Ogofa    ses 

dations  évaslves ,  il  adressa,  le  27  passe-ports.    Le  jour  mèuie  de   son 

avril  ^  au  congrès  un  message  où  en  départ,  les  troupes  se  révoltèrent , 


52(4  BOL 

deiuandanl  sept  raille  dollars  qui 
leur  élaient  dus,  et  se  retirèrent  dans 
le  Ye'nézuéla.  Plusieurs  tentatives  eu- 
reiil  lieu  en  faveur  du  général  ahsenl. 
riorez  te  déclara  chef  suprême  du 
sud,  et  noliBa  au  gouverne:iu'iil  île 
Bogota  qu'il  ne  se  soumellrait  que 
lorsqu'il  aurait  cédé  la  place  a  Ho- 
livar.  Le  gécéral  Infaute  ,  appuvé 
des  colonels  Pauégo  ,  Armas ,  Ta- 
mora  ,  Ausiria,  se  révolta  dans  le 
district  d'Orilico.  Le  général  Ma- 
chado  agit  daus  le  même  sens  eu 
Vénézuél;),  Enfin,  les  troupes  du 
gouvernement  furent  complètement 
battues  par  les  insurgés  de  Calloa  , 
et  les  vainqueurs  occupèrent  Bogota 
le  28  août.  Une  dépiitation  se  rendit 
a  Carlliagène  oii  Bolivar  était  encore. 
Après  avoir  attendu  ses  passe-ports, 
il  avait  attendu  un  vaisseau  ,  balan- 
çant sur  le  pays  où  il  fixerait  son 
séjour  (  les  Etats-Unis  ,  la  Jainaï([ue  , 
la  Provence)  5  il  avait  appris  que, 
lorsqu'il  se  rendrait  au  navire  qui 
devait  le  ravir  a  l'Amérique ,  nue 
dépulation  de  Carlhagène  viendrait 
le  supplier  de  rester,  et  il  attendait 
pour  éviter  l'éclat  de  cette  scène... 
C'est  ainsi  qu'il  atteignit  le  mois  de 
septembre.  Aux  prières  qu'on  lui 
adressait  de  la  part  des  villes  du  sud 
pour  qu'il  reprît  le  pouvoir,  il  répon- 
dait par  ses  formules  accoutumées, 
ne  voulant  pas  que  ses  ennemis  l'ac- 
cusassent de  trop  d'empressement,  et 
attendant  que  le  triomphe  de  ses  ad- 
hérents prît  delà  consistance.  Au  mi- 
lieu de  ces  tergiversations ,  il  tomba 
malade  ,  et  bientôt  on  désespéra  de 
ses  jours.  Est- ce  le  poison  qui  en 
abrégeait  le  cours  si  à  propos  pour 
les  fédéralistes?  Certes,  on  acru  à  des 
empoisonnements  sur  moins  de  vrai- 
semblance :  mais  les  preuves  n'existent 
point  encore  pour  l'histoire.  Quoiqu'il 
en  soit,  il    reçut  la  nouvelle  de   sa 


BOL 

fin  prochaine  avec  calme  et  résigna- 
lion  ;  légua  ses  croix  de  diamants  et 
autres  magnifiques  décorations  qui  lu 
avaient  été  données  par  divers  états 
et  villes  du  Pérou  et  de  Bolivie,  aux 
donateurs-,  écrivit  le  11  décembre 
une  adresse  aux  Colombiens  ,  adresse 
où  il  leur  recommande  l'inestimable 
bien  de  l'union,  et  que  l'on  peut  re- 
garder comme  son  testament  pollti- 
([ue.  Il  mourut  le  17  du  mèmp  mois, 
âgé  de  quarante-sept  ans,  quatre  mois, 
vingt-trois  jours.  Peut  èlre  celle  mort 
prématurée  vint-elle  a  propos  pour 
la  gloire  de  Bolivar,  Simple  parti- 
culier après  dix-huit  ans  de  gran- 
deur ,  et  a  l'instant  de  régner  , 
qu'eùt-il  été  aux  yeux  de  tous  ?  Son  ac- 
tivité avait  augmenté  dans  les  der- 
nières années  de  sa  vie.  Il  avait  ap- 
pris la  guerre.  Au  reste,  on  a  dû 
voir  qu'il  excellait  daus  l'art  de  sur- 
prendre l'ennemi  par  des  marches 
torcées  ,  inattendues.  Persoimelle- 
ment ,  a-t-on  dit  ,  il  était  peu  brave  5 
mais  on  peut  répoudre  a  celte  impu- 
tation que  dans  les  armées  il  était 
général  en  chef  et  non  soldat  j 
souvent  d'ailleurs  ,  entouré  d'un  pe- 
tit nombre  d'hommes  ,  il  fut  obligé 
de  payer  de  sa  personne  et  de  com- 
battre corps  k  corps.  II  aimait  les 
femmes  avec  excès.  Très-sobre  pour 
lui ,  il  se  plaisait  a  voir  sa  table  somp- 
tueusement servie,  et  a  porter  des 
toasts  ({u'il  faisait  précéder  de  quel- 
ques paroles  a  effet.  Sa  générosité 
n'avait  pas  de  bornes ,  mais  elle  choi- 
sissait rarement  les  plus  dignes.  Il  ne 
touchait  que  des  k-coraptes  surses  trai- 
tements, et  cesa-comptesétaient  moins 
k  lai  qu'a  tout  ce  qui  l'entourait.  Il 
en  résulta  qu'il  était  souvent  gêné, 
obéré  ,  incapable  de  payer.  Malheu- 
reusement il  porta  ce  vice  dans  son  ad- 
ministration, où  du  reste,  il  faut  l'a- 
vouer,   tout   éîait   a    créer    lorsqu'il 


BOL 

commença  comme  lorsqu'il  finit  sa 
carrière  politique.  Il  sacrifia  réelle- 
ment les  neuf  dixièmes  de  sa  fortune 
palrimoiiiale  pour  la  cause  de  la  ré- 
publique j  et,  strict  exécuteur  delà 
promesse  qu'il  avait  faite  à  Pétion, 
en  affranchissant  les  nègres  des  au- 
tres, il  atlrauchit  aussi  mille  a  douze 
cents  esclaves  qu'il  avait  dans  ses 
terres  de  San-Malco.  Sa  franchise 
apparente  ,  la  brusquerie  de  ses  mou- 
vements, pouvaient  être  un  voile  de 
sa  polilique.  Il  ne  manquait  pas  d'une 
certaine  ténacité  dans  ses  plans  ,  mais 
la  continuité  d'attention  lui  était  dif- 
ficile. De  la  ses  fautes  civiles  et  mi- 
litaires, ses  anomalies  et  peut-êlre 
aussi  la  faiblesse  qu'il  eut  de  trop 
s'en  rapporter  à  ses  favoris.  Quant  à 
l'ambition  du  pouvoir,  on  peut  dire 
qu'il  en  fut  préoccupé,  mais  molle- 
ment, passagèrement,  et  qu'il  sentit 
parfois  de  sincères  velléités  de  tout 
abandonner.  Nous  avons  juj^é  plus 
haut  le  mérite  de  ses  mesures,  soit 
pour  prendre  soit  pour  conserver 
l'autorité  ;  nous  n'avons  rien  k  y 
ajouter,  si  ce  n'est  que  le  malheur  de 
la  Colombie  lut  d'avoir  eu  en  lui  un 
homme  évidemment  supérieur  à  son 
entourage  ,  mais  trop  peu  supérieur 
pour  réduire  ses  favoris  et  ses  rivaux 
a  lui  faire  cortège.  De  la  ,  les  luttes 
ambitieuses,  le  fédéralisme  et  la  dis- 
location de  la  république  qu'il  rêva 
et  qu'il  ébaucha.  Bolivar  n'a  pas  , 
comme  ^VashingIon,  laissé  un  étal 
pour  trophée  au  jour  de  ses  funé- 
railles. L  histoire  ne  gardera  pas 
moins  un  grand  souvenir  du  fon- 
dateur de  la  Colombie  ,  qui ,  née  à 
sa  parole  ,  a  semblé  trouver  dans  le 
cercueil  du  libérateur  des  germes  de 
mort.  On  a  publié  sur  Bolivar  , 
dans  toutes  les  langues,  un  grand 
nombre  d'écrits.  Le  plus  important 
/qui  existe  en  français  est  Vllistoii^ 


BOL 


5:^5 


de  Bolivar,  par  le  général  Ducou- 
draj-Holstein  ,  continuée  jusqu'à  sa 
mort,  p&f  VioUet,  Paris,  i85i, 
2  vol.  iu-8°.  Cet  ouvrage  d'uu 
officier  qui  servit  long-temps  sous  le 
dictateur,  etquieul  ensuite  a  se  plain- 
dre de  lui,  semble  trop  souvent  dicté 
par  d'injustes  ressentiments.  P — ox. 
BOLLEMO?JÏ,  général  d'ar- 
tillerie, né  en  1749  au  village  d'Ar- 
raucy  (Meuse),  doit  être  compté  parmi 
les  otficiers  les  plus  honorables  de 
l'armée  française.  Il  servait  depuis 
dix  -  sept  ans  dans  l'arme  de  l'ar- 
tillerie ,  lorsqu'il  fit  sa  première 
campagne,  en  1792  ,  h  l'armée  des 
Alpes,  où  il  commanda  l'artillerie 
de  lavant-garde.  L'année  suivante  , 
il  passa  a  l'armée  du  nord  ,  et  fut 
nommé  directeur  du  parc  d'artillerie. 
Il  contribua  beaucoup  k  l'éloigner  du 
pgrti  de  Dumouriez,  qui  voulait  Ten- 
Iraîner  dans  sa  défection.  Nommé 
général  de  brigade ,  il  concourut  à 
la  défense  de  Maubeuge  en  oct.  1793, 
et  passa  un  peu  plus  tard  a  l'armée 
de  Sambre-et-Meuse ,  ou  il  dirigea 
un  corps  d'artillerie  k  Fleurus  , 
devant  Charleroi  et  devant  Maes- 
trichl.  ccMaeslricht  a  capitulé  ,  écri- 
te vait  Jourdan  ,  le  1  5  brumaire  au 
«  III  (5  oct.  1  794-)5  k  la  Convention 
ce  nationale.  Celte  place,  une  des 
«  plus  fortes  et  des  plus  en  état  de 
a  défense ,  n'a  tenu  que  douze  jours 
a  de  tranchée  ouverte  ,  et  doit  sa 
«  prompte  reddition  k  la  bonne  in- 
«  telligence  qui  a  régné  entre  le  gé-> 
«  néral  Kléber,  qui  commandait  It's 
«  troupes  ,  le  général  Bollemont  ,  qui 
«  tominandail  l'artillerie  ,  et  le  gé- 
«  néral  Marescot ,  qui  commandaitle 
K  génie,  etc....  )>  En  1797  (an  V), 
le  commandemint  de  la  citadelle  de 
^V  urlzbourg  lui  fut  confie  j  mais  il  se 
vil  obligé  de  rendre  celle  place  aux 
Autrichiens  le  A  sept,  de  la   même 


5a6 


BOL^ 


ann^e  ,  après  une  défense  opiniâtre. 
Fait  prisonnier,  Bollemont  fui  bien- 
tôt rendu  par  échange,  et  le  direc- 
toire exécutif  le  nomma  inspecteur- 
général  d'artillerie.  En  1800  ,  il 
avait  été  désigné  pour  commander  la 
place  de  Brest  :  des  circonstances 
particulières  l'empêchèrent  d'accep- 
ter. Eu  l'an  X  (1802),  il  entra  au 
corps  législatif,  oii  il  représentait  le 
déparlement  de  laMeuse.  L'empereur 
l'avait  fait  officier  de  la  Légion- 
d'Honneur le  22  nov.  1804.  Il  mou- 
rut quelques  années  plus  tard,  dans 
sa  famille  ,  011  il  vivait  retiré.  B — n. 
BOLLET  (Philippe-Albert), 
était  député  du  Pas-de-Calais  à  la 
Convention ,  où  il  vota  la  mort  de 
Louis  XVI ,  sans  appel  au  peuple  et 
sans  sursis  à  l'exécution.  En  1794, 
il  remplit  une  mission  k  l'armée  du 
IXord  pour  l'organisation  de  la  cava- 
lerie j  et  il  écrivit  de  Douai  K  la 
Convention  nationale,  le  2  floréal 
au  II ,  pour  lui  annoncer  une  victoire 
remportée  sur  les  Autrichiens  et  l'ar- 
restation d'un  émigré,  qui,  disait-il, 
était  leur  espion.  A  Pépoque  mémo- 
rable du  9  lliermidor,  BoUet  fut  ad- 
joint à  Barras  et  il  montra  beaucoup 
d'énergie  et  de  courage  dans  l'attaque 
de  !a  maison  commune,  où  s'était  ré- 
fugié B^obespierre.  La  Convention 
l'envova  ensuite  eu  Bretagne  ,  pour 
terminer  la  guerre  civile  par  un  traité 
de  paix  avec  les  royalistes.  Il  se  trouva 
en  opposition  avec  Boursault.  Ces 
deux  représentants  avaient  cliacun  un 
parti.  Bollet ,  d'accord  avec  Hoche  , 
parvint  enfin  à  conclure  le  traité.  C'est 
chez  Bollet  que  Cormartin  fut  arrêté, 
et  Cormartin  se  loue  beaucoup  de  lui 
dans  ses  Mémoires.  Devenu  membre 
du  conseil  des  Cinq-Cents,  après  la 
session  conventionnelle  ,  Bollet  s'ab- 
senta par  congé  ,  et  il  habitait  sa 
maison  à  Violaines,  déparlement  du 


BOL 

Pas-de-Calais,  lorsque  ,  dans  la  nuit 
du  24.  au  2  5  oct.  1796  ,  des  brigands 
s'y  introduisirent  et  l'assassinèrent 
dans  son  lit.  Sa  femme,  qui  était 
couchée  près  de  lui  ,  liée  par  les 
malfaiteurs,  fut  témoin  de  leurs  vio- 
lences contre  son  mari.  Il  recul  neuf 
coups  de  sabre,  d'abord  jugés  mortels 
et  annoncés  comme  tels  au  corps  lé- 
gislatif. Toutes  les  autorités  ac- 
cusèrent, dans  leurs  rapports  ,  l'im- 
puissance des  moyens  de  répression 
contre  les  nombreuses  bandes  orga- 
nisées dans  ces  contrées.  Bollet  vint 
heureusement  lui-même,  quelques 
mois  plus  tard,  montrer  au  conseil  des 
Cinq-Cents  que  les  médecins  s'étaient 
trompés  ,  et  il  annonça  que  les  chefs 
de  ses  assassins  étaient  arrêtés.  Tout 
indique  que  cette  affaire  était  le  résul- 
tat de  quelque  vengeance  politique. 
Aucun  mauvais  traitement  n'avait  été 
fait  à  la  femme  de  Bollet,  et  il  n'y 
avait  eu  aucune  soustraction  d'eiFets 
ni  d'argent.  H  entra  dans  le  corps 
législatif  qui  fut  créé  après  la  révolu- 
tion du  1 8  brumaire  ;  et  il  y  resta 
jusqu'en  i8o3,  époque  a  laquelle  il 
se  retira  de  nouveau  dans  son  village 
de    \iolaines   dont  il    était  maire  , 

lorsqu'il  y  mourut  en  1 8 1 1 .   M nj. 

BOLOGNE  (Pierre  de),  poète 
lyrique,  né,  en  1706,  k  la  Martini- 
que ,  descendait  de  la  famille  des 
Capizupi  de  Bologne  ,  établie  en 
Provence,  depuis  le  seizième  siècle. 
Son  père  ,  officier  au  service  de 
France,  s'était  distingué  dans  plu- 
sieurs occasions.  Il  entra  dans  les 
mousquetaires  ,  et  fit  toutes  les  cam- 
pagnes du  Rhin  et  des  Pays-Bas, 
dans  les  guerres  contre  l'Autriche. 
Compris  dans  les  réformes  qui  eurent 
lien  kla  paix  d'Aix-la-Chapelle  (164.8) 
il  choisit  Angouléme  pour  sa  rési- 
dence et  s'y  maria.  Dans  les  loisirs 
des  camps,  il  avait  cultivé  la  poésie 


BOL 

avec  assez  de  succès  pour  se  faire  une 
réputation,  si  le  talent  modeste,  sans 
prùneurs  et  sans  intrigue,  était  tou  ■■ 
jours  apprécié.  Bologne  ,  dit  un  cri- 
tique ,  est  ,  après  Pompignan  ,  celui 
de  tous  les  poêles  du  dix-huitième 
siècle  qui  a  le  mieux  réussi  dans  l'ode 
sacrée.  Sa  poésie  se  distingue  par 
la  pureté,  l'élégance,  Tharmouie  ,  le 
naturel  et  Taisance  de  la  versification 
(Sabalier,  Troh  siècles  de  la  litté- 
rature). L'indifférence  du  public 
pour  ses  productions  ne  l'erapècha 
pas  de  trouver  dans  le  commerce 
des  Muses  un  charme  qui  se  prolon- 
gea jusque  dans  sa  vieillesse  (i).  Cé- 
dant au  désir  de  quelques  amis  ,  il 
consentit  a  laisser  imprimer  ses  der- 
nières compositions  5  mais  rien  ne  put 
le  décider  à  quitter  sa  douce  re- 
traite pour  venir  a  Paris  solliciter 
l'annonce  de  ses  livres.  Bologne 
mourut  vers  1789  (2).  Il  était  mem- 
bre des  académies  de  La  Rochelle, 
d'Angers,  de  Marseille,  et  des  Ines- 
slricati  de  Bologne.  On  a  de  lui  . 
I.  Poésies  diverses  ,  Angoulème 
et  Paris,  1746,  in-8°.  IL  Odes  sa- 
crées, ibid.,  1758,  in-i2.  Ces  deux 
recueils  furent  réunis  en  1769  ,  sôus 
le  titre  à'OEuvres  de  Bologne  (3). 
m.  Amusements  d'un  septuagénai- 
re, ou  contes,  anecdotes,  bons 
mots  ,na'Lvetés^  mis  en  vers,  Paris, 
i786,in-8°.  W— s. 

lîOLOT  (  Claude -Antoine  ), 
conventionnel,   était  né,  vers  i74-o. 


(i)  On  voit  par  des  vers  qu'il  adressait  au 
contrôlear-géiiéral  des  finances  ,  Boulloiigne  , 
qne  ce  ministre  ,  en  raison  de  la  ressemblance 
des  noms  ,  s'clant  informé  de  l'aulear,  lui  avait 
fait  obtenir  une  pension.  A — i. 

(2;  C'est  par  erreur  que  quelques  biographes 
disent  qu'il  mourut  à  l'aris  en  1799-  Le  nom  de 
Bologne  ne  se  trouve  plus  dans  la  Table  des 
Poètes  français   en  17S0. 

(3^,  On  y  trouve  une  traduction  en  vers  lalins 
du  1"  livre  de  Tèléma(jue ,  et  une  pièce  en  vers 
latins  sur  Bologne ,  en  remercîment  aux  aca- 
démiciens de  cette  ville.  A — t. 


BOI, 


527 


a  Gv,  petite  ville  de  Franche-Comté, 
d'une  lamille  riche  et  considérée  dans 
le  pays.  Avant  achevé  ses  études,  à 
l'université  de  Besançon,  il  se  fit  re- 
cevoir avocat  au  parlement  ;  mais  sa 
fortune  lui  permettant  de  vivre  indé- 
pendant, il  ne  fréquenta  point  le  bar- 
reau •  et  ,  après  avoir  passé  sa  jeu- 
nesse dans  les  plaisirs  et  les  diver- 
tissements, il  s'établit  K  Yesoiil .  eu 
1770.  A  l'époque  de  la  révolution, 
dont  il  embrassa  les  principes,  il  fut 
élu  procureur  de  la  commune  ,  et  au 
mois  de  sept.  1792  ,  député  de 
là  Haute-Saône  a  la  Couveulion.  Dans 
le  procès  de  Louis  XVI,  il  vola  con- 
tre l'appel  au  peuple  en  ces  termes 
«  Je  considèreparticulièrement,  dans 
K  celle  circonstance  ,  la  Convention 
K  nationale  comme  le  peuple  entier  : 
«  pour  celte  raison  je  dis  non.  »  Et 
sur  la  question  de  la  peiue  :  «  Des 
ce  preuves  multipliées  m'ont  donné  la 
«  conviction  des  crimes  de  Louis;  la 
a  loi  l'a  confirmée.  Aujourd'hui,  la 
(f  justice,  le  salut  delà  république, 
ce  la  loi,  la  politique  commandent 
ce  que  Louis  périsse.  La  pitié  ne  doit 
K  pas  même  être  écoutée  j  je  con- 
cc  damne  Louis  a  la  mort,  n  Cepen- 
dant Bolot  se  déclara  pour  le  sursis. 
Après  la  session,  il  entra  au  conseil  des 
Anciens  et  fut  ensuite  nommé  juge  au 
tribunal  de  Vesoul.  N'ayant  point  été 
maintenu  dans  ses  fonctions  kla  réor- 
ganisation des  tribunaux  ,  il  se  retira 
dans  le  domaine  qu'il  possédait  à  La 
Chapelle  Saint-Quillain,  arrondisse- 
ment de  Gray  ;  et  il  j  mourut  le  28 
juin  1812  ,  k  70  ans.  Les  Biogra- 
phies coiitemporaiiies ,  n'en  rappor- 
tent pas  moins  que  Bolot,  atteint  parla 
loi  d'amnistie  du  12  janvier  181 6, 
se  relira  d'abord  à  Genève,  et  qu'il 
fut  obligé  de  quitter  cette  ville  a 
cause  des  persécutions  qu'on  y  faisait 
éprouver  aux  proscrits  !       W — s . 


h-2S 


BOL 


«OLTIN  (IvATJ),  fils  de  JNikila, 
uaquil  a  Sainl-Pétersbourg,  en  lySô. 
Quoiqu'il  eut  suivi  la  carrière  laili- 
taire,  dans  laquelle  il  parvint  au 
grade  de  major-général  ,  il  fit  sou 
occupation  favorite  des  reclierches 
historiques,  principalement  celles  qui 
avaient  rapport  à  sa  pairie.  Ses  tra- 
vaux se  distinguent  de  ceux  de  la 
plupart  des  historiens  russes  par 
une  saine  critique  et  une  excellente 
méihode.  Le  premier  cuivrage  qu'il 
pu])lia  fut  une  Description  c/ioro- 
gruphique  des  eaux  minérales  de 
iSarepta  (  en  russe)  ,  Saint-Péters- 
bourg, 1782.  Avant  parcouru  This- 
toire  de  Russie,  publiée  eu  1787, 
par  le  médecin  français  Leclerc,  il 
fut  indigné  des  erreurs  dont  cette 
compilation  est  remplie  j  et  il  le  ré- 
futa dans  deux  volumes  iu-/i° ,  qui 
portent  le  titre  de  Remarques  cri- 
tiques sur  r histoire  de  Ixussie,  par 
AI.  Leclerc.  Cet  ouvrage  fut  imprimé 
h  Saint- Pélersbou'-g  ,  aux  frais  du 
gouvernement.  La  critique  qu  il  con- 
iient  est  amere,  mais  juste  ^  et  l'ou- 
vrage est  rempli  d'une  foule  de  ren- 
seignements neufs  et  intéressants.  Ce- 
pendant il  faut  dire  que  la  plupart  des 
fautes  qi'e  l'auteur  y  signale  appar- 
tenaient plutôt  au  prince  Stcher- 
batow  qu'a  l'auteur  français  ,  qui 
souvent  n'avait  fait  qu'extraire  les 
ouvrages  de  celui-ci.  Le  prince  se 
crut  obligé  de  se  défendre  sous  sou 
propre  nom;  mais  Bollin  fit  d'abord 
imprimer  une  Réponse  .^  in-8°,  puis 
il  publia  deux  autres  volumes  iu-4", 
contenant  des  Réjlexions  critiques 
sur  rbisluire  russe  du  prince  Stcher- 
balow.  Aucuu  Russe  n'avait  encore 
écrit  sur  l'histoire  de  sa  patrie  avec 
autant  de  connaissances,  de  critique 
et  de  giiùt  que  Bullin  :  cependant, 
malgré  toute  sa  supériorité,  n'avant 
pas  reçu  une  éducation  scientifique,  il 


BOL 

ne  put  se  défaire  d'une  foule  de  préju- 
gés qui  régnaient  encore  de  son  temps 
sur  l'antiquité  de  la  nation  russe,  et 
répéta  une  partie  des  fables  dé- 
bitées sur  son  origine.  Bollin  publia 
aussi  la  traduction  russe  d'un  drame 
écrit  en  allemand  par  l'impéralrice 
Calherine  II  ;  c'est  une  Imitation 
de  Shakspeare  ^  pièce  en  cinq 
actes  j  contenant  un  épisode  de  la 
vie  de  Rurik  y  Saint -Pétersbourcj, 
1792,  in-8".  Il  entreprit  également 
avec  A.  Pouchkine  une  traduction, 
accompagnée  d'éclaircissements,  du 
Droit  russe,  qui  parut  k  Saint-Pé- 
tersbourg ,  la  même  année.  Après 
sa  mort,  arrivée  le  6  oct.  1792, 
l'impératrice  Catherine  acheta  tous 
ses  papiers  ,  et  les  donna  k  son 
ami  et  collaborateur  le  comte  A.-I. 
Moussin  -  Pouchkine,  qui  eu  publia 
une  partie  ,  inlitulée  Description 
des  peuples  ,  villes  et  cantons, 
dans  ses  Recherches  historiques 
sur  la  position  de  l'ancienne  prin- 
cipauté russe  de  Tmoutarakan , 
Saiut  -  Pétersbourg,  1794-j  in-4-°- 
Dans  ces  mêmes  papiers  se  trouvait 
aussi  le  manuscrit  du  Dictionnaire 
hiscorique,  géographique ,  politi- 
que et  civil  de  la  Russie  par  V . 
Tatistchev,  lequel  parut  k  Saiut-Pé- 
tersbourg  en  1795,  3  vol.  in-4-°. 
Kl — H. 

B  O  M  B  E  L  L  E  S  (le  marquis 
Marc-Marie  de),  évêque  d'Amiens, 
naquit,  le  8  octobre  174^5  dans  la 
place  de  Bilclie  ,  dont  son  père  avait 
le  commandement  (i),  d'une  famille 


(i)  Henri-Frnnçoîs  ,  comte  de  Bnrabelles,  né  en 
iG>!i,  était  entre  au  service  dès  l'âge  de  quinze 
:!iis  et  avilit  fjit  les  dernières  guerres  de  Louis 
\\V.  Il  était  parvenu  au  grade  de  lieulenant- 
gcrieral  ,  avait  rci.u  le  ùtre  héréditaire  de 
comte  en  17 53,  et  fut  crée,  l'année  suivante, 
touiuiandeui-  de  Saint-Louis.  Il  raouiut  en 
1760.  C'était  un  des  officiers  les  plus  distingues 
de  ce  lemps-là.  On  a  de  lui  deux  ouvrages 
estimés  :  I.  Mémoires  pour  le  service  journalier  de 


BOM 

dout  la  noblesse  remonte  au  qua- 
torzième siècle.  Il  reçut  sa  première 
e'ducaliou  avec  le  duc  de  Bourgogne  , 
frère  aîné  de  Louis  XYI,  lequel  mou- 
rut en  1761;  elil  servit  dansles  mous- 
quetaires dès  l'âge  de  treize  ans.  Il 
fit  ensuite  les  deruières  campagnes  de 
la  guerre  de  sept  ans  dans  le  régi- 
ment de  Colonel-général  cavalerie , 
et  eomme  aidc-dc-camp  du  marquis 
deBélhune.  Après  la  paix  de  1763, 
il  passa  comme  capitaine  dans  le  ré- 
giment des  hussards  de  Berchinj. 
Deux  ans  plus  tard  ,  il  entra  dans  la 
diplomatie  ,  d'abord  avec  le  tilre  de 
conseiller  d'ambassade  a  La  Haye, 
ensuite  a  Vienne  et  a  INaples^  puis 
comme  ministre  de  ï'rance  a  la  diète 
de  l'empire.  En  1784  ,  il  obtint  du 
roi  un  brevet  qui  rendit  liérédifairc  , 
dans  sa  famille ,  la  pension  accordée 
par  Henri  IV  aux  descendants  de 
Jacques  de  Bombelles  ,  gouverneur 
de  Cbamburd.  Cbargé  dans  la  même 
année  de  différentes  missions  il  se 
rendit  eu  Angleterre,  en  Ecosse,  en 
Irlande,  et  en  Allemagne.  Le  27 
juin  1785,  il  fut  nommé  ambassa- 
deur en  Portugal ,  et  reçut  a  Lis- 
bonne le  brevet  de  maréchal -de- 
camp  ,  daté  du  9  mars  1788.  Au 
commencement  de  Tannée  suivante, 
il  fut  envoyé  eu  ambassade  a  Venise, 
et,  trois  mois  plus  tard,  Louis  XVI 
le  nomma  ambassadeur  a  Conslan- 
tinoplej  mais,  cette  dernière  no- 
mination ayant  eu  lieu  dans  des 
circonstances  qui  pouvaient  devenir 
embarrassantes  pour  ce  prince ,  le 
rnarquij  de  Bombelles  le  supplia  de 
la  regarder  comme  nou  avenue,  et  il 
continua  de  résider  a  Venise  où , 
au  mois  de  décembre  1790,  ne 
voulant  pas  prêter  le  serment  exigé 
des   fonctionnaires  publics   ^arl'as- 

l'injuidenc ,  1719.  2  vol.  iii-12,  11.  Truilé  des 
etotulions  miliiaires^l'jb^,  iii-8*. 


BOM  53  y 

fecmblée  nationale,  il  déposa  le  ca- 
ractère d'ambassadeur.  Cette  démis- 
sion, qui  fut  donnée  en  même  temps 
que  celle  du  cardinal  de  Bernis  à 
Rome  ,  du  baron  de  Talleyiand  à 
ÎSaples ,  et  du  comte  de  Yergcnnes  à 
Trêves,  reçut  les  applaudissements 
de  tout  ce  qu'il  y  avait  alors  en 
Europe  de  partisans  de  la  monar- 
chie. La  îeine  de  Naples  fit  a 
M.  de  Bombelles  une  pension  de 
mille  ducats  5  et  le  roi  de  France  , 
loin  de  regarder  son  refus  de  serment 
comme  une  désobéissance  ,  le  char- 
gea de  traiter  secrètement  pour  lui, 
d'abord  avec  l'empereur  d'Autriche  , 
ensuite  avec  les  cours  de  Russie  ,  de 
Stokholm  et  de  Copenhague.  M.  de 
Bombelles  se  rendit  successivement 
dans  ces  différentes  capitales  et  ses  né- 
gociations y  eurent  autant  de  succès 
que  le  permettaient  alorsl'incerlitude, 
l'hésitation  des  puissances,  et  surtout 
l'état  de  faiblesse  et  de  désordre  où. 
se  trouvait  la  France.  Lorsque  le 
trône  de  Louis  XVI  tut  définitive- 
ment renversé  par  la  révolution  du 
10  août  1792,  M.  de  Bombelles  se 
rendit ,  avec  des  instructions  qui  lui 
furent  communiquées  par  le  baron 
de  Breleuil,  auprès  du  roi  de  Prusse  j 
et  ce  prince  le  traita  sur  le  pied  d'am- 
bassadeur du  roi  de  France,  lui 
permettant  de  l'accompagner  dans 
l'expédition  qu'il  allait  taire  pour 
la  délivrance  de  Louis  XVI  :  ce  qui 
avait  été  refusé  à  plusieurs  autres 
agents  diplomatiques.  C'est  ainsi  que 
le  marquis  de  Bombelles  se  liouvait 
dans  les  plaines  de  Champagne  la 
veille  de  la  bataille  de  Valmy  , 
lorsque  Goethe  l'y  rencontra.  Cet 
homme  célèbre  a  lui-même  raconté 
leur  entrevue  d'une  manière  si  inté- 
ressante que  nous  croyons  devoir  le 
citer  textuellement  (1:).    «    Dans  le 

(a)  Ce  iiiKlceau  est  eMi-.iit  du  tome  i"  de  la 


Ô3o 


BOM 


a  cercle  des   personnes   qui  entou- 
a  raient    les    feux    du    bivouac  ,    et 
«  dont   la  figure   était    éclairée   par 
ce  la    lueur  des  flammes,  je   vis  un 
et  homme  qui   avait  l'air  âgé  et  que 
a  je  crus   reconnaître.   Eu  m'appro- 
tc  cbant  de  lui,  sa  surprise  fut  grande 
a  de  me  voir  moi-même    au  milie'i 
«  d'une  armée  à  la   veille  d'une  ba- 
a  taille.  C'était  le  marquis  de  Bom- 
o  belles,  que  j'avais  vu  à  Venise,  où 
«  deux  ans  auparavant  j'avais  accom- 
tt  pagné   la    duchesse  Amélie.   Il   y 
«  résidait  comme  ministre  de  France, 
a  et  s'était  empressé  de  rendre  agréa- 
it blea  la  princesse  le  séjour  de  cette 
et  métropole  de   l'Adriatique.  INotre 
a  élonnement   réciproque,  le  plaisir 
a  de  nous  revoir  et  de  nous  rappeler 
te  de  doux  souvenirs,  répandirent  une 
•t  SOI  te  de  contentement  sur  la  silua- 
tc  tion  grave  où  nous  nous  trouvions. 
et  Je  lui  parlai   de    son   beau  palais 
a  sur  le  canal   de  Venise,    et  de  ce 
<t  moment  eucbanteur  où  ,  y  arrivant 
tt  en  gondole,    il    nous   reçut  d'une 
et  manière  si  honorable  et  si  amicale,* 
et  enfin  je  lui  rappelai  les  fêtes  qu'il 
et  nous  donna.  Mais  combii-n  je    fus 
tt  déçu  ,    croyant   le   distraire    et  le 
tt  flatter  par  ces  joyeuses  réminiscen- 
tt  ces!  se  repliant  dans  sa  douleur, 
et  il  s'écria  :  ne  parlons  plus  de  celaj 
tf  ce  temps  est  bien    loin    de  moi. 
a  Même  alors,    tout  en  fêtant  mes 
et  nobles     hôtes,     ma     joie    n'était 
et  qu'apparente  :  j'avais  le  cceur  na- 
ee  vré  ;    je    prévoyais   les   suites   des 
tt  orages  de  ma  patrie,  et  j'admirais 
tt  votre  insouciance.  Elle  était  telle 
te  que  vous   n'aviez  pas   même   l'idée 
a  que  de  pareils  dangers   pussent  se 
te  tourner  contre  voi.s-n.ièmes   Quant 
«  à  moi,  je  me  préparais  en  silence 
»  au  changement  de  ma  situation.  En 

précieuse  colleclion  qui  se  publie  sous  le  titre  de 
Mémoiics  lires  des  papiers  d'un  homme  d'clul. 


BOM 

te  effet ,  il    me  fallut,  bientôt  après  , 
«  quitter  et  un  poste  honorable,    et 
tt  \  enise  qui  m'était  devenue  si  chè- 
K  re  ,  pour  commencer  une   carrière 
«c  d'aventures  qui  m'a  conduit  ici  et 
a.  qui  se  terminera  je  ne  sais  où...  » 
Quelque  noirs  que  fussent  alors  les 
pressentiments  de  M.  de  Bombe'les  , 
il  était  loin  de  se  douter  des  arran- 
gements  qui   se  négociaient    ou  qui 
peut-être   étaient  déjà  conclus  pour 
la    retraite   de    l'armée   prussienne. 
Lorsque  cette  retraite  se  fut  opérée, 
il  se  retira  en  Suisse  où  il  fut  le  cor- 
respondant politique   de  la  reine  de 
INaples  dont   les    bienfaits    seuls  le 
faisaient    exister.     Il   fit    imprimer 
dans  cette  contrée,  sous  le  voile  de 
l'anonyme,  une  brochure  fort  curieuse 
pour     l'histoire    de    celte    époque  , 
intitulée    :    Avis    raisonnable    au 
peuple  allemand  par  un  Suisse  , 
1795  ,  iu-8°.  Au  commencement  de 
l'année    1800,  il  rentra  dans  la  Car- 
rièremilltaire  et  fit  à  l'armée  de  Con- 
dé,  comme  ofEcier  général,  toutes  les 
campagnes  qui  précédèrtnt  le   licen- 
ciement.    Ce  fut    dans  ce  lemps-lk 
qu'il  perdit  safemmeM   '^  deMackau, 
qu'il  avait  épousée  en   1778,  et  qui 
avait   été  long-temps  la  compagne  et 
l'amie  de  la  vertueuse  sœur  de  Louis 
XV  I,  Ma  lame  Elisabeth.  Celte  perte 
douloureuse  lui  causa  un  tel  chagrin 
que,  résolu  de  renoncer  au  monde  , 
il  entra  dans  un  couvent  à  Brunn  en 
Moravie.   Nommé    ensuite    chanoine 
de    Breslavv ,    puis  prélat   d'Oober- 
Glogau ,   il  donna   encore   dans  ces 
fonctions  des  preuves  d'un  griind  cou- 
rage pour   la  défense  de  ses  parois- 
siens ,  lorsque  les  Français  vinrent 
faire  le  siège  de  Neiss.  en   1807, 
sous  les  ordres  de  Jérôme  Bonaparte. 
Il  rentra  en  France  en  1 8 1 4,  en  sor- 
tit l'année  suivante  lors  du  retour  de 
Napoléon ,   et  y  revint  avec  le  roi 


BON 

Louis  XVIII.  Il    fut    sacré  évèque 
d''AiuIi'iis      le     3      oclobre     1819, 
puis  nommé  aumônier  de  la  duchesse 
de  Berri,  et  mourut  a  Paris  le  5  mars 
I  822.  L'évèque  d'Amiens  avait  ma- 
rié sa  fille  unique  a  M.  de  Casieja, 
et  il  dit  lui-même  la  messe  pour  la  cé- 
lébration du  mariage.    Le    discours 
simple   et   touchant   qu'il  prononça, 
dans   une   cérémonie  aussi  nouvelle, 
excila  au  plus  haut  degré  l'allendris- 
sement  de  tous  les  spectateurs.  On  a 
encore  de  lui  un    petit  écrit   fort   re- 
marquable sous  ce  titre:  La  France 
avant    et   depuis    la     révolulion , 
i799,in-8°. — Ilalai'sé  trois  fils  dont 
Tun  est  minisire  d'Autriche  à  Berne; 
l'autre  à  Turin.  Le  troisième,  lieule- 
nant-colonel  au  service  de  France^  a 
donné  sa  démission  après  la  révolu- 
tion  de   i83o  ,  et  a  été  nommé   en 
i833  ,    par    la    cour     de    Vienne, 
grand-maître   de  la  maison   de  l'ar- 
chiduchesse Marie  Louise,   duchesse 
de  Parme.   —  Le   baron    Gabricl- 
JoacJiim  de  Bombelles  ,  lieutenant- 
général,  qui  mouiul  en  1827a  Paris, 
était  de  la  même  famille.  Il  OA'ail  servi 
en  Russie   pendant  toute  la  révolu- 
tion,   et    n'élait    revenu   en  France 
qu'après  le  rétablissement  des  Bour- 
bons. M — D  j. 

BON  (  Louis -AndhÉ  )  ,  général 
français, né  a  Romans.  enDauphiné,le 
25  octobre  lyôS,  s'enrôla  jeune  en- 
core dans  le  régiment  de  Bourbon- 
Infanterie,  avec  lequel  il  passa  dans 
les  colonies  et  fit  une  partie  de  la 
guerre  d'Amérique.  Revenu  dans  sa 
patrie,  après  un  congé  de  huit  ans,.il 
s'y  trouvait  en  1792,  à  l'époque  de 
la  levée  des  volontaires  nationaux. 
Un  de  ces  lafaillons  l'ayant  choisi 
pour  chef,  Bon  le  conduisit  aussitôt 
sur  les  fronlières  d'Espagne,  à  Tar- 
raée  que  commaiidait  Dugommicr. 
Il    avait  obtenu    le    grade    d'adju- 


BON 


53i 


dant  général  ,    chef  de  brio-ade ,  et 
li  était   employé   au   blocus  de  Bel- 
legarde,  loisque,  dans  la  nuit  du  10 
août  1794,  un  corps  de  vingt  mille 
Espagnols  ,     auquel    s'étaient  joints 
un  grand  nombre  de  paysans,  vint  at- 
taquer les  Français  que  commandait 
à  Terrade  le  général   Lemoine.   Bon 
rallia  par  sa  fermeté    et   sa  présence 
d'esprit  les  troupes  qui  déjà  avaient 
été  débusquées,  les  fit  marcher  con- 
tre l'ennemi  au  pas  de  chaige  et  re- 
prit la  position  abandonnée.  Ce   bril- 
lant exploit  lui  valut  le  litre  de  général 
debrigadej  et  il  passa  l'année  suivante, 
en   cette  qualité,  k  l'armée  d'Italie, 
où  il  fut  placé   sous  les  ordres  d'Au- 
gereau.  Il  se  distingua  dans  toutes  les 
batailles  qui  marquèrent  le  début  de 
Bonaparte    dans     cette     campagne, 
principalement  devant  Mantoue ,  au 
pont    d'Arcole    et    au    passage    du 
Tagliomenlo.    En    1797  ,    il    com- 
mandait une  colonne   mobile  au  nom 
de    laquelle  il  fit  parvenir    au    di- 
rectoire   une   de  ces  adresses  véhé- 
mentes dirigées   contre   les  conspi- 
rateurs   de   Clichy,    et  qui    prépa- 
rèrent  si   bien  la  révolulion   du   i8 
fructidor    an    V.    Lorsque    la    paix 
eut    élé    signée  à   Cmipo  -  Formio  , 
le  général  Bon  fut  chargé  du  comman- 
dement de  la  huitième  division  mili- 
taire,   dont  Marseille  était  le  chef- 
lieu.    Il    arriva    dans    cette   contrée 
au  moment  où  la  réaction  contre  les 
terroristes  y  était  le  plus  active,  et  fit 
cesser  ces  desordres   par  sa  fermeté' 
et  par  les  proclamations   énergiques 
qu'il   adressa  aux  habitants.   S'étant 
ensuite  porté  k  Tarascon  avec  les  co- 
lonnes mobiles  d'Avignon,  il  di-persa 
une  troupe  de  douze  cents  insurgés , 
et  parvint  a  rétablir  le  calme  dans  ce 
malheureux  pavs.  11  fut  a'ors nommé 
général  de  division  et  dut  biealôl  ac- 
compagner en  Egypte  son  ancien  gé- 
34. 


i32 


BON 


neral  eu  clicf.  Dans  celle  mémorable 
expédition,     il  se    disliugua   dcvaut 
Alexandrie,    marcha  sur    Rosette, 
entra  le  premier  dans  Tenceinle    des 
Arabes  qui   défendaient    celte  ville, 
détermina  la  prise  du  Caire  par  l'at- 
taque d'un  puslo  important ,  traversa 
ensuite   le    désert   avec   quinze  cents 
hommes,  prit  possession  de  Suez ,  et 
conrourut   puissamment  a  la  victoire 
d'El-AriscL  5  enfin  il  prit  part  à  tous 
les  combats  qu'il  fallut  soiilenlr  con- 
tre de  nombreux  ennemis.  Bon  fut  en- 
core un  de  ceux  qui  renversèrent  la  ca- 
valerie d'Abdallah  sur  les  hauteurs  de 
Rorsumj  il  contribua  au  triomphe  ines- 
péré du  'Mont-ïhabor,  en  tournant 
l'ennemi,  attaqué  de  front  par  Klé- 
ber,  et  brilla  également    devant  les 
murs  de  St- Jeân-d'Acre,  dans  trois  as- 
sauts meurtriers.  Le  20  floréal  (mai 
1799),  a  quatre  heures  de  l'après- 
midi,  Bon,  s'étant  mis  à  la  tête  des 
grenadiers,  tentait  un  nouvel  assaut , 
lorsqu'il  tomba  mortellement  blessé. 
«  Ainsi  périt,  dit  un  de  ses  biogra- 
«  pl'es,  dans  les  plaines  de  la  Syrie, 
a  ce  guerrier  que  Bonaparte  avait  si 
a  souvent  associé  a  ses  succès.  »  Les 
habitants  de  Valence  ont  e'ievé  un  mo- 
nument a  sa  mémoire.  Bon  n'était  pas 
seulement  remarquable  par  celte  hau- 
teur décourage,  premier  mobile  des 
succès  militaires  :  il  joignait  a  une  bra- 
voure froide  et  réfléchie  une  grande 
vivacité    d'esprit  ,    uoe    pénétration 
peu  commune  et   d^s   connaissances 
stratégiques    étendues.    Napoléon   le 
regardait  comme  un  des  hommes  qui 
avaient  le   plus    d'avenir.  Bon  avait 
laissé  dans  l'infortune  une  femme  et 
un  fils.   Ce  ne  fut  qu'en    18 12    que 
l'empereur,  visitant  l'école  de  Saint- 
Germain,  arrêta  ses  jeux  sur  la  liste 
des  élèves,  où  se  trouvait  le  nom  de 
Bon.  11  fit  aussitôt  venir  devant  lui  le 
fils  de  son  ancien  compagnon  d'arnM?^: 


BON 

«  Où  est  voire  mère? — 'A  Paris. — 
Quefail-ellt? — Elle  est  malheureuse 
—  Comment!  sans  pension?  — Si- 
re, nos  réclamations  ne  sont  point 
venues  jusqu'à  vous.  —  Je  veux  ré- 
parer cette  injustice.  Jeune  homme, 
allez  a  Paris,  dites  a  voire  mère  que 
je  vous  fais  baron  et  qu'a  compter  de 
ce  jour  vous  jouirez  tous  deux  d'une 
dotation.  »  B — n. 

lîOXAL  (François  de),  évèque 
de  Clermont  ,  était  né  le  9  mai  1  yS/i- 
au  château  de  Honal,  diocèse  d  Agcn. 
S'étant  destiné  a  l'état  ecclésiastique, 
il  assista  comme  député  du  deuxième 
ordre  a  l'assemblée  du  clergé  de 
1758  5  et  fut  pourvu  l'année  suivante 
de  l'abbaye  de  Saiut-Ambroise ,  de 
l'ordre  de  Saint-Augustin,  au  diocèse 
de  Bourges.  Presque  en  même  temps 
il  devint  graud-vicaire  et  graud-ar- 
chidiacrede  Chàlou-sur-Saone.  ^Som- 
raé  evèque  de  Clermont  en  1776  ,  il 
fut  sacré  le  6  octobre  de  celte  année. 
Le  clergé  du  bailliage  de  Clermont 
l'élut  député  aux  états  -  généraux. 
C'est  la  que  son  mérite,  et  son  zèle 
pour  la  religion  le  firent  surtout 
connaître.  Il  lutta  de  tout  son  pou- 
voir contre  les  innovations  de  l'assem- 
blée (i).  Son  opinion  sur  les  ordres 
religieux  ,  prononcée  dans  la  séance 
du  i  I  ïéwieT  I'] ^o[2),sa. déclaration 
au  sujet  dit  serment  civique ,  le  g 
juillet  suivant ,  à  laquelle  adhérèrent 
tous  les  évêques  et  grand  nombre 
d'ecclésiastiques  de  l'assemblée;  sou 
dire  au  nom  du  clergé  ,  le  1 1  oclo- 

(1)  Il  compara,  dit  Lucliet  ,  les  opinion»  reli- 
gieuses aux  lois  civiles  ,  et  ilcinaiida  si  celui 
qui  attaquerait  ces  lois,  en  manifestant  les  opi- 
nions qui  leur  seraient  contraires  ,  et  en  cher- 
chant à  faire  des  prosélytes,  des  prevaricaleurs, 
ne  troublerait  pas  l'ordre  public.  V — te. 

