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in 2010 witii funding from
University of Ottawa
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1
UNIVERSELLE,
ANCIENNE Eï MODERNE,
SUPPLEMENT. _^_
BER— BOQ.
IMPRIMERIE DE PAUL DUPONT ET COMP
Rue «le Gren'Ile-Sl Honoré, a. 55.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE-.
SUITE DE L HISTOIRE , PAR. ORDRE ALPHABETIQUE, DE LA VIE PUBLIQUE
ET PRIVEE DE TOUS LES HOMMES QUI SE SOST FAIT REMARQUER PAR
LEURS ÉCRITS , LEURS ACTIONS , LEURS TALENTS , LEURS VERTUS OU
LEURS CRIMES.
i'^^ifr-'T^'--^'
OUVRAGE ENTIEREMENT >'ELF ,
RÉDIGÉ PAR U>'E SOCIÉTÉ DE GEXS DE LETTRES ET DE SAVANTS.
On doit des égards aux vivants ; on ne doit anx morts
que la verilé. (Volt. , première Lettre sur OKdipc.)
TOME CL\OUANTE-HUlTIE3IE.
A PARIS,
CHEZ L.-G. I^ilCHAUD, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
RUE RICHELIEU, K° G7.
BliSLHDTHECA ^•
Ott«vien8l8 ^
SIGNATURES DES AUTEURS
DU CINQUANTE-HUITIÈME VOLUME.
MM.
MM.
A — D.
Art.vl'd.
G— T— R.
Gauthier.
A — L E.
D'ALLO^VILLE.
G — Y.
Gley.
A— T.
H. AUDIFFRET.
J— D— :».
Jourda:i.
B— D — E.
Badiche.
Kl — H.
Rlaproth.
B-L— M.
BlumMj
L — c — J.
Lacatte-Joltrois,
B— N.
Bici.\ (E.-A.).
L — M X.
J. Lajiocreux.
D— P.
De Beacchamp.
L R — Y.
Leroy (Aimé).
B— S-K.
BOISSIER.
M— A.
Mëldola.
B— ss.
BOISSONADE.
M— D j.
MiCHAUD jeune.
C D. V.
CarRON du VlLLAUDS.
M— L.
Miel.
Gh— 0.
Chodzro.
M— N— s.
MOXNAIS.
Ch— u.
Chassériau.
M— z.
MONGELLAZ.
C— 0.
Co.NSTANCIO.
OZ— M.
OzANAM.
C. T— Y.
Coquebert de Taizy.
p— c— T.
Picot.
D— B— s.
Dubois (Louis).
P — NY.
De Prony.
D — G.
Deppi.vg.
P-OT.
Parisot.
D— R— R.
DOROZOIR,
P— RT.
PniLBERT.
Ec— Dd.
Éméric-David.
R-D
Rei.naud.
E— K-D.
ECKARD.
R — F C.
De Reiffb.ybkrg.
E— s.
Eyriès.
T— D.
Tabaraud.
F — LE.
Fayolle.
V— 8 — H.
Vi.^soît.
F. P— T.
Fabien Pillet.
V— VE.
Villesavb.
F— T — E.
De la Fo?iTK:<ELLE.
W-s.
Weiss.
G— CE.
Ge.>ce.
Z.
Anonyme.
G— 6— T.
De GRiJeoRY.
UNIVERSELLE.
SUPPLEMENT.
B
BERAIIV ( Jean ) , dessinateur
Ordinaire de la chambre et du cahinet
de Louis XIV, né à Saint-Miliieî ,
en Lorraine, vers i65o, niorl a l'âge
de 77 ans dans les galeries du Louvre
où le roi lui avait donné un apparle-
ment , est demeuré presque inconnu
jusqu'à présent. Cependant , on a
de lui un volume in-fol. atlanlique ,
sans date , sans désignation d'impri-
meur , ni de lieu d'impression , et
contenant les gravures de ses princi-
paux dessins qui consistent surtout en
arabesques. Ils indiquent beaucoup
de facilité, un talent assez remarqua-
ble pour la |)er.\peclive et une imagi-
nation tout à la fois ricbe et sage. On
a aussi de lui des cahiers A'orne-
nients inventés et gravés avec esprit
par lui-même j des recueils pour la
décoration des appartements , etc.
Cet artiste laissa un fils (Jea/i), des-
sinateur comme lui et aussi peu con-
nu. Les cérémonies des pompes fu-
nèbres faites a Saint-Denis en l'bon-
ucur du Dauphin et de Louis XIV,
sont de Berain fds ; c'était sur les
dcsiins de son invention que l'on
sculptait la poupe et la proue des
galères et des vaisseaux de l'état j
il donnait aussi les dessins des costu-
mes de chaque carrousel — Beraik
[Pierre-Martin) , frère de ce der-
nier, prévôt du chapitre deHazelach,
en Alsace , a publié un Mémoire
historique sur le règne des trois
Dagobei t,clc., Strasbourg, 17 17,
in- 8". B— N.
lîERARD , né en Franche-
Comté , d'une famille peu riche ,
entra au service dans les dragons
de Conti, où il n'eut pas d'avancement.
Avant quitte ce corps , il fut employé
comme régisseur dans une terre de
l'Anjou, par un de ses anciens offiriers,
et vint joiudre Caihelineau , d Elbée
et Stofilet dès les premiers jours de
la prise d'armes, en 1793. Il (obtint
aussitôt le coramaudcmenl de la cava-
lerie de celte sorte d'armée improvi-
sée. Chargé peu après de la direction
d'une des quatre grandes divisions de
l'armée d'Anjou , d la conduisit à l'af-
faire de Beaupréau, Bérard se trouva
ensuite a l'occupation d'Angers , et
signa la sommation adressée aux au-
torités de Nantes , pour les engager
a se soumettre. Lors de l'attaque de
cette ville, il commandait un parti
sur la roule de Reunes, et les bou-
lets pleuvant de ce côté, où Ca-
theliueau fut tué , il fît retraite avec
LVIII.
2 BER
les siens el contribua ainsi beaucoup
h 'a défdile des royalistes Au-delà
de la Loire, il fui employé comme
aide-major-général sous Siofflit, de-
vint membre du conseil militiirej et
même , lorsque le priuct* de Talinont
eut abaadonué le commaudement de
la ca\a'eiie, on le donna h Bérard ,
au lieu de le resliluer à Forestier,
qui s'en était démis en faveur du
prince. Bérard survécut aux désas-
tres de cette guerre , se joignit d'a-
bord aux cbou.ms , regagua ensuite
la Vendée , où il concourut a la for-
maliiin de la seconde armée du cen-
tre dont le com'! andement fut dévolu
à Sapineau II attaqua bientôt le
poste de Saint- Fulgeot avec Pro-
dbomme . et finit, comme lui , par se
joindre a Tarmée d'Anjou et Haut-
Poilou. jrapli(iné dans le complot de
celui-ci, il fut gai dé a vue, mais
il p.iruul a se ju.stifiei auprès de Stof-
flet. Siiivan', l'iinpulsioude Protlonin ,
Bérard signa la pacifiialion de la Jau-
nais avant son général, que dès lors
il abandonna. I' s'attacha ensuite au
généra' Caudaux, ne parut point
dans l'insurrerlion de 1799, et se
fit placer comme garde-géueral des
eaux el forêlsala résid< nce de Sainte-
Hermine 5 puis a celle de Bourbon-
Vendée, où d est mort, cjuelques
années avant la restauration.
F — T — E.
BÉRARD ( FbÉdéric;, profes-
seur de médecine h Mimlpellier , ou
il naquit , eu 1789. Voué de bonne
henre a Tart de guéiir, il soutint ,
à peine âgé de vingt ans, une thèse
intitulée : Plan d'une médecine
naturelle , ou la nature consi-
dérée comme médecin , et le mé-
decin considéré comme imita-
teur de la nature. Ce litre in.liqne
assez que le jeune doileur était pé-
nétré des principes de l'école ui
BER
l'avait formé. Peu de temps après,
il vint a Paris pour acquérir de nou-
velles connaissances, et il y fut as-
socié à la rédaction du giand Dic-
tionnaire des sciences médicales.
Le premier article qu'il y inséra est
celui de Cranioscopie ; il contient
une critique assez faible du système
de Gall. Bérard publia ensuite
l'article Elément , ovl il pré-
sente un tableau de la doctrine
analytique que Barlliez.et Dumas
avairnt fondée à l'écolp de Monlpel-
Ler. Enfin, il donna dans le nième
ouvrage, lésai \.\Q\e$ Extase *:[ Force
musculaire Bérard revint a Mont-
pellier, en 1 8 1 6 , et il y professa la
thérapeutique dans descouis parti-
culiers. Il publia, l'année suivante ,
une dissertation sur la distinction
entre la petite vérole et la variole ,
d'après les observations qu'il avait
recueillies pendant une épidémie qui
régna a iMontpel ier à la tin de l'an-
née 1816, I vol. iu-8". Il conçut
en même temps le projet d'éta-
blir d ins cette ville un journal de la
doctrine médicale que l'on professait^
mais n'étant pas soutenu par les pro-
fesseurs , il se contenta de publier un
ouvrage sur la Doctrine de t école
de Montpellier \^\ snrlacomparaisoa
de ses principes avec ceux de-, autres
écoles d'Europe, i vol in 8'^. On re-
marque dans ce travail quelques vues
philosophiques , et un style qui ne
manque ui d'élégance ni de force.
L'aulenr concourait eu même temps
a la rédaction de la Revue médi-
cale , journal fondé par les doc-
teurs Rouzet et Dupau , contre
l'envahissement du nouveau système
de M. Broussais. Par suite de quel-
ques rivalités locales , Bérard revint
à Paris eu 1820 , afin d'obtenir une
chaire de médecine. Il s'assoc a au
docl. Rouzet pour publier l'ouvrage
BER
de Dumas sur les maladies chroni-
ques , 2 vul. ju 8'' , d\ec fli'S Dotes
el (!• s comincnlaires sur ladoclrine
an ily'iqiie. Bientôt ai)rès parni la
Doctrine des rapports du physi-
que et du moral , pour servir de
loademenl a la physiologie inlellec-
tuelle, el à la niélaphysi.|ue , 1823,
in-8°. Bérard y expose loutes ses
idées de philosophie. Il pubha dans
le même leiHjJS une lettre iné'lile de
Cabanis sur les causes premières ,
in-8° , et V ajoula un grao I nombre
de noies rpii Oiit été blâmées avec
quelcpie rai-.oi]. C'est à cette époque
que l'univrrsilé le noinma professeur
d'hvgièuea lafaculléde ^Joulpelliei .
Mdis tant de travaux avaient altéré
SI santé j il se bàla d'.lltrà Mont-
pellier pour commence'' soii cours,
et fit imprimer son discours d'nu-
verlure qui a jiour objet l'ame/io-
ration progressive de l'espèce
humaine par C injluence de la ci-
vilisation ^ Paris el Muni pi Hier,
1826 , in - 8" 5 ce fut son der-
nier ouvrage. La mort vint L- frap-
per, le 1 6 avril 1828 , dans la Sp*"
année de son âg''. On a encore de
Bérard V Eloge historique de F.- J.
Léon Rouzet ( extrài de li Revue
médicale), Paris, 182^, in-8". [1 a
lai-sé eu manuscrit 1 Esprit des doc-
trines médicales de Montpellier
qui a été imprim • dans celte ville,
en i85o, in-8'^, aver. une Pièce
historique , sur sa > ie el ses éirils,
par M H Petiot. M. Améilée Dupau
a publié une ]Sotice historique sur
Frédéric Bérard , Va.r a, , 1818 ,
in-8° de i 6 p ig. Z.
BERAUDÏ (A>-cELo), savant
musicien , était né , vers le milieu du
17*^ scièile, à Sanl-AL;ala , dans le
royaume de Nap e.>. Ayant embrassé
l'eut ecdé iasiiqiie, il fui pourvu
d'un canoûicat au chapitre de Viterbe,
BER 3
et con'iacr.T ses 1 isirs h la cnlliire de
son art. Consulté par Ks plus célè-
bres musiciens de l'ItaHe , il s'<ra-
presiail de répon Ire a leurs ques-
tions el de résoudre les problèmes
qu'ils lui proposa en! . Selon Choron
[Dict. des musiciens) ^ il règne dans
ses ouvrages un ton de pédanterie
qui les d-paie; mais on y trouve
bea- coup de choses utiles; et les ar-
tistes les consullero it toujours avec
fruit. Les principaux sont : l. Ra-
gionamenti musicali , Blugne ,
1681. C'est, dii le luèrae bio ,ra-
phe . un livre exci lient pour rhi>-
toire de la musique. U. Documenti
armonici j ibul., 1687. Ou y trouve
les règles du contre point double.
in. Miscellane nuisicali , ibid.,
1689. IV. Arcani musicali ^ ibid.,
1690. C'est un dialogue dans lequel
l'auteur ixpliqi;e les finesses de sou
art. V. ri Perché nuisicalc^oi'vero
Stafetta arnionicu , ibid., 1695.
Berardi da:is ce volume, a réuni ses
réponses aux principales questions
que Sis confrères lii avaient adressées.
W— s.
BERAUD^Tean-Jacque-^ pl.y-
bicieu et ualurahste , naquit le 5 fév.
1753, à Allons près de Castellane.
Après a>oir terminé ses études , il
emra dans lacongrégalion de l'Ora-
toire, et remplit successivt ment les
plices d.' p.éfel el de professeur de
maihéma'iqu -s et de plusicpie txpé-
rimeiitale , au collège de iMaiseille.
En 1787 . il remporta trois prix a
l'académie de celle ville , qui s'era-
prt-ssa de se l'associer. A la 1 évolu-
tion, i' ne crul pa> devoir s'éloi ner
de Marsi il e où il jouissait de l'es-
time générale. Elu membre du bureau
centra' des sections, il fut avec tous
Si s collègues mis hors la loi après
la jouruée du 5 i ira . Il se réfugia en
Espagne , où il obtint la charge d'iii-
4 BER
géaieur livdraulique du port de Car-
tliagèiie. Il y raoïinit le i*^*^ février
179/1-, âgé seulenienl d^- 4.1 ans. On
a du P. Beraiid : I. Mémoire sur
la culture du câprier. II. Sur
l'éducation des abeilles. III. Sur
une machine propre à pécher le
corail Cis trois mémoires couron-
nés par racadémie de Marseille ont
été imnriinés , les deux premiers dans
le recueil publié par P^ns-J. Ber-
nard ( Voy. ce nom, ci-après) sons
le litre de Mémoires pour servir
à l'histoire naturelle de Proven-
ce ; et le iroislérae dans le Jour-
nal de physiqie , 1792, II, 21,
avec une pi. IV. Mémoire sur
cette question : Quelle est la ma-
nière la plus simple , la plus
prompte et la plus exacte de re-
connaître la prése/ice de l'alun
dans le vin P inséré dans le Journal
de physique., 1791,11, 24 1, et
dans VEsprit des journaux. L'au-
teur partagea le prix double proposé
par Tacadémie de Lyon. V. Mé-
moire sur la manière de resserrer
le lit des torrents et des rivières^
Aix , 1791 5 in-8° de 1 1 6 pag. Cet
excellent ouvrage fut publié par or-
dre de radraiiiistration départemen-
tale des Boucbes-du-Riiôiie. W — s.
BERCEO. Voy. Gonzalez,
XVIII, II 3.
BERCllEM. Fo/.Berghe^i,
IV, 25r.
BEIlCIiTOLB (le comte
Leopold de ), philantrope allemand,
né en 1708 , d'une famille très-
distinguée , fut chambellan de l'em-
pereur et chevalier de Saint-Etienne.
Possesseur d'une fortune immen-
se , il la consacra en entier au sou-
lagement de l'humanité. Une par-
tie de sa vie fut employée h de nom-
breux voyages qu'il entreprit dans le
Inil de cyfliiaîlre le iiouheur cl le
BER
malheur des hommes dans leurs dif-
férents degrés de civilisation et d'a-
brutissement , et d'apprendre les
moyens d'augmenter leur état pros-
père et de diminuer leur infortune.
Pendant plus de quinze ans il par-
courut l'Europe , l'Asie et l'Afrique.
Il possédait huit langues différentes
et savait écrire dans chacune d'elles ;
et cette connaissance lui servit beau-
coup pour utiliser ses voyages. Sou-
vent quand il était dans un pays, il y
publiait et distribuait gratuitement
de petits ouvrages propres a popu-
lariser ses vues de bienfaisance et
d'utilité publique. C'est ce qu'il fit
en 1795, en Portugal , malgré les
préjugés qui s'y opposaient. Afin
que son expérience ne fût pas per-
due pour ceux qui chercheraient à
l'imiter, il fit paraître un livre con-
tenant les précautions les plus sû-
res pour voyager, et l'écrivit eu an-
glais sous ce titre : An essay to
direct and extend the inquiries
ofpatriotic travellers , Londres ,
1789 5 la première partie a été tra-
duite en français. 1797, par le comte
de Lasteyrie ( i ). La seconde, qui con-
iient un tableau des voyages les plus
importants entrepris depuis les temps
anciens jusqu'en 1787, n'a pas été tra-
duite. Le comte de Berchtold ne se con-
tentait pas de publier des ouvrages pour
popu'ariser ses vues de bienfaisance.
Quand sesconnalssances ne suffisaient
pas , il dépensait des sommes consi-
dérables pour ouvrir des concours sur
des objets d'utilité publique. C'est
ainsi qu'il proposa un prix de 1000
florins pour le meilleur ouvrage sur
(1) Voici le tilie de cette traduction: Essai
pour diriger et étendre les recherches des voyo^eurs
qui se pruposeiit l'utilité de leur patrie, avec des oi-
H'cvatiLiis pour préserver la vie , la saute et ses
effets , et une suite de questions sur les objets les plus
dignes des reclicrclics de tout vorageur, sur les mn-
tiéres rui intéressent la socicté et l'humanité, raiiî,
au V, a vol. iu-S°.
BER
les étalilissemcnts d'iuiraanité. Il fou-
da une société d'humanité en Mora-
vie, et des établissementsde secours a
Brunneth Prague. Il fut un des mem-
bres les plus actifs et les plus iuflueuls
de la sociéié humaine de Londres ,
et y appuya puissamment les mé-
inoires que les docteurs Antoine
Fothergill et Pope présenlèrenl au
concours ouvert sur les moyens de
sauver les uoyés. Comme ou s'oc-
cupait beaucoup , en Allemagne , du
danger d'enterrer les personnes vi-
vantes, il recueillit les faits les plus
importants sur celte matière et pu-
blia en allemand : Courte métJiode
■pour rappeler à la vie toutes les
personnes atteintes de mort appa-
rente. Vienne, 1791, in-8°. 11 tra-
duisit lui-même ce livre en plusieurs
langues et le distribua partout gratui-
tement. Il en adressa une traduction
frauçaise a l'assemblée constituante
qui lui décerna d'honorables éloges.
Dans ses voyages en Turquie , en
1795-97 , il s'occupa , avec un zèle
admirable , des moyens de préve-
nir et de guérir la peste, et s'exposa
pour cela a de grands dangers. Il fît
imprimer , sur les moyens de guéri-
son employés dans l'hôpital de Saint-
Antoine à Smyrne, unrapport où il re-
commande les frictions d'huile d'olive
sur tout le corps, comme un remède
préservatif et curatif, d'une efficacité
certaine. Malheureusement les résul-
tats obtenus depuis n'ont pas répondu
à ses promesses. Les frictions d'huile
d'olive ont été employées avec peu
de succès dans la peste qui régna à
Malte, en 1812. La vaccine , cette
découverte si précieuse ne pouvait
manquer d'exciter le zèle philantro-
pique de Berchtold. Il usa de toute
son influence pour en favoriser la pro-
pagation, et vaccina lui-même un grand
nombre de personnes. En i8o5 , les
BER 5
habitants des montagnes des Géants
avant été affligés d'une famine , Ber-
chtold ouvrit pour eux nue souscrip-
tion , h laquelle il contribua pour des
sommes considérables. Il parcourut
l'Autriche pour recevoir lui-même
les oHrandes, et fit venir des contrées
éloignées du seigle et autres moyens
de subsistance à l'effet de secourir ces
infortunés. Sa principauté de But lilau,
en Moravie, était surtout le lieu où il
répandait ses bieufalls'a pleines mains
sur l'humanité souffraute. En 1801,
il inslitua dans son château de Eu-
chlovilz une école d'instruction pour
la jeunesse. Plus tard, lors de la san-
glante bataille de Vv agram , il con-
vertit ce château en un hôpital pour
les malades et les blessés des amées
autrichiennes. Il y prodigua lui-même
des soins à ces malheureux, avec ua
zèle dont il fut victime. Une fièvre
typhoïde s'y étant développée, il crut
pouvoir la braver comme la peste
d'Orient, mais il en fut atteint et.
jBourut eu 1809. On a souvent ap-
pelé le comte deBercthold le Howard
de l'Allemagne. Bœttiger dit que si
l'on veut établir un parallèle entre
ces deux grands hommes , on ne doit
pas oublier que l'activité du pliilan-
trope allemand embrassait une sphère
beaucoup plus étendue, qu'il com-
muniquait ses vues de bienfaisance
soit de vive voix , soit par écrit, avec
beaucoup plus de promptitude et de-
facilité. Outre les ouvrages que nous
avons cités, Berchlold a publié des
Tables dans lesquelles il donne aux
artisans et aux gens de campagne des
avertissements sur les dangers qui
menacent leur santé et sur les moyens
de s'y opposer. Tienne, 1806,
in -fol. G — T — R.
BERCKEL (Théodore-Victor
Van), vit le jour a Bois-le-Duc , le
21 ayril l'J^''^- Sa famille, l'une
6 BER
des pli'î ancifnnes de celle ville, était
ca liiilii|iie romaiue , et avail élé
ruinée par Its révoliilions qui dé-
noiiilleul si soiivenl le mérile et la
vertu pour enrii hir le vice e1 Tinlri-
giie. Le jeiineVan Bercktlmonira, dès
sa plus tendre enfance , un goût pro-
noncé pour le dessin ; et après avoir
fait dans cet ail des progrès rapuli s
et rt-marquab'Cs, i' s'appliqni a la
gravure m médalllfs < liez nu nom ::é
Marine , grave r a 'liù'el de la mon-
naie qui existait a (Uèves. Il se
maria , alla s'établira Rillerdani,
b'inilia, sans doule , à Ti^idi- de son
génie, dan.s les secrets de son art,
et commença a établir sa réputation.
Il avail Ireiilt-sipt mis (en 1776),
lors(|u'iiii piiice, aimant et cultivant
lui- . èine les beaux-arts, s élanl formé
un cabinet deméd illf sd^nl Gbes([niè-
re [f^. ce nom, X\ II, 278) a rédigé
le calai. 'gue , le duc CI arles de Lor-
raine, si cher encore aux Belges , le
fit \enir à B'uxi-llis. 11 voulail (jue
la gravure en nié (ailles aiuiguît chez
les Bilgesla perfution où Hedlingi-r
l'avait portée en Albmagni-; et il
choi-it a cet efirl Van Bertkel qui s'é-
tait formé à l'école de cetarti.vle. ()n
s'aperçut I ienlôl que la moi.naie lui
était confiée : le plus beau de S' s ou-
vrages est la méii.iille portant l'i ffi-
gie de son illustre :\ éiène. Mais ,
malgré la pmli ction dont il jouissait
à Bruxelles , Van I erckel ne cessait
de regretter la Hollande 5 car il paraît
qu'il ne lron\a point à cette cour la
fortune dont il se croyait assuré dans
sou pays natal Lor que t s Français
firent la conquête des Pays-Bas en
1792, il accompagna dans leur re-
traite les autorités autrichiennes , fut
pendant quelque temps attaché à l'hô-
tel des monnaies a Vienne , avec le li-
tre dt- giaveur en second, et obliul en-
fin une cliélive pension. Découragé
BER
de voir ses talents si mal récompen-
sés , il revint dans le seiu de -a fa-
mille in i8o5 et se fixa a Bois-'e-
Duc , où il mourut 'e 1 9 sept, i 808.
Les I 1*" et 12^ liviaisuns du sixième
volume du Messager des sciences
et des arts, publié à G ind , contien-
nent une notice sur Van Berck.d or-
née de son poitrail , et suivie de la
lisle de se- médailles ainsi que de cel-
les (lu'on lui ailrduie. R — f — g.
BERCKIÏEL^I (leb.iron Sigis-
MOND Fp.tDÉRicDE), uéa Rihi aiivillé,
près Colmar, le 9 mai 1775 , d'une
fiiraiile proleslaule, entra fort jeune
daus la carrière des armes , devint
eu 1793 officier de cavalerie, et
par\ini en 1809 au grade de colonel
du premier régiment de cuirassiers.
Il fit k la tèle de cette belle trou-
pe Its ca I pagnes de Prusse el de
Pologne, et se distingua 1 arllculiè-
remeul aux batailles de Heilsbcrg et
de Fiiedlanil, puis à celtes d'Eck-
muhl et de Wagrara. INcmmé géné-
r.il Je brigade après la paix de
Vienne , il fut encore chargé de com-
mander 'es cuirassiers dans la cam-
gne de Russie, en 8 i 2, el se signala
de nouveau k Horocimo, k Pololzh
et surtout aux rives de la Bérésina ,
où il exécuta très-k-propos une charge
brillante qui .sauva Napoléon et les
débiiscle son armée. Nommé lieule-
nanl-général , le 3 sept, de l'aimée
suvanle, il fit en celte qualité la
campagne de Saxe, el commanda un
corps de cavalerie k Dresde el a Leip-
zig. A l'époque de 1 invasion de la
France, en i8i4i lempereur lui
confia le comn audemml des ga'des-
d'honuMir et la levée en masse duJé-
parlem nt du Haut Rhin , opération
dangereuse el (pie les circonsiances
rendirei'i impossible. Après 'a chute
de JNapoléoii , le baron de Bercl heim
se soumit au gouvernement royal et
BËR
fut nommé en même temps chevalier
de Saint-Louis et commaiul^nit du dé-
parlemenl du Hanl-Rliin. Lorsque
l'ouaparte r'-vinl de Tîle d'Elbe, en
181 5, Berckheim n'hésita pas a se
ranimer sous ses drapeaux 5 ei il com-
iiinnda, dans la courte campagne des
cmt jours , les divisions de réserve
sur le Rhin. Après le second retour
des Hdurbons , il ne cessa pas d'être
employé , et fut piii ticulièrement ac-
cueilli du duc d'Augoulèrae, qui le
fit nommi r inspe>.leur- général de la
cavalerie. Il avait été élu , à la mê-
me époque, par le département du
Haut-Rhin, membre de 1j chambre
des députés, et il y vola coa^l;ira-
ment avec le parti de l'opposition ,
sans jamais paraître à la tribune.
Berckheim es! morl a Paris , le 28
décemb. 1819. Le général Paullre
de la Motte , son ami , prononça sur
sa toii,b un éloge qui fut inséré dans
le 3Ioniteur. M — d j.
BERCY ou BERSIL (Hugues
de). Poy. Berze , ci-apiès.
BERE\DS(Charle>-Augusie-
Guillaume), médecin ,néàAnklam,
petite ville du nord de la Prusse, en
1755, fil ses éludes a l'université de
Francfort sur l'Oder, où il fut reçu
docteur en 1780. Il obtiui une place
de professeur en 1788. L'univeisilé
de Francfort ayant été tran>férée à
Breslaw en 1811, Rérends y fut
aussi professeur • ei quelques années
après il vint a Berlin occuper la chaire
de clini(pie et de théraptulique spé-
ciale Il V jouit d'une grande réputa-
tion j mai^ son état maladii i^itcrrom •
pit souvent le cours de ses leçons, pen-
dant les dernières années de sa vie ; et
il mourut vers 1826. Le docteur Sun-
delin, son élève, qui le remplaçait
couime professeur de clinique, a pu-
blié après sa mort ses lecous de mé-
decine pratique. Elles sont inlitu-
BER 7
lées : P^otlesunsen ueher praklis'
che Arziietwissenschcifl, herausge-
gebeij von Karl Sundelin, Ri rlm,
1827-1829, 9 vol. iM-8°. Ces le-
çons forment un des ouvrages les
plus et' ndiis qui aient élé publiés en
Allemagne sur a médecine pratique.
Les trois premiers volumes traitent
de la séméiotique, des fièvres et
de.-> inflammations. Les autres mala-
dies sont cla.'-sées d'une manière assez
arbitraire dans les volumes suivants.
Cetouvriige ne provieit point de ses
manuscrits, nais des cahiers copiés
a ses cours, par l'éditeur qui y a
ajouté des notes. Le docteur Stosth a
fa t imprimer en l 'tin les œuvres pos-
tliumes du professeur Rérends, Ber-
lin , 1829-1830 , 2 vol. in- 8°. Ces
deux volumes contiennent un traité
des maladies consompiives, et un com-
mentaire sur les aphorismes d'Hip-
pocrate. Il n'avait publ é pendant sa
vie qu'un pelil nombre de disser-
tations , savoir : 1. Dissertatio
inaugurnlis sstens voinitoriorwn
hstoriœ pcricidum , Franclort sur
l'Oder, 1780, in-4". II. Sur l'in-
struction des jeunes médecins au
lit du malade , Rerlin , 1789. i 1-8°
(en allemand). \\\. Dissertatio de
siiffocalionis sigms , Francfort ,
1793, lu 8". IV. De lethalitate vul-
nerum absoluta algue relativa ,
Francfort , i 800, in-4" V. Dedub.o
plica- polonicœ inter morbos loco^
Francfort. 1801, in-4"- H existe en-
core quelques raénioiies de cet au-
teur dans divers recueib périodi-
ques de l'Allemagne. G — x — R.
BËREXGER (Richard), lit-
térateur ang ais , né en 1720, aviiit
le litre à'esquire , et en effet é'alt
intendant des écuries du roi Geor-
ges III. Ses occiipalions ou, pour
mieux dire, les octupalions de ses
subordonnés lui inspirèrent un traité
3
BER
intitulé The Hislory and art qf
Horsenianship , Bisloire et prin-
cipes de l'art du palefrenier . i 7 7 i ,
2 vol. Ïh-S", avec planches. L'iii&to-
rique de cet art qui est pris par l'au-
teur dans son acception la plus large,
et qui embrasse tous les soins à don-
ner aux chevaux cl tout le parti que
le luxe peut tirer du cheval , occupe
le premier volume tout entier. Sir
Richard y fait preuve d'une érudiiion
variée , quoique ses citations ne soient
pas toujours aussi nécessaires que
savantes et aussi probantes que nom-
breuses. Le célèbre Cl itï(|ue Johnson,
qui ne prodiguait pas la louange ,
appelle sir Richard Berenger la
type de la véritable, élégance.
C'est moins sans doute h son His-
toire de l'art du palefrenier qu'à
ses poésies , qu'il dut cette qualifi-
cation un peu emphatique : celles-ci se
trouvent dans la collection de Dods-
lej. On y remarque en effet beau-
coup d'élégance et de simplicité. On
a encore de Berenger trois bons ar-
ticles dans le Monde ( The 71 orld),
11°" 76 , i56, 202. Il mourut le 5
septembre 1782. P — ot.
BERENGER (Laotekt- Pier-
re (i), liitérateur médiocre, naquit
en 1749 a Riez, ville de Provence.
Après avoir terminé ses éludes, il
entra dans la congrégation de l'Ora-
toire^ et professa la rhétorique dans
divers collèges , notamment h celui
d'Orléans. Durant le séjour assez
court qu'il fit dnns cette ville , il
se lia d'une étroite amitié avec l'abbé
deReyrac, dont il publia depuis
V Eloge y avec Couret de Villeneuve,
imprimeur connu par ses jolies édl-
(i) On l'a confondu avec Bébange» , dont le
nom ft les chansons so\n si connus, dans la Ca-
Icn'e lùstnrifjue des contemporains^ Bruxelles , 1828,
compilation dont les principaux articles sont
tirés littrraleir.ent de la Liogrnphic universelle et
de celle des hommes virants.
BER
tiens d'Horace et des classiques ita-
liens ; et enfin avec M. Crignon ,
auteur de la traduction des P'ers à
soie, poème de Yida, que Berenger
a insérée dans les Soirées proi'en-
cales. I! remporta le prix de poésie
eu 1781, à l'académie de Rouen
pnr une Epure à mes livres , où
l'on trouve des détails agréables et
quelques vers bien tournés. Sorti
de l'Oratoire avec une pension de
quatre cents francs , il vint a Paris ,
fut placé comme instituteur chez le
duc de Yalentinols , et obtint la
place de censeur royal. H consacrait
ses loisirs a faire des vers qu'il publiait
dans les journaux et les almanachs. En
1786, il inséra dans le Journal Po-
Ijtype (2) , un conte intitulé la
Poularde, o\\ il dévoilait la conduite
scandaleuse de la nièce d'un chanoine
d'Orléans. Sur la plainte des person-
nes offensées , un arrêt du conseil
d'état, du 26 déc, supprima celle
pièce (5), et Berenger perdit sa pen-
sion (Voy. les ISlénioires secrets y
xxxiii , 267 , et XXXIV ,22) (/).).
Comme tant d'autres, il salual'aurorc
d'une révolution qui promettait de ré-
former tous les abus. Au mois d'oct.
1789 , il donna sa démission de cen-
seur , et offrit a l'assemblée nationale
un don patriotique. Il fut compris en
1795 dans le nombre des gens de
lettres auxquels la convention accor-
da des secours. A la création de
l'institut, il fut élu correspondant
de la classe de littérature : il venait
(2) Et non pas politique , comme tous les Dic-
tionnaires l'ont rcpétr, d'aprcs la Iliogrnji/iic des
homme; vivants. V.n nous copiant il faudrait au
m. lins corriger les fautes d'impression.
(3) Et non pas \e journal qui ne fut supprimé
qu'en 178S , pour avoir publié des réfIcNions
offensantes contre le ministère, pendant la durée
de l'asôcinbiée dis nol^ibles. •
(il Dans le même lemps il fut remercié comme
instituteur, et tomba dans la disgrâce de la du-
chesse de Villeroy, qui l'avait cboisi pour
c'ever un grand seigneur. V — ve.
BER
d'être nommé professeur do belles-
lettreskrécolecenlralede Lyon; plus
tard , il remplit la même chaire nu
lycée de cette ville, et fut fait en-
siiile inspecteur de l'académie , place
qu'il jugeait fort au dessous de son
mérite ; mais toutes ses réclamalious
auprès de Fontanes, alors grand maî-
tre de l'uuiversité, furent sans effet.
11 mourut à Lyon, le 26 septembre
1822, k l'àgede yS ans. Son éloge,
prononcé par M. Dumas , secrétaire
perpéluel de l'académie, fait partie
des Mémoires de cette société pour
l'année 1825. Bérenger est auteur
d'uu grand nombre d'ouvrages en
vers el en prose. On en trouve la
lisle couiplèle dans la Biographie
des hommes vivants, I, 290. Il
serait donc inutile d'en transcrire
ici les litres; mais on rappellera
les plus importants : I. Le porte-
feuille d'un troubadour ou essais
poétiques suivis d'une lettre à
G rosier sur les trouvères et les
troubadours , Marseille et Paris ,
1782 , iu-8°. La lettre h Grosley est
un plaidoyer en faveur des anciens
poètes provençaux contre Legrand
d'Aussy, qui , dans la préface de
îon édition des Fabliaux avait es-
sayé de diminuer le mérite réel des
troubadours {F oy. Legbaud d'Aus-
sy , XXlll, 58i). Quoique celte
lettre n'offre rien de piquant dans la
forme, ni de remarquable dans le
fond , Bérenger ne l'a pas moins
reproduite dans les Soirées proven-
çales. IL Iju morale en aelion ou
élite de faits mémorables el d'a-
necdotes instructives propres à fai-
re aimer la vertu y Paris, 1785,
in- 12. Cette compilation adoptée par
les collèges et les maisons d'éduca-
tion a été souvent réimprimée. Elle a
été traduite en espagnol , Paris ,
1825, 2 vol. iu-i8.LçP. Guibaud
BER 9
{Voy. ce nom, XIX, 56 j, orato-
rien , a donné sous le même titre un
nouveau recueil pour faire suite :i
celui de Bérenger. III. P oyage en
Provence, Marseille et Orléans,
1783, in-8°. C'est un recueil de let-
tres mêlées de vers, adressées par Bé-
renger a ses amis pendant un voyage
qu'il fil dans sa patrie. Gel ouvrage a
été réimprimé avec les Essais poé-
tiques sons le titre à'OEuvres de
Bérenger , Paris , 1786 , 2 vol.
in-i8 , qui font partie de la collec-
tion de Caziuj et avec de nombreu-
ses additions, sous celui de Soirées
provençales (5) , 1786,5 v. in-12,
fi"-. Les Soirées provençales ont
été traduites en allemand, Golba ,
1787 , in-S^.IV . Le peuple instruit
parsespropresvertus, Paris, 1787,
2 vol. in-8°5 ibid., i8o5, 5 vol.
iu-i 2 , traduit eu allemand, Bamberg,
1789 , in- 8". Bérenger est avec
Couret de Villeneuve l'éditeur de
l'Elite des poésies décentes et du
Recueil amusant de voyages en
vers et en proie [P oy. Cot EET ,
X, loi) (6). W— s.
BERÇASSE (Nicolas), na-
quit a Lvon , eu 1700, d'une lamille
originaire d'Espagne , et qui , depuis
long-temps était venue se fixer dans
le midi de la France , el d'abord a
Tarascon. 11 était le troisième de cinq
frères dont l'aîné , établi a Marseille,
faisait le commerce de la commis-
sion, et dont deux autres se trouvaient
dans Lyon , à la têle des niessage-
(5) On en trouve aussi des extraîls assez éten-
dus clans la coUi-clinn des T orages en t'rniice ;
par (.amezangère, 170'' • 4 vol. iii-i8 ; el dans
celle des T'nrages eu France et autres pnrs , avec
fif;., Paris, l'Si's, 5 vi.l. in-iS. A— t.
(6'; In ouvrage de Bérenger a été oublié dans
les diveises li.Mcs qu'on en a publiées, ^ous en
rclablissons ici le litre. C'est la Cnlleclion des
vnraies autour du monde par les différentes nations
de l'Europe, Gencye (Paris), i-St^, 9 vol. in.S".
A— T.
10
BER
ries (i). INicolas Ber^risse suivît la
carrière du barreau. C'était ';n u.>^age
établi a Ljou, qu'un avocat, nou-
ve'lement reçu, fut désii^ué, parTau-
torité municipale, pour prononcer
une harangue le jour de Sainl-Tho-
inas, en présence de tous les fonc-
tionnaires et du pub'icj et ce jour-
là l'orateur jouissait de toutes les
prérogatives du prévôt desmarch inds.
Bergasse n'avait que vingt-deux ans
lorsque, invité par les magistrats , il
nromm(^.?i \n Discours sur r honneur,
en 1772. Un autre discours lui fut
deinandé , en 1774-1 dans la même
circo stance, « t il choisit pour «ujet :
L humanité des j ges , dans r ad-
ministration de Injustice criminel-
le. Bergassecroil que l'humanité seule
peut écarter du juge trois vices fu-
nestes , la prévention , l'acception
des pei sonnes, et Tesprit de dureté
engendré pir l'babilude de juger.
Ce discours ne fut imprimé qu'en
1787 , à Paris , et comme pour faire
tomber le bruit qui altrib' ait au pré-
sident Dupai V le premier mémoire de
]]ergasse, dans le procès Kornmann.
En 1774. il fit imprimer, dans la
Gazette de France , des Réflexions
sur les préjuges , et il prononça ,
a rHôtei-de- Ville de L\ou, un Dis-
couis sur cette question : Quelles
sont les causes générale'^ des pro-
grès de l'industrie et du commerce,
et quelle a été leur influence sur
l'esprit et les moeurs des nations ?
Ainsi dès son début dans les lettres,
Bernasse s'annonça comme moraliste,
orateur et miblirisie ; et dès lors il
se montra ce qu'il fut toujours, hom-
me de conscience , homme de vertu
(ij L'un d'eux, Doiuini({ue, péril sur IViba-
fiiud, à Lyon, dans l'aflieuve anar'Jiir de i7y3;
il fui coiicL.miié l 19 fr maire au II, nar la coui-
iiîîssiou révululionnaire comme cnitewi des droits
tU l'homme, de l'égulilé, de l'indiiisibililé, des bon-
nets rouges , eic.
BER
et de principes austères. Son imagina-
tion vive et portée à Tt^nlhousiasme ,
put seule luir.ire accorder trop de la-
titude et trop d'empire a une science
nom elle (|ui conmiencail a se répan-
dre en France. En 1784, il publia
ses Considérations sur le magné-
tisme animal , ou sur la théorie du
monde et des êtres organisés ,
d'après les principes de M. Mes-
mer , in - 8" de 1^9 pages. Ou
lui reprocha d'attaquer , dans cet
ouvrage, d'ailleurs écrit avec un ta-
lent remarquable , toutes les doc-
trines des médecins, toutes les théo-
ries des physiciens , sur le système
des mondes, tous les principes des
moralistes et des législateurs sur le
système social , et tous les principes
qui dir genl les arts dans leur créa-
tion. Il y avait sans doute beaucoup
d'exagération dans ce reproche , et
Bergasse , était loin de vouloir ren-
ver.xer les principes des moralistes
et des législateurs • il est au moins
certain qu'il ne voyait pas ce renver-
sement dans le baquet de Mesmer. Il
faut dire cependant qu'il traite Bailly
et Franklin à' hommes à préjugés ,
devant qui « Ihomme de génie, qui
te veut se faire comprendre a plus
a d'obstacles a surmonter que loi squ'il
K s'adresse aux hommes ordinaires ;»
et il reproche aux savants de s'être
élevés contre Christophe Colomb,
Co.iernic, Harvey , Galilée, Ramus,
Kepler, Descartes , et « d'avoir prê-
te pnré , dans des temps plusreculés,
tt le poison donné a Socrate. » Mais
quels étaient . pour la plupart , ces
savants ! Faul-il donner ce nom à
Auitus , aux moines dEspagne , aux
inquisiteurs italiens! Déjà Bergasse
montre, dans cet ouvrage , un esprit
d'exallalion [leu propie a l'exasuen
et a la discussion 5 et lui-même , il
dit [Ai>nnt-propos ) : «Dans la se-
BER
BER
XI
« oiétémême qui me convieni le p^us,
« tout ce qui a l'air cl'iiiie ilisc u-sion
ce me rapptUe bien vile iiu silence. »
Cept-mlanl loule science , cdirine
Icuite cause judiciaire, a besoin d'exa-
men , de raisoum meni , de discus-
sion 5 et Bergasse , orateur éloquent
et passionné , mai^ bomme de con-
viction, f^aura plus facilmienf en-
traîner ()iie convaincre. Des l'abord ,
avant d'être m< nté sur un grand
tbéàlre, et encore inconnu, il se
montre, avec oudeir, plein de sa
propre estime, et il ose dire : k Vou-.
K savez .-i quelqu'un . (juaiid je vou-
ée (Irai parler, peut faire Idire. avec
« plu> d'empire et de fierté i|ue n ci,
ce la calomnie. » On a dit qu'il
croyiit alors au somnambulisme uia-
guétique, et qu'il n'eu! , pendant
plusiei rs années , après 1784, d'au-
tre médecin cu'nne servanft- , douée
ce de celte seconde vue, de cetie in-
cc luilion n erveilicu,-e qui drviue
ce à-la-fui- la maladie et le remè-
ec de. 3) Bergas e ét"it venu s'éta-
blir à Paris. — Trois proies célèbres
et une comédie , en donnant en
France un grand ébranlement aux
esprits, ont accéléré la révobtion.
Ces procès furent celui des dois
hommes condamnes à la roue , en
1784^ celui du Collier, <u 1786,
et de celui de Kornmann, eu 1788.
La comédie fui celle de la Folle
journée. Dupaly , digliostro et
d'hprémesnil , Bergasseet Beaumar-
cbais imp, imèi en! 1 mouvement pré-
curseur. Le mépri fut alors versé .^ur
tout ce qui soutenait encore l.i vieille
monarchie sur la cour , la nob'esse^
le clergé et la magistrature. La force
peut se défendre contre la haine :
ellf *ombe devant le mépris Les fon-
dements ae i aiilique édifice étai ni
minés, lors [ue le i4- juillet arriva.
Le procès de Rornmann qui occupa
le public pendant plus de deux ans
(s'i, fil la lépulation de Bergasse:
elle fut alors k son apogée , el depuis
elle semb'a plutôt descendre que
nmnier. L'éc at mémorable de celle
caue fil peidre de vue , dans les
salons . l'assemblée des notables
qui avait occupé tous les esprits.
On commença a p.irler beaucoup
roiins de Necker e. de Caloone, que
de Bergafse et de B( aumarchais.
Dèf-'ors les pamphlets dont lut assailli
l'auleui' du 3Jariage île Figaro^
pièce qui ava t eu déjà plus de cent re-
présenta ions , furent pins avidement
recliercl es que tous les écrits pu-
bliés sur la dette publique el sur la
pi'Silion cnliijne oi!i se Irouvait la
mcnarihie. Telb- élail alors l in-
souciaule légèreté dts Français , et
la cour elle-mèra. riait , éiourdie
(levant l'abîme où elle devait périr.
Guillaume Kor mai n, ancien n agis-
tral a Sirasbourg , ci'nnu a Paris,
dans 'a banque , a\ail voulu se aire
une plus sing lière répuiat'on : il
iiitcnia coulresa femme 1 ne accusa-
lion d'adullère. L'ex-!i( ulenant de
police Le INoir, conseiller d'étal , qui
Venait de partager la disgrâce de
Calonne , fut al laqué ccn me corrup-
teur , el Beaun arcbais comme l'agenl
de la corruption : le sieur Daudet de
Jo>san , syndic-adjiiiut de la ville
de Slia>:bourg , et le p ince de ISas-
s.u-Siegen, se troiivèrenl aus>i pour-
suivis comme CCI rupteurs de la dame
Kornmanu. L< s mémo res de Ber-
gasse , pour l'époux trahi eurent nu
succès prodigieux , el amenèrent
contre B^aumai chais un déchaîne-
ment univers 1 : il fut aussi violent,
en 1788, qu'avait été grande, en
(1) Le picm'er Hié"^^oire de Herfris'e est daté
du >o fevrin- i7!i7. snn dernier | I.^iilipyer du 19
iiinrs I ^ Sg, et l'arrêt du parlement du 2 août sui-
vant.
13 BER
1774^, la faveur publique , dans le
procès de Goëzraan (|iu Ht sa renom-
mée et sa fortune. Mais, dans le pro-
-ces Kornmann, l'auleur de Tarare,
qu'on répélail a'ors, ne sut pas met-
Ire les rieurs de son coté. Ses mé-
moires furent trouvés sans verve ,
sans gaîté communicative , et ne se
firent remarquer que par la fu-
reur dt^s injures et par un mauvais
goût. Entre les nombreux pamphlets
dont il fut poursuivi, on distingua
le Testament du père de Figaro ,
pt une parodie du rccit de Tliéra-
niène, où Ton rappela le mémoire de
Mirabeau et la détention de Beau-
marchais a Sjint-Laxare , provoquée
par sa chanson contre un mandement
de l'archevêque de Paris. Le scanda-
leux procès de Kornmann commença
avec une violence extraordinaire. Le
premier mémoire de Bergasse fut
qualifié, dès le 17 mai 1787 , par
Beaumarchais , de libelle atroce, et
son auleur de scélérat, Ae furieux
qui s expose au cJidliment du crime.
Dès le 28 mai, Bergasse disait au
public : ce M. de Beaumarchais pu-
ce bile qu'il n'aura de repos que lors-
<c qu'il m'aura fait condamner aux
c galères.... Depuis trois mois oa
ce me \ï^çwd,ç.^ d' assassinat , âfî poi-
cc son , d'emprisonnement , de lettres
« de cachet , et maintenant c'est le
ce bourreau qui doit être le vengeur
et de M. de Beaumorchais. » Le mé-
moire de Bergasse avait été adressé
par une circulaire imprimée a chaque
membre de l'assemblée des notables,
«t par d'autres lettres , pareillement
rendues publiques , au garde des
sceaux ( de Ln moignon ) , au prin-
cipal ministre (l'archevêque de Tou-
louse), et au ministre de la maison
du roi (le baron de Breteuil).
et Je sais 5 disait Bergasse aux nota-
bles, qu'on a entrepris de faire regar-
,'BER
der ce mémoire comme un libelle ,
on a même été plus loin, comme une
espèce ^''attentat à l'autorité, n
L'ex-lieutenant de police Le Noir
était accusé d'avoir , k la sollicita-
tion de Beaumarchais et du prince de
Nassau , levé la lettre de cachet que
Kornmann avait obtenue contre sa
femme, d'avoir ensuite livré cette
femnip a Beaumarchais , et puis d'a-
voir fait offrir 600,000 francs pour
acheter le silence de Bergasse. Ce
procès ne tarda pas a laire a Ber-
gasse une grande célébrité. Voulant
donner a celte ca\ne un intérêt plus
grand et plus large que celui qui
pouvait ressortir d'une simple accu-
sation d'adullère, il y fit entrer la
politique, l'attaque contre le despo-
tisme ministériel, et la nécessité
de réformer les mœurs et les lois.
Les circonstances le favorisèrent ,
car plus il y a de corruption dansles
mœurs , plus la sévérité des prin-
cipes est applaudie. Bergasse avait
fait d'un de ses mémoires un traité de
morale austère, et le procès de Korn-
mann ne semblait y être qu'un texte
a des réflexions politiques sur l'état
de la société. Cet état était déjà,
profondément troublé , et , avec de
droites intentions sans aucun doute ,
Bergasse donna aussi l'ébranlement.
Ce mémoire (du ii juin 1788) est
dédié au roi : « Sire, lui disait Ber-
tt gasse, un homme de bien dépose,
et dans les mains de V. M. , son
te honneur , sa liberté , sa vie. Il
et est menacé; il pouvait fuir. Ea
(£ pensant à la noble action qu'il a
« faite , et aux vertus personnelles
et de V. M. , il demeure. » Dans
ce mémoire , Bergasse dénonce à
Louis XVI ses ministres, et atta-
que les opérations du gouvernement.
11 n'en fallait pas tant pour le succès,
qui fut prodigieux. Ou n'osa arrêter
BER
cetle publication , et le roi défendit
que raiiteur fût inquiété. Cergasse
avait adressé ce mémoire a la reine ,
et il lui disait, dans une lettre qui
n'a pas été publiée : « Oa trompe
« V, M., madame, et on la trompe
« d'une maniorc bien cruelle. Il faut
a cependant que l'erreur dans laquelle
« on persiste à l'entretenir se dissipe,
« et qu'avantquede plusgrands maux
« n'arrivent , elle soit avertie du
« bouleversement affreux qui >e pré-
« pare, m C'est le ii aoùl 1788 que
Bergassc écrivait ces paroles prop!;é-
liques. Il ajoutait : « Les personnes
et qui connaissent les qualités parti-
a culières de V. M. sont iudignées
a de la manière dont des ministres,
<i justement détestes , osent calora-
« nier des intentions bienfaisantes,
« attribuant à elle seule les désordres
a. qu'ils out provoqués, tic.» C'est
dans ce second mémoire que , parlant
de Beaumarcbais, Bergasse dit : Il
sue le crime. Sou éloquence est vive,
ardente, passionnée J sa dialectique
plus déliée que serrée ; sa métaphysi-
que recherchée; son style assez sou-
vent incorrect, néologique et d'un
goût peu épuré. Parfois sa force est
de l.i déclamation, et sa chaleur res-
semble à de la frénésie. Mais le la-
lent est incontestable et élevé. L'au-
teur dit des vérités utiles et har-
dies. Cependant il atlaque, comme
étant les fautes nouvelles du gouver-
nement de Louis XVI , des maximes
d'administration qui avaient été con-
.staniment suivies depuis le règne de
Louis XIV. On voit que Bergasse se
croyait déjà, un humme important
dans l'état; il disait, avec un singu-
lier abandon d'amour-propre ; jLa
fière et imposante destinée que
le ciel ni a départie ; ailleurs: Le
ciel ni a destiné à dire toutes les
vérités , fen aurai le courage.
BER^ 1?.
Toutes les vérités se pressent dans
mon sein ; ailleurs encore : Je por-
terai V éloquence humaine jusquoii
elle peut aller. Avec des liora-
mes tels que Bergasse et Beau-
marchais , la cause devait finir par
passer bientôt des clients aux avocats
eux - mêmes. Ils plaidèrent donc
l'un contre l'autre devant la tour-
uelle du parlement. Bergasse avait
conservé , depuis deux an^ , tous ses
avantages sur son adversaire. Le pu-
blic lui savait gré d'avoir attaqué le
goMvernement ; le parlement avait
été loué , défendu par lui , et il avait
pour lui le parlement, qu'il se vantait
d'avoir seul fait revenir de son exil
aTroyes. Bergasse était dans la même
position où s'était trouvé Beaumar-
chais eu 1774-11 plaida le 19 mars
1789, et eut à se défeudre contre
les avocats Bonnet , Dclamalle, Rim-
beri, etMarlineau, défenseurs de la
dame Kornmann , de Daudet de Jos-
sau , de Beauraarchais et du prince
de Nassau. Ses adversaires lui^-epro-
chaient de n'avoir entrepris ce procès
que par soif d'une grande célébrité ,
et Bergasse répondait ingénument :
a J'ai lait A^s mémoires qui m'ont
ce rendu célènre , a ce qu'on assure ^
a et, parce que ces mémoires m'ont
a rendu célèbre, on en a conclu a
ce l'audience que je n' avais écrit que
K pour la célébrité. « Il disait dans
un autre écrit : ce Pendant sept aii-
« dicnces j'ai demeuré devant eus ,
a écoutant avec une patience bien
a étrange tout ce que la méchanceté
a humaine peut inventer de mensoa-
a ges , de sopbismes , de calomnies.»
Et il se récriait contre le système
odieux des quatre avocats et co:ilre
leur inconcevable délire. Une seule
citation suffira pour faire connaître
jusqu'où allait, a celle époque, la li-
tert^ des plaido;vies .: « Ces hommes
i4
BÈR
a pervers que j'ai acnisés devant
a VOUS .. comme ils sont loin de me
ce connaître! cnmme ils se doutent
a peu de l'élévation et en même
a temps de la sévérité di s principes
a auxquels j'obéi-.... Qu'ils ippreu-
« neiit que , tpels que puissent être
a encore leurs complots , leu s iulri-
« gués, leurs perfidies; à quelques
a vexations que je me trouve encore
«réservé, je ne cessi-rai jamais de
a les poursuivre; que tint qu'ils se-
« ront impunis, je ne me tairai pas;
a qu'il faut qu'on in'immol ■ à leurs
a pieds, ou qu'ils lo nbenlaux miens.
a L'autel de la justice est dans ce
« moment pour moi l'autel de la
te vengennce; car. après tant de for-
« faits , la ju^lice et la vengeance ne
a sont qu'une même chose a mes jeuxj
« etsurcelaulel, désoimaisfnneslc...
a. je jure que ja nais il n'y aura de
ce paix entre nous ; que je serai sans
« cesse au milit u d'eux , comme une
« providence qui éclate parmi des
«pervers; que je ne les quitterai
« plus , que je ne me reposerai plus,
« que je m'ai lach' rai k eux comme
« le remords a li conscience coupa-
etbie; que jamais, nci jam:iis,je
« n'abaudnnmrai ma lâche commen-
« cée , jusqu'à l'inslant tolen.iel où,
« en prononçant sur celle masse
K d'atleulals , les magislrals qui m'é-
K coutrnt auiont oblenu de nouveaux
« droit.-» à la reconnais>anLe de la na-
« lion entière , altenii» e a la lesiince
« de celte cause mémoiable.El vous,
« qui présidez ce tribunal auguste
« (célail 1. tamt-ux Lepellel.er «le Si-
« Fargeau), vous l'ami des mœ ^rs et
«des luis, vous dans lequel nous
te admirons tous, à côté dts lai nls
te qui fo .1 le grand ma^islrat, les
« V'tIus simples et douces qui ca ac-
K tériseiil 1 homme de bien et 1 hom-
«îne sensible..., recevez mes ser-
BER
céments. « Dans tout ce procès,
BiTgasse parut couvrir d'uni' élo-
quence violente et emportée la fai-
blesse des preuves. Il peint Beaumar-
chais comm ■ un homme exécrable,
te dont on ne peut plus par'er sans
ec employer quelque expression ex-
te Iraordinare (par exemple : // sue
te le crime ) , parce que les ex pres-
te sions C'immunes deviennent insuffi-
ee santés qua id il faut pt*in(lre tant
ce de scélératesse. » 11 lui oiitestait
les iiémoiresqui Hrent>a célébrité(3),*
il accusait l'ex-lieutenanl-général de
police d'avoir prostitué madame
Kornmann à la société de Paris la
plus infâme et la plus corrompue ;
i! appelait le s\n<iic-adjoinl de la \ille
de Strasbourg ( haudel de Jossan ),
ce un intrigant scandaleux . connu ] ar
ce ses mceurs impu es, ses escroque-
tc ries, etc.» Altaquanl ensuite les avo-
cats , il disait : ce Je les défie de faire
ce irapiimer leurs plaidoyer-.... Ils
ce nedoivent pas oubliei quej ai forme
ce contre eux une op nion redoutable
ce dans l'Europe entière , en pu-
ce bliant mes mémoires. » Ainsi ,
depuis plus de deux ans', la fou-
gueuse éloquence d'un oiateur tou-
jours homme de bien et toujours in-
digné, était restée la même, ce Je
ce noii.raerai tout le monde, s'écriait-
ce il . el j'en contracte 'enga;,'ement.
te Ni les dignités, ni le crédit, ni
te le p uvoir , ni la naissance , ne
ti sousirairont qui que ce soit à mes
te justes plaintes... Je me reproche
v- mainlenaiit d'a\oir été /rt?^ modé-
tt ré... .rex|)ierai cette faiblesse, i-"
Et il e signale comme s'éiant ce exposé
ce à la venijcance de deux ministres
te puissants ^o«r sauver son pays. -a
— Cependant de quoi .s'agissait- il ?
(j'i « Je l ■ ciOTais alors ( avic tout le monde )
autctii' des iiieiuoiies qui ont pai'U sous SOU uom
dans l'affaire de Guézinan, »
BER
Bergasse , qui avait incessamment
cherché à répandre , dans une cause
privée, la cause de la nation qui s'agi-
iail alors; lui qui se vantail que la
France lui serait redevalile du beau
présent de la liberté; lui qui criait
contre le d<spoli-iae ministériel ,
contre l'arbitraire des lellres de ca-
chet, écrivait depuis deux ans, sans
relâche, contre la levée on la sun-
pressioii d'une lettre de caclu't! car
c'était la toute la cause. Kornmann
avait obtenu du n iniitre Breleuil une
de ces lettres pour fjire enfermer sa
femme, et le lieutenant de police Le
Noir n'était poursuivi que pour avoir
fait exécuter la main-levée de cette
lettre , à la sollicitation de Beauit^ar-
chaisjdeDaudetde Jossaneldii prince
de Nassau! La justifie ition du ma-
gistrat fut établie dans un mémoire
qui passa pour avoir été rédigé par
Suard. Bergasse avait avancé que,
craignant l'éclat de cette affaire ,
l'ex-lieutenanl-général de police a\ait
chaigé le conseiller au parlemeiit
d'Eprémesnil d'avoir, chez le procu-
reur du roi au Châtelet (de Flandre
de Brunville ) , une entrevue avec
Kornminn, et de lui faire offre de
six cent mille hvres pour acheter
son silence etempéchej- l'émission du
premier mémoire. Mais il résulta des
déclarations données par le procureur
du roi et par le conseiller au pai le-
ment, que c'étail au contraire Korn-
mann qui avait prié d'Eprémesnil de
demandei a Le Noir, i" la clôture de
sa femme dans un couvent j 2° le
remboursement dVme créance de
600,000 livres dans l'affaire des
Quiuze-\ ingts ; 0" une commission
honorable dans l'él ranimer 5 et que ces
Irois propositions avaient été repous-
sées par un triple refus. Or, que ré-
pondait Bergasse? « Je crois bien
V. que ces refus ont été faits maté-
BER
i5
K ric'lpment , puisque M. d'Epré-
« mesnil les atteste; mais i' a dû les
« accomp'guer d'offres. » C'était se
montrer homme droil , homme juste,
mais assez faible log'cien ; et pendant
deux ans, d'eloquenli s accusations ,
quoique moralement admissibles, ne
purtrni êlre appuyées des seules r<ii-
sonsde la loi, lespreuves. Lesennemis
de Bergasse disaient que son acharne-
ment contre Le Noir était une ven-
geance ; et qu'ardent disciple de Mes-
mer, il ne liii avait point pardonné
d'avoir autorisé la représi nialion des
Docteurs modernes [f" oy. Radet,
au Si'pp.), et permis ainsi de livier le
mag lélisme a la risée du peuple, en
plein théâtre. Celait méconnaîlre le
caractère de P>er;.;asse , qui crovaitne
défendre que la cause des mœurs et
des lois. Enfin, le 2 avril 1789,
un mois avant l'ouverture des éials-
généraux , le parlement rendit son
arrêt dans ce procès mémorable 5 'a
séparation des deux é['Oiix fui pro-
noncée, et Kornmann condamné a res-
lilut r un»^ dot fie 3 64,000 livres. Korn-
mann, diffamé par lui même , sévit
aussi ruiné. Le prési lent de Saint-
Fargeau, en prouonçant l'arrêt, fut
deux fois interrompu par des mur-
mures approbateurs , et Bergasse
s'écria que cet arrêt blessait le ciel
et déshonorait la terre. L'est ainsi
que se termina ce procès, où chacun
avait apporté son scandale. Peu de
jours avant l'arrêt, Bergasse s était
représenté comme ayant, au milieu
du bouleversement des destinées
publiques, J:èrement attaché la
cause d'un infortuné aux destinées
publiques ; t-t il ne manqua pas de
croire après le jugement ce qu'd avait
prétendu auparavant : qu'il s'était
élevé au-dessus de tous les dan-
gers , dévoué aux hcdnes les plus
puissantes j et que tout ce qu'il y
î6
BER
avait d'hommes élevés en nom et eu
crédit dans la France s'était rénni et
ligué pour le perdre (4). Le procès
seul fut perdu. — Bergasse avait traî-
né, aux applaudissements delà mul-
titude , les ministres du roi dans le
scandale de sa cause. Il s'était adres-
sé à des passions qu'il était trop facile
de remuer j et, quoique l'éloquence
de cet orateur ne fût ni celle du bar-
reau, ni celle de la littérature d'alors ,
sa véhémence et son énergie pleine de
conviction, de chaleur et d'audace ,
lui avaient fait un nom célèbre. On
attendait beaucoup de lui dans la
criie où entrait la France. Il avait
dit à la fin d'un de ses mémoires :
n Je vais me retirer a la campagne ,
te et la , dans une suile de discours
K sur les destinées et sur les lois de
ce l'empire, je dirai aux Français ce
qu'ils ont été, ce qu'ils sont, ce
qu'ils pourront devenir. « Il avait
déjà publié dans le mois de février
une Lettre sur les états-généraux
( in-8° de 58 pag. ). Il se peii^nait
comme l'homme a qui la France de-
vrait la liberté, le retour de la jus-
lice et des lois, etc. Mais il voulait
le droit de veto, la noblesse hérédi-
taire, une chambre haute; et il s'é-
tait beaucoup moins avancé que ne
le firent il cette époque Target, La-
creîelle, Sieyès , ivlorellet, Cérulli
et Rahaud SainL-Elienne. Il déposa
chez le nolaire Marganlin un exem-
plaire de celle lettre, signé de lui et
certifié conforme k l'original, an-
nonçant que désormais il prendrait
(4) Le noiï.bi-e ilos écrits inipiiiiies <lc Eei :,'asse
dans le piocrs Koniiaiiii, sous les titrt-s de JÏcmoi-
les. Précis, Obscnalioiis , liéjlejcions , P^eqiictes ,
/'/«(./ly^rj, est <le ilix-sipt. L» iionil)re (les puiili-
calions des autres jiarlies et celui des painpUiels
s'élèvent à plus de quarante. Les pièces du procès
eurent dejx éditions, l'une in-^", iaiitre in-S".
Les inéiuoires, dans les causes célèlires de celle
époque , se vendaient comice les pièces de
tUéàtre,
BER
la même précaution pour tous les ou-
vrages qui sortiraient de sa plume ,
afin de Se garantir h Faveuir du bri-
gandage qui faisait publier plusieurs
écrits sous son nom , tels que le Ca-
hier du tiers-état à l'assemblée
des états- généraux de 1789,
qu'il désavouait comme absurde.
Cette précaution , qui fait connaître
quelle était alors la réputation de
Bergasse , n'était pas inutile. Eu
1789 , parut un libelle horrible
et dégoûtant, publié sous son nom,
dont on exploitait la célébrité. Ce
libelle avait pour titre : Les Pro-
phéties françaises , suivies d'un
projet présenté au roi pour dé-
grader et punir le duc d^Or-
léans , par M. Berc , dé-
puté de l' assemblée nationale , in-
8" de 24 p'Tge*' 11 suffit de lire cet
écrit infâme pour se convaincre que
1789 annonçait déjà 1796. On y
prédit 'a Louis XVI, dont on loue
d'ailleurs les vertus privées , qu'il
cherchera dans l'ivresse l'oubli de
ses malheurs. Marie-Anloinelle , dite
plus horrible (\ViAgrippine et illes-
saline , est représentée comme ayant
semé dans la France les assassi-
nats , les pillages et les ?neurtres.
Le cynisme le plus effréné accompa-
gne les plus atroces calomnies et les
iinpiitalions les plus extravagantes :
elles ne peuvent être toutes citées, et
cependant il serait bon qu'elles le fus-
sent , comme une leçon pour les peu-
ples. On prédit a celle reine infor-
tunée qu'elle mourra d'une maladie
infâme, nommée en toutes lettres, et
que déjà elleen a étég^we/'/e une fois,
en 1787^ par un médecin alle-
mand. Le Dauphin est appelé Vai-
mabh: enfant de Bacchus et de
Messaline. On peut du moins citer,
sans blesser la pudeur , la prédic-
tion qui concerne JVIo.NsiEUB (depuis
ÎÎER
Louis XVIII) : « Il périra cet égoïste
a insensé et avaricieux ; il disparaî-
a. tra cet homine trop faible pour
ce èlre vertueux , et trop lâche pour
« èlre criniiuel. Rien n'arrêtera son
« nom sur Taile des siècles futurs.
« Aussitôt que sa masse pesante et
« méprisable rentrera dans la p^us-
cc sière , on doutera s'il exislajamais:
« Qtii t'éciit sans vertus , pêrirci
« toul entier. » Le comte d'Artois
(depuis Charles X ) est rangé par-
mi les scélérats. Les injures sont
exécrables , comme les imputations
sont infâmes. Mais les fureurs du
libellisle s'attachent , avec plus de
violence encore , au duc d'Orléans ,
accusé d'avoir voulu empoisonner le
roi , et qui est peint , ainsi que Mi-
rabeau , sous des couleurs que le
temps n'a pas toutes effacées. Cet
horrible libelle , où l'assemblée con-
stituante est traitée avec un grand
mépris, est terminé par une re-
quête au roi, pour qu'il fnsse dé-
pouiller, parla main du bourreau,
le duc d'Orléans des marques de
son rang et des titres de sa nais-
sance ; qu'il soit ensuite livré à
la fureur de quatre chevaux ;
que sa langue soit arrachée ^ et
que son corps , mis en morceaux ,
su'il jeté en pâture aux chiens affa-
més. C'est aiusi qu'on faisait parler
Bergasse qui n'eut pas besoin de dés-
avouer une des premières infamies
de la presse dans la révolution. — Il
siégeait alors dans l'assemljlée natio-
nale , ayant été nommé député du
tiers-état par la sénéchaussée de
Lvou. D'altord, il parut devoir pren-
dre unepart active aux travaux légis-
latifs. Il soutint l'opinion de Sieyès
sur la dénomination h adopter Dour
les communes. Il présenta ensuite
avec Chapelier un projet d'adresse au
roi, sur la constitution de l'assemblée,
BEÎl
ï7
et fut invité a le refondre avec celui
deBarnave. ]Nommé metrbre du CO"
mcté de constitution.^ il fil , en son
nom , un rapport sur l'organisa-
tion du pouvoir judiciaire , suivi
du projet de constitution des tribu-
naux ( I 789, in-8° , 64. pages). II
fit imprimer un Discours sur la ma-
nière dont il convient de limiter
le pouvoir législatif et le pouvoir
exécutif dans une monarchie
( 1789 , in-S", 92 pages). Ce dis-
cours, que la clôture de la discussion
empêcha de prononcer , avait été
composé a l'occasion des grandes
questions qui furent agitées , dans
l'assemblée , sur la permanence du
corps législatif, sur son organisation
en une ou en deux chambres, sur la
sanction royale, etc. Mais déjà l'on
voit que Bergasse trouve trop rapide
le mouvement dans lequel il est entré,
et qu'il s'était peut-è'.re flatlé de di-
riger ou de maîtriser ; il annonce
qu'il publie son discours contenant
des idées qui n'ont point été déve-
loppées dans les débats, parce que
« l'assemblée ne peut que décréter
provisoirement une constitution, et
que c'est à la nation seule à pro-
noncer en dernier ressort sur les
avantages ou les désavantages de celle
qu'elle lui présentera, jj II se plaint
de \?. fermentation dans laquelle ,
dit-il , on nous fait exister. Il es-
f)ère que , quand il sera libre a toutes
es pensées de se développer , on
trouvera convenable de revenir sur
ses pas : «Alors, dit-ii, le moment
des opinions modérées , les seules qui
puissent amt^ner une liberté vérita-
ble, sera décidément venu, jj Mais
en attendant , il prévoit que ses idées
seront rejetées avec une censure
amère. Bergasse veut un corps lé-
gislatif perpétuellement existant ,
divisé en deux chambres , dont la
ITUI.
i8
BER
composition serait essentiellement
différente , et qui tiendrail une
ses>ion chai|ue année. Le prince ne
pourra ni proposer, ni rédiger la
loi, et la proposition et la rédac-
tion en appartiendront exclusi-
vement au corps législatif. Au-
cune loi néaniu ins ne pourra être
exécutée qu'autant qu'elle aura
obtenu le consentement libre du
prince. Ainsi Bergasse, quis'allen-
dait à une censure amère , comme
resté trop en arrière dans le mouve-
ment des espiits, eu'e\ail cependant
au roi le droit de proposition et de
rédaction de la loi , droit qui devait
appartenir exclusivement au corps
législatif. L'a«serablée nationale
venait de décréter, contre l'avis de la
plural té des membres du comité de
couslitutiou , que le corps législatif
serait constitué en une assemblée
uniqi.e, et que le consentement libre
du prince ne serait pas nécessaire
pour la promulgation de la 'oi. Ce
décret détermina la démission de
Bf-rgasse , de Mouuier et dé Lallj-
Tolendal ; ils cessèrent de faire par-
tie du comité de couslitutiou , et ne
taidèrent pas h se retirer de l'assem-
blée. Bergasse s'était charge, dans le
comitéçdf constitution, dt s municipa-
lités, et avait a nonce , sur leur or-
ganisation , un grand travail quM ne
parait pas avoir exécuté. Aprè> les
événements des 5 et 6 octobre , il ne
reparut plus a l'assemblée nationale.
Ce fut à l'occaion de ces fatales jour-
nées qu'il publia un Discourssur les
crimes et les tribunaux de haute
trahison ( 1789 , in S''. 46 pagO-
Jl l'aniionca comme suite à son
Discours sur l' organisation du
pouvoir judiciaire ; et, à la fin , il
£1 connaîire sa ré>olution de refuser
son serment a la conslitniion II dé-
clara que tout homme ec/rt/re devait
BÊR
plutôt faire le serment d'empéclier,
de toutes les forces de son intel~
ligence , l'établissement et le main-
tien de celle constitution , «afin que
l'ancien despotisme ne reparût pas
sous une forme nouvelle , et qu'une
autre espèce de servitude ne rem-
plaçât pas les moments trop courts
de la libellé. » Vers celle époque
parut sa Lettre relative au serment
de la constitution, 1790, in-S" ,
e( sa. Lettre à M. Dinochau , au-
teur du Courrier de Meudon ,
1 790, in-8°. Retiré de l'assemblée ,
Bergasse continua d'écrire. Il publia
une brochure intitulée : De la li-
berté du commerce , 1789 , in-8° ,
et dans le mois de novembre, dcs/îe-
cherches sur le commerce , les
banques et les finances ( in-8° ,
99 P^g^")* I^ traite dans cet écrit
de la richesse des nations , de l'îu-
térèt, de l'impôt , de l'emprunt,
des banques d'Amsterdam et dr Lon-
dres , de la caisse d'escompte, du
papier-monnaie, de la régénération
du commerce et des finances ; il se
prononce contre rétablissement d'une
banque nati(male qui ne ferait, dit-il,
qu'accroître les maux qu a pro-
duits la caisse d' escompte , et il est
d'avis qu'il faut re'oncer absolu-
ment à toute institution de cette
nature. Quant à la création du pa-
pier-monnaie, il la regarde comme
V institution la plus absurde et la
plus dangereuse. Au mois d'avril
1790, il fit imprimer sa Protesta-
tion contre les assignats-moiuinie
(in-S** , 43 pages). Les assignats
n'eurent pas de plus terrible adver-
saire. Il adressa sa protestation
par lettres imprimées , au garde des
sceaux, en le priant de 'a mettre sous
les jeux du roi ; à M. Necker et an
président delasserabl-e nationale, se
plaignant du parti qui la domine^
BER
le club des Jacobins , espèce de
corps législ itif i.\m fait d' ivaiice les
décrets. Il se regnrde loujouis com-
me membre de rassemblée consli-
tuante; mais , dil-il , a le parli qui
<c la domine ue m'aurait p;is permis,
a allpndu mon refus de prêter le
« sermeal civi'pie, de développer
« devaut elle les motifs qui me por-
te lent k croire que le système Aes
ce assignats - m(mnaie achèvera la
« ruine du rovaume. » A la même
époque parut une Lettre à ses com-
mettants, au sujet de saprotestn-
tion, I le. (in-8 ', 56 pag.). Elle est
accompagnée d'un lablca i compara-
tif du système de Law avec le systè-
me des ass'gnals-monnaie. En 1791,
Berga'^se fit paraître une Réponse
ai Mémoire de M. de Montes-
quiou sur les assignats (in-8",
67 pag.); des Observations préli-
minaires sur l'état des finances ,
publié par M. de Montesqtnou et
adopté par l'assemblée nationa-
le ( in-y" , 24. pag. ); et sa Répli-
que à M. de Montesquiou ( i\-S°,
104. pag.). Au mois d'anùl il lit im-
primi-r st s Réjlexions sur le projet
de constitution présenté à l'assem-
blée nationale par les comités de
constitution et de révision réunis
(in-8°,4 6 pag.) ; projet qu'il appelle
une grande absurdité (ce fut la con-
stitution de 1791). Bergasse disait ,
par une espèce de propbétie qui ne
tarda guère a se réaliser : a Quand
ce j observe l'esprit infernal des
(.(■factions...^ quand je pense qu;- le
ce repos pub ic et la liberté n'ont
ce d'autre iippui que l'étrange consti-
cc tuiion qu on nous a donnée, qu'une
te constitution qu'il sera toujours aisé
ce de renverser, et que des émeutes
ce populairesdétruirout avec tout au-
te tant Je facilité qu'elles Tout pro-
« duite, je Tavoue, jenepuijm'em-
BER
19
« pècber de gémir sur l'nvenir désas-
ec treux qui nous est préparé; 11 me
«c seuil le que la ruine de ctt empire,
a autrefois si florissant, va se con-
ec sommer; que di-s crimes plus grands
<r (|ue ceux d(ml nous nous sommes
ce rendus coupables vont a ener de
o pLis grands malheurs e core 5 et
te qu'une inévitable destinée nous en-
te traîne malgré nous vers des jours
tt plus dép'oral)les. » Dans ses écrits
il prenait touji'urs le titre de député
de la sénéchaussée de Lyon, quoi-
qu'il ne siégeât plus a l'assemblée j
et il avait eu, seul piut-èlre, la ci-
vique délicatesse de refuser constam-
ment ( et cependant il n'était pas ri-
che) l'indera. ité de dix huit franco
par jour qui était allouée aux mem-
bres de l'assemblée constitua ite.
Bergasse s'étiit alors rapproc' é du
parli de la cour. 11 fut invité par
Louis XVI, qui avait lu ses écrits
avec attention , de recuedlir ses idées
en un corps d'ouvrage où il expose-
rait le plan de constitution et de gou-
vernement qu'il cro rait le plus con-
venable daus ces temps de crise,
ce Louis XVI espérât peu , dit M.
Hennequin , mais il espérait encore ;
il crovait du moins que c'était un de-
voir sacré pour lui que de s'occuper
jusqu'au dernier moment du bonheur
des peuples confiés a ses soins. 5>
Bergasse iil le travail demandé, mais
les événements en empêchèrent la pu-
hlicaliou. Une copie lut remise au
roi. Le man scrit ori_.(inal , par une
fatalité qui k une autre époque eût
paru singulière , périt dans l'un des
incendies du siège de Lyon, Berg isse
avait aussi fait passer au roi divers
projets et mémoires qui , après le 1 o
août , furent trouvé:, aux TuiLries
daus 'armoire de fer. Déjà il avait
été dénoncé, en 1790, pour sa pro-
testation contre les assignats; un
2.
ao BER
grand nomLre de l)rocI]urcs et de
pamplilels avaient été dirigés contre
lui. Il fut attaqué plus sérieuse-
ment dans une letlre que lui adressa
l'avocat Loyseaii , alors auteur du
Journal de coiislilution et de lé-
gislation. — Ce qu'avait prédit
Èergasse ne tarda pas à s'accomplir.
Les mauvais jours de la révolution
étaient arrivés. Beaumarchais avait
fait représenter , en juin 1792 , sur
le théâtre du Marais , son drame de
la Mère coupable (5) , et par une
ignoble et lâche vengeance , à l'épo-
que où le bonnet rouge était violera -
meut posé , dans une journée affreu-
se , sur la tète du raouarque, Ber-
gasse fut comme dévoué aux halues
populaires, dans l'odieux personnage
de Begearss , anagramme de son
nom. Après la lin tragique de Louis
XVI, regardant sa carrière poli-
tique comme terminée , il s'éloi-
gna de Paris, et voulut chercher un
asile dans l'ancienne patrie de ses
ancêtres 5 mais le passage des Pyré-
nées était gardé. Ils'élait enfin retiré
a Tarbes , oîi il s'applaudissait de
se voir rentré dans rul)scurité , lors-
qu'il fut arrêté au commt-ncement de
juillet 1794, et conduit de brigade
en brigade à Paris. Il savait qu'alors
le plas sage calcul ét;iit de gagner du
temps : il se montra faible et souf-
frant ; et le trajet fut long suivant son
désir. Il reçut dans plusieurs com-
munes des lémoiguagesd'mlérèt, qu il
aima depuis à rappeler : les Irails gé-
néreux étaient rares a cette époque.
Il citait souvent M. Sauluier, officier
de gendarmerie a Orléaus , oîi il avait
obtenu de passer huit jours, et qui
lui fltremetlie,quond il qiiitiait cette
ville, comme s'il 1 eût oublié, un
portefeuille assez bien garni d'assi-
\ii) Celte pièce fut ponce au tbéàtre Fcyiloau
en 1797.
BER
giials, seule monnaie qui existât alors »
Avant d'entrer dans Paris , Bergasse
avait appris la nouvelle révolution de
thermidor : il fut conduit a la Con-
ciergerie j mais la prudente lenteur
de son voyage l'avait sauvé de Técha-
faud : il fut jugé dans l'an II! , et
condamné , comme suspect , a la dé-
tention jusqu'à la paix. — Ce fut
pendant sa captivité qu'il osa écrire ,
avec une brûlante énergie , avec une
hardiesse de courage bien remarqua-
ble, en faveur de d'Armaing, dont
Yadier avait fait assassiner jurldique-
mentlepère.Loisquele système de la
terreur n'était pas encore abandonné
et n'avait fait que passer d'un parti à
un autre (car deux mois après le 9
tliermidor y la convention en corps
avait conduit processionne'Iemeut
Marat au Panthéon) , Bergasse osa
dire : « Et la convention flécliirait
a. devant une troupe de misérables
« dévoués à toute rignominie à^s
« siècles! Elle ne verrait ni la posté-
« rite qui pleure devant elle, ni
« l'Europe qui attend pour l'admirer
a ou pour la flétrir! Assise sur les
a tombeaux où gisent abattues tant
« de générations détruites , elle ferait
a un pacte avec leurs bourreaux !
« une même enceinte les réunirait !
« et, dans celte enceinte, il se trouve-
« rail des hommes assez hardis pour
a oser parler encore le langage de la
« législation , de la morale et de la
« nature !... Non , non, cela ne sera
« pas ; on ne ment pas ainsi au monde
« entier; on ne veut pas être accusé
a par toute la conscience du genre
« humain. La rouven lion remplira la
et sévère lâihe qui lui est imposée ,
c et tous ces spectres plalnllls que je
« crois voir siéger h côté de chaque
<t représentant pour lui reprocher sa
« politique indulgence ou sa honteuse
K faiblesse , rentreront consolés et
BER
a vengés dans leurs tombes. » Vadier
fut, sur-le-clinmp, décrété d'accusa-
tion •, et Bergasse , dans les fers, fit
ainsi dresser l'échafaud d'un des plus
vils complices de Robespierre. Ce
fut sous Tinfluence des impressions
produites par ce discours, que l'on
décréta la restitution des biens
aux familles des condamnés. — De-
venu libre sous le directoire , il se
tut , comme publiciste , sous le con-
sulat et sous l'empire ; il vécut dans
la retraite cbez son frère Alexandre,
près de Lyon, et ne publia dans celte
période de quatorze ans qn\in F'rag-
ment sur l injluence de la voloiiLc
sur l'intelligence (i 807, in-8°j. La
même année il rédigea, sur les notes
qui lui furent fournies par le nolaiie
Boileau , un Eloge historique du
général d'Hautpoul (in- 8°) ; mais
il n'attacba pas son nom a cet éloge.
En 1808 il publia des Discours
et fragments, in-8° de 2^4 p^ges.
C'est le seul volume qu'il ail lait
imprimer, tous ses autres écrits n'é-
tant que des brochures. Ce volume
contient, outre plusieurs di-cours déjà,
cités , des JFragments sur la manière
dont nous distinguons le bien et le
mal; sur la liberté des mœurs et des
raauières j sur la parole et sur les
athées; sur Dieu; sur l'éducation; sur
la vlecbampélre. Ces Fragments sont
annoncés comme appartenant a un
grand ouvrage dont l'auteur avait jeté
les fondements a l'époque de notre
révolution , et auquel , disait-il , des
obstacles de plus d'un genre ne lui
avaient pas permis de mettre en-
core la dernière main. En i8o8
parurent aussi ses Observations pré-
liminaires dans l'affaire de M. Le-
mercier, in-4-°. Dans une fêle don-
née a 1 Hôtel-de-\ ille , madame
Lemercier , 'a qui Napoléon avait
adressé la parole, sembla affecter de
BER 0. i
ne lui donner que le titre de Mon-
sieur. L'empereur lui tourna le dos :
Quelle est cette femme ? deman-
da-t-il. — Sire, c'est la femme d'un
fournisseur des armées sous le di-
rectoire. — Qu'on examine ses
comptes. Et les comptes furent si
bien examinés que le fournisseur ci ut
avoir besoin de recourir a Bergasse
pour prévenir sa ruine , qu'il ue
put éviter. — Enfin la restauration,
si impatiemment attendue par Ber-
gasse , arriva. I! se bal a de pu-
blier une petite brochure de 16 pa-
ges, sous le titre de Réjlexions
sur l'acte constitutionnel du sénat.
Cet écrit , plein de force et de raison,
fournira quelques pages a l'histoire.
Bernasse juge le sénat comme le ju-
gera la postérité. On essaya de le
réfuter 5 mais on attaqua l'auteur et
ou ne lui répondit pas. li eut, en
1814. , de fréquentes entrevues avec
l'empereur Alexandre chez M™*" de
Krudner. Ce prince lui accorda
bientôt une grande estime ; il le con-
sultait, il l'écoulait , le faisait asseoir
a côté de lui : Mettez-vous de ce
côté , disait-il , c'est ma bonne
oreille (il était un peu sourd de Tau-
ire). Bergasse influa sur l'entrée au
ministère du duc de Richelieu , de
Dnbouchage et du marquis de Vau-
jjlanc. Il fut moins heureux quand ,
réuni a la baronne de Krudner
et a la duchesse de Polignac , il
sollicita la grâce du maréchal Ney.
Le duc de Richelieu, venant de pren-
dre congé d'Alexandre quand il partit
pour retourner dans ses états, écrivit
à Bergasse : « Monsieur, S. M. Tem-
« pereur de Russie m'a beaucoup
« parlé de vous , et d'une manière
« (lui me fait désirer vivement avoir
«c le plaisir de vous connaître, etc. 3>
— Bergasse devint bientôt comme
l'avocat consultant de la restaura-
sa
BER
BER
lion. En 1816, il publia une Dê-
J'erise de la Monarchie selon
la charte , onviage de M. àe Cha-
teaubriand. C'est un pelil écrit de
8 pages , dont la 3' édition païut
en février 1820, sons ce titre : Fûts
poliliq :es arrachées à un homme
d'état . augmentées d'une note et
d'une lettre par M. Bergasse.En
18 17 parut son Essai sur la loi,
sur la souveraineté et sur la libérale
de la presse. La 5" édit., qui est de
1822 , est augmentée d'ine Lettre
sur VindiKKsibilité du pouvoir lé-
gislatif, ;n-8" de i 26 p. M. de Cha-
teaulinand écrivait à Bergnsse le 6
août 1818 raNousavonsgrand l'esoiu,
« monsieur, de vo'» talents et de votre
« courage. Venez à notre .secours.
« Les plus infâmes calomniateuis ,
€c les plus lâches et les plus pervers
« des hom-nes triomphent. Prenez
« vctire plume, écrasez ces malheu-
« reuï de toute Téloquence de la
« vérité Je suis resté seul sur le
« champ de bataille ; mais auprès de
et vi us je me ranimerai. Vous devez
« aux lioiimes compte du géuie que
et le ciel vous a donné. Vous vous
et repentiriez toute votre vie, si nous
«i périssons , de n'avoir pas essayé de
« nous sauver. Je suis avec vérité
« votre p'usdévonéserviteur etadiui-
« râleur. De Chateaui!Kiand (6). ?>
— Berga.sse continuait de correspoi-
dre avec l'empereur Ahiandre , qui
lui écrivit de Pétersbourir, le 25 déc.
18 19 : (c J'ai reçu , monsieur, voire
« lettre du ■29 mai, durant mon voya-
« ge dans l'intérieur de la Russie et
K en Pologne. En vous répondant
ec maintenant , Je me plais a vou-- té-
« moigner la salisfaclion que j'ai
« éprouvée a 'ire les obsi rvaiiuns que
tt voire grande expérience des I ora-
(6) Tijules les Iftties citées dans cet article
ont étu copiées |iar l'auteur sur les originaux.
u. mes et des cboses humaines vous
ce suggère... S'i' est du devoir d'un
« ciloven dévoué aux iiilérèls léglti-
« mes d^ sa patrie, de s gnaler le
te mal , il n'est pas toutefois eu son
te pouvoir d'en indiquer les remèdes,
tt surtout lorsqu'il s'agit de trouver
a dans leur application le salut du
te monde : il est entre les mains de
«Dieu (suivent des réflexions po-
litiques sur li silnalionde l'Europe),
ce Je vous saurai gré, monsieur, de la
« continuation de voliecorrespcndan-
te ce^ j'y attache un prix réel. Agréez
te l'as-urance de mon estime. Alexan-
cc DRE. 33 En I 82 I , BergHsse lit im-
primer un Essai sur le rapport qui
doit exister entre la loi religieuse
et les lois politiques , in- 8° de
12 pages. C'est on discouis que l'au-
leur prononça a !a société des bonnes
lettres. Le ccmle Achille de Jo f-
fioy mand.iit kBergasse,de l^aybach,
2 5 avril 1821 : ce ... L'empereur
te Alexandre m'a dit , il y a un
te quart-d'heure, qu'il avait écrit a
te votre sujet à M. de Richelieu
te pour lui témoigner sa surprise de
«■ ce qu'un homme tel que vous ne
te fût pas traité com'ne il le mérite
te sous un gouvernement qu'il a si
ce bien servi. » Cette surprise de
l'empereur A'exandre venait de la
récente traduction de Bergasse , en
cour d'assises, pour son Essai surla
propriété nw considérations morales
et poLtiques sur la question de
savoir s'il faut restituer aux émi-
grés les héritages dont ils ont été
dépou 'liés dans le cours de la ré-
volution ( in-8°, qui eut deux édi-
tions consécutives). On sait que Ber-
gasse plaida lui-même sa cause avec
une élotjUi nie énergie que Vhe,e n'a-
vait point affablie (y • (|u'il confessa
(7) Celle ilifense fut iiiipniiice sous le litre
de Dùcours , in-S" do i» pages. Ou la trouT»
BER
courageusement safoi politt(pie; qu'il
fui aussi défendu p r M. berrjur
fils ; que l'avocat - général Mar-
cliangy rendil hommage a ses talents,
à ses vertus , et qu'il lut acquitté le
28 avril. Le lendemain , le vicomte,
depuis duc de Montmorency , lui
écriv.iit... « Je voulais vous exprimer
o de nouveau un profond intérêt dont
« vous étiez sur d'avance, el qui ne
« l'cnait pas de moi seulement ,
« sur celte malhtureuse affaire. La
a manière dont elle vimt d'èlre (er-
« minée en fait un véritable Iriom-
« phe pour la bonne cause et la mo-
« ralepublique,pourvo'isquiles avez
« toujours si éloquemmeiit défen-
« dues — Je suis autorisé par une
« auguste personie a vous exprimer
« la satisfaction particulière qu'elle
« eu éprouve relativement à vous,
« etc. » M, de Jouffrov, poursuivait
en ces termes : « A la manière dont
« S. M. m'a dit la chose . j ai pu jn-
« ger que la lettre devait être de
« bon style, el je ne doute pas , mon
« cher et excellent maître , etc
« Je vous porterai moi-même la ré-
a pouse de l'empereur Vous avez
« ici de bien bons amis. Je vous
« tran-mets les compliments de MM.
« de Metli-ruich , de Gtntz^ el même
«< de M. de Capo d'Islria, lequel
« est bien revenu de ses idées sur
« le perfectionnement du siècle , et
« qui est tout-a-fail du complot de
K Laybach, en ce moment^ etc. »
— Bergasse avait envo\ é à Berlin son
plaidoyer devant la cour d'assises, l-e
prince Radzivill écrivait le 16 mai :
« .... Je n'ai pu me refuser de faire
« lire celle sublime défense au prin-
« ce royal, dont la belle âme sent
ce si vivement tout ce qui est noble
K et beau... Quelle foice ! Quelle
aussi à la fin de la seconde édition de l'Essai sut
l* propriété.
BER
a3
K siraplirilé ! C'est la majesté de la
a verlu , etc.. » On voit que la
renommée de Bt-rgasse était alors
moins haute eu France qu a l'étran-
ger. Je terminerai les extraits de
cette correspondance curieuse et
inédite, par cette lettre que l'em-
pereur Alexandre adressa k Bir-
gasse, de Sarskœ Zelo , le ^ août
1822 : a C'est au moment même de
« partir pour le congrès de Vérone,
u que j'ai reçu , mon^iel:r, la lettre
« que vous m'avez adressée, en date
« du i5 juil et. Je n'ai eu 'e temps
<c que de la parcourir fort a la
« hâte (8) j mais il m'a sufE d'une
« seulelecture pour apprécier etcette
« nouvelle m;inifeslalion des princi-
« pes q' i vous distinguent si iuvaria-
« blement, et la sagacité avec la-
ïc quelle vous les appliquez iuix
ce cir( onsiances malheureuses qui ac-
cc câblent l'Espagne. S"us ce rapport
ce je ne puis qu'atlathcr un intérêt
ce particulier au développement de
ce vos aperçus. Je recevrai donc avec
ce beaucoup de plaisir le travail que
ce vous m'annonciz. el vous invite,
ce monsieur , à me le faire parvenir k
ce répo-]ue où, réuni aux souverains,
ce mes alliés, je seiai à même de
ce m'occuper de ces questions fonda-
IX mentales, auxquelles ie bonheur et
« la tra iquillité de l'Europe soûl si
ce intimement liés. Je \ous en offre
ce d'avance lous mes reraercîments ,
it et vous prie , monsieur , d'être as-
c< sure de ma plus sincère esiiintr.
« Alexandre jj Bergasse influa donc
sur la gu.rre d'Espagne, et sur l'in-
terve :tion de la France qui , suivant
la déclaration de M. de Villèle, fut
exigée par les souverains étrangers.
Ful-ce un service rendu k la France
(8) Ces lettros de Ber^.isse pi nient de longs
nîémoires politiques, dont la publication serait
tris-culitBse pour l'histoire de c«tte époque.
24
BER
et a l'Europe? Celle question ne
paraît p.is avoir été favorablemeut
résolue dans la Péninsule. Depuis
1821, Bergasse , qui était allacljo
aux Bourbons, mais qui délestait leurs
ministres, surloulM.deYillèle^ Ber-
gasse qui blâmait hautement le licen-
ciement des gardes nationales , et
presque toutes les mesures du gou-
vernement , cessa ses publications
politiques , et écrivit peu dans sa
retraite au sein de sa famille. 11 se
montrait mécontent du présent, el
s'cffrajait de l'avenir. Il était octo-
génaire quand la révolution de i83o
arriva. Elle lui fit perdre une pen-
sion de 6000 francs , el ce ne fut
pas la ce qu'il regretta. Il avait été
compris comme conseiller d'étal dans
les peliles ordonnances jointes aui
grandes ordonnances du 2 5 juillet. 11
s'éteignit sans souffrance , el parut
s'endormir en recevant le dernier
sacrement des mouianls, le 28 mai
i832. 11 avait épousé, en 1792 ,
M '' Dupelit - Thouars, sœur du
aiaturali^te de ce nom. Il a laissé
un fils, héritier de ses vertus, et
qui a préféré a l'active culture des
lettres celle des champs, c'esl-a-dire
le bonheur à la renommée. On
trouve dans le Rénovateur ^ l. II,
5 juin 1802, el dans la Gazette de
fsovmandie , n° i55 , deux notices,
l'une de M. Hennequin, l'autre de
M. Alphonse Bergasse neveu , sur un
écrivain célèbre dont on peut dire,
que s il divisa les opinions sur ses
idées politiques , il les réunit dans ua
même hommage rendu à ses talents
el à ses vertus (9). V — ve.
BEllGASSE ( Alexandre ) ,
^ç,) Parmi les écrits de Bergasse, il faut comp-
ter sa lleijucif au roi sur runlilulton de Sainte-
Périne de Chuilht , publiée sous le nom du barou
du Chaila , eu i8i4; elle eut deux éditions (la
seconde porte le nom de Kcr^'asse], in-S" t'c Sg
paçes, U est douteux , maigre ce r[ue (.lit l'auteur
BER
frèi c du précédent , s'était formé à
Lyon une existence honorable dans
le commerce. Sa réputation de vertu
el de probité l'avait [ail nommer un des
administrateurs des hospices , seule
fonction publique qu'il ait acceptée ,
et qui était gratuite; il s'était de
bonne heure retiré du commerce et
vivait dans sa maison de campagne ,
sur les bords de la Saône, mêlant
l'étude et la culture des lettres aux
travaux de l'agriculture. C'est dans
celte douce retraite qu'il appela et
qu'il retint pendant plusieurs années
sou frère , tandis que la république
aclievail de s'user dansl'anarchie avant
de se perdre dans le despotisme. Ses
opinions politiques n'étaient rieu
moins que favorables aux gouverne-
ments cousidaire el impérial. Tous
ses regrets étaient dans le passé de
la monarchie , et tous ses vœux pour
son retour. 11 appartenait a ce qu'on
appelait en France !a petite église ^
el il s'était rallathé a la minorité du
clergé qui refusait de reconnaître le
concordat de i8oi. 11 salua avec joie
la restauration : mais il l'eût voulue
complète , et la charte lui parut une
moustruosiié^ il résolut de l'allaquer,
mais il fut moins heureux que son
frère , qui avait combattu avec tant
de succès l'acte constitutionnel du
sénat, et qui d'ailleurs n'était point
ennemi de la charte , du moins dans
l'ensemble de ses dispositions. Alexan-
dre fit imprimer , a Lyon , en 181 6,
chez J.-M. Bourhy, un volume in-8"
de 290 pages , qui avait pour litre :
Réfutation des faux principes et
des calomnies avancées par lesjaco-
du Dictionnaire dus anon/mes , que Bergasse ait
été le collaborateur de son ami l'ellier, dans la
léd.icîinn des ^eles des Apôtres, et plus dou-
teux encore qu'il ait composé avec M. de Puysé-
gur, la Journée des Dupes , pièce tra^i-poUti-comt-
que , représenlce sur le l'ieutre_ JSutionul pur les
graii-L tçniciiiens de la pairie , 1789, in-S".
BEa
lins pour décrier l' administration
de nos rois et justifier l'usurpation
de l'autorité royale et du trône ,
par un vieux Français. Ce livre est
curieux el bardi : Tauleur y regarde
la charte coustiluti(3nnelle comme
illégilime et irrégulicre j il soiUieut
que Louis XVlil peut et doit la ré-
former. Il déuie aux chambres le droit
de participation au pouvoir législatif 5
il lilàme la prolecliou accordée aux
cultes non catholiques , el la confir-
lualiou de la yenle des biens natio-
naux ; a Les véritables Fiançais ,
dit-il , ne reconnaissent plus leur pa-
trie sous le régime de cette charte;
ils ont vécu sous l'empire de nos an-
ciennes lois qui condamnaient toutes
les injustices, et on leur présenle
aujoui'd'hui des lois nouvelles qui au-
torisent Tusiirpation des biens enle-
vés a réalise el aux défenseurs de la
royauté légitime La charte ne
peut donc que prolonger les divi.-ions
qui existent parmi nous , au lieu de
les faire cesser, car les vrais Fran-
çais ne sauraient en adopter les prin-
cipes. Celle nouvelle constitution n'a
pour partisans, dans nos provinces,
que les factieux qui prétendent y
trouver un appui 5 elle est vantée par
les possesseurs de biens nationaux ,
dont elle autorise la scandaleuse ac-
quisition Mais les factieux, les
acquéreurs de biens nationaux et les
amateurs d'idées libéiales ne com-
posent pas la nation ; ils n'en forment
heureusement que la moindre par-
lie, etc. » Ce livre élail légalement
et politiquement réprébeusible. Le
tableau analytique que l'auteur donne
delaconstitulion anglaise, et son ex-
position rapide des révolulions de ce
pays , sont cependant des morceaux
Irès-remarquables. Mais il eut besoin
de la cousidératiùu méritée dont il
jouissait parmi ses conciloycns , pour
BER
45
n'être pas traduit devant les tribu-
naux. C'était quelque temps après
l'ordonnance du 5 sept. qu'Alexandre
Berira^se allait iniblier son ouvrage
déjà imprimé. A peine le prelct du
Rhône ( M. Chabrol de Cronsol ,
depuis député et minisire ) eu fut-il
informé qu'il fit appeler l'auteur , et
lui représenta la nécessité où se trou-
verait le gouvernement de le pour-
suivre et de faire condamner son
livre s'il ne consentait lui-même a sa
suppression. Bergasse déféra aux re-
présentations bienveillantes du ma-
gistrat; le livre ne fut pas mis eu
vente , et il est devenu très-rare , n'y
en avant eu qu'un très-petit nombre
d'exemplaires donnés a des amis.
Alexandre Bergas'^e mourut à Lyon
en 1821. — Son (ils, Alphonse, héri-
tier de ses vertus et de son talent ,
nommé, en 1822 , avocat-général à
la cour rova'e de Rouen , depuis pro-
cureur-général a la cour de Montpel-
lier, donna sa démission après la
révolution de i85o(le 17 aoîit ).
V— VE.
BERGASSE-LAZmOULE
CGeorges), ancien officier dariilleric,
de la même famille que les précé-
dents (il était cousin de ÎNicolas et
d'Alexandre), forma, avec Vadier ,
la dépulation du tiers-étals de la sé-
néchaussée de Pamicrs aux éta(s-gé-
uéraux. Il combattit, comme Nicolas
Bergasse, sou collègue et son parent,
l'émission des a-siguais, qu'il déclara
a:iti - patriotiques , laits pour dé-
truire les finances et tromper le
peuple. Comme son même collègue
encore , il attaqua le compte des fi-
nances de Montesquieu , qui se vit
obligé de répondre à ses accusations :
mais là finit l'ideniiié de conduite des
deux Berga'^se constituants. Celui de
Paraiers se signala comme un ardent
ami de la révolulioa et , dans les
2«
BER
pamphlets du lemp>, on l'appela Ber-
gasse l enragé, plutôt sans doute
pour le distinguer de sou cousin , que
pour caractériser ses opi ions j car,
comparées a d'aulres , elle.s auraitnl
paru modérées. iSéanmoins , pen-
dant le règiie de Tanarcliie, il passa
pour avoir des relations intimes avec
Vadler , et même pour partager ses
opinions frénétiques. Il était substitut
du commissaire du directoire exécu-
tif près les tribuuaux de l'Ariège ,
lorsqu'il fut no nmé membre du con-
seil des cinq-cents , dans Tan vi
(1798). Il fit décider, en applaudis-
sant k l'arrêté qui ordonnait la célé-
bration dn 9 thermidor, que, dans
son discours, le président du conseil
rap|)t lierait , avecé'o.^e, les tristes
victoires du i3 vendémiaire an iv et
du 18 fructidor an v. Cette proposi-
tion, vivement combattue, ne fut
adoptée qu'a la seconde épreuve. Les
présidents dc-s deux conseils , Lavaux
(des anciens), Lecninle -Pujraveau
(des cinq - cents), célébrèrent donc ,
k la manière du temps, les événe-
ments des- trois journées, dans le
Champ-de-Mars. Cette fêle fut d'ail-
leurs magnifique , car on y vit tigurer
sur des ( hars a t'orme antique les pre-
miers fruits de nos victoires : la Vénus
de Médicis , la Transfiguration de
Raph lëi 5 le Glidiateur mourant , le
Laocoon , l'Apollon du Belvédère,
THorcule Commode , et les bustes
d'Homère et de Brutus , avec un ours
de Berne, un lion du désert de Zara,
les pétrifications de Vérone, tous
les sivants, tous les artistes de la
capitale ; et l'on chanta une ronde
dont le refrain était : Rome n'est
plus dans Rome, elle est toute à
Paris. Les fêtes nationales étaient
alors multipliées ; on les j'tait au
peuple comme distraction de ses mal-
heurs. Ou célébra , la même anuée ,
BER
dans toute la France, les anniversai-
res du 14. juillet 1789, du 10 août
1 7 9 2 , de la fondation de la république
(22 sept. 1 792), du 2 I jauv. 1793,
du 9 thermidor (28 juil. 1794) , de
la théophllantropie (9 janv. 1796),
du 18 fructidor ( 4- sept. 1797), et
aussi les fêtes de la souveraineté du
peuple , de la liberté , de la paix . de
la jeunesse, de la reconnaissance,
des époux , de l'agriculture ; la fête
funèbre du général Hoche , etc. , etc.
Le 16 août 1798, Bergasse-Lazi-
roule fit, au nom d'une commission,
un rapport sur la proposition de célé-
bier chaque année le 18 fructidor,
avec les é\èuementsdu 9 thermidor
et du i5 vendémiaire. Bergasse pei-
gnit le i5 vendémiaire comme ayant
fait taire les hurlemints des fu-
ries, et arrêté une horde de can^
nibales qui semblait avoir envahi
le territoire français. Avant le 18
fructidor , dit-il , la France entière
n'était plus qu'une horrible P en-
dée. Celte journée éclaira une des
plus grandes victoires , etc. j il
parla de hjerocité des victimes de
celte époque, il les ap^^elcl monstres ,
et il nommait les Boissj-d'Anglas, les
AVillot, les Pichegru , les Vaublanc,
etc. Les proscriptions de fructidor ,
dit-il, rendirent la vie au corps po-
litique , t\c. Bergasse-Laziroule fut
nommé secrétaire du conseil. On le
vit tour-a-tour combattre et défendre
l'impôt sur le sel; prendre part aux
discussions sur le tabac , sur les toi-
les de ciiton, sur une levée de deux
cent mil'e conscrits . sur la poste aux
lettres, etc. C'est sur son rapport que
fut annulée l'élection de Treilhard au
directoire. Il demanda (août 1799),
par des motifs d ordre, et comme
conforme d'ailleurs a la constitution
de Tan m, le maintien d'un article
qui restreint la déportation aux seuls
BER
prêtres perturbateurs et insermentés.
S'éliiil fortement prononcé contre
la réioltilion du i8 Ijrumaire , 11
fut éliminé du rorps législatif, et
lie reparut plus sur la scène poli-
liijue. V — VE.
BERGE (le baron François),
général français, naijuit , en 1779,
à Gi'Uionre , dans le Rons.silloii.
Destiné à la marine, il fit ses premiè-
res études de mathématiques dans sa
ville natale sous le savant H.ichelle,
professeurd'hydrograp! ie. P iis lard,
le maître et Télève vinrent a Pa-
ris, et Berge fnl admis en 1794
k l'école polvIecliMique . où il fut
distingua par le rélèbre Monge , qui
le chargea d exécuter les p an( hes de
sa Géométrie descii pi ive.JNonimé lieu-
tenaiil d'artillerie en 1797, Berge
fut désigné l'année suivante pour
faire parlie de l'expédilion d'Egy|)le ,
et il y obtint le grade de capitaine.
A son retour en France , en I 79g ,
le premier consul l'envoya à Al^er
pour y régler les diffénnds qui exis-
taient entre la France et le l^ey.
Berge s'acquilla avec lialiilcté de
celte mission, qui eut un succès com-
plet. Peu de temps après on lui con-
fia une autre mjs-ion , ce fut d'ac-
compagner en Egvple et en Syrie le
colonel Horace Sébastiani. A son
retour, en i8o3 , Bf-rge lut nommé
chefdebalaillon; et il fit en cetlo qua-
lité l(-s campagnes du Nord de i 8o5,
1806 el 1807. li passa ensuite a l'ar-
mée d'Espagne, et se dislin^ua par-
iiculièreraenl au siège deCalix ; puis
à l'armée de Portugal, où il fut
fait colont-l k la su le de nou» eaux
exploi's. Elevé en 1 8 1 3 au grade de
général de brigade, Berge, k l'époque
de la retlaiiration , 1 n 1 8 1 4- , se sou-
mit sincèrement au nou\ eau gouverne-
ment. 11 f l créé chevalier de Saint-
Louis, et fit parlie du comité central
BER
a?
d'artillerie. Lors du retour de Napo-
léon, en mars 181 5 , il fu! attaché k
rélal-m.ijor du duc d'Angoulème
dans la très-courte campagne de ce
prince , el rail beaucoup de zèle k
exécuter ses ordres. En i8t6 il fut
chargé de comu ander l'école d'ap-
plication d'arti'lerie et du génie; et
en 1823 il dirigea toute l'arlillerie
dans l'expédition d'Espagne, en Ca-
talogne, sous le II arécbal Moncey.
Cette dernière campagne lui vilut le
grade de lieutenaut-général el la dé-
coiution de «rand- officur de la Lé-
gien-d"Houutur. Il conti ua de faire
parlie du com técfutral d'arlillerie ,
où se conservent les rapports qu'il a
réJi es. Ce général est mort à Paris,
en avril i852 , du cbo'éra asiatique.
G G Y.
BERGEAT (Nicolas) , cha-
noine dt- Reims , naquit dans cette
ville en 1732 Son père, bailli et
lieulenant-général de police, obtint
fiourluide l'archevêque u 1 canonicat,
iirsqu'd était 'a peine âgé de seize
ans. Fait vidame de la même église
en janvier 1758, il se d sli igua par
ses connaissances en physicpie el dans
les beaux-arts , par des poésies spi-
rituelles et par des épigrammes tel-
lement caustiques ipie , sous ce rap-
port au mo ns , elles peuvent aller de
pair avec ce que Jem- Baptiste Pvous-
seau et Piron ont fait de pus incisif.
Il succéda en 1768 à Desaulx, poète
de la ville de Remis (don! cm a quel-
ques pièces de vers imprimées) , et
fit avec l'abbé Uéloge les devises et
inscriptions pur les fêtes que cette
ville donnait aux sacres , naissances ,
m iriages et enirées dans ses murs des
rois, reines, princes et pri cesses. L.a
révolution lui ayant <nle\éune grande
parlie de ce qu'il pos^éilail, il iccepla
la place de conservateur du dépôt des
arts , établi dans l'aucienne maison
28
BER
des Magueuses, et forme de tableaux,
gravures , morceaux de sculpliire et
autres objets précieux , provenant
des églises ei monastères, et sauvés
des nouveaux iconoclastes ouVandales
du dix-huilième siècle. Le conseil
municipal voulant uli'iser ce dépôt
le transféra dans l'Hôlel-de-Ville, eu
fit un muséum el en conserva la direc-
tion a Fabbé Bergeat , qui éprouva ,
vers 1802 , un accident fàcbeux. La
mîlre de l'archevêque Hincmnr , cou-
verte de pierreries , le beau ciboire
en or, donné par Louis XVI, Icrs de
son sacre . ouvrage de l'orfèvre Ger-
main , et d'autres objets précieux , se
trouvèrent un jour enlevés du musée,
quoique enfermés dans une armoire à
trois clés, dont une était entre les
mains du sous-préfet , l'autre entre
celles du maire , et la troisième entre
les mains du conservateur. On vnulut
faire accroire que des voleurs avaient
faitcelle capture, quoiqu'il ne se fût
tronvé aucune eflVacliin ni aux portes
de la salle ni à l'armoire. La justice
simula un commencement de procé-
dure : le conservateur et les gardiens
du musée furent mandes devant le
magistrat de sûreté ; mais personne
ne fut dupe de cette comédie, qui
n'empêcha pas de croire i|ue les ob-
jets disparus avaient été enlevés
]iar ordre supérieur. Bergeat se
plaignit ai ec amertume , el il a
toujours pensé qu'on aurait pu lui
épargner ce désagréiîient. Il mou-
rut le 12 novembre 181 5. C'était
un liomrae aimable et spirituel , mais
d'un caractère satirique , ce qui le
fil soupçonner d'être l'auteur de
VAvis aux curieux , bibliothèque
choisie^ imprimé h Reims eu sep-
tembre 1758, avec les lettres ini-
tiales R R.D.T. , ([ui pouvaieut
s'expliquer par Renaud Florentin,
rue du Tambour. Ce libelle iuju-
BER
rieiix , diffamatoire , rempli de ca-
lomnies contre la plus grande partie
des chanoines de l'église métiopoli-
laine de Reims , fut condamné, par
sentence du 2 i octobre i ySS, a être
lacéré et brûlé par l'exécuteur de la
Laute-justice j mais il ne fut pas
prouvé que Bergeat ea était l'auteur.
Les deux épigramraes suivantes peu-
vent donner une idée de ce qu'il a
fait dans ce genre : la première est
de l'année 1800.
Trois prélots nuiiis vont sacrer un confrère :
Ils amont tout au plus ccnl pistolcs entr'eux ;
Quel quf* soit l'appareil qui couvre leur uiisère,
lis ne seront jamais que quatre sacrés gueux.
Menton tic bouc, front de CUinois,
< lEil (le satyre et langue de vipère.
En quatre traits , 1 a FerronièrCj
J'ai peiut tou cœur cl ton minois.
On a de Bergeat des Poésies ana-
cvéontiques impiimées, des Fables,
Fpitres , Epigramines , etc. , dans
le manuscrit de M. Raussin père , à
la bibliothèque de Reims. Il avait tra-
duit de Catulle, de Martial, du Bogge
et d'Owen tout ce que ces poètes
avaient fait de plus libre. Avec d'au-
tres poésies il en avait formé un re-
cueil de quatre a cinq cents pages
in-4-°, qui s'est trouvé perdu lors-
qu'on vendit sa bibliothèque el sou
cabinet de physique. L — c — j.
BEilGELLAXUS (Jean-Ar-
>'old), correcteur d'épreuves , très-
rersé dans la science typographique,
vivait dans le 16" siècle. Il est au-
teur d un poème a la louange de
l'imprimerie, en vers latins hexamè-
tres et penlamèlres , intitulé : Enco-
tniinn chnlcographicv. La première
édition est de Mayence, dansl'abbaje
de Saint-Victor, i54i , in-4.°, avec
dédicace au cardinal Albert , arche-
vêque de Mayence et marquis de
Brandebourg. C'est a tort que AVal-
kius, écrivant en 1608 , Indique le
poème de Bergellanus corame publié
BER
depuis quatre-vlngls aus ; et plus à
lort encore que Mente! [Parœiiesis
de vera origine iypographiœ ,
p. 52) reporte le même ouvrage a
iDio. Le nom de Charles-Quint
mentiouné par Tauteur eût seul du
suffire pour faire reconnaître Terreur.
La seconde édition est celle que Du-
verdier a mise a la fin de son Supplé-
ment à la Bibliollièque de Gesuer,
Lyon, i5 85, in-folio. La Iroisièuic ,
faite sur la première, se trouve, avec
quelques notes par Gudl. -Ernest
Tentzel, dans sa Bibliothèque cu-
rieuse , Francfort et Leipzig, 1704
et suiv., in-8°. La quatrième, aug-
mentée d\iue préface curieuse et
de quelques notes par Georgc-Cbris-
ti_in Joliannls, est insérée dans le
troisième volume de ses Kes ino-
guiitiacœ in unum colleclœ, Franc-
Ibrt , 1727 , in-folio; !a cincpiième,
dans VHisioire de V iniprunerie de
Prosper Marchand, La Haye, i 740,
in-4-° ; la sixième, dans le l. i^""
des IMonumenta typograpliica de
Jean-Christian WoU' , Hambourg,
I 740, 2 vol. in- 8° ; et enfin dans le
t. VI de la nouvelle édiiioii des Bi-
blioth. de Lacroixdu MaineetDiiver-
dier, Paris, 1775 , in-^"- Naudé et
Mentel Font beaucoup loué 5 celui-là
comme un écrivain soigneux et dili-
gent , celui-ci comme ingénieux et
érudit. D'autres, sur la foi de Mall'n-
krot, l'ont jugé Irès-savant. La vérité
est que c'était un poète sans imaginta-
tion, que son style e:t un peu bar-
J)are, qu il pccne même souvent con-
tre les lois de la versification , et
qu'on doit plutôt louer ses efforts que
A'anter ses talents. L'intérêt du sujet
et le zèle des typographes ont pu seuls
en multiplier les éditions. Jean-Con-
rad Zeltner a consacré un long arti-
cle à Bergellauus , dans son histoire
latine des correcleurs d'imprimerie.
BER
29
Il l'y nomme Jean-Antoine au lieu
de Jean-Arnold , et le regarde ,
mais faussement, comme le plus an-
cien historien de l'imprimerie.
P— OT.
BEÏlGEFi ( Curistophe-Henri
De), fils aîné de Jean-ilenrl de Berger
(^'^oj-.cenom, IV, 24.8), naquit vers
1680 a Wiltenberg où son père,
célèbre jurisconsulte , re.nplissait
une chaire de droit à l'académie.
Christophe lui succéda comme pro-
fesseur et plus tard comme conseil-
ler de l'électeur de Saxe. Revêtu
dejiuis de divers emplois , il fut
enfin appelé, comme l'avait été son
père, a la cour de Vienne, et mourut
couseiller aulique , en 1707, dans un
îi^e avancé. P;irmi les ouvrajres qu'il
a publiés on se contentera de citer :
T. Decisiones summi /)rovocatio-
num senatus electoralis Saxonici,
Dresde etLeipzg, 1720, in-i". Ce
recueil des arrêts de la chambre des
comples peut être utile a consulter
pour la connaissance du droit public
de 11 Saxe. IL Convnentatio de
personis vulgo larvis seu mas-
clieriSy Francfort et Leipzig, 1725,
in-4-°, figures. Cet ouvrage, nmpli
de recherches curieuses sur l'ori-
gine des masques, est dédié à l'é-
lecteur de Saxe , Auguste , roi de
Pologne. Ce prince aimait beaucoup
les spectacles et les fêles {T^'oy.
Auguste, 111, 5 0}; et Christophe de
Berger était trop bon courtisan pour
faire, même indirectement, la criti-
que des goùls de son souverain. Aussi,
loin de blâmer l'usage des masques ,
comme la plupart des moralistes , il
ne voit dans les mascarades qu'un
plaisir très-innocent. Il rapporte ce-
pendant alafin de son livre quelques-
uns des règlements publiés en It;ilie
et eu Allemagne , pour prévenir les
désordres auxquels ces sortes d'amii-
3o
BER
sements peuvent donner lieu. Les
figures des raa.si|ues auliques dont ce
livre tst orné, sont ce 'les que mada-
me Dacier avail données précédi in-
menl d'après un manuscrit de la bi-
bliothèque rovale {Voy. Téeewce,
XLV,i56).* W— s.
BERGER (Albert - Louis ) ,
jurisconsulte , naquit k Oldinbourg,
en 1768. Son père, fonctionnaire
public, homme extrêmement sévère,
était descendant d'un célèbre lé-
giste du même nom. Le j-'une iierger,
destiné k cette carrière, fiisfs ét'des
à Gœitini^ue , el fut placé ensuite
dans Tordre judiciaire , d'abord a
Eulin , puis k Oldinliourg où il eut
le titre de conseiller de cbancellerie.
Cependant !a jurispiudence ne le ren-
dit pas insensible k la poésie , k l'his-
toire , a la société, aux charmes de
la be!le nature. Ayant hérité de son
père une fortune considérable, il l'em-
ploya k pai courir TAl emagne , la
Suisse, la France et l'Italie. On voit,
par II relation de ses voyages, qu'il
était nt observateur, etipi il savait ren-
dre un coiDpte iniéres-aiit des im-
pressions que les objets faijaienl sur
lui. Il avait le projet de s'étab'ir
dans uu beau S:le tt d'y vivre indé-
pendant. Peut-èlre avait-il un pies-
sentimeut secret de la fin tragique
qui l'attendait dans sa patrie. On dit
que son attachement pour sa mère le
détermina pour son malheur k rester
au service du granJ-duc d'O'den-
bouig. Ce prince lui donna sa con-
fiance , et l'employa aux affaires
diplouiatiques. Lorsque Napoléon
s'emjara du nord-ouest de l'Alle-
magne, et en fit des départements de
son empire , en i 8 i 1 , Berger perdit
ses placesj il fut nomme ensuite mem-
bre du conseil de la préfecture. Au
commeu( enunt de i8i3, Tapproilie
desRusses causa un soulèyemeat dans
BER
le tas Weser : le sous-préfet d'Olden*
bourg jugea prudent de se retirer avec
les autoriiés françaises. Avant son
départ, i institua une coran is^.i(ln de
cinq membres, parmi lesquels il dé-
signa Berger et Fin( k , pour gérer
les affaires administratives en son ab-
sence. Cette commission n exerça
son autorité que trois joi ts. EUemO'
difia légèrement le système français,
et fit ce qu'elle put pour apaiser
Pémeule. Sur ces entrefaites, le gé-
néral Vandamme avail envoyé des se-
cours militaires. La commission fut
cassée , Herger et Fiuck furent arrê-
tés comme rehelles, et tiaduits a
Brème , devant un conseil de guerre,
que Vanlamme avait choisi. Berger
se défendit devant cette commission
avec beaucoup de digni é 5 maison
n'écoi ta rien , on condamna k mort
ces deux citoyens estimables, contre
lesqut Is le rapporteur même ne pro-
V0(piail que la peine de la prison 5 ils
furent fusillés le 10 avril i8i3.
On présumecjue Vandarame^voyant le
nord de i Allemagne prêt k se sou-
lever, voulut 1\ ffrayer par un exem-
ple éclatant de sévérité. On a dit
aussi que le sons-piéfet. se sentant
compromis par sa fnite précipitée ,
avait tout rejeté ^^r les deux hom-
mes qui n'avaient pourtant fait
qu'exécuter ses ordres. Quoi qu'il eu
soit , la murt de deux fonctionnai-
res généralement estimés, immolés
au despotisme iniliiaire, causa une
indignation générale. Quand, après la
déln rance de l'Allemagne , le grand-
duc d'Oldenbourg eut été rentré dans
sesitats, il Ht transporter les restes
des deux victimes dans sa capitale,
où on leur fit des funérailles soleu-
ne les. Dans les biographies alleman-
des leur mort u'est représentée que
comme uu assassii.at , dout personne
ne recueillit même le triste fruit.
BER
C'est aussi sous le titre A'' Assassinat
de Fiiik et Berger, que Gilde-
meister, a Brème, a publié la rela-
tion de 'eur moi t. Une autre brocluire
parut daus la même ville , eu 1826,
sous le titre de Souvenir de Fink
et Berger. Ce dernier a puldié : I.
Studien , études , seconde édiiiou ,
1 8 1 6 ; dans cette édition on a rét.'bli
les passages Irou.tués dans la première
par la censure impériale. II. Brieje
etc. , lettres écrites pendant un
voyage enllalie, dans les années 1802
et I 8o3, Leipzig, 1 8i3, in-8°. Ces
lettres sont piquantes et spirituelles.
D — G.
BERGER ( JEA:i-ERic ) , ne' en
Danemaik , vers 1773 , fut profes-
seur a l'université de Riel , oîi il en-
seigna d'abord l'astronoiuie; il obtint ,
en 1826, la chîire de philosophie.
St's principaux ouvrai^es soit : I.
Philosoph. Dar. stteUung des
PF eltalls (Exposé philosophique de
l'univers), Alloua. 1808, tome F"",
contenant des vues générales. II.
Allgenieiiie grand seize der TVis-
senschaft dernatur und des iMens-
chen ( Principes généraux de la
science de la nature et de 1 homme),
Altona, 1817-27. Le premier vo-
lume de cet ouvrage e.st l'analyse de
la faculté de connaître , ou la con-
naissance en général- dans le second
volume sont exposés les éléments de
la connaisance philosophiijue de 1:\
nature; le troisième est destiné a l'ex-
position des éléiiients de l'anlliropo-
logie et delà psycologie ^ enfin dans
le quatrième l'auteur traite de l'é.h -
que , de la connaissance du droit
philosophique et de ce qu'il appelle
philosophie religieuse. Dans cfs ou-
vrages , l'auteur a exposé des idées
nouvelles sur la philosophif. Ou a
encore de lui quelques triilés moins
étendus sur divers objets. Berjer est
BER
3i
raorl le 2 3 février i853. D — g.
BERGERET (Jean-Pierre),
bo'aniste , naquit le 26 nov. 1761,
k Lasseube,dans la généralité d'Auch.
Après après avoir suivi les cours de
chirurgie et d'anatomie à l'ordeanx ,
il étudia rhisloire naturelle et vint a
Paris où il s'attacha surtout k per-
fectionner ses connaissances en bota-
nique. Il avait entrepris , en 1776,
]a. Descriptiondes plantes quicrois-
seiit aux environs de Paris ; mais
ayant ouvert un cours de botanique,
il dut renoncer k ce travail pour pré-
parer ses leçons et se dévouer a î'in-
btruction de ses élèves. Il acquit , en
1785 , une charge de chirurgien de
]M(n-ieur (depuis I.o'.iis XMII ).
Pendant la révolution, a laquelle d'ail-
leurs il resta complètement étranger,
il reprit l'exerciee de la chirurgie
qu'il avait négligée pourlaliofani(pic,
et^'acqui! la réputation d'un praticien
habile. Il mouruta Paris, le 28 mars
I 8 I 3. On connaît de lui : I. Remar-
ques sur t ouvrage de Paulet , iuli-
tu lé Mémoire sur un ordrede cham-
pignons i\\\ on y^vl^ op^ifler coeffés
ou bulbeux , dans le Journal de
médecine, octobre 1783 (tome LX,
358). En terminant cet aiticle, Ber-
gerel dit qu'il avait fait un travail
plus éteudu sur les dix-sept espèces
de champignons, décrite^ par Pauletj
mais que le docteur Desceraet l'avait
prévenu. II. Observations de gros-
sesse extra-utérine (Journal de n.é-
deeineparSedillot, XlV,288). III.
Pliytononiatotec finie universelle,
ou l art de donner aux plantes des
noms tirés de leurs caractères ,
Paris, Dldot jeune, 1783-85 , in-
fol. , 3 vol. Cet ait consiste k dési-
gner les caractères des plantes par
les lettres de l'alphabet. Si l'on rap-
proche ensuite ces lettres , on aura
un mot k l'aide duquel on pourra dé-
3a BER
terminer la classe , le genre el Ycs-
pèce delà plante inconnue. Cet ou-
vrage,donirexécution est Irès-reinar-
quaole pour répotjne , était annoncé
comme ne devnul être lire qu'à deux
cents exemplaires. L'auteur l'avait
promis en trente livraisons f mais les
deux dernières n'ont point paru ,
non plus que la vingt-unième qui de-
vait contenir le système de Bergeret.
Les exemplaires les plus complets
sont composés de 028 planclies en
noir ou en couleur^ représentant
autant de plantes , dont le teste offre
la dcsciiplion. Cet ouvrage estmain-
tenant peu recherché , bien que ce
soit le plus important de l'auteur.
W— s.
BERGERET ( Jean-Louis ).
J oj'. Yertron , XLVIII , 299 ,
note I.
BERGERO?f (NicoLA-s) , avo-
cat au parlement de Paris, naquit à
Bélblsy , dans le duché de \ alois ,
vers le milieu du seizième siècle.
Lacroix du Maine [Biblioth.J'raiic.y
tora. 11,'pag. 24-6) le qualifie
«d'homuse très-docte et bien versé
«en sa profession , sans faire men-
cc tion des langues grecque et latine
«et autres sciences qu'il a apprises
et es plus célèbres universités do
«France. » Loisel [Dialogue des
avocats au parlement de Paris )
nous apprend que Bergeron « ne
«brillait pas dans la plaidoirie,
« quoiqu'il fust docte aux bonnes let-
« très et en droicl. » 11 avait ras-
semble les matériaux d'une Histoire
valésienne touchant la louange et
illustration tant du pays , que de
la maison royale de V alois ; mais
il n'eu fit paraître qu'un extrait in-
titulé : Le ï'alois Royal, Paris,
i583, in - 8°. Cet extrait, qui
eut beaucoup de succès, lut rema-
nié par Ant. Maldruc , prieur de
BER
Longpont, qui publia, en 1622,
un livre sous le même titre , avec des
augmentations. Bergeron peut être
considéré comme le premier auteur
de ces tailles svnchroniques qui pré-
sentent, d'un seul coup d'œil , la sé-
rie des principaux événements de
riiistoire. Ce fut en 1662 qu'il pu-
blia k Paris , chez Vascosan , un
Sonunaire des temps [i), qui reçut
l'accueille plus favorable, et fut sou-
vent réimprimé. La dernière édition,
fiiite du vivant de l'auteur , parut
sous la dénoraiualion de Table /us-
ta ri aie , contenant un abrégé de
ce qui est advenu de plus notable
depuis le commencement du monde
jusqu'à présent , Paris, 1684. Il
avait composé un très-grand nombre
d'ouvrages sur les matières les plus
diverses. On trouvera dans Lacroix
du Bïaine cette nomenclature où l'on
remarque V Arbre universel de la
suite et liaison de tous les arts et
sciences , d'où l'on pourrait inférer
que Bergeron aurait aussi , le pre-
mier (2), conçu celte vaste pensée de
présenter, dans un seul tableau, l'en-
semble, la liaison et la génération des
connaissances humaines ; mais ce tra-
vail n'ayant pas été publié, le mé-
rite de l'invention semblerait devoir
appartenir h. Christophe de Savi-
gny ( Voy. ce nom , XL , 5i6 ) ,
qui mit au jour, en i 687, l'ouvrage
intitulé : Tableaux accomplis de
tous les arts libéraux , etc., Paiis ,
(i) En une feuille c^yj/nrare/ (Bibliothèque fran-
çaise (le Duverdicr, toiuc 111 , p:if;e io6).
{■>.) Le clianceliri- Bacon , lie vei-s la inciiie
éivquc (i56i ', publia aussi vers le même len:ps
soji Arbre geiicutogiijue ', ou Syslrmc raisonne des
co iiiaissnnces Immuines. Le ci^lèbre voyageur La
réroiiso avait considérablemeiit iteii'iu , dans
luules ses ramificalions , cet arbre généalogi-
que , sur une feuille grandi aigle , conten;mt
dtr\i\ ceiït (juatre-vingls cercles ou tlivisions. Ce
graml travail, de sa main, est dans le cubmet de
l'auteur de celte note, et atteste les vastes con-
naissances de cet infortuné navigateur. V — ve.
BER
Jean cl François Gourraont frères ,
in-folio. D'un autre côté , nous ap-
prenons de Savigny lui - même :
« Que son bon ami et conseil M. Ber-
«gcron lui a prèle la main a dres-
«ser les tableaux qu'il offre au pu-
« blic.j) On lit aussi, au verso du
frontispice du livre de Savigny, un
avis des imprimeurs, portant que
Touvrage « a passé par la lime de
«M. Bergeron , qui a suppléé l'ab-
« seuce cl défaut de Tau leur. » Ainsi
la coopération bien établie de Berge-
ron et de Savigny a V Encyclopédie
on la suite et liaison de tous les
arts et sciences (5), ne permet plus
de séparer leurs nnms , lorsqu'on re-
vendiquera , pour la France, Tbon-
neur d'avoir découvert la tige où vien-
nent se rattacher toutes les branches
des connaissances humniues, et d'a-
voir, la première, développé leur
enchaînement par la configuration
de Tarbre eucyclopédiqi'e. Berj^eron
ajouta un sixième tableau concernant
la théologie, à la Partition (4-) géne-
rale de tous les arts libéraux. C'est
dans le sens des explications où l'on
vient d'entrer qu'il faut entendre la
note de Rigoley de Juvigny, mise à
la suite de l'article Bergeron ,
de la Bibliothèque française de La-
croix du Maine. Nous y apprenons ,
d'une manière assez vague , qu'il a
(3) I.a première planche gravée des Tableaux
de Savigny porte ces énonciations dont on re-
marque la ressemblance avec rinliltilé de l'ou-
vrage (lp Beigeron , tel qu'il est rajiporté par La-
croix «lu Maine.
(4) Olti' far^/V/on se ramifie en divisions et
snbriivisious fort nombreuses. M. Brunet [Manuel
du Libraire, S"^ edilieu , tom. III , p. jgi) n'a pas
rapjiorlé le titre de l'ouvrage d'une manière fi-
dèle. 11 a substitué le v.ioX. poriion à celui depar-
litioii. \ju reste, oji tiouve à la suite de cet ar-
ticle une note assez curieuse, dans laquelle on
attribue à Bergeron la première idée de la créa-
tion de V.ïibre *ucj-cloj,ec/iijiie. M. l'abbé BfiuUiot
[lirogruplde ardennaise , i«:Jo . in 8", loni. II , p.
370-377) n'hesiie pas à reporter tout le mérite
de celle invention a Cliristciphe do .'-avigny. Les
■vues expriuiéis dans le corps de notre article
peuveut «oncilier ces diverse» opinions,
BER
33
Jait une Encyclopédie , tradui-
te en portugais par V illalobos .
Cette note, au surplus, n'est tju'un
tis>u d'erreurs grossières. On y at-
tiibue a Nicola.s Bergeron une his-
toire des Canaries que son fiU Pierre
publia comme édileur {Voy. l'arti-
cle suivant). On place la date de la
mort du père en i623, bévue qui
a été répétée par les continuateurs
de \a.r Bibliothèque historique de
la France (tom. II, pag. 6), tan-
dis que , dans un autre passage du
même livre, cette date est fixée h l'an-
née I 584- (lofue IV, page i 36j. Bar-
bier qui a donné, dans son Examen
critique des Dictionnaires histo ■
riques ( pai^ 102 — io3 ) , un arti-
cle incomplet sur Bergeron , dit qu'il
mourut avant l'année i584-. Une in-
dication qui nous est fournie par La-
croix du Maine ne permet pas d'a-
dopter ce sentiment, a Le sieur Bér-
et geron , dit-il, florist , a Paris , celte
«année i584, non sans prendre la
«peine de profiter au public , eu
«toutes façons dignes d'un homme
a vertueux. 5) Si Ton s'en rapportait à
l'avis des frères Gourmont , impri-
meurs, en léle de l'ouvrage de Savi-
gny, Bergeron eût été encore vivant,
en 1587, puisqu'il aurait revu et cor-
rigé le livre de son ami ; mais si l'on
considère que le privi ège obtenu ,
pour l'impression des Ti.bleaux ac-
complis, tist de i584, que Bergeron,
a pu \ts faire passer par sa lime ,
avant cette époque, rieu n'empéchrra
d'adopter l'opinion coinmun-- qui fixe
la date de sa mort k la fin de l'année
i584. La billiotbèque de N.c.B'jr-
gercn est vantée pour le grand nom-
bre des manuscrits et des mémoires
de llltératurs et d'histoire qu'elle
contenait. Les ouvrages de Brre,eron
dont nous n'avon.s pas encore parlé
sont ; I, Procès-verbal de Vexécu-
iTin.
3a
BER
tion testamentaire de feu Pierre
de ta Ramée, dit Ramus, touchant
la 'profession des mathématiques,
instituée par lui , Paris , Jean Ri-
clier, 1676, in-8°. Le célèbre Ra-
mus avait choisi Bergeron et Antoine
Loisel pour ses exécuteurs lestamcn-
tnires. Cet opuscule est relatif à une
disposition de son testament qui créait
une chaire de mathématiques au col-
lège Roval. IL In régis HenricilII
adventum carmen , Paris, iSyzt,
111-4°. IlL Description de l'es-
tat f gouvernement et justice de
France, Paris, Pxicher , iSy^-
te Ledit œuvre entier n'est encore
«imprimé, dit Lacroix du Maine,
« mais seulement la table du dessein
a et projet d'icelle. » L'abbé GonjeL
lui aîtribue un écrit satirique inti-
tulé • Admonitio Philomusi in gra-
ttant Nicolaï Bergeronii , juris-
consulti, ad M. Bressium, Paris,
i58o,in-i2. Maurice Bressieu, qui
avait été pourvu de la chaire de raa-
lliémalbiqiies fondée par Ramus, s'é-
tait permis contre Bergeron des atta-
ques que le pseudonyme Philomusus
cherche à repousser. Déjà ce Bres-
sieu avait été cité en justice par Ber-
geron , et condamné à lui faire ré-
paration. Bergeron fut l'éditeur du
recueil des opuscules de Ramus et
d'Orner Talon, qui parut en iSyy:
P . Ram. professons regii et Au-
domari Talœi collectanea , prcefa-
tiones , epistolœ , orationes , Pa-
ris , in-8". L'édition de la Gra-
mère franco es e de Ramus, qui parut
eu rSSy, contient des addilions de
Bergeron. // revisa et recorrigea
nn ouvrage de Claude d'Espence ,
intitulé : Deux notables traités,
l'un desquels enseigne combien les
lettres et les sciences sont utiles
aux rois ; Vautre contient un dis-
cours à la louange des trois lys de
BER
France, Paris, Auvray, iSyS,
in- 8". Il enrichit la deuxième édition
des Arrêts de Papon , publiée en
i584, de plusieurs décisions nota-
bles qu'il avait eu soin de recueillir
lui-même , peine que Papon n'avait
pas toujours prise. On croit qu'il eut
quelque part à la rédaction du cora-
menlaire de Dumoulin , sur la Cou-
tume de Paris. Il cultiva aussi la
poésie grecque , latine et française 5
on trouve des vers de sa façon dans plu-
sieurs recueils du temps. L-m-x.
BERGERON (Pierre) , fils du
précédent , naquit a Paris , et , de
même que son père , suivit d'abord
la carrière du barreau. Il plaida d'une
manière distinguée, et devint conseil-
ler du roi et référendaire en la chan-
cellerie. Il allia la culture des lettres
à l'étude des lois , et s'occupa prin-
cipalement de géographie et de voya-
ges. Il mourut en lôSy dans un âge
avancé. Il •'publié : I. Traité de la
navigation et des voyages de dé-
couvertes et conquêtes modernes ,
et principalement des François ,
Pans, 1629 , in-8°. Cet ouvrage re-
monte au-delà des découvertes des
modernes, puisqu'il y est question
du voyage du Carthaginois Hamion ,
etde quelques autres entrepris parles
anciens • mais Bergeron s'élend beau-
coup plus sur les voyages des moder-
nes, et il commence ceux-ci par la dé-
couverte des Canaries, qu'il rapporte
k la fin du treizième siècle. Il passe
en revue tout ce qui s'est fait depuis
cette époque jusqu'au temps où il
écrivait. Il parle de foutes ces expé-
ditions en homme qui possédait bien
le sujet qu'il traitait. Il anuonce une
opinion fort raisonnable sur la pos-
sibilité d'un passage par le ]Nord,
et pense que les glaces doivent le
rendre impénétrable. Parmi les voya-
geurs français , il en cite nn , Mal-
BER
herbe de Vitré, qu'il a connu, et qui,
parti en i58i, a Tàge de quinze ans,
et revenu en 1608 , avait employé
plus de vingt-sept ans a parcourir le
Levant , l'Asie , l'Afrique et l'Amé-
rique. A son retour il proposa au
roi de grands et faciles moyens de
voy^ages très-utiles a la France. Des
hommes ignorants des affaires du de-
hors détournèrent Henri IV d écou-
ter les propositions de 3Iallierbe.
« Celui-ci , dit Bergeron , n'a laissé
« aucuns écrits et mémoires de ses
« longs voyages , dont il ne reste
« que ce qu'il en a dit autrefois a
« quelques curieux de ses amis. t>
On peut être surpris de ce que, parmi
les navigateurs français , Bergeron ne
fasse pas mention du Dieppois Par-
inentier {V^oy. ce nom, XXXIII, 6).
Il passe de même sous silence les en-
treprises maiilimes attribuées aux
compatriotes de ce marin. L'ouvrage
est terminé par la généalogie des
Bétbencourt , et se trouve ordmai-
tement relié avec le suivant. IL His-
toire de la première découverte
et conquête des Canaries , J'aite
dès l'an I402 , par messire Jean
de Bèthencourt , chambellan du
roi Charles VI, Paris, 1 6 5 0 , iu-8°.
Le litre annonce de plus que ce livre
. â été écrit par les aumôniers de Be-
tb encourt {V oj. ce nom, IV , 400).
m. Relation des voyages en Tar-
iarie de F rancois-Guillaume dû
Rubruquis , François- Jean du
Plan Carpin , François Ascelin
et autres religieux de Saint-Fran-
çois et Saint-Dominique , qui y
J'urent envoyés par le pape Inno~
cent IV^ et le roy Saint-Louys.
Plus un Traité des Tartares , de
leur origine, mœurs, religion, con-
quêtes, empire, chams'\{.d.i\s), hor-
des diverses et changements jus~
qu'au/'ourdhui ; avec un abrégé
BER
35
de l'histoire des Sarrasins et Ma-
hométans, de leur pays , peuples ^
religion, guerres ; suite de leurs
calijes , rois , soudans et de leurs
divers empires et états établis par
le monde , Patis , i654., in -8°.
Bergeron dit dans sa préface qu'il a
tiré une partie de ces relations du
recueil de Hakluyt , que depuis il
trouva moven de suppléer ce recueil
par celui de Purcbas , et qu'enfin il
acbeva le tout avec l'aide d'un ma-
nuscrit latin (^. AscELiy, II, 562 5
Carpts, VII, i85; et Rubruquis,
XXXIX, 2^8). Le Traité des Tar-
tares offre un abrégé eiact de l'Iiis-
toire des peuples connus alors sous
ce nom , qui comprenait les Turcs
et les Mongols. Bergeron y donne
un sommaire de tous les voyages
faits dans finlérieur de l'Asie , et
aussi de ceux (jui avaient été entre-
pris par nous pour découvrir le pas-
sage du Nord. Dans cet ouvi'age,
de même que dans le Traité de la
navigation , Bergeron dit qu'il se-
rait à propos de faire un volume
latin de toutes les diverses relations
de voyages en Tartarie , qui serait
le second tome du livre Gesta Dei
per Francos. Il ajoute que Bongars
avait eu ce dessein , comme ou le
voit dans la préface de la seconde par-
tie de son livrcj et il finit par s expri-
mer ainsi : k II faut attendre tout
ce cela de quelque curieux /Î^tous/k^
Cl français qui encbérisse par-dessus
ce la diligence , les recherches et le
« travail des Italiens , Anglais et
et Hollandais , voire de nos Français
et mêmes jusqu'ici. » Van der Aa, li-
braire à Leyde {V . son article, I, i)
fit réimprimer la relation des T" oya-
ges en Tartarie , et lui donna ce ti-
tre : Recueil de divers voyages cu-
rieux Jaits en Tartarie et ailleurs,
précédé du Traité de la navi^-
3.
B6
BER
iion et des voyages de découver-
tes^ etc., par P. Bergeron, Leyde,
1729, a vol. in-4", avec cartes et
figures. La mort de réditeur ayant
nui au débit de celte collection ,
Neaulme, libraire de La Haye, l'a-
cheta des bériliers et la fit paraîlre
so:is un litre nouveau: P oyages
faits principalement en Asie dans
les douzième , treizième , quator-
zième et quinzième siècles , par
Benjamin de Tudèle, Jean du
Plan Carpin, N. Ascelin, Guil-
laume de Rubruquis , 31 arc-Paul
J^enitien , Ilaiton , Jean de 31 an-
deville et Anibroise Contarini ;
accompagnés de l'histoire des
Sarrasins et des Tartares , et
précédés d'une introduction con-
cernant les voyages et les nou-
velle: découvei'tes des principaux
voyageurs , par Pierre Bergei'on,
La Haye , lySo, i vol. in- 4-° 3
caries et figures. Plusieurs auteurs,
trompés par le tilre , ont cité le re-
cueil de Van der Aa comme étant
celui de Bergeron ; mais on a vu par
les explicalious données plus baut la
différence qui existe entre les deux
collections. La seconde , quoique
renfermant plus de choses que la pre-
mière j lui est inléi it'ure, parce qu'elle
est faile avec moins de soin et de
jugement : il suffit , pour s'en con-
vaincre , de lire V Abrégé des
T^oyages de IMandeville . où Ton
chercbe vainement plusieurs faits cu-
rieux contenus dans cette relation.
Les cartes et les planches sont bien
gravées; c'est le seul éloge qu'elles
méritent. Les premières , conformes
aux connaissances du temps , n'offrent
aucune recherche critique sur les
voyages qu'elles sont destinées à
éclaircir 5 quant aux figures , elles
sont purement d'iœagination^Malgré
ces défauts , celte publication de\aa
BER
der Aa est souvent citée comme le
véritable recueil de Bergeron , et
quel([ues savants allemands Tout mê-
me désignée sous le titre de Sylloge
Van der Aa ^ ce qui peut iuduire
en erreur ceux qui consultent leurs
ouvrages. Bergeron a rédigé, en gran-
de partiesurles mémoiresderauteur,
les /■ oy âges fameux du sieur J in-
cent le Blanc, Marseillais ., dans
les quatre parties du monde , Pa-
ris. i649,in-4°. La mort Tempècha
d'achever ce travail ; il fut terminé
par Coulon , qui le fil paraîlre avec
une dédicace et un avis au Itcleur ,
omis dans la seconde édition de 1 6 5 8 .
Ce fut Peiresc qui donna le conseil a
Vincent le Blanc de confier ses ma-
nuscrits k Bergeron dont il connais-
sait la capacité. Celui-ci s'élait d'a-
bord adonné à la poésie ; on trouve
des vers de sa façon en tète de l'édi-
tion des œuvres de du Bartas, 1610,
in-fol., et des frères de Sainte-Mar-
the , i633, in -4°. Barbier, a
qui Ton doit divers renseignements
sur Bergeron , nous apprend qu'il eut
beaucoup de part k l'édition de la
traduction latine de la Géograpliia
nubiensis, Paris, 1619 , in-4° , et
qu'il a laissé en manuscrit deux itiné-
raires , l'un italo- germanique , et
l'autre germano-belgique. Ce der- ,
nier, fait en 16 i 7 , fut communiqué
au savant Claude Joly , qui le trouva
plein de doctrines et de choses cu-
rieuses. E — s.
BERGIER (Claxjde- Fran-
çois ) , avocat au parlement de Paris,
né a Darnay en Lorraine vers 1720,
était frère du savant abbé Bergier
{Voy. ce noMi , IV, 2 54) Il fut d'a^
bord secrétaiie de M. Dujard , fer-
mier-général ; puis, encouragé par
l'exemple et les con>eils de son frère,
il cultiva les lettres , et publia plu-
sieurs écrits auxquels il n'attacha pas
BER
son nom. « L'interprète de BI. Dow ,
a dit Fréron, est connu lui-même
a par plusieurs ouvrages qui fonthou-
ct neur a ses connaissances yy {Ann.
littér. , 1769, I, 23i). On peut en
conclure qu'il ne s'était pas borné au
rôle de traducteur. Cependant on ne
connaît de Bergier que les traductions
suivantes : I. Recherches sur les
beautés de la peinture, Irad. de
Dau. Webb, Paris, 1765, petit
in-8°; l'Année littér., Mil, 37-66,
en offre une analyse très-étendue ;
Fréron en annonça plus tard une nou-
velle édition , qui n'a point paru. II.
Observations sur la religion , les
lois , le gouvernement et les mœurs
des Turcs, trad. de Porter, Lon-
dres (Paris), 1769, 2 part., petitin-
8°. III. Dissertation sur les mœurs
lesusageSyle langage, lareligionet
la philosophie des Hindous ; suivie
d'une exposiliongénérale et succincte
du gouvernement et de l'élat actuel
deTHindoustan , ibid., 1769, in-12,
avec deux pi. Dans un court avertisse-
ment , Bergier annonce qu'il avait
abrégé plutôt que traduit X'Histc^re
de l' Hindous tan, par Dow {F oy
ce nom, XI, 63 0); mais qu'avant d'of-
frir son travaU au public, il avait cru
devoir lui présenter ces deux mor-
ceaux , digues d'exciter sa curiosité,
en y joignant les notes de Holwol.
La traduction de l'ouvrage entier
de Dow est restée inédite. IV. £"5-
sai sur la société civile , irad.
(avec Demeunier) de Fergusson , Pa-
ris, 1783, 2 vol. in-12 Dans le
privilège pour l'impression , le tra-
ducteur est nommé Bergier de Se-
uonges ; c'est un village de Lorraine
dont probablement il avait le fief,
Bergier mourut h Darnav en 17845
et c'est par erreur qu'Ersch , dans
sou premiei- Suppl. k la France lit-
tér..^ dit qu'il vivait en 1790. VV-s.
BER
37
BERGLER (Joseph), directeur
de racadéniie des arts à Prague , na-
quit à Salzbourg le i'"' mai 1755 ,
et passa une grande partie de sa vie
a Passau, oii son père, statuaire de l'é-
vèque, lui enseigna les premiers élé-
ments de dessin et de peinture. Le
talent qui se développait cbez le jeune
Bergier donnant de grandes espéran-
ces, ce prélat l'envoya faire un voyage
en Italie , en 1776. Il séjourna d'a-
bord a Milan, où il travailla pendant
quatre ans sous la direction de Mar-
tin Knoller, peintre de la cour. Ber-
gier quitta ensuite cette ville , et après
avoir admiré les ouvrages des grands
maîtres à Parme, a Bologne, à Flo-
rence, se rendit a Rome, oîi le cbe-
valicr Maron , artiste du plus grand
mérite, le prit sous sa protection
spéciale. Après trois ans d'études as-
sidues, il concourut r)our le prix de
peiulure (Samson chez les Philis-
tins) a l'académie de Parme, et ob-
tint la médaille d'or. La réputation
qu'il s'acquit par ce beau travail , lui
valut de nombreuses commandes dans
toute l'Italie. Après cinq ans de sé-
jour dans le sanctuaire des arts , il
retourna dans la maison poternelle.
S'élant lixé a Passau , il devint
peintre du cardinal Aversberg, et fut
nommé écuyer de la cour. Lorsque,
en 1800, une école des arts fut créée
h Prague, Bergier dut a sou talent
d'être appelé pour organiser cet
utile établissement , et peu de
temps après il fut nommé direc-
teur de l'acadénie des arts. 11 a occu-
pé ce poste honorable pendant 29
aus avec un zèle infatigable. C'est
de cette époque que les arts ont pris
uu essor remai quable en Bohème :
beaucoup d'artistes distingués sont
sorlis de cette école. Lorsque le
ministre aulrlcbicnKollowrat, nommé
gouverneur delà Bohème, cherci a à
BER
BER
y révei 1er le goùl des arts, qui de-
puis deux sièiles y était assoupi, il
trouva dans Bergler, quoique déjà
avancé en âge , un zélé collaborateur.
Bergler a produit un grand nombre
d'ouvrages importants , parmi les-
quels est un Cyclus en 70 feuilles,
tiré de l'Iiisloire de la Bohème. Sou
atelier et ses porlefeuilles offraient
de grandes jouissances aux ama-
teurs. On cite parliculièiement trois
tableaux a 1 bu de qu'il fit pour le
comte Kollovvrat, et qui représenleiit
des scènes prise» dans les temps re-
culés de la Bobème : Libiissa au
bourg de PV issherad , décidant une
conleslation entre deux frères pour
l'héritage de leur père ; le Jugement
féodal du duc Spitignew II, et la
Délivrance de Charles IV , à Pise,
par les chevaliers hongrois, et nolaai-
ment par les trois frères Kollowrat.
Bergler mourut a Prague, le a 5
jum 1829. Z.
BERGMULLEll (Jean-Geor-
ges), peintre et graveur, né a Dirck-
heim (lîavière) en 1687, mort a
Augsbourg en i 762, dut a de furies
études , à uu goùl sévère et aux dis-
positions les plus heureuses, la répu-
talion brillante dont il joultcîans toute
l'Allemagne. Imitateur enthousiaste
de Carie Maratte, il prit sa manière,
traita avec bonheur plusieurs sujets
d'histoire, qu'il grava eiibuile, et mania
avec une habileté peu commune, avec
une finesse de trait et une douceur
d'expression charmantes le burin elle
pinceau. Deux ouvrages , dont l'un
traite de la structure de l'homme et
l'autre de l'architecture, ajoutèrent
encore'a la renommée de BergmuUer.
Plusieurs princes d'Allemagne le
comblèrent de bienfaits 5 il fut appelé
à la cour de réleclcur, et nommé
directeur de l'académie d'Augsbourg,
fondions qu'il remplit avec beau-
coup d'honneur. BergmuUer a gra-
yé presque tous les sujets peinlq
par lui. On cite parmi ses estampes:
1° Le Baptême de Jésus-Christ ;
2-^ la Résurrection , la Transfi-
guration, l'Ascension j 5° la
Mort de saint Joseph; 4^° une
Sainte FuJuille ; 5" Saint Domi-
nique recevant le Rosaire des mains
de l'Enfant- Jésus; G" Saint Thomas
baisant les pieds de l'Eufant-Jésus;
7" uue Sainte Catherine ; 8* cinq
pièces représentant la Crainte de
Dieu, la Force, la Piété, la Scien-
ce, le Conseil; g° un Sujet e/w-
hlématique sur les malheurs du
temps ; 10° la Justice et la Paix;
II" les Signes du Zodiaque ; 12°
les quatre Saisons, etc. L'œuvre
de cet artiste j soit peinture, soit
gravure, est presque toujours marqué
des lettres initiales J. G. B., ou d'un
chiffre particulier n'appartenant qu'à
lui. B — N.
BERGOEING (François),
né k Sl-Macaire vers 1755, était
chirurgien a Bordeaux , lorsqu'il fut
député, en 1793, a la convention
nationale par le département de la
Gironde. 11 suivit dans celte assem-
blée la bgne tracée par la députa-
lion a laquelle il appartenait, et vota
dans le procès de Louis XVI , pour
la détention jusqu'à la paix, pour
l'appel au peuple et pour le sursis \
l'exécution. Dans le mois de mars
1795, il fit partie de cette com-
mission des douze chargée de sur-
vedler la commune de Paris, ce
foyer d intrigues anarchiques, et qui,
sous l'influence de Billaud-Varen-
nes , de Marat et de Robespierre ,
préparait la révolution du 5 i mai.
Bergoeing y déploya quelque énergie,
et il fit imprimer peu de jours
avant celte terril)le révolution ,
uue brochure où il attaqua avec
BER
force les Jacobins. C'est pour cetle'
hrocliure surtout qu'il fui dénoncé
à plusieurs reprises a la conven-
tion , notamment par Rourdou de
l'Oise, qui demanda sou arrestation.
Il offrit alors sa démission : mais, vain-
cue par l'audace et la fureur de ses en-
nemis , la commission des douze fut
bientôt dissoute, sur laprnposiiion de
Barère ; et lorsque le triomphe du
f)arti de laMontague fut complet, par
a révolution du 3i mai , Bergoeing
fut mis hors la loi dans la séance
du 2 juin. Assez heureux pour se
soustraire "a ce terrible décret , il
ne reparut à la convention nationale
qu'aprèsle 9 thermidor. Alors, déplus
en plus opposé k la faction des terro-
ristes, il la combattit avec beaucoup
d'énergie dans la journée du i*'"
prairial an III (20 mai 1796), lors-
que la populace des faubourgs Ht
craindre au parti ihermidorien une
révolution pareille a celle du 3i mai
1793 ( P'oy. Boissy-d'Anglas , au
Supp.). Après cet événement, Ber-
goeing entra au comité de sûreté
générale; et il s'y trouvait encore a
l'époque du i 3 vendémiaire an lY ,
lorsqu'il eut a lutter contre une fac-
tion bien différente des terroristes :
c'élait la population de Paris pres-
que tout entière que l'on crut
alors influencée et dirigée par les
royalistes. Bergoeing combattit ce
parti avec non moins d'énergie qu'il
avait combattu les anarchistes, et peu
de jours après il appuya vivement la loi
du 3 brumaire, qui excluait des fonc-
tions publiques les parents d'émi-
grés. Il se plaignit ensuite avec
amertume d'avoir trouvé des écrits
royalistes, même dans la distribution
qui lui avait été faite comme député.
Devenu membre du conseil des cinq-
cents , lors de rétablissement de la
constitution de l'an III , Bergoeing
BER 39
y coopéra de tout sou pouvoir a la
révolution du 18 fructidor (sept.
1797), elil fil maintenir son collègue
Dupral sur la liste des déportés. Sa
position et tous ses antécétienis de-
vaient le faire entrer naturellement
dans le complot qui prépara le i 8
brumaire • mais sou intimité connue
avec Barras ne permit pas aux conju-
rés de lui rien communiquer a cet
égard ; et , après cette révolution ,
Bergoeing n^eut aucune pari aux
faveurs et aux emplois que distribua
le nouveau consul. Cependant Murât,
qui l'avait connu dans les salons du
directoire , le fit venir a Naples ,
lorsqu'il en fut le souverain, et lui
donna une place de peu d'importance^
qu'il conserva jusqu'à la cliute de
son protecteur, en 181 5. Revenu
dans sa patrie, Bergoeing y esl mort
peu de temps après, l^a brochure
qu'il fit imprimer en 1793, et réim-
primer dans l'an III ( 1795) (in-8''
de 78 pages) , est fort curieuse 5 elle
a pour titre; La longue conspira-
tion des jacobins pour dissoudre
la convention nationale , prouvée.
C'est ime pièce importante pour
l'histoire. L'auteur trace le tableau
des travaux de la commission des
douze , qui tenait , dit Bergoeing ,
tous les fils de la conspiration ourdie
aux jacobins pour donner un dicta-
teurà la France. Bergoeing adressa
cette brochure à ses commettants
et à tous les citoyens de la répu-
blique. Il y porte a dix mille le
nombre des victimes dans les massa-
cres de septembre. Il donne drs ex-
traits des séances de la commune de
Paris, d'un grand nombre de décla-
rations , de déposiliens laites à la
commission des douze, de noies et de
letlres qui lui furent adressées par
Thomas Payue, Amelot , etc.; le
texte d'une horrible proclamation
4o
BER
adressée axwjrères et amis, et si-
gnée : les administrateurs du comité
ds salut public ( de la commune de
Paris) , Panis , Sergent, Marat ,
etc. , constitués par la commune
et séants à ht mairie, eic. M — d j.
BERGOX ( le comle Josepii-
Alexandhe) , né à Rjirabel, dans le
Rouergue, en ly^i , débuta dans le
barreau, à Paris, et abandoniiacette
carrière, lors de l'exil du parlement
sousle ramislèie Mau|ieou,pourse li-
vrer exclusivement aux lettres. Il com-
posa ;ilors un grand nombre d'écrits
sur différentes matières ; plusieurs fu-
rent publiées sous le voile de l'anony-
me , d'autres avec son nom , et la plus
grande partie restèrent manuscrits,
et ne seront probablement jamais im-
primés. Les seuls que l'on connaisse
aujourd hui sont un Eloge du mare"
chald'Estrées , un Eloge de C'iai-
j^aut et un autre de Restout. Mais
renonçant bientôt au slérile mélier
d'auleur, Bergon à l'âge de vingt-
six ans, eutra dans la carrière de Tad-
minislration, fut nommé secrétaire
des intendances d'Aucb et de Pau ,
et quelques années après (1780)
obtint du roi une pension de cent
louis. Ses connaissances auj^raentant
avec sa réputation, il fui nommé suc-
cessiTement chef de division au con-
trôle général et directeur de corres-
jîond '.nce a l'administration de l'en-
reg'slreraent et des domaines, et
enfin intendant de Bi;;oire. Bergon
se montra partisan modéré de la
révolutou , et il se fit peu remar-
quer pendant la terreur. Le gouver-
nement cotisuhiire ayant en é en 1802
une admini^lration des forèls , il fut
nommé l'un des cinq administrateurs
avec Gossuin , Chauvet , Allaire et
Guehentuc; et, le 4^ avril 1806 ,
il en devint le d recteur général, avec
le litre de comle et celui de conseil-
BER
1er d'état. Il a conserve' cet important
emploi pendant toute la durée du
gouvernement impérial. Cependant
il jouissait de peu de faveur auprès
de Napoléon , et il y a lieu de
croire qu'il se ressentit trop souvent,
sous ce rapport, de la disgiâce du
général Dupont , son gendre ; il est
même probable que cette considéra-
tion fut pour beaucoup dans l'empres-
sement qu'il monlraen 1 8 1 4- au retour
des Bourbons. Il adressa à Monsieur,
comte d'Artois, le 17 avril, au nom
du conseil d'état, une harangue pleine
d'enthousiasme, et qui commençait
ainsi : a Enfin les fils de saint Louis
et de Henri IV nous sont rendus !.. »
Bergon refusa de servir Napoléon
pendant lesccnt'jours de 1 8 i 5; et, aus-
sitôt après le retour deLouisXV III,
il fut rétabli dans le conseil d'état,
oiî il est rest^ jusqu'à sa mort. Il
succomba le 16 octobre 1824- a une
attaque d'apoplexie , âgé de quatre-
vingt-ijuatre ans. M — DJ.
BERIXGER (Jean-Barthéle-
Mi-Adam (i)), médecin et naturaliste
allemand , vivait au commencement
du 18^ siècle. Ses talents lui avaient
mérité la confiance de 1 évèque-prince
de Wirtzbourg et une chaire à l'uni-
versité de cette ville. Passionné pour
les curiosités naturelles, il les amas-
sait sans choix , et metlail surtout un
grand prix aux productions mons-
trueuses. Ce goùl pour les choses bi-
zarres donna l'idée au P. Rodrick ,
ex-jésuite, d'essayer jusqu'où il pous-
serait la crédulité. Ayant fabriqué des
pétrifications représentant toutes sor-
tes d'animaux et de plantes, il les fit
présenter à Beiinger, qui les acheta
fort cher, et en encouragea la re-
cherche. Le malin jésuite le servit k
souhait. Dès que Beringer en eut une
\i) Carrère le uomma mal Julius\
BER
coUeclîon assez considérable, ne pou-
vant résisler au désir de les faire con-
naître au monde savant . il compo-
sa sur ces prétendues péliificalions
une thèse qu'il fit soulenir publique-
ment par Georges-Louis Hueber, son
élève, et la publia sous ce titre :
Lilhographiœ liirceburgensis ,
ducenlis lapidimi Jiguratorum . à
potiovi inseciiforrnium prodigiosis
iniaginibus exornalœ , spécimen
primum. Dissertatio innugicraLsà
G.-L. Hueber (2), Wirtzbourg,
1726, in-folio de ^6 pag. et 2 i pi.
Averti peu de temps après de la
tromperie qu'on lui avait faite, Be-
ringer retira tous les exemplaires de
son ouvrage qu'il parvint a recouvrer;
mais ne pouvant se résoudre a les dé-
truire , il les garda dans son cabinet.
Après sa mort ils furent achetés par
un libraire de Leipzig , qui les fit pa-
raître avec un nouveau frontispice ,
portant le nom du véritable auteur,
sous ce titre : Lithographia TVirce-
biirgensis , editio secunda , Franc-
f'orl et Leipzig, 1767. Les amateurs
ne recherchent cet ouvrage qu'avec
le premier titre. Leschevin a donné
dans le liJagasin encj'clopédique,
1808, VI, I 16-128, la oescriplioQ
et l'histoire de ce livre singulier, qui
avait aussi induit en erreur le rédac-
teur du catalogue de Faujas de St-
Fond. On connaît encore (le Beringer:
L Connubium galenico-hippocia-
ticiirn , sive idea institutionum
medicinœ rationalium, WirI zbourg,
1708, in- 8". IL Tracta tus de con-
servanda corporis humani saiti-
tate , ad eamdemque conservan-
dam necessariis et hon necessariis
rebus/\\)ià., 1710, in-8°. 111. Z)/5-
(2) Trompé par le titre, Michault attribue cette
thèse à Hueber, dans ses Mélanges hislorii/ues et
philologiques , 1, i42 , où il 'lonne d'^iilleurs une
idée assez «xacle de o« singulier ouvrage^
BER
4i
sertatio depeste, l^xircmhcr^.iqxi^
in-4-^. IV. Plantariim quarumdam
exolicarum pereimiuni in horto
medico Herbipolensi 1721 evecto
catalogus , Wirtzbourg , 1722 ,
in-fol. C'est un catalogue purement
nominal. V. Dissertatio de emeti-
cis sive vomitoi iis , ihid. , 1725 ,
in-4.°. On a encore de Beringer un
manuel de chimie en latin (Wirtz-
bourg, 1756. in-4.") cl une descrip-
tion , en langue allemande , des
eaux minerait s de Kisslngen fibid.,
1708,1 -8). J — D — > et W — s.
BERIXGTOX ou BER-
RIXGTOX (Joseph), historien
anglais , naquit dans le comté de
Shrop , vers 1760, de parents ca-
tholiques , et fut envové fort jeune
en France au collège de Saint-Omer,
destiné principalement a l'éducation
des éliangers qui voulaient se vouer
au sacerdoce. Effectivement , il en
exerça les fonctions en E'rance pen-
dant vingt ans 5 puis il revint en An-
gleterre , et il fut nommé en 1 8 1 4- ,
curé de Buckland, près d'Oxford,
où il mourut en 1820. Comme mi-
nistre de la religion, Beringlon ma-
nifesta souvent , et avec beaucoup de
franchise, des opinions que ses supé-
rieurs regardèrent sinon comme hété-
rodoxes , du moins comme houleuses.
On a de lui la Vie d' Abeilard et
d'Hélo'ise , T784,in-4°, ouvrage
qui eut tn pende temps trois éditions
(la dernière est de i 7 8 7 , 2 vol. in-8''),
et \' Histoire du règne de Henri 11
(roi d'Angleterre), el de Richard et
Jean, ses Jils ^ en anglais, 1790,
iu-4.". Traduit en patie par Tluim.
Payne, ce morcea ■ d'histoire est de-
venu ["Histoire de Jean - sans-
Terre , roi d' Angleter/ e , Paris,
1821, in-S" Mais le véritable titre
de Beringlon à la reconu lissance des
savants est son Histoire littéraire
4a
BgR
du moyen âge , dout les deux pre-
miers livres, contenant les huit pre-
miers siècles de Tère chrélieuue , pa-
rurent en 1 8 1 4- 5 et doul il donna la
suite en I 8 I 6. Cet ouvrage, qui man-
que souvent de méthode et toujours de
hautes vues et de profondeur , a été
traduit en français par A.- M. -H.
Boulard , mais morcelé en sept par-
ties différentes, qui forment comme
des traités a part , et qui sont : i°
Histoire littéraire des huit pre-
miers siècles de l'ère chrétienne ,
depuis Auguste jusquà Charle-
magne , Paris, i8i4, ^-8". 2°
Histoire littéraire des neuvième
et dixième siècles,, Paris, 1826 ,
in- 8. 5° Histoire littéraire des
onzième et douzième siècles , Pa-
ris, 1818, in- 8°. ^° Histoire lit-
téraire du treizième siècle , Paris ,
1821 , in- 8". b° Histoire littéraire
du quatorzième siècle et de la moi-
tié du quinzième y Paris, 1822,
in- 8°. 6° Histoire littéraire des
Grecs, Paris, 1822. 7° Histoire
littéraire des Arabes ou des Sar~
rasins , Paris, 1823. Toutefois, il
est nécessaire d'ajouter que, quoique
Berington ait le mérite d'avoir pré-
senté comme un conspeclus général
des élémenls de l'histoire littéraire du
moyen âge , il est loin d'être complet,
et que le tableau du mouvement in-
lellectael de cette grande époque at-
tend encore un peintre et un histo-
rien. P — OT.
BERKELIUS ou BERKEL
(Abraha'm), philologue, né vers i 65 0
à Leyde, fréquenta d'abord les éco-
les de médecine 5 mais pressentant
qu'il s'était trompé sur sa vocation,
il revint a l'étude des lettres, et fit
de rapides progrès dans les langues
grecque et latine. Ses talents l'ayant
bientôt fait connaître, il fut pourvu
d'uoe chaire a l'académie de Délit ,
BER
et dans la suite il en devint recteur.
Animé du désir de marcher sur les
traces des Heiusiusel des Gronovius,
il voulut h leur exemple s'illustrer en
publiant des éditions plus correctes
des anciens auteurs. Le hasard ayant
fait tomber son choix sur le Diction-
naire géographique d'Etienne de
Bjzance , dont il ne nous est parvenu
qu'un mauvais extrait, Berkel con-
sacra le reste de sa vie , avec un dé-
vouement moins rare à celte époque
qu'il ne le serait de nos jours , a ré-
tablir ce précieux ouvrage d'après le
plan primitif de l'auteur. II en était
occupé déjà depuis plusieurs années,
lorsque le bruit se répandit que Hols-
tenius venait de découvrir a Rome
«n manuscrit d'Etienne de Byzance ,
qu'il se proposait de pu lier. Par la,
Beikel se ^erait trouvé privé de tout
le fruit qu'il attendait d'un travail
qui lui avait coulé tant de soins et
de faligaes , que la langue ni la plume
nepourraienl en donner une idée (1).
Heureusement pour lui, la nouvelle
n'étall pas tout-k-fait exacte. Il re-
prit courage , et mit euBn la dernière
n.ain à son travail ; mais il ue devait
pas jouir du plaisir d'en voir le suc-
cès. Berkel mourut eu i 688 , âgé de
moins de 60 ans, pendant l'impres-
sion , qui fut achevée par Gronovius.
Son édition A Etienne de B}za?ice
a. été appréciée dans cette Biographie
par M. Walckenaer, l'un des juges
les plus compétents pour tout ce qui
concernel'ancienne géographie. C'est
le principal , mais non pas le seul
titre de Berkel a l'estime des savants.
Ou lui doit encore : 1. Une édition
du Manueld' Epictète, etc., Leyde,
1670, in-8". Elle fait partie de l'an-
cieune collection des V ariorum. IL
(i) Nec lingud exprimi nec calama delineari
posset. C'est ce que Beikel dit lai-mémedans sa
préface.
BER
Une éditioa des Métamorphoses
d'Auloniuus Llberalis, ibid., 1674,
iu-i2. A la même époque, Thomas
Muncker en fit paraître , à Am-
sterdam, une autre édition, dont
le succès conlraiia beaucoup Berkel.
Furieux , il prétendit que Mun-
cker lui devait ses plus heureuses
explications , et signala dans le tra-
vail de son rival de simples er-
reurs typographiques comme autant
de fautes inexcusables. Mais son
Injustice, loin de nuire à Muncker,
ne servit qu'a mieux assurer la supé-
riorité de son travail {Voyez'\\\,
MuxCKER , au Supp. ). Berkel ayant
annoncé qu'il possédait un fragment
inédit des Fables d'Hjgiii ,
Heluslus le lui demanda pour Fen-
vojer a Scbeffer, qui venait de don-
ner une bonne édition d'Hjgin ; mais
Berkel le refusa, prétendant qu'il
travaillait lui-même sur cet ancien
mythographe; on voit par une lettre
deGraevlusde 1676 qu'on lui annon-
çait qu'une éd. d'Hygin, par Berkel,
venait de paraître 5 mais cette nou-
velle était fausse. III. Genuina
Stephani Bj^zantiiii de urbibus et
populis fragmenta ; cwn HannO'
iiis periplo, gr.-lat., Leyde, 1674.,
in-8°. Cette édition du texte du Pé-
riple d'Haunou , est la seconde.
Les observations dont elle est accom-
pagnée sont tirées de la Géographie
sacrée , de Bochart ( Foj. Han-
NON , XIX, 384.). Quant aux frag-
ments d'Etienne de Byzance ,dont le
principal concerne Dodone, ils avalent
déjà paru précédemment , et ils ont
été reproduits par Gronovlus dans le
tome VII du Thesaur. antiquit.
grœcar. {Voy. Etienne de By-
zance, XIII, 44-4)- On trouve dans
le Sylloge de Burmann ( II, 65 i-
55), trois Lettres de Berkel kNicol.
Blaacard. — Berkel (/«««s), fils
BER
43
du précédent , nous apprend lui-
même (préf. des Z?<55erZ. selectœ)
qu'il n'avait que i3 ans a la mort de
sou père. Il était donc né vers 1675.
Heluslus et Gronovlus se chargèrent
de diriger son éducation j et il dut
faire de rapides progrès sous de si
grands maître^. Il n'avait que 20 ans
lorsqu'il entreprit de venger la mé-
moire de son père des reproches
d'Etienne Morin , qui l'accusait de
s'être approprié les remarques qui
lui avaient été communiquées par di-
vers suivants sur Etienne de Byzance,
sans leur en témoigner, comme il le
devait, la moindre gratitude. Janus
était recteur de l'académie de Dor-
dreclit, en i 704. Cette même année
il publia un recueil intitulé : Disser-
tationes selectœ crilicœ de poëtis
grœcis et latinis, Leyde, 1704 ou
1707, in-8°. Ce volume, dont les
exemplaires ne différent que par le
frontispice, confient : un traité post-
hume de Palrnerius ( Paulmier de
Grentemesnil ), Pro Lucano con-
tra F irgilium; la traduction laline,
par un anonyme, de Topuscale du
P. Rapin , Comparaison d'Homère
et de Virgile; celui, par Berkel
lui-même, de la Comparaison de
Pindare et d'Horace, par l'arclii-
tecte Franc. Blondel j et enfin l'ou-
vrage de Jacq. Tolllus , Poëtarum
latinor. cum grœcis comparatio-
nes. On ignore la date de la morl de
Janus Berkel. W — s.
BERKEx\. Voy. Berquen,
IV, 556.
BERKIIEY (Jean Lefrancq
van), poète et naturaliste, né à Ley-
de, le 3 janv. 1729, avait pour nom
de famille Lefrancq , qu'il changea
pour celui de vanBerkliey, suivant le
vœu de son aïeul maternel qui prit
so!n de sa jeunesse et lui légua une
portion de sa fortune. Fort jeune en-
44
BER
core et sans avoir ouvert un livre
d'analoaùe , il s'amusait a disséquer
des insectes et quanlilé de petits ani-
imux. L'adresse qu'il y raellait lui
oblint les suffrages des professeurs
AUainaud et Albinus et du célèbre
analomiste anglais Monro. Ces ho-
norables témois^nases l'encour;i2:è-
reut a fonder un cabinet d'anatomie
comparée. Il se livra en même temps
a- toutes les éludei qui pouvaient le
seconder dans la spécialilé a laquelle
il se vouait. A l'histoire ualurelle, a
l'analomie , il joignit les lani;ues grec-
que et latine. En 1761, il se fit con-
férer le degré de docteur et s'établit
comme médecin a Amsterdam. Alors
il ajouta singulièrement a sa réputa-
tion comme naturaliste j mais sa clien-
lelle fut peu nombreuse, et s'il s'en
affligea : on ne voit pas qu'il ail fait
beaucoup d'efforts pour y remédier.
Il prit le parti de quitter le sé-
jour de la capitale, et alla s'éiablir a
Leervliet aux environs de Leyde.
Là , il partagea son temps entre
l'histoire naturelle , qui ne cessait
pas d'être sa science favorite , et la
poésie qui jusqu'alors n'avait été
pour lui qu'un délassement , mais
qui devint une de ses occupations.
En lyy^, il fut nommé profes-
seur à l'université de Leyde ; dans
cette position nouvelle il se distingua
également comme poète et comme
savant. Mais l'exal talion de ses opi-
nions orangistes k une époque où
l'on inclinait vers des restrictions
au slalhdudérat lui .suscita des en-
nemis. Il eut a soutenir une polémi-
que vive avec le célèbre Jt-an Nomz,
et même avec d'autres. En général, il
était trop absolu, trop animé dans
l'expression de ses sentiments: il
offensait, avançait souvent des faits
hasardés et ne pouvait supporter la
conlradicliou. Cette irascibilité, ma-
BiR
nifestée par un ton tranchant et brus-
que , éclata surtout daus deux occa-
sions : la première a propos d'un point
de physique, contre M. VanLelyTfld
(il s'agissait de vérifier l'utilité de ce
procédé qui consiste a verser de Ihuile
sur une mer agitée pour la calmer et
arracher un navire au naufrage) 5 la
ieconde sur la vaccine. Berkhey ye
déclara contre l'introducllon de cette
méthode avec une àprelé qui eût gâté
même une bonne cause. De sembla-
bles querelles non seulement absor-
bèrent son temps sans utilité pour sa
gloire, mais encore éloignèrent de
lui presque tous ceux qui auraient pu
lui être utiles ; et il eut souvent k
lutter contre des embarras pécu-
niaires. En 1807 , lors de l'explo-
sion de Leyde , il fut «nseveli sous
les ruines de sa maison , d'où par
une espèce de miracle on le relira
sain et sauf. Il fut alors , ainsi que
beaucoup d'autres victimes de cette
catastrophe, logé aux frais du gou-
vernement dans la maison du Bois,
près de La Haye. Il alla ensuite habi-
ter cette ville, jusqu'k ce que sa mai-
sou de Leyde eût été reconstruite.
Ses embarras augmentèrent, et il fut
obligé de s'exiler a la campagne, k l'âge
de quatre-vingt-deux ans. Il y resta
quelques mois, et enfin sa famille se
chargea de lui. Elle n'eut pis long-
temps a s'en occuper : il mourut le
i5 mars 1812. Comme naturaliste
cl comme savant, Berkhey a laissé : I.
Expositio de structura Jlorum qui
dicunlur compositi , leyde, 1761.
C'est une thèse fort savante qu'il sou-
tint lors de sa promotion au doctorat.
II. 3Iéinoire sur les meilleurs
moyens de préparer les terres de
la Hollande , hautes et basses ,
chacune d'après sa nature , de
7tuinière à en tirer le plus grand
profit ( en hollandais). Ce mémoire
BER
rernpoiia le prix au concours ou-
vert par la société des sciences de
Harlem. Wl. Histoire naturelle de
la Hollande, Amsterdam, 1769 , 6
vol. in-8«, histoire a laquelle il donna
une suite eu i8o5. C'est l'ouvrage
qui l'a classé le plus haut parmi les
savants hollandais j les étrangersuni-
rent leurs louanges a celles de ses
compatriotes dans l'appréciation de
ce laileau aussi exact que profond de
la nature en Hullaude ; il en parut une
traduction française abrégée, en 1781,
à Bouillon , sous le titre d'Histoire
géographique, pliyslque^ naturelle
et civile de la Hollande, i vol. in-
12. IV. Une traduction de V Histoire
naturelle de i?(^£^', qui fut un de ses
modèles pour la composition de l'ou-
vrage précédent. V. IJn JMémoire
sur l'usage des cendres de la tourbe
et du bois. \ I. Une Carte du
lac de Harlem. Comme liltéraleur ,
indépendamment de certains mor-
ceaux d'apparat et qui tiennent le
milieu entre les sciences et la litté-
rature proprement dite, Berkhey pu-
blia : Vu. Des Idylles, dans les-
quelles il intjoduit des bergers et des
pêcheurs et qui commeucèreut sa ré-
putation. YllI. lu' Il loge de la re-
connaissance , poème qui remporta
le premier prix de poésie au concours
ouvert par la société poétique de La
Haye. IX. Discours en vers pro-
noncé en 1774 pour l'anniversaire de
la délivrance de Leyde , en 1574,
lors du fameux siège que cette ville
soutint contre les Espagnols. Ce dis-
cours eut h la lecture un succès pro-
digieux qui diminua lors de l'impres-
sion. X. Adieux d'un père , pièce
remarquable qu'il adressa a son fils
embarqué sur la flolle hollandaise
pour aller combattre les Anglais, et
qui assista en eflet a la balaille de
Dogger's Bank. XL Triomphe de
BER
45
la liberté batave remporté le 5
août 1781, au combat naval de
Dogger's Bank , Amslerd., 1782,
2 vol. in-8°. Ce poème est prolixe,
faible de pensée et de style , et
fort au-dessous de la réputation de
l'auteur. XH. Poésies détachées ,
1 vol. in-8° , parmi lesquelles il
faut distinguer la pièce intitulée : L.e
Pouvoir de lapoésie hollandaise.
L'auleur essaie d'y faire voir par ses
propres vers combien la langue néer-
landaise est souple, gracieuse et pi opre
à rendre l'harmonie imitalive. XIU.
Les Amours arcadiens de Dicht-
rrslief et Glooroos, ~^\N. Narra-
tions académiques. XV. Poésies
posthumes y ^d^Aam , 181 3, i vol.
in- 8^. Elles sont en général très-
faibles. On a un portrait de Berkhey,
gravé par Houbraken , d'après un
tableau peint par Pulhoven en i 771.
P— OT.
BERLEXDîS(A:^GELo), jé-
suite, né h \icence, le 22 déc. 1755,
régenta les humanités dans différents
collèges et fut nommé professeur de
rhétorique a Plaisance. Envoyé par
ses supérieurs, eu 1765 , dans la
Sardaigne , sur la dem.inde du roi
Charles-Eramaiinel III ,il contribua
beaucoup a y ranimer le goût des let-
tres et des bonnes études. H mourut
en 1793 , a Cagliari. On a de lui :
Délie poésie , Turin, 1784, 3 vol.
in- 1 2 . Le premier contient un poème
sur l'ioiaginalion, des sonnets, des
Capitoli et des épigrâmraes j le se-
cond, des odes anacréontiques ; et le
troisième, deux traijédies : la Déli-
vi'a:ice des Sardes et le 3Jartyre
de saint Saturnin. Dans le genre dra-
matique le P. Berlendis est très-mé-
diocre, de l'aveu même des critiques
italiens ; mais comme poète lyrique
il jouit d'une grande réputation. Son
style, formé surcelui des grands poètes
46 BER
anciens et modernes , a de l'éclat et
de roriginalilé. On a publié un choix
deses poésies, Vicence. i 788, in-8°.
L'abbé Fr. Carbooi a donné Véloge
de Berlendisenlalin, Cagliari i 794?
in-S'^ , réimprimé la même année a
Yicence, avec une Irad. italienne en
regard. — Bekleîîdis ( François ),
frère du précédent, mort, curé de
Saint-Michel à Vicence , en i8o3,
occupait un rang distingué parmi les
prédicateurs de l'Ilalie. On cite de
lui des Poésies Bernesqiies [Voy.
Berki, IV, 3oi), Vicence, 1789,
in-S", dont le succès prouve qu'il au-
rait pu se faire une grande lépufa-
tion dans ce genre j des Epigram-
mati rnorali, ibid., 1799, qui, Siii-
vant le P. 3Ioschini ( Letterat.
veneta del secolo X\I1I, tomel,
a I 5), n'eurentd'approbaleur qae ce-
lui qui les avait composées. W — s.
BERLICHIXGEX (Jo.eph-
Fbéd:';hic Aktoi>'e , comte de), né
le 8 février 1769, a Tvrnnu en Hon-
grie , reçut sa première éducation
sous les yeux de sa mère , tandis que
son père , alors capitaine , el qui
devint plus tard feld-marécbal- lieu-
tenant , faisait la guerre de sept ans
sous Daun et Laudon. Le jeune Ber-
licbingen alla ensuite au Ivcée de
Galotsa, puis a Œdenbourg, enfin à
Tyrnau. A quinze ans , il fut admis
a l'académie impériale des ingé-
nieurs et à l'école de tactique et de
diplomatie de A ienne. Formé par
les leçons de ces deux institutions ,
il commença en 1778 sa carrière
militaire et fit , en qualité de lieu-
tenant dans les cbe\ au -légers de
Lœvenemj la guerre de la suc-
cession de Bavière. En 1784^ il en-
tra dans le régiment des cuirassiers
de Mecklenbourg , dont le prince
George de MecklenbourgStrélilz ,
frère du roi d'Angleterre, était colo-
BER
nel. Il devint son adjudant et l'ac-
compagna dans plusieurs voyages au
nord del' Allemagne. Ce prince étant
mort en 1786, Berlichingen rentra
au service d'Autriche et fit les deux
campagnes de 1788 et 1789 con-
tre les Turcs. Plusieurs faits d'armes
attestèrent sa valeur, et il obtint le
grade de chef dVscadron dans le ré-
t;iment des hulans de Rerner. Sa
santé s'étant affaiblie par les fatigues
militaires, il obtint son congé. La
mort de son père , le besoin de soi-
gner sa fortune el le mauvais état de
sa santé le décidèrent en 1790 à
épouser une de ses parentes et h se
fixer à lagslhausen , où il se fit éle-
ver une demeure aussi commode qu'é-
légante. Son activité améliora bien
vite l'état de sa maison. 11 porta aussi
son attention sur ses vassaux, et sur-
veilla leur bien-être avec autant de
sagesse que d'utilité. 11 organisa un
service contre l'incendie , et contri-
bua de sa bourse au perfectionnement
de l'instruction publique. En 1796,
lors de l'appaiition des Français en
Allemagne , il sut par une sage me-
sure préserver sa maison et jusqu'à
un certain point ses vassaux des ma'-
beurs de Tinvasion. La connaissance
qu'il avait de plusieurs langues lui fut
fort utile en cette occasion. A l'épo-
que de lamédiation, ses terres passè-
rent en grande partie sous la souve-
raineté de la maison de Wurtemberg.
Le nouveau roi, Frédéric, le nomma
chef du cercle de Schorndorf. Dans
Ce poste secondaire Berlichingçn fit
preuve d'activité , de savoir , et son
souverain lui confia en 1809 l'admi-
nistration du bailliage de Ludwigs-
bourg. résidence d'été de la cour de
Wurtemberg. Il eut alors assez fré-
quemn)ent des relations avec le roi,
qui lui conféra le titre de grand-
Croix de l'ordre du Mérite cinl, l'ap-
BÊR
pela au conseil d'état (i 8i 4), l'éleva
au rang de comte , et enfin le nom-
ma mcoiln-e de la commission pour
le projet de constitution que prépa-
rait le gouvernement. Plus tard
Berlichingen fit partie de l'assemblée
des états de Wurtemberg. Quoique
fort éloigné de toute idée révolution-
naire, il montra, soitcomme membre
de la commission , soit comme mem-
bre des états , plus d'indépendance
que l'on n'en attendait de lui. La
mort du roi de Wurtemberg mit
un terme a sa carrière politique en
ï8i8. Lui-même, approchant de la
vieillesse, demanda sa retraite et
Toblint avec une pension. Revenu
dans ses terres, le comte de Berli-
ctingen y passa le reste de sa vie
dans des occupations paisibles. Ce
fut alors qu'il mit en ordre les archi-
ves de sa famille , dont il dressa
un arbre généalogique composé de
plus de 5oo Dom3 , tous soumis a un
examen approfondi. Il s'occupait
aussi beaucoup de littérature , et il
composa dans le même temps sa
traduction presque littérale , en
vers latins , à^ Hemiann et Doro-
thée , dans laquelle il s'est as-
treint a rendre vers pour vers la
haute et souvent mystique poésie de
Goethe. Ce qui est plus étonnant
encore peut-être, c'est qu'il avait 6i
ans lorsqu'il commença ce travail ,
imprimé a Tubiugue en 1826 , et
réimprimé trois ans après dans la
même ville. Le comte de Berlichin-
gen mourut le 20 avril i832. Sa
sœur unique avait épousé le feld-
maréchal autrichien Bellegarde.
P— OT.
BERLÏXGIIIERI ( Akdbé
Yagca), l'un des plus habiles chirur-
giens modernes, vint au mondeaPise,
en 1772. Ce fut h l'exemple de son
père ( Voy. Vacca Bbrlinghieri ,
BER
47
XLVII, 24-5) qu'il embrassa la car-
rière de l'art de guérir 5 mais trop
bien placé pour ne pas reconnaître
de bonne heure le vague et l'incerti-
tude de la médecine interne , ce fut
à la chirurgie, dout la salutaire in-
fluence se manifeste au moins d'une
manière évidente , qu'il résolut de se
consacrer tout entier. Les écoles de
Paris virent ses premiers efforts et
ses premiers succès. Desault, qui l'a-
vait distingué , ne tarda pas a se
l'attacher, et long- temps il fut l'aide
habituel de ce grand praticien dans
les opéiations difficdes. Berlinghieri
passa, vers 1795 , en Angleterre,
où il suivit avec non moins de
zèle les leçons de Hnnterel de Bell.