(ï)  Je  suis  charge,  disait-il ,  par  mon  cnhier 
do  demander  non,seuleinent  que  les  ordres  mo- 
iiasliques  ne  soient  pas  supprimés,  mais  encore 
qu'ils  rej^reniiont  leur  ancienne  spleii^lcur.  Je 
dois  a  une  mi>sion  aussi  furmeile  de  combattre 
1  avis  du  comité;  sans  elle  je  le  devrais  à  ma 
conscience.  V — te. 


BON 

bre,  pour   demander  la   suspension 
des  décrels  jusqu'à  ce  que  le  roi  eut 
reçu  une  réponse  de  Rome  ;  son  autre 
dire  du  26  novembre  ,  pour  deman- 
der un  concile  ou  uu  délai,  afin  de 
recevoir  les  explications    du   pap?, 
alleslaient  la  fermeté  de  ses  princi- 
pes. L'évèque  prit  part  a  toutes  les 
déclarations  et   protestations  de  ses 
collègues;  à  celle  du  19  avril  1790 
sur  la  religion  de  l'étal;  a  celle  du 
5o  mars  1791  ,    sur  le    cas  de  dé- 
cliéauce  de  la  royauté  5  a  celle  du  29 
juin  1791 ,  sur  la  captivité  du  roi  ;  a 
ce'le  du  3r  août  1791  ,  sur  la  révi- 
sion des  décrets,  et  a  la  dernière  ,  du 
2.^  sept. ,  sur  l'adrainislralion  des  fi- 
nances.   Mais    c'est    principalement 
sur  Il's   questions   qui   louchaient   ;i 
la   religion   que  Bonal    montra  au- 
tant de  constauce  que  de  modération. 
Dans  la  séance  du  2  janvier  1791  , 
lorsqu'on    demanda  le  serment  h  la 
constitution    civile     du    clergé   ,    il 
commença  un  discours  où  il  annonçait 
sa  soumission  aux  décrets,  en  excep- 
tant ce  qui  regardait  le  spirituel.  In- 
terrompu par   les   interpellations   et 
les  murmures  de  la   majorité,  il  ne 
put  déduire  tous  ses  motifs  ;  les  évè- 
ques  et  les    ecclésiastiques   du    côté 
droit  se  levèrent  en  signe  d'adhésion 
aux  principes   du  prélat,    qui  remit 
son  discours  signé  sur  le  bureau.    Il 
adressa,  le    i*'   février  1791,    une 
Lettre  aux  électeurs  du  Puy-dc- 
Ddme,  pour  les  détourner  de  pren- 
dre part  au  schisme  par  une  élection 
anti-canonique;  et  le  5 0  avril  suivant 
il  protesta,  par  une  ordonnance  et 
par  une  lettre  pastorale  ^  contre  l'é- 
lection   de    l'évèque    constitutionnel 
Périer.  La  conduite  de  M.  de  Bonal 
k  l'assemblée   constituante  lui  avait 
procuré     une    juste     considération. 
C'est  a  lui  que  Louis  X\I  s'adressa 
pour  savoir  s'il  pouvait  aller  faire  ses 


BON 


5rî5 


pâques  dans  l'église  où   le   nouveau 
clergé  était  établi.    On   a  une  lettre 
du  prince  a  l'évèque,  en  date  du  i5 
avril  1791,  et  la  réponse  de  celui- 
ci  ,  du  1  6  avril  ;  il  engageait  le  roi  a 
ne  point  aller  dans  une  église  occu- 
pée par  les  constitutionnels.  Les  deux 
lettres  ont  été  trouvées  aux  Tuileries 
après  le    10  août,    et  elles  sont  im- 
primées dans  le  Recueil  des  pièces 
pour  le  procès  de   Louis  XFI, 
tomes  VIT  et  ix.  A  la  fin  de  la  session 
de  l'assemblée,  vingt-six  évêques  et 
cent  quinze  ecclésiastiques  signèrent 
ua  compte-rendu  ;  révèipe  de  Cler- 
raont  fut  du  nombre.    11   passa  peu 
après  en   Flandre  et  de  là   en   Hol- 
lande.  Les  Français  entrés  en  Hol- 
lande en  1790,  surprirent  un  grand 
nombre    d'ecclésiastiques     f{ui    n'a- 
vaient   pas     eu    le    temps   de  fuir. 
M.  de  Bonal  fut  arrêté  au  Texel  et 
ramené  à  Amsterdam.  puisaUtrechi, 
elenfin'aBreda,  où  il  devait  être  jugé. 
La  rigueur  du   froid  qui  était  alors 
excessif,  la  barbarie  de  ses  gardiens 
et  les  incommodités  d'un  voyage  fa;t 
k  pied  ,  lui  occasionèrent  une  grave 
maladie  k  Bois-le-Duc.  Son  courage 
ne   se  démentit  pas  un  seul  instant. 
Enfin  ,   après    trois   mois  de   souf- 
frances,  les  juges  devant  lesquels  il 
avait    été   traduit   a  Breda    le  con - 
damnèrent  a  être  déporté  :  c'était  ce 
qu'il  demandait  depuis   son   arresta- 
tion. H  se   rendit   k   Altona,   et   il 
habita  ensuite  diversesparties  de  1  Al- 
lemagne. H  fut  un  des  signataires  de 
l'Instruction  sur  les  atteintes  por- 
tées à  la  religion,  qui  fut  publiée 
sous   la  date  du    i5  cavril  1798    par 
les  évêques  français  alors  réfugiés  en 
Allemagne.   Il  mourut  k  Munich  ,  le 
5  sept.  1800,    après  avoir  dicté  un 
Testament  spirituel,  ou  dernières 
instructions  à    son  diocèse.  Celte 
pièce  a  été   impriaKe^,  in-8"  de  02 


5H4 


BON 


pag  ;  elle  esl  terinlnëe  par  une  épi- 
J.aplie  où  l'on  clonue  au  prélat  les 
titres  de  comte  du  chapitre  noble  de 
Brioude,  et  de  membre  liouoraire 
de  Tordre  de  Saiat-Jeau-de-Jérusa- 
lem.  L'abbé  Jarry,  dans  son  Orai- 
son J'unèbre  du  cardinal  de  La- 
rocliefoucaidd ,  Munster,  1801, 
in-4°,  a  fiiit  un  éloge  très-beau  et 
très-vrai  de  l'évèque  de  Clermont. 
P — c T. 

BONAMY  (Charles-Augus- 
te-Jean-Baptiste-Loujs-Joseph  ) , 
général  français,  né  en  1764.,  a  Fon- 
tenay-le  Comte,  s\'nrô!a  en  1791 
dans  le  premier  bataillon  des  volon- 
taires nationaux  du  département 
de  la  Vendée  ,  et  vint  avec  celte 
troupe,  en  1792,  sur  la  frontière  du 
Nord  dans  Tarmée  que  commandait 
Lafayette.  Bonamy  était  caporal  lors- 
qu'il fut  nommé  par  le  roi,  le  i  7  juin 
de  cette  année,  sous-lieutenant  dans 
le  dix-septième  régiment  de  cava- 
lerie. Il  lit  en  cette  qualité  la  pre- 
mière campagne  contre  le>  Prussiens 
sous  Dumoiiriez,  et  pins  tard  celle 
de  la  iielgique.  Après  la  défection 
de  ce  général  en  avril  1790,  il  en- 
tra comme  adjoint  a  l'état-major  de 
Dampierre,  qui  lui  avait  succédé;  et 
il  passa  aussitôt  après  à  l'armée  de  la 
\endée,  d'où  il  revint  à  la  frontière 
du  Nord  en  1794-5  avec  le  général 
Marceau.  Emplojé  dans  l'armée  de 
Sambre-et  Meuse  sous  Kléber,  il  ob- 
tint le  grade  d'adjudant-général  chef 
de  bataillon,  et  fut  chargé  de  com- 
mander, a  Tade  gauche,  un  corps  de 
trois  mille  hommes  qu'il  dirigea  avec 
beaucoup  de  succès.  Kiéber  le  6t 
alors  son  chef  d'étatmajor,  et  Bo- 
namy se  distingua  sous  ses  ordres 
dans  plusieurs  occasions,  notamment 
au  siège  de  Mayence  (oct.  1796). 
Il  passa  l'année  suivante  a  la  divi- 
sion de    Marceau  ;    mais    il   eut  le 


BON 

malheur  de  perdre  cet  excellent 
chef ,  qui  tomba  près  de  lui  sur  le 
champ  de  bataille,  dans  la  campa- 
gne de  1796.  Accusé  peu  de  temps 
après  d'avoir  favorisé  les  approvi 
sionnemenls  de  la  garnison  autri- 
chienne ,  d'Ehrenbreitstein  que  les 
Français  tenaientbloquée,llparvint  a 
se  disculper;  mais  il  cessj  d'être 
cn]plojé  pendant  près  de  deux  ans  , 
et  ce  ne  fut  qu'à  la  fin  de  1798 
qu'il  suivit  Championnet  ,  lorsque  ce 
général  alla  commander  l'armée  de 
Home.  Bonamy  devint  son  chef  d'é- 
tat-raajor  j  et  fut  nommé  général  de 
brigade  en  récompense  de  la  valeur 
qu'il  avait  déployée  dans  la  résis- 
tance de  cette  armée  contre  le  géné- 
ral Mack  (  Voy.  Mack,  au  Supp.). 
Il  se  distingua  également  dans  la  ra- , 
pide  invasion  du  royaume  de  Naples': 
mais  il  paraît  qu'il  prit  aussi  quelque 
part  aux  concussions  et  aux  abus  de 
pouvoir  qui  causèrent  alors  la  dis- 
grâce du  général  en  chef.  Comme  lui, 
il  fut  arrêté,  et  il  devait  être  traduit 
à  un  conseil  de  guerre  par  ordre  du 
directoire  ,  lorsque  la  révolution  du 
3o  prair.  an  vu  (18  juin  i  799},  qui 
renversa  une  partie  des  directeurs  , 
sauva  Championnet  et  Bonamy.  Ce 
dernier  sortit  de  la  prison  de  l'Ab- 
baye a  Paris,  où  il  avait  été  amené 
de  la  manière  la  plus  rigoureuse  , 
et  il  alla  prendre  un  commande- 
ment sur  le  Rhin.  Ce  fut  a  cette 
époque  qu'il  publia,  sous  le  titre  de 
Coup  d'œil  rapide  sur  les  opéra- 
tions de  la  campagne  de  Naples 
jusqu'à  l'entrée  des  Français  dans 
cette  ville  ,  un  ouvrage  dont  le  but 
principal  était  sa  justitication,  mais 
qui  offre  cependant  quelques  rensei- 
gnements utiles  pour  l'histoire.  A 
l'armée  du  Rhin,  Bonamy  fut  euiployé 
sous  le  général  Saint-Lyr  et  sous  Mo- 
reau,  qui  le  chargea  dans  le  mois  d'à- 


BON 

vril  1800  (le  conduire  en  Ita'ie  uu 
corps  de  troupes  aa  cousul  Boua- 
parlc,  qui  allait  commander  lui-même 
dans  celte  contrée.  11  eut  ainsi 
quelque  part  au  triomplie  de  Ma- 
rengo  j  mais  le  nouveau  chef  du  gou- 
vernement ne  fut  pas  content  de  lui 
dans  celle  occasion  ;  Bonamy  cessa 
d'èlre  employé,  et  il  dut  .se  reti- 
rer dans  son  déparlemeul,  où  il 
devint  maire  du  village  qu'il  ha- 
bitait et  président  du  conseil  d'ar» 
rondisseii  eiit.  Ayant  paru  en  cette 
qualité  devant  l'empereur  en  1809  , 
à  la  tête  d'une  députation,  il  en  lut 
mieux  accueilli  qu'il  n'avait  dû  l'es- 
pérer, et  ne  tarda  pas  a  être  employé 
dans  son  grade  de  général  de  brigade. 
En  I  8 1  2  ,  il  faisait  partie  de  la  belle 
et  nombreuse  armée  qui  envahit  la 
Russie  sous  les  ordres  de  Napoléon. 
Sa  brigade,  qui  était  du  corps  de  Da- 
voiist  le  5  sept,  devant  Smolensk,  y  fut 
presque  entièrement  détruite.  Mais 
ce  fut  surtout  a  la  bataille  de  la  Mos- 
kowa  que  Bouamy  s'illustra  par  l'un 
des  plus  beaux  laits  d'armes  de  cette 
guerre.  Ayant  reçu  l'ordre  d'atta- 
quer au  centre  de  l'armée  russe  la  ter- 
rible redoule  oir  4-0  pièces  de  canon 
vomissaient  incessamment  la  mort, 
il  se  met  a  la  tète  du  trentième 
régiînenl,  essuie  de  nombreuses  dé- 
charges de  mitraille  ,  perd  la  moitié 
de  sa  troupe  et  devient  avec  le  reste 
maître  du  redoutable  boulevartj  mais 
il  ne  pouvait  avec  si  peu  de  monde 
conserver  long-temps  un  poste  aussi 
important.  Attaqué  bientôt  par 
d'innombrables  masses  d'inlanterie, 
il  voulut  encore  résister ,  vit  tomber 
à  ses  cotés  le  dernier  de  ses  soldats  , 
fut  lui-même  percé  de  vingt  coups  de 
baïonnette  et  laissé  pour  mort  sur  le 
cliamp  de  bataille.  Il  tomba  au  pou- 
vou  des  Russes,  qui  le  gardèrent  vingt- 
deux  mois  prisonnier.    Bonamy    ne 


BON 


535 


revint  en  France  que  dans  le  mois 
d'août  i8i/t,  après  la  chute  du 
gouvernement  impérial.  Le  roi  le  créa 
chevalier  de  Saint-Louis  et  lieu  tenant- 
général,  mais  il  ne  l'employa  pas. 
Après  le  retour  de  Bonaparte ,  en 
i8i5  ,  ce  général  fut  un  des  dépu- 
tés au  champ  de  mai,  et  lorsque  l'ar- 
mée française  se  retira  derrière  la 
Loire  il  fut  chargé  par  le  minisire 
de  la  guerre  Davoust  d'y  conduire 
tous  les  dépôts  et  magasins  qu'il  réus- 
sit ainsi  a  conserver  pour  la  France. 
Reslé  sans  fonctions  après  le  licen- 
ciement, il  rentra  dans  la  paix  de  la 
vie  privée,  et  mourut,  en  sept.  i83o, 
au  sein  d'une  famille  qui  le  chéris- 
sait. 11  avait  pubHé  en  i8o3  ,  31é- 
moirc  sur  la  révolution  de  Naples., 
in-8°.  M— D   j. 

BONAPARTE.  Vof.  Buo- 
NAPARTE  {C/iarles)y  f^'  KapolÉon, 
au  Supplément. 

BOXATI  (Thecdore-Maxime), 
né  à  Bondeno  ,  dans  le  Ferrarais  , 
le  8  novembre  1724.,  suivit  dans 
sa  jeunesse  les  cours  de  Pécule  de 
médecine  ,  et  fut  reçu  docteur  5  mais, 
sans  abandonner  entièrement  celle 
proressicin,  il  se  livra  en.-.uile  plus 
spécialement  à  l'étude  des  mathéma- 
tiques sous  la  direction  du  célèbre 
professeur  d'hydraulique  Ballaglia. 
Le  marquis  de  ISenlivoglio  se  dé- 
clara son  protecteur  et  le  fit  son 
médecin,  en  lui  donnant  un  traite- 
ment considérable.  Plus  tard  Bo- 
nati,  ayant  de  plus  en  plus  acquis 
l'estime  de  Ballaglia  par  ses  pro- 
grès dans  les  mathématiques,  se  ren- 
dit k  Rome  avec  lui  (lySp),  pour 
traiter  la  grande  question  du  dessè- 
chement des  marais  pontins,  et  celle  de 
la  réunion  du  torrent  du  Reno  au  fleuve 
du  Pô.  L'année  suivante  il  fut  cbar- 
gé  ,  par  le  pape  Clément  Xlll ,  d  as- 
sister le  cardinal  Conli  pour  tâcher 


536 


BON 


de  mettre  fin  aux  anciennes  et  vio- 
lenles  discussions  entre  les  Bolo- 
nais et  les  Ferrarais  ,  relativement 
au  cours  des  eaux.  On  trouve  dans 
le  tome  VI  delà  Raccolta  d' aiitori 
elle  trattnno  del  moto  de.lV acque 
(édition  de  Florence,  1769),  un 
méraoiie  de  Bonati  contenant  le  dté- 
lail  de  ses  expériences  et  la  descrip- 
tion des  appareils  qu'il  employa  dans 
la  vue  de  réfuter  les  paradoxes  sur 
la  théorie  des  eaux  couraijtes  pu- 
bliés a  Paris  en  1760  par  Genneté, 
et  qui  ,  malgré  les  résultats  fort 
ordinaires  qu'ils  offraient  ,  avaient 
trouvé  des  partisans.  Les  erreurs 
de  Genneté  ont  été  repousse'es  par 
les  hydrauliciens  éclairés  5  mais  les 
recbcrciies  et  les  expériences  de 
Ronati,  h  leur  sujet,  n'en  ont  pas 
.Tioins  été  jirofitables  à  la  science. 
Après  la  mort  de  Battaglia  ,  son 
élève  Bonati  obtint  la  place  de 
consulteur  de  la  congrégation  des 
travaux  publics  de  la  province  Fer- 
raraise ,  et  fut  en  même  temps 
nommé  professeur  de  mécanique  et 
d'hydraulique  à  l'université  de  Fer- 
rare.  Il  s'occupa  de  la  théorie  du 
mouvement  des  fleuves  ,  inventa  ou 
perfectionna  des  méthodes  expérimen- 
tales applicables  k  la  mesure  de  la 
vitesse  des  eaux  courantes  ,  et  pu- 
blia sur  ce  sujet  un  ouvrage  remar- 
quable sous  ce  titre  :  Dell'  arte 
idrometnclie  edun  nuovopendolo 
per  trovav  la  scala  délie  velocitd 
d'un  acqua  corvente,  in-8°.  Il  tira 
un  très-bon  parti  de  ses  divers  gen- 
res d'étude  pour  traiter  d'importantes 
questions  relatives  au  Reno  et  aux 
autres  torrents  qui  désolent  les  pro- 
vinces de  Bologne  et  de  Ferrare.  C'est 
d'après  les  plans  de  Bonati  que  fut 
commencé  le  dessèchement  des  ma- 
rais pontius,  entreprise  qui  suffirait 
pour  immortaliser    le  pontificat   de 


BON 

Pie  VI  {Voy.  ce  nom  ,  t.  XXXU?^. 

Il  fut  également  honoré  de  la  con- 
fiance des  ducs  de  I\ïodène  et  de 
Parme,  du  prince  de  Piomhino  et  de 
la  plupart  des  villes  de  l'élat  romain  , 
qui  le  chargèrent  de  commissions 
difficiles  dont  il  s'acquitta  con- 
stamment avec  succès.  Lorsque 
les  Français,  maîtres  du  duché  de 
Ferrare,  eurent  aboli  l'ancien  gou- 
vernement,  Bonati  lut  appelé  par 
le  vœu  de  ses  compatriotes  aux  pre- 
miers emplois  de  la  république  Cis- 
padane.  Elu  malgré  son  âge  au  Con- 
seil des  jeunes  {corpo  dei  giiiniori), 
il  le  présida  pendant  son  unique  ses- 
sion. Cette  république  t-phémère 
ayant  été  réunie  à  la  Cisalpine  ,  Bo- 
nati se  trouva  momenlanément  prive 
de  sa  place  ;  mais  il  ne  tarda  pas 
a  être  rétabli  dans  les  fondions  qu'il 
n'avait  cessé  de  remplir  avec  un 
zèle  infatigable.  Il  fut  l'nn  des  pre- 
miers mend^res  de  l'institut  national 
d'Italie.  En  1806,  il  fut  nommé  in- 
specteur-général honoraire  des  eaux, 
avec  l'intégralité  de  son  traitement  , 
faveur  qu'il  avait  méritée  par  ses 
longs  et  importants  services.  Les  ma- 
thématiques pures  furent  aussi  un  des 
principaux  objets  des  méditations  de 
Bonati.  On  trouve  dans  le  lome 
VIII  des  ?Jém.oires  de  la  société  ita- 
lienne des  sciences,  dont  il  était 
membre ,  une  dissertation  sur  les 
racines  des  équations  du  5'  et  du  6" 
degré,  et  une  méthode  pour  cal- 
culer les  mêmes  racines  par  approxi- 
mation, méthode  expéîlilivc ,  fondée 
sur  la  théorie  des  courbes  planes  et 
le  calcul  différentiel.  IS'apoléon  re- 
connut le  mérite  de  Bonati  en  lui 
conférant  l'i-rdre  de  la  Couronue-de- 
Fer.  Sa  réputation  scientifique  lui  va- 
lut aussîTiionneur  d'être  nommé  cor- 
respondant de  la  première  classe  de 
l'institut  de  France,  de  l'académie  de 


ËON 

Londres ,  et  d'èlre  inscrit  parmi  les 
raenilires  de  plusieurs  sulrcs  sociéle's 
savantes.  Il  avait  atteint  sa  qualre- 
viugtième  année  lorsqu'il  fut  appelé  a 
Modène  pour  assister  a  un  congrès 
convoqué  par  Napoléon ,  et  chargé 
de  discuter  de  nouveau  le  projet  de 
l'iminission  du  Reno  dan-;  le  Po. 
L'exéculion  de  ce  projet  .  ordonnée 
par  un  décret  du  2  5  juin  i8o5  ,  fut 
commencée  contre  l'avis  de  Bonali  ; 
mais  elle  n'a  pas  été  continuée  ,  et  il 
paraît  qu'on  y  a  tout-a-fait  renoncé 
(/-'.  Zendp.isi.  t.  LU).  A  l'âge  de  "95 
ans  ,  Bouati ,  presque  perclus  de  tous 
ses  membres,  était  encore  consulté, 
par  divers  o;ouvernements.  sur  des 
questions  difficiles  du  ressort  de  la 
science  de  Tingénieur.  Il  est  mort  à 
Ferrare  le  2  janvier  1820,  après 
deux  jours  de  maladie.  Ses  manu- 
scrits ont  été  déposés  a  la  bibliothè- 
que publique  de  celte  ville.  Bonati  n'a 
laissé  que  des  opuscules  el  des  mé- 
moires dont  on  trouve  la  liste  à  la 
buile  de  son  E/oge  ,.Tp:ir  Thistorien 
Ant.  Lombardi ,  dans  les^ctes  de  la 
société  ital.  des  sciences,  tom. 
XIX.  Les  principaux  sont:  I.  ]\lé- 
morlale  idrometrico  délie  acque 
per  la  città  e  ducato  di  Fevrara , 
B ome  ,  1765.  —  Risposta  idrome- 
trica  délia  S.  Congregazione  délia 
ncqna  ,  etc.  —  Annotazioni  alla 
risposta  del  sign.  Marescotti. — 
Sommario  délia  risposta  idroine- 
trica^  4-  parties  iu-fol.  IL  Progctto 
di  di\.'ertire  le  acque  di  Ëiirana 
in  Pô  alla  slellata,  Ferrare,  1770, 
in-fol.  III.  Essai  sur  une  nouvelle 
théorie  du  mouvement  des  eaux,  dans 
la  trad.  ital.  de  V Hydrodynamique 
de  Bossut,  Pavie,  1786.  IV.  Ore 
italiane  del  mezzodi  calcetala 
perla  latitudine  délia  città  di Fer- 
rara,  dal  1780  al  1799.V.  Espcri- 
mento     proposto     per     iscoprire 


ôbN 


537 


realmente  se  la  terra  sia  quicta , 
appure  si  mouva.  M.  Letteracos- 
tabili  sulVaffare  del  Reno  ^  Fer- 
rare ,  i8o5,  in-4-°.  \II.  Nuova 
curva  isocrona  ,  ibid.  ,  1807  ,  in- 
8"  j  elle  avait  déjà  paru  dans  les 
Opuscoli  scientifici  de  Colelti,  en 
1781.  ^III.  JS  atura  délie  radici 
delV cquazioni  letterali  di  quinto  e 
sesto  f;rado^  e  nuovo  metodo  per 
le  radici  prossinie  delV cquazioni 
numeriche  di  qualunque  grado  y 
dans  les  l\Iémoires  de  la  Soc.  ita- 
lienne. IK.  Alcune  j'ijlessioni  cri- 
tiche  sii  i  nuovi  principi  d'idrau- 
lica  di  Bernard  [f^oy.  ce  nom ,  ci- 
dessus,  p.  56).  ibi.i.  X.  Lettera 
del  dottore  Battaglia ,  intorno  al 
problema  del  sign.  Coutard  des 
Clos.  XL  Délia  velocità  delPac- 
qua  per  unforo  di  un  vaso  ,  che 
ahhia  uno  o  piu  diaframmi ,  e  del 
soffio  che  si  procura  nelle  J'hrnaci 
di  alcune  ferriere  col  mezzo  delV 
acqua^  etc.  ,  ibid.  XII.  Esperienze 
in  confutazione  del  si  gnor  Genneté 
intorno  al  corso  de' Jiunii ,  dans  la 
ISuoi'a  Raccolta  d! aulori  d' acque, 
tom.  Xl.  P— XY. 

BOXAYEXTURA  (  Feédé- 
Kic),  célèbre  philosophe  italien,  na- 
quit, en  i555,  à  Ancône,  d'une  fa- 
niille  distinguée.  Son  père  ,  officier 
dans  les  troupes  du  duc  d  Urbin , 
commandait  le  corps  que  ce  prince 
envova  au  secours  de  Malle,  attaquée 
par  les  Turcs ,  et  il  mourut  au  retour 
de  celte  expédition,  en  i565.  Le 
jeune  Frédéric  fut  recueilli  par  le 
cardinal  d'Urbin  ,  l'ami  de  scn  père, 
qui  lui  donna  les  meilleurs  maîtres, 
et  ne  négligea  rien  pour  en  faire 
un  cavalier  accompli.  Admis  plus 
tard  à  la  cour  du  dnc  d'Urbin 
(  François -Marie  )  ,  il  remarqua 
le  goût  de  ce  prince  pour  les  let- 
tres et  la  philosophie,  et  s'empressa 


53« 


BON 


de  renoncer  aux  jeux  et  aux  exer- 
cices de  la  jeunesse,  pour  s'appliquer 
eutièremenl  k  l'étude  des  sciences. 
Doué  d'un  esprit  vif  et  pénétrant, 
il  apprit  seul  les  éléments  de  la  phi- 
losophie, et  acquit,  en  peu  de  temps, 
une  coiinaissance  approfondie  de  la 
langue  grecque.  Les  talents  de  Fré- 
déric accrurent  encore  la  bienveil- 
lance que  lui  portait  son  maître. 
Chargé  de  diverses  missions  près  du 
pape  Grégoire  XIII  et  de  quel- 
ques autres  princes  d'Italie ,  il  s'en 
acquitta  de  manière  k  prouver,  s'il 
en  eût  été  besoin,  que  la  culture  des 
sciences  peut  se  concilier  avec  les 
qualités  de  l'homme  d'élat.  Dans  les 
loisirs  que  lui  laissaient  ses  fonc- 
tions, il  se  retirait  a  la  campigne, 
pour  se  livrer  plus  traaquiliemeut 
k  la  rédaction  des  ouvrages  qu'il  se 
proposait  de  publier  5  mais  son  ser- 
vice k  la  cour  l'obligeait  d'interrom- 
pre ses  travaux,  ou  ne  lui  permettait 
pas  d'y  mettre  la  dernière  main.  Le 
duc  d'Urbin,  ne  voulant  pas  le  con- 
traitidre  davantage  ,  linit  par  lui 
accorder,  avec  une  pension  con- 
sidérable ,  la  permission  de  vivre 
dans  la  retiaite.  Mais  il  ne  jouit  pas 
long -temps  de  cette  faveur.  At- 
taqué d'une  fièvre  violente  ,  il 
succomba  le  quatrième  jour  ,  au 
mois  de  mars  1602.  On  a  de 
lui  ;  l.De  natura  partiîs  octomes- 
tris  ,  adversus  vulgatam  opinio- 
nein ,  Uibin,  1600,  petit  in-fol., 
Francfort,  1612,  même  format^ 
ouvrage  rare  et  plein  d'érudition. 
Les  curieux  recherchent  l'édition 
originale.  L'auteur  se  propose  de 
prouver  qu'un  enfant,  k  huit  mois, 
naît  viable  5  mais  il  entre  dans  des 
digressions  qui  lui  font  souvent  per- 
dre de  vue  son  sujet.  La  plus  intéres- 
sante est  celle  oiî  il  établit  la  légili- 
mité  des  naissances  à  dix  mois.  II. 


BON 

De  hippocratica  anni  partitione. 
—  De  monstris .  —  De  ceslu  ma- 
ris. —  De  ventis.  —  De  calore 
cœli.  — De  via  lactea.  —  De  ca- 
ne  rabido.  —  P arafrasi  di  Te- 
mistio  ,  etc.  Ces  divers  opuscules, 
imprimés  séparément,  ont  été  réunis 
en  un  volume,  Urbin,  1627,  iu-^"- 
Frédéric  avait  eu  le  projet  de  les  re- 
voir et  de  les  corriger  ;  mais  il  en  fut 
empêché  par  un  ordre  du  duc,  qui  le 
chargeait  de  composer  un  traité 
Délia  razione  di  stato,  dont  il  n'a 
paru  que  le  i*"^  livre.  Il  avait  entre- 
pris, avec  Magini,  un  grand  ouvrage 
sur  V astrologie,  resté  manuscrit.  On 
lui  doit  encore  une  bonne  édition  de 
l'ouvrage  de  Ptolémée  :  Apparen- 
tiœ  incessantium  stellarum,  Urbin, 
1692,  iu-;4'^,  et  un  traité  de  météo- 
rologie, intitulé  :  Anemologia,  si- 
ve  de  causis  et  signis  pliiviarum, 
venlorum,  serenitatis  et  tempesta- 
/MW,Venise,  1594,  in-4°,  dans  lequel 
il  a  recueilli  tout  ce  que  les  anciens 
nous  ont  laissé  a  cet  égard.  W — s. 
BOIVAVEXTURE  (le  baron 
Nicolas),  légiste  distingué,  naquit- 
k  Thionville  le  7  oct.  1761.  Des  dis- 
positions heureuses  engagèrent  ses 
parents  k  soigner  sou  éducation.  11  fit 
d'excellentes  études,  d'abord  a  Thion- 
ville ,  ensuite  k  Louvain,  oîi  il  suivit 
les  cours  de  l'université.  Reçu  avocat, 
il  se  lit  en  peu  d'années  une  grande 
réputation.  On  le  nomma,  en  1  784, 
membre  du  conseil  aulique  de  Tour- 
nay  5  et,  trois  années  plus  tard, 
lors  de  la  révolution  du  Brabant,  il 
fut  un  des  plénipotentiaires  envoyés  k 
La  Haye  pour  traiter  de  la  paix  avec 
le  stathouder.  Élu,  en  1797,  député 
du  déparlement  de  la  Dyle  au  conseil 
des  cinq-cenis,  il  y  prit  plusieurs 
fois  la  parole.  Un  arrêté  du  premier 
consul  (6  juillet  1800)  le  nom- 
ma juge  a   la    cour  d'appel  de  la 


BON 

Djie  et  président  du  tribunal  cri- 
minel de  Bruxelles.  Décoré ,  eu 
1804.,  de  la  croix  de  la  Légion- 
d'Honneur,  il  devint,  le  26  avril 
1806,  membre  du  conseil  de  dis- 
cijiline  et  d'enseignement  de  l'é- 
cole de  droit  de  Bruxelles,  fut  pré- 
senté a  1  empereur  ,  le  i  0  févrfer 
181 1,  comuie  député  du  collège 
électoral  de  la  Djle,  et  obtint,  dans 
le  cours  de  la  même  année,  les  titres 
de  baron  et  d'ofHcier  de  la  Légion- 
d'Honneur.  Ajant  pris  sa  retraite 
peu  de  temps  après ,  il  s'élaldit  h 
Yelte^  près  de  Bruxelles,  au  centre 
d'immenses  propriétés  que  lui  avait 
laissées  un  oncle  maternel.  Boua- 
venture  y  fil  d'élégantes  construc- 
tions, bâtit  presque  entièrement 
deux  o-rands  villaiies ,  rassembla 
beaucoup  d'objets  d'arts,  et  se  créa 
une  résidence  qui  rivalisait  avec  la 
maison  royale  de  Lacken.  Il  œcurnt 
en  I  83  1,  laissant  uneforlune  de  quatre 
millions.  Bonaventure  n'a  rien  pu- 
blié. Il  était  dans  sa  jeunesse  le 
premiervioloncellisle  des  Pays-Bas. 
Plusieurs  composileurs  babiles  lui 
ont  dédié  quelques-uns  de  leurs  œu- 
vres. B — N. 

BO^XERF  (Claude- Joseph), 
lillérateur,  né  en  1724.,  à  Chasot , 
bailliage  de  Baume  ,  en  Franche- 
Comté,  était  frère  de  l'avocat  Bon- 
cerf  (/^.  ce  nom,  tom.V),  connu  sur- 
tout par  son  opuscule  sur  les  incon- 
vénients des  droits  féodaux.  11 
embrassa  l'état  ecclésiastique,  et  vint 
à  Paris  dans  l'espoir  de  s'y  placer. 
Ses  talents  l'ayant  fait  connaître  de 
La  Pioclie-Aymon  ,  archevêque  de 
INarbonne,  ce  prélat  l'emmena  dans 
son  diocèse,  et  lui  conféra  la  dignité 
d'archidiacre,  avec  un  cauonicat  de  sa 
cathédrale.  Satisfait  de  sa  position  et 
de  sa  modeste  fortune,  Boucei  f  consa- 
cra ses  loisirs  à  la  culture  des  le  Itres,  et 


BON  539 

publia  quelques  ouvrages  qui  le  firent 
couiiaîlre  avantageusement  (i).  A  la 
révolution  il  se  retira  chez  un  de  ses 
neveux  a  Etampes,  «t  il  y  mourut  le 
2.%  janvier  181 1 ,  dans  un  âge  très- 
avancé.  On  counaît  de  lui  :  I.  Le  Ci- 
toyen zélé.,  ou  la  tolutiondu  problème 
sur  la  njulliplicité  des  académies, 
sujet  proposé  par  l'académie  fran- 
çaise ;  Londres  (Paris),  i  ySy,  in-8°, 
de  5  I  pag.  Persuadé  que  les  académies 
de  province,  en  proposant  des  prix 
d'élo([uen  e  et  de  poésie,  ne  peuvent 
qu'augmenter  le  noinbi  e  des  écrivains 
médiocres,  l'auteur  désirerait  qu'elles 
se  bornassent  a  encourager  les  scien- 
ces et  les  arts  utiles.  II.  Le  vrai  phi- 
losophe,  ou  l'usage  delà  philosophie 
relativement  a  la  société  civile  ,  a  la 
vérité  et  a  la  vertu  ;  avec  l'iiistoire, 
l'expositiou  exacte  et  la  réfutation  du 
pyrrhonisme  ancien  et  moderne  5 
Paris,  1762,  in-i2  de  4-"  8  pages, 
ouvrage  rempli  d'excellentes  \ues  , 
mais  quine  sont  pas  présentées  d  une 
manière  assez  piquante.  Il  a  re- 
paru sous  le  titre  de  Système  philo- 
sophique; \h\A.  ,  1767,  in-i2.  ill. 
La  poétique  ou  épître  à  un  poète 
sur  la  poésie;  ibid.,  in- 8°.  On  trouve 
deux  petites  pièces  de  l'abbé  Boncerf 
dans  {'Encyclopédie  de  Guignes , 
tome  XIII  et  XIV.  W— s. 

BOA'DI  (Clément)  ,  poète  ita- 
lien ,  naquit,  en  1742,  â  Mezzano 
Superiore ,  territoire  de  Parme,  et 
non  dans  le  Manlouan  ,  comme  le 
disent  quelques  biographes.  Après 
avoir  fait  ses  études  a  Parme,  il  en- 
tra dans  la  compagnie  de  Jésus,  et 
devint  professeur  de  belles -lettres. 
L'ordre  des  jésuites  ayant  été  sup- 
primé ,  Bondi  exhala  ses  plaintes  dans 


(i)  Je  n'ai  donc  pour  toute  opuleuce 
Qu'à  bieu  r'U'er  on  peu   d'aisance. 
Le  poète  reconnaissant. 


54o 


BON 


lin  canzone  qui  commence  ainsi  : 
Tirsi ,  7111  sproni  in  vano  ,  Luc- 
qnes  ,  1778,  La  cour  d'Espagne  , 
qui  avait  été  une  des  provocalri- 
ces  de  la  bulle  de  suppression , 
se  croyant  désignée  par  des  allu- 
sions offcufantes  ,  suscita  ([uelques 
difficultés  au  jeune  poète  qui ,  pour 
échapper  aux  ressenliments  de  celle 
])uissaHce,  alla  cberclier  un  icfuge 
dans  le  Tyrol  auiiicliien.  Le  temps 
qui  calme  beaucoup  de  choses  calma 
aussi  cet  orage,  el  Bondi ,  un  peu 
rassuré,  se  rapprocha  de  sa  patrie 
en  venant  habiter  Venise,  où  il  vécut 
tranquille  sons  la  protection  de  l'a- 
rislocralie  de  celte  république.  Il 
quitta  ensuite  Venise  pour  Manloue 
sur  i'invilalion  de  la  famille  Zanardi , 
qui  le  fit  son  bibliothécaire,  et  dont  la 
maison  était  le  rendez-vous  des  litté- 
rateurs et  des  savants.  La  position 
de  Boudi  au  milieu  de  ces  hommes, 
dont  beaucoup  avaient  appartenu  à 
la  société  de  Saint-Jgu;ice  (les  Aii- 
drès,  les  Carli,  les  Vitlori,  les  Bet- 
tinelli,  etc.),  lui  donna  Tidée  d'une 
espèce  d'académie  où  des  person- 
nes spirituelles  et  polies  se  réunirent 
pour  couversersur  des  sujets  à  la  fois 
agréables  et  inslrnctifs,  tenant  sur- 
tout à  la  littérature.  Ces  réunions  a 
leur  tour  lui  inspirèrent  le  poème 
par  lequel  il  est  le  plus  connu  en 
Fiance  ,  le  Conversazioni.  Il  ve- 
nait de  le  publier  (1783),  lorsque 
le  bnilli  Valenlini  l'invita  à  se  rendre 
k  Milan  ,  où  il  l'introduisil  dans  les 
cercles  les  plus  élevés.  Boudi  s'y  fit 
goûter  de  l'archiduc  Ferdinand , 
gouverneur  de  la  Lombardie,  el  sur- 
tout de  sa  femme  Béatrix  d'Esté ,  par 
ses  manières  insinuantes  et  polies, 
par  ses  saillies  spirituelles,  enfin 
par  sa  promptitude  h  improviser  des 
poésies  de  circonstance  pour  cette 
cour  alors  très-brillante.  C'est  laque 


BON 

le  trouva  l'année  1796,  si  rcmar- 
([uable  par  les  rapides  succès  des 
armes  françaises  en  Italie.  Bondi 
se  voyant ,  par  la  retraite  de  l'archi- 
duc, privé  de  tous  les  avantages  dont 
il  avait  joui  jusqu'alors,  se  rendit  en 
1797  a  Brunn,  où  son  protecteur,  qui 
l'avait  invité  h  venir  pai  les  lettres  les 
plus  pressantes,  lui  confia  la  conser- 
vation de  sa  bibliothèque  archidu- 
cale,  mais  non,  comme  ou  l'a  dit,  l'é- 
ducation de  ses  fils  et  de  la  prin- 
cesse Marie-Louise.  Toutefois  ses 
conseils  eurent  de  l'influence  sur  la 
sage  direction  donnée  à  cette  éduca,- 
tion  par  Draghelti  (  Voy.  ce  nom, 
au  Snppl.),  qui  en  était  chargé.  La 
princesse  surtout  le  voyait  avec  au- 
tant d'affection  que  d'estime ,  et 
lorsqu'elle  devint  impératrice,  il 
fut  fixé  pi  es  d'elle  ,  par  le  titre  de 
maître  de  littérature  cl  d'histoire. 
La  mort  de  cette  protectrice,  en 
18  16,  ne  précéda  !a  sienne  que  de  peu 
d'années  :  il  comptait  alors  soixante- 
quatorze  ans,  et  il  y  en  avait  près 
de  vingt  qu'il  habitait  Vienne.  Il 
expira  le  2.1  juin  1821,  et  fut 
enterré  dans  la  même  église  que 
Métastase,  avec  lequelil  eut  plus  d'une 
ressemblance.  C'était  ,  de  part  et 
d'autre,  même  aménité  de  caractère, 
même  sensibilité  ,  même  mélodie 
suave  et  tendre ,  el  aussi  même  fa- 
cilité a  trouver  de  belles  rimes  ,  en- 
fin même  habileté  de  versification. 
Cependant  Métastase  l'emporte  de 
beaucoup  en  souplesse,  et  surtout 
il  a  plus  de  coloris  poétique,  plus  de 
grâce  ;  en  revanche  Bondi  a  quelque 
chose  de  plus  précis ,  et ,  s'il  faut  le 
dire,  il  est  plus  vrai,  ou  si  l'on  veut 
plus  réel;  il  sent  le  salou  ,  la  ga- 
zette, tandis  que  dans  Métastase  il 
y  a  encore  de  la  naïveté,  du  par- 
fum, de  l'air  frais  de  la  campagne. 
Ces  remarques  wr  Bondi  ne  s'appli- 


queflt  qu'à  celles  de  ses  poésies   où 
il  a  été  original.  Dans  ses  tradiicliuiis 
il  se   plie  avec  assez  de  facilité   au 
caractère   des    morceaux    qu'il   faut 
rendre,  et  il  ne  manque  ni  d'énergie, 
ui  de  coloris ,  ni  même  de  grâce    et 
d'élégance ,    quoique   eu  général  la 
fidélité    avec    laquelle    il   calque    le 
texte    semble    uu    peu    exclure    ces 
dernières    qualités.    Bondi    a   publié 
1°  les  Bucoliques  et  les   Géorgi- 
(]ues  de  \irgile^   traduites  eu  vers 
italiens,    Parme,    1790;    2"   \'E- 
iwide ,  Parme,  1797,  *  vol.  iu-8°, 
et   Milau  ,    1804.  ;    5°    les   31eta- 
morphosc'S  d'Ovide  ,    Parme  ,   Bo- 
doni,    -j.    vol.    in-8°5    4.°    plusieurs 
réi;n pressions  de  VAthalie  de  Ra- 
cine.   La    traduction    des    Géorgi- 
(jues  est  considérée  comme  son  chef- 
d'œuvre  j  celle  de  ï Enéide   est  re- 
gardée par   les  Italiens  comme  plus 
littérale  ,  plus  fidèle  que  celle  d'An- 
uibal  Caro  et  plus  encore  que  celles 
d'Alfiéri,    de   Grassi,de    Solari,de 
Lloui  et  d'Arici.  La  version  poétique 
des      Métamorphoses     fit     oublier 
celle  de  TAnguillara  (i).  On  peut  lire 
dans  le  Courrier  des  Muses  et  des 
Grâces.,  rédigé  en  français  a  Alilan , 
année     i8o4-,     un    parallèle    entre 
les  traductions  de  l'Enéide  par  Caro , 
par  Bondi  et  par  Delillc  ,  dans  lequel 
il  est   dit  que  Bondi  l'emporte    sur 
ses   rivaux   par   la   majesté    épique , 
surtout   dans  le  quatrième  livre  ,  où 
nous  pensons  cependant  qu'il  fallait 
au    poète  plus    de    sentiment    et    de 
flexibilité    que    de    majesté    épique. 
Déjà  rival  du  dernier  de  ces  poêles 
par  ses  traductions,  Bondi  se  trouve 
encore   rapproché    de    lui    par    une 

(i)  M.  Gamba  de  Veiiisc  a  porié  sur  lc<i  tra- 
ductions da  liondi  uu  jugeinout  bien  diflorent. 
Sciou  ce  ti'itiqup,  ijui  (c  Bondi  ne  lit  j.ii-s  yii- 
gile.  Quant  à  ia  îiaductiuii  des  Iilélumorphoses  , 
c'est  ceUe  de  l'Anguiltara  (jui  fail  partie  des 
Ctassiei  ttaliuni.  \V — s. 


BON 


5/1 1 


œun-e  originale  les  Cercles  (en 
italien  le  Coiiversazioni).  Publié 
en  1783k  Venise,  ce  poème  a  précédé 
de  trente  ans  la  Conversatonàç  De- 
lille  qui  eu  a  imité  le  plan  ,  le  style, 
les  détails,  clqui,  malgré  sou  immense 
talent  et  s:i brillante  versification,  n'a 
peut-être  pas  surpassé  Bondi  (2). 
Mais  depuis  sa  mort ,  il  faut  convenir 
que  Bondi  a  beaucoup  perdu  de  sa  ré- 
putation en  Italie.  :  on  le  juge  même 
trop  sévèrement  aujourd'hui  en  lui  re- 
fusant toute  imagination.  Parmi  ses 
autres  ouvrages  principaux,  nous  cite- 
rons :  I.  Petits  poèmes ,  etc.  (Poe- 
melli  e  varie  rime),  Venise,  1780, 
1799,  in-8''  (c'est  la  que  se  trouvent 
son  Asinata  ou  Eloge  des  dues,  qui 
fut  sa  piemière  pièce,  et  le  fameux 
canzone  Tirsi ,  mi  sproni  in  vano  , 
qui  lui  attira  l'animadversion  du  gou- 
vernement espagnol).  II.  Poésies  y 
Nice,  1793,  z  vol.  in-i2.  III.  La 
Journée  champêtre^  1793,  tableau 
délicieux  qui  a  de  l'analogie  avec 
ï Homme  des  champs  de  L't  lille,  et 
qui  n'a  de  commun  que  le  nom  avec 
un  ouvrage  de  Parny.  IV.  Six 
Cantates  ,  Parme  ,  Bodoni ,  1794? 
grand  in-8".  V.  Le  Mariage^ 
ibid.  ,  Bodoni,  1794-,  gr-  in-8° 
(ce  sont  douze  sonnets  moraux). 
VI.  Le  Bonheur,  poème  eu  deux 
clianls,  Milan,  1797,  in-8".  VIL 
Poésies  diverses  ,  Pise,  et  dans  le 
Parnasse  italien  de  1806.  VIII. 
Deux  ii'/f'g'to-,  Denise,  1816.  IX. 
Sentences  ,  Proverbes  ,  Epigram- 
mes  et  Apologues  ,  Vienne,  i8i4  J 
Milan  ,  1817.  ■"^'^  plupart  de  ces 
morceaux  et  d'autres  encore  ont  été 
réunis  dans  une  édition  de  Venise , 
1798,    1801,    7    vol.    in-8".    Ses 


{>)  Pln^leurs  ci'iùque';  ont  nitme  nils  le  poète 
itaUea  .:;i-des5US  de  s-on  rival  ,  ce  qui  est  ccr- 
taiiieuicut  uue  cxogéralion'  ^  l'esprit  natio- 
nal. M — B  J. 


542 


BON 


œuvres  complètes  sous  le  litre  de 
Poésie  .  ont  été  publiées  k  Vienne, 
1808  ,  3  vol.  petit  iu-4-",  édition  de 
luxe,  revue  par  l'auteur,  et  dédiée  a 
l'archiduchesse  Marie- Béalrix  d'Esté. 
G — G — Y. 

BO\DIOLI_(Pierre-Antoine), 
médecin  et  physicien  distingué,  né  en 
1 765  ,  a  Corfou  ,  montra  dès  sa  plus 
tendre  enfance  une  vive  passion  pour 
les  lettres.  Uu  jour  il  disparut,  et 
ses  parents ,  après  l'avoir  cherché 
de  tous  côtés,  le  découvrirent  dans 
la  bibliothèque  d'un  couvent,  k  une 
assez  grande  dislance.  Ayant  reçu 
quelques  leçons  de  littérature  du  seul 
homme  vraiment  instnàl  qu'il  y  eût 
alors  dans  l'île, Bondioli  communiqua 
son  enthousiasme  pour  la  poésie  ita- 
lienne a  ses  camarades  et  les  réunit  en 
une  espèce  d'académie.  Envoyé  plus 
tard  k  l'université  de  Padoue  ,  il  fit 
des  progrès  si  rapides  dansles  sciences, 
qu'avant  d'avoir  achevé  ses  cours  ,  il 
fut  admis  a  lire  a  l'académie  trois 
mémoires  :  l'un  sur  l'usage  des  fric- 
tions en  médecine  5  le  second  sur 
l'électricilé  considérée  comme  moyen 
curalifdans  certaines  muladies  ;  elle 
troisième,  sur  le  sou  .  dont  le  jeune 
auleur  expose  une  théorie  nouvelle, 
fondée  sur  la  structure  du  cerveau  :  il 
reçut  le  laurier  doctoral  en  i  789.  Le 
mémoire  qu'il  lut,  le  i  5  décembre  de 
l'année  suivante,  k  l'académie,  sur 
les  causes  de  l'aurore  boréale  ,  lui 
mérita  les  éloges  de  deux  célèbres 
physiciens,  Toaido  et  Alex.  Voila. 
Celui-ci  le  fit  imprimer,  avec  des  notes 
dans  le  tume  l"^""  du  Giornale  Jisi- 
co-niedico  de  Brugnatelli.  Plusieurs 
années  après,  Bondioli  revint  sur 
ce  sujet  intéressant  ;  et  dans  un  mé- 
moire sur  les  aurores  boréales  locales, 
que  la  Société  italienne  Et  insérer,  en 
1801,  dans  le  tome  IX  de  ses  Actes,  il 
prouve  queMairan  s'est  trompé, en  an- 


BON 

nonçant  que  ce  brillant  phe'nomène  ne 
peut  avoir  lieu  que  dans  les  climats 
voisins  du  pôle.  Mais  c'^est  la  seule  fois 
que  Bondioli  se  soit  écarlé  de  ses 
études  médicales.  Joignant  constam- 
ment la  pratique  a  la  théorie^  il  avait 
acquis  ce  coup  d'œil  rapide  qui  dis- 
tingue de  l'empirique  levérilable  mé- 
decin ;  il  jugeait  sur-le-champ  la 
maladie  et  les  remèdes  qu'il  convenait 
d'employer.  Il  était  établi  depuis 
quelque  temps  a  Venise  .  lorsque  le 
gouverneur  de  Montana,  dansTlstrie, 
l'appela  pour  soigner  une  maladie 
épidémique  dont  lui-même  était  at- 
taqué. Le  succès  du  jeune  médecin 
fut  complet  ;  mais  la  jalousie  de  ses 
confrères  l'empêcha  d''en  tirer  parti 
pour  augmenter  sa  clieulelle.  Ayant 
accompagné  le  Baile  de  Venise  a 
Conslaulinople,  il  y  trouva  de  fré- 
quentes occasions  d'exercer  ses  talentsj 
mais  informé  que  les  Français  s'étaient 
emparés  de  Corfou  ,  il  se  hâta  de 
revenir  dans  sa  patrie ,  séduit  par 
l'espérance  de  contribuer  k  l'affran- 
chissement de  ses  compatriotes.  Son 
espoir  ayant  été  déçu  ,  Bondioli  par- 
tagea le  sort  des  Français,  et  vint  a 
Paris  où  il  recul  «n  accueil  honora- 
ble. Attaché,  depuis  la  bataille  de 
Marengo,  al'armée  d'Italie  en  qualité 
de  médecin  militaire,  il  fut  en  i8o3 
nommé  professeur  de  matière  médi- 
cale à  l'université  de  Bologne.  Il  prit 
possession  de  celle  chaire  le  29  no- 
vembre ,  par  un  discours  très-remar- 
quable sur  les  movens  de  constater 
la  qualité  des  médicaments.  Le  talent 
qu'il  déploya  comme  professeur  lui 
concilia  tous  les  suffrages.  Elu,  peu  de 
temps  après,  l'un  des  quarante  de  la 
société  italienne  des  sciences,  il  fut 
ensuite  décoré  de  l'ordre  de  la  Cou- 
ronne de  fer.  A  la  réorganisation  de 
l'université  de  Padoue  ,  en  i8u6  ,  il 
fut   nommé  professeur  de  clinique. 


BON 

Pendant  les  deux  années  qu'il  remplit 
cette  cliarge,  il  traita  conplètement 
des  fièvres  et  des  inflammations,  s'ap- 
puyant  des  observations  qu'il  avait  re- 
cueillies dans  les  hôpitaux,  et  signalant 
les  erreurs  que  sa  propre  expérience 
lui  avait  fait  reconnaître  dans  la  pra- 
tique de  ses  devanciers.  S'étant  rendu 
vers  la  fin  d'avril  1808  a  Bologne, 
pour  prendre  part  aux  travaux  du 
collège  des  Dolti,  il  fut  attaqué 
d'une  maladie  inflammatoire  dont  il 
prédit  sur  le-champ  la  funeste  i^sue. 
Il  s'empressa  de  mettre  ordre  a  ses  af- 
faires ,  et  mourut  le  16  septembre  a 
4.5  ans.  L'abbé  Scbiassi  décora  sa 
tombe  d'une  belle  épitaphe,  insérée 
dans  les  Mém.  délia  socisld  ilal. , 
XV  ,  à  la  suite  de  son  Elo^e  par 
Mario  Pieri^J  Boudioli  chargea  son 
exécuteur  testamentaire  de  jeter  au 
feu  tous  ses  manuscrits,  persuadé, 
comme  il  le  disait,  que  celui  qui 
laisse  un  manuscrit  ne  laisse  que  la 
moitié  de  son  ouvrage,  et  cet  ordre 
fut  rigoureusement  exécuté.  Outre  les 
mémoires  déjà  cités  ,  on  a  de  cet  ha- 
bile médecin  deux  opuscules  anato- 
miques  :  Sulle  vaginali  del  ttsti- 
colo  ,  Vicence  ,  1789,  et  Fadoue  , 
1790,  in  8°.  Dans  le  recueil  de  la  so- 
ciété italirnne  :  Ricerche  sopra  le 
forme  particolari  délie  nialattie 
universali^  et  IMemoriadell'  azione 
irrltativa.  Parmi  ses  manuscrits  se 
trouvaient  un  traité  des  maladies 
contagieuses  ;  un  des  maladies  in- 
Jlamtnaloires  ;  un  mémoire  sur  la 
nature  de  Vair  et  les  maladies 
dominantes  dans  l'Istrie  ,•  un  autre 
sur  la  distension  organique,  etc. 
W— s. 
BOXELLI  (Feakçois-André), 
naturaliste,  né  en  1784-,  a  Cuueo 
ea  Piémont  ,  n  anifesta  pour  l'histoire 
naturelle ,  dès  sa  jeuu'^^se  et  pendant 
le  cours  de  ses  humanités,  uu  gpÇit 


BON 


543. 


décidé  que  l'âge  et  son  ardeur  pour 
la  chasse  ue  firent  qu'augmenter. 
Ou  raconte  qu'un  jour,  ayant  vu 
dans  les  environs  de  Turin  un  pa- 
pillon d'une  espèce  rare,  il  le  pour- 
suivit jusqu'à  Pignerol  où  enfin  il 
l'atteignit,  après  avoir  parcouru  huit 
lieues  de.  France.  A  l'âge  de  vingt 
ans,  il  avait  dé)k  formé  une  colleclion 
précieuse  de  quadrupèdes  ,  d  oiseaux 
et  d'insectes  indigènes.  Des  voyages 
pénibles  qu'il  fit  aux  Alpes  et  dans 
les  Apennins  le  fortifièient  de  plus 
en  plus  dans  toutes  les  pailies  de 
la  zoologie.  Après  la  mort  du  pro- 
fesseur Giorna  ,  en  1809,  Bonelli, 
déjà  membre  de  la  société  d'agricul- 
ture de  Turin,  lui  succéda  à  l'aca- 
démie des  sciences  de  cette  ville  ,  et 
dans  la  chaiie  d'histoire  naturelle 
que  le  gouvern  ment  français  avait 
fondée  à  l'université.  En  i  8  1  0  ,  il  en- 
treprit un  voyage  pédestre  de  Turin 
à  Paris  ,  afiu  de  connaître  l'-s  insectes 
et  les  productions  du  sol  français. 
Arrivé  dans  la  capitale ,  où  il  resta 
plui  d'une  année,  il  visita  les  établis- 
sements publics,  surtout  le  jardin  des 
plantes  ,  et  se  mit  en  relation  avec  les 
Cuvier,  les  Geoffroy,  les  Duméril  et 
aulres  savants.  De  retour  à  Turia  , 
il  fut  nommé  directeur  du  musée 
d'histoire  naturelle  dont  Napoléon 
avait  doté  cette  ville,  et  il  contribua 
beaucoup  à  l'enrichir  et  à  le  mettre 
en  ordre.  Il  y  disposa  les  objets 
d'ornithologie  d'après  le  ^ystème  de 
M.  Blaiuville  ,  qu'il  regardait  comme 
le  plus  clair  et  le  plus  méthodique. 
Malgré  un  défaut  de  conformation 
daus  les  jambes ,  qui  lui  rendait  la 
jnarche  pénible  ,  Bonelli  entreprit 
encore  plusieurs  voyages  sur  les 
Alpes  et  les  Apennins  ,  en  Sardaigne 
et  eu  Angleterre.  Etant  venu  à  Pa- 
ris, en  1822,  il  pria  M.  Geoffroy- 
Saiût-Hilaire  de  le  mettre  en  rap- 


544 


BON 


port  avec  le  colonel  Coulelle,  qui 
avait  monté  dans  le  ballon  de  Fleu- 
rus ,  en  179^,  pour  observer  les 
mouvements  de  l'ennemi.  Boiielli 
prétendait  avoir  trouvé  un  moyen 
sur  de  diriger  les  aérostats  ;  et,  crai- 
gnant d'être  prévenu  dans  celte  décou- 
verte ,  il  voulait  passer  a  Londres 
pour  y  prendre  un  brevet  d'inven- 
tion. Les  travaux  excessifs  auxquels 
il  se  livrait  abrégèrent  sa  vie  :  il 
mourut  k  Turin,  le  18  nov.  i83o. 
Outre  un  Spécimen  Faunœ  subal- 
piiiœ^  publié  eu  1807,  et  relatif  à 
tous  les  insectes  indigènes  qui  sont 
utiles  ou  nuisibles  a  l'agriculture, 
on  a  de  Bonelli  plusieurs  mémoires 
insérés  dans  le  recueil  de  l'acadé- 
mie des  sciences  de  Turin.  ÎNous 
citerons  ,  entre  autres  ,  ses  Obser- 
vations entomologiques  sur  les 
scarabées ,  oîi  il  signale  de  nouveaux 
genres  et  de  nouvelles  espèces  j  ses 
mémoires  d'ornitbologie  ,  sur  le 
passage  périodique  de  certains 
oiseaux  en  Italie,  qui  contien- 
nent aussi  des  observations  neuves 
et  intéressantes.  On  lui  doit  une 
description  fort  exacte  de  \hippo- 
potame,  et  une  autre  du  trachite- 
rum  cristatum,  poisson  qu'il  avait 
découvert  sur  les  bords  de  la  mer 
ligurienne.  Peu  de  temps  avant  sa 
mort  ,  il  se  proposait  de  publier  la 
Conchyliologie  fossile  d'Italie  , 
avec  des  notes  sur  celle  de  Brocchi 
(imprimée  en  i8i-4).  Les  natura- 
listes ont  donné  le  nom  de  Bonelli  a 
plusieurs  variétés  de  plantes  et  d'in- 

scclcs.  ^ — ^ — ^'* 

BONGUYOD  (  Marc-Fran- 
coîs),  conventionnel,  né,  en  1751,  à 
liloirans,  près  de  Saint-Claude,  se 
fit  recevoir  avocat  au  parlement  de 
Besancon  ,  revint  dans  sa  famille  et 
mérita  Teslime  de  ses  compatriotes, 
par  son  zèle  et  sou  intégrité  dans 


BON 

l'exercice  de  différentes  cliarges  mu- 
nicipales. A  l'époque  de  la  révolution, 
il  fut  élu  membre  de  l'administra- 
tion centrale  du  département  du 
Jura  j  et,  en  1792  ,  député  "a  la 
Convention.  Dans  le  procès  de 
Louis  XVI  ,  il  vota  pour  l'ajipel 
au  peuple.  Sur  la  question  de  la 
peine  a  infliger,  il  s'exprima  de 
la  manière  suivante  :  «  Pressé  par 
«  ma  conscience  ,  j'ai  reconnu  Louis 
«  coupable  de  baute  trahison.  On  me 
«  demande  mon  opinion  sur  la  peine, 
K  je  crois  que  c'est  la  mort  ;  mais 
«  l'intérêt  de  ma  patrie  me  fait  pen- 
ce ser  qu  il  vaut  mieux  qu'il  reste  en 
«  détention,  parce  qu'elle  peut  bà- 
«  ter  la  paix.  IN'est-il  pas  temps  que 
K  le  sang  français  cesse  de  couler  ? 
«  Je  demande  donc  la  déteùtion  a 
a  perpétuité,  sauf  h  ordonner  la  dé- 
«  portation  ,  si  les  circonstances  le 
ce  permettent.  î3  II  se  prononça  en- 
suite pour  le  sursis.  Dès-lors,  Bon- 
guvod  s'abstint,  jusqu'après  la  chute 
de  Robespierre,  de  prendre  part 
aux  discussions  qui  s'élevèrent  dans 
l'assemblée.  Lorsqu'il  reparut  à  la 
tribune,  ce  fut  pour  solliciter  des 
mesures  en  faveur  du  commerce  et 
de  l'agriculture  ,  qu'il  nomme  la  pre- 
mière de  toutes  les  industries.  Sa 
proposition  fut  renvoyée  aux  comités, 
et  l'impression  en  fut  ordonnée.  Il 
présenta,  quelques  mois  après,  des 
vues  qu'il  jugeait  propres  a.  faire 
cesseriez  procès  auxquels  donnait  lieu 
le  prétexte  de  lésion  sur  le  prix  des 
biens  fonds.  Demandant  la  révision  de 
différentes  lois,  rendues  trop  préci- 
cipitauiraent ,  il  déclara  qu'il  trouvait 
que  le  divorce  s'accordait  avec  trop 
de  facilité  -,  il  blâma  la  loi  qui  fixait  la 
majorité  k  vingt  un  ans,  et,  en  ap- 
prouvant l'égalité  de  parta-ge  entre 
les  frères,  il  demanda  qu'il  tut  permis 
aux  pères  et  mères  de  disposer  d'un 


BON 

sixième  de  leur  forUine.  A  la  fin  de 
la  session,  Konguyod  rclonrna  dans 
]e  sein  de  ^a  famille,  et  reprit  son 
clal  de  jurisconsulte.  Après  le  18 
brumaire,  il  fut  nommé  membre  du 
conseil  général  de  son  département. 
Allacbé  par  touvicliou  a  la  républi- 
que ,  il  ne  put  voir  sans  nne  douleur 
profonde  Tavènemeut  de  Bonapar- 
te à  l'empire.  Dès-lors  ,  il  montra, 
dans  sa  conduite  et  dans  ses  discours, 
des  marques  d'aliénation  mentale. Le 
28  octobre  i8o5,  son  corps  fut 
trouvé  dans  une  marre ,  près  de 
Moirans,  sans  qu'on  ait  pu  découvrir 
si  sa  mort  avait  été  l'effet  d'un  acci- 
dent ou  de  sa  volonté.         W — s. 

BONI  (LE  P.  lilAL-Ro),  archéolo- 
gue et  bibliographe  distingué,  naquit 
a  Gènes,  le  3  novembre  174.6  (i),  de 
parents  honnêles,  nais  peu  favorisés 
de  la  fortune.  Il  commença  ses  étu- 
des a  Crémone  sons  les  jésuites  ,  qui 
lui  ayant  reconnu  des  dispositions 
ne  négligèrent  rien  pour  le  gagner 
à  la  société.  Envoyé  par  ses  supé- 
rieurs k  Rome,  en  1765,  pour  y 
prononcer  ses  vœux,  il  v  fit  son 
cours  de  théologie  hrunivcrsité  de  la 
Sapience  ,  et  s'appliqua  dans  le  même 
temps  à  l'étude  de  l'bistoire  ecclé- 
siastique et  a  celle  des  grands  écri- 
vains de  l'antiquité.  Ses  progrès  fu- 
rent si  rapides,  qu'on  ne  crut  pas 
pouvoir  laisser  plus  long-lemps  parmi 
les  élèves  un  jeune  homme  qui  se 
montrait  l'égal  de  ses  maîtres  ;  et  en 
attendant  qu'il  eût  l'âge  nécessaire 
pour  recevoir  les  ordres  sacrés,  on 
1  cn\"o\a  professer  la  rhétorique  dans 

(i)  Suivant  la  Bingrafia  ilalinna  ,  lîoni  f'st  né 
en  1744  à  Mozzanica,  dans  le  Crémonais.  Mais 
)e  P.  C^iballeri),  dans  le  -Suppl.  ad  liibliolh.  societ. 
Jes'i,p.  io3,  le  fait  naitre  à  Gènes  en  1746;  et 
nous  avons  prefiré  suivre  son  sentiment, 
parce  <iu'il  devait  être  mieux  instruit  de  foules 
cp>;  ]iavticularitc5,  ayant  eu  à  sa  disposition  les 
registres  de  la  société,  et  tous  les  documents  of- 
ficiels. 


BON  545 

uu  collège  d'Allemagne.  Il  ne  farda 
pas  à  revenir  en  Itaîie.  Vers  1772, 
il  se  rendit  a  Ragusc  ,  pour  y  classer 
le  beau  rausi'e  du  comte  Dura7;zo.  A 
la  suppression  de  la  société,  il  se  re- 
tira dans  sa  famille  a  Mozzanica, 
dans  le  Crémonais,  el.peu  de  temps 
après  il  obtint  la  collation  d'une 
chapelle  dont  les  revenus  suffisaient 
k  peine  k  son  modeste  entretien. 
Conîcnt  de  son  sort  ,  il  ne  son- 
geait point  k  quitter  la  retraite  que 
la  Providence  lui  avait  procurée  j  mais 
ses  talents  ne  pouvaient  le  laisser 
long-lemps  inconnu.  Nommé  par 
l'évèque  de  Crémone  professeur  de 
littérature  dans  son  séminaire,  il  fut 
élu,  k  la  mort  de  ce  prélat,  vice-rec- 
teur du  collège  de  Kergame.  Pen- 
dant son  séjour  dans  celte  ville  , 
il  entretint  une  correspondance  lit- 
téraire avec  quelques  -  uns  de  ses 
anciens  confrères,  Lanzi,  Morcelli, 
Tiraboschi ,  Andrès,  etc.,  qui  lui 
soumettaient  leurs  ouvrages  ou  le 
consultaient  sur  différents  pointa  d'é- 
rudition. De  Bergame  il  vint  k 
Venise  occuper  la  place  de  précep- 
teur des  enfants  du  prince  Giusli- 
mani,  digne  d'apprécier  un  homme 
d'un  si  rare  mérite.  Sans  négliger  ses 
devoirs ,  il  put  alors  se  livrer  k  son 
goût  pour  les  recherches  de  l'anti- 
quilé:  et  ,  dans  ses  loisirs,  il  forma 
des  recueils  précieux  de  monuments 
relatifs  k  l'histoire  de  Venise.  Les 
éyènementsde  iBi^le  décidèrent  k 
quitter  sa  nouvelle  patrie.  Cédant  aux 
instances  de  quelques  -  uns  de  ses  au- 
ciens  confrères  ,  il  reprit  Thabit  de 
Saint-Ignace,  et  vint  occuper,  au 
collège  de  Reggio ,  les  doubles  fonc- 
tions de  bibliolhécaire  et  de  maître 
des  novices.  Il  y  mourut  le  4-  janvier 
1817.  Boni  fut  l'un  des  principaux 
coopéraleurs  de  Tédiiion  itolienne  du 
Dictionnaire  des  hommes  illustres 


LVIII. 


35 


546 


BON 


de  (lom  Chaudon  (  Vojr.  ce  nom,  au 
Suppl.) ,  imprimé  à  Bassano.  Il  le 
revit,  le  corrigea  et  l'eDricliit  d'une 
foule  d'articles  remarquables  par 
l'étendue  et  l'exactitude  des  reclier- 
ches.  C'est  à  lui  que  l'on  est  redeva- 
ble de  l'édition  des  OEuvres  lat.  et 
ital.  du  P-  Jul. -César  Cordara,  Ve- 
nise,  i8o5,  4  vol.  in-4°,avec  une 
préface  et  plusieurs  dissertations 
{P  oy.  Cordara,  tom.  IX),  et  de 
celle  des  OEuvres  de  Métastase, 
Padoue,  1811,  précédée  de  l'éloge 
de  l'auteur.  11  a  traduit  en  italien 
l'ouvrage  de  Laharpe  :  Dufanatisme 
dans  la  langue  révolutionnaire. 
Enfin  ,  on  a  de  lui  :  I.  Sulla  piitura 
di  un  goiifidone  délia  Jraternità 
di S .  Mariadi  Castello,  esu  dial- 
tre  opere^fatte  nelFriuli,  da  Gio- 
vanidi  Udine.  Venise,  1790,10-8° 
{P'oy.  Jean  d'UniNE,  tom.  XLYU). 
II.  Degli  autori  classici  sacri, 
profani,  greci  e  latinl,  hiblio- 
theca  portatile,\bià.,  ijg^,  2  vol. 
in-8°.  C'est  une  traductioa  de  l'ou- 
vrage d'Edw.  Harwood  (f^.  ce  nom, 
tom.  XIX) ,  augmentée  d'un  grand 
nombre  d'articles  par  MauroBoni  et 
par  son  savant  collaborateur  ,  M. 
Barthél.  Gamba.  A  la  fin  du  second 
volume  ,  on  trouve  un  opuscule  de 
Boni  :  Quadro  critico  tipogra- 
Jico.  C'est  un  catalogue  raisonné 
des  principaux  ouvrages  publiés  jus- 
qu'à cette  époque  sur  l'histoire  lit- 
téraire, la  biographie  et  l'imprime- 
rie ,  suivi  de  diverses  opinions  sur 
l'origine  de  l'imprimerie  et  l'intro- 
duction de  cet  art  eu  Italie.  Suivant 
Boni,  Jean  de  Spire  ne  serait  pas, 
comme  on  le  croit  communément ,  le 
premier  imprimeur  de  Venise  :  mais 
il  a  été  réfuté  solidement  par  Mich. 
Denis,  dans  une  dissertation  intitu- 
lée :  Suffragiujii  pro  Johanne  de 
Spira  {Koj,  Denis,  tora.  XI).  III. 


BON 

Lettere  su  i  primi  libri  a  stampa  di 
alcune  città  e  terre  delV  îtalia 
superiore,  ibid.,  i794,grand  in-4.°. 
On  trouve  dans  ces  lettres  la  notice 
de  plusieurs  éditions  de  Gènes ,  de 
Milan  et  d'autres  villes  de  la  Lom- 
bardie  ,  inconnues  jusqu'alors  aux 
bibliographes.  IV.  Séries  monetce 
romance  universœ  ;  niusœo  ordi- 
nando  ad  Morelli ,  P  aillantii  et 
Eckhelii  doctrinam,  ibid.  ,  1801  , 
in- 8°.  Boni  s'est  associé  pour  cet 
ouvrage  J.-J.  Pedrotti.  Il  en  pro- 
mettait une  suite  qui  n'a  point  encore 
paru.  V.  Notizia  duna  casset- 
tina  geografica ,  opéra  di  coni- 
messo  d'oro  e  dargento  ,  etc.,  ib., 
1808,  in-8°.  Ce  meuble  précieux 
avait  été  l'objet  d'une  savante  disser- 
tation de  Dau.  Francesconi,  Boni 
s'attache  a  réfuter  l'explication  qu'en 
avait  donnée  ce  prof^esseur.  VI.  Une 
Lettre  à  Lanzi  sur  quelques  pein- 
tures antiques  (de  Tomazo  de  Mo- 
dène  )  récemment  découvertes  à 
Venise  ;  insérée  dans  le  tome  VI 
des  Opuscoli  scientijici  letterati , 
Florence  ,  1809,  et  traduit  en 
Français  dans  le  J)Iagasin  ency- 
clopédique de  Millin  ,  1810  , 
IV,  1-26.  Vil.  Saggio  di  studi 
del  P.  Luigi  Lanzi,  Venise ,  i  8 1  0, 
in-8°.  Cet  éloge  de  Lanzi  se  trouve 
dans  \çs  Annales  encyclopédiques ^ 
1 8  1 7  ,  IV ,  72.  —  Boni  (  Oniifre), 
architecte,  né  en  1743  et  mort  en 
1818,  fut  surintendant  des  travaux 
publics  en  Toscane  ,  et  l'ami  du  sa- 
vant Lanzi  {Voy.  ce  nom,  tom. 
XXIII)  ,  auquel  il  consacra,  dans 
l'église  Sainte-Croix  ,  un  monument 
dont  il  fit  en  partie  les  frais  après  en 
avoir  dressé  le  plan.  Outre  plusieurs 
mémoires  pleins  d'érudition  dans  les 
Ejeméridi  intorno  ail'  architec- 
tura ,  on  lui  dit  :  Elogio  di  Lanzi, 
tratto     délie  sue     opère,    Pise  , 


BON 

1816  ,  in-i8  5  el  une  Défense  de 
Micliel-Ange.  conlre  les  critiques 
de  Fréarcl  ( /^oj^.  Chambrai,  tom. 
VU!).  W— s. 

liOXIîVGTON  (RicHAP.D 
Parkes),  pelulre  anglais,  Tune  des 
espérances  et  des  gloires  de  l'école 
roinaulique,  avait  reca  le  jour  a  Lon- 
dres en  1802;  mais  la  France  fut  sa 
pairie  adoptive  et  sa  terre  de  prédi- 
leclion.  Amené  de  bonne  heure  dans 
ce  pays  des  beaux-arts,  alors  le  ihéâ- 
tre  le  plus  brillant  de  la  gloire  et 
des  mouvements  politiques,  il  puisa 
dans  celte  atmosphère  enivrante  la 
sève  qui  nourrit  et  développe  le  gé- 
nie du  peintre.  Sa  vocation  pour  les 
arts  s'annonça,  dès  l'enfance,  par  de 
petites  scènes  qu'il  esquissait  sans 
principes  et  sans  modèle.  Bientôt 
les  maîtres  vinrent:  ils  firent  leur  mé- 
tier. Boninglon  qui  bien  des  fols  avait 
su  voir  sans  qu'ils  lui  eussent  imprimé 
une  direction,  savait  aussi  voir  autre- 
ment qu'eux.  Il  les  écouta  pour  tout 
ce  qui  regarde  le  technique  du  dessin 
et  de  la  peinture:  ils  lui  exercè- 
rent la  main ,  ils  lui  apprirent  a  om- 
brer, k  empâter;  Us  lui  firent  pein- 
dre le  modèle  vivant  j  ils  lui  don- 
nèrent des  théories  de  perspective  j 
mais,  chemin  faisant,  il  devançait  ou 
défaisait  les  principes.  A  peine  ca- 
pable de  donner  une  forme  à  ses 
pensées  ,  il  faisait  courir  son  crayon, 
son  pinceau  ,  sa  plume ,  et  cent 
croquades  vives  et  piquantes  fai- 
saient l'étonnement  des  uns,  le 
charme  des  autres,  le  scandale  d'au- 
cuns. C'est  que  véritablement  l'éco- 
lier n'avait  cure  de  la  rhétorique  pit- 
toresque ,  qu'il  s'en  moquait,  la  bra- 
vait, réussissait  a  faire  rire,k  émou- 
voir, à  être  vrai  sans  elle.  Chaque  jour 
augmentait  cette  insubordination  fla- 
grante. Tout  montrait  que  Boulng- 
ton  Irait   sans   cesse    s'endui'ci.ssaut 


BON 


5A7 


dans  cette  horreur  des  types  conve- 
nus. El  comme  on  ne  lui  épargnait 
pas  les  remontrances,  il  n'épargnait 
pas  aux  semonceurs  une  fois  partis 
les  sarcasmes  parlés  et  peints.  Ou  en 
rapporta  un  au  chef  de  l'école,  qui  trop 
sévère  ce  jour-la  prit  la  chose  au  Ira- 
gl(|ue  et  mil  l'élourdi  au  ban  de  l'a- 
telier classique,  qu'il  eût  sans  doute 
bientôt  quille  si  l'on  n'eût  pris 
rinitiative  a  cet  égard.  Boninglon 
alors  se  mit  a  voyager  :  il  visita  nos 
côles  de  l'ouest,  celles  de  la  Médi- 
terranée, les  Alpes  suisses,  l'Italie. 
En  observant  la  nature  ,  il  n'en  étu- 
dia pas  moins  a  fond  les  procédés, 
les  manières  et  les  caractères  tant  des 
principaux  maîtres  que  des  écoles 
qui  se  sont  succédé  dans  chaque 
pays.  Riche  des  résultats  de  tant 
d'attentives  comparaisons,  11  acquit 
une  flexibilité  rare  el  combina  dans 
son  slyle,  qu'on  peut  nommer  anglo- 
vénitien  ,  les  effets  de  cinq  ou  six 
écoles  diiféreutes.  Quand  Boninglon 
reparut  a  Paris ,  précédé  par  sa 
renommée,  M  Gros  qui  l'avait  exclu, 
lui  rouvrit  spontanément  alors  la 
porte  du  sanctuaire  et  le  félicita  en 
présence  de  tous  ses  élèves.  Mais 
déjà  l'artiste  portail  le  germe  de  la 
mort  dans  son  sein.  Arrivé  dans  sa 
paille  ,  il  y  fut  assailli  d'une  fièvre 
cérébrale  ,  dont  il  mourut ,  en  sept. 
1828,  dans  les  bras  de  quelques  amis. 
L'académie  royale  de  Londres  fit  cé- 
lébrer pour  lui  un  service  solennel 
auquel  assistèrent  tous  ses  membres. 
Boninglon  s'était  essayé  dans  pres- 
que tous  les  genres,  les  marines, 
l'archlleclure,  le  paysage,  les  Inté- 
rieurs. Il  peignait  à  la  gouache, 
ou  a  l'huile 5  11  maniait  la  plume, 
la  mine  de  plomb  et  le  crayon  li- 
thographique avec  un  succès  égal  ; 
11  se  jouait  avec  le  pastel  si  dé- 
crédllé   depuis    Latour ,  et   s'il  eût 

35. 


548 


BON 


vécu  11  l'eût  réhabilité,  ainsi  que 
la  goiiathc  ,  en  quelque  sorte  ago- 
nisaute  depuis  Mougiu  ,  et  qu'il 
arracha  du  tombeau  en  l'asso- 
ciant k  l'aquarelle.  L'histoire  est 
le  seul  genre  que  Boninglon  eût 
négligé.  11  ne  l'airuait  pas  j  il  le 
croyait  faux,  non  pas  en  lui-mêine, 
mais  par  la  manière  d'après  laquelle 
on  est  convenu  de  le  traiter.  Il  re- 
fait un  changement  complet  dans 
cette  partie  de  l'art  qui  est  de  tou- 
Ics  la  plus  soumise  k  la  routine. 
Mais,  pour  opérer  ce  changement, 
sou  talent  n'élait  pas  mùr.  Il  comptait 
y  préluder  par  une  suite  de  tableaux 
de  chevalet  où  auraient  élé  combi- 
nées, de  manière  a  se  faire  ^aloir  mu- 
tuellement, la  finesse  hollandaise, 
la  vigueur  vénitienne  et  la  maaic  des 
Anglais.  L'inexécution  de  ce  plan 
est  une  perte  pour  les  arts.  Le  ca- 
ractère dominant  de  Bonington  est 
une  espèce  de  demi-mélancolie  toute 
poétique  que  frappaient  vivement  les 
formes  et  les  couleurs,  et  plus  vi- 
vement encore  les  secrets  intimes 
dont  les  formes  et  les  couleurs  ne 
sont  que  les  symboles.  Aussi  est-il 
coloriste  brillant,  mais  de  ces  colo- 
ristes qui  expriment  des  pensées  par 
des  couleurs,  et  des  nuances  inlellec- 
luelles  par  les  nuances  de  l'outremer 
et  du  pastel.  Sa  facture  est  large, 
trop  large  peut-être.  Ses  figures, 
jolies  d'intention  et  de  mouvements, 
offrent  en  revanche  trop  de  vague 
dans  les  détails  :  aussi  Bonnigton  est- 
il  bien  loin  d'avoir  l'exaclilude  de 
Canaletli  dont  il  rappelle  la  manière 
Comme  presque  tous  les  Anglo-Véni- 
licns  ,  il  a  donné  k  plusieurs  de  ses 
ouvrages  une  teinte  de  vieillesse  qui 
réellement  n'ajoute  ni  grâce  ni  va- 
leur a  un  morceau  moderne  dont  on 
ne  cache  pas  la  date.  Le  chef-d'œuvre 
de  Boninglon  est  sa  P^iie  du  grand 


BON 

canal  de  Penise.  On  distingue  en- 
suite  son  Tombeau  de  St-Omer, 
remarquable  par  la  linesse,  la  solidité 
du  ton  et  la  vigueur  de  l'effet  5  puis 
les  planches  du  P" ojage pittoresque 
de  MM.  Taylnr  ,  INodier,  (.'ailleux, 
et  surtout  le  Recueil  de  fragments^ 
empreint  de  toute  l'originalité  de  son 
talent j  entin  les  planches  lilhogra- 
phiées  des  Vues  pittoresques  d'E- 
cosse. P OT. 