A son retour en Italie, il prit le
grade de docteur , et , malgré son
jeune âge , publia un ouvrage qui po-
sa les fondements d'une réputation à
laquelle ses talents comme opérateur
donnèrent bientôt un grand déve-
loppement. Cependant , peu satis-
fait encore des connaissances qu'il
avait acquises, il revint en 1799
à Paris , oii , de son propre aveu , il
gagna beaucoup du côte de la prati-
que , sans ajouter autant a ses no-
tions théoriques. Il y lut à la société
médicale d'émulation , qui les inséra
parmi ses actes, deux mémoires fort
bien faits , l'un sur les fractures des
côtes, l'autre sur la structure du pé-
ritoine et les rapports de cette mem-
brane avec les viscères abdominaux.
Dans le premier il soutint, contre
l'opinion de son premier maître ,
mais d'après des faits et des expé-
riences, que les fractures des côtes
ne peuvent pas subir de déplacement
lorsque les plans des muscles inter-
costaux sont demeurés intacts 5 dans
le second il émit l'opinion hvpclhé-
lique que le péritoine se compose de
deux lames intimement unies ensem-
48
BER
ble dans quelques poinis de leur
étendue, mais enlièremeut séparées
daus d'autres, où elles i eçoiveut entre
elles tous les viscères du bas-ventre.
Vers la fin de 1799 , il deviut
l'adjoint de son père pour les cours
de chirurgie que ce dernier faisait
à Pise , et trois aus après on le mit a
la tète d'une nouyelle école de clini-
que externe , qui n'a pas cessé d'at-
tirer un grand concours d'élèves de
tous les points de l'Italie , jusi|u'a sa
mort , arrivée le 6 sept. 1826.
Parmi les perfectionnements dont il
a enrichi l'art chirurgical , en dis-
tingue une machine compressive
pour l'anévrismede l'artère pnplilée,
une sorte de cuiller pour le trichia-
sis , un bistouri boulonné pour l'opé-
ration de la taille chez l'homme, un
instrument nouveau pour celle de l'œ-
sophagotomie , et diverses modifica-
tions apportées tant au mode de trai-
tement des fractures du col du fémur
et des fistules lacrymales , qu'a la
taille recto-vésicale , dont il lut Tun
des premiers et des plus chauiis par-
tisans. Ses principaux ouvrages sont ;
I. Ri/lessioiii sul trattato di chi-
rurgiadel sign. Bell, Pise, 1793,
2 Vol. in-8°. I[. Traité des m ila-
die s vénériennes , Paris , 1800,
in- 8°. Cet ouvrage fut revu par
Aljon, a qui on l'a faussement attri-
bué, m. Storia dell' anevvisma ,
Pise, i8o3, iM-8°. IV. Memoria
sopra V allacciatura dclV avterie ,
Pise, 1819 , io-8". V. Z)(?//« e5o/Yz-
gotomia e di un nuovo nieiodo di
csei^uirla , Vise , 1820, in-8". VI.
Istoria di una allacciatura dclV
îliaca esterna , Pise, 1823, in- 8^.
VII. Memoria sopra il melodo di
estrarre la pietra dalla vesica
orinaria per la via dell' intestino
retto ^ Pise, 1821 iu-8°. Ce mé-
moire , traduit la même année en
BER
français , par Blaquîère, fut suivi en
1822 d'un second, que Morin tia-
duisil eu français, avec le précédent
(Geuève_, 1823, in 8"), et eu 1823,
d'uu troisième sur le même sujet.
VIII. S alla litotomia nei due ses-
si, Pise, in 8". Berllughieri expose
dans ce mémoire son procédé particu-
lier pour la tadle tant chez l'homme
que chez la femme. Celui qui a pour
objt-t la guérison du Irichiasis est in-
séré dans les annales universelles
d'Omud il , 1825. J — D — N.
BERMANX (de) , avocat k la
cour sou VI rai ne de Lorraine, né a iNan-
cj en 1 74 I, fit dans cette vi'le de fort
bonnes éluiîes et remporta , a l'âge
de 19 aus, le prix de belles-lettres,
à l'académie, par un discours sur
celle question: En écrivant, c'est
moins son siècle que l'on doit en-
visager que r avenir. Il se livra a
des recherches sur l'ancienne cheva-
lerie de Lorraine, qui , appelée a
rendre la justice et "a tenir le tribunal
des assises, pouvait revendiquer,
pour chacun de ses membres , le titre
de chevalier ès-armes et ès-lois. Il
mit au jour son travail , en 1760 ,
et l'intitula : Dissertation histori-
que sur l' ancienne chevalerie et la
noblesse de Lorraine, JNancj, petit
in-8", dédiée au prince de Beauvau.
Quoiqu'on puisse reprccher a l'au-
teur d'avoir peu cousullé les ancien-
nes cliarles, son ouvrage ne manque
pas d'intérêt. On y a relevé plu>ieurs
erreurs, entre autres rinexactitude
de la lible des gouverneurs de Nancy.
Mais, à tout prendre, il n'est pas in-
digne du prix qu'il avait obtenu k l'a-
cadémie fondée par Stanislas. On
trouve une bonne analyse de cette
dissertation dans le Journal de ju-
risprudence (août, 1760 , p. 4-6).
On connaît encore de Bermaun un
Mémoire sur la terre et seigneurie
BER
de Fènestr:inge (Nancy), 1760,
iu-8". Il mourut dans un âge peu
avancé , sans avoir réalisé toutes les
espérances que ses débuts dans la car-
rière littéraire avaient d'aliord fait
concevoir. — Rermann (M ^ de) ,
sœur du précédent, fut attachée fort
jeune a la maison de la princesse Adé-
laïde , et remporla le prix des scien-
ces , au jugement de l'académie de
INaucy, par un discours sur celte
question : Est-il plus utile â notre
siècle de J'ai re des oUx'rages de
pure litlêt-ature , que d' écrire sur
la jJioraleP ^anc\, l'jèi, in-8'^ de
27 p. (i). Ce thème assez vague ,
exprimé en Icrmes ambigus n'avait
pasétédunué par l'académie, dont les
statuts laissaient aux aspirants le
choix des sujets qu'ils voulaient trai-
ter. L'orateur féminin se décida en
faveur de la morale. Ses aperçus ont
de la grâce et de la fiuesse , sans
avoir beaucoup d'étendue. Il est à
remarcpier que M. de Berraann pré-
senta au même concours un ouvrage
dans lequel il établissait cette propo-
sition . O/i est heureux par V a-
inour de son état et par Vdccom-
plissement de ses devoirs ; mais le
frère fut vaincu par la sœur. L'an-
née suivante, ils purent unir leurs
palmes académiques. Le prix des
belles-lettres fut partagé entre eux.
Mademoiselle de Bermann fut en-
core couronnée pour une nouvelle,
intitulée : hes Eaux de Plomerie
(Plombières). C'était une relation
a'iégoiique du séjour de Mesda-
mes de France en Lorraine. L'ou-
vrage qui valut a M, de Bermann la
moitié de cette couronne était un
Projet de nouveaux prix à distri-
buer ]Jour les belles actions. Ce
(i) Ce discours n été réiiiipniiip, en grande
partie , (Jans l'Wsloiie littéraire des f emmes fran-
çaises par I^a Porte tojn. V,p. Sry-5i!3.
BER
49
vœu a depuis été rempli par l'acadé-
mie française , et a reçu de nouveaux
développements par les fondations du
vénér.ible Montyon. BI. de Solignae,
secrétaire perpétuel de l'académie de
Nancv, exprima, dans la séance pu-
blique du 8 janvier 1764., l'admira-
tion qu'avait éprouvée la compagnie
ce en voyant, entre deux persomies
« du même sang, malgré la diffé-
r rence de sexe et d'éducation , une
«ressemblance aussi parfaite d'es-
«prit et de talents (2)'. * Mademcî-
selle de Berntanu remporta , en
1765^ avec l'abbé Jacquavt de Lyoù,
le secoud prix d^élqquence , à Tac?-
démie de Besancon , pour un discours
sur cette question : Combien les
mœurs donnent de prix aux talents
Le portrait de la jeune muse lor-
raine se trcuvait placé , avec celui ds
son trère, dans la salle de la société
roya'e de Nancy. Ces deux tableaux
et un grand nombre d'autres furent
livrés aux flammes, en 1792, par
des brfgauds connus sous le nom
usurpé de Marseillais. L'abbé de la
Porte, qui avait vu le portiait de la
jeune Bermann, dit qn''il rcprése?i-
tâit une jolie personne (3). Elle
épousa un gentilhomme lorrain, et
semble n'avoir plus cultivé les let-
tres. L — M — X.
BEKXAERTS (Jeaw), en latin
Bernarh'us , vit le jour a Malines,
en i568. Appliqué de bonne heure
aux belles-lettres, pour lesquelles il
avait un goût décidé, il y joignit l'é-
tude de la jurisprudence, et prit a
l'université de Louvain le grade de
licencié en l un et l'autre droit. Il
retourna eniuile à Malines , où il
exerça la profession d'avocat au grand
fa) Mémoires (inédits) Je l'aeadcmie de Nanejr^
in-fc)l., toin m, p. 394.
(j) Hisioiie ttléra re des femmes fran^niset ,
tom. V, p. 5--.
I.VIII.
5o
BER
conseil. En iSp/i, il épousa Cathe-
rine Ereiigbel , fille de Guillaume
Breugiiel, conseiller au conseil de
Brabanl , a Bruxelles , et en eut deux
enfants , qui lui survécurent , aussi
bien que sa femme , qu'il laissa veuve
le i6 décembre 1601, lorsqu'il n'a-
vait encore que 33 ans. Valère André
et Foppens , dans leurs Bibliothè-
ques^ Svveertius, dans ses /l-Zo/zz//?;.
sépiilc. et son Alliènes Bèlg., rap-
portent l'épitaphe que composa pour
lui ISicolasOudaeil, chanoine el offi-
ciiil de Maliues , laquelle n'a pas été
gravée sur sa tombe. Les connaissan-
ces de Bernaerts élaienL variées j
mais la louange le gala, et il avait
quelque droit de se surfaireson mérite,
lorsque Juste-Lipse , une des puis-
sances littéraires de l'époque, l'ap-
pelait Flos Belgarum. Il est vrai
que Juste-Lipse élail son allié, et
que ces civilités de savants ne doivent
pas être piises a la lettre, surtout
quand il s'agit d'hommes qu'ils ne re-
doutent point. Parmi les lettres de
Juste-Lipse, faites pour être mises
sous les yeux du public , il y en a seize
qui sont adressées à Bernaerts. Dans
l'une, datée de iSpy, il lui parle
d'une iranière énergique et pittores-
que de la révol;:tion prochaine qui
menaçait de renouveler la face du
monde : « Jam pridem vidimus ,
(juidquid illiid est , muiationes in
Kuropa et nobis JJciim parare, et
velut rc'fingere velle hune orbeni.
Et il ajoute, avec une sagesse qu'il
nous serait utile d'imiter : Queri ,
mollitia est , reluelari insania.
Juste-Lipse fit quelques vers à l'oc-
casion du travail de Bernaerts sur
Boëce , et composa son épithalame
en vers hexamètres. On a de notre au-
teur : L ha vie et le martyre de
Marie Stuart , reine d'Ecosse^ en
flamand Anvers, i588, in-12,
BEll
Irad. de Blackwood {f^oy\ ce nom,
IV, 5i8). II. Oratiofunebrs...D.
Joan. Hauchini , secundi I\lechli-
niensium archiepiscopi , Louvain ,
1689 , in-12. m. OrationesJ'une-
bres duce in obituni..^ TJ. Mich.
duBay, Alhensis(^ç, célèbreBaïus),
Louvain, 1589, in-12. IV. De
ïitditate legendœ historiœ , libri
Il , Anvers , 1689; ibid. , 1693,
iii-8°. Ce traité, dédié a Juste-Lipse,
a tous les défauts du maître j c'est
du reste peu de chose. V. Commen-
tarl' s in P. Statii Popinii opéra,
ad veteres codices recensita, édi-
tion estimée, Anvers, Plantiu ,
1595 , in-12 5 Leyde, 1698, in-12;
Genève, i6o5 et 16 12, in-12. VI.
Comi7ientarius in P. Popinii Sta-
tii Syh'as, ibid. , 1699 , in-12 :
el ces deux ouvrages réunis, Anvers,
1607, in-12. Ml. De Lirani op-
pidi , nb Hollandis occupati ^ pcr
Mechlinianos el Antuerpianos ad-
mirabili liberntione comnienta-
rio/us , Louvain , 1696 , in-12 ,
Malines, vers 1738,51 pag. in-12.
VIII. A. M. S. Boetii de conso-
latione philosophiœ... Jo. Ber-
nartius recensait et comnie/itario
illustravit , Anvers, 1607, in-S",
publié par les soins de Nie. Oudaert,
qui y a joint une préface. Les notes
de Bernaerts ont été insérées avec
celles de Théod. Sitzman et de Fu'né
Valliu , dans l'édition de Levde,
1671, in- 8°, 324 pages sans les ta-
bles et les préliminaires , qui con-
tiennent , entre autres, une préface
de Bertius. il — f — g,
BERXALDEZ (A^DBÉ) , his-
torien espagnol du X\ L siècle, né
à Fuentes, fut chapelain del'archevè-
que de Séville, Deza , protecteur de
Christophe Colomb, llconnul ce cé-
lèbre navigateur qui eut même assez
deconfiance eu lui pourlui laisser des
BER
papiers. Depuis 1488 jusqu'en i5i5,
époque présumée de sa mort , Bernal-
dez lut curé du bourg de Los l'jlacios.
Il a laissé manuscrite une Ilistoriade
los reyes calolicos, oir il résume eu
quatorze chipitres les deux premiers
voyages de Coloml). C'est une des
sources à consullcr pour l'iiistoire de
la découverte de l'Amérique, l'au-
leur ayant été non-seulement con-
temporain de cet événement, mais
aussi le confident du grand linrame à
qui en est dû liionneur. M. M'asing-
ton Irving fait remarquer dans sa
notice sur Bernaldez [Lifo qf Co-
lombus, t. 1\ , note 29) que cet his-
torien fait connaître mieux que tout
autre l'Iiistoire de la navigation de
Colomb. On trouve un extrait de
ce témoignage authentique dans la
Collection des voyages espagnols
par D. Navarrete. D — G.
BERXARD de Pavle, célèbre
canonisie, était né dans cette ville au
milieu du 12'' siècle. Plusieurs juris-
consultes, entre autres Pancirole ,
Kii donnent le surnom de Circa, soit,
comme le conjecture lliegger {Bibl.
juris canonici , 5o2), parce qu'il
avait écrit autour des pages du volu-
me un Commentaire sur le Décret
de Gratien , ou soit que ce fût réelle-
ment le nom de sa famille. Slais
Lglielli [Italia sacra , II, Bip) le
nomme Balbus, et cherche a prouver
qu'il était de la famille des Jiaibi, de-
puis loni^-temps illustre en Italie,
liernard s'acquit une grande réputa-
tion dans les écoles de Rome et de
Jiologuo , où , après avoir achevé ses
études, il enseigna lui-même avec
succès le droit canonique. 11 avait
sans doute profité de son séjour a
Rome pour recueillir dans les divers
dépôts Ifs pièces qu'il s'occupa plus
tard de mettre eu ordre. Ses ta-
lent.? le firent avancer rapidement
BER 5i
dans les dignités ecclésiastiques.
Nommé prévôt du chapitre de l'avie,
il succéda, vers la fin de i 191, sur
le siège de Faenza, h l'évêquejpan,
mort devant Ptolémaïs avec la plu-
part de ceux qui l'avaient accompa-
gné. L'évêche de Pavie étant devenu
vacant , en i 198 , Bernard v fut élu
parle vœu unanime des habitants 5 et
tous les prélats de la Lombardie ap-
plaudirent k ce choix. Le pape Inno-
cent III prélendit que liernard étant
évêque n'était plus éli^ible; et parut
offensé de ce que dans cette circon-
stance on s'était écarté du prescrit des
canons; mais comme il rendait d'ail-
leurs justice au mérite de Bernard ,
il finit par autoriser sa translation.
En i2o3 , Bernard fut emplové par
la cour de Rome a rattacher les villes
de la Lombardie au parti de l'empe-
reur Olhon IV. C'est a peu près la
seule fois que son nom se trouve
mêlé dans les affaires de son temps.
Dévoué tout entier a l'administration
de son diocèse, il y fit fleurir les bon-
nes études par son exemple et ses con-
seils. Il mourut à Pavie, le 18 déc.
I2i3, et fut inhumé dans l'église de
St-Lanfranc, son prédécesseur, dont
il avait écrit la T ie , publiée dans V I-
tnlin sacra et , avec des notes , dans
les Acta sanct. an 25 juin. Bernard
est principalement connu par sa col-
lection de Décrélah's , imprimée ,
en 1567 , à Ilerda (Leridaj , par les
soins du savant Ant. Auguslin [f^oy.
ce nom. 111, 64). Son but n'avait été
d abord ((ue d*^ rassembler les décrets
promulgués depuis Gratien [J^oy,
ce nom, XVIII , 334 )'•) mais , pour
rendre son travail plus utile, il crut
devoir recueillir les pièces omi>es
par son prédécesseur, et les classa
sous divers litres, comme les Insti-
tuts do .Tustiuien, divisées en cinq
livres, afin de faciliter 1 étude des
52
BER
BER
diverses malièrcs. On doit en outre
à Bernard un conimenlaire ou glose
sinlesDécrétales, intitulé : Siiinina
super capitula extravagantium.
La Porte du Theil n'ayaut pu s'assu-
rer si cet ouvrage a, comme le disent
plusieu) s jnrisconsul les, été réellement
imprimé dans quelques compilations
sur le droit; canonique, eu a donné
Tanalvse , d'après la copie de la bi-
Lliotlicque du roi, dans les J\ otites
des manuscrits , \I , 4g ? avec une
Yie de l'auteur, dont nous nous som-
mes servis pour la rédaction dtî cet
article. La bibliothèque rojale de Tu-
rin possède deux autres ouvrages de
Bernard 5 ce sont des Commentaires
sur L^ Ecclésiaste et sur le livre des
Cantiques. W — s.
BER^^\RD(LEP. Jea^), do-
minicain, naquit, en i555, aLini-
court, près deBapaume. Ayant em-
brassé la vie religieuse à Douai, il s^
consacra , quarante ans, a la prédica-
tion, et mourut le 2 fév. 1620. Il est
auteur de quebpies opuscules ascéti-
ques dont on trouvera les litres dans
les Scriptores ord. Prœdicator.^
ïi j 417. Les curieux recherchent
encore le Fouet divin des ju-
reilrs j parjureurs et blasphéma-
teurs du très-saint nom de Dieu,
etc. ; extrait de divers auteurs di-
gnes de foi ; Douai , 16 18, ])ctit in-
12 de 352 pp. Ce vohiine est divisé
en deux parties. La première contient
le Fouet des jureurs, extrait des cou-
vres du P. Vincent Mussart , reli-
gieux du tiers-ordre (i). La seconde
est un Traité àtlAConhéne du très-
(1) Le P. 1^'incirnl Ml-ssart , réforiTiateiir et
stipciieur du tiers oidre en France , elail de Pa-
ris, et y mourut le 17 aoiit 1637. De tous ses ou-
vrages dont on trouve l'indication dans les Scrip-
tor. ont. MinorumAe Wadding, 3 3o, le seul connu
est le Fouet des Jurçurs. Cet opuscule , publié
pour la première fois à Rouen , en 1C02, 111-12,
fut léimprimë à Troyes en 161 4- L'édition
doiiae« par le P. Bernard est la troisième.
saint nom de Dieu , etc. , par le P.
Bernard, dont il avait déjà paru deux
éditions j un Sermon du P. Pierre de
la Coste , Condomois , sur le second
cominandenieul du Décaloguc , et
quelques autres pièces. Le volume
ejt précédé d'une dédicace par le P.
Beruard aux échevins de Douai, dans
laquelle il leur dit : a Frappez a
a grands coups de fouet ces blasphé-
ccmateurs, lapidez avec Moïse ces
(c exécrables Décheurs , remettez les
« fers au feu pour percer avec le bou
a saiul Louis ces maudites langues ,
a etc. (2"). 3J W — s.
iîEIlXAIlï)(PiERRE), annaliste,
ué vers 1640 , à Calais , était delà
même famille que Jean Bernard ,
fameux corsaire de cette ville, qui se
signala contre les Anglais sur la fin
du règne de Louis XllL II exerçait
la profession d'avocat. Ayant fait di-
vers vovasjes eu Angleterre , il avait
eu l'occasion d'y voir plusieurs fois
la reine. Il reconnut celte princesse
lorsqu'en 1688 , elle fuyait avec son
fils pour échapper aux troupes victo-
rieuses de Guillaume , et son indis-
crétion fut cause que, pendantlesdeux
jours qu'elle resta a Calais , l'hôtel
où elle était descendue ftit constam-
ment entouré d'une foule de curieux.
Bernard parvint a la place de mayeur
qu'il remplissait eu lyoi et 1702.
Il mourut vers 1720, dans un âge
assez avancé. On a de lui : Les An-
nales de Calais, Saint-Omer . 1 7 1 5 ,
in- 1 2 5 ce volume est devenu très-rare,
u'avant été tiré qu'a deux cents eiem-
(?.) Quelques années plus tard parut sous ce
litre de t'ouel , inventé par le moine iMussarl ,
le Fouet des paillardL ou Juste punition des vo-
luptueux et charnels, coni|!osé p.ir Malhiirin le
Picard , curé de Ménil-Jourdain , et imprimé à
Ri uen , tGïj ou i6jS , in-12. Ces sorUs de li-
vres n'ont souvent de singulier qne le tiire, ce
qui suffit pour les faire rechercher par les bi-
bliophiles , qui ont rarement le courage de les
lire. V— vE.
BÉR
plaires (F". Lcnglcl-Dufrcsiioy, Blé-
moircjwurctudwrriii gloire, XI II,
5o). Les sièges que celte ville a sou-
tenus contre les Anglais y son l dcciiîs
avec beaucoiipd'exachliHle. Lenouvel
bistorien ik Calais ( le P. Lefelnre,
doclriuaire ) avoue dans sa préface
qu'il a profilé de l'ouvrage de Ber-
nard , qui renferme , dil-d , des do-
cuments précieux , et un grand nom-
bre de faits qu'on aurait clierclie's
inutilement aillnirs. Vv — s.
BER.\A11D de Varemu's
(Dom) . historien , né vers le milieu
du dix-sppliéme siècle , probablement
dans le village dont il porte le nom ,
d une famille assez disliugiiée, puis-
qu'un de ses frères seivait dansu:i des
régiments de la garde. Cet officier
étant tombé de cheval dans une ma-
nœuvre , composa sur cet accident
une ode adressée à Louis XIV, et
imprimée dans le recueil indiqué ci-
dessous, n° IV. Dom Bernard avait
embrassé la vie rcligi:nise dans la
congrégation des ihéalins qui ne possé-
dait qu'une seule maison en France ,
celle de Paris. Ses la'enls lui méri-
tèrent Taffection de ses coofrèresqni
rélevèrent a la dignité de snpériiur.
An;ès en avoir rempli les devoirs
avec beaucoup de zèl-e , il se démit
de cet emploi pour se livrer plus tran-
quillement a l'élude. Le maréchal de
Câlinât l'avait choisi pour conlessenr
et l'honorait de toute sa confiance.
Ayant eu le bonheur de passer plu-
sieur; années dans l'intimité de ce
grand homme, on espérait qu'il pu-
blierait un jour sa vie 5 mais il s'en
excusa sur ce que le maréchal avait
jeté lui-même au feu tous les mé-
moires ([ui auraient pu le guider dans
ce travail. D. Bernard est mort vers
lySo. Oa a de lui : I. / ie de S.
Gaëtan , fondateur des clercs ré-
guliers , Paris j 1698 j in- 12. H,
BER
53
Tvnilé de la reconnaissance chré-
tienne, in-i2. Cet ouvrage est cité
connne un bon livre de théologie
dans les Mémoires de Trévoux , an-
née 17 18. III. Maximes pour la
conduite du prince Michel , roi de
Bulo'arie , traduites du Qrec en
vers français , Paris , imprimerie
royale, 1718, in-/i° , de 45 pp.
C'est li traduction d'une épitiv de
Phoiius , au prince Michel. Cet
opuscule dont tfrus le« exemplaires
fureiit distribués en présent, est assez
rare • mais il a été réimprimé dans le
volume suivant. IV. Odes morales
sur plusieurs vérités de la religion;
avec des cantiques , des psaimws
et des maximes sur la conduite
d'un roi, ibid., 1722 , i«-i2. V.
Histoire de Constantin-leGrand,
premier empereur chrétien , ibid.,
1728, in-^*^. Cet ouvrage, fruit d'un
travail consciencieux, n'est pas aussi
connu qu'il mériler.îiit de l'être. La
prélace , dans laquelle Taulrur dis-
cute plusieur:-; faits iraporlanls du
règne de Coiisianliu, mérite surtovpC
d'être lue. V» — s.
BEFJ'^^AilB (Jean), médecin de
Nnntes , né le i4- mai 1702 , fit ses
études a Montpellier, et y prit le
bonnet de docteur à l'âge de trente
ans. Quelque lemj'S après il fut nom-
mé professeur dhumanilés K Sa'i-
m;ir , mais il ne conserva pas long-
temps celle place , et alla exercer
l'art de giiérir a La Rochelle, puis
vint h Paris , où il p;il le goût de l'a-
natoraie et fit des préparations sons
le célèbre Ferrein. Le désir de prati-
quer dans sa ville natale , le ramcns
k Nantes ,• mais n'avaut pu s'y faire
agréger au collège de médecine , il
revint à Paris et y reprit ses tra-
vaux analoraiques avec distinction.
La faculté de Douai ne comptait
alors qu'un seul professeur; le minis-
54
BER
tre d'Argenson voulant lui redonner
quelque lustre , créa , en i 746 , une
clidlre d'analoinie et de physiologie
pour Bernard, qui transporta dans
celle ville une collection curieuse de
pièces analouiiipies , dont il forma un
cabiuet iuléressant. II y enseigna
pendant plusieurs années , et devint
membre correspondant des sociétés
royales de médecine de Paris et de
Londres 5 mais il n'y exerça pas la
médecine , alléguant pour excuse son
extrême sensibilité. 11 était d'un ca-
ractère fort gai et ennemi des céré-
monies 5 aussi aurait-il voulu que les
grades fussent coniérés sans apparat.
Toujours il eut la probité de se mon-
trer sévère daus les examens, ce qui
contribua Leaucoup a la réputation
de la faculté de Douai. Peu d'hom-
mes ont eu l'esprit plus délié et la
lëte plus philosophique que IJernard:
il fut peu connu parce qu'il ne re-
gardait pas la gloire comme le plus
grand bonheur de la vie. Les suites
d'une hernie étranglée le conduisirent
au tombeau en 1781. Ses idées en
physiologie sont consignées daus une
série de petites disser talions académi-
ques qui n ont pas franchi les limites
cle l'école dans laquelle il enseigna 1,
et qui n'offriraient aujourd'hui qu'un
bien faible intérêt. INous n'eu signa-
lerons qu'une seule ayaut pour titre :
Frobleina pJijsiologicwn ciuii ta-
bula figuratu'a ipsii.s solutionein
exhibente , seu hjdi^auLcc corpo-
ris huinani, variis tabulis Jigura-
tii'is, dcmonsti-atn, Douay, 17 58,
1739 , in-4.". J — D — N.
BER^VAilD (Jean-Uaptiste) ,
clianolue régulier de Sainte-Gene-
viève, prieur et curé de INanteire,
naquit a Paris , en 1 7 i ô. 11 fut choisi
par sa congrégation pour professer
l'éloquence ;iu collège royal de Kan-
terre. Aspirant au double titre de
BER
poète et d'orateur, il se fit connaître
par des compositions peu étendues
qui obtinrent le suffrage des critiques
de son temps: Une Ode sur le prix de
sagesse que Louis, duc d'Orléans,
se proposait de fonder à Nanterre,
Paiis, 1741 ) iu-i2 (1) , fut consi-
dérée « comme une des meilleures
a qui eussent été faites depuis le
a giand Rousseau. 3J C'est le jugement
qu'eu porte Fréron (2)5 et s'il faut
s'en rapporter aux auteurs des Ob-
servntions sur les écrits moder-
nes (3): a Plusieurs de nos plus
«fameux beaux esprits aumirèrent
«l'ouvrage 5 celui qui est a la tête
ce des poètes que nous possédons ne
« fit point de difficulté de l'égaler
(c aux plus belles odes de Rousseau.»
INéanmoins quelques puristes y trou-
vèrent trop de hardiesse. Aujourd'hui
vraisemblablement, elle serait trou-
vée timide, et l'on regarderait avec
raison ces louanges comme exagérées.
VI Ode sur la reconstruction de l'é-
glise de Sainte-Genct'iève, que le
père Bernard fit paraître en 1755,
est loin de valoir la première. Elle
fut réimprimée eu 1764, avec des
changeraeuls et des corrections. L'au-
teur publia en même temps une nou-
velle Ode sur V apposition de la
première pierre de la même église ,
Paris, in-l'ol. et in-8". Ses autres
éciits sont : I. Oraison Junèbre de
i7ionseignei:r le duc d'Orléans
(Louis), Paris, 1752 , in- 4-°. On ne
peut souscrire aux éloges qui furent
prodigués a ce discours. L'art du r,hé-
tcur s'y montre trop a découvert, et
c'est en vain qu'ouy cherche les éinc-
tious d'une àme pénétrée de son sujet.
(i) Elle est iiiséiee dans les Observations sur
hs écrits modernes (par Dcstoulaiiies , Gianet et
Frelon), tom. XXV, p. ii3.
(2) Le'tres sur gufiijues écrits de ce lemp:, loin.
VI , p. 56.
(JJTom. XXV, p. fr3.
BER
II. Patiëgyriqnc de saint Louis ,
Paris, 1766 , in-i2. III. Oraison
funèbre de Henri de Bourbon , se-
cond du nom , prince de Coudé ,
Paris, lu-8", 1764. Ou trouve a la
tèle un précis historique de la vie du
prince. IV. Discours sur l'obliga-
tion de prier pour les rois , Pans,
1769, in-8". Le père Rernard ob-
liût quelque célébrité par ses talents
pour la chaire. (Ju cite le sermon
qu'il prononça, tn 17^7, lors de
l'assassinat de Louis XV par Da-
luiens. Il mourut à Paris le 2 3 avril
1772. L M X.
liERXAKD (Pons-Joseph) ,
un des membres les plus distingués
de Tacadéniie de Marseille, naquit,
en 1748 , a Trans , près de Dtagui-
gnan. Après avoir terminé ses études,
il entra dans la congrégation de lo-
raloire , et professa la philosoplùe et
les mathématiques. Plusieurs mé-
moires importants l'ayant fait con-
naître , il fut nommé, en 1778 , di-
recteur adjoint de l'Observatoire de
Marseille. En 1780, les étals de
Provence le chargèrent d'examiner
le cours de la Durance , afin de re-
connaître s'il existait des moyens de
fixer un lit a. cette rivière dont les
débordements causent chaque an-
née des pertes considérables. Les
observations de Bernard sont impri-
mées dans le Journal de physique,
XXII, 2 0 2-550. Eu 1786, il fut
nommé correspondant de l'académie
des sciences. A l'invitation de La-
lande , il fit des observations sur les
satellites de Saturne , oubliés depuis
70 ans 5 et ce lut d'api es ses calculs
que l'on dressa les nouvelles tables
insérées dans la Connaissance des
temps pour 1792 (Voy. la Biblio-
graphie astronomique , 671). Ber-
nard avait fait un voyage a Paris ,
pour l'impression de ses ouvrages ,
BER 55
et il s'y trouvait ci l'époque de la ré-
volution. Pendant sou séjour à Paris,
il fit insérer dans les journaux et no-
tamment 'Isns le DIoniteur, quel-
ques articles sur des (jucstions d'hy-
draulique et de mécaui(|ue. Effrayé
des premiers désordres de la rév( hi-
lion , il se relira dans la petite ville
de Bngnols . cherchant a s'y faire
oublier. Pendant plusieurs années il
ne cessa de parcourir a pied le dé-
partement du Var, observant la na-
ture du sol, ses productions, et les
recueillant dans des mnnuscrils dont
il est fort à regretter qu'il n'ait
[)U exécuter lui-même la publica-
tion. A la création de l'inslilul , il
fut maintenu sur la liste des corres-
pondants de la classe des sciences
inathéuialiques. Ce savant mourut a
Trans, le 29 juillet i8i6. Pour don-
ner une idée des travaux de Bernard,
on ne peut se dispenser de rappeler
ici les litres de ses divers ouvrages
couronnés. En 1776, ilremporlale
prix à l'académie de J.yon , pour un
mémoire sur cette question : Les
étangs, considérés sous le rapport
de la population et de t agricul-
ture, sont-ils plus nuisibles qu'uti-
les? En 1778 , il partagea le prix
proposé par la même académie, sur
les moyens de garantir les canaux
et leurs écluses de tout aliérisse-
ment capable de retarder la navi-
gation. En 1780, son mémoire sur
les Avantages de l'emploi de la
Houille , fut couronné p.ir l'acadé-
mie de Marseille (i). L'année suivante
elle lui adjugea le prix pour un mé-
moire 5///' les Moyens de vaincre
les obstacles que le Rhône met au
cabotage entre Arles etlSLirseille;
et en 1782, elle lui en décerna un
troisième pour un mémoire sur la
(i) Ou en triuvodca c.\li-. Us ilans lo loiuc 2
u
BER
Cidtnro de t olivier, quL fui im-
primé avec ceux d'Aïuorciix et de
Coulure, Aix , 1783, in-o°. ludé-
peudcumnt'Dl de ces ouvrages, on doit
à Bernard : I. Mémoire sur les en-
grais que laPrownce peut fournir
et sur la manièie de les employer,
suivant les diverses espèces de Icr-
raius , Marseille, 1780 , iu-8". IL
Mémoires pour servir à l histoire
naturelle de Provence , P:irls ,
1787 , trois vol. in-12. Le premier
volume contient un Mémoire de
Bernard sur le figuier, couroriué par
l'académie de i\larseille , en 1774. ,
et dont ou trouve uu long exlrail dans
le Journal de physique , 1786,
1 1, 45 ; des Recherches sur la na-
ture de la folle avoine, par le mé-
decin Gérard, auteur de la Flore de
Provence ; et m\ Dlémoire sur le
câprier, par Je P. Béraud. Le tome
II conlient le P.Iémoire de Ber-
nard sur l'olivier; le tome iii.
Celui du P. Béraud sui' l'Educa-
tion des abeilles. Bernard se pro-
posait de publier successivement, sur
les divers règnes deTliistoire naturel-
le en Provence, les mémoires dont il
a donné la liste dans iaverlissrmeut
à la têle du premier vo'ume , parmi
lesquels on doit citer son mémoire
sur r amandier , couronné par 1 a-
cadénne de Marseille en 1777. IIL
Nouveaux principes d'hydrauli-
que , applicables à tous les ouvra-
ges d'utilité et principalement aux
rivières ; précédés diin discours
historique et critique sur les prin-
cipaux ouvrages qui ont été pu-
bliés sur le même sujet , Paris ,
1787, in-^-"- Irad. en allemand par
Langsdorl, Francfort . 1790, in-8''.
C'est le résultai des travaux de Ber-
nard , pour encaisser la Durance et
assurer la navigalifn du Rhône de-
puis Arles jusqu'à son embouchure.
BER
Lalande en a donné l'analjse dans
\' Histoire des maLliéinaliques , par
Moiiiuc'a,III. 712. W — s.
BEilA^ARî) (sir Thomas), phil-
anthrope anglais, était le deuxième fils
de .sir Francis Bernard, baronnet. U
naquit a Jjiucoln , le 27 avril i75o,
suivit sou père en Amériipie, a l'âge
de huit ans , étudia au collège d'Iia-
vard, dans la Kouvelle-Angleterre,
et y prit le degré de bachelier. Re-
venu dans sa pairie , il se décida
pour la carrière des lois, enlra com-
me élève à Liucoln's Inu , et en
1780 débuta dans le barreau, où
il choisit pour spécialité les ques-
tion^ de transports. U acquit, dans
celte branche délicale et lucra-
tive de la jurisprudence, assez de re-
nom et de riches-es pour conclure
en 1782 un mariage avantageux et
qui le fut encore davantage par la
suite, sa femme étant devenue l'uni-
que héritière d'une torlune considé-
rable. Sir Th. Bernard ne vit dans cet
accroissement de biens qu'un moyeu
d'être utile h l'humanité. Il se relira
graduellement des affaires et ne se
l;vra plus qu'aux méditations philan-
thropiques les plus ca| ables de dimi-
nuer les maux des classes souflranles.
Rien de ce qui tendait à ce noble
but ne lui fut étranger : secours aux
pauvres , instrucliv>n aux ignorants,
encouragements aux beaux-arls , a
l'industrie el a l'agriculture, tout
était également l'objet de ses solli-
citudes j tout projet utile trouvait en
lui un patron et un coopéialeur.
L'établissement des enfants- trouvés, a
Londres , dont il fut d'abord un des
directeurs (1795), puis trésorier
pendant sepl ans, gagna beaucoup
par SCS soins, sous le rapport de la
santé, et sous celui de la considé-
ration. Ayant reconnu qu'une partie
des terrains assignés a la maison par
BER
les foucJalcnrs élait superflue, il fil
aliéner les uns , afleruicr les aulres,
el oblinl ainsi un revenu Irès-t'Ievé.
Dl's rues s'ouvrirent sur un emplace-
ment lonj^-lenips sans usage , el les
deux principales reçurent les noms de
Coram el Bernard. La société' pour
l'amélioralion de la condilion des
classes pauvres , conçue par lui en
1796 , el bientôt constituée par les
soins el les secours de l'évèque de
Durliam , de \\ ilberf'orce , de M.
Morlon Pilt el de quelques aulres
pliilanlliropes , répandit parmi les
niasses un grand nombre de connais-
sauces utiles. Non moins empressé
de les rappeler aux principes éter-
nels de la morale, il donna un édifice
qui lui r.ppartenait pour en faire
une chapelle libre, et il fit toutes les
démarches pour obtenir le ccnseule-
nienl du recteur de la paroisse et
rnulorisaliondc Tévêqiie de Londres.
Il 'es obtint en efiet. Ûloins beureuxa
Iirighton , après de grandes dépen-
ses pour un élablissement semblable,
il eut le chagrin de voir le vicaire,
s'appuvant de quelque erreur de (or-
me, s'opposer h une nouveauté qui ne
pouvait que tourner a la gloire de la
religion. Les efiorls de sir Tho-
mas furent récompensés par le suc-
cès, et il coulribua beaucoup, sans
aucun doute, a ramélioralion qui
s'est fait sentir dans les mœurs de la
porlion de Loudres la plus populeuse
et la plus adonnée aux désordres de
tout genre. C'est encore lui qui le pre-
mier appela l'altention el la pitié sur
la situation des enfants employés dans
les filatures de colon , cl dont l'usage
exigeait un travail plus long que, leur
âge ne peut lesuppoiler ; sur celle des
ramoneurs, soumis a des raaîlres dont
la brutalité el l'avarice étaient passées
en proverbe; sur celle des aveugles ,
alors dénués de tout moTcn d'ap-
BER &7
prendre, et pour lesquels il provoqua
l'ouvcrlurc d'écoles appropriées a
leur état, en publiant s.>s vues soit
pour leur insiruclion . soit pour leur
amusemeul. Bernard fut du nombre
de ceux qui favorisèrent le plus acti-
vement la propagation de la vaccine.
La littérature , les sciences , les
beaux-arts ue lui demeurèrent pas non
plus inditféreuls. En 1799, Thomson
ayant conçu le plan d'un établisse-
ment du raèrne genre à peu près que
l'institut de Trancc, Bernard seconda
ses vues a\cc un zèle, et une acti-
vité extraordinaire*. On peut dire que
sans lui l'idée de Thomson aurait été
indéfiniment ajournée ou qu'elle eût
péri entre des mains inhabiles.
Mais la considération dont jouissait
Bernard et srs relations avec tout
ce qu'il y avait de plus distingué dans
la Grande - Bretagne , appianirent
les obslaclis. De fortes sommes ,
des dons en nature, affilièrent; une
charte de fondation fut obtenue eu
1800, el l'institut royal d'Albe-
niarle-street fut ouvert. La liblio-
thèque de cet établissement est riche,
belle et bien choisie. La salle des
journaux est abondamment pourvue
de feuilles el recueils périodiques.
Les laboratoires, les cabinets de
physique et de chimie sont organisés
sur le meilleur pied ; el l'on sait que
c'est la que Davv a t'ait jes belles ex-
périences el ses immortelles décou-
vertes. Cinc[ ans après la fondalion
de la société d'Albemarle-slrcet , sir
Th. Bernard esquissa le plan d'un
autre établissement formé aussi sur
un modèle français. Ce fut ITuslilul,
connu anjourdliui sous le nom de
Galerie britannique. Ce musée con-
tient un grand nombre de tableaux
et de dessins des vieux maîtres de la
Grande-Bretagne. Animés d'une
louable émulation eiflu désir de cou-
58
BER
Inbiier a rembellissemeut d'un vrai
musée uatioual , de hauts per,>)Ouunges
euvoyèrcnt h la Galerie britannique
des pièces qui taisaieuL roruemeut de
leurs collections particulières. Cet;
établissement ne fut pas plus tôt dans
une situation prospère que sir Th. Ber-
nard voulut aussi mériter la recon-
naissance des littérateurs. Conjointe-
ment avec ses amis , il fonda le club
d'Alfred , dans le voisiuage de l'in-
stitut royal. Ce club, eu dépit du
nom qu'il porte, n'était ni une réunion
politique, ni surtout, suivant l'usage
des c!ubi en Angleterre, une réu-
nion gastronomique. Son but était
l'avancement de la littérature. Il Cit
auj'ourdhui en renom ; mais il sem-
ble avoir changé d'objet : l'excellente
compagnie que l'on y trouve n'a
point regardé comme au-dessous
d'elle une clière délicate 5 et l'on y
réunit les plaisirs de la table h ceux
de la lecture et de la conversation.
Sir Th. Bernard lui-même, sans avoir
des prétentions littéraires élevées ,
avait des droits au titre d'l;omme de
lettres. Mais l'utilité publique seule
lui mit la plume a !a maiu ; la plu-
part de ses écrits étaient distribués
a ses amis et ne circulaient que
gratuitement. En voici la liste. I.
Observations sur les procédés des
amis de la liberté de la presse ,
I 793 , ln-8°. II. Lettre à l'évéfjiie
de Dnrham sur les mesures ac-
tuellement soumises aux délibé-
rations du parlement, concernant
les progrès de l'industrie et le
soulagement des pauvres , 1807 ,
in- 8°. III. La Nouvelle Ecole j
Essai d'un exposé de ses principes
et de ses avantages , 1810, in-8°.
iV. Ij'Ecole de Barrington , ou
Notice sur cet établissement de
l'évéque de Durham , r 8 i 0 , in- 8" .
V. Notice ^' les dislribulions
BER
de poissons aux indigents dans
les manufactures, i 8 1 3 , in - 8°. VI.
Spurinna ou Consolations pour
la vieillesse , 1 8 1 3 , in- 8" 5 seconde
édit. 1 81 6 •, tioisième , 1817. C'est
le plus considérable des ouvrages de
Sir Th. Bernard, et ce livre seul suf-
firait pour le recommander àreslime.
Comme Cicéron dans le Traité de la
vieillesse, l'auteur a piisla formedu
dialogue. L'interlocuteur principal,
le panégyriste de la vieillesse est le
vénérable évèque Hough , qui se dis-
tin:^ua comme président du collège de
la Madeleine par sa résistance à Jac-
ques II, et {[ui conserva sa vigueur
d'esprit et de corps jusqu'à Tage de
92 ans. La scène se passe en 1739 ,
dans le palais deWorcesler, où il
est abordé par l'évéque de Londres,
GibsoQ et par M. Littleton. La
conversation , qui commence par des
compliments au vieux prélat , ne
larde pas a tomber sur sa vieillesse-
et alors Hough réfuie successivement
toutes les objections opposées a cette
dernière période de sa vie. 11 les
distribue eu quatre classes : i" inap-
titude des vieillards aux affaires so-
ciales et polili(]ues ; 2° inHrmités
corpoiellesj 3'^ diminution de la ca-
pacité organique pour le plaisir; 4**
état d'anxiété perpétuelle en pré-
sence de la moit ([u'on regarde com-
me prochaine. L'auteur, sans jamais
quitter le style simple et en quelque
sorte patriarcal , qui convient si bien
a son principcil personnage , an ive
souvent à des considérations très-
bautes, surtout dans la première et
la quatrième parties de la discussiim.
VIL Examen des droits sur le sel,
avec des preuves et des éclaircis-
sements, décerab. 18 1 7. L'impor-
tante question relative a cet impôt
est examinée par sir Thomas dans
tous ses détails, non seulement com-
BER
me mesure financière, mais comme
rouage de Téconuinie pulaiijue; elil
déiiiuulre Tcuormilé de la taxe, Tin-
jiiilice de la rép;irlition , la c'ierlé
des recouvrements , enfin les dom-
mages immenses causés par tout le
svsîème a l'agriculture , a l éducation
des bestiaux , aux pèclieries et a plu-
sieurs branches d iuinstrie , par des
arguments tpii nous semblent sans
ré[jlique, et ijuieneffet ont été sou-
vent reproduits , tant en Angleterre
qu'eu France , a la tribuner et par
la presse sans être ré (niés. Mil.
Méditations de l'habitant des
chaumières. IX. I}inloi^ue entre
un monsieur français et Jean l'An-
glais. X. Dsi Préfaces^ et beaucoup
de rapports de la société pour l'a-
mélioraticn de la condition des clas-
ses pauvres. — Les tentatives de sir
Thomas pour l'abolition ou la dimi-
nution des droits sur le seine se bor-
naient pas aux vœux qu'il publiait ,
ou même aux mo^eusi[u'il proposait,
pour remplacer celte branche du
revenu public 5 a diverses repri-
ses, et notamment en 1018 , sur
rinvilalion d'ui:e comraissicu du par-
lement . il multiplia ses démarches
pour cet objet. Sa santé en souffi it :
déjà gravement malade d'hvdropible
pendant rhiver de iSiykiSiB, il
reçut des médecins le conseil de se
retirer a Lcamington -Spa (comté
de M^arwick ). L'air de la campa-
gne sembla d':ibord lui être favora-
ble 5 mais cette amélioration ne fut
que momentanée , et il mourut le i""^
juillet 1 8 1 8 . Il était devenu baronnet
en I 809 , parla moi t de son frère aî-
né. Sa Vie a été écrite par le rév.
James Baker, 18 rg, iu-8'^ P — ot.
lîERXAllD de Saintes
( Adriek-x\.ntoine ) , né dans cette
ville vers 1700, était président du
tribunal de la Charente , lorsqu d fut
BER 59
nommé , par ce département , député
a l'aoseniblée lé-i-ialive dans le mois
de sept. I 791. Il vota toujours dans
cette assemblée selon les principes ré-
volutionnaires ; mais il ne s'y fit point
remarquer. Nommé en i 792 membre
de la convention nationale, il se mon-
tra , dans le procès de Louis XVI ,
nn des plus acharnés contre ce prince,
ce En ma qualité d'homme de bien,
a dit-il, je le regarde comme coupa
tt hie , et je vote sa mort. )> Dans la
question de l'appel au peuple , il s'é-
cria : a Cest trop honorer le crime
et le criminel... » Il fut ensuite
nommé membre du comité de sûreté
générale, et dénonça Brissot comme
n'ayant pas le courage d'avouer une
lettre que- cependant il avait signée.
Envoyé quelque temps après a Or-
léans avec ses collègues Guimbertau
et Léonard Bourdon , Bernard écri-
vit a la convention , pour l'informer
des tentatives d'astassinat faites sur
la personne de ce dernier 5 el sa let-
tre, dans laquelle il dénonçait toutes
les autorités d'Orléans , rléclarant
que dans cette ville tout était en
contre -révolut.oii , fut lue dans
la séance du 18 mars 1793, où
elle produisit la plus grande sensa-
tion. Bernard fut ensuite envoyé dans
les départements de la Côte-d'Or et
du Jura, pour y faire exécuter les
cruelles lois de la terreur j et l'on se
souvient encore dans ces couirées de
la rigueur avec laquelle il y remplit
son épouvantable mission. Il en eut
bienlol une aulre , dans la piinci-
pautë de Montbéliard , où il ne se
montra pas moins inexorable, il y
épura les anciennes autorités , en-
leva l'argenterie des églises , et écri-
vit à l'assemblée que , voulant de~
fanatiser le peuple , il avait fait
vendre les calices et les burettes,
afin que les citoyens pussent s'en ser-
Go
Êî-R
vir a leur laLle , et que lui-même en
avait donoé l'exempl:" en buvant dans
un calice k la sanlé de la Républiijue.
Revenu k la couveuliou, Bernard y
prit peu de part aux délibéralions.
Cependant k la suite de son long-
rapport sur le 9 thermidor , deux
jours après cet événement , Barère
le proposa pour remplacer au co-
mité de salut public l'un des trois re-
présentants qui avaient péri sur Pé-
chafaud ; mais rassemblée décida que
ce remplacement se ferait au scrutin;
et par cette voie Bernard fut porté au
comité de sûreté générale. 11 parut
alors entrer franchement dans le parti
qui avait reaversé Robespierre, et
vouloir toutefois maintenir le gouver-
nement révoiulionnaire sur ses prin-
cipales bases. A la séance du 28 thermi-
dor, il parla poui les mises en liberté 5
iiiùs quelques mois plus lard, répon-
dant, en .sa quolilé de président, k
une députalion de la société des Jaco-
bms , qui se plaignait de Teuiprison-
nemenl des patriotes, il diji.-aLacon-
*: venlion, qui a vaincu îonles les fac-
« tions, ne sera pa> arrêtée par les
«clameurs des aristocrates impu-
«{ dents; elle saura maintenir le gou-
« vernement révolutionnaire; elle
«reçoit avec intérêt les réclamations
Cl des patriotes persécutés, n Depuis
ce temps, Bernard se rattacha com-
plètement au parti des anciens comi-
tés. Plusieurs motifs d'accusation con-
tre lui avaient été trouvés dans les
papiers de Rubespierre ; et il fut
encore gravement compromis dans
la révolte de prairial an m : son
arrestation fut décrétée. Ce fut pen-
dant sa détention qu'il composa un
mémoire justificatif sous ce titre :
Bernard de Saintes , représentant
du peuple, à la convention natio-
nale^in-Z". Dans celte apologie, le
proconsul cherche surtout à se justi-
BER
fier de la mort du présiden I au par-
lement de Dijon , Micaut , ainsi (|ue
de celle des émigrés Colmont et Ri-
chard qui avaient péri sur l'échafar.d
k l'époque de sa mission dans l'a Côtc-
d'Or. On l'accusait mêm« de s'être
approprié les dépouilles du premier,
et d'avoir confisqué k son profit une
grande quantité d'argenterie des égli-
ses. La réfutation qu'il fit de tous ces
griefs nous paraît très-insuffisante,
et l'on pourrait y trouver l'aveu de
ses torts plutôt que leur dénégation.
Bernard , dénoncé dans le même
temps par Lecointre de Versailles ,
comme agent et complice de P.obes-
pierre, publia un Compte rendu sur
la partie critique de sa mission,
qui n'est pas moins curieux que le
précédent. Malgré tous ces mémoires,
Bernard ne recouvra la Hberté que par
l'amnistie du 4 brumaire an iv. Retiré
dans sa patrie , il fut juge au ! ribunal ci-
vil sous le gouvernement impérial. En
1 8 I 5 , le département de la Charente
le nomma député a la chambre des re-
présentants, où i! ne se fit pninl re-
marquer. Compris en 18 16 dans la
loi contre les régicides, i! se réfugia
a Bruxelles, y dirigea, dius un es-
prit irès-démocralique , un jourual
intitulé le Surveillant, et fit paraître
UQ ouvrage sur l'inslruclion publique.
1! est prohalle que ce fut par suite de
ces publications qu'il reçut du roi des
Pavs-iias l'ordre de s'éloigner de
ses états. 11 se rendit alors aux Etats-
Unis d'Amérique , où il est mort eu
1 8 19. — Bernard [Marc- Antoine),
député - suppléant des Boucbes-du-
Rhône k la convention nationale , fut
admis k la place de Barbaroux, le 20
août 1795 ; cinq mois après, sur la
motiou de Dubarrand,il fut traduit
au tribunal révolutionnaire , et con-
damné k moi l comme conspirateur,
le 3 2 janvier 1794 ; il n'élail âgé
BER
{|ue de trcnle-huit ans. Bernard ,
élaul adminislrateur de son district ,
avait proteste contre les évèiiemeuls
du 5i mal 1795. M — d j.
BERXARD d'Hcry , (Pier-
re), lillérateur , né en 1706, dans
unrillageprès d'Aiixerrc, dontiljoi-
gnille ncra au sien, pour le distinguer
de ses nonibreux hoinonyn:es , était
fils d'un riche marcliand de bois , a
qui celle parlie de la Bourgogne est
redevable de l'introducliou de nou-
velles raélhodes de culture qui ont
doublé ses produits. Après avoir (V'it
d'excellentes éludes, il vint k Paris
perfectionner ses connaissances 5 el,
ayant acquis une charge dans la mai-
sou du comte d'Artois , il put se li-
vrer enlièremcut a son goiit pour les
lettres. A la révolution, dont il em-
brassa les principes avec modération,
il fut nommé membre de la première
admiiiislralion du département de
l'Yonne. Député par ce département
à l'assemblée législative , il y fit, au
nom de diverses commissions , plu-
sieurs rapports importants, entre
autres sur l'organisation des ser-
vices publics et la répression de
la mendicité , dont les conclusions
adoptées ne purent cependant , à rai-
son des cil constances . recevoir même
un commencement d'exécution. Après
la journée du 10 août 1792 , il fit
décréter que les administrations dé-
partementales , élues sous l'influence
de la cour , seraientrenouvelées. Ce sa-
crifice au désir de conserver de la po-
pularité ne put le soustraire aux per-
sécutions qu'amena le régime de la
terreur. Dénoncé comme royaliste,
par le conventionnel Maure, (de
r\onne) , il n'éclappa qu'en se te-
nant ca'hé. A la création des conseils
de prélecture, en 1800 , il iul nom-
mé membre de celui de W onne ; et,
quelques années plus tard, il reçut la
BKR
61
croix de la Léglon-d Honneur. Sans
rien relâcher de ses devoirs, il con-
sacra ses loisirs a la cidture des let-
Ires et à l'embellisseraent, de sa mai-
son d'Héry , où il avait formé des
collections de livres rares , d'anti-
quités et de tableaux des meilleurs
maîtres. En i85o il fut remplacé
dans les fondions qu'il remplissait
avec autant de zèle que de capacité.
Trop sensible à celte disgrâce, il ne
s'en consola qu'en se livrant a l'élude
avec une ardeur que ses forces ne
pouvaient plus seconder. La perle
d'une épouse chérie et celle de sa
belle fille vinrent ajouter a ses cha-
grins. Pour se distraire, il se rendait
a Paris ; mais arrivé a Sens, il y fut
frappé d'apoplexie, le 25 avril i833,
à l'âge de soixanle-dix-sept ans. Il
avait eu de nombreux amis. L'un
d'eux le P. Laire, savant bibliogra-
phe , lui avait légué une parlie de ses
manuscrits. On a de Bernard d'Héry :
I. Pi éludes poétiques, Paris 1786,
in- 18. Ce volume contient des imita-
tions des poètes grecs el latins , el
la traduction en vers de VOEdipe
roi de Sophocle. II. Essai sur la
vie et les ouvrages de l'abbé Pré-
vost. Ce morceau se trouve a la tête
de l'édition des OEuvres choisiesàe
cet écrivain, Paris, 1783-85, Sp
vol. in-8'-'. Il en a été lire' séparé-
ment quelques exemplaires. III.
EHistoire naturelle de Buffbn,
réduite A ce quelle contient de
plus instructij' et de plus intéres-
sant, ih'id., 1 791-1801 , in-8°, ir
vol. Le discours préliminaire de
l'éditeur est un morceau de littéra-
ture Irès-iemarquajjlo. Le dernier
volume contient la vie de Buflon. la
table analytique de ses 0'ivras;es , et
une notice sur lVlo;itbeilIard , avec
un choix de ses œuvres. IV La Jé-
rusalem délivrée, traduction nou-
62
BER
veïle, en versfrancais , Auxerre ,
i852 , 2 vol. in-i2. Celle Iradiic-
tiori a le luérile de la fidélité ; mais
c'esl a peu près le seul. Elle n'a
élé imprimée qu'à un petit nombre
d'exemplaires que l'auteur a distri-
bués a ses amis. Bernard a laissé en
porte-feuille des chansons et des piè-
ces fugitives, dont plusieurs seraient
dignes d'être publiées. LiVSj'ournat/.v
du déparlement de l'Yonne contien-
nent sur Bernard différentes notices
que l'on a consultées pour la rédac-
tion de cet article. Vt — s.
BEIlXAilDES(DioGo}. Foj:
DiOGO Bernabdes, XI, 092
BEilXARDI (Etienne), musi-
cien , était au commencement du dix-
septième siècle maiire de chapelle de
la catiiédrale de Vérone, et [luhlia
vn traité élémentaiie sur son art, inti-
tulé Porta musicali , Vérone ,
161 5, in-^". Cet ouvrage est fort
estimé pour la claitéet la précision.
L'auteur en avait annoncé une seconde
partie , que la mort l'empêcha de
mettre au jour. — Bernardi {Fran-
çois) , surnommé Senesino , né a
Sienne , vers 1706 , fut un des pli:s
fameux chanteurs qu'ait produits la
cruelle méthode de la castration. Ce
fut a Dresde, au grand opéra de
Lotti, qu il commença à faire con-
naître son éclatante voix. Haendel,
frappé d'élonnemenl , le conduisit a
Londres, elle plaça , avec un trai-
lemeni de ([uinze cents guinées, au
grand théâtre de l'opéra , où pendant
neuf ans Bernardi excita l'admiration
universelle. H se brouilla ensuite
avec Haendel, et se rendit à Florence
oîi il fut entendu avec beaucoup d'in-
térêt, el il eut l'honneur d'j chanter
avec l'archiduchesse . qui devait s'as-
seoir sur le trù:ie de France. La voix
de Bernardi était pénétrante, claire et
flexible. Son intonation était pure , et
BER
il fut le premier de son temps pour
le récitatif. Z.
BERXARDï (Joseph-Elzéar-
Dominique), jurisconsulte et acadé-
micien, né dans un village du comtat
venaissin , appelé Monieux, le i 6 fé-
vrier lyBi, d'une famille de ma-
gistrature fort ancienne, fil ses études
h Aix , el se livra de bonne heure a
l'étude des lois, et surtout a la re
cherche de leur histoire , de leurs
causes et de leur origine. Il avait
a peine 20 ans lorsqu'il se fit rece-
voir avocat et qu'il publia un Eloge
de Cujas , remarquable par l'éiu-
dition et la profondeur des pensées.
En 1779, l'académie de Chàlons- sur-
Marne ayant mis au concours la ques-
tion de savoir quelles améliorations
il convenait de faire a nos lois crimi-
nelles , Bernardi envoya un mémoire
qui fut couronné et imprimé sons ce
titre : ISloyens d'adoucir la ri-
gueur des lois pénales en France,
sans nuire à la sûreté publique.
Chàlons, 1781, in-8°. Le prix fut
partagé entre Bernardi et Brissot de
\Varville, et les deux discours furent
réunis ensemble 5 celui de Bernardi
est surtout remarquable si l'on consi-
dère l'âge de l'auteur elle temps oîiil
païut. Les vues surtout en étaient
extrêmement sages 5 mais ce n'était
pas une subversion absolue que de-
mandait Bernardi, il désir.iit seuîe-
m.ent quebjues modifications , quel-
ques perieclionuements, que le temps
et l'expérience avaient rendus aussi
faciles que nécessaires. Encouragé
par de tels succès , Bernardi pour-
suivit avec un nouveau zèle ses re-
cherches historiques , et il publia , en
1782, sous le titre modeste à' Essai
sur les révolutions du droit fran-
çais, pour servir d'introduction à
l'étude de ce droit, suivi de vues
sur la justice civile^ l vol. in- 8",
BER
un ouvrage fort icmarquaMc , et qui
conliii)ua beaucoup K lui faire oblenir
la charge de iieutenaul-p^éuéral du
comté de Sault. Laborieux et forte-
ment constitué, il trouva le temps
de remplir les fonctions de celle
place et de coiiliniicr ses travaux
sur la législation. Il publia, eu 1786
des Lettres sur la justice cri-
minelle de la France , et sa cou-
Jormité avec celle de l'inquisition,
1 vol. in-ô" j eu i']88,]esFrincipes
des lois criminelles , suivis d' ob-
servations impartiales sur le droit
romain, iu-8°. Peu de temps après,
racadémie dis inscriptions avant
ouvert un concours sur la nécessité
d'une réforme dan.-^ nos lois criminel-
les, et particulièrement sur liuslilu-
tion du jurv, Bernardi se mit de nou-
veau sur les ran^s , et pariaj^ea le
prix avec un de ses concurrenis, et
son discours fut imprimé sous ce ti-
tre : VJ/e/no/re sur le jugement par
jury, 1789, 111-8"^. Dans tous ces
écriis, Bernardi avait demandé et pro-
voqué des réformes utiles, mais il était
loin de vouloir que tout réd.fice de
notre ancienne jurisprudence fut tout
d'un coup renversé. Lorsqu'il vit, en
1790 , cette destruction si subite et
si complète opérée par l'assemblée
constituante , il en aperçut tous les
résultats , et il blâma bautenient
celte imprudence. Dès lors il ne
dissimula plus son opposition à la
marche révolutionnaire. Cependant ,
après la suppression de sa chare^e ,
il accepta, en 1791 , une place de
juge ; mais , bien que nommé pour
sept ans, il fu'. delilué après la
révolution du 10 août 1792, et
mis en arrestation nu mois de mars
suivant. Pvendu à la liberté par le
parti fédéralisin , qui s'empara mo-
mentanément du pouvoir a Marseille,
dans le mois de juin 1795, il se hâta
BER
65
de fuir dans les états du roi de Sar-
daigne , où un de ses frères était offi-
cier 5 et il ne rentra eu France
qu'après la chute de Robespierre.
Â'omiiié peu de temps après (1797)
député au conseil des cinq cents, par
le département de \aucluse , il se
rangea , dans cette assemblée . du
parti opposé a la révolution , fut
membre de la réunion de Clichv . et
prit la défense des émigrés de Tou-
lon avec, une telle chaleur, qu'il fit
abroger une partie des lois que la con-
vention nationale avait rendues con-
tre eux. Chargé, au nom de la com-
mission d'instruction publique , de
faire un rapport sur la fête du 1^''
vendém aire (tondation de la républi-
que), il s'acquitta, dans la séance du
i3 fructidor an V, de cette mission
délicate avec beaucoup de ménage-
ment. Cinq jours plus tard , sa no-
mination fut annulée par suite de la
révolution du 18 fructidor an V
(sept. 1797). C'est a cette époque
que , voulant mettre a profit pour les
lettres 1 inactivité où il se trouva ré-
duit , il s'occupa de reproduire le
Traité de la République , de Cicé-
ron , dont toutes ses études lui avalent
fait regretter vivement la perte. Ce
fut avec les citations de plusieurs
auteurs et avec celles de l'orateur
latin luj-raéme qu'il entreprit pour
Cicéron ce que Broiier avait exécuté
avec tant de succès pour Tacite et
Freinshemins pour Tile-Live. Cette
production remar [uable parut sous
le voile de l'anonyme, en 1798 ,
in-8° , et pour la seconde fois e«
1807 , 2 vol. in- 12 , avec le nom
du traducteur. Elle reçut alors les
éloges de tous les savants ; et depuis
que l'ouvrage de Cicéron lui-même a
été découvert par les admirables re-
cherches de ÎM. IN'ai, depuis qu'on peut
lire le texte de Cicéron et lalraHuc-
€4
BER
lion c{u'(>n a faite M. Villeiiiain, l'ou-
vrage Je Bernardi est encore lu avec
inlérél |)at les savants. Dus que Bo-
uapai'te se fut emparé du pouvoir, et
qu'il voulut s'enlourer d'hommes véri-
tablement capables et probes, il con-
fia a Bernardi un des emplois les plus
irapurlauls du ministère de la jus'dcc.
L'cx-dépuié de Yaucluse ne parut
plus dès-lors s'occuper que des fonc-
tions de CL-tte place et de la compo-
siiiou de quelques écrits sur la juris-
prudence. Il fut nommé, en iSrs,
membre de la seconde classe de l'In-
stitut (ac.idémic des iuscriplions)pr.r
le choix de ses confrères. Il était en-
core directeur des affaires civiles au
ministère de la justice lors delaclmle
du gouvernement impérial, en i 8 iZf.
On ne peut duuler au il n'ait vu
le retour des Bourbons avec d'autant
plus de plaisir , qu'il dut se flatter
que le rétablissement de l'ancienne
dvnaslie ramènerait au moins eu
partie 1 ancienne législation , objet
de ses constants regrets. Son éton-
Bement fut grand lorsqu'il vil les
Bourbons eux-mêmes revenir a des
essais , à des théories que l'expé-
rience semblait avoir condamnés. Il
publia ses Observations sur l'an-
cienne constiliition française et sur
les lois et les codes du gouverne-
ment révolutionna ire-, pa^^ un an-
cien jurisconsulte , Paris, iSi^,
in- 8". Dans cet ouvrage, très-remar-
qual)le, si Ton songe a l'épcque où il
parut, il est évident que Bernardi ne
présentait l'éloge de notre anrienne
législation que comme une critique
indirecte de ce qui se faisait alors;
et celte intention fut encore plus ma-
nifesle lorsque trois ans plus tard ,
dans un nouvel écrit , il condamna
ouvertement les assemblées représen-
tatives, et déclara oue les réunions
trop nombreuses , snrtout en Frau-
DER
ce , n'avaient jamais produit que du
désordre ; que Tordre et le bien
ne pouvaient être fondés que sur l'u-
nité , etc. Celait dans son Traité
de l'origine et des progrès de la
législation J'rancaise, ou histoire
du droit public et privé de la
France^ depuis la fondation de la
monarchie jusques et y compiis la
révolution, Paris, 1817, 2 vol.
in-8'' , que Bernardi, blâmant ainsi
les opéralions de toutes les assem-
blées , laisait indirectement la criti-
que des institutions de Louis XVIII.
Dacicr , son confrère «H l'acadé-
mie, a dit, dans sa notice histo-
rique sur Bernardi , que cet ouvrage
présentait un tableau trop rembruni
des derniers temps; quelon devinait
aisément que l'auteur était de mau-
vaise humeur depuis 1789... a et il
« faut convenir, ajoute- t-il , que ce
K n'était pas tout-a-fait sansmolif. jj
Dacier aurait pu ajouter que l'on de-
vait seulement èlre étonné que cette
mauvaise humeur eut augmenté sous
le règne des Bourbons. Du reste ,
l'espèce d'opposition que Bernardi
montra depuis la restauration lut
peu remarquée du public , quoique
plusieurs journaux aient refuté ses
écrits \ mais peu de personnes les li-
saient, parce que, il faut le dire,
cet écrivain , qui possédait au plus
haut degré la probité dont Cicéron
vent que l'orateur soit doué , n'é-
tait pas aussi complètement pourvu
du talent de bien dif e , dicendi pe-
ritus, qu'exige aussi l'orateur romain .
Profondément érudit , et animé com-
me il l'était des meilleures inlenlious,
Bernardi aurait pu, s'il eut expri-
mé ses pensées d'une manière plus
brillame , exciter vivement Tat-
tention publique ," mais on lut peu
ses ouvrages , écrits péniblement
et saw aucune espèce d attraits.
BER
Les hommes qne comballait Ber-
iiardi le comprirent fort bien cepen-
dant, et il est probable que ce fut
une descausesde Tespèce de disgrâce
ministérielle où il tomba. Mis h la
retraite en 1818, cet homme de bien
cessa de travailler pour l'état , quand
ses forces et son expérience lui per-
met talent de rendre les plus grands
services , et quaud l'inslabilité des
évèuemenls et la faiblesse du pouvoir
les rendaient de plus eu plus néces-
saires. Il considéra celte décision
comme une véritable insulte, et il en
ressentit un profond chagrin, a Ce
« n'est pas sous le gouvernement des
«Bourbons, dit-il a ses amis, que
K j'aurais attendu un pareil traite-
tt ment. » Ne pouvant plus dès-lors
supporter le séjour de Paris, il re-
nonça a toutes ses habitudes, et il
allas'eDsevelir au fond de la Provence
dans le village où il était né. On
conçoit qu'un tel isolement ne put
long-temps convenir a un homme qui
avait passé tant d'années au milieu
des savauls et des hommes d'état les
plus distingués. Après avoir supporté
pendant plusieurs années cet ennui
avec la plus admirable résisiuation , il
pensait cependant a s y soustraire ; et
déjà il avait annoncé son retour a
Paris , lorsque la mort vint le frap-
per le 2 5 octobre 1824.. Les écrits
deBeruardi, outre ceux que nous
avons cités, sont : L Del'lnjluence
de la philosophie sur les forfaits
de la révolution , par un offi-
cier de cavale: ie, Paris, 1800,
iu-8". Cet ouvrage offre des dé-
tails et des rapprochements curieux.
C'était pour l'époque un langage si
hardi, que Bernardl crut devoir se
caclier sous une fausse désignation.
H. Institution au droit français ,
civil et criminel , Paris , an \i\
('799)? i"-8°. Cet ouvrage eut une
BER 65
seconde édition, augmentée d'un Mé-
moire sur Vorigine et les révolu-
tions des jugements par pairs et
par jurés en France et en Angle-
terre ^ qui a remporté le prix a l'aca-
démie des inscriptions eu 1 7 89 , Paris^
1800, in-8°.in. Théorie nouvelle
des lois civiles, où l'on donne le
plan d'un système général de ju-
risprudence et la jwdce des codes
les plusfameux,Va.r'is, 1802, in-8°-
IV. Cours complet de droit civil
français, Paris , i8o3- i8o5, 4- vol.
in-8". Cet ouvrage se compose des
leçons que Bernardi avait données
pendant plusieurs années a l'académie
de législation. V. Commentaire sur
la loi du I 3 Jloréal an XI, rela-
tive aux donations et testaments,
Paris, 1804., in-S". \L Commen-
taire sur la loi du 20 pluviôse an
Ji-II.^ relative au contrat de ma-
riage et aux droits respectifs des
époux, avec les formules des con-
ventions, etc., Paris, iBo^jin-B".
Bernardi a encore publié un Eloge
de l'historien Papon , dans le
Journal des Débats, en i 8o3 5 il a
concouru a la rédaction des Archives
littéraires , et h celle du Bulletin
de l'académie de législation. Il a
donné quelques articles au Diction-
naire de la Provence, aui 3Ié-
moires de L'Institut, cl des notices
sur des jurisconsultes à la Biogra-
phie universelle, entre autres celles
de Cujas et du chancelier de L'Hôpi-
tal, sur lequel il avait publié un Es-
sai ç\\ 1807, in-8^. On lui doit une
nouvelle édition des OEuvres de
Pothier , mise en rapport avec le
Code civil. Il a laissé inédit un ouvra-
ge sur l'origine de la T)airie. M — nj.
BER^^EIION '(le chevalier
Fr.A?<cois de), g-éiiéral français, né en
17.50 d'une famille uoj-ile, mais dé-
nuée de fortune, fut destiné de bonne
66
BER
heure h la carrière des armes, et ser-
vit (l'abord dans un régiment de ca-
valerie , puis dans la maréchaussée
(devenue gendarmerie a l'époque de
la révolution). Nommé capitaine dans
le régiment colonial de Tlle-de-
France, il servit dans l'Inde avec quel-
que distinction, et remplit avec beau-
coup de succès plusieurs missions au-
près deTippou-Sultlian et de différents
chefs des Marattes. Revenu en France
au commencement de la révolution,
il en adopta les principes , fut nommé
adjadant-général et employé eu celte
qualité a l'armée de Luckner, puis h
celle de Dumouriez où il concourut
aux victoires de Valray et de Jemma-
pes. Chargé du siège de Willems-
stadt,lors deTinvasiou delà Hollande
dans le mois de mars i795,ilneréus-
sit pas a s'emparer de cette place, et
revint K la grande armée où il montra
beaucoup d'attachement au général
en chef Dumouriez , lors de sa dé-
fection. L'ayant accompagné dans sa
fuite, il séjourna d'abord à Bruxelles,
et devint suspect aux Autrichiens qui
le retinrent en prison pendant près de
deux ans, le soupçonnant d'avoir con-
servé des rapports avec les républi-
cains français. Rendu enfin 'a la li-
berté , il al'a a Londres où il ne fut
pas plus heureux : il y mourut dans
l'obscurité et presque dans la misère,
vers le commencement de ce siècle.
M— DJ.
BERNIIARDT, bibliothécaire
du roi a Munich , remplit pendant
quarante ans les fonctions de cette
p'ace, et fut décoré de l'ordre du
mérite civil de Bavière. On a de lui
plusieurs ou\Tages importants, entre
autres : L Codex traditionum ec-
clesiœ Ravennensis in papyro
scriptus. IL Essais sur l'histoire
de r imprimerie ^ qui font partie du
recueil intitulé Matériaux pour
BER
seiviràVhistoii'c de la littérnti/re,
publié sous la direction du baron
Ch. d'Aretin. Bernhardt est mort a
Munich, le 26 juin 182 I . Z.
BERMER, trouvère du i3'
siècle, célèbre par son talent pour la
poésie et par celui de conter agréable-
ment. La seule pièce que nous con-
naissions de lui est un fabliau , tiré
du manuscrit de la bibliothèque
royale, numéro 7218, et dont les
premiers vers manquent. Elle est in-
titulée : la Housse partie , et im-
primée au tom. IV, p. 472-4-85 du
recueil de Méon. Legrand d'Aussy,
qui l'a traduite librement en prose ,
{Fabliaux , édit. in-8° , lom. III ,
pag. 220-228) , lui donne pourtitre :
Le Bourgeois (C Abbeville , aliàs ,
la Housse coupée en deux. Comme
la scène est en Picardie , il est pos-
sible que l'an leur soit né dans ce pays,
ce que le style semble indiquer aussi.
Bernicr débute par un prologue où
il remarque que ceux a qui la nature
a départi quelque esprit devraient
s'exercer à enromancier toutes les
aventures jolies qu'ils apprennent.
C'est, dit-il , ce que faisaient le?
anciens trouvères , taudis que les
modernes , devenus paresseux , se
contentent de leurs vieux contes.
Pour lui , il veut offrir du neuf a ses
lecteurs. Un père , afin de marier
son fils plus avantageusement, con-
sent a lui abandonner tous ses biens.
Il reste plus de douze ans avec ses
enfants, sans avoir lieu de se repen-
tir de sa générosité. Mais la vieillesse
le rend a charge a sa famille. Sa bru ,
qui gouvernail son raari , le décide
a rcnvovcr leur bienfaiteur. Ki lar-
mes ni prières ne peuvent changer
cette résolu lion. Tout ce que le pauvre
homme obtient d'un fils ingrat, c'est
une housse de cheval pour le garantir
du froid. Ce fils avait lui-même un
BER
cufanl creuvirun douze ans , qu'il
charge d'aller cboisir la meilleure
housse 5 mais l'espiègle , avant de la
donner , la coupe en deux et en garde
la raoilié. Interrogé par son père sur
les motifs de cette action , il lui ré-
pond quc^voulant suivre sou exemple,
il garde la moitié de la housse pour
la lui donner quand il sera vieux.
A cette repartie , le père rentre en
lui-même , et restitue au vieillard
tous ses biens. Legrand d'Aussy re-
marque que ce conte est dans le tome
troisième du Novelliero Italiano ,
et qu'on le retrouve plus ou moins
altéré dans les Fables de labbé Le-
monnier, dans les Histoires plai-
Sdiites et ingénieitses , dans le li-
vre des Abeilles , de Tliomas Can-
timpré , dans le JJoctnnal de sa~
pience , etc. Le théâtre s'est em-
paré également de ce sujet; on ea
lit en I 54-0 le iMirouer et Exemple
des Jils ingrats , tilre qui rappelle
celuid'unecomédiedePiron. Conaxa
et \es Deux Gendres roulent sur une
intrigue analogue. R — r — 6.
BERNIER (Jean), prévôt de
V^alenciennes, se rendit célèbre, ainsi
que sa famille , par sa fortune et sa
magnificence. £n i333, Louis de
Nevers , comte de Flandre , se pré-
parant à faire la guerre au duc de
Brabant, vint , accompagné de Sfj
confédérés, k Valenciennes, pour s'y
concerter avec le comte de Hai»
naut Guillaume I*''. Ce prince , qui
se trouvait malade dans son palais
appelé la Salle , requit Jean Der-
nier de traiter tous ces hauts person-
nages , parmi lesquels ou comptait
Jean , roi de Bohème. Pendant qu'on
était à table , Philippe, roi de Na-
varre, descendit k l'hôtellerie du Cy-
gne. Aussitôt qu'il en fut informé,
Bernicr alla le supplier de se joindre
au reste de ses convives. Philippe
BER 67
accepta cette invitation et s'étonna
d'être traité avec tant de luxe et de
délicatesse chez un simple particulier.
A ce repas on but dix sortes de vin
que Bernier avait de provision en
son hostel , et de ceux k qui le trou-
vère Henri d'Andeli fait disputer le
prix dans sa Bataille des vins. L'as-
semblée était composée de deux rois ,
de huit comtes souverains du pays ,
de vingt-quatre de ses principaux sei-
gneurs , et de dix des plus notables
bourgeois de la ville , chacun ayant
une dame pour compagne. La mé-
moire du banquet de Bernier était
encore populaire quand écrivait d'Oul-
treraau , c'est-a-dire en lôSp. Cet
historien nous apprend que les Ber-
nier et quelques autres négociants
avaient acquis tant de crédit dans
Valenciennes , que leurs maisons ,
qui étaient fortes et bien munies ^
jouissaient du droit d'asile. Guil-
laume II , comte de Hainaut , persé-
cuta les Bernier , dont le chef, Jean
le vieil , a qui est consacré cet arti-
cle , mourut en i34i. Ses obsèques
répondirent k l'éclat de sa vie ; neuf
abbés y assistèrent vêtus pontificale-
ment. Les Bernier avaient leur cha-
pelle sépulcrale dans l'église de l'ab-
baye de Saint-Jean. En i54o un in-
cendie la ruina, et l'abbé i-acheta le
droit que leurs descendants pouvaient
y avoir. Une pauvre villageoise , hé-
ritière principale de cette famille qui
avait autrefois possédé tant de riches-
ses , en céda tous ks litres et vendit
Paction qu'elle avait sur cette cha-
pelle pour un huitel on huitième par-
tie d'un hectolitre de blé ! Enlisant
de pareils détails, on n'estpas surpris
que les bourgeois de Valenciennes
contemporains de Bernier aimassent
mieux être appelés honorables que
nobles. R — f — g.
BERNIER (le P. Fr^Çois),
5.
66 BEA
dominicaki, né vers i58o , a Pont-
sur-Yonne^ embrassa !a vie religiruse
à Sens 5 et, après avoir achevé ses
éludea au couvent de la rue Saiut-
JacqiU's , fut reçu docteur en Sor-
bonne. Il était prieur de la maison de
«on ordre a Kevcrs , lorsqu'il mil au
jour un opuscule iulilulé ; De llo-
minum prima l'alione vivendi ,
éSens, i6 10, in-i2 de XXXI1-2 0 2 pp.
Aorès avoir recherclié la manière de
vivre des premiers hommes , l'auteur
examine les causes de la longévité
fiue les livres sainls leur atlribuent ;
et il prouve, parle témoignage d'une
foule d'écrivains anciens el modernes,
qu'elle était due 'a leur sobriété. Ce
curieux opuscule est devenu très-rare.
Voy. les Scriptores ordin. Prœdi-
cator. des PP. Quétif et EcLard ,
II, 57 3. , W— s.
BiiRNIERES-LOUyiG^iY
(Jean de) , gentilhomme d'une des
plus anciennes maisons de la Norman-
die , né a Caen , en 1602 , fut un
de ces hommes rares qui osent obser-
ver dans le monde les plus sévères
pratiques de la religion. IS'ayaul em-
brassé ni le sacerdoce ni la vie reli-
gieuse , sa piété n'en fut que plus re-
marquable. La nature et la fortune
l'avaient comblé de leurs plus hautes
faveurs j et dès sa plus tendre jeu-
nesse il ne se servit de ces avantages
que dans des voes de charité et de
dévotion. Ouïe vit plusieurs fois tra-
verser la ville de Caen, portant a l'Hô-
icl-Dieu des malades sur ses épaules !
Devenu trésorier de France, à Caen,
il ne changea rien a ses pratiques
de piété , et vécut dans le célibat.
S'étant mis sous la conduite du père
Jean-Chrysostôme (i), il fit encore
(i) Le p. Jean-Chrysoslôme, né à Saiiit-Frù-
mtiQd , diocèsf de Bayett* , en i5ç)4 , fit pro-
fession à l'àjc de iS ans , dans l'institut du tiers-
ordre de Saint-François, à Picpus , et se rendit
util* Il sa co0gtrég«ti<m ttji»* H «terin» bu Ues
BER
des progrès plus sensibles dans la voie
de la perfection. Ce fut par le conseil
de ce directeur qu'il fil bâtir une mai-
son dans la cour extérieure du mo-
nastère des Ursulines de Caen , dont
sa sœur, Jourdaine de Bernières,
était fondatrice et supérieure. La,
Bernières vécut retiré , ne sortant
que pour les affaires de sa charge ou
pour les bonnes œuvres auxquelles il
prenait part. Celle maison s'appelait
V E rmiLage , et ce nom désignait
bien le genre de vie de Bernières et
de ses amis , qui s'y étaient égale-
ment retirés. Les fonctions ordmai-
rcs de ces associés étalent de visiler
les hôpitaux et de servir les malades,
donnant au dehors l'exemple de la
charité et de la modestie j tandis
que, dans l'intérieur , leur vie était
contemplative et toute consacrée à
l'oraison. Quoique Dernières ne fût
que simple laïque , plusieurs per-
sonnes pieuses se mettaient sous sa
conduite et suivaient sa direction.
Il était membre de la congrégation
de la Sainte-Yierge , érigée chez
les Jésuites, et il avait «ne estime
particulière pour ces religieux. Sa
vie privée était celle d'un pénilent
ûustère : il ne mangeait que du pain
noir comme les paysans de la ISor-
maudie. Sa vaisselle était de terre
comme celle des capucins ; il ne vou-
lait dans sa chambre aucune tapisse-
rie. Enfin , malgré l'opposition de ses
parents , il se dépouilla de tout en
faveur de ses neveux, consultant en
cela uniquement re>prit plutôt que la
lettre de l'Evangile , ayant des rai-
sons particulières d'agir ainsi. La
pin» bfaux ornements. La rie intérieure el l'hu-
inîlité faisaient ses délices. Il coinpôsa difTérents
opuscules de pieté, Sous ces titres : Des cent
noms divins ; De îa tJnte-puissance de Dieu; De
la sainte abjection ; De la Beauté divine et De tu
Déioceupatioit des créatures , «te. ; quelques Vies
de sainls, et de personnages édifiants. 11 mou-
rut le tè atvi xd4€- Èoadon a dooDc »a tie.
BER
morl (lu pieux trésorier fut digne de sa
vie. Le 8 mai 1659, il n'avait eu
aucune alleinle de mal. Le domesli-
oue cliargé de l'averlir lous les soirs
que le temps de sou oraisoii elait tini
(parce que sans celle iirécaulion il
aurait donné à La prière le temps qu'il
devait au repos) , le domestique ,
disons-nous, étant venu pour s'acquit-
ter de sa commission , Reruièrcs le
pria avec douceur de lui donner encore
\\\\ momentj le moment fini, le domes-
tique entre et trouve son maître a
geuouK et sans vie. II n'était âgé
que de 57 ans. Son corps fut inhumé
chez les Ursnlines ; et, suivant son
détir, son épitaplie consista dans ces
mots : Jésus-Christ est mort pour
tous les hommes C'était la devise
qu'il avait fait graver sur son cachet.
Peut-être avait-il affecté de la pren-
dre pour montrer son opposition a
l'erreur iansénienne qui commençait
à se répandre. Dernières a-t-il, dans
ses œuvres , renouvelé les erreurs
enseignées et désavouées par Mala-
val , on préludé a celles de l'illustre
Fénelon ? Pour répondre a cette
question, nous allons donner quelques
détails bibliographiques qui ne seront
pas sans intérêt. Bernières n'avait
rien publié et môme n avait rien écrit.
Par obéissance, et a cause de la fai-
blesse de ses yeux , il dictait a un
ecclésiastique , et il forma ainsi de
volumineux manuscrits. L'année mê-
me de sa mort , Cramoisv, imprimeur
k Paris , donna un extrait de ses let-
tres sous le titre de V Intérieur chré-
tien, qu'il divisa en quatre livres ,
et ce volume eut nn grand succès.
Peu (le temps après , Claude Griver,
libraire a Rouen, donna le même
ouvrage un peu amplifié , sous le ti-
tre de Chrétien intérieur, âivisé
en huit livres; mais, par arrêt du
conseil d'état j du 12 ncv. 1660.
BER
69
il fut obligé de céder son édition a
Cramoisy , et l'ouvrage est resté sous
ce titre. Il eut en onze ans douze
éditions qui ne purent empêcher les
éditions furlivcs. Une quatorzième
édition fut donnée h Paris , par la
veuve Martin, en 1674, in-ï2. Alors
Jourdainc de Bernières obtint un pri-
vilège pour publier les écrits de son
frère , dont une partie parut chez
Cramoisy, en 1670, sous ce titre:
Les OEui'rcs spirituel/es de M. de
Beriiières-Loui'igny, i vol. in-S",
par les soins du P. Robert de Saint-
Gilles, minime. L'autre ouvrage avait
• r r ° 1
toujours ele anonvme , et quelques
éditions furent soignées par un capu-
cin, le P. Louis-François d'Argen-
tan. Le Chrétien intérieur doime
dans sou titre l'idée véritable do ce
qu'il est. Les OEuvres spirituelles
sont une suite de maximes et de let-
tres , sur les trois états de la vie qui
mène à Dieu. L'un et l'autre étaient
munis d'approbations honorables, et
cependant Tun eJ l'autre ont été misa
PinJex comme quiétisles : le Chré-
tien intérieur \e 3onov. 1689, et
les OEuvres spirituelles le i c) mars
1692(2). Cette dernière circonstance
prouverait peut-être que ce n'est pas
à cause des défauts possibles dans la
version italienne que le Chrétien in-
térieur a été condamné a Rome , où
il avait été bien re(:u d'abord. En
1781, un nouvel éditeur donna, k
Pamiers , le Chrétien intérieur, en
2 vol. in- 12 , où il se flatte d'avoir
corrigé l'ordre des matières et les
expressions qui pouvaient sentir le
quiélisme. C'est donc a celte dernière
édition que doivent s'en tenir les per-
sonnes pieuses qui affectionnent ce
(i) Nous metlons 1692, quoique la Biè/i'oiltèi/ue
jansénisle àisi: iCjfia; car comment accordei' cette
cleriiiùre date avec r(;cUtif>t) du livr.e<lui ne parut
ijiL'cn i(ï';o '
^o
BER
livre célèLre j et l'on doit con-
venir que les erreurs ne peuvent
être rejetées sur Beruières, qui les
eût d'ailleurs rélraclées sur - le -
champ. L'éditeur devait encore tirer
des manuscrits du pieux trésorier les
ouvrages intitulés ainsi : i° Médita-
tions pour ceux qui commencent ,
etc. 2.°. La vie de la foi et de la
grâce. 3°. De la raison et de ses
degrés. 4°- Les plus fâcheuses
difficultés dont la vie mystique est
combattue. 5°. La vie de 31. de
Bernières , écrite par lui-même ,
etc. Aucun de ces ouvrages n'a paruj
le dernier aurait surtout été d'autant
plus intéressant, qu'aucun diction-
naire historique n'a mentionné le
pieux laïque. L'auteur de cet article
se propose de donner une place im-
portante à Beruières dans un re-
cueil de JSouvelles vies édifiantes.
B— D— E
BERXIXI ( DO.MIKIQUE \ , fils
aîné du cavalier Bernini ( ï^oy.
ce nom, IV , 309), fut chanoine
de Sainte-Marie -IMajeure , et pré-
lat de la cour de Rome. Il est au-
teur d'une Histoire de toutes les
hérésies j depuis saint Pierre jus-
qu'au pontificat d'Innocent XI , Ro-
me , 1705 et suiv., 4- vol. in-fol.
C'est l'ouvrage le plus étendu qu'il y
ait sur l'Jiistoire générale des héré-
sies , et il est assez exact , mais peu
connu en France. Il a été abrégé par
Joseph Lancisi, et publié k Rome en
4 vol. in-i2. C. ï — r.
BERNO (Joseph), fils d'un chi-
rurgien, naquit en 1788, à Moncri-
vello, dans le Vercellais. Il fut élevé
a Ivrée , où il se montra toujours le
premier de sa classe. Etant venu k
Turin pour suivre les cours de phi-
losophie et de médecine , il y reçut
le doctorat en 1809 1 ^^ f"*- nommé
répétiteur aa collèg» des Proviaces
BER
pendant le temps de sa clinique. Il a
écrit en italien Sur V efficacité des
eaux de Courmdieur et de Saint-
Didier, avec des observations sur
les maladies et l'usage des bains,
Turin, 18 17, in-8°. Cet ouvra-
ge fut analysé dans le Spcttatore
Italiano , qui fit observer que les
moyens proposés par l'auteur pour
guérir , avec les bains minéraux ,
la terrible maladie de la lèpre , sont
dignes d'un grand praticien, et une
découverte importante. Le journa-
liste ajouta que le docteur Berno avait
non seulement réuni dans son ou-
vrage toutes les observations faites
sur l'établissement de Courmaïeur ,
mais qu'il avait donné des renseigne-
ments intéressants sur les eaux sali-
nes-flogo solfates, dites de la Sa-
xe, qui^ sont fréquentées pour diffé-
rentes maladies. Ce médecin actif et
intelligent mourut en 1818, a la
fleur de l'âge. G — G — y.
BERXOULLÏ (Jérôme), na-
turaliste, naquit, en 17^5, kBàle,
d'une famille illustre par le grand
nombre de savants qu'elle a produits
{Voj. Bersoulli , IV, 520). Son
père joignait a Texercice de la phar-
macie le commerce des drogues , et
jouissait dans toute la Suisse d'une
grande réputation de savoir et de
probité. Après avoir achevé ses étu-
des avec succès au gymnase et k l'aca-
démie de Bàle , le jeune Bernoulli
devint l'associé de son père j mais,
entraîné par son penchant , il profi-
tait de ses loisirs pour cultiver l'his-
toire naturelle 5 et avant l'âge de
vingt ans , il avait déjk recueilli des
échantillons de luinéraux, qui furent
la base de son cabinet , un des plus
riches delà Suisse. Dans un voyage
qu'il fit pour son commerce, en 1766,
il vit les plus célèbres naturalistes
de France, de Hollande , d'AUcma
BER
gne; el dès lors il ne cessa d'entre-
tenir avec eux des relations qui
tournèrent au profit de son cabinet.
Quoique aucune des parties de l'iiis-
toire naturelle ne lui fût étrangère ,
il s'appliqua cependant d'une manière
plus spéciale a la minéralogie, et on
lui doit d'utiles observations consi-
gnées daus les journaux, ou dans les
recueils des sociétés scientifiques de
la Suisse. Honoré de l'esliuie géné-
rale , il remplit successivement diffé-
rents emplois , et fut enfin nommé
président du conseil de Bâle, charge
dont il ne se démit que peu de temps
avant sa mort. Bernoulli mourut ,
en 1829, a 84 ans. Son beaucabinel,
ofiert par ses héritiers au gouverne-
ment , fait partie du musée de Bile.
UEloge de ce modeste savant a été
prononcé dans rassemblée de la so-
ciété suisse , pour l'avancement
de l'histoire naturelle , tenue a
Saint-Gall , en i85o. W — s.
BERXWARD, évêque d'Hil-
desheim , amateur des arts et artiste
lui-même , naquit k Hildesheim ,
dans la Basse-Saxe, entre les années
cjSo et 955. Il était neveu par sa
mère d'Adalbéron , comte palatin ,
et parent de Tangmar , homme dis-
tingué par ses connaissances , chanoi-
ne et primicier daus le chapitre d'Hil-
desheim , et chargé de la direction
de l'école attachée à ce chapitre.
C'est a Tangmar que l'éducation de
Bernward fut confiée. Soit qu'il fût
généralement d'usage 'a l'école d'Hil-
desheim , comme dans beaucoup d'au-
tres du même temps, d'instruire des
jeunes gens dans les arts utiles à la
décoralion des églises , tels que la
peinture, la sculpture, l'architec-
ture, l'orfèvrerie, l'art de la mo-
saïque, et celui de mouler les dia-
mants: soit que Tangmar eut lui-même
cultivé cette branche des couuais-
BER
Vt
sances humaines par un goût parti-
culier, ilinllia son élève dans les arts 5
et celui-ci, que favorisaient ses dispo-
sitions naturelles, y obtint de rapides
succès. Il devint peintre, sculpteur,
orfèvre , ouvrier en mosaïque ; il
montait les diamants, et ne copiait
pas moins habilement les manuscrits ;
danslasuile, dit son historien , il dé-
veloppa même les talents d'un archi-
tecte. Picturam etiamliniate exet^
cuit, . . . onuiique structura mirificè
excelluit , ut in plerisque œdijiciis
quœ pompatico décore composuit,
post quoque cîaruit ( Tangmar ,
ap. Leibnitz, Script, rer. Brunsw.,
tom. i,p. 442). Après avoir ter-
miné ses études et avoir été ordonné
prêtre . Bermvard alla demeurer au-
près de son aïeul Adalbéron. Il s'at-
tacha ensuite au service du jeune em-
pereur Othon m, alors âgé de sept
ans , et fut chargé de son éducalion,
sous l'inspection de Théophanie , im-
pératrice-mère et régente A la mort
de cette princesse, il dirigea seul l'in-
struction d'Olhon III , et eut la plus
grande part au gouvernement de l'é-
tat. Le célèbre Gerbert , devenu
quelque temps après pape sous le
nom de Sylvestre II, donnait à
Othon des leçons particulières , mai»
il ne paraît pas avoir été jamais
chargé de la direction de ses études.
En 993 , Bernward fut nommé a l'é-
vèché d'Hildefslieim. Les soins qu'il
continua de donner aux affaires nu-
bliquesne l'empèchcreut pas de s'oc-
cuper de celles de son diocèse el parti-
culièrement de l'embellissement de sa
cathédrale. Il accompagna Othon en
Italie, oiJ, suivant sou historien , sa
modération servit plusieurs fois a
tempérer la colère de son élève contre
les habitants de Tusculuiu et contre les
Romains. Il est possible que la magni-
ficence de Rome ait accru sa pas
92
BES.
KÏon pour les arts, quoiqu'il en soit,
Téglise (i'Hildesheim uc larda pas
à s'embellir non seuleinent par son
influence, mais encore par son lia-
hileté personnelle. Il enricliit de
peintures les inurs et les plafonds^
exquisitd ac lucidd picturd tain
parief.es quam laquenria exorna-
but.W répara des peinlures auciea-
n€s et leur donna, dit son historien ,
tout l'éclat de la nouveauté « ex
veteri novani putares.-» Les pavés
de plusieurs chapelles se couvrirent
de mosaïques 5 il exécuta en même
temps plusieurs pièces d'argenterie,
le tout de sa proipre raaiu. Jamais il
ne laissait échapper l'occasion d'ac-
quérir soit des vases précieux , soit
d'autres objets propres à relever la
magnificence du culte. Il forma aussi
uue bibliothèque composée d'ouvra-
ges tant profanes que sacrés dont il
donna l'usage aux personnes stu-
dieuses. Mais il fit plus encore pour
étendre le goût des ai ts. S'étant at-
taché quelques jeunes gens eu qui
il avait reconnu des dispositions ,
il les conduisit avec lui dans ses
Toyagesj il leur faisait étudier et co-
pier ce qu'il rencontrait de plus di-
gne de remarque , et en exerçant
ainsi leur jugement et leur main ,
il en faisait des artistes capables de
lui succéder et d'étendre plus loin
qu'il n'avait pu le faii'e lui-même
le perfectionnement <te tous les arts.
Un calice qu'on dit avoir été en
or , ou en argent doré , et du
poids de vingt livres, ouvrage de sa
main , se voyait encore dans le tré-
sor de l'église de Saint-Michera Hil-
desheim, au commencement du siècle
dernier. Ce prélat mourut le 20 nov.
1025 , et fut canonisé en 11 93. On
ne peut douter que les écoles de
peinture allemandes du moyen- âge
pe lui aient dû une partie ^^ leurs
BER
progrès. Sa vie est une preuve de
plus de l'application qu'on .ipportait
a l'étude des arts, k une époque où
tant d'auteurs ont cru faussement
qu'elle était abandonnée. Ec — Dd.
BEHOXIE (Nicolas) , philo-
logue , né, a Tiille , on 17^2 , em-
brassa l'état ecclésia&liquc , et h la
suppression des jésuites , fut nommé
professeur d'humanités au collège
de sa ville natale, place qu'il remplit,
vingt-cinq ans, avec un zèle infati-
gable. En récompense des -services
qu'il avait rendus dans l'enseigne-
ment , on voulut le nommer à une
cure d'un revenu considérable 5 mais
ilsollicilalui-même uneparoisse plus
petite , aiiu d'avoir plus de loisirs
pour se livrer a ses goûts studieux.
A la création des écoles centrales, il
fut élu bibliothécaire de celle du dé-
parlement de la Corrèze , et il s'em-
pressade disposer dans un ordre con-
venable les livres dont la garde lui
était confiée. Ces écoles ayant été
remplacées par les lycées , la place
de Béronie se trouva supprimée. Il
revint alors avec une nouvelle ardeur
aux études grammaticales et philolo-
giques. Deuuis long- temps il rassem-
blait des matériaux pour un diction-
naire du patois limousin. Ce travail
lui fournit l'occasion d'entrer en co^r-
respondance avec M. Raynouard , de
l'académie française , dont il reçut
d'utiles conseils et des encourage-
ments. Sur le rapport de M. Ray-
nouard, le ministère avait accordé des
fonds pour la publication de cet ou-
vrage , et l'impression en était com-
mencée, lorsque Béronie mourut à
Tulle, au mois de déc. 1820. M. J.-
Aug. Vialle , un de ses amis, fut
désigné par le préfet du dépar-
tement , pour terminer la publication
de l'ouvrage qui parut enfin sous ce
titre : Dictionnaire du patois du
BËft
Bas-Limousin , et plus particuîiù-
rentent des environs de Tulle, elc.
Tulle , 1825 , iH-4-° de 554 p^'S'^s •>
non compris les prélimiiiairts. Il est
précédé d'une courle notice sur l'au-
leiii". La préface offre des recherches
ii;téressnn1es sur l'origine dw palois
liinoHsin, (^ue Béraaie fai[ dériver du
roman ; des rera-arq^-es grammal-ica-
les el orlliographiques , digu«s de
fixer l'altenlion des lingui&les, et
enfin di's objervatioD* iuc les mots
partieuli<?rs a ce dialecte, -et dont les
équivaleals daus le français n'ont ni
la mêiiK" grâce ni la tnéme énergie.
Dans la Dictionnaire ch.-iqiie mot est
accompagné de signes prosodiques
qui «+) défermineflt la prononciation,
et suivi de sa définillon d'après les
autorités les pUis respectables. L'ou-
vrage est tern:iné par une table des
gasconismes ou fautes coTilre la lan-
gue les plus communes aux habitants
du Llfftousin. M. Ravflouard en a
reftdu «fl compte très-favorable dans
le Journal des savants , février
1824. C'est une des sources les plus
aboadautes où peuvent puiser les per-
sonnes curieuses de connaître les ori-
gines de la langue française. W — s.
BERRi (Marie-Louise-Elisa-
BETH d'Orléans, duchesse de ) , née
le 20 août 1695 , était l'aînée des
filles de Philippe duc d"Orléans ,
depuis régent de France , et de Fran-
çoise-Marie (Mlie de Blois), fille lé-
gitimée de Louis XIV et de Mme de
Blonlespan. A l'âge de sept ans, elle
eut une maladie dont les médecins
désespérèrent de la guérir. Le duc
d'Orléans, qui n'était pas étranger a
cet arl, entreprit de 'a traiter asama-
nière, et réussit. De la cette affection
pour sa fille aînée, qui ne fit que croître
avec l'âge, et dont l'excès ne donna
que trop de prise a la malignité des
courtisans et du public. La Jeune
mA
93
priuccsse, en butte d'aoe pari auK
duretés d une mère jalouse, de Tau lie
à l'excessive indulgence de son père ,
dut a ce conflit la plus mauvaise édu-
cation , ainsi que nous l'apprennent
les mémoires de la duchesse douai-
rière d'Orléans , grsnd'mère de la
duchesse deBerri (^ oj^. Charlotte -
Elisabeth, \ ill, 25 i). atlleaété
a ma! élevée , dit-e^He , ayant pre.s-
« que toujours été avec des femmes
te de chambre... Elle est hautaine et
a absolue dans tOAit ce qu'elle veut.
a Depuis l'âge Ae huit ans, on lui a
« laisse fair* sa volonté : il n'est
ce doa-c pas étonnant qu'elle soit
a comme un cheval fougueux. Elle se
« divertit aulant qu'elle peut... Je la
o raille souvent , en lai disant qu'elle
« croit aimer la chasse , mais que
a dans le fait elle n'aime qu'il changer
" de place... Elle pr^'fère la chasse
K au sanglier a la chasse au cerf ,
te parce que la premier* procure a
tt sa table de bans boudins et des
te hures. » Cette inégalité d'humeur,
ces mauvaises habitudes, trop d'ac-
cord avec un naturel pervers , ne
l'empêchèrent pas de devenir une
femme fort agréable, quoiqu'elle fut
dépourvue de beauté et marquée de
la petite vérole. Cependant elle plai-
sait par un air de ])onne humeur et
d'abandon. Ses mains étaient d'une
beauté admirable. <c Elle a des chairs
ce grasses et saines, ses joues sont du-
ce res comme des pierres , » dit en-
core la duchesse douairière. El Saint-
Simon ajoute : te ]N<'e avec un esprit
« supérieur , et quand elle le voulait
te également agréable et aimable , et
te une figure qui imposait el qui arrê-
te tait les veux, mais que sur la fin le
a trop d'embonpoint gà!a un peu ,
ce elle parlait avec une grâce singu-
ct lière , une éloquence naturelle, qui
<i lui était particulière 5 el qui cou-
74
BER
te lail avec aisance et de source, enfin
« avec une justesse crexpression qui
a surprenait et qui cliarmail. jj Elle
lie manquait pas d instruction , et,
sans avoir la voix forte ni agréable ,
elle ckanlait avec justesse. Louis XIV
la prit tellement eu affection , que
M"'' de MaintenoQ en conçut d'a-
bord quelque ombrage • mais les
écarts de la jeune princesse ne tar-
dèrent pas a mécontenter le roi. En
171 0 elle devint d'âge, et encore plus
de figure, dit Saint-Simon, a être
ce qu'on appelle présentée et mise a
la cour et dans le monde 5 mais dans
sa prétention de préséance pour les
filles sur les femmes des princes du
sang, la ducliesse d'Orléans , mère de
la jeune princesse, ne montra ni ne
présenta sa fille , pour avoir le temps
de faire prévaloir ses vues secrètes a
cet égard. Elle commença d'abord
par la faire appeler I\IademoiscUe
tout court au Palais-Rojal. La cour
et le monde s'v accoutumèrent, les
princes du sang plus que les autres;
mais quand il se présenta des contrats
de mariage a signer , la duchesse
d'Orléans ne voulut pas que sa fille
signât après les femmes des princes
du sang. Ce refus mit eu émoi toute
la cour, et fit naître entre la duchesse
d'Orléans et la princesse de Coudé
une brouillerie qui donna lieu de part
et d'autre à des mémoires et à des
répliques, où les convenances a'étaient
nullement observées. Le roi, voyant
toute la cour partagée, et craignant
d'indisposer ceux qu'il condamnerait,
hésita long-temps à décider la ques-
tion : enfin il prononça contre la pré-
tention de la duchesse d'Orléans.
Celle-ci , désolée de cette décision ,
fit une démarche auprès du roi pour
que le mariage de Mademoiselle
avec le duc de Berri fût au moins
accordé et déclaré j et lorsque le duc
BER
d'Orléans en parla au roi, eu disant
que ce mariage le consolerait de tout :
un « je le crois bien , jj d'un ton sec
et avec un sourire amer et moqueur,
fut la seule réponse du monarque.
Depuis ce temps la duchesse s'obstina
a ne poiut montrer Mademoiselle a
la cour, et pensa ainsi compromettre
le mariage qu^elle désirait tant. A la
fin la duchesse de Bourgogne , qui
avait pour Blademoiselle une bonté
de mère , lui représenta qu'elle ris
quait son avenir pour obéir au vain
dépit de la ducliesse sa mère , et la
conjura de se servir de tout son cré-
dit auprès de celle-ci pour en obte-
nir de paraître 'a la cour. Mademoi-
selle suivit ce conseil, et la duchesse
d'Orléans ne consentit qu'avec des
larmes ace quesafiUefùl présentée en
habit et en rang avec les princesses.
Long-temps elle refusa de la voir dans
cethabit. — L'amour effréné desplai-
sirs n'était pas la seule passion de la
jeuue princesse : elle était ambitieu-
se , et voulait se rapprocher du trône
en épousant un petit-fils de Louis XIV.
Elle eut donc la force de se contrain-
dre pendant une année, en dissimu-
lant ses vices. Cette réserve, au tra-
vers de laquelle l'élourderie perçait
encore assez pour que l'hypocrisie ne
fut pas soupçonnée ; une éloquence
naturelle, qui donnait a ses flatte-
ries l'air de l'eulhousiasme, lui rame
ncrent le roi et i\i™^ de Maintenon.
On peut lire dans les Mémoires de
Saint-Simon (i) le détail de toutes les
intrigues qui furent mises en jeu pour
arriver a ce résultat. 11 fallut a la
fois gagner le parti janséniste et le
parti moliniste ; le père La Chaise et
le duc de Beauvilliers ; le roi,.
(i) Xoiis parlons de IVJition iitihlirerLCeaunciit
par la famille de ce duc. Toutei les éditions qui
oui précédé ce n'ius ont donne ces ÎIcmoires
(\\\e imitilés , et sans qu'on puisse y reconnaître
ia suile de« faits.
JÎER
marquise de Maintenon, le dauphin,
el jusqu'à M " Choiu, sa maîtresse.
Salat-Siraon fut l'àme de toutes ces
mene'es , et sa tàclie fut d'autant plus
difficile , « qu'avec tout son esprit et
ce sa passion pour Mademoiselle , le
« duc d'Orle'ans était comme uue
« poutre immobile, qui ue se remuait
ce que par nos efforts redouble's.» Eu
lisant toutes ces particularités, on ne
peut quelquefois s'empêcher de rire
aux dépend de celui qui s'est fait
l'acteur et le narrateur de tant de
graves minuties. Leclioixque £tleroi
de madame la duchesse de Saint-Simon
pour dame d'honneur de la future
duchesse de Berri, mit le duc entre-
metteur dans le plus grand embarras
où un courtisan puisse se trouver. Il
rougissait d'avance pour sa respecta-
ble femme, d'une position aussi intime
auprès d'une jeune princesse dont il
connaissait les indomptables passions.
Il aurait bien voulu refuser; mais
tout janséniste de religion et d'hon-
neur qu'il était, le courtisan l'em-
porta chez lui , et , après uue
assez belle défense , il accepta.
Le mariage se fit le 6 juillet 1710.
Arrivée au but de toute son ambition,
la duchesse de Berri conçut l'aver-
sion la phis marquée contre toutes
les personnes qui avaient contribué
a sou mariage : ce parce que , dit Saint-
ce Simon, elle était indignée de penser
ce qu'elle put avoir obligation a quel-
ce qu'un, et elle eutbientôt la folie, nou
<e seulement de l'avouer mais de s'en
ce vanter.» Elle ne tarda pas aagir en
conséquence, el commença par brouil-
ler son mari avec le duc de Bourgo-
gne, frère aîné de celui-ci. Son pro-
jet était de s'appuyer du dauphin son
beau-père pour dominer la cour. Le
duc de Ik'rri, prince faible et borné,
était amoureux à l'excès de sa femme ,
et en admiration perpétuelle de son
BER
73
esprit et de son bien dire (Saiwt-
SiMOTf). La mort du dauphin, fils uni-
que de Louis XIV, arrivée le i4 avril
1 7 1 1 , fit évanouir ces projets en fu-
mée.ce Delà, dit encore Saint-Simon,
ce cette rage de douleur que personne
ce de ce qui n'était pas instruit ne pou-
ce vait comprendre. Elle se voyait
tt ainsi réduite à plier sous uneprin-
ce cesse qu'elle avait payée de l'in-
ee gratitude la plus noire , la plus sui-
te vie , la plus gratuite , qui faisait les
te délices du roi et de madame de
ce Maintenon , et qui , sans contre-
ce poids, allait régner d'avance en at-
« tendant l'effet. Enfin, plus d'égalité
et désormais entre les deux frères, a
te cause de ladisproporliou du rang
V. de dauphin. Chaque jour éclataient
ce de sa part les traits de la plus iusi»
ce gne méchanceté. 3) Pleine de mépris
pour la naissance illégitime de la
duchesse d'Orléans , sa mère, elle
recherchait les occasions de faire
éclater ce sentiment coupable. Un
trait donnera l'idée de cette guerre
continuelle qu'elle faisait 'a sa mère.
Un nouvel huissier de la chambre
du roi faisait chez elle un malin son
service , la duchesse d'Orléans ar-
riva subitement , l'huissier peu au
fait de l'étiquette ouvrit les deux bat
tant 5 de la porte. La duchesse de
Berri devint rouge de colère et re-
cul sa mère fort sèchement. Quand
elle fut partie, elle voulut faire chasser
l'huissier , et ne céda qu'a la considé-
ration qu'elle n'avait pas le droit d'in-
terdire un officier du roi. Désormais
tous ses mauvais penchants avaieu t re-
paru : elle portait dans ses dérègle-
ments une fougue qui indisposait
jusqu'à son père. « Dès les premiers
a jours du mariage , dit encore Saint-
ee Simon, la force du tempérament ne
«c tarda pas a se déclarer : les indé-
cc cïuces journalières en public, ses
95
feER
« courses avec plusieurs jeunes gens,
a. avec peu ou point de mesure. » Sou
époux était tout à la fois son esclave el
sa victime : elle le persécutait pour lui
faire oublier les principes de piété el
d'honneur dans lesquels il avait été
élevé. Au bout de trois mois , le
pauvre prince se trouva tout épris
d'une femme de cliambre assez
laide, attachée au service de la du-
chesse. Celle-ci PO tarda pas a s'a-
percevoir de cette intrigue ; elle dé-
clara aussitôt a sou mari que s'il
continuait K vivre amicalement avec
elle, elle le laisserait faire j mais, que
s'il s'avisait de la contrarier , elle
révélerait au roi son intrigue. Par
cette menace, elle tint, pour ainsi
dire , en bride le duc de Berri , qui
devait k sa mort laisser enceintes
son épou.'ie et sa maîtresse. Toutes
deux accouchèrent h peu près en
même temps. La duchesse était si
peu jalouse qu'elle garda cette femme,
el prit soin de la mère et de l'en-
fant. Un des premiers amants de la
princesse , fut La Haye , écnver
tlii duc de Berri ; elle voulut se faire
ealever par lui , et emmener en
Hollande. La Haye frémit k cett« pro-
position , et crut devoir en avertir le
duc dOiléans. Ce prince parvint non
sans jicine, en flattant et en cffravant
Ka fille, k lui faire abandonner un
projet aussi insensé , dont il craignait
que le bruit n'allât jusqu'aLouis XIV.
Le mariage de la duchesse deBerri
avait paru une occasion favorable aux
«onemis du duc d'Orléans pour l'ac-
cuser d'un coupable amour pour sa
fille ; toute la ville et la cour ei par-
laient, surtout quand ce prince eut
gagné l'amitié de son gendre (î). Us
(2) On a attiibgiéà Voltaire le coujilet sui-
vant , ;i ce sujet :
Enfin votre esprit est gUiTi
Des crainte."; rfu vutgaire
mangeaient souvent tous les trois en-
semble et eu particulier , servis par
la seule De Vienne , coniidenle de la
duchesse deBerri , capable de favo-
riser tous les genres de débauches-
Ces bruits arrivèrent jusqu'au roi qui
eu fut très-mécontent, et qui sentit
redoubler son éloignement pour le
duc d'Orléans. Une nouvelle que-
relle entre la duchesse d'Orléans et sa
fille vint metlpe le comble au scan-
dale. La veille d'un grand bal donné
a la cour , la duchesse de Berri avait
demandé a îa mère de beaux pen-
dants d'oreille, provenant de l'écrin
de la feut rcin€-mère , Anne d'Au-
triche ; Mndarae d'Orléans refusa
ces bijoux a sa fille, parce que la du-
chesse de Bourgogne, qui croyait y
avoir des droits , l'engagea k ne pas
les donner. Piquée de ce refus , la
duchesse de Berri déclara k son père
que s'il ne lui faisait avoir les dia-
mants de sa mère, elle romprait avec
lui. Par ime indigne rouerie , le duc
d'Orléans les demande a sa femme,
sous prétexte de les mettre en gage,
pour payer de grosses sommes qu'il
devait en Espagne. La duchesse
d'Orléans s'empressa de lui envoyer
tous ses diamants. Le, prince ne tou-
cha qu'aux pendants que désirait sa
fille, et les lui donna. Triomnhaute,
elle se rend au bal, ornée de celte
parure , et affecte de braver la du-
chesse de Bourgogne , qui alla sur le
champ s'en plaindre au roi , k mada-
me de Maintenon et k madame d'Or-
léans. Le roi fit appeler dans son cabi-
net la duchesse de Berri, lui reprocha
iJeilf duchesse de Berri ,
Achevez le mystère.
Un nouveau I.ollj vous ;crt d'<îpoux ;
Mère (!es Moahilcs ,
Puisse bientôt naître de vous
Un peuple d'Ainin,onites !
On sait que Lolh eut de ses deux filles Ainmon
et .Moab, qui selon l'écriture furent auieurs de
deux pcmplcs, les Ammonites et les Monhiles.
BER
les désordres de sa vie et lui fil ren-
dre les diainanls. La De Vienne , ou-
vrière de toutes ces tracasseries , fut
chassée. Madamed'Orléaus, quiavait
naturellement le don des larmes , ne
chercha point a se contraindre , et
acheva de perdre laré|)ulalion de son
mari et de iia fille par Téclat de ses
pleurs. 11 esl plus aisé d'imaginer que
de décrire le5 fureurs de la duchesse :
elle demeura six jours enfermée chez
elle sans voir personne. Elle avait ,
dit- on, proféré de sombres menaces
contre la duchesse de Botirgogne ;
puis, lorsque si près de la cette
princesse intéressante succomba ainsi
que son mari, qui la suivit six jours
après dans la tombe ( 12 et i8 fé-
vrier 1713), ou se rappela ces pa-
roles , et 1 on cl'.ercba a les lier
avec un évènemeut qui plongeait la
France dans le deud. Ces soupçons
furent communiqués au roi. Le duc
de Berri, lui disait-on encore , sub-
jugué par celte méclianle femme ,
et destiué peut-être k périr par ses
maius, restait seul pour régner avec
le duc d Orléans ; carie duc d'Anjou,
(depuis Louis X\ ), visiblement mi-
né par an poison qui n'avait pas en-
core trauché ses jours, n'aurait pas
long-ten)]3s k porter ce litre de Dau-
phin qui avait été si fatal k son grand-
père, k son père, a son frèie. On
ne saurait dire jusqu'à quel point ces
siûistres insinualious firent impres-
sion sur Vesprit du monarque : il
eut besoin pour douter du crime
d'en considérer toute Tatrocilé. La
mort prématurée du duc de Berri
vint encore ajouter k tant de motifs
de suspicion. Ce prince était si las
des désordres et de 1 humeur violente
de sa femme , que vingt fois il avait
formé le projet de se plaindre d'elle
au roi, et de demander quelle fût
renfermée daiîs un courent. Sonbeau-
BER
77
père lui était devenu odieux. Il avait
eu avec lui une scène terrible, en pré-
sence de la duchesse de Berri. Les
bruits d'îuceste, répandus dans le mon-
de , avaient causé cet emporteuit-ut ,
et le public avait été confirmé dans
ces soupçons par la colère du prince.
Mais laLl)le , irrésolu, infidèle lui-
même a une épouse qu'il avait éper-
dument aimée, qu'il aimait encore
et qui portait dans son sein un gage
de leur union , il sélait calmé, il
vint la voir k \ i.-rsailles pendant que
la cour était k Marlv. Après une
chasse dans le parc, il dîna avec elle,
éprouva dès le soir même de viclen-
tes douleurs d'estomac , se rendit k
Marlj et v mourut peu de jours après,
le 4 mfii 1714. 11 avait k peine
vingt-huit ans. La mort du Dauphin
et de laBauphine n'avaient pas ofîert
a beaucoup près des indices aussi
vraisemblables de poison. Lue cir-
coDSlance qu'une partie de la cour
regarda comme un fait certain , et
i'aulre comme oificicusemenl inven-
tée, persuada au roi que cette mort
était naturelle. Le duc de Berri avait
fait depuis plusieurs jours une chute
dangereuse k la chasse ; des vases
pleins de sang avaient é té trouvés sous
son lil. Après avoir dissimulé, mal-
gré les plus vires souBrances. cet ac-
cident k ses domestiques, pour qu'on
ne l'empèchàt pas de mander, il s'en
était ouvert , au moment de mourir ,
à son confesseur , le jésuite Larue.
a T'iiou père , lui avait-il dit , je suis
a la seule cause de ma mort. » 1!
était d'ailleurs d une extrême intem-
pérance j ses excès de table avaient
continué , même depuis sa chute. Il
est maintenant impossible d'éclaircir
ces faits sur lesquels les mémoires du
temps n'offrent rien que de vague •
les déuégalions positives ou plutôt
absolues de Voltaire ne prouvent mû-
78
B£R
heureusement rien. Marmonlcl, dans
son ouvrage sur la régence , paraît
persuadé que le duc de Berri fut em-
poisonné par sa femme a Tinsu du
duc d'Orléans. Cependant il ne donne
aucun détail sur ce fait , et n'indique
aucune preuve, k Le roi, ditM. La-
ce cretelle ( Tableau du XV IIP
ce siècle ) , crut cette fois tout ce que
t« son repos l'invitait a croire. » Il
avait assisté aux derniers moments
de son pelit-fils , qui probablement
lui avait parlé de manière a écarter
tout soupçon. Il alla visiter la
ducbesse de Berri , lui manifesta un
intérêt que depuis long-temps il ne
lui témoignait plus, et lui laissa les
diamants de son mari, a Le public,
a assez indifférent sur le duc de Berri,
ce ajoute le même historien , eut peu
«e de soupçons sur une mort qui lui
« inspirait peu de regrets.» Madame
de Maintenon se rapprocha alors delà
duchesse de Berri, et essaya de la
mettre aussi bien auprès du roi que
l'avait été la feue dauphine (duchesse
de Bourgogne) 5 u mais il ne paraît
(c pas que rinclination du roi ait été
« aussi forte. «LamorldeLouisXIV,
en faisant passer dans les mains du ré-
gent, duc d'Orléans, toute l'autorilé
royale , ouvrit une nouvelle carrière
à l'orgueil de la duchesse de Berri ,
orgueil qui allait jusqu'à la folie. Elle
traversa une fois Paris précédée de
trompettes etde cymbales. Une autre
fois elle parut au spectacle sous un
dais , inconvenance d'autant plus
grande, que le duc et la duchesse sa
mère étaient présents. Pour recevoir
l'ambassadeur de Venise, elle voulut
s'asseoir sur un fauteuil placé sur une
estrade. Cette incartade d'une jeune
personne mit en émoi toute la diplo-
matie européenne. Les ambassadeurs
protestèrent,- et il fallut que le ré-
gent promît que pareille scène ne se
BEK
renouvellerait plus. La duchesse se
plaisait aussi a accabler le régent de
ses hauteurs , et faisait même con-
tre lui une sorte d'opposition politi-
que. Saint-Simon dit qu'elle entrete-
nait dans sa maison « des braves
« pour se faire compter entre l'Es-
cc pagne et son père , et se tourner da
« côté le plus avantageux. « En un
mot , toutes ses démarches tendaient
a occuper le rang de reine. Cette
hauteur ambitieuse ne l'empêchait pas
de vivre en très-mauvaise compagnie
et de passer ses jours et ses nuits dans
d'obscènes orgies. La toujours, par
exemple , elle était parfaitement
d'accord avec son père , que les cour-
tisans aimaient a comparer au pa-
triarcheLolh.On ose a peine rappor-
ter les termes dans lesquels le duc de
Saint-Simon rend compte d'un de ces
scandaleux banquets. « Madame la
« duchesse de Berri et M. le duc
« d'Orléans, dit-il, s'y enivrèrent
« au point que tous ceux qui étaient
ce là ne surent que devenir. L'effet
ce du vin par haut et par bas fut tel ,
ce qu'on en fut en peine, et cela ne
K la désenivra pas, tellement qu'il
« fallut la ramener en cet état a
(c Versailles. Tous les gens des équi-
té pages le virent, et ne s'en turent
(c pas. » Si nous vouHons entrer dans
tous les détails, nous parlerions en-
core ici de ces bals masqués , où la
duchesse de Berri oubliait dans de
petites loges son rang aussi bien que
toute pudeur j nous signalerions ses
intrigues passagères avec le duc de
Richelieu et d'autres jeimes courti-
sans, et Sa vie offrait , dit St-Siraon ,
et le mélange de la plus altière grau-
ct dcur, ainsi que de la bassesse et
te de la servitude la plus honteuse.»
Si le régent son père était a ses pieds,
elle était soumise en esclave k un ca-
det de Gascogne , Rions , neveu de
CER
ce duc de Lauziin qui épousa made-
moiselle de Moutpensier, unii|iie be'-
ritièrede la première maison de Bour-
bon-Orléans.CeRions n'était pourtant
qu'un fat, fort laid et assez sot, ce
qui n'est pas toujours une raison pour
èlre repoussé des dames (5). Il avait
pris sur la duchesse de Berri un
ascendant tel, qu'il l'avait façonnée
à tolérer jusqu'à ses mépris, et rédui-
te à souffrir qu'il eût sous ses jeux ,
dans sa maison, une autre maîtresse,
la dame de Moucbj, attachée au ser-
vice de la princesse. Du reste Rions
finit par se faire épouser secrètement,
a C'était l'oncle qui avait guidé son
K neveu dans toute cette affaire. Il
« lui avait conseillé de traiter sa
a princesse comme il avait traité lui-
« même Mademoiselle. Sa maxime
« était que les Bourbons voulaient
« être rudoyés et menés le bâton
« haut, sans quoi ou ne pouvait se
« conserver sur eux aucun empire. »
(Saint-Simon) ;/[.). Au milieu de tous
ces désordres, la duchesse faisait fré-
quemment ce des retraites austères
« aux Carmélites du faubourg Saint-
ce Germain (5), » et elle eu sortait pour
a revenir aux soupers les plus profa-
K nés par la vile compagnie , et la
a saleté et l'impiété des propos , »
passant ainsi « de la débauche la plus
« effrontée à la plus horrible frayeur
ce du diable et de la mort... » Elle
ne voulait se contraindre sur rien •
elle était indignée que le monde osât
parler de ce qu'elle-même ne prenait
pas la peine de lui cacher; et toute-
(3; Saint-Simon nous apprend qu'il avait le
Tisage pâle, Ins-joufflu et couvert de boutons-
ce qui, dit-il , le faisait ressembler à un abcès.
(4) Saint-Simon dit encore que Rions n'était
arrogant qu'avec la duchesse ; et qu'avec tout
le monde à la cour il était poli et respectueux.
Sa tyrannie allait jusqu'à forcer la princesse de
changer deux ou trois fois de toilutle selon son
caprice , de la contraindre de rester quand elle
voulait sortir , etc.
(5) Elle y avait un apparleiaenl.
BER
79
fois elle clait désolée de ce que sa
conduite fût connue... Elle était en-
ceinte de Rions, et s'en cachait tant
qu'elle pouvait... La grossesse vint
a terme , k et ce terme , mal préparé
a par les soupers continuels , fort
a arrosés de via et des liqueurs les
« plus fortes , devint orageux et
« promptement.dangereux...» Le pé-
ril était imminent; Languet {V. ce
nom, XXIII, 566), curé de St-Sul-
pice, parla des sacrements au duc
d'Orléans. La difficulté était d'abord
de les proposer a la duchesse ; maisle
curé déclara qu'il ue les administre-
rait point tant que Rions et la dame
de Mouchj seraient au Luxembouro-.
Le cardinal de Noailles approuva le
curé dans son refus. La duchesse se
mit en fureur, se répandit en empor-
tements contre ces cafards, qui abu-
saient de son état et de leur carac-
tère pour la déshouorer par un éclat
inofli , el n'épargna pas son père sur
sa faiblesse et sa sottise de le souf-
frir. A l'en croire , on aurait dû
faire sauter l'escalier au curé et
au cardinal. Cette scène n'empêcha
pas la duchesse d'accoucher heureu-
sement. Infiniment peinée de la ma-
nière peu flatteuse pour elle dont la
cour et la ville avaient pris sa ma-
ladie , elle crut regagner quelque
chose dans l'opinion en faisant rouvrir
au public les portes du Luxembourg,
qu'elle avait fait fermer il y avait
long-temps. « On en fut bien aise ,
« on ^ en profita , 4', Saint-Simon ,•
a mais ce fut tout. iJle se voua au
a blanc pour six mois ; et cela fit
K rire. )> Bientôt, pour éviter l'em-
barras de se trouver k Paris pendant
la semaine de Pâques, après tant de
scandale, elle fit vers la fin de mars
un voyage prématuré k Meudon , et
voulut y offrir une fêle nocturne à
son père, pour donner le change au
ft»
BER
public autant sur son accouchement
que sur la froideur qui exislait
entre elle et le réj^ent, depuis qu'elle
Tubsédait pour faire déclarer son
mariage. Ce mariage ne surprit que
médiocrement, dit Saint-Simon, a
cause de cci assemblage de passion
cl de peur du diable dont elail pos-
sédée la duchesse j mais on fut élouué
de celle fureur de le déclarer dans
une personne si superbement glo-
rieuse. C'était aussi le plus vif désir
de Rions, qui ne s'était marié que par
ambition j mais le régent, pour ga-
gner du lemps , l'avait envoyé k
l'armée après les scènes de l'accou-
chement. Quant a la duchesse, le
fatal souper de Meudon, fait en plein
air, au mois de mars , ne lui réussit
pas : elle éprouva une rechute dont
elle ne releva plus. Enfin, le i4
juillet , la maladie prit un caractère
alarmant, a Elle se souuïit aux re-
II raècies pour ce monde et pour l'au-
« tre, dit Saint-Simon. Une première
ce fois elle reçut les sacrements, les
ce portes ouvertes j parla aux assis-
ce tanfcs sur sa vie et sur son état ,
ce mais en reine de l'un et de l'autre.»
Après ce spectacle, elle s'applaudit
avec ses familiers de la fermeté
qu'elle avait montrée, et leur de-
manda , comme Auguste , si elle n'a-
vait pas bien joué son rôle. Peu de
temps après celte explosion d'orgueil,
la peur du diable revint , et elle reçut
(le nouveau les sacrements avec
beaucoup de piétc, à ce qu'il pa-
rut. Le 2 I juii'îet 1719 elle exp:ra
au chàte;iu de la Muette , comme si
elle s'était endormie. L'empirique
Garus qui faisait alors beaucoup de
bruit, fut admis a lui administrer son
élixir. Le remède réussisialt y mais
elle fiit empoisonnée , dit Saint-Si-
mon , par un purgatif que lui donna
le médecia Chirac. Pourquoi a-t-ou
BER
été chercher des causes humaines a
une fin si naturelle? La princesse,
depuis quatre mois qu'elle était sur
le lit de souffrance , expiait par une
horrible complication de maux les
débauches vraiment romaines de sa
courte existence : goutte , ulcère a
l'estomac et à la peau, le foie, la rate
attaqués, sans parler d'une dernière
affection plus honteuse : voila les poi-
sons dont elle périt victime , sans qu il
fût besoin d'une purgalion malencon-
treuse. Laissons au surplass'exprimer
l'aïeule de la princesse sur les causes
de celte mort prématurée, ce Je crois,
ce dit elle, que ce sont ses bains cx-
<e cessifs et sa gourmandise qui oui
ce miné sa santé... La pauvre duchesse
ce de Berri s'est détruite elle-a>ème
a comme si elle s'était tiré un coup
ce de pistolet 5 car elle a mangé eu
ce secret des melons, des figues et du
ce lait. Pour cette belle œuvre, elk a
ce fermé la porte de sa chambre à son
ce docteur pendant quinze jours.'» Le
duc d'Orléans donna seul des larmes
a la ducbesse de tierri. ce A l'ouver-
« tiire du corps , ajoute Saint-Simon,
« la pauvre princesse fut trouvée
ce grosse. » Lorsque la nouvelle ds
sa mort parvint a l'armée, le prince
de Conli alla trouver Rions, et lui
ch-anta ce vieux refrain .
EJfe esl morte la Tache aax patwcrs,
11 n'en faut plus parler.
Pour terminer cet article, laissons
la vieille duchesse d'Orléans, douai-
rière , dire avec sa franchise germa-
nique le peu de bien que l'on ait dit
de sa petite-fille. A l'en croire , elle
souffrait tout en patience de sa mè-
re qui la maltraitait, et fit toujours
son devoir de fille respectueuse et
dévouée. Les anecdotes de l'huissier
et des diamants, rapportées ci-dessus,
semblent prouver le contraire; mais
rien n'autorise à nier ce qu'ajoute
BER
la vieille duchesse , que pendant
une maladie de sa mère elle veilla
auprès d'elle comme une garde-ma-
lade , et ne la quitta point d'un in-
stant, a Si la duchesse de Berri n'é-
« tait pas ma petite-fille, dit- elle
ce encore, j'aurais toutes les raisons
« du monde d'être contente d'elle...
K Je serais une ingrate si je ne Tai-
« mais, car elle me fait toutes les
« amitiés possibles, et a tant d'é-
« gards pour moi, que j'ensuis sou-
te vent étourdie. » Jouissant d'un
revenu de six cent raille livres de
rentes, elle était magnifique, ge'né-
reuse, et se laissait sciemment piller
par ses gens 5 aussi laissa-t-elle k sa
mort quatre cent mille livres de dettes.
Enfin, comme dans ces portraits de
famille rien ne vise au panégyrique ,
ainsi se terminent les souvenirs de la
duchesse douairière sur sa pelile-
fille : te On fut tellement embarrassé
K pour son oraison fuuèbre, qu'on a
et fini par se résoudre k n'en point
te prononcer... Mon fils est d'autant
te plus profondément affligé , qu'il
te voit bien que s'il n'avait pas eu trop
te de complaisance pour sa chère fille,
ce et s'il avait plus agi en père , elle
« vivrait encore et se porterait bien, m
On n'a de la duchesse de Berri qu'un
mauvais portrait , gravé pendant sa
vie par Desrochers , et un dessin du
cabinet de Fonlette, qui esta la bi-
bliothèque du it)i. D — R — R.
BERRI (CHARLES-FERDlN^rD
de BouRBOX, duc de), né a Versail-
les le 24. janvier 1778, second fils
du comte d'Artois (depuis Charles X)
et de Marie-Thérèse de Savoie , eut
pour gouverneur le duc de Sérent ,
et pour sous-précepteur les abbés
Marie et Guénée. De pareils maîtres
n'étaient guère propres k lui inspirer
î les idées et les goûts militaires dont
les événements allaient lui faire une
BER
Sx
nécessité et que dès long-temps, dans
la plupart des maisons souveraines
de lEurope, on s'efforçait de donner
aux jeunes princes. Cependant le duc
de Berri, nalureliement porté k tous
les exercices violents et montrant peu
(le goût et d'application aux éludes
sérieuses, semblait plus qu'un' autre
destiné a la carrière des armes ; et
lorsque son père l'eut conduit hors
de France en 1789 , lorsque k peine
âgé de douze ans il fut obligé de
parlager les travaux et les périls de
Fémigralion, on le vit s'y livrer avec
autant de zèle que de véritables dis-
positions. Après avoir passé quelques
mois dans les Pavs-Bas, puis en Al-
lemagne, et a la cour du roi de Sardai-
gne, son oncle, il vint faire ses premiè-
res armes dans !e corps d'armée qui at-
taqua Thicnville en septembre 1792,
sous 1 es ordres du maréchal de Broglie.
Après l'issue malheureuse de celte
expédition, le duc de Berri alla passer
quelques mois avec son père au châ-
teau de Haram en Westphalie, et il
se rendit ensuite a l'armée que com-
mandait le prince de Condé sur les
bords du Khin. Ce fut la qu'il fit
réellement la guerre d'une manière
aussi active que périlleuse. 11 com-
mandait une petite troupe de cavale-
rie , et pendant plus de quatre ans ,
depuis la fin de 1794 jusqu'à la paix
de J.éoben , en 1797 , il parut dans
toutes les affaires des armées du
Rhin et surtout "a Steinstadt, a Mu-
nich et devantHuuingue, d'une maniè-
re aussi brillante que le permettaient
son jeune âge et le peu d'importance
de son commandement. Le corps de
cavalerie commandé par le duc de
Berri passa au service de Russie
en 1798, lorsque l'Autriche eut
déposé les armes. Le jeune prince
profita de cet intervalle de repos
pour visiter son père a Edimbourg ,
LVIII.
8%
MR
et il se rendit ensuite en Italie, où
il fut près d'époustr la princesse
Christine, fille du roi de iViples , qui
depuis est devenue reine de Sardai-
gne ; mais ce projet fut traversé par
le ministre Acton , alors tout-puis-
sant a la cour des Deux-Sitilesj et
d'aillffurscelte cour avait en ce teinps-
Ja trop de inénagemeuls a garder
envers la république française. Le
duc de Berri fut donc obligé d'y re-
noncer ; mais il dut a sou voyage
eu Sicile et au iéjour de plu-
sieurs mois qu'il fit a Rome d'assez
grands progrès dans les arts , surtout
dans la peinture, qui fut toute sa
vie son élude de prédi'eclion. En
quittant l'ilalie il alla de nouveau se
ranger sous les drapeaux, du prince
de Condé 5 qui était revenu en Ba-
vière, pour y faire sa dernière cam-
pagne. Il V donna encore des preuves
de courage dans plusieurs occasions;
et ne se relira que lorsque cette mal-
heureuse armée fut licenciée et dis-
persée par la capricieuse politique
des puiisances. Se trouvant alors
dénué de ressources et loin de sa
famille , le duc de Berri passa plu-
sieurs mois dans la retraite k Rla-
genfurt auprès de sa mère, puisa
\ienne, cherchant en vain par 5es
correspondances k renouer un projet
de mariage qui devenait d'autant plus
difficile que la posiliou de la cour de
Naples était plus enibarrassanle. Il
eut aussi h c- lie époque l'espoir de
faire partie d'un débarquement qui
devait b'opérer sur lescôlcs de Pro-
vence ; mais les succès de Bonaparte
et rafferuiisseraent de son pouvoir
rendirent bientôt impossible l'exécu-
lion de tous ces plans 5 et le jeune
prince n'eut plus qu'a se reudre en
Angleterre pour s'y réunir à sou
père. Il passa plusieurs années à
Londres , vivant presque seul, ou
BER
quelquefois, il f;uil le dire, avec des
personnes peu dignes de son rang.
Ce fut dansce temps la qu'il coutractii
une iulime liaison avec une dame an-
glaise dont il eut plusieurs enfants.
En i8o4 il se rendit en Suède où
les projets guerriers de Gustave-Adol-
phe semb'aient lui offrir une occasion
de reprendre lesarmes 5 mais il fallut
encore une fois y renoncer, lorsque
les événements d'Ulm et d'Austerlilz
eurent forcé les grandes puis>ances ii
demander la paix. Leduc de Berri re-
louruaen Angleterre, et il y vécut 'a
peu près de la même mauière qu'au-
paravant, ne vovaut que rarement son
père et le prince de Condé, et ne faisant
guère que des apparitions obligées a
Harlwell, 1 irsque le roi Louis XVIII
y eut établi sa résidence. Mais au
commencement de i8i4-s'ouvrlt pour
lui une nouvelle carrière. Ou se rap-
pelle qu'a celte époque les princes
de sa famille se distribuèrent les rô-
les pour pénétrer eu France, et que
tandis que Monsieur, comte d'Artois,
venait par les provinces de l'Est et
le duc d'Angoulème par l'Espagne ,
sou frère se dirigea vers la ISormau-
die. 11 fut alors sur le point de tom-
ber dans un piège que lui lendit
la police impériale. De perfides cor-
respondances avaient fait penser asx
crédules conseillers de Louis XVIII
que le duc de Berri était attendu sur
les côtes de l'Océan par 40 mille
royalistes loularinés, etqu'Jl ne s'agis-
sait pour lui que d'exécuter une mar-
che triomphale vers Paris. Ce lut
dans celle croyance que le jeune
prince s'embarqua sur nu vaisseau
anglais ; mais arrivé a l'île de Jer-
sey, ayant reçu des avis plus siirs , il
attendit prudemment que les événe-
ments de Paris lui permissent de dé-
barquer paisiblement h Cherbourg,
et il fut accueilli dans celle ville, le
BER
1 5 avril , par de nombreuses accla-
malious. Dès le lendcmaîu il se di-
rigea sur Baveux, puis sur Cnen, où
il gagna a la cause royale, par sa fran-
cbise et ses manières chevaleresques,
des corps de Iroupes qui avaient d'a-
bord montré quelque répuguance. Il
fut complimenté dans la dernière de
ces villes par le piéfet Mécbin, et il
y publia une proclamation où il fit,
comme les autres princes de sa mai-
son, des promesses qui n'ont pas été
re'alisées et qui ne pouvaient pas
toutes l'être ( T'^oy. Loris XVIII ,
au Supp. ). Le duc de Berri conti-
nua sa route par Rouen , et arriva
a Paris le 21 avril. Après avoir été
serré dans les bras de son père qui le
reçut aux Tuileries , il se jela dans
ceux des maréchaux qui étaient pré-
sents. Cherchant a mériter l'affection
de l'armée , il se montra partout Is
protecteur et l'ami des militaires. On
répéta alors beaucoup de mots heu-
reux qu'il leur adressait dans les re-
vues et les manœuvres auxquelles il
assistait fréquemment 5 nous n'en ci-
terons qu'un seul. Quelques soldats
avec lesquels il causait fcimilièrement
lui ayant franchement lait connaître
l'ai tachemen t qu'ils conser vaien t pour
IVapoléon, il leur demanda la cause
de cet attachement : « C'est, lui di-
« renl-ils, parce qu'il nous faisait
tt remporter des victoires. 5) — k Je le
« crois bien, répliqua brusquement
« le prince, avec des hommes comme
ce vous, cela était bien difficile!...»
Il se servit même d'une expression
plus conforme au langage des soldais,
et qui était assez dans ses habitudes.
Sa repartie n'en eut que plus de
succès , et il est sur qu'il fut h celte
époque celui des princes de sa fa-
mille qui réussit le mieux auprès des
troupes. Mais les ennemis des Bour-
bon^, qui dès lors étaient nombreux,
BER
.8â
et qui devenaient d'autant plus en-
treprenanls que ceux-ci cherchaient
moins k se faire redouter, s'étaut
bienlôl aperçus que tout l'avenir de
cette maison reposait sur le duc de
Berri, ne négligèrent aucun moyen de
Je dépopulariser , et ils répandirent
contre lui des calomnies de tous les
genres. On sait que c'est toujours
par la que commencent les révolu-
lions. Quelque absurdes que fussent
la plupart de ces calomnies, on ne
peut douter qu'elles n'aient eu beau-
coup d'influence sur les événements;
el lorsque, peu de temps après son ar-
rivée, le prince fut envoyé dans les
provinces de l'est, pour y ramener les
esprits à la cause royale , il en
éprouva de fâcheux effets. Le roi
l'avait nommé colonel-général des
chasseurs et lanciers. Il fut question
à cette époque de lui faire épouser
une princesse russe, et il paraît que
l'empereur Alexandre s'y montra fa-
vorablement dispobéj mais ce projet,
qui pouvait avoir les plus heureux ré-
sultats pour la famille rovaie , échoua
devant des scrupules de religion que
nous ne pouvons apprécier. Ce qu'il y
a de sur c'est que, peu de mois après,
lorsque iNapoléou , échappé de l'île'
d'Elbe, vint pour renverser la mo-
narchie des Bourbons, ces princes,
entourés d'ennemis a l'intérieur, ne
s'étalent fait au dehors ni alliance ni
appui. Dans cette circonstance diffi-
cile , le duc de Berri déploya toute
l'énergie et la valeur que l'on atten-
dait de lui. Nommé chef de l'armée
que Ton voulut réunir devant Paris,
il se montra partout aux troupes, dans
les revues-, dans les casernes; et
quand la retraite fut décidée il com-
manda le petit nombre de celles qui
étaient restées fidèles. Faisant bonne
contenance jusqu'ala fronlièrebelge,
il sut empêcher un engagement qui!
6.
84
BER
voulait éviter entre des Français, sans
laisser néanmoins enlamer son ar-
rière-garde par les soldats de Napo-
léon. Pressé a Bélhune par un corps
de cavalerie , il ne craignit pas de
s'cifrir seul aux coups de ses ennemis,
et il leur en imposa par sou sang-froid
et sa présence d'esprit. Lorsque
Louis XVllI se fut établi k Gand ,
son neveu commanda les débris de la
maison militaire qui campèrent a
Alost 5 et , après la bataille de Wa-
terloo , les portes de la France étant
de nouveau ouvertes aux Bourbons,
il commanda encore celte petite ar-
mée royale dans sa marche vers Pa-
ris. Peu de jours après cette seconde
restauration, le roiTenvoya présider
ïe collège électoral du Nord j et il
contribua de tout son pouvoir dans ce
département a former celte cbambre
introuvable qui devait ê tre plus roya-
liste que le roi et que le roi devait i en-
voyer [Voj. Louis XVIII, au Sup.).
H fut très-bien reçu par les Lillois, et il
se fit parmi eux beaucoup de parti-
sans. C'est désormais entre nous
à la vie à la mort , leur dil-il en les
([uit tant; el ces paroles dignes du petit-
fils de Heuri IV ont été souvent ré-
pétées. Revenu dans la capitale , le
duc de Berri, ainsi que son père et le
duc d'Angouléme , se montra fort
assidu aux séances de la chambre
des pairs; mais desmotifs politiques,
qu'il n'est pas facile de comprendre
aujourd'hui, firent bienlôt redouter
leur influence, et cette faible partici-
pation au pouvoir leur fut interdite.
Le duc de Berri n'eut p'us d'autres
soins que de passer encore quelques
revues , de faire des inspections et
d'adresser aux troupes de courtes
et heureuses allocutions qui eurent
toujours beaucoup de succès. Il de-
venait de plus eu plus certain que
c'était sur lui seul et sa postérité que
BER
devait se fonder l'avenir de la bran-
che aînée des Bourbons; cette consi-
dération décida son mariage, et M.
de Blacas, ambassadeur à INaples, fut
chargé de le négocier. Le 28 mars
181 6, un message royal annonça aux
chambres que ce prince allait épou-
ser la fille aînée de l'héritier du
troue de Kaples, et proposa d'augmen-
ter d'un million son apanage qui
jusque la n'avait été que de 5 00, 000
francs. Les chambres portèrent spon-
tanément cette somme à i,5oo,ooo
francs; mais le prince déclara qu'il
consacrerait pendant cinq ans ce sup-
plément au soulagement des départe-
ments qui avaient le plus souffert delà
guerre ; et il a religieusement tenu sa
promesse. Cette union, qui se fit au
milieu des applaudissements de la
France, fut d'abord très-heureuse j
mais les deux premiers enfants qui
en naquirent , et dont l'un était un
prince, moururent en bas âge :1e
troisième (mademoiselle) a survécu,
et son père était mort depuis six mois
quand le duc de Bordeaux vint au
monde. Cette mort fut une cruelle
catastrophe, et elle est dans l'iiisloire
un événement de la plus haute im-
portance. Le i3 février 1820 ,
dernier dimanche du carnaval, le duc
de Berri étant allé a l'opéra avec
sa femme , et voulant y rester en-
core , lorsque celle-ci en parlait h
onze heures, l'accompagna jusqu'à sa
voiture. Il venait de lui donner lamaiu
pour l'aider amonter,lorsqu'uu homme
passe rapidement entre le factionnaire
qui présentait les armes et un valet
qui relevait le marche-pied ; appuie
sa main gauche sur l'épaule droite
du prince , et le frappe de la maiu
droite au dessous du sein droit en le
poussant violemment sur le comte de
Mesnard. Croyant d'abord n'avoir
reçu qu'une faible contusion, le duc y
BER
porte la ii^iin* mais dès qu'il a senli
la plaie et le poignard qui y restait
allaclié , il s'écrie : a Je suis assas-
« sine 5 cel homme m'a tué; je suis
« mort 5 » et, retirant lui-même le
poignard , il répand un torrent de
sang et tombe en défaillance. On s'ef-
force d'écarter ses liabits , de recon-
naître la blessure; et il s'écrie de
nouveau : « Je suis mort; un prêtre;
venez, ma femme. ..53 Et sa femme,
qui était descendue précipitamment de
voiture, qui avait arraché sa ceinture,
pour couvrir la plaie, était déjà toute
sanglante attachée aux douleurs de
son époux. . . Deux médecins arrivent,
et ils fout des saignées au bras, qui
produisent peu de soulagement, k Je
« suis bien sensible a vos soins , leur
ce dit-il , mais ils sont inutiles ; je suis
« perdu. 3) Un troisième se présente;
c'était le docteur Bougon , qui avait
fait le voyage de Gand en 181 5. Le
prince le reconnaît et il s'écrie :
« Adieu, mon cher Bougon ; je suis
a frappé a mort. 3) Enfin le célèbre
Dupuytren arrive a une heure , et il
examine la plaie : il interroge la vic-
time , qui ne peut plus répondre...
Alors la duchesse, qui elle-même
peut a peine parler, se penchant eu-
core vers le lit de douleur : a Je
a vous en prie , mon ami , dites où
a vous souffrez. 33 A cette voix le
prince se ranime j il prend la main
de sa femme et la pose sur sa poi-
trine... «C'est la, lui dit-elle. -tcOui;
K j'étouffe. 33 Alors il fut décidé que
la plaie serait élargie pour donner
au sang une plus grande issue. Quand
on approcha le fer il s'écria doulou-
reusement : «Laissez-moi, puisque je
« dois mourir... 33 Cette opératlou
donna cependant un peu de calme, et
ce fut alors que le prince put adres-
ser quelques mots de bienveillance a
ceux que cet événement avait fait ac-
BER
8!
courir. Toute la famille d Orléans,
qui s'était trouvée ce jour-la même a
l'opéra, ne le quitta pas un instant.
Le duc et la duchesse d'Angoulême,
le père de l'infortuné princey étaient
venus des premiers. Il les pria de lui
faire voir son assassin. « Qu'ai-je fait a
K cet homme? dit-il; peut-êtrel'ai-je
« offensé. ..33 — ÎSon, mon fils, répon-
dit le malheureux père. — « C'est
« donc un insensé ; il faut lui faire
« grâce; promettez-moi de la de-
K manderau roi. ..30 Le désespoir de
la duchesse de Berri s' augmentant a
mesure qu'elle voyait s'affaiblir son
époux , il la conjura de se ménager
pour Venjant quelle portait
dans son sein. Kous avons dit
que le duc de Berri avait eu en An-
gleterre une de ces liaisons que la
morale et la religion réprouvent
également, mais qui n'imposent pas
moius k l'homme de bien des devoirs
impérieux. Le prince ne l'oublia pas
dans ce moment suprême ; il voulut
voir pour la dernière fois ses deux
filles, et il eut assez de confiance eu
sa femme pour les recommandera sa
bonté. «Ce sont aussi mes enfants,
« s'écria la duchesse ; je veux les
« embrasser ;33 et dans un instant les
deux pauvres petites étrangères pa-
rurent, et se mirent a genoux en san-
glotant devant le lit de leur père.
Celui-ci leur donna sa bénédiction ,
les embrassa et les présenta k la
duchesse, qui les reçut dans ses bras.
Bl. de Latil, évêque d'Amyclée ,
aumônier du prince , le confessa ,
et le curé de Saint-Tvoch lui admi-
nistra l'extrême-onction. Le duc sen-
tait sa fin approcher ; il éprouvait
des douleurs affreuses , et tombait a
chaque instant en défaillance. A cinq
heures le roi arriva; et le duc, en lui
baisant la main : « Mon oncle, je vous
« demande la grâce de la vie pour
fié
BER
a rhoœme -.a Le roi, profondément
ému, répondit : te Mon neveu, vous
a n'èles pas aussi mal que vous le
« pensez j nous en reparlerons...»
Le roi ne dit pas oui, reprit le
prince ; il répéta k plusieurs repri-
y ses : «Grâce pour la vie de l'homme,
tt et que je meure tranquille j
a cela adoucira mes derniers mo-
K ments!..» Les symptômes deve-
naient de plus en plusa'armants; tout
espoir s'évanouit, et le prince expira a
cinq heures et demie. Le roi appuyé
sur le bras de M. Dupuylren, lui fer-
ma les yeiix , baisa sa main et se re-
tira. Une heure après le corps fut
porté au Louvre , puis embaumé et
transféré eu grande pompe k Saint-
Denis pour y être déposé dans le
caveau royal. Le cœur fut séparé
pour être porté a Rosny,dansle cliâ-
teau de la duchesse , et les entrailles
furent envoyées a Lille. M. de Qué-
len, alors coadjuteur de Paris , pro-
nonça l'oraison funèbre. La mort du
duc de Berri fut, pour la famille
royale et pour tous les amis delà mo-
narcbie , une perte immense et dont
les conséquences sont peut-être enco-
re incalculables. Si l'on n'a pu savoir
par quelle main secrète avait été di-
rigé l'assassin , et si l'on ignore
même encore aujourd'hui s'il eut des
complices ( ^ty^. Louvel, XXV,
2731, on sait au moins k quel parti
sou crime a profité. Le résultat le
plus immédiat fut la chute du minis-
tère qui l'avait au moins laissé com-
mettre par sa négligence. Comme le
dit alors M. de Chateaubriand . ce
ministère glissa dans le sang du duc
de Berri. Tous les spectacles et les
bals du carnaval furent interrompus.
La salle de l'opéra près de laquelle
le crime avait été commis fut dé-
molie et il fut statué qu'un monu-
ment expiatoire serait élevé sur la
BER
même place. Ce monument com-
mencé depuis long-temps et près
d'être achtvé ne le sera probable-
ment jamais. Sans être doué d'une
grande capacité, il est sûr que, par
sa résolution et son courage , ce
prince aurait été d'un grand poids
dans les événements ultérieurs. Na-
turellement bon et généreux , mais
d'une extrême vivacité, il se livrait
quelquefois avec ses inférieurs ,
même envers des personnes d'uu
rang très élevé, h des violences inex-
cusables , mais dont lui-même se
montrait presque aussitôt désespéré,
au point d'en demander pardon de
la manière la plus humble. Ce fut
ainsi qu'après avoir traité fort gros-
sièrement M. de la Ferronnais, son
premier gentilhomme et son ami , le
compagnon de son exil, il lui témoi-
gna le plus amer repentir • mais l'ou-
trage avait été tel, que M. de la Fer-
ronnais fut obligé de s'éioiî>ner de la
cour, et ne reparut pins devant le
prince. Le duc de Berri aimait réel-
lement les arts et , dans le seul but
de les favoriser, il consacrait une
grande partie de ses revenus h des
acquisitions de tableaux. Il avait fon-
dé dans les mêmes intentions la so-
ciété des Jniis des arts, qu'il pré-
sidait, et qui existe encore, mais dont
les résultats sont loin d'être aujour-
d'hui aussi importants qu'ils le furent
d'abord par sou influence. Bien (ju'il
n'ait jamais cessé de se livrer k son
goût excessif pour les femmes , et
qu'il ait toujours eu des maîtresses
connues, il avait pour la duchesse
de Berri les meilleurs procédés.
Il 1 aimait sincèrement , et il ne
chérissait pas ses enfants avec
moins de tendresse. Un grand
nombre d'écrits furent publiés k Pa-
ris cl dans les départements sur la
vie et la mort de ce prince. Les
BËR
plus remarquaWes sont : I. Mémoi-
res, Ici 1res et j)ièces aitthenliques,
touchant la vie et la mort de S.
A. R. monseig. Ch.-Ferd. d'Ar-
tois, Jîls de France , duc de Ber-
ri, par M. le vicomte de Chateau-
briand, Paiis 1820, in-8"5 deuxiè-
me et troisième édition, in-i8,mêrae
année. II. Oraison funèbre , etc. ,
par ?J. de Boulogne , évèque de
Troyes , prononcée dans sa cathé-
drale le 19 avril; 2" édition, Paris,
3820 , in-8°. III. Discours à la
mémoire, etc., par Tabbé Fculrier
(depuis évèque de Keanvais), Paris,
1820, in-8°. IV. Eloge funèbre ,
etc., par M. Choppin, Paris, 1820,
in-S". V- Eloge historique de son
altesse roj'ale Ch.Ferd. d'Artois
duc de Berri ^ par M. le chev.
Alissan de Chazet, Paris, 1820,
in-8° VI. Vie de son altesse
royale monseigneur le duc de
Berri , par T. -G. Delbare, Paris ,
1820, in-8°. VII. Relation histo-
rique, heure par heure ^ des événe-
ments funèbres de la nuit du 10
février 1820, d'après des té-
moins oculaires , par M. lîapdé,
cinquième édition , Paris , 1820 ,
io-B". VIII. Les derniers moments
de S. A. R. Mgr. le duc de Berri,
par Magalon ( du Gard ), Paris ,
i820,in-8°. IX. Quelques larmes
sur le tombeau de , etc. , par Aug.
Hus, iu-8°. X. Quel est l'assassin
du duc de Berri , par A. -A. Sal-
vaigue de la Cipière , Paris , 1820,
iu-8°. XI. La France justifiée de
complicité dans l'assassinat du
duc de Berri, Paris, 1820, in- 8".
XII. Le Trône du martyr du
1 5 février, précédé d'événements
' extraordinaires t:{ inédits analogues
à la mort de Monseigneur le duc de
Berri, h la vie et aux sept lieurcs de
soulfrauce de ce prince XI!I. De
BER ' 87
l'assassin , son caractère, ses ha-
bitudes, le lieu qu'il avait choisi
pow'poignairler sa victime , avec
la description topographique de
l'enceinte; par L.-A. Pitou, Paris,
1820 , in- 8°. Il parut encore à celle
époque un grand nombre d'autres
brocluires , de mandements , d'orai-
sons funèbres , de discours , etc.
M — D J.
lîERRÏ ( Chahles , duc de ).
Voy. GuiEASE , au Supp.
iSERRîMAX (Guillaume), né
le 24- sept. 1688 , étudia au collège
d'Oricel a, Oxford , y piit ses degrés
de 17 10 a 1722, fut recteur de
Saint-André , dans cette même an-
née , puis membre du collège dEton,
de 1727 jusqu'à sa mort, arrivée le
5 février 1760. Il fut enterré dans
le même caveau que sa nièce Marie
Rupe, morte 'a vingl-quatre ans; et
sa femme y fut placée onze ans plus
lard. Berriman avait le renom d'un
des membres les plus savants de Té-
glise anglicane. Théologien érudil ,
casuiste subtil , écrivain correct , lo-
gicien irréprocbable . il se signala
éo^alement dans la prédication et la
polémique sacrée. Dans celle deu-
xième classe se rangent et sa Revue
par saisons, i 7 1 7 - 1 8 , et la seconde
revue de l'Histoire des Doxologies
;;m;2/<iVe5, par Winston, 1719- Ne
pouvant indiquer tous ses sermons ,
nous appellerons l'altention sur les
discours qu'il prononça en cliai-'e pour
la rédemption des captifs (1721);
contre la barbarie de ceux qui mé-
prisent la religion et sur le Iraile-
mentqui leur est dû (1722)5 sur l'au-
torité du pouvoir civil en matière de
religion : Berriman y pose en fait que
pour l'autorité c'est un droit et un
devoir de s'occuper de la religion,
cl d'user des moyens qui peuvent la
faire fleurir. Indépendamment de ses
«è
BER
sermons isolés el imprimés h part, Ber-
riraau pub!ia : I. Huit sermons sur
le texte de lady Mojer ., 1726.
II. Sermons sur le texte de Boy le,
z vol. 1755 (il faut y joindre un ser-
mon unique, a titre d'appendice, sur
Y Obligation d'éviter la conversa-
tion des injïdèles et des héréti-
ques). III. Un troisième volume de
iSermOfis sur les textes de Boyle.
Après sa mort parurent encore trois
volumes de sermons sous le titre de
Doctrines et devoirs du Christia-
insute , etc. Deux volumes furent mis
au jour en 1750 , et contiennent qua-
rante sermons j le troisième volume ne
fut livréau public c[ue treizcaus après.
Il se compose de dix-neuf sermons.
Les deux premiers volumes avaient ëlé
édités par le frère de l'orateur, Jean
Berriman , de Saint-Eduiond-Hall.
a Oxford, qui, après avoir été appren-
ti tireur d'or et d'argent, se sentit
de la vocation pour des travaux plus
relevés, fréquenta les collèges, et
finit par être curé de Saiut-Swithen ,
lecteur de Sainte-Marie- Alderman-
Lury, recteur de Saiut-Albau et Saiui-
Olave. C'est avec ce dernier titre qu'il
mourut en 1768 , âgé de 79 ans. Il
a .lussi laissé quelques morceaux d'é-
loquence sacrée. P — ot.
BERRY (John), amiral anglais,
naquit en i655, à Khoweslon, dans
le Devonshirej il navigua d'abord pour
le commerce, et fut long-temps pri-
sonnier en Espagne. Il s'embarqua
vers 1661 , comme maître, sur le
Lecli t /e Swallowj, se rendant aux In-
des-Occidentales , de conserve avec
deux frégates qui périrent dans une
tempête an milieu du golfe de la Flori-
de. Le ketch se sauva en sacrifiant ses
mâts et son artillerie, et parvint a
gagner Campèclie, puis la Jamaïque,
après avoir été pendant quatre mois
le jouet des flots. Un corsaire de
BEP.
20 canons et de 60 hommes d'équi-
page exerçait de grandes déprédations
dans ces parages. Le S wal/ow, armé
de 8 Ccironnades et monté par 4.0
hommes seulement , reçut l'ordre de
lui donner chasse , et l'atteignit sur
les côtes de Saint-Domingue. Le ca-
pitaine hésitait a engager une lutte
aussi inégale. Berry , qui en partant
avait été nommé lieutenant, l'en-
ferme dans sa chambre , prend le
commandement, aux acclamations de
l'équipage , enlève le corsaire à l'a-
bordage et le traîne en triomphe à la
Jamaïque. Traduit â une cour mar-
tiale , il fut acquitté avec honneur ,
et repartit pour l'Angleterre au mo-
ment où la guerre venait de recom-
mencer entre cette puissance et la
Hollande. Après une fructueuse croi-
sière sur le sloop la 3Iaria, il ob-
tint le commandement du vaisseau la
Coronation , et fit voile pour les
Indes-Occidentales. Arrivé à la Bar-
bade , le gouverneur de cette île lui
confia la direction d'une escadre qu'il
improvisait avec des bâtiments mar-
chands, pour secourir Nevis, mena-
cée par iesFrancais, déjà maîtresde
St-Christophe, d'Anligoaet de Mont-
Serrat. Dans une notice sur Berry,
écrite d'après des renseignements four-
nis par son frère, on lui attribue une
importante victoire , qui ne nous pa-
raît autre que celle ( d'ailleurs très-
contestée) du 17 mars 1667, devant
Saint-Christophe, et dont l'honneur
appartiendrait plutôt au chevalier
Harman , qui commandait en chef.
Berry passa des Antilles dans la Man-
che et la Méditerranée. Il montait le
vaisseau la Révolution au mémora-
ble combat de Sols-Bay. Voyant le
duc d'York enveloppé par plusieurs
vaisseaux ennemis , il s'exposa au plus
grand danger pour le dégager, et fut
fait chevalier par Charles II eu ré-
BEil
compense de ce dévouement. Cliargé
en 1682 de porler le duc en Ecosse,
sur la frégale le Glocesler , qui $e
perdit par la faute du pilote , ce prince
lui dut une seconde fois la vie. Berry,
le sabre k la main, contint l'équipage,
lorsqu'il voulait se précipiter en tu-
mulledansTembarcationqui venait de
le recevoir, au risque de la faire chavi-
rer. Choisi l'année suivante par lord
Dannouth pour être vice-amiral de
l'expédition qu'il dirigea sur Tauger,
ce lordluilaissa le commandement en
clief de l'escadre pendant le bombar-
dement, et se mit , pour faire sauter
les fortifications , à la tète des trou-
pes de débarquement. En récompense
du sang-froid et de l'habileté qu'il
montra dans celle difEcile expédition,
Berrj fut nommé intendant de la ma-
rine, et plus tard membre de la cé-
lèbre comoiission instituée par Jac-
ques II , à laquelle la marine anglaise
dut sa puissante organisation. La
Hollande ayant de nouveau menacé
les côtes d'Angleterre, une flotte
considérable fut réunie sous les ordres
de lord Darmouth , qui cliolsit une
seconde fois Berry pour son vice-
amiral. Après le débarquement du
prince d'Orange , l'amiral ayant cru
devoir quitter la flotte , le comman-
dement en chef resta à Berry jusqu'au
désarmement. Il dut a sou mérite un
grand crédit sous Guillaume III, et ne
s'en servit que dans l'intérêt de la
marine. Le vice-amiral Berry mourut
empoisonné, dit-on, le i4- février
169 1, k làge de 56 ans. Ch — u.
BERRY (William) , gra-
veur écossais , au moins le second et
peut-être le premier qu'ait eu de
son temps la Grande-Bretagne , dut
presque tout k la nature ou a ses
propres études. Oc ne sait rien de
sa famille. Né vers lySo, il fut mis
eu apprentissage chez Proctor , gra-
ËER
^9
veiir de cachets k Edimbourg, y resta
le temps voulu par l'usage , travailla
quelque temps pour son propre
compte, puis revint cbez son ancien
patron où d'ailleurs il ne resta non
plus que quelques années. Dès lors
son talent s'était accru au plus haut
point , et il ne lui manquait pour
briller aux premiers rangs qu'une
sphère plus vaste ou plutôt des ap-
préciateurs plus généreux. Au reste
Berry était d'une modestie extraor-
dinaire et d'un désintéressement rare.
Chargé de famille , il se livrait a ses
travaux depuis le malin jusqu'au soir,
exécutait de la manière la plus par-
faite tout ce qu'il entreprenait et ne
demandait qu'un salaire modique.
La conscience avec laquelle étaient
soignées toutes ses productions et la
modicité de ses prix lempèchèrent
de devenir jamais assez riche pour
changer sa vie , coter plus haut
son temps , attendre des comman-
des plus généreusement payées ,
et ne travailler que dans un genre
au-dessus des cachets héraldiques.
Quelques riches personnages, il est
vrai ( car la renommée de son ta-
lent n'était pas tellement enfouie que
les connaisseurs ne lui rendissent
justice ) , lui demandèrent des têtes
gravées en relief. Mais, quoique ces
travaux lui fussent payés plus chè-
rement que les autres , ils ne l'étaient
pas encore assez rel3tive*ïient au
nombre d'heures qu'il y passait 5 et,
balance faite , Berry trouvait qu'il
perdait soixante pour cent a faire des
chefs-d'œuvre. Il en résullaque,sageet
maître de lui-même comme il l'élail,
il s'attacha de plus en plus a sa prosaï-
que mais lucrative spécialité, ne con-
sidérant que comme des pertes ou des
sacrifices k une passion les jours
passés a d'autres sujets que les sceaux
héraldiques. Toutefois il a encore
90
fiER
sacrifié assez souvent a cette|:>assloii
pour que la postérilé ne balance pas
à le placer au premier rang parmi
les illustres graveurs. On a de lui une
douzaine de têtes de la plus grande
beaulé, parmi lesquelles on disticgue
César, le jeune Hercule, ]Ne-\vton, le
poète Thomson , la reine d'Ecosse
Marie, Olivier Cromwell et le poêle
Hamilton de Bangour. Les deux pre-
mières seules sont des copies de Tan-
tique; elles ne le cèdent a aucun des
plus beaux intagli des temps moder-
nes. Doué de toutes les qualités qui
font les maîtres en glvplique , Berry
ne savait pas seulement imiter les
figures ou les bustes placés devant
lui et qui lui laissaient apercevoir
leurs saillies et leurs dépressions . il
possédait le lalcnt beaucoup plus rare
de deviner aTiuspection d'un portrait,
d un dessin sur le plat , les reliefs et
les enfonccmenls de la figure et de
les exprimer comme d'inspiralion.
Ainsi fut faite la lêle d''Hamillou sur
une esquisse Irès-imparfaite et saus
qu'il eut jamais vu le poêle : son
travail élail merveilleux de resscm-
blauce. Pickîer, sou contemporain ,
le proclamait le premier graveur
du temps : et Berry, non moins mo-
deste qu'babile, lui renvoyait cet éloge
dans la sincérité de son cœur. L'opi-
nion publique était divisée sur leur
supériorité. Berry mourut le 5 juin
1783. P — OT.
BERTA (l'abbé François), sa-
vant bibliographe, né en 1709, a
Turin, d'une famille patricienne,
acheva ses études h l'université de
cette ville , sous la direction du vé-
nérable Tagliazuccbi [Voy. ce nom,
XLIV, 392). Ce fut dans les leçons
de cet haLlle maître qu'avec le goût
des lettres il puisa cette pliilosophie
chrétienne qui devint la règle de sa
conduite. A seize ans il avait terminé
BER
ses cours, et il jouissait déjà de l'es-
time des personnages les plus distin-
gués , entre autres de l'abbé, depuis
cardinal des Lances [Voy. L.vnces,
XXIII , 325 ) , qui fut son constant
prolecteur. Berta l'accompagna dans
ses voyages "a Florence , a Bome , a
Naples, etc., et profila de celle oc-
casion favorable pour perfectionner
les connaissances qu'il avait dans les
arls , en visitant les galeries et exa-
minant avec soin les chefs-d'œuvre
de la peinture et de la sculpture. De
retour a Turin , avant embrassé l'étal
ecclésiastique , il lut presque aussit(')t
nommé l'un des conservateurs de la
bibliothèque royale ; et il se livra dès
lors avec une ardeur infatigable a
l'histoire littéraire et a la diplomati-
que. La bibliothèque confiée en partie
a SCS soins lui dut un accroissement
notable 5 et il l'enrichit d'une belle
suite de médailles des princes de Sa-
voie , la plus complète que l'on eût
encore vue. Consulté de toutes parts
sur les points d'histoire ou de criti-
que les plus embarassauls , il enlre-
lenait une correspondance active avec
les savants d'Italie ; et cependant il
trouvait encore le loisir d'enlreprtn-
dre des travaux propres a jeter un
nouveau jour sur l'origine de la mai-
son de Savoie. Berta mourut k Turin
le y avril 1787, a 68 ans. Il a eu
part avec Jos. Pasini {J^'oy. ce nom,
XXXIII, 86) et Bivanlella(ro7-. ce
nom , XXXVIII, i4-8 ) , à la réJac-
lion du Calalogiie des manuscrits
de la Bibliothèque de Turin, ^ 7 4 9 ,
2 vol. in-fol. ; et avec Rivautella , h
la publication du Cartulaire de V ah-
hayc d'Oulx , 1755, in-4°. Il avait
un talent particulier pour le style la-
pidaire 5 et , dans diverses circon-
stances, il a composé des inscriptions
qui réunissent toutes les qualités de
ce genre. Un Eloge emphatique de
Berla , publié en italien dans les yin-
jiales littériiires de Florence , a élé
tiaduit en français par JMercier de
Saint-Léger, et inséré par Barbier
dans YExaincn critique des Dic-
tionnaires, io5. W — s.
BERTAUT (François), sieur
de Fréainille, fils de Pierre Ber-
taiit, genlilliomme ordinaire du roi,
neveu du célèbre poète Jean Ber-
taut, évèqne de Séez, et frère puî-
né de madame de Molteville, na-
quit à Paris, eu 1621. Il obtint,
par la proleclion de sa sœur , et mal-
gré le cardinal de Ricbelieu , une
cbarge de lecleur de la cbambre du
roi. Ses succès à. la cour furent tels,
que le jeune monarque quittait sou-
vent le conseil pour aller le trouver,
et ce qu'il lui donna une partie dans
«les concerts de guitare qu'il faisait
« quasi tous les jours (i).'^ Le cardi-
nal en prit de Tombrage 5 ce qui dé-
terminai Berlaut a vendre sa cbarge,
quoiqu'elle ne lui eût rien coûté. Il
accompagna eu Espagne (1659) le
maréchal de Graramont qui albiit de-
mander l'infante Marie- Tbérèse , au
nom du roi. Madame de Molteville
]]ous a conservé , dans ses mémoires
(tom. V, p. 54-5-362), le journal de
l'ambassade , qui lui fut envoyé par
son frère. Fréauville était alors con-
seiller-clerc au parlement de Roren
et prieur du Mont-aux- Malades. Mais
il quitta ensuite la cléricature pour
acheter, cii 1666, une cbarge de
conseiller au parlement de Paris , où
il se fit estimer par sa probité et ses
lumières. Il mourut avancé en âge ,
dans les premières années du 18*
siècle. On a de lui : I. Journal d'un
voj-age d'Espagne ^fait en i65o,
contenant la description de ce
royaume , etc., Paris, 1669, in-4°.
(i) Mémoires de madame de Molteville , tom.
V, p, 240.
ÈER 91
Cette re'ation renferme des remar-
ques curieuses sur les antiquités (2).
L'abbé de Marolles nous apprend
que a Berlaut avait été employé ,
« par le duc de La Trémoille ,
ce a faire ses protestations en Espa-
ce gne loucbant ses prétentions pour
ce le royaume de Navarre, en 1648
ce (3). 5) Il avait aussi voyagé en Alle-
magne et dans le Nord. II. Les pré-
rogatives de la robe , Paris ,
1701 , in- 12. Le but principal
de l'auteur est de prouver que la
ce noblesse qui naît des emplois mi-
ce litaircs n'est pas d'une espèce diflé-
ec rente de la nolilesse qui vient de la
ce magistrature. Elles tirent toutes
ce deux leur origine du même prin-
ce cipe , c'est-'a-dire de la vertu (pag.
ce 4o5). 3) Il cherche a établir, dans
le chapitre vm , qu'en iBSy les
états . ou l'assemblée des notables du
royaume , se composèrent d un qua-
trième ordre: celui de la Justice.
Barbier , qui cite cet ouvrage dans
sou Dictionnaire des anonymes ,
2" édition, tom. III, n° 1^,659,
appelle l'auteur i>('/-/;'rt«f/deFréau-
ville. Le père Lelong avait commis
la même erreur , en donnant a ma-
dame de Mottevillc, pour nom de fa-
mille, celui de Bertrand. Celte
faute a élé corrigée dans la seconde
édition de la Bibliothèque liistori-
que de la France. Parmi la foule des
libelles qui furent publiés , en 1649 ,
contre le cardinal Mazarin , il s'en
trouva un dans lequel on établit
entre autres propositions : ce Que les
ce griefs des peuples devaient être dé-
ce cidés par les armes , et qu'ils pou-
ce valent porter la couronne dans
« d'autres familles , ou changer de
{2} Boucher de I.i Ricli.Tr<!erie, Bibliothèque
des voyngcs , toin. III, p. 386.
(3) Mémoires de Marolles, abbé de filleioin ,
inm 111 , p. 23S.
BER
BER
« lois.» Berlaul, qui était alors fort
jeune , répondit à cet écrit , et sa
réponse fitt estimée. M™*^ de Mot-
teville, qui rapporte cette pailicula-
rité, ne faitpasconnaîtreles titres des
deux ouvrages. Bertaut a aussi com-
posé, selon labié de MaroUes ,
a quelques vers polis qui tiennent
K beaucoup de. ce beau naturel qu'a-
« vait son oncle , évêque de Séezj
« il eu a fait aussi de latins, jj
L M X.
BERTAUT (Léonaed), histo-
rien, naquit a Autun , au commence-
ment du 17*^ siècle, de parents qui
lui inspirèrent avec le goût de l'étude
l'amour des vertus chrétiennes. Ayant
embrassé la règle des Minimes, il
consacra ses loisirs k rechercher dans
les archives des monastères tous
les documents relatifs a l'histoire
de Bourgogne. Il s'occupait de les
pubHer lorsqu'il mourut à Châlons ,
le 12 mai 1662. Déjà il avait été
l'historien de sa ville natale, en
publiant La très-ancienne et très-
auguste ville d'Autun couronnée
de joie , d^ honneur et de félicité ^
par la promotion de monseigneur
Louis Doni d' Attichi , dans son-
siège épiscopal , Chàlons , i653 ,
in-^". On trouve dans cet ouvra-
ge quelques recherches sur les an-
tiquités et Porigine d'une des plus
vieilles cités des Gaules j mais l'éru-
dition hors de propos qui le .surcharge,
les allégories et les louanges fasti-
dieuses dont il est semé , le rendent
peu propre a être consulté ( Voy.
les 3Jélanges philologiques de Mi-
chault , II, 182). Bertaut fit pa-
raître ensuite l'illustre Orhandale ,
ou l'Histoire ancienne et moderne
de la ville et cité de Châlons-sur-
Saône , Chàlons , Pierre Cusset ,
1662, 2 vol. in /t", fig. Le pre-
mier de ces volumes contient , sous
le titre d'Eloges historiques , des
dissertations assez curieuses j et plu-
sieurs morceaux de différentes mains,
qui ne méritaient guère Ihonneur
d'être recueillis. Le second, qui ren-
fermel'histoire ecclésiastique, est très-
supérieur au premier pour Tarrange-
raent et la discussion des faits. On
trouve a la fin de ce volume un assez
grand nombre de chartes et de pièces
très-importantes , tels que le Testa-
ment de Philibert de Chàlons, prjnce
d'Orange. L'imprimeur Cusset ai-
da l'auteur daus la composition de
cette histoire , qui présente a peu
pr-ès les mêmes défauts que celle
d'Aulun. On trouve le délai! de ce
qu'elle renferme dans la Bibliothè-
que historique de la France ,
tom. III, p. 4.5 1. L'abbé Papillon,
dans sa notice sur Bertaut (i) , pré-
tend que les auteurs de la nouvelle
Gaule chrétienne, tom. IV, p. 890,
donnent entièrement ce livre à
Pierre Cusset. Il est vrai que , dans
le passage indiqué, on cite V Histoire
de Chdlons par Cusset ; mais les sa-
vants éditeurs ne disent pas qu'il en
fût le seul auteur. Ceci d'ailleurs
s'explique naturellement: l'ouvrage
avait paru sous le voile del'anonvme.
Cusset signa l'épître dédicaloire à
M. Perrault, président de la cham-
bre des comptes, et rien dans cette
longue dédicace ne donne lieu de
croire qu'un autre que lui eût nus la
main a l'Histoire de Chàlons. On a
donc pu ignorer alors que le P. Ber-
taut en était le principal auteur. C'est
ici le lieu de rappeler une singulière
bévue d'Ellies Dupin, qui prit le mot
Orhandale pour un nom d'au-
teur (2). L — M — X et W — s.
(i) BiliUolhèque des auteurs de Bourgogne in-
fol., p. i63.
(2) Table des principaux oufrages ccclésiasti'
rjiies , tom, V. p, 1554.
BER
BERTAUT (Eioi),lilte'rateur,
De a Yesoul , en 1782, se dislin-
giia dès son enfance par l'éclat et la
rapidité de ses progrès. A dix - huit
ans il fut nommé professeur de ma-
iLéraatiques au Ijcée de Besancon.
L'obligation d'imposer du respect a
ses élèves, dont plusieurs étaient
plus âgés que le maître , lui fit con-
tracter de bonne heure des habitu-
des sérieuses et des manières un
peu raides qu'il conserva depuis
dans le monde. Loin de se livrer
aux amusements de la jeunesse,
il consacra ses loisirs à l'élude
des philosophes et des publicistes ,
et il acquit ainsi des connaissan-
ces très - étendues en droit et en
économie politique. Il entra bientôt
en relation avec M3I. Destutt-de-
Tracy , de Gérando , Royer-Co-
lard , J.-B. Say , etc., qui ne cessè-
rcDt depuis de Thouorer de leur bien-
veillance. A vingl-qualre ans il avait
composé, Sui' le vrai considéré
comme source du bien, im ouvrage
qui révélait dans le jeune penseur
un écrivain nourri de la lecture des
bons modèles. Il en lut plusieurs cha-
pitres a l'académie de Besançon en
1807, annonçant que son intention
élait de le retoucher et de le faire
imprimer j mais cette publication
n'a pas eu lieu. Nommé peu de
temps après inspecteur de l'académie
universitaire, le travail auquel il se
livra pour concilier les devoirs de sa
place avec ses études favorites finit
par altérer gravement sa santé.
Pendant sa convalescence , qui fut
assez longue , il composa pour se dis-
traire quelques opéras et traça le
plan d'une comédie de caractère dont
il n'a terminé que le premier acte.
Cette comédie, écrite en vers élégants
et faciles , fut communiquée par l'au-
teur a M. Alex, Duval , qui refusa
BER
95
de croire que ce fut l'essai d'un
homme étranger aux combinaisons du
théâtre et aux secrets de l'art drama-
tique. En 18 19, il fut nommé rec-
teur de l'académie de Clermont. Le
discours qu'il y prononça l'année
suivante , pour la distribution des
prix, sortait tellement des étroites li-
mites qui semblent assignées a ce
genre de composition, qu'il fit la plus
grande sensation même k Paris , et
qu'il fut réimprime dans le feuilleton
au Journal de s Débats. 'YxKas[évê.^tïï
i82 3,àracadémiedeCahors,ilrefusa
d'aller occuper un poste qui l'éloignait
de plus en plus de Paris , dont il dé-
sirait de se rapprocher pour pouvoir
y mettre la dernière main à ses ou-
vrages. Le conseil royal de l'univer-
sité n'ayant pu vaincre sa résistance,
il resta sans emploi jusqu'à la révolu-
tion de i85o, où il fut nommé rec-
teur de l'académie de Besançon. 11
montra beaucoup de zèle dans l'exer-
cice de ses nouvelles fonctions , pour-
vut d'habiles professeurs les différents
collèges de son ressort, et ne négli-
gea rien pour achever prompteraent
l'organisation de l'enseignement pri-
maire. Il était déjà souffrant depuis
plusieurs jours , lorsqu'il se rendit
dans le département du Jura pour en
visiter les écoles. La fatigue du
voyage augmenta son mal 5 et peu de
temps après son retour à Besancon, il
y mourut, le 26 juillet i854-, a 62
ans , avec le regret de n'avoir pu ter-
miner aucun des ouvrages qui , se-
lon toute apparence , lui auraient as-
suré un rang très-distingué parmi les
publicistes. Un long fragment de son
Traité sur les lois en général, inséré
dans le recueil de l'académie de Be-
sancon , année i853 , et reproduit
dans la Revue provinciale , en fait
vivement désirer la continuation, qui
doit se trouver dans les manuscrits
9 i BER BER
assez nombreux qu'il a l;nssés. Ber- de succès. De ce nombre sont : i°les
laut aimait les arts, et, si sa fortune scènes épisoclir|ues de la révolution,
le lui eût permis, il en aurait été le vignettes qui accompagnent les por-
protecteur. Il avait une galerie de traits des députés de ia convention na-
lableaux , peu nombreux, mais choi- tionale • a^k-s métiers ellescrisdePa-
sis. On y distinguait un Christ peint ris ; 5° les campagnes de Bonaparte en
par Miciiel Coxcie {Voy. ce nom, Ilalie, d'après Carie Vernet , et les
Â, 157), que Ton a vu quelque figures du Voyage aux terres auslralcs
temps a Paris, où Berlaut l'avait (par Baudin), ouvrage dirigé par
porté pour le faire restaurer, et qu'il M. Milbcrt. peintre voyageur. Lié
fil liihographier, sur la demande des avec les acteurs du théâtre de la ré-
amaleiirs. W — s. publique, Bertaux a fait une collée-
BERTAUX (DuPLEssîs) , des- lion curieuse de leurs portraits eu
sinateur et graveur, mort eu i8i5 , costumes scéniques, lesquels au mérite
n'a pas joui durant sa vie d'une ré- de la ressemblance la phis exacte Joi-
putation égale a son talent. Il aunon- gnent celui d'une exécution facile,
ça de bonne heure de grandes dispo- précise et spirituelle. Quoique, indé-
sitions pour l'art dans lequel ildevail pendamment de sou talent, il eût une
un jour se distinguer^ et il se fil surtout lessource assurée contre les premiers
remarquer par son habiîelé a saisir besoins de la vie dans une place d'of-
la manière de Callot. Ayant copié ficier de vétérans, il fut couslamment
avec une étonnante précision la ten- aux prises avecla misère, et il se trou-
tation de saint Antoine, par ce vait , h sa mort, en 181 5, daus un dé-
maître, il fut appelé, jeune encore, nùment si déplorable, que les corae'-
k l'école militaire de Paris comme diens français se cotiser eut pour les
professeur de dessin j et bieutôt après frais de son euterreraeut. Celle mort ,
il grava quantité de planches pour le d'ailleurs, pasfa inaperçue : lesevène-
J^oyagc d'Italie , sous la direction menl-poliiiquesde l'époque étaient si
de l'abbé deSainl-Nou. Al'époquede graveset occupaient tellement tousles
la révolution il se lia avec de fou- esprits, que la perle d'un vieil artisle,
gueux démagogues; et, quoiqu'il tombé, par sa faule, dans une obscure
ne fût pas né méchant, il se laissa Indigence, ne pouvait produire u:ie
égarer au point d'accepter un emploi grande sensation. C'est du reste avec
dans l'armée révolutionnaire. Aide- justice que quelques amis des arts ont
(ïc-camp de Ronsin , qui comman- surnommé Bertaux le Callot fran-
dait celte troupe, il fut emprisonné çais. Comme le graveur lorrain, il
avec son général lorsque le comité était essentiellement dessinateur et
de salut public résolut d'abattre la lirait un plusgrand parti de l'eau-for-
faclion dite des cocdeliers • et il te que du burin. S'il fut inléiieura
n'aurait sans doute pas échappé a Callot dans l'ait de la composition,
l'échafaucl , si la nullité de son ca- il savait aussi bien que lui donner
raclère et de ses vues politiques une expression naturelle et pitjuanle
n'eût dissipé toutes les craintes qu'il aux plus petites figures; il le surpas-
avait d'abord inspirées. Rendu a la spit même par la linesse, la précision,
liberté, il reprit ses travaux d'artiste, et la légèreté de l'exécution,
et grava "a l'eau-forte des coUec- F. P — t.
lions d'estampes qui eurent beaucoup BERTE AUX (NicoLAS-FBAri-
BER
çois), ne'a Metz le lo octobre 1743,
mourut daus la même ville le 5 mai
1820. Il était un des membres les
plus distingués delà société littéraire
dite des P/iilcithènes de Mclz,et illui
consacrait tous ses loisirs, lorsqu'un
le nomma, le^ojaillel 1773, rece-
veur des domaines. Depuis lors il
devint successivement secrétaire-gé-
néral de l'assemblée provinciale des
Ïrois-Evècbés , du directoire du dé-
partement et de la préfecture , fut
appelé eu i8o5 au corps légis-
latif , où il siégea cinq ans , et
ne cessa de montrer, daus l'exer-
cice de ses fonctions, autant de zèle
que de lumièies. Ilfut le rédacteur
du Procès-verbal des séances de
l'assemblée provinciale des Trois-
Eve'chés et du Clertnontois, le nue
à Metz au mois d'août 1787,
3Iel/., in-4-° de 5o5 pages. B — n.
BEUTELS (Jean), historien,
né à Louvain, mourut le i y juin 1607
dans le couvent d'Epternach, dont il
élaitabbé depuis 1 595.11avait exercé
vingt ans les mêmes fonctions au
couvent de Sl-Pierre de Luxera-
bourg. Philippe II, roi d Espagne,
en faisait un cas particulier. Il a lais-
sé en latin : I. Histoire du Luxem-
bourg , Cobigne , i6o5 et i655 ,
in-4-". II. Un Commentaire dialo-
gué sur la règle de St-Benoit ,
avec une liste des abbés de
son abbaye. III. Histoire de l'ab-
baye d' J^pternach. Les deux ou-
vrages historiques de Berlels , quoi-
que fort incomplets , méritent qu'on
y ait recours. On y trouve quel-
([ues pages digues d'intérêt, mais il
faut se défier des dates et surtout
ne pas consulter la généalogie fabu-
leuse qu'il donne aux comtes de
Luxembourg. B — n.
BERTEREAU (Martise de),
baronne de Beavsoleil et d'AvrKEN-
BER
9^
BACH, auteur d'un ouvrage aussi rare
que curieux sur la minéralogie de la
France, mérite a ce titre une place
dans la Biographie. Ou peut conjectu-
rer d'aprè;> son nom qu'elle était d'o-
rigine française 5 elle épousa, vers
i6oi , Jean Duchàtelel, baron de
Beausoleil , qu'elle accompagna dans
les difFéients voyages qu'il entreprit
uniquement pour étudier l'art d'ex-
ploiter les mines(i). Outre le français,
madame de Berlereau parlait le latin,
l'italien et l'espagnol, et elle se flat-
tait d'avoir des connaissances assez
étendues dans presque toutes les
sciences, en y comprenant la théolo-
gie. Sou mari , d'abord employé
comme inspecteur dans les mines des
états de l'Eglise , passa depuis au
service de l'empereur , qui le nomma
conseiller antique, et lui donna la
charge de commissaire- général des
mines de la Hongrie. Le baron de
Beausoleil avait déjà lait au moins un
voyage eu France, lorsqu'il y revint
eu 1626 [l^oj. Beausoleil, LVII,
4 18). Le marquis d'Effiat, surinten-
dant des finances, lui fît expédier, le
5o déc. de cette année , l'aulori-
safion de se livrera toutes les recher-
ches qu'il jugerait nécessaires pour
s'assurer de l'existence des mine-:, de
leur plus ou moins de richesse, et de
la manière la plus couvenable de les
exploiter , avec défense a qui que ce
fût de le troubler dans ses opérations.