BOXJOUPi  (Les  FRÈRES  ),  chefs 
de  la  secte  des  Fareinistes  (ainsi  ap- 
pelée parce  quelle  prit  naissance  vers 
la  fin  du  XVIII''  siècle  k  Fareins  , 
village  sur  les  bords  de  la  Saône 
près  de  Trévoux)j  étaient  originaires 
du  Pout-d'Ain  en  Bresse,  et  d'une 
famille  peu  aisée  :  ils  embrassèrent 
tous  deux  l'état  ecclésiastique.  L'aîné 
fut  d'abord  curé  d'une  paroisse  dans  le 
Forez,  où  il  commença  a  répandre 
une  doctrine  hétéiodoxe  peu  différen- 
te de  celle  des  pauvres  de  Lyon  ,  prê- 
ehée  par  Pierre  de  Valdo,  sur  la  fin 
duXIP  siècle.  Mais,  avant  excité l'a- 
niraadversion  du  seigneur  de  la  pa- 
roisse et  des  principaux  habilants,  il 
fut  rappelé  par  l'archevêque  Montazet 
qui  lui  fit  une  mercuriale  et  l'cnvova 
comme  curé  dans  la  paroisse  de  Fa- 
reins en  1775,  lui  donnant  son 
frère  pour  vicaire.  Les  deux  ecclé- 
siastiques se  rendirent  recomraanda- 
bles  par  la  sévérité  de  leurs  mœurs  , 
par  leur  piété,  leur  charité,  et 
surtout  par  leur  talent  pour  la 
chaire.  Ils  étaient  doués  d'un  ca- 
ractère très-doux  •  et  des  manières 
insinuantes  leur  gag-naient  l'affec- 
tion  générale.  Huit  années  s'écoulè- 
rent ainsi  dans  la  pratique  des  ver- 
tus pasîorales  les  plus  incontestables, 
lorsque  tout  k  coup  le  curé  monta 
en  chaire,  et  déclara  k  ses  parois- 
siens qu'il  ne  se  croyait  plus  digne 
non  seulement  de  continuer  ses  fonc- 


BON 

lions,  mais  même  de  participer  à  la 
sainte  communion:  dès  lors  il  cessa  de 
célébrer  la  messe  a  laquelle  il  assistait 
néanmoins  avec  une  grande  ferveur. 
Sou  frère  lui  succéda  eu  1783,  com- 
me curé,  et  il  eut  pour  vicaire  un 
ecclésiastit[ue  nommé  Furlay  qui  était 
imbu  de  leur  doctrine.  Ils  continuèrent 
de  vivre  tous  les  trois  ensemble, 
l'aîné  5e  réduisant  au  rôle  modeste  de 
maîlie d'école.  Il  s'était,  dit-on,  cou- 
damné  à  une  rigoureuse  pénitence  et 
passait  tout  le  carême  sans  manger; 
mai.s  lorsqu'on  fit  l'inventaire  de  son 
mobilier,  on  trouva  une  armoire  ri- 
chement garnie  de  chocolat,  de  con- 
fitures cl  de  liqueurs  de  toute  es- 
pèce. Bientôt  on  entendit  dans  le  pays 
parler  de  miracles:  un  petit  couteau 
à  manche  rouge  d'une  construction 
particulière,  dans  le  genre  de  ceux 
qui  sont  décrits  dans  la  Magie  blan- 
che dévoilée  [Voy.  Decremps 
au  Snppl.),  avait  acquis  une  célé- 
brité singulière.  Le  curé  l'avait  en- 
foncé jusqu'au  manche  dans  la  jam- 
be dune  jeune  fille,  non  seulement 
sans  lui  causer  aucun  mal,  mais  il 
l'avait  de  plus  guérie  d'une  douleur 
dans  cette  partie.  Quelque  temps 
après,  une  autre  fille  demanda  avec  de 
pressantes  instances  au  bon  curé 
de  la  crucifier  comme  l'avait  été 
Jésus-Christ.  Cette  exéculion  eut 
lieu  dans  la  chapelle  de  la  Vierge, 
qui  tenait  à  l'église  de  la  paroisse  de 
Farcius,  un  vendredi,  h  liois  heures 
après  midi,  en  présence  des  deux 
curés,  du  vicaire  Furlay,  du  P.  Caffe  , 
dominicain ,  et  de  dix  à  douze  per- 
sonnes des  deux  sexes  qui  étaient  du 
nombre  des  adeptes.  Ces  miracles 
produisirent  l'effet  qu'on  en  atten- 
dait; ils  attirèrent  aux  frères  Bon- 
jour un  grand  nombre  de  prose! vies, 
surtout  en  filles  et  en  femmes  .  elles 
se    rasiemblaient    dans  une   grauîrc 


BON 


549 


pendant  la  nuit,  sans  lumière  ,  et  le 
prêtre  s'y  rendait  par  la  fenêtre. 
Là  il  distribuait  la  discipline  à  droite, 
à  gauche,  à  torl  et  à  travers;  el  les 
pénitentes,  loin  de  pousser  des  cris 
de  douleur,  exprimaient  leur  salis- 
faction  par  des  cris  de  joie,  appe- 
lant le  iustigeur  mon  petit  papa. 
Isolément  même,  ces  fanatiques  le 
poursuivaient  dans  les  chaujps  en  le 
suppliant  de  leur  distribuer  des  coups 
de  verges  j  elles  ne  se  trouvaient  heu- 
reuses que  lorsque  le  peliL  papa 
les  avaient  bien  fustigées,  et  elles  en 
clicrcliaient  avidement  toutes  les  oc- 
casions. Les  pères  de  famille  et  les 
maris  qui  ne  faisaient  point  partie  de 
cette  secte  souffraient  impatiemment 
ces  désordres  j  il  en  résultait  des  di- 
visions et  des  querelles  de  ménage 
assez  graves  ,  surtout  quand  on  s'a- 
percevait que  les  denrées  disparais- 
saient des  greniers^  car  celte  société 
avait  posé  en  principe  la  commu- 
nauté des  biens  comme  chez  les  pre- 
miers chrétiens.  Un  événement  fu- 
neste répandit  l'alarme  chez  les  prin- 
cipaux habitants  de  Fareins.  L'un 
d'eux,  qui  s'était  montré  le  plus  op- 
posant a  tous  ces  désordres,  mourut 
presque  subitement  d'une  piqûre 
d'aiguilîe  trouvée  dans  son  lit;  dès 
lors  il  n'y  eut  qu'un  cri  contre  ces 
novateurs  dangereux  :  des  plaintes 
furent  portées  à  l'arclievêclié  et  aux 
magistrats  de  Trévoux.  M.  Jolvclair, 
grand-viraire,  fut  envoyé  à  Fareins, 
oùilpritdes  informations,  entenditde.s 
témoins,  et  dressa  un  procès-verbal 
qui  constatait  toutes  les  folies  de 
cette  nouvelle  secte.  D'après  ces  faits, 
l'archevêque  obtint  trois  lettres  de 
cachet.  Bonjour  aîné  etFurlav  furent 
exilés,  et  Bonjour  second  fut  enfermé 
au  couvent  de  Toulay.  d'où  il  corres- 
pondait avec  ses  sectateurs.  11  par- 
vint à  s'évader,  et  leur  fit  croire  qu'il 


55o  BON 

avait  été,  comme  saint  Pierre  aux 
liens ,  délivré  par  un  ange  :;  il  se  ré- 
fugia à  Paris  •  la  fille  crucifiée  el  une 
nuire  prophélesse  vinrent  rjjoindre. 
Il  envoya  lapremicreaPori-Rojal,  au 
nioisde  jauv.,  nu  pieds  avec  cinq  clous 
plantés  dans  cbaque  talon;  elle  avait 
passé  tout  un  carême  ne  mangeant 
qu'une  rôlie  de  fiente  humaine  cha- 
que malin.  Bonjour  avait  soin  d'in- 
slruire  de  tous  ces  faits  les  habitanls 
de  Farcins.  dont  plusieurs  vendirent 
leurs  propriétés,  mirent  leur  argent 
en  commun  ,  et  allèrent  le  joindre  à 
Paris.  La  révolution  de  1789  pa- 
rut au  curé  Bonjour  une  occasion 
opportune  pour  recouvrer  sa  cure. 
Il  se  rendit  à  Fareins,  et  accompdgné 
d'une  centaine  de  ses  sectaleurs  il  pé- 
nétra dans  le  presbytère,  en  l'absence 
du  curé  et  du  vicaire  ,  s'empara  des 
clés  de  l'église  ,  y  entra  ,  monta  en 
chaire  et  enflamma  le  zèle  de  ses 
partisans;  ils  se  rendirent  de  là 
dans  le  jardin  de  la  cure  d'oîi  ils  dé- 
clarèrent qu'ils  ne  sortiraient  que 
par  la  force.  La  maréchaussée  de  Tré- 
voux arriva  et  eut  bientôt  dissipé 
cet  attroupement.  Le  procès-verbal, 
rédigé  par  M.  Jolyclair  le  27  sept, 
1787,  fut  afiirmé  par  le  seigneur 
de  P'areins,  un  chanoine  de  Trévoux, 
M.  iVIerlinoz,  ancien  conseiller  au 
parlement  de  Donibes,  deux  chirur- 
giens et  un  notaire  de  Messimi,  qui  tous 
signalèrent  les  désordres  causés  par 
ces  fanatiques,  surtout  a  la  dernière 
procession  de  la  fèle-Dieu.  Le  curé 
Bonjour  retourna  a  Paris  ,  où  il  con- 
tinua sa  correspondance  avec  ses 
affidés  et  ses  myslificalions  jusqu'à 
l'époque  où  Bonaparte  fut  nommé 
premier  consul.  Les  deux  frères 
Bonjour  furent  alors  exilés  à  Lau- 
sanne en  Suisse,  où  ils  sont  morts 
dans  un  à^e  avancé  et  dans  un  elal 
voisin  de  l'indigence.  A\ec  eux  $"eit 


BON 

éteinte    la    secte    des   Flagellants 
Fareinistes.  Oz — ?i. 

BOX  JOUR  (Fkan-ç  ois-Joseph), 
chimiste,naquille  12  décembre  1754., 
a  la  Grange  de  Combes,  près  de  Sa- 
lins. Pressé  par  ses  parents  d'embras- 
ser l'état  ecclésiastique,  il  commença 
ses  études  de  théologie  au  séminaire 
de  Besancon  ;  mais  il  en  sortit  pour 
suivre  le  cours  de  médecine  à  l'uni- 
versité ,  et  se  rendit  à  Paris ,  où  il 
reçut  le  doctorat  en  1781.  Doué 
d'une  sensibilité  trop  vive  pour  con- 
server auprès  des  malades  le  calme 
nécessaire ,  dont  dépend  la  sûreté 
du  pronostic  ,  il  renonça  bientôt  à  la 
pratique  de  la  médecine  pour  se  H  • 
vrer  à  l'étude  de  la  botanique  el  de 
la  chimie,  sciences  dans  lesquelles  ses 
progrès  furent  rapides.  Ses  talents  le 
firent  distinguer  de  BerthoUel,  qui  le 
choisit  en  1784  pour  son  prépara- 
teur ;  et  il  concourut  à  toutes  les  ex- 
périences de  ce  grand  chimiste  ,  dont 
le  résultat  fut  la  découverte  d'un  nou- 
veau procédé  pour  le  blanchiment 
des  toiles.  Envoyé  par  son  maître  à 
Valenciennes  pour  y  faire  en  grand 
l'application  de  ce  procédé  ,  il  était 
dans  cette  ville  lorsqu'elle  fut  assié- 
gée par  les  Autrichiens  en  1793. 
Il  servit  d'abord  pendant  le  siège 
comme  simple  canonnier;  mais,  ayant 
été  blessé  d'un  éclat  de  bombe  au  bras 
gauche  ,  il  fut  adjoint  aux  officiers  de 
sauté  comme  pharmacien,  et  contri- 
bua beaucoup  a  prévenir  la  contagion 
dans  les  hôpitaux  par  l'usage  des  ap- 
pareils désinfecleurs  qui  n'étaient  pas 
encore  répandus.  Après  le  siège  ,  il 
fut  nommé  par  l'administration  des 
salpêtres  son  commissaire  dans  le 
district  de  Valenciennes,  et  il  rem- 
plit celte  place  jusqu'à  la  fin  de  1794.. 
Revenu  alors  à  Paris,  il  fut  adjoint 
au  professeur  de  chimie  à  1  école 
centrale  des  travaux  publics ,  et  dé- 


BON 

signé  preîique  en  même  temps  élève  a 
l'école  normale  pour  le  département 
de  Paris  :  en  sorte  qu'il  donnait  des 
leçons  dans  une  école  et  qu'il  en  rece- 
vait dans  une  autre.  En  1790 ,  il  fut 
nommé  membre  du  conseil  d'agri- 
culture et  des  arts,  et,  en  1797  , 
commissaire  du  gouvernement  près 
des  salines  de  laMeurthe.  Ce  savant, 
modeste  et  laborieux  ,  mourut  k 
Dieuze,  le  24  février  181 1.  Absent 
de  son  pays ,  Bonjour  n'avait  pas 
cessé  de  prendre  le  plus  vif  intérêt 
k  sa  prospérité.  C'est  k  lui  que  le 
Jura  est  redevable  des  diverses  es- 
pèces de  pommes  de  terre  qui  se 
sont  multipliées  a  l'infini  depuis 
1787  ,  époque  où  il  envoya  les  pre- 
mières, avec  une  instruction  sur  le 
meilleur  mode  de  les  propager.  A  di- 
verses époques  ,  il  tenta  d'y  natura- 
liser d'autres  plantes  utiles.  Bonjour 
a  traduit  du  latin  de  Bergmann  le 
Traité  des  affinités  chimiques  ou 
attractions  électives  y  Paris ,  1788, 
in-8°,  (ig.  .  avec  un  supplément  et 
des  noies.  Il  avait  achevé,  en  1784, 
nu  Traité  complet  de  botanique, 
dont  le  manuscrit  s'est  perdu;  mais 
on  doit  trouver  dans  les  bureaux  du 
ministère  la  relation  d'un  voyage 
qu'il  fit  en  1801  ,  en  Allemagne, 
par  ordre  du  gouvernement,  pour 
examiner  les  divers  modes  d'exploita- 
tion des  salines.  W — s. 

BOXX  (AiVDRÉ) ,  professeur  de 
chirurgie  a  Amsterdam,  était  fils 
d'un  pharmacien  de  cette  ville,  où 
il  naquit  en  lySS.  Après  avoir  reçu 
une  éducation  soignée  ,  il  se  rendit 
a  Leyde  pour  étudier  la  médecine^ 
il  y  fut  reçu  docteura  l'âge  de  25 
ans  et  soutint  alors  une  disserta- 
tion inaugurale  très  -  remarquable  , 
intitulée  :  De  continuationibus 
membranarum,  dont  on  a  prétendu 
que   l'immortel  Bichat  avait  profité 


BON  55 1 

dans  son  traité  des  membranes.  Quel- 
ques années  après  il  vint  a  Paris  où 
il  eut  des  rapports  avec  les  hommes 
les  plus  célèbres  de  l'époque.  De 
retour  k  Amsterdam^  Bonn  y  fut 
nommé  professeur  d'anatomie  et  de 
chirurgie  a  la  place  de  Folkerl  Snipp 
qui  venait  de  mourir.  Dans  ces  fonc- 
tions, il  fit  tous  ses  efforts  pour  con- 
tribuer efficacement  aux  progrès  des 
sciences  qu'il  enseignait.  II  prit  une 
grande  part  a  la  fondation  de  la 
société  de  chirurgie  d'Amsterdam , 
dont  les  membres  firent  frapper  une 
médaille  en  son  honneur.  En  181  5  , 
il  fut  nommé  clievalier  de  l'ordre  du 
Lion  Belgique ,  membre  de  l'aca- 
démie de  Bruxelles  et  d'un  grand 
nombre  de  sociétés  savantes.  11  jouit 
d'une  estime  générale  qu'il  méritait 
par  ses  talents,  et  mourut  en  1819  , 
âgé  de  quatre-vingt-un  ans.  Avant 
sa  mort ,  il  eut  la  douleur  de  perdre 
son  fils,  André  Conrad,  qui  avait 
terminé  ses  études  de  médecine  et 
qui  donnait  de  grandes  espérances. 
Plusieurs  des  ouvrages  de  Bonn  sont 
en  hollandais.  Vuici  la  liste  de 
ceux  qu'il  a  écrits  en  latin  :  I.  Lfis- 
sertatio inauguralisde  continuatio- 
nibus membranarum  y  Leydcj  1765, 
in-4.°  ,  réimprimée  dans  le  Thésau- 
rus dissertationum  et  program- 
maium  de  Sandifort.  II.  Z^e  sim- 
plicitate  naturce ,  anatomicorum 
admiratione ,  chirurgicorum  imi- 
tatione  dignissima ,  Amsterdam  , 
1772  ,  in-4-''.  C'est  le  discours  qu'il 
prononça  lorsqu'il  prit  possession 
de  la  chaire  d'anatomie  et  de  chi- 
rurgie d'Amsterdam.  III.  Commen- 
tatio  de  humero  luxato,  avec  fig., 
1  j Q 2 ,'\n- ^° .ÏV . Descrip tio  Thesau- 
ri  ossium  morbosorum  Hoviani; 
adnexa  est  dissertatio  de  Callo ; 
Amsterdam,  1785^  in-4.°  ;  Leipzig, 
1784-,    in-S".   V.   Tabules   ossium 


552 


BON 


morhosorum  j  prœcipue  Thesauri 
Hovuini,fasclc.  r-3,Leyde,  1780- 
1789,  iu-fol  Boun  .  ami  iitlrae 
crHovius,  avait  publié  à  ses  frai? 
cette  descripliou  de  sa  riclie  collec- 
lioii  d'os  malades  •,  mais  il  ne  l'a  pas 
couliiiiie'e.  M.  Tahiilœ  anatom.co- 
chirurgicœ  doctrinam  hernïariini 
illustrantes^  editœ  à  G.  Sandi- 
fort ,  avec  20  planches,  Lejde  , 
iSiiS,  iu-fol.  On  trouve  encore 
dans  le  catalogue  d'Euslln  de  Ber- 
lin l'indication  d'un  écrit  de  cet 
auteur  sur  la  rétention  d'urine  et  la 
ponction  de  la  vessie,  traduit  du  hol- 
landais en  allemand,  Leipzig  ,  1  794., 
in- 8°.  Van  der  Breggen  ,  professeur 
de  médecine  a  Amsterdam  ,  a  pro- 
noncé Tcloge  de  Bonn  ,  imprimé  sous 
le  titre  :  Meuioria  Andreœ  Bonn 
M.  D.  ,  anatomiœ  et  chirurgUe 
projessoris ,  etc.  ,  1819  ,  in-4-°. 
G — T — R. 

BONNAIRE  (Jean-Gérard)  , 
maréchal-de-camp  ,  né  k  Propet , 
(dép.  de  l'Aisne),  le  1 1  déc.  1771, 
entra  dans  la  carrière  des  armes  en 
1792  ,  comme  volontaire  dans  le  6"^ 
bataillon  de  Paris,  servit  avec  hon- 
neur dans  les  armées  françaises;  par- 
courut toutes  les  contrées ,  et  parvint 
successivement  a  tous  les  grades  jus- 
qu'à celui  de  maréc!ial-de-camp , 
qu'il  possédait  en  i8i5,  lorsque 
Napoléon  revint  de  l'île  d'Elbe. 
Comme  la  plupart  de  ses  confrères, 
il  s'empressa  de  se  ranger  sous  les 
drapeaux  de  son  ancien  maître , 
qui  le  nomma  commandant  de 
Condé.  Lorsque,  après  la  bataille  de 
Waterloo  ,  Louis  XYIII  rentra 
dans  Paris  le  8  juillet  ,  P>onnaire 
défendait  encore  la  place  dont  le 
commandement  lui  avait  été  con- 
fié. Mali^ré  les  exigences  de  sa  posi- 
tion, les  habitants  de  Condé  et  des 
environ»    n'eurent    qu'à    se    louer 


BON 

de  sa  modéi-ation  et  de  son  éloîgne- 
ment  pour  les  mesures  de  rigueur. 
Mais  tel  n'était  pas  Miélon,son  aldc- 
de-camp^  homme  violent,  d'une 
impétuosilé  indomptable  :  le  drapeau 
du  roi  produiîiait  jur  lui  l'iffct  de 
l'eau  sur  un  liydrophobe,  il  devenait 
furieux  ala  vue  d'une  cocardeblanche. 
Condé  fut  investi  par  les  troupes  hol- 
landaises, sous  le  commandement  du 
général  Authiug.  C'est  alors  que  le 
colonel  Gordou  ,  hollandais  de  nais- 
sance .  mais  depuis  long-temps  natu- 
ralisé Français  ,  porteur  de  letties 
signées  de  MM.  de  Bourmont, 
Clouet ,  et  d'une  circulaire  du  duc 
de  Feltre  ,  se  dirigea  vers  Condé. 
Sur  la  roule,  au  village  de  Bruai^  de 
bons  campagnards  veulent  le  détour- 
ner de  son  dessein  :  «  IS'allez  pas 
K  dans  cette  ville,  lui  disent-ils: 
a  vous  vous  exposez  5  les  Coudéens 
«  sont  des  bonajiartistes ,  et  la  gar- 
«  nlson  y  est  montée  au  plus  haut  de- 
«  sré  d'cxaltaiion,  »  Ces  conseils  ne 
peuvent  rien  sur  la  résolution  dn 
colonel  5  son  devoir  lui  ordonne  d'a- 
vancer et  d'ailleurs  la  qualité  de 
parlementaire  est  sacrée.  Le  prince 
Frédéric  d'Orange  lui  avait  donné 
une  escorte  de  quatorze  hommes  et 
un  trompette.  Arrivé  au  village  de 
Frênes,  il  y  laisse  celte  escorte  5  un 
palefrenier  le  conduit  seul  ,  dans 
une  voiture  attelée  de  deux  chevaux, 
aux  postes  avancés.  La  boutonnière 
de  sa  redingote  bleue  est  ornée  d'un 
liseré  blanc  et  rouge  ,  et  il  porte  la 
cocarde  blanche;  le  palefrenier  a 
aussi  placé  sur  son  chapiau  un  mor- 
ceau de  papier  de  même  couleur.  Au 
cri  de  :  «  halte-la!  qui  vive?  »  il  ré- 
pond :  «  adjudant-général  français  , 
chargé  de  dépèches  pour  le  général 
Bonnaire.  »  Un  caporal  vient  le  re- 
connaître. Gordon  descend  de  voi- 
lure, les  canonniers   du  poste  l'en- 


BON 

toiirent  et  lui  adressenl  vingt  ques- 
tions a-la-fois  sur  ce  qui  se  passe 
eu  France,  car  on  étail  a  Coudé 
dans  la  plus  eulière  ignorance  a  cet 
égard.  «  Le  roi  est  à  Paris,  répond 
a  le  colonel ,  ou  sur  le  point  d'y  en- 
«  Irer  :  tout  est  fini;  Bonaparte  a 
«  fui  comme  un  lâche  en  aljandon- 
«  uant  son  armée.  »  Ces  paroles  ont 
produit  sur  tous  les  auditeurs  une 
vive  impression.  On  court  en  toute 
liàte  chercher  Bonnaire  dont  les 
blessures  réceules  reudeut  la  marche 
pénible.  Miéton  le  devance-  il  ar- 
rive, devient  furieux,  commande  à 
Gordon  de  mettre  bas  la  cocarde 
blanche  et,  sur  sou  refus,  l'arrache  de 
sa  propre  main  ainsi  que  sou  liseré. 
Le  palefrenier  p!us  mort  que  vif 
Ole  son  morceau  de  papier.  Miéton 
ordonne  qu'on  bande  les  veux  au 
parlementaire,  et  l'on  (frige  sa 
marche  vers  les  glacis.  La  se  trouve 
le  général  Bonnaire  qui  l'interroge. 
«  Quel  est  voire  souverain? — Louis 
«  XVllI.  —  Que  demandez-vous? — 
«  J'appcrleles  ordres  de  mon  roi. — 
«  Où  sont  vus  dépêches^  vos  pou- 
ce voirs?  —  Les  voici.  —  Des  lettres 
«de  Feltre,  Bourraont,  Clouet. 
«  belle  recommandation  vraiment  ! 
«  vous  mériteriez  que  je  vous  fisse 
«  jeler  dans  un  cachot.  Soldats, 
«  qu'on  reconduise  ce  misérable  au- 
«  delà  des  postes  avancés,  et,  quand 
a  il  sera  à  cinquante  pas,  qu'on  lire 
«c  sur  lui  un  coup  de  canon.  »  Un 
seul  homme  déclare  que  le  général 
avait  dit  a  un  coup  de  canon  a  mi- 
traille.» Adoptant  une  autre  pensée, 
Bonnaire  demande  a  son  aide-de- 
camp  s'il  existe  dans  Condé  une  pri- 
son sûre,  a  —  Qu'on  le  fusille  !  ré- 
pond Miéton  :  la  mort  est  la  meil- 
leure prison  pour  un  traître.  »  Ici 
les  tails  se  compliquent  à  l'égard  du 
général,  et  il  devient  difficile  de  dé- 


BON  553 

mêler  clairement  la  vérité.  Dans 
celle  grave  circonslauce  il  fut  au 
moins  taible  :  la  prudence  et  le  san^-- 
froid  l'abandonnèrent.  Il  s'éloio-na 
pour  rentrer  en  ville,  ne  s'expllcjuant 
plus  que  par  des  gestes  diversement 
interprétés.  La  conduite  de  Miéton  , 
malgré  ses  dénégations  nombreuses 
et  tardives  ,  n'eut  rien  d'équivoque  ; 
il  avait  ordonné  qu'on  fîl  rebrousser 
chemin  au  colonel  Gordon.  On  le 
touille  :  des  proclamalions  fleurde- 
lisées trouvées  sur  lui  portent  a  sou 
comble  l'indignation  des  soldats.  Ou 
les  transmet  au  général.  Sou  aide- 
de-camp,  qui  étail  retourné  près  de 
lui,  le  quille,  suivi  de  deux  gardes 
nationaux  étrangers  à  la  ville  du 
Condé.  Il  accourt  furieux  pour  res- 
saisir Gordon,  et  celle  fuis  il  ne  le  lâ- 
chera plus.  «Que  faut  il  faire?  lui  de- 
«  maude-t-on.  —  Il  faut  en  finir. — 
«Oui,  dit  un  vieux  caporal:  il  faut  en 
ce  finir  ;  .mais  comment?  —  Qu'on  le 
te  fusille  enfiu,  dit  l'impilovable  Mié- 
tc  lou. — Qu'on  le  fusille!  répètent  pin- 
ce sieurs  voix. — Grâce  !  grâce  !  s'écrie 
ce  Gordon.  — Pas  de  grâce  pour  les 
ce  traîtres.»  Un  violent  coup  de  crosse 
ce  retend  par  terre,  ec  Par  pilié  !  — 
ce  Fiien.  —  Français  !    au    nom    de 

ecl'honueur,    de    l'Iuimanilé — 

ee  Rien.  »  Et  deux  coups  de  fusil 
tirés  à  bout  porlaut  achèvent  cet 
Inforluué.  (ij.  Dès  que  le  roi  ,^it 
rentré  dans  la  capitale  ,  les  frères  de 
Gjrdon  réclamèrenl  justice,  et  Bon- 
naire fut  traduit  a  un  conseil  de 
guerre  ainsi  que  son  aide-decamp. 
Chauveau-Lagarde  défendit  le  gé- 
néral. Le  caractère  et  les  antécé- 
dents   de   cet  illustre    avocat  étaient 


(i)  N'oublions  pns  de  dire  qu'il  résulte  de 
rinsttuction  de  l'alfaire,  et  (l'iiifoniialions  piJ- 
SLS  sciupuUusemeiit  par  nous,  que  la  ville  de 
Condé  lut  éirangrre  à  ce  ciinie.  /Viicun  des 
hommes  qui  se  riiidirent  les  meurlriers  ou  les 
spoliateurs  de  Gordon  ii'appnrtenail  ù  celte  ville. 


554 


BON 


d'un  favorable  augure.  Bonnaire  , 
selon  lui  ,  n'avait  voulu  ni  com- 
mandé la  mort  du  parlementaire  ; 
mais  tous  les  efforts  d'un  beau  ta- 
lent ne  purent  triompher  que  d'une 
partie  de  l'accusation.  Ou  pensa  que, 
dans  le  doute,  le  prévenu  aurait  dû 
se  borner  à  faire  incarcérer  Gordon. 
Telle  était  en  effetla  mesure  indiquée 
par  la  prudence;  miis  cet  homme, 
parfaitement  à  sa  place  sur  un  champ 
de  bataille  ,  manquait  des  qualités 
indispensables  pour  être  gouverneur 
d'une  ville  dans  des  moments  aussi 
critiques.  L'ordre  primitivement 
donné  par  lui  de  tirer  de  loin  un 
coup  de  canon  sur  le  parlementaire 
après  l'avoir  renvoyé  n'aggrava  pas 
la  position  de  l'accusé.  Il  parut 
constant  que,  dans  le  cas  où  Ton 
eût  donné  suite  k  cet  ordre,  le 
coup  n'aurait  guère  pu  atteindre 
Gordon.  Mais  Bonnaire  n'avait  pas 
fait  rechercher  les  auteurs  du  crime: 
il  avait  dit  au  conseil  municipal,  après 
sa  consommation,  suivant  les  uns  : 
Je  viens  ou  nous  venons  dejaire 
fusillerun  traître;  suivautlesautres: 
On  vient  de  fusiller  un  traître  ;  et, 
dans  un  ordre  du  jour  du  lendemain  , 
il  s'était  exprimé  en  ces  termes  : 
V.  Un  de  ces  traîtres  qui  ont  lâche - 
ce  ment  abandonné  nos  drapeaux , 
a  s'est  présenté  hier  à  nos  postes  , 
«  chargé  de  proclamations  incendiai- 
«  tes  :  il  a  subi  le  sort  qu'il  méri- 
cc  tait.  »  Pour  ces  causes  et  quel- 
ques autres  dont  ces  temps  de  réac- 
tion rendaient  l'appréciation  plus 
sévère ,  il  fut  ju^é  que  Bonnaire , 
coupable  de  n'avoir  pas  usé  de  toute 
la  force  de  son  autorité  et  de  s'être 
laissé  dominer  pnr  son  aide -de-camp, 
«  avait  commis  Tacte  de  violation  le 
«  plus  inoui  du  droit  des  gens  ,  en 
«  méconnaissant  dans  le  colonel  Gor- 
«  don  le  caractère  sacré  de  parlemen- 


BON 

«  taire,  crime  que  toutes  les  nations 
a  anciennes  ont  puni  de  la  mort,  même 
ce  de  populations  entières  5  etenlais- 
(c  sant  impuni  le  meurtre  commis  sur 
te  sa  personne ,  au  mépris  des  devoirs 
te  les  plus  sacrés  de  sa  place.  »  Eu 
conséquence,  le  conseil  le  condamna 
a  l'unanimité,  le  9  juin  1816,  a 
la  déportation,  avec  supplique  au 
roi  de  commuer  cette  peine  en  une 
prison  perpétuelle  ,  commutation  qui 
eut  lieu.  Quant  a  Miéton,  trouvé 
coupable  sur  tous  les  points,  et  qui, 
pendant  qu'on  dépouillait  le  cadavre 
de  Gordon,  s'était  emparé  de  sa 
bourse  contenant  douze  cents  francs , 
dont  une  partie  avait  été  distribuée 
par  lui  a  quelques  soldats ,  il  fut 
condamné  ,  k  la  majorité  de  six  voix 
(un  membre  ayant  opiné  pour  les 
travaux  forcés  k  perpétuité),  k  la 
peine  de  mort,  peine  que  le  malheu- 
reux Bonnaire  suppliait  k  grands  cris 
le  conseil  de  guerre  de  lui  appliquer 
également...  I>e  3o  juin  i8i6,  ce 
général  fut  dégradé  sur  la  place  Ven- 
dôme, non  loin  de  la  colonne  triom- 
phale qui  lui  devait  sans  doute  quel- 
ques fragments  de  sou  bronze.  Cette 
dernière  humiliation  fit  sur  ce  vieux 
guerrier  une  impression  telle  qu'on 
le  reconduisit  malade  dans  sa  prison 
et  qu'il  y  mourut  deux  mois  après. 
\S  Histoire  du  procès  du  maréchal- 
de-camp  Bonnaire  et  du  lieutenant 
Miéton^  son  aide-de-camp ^  a  été 
publiée  par  M.  Maurice  Méjan  .  Pa- 
ris,   i8i6,in-8''.        L — R — Y. 

BONXARD  (Ennemond)  ,  gé- 
néral français,  nék  St-Symphorienen 
Daupliiné  le  3o  septembre  1756, 
entra  au  service  en  1774-  dans  le 
régiment  d'artillerie  d'Auxonne  5 
fit  la  guerre  d'Amérique  sous  Ro- 
chambeau  et  y  fut  nommé  ser- 
gent. Revenu  en  Europe,  il  fut  en- 
voyé k  Naples  avec  un  détachement 


BON 

d'artilleurs  que  commandait  Pommc- 
reul  ,  pour  y  servir  d'instrudeiir.  Il 
ne  revint  eu  France   qu'au  commen- 
cement de  la  révolution,  et  fut  nommé 
lieutenant,  puis  adjudant-major  avec 
rang  de  capitaine  en  1793.    L'année 
suivante  il  passa  comme  chef  de  ba- 
l.iillon  dans  le  2"*'  rég.  d'artillerie, 
et  fut  cliargé  a  l'armée  du  Nord  de  la 
direction  d'un   parc.  Elevé  au  grade 
de  général  de  Lrigade  il  commanda 
l'artillerie     aux    sièges    de    Charle- 
roi,  du  Quesnoi,    de  Valeiicieunes , 
et  prit  une  grande   part  aux  victoi- 
res de  Fleurus  et  de  Duren.  Il  con- 
courut ensuite  beaucoup    à  la  prise 
de  Maesiricht  et  fut  nommé,  pour  ce 
dernier  exploit,  général  de  division. 
Ce    fut   encoie  Bonnard  qui  dirigea 
l'artillerie  de  l'armée  de  Sanibre-et- 
Meuse  au  passage    du  Rhin   devant 
Dus.seldorf  en    septembre    1795,   et 
qui  fut  ensuite  cliarge  de  l'inveslisse- 
ment  d  Ehreiibreistein  et  de  M  agence 
On  lui  confia  plus   lard  le  comman- 
dement de  différentes  contrées  sur  le 
Rhin  ,    et  du  pays   de  Luxembourg. 
Partout  il  se    fit    remarquer  par  sa 
modération  et  sa  probité.    Il  com- 
mandait dans   !a  Belgique  en  1798, 
lors  des  révoltes  de  la  Campiue  ,  et 
il  contribua  beaucoup  a  les  réprimer 
par  sa  sagesse  et  la    fermeté  de  ses 
mesures.  Nommé  dans  les  premières 
années     du    gouvernement  impérial 
commandant  de  la  22™^  division  mi- 
lllaire  a  Tours,  il  conserva  cet  em- 
ploi jusqu'au  mois  d'octobre  i8i4.. 
Ayant  été  mis  à  la  retraite  a  cette  épo- 
que, il  conlinua  de  résider  dans  cette 
ville,  et  y  mourut  le  1  5  janvier  18  19. 
Il  avait  été  (ail  comte,  commandant 
de  la  Légion-d'Hocneur  par  l'en.pe- 
reur  et  chevalier  de  Saint-Louis  par 
le  roi. — Un  au^^e  Bon>ard  était 
aide-de-camp  du  général  Carteaux  en 
i''95j  et  devint  également  général 


BON 


555 


de  division  •  il  est  mort  par  un  sui- 
cide en  1801.  M — D  j. 

BOXXARD(Jacq-ues-Charles), 
arcliilecte  ,  naquit  a  Paris  le  3  0  janv. 
1765.   Son  père  aurait  désire  (pi'il 
eût  embrassé  une  de  ces  professions 
auxiliaires  de  l'architecture,  qui  sont 
moins  honorables ,  mais  plus  lucra- 
tives j  cependant  il  n'essaya  pas  de  le 
contraindre,  et  Bonnardétudial'arcbl- 
tecture  a  l'école  de  Renard,  l'une  des 
meilleures  de  cette  époque.  «La  on 
«  enseignait,  dit  M.  Quatremère  de 
a  Quincy,  dans  toute  leur  pureté  les 
a  doctrines  de  cette  anliquilé  classi- 
cc  que  où  vont  toujours  se  rajeunir  le 
«goùtetlesinvenlionsdesmodernes.» 
Bientôt  Bonnard  obtint  le  giand  prix, 
dont  l'objet  estd'ouviira  l'élève  qui 
le  remporte    la     carrière    de    cette 
haute    émulation    où  l'on  n'a   pour 
rivaux   que    les   grands    génies    des 
temps   passés.  Un  de  ses  principaux 
ouvrages    en  Italie  fut  nue    suite  de 
recherches  sur  les  aqueducs  de  l'an- 
tique Rome.  Il  y  en  avait  neul^  on  n'en 
emploie  plus  que  trois  5  il  fallait  re- 
trouver les  six   autres  :   Bonuard  y 
parvint  j   et   son  nom  est  resté   en 
grand  honneur  dans  ce  pays.  Lorsque 
Louis  XVI  fut  forcé  ,  en    1 7  89  ,  de 
venir  résidtraux  Tuileries,  Renard, 
qui  était  l'architecle  de  ce   palais  , 
avant   reçu  ordre  de  le  rendre  ha- 
bitable ,  invita    son    élève  a  quitter 
Rome    pour  venir  l'aider.  Bonnard 
accourut  j  mais  bientôt  effrayé  des  ca- 
tastrophesquimenaçaient  le  trônej  dé- 
noncé lui-même    comme  partisan  du 
roi,  il  se  réfugia  en  Angleterre.  Les 
premiers  dangers  passés,  il  revint  à 
Paris  ,   où  l'on   n'employait  plus  les 
architectes  qu'à  démolir.  i\e  voulant 
pas   perdre  un    temps   précieux ,    il 
s'associa   comme  dessinateur  et  gra- 
veur  a  la    pubiicatiun  d'un  ouvrage 
sur  les  palais  d'Italie.  Sous  le  cou- 


556 


BON 


sulat,  il  quiUala  pointe  et  l'cau-forte 
pour  reprendre  la  règle  el  le  compas. 
Sous  l'empire,  Renard,  architecte 
des  relations  extérieures  ,  mourut 
au  moment  où  il  allait  élever  sur  le 
quai  d'Orsay  un  vaste  palais  pour  ce 
ministère.  Il  y  avait  là  pour  Bonnard 
deux  héritages  a  recueillir,  la  place 
d'architecte  titulaire  du  ministère  , 
et  le  droit  de  continuer  le  grand 
ouvrage  qui  n'était  encore  qu'un 
projet.  Toujours  délicat  et  géné- 
reux ,  il  n'accepta  la  place  qu'a  la 
condition  qu'il  en  partagerait  le  trai- 
tement avec  la  veuve  de  son  maître. 
Il  s'éleva  d'abord  quelques  obstacles 
sur  la  consiruclion  de  ce  grand  édi- 
fice :  on  parla  de  concours  j  mais  à 
la  fin  le  projet  de  Bonnard  fut 
adopté.  Le  palais  aurait  été  achevé  eu 
ciuq  ans ,  si  les  fonds  n'eussent  pas 
•manqué  j  du  reste  ,  un  de  ses  élèves, 
homme  de  talent,  M.  Lacornée,  ter- 
mine aujourd'hui  cet  édifice  pompeux, 
qui  atteste  le  savoir  et  l'habileté  de 
Bonnard.  Isommé  inspecteur  des  di- 
vers établissements  des  droits  réunis, 
Bonnard  les  acheva  en  ordonnant 
de  grandes  économies.  Il  mourut  en 
1818  a  Bordeaux  où  le  gouverne- 
ment l'avait  envové  pour  diriger 
différentes  constructions.  M.  Qua- 
tremère  de  Quincy  prononça  son 
éloge ,  qui  fut  inséré  dans  les  mé- 
moires de  l'Institut  et  dans  divers 
journaux. — Bonnard  [Etienne] ,  né 
à  Sannois  près  Paris,  en  ijio,  fut 
d'abord  avocat  en  parlement ,  puis 
chargé  d'affaires  du  duc  de  Deux- 
Ponts,  depuis  roi  de  Bavière,  près 
la  cour  de  France.  Emprisonné , 
ainsi  que  sa  femme,  peudaut  la 
terreur  ,  con;me  agent  de  l'étran- 
ger et  pour  différents  services  qu'il 
avait  rendus  a  des  émigrés  ,  entre 
autres  h  M.  de  La  Galaizière  et  au 
fameux  financier  Duiuct,   il  courut 


BON 

les  plus  grands  dangers  et  fut  tenu 
long-teinps  au  secret.  Un  de  ses  amis 
qui  sollicitait  pour  lui jFuuquier-Tain- 
ville ,  ea  reçut  pour  toute  réponse 
l'assurance  qu'il  serait  maintenu  au 
secret,  que  c'était  le  seul  moyen  de  le 
sauver.  Bonnard  arriva  ainsi  jus- 
qu'au 9  thermidor  et  fut  alors  mis 
en  liberté.  Le  roi  de  Biivière  et  le 
prince  de  Birkenfeld,  son  cousin,  lui 
firent  témoigner  leur  reconnaissance 
pour  le  zèle  et  le  courage  qu'il  avait 
mis  à  les  servir,  et  leur  sollicitude 
pour  les  dangers  qu'il  avait  courus. 
Etienne  Bonnard  est  mort  a  Paris , 
en  1817.  A — D. 

lîOXXARD  (Charles-Louis)  , 
né  a  Arnay-le-Duc,  le  19  mai  1769, 
d'une  famille  honorable  ,  fut  admis 
comme  élève  a  l'école  militaire 
d'Auxerre,  dirigée  par  les  bénédic- 
tins et  inspectée  par  le  chevalier  de 
Kéralio(^oj'.  ce  nom,  tom.  XXII). 
Il  y  eut  pour  amis  et  condisciples' 
Davoust,  depuis  maréchal  de  Fran- 
ce ,  Fourier  ,  secrétaire  de  l'aca- 
démie des  iciences  ,  et  Blanche- 
lande  .  gouverneur  de  Saint-Domin- 
gue. Il  y  fit  d'excellentes  études  et  en 
sortit  a  la  fin  de  1786,  pour  suivre 
un  cours  de  philosophie  au  collège 
de  Dijon  où  il  se  perfectionna  dans 
les  mathématiques*  ce  qui  décida  du 
choix  de  sa  carrière.  Prévoyant  les 
difficultés  qu'il  éprouverait  a  se  faire 
admettre  dans  le  corps  du  génie  mi- 
litaire, ou  dans  celui  de  la  marine, 
l'un  el  l'autre  exclusivement  réservés 
à  la  noblesse,  il  se  détermina  pour 
les  ponts  et  chaussées  et  se  rendit  à 
Paris  en  juillet  1788.  Ce  fut  d'après 
le  conseil  et  sous  les  auspices  du 
créateur  delà  géométrie  descriptive, 
Monge,  qu'il  se  décida  pour  le  gé- 
nie de  la  marine.  Il  y  futreçu comme 
aspirant  en  janvier  1789.  Bonnard 
s'appliqua  dès-lors,  el  pendant  quatre 


BON  BON                   557 

années,  avec  succès,  a  acquérir  loti-  in-S''.Bonnaud  montre  d'une  manière 
les  les  connaissances  qu'exige  celle  assez  piquante  la  supposition  des  let- 
carrière  ;  mais  les  malliéiualiqucs  très  publiées  sous  le  nom  de  Clément 
n'absorbèrent  pas  à  lel  point  ses  in-  XIV,  par  Caraccioli.  Deux  ans  après, 
stauts  qu'il  ne  sut  eu  varier  l'étude  par  i\-p\ih\\a.au  Examen ci^itique des Ob- 
des  occupations  moins  sérieuses.  C'est  seri'atio?is  suj^  l' ^  tlantide  dcl\d\[[j  ^ 
ainsi  ,  et  par  suite  de  son  goût  pour  par  l'abbé  Creyssent  de  la  Moseille , 
la  litléralure  ,  qu'il  devint  avec  Bron-  in-12  de  53  pag.  Les  Observations 
gniart,:il.  Silvestre,  del'académie  des  avaient  paru  dans  \e  Joia-nal  des 
sciences,  et  d'aulres  savants,  l'un  sai>ants  de  février  1779-  Bonnaud 
des  fondateurs  de  la  société  pbilo-  prit  part  à  la  controverse  excitée  par 
malbique  qui  subsiste  encore.  INommé  le  livre  de  Guérindu  Rocber,  et  donna 
sous-ingénieur  constructeur  au  port  sur  ce  sujet  Hérodote  historien  du 
de  Toulon  ,  Bonnard  fut  arrêté  dans  peuple  hébreu  sans  le  savoir,  ou 
sa  carrière  par  une  maladie  grave  ,  Réponse  à  la  critique  de  l'his- 
qul  le  priva  pour  toujours  de  l'avan-  toire  des  temps  fabuleux ,  1786, 
cément  qu'il  devait  obtenir.  Voué  in-8".  Ily  adeTéruditiondanscelivre 
dès-lors  à  une  retraite  absolue  ,  il  où  d'ailleurs  est  soulenu  un  système 
consacra  les  moments  de  loisir  que  tout-k-fait  abandonnéaiijourd'hui.  En 
lui  laissaient  ses  infirmilés  à  la  ré-  1787  ,  lorsqu'il  était  question  d'ac- 
dac  lion  d'un  ouvrage  intitulé  :  yJ/eïa-  corder  létal  civil  aux  prolestants, 
physique  nouvelle,  ou  Essai  sur  le  Bonnaud  publia  le  jD/^coi/r*  à  lire 
sj  stème  moral  et  intellectuel  de  au  conseil,  en  présence  du  roi, 
l'homme,  qui  l'occupa  pendant  2.S  par  un  ministre  patriote,  sur  Id 
ans  et  dont  il  n'a  publié  que  la  pre-  projet  d'accorder  Cétat  civil  aux 
mière  partie  (Paris,  1826,  3  vol.  protestants,  in-8°.  On  trouve  des 
in-8°).  Cette  composition  signale  à  cboses  assez  curieuses  dans  ce  livre 
la  fois  une  saine  pbilosophie  et  une  que  quelques-uns  allribuèrent  alors  a 
grande  instruction.  La  2''  et  la  5''par-  l'abbé  Lcnfaut,  ex-jésuile  •  mais  Fd- 
lie  sont  restées  manuscrites.  Cli.-L.  Icr  ,  qui  devait  savoir  ce  qui  en  était, 
Bonnard  mourut  dans  son  pays  natal  donne  l'ouvrage  a  Bonnaud  _,  dont 
le  25  janvier  1828.  Z.  c'était  en  effet  plutôtle  genre  cpiecelui 
BOXXAUD  (Jean-Baptiste),  de  Lcnfaut.  Ce  discours  valut  à  l'au- 
néen  Amérique  en  17^0,  fut  amené  teur  la  protection  de  M.  de  Mar- 
■de  bonne  heure  en  France,  lit  ses  bœuf,  alors  ministre  de  la  feuille, 
éludes  au  collège  de  La  Flèche  et  en-  Ce  prélat  lui  donna  eu  1788  deux 
Ira  jeune  chez  les  jésuites.  Lors  de  la  bénéfices  simples  ,  les  prieuiés  de  Ser- 
suppresbion  de  la  société,  eu  1 7  62  ,  il  maise  et  de  Harnicourt ,  et  le  nomma 
élailrégenl  de  basse  classekQuimper.  grand- vicaire  de  Lyon,  siè;;e  sur 
Il  ne  put  èlre  ordonné  prêtre  qu'après  lequel  il  remplaça  cette  année  même 
cette  époque  ,  et  Ton  dit  qu'il  exerça  ]\1.  de  Blonlazel.  Comme  M.  de  Mar- 
ie ministère  en  divers  diocèses.  Sou  breufue  résida  point  dans  son  diocèse, 
premier  écrit  paraît  être  celui  qui  d'abord  à  cause  de  ses  fondions 
a  pour  titre  :  le  Tartufe  épistolaire  a  la  cour  ,  et  ensuite  a  cause  des  ora- 
démasqué  ^  ou  Epitre  très-faini-  ges  de  la  ré\oIulion,  Bonnaud  eut 
Hère  au  marquis  Caraccioli,  ionsle  une  plus  grande  part  il  l'adminlslra- 
masque  de  Kokerbourn,  Liège, 1777,  tiou.  11  paraît  qu'il  était  chargé  spé- 


558 


BON 


cialemeut  de  la  rédaction  des  inau- 
deraents  et  lettres  pastorales.  On  lui 
atlribiia  un  mandement  de  l'arihe- 
vêque  pour  le  carême  de  178^,  man- 
dement dans  lequel  il  annonçait  des 
malheurs  ,  qu'on  a  vus  depuis  trop 
malheureusement  réalisés.  Le  mardi 
gras,  les  patriotes  de  Lyon  vinrent 
Ériiler  ce  mandement  sous  les  fenêtres 
du  séminaire  où  logeait  l'aljbé  Bon- 
naud.  Dans  les  controverses  qui  sui- 
virent, le  grand-vicaire  donna,  mais 
toujours  sans  y  mettre  son  nom,  la 
Découverte  importante  sur  le  vrai 
système  de  la  constitution  du  cler- 
gé,  32  pages.  L'auteur  regardait  ce 
système  comme  le  renouvellement  du 
lichérisme.  Feller  attribue  encore  k 
Bonnaud  la  Réclamation  pour  l'é- 
glise gallicane  contre  l'invasion 
des  biens  ecclésiastiques  et  l'abo- 
lition de  la  dùne^  ^79^3  in-8°.  Ces 
publications  le  signalèrent  comme  un 
ennemi  du  nouvel  ordre  de  choses  j 
mais  ,  s'il  est  vrai  qu'il  fût  Fauteur 
des  écrits  qui  parurent  sous  le  nom 
de  l'archevêque  de  Lyon  ,  ou  conçoit 
encore  mieux  ,  vu  l'exaltation  des 
esprits  a  cette  époque,  qu'il  se  soit 
attiré  l'animadversion  du  parti  domi- 
nant. L'archevêijue,  qui  n'osait  pas 
venir  dans  son  diocèse  en  ces  temps  de 
fermentation,  avait  mandé  Bonnaud 
à  Paris  pour  prendre  ses  conseils, 
et  c'est  la  que  parurent  les  décla- 
rations et  les  mandements  du  pré- 
lat sur  les  objets  relatifs  a  la  consti- 
tution civile  du  clergé.  Il  y  eut  en  ce 
genre  une  déclaration  de  l'archevêque 
(5  déc.  1790),  en  réponse  k  la  pro- 
clamation du  département  de  Rhône- 
et-Loire  ,  un  avertissement  pastoral 
du  8  février  1791  ,  aux  électeurs, 
une  ordonnance  du  2  0  du  même  mois, 
concernauL  les  nouveaux  directeurs 
du  séminaire  Saint-L'énée  de  Lyon, 
une  lettre  pastorale  du  4-  mai  1791  , 


BON 

contre  l'usurpation  du  siège  de  Lyon 
par  l'abbé  Lamourelte,  un  mande- 
ment du  18  mai  pour  la  publication 
du  bref  de  Pie  YI  du  i3  avril  1791, 
un  mandement  du  24^  janvier  1792 
pour  le  carême  de  cette  année,  enfin 
un  mandement  du  i^"'  mai  suivant 
pour  la  publication  du  bref  de  Pie 
VI  du  19  mars  1792.  Ces  divers 
ouvrages  et  surtout  la  lettre  pastorale 
du  4-  mai  I  79 1  sont  écrits  avec  beau- 
coup de  force.  On  ne  pardonna  pas 
k  l'abbé  Bonnaud  son  zèle.  11  fut  ar- 
rêté après  le  10  août  1792,  et  ren- 
fermé au  couvent  des  Carmes,  rue  de 
Yauglrard,  que  l'on  avait  transformé 
en  maison  de  détention.  Il  se  trouvait 
dans  cette  prison  lorsque  des  hommes 
féroces  s'y  portèrent  le  2  septembre 
suivant  {f^oy.  BiLLAun-YAREnHE  , 
dans  ce  vol.),  et  il  périt  sous  leurs 
coups.  P — G — T. 

BO  X  jX  AUD  (  Jagqxjes-Phi- 
LirpE),  général  fiançais,  né  vers  le 
milieu  du  dernier  siècle  dans  une 
condition  obscure,  s'enrôla  jeune  en- 
core (1776)  dans  les  dragons  du  Dau- 
phiné,  et  devint  ofEcier  au  commen- 
cement de  la  révolution,  dont  il  em- 
brassa la  cause  avec  beaucoup  de 
chaleur.  Il  parvint  alors  rapidement^ 
et,  dès  l'année  suivante  (  1^93  ),  il 
était  général  de  brigade  ,  employé  k 
l'armée  du  Nord.  Chargé  d'altaquer 
un  corps  anglais  près  de  Roubaix,  il 
le  mit  en  fuite  et  s'empara  de  son 
artillerie.  Nommé  bientôt  général  de 
division  ,  il  concourut  puissamment , 
sous  Pichegru ,  k  la  conquête  de  la 
Hollande  et  k  la  prise  de  Ger(ruy- 
demberg  et  Dordreclit,  où  il  trouva 
une  immense  quantité  d'artillerie,  de 
raunilions  et  de  vivres-  puis  de  Rot- 
terdam ,  de  La  Haye  ei  enfin  d'He- 
voetsluys  ,  où  il  délivrai  600  Fran- 
çais prisonniers,  et  arn  ta  les  princes 
de  Salm-Salm  et  de  Hohenlohe  au 


BON 

moment  où  ils  allaient  s'embarquer 
pour  TAuglelerre.  Bonnaud  fit  eu- 
suile  uue  courte  appari'.iou  sur  les 
côtes  (le  l'Océan ,  où  il  fut  employé 
sous  le  général  Hoche.  Revenu  dans 
le  nord  ,  il  commanda  la  réserve  de 
cavalerie  k  l'armée  de  Sambie-et- 
Meuse ,  et  fit  sous  Jourdan  la  cam- 
pagne de  1796  en  Bavière.  Chargé 
de  couvrir  la  retraite  après  la  ba- 
taille de  Wurtzbourg,  il  défendit  le 
terrain  pied  a  pied  et  fil  volte  face 
dans  plusieurs  occasions.  Arrivé  dans 
la  position  de  Giessen,  il  fut  envoyé 
pour  soutenir  la  division  Grenier,  et 
chargea  vigoureusement  a  plusieurs 
reprises  la  cavalerie  autrichienne. 
Mais  ce  beau  fait  d'armes  devait  être 
son  dernier  exploit  :  blessé  griève- 
ment d'une  balle  a  la  cuisse,  il  subit 
une  douloureuse  amputation  et  mou- 
rut peu  de  jours  après.  B — n. 
BONiVAY  (le  marquis  Fran- 
çois de) ,  d'une  famille  du  Berry 
dont  la  noblesse  remonte  au  dou- 
zième siècle,  naquit  dans  celte  pro- 
vince le  22  juin  lySo.Il  fut  d'abord 
page  du  roi,  puis  sous-lieutenant  dans 
un  régiment  de  dragons  et  enfin 
officier  des  gardes-ducorps.  Il  était 
mestre-de-camp  avant  la  révolution, 
et  il  s'était  fait  a  la  cour,  par  les  grâ- 
ces de  ses  manières  et  la  composition 
de  quelques  poésies  légères  ,  la  répu" 
tation  de  l'un  des  hommes  les  plus 
aimables  et  les  plus  spirituels. 
Nommé  dépulé  suppléant  de  la  no- 
blesse du  Nivernais  aux  états-géné- 
raux ,  il  n'entra  a  l'assemblée  natio- 
nale que  dans  le  mois  d'août  1789. 
Quelques  mois  après,  un  événement 
de  peu  d'importance  lui  fournit  le 
sujet  d'une  pièce  de  vers  très-ingé- 
nieuse et  qui  fit  beaucoup  de  bruit. 
Les  membres  du  comité  des  recher- 
ches de  l'assemblée  ,  Pétion  et 
Charles  de    Lameth  ayant  fait  aux 


BON  559 

Annonciades  une  perquisition  très- 
sévère,  afin  d'y  trouver  le  garde-des- 
sceaux  Bareutin  qu'ils  crovaient  ca- 
ché dans  ce  couvent,  dont  sa  sœur 
était  abbesse,  essuyèrent  de  la  part 
de  cette  dame  des  plaisanteries 
fort  piquantes  et  qui  donnèrent  a 
M.  de  Bonnay  l'idée  de  son  petit 
poème  intitulé  la  Prise  des  Annon- 
ciades par  M.  le  comte  C — s  de 
L — ^(Charles  de  Lamelh  )  ,  qu'il 
publia  sous  le  voile  de  l'anonyme  ,  et 
qui  fut  réimprimé  plusieurs  fois.  Le 
marquis  de  Bonnay  se  rangea,  dès  son 
entrée  a  l'assemblée  nationale ,  du 
parti  des  monarchiens  où  figuraient 
les  Mounier,  les  Malouet,  les  Lally- 
Tolendai  j  il  fut  porté  deux  fois  k  la 
présidence^  et  remplit  avec  beaucoup 
de  talent  et  de  dignité  ces  impor- 
tantes fonctions ,  qu'il  refusa  lors- 
qu'il y  fut  appelé  une  troisième  fois. 
Ce  fut  en  sa  qualité  de  président  que 
le  premier  il  prononça  le  serment  ci- 
vique ,  k  la  fédération  du  14.  juillet 
1790,  et  qu'il  harangua  Louis  XVI 
sur  la  modération  que  ce  princeavalt 
mise  a  fixer  lui-même  sa  liste  civile. 
Cependant  il  s'abstint  de  rappeler 
k  l'ordre  Cazalès  ,  ainsi  que  le  de- 
mandaient plusieurs  députés,  pour 
s'èlre  livré  dans  une  discussion  k  de 
violentes  invectives  contre  la  majo- 
rité de  l'assemblée,  et  il  montra 
la  même  indulgence  pour  M.  de 
Froudeville  (  Foj.  ce  nom ,  au 
Supp.),qui  était  accusé  d'avoir  in- 
sulté cette  même  majorité  dans  un 
pamphlet.  Après  avoir  tenté,  en 
1790,  d'empêcher  la  vente  des  bieus 
du  clergé,  en  reproduisant  l'offre 
d'un  emprunt  de  cent  millions  qu'a- 
vait flûte  l'archevêque  d'Arles,  le 
marquis  de  Bonnay  présenta  vai- 
nement une  seconde  fois  cette  propo- 
sition le  4.  janvier  1791,  dans  l'in- 
tention de  faire  cesser  l'appel  nomi- 


56o 


BON 


ual  du  serment  civique,  dont  le  refus 
exposait  les  ecclésiastiques  aux  vio- 
lences populaires  ,  et  causait  dans 
l'assemblée  des  scènes  non  moins 
scandaleuses.  Lorsque  le  député  Cha- 
broud  fit  son  rapport  sur  les  allcu- 
latsdes  5  et  6  octobre,  Bonnay,  avant 
cru  y  voir  de^  assertions  injurieuses 
pour  les  gardes-du-corps,  prit  avec 
beaucoup  de  chaleur  la  défense  de 
ses  anciens  camarades ,  et  il  termina 
son  éloquente  improvisation  en  dé- 
clarant que  l'on  essaierait  en  vain  de 
noircir  un  corps  qui  depuis  quatre 
siècles  servait  la  monarchie  ,  qui  l'a- 
vait quelquefois  sauvée ,  et  qui,  de 
même  que  Bavard,  avait  toujours  été 
sans  peur  et  sans  reproche.  Le  mar- 
quis de  Bonuav  parla  encore  avec 
force  pour  les  gardes-du-corps  le  20 
juin  1791  ,  après  la  malheureuse 
issue  du  voyage  de  Yarennes.  Et,  se 
voyant  accusé  lui-même  dans  celte 
séance  d'avoir  eu  connaissance  du 
projetde  Louis  X\  I,  il  répondit  avec 
une  noblesse  qui  en  imposa  a  l'as- 
semblée: «Si  le  roi  m'avait  demandé 
ce  mon  avis,  je  ne  lui  aurais  pas  con- 
cc  seillé  ce  départ;  mais  s'il  m'avait 
a  choisi  pour  le  suivre,  je  serais  mort 
«  a  ses  côtés  ,  en  me  glorifiant  d'une 
«  telle  mort.  »  L'assemblée  natio- 
nale avant  alors  suspendu  le  roi  de 
son  autorité  ,  et  procédant  sans  son 
concours  à  la  rédaction  de  l'acte 
conslitulionnel.  Bonnay  écrivit  au 
président  qn^il  ne  croyait  plus  devoir 
assister  aux  séances  :  et  bientôt 
il  se  rendit  a  Coblentz  auprès  des 
princes,  frères  de  Louis  XVI ,  sous 
les  ordres  desquels  il  fit  la  campa- 
gne de  1792.  Il  avait  laissé  dans  la 
capitale,  où  sans  doute  il  se  flattait 
de  revenir,  un  mobilier  considérable 
qui  ne  larda  pas  a  être  frappé  de 
confiscation  par  suite  des  lois  contre 
les  émigrés.  Le  i*^""  novembre  1  792, 


BON 

le  ministre  Roland  écrivit  k  la  con- 
vention nationale  que  des  commissai- 
res chargés  de  se  transporter  cLez 
Bonnay^  émigré,  venaient  de  lui 
envoyer  des  paquets  sur  lesquels 
étaient  écrits  ces  mots  :  Pour  être 
brûlés  après  ma  mort ,  sans  qu'il 
en  reste  de  vestiges  ;  je  le  de- 
mande par  le  respect  dû  aux  morts. 
Le  député  Blerlin  demanda  vaine- 
ment que  les  intentions  de  M.  de 
Bonnay  lussent  respectées  ;  la  Con- 
vention décida  que  ces  paquets  se- 
raient ouverts  par  son  comité  de  sû- 
reté générale,  et  bientôt,  comme  or- 
gane de  ce  comité.  Manuel  vint  an- 
noncer que  tous  ces  papiers  n'étaient 
qu'un  porte  feuille  de  l'amour. 
ii'endant  ce  temps,  l'émigré  Bonnav 
parcourait  assez  tristement  différentes 
contrées  de  l'Europe.  Cependant 
lorsque  Louis  X\  III,  après  la  mort 
du  fils  de  Louis  X\  I,  eut  pris  le  titre 
de  roi ,  il  se  rendit  auprès  de  ce 
prince  a  Vérone  :  dès-lors  il  fut  at- 
taché K  son  service  personnel  ou  en- 
voyé vers  différentes  cours ,  surtout 
celle  de  Vienne,  et  il  résidait  encore 
dans  celte  capitale  à  l'époque  de  la 
restauration  en  1814.  Kommé  bien- 
tôt minisire  de  France  a  Copenhague, 
il  s'y  trouvait  lors  du  retour  de  B(  - 
naparte  en  iSiôj  et  il  y  conti- 
nua ses  fonctions.  Bourrienne  ,  qui 
s'était  réfugié  k  Hambourg  où  pro- 
bablement il  remplissait  une  mission 
d'observation,  eut  avec  lui  quelques 
rapports,  et  en  reçut  plusieurs  let- 
tres qu'il  a  imprimées  presque  fout 
entières  dans  le  tome  X  de  ses  Mé- 
moires. On  y  voit  que  le  marquis  de 
Bonnay ,  bien  qu'il  fût  l'ami  du 
comte  de  BLicas,  n'approuvait  pas 
en  lous  points  sa  conduite  ministé- 
rielle, qu'il  le  regardait  comme  une 
des  principales  causes  des  malheurs 
de  cette  époque,  et  qu'il  pensait  que 


BON 

Louis  XVIII  ne  devait  pns  le  conser- 
ver auprès  de  lui.  Après  l;i  seconde 
reslauration,  le  marquis  de  Bonnay 
revint  à  Paris  et  lut  noramé  pair  de 
France  et  lieutenant- général.  Au 
grand  étonnement  de  ses  anciens  amis, 
il  se  rangea,  dans  les  discussions  de 
la  chambre  Laute,  du  parti  minis- 
tériel; et,  accusant  la  majorilé  de 
la  chambre  des  députés  d'entraver 
la  marche  du  gouvernement,  il  ap- 
puya de  tout  son  pouvoir  la  disso- 
lution de  cette  chambre  introuvable 
qui  fut  prononcée  par  l'ordonnance 
du  5  sept.  1816.  Nommé  aussitôt 
après  ministre  plénipotentiaire  à 
Berlin  ,  il  se  rendit  dans  celte  capi- 
tale, d'oi'i  il  fut  rappelé  en  1820(1). 
Louis  XVIII  l'appela  alors  dans  son 
conseil  privé  et  lui  donna  le  rang 
de  ministre  d'état*  bientôt  il  le 
nomma  gouverneur  de  Fontaine- 
bleau. Le  marquis  de  Bonnay  mou- 
rut a  Paris  le  25  mars  1825. 
Il  avait  donné  en  1796,  a  Ham- 
bourg ,  une  nouvelle  édition  de  sou 


(i)  Dans  \' Histoire  gr'néalogiijue  des  Pairs  de 
France,  Courcelles  a  dit  que  le  marquis  du  Don- 
nay  avilit  demandé  son  rappel;  il  cite  mémo 
une  ordonnance  royale  dont  le  cc.nïidirant  viint 
à  l'appui  de  celle  assertion  ;  mais  il  est  évident 
que  ce  considérant  inusité  prouve  au  contraire 
que  le  rappel  tut  une  caube  extraordinaire,  et 
voici  ce  que  tout  le  inonde  sut  alors  :  RI.  de  Bon- 
nay ,  presque  septuagénaire,  venait  de  se  marier 
avec  une  jeune  femme;  on  le  savait  à  la  cour 
de  Berlin  ,  et  l'on  n'y  avait  pas  encore  vu  la 
jeune  épouse.  Les  dames  se  montraient  fort  im- 
patientes delà  connaître,  et  elles  .l'avaient  té- 
moigné plusieurs  fois  an  marquis.  Enfin  il  leur 
annonce  qu'elle  est  arrivée,  et  aussitôt  iilusieurs 
de  ces  dames  s'em|>ressenl  de  faire  une  visite  à 
l'ambassadrice.  51.  de  Bonnay  leur  présente  en 
cflet  une  très-belle  personne  ,  qu'elles  accueil- 
lent avec  le  plus  vif  intérêt,  et  qu'elles  em- 
brassent à  plusieurs  reprises.  Elles  la  pressent 
ensuite  de  la  manière  la  plus  affectueuse  de 
Tenir  à  la  cour  ;  mais  on  ue  l'y  vit  jamais.  . 
Ces  dames  apprirent  au  contraire  bientôt  avec 
autant  de  mécontentement  que  de  surpribeque 
la  prétendue  marquise  qu'on  leur  avait  fait  em- 
brasser nVtait  autre  qu'un  jeune  secrclaire  que 
M.  de  Bonnay  avait  babillé  en  femme.  Cette 
espi^ce  de  mystification  leur  déplut  beaucoup  ; 
elles  s'en  plaignirent  amèrement ,  et  M.  de  Bon- 
nay fut  rappelé. 

LVtll. 


BON 


i6i 


poème  intitule  :  La  prise  des  An- 
nonciades  ;  afec  des  Epi  très  sur 
la  révolution;  et  le  Prospectus 
d'un  journal  en  vaudevilles  avec 
des  notes  et  des  variantes.  On  a 
encore  de  lui  La  vie  et  les  opinions 
de  Tristram  Shandy ,  traduit  de 
l'anglais  de  Sterne,  Paris  ,  1785,  4. 
vol..  in-i2.  Le  marquis  de  Bonnay 
eut  dans  le  travail  de  cette  traduc- 
tion Fresnais  pour  collaborateur.  Il 
avait  épousé  en  secondes  noces,  en 
181 6,  mademoiselle  d'Oneil ,  d'une 
famille  irlandaise  ,  de  laquelle  il  n'a 
point  laissé  d'enfants.  Il  reste  un  pe- 
tit-fils et  deux  filles  de  son  premier 
mariage  avec  M  ''  de  Croix.  M — d  j. 
BOA'^EAU  (J.-Yves-Alexan- 
dre)  ,  né  à  Blontpellier  en  1709, 
entra  fort  jeune  dans  la  carrière  de 
la  diplomatie  et  fut  nommé,  sous  le 
ministère  du  ducde  Castries,  consul 
général  de  France  en  Pologne.  Il 
se  trouvait  h  Varsovie,  remplaçant 

fiar  intérim  le  ministre  Descorches  , 
orsque  les  Russes  s'emparèrent  de 
cette  ville  en  1794- ?  sous  les  ordres 
de  Souwarow.  Ce  général  le  fit  arrê- 
ter, et,  par  ordre  de  l'impératrice  Ca- 
therine, tous  les  papiers  de  la  léga- 
tion française  qui  étaient  dans  ses 
mains  furent  saisis.  Lui-même  fut 
conduit  prisonnier  à  St-Pétersbourg, 
et  il  y  resta  quatre  ans  dans  une 
rigoureuse  captivité  5  Paul  P' ,  h  son 
avènement ,  le  lit  mettre  en  li- 
berté. Bonneau  revint  aussitôt  dans 
sa  patrie  5  mais  il  n'y  retrouva  plus 
sa  femme  ni  sa  fille  qui  avaient  suc-- 
combé  au  chagrin  causé  par  la  uou" 
velle  de  ses  malheurs.  Il  mourut  h 
Paris  dans  le  mois  de  mars  i8o5. 
La  correspondance  de  Bonneau 
prouve  que  c'était  un  homme  éclairé, 
poli ,  instruit  et  habile.  Il  pensait 
que  le  partage  de  la  Pologne  n'au- 
rait jamais  été  consommé  sans  les 

36 


562  BON 

événements  de  la  rérolulion  fran- 
çaise. M — D  j. 

BOK3ÎECARKEÏIE  (GniL- 
lATJME  lie),  né  h  Muret  (Haute- 
Garonne),  le  i3  fév.  «754.,  d'une 
famille  noble,  fut  d'abord  sous-lieu- 
tenant dans  un  régiment  dinTanlerie, 
et  quitta  bientôt  cette  carrière  pour 
entrer  dans  la  dlp'omatie.  Chargé  en 

1785  d'une  mission  aux  In. le  orien- 
tales par  le  ministre  Yergennes,  il 
séjourna  daus  cettre  contrée  justpren 

1786  ,  et  fut   chargé  de  missions  du 
même    genre ,  à  son  retour  en  Eu- 
rope,   par    Calonne  et  Montraorin. 
11  se  montra  des  le    commencement 
partisan   très-prononcé    ^e  la  révo- 
Julion  et  parut    fort    lié    avec   Mi- 
rabeau et  Dumouricz  que  sans  doute 
il  avait  connus  dans  des  intrigues  et 
des  missions  diplomatiques  où   Tun 
et    l'autre    avaient      été    employés 
Bonnecarrère    fut  alors  un  des  fon- 
dateurs du  club  des  jacobins  que  Ton 
nommait  à   celte    époque  la  société 
des  amis  de  la  constitution,  et  il  eu 
devint    mè'i  e   successivement  secié- 
taire   et    président;    mais  1!  en   fut 
exclu    eu    179  1 ,  soupçonné  d'avoir 
des  relations  avec  le  jninistère,  qui  le 
uoram:\    eu    effet  vers  cette    époque 
chargé  dts  affaires  de  France  a  Liège, 
en  reranlacemeut    de   Sainte- Croix. 
Le  priuce-évèque  ayant  refusé  de  le 
reconnaître  ,  il  reviut  dans  la  capi- 
tale ,    où   il    contribua    beaucoup   a 
faire  nommer  rauilslre  son  ami  Du- 
mourlez  qui  le  plaça  a  la  tète  d'un  bu- 
reau polllique  créé  pour  lui-même. 
Ce  fut  en  cette  qualité  qu'il  signa  ,  le 
29  avril  1792,  des  traités  d'indem- 
nisation  avec  les  princes  de  Saira- 
Salm  et  de  Loewfnsteiii-Wertheim. 
Il  avait  été  nommé  envoyé  extraordi- 
naire  près  des   Etals-Unis  d'Améri- 
que, et  il  était  sur  le  point  de   se 
rendre  h,  ce  nouveau  poste,  lorsque 


BON 

la  révolution  du  10  août  1792  vint 
tout  changer.  Dans  la  séance  du  soir 
même  de  cette  Icrrib'e  journée,  la 
nomination  de  Bonnccarrère  fut  ré- 
voquée par  rassemblée  oallonale  sur 
un  lapporldeBrissol,  qui  Ct  en  même 
temps  ordonner  que  le  scellé  serait 
apposé  sur  ses  papiers (i). Heureuse- 
ment il  ne  fut  pas  arrêté  5  ce  n'est 
que  le  7  avril  [795,au  raomeutde  la 
défection  de  Dumouriez,  que  ses 
liaisons  avec  ce  général  firent  décer- 
ner contre  lui  uu  mandat  d'arrêt. 
Celte  fols  il  fut  conduit  en  prison  et 
dcm.'inda  Inu'.ilement  sa  sortie  à  plu- 
sieurs reprises  ,  s'adressauth  la  con- 
vention nationale  elle-même  et  b'ap- 
piyaul  des  preuves  nombreuses  de 
pairiotisice  qu  il  avait  données.  Li- 
nirailié  de  Brissot  lui  fut  alors  d'un 
grand  secours,  et  lorsque  ce  député 
l'ut  lui-inêrae  proscrit,  Bounecarrère 
fil  valoir  très- adroitement  la  Laine 
qu'il  semblait  lui  avoir  vouée.  Ce- 
pendant il  allait  être  envoyé  devant 
le  sanglant  Irihunnl  révolullonnaire , 
et  tout  deviiii  lui  faire  craindre  un 
arrêt  de  mort   lorsque   la  chute   de 


(i)  Dons  un  écrit  irnilniri  GuiUoume  Voiiiif- 
cnrrère  â  ses  conci(oyens ,  Boniipconcre  anuiiiue 
iiu'ayant  éle  su.yiciu/u  c!e  la  place  de  ministre 
jilcnipoleutiaiic  près  les  Elats-Uiiis,  il.  jloniia  sa 
ilciiiission  de  la  place  de  directeur-général  du  dé- 
jiurtcment  pnliiirjue.  l,e  iiicme  jour,  tous  les  em- 
pii)yis  t!ii  di'partement  des  affaires  étraiii^ères, 
dont  il  cite  les  noiiis  au  nombre  de  trenteiîeux, 
et  parirti  lesquels  on  remarque  Lebrun  ,  aliirs 
chef  de  la  piemièno  division,  et  qui  allait  deve- 
nir iriini'.lre;  ISoel,  r.oldien,  ele.,  lui  donnèrent 
un  ceitlfieal  d'esllœe  et  de  regrels,  qu'il  fii  im- 
jiriuier,  et  qui  porle  la  dale  du  ii  août.  Le  lâ 
du  même  mois,  Lebrun,  devenu  ministre,  dé- 
clara avoir  reçu  les  comptes  de  Bonnccarrère 
qu'il  avait  trouves  de  la  p'us  grande  exactitude 
el  de  la  plus  grande  clarté.  Enfin  le  i6  sept,  les 
scellés  apposés  sur  les  papiers  de  Bonnccarrère 
fiirent  levés  avec  un  grand  appareil,  par  le 
juge  de  paix  de  la  section,  en  présence  de 
Lai-.niond  et  df  l'abbe  K..uchel,  membres  du  co- 
miU'  de  stu'veiilance.et  de  Lebri.n,  ministre  des 
affaires  élrangcres;  il  e«t  dit  au  procès- verbal 
qu'aprèi  examen  el  vérification  des  papiers,  il  lie 
s'en  est  trouvé  aucun  qui  ait  pu  donner  lieu  à 
U  moindre  suspicion.  V — te. 


BON 


BON' 


;63 


Robespierre  le  sauva.  Rendu  à  la  li- 
berté, il  ne  fut  revêlu,  du  moins 
oslensiblemeut  ,  d'aucuue  fonction 
publique  ;  cependant  il  fit  plusieurs 
voyages  en  Ho'Iande  et  dans  d'aulres 
contrées  du  nord  ,  où  Ton  croit  qu'il 
eut  encore  des  missions  seciètes  ,  ce 
qui  est  très-probjble.  Bonaparte  ne 
voulut  jamais  lui  confier  dVmploi  im- 
portant ,  et  il  dit  nettement  un  jour  à 
M.  de  Tallevrand  qui  le  sollicilail  en 
sa  fyyeur  :  C'est  un  intrigant.  Ce 
fut  aussi  inutilement  que  son  déj'arte- 
ment  ^c<lni  de  la  Haute-Garonne)  le 
porta  sur  la  liste  des  candidats  au  sé- 
nat conservateur.  En  i8io,lemaré- 
cbal  Macdonald  le  fit  venir  en  Ca- 
talogne pour  y  èlre  direcleur-généial 
de  la  police.  Mais  il  n'occupa  que 
fort  peu  de  temps  cette  place  impor- 
tante ,  el  dut  l'abandonner  lorsque 
le  maréchal  fut  appelé  à  un  autre 
commandement.  Bonnecairère  était 
ainsi  sans  emploi,  lors  du  retour 
des  Bourbons  en  i8i4,  et  il  fil  tout 
alors  pour  en  obtenir.  Nous  avons 
sous  les  yeux  un  mémoiie  qu'il  re- 
mit a  Louis  XVIII ,  et  daus  lequel 
il  se  représente  comme  une  des  vic- 
times de  la  révolution ,  et  comme 
un  des  hommes  qu'  avaient  été  dans 
tous  les  temps  le  plus  invariablement 
fidèles  a  la  cause  de  la  monarchie. 
Ces  protestations  eurent  peu  de  suc- 
cès, el  Bonuecarrère  n'obtmt  rien.  Il 
s'en  consola  en  établissant  sur  la 
route  de  Versailles  des  voitures 
publiques  appelées  Gondoles  qui 
réussirent  très-  bien,  et  qui  du- 
rent contribuer  à  rétablir  ses  af- 
faires. Il  est  mort  a  Versailles,  au 
milieu  de  ce  triomphe ,  le  g  nov. 
1825.  M— DJ. 

BOXI^^EGÏÎOSE    (Locis- 

ChARLES  l'iOlSA'ORMAXû  df),  ué  h  Ni- 

mèguf   où  ton   père  remplissait   les 
fonctions   de   sous -préfet,    eu  no- 


vembre 1812,  d'une  famille  ancienne 
et  distinguée  ,  y  puisa  dès  le  ber- 
ceau des  exemples  et  des  leçons 
du  plus  entier  dévouement al'ancienue 
dynastie  des  rois  de  France,  et  fut 
ad  lis  en  1828  parmi  les  pages  de 
Charles  X.  Il  suivit  ce  prince  eu 
Angleterre  dans  le  mois  d'août  i85o  , 
et  revint  d'Edimbourg  vers  la  fia 
de  i83i  avec  des  instructions  pour 
les  royalistes  d^rs  déparlements  de 
l'ouest j  mais  cette  mission,  qui  était 
tout-à-fait  pacifique,  eut  peu  d'effet 
sur  l'oprlt  d  hommes  irrités  au  der- 
nier point.  Apres  avoir  assisté  au 
dcsa-itre  de  la  Pénissière  où  il  dé- 
ploya le  plus  grand  courage  ,  le 
j(  une  Bonnechose  fut  accueilli  dans 
une  ferme  isolée  près  du  vdiage  de  la 
Gauberlière  .  et  il  se  préparait  à  j 
passer  la  nuit  lorsqu'une  décharç;e  de 
mousqueterie  faite  presque  à  boat- 
porlant  a  travers  les  fenêtres ,  ren- 
Tcrsa  la.  fermière,  un  enfant  de  six 
ans,  un  ami  de  Bonnechose  et  le 
blessa  lui-même  ti  ès-grièveraent  a  la 
cui>se.  Il  eut  uéanmoms  encore  la 
force  de  sauter  dans  le  jardin-  mais, 
atteint  d'un  second  coup  de  feu  h  l'é- 
paule, il  tomba  mourant,  et  fut  encore 
assailli  de  coups  de  sabre  et  da 
baïonnette,  puis  jeté  dans  une  cba- 
rette  et  transporté  a  Bourbon-Ven- 
dée où  il  expira  dans  la  même  journée 
{21  janvier  i852),  après  s'ét:e  con- 
fessé'a  l'aumônier  de  la  prison.  Les 
soldais  qui  l'avaienl  tué  ayant  déclaré 
qu'ils  l'avaieat  \u  avaler  «n  mor- 
ceau de  papit-r,  on  ouvrit  son  corps  , 
•  t  il  tu  fut  en  effet  tiré  une  lettre 
que,  selon  le  procès-verbal,  on  recon- 
nut poor  être  d'une  femme  qai  n'a 
point  élé    indiquée.  Z. 

BOXXEFOY  (Frakcois- Lam- 
bert de)  ,  grand-vicaire  d'Augou- 
lême,  né  dans  le  diocèse  de  V  aisou 
en    1749,   se  fit  connaître  par  un 


â6i 


BON 


ICloge  historique  du  daiiplùn, 
qui  fui  imprimé  en  1780,  el  par  un 
livre  intitulé,  De  l'état  religieux , 
son  esprit ,  son  établissement  et 
ses  progrès  ,  services  quil  a  ren- 
dus à  T  église,  1784,  in- 12.  L'abbé 
Eonnefoy,  rédigea  ce  livre  conjointe- 
ment avec  Bernard  (  de  Besancon  ) , 
avocat  au  parlement ,  mort  en  1825, 
à  l'àge  de  70  ans.  Barbier,  dans 
sou  Dictionnaire  des  anonymes  , 
attribue  a  l'abbé  de  Bonnefuj  une  bro- 
cbure  in-8-'  publiée,  en  1788  ,  sons 
ce  titre  :  Un  peu  de  tout,  par  h.  B. 
deB.,  initiales  qu'il  explique  ainsi  : 
L'abbé  Bonnefoy  de  Bonyon. 
Bonaefoy,  n'ayant  pas  prêté  le  ser- 
ment exigé  des  ecclésiastiques  par 
l'assemblée  constituante,  fut  obligé  de 
sortir  de  France  en  1792,  et  il  résida 
long-temps  en  Allemagne.  Revenu  en 
France  ,  il  n'accepta  aucune  fonction 
et  vécut  cliez  la  princesse  de  Taî- 
mont,  occupé  d'un  ouvrage  sit  la 
révolution,  auquel  il  attachait  beau- 
coup d'importance.  11  venait  de  le 
terminer  ,  et  il  se  proposait  de  le  pu- 
blier, lorsqu'il  fut  frappé  d'apo- 
p'exie  et  mourut  subitement  le  i4 
janvier  i83o.  Z. 

BOWEVAL  (l'abbé  Sixte- 
Louis  Coxstaxt  BuFFo  (l)  de),  né 
à  Aix  en  Provence  en  17^2,  fut 
nommé  h  1 7  ans  chanoine  de  Paris , 
puis  grand-vicaire  de  Màcon,  dé- 
puté aux  assemblées  du  clergé  de 
1765,  1775,  et  évêque  de  Senez 
en  i784--Mais il  refusacette  dern'cre 
dignité  par  modestie  ou  par  toute 
autre  cause,  el  fut  pourvu  eu  1788 
de  l'abbaye  d'Honuecourt  au  diocèse 


(i)  La  famille  Ruffo  étant  venue  s'établir  de  !a 
Calabie  à  Marseille,  son  nom  fut  francisé  en 
ctUii  de  Roux.  Celte  famille  étjnt ,  en  grande 
partie,  rt tournée  en  Italie  à  réjioque  de  la  révo- 
lution ,  a  repris  son  nom  par  autorisation  du  roi 
de  Naples,  et  cnsijite  par  celle  du  roi  ds  l'rance, 
«■n  i!(i5. 


BON 

de    Cambray.    Nommé     député  du 
clergé  de   Paris  aux  étals-généraux 
de    1789,  l'abbé   de    Bonneval   j'y 
montra   dès   le    commencement    un 
des  plus  fermes  appuis  de  l'autorité 
monarchiijue   et  surtout  du  pouvoir 
religieux.  Il  signa  toutes  les  protes- 
tations du  côté  droit  et  pubha  plu- 
sieors  brochures  véhémentes  contre 
les  innovations  révolutionnaires  5  il 
fut  même  le   rédacteur  de  quelques- 
unes  de  ces  protestations.  Aprcsavcip 
dénoncé  comme    séditieux  le  Jour- 
nal de  Paris   que    rédigeait   alors 
Garât,     il    demanda    que    Robes- 
pierre fut  rappelé  a  l'ordre,    pour 
avoir  calomnié  des  ofEciers  qui  avaient 
fait     tons    leurs    efforts    à    Toulon 
pour  réprimer   l'insubordination  des 
soldats.  Le  27  sept.   1790  ,  il  publia 
une  dernière  protestation,  où  il  éta- 
blit   ses  motifs  pour  ne  plus   siéger 
dans  une    assemblée  qui    usurpait 
tous  les  pouvoirs  civils  et  religieux, 
et  il    rendit    compte  de    ces  molifs 
danslrois  Lettres  à  ses  commettants 
qu'il  fit  également  imprimer.  Le  i*"" 
mai  1791,  il  fit  encore  paraître  ua 
écrit  très-énergique  sous  le  litre  de 
Remontrances  au  roi  par  les  bons 
Français,    a  l'occasion  de  la  lettre 
do    Monlmorin    anx    ambassadeurs 
f-ançais    près  les  cours  étrangères. 
Cette  lettre  était  relative  a  l'accep- 
tation de  la  constitution  par   Louis 
XVI,  que  le    ministre  des  affaires 
étrangère   disait    avoir  été  libre   et 
sincère;  ce  que  nia  fortement  l'abbé 
de   Bonneval.    Il   publia  encore  eu 
France  deux  écrits  du  même  genre, 
savoir  :  Uoléance  au  roi,  1792  ; 
— '  Avis  aux  puissances  de  l'Eu- 
rope ,    ^792,    in-8".  Il    se   rendit 
ensuite     eu     A'iemagne    oîi    il    lit 
paraître  :  1  °  Réflexions   d'un  ami 
des  gouvernements  et  de  l'obéis- 
s<ince.  '"93,  io-o":  2'^.  Le  cri  de 


BON 

Vévidence  et  delà  douleur^  ^79^^ 
in-S".  Pendant  son  séjour  a  Vienne, 
il  présenla  une  Requête  à  l'empe- 
reur d'Allemagne  pour  la  conser- 
vation de  son  abbaye  qui  dépendait  en 
partie  du  Saint-Empire  romain. 
Se  trouvant  à  Rome  a  lépoque  de  la 
mort  du  cardinal  de  Bernis  en  1 794^5 
il  composa  un  Précis  historique  de 
sa  vie,  qu'il  présenta  k  Pie  VI,  et 
que  le  pontife  accueillit  très-bien.  S'é- 
lant  fixé  a  Vienne,  Bonne  val  y  devint 
cbaiioine  de  Saint-Etienne,  el  c'est 
là  qu'il  est  mort  le  i"'"  mars  1820, 
jouissant  d'uue  pension  de  sis  mille 
francs  que  lui  faisait  payer  Louis 
XVIII.  Il  a  publié  k  Vienne,  sur  le 
concordat .  quelques  écrit.j  dont  une 

Î)artie  a  été  réimprimée  par  M.  l'ab- 
)é  d'Auribeau  ,  dans  ses  Mémoires 
pour  servir  à  l'histoire  de  la  per- 
sécution ,  recueillis  d'après  les  or- 
dres de  Pie  VI.  —  Bonneval 
(  E-uffo  de) ,  frère  du  précédent  et 
évéque  de  Senez  ,  succéda  k  M.  de 
Beauvais,  el  se  trouvait  le  doyen  de 
Tépiscopat  en  France  au  moment  de 
la  révolution  dont  il  se  raonlra, 
comme  son  frère,  un  des  plus  con- 
stant-s  adversaires.  Il  éraigra  égale- 
ment,  se  rendit  en  Italie,  el  ré- 
sida long-temps  k  Viterbe ,  011  le 
pape  lui  faisait  une  pension.  Il  donna 
sa  démission  lors  du  premier  concor- 
dat en  1802  5  mais  il  refusa  l'arcbe- 
vèché  d'Arles.  Pievenu  en  France 
après  la  restauration  de  181 4-,  il  .j 
est  mort  depuis  quelques  années. 
M — D  j . 
BOiVNEVILLE  (C. . .  de  (  i )  ), 
ingénieur  français,  descendait  par  sa 
mère  de  la  famille  des  Pazzi  de  Flo- 
rence ,    qui    s'établit    au    quinzième 


'1)  C'est  ainsi  iju'il  signa  la  dédicace  des 
liererifs  du  niaréibal  de  Saxe.  Mais  Eiscb  ,  el 
après  lui  K.  Quéiaid,  le  nomment  Zuc/iane  de 
l'azzi  de  IlonnryilU, 


BON 


56  f 


siècle  a  Lyon ,  et  naquit  dans  cette 
ville  vers  1710.  Il  embrassa  de 
bonne  heure  la  carrière  des  armes 
et  servit  en  Prusse  avec  le  grade  de 
capitaine  ingénieur.  Suivant  Ersch, 
il  fut  prisonnier  quelque  temps  a  la 
forteresse  de  Si^d^nàsM  [France  lit- 
téraire,!, 162).  Employé  depuis 
dans  la  guerre  contre  les  Anglais, 
que  termina  la  paix  de  1763,  il  pro- 
fila de  son  séjour  en  Amérique  pour 
étudier  les  productions  de  celte  partie 
de  la  terre  ,  ainsi  que  les  mœurs 
de  SCS  liabitants.  11  était  de  retour 
k  Lyon  en  1765  ,  et  il  présenta  la 
même  année  au  corps  municipal  ua 
mémoire  sur  une  nouvelle  méthode 
de  faire  remonter  les  bateaux,  par 
lePihône  et  par  la  Saône,  depuis  leur 
confluent  jusque  dans  l'inléricur  de 
la  ville  (  Catalogue  des  manuscrits 
de  Lyon,  III,  4^o4).  H  ne  paraît 
pas  que  cette  métbode,  qui  consistait 
à  remorquer  les  bàlinients  par  le 
moyen  de  cabestans  placés  sur  des 
radeaux  ,  ait  eu  le  moindre  succès. 
Bonneville  vivait  encore  en  1771  y 
mais  on  ignore  la  date  de  sa  mort. 
C'est  k  lui  que  l'on  doit  la  prem:ère 
édition  des  Rêveries  àw  maréchal  de 
Saxe,  La  Haye,  1766,  in-fol.,  fig. 
Il  est  auteur  des  ouvrages  suivants  . 
I.  Esprit  des  lois  de  tactique  et 
des  différentes  institutions  mili- 
taires ,  ou  notes  du  luarécbal  de 
Saxe  commentées  ,  etc.  ,  La  Haye  et 
Paris,  1762,  2  vol.  in-^",  fig.  ,  II. 
Les  Lyonnaises  ,  protectrices  des 
états  souverains  et  conservatrices 
du  genre  humain,  ou  traité  d'une 
découverte  importante  sur  la  science 
militaire  et  politique,  Amsterdam 
et  Paris,  1771,  iu-S".  Bonneville 
annonce  qu'il  cbercbait  depuis  long- 
temps le  moy^en  de  cimenter  pdrmi 
les  hommes  une  paix  éternelle  ,  et 
qu'il  se  flatte  de  l'avoir  enfin  irouvc. 


liG6 


P,ON 


Ce  moyeu   pourra  paraître  extraor- 
dinaire puisqu'il  cousisie   dans  l'in- 
venlioîi  d'une  arme  plus  terrible,  sui- 
vanllui,  et  mille  lois  plus  m^urtiière 
que  la  poudre  à  cauon.    C'est  celte 
arme   formidable   qu'il    nomme   un 
Lyojinaise ,  du  nom  de  la  v  lie  où  il 
en  a  fait  exécuter  le  modèle.  L  ou- 
vrage desliiié  'a  propager  celte  dé- 
couverle  est  divisé  en  quatre  parties. 
La  première  fst  une  disseï  talion  sur 
les  prOi;rès  de  Part  de  la  guerre  chez 
les  aiiciens  et  les  modernes  ;   la  se- 
coude  contient    une  descriplion  fort 
élendue  de  la  Lyonnaise  :  c'est  une 
macbiue  garnie  en   devant  de  lames 
tranchantes  et  placée  sur  un  Iraiu  si 
léger  que  deux  hommes  peuvent  fa- 
cilement la  faire  manœuvrer  5  la  troi- 
sième pai  tic  traite  de  la  guerre  défen- 
sive ,  la  seule  possible  avec    l'arme 
en   question  j  et    enfin  la    quatrième 
renferme  une  suite  de  réflexions  mi- 
litaires et  politiques.   III.  De  l'A- 
mérique et  des  Américains  ou  Oh' 
servaiions  curieuses  du  philosophe 
La  Douceur^  qui  a  parcouru  cet 
héndsphtre    pendant   la  dernière 
guerre  en  faisant  le  noble  métier 
de  tuer  les  hommes  sans  les  man- 
ger ^  Berlin  (  Lyon)  ,1771,  iu-8°. 
C'est  une  critique  très-vive,  mais  so- 
lide ,  de   quelques-unes  des  opiuious 
mises  en  avanL  par  Fauw  dans  ses  re- 
cherches sur  les  Américains  (  Voy. 
Pauw,  tora.  XXXIII).  Après  avoir, 
dans  les   premier.-,   ciiajiitres  ,  établi 
qu'il  existe  .{jlusieurs  races  d'hommes, 
système  qu'il  ne  cro!t  point  contraire 
au  texte  de  la  Genèse,    BoDnevil'e 
soutient,  contre  le  célèbre  philosophe 
prussien  ,  que  l'Amérique  n'offre  pas 
plus  de  terrains  stériles  ni  d'endroits 
marécageux    que    les  autres   pai  ties 
du  globe;  que  le  sol  y  est  partout 
Irès-fécond,  et  que,  si  l'on  y  voit  des 
tcircs  en  friche  c'est  parce  que  les 


BON 

habitants  n'ont  pas  Juge  nécessaire  de 
les  cultiver;  qiie  les  Américains  in- 
digènes ne  sont  point  une  race  dégé- 
néiée;  qu'ils  ne  sont  ni  lâches  ni  pol- 
trons, et  que  leur  intelligence  n'est 
pas  plus  bornée  que  celle  des  Euro- 
éens.  W — 8. 