Il paraît que l'empereur ne se sou-
(i; Une }ibr. se de la Restitulion de Platon
peut faire coDJecluiei- f]ue le baron de Beauso-
leil et sa feuiine avaient pousse leurs excursions
jusi|u'en Amerrque. Répondant à ceux qui trou-
veraient que le travail des mijies sur|iasse les
forces et l'industrie de son sexe , madame de
B^rtereaudit « que depuis treste ans, elle s'est
« appliquée avec un laborieux exercice à la
« parfaite recherche de cet art, étant descendue
« dans les puils et dans les cavernes des mines
« (quoique effroyables en ]>rofondenrj , comme
« celles d'or et d'argent de Potosi , au royaume
« de Perse, dont les carrières sont appelées
I' par les Espagnols E^pcran-.a de la muerla. n
96 BER
cîaitpas de le laisser partir. Eu effet,
ce ne fut qu'en i65o qu'il obtint la
permission de se faire remplacer par
l'aîné de ses fils dans ia direction des
mines de Hongrie (2)5 il reprit aussitôt
la route de France , amenant avec sa
famille une cinquantaine de mineurs
hongrois et allemands qui devaient
travailler sous ses ordres. Madame de
Bertereau, deux ans après , rendit
compte au roi et a son conseil des tra-
vaux exécutés par son mari depuis
son arrivée en France , demandant
l'i^xompUssement des promesses qu'on
lui avait faites. Son mémoire, ap-
prouvé par le conseil , fut renvoyé au
secrétaire d'état Emery , pour qu'il
l'examinât, et qu'il en fit un rap-
port au roi. Après six ans d'attente,
voyant que la décision qu'elle sollici-
tait n'arrivait pas , elle prit le parti
d'adresser au cardinal de Richelieu
un nouvel écrit dans knpiel , rap-
pelant que sou mari , depuis dix
ans qu'il est en France , a déjà
dépensé plus de 200,000 fr. de ses
propres biens , sans avoir reçu la
moindre indemnité , elle offre de tra-
vailler a ses frais , a l'exploitation des
mines qu'ils ont découvertes, sous les
conditions déjà ratifiées par le con-
seil d'élat. Cette demande n'avait
rien que de juste. Toutefois elle eut
un fâcheux résultat, puisque , suivant
Hellot {Préface de la traduct. de
ScJduLler), le cardinal de Richelieu
fit arrêter le baron de Beausoleil , et
probablement sa femme 5 car on ne
trouve plus dans les mémoires con-
temporains aucune trace de l'un ni de
(î) c'est madame de Bertereaa qui nous ap-
prend que l'ciiipereur accorda la (icrmission à
son mari de se faire reinplac^^r par sou fils dans
la dircctiou des mines de Uougrie. Mais ce pas-
sage est si obscui- , qu'tn le lisant on pourrait
présumer que cette laveur lui fut accordée à son
premier voyage en France , sons le règne de
Henri IV. 11 est plus vraisemblable qu'il ne
l'obtint que lorsque son iils fut eu âge de le
suppléer.
BER
l'autre. On a de madame de Berte-
reau : I. V éritahle déclaration
faite au roi et à nosseigneurs de
son conseil^ des riches et inestima-
bles trésors nouvellement décou-
verts dans le royaume de France^
Paris, i632,in-8° (3). L'édition ori-
ginale de cet opuscule est introuvable j
mais l'abbé Lenglet-Dufresnoy l'a
fait réimprimer a la suite de \3l Métal-
lurgie d'Alph. Barba, trad. franc,
II, 59, et Cobet l'a reproduit dans les
Anciens minéralogistes de France,
I, 291. II. La restitution de Plu-
ton au cardinal de Richelieu des
mines et minières de France , ca-
chées et détenues jusqu'à ce jour
au ventre de la terre , etc., Paris,
1640, in-8° de 171 pp. non compris
les préliminaires. Ce curieux ouvrage
a élé réimprimé a la suite du précé-
dent. Hellot dit que l'état qu'on y
trouve des mines de France est très-
suspect j cependant il s'en est beau-
coup servi pour rédiger celui qu'il a
donné a la tête de sa traduct. de
Schlutter ( Voy. Hellot , XX ,
i4). Madame de Bertereau indique
les moyens de découvrir les mines
ainsi que les eaux souterraines 5 elle
promet (p. i32) la description des
principcdes Jontaines de France ,
avec leurs vertus et facultés, et la
méthode comme il en faut user. Ou
doit regretter qu'elle n'ait pas publié
cet ouvrage. VV — s.
BERTHAULT(i)(RÉne); sieur
(3) IMadame de Bertereau termine cet opus-
cule en annonçant la découverte qu'elle avait
faite l'année précédente 1629 ) d'une source
d'eau minérale à Chàteau-Thicrry. « Cette dcs-
« couverte, dit-elle, est une Dénédiction de
« Dieu , de quoy je luy en rend grâces , et croy
« qu'il n'y a François qui ne soit obligé d'en
« faire autant g mon nom, et le remercier, tant
« de cette eau médicinalle, que des autres gran-
« des commodités par moy descouvertes , pour
« le bien général delà France. i>
(i) C'est ainsi que le nom de l'auteur est
écrit dans le privilège pour l'iuqjression du Livre
d'ordeMarc-Aurèle,dalcdei33i. Rigolev de Ju.
de la Grise, liliérateur sur le.ju?l ou
n'a pu recueillir ((iie des reuscigne-
jnt'iils fori incoinplels , élalt seci'é-
laire du cardinal Gabriel de Gram-
niont , mort archevêque de Toulouse
eu i534- \J^oj. Grai\i:.io:>t , au
^upp), et il l'accompagna dans
ses ambassades en Espagije el en
Italie. Il a dédié sa liaducliou du
Livre cTor de Maic-Aurèle h la
reine de Navarre , qu'il nomme la
Marguerite des princesses {2.) ; c'é-
tait la sœur de François P' . Il pa-
raît que Berlbaull fut afiacbé quelque
temps k Marguerite, mais on ignore
l'emploi qn'il avait dans sa maison. La
traduction dont on vicut de pailer eut
un succès tel qu'il serait difficile d en
trouver un autre exemple dans tout le
seizième siècle. Imprimée pour la pre-
mière fois en i53i , Paris, Galiot
Dupré , in-fol. gotb., il s'en fit dans
l'espace de dix années au moins six
éditions dans tous les formats : in-4'',
i554 5 in-fol., 15355 in-8°, i SSy;
in-i6, sans date {P oy. Gvevara ^
XIX, 39). On doit encore a La Grise :
la Pcnitejice d'atnour en laquelle
sont plusieurs persuasions et ré-
ponses très-utiles pour ceux qui
Teulent converser honnêtement
avec les dames, etc., iSSy, ia-i6.
Suivant Duverdier {Bibl. franc., \ ,
4-39), ce roman , imprimé a Lvou ,
est une traduction de l'italien; il est
très-rare. Mercier de Saint-Eéger en
a donné l'analyse, avec la descrip-
tion du volume , dans le Magasin
ency-clopédique , année 1798, II,
99-102. Tout en conveqant que les
mœurs de cet ouvrage sont celles de
vigny, dans ses notes sar ta Diblioth. de Daver-
dier , le noin:ne mal Bertaut , oitbograplie
ac'opléepar quelques autres biblio^aphes.
(2; D'autrrs auteurs lui ont d >iin>" le même
SDinom , et il existe même trois éditions de ses
poésies (154-, i549et ib54),sous le titre suivant :
Les Marguerites de la Marguerite des princesses.
BER
î>7
ITlalie , Mercier ne croit pas que ce
soit une traduction. 31. Bruiict a dé-
crit es rare volume avec exactitude
dans le jSlanuel du libraire^ au mot
Pénitence , etc. W — s.
BERTIÎAULT ( Louis-Mar-
tin ) , architecte , né à Paris , vers
1 7 7 1 , moutra dès son enfance beau-
coup de goùl pour l'art qu'il embrassa
dans la suite, et on le vit fréquemment
s'essayer daus de petites construc-
tions. A l'âge de quinze ans il sut déjà
subsister par ses propres moyens.
Sans avoir eu d'autres leçons que
quelques avis de son oncle , qui était
architecte , il se fit connaître bientôt
par son habileté h dessiner les parcs
daus le goût anglais , quoiqu'il n'eut
point fait d'études proprement dites
pour ce genre , et qu'il eût peu voya-
gé. Ce fut surtout la disposition des
jardins de la Malmaison qui le mit en
vogue. Joséphine, femme du premier
consul, lui ayant laissé pleine liberté
d'arranger ces jardins suivant ses
idées, Berthault bouleversa enlière-
ment l'ancienne disposition. Xano-
léon, arrivant sur ces entrefaites, té-
moigna beaucoup d'humeur au sujet
de ce chargement, el ne revint que
lorsque tout fut fini. Le nouvel arran-
gement des jardins le charma alors
au point qu'il désira voir l'artiste :
il lui témoigna sa satisfaction , et le
nomma architecte du château de Com-
piègne. Eerlhault restaura ce jia'ais
que Girodet et d'autres artistes dé-
corèrent de peintures. Plusieurs ar-
chitectes avaient essayé d'arrano-er
aiissi les jardins, mais sans succès;
les plantations nouvelles avaient péri
au bout de peu d'années, à cause de
la qualité particulière du terrain.
Berthault fît remuer et changer eu
partie la terre , y planta les arbres
convenables , et ces jardins , aupara-
vant sinus, devinrent délicieux. On
LVIII.
98 BER
y remarque un berceau d'une demi-
lieue de long. Lorsque, après la nais-
sance du roi de Rome , Napoléon eut
conçu le projet de faire construire
dans la métropole du monde catholi-
que , qui alors était la seconde ville
de son empire, uu palais digne pnr
sa m ignificence de servir de séjour a
l'hériiier futur de son Irnne . il char-
gea Berthault de construire le palais,
et le parc qui devait y être joint. Ce que
ce parc devait avoir de remarquab'e
et d'unique c'étaient les ruines de
quelques-uns des célèbres monuments
de l'empire romain , qui devaient y
être renfermés de la manière la
plus pittoresque. 11 s'agissait de dé-
molir des rues entières qui les entou-
raient, et d'isoler ces vieux monu-
ments. Jamais desinateur de jardins
n'avait reçu une missiun plus grande.
Berthau't se rendit a Rome et com-
mença les travaux , ayant des md-
lions à sa disposition , et faisant agir
des milliers d'ouvriers. Les Italiens
furent émerveillés de la grandeur co-
lossale des plans de Bertltault ; les
académies de ce pays s'emnressèrent
de s'associer un artiste aussi éton-
nant. Cependant les revers de fortune
que Napoléon essuya en i8i4 et son
abdication firent tomber ses projets
magnifiques. Pie VII demanda dans
la suite les plans de Berthault , et
on assure que c'est d'après ces plans
qu'ont été laits, depuis, les embellis-
sements autour des ancie.ns monu-
ments de Rome. Berthault avait aussi
été chargé deprésenterdes plans pour
le palais que Napoléon voulait faire
construire sur les hauteurs de Chail-
lot, a Paris. Un grand nombre de
parcs et de jardins des environs de
Paris ont été des inés et embellis par
cet artiste 5 de ce nombre sont ceux
de la Jonclière , de Saint-Leu, du
Raincy, de Pontchartrain, Armonvil-
BER
lerSjCondé, Bàville, Fontenay-sous-
Brice , ainsi que des jardins dans
d'autres parties delà France, entre
antres ceux de Navarre et de Châ-
teau - Margaux. Il avait un talent
rare pour tirer parti des localités, et
profiter de tous les agréments que
donnait !e site. Ve Ions les pays
de l'Europe on lui demandait des
plans, qui étaient exécutés ensuite
par d'autres archlectes. Il resiaura
aussi plusieurs hôtels à Paris , en-
tre autres celui d'Osmond sur les
boulevarts et celui du banquier Ré-
camier , à la Chaussée d'Antin. Na-
poléon l'avait nemné raeuibre de la
Légion-d'Honneur. Berthault con-
serva sous la resiauialion la place
d'architecte du château de Compiè-
gne et du palais de la Légion-
d'Honneur. Il avait acquis par ses
travaux 'ine fortune con>idérable j il
en employa une partie h -agrandir
et k embe'llr sa propriété à Chan-
tilly , dunl les plantations avaient été
son début dans sa première jeunesse,
et à construire pour sa famiHe , a
Paris , rue Neuve-des-Maihurins ,
une habitation pourvue de toutes
les aises d'un luxe élégant. Sa santé
s'élant altérée , il se rendit, en 1823,
aux ea"X des Pyrénées , mais il
mourut en roule, à Tours, au mois
d'août de la même année. Il a été
inhumé dans son parc à Chantil'y.
Be-^lhault était d'un caractère vif,
d'une grande activité , et fort obli-
geant ; il fut le bienfaiteur d'une
partie de sa famille. D — g.
lîERTJlE , première femme de
Philippe l". f^ o;'.Philippe,XXXIV,
90 - 91 , et Yves , de Chartres, Ll,
BE11T3ÎELÏN (Pierre-Char-
les) , lexicographe , naquit à Paris,
vers 1720. Après avoir aclievé ses étu-
des, il embrassaTélat ecclésiastique.
BER
p! fut pourvu d'un canonical an ilia-
pilre de Doué , dans le Bas- Anjou.
Quelque lenips après il se fil recevoir
avocat au parlement. Son projet,
selon toute apparence, était de con-
sulter les questions de droit canoni-
que qui se présentaient alors fré-
quemment devant les tribunaux ; mais
il V renonça !)0ur suivre la cnrrière
BER <jg
jnjffs, il)îd. , 1752, in-t2= Cette
compila'ion est Irès-ulile pour les
jeunes gen'i, que Fauteur a eus parti-
culièrement en vue. Le modeste et
hibo lieux Berthelin mourut vers
1780. Il était membre de l'académie
d'Angers. W — s.
BERTMELOT (Clacde-Fratî-
cois) , ingénieur-mécanicien, oublié
de l'enseignement. Nommé professeur jusqu'ici dans tous les dictionnaires,
de 1 m-ue latine à l'école mililaii e , à
l'époque de sa création , en r 7 5 i , il
remplit cette placejusqu'en 1776, i|ue
cet établissement fui rerais a des con-
grégations religieuses. Berthelin. •î'ét it
appliqué spécialement à l'étude de la
langue française. En 1 76 r , il publia
«ne nouvelle édition du Di~ tiotinaire
des rimes de Riclielet [f^oy. ce nom
XXXVIH, II), corrigée et auL;men-
lée. Elle fut suivie d'un S upplémenl
au Dictionnaire de Trévoux, Pa-
ris, 1752, In-tol., refondu dans l'é-
dition imprimée la même année et
dans celle de 1778. Enfin il donna
depuis un très-bon Abrégé de cet
utile ouvrage, Paris, 1763, 3 vol.
in-4". Il s'était assoiié pour ce tra-
vail le raéd<ciu Goulin , philologue
instruit. Indépendamment de ces
publieations , ou couuaîl de Berthe-
lin : I. Des Odes en latin et en
grec [France litt. 1769). Barbier,
dans son Examen crit. des diction. ,
207, se contente de citer l'Or/e la-
tine de Berthelin sur le siège de
Bergopzoom. H. Lettre à Jatnet
l'aîné [Voy. ce nom, au Supp.) sur
les additions dont le Dictionnaire
de Trévoux serait susceptible ,
Paris, 1745, i'i-12. III. Recueil
d'énigmes et de quelques logogri'
plies, ibid., 1749^ in 12. IV. ixe-
cueil de pensées ingénieuses tirées
des poètes latins , avec les imita-
tions ou traductions en vers français,
rangées par classes selon les divers
était né le i 9 avril 1 7 i 8, a Château-
Cliàlous, en Franclie-Comlé, de pa-
rents pauvrci. Arrivé h 1 âge de
choisir u^ état , il vint à Paris , où il
travailla quelque temps dans divers
ateliers de charpenlerie et de serru-
rerie, se faisant chérir de ses chcTs
par sa bonne conduite et son intelli-
gence. Il fmploy.'iit tous ses 'oisirs à
réparer en lui autant qu'il le pouvait
le délaul de première éducation. La
lecture des OEuvres de Mariette
et des Mémoires de l'académie des
sciences lui révéla ses di.spo.sitions
pour la mécanique. Dès-lors il con-
sacra ses VI illes et .ses économies a
divers essais^ et il fit même plu'-ieurs
voyages en Angleterre pour exaniiner
les machines employées dans les
principales manufactures. De retour
eu France, il s'empies.':a d'offrir au
gouvernement le résultat de son ex-
périence , et fut nommé prolessenr de
mathématiques à l'école royale mdi-
talre. Il composa p ur l'usage de ses
élèves un Cours de mathémati-
ques, Paris, 1762, in-8", i'^* par-
tie, coulenanl la théoiie et la pra-
tique de l'arithmétique. En 1775 , il
donnaune continuation de cet » nvrage
in-8°. Il avait obti nu en 1765 l'au-
torisation de construire à l'arsenal
d'Auxoune un affût de son invention .
L'année suivante il en fit un autre a
Strasbourg; et sur le rapport de M.
deGribcau\al, que cet aiiïit pourrait
être utilement employé dans les bat-r
■^'rVl]
iOO
liER
teriespour la défense des côtes, Ber-
ihelol obtint, en 1765, une pension
de 600 livres sur la caisse de Tar-
lillerie. Encouragé par ce succès , il
rédigea un mémoire dans lequel il
développait tous les avantages de son
affût . et montrait la facilité de le
substituer à l'ancien, presque sans
aucune dépense pour l'état. Ce mé-
raoire, apostille par le prince de
Listenoi>, fut remis dans les bureaux
de la marine 5 mais le principal com-
mis, de qui dépendait l'expédition de
cette affaire , après avoir amusé Ber-
ilielol pendant plus de deux ans par
de belles paroles, finit par le congé-
dier durement, en lui disant que s'il
li'était pas content, il n'avait qu à por-
ter ses découvertes h. l'étranger (i).
Alors il cessa des démarches mutiles ^
mais il eut depuis la satisfaction de
voir adopter son affût sur les côtes et
dans les places de guerre (2). Il
imagina, quelque temps après, un
moulin à blé qui pouvait être mis eu
mouvement avec facilité par deux
tomïties ; le lieutenant-général de
police Lenoir en fit établir quel([ues-
uns , en i 778, a Bicélre pour le ser-
vice de ccttemai-on. Cette ingénieuse
invention, qui devait faire la fortune
de Berthelot, lui valut seulement le
titre d'ingénieur mécanicien du roi,
avec le privilège de construire et de
débiter seul ses machines dans toute
l'étendue du rojauine. Il sentit qu'en
usant de ce privilège qui portait
six mille francs d'amende et coulis-
callou des mncbines, envers les con-
trefacteurs, il empèclierait une gran-
(i) Berthelot a eu la gt-Dérosité de ne point
nommer ce commis, dans la crainte d« lui faire
tort. Voy. «.a JIccaniijuc, 11, f)5.
( •) Cet affùf dont l'utilili; a é'.é si générale-
ment reconnue i)o;ir la surete du service, el par
l'économie des hoinmi-s et dc^ frais , a ttc in
jiisleii;cnt nommé affût de Giibeauval , parce
«ju'ou en attribue la déccuverte au protecteur
69 rinvenieur.
BER
de partie du publie de profiler de
ses inventions j et 11 y renonça gé-
néreusement en faveur de tous les
souscripteurs à l'ouvrage qu'il se pro-
posait de publier, et qui devait con-
tenir la descriplicm de ses machines.
Cet ouvrage, intitulé La Mécanique
appliquée aux arts , aux manufac-
tures, à l'agriculture et à la guer-
re, Paris, 1782, forme 2 vol. iu-4°.
Le premier volume est accompagné
de 60 pi. et le second de 72, ce qui
porte le nombre des pi. k 102 , au
lieu de 120 promis par le frontis-
pice. Des exemplaires restant en ma-
gasin ont été reproduits, en 1792 ,
avec des additions et une augmenta-
tion de 09 pi., ce qui en élève le
nombre total a 193. Ce recueil, un
des plus considérables que l'on con-
naisse , contient une foule de machi-
nes ingénieuses et utiles 5 diverses
espèces de moulins, des grues, des
scies, des affûts de canon , des mo-
dèles de voitures h larges jantes ,
des mouvements 'a pédale, etc. ]3ans
les deux ouvrages qu'il a publiés ,
Bertht-lot , habitué à parler le
langage des ouvriers, demande grâ-
ce pour son style: et, dans ses ma-
chines, il substitue avec raison la
force des hommes a celle des bêles
de somme , afin de procurer h une
foule de malheureux des ressources
contre la misère et l'oisiveté. La
plupart des machines imaginées ou
perfectionnées par Berthelot sont
d'une utilité reconnue et d'un usacre
journalier; mais l'artiste auquel on
en est redevable , après avoir con-
sumé sa vie et sa fortune en travaux
et en essais pénibles, souvent sans
résultats et toujours dispejidieux ,
n en reste "pas moins aujourd'hui
presque inconnu. A l'époque de la ré-
volution , Berthelot perdit sa place
el la pension qui le faisait subsister,
BER
et il fut oublié dans la réparlition
(les secours accordés par la Conven-
tiou aux savants et aux artistes pau-
vres. D'après le rnpport d'une coni-
mission sur les découvertes et les tra-
vaux dt' Berllielot , le Lvcée des arts,
dans sa séance publiipie du 20 nov.
1797, lui décerna une couronne et
une méda lie. Ce vieillard octogé-
naire y inspira le plus douloureux iu-
lérèt eu parai>sant dans un élat de
niidilé presque complète. Il venait de
soixante-dix lieues réclamer quelques
secours. Le Lycée le recommanda vi-
vement au ministre de l'mlérieur
(Bénézech) qui , après trois ans d'at-
tente,lui fit compter cinquante francs,
sans lui payer les arrérages de sa mo-
dique pi-nsion. Il mourut a Noailles,
près de Beauvais en 1800, a l'âge de
82 ans. A — T et W — s.
EEP^TIIELOT (Jean-Fkan
cois] , avocat , naquit a Paris , au
mois de juin 1749- Ayant obtenu
au concours, en 1779, une place
de docteur agrégé a la Faculté de
droit de Paris, il fit paraître plu-
sieurs ouvrages qui accrurent sa
réputation , el parmi lesquels on
distingue le Traité des c^'ictions
et de la garantie formelle ,
Paris, 1781, 2 vol. in-12. Garât
avait attaqué, dans le Mercin-e de
France (février 1780), lauloriié du
droit romain. Bertlielot réfuta des
assertions aa moins peu réfléchies ,
avec quelque succès, dans un écrit in-
titulé : Réponse à quelques propo-
sitions Jiasardées par M. Garât
contre le droit romain, Paris, 1786,
in-12. Garai ayant répondu à cette
critique, dans le même journal , les
auteurs du Mercure eurent 'a bonne
foi de donner un extrait fort étendu
de l'ouvrage de Berlhrlot (septemb.
1785), et d'insérer aussi une let-
tre dans la(!uc!!e il relevait les
BER
lOt
nouvelles erreurs où le philoso-
pbe était tombé. Berthelot publia
dans le même temps des Ré-
flexions sur la loi du Digeste, de
Qnœstionibus, relatives à la ques-
tion dans l'empire romain , à
son origine en France et à ses
différents états jusqu'à nos jours,
Paris, 1785, in- 8". Peu d'an-
nées après la suppression des fa-
cultés de droit, il fut nommé pro-
fesseur de législation à i'écol- cen-
trale du département du Gard. Il
occupa cette chaire jusqu'à la créa-
tion des écoles de droit , et f':t alors
appelé a celle de Paris , comme pro-
fesseur de droit romain. En 1802 , il
s'était chargé de traduire les six der-
niers livres du Digeste ^ pour com-
pléter la traduction que feu Hulot
avait faite des quarante-quaire pre-
miers et qui fut publiée k Metz, i 8 o5-
i8o5 , 7 vol. in-^". La version de
Berthelot remplit la plus grande par-
tie du septième volume (p. i a 4-34);
car, malgré les indications du titre de
l'ouvrage, il ne traduisit que quatre
livres (i). Ses occupations , comme
professeur de droit romain, l'empê-
chèrent de poursuivre. Il se livra tout
entier h l'enseignement dont il était
chargé jusqu'en 181 3, après avoir
publié, dans l'intérêt des élèves qui
suivaient ses cours , plusieurs ou-
vrages propres a leur faciliter l'intel-
ligence des lois romaines, et notam-
ment une édition du Î\I annale juris
de Jean GoJefrui, Paris, 1 8 o6j iu-8^;
des Instituts de Justinien, Paris,
1809, 2 vol. in-S", et une traduction
des éléments (lu droit civil romain
d'Hciueccius (J.-G ), avec le texte en
regard, Paris, i8o3; 2''édili!in,
1812, 4 vol. in-12. Vers la fin
(t) m. Delji-as est l'auteur delà traduction du
49"= et du Do''Uvre(p. 434 a 673). 11 avait été choi-
si par Bcflbelot lui-uiêiue , iionr le remplacer.
te%
BËR
de sa cari icre,Berlliplot parut atteîal
d'aliénalion mentale , el on l'eulen-
dit, avec une surprise extrême, d.ms
les leçons qu'il dinnail à l'école de
droit , tourner en dérision cette même
jurisprudence romaine qui auiit fait
le cbarme de sa vie. Il mourut a Pa-
ris,le 1 5 février i8i4. L — im — x.
liERTlIIEU (Jeak-Baptiste),
naquit à Tonneire en 1721. Le ma-
réchal de Belle-Isle, ministre de la
guerre , qu'il avait accompagné aux
armées , en qualité d'ini^éuit ur géo-
graphe , le chargea en 1769, par or-
dre du roi, de construire h Versailles
les hôtels vastes, et contigus de la
guerre, de la marine el des affaires
étrangères. Ces édifices d'une archi-
tecture simple, pour lesquels il ima-
gina un projet de voûtes plates incom-
bustibles et dont la distribution el la
décoiation intérieure étaient admi-
rées, ue fumaient qu'une partie du
plan géuéral qu'il avait proposé peur
réunir non seulement les bureaux, les
archives el les dépôts de ces trois
mnistèies, mais encore les plans en
relief des places de guerre. Voulant
le récompenser de ces travaux et de
l'économie qu'il y avait apportée (ce
sont les ter ' es du brevet), LouisXV
le créa gouverneur de ces hôleîs, di-
recteur du dépôtdelaguerre, mit une
compagnie militaire sous ses ordres
et décida qu'il ne rendrait compte de
ces fondions qu'au roi lui-même. Ce
fut ensuite sous la direclion de B r-
thier , secondé par ses trois fils^
(/^. les deux articles suivants, et Léo-
pold Berthier , IV , 35b), que fu-
rent levées et exécutées les Cartes
dites des chasses du roi , chef-
d'œu^Te de topo:;rai.hie, etdunl la
gravure par Tardieu n'est pas moins
remarquable. Ces caites, au nombre
de onze, sont d'ailleurs d'une utilité
générale, et les épreuves du premier
BER
tirage sont rares. Le roi qui, ainsi que
les princes, avait surveillé les opé-
rai ions, en fut si satisfait qu'il conféra
h Berthier des lettres de noblesse
dans lesquelles il voulut que les servi-
ces de cet ingénieur fussent co istalés,
et il lui accorda une pension de douze
mille livres réversible k ses enfants.
Outre les titres qu'où vient d'in'li-
quer , il était colo; cl d'infanterie et
commandant en chef les ingénieurs
géographes des camps et armées , la
plupart ses élèves et qui deviurent des
officiers distingués. Chevalier de St-
Lonis et de St-Mich> 1 , il l'était
aussi de plusieurs ordres étrangers.
La révolulii.n lui ayant fait perdre
tous ces avantages, il s'était retiré k
Boynesdans le Loiret. Plusieurs an-
nées après, cédant a x inslances de
son fils Alexaiidre , alors ministre de
la gneire il vint 1 abiler avec lui, et
mourut k Paris le 21 mai i8o4. — Il
avait eu d'un second ma'"iage un qua-
trième fils aussi nommé Alexandre ,
aujourd'hui maréchal de camp.
E — K — D.
BERTHIER (?ii;p,R;i-ALEXAN-
dre), prince de W agram et de Neuf-
chàlel , était le fils aîné du précé-
dent , el naquit k Versailles le 20 no-
vembre 1753 11 recul une éducation
toute militaire , et il s'appliqua sur-
tout au génie. Dès l'âge de dix-sept
ans, il était lieutenant dans le corps
royal d'état-major, qu il quitta pour
entrer dans le régiment de Soissonais,
infanterie. Devenu capitaine en 1778,
il fut un des officiers qui passèrent eu
Amérique avec Rochambeau. Sa con-
duite aux premières actions qui eu-
rent lieu sur les bnrds de l'Ohio lui
fit une réputation, et il devint co-
lonel, alaHnde la guerre ; ce qui était
un avancement extraordinaire pour
un officier dont la noblesse était dou-
teuoe ou du moins fort réceule. £11
BER
1789 Louis XVI le nomma inajor-
gpiiéral tie la garde nalionale de Ver-
sailles , et il rendit en celte qualité
queKjues services à la cour. Lccoiu-
tre, depuis membre de la Convention,
ajant demandé que les gardes-du-
corps fassent astreints a, prêter le
serment civique , et a porter la co-
carde tricolore, l'opposition de Ber-
thier fit rejeter celte proposition. Il
contribua en même temps de tous
ses efforts au maintien de l'ordre et
à la sûreté de la famille royale jus-
qu'aux journées des 5 et 6 octobre ,
où le flot populaire était déjk trop
fort pour être arrêté par les faibles
digues que Louis XVI pouvait lui
opposer. En 1790 Beribitr demanda,
par une péliiion a l'assemblée natio-
nale, que Ton é'evàt un monument
f'inèbre a la mémoire des soldats
tués a Kaiici. Dès celle époque il
^emplis'^a^l les fonctions de comman-
dant-général de la garde natiimale de
Versailles, auxquelles avait renoncé
La ïour-du-Pin. Le 19 fév. 1791
il eut h lutter contre une émeute
grave. Les tantes de Louis XVI ve-
naient de partir du cliàteau de BtUe-
vue pour l'Italie : Bertliier connais-
sait ce départ , et il l'avait favorisé
de sou mieux en gardant un profond
secret et en évitant d'évilUer les
soupçons. Mais les augustes fugitives
étaient encore dans la cour qu-^ déjk
la nouvelle de ce qui a' lait arri\er se
répandit. Des rassemblements se for-
mèrent a Paris, el se portèrent au
clià eàu de Be levue , demandant k
grandi cris les princesses. El'es
étaient parties dans l'intervalle. Fu-
rieuse de ce désippoinlement , la
foule semblait décidée a se porter
aux plus violents excès, et voulait au
moins piller le château. Berlliier, a
la tète d'un détacbement, parvint,
par la sagesse de ses mesures et la
BER
io3
modération de son langage , a dissi-
per le rassemblement. Sa conduite
en celte occasion le rendit Tobjet
des éloges des rojctlistes , mais en
même temps elle lui aliéna les révolu-
lio'niii es. Ou voulut lui taire donner
sa démission, en répandant d'avance
le bruit qu'il était décidé a l'offrir.
Il se crut obligé de couper court k
ces incrimlui'- lions en écrivant le 21
mai, dans le i)/orti7e«?', qu'il n'enten-
dait ni abandonner ni se faire retirer
un poste qui Tbonorait et dans lequel
il croyait pouvoir être utile. \ers
la fin de 1791 il fut élevé au rang
d'adjudanf-général , et se rendit ,
avec le ministre Narbonne , k Metz,
oi!i il portait aux généraux Luckuer et
Rocbambeau le bâton de maréchal
de France. Dès le commencement de
179211 deviutciief delétat-major de
Luckner. Le système qui bieulùt pré-
valut dans la capitale faillit lui être
funeste : sa mndération le rendait sus-
pect ; ses mesures dans les journées
des5el6 octobre, pour coopérer au
salut du roi, dans celle du 9 fév lier,
pour préserver des aristocrates de la
fureur du peuple , furent l'objet d'un
sévère examen. Luckner lui-même
écrivit a rassemblée pour justitier son
chef d'état-major j mais dans le même
temps Dumouriez écrivait au roi aue
Berthier abu>ail de la faiblesse du
vieux maréchal, et qu'il ie perdait.
Ce fut alors que cilui-ci passa dans
la Vendée, et qu'il fui successivement
chargé de plusieurs commandements
dans les deparleu'ents Insurgés, lise
comporta eu brave dans plusieurs aflai-
res , et fut mentionné honorablement
dans les rapports des commissaires
de la Convention. Le général en chef
Ronsin reconnut bientôt l'avantage
de l'avoir pour lever les plans du
pays. La bataille de Sauraur (i5 juin
1795), suivie delà prise delà ville.
-io4
B£a
lui présenta le moyen de prouver son
dévouement. Bravant les plus grands
périls , il eut trois chevaux tués sous
lui dans cette occasion. Cependant
Custine, oblisé de tenir la campagne
avec une poigree de monde conlre la
formidaljle armée prussienne, ne ces-
sait de demander Berlbier comme seul
capable de suppléer a l'inégalité des
forces. La prudence de celui-ci l'era-
pêclia alors d'être enveloppé dons la
disgrâce de ce général. Aussitôt après
]eg thermidor, il fut chef d'étal-major
de Kellcrraann , et ce fut lui qui fit'
prendre à l'aimée des Alpes la ligne
de Borglielto qui arrêta l'ennemi.
Lorsque Bonaparte fut nommé com-
mandant de l'armée d'Italie, en 1796,
Berthier, récemment élevé au grade
dégénérai de division, l'accompagna
en qualité de chef d'état-raajor. Bien-
tôt il se rendit très-utile au jeune
conquérant par sa connaissance de la
carte, par son activité ainsi que par
celle qu'il savait imprimer a ses bu-
reaux, et enfin par l'attachement pour
son ctef, dont il se fit une sorte d'ha-
bitude. Les éloges que Bonaparte
lui donna sous tous ces rapports ne
tardèrent pas a se répandre : il lui
attribuait, en l'an v, une part de sa
gloire dans la conquête d Italie; mais
ces services furent exagérés par la
renommée, k tel point que la vanité
du général en chef s'en inquiéta. Sui-
vant certains témoignages , Berthier
et Carnot auraient tout fait à l'ar-
mée d'Italie : Carnot , en envoyant
les plans dt campagne , Berthier en
veillant k ce qu'ils fussent exécutés.
Le fait est que Bonaparte n'avait pas
plus besoin qu'il n'avait envie de
recevoir des plans tout faits , et
que , dès le commencement de ses
guerres d'Italie , les ordres venus du
Luxembourg furent souvent écartés
6-t méprisés. I! est assez connu que
BER
Berthier ne conserva auprès de lui
une si longue faveur que par une ab-
négation complète, et surtout en se te-
nant avec une grande réserve au second
rang, sans jamais témoigner l'intention
de briller au premier. Celte modéra-
lion a même donné lieu a beaucoup de
propos et d'assertions injurieuses k
sa mémoire (i). Si l'on en croit
Wour'itnne elle 3Ié/norial de Sai/ile'
Hélène, Napoléon s'est livré , dans
les derniers temps de sa vie , a des
plaintes , et même k des in>ulies
bien faites pour étonner , conlre
celui qui fut si long-temps son com-
pagnon d'armes et son ami. C'était
ini oison, lui fait-on dire , dont
j'avais J'ait un aigle. Et il faut con-
venir cependant q^ie ce n'était guère
le fait d'un oison que d'avoir . dès le
premier instant, assez bien compris la
position et surtout le caractère de son
chef, pour se plier a son gré et se sou-
mettre a toutes ses volontés. Parfai-
tement placé dans son poste secon-
daire de chef d'élat-major , il sentit
k merveille que le premier rang ne
pouvait convenir ni k son humeur ni
a son talent , et il s'effaça complète-
ment devant Bonaparte , qui le laissa
volontiers nommer sou bras droit,
pouvu qu'il fût bien entendu que le
bras droit n'inventait rien , n'ordon-
(i) Berlhier fit graver en Italie (179S) une
grande vignette sin;;ulièreinent aduladicc, pla-
cée en tète de ses lettres : en y voit une renom-
mée planant dans l'espace, enibouchanl la trom-
pette , et montrant à l'univers nn métlaillon
couronné de lauriers , portant pour légende .
Bonapurle, géiiernl en clief. A droite, est une
minerve tenant d'une main une longue pir|ne
surmontée du bonnet de la liberté, et s'ap-
puyant de l'autre sur des faisceaux consulnires
(an vi). Adroite est une pyramide, sur la<iu(>lle,
sous le titre de f'icloins de l'armée d Italie ,
sont gravées trente-neuf balaiiles ou combats ,
avec leurs dates. Le génie de l'histoire écrit sur
des tablettes: Traité de paix de Campo-Faimio ,
le ïi\ frimaire, an ti. Sur une carte, qui serl de
(!inmp, on lit les noms des villes de Viiiuie,
Turin Manloue, Gènes, Venise, Rmuc , etc. Ou
trcjve encore d'autres cmblèiues non mi,ins adu-
li:evrs sur fcttc iinme;;sc vigr.ctle.
BER
naitrieu, mais faisait vite, et faisait
bieu ce que la tête inventait et or-
donnait. EneiTct, il paraît que ce
que Bonaparte aliuait surtout dans
Berthier , ce n'était pas sa ponctua-
lité , son activité ; c'était la force de
sa constitution, qui lui permettait de
passer jusqu'à huit nuits de suite ,
enfin c'était son habitude de ne jamais
donner de conseils, de ne jamais ou-
vrir (i'avis sans en être prié. Au reste,
il excellciit dans l'art de rendre compte
en termes simples et lucides des évo-
lutions les plus compliquées d'une ar-
mée ^ et sur un champ de bataille, son
coup-d œil était assez juste , son
expérience assez grande pour voir
a l'instant même où il importait de
donner des ordres. INapoléon l'appré-
ciait très-bien sous ce rapport, et
l'on raconte qu'à Waterloo, ayant de-
mandé au maréchal Soult, devenu chef
d'état-major général, s'il avait fait
parvenir ses ordres au général Grou-
chj, elle maréchal lui ayant répondu
que deux officiers étaient partis, Bo-
naparte s^écria avec humeur : a Ber-
ce tliier en aurait envoyé dix! » Sa mé-
moire était sans égale pour tout ce
qui regardait les mouvements des
corps, leur force, leurs cantonnements,
leurs chefs. Sur tous ces points, ses
rapports , en parlant ou en écrivant
étaient exacts ; mais il savait moins
bien glisser les inexactitudes, les hy-
perboles, les fausses insinuations
destinées aux populations , ou même
à larmée. Bonaparte lui apprit les
éléments de cet art, mais ii y resta
son maître , et les bulletins , les
ordres du jour furent aussi souvent
dictés qu'Inspirés par le général en
chef. Berthler, dans la campagne
d'Italie, remplit les devoirs^ d'un bon
général divisionnaire en même temps
que ceux de chef d'élal-major j et
Bonapavie a r'.dit plus d'ui-e ilis de-
BER
lo5
puis que jamais sa présence sur le
champ de bataille n'empêchait le tra-
vail des bureaux de s'exécuter avec
la même régularité. Lorsque Lahaipe
fut tiré a Udogno, dans une surprise
nocturne, Berthier accourut : sa ré-
solution , son exemple, rallièrent les
troupes qui allaient se disperser. Il
les fit tenir jusqu'au jour, et alors les
Autrichiens , qui s'étaient étendus
sur leurs ailes pour envelopper les
Français, reconnurent qu'au contraire
ils allaient être attaqués par une
force supérieure Ils se retirèrent ,
et Berthier les poursuivit vigou-
reusement. Il eut une grande part
au passage de l'Adda . a Lodi. Pour
énumérer tous ses exploits et tous ses
services , il faudrait uommer toutes
les affaires importantes qui eurent
lieu pendant la campagne de dix-
sept mois faite par Bonaparte.
Sa conduite a l'alfjire d'Arcole lui
mérita les éloges du général en chef
dans le rapport au gouvernement.
Ce fut. lui qui annonça au directoire
les victoires de Lunado et de Casti-
glione, ctcefuta'issi lui qui, ala fin
d'oct. 1797 , vint avec Mongc re-
mettre aux directeurs , en audience
publi(|ue , le traité de Campo-For-
mio. On croit que ce voyage a Pa-
ris couvrait de la part de Bonaparte
des projets encore loin d'être miirs.
Il est sur que dès-lors le général
eu chef cherchait , par l'éclat de
ses victoires , par la perspective de
sa puissante protection , a se créer
un parti, a acquérir de l'influence 5
et déjà beaucoup de journalistes
et de députés avaient commencé a
nouer des relations avec lui. Berthier
leur transmit le mot d'ordre, dont
le résultat devait être une prochaine
apparition du chef; el il retourna en
Italie, où il eut le commandement
de l'armée, lorsqnç Bonaparte se reii-
loS
BER
dit a Rasladt, Mais , habitué qu'il
était a ne prendie jamais [urli de
lui-même et à taire exécuter les or-
d»cs d'ua autre, il ue tarda |/as à
trouver sa position emliarrassante et
a regretter s s paisibles et irrespon-
sables fonctions de l'état-major. Il
s'était passablement tiré de la prési-
dence du congrès de Bassano , où il
ne s'agissait en apparence que de
choisir une capitale pour les étals
vénitiens de Terre-Ferme ; mais lors-
qu'il se vit a la tète d'une armée des-
tinée a s'emparer de Rome, lorsqu'il
connut toutes les iulrigues qui pré-
paraient cet événement , il sentit
mieux que jamais Ifs inconvénients du
pouvoir^ et ce fut alors (i*^"" janvi(;r
1798) qu'il écrivit k Bonaparte :
« Je suis très- fatigué et très-peiné,
«général, du commandement que
« vous m'avez fait donner. Voila
« vingt jours que je suis parti de
« Paris et quatorze que je suis en
K Ililie sans avoir reçu un seul mot
« du gouvernement ni -de vous sur la
K conduite que jai a tenir... Je vous
a le demande en grâce, tirez-moi de
a ce commandement , que je n';ii pas
« désire', que je n'ai accepté que
« parce que vous me l'avez proposé,
« et dont je portais h durée à un
« mois tout au plus. J'ai besoin de
« repos et encore plus de rentrer
K dans l'état de simple général Je
a. VOUS l'ai toujours dit, le comman-
« dément de l'Italie ne me convient
« pasj jt' veuxsorlirdesrevoliitions...
a Je me baltr;ii comme soldat tant
« que la patrie aura des ennemis k
K combattre; mais je ne veux pas me
ce mêler de la politique révolitionnai-
« re... 3) C'est bitn la Thomine dont
ClarLe, envoyé par le directoire. pour
examiner ce qui se passait a l'armée
d Italie, avait écrit : « Il se mêle le
« moins possible de politique. » Ge-
BER
pendant, après avoir reçu les instruc-
tions du directoire, Berthier partit
pour se mettre k la tête du corps
d'armt^e rasseml)lé dans le duché
d'Urbin Ce fut la que le prinre Bel-
monte-Fignalellieut avec lui une con-
férence , pour intercéder en faveur
du S;iint-Siége. Il répondit que ses
instniciions lui défendaient toute né-
gociation de ce genre; et lorsqu'il
fui arrivé k Spolette, où unedéputa-
tion l'attendait , il refusa de l'enten-
dre. Les princes Giustiniani et Ga-
brielli, qui se présentèrent ensuite
avec la même intention , ne furent
pas plus heureux. Bientôt l'armée
française fut aux portes de Rome 5
elle occupa toutes les hauteurs qui
dominent la ville , plaça son artille-
rie sur le Monte-Mario, et prit [pos-
session du château Saint-Ange , qu'é-
vacuer, nt les troupes pontificales
sans opposer de résistance. Quelques
moiivemeiitspopuldires lui fournirent
un prétexte d'entrer da:is la capitale
de l'ancien monde : le 1 5 février
1798 il marclia droit au Cap l oie,
et , a la suite d'un discours vél ément,
dans lequel il invoqua les mânes de
Galon, de Pompée, deBrulis, etc.,
il proclama la république romaine,
en présence du pontife qui avait eu
le cour ige de rester dans son palais
{Foy. Pie VI, XXXIV, 5 1 5). Mais
celte proclamation ne fut pas accueil-
lie avec autant d'empressement que
l'on s'en était flatté; et les désor-
dres, les concussions qui suivirent de
près, n'étaient guère propres k faire
revenir les Pvoraains de leurs préven-
tions. Ce ne fut pas le géuérjl en
chef sans doule qui ordonna ces vexa-
tions ; mais il n'était point en son pou-
voir de les empêcher. Une nuée de
fournisseurs , de cnurliers , de juifs ,
attiiés en Italie pour faire valoir le
buliu et ballre monnaie avec lei dé-
BER
pouilles des vaincus , tomba sur
Ktiiiu". Ou inventoria , on mil les
scellés , on enitva , on ventlil parlout.
Le Vatican lut rétliiit h une nudité
cojiiplèle. Dtpuis la liaiterie de cui-
sine jusijuaux chi'fb-d œuvre de Ra-
pliaul et de Michel- Acge, tout de-
vint la proie des pillards qui inon-
daient l'armée. Ou brisail les cloi-
sons , les parquets, pour découvrir
les portes secrètes, les trésors cachés
On brûlait les habits sacerdotaux
pour en extraire les broderies d'or
et d'argent. El la ville n'en avait pds
moins été condamnée à une contribu-
tion de quatre millions en espèces ,
deux millions en vivres et trois mille
ctevaux!... Et les agents du direc-
toire , les plus b tuts personnages
de l'armée , en s'établis.->aut dans
les plus riches maisons , les met-
taient encore a d'autres épreuves.
Enfin les cl oses en vinrent au point
que, le 20 février , pendant la célé-
bration d'une cérémonie funèbre en
1 honneur de Diiphut, taudis que la
mulliludc était rassemblée sur le lieu
de la cérémonie , on piofita de cette
circonstance pour piller plus com-
modément toutes les églises et tous
les palais. L'arrestation et la dépor-
tation du pape vmrent mettie le
comble à tant d'oppression Berthier
lui li-moigna d'aburd autant d'é-
gaids que 'e permettait le rôle qui
lui était imposé 5 el, quoique forcé de
répondre aux demaïides de Sa Sain-
teté à l'effet d'obtenir protection et
sûreté « qu'il n'était pas juge en-
tre le peuple et lui, el qu'il se bor-
nait a exécuter les orilres de son
gouvernement , » il fit garder le
pontife dans son palais par cinq cents
soldais , autant pour le mettre a cou-
vert de tout danger qu'afin de s'as
surer de sa personne. Il avait même
été dit danj l'acte do souveraineté
BER
Î07
signé au nom du peuple romain, que
le P'ipe ser.iit Uiainlenu dans s:i di-
gnité de chef de l'église : que, déchu
de sa souveraineté temporel'e, il sié-
gerait néanmoins à Ri-me tant qu'il
lui pla rait d'y siéger. Mais Berthier
n'était probablement pas dans le se-
cret de son gouvernement 5 et Mas-
séna, qui était alors a l'armée, en
savait plus (|ue lui sans doute. Ce
fut par 1 influence de celui-ci que
les mesures vexatoireset concussion-
naires devinrent de jour en jour plus
intolérables ; et , après que le
Saint Père eut été conduit à Sienne
par un régiment de dragons (février
1798 ), \v pdlagedes églises fui com-
plet. Mais ce que l'on n'avait pas
prévu, c'est que lesofiicicrsdi s curps
et les soldais qui n'y avaient aucune
part , qui , luiu de la ne recevaient
pas même leur .-olde depuis plusieurs
mois , témoignèrent beaucoup de
uiéconleulement. Rassemblés en
grand nombre h Sainte -iVlarle de la
Rotiiiide (l'ancien Panihéou), ils
prirent la résulution de constater et
de flétrir par un acte public la
conduite intàme de leurs chefs j et
pour C' la ils adressèrent une dé-
claratioa énonciatrice des faits au
général en chef. Berthier. qui con-
naissait et l'énormité des abus et
l'exaltation des pétilionnaircs , mais
qui ne savait queli remèdes appli-
quer au mal , ne trouva rien de mieiiX
à faire que de se soustraire a la crise;
et, ne pouvant pins supporter le poids
du comin^nulenienl , il eu chargea
Masséna , que le prévoyant direc-
toire avait d'ailleurs désigné p0i:r le
remplacer. L'armée ne ratifia point
un tel choix, et le uouviau géné-
ral en chef , après deux jours d'im-
puissantes colères , de vaines me-
naces . fut aussi contraint d'al an-
donner le commandement au général
îoS
BEË.
Dailema,!:;ne ( J^oy. ce nom , au
Snpp.). Pendant ce temps Berlliitr se
reu(lait k Bdloj^ne , puis à î\Iilan où
il retrouva la belie dame \isconti,
qu'il préférait a toutes les grandeurs,
k tous les pouvoirs. Il reçut au reste
bientôt du directoire uue lettre de sa-
tisfaction sur sa conduite. Mais Bo-
naparte ne l'approuva pas aussi com-
plètement : ce général eût vu avec
plus de plaisir sans doute l'autorité
souveraine exercée dans Rome par
un homme k ses ordres , par un
homme qui lui faisait hoifneur de
tout ce qui pouvait lui arriver de
glorieux et de grand 5 qui, lorsque des
députés lui avaient présenté une cou-
ronne, leur avait répondu qu'elle
appartenait au généra! Bonaparte ,
dont les exploits étaient la première
cause de la liberté des Romains ,
qu'il la lui enverrait en leur nom...
Berthier ne tarda pas k venir lui-
même se mettre aux pieds de son maî-
tre; car c'était déjà le seul mot qui
pût exprimer son abnégation, sondé-
vouement absolu. Bonaparte se pré-
parait a sa grande expédition d'E-
gypte. Il fallut bien promettre de l'y
iuivre. M;)is, retenu par sa Clèopatre,
le nouvel Antoine obtint de rester
quelques jours de plus a Paris , et
lorsqu'il alla rejoindre Bonaparte k
Toulon , ce fut pour lui dire que dé-
cidément l'Egvpte serait son tom-
beau, qu'il ne pouvait s'y rendre...
Le maître ne répondit que par uu
sourire de raillerie , et il fallut par-
tir.... On conçoit toutes les peines ,
tous les ennuis qui l'acconipagnèrenl
dans cette longue cxpédjllonj et, pour
comble de maux , ses compagnons
d'armes , le général en chef lui-même
ne Itii ép'irguèreut pas les plaisan-
teries auxquelles d'ailleurs il donnait
ample matière. A cùlé de sa Icnle ,
il eu avait élevé une seconde, dont
BER
il faisait une espèce de ierapl'e , où
il venait sérieusement bi ùler de l'en-
cens et se prosterner k genoux devant
le portrait de son idole. Si l'on en
croit Bonaparte , qui plus tard fut
intarissable en sarcasmes sur les
faiblesses de son chef d'état-raajor ,
plus d'une fois on profana le temple
en y admettant d'autres divinités.
Quoi qu'il en soit , lorsque l'expé-
dition de Syrie fut résolue , les in-
stances de Berthier pour qu'il lui fût
permis de revenir en Europe devin-
rent si vives qu'enfin le général en chef,
ne voulant pas le laisser périr de ros-
talgie, lui rendit sa liberté. Depuis
quelque temps on équipait pour lui
la frégate la Courageuse, et il de-
vait quitter le Caire le 29 janvier
1799. Au moment de partir il sent
le besoii de revoir encore son chef,
de ne point le quitter mécontent,
a Vous allez donc décidément fai-
re la guerre en Syrie ? 35 — « \ous
savez bien que tout est prêt ; je
pars dans quelques jours. 33 — « Eh
bien , je ne vous quitte pas : il m'est
impossible de vous abandonner au
moment du péril. Voici mon pa^se-
port. 33 Bcnaparte lui sut gré de
cette nouvelle preuve de dévouement;
et quelques jours après ils paru-
rent pour la Syrie , où Berthier
rendit encore de très-grands services
par son esprit d'ordre et sa pré-
voyance (/^o/. Napoléon, auSup.).
Lorsque Bonaparte se décida k re-
venir lui-même a Paris, on sent qu'il
ne put faire autrement que d'y ra-
mener Berthier ; et il est juste de
dire que , par sa prudence et sou
calme inaltérable, ce fidèle servi-
teur lui fut encore trf's-utiîe , sur-
tout dans les mémorables journées
de brumaire. Dès que Napoléon fut
maître du pouvoir souverain , le
chef d'étal -major devint raii'islre.
BER
II «avait retrouvé son idole , et alors
quelques jours de bonheur s'écou-
lèrent pour lui, jusqu'à ce que le pre-
ini-^r consul , ne croyant pas devoir
d'abord prendre le commandement
d'une armée qu'il destinait a recon-
quérir rilalie , eu chargeaBerlhier,
qui se rendit au mois de mars 1800
à Dijon , où se réunissaient les trou-
pes. Mais Bonaparte ne tarda pas k
venir en personne le débarrasser de
ce trop lourd fardeau , et lui rendre
sa place si regrettée de cbef d'élat-
raajor. 11 n'eut donc a cetle courte
et brillante campagne, que termina
si heureusement la victoire de jMa-
rengo , d'aulre part que celle qu'il
avait prise a toutes les autres. Il se-
rait injuste de lui attribuer les fautes
qui reudirent l'issue de la bataille si
incertaine pendant les trois quarts
de la journée , plus qu'au premier
consul qui , si contrairement a tou-
tes les règles, avait placé une ar-
mée fort inférieure en nombre , dans
de vastes plaines , en présence des
Autrichiens , trois fois plus forts en
artillerie et en cavalerie. Nous ne
faisons celte observation que parce
qu'il s'est trouvé des hommes qui ,
dans leur enthousiasme pour Napo-
léon, ont rais souvent ses fautes sur
le compte de son lieutenant , et lui
ont fait honneur dans cette occasion,
contrairement a toutes les traditions,
de la persévérance , de Tinébranla-
b'e fermeté à laquelle il dut la vic-
toire. Toutefois les faux rapports
reçus et transmis par le chef d'é-
tat-raajor sur la marche des Autri-
chiens, qu'il crut repliés derrièie la
Bormida , dirent inûucr sur les pre-
iriers mouvements. Personnellement,
Berthier se conduisit avec courage ,
et reçut plusieurs balles dans ses
liahils. On lit pourtant dans une re-
lation de celte campagne , imprimée
BER
109
à Paris , sous le gouvernement im-
périal, que dans le moment où le
succès fut le plus désespéré , il
donna des signes d'effroi, et que le
consul lui dit d'un ton sévère : a. Je
crois que vous pâlissez! » Fondée ou
non , cette allocution n'autorise à
rien conclure contre la bravoure de
Berthier. Sans être effrayé pour sa
personne , il était fort naturel qu'il
vît alors toute la grandeur du péril;
et que son amitié , son dévouement
en fussent alarmés pour le consul qui
lui-même n'était pas plus rassuré ,
et qui certes devait bien voir aussi
clairement que son chef d'état-major k
quel jeu de la fortune il avait exposé
toutes ses destinées. Après la victoire
et la conclusion de l'armistice , le
commandement de l'armée fut confié
k INJasséna 3 et Berthier fut chargé
d organiser un gouvernement provi-
soire dans le Piémont , qui allait de-
venir partie intégrante de la républi-
que française. Celte tâche terminée ,
il vi>itales places de la Belgique , et
passa en Espagne avec le titre d'am-
bassadeur extraordinaire .moins sans
doute pour aplanir des difficultés re-
latives au duché de Parme , que
pour examiner de près l'intérieur de
la famille royale , et y jeter les se-
mences de ces dissensions qui plus
tard devaient amener les événements
d'Aran juez et de Bayonue. Bonaparte,
k celte époque, ne portait pa^ encore
ses vues jusqu'à la couronne d'Es-
pagne pour un prince de sa famille.
Plaisance et Parme en Europe , la
Louisiane en Amérique furent aban-
données k la république franchise
qui , en dédommagement , con. éda
l'Etrurie aux infants d'Espagne. Re-
venu en France après ces courses
militaires et diplomatiques , Berthier
reprit le portefeuille de la guerre ,
confié k Carnot pendant soa absence.
tio
BER
BER
Plus souple que celni-rl dans ce poste
si iinportant pour les projets de Bo-
nnpai te , il affcclail a l'égard de ceux
qui l'approchaient autant de morgue
et de raideur qu'il montrait d'abné-
galion et de zèle en la piésf^nce du
consul. Bonaparte expliquait relte
anomalie apparente , en disant :
« Rien de si impérieux que la fai-
te blesse appuvée sur la 'orce : voyez
« les femmes! jj Le sénalus-coiisulle
qui conféra au premier consul le titre
d empereur des Français (i8 mai
i8oii) fut pour Bertliier une nou-
velle source de faveurs. Tout en con
ser\a il le déjiartemi^nt de la {^m rre,
il fui créé maréchal, grand- officiel de
Ti-mpire 5 et en peu de temp,-> . il cu-
mula les titres de grand-veneur , de
chef de la première cohorte de la Lé-
gioii-d'Hoiiijeur , de colonel général
de.> Suisses, de président a vie du col-
lège électoral de Seine- el-Oise , etc.
Li/rsdc l'arrivée de Pie V lien l'rancc,
il alla au palais de Fontainebleau ren-
dre ses hommages au pontife, qui lui
témoigna par son accueil combien il
avait apprécié la modération de sa
conduite a Rome, en 1798. Le chan-
gement survenu dans la fortune de
]Napoléon n'eu apporta aucun dans
le genre de ses relatons avec Ber-
thier. Admis a tous les secrets de
Pempereur , le ministre de la guerre
fut peut-être le seul dignitaire de
l'empire qui ne se vil pas exposé a la
violence de ses eniporlemenls. L'an-
née i8o5 fut signalée pour lui par
la réception de quelques ordres
étrangers : l'Aigle noir de Prusse ,
l'ordre de Saint-Hubert d^' Bavière
furent, après la croix de la Légion-
d Honneur, les premières déco'-ations
qu'il poita(2J. Il f.il ensuite du
(2) Ses hautes ronclions , ses nnmbrruses rel.T
tioiis avfc 1rs cliploiiLiies et les giMntls person-
nages élraiigers , lai valurent les décorations de
voyage de l'cmprreur à Milan , et il
assista au couronnement deNnpuléou,
cou me roi d'Italie , en janvier i8o5.
Peu de temps après, 1 Autriche ayant
recommencé la guerre , le maréchal
Berthier quitta encore momentané-
ment le porte feuille de ministre pour
suivre Napoléon. Ses talents et son
activité contribuèrent puissamment
aux prodigieux succès de celte cam-
pagne mémoralde. C'est lui qui , le
19 octobre, signa avec Ma- k la ca-
pitulation d'Ulm. Napoléon reconnut
amplement ses sei vices en lui confé-
rant, le 3i mars 1806, la princi-
pauté de Neufchàlel avec le comté
de Valengin , qui venaient d'être cé-
dés par la Prusse, et dont le revenu
s'élevait à près d'un demi-million.
Il prit dès- ors le titre d'altesse sé-
réuissime, printeet duc de NenfJià-
tel , et ne signa plus , h l'exi m-
p'e des siiuveiains , que son prénom
Alexandre. L'année suivante com-
mença la guerre de Prusse. Ber-
thier , toujours nécessaire a l'empe-
reur , l'accompagna encore sur le
champ de bataille d'Iéna. A Fried-
land, tout le monde rendit justice
à son saug-fruid et a 1 l'abiL lé de ses
dispositions. Napoléon mit ;dors le
comble aux faveurs qu'il se plaisait à
verser sur son ancien compagnon d'ar-
mes, en l'alliant a une maison nivale,
et il demanda po -r lui la main de la
princesse Marie-Elisabeth, (iHe du duc
Guillaume de Bavière-Bikenfeld.
Mais Berthier , toujours plein de sa
preitiière passion , élail loin d'avoir
presque tous les ordiesde l'Europe. Hn 807 il fut
irraiid'cioix del'oidre mili'airede llavière; à Til-
sit, Al'Xaiidre lui conféra le grand ordre de fiaiul-
Audie de Russie. Il élait de pins chevalier de l'or-
dre royal de l'Ai^le-dOr de Wurleinh-ri; , de
l'urdre de la Couronne rie Saxe, gr.ind'cruix de
l'ordre de Sainl-iienri de Saxe , de la Fidélité
de Bad • , grandcmnmnndeur de l'ordre royal de
\V(St|)lialie, commandeur graiid'<roix de-, ordres
du grand duc de Utsse , de Saint-Joseph de
Wurtzbourg, de Saint-Etienne de' Hongrie, «le.
BER
BER
III
sollicité celle faveur; il eut même
beaucoup de peine à s'y lésigncrj
et il ne fal'ut pas moins que la per-
mission et les conseils de ''objet même
de son adoration pour l'y décider (3).
Tels sont les auspices sous les
quels s'occoraplil un mariage dont les
suites furent pour Bertiiier de nom-
breux chagrins domesti([ues et des
scènes aussi comiques peut-être mais
non aussi touchaiiles (|ue peuvent
le sembler celles dont il rendit lé-
moins 'es sables de la Syrie. Au reste,
M'"^ Yisconti elle-même vint mettre
souvent la paix dans le ménage. De-
venue l'amie intime de la princesse
de Neufcliàlel , lorsque les humeurs
noires du mari dégénéraient en per-
sécutions, elle y mettait fin comme
(3) Depuis Ions-temps Napoléon lui adres-
sait des leproches sur sou eilibat : « Je n'en-
tends pas que vos biens passent à des collaté-
raux , disait-il souvent, je veux vous marier.»
Berthiei- presse enire deux pouvoirs également
impérieux , .itlermoyait , refusait. Impossible de
songer n s'unir à une femme dont le mari vi-
vait. Eiiliii elle redevint libre; on assure qu'il
fut un instant qur.stion di- mari.ge entre elle
et ^on éternel adorateur L'empereur y consen-
tait, Berlliier le voulait, m..is la Milanaise re-
fusa , ne voulant pas , disait-elle , se mésallier
Un accès de jalousie fit cesser tons ces obsta-
cles Berthier eut la preuve inconleslable qu'il
avait au moins iin rival préféré. A loi s il se
rend auprès de l'empereur et, dans son di|)it ,
il lui dit qu'il e^l prêt à recevoir lu femme
qu'il voudra bien lui don'ner. « Ab I ah! c'est un
di pit rimoureiix, dit JNapoléon , je savais bien
que vous en viendriez la- Bien! bien! je vous
ferai .onnaitre duns la jourme la feuimequeje
vous destine. » Dans la journée, en elTet, il vit
le prince (iuillaume de Birkenfeld, qui alors
sollicitait à Paris un didoramagemeot pour
une province qui Ini avait été enb vée ; et
avec la brusquerie qui lui ctaii ordinaire : « Je
marie voire fille à Berthier, dit-il.» Le prince,
à c'tte iianière si nouvelle et si expéilitive de
conclure un pareil mariage, se trouva mal daus
les apparteiiienls des Tuileries . En ii cme temps
Napoléon détachait le préfet de police chez
madame Viscoiiti , pour la prévenir que , si elle
opposait le moindre obsi.icle au niariage de Ber-
thier,il l'enverrait à Cayeiine... . La précaution
fut bonne: car presque aussitrii Bir hier, revenu
de son accès de jalousie, était aile demander
pardon à son idole, promettant celle fois de
dés' beir à l'i nipereur s'il lui «tait permis de re-
pr' ndre sa chaîne. Jlais inad.iine Visconli, qui
ne doutait pas que Bonaparte n'exéfutàt ses me-
naces,.fut inexorable ; il fiillul épouser la fille
du doc Guillaume. Z.
par encbauteraent. — Cependant, a la
cour impériale, tous les yeux étaient
éblouis de la faveur de Herthier : on
n'élail pas loin de voir dans Ihomme
qui à une alliance si hante rénnissait
la possession de la principaulé de
Neufcbâiel le futur successeur du
prince qui l'avait cédée h l'empire
français pour êtreTapanai^e d'un de ses
lii'ulenants. Toutes cbimérinues que
pouvaient être des vues de ce genre,
vues très-communes du reste à une
époque où les ambitions étaient, a
l'i-semple de celle du maîlre, si déme-
surément exaltées, et où l'on voynitle
monarque de la veille dire bautemeut
que sa dynastie devait ou cesser d'êlre
ou devenir la plus ancienne de l'Eu-
rope , il est probable qu'elles con-
tril)uèrent a décider Berthier. En
attendant la réalisation d'espérances
plus ou moi is iliusores , le nouvel
époux, avant de recevoir la main de
la princesse bavaroise (9 mars 1808),
obtenait (4. oct. 1807) le titre de
vice-connélable, et il prêtait serment
en cette qualité. Ces litres, on le
sait , n'élaienl pas de vains et stéri-
les honneurs; tous élaient accompi-
gnés de lorges émolumenls, de do-
tations, d'inscripiioiis de renies,
d'énormes revenus..." Je lui ai bien
donné quaranle millions, jj disait en
parlant de Berthier Napoléon a
Ste-Hèlène. Le calcul ne nous semble
pas exagéré. En 1 809 , l'empereur
donna au vice-connélable 'e titre de
général en chef de la Grande- Armée,
voulant ainsi le rele\er encore par
une nouvelle marque de confiance,
mais comptant sansdoule ne pas le
laisser louL^-temps agir sans guide. Il
l'v laissa cependant encore assez de
temps pour commettre des faules et
fléchir sous le poids inusité de ce com-
mandement temporaire. Le 4 avril
il était a Strasbourg et s'y établissait j
lia
BER
\e 6 il annouçalt la guerre par une
proclamation 5 le i5il avait déjà
comproiDis l'armée par de fausses
manœuvres, se portant sans plan suivi
tantôt à Neustadt, tantôt à Augs-
bourg ; ordonnant a Oudinot de se
rendre a Pi,aslisbonne , à Davousl
d'envoyer la division St-Hilaire et
lacavaleriede réserve sur Landshut et
Frejsingen , laissant ainsi entre les
deux ailes de Tarmée uu Vide qui
permettait de la couperj ne sachant eu
nn mot s'il devait avancer, reculer
ou attendre Davoust ipii^ jaloux de
la faveur de Berthier, désobéit aux
ordres qu'il reçut de lui, et obtint
en désobéissant plusieurs avantages.
Heureusement l'arrivée de INapoléoâ
vint mettre £n aux embarras de
Bertbier 5 et le médiocre général
d'armée redevint un excellent chef
d'état-major. Télégraphe vivant des
jiensées de Napoléon, il fut surtout
utile dans cette campagne où tout
dépendait de la célérité , de la sû-
reté avec laquelle des ordres multi-
pliés devaient courir en tout sens
et surtout arriver h leur adresse. Le
22 avril, a la bataille d'Eckmiilil, il
fil de nouveau ses preuves de courage,
en marcbanl plusieurs fois a rayant-
garde avec les troupes bavaroises.
Pendant les mois de mai et de juin,
il resta encore près de l'empereur
au château de Schœnbriinn, où il pré-
para sous ses ordres les mouvements
qui devaient amener et qui rendirent
décisive la bataille de Wagram dont
le nom glorieux lui fui donné pour
récompense. L'année suivante il fut
envoyé h la cour de \ienne pour de-
mander l'archiducbesse en mariage.
Celte union , ou le sait, était décidée
d'avance et avait formé la base se-
crète du traité de Vienne. Le 10
janvier 181 2 , Berlbior fut nommé
président à vie du collège électoral
BER
du département du Pô. — Puis vint
cette gigaulescjue expédition de Rus-
sie, où deiall se briser la fortune
de Napoléon. Ecrlbier, qui comptait
seize ans de plus que son maître ,
et qui de jour eu jour souhaitait
phis vivemeut le reposjBerl'iier qui,
depuis i8o5 surtout, ne pouvait sup-
porter l'idée de ces guerres perpé-
tuelles, qui non seulement étaient des
déplacements insupportables , mais
qui remettaient toujours en question
l'existence de la monarchie napoléo-
nienne et ses dignités, sa puissance, sa
forlun-ej Bertbier, qui ne pouvait sur
un champ de bataille et dans le tu-
multe des camps aimer la morgue
hautaine et l'affectation de supériorité
des généraux auxquels il uonuait des
ordres et dont ilsescntaitconfusément
l'inférieur en mérite 5 Berthier, di-
sons-nous, n'était point enthousiaste
de celte guerre. Mais il fallut encore
obéir au maître, qui de plus en plus de-
venait exigeant et impérieux. Après
avoir assisté au pompes de Dresde ,
il fallut se diriger vers les déserts
de la Ûîescovie. Il est sûr qu'arri\é à
Smoleusk , Berthier se réunit h Mu-
rât pour supplier Napoléon de s'ar-
rêter. 3Iais fiusaliable conquérant ,
se croyant si près du terme, ne pouvait
ainsi renoncer a la conquête du mon-
de. Il parut fort piqué des remontran-
ces de deux hommes qui jusqu'alors
avaient montré tant de soumis>ion.
Cependant il les rappela en-uile ;
mais, cintre la co lume, ils lui
résistèrent , et il fallut de vérita-
bles effusions , des caresses pour
qu'ils se rendissent. Enfin ils cédè-
rent aux marques de regret du po-
tentat, aimable lorsqu'il voulait
1 être , qui appelait Berlhier sa
femme, et ses bouderies des querelles
de ménage. L'idée dominante de ]Na-
poléon n'en fut pas moins suivie, et il
BER
continua désormais sans conlradic-
lion sa gigantesque entreprise (4).
On entra dans Moscou , et bientôt
Moscou ne fut plus qu'un monceau
de ruines. Ber tLier resta constamment
près de l'empereur dans ces journées
terribles. Lorsque les flammes me-
nacèrent le Kremlin , il tenta, mais
vainement, de le faire sortir ; il fallut
que le roi de Naples et Eugène se
joignissent a lui pour tirer leur maî-
tre commun de ce lieu funeste. C'est
ici que Berlliier commença, même
comme cbef d'état-major, à déchoir
de la haute réputation qu'il devait ,
on ne peut le nier , en grande partie
à l'empereur. Habitué a transmettre
des ordres, il ne suppléa jamais INapo-
léon dans celte crise épouvantable où,
seul, celui-ci ne pouvait suffire a tout.
Il ne recommandait nulle précaution
nouvelle; il confondait sans cesse la
pariie positive des ordres avec la
partie conjecturale. Il était décou-
ragé, affaissé j peut-être aussi se lais-
sa-! il parfois aller a quelque res-
sentiment personnel. Ou lui reproche
d'avoir essayé de rendre Davoust
odieux à l'empereur^ et contribuéainsi
k éloigner des postes les plus impor-
lants les hommes les plus habiles.
Les délibérations qui eurent lieu k
Marienbourg, relativement au choix
du chef auquel Napoléon dut lais-
ser le commandement en s'éloignant
de l'armée , firent éclater ces hai-
(4) C'est dans celle longue marche, des con-
fins de la rdogne à ÎNIoscou , où tant de com-
bats sanj^lanls furent livrés , que Napoléon
ayant remarqué que le régiment de Nenfcbâlcl
n'était jamais placé en première ligne par le
chef d'état-major , son souverain, en fit l'obfer-
calion à Bcrthier , d'une maniève piquante : i< Je
ne vois jamais les serins, lui dit-il ( c'était la
couleur de l'uniforme des troupes ncufchâtelai-
ses ) ; vous les ménagez. » Quelques jours plus
tard , le prince de Neufchàtel mit son régiment
au posie le plus meurtrier ; et, de deux mille
hommes .quinze cents restèrent sur la place....
Après la bataille, Aapoléon dit gaimcnt à BiT-
tbier : « Aujourd'hui j'ai vu des serins.... »
LTIII.
BER
ii5
nés secrètes. Davoust parla pour
le vice-roi; et Berthier qui proposa
Murât y mit tant de chaleur , que
Napoléon en fut étonné. Davoust, en
le réfutant, ne se borna pomt k
des arguments calmes et modérés ;
il exprima des doutes sur la capacité
et même sur le courage du prince de
Wagram ; et ce qu'il y eut de plus
fâcheux pour celui-ci, c'est que son
adversaire triompha. 11 venait d'a-
voir une altercation assez vive avec
l'emnereur lui-même , et il était
encore navré et stupéfait de ce que ,
prenant le chemin de la capitale ,
Napoléon ne l'emmenait pas avec
lui. et Rien, avait dit celui-ci en par-
ce tant , rien, malgré mon absence , ne
K sera changé dansla forme et l'orga-
« nisationdeTarraée. Daru, Bcrthier,
« restent avec mes fidèles soldats.
K Ces dispositions sont un gage de
ce mon prochain retour. » Daru con-
sentit k demeurer avec la lourde
charge de l'administration d'une ar-
mée désorganisée. Mais Bcrthier ,
qui depuis seize ans n'avait pas quitté
JNapoléon , et qui d'ailleurs était im-
patient de retourner k Paris, mon-
tra beaucoup de résistance. Il allé-
gua ses services , son âge, la rigueur
du chmat , l'inutilité de sa présence k
l'armée. Tout fut sans .succès ; Napo-
léon lui reprocha ses bienfaits , et lui
dit qu'il avait besoin k son armée de
la réputation que lui Napoléon lui
avait faite. Il finit en lui donnant
vingt-quaire heures pour se décider,
et déclara qu'en cas de refus, il ciit
k se retirer dan>s ses terres, pour
ne jamais se représenter k Paris ou
en sa présence. Le lendemain Bcr-
thier se soumit et balbutia ses excuses.
Il faut cependant avouer qu'il était
bien dur pour un homme de son âge et
de son caractère , arrivé au foîle des
honneurs et de la richesàc , de vivre
8
îj;,
BER
ainsi dans une agilalion , une anxiélé
conlinuellos. Son affliction fut si
grande , qu'elle sembla troubler ses
facultés. On riait alors de voir l'iin-
pnssible chef d'étal-major , lidèle k
ses usages, à ses traditions , donner
k un bataillon , quelcjuefois à une
compagnie d'arrière-garde , les mê-
mes ordres que si cette arrière-garde
eût encore été composée de trente
raille hommes; assigner des postes
à des régiments, a des divisions qui
n'existaient plus 5 multiplier les esta-
fettes, les écritures, comme si une
armée sur le papier eût pu tourner
Piatof ou battre Miloradovitch. Mal-
.gré ces altercations entre l'empereur
cl son favori , Berthier se maintint
l'année .-uivante et en i8i4- dans la
faveur de Napo'éon. Les invectives
de Davousl n'avaient p.is jelé de pro-
fondes racines dans l'esprit du maître;
rt quoique, selon M. de Ségur , a
la suite de cette conversation avec le
prince d'Eckmiihl , il se soit écrié :
K il m'arrive quelquefois de douter
« de la fidélité de mes plus anciens
« amis 5 mais alors la lète me tourne,
a et je chasse le plus loin que je peux
a ces funestes idées . 2> il ne crut
point que le prince de Wagram fût
un traître; il sentit seulement avec
douleur que ses plus intiraca amis ,
ses plus vieux camarades , avaient
aussi un moi 5 qu'ils voulaient goû-
ter d'un peu de bonheur et de
calme; eulin qu'ils n'étaient pas com-
me lui de fer ou de granit. Berthier
n'était pas le seul a penser ainsi ; et
certes il ne faut pas eu conclure ,
comme on l'a dit fort légèrement
et sans preuves, que, sollicité en
secret par les Bourbons de les servir
et de préparer leur rétablissement,
soit en leur communiquant lest;ccrets
di: palais, soit en les tenant au cou-
rant de la politique du maître et des
BER
opérations de larmée , il ait consenti
a jouer un rôle si vil et si odieux.
Toutefois sa conduite dans les évé-
nements d'avril 181 4 fut peu hono-
rable, il faut le dire. L'homme dé-
voué se sacrifie pour son ami , et
l'adversité resserre encore les nœuds
qui les ont enchaînés l'un à l'autre.
Le public l'entendait bien ainsi; rt
il pensait que iSapoléon et Berthier
étaient inséparables. C'est donc avec
une surprise mêlée d'improbation
qu'on apprit que dès le 1 1 avril i 8 1 4,
c'est-a-dire avant l'abdication de
l'empereur , le prince de Wagram
adressait de Fontainebleau son adhé-
sion en ces termes : « Sénateurs ,
K l'armée, essentiellement obéissan-
te te, n'a pas délibère; elle a manl-
« fesié son adhésion quand son devoir
« le lui a permis. Fidèle a ses ser-
cc raeuts , l'armée sera fidèle au prince
a que la nation appelle au trône de
a ses ancêtres. J'adhère pour moi et
te pour mon état-major aux actes du
tt sénat et k ceux du gouvernement
tt provisoire. » On trouva encore
plus déplacé qu'il allât k Compiègne
k la tête des maréchaux, et qu'il
tînt en leur nom k Louis XVIII le
discours suivant : «Sire, après vingt-
te cinq ans d'incertitudes et d'orages,
tt le peuple français a lemis de noii-
u veau le soin de son bonheur kretle
a dvnastie que huit Siècles de gloire
ti ont consacrée dans l'histoire du
tt monde comme la plus ancienne qui
tt ait existé. Comme guerriers et
tt comme citoyens, les maréchaux de
a France ont été portés par tous les
tt mouvements de leur âme k seconder
tt cet élan de la volonté nationale.
ii Condance absolue dans l'avenir,
tt admiration pour la grandeur, dans
tt l'infortune, tout , jusqu'aux anti->
u ques souvenirs, concourt k exciter
tt dans nos guerriers, constants sou-
BëR
« liens de l'éclat des armes francai-
cc ses, ces Iransporisqiie V. M. a vus
ce éclater sur son passage. Déjà, Sire,
a les accenis de leur recouiiaissance
« vous avaient précéiié. Comment
ce peindre Fémotion dont ils furent
ce pénétrés en apprenant avec quel
ce louclianl inléièt V. M., oubliant
ec ses propres malheurs , ne semblait
ce depuis long-temps occupée que de
ce ceux des prisonniers français ? Peu
ce importe, disait-elle au magnanime
ce Alexandre, sous quels drapeaux
ce ces i5o mille prisonniers oui
ce servi s ils sont malheureux ; je
ce ne vois parmi eux cpie mes en-
v-fants. A ces paroles mémorablts ,
ce (|ue le soldat redit au soldat, quel
ce Français pourrait niécon' aître le
ce sang du grand Henri qui nourrissait
ce Paris assiégé? Comme lui, son il-
« lustre fils vient réunir tous les
ce Français en une seule famille. Vos
ce armées, Sire, dont les maréchaux
ce sont aujourdhui Torgane , se trou-
ée venl iieureuses d'être appelées par
ce leur dévouement et leur fidélité r
ce seconder d'aussi généreux efforts. jj
Cependant , tout en blâmant la pré-
cipitation de Berthier dans celle oc-
casion , on doit considérer quil ex-
primait ici la pensée du corps des
maréchaux plus que la sienne; et
que de tout temps , surtout depuis
plusieurs années, il avait assez laissé
voir sou désir de jouir en repos des
biens achetés par tant de périls et de
faligues. N'eùt-il pas été cruel, h
rii'slanl oii, pour la première fois ,
allait se réaliser ce rêve de toute sa
\ie, et avec si peu d'années devant
lui, de se gàler ce court avenir, de
se créer des tempêtes, et d'attirer
sur lui les défiances du nouveau gou-
vernement? Sans contredit il eut été
beaucoup plus beau de se consacrer a
INapoléon , de tout quitter pour le
BER
1 15
suivre sur la terre d'exil. C'eût été
là de rhéroïsme! Mais à l'héroïsme
nul n'est tenu : le sublime n'est su-
blime que parce qu'il est rare. Peu
eu sont capables, et les antécédents
de Berlhier ne devaient pas faire
croire a nu si grand dévouement.
Ce que nous excuserons moins, c'est
la petitesse avec laquelle il sollicite
de Napoléon la permission d'aller a
Paris pour terminer quelques affai-
res , et revenir a ses cotés pour ne
le quitter jamais. Cependant il avait
peut-être réellement alors l'intention
de revenir 5 mais la vue de ce qui se
passait k Paris changea ses desseins •
et Napoléon , qui le connaissait mieux
qu'il ne se connaissait lui-même, put
dire en le vovant s'éloigner (5) :
ce Vous voyez cet homme qui s'en va;
ce je l'ai comblé de bienlails. Eh
ce bien, il court se salir j et, quoi
ce (pi'll m'ait dit, il ne repaïaîtra
ce plus ici. » Si! fallait s'en rapporter
aux mémoires du duc de Rovigo ,
l'histoire aurait encoro k reprocher
k Berlbier un trait d'ingratitude qui
serait un cnme odieux : ce Les iiiaré-
ec ciiaux , dit-il, conspirèrent k Fon-
ce lain( bleau contre la vie de l'em-
cc pcreur, qui n'avait pas encore ab-
cc diqué. 33 Et Bertliier aurait été k la
tête de ce complot. Il est difficile
de croire qu'un crime aussi éuergi([ue
ait pu être conçu sous les auspif es
et en quelque sorte par l'iu'^pirciliou
de Bcrihiei ; et r( n avouera que, sur
une question aussi délicate, l'autorité
que nous citons est loi]i d'élre suffi-
sante {Voy. Savary, au Supp.). Le
4- juin 1 8 I 4 le prince de Wagrani
et de Neufchàtel fut porté sur la
liste des pairs de France j le <i sep-
tembre il fut nommé commandeur
de Tordre de Saint-Louis, il obtint
l'') M'hmrial fU. S.iinl^- Hel^ni-,
ii6
BER
aussi le titre de capitaine de l'uuè des
deux compagnies de gardes-du-corps
qui furent ajoutées aux quatre pie-
iiiières. Louis XYIII , reconnaissant
du service qu'il avait rendu aux prin-
cesses françaises en 1790, avait pour
lui quelque amitié ; et Berlliier y ré-
pondait en se ralliant francliement k
l'ordre de choses nouveau et en se
refusant aux ouvertures de ceux qui
de longue main préparaient le retour
de l'ile d'Elbe. Eu janvier 181 5,
î^apoléon lui écrivit pour le ramener
k lui. Quoiqu'un homme de confiance
eût été chargé de la lettre, le secret,
ma! gardé, parvint k Louis XVIIL II
attendit huit k dix jours que Berthier
lui apprît lui-même le contenu de la
mystérieuse missive. Le voyant muet,
il envova le duc de Raguse pour lui
témoigner son élonnement et deman-
der communication de sa lettre. Ber-
thier répondit qu'il l'avait détruite, vu
qu'elle ne contenait rien d'important.
Après quelques explications , qui
convainquirent le duc de Raguse
qu'un plus long entrelieu serait sans
résultat, il se retira, et rendit au
roi un compte fidèle de ce qui s'était
passé. Louis X\ III, depuis ce temps,
témoigna beaucoup de froideur audis-
cret capitaine des gardes; et sa situa-
tion était une véritable disgrâce au 2 0
mars 1 8 1 5 • Le triomphe passager de
Bonaparte le replongea dans des per-
plexités nouvelles. Celui-ci souhaitait
beaucoup le revoir : connaissant son
caractère, et d'ailleurs l'aimant en-
core, avant du moins, comme il le
disait, l'habitude de son Berthier, il
était loin de lui porter raucunc.
a Pour toute pénitence , dit-il , je
a veux le voir dans son habit de ca-
cc pitaine des gardes. » Il n'eut pas ce
plaisir : Berthier suivit d'abord le
roi k Gand, emportant pour toute
fortune uuécrin de i5oo mille francs,
BER
qui n'était pas celui de sa femme ;
puis , mal vu de Louis XVIII lui-
même et de sa cour, il se relira en
Allemagne, et vécut a Bamberg , en
Bavière, dans la principauté de son
beau-père , oii la fierté germanique
ne le voyait pas d'un bon œil. Une
raélaucolie sombre le minait. Il pas-
sait, dit-on, des journées entières
seul, muet, et sans aliments, ver-
sant des larmes continuelles. Tout k
coup des trompettes retentissent ;
c'est un régiment russe qui passe et
qui marche sur la frontière de France.
A rinslaut même une fièvre céré-
brale s'empare du prince ; il s'élance
par une fenêtre , et tombe mort. Des
enthousiastes virent là le doigt de
Dieu. D'autres ont voulu . et cela est
très-probable , que la main des hom-
mes ait un peu aidé au miracle. Mais
trop de narrations contradictoires,
et surtout trop de noms de person-
nages, auxquels le biographe doit en-
core des égards puisqu'ils sont vi-
vants, ont circulé sur cette fin singu-
lière, pour qu'il soit convenable d'eu
parler avec plus de détails. — Le prin-
ce de W a gram a laissé un fils et deux
filles. On a de lui une Relation des
campagnes du général Bonaparte
en Egjpte et en Syrie , Paris ,
an VIII (1800) , in-8°; et une Rela-
tion de la bataille de Marengo ,
ibid. , 1806, in-4-°. Comme on doit
le présumer, ce ne sont que des apo-
logies sans exactitude. Le général
Mathieu Dumas a donné , dans son
Précis des événements militaires ,
une notice sur Berthier, qui est bien
moins un morceau historique qu'un
hommage rendu k l'amitié.
]M D j et P OTj
BERTHIER ( César ) , frère
du précédent , né k \ersailles le
9 novembre 1766 , fut comme lui,
dès sa jeunesse, destiné k la car-
BER
rière des armes. Nommé officier
dans un régiment d'iufaalorie, lors-
que la révoluliou commença il devint
bientôt adjudanl-genéral(i). Employé
eu cette qualité à l'état-major de
Tarmée d Italie , dès que son frère
en devint le chef, il n'y resta que
peu de temps. En janvier 1802 , il
fut nommé inspecteur aux revues, ce
qui était une retraite peu honorable
et prématurée. Il fut remis néan-
moins en activité peu de temps après,
et nommé général de brigade et chef
d'état-major de la place de Pari^. Ce
fut en cette ([ualité qu'il présenta les '
troupes de la gai'nisou au premier
consul, au commencement de 1804,
et qu'il lui prèla serment , a la fin de
la même année. En 1810 il adressa
une proclamation aux habitants du
Valais , où il commandait an corps
de troupes ; fut créé bientôt après
général de division , comte de l'em-
pire , et remplaça Menou dans le
gouvernement du Piémont; il fut
ensuite commandant a Corfou. En
1809 , il fut nommé intendant de la
maison que l'on avait formée malgré
lui au pape Pic YII , retenu prison-
nier a Savone. Comme le pontife
refusa toute espèce de traitement , et
que l'on voulait cependant avoir au
(i) Des bureaux topographiques ayant été
établis, en 179^ , aux armées, afin de recueillir
des matériaux pour l'histoire de la guerre, lever
Jes plans des siè|^es et dessiner iesholailles, Céèar
Berlhier fut nomme chef du bureau des armées
du Nord et Je Samhrccl Meuse, par le crédit du
gérerai Clarkc, qui dirigeait le bureau central à
Paris. 11 vint avec sa famille s'établir à Bruxelles,
el y installa son bureau , composé de deux
adjoinis , dont l'un était son beau-frère, l'autre
le jeune Duereux, peintre et fils de peintre , de
deux géographes et du quatre rédacteurs. Du
reste, ne s'occupant en aucune manière d'un
travail dont il était absolument incapable , ne
mettant jamais le ])ied au bureau, ne payant
ancun de ses employés, qui n'avaient que le lo-
gement et les rations militaires , mais aussi
n'exigeant rien d'eux , et passant tout son temps
à monter à cheval, à acheter, à vendre des che-
yaux, h faire des dettes , et à recourir à toute
sorte d'expédients pour satisfaire sa manie, çt
subvenir à ses prodigalités. A — T.
BER
117
raoinsl'airdeluien faire un, on char-
gea César Berthier de recevoir pour
lui cent mille francs par mois, et l'on
était ainsi bien assuré , a dit Bou-
rienne, que la somme serait dépen-
sée par cet homme prodigue . Lors-
que Pic \II fut amené a Fontaine-
bleau , César Berthier alla rejoin-
dre son frère a la grande armée , et
lui rendit quelques services. Il pa-
raît cependant que sur le champ de
bataille sabi-avoure se démentit quel-
quefois; car, si l'on en croit l'auteur
de la Notice qui précède l'édition des
Mémoires de Courier, cet ( ÎE-
cier ayant cru voir que dans une af-
faire César Berthier n'avait pas mon-
tré nue bravoure tout-k-fait romaine,
effaça le lendemain sur un fourgon
qu'il vit passer le nom de César, et
dit au conducteur ; ce Ya dire à ton
K maître qu'il peut continuer a s'ap-
cc peler Berthier ; mais pour César je
K le lui défends (2). îîSuivant toujours
l'exemple de sou frère Alexandre ,
César Berlhier se soumit pleinement
aux Bourbons en i8i4 , ^t fut créé
chevalier de St-Louis le 24 octobre
même année. Cependant il ne fut pas
employé sous le gouvernement royal,
et mourut a Grosbois , chez sa belle-
sœur, la princesse de Neufchàlel, le
18 août 1819, p:ir suite d'une atta-
que d'apoplexie qui le fît tomber dans
l'eau après dîner, au moment où il
montait sur un bateau pour s'y pro-
mener avec une nombreuse compa-
gnie. M — DJ-
BERTIIOLB , célèbre prédi-
cateur du XIIP siècle , eut sur cette
époque la même influence que saiut
[■>.) La manie qu'avait eue le père des Ber-
thier de donner à tous ses enfants des noms
tellement illustres (Alexandre, Léopold, César),
qu'il était impossible, quels que fussent leur va-
leur et leurs succès , qu'ils en portassent digne-
ment le poids , leur attira par la suite un grand
nombre d'épigrammes qu'ils ne mérilaienl pas
plus que lewrs grand? noms.
iH
RKR
Bernard avait exercée sur le siècle
précédent. L'Impression qu'il faisait
sur son auditoire était extraordinaire.
Toutes les clironiques du temps
parlent du frère Bertliold et de
ses discours. Les Annales de Her-
raann d'Allach disent qu'en l'anuée
i25o , te Berlliold , frère mineur ,
delà maison de Ratisbonne, célèJTe
prédicateur , a souvent rassemblé
autour de lui jusqu'à sniianle mille
auditeurs, n Les Annales de Henri
Sleron , publiées par Canisius ,
tome IV ; les Annales des Domini-
cains , a l'année i255 ; Rader, Ba-
Varia saiicta , tome I , rapportent
des choses incroyables sur l'alflut nce
des auditeurs qui accouraient de loin
pour l'en tendre, ^^'adding , Anna-
es I\linoruin, Rome, 1732 , t. IV,
dit : cf C est l'an du Seigneur i 25o ,
« que le frère Bertliold, originaire
« de Ratisbonne, de l'oi dre des Frè-
te res Mineurs , commença à prêcher.
« On assure que l'on a vu souvent
« jusqu'à cent mille fidèles rassem-
" blés pour l'entendre. ?> Il mourut
ea 1272 , et fut enterré a Ratis-
bonne, dans la maison de son ordre.
— L'annaliste de Léoben . publié
par le P. Pe7.[ Script. Austr., I),
dit, à l'an 1262 : te Le frère Ber-
tbold parco'.rut , en prêchant, l'Au-
triche et la Moravie ; assiégé par la
foule des auditeurs , il prononçait
ses discours dans les champs et dans
les forêts. » Il parcourut aussi
la Thuringc et la Bohême, comme
nous l'apprennent les annalistes de
ces contrées. Rader dit : «■ J'ai
ic vu près de Glatz (en Silésie) le til-
« leul sur lequel on érigeait une
fe chaire , et d'où Berlhold prê-
«t chait 5 l'arbre porte encore au-
« juurd'hui le nom de ce grand ora-
<t teur. Cet autre Elie fit des con •
« version-s .«urprenantes j il rciroena
BËH
tt h la religion chrétienne un grand
te nombre de Hongrois , qui s'é-
tt taient laissé séduire par les Cu-
tf mans. » D'après les téraoignaj^es
unanimes de cette époque , l'Alle-
magne n'a point eu avant Berthold ,
et elle n'a pas eu après lui , un ora-
teur qui ait possédé a un si haut de-
gré l'art de dominer le peuple et
de l'attirer à lui. Il paraît que c'est
a Paris que l'on a commencé à pu-
blier au moins une partie de ses
sermons. Ta.nzer{Aniial. tjp., tome
Vni, n° 2769) cite l'ouvrage sui-
vant : Fratris Bertholdi Teutonis
Horologium clevolioni.s circa vi-
tatn Christi ; Paris, par Jean Gour-
mont , sans date. Ln savant alle-
mand (Ch.-Fried. Kling) a publié :
Berthold , des Frajiziskajwrs
deutsche Predis;teii, ausderz\vey-
ien Halfte des xs^'^^^ Jahrhiindert
( Sermons allemands du Franciscain
Berlhold , de la deuxième moitié
du KIU"= siècle), Berlin, 1824.
ISéaudre a fait la préface. Ces deux
savants ont rassemblé une infinité de
témoignages et de faits sur ce célèbre
prédicateur , sur sa vie , sur Tuliome
dont il s'est servi, sur les manuscrits
où l'on trouve ses sermons , etc.
\ov. aussi les Annales de la lit-
téi-ature , Vienne, vol. 62, page
i9<i. tt La popularité du frère Ber-
tliold , dit Grimm, dans ce journal ,
n'a rien qui doive nous surprendre.
Son éloquence est la véritable ; elle
est simple , elle part du fond du
cœur, jamais les pensées et les mots
ne lui refusent leur secours. Ses ima-
ges sont tirées de la vie sociale , telle
qu'elle était alors; il sait les placer
a propos ef toujours avec une grande
modération. Il insiste ronslaiiimt-nt
sur la nécessité de purifier son cœur,
de le diriger vers une piété solide ,
et non vers des pratiques extérieures.
8£R
11 s'é'ève avec force conire rinjusiicc;
aucuu acte de rergion lu- [profite a
celui qui retient le bien d'aulrui. jj
« A quoi vous sert , s'écriail-t-i! ,
« d'aller au delà des mers , si vous
« possédez injuslemeut ? — Le pape,
« me direz-vous . ma donué la croix
a de sa main et je vais eu Paiesliue ,
a pour des âmes dont le salut m'est
a couKé. — Allez doue avec celle
«croix; mais eussiez - vous celles
K sur lesquelles S. Pierre et S. An-
« dré sont morts ; eussiez-vous écrasé
« tous les infidèles, et reconquis la
a Terre-Sainle ; eussiez-vous eu,
a après voire mort , le bonheur d'élre
« placé dans le tombeau de Jesus-
« Christ, ayan 1*1 ouïes vos croix et
a celle de votre rédempteur même
a sur la poitrme 5 eussiez-vous Jésus-
ce Clirist a voire tète, la saiule Vierge
« a vos pieds , tous les augns k
« voire droite et tous les saiuls a
a la gaucbe 5 cela empècherait-il le
"a démon de venir, au moment de
« voire trépas , vous arracher l'àme
ce du corps et la traîner avec lui au
a fond des enfers , pour !a punir des
o. injustices que vous avezcommises.'»
— L'idiome dans lequel Berlliold
exprimait ses pensées, lorles, bardies
est celui des Minnesinger , anliquc
dialecte qui est a la langue allemande
d'aujourd'hui ce que les chanls de
nos troubadours sont a la langue
française du XIX*^ siècle. Le iiianu-
scril dont Kliug s'est servi appar-
tient à cette bibliolhèque palaline
qui, après avoir elc transportée a
Rome , est revenue "a Heidelberg.
La princesse Elisabeth le fit tran-
scrire eu 1070 ; la beauté du par-
chemin et la ricbesse des caractAres
atleslent le soiu que Ton a donné h
celle copie. Kliug, ne sachant com-
ment sou travail serait reçu , n'a pu-
blié qu'uu liers des scrmoas conle-
BER
119
nus dans le manuscrit. Ou espère que
celle publication sera continuée ,
d'autant plus que la bibliotlièque de
HeidelLejg possède encore un autre
jnanuscrit de Berlhuld. Fabricius,
dans sa Bibl. lut- mecl. œtat. , et
d'autres bibliographes , parlent de
Sennoiias de tcmpore et de sanclis,
et de Sermones rusticani de Ber-
ihold , que l'on trouve dans quelques
bibliothèques d'Allem.igne. Peut-être
sout-ce des discours qu'il adressait
aux religieux instruils dans la langue
laliue ; mais en parlant au peuple,
il se servait certainement de l'ancien
dalectc teuton , alors en usage dans
les contrées où il faisait ses missions.
On pense que S. Bernard , l'orateur
sacre qui a le plus de rapport avec
Berlhold, a prêché , non-seulement
en laliu , mais aussi dms Tidinmeen
usage eu France an milieu duXIP siè-
cle. 11 est a désirer que Ion retrouve
les sermons de l'oralcur français ,
comme on a découvert ceux du vieux
prédicateur allemand. La comparai-
son entre les deux pourrait offrir
des résultats curieux et utiles pour
l'histoire des deux langues , celle du
moyen âge e1 de ses mœurs. G — i'.
iîERTHOLLET ( Claudi:-
Louis}, chimiste célèbre, né au
bourg de Talloireà deuxlieuet, d'An-
neci , le 9 novembre i 748, apparte-
nait, par sa mère Philiberte 1 ouier,
a une des familles noMes de la Savoie:
sou père élail châtelain du lieu. Quoi-
qu'il ne jouît que d'une forlune mt-
d;ocre, il n'épargna rien pour sou
éducation. Du collège d'Anneci ,
fondé , il y a quatre siècles , par uu
berger devenu cardinal, Berlhollet
pas.-a au collège de Chambéri , puis
h celui desPiovinces a Turin. Ses
éludes de lalin et de philosophie
achevées, il fut question de choisir
une profession. Au lieu des poîles
lao BÉR
brillants cl lucratifs qu'aurait pu lui
présenter Téglisc o;i l'état , obéis-
sant à l'iuslinct encore vague qui
reiitraînait vers les sciences naturel-
les, il choisit la médecine, et fut reçu
docteur a l'université de Turin , eu
1770. Mais soit qu'il crût avoir en-
core a s'instruire, soit qu'il espérât
dans une grande ville de plus utiles
succès que dans Anneci ou même a
Turin , a l'exemple de beaucoup de
jeunes médecins, ses compatriotes,
il se rendit à Paris en 1772. Là
c'est aux sciences accessoires de la
médecine qu'il consacra ses veille^ :
mais bientôt l'accessoire devint pour
lui l'affaire principale ; et la cKiraie ,
qui depuis le commencement du
siècle était sortie des voies tor-
tueuses et obscures qu'elle avait
labourées si long-temps, compta un
adepte de plus. Mais, pas plus que
l'ancienne alchimie, la chimie intéri-
maire, qui allait mettre au jour une
science nonvcUe, ne donnait de l'or
h ses adorateurs; et Rerlhollet après
avoir beaucoup étudié, beaucoup ex-
périmenté , avait toujours a décou- '
vrir le grand œuvre de la vie hu-
maine vulgaire , le moyeu d'avoir
de quoi vivre. Il en était k se po-
ser ce dilemme , quitter Paris ou
battre monnaie k Paris avec la mé-
decine, lorsque tout a coup il lui vint
une idée. Tronchiu, élève de Boer-
baavé , propagateur de l'inoculation
en Hollande , a Genève, k Parme,
en France , peu ferme d'ailleurs en
sa foi aux médecins et peu aimé
de ses confrères , remplissait alors
de l'éclat de son nom les journaux
et les salons. Or Trouchin était de
Genève. C'était donc presque uncom-
patriote. Tous deux d'ailleurs étaient
d'origine française, fous deux descen-
daient de familles que les guerres re-
ligieuses avaient bannies de France.
BER
BerlhoUet imagine de se présenter
k l'illustre praticien, et ne tarde
point k lui dévoiler ses embarras.
Dès la première vue Tronchin, habi-
tué par ses voyages et ses relations
avec sa nombreuse clieutelle a juger
les hommes , sut démêler sous les de-
hors un -peu négligés , sous l'air
franc et grave du jeune Savoisien, la
candeur de son âme et la vivacité de
son esprit. Il l'encouragea, lui dit
de rester a Paris, et promit de s'oc-
cuper de son avenir. Bientôt sa ten-
dresse pour BerlhoUet fut celle d'un
père. Jouissant d'un grand crédit au-
près du duc d'Orléans , il le recom-
manda aux bontés de ce prince qui aus-
sitôt 1 attacha en qualité de médecin k
M'^^^dcMonlesson. Cen'estpas tout,
le goût des sciences était en quelque
sorte inné dans la famille d'Or-
léaus. Le régent , au grand scandale
de la cour de Louis XIV , avait
souvent participé aux expériences
chimiques de Homberg; sou tils, indé-
pendamment des études théologiques
qui avaient fini par absorber sa vie,
avait cultivé la minéralogie. Guet-
tard , son guide dans cette branche
de ses travaux, était resté attaché k
sou successeur. Ce dernier k qui la
chimie offrait l'attrait le plus vif ,
avait un laboratoire et un prépara-
teur. Tout fut mis k la disposition
de BerthoUet. Heureux les princes
qui reversent ainsi sur le génie in-
connu les faveurs qu'ils ont reçues
de la Providence 1 heureux les
hommes qui , comme Tronchin ,
aplanissent la carrière au mérite
naissant ! Sans Tronchin^ sans le
duc dOrléans , qui sait si jamais
BerthoUet se fût placé au premier
rang des chimistes de tous les
pays , et s'il eût rendu k l'humanité
les services dont elle lui est rede-
vable! Convaincu que pour se main-
tenir dans le poslc que la science seule
lui avait valu, la scifuce vaudi-ait
toujours mieux que les moyens ordi-
nairement employés dans les cours,
BerlhoUel n'eut plus d'aulres soins
3ue ceux auxquels l'astreignait le
ésir de savoir et de découvrir.
Abandonnante le terrain des faits
connus, il s'appliquait à en con-
stater d'autres ; et les résultats de
ces reclit-rclies furent consii^nés dans
des Mémoires empreints de cette
sagacité, de cette finesse , de cette
étendue dont plus lard il devait pré-
senter aux savants le modèle accom-
pli. Dès ce temps (1776 , 77 , 78),
il lisait ou imprimait ses Expé-
riences sur l'acide tartareux ,
ainsi que celles sur l'acide sulfu-
reux, ses Observations sur l'air,
son Mémoire sur les combinaisons
des huiles avec les terres , l'alcali
volatil et les substances métalli-
ques. Un peu plus tard (17 mars, 9
déc. 1780), il préludait à la cliiraie
organique en lisant ses Recherches
sur la nature des substances anima-
les et sur leur rapport avec les sub-
stances végétales. C'est encore en
1780 que l'académie des sciences
écoutait ses observations sur la
combinaison de l'alcali Jixe avec
l'acide crayeux. Mais déjà ce corps
savant l'avait admis en quelque sorte
au nombre de ses membres en le
nommant adjoint-cbimiste à la place
de Bucquet (i5 avril 1780): cinq
ans après (23 avril 1786), il devait
succéder a Baume devenu pension-
naire. Chemin faisant et sans inter-
rompre un instant ses études chimi-
ques , il avait par une thèse médi-
cale sastisfait à la loi de la faculté
de médecine de Paris qui , pour
que l'on exerçât dans i^on ressort ,
exigeait un nouveau doctoral. La
thèse latine qui valut pour la deuxième
BER lai
fois ce titre a Bertbollet avait pour
titre TJe lacté animalium medica-
mentoso. il est aisé de voir que,
dans ce sujet , la médecine et la
chimie s'étaient donné rendez-vous.
Toutefois les expériences de Eer-
thoUel sur les chèvres (car il n'expé-
rimenta que sur ces animaux) furent
peu concluantes ou pour mieux dire
ne produisirent que des résultats né-
gatifs. Il avait cherché surtout si le
mercure administré eu frictions peut
s'incorporer au lait : la chèvre sou-
mise a l'expérience après avoir ab-
sorbé en huit jours vingt six gros
d'onguent napolitain, était mou-
rante, mais pas un atome de métal
n'avait péuétié dans le lait. Comme
cependant il est hors de doute qu'on
a rencontré des globales très-attë-
nués de mercure dans le liquide
urinairej comme, par induction, il est
rationnel de supposer dans la sécré-
tion lactée des phénomènes absolu-
ment analogues à ceux qui ont lieu
dans toute autre sécrétion ; comme
enfin il est prouvé par l'expérience
que le lait d'une femme acquiert par
le mercure des propriétés antivéné-
riennes, il ne faut rien conclure des
expériences de Berthollet contre la
présence de particules médicamen-
teuses dans le lait. Le fait est seule-
ment que ces particules se trouvent
arrivées par une suite indéfinie de
divisions a un degré de ténuité tel
qu'elles cessent d'être et visibles et
pondérables par les moyens qui sont a
la disposition de l'homme. Au reste il
est croyable que BerlboUet, plus oc-
cupé de sacrifier à une convenance
que de creuser réellement le sujet,
n'avait , malgré l'émulation que de-
vaient lui inspirer les recherches an-
térieures de Bergman et de Klaprolh
sur le même sujet, opéré que sur des
quantités trop petites. Nous ne le ver-
132
BKR
TOUS pas moins effleurer encore de
temps a ;iulre le domaine de la mé-
decine. Ainsi, par exemple, dans ses
Observations sur l'acide phospho-
rique de l'urine , lues en 1780 a
l'académie , comme dans son Essai
sur la causticité des sels mètalli'
ques , analy>anl les urines avanl et
après les accès arthritiques, il vou-
lut savoir quels rapports existaient
entre les modilications de Texcré-
lion urinaire et la maladie qui les
occasionne ; et il se crut fondé a éta-
blir une espèce de théorie sur la
nature de la goutte et du rachilis ,
attribuant la preiiàère à un excès de
phosphate de chaux, et le seconda
la surabondance de l'acide phospho-
rique dans les fluides animaux, « ihéo-
« rie toule chimiipie, 2> dit un méde-
cin dont nous empruntons les termes,
« et qui , ne tenant aucun compte
« des modificalions sans nombre qu'é-
« prouvent a chaq\ie inslant nos Uni-
ce des, même dans l'état de saule, ne
« peut guère conduire a la vérité sur
K l'éliologie àes maladies en ques-
« lion. 3) Cependant la chimie pre-
nait de jour en jour uu essor plus
vasie : de tous les coins de l'Eu-
rope sortaient des faits nouveaux :
les ancicnnr'S théories se taisaient ou
balbutiaient, déconcertées par des
révélations inattendues, et tout an-
nonçait que la plus ingénieuse, la
plus belle d'entre elles , allait dispa-
raître cbvanl uu autre système. 11 y
a plus, ce-système était déjà proclamé
depuis 1775 : Lavoisiei' annonçait au
monde savant que la cumbustion a
lieu nou point ])ar le dégagement du
principe comburant (qn'o^ le nomme
phlugislique ou qu'on lui donne tout
autre nom), mais par la combinaison
de ce prinripe cou)!>uraut au corps
/ combnsilh'e. Mais telle est la destinée
des vérités les plus importantes, les
BER
plus heureuses! il faut, sinon des
siècles, du moins des années pour
renverser les vieilles idoles. Tout
le monde continuait a sacrifier, mal-
gré Lavoisier , à ce phlogistique ,
bri'Iantc chimère du génie de Stahl ;
et raa'gré la beauté de ses vues ,
malgré les preuves qu'il accumu-
lait sans cesse afin de convaincre ,
ma'gré la concordance pai faite de
toutes les expériences avec ses princi-
pes, malgré l'appui que des géomè-
tres et des physiciens du premier or-
dre commençaient à donner aux tra-
vaux du grand chimiste, en 1777 cl
même en 1780, ce rénovateur de la
science ne comptait dans l'académie
d'autre partisan declirc que lui-
même. l]erlh(dlet, dont les expé-
riences continuelles contribuaient si
eilicaceraenl dès lors a préparer
le triomphe de l'oxigène siir le
phlogistique, ne saisissait pas , par
une intuition synthétique anticipée ,
la supériorité de la théorie nouvelle
qui allait s'élever sur les ruines de la
théorie en vogue : au contraire , il
multipliait en laveur de celle-ci des
efforts dignes d'une meilleure cause,
et s'évertuait a faire cadrer les dé-
couvertes qui se succédaient sans re-
Icàche avec les idées phlogisticiennes
tempérées, mitigées, adoucies •, tris-
tes tempéraments entre la vérité, im-
patiente de l'empire, et Terreur, qui
demandait a vivre encore un jour.
C'est diius ces idées qu'il composait
son Essai sur la causticité des sels
métalliques (1780); ses Observa-
tions sur la décomposition de l'a-
cide nitreux (en trois mémoires,
1781); ses Recherches sur F aug-
mentation de poids qu'éprouvent
le soufre , le phosphore et l'ar-
senic lorsqu ds sont changés en-
acides (1782); ses Observations
sur la causticité des alcaLs et de
B'£R
la chaux (1782). Le second de ce*
ouvrages dut sduvent dans la suite
lui inspirer de vifs regnls, en lui
rappelant que sa lenlt-ur à quiltrr le
point de vue stalilien l'avait privé
d'une grande découverte quil t(t|p
chait en quelque façon. Au milieu de
ses expériences sur la décomposition
du nilre, s'offraient des faits dont
rexj.licalion est toute simple dans la
théorie de l'oxigène, et qui condui-
saient bien nalurelîemcnt à rccon-
naîlre^ans l'acide nilreux une com-
binaison d'oxigène et d azote , vérité
qui fut annoncée quelques années
après par Caveutiish. Mais, par une
fatalité bizarre, c'est dans ses expé-
riences même sur le nitre que Ber-
ihollet puisait ses défiances contre la
théorie de Lavoisier , et retrouvait
une foi uouvelle au phlogislique.
L'acide , eu se décomposant , rendait
libre et élastique un grand volume
d'air : il aurait donc dû s'absorber
beaucoup de chaleur, et tout le con-
traire avait lieu. En revanche, les
hypothèses auxipielles il se livra pour
expliquer ce fait exceptionnel étaient
si vagues , si peu probantes , qu'à la
longue elles durent lui déplaire à lui-
même. Lavoisier, d'ailleurs, ne ces-
sait de les comballre avec la plus
grande modération , mais avec une
dialectique vigoureuse. Mesurant déjà
Ici portée de cet esprit élevé , il cher-
chait a le convaincre plutôt qu'à le
vaincre, et même, a diverses repri-
ses , il lui donna des conseils d'ami.
Distillant de l'espril-dc-vin sur des
alcalis fixes, Rerthollel avait obtenu
un peu d'alca'i volatil ; et de ce fait
mal vu , quoiquM l'eut souvent re-
nouvelé , il avait déduit sur l'origine
de cettt? substance un système com-
])léleraeut éloigné du vrai. Lavoisier,
dans son rapport sur ses cxpéiieii-
ces (1778), engagea le ji-une auteur
BER
12:^
à différer la publication de son mé-
moire. Beithullet se montra docile ,
et ce fut pour lui un grand bunhtur.
Quelques années plus tard, il découvrit
la véritable composition de l'alcali
volatdj et il est presumable qu'une
fois enKairé dans une fausse roule par
la publication de ses recherches, il y
eut persévéré par vanité, ou que du
mollis il lui en aurait coûté beaucoup
pour en sortir. BerlhoUet termina
l'année 1783 par la lecture de ses
Observations sur la disposition
spontanée de quelques acides vé-
gétaux (18 déc), et signala le cours
delasui\antepar deux mémoires, l'un
Sur la di^fférence du vinaigre ra-
dical et de l'acide acéteux, l'autre
Sur la préparation de l'alcali
caustique , sa cristallisation et
son action sur l'esprit-devin.
L'année 1784 fut pour lui un temps
de silence, mais non un temps d in-
action. C'est alors sans doute , qu al-
léiaul de p'us en plus le système du
phlogistique , pour le laire coïncider
avec les faits nouveaux, il en vint à
s'apercevoir que des modihcaliuns si
graves au dire du maître , étaient eu
définitive des infidélités , des contra-
dictions formelles , et que son slablis-
me mitigé élail plus loin de Stahl
que de Lavoisier. Il se rendit alors ,
avec d'aulaut plus de conviction qu'il
avait la conscience d'avoir tout fait
pour éiaver l'édifice lézardé de toutes
parts ; et la séance publique de l'aca-
démie des sciences, le 6 avril 1785,
le vil faire sou abjuration en mèiiio
temps que lire son Mémoire sur
l'acide marin dépJilogisliqué : <ib-
juratlon tardive , mais complète ,
mais solennelle, et qui , avec la mort
récente de Eergmau, porta le dernier
coup au phlogistique , et entraîna
tous les chimistes. La même année
Ï785 plaça BerlhoUet au premier
124
BER
rang , tant par le nombre que par
l'iraporlance tics ducinnenls qu'il mit
au jour. C'est alors que \e Mémoire
sur l'analyse de [alcali volatil ,
analyse dont il a été parlé plus haul,
fut lu a l'académie j c'est alors que la
Suite des Recherches sur la na-
ture des substances anhnales et
sur leur rapport avec les substan-
ces végétales , ou Recherches sur
t acide du sucre , vint prouver que
l'azote est le caractère essentiel des
substances animales, et compléter ain-
si le nouveau système chimique.
N'oublions ni les Observations sur
l'eau régale et sur quelques affini-
tés de t acide marin , ni celles sur
la combinaison de l'air vital avec
les huiles, ni enfin le Mémoire sur
la décomposition de l' esprit-de-vin
et de Véther par l'air vital, qui
tous aussi se rapportent à la date de
1785, L'année suivante est moins
remarquable peut-être par le Mé-
moire sur le fer considéré dans
ses différents états métalliques
( par Bcrihollet , ^ andermonde et
Monge), par l'article De V influence
de la lumière (lu a la faculté de mé-
decine , I 5 juillet), parla Lettre à
M. de la Métherie sur la décom-
position de l'eau, par les Notes
sur l'analyse du sable vert cui-
vreux du Pérou rapporté par
Dombey, que par la parlicipalioude
Bertbollet a la nouvelle noraeuclalure
chimique nécessitée par la réforme
3 ui venait de s'opérer dans les bases
e la science. Guytou de Morveau ,
qui le premier avait conçu l'avantage
et l'urgence de cette langue analyti-
que , et qui en avait fait approuver
le principe par Bergman et par Buf-
fon, se rend a Paris a la fin de 1786.
11 y trouve BerlhoUct et Lavoisier
dans les mêmes dispositions que lui
sur son plan favori , la refonte de L-\
BEk
terminologie scientifique : tons trois
y travaillent do concert. A ce trium-
virat s'adjoint Fourcrojj et, en 1787,
le magistrat et les trois académiciens
portèrent leur œuvre a l'académie.
(||| sait avec quel enthousiasme et les
savants et le public accueillirent cette
nomenclature si philosophique , qui
non-seulement simplifiait un langage
jusque-la aussi compliqué que puéril
ou burlesque, mais encore, a l'aide
de quelques finales chaugeantes et de
légères modifications dans la Struc-
ture intérieure des mots, dounaitaux
noms des corps , tant simples que
composés , une espèce d'affinité arti-
ficielle, qui semble un reflet des af-
finités naturelles, et mettait par ces
variations seules sur la voie de la vé-
ritable composition des nus, de la
principale propriété des autres. Tou-
tefois nulle œuvre humaine n'est par-
faite, (c Comparé au langage extra-
«vagant que la chiuiie avait hérité
et de l'art herraélique,ditM. Cuvier,
« ce nouvel idiome fut un service
a réel rendu à la science, et contri-
« bua k accélérer l'adoption de non-
ce velles théories. On ne lui repro-
« chera pas sans doute de n'avoir pu
fc exprimer que ce que l'on savait
tt quand on le créa , et d'avoir été
a sujet , encore plus promptement
a qu'aucune autre langue, à de gran-
« des mutations : ce sont des incon-
tt vénients communs aux langages les
« mieux faits. Mais on se demande
a pourquoi l'on y manqua, sur quel-
ce ques points déjà bien connus , aux
ce principes que l'on avait posés ;
ce pourquoi l'on donna un nom simple
te a l'ammoniac , pourquoi l'acide
te nitrique ne reçut pas le nom d'a-
ce zotique? Et l'on ne peut s'empè-
ct cher de voir encore ici un effet de
ce la modestie de Berlhollet et du
p peu d'insistance qu'il mettait à
BER
K faire prévaloir les choses auxquelles
a il avait le plus de part. » En re-
vanche on sait que trois corps, ou
simples, on réputés simples, puisque
jusqu'ici rien ne les décompose ,
l'oxigène , l'hydrogène , l'azote , ont
reçu des noms composés. C'est Berg-
man qui dès l'origine avait proposé
ce principe si peu rationnel de dési-
gner les corps simples par des noms
empruntés de leurs propriétés essen-
tielles. Encore le principe fut-il assez
malheureusement appliqué. Azole peut
signifier aussi. bien k sans lequel on
a ne peut vivre >> que k ce qui ôte
a la vie 5 M l'hydrogène n'engendre
pas plus l'eau que l'oxigène; et ce
dernier, on le sait trop maintenant ,
n'est pas l'unique générateur des aci-
des. Chaplal, en France , Azéjula ,
en Espagne, disaient donc bien :
« Pourquoi déclarer absolues des
K propriétés qui ne sont quecorréla-
« lires et réciproques ? N'est-ce pas
« dire 'a la fois trop et trop peu?
a ]N'es!-ce pas anticiper sur l'expé-
« rience , et se préparer des démentis
a pour l'avenir ? » Le démenti était
tout arrivé :; et c'est Berlhollct lui-mê-
me qui l'availdonné. Dès 1787, c'est-
à-dire l'année même où l'on saluait
officiellement l'oxigène du titre de
principe acidifiant , et par une exa-
gération toute naturelle , seul prin-
cipe acidifiant, il proclamait dans
son Mémoire sur l'acide prussique
(aujourd'hui acide hydrocyanique) ,
que ce violent poison ne contient pas
une parcelle d'oxigène. Il avait ob-
servé des faits analogues sur l'hy-
drogène sulfuré (aujourd'hui acide
hydrosulfurique), el plus tard (1796)
il reprit ses expériences sur ce corps
dont on méconnaissait la nature, et
les appuya de développements qu'il
lui le II mars 1796 a l'Institut.
Mais la vérité ne put triompher ; la
BER
125
doctrine si long-temps proscrite était
devenue despotique et intolérante à
son tour. Berthollet , K qui dix ans
a peine avaient suffi pour admettre
les idées deLavoisier, subissait la loi
du talion; et il a fallu toutes les
recherches de la chimie moderne ,
appuyées par les hautes conceptions
qu'a multipliées la physique , et par
une force de logique irrésislible, pour
inscrire enfin sur la liste des axio-
mes fondamentaux de la chimie que
l'hydrogène, le chlore , l'iode peu-
vent rendre acides certaines sub-
stances simples , avec lesquelles ils se
combinent, et pour approcher de la
loi en vertu de laquelle s'opèrent
toutes ces combinaisons , aussi bien
celles qui ont semblé long-temps ano-
males,exceptionnelles, que celles qu'on
croyait les seules possibles ou du
moins les seules régulières. Le nom
de chlore nous mène a une des plus
belles découvertes de Berthollet. La
mort de Macquer, en 1784, avait
laissé deux places vacantes : une
chaire de chimie au Muséum d'his-
toire naturelle et le poste de commis-
saire pour la direction des teintures.
Buifon, de qui dépendait la première
nomination, élut Fourcroy de pré-
férence h Berthollet ; le ministère, qui
disposait de la seconde , préféra
Berlbollet k Fourcroy : et le minis-
tère et Buffon avaient agi sagement.
Personne mieux que Fourcroy ne
maniait la parole ; personne mieux
que Berlbollet ne maniait les agents
chimiques,, non pas de ses doigts, il
est vrai , car il réussissait mal à la
munipulation , mais par rintelligence
qui sait varier el diriger les expé-
riences. Les deux choix produisirent
les résultats les plus heureux : Four-
croy , par son élocutiou facile , bril-
lante et lucide , popularisa la science
chimique; Berthollet , par ses expé-
ii6 BER
ri en ces , la servit. Bicnlol, par suite
de ses nouvelles découvertes, par suile
des travaux mullipliés auxquels il
s'était livré pour améliorer l'art de
la teinture, il avait été conduit à
chercher les moyens les plus brefs ,
les plus sûrs de communiquer aux
tissus la plus grande blancheur pos-
sible , afin qu'ils se pénétrassent
plus aisément des diverses nuan-
ces qu'on voulait leur imprimer.
Les anciens procédés de blanchis-
sage exigeaient des manipulations
mnllipliées, partant dispendieuses;
absorbaient un laps de temp.s consi-
dérable , et ravissaient a l'agriculture
d'énormes étendues de terrain ; car
les toiles étaient soumises alteruati-
veinenl a une -série sans fin de lessives
dans les laboratoires, et aux influen-
ces combinées de l'ajr et de la lu-
mière sur le pré : six mois quelquefois
s'écoulaient dans ce dédale d'opé-
rations routinières. Tout-h-coup une
idée lumineuse apparaît hBerlhollet :
il réfléchit a la découverte récente de
Scliicle sur la propriété f[uc possède
l'acide muriatiipie déphlogisliqué ou
oxigéné (aujourd'hui le chlore) de
décomposer les couleurs végétales ,
cl il imagine d'en tenter l'app'ica-
tiùH "a larl de blanchir ; en eifet ,
les matières colorantes , les taches
uièmi-s d'un tissu (|uelronque se dé-
composent dans la solution de chlore
(employons, dès cet instant, les
termes modernes ), ei il ne reste plus
pour le blanchir que d'entraîner ces
matières par une lessive alcaline.
De la moins de main-d'œuvre (<;ar
deux ou trois lessives au plus suiE-
sent), moins de temps, moins de
frais de toute nature; des prairies
immenses rendues a la culture; la
texture intérieure des toiles moins fa-
tiguée, pnisquelelingc n'est plus sou-
mis a ce grand nombre de raanipula-
BER
tionsetde baltnges qui en altéraient
plus ou moins la texture ; enfin ,
comme si tous les avantages devaient
se trouver réunis dans cette admira-
ble découverte , un blanc plus pur et
plus égal. Aussi la supéiiorilé en
tut-elle bientôt généralement recon-
nue ; et les termes techniques de
h\a.Qchiint'nl berl/iollien ont-ils don-
né au nom de l'inventeur le sceau
de la popularité. Nul plus que Ber-
thollet ne mérita de voir ainsi sou
nom fixé dans le vocabulaire ; car,
au lieu de vendre ou d'exploiter a
sou profit une découverte qui l'eût
rendu dix fois millionnaire en quel-
ques années, il voulut que tous en
goûtassent îes fruits sur-le-champ ,
et il publia \^ Annales de chimie,
tome II, page î5i, de Tannée
1789 , et tome VI, page 204 , de
1790) la Description du blan-
cliîment des loiles et des Jils avec
l'acide murlaliqiie oxigéné , et
de quelques propriétés de celle
liqueur relativement aux arts ,
description réimprimée h part , en
1790, et reproduite en 18 04, à la
suite de sa 2" édit. des Eléments
de l'art de la teinture (i). Son Mé-
moire sur l'action que l'acide mu-
riatique oxigéné exerce sur les
parties colorantes , lu h l'académie
des sciences ( 5o mai 1790),, est
l'exposition scientifique des phénomè-
nes dont ii décrivait pour les fabri-
cants la pratique extérieure et maté-
rielle. Concevant ensuite un plan plus
vaste, en faveur des ouvriers mêmes, il
rédigeait ses Eléments de l'art de la
teinture (Paris, 2 vol.in-8'' , 1791,
2'' édit., iSoi, publiéepar Berlhollet
(i) L'ouviage snr le bl.Tiicliiinpiit des toiles
fut couroniii' en "793, il.ins une ^éance |inblique
du Lycée des .iris; et Bertbollet fut reçu mem-
bre de cette sociélc qui , à cette éj)0()ue où les
académies n'existaient pas , devint l'asile des
^av.^nt5 et fut le novaa dt- l'Institut. A — i.
BER
fils), dans lesquels, parcouraTitsiicces-
sivernent loutes les parties de cet art,
il essaie de le soustraire à la routine
dont jusque-là il avait été le do-
maiui' , el desubsiiluer h reiiiplrisme
absurde qui n'avait cncoree;;faiiléque
desrecetlesiucoherentes, iiuparfaites
et Irès-ctiùteuses, des priucipes scien-
tifiques faciles à saisir. La teinture
est une fil'e de la chimie, et tout en
teinture se borne a la mise en jeu des
affinités en vertu desquelles telle ou
telle substance se combine plus ou
moins aisément avec des oxides, des
acides, des alcalis, des terres et
partïculièremeut avec l'alumine. Cet
ouvrage , amélioré dans les éditions
posléi ieures , sera le manuel indis-
pensable des leuilnritrs jusqu'il ce
qu'un homme, praticien et chimiste
consommé , réunisse dans un autre
vade-mccum 'a science, la méthode,
la lucidité, tous les procédés expédi-
tifs el économiques imaginés depuis
trente an.> , et, s'il est possible , de
bonnes figures, avec des échantillons
coloriés. Au reste un homme ordi-
naire qui a en tète !e manuel de Ber-
ihoUet, doit èlre en fond pour ima-
giner des moyens nouveaux 5 el, ne
iul-ce (|ue sous ce r;ipporl, les^Ve-
nients de notr*; auteur ont rendu un
service inappréciable : ils ont inspiré
des perfectionnements , et la gloire
lui eu revient par une voie indirecte.
Nous jie mentionnons qu'eu passant ,
malgré l'importance qu'ils ont eue
et qae {[utlqui's-uu> out encore, les
travaux que Berthollet publia dans
l'espace qui sépare son Âiia/jse de
l'acide hydrot'}-a>iique de ses l^lé-
ments. Se> Qh&(ix\d.\\oussiir quelques
combinaisons de l acide maria
dcpidogistiquê ( 1788 ) ; sur les
combinaisons des oxides métal-
liques ai'ec les alcalis et la chaux
(1789) ; sur la combinaison des
oxides métalliques avec les par-
ties astringentes et les parties
colorantes des végétaux (mê-
me année ) , trouvaient .surtout
leurs applications dans la teinture ,
mais enrichissaient aussi la science de
vérités théoriques. Sa Suite d'ex-
périences sur l'acide sulfureux
[i 789), sujet qu'il a\ait déjà entamé
douze ans aupara\ant, et sur lequel-
roule un de jes premiers essais , porte
plus spécialement ce dernier carac-
tère , amsi que ses Observations sur
la décomposition du tarlrite de
potasse aiitirr.onié et du nniriate
mercuritl r orras ij" par quelques
substances végétales ( 1791 J.
Son Précis d'une théorie sur la
nature de C acier et ses préparci-
fiO«s( 1789), complètent avec bou-
lieur le Mémoire que jadis il avait
fait en commun avec \audermonde et
Monge , et appuyait ses prélenlions
h une place dans l'administraliou de
la monnaie. Il obtint, en 1792 , ce
poste, objet de ses vœux, et là, com-
me ailleurs, il signala .«-a présence par
des améliorations. Ses Considéra-
tions sur les expériences de Pries-
tley\ relatives à la décomposition
de l'eau (1789), comme ses Obser-
vations sur quelques Jhits que l'on
a opposés à la doctrine anti-
phlogislique ( 1791 ) , sont des
réponses péremptoires aux der-
niers partisans de l'antique hypo-
thèse que Priestley, on le sait,
défendit jusqu'au dernier soupir.
Mais de Ion les les expériences qui
amenèrenl a ces ouvrages, aucune
n'est aussi curieuse peut-être que
celles qui donnèrent lieu a sa note
sur un procédé pour rendre la
chaux d' argent fulminante (1788).
Il semblait que ce fût h lui, homme
éminemment pacifique et généreux, que
la nature se plût à révéler ses cora-
128
BER
binalsons les plus redoutables. Tou-
jours suivcant , dans les combinaisons les
plus diverses , ce chlore qui pour lui
était un acide et nou un corps simple,
BertlioUet arriva aux chlorates, qui,
comme leur nom l'indique assez, se
composent d'acide chlorique et d'une
base , et qui diffèrent essentiellement
des murialcs jusque-la connus et sou-
mis a rexpërlence. Il devina bien dans
les premiers la présence d'un acide
particulier, mais il n'en connut pas la
véritable nature, témoinlenomd'acide
muriaticpie suroxigcné qu'il lui don-
na. Dans les idées du temps, c'élait
indiquer ce que tout le monde était
disposé a admettre sincèrement, que
les deux acides auxquels il croyait,
ne diffèrent l'un de l'autre que par
une proportion d'oxigène plus grande
dans le premier, moins grande dans
le second. Or la différence consiste
en ceci , que le chlore n'est point un
acide, et que le prétendu acide muria-
tiqiie suroxigéné n'est autre chose
que l'acide chlorique; ou bien en-
core, dans le cas où Ton admettrait
que la comparaison se fît entre deux
acides réels, en ceci que l'acide mu-
riatique simple est un hydracide tan-
dis que l'acide murialique nxigéné
est un oxacide. On ne sera dès-lors
f)oint étonné que Berthollet ait seu-
F.ncnt pressenti l'existence de cet
acide, nais n'ait pu l'obtenir isolé.
Comment eut-il pu y parvenir sûre-
ment, préoccupé qu'il était de l'idée
qui lui présentait de ToxigènedansThy-
dracide? Il n'en découvrit pas moins, eu
traitant ses muriates par le charbon,
le phosphore, lesoufre et les acides,
ce qu'il nomma les muriates suroxi-
génés ou oxirauriales et spéciale-
ment l'oximuriate dépotasse, dont la
vive déflagration au contact du feulai
fit imaginer de le substituer kla pou-
dre de chasse, et dont la force lui pa-
BER
rut double de celle de la poudre or-
dinaire. Ces idées donnèrent lieu ,
pendant les guerres de la révolution,
au projet de remplacer par l'oximu-
riate de potasse la poudre a canon,
qui est bien moins terrible. Un essai
en grand se fit a Essonne , sous la
présidence de Letrone, directeur des
poudres et salpêtres. Au premier
cboc des pilons, le moulin saute, cinq
personnes périssent écrasées par les
débris, et cette épreuve tristement
décisive fait renoncer a l'emploi d'un
corps dont Texpansivité se développe
avec autant de force que de facilité.
Il ne s'emploie que dans la compo-
sition de quelques poudres fulminan-
tes et pour les fioles à briquets oxi-
génés. Mais un composé d'une susccpti-
bihté , d'ime irrilabililé encore plus
grande s'était manisfesté a Berthollet
dans son laboratoire. En traitant par
l'ammoniac de l'oxide d'argent pré-
cipité de l'acide nitrique par l'eau de
chaux , il obtint cet épouvantable ar-
gent fulminant qui , pour éclater et
mettre eu pièces, n'attend pas qu'on
le triture, qu'on le presse, qu'on
le percute, qu'on élèvfi brusque-
ment le degré de température, ^jal-
heur a qui oserait l'agiter impru-
demment! Un seul grain resté au
fond d'un vase peut foudroyer celui
qui le frotterait. Une fois qu'on est
parvenu a l'obtenir, il faut en quel-
quesorte renoncer aie toucher. Quel-
quefois , au fond du bocal, immobile
et baigné par la liqueur qui en dimi-
nue la puissance , le formidable sel
éclate et fulmine spontanément. Bien
d'autres mystères d'exlermluallon
s'offrirent, dit-on, à Blonge et à Ber-
thollet pendant les essais auxquels
ils se livrèrent par ordre du gou-
vernement républicain. La note dont
Fin titillé précède , et des Obser-
vations sur quelques combinaisons
BER
de l'acide muriatiquc oxigèné
{adresséesà Vacad. deTuriii, 1798),
furent les seules publications que lui
arrachèrent ses effrayantes décou-
vertes. Peut-être aussi s'est-on plu a
exagérer le nombre des voies et ,
moyens de destruction qui se pré-
sentèrent a nos savants, le tout
afin d'exalter et leur génie et leur
sensibilité. L'historique morne de
leurs expériences ne démontrc-t-il
pas que si l'on abandonna le pro-
jet d'utiliser militairement ces armes
nouvelles, c'est qu'elles auraient été
fatales à ceux qui les maniaient avant
de l'être a l'ennemi? Et, au fond, la
rapidité des agents destructeurs est-
elle funeste a l'Iiumanité? A coup sûr
la guerre est moins meurtrière depuis
l'invention des armes a feu; et dans
l'hypothèse même de guerres plus
promptes dans leurs meurtres, puis-
que l'extermination ne dépasse que
rarement certaines limites a peu près
fixes, la promptitude avec laquelle
on arrive a ces limites n'cst-elle pas
un bien ? Les interminables guerres du
moyen âge ne doivent-elles pas leur
longue durée a Texiguité des moyens
homicides? et puisque la grande af-
faire des nations est d'être heureuses
par le travail , tout ce qui économise
le temps n'est-il pas un avantage?
Quoi qu'il en soit, si ces inventions
exterminatrices ont besoin de quel-
que autre excuse, l'état de la France
au commencement de 1792 eût pu
à lui seul les justifier. Une coalition,
indéciseeucore, grondait au loin con-
tre l'anarchie naissante j bientôt des
légions que suivraient des milliers de
légions allaient tenter le passage du
Rhin , des Alpes , des Pyrénées; on
pressentait des périls, des campagnes
gigantesques , et, chose inouie! la
France n'avait que peu de soldats ,
peu de munitions, peu de matériel
BER
129
de guerre. La Convention en s'inslal-
lant ne désespéra point delà victoire,
et pleine de loi dans ce principe, que
le dernier tronçon d'homme, que le
dernier écu français était a laFrance,
elle déclara aussi que tous les génies
lui appartenaient. Elle fit un appel
au patriotisme des savants. Elle s'a-
dressa spécialement à Berthollet et
à Monge . Le sol avait fourni des héros
inattendus 5 le sol fournit alors du
soufre , de l'airain , du salpêtre. La
France, qui jusque - la demandait
tout kl'étranger, s'aperçut que tout
était chez elle. Les guerriers la défen-
daient sur lafrontièreetdanslescamps;
de paisibles expérimentateurs la dé-
fendirent dans la capitale et au coin
de leur feu. Un petit bataillon de
chimistes, sous la direction des deux
savants, se livrait aux essais nécessaires
pour suffire sans relâche à la prodi-
gieuse consommation des quatorze ar-
mées. A ce spectacle les cours mêmes
retentirent d'un cri de surprise qui,
avant d'être proféré publiquement,
était déjà devenu un cri d'admiration.
Tout en remplissant ainsi la tâche
magnifique qui lui avait été confiée,
Berthollet faisait marcher de front
d'autres travaux. Ses Observations
sur l'usage des prussiates d'alcali
et de chaux en teinture Y^v\\re\i\ en
1792. Quoique lus en 1 796, /e 3ié-
moire sur la propriété eudiomé-
trique du phosphore, ses Observa'^
lions , si graves et si fécondes , sur
l'hydrogène sulfuré, que nous avons
reconnu plus haut pour un hydraci-
de 5 enfin celles sur un acide retiré
des substances animales (ou acide
zootique) se réfèrent, au moinsla plu-
part , aux années 1794- et 1795.
Les académies, on le sait, avaient
été dissoutes par la Convention : à
leur réorgani.^ation (1795), sous le
nom d'Institut, Berthollet fut de droit
i3o
BER
compris clans la liste des nouveaux
membres. Déplus, il avait été, en
1794. , nommé professeur de chi-
mie aux écoles normales : mais sa
brève apparition dans celte cliaire
ne servit qu\H prouver , ce qu'au
reste on n'ignore pas, qu'autre chose
est de découvrir des faits , autre
chose est de les exposer. On écou-
tait l'habile chimiste avec respect ,
mais peu d'élèves sortaient ayant
compris, ayant appris ce qu'ils étaient
venus pour entendre. Berthollet le
sentit . et bientôt abandonna des fonc-
tions si peu en rapport avec ses ta-
lents. L'année suivante (1796) il fut
envoyé en Italie par le directoire ,
pour pre'sidcr la commission chargée
du choix des objets d'art les plus
précieux qui devaient être transportés
à Paris. C'est alors qu'il s'établit en-
tre Berthollet elle chef de l'armée
d'étroites relations , dans lesquelles
Bonaparte , frappé de tant de génie
et de simplicité , manifesta le dessein
de s'initier avec un tel maître dans
les secrets de la chimie , dessein qu'il
réalisa, dit-on, quelques mois après,
lorsqu'il fut de retour à Paris. Ber-
thollet fut le seul à qui Bonaparte
confia d'avance le secret de son expé-
dition d'Egypte ; et il lui déclara
qu'il l'emmènerait avec Monge et tout
un corps de savants, lui laissant du
reste le soin de choisir tous ceux qui
feraient partie de cet immortel pèle-
rinage scientifique. On sait quels
hommes d'élite se pressèrent autour
des deux illustres amis. Aucun pour-
tant ne savait oii il allait. « Je serai
« avec vous, 5> tel était le seul mot
qu'il lui fut permis de dire à ceux
qu'il enrôlait. Sous l'influence de ce
nouveau ciel, si favorable a la chimie,
le génie de BerlhoUet ne put que
s'enflammer d'une nouvelle ardeur.
Il recueillit et publia (dans les DIc-
BER
moires sur l'Egypte et la Deçà
égyptienne), après les avoir lues
l'Institut du Caire , diverses Obser-
vations sur les propriétés tincto-
riales du frêne; sur la teinture du
coton et du Un par le carthame ;
sur r action eudiométrique des sul-
fures alcalins et du phosphore.
La composition de l'air atmosphéri-
que en Egypte lui parut , d'après ses
expériences, parfaitement semblable
a celle de l'air de Paris. Biais c'est en
Egypte que notre savant devait trouver
le dernier anneau d'une chaîne de
phénomènes insolites donlil n'avait pu
encore se rendre compte , parce qu'il
lui fallait en quelque sorte surpren-
dre la nature dans le mystère de ses
opérations. En examinant de quelle
manière pouvait se former le carbo-
nate de soude dans les lacs de ISa-
trum , il reconnut que ce sel était le
résultat d'une opéralionchimique tout-
k-fait contraire aux lois alors admises
sur les affinités. C'est après avoir
long-temps médité sur ces singuliers
phénomènes qu'il parvint h s'en rendre
compte et h expliquer d'autres ano-
malies semblables , observées précé-
demment. Eh quoi, des masses im-
menses de muriate de soude , pesant
sur un banc de pure craie (carbonate
de chaux) , s'y métamorphosent en
carbonate de soude ! Que deviennent
la les lois de Bergman? De deux cho-
ses l'une , ou l'acide muriatique a
moins d'affinité sur la soude que sur
la chaux (et cependant le contraire
est certain), ou quelque cause incon-
nue dérange cette affinité naturelle.
Or, des deux hypothèses, la seconde
seule est admissible. Soudain deux
grandes découvertes se dessinent si-
multanément dans l'esprit de l'obser-
vateur : 1° Et nous aussi, comme la
nature , nous décomposerons ce mu-
riate de soude, si abondant dans nue
BER
foule de lieux, mais que l'on croyait
indécomposable; et par cette décom-
positiou nous aurons en immense
quantilé l'acide murialique qu'exigent
nos blanchisseries, eu immense quan-
tité la soude nécessaire a nos fabriques
de verre, désaveu, à nos lessives.
2° Mais celte décomposition est un
démenti solennel donné par les faits
a la théorie des affinités électives. Il
n'est pas vrai que l'affinité soit une
préférence constante : l'action chimi-
que s'exerce en raison de l'affinité et
de la quantilé de chacun des corps
mis eu contact j l'affinité d'un corps
pour un autre peut s'exprimer par
la quantité qu'il doit en dissoudre
pour en être saturé, en d'autres ter-
mes, par sa tapacité de saturation.
La première de ces découvertes ,
inème en la réduisant a ce qui con-
cerne l'extraction de la soude, a fait
verser annuellement plus de quarante
millions dans le commerce de la
France. La deuxième, non-seulement
nous ouvre un champ illimité dans
le domaine des combinaisons, en nous
permettant de varier, de paralyser,
de déplacer a notre gré les affinités;
de plus elle e>t le fondement d'une
théorie magnifique exposée par l'au-
teur dans ses Reclierches sur les
lois de l'affinité et dans sa Statique
chimique, théorie qui, quoique jugée
aujourd'hui incapable de soutenir la
lutte avec le système électrochiiuique,
n'en restera pas moins un chef-d'œu-
vre de sagacité , de hardiesse , de
profondeur, et sera toujours regardée
dans l'histoire de la science comme
l'ère de la chimie mathématique, que
la théorie atomique et les nombres
proportionnels d'une part , de l'autre
les expériences par la pile et les
courants électriques , ont en peu d'an-
nées porté k un point si élevé, A ce
lilrc, le système de L'ertholkt ue
BER
i3r
peut être passé sous silence. Oblio-é
Il 11 I °
d eu retracer 1 analyse , nous eu em-
pruntons les traits principaux k Cu-
vier. ce L'action chimique s'exerce
en raison de l'affinité et de la quan-
tité de chacun des corps mis en con-
tact. L'affinité d'un corps pour un
aulre s'exprime par sa capacité de
saturation. Que deux acides agissent
sur une base, ils agissent chacun en
raison de leur masse et de leur ca-
pacité' de saturation j mais ces trois
substances demeureraient unies et
formeraient un même liquide ( il en
serait de même de la dissolution
commune de deux composés binaires,
leurs quatre substances demeureraient
ensemble), s'il ne survenait pour les
séparer des causes étrangères k leurs
affinités mutuelles. Mais ces trois ,
ces quatre substances peuvent former,
prises deux k deux , diverses combi-
naisons; et si l'une de ces combinai-
sons est de nature a devenir cohé-
rente ou k se gazéifier, ou il se fait
un précipité, ou il s'élève une vapeur,
et le liquide ne garde que les sub-
stances que ces causes n'en ont pas
séparées. Rarement même la sépara-
tion est complète. Pour cela , il faut
que l'échange des combinaisons n'ait
laissé au liquide aucune force dissol-
vante, sur le composé qui tend soit k
se précipiter, soit a devenir élastique.
Même chose a lieu dans les simples
dissululious. L'affinité les considére-
rait dans toutes sortes de propor-
tions, si telle de ces proportions, à
l'instant où elle se réalise, n'amenait
pas un effet qui contrarie ceux de
l'affinité, comme une cristallisation
ou une évaporalion. Alors seulement
se forment les composés a propor-
tions fixes. De là l'auteur apprécie
séparément toutes Ls circonstances
qui amènent ou solidification ou pas-
sage k l'état élastique, puis les varia-
iSa
BER
tions que ces états eux-mêmes appor-
tent aux affinités des substances. Il
montre comment la chaleur, qui na-
turellement devrait contrarier Faffi-
nité , puisqu'elle écarte les molécules,
la favorise parfois, vu qu'elle détruit
la cohésion , autre antagoniste de
raffinllé. Son action alors diffère en
raison de l'atteinte plus ou moins
forte qu'elle porte a la cohésion , ou
du plus ou du moins de solubilité
qu'elle donne aux diverses substances
dans ses divers degrés. De la les va-
riations des afiinités qui changent
avec les températures. La lumière
aussi est un agent modificateur des
affinités. Enfin la force relative des
alcalis et acides l'occupe, le jette
dansune foule d^expériences difficiles
et délicates , et il prononce qu& l'a-
cidité et l'alcalinité s'entre-dé truisent,
en d'autres termes se saturent dans
une proportion fixe, non-seulement
quand tel acide agit sur telle base ,
ou telle base sur tel acide, mais
quelle que soit la base dont l'acide
se sature , ou quel que soit l'acide
qui sature la base. L'alcalinité et l'a-
cidité sont donc des propriétés de
nature contraire , mais d'une nature
toujours la même dans chacun des
deux genres ; qui varie selon les es-
pèces pour l'intensité, mais qui dans
chacune de ces espèces conserve tou-
jours la même intensité: en sorte que
l'acide qui prend plus ou moins de tel-
le base pour se saturer que tel autre
acide , prend aussi plus ou moins de
toutes les autres bases, et toujours dans
la même proportion. 3> On ne s'éton-
nera pas d'après cela que les Recher-
ches de BerthoUet sur les lois de
l'affinité, lues de 1799 a 1806,
aient été insérées dans un grand nom-
bre de recueils , et que la première
partie , imprimée a part ( 1801 , et
1 806) , ait été traduite en allemand
BER
par Fischer (Berlin^ 1802) et en
anglais par Farrel (Londres, i8o4).
Mis au jour en i8o3, les Essais de
statique chimique obtinrent , dès
iSo/f , les honneurs de la traduc-
tion : Lambert les traduisit en an-
glais (Londres); Dandolo en italien
(Rome) : Bartoldy et Fischer en pu-
blièrent une traduction allemande
k Berlin , i8o5. — Jusqu'ici nous
avons vu BerthoUet prendre grande
part aux travaux de l'académie , de
l'institut de France et de l'institut
du Caire. A partir de cette époque^
il eut aussi sa grande part de digni-
tés , d'honneurs , de richesses. Ap-
pelé au sénat conservateur après la
révolution du 1 8 brumaire , il fut en-
suite nommé comte, grand-officier
delà Légion-d'Honneur, et plus tard
grand'croix de l'ordre de la Réunion.
— Il fut doté de la sénatorerie de
Montpellier, oii il se rendit en i8o5,
et où il retourna en 1806, lorsqu'il
alla présider le collège électoral du
département des Pyrénées-Orienta-
les. Heureusementpourlascience que
BerthoUet ne se laissa ni éblouir ni
absorber par des fonctions aussi éle-
vées, aussi importantes. Toujours il
conserva sa simplicité et son goût
pour la retraite et l'étude. C'était
sans doute afin de pourvoir aux frais
de la science que l'empereur avait
désigné pour BerthoUet la riche sé-
natorerie de Montpellier. Cependant
les revenus de cette sénatorerie et de
tous ses emplois ne pouvaient suffire
aux dépenses multipliées auxquelles
il était entraîné comme malgré lui
par des expériences faites en grand ,
par des travaux continuels pour l'a-
mélioralion des arts, par l'entretien
d'un vaste laboratoire ouvert sans
cesse aux amis , aux étrangers , et
surtout a ses nombreux élèves, qu'il
voyait avec plaisir s'exercer sous ses
BËR
yeux aux préparalions les plus déli-
cates de la cliimie. Aussi noire sa-
vant se trouva-t-il une foisforcé d'in-
troduire la plus grande économie dans
sa mai>on , de vendre ses chevaux et
de ne plus aller a la cour. Instruit
de cela , Napoléon , qui l'aimait et
qui l'appelait son cliimiste, le fait
mander aux Tuileries 5 et , après lui
avoir reproché de ne s'être pas plus
lot adressé a lui, il ajouta : « J'ai tou-
cc jours cent raille écus au service
« de mes amis. 55 Et celte somme
lui fut remise le lendemain. C'était
par de nouvelles découvertes , par de
nouveaux services rendus aux arts et
à la société que Berthollct répondait
a de si grands bienfaits. C'est vers
ce temps qu'en faisant diverses ex-
périences , il fut frappé de la grande
tendance qu'a l'hydrogène h se com-
Liner avec le charbon , et de la té-
nacité avec laquelle celui-ci retient
l'hydrogène. S'étant assuré que , par
suite de ce phénomène, l'eau qui se
trouvait en contact avec le charbon
n'était point altérée, que le charbon
de son côté restait intact, il comprit
que c'était là un moyen de conserver
l'eau douce dans les embarcations de
long cours , en faisant brûler l'inté-
rieur des tonneaux destinés a la con-
tenir. L'expérience fut faite , et con-
firma que Ton devait a Berthollet
une nouvelle et utile découverte.
« Singulière destinée , s'écrie M.
a Pariset, qu'une idée conçue dans
« un cabinet de Paris sauve la vie a
K des marins dans le détroit de
ce Behring ; » c'est en 1 8 1 5 que l'é-
quipage de M. de Rruseustern se
trouvait si bien de l'avis de Berthol-
let; et c'est en 1 8 0 1 que cet habile ap-
plicaleur des faits scientifiques avait
lu a rinstilut ses Observations sur
le charbon et sur les gaz hydro-
gènes carbonnés. L:i haute fortune
BER
i35
k laquelle semblaient le convier les
boutés de l'empereur ne put le dis-
traire sérieusement de ses études
chéries. Au lieu de faire preuve d'as-
siduité a la nouvelle cour, il se retira,
se confina pour ainsi dire à la campa-
gne, dans sa maison d'Arcueil. Il y avait
construit un laboratoire ; il y vivait
au sein de l'amitié, mais d'une amitié
toute chimique 5 il exerçait une noble
hospitalité envers les chimistes étran-
gers 3 il formait a la science des jeu-
nes gens dont il avait pressenti le mé-
rite, et acquittait ainsi en faveur de ta-
lents encore inconnusla lettre de chan-
ge qu'il avait jadis tirée sur Tronchin;
il fondait la société d'Arcueil , dont
il était l'àrae, et dont le monde savant
connaît les trois excellents volumes
de recueils j infatigable dans ses tra-
vaux, il y insérait la Descriptioti
d'un manomètre pour reconnaître
les changements qui surviennent
dans l'élasticité et la composition
d'un t>olume d'air déterminé (T. i ,
1807)5 ^^^ Observations sur l'al-
tération f/ue l'air et l'eau produi-
sent dajts la chaleur (T. 1)5 sur
les proportions des éléments et
quelcpies combinaisons (T. 2) j sur
les hydrogènes carburé etoxicar-
buré (même T.) 5 et des notes sur di-
vers sujets (T. 2, p. 4^485 454., 463,
470 , 484). L'Institut eut encore de
lui, outre trois rapports (1° sur les
Recherches chimiques touchant la
végétation, de M. Th. de Saussure,
18045 -"sur le mémoire du même
auteur, relatif a la composition de
l'alcool et de l'éther sulfurique ,
1807: 3° sur les Recherches phy-
sico-chimiques de MM. Gay-Lussac
et Théuard . 18 11"), des Considéra-
tions sur l'analyse végétale et l'a-
nalyse ajiimale, 1809; des Obser-
vations sur les précipités mercu-
riels et sur ceux du sulfate d'alu-
i34
BER
mine, 1 8 1 2 : enfin des Observations
sur la composition de l'acide o.ri-
miiriatique , même année. Son fils
alors venait de mettre fin a ses jours.
Celte mort prématurée lui causa une
affliction d'autant plus viv^e , que ses
talents et son goût pour la chimie
promettaient un digne héritier de la
gloire paternelle. Il ne se remit ja-
mais complètement de ce coup terri-
ble, auquel il songeait toujours, et
qu'une haute discussion de chimie
transcendante avait seule le privilège
de lui faire oublier un instant. L'an-
née i8i4 commença tristement pour
Berthollet. La mort de Guyton de
Morveau, un de ses meilleurs amis, et
sur la tombe duquel il fit un dis-
cours le i janvier , avait laissé dans
son caractère une profonde atteinte
de tristesse et d'incertitude. Au mois
d'avril suivant , cédant aux conseils
de son ami Laplace , il prononça
la déchéance de Napoléon et vola
la création d'un gouvernement pro-
visoire. Cet acle sans doute lui
coûta. Il ne pouvait oublier que Na-
poléon l'avait nommé son ami. Ce
qu'il y a de certain, c'est qu'il ne fut
appelé à aucun emploi pendant les
cent-jours. Louis XVIH , après son
second retour, le rappela a la cham-
bre des pairs, dont il avait fait partie
depuis sa création. Il s'y moulra le
défenseur des principes constilulion-
nels , fil plusieurs rapports intéres-
sants sur les ftrs , sur les poudres ^et
salpêtres, et présenta quelques vues
utiles sur les canaux de petites dimen-
sions. C'est au milieu de ces distrac-
tions politiques et de ces chagrins de
cœur qu'il fut attaqué d'une de ces
maladies qui surprennent et désespè-
rent la médecine. A la suite d'une
fièvre légère , un anthrax de la nature
la plus maligne vint le dévorer pen-
dant des mois entiers. Médecin, i! put
BER
supputer lui-même les lents progrès
de l'incurable maladie, et calculer les
pas que ferait vers lui celle mort ac-
compagnée de la douleur ; philosophe,
il subit sans plainte celle longue ago-
nie. C'est qu'il possédait tous les
genres de courage. Dans le désert et
parmi les sauvages Mamelouks , à
l'exemple de Monge , il avait ranimé
le courage et la gaîlé des soldats, qui
presque tous croyaient que Monge et
Berthollet n'élaient qu'un seul et
même homme. Le danger ne s'oppo-
sait point a ses recherches scientifi-
ques : un jour qu'il remontait le Nil
sur une barque où les Mamelouks lui
envoyaient force balles, on le vit
remplir ses poches de pierres. « Que
préteudez-vousfaire? » lui demanda-
t-on. — et Couler à fond plus vile ,
a répondit-il , et n'être pas mutilé
par ces barbares, jj Pendant le siège
de Saint- Jean -d'Acre, Berlhollet
voyant la peste imminente n'hésila
point à se joindre au baron Lar-
rey , pour annoncer ce fléau ter-
rible. Ou le blâme, on l'accuse d'im-
prudence et de témérité : « Dans
ce huit jours , s'écrie Berthollet avec
«douleur, je serai trop vengé. »
Sinistre prédiction , et qui bientôt
s'accomplit en dépit du chef qui vou-
lait se dissimuler a lui-même cet hor-
rible fléau. La retraite commença.
Berthollet, forcé de céder son car-
rosse a des généraux blessés, par-
court à pied vingt lieues de désert
comme il eût fait une promenade. —
Peu de temps avant le 9 thermidor ,
un dépôt graveleux trouvé au fond
de quelques barriques d'eau-de-vie
donne lieu a une grave accusation
contre un fournisseur qui voulait, di-
sait-on , empoisonner l'armée. On
confie a Berlhollet l'analyse du li-
quide. Tout annonçait qu'on cliercLiit
un coupable et que ion convoitait
BER
les richesses du fournisseur. Ber-
tliollct, toujours inflexible quand il
s'agissait de probité et de justice,
n'iiéslte point à faire un rapport
favorable. Appelé devant cet indigne
tribunal qui portait le nom de comité
de salut public, il est interrogé
d'un ton menaçant: « Es- tu sur de ce
que tu dis? — Très- sur, répond avec
calme le savant. — Ferais-tu sur toi
l'épreuve de celte eau-de-vie? Ber-
thollet, sans dire un mot , en avale
un grand verre. — • Tu es bien bardi!
— 3Ioius que je ue Tétais en écrivant
raonrapport. " Son désintéressement,
sa générosité ne méritent pas moins
d'admiration que sonberoïsme. Quoi-
que conlinuellemeut gêné, soit par
SCS dispendieuses expériences , soit
parce que , comme beaucoup de gé-
nies élevés, il avait toujours Part de
partir d'un arriéré , il ne cbercba
jamais a tirer parti pour lui de ses
rccberclies , qu'il eût pu tenir secrè-
tes sans que qui que ce fût l'en eût
blâmé. Une découverte n'était pour
lui qu'un théorème de plus , et ce
théorème un degré plus haut pour
monter "a la vérité. Sous le point de
vue utilitaire, sa patrie, ou plutôt le
monde , et non lui , devait récolter la
moisson semée par lui. Le chlore ne
lui valut qu'un ballot de toiles blan-
chies par son procédé : encore sa dé-
licatesse héslla-t-elle "a l'accepter,
quoique les Anglais qui le lui en-
voyaient lui eussent offert de le pren-
dre pour associé. Son fils éleva une
manufacture de soude 5 mais déjà
BerlhoUel avait appris a l'Europe le
moyen d'obtenir de la soude , et plus
d'une opulente fabrique s'était élevée
à sa voix. Sa modestie égalait son
mérite: et souvent iSapoléou , qui
rassemblait sur la tète de sou chi-
miste lo;itesles découvertes chiml([ues
du siècle, l'cnlendait faire la répar-
BER
î35
lllion des gloires entre lui et ses
confrères , entre les Français et l'é-
tranger. Les gens de lettres ont re-
marquéque, quoique peu habile dans
Part d'exposer ses idées, il n'était
pas ennemi de la littérature, et que
dans l'âge mûr et dans la vieillesse il
était resté fidèle au goût que jeune il
avait pour les représentations de la
scène. Sa mort, trop annoncée par
les douleurs qu'il ressentait , arriva
le 6 nov. 1822, dans sa maison d'Ar-
cucil. Ses obsèques se firent dans la
commune même, avec toute la solen-
nité que commandaient son rang et sa
célébrité. Son buste, magnificjuement
exécuté par M. Gajrard, est un des
plus beaux ornements de la bibliothè-
que de l'institut. Au nom de linstitut
de France et de l'institut d'Egypte,
MM. Chaptal, Thénard, Gay-Lussac,
furent les premiers organes de la
douleur publique. Chaptal renouvela
cet hommage a sa mémoire dans la
chambre des pairs, le 19 fév. 1823.
Cuvier a prononcé son éloge le y
juin 1824., dans le sein de l'acadé-
mie des sciences. Un autre éloge,
par le docteur Pariset, a retenti au
milieu de l'académie rovale de mé-
decine. Enfin , la Revue eiicyclopé'
clique fXM , /i.54 , XXX, 25), le
Journal desDéhcits (23 nov. 1822,
art. Auger et Chevreul), le Journal
philosophique cl'Eclinburgh ( IX ,
pag. I, 1823) et la Biographie
piémontaise (II, 202) lui ont consa-
cré des notices intéressantes. Les
ouvrages de BerlhoUet n'ayant jamais
été réunis , nous en avons donné la
bibliographie avec le plus grand soin.
On remarque que presque tous sont
épars dans les Mémoiics de l'aca-
démie des sciences et les lilénioi-
res de l'institut , dans le Journal
de phys. , dans les Ann. de chimie,
le Bulletin de lu société phil. ,
[36
BER
le Magasiîi encycl. , les Mém.
surl'Egypte ^ les Mém. de la soc.
d' Arcueil. Pour compléter la bi-
bliographie de Beiihollel il faudrait
y joindre la liste de quelques ouvrages
auxquels il a coopéré et de quelques
autres dout il n'a été que traducteur
ou éditeur. Tels sont notamment le
Mémoire de TV ollaston sur le pal-
ladium [kwi. de chimie , 1809) et
celui de Davy sur quelques affinités
secrètes de l'électricité [\h., 1807).
M — z et P — OT.
BERTI (Pierre), littérateur,
naquit à Venise, en 174-I. Entré
chez les jésuites, il professa la rhé-
torique a Parme et ensuite a Reggio.
Quoi jue très-jeune encore , il fut, sur
la présentation du célèbre Paradisi,
reçu membre de l'académie de cette
dernière ville. A la dissolution de la
société , l'abbé Berti revint a Venise,
où il se chargea de l'éducation de
quelqtfes jeunes patriciens. Il parta-
geait son temps entre ses élèves , la
culture des lettres et la recherche des
livres rares , dout il forma une col-
lection très - remarquable. Estimé
pour ses talents et surtout pour son
caractère, il eut de nombreux amis,
et mourut à Padoue en i8i3 , a
73 ans. Où lui doit une bonne édi-
tion de VEsopo volgarizzato per
unoda Siena,?3iàovie y i8ii,in-8°.
Elle est enrichie d'une préface très-
érudite , dans laquelle Berti rend
compte de ses travaux^ et de trois
tables des mots cités dans le Diction-
naire de la Crusca. Le P. Bloschini
( Biografia uiiiversale ) trouve cette
édition préférable à celle qu'avait pu-
bliée Manni a Florence , 17 78. Il en
existe au moins six exemplaires sur
vélin ( Gamba série dé testï). La
nouvelle édition de Brescia, 1818,
in- 16, reproduit, il est vrai, le texte
de Berti j mais on en a retranché la
BER
préface et les tables. Outre \Orai-
soii funèbre ^ en latin, du Doge
Louis Mocenigo, Venise, 1779 , et
quelques Discours prononcés dans
des occasions solennelles , on cite de
Berti un petit poème , dans le genre
gracieux, publié quelques années après
sa mort par un de ses élèves : La
Pesca di Coimnacchio , stanze^ Pa-
doue , 181 4, in-8°. W — s.
BERTIE (Thomas Hoar,
connu sous le nom de)j amiral an-
glais , naquit a Londres le 3 juillet
1758. Destiné dès l'enfance kla ma-
rine , il fut a l'âge de treize ans placé
sur les registres d'équipage du yacht
Guillaume et Marie. Deux ans plus
tard (1773), il vit pour la première
fois la mer sur la frégate le Cheval
marin , capitaine Farmé. C'est là
que commencèrent ses liaisons avec
les deux célèbres marins Nelson et sir
Thomas Trowbridge. En 1777, sur le
désir de lord Mulgrave, son protec-
teur, il quitta le Cheval marin pour
le S alishury qui portail le pavillon de
sir Ed. Hugues^ et revint en Anglerre
avec cet officier, le i^mai de l'année
suivante. Huit jours après il recevait
sa commission de lieutenant avec
l'ordre de se rendre sur le Monar-
que, vaisseau de ligne de 74 canons j
11 s'y distingua également par son
habileté comme théoricien, et dans la
bataille entre Keppel et d'Orvilliers
(27 juillet 1778);, par sa bravoure
comme homme de guerre. Ces deux
qualités éclatèrent de même h bord
du Sujfolk où il accompagna au
mois de décembre suivant le ca-
pitaine Rovs'ley. Ce dernier fit voile
aussitôt avec une escadre destinée a
renforcer l'amiral Byron dans les In-
des occidentales. Trois mois environ
s'étaient passés depuis la jonction de
la flotte et de Pescadre , quand ,
le 6 juillet 1779 5 eut lieu le cora-
BER
bal devant la Greiiade. he Suffi) Ik
prit une part très-vive à cette action
où il eut trente-deux borames tant
tués que blessés. Au mois de décem-
bre de la même année , Bertie fut
chargé d'aller , a l'aide des embarca-
tions du Suffhlk, détruire les vais-
seaux ennemis sur la côte delà Mar-
tinique; il en détruisit deux et ne
perdit dans cette excursion qu'un
seul homme , quoiqu'il eût été atta-
qué par la milice de l'île. Pendant ce
temps, le capitaine Rowley était de-
venu contre-amiral. De plus en plus
attaché k un officier dont les services
n'avaient point été inutiles à son pro-
pre avancement , il voulut en être
accompagné sur le Conquérant, le-
quel fil partie de la flotte qui les
1 7 avril , i 3 et 19 mai 1780, eut a
combattre l'amiral français Gulchen.
( J^oj. ce nom, XIX, 78). L'é-
quipage compta , dans cette triple
affaire , dix-huit morts et soixaule-
neuf blessés. La brillanteconduitede
Bertie, dans ces diverses circonstan-
ces , lui valut au mois de juillet le
rang de lieutenant de pavillon de
l'amiral Rowley. Le i 0 août 1782,
il fut nommé commandant et eut
d'abord sous ses ordres le sloop le
duc d'Estissac avec lequel, pendant
le reste de la guerre contre la France,
il rendit beaucoup de services tant
sur les côtes de l'Amérique continen-
tale que dans l'archipel des Antilles.
La paix de 1783 le mit en non-ac-
tivité, jusqu'en 1790, C'est dans cet
intervalle qu'ayant épousé miss Ber-
tie, Hoar crut devoir condescendreau
vœu de sou beau-père, en substituant
ce nom au sien. Le 22 nov. 1790, il
reçut le commandement de la Lédw^
mais presque aussitôt un contre-ordre
le rendit k sa vie casanière, et il n'en
sortit que dans l'automne de i 796 ,
pour prendre le commandement de
BER
i37
VHindoustan, vaisseau de cinquante-
quatre canons, alors k Spithead. Il
fit voile de ce port pour les Indes
occidentales avec le reste de l'escadre
commandée par l'amiral Bowen , et
une flotte qui avait abord plusieurs
milliers d'hommes sous les ordres du
général White pour conquérir St-Do-
mingue. L'expédition manqua : Ber-
tie fut pris de la fièvre coloniale au
Port-au-Prince , et forcé de résigner
son emploi et de revenir en Angleterre
(oct. 1796). L'année suivante on lui
confia V Ardent , de soixante-quatre
canons. Il y signala son entrée en
proposant dans la construction du bâ-
timent diverses modificalionsingénieu-
ses qui furent approuvées por l'ami-
rauté, puisbientôt étendues k un grand
nombre de bâtiments. Il fut ensuite
employé sous lord Duncan au blocus
de la flotte, du Texel. Lors de l'ex-
pédition contre la Hollande, en août
1799, il passa sous le commande-
ment du vice-amiral Mitchell. Après
la reddition de la flotte hollandaise,
il prit possession du vaisseau-amiral
le Ruj-ter, et peu après escorta
les autres prises jusqu'aux rives
de la Grande - Bretagne. Il assista,
en octobre, k l'évacuation du Texel,
et fut un des officiers qui recurent
nominativement les félicitations des
deux chambres pour leurs services
dans celle expédition. En 1 800, l'Ar-
dent fut une des voiles de l'escadre
envoyée dans le Sund sous les ordres
de Dickson pour y appuyer la mission
de lord Whilworth. Peu après, ce
navire passa dans l'escadre de Nelson
etpritpart, sous cet intrépide amiral,
k la bataille en vue de Copenha-
gue. Il s'empara de quatre vaisseaux
danois, et fut nommé avec beau-
coup d'éloges dans le rapport de
Nelsou. Bientôt Bertie pas^a au coiu-
mandemeut de la Bellone (vaisseau
i38
BER
BER
de 74), continua son service dans
la Baltique sous Nelson et sous son
successeur Pôle; il se joignit ensuite
à l'escadre de Tboinas Grave, dont
une partie cingla vers Cadix et fut
employée au Llociis de la flolte espa-
gnole. Cette expédition terminée,
Berlie se rendit avec Tyler aux In-
des orientales. Revenu en Angleterre,
il y resta sans emploi jusqu'en i 8o3,
ou plutôt jusqu'en i8o5. Car il ne fit
qu'une courte apparition , de nov.
1 8 0 3 k février 1 8 0 4^ , sur le Coura-
geux, vaisseau de 74^, qui portait le
pavillon du contre-amiral Dacres et
qui, chargé d'escorter une flotte mar-
chande de 170 voiles . fut, ainsi que
tout le convoi, battu par une épouvan-
table tempête. De i8o5 a 1808, il
commanda le S t- George qui faisait
partie de la flolte du canal. Enfin,
eu avril 1808 , il fut élevé au poste
de conlre-amiral qu'il avait acheté
par tant de services. Il n'eut guère le
temps de s'y distinguer de nouveau.
Envoyé dans la Baltique sous Sau-
marez, il fut obligé par la formation
prématurée de glaces de revenir k
Yarmouth. L'année suivante il fut
employé au blocus de la Zélande et
aux stations le long des côtes de Da-
nemark , de Norvège et de Suède.
En 1810, le mauvais état de sa
santé le força de quitter le service ac-
tif. Il n'en reçut pas moins le titre
de chevalier et le brevet de vice-ami-
ral. En 18 13 , le roi de Suède lui
avait confère l'ordre du Glaive. Le
vice - araiial Bertie mourut le i3
juin 1826 k Wyford-Lodge (comté
de Hamps ). P — ot.
BERTIX ( Henri - Léonard-
Jean-Baptiste) , contrôleur-général
des finances , naquit eu 17 19, dans
le Périgord, d'une ancienne famille
de robe (i). Conseiller en 174^,
{') II av.'.iî les litres de comte de Bo'U'dcilli's,
puis président au grand-conseil , ou
1760 , il fut l'un des commissaires
chargés d'instruire le procès de Mahé
de laBourdonnais(/^. Mahé,XXYI,
1.67); et, suivant Voltaire , ce fut
principalement a son équité que le,
vainqueur de Madras dut une justice
qu'il ne tint sans doute pas k Bertin
de rendre plus prompte (2). De l'in-
tendance de Px-oussillon , il passa
bientôt ( 1754) k celle de Lyon où
il se fil connaître par ses talents
comme administrateur. Admis k l'a-
cndémie de celte ville ^ il lui fit don
d'un herbier des Pyrénées , formé
par Barrère ( Voy. ce nom , III, 4 1 7) ,
habile botaniste. Il fut nommé eu
1707, lieutenant-général de police
k Paris, et mérita dans cette place
importante la confiance dtfroi, en sa-
chant se ménager laprotcction de M""'
de Pompadour. Les finances étaient
dans lasiluatiou la plus déplorable ;
elles contrôleurs-généraux, qui se suc-
cédaient rapidement, n'imaginaient
aucun moyen de remédier aux em-
barras du trésor, qu'augmentait en-
core la nécessité de soutenir une
guerre dont il était impossible de
calculer la durée. Silhouette {J^oy.
ce nom, XLÎI , 348), en bulle kla
haine et au mépris des courtisans qui
contrariaient toutes ses opérations,
en les décriant d'avance , fut obligé
de se retirer, et le roi jeta les yeux
sur Berlin pour le remplacer (ocf.
1769). Trop habile pour nepas pré-
voir toutes les dilEcullés qu'il aurait
k vaincre dans cette place, il ne ca-
cha pas la répugnance qu'il éprou-
A'ait k l'accepter ; et lorsqu'il alla
remercier le roi , il lui demanda la
permission de s'endéineltre k lapaix.
a Je vois , lui dit ce prince, que vous
seigneur de Brantôme et premier l)aron dn Pé-
rigord.
(2) Voyez, d.Tn5 les œuvres de Vollairc, /'"ro^---
ni<-ri(s Sdrl'lni/r , avt. 3,
BER
connaissez la place que je vous con-
iie. » Jamais aucun ininislre ne s'é-
iait trouvé dans un plus grand em-
barras. Les coffres élaieut vides, les
revenus dépensés par anticipation ; et
le refus de payer les jjillets des
fermes avait , en alarmant les prê-
teurs , détruit fouLe espèce de crédit.
La première opération de Berlin fut
d'ftuvrir un emprunt viager , dans
lequel il admit, avec des sommes ef-
fectives, les créances sur TElat qui
navaient aucune valeur. C'était offrir
aux prêteurs l'appât d'un intérêt
énorme; mais pour soutenir la guerre,
il fallait de l'argent a quelque prix
que ce fût ; et, malgré l'espérance de
gros bénéfices, les capitalistes ne te
montraient rien moins qu'empressés
de porter leurs fonds au trésor. Ce-
pendant la confiance qu'inspirait la
loyauté du nouveau ministre lui fit
trouver des ressources la où il ne
pouvait pas l'espérer (3). Le prince
de Conli, l'ennemi déclaré de Sil-
(3) Bertin fit créer par édit (1760) un nctro!
dans les villes et bourgs du royaume , et les
parlemenis firent dus remontrance.':. Un pré-
cédent édit (août 17&9) avait étaljli un droit sur
les cuirs, malgré la résistance des parlements.
t?n autre édit (févr. 1760), en supprimant celui
de subvention, créa, pour en tenir lieu, un nou-
veau vinçtièi'ne avec augmentaticn de capita-
tiou , et les parlements , les chambies des
comptes et les cours des nides refusèrent l'en-
l'egistrement. Des difficultés s'élevaient aussi
sur le paiement du dou graluit On connaît, par
la volumineuse correspondance de Bertin, dont
l'auteur de cette note a les originaux, quels
étaient alors les embarras du pouvoir. 11 lui
fallait sans cesse avancer et reculer. On voit
Bertin blâmer l'intendant Feydeau de Brou de
s'èlre laissé effrayer au point d'avoir pris sur
lui de suspendre la publication et l'affiche d'un
arrêt du conseil (24 juill. 17(30); on voit le mi-
nistre réduit à méditer des moyens vi< l^-nls. Il
demande au chancelier communication des
pièces sur les deux inierdictions du parlement de
Mouerit sous le chancelier Pojet et sous te pitance-
lier Séguier. Il e. rit au chancelier (L.nmoignon de
Blaucmesnil), le 24 fevr. 1760, que « si lesreso-
« lutions du conseil restent toujours ainsi sans
« exécution, il sera très-difficile de penser à agir
« de quelque façon que ce soit. >> La lutte était
alors vivement engagée; les parlemenis refu-
saient de déférer aux leltiPS de jussion. Les pays
d'états entraient aussi dans la résistance des cours
souveraines. L'histoire de reste lutte et decette
HEP.
H:,
houette, offrit à Bertin 5 00,000 fr.
qui lui furent très - utiles dans ce
pressant besoin ; et cet exemple
trouva des imitateurs. Le liasard vint
aussi quelquefois à son secours. In-
struit que l'argent manquait pour le
prêt des troupes, en Allemagne ,
Bertin avait expédié un courrier à
Strasbourg , pour négocier avec les
Juifs un emprunt à quatre pour cent
par mois. Son courrier était a peine
parti qu'il reçut la nouvelle de la
défaite de l'escadre française, com-
mandée par le marquis de Conflans
(20 novembre lySçj). Il contre-
mandason courrier, et, mettant à pro-
fit un malheur irréparable, il se hâta
d'expédier en Allemagne l'argent
qui se trouvait sur les vaisseaux
rentrés dans la Vilaine. Malgré
tant de sollicitudes que lui donnait
l'état du trésor, Bertin put s'occuper
utilement d'encourager le commerce
etl'agriculture. On lui dut l'établisse-
ment k Paris et dans les provinces des
sociétés d'agriculture cnargées d'é-
clairer les cultivateurs sur les moyens
d'augmenter leurs récoltes, et d'in-
diquer au ministre les modifications
dont les anciens règlements pourraient
être susceptibles. Il faut le regarder
aussi comme le fondateur des écoles
vétérinaires en France, puisque c'est
a sa protection éclairée que Bour-
gelat [Voy. ce nom, V, 372) dut
les fonds nécessairespour établir celle
de Lyon, la plus ancienne du royaume.
Le gouvernement avait promis de
supprimer à la paix le second et
le troisième vingtième qui ne lui
avaient été accordés que pour sou-
tenir la guerre' mais le trésor était
résistance , qui amenèrent dix ans plus tard la
dissolution des parlements , et enfin la révolu-
tion de 178g, n'a pas encore été écrite avec des
documents complets; ce serait un livre histori-
que riche en enseignements et en utiles et hau-
tes Irions, V — VE .
i/,o
liER
trop obéré pour qu'il fut possible
de tenir celle prouiesse imprudente.
La cour peusa qu'un lil de justice
f tonfferait kleur naissance les murmu-
res du parlemeuL ; mais l'enregistre-
ment forcé des édils bursaux fut sui\ i
de représentations don lie duc de Choi-
seul feignit d'être eifrajé. Berlin , en
corrigeant ses plans , laissa voir aux
parlements que la cour les craignait :
cl 1 opposition parlementaire en de-
vint plus menaçante j le contrôleur
se bâta de donner sa démission. Il fut
remplacé par TAverdj {J^oj. ce
nom, m, 112). Enquitlant le minis-
tère (1760, où i! s'était conduit avec
plus de fermeté qu'on ne devait l'al-
Icudre d'nn protégé de madame de
Pompadour (4), Berlin conserva sa
place au conseil avec le titre et le
traitement de minisire d'état. Un jour
Louis XV , s'eniretenant avec lui des
movt-ns de réformer les abus , finit
par lui dire qu'on n'j réussirait jamais
sans refondre entièrement l'esprit de
ia nalion, et il le pria de songer de
quelle manière on pourrait y parvenir
pins sûrement. Quelque temps anrès,
Berlin dit au roi qa il croyait avoir
trouvé le secret de satisfaire k ses
vœux. — El quel esl-il? demanda le
monarque. — Sire, répondil Berlin,
c'est d'iuocnler aux Français l'esprit
cbinois. Telle est, suivant Grimm, à
qui nous empruntons cette anecdote
■iju'il est permis de suspecter (Voy.
Con-espondance , nov. lySS), la
cause du zèle que Berlin montra
pour tout ce qui concernait la Chine,
zèle auquel nous sommes d'ailleurs
redevables des Mémoires sur les
Chinois {ï^oy. A-miot , II, 48),
(4) Il sut, dit MontyoD, résister avec ferine-
If aux ijrelentiins du duc de Choiseul et iixjiue
à (■fl.t;s de madame de Pom(iadour. Jin offrant
sans cesse sa démission, il garda sa place qu'il
ne quitta, comme il l'avait annonce, f(u'après la
sfsualure de la jiaix on i^fi3.
BER
uu des ouvrages les plus importants
du dernier siècle. L'bistoire de
France ne doit pas moins h Berlin
que celle de la Cbine : c'est lui qui
lit recbercher a Paris, dans les pro-
vinces et jusque dans la Tour de
Londres les documents inédits pro-
pres k répandre quelque lumière sur
les temps encore obscurs de la mo-
uarciiie. Il entretenait une correspon-
dance suivie avec les savants qui se
livraientacespéuiblesrecberclies, et
les encourageait par des éloges , par
des gratifications qui leur furent
fiayées jusqu'à l'époque oîi la révo-
ulion vint suspendre leurs travaux ,
et même leur en dérober le fruit
{Voj. Brequigny , V , 543, et
Grappin , au Supp.j. C'est a lui que
la manufacture de lèvres a du son
développement; 11 encouragea aussi
l'exploitation des mines , et fit tra-
duire de l'allemand les meilleurs
ouvrages métallurgiques. La pro-
tection que Bertin accordait aux
lettres lui mérita d être admis dans
la classe des membres honoraires k
l'académie des sciences, en 1 760 , et
k celle des inscriptions , en 1772.
Il était aussi commandeur des ordres
du Saint-Esprit et de Saint-Michel.
Après la retraite du duc d'Aiguillon
(1774), il tint le portefeuille des
affaires étrangères jusqu'à la nomina-
tion de \ergennes. A la révolution,
Berlin fut si complètement oublié
que so 1 nom ne se trouvepas une seule
fois dans le JMoniteur. Il figure ce-
pendant encore dans la liste des aca-
déiiiicieus honoraires, en 1792 • mais
comme il a disparu de celk; de l'année
suivante, on peut en conclui'e qu'il
muurut eu 1792? âgé d'environ
soixanle-lreizeans. On trouve quelques
détails sur Berlin dans les Particu-
larités sur les mlnisti-es desjinau-
ces , édit. de Londres, i45, el dans
BEPv
Vllisluirc du Xf^III'^ siècle, par
M. Lacrelellc. Dutens rapporte
dans les 3/émoires d'un voyageur
qui se repose , H , 1 1 3 , une aven-
ture extraordinaire arrivée k Berlin ,
et qu'il avait racontée lui-même a
madame de Choiseul. On aie portrait
de ce minière, gravé par Gaillard,
d'après Rosliu, in fol., etparCatlie-
lin , in-4°- — Un autre Bertijs
{Pierrc-V' încent) avait été tréso-
rier-général du sceau, puis des par-
ties casuelles, sous le règne de Louis
XIV. Ou a deux beaux portraits de lui
gravés par G. Edelinck et Vermeu-
Jen, d'après Larglllière et Rigaud ,
in-fol. W — s.
BERTI\ de Blagny {kv-
cusTE-Louis) , membre de l'aca-
démie des inscriptions, était parent
du contrôleur-général, qi:i ne fut sans
doute pas inulile à sou avancement.
Il entra jeune dins la carrière des
finances, et obtint en 17^2 la charge
de trésorier-général des fonds parti-
culiers du roi (bureau des parties ca-
suelles). Il s'y maintint jusqu'à la
suppression de cette caisse, qui fat
réunie au domaine eu janvier 1788 ,
et il consacra ses loisirs a la culture
des lettres. Admis en i749aracadé-
raie des inscriptions, dans la classe
des associés, il lui communiqua deux
mémoires: l'un intitulé, Réjlexioiis
sur la vénalité des charges en
France, impiimé par extrait dans
le recueil de cette savante compagnie,
tiim. XXII, 278 ; et l'autre, Disser-
talion sur les bailliages royaux ,
tom. XXIV, 737. En 1769, il passa
dans la classe des vétérans' (i),
quoiqu'il ne fût pas alors dans un
(i) I>a liaison scandaleuse de Beitin avec
^lUe Hiis durait encore quelques années api-ès
(y'oy. une lettre de Voltaire à d'Argental, du
II octobre 1761). 11 la quitta pour la fameuse
Sophie Arnould, qui ne tarda pas à l'abandonner
pour revenir à son ancien amant , le comte de
BER
lAi
âge avancé , et son nom se trouve en-
core sur la liste des académiciens ,
en 1-^91. W — s.
B E R T I X d'Antilly ( Louis-
Auguste), littérateur , né Fers
1760 , à Paris, était le fils naturel
de M"" Hus, actrice de la Comédie-
Française , et de Berlin trésorier-
général des parties casuelles [Koy.
l'art, précédent), qui prit soin de son
éducation, et , en lui donnant la place
de premier commis daus ses bureaux,
crut lui assurer une existence honora-
ble. Aimant les lettres, d'Anli'lv les
cultiva dans ses loisirs j et il dut a
quelques pièces fugitives la réputation
d'homme d'espiit, qu'on soutenait
alors avec assez de facilité quand on
v joignait (juelque fortune. Bertin
d'Antilly concourut, en 1785, pour
\'Elos;e de F auban; mais, dit le
malin Rivarol, dans le Petit Alnia-
jiach des "rands hommes , Va.Cd.de-
mie craignit de prononcer sur le
Hiérile de sou ouvrage. Ayant perdu
sa place el obtenu une pension en
1788, lors de 'a suppression delà
caisse des parties casuelles , d An-
tillj se livra entièrement k la lillé-
laturc. En 1789, il fit jouer au
Théâtre-Italien l'Ecole de l'ado-
lescence, comédie en deux actes,
et non pas eu quatre , comme le dit
M. Ouérardj et la f ieillessed'A-
nette et Lubin, opéra-comique en
un acte. Ces deux pièces furent reçues
assez favorablemeutdu public ; la se-
conde surtout , a raison de l'intérêt
Lîuraguais; et ''éclat qu'elle mit à celte rupture
amusa quelque temps les oisifs aux dépens du
trésorier des parties casuelles ( Ko/, les Mémoi-
res de Barbauinont, t. I, 61. « Les actrices el
<( les danseuses qui le voyaient toujours à leur
Il suite, et qui le connaissaient bien, avaient
« ajouté une syllabe au commencement de son
ic nom. » ( Dictionnaire iiéotogi'/'ie des Uoixines el
des choses, tom. II, p. 5o'- Bertiu aimait la litté-
rature; et l'on dit qu'il a eu part à quelques-
unes des pièces représentées sous le nom d'An-
sc.iume , entre autres à l'Ile des F jus. L — h — x.
i/,2 BER
qu'avalL excilé la présence, au spec-
tacle, des personnages du conle de
r\larmonteI. 11 fit paraître, en 1790,
le Prospectus de la vie publique
et privée des députés à l'assemblée
nationale^ mais, n'avant pas trouvé
sans doute un nombre sufEsant de
souscripteurs, il ne donna aucune
suite à celte annonce, et revint au
ihéàlic. Quoiqu'il ne dût pas aimer
Tordre de choses qui Tavait ruiné ,
il choisissait les sujets de ses compo-
sitions dramatiques dans les e'vène-
menls les plus capables d'attirer la
foule en excitant sa curiosité. Ce fut
ainsi qu'il donna, en 1 79 1 , au Théâ-
tre-Montansier, la Communauté de
Copenhague , ou les religieuses
danoises, en deux actes 5 au Théâtre-
Italien , en 1795, Lepellelier de
Saint-Fargeau , ou le premier
martyr de larépublique française^
au Ïhéâtre-Feydeau , dans la même
année , le Siège de Lille en 17945
Encore une victoire ou le Lende-
main de la bataille de Fleurus, en
un acte. Toutes ces pièces, aujour-
d'hui oubliées, obtinrentalors un suc-
cès qu'elles durent en parlie a la mu-
sique. Celle des deux dernières était
de Kreutzer. D'Antillj est encore
auteur de la Baguette magique,
prologue d'ouverture, en J793, du
Théâtre-Moulansier de la rue de Ri-
chelieu, qui fut depuis occupé par
l'Opéra e t plus lard démoli . Le dernier
ouvragedramalique que nous puissions
citer de Bertin d'Antillj , c'est Béli-
sa«re,dramelyriqueen troisactes, en
prose, musique posthume dePhilidor,
dont le buste fut couronné sur le
Théàtre-Favart,eu i 799.Malg!é cette
ovation, la pièce ne réussit pas. Lors-
que , fatiguée du régime de la terreur
la France en eut secoué le joug ,
d'Antilly . jugeant le moment favora-
ble h la manifestation de sentiments
BER
long-temps comprimés, fit paraître
le Thé, ou le Contrôleur-général,
feuille royaliste, dans laquelle toutes
les opérations du directoire étaient
vouées au ridicule. Ce journal, com-
mencé le 27 germinal an \ (i 5 avril
1797), n'eut qu'unecourle existence-
Il cessa de paraître le 18 fructidor
(4- septembre), et l'auteur fut inscrit
sur la liste des condamnés a la dé-
portation. D'Antilly parvint a se sous-
traire aux recherches de la police, et
il se réfugia a Bâle, puis k Ham-
bourg où il fonda le Censeur, jour-
nal très-peu connu en France, l'in-
troduction en étant sévèrement dé-
fendue. En 1799 il fit imprimer un
poème de cinq k six cents vers, dans
lequel il célébrait les efforts de l'em-
pereur Paul l*""" contre les progrès de
l'esprit révolutionnaire. Ce poème ,
dont les différentes parties sont in-
cohérentes, mais qui offre dans les
détails de la chaleur et du mouve-
ment (Voy. l'Examen critique de
Barbier ,• 107) , fut accueilli par le
czar. Ce monarque rendit bientôt k
l'auteur un très-grand service, eu le
faisant réclamer par le chargé d'af-
faires russe auprès du sénat de Ham-
bourg ; ce sénat l'avait fait arrêter k
la demande de Bonaparte , et il était
près de le livrer aux agents du con-
sul. Bertiu d'Antilly, ayant recouvré
la liberté , se rendit a Pétcrsbourg,
où il fut très-bien accueilli et attaché
comme poète au théâtre de la cour.
La mort de Paul P"^ changea un peu
sa position. Cependant il conserva
une assez belle existence sous Alexan-
dre et fut chargé de l'éducation de
deux jeunes seigneurs. H mourut dans
cette capitale en juillet 1804. On a
de lui des épigrammes , geure^ dans
lequel il se vantait d'exceller ; mais
ses adversaires disaient que la meil-
leure h faire contre lui aurait été de
BER
puLlier les siennes. Le nom de d'An-
tilly figure seul (sans celui de Berlin)
sur le lilre des pièces qu'il a fait
imprimer. Une comédie , l'Anglais
à Paris, jouée au théâtre des Va-
riétés-Amusantes, en 1785 , fut im-
primée la même année sous le nouoi
de d'Antilly l'aïué. Nous ignorons si
cette comédie était du même ou d'un
de ses frères. A — t.
BERTIX (Rose), marchande de
modes , a mérité par son désintéresse-
ment et le courage de sa reconnais-
sance pour la reine Marie-Antoinette
que son nom fût transmis a la posté-
rité. Née en ly^-i, a. Amiens , elle y
reçut une éducation assez soignée, et
fut envoyée par ses parents à Paris,
pour y travailler chez la modiste
du Trait-Galant , dont la maison
joignait a des relations d'affaires
très-étendues , surtout avec la cour
d'Espagne, une régularité de mœurs
fort rare dans celte profession.
M"'' Rose arriva dans la capitale
à l'époque de la légitimation et
peu de temps avant le mariage
de deux iiiles naturelles du comte
de Charolais , mort en 1760, et
oncle du prince de Condé. La vieille
princesse de Conti , chez qui elle avait
porté leurs robes de noces^ lui accorda
sa bienveillance, et la fit charger de
porter aussi le trousseau de M"'= de
Penlhièvre, qui, en 1769, épousa le
duc de Chartres, depuis duc d'Or-
léans. Associée alors avec la modiste
du Trait-Galant , M"" Bertin prit
quelque temps après un magasin a son
compte. Les grâces de sa personne
et de ses manières, non moins que ses
talents , avaient plu à la cour , et ce
fut a la protection des princesses de
Conti , de Lamballe et de la du-
chesse de Chartres qu'elle dut l'a-
vantage de fournir, en 1770, les
parures destinées a la dauphiuc Marie-
BER
143
AnIoiueKe. Celte princesse sut ap-
précier l'espril et le caractère de M"®
Rose; et, devenue reine, elle se fit
un plaisir de contribuer a sa fortune,
en la chargeant exclusivement de la
fourniture de tousles objets de modes
pour la maison rovale. Le nopi de
celle modiste obtint la vogue à Paris
comme à Versailles , et sa réputation
devint européenne. Accueillie avec
bonté par la reine , admise à toute
heure dans sa familiarité, recherchée
pnr tout ce qu'il y avait dep'us (juali-
\\i^ il était difficile que xd"'' Berlin pût
entièrement se préserver de quelques
accès de vanité. On raconte qu'une
duchesse étant venue lui demander
des modes nouvelles , « Je suis fâ-
K chée , répondit gravement la mo-
« diste, de ne pouvoir vous satisfaire;
K mais nous avons décidé, dans le
te dernier conseil tenu chez la reine ,
K que ces articles ne paraîtraient
K que dans un mois (i).5> Les cré-
dits considérables qu'elle était obligée
d'accorder aux femmes des grands
seigneurs, qui la payaient fort mal
et fort tard , et les dépenses
qu'elle faisait pour soutenir l'esnèce
de rang qu'elle tenait k la cour ,
dérangèrent sa fortune peu d'années
avant la révolution , et cet événement
(i) Il parait cependant que Mlle Bertin, on-
l)Î!ant quelquefois ses habitudes de cour , se li-
vrait à des accès un peu scandaleux de colère,
comme on peut en juger par l'anecdote suivante
qui ne figure point dans ses JIi moires. Sa pre-
mière 6lle de boutique , Mlle Picot, forma nn
établissement et enleva un grand nombre de
pratiques à son ancienne maîtresse. Celle-ci, fu-
rieuse , l'ayant renconlrée dans la paierie de
VeisaiUes, en 17S1, l'injuria et lui cracba au vi-
sage. iJe là, procès .H la prévôté de l'hôtel ,fac-
tums de part et d'autre, dont le plus plaisant fut
celui de Mlle Berlin, par Coquelcy de Chausse-
pierre ; enfin jugement, du 3 septembre, qui fit
défeus.e à la modiste de la reine de récidiver, et
la condamna h 20 fr. d'amende et aux dépens;
appel au grand-conseil et plaidoiries où les
avocats s'égayèrent sur le comple de ces demoi-
selles. L'arrêt devait intervenir Je 12 décembre;
mais la reine assoupit l'aflaire.
ï44
BER
fâclieux, qui l'exposa aux inconve-
nantes railleries de ses illustres dé-
bitrices , aurait suffi pour la discré-
diter totalement, si la reine n'eût
pas continue a lui faire le même ac-
cueil et contribué peut-être a rétablir
ses affaires. M''^ Berlin se montra
digne de ces bienfaits. Il paraî-
trait , d'après les Mémoires publiés
sous son nom, qu'à la fin de 1 791
ou au] commencement de 1792 ,
elle fut chargée par sou auguste pro-
tectrice d'une mission secrète pour
l'Angleterre 5 que, s'étant rendue en-
suite kVienne, elle y eut un entretien
avec l'empereur François II , qu'elle
fit revenir de ses préventions contre
sa tante Marie-Antoinette. Elle était
de retour en France lors de la déten-
tion de cette princesse , et lui fut fi-
dèle dans le malheur. En 1790, des
agents du gouvernement révolution-
naire se présentèrent cbez elle, et lui
demandèrent l'état des fournitures qui
lui étaient dues par Marie-Antoinette.
Informée d'avance de cette deman-
de, et prévoyant les suites funestes
qu'elle pouvait entraîner, M"'' Bertin
avait brûlé ses registres de commerce
où figuraient le nom et les dettes de
son infortunée bienfaitrice. Elle ré-
pondit avec assurance que la reine
ne lui devait rien , oubliant ainsi ses
propres intérêts pour ne se souvenir
que de sa reconnaissance. M^'*^ Bertin
est morte a Paris le 22 septembre
i8r3, a l'âge de 69 ans. Les Mé-
moires publiés sous son nom, tant a
Paris qu'a Leipzig, 1824. , in-8",
sont regardés comme apocryplies , et
sa famille a réclamé contre leur au-
tbenticlté. Cependant le style de ces
Mémoires porte assez bien le cachet
d'une femme qui , peu versée dans la
connaissance de la langue et de la lit-
térature , écrit comme elle parle. Ils
n'offrent d'ailleurs rien de neuf ni de
BER
piquant, et ne contiennent aucun
fait postérieur a l'année 1791, quoi-
qu'ils paraissent avoir été écrits en
1795. L'auteur, quel qu'il soit , a
eu pour but de disculper Marie-An-
toinette des torts que lui ont imputés
de perfides courtisans , surtout dans
la fameuse affaire' du collier. Les
notes sont , au reste, plus curieuses
que le texte. A — t.
BERTIN (Théodobe-Pierre),
littérateur^ était né , vers 17 60, dans
la Brie ; il avait une sœur mariée a
Provins , et l'on a quelque raison de
conjecturer qu'il était lui-même ori-
ginaire de cette ville. IN'ayant reçu
de ses parents aucune fortune, la
connaissance qu'il acquit de l'anglais
devint sa principale ressource. Il en
donna des leçons à Paris; et jeune
encore il publia les traductions des
Satires d'Young, en prose, delà
Vie de Bacon, par David Mallet, et
de quelques ouvrages politiques de
Gulll. Paley {Voy. ce nom. XXXII,
-407), entre autres de ses Réflexions
sur le j itry .Yj-asim^W^dMÛt système
de sténographie , inventé par Jean
Taylor , et en l'adaptant a la langue
française , il contribua beaucoup a
répandre cette utile invention j et dès
1 790 il employa lui-même ce procédé
pour recueillir les discours prononcés
à la tribune législative , qu'il trans-
mettait ensuite aux journaux. Il fut
compris, en 1 796, dansie nombre des
gens de lettres auxquels la Conven-
tion accorda des secours, et il reçut
i5oo fr. A cette époque il avait un
magasin de librairie et faisait aussi
le commerce des médailles. Le 27
sept. 1799, il obtint un brevet d'in-
vention pour une lampe doclmasti-
que. Cette lampe , qui ne différait
de celles qu'on avait employées jus-
qu'alors que par une modification
dans l'ajustage de l'éolipyle , n'eut
BER
aucun succès (i). Il prit un se-
cond bfevet,le 12 juin 181 i , pour
l'applicalioa k la reliure de^ livres d'un
carlonnage recouverl d'un vernis (2).
Aidé de M. Frocliol, piéfeL de la
Seine, ijui s'inléressait k lui, il éta-
blit un vasie alelier de reliure ilaiis
l'ancien bàtlineni du Chàlelet , qui a
été démoli, mais, toujoursmaihcureux
dans SIS entreprises, il fulbientôt obli-
gé de l'abandonner. En 18 i4- il salua
le retour des Bourbons , et, comme
tant d'autres, crut devoir atlaquerle
pouvoir (jui venait d'être renversé (3)-
mais son zèle sans doute ne reçut pas
la récompense qu'il attendait, puis-
t|ue, arrivé a 1 âge où le repos devient
nécessaire, il fut forcé de continuer
le mélier ingrat et pénd)le de tra-
ducteur. Cet écrivain laborieux, et
digne d'un meilleur .-ort, mourut a
Paris en janvier 1819, âgé d'envi-
ron soixante ans. On lui a reproché
la négligence de son style . en géné-
ral diffus et incorrect 5 mais, obligé
par sa position de faire vile, il ne
lui élail guère po.ssible de faire
mieux- et i lanl lui savoir gré d'a-
voir,dans ses traductions comme dans
ses écrits , toujours respecté les
mœurs et la religion. La liste cpie
M. Q'iérard adonnée dans 'a 7v'rt//ce
littéraire des traductions et des opus-
c les di- Bertin ne s'élève pas k moins
de cinquante, formant plus de cent
volumes. Nous nous bornerons k citer
les piincipaux : I. Système univer-
sel et complet de sténographie ,
adapté k la langue française, d'a-
près Taylor , Paris 1792. in-8" , et
avec des améliorations , ibid , lypi»
It") C«"lle lampe est décrite dans le Recueil des
Brevets , Il , 5i, t-t reprisenUe sur hi pljnhe i3.
(2) Voyez \e Beuei/ des /hefels , VI , 54a. l.es
livrer était at .linsi tiès brillaiils , mais Je peu
de durée.
(3) Le Cri de l'indignation, ou VA mi des Bour-
bons, Paris, 1814, in-8* de 48 pp.
BER
145
1796, ioo4, in-S". C'est de fous
les ouvrages de Berlin le seul qui
paraisse destiné a lui survivre. II.
Histoire des principaux lazarets
de l'Europe, Irad. de l'angl. de J.
HowarH {P oy. ce nom, XX, 628).
Cette traduction , dont on trouve des
exemplaires séparément , fait partie
du Recueil de mémoires sur les
établissements d/tumanité, trad. de
l'angl. et de l'allem. , publié par
ordre du ministre de Tiulérienr . Pa-
ris, 1799-1804} i5 vol. in-8°
{Poy. Adr.Duquesnoy,XII, 335).
III. L'Eté du Nord ( Northern
summer), Irad. de John Cari , ibid.,
1808, 2 vol. in-8''. IV. Les Misères
de la vie humaine , trad. de l'angl. ,
de James Beresford, sur la huitième
édil., ibid., 1818, 2 vol. in-8^, fig.
en bois, ouvrage singulier. V. Les
Curiosités de la littérature, trad.
d'Israéli, ibid., i 8 19 , 2 vol. in-8°
Voy.^ pour les litres des antres tra-
ductions de Berlin , la Biographie
des vivants, I, 319. W — s.
BEKTIX (l'abbé Antoine) na-
quit a Drollpt-Sl.-Ba^le en lyôr,
et mourut k Reims, le 3o juillet
1823, curé de la paroisse St-Reini
de celte ville , qu'il desseï vait depuis
21 ans. IS'é avec d'heureuses dis-
positions, il fit de bonnes études au
collège et au séminaire de Tioyes;
ordonné prêtre vers 1785, on l'en-
voya vicarier k B.irbonne, au diocèse
de Meaux, où il était quand l'assena-
blée consliluante décréta la consti-
tution civile du clergé. Bertin en
adopta tous les principes , vint à
Reims et fut bien accueilli par l'e-
vêque de la Marne qui prenait le
titre de métropo itain , et qui lui
donna d'abord la chaire de théologie
dans son nouveau séminaire, le mil
ensuite k la lêle de celte maison ea
qualilédesupérieur, place qui se trou-
1 VIII
i'.6
BEI
vait vacante parîaretraiie de BI. Fran-
çois de Torci , et le iit enfin un de ses
ficaires éplscopaux. Le culte pubilc
ajanl clé culièieiuenl aboli dans les
aunéfs 1790 , 1794 et 1793 , Tabbé
Berlin se trouva dans une fàcbeuse
position • enfin l'oidre étant un peu
revenu sur la fin de celte dernière
année, il reprit, avec l'abbé Servant,
les fonciiuus du ministère dans la
calliédrale, mais a des heures dif-
férentes de CL-lles où officiaient les
prêtres insermentés , et il resta
dans celte église jusqu'à l époque du
concordat (10 sept. 1801). Ayant
fait sa soumission et promis sa rétrac-
tation , M. de Barrai, évèqiie de
Meaiix , le nomma k la cure de
Saiiit-Remi et lui donna pour vi-
caires trois prèlres insermentés.
Avec de tels coopéraleurs , Berlin se
trouva souvent embarrassé 5 m:iis
comme il était naturellement paci-
fique, il ne paraissait jamais être mal
avec eux. Plein de zèle et d'amour
pour ses paroissiens , il ne négligea
rien , non pour rendre a son église
son ancienne splendeur , mais au
moins pour réjjarer autant qu'il était
en lui les dégradations causée.^ par la
révolution. Assez bon prédicateur^ il
attirait dans les solennités une grande
affluencc de fidèles, et avec les of-
frandes qu'il en recevait et d'autres
secours qu'il savait obtenir, il eut
le bonheur de réparer en partie son
église. En 1817, voulant y établir
la confrérie du Chemin de la Croix ,
il en sollicita la permission de Rome,
et déclara dans sa supplique au sou-
verain pontife et dans ses lettres a
M. de Coucy, archevêque, qu'il se fou-
œettait aux rescrils du saint-siège
concernant la cousiilution civile du
clergé , et il annonça les mêmes dispo-
sitions a ses paroissiens. En 18:; 2,
il fit une rélraclaliou plus précise et
BER
encore pbis forte dont les passages les
plus importants ont été insérés dans
l'jdmi de la religion et chi roi
(27 novemb. 1822), et a laquelle
adhérèrent dom Bernard , ancien
bénédictin , et l'abbé Chancelot ,
jeune vicaire. L'abbé Berlin a lais-
sé des sermons et quelques opuscu-
les manuscrits. Ses ouvrages impri-
més sont: L Le jeune cosmogra-
j>he ou description de la terre et
des eaux, etc., I\eims,an vii(i799),
in-i2. IL Esquisse d'un tableau
du genre humain ou introduction
à la gcograpltie , Reims , an vu
(1799), in-i2. liL Eléments d'his-
toire naturelle , extraits de Bul-
fon . Yalmout de Bornai e , Pluche,
etc. : cet ouvrage élémentaire a eu
cinq éditions, de 1801 a i834; et
il est véritablement utile. IV. Elé-
ments de géographie, extraits des
meilleurs géographes , Reims ,
i8u5, 1809. V. Discours pro-
noncé, le 5 juin 181 4, au service so-
lennel de Louis XYl , l^ouis XVII,
Marie-Anloinelie, elc.,Rei'iis, 18 i 4,
in 8". VI. Instruction surlesdevoirs
des sujets em'ers leurs souverains,
Reims, I 8 1 5 , in-S*^, MI. Instruction
sur la nécessité de craindre Dieu
et d'honorer le roi, piêcbée le 6
août 1816, Reims, 1 8 1 6, in 8°.V1IL
Reims est la ville du sacre , 1 8 1 9 ,
in-S". IX. Relation delaneuvaine
solennelle qui s'est J'aite dans lé-
glise de Saint-Remi de Reims ,
depuis le 22 septembre ju'^qu'au i*'''
octobre 1820. Reims 1820 in-8°.
L'annuaire du département de la
Marne , pour 1824-, contient une no-
lice sur Tablié Berlin. L — c — J.
BERTî:^- (RenÉ-Hyacinthk) ,
fils aîné du célèbre anatomiste de
ce nom [Fuj. Bei-.tin , IV, 564),
naauil le 10 avril 1767, a Ga-
hard , près de llenues. Il fit sea
humanilés dans celle (Icrnii-re \i!le ,
eludia la médecine a Paris , et re-
çut le tilre de docicur h Montpellier.
En 1795 , il servit a l'arméf des cotes
de Brest , d'où il passa a celle d Italie.
En I 798 , il fut euvoyéen A- gleierrc,
comme inspecteur-général du service
ne santé des prisonniers français, et
pendant l'année qu'il séjourna dans
celte île , il rendit de nombreux ser-
vices a ceux de ses compatriotes qui
lurent confiés a ses soins. A son re-
tour en France , il devint médecin en
chef de l'hopilal Cochin et de celui
des vénériens , et en 1807 , il fit les
campagnes de Prusse et de Pologne.
En 1822 , l'arailié d un minisire lui
fit coniérer la chaire d'hygiène que
la mort de Halle laissait vacante h la
faculté de Paris ; malgré les réclama-
tions auxquelles donna lieu cette no-
mination , elle n'en fut pas moins
confirmée, lorsque après la dissolulion
de la faculté en 1823 , cecurps savant
eut été reconstitué sur d'autres bases.
Eylin, que la faveur seule soutenait ,
qui depuis n'a dû 1 honneur de figurer
dans la science qu'au la'enldiicoopé-
rateur quM sut s'adjoindre, resta de-
bout au ralieu de la révolution qui
rayait de la faculté les noms de
Pinel , de Vauquelln , de Cliaussler ,
de Desgenetlrs. Il est mort en 1827,
laissant: I. Quelques observations
critiques, philosophiques et médi-
cales sur l'Angleterre, les Anglais
et les Français détenus dans les
prisons de Plymoulh^ Paris , i 80 1 ,
in- 12. II. Dissertation suri' emploi
des incisions dans les plaies d'ar-
mes à J'en, Paris, 1802 in 8°. III.
Traité de la maladie vénérienne
chez les nouveau-nés , les femmes
etles nourrices, Paris, 181 0, in-S"*.
I V . Traité des maladies du cœu r et
des gros r aisseaux , Paris , 1824,
in- 8'^. 11 avait traduit, pendant son
LER
i4v
voynge en Angleterre , les Elé-
ments de la doctrine de Brown.
Berlin avait lu a l'Institut des mé-
moires sur les maladies organiques
du cœur, contenant diverses observa-
lions asstz intéressantes, et quelques
opinions dont d'autres se sont eusute
attribué la propriété. 11 avait recueilli
sur les affections de l'organe central
de la circulallon un assez grand nom-
bre dénotes que mil eu ordre et rédi-
gea le docicur Boui'land, aujourd'hui
professeur à la faculté , et alors son
élève interne a Phôpital Cochin.
Telle est l'origine de ce traité qui ,
sans êlre comp'^et ni même parfait
dans les points sur lesquels il roule ,
est cependant une des plus remarqua-
bles productions de notre moderne
école de Paris (i). J — D — N.
B E R T O L A (l'abbé Aurjlle-
Geobge), né a Riminl en 1755 , fut
appelé fort jtune au séminaire de
lesl, par l'cvèque son parent , qui
résolut de le faire entrer dans l'ordre
des 0 ivélains; mais l'elal religieux
n'était point dans ses goûîs , et peu
de temps après qui! eût prononcé
ses vœux , il s'échappa de son cou-
vent pour aller s'enrôler en Hongrie,
dans ies Iroupes autrichiennes , où il
(i) Bektix ( Jeim ) , né à Giiipntn , p)t'5 de
Ruines, Tcis 1750, d'une famille d'a;,Ticnlteur?,
peiit-ctie la même que celle du précédent , fut
eirployé dans l'adminislralion des domaines, et
fil paitie, au commencement de la révolution ,
de l'.^dininislration deparlemrnlalc d'illc et -
Vilaine. Ayant voulu s'opposer aux premiers
excès de la révolution , il paya d'une longue
caplivitésa courageuse résistance. Il fut uon.mc
e!i iSoi membre <iu corps légi.-laiif, et mourut
à Paris, en mars ]8o3. Ami de^ arts f t passionné
pour l'agriculture, il naturalisa dans ses do-
maines plusieurs arbres exotiques. Il enrichit
l'agrionlturc de son riép.iriemi nt de plusieurs
varieti s de froment , et il y propagea la culture
de la châtaigne. L'insiructica qu'il i.ulilia pour
en faire apprécier les avantages fu'. bien ac-
cueillie lie ses corapalriotes , et lui valut le liire
de lorrespondant des socictés d'agriculture de
la Hanle-Saone, du Rhône, elc. 11 était associé
de r.icdciémie de législaiion de Paris, et il avait
ettt l'un des fondateurs et jirésident de la société
d"5 sciences et arîs ^1? Rennes. A — i.
i48 BER
passa plusieurs années sans être con-
nu, S'enmiyant a 'afin d'une paicil'e
vie, et ne pouvant plus résister aux
fatigues du service mililaire, il re-
tourna vers son couvent, et y fut
reçu avec tant de bonté qu'on lui
donna aussitôt un emploi au collège de
Sienne; il y reprit ses éludes, et publia
un puème sur la mort de Clément
XLV , intitulé les ISuits Clémenti-
nes ^ qui eut beaucoup de succès.
Bientôt la cour de Naples lui fit
proposer une chaire de géographie
et d'histoire , dans le collège royal
de la marine : il se hâta d'aller la
remplir, et publia dans cette capi-
tale, pour l'usage de ses élèves, des
Leçons d'Histoire très-estimées; el
composa aussi, dans ce pavs si pitto-
resque et si remarquable par la
beauté de ses sites, un grand nom-
bre de poésies phines de verve el de
pensées très-poétiques. Il se rendit à
Vienne en 17 85, et s'y lia avec
tout ce que celte capitale avait de
plus distingué dans les lettres, et
particulièrement avec des littérateurs
allemands. Pendant son séjour en
Hongrie , il avait éludié avec beau-
coup d'ardeur et de succès la langue
allemande 5 et ce fut alors qu'il se
lia avec Gessner dont il avait traduit
les Idylles eu italien. Il alla même le
voir en Suisse, lorsqu'il se reudit a
Pavie , pour y occuper une chaire
que lui avait donnée le gouvernement
autiicliien. 11 vi>ita en même temps
les bords du Rliin, dont il publia
plus lard uat Description pittores-
que. A Pavie il publia sa Philoso-
phie de l'Histoire , qui eut trois
édilious en quelques mois ; puis une
traduction d'Horace, divers Eloges
d'hommes célèbres, et des Observa-
tions sur Métastase , dont il loue
dignement le génie et les bulles inspi-
rations. Obligé de quitter sa chaire
BER
en 1 796 , lors de l'invasion de l'Ita-
lie par les Français, il se réfugia a
Rome où il mourut en 1798. Outre
les ouvrages que nous avons cités,
Ecrthola a publié : I. Essai sur la
poésie allemande , Naples, 1779 ,
in- 8° II. Essai sur la littérature
allemande, Lucques, 1784^, in-8°.
III. Centjables , Bassano, 1785 ,
in- 8°. IV. OEuvres diverses , en
prose et en vers, Bassano, 1789,
in- 8°. V. Le premier poète , Vé-
rone, Ï792 , in-8". VI. Sonnets
amoureux, Milan, 1796, in-8°.
On lui a reproché d'avoir mêlé à ses
poésies , qu'il appelle maritimes et
champêtres , des images qbscènes et
des maximes perverses. Ces dange-
reux écarts diminuent le plaisir qu'on
éprouve à lire des descriplions qui ,
duresle, sont gracieuses el revêtues
de \ives couleurs poétiques. Le style
de Beriola est en général pur et ani-
mé. Comme Delille dans ses vers, et
Piuffon dans sa prose , il a le ^on
d'enuoLlir les sujets les plus com-
muns et de prêter un charme inconnu
de grâce et de diction h des détails
même pcqndaires el triviaux. A — n.
BERÏOLACCI (Antoine),
fils de Pascal Berlolacci , ancien
président de la cour suprême en
'Corse , émigra, lors de la révolution
de 1790 , avec sa famille, en Angle-
terre , sous le ministère de lord Guil-
ford. Ses conuaissances économiques
le firent employer par le cabinet
anglais dans l'île de Ceylau , où il
exerça pendant dix-sept années la
charge d'administrateur pour le roi
et de conirôleur-génëial. Les hautes
fondions de sa place développèrent
ses vues politiques et civiles; et il ne
ces>a de les diriger vers la morale et
le dioil public, comme les vrais fou-
dements de la liberté et de l'ordre,
l'u y appropriautlesnolioQS qu'il avait
BER
acquises sur rai]li.|ue civilisation re-
ligieuse deriadf. M;iis les excessives
fatigues causées par l'ardenle acli\ ilé
de son esprit et enlreienucs par les
chaleurs extrêmes sous le lropi([ue,
le déterminèrent a quitter son emploi,
et k revenir en Europe. Il s'occupa en
Angleterre d'appliquer ses principes
sur l'économie sociale, d'abord à l'ad-
ministraliou des éiablissemenls de la
Grande-Bretagne dans l'Inde , et en-
suite k l'état présent de l'Angleterre
elle-même, en publiant : I. A view
of the agricultiiral, commercial ,
and financial interesls of Ceyloii;
with ail Appendix contaiiiingsome
of the principal laws and usages
of the Candians , etc. , Londres^
i8i7,in-8°, 577 pages, avec une
carte de l'île de Ceylan, par Shneider .
II. Aninquiry into se\^eral ques-
tions ofpoliiical economy applica-
ble to the présent state of Great-
Britain y i^ondres , 18 17, in- 8'',
94 pages. La Corse nous ayant été
rendue, l'auteur vint se fixer en Fran-
ce loisqu'elle fut redeveuue l'alliée
de l'Angleterre. Lk , livré k d'utiles
méditations dans une retraite solitaire
au petit Chenay , près Versailles ,
une liaison intin.e sous le rapport
moral l'unit avec le rédacteur de cet
article, dont il traduisit en anglais la
Notice sur la Vie du Christ, insérée
dans la Biographie universelle. III.
Un écrit, plein d'un patriotisme vrai-
ment chrétien , qu'il composa en
français, intéressa vivement les deux
peuples amis, en faveur des Grecs,
victimes de la tyrannie musulmane.
Ce fut après la victoire de Nava-
rin , qui a signalé l'accord de deux
nations rivales , qu'il publia la bro-
chure patriotique dont il s'agit et
dans laquelle il proposait une al-
liance étroite , par mariage , avec
la princesse de Kent, sous le litre
BER 149
de La France et la Grande-Bre-
tagne unies, avec l'épigraphe Ter-
rœ tnarisque connuhiwn , Paris ,
1828 , in 8" , 45 pages. L'auteur ,
diplomate judicieux et profond ,
considère ces deux grandes puissan-
ces continentale et maritime , com-
me le comp'ément l'une de l'autre,
et comme les garants mutuels de
la paix de PEurope entière , par
l'établissement légal de l'ordre chez
les divers peuples, d'après la force
et l'analogie de^ institutions dont le but
o
politique est le même , quoique le
champ et les moyens d'action soient
différents. IV. Ce fut enfin dans la
même vue qu'il esquijsa et mit au jour
en 1809 un Projet d'Assurances
générales sur la vie, qui seraient ad-
ministrées et garanties par le Gouver-
nement , afin d'atlacber réciproque-
ment les peuples a l'état , et l'état
aux peuples, par un plan basé non,
comme les autres projets de ce genre,
sur des associations particulières ,
mais sur le crédit public même 5 plan
qui n'eût pu que consolider l'édifice so-
cial, en assurant véritablement l'ave-
nir de la vie et le bien-être des indivi-
dus et des familles. Mais les troubles
civils et les agitations politiques dé-
tournèrent l'attention du ministère
de ce grand projet d'économie vrai-
ment fondamentale , qui fut commu-
niqué k Casimir Perier, et connu de
MM. Sapey,de Noé, pair de France,
et de Pozzo di Borgo , compatriote
de l'auteur , et avec lequel il avait
eu des relations , ainsi qu'avec les
autres. Les délaUs d'exécution dont
il s'occupait , puisés dans ses obser-
vations et dans l'examen des divers
plans d'assurances formés en Angle-
terre et en France , sont restés en-
tre les mains de Norlh Bei lolacci ,
pupille de lord Guilford, et l'aîné des
quatre fils de l'auteur, qui mourut j
1 ^0 BER
le 10 août i855, aux eaux de For-
ges, par suile tl'iufii mités contraclées
clans l'Jnde et dont il avait rapporté
le germe en Europe. G — ce.
BERTOLIO (Antoike-Reké-
CoNSTA^•CE ) , né a Avignon , se des-
tina d'abord a l'état ecclésiastique,
mais ne fut jamais engagé da is les
ordres. Reçu, en lyyS, avocat au
parlement, il coopéra a Tancieniie
collection de droit ( Répertoire
universel de Jurisprudence ) ,
dont Guyol était rédileur , et au
Diclioiiuaire de droit de l'Ency-
clopédie mélliodique. Il s'occupait
uniquement d'affaires judiciaires ,
quand la révoluiiou éclala. Elle
trouva en loi un de ses plus fervents
apôtres. Electeur de 1789, et re-
présentanl de la commune de Paris,
il se présenta, le 6 juillet, à la
barre de l'assemblée nationale , à la
têle d'une deputalion de la ville, et
y prononça un discours relatif à la
délivrance des gardes-françaises déte-
nus a TAbbaye ft a la grâce que le roi
leur avait accordée. Il parla des efforts
que lui et ses collègues avaient faits
pour apaiser les troubles qni s'étaient
élevés dans la capitale, et il accom-
pngna sa harangue delà présentation
d'un rameau d'olivier. Bertolio pro-
nonça , le i5 juillet 1790, dans
l'église métropolitaine de Paris , un
discours a l'occasion du Te Deuin
qui fut chanté, d'après le vœu Açi
électeurs /le 1789. Lvs actions de
grâce krElernel y occupaient moins
de place que l'éloge de ces mêmes
électeurs et de MM. Sieyès, La-
fayette et Bailly, qu'ilcomparaît , le
premier a Solou et à Lvcurgue, et les
deux autres a Washington elâFranc-
klin. Ce discours a été imprimé.
L'abbé Bertolio publia, la même
année , un pamphlet intitulé : Tjlli-
matum à tnoiiseigiieur l' éi'érjue de
liï.R
ISaiicy^ Paris, in-8°, de 78 pages.
I! était destiné a réfuter l'écrit où
3Î. de la Fare contestait a l'assemblée
nationale le droit de s'iuimiscer dans
les affaires de discipline ecclésiasli-
que. ]j'aulcur cherche "a y établir
que le catholicisme n'est pas la reli-
gion de l'état , mais une religion
dans l'état. Pendant le cours des
années .1793 et 1794, l'abbé Ber-
tolio eut Tadresse de s'effacer de la
scène politique ; mais il reparut, plus
jeune de républicanisme , sous le
directoire. Après avoir rempli les
fondions de secrétaire de légation à
Bastadt , il fut nommé , le i 5 mes-
sidor an VI , commissaire français a
Bome, avec Duport du Mont-Blanc,
en remplacement de M. Daunou et
deMonge. L'année suivante , lorsijue
la république romaine eut été consti-
tuée , il lut élevé a l'emploi d'ambas-
sadeur près ce nouveau gouverne-
ment , et il y joignit les pouvoirs
légis'alifs. En 1799, il annonça aux
Fiomains la prochaine délivrance de
l'Italie, et les engaL;ea h se rallier aux
Français, en leur présentant le ta-
bleau de B.onciglione livré aux flam-
mes , pour avoir trahi notre cause.
L'occupation de Rome parles Anglo-
]Napolilains vint démcnlir les pro-
messes de l'ambassadeur et terminer
sa mission. Mais Bertolio livré a lui-
même avait montré un grand courage,
et, dans le conseil de guerre tenu pour
la capitulation , il stipula et obtint
qu'il aurait pour relouiner en France
une garde d'honneur d'une compa-
gnie de grenadiers armés , et une
pièce de eanon servie par ses ca-
iionniers; c'est le premier exemple
d'une semblable capitulation ; elle
fut signée avec le comraodore anglais
Trowbridge , au commencement de
septembre 1799- Sous le consulat
de Bonaparte , Bertolio fut nommé
I
BËR
grand-juge a la Guadeloupe; cl, lors-
que celte colonie eut secoué le joug
de la méircipole, il reviul eu Fnmce
où il oblinl uue place de conseiller a
la cour d'Araieus. il en exerça les
fondions jusqu'à sa mort, arrivée le
2 juin 1812. Outre les ouvrages cités,
Berlolio a fait paraître : JSouvel
équilibre poliLique à établir en
1^ rope, 0:1 mes idées sur les con-
ditions de la paix continentale,
Paris, an IX ( 1801 ), in-8°. Cet
opuscule eut peu de succès et ne con-
ti ibua pas a rouvrir a l'auteur la car.
rière diploniiitique. L — m — x.
BERïOX r PIERRE-MOKTAN- ),
chef de Irois générations de compo-
sileurs-inusiciens , uaquit à Paris en
J727. Ses disposilioffs furent si pré-
coces qu'à six ans il lisait la musique
à livre ouvert, ei qu'à douze il tou-
chait Torgue, et faisait exécuter plu-
sieurs motets a la cathédrale de
Senlis. Après avoir chanté la basse-
laille a jSotre-Dame de Paris, il en-
tra à rOpéra en ly^-i, en sortit deux
ans après, alla jouer deux autres
années à Marseille, et, trouvant que
sa voix baissait, renonça au clianl.
Chef de l'orchestre de iJordeaus, en
i-5o, il obtint au concourt la mèine
place k Tacadéinie royale de musi(|ue,
et fut tiaran)é successivement maître
et surintendant de la musique du roi,
et ada.inistraleur de l'Opéra en
1774, 1776, 177^ ^^ 1780. Ce
fut pendant son administration qi e
Gluck et Picciui vinrent k Paris,
et que s'effectua en France la révolu-
tion musicale. 11 essaya lui-même
d'opérer une réconciliation entre ces
deux grands hommes , dans un sou-
per où, nprès s'être embrassés, ils fu-
rent olacésTun a coté de l'autre. C'est
a Berton que l'orchestre de l'Opéra
doit sa haute réputation. Sou lalent et
son travail pour diriger l'exéculio!) de
BER 1 5 j
la nouvelle musique sont d'autant plus
dignes d'éloges, que les artistes de
celte époque n'égalaient ]ias ceux
d aujouid'hui , et qu'il fallait pour
ainsi dire leur faire parler une langue
étrange] c. Il mourut le 1 4- mai
1780 , des suites d'une fluxion de
poitrine que lui occasiona la reprise
de Castor et Pollux , a laquelle il
présida lui-même. Outre les heureux
changements, les coupures ou aug-
mentations qu'il a faits a plusieurs
anciens opéras, tels que la Camille
de Cainpra , en i 76 1 5 VIphigénie en
Tauride de Desmarets et Campra,
en 1766J VAniadis des Gaules de
Lulli, en 1772 ; le Castor et Pol-
lux et le Dardanus de Rameau, où
il a ajouté le murceau long- temps
fameux sous le nom de Chaconne de
Berton; et k la cour, en 1775 , le
Bcllérophon de Lulli , et /«se de Des-
touches, il a donné seul ou en so-
ciété : en 1755, Ueucalion et Pyr-
rha, paroles de Saint- Foix ; en i 765,
Erosine , paroles de Moncrif ; en
1767, Sjlvie , paroles de Lan ion ;
en l'J'Ji, T/fe'O»/^, paroles de Poln-
siuetj et en ijjô , Ailèle de Pon-
thieu , paroles de Saint-Marc. Telle
était la confiance de Gluck dans les
talents de Berton, qu'il lui laissa le
soin de composer toua les airs des di-
vertissements de son opéra de Cy-
tJière assiégée , et de refaire le dé-
nouement de son Jphigénieen Au-
lide, tel qu'on Ta toujours exécuté de-
puis Berton était 'epèrede31.Heuri-
Montan r»ejton. membre de l'Insti-
tut . un de nos con^positeurs vivants.
— F rancois-JIe iiri Berton, petit-
fils de Pierrc-Moulan, et né k Paris
le 5 mai 1784, était fils naturel de
M. Henri-Monlan Berton et de M""
Maiilard. actrice de l'académie royale
de musique. Elève de son père, il
fit de rapides progrès dans l'art mu-
1 ''rx BRR
sical cl dans la coraposiliou , et s an-
nonça cFabord avanlageusemeiit par
des morceaux délacliés et cfueUjues
romances avant de s'essayer dans la
composition dramalic|ue. H a donné
a rOpéra-Comique, en 1810, M.
Deshosquels , en un acte, paroles
de M. Sewrin; en 181 1 , Jeune et
vieille, en nnacte, paroles de M.
Gluizel. Ces deux ouvrages ne réussi-
rent pas à cause de la faiblesse des
poèmes. Beilon fui plus heureux en
adaptant sa nouvelle rauslqne a d'an-
ciennes pièces avantageusement cou-
nues, telles que ISinelte à la cour,
de Favart , retouchée en 181 1 par
M. Creuzé de Lesser ; tes Caquets,
comédie de Riccohoni , arrangée eu
opéra-coniiquepar M. Vial, en 18215
el ZJne heure d'absence , comédie
de M. Loraux, arrangée aussi en
opéracomicjue , 1827. On a encore
de Berfoii fils plusieurs aiis tirés des
opéras de divers compositeurs , et
arrangés pour le piano , et des ro-
mances, dont quelques-unes ont ob-
tenu beaucoup de vogue . telles que
la Barque ; la Feuille morte ;
Voilà t amour ; Faut-il encor
l'aimer^ etc. ; les Veillées pari-
siennes ^ collection de contredanses,
walses , etc. Pianiste distingué, il
lut uoinmé en 1821 professeur de
chant k l'école roysle de musique et
de déclamation ; il promettait de sou-
tenir dignement la réputation de son
père et de son ai'eul , lorsqu'il fut
enlevé par le choléra-morbus , le 19
jui'let 1 832. A — T.
lîERTOX ( Louis-Sébastien ) ,
jjrincipal de l'école militaire de
Hrienne , naquit dans cette dernière
ville, le 6 mars 1746. Fils d'un culti-
vateur qui ne uéL^ligea rien pour sou
éducation , il fit ses éludes à l'uni-
vcrsilé , et s'engagea dan> le ré";i-
naent du roi. L'étal militaire n'étaiiL
BER
pas du tout son fait , il le quitta
bientôt pour prendre le froc , entra
chez les Minimes et devint un bon
prédicateur. Ses talents plus que
sa belle taille ( il avait cinq pieds
neuf pouces) le firent choisir pour
la place de principal de l'école
militaire de Brienne qu'il occupa
près de vingt ans 5 jusqu'à la sup-
pression de cette école, en 1790.
A cette époque le j>ère Berton se
retira k Sens et devint vicaire épis-
copal de l'évèque conslilutionnei de
cette ville , oii il passa les années
orageuses de la révolution occupé
de l'éducation d'un jeune homme et
de la culture d'un jardin. Bon.iparte,
qui avait été son é'ève a Brienne, étant
devenu premier consul , se lessou-
vint de lui et lui coalia 'a direction
du Lycée des arts de Cumpiègne.
a En passant par cette ville avec Jo-
K séph ne pour un voyage sur les
K côtes du nord, le père Berton, dit
K Bourienne dans ses Mémoires ,
« (tome m, page 199), bon, simple
a comme au Itmps où il nous tenait
a sous sa léiule, s'en vint prier sou
a ancien élève et sa femme d'accepter
ce chez lui un déjeuner. Us acceptè-
« rent tous deux. Notre bon prin-
« cipal se croyait encore au temps oîi
« Bonaparte faisait ses premières
K éludes : hélas ! il se trompait bien.
a Le père Berton avait pour com-
te mensal un autre condisciple de
« Bonaparte et de moi nommé Bou-
« quel. Le père Berton 1 li avait
te expressément défendu de se mon-
te trer , d'autant plus qu'il avait été
te disgracié a l'armée d'Italie où il était
ee commissaire des guerres. BoU([uet
te promit de ne pas sortir de sa cham-
t( bre, mais dès qu'il vit arriver la
et voiture, il se précipita a la por-
« tière et offrit cavalièri ment la main
(c h Joséphine qui lui dit en l'accep-
BER
K tau), Bouquet^vous vous perdez!
« Bonaparte l'avait aperçu 5 indigné
« de ce qu'il regardait comme une
« impardonnable familiarité, il se
K livra a un de ses mouvemenis de
a colère que rien ne pouvait dompter,
a et h peine entré dans la salle où le
a déjeuner était servi, dit k sa fera-
« me , d'une voix impérieuse , après
« s'être assis , Joséphine^ mets-toi
«. là. Puis il se mit k déjeuner sans
K dire seulement au père Berlon de
« s'asseoir , quoiiju'il eût , comme on
« le pense bien , fait meltre un troi-
« sièrae couvert pour lui. i.e père
K herton resta defcout derrière son
« ancic n élève, et consierné de sa vio-
« lence. » Peu de temps après, en
t8o3, Berton quitta le Lycée de
Compiègne pnur la place de provi-
seur du Lvcée de R' im>, qci venait
d'être établi , et perdit cette place,
en i8og , a cause de sa mauvaise ad-
ministration. Depuis ce moment sa
tète se dérangea , et relire ser.l dans
une petite maison, il se laissa mou-
rir après un jeûne de quarante-deux
jour>, le 2 0 juil et I 8 1 I . L — c — j.
BERTOX (le baron Jean-
Baptiste), général français, naquit
le I 5 juin 1769, d'une famille aisée,
k Fraucheval, près de Sedan, et fil ses
études dans cette ville, A l'âge de
dix-sept ans , il entra k l'école de
Brienne, au moment où Bonaparte en
sortait. De là il passa k l'école d'ar-
tillerie , qui venait de se former k
Chàlons- sur -Marne. Nommé, en
1792 , sous-!ieuteuaut dans la légion
des Ardennes, il fit , avec ce corps ,
les premières campagnes aux armées
du INord et de Sambre-elMeuse ,
et parvint au grade de capitaine.
Durant les campagnes de 1806 et
1807 , en Allemagne , il st-rvil dans
l'élal-major de B. rn;i(lolle , puis
dans celui du maréchal Victor , etc.
BER
<tj\
Sa conduite k la bataille de Fried-
land attira sur lui les regards de ce
dernier, qui l'emmena en Espagne ,
où il se distingua , parliculièrement à
Spinosa. Présenté kNapoléon, au mo-
ment d'une revue passée k Burgos,
par Victor qui vanta ses talents et sa
valeur, et sollicita pour Ini le grade
de cclonel, il fut créé adjudant-com-
mandant, Quelque temps après, Ber-
ton (ut al lâché k l'élat-major du
général Valence , puis a celui de Sé-
basliani. Il combattit avec une rare
valeur aux journées de Talaveira ,
et d'Ocnna. Après celle dernière af-
faire, le [irince Sobieski , témoiu du
courage qu'il av it déployé, l'em-
brassa et le félicila , en présence du
régiment de lanciers polonais qu'il
avait mené k l ennemi. Elan! passé
avec le corps du général Sébasti.mi
dans le royaume de Grenade, Berlon
y donna de nouvelles preuves\le bra-
voure. A la télé d'un délacbemciil de
m lie hommes , il s'empara de Ma-
laga , défendue par sept radie Espa-
gnols , et fut nomm? gouverneur de
cetle place. Créé général de brigade
le 3o mai 1 8 : 3, il se distingua de nou-
veau k la bataille de Toulouse. Après
la reslauralion, il fut créé chevalier
de Sai il-Louis et mis en demi-solde.
Mais aussitôt après le 20 mars
il reparut sous les armes et com-
battit k Waterloo. Revenu k Pa-
ris après cetle défaite, Berton fut
gravement compromis et conduit k
la prison de l'Abbaye , d'où il ne
sortit qu'au bout de cinq mois , sans
avoir subi de jugement. Le souve-
nir de cette captivité l'avait singu-
liè ement aigri (1), comme on en
peut juger par l'ardeur avec laquelle
il se jeta dans le parti de Toppo-
(•j lin iSi'. il léclama , dans 1< s journ.iux ,
contre la noii-iiiseitioii dans raliu..ii.ich royal
des officiers-geuéraux qui n'étaient pas en acti-
tS4
BER
sitlon , e{ surloiit par cette conspi-
ration funesle qui lui coûta la vie.
En 1818 , il fil paraître sur la cam-
pagne de 181 5 un Précis histori-
que et critique , écrit avec plus de
vivacité que de coi rectiou et de jJ,oût,
mais qui annonçait quelques connais-
sances dans l'art de la guerre. Ad-
mirateur passionné de Napoléon ,
Berlon s'efforce de le justifier sur
tous les points, et d'élablir que le dé-
sastre de Waterloo doit être attri-
bué aux fautes commises par ses lieu-
tenants. Cet ouvrage fut suivi de
quelques opuscules politiques qui ,
pliius d'idées inexactes et d'un libé-
ralisme outré , ne faisaient voir en
lui qu'un publicisle médiocre, et trop
long-temDS distrait par le tumulte
des camps des études sérieuses de la
politique. A la même époque, il
fournissait des articles a la Mi'
ncri'e française et aux Annales
militaires. Tous ces écrits de Ber-
ton , surtout ses pétitions aux deux
chambres, et ses Considérations sur
la police j précédées dune lettre
extrêmement violente a M. Mounier,
alors directeur-général de la police,
éveillèrent raltcnlion de l'autorité.
Fréquenlanta^-sidùment la société des
Amis de Inpresse^ il figura, comme
témoin, dans le procès auquel donna
lieu cette société. A l'audience du
II décerab. 1819, interrogé par le
président , il déclara qu'il s'était
trouvé dans plusieurs réunions chez
M. Gévaiidan , chez M. d'Argen-
son ou chezM.de Broglie 5 qu'on
s'y occupait de tout ce qui pouvait
intéresser des amis de la p;itrie;
qu'une fois on y avait examiné un pro-
jet de loi sur la liberté de la presse,
vilé, omission qui n';ivait pas ('ti- faite (1.1115 1."!
aliiianadi- de i8i5et di-iSiti. I.'cditrur Tcslu
rrpniitlil que la icdactiou de l'almana li fiait
.•ioumibc tous les an? a la revision des uiiiiiilèies,
îi diacun pour la pariie qui le concoine. V — ve.
BEPt
apporté par M. de Broglie. Tons ces
faits furent évidemment cause de la
radiation de Berlon du contrôle de
l'armée, laquelle fut prononcée le
£0 septembre 1820. Un mandat
d'arrêt fui même lancé contre lui , ii
cette époque; ou vinl pour l'arrêter
dans son domicile, et il n'eut que le
temps de s'enfuir. Bientôt ( janvier
1822), étant aile en Bretagne,
il fut désigné par les chefs de la
conspiration qui se tramait alors a
Saumur pour eu diriger Texplosion 5
il se rendit dans celle ville, puis
a Thouars où le complot avait un
grand nombre d'adhérents, entre au-
tres l'adjoint du maire et le comman-
dant de la garde nalionale. Le 24
février , il paraît revêlu de son
grand uniforisie , accompagné d'une
espèce d'étal-majork cheval, portant
la cocarde el le drapeau tricolores ;
il publie des proclamations, où il
ann(!nce que la république va être
rétablie et qu'un mouvement insur-
rectionnel doit avoir lieu simullaué-
inent dans toute la France. Berlon
désignait même les cinq membres de
la chambre des députés qui devaient
être mis à la tête du nouveau gouver-
nement. Ensuite il s'empare de l'au-
torité et pourvoit au remplacement
des fonctionnaires publics. Il se dé-
corait du litre de commandant de
V armée nationale de t Ouest. Le
cri de sa troupe était : vive la li-
berté! cri auquel quelques person-
nes ajoutaient celui de : vive Na-
poléon Il ! Bientôt à la tète de
quinze hommes a cheval et de cent
viugt hoinmes il pied, il marche vers
Sa'unur , el pendant la rnute, sa
troupe se grossit de quelques hommes
venus des villages environnants. Déjii
il est arrivé à Monlreuil , qu'on ne
sait rien encore de sa marche h Sau-
mur. Il était trois heures après midi.
BËR
Un geiularme de Monlreull court
dans celle ville, informe les aulorllés,
et des mesures de déieuse v fcont
pries à la hâle. Berion arrive et
dépasse lepont Fciucliard. Après un
cutrelien de quelques minutes avec
le maire de Saumur, il conclut une
espèce de copitulalion , par laq:!elle
il lui est accordé deux heures pour
se retirer ; en effet , il repasse le
pont, qu'il barricade de ],eur d'être
surpris, et vers minuit il s'éloigne
pa sibleiiunt avec sa troupe qu'il
conduil ju-qu'k Brion. Sou intenlion
était de retourner a ïiiouars j mais ,
ayant appris que les portes lui eu
seraii-nt fermées , il renvoya ses sol-
dats qui se dispersèrent , cl lui même
alla chercher un asile. Quelques-
uns des chefs furent bientôt arrêtés.
Quant a Berlon , il erra quelque
temps dans les départements des
Deux-Sèvres et de la Charente-In-
férieure et surtout a 'a Rochelle, où
il chercha encore, selon les iuslruc-
lions du comité directeur de Paris,
et par le moyen des intelligences qu'il
conservait daus plusieurs corps de
l'armée, "a susciter des complots qui
nn peu plus lard, devaient conduire
à Techafaud le Jeune Bories et trois
autres sous-officiers. Ce fut en vain
qu'on lui offrit alors des inovens de
se rendre eu Espagne ; il aima mieux
rester en France. La police, qui n'a-
vait pas cessé de l'observer, le fit
bientôt tomber dans un piège. Il fut
arrêté^ le 17 juin, dans la maison
d'un notaire de Salnl-F'orent , et
conduil par une escorte de cuiras-
siers au château de Saumur. Celte
arrestation fut surtout due a un sous-
officier de carabiniers, nommé Wol-
fel , q^ii avait feint de partager ses
scnliaieuts. Berlon f-t traduit devant
la cour rovale de Poitiers, avec cin-
quanîc-cinq personiies accusées d'a-
BER
i5i
voir participé à l'insurrcclion de
Tliouars. Ce procès donna lieu a
de longues discussions. Bertou voulut
d'abord, conlorinémeut à l'art. 55 de
la Charte , être jugé par la cour des
Pairs. Cette den aude ayant été re-
poussée, il imagina d'appeler en té-
,muiguagequelqits-uns des jurés. En-
lin , il demanda pour défenseur ]\F
Mérilhou du barreau de Paris, et, a son
défaut, I\P Mesuard du barreau de
Rochefort. Aucune de ces demandes
ne fut admise. Le président delà cour
nomma d'cflice , pour le défendre ,
un avocat de Poitiers, qui protesta
comme l'accusé contre celte nomina-
tion , et enfin les débals furent ou-
verts le 26 août. L'accusation fut
soutenue par le procureur - géné-
ral Mangin, depuis préfet de po-
lice de Paris : après avoir établi
l'existence du complot, ce magistrat
soutint que Berlon n'avait été que
rinslruraenl d'une société dite des
clievalicrs de la liberté , laquelle
était dirigée par un comité siégeant a
Paris, et ayant Berion pour agent
principal daus l'Ouest. 11 aji'Ula que
si le premier complot, ourdi à Sau-
mur , par Delon , Sirjau et autres ,
eût réussi , Bertou devait se mettre
à la tête des rebelles- que celui-ci
était désigné dans la procédure in-
struite a jNantes contre les Carho-
Jiari , comme devant prendre la di-
rection du mouvement; (jue c'était
encore lui que l'un avait désigné nour
prendre le commandement des mili-
taires de la Rochelle, qui avaient
foniié un complot du même genre.
Berlon , persistant daus la ré.-olulion
de se défendre lui-même , déclara
que, s'il n'élail point parti pourl'Es-
pague où rappelaient des intérêts
particuliers, c'est qu'il avait regardé
comme une infamie de fuir loin de
la France , pendant qu'un ceriaiu
i55
BER
nombre de ses co-accusés étaient dans
les fers. Il se plaignit ensuite des
vexations et des tortures dont ses
compagnons et lui avaie t été l'ob-
jet depuis leur détention ; de l'épi-
ihète de lâches c[i\e leur avait donnée
le procureur-général dansson réqui-
sito re 5 eu6n du refus qu'on avait
fait à ses deux fils de le voir dius
la prison. Arrivant ii l'objet prin-
cipal , le mouvement qui avait eu lieu
a Tliouars le 24 février , il soutint
qu'il n'avait pas eu pour but de ren-
verser le gouvernement du roi , et
qu'il élail bien moins encore dirigé
contre S. M., puis(|u'il était l'œuvre
des chevaliers de la liberté , qui
a\ aient placé dans le premi' r article
de leurs statuts la conservation
du roi et de t auguste famille ré-
gnante et le soutien de la Charte ,
avec l'engagement de combattre les
ennemis de la liberté , qui sont cvws.
de la Cliarte. Selon Berlon , il n'était
pas le cbcfdela tentative de Thouarsj
e'ie n'avait pas été préparée par lui j
elle n'avait pu être déterminée pnr
sa présence , et elle aurait pu avoir
lieu sans lui. L'accusé niait aussi
d'être l'auteur des proclamations pu-
bliées a Tbouars , et de les avoir si-
gnées. Il affirmait même qu'il n'était
point chevalier de la liberté , que
seulement on lui avait lu l'article des
statuts de celte société, qui concer-
nait le maintien des Bourbons , et
qu'on lui avait fait promettre d'j
adhérer. Enfin, relativement k un
gouvernement provisoire, il préten-
dait qu'aucun de ses compagnon^ n'a-
vait dii ni pu en parler. «Le procu-
« reur-général. dit-il, eu terminant,
« V'iusa parlé de sou indulgence , et
a il vous demande beaucoup de sang.
« Si votre co/nscienre vous dit qu'il
«■ faut en verser , je ferai bien vo-
ce lontiers le sacrifice du mien j j'en
BER
a ferais surtout le sacrifice avec joie,
te s'il pouvait rendre la liberté a tous
ce ceux qui m'ont suivi jusqu'à Sau-
ce mur. Vous pouvez les épargner ,
ce messieurs ; aucun sentiment inlé-
« rieur ne doit vous en faire de re-
tc procbe. Je dé^irerais , en ce cas ,
« pouvoir fournir a moi seul assez de
te sang pour apaiser la soif de ceux
a qui en paraissent si altérés. Pen-
ce dant vingt ans , j'en ai versé sur
et quelques cbamps de bataille 5 j'y
ce ai épargné celui des émigrés, lors-
a qu'ils se battaient contre nous,
te J'en ai sauvé, comme bien d'au-
ce très de mes compagnons d'armes
ce l'ont fait 5 et crtte générosité avait
a ses dangers. Je n'ai jamais fait
ce couler une seule goulte de sang
te français. Celui qui me reste est
ce pur ; il est tout français... Quoi
ce qu'il puisse ai river, ma devise
et sera ce qu'elle a toujours été :
ce dulce et décorum est pro patria
ce mori. 3J Ce système de défense lut
combattu avec beaucoup de véhé-
mence par le procureur-général Man-
gin , qui se livra a de graves incul-
pations contre ceux des membres de
l'opposilion de la chambre des dé-
putés, Lafayette, Benjamin Constant
et Manuel, dont les noms avaient été
plusieurs fois prononcés durant les
débats. Ces députés inculpés ayant
demandé k la cour de cassation l'au-
torisation de réclamer une répara-
tion des tribunaux ne purent l'ob-
tenir. Seulement , dans son arrêt ,
la cour suprême admit la possibi-
lité de juger peu mesurées les
expressions du procureur-général.
Les débats de cette affaire, qui avaient
été si vifs et si animés , se terminè-
rent au bout de 17 jours, par un
arrêt de mort contre Berton et cinq
de ses complices. Il se hâla de se
pourvoir en cassation. Son pourvoi
BER
fut plaidé avec beaucoup de chaleur
par deux avocats du barreau de Paris,
(MM. Isambert el Mérllbou) , qui
présentèrent, surfout, comme moyen
de cassation l'anirausilé qu'ils re-
prochaient au procureur - général
d'avoir montrée pi udant les débats.
Ce moyen n'eut aucun succès , et la
cour suprême rejeta le pourvoi. Le
lendemain du jour où cette décision
fut parvenue à Poitiers (le 5 oct.),
le général fut conduit k l'échafaud ,
et reçut courageusement la mort j
c'est du moins ce qu'on apprit par
la voix publique a l'époque de cet
événement. INéannioins , quelques
jours après, i^abbé Lambert, vlcaire-
géuéral, publia une lettre où, après
avoir loué lessentimens religieux que
Berloa avait manifestés , il prétendit
qu'au moment de marcher à la mort
il était devenu d'une extrême faiblesse
et que la pâleur de son visage le
rendait méconnaissable. Les fils du
généra', affligés de cette lettre,
répondirent , dans les journaux ,
qu il V avait bien peu de charité "a
démentir ainsi la voix publique, et a
vouloir, par l'expression dt'Jaib/essa
extrême , flétrir les derniers mo-
ments de leur père. Ces deux jeenes
gens, officiers de cavplerie, se hâtè-
rent de donner leur démission. Le
général l'erlon avait reçu , en 1819,
du roi de Suède ( Bernaddtle ) la
déroration de l'ordre Ael'Epée. Son
nom fut rayé de la liste des cheva-
liers de cet ordre quand la nouvelle
de sa révolte parviut en Suède. Ou
a publié en i832, k Paris, une
Histoire de la conspiration de
Saumw\ par le colonel Gauchais ,
condamné k mort dans celle affaire
pour avoir tout conduit dans l'ouest,
comme chargé de cette partie de
la France par le comité directeur,
avec cette épigraphe Quorumpars
BEPv
i57
magna fui , in-8". Le colonel Gau-
chais décl ire positivement dans cette
brochure que le but de la con-piia-
tion était le renversement de la mo-
narchie, pour lui substituer la répu-
blique 5 que la trnme était depuis
long-temps ourdie et dirigée par un
comité directeur a Paris, et qu'elle
s'étendait a toutes les contrées de
l'Europe 5 qu'elle avait parlent pour
auxiliaires des sociétés secrètes ,
telles que les carbonari , les phila-
delphes, les amis de la liberté ;
qu'elle n'échoua que par la faiblesse
et l'incapacité de Berlon ; enfin , que
si un autre général eût été envoyé a
Saumur, comme cela avait d'abord été
déridé, il serait dès-lors arrivé ce que
l'on a vu [)lustnrd, etc. Cettebrochure
écrite par un ami, un coopéraleur de
Berton , est un témoignage authenti-
que et très-important pour l'Iiiitoire
de cette lutte de quinze ans entre les
Bourbons de la branche aînée et le
parti révolutionnaire, qui a fini par
les renverser. Voici la liste des écrits
de BeitdU : L Précis historique ,
militaire et critique des batailles
de Fleuras et de IJaterloo, dans
la campagne de Flandres , en
juin 1 8 I 5 5 de leurs manœuvres
caractéristiques et desmouvements
qui les ont précédées et suivies,
1818, iii-8". IL Commentaire sur
l'ouvrage, tn 18 chapitres, précédé
d'un Avant-propos, de M. le géné-
ral J.-J. Tarayre, intitulé ; De la
force des gouvernements ^ ou du
rapport que la force des gouver-
nements doit avoir avec leur na-
ture et leur constitution , 1 8 i 9 ,
in- 8". IlL Considérations sur la
police ; observations touchant les
bruits quelle répand, précédées
d'une lettre à M. le baron Mou-
nier, directeur-général de la po-
lice du royaume^ 1820, in- 8°. IV.
i58
Btll
A M^I. les membres de la. cham-
bre des pairs et à MM. les députés
djs départements au corps lé^is-
lat.f, 1821, in 8°. — Le fils aîné
du général Berlon, qui avait été
nommé depuis la révolulion de i83o
inspecleur-adjoint de la culture au
Sénégal, est mort d;ius cette colonie
vers la fin de l'année i83i, h Fàge
de 32 ai>s. M — DJ.
BERTRADE , seconde femme
de Philippe I^"". Voy. Philippe ,
XXXIY, ^Ki-(^\^ et ivEs de Char-
tres, Ll, 543-/,4.
BE RT R A M (Chrétien- Au-
guste), conseiller de guerre et des
domaines de Prusse , naquit aB^;rlin
le 17 juillet 1731, et fit ses élu-
des au gymnase de Joachimsial , puis
a l'université de Halle qu'il qui;ta en
1774. pour les finances. De retour
dans sa ville natale en 1775, il fut
attaché deux ans après a la direction
générale des domaines en qualité de
secrélaire inlime. et devint conseiller
intime de guerre. Indépendamment de
cet emploi, il fut chargé de l'adminis-
tra! ion des llnauces du Tilargrave Henri
de Brandenhourg-Schwedl. Dès son
plus jeune âge liertram avait mon-
tré bea-îcoup de goût pour les lettres,
et. comme élève du gymnase de Joa-
chimsthal, il avait fait une traduction
de l'éloge du professeur Gellert,
qu'il fit imprimer plus tard ainsi
qu'une brochure sur les passions de
Werther, qu'il composa pendant un
séjour a Dresde. Lorsqu'il fut de re-
tour a Berlin son goût pour la lit-
térature ne fit que s'accroître. Il
devint col'ahorateur de plusieurs jour-
naux cl se (it surtout connaître par
la puhlicallon de sa Gazette litté-
raire (les théâtres. En 1789 , ses
occupations a li di'ecilondes (luau-
ces et a celle du ihéàtre de Berlin
1 obligèrent de cesser ses travaux lil-
téraircs. En 1790 l'électeur de Ba-
vière. Charles-Théodore , Téleva a la
dignité de baron. En 1806 , la direc-
tion générale des finances et des do-
maines ayant été transférée dans la
vieille Prusse, il y accompagna son
chef , le ministre Schroetler, et fut
mis h la retraite en 181 5 par suite
d'une nouvelle organisation. Alors il
s'occupa de réunir une collection de
portraits de personnages historiques
dont i! fit la biographie , et il con-
tinua de cultiver les sciences. C'est
ainsi que parla;^eant son temps entre
l'étude et li culture d'un petit jard n,
où il avait réuni les fleurs les plus
rares , il atteignit une assez haute
vieillesse. Il mourut le 18 sept.
i85o. A de vastes connaissances
Beriram joignait une grande mémoire
qu'il conserva jusqu a la fin de ses
jours. Parmi les nombreux ouvrnges
qu'il a publiés, on cite ; I. Almanach
des muses cdlemaiides, Francfort et
Leipzig, 1775 ^.Feuille littéraire,
de 1776 a 1777. ni. Bibliothèque
générale pour les artistes drama-
tiques , Francfort et Leipzig, 1776-
1777. IV. Gazette des théâtres, de
1778 il 1784. V. Projet d'amélio-
ration du théâtre allemand, 1780.
VI. Biographie des artistes et des
savants de l'Allemagne , Berlin ,
1700. VII. Annales du théâtre ,
Ber'in, 1788-1797. Z.
BEP».tRAM '( AUGUSTE-GUIL-
lav^îe), médecin allemand, nfiquif,
le 18 août 1762 , diius la Vieille-
Marche , où son père exerçait l'art
de guérir. A quatorze ans il fui en-
voyé aux écoles de la ville, d'où il
passa ensuite a Halle, et fut admis
au nombre des élèves de l'universi-
té. Il partagea dès 1 >rs son temps
entre rélude de la .médecine et celle
d'.'s sciences acce-;r-i;;res, particulière-
ment de l'histoiic naturvlle et des
BEll
mrilhémaliqucs , qu'il aimait avec
passion. Persuadé que les voyages
seuls peuvent procurer des connais-
sanct'S positives en rainéralopjie, il
profila d'une occasi.n qui se présenta
en 1776, pour aller parcourir les
montagnes des Géants, dans la Bo-
liêra ■. L'année suivante . il se rendit
à Gœltingue , puis revint a Halle où
le honncl de docteur lui fut donné en
1781 , après niHif années d'études.
La pratique à laqutUe il s'adonua
dès lors lui réuisil dabord très-peu 5
mais avec le temps sa clienlcUe aug-
menta , et il finit par devenir un mé-
decin très-répandu. En 1787 , il fui
nommé proffsseur à l'université, mais
l'année suivante, le 2 5 mars, u::e
fièvre putride termina prématurément
sa carrière. On n'a de lui qu'un seul
opuscule , intitulé : Disscrtatio de
s/iasmo , ah cxaininatione conjec-
turas sislens , Halle , i'-8i , in- 8°.
J— D—N.
BERTRAND (Jea>), agrono-
me, naquit en 1708, à Orbe, d'une
fnnille origi iaire de Toulouse (/- oj.
Bertrakd, IV, 578), dont une
branche ayant embrassé la réforme ,
vint , api es la révocation de l'édit de
iNanU's , chercher un asile en Suisse.
Il était le frèic aîné à! Elle Ber-
Tr.AisD(i) {P OJ-. ce nom, iiàd. ,
077) , savant et laborieux natura-
liste. Après avoir achevé ses étu-
des dans les académies de Lau-
[l'j L'hoinonyiiiif est, comme on l'a d.jà dit,
la source de la pliipait dus eneiirs lépundues
dans i'iiisto.re liiit-rairc ; cl 1-s bio;^rapIies les
plus e\acis n'ont pas toujoms pu s'en picsci-
ver : c'est ainsi <|u'h l'iii-t. £/ie-IÎEBTEA»D, on lui
atlnb-.ie, d'après la Fnmce liitrrairc d'I rs li , la
Morale evanj^éliquc (c'est la Morale de l'Efaiig/e
qa'il aurait f illu dite ) , ouvrage qui est de Jean-
l:.li(' lît'rlraii .'. La U^bliogr. agronomique fait Klie
Bi-rlra:i'l l'iulcur de V Eau • onsidiirce sous le rop.
p'iri économique, laissant à Jean Bertrand le
Tra't'J de t'irngttt oit des pra:iies , comme si c'é'ait
un autre ouvrage; cile ilonne encore à Elie les
Elément i d'agrh uUnre, qui siml inconleilublcmeat
de jon frère, le paslcar d'Orbe.
BEP^
i59
saune et de Genève, il se rendit en
Hollande pour y perfi-clionner ses
connaissnuct's par la fréquentation des
savants. Il n'avait que ungf ans lors-
qu'il soumit sa traduction des Noii-
veaiix sermons de Tiliotstm au ju-
gement de Barbejrac, qui la trouva
digne de paraître a la suite de celle
qu'il avait donnée des premiers ser-
mons de ce célèbre prédicateur (2).
Pendant son séjour en Hollande ,
Bertrand |ul lia successivement di-
verses tiaduclions de l'auglais. On
lui doit celle de Léonidas^pQème de
G'over, La Haje . 1739,10 i2;de
i'yJmitié après la mort , ou lettres
des morts aux vivants , par mis-
fri^sRowe, Amsierd., 17^0, 2 vol.
in-i2; de la Fable des abeilles
de Mandeville , ibid , 17^0, 4- vol.
in-i2 (0)5 et enfin du Voyage de
Kolb au cap de Bonne-Espérance^
ibid., 17415 3 vol. in-12, dont il
retrancha les longueurs. A sou retour
dans sa pairie il fut attaché d'abord
à l'église de Grandson , et quelque
temps après nommé pasteur d Orbe.
Dès lois il consacra tous ses loisirs
à l'agronomie , examina it les procé-
dés et les méthodes de culture en
usage dans les divers cantons , et tra-
vaillant sans relâche aies améliorer.
Trois prix quM remporta, par autant
de niémoires sur des questions pro-
posées par la société économique de
Bi'rae , étendirent sa réputation.
Cette société, dont on ne-peut mé-
connaître les importants services ,
l'admit au nombre de ses membres
et le choisit pour son secrétaire.
Chéri de tous ceux qui le connais-
(2) Les Nou^-eaux sermous de Tlîotson, traduits
parJ. Berlrand, forment le 6*^ vo!. dnsl'idi-
lion d'AmslerdaJi , 172S. Le 7*" uorle le nom de
Bcausobre.
;3] L'anteur de V Eloge de J. Bertrand ne cile
point p.iriai ses ir.iduclions la EaOle des Abeilles
de MaudeviUc.
i6o
B£R
saient, pour sa douceur et sa bienveil-
lance . Bertr.uul passa ses derii ères
années au milieu tie.sescompalrioles,
et tiiourulle 28 décembre iyy7,dans
sa 69" aunée (4)- Outre les tniduc-
tioiis dont on a déjà parlé, Barbier
{Examen critique, io8)lui allrdKie
eurore celle des ÎSouveaux sermons
de Doddrige , Genève, 1739; et M.
Quérard [France /ittèraircjcellc de
la Théologie astronomiciue , de
Derham, ibid. , 1760. Ou lui doit
une édition, considérablement aug-
nicnlée, de la Théorie et pratique
du jardinage, in -4-" [V^oy. Dezal-
LiER d'Argenville , XI, 275). Le
Recueil de la société économique de
Berne coniient de lui divers Traités
sur les labours, sur la cullure alter-
native , sur r<-mploi et Tusage des
marais, etc. Eufin on a de lui : I.
De l'eau relativement à V économie
rustique^ ou traité de l'irrigation
des prés, pLW^nun et Lyon, 1764,
in-B", avec 7 pi. 5 2^ édit. , Paris ,
1801 . in-8"; Irad. en allem. Nurem-
berg . 1765. \ï. Essai sur l'esprit
de la législation favorable à l'a-
gi ic:dture , à la population . au
commerce, aux arts et aux métiers,
Berne, 1766, in- 8". Cet ouvr^ige ,
l'un de ceux rjui furent couronnés par
la société de Berne , a été traduit en
ila if-n el en allemand. IIl. Eléments
d' agriculture J'ondés sur lesfidts,
à l'usage des gens de la campagne^
ibid., i773,in-8°- Irad. en allem.,
ibid., 1785. IV. \J Encyclopédie
économique , Yverdun , 177-71,
16 vol. in- 8°. Bertrand fut éditeur
de cette utile compilation dans la-
quelle il a refundu tous ses ouvrages.
(4) l-a Btbliograph. agronomique place la mort (îe
.J. IJrrir.inil en 178^, et Barbier, <lans ."ion Exa-
men ciiliqne, vers i^Sfi. (.'est une douille erreur.
11 est proliahle que l'une de ces deux daics est
cel'e de la m.irt iVElie Bketb»nd, durit aucune
Biographie n'a fixé juiqu"ici l'époque d'une ma-
nière précise.
BER
Vov. son Eloge dans le Journal
helvétique , jiinvier 1778. W — s.
BEllTRAXI) (Philippe), géo-
logue et ingénieur, né vers 1730 ,
près de Sens, au château de la Com-
raanderie de Launay , dont .son père
était régisseur, fut admis jeune daus
le corps du génie civil, et employé
successivement daus l'Auvergne , les
Alpes et les Pyrénées. Il sut mettre
à profit ses excursions pour acquérir
de> conn-iissances étendues dans les
difiérentes branches de l'histoire na-
turelle, mais surtout dans la géolo-
gie. Ses études scientifiques ne le
détournaient pointdes devoirs de .son
état 5 el en 1769 il fut nommé in-
génieur en chef de la province de
Franche Comté. Lachiche ( t oy.
ce nom , au Supp.;, offii ier du génie
militaire , sollicitait a cette épo |ue,
du gouvernement , rexéeulion d'un
canal du Bliniie au Rhin , par la
Saône el le Doubs. Le mémoire et
les p!ans qu'il avait adressés au mi-
nistre lureut renvoyés a l'examen de
Bertrand. Celle entreprise présen-
tait des difficultés (|u'il exagéra
dans un rapport , moins peut-être
par une basse jalousie , conme La-
chiche le lui a reproché , que par suite
de la mésiulelligence qu'on a tou-
jours vue subsister entre lesingénieurs
civils et les ingénieurs militaires. Le
projet du canal du Rhône au Pvhin
fut donc ajourné. Peu de temps après,
Bertrand présenta un plan pour ré-
tablir la navigation du Doubs à la
Saône, non telle qu'elle avait existé
jadis par le lit de la rivière du Doubs,
maisen construisant, de Dole a Saint-
Jean de Loue, un canal qui joindrait
a l'avantage d'abréger le tr:ij. t de
huit lieues sur onze celui de rendre
laiiavigalion praticable en lout len ps.
C'était le projet proposé pjr La bi-
che dès 1765. En supposant qu'il se
BER
fùl Ironipé sur les nivellements cl sur
quelques aulres détails d'cxéculion ,
il n'en avait pas moins eu le premier
ridée du canal de dérivation , et il
était juste de lui en laisser l'honneur.
Mais Bertrand, après avoir fait exé-
cuter le plan de Lacliiclie, souliat
yu'il n'eu avait jamais eu connais-
sance {Projet d'un canal, page 5\
Malgré toutes les réclamalious de
Lachiclie , un arrêt du conseil du 2 5
septembre 1780, autorisant la con-
struction du canal de Dole à Saint-
Jean de Lône , confia la direction
des travaux a Bertrand , qui ies ad-
jugea le 5 novembre suivant, pour la
somme bien insuffisante de 6 r 0,000
livres. TSomiué, en 17B7, inspec-
teur-général des ponts et chaussées,
il laissa le soin d'achever ce canal à
son successeur, et vint a Paris pren-
dre part aux travaux de la direction
du génie. Depuis qu'il n'avait plus a
redouter la concurrence deLachiche,
les obstacles qu'il avait trouvés dans
le projet de jonction du Rhône au
Rhin ne lui paraissaient plus insur-
montables. Il présentadonceni 790,
h l'assembléenationale, un DIémoirc
dans lequel il monire toute l'impor-
tance que peut avoir la réunion de
ces fleuves, au moyen de la rivière
du Doubs ; mais n'osant pas se donner
pour l'auteur de ce projet, et ne
voulant pas en restituer l'honneur a
Lachiche , il l'attribue aux Romains
qui paraissent en effet avoir conçu
l'idée d'un plan général de canalisa-
lion des Gaules. Lachiche , comme le
véritable auteur du projet , demanda
que l'exécution lui en fût confiée 5
mais on jugea qu'il n'était pas sans
inconvénient de charçjer un in";écieur
militaire d'un travail qui rentrait
dans les attributions des pouls et
chaussées. Ou se contenta donc de
lui accorder une indemnité |)our ses
BER
161
plans , cl l'adopticn du projet de
Rertraud fut décidée. La traversée
de la ville de Besançon oftVait de
grandes difficultés. Bertrand proposa
de l'éviter en perçant le rocher sur
lequel la citadelle est placée ; mais
les négociants insistèrent pour le pas-
sage du canal sous les murs de la
ville , et leur demande, appuyée par
le génie militaire, a prévalu, malgré
toutes les objeciious des ponts et
chaussées. La portion du canal de
Dole h Besançon fut terminée eu
1820 ; celle de Besançon a RJulhau-
sen , en 1829 ; et cette grande entre-
prise fut entièrement achevée en
1802. Bertrand n'eut pas la satisfac-
tion de voir exécuter sou projet; il était
mort à Paris, en 181 1 . Depuis 1786
il était membre de l'académie de Be-
sançon , et correspondant de la so-
ciété d'agriculture du département
duDoubs^ depuis sou organisation ,
en 1800. Outre quelques articles in-
sérés dans le Joui-nal des mines ,
tomes VII- IX , dont on trouvera les
titres dans la France littéraire de
Quérard, I, 3 1 2-1 3, on a de Ber-
trand : I. Projet d'un canal de
na<i'igalion pour joindre le Doubs
à la Saône, Besançon, 1777 , in-4-"
de 57 pag., avec un plan. Ce canal est.
celui de Uolea S. -Jean de Lône dont
on a parlé. II. Lettre à M .le comte
de Buffon, ou critique et nouvel
essai sur la théorie générale de
la terre , Besançon et Paris, 1780,
in- 12, seconde édit., augmentée d'un
Supplément oit l'on traite plus en
détail les questions j'ondamentales
de la géographie physique, ibid.,
1782 , in- 8". Au système de Buf-
fon , Bertrand en oppose un autre qui
n'a pas été plus goûté des physiciens,
et qui d'ailleurs n'a pas, comme celui
du brillant aifteur de l'histoire natu-
lurelle, l'avantage d'être présent?
Lvm.
i6a
BER
d'une manière séduisante. Suivant
Bertrand , l'eau est le principe de
toutes choses 5 et c'est à cet agent.
que l'on doit rapporter l'ordre actuel
de l'univers. Celte idée , comme ou
voit, n'est pas neuve. III. Avis im-
portants sur Véconomie politico-
rurale des pays de montagnes ,
sur la cause et les effets progressifs
des torrents , etc., Paris, 1788,
in-S" de i5 pages. IV. Mémoire
présenté à rassemblée nationale
sur le projet de jonction du Rhô-
ne au Rhin, ibid., 1790, iu-4°.
Lachiche le fit réimprimer la même
année , avec ses observations, V.
Projet du canal à continuer pour
la jonction du Rhône au Rhin ,
ibid. , in-^" de 5 0 pages. VI. Sys-
tème de navisalionjluviale , iind.
1793 , in-/|.°; fieconde édit.,i8o4,
in-4.° de 3i pages, avec une plancbe
représentant l'écluse construite eu
1787 sur la Saône , a Gray. VIL
Nom^eau système sur les granits ,
les schistes, les inollaces et autres
pierres vitreuses ; précédé de quel-
ques observations sur les Pyrénées ,
ibid., 1794^, in-8° de 64 pages. Ce
n'est qu'un extrait de la Lettre a
Buffon. VIII. Nouveaux principes
de géologie, ibid., i798,iu-8°;
seconde édit.. revue et corrigée,
i8o4- , in- 8°. Cet ouvrage est une
critique des différents systèmes an-
ciens et modernes sur la formation
de la terre; l'auteur s'allacbe princi-
palement a combattre la théorie géo-
logique de La Méthérie , alors la plus
accréditée. Ce géologue abandonna
depuis le principe qu'il avait admis
dans la théorie de la terre , que les
substances dont est composé le globe
terrestre ont joui d'une liquidité
aqueuse ; mais ce fut uniquement
d'après sespropres réflexions. Breis-
lacK dit que les idées de Bertrand
BER
sur la formation des granits sont
non-seulement étranges et bizarres ,
mais encore peu intelligibles et con-
traires aux notions les plus reçues en
c\\\ïOL\e{Introd.à la géologie, 120).
IX. Précis de l'affaire concernant
le canal proposé sous la citadelle
deBesancon, pour la jonction du
Rhône au Rhin , ibid., 18 00, in- 8".
Un anonyme (M. Félix Muguet)
publia des Réflexions sur le précis,
etc., in- 8°. X. Avis important
sur le canal de tOurcq , ibid. ,
i8o5 , in-8^ W— s.
BERTRAND ( Louis ) , géo-
mètre distingué , naquit à Genève,
le 3 octobre 1731. Ses progrès dans
les sciences exactes furent très-ra-
pides. A vingt-un ans il se présenta
pour disputer la chaire que la re-
traite de Jallabert laissait vacante ;
Trembley, l'un de ses concurrents, lui
fut préféré. Mais le jeune géo-
mètre avait donné l'idée la plus avan-
tageuse de ses talents, et il emporta
l'estime de ses juges. Peu de temps
après, il se rendit a Berlin, attiré par
la réputation d'Euler ( F oy. ce
nom , XIII , 494. ). Ce grand hom-
me l'admit au nombre de ses élè-
ves, et bientôt s'en fit un ami. L'aca-
démie de Berlin s'associa Bertrand
en 1 764 ; il y lut, dans des séances
publiques des mémoires sur quel-
ques problèmes de haute géométrie,
qui furent jugés dignes de paraître
dans ses recueils. En quittant Berlin,
où il laissait d'honorables souvenirs,
Bertrand visita la Hollande, l'Angle-
terre , et revint a Genève , riche de
nouvelles connaissances. Cette chaire,
objet de sou ambition, devint une se-
conde fois vacante, en 1761 • il se
mit de nouveau sur les rangs et l'ob-
tint. Il la remplit pendant plus de
trente ans avec un zèle infatigable et
un succès qu'attestent le nombre et
BER
le mérite des élèves qu'il a formes.
Lors de la révolution de Genève, il
se démit de sa chaire; et, retiré
dans une vallée paisible de la Suisse,
il chercha, par l'étude de la géologie,
à se distraire des maux qui pesaient
sur sa patrie. Il y revint eu 1799 ,
et consacra ses dernières années à
perfectionner ses Eléments de géo-
métrie, ouvrage devenu classique k
Genève. Bertrand mourut le i5 mai
181 2, a 81 ans. Outre plusieurs ;«e-
moires, dans le recueil de Tacadémie
de Berlin, on a de lui : I. De l'in-
struction publique, Genève, 1774^,
in-i2. IL Développements nou-
veaux de la partie élémentaire des
mathématiques , prise dans toute
son étendue, ibid. , 1778, 2, vol.
in-4-''. C'est dans cet ouvrage, le prin-
cipal titre de Bertrand à l'estime de la
postérité, que furent données, pour
la première fois , la véritable défi-
nition de la quantité angulaire et la
dcmonsiration rigoureuse de la théo-
rie des parallèles, aujourd'hui géné-
ralement adoptées. III. Renouvel-
lements périodiques des continents
terrestres, Hambourg, 1799 ; 2."
édition, Genève, i8o5, in-8°. On
y trouve plusieurs faits curieux et
des observations intéressantes ; mais
on doit regretter que Bertrand, égaré
par l'esprit de système, ait donné
pour base k son ouvrage une théorie
inadmissible. Il suppose le globe
creux, et place au centre un noyau
d'aimant qui se transporte au gré
des comètes d'un pôle a l'au'.re, en-
traînant avec lui le centre de gravi-
té et la masse des mers, et noyant
ainsi alternativement les deux hémi-
sphères ( Yoy. Cuvier , Discours
sur les révolutions de la surface
du globe, p. 2G , éd. in-^"). IV.
Eléments de géométrie ^ Genève ,
i8i2,in-4.°, avec 11 pi. C'est, k pro-
BER
i63
preraent parler, une seconde édition
de la géométrie élémentaire , conte-
nue dans l'ouvrage indiqué sous le
n° IL L'auteur y a fait les change-
ments nécessaires pour rendre cette
partie de son travail plus correcte ,
plus claire et plus complète. Son
style , dit M. Raymond, a de l'élé-
gance , de l'agrément même, et une
grande clarté (Voy. Magasin en-
cjclopéd. , 1812, 11,433-40).
M. Boissier , alors recteur de l'aca-
démie de Genève , a publié une nO'
tice sur Bertrand , dans la Biblio-
thèque britannique , t. 5o, scien-
ces et arts, 173-81. AV — s.
BERTRAND ( Jean-Elie ) ,
parent du précédent , naquit k Neuf-
chàtel en ijoj. Après avoir terminé
ses études , il embrassa Tétat ecclé-
siastique , et fut appelé k Berne pour
y remplir les fonctions de premier
pasteur de l'église française. Ses
talents pour la chaire ayant étendu
promptement sa réputation dans
toute la Suisse , i! fut nommé pro-
fe-.seur de belles-lettres k l'académie
de ISeufchàlel ; et il s'empressa de
revenir dans .^a patrie, dont il ne
s'était éloigné qu'k regret. L'un des
fondateurs de la société typographi-
que établie dans cette ville , en
1770, il se chargea de surveiller
l'impression des ouvrages qu'elle ju-
geait utile de reproduire. C'est eu
particulier a ses soins que l'on est
redevable de la nouvelle édition des
Descriptions des arts et métiers ,
Neufchâtel, 1771-80, in-4.°, 19 vol.
Cette édition , dont on a retranché
plusieurs articles, tels que \e menui-
sier et le facteur d'orgues, en ren-
ferme beaucoup d'autres qui ne se
trouvent pas daus celle de Paris , in-
fo I. (Voy. le Man, du libraire de
M. Brunet) ; elle est en outre
augmentée des additions insérées par
li.
1^4
BER
Justi el Sclireber dans la trndnclîon
allemande et des noies de l'éditeur.
Berlrand ne vit pas terminer cette
utile entreprise. Il mourut a Neuf-
châtel le 26 février 1779. Il e'tait
membre de l'académie des sciences
de Munich el de la sociélé des cu-
rieux de la nature de Berlin. On
lui doit une édition d'Eutrope [Bre-
viarium hist. romance ) , corrigée
sur les mannscriîs de la bibliothèque
deBerne, 1762 ou 1768, iu-8° ,
et une édition du Voyage de La-
lande en Italie ^ Yverdun , 1769,
avec des notes que Barbier trouve in-
signifianles(£'xrtwz. critique^ 108).
On connaît encore de Bertrand : I.
Sermons sur différents textes de
l'Ecriture -Sainte , Neufchàtel ,
1775; seconde édit, , 1779, in-8°.
II. Morale évangêlique , ou dis-
cours sur le sermon deN.-S. J.-C.
sur la montagne, ibid., 1775, /i vol.
in-8° (i). III. Sermons pour les
Jetés de l'église chrétienne, Yver-
dun , 1776,2 vol. in-8°. Les ser-
mons de Bertrand soDi estimés. IV.
Combien le respect pour les mœurs
contribue au bonheur d'un état.
Discours qui a concouru pour le prix
proposé par l'académie de Besancon
(dans \e Journal helvétique ]\\m-im\-
let 1777). W — s.
BERTRAXD ( l'abbé ), astro-
nome, né vers 1705, à Autun , se
distingua de bonne heure par ses
dispositions pour les sciences et les
lettres. L'évèque d' Autun , charmé
de sou mérite , l'envoya continuer
ses études à Paris , oii il fut reçu
bachelier en théologie. Après qu'il
eut embrassé l'état ecclésiastique , il
fut nommé vicaire à Braux , près de
Semnr , dans l'Auxois. Son goût pour
(i) Et non pas sept, comme le dit B.irbier : c'est
la CfpUectioD des Sermons du Bertro'id qui forme
sept Tolum«s.
BER
l'astronomie lui avait attiré déjà plu-
sieurs réprimandes de la part de sou
curé, lorsque, en 1782, l'abbé Faba-
ret, grand-chantre de la Sainte-Cha-
pelle de Dijon , le fit venir dans cette
ville et mit a sa disposition roi)ser-
vatoire qu'il avait récemment établi
dans la tour du logis du roi. Sur la
recommandation de son protecteur .
l'abbé Bertrand fut pourvu de la
chaire de physique au collège de
Dijon , et ne tarda pas a déployer
un talent très-remarquable. Admis
a l'académie de Dijon , il seconda
Guyton de Morveau {Voy. ce nom,
XIX, 262) , dans ses travaux aé-
rostatiques; et il l'accompagna le
2 5 avril 1784 dans son voyage
aérien, le cinquième dans l'histoire
de cette science alors nouvelle. Dès
1786 il avait déterminé la position
des principales villes de Bourgogne :
il réduisit les étoiles du catalogue de
Maver, et commença le calcul de leurs
longitudes [Connaissance des temps
pour l'année 1787)5 il observa, le
2 5 juin 1787, l'éclipsé dont les astro-
nomes de Paris n'avaient pu voir
que le commencemeut , et adressa
son travail à Lalande , avec lequel il
était en correspondaucc depuis plu-
sieurs années ( Mémoires de l'aca-
démie royale des sciences). A sa
sollicitation, Lalandele fit comprendre
comme astronome au nombre des sa-
vants qui devaient accompagner d'En-
trecasteaux dans son voyage à la re-
cherche de la Pérousc. Arrivé au
cap de Bonne-Espérance, le 17 jan-
vier 1792, il donna sa démission à
raison du mauvais état de sa santé, et
fut remplacé par M. de Rosse!. Mal-
gré sa faiblesse, il gravit au sommet de
la montagne de la Table pour en me-
surer la hauteur el faire des observa-
tions météorologiques j mais en des-
cendant il tomba de rocher en rocher
BER
de plus de cinquaule pieds de Lau-
teur(i). Aucune de ses blessures ne
se trouva dangereuse , et d'Eufrecas-
Icanx, en quittant le cap {J^oyage,
I , 54-), se félicita de n'avoir pas eu
la douleur de voir périr un de ses com-
pagnons au début de son expédition.
Kertrand conservait lui-même l'es-
poir de se rétablir assez prompte-
ment. Le i*^' mars il écrivit a La-
lande qu'il se rembarquerait pour la
France a la première occasion • et
qu'eu attendant il allait employer le
temps de sa convalescence a faire la
réduction et le calcul de ses observa-
lions ; mais son mal empira , et il mou-
rut dans le mois d'avril 1792. Les re-
cueils de l'académie de Dijon , 1784.-
90, contiennent de Bertrand des Mé-
moires , des Rapports , des obser-
vations physiques et astronomiques ,
parmi lesquelles on dislingue ses
Considérations sur les étoiles
fixes , et YËloge de Guéneau de
Montbeillard , que Lalande trouve
plein de sentiment et de goût. Il a
publié séparément : Table astrono-
mique à l'usage de l'observatoire
de Dijon, 1786, in-S". Lalande
lui a consacré une page intéressante
dans la Bibliographie astronomi-
que , 723. W — s.
BERTRAXD ( Chaeles-Am-
broise), connu sous le nom de Ber-
trand-de-la-Hodiesnière, né à La
Corneille (département de l'Orne),
élail pi ocureur du roi près le bailliage
de Falaise lorsque la révolution écla-
ta. Il y prit une part Irès-active , et
fut, eu 1792, nommé par le dépar-
tement de l'Orne député à la conven-
tion nationale. Il y vola la mort de
Louis 7vVI sans appel au peuple et
sans sursis a l'exécution; et , ce qui
est assez remarquable , il accusa
(0 De deux cents pieds snirant I.iilsmlf.
BER
i65
Garât, alors ministre de la justice,
d'avoir écarté du procès des pièces
favorables a l'accusé. Ce fut ensuite,
sur la demande de Bertrand, que la
convention prononça l'arrestation
d'Acbille \ iard, agent diplomatique,
qui périt sur l'échafaud 5 et ce fut
aussi d'après sa proposition qu'elle
décréta le partage des biens commu-
naux. Il fut ensuite l'un des membres
de la fameuse commission des douze,
et donna sa démission quelques jours
avant la révolution du 3i mai, dont
il prévoyait sans doute les terribles
résultats. Celte démarche le reudit
suspect au parti vainqueur, et Bour-
don de 1 Oise fit décréter son arres-
tation dans la séance du 2 juin: mais,
Saint-Just lui-même avant pris sa
défense , il fut rendu a la liberté,
bien que dans la discussion on eût
articulé contre lui de violents griefs,
et que Duperret Fy eût traité iiaule-
raent de lâche. Rentré dans le seiu
de la convention nationale, Bertrand
y garda un silence alors fort prudent.
Compris dans le tiers des députés
que le sort exclut du corps législatif
après la fin de la session en 1795, il
se retira dans le département da
Calvados, dont il devint un des admi-
nistrateurs, et qui le nomma en 1798
député au conseil des cinq cents , où
on le désigna sous le nom de Ber-
trand du Calvados, ce qui a induit
en erreur les auteurs de plusieurs
biographies, qui ont fait deux indi-
vidusdu même personnage. Dans celte
assemblée , Bertrand se fit encore
remarquer par l'exagération de ses
opinions; et ce fut sur sa proposition
que, dans sa séance du 25 juillet,
elle ordonna la création dune com-
mission de surveillance contre les
émigrés. Il dénonça ensuite les ré-
dacteurs de plusieurs journaux , les
accusant de calomnier les républi-
i66
BER
cains ; et, par une contradiction assez
ordinaire , lorsqu'il fut quesliou d'at-
taquer le directoire près de succom-
ber, dans la journée du 3o prairial ,
il se montra un des détenseurs les
plus ardents de la liberté de la presse.
11 appuya fortement ensuite la propo-
sition de déclarer la patrie en dan-
ger , faite par Jourdan, organe du
parti révolutionnaire; et se réunit
en vain à ce parti dans la journée
du 18 brumaire pour empêcher le
triomphe de Bonaparte. Il fut en
conséquence exclu du corps législatif
et vécut depuis cette époque dans
l'obscurité , jusqu'à ce que la loi du
12 janvier 1816, contre les conven-
tionnels régicides , l'obligea de sortir
de France. Il se rendit alors à
Bruxelles 5 mais il revint bientôt dans
sa patrie , par une exception ministé-
rielle , et il mourut a La Corneille
en iSig. Sa veuve lui fit élever dans
le cimetière de ce village un monument
sur lequel étaient inscrites ces paro-
les : La patrie perdit en lui un de
ses meilleurs citoyens, et la liber-
té un de ses plus zélés défenseurs.
Cette inscription fut conservée in-
tacte pendant six ans 5 mais en 1826
un jeune substitut de Domfront , M.
Giraudeau, ne croyant pas sans doute
que sous le gouvernement du frère de
Louis XV'I il fût permis de louer
ainsi publiquement un de ceux qui
avaient envoyé ce prince al'écliafaud,
la fit enlever de vive force. La fa-
mille de Bertrand adressa aussitôt
des réclamations aux différentes au-
torités , et la conduite du substitut
fut blâmée par le procureur-général
de Caen ; mais le président de la cour
royale rendit en sa faveur une or-
donnance de non-lieu, motivée sur
ce que l'inscription était un outrage
a la morale publique et un attentat
à la majesté royale. Madame Bertrand
BER
ne s'en tint pas là 5 elle adressa à la
chambre des députés une pétition qui
donna lieu à de longs débats et fut
repoussée par l'ordre du jour dans la
séance du 28 février 1829, après un
discours véhément de M. de Conny
et malgré les réclamations de M. Le-
mercier. M — DJ.
BERTRAND (Jean-Baptiste),
né à Cernay-les -Reims , en Champa-
gne, le 8 sept. 1764, fit ses pre-
mières études à Reims , et entra
dans la congrégation de l'oratoire.
Lorsque la révolution éclata, n'ayant
plus de moyens d'existence , il vint
à Paris , où il fut employé assez long-
temps à la bibliothèque du Louvre,
puis correcteur d'épreuves dans plu-
sieurs imprimeries. Après avoir été
professeur à l'école centrale de Li-
moges, il fut nommé en i8o3, pour
remplir les mêmes fonctions au lycée
de Renues , où il exerçait en même
temps la profession de libraire. Mem-
bre de la société académique de cette
ville , il y lut plusieurs dissertations
grammaticales , entre autres sur le
participe eu ant ^ dont il soutenait
avec opiniâtreté la déclinaison. Au
bout de quelques années , il vendit
son fond et quitta Rennes, où son
caractère insociable lui avait fait
des ennemis. Revenu à Paris, il
donna des soins à un grand nom-
bre d'éditions, et fut très - utile à
beaucoup d'auteurs et éditeurs pour
la correction de leurs livres. Quel-
ques pages de la Biogiaphie ont été
revues par lui , et il a fait pour cet ou-
vrage l'article de Meigret, grammai-
rien • mais sa santé ne lui permit pas
de continuer ce travail. Son humeur
intraitable lui ayant fermé toutes les
portes, il se retira à Ste-Périne de
ChaillotjOÙilestmortle iioct. i83o.
On a de lui : I. Il y a des cas
dans toutes les langues , et c'est
BER
une erreur de croire qu'il n'y en
a point dans les noms français ,
Dissertation philosophique lue à
l'institut national, 1797, in-S".
Voj. le jllagasin encyclopédique,
3^ année, tome 2 , pi'.g. i4.2-i4-5.
II. Dissertations sur une urne con-
servée au musée de Rennes, et qui a
dû contenir les cendres d'Arlémise ,
reine de Carie ; lue dans la séance
publique de la société des sciences et
arts de Reunes, i8o6. III. Raison
de la syntaxe des participes dans
la langue française , 1809 , in- 8°
de i55 pag. Le premier et le troi-
sième de ces opuscules ont été réu-
nis, sans être réimprimés, sous le
titre de Dissertations grammati-
cales, i8o9,iu-8°. Bertrand a dû
laisser en manuscrit uu long travail
sur le Télémaque , qui Ta occupé
durant la moitié de sa vie. Il en avait
collationué les meilleures éditions
sur le manuscrit autographe de Fé-
nelon , qui existe k la bibliothèque
rovale de Paris, et il prétendait avoir
découvert d'autres corrections et ver-
sions de la main de l'auteur. A — t.
BERTRAXD-MOLEVÏLLE
(le marquis Antoi^e-Fraxcois de,)
né k Toulouse en x^kk , élait de la
même famille que le chancelier Ber-
trand. Destiné dès l'enfance a la car-
rière de la magistrature, il iîL de
bonnes études dans sa ville natale , et
se rendit k Paris sous le ministère du
chancelier Maupeou , qui le protégea,
et le fil nommer maître des requêtes ,
puis intendant de Bretagne (i). Char-
gé, en I 7 88, conjointement avecM.de
Thiard, de dissoudre le parlement
de Renues, Bcrlrand-Moleville y fit
preuve de fermeté et de courage.
(i) Il fut nommé en 1784 ; le 3o mai , il de-
manda dans un placet à Louis XVI , pour
frais d'établissement, une somme de quatre-
vingt mille livres; et le roi écrivit au bas, de
sa main, hon poM.r vinp mille Uvr(^, V — ys.
BER
167
Les détails de celle opération sont rap-
fiortés avec beaucoup d'étendue dans
e premier volume de son Histoire
de la révolution. Elle lui fit alors une
réputation , et le mit eu crédit. Ce-
pendant il n'avait obtenu aucun em-
ploi important lorsque la révolution
commença. Bien que sa position et
tous ses antécédents lui fissent eu
quelque façon un devoir de s'y mon-
trer opposé , il en approuva d'abord
quelques vues et même les premiers
résultats , qu'il croyait utiles. Ce fut
sans doute k cause de ces opinions
intermédiaires que dans le mois d'oc-
tobre I 79 1 5 lorsque Thévenard quitta
le ministère de la marine, Louis XVI,
devenu roi constitutionnel , lui donna
Bertrand-Moleville pour successeur.
C'était un temps bien difficile pour les
ministres chargés de soutenir un gou-
vernement sans force et sans capacité,
Bertrand-Moleville y déploya néan-
moins de la fermeté et du talent ^
et ce fut une des causes qui fireut
bientôt de lui le point de mire de
tous les coups portés a ce faible gou-
vernement. \ oulant gagner la con-
fiance de l'assemblée, il y fit d'a-
bord , sur l'état et l'organisation
de la marine , plusieurs rapports
assez satisfaisants , et qui furent loués
par le petit nombre de bons esprits
qui s'y trouvaient 5 mais rien, de la
part d'un ministre de Louis XVI, et
surtout de la part d'un ministre ferme
et éclairé , ue pouvait alors être ap-
prouvé par une faction décide'e a
renverser le trône. Le comité de
marine se déclara hautement contre
M. de Bertrand j et la députation de
Brest , k la tête de laquelle se trouvait
un sieur Cavelier , révolutionnaire
outré , l'accusa d'avoir trompé le
corps législatif en lui disant que les
officiers de la marine étaient k leur
poste , et la nation , en n'employant
î68
BER
que des arîslocrates <à l'expédilion de
S-Dominguc (/^o/.Behague, LVII,
466). Le ministre se justifia par iiu
long discours , où il ne craignit pas
d'accuser les amis des noirs de tous
les désastres de celle colonie; et il fit
de ces désastres une peinture déplo-
rable. L'assemblée écouta ce discours
avec assez de calme, et même elle en
ordonna l'impression. Mais un Mé-
moire justificatif que Bertrand-Mo-
leville publia dans le même temps ,
sur les mêmes faits , fut dénoncé par
le comité de marine. Après de longs
débats, auxquels donnèrent lieu toutes
ces récriminations, l'assemblée décida
qu'il n'j avait pas lieu k suivre con-
tre le ministre, mais qu'il serait fait
au roi un rapport sur sa conduite.
Cette espèce de dénonciation , qui fut
rédigée par Hérault de Sécbelles , ne
changea rien aux dispositions du mo-
narque , et il répondit à l'assemblée
que M. de Bertrand n'avait pas cessé
de mériter sa confiance. Mais dans
de pareilles circonstances il était diffi-
cile que le faible Louis XVI conser-
vât auprès de lui un ministre qui avait
eu le malheur de déplaire a l'assem-
blée. Bertrand-Moleville , ne voulant
pas que sa présence ajoutât encore
aux difficultés de la position de ce
malheureux prince , lui donna sa dé-
mission. Louis XVI ne l'accepta qu'à
regret, et le pria du moins de con-
tinuer a le servir de ses conseils. Il
lui confia même la direction d'une
police secrète, et le chargea de âur-
veiller les complots du parti révolu-
tionnaire. Berlrand-Moleville mil en-
core beaucoup de zèle k cette mission,
et , s'exposant chaque jour a de nou-
veaux périls , il se rendit de plus en
plus suspect au parti révolutionnaire.
Ce fut alors que Carra le dénonça au
club des jacobins comme l'un des
chefs de ce comité aulrichioa dont la
BER
fable avait été imaginée par les en-
nemis du roi et surtout par ceux de
la reine. Sans s'effrayer de ces impu-
dentes attaques, Berlrand-Moleville
rendit lui-même plainte en justice
contre son calomniateur 5 mais le juge
de paix Larivière, qui reçut cette
plainte, fut lui-même alors décrété
d'accusation pour des poursuites qu'il
avait osé commencer contre plusieurs
députés, et l'affaire de l'ex-minlstre
dut en rester la. Celui-ci continua
de former pour le salut de Louis XVI
beaucoup de plans et de projets, qui
furent sans résultat par la diffi-
culté des circonstances et les funestes
irrésolutions du monarque. Rien ne
pouvait alors le sauver de sa ruine,
et la catastrophe du 10 août 1792
vint y jîiettre le comble. Cinq jours
après cet événement, Berlrand-Mo-
leville fut décrété d'accusation sur la
demande de Gohler et de Fouché de
Nantes. Mais il réussit k se soustraire
k toutes les recherches , et se réfugia
en Ang'eterre, où son arrivée fit une
grande sensation. Les ministres et les
plus grands personnages lui montrè-
rent toujours dans ce pavs beaucoup
de confiance et d'empressement ; et
il passa les années d'exil aussi bien
que pouvait le faire un émigré dénué
de fortune et de toute espèce d'indus-
trie qui eût pu lui procurer des moyens
d'existence dans une pareille position.
On lui a reproché avec amertume
d'avoir fait alors passer en France
quelques faux assignats, qui compro-
mirent un habitant de Boulogne, et
le firent périr sur l'e'chafaud. Ou ne
peut nier que ce fait ne fût au moiuà
une grande imprudence de la part de
Berlrand-Moleville 5 il le sentit lui-
même vivement, et il en a gémi
pendant le reste de sa vie. Con-
damné ainsi, jeune encore, a toutes
les privations, a tous les ennuis de
BER
l'exil , Berlrand-Moleville chercha à
se distraire par la compositiou de
quelques écrils politiques. Il avait
vu de près toutes les intrigues ,
tous les ressorts cachés de la révolu-
lion , et l'ou peut dire que personue
n'en connaissait mieux que lui les
hommes et les choses : personue ne
pouvait donc en offrir un témoignage
plus exact et plus inconstestable. Ce
lut dans celte pensée qu'il conçut le
plau de ses écrits sur la révolution,
et c'est surtout dans ce sens qu'ils
doivent èlrelus. Le style n'eu est ni
brillant ni pompeux , mais il est sim-
ple , vrai , et quelquefois énergique,
surtout quand il s'agit de flétrir de-
vant la postérité les auteurs des
crimes qui ont déshonoré cette épo-
que. Cette énergie et celle fran-
chise déplurent à certains hommes
exclusifs du parti royaliste , el il
en résulta dans les journaux anglais
une controverse où Bertrand ~Mo-
leville se fit encore remarquer par
l'inflexibilité et la vigueur de ses
opinions. Toujours plein de zèle pour
le rétablissement de la monarchie des
Bourbons, il n'en désespérait même
pas lorsque Bonaparte , devenu em-
pereur, était reconnu par toutes les
puissances j et ce fut dans ce temps-
la (1804.) qu'il accueillit avec une
extrême confiance le fourbe Méhée ,
qui le fit croire a la sincérité de son
repentir. Sétaut mis de bonne foi en
correspondauce avec ce misérable,
il fournit a ses ennemis une assez
bonne occasion, il faut en convenir,
de se moquer de sa crédulité [Voy.
MÉhÉe , au Supp.). Quelques années
plus lard, Berlrand-Moleville eut
encore le tort de croire aux menson-
ges de Puisaye et de prendre sa de'-
fense {f^oy. Puisaïk , au Supp.)
contre des hommes que prolégeait
toute la faveur de Louis XMIl. Ce
BER
169
tort ne lui a jamais été pardonné ,
même à l'époque de la restauration ,
en 1814, lorsque l'on proclamait
avec tant de solennité l'oubli et le
pardon de tous les torts et de toutes
les injures. Bertraud-Moleville s'était
hâté de revenir en France^ mais bien
que par son âge, son expérience, et
surtout par sa fermeté, il pût encore
rendre d'utiles services a la monar-
chie des Bourbons , il ne fut pas em-
plové , et ne réussit pas même a se
faire payer de quelques sommes qui
lui étaient dues par la liste civile.
Le chagrin qu'il éprouva d'un tel dé-
laissement altéra sa sanle , et il est
probable que ses jours en furent abré-
gés. Il mourut k Paris le 19 octobre
]8i8. On a de lui : I. Lettre à
l'auteur de l'Eloge du chancelier
de V Hôpital , qui a pour épigraphe :
Nec vit^ ANiMiEQOE tepercit , etc,
Paris, 1778, in-8°. Condorcet, au-
teur de cet Eloge , y avait dirige' con-
tre le chancelier Bertrand quelques
traits dont M. de Moleville crut avoir
k se plaindre; il ne voulut cependant
pasle faire sans connaître les intentions
de Condorcet, et ce ne fut qu'après
la lui avoir communiquée qu'il publia
l'apologie du plus illustre de ses an-
cêtres. II. Lettre au président de
la convention nationale (sur le pro-
cès du roi) , 1792, in-8°. III. His-
toire de la révolution de France^
Paris, i8oo-o3, i4- vol. in-8°. Cet
ouvrage avait été auparavant publié
a Londres, en anglais , sous le tilre
A^ Annales de la révolution. La
traduction française est de l'auteur
lui-même. La police consulaire fit
saisir une partie de l'édition, ce qui
en a rendu les exemplaires fort rares.
Les quatre derniers volumes sont de
Delisle de Sales , qui en avait rédigé
un cinquième dont la censure impé-
riale ne permit pas l'impression.
170
BER
rV. Réfutation du libelle contre la
mémoire du roi Louis Af^I, pu-
blié par M^^" Helena Williams
sous le titre de Correspondance
politique et confidentielle de ce
prince (en anglais), Londres, i8o<i
( ^o)^, Williams , au Supp.). V.
Costumes des états héréditaires
de la maison d'Autriche ^ etc., re-
cueil de 5o pi. coloriées, avec un
texte français , par M. de B. M. 5 et
en anglais , par Dallas , Londres ,
i8o4-, in-fol. VL Mémoires parti-
culiers pour servir à l'histoire de
la fin du règne de Louis XVI ,
Paris, i8i6, 2 vol. in-8°. Cet ou-
vrage peut être considéré comme un
abrégé de son Histoire de la révolu-
tion dont il contient les documents
les plus remarquables. Cette édition
doit être préférée a celle qui fut faite
à Paris en 1797 , d'après la version
anglaise que l'auteur avait publiée a
Londres 5 elle a été réunie par l'édi-
teur à la Collection complémen-
taire des Mémoires relatifs a l'his-
toire de la révolution. VIL Histoire
d' Angleterre , depuis la première
invasion des Romains jusqu'à la
paix de ijGo , avec tables généa-
logiques et politiques, Paris , 1 8 1 5 ,
6 vol. in-8°. Cet ouvrage, composé
sur le plan de l'Histoire de France du
président Hénault, avait également été
composé en Angleterre , d'après les
autorités et les monuments que l'au-
teur était k portée de consulter sur
les lieux , et il l'avait d'abord publié
en anglais. Le succès qu'il obtint eu
Angleterre le décida a en faire une
traduction française. On y a ajouté
un 7* volume, qui est la continuation
de l'histoire d'Angleterre, jusqu'à la
mort de George lU. M — d j.
BERTRAXS CLERC, ainsi
surnommé à cause de sa profession ,
composa à Bar-sur-Aube , au XIJP
BER
siècle , le roman de Gérard de
KianeoVide p ienne,ào'a\.W. Em.
Bekker a donné un extrait de 4° 60
vers. Le héros de cette épopée, qui
a beaucoup d'intérêt , est frère de
Hernaud de Beaulande , de Milon
de Puille et de Renier , et fils de
Garin de Mont glaive , lui - même
célébré par un anonyme du XIIF
siècle , dans un poème de plus de
i4-^ooo vers, dont M. Van-Praet a
donné un extrait sous le n° 2729
du catalogue de la Vallière et qui ,
traduit de rimes en prose , fut im-
primé "a Paris , eu 1 5 1 8 , chez Mi-
chel le Noir, puis en 15^9 , chez
Vincent Sertenas , in-fol. Ce dernier
roman, sur lequel on trouve des ren-
seignements dans le Wiener Jahr-
biicher de Val. Schmidt , XXXP
livr., pp. 123-124^ a été mis en
flamand , sur la fin du XIIF siècle.
On ne connaît de cette version que
deux fragments , de 192 vers, insé-
rés avec des notes parmi les Varié-
tés philologiques deBilderdyk [V .
ce nom, ci-après). R — F — g.
BERTUCH (Frédéric-Justin},
littérateur allemand , naquit a Wei-
mar le 3o septembi-e 1747. Ayan
perdu son père a l'âge de quatre ans,
il fut élevé d'abord chez le second
mari de sa mère , a Grospéda, près
d'iéna. Privé "a ouze ans de ce nou-
veau protecteur , il revint k Weimar
ovi la maison de son oncle, le conseiller
Schrœn, lui fut ouverte. Après avoir
fait de bonnes études, il se rendit en
1765 a léna pour y suivre les cours
de théologie. Mais bientôt il renonça
au ministère évangélique, et il se mit
k étudier la jurisprudence. On pré-
sume que ce changement fut dû k son
ami Slevogt de Waldeck dont posté-
rieurement (en 1776) il épousa la
sœur. A ses travaux habituels Ber-
tucb joignit l'étude des sciences na-
BËR
turelles, et fit a cette époque des
collections de minéraux et de plan-
tes. Eu 1765 il entra chez le baron
Bachof d'Echt en qualité de pré-
cepteur de ses deux enfants , et il y
resta huit ans , pendant lesquels il
dut beaucoup a la conversation à
la fois spirituelle et savante du ba-
ron. Ce st;igueur danois , qui avait
représenté sa cour à Madrid , et qui
possédait a fond la langue espagno-
le , inspira au précepteur de ses en-
fants le goût très-vif qu'il avait lui-
même pour une littérature qui a été
la source la plus abondante où Cor-
neille et Shakspeare ont puisé. La
littérature espagnole était alors a
peu près inconnue en Allemagne. Ber-
îuch est un des premiers qui fixa l'at-
tention des Allemands sur ce sujet : il
ne tarda pas a devenir a la mode 5
et en général l'étude sérieuse des
littératures étrangères, depuis cette
époque , prépara ou seconda l'im-
mense développement intellectuel qui
signala la fin du iS*' siècle de l'au-
tre côté du Rhin. Bertuch avait déjà
publié plusieurs ouvrages lorsque par
les conseils de Wieland il mit au jour
la traduction de FraGerundio deCam-
pazas (1778) , puis un peu plus tard
(1787) , celle de don Quichotte, bien
surpassée depuis par Tieck, Soltau,
Forsler,JéràmeMuller.maisqui alors
était vraiment remarquable, et qui en
peu de temps eut plusieurs éditions.
Ces deux ouvTages achevèrent de ré-
pandre dans le monde littéraire son
nom déjà connu par divers opuscules,
mais principalement par des tra-
ductions d'ouvrages dramatiques.
Ses liaisons avec le directeur Seiler
avaient été l'occasion de ces travaux
auxquels plus tard il renonça, mal-
gré des succès assez réels , lorsque
l'incendie du théâtre du château à
Weimar força Seiler a chercher for-
BÈR
171
tune ailleurs. En 1779 , Bertuch
obtint la place de secrétaire in-
time du grand-duc de Saxe-\Veimar,
et six ans plus tard il fut nommé con-
seiller de légation. Ses fonctions ne
l'empêchèrent point de cultiver la
littérature. Il s'y livra au contraire
plus activement que jamais. Mais
bientôt l'esprit d'entreprise littéraire
l'absorba presque entièrement , et il
fit exécuter plus qu'il n'exécuta lui-
même. C'est ainsi qu'en 17 84 il forma
le plan de la Gazette littéraire uni-
verselle d'Iétia qui fut d'abord rédi-
gée par Wieland et par le professeur
Schutz de Halle, et a laquelle il
consacra la meilleure partie de son
temps jusqu'au moment où Ersch et
Schutz , (le premier avait remplacé
Hufeland qui, lui-même était succes-
seur de Wieland), transportèrent la
Gazette imiverselle'^ Halle. On sait
que Goethe et Voigt créèrent alors
une autre Gazette a Weimar , et que
cet exemple , bientôt imité a Vienne,
a Leipzig, a Munich, donna nais-
sance aux nombreuses feuilles pério-
diques littéraires de l'Allemagne.
Aussi Bœltiger désigne-t-il quelque
part Bertuch par le titre de père des
Gazettes littéraires allemandes. En
effet, indépendamment du journal uni-
versel d'Iéna, il créa en 1786 le
Journal des modes, qui changea sou-
vent de titre (il et d'objet , mais
dont le but primitif était de retracer
les mœurs des diverses classes de la
société allemande ; le Journal po-
mologique , le Magasin d'horti-
culture , les Ephëmërides géogra-
phiques, commencées en 1798 avec
le baron de Zach, et dont il continua
la publication, depuis 1800 , en so-
(i) 1° Journal des modes. Weimar, 1796.
2° Journal du luxe et dej modes. 3° Journal delà
lUtérature , de l'art, du luxe et des modes. On Jieut
y joindre Pandore , ou Calendrier du luxe et des
modes , pour les années 1767, 68 et 6g.
172
BER
ciété avec Reichard de Lobenstein;
les Archives pour V ethnographie
et la Linguistique avec Vater j Lon-
dres et Paris', la Bibliothèque des
francs -maçons ; la Némésis ; la
Gazette d'oppositionde TVeimar.
Ces deux dernières publicalions
étaient purement politiques. Berluch
fonda le coinploir d'induslrie , grand
établissement dont le premier but
avait été de faciliter le débit des li-
vres et des gravures qu'il vendait , et
aussi des fleurs artificielles que sa
femme faisait exécuter. Vers 1797,
et qnel'iue temps avant l'apparition
des Ephémérides géographiques, il
imagina de faire graver des cartes
chorograp!)iques qu'il put vendre a
très-bas prix. Cette branche , qu'il
joignit à son comptoir d'industrie,
lui réussit a merveille. Non seule-
meut il éclipsa plusieurs entreprises
qui exploitaient la même idée , mais
pendant les années que la domination
de Napoléon rendit si désastreuses en
Allemagne pour la librairie , grâce
aux cartes cborograpbiques à bon mar-
ché, le comptoir d'industrie se soutint
avec éclat. Il faut dire quelesGaspari,
les Wieland , les Lassel , les Ehr-
mann, les Uckert coopéraient à la
confection ou du moins à la révision
des cartes. Aussi plusieurs sont-elles
encore très-utilement consultées. On
distingue surtout la grande carte d'Al-
lemagne, en 220 feuilles, étendue
depuis h quelques régions voisines
(Pays-Bas , France orientale, Suisse)j
la carte de Prusse et de Pologne en
85 feuilles, l'Atlas manuel et classi-
que de Ga^pari. L'établissement de
Bertuch était considérable. Unvaste
local, élevé sous ses yeux et en
quelque sorte d'après ses plans, réu-
nis.vait et les magasins elles bureaux
d'exploitation et les logements de
presque tous ceux qu'il employait. La
BER
société clialcograpbîque , fondée <à
Dessau par Bertuch et Erdmannsdorf
pour réunir les graveurs , fut moins
heureuse que son comptoir • elle n'eut
que troisannées d'existence, de 1797
k 1800. La mort d'Erdmannsdorf
et l'éloignemenl de Bertuch, qui ne
résidait point a Dessau, amenèrent la
dissolution de la société 5 mais elle
avait signalé les trois ans de sa courte
existence par plusieurs ouvrages aux-
quels les artistes et les connaisseurs
ont accordé leurs suffrages. Bertuch
rendit un autre service au pays en for-
mant, près de Weimar, nue pépinière
où les élèves du séminaire normal ve-
naient s'instruire dansl'artdu pépinié-
riste. C'estau milieu decesoccupations
qu'il mourut , le 5 avril 1822. De-
puis i8o4- il avait fait agréer au
graud-duc sa démission; et depuis
plusieurs années il ne se réservait que
la rédaction ou plutôt la direction
de quelques feuilles périodiques. Il
avait abandonné a peu près entière-
ment l'administration du comptoir
à son gendre le docteur Froriep. La
mort successive d'un fils unique , de
sa femme , de sa belle-sœur, l'avait
profondément affecté. Il voulut qu'on
l'enterrât près d'eux dans un jardin
qui jadis avait été un marécage et
dont ses soins avaient fait un des orne-
ments de Weimar. C'est ici le lieu de
dire que les prétentions littéraires de
Bertuch étaient de beaucoup supé-
rieures asou mérite. 11 se croyait très-
fermement l'auteur principal de tout
ce quipassalt par ses mains , et voyait
k peine des collaborateurs dans les
hommes honorables qu'il faisait con-
courir k ses entreprises. Ceux-ci . on
le pense bien , étaient loin de parta-
ger son opinion. Cette divergence
donna lieu quelquefois a des allocu-
tions, a des récriminations fort acres ;
Berluch, malgré des voix ainies , y
BER
reçut un vernis de ridicule et de char-
latanisme dont sa mémoire ne restera
point exempte. Il eu est résulté qua
l'exception de ses premiers essais,
ses compatriotes soupçonnaient tous
que les écrits qu'il avait signés, soit
comme auteur unique , soit comme
collaborateur , n'étaient point vrai-
ment de lui. Quoi qu'il eu soit, voici
les ouvrages principaux qui portent
son nom* tous sont en allemand.
I. Copie pour mes amis , Alteu-
Lourg , 1770 (une portion seule-
ment de l'ouvrage appartient a Ber-
tucli ). II. Henri et Emma , ibid. ,
1771, in-B". C'est une imitation de
l'anglais de Prior, III. Le conte du
bilboquet , ihid., 1772. IV. Chan-
sonnette pour bercer les enfants ,
ibid., 1772. V. Le comédien, ibid.,
1772. C'est un ouvrage théorique
sur l'art du théâtre , traduit du fran-
çais de Rémond de Sainle-Albine.
\I. Histoire du célèbre prédica-
teur, frère Gérundio deCampazas
autrement Gérundio Zotès , Leip-
zig, 1773; 2* édition , 1777. C'est
le célèbre roman du P. Isia : il est
à noter que la version allemande a
été faite non sur l'original espagnol .
mais sur une traduction anglaise: de-
là ces prétendus bous mots contre les
catholiques qu'on trouve dans l'alle-
niaud et qui ne sont point dans l'es-
pagnol. VII. De la poésie dra-
matique, i"^^ partie, Leipzig, 1774-
(Iraduit du français de Marmontelj.
\I1I. Inès de Castro , ibid. ,
1774. (traduit de La Mothe). IX.
Le gros lot , opéra-comique de
C.-S. Favart, arrangé pour le théâ-
tre de Weimar , ^Veimar, ijji-
X. Elfride, tragédie en trois actes,
Weimar, 1773; dernière édition,
Berlin, i789(traduit del'anglais de
Mason). XL Po/j^rt"/ze, mélodrame^
avec musique de A. Schweizer (dans
BER 173
le Mercure allemand , octobre
1774., page 64; et depuis im-
primé a part, Weimar, 1793). XII.
Chants de don Etienne-Manuel
de T illcgas, traduits de l'espagnol,
avec un essai sur ce poète {Mercure
allemand , février 17745 p. 267).
^\\..Histoi]'e et exploits de l'ingé-
nieux hidalgo Don Quichotte de la
jManche, Weimar, 1775-77, 6 vo-
lumes in-S" ,• 2" édition, Leipzig ,
1780. Bertuch y a pris pour mo-
dèle le style et la manière de Vvie-
land dans son Don Silvio deRosalva.
Ainsi que notre Florian , il a élagué
beaucoup de délads qu'il regardait
comme incompatibles avec le génie
de sa nation; il a joint a Cervantes
la continuation d'Avellaneda. XIV.
Spécimen des ouvrages du vieux
maître chanteur allemand, Hans
le Saxon, etc., Weimar, 1778.
C'était une tentative pour populariser
l'élude des vieux chants allemands ,
en commençant par Hans , et un
appel aux souscripteurs pour une
édition de ce poète. Beriuch ne réus-
sit pas; mais d'autres ne tardèrent
pas à être plus heureux. On peut
comparer a cet ouvrage un mor-
ceau du Mercure allemand ( mai
1778, page 180), signé de lui et
intitulé : Question adressée par
Bertuch au public , etc. XV.
3Iagasin des littératures espa-
gnole et portugaise (avec Zantliier
et Seckendorf) , Weimar, 1780-
82 , 5 vol. C'est un recueil de mor-
ceaux choisis pour ceux qui se livrent
a l'élude de ces littératures. XVI.
Théâtre des Espagnols et des Por-
tugais. XVII. Cagliostro à Var-
sovie ou Nouvelles et Journal con-
cernant les opérations magiques
et alchimiques de Cagliostro à
J^arsovie , par un témoin oculaire
(traduit du français) , Strasbourg
174
BER
1786. XVIII. Fables littéraires
d'Yriarte, Leipzig, 1788 (traduites
de l'espagnol et presque toutes
publiées d'abord dans le Mercure
allemand, avril 1784, p- 86, etc).
XIX. Manuel de la langue espa-
gnole]} oui- les commençants (recueil
de morceaux d'exercices choisis dans
les œuvres des meilleurs écrivains en
vers et en prose), Leipzig, 1790.
XX. Porte-feuille iconographique
des enfants, contenant unmélange
intéressant de plantes , Jleurs ,
fruits, animaux, minéraux, costu-
mes, antiquités, et autres objets de
toutes sortesfownis par la nature,
l'art ou les sciences, Weimar et
Gotha, 1790-1815, 161 cah. ia-4-°5
figures noires et coloriées et texte
allemand (publié aussi avec texte fran-
çais , anglais , italien). XXI . Nou-
veau vojage deBourgoing en Es-
pagne de 1782 à 1788 (traduit du
français en société avec Kajser) ,
léna, 1790, 2 vol., auxquels ont
été ajoutés un troisième (sous le titre
d'Additions et corrections, etc. )
d'après la nouvelle édition française
de 1797, avec des remarques de Fis-
cher, léna, 1800, et un quatrième
[Nouvelles additions et correc-
tions) , léna, 1808. XXII. La Bi-
bliothèque bleue de toutes les na-
tions, Gotha, les quatre premiers
volumes, 1790, les huit suivants,
1 791-1800 (traduit du français).
XXIII. Tableaux de l'histoire na-
turelle universelle distribuée en
ses trois règnes , avec l'é numéra-
tion synoptique de tous les corps
connus, etc., Weimar, 1801-025
s."" édit., 1807, seize livraisons, dont
quatre de minéraux, trois de plantes,
neuf d'animaux. XXIV. Recueil de
toutes les positions géographiques
connues , Weimar , 1 8 0 9 - 1 8 1 0 ,
quatre livraisons. P — OT.
BER
BER Vie (JEAN-GriLLArME(i)
Balvaï), célèbre graveur entaille-
douce, naquit a Paris, le aS mai
1766. Le vrai nom de sa famille était
Balvaj ; celui de Bervic était un sur-
nom de son père qu'il adopta; ce
n'est que dans des actes publics qu'il
signait Balvay. Le jeune Balvay,
que nous n'appellerons plus que Ber-
vic , se sentit de bonne heure une
disposition extraordinaire pour cul-
tiver l'art du dessin. De l'amour du
dessin , il passa naturellement a celui
de la peinture , qu'il étudia chez Le-
prince , et a laquelle il eut volontiers
consacré sa vie , s'il eût été libre de
suivre ses inclinations. Ses parents
ne voulurent pas qu'il fût peintre ,
et par une sorte de Iransaclion avec
une passion qu'ils ne pouvaient
vaincre en lui, ils consentirent à ce
qu'il fût graveur. On le plaça chez
George Wille, un des plus habiles
graveurs du temps , et qui avait con-
servé la belle méthode des procédés
de la gravure au burin , que plus
d'une cause faisait alors négliger. La
nioilié du dix-huitième siècle n'offrit
à l'imitation du graveur aucun talent
original en peinture. Une certaine
lassitude du grand et du beau , cette
sorte d'orgueil qui croit pouvoir
marcher seul , avaient jeté le goût
(i) Ses vrais prénoms étaient Chnrles-Clemerit,
qu'il porta dans sa jeunesse et qui se trouvent
sur plusieurs de ses ouvrages. Pendant la révo-
lution, les registres des paroisses furent déposés
à l'hôtelde-ville et une double expédition au pa-
lais de Justice. Bci vie , ayant eu besoin de son
extrait de baptême, fut étonné de voir qu'il s'ap-
pelait Jean- Guillaume , et se vit oblige de faire
rectifier par un jugement tons les actes qu'il
avait passés sous les prénoms de Charles-Clément.
Quelques années après, ayant demandé un nou-
vel acte de naissance , on lui en remit un qui
portait les prénoms de Chartes -Clément. On exa-
mina les registres et l'on s'aperçut que l'expédi-
tion en double était erronée- Les prénoms de
Jean-Guillaume portés à l'acte de Bervic étaient
ceux de l'enfant baptisé avant lui; mais les dif-
ficultés qu'il avait cprcuvées pour faire rectifier
tons ses papiers de famille l'empêchèrent de re-
prendie ses premiers prénoms.
BER
dans la relâche affectée d'un méca-
nisme d'effet puéril ; les artistes des-
sinaient sans le modèle , il semblait
qu'ils eussent un immanquable souve-
nir des beautés et des formes de la
nalure , et tous les jours ils tombaient
dans de graves méprises • la gravure
n'avait a répéter que de semblables
malentendus , jusqu'à ce que le re-
tour au goût de l'antiquité et de ses
imitateurs eût remis en honneur les
écoles du seizième siècle. Bervic doit
passer pour un de ceux qui ont le
plus contribué k cette autre rejiais-
sance. Deux ouvrages qu'il mit au j our
en 1780, l'un, leRepos, l'autre, la
Demande accordée , d'après Lëpi-
cié, lui firent d'autant plus d'honneur,
qu'il n'y avait, nidanslesdeux sujets,
du genre le plus vulgaire , ni dans la
célébrité du peintre, rien qui pût assu-
rer de la vogue à laplanche du graveur.
Les préludes de Bervic annonçaient un
artiste destiné a retrouver les ancien-
nes routes , ou a s'en frayer de nou-
velles. L'académie royale de peinture
le reçut en 1784. On lui demanda,
pour morceau de réception , de gra-
ver le portrait du directeur-géné-
ral des bâtimenis, M. d'Angiviller .
qui jouissait d'une grande considéra-
tion ; mais une plus haute entreprise
réclama l'emploi du burin de Bervic.
M, Callet venait de peindre le por-
trait de Louis XM, en pied, revêtu du
manteau royal- c'était un ouvrage d'une
beauté remarquable. Bervic eut ordre
de graver ce portrait, en 1700 : ec On
aime, dit M. Quatremère de Quincy,
dans sa notice sur Bervic, a retrouver
dans le ton doux et brillant de la
planche de ce graveur , dans la légè-
reté de la touche, dans une certaine
harmonie gracieuse, mais un peu fai-
ble d'effet, toutce qui distingue l'ou-
vrage du pinceau.» Une particularité
qui associa au sort de l'infortuné rao-
BER
175
narquo la destinée du cuivre fait pour
en multiplier les traits, a attaché aux
épreuves qu'a épargnées la proscrip-
tion révolutionnaire , un intérêt poli-
tique qui a constamment accompagné
l'ouvrage et l'artiste. Lorsque l'on
crut anéantir en France toute idée de
la royauté , en poursuivant les rois
jusque dans leurs images , on se doute
bien que celle de Louis XVI dut être,
pour ces nouveaux iconoclastes, l'ob-
jet d'une proscription particulière.
Aussi combien d'épreuves de la plan-
che de Bervic ne furent-elles pas dé-
chirées et brûlées ? Averti que l'on
viendrait chez lui chercher la planche,
il brisa son cuivre , mais les morceaux
subsistèrent, et, dans des temps meil-
leurs, on a trouvé un moyen de les
re'unir, qui permet d'en tirer de
nouvelles épreuves. Bervic a gravé,
en 179X, pour la collection dite de
Florence, le Saint Jean dans le dé-
sert, d'après Piapha'él et sur le des-
sin de Vicar. Malheureusement cette
gravure ne se trouve pas facile-
ment "a part , et le public connaît peu
un des plus vigoureux ouvrages de cet
artiste. UEducation d'Achille, de
Regnault, doit une grande partie, non
de son mérite, mais de sa réputation,
au burin qui l'a multipliée et répandue.
Le pendant ordinaire de VEdiica-
tion d' Achille est V Enlèvement de
Déjnnire , l'un des chefs-d'œuvre
du Guide. Cette planche passe pour
être le travail le plus accompli
de cette époque , et le jugement du
concours décennal lui adjugea le prix
sur toutes les gravures qui avaient
paru de 1800 k i8io. Le musée
Robillard contient le beau Laocoon
du même auteur. Ce morceau mit le
sceau k sa réputatioa : on y revoit ce
qu'un ingénieux auteur a appelé le
marbre souffrant. La vue de Ber-
vic s'étant affaiblie , il n'a pu termi-
i:^ BKR
lier la planche du Testament d'Eu-
damidas , d'après le Poussin , que
finit en ce moment M. Paolo Toschi,
l'un de ses élèves, célèbre graveni à
Parme. Bervic avait reçu la décora-
tion de Tordre de la Réunion en 1 8 1 5 .
La faveur royale ne manqua pas non
plus de reconnaître les services de cet
artiste, et nous rappellerons le texte
de l'ordonnance qui le nomma cbeva-
lier de la Légion-d'Houneur en 1 8 1 9 :
et Considérant , dit le mouarque , que
«la gravure en taille-douce, portée,
te sous le règne de notre illustre aïeul,
« a un degré de perfection qu'au-
« cune autre nation n'a pu atteindre,
« a pris ensuite une marche rétro-
« grade jusqu'à l'époque oîi la supé-
K riorilé des ouvrages du sieur Ber-
ce vie , en ranimant le goût de l'élude
K de la gravure, a favorise le dé-
« veloppement des talents qui hono-
tcrent l'époque actuelle, et voulant
« récompenser dignement les heureux
« efforts de cet habile artiste , sur le
V rapport de notre ministre, etc. »
Membre de l'Institut (académie des
beaux-arts ) depuis i8o5, il l'élait
aussi d'un grand nombre de sociétés
savantes françaises et étrangères, no-
tamment des académies de Copenha-
gue, de Beriin, de Bologne, d'Ams-
terdam, de Saint-Pétersbourg, elc.
Une névralgie du poumon et du cœur
l'enleva subitement le 26 mars 1822.
Outre les ouvrages que nous avons ci-
tés, on a de Bervic \\q portrait de Mi-
chel Letellier, étude copiée d'après
l'estampe de Nanteuil, 1770 5 le Pe-
tit Turc , d'après un dessin de Wille
fils, 177^5 les portraits de Linné ^
d'après Roslin, 17795 de Massalki^
évêque de Wilua , 1780J du comte
de Vergennes , d'après son propre
dessin, 1780J de Sénac de Meil-
lian, d'après Duplessis, l'jZ'h'^XTn-
nocence , d'après M. Mérimée 5 un
BER
buste de iYrt;;o/co/i, d'après le dessin
de Robert Lefebvre, planche non ter-
minée 5 le portrait àeLouisXFIII,
d'après Augustin, dont il existe trois
épreuves; depuis, la pUmche a été re-
gratlée et non terminée. Dans les ca-
binets étrangers, on n'a négligé aucun
sacrifice pour acquérir son œuvre
complète. Aussi cl'eest devenue très-
rare en France. A D.
BERZE cuBERSIL (Hugues
DE ) , poète français du XIII'^ siècle,
a long-temps été confondu avec Guyot
de Provins ( Voy. ce nom , XIX ,
2 5 7), auteur, comme lui, d'un ouvrage
satirique qui porte le nom de Bible.
Hugues était seigneur de Berze-Ie-
Chàtel , bailliage de Màcou 5 ainsi
Papillon aurait dû le comprendre
dans sa Bibliothèque des auteurs
de Bours.os.ne. Son éducation avait
r r ° ^ -v ■ M
ete toute militaire ; et , comme u
l'avoue lui-même , il n'était ni clerc
ni lettré ; mais il avait passe la plus
grande partie de sa vie dans des
voyages de long cours, et il devait à
son expérience du monde une in-
struction que ne donnent pas les li-
vres, d'ailleurs fort rares a Pépoque
où il vivait. Il parle comme témoin
oculaire de la chute de l'empire grec ,
et de la fin déplorable des Comnèncs.
Il nous apprend aussi qu'il assista a la
prise de Conslautinople par les La-
tins, en 1204. Celte expédilion ter-
minée , Hugues revint en France ; et
ce fut alors qu'il composa le poème
qu'à l'exemple de Guyot, il intitula
Bible , et qui , comme celui de sou
modèle , offre un tableau réel des
désordres du siècle. Ce poème , dans
lequel on trouve de la vigueur , du
nerf, et niêuie des morceaux assez
bien frappés , est supérieur à la plu-
part des productions conlemporaines.
Il est écrit en vers de huit syllabes,
et ca contient 858. Caylus en a.
BER
donné l'analyse dans les 3Iémoires
de l'académie des inscript . , XXI ,1915
et Leirraiid d'Aussv en a fall men-
lion dans les JSotices des manu-
scrits, V, 279. Enfin Méon a publié
la Bible au seignor de Berze à
la suite de celle de Guyot de Pro-
vins, dans son édition des Fabliaux,
II _, 394-450, connus sous le nom de
Barbazan {J^oy. ce nom , III, 334-),
qui en fut le premier éditeur. C'est
donc par une singulière distraction
que , dans son Examen critique
des Dictionnaires, 101 , Barbier,
qui avait celte édition sous les yeux,
dit que la Bible de Hugues de
5e/rj- est resiée manuscrite. W — s.
BERZEWICZY de liER-
ZEWICZ ET KAKAS LOM-
IVITER (Grégoire de^ , naquit le
i5 juin 1763, a Kakas-Lomnitz ou
grand Lomnitz, comitatde Lips, en
Croatie , d'une famille noble et riche.
Il fut d'abord élevé dans la maison de
son père, puis envoyé a Kesmark. A-
près avoir parcouru le cercle ordinaire
de l'éducation collégiale , il s'appli-
qua aux sciences politiques, k la
jurisprudence , el il obtint en 1783
le diplôme d'avocat. L'année suivante
il alla passer six mois à luniversité
de Gœllingue pour s'y perfectionner
dans ses études, et voyagea ensuite
dans les pays étrangeis. L'Angle-
terre , la France , divers états de
l'Allemagne le virent successivement.
Revenu k Vienne , en 1787 , il eut
l'honneur d'y être présenté k l'empe-
reur Joseph II, qui répondant k son
désir de faire partie du service d'état,
lui donna l'assurance de le placer
bientôt près d'un tribunal provin-
cial. Effrctivemenlk peine B(Tzev\iczy
eut-il passé deux mois dans sa patrie
qu'il fut no 'limé pratiquant (employé
subalterne), et ensuite commis près de
radminlstration supérieure gouver-
BER
177
nant la Hongrie. Mais c'est en vain
qu'il allindit de l'avancement. Fati-
gué de vaines promesses et d'inter-
minables délais, il renonça en 1796
k la carrière administrative et se lixa
dans ses domaines du comitat de Lips,
où il parlagea ses loisirs entre les
travaux philosophiques el littéraires
qu'il affectionnait, el les fonctions
gratuites dont l'honorait la con-
fiance de ses concitoyens. A la mort
d'Eméric Horwalz^ il fut nommé k
Funaniraité , par la surintendance
de la Theiss, inspecteur des églises
et des écoles de district. Plus lard
il fut assesseur de plusieurs tribu-
naux , oti il se distingua par ses
connaissances positives autant que
par son esprit d'équité. Cependant
la hauteur et l'indépendance même
de ses idées ne plaisaient que médio-
crement au gouvernement, el aux
nobles hongrois , ses compatriotes
et ses voisins. Sans voir en lui pré-
cisément un ennemi, on le regardait
comme suspect. Il s'en fallait pour-
tant de beaucoup qu il eîit la
moindre tendauce hostile soit k la dy-
nastie autrichienne, soit a Fenserable
de l'ordre de choses existant. Il ne
souhaitait que des améliorations pra-
tiques , utiles k tous , et totalement
étrangères aux grandes questions delà
politique proprement dite. Ces amé-
liorations d'ailleurs , suivant sa ma-
nière de voir, ne ressemblaient en
rien k des utopies j et pour asseoir
ses projets sur des bases positives,
il fit divers voyages, afin de compa-
rer ce qui se passait dans sa patrie
aux moyens en usage dans les autres
contrées Telle fut entre autres bon
excursion k Varsovie et k Danizick eu
1807. ^^ reste plus ami de la paix
que de la gloire, il cherchait k faire
comprendre et admettre ses vues,
saos leur donner uu retentissement
LVUI.
«2
178
BER
souvent préjudiciable a ce qu'elles
ont d'utile , ou offensant pour les
susceptibilités de ceux qui gouver-
Bent. M<ais il ne parvint pas .tou-
jours à se faire pardonner la fran-
chise de certains exposés de faits sur
lesquels ou eût voulu laisser indéfini-
inenl reposer le voile. Eu revanche,
il fut apprécié hors des limites de la
Hongrie, et, indépendamment des
éloges que lui adressèrent plus d'une
fois dans les feuilles périodiques les
penseurs les plus illustres de l'Alle-
magne, il eut la satisfaction d'être ad-
mis, comme membre citrrespondant,
à la société royale des sciences de
Gœitingue, en 1 8o4-Berzewiczy mou-
rut le 22 février 1822. La plus
grande partie de ses travaux se trouve
éparse dans les journaux de la Hon-
grie ou de rélrauger,dont il était un
collaborateur actif. Parmi ces mor-
ceaux nous citerons les fragments
de son voyage a Varsovie et h
Dantzick, publiés dans le Libéral et
dans les Annales de la littérature
et de l'art de Vienne. Voici la liste
des ouvrages qu'il fit imprimer sépa-
rément : 1. De coiwnercio et indus-
tria Hungariœ ^ Leutschau , 1797
( traduit en allemand , Weimar ,
1802). Le sujet traité par Ber-
zewiczy n'occupait alors personne *
et il est indubitable que si plus tard
l'attention du gouvernement et du
public se porta vers ces deux sources
importantes de la prospérité hon-
groise, c'est en grande partie à cette
publication que lut dû un tel chan-
gement. Cet ouvrage a été complété
par Bardozzi ( f^oj. ce nom ,
LVn, i55). IL De coiulitione in-
doleque rusticorum in JFIungaria ,
1806. L'auteur révélait ici une de
ces plaies féodales dont l'Europe
orientale est si lente a s'affranchir^ les
cinquante-deux corvées par an pour
BER
fout possesseur de mélalrie integrœ
sessionis, les dix huit corvées de cha-
que habitant marié , les douze cor-
vées de tout autre, les corvées suré-
rogatoires , les redevances du neu-
vième de toutes les récoltes, lin,
chanvre, les obligations de filer gra-
tis six livres de lin pour le seigneur ,
de faire trois fois par an des battues
au temps de la chasse pour le sei-
gneur, de ne distiller de l'eau-de-vie
qu'en payant deux florins de droit au
seigneur, etc., etc., et les juridictions
seigneuriales dont quelque-unes ont
par privilège le droit de condamner
aux fers et à la mort. L'intention de
Kerzewiczy n'était pas de publier ce
travail j mais un de ses amis obtint
consentement pour le faire imprimer,
en prenant sur lui toutes les suites
de la publication. Ces suiles furent
beaucoup de petites vexations qui
toutefois ne purent aller jusqu'à, une
mise en cause , et les louanges des
Schlœzer, desHeeren, des Eichhorn,
des Grellmanu , des Sartorius. Le
premier de ces hommes illustres donna
dans la Gazette de Gœttingue une
analyse de l'ouvrage , qui obtint
a Weimar les honneurs de la tra-
duction. HL Tableau du com-
merce entre l'Asie et l'£urope,
considéré sous le point de vue
des circonstances actuelles (en al-
lemand), Pesth , 1808, in- 8 MV.
Notice sur l'état actuel de la reli-
gion évangélique ( protestantisme )
e?i Hongrie, Leipzig, 1822, in-8°.
Dans cet ouvrage publié trois mois
après la mort de l'auteur, celui-ci
soutient que les adhérents du hilhé-
ranisme ont beaucoup à se plaindre
de la mauvaise volonté de l'adminis-
tration et des états a leur égard ; et
a l'appui de celte assertion, il allègue
un grand nombre de faits qui , s'ils
étaient exacts^ ne pourraient qu'affli-
B£S
ger les esprits sages et amis de la
tolérance; mais ils ont éié positive-
ment déniés pour la plupart. P-ot.
BESAXÇOIV fExiEN. -Modeste),
litléiateur, naquit eniySo, aLavotte,
bailliage de Baume , d'une famille
honorable. Avant achevé ses études
au séminaire de Besancon, il em-
brassa l'étal ecclésiastique, et fut
nommé desservant de la chapelle des
Fonlenottcs ;, près de Morteau.
Nourri de la lecture des poètes , il
employait ses loisirs a composer de
petites pièces de vers , dont il adres-
sait des copies a ses amis. L'n procès
que les habitants de Saint Hippolyte
(i) suscitèrent , en 1778, aux com-
munes' voisines , pour faire revivre
des droits que le temps avait abrogés,
éveilla la verve satirique de l'abbé
Besançon. Intéressé lui-même dans
le procès, il attaqua les prétentions
de ses adversaires dans un petit poè-
me , intitulé le Vieux bourg , où
l'on trouve de fréquentes imitations
du Lutrin et de Vert-vert ; mais
qui n'en annonce pas moins un talent
agréable et facile. Il s'en fit deux ou
trois éditions la même année. L'au-
teur s'attendait si peu a ce succès ,
que , dans une note placée à la tète
d'une des réimpressions de son poème,
il remarque avec surprise qu'il s'en
est vendu des exemplaires même à
Paris. Cependant les chanoines de
Sainl-Hippoiyte qu'il n'avait pas mé-
nagés dans son poème , portèrent
plainte à l'archevêque de Besançon
(le cardinal de Cholseul), qui, pour
le bien de la paix, engagea l'auteur k
supprimer son ouvrage. C'était luide-
mander une chose impossible. L'abbé
Besancon continua de rimer 5 mais il
ne retrouva plus la verve et l'enjoue-
menl qui avalent fait le succès du
(i) Pi'tite ville au confluent du Dessoubre et
da Doabs, capitale de la Franche Jllontagae,
BES
179
J'ieux bourg. Encore simple chape-
lain , à l'âge de soixante ans , il em-
brassa les principes de la révoliilioii
avec beaucoup de chaleur • mais il fut
obligé peu de temps après de quitter
la cure qu'on venait de lui donner ,
et de chercher un asile dans les
hautes montasrnes du Jura où il se tint
caché pendant la terreur. En 1802 ,
il fut nommé succursaliste à Fessevil-
1ers , arrondissement de Montbé-
liard. Il y mourut_, le i8 mai 1816,
h l'âge de quatre-vingt-six ans. On a
de lui : I. Le vieux bourg , poème
héroï-comique en cinq chants, Paris,
(en Suisse), 1779 , in-S"^ ; nouvelle
édit. corrigée et augmentée de sept
autres chants par une main gas-
conne, Strasbourg (enSuisse), i 779,
in-8° de 64- pages; les derniers
chants sont très-mférieurs aux pre-
miers. IL Blanc-Blanc , ou le chat
de mademoiselle de Clilon , pcèrae
héroï-comique en quatre chants ,
Lyon (en Suisse), 1780, in -8'
de 25 pages. Cette bagatelle est dé-
diée h l'abbé Grandjacquet {Voy.
ce nom, auSupp.) , un des amis de
l'auteur. III. Le curé savoyard ,
poème en cinq chants , Paris ( en
Suisse), 1782, in-B" de 4-o pages.
C'est une satire contre le curé de
Morteau, dont l'auteur avait eu k se
plaindre. IV. Dictionnaire portatif
de la campagne , contenant les vrais
noms de tous les instruments d'agri-
culture , de leurs parties, de leurs
usages, etc. , Paris (en Suisse),
1786, in-S" de iG^ pag. et un Sup-
plément de 27 pag. C'est l'ouvrage
le plus utile de l'abbé Besancon. Les
mots y sont rangés d'une manière
ingénieuse et qui rend ce dictionnaire
très-commode. Ainsi , par exemple ,
au mot arbre , on trouve la nomen-
clature des espèces les plus commu-
nes dans les bois de la province j au
12.
i8o
BES
mot charrue , l'indication des dif-
férentes parties dont elle se compose,
etc. L'ouvrage est terminé par un re-
cueil des expressions vicieuses les
F lus répandues en Franche-Comté ;
auteur préparait une nouvelle édi-
tion de ce dictionnaire, pour laquelle
il a laissé des notes. Tous ses autres
manuscrits ont été brûlés par ses hé-
ritiers. 'W — s.
BESCHI(Constantin-Joseph),
célèbre jésuite italien , qui a princi-
palement contribué à faire fleurir la
mission catholique du royaume de
Madoura, dans l'Inde. Il arriva,
en I y 00, a Goa , d'où il se rendit
à Avour dans le district de Trit-
chinopoly, pour y apprendre la lan-
gue tamoule dans ses deux dialectes,
ainsi que le sanscrit et le lelougou.
Comme son but était d'y obtenir un
emploi civil , chose que les jésui-
tes n'ont jamais négligée dans ces
contrées , il apprit également les
langues hiudoustani et persane. Il
est probable que, dans les premiers
temps de son séjour dans l'Inde , il
occupait déjà une place dans l'admi-
nistration , car on ne peut présumer
qu'il soit toul-k-coup devenu ^iVrt« ou
conseiller , charge qu'il a remplie
sous le règne de ïchenda - Sahib ,
lequel ne parvint qu'en lySô a la
dignité de nabab de Tritchlnopoly.
Depuis son arrivée dans rinde, Besclii
se conforma en tout aux mœurs et aux
usages des Hindous; il s'abstint de
nourriture animale , et n'employa
que des brahmans pour préparer ses
mets. Il adopta les habitudes des
yoghis hindous, et quand il visitait
ses ouailles , c'était toujours avec la
pompe que déploient dans leurs
voyages les gourous, ou docteurs
ecclésiastiques de l'Inde. Il fonda
une église , sous l'invocation de la
Sainte Vierge , à Konângouppam
BES
Ariyanour, dans le district de Ba-
rour. A celte occasion , il composa,
en l'honneur de la mère du Sauveur,
de son époux saint Joseph et de N.-
S. Jésus-Christ , le poème sacré in-
titulé Témbâvani , qui est aussi vo-
lumineux que l'Iliade, et le plus cé-
lèbre de ses ouvrages. Il contient
36x5 télrastiches , dont chacun est
accompagné d'une interprétation en
prose. Dans cet ouvrage, le récit du
massacre des innocents est regardé
par les indigènes du Madoura comme
le morceau le plus beau qui existe
dans leur langue. Beschi, connu en-
core aujourd'hui dans toute 1 Inde
méridionale sous le nom de Vîra-
mdmouni , ou le grand ascète com-
battant, fonda une autre église h 27-
roukdvalour, nom qu'il avait donné
a la ville de Vadougapit, dans le dis-
trict d'Ariyalour, et par lequel il
désigna également la Sainte Vierge,
en l'honneur de laquelle il composa
les trois poèmes intitulés: Tiroukd-
valour Kalambagam , Anneija-
djoungal Andddi et Adeikala
Mdlei. Nous indiquerons plus bas les
titres de ses ouvrages qui ont été
imprimés. Ceux qu'il laissa en ma-
nuscrit , et qui sont tous fort esti-
més par les gens du pays , tant
pour leur contenu que pour l'élé-
gance de la diction, sont le Ki-
téri Atnmal Ammdneï poème j le
Vèdiyarodjoukkam , en prose ,
contenant, comme le titre l'indique,
un aperçu des devoirs de ceux qui
embrassent lavie religieuse; le /^eû^«
Vilakkani , ou la lumière de l'é-
vangile , écrit en prose, et qui est
une exposition de la foi catholique ;
un Dictionnaire tamoul-franç aii, ,
un autre tanioul et portugais et
un troisième tamoul - latin. Les
missionnaires danois de Tranquebar
avaient l'intention de publier ce der-
BES
nier, mais différentes circonstances et
principalement le manque de fonds,
firent échouer celte entreprise. En
1823 on en avait commencé l'impres-
sion à Madras j nous ne savons
pas si elle a été achevée. Sadour
Agharddl ou les quatre diction-
naires; un ouvrage tamoul relatif
au haut dialecte. Le Tonnoid V i-
lakkain , grammaire iamoule écrite
par Beschi dans celte langue mê-
me , est regardée comme la meil-
leure qui existe. Le Clavis hiuna-
niorum tamulici Idiomatis est un
autre traité eu latin , relatif aubaut-
tamoul. Bescbi était généralement
estimé pour sa piété, sa bienveillance
et son savoir. Il s'occupait principa-
lement de la conversion des idolâtres,
et son zèle était récompensé par des
succès extraordinaires. Initié dans la
science , les opinions et les préjugés
des Hindous , il était plus en état
que tout autre missionnaire de prou-
ver à ces Gentils la fausseté de leur
croyance et Tabsurdité de leurs pra-
tiques religieuses. Néanmoins il con-
tinua d'exercer les fonctions de divan
jusqu'en lyio, époque a laquelle la
ville de Tritcbiuopoly fut conquise
par les Mabrattes , sous Morary Rao,
etTcbenda-Sabibfait prisonnier. Bes-
chi réussit a se sauver à Gàyal pata-
nam , ville appartenant alors aux Hol-
landais, où il mourut en 1742. Son
nom y est encore célèbre, etl'on y dit
des messes pour le repos de son âme.
Ses ouvrages imprimés sont : I.
Gramtnaiica latino-tamulica, uhi
de vidgari tamulicœ linguœ idio-
mate Rotun-Tamil dicto ; adusuni
Miss. Soc. Jesu.- TrangambajHce
(Tranquebar], typis niissionis dani-
cœ, 1738, in-8", Irès-rareenFrance.
Hervas dit que c'est une nouvelle
édition et qu'une première a paru a
Tranquebar , en 17283 mais il n'est
BES
181
pas dit sur le titre de l'autre que
c'est une réimpression. Gel ouvrage
avait originairement été écrit en por-
tugais.La préface estdu 4- janv. 1728.
On y trouve ordinairement joint un
écrit de Cbr.-Th. Wallher , inti-
tulé : Observationes grammaticœ
quibiis linguœ tamulicœ idioma
vu-lgare illustratur , Tran(|uebar,
1739, in -8". Une nouvelle édi-
tion a paru sous ce titre : Beschu
( C.-J. ) Gramtnaiica latino-ta-
mulica , apud Madraspatnarn
(Madras), 181 5, in-4.°. Une traduc-
tion anglaise publiée à Madras, que
nous n'avons pas eu occasion de voir,
et dont l'auteur n'était pas anglais,
est remplie de fautes et de con-
tre-sens. II. La grammaire du haut
dialecte du Tamoul , composée par
Beschi, en latin, parut en anglais
sous le titre : ^ grammar of the
high dialect of the Tamil lan-
guage , termed Shen-Tamil : with
an introduction to Tamil poetry,
byt/wRev.F. C.-J. Beschi, trans-
late d from the latin by Benjamin
Guy Babington , Madras, 1822,
in-4-° Kl — H.
BESCHITZY (Elie), surnom-
mé le Byzantin , parce qu'il passa
la plus grande partie de sa vie aGon-
stanliuople , est auteur d'un ouvrage
intitulé le Manteau d'Elie, fameux
parmi les Juifs Karaïtes qui le regar-
denlcomme le code etlarègle de leurs
croyances. ]Né vers 1420 à Andri-
nople , Elie fut initié de bonne heure
à la connaissance des lois, des céré-
monies et des usages de sa nation.
Celte étude terminée, il visita la
Palestine et les différentes contrées
de l'Asie , dont il est parle' dans la
Bible ; et s'établit à Constantinople,
où il devint l'oracle de ses co-reli-
gionnaires. A la prière de ses disci-
ples , il entreprit de rassembler tou$
les clocumrnts qu'il avait recueillis
sur les usages civils ou religieux des
Karaïtes •, mais il mourut en i/Jpo ,
avant d'avoir pu terminer cet ouvrage
qui fut achevé, en 1497, par Kaseb
Aphendopol. Le 31anteau d'Elie
a été imprimé a Constanlinople ,
sous le règne de Soliman ( i53i ) ,
in-fol. Rossi a décrit celte édition ,
beaucoup plus rare que le manuscrit
dans ses Annali Ebreo-tipograf..
i5oi-4.o, page 3<4. Ce savant bi-
Lliographe nous apprend que les Ka-
raïtes de Lithuanie n'en ont qu'un
seul exemplaire qu'ils conservent avec
un soin tout particulier. La biblio-
thèque de Leyde possède un traité de
Logique , sous le nom d'Elie. W olf
l'allribue a Beschitzy ( Bibl. Ue-
hrœa^ I ) ; et Rossi partage cette
opinion [Hebr. CocUces mss., II,
164); mais Barlolocci [Bibl. la-
tino-hebraica ) le fait auteur de
plusieurs autres ouvrages, d'après
des probabilités que Wolf et Rossi
ne croient pas pouvoir admettre ( V.
le Dizionario degli nutori Ebrei,
66. — Beschitzy {Moïse)., érudit
oublié par Baillet et Klefeker dans
leurs bibliothèquesdes savants préco-
ces , était l'arrière-petit-fils d'Elie.
Né vers i554 a Constanlinople, il
fut élevé par les soins et sous les
yeux de son père , savant rabbin , et
fit de rapides progrès dans la con-
naissance du grec , de l'arabe et de
l'espagnol. Il visita les principales
synagogues de 1 Orient pour recueil-
lir des manuscrits dans ces trois lan-
gues 5 et dans ses voyages il soutint
avec succès plusieurs disputes contre
les chefs des rabbanltes. Il mourut
en iSya , a dix-huit ans, regardé
par ses co-religionnaires comme un
prodige d'esprit et d'érudition. Le
rabbin Mardochée ( V oy. ce nom,
XXVI j 62c)) dit que Moïse avait
BËS
laissé 245 ouvrages,* mais presque
tous furent détruits dans un incendie
(:ui réduisit en cendres une partie de
Constanlinople. Parmi ceux qui sub-
sistent encore, WoU' cite la f^erge
de Dieu, dont Mardochée a publié
un assez long fragment dans la
Notitia Karœorum , ch. IX 5 on
en trouve l'analyse dans les Me-
moifes de Trévoux , 1 7 i 7 , IV ,
2047- Ce même ouvrage est Indiqué
dans le Catalogue de la Bibl. de
Leyde, page 284, sous ce titre : De
gradibus prohibilis consanguini-
tatis. A la suite est un second opus-
cule de Moïse : Sacrijicium Pas-
chale , dans lequel le jeune auteur
traite des cérémonies de la Pàque,
pratiquées par les Karaïtes ( Voy.
la Bibl. Hebrœa de Wolf,I, 8o5,-
et III, 730). W — s.
BESiVARD(FBATIÇOIS-JoSEPH),
médecin alsacien, né le 20 mal 1748,
a Buschvveiler , fil ses premières
études a Haguenau , chez les jésuites
et fut ensuite envoyé par ses parents
à Strasbourg où il embrassa la car-
rière de la médecine qu'il pratiqua
même quelque temps avant sa récep-
tion. Aussitôt qu'il eut obtenu le
doctorat , 11 se rendit auprès de
Maximilien, comte Palatin , qui ve-
nait de le nommer son premier mé-
decin. En 1780, il soumit a l'aca-
démie des sciences ses idées particu-
lières sur la nature et le mode de
propagation des maladies vénérien-
nes , pour le traitement desquelles il
conseillait de renoncer a l'emploi du
mercure. Des malades lui furent
confiés sous l'inspeclioa d'un comiié
choisi parmiles membresde la société
de médecine, pour faire Tessai de sa
nouvelle méthode- mais la révolu-
tion vint interrompre le cours de ses
travaux. Il retourna, en 1790, dans
le Palatlnat , exerça d'abord la mé-
BES
tlecine a Manlieim , et fui ensuite mis
h la lête des hôpitaux militaires de
Munich. C'est surtout a son influence
et a son activité que la Eavière est
redevable des bienfaits de la vaccine.
Il est mort le 1 6 juin i 8 1 4^ , laissant
les ouvrages suivants : I. Thèses ex
universa inedicina^ Strasbourg ,
1770, in-i*^. IL Mémoire à con-
sulter &\iv la maladie de feu M. de
Stainville, maréchal de France, Pa-
ris, 1788, iu-^". III. Organisation
sanitaire des liôpitanx militaires
du Palatlnat ( en allemand ), Mu-
nich , 1801 , in-fol. IV. Avis sé-
rieux et fondé sur l'expérience
aux amis de F humanité , contre
r emploi du mercure dans diverses
maladies (en allemand ;, Munich ,
1808, in-8". Lue seconde édition a
paru en i 8 1 i , V. Exposé analytl-
(jue de l'organe, de la nature et des
i^ffets du virus vénérien ( en alle-
mand), Munich, 18 1 i,in-8°. J-D-îf,
BESXIER (Pierre), jésuite
né a Tours . eu 1 64.8 , passa la plus
grande partie de sa vie dans lespavs
étrangers , et mourut "a Conslanlino-
ple le 8 septembre 1705. Il avait
nn'e mémoire prodigieuse et une
grande connaissance des langues ,
qu'il apprenait avec une extrême fa-
cilité. On a de lui : I. La réunion
des langues ou fart de les ap-
prendre toutes par une seule ,
Paris, 1674., in-4-° ; Liège, 1674.,
in- 12. IL Discours sur la science
des étynwlogles ^ Paris, 1694,
in-i2 5 il se trouve aussi k la tète du
Dictionnaire étymologique , de
Ménage. Bcsnier a travaillé avec les
pères Bouliours et Lelellier a la
traduction du Nouveau Testament^
suivant la Yu'gate , Paris , 1697 et
1703, 2 vol. iu-12; réimprimée
'a Paris, 17045 in-i 2. — Eesnier
{Henri), médecin, a pul'Hé le
BES
i83
Jardinier botaniste , Paris, 1 7 0 5 ,
in-i2, ouvrage dans lequel il en-
seigne non-seulement la culture des
plantes , mai^ encore leur usage eu
médecine. 11 a donné aussi , avec des
corrections et additions, la 3*^ édition
de la Nouvelle Blalson rustique
de Liger , Paris, 1721 , 2 vol. in-
A" ( Foy. Liger, XXIV , 474 )• Il
mit au jour , en 1 7 1 7 , le Traité de
lu matière médicale de Toainefort,
2 vol. iu-i2. Besnier fut le beau-
père du célèbre Dionis. C. T — y.
BESSE (Guillaume), avocat,
né k Carcassonne dans le i 7*^ siècle ,
composai histoire de cette ville en un
vo'ume in-4.° , qu'il fit imprimer a
Béziers, en 1 64-5 , sous le litre A' His-
toire des comtes de Carcasson-
ne , autrement appelés princes des
Goths , ducs de S eptlmanle , et
marquis de Gothle. En 1660 il
donna une nouvelle édilion de cet
ouvrage, qu'il intilula Histoire' des
ducs, marquis et comtes de Car-
cassonne. Il se servit utilement des
recherches savantes de Bertiard de
Stellat, chanoine de l'église cathé-
drale de celte ville, mort en 1629 du
fléau de la peste , sans avoir pu mettre
au jour le iruitde ses travaux. Besse
est un historien fort crédule; il mêle
sans discernement la vérité avec les
fables, et donne pour premier fon-
dateur de Carcassonne l'eunuque
Carcas, exilé de la cour d'Assuérus
après qu'Eslher eut délivré le peuple
juif. Il représente les tours de celte
■\ille s'inclinant devant Charlema?ne,
et ce prince, comme un autre Moïse,
faisant jaillir des fontaines de la terre,
en la frappant avec son épée. Besse
mourut en i()8o. ^ — ve.
P>ESSlÈRES;lemaréchalJEA>--
Baptiste), duc d'Islrie, était né k
Preissac , en Languedoc, le 6 août
1 7683 d'une famille obscure et dénuée
i84 BES
de fortune. Son éducation fut frès-
négligée, et il commença par être per-
ruquier. La révolution lui ouvrit la
canière des armes, et il entra, en
1792 , comme simple soldat dans la
gardeconstitutionnelle deLouisXVI.
Dévoué a ce prince, il resta dans la
capitale après le licenciement , et
fit tous ses efforts pour défendre le
trône dans lii journée du 10 août. Il
eut même le bonheur de sauver
quelques personnes de la maison de
la reine. Obligé de se tenir caché , ce
ne fut que trois mois après ( 1 ^^ nov.)
qu'il rentra au service dans la légion
des Pyrénées, devenue plus tard le
22'' régiment de chasseurs a cheval.
Bessières parvint successivement dans
ce corps aux grades d'adjudant sous-
officier et de capitaine, et se distin-
gua dans la guerre contre les Es-
pagnols. Après la paix de Bâle ,
en 1795, il passa à l'armée d'I-
talie , et se fit encore remarquer
dans plusieurs occasions, notamment
a Roveredo, oii il prit deux pièces de
canon, et à Rivoli , où le général en
chef Bonaparte , témoin de ses ex-
ploits , le nomma chef d'escadron,
commandant de ses guides, et l'en-
voya à Paris pour présenter au direc-
toire les drapeaux pris sur l'ennemi.
Dès ce moment Bessières ne se sépara
plus de Napoléon j partoutillui donna
des preuves d'un zèle et d'un dévoue-
ment sans bornes, et chaque jour il
fut comblé par lui d'honneurs et de
bienfaits. Déjà, il était colonel lors-
qu'il partit pour l'Egypte, en i 798 ;
et il commanda encore dans cette
expédition le corps des guides a pied
et k cheval. Compris dans le petit
nombre des amis les plus intimes qui
revinrent en France avec le général
en chef, il le seconda merveilleuse-
ment dans son audacieuse entreprise
du 18 brumaire. A Marengo il eut
BES
une grande part à la dernière charge
où quelques escarlrons décidèrent la
victoire, en enfonçant l'immense li-
gne de la cavalerie autrichienne. Il
fut nommé général de brigade le
mois suivant. Dès ce moment les hon-
neurs de toute espèce vinrent pleu-
voir sur sa tète. Promu au grade de
général de division le 1 3 sept. 1802,
Il fut créé maréchal d'empire le 19
mai 1804., puis grand - aigle de la
Légion-d'Honneur, et enfin ducd'Is-
trie 5 et dans le même temps il reçut
les décorations de la plupart des puis-
sances de l'Europe. Tous ces bienfaits
furent mérités par un zèle qui aug-
mentait chaque jour et par de nou-
veaux exploits, notamment a la gran-
de journée d'Austerlitz, où Bessières
culbuta la garde impériale russe et
enleva son artillerie ; puis aux ba-
tailles d'Iéna et d'Eylau. Il accom-
pagna l'empereur a l'entrevue de Til-
sit , sur le Niémen, et, dès que la
paix fut conclue, il partit pour l'Es-
pagne, où Napoléon lui donna le
commandement d'un corps d'armée.
Arrivé dans cette contrée au moment
où le roi Joseph . forcé de se retirer,
allait être coupé de sa capitale , le
maréchal Bessières, à la tête d'un
corps de douze mille hommes , obtint
sur le général Cuesta une victoire dé-
cisive a Médina-de-Rio-Seco , et ré-
tablit complètement les communica-
tions. Ce succès important fut dû tout
entier k la justesse de son coup-d'œil
et k ses bonnes dispositions. Les Es-
pagnols y perdirent dix mille hommes
et toute leur artillerie. Le maréchal
eut a peine le temps de recueillir
les fruits de cette victoire , que déjà
il lui fallut retourner en Allemagne
pour combattre l'Autriche. Il reprit
alors le commandement de la garde
impériale, et conduisit celte formi-
dable troupe a Landshut, k Elsberg,
BES
elkWagram. Dans cette dernière ba-
taille un boulel le renversa de son
cheval sans lui faire de mal. Toute
la garde le crojant perdu , exprima
son effroi par un cri de douleur una-
nime. INapoléon , non moins effrayé
sur le péril de son ami , lui dit a
haute voix : « Bessières , voila un
a beau boulet : il a fait pleurer toute
« ma garde.» La campagne terminée,
le duc d'Istrie alla remplacer Berna-
dette dans le commandement de l'ar-
mée qui devait reprendre Flessingue
sur les Anglais; et, par ses bonnes
dispositions, il parvint rapidement
a ce but. Revenu dans la capitale ,
il assista à toutes les solennilés du
mariage de INapoléon , et eut encore
une grande part aux faveurs qui fu-
rent distribuées a cette occasion. Il
retourna bientôt après en Espagne ,
où il commanda pour la seconde fois
l'armée du Nord, et fui gouverneur de
la Vieille-Caslllle et du royaume de
Léon. Son rare désintéressement et sa
conduite , toujours juste et modelée,
lui avaient fait dans cette contrée de
nombreux partisans j on l'y vit donc
reparaître avec beaucoup dejoiejmais
lui-même s'y trouvait avec peine en-
vironné de difficultés et mal secondé
par les autres généraux 5 il demanda
son changement , et l'obtint. A peine
revenu auprès de sa chère garde
impériale , il fallut suivre l'empe-
reur dans celle mémorable expédi-
tion de Russie, qui devait avoir
de si funestes résultats. Il ne de'pen-
dit pas du maréchal Bessières que
Napoléon s'y engageât moins témé-
rairement, et tout le monde a connu
les sages avis qu'il lui avait alors
donnés 5 mais on sait aussi combien
de telles représentations furent tou-
jours inutiles. Après avoir rempli les
devoirs d'un ami prudent et dévoué,
Bessières n'eut plus qu'a s'acquitter
BES
i85
de ses fondions militaires. Il com-
manda encore dans celle campagne
les nombreux et brillants bataillons
de la garde impériale , qui se trouva
cette fois presque toute entière réunie
sous ses ordres. Aucune puissance
humaine ne semblait capable de vain-
cre une pareille troupe. Mais l'àprelé
du climat , l'immensité des déserts,
étaient des ennemis bien autrement
redoutables que le canon des Russes.
La garde impériale perdit peu de
monde sur le champ de bataille , et
l'on sait que , présente au grand et
inutile massacre de la Moskowa, elle
n'y prit aucune part. Bessières n'y
eût certainement pas moins déployé
de valeur que dans tant d'autres oc-
casions, et plus d'une fois, dans cette
terrible journée, il demanda , il pro-
voqua même l'ordre qui devait lui en
donner le signal 5 mais cet ordre lui
fut constamment refusé. Quelques
bataillons de la garde furent a peine
engagés dans la retraite ; ceux qui
eurent la force de résister au froid ,
a la fatigue et a toutes les privations,
restèrent constamment auprès de INa-
poléon, qu'ils sauvèrent à Wiasma ,
où six mille Cosaques fuient près
de l'enlever a son quartier-général.
Ce fut surtout dans un aussi grand
péril qu'éclatèrent le dévouement et
la valeur de Bessières. Il ne s'éloigna
pas un instant dans cette longue mar-
che de la personne de l'empereur*
et lorsque celui-ci eut quitté l'armée,
après le passage de la Bérézina , il
resta en Allemagne pour y railleries
débris de cette garde naguère si re-
doutable. Il ne fit au commencement
de 181 3 qu'une courte apparition à
Paris, et il retourna bientôt en Al-
lemagne , pour commander encore la
garde impériale dans celle campagne
de Saxe, qui pour lui devait ètie la
dernière. Le i^"" mai, veille de la
i86
BES
bataille de Lutzen , il fut tué d'uu
coup de canon , comme Turenne ,
lorsqu'il allait reconnaître la position
de l'ennemi , et non loin des lieux où
avait péri Gustave - Adolphe. Dé-
pourvu de savoir et d'instruction ,
Besbières était pourtant un homme de
beaucoup de sens. Sa douceur et sa
probité l'avaient fait cbérir et esti-
mer de tout le monde , et particu-
lièrement de celle garde impériale
qu'il avait en quelque sorte créée
et si long-temps commandée. Napo-
léon le regretta sincèrement, et lors-
que plus tard il fut abandonné par
d autres hommes qu'il avait également
comblés de bienfaits , on l'entendit
plus d'une fois s'écrier : « Ce n'est
« pas ainsi qu'eiit fait Bessières ! »
Le duc d'Istrie était surtout d'une
probité et d'un désintéressement bien
rares k celle époque. Aucun général
ne ménagea plus que lui les habi-
tants des contrées qu'il eut à parcou-
rir , et partout il reçut des témoigna-
ges de leur reconnaissance. Le roi de
Saxe lui fit élever un monument sur
la place même où il était tombé, et
ce monument a été respecté par tou-
tes les nations. L'empereur d'Autri-
che a fait en 1816 uue pension a la
veuve de Bessières , en faveur du no-
ble désintéressement avec lequel ce
maréchal avait adminislré la pro-
vince a lui concédée par Napoléon, et
qui fut rendue h son ancien souverain
en I 8 i4-. Napoléon avait fait transpor-
ter aux Invalides, a Paris, les restes de
ses deux lieutenants qu'il regrettait le
plus , Bessières et Duroc, et il leur
réservait des honneurs extraordinai-
res , que les événements ne lui ont
pas permis d'accomplir. — Le fils du
maréchal Bessières avall éle' créé
pair de France par Louis XVIII. —
Ln frère aîné du maréchal était déjà
parvenu, en 1794, au grade de gêné'
BES
rai de division , et commandait , à
cette époque a Metz , la troisième
el la quatrième division militaire. Il
obtint sa retraile sous le gouverne-
ment impérial à cause de ses infirmi-
tés, et mourut à Montauban le 22
septembre 1826, a l'âge de 71 ans.
M— D j.
^BESSIÈRES (D. George), gé-
néral espagnol, né en France vers
1780, dans la même province et pro-
bablement de la même famille que le
précédent, se réfugia eu Espagne
pour échapper aux lois de la conscrip-
tion, et se trouvait k Barcelone lors-
que le général Duhesme vint dans
cette ville, en 1809. Il lui'scrvit
pendant quelques mois d'interprète
et de secrétaire, puis s'enrôla dans
un régiment français; mais bientôt ,
frappé d'admiration pour le patrioti-
que courage des Espagnols, il déserta
les drapeaux de la France, et alla
prendre du yervice dans la légion de
Bourbon , où il parvint au grade de
capitaine. Il fit en celle qualité toute
la guerre de l'indépendance, et fut
nommé chef de bataillon eu i8i3.
Licencié en 1 8x4., et peu récompensé
de ses services par Ferdinand VII ou
par ses ministres , lorsque ce prince
remonta sur le trône , Bessières se
trouva dans un dénuement complet et
forcé de se livrer pour vivre k tous
les genres d'industrie. C'est dans
ce temps-lk qu'accusé d'êlre entré
dans une conspiration contre le roi ,
il fut condamné k mort par uue com-
mission spéciale, k Barcelone. La
sentence allait être exécutée, lorsque
le peuple demanda sa grâce. Il fut
sursis k l'exécnlion , et le gouverne-
ment commua la peine en un bannis-
sement. Bessières se rendit alors a
Perpignan j mais il rentra bienlôt en
Espagne pour s'y réunir aux royalis-
tes qui occupaient Urgel. La régence
BES
le nomma colonel et commandant de
Mequlnenca, donl il s'élait emparé,
et il dirigea de la plusieurs expédi-
tions très-audacieuses sur Saragosse
et jusqu'aux portes de Madrid. Il
était près d'entrer dans cette capita-
le, lorsque le duc d'Angoulêrae s'y
présenta, et conclut avec le général
descortès, comte de TAbisbal , un
arrangement qui donnait aux troupes
constitutionnelles le temps de se reti-
rer sans combattre. Bessièrcs, mécon-
tent de cette convention , e.^saya
d'entrer de vive force dans la ville 5
mais n'étant pas secondé par les
Français , et n'ayant qu'un petit
nombre de soldats, il fut contraint
de se retirer, après avoir fait quelques
pertes. Ferdinand VII ayant re-
couvré son autorité , confirma Bes-
sières dans le grade de général ,
et lui donna un commandement j
mais on sait a combien de vicissitu-
des la faiblesse et l'incapacité de ce
malbeureux prince livrèrent bientôt
son royaume. Ses amis les plus dé-
voués, ceux qui lui avaient rendu Its
plus grands services, ceux même qui
pouvaient lui eu rendre de plus grands
encore, furent plus d'une fois saciifiés
a de petits ressentiments, à de ces
misérables intrigues qui environnent
et qui perdent toujours les rois fai-
bles. D'un caractère ardent et plein
de zèle , Bessières s'en indigna plus
qu'un autre , et il fit tout ce qui était
en son pouvoir pour que le gouver-
nement de Ferdinand VII adoptât un
système plus ferme et plus courageux.
Enfin, désespérant de réussir par
d'autres moyens, il monte brusque-
ment a cbeval, le i4- août 1825,
suivi de quelques amis et d'un petit
nombre de troupes, et il se dirige
sur Fueucara, puis sur Torrejo de
Ardos et surBribuega, où ipielques
partisans viennent se réunir h lui. Lh
BËS
1B7
il déclare hautement que la monar-
chie livrée aux negros (révolution-
naires) est dans le plus grand péril ,
que le roi est captif, et qu'il faut le
délivrer. On a même prétendu qu'il
dit nettement que le seul moyen de
sauver la patrie était de proclamer
roi l'infant don Carlos. Son discours
fut applaudi par sa petite troupe 5
mais le nombre ne put s'en accroître
avec assez de rapidité; et pendant ce
temps, les ministres de Ferdinand,
qui avaient prévu ou peut-être provo-
qué l'entreprise , firent marcher
contre Bessières, sous les ordres du
général d'Espagne, un grand nombre
de troupes. Ce malheureux fut atteint
près de Moliua d'Aragon le 2 5 août,
etfusillé le lendemain avec sept de ses
compagnons d'armes. Le gouverne-
ment ne publia aucune pièce , aucune
preuve a l'appui de cette conspiration.
Plus tard on entendit souvent Ferdi-
nand \'II prononcer en gémissant le
nom de Bessières. M — d j.
BESSOjV , historien , naquit
au commencement du dix-huitième
siècle a Flumel , petite ville du Haut-
Faucigny. Après avoir achevé ses étu-
des au séminaire d'Annecy, il em-
brassa l'état ecclésiastique , et fut
nommé directeur du couvent de la
Visitation , fondé par la mère de
Chantai [l'^oy. ce nom , VIII , 42).
Il employa ses loisirs a compulser les
archives de l'évéché , et ayant décou-
vert une Histoire du diocèse da
Genève , écrite en latin par un cha-
noine de la cathédrale nommé Boni-
face Dumonal de Chcrasson , il s'em-
pressa de la communiquer aux savants
bénédictins qui travaillaient alors à la
nouvelle édition delà Gallia chrislia-
na. Ce fut d'après leur invilalion
que Besson s'occupa de compléter
l'ouvrage de Cherasson , qui finissait
k l'année 1666 , et qu'il étendit ses
x8S
BES
recherches à toute la Savoie. Actif et
plein de zèle , il parcourut cette pro-
vince, et se rendit même dans la
vallée d'Aoste , qui dépend pour le
spirituel de l'archevècbé de Tarentai-
se , interrogeant tous ceux qui pou-
vaient lui donner des renseignements,
et visitant avec le plus grand soin les
archives , quand il parvenait a se les
faire ouvrir. Mais cela n'arrivait
pas toujours , soit que les gardiens
manquassent de complaisance , ou
soit, comme le dit le biographe de
Besson, que celui-ci, d'un caractère
brusque et grossier , choquât tous
ceux auxquels il s'adressait. Besson
mit au jour son travail , sous ce titre :
Mémoires pour l'histoire ecclésias-
tique des diocèses de Genève ,
Tarentaise , Maurienne ^ Aosteet
du Décanat de Savoie , Nancy
(Annecy), lySp, in-4.''. Cet ouvrage,
le seul que l'on ait sur ces différents
diocèses , mérite par cela même d'être
placé dans toutes les bibliothèques.
La partie qui concerne le diocèse de
Genève est celle qui laisse le plus a
désirer, parce que l'auteur, vivant
mal avec la plupart de ses confrères,
ne put obtenir les documents dont
il avait besoin. Les bénédictins ,
qui ont profilé de ses recherches
sur l'archevêché de Tarentaise e(
les évèchés de Sion et d'Aoste , ses
sufFragants, déclarent qu'il ne leur a
pas été d'un faible secours [haud te-
nuem nobis opem tulit) pour cette
partie de leur travail (Voy. Gallia
chrisliatia , xii , 701). Ou doit eu
outre a l'abbé Besson la Table gé-
néalogique de la maison de Sa-
voie, in-folio, et il a laissé manu-
scrites les Généalogies de cent vingt
faanlles nobles de Savoie, qui, s'il
avait eu l'imprudence de les livrer à
l'impression , n'auraient pas manqué
de lui attirer des désagréments, à
BES
raison des traits satiriques dont elles
sont semées. Nommé curé de Cha-
peiry , près d Annecy, Besson desser-
vit cette paroisse pendant un grand
nombre d'années, et y mourut vers
1780. Grillet lui a consacré, dans
son Dictionnaire de la Savoie , II,
272 , une notice qu'il aurait pu faci-
lement rendre plus complète, puis-
que, comme il nous l'apprend, il
avait eu à sa disposition tous les
manuscrits de Besson. W — s.
BESSOX (Alexandre), conven-
tionnel , était né vers 1 7 5 7 au village
d'Amancey, près d'Ornans. Son père,
meunier fort aisé , lui procura les
moyens de faire d'assez bonnes études,
et lui acheta ensuite une charge de
notaire. Ayant embrassé la cause de
la révolution avec chaleur, il fut élu
maire de sa commune et, en 1790 ,
membre du directoire du département
du Doubs. Député par le district
d'Ornans a l'assemblée législative , il
n'yjoua qu'un rôle secondaire. Réélu
à la convention, il vota la mort du
roi sans appel et sans sursis , et il
appuya toutes les mesures de ri-
gueur que fit adopter le parti domi-
nant. Des administrateurs de son dé-
partement, ses anciens collègues,
ayant été traduits , après le 3 1 mai ,
comme fédéralistes, au tribunal révo-
lutionnaire , il leur refusa la plus lé-
gère marque d'intérêt , djns la crainte
de se compromettre. Devenu membre
du comité des finances , il fit rendre
deux décrets pour accélérer laven le des
biens et du mobilier des émigrés.
Après le 9 thermidor il se montra
un des plus ardents réactionnaires ,
fat chargé de diverses missions dans
les départements de la Gironde , de
la Dordogne et de Lot-et-Garonne ,
oiî il fit désarmer et mettre en prison
les terroristes j et il usa de son influen-
ce pour faire remplacer dans son dé-
BES
partement les fonctionnaires, dont les
opinions n'étaient pas aussi flexibles
que les siennes(i). Après la session,
il entra au conseil des cinq cents , et
tournant toutessesvuessurles moyens
de réparer le désordre des finances ,
il fit adopter le projet de rétablir la
ferme des salines, dont il devint un des
adjudicataires ; il s'opposa de toutes
ses forces a Faliénalion des forêts de
l'état, et fit décréter diverses mesures
pour arrêter la dégradation des bois
et en assurer la conservation. Ses
fonctions législatives étant expire'es
en 1799 , il revint a Besançon solli-
citer sa réélection; et, avec l'appui
des royalistes , il fut élu membre du
conseil des anciens; mais les opéra-
tions de l'assemblée électorale ayant
e'té annulées , il n'y fut point admis.
Après le 18 brumaire il fut nommé
président du conseil-général du dé-
partement du Doubs et inspecteur-
général , puis un des administra-
teurs de la régie intéressée des sali-
nes, qui fut supprimée en 1806. Il
se livra dès-lors à des spéculations
commerciales importantes , et devint
un des actionnaires pour l'exploila-
tioQ des houillères de Grand-Denis.
Ayant , en 1 8 1 5 , assisté comme élec-
teur au champ de Mai , il fut compris
(i) U s'occupa beaucoup aussi des salines de
l'est. Envoyé en mission à Salins, il écrivait, le
3 venlose an m (21 févr. ^792) , « ses collègnes
composant le comité de commerce, en leur envoyant
un premier rapport sur les salines de ia repu
blique ; rapjiort qu'il adressa, en même temps
au comité de salut public , avec copie des airé
tés qu'il avait pris relativement à ces usines
K J'ai encore à parler des salines du Jura , du
Doubs , du Mont-Blanc et du Palatiuat , ains
que de la vente des sels aux Suisses J'a
parcouru beaucoup de mémoires sur les salines
un grand nombre portent de fausses données
et presque tous sont dictés par des vues d'inté
rêt particulier. J'ai pris plusieurs arrêtés , tant
sur le traitement des ouvriers et employés, que
sur les salaires des bûcherons et voituriers . . .
Je vous envoie celui par lequel j'ji réglé les
contingents des départements , et augmenté le
prix des sels, etc ,. . » [Correspondance inédite.)
V— VE.
BES 189
dans U loi de bannissement con-
tre les régicides. Cependant il par-
vint à se soustraire a tous les mandats
d'arrêt lancés contre lui, en se tenant
caché dans sa maison d'Amancey, où
il avait pratiqué une chambre souter-
raine , dont sa femme avait seule le
secret. 11 y mourut d'apoplexie le 2g
mars 1826 , a 70 ans, ne laissant
aucune fortune {Voj. Briot , au
Supp.)- W — s.
BEST (Guillaume), juriscon-
sulte hollandais , né à Amersfort en
i683 , obtint a vingt-un ans le ti-
tre de docteur en droit, et se distin-
gua au barreau. Choisi pour ensei-
gner le droit civil a l'université d'Har-
derwick , il en fut quelque temps le
recteur. Il mourut en 1719 , avant
d'avoir mis la dernière main a diffé-
rents ouvrages de jurisprudence qu'il
avait entrepris. Pierre Burmaun ,
dont il avait été le disciple, en avait
conçu la plus haute espérance; il dit
de lui : Qiiodejus immatura mors
multa nobis egregia inviderit ( i ).
— Les écrits que Best a publiés sont :
I. De ratione emendandi leges ,
Ulrechl , 1707, in-8°. Le célèbre
jurisconsulte Ludewig faisait grand
cas de ce traité, et le croyait propre
k donner aux jeunes gens une notion
exacte des règles de la critique du
droit. On trouve dans \ts Acta eru-
ditoriim Lipsiensium (nov. 1708)
des Observations de Ch. Wachllersur
l'ouvrage de Be«t. Celui-ci y répondit
dans le même recueil au mois d'avril
1710. II. Oratio de œquilale juris
romani , illiusque stiidii jucundi-
tate^ Harderwick , 17 17, iu-8**.
III. Oratio de pactuum et con-
tractiium secundiim jus gentiiim et
Romanorum , naturd et œqiiitate^
ibid. , 1719. L — N — X.
(i) Couunentar. in Phœdr. Fabul., lib. 111,
prolog., V. 22.
19®
BES
BESTUCHEFF-RIUMLX ,
ou, plus exacteraenl,BESTorjEF-Ru-
BiiNii , gentilhomme russe de race
élrangère, établie en Russie depuis
Pierre le Grand, était arrière-pelit-
fils du chancelier de ce nom {Voy.
Bestucheff, IV, 397 )• N'éiant
que lieutenant au régiment de Pul-
tava , 11 fat un des agents les plus
actifs de la conjuration qui éclata
lors de l'avènement à la couronne de
l'empereur Nicolas. Comme cet évé-
nement est encore a peu près ignoré,
et que nous possédons des renseigne-
ments aussi exacts que curieux, nous
croyons devoir en tracer la rapide
esquisse, tout en faisant connaître le
rôle qu'y joua Bestucheff-Riurain.
Vers la fin de 181 5 , époque de la
plus brillante gloire de la Russie, et
de sa prépondérance en Europe ,
le colonel Alexandre Mouravief,
le capitaine Nikila Mouravief, et le
colonel prince Serge Troubetskoï ,
conçurent l'idée d'établir une société
secrète dont l'objet, osteusiblement
philantropique , mais non sans motif
d'ambition et de vanité, devait être
la réformallon des mœurs, de l'édu-
cation et du gouvernement russe.
Ils s'associèrent le colonel Peslel,
Iakouchkine, Serge et Mathieu Mou-
ravief Aposlol. Cette société s'orga-
nisa définitivement en février 1 8 1 7 ,
sous le titre d'»n/o/z du bien public.
Conformément à ses statuts elle était
divisée en trois classes j celle des
boyards parmi lesquels on choisissait
tous les mois les directeurs, qui de-
vaient demeurer inconnus au reste de
la société • celle des hommes aptes
k être élevés au rang de boyards ;
celle àtsj'rèresy simples instruments
de l'associaliou. Telle esll'origine de
la conjuration du midi de la Russie ,
qui, eu s'étendant, subdivisa ses mem-
bres en un certainuombre de direc lions
BES
et de comités, mais presque toujours
sous l'influence régulatrice de Peste!
et de son principal agent Bestuclieff-
Riumin, qu'il ne faut pas confondre
avec trois autres Bestucheff, membres
d'une association semblable , et qui,
dans le même temps, se formait au
nord, par les soins du conseiller
d'état actuel Nicolas Tourguénief,
sous le nom de chevaliers russes.
Ces deux associations , marchant au
même but, ne cessèrent d'avoir entre
elles des relations, mais par suite de
jalousies et d'ambitions ou de vanités
individuelles, elles ne purent jamais se
soumettre k une direction commune.