B  O  N  N E  V  î  L  L  E  \^  Psicolas 
de)   (i),   publicisle  enthousiaste  et 
littérateur  que    l'on   peut    regarder 
comme  un  des  fondateurs  et  des  chefs 
de  la  nouvelle  école  ,  était  iils  d'un 
procureur,  et  naquit  aEvreux,lç  i5 
mars   1760    A  la  fin  de  .sa  première 
année  de  philosophie ,  le  professeur 
ayant  soutenu    dans   une   thèse   que 
Rousseau  défend   de   prier,   Bonne- 
ville    impatienté   quitta  son  banc  et 
revint  un  instant  après  tenant  \ E~ 
mile,  où  il  lut  le  passage  commen- 
çant par  ces  mois  :  Faites  vos  priè- 
res courtes  selon  l'instruction  de 
Jésis    Christ,     etc.,     (2).     Celte 
aventure  fil  du  biuit,  et  Bonncville 
ne   pouvant.  plu,>i  rester  au  collège, 
après   le    scandale   qu'il    venait  d'y 
donner  (le  jedressement  du  maître 
par  lécolier),  vint  achever  ses  éludes 
à  Paris    On  a  dit  qu'il  trouva  dans  la 
générosité  de  d'Aîemberl  les  moyens 
de  se  livrer  a  son  goût  naissant  pour 
la  littérature;  mais,  quoiqu'il  ail  parlé 
plusieurs   fois  de  la  géoéiosilé  de  ce 
philosoj)he ,    lîonueville   ne   dil   pas 
en  avoir  ressenti  personnellement  les 
effets  ;  et  1  effrayante  peinture  qu'il  a 
tracée,  dans  la  préface  de  sesEssais  de 
poésies  ,  du  sort  des  jeunes  écrivains 
qui  se  rendent  a  Paris   sans  fortune 
et  sans  protection    semble   prouver 
assez  qu'il  avait  essuyé  lui-même  une 
partie    des  souffrances  qu'il   décrit. 


(i)  Il  était  d'une  autrf  famill»"  que  M.  de 
Bonnevi.lc,  dipute  de  la  nobl^s-e  d'Kvrcux  aux 
tt.it^-généraux.  Cependant  il  prenait,  avant  et 
dans  les  premiers  temps  de  la  révolution,  le  c/c, 
que  MOUS  lui  avons  conservé. 

<y)  Vov.  le  <'/i«>  rff  conta, p.  a48. 


BON  BON                   S(^7 

Doué  d'une  imaginalîou  qu'il  u'a  de  Galles  venait  de  recevoir  les  pre- 
jamais  pu  maîtriser,  Bonneville  s'ap-  oner^  grades  de  la  maçonnerie  (5). 
pliqua  cependant  d'ahord  a  des  élu-  Pendant  son  séjour  en  Angleterre, 
uej  grammaticales  ,  et  il  acquil  eu  peu  Wil.  Russel  pùMia  !a  seconde  édi- 
de  lemps  la  connaissance  des  priucipa-  tion  de  ses  Lettres  sur  r histoire 
les  langues  de  l'Europe  (5).  Il  se  dé-  de  l'Europe  moderne.  Quelques 
lassait  en  cornposantdes  vers  ;  ctquel-  amis  de  Bonneviile  l'engagèrent  a 
ques  pièces  imitées  de  la ^/Z(/e,  dont  donner  une  traduction  française  de 
la  lecture  continuelle  ajoulail  à  son  cet  ouvrage,  el  celte  proposition  lui 
exaltation  ,  l'avaient  déjà  fait  rimar-  fut  très-agréahle;  mais,  s'étant  aperçu 
quer  comme  poêle  lyrique,  lorsque  que  ce  qu'il  avait  pris  pour  une  œu- 
Friedel  se  Tassociapour  la  traduction  vre  de  génie  n'était  qu'iine  corapila- 
d  un  choix  de  pièces  du  théâtre  aile-  tion  ,  il  abandonna  le  projet  de  Ira- 
mand.  Le  succès  de  cette  traduction,  duire  Tliistoire  de  Russel  pour  en 
due  piesque  en  entier  à  Bonneviile,  composer  une  d'après  ses  propres 
lui  valut  la  protection  de  la  reine  idées  (6).  En  se  promenant  sur  la 
qui  lui  donna  des  marques  de  sa  raonlagne  de  Primrose ,  il  lut  pour  la 
bienveillance.  Reconnaissant  des  première  fois  la  fameuse  lettre  de 
bontés  de  celle  princesse,  il  sollicita  Junius  Brutus  a  Georges  III,  roi 
la  permission  de  lui  offrir  la  dédicace  d'Angleterre.  Dans  l'ivresse  oiÀ  le 
d'un  Choix  de  contes  également  jeta  celte  lecture,  il  se  mit  à  déc'àraer 
imités  ou  tradul  s  de  l'allemand,  el  sans  savoir  ce  qu'il  disait  ni  a  qui  il 
cet  hommage  fut  agréé.  Dnns  le  parlait  5  el ,  se  loiirnant  a  perdrt?  Iia- 
même  temps ,  il  concourait  avec  Le  leine  vers  les  quatre  parties  du  monde, 
Tourneur  à  la  traduction  du  Théâtre  il  bénil  le  genre  humain  avec  le  vo- 
de  Shakspease.  Il  fournit  a  Lu-  lume  qu'il  tenait  (7).  Dès  qu'il  fut  de 
neau  de  Boisjeimai  -  la  version  intcr-  retour  en  Fiance,  sans  négliger  ses 
linéaire  anglaise  de  Tcléinaque  (4),  travaux  littéraires,  il  s'occupa  sérieu^ 
et  a  Berquin  des  morceaux  pour  sèment  des  movens  de  donner  à  la  té- 
V Ami  des  enfants.  Ces  divers  Ira-  volulion,  qu'il  était  facile  de  prévoir, 
Vaui,  suffisants  pour  occuper  l'homme  la  direction  la  plus  conforme  aux  bê- 
le plus  actif,  ne  l'empêchèrent  pas  soins  et  au  bonheur  de  rhumauité.  Il 
de  faire,  en  1786,  un  voyage  eu  fut  avec  l'abbé  Fauchet  un  des  fon- 
Anglelerre.  Il  se  trouvait  k  la  Mère-  dateurs  du  cercle  social  qui,  d'après 
lo^e  de  Londres,  lorsque  le  duc  de  leurs  idées ,  devait  offrir  la  réunioa 
Cumberland  y  annonça  que  le  priuce  de  tous  les  amis  de  la  vérité  répandus 
— — — sur  le    globe,    et   où   semblèrent  ea 

(3)   Plus  tnrd  il  connut  Le  Biigant,  linguiste  effet     s'èlre     douné     rcnd.Z    VOUS     IcS 

bas-breton,  cherchant   la   tangue   arimitiie   dans  i        1        •    •             1             I              "      I                ■ 

sa  pallie,  et  qui,  selon  Bonneviile,  ton.hait  Ue  melapIiySlCleUS    IcS    plus    neLKlleUX  Ct 

fort  près  à  la  veiilé,   quoiqu-,  à  l'exception  de  ies    SOpIlisleS    IcS     o'uS    téméraires  de 

l'Oraison  dominicale  el  de  quelques  jjhrases  de  pip                     j-.,       I        r        J              o           ! 

l'Ecriture,    qu'il    écrivait   aussi    intorreoieaient  l  i^Urope.     DeS    la    Un     de     I709,    le 

qu'il  les    prononçait,  il  n'eilt    aucune   connais-  cercle   eul   SOU  imprimerie,    et  BdU- 

sance  des  langui-s  anciennes  et  modernes.    Bon-  .■,                 ^               1       1      11           r     j      1 

neviUe  se    trompe  en    le  faisant    mourir   avant  UeVîHe,   prt^htanl    de    la  liberté    de   la 

1792  ,  dans  la  plus    affreuse   indigence  (  Esprit • 

des  relig.,  i^'  partie,  26).  le  Brigant    [  f'oj.  ce  '        (5)  Voy.  les  Jésuites  chassés  de  la  maçonnerie , 

nom,  toin.  V),  n'est  mort  qu'en   i8o-i.  i'^'^  paît-,  p.  Si. 

|4J  Voy.  d.ms    la  Bin:j;rupkie  d'-s  hommes    vi-  (6)  liisioire    de    l'Europe    moderne,    discours 

vants  ,    I,  407»  des  détails  sur  les  rapports   de  preliui  ,32. 

Bonnevill»  avec  t,uneai.i.  (-^  f'iùt. ,  i<';  p.  3gS. 


i6S 


BON 


presse  dont  il  était  un  des  parti- 
sans les  plus  exaltés  ,  s'empressa  de 
donner  cours  à  ses  rêveries  philan- 
Iropiques.  Après  avoir  publié  seul  le 
Tribun  du  Peuple ,  dont  le  succès 
paraîtrait  aujourd'hui  inconcevable , 
si  Ton  ne  pouvait  eu  citer  d'autres 
aussi  peu  mérités ,  il  se  réunit  a 
Tabbé  Faucliet,  pour  la  rédaction 
de  la  Bouche  de  fer ,  journal 
si  rempli  d'extravagances  que  La 
Harpe  n'hésite  pas  à  déclarer  que  les 
auteurs  lui  paraissent  fous  (8).  Ce- 
pendant Boiineville  avait  rendu  des 
services  réels  et  dont  Tliisloire  doit 
lui  tenir  compte.  Electeur  de  la 
ville  de  Paris  en  1789  (9) ,  il  ne  tint 
pas  a  lui  d'empêcher  les  scènes  san- 
glantes qui  souillèrent  la  révolution 
dans  son  principe.  Il  demanda  le 
premier  (25  juin)  l'élablissemeul 
d'uue  garde  bourgeoise  pour  veil- 
ler a  la  sûreté  publique;  et  l'on 
ne  peut  douter  que  si  cette  garde 
eût  été  organisée,  elle  n'eût  com- 
primé les  émeutes  qui  suivirent  la 
frise  de  la  Bastille.  Chargé  d'assurer 
'arrivée  des  subsistances  a  Paris  ,  il 
s'acquitta  de  cette  mission  avec  un 
zèle  dont  il  fut  récompensé  par  la 
décoration  du  JMont-Carmel ,  que 
lui  remit  Monsieur,  depuis  Louis 
XVIII ,  en  sa  qualité  de  graud-maî- 
Ire  de  l'ordre  (10).  Pilais  Bonneville 

(8)  Correspondance  liltrraire,  \ellre  Sgj. 

(9)  Les  électeurs  s'étaient  formes  en  société 
qnr  tenait  tou5  les  soirs  des  conférences.  Bonne- 
Tille  dit  dans  son  adresse  aiix  véritables  amis  de  la 
liierlé[i'jCti.  \^a<^.  2)  :  v  La  place  de  secrétaire  de 
la  société  des  électeurs  m'a  rais  à  portée  de  pré- 
voir, etc. .  .  Si  je  voulais  faire  un  ouvrage  très- 
piquaut,  ouvr.ige  à  la  icode.  je  donnerais  à  lire 
aux  curieux  tes  Intrigues  électorales.  »  Les  hom- 
mes cl  les  assemblées  sont  les  mêmes  dans  tous 
les  temps.  V — ve. 

(10)  Il  voulut  célébrer,  par  une  oeuvre  dra- 
matique la  grande  ftderalion  de  1790,  et  il 
écrivit  cette  lettre  inédite  aa  présidi-nt  de  la 
commune  de  Paris:  «51.  le  présidenl,  j'ai  l'hon- 
rieur  de  vou^  adresser  un  ouvraj^e  dramatique 
destiné  à  la  fé:e  du  i4  juillet.  Je  désire  ardem- 
ment que  les  représentants  de  la  commune  veuil- 
lent   bien  nommer   des  coinmis?oires   pour  lui 


BON 

attendait  un  autre  prix  de  son  dé- 
voùment,  et  quoiqu'on  ne  puisse  lui 

rendre  compte  de  mon  travail.  Témoin  de  leurs 
efforts  pour  établir  la  gloire  de  la  capitale,  j'ai 
cru  que  mou  devoir  tl  peul-étre  n^es  talents  en 
poésie  m'imposaient  la  loi  d'essayer  toutes  mes 
foires  pour  consacrer  leurs  principes  et  ins|)irer 
comme  eux  à  tous  les  citoyens  de  l'empire  une 
éternelle  reconnaissanc!  jiour  leurs  frères  de 
Paris.  >>  Sif;né  N.  de  Bn3tjiEViL»B. — Peu  de  jours 
après  (le  6  juillet),  il  écrivit  a  Louis  XVI  une 
lettre  singulière  dont  voici  quelques  extraits 
pris  sur  une  copie  de  sa  main.  «0  mon  père, 
d  Louis  X\I!  ce  fut  le  malheur  de  ta  vie,  et  la 
cause  première  de  tous  les  reproches  et  de  la 
détresse  de  ton  gouvernement  que  tu  n'aies 
commencé  à  entendre  le  langage  de  la  vérité 
que  dans  les  plaintes  et  les  cris  de  tout  un  peu- 
ple désespéré Tu  n'as  pas  entendu  la  chute 

de  la  Bastille,  qui  a  ébranlé  l'univers  entier,  et 

fait   cKanceler  tous  les  trônes  de   la  terre 

Bailly  a  dit  vrai  :  le  peu)i!e  français  a  conquis 
son  roi,  il  a  conquis  la  liberté  pour  toi  et  pour 
lui ,  il  ne  l'a  conquise  tout  entière  que  pour  t'en 
confier  la  garde  tout  entière.  Ce  bon  peuple  , 
qui  sait  que  le  meilleur  des  rois  n'est  qu'un 
homme  enfin ,  a  vu  avec  indulgence  les  effet» 
sinistres  des  pernicieuses  leçons  de  ta  jeunesse, 
et  il   a  tout  espéré  de  la  bonté  naturelle  de  ton 

cœur  et  de   ton  caracière Il  a  vu  un   bon 

père,  un  mari  sensible  ;  il  était  loin  de  t'accuser 
d'un  dessein  direct  et  prémédité  d'envahir  les 
droits  sacrés  que  lui  donna  la  nslare,  sa  liberté 
civile  et  politique.  Autrement, s'il  lui  eût  été  possi- 
ble d'entretenir  dts  soupçons  qui  eussent  désho- 
noré ton  esprit  et  ton  cœur,  tu  l'as  vu  mailri»de 
tesjours  et  de  tes  destinées  :  penses-tu  qu'alors  il 
n'eut  pas  adopté  un  style  de  remontrances  bien 
différent  de  l'humilité  de  ses  plaintes  ?  La  loi 
n.ntionale  t'a  déclaré  inviolable.  Cette  loi  est  chère 
au  peuple  français,  parce  qu'elle  met  son  prince 
à  l'abri  de  toutes  les  jalousies  du  pouvoir,  et 
l'empire  à  l'abri  de  toutes  les  intrigues  des  fac- 
tieux qui  oseraient  se  disputer  le  trône,  sous  le 
masque  si  trompeur  et  si  perfide  de  l'antique 
popularité  Kechenenne.  Le  peuple  a  séparé  le 
prince  aimable,  qu'il  croit  d'un  excellent  naturel, 
d'avec  la  folle  ivresse  et  les  perfidie»  de  ses  ser- 
viteurs.. ..  Le  peuple  a  écirté  toute  idée  pé. 
nibl»  et  offensive  de  reproche  personnel.  Dans 
l'exiès  de  son  amour,  de  sa  justice,  et  du  besoin 
qu'il  a  de  trouver  reconnaissant  celui  auquel  il  a 
tout  donn--' t  le  peuple  a  séparé  ta  personne  de  ton 
gouveroement.  .Sache  donc,  à  ton  tour,  distinguer 
la  conduite  qui  convient  à  la  dignité  perma- 
nente d'un  roi  iiiviciluble,  d'avec  ces  petites  ia- 
trigues  ei  ces  tracasseries  insolentes  qui  ne  ser- 
vent qu'à  des  intéièts  particuliers,  momentanés, 
odieux,  et  tout  au  plus  à  satisfaire  la  misérable 

i-imbilion   d'un  ministre »   Signé  N.    na 

BoxxiviLLE.  —  Louis  XVI  dut  être  plus  effrayé 
que  rassuré  par  cette  lettre,  qui  futsans  doute 
la  première  où  un  sujet  osa  tutoyer  son  roi.  Le 
tutoiement  avec  les  autorites  ne  s'introluisit 
que  dans  la  république  ,  en  1793.  Cette  lettre, 
qui  sentait  la  Bouche  de  fer,  établie  par  Bonne- 
ville,  était  un  triste  prélude  à  la  grande  fédéra- 
tion de  1790;  elle  fait  connaître  quel  éiait  alors 
le  cours  des  idées,  et  jusqu'où  se  trouvait  arri- 
vée l'cxallation.  même  chez  les  liommes  sansmau- 


BON 

reprocher  d'avoir  jamais  eu  des  vues 
d'iimbilion  ni  de  fortune  ,  on  présume 
qu'il  se  flatlait  que  les  Parisiens,  en 
reconnaissance  des  services  qu'il  leur 
avait  rendus  ,  le  nommeraient  k  l'as- 
semblée législative.  C'est  à  cet  oubli 
de  leur  pari  qu'il  semble  faire  allu- 
sion quand  il  leur  dit  :  «  Je  vous  ai 
a  armés,  je  vous  ai  nourris,  je  vous 
a  ai    confédérés 5    vous    l'ignoriez? 
a  c'est  là  ma  gloire  et  voire  honte 
(Esprit  des  Religions,  4)-  »  Dans  le 
même  ouvrage  il  revient  encore  sur 
ses  services  :  «  Non ,  dit-il ,  ce  n'est 
ce  pas  Mirabeau   qui  vous  a  appelés 
«  aux  armes,  qui  vous  a  nourris, 
a  qui  vous  a  confédérés.  Ingrats!  j'ai 
M  la  fierté  de  croire  que  vous  recon- 
a  naîtrez  voire  appui,  votre  fière, 
«  et  riudomptable  ami  de  la  vérité 
ce  {iùid.  ,  deuxième  partie,  25i).  » 
Les  massacres   de   seplerabre   1792 
réveillèrent  la  verve  lyrique  de  Bon- 
neville;  bravant  les  péri's  auxquels 
il  s'exposait ,  il  n'hésita  pas  a  stigma- 
tiser les  auteurs  de  ces  assassinats  et 
à  demander  leur  puuition  (i  1),  tout 
eu   réclainaut    l'établissement   d'une 
république    fédérativc  ,     la    liberté 
indéfinie    de    la   presse ,    l'abolitiou 
du  culte  catholique  et  même  le  par- 
tage des  terres  (12),  Comme  il  pré- 
tendait  réaliser    toutes  ses  théories 
sans  secousses  et    sans  effusion    de 
sang  ,  Bouueville  n'avait  pas  cessé 
d'inviter  les  citoyens  à  la  concorde  , 
et    il   s'était  élevé    courageusement 
contre  toutes  les  mesures  de  rigueur: 
aussi  les  jacobins  le  regardèrent-ils 
comme  leur  plus  grand  ennemi.  Un 


vaises  passions,  et  qui  ,  comme  Bonnevillc,  le- 
vaient honnêtement  le  bonheur  de  leur  pays. 
V— V». 

(11) Indépendamment  des  arides  qu'il  inséra 
dans  les  journaux  ,  il  fit,  sur  les  mi'ts  de  sep. 
tembre,  une  pièce  publiée  dans  son  recueil  de 
poésies^  '79' 

(12;  Voy.,  ci-après,  l'anslyso  de  V Esprit  des 
religions  * 


BON 


569 


jour  qu'il  se  trouvait  dans  une  des 
tribu ues  de  la  Convention  (16  mars 
1793),  il  fut  violemmeul  apostrophé 
par  Levasseur  et  Marat;  celui-ci  le 
traita  même  d'aristocrate  iufàme  et 
d'entremetleur  de  Fauchet.  Cepen- 
dant Lanthenas  et  le  président  Is- 
nard  ayant  pris  sa  défense,  cette 
atlaque  n'eut  pas  de  suite*  mais  après 
la  proscription  des  Girondins,  dont 
plusieurs  étaient  ses  amis ,  il  fut  ar- 
rêté lui-même,  et  la  journée  du  9 
thermidor  prévint  seule  son  supplice. 
Il  ne  tarda  pas  à  reprendre  le  métier 
alors  si  dangereux  de  journaliste,  et, 
malgré  la  terrible  leçon  qu'il  venait 
de  recevoir,  il  ne  modifia  poiut  ses 
idées  politiques.  Mais  regardant  les 
évènemenls  qui  se  succédaient  comme 
des  orages  passagers,  dont  chacun  à 
son  tour  pouvait  être  la  victime,  sa 
porte  comme  sou  cœur  fuient  con- 
stamment ouverts  aux  proscrits  de 
toutes  les  opinions.  C'est  ainsi  qu'a- 
près le  18  frucùdor  il  ofirit  un  asile 
à  Barruel-Beauvert  (  Voj.  ce  nom  , 
LVII ,  221),  poursuivi  comme  roya- 
liste. Bonneville  ne  se  montra  point 
opposé  dans  le  principeàla  révolution 
du  18  brumaire;  mais  avaut  com- 
paré Bonaparte  à  Cromwel  dans  le 
Bien  informé ,  journal  qu'il  l'édi- 
geait  alors  avec  Mercier,  il  fut  mi» 
eu  prisou ,  et  ne  recouvra  sa  liberté 
qu'eu  reslant  sous  une  surveillance 
sévère  delà  police  .  qui  ne  finit  qu'a- 
vec l'empire.  Sa  longue  détention 
avait  dérangé  ses  affaires  commer- 
ciales, et  n'ayant  pas  obtenu  le  bre- 
vet d'imprimeur,  il  se  trouva  complè- 
tement ruiné.  Ne  pouvant  plus  alors, 
comme  au  temps  de  sa  prospérité, 
recevoir  chez  lui  les  littérateurs 
étrangers,  il  se  rendait  presque  tous 
les  soirs  dans  un  petit  caf<'  avec  son 
ami  Mercier.  C'était  la  qu'il  se  dé- 
lassait  des    fatigues   de    la    journée 


dans  des  conversations  qui  u'étaicut 
ni  sans  charmes  ni  s.ins  intérêt.  Un 
des  habitués  de  celte  réunion  a  tracé 
le  portrait  suivant,  dont  ttfus  cens  qui 
ont    connu    Bouneville    attestent    la 

I  essemb'ance.  «  Celai  t  le  cœur  le  plus 
«  simple  et  le  plus  ezalté  que  j'aie 
«  counu  de  ma  vie,  avec  son  imagi- 
«  ualion  de  ihauuiaturre  et  sa  science 
a  de  bénétlicliû ,  si  faconde  de  tribune 
«t  et  sa  crédulité  de  femme,  son  édu- 
«  cation  d'homme  du  monde  et  ses 
«  mœurs  d'homme  du  peuple  (Sou- 
te venii's  et  Portraits ^  par  M.  No- 
«  dier,  333).  »»  Sur  la  tin  de  sa  vie 
il  avait  une  petite  bouti(]ue  de  vieux 
livres  dans  le  quartier  latin  (  pas- 
sage des  Jacobins),  que  ses  jeunes  voi- 
sins se  plai-aient  à  visiter,  pour  con- 
verser avec  un  homme  qui  avait  joui 
d'une  réputation  lilléraire,  et  joué 
même  un  rôle  dans  les  affa  res  puili- 
que>.(i5).Bonnev;lle  mourut  iegnov. 
1828,  à  l'âge  de  sc'ixanle-ntuf ans. 

II  avait  été  dans  sa  jeunesse  l'ami  de 
Foulanes,  do  Rouch<r,  l'auteur  des 
dlois  ^  d'Aniiré  Chéuier,  de  Mercier 
et  de  Picslif  de  la  Bretonne.  Si  i'on 
en  croit  Cuhières  ,  Bonneville  mellait 
Restif  au-de.^sus  de  Slilton,  de  ma- 
dame Riccoboui  et  de  J.-J.  Rousseau 
{  P^oj-.  CueiÈres  ,  au  Suppl.).  A 
l'exemple  de  ÎMercier,  il  brava  dans 
la  plupart  de  ses  compositions  les 
règles  du  goût  et  du  bon  sens.  Il 
haïssait  surtout  Boileau  ;  toutefois 
lorsqu'il  écrivit  ce  ver-;  inconcevable  : 

BoilcaUjjele  inépiise  et  méprisai  !ouJoui's(i4), 

c'éiail  moins  l'auteur  de  l'^'^/'f^oe//- 


(i3)  Mais  dpjà  iiiru'in  ,  absorbé,  lisant  toujours 
quelque  clas'^ique  lalin,  il  n'él;:it  plus  que  l'om- 
bre de  lui-même.  La  suppression,  sous  le  minis- 
tère Viiièle,  d'une  pension  qu'il  avait  jadis  ob- 
tenue, vint  beaucoup  ajouter  à  Ses  embarras  et  à 
SCS  chagrins.  L'auteur  de  cette  note  écrivit  en 
sa  faveur  à  M.  Lnurdoueix;  el,  huit  jours  après, 
la  iieusion  fut  rétablie  aTec  paienii-nt  de  près 
d'une  annie  d'arriéré.  V— V£. 

(i  j)  Vor,  Potstrs,  p,  5r. 


BON 

que  qu'il  avait  en  vue, que  le  courti- 
san de  Louis  XIV  et  le  viljlatteur 
des  rois.   En  indiquant  ses  princi- 
paux ouvrages,  nous  aurons  eticore 
1  occasion  de  faire  coimaîire  ses  prin- 
cipes en  politique  et  en  littérature. 
I.  Le  Nouveau  théâtre  allemand , 
Paris,  1782,  in-8°,  12  vol.  Les  dix 
derniers  sont  entièrement  de  Bonne- 
ville  (^oj-.  Friedel,  tom.XVl).  II. 
Choix  de  petits  romans,  imités  de 
l'allemand  ;  suivis  de  quelques  Es- 
sais   de    poésies  lyriques,  ibid., 
1786,  in- 13.  Ce  petit  volume  qu'il 
eut  rhontieur  de  dédier  à  la  reine  , 
contient     les    meilleures    pièces   de 
Bouneville   dins   le   genre   lyrique  : 
Le  Cheval  de  bataille,  le  Déses- 
poir de  Job^  la  Prophétie  contre 
Tjr,   etc.   Dans  une   préface   très- 
longue   et  très-chagrine,   il  déplore 
avec   amertume   le  sort    des   jeunes 
écrivains    qui   n'ont  pas  de  fortunej 
mais  il  faut  convenir  iju'i!  y  a  dans  ce 
morceau  plus  d'imagination  el  de  sen- 
sibilité que  de  raiou  (  Voy.  V  Année 
littéraire,  VI,  2.4-i-iS).  111.  Let- 
tre à  Condorcet,  Londres,  1786, 
iii-8''5  elle  roulo  sur  la  philo.'Ophic 
de     Ibslolre.     IV.     Les   jésuites 
chassés  de  la  maçonnerie  et  leurs 
poignards  bi  isés  par  les  maçons  (  1 5), 
Londres  ,  (Paris) ,  1788  ,  deux  par- 
lies  in-8°.  Le    but   de  l'auteur  est 
de  prouver  que  les  jésuites  profi- 
tèrent   des    troub'es   du   reçue    de 
Charles  1*^"^  pour  fonder  en  Angle- 
terre la  raaconuerie  telle  qu'elle  existe 
dans  les  différents  états  tie  l'Europe. 
Eonueville   avait,    suivant   Barruel, 
reçu  de  Bode  les  matériaux  nécessai- 


(i^)  C'est  le  titre  général  de  l'ouvrage  que 
nuus  avons  cite;  mais  chaque  partie  en  a  un 
pariiculiel".  La  première  est  intitulée  :ia  maçon- 
nerie écossaise  comparée  avec  les  liois  jimfesstons 
el  le  secret  des  Templiers  du  Xlf  ^  sièc/e  ;  la 
seconde  ;  HfémeU  des  quatre  vaux  de  la  compagnie 
de  Saint- l'^riave  el  des  (jitstre  grades  di  la  mflc'Ja» 
«  en'e  de  Sain  t-  Jmn , 


BON 

'"es  [Mémoire  sur  le  Jacobinisme , 
V,  11-1988)^  niais  il  dtlare  lui- 
même  que  l'Essai  de  ]S  icclaï  5///'  l'or- 
dre des  T'euipliers  lui  a  élé  d'un 
grand  secours(i'^^  part.,  p.  i5). Mira- 
beau dit  que  c'esL  un  ra|)prochenienl 
très-complet  et  trcs-exacl  des  princi- 
paux faiis  qui  ont  amené  en  Allema- 
gne celte  iraporlante  découverte; 
et  qoe  cet  ouvrage  fait  beaucoup 
d'honneur  aux  coaaaissa.>ces,  a  la 
sagacité  et  même  au  courage  de  Boc- 
reville  (  Monarchie  prussienne , 
liv.  vm).  L'auteur  y  rendait  (ii* 
partie,  p.  i32)  un  dernier  hom- 
mage aux  vertus  de  Louis  X\  I ,  ainsi 
qu'aux  vues  bienveillantes  de  Brieune, 
de  Brcteuilj  de  Lamoign'.u  et  de 
Bionlmorin-  mais  dans  la  plupart  des 
exemplaires  cette  page  a  élé  rem- 
placée par  un  carton.  V.  Histoire 
de  r Europe  moderne ,  depuis  l'ir- 
ruption des  peuples  du  Isorddans 
V empire  romain  j  squ  à  la  paix  de 
1783  5  Genève  (HarisJ ,  1789-92,3 
vol.  iu-S**.  Cet  ou\  rage  devait  être 
divibé  en  trois  parties  :  la  première 
aurait  offert,  en  6  ou  7  volumes,  \q 
tableau  des  événements  ;  la  seconde  , 
l'histoire  des  sciences  et  des  arts»-  et 
la  troisièiiie ,  celle  de  l'esprit  hu- 
main, depuis  Li  découverte  d'un  al- 
phabet par  les  Francs,  jusquà  la 
naissance  de  l'Encyclopédie.  Dans  les 
trois  volumes  qui  ont  paru,  on  trouve 
quelques  belles  pages  ,  quelques 
idées  justes  et  fécondes  eu  résul- 
tats. Mais  que  doil-on  penser  d'un 
écrivain  qui  s'éloiine  que  \' Abrégé 
chronologique  du  pré>ideul  Héuaiilt 
n'ait  pas  été  brûlé  par  la  main  du 
bourreau,  par  la  raison  qu'il  a  eu  la 
bassesse  de  reproduire  celle  maxime  ; 
que  si  veut  le  roi ,  si  veut  la  loi 
[Discprélim  ,  4-^)3  comme  si  ce  u'é- 
lait  pas  un  des  prin  ipes  de  l'ancienne 
monarchie  !  d'un  écrivain  qui ,  dans 


BON 


,^71 


un  au'.re  endroit  (I,  4.06),  après  avoir 
annoncé  que  la  terre  épurée  ne  re- 
produira plus  de  rois  absolus ,  ni  de 
piêlres,  ni  de  volcaos,  regret! e  beau- 
coup de  n'avoir  pu  s'exprimer  comme 
les  Anglais  en  disant  que  la  terre  sé- 
rail déroisée  et  déprétraillée  ,  deux 
mois  qu'on  trouve  sublimes  dans 
Shakspeaie  ]  VI.  he  tribun  du  peu- 
ple ,  ou  Recueil  de  lettres  de  quel- 
ques élecleuis  de  Paris  avant  la  ré- 
volullou,  1789,  in-8°. — Le  Vieux 
tribun  ,  imprimerie  du  cercle  so- 
cial 1791  .  2  vol.  ln-8°.  VIL  La 
Bouche  de  fer,']omnû  commencé  ea 

1790,  avec  CI.Fauchel,  in-8°.  VIII. 
De  l'esprit  des  religions,  ouvrage 
promis  et  nécessaire  a  la  confédéra- 
tion universelle  des  amis  de  la  ver: lé, 

1791,  2  part.  in-8°;  nouvelle  édil., 
I  792  ,  iii-S'^.  Ce  livre  ,  le  plus  sin- 
gulier de  Bonneville ,  est  bien  loin 
de  répondre  h  son  titre.  Comme  il 
con  posait  les  deux  parties  en  même 
temps,  et  qu'on  les  imprimait  a  me- 
sure ,  il  ne  lui  a  pas  élé  possible  de 
donner  à  ses  idées  l'ordre  et  la 
méthode  nécessaires.  Il  suit  de  la 
que  tout  y  est  décousu  ,  et  qu'on  y 
trouve  accolés  les  sujets  les  plus 
disparates.  Suivant  Bonneville,  la 
religic^n  universdle  ne  peut  êlre 
que  celle  qui  sera  fondée  sur  l'avan- 
tage de  tous  les  hommes.  Elle  aura 
pour  prêtres  les  sages,  c'esl-a-dire 
les  philosophes  et  les  savants  ;  et 
comme  il  faut  un  culte  et  des  églises, 
il  propose  d'adi'pter  provisoirement 
les  rilcs  et  de  s'emparer  dts  loges  des 
francs  maçons  ,  sauf  L'approbation 
'ie  l'assemblée  générale  du  genre 
humain.  Il  proiesse  parlent  le  plus 
grand  respect  pour  Dieu  ;  11  demande 
qu'on  traite  les  alhéescomine  des  ma- 
lades, ou  des  êlres  d'u:ie  classe  infé- 
rieure à  l  homme,  puisqu'ils  n'ont 
pas  comme  lui  l'idée  d'une  éternilé 


572  BON 

de  bonheur.  C'est  donc  ainsi  bien 
à  tort  que ,  sur  quelques  phrases 
équivoques  ,  Sylvain  Âlaréchal  l'a 
placé  dans  son  Dictionnaire  des 
athées.  Pour  arriver  au  bouheur  par- 
fait que  la  nature  nous  doit^  puis- 
qu'elle nous  l'a  promis  ,  Bonneville 
veut  qu'on  adopte  sur-le-champ  la 
communauté  des  femmes  ,  et  qu'on 
s'occupe  d'une  répartition  plus  juste 
des  biens.  Il  propose,  pour  attein- 
dre ce  but  sans  secousse,  de  régler 
par  une  loi  la  portion  de  chaque  enfant 
dans  les  biens  de  son  père  ,  et  de  ré- 
partir le  surplus  entre  les  parents  les 
plus  pauvres.  Si  l'on  vient  à  lui  ob- 
jecter que  les  propriétés  sont  inviola- 
bles et  sacrées,  il  lépond  :  «C'est  pré- 
cisément pour  cela  que  tu  n'as  pu 
avoir  celle  du  pauvre 5>  (i""*"  part.,  p. 
7 8).  Voilà  déjà  des  choses  Lien  singu- 
lières ;  mais  ce  a  quoi  l'on  est  loin  de 
s'attendre,  c'est  que,  dans  cet  Esprit 
des  religions^  Bonneville  parle  beau- 
coup de  grammaire*  qu'il  y  donne 
desétjmologiesingéuieuseàdont  quel- 
ques-unes soni  des  réponses  très-so- 
lides à  des  plaisanteries  de  Voltaire 
sur  la  Bible  ;  et  enfin  qu'il  s'y  montre 
très- opposé  à  l'orthographe  de  Vol- 
taire ,  et  k  ce  qu'on  écrive  comme  on 
parie,  pour  d'eïcelleules  raisons  qui 
ont  été  reproduites  en  partie  dans  la 
récente  controverse  suscitée  sur  ce 
point  par  un  grammairien  (i6).  IX. 
Le  nouveau  code  conjugal,  éta- 
bli sur  les  bases  de  la  constitution, 
T'7g2,in-8°.  Cet  ouvrage  est  annoncé 
eu  trois  parties^  mais  il  n'a  paru  que 
la  première.  Voici  quelques-unes  des 

Ci6)«Mon  Espiii  des  religions, d\l  Bonneville, 
rst  le  gerine  de  vingt  ouvrasses  classiques  dans 
le  sens  de  la  révolulion  ,  et  j'aiir.e  à  croire  que 
le  bon  Jeon-Jacque'î ,  qui  avait  un  cœur,  n'eût 
pas  d(  daigné  d'en  être  l'auteur,  et  qu'il  ajniile- 
rait  à  sa  gloire. «  C'est  dans  son  a<lressea((T  vcrita- 
bles  amis  de  /u  lif/erle'  (i-^^i,  png.  ii)  que  Bon- 
neville s'exprimait  ainsi  avec  l'amour-proprc  le 
plus  candide.  A' — rs. 


BON 

idées  de  l'auteur.  Les  célibataires  sont 
exclus  de  tous  les  emplois  publics  ,  a 
moins  qu'ils  ne  deviennent  pères  par 
l'adoption.  L'âge  des  mariages  est 
tixe  a  quinze  ans  pour  les  garçons,  et  a 
treize  pour  les  filles.  Le  père  ne  peut 
épouser  sa  fille,  ni  la  mère  son  fils, 
afin  d'arriver  sans  violence  a.  la  di- 
vision des  héritages.  Les  époux  ré- 
pondent au  magistrat  qui  vient  de 
déclarer  leur  union  :  \  ivc  la  liberté  ! 
vive  la  nation  (p.  359)!  Le  mari  peut 
répudier  sa  femme,  mais  seulement 
pour  cause  de  libertinage  5  et  la  femme 
peut  demander  le  divorce  si  son  mari 
devient  fou  et  se  rend  coupable  de 
désordre  extrême.  Avant  de  le  pro- 
noncer ,  le  juge  de  paix  doit  faire 
observer  aux  époux  qu'il  n'y  a  point 
d'homme  ni  de  fenime  sans  défauts, 
çue  le  plus  beau  ciel  a  ses  ora- 
ges, etc.  X.  Poésies ,  1793  ,  in-8°. 
Aux  Essais  Ijriques  dont  on  a  déjà 
parlé,  Bonneville  a  réuni  dans  ce  vo- 
lume tous  les  vers  qu'il  avait  compo- 
sés depuis  la  révolution.  Un  assez 
grand  nombre  sont  au  moins  singu- 
liers, tel  que  celui-ci  tiré  du  Druide: 

Satan!...  c'est  le  monarque  en  tranches  découi>é. 

Parmi  les  pièces  nouvelles,  la  plus 
remarquable  est  le  Poète ,  oii  Bon- 
neville déplore  dans  une  suite  de 
chants  quelquefois  barbares ,  mais 
souvent  énergiques  ,  les  excès  de 
la  révolulion.  C'est  ainsi  que  dans  le 
huitième  il  décrit,  avec  une  rare  vi- 
gueur de  pinceau,  la  réunion  oîi  furent 
décidés  lesmassacres  des  prisonniers. 

Là,  septembre, en  panache,  as.tonible  ses  ministres 
Et  s'y  fait  applaudir  de    projets  plus   siai-stres 

Que  les  plans  de  Caligula. 
L'enfer  n'est  plus  l'enfur  :  tous  les  démons  sont  là. 

XI.  Hymne  des  combats^  '797» 
in-S".  Outre  quelques  traductions  de 
l'anglais  de  Thom.  Payne  (  1 7),  et  un 

(17)   Madame  de  Bonneville ,    dépositaire  des 
papiers  de  Thorass  Payne,  avait  commencé  eu 


BON 

assez  grand  nombre  de  pamplilelsano 
nyincs,  on  doit  aEonuevi'le  |ilusieurs 
articles  dans  les  journaux  ,  parlicul.è 
rement  dans  le  Mercure,  et  depuis 
la  révolution,  dans  la  Chronique  du 
mois  (i8).  Il  a  laissé  en  manuscrit 
un  Nouveau  système  de  pronon- 
ciation anglaise  pour  les  mots 
homophones  ;  el  les  Forets  des 
Gaules,  poème  (19).  \V — S. 