Quoique l'empereur Alexandre ne
fût pas homme k tolérer de sembla-
bles sociétés, il paraissait indirecte-
ment les autoriser , tant par sa pré-
dilection pour les libéraux étrangers,
polonais et russes ^ que par mille pro-
pos journaliers, et surtout par la ma-
nière gracieuse avec laquelle il ac-
cueillait les vues réformatrices de
toute espèce qu'a sa demande même
on s'empressait de lui présenter. Plu-
sieurs hommes honorables et sujets
des plus dévoués lui adressèrent
alors des projets de réforme et
même des conslitutious que, certes,
il était loin de vouloir adopter. Aussi
une caricature anglaise le repré-
senta-1-elle offrant et retirant un gi-
got k des chiens affamés qui finissaient
par le prendre k la gorge j et tel
peut-être eùl été le sort d'Alexandre,
si les sociétés secrètes, fondées sur
des principes de morale et d'humanité
spéculatives, et qui de proche en pro-
che arrivèrent jusqu'à l'idée des plus
horribles forfaits, eussent été plus
unies, ou aussi audacieuses en atcions
qu'en projets. Ces sociétés occultes
semblaient d'abord , comme nous
l'avons dit, n'avoir pour but que Ta-
mélioration des mœurs , l'économie
BES
politique , la dénonciation des ahns ;
elles songL-rent même un moment à
solliciter du monarque la reconnais-
sance de leur publique existence. 3Iais
elles ne tardèrent pas à v renoncer,*
exigeant au contraire de leurs adep-
tes le secret le plus impénétrable, un
serment terrible , et un ensageiiient
signé , que la direction brûlait a
Tinsu de l'asserraenlé. Celui-ci pou-
vait quitter la société, mais on la
lui di>ait alors généralement dis-
soute , et il ignorait qu'elle subsistât
encore; il ignorait aussi la des-
truction de l'engagement qu'il avait
signé ; il n'avait donc aucun motif
pour en dénoncerles membres, dont
il eût frémi d'ailleurs de provoquer
la vengeance. Quoique les socié-
taires eussent arrêté que chacun
verserait dans la caisse commune la
vingt-cinquième parlie de sou revenu,
et que chaque direction annonçât
mensongèremeni auxa<itres un grand
nombre d'associés nouveaux , la so-
ciété s'accroissait lentement ; et ,
malgré l'énorme contribution de Bo-
brinski , fils du comte Bobrinski,
issu, par bâtardise, de Calherine II
et du prince Orlof, les fonds étaient
si peu considérables, que ces brouil-
lons désespérèrent momentanément
d'un succès qu'ils avaient d'abord
considéré comme très-facile. Cepen-
dant ils cherchèrent h le préparer ,
en influant sur l'opinion publique ,
par des écrits clandestins , des épi-
grammes , des chansons séditieuses ,
des lithographies j et aussi par des
journauxliltéraires ovi leurs intentions
perturbatrices étaient voilées sous des
allégories, des théories vagues, des in-
ductions séduisantes. Ces travaux fu-
rent principalement dirigés par le
très -spirituel Rélèief. Enfin, les
tètes s'exallant de plus en plus , un
conciliabule central, composé des
BES igr
directeurs des deux associations du
nord et du midi , se réunit k Péters-
hourg , au commencement de 1820,
( époque où le libéralisme de l'empe-
reur Alexandre tendait a s'éteiudre),
et l'on y arrêta la création d'un gou-
vernement représentatif. La, pour la
première fois , on vit poindre les
idées républicaines ; mais tout était
vague encore dans ces jeunes et creux
cerveaux , quoique chacun présentât
la constitution qu'il avait rêvée , et
que plusieurs eussent osé dire :
K Tous ceux qui ont vécu avant nous
K n'étaient que de véritables écoliers.
ce C'est par nous que le génie po-
K litique va sortir de son berceau. »
et mille propos semblables. Cepen-
dant aucun personnage important ne
faisait encore parlie des sociétés, et
si les quatre généraux soupçonnés de
connivence avec elles ne leur furent
pas totalement étrangers, ils demeu-
rèrent du moins très-prudemment k
l'écart, attendant l'issue de ces sour-
des menées , pour diriger des insensés
incapables de se diriger eux-mêmes.
Quelques personnes quittèrent la
société en 1821- beaucoup d'au-
tres commençaient même a redouter
Pestel. dont les vues leur semblaient
être de viser au pouvoir suprême a
l'aide de ces aveugles sicaires, et Ré-
léief, directeur de 1 association du
nord, dit de ce factieux , à tête plus
forte que celle des autres : « C'est
« un ambitieux plein d'artifices, un
o Bonaparte et non un AVasbin-
K gton. n Dans la constitution ré-
digée alors par le colonel Pestel ,
a laquelle était joint un catéchisme
composé de concert avecRestucheff-
Riumin , et où la révolte était com-
mandée au nom même de la religion,
l'empereur ne conservait pas des at-
tributions supérieures a celles d'un
président des Etats-Unis d'Améri-
igï
BES
que ; existence transîloire entre le
gouvernement absolu et tm gouver-
nement républicain , dont le rédac-
teur se flattait de devenir l'arbitre.
Il voulait encore dans ce travail ,
intitulé Code russe , partager l'em-
pire en quatre étals réunis par uu lien
fédéral , et en détacher la Pologne ,
où une société secrète et insurrec-
tionnelle existait depuis la création
de son gouvernement constitutionnel.
C'était de cette manière que des
jeunes gens sans consistance dis-
posaient à leur gré du territoire et
de l'avenir de la Russie , dont ils
eussent fait crouler la formidable
puissance. Quant a cette société se-
crète polonaise dont Pestel cherchait
ainsi a se procurer la coopération ,
elle avait été découverte par Beslu-
cheff'-Riumin , qui, lors de son ad-
mission dans l'association du midi, fut
chargé de chercher à la réunir aux
sociétés occultes russes ; et c'eslalors
que les chefs de celles-ci, reconnais-
sant de plus en plus leur faiblesse, ten-
tèrent de les rendre puissantes et
redoutables par une conspirât ion mili-
taire dont celles d'Espagne et de Na-
ples leur avaient donné l'idée. En con-
séquence, ils commencèrent à tour-
menter les troupes, d'après, disaient-
ils , les ordres positifs de l'empereur,
pour les irriter contre ce prince ; et
déjà révoltés contre lui , ils conçurent
le projet de l'assassiner. Cette pro-
position inspira d'abord de l'horreur à
un grand nombrej mais bientôt la plu-
party accédèrent, etpresque tous pas-
sèrent rapidement de l'assassinat d'un
seul kla i ésolulion d'exterminer toute
la famille impériale; car telle est
l'inévitable marche des passions poli-
tiques. Aussi Bestucheff-Riumin qui
n'avait consenti qu'au meurtre de
l'empereur , et qui avait offert de
l'exécuter lui-même , demanda-t-il ,
BES
en 1824, a la société secrète de
Varsovie l'assassinat du grr.nd-duc
Constantin ; mais elle s'y refusa , et
promit seulement de le surveiller
et de l'empêcher de se porter au
secours de son frère. Les Polo-
nais en même temps se faisaient forts
de séduire ou de désarmer le corps
de Lithuanie, tandis que Bestuchefr-
Riumin insurgerait la neuvième di-
vision de l'armée russe et sVmpare-
rait de Bobrousk , comme place de
sûreté. Trop faibles cependant , et
trop peu en crédit pour réaliser de si
vastes desseins, les conspirateurs se
restreignirent a l'idée de faire assas-
siner Alexandre par des officiers dé-
guisés en soldats , lors de la revue
qu'il devait passer, en avril 1824., a
Belaïa Tserkof ( l'église blanche );
mais cette revue n'eut pas lieu. L'at-
tentat ainsi manqué avait été tramé
par Pestel, Serge, Mouravief-Apos-
tol, et Bestucheff-Riumin. Le régici-
de , conçu au midi , fut approuvé au
nord, mais de part et d'autre on voulait
le faire personnellement commettre
par des séides étrangers à la direction
des deux sociétés , qui , lors de l'évé-
nement, saisies du pouvoir par néces-
sité , espéraient profiter du crime ,
sans en avoir l'odieux. Pestel se
rêvait déjà souverain. Dès i8i3, une
troisième société, purement républi-
caine , s'était formée sous le nom de
Slaves réunis ; composée presque
entièrement d'officiers d'artillerie ,
elle comptait attirer a elle tous les
peuples d'origine slavonne. Russes ,
Polonais, Hongrois , Bohèmes, Mo-
raves, Valaques, Dalmates, Croates,
Transylvains, Moldaves ; mais elle se
rattacha a l'association du midi par
les soins de Bestucheff-Riumin , et
le jour fatal assigné fut le i 2 mars
1826, vingt-cinquième anniversaire
du règne d'Alexandre. Les assassins
BES
se tlislrihuèrcnt des bagues da-
cier , sur lesquelles élaieul graves
uu poiguard el les cliiffres 12 cl 20.
(^)uaut au choix des régicides , il avait
été lait par Besluclieif- Riua-io _,
parmi les Slaves qu'il dirigeait, dont
il exaltait les passious , et qu'il re-
gardait comme les sociétaires les plus
déterminés. Malgré les six polices
qui semblaient devoir être pour l'em-
pereur im impénéîraLle bouclier, et
la police particulière et Irès-aclive du
comte Aratcheif , une conjuriitioii
confiée a plus de trois cents person-
nes, et ti\imée durant dix années con-
sécutives, demeurait inconnue de l'au-
torité, quand en juin 1825 le nom-
mé Sliervvood (i), sous-ciEcier au
troisième régiment de lanciers du
Ijoug, que Ton cherchait a. séduire ,
en eut connaissance , et en donna avis
Il l'empereur, qui était alors a Ta-
gaurog , dénonciation vague encore
et moins propre à leffrayer qu'a
l'affliger. Mais un avertissement plus
précis et qui confirma la dénoncia-
tion , ce fut celui de M.aboroda ,
membre lui-même de l'association
du midi , la seule qu'il connût. Il
adressa cet avis a Taganrug , le
i*""^ décembre, douze jours après la
mort de l'empereur ; ce qui fit ar-
rêter plusieurs conjurés du midi,
sans lever le voile qui couvrait l'as-
sociation du nord, dirigée alors par
Réléief. L'empnreur était mort le
19 iiov. ; le 27 furent soleuaclleriieul
annoncés k Pétersbourg et cette nou-
velle el l'avènement du graud-duc
Constantin ( Voj. ce nom , au
Suppl. ). Ce prince fut proclamé a
Moscou le 29 , nonobstant sa renou-
(1} Par un ukase de i'empcrcur Kicolas,
Sherwood fut autorisé à jointîi'c à sou nom l'é-
pilliète de \ernoï (le fidèlci. On prcJil a'.O; s qu'il
ne la porterait lias Icn^-leuips; e;i elfct, il mou-
rut en 1828, au début de la [>re:nière campagne
de Turquie.
LVm.
BES
^95
cialion à Ferapire , donnée le :.i
janv. 1822 , cl déposée, cachetée,
le i5 octobre 1820, aux archives
du grand conseil de l'état. Toutes les
autorités lui prêtèrent serment aux
acclamations générales , car les fac-
tieux exaltaient depuis long-temus
ses vertus, pour l'opposera son frère.
Ce double événement consterna les
conjurés du nord , encore dans l'igno-
rance du sort de ceux du midi : Il
nous est donc échappé! s'écrièrent
avec rage Ijatenkoff et Yakoubo-
vvitch. Mais ils se rassurèrent bientôt
eu apprenant le refus de la couronne
lait et répétépar Constantin , malgré
les vives instances de sou frère; et,
se fondant sur ce refus, ils se livrè-
rent à l'espoir d'insurger les gardes
contre Nicolas, en le représentant
comme l'usurpateur de la couronne
due a celui auquel elles avaient déjà
prêté serment; car ce n'était qu'eu
vertu de leur inébranlable jidéliLé
qu'on pouvait les enlraîuer à la révol-
te , et Constantin n'était lui-même
aux yeux de ces brouillons qu'un ma-
uequiu , dont ils voulaient se ser-
vir, puis le briser. Ils nommèrent
donc le prince Serge ïroubetskoï
dictateur, ayant pour adjoints Ba-
tenkoff et Yakoubowilch , qui de-
vaient prendre le commandement des
gardes insurgées. Comme ils ne dou-
taient point du succès , et qu'ils
croyaient que le triomphe de la con-
juration leur donnerait tous les em-
ployés de chancellerie et les i4- ou
i5 cents secrétaires titulaires, gens
déplume et d'intiigue , ainsi que tous
les domestiques , très-nombreux k
Pétersbourg , leur projet était d'éta-
blir un gouvernement provisoire ,
légitimé par la sanction du sénat;
d ordonner la convocation d'assem-
blées nomiuatrices d'une chambre de
députés; de créer une chambre hau-
j3
194
BES
tej d'établir des administrations pro-
vinciales 5 de transformer les colonies
militaires, très-méconlenles de leur
sort, en gardes nationales; de re-
metlre la citadelle de Pétersbourg
entre les mains de la municipalité-
de proclamer l'indépendance des uni-
versités de Moscou, Dorpat et VVil-
na; de présenter k la fois aux deux
grands-ducs Nicolas et Constantin la
constitution ainsi décrétée; de cou-
ronner celui des deux qui l'accepte-
rait , ou , a leur refus , le grand-duc
Alexaudre-Nicolaïewitcli. Puis, sur
quelques dissentiments qui s'élevèrent
k cet égard, ils en vinrent k la révolte
armée et k l'assassinat général, mus
par Kakhowski , qui su» tout se mon-
tra un des plus forcenés terroristes.
Us s'assemblèrent le 12-24. décerab.
chez Ré'éief. Une seconde réunion y
eut lieu le lendemain , et la police en
ayant rendu compte au gouverneur gé-
néral Miloradowitch (/-^ojk- ce nom,
au Su pp.), celui-ci ne fit qu'en riie ,
en disant ; « Bah ! ce ne sont que
« des bavards , occupés a lire de
« mauvais vers ! » C'était cependant
le projet du meurtre de toute la
famille impéi'iale qu'on y décidait, el
au palais on ne s'en doutait point
encore, quand, très-avant dans la
soirée du i3-2 5 , le lieutenant Ros-
tovtzoff écrivit a Nicolas pour lui ré-
véler le complot. Les gardes du pa-
lais , déjà séduites, furenl changées
daus la nuit, et le lendemain 14-26,
pour éviter toute réunion, le ser-
ment fui demandé dans les casernes,
avant mêmequel'on eùteu le temps de
répandre la proclamation impériale.
Mais des compagnies du régiment de
Moskou, des grenadiers du corps des
équipages de la garde et de quelques
autres régiments, au nombre d'en-
viron quatre mille , se précipitè-
rent vers la place d'Isaac , et là ,
BES
adossés au palais du sénat, qu'ils
bloquèrent , ils refusèrent le serment,
fidèles, disaient-ils, k leur souverain
légitime. Cependant ils ne purent
pénétrer jusqu'au premier corps de
l'état , dont la porte fut défendue
avec un inébranlable courage par
l'officier de garde Nassakiue , du
régiment de Finlande (2). Pour
les ramener , on fit venir le métro-
politain , accompagné de tout son
clergé j mais ils ne voulurent point se
rendre k ses exhortations. Les che-
valiers-gardes et la garde k cheval
ayant reçu l'ordre de les charger, ne
Texécutèrent que mollement , el s'ar-
rêtèrent plusieurs foisk portée de pis-
tolet. Miloradowitch, chéri des trou-
pes, homme intrépide el populaire ,
s'approche d'eux; et il les eût ramenés,
si Kakhowski, d'un coup de feu, ne
l'avait blessé a mort. INicolas, indigné,
mais impassible, hésitait k employer
les moyens les plus violents, quind
son frère Michel, sans le consulter, fit
avancer l'artillerie, qui cependanlsem-
blail disposée k ne point tirer. La nuit
approchait, etses ombres eussent favo-
risé la révolte ; enfin un officier saisit
la mèche , fait partir la première
pièce, d'autres coups suivent, et la
troupe insurgée s'échappe par la rue
du Galernoff ou les quais, coupée,
fusillée de toutes parts , et laissant
trois a quatre cents morts, qui,
dans la nuit, furent jetés sous les
glaces de la INéva. Outre Milora-
dovilch , le général Sturler avait été
tué dans la caserne des grenadiers
du corps 5 le général Schenschiue
blessé grièvement dans celle du
régiment de Moskou , par le prince
(2) L'empereur Nicolas ayant laissé au jeune
Nas>akine le choix d'une récompense , il ne de-
manda pour toute faveur que la liberté d'un [iri-
soiiuiir retenu dans son corps de garde , et aux
conseils duquel il avait dû la fermeté de sa con-
duite.
BES BES 195
Schepiii - Roslowski , un des plus révoliilion politique possible , la où.
arcleuls promoteurs de la rébellion, elle n'a d'éiéiueuls ni dans le peuple
Le colonel Frédérics et quelques au- ni d;ins l'armée 5 et tel élait le cas de la
très étaient aussi du nombre des Russie, oii la populace très -peu
officiers auxquels leur fidélité avait nombreuse , et trop occupée pour de-
coùté la vie. Dèsla première annoHce venir turbulente, n^ se montra sur la
delà révolte, le général chef de lapo- place d'Isaac que mue par une oisive
lice, Kuijnine, voulant lui ôlerdesali- curiosité. Si le complot eût momen-
menls, avait fait répandre dans les lanément réussi , les soldats désabu-
canaux toute l'eau-dc-vie des cabarets, ses et furieux auraient iiumantiuable-
Durant cette sanglante échauffourée, ment égorgé ceux qui par tant de
le prince Serge Troubetskoï qui de- mensonges les auraient rendus rebel-
vait commander les lebelles, ne parut les. Quant aux conjurés , a qui mille
point sur la place qu'il leur avait lui- propos injurieux, tenus sur les grands-
même assignée ; il courut prêter son ducs, dans les salons et dans les caser-
sermtnt, trembla , pria , pleura, se nés par des hommes même encore au-
cacba , et finit par demander lâche- jourd'hui en laveur, avaient pu inspi-
ment qu'on lui tît grâce de la vie, rer l'espoir du succès^ le respectable
L'exalté Batenkoff n'y parut pas amiral MorJvinoff , les regardant
davantage ; le terrible Yakoubowitcli comme une troupe d'enfants mu-
seul s'y montra, mais sans agir, tins, eût voulu que la plupart ne
suivant l'empereur, toujours la main fussent que fouettés publiquement et
sur son poignai-d , et n'osant s'en renfermés dans une mai.>)0u de cor-
scrvir. Le même jour ( i 4- déc), le recliou ; mais tout le reste du con-
colonil Pestel était arrêté a, Kief , seil fut d'un autre avis , et. Nicolas
sur la dénonciation de Maïboroda, crut devoir venger son frère Alexan-
el Serge Mouravief-Apo.'ilol le fut dre. Les conspirateurs furent tra-
ie 29. Délivré aussitôt par quel- duils premièrement devant une cora-
ques uns des Slaves réunis, il en- mission d enquête , chargée de dési-
traîna dans la révolte quelques com- gner les coupables de la liste desquels
pagnies du régiment de Tcbernigoft , on écarta, selon le vœu du monarque,
en invoquant leur fidélité à l'empe- ceux qui étaient le moins compromis
ré-M/' Constantin, faute d'avoir pu les plusieuis même n'ont été ni arrêtés
séduire autrement. Il erra avec eux ni nommés. Puis on lesfitcomparaîlre
durant quatre ou cinq jours, espérant devant une haute-cour criminelle,
grossir son corps, et en remplir la composée de juges pris dans toutes
caisse aux dépens des immenses tré- les sommités russes , et qui avait or-
sors de la comtesse Braniska; mais dre d'épargner l'erreur eu frappant
atteint, le 3-i5 janvier 1826, près le crime. Mais les prévenus cessèient
de Belaïa Tzorkafi" (lieu oi!i il avait bientôt d'inspirer autant d'intérêt •
dû assassiner Alexandre) , il tomba car ils s'emorcssèrent de s'accuser
blessé d'un coup de mitraille, et fut les uns les autres, et de compromet-
fait prisonnier avec Bestucheff-Riu- tre une foule d'innocents , dans l'es-
min et quelques-uns île ses autres poir d^eiTrayer et de faire reculer
complices. Celle insuirecliou , consi- l'aulorilé, ou insurger les provin-
dérée en elle-même , élait évidem- ces par la masse et le mécontente-
ment absurde , car il n'y a point de ment de leurs prétendus complices.
i3.
i,j6 BES
Enfin, quelques-uns moururent de
peur avant le jiigcir.eul, (]ui uc !ut
rendu que le ii-25 juillet 1826,
Toi:s, conrormcment aux lois russes,
étaient passibles de la peine deniort;
mais sur le nombre de cent trente-six,
les plus coupables seulement furent
condamnés , savoir : quatre-vingt-
quatre a la déportation temporaire
en Sibérie; trente -un à être déca-
pités, et cinq a être écartelés; l'em-
pereur commua la décapitation en
déportation a vie, réduite plus tard a
vingt ans d'exil 5 ceux qui devaient
être écarteîés furent pendus, et quant
aux simples exilés, leur temps d'exil
fut abrégé , au point cju'un certain
nombre en est déjà, libéié. Mais les
cinq condamnés h mort, Réléief,
Kakhovski , Serge Muuravief-A|30>-
tul , Pestel et lîeslucheff - iliu-
min , subirent leur arrêt (3) le i5-
2 5 juillet 1826, sur un des bastions
de la citadelle et eu présence de leurs
complices. liestucbeff-Riumiu avait
a peine trente ans. L'empereur ISico-
ias qui eut voulu faire grâce à tous,
mais qui ne crut pas en avoir le droit,
(3) Voici le considcrnnt de l'airét qui con-
«laiima à mort Pe>lHchffr-Rii:iMin ;il donnera ri-
dée de tous les aiitros : « A trame le réf;ic-dc , a
<t cberrhc lus ;noycn5 de l'accomplir ; s'est ofi'ert
n lui-même pour a^fastiner feu l'empereur
« Alexaiidi'c, et remj)ercup Nicolas; a choisi et
« désigné des individus pour commettre ce crime;
«voulait eNterminer la fajnille impériale , se
«servant, |)Our en annoncer le [-.rojct, de l'hor-
« rible expression: Il fniit en disi^erser /es cendres.
K 11 a eu le dessein de faire drporter la famille
«impériale; de jeter feu l'empereur dans hs
«fers, et s'est offert lui -uiéme pour accomplir
«ce dernier complot; a pris part à ladireclioci
«de la société du midi, y a réuni celle des S/a-
« us; a composé des proclamations et prononcé
«des discours séditieux; a concouru à la rédae-
« tion du faux cattcliismc, a excité et préparé
«d'autres individus à la revoUe, a exiije d'eux
«un serment en leur faisant baiser une image;
«est l'auteur du projet de détacher de l'empire
« plusieurs proviucts , et a travaillé h son exi cu-
« tiou ; a pris les mesures les plus actives pour
«étendre la société, en y associant de nouveaux
«membres; a personnellement pris part à l'in-
«surrectiou, avec la risolution de répandre le
«sang; a poussé les officiers et les soldats à la
« révoitc; enfin a été pris les armes à la uiain. »
BET
s'était retiré a Tsarco-Selo , durant
cette exécution. Il commença par
dédommager ceux qui avaient inno-
cemment soufîert , chercba, par des
consolations et des faveurs accordées
aux familles des condamnés , a tarir
des pleurs que sa jusllce avait été
contrainte de faire couler, et prit
même sous sa prolection les enfants
de cet lakoubovilcb, mort eu prison,
qui personnellement avait projeté de
l'assassiner. A — L — e.
B E T E X 'C O ÏJ R ï (Pi mr.E-
Louis-JosEni de), né le 16 juillet
1743, dans l'Artois, jl'iine famille
honorable , fmbra.>-sa l'état ecclé-
siastique. Pourvu de riches béné-
fices , il partagea sa vie entre l'étude,
les devoirs de son état et les exercices
de la bienfaisance. Le i^aoïit 1816,
il fut élu membre honoraire de Ta-
cadémiq des inscriptions et belles-
lettres. Pour justifier ce litre , il pu-
blia, mais ea gardant l'anonyme :
N unis féodaux , ou noms de ceux
qui ont tenu des Jiffs en France
depuis le douzième siècle jusque
vers le milieu du dix-huitième ,
extraits des archives du royaume,
Paris, 1826, 2 vol. iu-8°. Cet ou-
vrage , qui paraît avoir quelque ana-
logie avec celui de Bévy {Voj. ce
nom, ci-après), n'a point été terminé.
L'abbé de Betencourt mourut a Taris
en 1829. W — s.
BÉTMEXCOrilT Y MO-
LIKA (AuGUSiix de), célèbre in-
génieur , naquit en 1760 , daus Tile
de Teneriffe (i). Après avoir achevé
(1) II descendait en ligne directe de Jean de Eé-
tlienconrt, baron normand et hardi navigateur,
qui, vers le milieu du XIV"^ siècle, conquit les iles
Canaries qui venaient d'être érigées en royaume
par le pnpc Clément Vi.rn faveur de Louis de La
Cerda. Henri 111, roi de Castiile, les céda .à l'heu-
reux aventurier qui se fit couronner roi cl fut
recoimu en cette qualité par la cour de France.
Mais les monarques espagnols enlevèrent le Irène
à sa famille qui toxiba dans la médiocrité.
BET
ses études a l'ccole ml'ilaire de Ma-
drid , il entra dans le corps des
roules et canaux ( pouls et chaus-
sées) , parvint: rapidemeul au grade
d'iiLspecleur-ge'néi'al , et fut décoré
de l'ordre de St-Jacques. Etant a
Paris en 1807, '^ soumit à Tinstitut
le plan d'une nouvelle écluse appli-
cable aux canaux de petite naviga-
tion. C'était un moyen d'éviter la
déperdition des eauK par l'immer-
sion d'un corps auquel il avait donné
le nom de bélier hydraulique.
L'examen en fut renvoyé a une
commission composée de Bossut ,
de Monge et de fvî. de Pronj, qui
déclarèrent (jue celte écluse ol-
frait de «rrauds avanta";os. Bélhcn-
court fit présent de son modèle a
l'école des ponts et ciiaussées. Il pro-
fita de son séjour en France pour pu-
blier quelques ouvrages , qui ne firent
qu'ajouter a sa réputation. Son refus
de reconnaître le gouvernement que
Kapolébn venait d'imposer 'a l'Espa-
gne l'avant laissé sans emploi , il
passa, verslafinde 1808, au service
de la Russie, dans le corps des voies
de communication (ponts et cbaussées),
avec le grade de général-major. Dès
l'année suivante, il fut fait lieutenant-
général et décoré de l'ordre de St-
Alexandre Newski. Bélbencourt a
exécuté d'immenses travaux dans di-
verses provinces de ce vaste empire,
C'est sous sa direction que furent
construits, en 1818, à INiscbnei-
ISovogorod les bâtiments dans les-
quels l'empereur Alexandre trans-
porta cette célèbre foire de Maka-
rief, où s'écbangenl les marchandises
de l'Europe et de l'Asie , et princi-
palement celles de la Chine , foire
qui se tient tous les ans ou mois
d'août, et où il se fait pour trente-
cinq h quarante millions d'affairrs.
On lui doit la création du corps des
BET
197
ingénieurs hvdrauliciens et une école
pour les sciences exactes. 11 mourut
à Péler.sbourg le 26 juillet 1826,
à 66 ans, des suites d'une lon-
gue et douloureuse maladie. Quoi-
qu'il ne laissât point de fortune, ses
obsèques curent lieu le 29 avec une
pompe remarquable. Il était corres-
pondant de 1 institut de France et
membre de plusieurs académies. On
doit à cet habile ingénieur : I. 7i/e'-
moire sur la force expansivc de la
vapeur de l'eau, 1790, in- 4°. II.
Mémoire sur un nouveau système
de navigatioji intérieure , Pans ,
i8o5, in-4.°, fig. III. Essai sur la
composition des machines , Paiis ,
imprim. impériale, 1808, in-4.'^ :
deuxième édition , revue et augmen-
tée par M. Lanz; ibid. , Bachelier,
1818, in-4-°, avec i5 pi. Cetouviage
offre le tableau de toutes les machiues
connues , accompagné d'une descrip-
tion claire, quoique succincte, et de
l'indicaliou des auteurs auxquels on
peut recourir pour avoir des détails
plus étendus. M. Francœur en a
donné l'analyse dans la Revue ency-
clopédique, 1819, III, 2 2C)-0C).
Le Journal des voies de commu-
nication , qui se publie en russe et
en français a Pétersbourg, a fait l'é-
loge des profondes connaissances et
des rares talents de Bélbencourt.
11 avait épousé une Anglaise dont il
eut trois iilles et un garçon, qui est au
service de Russie. A-l-e et W-s.
BETHISY (le comte EucÈNK-
Eustaghe), général français, naquit a
Monlière , le 5 janvier 1739 , d'une
ancienne famille de Picardie , dont
la noblesse remonte jusqu'au onzième
siècle, et qui dès ce tcmps-la possé-
dait la terre de Bélliisy-Verberie ,
près de Compiègne , tenant par ses
alliances aux maisons de Lorraine et
de Savoie-Carigp^an. Son pcTC, lieu-
198 BET
tenant - s^néral et s:ouvenieur de
Longwi^ mourut dans cette ville en
1781. Le comte de Bélhisv entra au
service, comme enseigne, dans le ré-
giment de son cousin le prince de
Roban-Rocbefort , ea lySo, el se
trouva au premier siège du fort Saiut-
Philippe, en 1766 , sous le duc de
Richelieu. Il fit ensuite les campagnes
de la guerre de sept ans , en Allema-
gne , et reçut une blessure grave , en
1760 , à la bataille de AVarbourg,
oii il reprit un canon sur les Anglu's.
Celle action d'éclat lui valut la croix
de Saint- Louis. Devenu , en 1762 ,
colonel en second des grenadiers
royaux de Cambis , il se trouva , a la
tête de ce corps, dans plusieurs affai-
res, notamment à Jolianisberg, oii le
prince de Condé lui promit une pen-
sion qui fut en effet accordée. A la
paix de 1765 , le comte de Béthisy
rentra au corps des grenadiers de
France; il obtint peu après le régi-
ment de Cambrésis , et, en 1770,
celui de Piitou. Maréchal-de-camp
en 1781 , commandeur de Saint-
Louis en 1787 . il était commandant
temporaire à Toulon eu 1789, et
par sa fermeté il sut maintenir l'or-
dre parmi les troupes, que les ré-
volutionnaires excitaient k la révolte.
Il émigra au commencement de 1 79 1 ,
et fit à l'avant garde du corps de
Condé, comme inspecteur et brigadier
de la brigade de Hohenlohe , les
carapagne-s de 1792, 1793, 1795
et 1796, et se trouva à toutes les
affaires de cette époque , mais
plus particulièrement à ce'les de Bo-
denllial et de Weissembourg , le 17
oct. 1793. Foulé aux pieds des che-
vaux par la cavalerie républicaine au
pont de la Kinsing , en 1796, il n'é-
cbappa que par une sorte de miracle
a un si grand péril. C'est pour les
deux affaires de Bodenthalel de Weis-
BET
sembourg qu'il obtint dès ce temps la
graud'-croix de Saint-Louis. Loisque
l'armée de Condé se rendit en Russie,
en 1797, le comte de Bélhisj entra
comme général-major au service de
TAulricbe, avec le consentement du
roi Louis XVIIL II revint en France
eu 1 8 1 4- Alors il fut créé lieutenant-
général à partir de 1801, el nommé
gouverneur de la la*" division mili-
taire, puis gouverneur des Tuileries.
Il mourut k Paris le i 4- juin 1825.
Le comte de Bélbisy avait épousé,
en 1767 , une demoiselle du Uet-
fand , dont il eut plusieurs enfants.
— Le vicomte JulesJacques-Eléo-
nore de Béthisv, frère du précédent,
né en 1747, entra en 1764^ dans la
marine , passa dans le régiment de
Royal -Auvergne , où il devint colo-
nel en second , et fit avec ce corps
la guerre d'Amérique. Il se trouva,
sous les ordres du comte d'Estaing ,
k l'affaire de Savanab , et y recul cinq
blessures graves; il en reçut encore
deux en revenant en France , dans un
combat de mer. INommé k son retour
colonel des grenadiers royaux de Pi-
cardie, il refusa le grade de maréchal-
de-camp ijui lui lut offert au com-
mencement de la révolution. Alors il
éraigraj fit toutes les campagnes des
armées des princes ; fut créé lieute-
nant-général le i*"^ juin i8i4-, et
mourut k Paris des suites de ses bles-
sures k la fin de 1816. M DJ.
BETHISY de Mézières (Hen-
ri-BenoÎt-Jules de), évèque d'Uzès,
frère des précédents, naquit au cfâ-
teau de Mézières , diocèse d'Amiens,
lesSjuill. 174.4. Dès qu"'leut achevé
ses éludes, il s'engagea dans les ordres
sacres, fui nommé abbé de Bazzelles,
et devint un des vicaires-généraux de
M. de Talleyrand , aichevèque de
Reims. Après avoir déployé , dans
cette fonction , tous les talents et les
BET
vertus de l'épiscopatj il fut nommé,
par Louis XVI, à l'évèclié dX'zès,
et sacré le i6 j.inv. 1780. Député par
le clc) gé de U sénéchaussée de Kîmcs
et Beaucaire , aux ëlats-généraux de
1789 , ce prélat siégea constamment
avec les défenseurs delà religion et de
la monarchie. Il n'approuva point
l'abandon quela députation du clergé
fit de ses dîmes dans les' fameuses
séances des 4- et 1 1 août 1789- ce-
pendant il ne s'éleva point puLli-
cjuement contre cet excès de dévoue-
ment ; mais lorsque, dans une séance
encore plus mémorable, il entendit
l'évêijue d'Autun , au nom d'un co-
mité , déclarer que le clergé ne
possédait point ses biens a l'instar
des autres propriétaires, que la na-
tion y avait des droits incontestables,
et qu'elle pouvait légitimement s'en
emparer et les appliquer aux besoins
de l'état ; ■ lorsqu'il vit l'assemblée
adopter les principes et discuter le
projet de son collègue Talleyrand, il
s'y opposa avec beaucoup de lorce, et
cita , en faveur de son opinion , un
ouvrage de l'abbé Sieyes lui-même,
intitulé . Observations sur les biens
ecclésiastiques. Après avoir parlé ,
comme évèque , pour la conservation
des biens consacrés au culte catholl-
q;!e, Bélhisy dit que cette spoliation
serait non seulement inutile, mais pré-
judiciable a réiat et au gouvernement
qui voulait l'opérer. Ce fut avec la
même inflexibilité de principes qu'il
se montra dans toutes les séances où
la conslilulion civile du clergé fut
disculée , surtout le 12 juillet 1790,
lorsqu'on décréta les articles relatifs
a l'établissement de l'église consti-
tutionnelle. L'évèque d'Uzès, au
milieu de plus de trois cents mem-
bres immobiles sur leurs sièges , et
silencieux comme lui, ne voulut par-
ticiper en aucune manière, pas même
BET
Ï99
par la négative , au décret que ren-
dit Pautre portion de l'assemblée.
Malgré cette opposition , l'église
constitiitioiinelle triompha , et elle
s'établit, fondée sur ces principes ,
que l'assemljlée nationale avait le
droit et le pouvoir de détruire tous
les évècbés , de destituer les évèques
et les pasteurs du second ordre , de
circonscrire de nouveaux diocèses et
de nouvelles cures, sans l'interven-
tion de l'autorité ecclésiastique; qut»
les évèques nouveaux seraient nommés
par l'assemblée des électeurs , sans
leconcours du monarque nidu clergéj
qu'ils seraient institués par le métro-
politain sans aucune bulle du pape,
et sans son intervention quelconque,
et qu'ils se contenteraient d'adresser
au souverain pontife une lettre en si-
gne de communion, pour annoncer
a Sa Sainteté leur élévation a tel ou
tel siège de France ; que le pape en-
fin n'avait plus aucune autoiité , et
ne pouvait plus exercer aucune juri-
diclion ecclésiastique, ni sur les évè-
cbés , ni sur les évèques de France.
L'épiscopat gallican, alors compo-
sé de cent trente-un évèques vivants,
ne fournit a cette église qu'un con-
sécrateur des nouveaux prélats; ce
fut l'évèque d'Autun M. de Talley
rand-Périgord , deux assistants (les
évèques, in partibus , de Lidda et
de Babylone), et trois adhérents , sa-
voir : Loménie de Brienue , arche-
vêque de Sens , Jarante , évèque
d'Orléans, et Lafont de Savines, évè-
que de Viviers. Tous les autres pré-
lats de France restèrent opposants ;
et cette opposition fut cause de leur
exil et de beaucoup de persécu-
tions. Oblij';é de quitter la France eu
1792, Bélhisy se retira à Bruxel-
les , puis en Allemagne, à la fin de
la même année , chassé par les armées
f^-ançaises. Les événements militaires
200 BÈT
lui permirent^ qiieltjue temps après,
de se rendre en iloUaudcj et de la ,
il rentra dans Paris , au péri! de sa
vie , en 1790 , liualre jours après le
meurtre de Louis XVI, « Avant
K trouvé celte capitale, dit-il, aussi
ce tranquille , aussi livre'e a la dissipa-
ct tion et a la joie , que si aucun crime
« n'y eût été commis , il se hàla d'eu
a sortir plein d'horreur... 53 , revint
a Bruxelles , passa en Angleterre ,
et , de cette terre hospitalière . ne
cessa jamais de gouverner son égli-
se, malgré la dislance et !a persécu-
tion. Ce fut dans ce temps-la que
les révolulionnaires français se saisi-
rent a Rome de la personne du sou-
verain pontife, Pie VI, le chargè-
rent de chaînes, et l'entraînèrent a
Valence, oii il mourul. Malgré le
bouleversement général dont la révo-
lution française avait couvert l'Eu-
rope, lescardiuaux de l'égliseromame
se rassemblèrent a Venise ; et , au
commencement de mars 1800, ils
élurent a la chaire pontificale le car-
dinal Chiaramonli , év(?que d'Imola,
qui fut proclamé sous le nom de Pie
VIL L évêque d'Uzès, ainsi que plu-
sieurs prélats de l'église de France ,
entourés d'un grand nombre d'ecclé-
siastiques , exilés comme eux, se trou-
vaient alors à Londres. Le nouveau
souverain pontife leur adressa une
lettre encyclique, pour leur annon-
cer son exaltation a la chaire de St-
Pierre , les consoler dans leur exil ,
les féliciter de leur courage a com-
battre pour la foi , et les engager a
persévérer daiisla condulle honorable
qu'ils avaient tenue jusqu'alors. Mais,
quelques mois après , ils reçurent du
même pontife une seconde lettre ,
datée de Rome , le i3 sept. 1800,
qui leur annonça que S. S. était
entrée en négociations avec le gouver-
nement français, pour le rétablisse-
ment delà religion catholique, k Da-
te près celte cuiumunicalion , dit l'é-
(c vè'pie dUzès, de concert avec ses
ce compagnons d'exil , les évêques de
« Frai'Ce , pénétrés de respect pour
et la sollicitude du chef de l'Eglise,
te attendirent en silence le moment
te où de nouvelles communications
ec pourraient suivre cette première
ee ouverture. Ils étaient toujours
ee dans celle confiance quelaprudcnce
ec pontificale viendrait se concerter
ce avec eux, lorsque, tout-h-coup, le
ec bref du lo août 1801 vint leur
ee apprendre que, par le résultat des
ce conférences entre le pape et le chef
ce de l'administration de France , il
ee fallait qu'ils se démissent Ions,
ce spontanément, de leurs sièges épis-
ee copaux; qu'ils répondissent dans dix
ce jours j qu'il fallailencore que laré-
ee ponse fût absolue, et non dilatoire,
ce en sorte que, si , dans cet espace de
ec dix jours , ils ne faisaient pasparve-
ee nir une réponse ahsoUie^ et telle que
ce le St-Père ne pouvait Iroplerecom-
tc mander , il serait forcé de regarder
ce toute autre réponse comme un re-
ee fus d'acquiescer a ses instances 5 et
ce enfin ^ ajoutait la lettre , si ce refus
te avait lieu , il faudrait que le pape
te en vînt k des moyens qui pussent
te écarter tous les empêchemenis. »
A cet envoi était jointe une autre
lettre du ministre de S. S., qui faisait
connaître que ces démissions généra-
les devaient être suivies d'une nou-
velle circonscription de territoires
épiscopaux , et par conséquent de
Texlinclion de tous les litres d'évêchés
existants, et de la création de nou-
veaux sièges. Les évèques de France,
dispersés , par la perséculiou , dans
tous les pays de l'Europe, ne pou-
vant ni se consulter, ni concerter en-
semble une réponse générale et una-
nime , prirent des résolutions diffé-
BET
rentes. Trpute-deux donnèrent leur
démission pure et simple , sans res-
triction , telle qu'elle élait demandée,
et sans réclamations postérieures.
Huit firent des réponses dilatoires,
et , cédant a quelques considératious,
envoyèrent leur démission , qu'ils
avaient d'abord refusée. D'autres en-
fin crurent devoir refuser leur dé-
mission jusqu'à ce qu'ils eussent été
mis , par le pape et par le gouverne-
ment Irancais, dans le cas de juger si
cet abandon de leur siège était vérita-
Menieut avantageux et nécessaire au
rétablissement de la religion catholi-
que en France , et au bien de leurs
églises en particulier. Ils adressèrent
ensuite au souverain pontife des ré-
clamations , qui furent signées par
eux tous, an nombre de trente-liuit.
C'est parmi ces derniers que se trouva
l'évèqiie d'Uzès. Dans un écrit publié
k Londres , le 6 avril i8o3, ces
trente-huit prélats réclamèrent et
protestèrent, i" contre le concor-
dat conclu entre Pie Ylï et Bonaparte,
le i5 juillet 18015 2" contre les
lettres apostoliques , 2am iniilta ac
iani prœclara , du i5 août 1801 ■
3° contre la h\.\\\<: Ecclesia Christi,
du 18 des calendes de sept. 1801 ;
4° contre la bulle Qui Christi Do-
mini vices , du 3 des calendes de
déc. 1802 5 5° contre les lettres
apostoliques Qiioniamfavente T)eo,
du 29 nov. 1801 j 6" contre deux
décrets rendus par le cardinal Ca-
prara , légat à latere , datés de Paris,
le 9 avril i8or ; enfiu , contre tous
les actes et toutes les lois par lesquels
on avait , disaient-ils , usurpé les
sièges des évèques , les propriétés
de l'église gallicane , la juridic-
tion ecclésiastique, et le trône du
légitime souverain. L'évèque d'Uzès
écrivit au pane, le 6 août 1802 :
« Toutes rétractations sont aujour-
BET 201
a d'bni désavouées par ceux qui de-
tt vaient y avoirélé soumis. Ouelscan-
« dale, très-saint Père, que ces dés-
ci aveux! En vain chercherait-on a
« en obscurcir la certitude : ils ne
K sont , héîas ! que la suite d'une ré-
« conciliation précipitée, sans preuve
K suHisnule d'arai^nderaent et de re-
tcpentir. Ils se répandent, ils se
« publient notoirement par toute la
a France , et ils ne sont démentis par
a personne, ni par ceux qui en parais-
« sent les auteurs, et qui devraient
« les repousser avec horreur, ni par
« votre légat que l'honneur et le zèle
« obligeaient de réclamer contre les
te détails rapportés d'une conférence
« tenue entre lui et les évèques à ré-
a concilier , et le mépris de son ah-
« solution, etc. » — Après la mort de
l'évèque de Léon , M. de Béthisy
mérita la confiance du gouvernement
anglais , pour l'administration des
secours accordés aux émigrés et aux
ecclésiastiques exilés , dont celui-ci
était chargé; et c'est peut-être a ce
prélat (pi'ils ont du la continuation de
ce bieniait, après la restauration de
Louis XVin. Lorsque le roi fut re-
monté ^ur le trône de ses ancêtres ,
eu i8i4-j l'évèque d'Uzès revint a
Paris 5 il parut un instant aux Tui-
leiies; mais les affaires ecclésiasti-
ques n'avaient pas encore pris la
marche qu'il eût désirée; et ce fut en
vain que les habitants d'Uzès lui fi-
rent oiTrir de préparer et de meubler
a leurs frais son ancien palais épis-
copal , s'il voulait revenir l'habiter :
rien ne put le retenir ; il retourna
bientôt aLondres, Il élait dans cette
viile au commencement de 1816,
lorsque le roi lui fit écrire , ainsi
qu'aux auti es évèques réfugies eu
Angleterre, pour leur demander la
démission de leurs sièges : ils se ras-
semblèrent pour délibérer; et M, de
202
BET
Béthisy , iavilé par ses confrères
à parler le premier, dit : « Mon
ce avis est de prendre aussitôt des
ce passe-ports pour nous rendre a Paris,
ce aux pieds du roi j c'est la qu'il cou-
ce vient de délibérer sur une quesliou
ce si délicate et si importante , pour
ce l'inlérêt de S. M. , le bonheur
« de la France , le bien spirituel
ce de nos troupeaux, et le salut de
ce nos âmes. 3> Cet avis ne fut point
adopté; et tous ces prélats envoyè-
rent des démissions conditionnel-
les. L'évèque d'Uzès fut le seul
qui ajouta k la sienne la condition de
juger par lui-même des avantages
et de Tutilité de celte importante
démarche et du bien qui pourrait en
résulter. Ce prélat mourut à Londres
à la fin de Tannée suivante (1817).
Il avait publié , en 1800, dans cette
ville, sur le serment qu'exigeait le
gouvernement consulaire des ecclé-
siastiques qui voulaient rentrer en
France, une brochure intitulée (Véri-
table état de 1 1 question de la pro-
messe de fidélité , d;ins laquelle il
se prononçait avec force contre cette
promesse. V — s — n.
BEÏHISY (le comte Chakles
de), iils du comte Eugène, naquit en
1770 , entra au service dans le régi-
ment du roi , infanterie, en 1786, fut
fait capitaine de cavalerie en 1788 ,
émigra eu 1791, fit la campagne de
1792 au corps de Coudé, dans la com-
pa^jnie du régiment du roi, devint co-
lonel en second d'un des régiments
o
de Hohenlohe , eu 1793, et se trouva
a toutes les affaires de ces différentes
campagnes , où il reçut plusieui s bles-
sures, entre autres deux a Bergslein,
en prenant un canon aux républicains.
Il oblin t la croix de Saint-Louis pour
celle action courageuse, hvingt-lrois
ans, ainsi que l'avait obtenue son
père au même âge et pour des causes
BET
semblables. II fit encore les campa-
gnes de 1794 et 1795, en Hollande,
comme lieulcnant-colouel des hus-
sards de Rohan. Nommé maréchal-
de-camp ala rentrée du roi en France,
il fut fait lieutenant des gardes-du-
corps dans la compagnie de Luxem-
bourg, en i8i4, puis aide-de-camp
du duc de Berri , et chargé d'un
commandement très-important sur la
frontière du nord pendant les cent
jours de 181 5. Dans la même année,
le département du Nord le nomma
l'un de ses députés a la chambre ,
où il prononça, le 16 janvier, sur la
question de l'exil des régicides, un
discours qui fit beaucoup de sensation,
ce Je ne répondrai , dit-il , qu'a une
ce seule des pensées exprimées dans
ce cette tribune : peut-on être plus
ce sévère que le roi? Oui, messieurs,
ce on le peut 5 et il est des circon-
ce stances où on le doit. Laissons au
ce roi ce besoin de pardonner , qu'on
ce ne peut comparer qu'au b^soin que
te les factieux ont d'en abuser. Pou-
ce vons-nous , voudrions-nous l'empê-
a cher d'être clément jusqu'à la raa-
cc gnanimité? ISon, car il ne serait
ce plus lui; le doux sang des Bour-
et bons coule dans ses veines, et, fils
ce aîné de l'église, il pardonne. Mais
ce nous, messieurs, qui devons a la
(c France, comme ses représenlanis,
ce de rejeter sur les vraisT sur les
ce seuls coupables l'horreur d'un
ce grand crime, chargeons-nous du
ce poids de la sévérité, de la justice,
ce Reporlons-nous au jour de cet exé-
« crable forfait. Quel est celui de nous
ce qui , il y a vingt-trois ans , devant
ce des Français, en présence de toutes
(c les nations , eut osé s'élever pour
ce les régicides , et prononcer que la
ce France leur pardonne? Quel est ce-
ce lui quil'osera encore aujourd'hui?...
ce N'oublions jamais que la devise de
BET
a nos pères est Dieu , l'honneur et
a le roi ; el si l inflexible honneur
« nous force un instant a dépasser
ce ses voloulés^ si, méconlent de ses
ce fidèles serviteurs , de les voir con-
te trarier sa royale et pieuse clémen-
ce ce , il détourne un moment de nous
ce ses regards de bonté , nous dirons,
ce comme les habitants de l'Ouest ,
a comme les nobles soldats du trône
ce et de l'autel : P^ive le roi! quand
ce même » Ce discours fut sou-
rent interrompu par les applau-
dissements de la majorité 3 et quel-
ques jours après, Moksieur , frère
du roi, apercevant le père de l'o-
raleur , lui dit : ce Vous êtes bien
ce heureux d'avoir un pareil filsj il
ce parle comme il se bat. » Le comle
de Béthisv fui porté à la présidence
du second bureau de la chambre i/i-
trouvable deux jours nprès et tie séan-
ce. 11 était i.lurs commandant d une
brigade de la garde royale. 11 fut un
des membres du conseil de gueire
qui jugea le général Debelle, dans le
mois de mars i8ig. Réélu membre
de la chambre des députés en
1820, par le département du INord ,
BélLisy fut créé marquis, pair de
France . et gouverneur des Tuile-
ries après la mort de son père.
Chargé du coir.mandement d'une bri-
gade de la garde royale dans la cam-
pagne d'Espagne, en 1823, il se dis-
tingua parliciilièremeut à l'attaque du
Trocadéro, et fut nommé lieulenant-
généial. Revenu dans la capitale, il
tomba malade, et ne fit plus que
languir jusqu'à l'époque de sa mort ,
le 5 octobre 1827. — Son fils aîné,
le marquis Richard de Béthisy, qui
lui avait succédé a la pairie, mourut
a Paris le 2 5 sept. i85o , âgé de
2[ ans, a son retour d'Alger , où il
avait servi avec distinction comme
officier de cavalerie. M — DJ.
BET
ao3
BETHUXE (QuESNEs ou Coes-
lîES de), un des ancêtres de Sully,
qui en parle dans ses Mémoires, na-
quit en 1 1 5o , ou même auparavant,
puisqu'en l'année 1224. le poète-
historien Ph. Mouskes, en rappelant
qu'il n'existait plus , le nomme le
vieux Quesnes. Son frère aîné Guil-
laume était avoué de la ville de i3é-
thuue. Quant a lui , il passa une
grandi' partie de sa vie hors de son
pays. Il vint à la cour de France vers
1 180, et ce fut là qu'il put voir la
comtesse de Champagne, qui, quoique
plus âgée d'au moins dix ans, lui in-
spira une véritable passion. Quesnes,
avec Antoine de Êéthuue , arbora
le premier l'élendard sur les murs
de Conslantino['le, lorsqueBaudojin,
comle de F'andre, emporta celle ca-
pitale sur Alexis Conmène 5 il gou-
verna plusieurs fois en l'absence de
l'empereur ainsi que pendant Flnter-
règne, et ne se rendit pas moins cé-
lèbre par ses vers que par sa bra-
vouie et ses talents politiques. La
reine Alix de Champagne, qui se mê-
lait aussi de rimer, voulut l'enlendre.
Mais cette épreuve ne fui pas favo-
rable à Kéihune. Alix le trouva
suranné el dénué de délicatesse. Pour
venger ses vers, Quesnes en fit de
nouveaux. Il composa des pièces sati-
riques, genre dans lequrl il réussit
complètement. M. Paulin Paris a
ressuscité en quelque sorte Quesnes
de Béthune ; et dans son B.oniancero
(Paris, i833^p. 77-1 1 0 ) a inséré
neuf chansons Irès-remarquables sous
son nom , avec des notes el uncnolice
sur sa vie. Geoffrov de Villeliardouin,
Henri de Valenciennes et Philippe
Mouskes racontent avec complai-
sance les nombreux services qu il ren-
dit aux croisés, et ils insistent sur
sa renommée de prud'hommie.
R— F— G,
2u4
BET
BETTINI (Aktoinf,), l'auleur
du plus ancien lirre counu , où l'on
trouve des planches en lalUedouce ,
mérite a ce tilre seul une place
danslaBiograpliie. llnaquitcn 1396,
h Sienne, et consacra ses premières
auuées a l'élude des lettres et des
sciences cultivées de sou temps. Avant
embrassé la vie religieuse , en liôg.,
dans l'ordre des Jésuates, il fut tiré
de son couvent , en i46i , pour oc-
cuper le siège épiscopal de Foligno.
Dans ses nouvelles fonctions, il se
distingua surtout par sou zèle pour le
soulagement des pauvres. Il élablit
un monl-de-plété pour diminuer le
fléau de l'usure , et le dota de la plus
grande partie de ses revenus, ne se
réservant que le plus strict nécessaire.
Il se démit de son siégea raison de
son grand âge, et se retira dans un
couvent a Sienne, où il mourut le
22 oct. 1487. Celui de ses ouvrages
auauel il doit sa réputation est in-
titulé : // monte santo di Dio ,
Florence, 1 4-7 7 ? i''-^" 5 orne de
trois estampes gravées sur cuivre (i),
que l'on croit du même artiste a qui
l'on attribue celles du Dante de i 4-8 i
[Voy. Baldini, III, 275). Aucun
livre n'a plus occupé les bibliogra-
jtbes. Il a été décrit, d'après l'exem-
plaire de la Casanate , dans la pre-
mière des Lettres de Mercier de
Saint-Léger, à ^I. le baron de H.
(Heiss), sur différentes éditions rares
du XV*" siècle ( Voj. Mercier (2) ,
(i) L'auteur de VEs^ai sur l'origine de la gra-
vure en bais et en laii/eiiouce ( M. Jaiisen ), tom.
1, p. I74> commet, à l'égard du livie de Bettini,
uue ineiirise que l'on s'élonne de rencontrer dans
un ouvrage aussi estimable. 11 place l'edilion de
1477 du Monte santo au nombre des livres <!u
quinzième siècle, (jui se font remarquer par des
estampes en bois , tandis qu'elles sont, ajjrès les
nielles florentines, le plus ancien monumcat
connu delà gravure sur métal. L — m — x.
(2) Dans cel article l'imprimeur a fait Betlini
jésuite au lieu de jésuute. Voy., sur cet ordre,
l'art. S. CoioMBiïi, son fondaleur, IX, 3o6.
BET
XXVIII, 543) ; P'ir le P. Lalrc ,
tlans l'Index librorum ah invent, ty-
f)Ograph., I, 409 , où il relève quel-
ques inexactitudes de Mercier; par
Fossl , dans le Catalog. codicuni
bihlioth. magUabecciiiana, I, 317;
par Audiffredi, dans le Calai, edit.
italicar. sœculi XV^, 266-71, où
il répond à la critique du P. Laire ;
et enfin par la Serna, dans le Dicl.
bibUograpIi. choisi, II, 174- La
li-oisième estampe , qui représente
l'enfer, d'après les idées du Dante, a
été reproduite dans le Catalogne de
La Vallière, tom. I, 265, Cet ou-
vrage a été réimprimé à Florence ,
1491, petit in-fol. à deux colonnes ,
avec trois gravures sur bois, copiées
sur celles de l'édition précédente. On
doit encore àBeltini : I. De divina
prœordinatione vitœ et mortis hii-
mance , i48o,in-4°. Les bibliogra-
phes en citent une autre édition , sans
date, qu'ils croient sortie des presses
de quelque imprimeur deFlorence. Ce-
pendant Mercier de St-Léger donne
cet ouvrage comme manuscrit, inad-
vertance qui lui a été reprochée du-
rement par l'abbé Rive , dans la
Chasse aux bibliographes, 3 7 4- IL
Esposizione délia donùnicale ora-
zione , Brescia, 1086, in- 12 ; Gènes,
1690, même format. Paul Morigia ,
jésuate et non jèsuile , a donné la
vie de Bettini d:ns la Storia deiper-
sonnagi illiislri delU ordine de
Gesuati [Voy. MoRiGiA , XXX,
160). W— s.
IÎETTOXI(le comte Charles),
né a Bugliaco , sur le lac de Garde ,
le 26 mai 1735, fit ses premières
études h Bologne , et les termina a
Floience et a Home. Il montra dès
l'enfance celte tendre sensibilité qui
dispose àlabienfr.isance. Cet heureux
penchant se fortifia avec l'âge , et
l'amour de l'humanité devint sa pas-
BET
sion domiuaute. L'agriculture et les
arts mécaniques, qui so:it, pour les
états comme pour les particuliers , la
source réelle de toute prospérité ,
furent les principaux objets de sesélu-
des. Recueillant avec soin tout ce que
l'on avait écrit sur l'art de cultiver
la terre , il répétait les expériences ,
en essayait de nouvelles , et propa-
geait de tout son pouvoir les découver-
tes utiles. En 1768,11 fondaaBres-
cia une société d'agriculture, dont il
ne fut pas un membre iuactif. Le
Eombre de ses Mémoires est con-
sidérable. Ou a distingué ceux qui
traitent de la tourbe , des engrais , des
vers a soie, de la culture des oliviers,
àvsaigrio'es, des vignes. La maladie
des mûriers l'avait parliculièremeut
occupé, et en 1776 il eu proposa le
remède, offrant eu même temps un
prix de vingt sequins a celui qui, par
des expériences bien faites, en consta-
terait la bonté ou FinefËcacité. Trois
ans auparavant , il avait proposé un
prix de vingt-cinq sequins pour la
medleure manière déformer et d'em-
ployer les engrais 5 et depuis il en pro-
posa un de même valeur pour le per-
teciionnement de 1 agriculture dans le
Bresciau , un autre de cinquante se-
quins pour les moyens les plus propres
h. généraliser la pratique, encore peu
étendue, de nourrir avec des feuib-
les d'arbres le gros et le menu bé-
tail. Il fit aussi de nombreuses re-
cherches et des découvertes pour la
cousiruction des jardins à'aig/-iires ,
des dévidoirs d'un mouvement plus
facile, et des fourneaux économi-
ques. Uu grand travail qui l'oc-
cupait beaucoup , et que ta mort
prématurée a malheureusementinter-
rompu, c'était une carte topographi-
que et géologique du lac de Garde et
des terres environnantes , dans une
étendue de douze a quinze milles. En
BEL
2o5
1782, il publia , sous ce titre : Pen-
sieri sulgoveriio de Fiumi , un vol.
is-4-", dans k quelil rappcrleles expé-
riences qu'il avait faites pour préserver
sespossessiousdesdégâts des eaux flu-
viales. Eu 1784^, en suivant les ex-
périences de MongoiËer , il écrivit
I Lojno volante per aria, per ac-
qua e per terra y vol. in-8°, Venise.
II ne songeait pas seulement aux
progrès des scieuces , il recherchait
aussi soigneusement les moyens de
pcrfecliouner la morale publique.
En 1776, il fonda à Brescia uu prix
de cent sequins , pour un recueil de
vingt-cinq iNouvelles à l'usage de la
jeunesse, oîi les principales vertus
pratiques fussent mises eu action ,
pour former un cours de philosophie
morale. En 1786, il en fonda uu
pareil a Milan pour viugt-cinq autres
ÎNouvelles, et enfiu uu autre prix
de deux cents sequins , a Padoue ,
pour l'auteur qui indiquerait les meil-
leurs moyens de réveiller et de con-
server l'amour de riiumanité dans le
cœur des jeunes gens que leur fortune
et leur naissance destinaient aux
grandes places. Ce philantrope mou-
rut d une affection de poitrine le 5i
juillet 1786, âgé de 5i ans, après
avoir légué tous ses biens k l'acadé-
mie de Padoue. Dans ses loisirs, le
comte Beltoui avait fait quelques
pièces de théâtre j mais songeant
toujours a l'utile, c'était dans un but
moral et pour l'inslruclion de la jeu-
nesse qu'elles étaieut composées.
Kous citerons celle qu'il avait intitu-
lée le ?,Iilord philantrope. B — ss.
BEUGîiEM ( Charles -An-
TOiNE-Fp.A>'(:ois-DE-PArLE , Yau ) ,
né a Bruxelles, eu I74-4- •, obtint, en
1763 , a l'université de Louvain, le
grade de bachelier de la faculté de
théologie , et cinq ans après reçut
les ordres sacrés. Se sentant du "oiit
2o6
BEU
pour l'enseignement , il fut d'abord
professeur de poésie a Turnhout , et
passa ensuite au collège de Conrlrai,
qu'il diiigea pendant ([uatre années.
En s'appliqiiaul à l'éducation de la
jeunesse, il accordait quelques in-
slanls a la poésie latine, flamande
et française , oii il réussit fort peu.
Il fut plus heureux en réclamant ,
un des premiers, !a répression dt-s
désordres de la raendiclié , question
qui donna occasion au vicomte de
Vilain XIV , de publier a Gand , en
1776 , in-/i°, son Mémoire sur les
moyens de corriger les malfai-
teurs et f.dnéanls. Les coUè^fes
theresiens ayant succédé, l'année pi é-
cédente, a ceux des jésuites j Van
Beughem, malgré son affection pour
ces pères , obtint la place de princi-
pal du collège de la ville de Gand ,
qu'il ne quitta, douze ans après , que
pour remplir les fonctions de secré-
taire du siège vacant de l'évêché de
Tournai. Son attachement aux prin-
cipes de la révolution brabançonne
le fit choisir en 1790, par le cardinal
de Fraukeuberg , archevêque de Ma-
lines , pour occuper le même poste
auprès de sa personne. Il est a croi-
re qu'il eut beaucoup de part a plu-
sieurs des factums lancés alors dans
le public , et qu'il fut chargé de la
défense de sou patron . qui entre
autres adversaires comptait l'abbé
Sabalier de Castres (i). Le prélat
ne put long-temps mettre à profit
le zele de son secrétaire. Il prit lui-
même la fuite , quand l'armée fran-
çaise envahit la Belgique , en 1792.
De sou côté Van Beughem n'avantpas
voulu prêter serment de haine à la
royauté , coulre laquelle cependant
(i) Voy. Sabatieb ,XXX1X , 421 , dont i'.nr-
ticle ne inenlioniie pas le C'nifitcor de .M. lu
cardinal , anltcveque de Jtalines , ni la f^eiilé
vengée, Bruxelles, 171(9, in-8° ; brochares qui
sont pourtant de lui .
BEU
il avait vu avec joie se former
une révolution , fut arrêté a Mali-
nes , détenu sept mois dans celte
ville, conduit ensuite a Versailles,
et condamné a être déporté à l'île
d'Oléron. Mais le mauvais état de
sa santé ne le permit pas 5 et , après
avoir passé deux ans dans la prison
de Versailles, il obtint la permis-ion
de se promener quelques heures de
la journée dans la ville, et même,
plus lard, celle de s'y choisir une ha-
bitation sous la responsabilité du
maire. Il partageait son temps entre
la culture des lettres et la visite des
hôplauxj car, quoique intolérant et
fougueux dès qu'il s'agi.^sait de ses
opinions et de ses préjugés, il était
charitable et bienveillant quand ses
idées de prédilection n'étaient point
contrariées. A la chute de Napoléon,
il revint dans sa patrie, et se brouilla,
pour quelques motifs assez frivoles,
avec sa famille, llétait alors question
du Sort de la Belgique et de sa réu-
nion à la Hollande. Van Beughem
considérait cet événement comme la
perte de la religion catholique. Il
voulait le rétablissement des jésuites
et le gouvernement conçu par Vander
Noot {Voy. ce nom, au Suppl.).
Ses vieilles rancunes se réveillèrent
peu après, plus ardentes que jamais.
En 18 i4,ilpnb'ia plusieurs brochures
que l'on n'a pas énuraéi-ées dans la
première livraison du Messager des
sciences et des arts, Gand , i832,
in - 8° , quoiqu'on y ait inséré sa
notice biographique. Il déclara sur-
tout la guerre à Van Boeckhout ,
qui se portait l'avocat de la réu-
nion de toutes les anciennes provin-
ces belges. Ce fut cette année qu'il
impriîîia \e Bouclier, TUnité, l'An-
tidote contrée le sonmambulisnie.
Il ne fut pas étranger non plus aux
querelles de l'évêque de Gaad ( Bro-
BEU
glie), avec le gouvernement. La mort
seule mit un terme a son ardeur bel-
liqueuse. Il mourut a Bruxelles le
2 1 déc. 1820, âgé de soixante-six
ans. La plupart de ses vers latins ,
flamands et français onlelé recueillis
sous ce tilre ; Documenta e variis
testanienti historiispetita, Maliues,
1797 , in-8"^ il u'y en a pas un au
dessus du médiocre. Le Messager
des arts contient une longue liste de
morceaux de Van Beu^hem, j)eu éten-
dus et sans aucune importance, entre
lesquels néanmoins on dislingue : L
Fructus suppressd Corlraci men-
dicitale exorti , Courtrai , X776,
in -12 5 traduit en flamand par M.
Wolf , échevin de Courirai. IL
O ratio in funere M ariœ-The re-
stée, Gaud, 1781 , in-4°. Cette orai-
son fut traduite en français par J.-
B. Lesbroussart, qui traduisit encore
un autre discours scolaslique du
même, sViV V Homme , œuvre de la
Providence. R — f — g.
BEULAN (en latin Beulaî.us) ,
historien anglais qu'on croit avoir
vécu au milieu du septième siècle
(en 64-0, selon Baie, 65o suivant
Pils) , avait pour père un autre Beu-
lan a tort confondu avec lui par
INicolas , dans sa Bibliographie de
l'Histoire d'Angleterre. Breton de
naissance , Beulau le père étudia
laborieusemeRt les généalogies des
familles étrangères introduites parles
invasions saxonne et angle dans la
Grande-Bretagne , et en consigna les
résultats dans son De Genealogiis
gentium. Le fils qui semble avoir
été natif du Northumberland, étudia
du moins pendant sa jeunesse dans
l'île de \Vij;lit. De retour dans sa
patrie, il futlélève d'Elbode, évèque
aussi renommé en ces temps de ténè-
bres pour l'érudition que pour la sain-
teté. Le célèbre !P^nnius,évêque de
BEU
207
Bangor, avait été le disciple de Beu-
lan le père ; il fut intime ami du (ils.
Comme toute science, a cetteépoque,
était retirée dans les monastères , les
historiens littéraires de la Grande-
Bretagne ont présumé , avec beau-
coup de vraisemblance, que Beulan
était moine. On a même prétendu que
l'état ecclésiastique avait été celui
du père j et l'on a vu là un
exemple nouveau de la liberté que
les prêtres avaient de se marier.
Ces conclusions nous paraissent peu
fondées. Du reste Beulan semble
s'être plus livré aux études profanes
qu'aux travaux sacrés, s'il faut en
juger par ses ouvrages , qui sont tous
écrits en latin , savoir : I. Descrip-
tion de l'île de TVight ( rédigée
sur les notices de Pline et de Ptclé-
mée, et sur ses propres observations).
IL Annotations sur ISonnius. III.
Histoire des actions du roi Arthur
en jtJcosse. IV. Itinéraire histo-
rique. F CT.
lîEURNONVïLLE (le marquis
Pierre Riel de), ra;iréchal de Fran-
ce, né le 10 mai 1752, k Champi-
gnoles , près de Bar-sur-Aube, d'une
taiiille de bourgeoisie, fut d'abord
destiné k l'état ecclésiastique 5 mais
pendant qu'il suivait, sans vocation,
un cours de théologie, il obtint, dès
l'âge de quatorze ans, son admission
dans le beau corps de la gendarme-
rie deLunéville, où les simples ca-
valiers avaient rang de sous-lieute-
naut , et passa en 1776 , avec ce
grade, dans le régiment colonial de
l'Ile-de-France , où il devint bientôt
capitaine. Après avoir fait, sous Suf-
fren , les trois campagnes de l'Inde
( 1779-1781 ), où il reçut deux
blessuies , il revint a l'î e Bour-
bon , et V fut successivement aide-
m.ijor, major et commandant des
milices. A la suite de quelques que-
2oS
BEC
relies avec le gouverueur de celle
colonie, il fut deslllué eu 1789, et
vint aussitôt en France, où il {)oifa
ses plaintes k tous les pouvoirs, et
même a l'assemblée nationale. Ou lui
donna pour toute satisfaction la croix
de Saiul-Louis. S étant déclaré avec
beaucoup de chaleur pour la cause de
la révolution, il publia un projet de
cunslltutioii des colonies orienta-
les. M. Ciiasteauueuf dit (probable-
ment d'après Beurnonville lui-même),
que le ministre de la marine Tbéve-
uard avait adopté ses plans , et i]u'il
lai destinait le gouvernement de Tîle
Bourbon , lorsqu'il fut remplacé
par Eertraud-Mole ville. La guerre
ajant éclaté en 1792, Beurnonville
devint aide-de-carap du marécbal
Luckuer, avec le grade de colonel, et
le i5 mai 1792 maréchal decamp. On
le chargea aussitôt de la défense du
camp de Maulde, oîiil résista pendant
plusieurs mois K des forces supérieu-
res. Cette résistance lui valut de
grands éloges du général en chef, et un
peu plus tard le grade de lieiilenant-
géuéral. Dumouriez, qui l'avait pris
dans une grande affection, et qui,
soit a cause de sou courage, soit k
cause de sa baute stature , l'appelait
i Ajax françcds , le fit veuir , k
marches forcées, de la frontière du
nord , avec sa division , dans les
premiers jours de septembre, pour
prendre part aux grands événements
qui allaient s'accomplir dans les
plaines de la Champagne. Beurnon-
ville arriva la veille de la bataille
de Valmy , et il concourut a celte
facile victoire. ISommé aussitôt après
commandant de l'avant - garde , il
suivit les Prussiens daus leur re-
traite, qu'il avait ordre de ne pas in-
quiéter, et il témoigna plusieurs fois
dans ses rapports toute son impatience
d'un pareil ordre. Il commandait une
BEU
division a Jciuniapes , cl il reçut ce
jour-là même ( I^ nov. ) , sur le
champ de bataille, la commission de
général en chef de l'armée du centre ,
destinée a conquérir le Luxembourg
et le pays de Trêves, taudis que Du-
mouriez allait envahir la Be'giijue.
Mais celle conquête ne fut pas aussi
facile qu'on l'avait espéré. Les Fran-
çais essuyèrent a la montagne Verte,
a Pelligcu et k Greweu - Macker
des perles considérables , que Beur-
nonville dissimula de son mieux. 11
donna même a cette occasion un
exemple de rélicence et de mensonge
tel qu'aucun autre rapport ou bulletin
officiel ne l'asurnasse depuis. tcL'en-
« uerai, dit-il, a perdu beaucoup de
ce monde ^ elnous en avons été quittes
« pour le petit doigt d'un chasseur, jj
Cette gascouaade lit long-temps rire
toute la France ; et elle douna lieu k
celte épiiTramme :
Quand d'ennemis tués on couiple plus de mille ,
ISousnc (levdons qu'un doigt, encor lepluspelil.'
ilolà ! monsieur de Beurnonville ,
Le petit doigt n'a pas tout dit.
Dumouriez n'ayant pu lui-m'-me re-
jeter les Autrichiens au - delà du
Pv-hin , eî s'élant vu forcé de s'arrêter
derrière la Roér pour y prendre ses
quartiers d'hiver , Beurnon\ille fut
obligé de prendre les siens derrière
la Sarre (i). Mais dès les premiers
(ij il écrivait ïïu coinilc de la guerre : « Citoyens
législateurs. . , depuis le C ntiv. jiisques au 2>
déc. que l'aïuiée est rentrée d;ris ses ca^itoune-
ments , elle a constamment vécu sur le pays
ennemi ou sur ceux de Kassau et Az Deux-
Ponts, dont elle lire encore la plus grande
partie de ses subsistances. J'ai coustannuejit
tiré de ces divers pays , depuis le ciunmen-
cement de novembre , trois cents milliers de
foin , et dix-buil mille boisseaux d'avoine tous
les Jours f que j'ai payes en bons, et sans avoir
déboursé un écu Cependant ma situation
est telle , qu'ayant tout consommé dans le pays
ennemi d'outre Sarre et Moselle, j'ai <to forcé
de prendre une ligne défensive depuis Saarbruck
jusqu'à I.ongwy , et que je n'ai trouvé aucun
moyen sur mes derrières pour pouvoir exister.
J'ai et^ forte d'éioignft' ma eavaleric , mes the-
BEU
jours de février , ayant é(é nom-
mé ministre de la gucirc a la pla-
ce de Pache , il se rendit à Paris,
où il était k peine entré dans ces
nouvelles fonctions qu'aux prises avec
le parti de la montagne, il se vit
environné de iQutes sortes de diffi-
cultés. Il écrivit alors a la conven-
tion nationale <jue , se croyant plus
propre à servir la patrie par son épée
que par sa plume , il demandait sa
démission pour retourner k l'armée.
Cette demande excita beaucoup de
rumeur dans l'assemblée, et la de-
mission ne fut acceptée qu'a condition
que le ministre rendrait ses comptes
avant de partir. Il les rendit ; et déjà
il était près de s'éloigner, lorsqu'une
nouvelle nomination aux mêmes fonc-
tions (du 4- mars 1795), obtenue par
une sorte de triomphe du p.arti mo-
déré , le força de rester. Quelques
jours après il faillit être assassmé par
des émissaires de la société des jaco-
vaux d'.imbulance et d'.nrtiUciie faute dé four-
rages . el je suis réduit m.iinlenanl à ne pouvoir
meltre un ch-val à mrs avaut-nostes , faute
d'une boce de foin. Je me vois eufin réduit à la
dure nécessité de reculer mes lignes défensives
ou, de renvoyer mes pièces de campagne , faute
de fourrages, pour pouvoir faire exister le peu
de chevoux d'artillerie qui leur sont altacliés.
A IV'garcI des autres objets de subsistances , il
résuUe, des elats de situation qui m'ont été
remis par l^s commandants des places , que je
n'ai que pour quin?e jours de vivres à Metz,
pour douze à Sarre-Louis , et pas [jour deux à
TliionviUe , et il en est de même de toules mes
places de première ligne. J'observe que toutes
mes places n'ont pas le tiers des garnisons sur
le p'ed de guerre; qu'au moyen de sept mille
hommes que je viens d'envoyer au secours de
Custine , il ne m'en reste pas huit d'infanterie
pour surveiller quirante-luiit lieues de frontière ;
qu'étant dépourvu de fourrages , je ne puis faire
usage de ma cavalerie ; et que si 'Thioiiville était
seulement investi par quinze mille hommes ,
cette excell-înte place , qui s'est si vaillamment
défendue, serait obligée de se rendre en moins
de cinq jours par la faim , ainsi que les autres.
L'on m'a dit qu'il existait des magasins immen-
ses à Cliàlons. Je lue sois assuré , en y passant
moi même, qu'il n'y a pas de quoi nouriir mon
armée seulement pendant six jours. On m'a
dit que ces magasins immenses se versaient sur
Metz ; je n'ai rencontré que quàranic-ci^iq voi-
tures en route , au lieu de deux cent cinquante
qui me sont nécessaires. .... Fiualement je re-
LVIII.
BEU
aog
bius , auxquels II n'échappa qu'en es-
caladant les murs de son jardin. Il
lecut k la même époque une lettre de
Duraouriez , qui lui faisait part de ses
griefs contre la cènvenlion nationale,
sans toutefois lui communiquer ses
projets de résistance , sur lesquels il
est probable que lui-même n'était pas
encore fixé. Beurnonville , environné
d'ennemis et de délateurs, ne put se
dispenserde coramuniquercetle lettre
k la convention nalionale, et ce fut
sans doute d'après celte apparence de
confiance et de dévouement que ,
quelques jours plus tard , lorstju'il
s'agit d'exécuter le décret d'arresta-
tion contre ce général , les commis-
saires de la convention crureutdevoir
se faire accompagner du ministre de
la guerre, qu'ils deslinuieiit k le
remplacer. C'était pour Beurnonville
un rôle bien embarrassant. Dumou-
riez l'a accusé long-temps d'une noire
ingiatitude 5 mais plus lard il a re-
cevais à l'époque de mon départ quarante-cinq
sacs de farine , et j'en consomme cinq cents.
Bief, je suis sans agent du directoire (des achats
des subsistances militaires). Théodore Cerf-Beer
a déserte son poste , malgré l'extiénic ]>énurie
où il a vu r.irinée , m.ilgré même les moyen?
locaux qu'on lui a offerts, etc. ; et un tel agent
mérite nne punition exeni!>iairc; ou si de telles
fautes restent impunies , on ne peut calculer sur
les opérations mililaires les plus intéres.santes.
J'ai combattu djlis la Belgique , dans l'Avdcnne
et dans le pays de Trêves, et j'ai toujours été
parfaitement satisfait de l'uncienne administra-
tion.» Mais depuis l'établissement du directoire
des achats, Benrnoiiville se plaint d'être sans
fourrages, bientôt sans pain , d'avoir sis places
cnmpromises faute de subiislances . Il dénonce Bi-
derm un' comme infiniment coupable. L'armée
trie à la trahison. Le général insiste sur la né-
cessité d'avoir derrière chaque armée des maga^
sins d'abondance , « pour la subsistance des
grandes forces que la répnhlique se propose de
mettre sur pied ; » il craint que l'.ingleterre
n'intercepte, par des croisières, les vivres qu'on
pourrait tuer de 1' .Amérique septentrionale , de
la côte de Barbarie et de Danlzick «Nous devons,
dit-il , en terminant sa lettre, redoubler de pré-
cautions; car , en portant tous le« bras culti-
vateurs sur la frontière , il n'est pas douteux
que notre sol complétera difficilement nos be-
soins » L't>riginal de ce document ii;edil , et
d'un haut intérêt pour l'histoire des premières
guerres de la révolution , est dans le cabinet de
l'auteur de cette note. V— ve.
i4
aïo BEU
connu dans ses Mémoires que son
Ajax lui était reslé fidèle au moins
(l'iutenlîoD. Ce qu'il j a de sûr, c'est
que , témoin des vis es altercalions
(|ui s'élevèrent tiifre le général et les
commissaires , Ceurnonville ne pro-
féra pas une parole ; que lorsque Du-
raouriez voulut l'exccplcr de Tordre
d'aireslalion qu'il dunna pour ceux-
ci ,1e miiiîslre, effrajé d'une telle ex-
ception, lui dit a voix basse : a / oua
me perdez ; » et que le général
Tajant compris ordouna aussitôt de
le réunir aux commissaires, ce qui le
.sauva évidemment d'une mort cerlal-
ne; car s'il est vrai que celle arres-
tatloD pi éserva de Téchafaud plusieurs
de ces commissaires , et noiamraent
Bancal (/^oj-. ce nom, LVII, 97), il
ne l'est pas moins que, soil qu'il (ùtre-
tournéa Paris , soil qu'il eût conservé
le commandement de l'armée, Beur-
nonville . Ho comme il l'était avec le
parti de la Gironde, qui sucro:nba
dans le juols suivant , n'eut pu échap-
per aux proscrijilious qui le frappè-
rent. Livré aux Autrichiens, il fut
conduit de prison en prison, d'abord
a Ehreubrcilsleiu , puisa Egra et à
Olmulz, d'où il fit h plusieurs repri-
ses de vains efforts pour.se sauver.
«Vingt-sept mois de fièvre, sur
trente- (rois passés dans des cachots
humides , a dit le maréchal Macdo-
nald , et les mauvais tralleiiienls qu'il
eut h supporter, altérèrent sensible-
ment la sanlé de mon illustre ami.
La vigueur de son tempérament et
surtout sou courage purent seuls
l'arracher a la mort. » Enfin , au
mois de novembre lypS , son échan-
ge et celui des commissaires pour la
fille de Louis XVI fut convenu avec
l'Autriche, et ils revinrent dans leur
patrie, où tout élaitbienchangédepuis
une- absence de deux ans et demi. Ils
urent parfaitement accueillis par la
BEU
convention nationale , que tant de ré-
volutions et de catastrophes avalent
mutilée, décimée, et aussi un peu
éclairée. Reurnonvllle recouvra aus-
sitôt son grade militaire, et il obtint
même le commandement de l'armée
de Sambre-el-Meuse, qu'il ne con-
serva que quelques mois. Revenu à
Paris au coumiencement de 1797, il
s'y trouvait dans une sorte de dis-
grâce au plus lort de la lutle entre
le directoire et les conseils légi>latirs.
Disposé a suivre le parti qu'il croyait
devoir triompher, il recherclia avec
beaucoup d'empressement Pichegru
et les autres chefs des clichiens, et
fut mètiie près d'être nommé par eux
l'un des cinq directeurs; Cartliéleray
ne l'emporla que de quelques voix.
Mais lorsque la révolution du 1 8 fruc-
tidor eut renversé un parti que tant
d'avantages avaient semblé favoriser,
Beuruonville ne songea plus qu'à
faire oublier ses liaisons avec lui, et
il y réussit tellement, que, dès le
mois suivant , il fut chargé par le direc-
toire du coiiiuiaudement de toutes les
troupes françaises qui se trouvaient en
Hollande (2). Mais , quels que fussent
ses talents et sa flexibllllé, on doit
remarquer que P»curnonville n'a ja-
mais pu rester long-lemps a la même
place. Le directoire, qui dans ce
temps-là faisait chez les Balaves des
cssaisde révolulion etde constitution,
pensa que Jouberf entrerait mieux
dans ses vues, et lui donna la place
de Beuruonville , qui revint à Paris,
pourvu, suivant l'usage de cessorles
de disgrâces, d'une commission d'in-
specteur-général. Telle était sa posi-
(2) Général en clicf de r.Trinée du Nord
dans l'an VI ( 1798) , BLurnoiiviUe aynit fait
giaver , pour télé de ses lellies , une TigncUe,
ou l'on \ o\ait la liberté tenant un drapeau sur-
monté du bonnet rouge , et sur un autel tes
drodi de i' homme , avec un niveau; à droite et
à gauche des caiiuns , des mortiers , des fasci-
nes , etc. V— vii.
BEU
lion vers la fia de 1799, lorsque
Bonaparte , revenu d'Egynle , Tasso-
cla h ses projets trélévalion , ainsi
(|ue tous les hommes de qiu-Ljue in-
fluence qui voulurent y prendre part.
Beuruonville se montra un de ses
coopéraleurs les plus zélés dans l'au-
dacieuse entreprise du i 8 brumaire ,
et il en fut récompensé dès le mois
suivant par Tambassade de Berlin ,
où Ton ne lui donna pas néanmoins
des preuves d'une extrême confiance,
puisque Duroc y fut envoyé presque
aussitôt chargé des plans et des se-
crets les plus importants. L'affaire la
plus remarquable qui fut alors confiée
k Beuruonville auprès de la cour de
Berlin , paraît être l'arrestation de
quelques royalistes fiançais qui s'é-
taient établis a Bareulb, et dont Bo-
naparte voulut se faire livrer les per-
sonnes et les papiers. Ce fut a sa
demande, intimée par TambassaJeur
de France, que la Prusse fit arrêter
ces malheureux, qui furent détenus
pendant plusieurs' mois {Voy. Lm-
BERT-CoLor»ii:s,XXI, 202, etPRÉGY,
XXXVI, 56). Ou a dit dans un ou-
vrage d'origine prussienne (les 71/cf-
moires tirés des papiers d'un
homme d'état, tom. VIII) que c'é-
tait au ministre ïlardenberg , et sur-
tout a la belle et bonne reine Louise,
que Pichcgru dut Favanlage d'être
averti a temps pour se sauver. Mais,
s'il eu est ainsi, pourquoi les amis
de Pichcgru ne furent-ils pas égale-
ment prévenus? Et il resterait encore
le tort ineffaçable d'avoir livré les
papiers d'une agence royale , qui fu-
rent apportes a Paris par l'ambassa-
deur Beuruonville lui-même , papiers
qui compromirent beaucoup de mon-
de , et dont la police lit imprimer la
plus grande partie, sous le titre de
Papiers saisis à Bareiith , i vol.
in-B" , de l'ipiprimcrie nationale ,
BEU
211
Paris, 1800 (3). Beuruonville ne re-
tourna pas à Berlin ; il fut bientôt en-
voyé en la même qualité a Madrid,
où il trouva une cour jilus humble
encore, plus docile , et où il lui fal-
lut être plus exigeant, plus sévère.
Mais il ne le fut point assez au gré
du consul , qui dès-lors voulait que
tous les trésors, toute la mariue et
tous les soldats de l'Espagne fussent
a sa disposition. Pour signifier de
telles prétentions, ou pour iulimcr do
pareils ordres la voix de Beurnonville
ne fut pas trouvée assez forte ni assez
impitoyable. Ou l'accusa de faiblesse,
même d'incapacité, et il fut rappelé
pour être abso: bé dans le sénat , d'où
l'empereur ne le tira pas une seule
fois pendant tout son règne pour lui
confier des fonctions de la moindre
importance. Il lui donna cependant
le titre de comte, celui de grand-
ofllcler delà Légion-d'Houneur; uiais
il ne le fit pas maréchal , ainsi que
tous les généraux qui avaient com-
mandé eu chef. Il ne lui croyait ni
capacité ni valeur, et l'on voit dans
les Mémoires de Sainte-Hélène
qu'il ne le regardait pas comme capa-
ble de remuer un bataillon. Ce n'est
qu'au commencement de i8i4, lors-
que l'imminence du péril le for-
ça d'employer tout le monde , que
Beurnonville fut envoyé commis-
saire extraordinaire sur la froiitière
de l'Est; mais tout allait bientôt être
décidé par les armes, et les événe-
ments militaires forcèrent Beurnon-
ville a revenir dans la capitale dès la
fin de mars. Il n'y était arrivé que
depuis quelques jours, lorsque les
alliés s'en emparèrent. Adm:s aussi-
tôt dans les projets de M. de Talley-
rand ponr le rétablissement des Bour-
(3) Il se trouvait dans les papiers saisis phi-
sii'urs lettres cle la maiu de Louis XVUl, <jui no
furent pas imprimées.
212
mv
bons , il fui un des membres du gou-
vernemeut provisoire qui gouverna
en allendaut leur arrivée. Louis
XVIII, dès qu'il fut sur le trône, le
récompensa de son zèle en le faisant
pair deFrauce, et enl'admellant dans
son conseil. Mais lorsque Napoléon
revint de l'ile d'Elbe , Tannée sui-
vante , il le proscrivit par un décret,
ainsi que tous les autres membres du
gouvernement provisoire, et il or-
donna le séquestre de ses biens.
Beurnonville se réfugia auprès de
Louis XYIII , a Gand, et il revint
trois mois après avec ce prince, qui
le rétablit dans lous ses litres, et
l'envoya présider le coHège électoral
de la Moselle, où il prononça un dis-
cours d'ouverture empreint du plus
ardent rovalisme. A son rtiour, le
ministre de la guerre Clarke le nom-
ma président d'une commission char-
gée d'examiner les réclamations des
anciens cffiL-icrs , c'est k-dire de pio-
noncer sur les nombreuses demandes
de grades, de pensions ou de décora-
tions . qu'adressait nt alors au roi tous
les émigrés et les Vendéens. C'étaient
pour un général de la république et
un sénateur de l'empire des fonc-
tions embarrassantes , et elles lui at-
tirèrent plus d'une fois, de la part des
réclamants, des raillerie s et des épi-
grammes assez piquantes. Cependant
ilj mit, ou ne peut le nier, autant de
justice que d'impartialité, et il ac-
quit des droits réels a la confiance du
TOI , qui le nomma commandeur de
Saint-Louis le 8 iuil. 1 8 1 6, puis mar-
quis, ministre d'état, membre du con-
seil-privé et enfin maréchal de France.
Ainsi , Beurnonville fui sans contredit
un des hommes les plus favorisés de
la restauration, k laquelle cependant
on a vu qu'il ne songeait guère avant
le 01 mars i8i4. Depuis celte épo-
que, il la servit franchement et avec
BEL
zèle jusqu'à sa mori, le 20 avril 1821.
Il s'était marié dans les colonies. De-
venu veuf, il épousa, en i8o5 , M""
de Dur fort (4). N'ayant point laissé
de postérité, il eut pour successeur à
la ciiambre des pairs un de ses ne-
veux, le maiécbal-de-camp baron de
Beurnonville qu'il avait élevé comme
son fils et adopté comme tel. Son
éb'ge y fut prononcé (séance du i 2
juin) par le maréchal Gouvion-Saint-
Cyr, son ancien ami, en l'absente
du maréchal Macdonald , également
son ami, qui se trouvait malade.
Ce discours fut imprimé, suivant l'u-
sage, par ordre de la chambre, in-8°
de i5 pages. Les francs-macons ,
dont il était un des grands-maîtres les
plus zélés elles plus assidus, firent
imprimer après sa mort : 1° F'éie
J'unèbre en l'honneur du maré-
chal Beurnoiwille , grand com-
mandeur , etc. , Paris , 1821 ,
in- 8*5 2° Pompe funèbre célébrée
par les loges réunies de l'orient
de Marseille en mémoire de T. F.
maréchal Beurnonville , Marseille,
1821, in-4°. M — DJ.
BEUVELET (Mathieu), écri-
vain ascétique , n'est pas aussi connu
qu'où devrait le présumer d'après
l'estime que toutes les personnes pieu-
ses oui pour ses ouvrages. Rocoles,
dans son Introduct. à l'histoire,
(4) FiUe cadoUe de Felicité-Jeïn-LouisEtien-
iie , coiule de Dui fort , ancien ambassadeur de
France à Venise ; mort dans celle viUi^ ea 1801,
sans en être sorti pen-lant la révolution , et
dont les biens avaient été contisqués et vendus ,
quoique deux arrêtés du département de la
Seine, pris en 1793, eussent prommcé sa radia-
tion. Beurnonville écrivit de IMadrid, le i flo-
réal an XIU , à M. Boulay de la Mcurthc , con-
seiller d'état , chargé du contentieux des do-
maines , pour réclamer )c maintien des deux
arrêtes , et pour empêcher la vente du petit
domaine de Sajac , qui avait été provisoirement
affecté à l'hospice civil de Cnrcas^onue , et qui
restait invendu. « L'étal, écrivait-il, a en plus de
trois ou quatre raillions de cette famille injus-
tement dépouillée 11 ne reste plus que ce do-
maine , de la valeur d'à-peu-près trente mille
livres , etc. » V — te.
i
Î3EU
2995 affirme qu'il était ne \ers la fiu
du 16*^ siècle, daus la Franche-
Comté; mais Beiivelet, dans une
épître déditaloirea 1 évèque de Laon
(i), lui dit qu'il tst sou diocésai:i et
qu'il a fait .ses études au séminaire
de celle ville. Feller, dans son Dic-
tionnaire historique, le lait naître en
1620 , à Maries , petite ville de la
généralité de Soissonsj mais il se
trompe sur la date de sa naissance ,
qui paraît devoir être reculée de plu-
sieurs années. Ayant reçu les ordres
sacrés, Beuvelet vint a Paris, cii il en-
tra dans la congrégation des ])rèlres
du séminaire de SlNicolas-du-Char-
donnct.Il partagea sa vie entre Ten-
seigneraenl des jeunes clercs et la di-
rection des âmes , et mourut avant
l'année 1664. En composant ses ou-
vrages, Beuvelet n'avait en vue que
l'utilité de ses élèves, auxquels il les
destinait. Ce fut a son insu qu'on fit
imprimer ses Méditations , dont le
succès lui causa moins de plaisir que
de surprise. Jamais il n'avait eu l'idée
de devenir auteur; aussi, daus la
préface qu'il mit à la tète de ses
Mcditatiojis (i655, 2^ éd.), fait-il
a ses lecteurs cet aveu naïf: «Je
If serai satisfait que mou esprit et
« mou style vous déplaisent , si les
« vérités que j'ai recutilhes peuvent
« vous agréer et vous plaire. «De tous
les ouvrages de Beuvelet , le plus con-
nu est les Méditations sur les
principales vérités chrétiennes et
ecclésiastiques. Imprimées pour la
première (ois en i652, elles furent
traduites en lalin et en italien , et
elles ont eu un graud nombre d'édl-
tious dans !e format in-4.°. La plus
récente, Besançon, 1819, 5 vol.
in-i2 , a été revue et corrigée par
Louvot, mort la même anuée curé de
(i) César cI'EsIrées, depuis cardinal.
BEV
ai3
Saint-Maurice de celle ville (2). Ses
autres ouvrages sont : I. La vraie
et solide dévotion , 2^ éd. , Paris ,
l658, iM-8'\ 11. Instructions sur le
manuel, iijid., 167 5, 2 vol. in-12.
Celte édition est la huilicme , et il
en existe probahlement de postéritu-
res. III. Conduite pour les princi-
paux exercices qui se font dans les
séminaires, ibid., 1660, iii-12,
trad. en latin par Ignace de Bathyani,
évêque de \Ve sscmbourg , daus la
Transylvanie, 2^ éd., Vienne, 1784.,
in-8°. IV. Le symbole des apôtres
expliqué et divisé en prônes , ibid,,
1670, in-8", ouvrage posthume,
publié par des confrères de l'auteur.
W— s.
BEVER (Thomas), légiste an-
glais, naquit k Mortimer, dans le
comté de Berks , en 1725, et fit ses
études a l'université d'Oxford, oii il
prit le degré de bachelier ès-lois . en
1753, et cinq ans plus tard celui de
docteur. Devenu ainsi membre de sou
collège , 11 obtint eu 1762, tant du
vice-cl'ancelit'r de l'université que du
professeur royal de législation , l'au-
torisaliou de remplacer ce dernier ,
dans l'euseignt ment des lois, lorscju'il
serait malade. 11 professa effecti-
vement a sa place , dans cette même
chaire où Blackstoue avait développé
ses commentaires, et un peu plus
tard , dans ses propres appartements,
lors([ue l'aflluence des auditeurs di-
minua, au collège d'AU Soûls. Il fut
ensuite nommé juge des Cinq-Ports
et chancelier de Lincoln et de Bangor.
Il mourut le 8 nov. i 791 , à Londres,
d'un asthme, qui peut-être n'eût point
été mortel s'il eut voulu aller respirer
l'air de la campagne. Moins écrivain
(j) Grâce à celle édition , Beuvelet occupe une
place daas la Biographie poriattvt dm contem-'
porairts .
ai/»
BEV
que professeur , mais moins homme
de barreau qu'écrivain, Bevcrpublia
un Discours sur l'étude de la ju-
risprudence et des lois civiles ,
1766, in-4.° , et une Histoire de
l'origine^ des progrès et de V ex-
tension des lois dans l'état romain,
■Londres, 1781, in-4.''. Le premier
de ces deux ouvrages était une intro-
duclion à son cours, que probable-
ment il avait alors dessein de publier.
Mais , soit k cause du manque d'en-
courngement, soit pour tout autre
motif, il finit par renoncer h cette
idée. L'Histoire des loisromainesfut
ge'néralement goûtée : l'auteur s'y
est livré à de profondes recliercbes
sur la constitution des Romains, et
y a déployé une érudition très-vaste
sur tous les sujets qui de près ou de
loin se lient au droit civil. On re-
gretta beaucoup que sa mort trop
prompte l'oùt empêclié de terminer
cet ouvrage. Il s'en occupait Irès-acli-
vemeut, et un grand nombre de ma-
tériaux étaient préparés; mais il dé-
clarait souvent que , dans l'état oii
se trouvaient ses manuscrits, ils n'é-
taient point dignes de l'œil du public,
et il les brûla lui-même dans sa der-
nière maladie. P — ot.
BEVERLEY (R.-B.) est, sui-
vant Barbier (Dict. des ano?iyt7ies)f
l'auteur d'une Histoire de la Vir-
ginie, qui, même après les descrip-
tions plus récentes que l'on a de cette
contrée, mérite encore d'être lue. Il
nous apprend lui-même qu'il était né
dans ce pays et qu'il Tbabitaitau mo-
ment où il s'occupait d'en écrire l'his-
toire ; mais , quoiqu'il ne le dise pas ,
ou ne peut guère douter qu'il n'eût
lait de bonnes et fortes études en
Angleterre , puisque son ouvra<;e
suppose, avec le îalent de l'observa-
tiou, des connaissances très-variées.
En le composant , il s'est proposé de
BEV
faire mieux apprécier par ses compa-
triotes les avantages qu'offrait alors
la Virginie, pour y former des établis-
sements. Il l'a divisé en quatre livres.
Le premier contient l'histoire chro-
nologique des événements qui s'étaient
passés dans cette colonie depuis que
Walter Ralegh ( Voy. ce nom ,
XXXVII, i) en avait pris possession,
en 1 588 , au nom de la reine Elisa-
beth. Le second traite des productions
naturelles du pays. Le troisième
renferme des détails sur la religion ,
la politique et les mœurs des anciens
habitants , avec i4- planches , qui
représentent un temple des Indiens,
leurs cérémonies religieuses , leurs
habitations, leurs instruments de
chasse et de pêche, etc. Enfin le
quatrième donne une idée exacte
de l'administration de celte colonie
par les Anglais et des règlements qui
y ont été en vigueur jusqu'à l'époque
de son émancipation. Dans l'Avertis-
sement, l'auteur demande grâce pour
son style 5 mais il proteste de sa sin-
cérité, et déclare qu'il n'a rien avancé
dans son ouvrage qui ne soit d'une
exactitude rigoureuse. JJHistoire
delà Virginie, imprimée en anglais,
Londres , 1702, parut en français ,
Amsterdam, 1707, in- 12. Une
partie des exemplaires porte la ru-
brique de Paris. Le frontispice
de celte édition a été renouvelé
en 17 12. Les exemplaires avec cette
date présentent comme initiales des
noms de l'auteur les lettres D. S. ,
qui n'ont aucune analogie avec ceux
que lui ont imposé Barbier et les au-
tres bibliographes français. W — s.
lîEVIN (Elway),' un des plus
célèbres musiciens du seizième siècle,
florissail sous le règne d'Elisabeth et
de Jacques P"". Gallois de naissance ,
il eut Tallis pour maître , et c'est
sur sa recommandation qu'il fut nom-
BÊV
mé, en 1589, gentilhoranie extraor-
dinaire de ]a chapelle. Acetle place,
il joigiiil dans la suile celle d'orgauisle
de la cathédrale de Bristol. Il garda
ces deux emplois jusqu'en 1657,
époque à laquelle il fut dénoncé
coinme secrètement catholique. On
a de lui beaucoup de musique sa-
crée , de services funéraires, d'antien-
nes, de chœurs concertans. Mais ce
qui recommanda surtout son nom aux
compositeurs et même aux simples
exécutants contemporains , ce fut sa
Brève et courte explication de l'art
musical ( A briej" and short in-
struction oftlieart oJ'muslck,t\.C.),
i65i, in-4.°. Dans cet ouvrage,
dédié a l'évéque de Gloucester ,
Bevin expose, par des règles géné-
ratement assez courtes , mais avec
une grande profusion d'exemples ,
Tart de composer et surtout de dé-
chiffrer les canons, qui jusqu'alors
avaient été des énigmes, et que l'on
disposait delà manière la plus bizarre
en croix, en cercle, en cadran solai-
re, etc. La publication de 1 ouvrage
de Bevin commença a faire disparaî-
tre ces difficultés qui obstruaient la
carrière des sciences sévères et des
études élégantes 5 difficultés que l'on
ne pouvait surmonter qu'avec beau-
coup de peine , et sans aucun profit
pour l'art et pour le public, toujours
insensible au mérite des tours de force
et de la difficulté vaincue) lorsqu'elle
n'ajoule rien au plaisir. P — or.
BEVIS , secrétaire de la so-
ciété royale de Londres, un des
plus habiles astronomes d'Angleterre,
uaipiit dans le comté de W ilis le 5 i
oct. 1695, et mourut en 1771, des
suites d une cliute qu'il avait faite en
se tournant trop rapidement pour re-
garder sa pendule, dans une observa-
tion astronomique. Il avait annoncé
de très-bonne heure son goût pour
BEV
ai5
l'astronomie, portant toujours dans
sa poche l'Optique de INewlon , et
s'appliquait k faire des verres de
lunettes. Avant pris le grade de doc-
leur en médecine , il exerça cette
profession pendant quelques années ;
mais sa passion pour l'astronomie
l'emporta. Il fît un grand nombre
d'observations, d'après lesquelles il
entreprit une Lranographie britan-
nique , qui fut gravée dans le temps.
Elle ne fut pas publiée, parce que,
celui qui avait tenu la sousciiplion
avant fait banqueroute , les cui-
vres étaient tombés en des mains
étrangères. Cet habile homme contri-
bua a la publication des Tables c-le
Halley, son auii: il y ajouta des Tables
auxiliaires. On a de lui une règle
mobile pour trouver les immer^ons
des satellites de Jupiter. Plusieurs de
ses ouvrages furent bien reçus du pu-
blic ; mais sa modestie l'ayant porlé
k dissimuler son nom , ses amis ont
respecté ses intentions, ce qui nous
met hors d'état d'en donner les litres.
Il a inventé une espèce de micro-
scope circulaire, duul la description
était entre les mains de M. Mcssier.
Ses papiers furent remis à Magel-
lan {f^oy. ce nom , XX\I, 119).
Bevis était obligeant, charitable 5 son
seul défaut était d'aimer trop le plai-
sir de la table. On croit que c'est
ce qui lui fit manquer la place d'as-
Ironome royal après la mort de
Bradley. On trouve un précis de la
vie de Bevis dans le Recueil pour
les astronomes , par J. Bernoulli ,
1772. T — D.
BEV Y, (i) [Dom Chakles- Jo-
seph) , naquit k Saint-IIilaire , près
d'Orléans, le 4- l'ov. 1758. Béné-
dictin de la congrésation de Sainl-
Maur , et historiographe du roi pour
(i) II signait ni BtvY; mais son .nctc de nais-
2lG
BEV
la Flandre cl le Haiuaul , ii s'occupa
pendaul loutc sa vie de reclierches
sur la maison royale âe Frauce et sur
la noblesse de TEurope. 11 a publié :
Histoire des inaugiiralions des
rois, des empereurs et des autres
souveraitis de l'univers, elc, avec
gravuies, Paris, 1776. in-8*^. Mal-
gré ce lilre , l'auleur s'est .presque
exclusivement occupé de la Frauce.
Ci't ouvrage est curieux et es'imé.
La révolution TajaRl privé de ses
prieurés , il se vil eu oulie menacé
dans sa personne a cause de ses opi-
nions politiques. Alors il se relira
en Angleterre, où il Ht imprimer son
Histoire de lanohlesse héréditaire
et successive des Gaulois, des
Français et des autres peuples de
l'Europe, etc., tome 1''% Londres,
1791, in-4'';réimpriii éa Liège, mê-
me année et même format. Cette his-
toire devait être complétée par un
Dictionnaire alphabétique et chro-
nologique , composé de plus de
cent-vingt mille noms des nobles,
tant français qu étrangers , qui
ont servi en France depuis P hilip-
pe de y alois, en i558, jusquen
I 5 I 5 , époque des anoblissements
par argent. Bévy avail travaillé ,
pendant dix auuées consécutives , à
disposer ce diclionuaire sur les origi-
naux , qu'il avait élé chargé de met-
tre en ordre à la chambre descomples
de Paris, des rôles de paiements lails
à tous ces militaires pour appoiule-
menls et suide: outre les noms et
grades, il y indiquait les qualilés et
les possessions de chacun eu différents
pays. Le grand chancelier d'Angle-
terre , lord Lauwborroug et deux
autres savants , André Stuart et
Lomisden, y avaient ajouté des notes
pour donner plus de poids a ce qui
co icerne ce royaume. L'auteur nous
apprend qu'il avait envoyé en Fiance
BEV
quatre cents exemplaires der^/i<o//-e
de la noblesse^ et que le gouverne-
ment les lit brûler en 1797- C'est sans
doute la cause pourlaquelle nous n'a-
vons pu nous enprocurer qu'un seul de
l'édition faite à Liège. Quant au dic-
llonnaire , il paraît certain que Bévy,
découia^'é par le désastre qu'il venait
d'essuver, ne la point rais au jour:
on ignore ce que le manuscrit est de-
venu. On a aussi de lui : Mémoi-
res sur huit grands chemins mili-
taires construits par Marcus Fi~
psanius Agrippa, qui conduisaient
de Bavaj' , capitale des i\ er-
viens, aux huit principales villes
de la seconde Belgique ; dans le
tonne Y du recueil de l'académie
de Bruxelles. En 1797, le gouver-
nement d'Angleterre chargea Bévy
de meltre en ordre les papiers d'état,
comme il y avail mis ceux de la
chambre des comptes a Paris. Ren-
tré en France vers 1802^ ou lui de-
nanda de prêter le serment de haine
ala royauté: ilrépouditqu'uuchrélien
n'avait de haine contre personne_, et
qu'il respectait trop les personnes
des rois pour les haïr. On lui objecta
que le roi de France était mort j il ré-
pliqua : « Je ne dois pas haïr les rois,
ce et d'ailleurs le roi de France ne
?£ meurt jamais. nOule mil en prison,
pour avoir eu des relations avec les
Bourbons 5 puis on l'exila, et quatre
mois après .il obtint de revenir a Pa-
ris. Lors de la restauration, il pu-
blia une dissertation composée depuis
longtemps sous ce lilre -.L nique ori-
gine des rois de France, to:.s issus
d'une même djnastie, etc. , Pa-
ris, 18 14, in -8°. L'auleur pré-
tend prouver, par le témoignage de
nos chroniques les plus anciennes,
que la succession de nos rois n'est pas
formée de trois races diclinctes, mjis
debrancheset de rameaux d'une même
BEW
lignée issue de Mérovée (2), Oiilre
ses ouvrages inipriiués, Bévy a com-
posé des généalogies, principalemeut
de familles nobles de Flandre , du
Hainaul et de Tlrljinde. Le duc de
Felire ( Voy, Clarke, au Suppl.),
qui aimait les savants , et qui était
lui-même savant en histoire et sur-
tout en généalogies, l'avait nommé
aumônier et bibliolhécaire du minis-
tère de la guerre. Bévy était membre
de la société royale de Londres, de
l'académie de Bruxelles et de plu-
sieurs autres sociétés savantes de l'Eu-
rope. Il est mort a Paris, dans sa
quatre-vingt douzième anuée,le 28
juin i85o. E — K — D.
BEWICK ( Thomas), célèbre
graveur anglais, naquit, le,i2aoîit
1755, a Cherry-Burn , dans le comté
de jNorlbumberland. Son père était
propiiétaire d'une m ne de houille a
Mickley-Bank. Dès renlance,il mon-
tra les plus heureuses dispositions
pour le dessin. Son passe-temps la-
vori était de dessiner au charbon ou
à la craie, sur les porles et les volets,
des animaux et tons les objets qui
souriaient k sa jeune imagination. Le
graveur Ralph Beilby, de ]Nev\'caslle ,
en passant dans le hameau de Cherry-
Burn, fut frappé des talents qu'annon-
çaient les croquades de Bewick et
le demanda k ses parents, qui le lui
confièrent en qualité d'apprenti. Beil-
by était un article distingué sans être
du premier ordre 5 mais si Bewick
eut pu trouver un maître plus habile ,
il lui eut été impossible d'en trouver
ua plus tendre, plus affectueux pour
ses élèves. Le jeune graveur n'avait
pas encore terminé ses années d'ap-
(2) Un tableau, dressé d'après le syslèine de
Bévy, se trouve dans une Notice généalogique et
liislorique de la maison de France, Pniis, 1816,
gr. in-12. Ce systèiue, conti'aire à lous les mo-
numents de l'hisloire, n'a pas fait fortune,mèine
à l'époque de sa publication.
BEW
âi^
prenlissage, lorsque Charles Hulton'
préparant la publicaliim de son Trai-
té d'arpentage, pria Beilby d'exécu-
ter pour lui, sur des jilanchesde cuivre,
les figures nécessaires a l'intelligence
de l'ouvrage (1770). Beilby pensa
qu'il serait mieux de les graver sur
bois , et il confia l'exécution de cette
tâche k Bewick. Celui-cis'euacquilta
de manière a ce que Hulton , son
maître, et le public fussent également
charmés et de l'idée et du travail. En
effet, grâce k ce procédé, les figures,
au lieu d'être réunies en une masse
et pêle-mêle, refoulées k la fin du
volume , se trouvent isolement , cha-
cune k la place qui lui convient , a
côté du théorème ou du problème
dont elles rendent la démonstralion
facile. Cet essai , pour faire revivre
un art en quelque sorte éteint di puis
un siècle et demi, l'art de la gravure
sur bois, ne'demeura pas iufruclueux.
Bewick, ala sollicil ition ou diaprés le
conseil de son patron, s'y livra spé-
cialement 5 et le reste de son appren-
tissage fut signalé par l'exécution
d'un grand nombre de figures de ce
genre pour des ouvrages de mathé-
matiques ou de physique, parmi les-
quels nous ne citerons que la traduc-
tion anglaise des Kléments de géo-
métrie de Rossignol. A l'expiration
de son noviciat, il alla visiter Londres
et y séjourna quelques mois ([ui ne fu-
rent pas sans fruitpour soniustmclion
et le développement de ses talents ;
mais la capitale de l'Angleterre eut
peu d'atiraits pour lui , et il revit
avec plaisir ses parages septentrio-
naux. Il alla même jusqu'en Ecos-
se 5 vint k INewcastle , et s'associa
avec son ancien maître. Son jeune
frère , Jean Bewick ( P oy. plus
bas ) , devint le disciple commun des
deux graveurs. Un grand nombre
d'ouvrages sortirent de leurs mains ,
2l8
BEW
mais prlucîpalemeut de celles de notre
artiile, dont la réputalion commen-
çait a se répandre , et qui chaque
jour, se surpassant lui-même, poussa
enfin l'art de la gravure sur bois à
un tel point , qu'il en fut presque
considéré comme Tinventeur. A dire
vrai pourtant, il n'en étaitque le réno-
vateur. Le quinzième et le seizième
siècle ont compté un grand nombre de
graveurs sur bois , témoin la Danse
des morts de Holhein, témoin ces vi-
gnettes et ces lettres initiales des
premiers missels, des premières bi-
bles, et ces gravures de fleurs etd'é-
cailles qu'on trouve dans Gérard, Ges-
ner etFuchs. Mais d'une part Bewick
usa de procédés nouveaux j et de l'au-
tre il exécuta des détails minutieux
avec une délicatesse, un fini, un
moelleux qui quelquefois le cèdent a
peine aux plus élégantes tailles-dou-
ces. Les anciens xylographes n'ont ,
pour la plupart, jeté sur le bois que
des esquisses hardies où presque tou-
jours les ombres sont nulles ou à peine
indiquées j et lorsqu'ils ont voulu
renforcer ces ombres, ils ont employé
les hachures croisées. Celles-ci ne
peuvent guère s'obtenir sur le papier
que par l'application successive de
deux blocs divers et diversement gra-
vés à la surface qui doit recevoirl'em-
preinte complexe 5 car rien de si dif-
ficile, de si long , de si dispendieux
que l'exécution sur un même bloc de
cette multitude de petits parallélo-
grammes ou lozanges que forment les
intersections des hachures croisées.
Or, celte application successive de
deux blocs au paj)ier neutralise juste-
ment un des immenses avantages de
la gravure sur bois, celui de permet-
tre à l'irapriuieur de tirer en même
temps, et tout d'un coup, les textes
écrits et la gravure (qui, comme oO
sait, est enrelief, tandis que, aucou-
BEW
traire, la taille-douce est en creux).
Bewick évita tous ces inconvénients,
toutes ces imperfections. Il laissa de
côté les hachures croisées, que quel-
ques-uns de ses disciples seulement
( Nesbitt, Harvey, etc.) ont exécu-
tées avec beaucoup de succès, mais au
prix d'un travail et d'un temps que
ne compense pas suffisammentla beauté
de leurs productions. Et pourtant ces
gravures produisent souvent des effets
magiques : non-seulement on y trouve
un dessin hardi, des contours irré-
prochables, des lignes pures, exactes
et délicieuses , mais on y admire une
variété de teintes, une distribution de
la lumière qui ont souvent étogné les
graveurs en taille-douce. Les charman-
tes graïures que Bewick exécuta
ainsi pour XErmite de Parnell et
pour deux poèmes de Goldsmith, {le
P^oyageiir et le J^illage aban-
doTiné) , sont d'une telle perfection
que le roi Georges III, se refusant
à croire qu'elles eussent été taillées en
relief sur le bois , voulut que Nicol ,
son libraire , lui procurât les blocs
gravés 5 et l'inspection seule de ces
témoins irréfragables put le convain-
cre de la réalité du fait. Bewick
obtenait ces effets de dégradation de
lumière eu raclant légèrement la sur-
face du bloc aux points qui devaient
être médiocrement éclairés. Souvent
aussi il laissait complètement intactes
certaines parties du bloc, celles où
Albert Durer aurait introduit les
hachures croisées. Par-la , l'ombre a
un moelleux , une teinte brillante
au moins égale a celle des dessins le
plus précieusement exécutes "a l'encre
de Chine. Une autre louange qu'il
faut donner k cet habile restaurateur
d'un genre perdu, c'est qu'en le pous-
sant presque k ses dernières limites,
il ne s'en exagéra pas l'importance 5
çl n'imagina pas que celle branche
BEW
(le gravure dût délrôner la tail-
le - douce. Bien différent de ses
eutlioiusiasles disciples , de ses
successeurs exailés , il ne cherclia
dans la gravure sur bois qu'uu cer-
tain nombre d'effets déterminés ,
qui tiennent K la large distribu-
lion de la lumière et des ombres.
Toutefois cesdisciples eux-mêmes sont
une partie de la gloire de Bewick ;
et n'eùt-il eu d'autre mérite que d'a-
voir foi mé les Ransom , les Cleunell,
les Hole , les Johnson , les Nesbitl ,
les Harvey, enfin Jean Bewick, son
frère, ce mérite lui vaudrait un long
souvenir dans l'iiistoire delà gravure.
C'est au milieu de ces occupations et
de ce haut enseignement que s'écoula
la vie entière de Bewick, a partir de
son établissement k Newcaslle. Des
événements trcs-ordiuaires , tels que
la mort de sou père et celle de son
frère, troublèrent seuls sa paisible car-
lière. Un mal-enlendu amena enlre
son patron et lui, vers 1799 > la rup-
ture de l'associaliou qu'ils avaient for-
méepour donner au public Y Histoire
des oiseaux de la Grande-Breta-
gne AWïi cncoxit avec peiue le libraire
Chai'uley utiliser par de nouveaux ti-
rages les nombreuses gravures sur bois
qu'il avait exécutées dans sa jeunesse,
et lorsqu'il était loin de la perfection
h laquelle il arriva depuis. A ces tri-
bulations près, les jours de Bewick
coulèrent sans orage. Jeune, il avait
affecté beaucoup d'indifférence , on
eût dit presque d'antipathie pour la
propriété, pour la richesse ; arrivé
à Tàge mùr , il se corrigea de ce dé-
faut. Très-simple dans ses manières
et dans son langage, il aimait la so-
ciété des personnes simples , qui
pourtant ne présentait rien d'artis-
tique. Après son dîner il allait poli-
liquer dans une pièce réservée d'un
cabinet lilléraire dv'Newcasthv pièce
BEW
2Ï9
oiî n'étaient admis que quelques adep-
tes et que les profanes appelaient en
riant la chambre des lords. Il aimait
beaucoup le poète Cuningham, qui
passa quelques années de sa vie a
Kewcastle. Bewick mourut près de
Windmill-Hillslc 8 nov. 1828 , dans
sa soixante -seizième année. Voici la
liste de ses principales productions :
I. Les planches du Traité d'arpen-
tage de riutlon , 1772. II. Les
planches des Eléments de géomé-
trie de Rossignol , trad. angl. du
docteur Enfield. III. Toutes les
planches de l'édition des Fables de
Gay , donnée en 1779, à New-
caslle (une de ces planches, /e^ Vieux
Chien j obtint le prix proposé en
177,5 par la société des arts pour
la meilleure gravure sur bois). I\.
Toutes les planches des Fables choi-
sies, publiéesfn 1784, par le même
libraire (sur quoi nous remarquerons
qu'une autre édition de Fables choi-
sies parut aussi en 1776, avec des
gravures en bois, mais dont on ne
peut assurer que Bewick fût l'au-
teur). Y. Histoire générale des
quadrupèdes. Cet ouvrage capital
pour la réputation de Bewick est
peut-être, de tous ceux qui ont été pu-
bliés sur la zoologie, celui qui a in-
spiré K plus d'hommes de toutes les
conditions et de tous les âges le goût
de cette branche de l'histoire natu-
relle. Le prospectus en fut distribué
en 1787, et le volume parut en
1790 j mais, dès le commencement de
1785, Bewick y avait déjà travaillé.
Au resle , l'hisloire naturelle des
animaux n'était pas chose nouvelle
pour lui : il en connaissait a mer-
veille les mœurs, les habitudes non
moins que les attitudes et les for-
mes. Ce goût pour la zoologie pit-
toresque s'était accru et développé.
Habitant et ami de la campagae.
220
BEW
il avait de fréquentes Oùcasious d'é-
tudier les animaux : des bailleurs
passaient souvent par Newcastle avec
de grands mamiiiifères a leur sui-
te ou dans des cages j Bevvick ne
manquait pas de les visiter. Dans les
environs , un ardent pronioleur de
l'étude des sciences naturelles, Mar-
maduke Tonslall de ^Vycliife, possé-
dait un musée et une espèce de mé-
nagerie , où noire graveur allait
dessiner les vivants et les morts. —
Les mammifères publiés par Bewick
sont principalement ceux de l'Angle-
terre , et j)lus spécialement encore
ceux auxquels les Anglais rappoitent
eu grande partie leur prospérité com-
merciale. Ainsi toutes les.vai-iélés et
races de bœufs , de cbevaux , de
moutons, de chiens, occupent une place
considérable dans l'ouvrage. Les an-
ciennes races de bestiaux calédoniens,
races k peu près perdues aujourd'hui,
s'y trouvent surtout retiacées. Des
textes par Hodgson et Beilby , revus
du reste par Bevvick, accompagnent
chaque figure. Mais ce qui charma
surtout le public, ce fut le nombre
des vignettes et des culs-de-lampe,
tous si gracieux , si riches d'idées ,
si naïvement dramatiques. Dans ces
tableaux en miniature, qui devraient
faire donner k Bév.'ick le nom de
Lafontaine de la gravure. Us ani-
maux: se trouvent mis en scène de la
manière la plus naïve , la plus en har-
monie avec leurs mœurs, leur nature
ou leurs besoins , la phis frappante
sous le point de vue de leurs relations
avec rhomme ; ce sont presque tou-
jours des leçons morales , parfois des
satires plaisamment incisives, parfois
aussi des solutions que Tarliste donne
k sa manière sur les hommes et sur
les choses, sur les questions et les
événements du jour. L'Histoire des
quadrupèdes a eu sept éditions.
BEW
\LUn magnifique Taureau sauva-
ge^ d'après nature, sur un individu
gardé au parc de Chillingliam , de-
meure de lord Taukarville , est k la
fois le chef-d'œuvre de Bewlck et le
nec plus ultra de ce que peut tenter
le burin du xylographe. Ou n'en tira
d'abord que quelquesepreuves, après
quoi l'on brisa le bloc de bois ;
mais , en 1817 , on eu rassembla les
morceaux et, en les rejoignant artis-
tement, on recomposa la figure pri-
mitive moins toutefois la riche bor-
dure qui lui servait d'encadrement, et
l'en en tira de nouveaux exemplai-
res. Un d'eux sur vélin s'est vendu
jusqu'à vingt guinées. VII, VIII.
Les planches de V Ermite de Parnell,
du Voyageur et du P illage aban-
donné , de Goldsmilh. Ces chefs-
d'œuvre de gravure sur bois fu-
rent exécutés en société avec son
frère. IX. U Histoire des oiseaux
delà Grande-Bretagne, 2 vol.,
1797 et 1800. Le premier contient
les oiseaux de terre ; le second
est consacré aux oiseaux aquati-
ques. Les textes du premier sont
dus k Bt-ilby : la rupture dont il a
été question força Bevvick a se char-
ger de ceux du second volume , mais
avec la collaboration ou la révision
de Cotes, vicaire de Bedlington.
Toutes les espèces représentées dans
ces deux volumes le sont avec une fi-
délité, une délicatesse surprenantes.
Comme dans la publication des qua-
drupèdes, ce n'est pas aux détails
zoologiques seuls que l'artiste s'est
attaché : il met eu scène les oiseaux
comme les mammifères, et par quel-
ques traits de burin initie aux mys-
tères variés de leurs ruses, de leurs
chasses, de leurs voyages, de leur
nidification et de leurs amours. Aussi
cet ouvrage, plus estimé encore que
l'autre , a-t-il eu un grand nombre
BEW
d'édillous avec et sans la lelfie. X.
Les planches du recueil inlitiilé Fa-
bles cV Esope et autres avec dessins
de Tli. Bewick, 1818 (ce recueil
fort beau n'eut pas lout le succès
qu'il méritait ). XI. Celles desFables
choisies, édit. Emerson Cliarnley ,
1820. Les gravures apparlieuuent
presque toules au premier âge de
Bewick , qui fut , comme on Ta vu ,
mécontent de leur seconde publica-
tion. Cependant onlui fit comprendre
que la réunion de ses premiers tra-
vaux serait un jour nécessaire pour
qui voudrait tracer l'histoire de la
xylographie ; et , a la tète de la
colleclion, il plaça lui-même un mé-
moire flirt bien écrit avec le catalo-
gue de ses productions les plus im-
portantes. XIL Pallie des planches
du f^ojage en Suède , Laponie ,
etc., de Consett (particulièrement le
renne et les traîneaux des Lapons).
XTIL Le Bœuf gras de Whilley,
auquel on peut joindre celui de Kyloe.
XIV. Le Zèbre, V Eléphant , le
Lion y le Tigre, quatre grands sujets
exécutés pour le fameux Pidcok. XV.
Beaucoup de dessins pour un livre
sur les poissons de la Grande-Breta-
gne. Le plan de cet ouvrage était le
même que celui de l'histoire des qua-
drupèdes et de l'histoire des oiseaux.
— Bewick a fait de plus le seul portrait
deCunningliara quel'ou connaisse. Le
sien a été gravé un grand nombre
de fois sur de simples dessins : celui
qui a été peint par Ramsay est un
fort beau morceau ; et son buste par
Bailv orne la bibliothèque de la so-
ciété pliilosophique de INewcaslle. —
Jean Bewick, frère du précédent ,
né a Cherry Burn , en 1760, fut
initié par Beilhy et par son frère à
l'art ciont celui-ci reculait les limi-
tes. Il quitta ensuite Newcastle pour
aller s'établir a Londres et y acquit
BEX 221
en peu d'années un grand renom. Sous
quelques rapports, il surpassait Tho-
mas, et il eût peut-être été plus loin
que kii. Malheureusement une affec-
tion pulmonaire l'emporta eu lypS.
On n'a de lui que quelques planches de
Y Ermite, du Voyageur et du Vil-
luge abandonné , plus tous les des-
sins des planches de la Chasse ,
poème de Somerville , moins une qui
a été fournie par PoUard. Ces dessins
n'ont point été perdus; tous ont été
gravés ])ar Thomas. . P — ct.
ïîEXOiV ( SciPiON - Jérôme ),
jurisconsulte , était frère de l'abbé
Bexou, connu par l'honneur que lui
fit Buffon en le choisissant pour son
collaborateur ( Voy. Bexon , lY ,
425). Né en i^53 a Remiremont,
il acheva ses études a l'université de
Nancy, et revint dans sa ville natale
exercer la profession d'avocat. Quel-
que temps après, la princesse L.-Ad.
de Bouibon, abbesse de Remiremont,
le nomma son procureur fiscal. Il fut,
en 1787, un des commissaires élus
pour rédiger les cahiers du bailliage.
Comme beaucoup d'autres, il ne pen-
sait pas que la réforme des abus
dût amener le renversement desinsli-
tutious ; et, lorsqu'il vit que l'existen-
ce de l'abbaye de Remiremont était
menacée, il publia en 1790, sous
ce titre : Cri de l' humanité et de
la raison , une apologie de l'i'lus-
Ire chapitre, dont la suppression,
disait-il , entraînerait la ruine de
la contrée. A l'organisation des mu-
nicipalités, il fut nommé commis-
saire du roi près celle de Remire-
mont"; mais il ne tarda pas a quitter
cette ville pour venir a Paris, cù il
fut employé successivement dans
diverses fonctions judiciaires (i).
(i) On le nomma en 1794 rapporteur ou
accusateur public d'une commission militaire
a22 BEX
Elu président du tribunal crimi-
nel de la Seine en 1796, il lourna
dès -lors ses vues vers l'e'tude du code
dont il élait obligé de faire sans cesse
rapplicalion, el composa sur ce sujet
divers ouvrages, auxquels il doit uue
V)lacc dislinguée parmi les criminalis-
tes. A la réorganisation de Tordre
judiciaire, en 1800, il fut nommé
vice-président du tribunal de première
instance de Paris. Malgré les devoirs
de cette cliarge , il trouva leloisirde
faire à l'académie de législation un
cours de droit criminel , qui fut im-
primé dans les Annales de celte so-
ciété en i8o3. Connu déjà par plu-
sieurs ouvrages estimés, el dont l'un,
Théorie des lois criminelles (2) ,
lui avait mérité la grande médaille
d'or de Facadémie de Berlin, qui lui
fut envoyée par ordre du roi comme
hommage rendu au m.êrilc (3). A
la même époque il fut invité par l'é-
lecteur, depuis roi de Bavière, de
s'occuper de la rédaction d'un Code
criminel pour ses états. Maximilien et
son ministre, le baron de Mongelas,
lui écrivirent des lettres de remer-
cîment , contenant des éloges flat-
teurs sur celte rédaction que Bexon
envoya à Munich , au mois de jan-
vier i8o5. L'électeur avait char-
gé son miuiblre de lui mander
is^ appréciant à leur juste valeur
et l'auteur et l'ouvrage , il ver-
rait avec plaisir que son nom parût
cl la. tète duu livre qui coutei:ait des
près les armées de l'Ouest ; et il parut clans ces
contrées sous l'habit uiilitaire , ce qui ne lais-
sait pas d'être plaiiaut , avec sa taili^ petile et
contrefaite. il — dj.
(2) Le ministre plénipotentiaire de la républi-
que helvétique (P. -A. Stapfcr) lui écrivait en
1802 : « Vos savantes et profondes rcchenhes
sur la théorie des lois criminelles vous as>uiTnt
un rang distingué parmi les bicnlaiteurs de ia
socieié humaine.... Grâces vous soient donc
rendues, respectable m.ngisirat, etc. » V ve.
(3) Lettre du uiarquis de Lachcîiiii, 1802.
BEX
principes et des vues si utiles. Et
Bexon publia en 1807 , Application
de la théorie de la législation pé-
nale , ou Code de la sûreté publi-
que et particulière , fondé sur les
règles de la morale universelle ,
sur le droit des gens ou droit pri-
mitif des sociétés, et sur leur droit
particulier dans Vétat actuel de la
civilisation; rédigé en projet pour
les états de S. M. le roi de Ba-
vière, 2 vol. in-folio. Dans le
même temps il reçut du grand-juo-e
du royaume d'Italie une lettre très-
flatteuse , qui réclamait son avis
sur le projet du code qu'il venait
de soumettre a l'examen des prin-
cipaux jurisconsultes italiens. Mal-
gré toute l'estime dont jouissait
Bexon, il ne fut pas compris dans la
nouvelle réorganisation des tribunaux,
eu 1808. Son opposition au despo-
tisme iinpérial, et d'autres causes
moins honorables , mais qui sont
restées ignorées du public , furent
les motifs de son exclusiou. Ayant
traversé la révolution sans augmenter
sa modeste fortune, il fut obligé de
reprendre les fonctions d'avocat (4).
Dans le célèbre procès des patriotes
de 1816, il plaida pour Desbaunes,
ancien garde de Monsieur; mais la
police, qui avait évidemmenl préparé
cette affaire, rendit inutile le zèle des
avocats, et Bexon ne put sauver son
client. Pvetiré depuis quelques années
a Chaillot, il y mourut le 17 nov.
1825.11 élait membre de l'académie
de législation, de l'Alhénée des arts,
(4'l En i8i5, le prince de Condé le recom-
manda vivement au chancelier , comme avant
rendu des ser^'ices très uliles à sa fille, lorsqu'elle
était abbessc du chapitre de RemiremonI . Le prin-
ce louait aussi la pureté de ses pnriciues el la
fermeté de sa conduite dans l'exercice des dange-
reuses/onctions attribuées à la pince qu'il a rem-
plie au tribunal cifil de l'iiris. On ne voit pas (lue
cette recommandation ait été fort utile à Bexon.
V— \i.
BEY
ai3
de la société académique des sciences,
de la société phllantropique,elc. Outre
un grand nombre d'écrits de cir-
constance , el qui sont aujourd'hui
lola'eraent inconnus, on a de Bexon :
I. Mémoire sur la forme de la
procédure par jurés, et sur l'u-
tilité d'un tribunal de correc-
tion paternelle, Paris, 1799, iu-
8". II. Parallèle du Code pénal
d'Angleterre avec les lois pénales
françaises , et considérations sur
les moyens de rendre celles-ci plus
utiles, ibid. , 1800, in-8". Cet ou-
vrage fut couronné par le lycée des
arts. III. Développement de la
théorie des lois criminelles par
la comparaison de plusieurs légis-
lations anciennes et modernes ,
ibid., 1802, 2 vol. in-8°. IV. Ap-
plication de la théorie de la lé-
gislation pénale, etc., ibid., 1807.
iîn annonçant cet ouvrage dans les
Archives littéraires, Dussault s'ex-
prima d'une manière peu favorable
S'jr Beccaria et sur les philosophes
du 18'^ Aiècle, qui se sont occupés
de la réforme des lois pénales. Cet
article Irès-piquanl lui attira de 1 abbé
IMoi^ilel, premier traducteur franchis
de Beccaria , une lettre assez vive , a
laquelle Dussault fit une réponse non
moins forte que son premier article.
Ces trois pièces , qui méritent d'être
lues, sont insérées dans les ^rcAiVe^,
XVI, 406; XVII, 8i-5i4. V. Du
pouvoir Judiciaire en France et de
son inamovibilité, ib. , i 8 1 4, in-S*^.
Composé sous le régime impérial ,
dont il signalait le despotisme, cet
écrit ne parut cependant qu'après sa
chute. \ I. De la liberté de la
presse et des moyens d'enprévenir
et d'en réprimer les abus , ibid. ,
l8i4 , in-folio. W — s.
BEY DE BATILLY. Foy.
LEEtY j au Suppl.
BEYTS (le baron Joseph-FrAN-
çois) , né à Bruges, se distingua
dès ses premières années par une
grande force de coucepliou et une
aptitude marquée aux sciences ma-
thématiques, l'our devenir alors quel-
que cho>e , il fallait aller à l'univer-
sité de Louvain , qui cependant élait
bien déchue. Celui qui y obtenait la
première place au concours de la
faculté des arts, composée des pé-
dagogiesduPorc , du Faucon , du
Château et du Lys ( et non pas de
Lille, comme on l'a dit par erreur a
l'article DoBPirs, tom. XI, p. 095),
recevait des honneurs extraordinaires,
pouvait parvenir a tout s'il se desti-
nait à l'état ecclésiastique, et con-
servait jusqu'à la fiu de sa vie le titre
glorieux, mais assez peu chèrement
acheté, de primus. Beyts. obtint cet
avantage ea 1782, quoique B. -F.
Bax l'ait omis dans son Catalogus
omnium primorum (Malines, 1824,
in-12 ). 11 fat nommé substitut du
procureur-général au conseil de la
Flandre autrichienne, puis conseiller
pensionnaire et greffier en chef du
magistrat de Bruges. La Belgique
ayant été réunie a la France , Beyts
continua d'exercer des fonctions ad-
ministratives, et mérita par ses ta-
lents, son zèle et sa probité, d'être
élu, en 1797, au conseil des cinq-
cents comme représentant du dépar-
tement de la Lys. Dans cette assem-
b'ée il ne fit pas moins remarquer
ses connaissances en iégi.datlon que
la sagesse de ses doctrines politiques.
Ln de ses premiers soins fut d'atti-
rer ratteullon de ses collègues sur
l'iuslructiou publique, et d'exciter
leur intérêt en faveur des émigrés par
l'effravaule peinture qu'il traça des
effits de la terreur dans les départe-
ments du Haut et Bas-Rhin, où trente
mille individus , forcés d'aller cher-
224
BEY
cher uu refuge au foud de la Forêt
Noire, u'avalenl pu rentrer daus les
délais prescrits. Une autre fois , il
plaida avec énergie la cause des ren-
tiers et des pensionnaires de l'élat,
et s'opposa à ta réduction des intérêts
qui leur étaient dus, déclarant que
les plus beaux décrets de l'assemblée
constituante étaient ceux des 17
juin, 18 juillet et 27 août, « qui
avaient mis la dette publique sous la
sauve-garde de la loyauté française, n
Plus tard , il s'éleva contre le projet
de loi qui , en excluant des fonctions
publiques les ci-dc vaut nobles, flétris-
sait d'une exception injurieuse une
classe entière de citoyens , et il pro-
posa l'ajournement de la partie du
projet de Chollet , laquelle tendait a
exiger de tout homme qui avait éfé
prêtre un serment spécial. En d au-
tres circonstances, il s« montra l'en-
nemi des mesures de police et le zélé
défenseur de la liberté individuelle.
Mais, si l'on en croit Beffroy deRei-
gnj, a au 18 fructidor il sut conser-
ver sa place, moyennant quelques dia-
tribes contre les nobles, qui ne coûtè-
rent rien a son talent, mais qui durent
coûter quelque chose à sa conscience. »
( Dict. des hommes et des choses.)
Lorsque le 18 brumaire eut changé
le gouvernement de la France, Beyts,
accusé d'avoir voulu s'opposer au
succès de cette journée, fut contraint
a s'éloigner de Paris ; mais au bout
de quelque temps il obtint la levée de
la mise en surveillance à laquelle il
avait été soumis. Il s'était en effet
borné, candide légiste, à invoquer le
texte de laloi, puis, comme la plupart
de ses collègues , il avait sauté bra-
vement par une des fenêtres du châ-
teau de Saint-Cloud. Le prenàer
consul , qui l'appréciait et devinait la
portée de son opposition , le nomma
préfet du département de Loir-et-
BEY
Cher. Mais, comme son penchant et
la nature de ses premières occupa-
t.onsle rappelaient vers une carrière
différente, Beyts demanda et obtint
la place de commissaire du gouver-
nement près le tribunal d'appel de
Bruxelles, place qui , aussitôt après
la nouvelle organisation judiciaire,
fut transformée en celle de procureur-
général impérial. En i8o4, il fut dé-
coré de la croix de h Légion d'Hon-
neur, distinction dont on était encore
avare. \ ers la fin de 1810, il partit
pour La Haye comme procureur-gé-
néral près la cour impériale établie en
cette ville. L'invincib'e et naturelle
aversion des Hollandais pour les créa-
tures d'un gouvernement qui voulait
anéantir leur nationalité^ lui rendit le
séjour de ce pavs peu agréable, et
lui fit désirer de retourner dans sa
patrie, vœu qui fut accompli, en avril
181 I, par sa nomination à la place
de premier président de la cour im-
périale de Bruxelles. Il portait alors
les titres de baron et de comman-
dant de la Légion -d'Honneur. On
se rappelle l'affaire déplorable du
maire d'Anvers, dont la sentence
d'acquittement fut cassée par'un sé-
nalus-consulle. Le préfet des Deux-
INèthes, M. d'Argenson, eut alors
le courage de résister aux injonc-
tions du ministre de la justice et du
conseil d'état* Beyts, plus souple,
rédigea le nouvel acte d'accusation
selon les vues du pouvoir. En 181 3,
il reçut une mission non moins épi-
neuse, et fut chargé de présider la
cour spéciale formée à Hambourg
par suite des troubles qui avaient
éclaté dans les villes anséatiques. Ces
fonctions rigoureuses , qu'il exerça
jusqu'en i8i4j il s'appliqua à les
adoucir autant qu il dépendait de luij
cependant il en fut en quelque sorte
puni par l'oubli où on le laissa depuis
BEI
celle époque. Pour se consoler de la
perte de ses emplois, il se livra
avec une ardeur intaligable aux élu-
des les plus diverses et les pins
abstraites. La révolution de i85o
trouva en lui un parlisan chaleureux
et satisfit des ressentiments per-
sonnels que l'homme le moins pas-
sionné ne sait pas toujours éleuffer.
Appelé au congrès , il vola l'exclu-
sion des ISassau, et fil ensuite jiar-
tie du sénat, où son talent parut
l'avoir abandonné. Desidées conluses,
une jovialilé déplacée, de 1 érudition
de collège, voilà ce iju'on gémit de
trouver dans la plupart de ses dis-
cours. Mais l'âge avait affaibli sa
tète, et , par une longue inaction , il
était devenu presr|ue étranger aux af-
faires publiques. 11 mourut au com-
mencement de l'année i852. Ses
manuscrits, achetés pour la biblio-
thèque de Bourgogne, sont des re
cueils de notes et de dissertations sur
l'astronomie , la physique et le sys-
tème planétaire. Parmi ses essais ,
(jui occupent les n°* 1286-1292 du
Catalogue de sa bibliothèque, il en
est un intitulé Jlanetho/i restitue ,
et un autre Histoire ancienne et
critique de l'ouvrage (de M. de
Grave) qui a pour titre: la Républi-
que dts Champs El) sées. 11 avait
conçu, en i 8 i 3 , et lait exécuter a
Paris, en 182.5, un globe céleste
destiné a vérifier les dates et à con-
stater ou à combattre la haute aiili-
quité des monuments sur lesquels
l'histoire écrite des nations manque de
renseignements suffisants. Le premier
supp'ément ii la Galerie des con-
temporains, Bruxelles, 1829, IX,
65, en ofFre une descrinlion fournie
par rinventeur lui-uiéme. Il avait
été inspecteur- général des écoles de
droit, spécialement chargé de celles
de Bruxelles , de Strasbourg et de
liL'Z ïrj
Coblenlz, et chancelier de la troi-
sième cohorte de la Légion-d'Hon-
n»ur. Nous ne connaissons rien d'im-
pWmé de sa façon , excepté un JJis-
cours français, prononcé le 20 mars
1806, lors de l'iuslallation de l'école
spéciale de droit à Bruxelles, et in-
séré dans le procès-verhid de celte
cérémonie, Bruxelles, i8o6,in-4"j
plus deux Discours latins , pro-
noncés en I 8 I 0 et en 1 8 1 3 , Bruxel-
les , 18 i3 , I 0 et i4- pag> in-4.°. Ils
se terminent également par le cri of-
ficiel de f^ive l'empereur ! et sont
surtout destinés a protester de l'admi-
ration et du dévouement de l'orateur
pour la personne sacrée du héros
du i^" siècle. — Pierre Beyts ,
frère du précédent , fut professeur de
chimie et de physique expérimentale
a l'école centrale du déparlement de
l'Escaul. On a de lui : Discours
inaugural sur les progrès récem-
ment faits dans les sciences phy^si-
qies et chimiques , sur les avanta-
ges de la nouvelle méthode d'en-
seigner ces sciences, etc., Bruxel-
les, an X (1802), 67 pag. in-12.
\'ov. Jjagas. encycl., \1II° ann.,
t. III, pag. i56-i4o. R — F — G.
BE20^' S (Claude Bazin , sei-
gneur de), conseiller d'élat ordinaire,
me.iibre.de l'académie française , na-
quit a Paris , en 1617. A l'âge de
vingt-deux ans il fut pourvu dune
charge d'avocal-îéuéral au <rrand-con-
seil. Nommé intendant du Langue-
doc, il eu exerça les fondions vingt
ans, avec beaucoup dhabileté. De
retour a Paris , en 1675 , il reprit
son service ordinaire de conseiller
d'état , jusqu'à sa mort armée le 20
mirs 1684. Il avait remplacé a Ta-
cadémie française , le 5 février
1645 . le chancelier Séguier , de-
venu protecteur de cette compagnie.
Il fut le premier qui, a Texemplc
226
BEZ
de Palru , prononça un discours de
réception. Dans sa harangue (i) il fut
hi^ancoupp'us simple que son raodèlj.
On y trouve nëauraoius le gerii#
de tous les lieux communs qui ont été
débités depuis eu pareille circon-
stance. Ou a de lui : I. Discoiws sur
le t l'ai té de Prague fait ^ /e 3 o- 2 o
mai 1655, entre l'empereur et le
duc de Saxe, translaté du latin[2)
et augmenté des articles mêmes du
traité, Paris, lôSy, in-8° de 182
pages. Cet écrit composé par le ju-
risco isulte .lean Stel a, déguisé sous
le nom de Juste Aslerius, te repré-
sente clairement les desseins et arti-
fices de la maison d'AutricLe et la
simplicité des Saxons. » Les conti-
nuateurs de laBibllolhèqueliislorique
du P. Lelong [lom. III, pag. 8, n°
29,24.6 ) n'en ont connu ci l'au-
teur ni le traducteur (5). II. Dis-
cours prononcés en 1666, aux
états de Carcassonne , comme
inteiulant de la province de Lan-
guedoc. Il eut quatre fils dont l'aîné,
d'abord conseiller au parlement de
Metz, mourut intendant de Bor-
deaux. Le second devint maréchal
de France (/^'oj'. Bezons, IV, 43 5 j.
Le troisième, chevalier de Malte,
périt sur le vaisseau le Conqué-
rant, en 1679. ^^ deruier, Ar-
mand Bazin de Bezoxs , né en
i635 , agent général du clergé, suc-
cessivement évèque d'Aire, archevê-
que de Bordeaux et ensuite de Rouen,
fut député aux assemblées générales
du clergé qui se tinrent de i685 a
(ij Recueil des harangues prononcées pat mes-
sieurs de V académie française , Paris, Coignaid ,
168S, iii-4°, p. 4.
(?.) L'origiual latin a poni- titre: Deploratio
pacis germanicce, sine disserlulio de pace fragensi,
inila auno i63d , Paris, i636, in folio.
(3) Cependant Pelisson.danssa Relation conte-
nant l'histoire de l'académie française, fait Bizons
aiUeur de celte traduction , à laquelle , dit-il, il
n'a point mis son nom, V ve.
BIA
1 7 [ 5 . Après la mort de Louis XIV,
il fît partie du conseil de régence et
fut chargé de la direclion des écono-
mnls. Il mourut , le 8 octobre 172 i,
dans son château de Gaillon. On a de
lui des Ordonnances sjnodales du
diocèse de Bordeaux , Bordeaux,
i7o4,in-8°, et \t Procès verbal
de l'assemblée du clergé tenue,
en i685^ à Saint-Germain - en
Laje, qu'il publia, eu qualité de
secrétaire, avec CLiude tiennequîu ,
Paris, i690,in-ful. L — m — x.
BIAGI 'Je P. ClèIment), savant
archéologue , né vers 174^0 , k Cré-
mone , entra dans l'ordre des Camal-
dules , et consacra ses loisirs aux re-
cherches d'érudition. Ses talents lui
méritèrent bientôt l'eslime du cheva-
lier Jacques Nani , patricien de Ye-
uîse , qui mit a sa disposition le mu-
sée qu'il possédait et qui était regardé
comme un des plus riches de l'Italie
en inscriplions grecques et romaines.
De l'étude des langues et des anti-
quités , le père Biagi fut obligé de
passer à celle de la théologie. Nommé
professeur au collège de la Sapience
a Rome , il fut en même temps chargé
de la continuation du Diaiio eccle-
siastico; mais, quoiqu'il s'acijuitlàt
de celte double tâche avec beaucoup
de zèle, les travaux du théologien ne
purent jamais balancer dans l'estime
publique ceux de l'antiquaire. Ayant
obtenu sa sécularisation, il se démit de
sa chaire et vint habiter Milan, oiî il
mourut en 1 804. Outre les notes iné-
dites dont il enrichit la traduction
italienne de VArgonautique de Va-
lerîus Flacons , par le cardinal Flan-
gini [J^oy. ce nom , XV, 24), et une
traduction du Dictionnaire théolo-
gique de Bergier, avec de uotn-
breuses additions (i), on connaît du
(i) L'édition la plus récente est celle de 182'-,
12 vol. in-8". '
BIA
P. l'iagi : I. Ragionamento sopra
un'antica statua nuovainente sco-
perta nell'agro romano , Rome ,
1772, in -4.°. II. JMoniwienla
grœca ex musœo J. Nanii illus-
trata, ibld., 1785, in - 4°, fig.
III. Tractatus de decretis ^the-
nie/isibus , in quo illustratur sin
gulare decretum Atheniense , ex
musœo J. Nanii, ibid., 1787, 3
vol. iu-4°. Cet ouvrage n'a été tiré
qu'a 260 exempl. {P oj. le Manuel
du Libraire, de M. Bi unet, I, 1 89).
Dans cet ouvrage, l'auteur montre
une connaissance approfondie de la
léi;islnlion des républiques de la
Grèce et particu'ièrement de celle
d'Atliènes. Il corrige avec une sa-
gacité rare el complète en plusir-urs
endroits Ies/^a5/e5 de Cormn^P'oj.
ce nom , X, 5), el les Leges atticœ
de Samuel Petit ( Voj. ce nom ,
XXXIII, 482). Tout en rendant jus-
tice a son érudition, M. Mahul
lui reproche de trop négliger son
stjle (Voy. la Revue encyclopédi-
que , 'S W ^ 5 02). IV. Monumenta
grœca el latina ex musœo J. Na-
nii illustrata , ibid., 1787, in-4'',
fig. Le P. Paulin de Saint-Barthé-
lemi a publié \' Eloge de Biagi dans
le Giornale di Padova , décembre
180.5. W— s.
BIAGIOLI ( Nicolas -JosA-
phat), grammairien et littérateur,
naquit en 1768, a Vezzano , petite
ville de l'état de Gènes. Ses parents,
qui jouissaient de quelque aisance , ne
négligèrent rieu pour lui procurer
les avantages d'une excellente éduca-
tion. Il répondit à leurs soins ,
alla faire ses humanités a Rome , et
h dix- sept ans occupala chaire de lit-
térature grecque et laliiie a l'unlver-
silé d'Urbin. On prétend que, d'a-
près le désir de son père , il en-
tra dans Pétai ecclésiastique au-
BIA
%•>.•]
quel il renonça bientôt , et que plus
tard il obtint sa sécularisation, et
se maria. Ayant embrassé la cause
de la révolulion à l'époque où les
Romains essajèreut, sous la protec-
tion des armées françaises, de réta-
blir le gouvernement républicain , il
futnommépréfetjel lorsque, en 1799,
les Français furent ob'igés d'aban-
donner l'Ilalie, il vint chercher un
asile k Paris. Pourvu, au Prytanée,
d une chaire d'italien, qui fut sup-
primée dès l'année suivante , il se
trouva dans la nécessité de se créer
des ressources. Ce fut alors qu'il ou-
vrit, en société d'A. Mango, ancien
professeur au lycée de Lyon, des
cours de langue el de littérature ita-
liennes dont le snccès toujours crois-
sant surpassa toutes ses espérances. Ja-
mais à Paris aucun professeur d'italien
n avait vu tant d'é'èves accourir à ses
leçons, qui étaient d'ailleurs accompa-
gnées de deux concerts par mois.
Les divers ouvrages qu'il publia suc-
cessivement ne firent que confirmer et
accroître saréputalion d'habile gram-
mairien. Passioniié pour Dante et
pour Pétrarque, qu'il nomme le second
de ses maîtres (i) , Biagioli poussa
beaucoup trop loin son admiration
pour ces deux grands poètes (2), en
traitant d'ignorants ^ de barbares
et d' inse/tsés ceu% qui ne partagaient
pas son enthousiasme fanatique pour
(i) Biagioli ne dit pas quel est le preiniei- ;
on peut conjecturer que c'est Duinarsais, dont il
parle avec le même enthousiasme que de Pt-trar-
qiie ou de Daiile, et aux ouvrages duquel il
av.iil réellement de irès-grandes obligations.
(2) 11 est vraiment curieux de voir la manière
dont Eiagioli , dans la préface de son édition de
Dante , parle de Voltaire et de Laharpe , qui
s'claient permis quelques observations sur son
fameux poème. C'est par une espèce de grâce
qu'il veut bien les ranger parmi ceux dont la
fulie 1 1 la sottise fà/Ha esiinjj/icilaj lui paraissent
dus dignes de pitié que de courroux; inas il traite
avec bien jdus de mépris Bcttinclii, Loinhardi,
etc. , qui devant mieux conn;iiîre Dau;e , ne
sont pas excusables d'avoir ose relever quelques
fautes dans son admirable ouvrage.
I5.
228
BIA
les objets de son culte 5 et il s'attira
par Ta des reproches assez vifs de la
part de ses compalrioles 5 il se prépa-
rait a leur répoudre , lorsqu'au retour
d'un voyage qu'il avait faU en Angle-
terre sur l'invitation de quelques-uns
de ses élèves, il fut atlaque' d'une
fluxion de poitrine, dont A mourut
le i3 décembre 1 85o.ll seraitinjusle
de reprocher à Biagioli d'avoir eu-
ceusé tour-h-tour Bonaparte et les
Bourbons. Etranger , il était eu
quelque sorte obligé de payer un tri-
but au gouvernement qui lui accor-
dait rhoïpllalité. Tous ceux qui se
sont contluils comme Biagioli n'ont
pas la mèrae excuse. On a de ce
grauiniairit.'n : I. Des éditions de
la tiaducliou italienne de Tacite ,
par Davanzali , Paris , 1804.5 ^ ^'"^•
in-ia, avec une préface 5 des Lettres
du cardinal Bentivoglio, ibid., 1807,
iil"i2, accompagnées de noies gram-
luaticales et analytiques 5 du Tcso-
relto dclla linguii toscana, ossia la
Triniizia, etc., ibid., i8i6,in-8";
1822 , même format {Voy. Firen-
zuoLA , XIV, 558); de Dante ^
j8i8 , 5 vol. in - 8>\, avec un nou.
veau commentaire en italien : tra-
vail , qui l'occupa, dit il, pendant
dix - sept ans, et qu'il dédia au
comte Corvetto ( cette excellente
édilio:i a été reproduite a Milan
en 1819)^ des Rime; de Pétrar-
que, 1821, 3 vol. in -8°, édi-
tion ornée d'une vie de Pétrar-
que , pleine d'intérêt 5 chaque piè-
ce , précédée d'un argument, est
accompagnée d'un commentaire utile,
mais trop empreint malheureusement,
suivant le judicieux M. Gamba , de
l'admiration superstitieuse de Bia-
gioli pour son auteur favori 5 des
Poésies de Michtd-Ange Buonarotti,
ibid., 1821, in-o". Il serait k dési-
rer q.ic le» notes fussciil moins uom-
BIÂ
breuses , mais plu5 importantes {P^.
la Série de' testi). II. Grammaire
italienne élémentaire etraisonnée,
suivie d'un traité de la poésie ita-
lienne , Paris, i8o5, iu-8°. Celte
grammaire, approuvée par l'iuslitut,
sur le rapport de Doinergue, a eu
beaucoup de succès, comme nu peut
en juger par le nombre des éditions.
Celle de 1829 est la sixième. L'au-
teur, pour répondre au vœu de ses
élèves, en publia lui-même un
abrégé. Cependant M. de Francolini
reproche k Biagioli d'avoir, par l'en-
vie de se singulariser , adopté le sy-
stème le plus erroné, et de s'être trop
occupé de puérilités, tandis qu'il laisse
sans solution des difficultés réelles
(voy. JSoiiv. Grammaire italienne ,
i853, préf., viii). ni. Gramma-
tica raggionata délia linguaj'rnn-
cese , ibid., 1808, in-8". Biagioli
se flatte que, au moyen de la méthode
qu'il a suivie, les Italiens en étudiant
le français apprendront en même
temps leur propre langue. IV. Trat-
tato délia poesia italiana, ibid.,
1819, in-8°. V. Préparation à
l'étude de la langue latine , sui-
vie d'une nouvelle méthode d'a-
nalyse logique et d analyse gram-
maticale, et de l application de
cette méthode d cinquante exer-
cices ; ouvrage nouveau au moyen
duquel on peut apprendre le latin
en soixante leçons, ibid., 1829,
in-S". Cette méthode , annoncée
avec un peu trop de charlatanisme ,
n'est autre que celle de Duraarsais
{voy. ce nom, XII, 212).
VI. La traduction française des
Fables de Phèdre, nouvellement dé-
couvertes, Paris. i8i2, in-8"(/^'oj^.
Phèdre, XXXIV, 17 ). Vil. Des
notes sur la Napoléide , ou les
Fastes de Napoléon , ouvrage de
son compatriote Pctroiii , traduit eu
Bl.i
français par M. Tercy, 1812, în-
4-'. VIII. Un poème latin sur la
mort de Kenible , célèbre acteur
anglais 5 et des pièces de vers sur
la naissance de Rossini,sur le cou-
ronnement de Charles X, etc. II
a laissé manuscrits un Commentaire
historique et littéraire sur le Dé-
camtron dcBoccace (3); une Vie de
Dante, avec les notices des diverses
éditions de son poème, et la réfuta-
tion des critiques (pi'en ont faites quel-
ques écrivains distingués , suivie de
l'analyse impartiale de toutes les
traductions et des autres travaux cnT
trepris sur ce fameux poème ; Rac-
conlo di visioni e Jatti veri ri-
guardanti la sesta edizione delta
grammatica iiostra, et Saggio dei
sublimi jatti in Italia su la Di-
vina Commedia , dal i 8 1 5 ; et enfin
UD Dictionnaire italien, rédige sur
un nouveau plan , auquel il travail-
lait depuis plus de quinze ans.
IVJ. Henri Bescherelli, élève de Bia-
gioli, a publié une Notice sur son
inaîire dans la Revue encyclopédi-
cjue , février io3i. W — s.
BIAMOXTI ( l'abbé JosEPH-
Louis), philologue et poêle distin-
gué , lut un des hommes les plus
profondément instruits de l'Italie. Né
vers 1700, a Vintimille, de parents
pauvres, il rencontra heureusement
au sortir de ses études classiques quel-
ques familles nobles qui lui confiè-
rent l'éducation de leurs enfants. Il
s'en acquitta avec succès et trouva
dans ses élèves des protecteurs qui
l'aidèrent plus tard à mettre ses
connaissances au grand jour. Devenu
(3) L'intérêt que ne pput m.T!ii[uer d'offrir ce
travail sur Boccace fait espérerque le public n'en
ier^i pas privt. En i83J, on annonçait une
nouvelle cdilion de la Divine C'iintilie di- F)ai;te,
• vcc une traduclion en prose italienne , par liia-
gioli , et une nouvelle li-.uluclio!) française p«i
M. Bescherelli.
BIA, a'ig
conservateur de la bibliothèque pri-
vée du prince de Kheveuliiiller ,
Biamonti sut profiler de celte posi-
tion favorable pour ajouter k son sa-
voir et pousser aussi loin que possi-
ble l'étude des langues latine, grec-
que, hébraïque et italienne. Il quitta
les fonctions de bibliothécaire pour
occuper la chaire d'éloqu» ice de
l'université de Bologne d'où il passa
bientôt a celle de Turin. Quand
l'âge et les travaux du cabinet l'eu-
rent mis dans l'impossibilité de con-
tinuer le professorat , il prit sa re-
traite et vint se fixer a Milan, où il
mourut le i3 octobre 1824.. On lui
doit : I. plusieurs Discours pro-
noncés dans des occasions solennelles.
II. Une Grammaire de la langue
italienne. III. Un Traité sur l'art
oratoire. IV. Iplùgénie en Tau-
ride , tragédie. V. SopJionisbe ,
ir;igédie. VI. Des pièces de vers
estimées et beaucoup de fragments en
prose. Il traduisit du grec , en prose
italienne , quelques morceaux d'jLs-
chyle^ les OEuvres entières de So-
phocle, la Poétique cï/lristote ,
V Iliade d' Homère , les Odes de
Pindare 5 il Candllo, poème, Mi-
lan, i8rA et 1817, in-8°. Laver-
sion qu'il avait entrenrlse du Livre
de Job est demeurée inachevée. Nous
souhaitons qu'elle trouve un digne
continuateur et que les œuvres post-
humes de cet illustre abbé ne soient
point perdues pour les amis de la
bonne lillérature. Biamonti élait de
racadémie dos sciences de Turin, cl
membre honoraire de l'iuslllut de
Milan. B— X.
BSAXCIÎI (Ls P. IsiroRE),
historien et archéologue, s'e^t exercé
dans presque tous les genres sans ex-
celler dans aucun. ÎSé en lySS, k
Crémone . il embrassa jeune la règle
àei C?.mald!iles el !it profession h lia-
9,3o
BIA
venne dans la cûlèbro abbaye de
Ciaîse. Après y avoir cuseigné quel-
que temps la philosophie el la rhéto-
rique, il fut relégué par ses S'jpé-
rieurs au monastère de TAvelkua,
dont la situation au milieu de raonla-
gnes arides fait un séjour afireux
surtout pour des Italiens. Dans celle
sorte d'exil, ce fui une consolation
pour lui de se trouver dans la cham-
bre même que Danle avait habitée
lorsqu'il travaillait a son im;iiorlel
poème de l'Eiifet\ Cherchant des
distractions dans l'étude , il employa
ses loisirs a perfectionner les cours
qu'il avait dictés à ses élèves , a re-
cueillir des matériaux pour une Bio-
graphie sacrée, et kcomposer des dis-
sertations sur des sujets de morale ,
de philosophie, de physique , etc.
Ce fut aussi la qu'il écrivit ses 3Ié-
ditations . où il sut unir à d'excel-
lents principes théoriques un cours
de leçons pratiques, sages et faciles,
qui peuvent élre suivies dans tous
les étals et dans touies les classes de
la société. Cet ouvrage eut un très-
grand succès. L'archevêque de Mont-
Kéal en Sicile, informé des talents
du P. Isidore, le tira de cet exil en
le nommant a une chaire de philoso-
phie qu'il venait de londer au collège
de sa ville épiscopale. Avant de s'é-
loigner pour un temps dont il ne
pouvait fixer la durée, le P. Isidore
•voulut revoir sa fai.ille; et pendant
son séjour à Crémone il en examina
les archives, et commença dès lors
un travail qui, s'il était publié , jet-
terait, a ce que Ton présume, un
nouveau jour sur 1 histoire de cette
ville au raoyen-àge. A son arrivée a
Mout-Réal, '\ prit possession de sa
chaire , et acquit bientôt ccmme pro-
fesseur une réputation dont il se ser-
vit pour encourager la culture des
lettres et des sciences. Il concourut
BIA
a la fondation d'un journal [Notizle
dé" letterati), qui se soutint quel-
que temps par des articles très-re-
marquables, suc différents points de
morale et d'économie politique. Ce
journal ayant cessé de paraître en
1774) il recueillit ses articles dans
un volume qui fut très-bien reçu
du public , puisqu'il s'en Et deux
éditions la même année. L'acadé-
mie royale de Sicile s'empressa
d'associer l'auteur a ses travaux ; et
il obtint des témoignages d'estime des
savants les plus distingués de l'Italie.
Le prince Raffadale envo\é l'année
suivante , par la cour de Naples, en
Danemark , Teaimena comme se-
crétaire. Accueilli de la manière la
plus honorable à Copenhague , il
V trouva tous les secours dont il avait
besoin pour étudier ; et rédigea, sur
l'état des arts et des sciences dans
cette contrée, plusieurs lettres, qui
furent insérées dans le Diario de
Florence, ettraduites en français dans
\ Esprit des journaux. Le prince
Raffadale, s'étant acquitté delà mis-
sion qu'il devait remplir àCopenhague,
reçut de sa cour Tordre de se rendre
à Lisbonne 5 et le P. Isidore, que
ses qualités rendaient plus cher de
jour en jour à Tarabassadeur , fut
compris dans la liste des personnes
qui devaient l'accompagner. En tra-
versant la France il s'arrêta quel-
que temps a Paris, pour y visiter les
littéiateurs les plus éminents, et il
reçut un accueil Irès-dislingué de
Buf on , de d'Alembert , etc. Il
désirait vivement avoir un entretien
avec J.-J. Rousseau dont il avait eu
occasion de combattre les paradoxes^
mais, après une conversatlun fort
courte, ils se séparèrent peu salis-
faits l'un de l'autre (i). A son pas-
(i) Celle visite du |ière Isidore è J.-J. Rnos-
•eau n'a d'autre garant que M. Loais BeUo,/''t<«)
BIA
sage a Bordeaux, il fut admis a une
séance de Tacadéiiiie et il y prononça,
en italien , un discours qui fut très-
appla.idi. Quoique malade, il poursui-
vit son voyage jusqu'à Madriil ; mais,
d'après l'avis des médecins, il reprit
la route de l'Ilalie, sans avoir vu le
Portugal. Le comie Firm!;in le retint
à Milan, où il professa la philosophie
morale au collège de Brera. A sa
prière, ses amis firent des démarches
pour obtenir sa sécularisation 5 mais,
n'ayant pu l'obtenir, il reprit a regret
l'habit monastique qu'il avait cesse de
porter depuis son départ de la Sicile,
et revint à Crémone où il professa de-
puis 1775 jusqu'à la suppression de
son couvent. Devenu libre , il ne se
livra qu'avec plus d'ardeur a sou
goût pour l'élude, et surtout pour
les recherches d'antiquités. Les inva-
sions de rita'ie ne le détournèrent
point de ses doctes travaux 5 et il
était occupé d'un ouvrage important
sur l'histoire de Crémone, lorsqu'il
mourut dans cette ville en 1807 ^
l'âge de 7^ ans. On a du P. Isidore
un assez grand uombre d'écrits sur
différents sujets^ mais nous devons
nous borner à mentionner ici les prin-
cipaux : L Medilazioni su varipnii-
ti di fclic.là puhhlica eprivata^ l'a-
lernie 1774-, in- 12. C'est le recueil
des articles qu'il avait pijj'iés, com-
me on Ta dit dans \e Journal de Mont-
Réal. Il a été traduit en danois pen-
dant le séjour de l'auteur a Co-
penhague, puis en allemand , etc. II.
Discours sur le commerce de la
Sicile, ibid, 1774,111-12, a la tète
de la traduction iialienne des Essais
politiques de Hume. III. LetU-es
dcl P. Isidoro Bianc/ti, p Sg. Roussiau n'en a
point paile dans ses Confessions ; et Mu.'set-I'a-
ihay, a <jui l'on doit une f-'ie du philosophe do
Genève, si pleme de détails et de reîhi-iches ,
n'a pas connu telle pjiticulai'Jté , puisqu'il n'en
(ail aucui^e lueniion.
m;
23l
5;//' Vétat des sciences et des arts
en Danemark ^ Crémone, 1779?
in-Zi" .W[ ■Lamoraledelsentimento,
Lodi , 1775, in-8*^, a la suite des
Medilazioni. C'est le discours que
l'auteur a\ ait prononcé devant l'aca-
démie de Bordeaux; il a été traduit
en français par l'abbé Zacchiroli, Flo-
rence, 1779. \. / marmi Cremo-
nesi. C'est une explication très-éru-
dile des inscriptions découvertes à
Crémone on sur son territoire. VI.
Délie vicende délia coltura de'
Cremonesi. C'est l'histoire civile et
littéraire du Crémonais. L'ouvrage
est encore inédit j mais iRI. Louis
Bcllo l'a fait connaître par un long
extrait dans la f'iedu P. Blanchi.
Voy. aussi la Storia délia letLera-
tura ilaliana du P. Lombardi, I\ ,
296-98. A — D etW — s.
BiAXCONI (Jean-Baptiste ),
philologue, était l'oncle du conseiller
d'Auguste m. roi de Pologne (^oj'-
J.-L. BiANCOKi , IV, 454). Né en
1698, à Bologne, il acheva ses élu-
des au séminaire (Je Padoue, et eut
le bonheur de compter parmi ses
maîtres Facciohiti. De retour à Bo-
logne, il Y vécut dans l'intimité du
P. Baccbini, qui lui apprit les pre-
miers éléments de la uum smalique ,
et du P. Gotti, qui se chargea de le
dirio-er dans le dédale de lalbéologic.
A sa nomination au cardinalat , le
P. Golti détermina facilement sou
élève à raccompagner à Rome. iiMais
Bianco'i ne tarda pas a revenir a
Bologne j et, ayant été pourvu d'une
des principales cures de cette ville ,
il se dévoua six ans aux fonctions
pénibles du pastoral. En 1741, il
rési'^na ce bénéfice pour eutrer dans
la carrière de l'enseignement. Il ob-
tint la double chaire de grec et d'hé-
breu a racadémie. L'abbé Mingarelli
c^ le célèbre SpaH.anzaul furent au
2^2 BIA.
«ombre de ses élèves. Il joignil , en
1746, a ses autres fonctious celle de
conservaleur des antiques de l'insti-
tut. Son neveu, qui jouissait d'un
grand crédit k la cour de Saxe , lui
lit donner, en 1762, par Télecleur,
une commission honorable, qui le re-
tint plusieurs années h Milan. Ce fut
pendant son séjour dans cette ville
qu'il découvrit a la bibliotlièque Am-
broisieune un manuscrit d'une an-
cienne chronique ecclésiastique j il la
publia (i) avec une version latine et
des notes , sous ce litre : Anouymi
scriptorc.s historiœ sacrœ ah orbe
condilo ad V alentinianiim et Va-
lentem^ iinp., Ijologne, 1779, in-
fo!. Ce manuscrit ambroisien était dé-
fectueux : il y manquait le premier
feuillet j mais on en a retrouvé
depuis , k la bibliothèque de Mu-
nich, une autre copie avec le nom
de l'auteur, Julius PoUux [^Voy.
ce nom , XXXV , 208). Bian-
coni mourut la même année que son
neveu , auquel il ne survécut que
quelques mois , a Bologne, le i 7 août
1781. Outre l'édition dont on vient
de parler, on a de lui : De antiquis
litteris liebrœoriim et Grœcorum,
Bologne, 174-8 et 1765, in-^"-
Dans ce curieux opuscule, l'auteur
se propose de faire voir que les chan-
gements qu'on remarque dans les ca-
ractères hébraïques ne doivent pas
être attribués k Esdras , mais qu'ils
sont le résultai de la marche de toutes
les langues. Bianconi croit que les
caractères grecs sont dérivés des ca-
ractères hébreux , et pour le prouver
il les met en regard dans une planche.
W— s.
BIAXBRATE (Benveî^uto) ,
(i) c'est par inadvertance que l'on a dit à
r^irt. PoLLux (xxxv, J08) que Ûianconi n'avait
inibllé qu'une version lalinc de cette Chronique;
if lexte est en regard.
BU
seigneur de San-Giorgio , né dans
le quinzième siècle d'une ancienne et
illustre famille du Vercellais , fut
d'abord chevalier puis commandeur
de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusa-
1cm • mais sa prudence et sa connais-
sance approfondie des affaires publi-
ques le firent distinguer des marquis
de Monferrat, dont il était vassal.
Bientôt il fut président du sénat de
Casai, oiî ces princes faisaient leur
résidence , et après la mort du mar-
quis BonifacelV. en i/ipS , il fut
chargé de la tutelle de ses enfants et
du gouvernement de l'état. Benvenulo
s'acquitta de ces emplois avec la plus
grande distinction. Il fut député a
Kome vers le pape Alexandre VI, vers
l'empereur Maximilien et autres prin-
ces, et donna dans ces diverses occa-
sions des preuves de son habileté.
Mais des fonctions aussi importantes
ne purent le détourner de l'étude des
lettres, et il a laissé : I. Oralio obe-
dietitialis habita in publico con-
sistorio, Rome, i493,, m-i''. II.
Tiistoria marchionum Montisfer-
rrt//,Asti, i5i5;Turiii, i52r,
in-^**. Cette histoire fut traduite en
italien par l'auteur lui-même, mais
cette traduction est restée inédile.
III. Chronique du Monjevrat (en
italien ) , dédiée au marquis de Mout-
ferral , Casai, 1639 , in-folio. Tira-
boschi lui attribue une Histoire des
comtes de Biandrate , manuscrite.
La bibliothèque de Turin possède de
lui plusieurs manuscrits relatifs à
l'histoire du Monlferrat. Biandrate
mourut k Casai en 1627. — Son frère
aîné {Jean-Antoine), évèque de Par-
me et cardinal , appelé le cardinal
alexandrin, parce qu'il occupait le
siège d'Alexandrie , en Italie, quand
il fut promu au cardinalat, a laissé
divers ouvrages sur le droit canoni-
que. Voy. Sforia délia vercellese
BIA
BIA
a^3
leltc ratura, 1 , 445. G — G — y,
BIAUZAT ( Jeak-François
Gaultier DE)elail avocalh Clerraont
en Auvergne, lorsqu'il lui nommé ,
en 1789, député du tiers-état de
celle province, aux étals-généraux.
Il V embrassa avec beaucoup de cha-
leur la cause de la révolution j déclara,
dans les premières séauces, regar-
der les mauilats impératifs comme un
moyen de rendre inutile 1 aiSi-mblée
nationale, et proposa qu'il fût en-
joint aux députés d'opiuer sur tous
les objets qui couceruaieiit Tutililé
générale du royaume. Le 8 juillet,
il appuya l'avis de Mirabeau , qui
demandait qu'on éloignât les trouves
de la capitale, et cinq jours plus tard
il parla avec véhémence contre le ren-
voi des ministres, se plaignant de
ceux qui les avalent remplacés, de
manière a faire croire qu'il n'était
po.ul étranger aux mouvei;:euts qui
eurent lieu le lendemain ( la prise de
la Basldle ). Dans la discussion de
l'adresse, il disait : « Le seul moyeu
de parvenir au monarque est un
canal pestiféré. « Lois de la dis-
cussion sur les Droits de l'hom-
me et du citoyen , il parla beau-
coup contre la déclaration pro-
posée , dont il contestait la uécessilé.
Il voulut qu'on expliquât , dans la
constitution, que par le mot monar~
cJiie on n'entendait ju)int un gouver-
nement iondé sur la division des trois
ordres, mais sur les trois pouvoirs lé-
gislatif, exécutit et judiciaire. Le 1 4-
oclobre, il provoqua la discussion bur
rétablissement des municipalités , et
proposa d'autoriser provisoirement
chaque ville à les nommer. « Trois
pouvoirs, disait-il, régnent dans cha-
que ville : la municipalité ancienne,
le comité permanent et la garde na-
tionale. Tout annonce l'anarchie. »
Et il s'éleva contre le plan du comilé
de conslitullon, qu'il trouvait iinpru'
ticable, dangereux et inutile. Il
vouiait, pour l'admission des citoyens
aux assemblées primaires, une con-
tribution équivalente à une ou
deux onces d'argent, pour neulra-
liser V iujluence du curé., du sei-
gneur, et les intrigues des brouil-
lons de village. Le 16 lévrier
1790, il fut élu secrétaire; le
lendemain, il proposa d'ajourner,
après la consllluliou , une motion
de Cazalès pour le renouvellement
de l'assemblée. Le 10 avril, il
s'éleva contre les dépenses ministé-
rielles, et accusa Necker et Diifresne
Saint-Léon de s'opposera la commu-
nication du registre de liquidation.
A l'occasion de la nomination de
M. de Virieu h la présidence, quoi-
que signataire de protestations et un
des membres de l'assemblée le plus
atlaihés a l'ancienne monarchie,
Biauzat proposa den'exiger des mem-
bres entrant en fonctions que la dé-
claration de ne point protester a l'a-
venir contre les décrets. Le 21 mai,
il combattit la proposition de confier
au roi le droit de faire la guerre. Le
2. août, il dénonça un libelle impri-
mé à Clermout et ayant pour titre :
Tableau de t assemblée prétendue
nationale. A l'occasion de la démis-
sion de Necker, il obtint, le 4 septem-
bre, que l'assemblée s'en parât de
la direction du trésor public. Le 21
octobre , il dénonça des manœuvres
employées dans les régimeiits, parles
officiers ennemis de la révolution,
pour se défaire des &o\àa.\.s patriotes ,
et Ht demauderauministredelaguerre
l'état de louslescongés. Lei4décem-
bro, il dénonça encore la résistance
des eccléblasliques du Puy-de-Dôme
h la conslitullon civile du clergé, et un
manifeste des évèques , membres de
rassemblée, ['eude jours après, il fit
234
Bli
décréter qu'on demanderait au roi
une réponse signée, au sujet du refus
fait par S. M. , de sanctionner la con-
stitution civile du clergé. Au commen-
cement de 1791 , il ûénonca de nou-
veau div.^rs actes d'opposition à celte
constitution, entre autres une lettre
imprimée de M. de Bonald, ancien évè-
que de Clerniont. Le 3o mai, il ré-
firoduisit la motion de Mirabeau pour
e licenciement de l'armée, et fil ensui te
accorder des récompenses aux estro-
pies et blessés de ISaiicj et de la Bas-
tille. Le 24- juin, il interpella le jni-
nistre Montmoi in, au sujet des passe-
ports sigués de lui, que la reine avait
dans ia fuite. Le i3 août, il soU cita
des mesures contre les prêtres réfrac-
taires. Adversaire infatigable de l'au-
torité royale, lors de la discussion sur
la constitution , il refusa aLouisXVI
la faculté de faire des observations
sur les réformes votées par la pre-
mière législation, et s'opposa a ce
que le roi et le prince roval portas-
sent le cordon bltu. Enfin dans toute
celte longue session de l'assemblée
constituante, Biiuzat, orateur très-
verbeux et de très-courte vue, fut le
provocateur et l'appui de foules les
mesures révidutionnaires; et, lors de
la revision de la constitution, en 1791,
il se sépara de la majorité revenue k
des idées plus sages, et se réunit a
cette portion la plus exaltée de l'assem-
blée, composée des Robespierre, des
Péthion et des Grégoire, qui rê-
vaient déjà la république. Après la
session, il retourna modestement re-
prendre a Clermont ses fonctions
d avocat, et restant toujours lié avec
le par'i révolutionnaire le plus exa-
géré, il n'essuya pas les mêmes persé-
cutions que la plupart de ses anciens
collègues pendant le régime d»^ la ter-
reur. Le 6 avril 1790 , on le vit re-
paraître comme orateur d'une dépu-
BtB
tation de Clerinont-Ferraud pour fé-
liciter la convention de s'êtie affran-
chie , le 12 germinal, de la faction
des terroristes qui avait tenté de res-
saisir le pouvoir. Cependant nommé
l'année suivante juré de la haute pour
convoquée a Vendôme, pour juger
Babeuf et ses complices, il se mon-
tra d sposé en faveur des prévenus ,
et contiibua beaucoup a en faire in-
nocenter la plus grande partie. Ce fut
probablement par reconnaissance d'un
tel service que cette même faction
anarchiquc, qui dirigeait les élections
de Paris en 1798, le fit nommer dé-
puté ; mais le directoire annula les
opérations de l'assemblée qui Tavait
élu. Un peu plus tard, Biauzat, s'é-
tant réconcilié avec le gouvernement,
fut nommé juge au tribunal de cassa-
tion. Sous le gouvernement impérial
il devint conseiller alacour d'appel de
Paris, et conservacesfonciions jusqu'à
sa mort, arrivée le 22 février i8i5.
Il a publié : L Doléances sur les
surcharges que les gens du peuple
supportent en toutes espèces d'im-
pôts, avec des observations histo~
riques et politiques sur L'origine
et r accroissement de la taille,
1789, in-8°. IL Projet motivé
d'articles additionnels à la loi
du 19 janvier l'j^i , relative à
l'organisation des ponts et chaus-
sées. 1791, iu-8". M — DJ.
BiBÎÎIEXA (Jea>- Gai.li de) ,
romancier, né vers 1709a Nancy (i),
était neveu de Ferdinand et fils de
François Bibbiena (F", ces noms, IV,
459-6 T),célèbrearcliitecte, que Léo-
pold, duc de Lorraine , avait appelé
(0 Dans sa Notice des aiileuri qui ont écrit
dansie genre des Conte; de Fées, y\a)eT [foy <f.
nom au Sup i, confondant avec son oncle et son
père l'auteur d( s Amoun de h ait ne et de la
l'oupée , le fait njitre à Bologne en 1757, et inou-
lir aveugle en itdS. Il est difficile de pousser
plus loin la négligence et la "lislrîiction. Voy. /c
Cabinet des Fées, XXXVll , 80.
dans sa capitale pour y conslruire une
salle de spectacle Quelques années
après. François se rendit, rmnienaut
son Ëls a Vérone , où Maffei l'atten-
dait avec impatience pour le consul-
ter sur le pion d'un nouveau théâtre.
De Vérone il revint à Cologne, et
l'on peut conjecturer avec assez de
vraisemblance que le jeune Bibbiena
fut élevé dans cette ville , berceau de
sa famille. La nature ue lui avait point
accordé le goût des arts ni les talents
qui distinguèrent son père et son on-
cle. Il culliva les lettres , et vint en-
core jeune a Paris pour s'y perfec-
tionner dans la connaissance de notre
littérature. Il y publia des romans,
maintenant oubliés, mais qui pen-
dant assez long-temps ont été recher-
chés. Bibbiena fit jouer, eu 1762,
sur le Théàlre-Ilalien, la Nouvelle
Italie , comédie héroï-comique en
trois actes et en prose, mêlée de
chants, dont la musique était de
Duni, et dont on a fait récemment
une espèce de tragédie. Celte pièce,
imprimée la même année (chez Du-
chesne, in-8°), et dans laquelle une
partie Aes, personnages s'expriment en
Irançais et les autres en italien , ob-
tint un succès qu'elle ne dut pas
uniquement au jeu des acteurs et a la
nouveauté du spectacle (2). Fréron y
trouva du talent, de l'esprit et de
l invention , et il pensait que Fauteur
méritait d'être encouragé ( Voy.
\ Année littéraire^ 1762, VI, 5i);
mais le malheureux Bibbiena fut bien-
tôt, par une catastrophe épouvanta-
ble, obligé d'abandonner la carrière
dramatique. Convaincu de tentatives
(î) Les Mémoires de Rachaiimont disent que
celte pièce est très-ennuypiise; Favart ( JUe'/n.
et corresp. Itt.f iavfï. 2) dit que l'itice en est assez
ii)<;éiiieuse; mais tous deux sont d'accord avec
d'Origny (^Annules du Tliéùlre-ltidien), qu'elle
dut son succès à la jolie musique de Duni, et aux
talents de mademoiielle Piccinelli. A — t.
BiB
t35
de viol sur une fille de trois ans , il
fut condamné à mtrt par un arrêt du
Châteletdu 26 octobre 1763 [Foj-.
Dictionn . des anonymes, n° 2 2 7 0 o
(5)). Bibbiena, qui s'était soustrait
dans les premiers moments aux re-
cherches dirigées contre lui , n'atten-
dit pas l'issue de FalFaire pour pren-
dre la fuite. Il est assez vraisembla-
ble qu'il se retira en Italie , où il
mourut vers 1779- Les romans de
cet écrivain sont : I. Mémoires de
M. De...^ trad. de Fitalieu, in-i 2.
IL Histoire des amours de V alérie
et du noble Vénitien Barbarigo,
Lausnnne, 174-152 vol. in- 1 2 , réim-
primé dans le tome xviii delà Biblio-
thèque de campagne. III. Le jietit
Z'oufoî/, Amsterdam, 1746, 2 part,
in- 12. IV. La Poupée., La Haye",
1748, 2 part. in-i2. V. La force
de l'exemple, ibid., i 748 , in- 12 ,
et dans le tome vi de la Bibliothè-
que choisie et amusante. VI. Le
Triomphe du sentiment, ih., 1750,
2 vol. in- 12. W — s.
BIBERSTEIN (le baron
Marschall de ), conseiller d'état
russe, né dons le pavs de Wurlem-
herg en 1768, est surtout connu par
les services qu'il a rendus a la bota-
nique. Ce savant, après avoir ter-
miné ses études a Stuttgart , entra au
(3) Barbier, en rapportant cette anecdote, dont
les Mémoires secrets ni la Correspondance de
Crimm ne font aucune mention, n'en dit rien lui-
mêmedanï son Lxanien critiijue des Dictionn. hist.,
à l'article de Biliiina, qu'il fait mourir à P^iris,
vers i'79- Le fait est oourtant vrai, quoiqu'il
n'ait pas cité ses garants. Barbier a dû ie trou-
ver dans l'Histoire du Thvatrt- Italien, par Des-
boulmiers, dans les Annales du Théatre'Itohen,
psr d'Origny, tom. 11, |>ag. 12, année 1762, < ii
il dit que la Nouvelle Italie esi généralement at-
tribuée à B^bien:: qui , poursuivi par lu justice, fut
contraint de se sauver eu Hollande (ce ^n\ est plus
vraisemblable que de siqiposer qu'il mourut à
Pans, ou qu'il se retira en Italie); enfin dans
les Mémoires et Correspondances de Favart, qui
dit po.vitiTeinent , tom. il, pag. 170, dans une
lettre du 22 nov. 1763 : Le mulheunux Bibbiena
« été pendu en effigie la semaine dernière. A— T,
•^36
BIB
service militaire de Russie en 1792.
Encouragé par le célèbre Pallas ,
qu'il avait connu en Crimée , il se
rendit, en 1793, à Saint-Péters-
bourg , d'où le gouvernement allait
l'envoyer à l'armée de Perse, afin
de le mettre à portée de faire des
recbercbes géologiques dans les pro-
vinces de la mer Caspienne 5 mais
ce projet, qui répondait tant k Tes»
prit actif de biberstein, ne fut
réalisé qu'en partie. L'empereur
Paul ayant rappelé, aussitôt après
son avènement au trône , son ar-
mée de Perse , notre savant ne put
laire qu'un très-court séjour dans ces
contrées-, cependant il eut assez de
temps pour enrichir la géographie
d'une description des provinces de
la mer Caspienne. Bientôt après , il
fut nommé inspecteur-général pour
l'éducation des vers a soie dans les
provinces méiidionales de l'empire.
Cette branche industrielle avait déjà
pris naissance dans les mèniesprovin-
ces, sous le règne dePierre-le-Grand.
Ces fonctions , qu'il remplit avec
beaucoup de zèle et avec les résul-
tats les plus heureux, rendirent néces-
saire sa présence en Crimée et dans
les provinces du Caucase. Il y consa-
cra ses momenlsde loisir a son occu-
pation favorite , la botanique 5 aussi
s'cst-ll montré dans celte science le
digne émule de son prédécesseur Pal-
las. Ce dernier avait publié la Flora
Jxiissica j liiberslein lit connaître
Il Flora Taurico - Caucasica. La
première grande édition de ce dernier
ouvrage renlerme cent planches su-
périeurement exécutées, et elle est
devenue l'ornement des bibliothèques.
Eu 1804, il fit encore, avec l'agré-
ment du gouvernement russe, un
voyage scienlilique en Allemagne et en
France. L'empereur le décora de sa
grand'- croix de Saint-Wladiffiir de
BIC
la seconde classe. Il est mort k l'âge
de 60 ans, en 1828. — Biberstein
{Ernest-François Louis Marschall
de), de la même famille, né le 9
août 1770 a Wallertein, fut minis-
tre-dirigeant du duc de INassau et
son envoyé près de la diète de Franc-
fort. A l'iÀge de 12 ans il entra comme
élève k l'école militaire de Stuttgart,
où 11 acheva ses études. En 1791 ,
il prit du service dans les troupes
de Naïsau-Ussingen. S'élant livré
dès sa jeunesse a rélude de l'écono-
mie politiqucjil entra dans la carrière
civile et devint en 1806 ministre
d'état. Habile administrateur^ Biber-
stein se distingua principalem.ent dans
l'amélioration des finances de l'état
de Kassau , et il parvint surtout a
établir la plus parlaite égalité dans
la répartition des impôts. Il est mort k
Franclort, le 22 janv. i834-. G-c-y.
BICKEÎITON (sir PucHAP.D
HCSSEl ), amiral anglais, né le 11
oct. 1759, avait pour père nn ha-
bile marin qui fut conlre-amir.il et
baronnet, Richard ne comptait ([ue
douze ans lorsqu'il entra , en qualité
de midshipman, k bord du Malbo-
rougliy commandé par son père. Il n'v
resla que dix mois , et passa rapide-
ment kur divers navires, lanlôt suivant
son père, tantôt cherchant les moyens
de se familiariser avec les doubles
devoirs de sa profession moitié mari-
time, moitié guerrière. Il atteignit
ainsi le mois de déc. 1777, époque k
laquelle il fut nommé lieuleiiaut et
placé sur le Prince Georges , puis
sur \c Jupiter. Ce vaisseau de guerre
eut un engagement avec le navire
français le Triton qui fut forcé par
les Anglais de rentrer dans le port
du Fcrrol. L'intrépidité dont Bicker-
ton, k peine âgé de dix -neuf ans, fit
preuve en cette circonstance, lui va-
lut , avec les éloges de son capi-
BIC
laine, qui devint commodore , le
rang de raaîlre et de commandant.
C'est en celle qualité qu'en 1779 et
1780 il fil partie de l'escadre qui,
sous les ordres de Fielding , de-
vait intercepter une flolle de vais-
seaux marchands holl<tnd;iis char-
gés d'armes et de niimitions de
guerre. Le sloop le ^5'(vrt//ot^■, que
monlall Bickerlon, seconda très-ac-
livement Fielding dans l'exéculion
des ordres de l'amirauté : c'est prin-
cipalement h sa vigilance que fut dû
l'a-propos avec lequel l'escadre bri-
tauiii([ue se montra tout-k-coup en
présence des uavires hollandais, en
retint trois, dispersa les autres, et
vérifia les assertions qui avaient mo-
tivé sa défiance. Le iSwaîlow passa
ensuite aux Indes occidentales ( f é -
vrier 1781); et Bickerlon assista aux
combats qui .se terminèrent par la
conquête de l'île de Sainl-Euslaclie ,
à l'aide des forces réunies de Rodney,
et de Vaughan. Du Swallow, Ilic-
kerloti passa au Gibraltar, puis k
V Invincible , puis au Russe l ni r\i
Terrible. Ces trois derniers étaient
des vaisseaux de soixante-quatorze.
Le Gibraltar était de quatre-vingts.