BO!\XIVARD  (François  de), 
fils  de  Louis  de  Bonnivard,  seigneur 
de  Lunes,  naquit  eu  1496,  et  fit  ses 
études  à  Turin.  Jean  Aimé  de  Bon- 
nivard ,  son  oncle ,  lui  résigna  eu 
i5io  le  prieuré  de  Saint -Victor, 
silué  aux  poitcs  de  Geuève,  et  qui 
iormait  un  bénéfice  considérable  ; 
inais  a  cause  de  sa  grande  jeunesse 
il  n  en  prit  possession  qu'en  i5i4., 
en  vertu  d'un  bref  du  pape.  Il  dit 
lui  même  que,  dès  qu'il  eut  commencé 
à  lire  les  annales  des  nations,  il  se 
sentit  entraîné  pardon  goût  pour  les 
républiques  ,  dont  il  épousa  toujours 
les  inléi  êls.  Cette  disposition  d'esprit 
détermina  plus  fard  sa  conduite  po- 
litique. Genève,  ville  impériale  el  li- 
bre, sauf  des  droits  assez  étendus 
exercés  par  ses  évèqnes,  luttait 
depuis  long-temps  contre  la  maison 
de  Savoie,  qui  voulait  la  posséder. 
Le  duc  Charles  III ,  surnommé  le 
bon  par  ses  sujets  et  par  ses  hislo 
liens,  résolut  d'y  établir  sa  dominai  ion. 
Jean  ,  bâtard  de  Savoie,  occupait  le 
siège  épiscopalde  Genève  et  avait  cédé 


iSjq  la  rédaction  d'une  v.'e  de  cet  écrivain, 
qu'elle  se  pinposail  de  jiublicr.  V — ve. 

(iS)  CV st  di  s  presses  de  Bonnevilie que  sorti- 
rent le  Système  du  monde,  de  Laplace,  et  les 
Leçons  de  l'Ecole  normale.  V ve. 

(19)  Ces  manuscrits  sont  entre  les  mainsdesa 
veuve,  qui,  en  i8i3,  est  allée  rejoindre  ses  deux 
eniantsaux  Etats-tnis.  I, 'aine  des  fils  d,^  Bonne- 
viUe  est  un  d.  s  officiers  les  plus  distingués  de 
l'armée  américaine;  il  a  été  charpé  par  le  gou- 
Teriiemcnl  d'une  mission  imporlante  pour  la  civ;- 
lisatii^n  -'es  peuplades  indijèncîi  V— vs. 


BON  573 

au  duc  tous  ses  droits  régaliens.  Ce 
fut  alors  qu'éclatèrent  les  premiers 
bè-  troubles ,  et  que  Bonnivard  se  signala 
par  son  courage  el  par  ses  liaisons 
avec  les  liommes  les  plu.s  remarqua- 
bles de  ce  parti ,  entre  autres  Berthe- 
lier  {Foy.  ce  nom,  tome  IV). 
D'abord  il  eut  à  soutenir  contre  l'é- 
vêque  un  citoyen  appelé  Pecolat  que 
le  prélat  avait  fait  arrêter  5  ensuite 
il  ménagea,  entre  Genève  et  Fri- 
bourg ,  un  traité  de  co-bourgeoisie 
et  de  défense  mutuelle  5  mais  l'an- 
née suivante,  iSip,  le  duc  s'élant 
fait  ouvrir  les  portes  de  Genève  , 
à  la  tête  de  cinq  cents  bommes  , 
Bonnivard  qui  redoutait  son  ressen- 
timent voulut  se  retirer  k  Fri- 
bourg  :  il  fut  trahi  par  deux  hommes 
qui  l'accompagnaient  et  conduit ,  eu 
vertu  d'un  ordre  du  prince  ,  a  Grolée, 
où  il  resta  deux  aus  prisonnier. 
Ses  ennemis  avaient  toujours  les  yeux 
ouverts  sur  lui,  et  ils  avaient  résolu  de 
mettre  en  usage  tous  les  moyens  pour 
le  perdre.  En  i53o,  l'avant  rencontré 
sur  le  Jura,  des  voleurs  le  dépouil- 
lèrent et  le  mirent  encore  entre 
les  mains  du  duc  de  Savoie,  qui 
l'envoya  au  château  de  Chillon,  où 
il  resta  sans  être  interrogé  jusqu'en 
I  536,  qu'il  fut  délivré  par  les  Ber- 
nois ,  maîtres  du  pays  de  Vaud.  Ce 
chàfeaUj  ancien  séjour  des  baillis  de 
Vevai  et  qu'un  tel  captif  suffirait  à 
rendre  célèbre,  est  situé  entre  Cla- 
rens  et  A  illeneuve ,  ville  placée  à 
une  extrémité  du  lac  de  Genève. 
A  gauche  de  Chillon,  à  l'entrée  du 
Rhône ,  et  vis-a-vis  ,  se  dressent 
les  rochers  de  Meilli  rie,  illustres  par 
Rousseau.  Byron  a  retracé  les  souf- 
frances de  Bonnivard  dans  un  poème, 
digne  pendant  de  l'épisode  d'Ugoliu, 
et  qui  est  peut-être  de  toutes  sescoœ- 
positions,  ainsi  que  l'a  remarqué 
M""'  Belloc  ,  celle  nul  fai l  pleurer  da- 


5  7  4 


EOiN 


vanlage.  L'aiiîeur  àehi  Noui^cUe  J/é- 
loïse  3.  aussi  consacré  le  souvenir  de 
Chilloii  el  de  .'■on  prisonnier  :  il  l\ip- 
pelle  nn  homme  d'un  naérite  rare , 
d'une  droïlure  et  d'une  fermelé  à 
toute  épreuve,  ami  de  la  liberté 
quoique  Savoyard  ^  et  tolérant 
quoique  prêtre.  Bonuivard,  en  bri- 
sant SCS  ftrs,  eut  la  satlslaction  de 
trouver  Genève  libre.  La  rélornie 
religieu>c  s'y  élail  en  même  temps 
opérée  et  les  magistrats  voulaimt 
rétablir  dans  les  camp. ignés,  qui  re- 
fusèrent d'ahcrd  d'ahandi  nner  leur 
croyance.  Bonnivard,  partisan  d'une 
toléranie  dont  le  calvinisme  .s'est 
trop  souvent  écarté ,  applaudit  a 
cette  réi-oluliou  et  engagea  le  conseil 
a  leur  accorder  un  temps  snfiisant 
pour  examiner  les  proposilious  qui 
leurélaiint  {ailes.  Ce  uioyen  fut  cou- 
ronne par  le  succès.  Quoique  Bou- 
nivard  eût  reçu  plus  d'une  récoir- 
pense  des  sfr\ices  qu'il  avait  rendus 
à  la  république,  il  ne  crut  point  avoir 
été  convenablement  dédommagé  de 
ce  qu'il  avait  perdu  pour  sa  cause  , 
et  l'on  serait  en  droit  de  s'étonner 
de  celle  riirueur  de  calcul  dans  un 

1  ,      ,  •     r 

bomrae  vanle  pour  la  gcuerosile 
de  .--on  civisme  ,  .••i  une  falale  expé- 
rience n'avait  appris  que  le  partait 
désintéressement  est  la  plus  rare  des 
verlus  pairiolicjues.  li  demanda  en 
i558  d'êlre  mis  eu  posse;,sionde  son 
prieuré  de  Saint-Victor;  on  le  lui 
rcfusaj  il  se  relira  a  Berne. .Le  hé- 
ros de  Genève  plaida  contre  elle  : 
enfin ,  par  un  accommodement ,  il 
obtint,  au  mois  de  lévrier  i53o, 
ooo  écus  en  e.^pèces,  et  i4o  écns 
de  pension  via-ère.  On  pense  qu'il 
inonrnt  en  lôyo,  mais  on  ne  peut 
l'assurer,  parce  qu'il  y  a  une  lacune 
dans  le  nécr(doge  ,  d(  puis  le  mois 
de  juillet  if.yo  jns'qn'eu  lôyi.  — 
Cet  homme  fameux  dans  sa   pairie 


BON 

adoplive  pouvait  passer  pour  savant. 
Il  s'était  fanii liari.se  avec  les  classi- 
qnes  latins,  et  il  avait  approfondi  la 
théologie  et  l'histoire.  En  i55i  il 
donna  au  public  sa  bibliotlièque  qui 
devint  le  fondement  de  celle  de  Ge- 
nève. La  même  année  il  inslilua  la  ré- 
puldicpie  sou  héritière,  h  condition  lou- 
tefuis  que  ses  biens  seraient  employés 
a  entretenir  le  collège  dont  on  proje- 
tait lafondationj  el  cet  acte  l'ab.sout 
du  compte  trop  sévère  demandé  à 
ses  concitoyens,  lorsqu'il  balança 
ses  rémiméralious  et  ses  sacrifices. 
Il  avait  composé  un  grand  nombre 
d'ou'.rages  dosit  quelques-uns  onl  été 
publiés  et  dont  les  manuscrits  auto- 
gnphes  sont  conscivés  dans  la  biblio- 
thèque de  la  république.  Senebier 
{Hist.  litt.  deGenêfe,!,  lôy-iSg), 
en  do.  ne  la  lisle.  Le  plus  iinporlant, 
quoique  encore  inédit,  est  sa  Chroni- 
que de  Genève.  Un  libi-aire  en  a  com- 
mencé \d  publication  en  iSaS  ,  mais 
elle  n'a  p:)s  élé  achevée.  Il  est  élon- 
nant  eue  dans  une  ville  où  existent 
tant  d'hommes  dont  le  zèle  égale  le 
savoir,  on  n'ait  pas  encore  mis  au 
jour  ce  monument  de  l'hi.sloire  natio- 
nale. R — F — G. 

EO:\'NYCASTLE    (  Jeak  ) , 

malhémallcieu  anglais,  né 'a  While- 
church  dans  le  comté  de  Fnckinghann, 
de  parents  pauvres,  recul  néanmoins 
une  bonne  éiincalion.  Quoique  'ts 
malhéra.;iiques  fussent  dès  celle  épo- 
que le  principal  objet  de  ses  éludes, 
il  ne  laiss.i  pas  de  se  livrer  à  la  lit- 
léralure  ;  et ,  indépendaninîent  de  la 
connai,ssaucc  qu'il  avait  des  deux  lan- 
gues classiques  ,  il  possédait  l'ita- 
lien ,  l'allemand  et  le  français  ,  .si- 
non de  mau  ère  a  parler  ces  langues  , 
assez  du  moins  pour  comprendre  et 
sentir  les  écrivains  qui  s'en  étaient 
servis.  Cette  diversité  de  talents  lui 
lit  trouver  de  bonne  heure  «ne  posi- 


B()^ 

iion  atanfageuse  à  Londres,  où  il 
était  venu  perfeclionner  ses  connais- 
sances et  tirer  parti  de  cellts  qu'il 
nossédiiit.  Le  comie  de  Foiwfiel  le 
chargea  de  l'éducation  de  ses  deux 
en  aiits.  Bonnviaslle  qui  n'avait  alors 
que  dix-buil  ans  ,  était  dc'ja.  marié. 
Il  tint  ensuite  une  académie  ou 
cours  libre  à  Hackuey;  et,  déjà  re- 
gardé comme  un  des  premiers  ma- 
thématiciens de  l'époque,  il  devint 
un  des  principaux  correspondants  du 
London  Magazine.  Pins  tard  ,  il 
se  mit  k  composer,  a  Tusage  des  élè- 
ves de  tous  les  degrés  ,  des  ouvrages 
él'-mentaires  qui  sont  devenus  classi- 
ques .  et  qui  souvent  réimprimés  ne 
contribuèient  pas  ueu  "a  sa  fortune. 
En  même  temps  il  ét;at  nommé  pro- 
fesseur de  mathématiques  k  l'école 
militaire  de  V/oolv?ich.  Il  mourut 
en  1821.  Voici  la  liste  de  ses  ou- 
vrages. L  Le  Guide  de  V écolier 
en  mathématiques,  i78D,in-i2; 
5^  éditinn  ,1811  :  il  y  en  a  eu  beau- 
coup d'autres  depuis.  IL  Intro- 
duction à  fart  du  mssurage  et  à 
la  géométrie  pratique  f  17 52,  in- 
12.  III.  Introduction  à  l'algèbre  , 
1782,  in- 13.  IV.  Introduction  à 
l'astronomie,  1786,  \n-^"  .N .  Elé- 
ments de  géométrie  d'Euclide . 
1789,  in-S".  VI.  Une  traduction 
âe  l'Histoire  générale  des  mathé- 
matiques,  de  Bo^sut,  i8o5,  in-8". 
VII.  T.raité  de  trigonométrie 
plane  et  sphcrique ,  1806  ,  in- 
8°.  MIL  Introduction  à  la- 
rithmélique  formant  la  première 
pariie  d'un  cours  géuér.ii  de  ma- 
thématiques, 18 10,  in-8°.  ÏX. 
Traité  dJ" Algèbre,  18  i5.  2  vol.in- 
S°.  P— OT, 

BOXO  (l'abbé  Jean -Baptiste- 
Augustin)  ,  professeur  de  droit  ca- 
nonique, était  né  en  iy58  h  Ver- 
zuolo ,  près  de  Saluées.  Il  reciU  sa 


EON 


J7  j 


première  éducation  de  son  père  ,  doc- 
teur en  médecine,  qui  désirait  lui 
faire  adopter  la  même  profession  , 
déjà  exercée  dans  sa  famille  par  sept 
géiiéralioas  Consécutives  •  mais  le 
jeune  Bono  se  montra  plus  disposé 
pour  l'étal  cccL'siasiique  Api  es  avoir 
fait  sa  philosophie  au  collé-  e  de  Sa- 
luées ,  il  obtint  une  bourse,  et  fit 
Si  n  cours  de  droit  civil  et  canonique 
îi  l'université  de  Turin.  En  i  7  5  5  il  fut 
admis  au  Cl  liège  des  Fr()vince^  comme 
répétiteur,  et  l'année  suivante  il  fut 
reçu  docteur.  Désirant  .suivre  la  car- 
rière de  l'enS'-igntraenl ,  il  .fut  répé- 
titeur de  droit  a  l'académie  rovale 
des  nobles,  où  il  demeura  jusqu'en 
1767  ,  époque  de  sa  nomination  k  la 
chaire  d'instiiutions  canoniques,  et 
l'année  suivante  ,  a  celle  de  droit  ca- 
non. Ce  fut  alors  qu'il  se  fit  connaî- 
tre par  son  traité  De  potestate  ec- 
clesiœ  tuniprincipis,  seu  de  juris- 
dictione ,  ouvrage  qui  mérilerait 
d'être  plus  connu  en  France,  car  il 
marque  les  vraies  liii.iles  des  deux 
pouvoirs,  dont  le  fanatisme  et  l'igno- 
rance ont  lanl  abusé.  En  1788  liono 
publia  encore  des  thèses  De  potestate 
principis  circa  matrimonia.  Un  ro- 
main pseudonyme  lui  répondii  par  une 
biochure  intitulée  :  Pétri  Deodali 
]SicopolitM.ni  epistola  ad  Anteces  - 
soreni  Taurinensem,  qua  ilhislran- 
lurejus  propositiones  de  potestate 
ecclesiœ  in  matrimonia ,  Mégalo- 
poli ^  '789-  Eu  i7'9i,  le  savant 
professeur  ajouta  h  sou  Irailé  De  cri- 
minibus  ecclcsiaslicis  sept  thèses 
De  usuris ,  par  lesquelles  il  a  clai- 
rement expliqué  la  loi  de  l'évangile  , 
l'autorité  des  pères  He  l'église,  le 
vrai  sens  des  canons ,  eJ  la  lettre  eu- 
cyc'iqiie  de  Benoît  XIV.  Ces  tiièses 
furent  de  nouveau  atlaouécs  dans  une 
brochure  par  le  vicaire  du  saint  of- 
fice. Lors  de  l'occu nation  de  .'a  Sa- 


576 


BON 


voie  et  du  comté  de  Nice  par  les 
années  françaises,  en  1792,  l'abbé 
Bono  et  d'autres  professeurs  avant 
montré  quelques  dispositions  favora- 
bles k  la  révolution,  Tuaiversilé  de 
Turin  fut  fermée,  et  Boao  fut  obligé 
de  vivre  dans  la  retraile  oii  il  se 
consola  au  milieu  de  sa  bibliothèque, 
qui  était  une  des  plus  riches  et  des 
mieux  choisies  du  Piémont.  Ce  fut 
dans  ce  teinps-la  qu'il  composa  la 
savaule  préface  des  œuvres  de  Leib- 
nitz  ,  qui  furent  publiées  à  Ge- 
nève,  en  1797.  Lorsque  les  Fran- 
çais s'emparèreut  définitivement  du 
Piémont  ,  le  8  décembre  1798  , 
le  général  Joubert  désigna  Bono 
pour  nu  des  quinze  membres  du 
gouvernement  provisoire,  et  il  fut 
attaché  avec  Botlone,  Fasclla  et 
autres,  au  comilé  des  fhiniices , 
commerce ,  agriculture,  arts  et 
manufactures.  C'est  de  ce  comité 
qu'émnna  la  loi  funeste  qui  réduisit 
les  obligations  du  trésor  royal  a  un 
tiers  de  leur  valeur  nominale,  et  les 
pièces  de  billon  a  moitié.  Bono  fut 
nommé  président  du  gouvernement 
provisoire,  et  il  signa  en  cette  qua- 
lilé  la  délibération  du  6  janvier 
1799,  par  laquelle  la  basilique  de 
Supirga  devait  être  transformée 
eu  un  temple  de  la  Reconnais- 
sance ^  en  l'honneur  des  patriotes , 
et  les  tombeaux  des  rois  enlevés 
de  cette  église.  On  avait  demandé  au 
club  de  Turin  que  ces  tombeaux  fus- 
sent délruils ,  et  la  décision  du  gou- 
vernement provisoire  empêcha  un  tel 
acte  de  vandalisme.  Ce  fut  par  une  dé- 
libération de  ce  même  gouvernement 
que,  dès  le  8  février  1799,  trois  dé- 
putés, Boltoue,  F)0ssi  et  Sarloris,  fu- 
rent envoyés  a  Paris  pour  porter  au 
directoire  une  demande  de  réunion 
à  la  France.  Après  avoir  rempli  de 
telles  fouctions,  Bono  n'eût  pas  luau- 


BON 

que  d'être  poursuivi  comme  révolu- 
tionnaire, lorsque  les  Français  fu- 
rent obligés  d'évacuer  le  Piémont  en 
1799,  devant  l'armée  Austro-Russe; 
mais  il  était  mort  dans  le  mois  de 
mars  de  celte  année;  et  ses  collè- 
gues du  gouvernement  provisoire  lui 
avaient  fait  décerner  de  grands  hon- 
neurs funéraires.  G — g — t. 
BONSI  (le  comte  Frawçois), 
célèbre  hippialrisle  italien,  né  vers 
1720  krvimiui,  descendait  d'une  il- 
lustre famille  de  Florence.  Elève  du 
fameux  Janus  Plancus[Voj.  BlAN- 
CHi(/ca/i),tom  IV),  il  cultiva  dans  sa 
jeunesse  la  médecine  et  les  différen- 
tes branches  de  l'histoire  naturelle; 
mais  passionné  pour  le  cheval ,  il  finit 

Far  s'attacher  plus  particulièrement  à 
étude  de  cet  animal.  Quelques  opus- 
cules qu'il  publia  en  1756  ,  sur  les 
maladies  et  le  traitement  des  che- 
vaux, furent  critiqués  vivement  par 
Perulez,  maréchal  au  service  du  duc 
de  Modèue,  et  firent  naître  divers 
pamphlets  plus  propres  k  égayer  les 
oisifs  qu'à  éclairer  le  sujet  de  la 
dispute.  M.  Aul.  Lombardi  regrette 
que  les  ouvrages  de  Bonsi  ne  soient 
pas  appréciés  par  ses  compatriotes 
cqmme  ils  méritent  de  l'êlre,  et  se 
croit  fondé  k  réclamer  pour  lui  Thon- 
neur  d'avoir  créé  l'iiippialrique  , 
parce  que,  dès  1751,  c'est-k-dire 
plus  de  dix  ans  avant  la  fondation 
des  écoles  vétérinaires  d'Alfort  et  de 
Lyon  ,  Bonsi  avait  publié  un  traité 
sur  la  connaissance  des  cbevaux  (voy. 
Storia  délia  letteral,  ital. ,  net 
XFIII  secoL,\l,  280).  Mais 
M.  Lombard!  semble  oublier  qu'une 
science  doit  nécessairement  exister 
avant  que  l'on  établisse  des  éculea 
pour  l'enseigner  ;  et  que  d'ailleurs  les 
Eléments  d' hippiatrique  de  Bour- 
gelat  sont  antérieurs  aux  Regole  de 
Bonsi.  C'est  donc  saus  aucune  nro- 


BON 

babilité  de  succès  qii'l!  tente  de  dé- 
pouiller le  médecin  fraucais  de  la 
gloire     d'avoir     créé    riiippiatrique 

{Voy.  BOUEGELAT  ,   tOID.    V).  Bonsï 

lit  en  1780  un  cours  a  Naples  , 
dans  le  palais  du  prince  de  Franca- 
villa.  Il  vivait  en  179a  j  mais  nous 
ignorons  la  dalede  sa  mort.  Ses  prin- 
cipaux écrits  sont  :  I.  Regolc  per 
conoscere  perfcttaniente  le  bel- 
lezze  e  i  difetii  dé  cnvalli ,  Ri- 
mini,  i  y5  i ,  ia-4",  fig-j  ibid.,  1802, 
)n-u°,  II.  Ltttcra  d'un  cocchiere 
ad  un  suojlglio  in  cul  gîi  da  al- 
cuni  utili  aveilimenli  necessari 
per  esercitare  con  Iode  la  propria 
arte ,  ibid.,  1755  ,  in-8".  III.  Let- 
tere  ed  opusculi  ippiatrici  o  siano 
intorno  la  inedicina  de'  cavalli^ 
ibid.,  1756,  et  Venise^  '^1^1  ■>  in-8°. 
I\.  Istituzione  dimarecalcia^  con- 
ducenti....  ad  esercilare  con  sodi 
fondamenti  la  inedicina  de'  ca— 
valu,  ISaples ,  1780,  in-8°;  Ve- 
nise, 1786-875  ibid.,  i8or ,  2  vol. 
C'est  un  très  bon  ouvrage  de  niaré- 
chalerie.  V.  Dizionario  ragionalo 
di  veterinaria  teorico  praLica, 
Venise,  1784,  in-8°,  4-  vol.  L ne 
nouvelle  édit. ,  commencée  a  Venise 
en  1775,  sur  un  plan  beaucoup  plus 
vaste,  n'a  point  été  terminée.  Le  cin- 
quième vol.  de  i8o3  finit  avec  la 
lettre  J.  W — s. 

BOXSTETTEX  (Chaeles- 
ViCTOR  de)  ,  naquit  h  Berne  le  3 
sept.  174-5.  Sa  famille,  après  avoir 
brillé,  dès  le  dixième  siècle,  dans 
les  cours  de  l'Allemagne,  jouait  un 
rôle  distingué  dans  le  palriciat  de 
Berne  ,  et  son  père  y  avait  rempli 
les  premières  charges.  L'éducation 
que  recevaient  les  jeunes  patriciens, 
d  une  manière  assez  uniforme,  n'était 
nullement  propre  a  développer  leurs 
qualités  naturelles.  Destinés,  pourla 
plupart,  au  service  militaire  étranger, 

jyiiT. 


BON 


577 


on  négligeait  de  leur  faire  acquérir 
les  connaissances  dont  l'application 
devait  It  ur  être  utile,  lois(jue  après 
une  absence  plus  ou  moins  loneue  . 
ils  reviendraient ,  selcn  l'usage  , 
occuper  des  places  dans  l'admi- 
nistralion.  Quelques  -  uns  suivaient 
une  carrière  différente,  et  allaient 
puiser  dans  les  principales  univer- 
sités de  l'Allemagne  et  de  la  Hol- 
lande les  lumières  qn'ils  n'eussent 
pas  trouvées  dans  leur  patrie  Le 
père  de  Bonstetten  adopta  cette 
raarcbe  ,  et  il  rapporta  de  son  sé- 
jour a  Gotliugiie  non  -  seulement  un 
assortiment  précieux  de  connaissan- 
ces variées,  mais  des  idées  d'égalité 
et  de  to'éiance  qui  contn'slaient  avec 
l'esprit  dominant  a  Berne  dans  la 
haute  classe,  et  dont  il  s'efforça  de 
très  -  bonne  beu  e  d'inculquer  les 
principes  k  son  fils.  Le  jeune  homme 
s'aperçnl  bien  tôt  lui-même  que  l'espèce 
d'édiica  ion  qu'il  recevait  et  l'atmo- 
sphère dont  il  était  entouré  ne  sa- 
tisfaisaient point  à  ses  besoins  iiitel- 
hcluels,  et  ne  lui  présentaient  pas 
les  résultats  que  son  imagination 
lui  laissait  entrevoir.  Sur  sa  de- 
mande ,  son  père  l'envoya  k  Yverdun 
et  le  plaça,  a  Tàge  de  treize  ans,  dans 
une  maison  respectable,  oii  il  sentit 
promplement  qu'il  acquérait  une  nou- 
velle existence  (i).  Ne  recevant  que 
fort  peu  de  leçons,  il  voulut  sinslruire 
sans  secours  étrangers,  et  c'est  dès- 
lors  qu'il  comniençak  réfléchir  sur  ses 
propres  facultés,  et  a  faire  une  élude 
de  lui-même,  quila  poursuivie  jus- 
qu'à la  fin  de  sa  carrière.  Dès  l'âge  Je 
dix-huit  ans,  il  fut  envoyé  k  Genève 
et  il  ne  larda  pas  k  y  former  des  re- 
lations avec    les     hommes  distinjrués 


(i)   La  fin  de  son   séjour  à  Yvordun  fut  mar- 
quée par  la  connaissance  «ju'il  fit  de  Jean-Jac- 
(jucs  hou==can,  et  par  un  amour  qui  devint  pour 
lui  un  movcu  il'cducatinn  spiritucll«  et  morale. 
M— A. 


37 


5^8 


BON 


que  celte  ville  possédait,  Cramerj 
Jallabert,  Abauzit,  Moultou ,  l'ami 
de  Jean- Jacques  ,  et  surtout  avec 
Charles  Bonnet  dont  Taccueil  pa- 
ternel fit,  dit-il  (2),  la  destinée  de 
sa  vie  intellectuelle,  et  s'empara 
de  toute  son  âme.  C'est  dans  la  fré- 
quenlalion  habituelle  de  ce  philoso- 
phe aimable,  dans  les  lectures  qu'il 
faisait  sous  sa  direction  ,  que  Bon- 
stetlenprit  pour  l'analyse  métaphysi- 
que un  goût  que  Ton  retrouve  même 
dans  ceux  de  ses  écrits  qui  en  parais- 
sent le  moins  susceptibles.  De  ce  mo- 
ment vl  adopta  un  usage,  suivi  aussi 
par  Diderot  ,  et  bien  propre  a  for- 
tifier son  intelligence  et  a  conser- 
ver a  ses  travaux  un  caractère  d'origi- 
nalité. Quand  il  entreprenait  la  lec- 
ture d'un  ouvrage  ,  il  parcourait ,  en 
premier  lieu,  les  titresdes  chapitres,  et 
il  écrivait  ses  pensées  avant  de  lire 
celles  de  l'auteur.  C'est  a  Genève 
aussi  que  les  sentiments  religieux  se 
développèrent  dans  le  cœur  de  Bon- 
stelten.  Rien  de  plus  touchant  que  la 
manière  dont  il  peint  a  son  ami  Mat- 
thisson  (5)  sa  première  communion  , 
7c  plus  heureux  jour  de  sa  vie  , 
et  les  larmes  que  lui  firent  répan- 
dre quelques  doutes  élevés  dans  sou  es- 
prit par  les  railleries  de  Voltaire,  h  la 
table  duquel  il  fut  souvent  invité. 
Après  une  anuée  ou  deux  de  cette  vie 
philosopliique  avec  Bonnet,  Bou- 
sletten  fut  obligé  de  quitter  son  maî- 
tre chéri  et  ses  douces  habitudes  : 
jl  alla  étudier  a  Leyde ,  il  fit  des 
voyages,  il  vit  les  hommes  célèbres  du 
siècle,  il  se  lia  avec  plusieurs,  no- 
tamment avec  Gray  qu'il  connut  k 
Cambridge,  «  Cependant  sa  vie  inté- 
rieure s'effaçait  peu  a  peu,  nous  dit- 
il  ,  (4)  dans  l'éclat  de  la  vie  réelle. 

(2)  Voy.  l'Homme  du  JHdi,  pjg.  vi,  prtT. 

(!)  Lettres   à  Matthisson. 

f\)  f'réfaee  Ue  i'Uorasiic  dr.  usidi   el  du  u«id. 


BON 

L'habitude  si  douce  de  lire  dans  son 
ame  allait  se  perdre  'a  jamais.  Ce  ne 
fut  qu'environ  trente  ans  après  avoir 
quitté  Bonnet  qu'il  retrouva  insen- 
siblement le  fil  de  ses  idées,  dans  les 
lieux  mêmes  011  il  l'avait  quitté.  » 
«  J'ai  fait  voir  ,  nous  dit-il  encore  , 
K  comment  l'éducation  que  j'ai  reçue 
«  a  concentré  ma  pensée  dans  l'é- 
«  tude  de  moi-même.  Il  en  est  ré- 
«  suite  que  l'habitude  de  réfléchir 
a  me  donne  une  vie  intérieure  que 
a  tout  ce  que  je  vois  anime  et 
ce  embellit.  Dans  cette  disposition  de 
«  l'àme ,  tout  devient  un  objet  de 
«  pensée.  «  Ce  peu  de  mots  expli- 
quent l'inclination  bienveillante  de 
Bonstetten  pour  tout  ce  qui  était  ca- 
pable d'exciter  quelque  intérêt,  et 
cette  manière  originale  de  l'envisa- 
ger qui  caractérise  tous  sesécrits(5). 
Quelquefois  ,  dans  ses  ouvrages  mé- 
taphysiques ,  il  s'est  un  peu  égaré 
dans  des  combinaisons  théoriques  j 
mais  dès  qu'il  les  abandonne  pour 
des  remarques  de  détail  ,  et  qu'il 
se  replie  sur  l'homme  en  action  , 
soit  qu'il  l'observe  dans  sa  con- 
science intime ,  soit  qu'il  le  suive 
dans  le  mouvement  de  la  vie,  on 
retrouve  l'observateur  spirituel  qui 
captive  par  la  finesse  de  ses  aper- 
çus ceux  même  qui  en  contcsic- 
raient  la  justesse,  et  le  jibilosop-be 
ingénieux   qui  fait  toujours  penser, 

(i)  Donsletten  avait  reru  da  ciel  un  esprit  se- 
rein ,  une  imagination  vive  et  un  enthousiasme 
éclairé  pour  tout  ce  qui  est  bon  et  beau.  Sa  piété 
était  ardente,  mais  pure  do  toute  .supcr'lition. 
11  racoiitiiit  lui  même  à  ce  snj^t  que  lorsque 
dans  sa  jeunesse  il  entendit  p(jur  la  première 
fols  argumenter  contre  Dieu  (ce  fut  à  Genève 
chez  le  fameux  athée  Rilliet),  il  fut  saisi  d'un  tel 
effroi  qu'il  rentra  précipitamment  chez  lui,  versa 
des  torrents  de  larmes  et  ne  trouva  de  repos 
qu'après  avoir  rédigé  un  écrit  on  il  s'enijageait 
envers  rLtre-Supréme  à  chercher  la  vérité  selon 
ses  forces,  et  à  rester  fidèle  à  la  vertu  durant 
toute  sa  vie.  —  I.es  ouvrages  de  Bonstetten  res- 
pirent, tous,  celte  douce  philosophie  et  cette 
pureté  d'àmo  qui  le  caraclcrisaienl  à  un  si  haut 
desrt.  M — a. 


BON 

quoiqu'on  envisage  les  sujels  qu'il 
Iraite  sous  un  aspect  diftcrenl.  Ce 
don  de  féconder  la  pensée  de  son 
lecteur,  une  des  principales  causes 
du  cliarine  de  ses  écrits,  est  surtout 
remarquable  par  l'usage  qu'il  en  a 
fait  au  profit  de  ceiix  qui  ont  eu  le 
bonheur  de  l'avoir  pour  ami.  L'in- 
fluence vivifiante  et  productive  qu'ils 
ont  éprouvée  ,  chacun  dans  sa  sphère 
d'études  et  d'affections,  s'est  surtout 
déployée  dans  les  relations  intimes 
qne  Bonstelten  a  entretenues  avec 
MuHer  et  Malthisson.  On  peut  affir- 
mer, sans  exagération,  que  l'Allema- 
gne doit  a  sa  tendre  et  encourageante 
amitié  son  plus  illustre  historien. 
Dans  sa  correspondance  avecMuller(6) 
il  publie  lui-même  avec  une  douce  sa- 
tisfaction que  c'est  lui  qui  a  appris  a 
MuUer  a  connaître  tout  ce  qu'il  valait 
et  tout  ce  qu'il  pouvait  Sa  liai- 
son avec  l'historiographe  de  la  Suisse 
date  de  l'année  lyyS,  etaduré  jus- 
qu'hla  mort  de  celui-ci.  Il  n'eu  forma 
pas  une  moins  intime  avec  le  poète 
Malthisson  qui  lui  rendit  le  même 
service  que  lui,  Bonstetten,  avait  ren- 
du kMuller.  aSans  Mathisson,  dit-il, 
(préf.  de  la  Scandina%'iè),  je  n'au- 
rais jamais  pensé  a  me  faire  auteur,  et 
ma  vie  se  serait  malheureusement 
éteinte  dans  Berne  révolutionnée  et 
pleine  de  haines  et  de  ténèbres.  » 
Il  a  consacré  un  chapitre  de  ses50u- 
veniis  k  la  peinture  de  son  amitié 
pour  IMalihis^on,  et  il  en  exprime 
avec  effusion  toutes  les  douceurs  dans 
les  lettres  qu'il  lui  adressait  et  dont  il 
a  dans  la  suite  autorisé  la  publica- 
tion. Nous  voudrions  citer  les  autres 
relations   qui    répandirent    tant  de 

(6)  Cette  correspondance  a  été  pu'  liée  sous 
le  titre  de  Lt-ttres  d'un  jeune  savant  à  un  ami 
(TubiDgue,  1S02)  et  se  trouve  aussi  dans  le  13"= 
voliime  des  œuvres  coinplèles  de  Jean  de  iMuller. 
Il  en  a  paru  une  traduction  française  à  Zurich  , 
en  iSio.  '      M », 


BON 


'79 


charmes  sur  sa  vie  ,  celles  qu'il  a\aif: 
contractées  avec  madame  Frédéri- 
que  Erun  (7),  avec  madame  de  Staël, 
avec  M.  Stapfer  dont  il  ne  parlait  Ja- 
mais sans  un  sentiment  profond  de 
vénération  et  d'attachement  5  mais 
nous  devons  dire  encore  quelques 
mots  de  sa  carrière  politique  princi- 
palement eu  vue  des  écrits  dont  nous 
avons  à  rendre  compte.  Appelé  par 
sa  naissance  et  par  ses  talents  a  joiier 
un  rôle  important  dans  l'état ,  Bon- 
stetten entra  dans  le  grand  conseil  de 
Berne  a  Tàge  oiî  il  pouvait  y  parve- 
nir, et  les  premières  fonctions  qu'il 
eut  k  remplir  furent  celles  de  vice- 
bailli  du  Gessenay,  vallée  de  l'O- 
berland  (8),  dont  il  a  décrit  les 
mœurs ,  la  culture  et  l'industrie. 
Devenu  membre  du  conseil  chargé  de 
la  direction  de  l'instruction  publique, 
il  y  signala  avec  beaucoup  de  zèle 
l'insuffisance  de  l'enseignement  aca- 
démique,  pour  l'état  actuel  des 
sciences  et  de  la  société.  Il  ne  se 
contenta  pas  de  provoquer  de  grandes 
réformes  dans  le  conseil,  aux  travaux 
duquel  il  participait,  il  s'aida  de  la 
presse,  pour  disposer  l'opinion  pu- 
blique aux  améliorations  qu'il  jugeait 
convenables.  11  fit  paraître  a  Zurich, 
en  1786,  a  peu  de  mois  d'inter- 
valle,  deux  mémoires  sur  l'éduca- 

(7)  Sœur  du  savant  théologien  Frédéric 
MuuttT,  évèque  de  Steland,  en  Daneinatk, 
mort  en  i83o  Bien  que  Danoise,  madame  Brun 
u  composé  tous  ses  ouvrages  eu  allemand. 

M— 1. 

(8)  Il  était  encore  incertain  s'il  devait  accep- 
ter des  fonctions  qui  le  plaçaient  à  la  tête  d'un 
district  où  tout  était  nouveau  pour  lui ,  lorsque 
l'avoycr,  d'Krhich,  le  fit  appeler  et  dissipa  ses 
doutes  à  Cet  égard  «  Vous  voilà  donc  bailli, 
«  lui  dit  ce  magistrat  ;  je  ne  sais  si  vous  con- 
<(  naissez  les  usages  du  pavs.  On  donne,  par  au, 
«  tant  de  fromages  à  chaque  conseiller,  et ,  mon 
«  cousin,  retenez  ceci,  tant  à  l'avoyer.  Votre 
II  prédécesseur  était  un  sot;  il  m'envoyait  de 
«pelits  fromages  qui  ne  valent  pas  les  grands. 
«  Adieu  ,  mon  cher  cousin,  je  vous  souhaiie  un 
i<  bon  vo.age.  »— Ce  fut  le  même  IM.  d'Eilach, 
■{ui  fit  chas;cr  J.-J.  Rousseau  de  l'ile  de  Saint- 
Pierre,  M — i.       i 


37. 