A bord du second, Bickerlon prit part
au petit combat qui eut lieu, le 29
avril 1781, entre les flottes française
el anglaise commandées 1 une par le
comte de Grasse, l'autre par sir Sa-
muel Hood. Mécontent de son vais-
seau le Terrible, qu'il regardai: k
juste titre comme impropre au service,
il consentit k eu échanger le comman-
deiiient contre celui de la frégate VA-
mazone , puis contre celui d'une au-
tre frégate, \a.Brii/ie. Maislapaixde
1783, en coupant court aux hostilités
entre l'Angleterre et ses ennemis,
força beaucoup de militaires k la
retraite. Bickerlon alla passer qua-
tre ans en station dans les îles
BIC
237
Sous-le-Vent, sous l'amiral Parcker ;
mais rien de mémorable ne sio-nala
cette expédition. Les années suivantes
se pa^sèrent de même en allées et
venues k Terre-Neuve, dans le golfe
de Gascogne, dans la mer du JNord ,
dans !a Maaclie. Les blocus des porls
et des côtes de France étaient alors
l'occupation principale des forces na-
vales britanniques. Bickerlon, dans
ces innombrables et laborieuses évo-
lutions, déploya toutes ces qualités
qui ont valu a la marine ang'aise une
supériorité incontestable. En février
1799,11 fui nommé contre-amiral, et,
dans l'automne de la même année, il
arbora son pavillon k Portsmjutii
en qualité d'aide-commandanl du
port. Le 10 mai i 800, il fit voile pour
la Méditerranée sur sa frégate le
Chevalmarin, qui avait étédésigiiée
pour un commandement dans cette
station sons lord Keilb, et qui avait a
son bord comme passagers les géné-
raux Abercromby, RJoore et Hutchin-
son • il prit part au blocus de Cadix par
lord Keitb, puis avec cet amiral il se
dirigea vers Alexandrie , qui fut sou-
mise k un blocus bien plus rigoureux
que Cadix , blocus qui hâta la capitu-
lation de l'ar.mée française en Egvp-
te. Lord Keilh ayant ete obligé
de s"absenter de l'escadre, ce fi l Bic-
kerlon qui dirigea celle opération. Ce
fut aussi lui qui présida , en l'ab-
sence de l'amiral rappelé en Angle-
terre par la nouvelle de la paix, k
l'embarcation des débris des troupes
françaises. Tout le monde, amis et
ennemis, rendit justice k l'activité, k
l'Iiabiieté soutenues dont il donna des
preuves avant, pendant et après cette
capitulation mé.iiorable. IVlenou lui-
même ne put lui refuser àes louanges.
Le capitan-pacha, au nom du sultan
Sélim m, lui remit en cérémonie les
insiirnes de l'ordre turc du Croissant.
238
BIC
L'intervalle qui s'écoula de la paix
d'Amiens à la reprise des hoslilités
ne Tut point pour Bickertou uu temps
de repos : il commanda dans la Mé-
diterranée une des divisions desti-
nées a garder les nouvelles acqui-
sitions britanniques. En 1804., INel-
sou , s'éloignant pour se diriger
vers les Indes occidentales , lui laissa
le commandement de la station médi-
terranéenne. L'année suivante , le
mauvais état de sa sauté le força de
repasser eu Angleterre. Il n'en lut
pas moins nommé vice-amiral le 9
nov. i8o5 , et devint à la même
époque ua des lords de l'amirauté.
L'année suivante . il fut envoyé à
la chambre des communes , comme
représentant de Poule. Enfin , nom-
mé , le 3i juillet iBio , amiral de
la flotte bleue, il ne cessa point pour
cela de faire partie de rarairaulé:il
y resta au contraire jusqu'en 1812 ,
et à cette époque il remplaça Tamiral
sir Roger Curtis, comme commandant
en chef de PortNmouth. C'est pendant
qu'il remplissait les devoirs de cette
loucliun qu'il eut à organiser la
grande parade de la marine britanni-
que, a Spilhead, pour l'arrivée des
souverains aUiés en Angleterre. Le
roi actuel y paraissait comme grand-
amiral de la flotte 5 Bickerton et
Blackwood étaient ses seconds et re-
çurent ses félicitations par un ordre
du jour. Déjà il élait baronnet 5 l'a-
née suivante il fu)j éé chevalier com-
mandeur de l'or^^^j du Bain : à ces
titres il ajouta successivement ceux
de lieutenant-général du corps des
marins royaux ( 1 8 i 8 ) et de général
de ce même corps. Il avait ainsi
passé par tous les honneurs qui peu-
vent illustrer la carrière d'un marin ,
lorsqu'il mourut, le 9 février i832.
11 y avait neuf aps qu'à la soUici-
tatioude son oncle maternel, le lieute-
BIE
nant- général Vere AVarnerHussey, il
avait ajouté le nom de Hussey à celui
de Bickerton. — Son père, Richard
BiCKERTON,avait été nommé lieutenant
vers 1745,, capitaine en second en
1769, Commodore en 1786, et plus
tard commandant de Portsmouth. Le
20 juin 1783 , il avait eu part au
combat entre sir Ed. Hughes et Suf-
freu. Il était membre du parlement
pour Rochester F — ot.
BIE. FojBy^, VI, 4ii.
BIELLE SKI (PiEREE), séna-
teur-palatin, naquit dans la Grande-
Pologne , en 1754 , d'une famille qui
a donné plusieurs hommes distingués
à ce pays. Jeune encore , il fut élu à
diverses reprises nonce aux diètes, et
nommé par l'une d'elles, en 1782,
membre de la commission des finan-
ces , où il donna des preuves de son
inlégrilé. A l'époque de la création
du graud-duchéde Varsovie, en 18 r 2,
il fut élu a la présidence du nouveau
gouvernement a Kalisz. Quand les
Prussiens eurent abandonné toute la
partie du territoire qui leur était dé-
volue, Napoléon y établit une cor?i~
mission suprême de goiiuerne-
meiitj dont Pierre Bielinski fit partie;
et, lorsque le traité de Tilsit fut pu-
blié, cette commission se rendit à
Dresde pour y recevoir des mains de
l'empereur des Français le statut
constitutionnel qui, selon le traité,
devait être accordé au grand-duché
de Varsovie. Bielinski fut l'un des
signataires^ et, le 22 juillet 1807,
Napoléon approuva ce statut à Dres-
de. Lorsque le roi de Saxe fut arrivé
comme duc de Varsovie dans la ca-
pitale de ce nouvel état, il nomma
une dénutalion dont Bielinski ut par-
tie , pouraller a Paris porter l'hom-
mage de son dévouement a l'empe-
reur. Avant le départ du roi Frédé-
ric-Auguste de \arsovie, plusieurs
BIE
décrets furent publiés. Par l'un d'eux
neuf sénateurs , dont cinq pahilins et
quatre castellans, furent désiguéspour
composer la chambre baulej et dès
que Bielinski fut revenu de sa mission
il y occupa la place des;'nateur-pa]a-
tin. Mais les résultats de la campagne
de 1812 changèrent bientôt les
destinées du grand-duché de Varso-
vie 5 et du sein du congrès de Vienne
sortit en i8i4- le royaume de Polo-
gne , fraction du duché. La conduite
de Bielinski obtint de nouveau
l'approbation de ses compatriotes,
mais non pas celle du gouvernement
russe. Il fut privé, en 1821, de
la présidence du sénat , qui lui ap-
partenait par l'ancienneté. Ce fut
alors que conJmencèrent dans ce pays
les sociétés secrètes, et l'on présume
qu'il y eut beaucoup de part. Quand,
aToccaslon de la mort d'Alexandre
{Voy. ce nom, LVI, 190), une
catastrophe éclata a Saint-Péters-
bourg, le 26 décembre 1825, le
mémorable procès d'une conspiration
russe en fut la suite [Voy. Bestu-
CHEFF,dans ce vol.). Des arrestations
nombreuses eurent lieu dans toute
la Pologne. Quoique les crimes
d'état ressortissent du tribunal de
la diète, une commission mixte,
composée de Polonais et de Rus-
ses, fut nonimée au mois de février
1826, pour faire les recherches com-
mandées par les circonstances. Sta-
nislas Zamoyski , président du sénat
polonais, était a la tête de cette com-
mission qui, après une année de Ira-
vaux assidus, présenta son rapport
le 3 janvier 1827 5 et ce rapport ne
permit plus de douter que le nouveau
tzar ne fût dans une position diffi-
cile. Il attendit deux ans avant de se
prononcer, et fut trois ans avant de
convoquer la diète. Mais l'embarras
où la guerre de Turquie jeta le cabi-
BIE a 39
net russe et surtout l'attitude de l'Au-
triche influèrent sur les décidions du
tzar (1). Ayant résolu de se faire
couronner à Varsovie, et voulant y
disposer en sa faveur l'opinion pu-
blique , il déclara illégale i'œuvre de
la commission d'enquête; et huit des
principaux accusés furent renvoyés
devant le tribunal de la diète, com-
posé du sénat du royaume et présidé
par Bielinski. Quoique sou organisa-
tion et les voies de procédure eussent
été prescrites, les accusés n'en con-
çurent pas moins beaucoup d'espoir
lorsqu'ils connurent leurs juges. Une
nouvelle enquête fut ordonnée, et
prouva que les premiers commissaires
n'avaient pas agi légalement. Tous
les sénateurs s'empressèrent de se
rendre k Varsovie pour cette impor-
tante affaire. Cette ville était dans
une agitation extraordinaire. Tous
les yeux se tournaient sur le pré-
sident Bielinski. 11 nomma une com-
mission composée de cinq mem-
bres pour procéder à une nou-
velle enquête; le 17 cet 1828 , le
sénat tout entier, composé de onze
évêques, de sept sénateurs-palatins
et de vingt-six sénateurs castellans ,
k l'exception d'une seule voix, celle
du général Vincent Krasinski , ancien
chet des ehevau-légers polonais, de
la garde de Napoléon , prononça l'ac-
quittement de tous les accusés , qui
recouvrèrent leur liberté après une
détention de trois ans. Toute la popu-
lation fit éclater une joie que le gou-
vernement russe était loin de par-
tager. Ce ne fut que le 18 mars
(i) La inésinteUigeuce entre les deux cours
imi>iriales était assez visible : une circon-
stance en offrit la preuve, lorsqu'aprùs la nuit du
29 novembre i83o, on trouva dans les papiers du
tzarevit-.ch Constantin un plan de cain|iagiie en
Hongrie qu'on avait fait dessiner dans le plus
gra;id détail par le lienteiiant-colonel , <lepuis
général , Prondrynbki , pendant que cet officier
était en pi ison pour les sociétés secrètes , aux-
quelles il n'est pas lonjouis resté fidèle.
2/iO
BIE
BIE
i82gquVn conséquence d'un rapport
du conseil des ministres et du prési-
dent du tribunal, le décret fui pu-
blié avec une sévère désapprolialion
énoncée à tout le corps de la haute-
cour nationale , au nom de S. M. I.
et R. par Valentin Sobolewski , pré-
sident du conseil des ministres. Le
général Krasinski fut excepté daus le
blâme. Mali dès le g mars, c'est-a-
dire dix jours avant cette publication,
le président Bieliuski était mort,
après une courte maladie. La capi-
tale entière assista à ses funérailles,
et ses nombreux amis mirent eu
pièces le drap mortuaire qui avait
recouvert le cercueil pour se le par-
tager. Ch — o.
ÎUEXAOÎÉ (I'iebre-ThÉo-
dose), architecte, né le 1 1 janvier
1765 , a Amiens, v fit de bonnes
éliules et eut Tabbé Delille pour
professeur. Fils d'un entrepreneur
de bâtiments et doué d'heureuses dis-
positions pour les sciences et les arts,
11 apprit, dans la maison paternelle,
la pratique de toutes les prolessions
relatives a rarchilecture, rhisloire
naturelle de tous les matériaux em-
ployés dans les constructions, et le
parti que peuvent en tirer la physique
et la mécanique. Il vint à Paris pour
se perfectionner. Les élèves de Ta-
cadéraie d'architecture étaient alors
divisés en élèves-académiciens et élè-
ves-externes • les preuiiers avaient
seuls le droit de concourir pour les
prix, et leurs places ne s'obtenaient
qu'au concours. Admis comme elève-
externe , Bienaimé prit part à un
concours d'émulation : quoique son
esquisse eut été jugée digne du [>rix,
il fut obligé de tra\al'lcr encore huit
ans pour attendre une place d'élèvc-
académiclen. EuKu on donna pour
sujet de concours : L'ne salle cla
spectacle dans le palais (V un soia-C'
rain. Le professeur Julien Leroi ,
satisfait du travail de Bienaimé , le
proposa a l'académie pour élève in-
terne; et Bienaimé obtint celte pla-
ce au concours , à l'unanimité , sur
quarante-un concurrents. Couronné
dans qualie concours annuels consé-
cutifs, Bienaimé concourt enfin pour
le grand prix. Son travail est dé-
claré par le jury le meilleur des cinq
qui oBt été admis 5 mais au lieu de re-
cevoir le grand prix , il n'entend que
ces tristes paroles: « Bienaimé, votre
« projet est fort bien conçu , fort
K bien élaboré ; nous vous en félici-
« tons, et vous eussiez obtenu la pal-
« me si la dissolution de l'acadé-
« raieeût été reculée d'un seul jour. »
En effet, toutes les académies ve-
naient d'être supprimées par un dé-
cret de la convention nationale. Bien-
aimé ne se laissa [101 ut décourager par
ce revers. Julien Leroi, avant rétabli
à ses frais des concours d'émulation,
l'avait nommé membre du jury ; et ,
par la suite , le gouvernement le con-
firma dans ces fonctions gratuites. Ho-
noré de l'amitié du physicien Charles
et du célèbre Lavoisier , dont il avait
suivi les cours, collaborateur de l'ar-
chitecte Boulet, dans la partie lé-
gislative des bâtiments, Bienaimé
allait de pair avec les hommes qui
avaient alors le plus de réputation
daus son art. Le gouvernement répu-
blicain , ayant établi un concours
pour élever une colonne monumen-
tale dans ciiaque département, Bien-
aimé l'emporta sur huit cents concur-
rents. Dans trois autres concours ,
dont les prix étaient pécuniaires , 11
eut pour rivaux MiVl. Fontaine et
Percier , qui d'abord partagèrent le
premier prix et ne lui laissèrent que
le second ; puis 11 obtint le pre-
mier, et ils partagèrent le deuxième j
enfin, il partagea le premier prix
BIE
avec eux. On salL à quel point de
fortune et ds renommée sont parve-
nus les deux rivaux de Bienaimé, et
l'on a oublié celui qui fut leur égal
et leur vainqueur! Ce lut lui qui, eu
1797, reconstruisit la salle du
tliéàlre Favarl ; il eut pour concur-
rents Pojet, Broiigniard, Célérier el
de Wailiy, et celui-ci ne craiguit
pas de donner , dans un journal , de
justes éloges au talent de son heureux
rival. Parmi les travaux qu'exécuta
Bienaimé pour de riches particuliers ,
nous citerons : 1° A Epinay , pour
M. Barillon , ancien régent de la
Banque , un jardin pittoresq;'.e. a" A
Carrières-sous-Bois , chez M. Ger-
main, conseiller d'état, une mécani-
que qui mettait en mouvement trois
corps de pompe a.'^pirante et fou-
lante pour le service de plusieurs
fontaines. 3" A Jouy , la façade
sur le jardin du château que M. Ar-
mand Séguin vient de vendre à
M. Lehon, ambassadeur du roi des
Belges; 4-° A Neullly , dans la mai-
son Saint-James, un canal de 720
pieds de long sur 26 de large; deux
pouls, une pompe a feu et un théâ-
tre,- 5° Au Val-sous-Mcudon , une
manufacture de faïence et d'autres
grands travaux pour M. Dldelot ;
6° AExquevilly , une brasserie pour
M. de Reuneval. Membre de la
commission chargée de rendre compte
de l'état défectueux des piliers qui
soutiennent le dôme du Panthéon,
Bienaimé fil un rapport où il établit
que le poids qu ils supportent est de
02,546,564 livres. 11 suivit en
1800 Elisa Bonaparte dans sa prin-
cipauté de Lucques et de Plombino.
Après avoir achevé les dessins des
travaux de cousiruction et d'embel-
lissement dont il devait s'occuper ,
il fut chargé de parcourir les étals
de la princesse. 11 découvrit ujje
lilE
241
source d'eau thermale , propre h uu
établissement de bains ; des marais a
dessécher près la plaine de Marengo;
une mine dalun et une source d'eau
sulfureuse. Lorsqu'il revint par Car-
rare , l'académie de celte ville le
reçut au nombre de ses membres ,
et obtint pour lui du duc de Mo-
dène le privilège exclusif, et con-
traire auxréglemenls, d'avoir voix dé-
libérative dans ses assemblées. Au re-
tour de ce voyage , il voit tous ses
plans accueillis par la princesse; il
doit construire les bains, rendre les
marais k l'agriculture; bâtir un petit
bourg près de la mine d'alun avec une
maisuu pour le gouverneur qui en sur-
veillera l'exploitation ; il ouvrira
une place publique devant le palais
de la princesse, élèvera un nou-
veau théâtre, elc. Déjà il avait ter-
miné les décorations intérieures des
appartements , quand la princesse
fut nommée grande-duchesse de Tos-
cane. Après un an de travaux inuti-
lement commencés ou élaborés , il la
suivit k Florence, où il n'était cpies-
lion de rien moins que de mettre dans
le goùl français les appartements du
palais Pitli. Mais un message de Na-
p(déon défendit a sa sœur d'entrepren-
dre aucun travail. Bienaimé, n'ayant
plus rien k faire en Toscane , revint k
Paris. En 1 8 1 0, il se rendit a Mont-
pellier, et s'y occupa , pendant qua-
tre mois, des plans de reconstruc-
truction du Palais de Justice. Fou-
ché , de Nantes, ministre de l'inté-
rieur par intérim, l'avait chargé de
ce travail. Montalivet, ministre dé-
finilif, lui envoya ordre de tout sus-
pendre , avec promesse d'uldiscr ses
talents a Paris ; promesse qui ne se
réalisa point. En 18 12 , il fut chargé
par le directeur-général des tra-
vaux publics d'un des quatre Champs
de repos projetés j)our Paris, y
i6
242
BIE
compris celui du Père Lacbaise, au-
qu(l provisoiremenl on ne devait pas
loucher. r,5oo,ooo francs élait-nl
mis a la disposiliou des arcliilccles
pour les trois autres ; mais ÎH^apo-
léon s'empara de celte somme eu
parlant pour son expédition de Rus-
sie, et Bienaimé en lut pour ses des-
siusetsesdevis. Onlui confia, quelque
tempsaprès, les réparations des ther-
mes antiques de la rue Si- Jacques, tra-
vnux encore suspendus et inaclievés.
Nommé enfin , en i82 3 , inspecteur
des bâtiments civils , il dirigeait de-
puis trois ans la restauration de l'égli-
se Saint-Germaiu-des-Prés, lorsqu'il
mourut, le 1-4 déc. i 826, des suites
d'une affection au cœur. Bienaimé fai-
sait parlie du jury chargé de pronon-
cer sur les ouvrages de l'école d'ar-
chitecture. Membre , depuis vingt-
huit ans, de l'alhénée des arts, il y fut
chargé d'une foule de rapports et de
travaux académiques, parmi lesijuels
on a remarqué sou Eloge de Souf-
Jloi. Il était aussi de la société
libre des sciences, lettres et arts de
Paris , de la société philotechnique ,
de l'académie d'Amiens et de celle de
Carrare, seul résultat de son voyage
eu Toscane. Sou éloge ne fut pronon-
cé à l'athénée que six ans après sa
mort j et c'est dans celui qu'a publié
M. INliraull que sont puisés les faits
que nous avons rapportés. A — t.
MEXAYMÉ (PiERRE-FiiAK-
coisj, savant ecclésiasiique et natu-
raliste instruit , fut d'abord chanoine
de Moutbard, sa ville natale, et vécut
long-temps dans la fanàliarilé de Buf-
fon et de Daubenton. Nommé a un
canonicat de la cathédrale d'Evreux,
il devint prieur commendataire du
prieuré de Dolus en Touraine, et
continua de Taire marcher de front
les devoirs de son élat avec l'étude
si attrayante de rbisiôire nalurelle.
BIE
Pendant les troubles de la révolution,
il vivait a Paris el visitait souvent le
Jardin des PLmtes, où il rencontra
quelquefois le jeune Bonaparte. Na-
poléon , h son avènement au con-
sulat, se rappela Bieuaymé , et lui
offrit la chaire éplscopale de Metz
qu'il accepta. Son installation , eut
lieu le 2^ juin 1802. Personne ne
pouvait mieux que lui ramener les
esprits divisés. Il publia divers man-
dements, vrais modèles de style apos-
tolique ; mais , après uu boulever-
sement tel que celui qui venait d'a-
voir lieu , il fallait plus que des
conseils el des exemples pour ré-
tablir l'ordre au sein du désordre.
Bienayraé avec des intentions droi-
tes se fit beaucoup d'ennemis et suc-
comba, le 9 février 1806, sous le
fardeau de l'épiscopat. Il a publié :
Mémoire sur les abeilles : nou-
velle méthode de construire les
ruches en paille, lajaçon de gou-
verner les abeilles, etc., nouvelle
édition, Metz et Paris, i8o/f, iu-8°.
La première édition , rédigée sous
les yeux de P)uffon, qui avait suivi les
expériences de Bienayraé , parut en
1780. • B — N.
BIENYILLE(J.-D.-T.) était
dans le dix-huilième siècle un habile
médecin sur lequel on n'a presque
aucun renseignement. YAojÇDict.de
médecine) dit qu'il était né en Fran-
ce j son nom prouve du moins qu'il
en était originaire. Un passage de la
préiace de la iSymphomanie nous
apprend que dans sa jeunesse il avait
visité le nord de l'Europe en obser-
vateur. Après avoir reçu le grade
de docteur , sans doute dans une
des universités de Hollande , il s'é-
tablit a Rotterdam, puis "a La Haie où
il pratiqua son art avec beaucoup de
succès. Il vivait en 17805 mais on
i<^nore la date de sa mort. On
BIE
connait de lui : I. La nymphn-
manie., ou traité de la fureur ulc-
rinc , Amsterdam , 1771 , iii-8";
ibid., i788,ia-i2 5 traduit en al-
lemand , Amsterdam, 17725 en an-
glais, Londres 1775- et une se-
conde fois en allemand par Antoine
Hiltenbraudl, Presbourg, 1782. C'est
le pendant de \ Onanisme {J^oy.
TissoT , XL\I, i56). II. Le pour
et le contre de V inoculation de la
]>etite vérole , ou dissertation sur
les opinions des savants et du peuple
sur la nature et les effets de ce re-
mède , Rotterdam 1 77 1, iu-S". II[.
Recherches théoriques et pratiques
sur la petite vérole , Amsterdam,
1772, iii-8".IV. Traité des erreurs
populaires sur la santé , La Haye,
1775, iii-8"; traduit en allemand par
Kritzinger , Leipzig , 1776, ouvra-
ge rempli d'observations intéressan-
tes , et i|ui peut être utilement con-
sulté. \'V— s.
BIESTEll (JEAN-Epac), philo-
logue , naquit en i 74.9 a Lubeck , où
son père, iabn'cant de soieries et
jouissant d'une fortune assez consi-
déralile, ne négligea rien pour son
éducation. Après avoir achevé ses
premières études au gymnase de sa
ville natale, le jeune Biester se ren-
dit à Gœttingue , où il suivit les cours
de la faculté de droit , et reçut le
diplôme de docteur. Le baron de
Zedlitz {Foj. ce nom , LU , 178),
alors minisire de l'instruction publi-
que a Berlin , le choisit pour son se-
crétaire intime , et l'honora de toute
sa confiance. Sous le patronage de cet
ami des arts et des sciences , Biesler
se trouva en contact et bientôt en
liaison avec les hommes les plus illus-
tres de l'Allemagne. Parmi ceux-ci,
Gedike surtout lui voua une amitié
aussi vive que sincère. En 1784-,
Biester obtint la place de bibjiolhé-
BIE
243
Caire , vacante par la retraite de dom
Pernety [F. cenom, XXXill, 589).
Il était associé depuis quelque temps-
avec Gedike (/^. ce nom, XYII, i5)
pour la rédaction d'une Revue men-
suelle {Illonath schrift)yAoni le ra-
pide succès fut d'autant pins étonnant
qu'il existait déjà plusieurs écrits pé-
riodiques du même genre. Tout eu
rendant justice au mérite des rédac-
teurs , l'abbé Denina prétend que
l'esprit de secSe ne fut pas étranger a
la vogue de ce journal , où perce la
haine la plus prononcée contre le ca-
tholicisme (Voy. la Prusse littérai-
re, I, 260). Bieslf^r le continua seul
depiris 1790'.- Admis vers cette épo-
que a l'aCàdéiilie royale fie Ber.Hii .
il y lut , en' 179^'^ "lin 'Bléiiioire sur
celte inLixirae d« -Socrate, que « la
«science él laver tus(î>nt la riiême cho-
se. » Dès l'année précédente il avait;
eulre^jris un nouveau journal mensuel
[Berlinische blkffei^)nyec le libraire
INicolaï (F', ce riora, XXXI, 2 36). Il
mourut à Berlin eu 1 8 1 6. • Outre une
excellente édition des Q iiêifi^e Dia-
logues de Platon , Berlin, 1780,
in-8", enrichie de notes par Gedike ,
ou connaît de Biester des traductions
en allemand du Discours de récep-
tion du baron de Zedlitz à l'aca-
démie de Berlin .y ^111 'y ^^^ ^^~
servalions de Cavanilles sur l'ar-
ticle Espagne de l'Encyclopédie
méthodique, 1*785; au. Voyage
du jeune Anacharsis, 1792, 6 vol.
in-8°. Celte Iraduclion tres-estimée
a été reproduite plusieurs fois.
W— s.
BÏET CÂ^'TOI!s'E'), sunérieur de
la mission de Cayenne , était né vers
1620 dans le diocèse de Seulis.
Ayant embrassé l'état ecclésiastique,
il remplit les fondions de vicaire , et
fut ensuite pourvu de la cure de Ste-
Geneviève , à Senlis. En i65i , une
2/i4
BIE
compagnie obtint du gouverneraciit
la cession do Cayenne, abandonnée
depuis la mort du malbeureux Bre-
ligny {Koy. ce nom, au Supp.).
Les associés choisirent pour chef de
la nouvelle colonie Royville , gen-
tilhomme normand, homme de tête
el d'action, qui d'ailleurs avait eu
le premier l'idée de former cet éta-
Blissemeul. La direction de la par-
tie ecclésiastique fut confiée h l'abbé
de L'IsIe-Marivault , qui s'adjoignit
plusieurs jeunes prêtres , el décida
Blet h quitter sa cure pour le suivre
dans une contrée où il devait trouver
l'occasion d'exercer son zèle aposto-
lique. Le nombre des colons était de
cinq a six cents, qui furent dis-
tribués par compagnies, ayant cha-
cune ses officiers, auxquels ils pro-
mirent ojjéissance. Sur ce nombre,
h peine cinquante étaient en état de
supporter les fatigues d'un voyage de
long cours. Tous les autres étaient
des aventuriers et des débauchés, la
plupart sans ressources,et qui n'avaient
pris parti dans cette expédition que
persuadés qu'arrivés a Cayenne ils y
vivraient dans l'abondance sans tra-
vailler. Les premiers préparatifs étant
terminés, les colons s'embarquèrent
prèsduPont- Rouge, le i Sniai 1602,
sur des bateaux qui devaient les con-
duire au Havre, où deux bâtiments
avaient été noiisés pour les transpor-
ter en Amériijue. Au moment du dé-
part, l'abbé de L'Isle-Maîivaultayaut
voulu passer d'un bateau dans un au-
tre, tomba daus la Seine et se noya.
Biet , désigné tout d'une voix poui le
remplacer, n'accepta qu'avec une ex-
trême répugnance une charge qu'il
jugeait au-dessus de s.e,>> forces. Les
bâtiments noiisés avaient besoin de
réparations, qui retiuient les colons
au Havre pendant trois semaines.
-.JloyviUp employa ce temps à com-
BIE
pléler l'organisation de sa troupe. Il
lira des diverses compagnies les hom-
mes les plus beaux et les plus forts
pour en faire sa garde particulière ;
et dès-lors il prit avec ses associés des
airs de hauteur dont ils furent vive-
ment blessés. Le séjour des colons
au Havre avait diminué leurs provi-
sions; et lorsqu'on mit à la voile, le
2 juillet, ils n'avaient plus de vivres
que pour trois mois. Boyville n'en
commit pas moins la faute de s'arrêter
devant Madère pendant plusieurs
jours. H descendit seul dans l'île avec
une partie de ses gardes, et reçut du
gouverneur des fêtes magnifiques ,
qu'il lui rendit h son bord aux dépens
de ré([uipage. Dans celte circon-
stance il traita ses associés avec tant
de mépris , qu'ils résolurent de s'en
venger a la première occasion. Elle
ne larda pas a se présenter. Royville
étant tombé malade voulut rester la
nuit couché sur le tillac pour y res-
pirer le frais. Pendant qu'il dormait,
quelques-uns des conjurés se jetèrent
snrlui, et après l'avoir percé de coups
de baïonnette, le précipitèrent dans
la mer. Ce fut le 29 septembre, jour
de la fête de saint Michel , que les
nouveaux colons débarquèrent a Ca-
yenne. Ils furent mis sur-le-champ
en possession du fort bâti dix ans
auparavant par Eretigny. Ce fort,
entouré d'une bonne palissade , était
plus que suffisant pour soutenir les
attaques des sauvages. Mais le nou-
veau gouverneur, qui se défiait de
ses propres associés, en fit con-
struire un second , entouré de fos-
sés el de remparts, pour sa propre
sûreté. Comme il désirait que cet
ouvrage fût achevé promptement, il
y employa tous ceux qui étaient en
état de travailler, et laissa passer la
saison des siîmailles sans en profiter.
Loin dç s'cccuoer des intérêts de la
\
BIE
colonie naissante, les associés ne soii-
goaienl qu'a contrarier le gouverneur
dans ses vues, et même à lui disputer
1 autorité. Un complot qu'ils avaient
formé contre lui ayant été découvert,
il en traduisit les auteurs devant un
tribunal qu'il avait établi pour les
juger. Un seul, reconnu le plus cou-
pable, fut mis k mort , et ses compli-
ces déportés sur le continent. Cet
exemple de sévérité ne put ramener
le calme dans la colonie. La division
qui régnait parmi les associés ne leur
permettant pas de se concerter pour
la défense commune , ils eurent le
cbagrin de voir plusieurs habitations
dévastées et brûlées par les sauvages,
n j 1 1 ^ • >
l^cpendant les coions eurent moins a
souffrir de leurs ennemis que da
manque de vivres. Ils étaient réduits
à quelques onces de mauvais pain , et
la pêche, quoique abondante, ne sup-
pléait qu'imparfaitement au défaut
d'autres aliments. Une fièvre maligne
ne tarda pasa se déclarer. Dans quel-,
qucs jours elle enleva les médecins et
les ecclésiastiques. Biet resta seul
pour soigner et consoler les malades,
et s'acquitta de cette pénible tâche
avec un dévouement héroïque. Les co-
lons n'étaient plus soutenus que par
l'espoir qu'ils recevraienl bientôt des
secours de France ; mais l'époque où
les vaisseaux d'Europe fréquentent
ces parages élaut uassée , ils se déci-
dèrent à quitter Cavenne , et s'em-
barquèrent le 26 déc. i653 sur
un bâtiment hollandais qui se ren-
dait a Surinam , où ils trouvèrent un
capitaine anglais , avec lequel ils
traitèrent pour leur transport a la
lUrbade. Biet fut reconnu chez le
gouverneur par un jeune clerc irlan-
dais, qu'il avait nourri quatre ans
dans la maison de Sainte-Genevi'^ve ,
et qui lui témoigna sa reconnaissance
par toutes sortes de services. Ce u:^ de
BÏE a/, 5
ses compagnons qui n'avaient aucune
ressource en France, ayant témoij;né
le désir de retourner "a Cavenne (i),
Biet se rendit vers la fin d'avril ( i 6 5 /i.)
a la Martinique, pour y traiter de
leur transport avec quelques capitai-
nes de vaisseaux marchands. Mais le
gouverneur, auquel il avait été si-
gnalé comme un espion anglais, ne
lui permit pas de débarquer, et il
fut obligé de rester sur le bâtiment
jus(]u'au départ d'un autre vais-
seau pour la Guadeloupe, où l'ac-
cueil qu'il reçut le dédommagea bien
de l'affront qu'il venait d'essuyer.
Le gouverneur de la Guadeloupe ,
obligé de faire un voyage eu France,
offrit a Biet de l'y ramener, et ne
cessa de lui donner des témoignages
d'estime. Il arriva sur les côtes de
Normandie le 2 5 août i65i, deux
ans et deux mois après son départ.
Biet rapportait des notes dont il
se servit pour rédiger le P o^yage
da Iti France équinoxiale, ou l'île
de Cayenne , entrepris par les-
Français en i652, Paris, 1664^,.
\n-i°. Cet ouvrage , écrit avec can-
deur et simplicité , présente une
lecture attachante. Le volume se ter-
mine par un Dictionnaire de la
langue galihi ( F oy. Pjséfon-
TAiNE , au Supp. ). Biet n'»'
vait pas fait uu assez Icxag séjour
aux Antilles pour en parler avea-
exactitude. Ce qu'il rapporte , d'ki-
près des mémoires qui lui av.aiau4
été fournis , a été réfuté par le P. Dtir
tertre( f^oy. ce nom , XII, 'i<)<),)-
— Biet (Claude), pharmacien,, né
vers 1668 a Chauvot, près de Ver-
dun-sur-Saône, s'acquit une rapu-
tation par la pratique de son art,
et fut nommé premier apothicaire
du roi , a Versailles. 11 mourut dans
(i) Cette île fut pri^e i>t'ii Je loiuiis aini-s par
les HoUaailais {roj: L* BAïis,-i.viJ, 2o5).
ifi6
BÏC-
l'exercice de celte charge le i8 juil-
let 1728. On a de lui r|iielqiies op'js-
cules insérés dans les Mémoires de
Trévoux, snr \a. thériaquf, lyo^;
sur \qs pilules de longue vie, même
année; sur lo quinquina, 1707;
sur les gouttes d' Angleterre j [715.
L'abl)é i\ipilloti lui a donné Une no-
lice dans la Bihl. des auteurs de
Bourgogne. W — s.
BIGELOT (Françots-Emma-
nuel-Siméon), né à Nancy, le t8'
février 1789, avec d'heureuses dis-
positions pourla poésie, fut détourné
du culte des musts par des occupa-
tions plus graves. Admis, en 1810,
dans radmiiiistralion des contribu-
tions indirectes, comme simple surnu-
méraire, il parvint en peu de temps
a remploi de chef de bureau (divi-
sion du conteiilieux), et en exerça
les fonclinus jiis.pi'en 1818. Quoi-
qu il put espérer d'aller beaucoup
plus loin dans celte carrière, il pré-
féra revenir dans sa ville natal- où
11 acheta une étude de noinirc.li con-
sacra encore quelques loisirs aux mu-
ses, et mourut prémainréraent le 14.
juillet i83o. Il a publié 1°, dans le
Mercure de Fi anee{\ 8 1 6 — i 818},
plusieurs morceaux de poésie qui se
font remarquer par un tour heu-
reux et facile, notamment la tra-
duction de la première salire d'Ho-
race (9 mars 1816); 2° une Ode sur
la poésie, dédiée h M. Castel, Pa-
ris, j 8 I 6 , in-8" ; 3° une Salire sur
le dix - neuvième siècle , Paris ,
Pillet, 1817, in-8°; elle prouve
(ju'il eût pu réussir dans ce genre.
L — M — X.
BIGEOT ( Claude-Étiekne ) ,
publicisle , élail fils de François Bi-
geol, avocat-général au parlement de
Dole. On sait qu'avant 164.6, il
remplissait la charge de lieutenant-
général du bailliage de Pontarlier.
Empbvé, dès celte époque, par la
cour dEspagne dans diverses mis-
sions , i! fut autorisé k se choisir un
suppléant. Après la conquête de la
Franche-Comté et sa réunion défini-
tive a la France , Bigeot se relira
dans lés Pays-Bas , et y mourut en
1675. Il est auteur de plusieurs ou-
vrages , tous anonymes , écrits les
uns en français et les autres en espa-
gnol, contre les projets de Louis XIV.
Celui qui fil le pluS de bruit dans le
temps est le Bourguignon inté-
ressé , Cologne , 1668, in-12.
On peut lui attribuer aussi le Bon
Bourguignon., in-12, que d'autres
bibliographes donnent a Bojvin
[f^oy. ce nom, V, 442), qui,
comme Bia:eot se nommait Claudc-
Etienne. Cet ouvrage est destine ,
GOmrtie le précédent , a niontrer qu'il
était avantageux poiir la Franche-
Comté de rester sous la domination
espagnole. W — s.
F.lCiET. Voj. Marthe, au
Supp. '
BIGLAiVD TJkan), historien
anglais , né à Skirlaugh , dans le
comté d'York, en 1730, passa la
plus grande partie de sa vie dans les
humbles fondions de maître d'école
de village. Il avait ' plusieurs fois
changé de résidence, et lise contentait
philosophiquement du peu qu'il ga-
gnait par ses travaux, lorsqu'à l'âge
■de plus de cinquante ans , il publia
■an petit volume intitulé: Réflexions
si'r la j'ésurrection et Vascefision
de Jésus-Christ , i8o3. Bigland
en mettant cet opuscule au jour n'a-
vait aucune prétention littéraire. Son
livre n'était que le résultat des médi-
tations fort longues auxquelles lui-
mètîi e s'était livré sur le fait fonda-
mental du christianisme , et par
lesquelles il était arrivé à la démons-
tration ^^ l'événement que conteste
BIG
le sceplicismc. Coiivaincii , il criil
devoir livrer au public les r;iisons
i; rclragables auxquelles il s'était
rcudii. Il obtint ua grand succès;
et les témoignages d'approbaliou
qu'il reçut de diverses pails l'en-
gagèrent a persévérer dans la voie
qu'il venait de s'ouvrir. Insensible-
ment il devint auteur de profession.
Voici la liste des ouvrages qu il pu-
blia les années suivantes : I. Lettres,
sur l'étude et (usage de l'histoira
ancienne et moderne , i8o4«
II, Lettres sur l'histoire moderne
et sur l' aspect politique de l'Lu-
rope , 1804. III. Essai sur divers
sujets, 2 vol., iBo.T. IV. Lettres
sur l'histoire naturelle , i8o5.
V. Système de géographie et d'his-
toire , 5 vol., 1809. W. Histoire
d''Espagne , depuis la plus ancienne
époque jusqu'à la fin de 1809-10, 2
vol. (traduite en français et continuée
jusqu'à la restauration de 1814., 5
vol. in-8°, 1825-24, avec une
grande carte , par le colonel Bory
de Saint-Vincent). VIL Précis de
l histoire politique et militaire de
l'Europe , depuis la paix de i 783
jusqu'à l'époque actuelle, 2 vol.,
I 8 I I (continuée jusqu'en 1 8 1 4, dans
la dernière édition^ traduite en fran-
çais et poussée jusqu'à 18 19, 5 vol.
in-8"). VIII. Les voyageurs philo-
sophes^ ou Histoire de la tribune
et du sacerdoce de Minerve ,
181 1. IX. Le comté d'York,
1812 (seizième volume des Beautés
d'Angleterre et du pays de Gal-
les ). X. Histoire d^ Angleterre ,
1812. XL Lettres sur l'histoire
naturelle, depuis sa naissance jus-
qu'à la fin de x 8 1 2, 2 vol. , i 8 1 3
(cet ouvrage a été réimprimé avec
continuation jusqu'en iSi/j.). XII.
Système de géographie à l'usage
des écoles , 1816, XîlL Explica,-
BIG
2/,7
tion historique et effets des causes
physiques et morales sur le carac-
tère et les vicissitudes des nations,
18 17. XIV. Lettres sur l'histoire
de France j, 181 8. XV. Lettres sur
l'histoire d'Angleterre. X\L His-
toire des Juifs. Bigland travaillait
aussi h (^\i.e\(\viC% Magazines. Ses Ira-
vaux littéraires ne lui firent point
quitter sa province. Il menait dans
ion jardin à Finniugley, près de Don-
casier , la vie d'un sage et d'un pa-
triarche. C'est la qu'il mourut , âgé
de 82 ans, le 22 février i832. — Lu
autre Bigland a publié : Collection
historico-monumentale et généa-
logique du pays de Glocester,
Kent, 1791, 2 vol, in-8°. P — ot.
BIGNOTTI (Vikcent), fié a
Verceil, en 1764, £ls d'une pauvre
veuve, fit ses premières études dans
sa patrie, et obtint une bourse au
collège royal des Provinces a. Turin.
En 1788, il fut reçu docteur eu
théologie, puis nommé cbauoine de
la métropole de Verceil. Orateur
distingué, il fut cbargé, en 1806,
d'un Discours sur le rétablissement
de la religion par l'empereur A a-
poléon, imprimé à Verceil, in-S*^.
Il a publié les ouvrages suivants en
italien : L Collection de poésies
diverses^ 1784 et 1787, in-S". IL
Le baume salutaire, ou RéJlexioJis
philosophiques et morales. III.
Eloge du bienheureux Amédée ,
duc de Savoie, à l'occasion de la so-
lennité célébrée le 20 avril 1825 ,
pour la translation du corps de ce
prince dans une châsse d'argent de
trente mille francs donnée par le roi
Charles - Félix ; V'erceil , 1823,
in-B". L'orateur dit qu'au XIL siècle
on se disputait les os et les cendres
des saints sans se soucier de l'or ou
de l'argent, mais que les voleurs
du XVIIP méprisèrent les reliques
248
BIG
en s'emparant des ornemenls pré-
cifiix. Bignotll fut victime du jeùue
et des privations qu'il s'imposait par
dévotion: il mourut en i83i, et fut
enterré, par une disliucliou particu-
lière, dans la cathédrale de Yer-
ceil. G — G — Y.
lîIGOXI (Louis),,, poète esti-
mable oublié par l'abbé Lombardi
dans sa Storia délia letteratura ita-
liana^ naquit à Brescia le 29 juin
1712. Sa fortune lui permettait de
se livrer à ses goûts studieux ; mais
content des suffrages de quelques
amis , il n'aurait jamais recueilli les
productions de sa muse élégante et
iacile , sans les encouragements qu'il
reçut de Louis Ricci {J' oy. ce nom,
au Suppl.) . poète lui-même , et
très-bon crilique. Trop modeste pour
rechercher les honneurs littéraires ,
il fut cependant élu membre de l'aca-
démie des Agiati de Roveredo , sous
le nom de Tessalo. Il mourut à
Chiari, petite ville du Brescian , le
10 avril 1785, a 72 ans. Outre une
traduction en vers italiens du poème
de Partit virginis de Sannazar,
Brescia, 1765, in-8°, et celle des
Coutumes ( Statuti ) de Brescia ,
ibid., 1776, in-4-°, on lui doit un
recueil de vers (/î//7ze) , ibid., 1765^
in-8°. W — s.
BIGOXNET (Jean-Adrien),
né en 175 5, était président de l'ad-
ministration municipale de Màcon ,
en 1798, lorsqu'il fut nommé député
au conseil des cinq-cents par le dé-
partement de Saône-et-Loire. Fran-
chement pénétré des idées révolution-
naires les plus exagérées , il se mon-
tra dans cette assemblée du parti le
plus extrême , et dans la séance du
2 5 aoiît, lorsqu'il fut question de
rétablir les impôts que la révolution
avait abolis , il s'y opposa avec force,
en disant : « Ou la révolution est une
BIG
«c injustice , ou les impôts qu'on a
« supprimés pour la faire sont injus-
te tes.» Ce dilemme, assez concluant,
ne pouvait pas être compris de ceux
que la révolution avait enrichis et
rendus maîtres du pouvoir; et suc-
cessivement les gabelles, le contrôle,
etc., furent rétablis sons le nom de
droits-réunis et d'octrois. Le 8 déc. de
la même année , à l'occasion d'une
déclaration de guerre contre INaples
et la Sardaigne , Bigonnet se livra
contre les rois a des déclamations qui
n'étaient plus guère de saison , puis-
que la république avait dès-lors des
rois pour alliés. « Barbares ennemis,
« s'écria-t-il;, vos trônes' seront ren-
« versés ; le sort en est jeté!....
cf L'austère franchise el la sévère
a bonne foi ne cesseront pas d'être le
a caractère et l'àme des traités qu'of-
ct frira la république ; un million
« d'hommes armés en seront les né-
« gociateurs. « Cette sortie, inter-
rompue par des murmures, ne fut pas
insérée au MoJiiteiœ ; mais l'orateur,
qui tenait a ses opinions, la fit impri-
mer lui-même. Trois mois plus tard,
il la réitéra a la tribune , a peu près
dans les mêmes termes, et il fut en-
tendu avec plus de calme. Dans le mê-
me temps, il proposa d'instituer un
Code du mérite et des récompenses,
pour exciler le patriotisme des Fran-
çais; et cette espèce de projet àeLé-
gion-d' Honneur républicaine fut
renvové h une commission qui n'a ja-
mais fait de rapport... Le 8 sept.
1799. Bigonnet, attribuant les re-
vers des armées françaises à la réac-
tion des royalistes, ajouta que le
meilleur moyen d'arrêter celte réac-
tion e'tait de donner à la presse une
entière liberté et d'organiser des so-
ciétés patriotiques. Il appuya en-
suite vivement la proposition du
général Jourdan de déclarer la pa-
Bir.
trie en danger, aTn de donner un
plus libre cours aux mesures révo-
lutionnaires. Ainsi Bignnnet était
alors un des députés les plus attachés
au parti de la république, et il devait
se raontrcr fortement opposé à tous
ceux qui tenteraient de la renverser.
Dans la mémorable séance du 18 bru-
maire , à Sainl-Cloud , il s'élança
contre Bonaparte, lorsque ce général
entra dans la salle des séances, et
lui dit : Téméraire^ que faites-
vous? Vous violez le sanctuaire
des lois. Bonaparte , a ces mots
prononcés d'une voix forte , et se
sentant saisi à l'ëpaule par un homme
vigoureux et d'une haute stature , se
retira aux cris presque unanimes de
hors la loi. Mais ou sait comment il
rentra bientôt, précédé de Murât et
de ses grenadiers. Bigounet , comme
ses collègues, se sauva par les jar-
dins; et la république cessa d'exis-
ter... On pense bien qu'après un
pareil éclat, il ne fut comprisdans au-
cune fonction du nouveau gouverne-
ment. Cependant il ne figura pas sur
les listes de proscription qui accom-
pagnèrent ce triomphe de Bonaparte,
mais qui ne furent au reste que com-"
minatoires. Il se retira sans bruit
dans son département, et il y vécut
fort à son aise , sans essuvcr la moin-
dre perséculion,jusqu'au mois de mars
i8i5, époque alaquelle ildut à celui
qui l'avait fait rentrer dans l'obs-
rité l'avantage d'en sortir momenta-
nément. Ce fut a son retour de l'île
d'Elbe que Napoléon , cédant aux
vœux de la populace de Màcon, des-
titua M. de Bonne, maire de cette
ville, pour mettre a sa place son an-
cien adversaire du 1 8 brumaire, resté
invariablement attaché au parti répu-
blicain, que Napoléon se croyait alors
obligé de ménager . ÎSommé deux mois
après député à la chambre des repré-
BIG
249
sentants par l'arrondissement de Ma-
çon, Bigonnet v vota encore avec le
parti le plus exagéré. Cependant il
ne s'y fit guère remarquer, si ce n'est
dans la séance du 20 juin, oîi il
s'opposa h la proposition de Defer-
mont et de M. Boulay de la Meur-
the, qui voulaient faire reconnaître
Napoléon II aussitôt après l'abdica-
tion de son père. Retourné dans sa
patrie après la dissolution des cham-
bres, Bigonnet rentra dans l'obscu-
rité, et il mourut dans lemois de
mai i852, d'une attaque de choléra.
Ou a de lui deux écrits qui jettent un
nouveau jour sur les projets de Bo-
naparte : I. Coup d'état du 18
brumaire ., Paris, 1819, in-8°. IL
Napoléon Bonaparte considéré
sous le rapport de son influence
sur la révolution, Paris, 1821 ,
in-8". M — DJ.
BIGOT de Préameneu (Fé-
Lix-JuLiE:>r-jEAN) , né a Redon en
lySo, était avocat au parlement
de Paris avant le révolution, dont il
embrassa la cause comme la plupart
des gens de sa profession, mais avec
tout le calme et la modération de son
caractère. Lors de l'établissement des
premiers tribunaux qui succédèrent
aux anciennes cours, en 1790, il fut
élu juge du quatrième arrondissement
de la capitale , et c'est dans cette po-
sition que, distingué par le nouveau
ministère du roi constitutionnel, il fut
envoyé commissaire à Uzès , pour
apaiser des troubles qui venaient de
s'y manisfester. Celte mission fut
courte et sans résultats importants.
En septembre 1791, Bigot de Préa-
meneu fut nommé l'un des députés
de Paris à la première législature,
où il se rangea du parti modéré,
ainsi que le témoigne le discours
qu'il prononça le 7 janvier 1792,
malgré les huées des tribunes, pour
25o
BIG
BIG
frouver que le roi était autant que reur. (i)Onnele vit reparaître quV
assemblée le représentant de la ua- près le Irioraplie de Bonaparte , au
tiou. Bigot obtint le 22. mal suivant 18 brumaire. Ayant applaudi de tout
que, par la loi qui ordonnailleséques- son cœur a cette révolution, il futaussi-
tre des biens des émigrés , il fût ac- tôt nommé commissaire du gouverne-
cordé un mois de délai à ceux qui ment près le tribunal de cassation, et
voudraient rentrer. Quelques jours dans la même année appelé au conseil
après il fut élu président, et c'est en d'étal , dont il présida la section de
cette qualité qu'il fit, le 20 avril, a législation. C'est dans cette place qu'il
Louis XVI, lorsque ce prince vint â concouru long-temps, et d'une raa-
annoncer sa déclaration de guerre nière ausbibnnorablequ'utile, avec les
à l'Autriche, une réponse, dont Portails et les Troncbet, a la rédac-
les circonstances seules peuvent faire lion de nos codes immortels. Parmi
excuser l'inconvenance. « L'assem- les nombreux discours qu'il a pronon-
a blée, dit-il sèchement au monarque, ces a la tribune du corps-législatif,
«examinera votre proposition, et pour présenter ou soutenir les projets
a elle vous instruira du résultat de ses de loi sur le droit civil, on a remar-
ie délibérations. » Le 26 du même que celui qui a pour objet les con-
mois, il s'opposa au projet de loi que trais ou les obligations conven-
Thuriot présentait contre les ecclé- tionnelles en général. C'est un bon
siasliques qui refusaient de prêter résnaié des rapports les plus miilti-
serment a la constitution; et l'on a plies des hommes en société. kVé^o-
prétendu, contre toute vraisemblan- que du couronnement de ISapoléon ,
ce , que c'est a cette circonstance \[ fut récompensé de ces travaux par
qu'ilavaitdùplustardsanominalionau le titre de comte de l'empire et celui
ministère des cultes. Nous lui avons de grand officier de la Légion-d'Hon-
enteudu dire a lui-même que ce n'était neur. Quatre ans plus lard, lorsque
que d'après son nom [Bigot) que Na- Porlalis mourut , en 1808 , le comte
poléon avait pensé a lui^ et cette bi- Bigot le remplaça au ministère des
zarrerie de la part du grand homme cultes. Il a conservé ces paisibles
n'est pas sans exemple. Bigot de Préa- fonctions sans s'y faire remarquer ,
meneu fit encore pour le maintien de et suivant exactement les ordres du
Tordre d'honorables efforts 5 après maître, jusqu'à la chute du goliver-
les scandaleuses scènes du 20 juin nement impérial. (2) A cette époque,
1792, il obtint un décret qui interdit voyant Paris menacé, il se réfugia
aux pétitionnaires de se présenter prudemment en Bretagne , et n'en
armés a la barre de l'assemblée. Mais ■
ces efforts de quelques hommes sages
ne purent que retarder de peu de
jours la catastrophe dent l'état était
menacé • et, lorsque le trône chance-
lant de Louis XVI fut définitivement
renversé par la révolution du i 0 août
17.92 , Bigot de Préameneu n'eut
plus qu'a se tenir caché j ce qu'il fil
avec autant de soin que de succès tant
que dura le gouvernement de la ter-!
(i) 11 était à Rennes en juillet 1793, lorsqu'il
fut visité par Bailly, qui parti de >antcs se ren-
dait à Melon, dans la maison de campagne que
Laplace , son collègue à l'académie des scien-
ces, lui avait offerte pour séjour, et où il fut
arrêté en arrivant. V — ve.
(2) Une de ses plus importantes fonctions était
d'anah séries mandements des évêques sur les
victoires de l'empire et sur la vaccine, d'en ex-
traire les paSî-ages les plus saillants à la louante
du maître fet les évêques alors étaient laudalifs
jusqu'à l'extrême adulation), et d'envoyer ces
extraits, bien recommandés, au Moniteur et aux
journaux ecclésiastiques de cette époque,
BIG
revint que bien convaincu qu'il n'avait"
rien a craindre. ?.lais dans ce vovage
il avait perdu sou porle-feuille par un
arrêté du gouvernement provisoire ,
qui déclara déchus tous les-fonclion-
naires fugitifs, et sa place ne lui fut
rêpdue qu'après le retour de Napo-
léon , en mars 1 8 1 5 , sous le litre
plus modeste de direction générale
des cultes. Le comte Elgot fut en
même temps créé pair de France daus
la nouvelle chambre; mais il perdit
encore une fois tous ces avantages
par le second retour des Bourbons ,
et depuis ce temps il ne reparut plus
sur la scène politique. Vivant dans la
retraite , il ne s'occupa que de visiter
les prisons et les hospices, dont il
était un des administrateurs ; et il
juslifia au moins, par un'e grande
assiduité aux séances, le choix que
l'académie française avait fait de lui,
en Tannée i 800, en le nommant a la
place de Baudiu. La seule produc-
tion -littéraire que Ton connaisse de
lui est la réponse qu'il ht au dis-
cours de réception de l'évêque d'Her-
juopolis ( M. Frayssinons ), le 8
novembre 1822. D'ailleurs on ne
connaît aucun ouvrage de ce juris-
consulte et de cet académicien. Le
comte Bigot est mort a Paris le 3i
juillet 1820, laissant une fortune
considérable, et que son écono-
mie , a laquelle on aurait pu donner
unautrcnom, availfort augmentée (3).
Daru prononça son Eloge funéraire ,
<]ui tut inséré au Moniteur. Le duc
de Montmorency , son successeur
à l'académie, ne sachant de quoi
le louer sous les rapports littérai-
res , et se voyant forcé de se re-
jeter sur les bienfaits de son admi-
(jj Quand on allait voir le ii'inlstre, il n'é-
tait pas i-are de rencontrer, sur l'esuaUer, la
comtesse Bigot dans un déshabille remarquable,
tenant un trousseau de clés et descendant à la
cave. V — VE.
BÎG
25î
nistration ministérielle , dit qu'il ne
fallait pas laccuser de tout le mal
qu'il n'avait pas été en son pouvoir
d'empêcher, mais le louer du peu
de bien qu'il avait pu faire. On a im-
primé un Catalogue de sa bibliothè-
que, composé de plus de neuf feuilles,
et renfermant près de seize cents ar-
ticles, do!!t plus de quatre cents de
droit et de jurisprudence, formant
environ trois mille volumes. M-d ji
BÏGOT(]Marie KiÉNÉ), pianiste
célèbre, naquit le 5 mars 1786 a Col-
mar, où ses parents professaient la
musique avec distinction. Douée de
rorganisaliou la plus heureuse , elle
sentit dès Fenfance le besoin de cul-
tiver toutes les dispositions qu'elle
avait reçues de lanatnre. Très-jeune
encore, elle s'était fait une habitude
constante d'un travail raisonné et
très-varié. Le piano étant devenu,
sous la direction de sa mère, l'ob-
jet de ses études spéciales , elle
n'interrompit pas ses autres étu-
des. Elle disait que le temps était
élastiijue , et elle le doublait réelle-
ment par la manière de Temp'ovcr,
comme elle doublait l'efficacité des
exercices par les procédés ingé-
nieux qu'elle imaginait pour s'y
rompre. Bientôt il ne lui resta plus
qu'à colorer par l'expression un ac-
quis où rien ne manquait sous le
rapport du mécanisme. La famille
Kiéné quitta l'Alsace pour s'établir à
jNeufcbàtel en Suisse. Elle y connut
M. Bigot, dont une instruction
étendue, des voyages dans presque
toutes les contrées de rEurope , et
une rare aptitude k parler les langues
vivantes , marquaient la place dans
les chancelleries diplomatiques. Un
goût vif pour la musique s'alliant
chez lui a toutes les conditions d'une
existence honorable , il rechercha la
jeune Marie, et l'épousa eu i8o4'
aSa
BIG
Peu de temps après son mariage , il
la conduisit k Vienne en Aulriclie.
La elle vit Haydn, Saliéri, Beetho-
ven, et se livra entièrement a son
art. Dans le commerce de ces liom-
mes célèbres, ses idées s'étendirent,
son goût s'éclaira; son sly^e , vivifié
par les sentiments nouveaux d'épouse
et de mère, prit une physionomie.
Elle fit encore des progrès eu France,
où les événements de 1809 avaient
fait passer son mari. Au coloris mé-
lancolique qui appartient k l'école al-
lemande , elle associa l'élégance sans
manière , la fini'sse des nuances , la
convenance des ornements, quidistin-
guent les virtuoses français. On retrou-
vait dans son talent ce qui la caractéri-
sait elle-même , l'union constantedela
raison et du sentiment. En même
temps qu'elle perfectionnait son jeu,
elle approfondissait, sous la direc-
tion de Cbéruhini et d'Auber , la
science de l'art , et elle se fortifiait
dans la composition mu.sicale. La
maison de M""" Bigot devint le ren-
dez-vous des artistes les plus fameux,
des connaisseurs les plus délicats, et
des vrais amateurs. Les savants, les
liommes de lettres recherchèrent k
l'envi sa société. Rien n'éfralaitTa^ré-
ment de ses soireesj uue conversa-
tion solide et animée , une musique
exquise s'y succédaient et s'y entre-
mêlaient. Quand JM'"^ Bigot touchait
le piano, on l'entendait avec délices 5
quand elle causait , on l'écoutait avec
fruit. En 1 8 1 1 ,1a campagne deRussie
fut décidée.LcsfonclionsdeM. Bigot,
sa connaissance des langues du nord
et des localités que l'armée française
devait parcourir le firent attacher
k l'expédition. A la suite du désas-
tre, prisonnier kWilna, il perdit
ses places. Sa femme , chargée de
deux enfants en bas âge , restait sans
ressources j elle s'en fit une de son ta-
BÎG
lent ; la musî([ne qui jusqu'alors n'a-
vait servi qu'a embellir son existence,
devint un moyen de la soutenir; elle
donna des leçons de piano , et ses
succès dans l'enseignement furent
tels , que bientôt elle eut peine a
suffire k l'affluence des élèves. En
formant des pianistes, M"* Bigot
se proposait surfout de faire des mu-
siciennes. Un choix sévère des mor-
ceaux d'étude devait la conduire k
ce but. Jamais elle ne mit sons les
yeux de ses élèves que des productions
consacrées par une lougue unanimité
de suffrages ; et, quoiqu'elle ait elle-
même composé , elle n'eut jamais le
faible, si ordinaire aux professeurs, de
faire étudier sa musique j cependant
ses ouvrages, trop peu nombreux, et
particulièrement ses Suites d'Etu-
des, sontdevenus classiques. Tenant k
fonderune école, elle appela auprès
d'elle sa mère et sa sœur. Disciple
de l'une et maîtresse de l'autre,
elle trouvait dans toutes deux des col-
laboratrices en état de la suppléer; sa
fille, déjà musicienne, devait hé-
riter de sa doctrine et la perpétuer.
Ainsi ce cours , d'un genre neuf ,
ce cours remarquable par la pureté
des principes, l'aurait été encore
plus par leur parfaite unité. M™" Bi-
got poursuivait son utile entreprise
avec tout le dévouement dont elle
était capable, soutenue par la con-
viction de servir l'art qu'elle chéris-
sait , encouragée par les plus hono-
rables suffrages. Malheureusement
les forces du corps ne répondaient
fias chez elle k l'énergie de l'àuiej
a fatigue altérait sa santé j une ma-
ladie de poitrine , suite d'un travail
excessif, la consumait; elle y suc-
comba le 16 septembre 1820 , k
rào^e de trente - quatre- ans. Son
vœu le plus cher s'est réalisé, son
^cole lui a survécu; sa mère et sa fille
BIG
lacoutiniienl, et les nombreux talents
qui en sont sortis lui assurent une
loDgMc durée. Le talent de M"'' Bi-
got a fait époque. C'est elle qui a
introduit en Frauce la musique de
Beethoven, aujourd'hui si goûtée du
public français. Liéeàlienne avec ce
compositeur, elle le reproduisit d'o-
riginal a Paris. Tous les grands maî-
tres au surplus trouvèrent enelleun
digne interprète ou un digue émule.
Qui ne l'a pas entendue accompagnée
par IjatUot, ne connaît ni toute l'éten-
due d1 toute la puissance de l'exécu-
tion insiruraenlalc. Quelle intelli-
gence et quel feu! Que d'intentions
hnes comprises ou devinées! Combien
d'heureuses saillies, de reparties
inattendues! Quel brillant échange
de traits improvisés! Quelle chaleur
et en même temps quel aplomb!
Qu'il élall beau de voir les deux cou-
ccrlanls se piovoquer, se répliquer,
s'éleclrlser l'un l'autre, se rendre
inspiration pour inspiration, et at-
teindre les bornes de l'art avant d'en
avoir épuisé les ressources ! Mais
quel que fût l'inlérùt de ces conversa-
tions musicales, M"""' Bigot n'était
jamais plus admirable que quand elle
touchait seule. INous ne nous airèlons
point h l'extérieur d'un mécanisme
parfait sous tous les rapports ; nous
voulons parler de ce sentiment vif, dé-
licat et profond, qui, prompt a saisir,
habile a rendre, fait ressortir toutes
les beautés d'une composition , et as-
simile la musique a l'éloquence. La
première fois qu'elle joua devant
Haydn, ce vénérable vieillard fut
si ému, que, se )ciant dans les
bras de l'exécutaute . il s'écria : O
ma chère fille, ce n'est pas mui
qui ai fait cette musique , c'est
vous qui la composez; et depuis
lors il n'a plus appelé M"'" Bigot
que sa chère flUc. Nous avons vu un
BIG
253
témoignage de la satisfacliou de ce
grand homme, exprimé avec autant
d'abandon que de naïveté : sur l'œu-
vre même qu'elle venait d'exécuter
devant lui , il écrivit de sa main :
Le 2 0 février i8o5, Joseph
Haydn a été heureux. Personne
n'a réussi comme elle a reproduire
Beethoven: sans ôter au compositeur
allemand son air sauvage et la liberté
de son allure , elle modérait une fou-
gue trop impétueuse et mitigealt un
génie fier jusqu'à l'àpreté 5 elle le
traduisait comme Racine a imité les
anciens, l'adoucissant, ne l'énervant
pas. Un jour elle fit entendre a
Beethoven une sonate qu'il venait
d'écrire : Ce n'est pas là précisé-
ment, lui dit-il, le caractère que
fai voulu donner à ce morceau ,
mais allez toujours ; ce n'est pas
tout-à-fnt moi ; c'est mieux que
moi. Le jeu de M'"" Bigot fut ap-
précié par Dussek. démenti se com-
plaisait à lui donner des conseils qui,
saisis aussitôt que reçus et mis en
œuvre a l'instant même, causaient au
Nestor des planistes un ravisse-
ment inexprimable. Cramer la pria
souvent de jouer devant lui ses
fameuses Etudes^ et chaque fois
qu'elle les redisait , elle étonnait
leur auteur. Les amis de M"" Biaot
n oublieront jamais une séance ou
elle exécuta avec Cramer les sonates
à quatre mains de Mozart. D'abord
intimidée par la présence d'une re-
nommée européenne , mais se rassu-
rant par degrés, et trouvant enfin
dans la cause même de ce premier
trouble le principe d'un enthousiasme
prodigieux, elle s'exalta tellement
qu'elle devint une véritable muse. Le
plan:ste de Londres ne pouvait reve-
nir de sa surprise. L'œuvre entière
ne lut qu'un crescendo de verve et
d'expression. Après cet assaut de
254
BIG
talent , Cramer, exalté lui-même au
plus haut degré , dit à son heureuse
rivale : Je n'ai jamais rien enten-
du de pareil; disposez de moi à
toute heure '^ faire de la musique
avec vous sera toujours pour moi
une honnefortune sans prix. INous
avons eu la satisfaction de voir ces
beaux effets se renouveler sous nos
yeux. Cramer, dansle voyage qu'il a
fait enFrauce, klafiude 1 853, avant
exécuté les mêmes sonates avec la fille
de M""" Bigol, lui adressa ce sim-
ple el précieux éloge : J'ai cru en-
tendre encore votre mère. M-l.
BÏGOT de Morogues. Foy.
MOROGUES, XXX, 2o3.
BIGOT de Sainte - Croix.
Foy. Satnte-Croix, au Supp.
ÈIGOTIER ou Bigotherius
(Claude), poêle latin, était né
dans la Bresse au commencemeul
du 1 6* siècle, et suivant Guicbenon
au village de Treffort ( Histoire de
Bresse, 35). Nommé professeur de
rhétorique au collège de la Triuilé de
Lyon^ a l'époque de son établisse-
ment, il y remplit cette chaire plus
de vingt ans avec beaucoup de zèle.
Il s'amusa dans ses luisirsa composer
une apologie de la rave, sous ce
tilre : Rapina seu raporum enco-
mium, Lyon, i54o, pelit in-S". Ce
petit poème est devenu si rare qu'on
ne le trouv'e cité ni dans le Ca-
talogue de la bibliothèque du roi,
ni dans celui de la bibholhèque de
Lyon [Voy. Delandine, au Supp.).
Il est divisé en trois livres. Dans le
premier, l'auteur considère cette ra-
cine comme un aliment , et il en exa-
mine avec soin toutes les qualités.
Dansle second, il traite de ses vertus
médicales, el il vante ses heureux
effets surtout pour la goutte et les
engelures. Le troisième contient l'é-
loge de la Bresse el des hommes il-
BIG
lustres qu'elle a produits. Cet ouvra-
ge , dit Guichenon , se ressent encore
de la rudesse du siècle, mais toute-
fois ilesl digne de louange. L'historien
de la Bresse en a reproduit un long
fragment, tiré du troisième livre ,
dans les généalogies des familles no-
bles de celte province. Ou trouve a
la suite : Alectryomachia , id est
Galloruin certamen cum pompa
scholasticorum Lugduni acta, pe-
tit poème de deux à trois cents versj
De adventu Cœsaris in Galliam ,
autre poème , que l'auteur donne
comme une traduction de Clém. Ma-
rot, et deux /7^«2/,-e5, Tune adressée
aux saiuts patrons de la Bresse, et
l'autre a sainte Catherine, patronne
des philosophes. W — s.
BiGOTÎÈRE ( Percham-
BAXJLT de la ) , né a Reunes, de la
même famille que le Cinnmentateur
de la coutume de Fretagne [Voy.
IV, 4S7), quitta la France plusieurs
années avant la révolution avec sou
père, qui avait figuré dans les trou-
bles de Bretagne et dans les actes
de résistance du parlement. A l'é-
poque de l'émigration _, le jeune La
Bigolière se rendit a Cobleulz, et
le cardinal de Rohan, dont il était
allié, le présenta aux princes, eu
disant : a J'ai l'honneur de présen-
ce ter à V. A. R. le chevalier de La
K Bigolière, mou parent, et le plus
te ancien émigré, car il est sorti de
« France dix ans avant nous. 3> Cela
faisait allusiouala manière dont étaient
reçus de l'autre côté du Rhin les Fran-
çais qui arrivaient par ceux quiavaienl
émigré quelques semaines avant eux.
Apprenant ensuite la levée d'armes
de la Vendée, La Bigolière passa k
Jersey, el s'embarqua pour la Bre-
tagne. Ayant joint l'armée vendéenne
après 1 occupation de Saumur , il
assista à la bataille du Bois-du-Mou-
BIL
liu-aux-Chèvres , où il eut uii braa
fracassé par un boulet. Ne voulant
pas que les soldats quittassent le com-
Jjat pour le secourir, il alla se cacher
dans une métairie, où il resta quel-
que temps évanoui , et le soir il eut
encore la force de se rendre dans uu
village voisin, puis k Cliollet , où on
lui fit l'ampulaliou du membre fra-
cassé, et quelques semaines après il
fut guéri. Etant retourné a l'armée,
il reçut une nouvelle blessure, ce
qui ne l'empêcha pas de suivre les
Vendéens dans leur expédition d'ou-
tre-Loire. On a imputé h ce chef
royaliste d'avoir figuré dans la bande
noire , ainsi nommée parce que ceux
qui en faisaient partie portaient en
signe de ralliement uu crêpe noir au
bras. Celte troupe , composée en
grande partie d'Allemands et de dé-
serteurs, commit beaucoup d'excès.
La Bigotière, qui se fit remarquer en
toutes circonstances par une grande
bravoure , fut pris a la déroule du
Mans, en 1794-5 condi.It k la prison
de l'Oratoire, et fusillé quelques
jours après. F — t — e.
BILDERDYK (Guillaume) ,
uu des plus grands poètes du siècle,
et que ses compatriotes placent sans
balancer a côté de Schiller, de Goe-
the et de Byron, naquit a Amsterdam
en 1766. Comme Ovide, Voltaire,
et Pope, il raconte lui-même qu'il
balbutiait déjà des vers sur les genoux
de sa nourrice. Mais la poésie seule
ne pouvait suffire a cette tête ardente,
a cette vaste inlelligence j son séjour
a l'université fut donc consacré k la
fois aux travaux de l'imagination et
aux études si variées du droit , des
langues anciennes et modernes , de
l'histoire, de la géographie, de la
géologie , des antiquités , de la mé-
decine , et même de la théologie.
Génie puissant et élevé, il dominait
BIL
255
toutes les parties des connaissances
humaines, si l'on en excepte la phi-
losophie, qu'il représente dans un de
ses ouvrages comme propre k étouffer
la faculté poétique, et k laquelle il fit
dans la suite une guerre bien autre-
ment sérieuse. L'université de Leyde
jetait alors le plus vif éclat, et ouvrait
à la solide érudition une route ovl
l'Allemagne se précipita bientôt tout
entière, laissant derrière elle le reste
de TEuropc. Bilderdyk y étudia la
jurisprudence sous Bavius Voorda et
Vauder Keesselj la littérature grec-
que et romaine, sous W alckenaer et
Kuhnkenius , fondateurs d'une école
philologique que saluent encore de
leur reconnaissance les Jacobs et les
Crcutzer , les Hase et les Boissona-
de. Ce commerce étroit de l'antiqui-
té, auquel le talent ne renonce ja-
mais impunément, donna une trempe
plus forte k son esprit , et k son style
l'abondance , la fermeté et la cor-
rection, qui le caractérisent. Grand
homme anticipé au milieu d'une jeu-
nesse étourdie et frivole, il recher-
chait la solitude, et travaillait avec
une ardeur qui fit concevoir des
craintes pour sa santé. Ce fut en
1776 qu'il se révéla pour la première
fois au public. La société littéraire
de Leydc avait proposé un prix pour
le meilleur poème cjui exposerait
Tinjluence de la poésie sur Le gou-
vernement d'un état. La médaille
lui fnt décernée j et il la méritait:
il avait su jeter de la vie dans
ce lieu cominim, en y introduisant la
figure mâle de Tyrtée. Déjà sa ver-
sification s'y montrait brillante , sou-
ple, riche de formes et d'images
nouvelles. L'année suivante il fut
couronné deux fois: pour un poème en
trois chants, intitulé Le véritable
amour delà patrie , et pour une ode
sur le même sujet , ou lui adjugea le
256
BIL
premier el le troisième prix. Le se-
cond fut accordé a son amie Julie-
Cornelie, baronne de Lannoy, née
eu jjùS à Bréda , et qui jouit encore
de toute sa renommée. Dès ce mo-
ment la poésie hollandaise, dont la
première moitié du dix-huitième siècle
avait vu la décadence, et qu'une imi-
tation malheureuse des grands modè-
les français avait failli perdre sans
ressource, se réveilla brillante de fraî-
cheur el de force , comme au siècle de
Hooft, de Vondel et de Cats. A vingt
ans, Bilderdjk était un des écrivains
qui avaient le plus coopéré à celle
rénovation. Soutenu par le sentiment
de sa capacité , stimulé par les ap-
plaudissements de ses compatrioles ,
il redoubla d'efforls , exerçant sur
lui-même cette sévérité qui est le
gage d'un succès durable. Ce fui alors
qu'il publia sa romance à'Elius ,
composition étendue, etoùl'on trouve
une foule de beautés de détail. Eu
1779, il traduisit en vers XOEdipa
roi, de Sophocle. Cette traduclion ,
aussi fidèle qu'élégante, se dislingue
surtout par la couleur antique. Le
i.-avail s'y fait d'ailleurs si peuscnlir,
qu'on croit lire un original. La même
année parurent ses Loisirs ou délas-
sements, recueil de pièces détachées,
qui rivalisent entre elles de grâces et
de beautés. Vers ce lemp'^, les Hol-
landais, a l'exemple de plusieurs écri-
vains célèbres de l'Allemagne , tels
que Klopslock , Voss , Stolberg,
avaient commencé a écrire en vers
blancs et mesurés, d'après le rhy-
ihme des anciens, qu'avaient essayé
d'introduire en français Ronsard el
Baïf, et après euxTurgot. Bilderdyk
sacrifia aussi a la nouveauté, et in-
séra quelques morceaux eu versblancs
dans ses Loisirs. Cet essai prouva
deux choses : l'exlrême flexibililé du
talent de l'auteur et les ressources
BIL
de la langue dont il faisait usage.
Mais il en connaissait trop bien le
génie pour recommander ce pro-
cédé comme un exemple a suivre;
au contraire il le condamna toujours
avec force, et s'il n'avait fait lui-
même des hexamètres et des pen-
tamètres, qu'on a lus avec plaisir,
principalement sa traduction de l'^-
nechoinenos A' k'pvXè.Hj on serait au-
torisé k douter que ce système de
versification puisse jamais être appli-
qué a la laugne hollandaise, qui n'a
pas moins besoin que la langue fran-
çaise du secours de la rime. — On
a reproche' a Bilderdyk d'avoir in-
séré dans ses Loisirs plusieurs tra-
ductions d'anciens poètes , Bion ,
Théocrile , Anacréon , etc. , sans
que rien indique la source d'où el-
les sont tirées, et de s'être ainsi
exposé a l'accusalion de plagiat. —
L'année 1780 fut encore très-glo-
rieuse pour notre poète. La so-
ciété de littérature de Levde avait
proposé, trois ans auparavant , celle
question : La poésie et l'éloquence
ont-elles des rapports avec la phi'
losophie ^ et quels sont les avanta-
ges que l'une et l'autre retirent
</t; ccV/e- Ci? Bilderdyk, c|ui n'avait
pas encore rompu avec la philosophie,
répondit par un long mémoire qui
fut honoré du premier prix, et qui
est imprimé daus le sixième volume
des œuvres de cette société , avec les
addilions faites par l'auteur en 1783.
Cependant la profession d'avocat, qu'il
exerçait a. La Haye , nuisait a ses tra-
vaux lillérairesj à peine Irouva-l-il
quelques iuslanls pour chauler, sous
le nom à' Odilde , celle qui devint
son épouse. Ces vers furent publiés
à l'insu du poète, mais il les revit
ensuile, et on donna une édition en
1808, en un volume in-8°. Pen-
dant l'auuée 1785, uu autre re-
BIL
cueil de poésies , dans le genre aua-
créonlique , intitulé Petites Jîciirs ,
lui valut encore les suffi âges uni-
versels. Les pensées grandes et gé-
néreuses qu'il admirait dans le poè-
me des Gueux de \ an Haren et le
désir de rendre la vogue à cette œu-
vre patriotique long-tt raps négli.^ée ,
lui inspirèrent le dessein d'en corriger
les parties qui lui paraissaient défec-
tueuses. Il s'associa dans celte vue au
célèbre Feilh, e1 leur travail parut en
deux volumes, en j 785. Il était digne
des applaudissements qu'il obtint j
mais si dans celle refonte on devait
louer des vers plus châtiés , un style
plus pur, on y regrettait quelquefois
le mo\\\çïQe\i\ prime-sautier Az \\n-
spiraiioo, la verve et la vigueur
de l'original. Des différences d'opi-
nions politiques produisirent bientôt
une rupture entre les deux poètes
amis, qui depuis ne serapproclièrent
plus, lildcrdyk s'était louiours mon-
tré chaud partisan de la maison d'O-
range; Feilli au contraire était au
nombre des adversaires du slalbou-
dérat. Avant que les factions fus-
sent tout-k-fait aux prises , Bilder-
djk, encouragé par l'accueil ou'avait
reçu VOEdipeRoi, entreprit de
faire passer dans sa langue un autre
chef-d'œuvre de la scène grecque : en
I 7 8 9 , il donna au public sa traduclicn
de VOEclipe à Colonne ^ qu'il inti-
tula la 31ort d'OEdipe. L'invasion
étrangère suivit la guerre civile, et
força bientôt le poète à aller, comme
le prince tbébain , chercher une re-
traite loin de sa patrie. Il se rendit
en Allemagne , puis en Angleterre ,
et séjourna long-temps a Brunswick.
Le malheur, qui prête une énergie
nouvelle aux âmes viriles eu les meur-
trissant, l'habitua à fixer sur la pos-
térité un regard plus sur et plus fier.
Mais en exaltant son imagination, il
BIL
257
commuuiqiia a sa raison une amertu-
me que sa vie toute solitaire ne fit
qu'accroître avec le temps. Une aus-
térité poignante, une intolérance qui
parfois ressemble a du fanatisme, un
ton magistral et dur furent les tristes
fruits de cet isolement. En Angleter-
re, Bilderdjk ouvrit des cours de
poésie très-fréquenlés ; et, ce qui
est digue de remarque, c'est eue
pour être généralement compris, il
se servit de la langue française ,
qu'il maniait très-bien, et contre la-
quelle il a affiché les préventions les
plus injustes. Pieconnaîtrait-on en
effet la langue de Racin^ dans cette
soxde juvénaliejine , où la beauté des
vers ne saurait faire excuserl'injustice
de lapeusée?aiIi«(2/'weg-/«efM, etc.
ce Loin d'ici , jargon aux sons bâtards,
ce glapi par les hyènes et par les
ccichacals, renié par ta postérité
ce comme tu as renié ton origine,
ce crée pour la moquerie qui se joue
ce de la vérité 5 ta prononciation ua-
ee sillarde et mal articulée sait à peine
ce se faire entendre. Exécrable fran-
ce çais ! tu n'es digue que du diab'e ,
ce toi qui veux t'emparer du monde
ce avec tes contorsions de singe. »
Ce trait, créé pour la moquerie qui
se joue de la vérité , rappelle un
passage fameux du Ff^ ilhelin Meis-
ter At Goethe. Il est impossible au
reste d'être plus brutal et plus pas-
sionné. Le poète se venge sans géné-
rosité du mépris que nous avons quel-
que! ois prodigué sans connaissance de
cause à la littérature de son paysj
et quand on songe que zt\ exécrable
français^ il le parlait avec une facilite'
rare , on est tenté de lui appliquer
ce que disait Voltaire d'AchiJe, qui
s'em.portait contre la gloire, ou du
père ^lalebranche, doutla brillante
imagination s'efforçait de détrôner
l'imagination. Le talent particulier
LVIU.
ajô
BIL
de Bilderdyk est l'art de conter en
vers : la nalure l'avait créé conteur.
Alors il oublie ses animosités , ses
préjugés, ses vieilles rancunes; les
images pillorescjues, les idées ingé-
uieuses , les détails imprévus se pres-
sent sous sa plume , et ilcaptive parce
(pi'il commence par être captivé Itii-
luème. hes Poésies diverses, dont il
publia deux volumes en 1799, atles-
ient au plus haut degré ce que nous
venons d'avancer. Outre un poème
didactique sur V Astronomie et des
traductions dOssian, qu'il annonce
avoir été faites non pas sur l'anglais
deiMacphersou, mais sur les originaux
mêmes, ce recueil contient des ro-
mances cl des contes, dont le tour
est aussi heureux que la versificalioa
en est gracieuse et piquante. Quelque-
fois il imite; mais ses imilatlons sont
si libres, si indépendantes, qu'elles
peuvent passer pour appartenir eu
propre à l'auteur. Le joii conte de
Voltaire, Ce qui plaît aux daines,
dont le fonds est emprunté à Chau-
cer, est, ainsi qu'il le dit lui-même,
tout-afa l liollandisé [verliollan-
dcht). Au surplus, les personnes
qui n'enleudcnt pas l'idiome batave
sont en état d'apprécier la manière
de BiMerd\k, eu lisant la iiadiclion
en vers français qu'a risqué^ M. L.-
\. Raoul de la pièce intitulée l'Im-
précation^ dans ses Leçons de liilé-
ratuiehollandaise(Rruxt]\., 1 829).
Deux aulies volumes de poésies pa-
rurent en i8o5, ainsi qu'une Imita-
tion de r Homme des champs de
Delille, qu'il rendit complèlemenl
bollandais, et au([uel il enleva tou-
tes les petites grâces, que n'avait
pas eu !c courage de s'interdire un
écrivain traité aujourd'hui avec tant
d'injustice , mais qui n'en restera
pas moins notre premier vcrsilica-
teur. Dans sa Préface, Eilderdvk
BIL
devança les jugements sévères dont
Delille a été l'objet , et sembla pren-
dre l'engagement lie dénigrer tout re
qu'il voudrait bien imiter a l'avenir.
L'Homme des champs tut une se-
conde édition en 1821. Quoiqu'il se
plaignîl des glaces de l'âge , la verve
de Edderdyk semblait inépuisable.
Sa fécondité , loin d'être le résullat
de la facilité malheureuse d'un Scu-
déry, enfantait co:ip sur coup des
productions également remarquables
par la pensée et par le style, et
offrait uu phénomène qui n'a rencon-
tré de point de comparaison que dans
les deux hommes prodigieux cités
avec un juste orgueil par la France
et l'Allemagne pour l'unlversalilé de
leurs connaissances et la variété irti r-
veilleuse de leurs talents. Eu i8o4, il
mil au jour trois volumes de J\lé-
langes ; tn i 8o5, le poème de /^//j-
g^rt/j d aprèsOssian 5 en 1806, deux
volumes de Nouveaux mélanges en
prose et en vers , dont le preniler est
presque entièrement consacré à des
matières religieuses, et dont le se-
cond contient les poèmes d^yJsse/iède
et à'' Achille à Scyros; en 1807 ,
deux volumes destinés a compléter le
recueil de i8o3, el uu poème intilulé
les Maladies des savants, dont on
a blâmé le sujet, mais qu'il serait
impossible de ne pas louer sous le
rapport de l'exécution. Uu des épiso-
des conduit le poète au fond des
enfers, comme le Dante, qu'il
imite encore avec sa libellé accou-
tumée. Il jette les yeux autour de
lui , et voit avec horreur qu'il est en-
touré d'une foule lunoiubrable de
maux physiques et moraux. Cette
peinture est d'une vigueur effrayante.
En 1822, M. J.-H. Rraane, connu
par un poème intitulé la Littérature
^française, qui parut en 1804., sou-
mit au public quelques échanlilloos
BIL
d'une Iradiicliou envers de l'ouvrage
de Bildcrdyk. Depuis 1806 , et non
pas depuis 1799, ainsi qu'on le lit
dans la Gnlerie des contemporains
et le Dictionnaire de la conversa-
tion, il était revenu dans sa pairie,
où il avait été accueilli avec un légi-
time enthousiasme. Sou poème sur
les maladies des gens de lettres fut
a la lois un bon ouvrage et une bonne
action. Il en abandonna le produit
aux infortunes que le désastre de
Leyde avait plougés dans la détresse.
Luuis-jNapoléon cherchait à se ren-
dre populaire, et savait y réussir 5
il choisit pour sou maître de lan-
gue hollandaise le plus beau génie
de la nation dont un décret impé-
rial l'avait fait roi ; le combla de
marques de faveur et le nomma
président de la seconde classe de
l'iuslllut fondé K Amsierdam à Tiu-
slar de celui de Paris. Sensible h
ces avances de bon goût, Bilderd\k
ne crut pas renier ses anciennes affec-
tions eu acceptant les bienfaits d'un
honnête- homme devenu roi. Datis
celte période de sa vie , ses écrits se
miiiliplièrent et se soulinrenta la hau-
teur de ses premiers chefs-d'œuvre.
Sasecoudefemme,Will)elniine,pHcte
distingué elle-même, si-mblait l'inspi-
rer et l'encourager. Voulant ne res-
ter étranger a aucune partie de la poé-
sie , il composa plusieurs tragédies,
qui, sans avoir eu de succès sur la
scène, n'en font pas moins d'honneur à
l'écrivain. Cw/7/rt«/«e I^' de llollan'
de, Korniak , Cinna , d'après Cor-
neille, avec une dissertation sur la
tragédie, où les classiques français
ne sout guère plus épargnés que ne
l'avait été Delille , furent imprimés
en 1808, 3 vol. in-8°, avec deux
tragédies de madame Bilderdjk,
Elfride et Iphtgénie en Aiilide,
4'après Racine. La même année fut
iJIL- aày
dotée encore des Fleurs d'autom-
ne , d'un poème sur le Désastre
de Leyde , d'une traduction des
Hymnes de Callima ,ue ^ de Fia-
ris y, tragédie allégori(|ue composée
pour célébrer la translation du gou-
vernement k Amsterdam, erdoni.ée
par le roi Louis • du Chant funèbre
dlbn Doreid (deuiième édition . la
première est de 1790); enfin d'une
imitati.m de V Essai sur l'iionmie de
Pope, queBilderdvk ajoute aux illus-
tres viclimcs de la bizarre acrimonie
de ses jugements. Yoici les litres des
poésies qu'd mit sous presse en 1809:
l'Arrivée du roi au trône , i vol.
in-S"* Poésies éparses, 2 vol. in-S",
dans lesquelles on doit accorder une
mention particulière à sou imitation
du Pervigiliuni Veneris, ainsi qu'à
des traductions de plusieurs odes
d Horace j d'une ode de Pindare , du
commencement de 1 Iliade , d'une
idylle de Théocrile, de Théroïde de
Saphoà Phaon d'Ovide, etc. Mais
n'oublions pas que lorsque Bilderdyk
se propose de traduire, sou modèle
n'est en quelque sorte que le thème
d'une composition nouvelle, et qu'il
le quitte , le modifie , y ajoute ou eu
retranche, au gré de sa fantaisie.
Depuis long-temps la critique litté-
raire , qui , en Hollande comme dans
tous les pays où les talents vivent en
famille, manque d'aulorilé et de di-
rection , ne parlait de Bilderdyk que
pour l'admirer, et n'osait pas même ,
parmi la mullilude de ses excellents
ouvrages, signaler quel([ues ccmposi-
tions qui mauquent totalement de goût
et d'intérêt. Tel esl, eu effet, le pou-
voir d'une haute célébrité, qu'elle fait
fermer les veux jusque sur les défauts
les plus choquants. Bdderdyk vi-
vant avait dominé l'envie et jouissait
■de ces hommages qu'on n'accorde
volontiers qu'aux tombeaux. Mais
a6o
BIL
quelques transports qu'il inspirât ,
ces applaudissements ne pouvaient le
distraire de la noire mélancolie a la-
quelle vint le livrer la mort de pres-
que tous ses enfants. Il ne trouvait
de consolation que dans ses travaux
littéraires, qui, cliose étonnante , ne
portent aucune empreinte du décou-
ragement de son âme. Le titre seul
des poésies qu'il pulilia en i8i i , a
celte époque si funeste de sa vie, tra-
hit les émotions douloureuses dont
il était assailli. Le deuxième volume
de ses Fleurs d'hher offre uue
pièce de vers qu'il récita cette an-
née dans une séance de la société des
sciences et arts d'Amsterdam j mais
ce n'est que la premièie partie, la
dernière avant été supprimée par
la basse obséquiosité de la police.
Ce poème contient les Adieux que
Bilderdjk avait adressés aux Mu-
ses dès 1799. Il respire d'un bout
a l'autre uue sensibilité noble et
vraie , une mélancolie profonde et
touchante. L'auteur y fait uue réca-
pitulation de sa vie , qui a été , dit-il,
une succession continuelle de souf-
frances et de maux insupportables 5
il n'en exclut pas même un dénuement
complet et la misère avec son hideux
app;'.rel! , la misère (jui le força quel-
quefois de prostituer sa plume aux
libraires, et d'écrire avant que l'heure
de l'inspiration eût sonné. En rap-
procbant de ce sub'ime discours le
morceau intitulé Néron â la pos-
térité, on est tenté de demander,
avec M. Von Kampen, si Xénophon
n'a pas eu raison de donner deux
âmes a 1 homme. En effet , dans ce
dernier poème l'auteur, aussi para-
doxal que Linguet, entreprend l'a-
pologie du meurtre d'Agrippine. A
côté de ce dégradant plaidoyer en
faveur' du panicide , on lit des vers
élincelanls d'uue gaîlé moqueuse , où
BIL
sont traduites en ridicule les sociétés
poétiques du dernier siècle. Un autre
poème , intitulé le Hollandais ,
pourrait , de même que le précédent,
obtenir tous les suffrages , s'il n'était
défiguré par une partialité révoltante,
dirigée principalement contre la lan-
gue allemande, qu'il appelle un ab-
ject et perpétuel barbarisme , dont
il place les partisans dans des char-
rettes de fumier. Ces épigrammes ,
sans finesse et sans atticisme, sont
en général trop familières a Bilder-
dyk dans ses accès d'hypocondrie; car
pour cette sorte d'injustice en elle-
même , elle n'est pas tout-a-fait irré-
missible , attendu le grand nombre
d'hommes distingués (|ui s'en sont
rendus coupables. Si le poète avait
été mordant et fidèle aux convenan-
ces, on luiauralt peut-être pardonné
de renvoyer aux étrangers les traits
malins qu'ils n'ont pas épargnés à ses
compatriotes; car tout le monde sait
qu'on a généralement fait desHol'an-
dais des espèces de caricatures au phy-
sique et au moral. Dans les Mémoires
de Byron^ par exemple^ i^ J ^ "ne
censure fort irréfléchie de Vondel \
Waller-Scott s'égaie volontiers aux
dépens de la lourdeur balave ; le
satirique allemand Lichtenberg dit
quelque part a^un due fait sur lui
l'effet d\in cheval traduit en hol-
landais. Les Français ne se pi-
quent pas toujours d'équité envers
leurs rivaux. Il n'y a guère que les
romantiques qui aient combattu les
préventions des beaux-esprits de Pa-
lis, et encore n'ont ils vanté avec
exagération Shakspear , Schiller ,
Goethe, que pour leur impuler leurs
propres défauts. — L'abdication de
Louis, a la suite de laquelle eut
lieu la réunion de la Hollande h la
France, réunion dont en assure qu'Es-
ménard fut à -la -fois l'avocat et le
Bîî,
censeur officiel (i), fit perdre k
Bilderdvk la pension qu"ii devait a
la liliéralité de ce prince, et sa po-
sition deviul exlrèmeraeul criliqiie.
Quel que fût le mérite de ses ou-
ourrages, observe M. \an Lennep ,
ils ne pouvaient cependant pas lui
fournir les moyens de vivre. Le nom-
bre des lecteurs et des amis de la
poésie en Hollande n'est pas assez
considérable pour qu'un écrivain
puisse espérer de trouver des ressour-
ces bien productives dans ses talents
littéraires. Yondel , le premier des
poètes hollandai -, n'a jamais été riche j
Nomz , très-bon poète , est mort à
l'hôpital • et , malgré la révolution
favorable qui s'est opérée presque
partout dans la condition des gens de
lettres, aucun poète de la Hollande ,
dénué des dons de la fortune, n'a pu
s'enrichir par ses productions, qui
ont cependant, fondé l'opulence de
quelques libraires , puisqu'il est d'u-
sage dans ce pays qu'un auteur ne
conserve presque jamais la propriété
de son ouvrage, mais qu'il la cède a
l'imprimeur movennant un honoraire
très-modique. D'ailleurs l'état de dé-
tresse où la Hollande se trouva ré-
duite alors n'était , on le pense bien ,
nullement favorable aux lettres. Eil-
derdyk , ne trouvant pas même à
Amsterdam, où il demeurait , de
libraires disposés a faire l'acquisi-
tion des écrits qu'il avait encore en
(i) Il fallait an gouvernement impérial un ('cri-
vdin qui composât à l'heure même un hean faclitm
destiné à faire sentir aux Hollandais l'honneur
qu'on pretendint leur faire. I.a police disigna
Êsménard. De leur côté, les amis de l'indépen-
dance balave cherchèrent un écrivain dont la
plume eiercé« et facile pût répondre dans l'instant
à ce manifeste. On leur indiqua encore Esménard.
Soit que leur cause fut meilleure , soit qu'ils
eussent mieux payé que le duc de Rovigo , la
réplique se trouva bien supérieure à l'attaque.
Napoléon, surpris, voulut savoir qui avait osé
avoir riiison contre lui. Mais en apprenant qne
c'était l'auteur du poème de la ?i<i,igation , il
rit et fut désarmé.
BIL
a6i
portefeuille , fut obligé d'en aller
chercher un dans une 'province éloi-
gnée de la capitale. Ou connais-
sait en Hollande son allacbement
au roi Louis , et les libraires ds
cette province craignaient en im-
primant un ouvrage sorti de sa plume
de se compromettre vis-a-vls du gou-
vernement français ; mais la presse
était moins esclave a Groningue , et
c'est là , qu'en 1 8 1 3 , Bilderdjk
publia deux ouvrages en prose ,
sans nom d'auteur. L'un est une Re-
lation curieuse d'un voyage aéro-
statique et de la découverte d'une
nouvelle planète , prétendue tra-
duite du russe. On ne comprena
pas trop le but de cette brochure ,
moins amusante que le Voyage dans
Il lune de Cyrano de Bergerac ;
aussi est-elle, dès son apparition,
tombée dans l'oubli. L'autre est un
Traité de géologie, et le premier
k notre connaissance qui ait été
écrit en hollandais . Les observations
qu'il renferme sont la plupart puisées
dans les ouvrages de Saussure , de
Dolomieu , et surtout de Deluc.
Elles s'accordent d'ailleurs avec les
idées religieuses, et servent princi-
palement k corroborer les récits de
Moïse sur la création du monde.
La Hollande recouvra enfin son in-
dépendance , et confia de nouveau ses
destinées k une famille qui lui avait
conquis la liberté et le honheur. Bil-
derdyk sentit se réveiller tout son
amour pour la maison d'Orange, au
retour d'un de ses plus digne» re-
présentants. Sa femme et lui enton-
nèrent des chants de triomphe et d'al-
légresse , où l'on sent la preuve que
sa muse était faite pour l'expression
des sentiments élevés et généreux ,
et non pour celle de la haine et du
fanatisme. Le volume intitulé la
Délivrance de la Hollande, im-
9r>2 BÏL BIL
i;
;)rimé en i8i4, contient la fin du poème également satirique. C'est
eau poème Inséré clans ses Fleurs vers cette époque qu il s'éloigna
d'hiver , où le poète rend avec d'Amsterdam pour se fixer à Leyde.
une noble modestie h ses jeunes ému- Le gouvernement avait cherché a
les la justice qui leur est due 5 ii pré- améliorer sa position , et, il faut le
dit a sa patrie u'e jirochaine renais- dire, n'avait pas eu une idée très-
sance a la naliona'ité. Cette même heureuse en le nomtv/ant, en 18 15,
année il publia encore deux tomes de auditeur mi'itaire. Aussi ne garda-t-
poésies, qu'il \iAi\vC a. Asphodèles ; il pas long-temps celte place. Il rc-
c'esile nom de plantes qui, selon Ho- nonça également a sou fauteuil aca-
mère, croissent à l'entrée de l'empire démique , car, sa misanthropie ayant
des morts. Les di'ux morceaux les fait des progrès avec l'âge, il était
plus brillants sont un poème sur le tombé dans un état pareil a celui de
Mariage ^ et un autre iûtitulé le l'auteur d'£'/«//Ê'; comme lui, il re-
P'rai Bien. Lorsqu'en 1 8 1 5 Na- poussait la main amie qui cherchait
poléon , en l'honneur duquel il avait a consoler sa vieillesse , et, empoi-
pourlant rimé une Ode pindarique^ sonnant par le soupçon les relations
et dont 11 avait célèbre le mariage , les plus douces, afiFeciait des bizarre-
reviiit de l'île d'Elbe et sembla ries extérieures dont gémissaient les
menacer le trône qui a été ren- sincères appréciateurs de sou raé-
versé plus tard , Bilderdjk fut l'un rite. Bien des personnes se sou-
des premiers a crier aux armes 5 ce viennent d'avoir vu Bilderdyk parcou-
qu'il fit dans uu morceau lyrique, rir les rues d'Amsterdam en traîneau,
admirable de tous pnints, et où la revêtu d'une robe de chambre, la
faiblesse du sexagénaire ne se laisse tèle enveloppée d'une servielle, la
aucunemint apercevoir. En 181 5 pa- barbe longue et négligée, et de Pa-
rurent aussi son Dévouement à le voir ensuite vu k Leyde dans une
Tnaisoncl' Orange ;Guillaume-F ré- demeure qui neretiaçait ni cet ordre
déric, rai des Pays-Bas, chant de ni celte propreté devenus prover-
fète , et ses Transports patrioti- bes en Htdlaude; mais il n'en con-
^«^5, qui contiennent vingt-huit poè- tinnait pas muins d'écrire. En
mes tant de lui que de sa femme. 1819, il publia avec sa femme de
En 1817, ses amis se demandaient Nouveaux mélanges et un Hom-
si quelques fleurs ne pousseraient pas mage à la mémoire de J .-TV .
sur la tombe de celui qui en avait Bilderdyk. En 1820 , il composa
tant produit pendant sa vie. Le, mort seul les Fust gâtions morales à la
tout étonné leva la tête de son manière de Perse ; en 1821, la
cercueil, leur fil présent des Nou- Guerre des souris et des grenouil-
veaux rejetons , et bientôt, ressus- les el les Broufdles, qui conliennent
citant loul-a-fait, leur offrit Ze^/n//c quelques héroïdes et des imitations
et le rose, litre bizarre, qui faisait d'Horace. INous ne disons rien du
allusion aux cheveux blancs du poète Chant de la cigale ( 1822) ni de
unis aux joues de rose de sa compa- l'Echo des rockers ( 1824 ) , où
gne. Dans les Nouveaux rejetons il déclame contre les idées les
se trouve nue pièce du genre face- plus saines, contre les hommes les
iieux sur les Mystifications du plus recommandables donfc s'énor-
l" d'avril. Les Animaux Honl un gueillit l'époque actuelle, el voue au
BÏL
mépris non seiilemcnl les sages amé-
liorations politiques, raiis encore la
vaccine et d'autres bienfaits accordés
à Tespèce humaine. Ce délire, qu'a
p.irtagé son disciple d'Acosla, lui a
inspiré son Traité de droit naturel,
où tons les principes gothiques , fruit
de l'ignorance du moyen âge, sont
préconisés comme des vérités incon-
testables, comme des oracles de la
sngesse : déplorables folies, (jni ont
été réfutées, avec toute la pnissance
d'une raison supérieure, par M. J.
Kmker dans ses Lettres à M . Paul
Pan Heinert, Amst., 1823, in-8".
Eildtrdjk a mérité une gloire plus
solide, en qualité de grammairien,
par ses Variétés grammaticales et
poétiques , par Sf s Observations
sur Huydecoper (1828), par son
Traité sur le genre des substan-
tifs dans la langue hollandaise
(i8o5-i8i8, et depuis sa mori),
par son Tableau des genres d'après
des règles Jixes et positives (1822).
INous ne mettrons pas au même rang
ses Dissertations sur l'art drama-
tique (1823), quoique quelques-unes
de ses remarques soient de nature a
plaire aux novateurs modernes. Bil-
di^rdjk signa, en 1808, un ou-
vrage de botanique intitulé Expo-
sition et défense de ma théorie de
r organisation végétale , par M.
Brisscau-Mirhel, franc, et allem. ,
La Hâve , in-8°. On a aussi de
lui : Observationes et emendatio-
nes juris , signées Guillaume de
Tejsterband ; car, entre ses singu-
larités , la moins étonnante n'est pas
la manie qu'il avait de descendiedps
anciens comtes de Teyslerband. Il
faut avouer pouitant qu'il est difficile
d'-résisti-r aux arguments par lesquels
il prouve celte descendance, argu-
ments qui paraissent ne devoir pas
être confondus avec ceux dont se sert
lilL
a6'j
Jos. Scaliger pour étnblir ses droits
à la primijauté de Vérone. Bilder-
djk ne dédaigna pas le rôle d'édi-
teur et de commentateur; le troisiè-
me volume deMaerlant est enrichi de
ses notes, et une édition in-18 de
Huvgens porte son nom. Wais le
plus beau titre de sa vieillesse, et qui
honore sa vie entière , c'est la Des-
truction du premier monde. Il lui
restait a aborder 'a poésie épique, et
dans les i inq premiers chants de cette
grdude ipcpée, qu'il n'a pomt lei mi-
née , il nous transporte, nouveau
Millon, au milieu des primitifs ha-
bitants de la terre ; il nous montre
dans ses majestueux tableaux une race
d'aboi d pure et céleste, séduite cnSri
par les tentations terrestres, et nous
peint les fils d'Adam, de Seth et de
Caïn, dégénérés, il est vrai, mais en-
core animés de toute la vigueur ju-
vénile des preniiers-nésde la création.
C'était par ce n-agniBque ouvrage
qu'il lui convenait de terminer sa
carrièie, au lieu d'éparpiller son gé-
nie dans une foule d'écrits oii se ré-
vèle toujours la plume du maître ,
mnis qui n'ont ni la perfection ni lin-
lérél qu'en est en droit d'exiger de
lui. Bilderdyk, dont le Dictionnaire
de laconversation et de la lecture
parle en i853 comme s'il était vi-
vant , est mort h Hnarlem le 18 di-'-
cembrei83i. Il fut enterré dans la
grande église de celle ville. Le 4
février suivant , la chambre de rhé-
torique , sous la devise Liefde bovc-
nal{ l'amour avant tout), lui a consa-
cré un mausolée. Le roi des Pays-Bas
voulant, de son côté, honorer la mé-
moire de ce grand humme, a fait
exécuter son buste par M. Rover,
sculpteur, ne' k Malines. Plusieurs
écrits et notices ont élé publiés a
l'occasion de sa mort 5 nous indique-
rons : I. Gedenkzeul voor W>
204
BIL
Bilderdyk (MoDument élevé k Bil-
derdyk), Amsterdam, i834, iu-8".
Ce livre, dont l'Ami de la patrie
( Vriend des f-'^aderlands) a donné
un extrait, i854-, VIIl'^ partie,
contient une dissertation de M. Guill.
de Clerq, écrivain distingué lui-mê-
me et improvisateur hollandais, dans
laquelle il considère Bilderdyk comme
poète. II. M. Slegenbeck, professeur
aLeyde, et qui a été le législateur
de sa langue, prononça Téloge du
défunt dans le sein de la société de
littérature de Leyde, eu i832. III,
Le Letterbode , ou Coiiirier des
lettres, etc., pour 1802, mentionne
encore d'aulres notices par MM. C.
de Koning et J. Van Walré. IV. Un
Supplément [aanhaiigsel] au Dic-
tionnaire général des sciences et
des arts [Algemeen woordenboek
van kunstew en TV etenschappen ^
Zutplien , 182 0-1829), Supplément
publié a iSimègue en i853, offre
deux bons articles sur Bilderdyk et
sa femme. M. d'Acosla , associé na-
guère aux passions de Bilderdyk ,
prépare en ce moment sa biographie.
— Cet écrivain fécond a laissé de
nombreux manuscrits, confiés la plu-
Earl h M. le professeur Tydeman,
ien digne k tous égards de recueillir
une pareille succession. Le principal
de ces ouvrages posthumes est une
Histoire de la Hollande ^ qui doit
avoir dix volumes ia-8" 5 M. Tyde-
man eu a publié cinq jusqu'ici (i*''
sept. i854-). A celte composition ca-
pitale il faut ajouter deux volumes
de poésies [Nalezingen) , deux de
Mélanges de philosophie et de
théologie, et un de Sermons tra-
duits de Merle d'Aubigné, ancien
prédicateur évangélique à Bruxelles.
Ces cinq volumes ont déjà é lé livrés
au public. M. Tydeman a encore en-
tre li's mains des notes phllologico-
BIL
critiques, en latin, sur le Corpus j'u"
ris et différents auteurs anciens, et
s'occupe de la publication des Leçons
sur la connaissance de la langue
hollandaise. Enfin , une Notice sur
Bilderdyk , imprimée a Rotterdam,
1832, in -8°, est précédée de deux
morceaux de poésies de sa composi-
tion, la Nicotiane [le tabac) et Re-
gards sur ma tojnbe. UHistoire
littéraire de M. Van Kampen, le
Cours préparatoire à l'étude de
la littérature hollandaise de M. J.-
F.-X. Wurlb, les Leçons de litté-
rature hollandaise de M. L,-V.
Raoul , la Galerie des contempo-
rains et le recueil allemand Zeitge-
nussen , traduit dans la Nouvelle
Revue germanique [1)^ xmm. , 1829),
contiennent des notices sur Bilderdyk.
— Catherine Wilhelmi>:e , sa se-
conde femme , dont on a mentionné
plusieurs ouvrages, s'est fait connaî-
tre en outre par ses poèmes sur la
Bataille de TT aterloo et Y Inonda-
tion de la Gueldre en 1809 , par
àts Poésies pour les enfants, qui
n'approcbcnt point de celles de Van
Alphen (^. ce nom, LVI, 241), ainsi
que par une belle traduction du Ro-
drigue àe Southey. Celte femme dis- i
liuguée est morte a Harlem le 16
avril i83o. R — f — g.
BILHOX (Jean -Joseph- Fke-
DÉRiCj, né a Avignon le 2 février
1759, d'une famille honorable, fut
destiné au barreau , et vint faire ses
études de droit a Paris: il y publia
une Dissertation sur l'état du
commerce des Romains, 1788, in-
8", qu il fit réimprimer ious le
titre de Discours historique sur
l'état du commerce des Romains,
Paris, i8o5 , in-8'. I! avait com-
posé un Eloge de Je an- Jacques-
Rousseau qu'il publia sons le voile
de l'anonyine, 1788, in-S*^, parce
BIL
que le censeur en avait bàtonné
dix pages Billion donna une se-
conde édition de cet Eloge, sous son
nom , en rétablissant les passages
supprimés par la censure , Paris ,
1799,10-8°. La révolution, dont
Aviguon ressentit de bonne heure les
eflets, ayant contrarié les projets de
Bilhon et de sa famille , il se fixa à
Paris j il entra le i'''' janvier 1790
au ministère des finances, où il de-
vint eu peu d'armées cbef de bureau
du contentieux : il occupait encore
cette place , lorsqu'il fut mis a la re-
traite le I*'' juillet i8i4. Il mourut
à Paris le 8 avril i834. Outre les
ouvrages que nous avons cités, on a
de lui : I. De V administration des
revenus publics chez les Romains ^
Parisj i8o3, in-8°. Les éloges qu'a-
vaient obtenus dans les journaux cette
dissertation et celle sur le commerce
des Romains, déterminèrent Fauteur
a leur donner plus de développement
et a les renfermer dans un cadre
plus étendu , sous ce titre : IL Le
gouvernement des Romains consi-
déré sous le rapport de la po-
litique, de la justice ^ des finau'
ces et du commerce ^ ibid., 1807 ,
in-8° de 3 1 2 pages. Peucbet, qui eu
a lendu compte dans le Moniteur^
en loue le plan, la méthode, l'exac-
titude , ainsi que la correction et la
clarté du style. Mais il reproche a
l'auteur d'avoir inutilement traité les
deuxpremièresparties, après ce qu'en
avaient dit Wably et Montesquieu ;
d'avoir trop resserré encore les deux
autres, sur lesquelles il aurait pu re-
cueillir un plus grand nombre de
faits inléresiants , notamment sur
l'odieuse fiscalité des Pv-oruains , et
d'avoir oublié de parler de rensei-
gnement public qui n'a pas moins
d'influence sur la prospéiité et la
décadeuce des états. Malgré ces la-
BIL
165
cunes, l'ouvrage est instructif et
utile, liï. Principes d'administra-
tion et d'économie politique des
anciens peuples , appliqués aux
peuples modernes, Paris i 8 1 9 ,
iu-8°. A — T.
BÏLIXCI. Voyez Byli^g, au
Suppl.
BÎLISTEIX (Charles -Léo -
POLD Andreu, baron de), conseiller
de commerce en Russie , naquit en
1724, en Lorraine, d'une ancienne
famille hollandaise originaire de
Delfl.Un séjour de dix années qu'il^fit
h jNanty, lui donna l'occasion de re-
cueillir sur l'agriculture, la popula-
tion et le commerce de sa province ,
un grand nombre d'observations
qu'il mit a profit eu publiant suc-
cessivement: 1. Essai sur la ville
de Nancy, capitale du duché de
Lorraine^ Amsterdam, j 762, petit
in-8°. Cet écrit, quoique recherché,
donne des notions trop restreintes
sur la cité que l'auteur voulait faire
connaître. La plus grande partie du
volume est remplie par le détail d'un
projet de canal et de bassius a établir ,
a Porient de Nancy, dans le même
genre que ceux qu'on admire en
Hollande. IL Essai sur les du-
chés de Lorraine et de Bar, Am-
sterdam , 1762 , petit in-8°. On
trouve dans cet Essai de vastes con-
niissances en économie politique ap-
pliquées à un petit état. Si les considé-
rations auxquelles se livre l'auteur ne
sont pas toujours d'une extrême ju-
stesse, jamais du moins on n'est porté
à accuser ses Intentions. III. Essai
sur la navigation lorraine , Am-
sterdam, 1 764, petit in-8°. Le travail
de Bilistein ne se borne pas, ainsi que
le titre de cetouvrage pourrait le faire
croire j a la navigation dune seule
province. Après avoir exposé ses vues
sur les jnoyens de rendre la Meuse ,
266
BIL
la Moselle et la Meurtlie navigables,
le p'us près possible de leurs sources,
de faire coinmuuiquer ces rivières en-
tre elles, el de les joindre même au
Rhinel ala Saône, il établit, siirl'exé-
culion de ces plans , un immense sys-
tème de relations internationales qui
auraient fait de la Lorraine une con-
trée de pissage el d'entrepôt, pour
le commerce du midi et du centre de
la France avec la Hollande et les
étals d'Allemagne. Il y a quelques
couceplions vraies dans tous ces pro-
jets ; mais on s'aperçoit que l'au-
teur a travaillé de mémoire , sans
tenir com[)le des obstacles de tout
genre qui rendraient à peu près inexé-
cutables la plupart des entreprises
qu'il Conseille. Cependant on doit à
Èibsteiu la justice de dire que ce fut
d'après ses écrits que Louis X\ I or-
donna, en juin 1778 , une enquête
d'après laquelle furent décidés la plu-
part des travaux nécessaires a l'era-
bellissemenl de Nancy. Andreu de Bi-
listein avait aussi composé, dans le
même sens, un Mémoire sur les ca-
naux de France. IV. Institutions
militaires de la France , ou le
y égèce français , Amsterdam ,
1762, 2 vol. in-S". Ce titre ambi-
tieux promet des faits 5 l'ouvrage en
présente assez peu : on n'y trouve
guère que des léflexions sur le systè-
me militaire suivi par la France.
Le style de Biiistein a celte chaleur
que donne la conviction, mais un cer-
tain air détrangeté qui dégénère quel-
quefois en incorrection. 11 avait
épousé en secondes noces !a fille du
prmce moldave Jean Rosetto, dont il
eut deux filles mariées à desofticiers-
généraux russes. Celle femme, après
avoir tenté vainement de le faire
changer de religion, le fit périr vic-
tiaie de sou attachement à sa
croyance. Il avait eu d'un premier
BIL
mariage, avec une dame d'honneur de
l'impératrice . un fils nommé Paul,
qui l'ut colonel aux gardes d'Lmaïloff,
et une fille nommée Callierine , du
nom de l'impéialrice Catherine If, sa
marraine. Elle épousa le comte d Ari-
uionl, d'une branche cadette des
comtes de Spanheim. L — m — x.
BILL (Robert), mécanicien an-
glais, né en 1754, d'une bonne fa-
mille du comté de Stafford, avait été
destiné à h profession militaire. Il
ne reçut en conséquence qu'une édu-
cation classique des plus ordinaires.
Mais son goût soilpourla littérature,
soit pour les études qui s'en rappro-
chaient p'us que la carrière des ar-
mes, l'empoi ta sur les déterminations
de ses parents; elils avaient renoncé à
l'espérance de le voir entrer au ser-
vice , lorsque leur mort le laissa,
jeune ercore, possesseur d'une for-
tune Indépendanle quoique peu con-
sidérable. Hill ne voulut se livrer pour
l'accroître a aucune profession , à
aucune espèce de commerce. Doué
d'un esprit très-inventif, instruit par
les lectures qu'il avait faites el qui
suppléaient aux lacunesdeson éduca-
tion , fornié enfin pnr les expériences a
de phvsiqne auxquelles il consacrait
une partie de so:: temps, il se plai-
sait surtout à faire passer les résultats
de l'observation ou de 'a science
dans le domaine de la vie usuelle, a
imaginer des améiioralions positives.
Les murailles de son jardin a Slrme
étaient construites non seulement d'a-
près un plan économique, mais en-
core de manière a concentrer plus
fortement el k retenir pluslopg-temps
que d'autres la chaleur du soleil. Son
pavillon de bains, son pressoir étaient
chauffés par un mode particulier a
l'aide de cylindres de fer. Une mé-
thode aussi iug'nieuse que nouvelle
maintenait sa maison a une tempéra-
tiire Irès-iloiice, et distribuait k vo-
lonlé de Tair chaud daus toutes ses
parties. En 1796 , il publia un traité
sur les dangers de la circulation du
papier-monnaie. A la lin de cet opus-
cule élaieul indiijué<'S plusieurs idées
nouvelles qu'il signalait a rattenlion
publique , et qui étaient de nature
a introduire d'heureux chaiigeinenls
dans 1 industrie et les manulartures.
Une de ces idées consistait h enfermer
dans des barils de fer l'eau destinée
aux voyages des navigateurs. L'avis
de Bill ne fut pas dédaigné : on 1 exé-
cuta bientôt ; mois il n'en relira ni
gloire ni profil. Son livre, qui du reste
ue portait pas de signature, avait été
distribué a ses amis ; et Bill d'ailleurs
avait au plus haut de^ré ce "-enre
desprit qui caractéiise les inven-
teurs, et qui consiste à ne s'occuper
de la découverte que tant qu'elle n'est
pas terminée, puis a la laisser la dès
qu'elle est faite, à ne pas en faire
mvslèie. à ne pas l'exploiter ; en un
mot, a dépenser beaucoup d argent
m expériences, en essais, pour aban-
donnera qui le voudra les profits de la
découverte. Lorsque les préjugés du
piiLlic contre Tédairage par le g.Tz
nvdiogèue commencèrent à perdre
de leur force, Bill fut un des promo-
teurs les plus ardents de ce mode
d'éclairage : il ens^agea de fortes sora-
mes dans l'établissement qui se forma
pour la production et la distribution
du gaz: il prodigua ses conseils,
donna des plans, dirigea des expé-
riences dans le dessein de faciliter et
d'assurer les opérations. Mais dès
que les appareils furent organisés et
fonctionnèrent d'une manière satis-
faisante^ il se retira de la compagnie
à l'occasion de quelques légers dés-
agréments. Cependant, en 1820,
les conseils de ses amis le décidèrent
a changer ses habitudes, et il prit une
iJlL
267
patente pour faire des mats en fera
l'usage de la navigation. Le gouver-
nement, appréeùiut les procédés in-
génieux a l'aide desquels, dans la
combinaison de ses matériaux, il
unissait la légèreté à la force , lui
commanda deux grands-mâts et deux
beauprés pour frégates. Malheureu-
sement a l'essai , on jugea la force
des ouatres mâts insuffisante. Bill
l'avait prévu; et il attribua ce mau-
vais résultat a l'usage que le gouverne-
ment s'était obslii.é a f,.ire de cables
et de cordnges élastiques, tandis
qu'il avait recommandé des ressorts
en fer. Peut-être au'^.^i cet échec doit-
il en partie être attribué à l'imper-
fection avec laquelle procèdent tou-
jours dans un premier essai , ceux qui
confectionnent les pièces ou ceux
qui les mettent en oeuvre. Quoi qu il
en soit , on ne peut douter que l idée
de Hill ne soit destinée 'a opérer un
grand changement daus la construc-
tion des vaisseaux. Ma's la découverte
qui doit le mieux recommander ^on
nom à la postérité, c'est celle d'un
procédé pour donner aux planches
du bois le plus commun, le hêtre , le
frêne, l'orme, le peuplier, elc,
toute la solidité des bois les plus durs
et les plus forts, et cela au meilleur
marché possible. Ses échantillons de
merraiu ainsi préparés furent huit
ans de suite soumis par le gouver-
nement aux épreuves les plus révères
sans qu'il lussent aucunement altérésj
tandis que tous les autres bois, ou na-
turels ou modifiés par l'art , placés
dans les mêmes circt nstances étaient
crmplètement détruits. L'administra-
tion de la marine demeura telLment
convaincue de l'excellence de la mé-
thode de Bill qu'elle lui permit de
construire un vaisseau avec ses mcr-
rains, dans les chantiers de Dtplford,
Bill n'eut paslc plaisir de mettre celte
268
BÎL
œuvre à exécution, car 11 mourut le
2 3 sept. 1827, a Birmingham, par
suite d'une augiue. Parmi ses autres
inventions plus ou moins ingénieuses,
nous ne pouvons passer sous silence
ni son nouveau moyeu pour mesurer
exactement le chemin fait sur mer ,
ni ses ressorts élasticjues pour faire in-
définiment garder l'accord aux pianos.
Il avait beaucoup de goût pour la
musique ainsi que pour la peinture,
la poésie, et même la métaphysique.
Il avait un laboratoire fort beau, et sa
bibliothèque était remarquable par
l'excellent choix des livres. P — ot.
BILLARD (Jean-Pierre), mé-
decin, né en 1726, a Yesoul , mou-
rut dans la même ville , le 2g janvier
1790 , avec la réputation d'un habile
praticien et d'un bon observateur. Il
était membre correspondant de la so-
ciété royale de médecine de Paris et
de l'académie d'Arras. Il a laissé plu-
sieurs ouvrages manuscrits , entre
autres un Traité complet des fiè-
vres. On cite encore de lui : Mé-
moire sur une fausse grossesse sin-
gulière ; Obseri'ation sur un dépôt
au bas-ventre; Histoire, analyse
et propriétés des eaux minérales
froides de Rèpes près Vesoul ;
Antisepticorum medicanunum na-
tura^ vires et selectus ; De lactis
usu in febribus . C'est l'explication
de l'aphorisme d'Hlppocrale , (>i ,
sect. III. Ces cinq opuscules foui par-
lie du recueil de Dissertations fran-
çaises et latines sur les points les
plus importants de l'art de gué-
rir, publié par M. Billard fils (i),
Vesoul (vers 1820), iu-8**. — Bil-
lard (i^/'awco/i-Grti/ve/), fils aîné
du précédent, mort a Genevreuil près
(i) La Biographie portative des contemporains
confond les ouvrages du prre avec ceux du Ois,
et ne distingue puint les jiii]nimés des manu-
scrits.
BIL
Vesoul le 29 avril 1824, à l'âge
de 60 ans, est auteur d'un Cours
théorique et pratique sur les prai-
ries artificielles , 1809, ln-8"j 2"
édlt. augmentée , i 8 i 0. 11 était cor-
respondant de la société d'agriculture
de la Haute-Saône, depuis son orga-
nisation, et il lui a communiqué plu-
sieurs mémoires sur des objets d'éco-
nomie rurale. AV — s.
BILLARD (Etienne) , rece-
veur des finances de Lorraine, né h
Nancy vers le malien du XVIII'' siè-
cle , reçtit de la nature une imagina-
tion qu'on ne put assujétir a aucun
frein. Cette folle de la maison^
comme l'appelle Montaigne , l'en-
traîna dans des écarts de conduite et
des aberrations de jugement qui
firent le malheur de sa vie. 11 avait
composé pour le Théàtre-Francais
plusieurs comédies, mais il ne put les
faire jouer et s'en dédommagea en les
livrant a l'impression et en lançant
des épigrammes et des satires con-
tre les membres du comité qui les
avaient refusées. On trouve dans les
mémoires du temps (i) le récit d'une
scène assez plaisante dont il fut
l'acteur principal a la Comédie-
Française, le 3.0 nov.1772. Avant
la repj ésentallon du Comte d'Es-
sexj Billard monta sur une ban-
quette de l'orchestre et haranguant
le parterre, lui fit connaître que les
comédiens avaient « refusé une co-
te médie de caractère intitulée le
« Suborneur, qu'il leur avait pre-
« senlée et que les connaisseurs
« avaient jugée digne d'être oiferte
« au public; qu'ayant en valu tenté
ec tous les moyens de domter la
ce résistance des histrions , il en ap-
( 1 ) Mémoires secrets de la république des let-
tres , toui. VI, p. 268; Correspondance de Grimm,
2" pallie, tiim. 11, paç;. 36b, et nouvelle édil.,
tom. VUl, pag. io5; Galerie du l'ancienne cour,
1576, in->2 , tom. 3 , p. 4gi.
BIL
a pelait au public assemblé,' qu'il
« le priait d'enlendre la leclure de
« sa nièce et que, s'il la jugeait plus
« favorablement, il espérail que^ par
ce ses acclainatious, il forcerait les
« coaiédieus a la recevoir. » Le par-
terre , qui cède volontiers à d'autres
impressions qu'a celles de la scène ,
consentit a l'écouler ; mais Billard
avait a peine commencé , qu'un ser-
gent vint lui mettre la main sur le
collet. Il tira son épée, qui lui fut ar-
racbée. On le mena au corps-de-
garde : ne démentant point son ca-
ractère, il voulut prendre les soldats
pour juges entre les comédiens et lui.
L'inspecteur de police devant lequel
il fut ensuite conduit ne put parvenir
a le calmer , qu'en subissant la lec-
ture du Suborneur. Le parterre, en-
tre les deux pièces, accueillit par
des buées Mole , qui s'était présenté
pour annoncer , et redemanda a
grands cris l'auteur du Suborneur.
On fil envaliir cette partie de lasalle
par la force armée, et les plus mutins
allèrent partager le sort de Billard.
Celui-ci fut transféré , le lendemain,
à Cbarenton , où il ne resta que quel-
ques jours (2;. Renvoyé aNancjdaus
le sein de sa famille , il n'y devint pas
plus sage. Ses parents furent obligés
a plusieurs reprises de solliciter con-
tre lui des lettres de cacbet. Il mou-
rut en 1785 , ayant bâté sa fin par
ses déporlemeuts. On connaît de lui :
I. Du théc'iLre et des causes de sa
décadence , épitre aux comédiens
français et au parterre , Londres
et Paris, 177 i, in-8°. C'est une sa-
tire , en vers de buit syllabes, oii les
comédiens ne 5ont pas ménagés. Van
Tbol dans les notes qu'il a fournies
(2) M. P;nil Lacioix, plus connu sons le nom
du bibidJijIiile Jacob, a fait de celte aventure de
Billard le sujet d'une Nouvelle insérée d'abord
dans la Revue de Pcris,e\. reproduite depuis daus
les OEucres de l'auleur.
BIL 269
à Bai-bier, pour son Dictionnaire des
anonymes, dit que Dussausoir a pu-
blié celte brocbure par permission
tacite. Mais les matériaux s'en re-
trouvent eu partie dans les ma-
nuscrits de Lillard. II. Le Joyeux
moribond, comédie , par E***
B***, Genève , 1779, in-8°.
Dans la dédicace de l'auteur k son
frère , il dit : « qu'il fut jeté dans la
a finance, mais qu'il ne put y mor-
te dre. Une s'agit là que d'or, et mon
K Pérou c'est un Molière. 3) 11 n'a
guère suivi les traces de celai qu'il
voulait prendre pour modèle. Le
joyeux moribond est un vieillard qui,
n'ayant plus qu^un souffle de vie ,
s'amuse a jouer du tambourin, en
robe de chambre galante , a gam-
bader, a boire du vin de Gbampagne
avec une jeune maîtresse, et qui pré-
tend ainsi se rajeunir. Cette malheu-
reuse conception est écrite en style
«ncure plus extraordinaire et qui rap-
pelle la manière de Maîlre André.
111. Le Suborneur , comédie en
cinq actes et en vers , Amsterdam ,
1780; 2'' édit, , 1782 ,in-8°. u La
ce voilà donc , cette comédie qu'au
ce spectacle même , tout Paris té-
tt moin, j'annonçai avec trop d'éclat,
ce et j'en fus trop puni , il y a sept
ce ou buit ans ! 3) C'est ainsi que l'au-
teur s'exprime , a la fin de sa pièce,
sur l'aventure fàcbeuse du 5o no-
vembrej elle ne l'a point encore dés-
encbauté , car il persiste à penser
que sa comédie est digne de la re-
présentation. Mais les règles du goût
et de la grammaire y sont également
blessées, et laconlexture n'en estpas
moins vicieuse que le style. Lorsque
le marquis de Bièvre fît représenter
sa comédie du Séducteur {riOYemhre
1785), des critiques chagrins pré-
teiidirenl qu'il en avait puisé l'idée
dans la pièce de Billard. Il est cer-
270
3IL
tain que plusieurs Iraits de ressem-
tlance clans les siluallons purent don-
ner quelque crédit a cette opinion.
M lis quand il serait vrai que le rudr-
quis fût jjrofilé d'un ouvran;e tombé
dans If mépris , n'aurait-il pas élé
absous par le succès, coinnie Re-
gnard autrefois avait dû l'être lors-
qu'on l'accusa d'avoir pillé le CJic-
valierjoueuràt Dufresuy.^La biblio-
ihèque publique de Nancy possède
les œuvres manuscrites de Billard , 3
vol. in-4°. E'ies sont composées de
comédies, d'épîlres, etc. Parmi les
premières on remarque ArcJiiloque^
ou Le poète aux petites maisons.
L'auteur paraît avoir voulu s'y pein-
dre lui-même. Un poème en dix
cbaots, Sdus le nom àt Boutades,
offre plusieurs passages écrits avec
une certaine àpieté de verve. II y
renouvelle ses attaques contre les co •
uiédieu'^, et mallraile surtout Hrévi'le
à l'occasion duquel il dit en s'adres-
sant au pnb'ic :
Oui I tes valets sont devenus tes maîtres.
Il décoche aussi quelques Iraits con-
tre Voltaire, dans une épîlre a Cré-
billon qu'il appelle cligne élève cor-
nélien. Ces différentes pièces de Bil-
lard offrent moins d'incorrections que
ses comédies , mais elles ne pour-
raient pas plus que relles-ci soutenir
le grand jour de 1 impression.
L M X.
BILLARD (Charles-Michel),
médecin distingué, naquit le 16 juin
i8oo a Pelouaille près Angers.
Orphelin dès son bas âge , il resta
confié a la tendresse d'une tante dont
les soins contribuèrent à développer
ses heureuses dispositions. Il com-
mença ses études à Laval et vint les
terminer k Angers , où de très-bonne
heure se manifesta en lui un goût
prononcé pour l'oliservation de la
nature , qui laissa bientôt aperce-
BIL
voir la direction k laquelle il s'aban-
donnerait. La carrière médicale fut
celle qu'il résolut de suivre, et en
1 8 1 9 il s'inscrivit a l'école secondaire
d'Angers où peu de temps après il
obtint une place dans le service de
l'hôpital. Ce premier succès accrut
sou ardeur , et fut bientôt suivi d'au-
tres ^ qui, en récompensant son zèle
pour l'élude de Tanatomie normale et
pathologique et pour l'observation
des maladies j lui ouvrirent une mine
fécoude eu éléments d'instruction. Ce
fut, pénétré déjà des principes philo-
sophiques de Bacon , et nouiri de la
lecture de Morgagul, qu'il vint à
Paris pour compléter son éducation
médicale dans la fréquentation des
hôpitaux. Au milieu de celle grande
école , rappiochant sans cesse les
svmplômes observés pendant la vie
des malades, des altérations trouvées
après leur mort, il parvint eu peu
de temps k recueillir une grande suite
de faits qui lui permirent de mettre
au jour un ouvrage estimé , sous ce
titre : 1 rai t é ele la membrane mu-
queuse gastro intestinale clans l é-
tut sain et dans l'état morbide ,
ou Recherches d'anatomie patho-
logique sur les divers aspects sains
et morbides que peuvent présenter
l'estomac et les intestins, Paris,
1825. in-8°. En même temps il tra-
duisait de l'anglais les Principes de
chimie de ïhom.son (Paris, 1826 ,
2 Vol- in-8") , insérait dans les jour-
naux de médecine une observation de
paralysie partielle de la face, prove-
nant d'une lésion avec perle de sub-
stance du tronc du nerl facial, et des
considérations sur quelques altéra-
tions de couleur de la substance cor-
ticale du cerveau, et donnait une édi-
tion <SviPrécis de l' art des accouc hc"
ments de M. Clievrenl (Paris, i 826,
in-12), à laquelle il ajoutait une hi«-
blL
loire rapide des vices de confoniiatioa
du fœlus. Ayant obtenu au concours
une place d'iuleine a l'hospice des
Enfauls-Trouve's , il ne larda pas a
se:ilir vivement le mancpie d'un ou-
vrage complet sur les maladies des
nouveau-nes, et résolut de remplir
celte lacune. Quelques me'moires sur
la chute du cordon ombilical, sur le
croup , sur l'induration du tissu cellu-
laire et sur le cri des enfants cpii vien-
nent de naître , indiquèrent la ma-
nière dont il envisageait ce sujet dif-
ficile , objet cousla it alors de ses raé-
dilations. Un moment, toutefois, il
fut d sirait par un voyage dans la
Grande-Bretagne, qui lid fournil l'oc-
casiou de publier des documents d'un
haut intérêt sur les hôpitaux , les éta-
b'issemcnts de charité et l'instruclioa
médicale tant en Angleleire qu'en
Ecosse ; mais 'a son retour il se hâta
de livrer a l'impression son Traité
des maladies des enjatil s nouveau ■
nés et d ta tuanwlle , fondé sur de
nouvelles observations cliniques et
d' anatomie compart'e , Paris, 1828,
in-8'^*, seconde édition , Paris , 1 855,
in-8°. A cet ouvrage, il joignit un
Allas d' anatonde pathologique ,
pour servir à l histoire des mala-
dies des enfants , Paiis , 1828 ,
in-^", dont il avait lui-même peint les
figures originales avec une grande vé-
riié. La même année il prit le grade
de docteur, et souliuta cette occasion
nne Dissertation médico-légale sur
la viabililé [Y^dus . 1828, in-4.°),
dans laquelle il app:éciait le degré
d'influence des diverses maladies du
fœtus considérées comme obstacles a
rétablissement de la vie. Peu de
temps après il vint demeurer 'a An-
gers , où les fatigues inséparables
dune clicntelle étendue ne purent le
distraire entièremeul de son goùl dé-
cidé pour la liltéralure médicale. Il y
traduisit les Leçons sur les maladies
des jeux de Lawrence (Paris, 1 85 0,
in-8"), augmentées d'un Précis de
l'auatomie palhologique de l'œil. 11
donna aussi quelques mémoires s'Jr
l'emploi du calomcl dans le croup ,
sur un cas particulier de colorisalion
bleue de la pe;iu, causée par une alté-
ration de la transpiration, et sur un
cas de supposition de part. Enfin , il
publia quelques opuscules d'un inté-
rêt purement local , un Projet d'as-
sociation pour l'extinction de la
mendicité dans la ville d' Angers
(AuL^ers , i85i, in-8°); un Rapport
sur lu souscription destinée à Véla-
hlissement d un dépôt de mendicité
dans la ville d'Angers ( ibid. ,
i85i , in-fol.); les Statuts et rè-
glements pour la maison destinée
à l'extinction de la mendicité
(ibid., I 85 I , in- 8° ). Une phibisie
pulmonaire vint prématurément inter-
rompre sa labor.euse carrière, le 5i
janvier 1 852. Un de ses condisci|)Ies,
le docteur Ollivier, a porté de lui un
jugement que nous transcrirons en
entier, parce qu'il n'est qu'équitable,
bien que sorti de la plume d'un ami :
a Ce qu'a écrit Billard porte généra-
lement le cachet de celte observation
éclairée qui s'entoure des li'mières et
de l'expéiience que Ton puise dans
l'histoire approfondie de la nature.
Ce ne sont pas seul ment les fa Is qu'il
observe qui consliluent la base des
principes qu'il veut élal)lir 5 une éru-
dition acquise avec discernement lui
lonruil encore des éléraenls nombreux
pour compléter ou rectiiier les re'-
sultats de ses propres recherches. II
était doué d'un esprit juste et réservé,
qui le tenait en garde conlreles écarts
où pouvaient Peuiraîner l'ardeur ella
facilité de son imagination. Inter-
prète ingénieux et fidèle de la nature ,
il s'attache surtout a ne parler que
272
BÎL
d'après ses inspirations. » Une notice
historique sur Billard , insérée dans
les journaux de médecine, a été im-
primée séparément. J — d — w.
BILLARDAX. Voy Saxjvi-
GNY, XL, 496.
BILLAUD-VAREIVIVE (J.
Nicolas), l'un des hommes les plus
sanguinaires qui aient paru dans nos
sanglaules révolutions , naquit a La
Rochelle eu 1762. Fils d'un avocat
sans clienlelle et sans fortune, il reçut
cependant quelque éducation. A pei-
ne sorti du collège il enleva une jeune
personne de la maison paternelle et
s'enrôla dans une troupe de comé-
diens. Mais il ne réussit pas dans ce
métier , auquel il n'était propre ni
par sou extérieur, ni par la tournure
de son esprit. Obligé de revenir dans
sa patrie il s'y fit de nombreux enne-
n.is par des vers satiriques , surtout
par une comédie intitulée la Femme
comme Un yen a /j/h5, dans laquelle
il outragea scandaleusement toutes
les dames de La Rocbelle. Forcé de
quitter cette ville , et dénué de res-
sources, il entra dans la congrégation
de l'Oratoire, sans être admis aux
ordres sacrés. Il devint préfet des
études à Juillyj et beaucoup d'élè-
ves de ce collège célèbre se souvien-
nent eucore de l'y avoir vu les diriger
dans leurs répétitions et dans leurs
promenades, avec un air d'humilité et
d'hypocriMe qui cachait une âme si
noire et si perverse! Il s'occupait beau-
coup à cette époque de compositions
poétiques; et, de même queson digne
émule Fouqiiier - Tainville , il fil
pour Louis XVI, qu'il devait pour-
suivre si cruellement un jour, de mau-
vais vers, qui méritent cependant
d'être cités comme un contraste re-
marquable avec ses discours régicides.
C'était au temps de Tinvention des
ballons , en 1 785 5 les élèves de BIl-
BIL
laud en avaient construit un, auquel
il attacha cette inscription :
les boules de savon ne sont plus de notre âge.
En chanscant de baUon , nous changeons de
plaisirs.
S'il poilaità Louis notre plus tendre hommage,
Le veut le soufflerait au gré de nos désirs.
Un peu plus tard, Billaud composa
des vers moins innocents et très-peu
classiques , qui déplurent a ses supé-
rieurs , et il lut obligé de quitter une
maison oîi les moindres fautes n'e'-
taient pas jolérées. C'est ai ors qu'étant
venu habiter la capitale il s'y fit rece-
voir avocat (1785), et devint l'époux
d'une fiUenalurelle de M. de\erdun,
fermier -général j ce qui lui donna
quelque appui dans le monde et des
moyensd'existencequilui manquaient.
Mais rieu ne pouvait satisfaire son
ambition sans mesure ni ses penchants
funestes. La révolution leur ouvrit
une libre carrière. Billaud en embrassa
la cause avec fureur, et il pub'ia les
brochures les plus virulentes, les plus
incendiaires. Dès le commencement
de 178g, il avait fait paraître, sous
le voile de l'anonyme, une longue
diatribe contre l'ancien gouverne-
ment, intitidée : Le despotisme des
ministres de France , 3 vol. in- 8°.
Il n'osa y mettre son nom que l'an-
née suivante, lorsqu'il crut le triom-
phe de la révolution bien assuré; et,
dans une nouvclleédition, il ajouta en-
core a la violence de ses attaques. Il
fut nommé en 1 791, par l'assemblée
électorale, l'un des juges du quatrième
arrondissement de Paris; mais ces
paisibles fondions ne pouvaient suf-
fire h sa turbulente ambition. Lié dès
le commencement des troubles avec
Danton , Marat, Robespierre et tout
ce que le parti des démagogues avait
déplus exalté, il fut l'un descorvphées
du club des Jacobins. Ses discours dans
celle société sont très-remarquables j
EU,
cl l'ou y Irome la preuve iju'il éUiil
dès-lors clans tous les secrets et à la
tèie de tous les complots du parti ré-
volutionnaire, ce Je pense, disail-il ,
le i6 ocl. 1791 5 qu'une révolu-
tion qui fait rentrer dans la fange
le pouvoir des despotes. Torgueildes
grands et la superstition des prêtres,
ne peut finir que par une catastro-
phe terrible. » Et le 29 juin, six
semaines avant la révolution du i o
août 1792, dans un long discours sur
les mesures à prendre pour assu-
rer le salut public : « Il faut, dit-
il, FRAPPER TROP HAUT pOUr que
l'assemblée nationale puisse y at-
teindre, et je ne vois plus que le
bras tout-puissant du souverain
qui soit capable de porter de si
grands coups 3) (1 ). Ou ne peut donc
(i) Voici quelques-unes des mesures proposées
par lUllaud dans lemèiric discours. « L'asseniljlée
lëgislalive déclarera, par une proclamation, que
l'riinilibie du gouvernement . . . touche au moment
(l'être rompu ; qu'en conséquence , une fédéra-
tion nouvelle est decrélee d'urgence pour le i4
juillet. L'assemblée législative prononcera sur-Ic-
chajnp la convocation des assemblées primaires
dans /ouf /Vffi^/re, pour qnele peuplesouverain ait
à jiotirvoir sans délai à la sûreté de l'état et au
maintien de ses droits y:ir des mesures indispen-
sables, et qu'il u'.ipparlient qu'à lui de prendre
et d'ordontier. L'assemblée législative prononcera,
à l'instant , le licenciement des officiers de la
garde nationale, réduisant l'exercice de leur
grade à un mois seulement.» Billaud repoussa
ensuite, pour lui et pour le club des Jacobins,
le reproche ridicule de servir un parti
d'(Jrli'ans : « Les amis de la liberté seraient-ils
assez stupides pour ne renverser des idoles
qu'alin d'en créer de nouvelles? « (C'était avouer
d'j.i publiquement, le 29 juin, le dessein de
renverser Louis X\'l. ) La société des Jacobins
arrêta l'impressioir de ce difcours, la distribu-
tion à ses membres, et l'envoi aux sociétés affi-
liées : Signé Ilérault-Sccitelles, président; Sdlery,
vice-président; Martbon-Monlaut, député; Gar-
eau, député; Marie-Jnsenb C/ie/i/er; faire rf'£.
g/aniine, Mnl/iieu , /îea/ , secrétaires. — Le 7
juillet, Biil.uid, vicc-president.pnmonra encore
une violente déclamjtion cimtre le rapproche-
ment de tous les partis, qui s'était opère la veille,
dans le sein de l'assemblée législative. «Les
traîtres m'.qipcllcront , s'ils le veulent, nn ci-
loycn exccrable . . . ; miis les patriotes .sont mis
sous le couteau par celte même réconciliati'Ui...
On peut dire qu'un seul instant a fait tomber
l'assemblée nationale de bien haut. >• Et il veut
qu'elle déclare les dangers de la patrie par une
convocation accêtérve des assemblées élémentaires.
Lvm.
pas douter que Eillaud-Vaienne ait
ait été un des principaux moteurs de
l'insurrection du lo août i'jg2. Lors-
que le troue de Louis XVI fut tombé,
il se montra un des plus ardents
persécuteurs du parti vaiucu. dom-
iné substitut du procureur de la
commune, qui s'était emparée du pou-
voir avec tant d'audace et qui fit
trembler l'assemblée lé2;islalive el la
«Le souverain tout-puissaut a seul la force né-
cessaire pour exterminer ses ennemis. Contre
des brigands couronnes et des mangeurs d'hommes,
il faut Hercule et sa massue. >• Les Jacobins ar-
rêtèrent encore l'impression et l'envoi de cette
séditieuse oraison. Lnlin l'assemblée ié^i^îdt'Ve
proclama la [latrie en danger, comme l'avait dt-
inandé Billaud , el cet éuergumène, parlant en-
core aux Jacobins ( séance du i5 juillet) , quand
le Irùne ét^ait à la veille de s'i-crouler, s'écriait :
«Le roi, plus puissant quejimais, (crasedéj.î dn
poids de si. 11 autorité le pouvoir législatif.
Maître, comme autrefois, de la fortune publique,
et fabricaleur de nos assignats, il prodigue notre or
à tous les scélérats qui veulent embrasser ses
intérêts, et ruine la nation en conspirations our
die» contre la liberté. » Et il accuse Louis XVI
de ia dissimulation de Louis XI et de sa férocité'.
Le jour de la fidération (t.l juillet), le roi avait
embrassé Maric-Aiiloinetle au balcon de l'École-
Militaire, tt Billaud dit : J'ai lu un Charles IX
embrasser Médicis. 11 traite de fourbes ceux qui
raccu.vent de demander un renversement ; il ne
vote, dit-il, (\ue pourla réjorme. Il veut c|u'on
profite du moment oii tes fédérés des déparle-
nients sont encore à Paris pour que tes grandes
mesures soient prises « C'est ]iour s'être contenté
de denii-triompbes , c'est pour avoir transigé, et
le i4 juillet, et les 5 et 6 octobre, et le 18 avril,
et à l'époque du parjure éclatant de Louis XVI ,
que la France est tombée insensiblement dans un
état si déplorable. . . .\ttendions-nous que deu.x
cnt mille hommes inondent nos frontières?. .. .
et il propose que, dès lo lendemain, les fédérés
présentent à l'assemblée législative une adresse
pour demander non /n destititio:» du roi, puis-
que ce serait conserver dans son sein ta couleuvre
iju'nn )• a réchauffée ; mais demandons qu'une «•
cor/c SLTFisAyxE conduise le roi et toute safumilfe
Itors des frontières. .. ; que sans délai, le corps
entier des officiers de l'armée soit licencié et renom'
mé par les régiments eux-mêmes. ^'MaaA veut en-
core qu'une convention nationale soit formée,
el que des iMembres soient nommés non par des
assemblées électorales , mais par tous les Français
sans distinction , réunis en assemblées primaires ;
il demande le veto pour les quatre vingt-trois
(lé\-)arleLnen\s, le renouvellement instantané de tous
les corps administratifs et de tous les tribunaux ;
l'arrestation , à Cinstaut. de Lafayette et Lukner j
la déportation de tous les ennemis publics connus
qui supporteront exclusivement les dépenses de la
révolution; la décharge de toute cuntributio,,
pour le citoyen qui n'aura pas plus de six cents li.
vres de revenu; i< Puifscnt, dit-il enfin, tous 'es
18
•i74
BIL
convention nallonale elle-même, il
fut aussi membre de ce corailé de
salut public qui , créé au sein de
cette même commune de Paiis ,
"■ouverna réellement la France en-
tyrans lire clans le camp des ennemis! La fuite
les sauva à la journée de Marathon; niais nous
qui ne voulons cum'nitlre qu'eux, nous les clior-
cUerons dans la mêlée, pour que nos cou])S ne
tombent que sur leurs Icles , et que le preinier
jour de la liberlé conquise devienne aussi le
dernier de leur odieuse existence. «L'impression
et l'envoi de celte extravagante déclamation , oii
semblent se trouver avec les pensées du lo août
celles du 3 septembre, forent encore ordonnés
par les Jacobins, lit dès le i août, Billaud pré-
parait la journée du dix : « Messieurs, disait-il
«e serait jdulol le moment d'agir que de haran-
guer. . . Â'oubliez pas que c'est à Paris à don-
ner l'cxenqile. . . Déjà les progrès et l'euergie de
l'esprit public s'élèvent pour demander, une
convention nationale et la déchéance d'un roi
cent fois parjure... Mais il ne suffit p;is d'être
décidés à brider l'idole , il faut assurer l'exécu-
tion de ce !;rand projet par des mesures d'un
succès indubitable. . . Je l'avoue, si quelque chose
m'étonne, dans ce inoniint, c'est de ne p^s être ré-
veillé chaque nuit par les transports tumultueux
de la fureur, par Us cris de la crainte et du
desespoir ; en un mol par les flammes d'un em-
ùrusement universel. Car, enîin, qui peut ignoi'er
que le cheval de Troie est dai^ nos murs:'» Et
il retrace à sa manière les dangers qui menacent
la révolution. Deux cent mille ennemis sur les
fi-ontièrcs ; le roi qui doit fuir à Rouen, le camp
de Soissons, où les citoyens n'ont trouvé que
ilii pain em/joisonné et pas une tente La disette
de l'arsenal de l'aris, où il ne reste pas cinq
grosses jiicves d'urlillaric , oii tontes les mu-
niliims sont dans une pénurie c^ule. U annonce
que le projet est de désarmer le peuple, de lui
monti'er, à son réveil, toutes les places publi.jues
hérissées d'éc/tufuuils, et déjà surchargées des plus
chaleureux patriotes . . Dormez en paix si vous
l'osez, et il veut qu'on s'occupe sur-le-champ de
mettre à exécution la grande mesure dont la sec-
tion des ïjOmbards a donné Vidée : c'est un camp
sous les murs île Paris. Formez-le, plutôt ce soir
que demain, et dès ce moment vous devenez invin-
cibles, a tlii camp donnera la fjrce qui paraît
manquer an corps législatif et pour prononcer
la déchéance et pour appeler ia convention na-
tionale et enfin pour frapper du glaive de la loi
le scélérat Lalajette. ( Lafayelle était encore à la
tète de l'armée la plus considérable.) Le décret
d'accusation une lois porté, si le traître refuse
de se remlre à Orléans, V(ms verrez, je vous en
réponds, la léte du monstre au bout d'une |iique.»
Sillaud parle ensuite des charmes de la fratei-
u!te au milieu d'un camp qui serait formé dans
les Chainps-Kljsers, où les piques ser.iient mê-
lées aux fusils, et qui serait permanent jusi/u à ce
ijue la révolution fut terminée. Il veut qu'on joigne
a ce camp cent escadrons de cavalerie formés
aveu les attelages de caiosses et de cabnolels^i Assez
et trop long-temps les chevaux des riches ont
écrasé le pauvre ; et pour leur faire expier ce
forfait, il faut les employer maintenant à broyer
riL
lière (:i)j et ce fui dans ces dou-
bles fondions que , de concert avec
Danton, devenu ministre de la jus-
lice, il conçut, prépara et fit exé-
culer les massacres de septembre.
De tous les moteurs ou ordonnateurs
de ces crimes , qui ont survécu à la
chute de leur parti , il est le seul qui
n'en ait iamais repoussé Taccusalion,
le seul qui ne s'en soit pas même
défendu, lorsque Tindignalion publi-
que força tous ses complices a les
désavouer. Quelques jours aupara-
vant , lorsqu'il délibérait au milieu
de ce comité de salut public sur les
moyens d'exécuterses horribles plans,
son collègue Duplain lui ayant expri-
mé quelques doutes sur la possibilité
de réunir assez d'assassins pour im-
moler a la fois dans toutes les pri-
sons un aussi ^raud nombre de victi-
mes : « Nous faut-il doue tant de
ce monde? répoudit-iij d'ailleurs on
ce en trouvera... » On en trouva eu
effet, et Ton ne peut douter que le
Gubstilut de U commune n'ait contri-
bué plus qu'aucun autre a les réunir,
a les organiser, et qu'il n'ait person-
nel leraent distribué les rôles et donné
toutes les instruclions. Deux cents
hommes lui suiSrent po'jr égorger eu
une semaine , dans huit prisons a la
fois, plus de six mille victimes (5) ! Le
soir même du 2 sepl. où les massacres
commencèrent , Billaud , décoré de
son écharpe municipale, se rendit à
l'Abbaye. Déjà larueSte-Marguerile,
devant celte prison, était obstruée de
sous leurs pieds les ennemis de la liberlé et les
reptiles de la révolution. » Suit l'éloge des
frères de jflarseille. Vimprcsiioa et la disiribulion
de ce discours, précurseur du lo août, furent ar-
rêtées par Dclauna/ , d'Angers, président du
club des Jacobins, Robespierre, vice-président,
Thurial et Bellegarde, secrél aires. V — ve.
(2) Le con.ilé Je salut public de la coiiiiniine
était composé de P. J)up ain , Panis, Sepgent ,
I.eiifaut, Jourdeuil, Marat, Deforge» , Lecierc,
Lefort et Cally.
(3) Quelques historiens Its portent à dix
mille.
BIL
plusieurs amas de cadavres. Alors ,
en prestnce de riiorril)le tribunal
qui ordonnait ces meurtres, sous la
présidence de îîiaillard ( F oy. ce
nom , au Stipp. ), posant Tun de
ses pieds sur les cadavres et l'autre
dans un large ruisseau de sang, il dit
aux égorgeurs : « Peuple, tu immoles
ce tes ennemis ; tu fais ton devoir.
« Jamais lu n'as donné une plus
« grande preuve de ta puissance et
a de ta justice ! La reconnaissance
« nationale t'attend...» El il alla dans
les autres prisons où s'exécutaient de
pareils CI imes; 11 y porta les mêmes
encouragements. Le lendemain il y
revint encore, k Mes amis , leur dit-
« il, la commune m'envoie pour vous
« représenter que vous déshonorez
a celte belle journée... On lui a dit
« que vous voliez ces coquins d'a-
« ristocrales , après en avoir fait
« justice. Laissez tous les bijoux ,
« tout l'argent et tous les effets
a qu'ils ont sur eux pour les frais
« du gi and acte de souveraineté na-
ît tiouale dont l'exécution vous est
a commise. On aura soin de vous
« payer comme on en est convenu
te avec vous. Soyez nobles , grands
ce et généreux, comme votre profes-
ce sion... venez au comité quand vous
ce aurez rempli ce grand devoir j je
et prends tout sur moi , je me charge
ce de votre récompense..." Le lende-
main, en effet , des dépulatious parti-
rent de chaque prison pour se rendre
a la commune. La présence de pa-
reils hommes causa d'abord quelque
embarras aux municipaux, etBillaud-
Varenne lui-même , a qui ils s'a-
dressaient plus spécialement, parut
un moment déconcerté. Cet licmnic
qui faisait trembler to'.'te la France ,
qui n'était cruel que parce qu'il était
lâche, trembla lui-même devant ces
assassins, ce Respectables citoyens ,
BIL
27J
« leur dit-il bassement, vous ne cessez
et pas de bien mériter de la patrie,
« et la commune ne sait comment
a vous exprimer sa reconnaissance ;
tr elle me charge de vous annoncer
« que chacun de vous va recevoir
c( une gratificalion de 2.^ francs.
te Instruisez-en vos camarades , et
ce continuez k délivrer la patrie de
te ses ennemis... « Quelques-uns de
ces misérables insistant encore pour
que tout le butin leur fût aban-
donné, Billaud dit , avec son hy-
pocrisie habituelle , qu'ils n'igno-
raient pas que la commune avait des
comptes k rendre... , mai.-, qu'ils se-
raient indemnisés. On ignore a qui
et comment ces comptes ont été ren-
dus 5 ce qu'il y a de sur, c'est que la
commune ne s'est jamais justifiée du
reproche qui lui fut adresse par Bar-
haroux, dans la séance de la conven-
tion nationale du 10 oct. 1792,
de s'être approprié une immense
quantité d'or et d'argent. Quels motifs
avaient donc les municipaux d'être si
parcimonieux? Comment pouvaient-
ils dans un pareil moment disputer le
salaire aux bourreaux qu'ils avaient
mis fu œuvre? Ces misérables , peu
satisfaits de telles explications , in-
sistèrent. L'un d'eux surtout , qui
avait entendu les promesses et reçu
les encouragements de Billaud-Va-
renne , le pressa vivement. Alors
tout effrayé , le substitut présente
cet homme k ses collègues : a Voi-
ce ci un de ces braves , leur dit-
<t il, k qui la république doit une
te reconnaissance éternelle. 11 vient
« au nom de ses camarades, qui de-
« mandent justice, et auxquels il est
ce de votre devoir de la faire... » Le
conseil n'hésita p'us j les dépouilles
furent partagées entre les muiiicijaux
et les assassins... Ces misérables,
a la fin satisfaits , retournèrent à
iS.
•J.-,(j
lilL
lilL
leurs opéralious; et ils les conti-
nuèrent sans interruption durant six
jours et six nuits. On a dit qu'à
Bicètre, où il y avait un grand nora-
hre de dëtt=uus qui , pour la plu-
part , n'étaient pas des prisouuiers
politiques, on avait tiré à mitraille
pour les expédier en masse. Biais ce
fait a été démenli par une lettre du
^4 sept. i8i4, écrite aux rédacteurs
de plusieurs journaux par le sieur
Cortier.ÇiCi ancien employé de l'ad-
miiiislraliun de Bicètre a révélé, après
vingt-dtux ans de silence et d'incerti-
tudes, que les brigands étaient armés
de fusils, de sabres, de piques, de
faux, de bùclies, etc.-, qu'ils étaient
accompagnés d'un officier municipal,
et d'un détachement de la garde na-
lioacde de la section de TObserva-
loire, qui avait deux pièces de canon 5
qu'ils anivèrent le 5 sept., sur les
(j heures du matin, et qu'un message
pour engager les autorités à ?ie
point faire de résistance, les avait
précédés d'une heure. Il ajoute que
trois septembriseurs s'érigèrent alors
en juges 5 que le mot à l'Abhaye\
était toute la sentence. Le- prisonnier
était assommé sur-le-champ. . . Et tout
cela se fit sans aucune espèce d'oppo-
sition. Il n'exisiait réellement pas
alors dans la capitale d'autre auto-
rité que celle de la commune de Pa-
ris ; il n'y avait pas d'autre pou-
voir que celui des bourreaux. j)cs
détachements de g.irde nationale di-
rigés par les municipaux assistaient
partout aux exécutions. L'assem-
hlée législative tremblait ; beau-
coup de ses membres avoient pris la
fuite, et quelques-uns étaient notoi-
rement dans le secret de cet exécra-
Lie complot. Toute son influence et
sa sollicitude se bornèrent a soustraire
au fer des assassins le député Jouneau,
qu'un décret de discipline avait quel-
ques jours auparavant mis au nom-
bre des prisoiiniers. Ce fut unique-
ment pour sauver ce député que le
second jour des commissaires se
rendirent sur les lieux , ayant le
vieux Dussaulx a leur tèle. Ils osè-
rent à peine approcher des égor-
geurs , et revinrent bientôt dé-
clarer a l'assemblée que a les tê-
te nehres les avaient empêchés de
K voir ce qui se passait... 1^ Le
maire Pélhion, homme faib'e et sans
caractère, ne pouvait dans dépareil-
les circonstances être autre chose
qu'un instrument de crimes. On le vit
a la prison de la Force, où quatre
municipaux, ses collègues, siégeaient
en écharpe , au milieu des cada-
vres (4-). l\Iais plus lâche que cruel ,
il ne put supporter long-temps la vue
d'un pareil spectacle , et se rendit au
Temple pour v arracher k la faiblesse
de Louis X\I une dernière conces-
sion. Ce fut le même jour qu'une
troupe de brigands portant sur une
pique !a tête de la princesse Lam-
balle ( P"oy. ce nom , au Supp. ) ,
vint menacer la famille royale de
lui faire subir le même sort. Le
malheureux prince , cédant aux me-
naces et surtout aux larmes, aux
terreurs de sa famille, écrivit alors
au roi de Prusse cette lettre dont
il n'est plus possible de contester la
réalité , ei qui était, on ne peut en
douter, le principal but de tout
cet horrible complot. Le ministre
Roland fut le seul qui, dans ces dé-
plorables journées, lit quelques ef-
forts pour mettre fia aux massacres.
ÎSe pouvant y réussir , il écrivit à
l'assemblée qu'il fallait jeter un
voile sur des excès que le pou-
voir exécutif n'avait pu prévoir
(.;) Taiig"'! Mic'noni5, Monnciise cl LaiL'ull-
lon.
BIL
ni empccher , ruais qu'il était
temps que le règne de la loi s'é-
tablit Lorsque tout fut con-
sommé la commune daigna faire dire
aux législateurs que k les prisons
a étaient vides 5 qu'on n avait pu
K arrêter la vengeance du peuple;
« mais quil n'avait péri que des
Il scélérats... » Et ce fui alors que,
sur la proposition de V'erguiaux, ras-
semblée rendit cette loi dérisoire ,
qui cousti'iuait la commune respon-
sable de la sûreté des prison-
niers. Dans le même temps et pres-
que aux mêmes lieux où s'exécu-
taient les massacres, l'assemblée élec-
torale de Paris nommait des députés
k la convention nationale. Le couié-
dien CoUol-d'Herbois, qui fut un de
SCS élus avec Robespierre , Danton
et Marat , lui dénonçait les tno-
dérés , les hommes pusillanimes ,
effrayés des grandes mesures.
Il faisait un éloge pompeux de ce
courageux conseil de la com-
mune , dont la marche rapide ,
énergique et populaire sauvait la
clicyse publique... Sous de tels aus-
pices et par de tels électeurs Billaud-
Vareiiue ne pouvait manquer d'être
aussi nommé ; et il le fut un des pre-
miers. — Mais les massacres étaient
à peine terminés qu'il eut à remplir
une mission bien autrement impor-
tante. Tous les journaux du temps ont
dit* et les bislorieus ont répété sans le
moindre examen, que cette mission,
qui lui fut donnée par la commune,
n'eut pour objet qu'une tournée dans
les départements aux environs de Pa-
ris • qu'elle se borna a une courte
apparition daus la ville de Meaux où
Billaud fit encore exécuter quelques
massacres, et dans celle dcCbàloiisoù
il ne putcn faireaulanl, grâce alafer-
meté d'une municipalité qu'il menaça
de sa colère, et qui eu ressentit plus
BIL
^77
tard les cruels effets , comme aussi le
vieux Luckner, qu'il trouva tiède^
dépourvu de mémoire, et qui fut
ainsi dès-lors voué k l'écbafaud. Mais
ce n'était pas la, nous ne pouvons en
douter, le plus important de la mis-
sion de Pjillaud ; il nous est démon-
tré qu'il lut envoyé a l'armée de
Dumouriez avec deux autres com-
missaires porteurs de la lettre de
Louis X\lauroide Prusse, etqu'ilfut
aussi porteur d'objets non moins im-
portants et destines aux Prussiens.
Nous avons sous les veux une lettre
de Dumouriez au ministre de la
guerre, datée de Sainle-Menehould ,
le I 8 sept. 1 792, dans laquelle il dit
positivement que Billaud-Yarenne ,
qui est venu a son quartier-général ,
« la beaucoup aidé à sauver la
« chose publique, ..n El certes ce
n'était ni par des conseils ni par des
moyens militaires que le substitut de
la commune pouvait daus de pareilles
circonstances aider le clief de l'ar-
mée française à sauver la chose pu-
blique. Qu'on songe a la disparition
des diamants de la couronne , au vol
du garde-meuble , k celui dos Tuile-
ries et de tous les dépôts pub'icsj
aux dépouilles de trmt de victimes,
qui disparurent égaltment , el sur-
tout au rôle que Billaud-Yarenne
avait joué dans ces terribles événe-
ments!... (5). La commune fil part
à l'assemblée d'une partie de la cor-
respondance que ces commissaires
cnlrelinreiil avec elle pendant leur
mission 5 mais elle garda le silence
sur leurs rapports avec Dumouriez ;
(5) Cette question historique e-l Je la plus
haute importance. Elie doit expliquer tous les
faits Je cette epoqxie ; mais jusqu'à présent les
hisloriciis l'ont méconnue ec mal comprise.
Kausl'approfoiidiions plus ampîonicut à l'article
Dumouru'z , 1 1 nruis y cléinoalierons que la re-
traite des Prussiens ne peut pas être expliquée
ir.ililairemcnl {f^oj: Dumoukieï , au Supp ) ;
qu'ainsi il faut l'attribuer à d'autre» c^uiies.
•>7S
BlL
et ce gi'uéral qui dans ses mémoires
a parlé de cette époque avec tant de
détails sur les choses el les personnes,
se garde bien de rien dire de Billaud-
A'^areunej il ne prononce pas même
son nom , et nous pourrions douler
qu'il l'ait vu , sans sa lettre que nous
avons lue, copiée sur la ininule et
dont nous garantissons Taullien licite.
il faut surlout en considérer la dale
et songer qu'elle fut écrite trois jours
après Teffioyable déroule du i5 sep-
tembre , où les fu} ards se sauvèrent
jusqu'à Paris, et deux Jours avant la
parade convenue de\almy, à laquelle
nous avons personnellement assisté ,
el qu'aucun mililaire de quelque ex-
périence ne peut qualifier autrement.
Ce n'est que irois ans plus tard, et
lorsqu'il eut a se défendre contre les
accusations de Lccoinire de Ver-
sailles, qui avait fait impria>er une
de ses lettres aDumouriez (6), que
Bdlaud-\arenne avoua une partie de
ses rapports avec ce général 5 et il
(G)« Airivr depuis trois jours, écrit Billaud
h Tlumouiiez , mon cher général , à cliaquc in-
stant j'ai eu i'inlcniion de vous écrire, sans pou-
voir trouver celte salisfaction. . Je voulais,
d'.Tilleurs, vous donner îles nouvelles de la .-itua-
lion dans laquelle j'ai trouvé Paris, tant pour les
chosps ijiie pjiir les personnes. C'est hier seulement
que j'ai pu .'«n'oir la parole à la convention, pour
l'aire le rapport de ma conduite à l'armée, et des
faits dont j'ai é;é le témoin... l.e porteur de cette
K-ltre esl le citoyen Laribeau. Ce sera pour vous
un homme de confiance;.... C'est mon ani in-
time tjue Je donne à mon ami, et cela senl altère le
sacrifice que je fais de l'un et de l'autre. Se vous
demande une gràue, celle de m'écrire aussi dans
les circonstances décisives, pour me me' Ire eu
mesure d'agir,. , Bonjour, mon cher ginéral,
cruyezmoi voire ami pour la vie. » Billaud ne
désavoua pas celte leltie, et dans sa Réponse
à Laurent Lecoinlre, il dit : « M:i!i;rc les la-
cunes qui mutilent celle lettre, je demande ce
qu'elle a di- répréheii'iible, lorsqu'elle est da-
tée ilu 2Ji septembre 1792 , et qu'elle ne con-
tient rien qui ne soii conforme au rapport que
j'ai fait de ma mission à la convenu n natio-
nale (<e rapport est re>té inconnu; il n'est point
au Moniteur, el flous pensons qu'il n'a jamais- clé
fait). J'arrivais de rarm('e;j'avais Irouvf Uumou-
riez dans la position ta plus critique, n'ayant que
i5,oûo hommes , presque nus, a op/joser ul'ur'
mée des Prus'iens , compose'e de S:), 000 Itommes ,
qui étaient déjii maîtres de Longwy el de Verdun,
et qui tenaieut, pouv ainsi dire,, investi le camp
BlL
esl h remarquer que s'il a réellement
rendu compte a la convenlion de sa
mission, ainsi qu'il le dit dans celte
leltre, son discoui'b n'a pas élé inséré
au Monilew\ et qu'il n'en re.^e au-
cune trace dans les journaux du
temps. Le vague el Tobscurilé qu'il
s'efforce de jeter sur eetle lettre,
dont uous n'avons d'ailleurs que des
fragments, prouve qu'a celte époque
encore il était loin de vouloir loul
dire sur sa mission 5 et bien qu'il
cherche à insinuer que Fabre-d E-
glanline fut le principal agent des
négociations avec les Prussiens, nous
sommes convaincus que ces négocia-
tions étaient terminées lors de l'arri-
vée de Fabre, qui ne vint a l'armée
que le 20 sept., trois jours après
l'affaire de \almy ; nous pensons
même qu'elles l'étaient lors de la dé-
route du i5 sept., où l'armée prus-
sienne , qui avait une tel'e supé-
riorité, qu'elle pouvait d'un seul mou-
vement anéantir quinze mille liomaies
de Grand-Pré , n'ayant qu'une issue pour en
sortir. Penlaiït mon spjnur là, j'avais \u Du-
mouricz se donner beaucoup de peiu'- pour openr
la jonction des reuforls qui ni étaient envoyés
et qui n'arrivaienl point; enfin la clé principalo
de son camp fut prise et il ne restait plus d'au-
tre ressource que de l'i vaeuer tlans la nuit ; ce qui
fut exécuié. Le lendem.iin, arrivés au camp de
Dammartin, à peine les soldats dressaient-ils
leurs tentes, après quinze heures de marche ,
qu'une icrrcur panique se répand dans l'armée,
el que dans un instant la déroute devient géné-
rale. .Vu-silùL Dumouriez monte i\ cheval, cl, en
moins d'une demi-'aeure , il la rallie. Il ne pou-
vait, sans doute, rendre un service plus im|)or-
tant à la patrie, exposée au plus grand danger, si
tout-.à-coup elle se fiii trouvée sans armée dans
le point oit il y avait une foi ce ennemie l'e qua-
tre-vingt miil'; hommes. Je ne l'ai pas caché
dans le temps, et je ne le nie point aujourd'hui...
Le crime eut éle d'avoir des liaison.s avec ce gé-
néral perfide lorsqu'il trahissait; mais j'ai rompu
avec lui dès l'époque de la fuite concertée des
J'russicns, et lorsque je fus instruit qne Fabre-
d'E'jlantiue était aile secrètement au camp de la
l.une, pour arranger cette trahison. » l)n voit
q ue, Billaud, einbai rasse dans cette réponse à Le-
coliitre, sur ce cbei d'accusation, leiinine par
dire : « Du reste, je n'avoue ni ne dénie que ce
soit là la véritable leltre que j'ai écrite...» Mais,
s'exprimer ainsi, c'était l'avouer; et l'on doit
regretter qu'elle ail élé tronquée, V-r-VE,
eii ùi'soi'clre et loul-à-fail clé-ori};aiu-'
sés, rosia coinplèlonienl iiuiiiohlf, cl
lie {îl pas même une di'inonslralion
pour profiler de ses avantages. Bil-
laud-Vnreniie , qui étail auprès de
Dumouriez, dès le 12 sept., ue rail
pas beaucoup de temps a sauver In.
chose publique avec lui. Dès le :;o
de ce mois, il était revenu dans la
capitale pour y assister à la première
séance de la convention nationale.
Déployant aussitôt da:is cette as-
senildée le caractère de férocité
qui le distinguait si éminemment ,
il demanda la suppression de tous les
juges et de tous les tribunaux, com-
me des fauteurs du despotisme-^
puis il proposa un décret d'accu-
sation contre Tancien ministre La-
coste, contre le général Dillon , et
contre Rolnnd qui avait eu le tort,
bien grave a ses yeux- , de vouloir
mettre fin aux m.assacres des prisons.
A la séance du 29 oct., il parla
encore contre Louvet qui avait aussi
condamné les massacres, et qui avait
eu le courage d'attaquer Robespierre
et la commune j mais ce fut surtout
dans le procès de Louis XVI que
Biilaud se montra sanguinaire et
féroce. D'abord, il voulut faire
a l'acte d'accusulion, que Maral lui-
même demandait h réduire, des ad-
ditions si absurdes , si brutale-
ment cruelles , que !a majorité s'y
refusa. Il s'opposa ensuite a ce qu'il
fût permis au malheureux prince d'a-
voir plusieurs conseils j et, voyant que
la discussion.durait trop long-temps,
il fit une sortie contre ceux de ses
collègues qu il anpelait les amis du
tr?Yin- proposa de briser la statue
de Brutus placée dans la salle des
séances et s'écria : «Cet illustre Ro-
cc main n'a pas balancé a détruire un
a tyran j et la convention ajourne la
« justice du peuple contre uu roi...»
Bïr.
'■>-79
Il vola pour la mort, contre tout
sursis h l'exécution j et dans la ques-
tion de l'appel au peuple il demanda
ironiquement si les Français de
r Amérique et des Grandes -Indes
seraient aussi conifoqués pour pro-
noncer sur cet appel. Il dénon-
ça ensuite successivement Clavière ,
Fournier l'Américain , Houchard ,
Gusline ; et, lorsque le 5 mars on hé-
sitait à donner de la publicité aux
revers d'Aix-la-Chapelle , se rappe-
lant tout le parti qu'il avait lire de la
prise de Verdun pour les massacres
de septembre , il déclara qu'il ue
fallait rien cacher au peuple , que
c'était ainsi qu'on avait déjà sauvé la
pa'rie ! — Quinze j^ours plus tard il
était avec Seveslre en mission dans le
fond de la Bretagne, où ils firent les
rapports les plus alarmants sur les
premiers symptômes d'insurrection
qui s'y manifestaient. Ils demandèrent
avec de vives instances des envois de
Iroupi s qu^il ne purent obtenir. Alors
Biilaud revint a la convention, et il y
dénonça le conseil exécutif, puis les
administrateurs du département d'Il-
le- et- Vilaine. Mais ce fut surtout
dans la lutte qui précéda le 3i mai
que ce fougueux orateur se signala
par ses violences et sou acharnement
contre le parti de la Gironde. Il
apostropha Lanjuinais, àplusieursre-
piises, lorsque ce député courageux
résistait avec une si rare fermeté aux
attaques des montagnards^ et, quand
ces derniers eurent triomphé , ce fut
encore Billaud-Vareune qui , dan,=, la
séance du 2 juin, prononça contre
trente-deux de ses collègues une
philippique véhémente , k la suite de
laquelle il demanda le décret de mort
qui fut prononcé. Ce qu'il y a de plus
remarquable dans cette harangue,
empreinte de toutes les fureurs, de
toute la démence de l'époque, c'est
iSr,
RIL
([lie Billauil-Vareime y fait aux co-
ryphées de la Gironde , et surtout h
Péthion, le reproche d'avoir volé la
mort de Louis XVI. Celte partie
de son discours prouve d'ailleurs
d'une manière si inconleslable l'exis-
tence de la lettre de Louis X\ I ,
dont nous avons parlé , que nous
croyons devoir la citer textuellement.
« .. Telle est la fausseté de ces
« hommes qu'après avoir employé
a toutes les ressources de l'éloquence
« pour soustraire Louis le dernier
(c à l'échafaud , ils ont eux-mêmes
a voté la plupart pour son supplice.
a Barbaroux le condamne au nom de
a ses commettants alors trop pronon-
ce ces pour admettre un autre juge-
« ment. Vergniaux oublie ses peintu-
tc res dégoûtantes de proscription et
« de cadavres entassés dans des fosses,
« pour y précipiter le tvran de sa
« propre main. Péthion plus fourbe
« encore, Vé\.Wio\\(]nis'élait e?igagë
« avec Louis XVI a le sauver , s'il
« voulait prier le roi de Prusse d'é-
a vacuer momentanément le terri-
K toire français; Péthion qu'on asso-
« ciepour celle machination avecPi'Ia-
K nuel et Kersaintj Péthion quia imité
K en tous points leur conduite conlre-
« révolutionnaire, a néanmoins une
a teinte de noirceur de plus que les
K deux autres, pusque ceux-ci ont
« eu la conscience de voter pour la
« grâce qu'ils avaient promise ,
K tandis que Péthion a sacrilié^rt/:»^-
tc rôle a la crainte de perdre sa po-
« pularilé, et a voulu, au mépris d'un
a ENGAGEMENT FORMEL , SC faire Un
« masque de la tète abattue du des-
cc pote... 35 Après les massacres de
septembre et la mort de Louis X\I,
Billaud-Varenne semblait avoir con-
centré toutes ses fureurs sur les
Girondins 5 et, lorsqu'il les eut ren-
versés et fait périr presque tous
BIL
sur l'échafaud, il s'acharna contre les
débris de ce parti, a Je demande ,
a dit-il, dans la séance du 5 sept.
a 179'^, que Lebrun et Clavière soient
« jugés, toule affaire cessante, par
ce le tribunal révolutionnaire ; qu'ils
« périssent avant huit jours... Lors-
cc que leurs tètes seront tombées ainsi
a que celle de Marie- Anloinelle, vous
a direz aux puissances coalisées qu'un
ce seul fil relient le fer suspendu sur
ce la lèle du fils du tvran ; que si elles
ce font un pas de plus sur voire lerri-
ee toire , il sera la première victime.
« C'est par des mesures aussi vigou-
ce reuses qu'on donne de l'aplomb k
ce un nouveau gouvernement.. » C'é-
tait évidemment le souvenir des vi-
goureuses mesures de septembre
1792 qui dictai! de pareilles phrases.
Dans toutes les circonstances qui eu-
rent quelque ressemblance avec cette
terrible époque , Billaud ne parla
que de tribunaux, d'armées révolu-
tionnaires, de têtes a faire rouler
sur l'échalaudj c'étaient ses expres-
sions favorites. Envoyé dans les dé-
partements du Nord et du Pas-de-
Calais , au mois d'août 1795, il y
mit , selon son propre langage , la
terreur à l'ordre du jour. Mais il
fut tellement épouvanté lui-même
des progrès que les armées de la coa-
lition faisaient sur cette frontière,
qu'il revint cacber sou effioi dans la
capitale, oh il demanda le premier
nue levée en masse de tous les Fran-
çais. Ce fut encore lui qui, dans la
séance du 3 ocl. 1795 , fit décré-
ter d'accusation le duc d'Orléans ,
auquel on semblait ne plus pen-
ser, et qui dans la même séance
fit envoyer à la mort l'infortunée
Warie-Anloinetle , par ces cruelles
paroles : « Une femme , la honte de
ec son sexe et de l'humanité, la veuve
K Capet doit enfin expier ses forfaits
BIL
a sur récnafatul... Je demande que
te If Iribuualrévoiiilionnaire prononce
a celle semaine sur sou sort...» Un
tel homme ne pouvait manquer d'ob-
tenir à la couvenlion nationale une
grande influence. Llu président le i o
sept. 1795, il succéda dans ces im-
portantes fonctions à rvîaximilieu Ro-
bespierre , et fut bientôt après son
digne collègue au couiité de salut
public. Dès-lors il fît beaucoup de.
discours et de rapports au nom de
ce comité , devenu le ccnlre de tous
les pouvoirs. La convention s'était
réservé le droit de traduire les chefs
des armées devant les tribunaux 5 Bi'-
laud fil rapporter ce décret 5 et,
comme il l'avait annoncé , Houcbard
paya bienlùt de sa tète ses trahi-
sons. De même que son digne émule
Robespierre, c'était surtout contre
les militaires, dont il redoutait la
loyauté et l'énergie, qu'il dirigeait
ses attaques. Comme on Ta dit sou-
vent, c'est par lâcheté que ces
gens-la étaient cruels, et ce fut par
la peur d'expier un premier crime
qu'ils répandirent des torrents de
sang 1 Ce fut encore Billaud qui
fit rapporter le décret par lequel
étaient interdites les visites domici-
liaires pendant ia nuit. EnGn il brisa
sans pudeur jusqu'aux, dernières ga-
ranties qui restaient a la snrelé ,
k la liberté dis Français. Mais le
rapport le plus important , et peut-
êtie le plus curieux , qnil fit au nom
de ce comité , fut celui du gouverne-
ment révolutionnaire. On y voit clai-
rement oue ces hommes, qui avalent
détruit avec tant d aveuglement tous
les éléments de l'ancienne monar-
chie, sentaient alors le besoin d'un
système d'unité et ue centralisation ,
et que c'était dans le comité de salut
public qu'ils voulaient placer toute la
iorce d'unité et de coactioii, comme
BII,
181
disait Billaud -Varenne. La conven-
tion nationale fit tout ce qu'il voulut,
et elle créa par ses conseils le gou-
vernement le plus oppressif , le
plus atroce qui ait jamais exis-
té. Billaud eu fit aussitôt l'appli-
cation a cette même commune de
Paris, dont il avait tant contribué a
fonder le pouvoir , et qui, suivant
encore la première imruLvion. ve-
nait de convoquer les imités ré-
volutionnaires de la capitale pour
leur donner ses ordres et ses instruc-
tions. L'arrèlé de convocation fut ir-
révocablement cassé , et dès-lors la
commune dut obéir aux comités delà
convention nationale. Hébert, R.oniiu,
Momoro et Vincent , qui tentèrent
ensuite de lutter avec ces mêmes co-
mités, furent attaqués successivement
par Billaud-Varenne dans la société
des Jacobins de même qu'a la con-
vention nationale, et ils périrent sur
l'échafaud. Chabot, Lacroix , Chau-
mette et Danton lui-même, son an-
cien ami , eurent le même sort,
et périrent pour les mêmes cau-
ses. Fouché , Tallien et Bourdon
de rOise , devenus suspects aux co-
mités, allaient aussi être sacrifiés,
lorsque le besoin de leur salut les
réunit et leur donna le courage d'at-
taquer d'aussi redoutables ennem.ls.
C'est ainsi que fut amenée la chute
de Robespierre. Deux mois aupara-
vant Billaud a\ail lait une violente sor-
tie contre Tallien. lequel se plaignait,
de l'espionnage des comités, attachés
aux pas des représentants qui leur
déplaisaient, et il avait dit nettement
que ces terreurs 11 étaient que l'ac-
cent du crime cherchant à se
dérober au supplice. Robespier-
re paraissait encore k cette époque
marcher d'accord avec Billaud-Va-
renne ; mais lorsque ce dernier se
crutkson tour menacé; lorsqu'il vit
y. s -2
BIL
Maxiiailiense séparer de ses anciens
amis, il devint uu de ses plus redou-
laLles adversaires , et il lavait déjà
combattu pllI^ieu^s fuis au conàlé
de salut public , lorscjue dnns la n;é-
jiiorable séance du 9 thermidor, il fut
un des premiers a prononcer le mot
de tjyran, et donna ainsi le signal
d'une victoire qui cerlainemenl n'eût
pns été obtenue sans lui. Il révéla
ensuite quelques détails de l'intérieur
du comité qui excitèrent l'indigna-
tion ; et , quand Robespierre fut
complètement renversé, il coucou-
rut de tout son pouvoir a. assurer
le triompbe des vainqueurs. Il
donna volontairement sa démis-
sion de membre du comité de sa-
lut public, et fournit avec empresse-
ment à ceux qui lui succédèrent les
renseignements et les secours dont
ils eurent besoin- Mais, ainsi que la
plupart de ceux qui avaient concouru
à la révolution du 9 thermidor, il
s'aperçut bientôt qu'il avait fait
triompher une cause qui ne pouvait
pas être la sienne. Dès le mois sui-
vant, il fut dénoncé à la tribune et
dans plusieurs brochures par Lecoin-
tre de Versailles, comme complice de
Robespierre , et comme ayant con-
couru avec lui h couvrir la France
de sang et d'échafauds. Ce fut
alors qu il fil la réponse dont nous
avons parlé. Accusé encore pour
les mêmes faits , et d'une manière
plus positive, par Legemlre , le 3
oct. 1794? il réussit par son adresse
a repousser cette nouvelle altaque, et
fit même décbirer par la convention
que sa conduite avait été conforme
nu vœu national. 11 est impossible
de lire sans en être indigné hs im-
pudentes et mensongères apologies
qu'il publia dans ce temps-la : « Jt;
« n'ai jamais exprimé une idée que
(ç Thomme le plus philanlrope ne
VAX.
n puisse avouer... Il n'est pas un
ce citoyen qui ait a me reprodu'r la
te moindre injustice. Je délie mes
« accusateurs de citer dans ma con-
cc duite \macte féroce... « Mais ces
mensonges eurent peu de succès, l'o-
rage grossissait de jour en jour ; et la
couventiou nationale elle-même ne
pouvant plus se défendre contre la
clameur publique , allait être obligée
de livrer au ressentiment de la France
tous les membres des anciens co-
mités. Après de longs débals et de
nombreuses plaintes qui arrivèrent
contre eux de toutes les parties de
la France , ces représentants (Ba-
rère , Vadier , CoUot-d'Herbois et
Billaiid- Varenne ) , sur uu rapport
de ôaladin , furent condamnés , le
i"^"" avril 1795, a être déportés a
la Guiaue. Ce qui est digne de re-
marque , et ce qui caractérise bien
cette époque postlhermidorienne, c'est
que dans lo ites ces accusations il ne
fut pas dit un mot des assassinats de
septembre, de ces crimes si horribles
que Billaud-Varenne avait si notoi-
rement conçus et dirigés avec son
ami Danton. Mais c'était précisément
pour venger Danton que Robespierre
avai été immolé au 9 thermidor 5 et
Tallifn , un des ordonnateurs des
massacres de septembre, était lebéros
de la révolution thermidorienne...
Le décret de déportation contre les
trois membres de l'ancien comité de
salut public, fut rapporté quelque
temps après ; et la convention or-
donna que Billaud et Coliot-d'Her-
bois fussent jugés par le tribunal
criminel de la Charente-Iuférieure.
Mais déjà ils étaient partis pour
Cayenne lorsque le décret parvint à
Rochefort. On ne les fit pas re-
venir. CoUot-d'Herbois mourut bien-
tôt , et Billaud fut transféré dans
l'intérieur de la colonie, où la force
BIL
de sa coustiUilion le souliot encore
long-teinps. Il était k Siuamary lors-
que les déportés du i8 fructidor y
arrivèrent, en i 797; et ce fulnu spec-
tacle remarquable et uu exemple
bien frappant des vicissitudes humai-
nes, qu'un pareil homme subissaul
la même peine que les Pichegru, les
Barlhéleraj et les Barbé-Marbois.
Mais ce qui était plus bizarre encore,
c'était de voir Bourdon de l'Oise, son
ancien collègue a la convention , le
complice de la plupart de ses crimes
révolutionnaires, conJatnné comme
rovaliste... On raconte qu ils eurent
une querel'e dès le premier mo-
ment, quils se prirent même aux
cheveux , et que leurs compagnons
d'infortune se virent obligés de les
séparer. Tous les déportés donnèrent
a Billaud des marques évidentes de
leur mépris. L'abbé Brolier fut le
seul qui eut avec lui quelques liai-
sons, dont on dut s'élonuer de la
part d'un ancien agent royaliste, d'un
prêtre que Eiîlaud eût certainement
fait périr sur l'échafaud , s'il l'avait
connu au temps de ia puissance. Cet
homme continua donc a vivre pres-
que seul, et l'on a dit que son unique
plaisir dans cet affreux climat , où il
passa vingt ans, était d'élever des
perroquets. 11 parvint à s'évader en
1816, etil allaoffrirses services aux
nègres de Saint-Dominsue. Le mu-
làlre Petion , qui y gouvernait alors
avec le tilre de président, l'accueillit
assez bien , et lui fit même une
pension dont il a joui pendant
le reste de sa vie. Il mourut au
Port-au-Prince en 1819. L'ancien
espion des comités , Vilate , qui
mieux que personne connaissait Bil-
laud - Varenne ( ^ oj. V ilite ,
XLVIII, 4.9i)> f" 3 fail le portrait
suivant: « Bilieux , induiet et
olaus, pélri d'hypocrisie monacale,
BIL
a8:i
« se laissant pénétrer par ses efforts
a même à se renire impénétrable ;
« ayant toute la lenteur du crime
« ciu'il m.éd^te, et l'énergie coucen-
a trée pour le commettre... Son ain-
tt biliou ne peut souffrir de rivaux :
te morne, silencieux, les regards va-
« cillants et convulsifs , marchant
« comme a la dérobée ; sa figure, au
a. teint pâle, sinistre, raonire les symp-
K tomes d'un esprit aliéné. » — On
a dit que Billaud-Varcnne avait lais-
sé en France des Mémoires poli-
tiques manuscrits, ce qui est peu
probable. C'est sans doute d'après
cette assertion que le libraire P.an-
cher a imaginé de faire imprimer, en
1821, des Mémoires de Bdlaid-
Varenne , ex - conventionnel ,
écrits au Port-au-Prince e« 1 8 1 8 ,
contenant la relation de ses voya-
ges et aventures dans le Mexique
depuis 1 8 1 5 jusqu'en 1 8 1 7 , etc. ,
2 V. in-8°. Le faussaire, auteur de cet
ouvrage, évidemment apocryphe , n'a
pas même cherché a présenter quelque
vraisemblance. — On a de BiUaud-
Varenne : I. Le dernier coup porté
aux préjugés et à la superstition,
Londres (Paris), 1789, in-8'\ Il
Le peintre politique, 1789, in-8°.
III. Le despotisme des ministres de
France, ou exposition des princi-
pes et des moyens employés par
V aristocratiepourmettre la France
dans les fers , 1790 , 5 vol. in-o".
IV. Plus de ministres , ou point de
grâces, avertissement donné aux
patriotes français , et justifié par
quelques circonstances de l'affaire
de ISancy, 1790, in-8°.\ . L'Acé-
phalocratie , ou le pouvernement
je de rat if démontré le medleur de
tous , pour un grand empire , par
les principes de la politique et les
faits de l'histoire , Paris, 1791,
in-8". VI. Eléments de républica-
i84
BIL
nisme, i795,in-8°. VII. ]\Ies opi-
nions politiques et morales , pour
servir de suite a l'ouvrage iulitulé
Les Eléments de républicanisme ,
lyp^j in- 8". \III. Question du
droit des gens : Les répuhlicuins
d'Haïti possèdent-ils les conditions
requises pour obtenir la ratifica-
tion de leur indépendance ? par
un observateur philosophe , au
Porl-au- Prince , 1818 (an XV de
riudépendauce) , in-4°. IX. Grand
noiiibre de rapports et discours pro-
noncés à la trihuue de la convention
nationale et h celle de lasociélé des ja-
cobins, imprimés dans le 3Io/iileurel
séparément. Nous citerons i°Rapport
sur un mode de gouvernement pro-
visoire et révolutionncdre^ 28 bru-
maire an 2. 2° Rapport sur la
théorie du gouvernement démo-
cratique, et sa vigueur utile pour
contenir V ambition , et pour tem-
pérer l'essor de l'esprit nùlitaire,
!*•■ floréal an 2. '5°. Réponse des
anciens membres du comité de sa-
lut public, dénoncés, signée : BiL-
laud-Varenne et Collot, ven-
tôse, an 5, imp. nationale, in-S" de
142 pag. 4"- Réponse de J.-IS .
Billaud, aux inculpations qui lui
sont persojinelles, imprimée par or-
dre de la convention nationale , ven-
1ose,.an 3, in-8° de i8])ag. 5°.R.é-
ponse de J.-]\. Billaud â Laurent
I^ecoinlre , Paris, an 3, in-8° de
126 pages. On lit dans V Isogra-
phie des liommes célèbres le
fac-similé de plusieurs lettres de
Ijillaud-Vareune, où il n'y a ni or-
thographe ni correction, ce qui est
assez extraordinaire de la pari d'un
ancien oralorien. M — dj.
BILLE (Steen- Andersen), ami-
ral danois , naquit le 22 août 1 7 5 r .
à Assense , en Fionie. Issu d'une des
plus anciennes familles du Danemark,
BIL
el qui s'était illustrée dans la marine ,
il se voua à celle arme dès !e plus
Jeune àL;e,et malgré une complexion
dilicatc. Il navigua beaui oupdans les
mers d'Europe et des deux Indes, et
franchit les premiers grades aussi ra-
pidement que le permettaient les rè-
gles de l'avancement dans la marine
danoise , où le grade est toujours le
prix de l'aucienneté , et où des distinc-
tions honorifiques sont la récompense
des actions d'éclat. Il fut nommé ca-
pitaine de vaisseau en 1789 , et au
commandement du Superbe , sur
lequel l'amiral Schindel , qui fut le
chef des escadres combinées de Suède
et de Danemark, vint mettre son pa-
villon. Telle était déjà la réputation
de Bille comme homme de mer instruit
et expérimenté, qu'on le choisit pour
présider a l'essai qui se fit vers celte
époque de plusieurs bâtiments d'un
nouveau modèle, dû au célèbre con-
structeur Hohlenberg. En 1796 ,
une rupture ayant éclaté entre la
cour de Danemark el la régence de
Tripoli, Bille reçutle commandement
de la frégate la Naïade , de 36 ca-
nons, et d'un brick de 10, avec l'or-
dre d'aller relever la station de la
Médilerranée. Il arrive devaut Tri-
poli le i4 'n^i 1797)^1, dès le lende-
main, il allaque les forts. La division
tripolitaine , composée de deux fré-
gates , une corvette et deux canonniè-
res , sortit !e jour suivant pour ré-
pondre au défi de la veille. Bille
fait aussitôt signal au brick , trop fai-
ble pour le seconder efficacement, de
s'éloignerj et, sur de la supériorité
de 5a manœuvre , il préfère soutenir
la lutte seul contre toute la division
ennemie. Manœuvrant en effet avec
une prodigieuse dextérité , il passe
successivement à poupe des deux fré-
gates, et dirige sur chacune d'elles
un feu d'enfilade qui démonte plu-
BIL
sieurs caroiiuades, balaie les ponts et
liacbe le gréemenl. Le brick, malgré
l'ordre qui l'avait tenu éloigné du
combat , voyant la N aiacle envelop-
pée , arrivait à son secours. La plus
forte frégate tripolilaine, le beaupré
surchargé d'hommes, se dispose à
l'enlever a l'abordage. Mais Bille
avait vu le danger : il se dégage ,
force de voiles , et, grâce a la supé-
rioté de sa marche , il se trouve tout
à coup enire le brick et sa redouta-
ble ennemie. Quelques coups heureux,
partis de la Naïade ou de sa con-
serve , enlèvent le beaupré de la fré-
gate cl précipitent dans la mer tous
les hommes qui s'y trouvaient. La
nuit mit fui a ce combat, qui rappelle
les prodiges des Tourville et des Dii-
guay-Trouiu , et dont le résultat fut
de décider le pacha a signer une paix
aussi honorable qu'avantageuse pour
le pavillon danois. La clé de chanî-
bellanduroi et un magnifique service
en argent, offert par la corporation
des négociants de Copenhague, furent
les récompenses de iiille. Il n'obtint
le grade de capitaine commandeur ,.
dont no I rehiérarchie navale n'offre pas
d'équivalent, qu'a la iin de l'année et
sans doute k son tour d'avancement.
Il continua de commander la station
de la Méditerranée jusqu'en 1800.
Dans ses fréquents démêlés avec les
étais barbaresques , il se montra aujsi
habile négociateur qu'il avait élé
prompt et inirépide dans son attaque
contre Tripoli. La Suède dut a son
intervention de voir terminer h l'a-
mialiie un différend très- sérieux avec
la régence d'Alger. L'ordre de l'Epée
fat le prix de ce service. A l'ai laque
de Copenhague par les Anglais, en
1801, Bille reçut le commandement
d'une division de deux vaisseaux ,
nnc frégate et deux bricks, formant
la partie mobile de la ligne de défense
BIL
•285
qui combattit si glorieusement le
2 avril contre Nelson. 11 sollicita
avec les plus vives instances , mais eu
vain , l'ordre de sortir de la rade in-
térieure pour aller se placer près du
Stubbegriiiid , et prendre en enfilade
l'escadre anglaise qui avait été déjà
si maltraitée eu prolongeant la ligne
danoise, et se trouvait tellement ex-
posée sous la formidable batterie des
Trois-Couronties , que JNelson de-
manda a parlementer. Le comman-
dant en chef Fischer était bles."<é 5
Bille voulut retenir le parlementaire
et sortir : mais un nouvel ordre vint
l'enchaîner dans la rade intérieure,
et il eut la douleur de ne pas com-
battre dans cette journée si glorieuse
pour la marine danoise. Il est à peu
près prouvé par des renseignemenls
ultérieurement acquis sur l'élat de
l'escadre anglaise, dont deux vaisseaux
s'étaient échoués sous le feu de la
batterie des Trois- Couronnes (i),
que celte escadre était perdue si Bille
lut sorti avec sa division inlacte et
dévouée. 11 lut nommé en i8o5 mem-
bre du collège royal de l'amirauté et
commandeur en 180^. Lorsde l'alla-
que inal tendue des Anglais, en 1807,
l)dle commandait en second dans
Copenhague, et fut chargé de la dé-
fense dii coté de la mer. On sait que
les Anglais , se rappelant sans doute
le péril auquel les avait exposés Tal-
laquc maritime de 1801 , se décidè-
rent k prendre celle capitale par
lerre. Leur flotte resta éloignée, et
les glorieux corobals soulenus par les
canonnières danoises contre les divers
pelotons de l'escadre légère qui s'é-
taient plus avancés, la mainlinrent a
celte dislance rcspecUieuse. Bille
s'opposa avec une héroïque opinià-
(i) Celle haliei-ie avait élé clevte d'aprôs !es
plans de l'amhal Billp , nomme prés! Jeu t delà
commission de ilOfcnSe.
286
BIL
trelé à la cajjllulaliou II demaiula k
faire une sorlie a la lèle de Ions ceux
qui seraient en âge de prendre les
armes, pour repousser l'enneiDi , qui
menacail de donner Tassant. Pendant
cette sorlie , la tlulle devait être dé-
truite, et déjà il avait lait percer le
fond de tous les bâtiments, rassem-
bler les gouvernails pour les brûler
et les voiles pour être coupées en
lambeaux. Les Anglais , prévenus
de ces dispositions , menacèrent de
saccager la capilale si l'on pertis-
lait a détruire la flotte qu'ils convoi-
taient comme nne proie. Copeubague
dut capituler 5 mais Bille refusa de
signer lacapilulalion. Nommé contre-
amiral en 1809,' il conserva la di-
rection des afiaircs de la marine et le
commandement suprême des foi ces
navales, qui se trouvaient réduites à
de simples chaloupés canonnières , les
Anglais s'élant emparés de 20 vais-
seaux et de 16 frégates, et même de
tous les approvisionnements des chan-
tiers et arsenaux. Cependant telle fut
la bonnedirectionqu'd sut donner aces
chaloupes, qu'elles se rendirent très-
redouiables aux Anglais et les obli-
gèrent a entretenir des forces consi-
dérables dans la Baltique et sur les
côtes de Danemark, pour proléger
leur commerce incessamment menacé.
A son avènement au trône , le roi
régnant conserva le litre et les fonc-
tions de président de l'amirauté k
Bille , qui se montra dans ce conseil
aussi bon administrateur qu'il a^ait
été homme de guerre intrépide. Le
Danemark lui doit une nouvelle flotte,
exactement calciJée sur sou reA enu ,
et dans le double but de défendre ses
côtes et de proléger son cmmerce.
Cetleflolle secon)pose de 6 vaisseaux
de ligne , 8 frégates, 4^c0:velles,
4 bricks et 80 chaloupes canonnières.
Bille donna tous ses soins au choix
EIL
et k la bonne organisation du per-
sonnel , étendit l'ordre et l'économie
sur toutes les bi^ucbes du service,
fit les approvisionnements avec pré-
voyance et mesure , et institua une
caisse de réserve pour la marine, afin
qu'elle put suffire avec ses propres
fonds aux premiers frais d'un arme-
ment imprévu ou secret. 11 avait été
nommé vice-amiral en 1824., ami-
ral en 182 9 , et enfin ministre d'é-
tat et membre du couseil intime du
roi en i83i. A un discernement ra-
pide et sur, a des lumières étendues
et au plus noble caractère. Bille joi-
gnait une volonté de fer. Sa maxime
était : Sois Juste , et ne crains per-
so/me. Il mourut a Copenhague le
1 5 avril i 854, k l'âge de près de 82
ans. Le roi Frédéric- VI dit alors en
essuyant ses larmes : « Il y a qua-
a ranle ans que je lui demande ses
« conseils, et toutes les fois que je
« me suis avisé de ne pas les suivre ,
a je m'en suis repenti. » Cn — u.
BILLECOCQ (Jean-Baptisïe-
Louis-Jcseph), avocat du barreau de
Paris , était né dans cette ville le 5 i
janvier 1760. Après avoir achevé
ses études au collège du Plcssis,
sous la direction de Binet ( P ojr.
ce nom, dans ce vol.) , dont le
mérite est surtout d'avoir formé tant
d'élèves distingués , il suivit les cours
de droit et se fit recevoir avo-
cat. Mais il n'avait pas encore pu se
faire connaître lorsque la révolution
déiruisil l'ancien ordie judiciaire. Sa
conduite prudente dans ces temps
difficiles lui mérita la confiance des
habitants de sou quartier. En 1790,
il fut nommé électeur, et l'année sui-
vante député suppléant k l'assemblée
législative' mais il n'y siégea point,
et ce fut nu bonheur pour iuij car il
s'y serait cerlainemeiil rangé parnii
les défenseurs des principes raonar-
BIL
chiijues,! et plus tard il aurait ex-
pié clans les prisons ou sur l'écha-
f'iud ie courage d'avoir souleuu son
opinion. La suspension du cours
de la justice avant laissé Bille-
cocq sans occupati.in, il chercha d:ms
la culture des lettres à se distraire
des scènes pénibles dont il était envi-
ronné dans ces temps malheureux.
Ce fut dans la terriijle année 1798
qu'il fit paraître la traduction du
F oyage de l'Inde en Europe, par
Irwin, et depuis il publia successive-
ment, en 1794 5 le F oyage deLe-
long chez différentes nations sau-
vages de V Amérique septentrio-
nale^ iu-8° 5 et eu 1795 celui de
lSlt;a.TiiS^de laChine àla côte nord-
ouest d' Amérique , 5 vol. in-8° et
allas in - 4". La même année il
donna la traduction de V Histoire de
la conjuration de Catilina , avec
des notes elundiscours pré iminaire.
11 avait annoncé celle de la guerre de
Jugurlha, et bien des années après
(1809), Dussault , eu lui rappelant
sa promesse, l'invitait à ne point se
laisser effrayer par la traduction de
Bureau de la Malle, et à profiler de
l'avantage de venir le dernier pour
donner enfin une bonne traduction
de Sallusle {Annales littéraires^
m, 22). Dans la préface de Lucain,
qu'il publia en 1796, 2 vol. iu-8",
Billecoq se montra critique très-judi-
cieux ; mais ce qui Thonore bien plus,
c'est d'avoir alors élevé la voix eu
faveur de Laharpe , et demandé que
le gouvernement permit enfin k un
des hommes qui faisaient le plus
d honneur "a la France de jouir pai-
siblement de l'estime que lui avaient
acquise ses travaux ( i ). Dès que le re-
tour de l'ordre put le lui permettre,
Billecocq s'empressu de reprendre
l'exercice de sa profession 5 mais il se
(i) Vie de Brébeuf, p. 43.
BIL
28-^
sentait trop redevable aux lettres
pour ne pas leur consacrer les loisirs
que lui laisserait le travail de son
cabinet. Il reparut au barreau en
1798 , dans la cause d'une femme
divorcée qui demandait a conserver
son enfant. Le talent qu'il y déploya
fil une impression d'autant plus vive
sur les auditeurs , qu'ils n'étaient
plusaccoutumé.^a ce langage plein de
convenances, et surtout à cette sen-
sibilité vraie , a ces expressions de
Toraleur vertueux, vir bonus ^ dont
la source est dans le cœur , et qui
. caractéi isaient le talent de Billecocq.
Son triomphe fut complet, et dès ce
moment sa place resta marquée parmi
les premiers avocats de la capilale. 11
serait impossible d'énumérer toutes
les affaires dans lesquelles il fit
preuve de talent; nous ne citerons
que sa défense du marquis de Pùvière
{f'^oy. ce nom , au Supp.) , ac-
cusé de complicité avec Georges Ca-
doudal , et son plaidoyer en laveur
d'un fils de la première temme du duc
deMontebelloî /'^oj'. ce nom, XXIX,
475). Il parlait toujours de convic-
tion 5 les juges ne l'ignoraient pas ,
et c'était un excellent préjugé pour
une cause que de la voir dans ses
mains. Jaloux de rendre k son ordre
l'ancien éclat dont il avait joui . Bil-
lecocq rélablitdès 1812 les conféren-
ces judiciaires, où les jeunes avocats
vont se former aux luttes du barreau,
et il composa pour ces réunions plu-
sieurs discours (2) remarquables.
La poésie latine , si dédaignée de
nos jours , était son principal délas-
sement 5 et soit qu'il prenne dans
ses vers la défense de ce collège
du PK-ssis dont il se glorifiait d être
l'élève , soit qu'il demande a sa muse
(2) Sur la pinjession d'uvocal , 1S12; Sur la
confiance que les jc-anes avocais doivent avoir
dans les anciens , 1821 ; Sur l'alliance de la ina-
ïistiatuie et du baireau , 1S22.
288
lill
BIL
des cousolalions ou la force pour
supporter les peines de la vie, soit
eiinn qu'il célèbre la religion victo-
rieuse de ses ennemis, partout on re-
connaît un homiue nourri de la lecture
des meilleurs modèles (5). En i 8 i 5,
Billecocq qui , d'après ses principes
politiques, avait dû se prononcer eu
faveur de la restauration, n'en réfuta
pas moins avec autant de talent oue
de patriotisme la lettre par laipulle
lord W ellinglon essayait de justifier
la spoliation du musée de Paris (4-).
Membre du conseil de discipline des
avocats, de 1817 k 1818 , il en fut
bâtonnier en 1821 et 1826, et dans
cette place il défendit courageusement
les privilèges et l'indépendance de
l'crdrc. Un des fondateurs . en
1819, de la société pour l'améliora-
lion du sort des prisonniers, il en
fut élu secrétaire en 1827 , et ne
cessa de prendre , autant que ses
forces le lui permirent, une part
très-active a tout ce qui pouvait inté-
resser l'ordre et le bien public.
Dans les dernières années de sa vie ,
la faiblesse de ."-a santé et une sur-
dité presque absolue ne lui permet-
taient plus de plaider. Cet excel-
lent citoyen mourut , à la suite
d'une longue maladie, le i5 juillet
1829 , et fut inbumé dans le cime-
tière Montmartre, où ses nombreux
amis lui ont érigé un monument.
11 était membre de la Légion-d'Hon-
neur depuis i8i4- el chevalier de
Saint-BIichel. Outre les ouvrages ci-
(3) Nous avons pensé qu'on ne sérail pas f.iclié
de trouver ici la liste îles potsies de Billecoc([:
ïn anmiam parisinontm ad CIndoaldum pai^iim
jieregrinntionem , 1 80g ; P/exsis gymnasii encomium
(f-'or. Nicolas - Rloi LeMaiee, au Supp.^,
rSog. In aunutim Surenœ rosuiitc festum , iSii.
Tcmporc foreiistitm feriarunt spes , advcrsœ ?7'ce.( el
solatia , 1812. Jii re/gionem upud Gallos perpcluo
triwnphanlem , 1816.
(4) f/n Français, à l'honorable lord Wellington,
sur sa lettre du. 23 sept, i8i5 à lord Cii^ilc-
rcagh , in S".
tés , »n lui doit : I. Lue traduction
du J^oyage de Tiraberlake chez les
sauvages du Nord de l'Amérique ,
1797. II" Celle du J^oyage de
Néarque (Foj'. ce nom, XXXI, 3),
par le docteur Vinrent , Paris, 1800,
in-4-". Cette traduction , imprimée
aux frais du gouvernement , est ex-
cellente. Dans la piéface , le mo-
deste traducteur reconnaît qu'il a été
sojitenudans sou travail par Fleurieu,
Gossellin , Langlès et Barbie du Bo-
cage. III. Billecocq a eu part a la
traduction du Cultivateur anglais
[Foy. YouNG, LI, 5o4). IV. Quel-
ques considérations sur les tyran-
nies diverses qui ont. précédé la
restauration, sur le gouvernement
royal et sur la dernière tyrannie
impériale, Paris, i 8 1 5 , in-8°.V. Z?k
chansemeiit de ministère en déc.
182 I, par un royaliste, in-8°. \I.
C ne soirée du vieux chdtel, ou le
dévouement de Malesherbcs , pièce
qui n'a point concouru pour le prix
de l'académie française, 1821, in-8".
VII. T)e V injluence de la guerre
d'Espagne pour l' affermissement
de la dynastie légitime et de la
monarchie constitutionnelle en
France , ibid., 1823, in-8". VIII.
De la religion clirétienncie\a.hve-
ment a l'état, aux familles et aux in-
dividus, 5^édit., revuect augmentée,
ibid., 1824, in-8°. C'est un ouvrage
important el qui mérite d'être lu par
tons les hommes de bonne foi. IX.
Coup d'œil sur t état moral et po-
litique de la France à l'avène-
ment du roi Charles X. ibid.,
1824., in-8*'. X. Du Clergé en
1825, in- 8". XI. Mémoire sur les
effets désastreux pour les colonies
J'i ancaises du système de fiscalité
appliqué à leur commerce , ibid.,
1825, in- 8°. XII. jSotice sur M.
Bellarl{Foy. cenora,LVII, 5 01),
BIL
1828 , in-8° de \ii pages , troi-
sième édition. XIIl. Des iMémoires
et des Plaidoyers. Pour compléter
cette notice Libliograpbiqiie . il faut
encore citer : la traduction d'un
écrit d'Edward , dans les Mémoires
liist. et géogr. sur les pays situés
entre la mer Noire et la mer Cus-
pienney Paris, 1796, in-4-°j une no-
tice sur Bergasse dans le Réiw^'a-
teur, etc. W — s.
BILLEMAZ (François ), l'un
des plus ardents propagateurs des
principes révolutionnaires à Lyon,
naquit vers 1700, aBelley, de pa-
rents aisés. Doué de quelque esprit ,
mais manquant des (jualilés qui pou-
vaient le faire réussir au barreau, il
acheta la charge de greffier civil et
criminel a Lyon, qu'il exerçait en
1787. Malgré la perte de sou emploi,
par la suppression des tribunaux, il
montra le plus grand zèle pour la
révolution dans laquelle il aperce-
vait les moyens de se venger de ses
ennemis et de satisfaire sa vanité.
Dans un voyage qu'il fit "a Paris ,
il vit les principaux chefs des Jaco-
bins 5 et, dès quil fut de retour a
Lyon, il s'empressa d'organiser un
club , qui s'ouvrit le 3o mai 1790.
Ce fut le premier qui s'établit dans
cette ville , el il (ut appelé depuis le
club central. Billeraaz , qui se vautait
d'a\ oir allumé dans Lyon le feu de la
liberté , devint bientôt un person-
nage influent. Nommé juge de paix en
1791, il prononça, quelques mois
après, en présence des électeurs réu-
uispour choisir unévèque, undiscoui-s
qui fut imprimé, et dans lequel on re-
marque ce trait : k Lu paysan breton
ce voulait un évèque qui ne fut pas
K prêlrej celui que vous nommerez
a le sera nécessairement parce qu'il
« sera un sage » (Voy. les Ta-
blettes chronologiques de M. Péri-
BIL 289
caud). Billemaz poursuivit avec fu-
reur tous les ecclésiastiques qui
avaient refusé le serment ; non con-
tent de les dénoncer dans les clubs,
il les accablait d'invectives dans les
journaux, cherchant par d'atroces et
sales calomnies a leur faire perdre la
confiance dont ils jouissaient ( y . les
Nudités, par Cbassaigneau , 167).
Après la mort du roi, il vint a Paris et
parut a la barre delaconvenlion pour
y faire parade des services qu'il avait
rendus à lachose publique. Ouigno-
re le rôle qu'il joua durant le siège
mémorable de Lyon; mais il ne put
échapper a la vengeance que le co-
mité de salul public tira des habitants
de cette malheureuse ville. Arrêté
comme agenl des Girondins, il périt
sur l'échafaud , le 5 déc. 1795.
On connaît de Billemaz : 1. Discours
de l'âne de F*""* Nabolh, 1787,
in-8°. C'est un pamphlet conlre les
francs-raaçous. IL Le grand bail-
liage de Lyon, comédie en un acte
et en prose , représentée par
M3I. les ojjiciers audit siège , le
samedi 27 sept. 1788 , Lyon ,
de V imprimerie de l'auteur, à l'en-
seigne de lu vérité, in -8" de 54- p.
Celle pièce satirique est devenue
rare. W— s.
BILLIXGSLEY (sir HtwRi),
:nialhématicien el lord-maire de Lon-
dres sous le règne d'Elisabeth , avait
pour père un Roger Billingsley de
Canterbury, de très-mëdiocre nais-
sance. Cependant il fui placé a l'u-
niversilé d'Oxford, el l'a il inspira de
l'attachement a un ex-augustin de
la ville , Whitehead , mathémati-
cien profond pour l'époque où il vi-
vait. Les parents de Billingsley ne
se souciant pas qu'il parcourut la
carrière des sciences , le mirent en
apprentissage chez un armurier. Ef-
feclivement il eût été difficile que les
J9
ago
BIL
travaux littéraires ou scientifiques
auxquels il s'initiait a Oxford lui va-
lussent jamais autant d'avantage que
le commerce. La fortune de Billing-
sley finit par être une des plus con-
sidérables de Londres : il fut succes-
sivement nommé shérif, aider man ,
membre de la commission des doua-
nes, et enfin en 1697 lord-maire de
cette capitale. A ces dignités munici-
pales, il joignit par la faveur de la
cour celle de chevalier (Rnight). Ses
richesses et ses honneurs ne l'empê-
chèreut point de se livrer à ses pre-
miers goùls. Il retira chez lui Whi-
teliead que la suppression des maisons
religieuses sous Henri YIII avait ré-
duit à un état précaire j il continua
sous ce maître de ses jeunes années
l'étude des mathématiques , hérita de
ses manuscrits et de tous ses papiers.
Parmi ceux-ci étaient des notes sur
Euclide; Billingsley rendit un der-
nier hommage à la mémoire de son
ami en les publiant a la suite d'une
traduction d'Euclide dont lui-même
était l'auteur , sous ce titre : Tlie
éléments of geomett^y of ihe most
ancient philosophe?^ Euclide of
Megara,faithfullytranslatedinto
the english longue, etc. , Londres,
iByo, iu-fol. Celle traduction est
précédée d'une longue et savante pré-
face du docteur John Dee. Billingsley
mourut dans un âge liès-avancé le 22
uov. 1606. Il était un des premiers
membres de la société des antiquai-
res. P OT.
BILLIIVGT ON (Elisabeth
Weicschell , plus connue sous le
nom de mistriss ), la plus célèbre
cantatrice de l'Angleterre et peut-
être de son siècle , naquit k Londres
en 1769 , s'il faut en croire ses pro-
pres assertibns 5 mais comme le dé-
pouillement des registres de celle an-
née n'y a point fait découvrir son
BIL
nom, les biographes se sont permis
de voir dans l'indication de mistriss
Billington une de ces fautes chrono-
logiques qu'il faut pardonner aux
femmes. Les Anglais auxquels on
a souvent reproché une organisa-
tion anti-musicale se sont plu à citer
mistriss Billington comme im argu-
ment irrébislible de l'injustice de celle
imputation. La réponse n'est pas
complètement péremptoire , car l'il-
lustre cantatrice n'était Anglaise que
par le lieu de sa naissance ; son père
et sa mère étaient Allemands , et
tous deux avaient parcouru la car-
rière musicale avec assez d'éclat. Le
premier , quoique ayant des pré-
tentions à une noble ascendance , et
quoique son frère remplît les fonc-
tions de juge provincial k Erbach,
était musicien de profession et pas-
sait pour un instrumentiste distingué.
Madame Weicschell était sans con-
tredit une des cantatrices les plus
habiles de son temps. Elève favorite
de Jean-Chr. Bach , qui parut en
Angleterre en 1763 , elle se fit en-
tendre dans plusieurs des concerts
auxquels présida ce maître , puis fut
engagée k l'orchestre du Wauxhall
comme première chanteuse. Pour elle
fut composé, entre autres chants, le
célèbre rondo I>i this shady hlest
retreat. Un fils et une fille naqui-
rent de ce couple musical , cl tous
deux , chacun dans sou genre, étaient
destinés k surpasser leurs parents.
Beaucoup plus jeune que sa sœur,
Charles Weicschell devait plus tard
l'accompagner sur le continent et ,
par le choix des morceaux qu'il exé-
cutait sur le violon tandis que celle-ci
chantait, contribuer encore k ses suc-
cès etksa réputation. Quant a Elisa-
beth , ses dispositions pour l'art au-
quel se livraient ses parents se mani-
festèrent dès l'âge le plus tendre. Sou.
BiL
père lui eu enseigna les premiers
principes , et fut secondé par son
compatriote , le virtuose Sclirœter.
Ce qui pour les commençants ordi-
naires est une tâche pénible n'était
pour elle qu'un passe-temps. Le piano
était son jouet favori j et comme elle
s'en occupait avec autant d'assiduité
que les jeunes filles eu mettent ordi-
nairement à s'occuper de leurs pou-
pées, elle eut bientôt acquis sur cet
instrument une force remarquable.
A peine âgée de sept ans elle exé-
cutait des concertos sur le petit théâ-
tre de Hayraarket, et quatre ans
plus tard elle commençait h joindre
au talent de l'exécutant celui de la
composition. Cette précocité, la con-
science de ses talents lui faisaient
supporter avec impatience !e joug de
l'autorité paternelle," et, pour s'af-
franchir de cette tutelle , elle ac-
corda sa main, contre ie vœu bien
prononcé de ses parents, k un mu-
sicien du théâtre de Drury-Lane ,
Jean Billington qui avait en quelque
sorte présidé à l'éducation de celte
rare écolière et qui n'était pas demeuré
insensible k la réunion de la beauté ,
de la jeunesse et des talents. Bil-
lington était fort pauvre. La lune de
miel passa bien vite , et le nouveau
couple abandonna la Grande-Breta-
gne pour chercher fortune en Irlan-
de , taudis que tant d'Irlandais vont
la demander k l'heureuse île, leur voi-
sine. Peu de temps après , mistriss
Billington parut pour la première fois
sur le théâtre de Dublin. Ses débuts
firent une sensation prodigieuse ; et
bientôt le nom de mistriss Billington
fut proclamé par la renommée jus-
que dans cette Grande-Bretagne qu'el-
le venait de quitter, et qui voulut la
revoir dès que l'Irlande lui eut ré-
vélé k quelle illustre cantatrice elle
avait donné naissance. Engagée an
BIL
291
théâtre de Covcnt-Garden , elle y
débuta en 17 85 dans la pièce de
V Amour au village, qui avait été
commandée par le roi et la reine.
Dans l'exécution de cette œuvre où le
dessein du compositeur avait été de
donner k l'artiste l'occasion de dé-
ployer toutes les richesses et les puis-
sances musicales, mistriss Blllini^ton
surpassa les espérances de ses amis
et les éloges de ses admirateurs. Dès-
lors elle fut placée par tous tes juges
compétents au nombre des premiers
talents. Jalouse pourtant de se per-
fectionner encore, et sentant que les
maîtres les pins habiles pouvaient
seuls lui apprendre quelque chose ,
elle se rendit l'été suivant k Pa-
ris où elle se fil l'élève du compo-
siteur napolitain Sacchiui , qu'elle vit
en quelque sorte mourir. Revenue
en Angleterre , elle y suivit avec
le même succès la carrière dans la-
quelle elle s'était engagée : le théâ-
tre de Covent-Garden lui dut con-
stamment d'énormes recettes. Elle-
même se fût trouvée en peu de temps
fort riclie, si elle s'eut été k celte
époque aussi prodigue de guinées et
tle banknotes que prompte a les ga-
gner. Ses dépenses extravagantes ne
furent pas le seul tort qu''on lui re-
procha : elle eu eut de plus graves
encore , dans quelque sens qu'on
veuille le prendre^ avec son mari- et
la liberté de ses amours alla plus
d'une fois jusqu'au scandale. Nous de-
vons ajouter que peut-être le scandale
fut aidé, que la vérité fut exagérée
par des rivales qui , sous ce rapport
mieux que sous celui du talent et de
la célébrité , eussent pu lui disputer
la palme. Quoi qu'il en soit, mistriss
Billington se vit k peu près obligée
de quitter Londres en lyp/i-- Elle
profita de celte espèce de nécessité
pour visiter la terre classique de
19-
2iJ2
BIL
riiarmonie et des beaux-arts , llla-
lie. Son frère Charles et M. BlUing-
ion l'accompagnèrent dans ce péle-
riniige qui accrut immensément sa
réputation , et dans lequel elle re-
commença l'édifice de sa fortune.
Milan, Venise, Livourue , Gènes ,
Padoue, Florence rendirent successi-
vement hommage aux îalents de ces
touristes d'un nouveau genre 5 et pour
la première fuis on vit une Auglaise
lever au-delà des Alpes l'impôt que
depuis un siècle tant de virtuoses ul-
tramonlains ont fait payer aux rive-
rains delà Tamise. Naptes même ,
cette melropole des notabilités mu-
sicales, devint le théâtre de la gloi-
re de mistriss Billinglon. Lady Ha-
milton en prenant sa corapalriole sous
sa protection donna l'élan a toute la
ville. Elle parut k la cour avec la
trop fameuse ambassadrice : le roi et
la reine accueillirent avec le respect
le plus marqué la nouvelle regina
del canto et lui prodiguèrent des
marques de leur faveur. Les Anglais,
toujours nombreux dans cette belle
capilale, ne furent pas les derniers k
partager Tenlhousiasme général. Por-
ter aux nues la brillante sirène, dont
les excellences, les majestés avaient
recherché la familiarité, devint ])our
tout enfant des Iles-Britanniques un
acte de patriotisme eu même temps
que de bon goût ; et les lady Temple-
ton , Palmerston, Grandison , Ger-
trude \illars , en un mot tout ce qui
aimait ou feignait d'aimer les arts ,
s'eaipressèrent de suivre l'exeniple
donné par les tètes couronnées en re-
cevant a l'envi mislrissBillington. Sur
ces entrefaites elle perdit son mari ,
qui fat subitement frappé d'apoplexie.
Des bruits étranges coururent k cette
occasion , et les gazettes anglaises
allèrent jusqu'à parler de stilet, d'a-
qua-lopbana , etc. , a propos d'un
BIL
accident qui n'était ni romanesque
ni fort singulier , surtout après le
copieux dîner par lequel le virtuose
avait voulu ce jour-lk préluder a l'ap-
parition qu'il devait faire a la cour.
11 expira sur un escalier. La nou-
velle en fut d'abord cachée à sa
femme qui devait chanter le soir
même. Elle ne ressentit sans doute
point un violent chagrin de cet évé-
nement, s'il faut en juger par les
querelles domestiques qui si souvent
avaient troublé son ménage. Une
perte plus sensible pour elle fut celle
de 20,000 sequins qu'elle avait dé-
posés a la banque de \enise et qui,
vers cette époque, allèrent se per-
dre avec tant d'autres dans les caisses
publiques ou privées des Français,
maîtres de ITtalie. Au reste Tune et
l'autre perte ne lardèrent pas k être
réparées. Un des fournisseurs a la
suite de l'armée, M. de Felessenl, se
chargea de payer celte dette nationa-
le. Fort bien partagé du côté des
avantages extérieurs, il n'eut aucune
peine k faire agréer ses recherches
k la belle veuve , qui plus d'une fois
depuis déclara que sou nouveau mari
était le seul homme pour lequel elle
eut ressenti de l'amour. Leur union
fut consacrée en 1797 ; M. de Fe-
lessenl a celle occasion envoya sa
démission de la place qu'il occupait
aux armées; et tous deux allèient
passer ensemble quelque temps dans
un établissement acheté du reste des
biens de la cantatrice sur le terri-
toire de Venise. Ils vécurent ainsi
deux ans et demi, au bout desquels
sans doute cette flamme unique qui
avait décidé la grande artiste a quitter
le théâtre de son triomphe , brûla
moins vivement. Le public napolitain
et le public anglais s'étai^-nt aper-
çus de l'absence de leur favorite ;
et diverses propositions d'engagé-
BIL
menl vinrent la frouver dans sa re-
traite. Elle se décida pour l'Angle-
terre et Coveut-Garden. Malgré la
répugnance de son mari pour ce
voyage, elle repartit pour Londres,
où une pluie d'or, disait-elle, attendait
la nouvelle Danaé, tandis que lui-mê-
me eu cas de désappointement gouver-
nerait leur casino et veillerait sur les
débris de leur fortune. C'est sous ces
auspicesqu'ellereparut sur la scène de
Covent-Garden le 3 cet. 1801, dans
l'opéra A'Artaxerce. Son succès y
fut encore plus grand que lors de ses
premiers débuts. Il est vrai que le
chef-d'œuvre du docteur Arne , dans
lequel sont si savamment combi-
nées les deux manières italienne et
anglaise, était de nature a faire écla-
ter dans tout son jour la supériorité
de la cantatrice. K Dans le duetto-F'^iV
Aiirora ( Belle Aurore ) , où elle
chantait avec Inclidon , dit un des
habiles dilellanti qui l'entendirent a
cette représentation , elle franchis-
sait les passages chromatiques qui
terminent la première et la seconde
phrases avec une suavité qu'il eût été
impossible a tout autre d'égaler j
arrivée a la troisième et plus particu-
lièrement a ce vers Toru J'rotn the
idol of my hearth (l'idole de mon
cœur m'est ravie) , elle rendait ce
passage mineur avec une délicatesse
et un accent de tendre bonheur qui
faisait vibrer les nerfs k tout l'audi-
toire. Dans l'air si beau , si riche
d'accompagnements, Adieu thou lo-
vely youLh^^t était également ra-
vissante : son expression était par-
tout extrêmement juste , et ses repos
parfaitement distincts. Un autre mor-
ceau, Ifo'er the cruel tyrant^ love,
élnit pour elle la source d'un pareil
triomphe. Jamais on n'a entendu de
chant plus doux , plus expressif et en
même temps plus pur que celui de
BIL 293
notre virtuose, d'un bouta l'autre de
cet air aussi cbarmant qu'orio^inal.
Ses fioritures quoique riches étaient
irréprochables; et les notes qu'elle
ajoutait a la fin, et dans lesquelles
elle faisait avec une aisance parfaite
résonner le ré d'en haut , étaient
aussi spirituellement , aussi correcte-
ment improvisées que faites pour ex-
citer k-la-fois l'émotion et la surprise.
Dans le grand air F ailier, bro-
ther ^ lover , friend (père, frère,
amant, ami), elle accentuait chacun
de ces mots avec une énergie crois-
sante et qui allait jusqu'au sublime.
Mais c'est surtout dans le final qu'elle
déployait tout le luxe d'un gosier qui
se jouait des plus inimaginables difti-
cultés des airs de bravoure^ et dansle
The soldiertir djromwar s alarms
(Le soldat las des fatigues et des alar-
mes de la guerre), elle se surpassait
elle-même par la réunion des talents
qui font la grande actrice et la grande
cantatrice. Ceux qui avaient entendu
avec admiration (et nous sommes de
ce nombre) le même morceau chanté
par mi>s Bunt ne revenaient pas de
leur surprise, en l'entendant exécuter
avec tant de supériorité par mislriss
Billington. » Tous les rôles dans les-
quels parut depuis ce temps la célè-
bre Anglmise ou soutinrent ou aug-
meulèrent sa réputation. Jamais elle
ne donna prise par le moindre affai-
blissement a la jalousie, a la mali-
gnité qui eussentvoulu la trouver, au
moins parfois, au-dessous d'elle-même.
Quinze ans de suite , elle jouit au
plus haut degré de la faveur du pu-
blic. Telle était l'admiration univer-
selle pour sentaient, que, par une
exception unique jusque-la , deux
théâtres en même temps l'engagè-
rent, Drury-Lane et Covent-Garden.
Il ne se dunnait point sans elle de
concert dans le monde fashiouable.
ii94 BIL
Aussi en deux saisons moissonna-
t-elle plus que Ions les hommes de
génie du siècle d'or de la littérature
anglaise. Dès i8or et 1802, sou
double eno-ageraent lui valut dix mille
livres sterling (deux cent cinquante
mille francs) 5 et toutes les autres an-
nées lui furent aussi profitables ,
sans compter les gratifications, bé-
néfices , etc. Instruite par l'expé-
rience , dans cette troisième période
de sa vie où elle créait pour la troi-
sième fois sa fortune , elle mit de l'é-
conomie dans ses dépenses, et cha-
que année plaça des sommes consi-
dérables. On a calculé que sa fortune
en 18 16 montait k soixante-cinq
mille livres sterling (un million six
cent vingt-cinq mille francs ). Ces
soins prudents ne l'empêchaient pas
de tenir splendidement sa maison.
Sa charmante résidence dans le
voisinage de Hammersmith eut fait
envie à une princesse 5 et des princes
en effet , des lords , des dames de la
plus haute noblesse, des notabilités
de tous les genres se faisaient hon-
neur d'y être admis : la brillaient
dans l'architecture , les décors , l'a-
meublement, l'élégance italienne , l'o-
pulence britannique; la se donnaient
rendez-vous tous les beaux-arts, mais
c'est toujours la musique qui était le
centre et l'àme de ces réunions. Les
concerts gratuits de mistriss Billing-
ton avaient peut-être encore plus de
vogue que ceux où elle paraissait en
public au milieu des cercles payants
et auxquels elle devait en partie
sa haute existence 5 mais il n'était
pas aussi facile d'y être admis. Au
reste, la vie que l'illustre cantatrice
menait a la ville et a la villa était ,
il faut le dire, moins édifiante que
brillante : parmi ses visiteurs plus
d'un avait passé de l'admiration de
sa voix a celle de ses charmes, sans
BIL
trouver chez elle plus de s^v^rité que
SCS anciens adorateurs; et si, dansl'é-
uumération de ses revenus, nous n'a-
vons compris que ceux qu'elle devait
a ses talents, ce n'est pas que ceux-là
seuls figurassent sur le livre de ses
recettes. Cependant ses charmes n'é-
taient point inaltérables comme sa
voix : a vrai dire même, si notre hé-
roïne avait été gracieuse et charman-
te dans sa jeunesse , l'approche de
l'âge mûr lui avait donné quelque
chose de masculin et de robuste qui
ne pouvait plaire qu'a des yeux fort
prévenus en sa faveur. Probablement
on commençait a s'en apercevoir
plus généralement qu'elle ne l'eût
souhaiié , lorsqu'en 1817 M. de Fe-
lessent , que la guerre avec l'Angle-
terre n'avait sans doute pas seule
empêché de franchir les distances qui
le séparaient de sa femme , parut
inopinément, dit-on, a Londres et
fut reçu a bras ouverts. Il fut décidé
que l'on prendrait a l'instant la route
du continent 5 l'argenterie , les joyaux
furent emballés : on franchit le pas
de Calais , on traverse la France , on
Tole vers l'Adriatique. L'intention des
deux époux était d'abord de rendre
visite a leur maisonnette de Venise
pour eux si fertile en souvenirs , puis
de se rendre a Rome , et enfin de se
fixer alNaples. Mais la mort vint met-
tre un terme aux voyages de mistriss
Billington : elle expira le 2.5 août
1818, frappée d'apoplexie, comme
son premier mari. Elle ne laissait
point d'enfants, et M. de Felessenl
hérita de la plus grande partie de
ses biens. Un fils et une fille qu'elle
avait adoptés , h. deux époques diffé-
rentes de sa vie, avaient reçu par ses
soins une excellente éducation. La
dernière était près d'elle lorsqu'elle
mourut. La sollicitude et les soins
dont mistriss Billington entoura cette
BIL
jeune personne prouvent qu'elle eu télé
une excellente mère. Elle se montra
de même fille tendre et affectueuse.
Son père, pauvre et infirme, trouva
chez elle tous les avantages d'une
vie tranquille et confortable. Ces
qualités demandent grâce pour le
reste. Il existe un beau portrait de
mistriss Billington eu sainte Cécile,
par sir Jobliua Reynoids : il a été
gravé par Ward qui a rendu avec
une fidélité spirituelle toutes les beau-
tés de l'original. P — or.
BILL U ART (Charles-Rexe),
naquit le i8 janv. 1 685, hRevin, sur
les bords de la Meuse, dans le dio-
cèse de Liège. Après 'avoir fait ses
humanités h Charleville, sous les jé-
suites , il fit profession chez les do-
minicains en 1702, et fut en 1710
nommé professeur de philosophie au
collège de Saint-Thomas de Douai.
Il était en 171 5 maître des étudiants
de ce collège, lorsqu'il mit au jour
son premier ouvrage. Il prècba , en
17 18 et I 719 , avec tant de succès
a Liège, que le comte de Tilly, (-ui
commandait la cavalerie des Provin-
ces-Unies , voulut l'entendre à Maes-
tricht , dont il était gouverneur.
Prieur du couvent de Reviu en 1 7 2 i ,
BiUuart était devenu en 1725' pre-
mier professeur du collège de Douai,
loi'squ'à la fin de 1728 il fut élu
provincial de la province de Sainte-
Piose. Il fjit en 1733 élu prieur de
sa maison professe, après avoir en-
core signalé ses talents pour la pré-
dication. BiUuart mourut dans son
couvent de Revin le 2 i janvier 1707.
Ses ouvrages , fort nombreux , et dont
on trouve la liste raisonnée dans la
Biographie avdennaise, par l'ab-
bé Douillot, annoncent qu'il était
très-savant en théologie et que sa
- dialectique ne manquait ni d'adresse
ui de vigueur. Voici les titres des
BIL
3^5
plus importants : I. T)e mente
ecçlesiœ catholicœ circa acci-
dentia euchnristiœ , contra D .
Lengrand , lÀhge , I7i5, iu-12.
IL Le Thomisme vengé de sa pré-
tendue conilamnation par la con-
stitution Lnigenitus, i72o,in-i2.
m. Lettre du R. P. BiUuart aux
docteurs de laj'aculté de théologie
de Douai , ijzd , in-4.°. IV. Exa-
men critique des réflexions, qu'a-
vait faites un moliniste, sur le bref
Demissas preces, 1725, in- 4.°. V.
Le Thomisme triomphant, etc.\I.
jiéponse de l'auteur du Tliomisme
triomphant à M. Stievenard, cha-
noine de Cambrai, au sujet de son
Apologie pour M. deFéuelon. Deux
autres brochures sur le même sujet
suivirent cette Réponse , à laquelle
Stievenard ne manqua pas de répli-
quer. VII. Summa S . Thomœ ho-
diernis academiarum moribus ac-
commodata, sii'e Cursus theologlœ
juxta mentem D. Thomœ, Liège,
1 74-6-5 1 , 29 vol. in-8°. Ce cours
de théologie, qui jouit d'une grande
réputation dans les écoles , a été
réimprimé a Venise , puis k ^Vurtz-
bourg, 3 vol. in-fol., L'auteur en a
donné V abrégé , Liège , 1754, 6
vol. in-S'^. D — B — s.
B1LLY(Nigolas-Aktoi>"eLab-
EEY de), littérateur, naquit en 1755
k Vesoul, d'une famille honorable et
qui a produit plusieurs hommes de
mérite (/^ojK« Labbet, XXIII, 17).
La nature avait doué le jeune Billy
des plus heureuses dispositions 5 mais
la liberté que ses parents lui laissè-
rent de choisir un état , l'erapècha
long-temps de connaître sa véritable
vocation. Admis k quinze ans daus
l'école de génie , il ne tarda pas k se
lasser de la discipline militaire , et
en 1770 il quitta Metz pour venir k
Besancon commencer l'étude de la
495 BIL
théologie. Les difficultés que lui pré-
senta cette science, et peut-être aussi
la sévérité de ses maîtres, le rebutè-
rent Lienlôi, et dès l'année suivante
il abandonna la théologie pour le
droit. S'étant fait recevoir avocat ,
il retourna dans sa ville nalale avec
l'intention d'y fréquenter le barreau 5
mais, changeant encore une fois d'idée,
il reprit Télude de la théologie , alla
continuer ses cours à Paris, au sémi-
naire de Saint-Sulpice , et revint eu
1782 k Besançon subir ses examens
et recevoir les ordres sacrés. Il re-
tourna la même année k Paris; et,
s'étant fait agréger a la communauté
des prêtres de Saint-Roch, il ne tarda
pas a se distinguer par son talent
pour la prédication. L'éclat de ses
débuis lui mérita l'amitié de l'abbé
Taîbert ( Voy. ce nom , XLIV,
409), qui le désigna sou coadjuteur
au chapitre de Besançon; et, peu de
temps après, l'évèque de Langres ,
M. de La Luzerne , le nomma son
grand-vicaire. Il conlinua cependant
d'habiter Paris . au moins une partie
de l'année; et, s'élaut fait connaître
de plus en plus, il eut, eu 1786 ,
l'honneur de prêcher k Versailles
devant la famille rovale. Il ne vit
d'abord dans la révolulion que la ré-
forme des abus qu'il désirait avec
autant d'ardeur que s'il n'en eût pas
profité. Ces principes le firent élire
en 1790 membre de la municipalité
de Besançon; mais il s'excusa d'ac-
cepter sur l'incompatibilité qu'il
trouvait entre le sacerdoce et toute
magistrature civile. Le discours qu'il
prononça l'anne'e suivante pour la
bénédiction des drapeaux de la garde
nationale accrut sa populaiité : peu
s'en fallut qu'on ne l'ealevât de .'■a
chaire pour le porter en triomphe
daus les rues, et il eut beaucoup de
peine k se préserver de cette lurbu-
BlL
lente ovation. Cependant les événe-
ments se succédaient avec une rapi-
dité qu'il n'avait pu prévoir. Bientôt
arriva le décret relatif au serment
des ecclésiastiques. L'abbé de Billy
refusa de le prêter, et rejoignit a
Lintz l'évèque de Langres, qui Tavait
précédé dans l'exil. Des éludes sé-
rieuses en adoucirent l'amertume. Il
parcourut l'Allemagne et l'Italie en
homme curieux de s'instruire. Plus
tard il vint k Florence avec le comte
d'Aubusson de La Fcuillade , lors-
que ce dernier fut nommé ministre
plénipotentiaire de Napoléon près
de lareined'Etrurie. M. d'Aubusson,
charmé de son esprit et de ses ma-
nières, lui confia l'éducation de ses
enfants. Pendant son séjour k Flo-
rence, il s'acquit l'estime des littéra-
teurs et des savanis (i) , et parvint a
former une collection nombreuse de
livres rares et précieux. Dès qu'il lui
fut permis de revoir sa patrie , il se
hâta d'y rentrer, rapportant avec lui
les trésors littéraires qu'il avait amas-
sés dans ses voyages , et qu'il ne cessa
depuis d'augmenter, malgré la médio-
crité de lafortunequ'il avaitreirouvée
en France. 11 fut , en 1809, nommé
professeur d'histoire a la faculté de
Besançon; mais ses infirmilés préco-
ces l'obligèrent bientôt k se faire
suppléer dans son cours. Le rapide
affaiblissement de ses forces ne l'em-
pêcha pas de continuer a parlager
son temps entre la culture des lettres
et les soins qu'exigeait sa belle bi-
bliothèque. Ce fut dans ces douces
occupations qu'il termina sa vie a
Besançon le 21 mai 1825, k l'âge de
72 ans. Il avait d'abord légué sa bi-
bliothèque a l'universilé ; mais il re-
(i) Cependant on lui reproihe d'avoir con-
Itiljué à répandre des hrujis eiitir'rcincnt faux
eonlre une des personnes les jilns estimables
attachées à la li'gatioii , dans la vue de faire
donner la place à un de -e^ parrnis. /.
BIL
vînt sur cet acte de générosité 5 et,
ayant trouvé le moyen de la retirer
du bâtiment où elle était déjà pla-
cée, il la partagea entre ses héri-
tiers : on sait que cette collection
précieuse est maintenant perdue pour
le public. L'abbé de Billv était mem-
bre de la société Colombaire de Flo-
rence , et de plusieurs autres acadé-
mies d'Italie. Outre une éditiou de
\' Histoire de P. (V Auhusson, aug-
mentée de notices sur quelcjues-uns
des personnages de cette maison
(J oy. BouHOURS,V, 509), et plu-
sieur Discours dans les recueils de
l'académie de Besancon , on a de
Billy : I. Histoire de l'université
du comté de Bourgogne , et des
différents sujets qui l'ont honorée^
Besançon, i8i4, 2 vol. in-4-"- Cet
ouvrage , rempli de recherches , a été
composé sur les Mémoires de Dunod
{^Poy. ce nom, XII, 246). Fondée
en 1424 par Philippe-le-Bon, duc
de Bourgogne , celte université fut
transférée en 1691 de Dole a Besan-
con , où elle s'est soutenue avec éclat
jusqu"a sa suppression , en 1792.
Les deux volumes publiés par l'abbé
de Billy contiennent l'iiistoire de cet
établissement depuis son origine, ses
divers statuts et règlements , et des
notices historiques et généalogiques
sur ses officiers et ses recteurs. Le
troisième volume devait renfermer
la biographie des professeurs , dont
plusieurs se sont fait une réputation,
mais il n'a point paru. On trouve en
outre dans ces deux volumes plusieurs
pièces intéressantes pour l'histoire
du comté de Bourgogne. A la fin du
premier on remarque la Correspon-
dance de Cundé avec Louvois et le
parlement de Dole, pendant l'occupa-
tion de cette province par les Fran-
çais, en i668- et dans le second,
p. 1^9, un Etat des fiefs en i6i4j
BIL 297
avec l'indication de leurs revenus. II.
Sermons , ibid., 18 17, in -8°. Com-
posés dans l'exil, ces sermons n'ont
point été prononcés. Ils sont écrits
avec élégance, et la morale en est
pure; mais on n'y trouve point ces
traits d'éloquence qui distinguent les
productions des grands orateurs
chrétiens. W — s.
BILON (Hippoltte), médecin,
secrétaire de la faculté des sciences
et professeur de sciences physiques 'a
l'académiede Grenoble, né dans celte
ville en 1780, y mourut le 29 octo»
bre i824. Digne élève de Bicliat,
saisissant avec une admirable perspi-
cacité les points les plus difficiles et
les plus contestables des nouvelles
théories médicales qui commençaient
k s'introduire dans le monde >avant ,
Bi'on quitta les bancs de l'école pour
annoncer a ses concltuyens la parole
du maître qu'd avait entendu. Il le
fît avec succcsi^ son éloquence facile,
la nouveauté de sa doctrine lui atti-
rèrent un auditoire nombreux, et la
réputation du jeune Bilon s'était déjà
propagée jusqu'à Montpellier lorsqu'il
vint y soutenir, pour arriver au doc-
torat, une thèse brillant e sur l'ensem-
ble de la médecine. Le sanctuaire
de la vieille école s'émut en enten-
dant professer des principes qui n'é-
taient pas les siens ; car Bilon fut
nn des premiers élèves sortis de
son sein qui cherchèrent a y intro-
duire les nouvelles doctrines. Pxe_
venu k Grenoble . le jeune docteur se
fit une double réputation, et comme
praticien et comme professeur de
physique k la faculté des sciences.
En 1812, il épousa la fille du célè-
bre Antoine Petit , médecin lyonnais
d'un rare mérite. Celte alliance ne fit
qu'animer son ardeur pour l'étude ,
tant il désirait se montrer digne du
père qui l'avait adopté' mais les
agS BIN
veilles de Bilon abrégèrent ses jours,
et il mourut, k kk- ans, d'une affection
pulmonaire. On lui doit : I. Disser-
tation sur la douleur^ Paris i8o3,
in-4° , opuscule remarquable par les
considérations neuves qui s'y trouvent
développées. II. Un Eloge histori-
que de Bichat , 1802 , in-8°. III.
Plusieurs articles insérés dans le
Dictionnaire des sciences mé-
dicales, ainsi que différents Mé-
moires ^Dissertations ou Rapports
lus aux sociétés des sciences et de mé-
decine de Grenoble dont il faisait
partie. Il a laissé manuscrits : des
Essais sur l'influences des passions
dans la production des maladies,
et sur l'amour considéré pliysio-
logiquement. B — jr.
BIXET (François-Isidore), né
a Niort en 1620, entra dans l'ordre
des capucins, et fut successivement
provincial de la province de Tou-
raine et gardien du couvent de Poi-
tiers. Plein d'instruction, doué d'une
grande mémoire et d'un organe très-
agréable , ii se fit remarquer comme
un liabile prédicateur , et parcourut
les provinces voisines du Poitou , s'ef-
forcant d'appeler a lui les chrétiens
séparés de l'église romaine. Il com-
posa un livre , écrit avec mélliode ,
qui a eu plusieurs éditions , sous
ce titre : Le Missionnaire con-
troversiste , ou Cours entier de
co7itroverses , Poitiers, 1686 et
années suivantes. Binet mourut k
Poitiers, dans un âge avancé, vers
la fin du XYIP siècle. — Binet
[Isidore) , neveu du précédent , né
aussi k Niort , entra dans le même
ordre et fut deux fois provincial.
C'était un religieux instruit, éloquent,
de mœurs douces et d'une piété fa-
cile. Il fut appelé par plusieurs évè-
ques pour prêcher le Carême ou l'A-
vent, et se rendit a Rome, comme
BIN
rédicateur du chapitre général de
'ordre. Il avait écrit son voyage d'I-
talie, destiné surtout a relever les er-
reurs et les fausses allégations de Mis-
son et Jouneau. Desloges , qui l'avait
lu , prétend qu'il contenait des cho-
ses excellentes. Mais avant de mourir
Binet exigea qu'on brûlât son manu-
scrit. Il mourut a Poitiers en lyy/i, k
l'âge de 8 i ans. — Binet {Benjamin)
est auteur d'une Histoire des dieux
et des démons du paganisme, Delft,
1696, in-i2. C'est une des critiques
du livre de Ballhazar Bekker, intitulé
le Monde enclianté, et la seule en
français : on la joint toujours au livre
de Bekker [Voy. ce nom , IV , 72).
F — T — E.
BIXET (René), traducteur de
Virgile, naquit le 2 3 janvier 1732
k Kotre-Dame-du-Thil , près de
Beauvais , d'une famille de simples
cultivateurs. Après avoir achevé ses
études avec succès au collège de
Sainte-Barbe, déjk l'un des meilleurs
de Paris , il entra dans la carrière de
l'enseignement. Nommé professeur a
l'école militaire et ensuite au collège
de Plessis , il y enseignait la rhéto-
rique lors de la suppression de cet
établissement , en 1792. A celte
époque il remplissait les fondions
de recteur de l'aucienne université ;
son nom ferme ainsi la liste honorée
par ceux des Rollin, des Hersant et
de tant d'autres hommes d'un rare
mérite. Sa position le força d'accep-
ter, k la création des écoles centra-
les, l'humble place de professeur de
grammaire latine k l'école du Pan-
théon. Plus tard il fut nommé pro-
viseur du lycée qui prit le nom de
Bonaparte. Dans les courts loisirs
que lui laissaient ses pénibles fonc-
tions , il s'était occupé a faire passer
dans notre langue quelques-uns des
chefs-d'œuvre de la littérature latine j
Blîf
et, malgré les défauts qu'on peut
leur reprocher, sesversiouscrHorace
et de Virgile lui assureut un rang
distingué parmi les traducteurs fran-
çais (i). Sur la fin de sa vieil travaillait
encore à revoir des ouvrages élémen-
taires, dont il soignait les éditions. Il
mourut à Paris le 3 1 octobre 1 8 1 2,
à 80 ans. Ses nombreux élèves, dont
plusieurs avaient dans les lettres une
grande réputation , accompagnèrent
ses restes au cimetière Montmartre ,
oii deux d'entre eux , M. Legrand ,
alors censeur du même lycée , et le
respectable Boulard {P^oy. ci-après,
Ant.-JMar. -Henri Boulard), pro-
noncèrent des discours qui ont été im-
primés. Avant de se séparer, ils ouvri-
rent une souscription pour ériger a la
mémoire de leur maître un monu-
ment , que décora d'une belle épita-
phe latine Leraaire {V^oy. Lemaire
ÇSicoIas-Eloi), auSupp.).Un autre
élève deBinet, Dussault, caractérise
ainsi cet excellent professeur : a Ce qui
« le distinguait dans sa classe, c'était
a un sentiment parfait des convenan-
« ces et une critique très-judicieuse.
a II avait beaucoup de goiîl , mais
« peu de talent 5 il écrivait avec sa-
« gesse et avec pureté , mais il man-
te quait de chaleur » {Annales litté-
raires, lY, 558). Outre une traduc-
tion de l'allemand de l'ouvrage de
Weiners , Histoire de la décadence
des mceurs chez les Romains^ et de
ses effets dans les derniers temps
de la république^ Paris, lycjS ,
in-8°, on a de Binet les traductions
suivantes : 1° OEuvres d'Horace,
avec le texte en regard, Paris, 1780,
(i) Sa traduction tle Virgile n'est guère qu'une
révision soignée de la version dite des quatre
professeurs. On raconte que, tons les soirs, Binet
lisait à sa femme et à sa servante son travail
de la journée; qu'il demandait à son auditoire
femelle s'il était content. — Oui , répondait-il.
»— St moi aussi ; allons nout cout/ttr.
BIN
^99
2Vol. in-i2; sixième édition, 1827.
Cette version est élégante et fidèle.
Binet, dans la préface, prouve sans
peine que la traduction en prose a
sur la traduction en vers l'avantage
de pouvoir rendre l'original avec plus
de fidélité ; mais sa fidélité scrupu-
leuse a ne le conduit que trop sou-
te vent à éteindre un mouvement heu-
<t reux et rapide dans une phrase
<t molle et traînante 3> {Préface de
la "traduction d'Horace par MM.
Campenon et Després ). 2° T^alère^
Maxime, ibid. , 1796, 3 vol.
in-8''. 3" OE livres de p^irgile, ib.,
i8o5 , 4- vol. in - I 2 ; cinquième
édition, i833. Toute faible de style
qu'elle est, c'était encore la meil-
leure traduction en prose que nous
eussions de ce grand poète, lorsque
les deux premiers volume de l'Enéide,
traduite par M. Yillenave , ont été
publiés dans la Bibliothèque latine-
francaise ^ dont 31. Pauckoucke est
l'éditeur. 4-° Oraisons de Cicéron.
Cette traduction , terminée avant
1796, était restée inédite. Revue par
Lemaire, elle a été imprimée dans
la collection des OEuvres de Cicé-
ron, Paris, Fournier, i8i6 , in-8",
3i vol. W — s.
BIXG (Isaïe-Beef.) , homme de
lettres, né a Metz en 1769, d'une
famille juive , fut le premier en
France qui, entraîné par la haute
philosophie de Mendelsohn , s'élança
vers les voies nouvelles ouvertes par
le rabbin berlinois. Bing avait passé
une grande partie de sa jeunesse à
étudier la langue hébraïque et la
théologie juive. A vingt-cinq ans il
traduisit en hébreu l'ouvrage de Meu-
delsohn intitulé Phédon., ou Traité
sur l'immortalité de l'âme, et de-
vint de la sorte, pour toute sa nation,
l'interprète du théisme autour du-
quel on voulait grouper les dogmes
3oo BIN
des enfants d'Israël. Ce Juif fran-
çais , se pliant bientôt à un nouveau
langage qui, sans lui élre aussi fa-
milier que le premier, devait se prê-
ter sous sa plume à toute Télégance
dont il est susceptible , plaida la
cause de sa nation outragée dans la
brochure suivante : Lettre du Sr
I.-B. i>., Juif de 3Ietz, à l'auteur
anonyme d'un écrit intitulé : Le
cri du citoyen contre les Juifs,
Metz, 1787, in-8° de 57pp. Ils'agis-
sait de venger l'humanité dans la per-
sonne des Juifs, et de faire triompher
leur cause en prenant pour guide
l'histoire éclairée par la raison. Bing
y réussit au-delà de ses espérances.
Les al laques maladroites, lescalomnies
irréfléchies d'Aubert-Dubayet tombè-
rent à la voix d'Isaïe-Beer Bing, et sa
brochure eut un long retentissement
a une époque où les faits politiques
paraissaient devoir seuls intéresser.
Mirabeau parla de la lettre du Juif
de Metz dans sa 31onarchie prus-
sienne; il en cita les principaux pas-
sages, et annonça Bing comme devant
faire la gloire de sa nation. Il habi-
tait alors loin de la capitale où il n'é-
tait pas encore venu , et Mirabeau
ne le vit jamais. Ce fut après ce suc-
cès que le jeune Bing se lia d'amitié
avec le fameux Grégoire , qui venait
d'être couronné par l'académie de
Metz pour avoir exposé les moyens de
régénérer les Juifs. A la même épo-
que Bing se lia aussi avec le général
La Fayette dont l'armée occupait la
plaine de Melz , ainsi qu'avec Rœderer
et Emmery. Devenu conseiller mu-
nicipal , il se fit estimer par sa justice
et sa modération; mais son peu de for-
lunel'obligeade quitter un poste pure-
ment honorifique pour se rendre à
Paris où il espérait subvenir aux be-
soins de sa famille. Ainsi finit la car-
rière littéraire de Bing , l'un des
BIN
homraesdusièclequi pouvaient préten-
dre le plus facilement aux avanta-
ges de la renommée, a S'il n'éclai-
cc ra plus ses co-religionnaires par
ce des écrits, dit une de ses Biogra-
« phies,son exemple fut une leçon vi-
ce vante pour ceux qui voulaient je-
cc ter quelques regards sur le specta-
cc cle qu'il offrait au milieu des siens :
ce il excitait l'émulation par sa con-
cc sidéralion et ses lumières; on
ce aimait son cœur , sa charité et
ce ses vertus. 3> Bing était adminis-
trateur-général des salines de l'Est,
lorsqu'il mourut a Paris le 21 juillet
i8o5. D'illustres contemporains ont
déploré sa perle prématurée, et tous
les Juifs de la capitale ont accompa-
gné son convoi funèbre, La Décade
...
philosophique contient plusieurs
morceaux littéraires de sa composi-
tion , entre autres la traduction d'un
long fragment de Nathan-le-Sage ,
composition dramatique de Lessing.
Sa Lettre â Aubert-Dubayet eut
après sa mort une seconde édition ,
précédée d'une notice biographique ;
in-8° , 34 pp. B — N.
BlXGtiEY , un des plus célè-
bres acleurs du INord , naquit a
Rotterdam en 1755 , de parents an-
glais nouvellement établis dans le
pays. Destiné au commerce, lorsqu'il
eut fini ses études il fut mis dans
un comptoir. Mais déjà sa vocation
théâtrale s'était déclarée. H passait
au spectacle la plus grande partie du
temps dont il pouvait disposer; bien-
tôt, malgré l'aisance de ses parents
et la facile carrière que semblaient
lui promettre leurs antécédents, il
se lit acteur a dix-huit ans. L'estima-
ble Corvcr, delà troupe dramatique
duquel il fit d'abord partie , lui donna
les premières leçons de l'art scénlque.
A vingt-quatre ans , il vint faire ses
débuts au grand théâtre d'Amster-
BIN
dam : il y fut d'abord assez désa-
gréablement reçu , non que Ton trou-
vât à redire a son jeu , mais à cause
de son orijiiae anglaise. Il faut dire
qu'à cette époque Texaltaliou de la
plèbe hollandaise contre les Anglais ,
a la suite de la saisie faite par ceux-
ci. préalablement a toute déclaration
de guerre , de tout navire sous pa-
villon hollandais, était a son apogée.
Bingley eut besoin de tout son talent
pour lutter contre ces fàclieux pré-
jugés. Enfin l'éclat avec lequel il
remplit le rôle d'Achille, dans une
tragédie de ce nom , triompha d'une
prévention aussi absurde que peu pa-
triotique 5 et dès ce moment il de-
meura le favori du public , qui sut
rendre justice aussi bien à ses heu-
reuses dispositions dramatiques qu'aux
études profondes par lesquelles il les
avait développées. Les talents de cet
artiste étaient très-variés. Quoique
la tragédie ait toujours été sa spé-
cialité principale , il eut des succès
dans plusieurs rôles comiques , que
souvent il créa. Il po?sédait et pro-
nonçait la langue française si par-
faitement que , lorsque les artistes
les plus illustres de notre théâtre ap-
paraissaient en Hollande , il se mon-
trait k leur côté sur la scène, tant à
La Haye que dans Amsterdam , sans
être effacé par eux. C'est ainsi qu'en
181 1 , particulièrement , il remplit
avec le plus grand succès , sur le
théâtre français d'Amsterdam , les
rôles de Philoctète et du rci Léar.
Les Anglais , énergiques admirateurs
de sa manière , le qualifièrent de
Garrick hollandais. Bingley se mit
en 1796 a la tète d'fiie compagnie
théâtrale, qui jouait le plus souvent
sur les théâtres d'Amsterdam et de
La Haye , mai-> qui , pendant une
partie de Tannée , parcourait les
autres villes de la Hollande. l\ n'en
BIN
3oi
était pas moins prêt , toutes les fois
qu'il eu était requis, a jouer sur le
théâtre principal d'Amsterdam , les
rôles que lui seul pouvait remplir.
Une de ses dernières représentations
fut celle qu'il donna en 181H , de-
vant la fiimille rovale, avec la gran-
de actrice Ziesenis : la pièce jouée
à cette occasion était la Marie de
Lalain , oîi Bingley remplissait le
rôle de Farnèse. H mourut la même
année a La Hâve. P — ot.
BIXGLEY (William), né dans
le comté d'Yorck , resta orphelin
en bas âge. Ses tuteurs le destinaient
au barreau, et il commença l'étude
des lois. Mais préférant bientôt la
carrière ecclésiastique , il se rendit
au collège de Saint-Pierre à Cam-
bridge , et y prit ses degrés vers
les premières années du dix-neuviè-
me siècle. C'est a l'époque de son
baccalauréat qu'il publia son pre-
mier ouvrage sous le titre de T^oya-
ge dans le nord du pays de Gal-
les pendant l'été de j 798 , 2 vol.
in-8°, 1800. Ce travail résulta de
deux excursions qu'il fit au pays
de Galles, tandis qu'il étudiait k
Cambridge, eut du succès. H donna
ensuite sa Biographie animale, ou
Anecdotes sur la vie, les mœurs et
l'économie du règne animal ^ 1802,
3 vol.iu-8°. Cette compilation, dont
le litre indique assez le sujet, eut
beaucoup de succès tant en Angleterre
qu'à l'étranger. Elle fut réimprimée
plusieurs fois (4. " édition , 18 i3), et
eut los honneurs de la traduction en
allemand et en français. Ou a encore
dthu : L Economie de la vie chré-
tienne , 1808, 2 vol. in-i2. IL
I\Jémoires sur les quadrupèdes de
la Grande-Bretagne, i 8o9,in-8°.
\\\. Dictionnaire biographique des
compositeurs de musique des trois
derniers siècles, i8i3, 2 vol. in-
3o&
BIN
8°. Il avait composé une Histoire
du comté de Hamp ; mus tWc n'a
pas été publiée. W . Bingley mou-
rut a Bloomsbury , le 1 1 février
1823. P_-OT.
BIXOS (l'abbé de), voyageur ,
était ué vers 1 7 3 0 , a Saint-Bertrand
de Comminges , d'une ancienne et
noble famille du comté de Foix. Il
embrassa l'état ecclésiastique et fut
pourvu d'un canonicat de la callié-
drale de Coraminges. Naturellement
curieux , et jouissant d'une fortune
assez considérable , il résolut de satis-
faire son goût pour lesvoyages elpour
la dévotion, en visitant les lieux oîi se
sont accomplis les mystères de notre
foi. Parti de Saint-Berlrand le 26
octobre 1776, il alla s'embarquer k
Marseille. Le vaisseau qu'il moulait
fut , en sortant du port, accueilli par
une tempête qui le força d'y ren-
trer : il ne perdit pas courage, et
dès le lendemain il eu prit un autre fré-
té pour Aucune ; mais avant d'arri-
ver k sa destination, il fut encore
contraint par le mauvais temps de
relâcher a Céphalonie, Arrivé en
Italie , il visita la Santa Casa, Ro-
me et Florence, et se rendit k Venise
où il s'embarqua pour Alexandrie. Il
parcourut l'Egypte, examina les py-
ramides avec soin , et lit des recher-
ches sur les momies ainsi que sur la
manière d'embaumer des anciens. De
Damietle il se rendit k Sidon et au
mont Liban. Il avait eu la précau-
tion de prendre le costume d'un
prêtre arménien, et il traita pour
une faible somme avec un chef
arabe qui se chargeait de le conduire
dans la Palestine 5 mais son guide
l'abandonna dans le chemin , et il
continua seul la route sans accident.
Au mois de décembre 1777, il quitta
Jérusalem pour reveuir eu Italie où
il passa près d'uu au. Il vil ensuite
BIO
la Carinthie , la Styrie et poussa jus-
qu'k Vienne. Enfin, après une absence
de trois années, il revint a Saint-
Bertrand , riche d'une foule d'obser-
vations que ses amis l'engagèrent k
publier. A la révolution, l'abbé de
Binos, élu curé de sa ville natale,
remplit avec zèle les nouveaux de-
voirs qui lui étaient imposés et mou-
rut en i8o5 a 74 ans. ail réunissait,
dit M. du Mège , h beaucoup d'in-
struction une piété solide et une
touchante bonté. J'ai été témoin de
la douleur qu'excita sa mort, et je l'ai
partagée » {Bihlioth. toulousaine^
I, 65). On a de l'abbé de Binos :
Voyage pur l'Italie en Egypte ,
au mont Liban et en Palestine ,
Paris, 1786, 2 vol. in-i2 , fig. Ce
voyage, dédié k Madame Elisabeth,
est écrit d'un style agréable et plein
de détails curieux. 11 a été traduit en
allemand , Breslau , 1787 , in-8°.
L'auteur promettait la continuation
^ui n'a point paru. W — s.
BION (Nicolas) , cosmographe
et marchand de globes et de sphè-
res , était né vers le milieu du dix-
septième siècle. Joignant k la pra-
tique la théorie de son art , il
publia plusieurs ouvrages estima-
bles, et reçut le titre d'ingénieur du
roi pour les instruments de mallié-
matiques. Il mourut a Paris eni753,
âgé de plus de quatre-vingts ans ,
laissant un fils qui a continué son
commerce. On a de lui : I. Usage
des globes céleste et terrestre et
des sphères , suivant les différents
systèmes du monde , imprimé pour
la première fois en 1699. Cet ou-
vrage fut amélioré successivement
par l'auteur ; l'édition la plus ample
est celle de Paris, 1761 iu-8°, lig.
C'est, dit Lalande , le livre le plus
élémentaire et le plus clair qu'il y
ail en français pour les premiers priu-
BIO
cipes de l'aslronomie : il était ques-
tion de le réimprimer en 1779
( Voy. la Bibliograph. astrono-
miq., 336). Il a été traduit en al-
lemand par Ch.-Phil. Berger, Lem-
gow, 1736, in-8°.II. Traité de la
construction et des principaux
usages des instruments de mathé-
matiques^ Paris, i752,in-4^° (cette
édition est la meilleure et la plus
complète). Il a été trad. en allemand
par J.-Gabr. Doppelmayer, Leip-
zig, 1715 ; Nuremberg, 1721 ,
in-4.** ; et en anglais par Stone, avec
des augmentations utiles, Londres ,
1723 et 1738 , iu-fol. Bion , dans
la préface de Fédition de 1726 ,
nomme parmi les personnes qui l'ont
aidé de leurs conseils, Lahire, Cas-
siui et Delisle le cadet. Cependant
on l'accuse dans le Journal des Sa-
vants (1726, p. 480) d'avoir copié
de longs passages des Expériences
de physique , imprimées en i y 1 8 ,
sans indiquer la source a laquelle il
avait puisé. L'auteur des JSouvel-
les de la république des lettres
( Jacq. Bernard) lui avait reproché d'a-
voir inséré dans son livre de Y Usage
des globes, etc. , le Traité de cos-
mographie de Pierre Courtin, sans
le nommer (Yoy. ce journal, 1700,
tom. II, 548). III. Description et
usage d'un planisphère nouvelle-
ment construit, V avis, I727^in-i2.
Le portrait de Bion a été gravé in-^".
On lit au bas ce vers tiré des Fastes
d'Ovide :
Admovct ilte oculis distantia sidéra nostris ,
que le poète Roy a traduit avec au-
tant de fidélité que de précision par
celui-ci :
Les astres par sou art s'approchent de nos yeux.
Le Dictionnaire des Artistes par
Foutenai contient une notice sur
Biou , qu'on aurait pu rendre facile-
ment plus complète. W — s.
BIO
3o5
BIOX (Jean), ministre de l'é-
glise anglicane , moins connu par
ses propres ouvrages que par ses
traductions, naqultkDijon en 1668.
Ayant embrassé l'état ecclésiastique,
il fut pourvu de la cure d'Ursy , vil-
lage k peu de distance de la capitale
de la Bourgogne- mais, ennuyé bien-
tôt de cette vie paisible , il sollicita
son changement, et, par le crédit de
ses protecteurs, il oblint la place
d'aumônier sur la galère la Su-
perbe , qui servait de prison aux
protestants. La patience et la ré-
signation de ces malheureux le tou-
chèrent 5 et il ne tarda pas a par-
tager les croyances de ceux qu'il
était chargé de convertir. S'étanl dé-
mis de sou emploi, Bion se retira vers
1704. a Genève oîi il embrassa le
calvinisme. Il passa depuis en An-
gleterre ; et , après y avoir rempli
quelque temps les fonctions de rec-
teur d'une école , il fut fait chapelain
d'une église anglaise en Hollande.
Bion vivait encore en 1731 , mais on
ignore la date de sa mort. On cite de
lui : I. Relation des tourments
que ton fait souffrir aux protes-
tants qui sont sur les galères de
France, Londres, 1708 (Voy. les
Nouvelles de la république des
lettres, par Jacq. Bernard, octobre,
469); Amsterdam, 1709, 1q-8°(/^.
Barbier, Examen critiq. des dic-
tionn., 1 13 ). Cet ouvrage est si ra-
re qu'il n'existe dans aucune des bi-
bliothèques de Paris. En 1725 l'au-
teur en annonçait une édition très-
augmentée 5 mais elle n'a point paru.
IL Essais sur la Providence et sur
la possibilité de la résurrection,
trad. de l'anglais du docteur B-..,
La Haye, 17 19, in-125 Amslerd.,
1731 et l'j'ji- Bion est le véiitable
auteur de cet ouvrage. Ce fut son ami
Prosper Marchand qui le fit impri-
3o4
BIO
mer après en avoir retouché le style
{Journal littéraire, lyôi, XYII,
210). III. Eelation exacte et sin-
cère du sujet qui a excité le fu-
neste tumulte de la ville de
T/iorn,tTa.d. de l'anglais, Amslerd.,
1725, iu-8*^. Ona sur cet événement
un ouvrage bien plus important que
celui de Biou {f^. Dan. Jablonsky ,
XXI , 319). IV. Traité dans lequel
on approfondit les funestes suites
que les Anglais et les Hollandais
ontà craindre de F établissement de
la compagnie d'Ostende , Amster-
dam, 1726, in-4-" de 42 pages. A la
fin de ce volume l'auteur propose par
sousciiplion: Y Histoire des persé-
cutions excitées contre les protes-
tants dans toute l'Europe depuis
t onzième siècle , traduit de l'an-
glais 5 cette version, annoncée dans
les Mémoires de Trévoux , n'a
jamais paru. V. Recherches sur
la nature du feu de l'enfer
et du lieu oii il est situé, trad.
de l'angl. de Swinden , Amsterd.,
1728, petit in-B*^. Le système de
S^vinden a été réfuté par Mich.
Amato {Voy. ce nom , LVI, 257).
YI. Traité des morts et des ressus-
citants, trad. du latin de Th. Bur-
uet, Rotterdam, lySi, petit in-S**,
avec une préface du traducteur
(Foj^.BuRNET.VI, 539). Dans son
J^oyage littér., Jordan parle d'une
Histoire des quiétistes de Bour-
gogne, y'^^hiée ^iS-r ^ion en 1709.
Cet ouvrage, inconnu aux Libliogra-
plies , ne peut être qu'un abrégé
de VHistoire du qudlotisme par
Hubert Mauparty , imprimée sous
la rubrique de Zell ( Reims ) en
17035 et non pas en 1 7 1 3 , comme
on l'a dit par une erreur typographi-
que a l'article Quillot , XXXYI ,
4i6. W— s.
PION (Jeau-Mabie), avocat à
BIO
Loudun, fut nommé député du tiers-
état de ce bailliage aux étals-géué-
raux • puis député à la conventiou
nationale par le département de
la Yienne. 11 ne se fit point
remarquer dans cette assemblée j
mais il y vota constamment avec
les partisans de la révoluliou. Dans
le procès de Louis XVI il vota pour
la détention et le bannissement. Bion
se montra toujours homme du juste-
milieu, même a l'époque oîi il était
le plus dangereux d'annoncer de la
modération. Il dénonça courageuse-
ment les crimes de la montagne,
notamment les auteurs de la jour-
née du 5i mai. Il attaqua aussi plus
tard le parti royaliste, et demanda
après le i3 vendémiaire an IV (179 5)
î'arreslalionde Richer-Serisy. Après
la constitution de l'an III, il fut nom-
mé au conseil des cinq-cents, et
en fut élu secrétaire le 19 avril
1796. Marchant toujours sur la
même ligne, il demanda le 2 3 du
même mois une amnistie pour tou-
tes les personnes mises hors la loi,
Bion cessa de faire partie du corps
législatif en 1798, et se retira dans
son pays , oîi il est mort quelques
années après emportant l'estime de
tous ceux qui le connaissaient.
F — T — E.
BIOXDÏ ( Angélique- Llcie),
née en Piémont en 1771, était fille
de l'architecte Zucchi établi a \er-
ceil depuis plusieurs années. Aussi
belle que spirituelle^ elle futinstruile
dans la littérature italienne par le
chanoine Biondi, auteur de poésies
et d'écrits littéraires estimés. Elle
était encore jeune lorsque ses parents
la marièrent avec Etienne Biondi, ne-
veu du chanoine. Cette union ne fut
pas très-heureuse, et Angélique resta
bientôt veuve. La poésie fut sa conso-
lation : mais, trompée indignement
BIR
dans l'espoir qu'elle avait conçu
de former de nouveaux nœuds , elle
mourut a Voghéra en i8o5. Parmi
ses composilious poétiques on admire
\' Anacrtontica sopra il sogno ,
dans laquelle sont exprimées des
pensées philosophiques assez remar-
quables. Elle a laissé manuscrites
quelques autres compositions litté-
raires. G — G — Y.
BIORX ET LEIF. Foy. Zeko,
LU ,207, note 22..
BIRAGO (Lapo , diminutif de
jACoro;, philologue, était neveu de
Lapo de Castiglionco , célèbre ca-
noniste, avec lequel la plupart des
biographes l'ont confondu [P^oy.
Lapo , XXIII , 585). 11 naquit com-
me son oncle en Toscane , et peut-
être à Florence, puisqu'il prend lui-
même la qualité de Florentin , au
bas de l'épître dédicatoire de sa
version latine de Denys d'Halicar-
nasse. Cependant l'Argellati, dans
une notice peu digne de sa vaste
érudition , s'efibrce de prouver qu'il
était de Milan (Voy. les Scriptor.
mediolan., tom. II). Il fut disciple
de Franc. Philelphe dont il resta
constamment l'ami. Les lettres du
premier offrent des témoignages nom-
breux de leur intimité. Lapo s'atta-
cha principalement a l'élude des lan-
gues anciennes , et il professa la lit-
térature et ensuite la philosophie a
Bologne. Cette circonstance n'a point
été connue de l'Alidoni , puisqu'il ne
Ta pas citée dans ses Dottorifores-
tieri che in Bologna haiiiio letto
teologia , fdosojla^ etc. Ses la-
lents lui méritèrent l'estime d'Am-
broise ïraversari ou le Camaldule ,
de Franc. Barbaro , du cardinal
Cesarini et de plusieurs autres sa-
vants. Ln distique dUgolin Verini,
sur la mort prématurée d'un litléra-
leur du même nom . a trompé tous
BIR
3o5
les biographes, qui font mourir Lapo
dans la force de l'âge ( i ) . Le P . IN'egri
borne même la durée de sa vie à trente-
trois ans (V'. Fiorentini Sciiltori,
5 43). Cependant on voit par une lettre
d'Ambroise Traversari (lib. XIII,
ep. II) qu'eu 1433 Lapo travaillait a
la traduction latine des Yies de Plu-
tarque j et l'on peut croire qu'il avait
alors au moins vingt ans. On sait
aussi que Lapo n'entreprit la traduc-
tion de Denys d'Halicarnasse qu'à la
prière du Pape Paul II, qui lui re-
mit les deux manuscrits sur lesquels
il fit cette version. Or Paul H ne
monta sur le troue pontifical qu'en
1464? e't d'après notre calcul Lapo
n'était plus un jeune homme a cette
époque , puisqu'il devait avoir au
moins cinquante ans. Avec quelque ha-
bileté qu'il travaillât , cette version
dut lui coûter plusieurs années; et
rien ne prouve qu'il n'ait pas vécu
jusqu'eu 1470. On a de Birago ; I.
Quatorze P' ies des hommes illus-
tres de Plutarque , trad. eu la-
tin (2). Elles ont été recueillies dans
la première édition des 7 itœ pa-
ralltlœ à diversis i/ite/'pretibus la t.
factœ. L'éditeur mit une partie des
vies traduites par Lapo sous les noms
de Fr. Philelphe , d'Antoine Tu-
derlino ou de Todi. Mais Philelphe
s'empressa de réclamer en faveur de
Lapo , (laus une lettre au savant
J. Andréa , évêque d'Aleria, et elles
lui ont été restituées dans les édi-
tions postérieures. II. DionjsiiHa-
(r) Voiui Ce distique :
Te , Lape , mors juvenem iiimis insidiosa
j) 'leinil;
luLjt'iiii sed limita tui luonumeiila bupersunl.
(2) Ce sont celles de Tliesce, Romulus, Ly-
curgue , Numa l'nmpilius , Solon , Publicola ,
ïhéuiistocle , Camille, Periclès , l'hociou , Ca-
loii-le Jeune, Arlaxercès et Anilus. Les autres
ti ;.duc!euis des Vies de Plutarque sont Douât
Acci;iiuoiJ, Guariuo, Aut. Toderiiii , I.eon. Arez-
/.o , Fr. Barbaro, Léon. Giustiuiaiii, Angeio de
Scarpusia et Fr. PlulelpUe , (jui n'a tradu;t qi.e
les vies de Galba et d'Olbon.
20
3o6
BIR
Ucarnassii antiquitatuni libri, Tré-
vise, 1,480, in-fol., première édiliim,
rare (5). Celle version est très fau-
tiye{F o^. Dë>'ys, XI, 1 1 0). Elle a
été réimprimée , Paris, iSz^, iu-fol.
Henri Glareanus en donna une troi-
sième édition, Bàle i532, in-fol.,
qu'il purgea de six mille fautes.
Fréd. Sylburge avoue cependant que
la traduction de Lapo , quoique
défectueuse, n'a pas laissé de lui être
utile, parce que le traducteur ayant
rendu son auteur mot pour mot ,
met sur la voie même lorsqu^il se
trompe , pour trouver le véritable
sens qu'il n'a pas su découvrir. III.
Trois lettres, l'une a Fr. Barba-
re , publiée par le cardinal Querini
dans la Diatribe preliminaris ad
Fr. Barbari et alioruin ad Ipsum
epistoias,-p. 124. (^ oj-. Queeini,
XXXVI, 392) 5 la seconde au car-
dinal Cesarini , en lui adressant la
traduction latine de la vie d'Ara-
tus , publiée par l'abbé Méhus dans
le recueil des Lellres d'Ambroise
Traversari ( lib. XXV, cp. 21)5 et
la troisième , insérée dans le même
recueil ( lib. XXV , ep. 36), à
Simon Lamberti. Lapo l'engage à re-
noncer a la gloire des armes pour
celle des lettres. Elle peut être con-
sidérée par son étendue comme un
véritable traité sur la matière. IV.
Straligeticoii. Cet ouvrage dans le-
quel l'auteur indique les moyens qui
lui paraissent les plus propres a com-
battre les Turcs , qui menaçaient
alors d'envahir l'Europe, est dédié
(3) Les exemplaires diffèrent par le dernier
fcuiUet, où, dans les uns, la souscription est im-
primée en majuscules, et dans les autres en pe-
tites lettres. Suivant le Catalogue de Crevenna ,
la toialité des feuillets de ce te édition est de
299. L'exemplaire de Clavier n'en contenait que
397. Celui que le rédarteur de cet article a sous
les yeux, et qu'il croit complel , en contient
29S : trois pour l'épitre dédicatoire au pape
Paul 11 , et 29a pour le texte.
BIR
au pape Nicolas V. Le manuscrit
original est conservé a la bibliothè-
que Vaticane. L'ablié ÎMébus, dans la
/;/-e/rice du recueil des Lellres d'Am-
broise Traversari, indique quelques
autres ouvrages de Biiago, conservés
en manuscrit dans la bibliothèque
de Florence. W — s.
BIRD (A.-A.) , peintre anglais ,
mourut en 1820 , après une maladie
qui lui causait depuis six ans les plus
vives souffrances , et qui avait fini
par le mettre hors d'état d'exercer
son art favori. 11 s'était eu quelque
sorte formé lui-même par une lon-
gue pratique des branches inférieu-
res de la peinture , et connaissait a
fond toute la partie mécanique de
l'art. On ne peut douter que si la fai-
blesse de sa santé ne l'eût arrêté de
bonne heure dans la carrière , il ne
fût parvenu alaplushaule renommée.
Le marquis de Slafford , son premier
protecteur , encouragea ses talents ,
dès qu'ils commencèrent h se déve-
lopper, et plaça son premier tableau,
parmi les chefs-d'œuvre des vieux
maîtres , dans une galerie célèbre
qu'il possédait- La princesse Char-
lotte de Galles lui donna le titre
de son peintre. Lord Bridgewater
lui commanda deux grands tableaux :
le débarquement et l'embarque-
ment du roi de France ; l'un
et l'autre furent magnifiquement
payés. Bird exécuta aussi pour le
prince-régent les Chantres de psau-
mes dans une église de campagne,
et reçut la commande d'un autre ta-
bleau qui devait être le pendant de
celui-là , mais il ne lui fut pas possi-
ble de l'exécuter. Il travailla aussi
beaucoup sous MM. Baugh et Hill-
house, grands et généreux admira-
teurs de son talent, et pour la magnifi-
que salle des fraucs-macons de Brid-
gestreet, à Londres, dont leslambris
BIR
allestcut son goût et son lialnlelé
dans toutes les parties de Tart. Il
élait membre du club royai deFlios-
pilalilé de Sussex , et membre élu de
l'académie. Bird méritait ces succès
par la réunion de toutes les belles
qualités qui fonl le bon citoyen • par
la proleciion dont il entourait les dé-
buts des jeunes gens de talent, pnr le
soin avec lequel il évitait dans ses
compositions tout trait licencieux et
toute personnalité, réserve bien re-
marquable chez un artiste doué au
plus haut degré du talent de saisir
et de rendre le comique des évé-
nements. Quoique fort sensible aux
critiques et assez porté d'abord k en
nier l'exactitude, il ne tardait pas k
en profiter et à obéir a ce qu'elles lui
prescrivaient. Sa facilité , du reste ,
était extrême et tenait du prodige.
Toute heure lui élait commode ,
tout endroit lui servait d'atelier ;
cent fois on l'a vu peindre a l'huile
a la lueur d'une mauvaise chan-
delle. Souvent, sans esquisses préala-
bles, il entamait un tableau par trois
côtés différents, continuait ainsi, et
tout se trouvait parfaitement en har-
monie. Il commençait et terminait
un tableau tandis que l'on préparait
le déjeuner, crayonnait un sujet avec
tousses détails, tandis qu'on faisait
chaufferie thé , et très-souvent ache-
vait un portrait en cinquante minutes.
Les environs de Bristol sont remplis
de petites esquisses qu'il improvisait
a la plume ou au crayon, et dont il
était extrêmement libéral dans les sa-
lons et surtout chez ses anciennes
connaissances. P — ot.
BIROLI (Jean ), professeur de
botanique a l'université de Turin, né
a TNovare , en 1772, fil ses étude s a
Pavie. Il s'adonna d'abord a la cli-
nique, et ensuite k la botanique.
Nominé professeur à Novare, il fut
BIS
307
chargé de la direction du jardin
formé par la société d'horticulture
novaraise. Il y cultiva particulière-
ment l'Arac/tis hj-pogea, et publia
en 1 8 0 7 , 'a Milan , une lettre sur la
culture de cette plante. Il était pro-
fesseur d'agriculture a Pavie, lorsque
les événements de r8i4- amenèrent
la dislocation du royaume d'Italie.
Biroli fut alors appelé a Turin , et
pourvu d'une chaire de botanique et
de matière médicale , avec le titre
de premier professeur de la faculté.
En 1817 , atteint de paralysie, il
demanda sa retraite et mourut a No-
vare le i"^*" janvier 1825. On a de
lui : Del riso trattato economico
rustico , Milan, 1807 , in-8°. II.
Flora agoniensis , seu plantaruni '
in novariensi provincia sponte
nascentiuni descriptio , Vigevano ,
1808 , 2 vol. in-8°. III. Trattato
(Tagricoltura , Novàre , 1809 ^ 4-
vol. in-8°. IV. Georgica del di-
partimento dell' Agogna, ibid. ,
1809, in-8°. V. Trois lettres sur la
culture du colon , du Ciperus escu-
lenlus et du Sedum novarlensis ,
adressées a la société géorgique de
l'Agngna. G — G — Y.
mSI10P( Samuel), professeur
et poète anglais, issu d'une bonne fa-
mille du comlédeWorcester, naquit
k Londres au commencement d'ocl.
Ï731. Quoique d'une constitution dé-
licate, ils'appliqua de bonnebeureaux
études sérieuses. Telle était son apti-
tude qu'à l'âge de neuf ans il expli-
quait le Nouveau Testament en grec.
Envoyé au collège dit Merchant
Taylor's School , a Fàge de douze
ans, il en devint l'élève le plus distin-
gué. L'histoire et la poésie se parta-
geaient alors ses moments. Dans .la
suite il donna la préférence k la der-^'
nière. En 1760 , il fut admis au col-
lège de St-Jean à Oxford , dont il
ao.
3o8
BIS
devint membre en lySS et oÎl l'aunée
suivante il prit le degré de bachelier.
Entré dans les ordres, il fut envoyé a
la cure de Hcadley (comté de Surrey^,
qu'il abandonna momentanément pour
raison de santé. Lorsqu'il y fut
revenu, il partagea son temps entre
l'université, ses devoirs sacerdolaux
et ses délassements poétiques , jus-
qu'en lySS. lise fit alors recevoir
maître ès-arts, quitta Headlej , fixa
sa résidence a Lundi es, fut élu sous-
maître à Mercbant Ta\lor's School ,
et obtint la cure de Ste-Marie-
Abcbarch, ainsi que laplace delecteur
à Saint-Christophe. Eu janv. 1780,
il fut choisi pour maître en chef de
Mercbant Taylor's School 5 et, quel-
ques années après, il joignit à cette
place la survivance de Saint- Martin-
Ontwieh, que la compagnie de Mer-
chant Taylor's lui déférait comme ré-
compense de ses longs services , et
le rectorat de Ditton , bénéfice que
lui donna le comte d'Aylesford sur
la recommandation de Warden, évè-
que de Bangor. De graves infirmités
troublèrent îa félicité dont ces avan-
tages lui eussent permis de jouir, et
causèrent sa mort, à la fin de nov.
1795. L'année suivante furent pu-
bliées par souscription ses œuvres
poétiques , J-iondres, 1796, 2 vol.
in- 4-°. C'est surtout dans les sujets fa-
miliers qu'il excelle: la il a delà
vivacité, de la grâce, du sentiment,
quelquefois de la force 5 ilpasse avec
bonheur du grave au doux , de l'in-
structif au badin. Ses images sont va-
riées et innombrables; mais dès qu'il
s'éloigne de celte sphère , il est au-
dessous de lui-même : ou sent qu'iln'est
plus sur sou terrain. Il essaya, dit-
on, de travailler pour le théâtre ;
mais il trouva peu d'encouragements
dans une carrière fort contraire
aux fonctions ecclésiastiques. Bishop,.
BIS
avait aussi du talent pour la poésie
latine, et il le prouva par la publica-
tion de ses Feriœ poelicce ^ 1763-
64-. Eufin on a de lui des Sermons,
sur des sujets de morale pratique ,
1798. La vie de Bishop par Thomas
Clare se trouve "a la tête des œuvres
poétiques. P — ox.
BISOT ou BIZOT (Jean-
Louis), gnomoniste , né en 1702
à Besancon, était fils du procureur
du roi a la maîtrise des eaux et
forêts. Ayant acheté la charge de
conseiller au bailliage , il en remplit
les fonctions avec zèle et intégrité.
Dans ses loisirs il cultivait les scien-
ces , assez négligées alors dans la
province, et s'attacha particulière-
ment a la pyrotechnie et a la gnomo-
nique. Il imagina une nouvelle es-
pèce de bombes a fusée ; et l'épreuve
qu'il en fit (1752), en présence du
marquis de Vallière {Koy. ce nom,
XLYII , 376), fut couronnée d'un
plein succès. En 1707 il construisit
dans un des faubourgs de Besançon
un cadran solaire très-ingénieux. Ou
en trouve l'idée dans la Gnoinoni-
que de Jean Gauppen, publiée en
171 1 (Yoy. \di Bibliographie as-
tronomique, 558); mais Bisot ne
connaissait pas cet ouvrage, écrit en
allemand. Un auge peint contre la
muraille est abrité par un toit incli-
né, sur lequel sont découpées les
heures et les demi-heures , depuis
Il jusqu'à 5, et c'est le doigt de
l'ange qui montre l'heure. Ce gno-
mon , décrit dans le Mercure , fév.
1758, l'a été par Lalande dans le
Journal des savants, juin, même
année. C'est encore à Bisot que l'on
doit le méridien de l'Hotel-de-Ville,
tracé en 1771, et celui de la cha-
pelle des fonts baptismaux de Sainte-
Madeleine. Il avait rectifié précé-
demment les calculs du méridien de
BIS
BIS
3o9
Besancon , et publié , dans le Mer- Cûntiornent l'éloge de Bisot. W — s.
cure et \t Journal encyclopédique., BISSE ( Thomas ) , prédicaleur
un mémoire sur les mesures de Fraii- célèbre, avait pour frère Pbilippe
che-Comié et plusieurs observations Bisse, évoque de Saint-David et en-
de physique et de météorologie. Son snile d'Herelord. Membre du collège
goût pour les sciences ne l'empêchait de Christ a Oxford , il y avait pris ses
pas de faire quelquefois des excur- degrés de 1698 a 1712, et fut nom-
sions dans le domaine de la poésie , raé prédicateur en lyiB. Sou frère
et il a composé dans le patois de lui lit conférer l'année suivante la
Besancon des chansons et de petits chancellerie d'Hereford, vacante par
poèmes, où l'on trouve bien quelques la retraite de Jean Harvey , qui re-
traits de mauvaisgoût, mais d'ailleurs fusdit de prêter le serment anti-
pleins de malice et de gaîté. Malgré jacobite. Il fut aussi prébendier dans
les infirmités qui l'accablèrent dans la cathédrale, recteur de Crudley et
sa vieillesse, il conserva toujours de Weston, et chapelain ordinaire du
le goût de l'étude avec son enjoué- roi. II mourut le 22 avril lySijavec,
ment. Il mourut le i/t sept. lySijk la réputation d'un des orateurs sacrés
79 ans, lorsqu'il se proposait de pu- les plus éloquents de l'Angleterre,
blier un Traité des feux d'arlijice Un grand nombre de ses sermons
sur l'eau. Cet ouvrage était le fruit ont été imprimés , entre autres
d'expériences multipliées et d'une deux sur la musique , 1727, 17295
longue pratique; ainsi l'on doit re- la Défense de l'épiscopat , 171 1 ;
gretter que le manuscrit de Bic-ot soit Y Usage chrétien du monde, 1717,
perdu. Parmi ses poèmes en patois, et deux discours prononcés , l'un
on n'en connaît que deux d'impri- a l'occasion de l'ouverture d'une
mes : I. Ïj^ Arrivée dans l'autre église ( sur le mérite et l'utilité des
inonde d'une dame en paniers, fondations de ce genre), en 1712 ,
Besançon (1735)^ in-8° de 26 pag. l'autre lors de l'ouverture d'uneécole
C'est une critique assez plaisante des de charité, en 1725. On trouvera la
inconvénients de la mode. IL ha liste complète de tous ces morceaux
J aquemardade , poème épi-corai- d'éloquence sacrée dans Bowjer
que , Dole (1753), in-12 de 58 pag. {Anecd. litt. du 18'' siècle, tom. I,
Quelques traits contre les principaux pag. 1 20-121). Huit sermons de Bisse
membres de l'académie naissante de furent publiés en un volume, 1701.
Besançon, et la critique de divers ac- Cet éloquent prédicateur se délassait
tes de l'autorité municipale, firent de ses travaux ecclésiastiques en cul-
refuseraBisot la permission d'impri- tivant la poésie latine. Ou a de lui
mer ce badinage 5 elle ne lui fut ac- quelques poèmes dans la langue de
cordée que sous la condition de re- Yirgile , imprimés sous le titre de
trancher les passages mis à l'index iw^ma crtrwzma, Londres, Bowyer,
par le censeur. Mais en les rétablis- 17 16. P — ot.
saut a la main, au moins dans un EISSEIi ou BîSSELIUS (le
exemplaire, il y joignit des expli- P. Jean), jésuite , né en 1601 a Ba-
calions beaucoup plus malignes que benhausen , en Souabe , embrassa
le texte. Ces deux opuscules sont jeune la règle de Saint-Ignace. Après
très-rares. Les Affiches de Fran- avoir professé quelque temps la rhé-
che-Comté (21 septembre 17B1) torique et la philosophie dans plu-
3io
BIS
sieurs collèges , il se voua a la pré-
dication, el remplit Ireute ans les
principales cliaiies de l'Allema-
gne. Sur la fin de sa carrière, il
rentra dans renseignement. En
1676, il était au collège d'Araloerg
{Bibl. societ. Jesu , 4-2 2), dirigeant
encore ses jeunes confrères, dociles
aux leçons que sa longue expérience
le mettait a même de leur donner.
Ses constantes occupationsueFavaient
pas empêché de cultiver les lettres ,
et il jouissait en Allemagne de la ré-
putation d'un bon jioète et d'un prosa-
teur élégant el poli. Indépendamment
de quelques ouvrages ascétiques et
d'opuscules sans intérêt aujourd'hui ,
dont le P. Soulhwel a recueilli les
titres , on a de Bissel : I. Icaria,
Ingolstadt, i636, in- 16, réimprimé
en 1766. L'Icarie est le haut Palali-
nat , et l'auteur désigne également
S0U.S des noms supposés les différents
personnages dont il parle dans cet
ouvrage, qui contient, avec la descrip-
tion de cette province, le récit des
événements dont elle avait été le
théâtre. On a joint a la seconde
édition une clé; mais Christ. Gryphe
promettait d'en donner une plus exac-
te et plus complète , si ses travaux
lui laissaient le loisir de s'en occu-
per ( Voj. Apparatus de scrip-
torih. illustr. sac. XVII ^ r66). II.
Vernalia seu de laudibus veris ,
ibid., i638,in-i6,etMunich, 164.0.
, Celte seconde édition est préférable à
'la première. Deliciœ œstatis , ibid,
i644-3 '11-16. Ce recueil d'élégies est
une suite du précédent. III. Argo-
nauticon Amevicanorum , sive histo-
riœ periculorum Pétri de Victoria
acsociorum eJus^libriX ^, Munich,
1647, in-i2 j réimprimé, Amslerd.,
1698, in-i2. C'est une traduction
de l'ouvrage espagnol de Pierre de
Yictoria, qui se fit jésuite au Pérou,
BIS
après avoir couru les plus grands
dangers. IV. Illustrium ah orbe
condito ruinarum Décades IV ^
Amberg et Dillingen , i 656- 16 64,
neuf parties, in-8° ; 2" cdit. , Dil-
lingen, 1679. On y trouve, ditBayle,
la description très-ample des dérè-
glements des nations païennes , le
t»ut bien prouvé par des citations
[Continuation des pensées diverses
sur la comète, ch. i^o)- V. Pa-
lœstina, seu terrœ sanctœ lopo-
thesis , cum tabellis cJironographi-
cis, Amberg, 1659, in-8°. IV. Rti-
publicœ romance veteris ortus et
interilus , Dillingen, i664,in-8°.
\ II. Antiquitatum T^vangelicarum
veteris Testamenti libri très, cuni
testimoniis et observationibus :
accedil Dactyliotheca Senecœa ^
Amberg , 1668, in-12. C'est un re-
cueil de vers. YlII. jMedulla histo-
rié a , ibid., 1675, 5 vol. in- 8°.
L'auteur donne cet ouvrage comme
un abreVé de l'histoire des vingt -
une premières années du dix-sep'.ième
siècle j mais on doit plutôt le regar-
der comme un recueil de pièces his-
toriques ( Voy. Christ. Gryphii
Apparatus , 33). ^V — s.
BISSET (Jacques), assez mince
littérateur anglais , mais grand ama-
teur de curiosités, était né a Perth,
en 1752; il vint à Birmingham, et
y établit une espèce de muséum ou
magasin de curiosités, qu'en 18 i5 il
transportakLeamington.Uavail aussi
formé dans ce village une colleclion
de tableaux renommés. Son magasin
de curiosités consistait surtout en
objets d'histoire naturelle , en meu-
bles , armes et ustensiles de nations
sauvages , en modèles de cire ou
de pâle de riz, etc. En 18 14, il
obtint le litre de modeleur du roi. Du
reste il réunissait àcs talents de dif-
férents genres , et sa facilité pour
BIS
BIS
3ii
écrire, soil en vers, soit eu prose ,
était exlrèine. Il mourut a Leaming-
ton, le 17 août i832. L'excessive
fécondité de Bisset s'est exlialée
en une foule de vers de circon-
stances, tantôt pour des fêtes publi-
ques ou de famille , tantôt a propos
des événements politiques du jour.
Ces productions éphémères ne doi-
vent au reste être tirées ni des car-
tons de ses amis , ni des colonnes de
journaux, où pour la plupart elles sont
venues mourir. Toutefois, nous excep-
terons de cette sentence ses Chants
sur la paix, 1802; son Clairon
patriotique, ou Appel de la Graii-
de-Bretagne à la gloire. Ou lit avec
plaisir ses Essais critiques sur les
essais dramatiques du jeune Ros-
cius , par des gentlemen lettrés et
des amateurs de théâtre , opposés
à l'hjpercriticisme de certains
écrivains anonymes , 1804.. Les
réflexions souvent judicieuses et im-
partiales de l'auteur y sont semées
d'anecdotes intéressantes. Enfin , les
étrangers consultent encore avec
fruit ses opuscules , destinés à servir
de vade-mecum aux curieux ; par
exemple , le Conducteur de Bir-
mingham, 1808, in-8°, 4-4- pi- eu
taille-douce • le Guide àLeaming-
ton, 1 8 1 4- , in- 1 2 ; Voyage poéti-
que autour de Birmingham , avec
une description abrégée des di-
verses curiosités , manufactures,
etc., 1800, in-8°, avec de belles
gravures. Ces vade-mecum, entre-
mêlés de prose et de vers, plurent
beaucoup au monde fasbionable , et
ne furent pas inutiles a la prospérité
de l'auteur. P — ot.
BISSETT (Guillaume), rec-
teur de Whiston , dans le comté de
Nortliamplon, e\. frère aîné de l'é-
glise collégiale et de Thôpital de
Sainle-Catheriue-près-la-ïour, se fit.
au commencement du dix-lmitième
siècle , une espèce de réputation par
ses pamphlets religieux. Dès 1704
il avait publié, sous le titre du
Franc Anglais, VLn sermon, bientôt
suivi de deux autres, intitulés l'An-
glais plus franc encore. Ces trois
morceaux étaient eu faveur de l'an-
cienne constitution et de la religion
anglicane, menacées l'une et l'autre
par la tendance du gouvernement.
Ensuite vint le Bon averti (fair
warning), ou Essai récent du gou-
vernement français en Angle-
terre, Londres, 17 10. Bissett, d'a-
près son titre , tâchait d'y démontrer
par un grand nombre de faits que les
doctrines arbitraires de la monarchie
française , telle que l'Europe s'était
habituée à la considérer depuis que
Louis XIV occupait le trône , étaient
inconciliables avec une constilutioa
légale et l'initiative des droits , et
que, quelque dispendieuse que fut la
délivrance d'un pays opprimé par un
joug de fer, jamais l'événement qui le
brisait ne pouvait être payé trop cher.
L'ouvrage fut adressé a aux nobles
patrons et gardiens des droits tant
religieux que civils de l'Angleterre ,
les membres de son parlement. )> Peu
de temps après parut la première
partie du Moderne fanatique , fac-
tum violent , dans lequel respirait
avec la haine du torysme une haine
non moins vive contre la personne du
docteur Sacheverell. Il contenait eu
effet un exposé très-peu flatteur y
mais fort inexact, de la vie, des opi-
nions , etc. , de ce théologien fameux.
La seconde partie du Moderne fa-
natique est datée du 2 1 fév. 1 7 1 1 ,
et la troisième de mai 1714. Il
est croyable que jamais ces deux der-
nières parties n'auraient vu le jour,
et que peut-être jamais Bissett n'eût
songé à les composer , s'il n'eût été
3l2
BIS
provoqué par des pamphlets et des
injures. Le docteur King donna le
signal par son Apologie [Xx'widica-
tion) du réi'érend D. Henri Sache-
verell contre les menteuses , scan-
daleuses et malicieuses aspersions
i^ersées sur lui dans le pamphlet
diffamatoire intitulé : Le moderne
fmatique , etc. Dans celte apologie
Ton donnait effectivement a Bissait !e
titre de pauvre fou. Du reste ou af-
fectait de le connaître aussi peu
qu'il avait prétendu connaître à
fond Sac'neverell ; et taudis qu'il
avait voulu donner une biographie du
docteur, on avertissait au contraire ,
dès le titre même, que la réfutation du
pamphlet se ferait sans trop s'occuper
du pauvre et obscur pamphlétaire.
Un autre écrit des Sacheverellistes ,
la Palinodie de 31. Bissett, datée
de Saiiite-Catherine, 17 janv. 17 1 1,
n'était encore qu'une plaisanterie.
Bissett, animé par cette levée de
boucliers _, allait publier la seconde
partie de sou Fanatique , lorsque le
docteur King, instruit de la réponse
qu'il projetait , et peut-être connais-
sant par une infidélité de l'imprimeur
les arguments de son adversaire , fit
paraître sa Réponse au deuxième
écrit scandaleux que 31. Bissett
est en train d'écrire , et qui paraî-
tra au premier jour. Cette publica-
tion prématurée n'attira au docteur
King qu'un violent postscriptum placé
au bout de la seconde partie du Fa-
natique. Mais Bissett eut un adver-
saire plus redoutable dans l'auteur
de la Lettre au frère aîné de la
collégiale de S ainte- Catherine ^
et du Dialogue entre le frère aine
de Sainte- Catherine et un curé ,
l'une et l'autre publiés en )7ii. On
y discutait pied a pied les imputa-
tions, les insinuations de Bissett ,
et o;î l'accusait d'incsaelitude , de
BLS
puérilité et de mensonge. Les deux
ouvrages furent allribués au docteur
Wcllon ; aussi Bissett , dans sa troi-
sième partie du Fanatique , l'asso-
cia-t-ilaSacheverell. En même temps
il se plaignit , dans un postscriptum ,
d'avoir été en butte aux calomnies ,
aux outrages, et trois fois sur le point
d'être assassiné. La fin du règne
d'Anne amortit toutes ces querelles ,
auxquelles Bissett lui-niême survécut
encore long-temps. P — ot.
BISSOX (Louis- Charles), évo-
que constilulionneldeBay eux, naquit,
le I 0 oct. 174-2, à. Geffosses, près de
Coulances. Son père, cultivateur aisé,
l'envoya de bonne heure au collège ,
où il puisa le goût des lettres. Avant
embrassé l'état ecclésiastique, il iut,
dès l'âge de 27 ans, pourvu de la
curedeSaint-Louet-sur-Lozou, qu'il
administrait à l'époque de la révolu-
tion 5 il prêta le serment exigé par
l'assemblée consliluante , et devint
l'un des grands-vicaires du nouvel
évèque de Coulances (Becherel). Sa
docdité n'alla pas , comme celle d'un
assez grand nombre de ses confrères,
jusqu'à renier sou caractère. Détenu
pendant dix mois , pour avoir refusé
de remettre ses lettres de prêtri-
se , il ne sortit de prison qu'après
le 9 thermidor. En 1799,11 fut choisi
pour succéder au malheureux Fauchet
\Voy. ce nom , XIV, 191), et fut
nommé évêque de Bayeux. Il assista
en 1 801 au concile de Paris ^ et la
même année il donna la démission de
son siège entre les mains du cardinal
Caprara, mais sans rétracter son
serment. Nommé chanoine honoraire
de Bayeux , il y passa les dernières
années de sa vie, partageant son
temps entre la culture des lettres et
les exercices de piélé. Il remporta le
prix a l'académie de Caeu par im
3Iémoire sur les changements que
BIS
la mer a apportés au littoral du
Cnlvndos ^ iloril oa Irouve l'analvse
dans le recueil de cette compa^^nie
pour 1816. Bis5on mourut le 28 fe'vr.
1820. Il a rédigé X AlmanacJi de
Coutances (i), qui contient des re-
cherches curieuses sur les antiquités
civiles et ecclésiastiques de ce diocèse,
et \ Almanach du Calvados pour
Tan XII (i8o3-i8o4)- Outre des
Mandements, des Lettres pastora-
les , et deux opuscules en faveur
des prèlres constitutionnels (2), on
lui doit : I. Instructions sur le
Jubilé^ Caen , 1802, in-i8. IL
Méditations sur les véritésjonda-
ynentales de la religion chrétienne^
ibid., 1807 , in-i2. Il a laissé ma-
nuscrits Y Eloge du général Da-
gobert {Voj. ce nom, X, ^29);
Pensées chrétiennes pour tous les
jours de l'année ; X Année chré-
tienne ; Histoire ecclésiastique du
diocèse de Bayeux pendant la
révolution ; Dictionnaire biogra-
phique des départements de la
JManche, du Calvados et de l'Or-
ne, formant à peu près la Basse-Nor-
mandie. Ce dernier ouvrage , fruit
de dix années d'un travail conscien-
cieux , offre des recherches intéres-
santes sur plus de six cents auteurs
peu connus. M. Pluquet avait fourni
beaucoup d'articles pour ce Diction-
naire, et il a donné une Notice sur
Bisson dans l'Annuaire nécrologi-
que ^oar 1820. On trouve dans la
Chronique religieuse , une autre
Notice sur L.-Ch. Mlsson, impri-
mée aussi séparément, in-8°. W-s.
BISSOX (le comte P.-F.-J.-G.),
général français, né en 1767 , a
(i) De 1770 à 1776 suivant M. Pluquet, et
jusqu'à 178 1 suivaot l'auteur de la France litlé-
raire , I, 343 .
(2) .-liis aux personnes pieuses dans les circon^
stances présentes , Bayeux , an IX (1800) , in- 12.
Pré.ervatif contre la séduction, ibid., in-8'.
ËIS
Si3
Montpellier , était enfant de troupe
et fut par conséquent sold.it en nais-
sant. 11 n'avait obtenu aucun avance-
ment jusqu'à la révolution ; mais alors
il devint officier 5 et il était chef de
bataillon dans le mois d'oct. 1793,
lorsqu'il fut chargé sur les bords de
la Sambre , avec soixante grenadiers
et cinquante dragons, de défendre la
petite ville du Catelet dont six mille
hommes tentèrent vainement de for-
cer les remparts. Plus tard , il sou-
tint a Neissenheini avec quatre cent
dix-sept fantassins le choc de quatre
mille hommes. Voyant qu'il avait
perdu les deux tiers de son monde,
il se précipita seul , a cheval , dans
les rano;s ennemis , passa la IXaw à
la nage , arriva à Rlrn et parvint , en
s'emparant des défilés voisins avec
une poignée débrayes, a arrêter la
marche de l'ennemi. Bisson com-
mandait la 4.3^ demi-brigade, lors-
qu'un décret consulaire (juill. iSoo)
le nomma général de brigade. En
février i8o5, l'empereur l'éleva au
grade de général de division 5 et le
7 jany. 1806 , h celui de grand-offi-
cier de la Léglon-dTIonneur avec le
titre de comte. Le 20 mai suivant
il fut pourvu du commandement de
la 6^ division , et devint, la même
année, gouverneur des états de Bruns-
wick, puis administra pîus lard, avec
le même titre , la TSavarre, le Frioul
et le pays de Goritz. Doué d'une
force et d'une taille prodigieuses,
Bisson avait un de ces appétits vora-
ces qu'il est difficile de satisfaire. Il
dévorait en un repas ce qui eût ali-
menté cinq ou six personnes, et faisait
une énorme consommation de vin,
sans qne ni sa santé ni sa raison en
aient jamais souffert. Ou pouvait
même le regarder comme fort sobre
jusque dans les excès. jNapoléon,
connaissant les besoins du général
3i4
BIS
Bisson, y pourvoyait en campagne
par imtraitemeut supplémentaire. Il
mourut à Mantoue , le 20 juillet
181 1. B— N.
BISSON ( HippOLYTE ) , lieu fa-
nant de marine, était fils de Laurent-
Magloire Bisson, négociant de ]Nor.
mandie, et de mademoiselle Duchelas,
d'une famille noble de Bretagne.
Son père, établi jeune a Lorient, ac-
quit une verrerie au lieu dit le Ker-
nevel, arma des vaisseaux et fit pen-
dant quelque temps des affaires très-
brillantes. Devenue enceinte, madame
Bisson se rendait, avec la permission
de son mari, chez ses parents pour
y faire ses couches. Dans le chemin ,
la voiture est arrêtée par une troupe
de chouans : son domestique est tuéj
mais s'étaut fait connaître pour la
fille d'un de leurs chefs, les chouans
l'escortèrent jusqu'à sa destination.
C'était la petite ville de Guémené.
Elle y mit au jour^ le 3 fév'ricr 1 796,
Hippolyte Bisson , et mourut , quel-
ques heures après, des suites du
saisissement qu'elle avait éprouvé. Le
père d'Hippolyte épousa l'année sui-
vante mademoiselle delaPioche-Pon-
cié, d'une famille de Bourgogne j et
le jeune orphelin trouva en elle les
soins et la tendresse d'une véritable
mère. Placé d'abord au collège d'A-
vranches , puis k l'école de la marine
a Brest, il fut promu , le i'^'" mars
1820, au grade d'enseigne 5 et il
fit en cette qualité plusieurs voyages
de long cours. Devenu lieutenant il
était eu 1827 abord de la frégate
la Magicienne^ qui faisait partie de
la croisière de l'amiral Rigny dans
l'Archipel. Le 4 novembre, cette fré-
gate ayant capturé le brick le Pan-
nioty , Bisson fut chargé d'en pren-
dre le commandement avec quinze
matelots sous ses ordres. Un coup de
vent sépara le brick de la flotte fran-
BIS
çaise ; et Bisson se trouva dans la né-
cessité de chercher un abri sous les
rochers qui bordent l'île de Slampa-
lie. Quelques-uns de ses prisonniers
profitèrent du voisinage de la terre
pour s'évader, et donnèrent avis aux
pirates que l'équipage français était
trop faible pour résisteren cas d'atta-
que. Environné presqueaussilôl d'une
foule de barques, Bisson est sommé
d'amener son pavillon 5 mais il dé-
clare qu'il fera sauter le bàlimcnt
plutôt que de le rendre a des forbans.
Le brick est alors attaqué par deux
misticks , portant chacun soixante
hommes. Au premier feu , le coura-
geux lieutenant voit tomber neuf de
ses compagnons , et reçoit lui-même
une blessure grave. Il descend alors,
une mèche a la main, dans la cham-
bre des poudres 5 et, après avoir or-
donné à son pilote Trémiutin de se
jeter a la mer avec le reste de l'équi-
page, il accomplit sa généreuse réso-
lution. Le bâtiment saute 5 Trérain-
tin est lancé vivant sur le rivage
qu'atteignirent les quatre autres ma-
telots. Ainsi périt glorieusement
Bisson, a qui son intrépidité a fait dé-
cerner le litre, qu'il conservera, du
d'Assasde la marine française. Le 17
mai suivant, une pension de quinze
cents francs fut accordée à la sœur
de Bisson, par une loi que présenta
aux chambres M. Hyde de Neuville,
alors ministre de la marine. La poésie
a célébré le dévouement de ce héros.
Sa P^ie a été publiée par M. Revel,
Lorient, 1 828, in-8°, et sa statue en
bronze décore la place principale
de cette ville. W — s.
BISTAC (François), grammai-
rien, né a Langres eu 1677, et mort
eu 1752, étudia sous Ant. Garnier,
recteur du collège de cette ville ,
auquel il succéda. Il fit paraître , en
174.5 , avec des corrections et des
BIV
augmentations, la sixième édition des
Rudiments de la langue latine,,
conDiis sous Xtxiomàe Rudiments de
Langres. Cet ouvrage,, composé et
publié primitivement par Garnier en
1710. et revu par Bistac , eut un
grand nombre d'éditions, et fut alors
adopté dans la plupart des collèges
de province. On l'a réimprimé a
Lyon en 1810, a Avignon en 10 24»
et Fabbé Pages l'a traduit en italien,
Péronse, 181 3, in-8°. P — RT.
BIVEPiO (Pierre de) ou Biver,
Jésuite , né en 1 5 7 2 , a Madrid, pro-
fessa d'abord la rhétorique , la phi-
losophie et la théologie dans divers
collèges de l'instllut.Ses talentspour
Jacliaire le firent envoyer en 161 6
'a Bruxelles , pour y remplir les
fonctions de prédicateur des infants
Albert et Isabelle, gouverneurs des
Pays-Bas. Il ne revint en Espagne
qu'après la mort de ces princes , fut
nommé recteur du collège de Ma-
drid, et mourut en cette ville le 26
avril i656. Outre plusieurs sermons
en espagnol, on a du P. Bivero des
ouvrages ascétiques en latiu dont on
trouve les titres dans la Biblioth. du
P. Southwell, et dans les Scriptor.
Hispan. de D. Antonio. INous nous
contenterons de citer les trois sui-
vants que les gravures dont ils sont
ornés font encore rechercher : I.
Emblemata in psalmuni Misere-
re, I volume ln-8°. Le P. Sou-
thwell nous apprend que le texte de
cet ouvrage est gravé. II. Sacrum
sanctuarium cruels et patientice
crucifixorum et crucigercrum^ em-
hlemat. imaginih. ornatum, etc.,
Anvers, i634, In-^*'. III. Sacru/n
oratorium piarum imaginant imma-
culatœ 31ariœ, etc. Ars nova bene
Vivendi et moriendi sacris piarum
imaginum embleniatibus jlgurata et
illustrata, ibid., i634, in-^". Ces
BIZ
3i!
deux ouvrages doivent être réunis:
le premier contient 70 planches, et
le second 5g. AV — s.
B I Z E T ( Martin- Je a>-Bap-
TiSTE (i)), théologien, né près de
Bolber, entra en 1746 dans la con-
grégation des cbanolnes réguliers de
Sainte-Geneviève , fut successivement
prieur a Beaugency ^ à Cliàteau-
duu , et curé de INantoulllet. A 1 é-
poque de la révolution, il alla cher-
cher un asile eu Angleterre, d'où il
ne revint en France que lorsqu'il y
put exercer son ministère sans dan-
ger. Après le concordai de 1 801, il
fut nommé vicaire de la paroisse de
Saint-Elienne-du-Montj el,alamort
de Leclerc de Bradin , il lui suc-
céda dans celte cure. Il mourut à Pa-
ris le 8 juillet 1821, regretté des
pauvres de sa paroisse auxquels il
légua par son testament une somme
de dix raille francs. On a de lui :
Discussion épistolaire entre G.
TT^.,, protestant de l'église angli-
cane et M.-J -B. i?., catholique
romain, Paris , i 8 0 1 , in- 12 de 208
pages. Les lettres qui composent cet
ouvrage sont datées de J797. Bar-
bier, dans son Diction, des anony~
mes , n° 4-2 01 , lui attribue : Les
soirées de l'ermitage, contes trad.
de l'anglais ., Paris, 1801-02, 2
vol. in- 18 ; mais il est plus vraisem-
blable que cette traduction est d'un
homonyme (A oy. la Biographie des
hommes vivants, \, 354)' AV — s.
BIZZARI (Pierre), historien
distingué , dont la vie est moins con-
nue que les ouvrages , naquit, vers
i53o , a Sassoferato dans l'Ombrie.
Il vint jeune a Yenlse , et l'on
(i) M. Mahul, (lans son Annuaire nécrologique,
de 1821 , et d'après lui , la plupart des biogra-
phes , donnent à Bizet les prénoms de Charles-
Jules ; mais on ne peut les accorder avec les ini-
tiales M -J.-B. B. , que l'auteur a employées
lui-même sur lo frontispice de son ouvrage.
3i6
BIZ
peut conjecturer qu'il y donna des
leçons de littéralure. Il quitta cette
ville, après i565, pour aller en
Angleterre, espérant que la reine
Elisabetb , qu'il avait célébrée dans
plusieurs pièces de vers , réparerait
à son égard les loris de la fortune.
Trompé dans cette attenle, et voyant
ses talents mal appréciés par les cour-
tisans, il ue farda pas a retourner
en Italie oii il s'arrêta quelques mois
K Gênes. Il se rendit ensuite dans les
Pays-Bas j et l'on suppose qu'il avait
embrassé les principes de la réfor-
me , puisque le célèbre Hubert Lan-
gue! [Voj-. ce nom , XXIII, 064.)
se déclara son protecteur, et lui fit
obtenir de l'électeur de Saxe un em-
ploi ou du moins un traitement. On
sait qu'en iSyô Bizzari se trouvait à
Bàle, où il faisait imprimer sa tra-
duction latine de l'Histoire de la
guerre de Hongrie. Il retourna peu
de temps après a Anvers, et il pro-
fita de son séjour dans cette ville pour
se lier avec les savants qui fréquen-
taient l'atelier de Chr. Plaulin. Une
lettre de Juste Lipse (dans VEpisto-
laruin syllogeàs Burraann, I, 558)
nous apprend que dans le courant de
i58i Bizzari , passant h Leyde, lui
avait laissé le manuscrit d'une His-
toire universelle en 8 volumes , le
priant de cbercberun imprimeur qui
voulût la publier a ses frais. Bizzari,
retourné sans doute en Allemagne,
vivait encore en i585; mais on n'a
pu découvrir le lieu de sa mort. Quel-
ques écrivains allemands l'ont accusé
de plagiat. On a de lui : I. Varia
opuscula , \emse, Aide, i565,
in-8°. (Je recueil, dédié a la reine
EHsabeth par une épître datée de
Venise , est divisé en deux parties.
La seconde renferme les vers de Biz-
zari dont on retrouve quelques piè-
ces dans les Deliciœ poëtar. ita-
BIZ
lor., 454-5 et dans les Carmina il-
lustr. poëtar. iialor., Il, 2 5o. La
première se compose de déclamations
dans le genre de celles des anciens
rbéteurs : De optimo principe. -De
hello et pace.-Pro philosopliin et
eloquentia. -^jnilii accusatio et
dej'ensio pro L. F irginio contra
Ap. Claudium, Ce volume est un
des plus rares de la collection Aldine
(Voy. le Catalog. de M. A. -A. Re-
Douard). II. Délie guerre J'atte in
Ungheriadall' imperatore de'Cris-
tiani coniro quello de''Turchi, etc.,
Lyon, 1669 (i) in-8°. L'auleur
traduisit lui-même cette bistoire en
latin, Bàle iSyS, in-8°- elle a été
insérée par Bongars dans les Reruni
Hungaricar. scriptor. , Hanau ,
16005 et par Maltb. Bell, dans la
réimpression , Yienne, 174-6. III.
Epitome insigniorum Europœ his-
toriarum Jiinc Inde gcstarum , ab
anno i564, Bàle iSyS, in-8°, a la
suite du précédent. Cet ouvrage est
intéressant surtout en ce qui concer-
ne les troubles des Pays-Bas. IV.
Cyprium helluin inter F enetos et
Solima?iuTn imperatorem gestum,
ibid., lôyô. V. Senatus popidique
genuensis rerum domi , for'isque
geslaruni historiée atque anna-
Ze^,etc., Anvers, Planlin, iSyp,
in-fol. Cette histoire traite des que-
relles qui s'élevèrent en iSyS entre
les nouveaux et les anciens nobles
génois, et qui se terminèrent en 1 5 7 5
par une transaction. Grœvius a pu-
blié deux pièces tirées de ce volume,
dans le tome i *■'' du Thésaurus a?t-
tiquitat. italicar. VI. Narrationes
de Christianorum in Sj'riam ex-
peditionibus F II ; a la suite de
l'ouvrage précédent. VII. Ilistoria
(i) C'est par une transposition de cliiffres
que celte édition se trpuve de iSgG dans la Bi-
bliot, de Hayra.
BJE
rèrum persicarum, ibid., i583 ,
in-fol. Celle liisloire qui commence
à Cyrus finit eu i 58i. Elle a été ré-
imprimée dans les Reritin persicar.
scriptores , Francfort, i6oi. Cette
édition quoique moins belle est la plus
estimée, parce qu'elle est augmentée
de plusieurs pièces. W — s.
BJERKEN (Pierre de), un
des médecins les plus distingués de
notre siècle, naquit à Stockhlom le
2, janvier 1760. Ayant fait sqs
premières études avec un précepteur
sous les yeux de son père, Pierre de
Bjerkén, assesseur, il fut envoyé' à
Upsal en 1781, pour les terminer;
il y obtint le grade de docteur, après
avoir soutenu deux thèses brillan-
tes intitulées : I. I\luseum na-
turalium academiœ iipsaliensis.
II. De iiidolc et curalione J'cbris
piierperalis. En lypS, il se rendit
à Londres pour se perfectionner dans
lapraliquedela médecine et acquérir
de nouvelles connaissances auprès des
célèbres praticiens de cette ville.
Bjerkén se lia d'amilié avec le
savant Cline sous lequel il exerça
dans les hôpitaux de Saint-Thomas
et de Guy. Après un séjour de trois
ans eu Angleterre, il revint en Suède
el fut nommé médecin de l'hôpital
vénérien de Stockholm. Il reçut, en
1802, le titre de médecin ordinaire
du roi, et fut six ans plus tard promu au
grade de chirurgien-major de l'armée
finoise. Dans les diverses expéditions
contre lesFiusses, Bjerkén se fit re-
marquer par son activité a soigner les
blessés, el reçut en récompense l'or-
dre de Wasa et la décoration d'une
médaille en or, portant pour lé-
gende : Illis quorum nierucve la-
boves. La guerre étant lerraiuée
en 1809, il fut attaché à l'bôpi-
lal de Tordre du Séraphi.i , comme
chirurgien-major. En 1 8 1 2 , !e collège
BLA
J17
de médecine le compta au nombre de
ses assesseurs. Deux ans après, il fut
nommé chirurgien en chef et décoré
de rordrederEtoilePolaire.il mou-
rut le 2 féviier 1 8 i 8 , n'ayant encore
que 53 ans. La Suède perdit en lui
un chirurgien profondément instruit
et un oculiste du premier mérite.
Trop occupé delà pratique de son art,
Bjerkén a peu écrit. On a cependant
de lui les traités suivants: Sur t opé-
ration d'un prolapsus linguœj De
t^^ffet spécijique de V arsenic sur
les chancres, etc., insérés dans les
Annales de la société de médecine
de Slockolm. B — l — ^i.
BLACIîE (Antoine), né a Gre-
noble, le 28 août 1655, d'une famille
honnête , embrassa la profession des
armes , et se distingua dans plusieurs
combats par son intrépidité ^ mais
étant resté estropié d'une blessure
qu'il reçut à l'assaut de Valence , eu
Italie , il entra dans l'état ecclésiasti-
que , et se livra avec ardeur aux élu-
des convenables à sa nouvelle vu-
cation ,• devint curé de Piuel , et
eut plusieurs conférences avec le
ministre Claude.. Il publia une Rë-
futation de Vhèrèsie de Calvin
par la seule doctrine des préten-
dus réformés , dont l'objet était
d'affermir les nouveaux convertis dans
la foi catholique. Il s'était aussi oc-
cupé de l'astronomie ; et ce fut
avec un télescope de sa façon que
Louis XIV observa l'éclipsé de 1684.
C'est peut-être k celte circonstance
qu'il dut sa dépulalion de la province
de Vienne à l'assemblée du clergé
de i685 , sur la recommandation du
roi, ayant eu pour concurrent un
protégé du P. Lachaise. L'abbé Bla-
che était de la communauté des prê-
tres de la paroisse de Sainl-Sulpice,
lorsque M. de Péiéfixe le nomma ,
en 1670, directeur des calvairiennes
3i8
BLA
du Luxembourg. Deux ans après , il
devint visiteur de toute la congréga-
tion. Pendant sou séjour dans la
communauté de Paris, il fit connais-
sance avec la marquise d'Asserac ,
logée dans une maison adossée au
couvent. Il raconte qu'elle lui fit con-
fidence du projet qu'elle avait d'em-
poisonner le roi et le dauphin avec des
parfums J qu'étant allé consulter le
recteur, le procureur et le P.Guilloré,
du noviciat des jésuites, pour appren-
dre d'eus de quelle manière il devait
en faire prévenir S. M., ils lui repré-
sentèrent que c'était un affreux com-
plot , auquel il n'était pas permis de
prendre part; mais cependant qu'il ne
fallait pas le révéler, parce que ces
grands coups étaient quelquefois des-
tinés par la providence a servir de
leçon aux princes , et les porter à
rentrer eu eux-mêmes ; que telle était
l'opinion des théologiens de leur so-
ciété. Peu rassuré par cette décision,
Blache en écrivit auchancelier Letel-
lier, en le priant de faire mettre eu
rouge la première lettre de la Ga-
zette de France du lendemain, afin
qu'il fût certain que l'avis était par-
venu a son adresse. Cette condition
fut exécutée, comme on peut s'en
convaincre parl'inspection de la Ga-
zette. Cependant la marquise, malgré
cette dénonciation, n'en resta pas
moins tranquille jusqu'à sa mort
arrivée en 1690 , et les trois jé-
suites ne furent exposés a aucune re-
cherche. Quelques personnes ont
conjecturé que c'était un artifice de
l'abhé Blache , pour attirer sur lui
les grâces de la cour ; mais toute son
histoire , qui contient d'autres rêve-
ries semblables, donne plutôt lieu de
penser que l'auteur était atteint de
foli.'. Celte folle, qui lui laissait ce-
pendant des intervalles lucides, pa-
raît avoir eu pour cause principale
BLA
son extrême prévention contre les
jésuites, qu'il regardait comme des
artisans de toute sorte de complots ;
il leur attribuait la lettre de cachet
par laquelle il fut enfermé , en 1679,
a Saint-Lazare , où l'on reléguait les
personnes qui étaient aliénées avec
espoir de guérison. Blache, sorti de
Saint-Lazare par la protection du
cardinal de Noailles, s'occupa d'é-
crire l'histoire de ses malbeurs, ou
plutôt de ses folles ; elle a pour ti-
tre : Anecdotes ou histoire se-
crète qui découvre les menées
sourdes du cardinal de Retz et de
ses adhérents pour oter la vie au
roi et à Mgr. le dauphin, par les
mêmes moyens dont le cardinal
s'était servi pour la faire oter au
cardinal 3Iazarin. On y voit le
sentiment unanime des jésuites
sur le parricide des rois, soutenu
par le père Lachaise, qui s'associa
par de noires intrigues avec M. de
Harlay, archevêque de Paris,
pour faire mettre dans un cachot
le Mardochée du roi, afin de lui
oter la liberté d'en donner con-
naissance à S. M.; dédiée à Mgr.
le duc de Bourgogne, par AI.
Blache, prêtre, docteur en théo"
logie. C'est un manuscrit de mille
pages in-folio, que les commissaires
du parlement découvrirent, en 1763,
au collège de Louis-le-Grand , signé
et paraphé par l'auteur et par M.
d'Argensou , lors de l'interrogatoire
qu'il avait subi en 1709, à Chareu-
ton, devant ce magistrat. Ce même
original s'est trouvé dans l'immense
collection de livres et de papiers de
feu Boulard. C'est d'après ce manu-
scrit que les auteurs de la Revue ré-
trospective, ont publié les l\Iénioi-
res de l'abbé Blache, ou plutôt un
extrait dégagé des répétitions sans
nombre et des inutiles digressions
BLA.
dont l'œuvre primitive abonde , 1. 1,
p. 7 ; II, 1 8 1 et III^ 33 1 • Il en exis-
tait une copie, que l'auteur avait faite,
avec quelques notes peu impoiiantes :
il la destinait à être imprimée après sa
mort. Celte copie était déposée dans
la bibliothèque des pères de la doc-
trine chrétienne. C'est par cet ouvra-
ge, auquel l'esprit de parti donna
dans le temps plus d'importance qu'il
n'en mérite , que Tabbé Blache est
devenu uu personnage historique. Le
président Rolland présenta ce ma-
nuscrit aux chambres du parlement
le 27 fév. 1768, dans un rapport
fort étenduj comme étant une pièce
de conviction contre les jésuites pour
tous les reproches faits a la Société.
Le parlement se contenta d'en ordon-
ner le dépôt au greffe. — Blache
s'était promis de tenir son ouvrage
secret, mais il eut l'imprudence
d'en faire courir des extraits , et l'im-
prudence bien plus grande encore
d'écrire une longue lettre à madame
de Maintenon , en lui envoyant un
placet au roi , pour être mis sous les
yeux de S. M. Il l'y exhortait a bannir
uue seconde fois les jésuites , comme
ils avaient été bannis sous Henri IV,
et pour les mêmes raisons. Cette pièce
ne fit que confirmer l'idée qu'on
avait de sa folie. Il fut en conséquence
arrêté de nouveau en 1709, conduit
a la Basldle , peu après a Charenton,
et enfin reconduit a la Bastille. Il écri-
vit de là à différentes personnes en
crédit a la cour, pour obtenir d'être
transféré a THotel-Dieu , afin de s'y
consacrer entièreuient au service des
pauvres , avec la promesse de ne plus
s'occuper des jésuites. Mais on ne le
jugea pas capable de tenir un pareil
eu":ao;ement , et il lut condamné a
finir ses jours a la Bastille, où il
mourut le 29 janvier 1714, ayant
nommé les pauvres de l'Hô tel-Dieu ses
BLA. 319
héritiers. L'abbé Blacbe avait natu-
rellement beaucoup d'esprit ; c'était
un homme rempli de piél» et qui ne
manquait pas d'instruction , comme
l'attestentplusieursde ses manuscriis.
Il n'était point janséniste : ce n'était
donc pas sous ce rapport qu'il s'était
mis en guerre avec les jésuites j mais
il voyait partout ces pères, comme
le fameux Hardouin voyait partout
des athées et des faussaires. Il n'y a
que l'esprit de parti qui ait pu porter
des personnes qui ne manquaient
pas d'ailleurs de jugement k pren-
dre a la lettre plusieurs des contes
que renferme son fameux manuscrit.
Le compte qu'en a rendu le président
Rolland suffit pour en donner une
juste idée (i). T — d et Z.
BLACKBOURXE (Jea>),
né en 1 683, était membre du collège
de la Trinité k Cambridge. Ayant,
après la révolution, refusé de prêter
le serment politique, il fut obligé
de résigner sa place, et pour vivre il
se mit comme correcteur d'épreuves
au service de Pimprimeur Bovvyer.
Tout ce qui lui restait de temps après
ses travaux était consacré aux études
philologiques et religieuses. Lord
\^ incbelsea, qui appréciait son mérite,
le*ecomraanda au roi Jacques, et peu
de temps après Blackbourne en reçut
une commission de consécration. En
d'autres termes il fut évêque, mais
le siège n'était pas plus vacant que le
trône de Jacques , alors occupé par
Guillaume III. Aussi le pouvoir
épiscopal de Blackbourne fut-il borné
au plaisir de donner de temps k au-
tre sa bénédiction k ceux qui. comme
son patron Bowyer , lui faisaient ce-
lui de la demander. Quoique zélé
jacohile, il était anglican ; également
(i) Rtcucil de plusieurs des outrages de JII. /e
président Rolland , Paris, 1783, in-4°, pag. 278-
334.
320
BLA
opposé aux catlioliques et aux pres-
bytériens , il paraissait très-flatté de
s'enlendre appeler le marteau des
papistes et des novateurs, péri-
ptrase pompeuse que l'on grava sur
son tombeau. Il mourut le 17 no-
vembre i74i« Sa bibliothèque assez
belle fut recherchée après sa mort.
Maillaire dans ses J^iesdes impri-
meurs , Paris 1717, ainsi que dans
ses Miscellanea aliquot scriptorwn
cannina, 1722 , lai a payé un tribut
d'éloges. On a de lui une excellente
édition des œuvres de Bacon, Lon-
dres, 17^0, et une édition de la
Chronique concernant bir Jean
Oldcastell ( Chronjcle concern-
ing j etc. ), avec uu appendice,
Londres , deux éditions dont la
seconde est de 1729, in - 8° ;
la première, extrêmement rare, s'il
faut eu croire Hearne , n'a d'autre
mérite que cette rareté même (Hear-
ne , Hisloria Ricardi II, i'J2C)^
p. 4-4-I). P— OT.
BLACKE. Fojr. Blakï.
BLACKET (Joseph), poète an-
glais qui ne dut son talent qu'à la
nature, naquit en 1786 dans un
obscur village, au nordduYorkshire,
C'était le plus jeune de douze enfants
d'un simple ouvrier. Lorsqu'il eut at-
teint sa douzième année, son frère,
cordonnier a Londres , le fit venir
auprès de lui. Là,Blacket consa-
cra ses heures de loisir à la lec-
ture , et donna d'abord la préfé-
rence aux livres de religion. Plus
lard, ayant vu représenter, sur le
théâtre deCovenl-Garden,une des tra-
gédies de Shakspeare, il fut trans-
porté d'admiration pour les beautés
sublimes de ce grand maître. Il réussit
dans sa profession, et se maria 3 mais
ayant perdu sa femme en 1807, après
une longue maladie , il in! obligé de
vendre tous les effets qu'il possédait,
BLA
pour acquitter les dettes qu'il avait été
dans la nécessité de contracter. Ac-
cablé de chagrin, il quitta les lieux
oi!i il avait goûté le bonheur, envoya
sa petite fille a Deplford , et alla
renfermer sa douleur dans la soli-
tude. C'est la qu'il commença a con-
fier au papier quelques-unes de ses
pensées qu'il adressa à M. Pratt ,
son protecteur. Plusieurs passages de
ses lettres révèlent du talent et même
du génie. Blacket ne négligeait pas
pour cela l'état de cordonnier dans
lequel il s'était fait quelque réputa-
tion j mais il dérobait, pour se livrer
à l'élude^ toutes les heures qn'il au-
rait àù. consacrer au repos que récla-
mait sa faible constitution. Le désT
de produire quelque chose de remar-
quable absorba toutes ses pensées 5
et cette contention d'esprit, jointe à
ses occupations manuelles, portaune
telle atteinte a sa sauté, qu'il mourut
a Seaham, le 23 août 1 8 1 0. Ses ou-
vrages, qui furent recueillis par M.
Pratt et publiés l'année suivante,
sous le titre de Ce qui reste de J.
Blacket (Remains ofJ. Blacket) ,
prouvent le goût et le génie de cet
enfant de la nature. Z.
BLACK WOOD (Henri),
vice-amiral anglais, naquit en 1770.
Son père était baronnet. Il entra
fort jeune (1781) dans la marine
royale, et dès lors se familiarisa com-
plètement avec le spectacle des com-
bats niaritimes.il fut témoin de l'en-
gagement du Dogger-Bank sous
1 amiral Parker , et ensuite de l'ac-
tion a la suite de laquelle turent cap-
turés les deux sloops hollandais le
Pylade et VOreste. Il avait déjà
servi sur cinq bords différents lors-
qu'il fut élevé au rang de lieutenant
en 1790. L'année suivante, il fut
employé sur lafrégate /a Proserpine
Exempt de service Tannée d'après
BLA
(1792}, il put venir en France soil
pour y suivre les progrès de la ré-
volution à laquelle il s'intéressait
sans l'approuver, soit pour y étudier
la langue. Il séjourna d'abord à
Angouléme, puis a Paris. Ln émigré
l'avait chargé de remettre un livre a
une personne de sa connaissance î
ce livre contenait une lettre. Black-
wood probablement n'en savait rien.
Il n'en fut pas moins compromis très-
sérieusement , comme agent d'une
correspondance contre - révolution-
naire, jeté en prison par les or-
dres du conseil municipal et plus
tard traduit à la barre de la Conven-
tion. Toutefois, en dépit des furi-
bondes déclamations de Tallieu , sou
innocence éclata, 11 resta encore
quelque temps a Paris où il suivit
les séances du club des jacobins.
Revenu en Angleterre , il reprit du
service 'dès le commencement des
hostilités avec la France, s'acquit au
plus haut degré l'estime générale;
devint premier lieutenant de ['Invin-
cible ^ et y resta jusqu'après les ac-
tions des 28, 2.^ mai et i"" juin
1794 avec la flotte française. Sa
brillante conduite dans ces divers
engagements, et principalement dans
le dernier, lui valut le commande-
ment de la Mégère qui , jusqu'au 2
juin 1793, fit partie de la flotte du
canal aux ordres de lord Hower.
Blackvvood passa ensuite au rang de
capitame en second du ]\o/i-Pareil,
destiné a la garde de l'embouchure
delHumber. Mais trouvant ce ser-
vice trop peu actif, il obtint le com-
inandemeutdu Brillant {diSi^ 1796),
a bord duquel il passa deux ans dans
la station delà mer du Nord sous loi d
Duncau, puis un an a celle de Ter-
re-ISeuve. llsoulint alors (juin i 798)
un combat inégal contre deux fréga-
tes françaises de quarante-quatre ca-
BLA
611
nous, la kertu et la Régénérée-^
et, malgré la supériorité de chacune
d'elles eu particulier, il échappa et
leur causa beaucoup de dommai^es.
L'amirauté récompensa cet exploit
en nommant Blackvvood au comman-
dement de la Pénélope ( mars
1799). 11 fut alors employé au blocus
des ports du Havre et de Cherbourg,
puis dans la Méditerranée où il fut
chargé successivement de diverses
missions. Au blocus de Malte, il
eut une part considérable à la prise
du Guillawne-Tell, qui portait le
pavillon du vice-amira! Decrès. L'in-
trépide résistance de ce marin et de
son équipage ne put balancer la su-
périorité immense qu'avaient sur lui
deux vaisseaux de ligne anglais, le
Foudroyant et le Liovi, secondés en-
core par la Pénélope. Mais ceux-ci
firent bien des efforts pour s'en ren-
dre maîtres; et il y eut de la gloire
pour le vaincu comme pour les vain-
queurs. Blackvvood reçut a celte oc-
casion les félicita lions de ÎSelson, qui
lui écrivit de Palerme dans les ter-
mes les plus flatteurs. La paix d'A-
miens viut suspendre les hostilités.
Dès qu'elles recommencèrent , eu
i8o3 , lord Saiut-\incent investit
Blackwood du commandement de
\Euryale , vaisseau de trente-six
canons. Après avoir assisté quelque
temps au blocus de Boulogne sous
lord Reilh et sir Thomas-Louis ,
après avoir à deux reprises diiféreu-
tes fait partie delà station irlandaise,
sous les ordres de loid Gardner et
de l'amiral Drury, il fut dépéché par
ce dernier pour surveiller les mouve-
ments de la flotte hispano-française
qui avait fait voile du Ferrol sous
Villeneuve et Graviuaj il la suivit
jusqu'à Cadix , revint en toute hâte
en Angleterre, et mit le gouverne-
ment a même de faire partir Kelson
'ili
elA
avec tous les vaisseaux en étal de
tenir la mer. Blackwood accompagna
cet illustre marin dans cette mémo-
rable campagne, et a son arrivée
devant Cadix, 2^ sept. i8o5 , il fut
chargé du commandement de l'esca-
dre côtic-re consistant en cinq frégates
et n\ atre sloops. La mission de cette
escadre était de surveiller encore les
mouvements de la (lotte liispano -fran-
çaise.Dans ce poste de conliauce, il se
montra di^ne de l'estime que INelson
lui témoignait en le choi^issant pour
un service de celle importance, et il
le tint parfaitement au courant de
tout ce qui se passait dans le port
ennemi. Le 20 au soir, comme on
craignait que la flotte combinée ne
tentât , a la faveur de la nuit , d'é-
viter le combat et de franchir le
détroit de Gibraltar , il se tint con-
tinuellement à deiii-porlée de canon
du vaisseau amiral français. Le 21
au malin, jour de la batadie de Tra-
falgar, Nelson le fit venir a bord de
son vaisseau amiral , et dans un long
entretien il se plut a le combler de
marques d'amitié. Qui Ique tcmpï il
avait hongi" à lui confier le comman-
dement d'un navire supérieur à l^ii"!/-
ryale ; mais après réflexions il le
crut capable de rendre plus de ser-
vices a la tète de son escadre légère,
Blackwood en effet montra dans l'ac-
tion autant de bravoure que d'acti-
vité. Le vaisseau amiral de Colling-
wood ayant été démàié, c est sur
VEurynle qu'il transféra son pavil-
lon ; c'est l'iiwrv'ft/equi exécuta Ions
ses signaux. Fortement recommandé k
l'amirauté par les talents qu'il avait
développés dans cette occasion, il fut
promu, en 1806 , au rang de capi-
taine de VAjax, vaisseau de quatre-
vingts canons , et il se rendit sur ce
navjre près de Colliugwood qui sta-
tionnait dans la Méditerranée. Il ac-
BLA
compagtia ensuite lord Duckworlh
dans l'e-xpéditiou contre Constanti-
nople. Mais , chemin faisant , le feu
prit h X Ajax qui péril avec la
moitié de l'équipage ( i4- février
1807), à l'entrée du détroit des Dar-
danelles. Une cour d'enquête et une
cour martiale acquittèrent bonora-
blement Blackwood, qui alors passa
en qualité de volontaire k bord du
vaisseau amiral le Royal-Georges,
où il servit encore avec le même zèle
et la même distinction. Revenu en
Angleterre, il fut nommé capitaine
d'un autre vaisseau de guerre , dont
il garda le commandement six ans,
étant employé dans les flottes de la
mer du Nord , de la Manche, de la
Méditerranée. Au blocus de Toulon,
il obligea a rentrer dans le port six
vaisseaux de lii^ne français , qui en
étaient sortis. Il repassa ensuite le
détroit , figura successivement au
Llocus de Brest et de R^ochefort , en
nov. i8i3 ; et donna sa démission.
La protection du duc de Clarence
( aujourd'hui le roi Guillaume IV )
lui valut l'année suivante le titre de
capitaine de la flotte, et l'honneur de
conduire en France Louis XVIII et
les autres Bourbons. Désigné aussi
pour conduire les souverains alliés de
France en Angleterre, il fut k cette
occasion créé baronnet , contre-ami-
ral et l'un des aides-de-camp de ma-
rine du prince-régent. En 181 8, il
devint groom de la chambre , titre
qui lui fut confirmé lors de l'avè-
nement de Guillaume IV. Elevé
en 1819 au commandement de
toutes les forces navales dans les
Indes orientales, il se rendait k sa
destination, lorsque le vaisseau qui
le portait fut sur le point de faire
naulrage devant Madère. De nou-
veaux arrangements pris par 1 ami-
rauté, et en vertu desquels les fonc-
BLA
tionsde coitiinandant en chef devaient
être remplies par descommodores. le
firent revenir eu Angleterre. La dés-
approLalion qu'il donnait aux iano-
raliiiDs tentées alors fut justifiée
quelques années après ^ mais on ne
lui rendit pas le posie élevé qu'il
avait du croire le sien un instant.
Seulement, en 1827, leducdeCla-
rence , a celte époque lord grand-
amiral, lui donna le commandement
de la station de Chalham. Blackwood
le garda trois ans selou l usage, puis,
peu content de ce pis-aller, il sem-
bla vouloir se retirer du service actif
(1800). Blackwood mourut le 17
déc. i852 k Eallyliedy (comté de
Down). ^ P — OT.
BLAGDEX(sir Charles),
savant anglais, né vers 1740 , em-
brassa de b( une Leure la carrière de
la médecine , et la fit marcher de
front avec celle de 1 histoire natu-
relle et de la phvsique. Ses éludes
le lièrent avec les principaux savants
de la Grande-Bretagne et principa-
lement avec Joseph Banks, dont son
nom est en quelque sorte devenu in-
séparable. Cette intimité ne fut pas
son unique titre à l'estime de ses .
contemporains. Ses belles expériences
sur la ch.deur et sur la glace, divers
travaux de physique et de chimie
mnlr èrent en lui rexiiérimcnlaleur
habile, et eniicbirent la science de
faits nouveaux. Sir Charles Blagden
ne la servit pas moins par le judi-
cieux emploi de sa fortune. Arrivé
après de longs services au poste de
médecin en chef des armées , il
jouissait d'un revenu honorable. De-
puis, Cave; dish lui légua une somme
de seize mille livres sterl. (quatre
cent mille francs) , qu'il a-graenla
encore parion ècono'i.ie. Il avait beau-
coup voyagé en Amérique , en Italie ,
en Allemagne 5 mais la France était
BLA
:i23
sa terre de prédilection. Dès que
i8i4- eut rouvert aux Anglais la
route de Paris , il vint invariable-
ment passer six mois chaque année
dans celte capitale, et nul homme
peut-être n'a plus que lui contribué
à établir entre les savants des deux
nations ces relations amicales si fruc-
tueuses pour la science. Il a rendu des
services a tous ceux qui ont voulu al-
ler étudier en Angleterre les sciences
et les arts, tant en leur ouvrant la
maison de Banls qu'en leur donnant
des lettres de recommandation pour
tous les points qu'il pouvait leur être
utile de visiter. C'est au milieu des
soins de cette immense correspon-
dance, k laquelle il est étonnant qu'un
homme de quatre-vingts ans put en-
core suffire , qu 11 mourut presque
subitement a Arcueil, chez Berthol-
let, le 26 mars 1820, d'un épanche-
ment au cerveau. Sir Charles Blagden
était membre de la société rovale
de Londres. M. Jomard a donné
sur lui nue notice dans la Revue
encyclopédique, avril i82o(repro-
duile dans le Moniteur i\\i 22 sept.).
P— OT.
BLAGRAVE (Joseph), pa-
rent du célèbre mathématicien Jean
Blagrave [P oy. ce nom, IV, 55o),
se distingua par son enthousiasme
pour les études astrologiques. Il élalt
né a Londres en i6io, et il y
mourut en 1675. On a de lui:
I. Introduction à l'astrologie ,
1682 , in 8°. IL Supplément à
l'herbier de Culpepper. A ce Sup-
plément ont été ajoutés: 1° une Nw
tice de toutes les substances médi-
cinales qui se vendent dans les
boutiques de droguistes et d'apo-
thicaires , etc. ; 2° un JSouveau
traité de chirurgc. III. La Mé-
decine astrologique [The aslrolo-
gical praetise of Physick), aie
3 '2 A
BLA
BLA
exposition de la véritable méthode
à suivre pour guérir toutes les
maladies par des herbes et des
plantes qui croissent en Angleter-
re. La Biographie brilannique parle
d'un manuscrit vu p.ar le docteur
Caniubell, et qui, si l'on en croit
l'indication consignée sur le premier
feuillet, aurait été composé par J.
Blagrave. Ce manusciil, qui a pour
titre Remontrance en faveur de
V ancienne science contre les su-
perbes prétentions de la moderne,
spécialement dans ce qui concerne
la doctrine des étoiles, est spiri-
tuellement écrit , et semble indiquer
un auteur d'un tulent supérieur à
celui de Joseph Blagrave, taat pour
la composition qui; pour le style.
On a donc été tenté de l'altribu^r
a Jean Blagrave. Malheureuse-
ment il y est question de la société
royale qui n'existait pas du temps
de ce dernier. Reculé ainsi vers
les années 1669 ou 1670 , ce ma-
nuscrit présente aux biblicgra-
phes un problème singulier. Tou-
tefois on a fini par s'arrêter a l'idée
assez plausible que , parent de Jean
Blagrave, Joseph trouva dans les pa-
piers du savant mathématicien les
éléments d'un travail qu'il lui devint
facile , a l'aide de quelques iulerca-
lations, de rendre applicaMe a l'épo-
que contemporaine. En effet Joseph
avait héiilé d'un domaine dans
Svvallowiield qui avait appartenu a
son parent. P — ot.
BLAiXVILLE ( Charles -
H. ), violoncelliste et maître de mu-
sique a Paris, mort vers 1768, a
publié plusieurs compllalious sans
goût , qui ne valent guère mieux
que ses symphonies 5 savoir : I.
ÎLssai sur un troisième mode ,
Paris, 1760 , in-i2. Ce troisième
mode qu'il piélençlail avoir découverl ,
et qui était mixte entre le majeur et
le mineur , n'est selon J.-J. Rous-
seau que le mode plagal, le douzième
des anciens, encore en usage daus le
plain-chant , et qui résulte, comme
l'a prouvé Sene de Genève, du sim-
ple renversement du mode majeur ,
quant aux intervalles. En un mot,
c'est l'échelle du mode mineur de la,
prise par la quinte , ou bien celle du
mode majeur à'ut, prise par la tierce.
En i8o4, Fabre d'Olivet tenta de
reproduire , sous le nom de Mode
hellénique , le mode de BlainviUe;
mais il n'a obtenu que le suffrage de
Ptl. Momigny. II. Harmonie théu-
rico-praliqne, Paris, i 7 5 i . III. Es-
prit de l'art musical, ibid., 1754,
in-i:j. IV. Hist. générale, ciiti-
que et philologique de lamusique,
ibid,, 1761 , in-4.° , fig. F — le.
BLAISE (Barthélemi), sculp-
teur, naquit en 1758 a Lyon, où il
reçut les premiers principes de stu
art. A son retour d'Italie, il fut chargé
par le chapitre d'exécuter les sta-
tues en marbre de Saint Etienne et
de Saint Jean-Baptiste . que l'on
voit encoie daus le chœur de la cathé-
drale de Lyon. Il vint ensuite a Paris,
et, surla présentation de laslalue d'un
Berger, il fut admis en 1785, comme
agréé , a l'académie de peiu ture et scul-
pture. Quelques années après (1787),
la famille du comte de Yergeniies
lui confia l'exécution du Mausolée
qu'elle se proposait d'ériger a la mé-
moire de ce ministre. Ce monument
était a peine terminé, lorsque la révo-
lution éclata. L'artiste se vil forcé de
le tenir caché daus son atelier, et
ce n'est qu'en 181 8 qu'il a élé pla-
cé dans une chapelle de l'église No-
tre-Dame à Versailles. Biaise se
relira pendant la terreur à Poissy^
avec sa famille ; mais il laissait a Pa-
ris des amis zélés , qui veillèrent a
BLA
ses inlérêts. L'Institut a sa création
le comprit dans la lisle de ses asso-
ciés, et il fut du nombre des artistes
qui fureut a cette époque cbargés de
travaux par le gOHvernement. Ce fut
d'après l'ordre du ministre de Tinté-
rieur qu'il exécuta les bustes eu mar-
bre de Jules Romain et du Pous-
sin , qui sont placés dans la grande
galerie du Musée, el celui du roi de
Prusse Frédéric IT. Sou modèle en
plâtre d'une statue de Phocion,
haute de six pieds , qu'il mit dans le
même temps a l'exposition, lui valut
un prix d'eucouragement. Parmi les
autres ouvrages de Biaise , ou cite
son bas-relief en pierre , représen-
tant le Commerce et la Navigation,
dans l'intérieur de Sainte-Geneviève,
et un autre représentant le Nil , au
Musée, dans la salle des empereurs.
Cet estimable artiste mourut à Paris
en avril 1 8 i 9 . La veille de sa mort il
dicta la notice de ses principaux ou-
vrages , en recommandant a sa fem-
me de la rendre publi([ue; et pour
se conformer a ses intentions, elle
la fit insérer dans le Moniteur du
i4 avril. De tous les élèves de P)laise,
Cblnard {Foj. ce nom, au Siipp.)
est le seul dont il fût fier , et c'est
effecllvement celui qui lui fait le plus
d'iionneur. W — s.
BLAKE (Robert), amiral an-
glais , né en i SgS, a Bridegvvater ,
s'était préparé par de fortes éludes
à suivre la carrière universitaire 3
mais les puritains de son pays,
lui avant reconnu un esprit vaste
et rigide , le choisirent pour
les représenter au parlement de
i64-o. Celte assemblée dissoute,
Blake entra au service et prit parti
pour le long parlement contre le gou-
vernement royal. A la défense de
Bristol, en i645, il commandait un
fort, el il continua le feu après la
BLA
325
reddition , s'exposant a une mort
certaine , s'il avait eu affaire a uu
ennemi moins clément que le prince
Rupert. L'année suivante, il s'em-
para de la ville de Tauton et la dé-
fendit avec une très-faible garnison
contre dix mille hommes accourus K
son secours. Quoique partisan décidé
de l'omnipotence parlementaire, il
Màma hautement , comme Fairfax ,
la mise en accusation et l'exécution
de Charles F"". Pour atténuer l'effet
de celte catastrophe , et fa're recon-
naîlre la nouvelle république , le
parlement donna tous ses soins a la
marine , auxiliaire puissante des né-
gociations. Blake , déjà reconnu
pour la plus forte tête de son parti
après Cromwel! et Ireton , fut
nommé en 1648 membre du con-
s'eil de marine. Il se montra si ha-
bile à organiser et a combiner la
force navale , qu'il fut investi du
commandement de la flotte , avec
Deaue et Popham , tous deux mem-
bres du parlemeut. La flotte royale
aux ordres du prince Rupert mena-
çait les côtes d'Angleterre , et, pa-
ralysant le commerce de la républi-
que, la tenait dans une dangereuse
agitation. Blake eut bientôt chassé
o ...
celte flotte , la poursuivit jusque
dans la Méditerranée, et intimida
tellement PEspagne et le Portugal ,
que ces deux puissances n osèrent se
déclarer contre le parlement. En re-
venant il rencontre un bâtiment fran-
çais de quarante canons, et demande
au commandant s'il cousent à se ren-
dre. Sur une réponse négative il Icpne
de retourner a son bord, et de se dé-
fendre autant qu'il le croira nécessaire
à l'honneur de son pavillon. Après
deux heures de combat, Pollicier fran-
çais vint remettre son épée a Pami-
ral qui l'accueillit avec la plus grande
distinction. En 1662, Blake sou-
3^6
BLA
mit a l'autorité du parlement les
îles de Gueriiesey et Jersi^y, reçut
les reraercîmtnlb de celle assemblée
et fut nommé commandant eu clief
de la flotte pour neuf mois. La nou-
velle république, jalouse de main-
tenir ia prélendue souveraiuelé que
s'attribuait la vieille Angleterre sur
les mers , refusa de renoncer à
riiommage du pavillon et au droit de
visile contre lesquels réclamait la
Hollande. Le 14. mai, le commodore
YouDg avait forcé , après un vif cora-
fcat , une division hollandaise a
baisser pavillon devant la bannière de
St-Georges. Le 20, Tromp se pré-
sente avec son escadre devant celle
de Blake sur la rade des Dunes. Ce-
lui-ci , au moment d'être accosié,
tire plusieurs coups de canon sur
l'amiral hollandais qui j après avoir
fait feu du côté opposé en signe de
mépris, riposte par toute .sa bordée.
\oyaut le combat inévitable, il se
délaelie de son escadre dans le des-
sein de proposer a Tromp un combat
particulier , afin d'éviter l'eiFusion
dii sang et la guerre entre les deux
nalions. Accueilli par une nou-
velle bordée il soutint seul le feu
des Hollandais ju:,qu'à ce que l'esca-
dre aux ordres de Bourne vint le ral-
lier au bruit du canon. Le combat ,
devenu général et très-animé , se
prolongea jusqu'à la nuit. Les histo-
riens anglais et hollandais ne s'accor-
deut m sur la foice des deux flottes,
ni sur les circonstances du combat.
Quand, après un examen réfléchi
des divers récits de celte affaire et
de celles qui vont suivre, nous n'a-
vons pu arriver a la vérité probable,
nous avons reproduit la version an-
glaise, afin de l'oppnser 'a la version
hollandaise adoptée a l'article Tromp
{^ oy. ThO.MP, XLYI, 570), et de
mettre le lecteur à même de juger
BLâ
d'après ses propres observations. Les
élats généraux envoyèrent k Lon-
dres Paw , négociateur habile ,
pour prévenir une ruplure. Mais le
parlement, excilé par Cron:well (|ui
ne leur pardonnait pas l'appui qu i's
avaient accordé au prélendanl, se
moulrapeu disposé a la conciliation.
Le 8 judlet la guerre fut déclarée, et
de part et d'aulre on fit d'immenses
préparatifs. Resté dans la Manche,
Clakc avait augmenté et si bien di-
rigé ses forces, que les Hollandais
u osaient plus s y montrer même sous
escorte. Leurs cargaisons, débarquées
dans les porls de France, arrivaient
aux Pays-Bas par terre et par eau.
Kon coûtent d'avoir ainsi paralysé le
commerce des élats, il voululporleruu
dernier coup a leur puissance navale
en détruisant les pêcheries de hareng
qui employaient annuellement un quart
de leur poj)alalion et plus de 3 000
bàtimeuts. 11 laissa la défense des
Duues a Sir G. Ayscue récemment
arrivé de la Barbade, et fit voile au
nord. Malgré la belle défense de
l'escadre chargée de proléger les
pêcheries, B ake s'en rendit maître
ainsi que du convoi. Mais par une
modération qui fut sévèrement blâ-
mée en Angleterre , il se borna a
exiger le tribut du dixième imposé
par Charles L'', et ne détruisit que
ceux des pêcheurs qui refusèrent de
l'acquitter. Tandis que Blake s'empa-
raildespècheries hollandaises, Tromp
se présenta a l'entrée de la Tamise
avec une flolle de 70 voiles pour y
surprendre le vice- amiral Ayscus^
Kc l'ayant pas trouvé, il fit roule au
nord pour iulercepler l'amiral à sou
retour. Les deux flottes se rencon-
trèrent eu vue des côles d'Ecosse
et se préparaient au combat lois-
qu'elles furent séparées par une vio-
lente tempête. Cinq frégates boUau-
BLA
daises, restées de Farrlère, loinbè-
reut au pouvoir do l'enueini. Blake fut
encore blâmé de n'avoir pas poursuivi
les Hollandais, et Tromp . plus mal-
tjailé, sevitrein[)lacer parRnyterqiii
livra peu de temps après à l'amiral
Ayscue le sanglant combat de Plj-
mouth. Une escadre française aux
ordres du duc de Vendôme s'avan-
çait au secours de Dunkercpie assiégé
par les Espagnols. 11 entrait dans les
vues de Cromwell de faire tomber
cette place eu leur pouvoir : en con-
séquence, sous prétexte de représail-
les , pour de prétendues déprédalions
commises par des bâtiments français
à Terre Neuve , il ordonna a Blake
de détruire l'escadre. Vendôme fut
surpris, défait, et Dunkerque dut se
rendre k rarchiduc. La Lille entre les
deux républiques d'Angleterre et
de Hollande s'étendit du détroit k
toutes les mers. Une nouvelle flolte,
aux ordres de Wilt, fut promple-
ment équipée et fit jonction avec celle
de Ruyler, entre Dunkerque et Neu-
port , le 2 octobre 1662. Wiit
piit le commandement en clief dt's
deux flottes réunies, et, après s'être
débarrassé de son convoi, fit voile à
la recherche des Anglais qu'il attei-
gnit le 28 septembre. Blake, tou-
jours intrépide , prit l'initiative lie
l'attaque 5 coula plusieurs vaisseaux
hoUaui-lais , poursuivit les autres
jusqu'à Corée, et revint triomphant
aux Dunes. Il s'éleva en Hollande
une tede clameur contre M'ill qu'il
faillit en mourir de douleur. Il al-
légua pour sa jaslificalion riniérlo-
rilé numériciue de ses vaisseaux et
de ses équipages, et la lâcheté de
vingt de ses capitaines qui s'étaient
tenus, en effet, hors de la portée
du canon. En moins de six semaines,
les états mirent a la mer unellolle
de quatre-vingts voiles ans ordres de
BLA
3^7
Tromp , pour escorter un immense
convoi. B'ake venait de disperser la
sienne et n'avait aux Danes que trente-
sept Lâlimeots. Malgré celto^ gronde
intériorité, il eut le tort héroïque
d'accepter le combat que Tromp vmt
lui présenter le 29 novembre, et dut,
après avoir fait des prodiges de va-
leur, se retirer devant un ennemi
qui se montra trop fier d'une victoire
obtenue par le nombre , s'il est vrai
que Tromp attacha un bal.ii k son
grand mât de hune , pour dire qu'il
avait balayé les Anglais des mers pré-
tendues britanniques. Le parlement,
non moins acharné que les états ,
équipa une nouvelle flolte pour pu-
nir Tromp de sa jactance, a sou re-
tour de Bile de Pté , oii il était allé
prendre la direction d'un convoi de
trois cents voiles. Afin de faciliter les
levées, il décréta : 1" une avance de
solde et des secours aux tamilles j 2°
des primes calculées sur le tonnage et
l'artillerie des bâtiments qui seraient
pris oudéiruils; 3" l'établissemeut
de' plusieurs hôpitaux pour les ma-
lades et les blessés. Le commande-
ment fut partagé entre Blake^ Deane
et Popham. Le 1 1 février i653,
les deux escadres se réunirent sous
le cap Bévéziers ; puis Blake alla
attendre les Hollandais devant Porl-
land. Tromp croyait avoir mis les
Anglais hors dictai de reprendre la
mer, et il fut hien étonné de se voir
allaqué le 28 février. Les flollcs ,
au dire des deux amiraux . étaient de
soixante-dix voiles chacune. Blake et
Deane montaient le Triumph qià
fondit le premier sur l'ennemi et lut
exlrèraemenl maltraité avant d'être
rallié par l'armée. Un même coup
blessa Blake et faillit tuer son collè-
gue ; leur capitaine de pavillon et le
commissaire d'escadre tombèrent
piorts a leurs côtés. Plus de cent
^2t>
nLA
hommes de l'équipage furent lues et
le vaisseau était tellcinent criblé
qu'il ne prit qu'une faible part aux
combats des jours suivants. Trorap ,
long - temps engagé avec Blake ,
perdit la plupart de ses officiers et
fut désemparé; Rujter vit tomber
ses pelils et grands mais de bune, et
faillit être pris. Un vaisseau hol-
landais sauta ; six autres furent cou-
lés ou pris. Les Anglais n'en perdi-
rent qu'un, le Samsoii . qu'ils firent
sauter pour qu il ne tombât pas au
Bouvoir de l'ennemi. Les deux flot-
tes profitèrent de la nuit pour se
réparer, et le combat recommença
le lendemain en vue de l'île de
Wight. Blake , s'attacbant surtout à
détiuire le convoi, les marchands
jetèrent leurs cargaisons par dessus
bord et forcèrent de voile pour s'é-
chapper. Le vaisseau monté par
Ruyter fut complètement désemparé^
huit bàlimculs de guerre hollandais
et quatorze marchands furent pris.
Le combat dura toute la nuit et
recommença le lendemain près de
Boulogne. Tromp profitant de la
nuit alla mouiller aux Dunes de Ca-
lais, et fit route pour la Hollande
faiblement poursuivi par les Anglais.
Les deux nations s'attribuèrent la
victoire. Elle fut aux Anglais si l'on
cousiîlère le combat uniquement
sous le point de vue militaire^ car
les Hollandais perdirent plus de
vaisseaux et se retirèrent les pre-
miers j mais, sous le rapport politi-
que et commercial, Tromp rendit un
immense service a son pavs en conser-
vant le convoi. Cette lutte mémorable
ne se termina qu'en avril i 654, parle
traité d'union entre les deux répu-
bliques, traité par lequel la Hollande
vaincue se soumit a l'hommage du
pavillon. Dès que la paix fut signée,
Cromwell voulut exiger de l'Espagne
BLA
ce qu'il venait d'obtenir de la Hol-
lande : 1° d'abandonner les intérêts
du prétendant; 2° des indemnités
commerciales et des cessions de colo-
nies; 5° l'hommage du pavillon sur
toules les mers. Il équipa deux flottes
considérables: l'une commandée parle
vice-amiral Penn, fit route pour les
Indes-Occidentales; l'autre, aux or-
dres de Blake, eut pour mission d'éta-
blir dans la Méditerranée la prépon-
dérance navale de l'Angleterre.
Après avoir exigé une indemnité con-
sidérable du grand-duc de Toscane
pour le commerce anglais 5 après
avoir obtenu satisfaction des pira-
teries commises par les Algériens,
bombardé Tunis et forcé a la paix
le dey de Tripoli , il entra dans Ca-
dix avant l'époque convenue de la
prise de la Jamaïque par Penn. Les
Espagnols, justement indignés de la
surprise de cette colonie si importante
par sa situation a l'entrée du golfe
du Mexique, séquestrèrent tous les
biens des sujets anglais. Le protec-
teur envoya un renfort k Blake et
l'ordre de bloquer Cadix, afin d'em-
pêcher la sortie de l'escadre qui de-
vait aller a la rencontre du convoi
des Indes-Occidentales. Tandis qu'il
était allé se ravitailler sur les côtes
du Portugal , ce convoi parut et fut
pris ou détruit par le conlre-amiral
Stayuer. Blake continua de croiser
devant Cadix et dans le détroit jus-
qu'en avril 1607. Informé de l'arrivée
de huit galions et de dix autres bâti-
ments richement chargés dans le
port de Sainte-Croix de Ténériffe ,
il força le 20 l'entrée de la baie ,
les brûla ou coula tous , et res-
sortit malgré le feu des batterie?.
Le parlement lui vola des remercî-
ments pour cet exploit, resté un des
plus célèbres dans les fastes de la
marine anglaise. Il voulut continuer
BLA
sa croisière; mais se sentaut atteint
du scorbut, il fit voile pour l'Angle-
terre, et mourut dans la traversée le 17
août 1607, âgé de 5g ans. Ainsi il ne
revit pas cette pairie qu'il venait de
servir avec tant de dévouement et de
gloire. Il fut inhumé avec pompe a
Wcstiniiister dans la chapelle de
Henri VII. Blake était d'une petite-
taille , et d'un caractère taciturne.
Ayant trouvé dans la marine un ali-
ment ason ardente activité, il reslaia-
différent k la pollticjue et fut respecté
de tous les partis. « Il est le prê-
te mier , dit Clareudon , qui soit .sor-
« li de la routine et qui ait prouvé
a que la science nautique peut s'ac-
tc quérir eu moins de temps qu'on
« ne l'imaginait. Il méprisa la règle
« ancienne qui consistait k tenir son
« vaisseau hors du danger, comme si
a la grande habileté d'un capitaine
a était de revenir du combat sain et
« sauf. Le premier il fit voir aux
a vaisseaux que les batteries, jus-
« qu'alors jugées si formidables , ne
« servaient qu'k intimider par du
K bruit et ne pouvaient nuire que
« rarement. Le premier , enfin , il
« donna l'exemple de cette inlrépi-
K dite de l'homme de mer qui se
« complaît aux entreprises les plus
« périlleuses et combat dans le feu
« comme dans l'eau. » Ch — u.
BIiAKE (Jeax Bradley) , na-
turaliste , né a Londres le 4- novem-
bre 174-5, f»'t élevé au collège de
Westminster. Les mathématiques ,
la chimie , le dessin , la botanique
furent les principaux objets de ses
études , mais c'est a la dernière de
ces sciences qu il se dévoua tout en-
tier. Il y fît de grands progrès. En
1766 , la compagnie anglaise des
Indes-Orientales l'envoya en qualité
de subrécargue , k Canton, en Chine.
Rendu k sa destination , sans négili-
BIA 3'i9
ger les devoirs de sa charge , il con-
sacra tout ce qui lui restait d'instants
a former une collection des graines
de tous les végétaux de la Chine qui
peuvent être de quelque utdité pour
la médecine , pour les arls ou poin-
l'alimenlation , et il les envova en
Europe , afin d'en introduire la cul-
ture , soit dans la Grande-Bretagne
ou l'Irlande , soit dans les colonies
de l'Angleterre. Aux graines Blake
joignit autant qu'il le put les plantes
elles-mêmes. Ses idées s'agrandis-
sant , il en vint k prendre autant
d'intérêt a la minéralogie qu'k la bo-
tanique , et il commençait k mériter
aussi bien de celle-là que de celle-ci ,
lorsqu'une fièvre dévorante , causée
par des fatigues excessives , l'em-
porta le 16 nov. 1773 , k Can-
ton. La société royale de Londres ,
qui se préparait k le comprendre
parmi ses membres , lui donna des
regrets amers 5 et le président J.
Pringle , en prononçant l'éloge de
Blake, déplora son trépas prématuré.
P OT.
BLAKE (Guillaume) , graveur
anglais, né vers 1759 , avait été
l'élève du célèbre Basire. A un ta-
lent incontestable il joignait une telle
naïveté, une telle incurie des affaires
de la vie, qu'il ne sortit jamais d'une
position voisine de la misère. Jamais
pourtant on ne vit sa résignation se
démentir. C'était le plus cordial et
le plus obligeant des hommes. Au
milieu de son étroite chambre^ qui ,
pour tous meubles, avait son lit dans
un coin , une petite table chargée
d'un maigre dîner dans l'autre , ses
planches de cuivre , ses tableaux ,
ses dessins, ses couleurs et ses livres,
il était heureux. Une piété vive con-
tribuait sans doute , avec l'amour de
l'art , a soutenir son courage. Une
seule chose manquait k sa félicité ;
33o
BLA
c'était de ne pouvoir lire le Dante
en italien. Agé de soixaute-six ans ,
il se mit à étudier celle langue pour
goûter dans l'iiliome origin il les
beau'és du Gibelin de Florence.
G. Ëlakeinouriit'e i3 août 1827. On
a de cet arlisie : 1. Les Portes du
Paradis, T^si. v. in- 1 2, 1 755, avec
I 5 plancLfS d'emblèmes. II. Chants
de l'Expérience , ijgo, avec des
planches. III. L'Amérique , prophé-
tie , in-folio. IV. L'Europe, pro-
phétie , in-folio. Ces deux estampes
sont maintenaul fort rares. V. Plan-
che.', r)Qm\e& Nuits d'Youns, 1707.
LWI-. j . . HT / y /
edilion devait avoir une gravure
à chaque page : la publication inter-
rompue après le premier numéro iîe
fut jamais reprise. VI. Collection do
Ballades, fârtisL^lej , eiGravures,
par hlake , i8o5. Huit numéros
seulement parurent. VU. Illustra-
tions pour les Tombeaux de Bîair.
Ces illustrations au nombre de douze,
dessinées par Blake . furent gravées
par Scliiavouelli. VIII. Catalogue
descriptif de j>eintures , sujets de
poésie et d'histoire , exécutés par
Guillaume Blake, à l'aqua-tinta,
etc. Ces sujets sont au nombre de sei-
ze : on a remarqué surtout le Pèle-
rinage de Chatcer, à Canterbury .
IX. Suite (ï Illustrations pour le
livre de Job. Les graveurs et les
peintres les plus renommés de la
Grande-Biclague ont payé un juste
tribut d'éloges au lalejit de Blake.
Selon Flaxmau, la péijurie de cet ar-
tisle est une preuve alfligeanle de
l'apathie avec laquelle ce pays trop
f)ositif considère la grande peinture ,
a peinture qui a des idées, de l'en-
thousiasme , des croyances et de la
piété. Fuessli, si connu par sa sévé-
rité en même temps que par la pu-
reté de son goût, donne les éloges
le« plus vifs aux ilhislration* de
BLA
Blake, tout en remarquant l'excentri-
cité du genre de Tarlisle , dont l'o-
rigiujlilé impétueuse et grandiose
semble souvent sur le point de fran-
chir les limites tracées par le goiit à
l'imai^ination. P — ot.
BLAKE ( JoACHiM ) , général
espagnol, naquit a Vclez-Malaga.
Safamille, irlandaise d'origine, tenait
a celle des Blake du comté de Gal-
lovvay. Son père était négociant.
Très-jeune encore, il embrassa la
profession des armes et fut admis
en qualité de cadet dans le ré-
giment d'Amérique , où il obint
quelque avancement. 11 était adju-
dant , lorsqu'il passa comme pro-
fesseur au collège des cadets établi
à Port Ste-Marie par O'Reilli, gou-
verneur de Cadix. Cette institution
militaire qui eût pu être si utile a
l'Espagne ayant été supprimée, Blake
revint au régiment d Amérique avec
la répulalion d'un des officiers les
plus instruits de la péninsule. Il y
resta jusqu'en lypS, épo([ue à la-
quelle le roi Charles IV mil a exécu-
tion les menaces de guerre qu'il
avait faites si vainement pour em-
pêcher la mort de Louis XVI.
Blake était alors canitaiue; il entra
en qualité de major dans le régi-
ment des volontaires de Castille, que le
duc de riulaiitado levait k ses frais,
et filles campagnes de Roussillon et
de Catalogne , où il montra beau-
coup de bravoure et de talent. H fut
blessé a la prise de San-Lorenzo de
la Maya, et se trouvait après la paix
de Bàle lieutenant-colonel du régi-
ment des volontaires de la couronne,
dont il devint colonel en 1802. Un
des derniers actes du malheureux
roi Charles IV lui conféra le grade
de maréclial-de-c-imp. A Tépoque
des événements de Bayoune , Blake*
était avec sou régiment a U Co-
BLA
rogne ; et , de tous les officiers ré-
pandus dans la Galice, il .se Irou-
vail le plus élevé en grade. La junte
mil sous son commandement toutes
les levées que cette province allait
fournir et le chargea de les organi-
ser. Cette tâche n'était pas facile.
L'entlousiasnie pour la cause espa-
gnole était au comble dans cet angle
nord-ouest de l'Espagne ; mais cet
enthousiasme ne conuaissait ni règle
ni frein. Les nouvelles levées avaient
égorgé leur général Filangieri , uni-
quement parce qu'elles le soupçon-
naient de vouloir se tenir sur la dé-
fensive au lieu de marcher droit à
l'ennemi. Blake, en prenant posses-
sion de ce dangereux commaudemeni,
fut oblige d'afficher une jactance qui
n'était pas dans sa pensée. Cepen-
dant on s'enrôlait en foule : l'An-
gleterre, décidée k soutenir les efforts
de l'Espagne; délivrait les prisonniers
espagnols entassés sur ses pontons et
les dirigeait sur la Corogne, habillés,
équipés, armés. Elle envoyait en
même temps cinquante mille fusils,
et proraellait des troupes, quoique
au dire des Espagnols ce fût ce dont
on avait le moins besoin. Divers ré-
gimenls revenant de Portugal et d'Es-
tremadure augmentèrent le noyau
de l'armée de Galice. De ces forces
réunies, Blake forraaquatredivisions.
Se mellant à la lèle des deux plus
considérables et les mieux, organi-
sées, il partit deLugoh la fin de juin,
passa les monts , et arriva le 6 juillet
a Benaveute, où il opéra sa jonction
avec le général Cuesta. Ce qu'il faut
remarquer, c'est que la junte autori-
sait Biake a ne point recevoir d'or-
dres de Cuesta, qui de son côté pou-
vait agir indépendaii ment de lui.
Quoique tout nouvellement battu a
Cabezon, Cuesta voulait hasarder une
autre bataille , à cause de l'insubor-
BLA
33 j
dination des troupes : Blake, qui ap-
préciait à ta valeur la supériorité de
la tacli ]ue française, voulait au con-
traire éviter tout en<ra£:emtnl sérieux.
Bessières ne leur donna pas le temps
de se mettre d'accord, et le 1 4 juillet, à
la tète de quinze mille hommes au plus,
il vint atta(juer les deux chefs espa-
gnols a Médina-del-Rlo-Seco, quoi-
que ceux-ci eussent au moins le dou-
ble de soldais. L'artillerie de part
et d'autre était égale j mais la cava-
lerie était nulle du côté des Espa-
gnols, tandis qu'au contraire les
Français avaient quinze cents chevaux
commandés par Lasalle, un des meil-
leurs généraux de cavalerie. Accep-
ter avec un tel désavantage la bataille
en plaine était une faute grave. On
reproche encore àBlake d'avoir range
ses troupes en avant d'un défilé. Les
Espagnols furent complètement bat-
1u~ : le corps de Cuesta déjà entamé a
Cabezon fut anéanti. Blake se replia
en assez bon ordre sur Benavente ,
sur Astorga, et prenant position a
Manzana, sur la chaîne de montagnes
qui sépare les affluents du IMiulio
d'avec ceux du Dueio et qui forme
comme l'avant-mur de la Galice , il
s'y maintint et s'y réorganisa. La
perte de cette journée n'en tut pas
moins immense: a C'est , disait Bo-
naparte, la bataille de V^illaviciosa:
Bessières a donné le trône à Joseph
comme Berwick l'avait autrefois
donné "a Philippe V j » et Joseph en
effet put avancer de \'illevia jus-
qu'à la capitale de l'Espagne et s'y
installer. Mais l'insurrection méri-
dionale vint au secours de celle du
nord; et la capitulation d« corps
français a Baylen força Joseph k se
rapprocher des Pyrénées. Blake alors
marcha en avant, etj occupant B.lbao,
étendit sadroite de proche en proche
jusqu'à Burgos,oi\ il finit par être
332
BLA
maître. Sur ces entrefaîtes débarquale
corps espagnol que La Romaiia avait
ramené du fond des îles danoises et
qui vint grossir Farinée de Blakr.
Mais INapol'.'on en personne arrivait
avec des reuTorts. Décidé k écraser
les Espagnols avant que Texpédilion
anglaise commandée par sir John
r^îoore parût . tandis que plusieurs
divisions assaillaient Casiagnos, il Fit
marcher conlre Blake une division
sous les ordres du maréchal Yiclor.
L'engagement eut lieu k Espinosa et
dura trois heures de Taprès-midi. L'on
recommença le lendemain avec plus
d'acharnement que la veille. En»
fin les Français ayant tourné la
position de l'ennemi, la résistance
devint inutile, et B'ake vaincu aban-
donna le champ de bataille pour te-
nir ferme k Reynosa où étaient tous
ses magasins. DIalheureusement la
défaite du jeune comte de Belvidère,
dont le corps devait couvrir Burgos
et soutenir le flanc droit de Blake,
compromit la situation de ce gé-
néral, déjà menacé dans Reynosa
par les divisions Yiclor et autres,
aux opérations desquelles le maré-
chal Soult put dès-lors lier les sien-
nes. Blake, voyant son armée de plus
en plus désorganisée, sur le poiut
d'être cernée , n'eut plus d'autre
moyen de salut que de se retirer sur
Santander. Mais cette retraite , opé-
rée avec précipitation, par des trou-
pes sur lesquelles la discipline était
sans pouvoir, fut vraiment désastreu-
se : la plus grande partie de l'armée
de Blake y péril. On regretta surtout
la perte du beau corps de La Romana
qui, engigé maladroitement dans les
rochers d'Espinosa, y finit sans gloire
comme sans utilité pour la cause natio-
nale.Ces échecs, que d'au Ires sans dou-
te n'eussent guère évités qu'en s'expo-
sant a des risques plus grands encore.
BLA
n'empêchèrent pas que Blake ne fut
regardé par les patriotes d'Espagne
comme un de leurs principaux appuis.
Sa constance a ne point désespérer
du salut de la patrie , son activité ,
le soin qu'il mit a rallier , ;i réorga-
niser ses troupes, la promptitude
avec laquelle il remplit a l'aide de
nouvelles recrues les vides laissés
dans ses rangs par la défaite, lui
méritaient cette confiance. Toutefois
ce fut pousser l'indulgence trop loin
que de mettre la retraite d'Espinosa
au rang des plus belles opérations de
ce genre. La junte centrale reconnut
les services de Blake en lui décer-
nant le titre de lieutenant-général.
Mandé par elle , il remit le com-
mandement k La Romana qui avait
été promu aux mêmes fonctions, et
se rendit k Séville où était le siège
du gouvernement. Une décision de
l'assemblée provisoirement souve-
raine lui conféra le commandement
général des provinces d'Aragon, de
Catalogne et de Valence (1809).