58(> 


RON 


iîon  des  familles  patriciennes  de  Ber- 
ne ,  dans  lesquels  à  des  idée^  utiles  se 
trouvent  mêlées  des  critiques  un  peu 
vives  de  l'ordre  existaut,  critiques 
qui  n'étaient  pas  toutes  également  dic- 
tées parla  prudence  et  par  les  besoins 
bien  compris  des  parties  intéressées. 
Bonstetten  ne  blessa  pas  moins  ,  dans 
les  discussions  qui  s'élevaient  au 
sein  des  comités  et  des  tribunaux  dont 
il  était  membre,  les  amours-propres 
et  les  préjugés  de  quelques-uns  de 
ses  collègues  ,  surtout  des  magistrats 
avancés  en  âge.  Ceux  qui  savent  com- 
bieu  l'esprit  bernois  était  antipathique 
a  la  publicité  et  aux  innovations  ,  ne 
doivent  pas  s'étonner  si,  plus  laid, 
Bonstetten  trouva  des  patriciens  si 
peu  disposés  aie  porter  aux  places  de 
la  haute  administration ,  pour  les- 
quelles il  était  désigné  par  sa  nais- 
sance et  ses  brillantes  qualités.  Ce- 
pendant il  fut  nommé,  en  1787,  au 
bailliage  de  Nyon  qu'il  administra 
jusqu'en  1793.  Là,  se  trouvant  sur 
les  rives  de  ce  beau  lac  qui  lui 
rappelaient  les  plus  doux  souvenirs 
de  sa  jeunesse,  en  face  de  ces 
Alpes  majestueuses  qui  agissaient  si 
puissamment  sur  sou  imagination, 
rapproché  de  ses  relations  gene- 
voises, et  dans  la  société  de  son 
cher  Matthisson,  Bonstetten  se  livrait 
à  ses  études  ,  a  ses  méditations  favo- 
rites, et  se  faisait  chérir  de  ses  ad- 
ministrés. La  révolution  française 
éclata,  et  le  magistrat  lit  servir  sou 
autorité  et  le  voisinage  de  la  France 
k  protéger  les  malheureux  qui 
fuyaient  la  persécution.  En  1790^ 
il  fut  encore  appelé  a  remplir, 
pendant  trois  ans,  les  fonctions  de 
syndicateur  dans  les  bailliages 
italiens  qui  composent  aujourd'hui 
le  canton  du  Tésin.  De  criants 
abus  s'y  étaient  introduits  dans  l'ad- 
ministration de   la  justii.e.  Bonstel- 


BON 

ten  s'efforça  d'y  porter  remède,  par 
le  seul  moyen  véritablement  efficace 
c'est-a-dire  par  la  publicité;  il  dé- 
nonça a  l'indignation  publique,  dans 
plusieurs  lettres,  les  iniquités  qu'il 
avait  vues  de  près.  Cependant  la 
tourmente  révolutionnaire  n'avait 
point  épargné  l'Helvétie,  heureuse  et 
tranquille  jusqu'alors,  k  Au  mois  de 
mars  1798,  dit  Bonstetten,  tomba 
celte  république  de  Berne,  ma  pa- 
trie, vieille  de  plus  de  six  siècles, 
riche  de  vertus  politiques  et  de 
prospérité....  Inutile  k  mon  pays 
englouti  sous  les  flots  révolution- 
naires ,  assourdi  par  les  sons  dis- 
cordants de  mille  intéiéts  blessés, 
sans  amis,  entouré  de  haine  et  d'hu- 
meur, je  quittai  une  contrée  qui ,  ne 
vivant  que  de  souvenirs,  était  blessée 
k-la-fcis  dans  sa  gloire  passée  et 
dans  ses  intérêts  présents  et  a  ve- 
nir. M  (  Préf.  de  la  Scandinavie.  ) 
Bonstetten  se  rendit  k  l'invitation  du 
ministre  d'une  cour  du  Nord,  qui  lui 
ofFrait  un  asile.  Arrivé  en  Allema- 
gne ,  entouré  de  bienveillance,  d'es- 
time et  d'amliié,  il  se  sentit  comme 
rendu  k  lui-même  5  son  àme  renais- 
sait k  la  lumière  ,  et  le  grand  spec- 
tacle que  présentait  alors  l'histoire  du 
monde  se  déroulait  a  ses  regards  , 
dans  son  imposante  grandeur.  C'est 
a  Copenhague  qu'il  passa  trois  années 
d'un  exil  que  l'amitié  sut  adoucir.  Il  y 
publia  un  recueil  de  ses  opuscules  j 
et  par  l'élude  de  la  poésie  et  des 
mœurs  de  la  Scandinavie  ,  par  des 
observations  sur  la  face  "éolosiciue 
des  contrées  septentrionales  ,  il  jeta 
les  fondements  de  divers  écrits  qu'il 
a  mis  au  jour  dans  la  suite.  De  retour 
en  Suisse  ,  en  1802  ,  il  fixa  sa  rési- 
dence piincipale  dans  cette  Genève 
oh.  il  avait  passé  les  plus  heureux 
temps  de  sa  jeunesse,  et  où  il  retrou- 
vait de  nombreux  et  fidèles  amis.  Il 


BON 

fil  plusieurs  voyages  eu  Italie ,  eu 
Allemajrne  ,  et  dans  le  midi  de  la 
France,  portant  partout  sou  esprit 
observateur  et  lecueillant  des  maté- 
riaux pour  ses  écrits.  Dans  les  inter- 
valles de  ses  courses,  il  reprit  et 
rédigea  ses  médilalions  sur  divers 
poiuts  de  métaphysique,  vers  les- 
quels bon  inclination  le  reportait 
toujours.  Lorsqu'il  eut  atteint  soixan- 
te-dix ans,  sa  santé  reçut  les 
premières  atteintes  d'un  mal  qui 
devait  lui  être  funeste,  mais  dont 
les  soins  d'un  liaMle  médecin  sa- 
rcnt  alors  arrêter  les  développe- 
ments. Ses  facultés  intellectuelles 
n'en  furent  point  affaiblies  ;  il  sem- 
blait, au  contraire,  acquérir  avec 
l'âge  une  nouvelle  ardeur  et  une 
susceptibilité  d'entliousiasme  qui 
n'appartient  d'ordinaire  qu'a  la  jeu- 
nesse. Peu  de  semâmes  avant  sa 
mort,  il  commença,  sous  le  titre  de 
Souvenirs,  la  publication  d'un  ou- 
vrage dans  lequel  on  retrouve  toute 
la  traîcheur  et  l'originalité  de  son 
esprit.  Enfin,  le  5  février  i852, 
une  nouvelle  atteinte  du  mal ,  qui 
n'avait  été  qu'assoupi  ^  l'enleva, 
à  l'âge  de  quatre-vingt-six  ans  et 
cinq  mois,  a  ses  amis,  à  sa  patrie, 
à  l'Europe  même  qui  perdit  en  lui, 
non  un  de  ces  hommes  qui  ont  fait 
faire  de  grands  pas  a  la  science , 
mais  un  de  ceux  qui  en  ont  le  plus 
encouragé  les  progrès,  et  qui  ont 
fourni  un  exem()le  rare  de  bienveil- 
lance universelle,  de  candeur,  de 
naïveté  presque  enfantine  ,  et  d'ab- 
sence de  toute  la  morgue  et  de  tout 
I,  ,     *^  .  r  ■ 

1  amour  -  propre    qu  aurait   pu   taire 

naître,  et  a  un  certain  point  excu- 
ser, l'accueil  distingué  qu'il  avait  reçu 
des  principales  illustrations  de  son 
époque.  Les  nombreux  écrits  de 
Bunslelten  pourraient  être  divisés  en 
trois    catégories  ,   selon    qu'ils    ont 


BON 


58i 


pour  objet  des  questions  politiques, 
littéraires  et  métaphysiques.  Mais 
peut-être  réussit- on  mieux  a  se 
faire  une  idée  juste  du  génie  et  du 
caractère  d'un  écrivain,  ainsi  que  de 
l'influence  qu'ont  exercée  sur  lui  les 
circonstances  extérieures,  en  présen- 
tant ses  ouvrages  dans  l'ordre  de  leur 
publication.  TSous  avons  donc  adopté 
Tordre  chronologique,  et  nous  nous 
aiderons  ,  dans  cette  énumération  , 
des  notes  qu  a  bien  voulu  nous  four- 
nir notre  respectable  collaborate  ur, 
M.  Stapfer  père ,  le  plus  capable , 
sous  tous  les  rapports ,  d'apprécier 
Bonstetten  comme  homme  et  comme 
écrivain.  L  Lettres  sur  une  con- 
trée pastorale  de  la  Suisse j  Berne, 
1782,  in-8°.  Ces  lettres  parurent 
d'abord  fans  nom  d'auteur  dans  le 
31ercure  de  \\  icland  ,  en  1781,  et 
furent  attribuées  à  Jean  de  I»luller, 
tant  y  brille  un  talent  original  et 
vrai.  Les  mœurs,  la  culture,  l'in- 
dustrie du  canton  de  Gessenay,  dans 
la  vallée  de  l'Oberland  ,  y  sont  dé- 
crites avec  un  charme  et  une  fraî- 
cheur de  style  que  l'auteur  n'a  pas 
atteints  dans  ses  autres  produc- 
tions. C'est  un  modèle  de  mono- 
graphie géographique  qui  témoigne 
de  l'esprit  observateur  et  fécond  en 
vues  de  bien  public  (|u'o:i  retrouve 
dans  tous  les  écrits  de  Bunstelten. 
Les  lettres  sur  le  Gessenay  font  par- 
tie de  la  collection  de  ses  ouvrages 
publiée  par  les  soins  de  Matlhisson, 
à  Zurich ,  en  1772,  et  réimprimée 
avec  des  additions ,  par  Orell,  Fues- 
sli  et  autres,  en  1824..  II.  Deux 
inéinoires  sur  V éducation  desj'a- 
iiiilles  patriciennes  de  Berne ,  pu- 
bliés à  Zurich  ,  en  1786,  et  insérés 
aussi  dans  un  recueil  intitulé  :  Le 
musée  suisse.  Nous  en  avons  parlé 
k  l'occasion  desefforîs  que  fit  Honslet- 
teu  pour   améliorer  le  système  d'in- 


082 


BON 


struclion  piibliiiue  dans  sa  pairie.  III. 
L' Ermite  ,  histoire  alpine  ,  réim- 
primée dans  les  recueils  de  1792  et 
1824.,  que  nous  avons  déjà  indiqués, 
et  dans  lesquels  se  trouvent  encore  : 
1°  le  fragment  du  journal  d  uu 
voyage  à  Bàle  et  a  Neul'châtel  5  2° 
des  pensées  sur  la  morl  et  l'immor- 
laliléj  3°  des  Idylles ,  etc.  ;  4°  Ex- 
posé des  causes  qui  ont  amené  la 
ré\>olution  de  la  Suisse ,  discours 
prononcé  a  Yverdun  le  2^  nov. 
1795.  IV.  Nouveaux  écrits  de  C- 
V.  de  B.^  Copenhague,  1799, 
1800,  1801,  4  vol.  iu-i2.  Ce  re- 
cueil traite  de  queslions  très-diverses 
et  sous  des  formes  différentes  :  nous 
indiquerons  les  principales.  F"'  vol. 
(1799).  De  l'éducaliou  du  peuple. 
—  Influence  des  lumiÀ-res  sur  les 
mœurs  et  sur  la  liberté.  —  L'amour 
inné  de  la  liberté  tend  an  dévelop- 
pement général  du  genre  humain. — 
Qu'est-ce  que  la  liberté?  Le  2*"  vol. 
(1800)  renferme  uu  traité  de  l'art 
des  jardins  ;  des  remarques  sur  la 
langue  islandaise  ;  des  vues  sur  l'o- 
rigine du  langage,  de  la  musique  et 
de  la  poésie,  ainsi  que  sur  la  part 
qu  a  prise  à  la  formation  des  langues 
la  faculté  de  l'abstrac  ion  •  des  con- 
sidérations sur  les  poètes  Scandinaves, 
et  une  comparaison  de  ces  poètes 
avec  Homère  et  Ossian  ;  enfin,  la 
traduction  de  la  Saga  de  Ragnar- 
Lodbrok  et  de  ses  lils  ,  précédée 
d'une  introduction  qui  offre  des  dé- 
tails historiques  fort  instructifs.  Le 
3'^  vol.  (1800)  contient  une  lettre 
adressée  k  Matlhi.^son,  en  septembre 
1794.,  sur  la  dernière  révolution  de 
Genève  et  sur  les  troubles  qui  ve- 
naient d'agiter  cette  cité  5  il  les 
avait  observés  du  bailliage  de  Njon 
qu'il  occupait  encore ,  et  sa  rési- 
dence avait  offeil  un  asile  aux  hon- 
nêtes citoyens  fugitifs.  Yient  ensuite 


BON 

sa  relation  d'un  voyage  entrepris , 
en  l'année  1796,  dans  les  baillia- 
ges italiens  de  Lugano  ,  Mendrisio  , 
Locarno  et  Valraaggia,  etc.  Cette  re- 
lation ,  comprise  dans  une  suite  de 
onze  lettres  adressées  a  une  amie  , 
renferme  des  détails  qui,  après  qua- 
rante ans  ,  semblent  incroyables,  sur 
l'état  des  contrées  oli  Bonstetten  fut 
appelé  à  remplir,  pendant  trois  ans, 
les  fonctions  de  syndicateur;  ce  qui 
fut  pour  lui  l'occasion  d'y  faire  trois 
voyages  et  trois  séjours  successifs. 
Le  qvalrième  volume  contient  les 
détails  des  voyages  de  1796  à  1797  ; 
et  l'auteur  y  expose  avec  une  no- 
ble sincérité,  et  dans  rintcrêl  des 
firovinces  sujettes ,  tous  les  vices  de 
eur  administration.  Mais  au  moment 
où  dans  sa  retraite,  près  de  Copen- 
hague, il  mettait  la  dernière  main  k 
ses  relations,  la  face  politique  des 
pays  dont  il  s'occupait  avait  été 
changée:  un  conquérant  les  avait  en- 
vahis, ce  Sans  doute ,  s'écrie  l'ex- 
syndicateur,  l'édifice  de  cette  consti- 
tution était  défectueux  j  mais,  en 
mettant  ses  défauts  au  grand  jour,  on 
pouvait  en  trouver  le  remède  et  tra- 
vailler au  bonheur  d'une  population 
intéressante.  Aujourd'hui  ces  contrées 
n'offrent  plus  a  l'œil  du  voyageur 
que  le  spectacle  attristant  des  débris 
qu'une  lave  dévastatrice  a  laissés  sur 
son  passage...»  Les  dernières  relations 
de  Bonstetten  sont  contenues,  comme 
les  précédentes,  dans  une  suite  de 
lettres  qui  avaient  déjà  paru  dans  le 
Magasin  germanique  de  M.  d'Eg- 
gers,  années  1 797- j  799.  V.  La 
Suisse  améliorée ,  ou  la  Fête  de 
la  reconnaissance^  1802,  in-8''. 
Un  émigré  suisse,  rentré  dans  sa  pa- 
trie, après  les  orages  de  1798-180:, 
retrouve  sa  famille  et  ses  amis,  dont 
la  révolution  l'avait  séparé.  Invité  à 
raconter  son  histoire,  par  des  com« 


BON 

patriotes  réunis  pour  célébrer  le  re- 
tour de  la  tran(|uillilé,  il  peint  en 
prose  poétique  Taccueil  hospitalier 
(pli  lui  a  été  fait  dans  une  cour  du 
nord  5  y  exprime  avec  chaleur  les  sen- 
timents d'une  vive  gratitude  envers 
1rs  étrangers  qui  ont  adouci  pour  lui 
les  amertumes  de  l'exil,  et  se  livre 
aux  espérances  d'un  meilleur  avenir 
pour  sa  patrie  rendue  h  son  indé- 
pendance. Cet  écrit  respire  un  pro- 
fond sentiment  des  besoins  moraux 
de  la  nation  helvétique,  et  appelle 
la  régénération  du  peuple,  par  le 
perfectionnement  de  son  éducation 
et  de  ses  institutions  politiques. 
VI.  Développement  national  , 
Zurich,  1802,  2  volumes.  Ce  livre 
fut  composé  en  vue  de  la  Suisse  , 
qui  subissait  a  cette  époque  le  pro- 
tectorat de  Napoléon  5  ef  l'auteur 
en  a  transporté  les  principes  dans 
l'ouvrage  suivant  qu'il  a  publié ,  en 
français.  VII.  Pensées  sur  divers 
objets  de  bien  public ,  Genève , 
181 5.  Le  but  avoué  de  ces  deux 
écrits  est  de  montrer  aux  Suisses  que 
la  liberté  ne  repose  pas  uniquement 
sur  telle  ou  telle  forme  de  gouverne- 
ment; mais  qu'afin  que  celte  for- 
me, la  meilleure  qu'où  puisse  imagi- 
ner en  théorie,  procure  le  bonheur 
des  citoyens  qu'elle  réï;it  ,  il  faut 
qu'une  raison  éclairée  lui  imprime  le 
mouvement  et  l'entretienne  II  j  avait 
dans  ce  sens,  plus  de  véritable  liber- 
lé  à  Rome  sous  les  Trajan  et  sous 
les  Antonin  qu'au  temps  des  Giac- 
ques  ou  dans  la  démocratique  Athè- 
nes. Les  écrits  de  Bonstetten  posté- 
rieurs au  Développement  national , 
ont  eu ,  a  laréserve  des  Pensées,  etc. , 
des  rapports  moins  directs  avec  la 
politique ,  et  notamment  avec  celle 
de  la  Suisse.  VIII.  Voyage  sur  la 
scène  des  six  derniers  livres  de 
i' Enéide ,  suivi  de  (juelques  ob- 


BON 


583 


servalions  sur  le  Latium  moderne^ 
Genève,  r8o4,  in-8°.  Cet  ouvrage 
qui  a  ëlé  traduit  en  allemand  par 
Schœll,  Leipzig,  2  vol.  ,  in-8°,  est 
le  plus  estimé  et  le  plus  connu  en 
France  des  écrits  de  Bonsl»  tten  : 
c'est  un  des  meilleurs  guides  que 
puissent  suivre  les  voyageurs  qui, 
leur  Virgile  a  la  main,  parcourent 
la  partie  de  l'Italie  décrite  par  Bon- 
stetten. Le  tableau  comparatif  du 
Laliura  ancien  et  du  Latium  mo- 
derne ,  de  la  dépopulation  crois- 
sante de  la  campagne  de  Rome  et 
des  causes  de  cette  dépopulation, 
serait  bien  propre  a  réveiller  la  sol- 
licitude des  administrateurs  de  ces 
belles  contrées.  Bonstetten  prouve, 
d'après  des  autorités  et  des  observa- 
tions irrécusables ,  que  les  mau"  qui 
minent  graduelb-ment  aujourd'hui  la 
campagne  romaine,  n'existaient  pas 
autrefois,  ou  du  moins  pas  au  même 
degré  (9).  IX.  Recherches  sur  la 
nature  et  les  lois  de  l'Imagina- 
tion, Genève,  1807,  in-S".  X.  Etu- 
des de  V homme,  Genève,  1821, 
2  vol.  in-S** ,  traduites  en  alle- 
mand sous  le  titre  de  Philosophie 
der  Erfahrûn^  ,  etc.  ,  Slutgard  , 
1829,  in-8°.  Ces  deux  ouvrages, 
auxquels  il  faut  réunir  quelques 
articles  de  psychologie  insérés  dans 
la  Bibliothèque  britannique,  com- 
posent le  recueil  des  écrits  métaphy- 
siques de  Bonstetten.  C'est  vers  ce 
genre  de  méditation  que  ,  comme 
nous  l'avons  dit ,  son  inclination  le 


(9)  On  pourrait  désirer  un  peu  moins  d» 
poésie  dans  sj  prose,  et  un  peu  plus  de  métho- 
de dans  le  plan  de  ce  livre;  mais,  tel  qu'il  est, 
on  le  trouve  à-la-fois  curieux  ,  inslruttil  et  inté- 
ressant. Bonstetten  y  accusait  les  Français  d'a- 
voir, en  se  mêlant  à  la  populace  de  Berne, 
renversé  les  tombeaux  des  protestants  dans  celte 
capitale;  mais  on  lui  a  démontré,  plus  tard, 
qu'aucun  fait  de  ce  jenre  n'avait  eu  lieu  de  la 
part  de  l'arniée  française,  et  que  les  desordres 
de  cette  époque  furent  plutôt  dirjgcs  contre  les 
calkeliques  que  contre  les  protesiaRts.    M—»  j. 


584 


ËON 


portait  constamment  ;  il  eu  avait  pris 
le  goût  dans  la  société  de  Ch.  Bon- 
net, et  son  active  imagination  l'y 
ramenait  trop  souvent  peut-être. 
Aussi  doit-on  reconnaître  que  Tac- 
cueil  qu'ont  généralement  obtenu 
ses  écrits  doit  plus  particulière- 
ment s'entendre  de  ceux  qui  ont 
pour  objet  des  observations  sur  des 
choses  spéciales ,  sur  des  matières 
circonscrites  dans  les  limites  de  l'ex- 
périence réelle  et  de  la  vie  pratique, 
que  de  ceux  dans  lesquels  il  a  exposé 
ses  théories  sur  le  jeu  des  facultés 
considérées  dans  leurs  abstractions 
spéculatives.  M.  Damiron  fio)  place 
Bonstetten  au  rang  des  philosophes 
éclectiques.  «  Il  a  su  prendre,  dit- 
il  ,  une  position  entre  deux  philoso- 
phies  qui  semblaient  l'une  et  l'autre 
devoir  le  gagner  et  le  captiver.  En 
commerce  avec  toutes  les  deux  ,  ex- 
posé a  leurs  séductions,  il  a  gardé  sa 
liberté  et  il  y  est  demeuré  indépen- 
dant :  vivant  au  milieu  des  penseurs 
qui  tenaient  à  Kant  ou  a  Coudillac, 
il  n'a  été  lui-même  ni  Kanliste  ni 
Condi'lacien....  lia  tout  regardé, 
tout  jugé  avec  bienveillance  et  avec 
ca'me,  et  s'est  ensuite  retiré  sans 
préjugé  ,  dans  sa  conscience  ,  pour  y 
former  de  son  propre  fond  une  opi- 
nion qui  fût  a  lui S'il  ressemble 

'a  quelqu'un  ,  c'est  plutôt  h  un  Ecos- 
sais ,  c'est  k  Stewart  dont  il  rappelle 
assez  la  manière  et  l'esprit  ;  mais  ce 
n'est  pas  comme  disciple ,  c'est 
comme  du  même  cru  et  de  même  na- 
ture philosophique.  »  M.  Damiron 
attribue  plus  a  Bonstetten  comme 
théoricien  que  cet  écrivain  ne  s'ac- 
cordait a  lui-même.  Nous  lui  avons 
entendu  dire  ,  à  l'occasion  du  compte- 
rendu,  par  un  journal,  de  l'un  de  ses 
ouvrages  métaphysiques  :  «  On  veut 

(lo)  Essai  sur  r/ust,  de  la  pliilos.  (n  France,  t. 
iijp.  64. 


BON 

absolument  chercher  dans  mes  livrés 
un  système,  et  voir  si  je  suis  matéria- 
liste, Kanliste  ,  Ecossais,  Condilla- 
cieii,  etc.  Ce  n'est  rien  de  tout  cela  : 
il  faut  regarder  mes  essais  comme 
des  recueils  d'observations  psyco- 
logiques    assez  neuves  (i i).  n  Celte 

(il)  Une  telle  indipciulatice  ile  l'espiit  peut 
avoir  des  causes  diverses.  Chez  Bonsteltco  elle 
provenait  autant  de  sa  répu;,'nance  à  ne  rien 
admettre,  en  morale  et  en  métaphysique,  qui  ue 
fut  le  résultat  de  ses  propres  observations,  que 
de  la  diffireiice  esseiilielle  qu'il  y  avait  entre 
les  doctrines  qu'on  soutenait  de  part  et  d'autre 
avec  un  égal  succès.  Prenant  pour  devise  les 
sublimes  paroles  inscriles  sur  le  temple  de 
Delphes  :  Confiais-loi  toi-même,  il  se  mit  à  étu- 
dier sa  vie  intérieure;  et,  sans  remonter  par 
la  mémoire  à  un  âge  qui  ne  laisse  pas  de 
souvenirs,  il  entreprit  l'histoire  de  son  moi 
parvenu  à  un  degré  de  développement  qui 
permit  d'en  saisir  les  modes  et  les  lois.  Les 
Eludes  de  l'I.omme  sont  le  fruit  de  ce  tra- 
vail. On  n'y  trouve  pas  un  système  complet 
de  pliilosopliic,  mais  une  niasse  d'observations 
et  d'expériences  sur  l'ame,  dignes  d'èlre  médi- 
tées par  tous  ceux  qui  cherchent  à  approfondir 
la  nature  de  nos  facultés  intellectuelles. —  Selon 
lionstetten,  il  y  a  deux  classes  de  sens  ;  les  ex- 
térieurs et  les  intérieurs  :  ceux-là  donnent  une 
idée,  on  la  représentation  d'un  objet  extérieur; 
ceux-ci  procurent  un  sentiment  de  plaisir  ou  de 
déplaisir.  L'àme  a  deux  grandes  facultés,  Vima- 
ginalion  et  V intelligence  :  la  première  nous  con- 
duit au  bien,  el  nous  révèle  le  monde  intérieur; 
la  seconile  nous  conduit  au  irai,  el  nous  révèle 
le  monde  extérieur.  L'imagination  analysée  pré- 
sente trois  espèces  de  sentiments  soumis  chacun 
à  des  lois  particulières  :  le  sentiment  de  nos  be- 
soins ,  le  sens  du  beau  ,  et  le  sens  moral.  C'est 
l'harmonie  de  ce  dernier  sens  avec  les  grandes 
lois  de  l'intelligenc.-  révélées  à  l'homme  par  la 
raison,  qui  consliiue  la  morale.  V intelligence  est 
caractérisée  par  cinq  opérations  successives  :  la 
première  est  de  saisir  précisément  les  idées 
dont  les  rapports  viennent  la  frapper  ;  la  secon- 
de de  réunir  plusieurs  idées  dans  le  sentiment 
du  moi,  la  troisième  de  distinguer  ces  idées 
réunies  dans  le  moi  ;  la  quatrième  de  les  com- 
parer, et  la  cinquième  d'énoncer  le  résultat  de 
la  comparaison  ou  le  rapport,  par  un  jugement 
ou  par  une  proposition  qui  se  compose  cs.sen- 
tielleiuenl  d'un  sujet  el  d'un  attribut.  L'imagina- 
tion et  l'intelligence,  en  nous  introduisant  dans 
le  non-moi,  ou  le  monde  extérieur,  nous  révèlent 
Dieu  qui  est  tout  à  la  fois  lien  et  appui  de  no- 
tre savoir  et  complément  de  nos  conceptions. 
Mais  les  idées  que  nous  en  avons  ainsi  que  de 
l'univers,  à  peine  ébauchées  dans  cette  vie,  pré- 
sagent un  avenir  d.ms  lequel  ce  qui  est  obscur 
m.iinteuant  s'eclaircira,  et  que  réclame  d'ailleurs 
notre  nature  tout  entière;  de  là  V immortalité  de 
l'dme  dont  la  croyance  doit  se  fortifier  ù  mesure 
que  nous  avancerons  dans  la  eonnai-sance  de 
l'aine  elle-même.  Voilà  une  indication  succincte 
des  points  qui  sont  traités  dans  la  première 
p;iriiedcs  Études  de  l'iiomn.c.  ha  seconde  se  com- 


BON 

prétenlîou  de  l'écrivain  n'était  pas 
sans  fomlemeut,  et  peut-être  ne  lui 
a-t-on  pas  rendu ,  sous  ce  rapport , 
toute  la  justice  qu'il  mérite.  Mais  il 
a  eu  le  tort  de  donner  a  ses  ouvrages 
une  forme  trop  scienlifi(|ue ,  et  de 
leur  imprimer,  par  une  su:te  de  divi- 
sions et  de  subdivisions,  un  caractère 
systématique,  lorsqu'il  voulait  écar- 
ter toute  apparence  de  système. 
Quant  aux  imputations  de  matéria- 
lisme, il  ne  les  a  jamais  méritées. 
Croire  à  l'immorlalilé  de  1  àme  sa- 
tisfaisait à  ses  besoins  de  vie  et  de 
bonlieurj  mais  il  s'est  obstiné  a 
donner  à  l'àme  le  nom  (ïorgane , 
et  l'on  n'a  pas  compris  qu'il  enten- 
dait par  la  le  centre  de  nos  impres- 
sions .  le  sensorium  commune.  XI. 
L'Homme  du  Midi  el  l'Homme 
du  Nord,  ou  l'iii/luence  du  climat , 
Genève,  i  824-..in-8°-  C'est  un  ouvra- 
ge plein  d'observations  fines  et  déli- 

pose  de  quatre  ap[)eiidicts  dont  le  premier,  re- 
latif au  ]irincpe  de  la  morale,  est  le  développe- 
luenl  du  troisièi.ie  sentiment  renfttrmé  d.ms 
V imaginution;  le  deuxième  un  tableau  psychoio- 
t;ique  de  l'homme,  qui  rcpréseute  et  résiune 
l'ouvrage  entier  ;  le  ti'oisième  un  examen  de  la 
inélhode  employée  par  l'auleur  dans  son  rai- 
sonnement sur  l'existence  de  Dieu  et  sur 
l'existence  de  l'âme  ;  et  le  quatrième  enfin 
des  fragments  d'un  Essai  sur  la  mémoire.  In- 
dépendamment de  son  mérite  scientifique,  te 
livre  a  celui  d'èire  écrit  d'une  manière  qui 
le  met  à  la  portée  des  gens  du  monde;  aussi 
n'a-t-ii  pas  peu  contribué  à  populariser  la  phi- 
losophie dans  la  Suisse  framaise  où  il  trouve 
des  lecteurs  même  parmi  les  dames. — Dans  les 
Reclierches  sur  tu  naluie  et  les  lois  de  l'imagina- 
tion, l'auleur,  en  examinant  les  phénomènes  de 
celle  faculté,  analyse  Its  scnliinenls  les  plus  in- 
times qui  afficlent  notre  être,  et  fait,  pour  ainsi 
dire,  l'histoire  de  la  douleur  et  du  plaisi'-.  Ot 
ouvrage,  par  lequel  il  préluda  aux  Eludes  de 
riiomme,  est  un  des  premiers  m  notre  langue 
r.ii  des  questions  purement  lucîjphvsiques  aient 
été  traitée;  dans  uu  stjle  poélique  et  altravant. 
11  obtint,  dès  son  apparition,  un  immense'suc- 
rès,  et  il  a  éié  mentionné  avec  élojre  par  la 
classe  d'histoire  et  de  littérature  de  l'Institut  de 
Fronce,  dans  son  rapport  de  i8oSsnr  les  pro- 
grès des  sciences.  Madame  deSlacl  a  émis  une 
opinion  très-fiyorable  sur  cet  ouvrage  i.inti  que 
sur  le  Vojage  cité  plus  haut  sous  le  n"  Vllf. 
Voy.  les  Lettres  de  madame  de  .Slaël  à  Jl.  de 
Bonstellen  et  ù  madame  Fredérique  Brun  ,  in- 
sérées dans  la  Biblcollièqui  uniierselle  de  Genève, 
littérature,  toin'j  4-i-  31 — a, 


BON 


i85 


cales,  l'un  de  ceux  de  Bonstetten 
qui  ont  obtenu  le  plus  de  succès  et 
qui  restait  oublié  dans  ses  porte- 
feuilles, lorsque  la  princesse  ^Vilbel- 
mine  de  Wurtemberg  l'y  découvrit 
et  en  força  ,  pour  ainsi  dire  ,  li  pu- 
blication (12).  XII.  La  Scandi- 
navie et  les  AlpeSj  Genève,  1826, 
in-8°.  C'est  dans  les  environs  de  Co- 
penhague que  cet  ouvrage  a  élé  com- 
posé, lionstetten,  qui  avait  eu  de  fré- 
quentes occasions  d'éluJier  les  Alpes 
de  sa  patrie ,  a  recueilli  les  ressem- 
blances et  les  différences  qui  l'ont 
frappé ,  entre  les  traces  des  grandes 
révolutions  qu'offrent  les  montagnes 
de  la  Suisse  et  celles  dont  les  Alpes 
de  la  Suède  et  de  la  Norvège  pré- 
sentent de  nombreux  vestiges.  Mais 
ce  qui  donne  un  intérêt  particulier  à 
l'ubservation  de  ceux-ci ,  ce  sont  les 
rapports  de  ces  débris  avec  la  my- 
thologie des  peuples  Scandinaves. 
Bonstetten  a  joint  à  l'ouvrage  dont  il 
est  question  ,  des  J"/  agmenls  sur 
l'Islande  où  se  trouvent  des  détails 
intéressants  sur  la  constitution  de  la 
république  d'Islande  ,  les  jeux  pu- 
blics des  anciens  Islandais ,  leurs 
poètes  et  leurs  historiens ,  et  sur 
l'imporlance  de  l'histoire  des  Scan- 
dinaves ,  comme  source  première  des 
mœurs  et  des  institutions  du  raovcn- 
âge.  XIII.  Lettres  de  Bonstetten  à 
Blatthisson  (en   allemand],    mises 

(12)  Cet  opuscule  traite  de  l'influence  que  le 
climat  exerce  sur  le  moral  de  l'homme,  c'est-à- 
diré  sur  le  culte,  le  gouvernement ,  les  lois,  la 
liberté,  le  courage,  l'amour,  etc.  Bimsteiteu  n'est 
pas  du  nombre  de  ceux  qui,  à  l'exeiiude  de 
iMontesquieu,  regardent  celle  influence  tomme 
la  cause  principale  et  presque  unique  des  in- 
stitulions  et  des  qualitus  morales  du  peuple. 
«  L-tliiiiat,  dit-il.  n'est  qu'une  des  causes  qui 
«  influent  sur  les  hommes;  sa  puissance,  tou- 
«  jours  eu  activité,  ne  se  fait  sentir  qu'à  la  lon- 
«  gue  par  des  résultats  qui  paraissent  quelque- 
«  l'ois  lui  être  étrangers.  »  Il  expose  d'une  ma- 
nière nor.velle  et  pi-^uante  sous  combien  de 
formes  l'action  du  climat  se  reproduit,  et  croit 
que,  dans  de  certaines  circonstances,  il  est  pos- 
sible de  la  neutraliser.  I\! — .i. 


i86 


BON 


au  jour  par  Fucssli,  Zurich,  1827, 
in  12.  Ces  lellres  ont  été  écrites  des 
divers  lieux  que  Bonsteiten  a  par- 
courus, de  1795  à  1827  (i3).  Elles 
sont  suivies  d'une  courte  notice  sur 
sa  jeunesse  rédigée  par  lui-même  , 
pour  rectifier  celles  qui  avaient  été 
publiées,  sans  sa  participation,  dans 
deux  feuilles  alleniandes  la  Miiierva 
et  Y Heh'etia.  XIV.  Lettres  à  ma- 
dame Fréd.  Brun,  née  Munter, 
mises  au  jour  par  les  soins  de  Fréd. 
de  Mallhisson  (en  allemand),  Franc- 
fort-sur-!e-Mein,  1829-1850,  2  vol. 
m- 8°.  XV.  Souvenirs  de  Ch.-Vic- 
tor  de  Bonstetlen,  écrits  en  i  85  i , 
Paris,  i852,  in-12  de  124.  pages. 
C'est  sous  ce  titre  que  l'illustre 
vieillard  ,  quelques  mois  avant  sa 
mort,  avait  entrepris  de  publier  des 
notices  sur  les  hommes  distingués 
avec  lesquels  sa  longue  vie  avait  pu 
le  mettre  en  rapport.  «  Il  en  comptait 
plus  de  quatre-vingts  avant  1773.» 
Haller,  Ganganelli ,  le  cardinal  de 
Bernis,le  prince  Edouard,  dernier 
des  Stuarls  ,  la  comtesse  d'Alhanv, 
la  célèbre  Corilla,  composent  cette 
première  galerie  rendue  particulière- 
ment intéressanle  par  l'histoire  de 
ses  relations  avecMatlhisson,  et  par 
celle  de  sa  propre  jeunesse.  C'est  dans 
cet  opuscule,  où  l'on  retrouve  toute 
la  fraîcheur  d'imagination,  toute  la 
douceur  et  reujouenaeut  des  plus 
beaux  temps  de  Bonsletten,  et  dans 

('i3)  Plus  qu'aucun  autre  ouvrage  de  Boiistet- 
teu ,  ses  Lellres  à  Mallhisson  et  o  madame 
Ilrun  portent  l'eiii[)rcinte  de  ruriîversalité  de 
ses  connaissances.  Elles  com|)reanent  les  qua- 
rante années  de  i-go  à  1829  et  présentent  en 
quelque  sorte  l'histoire  morale  de  cette  période 
qui,  pour  le  nombre  et  l'importance  des  événe- 
ments ,  équivaut  à  \)lusieurs  siècles-  11  faut  lire 
ces  diux  recueils  pour  voir  avec  quelle  justesse 
l'auteur  apprécie  les  hommes  et  leurs  actions; 
avec  quelle  sagacité  il  devine  jusqu'aux  causes 
les  plus  cachées  des  événements  ;  avec  quelle 
facilité  il  passe  des  objets  les  plus  graves  aux 
plus  frivoles;  avec  quelle  finesse  il  compare 
les  faits  les  plus  opposes,  et  saisit  ce  qu'ils  ont 
de  commun.  M — a, 


BON 

la  préface  de  V Homme  du  Midi  et 
du  Nord,  que  l'auleur  a  fourni  a 
sou  biographe  les  éléments  de  son 
travail.  Il  y  a  retracé  les  circon- 
stances qui  ont  le  plus  influé  sur  ses 
études,  sur  sa  vie  politique  et  littérai- 
re, ce  II  y  a  peu  d'écrivains ,  observe 
l'homme  respectable  dont  nous  avons 
obtenu  d'utiles  renseignements,  il  y 
a  peu  d'écrivains  qui  se  soient  pré- 
sentés à  leurs  contemporains  avec 
une  physionomie  plus  individuelle,  et 
qui  offre  cependant  tous  les  traits  gé- 
néraux ou  dominant  chez  les  hommes 
éclairés,  et  dans  les  sociétés  d'élite 
de  l'époque  qu'ils  ont  concouru  à 
illustrer.  S'adressant  tour-h-tour 
à  deux  des  nations  les  plus  civilisées 
du  continent  européen,  il  sut  parler 
à  chacune  sa  langue,  donner  eu  fran- 
çais comme  en  allemand  a  ses  idées 
l'expression ,  à  sa  pensée  l'ordre  et 
l'enchaînement  le  mieux  en  accord 
avec  les  besoins  moraux,  les  habitu- 
des intellectuelles  et  les  exigences  du 
goût  qui  caractérisent  si  diversement 
le  public  lettré  de  ces  deux  grands 
peuples.  Mais  ce  n'est  pas  seulement 
à  deux  lit  léralures  si  d  ifférentes  qu'ap- 
partient Bonsteiten.  Il  avait  compris, 
il  s'était  approprié  l'esprit  de  deux 
siècles,  il  avait  suivi  les  progrès  et 
les  travaux  de  l'un  et  de  l'autre  avec 
la  même  impartialité  ,  la  même  bien- 
veillance ,  avec  la  même  disposition  à 
y  coopérer  dans  l'intérêt  de  l'hu- 
manité.Peu  d'hommes  ont  été  doués, 
au  même  degré  de  la  faculté  de  se 
rappeler  les  impressions  reçues  dans 
un  autre  âge  et  dans  un  autre  entou- 
rage,  avec  leur  fraîcheur  primitive  , 
et  de  les  confronter  ainsi,  non  alté- 
rées, avec  les  impressions  que  firent 
sur  son  esprit  plus  mûr  une  autre 
scène  du  monde  et  une  génération 
nouvelle.  On  conçoit  les  avantages 
que  doit  procurer  un  taleal  si  rare  à 


liOO 

un  observateur  exercé,  a  une  imagî- 
iialion  féconde  en  combinaisons  ,   a 
une  sensibilité  exquise,  et  (]ue  mettait 
incessamment    en  jeu    tout  ce  qui , 
de  près  ou  de  loin,  se  trouvait  dans 
sa  sphère.  »  L'énuméralioa  des  ou- 
vrages de  Bonstetten    serait   incom- 
plète, si  nous  passions  sous  silence 
sa  correspondance   avec  M.    Henri 
Zschokke,  mise  au  jour  par  ce  publi- 
cisle,  sous  le  titre  de  Promcthcusfur 
Licht  und  Redit ,  Aarau  ,  1 852  ,  a 
vol.  in-8".  Cette  correspondance  qui 
commence  au  8  mai  i83i  et  finit  au 
00  déc.  i832  ,  un  mois  avant  la  mort 
de  Bonstetten,  roule  sur  divers  sujets 
de  littérature,  de  métaphysique  et  de 
politique.  La  politique  de  la  Suisse  y 
tient  la  plus  grande  place ,  et  cette 
partie  acquiert  un  grand  intérêt  au  mi- 
lieu de  la  crise  dont  fucore  aujourd'hui 
THelvélie  est  travaillée.      B — s — r. 
BOO\    (Daniel)  cultivait  une 
ferme   dans  la  Caroline   septentrio- 
nale, dont  il  était  originaire,  lorsqu'en 
1769  il  alla,  suivi  de  cinq  individus, 
fonder  dans   le   Kentucky,  alors  en 
fiiche  et  inhabité,  le  premier  établis- 
sement qui  ait  commencé  a  donner  de 
la  vie  a  des  déserts  que  traversaient 
de  loin  h  loin  des  nomades  étrangers 
à   toute   espèce   de   civilisation.   La 
maison  fortifiée  qu'il  éleva  dans  ces 
vastes    solitudes,    et    dont    le    nom 
Boonshorough     at  leste    l'influence 
qui  guidait  les  premiers  colons  au  mi- 
lieu des  forêts  sans  fin  du  Kentucky, 
est  devenue  le  centre  d'une  ville  ri- 
che et  florissante.    Sis    ans   avaient 
suflj  à  l'industrie  et  a  l'actif ilé  de 
Boon  pour  donner  a  sou  établissement 
tout  ce  qui  pouvait  eu  assurer  le  suc- 
cès. Il  avait  pris,  par  droit  de  pre- 
mier occupant,  possession  de  toutes 
les  terres  environ  liantes,  et  il  s'en  était 
fait  garantir  la  propriété.  Dès  1775, 
il    commençait    à    recevoir   des   l'a- 


BOO 


587 


milles  émîgrantes ,  qui  chaque  Jour 
augmentaient  la  population  de  sa  colo- 
nie. Des  maisons  s'élevèrent  a  côté  de 
la  sienne  5  la  sape,  la  bêche  déboisè- 
rent des  plaines  incultes,  ameublirent 
des  terrains  vierges.  Un  plan  de  dé- 
fense et  de  garde  perpétuelle  fut  or- 
ganisé contre  les  attaques  fréquentes 
des  peuplades  indiennes  que  la  curio- 
sité, le  besoin,  le  caprice  poussaient 
de  temps  à  autre  vers  Boonshorough  , 
et  qui  cependant  voyaient  avec  ad- 
miration et  une  espèce  d'amour  le 
chef  de  cette  colonie.  C'est  dans  le 
ISlew-Monthly  magazine  qu'il  faut 
lire  par  quelles  ingénieuses  précau- 
tions Boon  sut  éloigner  ces  visites  im- 
portunes, ou  neutraliser  les  mauvaises 
intentions  des  visiteurs.  Il  y  a  quelque 
chose  de  vraiment  inouï  dans  la  con- 
stance et  la  fécondité  de  ressources 
aveclesquelles  il  poursuivait  son  plan  de 
civilisation.  De  tels  efforts,  de  la  part 
d'un  homme  que  pourtant  Téducation 
n  avait  pas  développé,  annonçaient 
une  àme  bien  au-dessus  du  vulgaire , 
et  certes  de  tels  travaux  eussent 
mérité  quelques  encouragements  d'uu 
gouvernement  éclairé.  Qui  croirait 
que ,  sous  prétexte  d'un  défaut  de 
forme, des  compatriotes  eurent  l'infa- 
mie de  déposséder  et  de  réduire  a  la 
misère  celui  qui  avait  changé  la  face 
d'un  pays  .^11  semble  que  pour  frap- 
per ce  coup  odieux  on  eût  attendu 
l'inslaut  où  il  commençait  à  re- 
cueillir le  fruit  de  ses  sueurs  ,  celui 
auquel  sa  veillesse  le  mettait  hors 
d'état  de  se  défendre.  Boon  avait-il 
les  titres  voulus  pour  la  possession  des 
terres  par  lui  dt'frichées  ?  telle  fut  la 
question  gravement  posée  devant  l'ad-  ^ 
ministration  de  l'Union.  Les  tribus  in- 
diennes seules  propriétaires  primor- 
diales du  sol  où  il  avait  porté  la  char- 
rue et  la  cognée  eussent  répondu  que 
oui  :  ou  fut  d'un  autre  avis  dans  les 


588  BOQ 

bureaux.  Exproprié  par  uu  arrêt  Ini- 
que ,  le  patriarche  regarda  ses  liens 
avec  la  société  comme  rompus  et , 
disant  à  sa  famille  ,  a  ses  amis  un 
éternel  adieu,  s'enfonça  dans  les  im- 
menses régions  du  nord-ouest  qu'ar- 
rose le  Missouri ,  et  se  bâtit  sur  les 
Lords  de  ce  fleuve  une  hutte  que  nul 
du  moins  ne  fut  tenté  d'aller  lui  dis- 
puter. Pour  tous  compagnons,  dans 
cet  exil  lointain,  il  avait  son  fils  ,  son 
cliien  et  son  fusil.  Les  Indiens  le 
rencontraient  parfois  dans  leurs  cour- 
ses, et  transmettaient  de  ses  nouvelles 
aux  habitations  anglo-américaines 
qui  de  proche  en  proche  vont  s'é- 
Icndant  vers  le  territoire  du  nord- 
ouest  et  envahissent  le  désert.  Jamais 
le  vieux  Boon  ne  se  plaignait  de  son 
sort.  Le  bruit  de  la  sape  et  de  la 
bêche,  ces  avant-coureurs  de  la  civili- 
sation ,  semblaient  seuls  affecter  pé- 
niblement son  oreille.  On  le  trouva, 
vers  la  fin  de  1822,  mort  a  genoux  , 
son  fusil  ajusté  et  posé  sur  un  tronc 
d'arbre.  Le  comté  le  plus  septen- 
trional du  Kentucky  porte  le  nom  de 
Boon.  Cooper  a  immortalisé  le  ca- 
ractère de  ce  vieillard  eu  l'idéa- 
lisant dans  son  Trapeur ,  qui  joue 
im  rôle  si  original  dans  les  ouvrages 
du  romancier  américain.  P — ot. 
BOQUIN  ou  BOUQUIN 
(Pierre),  théologien  hétérodoxe, 
embrassa  d'abord  la  vie  religieuse 
dans  l'ordre  des  carmes.  Séduit  par 
les  nouvelles  doctrines,  il  jeta  le  froc, 
sortit  de  France  en  i54.i,  se  rendit 
a  Eàle,  puis  a  Willeniberg,où  il  fut 
accueilli  par  Luther  et  Méianchthon. 
Ce  dernier  lui  persuada  d'aller  occu- 
per a  Strasbourg  la  chaire  que  laissait 
vacante  le  départ  de  Calvin.  Après  y 
avoir  professé  quelque  temps,  il  re-' 
vint  a  Bourges  5  mais  ilne  rentra  point 
dans  son  couvent,  comme  on  l'a  dit. 


BOQ 

Espérant  voir  bientôt  la  réforme  s'in- 
troduire dans  l'église  de  France  ,  il 
fit  en  attendant  des  leçons  publiques  | 
degrammaire  hébraïque.  Peu  de  temps  i 
après,  la  reine  de  Navarre,  a  laquelle 
il  avait  présenté  quelques-uns  de  ses 
ouvrages,  lui  fit  assigner  un  traite- 
ment; et,  sur  la  recommandation  de 
cette  princesse,  il  fut  nomme  prédica- 
teur à  la  cathédrale.  Mais,  quoiqu'il 
eût  donné  sa  démission  dès  qu'elle  lui 
avait  été  demandée,  il  fut  poursuivi  de- 
vant le  parlement  de  Paris  et  devant 
l'archevêque  de  Courges.  A^ant  échap- 
pé a  tous  ces  dangers,  il  revint  à  Stras- 
bourg en  1 5 55,  et  y  resta  quelque 
temps  attaché  comme  prédicateur  à 
l'église  française.  Appelé  par  l'élec- 
teur Palatin,  k  Heidelberg,  il  y  rem- 
pl.t  vingt  ans  la  chaire  de  prolesseur 
en  théologie  ,  non  sans  avoir  des  que- 
relles avec  les  partisans  de  Luther, 
dont  il  était  loin  d'approuver  toutes  les 
opinions.  L'électeur,  pour  mettre  fin  h 
CCS  débals,  ayant  fait  rédiger  une  pro- 
fession de  foi,  ijoquin  refusa  de  la  si- 
gner, et  fut  expulsé  de  sa  chaire.  Il 
obtint  enfin  une  place  à  Lausanne, 
et  mourut  dans  celte  ville  en  i582. 
Melchior  Adam,  dans  les  F itœ  tlieo- 
logor.  extcrorum  ,  et ,  d'après  lui  , 
Bayle,  dans  son  Dictionnaire ,  ont 
donné  la  liste  des  ouvrages  de  Bo- 
quln.  Ce  sont  des  traités  de  théologie 
et  des  écrits  de  controverse  qui  n'of- 
frent plus  d'intérêt.  Par  un  hasard  sin- 
gulier, ces  biographes  ne  font  pas 
mention  du  seul  ouvrage  de  Boquin  qui 
soit  encore  recherché^  il  est  intitulé  : 
P .  Boquinl  Apodeixis  anti-chris- 
lianismi  qiia  christianismum  ve- 
rani  religionem ,  phnrisaismiim 
cliristianismo  contrariiun ,  papis- 
muni  pharisaismo  simillimum  esse 
ostejidilur,  Genève,  i585,  iu-8", 
W—s. 


rlN    nu    COgUAXTE-HLlTIEME    VOLUME. 


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