Blake se rendit d'abord en Catalo-
gne, où il reconnut l'état de Girone,
puis, après avoir laissé dans cette
province le général Coupigny , se
dirigea vers Saragosse en remontant
l'Ebre. Peu de temps lui avait suffi
pour réunir uq corps d'armée sur les
frontières de Valence et de l'Aragon.
Aidé de cesforces, il avait conçu l'es-
pérance de battre le troisième corps
français aux ordres de Suchet , de le
rejeter sur la Navarre et les Pyré-
nées , de couper la grande commu-
nication de Bayonne k Madrid et de
séparer ainsi de leur base d'opéra-
tion les armées françaises enfoncées
dans îa Péninsule. Il eut li'abord
que'ques avantages : en vain Suchet
au combat d'Alcagniz (20 mai) vou-
lut s'emparer du mamelon de
Las Horcas. Non seulement il ne
BLA
put déposter Blake, mais encore il
fut obligé de faire sa retraite , dans
la direction de Saragosse , et quel-
que désordre se mit dans ses troupes^
Probaldement il eût été forcé d'éva-
cuer tout TAragon et leplaa de son
adversaire se fût ainsi trouvé rempli,
si celui-ci se fût rapidement porté en
avant. Mais B'ake craignit de com-
promettre son succès par la précipi-
tation j il attendait un renfort de
quatorze mille Yalencais qui ne tar-
dèrent pas a se montrer j d'ailleurs il
cherchait a organiser Tinsurrectiou
autour de lui : et bientôt en effet
le colonel Ramon Gayan , le bri-
gadier Perena firent quelques mou-
vements. Alors seulement ceux
de Blake se dessinèrent : il se diri-
gea vers Belchite à trois lieues de Sa-
ragosse. Deux combats eurent lieu
dans ces parages : le premier à Maria
le I 5 juin, le second trois jours après
sur les hauteurs mêmes de Belchite.
La victoire y fut disputée • mais
elle resta à Suchet. Suivant les Mé-
moires de ce général les neuf derniè-
res pièces de canon que possédait
Blake tombèrent alors au pouvoir des
Français. Celui-ci dut se replier sur
la Catalogue; et, par des manœuvres
aussi hardies que rapides, il sut mal-
gré l'exiguilé de ses forces, et quoique
Gouvion Saint-Cyr tînt la campagne
avec un corps nombreux , intro-
duire des secours dansGirone. Après
cette belle opération sur laquelle le
guerrier français ne s'est exorimé
(|u ambigumeut dans ses Mémoires,
Blake repassa dans la province de
Yalence , ranima l'eiilhousiasme par
sa présence , et la défendit pied
a pied dans plusieurs engagements.
Pendant ce temps les E?pagnuls
avaient perdu la bataille d'Oca^^na,
qui ouvrait aux généraux de Napo-
léon la route de l'Andalousie, et la
BLA
333
junte centrale qui déjà s'était trans-
portée d'Aranjuez a Séville se réfu-
giait de Séville à Cadix, La ficit
son existence. La junte prononça
elle-nnème sa dissolution, en déléguant
provlsionellement le pouvoir a une
régence de cinq membres par elle
nommés, a la charge de convoquer
incessamment les Cortès. Réunies en
vertu de cette espèce de testament
politique ( 2 4- septembre i8io), les
Cortès choisirent une autre régence
composée de trois membres. Blake
en fit partie. On avait arrêté en prin-
cipe que dans la régence entrerait un
militaire. iSul plus que lui ne possédait
la confiance et l'estime publiques né-
cessaires a ce poste éminent. 11 en
remplit les fonctions pendant plu-
sieurs mois à la satisfaction générale.
Mais on s'aperçut bientôt que les
opérations militaires soufi'raienl de
son absence, absence forcée puisque
le règlement desCortès, stirles attri-
bulioDs et les devoirs de la rép^ence,
défendait que sous quelque pré'
texte que ce fût un membre du haut
triumvirat juuîl du moindre pouvoir
militaire. Les deux collègues de
Blake ( Pierre Agar et don Gabriel
Cescar ) demandèrent qu'en raison
de la nécessité il fût dérogé au rè-
glement , et que B'ake reparût k la
tète des troupes. Les Cortès accueil-
lirent a l'unanimité celte proposition
et le nommèrent capitaine-général,
dignité qui dans la Péninsule e'aui-
vaut a celle de maréchal. C'ett en
cette qualité qu'il prit part aux opé-
rations subséquentes tant dans l'ouest
que dans l'est de l'Espagne. C'est
Blake qui en réalité commandait k
toutes les forces anglaises et natio-
nales dans l'Estràmadure , quoique
nominalement le commandement en
chef appartînt a Casiagnos. Parmi
les affaires principales dont cette pro-
BLA
vînce fut le théâtre , la bata-Jle d'Al-
butéra mérite une mcnlion. Trente
mille Anglo-Espagnols débusquèrent
vingt- citjq raille Français el le raaré-
clialSoult d'une position Irès-avanla-
geuse : la reprise de Badajoz fut le
fruit de celle journée iraport;inle. De
rEstramadure,Blake se rendit dansla
province de\alence, et y opposa aux
Français une vive résistance. Enfin ,
après avoir tenu la campagne aussi
long-temps que possible , il per-
dit la bataille décisive de Murvié-
dro, pi es des ruines de Tancienne Sa-
gonte, el fut réduit a s'enfermer dans
Yalence. Il avait, dit- ou , promis
aux habitants de les défendre jus-
qu'à la dernière extrémité. Tou-
tes les approches de celte cité im-
portante se couvrirent a sa voix de
bastions, de redans, de crémail-
lièresj les retranchements se garni-
rent de troupes el d'artillerie 5 les
nombreux canaux qui parlent du
Guadalaviar et qui ramiliés dans la
campagne y forment des lignes mulli-»
pliees de défense naturelle furent
tous mis a proSt. Enfin ralliant de
tous les côtés tantôt des hommes et
des détachements épars , tantôt des
pay-ans insurgés et de la milice, il
se mit en mesure de réunir autour
de Valence trente mille hommes et
trois mille chevaux. Ces eflbrts
letardèrent long-temps le maréchal
Sucbel qui, vainq.ieur a Murviédro,
était impatient de profiter de son
avantage. La persévérance fut égale
de part et d'autre, et, le 26 décem-
bre, Blake vit l'armée française fran-
chir le Guadalaviar. 11 n'en céda pas
les rives sans unebataillej mais, après
avoir opiniâtrement disputé la vic-
toire, il se laissa .-éparer des généraux
Math, Obispo,\'dlacampa,- el fui re-
foulé dans Valence mcme^ avecODon-
nel , Miranda , Zayas , Lardizabal ,
EJjfL
et environ les deux tiers de ses
troupes, c'est-a-dire une vingtaine de
mille hommes. Dans celte situation ^1
critique, il songea d'abord à sortir
furtivement de la ville à la tète de
quinze mille hommes pour se jeter
dans les montagnes et revenir de là
troubler les opérations des Fran-
çais. Ce projet hardi reçut un com-
mencement d'exécution dans la nuit
du 28 au 29 déc. Mais soit que
Sachet eût été prévenu, soit qu'il
eût prévu un mouvement de ce genre,
Blake le trouva toujours préparé.
L'avant - garde seule alleignil les
montagnes : le reste revint occuper
le camp retranché sous les murs de
la ville qui fut attaquée régulière-
ment le 2 janvier 1812. Blake con-
traria de son mieux rétablissement
des batteries jusqu'au 5 j mais il ne
put empêcher que ce jour le bombar-
dement ne commençât. Invité le len-
demain a capituler, il répondit fière-
ment que la veille peu'-être avant
midi (heure à laquelle le feu s'était
ouvert) , il eût accepté ce qu'on lui
proposait j mais que vingt-quatre
heures de bombardement lui avaient
appris quel fond il devait faire sur l'é-
nergie de la population valençalse, non
moins que sur celle de ses propres
troupes. Cependant il paraît que cette
énergie était à bout • et au fond la
position n'était pas tenable , à moins
que l'on ne voulût exposer Valence
à toutes les horreurs d'une prise
d'assaut. Le 8 , Elake oiîril de ren-
dre la ville et de se retirer sur
Alicante, lui el son armée, avec armes
et bagages el quatre canons. Ces con-
diiions furent rejelées et Blake dut
souscrire a une capitulation pure et
simple dont la seule clause modifica-
trice était l'échange de deux mille
Français prisonniers aCadix, Alicante
et Cabrera contre uu pareil nombre
BLÀ
d'Espagnols. Celte couvenlion, signée
par les deux généraux en chef le 9
janvier, remit aux mains des Fran-
çais dix-huit mille prisonniers, plus
deux mille chevaux, vingl-un dra-
peaux , etc. Blake prisonnier comme
tout son corps voulut parlir immédia-
tement pour Saragosse et Pau. 11 fui
accompgné jusqu'à, la frontière par
l'adjudanl-général Floreslan Pépé,
qui alors était mandé a ]Naple<;. Une
fois en France, il fut transféré à Pa-
ris et de là au châleau de Vincennes,
où il resta jusqu'à la chute du gou-
vernement impérial. Celte captivité
n'empêcha pas les Corlès de le nom-
mer, lors du n nouvellement de la ré-
gence, conseiller d'état. Le triomphe
des alliés ayant brisé ses fers en î 8 1 4-,
Fempereur Alexandre lui donna des
marques d'estime. Rentré en Espa-
gne sous le ministère de Ballesléros,
Bldke fut nommé directeur-général
du corps des ingénieurs. Il garda
ce posie honoralle jusqu'à la révo-
lution de 1820, et recul en échange
une place au conseil d'état. La res-
tauration opéiée en iSaS par les
armes françaises faillit lui être fu-
neste. Devenu suspect aux royalistes
qui gouvernèrent alors, il n'obtint sa
purification qu'avec beaucoup de pei-
ne et après de longues soUicilalions.
Il mourut à Valladolid en 1827.
Les militaires qui ont porté sur
Blake un jugement impartial lui ont
reconnu des talents positifs, un
grand savoir, de la perspicacité,
de la tactique, assez d'rabilelé pour
former dans le cubinelde bons plans:
mais il lui manquait deux points
essentiels, ce coup d'œil prompt qui
improvise sur le champ de bataille ,
et l'art de manier, d'animer, d'en-
thousiasmer le so'dat. P — ot.
BLAMPIN (Dora Thomas:, bé-
nédictin de la congrégation de Saint-
BLA
3SS
Maur, né aNoyon en 1 6^0, fut clioisi
par ses supérieurs pour continuer la
belle édilioa de St Augustin , com-
mencée sous la direction deDomDel-
fau(F^oj.cenom,X, 670). Les onze
volumes quicomposent cettecolleclion
furent publiés de 1679 a 1700 (i).
Dom Lecerf , qui a donné une Bi-
bliothèque historique et critique
des auteurs de son ordre , dit
que tt Dom Blampin suppléa par
a une science attentive et discrète
« a la vivacité d'esprit surprenante
« et a tant d'autres talents que le
« P. Delfau avait reçus du ciel pour
K conduire une pareille entre-
tt prise (p. 24 ). » Elle donna lieu
a une polémique très-vive engagée
par les jésiiites , qui lancèrent dans le
public plusieurs pamphlets, v,vl les
éditeurs de Saint-Augustin étaient
accusés de favoriser les doctrines de
Jansénius. Les PP. Lami, Massuet ,
Sainte-Marthe et Monlfaucon repous-
sèrent ces attaques dans divers écrits.
La grâce suj)isante et la grâce ef-
ficace étaient devenues le thème sur
lequel s'exerçaient des convictions
plus ou moins réelles. On commençait
à s'échauffer de part et d'autre, quand
un ordre précis du roi vint terminer
ce combat, oti le mérite de la mo-
dération ne resta pas aux aggres-
seurs. Dom Blampin , doué d'un
caractère modeste et candide, avait
laissé k ses confrères le soin de ven-
ger son travail des atteintes de la
critique. Il se conlenla de justifier ses
intentions près de ses supérieurs ec-
clésiastiques. Les PP. Coulant et
Guesnié le secondèrent pour l'achè-
vement de l'édition de Saint-Augus-
tin , qud conduisit à sa perfec-
(i^ Suttcli ^urelii Augustini , Hipponensis
episcopi, opéra, einendat» studio monacborum
oiclînis S. Benedicti, cum vit.) pjusdpm S. Au-
gustini, indicibus, etc., Paris, Muguet, 167g-
1700, Xltom. en S Tol. in-fol.
336
BLA.
tion (2). La correction du texte, les
noies et les préfaces dont elle est ea-
richie, rendent celle coUeclion une
des plus recoramaiidaUes de la Bi-
baollièipie des pères de l'église. Les
dignilésde l'ordre furent le prix des
travaux et des vertus de Dom Blam-
pin. Successivement prieur de Saiul-
Rémi , de Saint-Nicaise de Pieims,
el de Saiul-Oueu de Rouen, visiteur
de la province de Bourgogne , il
mourut dans l'abbaye de Saiut-Be-
uoît-sur-Loire ou de Fleury, le i3
février i 7 i 0 . L — M — x.
BL AMPOIX (Jean-Baptiste),
évèque consLitut;onnel du déparle-
ment de l'Aube , était né le i6oct.
1 74. 0 a Mâcon. Ayant embrassé l'état
ecclésiastique, il professa d'abord la
pbilosopliie au collège de sa ville na-
tale, el fat ensuite pourvu de la cure
de Vaudœuvres, près de Troyes. Le
zèle avec lequel il remplissait ses mo-
destes fondions lui mérita re.vtime
du seigneur de sa paroisse. Il lui con-
féra une chapelle de six cents francs
a sa nomination 5 et, sachant que le
patrimoine du digne curé passait en-
tièrement aux pauvres, 11 continua de
lui payer les revenus de ce bénéfice,
long-temps après sa suppression.
L'abbé Blarapoix prêta le serment
exigé des prêtres et ne quitta sa pa-
roisse que lorsqu'il y fut contraiut
par les décrets de la Convention. Elu
évêciue de Troyes, par le clergé con-
stilutionnel, il assista en cette qua-
lité au concile national de 1801,
et , a l'exemple de ses collègues ,
donna sa démission par suite du
concordat. Depuis , il occupa quel-
que temps la cure d'Arnay, dans
le diocèse de Dijon ; mais , son
grand âge ne lui permettant pins de
remplir les devoirs de pasteur, il se
(2) ■Vigueul-Marrllle (B. è'hY^o\iue], Méhujics
d'Idslcire et de ItUcmlure, toui, I, i). 82.
BLA
retira dans sa famille a Mâcon. Lors
du passage de Pie VII dans cette
ville, en i8o/i, il sollicita l'honneur
de lui être présenté , et il en recul
un touchant accueil. Après un long
entretien, qui eut lieu a voix basse, en
présence des principales autorités, le
pape lui tendit les bras et le pressa
contre son sein , en disant : ^p-
puyezj appuyez. On a su de l'abbé
Blampoix que le seul reproche que le
pape lui eût fait, était d'avoir ac-
cepté un évêché , sans l'intervention
de la cour de Rome; mais que lui
ayant répondu que, malgré cette irré-
gularité, il n'avait jamais cessé d'être
attaché de cœur et d'âme au saint-
siège , le pontife lui avait témoigné
sa satisfaction en l'embrassant ; et
qu'il y avait ajouté des offres de ser-
vice. L'abbé Blampoix mourut a Mâ-
con en 1820. Outre des Mande-
ments et des Lettres pastorales , il
a publié quelques articles dans les
Annales de la religion. Des No-
tices sur Blampoix ont été insérées
dans la Chronique religieuse , V,
279, et dans \ Annuaire nécrologi-
que^, 2.3. ^V — s.
BLA]VC(Jean-Den]s-F£reéol),
avocat, naquit à Besauçon^ eu i7/i4--
Sou père, procureur au parlement, ne
négligea rien pour lui donner une
bonne éducation. Après avoir achevé
ses études au collège de Juilly, il
suivit les cours de droit delà faculté
de Paris et reçut ses grades. De re-
tour a Besancon, il ne tarda pas à se
distinguer au barreau de cette ville
par son érudition, non moins que par
son éloquence 5 et, quoique trè.'i-
jeune encore, il se vit bientôt honoré
de la confiance des principales maisons
de la province. Il publia plusieurs
Métnoires dans l'affaire de l'enlève-
ment de M""* de Mounier par Mira-
beau , et contribua beaucoup à faire
BLA
condarauer le ravisseur ( f'ov. Mi-
EABEAU, XXIX, 92). A rasscinLlée
des états de Frauche-Coiulé, Blanc
fut uu des coramissaiies chargés de
rédiger les cahiers du tiers- état 5 et
il s'acquitta de celle mission avec un
tel succès, que Fasseliiblee lui témoi-
gna sa satisfaction en faisant frapper
une médaille , de grand modèle ,
portant un faisceau de piques , en-
louré d'une couronne de chêne, avec
cette inscription : Les gens du tiers-
état de F ranch e- Comté , assem-
blés le 26 novembre 1788; et au
revers ; Sequani civi Bisiinlino
Dyon. Ferr. Blanc. Il fut ensuite
élu député aux états-généraux 5 mais,
déjà souffrant a sou départ, des sui-
tes d'une chute de voiture, il ne prit
qu'une faible part aux premières dé-
libérations des trois ordres j et mou-
rut a Versailles , le i5 juillet 1789.
La ville de Besançon lui fit faire des
obsèques magnifiques, et dont la des-
cription a été imprimée in-8°, avec
son Oraison yunêbre, ^àr D. Grap-
pin ( Voy. ce nom, au Supp.).
W— s.
BLANC (Le). Voj. Leblanc,
XXIII, 482, et au Supp.
BLANC ARD (Pierre) , navi-
gateur , né à Marseille , le 2 i avril
1741, entra de bonne heure dans la
marine marchande. Il avait déjà fait
dix campagnes en Amérique , et con-
naissait bien la manière d'y traiter les
affaires de commerce , lorsqu'ea
1769 le privilège exclusif de l'an-
cienne compagnie des Indes orienta-
les fut supprimé. Alors les différen-
tes villes de commerce s'empressèrent
de faire des armements pour ces
contrées, et Blancard fut chargé, en
1770, des opérations commerciales
de la frégate la 2 hé Lis, que le gou-
vernement avait accordée a uue mai-
Son de Marseille qui eu fit l'arme-
BLA 3;;57
meut. Pour son début, Blancard alla
jusqu'à Batavia, et il y fut témoin,
en septembre 1772 , de la cérémo
nie annuelle dans laquelle uu conseil-
ler des Indes mettait le feu a un bû-
cher composé des épiceries les plus
précieuses , formant la portion sur-
abondante que la compagnie hollan-
daise ne voulait pas livrer à la con-
sommation. Le succès de Blancard
dans cette première opération, et la
sagacité qu'il montra dans la gestion
des affaires, lui lireut donner le com-
mandement d'un vaisseau qui attei-
gnit Mocka en i774-' H y donna des
preuves d'intelligence et de fermeté
en forçant le gouverneur a se confor-
mer aux clauses du traité conclu pour
la France en 1757 par La Garde- Ja-
zier ( Voj. Merveille , XXVIII,
o()G ). Afin de s'assurer de la
bonne qualité du café qu'il devait
charger, il se rendit a Beith-el-Fakhi,
principal entrepôt de celle denrée ;
et, cuinme il parlait assez couramment
la langue du pays, il put s't?xpliquer
sans l'intermédiaire d'un interprète
avec le gouverneur , et obtint de
lui que les Français eussent les
mêmes avantages que les Anglais.
Les voyages de Blancard avaient
été heureux sous tous les rapports :
ce borheur fut interrompu en 1777;
la frégate le Duras ^ qu'il comman-
dait, fit naufrage le 12 avril, sur
les écueils qui bordent les Maldives.
C'est sur ce vaisseau qu'était embar-
qué Barras ( ^oj-". ce nom, LVIl,
186) depuis directeur de la républi-
que française. La guerre qui écla-
ta en 1778 entre la France et l'An-
gleterre, puis le rétablissement de la
compagnie des Indes, après la paix,
obligèrcnl Blancard à naviguer sous
les pavillons toscan et autrichien elk
effectuer son retour a Livourne et
à Ostende. Dans uue période de
3S8
h\.\
tÎBgt ans , il visita ious les marcliés
de l'Asie sur la mer des Indes , où
les Européens vont commercer , de-
puis Mocka jusqu'à Canton , où il
était en 1792. Les événements
qui ne tardèrent pas a répandre le
deuil sur sa pairie le déterminèrent
à allérir aux Eiats-Unis de l'Améri-
que seplenirionale , et k y vendre sa
cars!,aison et son vaisseau. De retour
k Marseille, quand la paix intérieure
y reparut , il tut nommé syndic des
classes, et membre du conseil decora-
luerce. Au déclin de l'âge, il cherclia
une reliaite a Aubagne et il y mourut
le I 6 mars 1826. On a de lui : Jlln-
nuel du commerce des Indes
Orientales et de la Chine, Paris,
1806, in-folio , avec une carte de
M. Lapie. Ce livre, dans lequel l'au-
teur a consigné le résultat de sa longue
expérience, est i:n des meilleurs que
l'on puisse consulter sur la matière.
On y trouve des uolions précieuses
sur les diverses espèces de marclan-
dises qu il convient de porter au
niarcbé des Indes et sur celles que
l'on en tire; sur la manière de se
conduire envers les naturels du pays,
sur les poids, les mesures , les mon-
naies. Malgré les cbangemenls con-
sidérables que le temps a apportés
au négoce des Européens avec les
Indes, l'ouvrage de Blancardest tou-
jours bon a consulter, surtout pour
ce qui concerne le commerce d'Inde
en Inde. Sa lecture n'en est pas même
sans agrément par les faits que l'au-
teur rapporte. Il avait connu au
Bengale j'olts {V. ce nom, V, 68),
qui était membre delà cour des al-
dermans, et il se trouvait a Pondi-
cb.éryen 1790, quand le jeune prince
de la Cochincbiue y vint débarquer
avfc l'évêque d'Adran(K. Pigneatj,
XXXIV, 43o). Cliarpenlisr-Cossi-
gny ( Voj, ce nom , X, 47 ) a
BLA
publié des observations sur ce livre :
il en critique quelques passages;
mais il lui rend une justice complète
eu disant que a c'est un des plus im-
« portants qu'il connaisse , et qu'il
K mérite d'être étudié pnr les bom-
« mes d'élat, par les négociants,
« par les philosophes et par tous
« ceux qui aiment a s'instruire. »
L'introduction de l'ouvrage de Rlan-
card et ses Considérations sur le
commerce de l'Inde, qui se trou-
vent a la suite , avec une pagination
différente , avaient été imprimées a
part sous le titre de Manuel, etc.,
Marseille, 1803 , in-^". A l'époque
où B'ancard écrivit , le calendrier
appelé républicain était encore en
usage en France. L'emploi qu'en fait
Fauteur produit un effet bizarre,
qunnd il nomme les mois vendémiiire,
fiimaiie. nivôse, en parlant des cen-
trées de l'Inde maritime , où l'on ne
connut jamais ni la vendange du rai-
sin, ni les frimas, ni la neige; du reste,
la dénomination ordinaire des mois
suit toujours l'autre indication. Blan-
card était un navigateur distingué :
son désastre aux Maldives lui
prouva l'importance de s'appliquer a
la méthode des longitudes par les
dislances lunaires : jusqu'alors il l'a-
vait négligée, ainsi qu'il en fit l'aveu
k Zach, qui, dans sa Correspon-
dance astronomique , l'appelle son
ami, et qui p'us d'une fois la nom-
mé avec éloge a l'auteur de cet ar-
ticle. De Perthes , dans le lome III
de son Histoire des NauJ'rages, a
inséré la relation du naufrage du
vaisseau le Duras ; mais le nom de
Blancard n'y est pas cilé et celui de
Barras est transforme' en de Barre.
On trouve une iVo/Zce sur ce navi-
gateur, par M. Jauffret, dans les
jilémoires de l'académie de
Marseille. E — 5.
BLA
BLANCHARD (Alain), habî-
tânl de Rouen , commaoïlail nue par-
tie de la populaliou de celle ville lors
du siège mémorable qu'elle soalint
en i4i8 contre Henri V, roi d'An-
glelerre. Le cournge que dépb'ja
Blanchard , et qu'il sut inspirer a ses
conclloyens, retarda pour quelque
temps la prise de la ville; mais ne
recevant pas de secours, trahis par
le gduverneur Gui Le Bouleiller, li-
vrés aux horreurs de la famine , les
Ronennais furentcontraints de capitu-
ler. Le roi d'Ang'eterre, d'après une
coutume barbare dont il donna des
exemples à Beaumonl, a Monlereau,
à Melun, à Chei bourg, exigea qu'on
lui livrai un certain nombre de victi-
mes , parmi lesquelles se trouvait
Blanchard. Ces malheureux rachetè-
rent leur vie à prix d'argent; mais
Blanchard, qui était sans fortune ,
fut décapité. « Je n'ai pas de bien ,
tt disait-il en marchant au supplice 5
et mais quand j'en aurais, je ne l'em-
K ploierais pas pour empêcher un
« Anglais de se déshonorer. » C'est
ainsi (|u'nn raconte ordinairement ce
trait d'histoire. Eu 1828, lorsqu'il
fut question à Rouen de décerner des
hommages publics à la mémoire d A-
lain Blanchard, ime polémiq'ie assez
vive s'éleva entre deux académiciens
de cette ville. M. Licquet , président
de l'académie, y lut UDe Notice sur
Alain Blanchard , dans laquelle il
le peint des plus noires couleurs , et
ne lui accorde aucun droit à la re-
connaissance de ses compatriotes. M.
Dupias,auteur d'une tragédie d Alain
Blanchard , publia une Réfutation
du discours de son confrère. Enfin,
M. Aug. Leprevoslj autre mesubre
de l'ac.idémie, fit paraître des Ré-
flexions sur Alain Blanchard, ten-
dant à corroborer les arguments du
président. Nous ne reproduirons pas
BLA
339
ici les longs détails où sont entrés ces
antagonistes. D'un côte il y a peut-
être trop d'enthousiasme pour le hé-
ros rouenuais , et de l'autre trop d'a-
charnement contre sa mémoire. M.
Licquet représente Alain Blanchard
comme vendu au parti bourguignon ,
et comme l'un des meurtriers du bailli
Raoul de Gaucourt et autres ma-
gistrats de Rouen, massacrés pen-
dant une émeute. La seule autorité
sur laquelle il ' s'appuie est celle
de Moustrelet, historien contem-
porain à la vérité , mais dont l'u-
nique témoignage ne peut fournir une
preuve irréfragable. Suivant l'auteur
de la notice, Alain Blanchard ne prit
que peu ou point de part a la défense
delà ville; il fut cependant décapité
après la reddition , mais sans quon
sache pourquoi. \ oila une étrange
assertion. Que le monarque anglais,
non moins a\are que cruel, ail quel-
quefois compris dans ses listes de vic-
times certains personnages unique-
ment parce qu ils étaient riches et
qu'il espérait en tirer de fortes ran-
çons . ce'a se conçoit. Mais Alain
Blanchard n'étail pas dans celte calé-
goiie. Sa pauvreté au contraire a
donné lieu de lui prêter des paroles
mémorables, dont nous ne préten-
dons pas pourtant garantir l'anthen-
licilé. Si donc le cupide vaii queur le
fit mourir, c'est qu'il s'était signalé
pendant le siège par une courageuse
résistance, et k ce titre, il mérite-
rait encore des éloges , quand même
il se serait laissé entraîner k des excès
malheureusement trop communs dans
les temps d'anarchie, mais qu'aucun
document irrécusable et sans réplique
n'autorise k lui imputer. P — rt.
EL AXCHARD :J^ ix-PiERRE),
aéronanle , né au petit Andely en
1753 , était fils d'un tourneur. Doué
d'une imagination vive et d'un esprit
12,
3.Vj BLA. BLA
inventif, il s'appliqua dès sou eufaace l'idée de montrer à Long-Champ une
h la mécanique 5 ayant conçu l'idée voilure allant sans chevaux ; mais le
de s'élever dans les airs, il étudia la iemps ne lui permit pas de l'exécuter,
conformation et la manière de voler II fut alors pendant quelques jours un
de plusieurs espèces d'oiseaux. Après sujet de conversation et un objet de
divers essais, inutilement tentés pour curiosité. Les frères de Louis XVI ,
les imiter, il imagina une machine qui, les ducs de Chartres , de Bourbon ,
contenant assez d'air pour se soutenir, et plusieurs grands personnages allè-
pûl fendre cet élément, comme un renl le voir. Les trois premiers lui
navire fend les eaux. Il lui donna promirent, dit- on, chacun quatre
la forme d'un oiseau, convexe par mille louis , s'il réussissait. Le 5 mai,
'dessus et par dessous, étroit a l'avant jour indiqué pour la démonstration
et a l'arrière, ayant pour tête la proue publique de sa voiture aërienoe. l'af-
et pour queue le gouvernnil : le corps, fluence se porta chez lui autant qu'à
en bois léger et solide, était comme l'ouverture de la nouvelle salle du
celui d'un vaisseau , partagé en plu- Théâtre-Français. Comme la foule
sieurs membrures matelassées , tra- ne permettait pas de laisser la ma-
versé par deux petits mâts, et recou- chine dans le salon doré où elle élait
vert a l'extérieurd'un carton vernissé, exposée, et que la pluie empêchait
L'inventeur pouvait entrer dans celte delà montrer au dehors, Blancbardlut
machine par une porte qu'il refer- un discours où il en développa l'uti-
mait 5 s'y asseoir avec un compagnon lité et les inconvénients . qui étaient
de voyage ; y voir clair a travers des surtout de ne pouvoir découvrir an-
glaces, et y renouveler l'air au moyen dessous de lui sur quel endroit il
d'une soupape. Six ailes de dix s'abattrait, et de se trouver , en cas
pieds d'envergure sur dix de large, d'indisposition subite, hors d'état
qu'un ressort faisait déployer rapide- de manœuvrer j a moins d'avoir un
ment, étaient adaptées a sa voiture compagnon. Quoiqu'il assurât qu'il
ae'iienne. Celle de devant et celle de pouvait s'élever en tous lieux, en tous
derrière devaient servir a son ascen- temps et faire trente lieues par heure,
sion, et les quatre autres, placées de il apercevait sans cesse de nouvelles
chaque côté, la soutenir et la faire difficultés eu approchant du terme ;
planer. Blanchard travailla long- mais sa jactance et ses vaines promes-
temps a perfectionner son ouvrage^ ses cachaient très-bien son inqulétu-
qu'il annonçait aussi comme un bateau ile. Ce lut alors qu'un de sesentliou-
insubmcrsible ; mais, désespérant siastes fit le distique suivant :
de recevoir en France des dédom- ililhereum transibit itei- quo nomine Blanchard
magementS suffisants, il était sur le Impavidus soncm non timet Icaiiam.
point déporter son industrie dans les Ses essais n'avaient produit aucun ré-
pays étrangers-, un abbé Devitnnav, sultatco!mu,lorsquelemarquisde Cau-
chez lequel il était logé a Paris, au sans tenta l'expérience de l'appareil a
commencement de 1782, le retint l'aide duquel il s'élancadu Pont-Royal
dans sa patrie. C'est chez lui que les dans la Seine. Bien que cette inven-
curleux allaient voir la machine, et lion fût l'inverse de la sienne, Blan-
Blanctiard répondait a toutes les ob- chard crut pouvoir en tirer quelque
jections en homme qui semblait les parti. Mais toutes ses assertions, ses
avoir toutes prévues. Il avait eu aussi tentatives et ses prétendus perfection-
BLA
nemenls u'aboalireut a rieu, beureu-
sement pour lui , car il y aurait perdu
la vie. Blanchard élait oublié , lors-
que le moteur qu'il avait cherché eu
vain fut trouvé par Montgolfier ,
inventeur des aérostats (P oj'. ce
nom , XXIX , 566 ). Blanchard
se flatta de les diriger en y adap-
tant sa voilure aérienne. Il reparut
alors sur la scène 5 malgré l'in-
exécution de ses précédentes pro-
messes , on approuva sa méthode, et
il fut autorisé à ou\Tlr une souscrip-
tion a trois francs le blilet, qui lui
produisit quarante à cinquante mille
irancs. Le 2 mars 1784, tout élait
préparé au Champ-de-^Iars pour bon
ascension. Il devait, k une certaine
hauteur, couper les cordes du ballon,
le laisser aller au gré du vent et
manœuvrer avec ses ailes et son gou-
vernail , soutenu par un parachute
en forme de grand parasol. 11 était
embarqué avec le physicien dom
Pech, bénédictin, petit homme mai-
gre et fluet comme lui, lorsqu'un élève
de rÉcole-Militaire, nommé Dupont
( et non point Bonaparte , comme
on l'a prétendu ) , pour gagner un
pari fait avec ses camarades, ou peut-
être pour favoriser Blanchard , se
précipita vers la machine et voulut
partir avec les aéronautes. Furieux
d être refusé , il tua l'épée , brisa
le parachute et les ailes, et bles-
sa le mécanicien k la maiu. Dom
Pech descendit alors 5 et Blanchard
s'éleva seul , passa et repassa la Seine^
et descendit, au bout de deux heures,
près de la manufacture de Sèvres. Il
se vanta d'être monté jusqu'à deux
mille toises plus haut qu'aucun des
aéronautes ses prédécesseurs, et d'a-
voir navigué contre les vents k l'aide
de son gouvernail; mais les physi-
ciens publièrent que les variations de
sa marche ne devaient être attribuées
BLA
o4i
qu'auxcouranls d'air au milieu desquels
il avait lourbilionnéj etcorame il avait
mis sur sa banderoUe et sur ses car-
tes d'entrée la fastueuse devise • Sic
itiir ad astra , on lança contre lui
cette épigramme :
Au Champ-de-Mars il s'envola;
Au champ loisin il resta là ;
Beaucoup d'argeut il ramassa.
Messieurs, sic itur ad astra.
Toutefois les Parisiens, toujours en-
goués des nouveautés, regardaient la
méthode du mécanicien aéronaute
comme préférable k celLe de ses de-
vanciers. N'ayant pu obtenir de ré-
péter son expérience dans la capitale,
il al'a faire sa deuxième ascension a
Rouen, le 20 mai. Ses ailes étaient
en bon état ; mais on ne remarqua
point qu'il s'en fut servi utilement :
ce n'est qu'a sa troisième ascen-
sion, dans la même ville, le 18 juil-
let, qu'il parut les employer comme
moyen de direction. Recevant peu
d'encouragements en France, où Mont-
golfier, Charles Robert et même Pi-
laire de Rozier avaient obtenu des
honneurs et des pensions, il partit
pour l'Angleterre et fit a Londres, le
6 octobre , une nouvelle ascension
avec des ailes perfectionnées, et pour
laquelle les billets d'entrée furent de
douze et de six francs. Ayant annon-
cé le projet de traverser la Planche
eu ballon, il trouva un rival dans Pi-
laire qui , jaloux de ses succès et lort
de quelques protections k Paris , en-
treprit de le précéder dans ce voyage.
ÎMais , tandis qu'il faisait construire a
grands frais deux ballons a Bou-
logne, d'où il se proposait de partir,
Blanchard, plus actif et plus heureux,
le devança. Ils'éleva de Douvres, le
7 janvier 1785, avec le docteur Jef-
feries, et descendit, en moins de trois
heures, sans accident, a une lieue de
Calais, au-delk de la forêt de Guiues.
Mais les aéronautes avaient couru les
34^
BLA
plus grands dangers. Pour alléger le
ballon, ils avaient élé obligés de jt-ter
à la mer Itur lesl, leurs livres, leurs
provisions, leurs habits et jusqu'à
l'ancre qui devait fixer la machine a
terre; accrochés dans les cordages,
ils avaient été au moment de couper
la nacelle. On dit même que le doc-
teur anglais sacrifia son pavillon et dé-
clara à son compagnon qu'il était prêt
à se précipiter , s'il le croyait néces-
saire. Ils arrivèrent h Calais 'dans
une voilure a six chevaux, envoyée
parles magistrats 5 la foule se pres-
sait sur leur passage, fn criant : Pri-
vent les voyageurs. Le lendemain,
le pavillon français fut hissé devant
la maison oiJ ils avaient couché. Le
corps municipal , les officiers de la
garnison, vinrent les visiter. Ala suite
d'un dîuer, qu'on leur donna a
l'Hôtel-de- Ville, le maire présenta a
Blanchard une boîte d'or sur laquelle
était giavé un ballon et contenant
desleltres qui lui accordaient le titre
de citoyen de Calais. L'aérostat ex-
posé dans la principale église, fut ré-
clamé par les magistrats, qui donnè-
rent à Blanchard trois mille francs de
gratification et une pension de six
Ceutsfiaucs: il fut arrêté que le ter-
rain sur lequel s'était opérée la des-
cente serait nommé canton Blan-
chard., et qu'une colonne en marbre
y serait érigée pour perpétuer le sou-
venir d'un événement, qui, quel que
puisse être plus lard le sort de cette
découverte , sera toujours un fait mé-
morable. La nouvelle de ce voyage
excita le [ilus grand enthousiasme. La
reine, qui était au jeu, mit pour Blan-
chard sur une carte et lui fit compter
une forte somme qu'elle venait de ga-
gner. Les envieux du mécanicien
aéronaute lui donnèrent le sobriquet
de don Quichotte de la Manche; mais
le peuple le célébra dans ses chan-
BLA
sons Arrivé a Paris trois Jours
après, il dîna, le 16, diez le baron
de Breleull , alors ministre , qui lui
annonça que le roi lui accordait
une gratification de douze mille francs
et une pension de douze cents. Le
pavillon qu'il avait fait flotter sur
la Manche fut placé dans la salle de
l'académie des sciences. Blanchard
s'empressa d'aller recueillir a Londres
les mêmes tributs d'élogesqu'à Paris.
Il \il h Boulogne Pilâtre de Bozier,
qui, désespéré de s'être laissé préve-
nir et jaloux de surpasser son rival,
entreprit, peu de mois après, la mal-
heureuse a-^ccnsiou où il périt avec
l'infortuné Romain , son compagnon
( Foy. PiLATRE , XXXI V, 445 ).
Quant à Blanchard , il partit de
Calais, le 21 février, pour l'An-
gleterre , et fit a Londres une as-
cension avec mademoisele Simo-
iiet, âgée de quinze ans , la première
Française qui soit montée en ba lun,
mais non la première personne de son
sexe j car une Anglaise , madame
Tible , l'avait précédée. Blanchard
allait vile en besogne. Arrivé à La
Haye, le 24. juin, il y fit, le 12 juil-
let , sa douzième ascension iMais sou
ballon , construit trop à la hâte, ne
lui permit de prendre qu'un des
quatre compagnons de voyage annon-
cés. A la veille de tomber dans le
Bie-BuSy à six lieues de la v.ile, il
ouvrit la soupape et alla descendre à
cent pas du bord de l'eau, dans une
prairie, dont le propriélaire exigea
dix ducats de dommages-intérêts. Il
eut même beaucoup de peine à se ti-
rer des mains des paysans hollandais,
qui raccueillirent avec des bàlons et
des fourches, brisèrent lanacele et em-
portèrent la gaze d'or et la toile qui
l'entouraient. Une jouissance d'amour-
propre le consola de cette pctile dis-
grâce : en passant à Guines, le sS, il
fut coiidnit en cavalcade au canlon
Blanchard , où il vit la colonne
érigée en mémoire de son passage
de la Manclie ; il eu calcula les
proportions avec un crayon, et s^é-
cria dans renllinusiasme de sa recon-
naissance ; K Grâces a Dieu et k vous,
« messieurs , je ne crains plus ni le
« persiflage ni la calomnie. Il fau-
a drail cinquante mille rames de
a libelles entassés , ptur masquer
« cette colonne sur toutes ses faces, jj
Sa quatorzième ascension eut lieu à
Lille. Après diverses expériences du
parachute, qu'il avait ajouté k son ap-
pareil, comme il ne remplissait pas
sa promesse de monter en ballon le
2 5 août , les magistrats le firent com-
paroir et garder k vue jnsq'i'au
lendemain j a'ors il s'éleva avec un
chevalier de Lespinar 5 laissa d'a-
bord tomber en parachute un chien,
qui ne se fit aucun mal 5 et, après
sept heures de voyage aérien , il
alla descendre a soixante - trois
lieues de la , a Savon , en Cler-
myntois. A Francforl-sur-Mein ^ au
moment où il montait dans sa na-
celle , le 27 septembre , avec le
prince de Hesse-Darmstadt et un of-
ficier de dragons, un coup de veut
déchira du haut eu bas le ballon qu'on
lui avait préparé j il s'évanouit, et le
duc de Deux-Ponts, pour le soustraire
k la foule des mécontents, le prit
dans sa voilure. Ayant fait réparer
le balion qn"il avait apporté de Lille,
il partit, le 3 octobre , avec son pa-
rachute et son chien; et au bout de
trente-trois minutes, il prit terre k
Weilboiirg, a quatorze lieues de
Francfort, où il revint le lendemain.
Ce quinzième voyage lui valut des hon-
neurs extraordinaires. Le comte de
Romanzoff, ambassadeur de R-.'Ssie ,
le conduisit a son balcon , en tenant
deux flambeaux pour le montrer au
bla
%lt^
peuple. Deshommes traînèrent son ca-
resse jusqi'.'au spectacle , où on le
transporta lui-méaie de loge en lo^e
Sonbuttey fut couronné sur un trône
placé au temple de mémoire. Lestrois
Giaces, les Amours lui cbanlèrent des
couplets et vinrent le couronner dans
sa loge. 11 reçut des boîtes d'or, des
montres, des médailles, de l'argent;
et douze princes et princesses d'Alle-
magne, qui se trouvaient a Francfort,
souscrivirent pour un ballon capable
d'enlever cinquante personnes, k l'é-
poque du couronnement du roi des Ro-
mains. Dans sa seizième ascension,
qu'il fit kGand, le 1 9 nov., Blanchard
courut de grands dangers. Ne pouvant
résister k la froide température jus-
qu'à laquelle son ballon s'était éle-
vé , il le creva , laisja tomber
sa nacelle , s'accrocha aux cordes
et descendit sans se faire de mal, mais
en causant quelques dégâls. L'as-
tronome Lalande avant publié qu'il
y avait erreur sur les trente-deux
mille pieds ( cinq raille trois cent
trente-trois toises), a la hauteur des-
quels Blanchard prétendait être mon-
té ; qu'il était impossible d'exister k
celte élévation, et qu'aucun aéro-
naute n'avait été plus haut que deux
mille cinq cents toises, Blanchard fit
insérer dans les journaux une lettre
datée de Lille, le 2 5 décembre, dans
laquelle, sans contredire les raisonne-
menls du savant académicien , il Tin-
vilait a l'accompagner dans un pro-
chain voyage. Ce ne fut que treize
ans plus tard que Lalande accepta
celte invitation. Blanchard assista. It
7 janvier 1786, dans la forêt de Gui-
nes, a l'inauguration de la colonne,
sur laquelle fut gravée unelongnein-
scripiion latine, envoyée parl'scadé-
mie des belles- lettres et contenant la
relation du voyage de Douvres a Ca-
lais. Il fit preuve d'ignorance dans
3/,4 BLA.
une plate réponse qu'il adressa aux
magistrats. Le soir, ou lui offrit un
banquet et un bal ; ion portrait était
placé dans la salle ; et vis-a-vis, dans
un médaillon entouré de lauriers, on
lisait ces vers de La Place, citoyen
de Calais :
A'itant que le Français l'Anglais fizt intrépide;
Tous les deux on t plane jusqu'au plus haut des airs,
Tous les deux, sans navire, onl traverse les mers ;
Mais la France a produit l'inventeur et le guide.
La dix-septième ascension de Blan-
chard, tentée trois fois el toujours con-
trariée par les vents, eut lieu a Douai,
le i8 avril. Ildesccndit a trenle-deux
lieues de celte ville, où il revint le
surlendemain. Une musique militaire
et un nombreux cortège de dames et
de gens distingués l'accompagnèrent
jusqu'à l'Hôtel-de-Ville , où il reçut
une montre entourée de brillants et
ime somme d'argent. Au mois de mai
1786, il perdit h Bruxelles un superbe
ballon de cent quarante-deux pieds
cubesj qui , aux trois quarts plein ,
rompit les cordes qui le retenaient ,
s'éleva rapidement et retomba en
lambeaux. Blanchard fit, le 10 juin,
devant l'arcbiduc et l'arcbiducbesse
des Pays - Bas , sa dix- huitième as-
cension avec deux ballons. Il était
dans la nacelle du plus grand ,
et a l'autre était attaché un pa-
rachute dont il coupa la corde et
qui retomba sans accident avec un
mouton. Il répéta la même expérience
a Hambourg, le 2.0 août, saus inno-
vations, et sans progrès dans sa manœu-
vre. En effet, on voit , par une lettre
qu'il écrivit d'Aix-la-Chapelle au
chevalier de Lespinar, pour lui an-
noncer sa vingt-unième ascension, qui
eut lieu dans cette ville , le 9 octo-
bre, qu'il confessait n'avoir trouvé
dans les airs aucun moyen de
direction ; que , pour traverser Ja
jManclie , il ne lui avait fallu que du
BLA
courage et un moment favorable ]
mais qu'avec un ballon de quatre-
vingts pieds de diamètre, il se risque-
rait a voyager la nuit et a planer sur
les mers. Si, avec cette conviction,
Elanchard fut le seul aéronaute qui ne
se dégoûta pas de son dangereux mé-
tier, s'il devint le chef d'une école qui
survécut a toutes les autres, et d'une
légion de voyageurs , qui successive-
ment l'accompagnèrent dans ses
voyages aériens, il est évident qu'il
en avait fait un objet de spéculalion,
un moyen de fortune. Son aiubition
et sa vanité croissant avec ses succès,
il voulait porter son industrie dans
toutes les cours de l'Europe; mais il
ne trouva point partout les mêmes fa-
cilités. L'empereur Joseph II lui ré-
pondit que , lorsque l'utilité des aé-
rostats lui serait démontrée , il s em-
presserait d'accueillir sa demande
el même de le fixer auprès de lui. Le
roi de Prusse allégua que, malgré sa
confiance dans Ihabileté deTaéro-
naute , il n'était pas rassuré sur les
dangers de ses expériences^, et qu'il
serait fâché qu'un malheur lui arri-
vât dans ses étals. Comme l;lanchard
n'était ni physicien, ni chimiste, mais
seulement mécanicien, on a peine a
croire qu'il ait découvert deux sortes
de gaz, comme il s'en vanlait 5 l'un
extrait du feu, sans acide vitriolique,
sans limaille de fer et dix fois plus lé-
ger que l'air atmosphérique j l'autre
fait avec de l'eau en ébuUition et de la
limaille de fer: tous deux plus prompts,
plus faciles et plus économiques que
celtii que Charles avait inventé. Il
fit usage du premier, dans sa vingt-
deuxième ascension, h Liège, après y
avoir perdu un autre ballon neuf, par
la négligence des ouvriers qui le
laissèrent échapper. A Yalenciennes,
le 27 mars 1787, il s'enleva avec une
flottille de cinq pctiisLa'Jons, qu'il as-
BLA
siirait "lire plus commodes et plus
sûrs qu\iu gros aérostat • ce qui ne
l'eiupècha pas de s'accrocber aux
cheminées , aux arbres , et a im
clocber. A Naucv , oii il fit sa vingt-
quatrième ascension, le i*"" juillet,
avec la seconde espèce de gaz , qu'il
disait de sou invention 5 a Strasbourg,
le z6 août, à Leipzig , le 29 sept.,
il répéta la descente en paraclnile
d'un animal, cl ses évolutions ordinai-
res , mais toujours sans pouvoir se
diriger. Cependant il attirait partout
la même affluence j partout il excitait
le même entliousiasrae ; partout on
lui rendait les mè:nes honneurs , on
lui pavait les mêmes tributs. Son
ringt-huitième vojage eut lieu , au
mois d'octobre , a Nuremberg. En
1788 , il traversa encore le Pas-
de-Calais en ballon et descendit en
Angleterre. Mais au mois de mai
1793, il fut arrêté parcourant le
Tjrol , et renfermé dans la forteresse
de Kustein , comme soupcouné d'a-
voir voulu propager les principes de
la révolution française. Il recou-
vra bientôt la liberté et alla porter
son industrie hors de l'Europe. En
août 1796, il fit a Nevv-lork son
quarante-sixième voyage aérien; mais
les succès de son rival Garnerin ex-
citèrent alors sa jalousie et l'enga-
gèrent à revenir en France. Au mois
d'août 1798 . il s'éleva a Rouen avec
seize personnes dans une flotte aérien-
ne, et alla descendre a Bazancourt ,
près de Gournay. Piqué contre Gar-
nerin , qui lui avait dérobé l'invention
du parachute, mais qui, au lieu d'y
attacher un chien ou un mouton ,
avait osé faire lui-même cette des-
cente périlleuse , Blanchard établit
dans les journaux ufie polémique
qui amusa les Parisiens oisifs. Défié
par son adversaire , il ne put se
dispenser de l'imiter : en juillet
BLA 345
1799, il fit une ascension à Tivoli _,
traversa la Seine , la retraversa ;
puis , ayant coupé la corde de son
parachute , descendit dans un jar-
din , au village de Boulogne. Le
26 du même mois , il partit de
Tivoli, avec Lalande, dans une nacelle
suspendue à cinq ballons, et laissa
descendre une corde a laquelle pen-
dait une ancre, qui maintint la flot-
tille à la même hauteur, mais sans
qu'il en résultât aucune découverte
intéressante, ni pour l'astroucmie,
ni pour la direction des ballons.
Ce qu'on ne pouvait du moins con-
tester a Blanchard, c'était la persé-
vérance et le courage. Ln déc.
i8o3, il fit a Lyon sa cinquante-cin-
quième ascension, par un temps af-
freux, à travers les vents, la pluie et
la grêle. Les glaçons qui couvraient
son ballon le mirent dans un cruel
embarras, lorqu'il voulut ouvrir la
soupape, pour laisser échapper le gaz
et opérer sa desceute , qu'il lit a
plusieurs lieues de la ville, quoiqu'il
eût été cinq heures dans les airs.
Dans les premiers jours de février
1808, Blanchard, ayant fuit sa
soixantième ascension, au château du
Bois, près de La Haye, fut frappé
d'apoplexie ; hors d'état d'entrete-
nir le feu de sou fourneau, il tomba
de plus de soi.xante pieds et reçut de
Louis Bonaparte, roi de Hollande ,
tous les secours qu'exigeait sa posi-
tion. Ces soins le rendirent a la vie
et permirent de le transporter eu
France ; mais il retomba bientôt dans
un état de névralgie complète, dont
les symptômes singuliers et la longue
durée fournirent matière a de nom-
breuses observations physiologiques ;
et il mourut a Paris, le 7 mars 1809.
Cet homme qui avait gagné tant d'ar-
gent ne laissa que des dettes. En
1798, il avait écrit au conseil des
3\6
ÉLU
cinq-cenis pour réclamer les arréra-
ges de la pension qui lui avait été
accordée par l'ancien gouvernemeul.
Sa pélilion , renvoyée au ministre ,
était probablement restée sans ef-
fet (i). A— T.
BLANCHARD ( Maeie-Ma-
DELEiisE-SopiiiE Armant) , femme
du précédent, naquit le sS mars
1778 (peut êlremème trois ou quatre
ans plus tôt) , k Trois-Canons , près
de la Rochelle. On raconte que sa
mère étant grosse vit un voyageur qui
lui promit d'épouser l'enfaul dont
elle devait accoucter, si c'était une
fille. Ce voyageur était Blanchard,
avec qui la jeune Armani fut mariée
dans son adolescence. Epouse d'un
aéronaule, madame Blanchard de-
vait se familiariser de bonne heure
avec les dangers inséparables des
voyages dans les régions de l'air;
mais quoique la vivacité de ses désirs
égalât celle de son imagination , elle
BLA
différa son début dans celle carrière
jusqu'à ce qu'elle eut acquis la certi-
tude que le ciel lui refusant les dou-
ceurs de la maternité, elle serait dis-
pensée d'en remplir les devoirs. Elle
avait à peu près vingt-six ans lors-
qu'elle fil avec son mari sa première
et probablement sa seconde ascension
aérostatique; mais ce fut au mois 'de
mars i8o5, qu'ayant fait seule la
troisième a Toulouse, elle descendit
'' a Lux , près de Caraman , a dix-sept
mille cinq cents toises , en ligne di-
recte, du lieu de son départ. Tel
était le dénuement où devait la réduire
la mort de son maii , qu'il lui disait
quelque temps auparavant : « Tu
n'auras après moi , ma chère amie ,
d'autre ressource que de te noyer ou
de te pendre. 3) Mais, loin de se livrer
au désespoir , madame Blanchard
fonda son existence sur les produits
du métier d'aéronaute. Elle multiplia
ses voyages aériens, etacquit une telle
(i) Bl.inchaid était un homme sans science
et sans lettres : il parlait mal sa langue et ne
savait pas l'oithographe. On a de lui une lie/a-
tion de la ciiK/uanteunième el dernière ascension ,
etc., faite à Nantes, le 19 février 1800 (3o plu-
viôse an viî^ , et qui fut imprimée dans cette
ville, in 4' de 12 pages. Cette pièce est vrai-
seuiblablement à peu nr'^s inconnue à Paris ;
Blanchard j prend les titres de citoy.n adopiif
des pnnripa/es villes des Deux-Mondes , de membre
honoraire de plusieurs académies étran-'ères, et de
pensionnaire aérien de la rcpubli'iue française. 11
raconte que, lors de sa descente à trc.is liiues et
demie de iSaiites, il lut secouru par quelques
paysans qui, saisissant une corde qu'il leur jeta,
fixèrent l'aérostat, l.oiidissaut dans un bois tail-
lis j que , par reconnaissance, il leur abandonna
ses provisions, consistant en une bouteille de
vin , du pain et un poulet, qu'ils se partagè-
reut en disaut : Je n'oas jamais rin bu ni majigai
gui vnl de si /iflt(haut). Mais un autre paysan,
de sinistre figure , survint , et dit: C'est le diable
qui t'a amenai, dis-moi, sorcier que t'est , de quel
dret t'avises- lu de v'nir descendre ç/ieu nous > Tu
méritrais ben d'être péar pour ca... Il faudrait bcn
l' f trais cous de couliuu dans le ventre. En-
suite BlancUard se plaint amèrement du public
nantais qui, au lieu de venir lui payer trente
sols dans l'enceinte, s'est tmu sur les hauteurs
aRii de voir gratis sou ascension, pour latjnelle
« j'ai dépensé , dit-il, près de cinq mille fr. ; »
et il ajoute ; « Mon but aujourd'hui n'est pas
d'acijuérir de la jloire , mais bien d'obtenir le
fruit de mon travail... Ayant eu quarante six
fois la preuve que l'ingratitude du public est
la même dans tou~ les pays du monde, la com-
mune de Nantes a mis le sceau à ma décision.
Car malgré mon zèle pour la carrière aérostati-
que, dont la richesse des veines inépuisables ne
pouvait manquer d'augmenter le domaine des
sciences , je déclare que je tiendrai dorénavant
à la lerre , le public ni'ayant mis hors d'eiat
de faire de nouvelles expériences... Je termine
donc ici ma carr:ère aérostatique et met ma
flottille aérienne en vente. La totalité de mes
b. liions est composée» d'environ dix-huit cents
aunes de taffeias de bonne qualité; j'en ferai
bon marché aux amateurs qui se i^resenieront.
Ces ballons dépecés sont projires à faire de bon-
nes capotles , des coéfes de chapeaux , des ta-
bliers-, des parapluies , eic, etc. C'est en encou-
rageant les arls de la sorte, qu'un les conduit au
tombeau... Je n'ignore pas combien il sera tenu
de vils discours. Je me trouve dispensé de ré-
plique ; d'ailleurs j'ai répondu h tout en m'ele-
vaiit au dessus de tout. » Cependant il fait un
dernier appel aux riches Kantaisdont on lui a
donné une longue liste , et qui se sont pl-icés ,
dit il , dane les champs , etc. , pour jou,r de mon
ascenciûn gratis. K Se ïear <Mrn\ > à ces personnes
riches, qu'elles me doivent toutes leur rétribu-
tion ; savoir: les trente sols des dernières pla-
ces , si mieux elles n'aiment ni'envoyer le prix
des premières. .'Mon adresse est chez le citojren
Curas , perruquier., derrière la comédie briilee. i)
V — YH.
BtA BTA Î47
intrépidité qu'il lui arrivait souvent de qui bordaieut l'enceinte , elle le dé-
s'endorinlr pendant la unit dans sa gagea en jetant du lest, et renversa
frêle el étroite na-eUe , et d'attendre en s'élevant quelques cassolettes d'es-
ainsi le lever de l'aurore pour opérer prit de viu. A une certaine hauteur
sa descente avec sécurité. Il s'en elle lança des fusées romaines -, mais
fallait beaucoup qu'elle montrât le bientôt, soit queTunede ces fusées eût
même courage dans les voilures 1er- percé le ballon , soit que Vaéronaute,
reslres. Ses ascensions à Rouie el à voulant descendre aune distance très-
Naples, en i8i i, furent aussi bril- rapprochée, n'eût point fermé Tap-
lantes que lucratives. Dans celle pendice par oi!i le gaz hydrogène avait
qu'elle fit a Turin, le 26 avril 1812, été introduit, et qu'en mettant le feu
elle éprouva un froid glacial et une à une autre pièce d'artifice , adaptée
forte hémorrhagie par le nez ; lesgla- au petit parachute qu'elle devait lan-
çons s'attachaient k,ses mains el a son cer , la mèche eût enfla!i;mé le gaz
visage , en pointes de'diamants. Ces qui sortait par l'appendice , une vive
accidents , loin de la décourager , lumière annonça Tiucendie du ballon
redoublèrent son ardeur et son ac- et le malheur qui arrivait. Un cri
tivité, que vint stimuler la concur- d'effroi s'éleva spontanément de lou •
renée de mademoiselle Garnerin. Ses tes parts j plusieurs femmes s'évanoul-
voyages furent plus fréquents; il rent et la fête fut interrompue. L'in-
n'y eut pas de fêle publique où Tune fortunée tomba avec sa nacelle sur
des deux rivales ne jouât le principal une maison dont elle enfonça le toit ,
rôle avec son ballon. L'ascension que au coin des rues Chauchat tt de rro-
madame Blanchard fit a Nantes, le vence. Son corps, enveloppé dans les
21 sept. 1817, était la ciiiquanle-troi- restes des cordages el de la nacelle,
sième 5 ayant voulu descendre a qua- fut porté a Tivoli, où tous lis se-
tre lieues de celte ville, dans ce qui cours lui furent vainement prodigués.
lui paraissait être une prairie , entre Comme il n'était pas défiguré , quoi-
Couëron et Saint-Etienne de Mont- que fracassé, el q'ie la tête et les
lue, elle se tiouva sur un marais où jambes étairnt entières , on a suppose
son ballon , accroché a un arbre , que l'asphyxie avait d'abord occa-
lomba sur le côié , de telle manière sioné la mort. On fît une collecte a
qn'elle aurait eu beaucoup de peine 'a Tivoli pour ses héritiers; mais, comme
se dégager si l'on ne fût venu a madame B'anchard n'avait eu qn une
son secours. Cet accident n'était fille adoptive ou naturelle qui était
que le précurseur de l'événement fu- morte , les cent louis que proclui^ll la
nesle qui mit fin à ses jours. Après quête furent employés a ses funérailles
s'être montrée dans les principales et au monument que ses amis lui fi-
villes de France et dans quelques rent ériger au cimetière du Père-
capitales de l'Europe , elle fit, 'a Lachaise. Ses restes y furent portés
l'ancien Tivoli de Paris , sa soixan- sans avoir été présentés au temple
l€-seplième ascension, le 6 juil- luthérien des Billettes, quoique ma-
lel 1819, a dix heures et demie dame Blanchard appartînt a cette
du soir, dans une nacelle pavoisée, communion. Chacune de ses ascen-
brillammenl llluuiinée et supportant slons lui avait coulé mille francs de
un artifice. Son ballon trop chargé frais , non compris la cguslruclion
peut-être s'élant accroché aux arbres des ballons lorsqu'il faljait lesrenou-
348
BLA
vêler 5 et cependant elle était parve-
nue, malgré sa manie d'acheter des
tableaux , à ramaj-ser uouze cents
francs de rente qu'elle a laissés a la
fille d'un de ses amis. A — t.
BLAXCMESXIL. Voy. Po-
tier, XXXV, 524..
BLAXKEXSTEIX ( Ericest,
comte de), général autrichien, d'une
des plus anciennes familles de l'Alle-
magne, naquit à Reinsdorff, dans la
ïhuringe, en 1753, entra au ser-
vice comme cornette dansle régiment
des cuirassiers de Schmerzing, et
fut nommé lieutenant a la bataille
de Kollia , où il se distingua.
Son nom ayant été cité honorable-
ment dans plusieurs circonstances ,
et particulièrement à Breslau , Hoch-
kirch , Maxen , Troppau , il fut avant
l'âge (1758) nommé capilaine chef
d'escadron , et passa dans le régi-
ment des cuirassiers d'Anhall-Zerbst.
En 1760, il devint capilaine chef
d'escadron titulaire, et fut nommé
commandant de l'escadron des ca-
rabiniers, cequi^ trois ans après, lui
valut le grade A' ohcrstwachtmeis-
tcr. Un mois auparavant il avait été
nommé chambellan. Eu 1765, il
passa dans le régiment des chevau-lé-
gers, devint lieutenant-co'onel, et un
an après (1768) colonel et com-
mandant du régiment. Il ne resta
que trois ans dans ce grade. Marie-
'Ihérèse le nomma général feldwa-
chlmeister. Dans la guerre de la
succession de Bavière, il commandait
l'avant-garde de la division Dalton ;
et ce fut lui qui atteignit les Prussiens,
commandés par le duc de Brunswick,
derrière les Trois-Maisons ( Drey-
Hausen), et qui, après un combat
de dix heures , les repoussa dans
leur camp avec une perte considé-
rable. H fut nommé lieutenaut-feld-
maréchal peu de temps avant la
BLA
guerre contre les Turcs, dont il fit
toutes les campagnes. Attaché k la
di\ision des Crcates-Slavons , il se
distingua principalement devant Ber-
bir et Belgrade. Dans la guerre de
la révolution française, Blankenstein
commandait, en 1793, près de Trê-
ves, une division de neuf bataillons et
quatorze escadrons, avec lesquels il
couvrait la Moselle et formait l'aile
gauche de la grande armée. Après
l'occupation de Mayence , il prit
une position retranchée entre la Mo-
selle et la Sarre , et fit une attaque
sur Thionville pour soutenir l'entre-
prise du prince de Cobourg sur Mau-
beuge. I/ennemi, qui était posté entre
Kirch et Sierck , fui rejeté sur Thion-
ville , et Blankenstein s'établit près
de Perl-Efft et de llehliugen , où il
resta jusqu'à la fin d'octobre. A cette
époque les Français ayant réuni des
forces considérables sur la Moselle
pour l'attaquer , il alla occuper de
nouveau son ancienne position près
de Mertzkirchen , entre Graevenma-
chern. Trêves, Sarrebourg et Mer-
zig. Xommé général de cavalerie , il
reçut en mai i -jcfi l'ordre de recom^
mencer ses mouvem.enlspouréloigner
l'ennemi de la Sambre. Il partit de
Trêves avec quatre bataillons , deux
compagnies de Croates et cinq esca-
drons , et poussa jusqu'à Bastogne
pour renforcer l'aîle gauche de l'ar-
mée sous les ordres du lieutenant-
général Mêlas. En juillet , le danger
devint si pressant devant Trêves, que
Mêlas fut obligé de se retirer sur
cette position. Après un combat long
et opiniâtre contre des forces supé-
rieures , Trêves tomba au pouvoir
des Français le 9 août. Blankenstein
se retira jusqu'à AVillich sans être
poursuivi. Il laissa ses avant postes
près de Kloster-Klausen et reçut de
Worms un renfort de quatre batail-
BLA.
lous. Réduit néanmoias a six mille
hommes , il fut attaqué par une nom-
breuse armée et contraint de se re-
tirer sur Coblentz. Mêlas prit ensuite
le commandement , et Blankensteiu
fui chargé de la cavalerie et des gre-
nadiers, ainsi que du contingent saxon,
dans le camp de Grumstadt, près de
Darmstadt. L'affaiblissement de sa
santé , joint a son grand âge , Tobli-
gea , l'année suivante, à se retirer
dans ses terres. Il avait été nommé, en
i792,coloneltitiilaire du 6*^régiraent
de hussards (aujourd'hui régiment du
roi do AV urtemberg) , qu'il avait eu
sons ses ordres comme brigadier. On
sait la réputation que les hussards de
Elankeusteln s'acquirent alors eu
Allemagne. Leur chef mourut le 12
juin 181 6, a Baltelau en Moravie.
M— Dj.
BLANPAÎN (Jean), religieux
prémonlré , né au Vignot , bourg
près de Commercy , le 21 octobre
1704. , fit profession , à l'âge de dix-
sept ans , dans l'abbaye de Sainte-
Marie de Pont-a-Mousson. Son mé-
rite précoce le fit appeler successive-
ment aux chaires de rhétorique, de
philosophie, de tliéologie et de droit
canon dans l'abbaye d'Estival, dont il
devint prieur. Le savant Hugo , qui
en était abbé, trouva en lui un
collaborateur utile povir achever ses
Annales des Prémonlrés. Blanpaiu
lui fournit aussi des matériaux pour
son recueil intitulé : Sacrœ Anli-
quilatis monumenta ^ deux vol. in-
fol. [P^oj. Hugo, XXI, 28) ; mais
la mésintelligence éclata bientôt en-
trelesdeuxreligieux. Le P. Blanpaiu,
qui avait compté sur la place de coad-
juteur del'abbaye, s'élantvu préférer
unde ses confrères, qu'il croyait y a-
voir moins de droils, lompit avec son
chef et se relira à Nancy , où il forma
le plan d'une critique gécérale des
BLA
349
ouvrages de l'abbé Hugo. Le pre-
mier ouvrage qu'il publia dans ce but
fut le Jugement des écrits de M.
Hugo , évéque de Ptolémaide ,
abbé d' Estival en Lorraine , his"
toriographe de l'ordre de Pré-
montré, Nancy, i736,in-8°. Ce
Jugement ne porte que sur les An-
nales de l'ordre des Prémontrés , aux-
quelles le censeur avait lui-même tra-
vaillé • et c'est peut-être parce qu'il
connaissait mieux qu'uu autre le côté
faible de l'ouvrage, que sa critique
est a la fois judicieuse et solide. Quoi-
que les traits décochés contre l'évê-
que de Ptolémaïde soient assez vifs ,
ils n'ont rien d'acrimonieux dans la
forme. Les recherches auxquelles
s'était livré le P. Blanpaiu ont un tel
degré de certitude que , depuis la
publication de son livre , il ne trouva,
sous ce rapport , qu'une seule recti-
fication a y faire. Il critiqua aussi
avec beaucoup de finesse le mande-
ment que l'évèque de Ptolémaïde
avait donné , lors de la prise de pos-
session du duché de Lorraine par le
roi Stanislas ; mais ce petit pamphlet
est resté manuscrit. ï)çs études plus
sérieuses occupaient les loisirs du P.
Blanpaiu. 11 travaillait k la conlinua-
tiou des Annales de l'ordre de Pré-
montre, mais il ne l'acheva pas, ce
qui lui a tait reprocher de n'avoir pas
apporté dans ses travaux la constance
dont les Bénédictins lui donnaient
l'exemple. Après la mort de l'abbé
Hugo , il revint k Estival , où il fut
curé et officiar jusqu'k la fin de ses
jours, vers 1765. Parmi les mor-
ceaux dont il a enrichi le recueil des
monuments sacrés de Hugo, on dis-
tingue la Chronique de Baudouin
de Ninove, dont ou ne connaissait
que des fragments, et la Chronique
inédite de l'abbaje de F icogne,
par Nicolas de Montigny. Lesremar-
35o BLâi
qiies qu'il y a jointes sont judicieu-
ses. 1,1 a fourui pour la Bibliothè-
que de Lorraine de dora Calmet
des mémiiires sur la vie ef les écrits
des religieux de 1 ordre des Pre'mon-
trés et la /^/e du B. Louis comte
d'Arnstein , pour la Bihli '(hèque
des Préniontrés du P. Pagi. La
France lilléraire de 1769 et celle
de M. Quérard indiquent , comme
ayant été publié , un ouvrage du P.
lilonpain qui n'a pas vu le jour ;
c'est le Jus canonicum resularium
prœsertim Preentonstratensiu/n ,
3 vol. in-4-°. L — i\i — X.
BLANQUET (Samuel), me'-
deciu et naturaliste, naquit vers la
fin du dix-seplièiîje siècle, dans le
diocèse de Mende. Apres avoir achevé
ses coursa la faculté de Montpellier,
il reçut le doctorat, et revint dans
sa patrie où il ne tarda pas K se faire
connaîlre. Il fut un des médecins ap-
pelés a combattre la peste, qui s'était
déclarée dans le Gévaudan en 1722.
Il rendit compte de ses observations
ainsi que des moyens qu il avait em-
ployés , dans une Lettre à Dodart ,
qui la fit imprimer. C'est un in -4^°
de 9 pages, dont on trouve l'analyse
dans le Journal des Savants, même
année. Blanquet employait ses loisirs
a l'étude de l'histoire naturelle ; et
il communiquait ses remarques k l'a-
cadémie de Béziers , qui le comptait
parmi ses membres correspondants.
Il mourut a Mende , avant l'année
1760 , puisqu'il n'en est fait aucune
mention dans la France littéraire
d'Hébrailh. Outre la lettre dont on a
parlé , on conu-iît de ce médecin : I.
Examen de la nature et vertu des
eaux du Gévaudan, Mcadè, 1728,
in-8". II. Discours pour servir d'^
plan à l'histoire naturelle du Gé-
vaudan^ lu h l'assemblée des états
de ce diocèse,, le i3 février lySo ,
BLA
îu-4°, sans date, ni lieu d'impression.
WlEpistola de aqua quœin Saxa
obrigescit, Mende, lySi , in-4.".
Cette lettre, adressée par l'auteur 'a
l'académie de Béziers. contient une
description très-bien faite des grottes
de Merveis , près de Mende, qui pro-
duisent en abondance des stalactites.
Elle fut traduite en francas par
Rcfuillet , secrétaire de l'académie ,
lequel en lit lecture k la séance pu-
blique du 6 déc, même année (Voy.
la Bihl. Instar, de la France , I ,
2799). — Blanquet ( A?itoine-
Athanase), petit-fils du précédent,
né à Mende, le i5 sept. 1754-, sui-
vit la carrière administrative el rem-
plit les fonctions de subdélégué de
l'intendance du Languedoc. Il rendit
d'importants. services k cette province,
en y introduisant des méthodes de
culture , d;int sa propre expérience
lui avait fait connaîlre les avantages.
Dans ses loisirs, il se délassait avec
les muses latines. On cite de lui trois
poèmes, restés probablement inédits,
puisqu'on ne les trouve mentionnés
dans aucun catalogue : Opotheca
sive Poniarium mimatense {\\i ver-
ger de Mende). — T^udicra stirpium
gebane.nsis. — Psyché, seu horto-
rum origo. RlonquetmourutaMeude
le II déc. i8o3. W — s.
BLANQUET DU CHAY-
LA (Armand-Siimon- Marie de),
d'une ancienne famille, naquit le 9
mai 1759, a Marvejols (Lozère),
et se destina de très-bonne heure à
la marine. Il naviguait déjà depuis
plusieurs années, quand éclata la
guerre d'Amérique , soutenue avec
des chances si diverses ; mais qui eut
pour Importants résultats d'assurer
l'indépendance américaine , de ren-
dre a la France la pèche de Terre-
Neuve et de la délivrer de 1 ignomi-
nieuse présence d'un commissaire
BLA.
britannique a Duukercfue. Pendant
cette guerre, le jeune Blanquet par-
ticipa aux combats des 8 et i o août
1781, a l'entrée et a la sortie de
la rade de Nevvport,sous les ordres
du comte d'Eslaing; au combat du
29 avril devant le tort Royal, sur le
Languedoc monté par le comte de
Grasse, et au combat du 5 sept.
sur le Paimier, a 1 ouverture de la
Chesapeak. Etant repassé sur le
Languedoc, il .se distingua les £5,
26 et 27 janvier 1782, devant
Saint-Cbrislopbe,et les 9 et 1 2 avril
conire l'amiral Rodney. Il fut blessé
aux jambes a cette dernière affaire.
La paix signée, il servit daus les
escadres d'évolution de la Manche,
des mers de l'Allemagne et de la
Méditerranée. Des pirates a\ aient
fait souffrir de grands dommages au
commerce des Echelles : la corvette
la Belette reçut l'ordre de leur
donner chasse. Blanquet, qui était
second de cette corvette, se mit a
la tète d'uu détachement de troupes
de marine et pnursuivit les forbans
jusque dans une ause de la côte d'Al-
bauie où ils s'étaient réfugiés. Nommé
capitaine de vaisseau en 1792, il fut
choisi par l'amiral Truguet, com-
mandant l'escadre de la Méditerra-
née . pour son capilaiup de pavillon.
Il fit en celle qualité, sur le Ton-
nant, l'expédition contre la Sardai-
gue, et reçut une blessure devant
Oneille oii l'amiral l'avait envoyé en
parlemealaire. Destitué comme no-
ble en 1795, Blanquet vit tous ses
biens séquestrés et n'obtint d'être
réintégré dans son grade qu'après la
chute de Robespierre. Appelé au mi-
nistère de la marine en 1796, l'ami-
ral Truguet se fit seconder daus cette
tâche difficile par son ancien capitaine
de pavillon , dont il avait pu appré-
cier le zèle. Promu au grade de con-
BLA
35i
Ire-amiral en sept, de cette année,
Blanquet porta successivement son
pavdlon sur les vaisseaux le Ré-
publicain et la Constitution de la
flotte de Brest qui désarma en i 798.
Il se trouvait a Paris lorsque Bo-
naparte le choisit pour comman-
der en second la flotte de la JNié-
dilerranée qui devait le porter sur la
terre des Pharaons, mais dont la
destiua'ion était encore un mys-
tère. L'ami) al Blanquet monta le
Franklin et fut détaché avec une
partie de l'escadre pour diriger l'at-
taque conire Malte. Dans le conseil
qui précéda le désastreux combat
dAboukir, lui et l'héroïque Dupe-
tit-Thoi;ars soutinrent avec la plus
grande éni^rgie qu'il fall.il appareil-
ler et coraballre sous voiles. Ou sait
que cet avis ne put prévaloir, une
partie des équipages étant allée faire
de l'eau jusque dans \g bogas. Nel-
son ayant réussi h couper la ligue,
les vaisseaux embossés furent envelop-
pés et criblés par les pelotons de l'es-
cadre anglaise. Le Franklin reçut
presque a bout portant le feu Je
cinq vaisseaux ennemis et ne se rendit
qu'après une des plus belles défenses
dont s'Iionore la maiine française.
Alteintd'un coup de feu qui lui avait
horriblement fracturé la cloison na-
sale, Blanquet demande en repre»
nant connaissance pourquoi on ne
tire plus? Sur la réponse qu'il ne res-
tait qu'un seul canon en étal: Tirez
toujours, s'écria-t-il , le dernier
coup est peut-être celui qui nous
rendra victorieux. A sou retour eu
Frauce il se plaignit d abord au
directoire , puis au premier consul, de
la conduite des trois coutre-aniiraux
qui, après la mort de Bmeys, s'é-
taient trouvés sous ses ordres ; mais
ses plaintes ne furent point accueil-
lies , et il tomba dans une disgrâce
3 5->
BLA.
qui ne peut être attribuée qu'à la
franchise avec laquelle il s'était
exprimé sur les causes du désastre
d'Aboukir. Admis a la retraite en
i8o3, il ne reparut sur les cadres
de la marine qu'a la première
restauration, où il fit partie un in-
stant de la compagnie de marine de la
garde royale. Il insista ensuite beau-
coup, mais vainement, pour être re-
mis en activité j et les témoignages
de royalisme qu'il fit éclater à cette
époque eurent peu de résullals pour
son avancement. Il fut cependant fait
chevalier de Saint-Louis, officier de
la Légion-d'Honneur et vice-amiral
honoraire. Quelque flatteuses que fus-
sent ces distinctions, elles ne purent
adoucir les ennuis d'une retraite an-
ticipée. Le vice-amiral Blanquet du
Chayla, après d'inutiles sollicitations
el de longues souffrances, mourut
le 2g août 1826 , à Versailles.
Ch — u.
BLAIVQUI (Jean-Dominique)
naquit à INice en lySg. Fils d'un
cultivateur aisé du petit village de
Drap, il reçut une bonne éducation.
A vingt ans il remplaçait souvent nu
professeur de philosophie , de mathé-
matiques et des sciences naturelles au
collège royal. Lorsque la révolution
française éclata, en 1789 , Blauqui
eu embrassa les principes avec ar-
deur, et trois ans après, le 22 sept,
1792, l'armée française ayant oc-
cupé Nice et la Savoie, les peu-
ples demandèrent la réunion (i) de
leur pays a la républit[ue française,
qui fut accordée le 27 novembre
suivant, et ces contrées furent orga-
nisées en départements. La réputa-
tion de savoir et de modération dont
(i) La cession définitive du duchc- de Savoie et
du comté de Nice à la Fiance, par le loi de
Sardaigne, fut opérée par le traité de Cherasco ,
en 1796.
BLA
jouissait Blanqui le fit nommer, par
le département des Alpes maritimes,
député a la convention nationale.
D'un caractère essentiellement droit,
il figura parmi les membres de
cette fraction de la Gironde qui
fit d'inutiles efforts pour arrêter
le torrent révolutionnaire , et il
partagea son malheureux sort. L'un
des signataires et des principaux au-
teurs de la fameuse protestation des
73 contre le 3i mai, il expia, avec
eux, cet acte de courage par un empri-
sonnement de dix mois. C'est pendant
cette cruelle et périlleuse détention
qu'il composa une brochure intitulée:
3lon agonie de dix mois, ou His-
torique des traitements essuyés par
les déj)utés détenus^ et les dan-
gers qu'ils ont courus pendant
leur capti^'ité, avec des anecdotes
intéressantes, Paris, 1794, in-8°
de 4.4 pag- Cet écrit produisit alors
quelque seusation , et il est encore
recherché aujourd'hui. Rentré au sein
de la convention nationale après le
9 thermidor, Blanqui resta constam-
ment étranger a toute espèce de réac-
tion ; il se consacra exclusivement à
ses éludes favorites surles finances et
radmiuislration. On lui doit une foule
de rapports intéressants sur les mon-
naieSy les poids et mesures, les ca-
naux et les grandes routes, qu'il
trouvait trop larges, et par conséquent
d'un entretien dispendieux et difficile.
Après la session conventionnelle ,
Blanqui devint membre du conseil
des cinq-cents, d'où il sortit bientôt
par le sort. Après le 18 bru-
maire, le nouveau consul le nomma
sous - préfet de Paget - Thénières,
et il exerça ces fonctions jus-
qu'en 1814 j époque de l'occupation
du comté de IN'ice par les Piémim-
tais. Blanqui se relira alors dans
un petit village du département d'Eu-
BLA
BLA
re- t't -Loir. Au retour de JNapo-
léoii , eu 1 8 1 5 , II fut nommé sous-
préfet à Maimancle ,* inais deslilué
aprcsle second rclour de Louis X\ III,
il vécut a Paris dans la plus profonde
retraite, occupé de littérature et de
sciences. Il y mourut du choléra asia-
tique, le 1*"^ juin 1802, dans une
médiocrité de fortune, qui eût ressem-
blé a la misère sans la pieuse inter-
vention de son fils aîné , directeur de
l'école du commerce et professeur
d'économie politique au conservatoire
des arts et métiers. G— g — y.
BLAYx\EY (Benjamin), ha-
bile hébraïsant , était chanoine de
l'église du Christ^ professeur royal
d'hébreu a l'université d'Oxford ,
recteur de Polshot^ premier du
collège de Worcesler, où il fut reçu
maître ès-arls en ijS5 , membre du
collège d'Hertford, où lui furent
conférés les degrés de bachelier et
de docteur en théologie (1768 et
1787). Il fut aus.si pendant plusieurs
années un des prédicateurs de A\'hi-
lehall. Il mourut a Polshot, le 20
sept. 1801. Non moins remar-
(piable comme traducteur et com-
mentateur que comme savaut dans
l'ancien idiome des Hébreux , 11 pu-
blia entre autres ouvrages : I. Dis-
sertation tendant d Jixer le véri-
table sens et l' application de la
vision relatée dans Daniel , IX ,
2.0^ et connue sous le nom de Pro-
phétie des soixante-dix semaines
de Daniel, avec des remarques
occasionelles sur les lettres de
Michaelis au D. Jean P ring le
sur le même sujet, l'j'jS , in- 4-°.
IL Jérémie {Prophéties de) et ses
Lamentations , traduction nouvelle,
avec notes critiques, philologi-
ques et explicatives , i 784- , iu-S".
III. Zacharie , traduction nouvelle,
avec notes critiques , etc., et un
Appendice en réponse au Sermon
duD. Eveleighsur Zacharie, I,
8-11. A cet ouvrage est ajoutée,
mais avec des changements, une édi-
tion de la DisserlalioD sur Daniel.
Ces travaux sont d'une haute impor-
tance pour l'étude et la critique de
la Pjible : presque tous les juges com-
pétentsenont adopté les conclusions,
quoiqu'elles changent et le texte de
la Bible aus;laise vulgaire et celui
de la Iraducliou de Michaelis. Blay-
ncy surtout n'a jamais vu recours à
cette méthode ingénieuse , mais si peu
certaine et si peu satisfaisante , du
savant Allemand, qui compte par
années lunaires les semaines de Da-
niel. Ses explications aussi s'étendent
au chapitre que jNlichaelis semble
abandonner comme iuexplicable, ou
dont au moins il désespère de donner
une explication qui ait pour elle les
couleurs de la vraisemblance. La ver-
sion des Prophéties et des Lameu-
lalions de Jérémie est faite d'après l
méthode du D. Lowth , dans sa tra-
duction d'Isaïe. Nous devons en dire
aulant de la version de Zacharie.
Blayney y a mérité un autre genre
d'éloge par la modération avec la-
quelle il necessede s'exprimer en ré-
futant un adversaire qui avait pri
avec lui un ton de pédaulisine et d'a-
crimonie intolérable. Toutefois, quel
que soit le mérite de ces publications,
les manuscrits légués par Blayuey,
d"'abord h l'évêquc de Durham , son
ami, et ensuite a la bibliothèque de
Lambetli, semblent plus importants
encore. Ce sont : 1° Une Traduc-
tion nouvelle des Psaumes , 2 vol.
in-4-"j 2° un Commentaire critique
sur le même ouvrage, 3 vol. in-4°5
5° des JSotes sur Isaïe, 5 vol. in- 4°;
4" des Remarques sur les petits
Prophètes (et comparaison avec la
version et les notes de l'évêque
23
3j4
BLA
Newcome) 5 5° Remarques sur le
Chant de Moise , comparé avec le
passage de Samuel , II, 22 ; le Chant
de Débora, la Bénédiction de Jacob,
celle de Moïse, el le Cbanl d'admoni-
tion de ce législateur, Deut., XXXII,
65 6° Nouvelles Observations sur
quelques psaumes ^ quelques cha-
pitres d'Isaie et quelques-uns des
petits prophètes , notamment de
Zacharie , i vol. in-fol. Blayney
surveilla la correction de la Bible an-
glaise vulgaire, sortie en 1769, in-
4.", des presses de Clarendon , une
des plus rares et des meilleures édi-
lioiis des Ecritures. P — ot.
BLAZE (Henri-Sébastien), né
a Cavaillon , dans le comtat Venais-
sin, en 1760, vint achever ses éludes
à Paris en 1779. Destiné au nota-
riat , profession de son père, il pré-
féra se livrer à sa passion pour la mu-
sique, prit des leçons de quelques
maîtres fameux, tt devint un des
premiers élèves de Séjau sur le
piano et sur l'orgue. Son retour clans
sa province produisit une sorte de
révolution musicale. Le piano qu'il
avait apporté a Cavailloa , instru-
ment nouveau pour le pays, y parut
une merveille 5 et les organistes qui
avalent prédit qu'il ne jouerait
jamais que du violon , tàchih'ent de
se modeler sur sou jeu el firent pour
la première lois usage du pouce afin
d'exécuter les passages rapides. De-
venu notaire malgré lui, iJazenere-
uonca point a la musique , et ses
coraposllions obtinrent de grands
succès au concert de Marseille, un
des plus remarquables de France. La
révolution interrompit la double car-
rière de Blazc. Poursuivi pendant la
terreur, et membre de l'administra-
tion départementale de Vaucluse ,
après le neuf thermidor, il fut en
guerre ouycrte avec le représentant
BLA
du peuple Boursault-Malherbe ,' mais
le goût des arts réconcilia les deux
champions à Paris quelques années
après. La paix, négociée dans un ba-
teau oîi ils se trouvèrent tète à tète, fut
conclue dans un banquet chez Bour-
sault, oii figuraient les musiciens
et les comédiens les plus distingués
de l'époque. C'était en 1799. Blaze
profita de son séjour k Paris pour se
livrer a son art favori. Il y publia
un œuvre de romances, deux œuvres
de sonates, el des duo pour harpe et
piano, dont madame Bonaparte (Jo-
séphine ) accepta la dédicace en
1800. Il écrivit trois opéras, dont
un, )l Héritage, fut répète' au théâ-
tre Favart. Un autre, Sémiramisy
dontil avait arrangé le poème d'après
la tragédie de Voltaire, le mit en ri-
valité avecCatel qui, premier en date,
obtint la préférence pour son opéra
joué sous ie même titre au théâtre de
la République et des Arts. Mais la
partition de Blaze, connue de Gré-
try, de Méluil , ses amis, et des
premiers musiciens de Paris , lui
valut le titre de correspondant de
l'institut^ en remplacement de Gi-
roust, mort depuis peu. Après la
réorganisation de ce corps savant,
il fut maintenu sur le tableau des
membres correspondants de l'aca-
démie desbeaux-arls. De retour dans
sa pairie, Blaze vint s'établir a Avi-
gnon , en i8o5 , et y exerça la pro-
fession de notaire jusqu'à sa mort ar-
rivée h Cavaillon, le 1 1 mai i833.
lia laissé plusieurs enfants, dont
l'aîné , M. Castil-Blaze , s'est fait un
nom dans les lettres el dans la musi-
que ; un autre , M. Sébastien Blaze ,
pharmacien à l'armée d'Espagne . en
18 08, est au leur des Mémoires d'un
apothicaire , qui ont obtenu un suc-
cès de vogue en 1829. On a du père:
L De la nécessité d'une religion
BLE
dominante en France^ i vol. 1*11-8°,
vers 1796 ; ouvrage que l'abbé Gaz-
zera a reproduit k peu près eu eulier
dans un livre écrit sur le même sujet,
en italien et en français. II. Julien,
ou le Prêtre, roman, Paris, i8o5,
2 vol. i(i-8°. III. Messe brève à
trois voix, avec chœur et accompa-
gnement d'orgue et de basse, pu-
bliée par son fils Caslil-Blaze. IV.
Une Cantate, exécutée k grand or-
chestre, pour lacére'monie expiatoire
qui eut lieu sur les ruines de Bédouin,
bourg incendié et dépeuplé par le
conventionnel Maignet ( K. ce nom,
auSupp.).Blaze, alors administrateur
du département; conduisait le deuil-
puis il prit le bâton de mesure, diri-
gea Forchestre , et électrisa un audi-
toire de dix mille spectateurs , sur-
tout au mot vengeance , qui était
placé d'une manière foudroyante.
V. Un Requiem, exécuté avec une
rare perfection a Aviguou , par les
musiciens du pays, pour les fune'-
railles du duc de ^lontebello. Plu-
sieurs îllcsses et HJotets , avec
chœurs et symphonie;. Comme com-
positeur, Blaze s'était formé a l'école
deMéhu!. Théologien savant et rival
de Périer , éyêque d'Avignon, il
avait remporté unprix kl'académie de
Besancon , quelques années avant sa
mort, par un discours sur une ques-
tion rellgituse. Il s'est occupé pen-
dant trente ans d'un ouvrage impor-
tant sur les mêmes matières, resté
iuédit et dont le manuscrit formerait
douze k quinze volumes. A — t.
BLEDA ,;leP. JAiM2),bislorIen
espagnol, était ne' vers i55o dans
Algemese, petite ville du royaume de
Valence. Ayant embrassé l'état ec-
cléiia-tique , il fut établi curé dans
un canton habité par les descendants
de ces anciennes lamiîles maures qui,
pour écJiapuerkla prison ou a l'exil,
BLE 355
s'étaient fait baptiser. Il ne tarda pas
à se convaincre que ces prétendus
chrétiens ne l'étaient que An nom, et
qu'ils continuaient presque tous de
pratiquer en secret le culte de leurs
pères. Désespérant d'opérer leur con-
version sincère , il pensa que son de-
voir était de les iaire expulser de
l'Espagne. En conséquence , il prit
l'habit de Saint-Dominique , et, en
1 559, il se rendit k Rome , avec l'a-
grément de ses supérieurs , pour sol-
liciter le pape de seconder les bons
catholiques dans leur intention de
purger l'Espngne des Mauresques. Il
paraît que le P. Bleda ne réus^it pas.
complètement dans cette première
tenialive près du Saint-Siège, puis-
([u'il fut obligé de retourner deux fois
k Pv-Ome, en i6o3 et en 1606. Pen-
dant ce temps, l'archevêque de Va-
lence, Jean de Ribera, qui parta-
geait le zèle inconsidéré du P. Bleda
contre les Mauresques, priait Phi-
lippe m de prononcer l'expulsion de
cette race impie 5 mais cette mesure
était vivement combattue par les
grands d'Espagne, qui craignaient
de voir leurs terres rester eu friche
s'ils étaient privés des bras qui les
faisaient valoir. La persévérance de
Bleda finit par l'emporter sur l'inté-
rêt de l'état. L'expulsion des Mau-
resques fut prononcée en 1609, et il
ne leur fut accordé que quelques
mois pour sortir de l'Espagne. Cette
émigration lui fit perdre un million
d'habitants sobres et laborieux, qui
n'ayant pu s'établir dans les landes
delà Guyeuie, comme ils l'avaient
demandé, passèrent presque tous eu
Afrique et en Turquie. Quelques-uns
se fixèrent en Provence et en Lan-
guedoc. Le P. Bleda vivait en 1622:
on ignore l'époque de sa mort . Outre
quelques écrils ascétiques , dont on
trouvera les titres dans la Biblioth.
ai.
3j6
BLI
scriptor. Hispnnice de D. Anlonio
et daas les Scriplores ordin. prœ-
dicat. des PP. Ecliard el Quélil , II,
4.26, on a de lui : I. Defensiojulei
in causa Jicophytoruin sive iSloris-
coviim regni P alenlird . iotiusqné
HispanicB , Valence, 161 0, in-^"-
II. Tractatus de justaJSIoriscovum
ab Hispania expuhione , ibid.,
1 61 0, iD-4-°' Ces deux ouvrages sont
ordinairement réunis. 111. Coronica
de los Moros de Espana , Va-
lence, 1618, in-ful.5 ouvrage estimé,
et dont les exemplaires sont rares.
Ce livre , dit Lenglet-Dufresuoy, est
très-utile pour toute l'histoire d'Es-
pagne. Llorente y désirerait plus de
critique (Voy. Histoire de ULiqui-
5z7io/i, III, 4.3o). On conçoit aisé-
ment que notre auteur était trop
animé contre les Maures pour en
parler avec toute rimpartialité qu'on
exi^e d'un historien. W — s.
BLESSEBOIS. P^oy. Cor-
neille, IX , 629.
BLIGH (Guillaume), naviga-
teur anglais, naquit en lySS , à
Faruingliam dans le comté de Kent.
Il servit sous les ordres de Cook ,
quand cet homme célèbre fit pour la
troisième fois le voyage autour du
monde , et il parvint au grade de
lieutenant de vaisseau. L'expérience
qu'il avait acquise fixa sur lui l'altea-
lioti du gouvernement , lorsqu'en
1787, cédant au vœu des habitants
des Antilles, Georges ' III ordonna
d'expédier un bâtiment aux îles du
grand Océan, pour y aller chercher
des plants d'arbres à pain et d'autres
végétaux utiles. Le vaisseau de trans-
port le Boiuitj, de deux ceut quinze
tonneaux et de quarante-cinq hom-
mes d'équipage , fut armé et disposé
eu conséqnence. Le commandement
en fut donné à Bligh, qui partit de
Spilhead le 23 décembre 1787. Le
BLI
'2. 0 août suivant , il mouilla dans une
baie de la Terre Van Diemen , où il
reconnut un des naturels qu'il avait
vus en 1777. Le 19 septembre, il
découvrit au sud de la Nouvelle-Zé-
lande, par 4.7° 4.4' sud et 179° 7'
est de Greenwicb, un groupe d'îlols
rocailleux et arides qu'il nomma Iles
du Bountj. Le 26 octobre , il laissa
tomber l'ancre dans la rade de Ma-
lavaT de l'île Taïti. Bligh vit avec
plaisir que les bonnes intentions de
Cook pour les insulaires de l'archipel
de la Société n'avaient pas été en-
tièrement vaines, et que |)lusieurs
des végétaux et des animaux qu'il leur
avait laissés s'étaient multipliés. Les
relations avec ces indigènes lurent
îrès-amicales; quelques petits objets
volés furent restitués sans difficulté.
Le 3i mars 1729, tous les plants
d'arbres à pain furent embarqués au
nombre de mille quinze pied.s, indé-
pendamment de beaucoup d'autres
arbres , les uns produisant des fruits
exquis, d'autres donnant des substan-
ces propres a la teinture ou à
d'autres usages. Eu retour , Bligh
planta , durant sou séjour , diverses
plantes ligueuses , et en sema plu-
sieurs autres. Avant sou départ, il
construisit une chaloupe et mit a la voile
le 4 avril. Après avoir passé a Houa-
héiué oiî il ne voulut pas s'arrêter,
il découvrit le 1 1 une île que ses
habitants nommaient Ouaïtoutaki
( ces insulaires sont de la même
famille que les Taïtiens). Le sS , le
Bounty était devant Anamouka , une
des îles des Amis. Bligh voulait rem-
placer quelques plants d'arbres à
pain qui étaient morts, mais les insu-
laires ayant commis plusieurs vols,
il se hâta de s'éloigner. Le 27, il
élall entre les îles Toufoua et Kou-
tou. « Jusque-la , dit-il , le voyage
« avait élé constamment heureux ,
BLÏ
« el accompagné de circonslances
« agréables et satisfaisantes. Mais
« une scène bien différente élait sur
« le point de se passer, jj Le 28 ,
avant le lever du soleil, Fletcher
Christian, wn^/er a qui Bligh avait
donné nne corainis.iion de lieutenant,
le capitaine-d'armes, Taide-canon-
n;cr et un matelot entrent dans la
chambre du capitaine qui dormait ,
se saisissent de sa personne , lui lient
les mains derrière le dos et le me-
nacent de le tuer s'il parle ou
s'il fait le moindre bruit. INéanmoins
Bligh crie de toutes ses forces, dans
l'espérance que l'on viendra a son
secours 5 mais les conjurés avaient
placé des sentinelles aux portes des
officiers qui n'étaient pas de leur com-
plot. Bligh fut arracbé de son lit et
traîné en chemise sur le pont. « Je
« souffrais beaucoup, dit-il, parce
« que mes mains étaient extrême-
K ment serrées j je demandai le mo-
« tif d'une telle violence , on ne me
K répondit que par des injures. Le
« maître , le canonnier , le chirur-
« gien , un des contre -maîtres et un
« des jardiniers , étaient prisonniers
te dans leurs chambres ; l'écoulille
K élait gardée par des sentinelles. »
Quelques chefs de l'équipage el Té-
crivain obtinrent la permission de
monter sur le pont. Christian ordonna
au maître d'équipage de faire mettre
la chaloupe h la mer et de se dépê-
cher s'il ne voulait pas qu'on lui fit
sautir la cervelle. Dès que la cha-
loupe fut 'a flot, trois hommes recu-
rent l'ordre de s'y embarquer. Bligh
essaya de nouveau d'adresser des re-
présentations aux révoltés, elles n'eu-
rent pour résultat que l'injonction de
se taire sons peine d'être tué à l'in-
stant.Tous ceux qui devaient descen-
dre dans la chaloupe ayant été appe-
lés furent forcés d'y passer : on leur
BLI 357
permit d'emporter du fil de caret ,
de la toile à voile, des lignes, des
voiles, des cordages , un baril d'eau ,
cent cinquante livres de biscuit, nne
petite quantité de rhum el de vin , un
quart de cercle et une boussole; mais
on leur défendit , sous peine de niorl,
de prendre ni caries, ni livres, ni
instruments de navigation , ni les des-
sins et les relèvements de côtes que
Bligh avait faits. Le maître charpen-
tier n'obtint qu'avec peine la per-
mission d'embarquer son coffre d'ou-
tils j l'écrivain put sauver les jour-
naux, les brevets et la commission
de Bligh , ainsi que divers papiers
importants. Celui-ci demanda des ar-
mes, on se moqua de lui en disant
qu'il connaissait bien les gens avec
lesquels il allait, et que par consé-
quent elles lui seraient inutiles ; ce
pendant on jeta quatre sabres dans la
chaloupe. A la fin , Christian dit a
Bligh : « Allons, capitaine, vos offi-
ce ciers et vos matelots vous atten-
te dent ; il faut que vous vous embar-
tc quiez avec eux. Si vous faites la
ft moindre résistance , vous êtes
tt mort. » Dès qu'il fut hors du bâ-
timent on lui délia les mains. On
lança dans la chaloupe quelques mor-
ceaux de petit salé et des vêtements.
A'ors quelques-uns des officiers ma-
riniers et des matelots crièrent h
Bligh qu'ils étaient étrangers a tout
ce qui s'était passé, qu'on les avait
retenus de force el qu'ils le priaient
de ne pas oublier leur déclaration.
Les révoltés, après avoir retenu quel-
que temps la chaloupe à l'ancre et
fait servir de jouet à leur humeur
railleuse les infortunés qui s'y trou-
vaient, larguèrent enfin l'amarre et
les laissèrent al'er en dérive au mi-
lieu de l'Océan. Dix-huit hommes
étaient avec Bligh : il en restait vingt-
cinq avec Christian j c'étaient les
358
BLI
meilleurs de rcqiiîpage. Le vent
étant faible , Bligli fit route vers Toii-
foua, afin de s'y procurer de l'eau et
des vivres et de gagner ensuite Ton-
gatabou. Au commencement de la
nuit, il atteignit Toufoua et s'y ra-
vitailla. Les indigènes auxquels il ra-
conta que son navire avait péri, et
qu'il ne s'était sauvé qu'avec les hom-
mes qu'ils voyaient, écoulèrent ce
récit avec indifférence. Le i'^'' mai,
dans la soirée , ils attaquèrent les
Anglais ; un matelot qui n'avait pas
eu le temps de s'embarquer fut as-
sommé , plusieurs furent blessés , car
les Indiens les poursuivirent dans
leurs pirogues. Cet incident décida
Bligh à s'éloigner au plus tôt de l'ar-
chipel des Tonga. Le 5 , une tempête
lui fit courir les plus grands dangers;
il fut obligé, pour soulager la cha-
loupe, de jeter a la mer les hardes
superflues , ainsi que les cordages et
les voiles inutiles. Le 4 , on décou-
vrit quelques petites îles basses, et
l'on passa au milieu de ce groupe qui
fut nommé lies de Bligh; elles
sont situées par i8°i2'sudet 183"
2o' de longitude est. On jugea que
les plus grandes étaient habitées;
mais la prudence ordonnait de ne
pas débarquer. Elles font partie de
l'archipel des Fidji ou Vill. Le 7, on
découvrit encore une terrehaute, d'où
il se détacha deux pirogues qui pour-
suivirent les Anglais avec une grande
vitesse. Une pluie abondante procura
une bonne provision d'eau , mais les
hommes étaient trempés par l'humi-
dité et transis de froid. Le 1 4. et le
i5, on eut encore connaissance
d'îles nouvelles et habitées, appar-
tenant a l'archipel du Saint-Esprit.
Le 28 , on aperçut la côte de la Nou-
velle-Hollande 5 on passa en dedans
des récifs et on se trouva dans une
eau tranquille; on étail par 12° 46'
BLI
de latitude sud. On longea la côte eu
se dirigeant au nord, on débarqua
sur les îles dont elle est bordée 5 on
n'y trouva d'autres ressources pour
subsister que des coquillages , des oi-
seaux de mer et quelques racines 5 on
rencontra des indigènes qui se montrè-
rent paisibles. Le 3 juin, on atteignit
le détroit de Torrès.Le 12 au soir, on
aperçut l'île de Timor. «Il m'est im-
K possible de décrire , s'écrie Bligli,
« le plaisir que nous causa la vue de
ce la terre 5 il nous semblait a peine
a croyable qu'eu quarante-un jours
K nous eussions pu parcourir, dans
« une chaloupe non pontée et si mal
ce approvisionnée , les trois mille six
« cent treize milles marins qui sépa-
a rent Toufoua de Timor, et que dans
« notre détresse extrême personne
ce n'eût péri, u Le 14, on arriva de-
vant Coupang; le gouverneur, Adrien
Van Este, prodigua les marques du
plus touchant intérêt aux Anglais;
tous les secours possibles leur furent
donnés 5 ils ressemblaient a des spec-
tres ambulants. Grâce aux attentions
bienveillantes des Hollandais , ils
recouvrèrent bientôt leurs forces.
Bligh remit au gouverneur un rap-
port officiel sur la révolte k bord
du Bountj , et une réquisition, au
nom du roi de la Grande - Bre-
tagne, d'expédier a tous les comp-
toirs hollandais des instructions , re-
commandant d'arrêter ce vaisseau
s'il s'y présentait ; il joignit K cet
écrit la liste et le signalement des ré-
voltés. Ensuite il acheta une goélette,
afin d'arriver a Batavia avant le mois
d'octobre- époque du départ des
flottes pour l'Europe. Il nomma ce
bâtiment la Ressource , et s'y em-
barqua le 20 août, avec tout son
monde , excepté le jardinier mort à
Coupang. Le i"' oct. , il mouilla
sur la rade de Batavia. Peu s'en fallut
BLl
qu'il uc fût victime de riusaliiln-ilé
du climat: il se liâla donc de partir
parla première occasion qui s'offrit,
el eut le regret de ne pouvoir em-
mener que l'écrivain du Bountj. Il
prit son passage sur un paquebot hol-
landais destiné pour Middelbourg.
Arrivé dans la Manche, le lomars
1790, un bateau de pêcheur le con-
duisit a Portsraoulh. La révolte de
l'équipage du Boiintj- avait produit
nu si grand éclat, que le gouvernement
britannique jugea qu'd devait se hâ-
ter d'envoyer a la recherche des cou-
pables j en conséquence, la frégate
la Pandore, commandée par le ca-
pitaine Edwards, fut expédiée au mois
d'août. Bligh publia bientôt le récit
de la révolte de s m équipage et de
sa navigation miraculeuse 5 ce récit
excilaleplus vif inlérêt, et fut tra-
duit dans toutes les langues de l'Eu-
rope. Bligh donna plus tard la rela-
tion complète deson voyage. En 1 792,
le gouvernement, persistant dans son
loual)le projet de procurer l'arbre a
pain aux Antilles, expédia de nouveau
Bligh aux îles de la Société. Afin de
prévenir une nouvelle catastrophe ,
on mit sous ses ordres deux corvet-
tes : la Providence ■) qu'il comman-
da, et V Assistance, qui fut confiée
h Portiock, connu par un voyage
au loir du monde. Bligh partit le
2.3 août j il mouilla le 3 février 1792,
dans la baie de l'Aventure , h la
Terre Van Diemeu, y piaula plu-
sieurs arbres fruiliers , y sema des
plantes potagères d'Europe, et y lais-
sa un coq el deux poules. D'Enlre-
casleauxf/^. ce nom, XIII, 174), qui
plus tard aborda au même endroit,
trouva que les bonnes intentions dn
marin anglais n'avaient pas élé inu-
tiles. Le 5 avril, Bligh, après avoir
couru jusqu'au 5 0*" degré de latitude
auslrale, était remonté jusqu'au 21°
BLI
•>^9
4.0'. Il découvrit, par 219" 3o' de
longitude est, une île très-basse,
boisée cl bordée de brisans ; elle
ne parut pas habitée, et fut nom-
mée Ile du Lagon. Le 1 0 avril,
les deux vaisseaux étaient a Ta'i'ti.
Bligli apprit que la Pandore avait
quitté l'île depuis onze mois , emme-
nant dix des révoltés du Bou/iij-,
qu'on avait pu saisir , et eue les au-
tres s'étaient embarques auparavant
sur ce navire, que commandait Chris-
tian. L'île était livrée k la guerre ci-
vile j mais grâce aux bons offices de
Bligh les hostilités cessèrent. Aussi-
tôt il s'occupa de remplir l'objet de
sa mission, et fit porter à son bord
deux mille six cent trente plants d'ar-
bres a pain et plusieurs autres grands
végétaux ; deux Taïtiens l'accompa-
gnèrent pour en prendre soin. Le 16
juillet il appareilla. Le 2 août , il
vit les trois îles de Mayorga , décou-
vertes par les Espagnols en i78.ijle
5, il aperçut celles qu'il avait décou-
vertes dans son premier voyage. Favo-
risés par un beau temps et par un bon
vent , les deux vaisseaux entrè-
rent le 2 septembre dans le détroit
de Torrès , et ne naviguèrent qu^avec
la plus grande difficulté au milieu du
labyrintlie dîles dont il est semé.
Ils furent attaqués , sans sujet , par
huit pirogues, sur lesquelles ils firent
feu. Us avaient trouvé en s'engagcant
dans le détroit une nouvelle passe
qui fut nommée Entrée de Bligh.
On prit possession , au nom du roi de
la Grande-Bretagne, de toutes ces
îles , et on les appela Archipel du
duc de ùlarence. Le 2 octobre ,
Bligh laissa tomber l'ancre à Timor
où il fut instruit du naufrage de la
Pandore. Pour témoigner sa recou-
naissance des services que le gouver-
neur de celle île avait rendus aux An-
glais dans la délresscj il lui dinina
36o
BLI
dix plants d'arbres h pain : ensuite il
cingla vers le cap de Bonne-Espé-
rance ; la un vaisseau (pii revenait de
rinde remit a Bligh des plants de
végétaux de cette contrée. Le 17 dé-
cembre , la Providence et Y Assis-
tance étaient mouillées sur la rade de
Sainte-Hélène; le 26, ces deux bàti-
mens en partirent , et en dix jours ils
atteignirent Saint-Vincent, dans les
Antilles , oîi ils déposèrent une par-
tie de leur cargaison : le reste fut
porté à la Jamaïque. Ils revinrent
en Angleterre vers le milieu de 1793.
Bligh continua de servir dans la ma-
rine royale. Par malheur ou le ré-
compensa en le nommant gouverneur
du INew-South-Wales, ou Nouvelle
Galles du Sud. Jusqu'alors cette co-
lonie naissante n'avait été administrée
que par des hommes qui, tels que
PliUlip(/^. ce nom, XXXIV, 192),
savaient allier la douceur et même
l'indulgence àla fermeté. La conduite
de Bligh fut en tout différente de
celle qu'ils avaient tenue, k Pendant
K toutela durée de son gouvernement,
« dit Wentworth, auteur d'une Z)<?5-
« crîption du New-SouLh-PVa-
cc les, la colonie fut en deuil. » Les
actes de la cruauté la plusrévollante,
exécutés de la manière la plus arbi-
traire, répandaient l'épouvante et
l'effroi ; chaque habilant était dans
des transes continuelles pour la sûreté
de sa personne et de sa propriété.
Cette tyrannie odieuse eut un ter-
me : le 26 janvier 1808, les habi-
lanls se soulevèrent par un mouve-
ment spontané. Redoutant le juste
ressentiment d'hommes qu'il avait si
long-temps opprimés, Bligh alla,
comme Néron, se cacher sous le lit
d'un domestique , dans un coin
obscur de sa maison. On l'y dé-
couvrit. Conduit pâle et tremblant
devant l'officier qui avait ordonné son
BLI
arrestation , il resia plus d'une heure
avant d'être convaincu par cclui-cî
que sa vie était en cureté. Il fut em-
barqué pour l'Angleterre. Depuis
plusieurs années on savait que sa bru-
talité avait causé la révolte du
Boutity; et, pour le distinguer de
quelques officiers de la marine rovale
portant le même nom que lui , on
faisait précéder le sien de celui de
ce vaisseau. Parvenu au grade de
contre-amiral , il mourut a Lon-
dres le 7 décembre 18 17. On a de
Bligh: I. A narrative qfthe mutiny
onboardii. M. ship Bounly,etc.,
Londres, 1790, in-4°, avec trois
cartes et plans; traduit en français,
par Lescallier sous ce titre : Ke-
lation de l'enlèvement du navire
le Bounty , appartenant au roi
d' Angleterre et commandé par le
lieutenant Bligh, avec le voyage
subséquent de cet officier et d'une
partie de son équipage , etc. ,
Paris, 1790, in -8°, avec trois
cartes. En comparant le titre dans
les deux langues, on s'aperçoit que
Lescallier n'a traduit ni avec fidélité
ni avec précision. Ce volume, com-
posé d'un petit nombre de pages , est
écrit avec une simplicité et un ton de
modération très-remarquables. On
conçoit que Bligh y représente sa
conduite comme exempte de blâme ;
il attribue le soulèvement de la
plus grande partie de son équipage
au désir de mener une vie exempte
de peines avec les belles Taïliennes;
mais cette opinion ne peut soutenir un
examen sérieux. Cependant a l'épo •
que de l'apparition du livre de Bligh,
on la reçut sans objection et l'on
plaignit le malheureux capitaine. Ce
ne fut que plus tard que l'on apprit
avec étonnement que ?a brutalité
envers Christian avait été la princi-
pale cause du fatal événement, Celui-
BI.I
ci, malgré son grade de master,
avait éle Irallc comme le dernier des
matelots. Dès 1791, ua des officiers
de \a.Pandoi'e avait raconté les faits
à son arrivée au cap de Bonne-Es-
pérance. Mais si Bligh mérite de
justes reproches pour avoir par un
excès de dureté poussé un équi-
page a lare'volte, il adroit a des
éloges pour sa conduite depuis le
moment oii on le descendit dans la
chaloupe jusqu'à celui où il aborda la
côte de Timor. Sa prévoyance et son
sang-froid sauvèrent les hommes dont
le sort était uni au sien et dont seu-
lement douze revirent l'xVngleterre.
K Le capitaine Bligh , dit l'amiral
a Krusenstern , a montré , comme
« commandant d'une chaloupe de
« vingt-un pieds de long , une force
« d'esprit que pourrait lui envier
K plus d'un amiral chargé de la con-
te duite d'une escadre considérable.
K II n'existe rien dans les annales de
ce la navigation qui soit comparable
« a cette traversée. Il y avait sur
« son bateau dix-neuf hommes , et
K des vivres seulement pour cinq
te jours. » L'amiral russe s'appuie
du témoignage d'un brave officier
anglais pour dépeindre Bligh comme
un homme sévère, a la vérité, mais sans
dépasser les bornes- il le jugeait d'a-
près lui-même, et cependant la pre-
mière édition de son livre estdeiSi ().
IL A voyage to tlie South sea
utidertakeii by command ofhis ma-
jestyfor the purpose ofcoiiveyi/ig
the brcnd fruit tree to the TT est-
Indies in H. M. ship Bounty, iti-
cluding an account of the niu-
tiny, etc., Londres, 1792, in-4°,
avec les mêmes planches que dans
l'ouvrage précédent , et un dessin de
l'arbre à pain. La traduction fran-
çaise par Soûlés est intitulée :
P^oyage à la mer du Sud entre-
ELl
36 1
pris par ordre de S. 31. britan-
nique pour introduire aux îles
Occidentales l'arbre à pain et
d'autres arbres utiles , avec une
relation de la révolte , etc. , Pa-
ris, 1792, in -8°. On n'y trouve
pas toutes les cartes de l'original
ni l'avertissement dans lequel Bligh
rend compte des mol,ifs qui l'ont
délermiue a ne pas suivre pour cet
ouvrage la marche qu'il s'était d'a-
bord proposée. Il donne un récit com-
plet de son vovage, dont la partie la
plus intéressante et la moins éten-
due est celle qui contient sa naviga-
tion dans la chaloupe. Les marins
regrettent qu'il ait négligé de publier
la relation de son second voyage qui
fut si heureusement accompli. —
On peut voira l'article Adams [John)
(tom. LVI, p. 70) quel fut le sort
d'une partie des révoltés au Bounty y
et que le premier bâtiment anglais qui
eut connaissance de la petite colonie
qu'ils avaient formée h l'île Pitcairu
fut la frégate le Breton. John Shil-
libeer, premier lieutenant de ce vais-
seau, fît paraître : A narrative of
the Briton's voyage to Pitcairns
island (Relation du voyage du Bri-
ton k l'île Pitcairn), Londres, 1817,
in- 8° , avec figures. — II est dit
à l'article Adams que ce marin sou-
leva réquipage contre Bligh 5 on
lit partout que ce fut Christian , ex-
cité par ÎMalhieu Quintal. D'ailleurs
voici comme s'exprime sir T. Stai-
nes , capitaine du Briton : a. Adams
te protesta qu'il n'avait eu aucune
te part au complot, que même il n'en
te avait pas été instruit d'avance. En
ec même temps il témoigna une lior-
tc reur extrême de la couduite de
ee Bligh envers ses matelots et ses
te officiers, n II est du reste singulier
que le nom d'Adams ne se trouve
point parmi ceux dont Bligh a
36!
BLl
donné la liste/Quatre individus por-
taient le prénom de John , peut-
être Bligli aura-t-il commis une er-
reur en copiant le ro'e d'équipage
qu'il emporta dans la chaloupe. Par-
mi les hommes qui avaient le pré-
nom de John , AVilliams est celui
dont le nom de famille s'éloigne le
moins d'Adams , par la désinence. —
p. Hajwood, un des miJshipmen
restés à bord du Bounty, et ensuite
ramené en Angleterre parle capitaine
Edwards , parvint à un rang élevé
dans la marine. Il a publié ses Mé-
moires ^ Londres, i855, in-o". En
racontant les événements qui font la
matière de cet article, il dépeint la
conduite de Bligh comme ayant été
aussi arbitraire que brutale. E — s.
BLIX (Pierre), ancien membre
de l'assemblée constituante, naquit à
Rennes eu lySB , et y fit ses études.
Il alla ensuite à Paris faire ses cours
de médecine et y fut reçu docteur.
Il exerçait a Nantes la profession de
médecin lorsque les premiers in-
dices de la révolution se montrè-
rent. Il 'en embrassa la cause avec
chaleur j et, dès le 7 août 1788, fut
un des douze que le peuple nantais
envoya a Versailles pour présenter
une requête au roi , a l'effet d'obtenir
l'égale répartition des impôts; l'au-
torisation de s'assembler 5 la repré-
sentation du tiers-état aux états de
Bretagne, par un député pour dix
mille habitants, et que les députés ne
fussent ni nobles, ni anoblis, ni
fonctionnaires salariés, ni fermiers
des seigneurs. De retour de sa mis-
sion, Bliu fut élu, en mars 1789,
un des députés de la sénéchaussée de
Nantes aux états-généraux. Il ap-
puya la proposition de priver du
droit d'éligibilité les enfants héritiers
ou donataires d'un père failli. Il fit,
le 6 nov. , une motion pour que les
ËLI
ministres ne pussent siéger ni être
choisis parmi les législateurs. Le 12,
il proposa d'accéder au vœu de grâce
émis par le roi en faveur du parle-
ment de Rouen. Le i"'' déc. , dans
la discussion sur l'insurrection des
noirs a la Martinique, il soutint que
l'assemblée n'avait pas le droit de
faire une constitution pour les colo-
nies d'Amérique; que, semblables a
l'Ecosse et à l'Irlande, elles devaient
se constituer elles-mêmes, et que
leurs députés étaient aussi sans qualité
pour voter sur leur constitution. En
jauv. 17go.il opina contre un impôt
sur le luxe,proposé par l'abbé Maury ,
et en février, pour la suppression des
ordres religieux. Le 22 du même
mois, dans unediscussionsur les trou-
bles des provinces, il prétendit qu'ac-
corder la dictature au pouvoir exécu-
tif, pour les apaiser, « ce serait
envoyer des assassins pour répri-
mer des assassinats. » Sur la de-
mande de JMenou , il fut rappelé à
l'ordre pour ces expressions , quoi-
qu'il les eut désavouées et qu'il eiit été
défendu par Maury, par Cazalès et
d'autres membres de la droite. Lors-
qu'il tut question, au mois d'août,
de l'affaire des pensions , il trou-
va Irop faibles celles qui étaient
assignées aux savants et aux gens
de lettres. En avril 1791 , il vola
pour la formation et l'entretien d'un
corps d'officiers de marine. Dans
les diverses séances où l'assemblée
nationale s'occupa des colonies , il
défendit le droit des hommes de cou-
leur libres , présenta une adresse du
commerce de îsantes contre le dé-
cret du i5 mai sur les colonies, et
pro^:
proj
et de décret
-'t qi
devait le remplacer. La session
terminée , Bliu revint a Nantes et
se livra exclusivement à la prati-
que de la médecine. Il avait travaillé
BLI
Il quelques journaux , nolammenl ,
avec Regnaull de Saint-Jean-d'An-
gely et Adrien Duquesuoy, a V Ami
des patriotes , feuille hebdomadaire
dans le sens de la conslitulion de
Jjgi , imprimée aux frais de la liste
civile, et supprimée après le i o août
1792. BHu, qui s'était montré d'a-
bord zélé patriote constilutiounel ,
avait singulièrement modifié ses opi-
nions. Avant la fin de la session con-
stituante, il se prononçait à Kantes
contre la marclie de la révolution j
lorsque vint la république , il se pro-
nonça contre elle avec énergie ; et ,
sous le règne de l'anarchie, il dut ,
en se cachant, pourvoir a sa sûreté.
Il ne se fit point remarquer sous
le directoire et sous l'empire, mais il
se montra en i8i4- un des plus ar-
dents partisans de la restauration.
Nommé en 181 5 conseiller de pré-
fecture de la Loire-Inférieure, il
conserva cette place jusqu'à la révo-
lution de i83o. Il avait obtenu eu
1821 la croix de la Légion-d'flon-
neur. Son âge avancé ne lui permet-
tant plus d'exercer sa profession , il
s'était retiré depuis quelque temps k
la campagne, lorsqu'il mourut à la
fin d'oct. 1834^. Il a publié : Opi-
nion sur les réclamations adres-
sées à l'assemblée nationale par
les députés extraordinaires du
commerce et des manufactures de
France relativement aux colo-
nies, Paris, 1790, in- 4.°. Blin avait
été un des premiers membres de la
société académique de la Loire-In-
férieure. A — T.
BLIX fJosEFFî) , ancien membre
du conseil des cinq-cents, frère du
précédent, naquit à Rennes en 1763.
A peine avait-il achevé ses éludes
qu'il s'enrôla dès Tàge de 16 ans, et
servit dans les Antilles comme soldat
pendant quatre ans. Il revint en
BLI
363
France après la paix de 1783, et en-
tra dans les aides. En 1789 il se
montra un des premiers défenseurs
de la révolution, et dès le mois de
janvier il fut blessé dans l'affaire où
commença la première association
bretonne. En i 792 11 fit la campagne
contre les Prussiens comme capitaine
d'une compagnie de volontaires. De
retour dans ses foyers, il fut nommé
directeur de la poste aux lettres par
les assemblées populaires. En 1795
il partit, a la tète d'une compagnie
de la garde nationale, pourcombattre
lcs\endéens, et reçut deux blessures
dans cette expédition. Il osa néan-
moins résister a Carrier , en 1794.,
et sauva Rennes des malheurs dont le
féroce procouHilaccablail Nantes (i).
Il fut en 1798 député au conseil des
cinq-cents. Peu de temps après son
adunssion, il eut une vive allcrcaliou
dans uu banquet de députés a Pocca-
sion d'un toast. On jugea dès-lors que
ses voles ne seraient pas favorables au
directoire. Mais Pavenir fit voir que
son opposition provenait moins de ses
opinions que de la raideur et de l'in-
flexibilité de son caractère. Bientôt
il appuva le projet de Berlier pour
maintenir les journaux sous la sur-
veillance du gouvernement. En déc.
il fit un rapport sur le remplacement
des conscrits chefs de commerce. En
(i) Blin se trouvait à Rennes lorsque Car-
rier y arriva ; un banquet fut donné au farou-
che proconsul. Blin était présent; et, tandis que
Carrier exposait brutalement son atroce Ibéorie
de gouvernement , Blin , qui entendait autre-
ment la république , ne put contenir son indi-
gnation ; il se leva, criant: « Qu'on éteigne les
lumières et que j'étouffe ce b. .-là. » Et bientôt
Carrier effraye partit de Rennes sans avoir osé
y faire une seule arrestation. Cependant Bailly,
Bigot de l'réameneu , et bon nombie -le
fédéralistes , eutre autres les députes des cinq
départements de la Bretagne, formant un co~
mile Je résistance à l'oppressinn (dont l'auteur de
celle note faisait partie , étaient encore dans
cette ville. Et si Carrier eût trouvé à iSanIcs
des hommes d'énc.-,'ie comme l'était Biin , bien
des criiues cpouv-.'i tables n'eussent peut-être
p.TS clé commis. V — ve.
36/,
BLI
janv. 1799 , il demanda la question
préalable sur un projet de Villers.son
compatriote, concernant un tarif de la
posteaux lettres, et il opina pour la
détentiondes émigrés naufragés à Ca-
lais.Le 5 juillet il fit renvoyer au di-
rectoire une lettre de Scliérer sur ses
opérations à l'armée d'Jlalie,en rap-
pelant que le conseil des cinq-cents avait
déjà, dénoncé la conduite de ce géné-
ral. Lorsque, le li juillet, Lucien
Bonaparte fit sa motion pour le
maintien de la constitution de l'an
III, Elin demanda que , pour
Iranquiillserle peuple sur la durée de
celte constilulion , on poursuivît les
traîtres qui avaient mis la patrie en
danger... Le 23 , il proposa de re-
trancher le mot anarchie du ser-
ment exigé des officiers de la garde
nalionnle. Le i4. août il s'éleva con-
tre le rovalisme , et déclara que les
plus grands dangers menaçaient la
république. Le i4 seplcmbrc, il in-
sista sur la nécessité de signaler ces
dangers , et demanda la permanence
du corps légis'alif. Le lendemain il
fit observer qu'un message, par lequel
le directoire demandait ime levée
de quarante mille chevaux, n'était
pas constitutionnel. Blin , qui pen-
dant toute la session avait combattu
le directoire, fut aussi un des dé-
putés qui s'opposèrent à la révo-
lulion du 18 brumaire. Après le
triomphe de Bonaparte et sous le
consulat, il ne fut compris dans au-
cune des deux chambres législatives.
Il alla reprendre ses fonctions de
directeur de la poste a Rennes ,
où son humeur intraitable lui at-
tira plusieurs affaires. Comme il
était d'ailleurs d'une rigide probité,
il conserva sa place, et ne reparut
sur la scène polilii[ue qu'a la restau-
ration. L'antagoniste du directoire et
de Napoléon ne se montra pas davan-
BLI
tage le partisan des Bourbons. Le sS
avril 181 5, il fut élu président de la
fédération des cinq départements de
la Bretagne, qui donna l'exemple a
toutes les autres, et danslanuit même
il présida à la rédaction du pacte
fédératif, où rappelant que la Bre-
tagne avait, vingt-six ans auparavant,
df ployé la première l'étendard de la
liberté, on avouait le but de résister
a une invasion étrangère. 3Iais celte
confédération , moins nombreuse
qu'on ne l'avait espéré, trouva elle-
même lieaucoup d'opposition et ne
produisit aucun résultat. Blin reçut
en celte circonstance la croix de
la Légion-d'Honneur qu'il perdit,
avec sa place, après la seconde ren-
trée des Bourbons. A la révolution
de i83o, il avait recouvré sa décora-
tion , et on lui offrit la direction de
la poste de Caen. Biais, son âge lui
faisant un besoin du repos dont 11
jouissait depuis long-temps a la cam-
pagne, il se contenta de sa pension
de retraite et mourut k Rennes,
le 12 juillet i834- (2). A — T.
BLÎTTEIISWYCK (Guil-
tAUME de), d'une ancienne famille
patricienne de Bruxelles, originaire
de Gueldre , commença par être
(2) Blin a laissé, entre nulles enfants, deux
fiUes ; l'une mariée à SI. Rouliii, correspondant
do l'académie des sciences et connu par sou
voyage seicntifuiue dans l'inlérieurde la Colom-
bie ; l'autre est veuve de Bertrand (^/fjo/it/re-
Jacijucs-t'rancois), né à Rennes, le 23 avril 1795,
iiu-decin de la fatuité de Paris, où il est mort,li! îi
janv. I 83 t. On a de lui: 1*^ Traité du somnambu-
lisme et des différentes modifications qu' il présente,
Paris, 7823 , iu-S". II. Lettres sur les refolulions
du globe, l'aris, deux éditions, 1824 et 1836,
in-i8. III. Lettres sur la p/ijsique, ibid., iSaâ,
2 vol. in-S"", traduites en espagnol sous cetiire:
RecreacionesfisicnSf etc. , ibid., i825, 4 volumes
in-T8. IV. De l'Ezlose{ e-xtTnh de l'Eneyclojrilie
progressive), ibid., 1876, in-S". V. Du magnétisme
animal en France et des Jugements qu'en ont porté
tes sociétés savantes, etc. , suivi de l'aiiparilion
de l'cxlase dans les traitements mapneliqnes ;
ibid., 1S27, in-S". Bertrand a publié plusieurs
articles sur les sciences physiques et naturelles
dans le Globe,, qui n'était pas encore dans les
mains dcsSaint-Simoiiiens, A — t,
BLI
eclievin de celle ville. En i645,lc
rui d'Espagne le nomma conseiller
du conseil supérieur de Gueldre et
vice-chancelier de lamème province j
dignités qu'il al)andonna en 1662,
pour siéger au grand conseil deMa-
lines , où il mourut en 1680, avec
la répulatiou d'un savant juriscon-
sulte, d'im orateur et d'un poète.
En celte dernière qualité , il com-
posa les inscriptions emphatiques
qu'on lisait autrefois dans le palais
de la cour souveriiiue de Malines et
qui étaient dans le goût d'Ervcius
Puteanus (Van dePutles ou Du Puy)
avec qui il entretenait des relations
intimes. Il traduisit de l'espagnol en
latin , mais sans y mettre son nom,
Sjmhola politica chrisLiaiia ,
Bruxelles, 16^9, in ïq\., et Amster-
dam, i652. L'original est de Di-
dace de Saavedra , qui avait repré-
senté l'Espagne au traité de Muns-
ter. Ou a encore de lui : Disscr-
iatio de rébus puhlicis et Rure-
miinda vigens , ardens, renas-
cens , Bruxelles, 1666, iu-fol. La
ville de Ruremonde avait été pres-
que entièrement incendiée le 3i
mai i665. Blillerswyck dédia sou
ouvrage au souverain poulife Alexan-
dre Vil , qu'il avait connu nonce à
Cologne et qui , parvenu h la tiare ,
consentit à être le parrain du sep-
tième fils que lui avait donné Gud-
Iclmine Yan Ziunicq , sa femme.
Ce fils, entré dans la compagnie de
Jésus, avec son frère Charles, qui
passait pour un des premiers prédi-
cateurs de son temps, finit ses jours
a Anvers, le i4- avril 1706. Voy.
Nobil. des Pays-Bas , I, i5r,
17 5, 2 1^5 Mém. de J. Duclercq^
I, 2i5, 235, 257. R — F — G.
BLITTERSWYCK ( Jeax
DE ), de la uîème famille , peut-être
frère du précédent , naquit aussi a
BLO
365
Bruxelles. Après avoir fait ses hu-
manités chez les pères autrusllns , il
entra ^ le 22 janvier i6o5, chez les
chartreux et y remplit dahord les
fonctions de sacristain. Envoyé a
Bruges, en 1637, par le père
Bruno d'Outelair , prieur de la char-
treuse de Bruxelles et visiteur de la
province teutonique ^ afin d'y ad-
ministrer les biens d'un couvent de
religieuses de son ordre , il ne chan-
gea rien à sa vie simple , austère et
studieuse. Quoique les biographes le
passent sous silence, il a laissé un
très-grand nombre d'ouvra2;es de dé-
volion écrits en flamand et traduits
soit du latin, soit du français,
soit de l'espagnol, et les suivants
qui ne sont pas des traductions :
L Soupirs spirituels vers Dieu ,
Bruges, 162^, in-i2. IL Trésor
de prières à ta T^ierge, avant et
après la confession. 111. Oraison
à l'usage des personnes qui visi-
tent les saintes images de la
V ier^e exposées à Bruxelles à la
vénération publique , Bruxelles ,
1623, in-165 enfin en manuscrits
inédits, dix-huit traités et discours
dont ou trouve la notice dans un ma-
nuscrit de la bibliothèque de Bour-
gogne contenant l'histoire de la
chartreuse de Bruxelles , par J.
Baptiste De \addere, car c'est ainsi
qu'il faut lire ce nom ( J^oj. t.
XLVII, p. 24.7). Blitterswyck n'a
rien écrit qui ail échappé a l'oubli ;
il appartient tout entier a cette ère
d'affadissement du caractère belire si
jiollliqucment ouverte par les archi-
ducs Alberl et Isabelle, et si bien con-
tinuée par le gouvernement espagnol.
11 mourut le 28 juillet 1661.
R_F_G.
BLOM (Chakles-Magm's), mé-
decin suédois, naquit k Kafsvik en
Smolandie, le i*""^ mars 1737. Son
365
BLO
père, pasleur dans le mémo lieu,
l'envoya faire ses éludes k Upsal et
le deslii^alt a. l'état ecclésiastique. Ce
projet, auquel s'opposaient les goùls
du jeune Blom,ne reçut point d'exé-
cution, et la médecine, pour laquel'e
il avait un pencliaut très-prononcé,
l'emporta. Partageant son temps en-
tre l'étude de la médecine et celle de
l'histoire nalurelle, il eut pour
maîlre 1 illustre Linné qui contribua
beaucoup k ses succès par ses con-
seils et ses leçons. Un voyage qu'il
entreprit eu 1760 dans divers pays,
et principalement eu Hollande , lui
donna l'occasion d'acquérir de nou-
velles connaissances. Il revint dans
son pays quelque temps après , et !a
thèse De ligno quassiœ , qu'il sou-
tint a Upsal pour son examen de mé-
decin, lui fil le plus grand honneur.
Il obtint le bonnet de docteur le 7
juin 1765 , et, dès ce moment, saré-
putation comme savant et comme
médecin fut complèlemeut établie.
L'année précédente, la société des
sciences de Bàle l'avait admis au
nombre de ses membres. En ïT]U-,
il se rendit en Dalécarlie , y prati-
qua la médecine pendant quatre ans,
et fut promu au grade d'assesseur.
Blora a rendu son nom immortel
en l'associant k l'introduction de la
vaccine en Suède. Ce bienfait fut
consacré par une médaille que fit
frappera cette occasion l'administra-
tion de sauté. Blom mourut le 4 avril
18 15. Il était membre de l'aca-
démie des sciences de Stockholm et
de la société médicale de Paris. Il a
laissé de nombreux ouvrages qui at-
testent son talent d'écrivain et de
praticien : L Descriptioiies quo-
rumdam insectoriim nonduin cog-
nitoium ad Aqids graniim anno
1761 detectonim. II. Essai de
l'aconilum napcllus e« médecine.
BLO
m. Remèdes et préservatifs con-
tre la dyssenterle. IV. Remè-
des contre la fièvre de rhume et la
Jîèvre putride. ^ . Remèdes contre
la Jièvre bilieuse. VI. Conseils
pour la connaissance des médica-
nwnts.^WXn grand nombre detrai-
tésj insérés dans les recueils de dif-
férentes sociétés savantes, et notam-
ment dans celui de l'académie de
Stockholm. B — L — M.
BLOXDE (AxDRÉ), né a Au-
xerre, en 1734, fit ses premières
éludes au petit séminaire de cette
ville et les continua au collège de
Rhinviek , près d'Utrecht. Etant
ensuite entré dans la congrégation de
l'oratoire , il j professa la philoso-
phie pendant plusieurs années et il
en sortit pour se faire recevoir avo-
cat j il fut admis dans les conféren-
ces et associé aux travaux de Mey,
Maullrot, Aubry, Camus et autres
canonistes. Lors de la révolution par-
lementaire, en 1771 , s'étant pro-
noncé avec beaucoup de force contre
les. innovations du miuistère Mau-
peou, il se vit contraint de se ré-
fugier en Hollande , où il publia une
traduction àes Fondements de la
Jurisprudence naturelle de Pes-
tel , Amsterdam , 1774. H fit
aussi imprimer dans celte ville les
T\Iaximes du droit public fran-
çais de Mey et Maullrot, avec une
dissertation de sa composition sur le
droit de vie et de mort. Lorsqu'il
voulut les faire entrer en France ,
il s'adressa au libraire Piey qui lui
répondit nettement : « Si vous me
« proposiez d'introduire des livres
« contre Dieu et cunlre la religion,
« ]e m'en chargerais sans difficulté;
a mais celui dont vous parli-z atla-
« que le svslème du chancelier Mau-
« peou 5 adressez-vous k d'autres.»
Rentré dans son pays après l'ayène-
BLO
ment de Louis XVI, et lors du re'la-
blissement de la magistralure . il y re-
prit le cours de ses Iravaiix. Au com-
ineucemeut de la révolution, Bloude
fut un des signataires d'uu iSlémoire
à consulter et consultation sur la
compétence de la puissance tempo-
relle, relativement a l'érection et à la
suppression des sièges épiscopaux.
Celle consultation est dirigée contre
les décrets de rassemblée constituan-
te-, elle est datée du i5 mai 1790,
et signc'e de Jabineau , Maultrot ,
Mey, DaléaJ, Meunier, Vancc[iietin,
Maucler^ Blonde et Bayard. Blonde
prit part svixNouvelles ecclésiasti-
ques ; on le croit auteur des articles
(jui parurent dans les anciennes Nou-
velles , contre les ouvrages de Ber-
gier, et il est certain qu'il travailla
au recueil commencé par Jabineau ,
le i5 sept. 1791 (i) , sous le litre
de Nouvelles ecclésiastiques ou
3Iémoires pour servir à r histoire
de la constitution civile du clergé.
On y réfutait les autres JSouvelles
dirigées par Pabbé de Saint-Marc, et
qui s'étaient déclarées pour les inno-
vations de la constituante. Jabineau
étant tombé malade au commence-
ment de 1792 , Blonde le suppléait,
et après la mort de Jabineau, arrivée
les premiers jours de juillet de celle
année, il fil paraître quelques numé-
ros , mais Its progrès de la révolu-
tion le forcèrent hieiitôl au silence.
Le dernier numéro de ces îllémoires
est du A août 1792. On a lieu de
croire que Blonde ne fut point étran-
ger a la vive controverse élevée en
1791 et 1792 contre les décrets de
la constituante, mais nous ne saurions
indiquer précisément les écrits dont il
(i) Barl>ier se trompe quiiul il dit, dans la
deuxième cdilion de son Diitionnuire des ano-
nymes , que ces l\Iemoiies commencèrent le 6
janvier 1792 ; nous avons sons les yenx la suite
des numéros, à partir du i5 sept. i79i.
BLO
367
est Fauteur ( F'oj'. Maultrot ,
XXVII, 509). Blonde mourut a Pa-
ris, le 3 avril 1794^. On a encore
de lui : I. Lettre à M. Bergier^
docteur en théologie , sur son
ouvrage intitulé : Le Déisme
EÉFUTÉ PAR LUI - MÊME , Paris ,
1770 , iu-i2. L'auteur reprochait
a Bergier une doctrine peu exacte
sur des points de théologie oîi Ber-
gier n'avait d'autre tort que de ne
pas adopter les principes sévères et
outrés de l'école janséniste. II. Let-
tre d'un profane à 31. l'abbé
Bandeau j très-vénérable de la
scientifique et sublime loge de la
Franche-Economie^ Paris, 1775,
in-i2. Celait une critique du systè-
me des économistes, alors dans toute
sa vigueur. L'auteur fut mis K la
Bastille pour avoir osé l'attnquer (2).
On lui attribue une réfutation à\i.Mi-
(2) Ce fut en janr. 1776 que l'avocat Blonde
fut enferme à la Bastille, par lellrc de cachet ,
expédiée sous le nom de Maleslierbes , car iSla-
lesberbes lui-même eut quelquefois recours à
cet arbitraire. Bloude était accuse d'avoir fait
imprimer clandestinement jilutieurs libelles,
entre autres, la Lettre d'un profane , conire de
Vaines, alors ci>mmis des iinauces sous le mi-
nistère Turgot. Oéjà.dès le 20 nov., Jl. de Ju-
milbac, gouverneur de la Bastille, avait accusé,
dans une lettre à Malesherbes, la réception du
sieur Bourgeois, présumé complice de Blonde.
Ce dernier écrivit, de la Bastille, à Malesherbes
(20 janv. 1776 ) qu'il avait vu arec ctonnement
au bas de la lettre de cachet le nom de Lumoi-
gnon , si cher à la pairie j de l'auteur des imntor-
tellcs rewonîranccs de la cour de^ aides. Il lui rap-
pelle que peu de teinps auparavant il avait
chargé l'avocat Morizot de l'inviter, lui Blonde,
à s'occuper du projet de rclurmer l'instruction
publique. «Si j'avais pensé, dit-il , que la lettre
du profane dût faire tant d'éclat , je l'aurais pré-
venu en vous faisant savoir que c'est moi qui
suis le coupable, s'il peut y avoir une faute de
crier au voleur quand on voit les voleurs dans
la maison. ... M. Turgot ne voulait rien croire
conire son commis. Ce fat alors que je pris le
parti d'écrire les faits.» Cependant celte arres-
tation avait fait grand bruit. Blonde était l'ami
de l'avocat Jabineau et de tout le parti jansé-
niste. Ue Vaincs, efl'rajé des clameurs qui s'éle-
vaient avec force, écrivit lettres sur lettres au
nriiistre Malesherbes, pour solliciter la mise en
libellé de Bourgeois et de Blinde, n Quoiqu'il
en soit, di-ait il (24 janv.), c'est toujours pour
moi d par moi que deux hommes sont à la Bas-
tjUe. Je vous proteste que c'est uu fardeau qu«
568
BLO
lUalre philosophe, et une Lettre d
31. Turgot[ sur de Vaisnes). Paris,
i776,in-8°. P — c — x.
BLONDE AU (Antoine-Fran-
cois-Raimond) général français, né
le 7 janvier 174-75 a Baume-les-Da-
mes, pelile ville de la Franche-Com-
té, entra jeune au service, comme
simple soldat dans les chasseurs d'A-
frii[ue, parvint au grade de capitaine,
et reçut la croix de Saint-Louis en
1791. Nommé, l'année suivante,
chef du second bataillon des volon-
taires du Doubs , il fit en cette qua-
lité la campagne de 1793 sur le Rhin 5
et, s'étant signalé dans quelques affai-
res, il fut fait adjudant- général et,
quelques mois après , maréchal de
camp. Il servit, en 1794, à. l'armée
du Nord, sous les ordres de Pichc-
gru , et commanda une des brigades
qui s'emparèrent de la Hollande. Eu
1795 , il se trouvait à Paris lors
de la révolte des sections ; Barras
{Voy. ce nom, LVII , 189) lui
ayant confié le commandement de
la colonne postée dans la rue de l'E-
chelle , il contribua a la victoire ,
je ne puis supporter, etc. » On voit par une
lettre de Trudaine à Malesherbes (du jyjanv.),
que, la veiUe, Ips chambres assembkes du parle-
ment s'étaient occupées de cette affaire, et qu'il
avait été résolu d'aller en avant. De Vaines, vive-
ment alarmé , écrivait: « La clémence ne chan-
gera pas l'ame féroce de ce Blonde... IVlais je
pense que ce n'est pas dans le temps où l'on a
besoin de voix pour l'enregistrement des édits
qu'il faut indisjjoser toute la classe janséniste
(du parlement).)) Enfin, le lieutenant- général
de police Albert écrivit à Malesherbes , le 3o
janv. : « Blonde et moi, sommes sortis hier de la
Basliile à neuf heures du soir , etc. )> l>e prési-
dent de Lamoignon , qui fut depuis garde-des-
sceaux , disait à son cousin Malesherbes, dans
une longue lettre confidentielle , inédite comme
toutes les pièces mentionnées dans cette note :
« Blonde vis-à-vis de moi , vis-à-vis de vous et
vis-.i-vis de tçus les jansénistes, a joué et joue
le rôle d'économiste, aimant M. Turgot plus
que lui-même... M. de Saint-Vincent a déjà
écrit en sa faveur à M. Albert. . . Les jansénistes
prétendent que c'est moi qui ai fait arrêter
lUonde : je m'en moque ; mais c'est pour vous
faite voir que toutes ces chiennes d'affaires ne
nou3 réussissent ni à vous ni à moi, » V— vb.
BLO
d'ailleurs assez facile, de !a conven-
tion. Il prit, en 1799, une part glo-
rieuse h l'attaque du camp retranché
devant Manloue ; et quoique blessé à la
bataille de la Trébia, il n'en continua
pas moins de servir pendant le reste de
la campagne. Nommé officier de la Lé-
gion-d'Honneur en i8o4, il prit sa re-
traite deux ans après, et vint habiter
Clerval , petite ville non loin de
Baume, oîi il passa ses dernières an-
nées, et mourut le 8 mai 1825.W-S.
BLONDEL ( Jean ) , président
a la cour impériale de Paris, naquit a
Reims , fils d'un boulanger, en avril
1753 et mourut a Paris en 18 10. Il
avait fait ses études en cette ville et
s'était fait recevoir avocat en 1760.
Il débuta dans le procès du maréchal
de Richelieu, contre madame de Saint-
Vincent, et prit ensuite la défense de
la d'Oliva dans l'affaire du Collier,
où il se montra d'une manière in-
directe l'apologiste Ae la reine
Marie -Antoinette ( i ). Nommé eu
1787 secrétaire du sceau, il obtint
du roi une pension qu'il perdit en
1791. Fidèle a ses bienfaiteurs ,
Blondel seproaonçafortemeutcontre
la révolution , et il subit une longue
détention. Sous le gouvernement im-
périal, en i8o3, il devint membre
et ensuite président de la cour d'ap-
pel, et fut un des rédacteurs du Code
criminel. Blondel jouissait dv^ns le
monde et au palais de celte considé-
ration que les magistrats de l'empire
ne s'attiraient pas toujours. Il vécut
plus de cinquante ans avec une
épouse qui fit le charme de sa vie.
(i) Dans la fameuse affaire du procès do
Salra-Kirbourg, poursuivi pour dettes peu ho-
norables , Blondel, avec sa sagesse et sa modé-
ration ordinaires , publia un minioiie justificatif
de ce prince; mais, malgré tous ses elfurts, il ne
put rendre extrêmement nette la conduite dn
-son client , qui fut condamne, en fev. 17S7, à
payer le capital , les frais et les dommages,
A — T.
BLO
loliuiexucnt liés avec Bitaubé et sa
femme, ils eurent avec ce couple res-
pectable un trait de ressemblance :
c'est que cliacun des époux qui eut le
malheur de survivre aTaiilre, le suivit
diins la tombe, a peu de jours d'inter-
valle. Blondel a publié : I. Loisirs
philosophiques ou étude de l'hom-
me, Londres et Paris, 1756, in-12.
11. Notes sur ce qu'on voit dans
le monde social^ \~ibl , in-12.
Cet ouvrage ne se trouve point iudl-
(jué dans le Dictionnaire des auteurs
anonymes de Barbier. HT. Les hom-
mes tels qu'ils sont et tels qu'ils
doi\>enl être , Londres et Paris ,
1758, in-12- Hdmbourg,1760.IY.
Introduction à l'ouvrage intitulé
De l'administration des finances, par
Necker , avec de petites notes ,
1785, in-8°. Cet ouvrage a été allri-
bué, mais atort,aLoiseau deBéren-
ger, fermier-général, et aussi a Bour-
boulon. V. Discussion des prin-
cipaux objets de la législation
criminelle, Paris, 1789, in- 8=".
L G— J.
BLOXmiV ( Jean-]Xoel ) , la-
borieux grammairien, né à Paris, en
1753, entra daus Tordre des feuil-
lants , où il professa la théologie,
et devint secrétaire-interprète à la
bibliothèque royale. Il était aussi
membre de l'académie d'Orléaus et
de plusieurs autres sociétés savantes.
Pendant la révolution , lorsque tous
les collèges étaient fermés , la con-
duite de Blondin fut des plus hono-
rables ; il ouvrit gratuitement, au
Louvre et a l'Oratoire , des cours d-e
grammaire , et depuis il ne cessa de
se livrera l'élude des langues. I! est
mort à Paris, le 13 mai 1832. Sa
Grammaire française démonstra-
tive , dont la 8^ édition est de 1822,
in-8°, lui mérita un des prix décer-
nés, en 1796, par le jury des livres
ELO
3(J9
élémenlalres. Nous citerons encore
de lui : L Nouvelle grammaire
pour apprendre le français aux
Anglais, Paris, 1788, in.8°;
ibid., 1797 , 5*^ édition. IL Précis
de la grammairt française , Pari%
1788,in-8°j ibid., 1816, 6" édit.
III. Précis de la grammaire an-
glaise, ibid. , 1790, 1800, iu-8^
IV. Précis de la grammaire ita-
lienne, ibiJ. , 1791 , 1800, in-8".
V. Ua recueil de morceaux littérai-
res en anglais, sous ce titre : Pièces
on varions subjects , from the
bestenglishauthors, both in prose
and poetry , Paris, 1798 , in-8°.
\I. Grammaire polyglotte , fran-
çaise, latine, italienne, espagno-
le, portugaise et anglaise , Paris,
1811, in-8";ibid., 1825, 2"= édit.
VIL Grammaire latine démon -
strative , comparée par analogie
avec le français, Paris, 1819, in-8"';
ibid , 1822, 2- édit. VIU. Manuel
de la pureté du langage, etc. ,
ibid., 1823, in-8°. C'est un recutil
alphabétique de locutions vicieuses
avec leur corrigé. IX. M. Casimir
Delavigne cité au tribunal de la
raison, de la langue et du goût,
ou critique raisonnée , grammaticale
et liitéraire de sa 3Iessénienne sur
lord Byron, Paris, 1826, in-S"
de 16 pages. X, Le flambeau des
participes, Paris, 1828, in-8°. On
trouve a la fin de cet ouvrage des
Stances de félicitallon , adressées
par François de Neufchàteau à l'au-
teur , qui lui avait communiqué iou
manuscriî. P — ax.
BLOOMFIEL D ( Robert ) ,
poète iinglais, né le 3 déc. 1766,
au hameau dHouiuglon, daus le
comté de Suffolk , n'avait que sis
mois lorsque sou père, pauvre tail-
eur t!e village
iila
fei
veuve avec six eufauls, et sans autre
i.VIII.
24
370 BLO
ressource que la pcllle école qu'elle
lenaita Honingtou. Robert y apprit
a lire en commençant a parler; mais
lorsqu'il s'agit d'énriture , sa mère
fut obligée de l'envoyer a une école
voisine. H n'y resta qu'un trimes-
tre. Peu de temps après cette
femme se remaria, eut d'autres en-
fants, et l'éducation de Robert , qui
n'eût jamais été brillante, fut totale-
liîcnt abandonnée. Il avait onze ans
lorsqu'un oncle par alliance , M.
Wiliiam Auslin , dont il a immor-
talisé le nom dans le plus connu de
ses poèmes , offrit de le prendre
dans sa ferme^ sans imposer à la
mère d'autre condition que de lui
fournir un léger trousseau. C'était
un acte d'autant plus généreux de
la part de ce parent que , selon lui ,
Robert probablement ne serait ja-
mais en éjal de gagner sa vie. Quel-
que faible que fût l'exigence du bon
William Austin , sa demande excé-
dait encore les facultés de la pauvre
mère 5 elle écrivit en conséquence à
deux aînés de Robert (Georges et Na-
thanielBIoomfield), ouvriers cordon-
niers a Londres, les priant de contri-
buer pour quelque chose à l'équi-
pement de leur frère. Ceux-ci ré-
pondirent en invitant leur mère à
rompre son engagement avec Au-
stin et à leur envoyer Robert : ils
se chargeaient j l'un de le nourrir et
loger, l'autre de le vêtir. Arrivé à
Londres, Robert leur parut si chétif,
si maigre qu'ils ne lui imposèrent
pas de rudes travaux. C'est lui qui
faisait leurs petites commissions , qui
allait chercher leurs repas, et qui le
plus souvent lisait aux ouvriers cordon-
niers la gazette de la veille. Il est inu-
tile d'ajouter que son auditoire et lui
n'y comprenaient pas grand'chose.
Cependant Robert éprouvait un vif
désir de tout comprendre_, et possé-
BLO
der un dictionnaire eût été pour lui
le comble de la félicité. Son frère
Georges finit par lui en acheter uu,
tout usé, relégué avec la vieille fer-
raille et la faïence ébréchée sur le
pavé des quais de Londres. Ce tré-
sor coûtait quatre pences (huit sous),
Bloomfield le mit largement à con-
tribution , et grâce à ce vénérable
V ade-mecum , grâce a la vivacité
naturelle de son esprit , il en vint h
suivre aisément les débats du parle-
ment et h comprendre d'un bout à
l'autre ce que disaient les Burke ,
les Fox, les Pitt, les Wilberforce.
Il l'expliquait à l'atelier émerveillé.
Un dimanche , le hasard le conduit
au quartier delà Vieille-Juiverie,
dans une maison destinée au culte
non- conformiste. Le prédicateur,
nommé Fawcett, était un homme élo-
quent^ peut-être un peu emphatique ,
un peu trop poète dans sa déclama-
tion ainsi que dans son style. La
chaleur de son débit , l'accentuation
donnée auxsyllabes, laprosodiemélo-
dieuse, sensible jusque dans la prose,
exercèrent une impression extraordi-
naire sur Bloomfield, alors âgé de
quinze ans. Il se mit à phraser son
débit comme le prédicateur , et
tous les dimanches le retrouvèrent
assidu au petit temple de la Vieille-
Juiverie. Il visitait aussi, mais seu-
lement de loin en loiu , la société de
conférence de Coachmaker'sHall; et
dans quelques occasions solennelles
il allait au théâtre de Covent-Garden.
Tels sont les seuls maîtres qui for-
mèrent l'éducation de Robert
Bloomfield. On peut y joindre une
Histoire d'Angleterre , un vieux
traité abrégé de géographie , le
Bristls/i Traveller, et quelques li-
vres dépareillés, enfin ce qui pouvait
former le fond de bibliothèque d'un
ouvrier cordonnier. Ou prêle peu de
BLO
livres en Annleterre, et Robert u'a-
vail pas de quoi eu louer. Cependaat
au milieu de cette absence complète
de tout ce qui peut révéler le génie
h lui-même , au milieu d'au monde
aussi étranger aux idées littéraires
qu'on peut Timaginer , Robert s'é-
tait senti poète. De la déclamation
il était en quelque sorte a son insu
venu a la poésie : il agençait ses
sjllables en nombre convenu ; il
disposait, il enlaçait les rimes, il
arrivait au couplet. Le London
Magazine et les chansons des rues,
peut-être quelques stances ou cou-
plets de Coven-Garden, l'avaient mis
sur la voie. Mais de ces préliminaires
si vagues , même lorsque la musique
des couplets gravée dans la mémoire
semble solliciter des paroles nouvel-
les , il y a loin a la poésie. Enfin un
jour Robert se trouva, sans qu'il sût
comment , avoir composé , sur uu
vieil air, uu chant dont il répétait
souvent les paroles, et dont il finit,
à la grande surprise de son frère
Georges, par se déclarer l'auteur.
Georges fut d'avis d'essayer si le di-
recteur du London 3Iagazine in-
sérerait ses vers ; Robert, en vrai fils
des muses, se laissa persuader : la
pièce fut accueillie et parut dans un
des premiers numéros; c'est celle
qui a pour titre , la Laitière ou le
Premier de mai. Encouragé par
ce succès,Bloomfieldcom[)osa le Re-
tour du tailleur et envoya au jour-
nal ce morceau qui fui publié comme
le premier. Il était dans sa dix-sep-
tième année. Bientôt il fit connais-
sance avec un nommé James Kay ,
calviniste enthousiaste, mais assez in-
struit, qui, outre les livres de contro-
verse, possédait beaucoup de romans,
de poèmes, Milton , Thomson, etc.
E.obert les lut, les dévora. Les Sai'
sons surtout devinrent son ouvrage
BLO
371
de prédilection , et il ne cessait de
les vanter et de les relire. Nous ver-
rons bientôt quel effet cet enivre-
ment produisit sur lui. A celte épo-
que la dissension se mit à Lundres
dans l'association des cordonniers.
Bloomfield par suite de ces dé-
bals , auxquels il ne voulait point
prendre part , retourna dans le
comté de Suffolk, et reçut uu cordial
accueil à la ferme de Tû. Austin
jusqu'à ce qu'il put revenir à Lon-
dres. La vue des riches paysages ,
des sites pittoresques de la campa-
gne, lui rappela délicieusement les
tableaux de son poète favori. Mais ,
ne l'ayant pas a sa disposition , il se
mit a recomposer de tête ces descrip-
tions si belles et si vraies. Toutefois il
envisagea la campagne sous un aspect
nouveau quiavait échappék Thomson,
ou qui du moins n'avait été qu'épiso-
dique a ses yeux : il décrivit les tra-
vaux des hommes qui se vouent à la
vie des champs , et les délails multi-
pliés de l'exploitation rurale, détails
qu'un goût mesquinement classique
avait en général regardés comme
puérils et prosaïques, mais qui, chan-
tés par un poète qui les sait et qui
les aime, se prêtent à tous les charmes
de la poésie. Au bout de quelques
mois d'absence, Bloomfield revint a
Londres, et, sans attendre la lin des
querelles qui divisaient son corps de
métier , il entra en qualité d'ap-
prenti chez le cordonnier Dudbrido'e,
et choisit pour spécialité la chaussure
de dames. Bientôt assez habile pour
suffire "a sou existence, il étudia
la musique , et devint bon violo-
niste. Pendant ce temps, son frère
Georges s^était marié à Woohvich j
Robert l'imita et prit femme dans la
même ville, mais il retourna a Lon-
dres. Il eut long-temps a lutter contre
les circonstances difficiles qui assiè-
a4
Sp BLO
gent si souvenl les ouvriers : le man-
que d'ouvrage, le bas prix de la
lusiu-d'œuvre, le peu d'espace el de
salubrité du local. C'est entravaillant
ainsi dans une chambre , au milieu
de six ou sept ouvriers cordonniers ,
ses compagnons, que Bloomfield com-
posa son beau poème du Garçon de
ferme. Nul ouvrage peut-cire ne
prouve , quant a la manière dont il
fut composé, plus de force de lêle
et de mémoire. Soit que le poète
n'eût ni encre ni plumes a sa dispo-
sition, soit que son génie l'enlraînât
K ne rien écrire, presque tout le
Iroisième chant de son ouvrage et le
quatrième furent non seulement
composés, mais corrigés dans sa tête
sans qu'il en confiât une seule ligue au
papier. Bloomfield termina son œuvre
en 1 798. Désirant en donner connais-
sance k sa mère, il s'adressa à divers
libraires de Londres, maisloujoursen
vain- Eufin il alla voir l'éditeur et le
rédacteur du Monthly lilagazine ,
leur livrant gratuitement son ouvrage
et se réservant seulement une dou-
zaine d'exemplaires. La modicité de
ses demandes et ses démarches réité-
rées escilèrent quelque attention ,
mais en un sens peu favorable k ses
vues. Il arriva même qu'un gentle-
man fort versé dans l'économie ru-
rale , après avoir , sur l'invitation
de l'éditeur, Iule manuscrit dont on
demandait l'impression, paraphrasa
durement le vieil adage ne sutor
ultra crepidam , et recommanda
au pauvre Bloomfield de retourner
à ses chaussures et de ne plus perdre
.son temps en travaux pénibles pour
lesquels il n'avait pas de vocation ,
surtout de ne plus toucher a un su-
jet épuisé par Thomson. Cependant
la constauce qu'il opposa aux bons
avis du gentleman et ses instances
cD-rat'èreu'i encore l'éditeur àcousul-
BLO
1er une autre personne ^ el Bloom-
field reçut une lettre d'introduction
pour un M. Capel Lofft de Troston.
Cet iiomme de goût jugea de la pro-
duction qu'on lui présentait tout au-
trement que les aristarques qui l'a-
vaient précédé ; non moins offi-
cieux qu'éclairé, il corrigea la mau-
vaise orthographe du manuscrit et
changea une quarantaine de mots au
texte , le fit recopier et l'envoya ,
non sans une très-pressante lettre de
recommandation , k l'un des deux pro-
priétaires du Bliroir du mois. Bien-
tôt le libraire Hood se chargea d'édi-
ter l'ouvrage j et le traité assura au
poète, au lieu des douze exemplaires
qu'il avait sollicités en vain du Mon-
thly Magazine , cinquante livres
sterling, plus une part dans les béné-
fices. Celle part devint importante;
car en peu de temps Hood vendit
quarante raille exemplaires du Gar-
çon de ferme; et Bloomfield reçut
deux cents livres sterling indépen-
damment de la somme fixe qui lui
avait été allouée. Les critiques les
plus habiles s'accordèrent k louer
dans le Garçon de ferme non seu-
lement un plan sage, une versification
l'arnionieuse et coulante, un style
varié, fleuri et simple comme la na-
ture, enfin une profusion d'images
fraîches et vraies , mais un tableau
achevé de la vie rurale, empreint de
toute la naïveté des champs, dout il
retraçait avec élégance, quoique avec
fidélité 5 la physionomie et la cou-
leur. Ce poème k la main , oa
respire vraiment l'odeur delà ferme,
de la laiterie , des sainfoins nouvel-
lement coupés; on voit les mœurs ,
les amours de la basse-cour , les
mouvements variés des garçons de
labour, des servantes, du berger,
du maître de ferme, les instruments
aratoires inaciif> ou en activité, les
P-Î.O
meures de blé ou de fuiu; ou croit
entendre les pas variés des bestiaux ,
les cloclietles suspendues au cou des
moulons, les chalumeaux ou la cor-
nemuse du pasteur, les longs récits
ou les ballades de la veillée. En un
mot, chez lui tout est d'une rusticité
et d'une grâce qu'on ne trouve pas
dans Thomson, qui ne voulait que
peindre la nature. Bloomfield re-
présental'hommeexploitanl la nature
par l'art agricole. Les traits du pre-
mier devaient être plus grandioses,
plus hardis, et aussi, on doit le dire,
plus vagues; le second au contraire
est plus minutieux, plus précis : aux
larges lignes jetées par la main de
Dieu, ont succédé les dimensions un
peu étroites de l'homme. Celte dif-
férence se retrouve jusque dans les
formes du poème : les Saisons sont
en vers blancs, le poème de Bloom-
field est rimé. Du reste, l'un et l'au-
tre se composent de quatre chants
consacrés chacun à une des quatre
saisons 5 et même cette parité fut
une des causes qui , aux yeux des
premiers lecteurs , firent du Gar-
çon de ferme une pâle imita-
tion des Saisons. Mais, si lun des
deux poètes devait subir des re-
proches pour cette division, a coup
sur ce serait Thomson plutôt que
Bloomfield. Les saisons ne sont
qu'une division artificielle de l'année,
division imaginée par l'homme ,
en rapport avec les travaux de
l'homme : le poète qui a choisi pour
sujet les travaux agricoles de l'homme
peut donc et peut-êlre a dû. suivre
celle division 5 mais lorsqu'on peint
la nature, et surtout la nature en-
tière, celle des Tropiques comme
celle de la Grande-Bretagne , il est
mesquin , il est faux de partager
l'année en quatre saisons : on en
compte trois ou six aux Indes , on
Ï'.LO 3; 3
n'en compte (jue deux sous la ligue ,
et au fond la nature ne change-
t-elle [tas de face tous les jours? L'an-
parition du Garçon de ferme influa
sur le sort de Bloomfield. Le duc
d'York , grand admirateur de ce
poète, lui accorda une gratification.
Le feu duc de Grafton lui fit une pen-
sion d'un schclling par jour, pension
que lui continua le duc actuel, après
la mort de son père, et deux ans plus
tard , il obtint pour lui un emploi.
Cependant il travailla encore quel-
ques années après la publication de
son poème à sa première profession.
Il se mit ensuite a faire d'admirables
harpes éoliennes. Beaucoup de per-
sonnes du grand monde achetèrent a
très- haut prix ces instruments, profi-
tant ainsi de l'occasion pour lui faire
des présents, sans que sa délicatesse
put les refuser. Peut-être dans celle
situation nouvelle où il ne cessa point
de sacrifier aux muses, Bloomfield ne
songea-t-il pas assez, malgré son ex-
trême modestie, qu'il y avait dans
cette veine de fortune un peu d'engoue-
ment, un peu de mode. Au reste il ue
s'occupa guère d'assurer son avenir ;
et la faute en fut plus encore k son
excellent cœur qu'au désir si naturel
d'un peu de luxe ou au laisser-aller
du poète. Tous ses frères trouvèrent en
lui un appui généreux ; et ses frères,
moins richement do lés ([ue lui par la na-
ture, et toujours réduits a la vie de i'a-
telier, avaient k eux trois trente-un
enfans ! Vers 1815 , sa santé s'affai-
blit. Les privations de son enfance,
les angoisses de sa jeunesse avaient
sans doute contribué k ce résultat.
Il abandonna sa place , quitta Lon-
dres et se retira dans le comté de
Bedford, aux environs de Shefford :
là il eut pour voisin M. Whitbread
qui l'avait toujours traité avec
beaucoup d'égards, et dont la maisoa
374 BLO
lui était toujours ouverte. Eu 1819,
il devint incapable de supporter le
moindre travail j cependant il donua
encore , depuis ce temps , deux
morceaux différents, notamment une
pièce en trois actes , et l'on a
quelques raisons de croire qu'il a
laissé d'autres compositions qui
datent de cette époque. Il eut ensuite
Je malheur de perdre presque en-
tièrement la vue. Des embarras
pécuniaires vinrent ajouter à ces
causes de souffrances. Malgré les
soins pieux de sa fille , BloomGeld
eut donc une fin presque aussi mal-
heureuse que l'avait été sa jeunes-
se. A peine même ses amis purent-
ils désirer qu'il survécût a l'attaque
qui l'emporta : car les médecins dé-
clarèrent que s'il eût gardé la vie ,
il eût perdu la raison. Bloomfield
mourut le 19 août 1823. On a de
lui, outre le Garçon de ferme et les
deux premières pièces que nous avons
mentionnées :I. Contes, Ballades et
Chants de campagne, 1802. Ces
petits poèmes respirent absolument
l'esprit du Garçon de ferme ; ils
obtinrent aussi un accueil flatteur,
quoique moins brillant que le grand
poème. Beaucoup de ces charmantes
productions furent composées pour
Ta musique des leçons de piano de
Hook j et certes jamais personne ne
se douterait quelamusiquea été com-
posée avant les paroles. Parmi ces
dernières on a remarqué le Chant
du chasseur. II. Heureuse an^
nonce ou JSouvelles de la ferme ,
1804. Ce morceau est relatif à la
pratique nouvelle alors de la vaccine.
M. Lofft dans une lettre écrite d'I-
talie , après la mort de Bloomfield ,
recommande de l'intercaler dans le
Garçon de ferme dont il a le ton
et les formes. III. Fleurs sauva'
ges ou poésies pastorales et loca-
BLO
les , 1806. Ce volume est dédié
par l'auteur à son fils. IV. Les
Bor^ds de la Wye^ 1811, com-
posés après un voyage sur la rivière
de Wje, au sud du pays de Galles ,
dans l'été de 1807. V. Le premier
du mois de mai avec les Muses ^
1822. VI. Hazlewood Hall, pas-
torale en trois actes : la préface est
datée du 12 avril 1823. M.Etienne-
Fraucois Allard a traduit en français
le Valet du fermier, V Ans, \Hi)0,
un vol. in-12, avec dix gravures. On
en a aussi une traduction de Parny.
M. E. L*** de Lavaisse a traduit les
Contes et chansons champêtres,
Paris, 1802, in-12. T.-P. Berlin
a traduit aussi, d'après Bloomfield,
VHistoire du chapeau neuf du
petit Davy , Paris, 1818,10-18.
P— OT.
BLOUET (Jean-Feaxçois-Ni-
coLAs), littérateur, né à Metz le 21
mars 1745, était fils d'un procureur
au parlement de la même ville. Reçu
avocat en 1 764 , mais restant pres-
que sans affaires au barreau, il eut
le loisir de se livrer à son goût pour
les lettres et devint l'un des fonda-
teurs d'une société académique, insti-
tuée h Metz sous la dénomination de
Sociétèdes Philathènes, réamon oii
figuraient en même temps Lacretelle
aîué, Rœderer, Emmery et plusieurs
autres hommes qui ont marqué dans
l'histoire contemporaine. Blouet était
devenu, au moment de la révolution,
propriétaire-rédacteur du Journal
de la Moselle. Enfermé à l'ancienne
abbaye de Saint- Vincent en 1793, il
ne sortit de prison qu'après la chute
de Robespierre. Lorsqu'il fut ren-
du à la liberté , il continua la pu-
blication de sa feuille périodique ,
mais elle tomba dans un discré-
dit dont l'insouciance du rédacteur
était la principale cause. Le Jour-
r.LO
,i:
nal de la Moselle paraissail Lucore
sous ses auspices lorsqu'il iul frappé
de l'apoplexie dont il mourut le 3
aoùl 1809. Peu d'hommes ont laissé
d'aussi nombreux manuscrits que
Blouet 5 mais aucun ne lui a survécu
et nous ne pensons pas qu'on doive
beaucoup en regretter la perle. Ses
seuls ouvrages connus, dont le pre-
mier seulement a été imprimé , sont :
I. fllcnioire sur cette question :
Quels sont les obstacles politiques
ijui s^ opposent aux progrès de la
navigation^ relativement au com-
merce, sur les rivières des Trois-
Evêchés ^ principalement sur la
Moselle ; et quels sont les moyens
de détruire ou de diminuer ces
obstacles? Ouvrage couronné par
l'académie royale de Metz eu 1772,
et imprimé dans un recueil de Mé-
moires sur le même objet, publié aux
frais de celte société, en 1773, in-4".
II. Mémoire en réponse à cette
<yi/e5fiO«,proposéepar lamêmeacadé-
inie: Çwe/5er«t7 le meilleur système
réglementaire concernant la po-
lice champêtre? Blouet et un autre
avocat , Vaultrin , partagèrent la
couronne en 1775. 111. Observa-
tions sur Vavantage qui résulte-
rait pour le pays Messin de la li-
berté de fabrication et de com-
merce des eaux'dc-vie de grains
et de fruits , mémoire lu a l'acadé-
mie de Metz, le 16 novembre 1778.
IV. Mémoire sur une nouvelle ma-
nière de faire les vins dans quel-
ques cantons du pays Toulois, lu a
la même académie au mois de novem-
bre 1779. V. Discours sur le com-
merce considéré relativement au
rang qu'il occupe dans la politi-
que, et à son injluence sur le sort
des nations , lu le 25 août 1781.
VI. Considérations sur la question
proposée par t académie . cancer-
nant Futilité de la jonction de la
Moselle à t Aisne, et de la Meuse
à la Moselle , lues au mois de no-
vembre il aS.Wl. Nouvelles con-
sidérations sur le même objet, lues
le 15 novembre 1784. VIII. Mé-
moires sur les modifications quil
conviendrait de donner à la loi du
partage des communes , lues au
mois de mars 1787. IX. Discours
sur l'amélioration de plusieurs
branches d agriculture , et la dé-
cadence de quelques autres dans
le pays Messin,\\x\Q{A avril 1 788.
B— A.
BLUCHEÎI{GebhabtLebrecht
de), prince de Wahlslaedt , naquit a
Roslock, dans le duché de Mecklen-
bourg-Schwerin , le 16 décembre
1742. Sa famille était ancienne et
son père possédait, a Gross-Renzow ,
une terre où il faisait sa résidence
habituelle. Lorsque la guerre de sept
ans éclata (1756), il envoya ses
deux fils chez une parente , M""® de
Krakwllz, dans 1 île de Rugen. L'é-
ducalion de ces enfants y fut, comme
elle avait été déjà, fort négligée.
En revanche, les deux frères eurent
et saisirent, sur terre et sur mer,
de nombreuses occasions de se per-
fectionner dans les exercices du
corps. Le régiment des hussards
suédois de Moeruer fixa surtout
leur attention; et ils s'en^jagèrent
dans celle troupe eu 1757. Leur
oncle Krakwitz ht d'inuliles efforis
pour les détourner de celle résolu-
tion, etil tenta vainementdeleur faire
comprendre que , si Gebhart obéis-
sait a sa vocation, le choix du service
où il entrait n'élait pas heureux. Les
Suédois devenaient de jour en jour
moins dignes de cette haute réputa-
tion qu'ils avaient acquise sousGusia
ve-Adolphe et Charles XII. Bliicher,
enseigne , put s'en apercevoir h la
376 BLU
première affaire où il se trouva : la
contenance des Suédois fut molle , et
ils eurent le dessous. Heureusement
pour lui , son étoile le fil sortir de la
fausse route où il s'était engagé : pris
à l'affaire de Suckowpar les hussards
de Belling, sa jeunesse et son carac-
tère résolu inspirèrent de l'intérêt
at\ colonel , et cet officier le pressa de
prendre du service dans l'armée de
Prusse. Bliicher résistait depuis un
an , lorsqu'on se décida , pour l'a-
voir sans qu'il put passer pour déser-
teur , a renvoyer un lieutenant sué-
dois prisonuîer. Alors il entra cor-
nette dans le régiment des hussards
noirs (20 déc. 1760) et fut fait sous-
ïieulenant, et lieutenant dès l'année
suivante. Ce régiment prit une part
irès-active a la guerre de sept ansj
Bliicher se fit remarquer aux batail-
les de Kunersdorff et de Freiberg ,
et fut blessé au pied k la dernière.
Ses duels fréquents lui firent aussi
«ne réputation de bravoure ; mais
s'étant un jour avisé de provoquer
Belling , son ancien colocel , alors
général, il dut passer du premier es-
cadron, ou escadron du colouel, dans
celui du major. La longue paix qui
régna en Europe , à partir du traité
d'Hubertsbourg (1763), satisfit
peu le jeune lieutenant. Les re-
vues et les exercices militaires
étaient les seules occupations des of-
ficiers. 11 paraît cependant qu'il uti-
lisa quelques-uns de ses loisirs , en
étudiant, avec les conseilsde son ma-
jor Podscharli, les principes de l'art
militaire. Mais, en général, il s'a-
donna aux passe-temps les moioshono-
rables des garnisons avec une fougue
indomptable et qui ne connais-
sait d'autres limites que celle de
sa bourse , fort médiocrement gar-
nie à cette époque. La table , les
femmes et le jeu se disputaient ses
BLtl
instants; et l'on sait qu'il a conservt?
tant qu'il a pu foutes ces habitudes
jusqu'à la fin de sa vie. Sept ans
se passèrent ainsi pendant lesquels
Bliicher devint capitaine. En 1770,
commencèrent les évènementsde Polo-
gne. Les hussardsnoirsfirentparliedii
cordon que Fou établit sur les fron-
tières de ce pays. Bientôt Bliicher
trouva moyen de se brouiller avec le
général de Lossow, chargé du com-
mandement de ce cordon ; et il eut en
même temps le tort de se porter pour
opposant au système de douceur et
de ménagement que la Prusse affec-
tait de garder à l'égard des malheu-
reux Polonais. Les hussards ayant
arrêté un prétrecatholique, soupçon-
né d'être un des mobiles secrets des
cruautés que les Polonais commet-
taient pour se débarrasser de leurs
oppresseurs , Bliicher feignit de déci-
der qu'il passerait par les armes, et fit
faire, en présence du tremblant ecclé-
siastique, tous les préparatifs de son
supplice. L'exécution n'eut pas lieu ;
mais la frayeur ressentie par le pri-
sonnier lui causa une maladie longue
et douloureuse. La plaisanterie , si
c'en était une, ne réussit pas auprès
du. général de Lossow. Toutefois les
faits qui semblaient accuser le prêtre
polonais militèrent assez en faveur de
Bliicher pour empêcher qu'il n'eût
une peine à subir. Mais Lossow se crut
fondé a proposer au roi de ne point le
comprendre dans le prochain avan-
cement; et le premier escadron, qui
vint à vaquer, fut donné à un de ses
cadets. Bliicher se plaignit de ce
passe-droit au général, qui n'en tint
compte. Alors il écrivit au ministre
de la guerre, pour solliciter son congé
définitif. Frédéric, qui avait déjà
reçu un rapport défavorable, répondit
eu ordonnant de mettre le turbulent
capitaine en prison et de l'y garder
BLU
jiisi|u"a ce qu'il devîal plus raison-
nable. Mais le prisonnier s'obstiua ;
el le monarque impalienlé finit par
accepter sa démission en ces termes :
« Le capitaine Bliicber est congédié
« et peut aller au diable (1773). »
Ainsi rendu à la vie civile, Bliicber
qui , lors de cet événement , était à
la veille de se marier, fut près de re-
cevoir aussi son congé de la famille où
il voulait entrer. Mais des amis
s'interposèrent, et déraonirèrent au
futur beau-père , M. de Mehling ,
que la destitution était injuste ;
ce qui fut très-beureux pour Blii-
cber, car M. de Meliling , colo-
nel saxon et fermier-général , était
fort ricbe. Son gendre prit alors à
ferme une de ses terres, et en peu de
lemps il y fit des bénéfices assez con-
sidérables pour pouvoirlui-mêrae de-
venir propriétaire d'une terre près
de Slargard , en Poméranie. Alors,
appliquant au terrain qui lui appar-
tenait le système qui l'avait enricbi
lorsqu'il n'était que fermier, il obtint
dans le pays toute la considération qui
s'altacbe à larichesseet à l'industrie.
Ses voisins le nommèrent membre du
conseil de la noblesse. Enfin il eulle
honheur d'attirer l'attention du roi,
qui lui prêta des sommes considéra-
tles pour le mettre à même de réa-
liser des plans nouveaux , et plus
lard il lui fit don de tout l'argent
prêté. Ainsi pendant quatorze années
la fortune de Bliicber alla sans cesse
«'améliorant. Néanmoins, au milieu
des travaux de l'agriculture , le
souvenir de la carrière qu'il avait
abandonnée se présentait "a lui , et
souvent il avait senti le désir de
reprendre du service. La naissance
de six fils et d'une fille , et peut-
être le désir de se créer une po-
silion en acquérant de la fortune,
l'avaient empècbé de donner suite
BLU 3; 7
à ces velléités. En 178o, à la mort
du grand Frédéric , il se rendit à
Berlin , où Bischoffswerder le lit
rentrer presque aussitôt en qua-
lité de major dans le même régiment
qu'il avait quitté avec le titre de capi-
taine. Safemme, qui s'était vainement
opposée à ses desseins, mourut l'été
suivant. Dans la même année , vingt
mille Prussiens ayant été dirigés sur
la îlollaude , le régiment de Bliicber
fît partie de cette armée. Uu reste ,
nulle action ne signala celte espèce
de promenade militaire, dont le but
fut atteint sans qu'on trouvât de résis-
tance. Néanmoins Bliicber y confirma
sa réputation d'officier actif et babile.
En 1788 , il fut promu au grade de
lieutenant-colonel 5 et , après avoir
obtenu l'ordre du Mérite , il devint
colonel des bussards noirs eu 1790.
Deux ans après il fit partie de l'inex-
plicable et insignifiante invasion de la
France, qui ne lui offrit pas plus
qu'aux autres officiers prussiens l'oc-
casion de se distinguer. Cependant il
se fil remarquer par sa résoluliou et
son activité , et ii joua un des prin-
cipaux rôles dans le petit nombre
d'affaires de postes qui eurent lieu.
Souvent en rapport avec le fameux
partisan autrichien Szekuly , il eut
avec lui de fréquents démêlés, dans
lesquels les torts sans doute furent
partagés, mais où l'on doit reconnaî-
tre que Bliicber penchait toujours
pour le parti le plus audacieux. Le
général Van der Golz ayant été blessé
a mort, Bliicber le remplaça dans le
commandementd'une partie des avant-
postes 5 et quelque temps après , par
le changement de destination du gé-
néral Knobelsdorf, que l'on rappelait
des Pays-Bas , il se vit à la tête de
i'avanl-garde. Les Prussiens se rap-
prochaient alors des frontières de
France. Le 30 novembre eut lieu k
378 BLU
bataille de Moorlautern : Bliicher ,
avec son ÎDlrépldité ordinaire, char-
gea la cavalerie ennemie , beaucoup
plus nombreuse , et contribua au
succès de la journée. Le lendemain ,
il se mit a la poursuite des Français
conjointement avec Szekuly 5 mais ce
dernier s'arrêta , et Bliicher , mar-
chant toujours en avant, fut sur le
point d'être coupé. Il lui en coûta ,
pour revenir, une partie de sou déta-
chement. Envoyé peu après pour re-
connaître l'état des Français depuis la
bataille, il poussa jusqu'à Deux-Ponts.
Lepremierévènement important de la
campagne suivante fut la bataille de
Kaiserslautern (23 mai 1794). Les
troupes de Bliicher se comportèrent
vaillammentjel^alafin du combat, leur
chef, chargé de poursuivre les Fran-
çais, les refoula jusque surNeustadt.
Toutefois, ses mesures n'empêchèrent
pas qu'une brigade ennemie , coupée
de toutes parts, ne lui échappât en
traversant ses postes. Le 4 juin delà
même année il fut nommé général-ma-
jor, et bientôt il eut a commander l'a-
%'ant-garde de l'armée. Dans le grand
nombre d'affaires qui se succédaient
presque sans relâche, la seconde ba-
taille de Kaiserslautern mérite une
mention : Bliicher y fit encore preuve
de bravoure 5 maisilselaissa tourner,
et l'apparition des Français sur les
hauteurs de Schânzel le contraignit
à faire retraite. Kaiserslautern fut
encore le théâtre d'un troisième
combat, oii Bliicher fut très-sérieu-
sement engagé , et il eut l'avantage ,
quoique, suivant le général MoUen-
dorf et quelques autres , l'attaque
eut été plus heureuse que bien calcu-
lée. La retraite des Autrichiens dans
les Pays-Bas ne permit pas alors aux
Prussiens de tirer parti de leurs avan-
tages; et il est assez démontré au-
jourd'hui que, delà part de ceux-ci, la
BLU
guerre n'était pas alors très-sérieuse.
LapaixdeBâ!e,signéele 3avril 1795,
mit fin à ces moUeshoslililés. WôUen-
dorf , qui déjà s'était porté sur la
Westphalie, alla fixer son quartier-
général à l'intérieur. Bliicher resta
non loin des frontières; il eut même
quelque temps le commandement des
forces destinées à main tenir l'ialégrité
de la ligne de démarcation. Sa rési-
dence était alors dans l'Ost-Frise.
C'est a cette époque qu'il épousa en
secondes noces M"*^ de Kolomb , fille
d'un président de chambre d'Aurich.
Remplacé ensuite par le prince de
Brunswick dans le commandement du
corps destiné à garder les frontières,
Bliicher n'eut plus que celui de l'a-
vant-garde , dont le quartier-général
fut établi a Munster. Frédéric-Guil-
laume III, devenu roi (1797) , le
nomma lieutenant-général en 1801.
La paix de Lunéville rendit bientôt
superflu le cordon militaire qui ob-
servait la limite du Rhiu ; mais une
partie des pays qu'obtint la Prusse
comme indemnité de ce qu'elle per-
dait sur la rive gauche du Rliin , fut
occupée au nom du roi par Bliicher,
et, le 10 février 1803, il devint gou-
verneur de Munster. Aucune autre cir-
constance de sa vie ne fut importante
jusqu'à la guerre de 1806 : seulement
on le vit se prononcer hautement
contre ce qu2 l'on appelait en Prusse
le parti français ou le parti tempoti-
seur, qui, tout en avouant la néces-
sité de mettre des bornes aux enva-
hissements de la France, voulait qu'on
attendît une occcasion favorable, Blii-
cher ne comprenait rien k ces hési-
tations, à ces ménagements; et, pour
délier tous les nœuds gordiens de la
diplomatie, il ne voyait que l'épée.
En attendant le jour des batailles, le
gouverneur de Munster donna, dans
tous les excès qui avaient signalé
BLU
Si jeunesse avec uue énerg,ie propor-
tionnée aux moyens que mettait à
sa portée une position beaucoup plus
haute. Ses panégyristes ont vu
dans son goût excessif pour les paris
et le jeu la conséquence ou l'annexe
nécessaire de cet esprit hasardeux ,
téméraire , qui lui suggérait tant de
plans sur le champ de bataille , et
qui lui faisait delà sensation du péril
une espèce de besoin. Quoi qu'il en
soit, dans le mois de mars 1806,
lorsque les troupes de Napoléon oc-
cupèrent le comté de la Mark, Blii-
cher eut encore le déplaisir de leur
céder la place, et de consentir ainsi
en quelque façon a cette violation du
territoire. Mais en6n au mois d'oc-
tobre la rupture devint inévitable.
Bluclier considérait alors comme
certain l'anéantissement de la puis-
sance française par les Prussiens ;
et il fut sans nul doute un de ceux
qui contribuèrent le plus à décider la
guerre. On lui donna d'abord le
commandement d'une avant-garde
sous Riichel. Dans la fameuse
journée du 14 octobre, signalée
par deux batailles , celle d'Iéna
et celle d'Auerslaesdt , il ue prit
part qu'à la dernière; ce fut lui
qui commença raltaque,en marchant
à la tète de vingt-cinq escadrons
contre les Français, que commandait
Davoust {Voy. ce nom, au Supp.).
On a varié sur l'opportunité de cette
attaque, qui échoua sous le feu terri-
ble de l'artillerie française ; mais il n'y
aqu'uue voix sur le tort qu'eut Bliicher
en s'éloiguant du combat et en ces-
sant d'y prendre part. Il est vrai que
l'on a rejeté cette inaction sur l'incer-
titude que répandit dans toute l'armée
prussienne la blessure du général en
chef Riichel , et sur le contre-ordre
qui fut donné a Bliicher de la part
du roi a l'instant où il allait , avec
BLU 37g
des troupes fraîches et toule sa cava-
lerie, tenter une nouvelle attaque.
Peut-élre au fond un vague désir
d'agir seul e1 indépendammeut de tout
ordre, soit du roi, soit des généraux
en chet , le poussait-il secrètement à
tenir celle ligne de conduite , qui, de
la part de tout autre, eût élé dés-
honorante et sévèrement punie.
Après s'être réuni au prince de
Hohenlohe et à Kallireulh, qui ral-
liaient les débris de l'armée, iandis
que le premier signait la capitulation
dePrenzlau, Bliicher eutl'art de per-
suader au général français Klein
qu'on venait de signer un armistice,
et par cette ruse il échappa avec dix
mille hommes. Son projet était de se
jeter dans le Meckleubourg et de ma-
nœuvrer sur les derrières de l'armée
victorieuse, qui marchait vers l'Oder.
Chemin faisant, il rallia environ dix
raille hommes des troupes du duc de
^Veimar, qui erraient sous les ordres
du général de Winniug , et qui se
trouvaient alors près de Sandow, sur
l'Elbe, réunis à d'autres débris des
corps de Brunswick-Œls et du duc
de Wurtenberg. Ces forces montaient
à vingt-cinq mille hommes. Le 1^*^
nov., Bliicher combattit entre Wahren
et Vienx-Schvvérin, et il fit quelques
prisonniers, mais sans avantage réel.
Bientôt, traqué par les corps de Ber-
nadette, de Soult, et de Murât, il dut
s'avouer l'impossibilité d'arriver jus-
qu'à l'Oder, et n'eut d'autre parti que
de marcher de plus en plus au nord, ou
de se rendre aux Français , dont le
cercle se resserrait autour de lui.
Déjà il se trouvait au-delà du pays
de Lauenbourg, entre la mer Bal-
tique et les frontières danoises ,
que la neutralité le forçait de res-
pecter. Voulant à tout prix pro-
longer sa résistance , il força le.s
portes de la ville libre d^ Liibeck ,
38o BLU
égaleiiienl neiil.'e, et s'y mil a la
hâte en état de cléfeuse. En même
temps, il envoya un corps le long de
la Trave, pour occuper 'J'raveraimde.
LeGnov.lesFrançaisparurentdevatit
Lubeck,etD'eurenl pasde peiaea en-
trer dans une ville démantelée; mais il
leur fallut combattre dans l'enceinte
des murailles. Les Prussiens , chas-
sés de place en place , de rue en
rne, prolongèrent la résistance :
une cbarge de cavalerie fit n ème
quelque peu retirer les tirailleurs
français j mais leur infanterie viut
les soutenir, et la troupe de Bliicher
en désordre se relira sur Schwartau,
laissant quatre mille prisonniers ,
un grand nombre de morts et pres-
que toute sou artillerie (23 pièces).
Le lendemain, les Français se prépa-
rant a l'attaquer eu plaine, 11 reconnut
l'impossibilité de résister, el devint
leur prisonnier, ainsi que le duc de
Brunsvvick-Œ's, dis généraux , seize
mille ofEciers et soldats, dont quatre
mille de cavalerie. Liibeck paya cruel-
lemenl cet le tentative, honorable peut-
être pour Bliicher, mais sans résultat
pour son souverain. Pendant trois
jours la soldatesque s'y livra à tous les
excès dont les villes prises d'as-
saut sont le théâtre. Ce sanglant épi-
sode de la campagne de 1806 a été
fréquemment reproché à Bliicher par
les Allemands eux-mêmes. Yillers,
entre autres , s'en est expliqué avec
énergie dans la brochure Intitulée
Combat de Liibeck, qu'il ht impri-
mer a cette époque dans ses Ob-
servations sur le rapport des
opérations du corps d'armée de
S. E. le général Bliicher à S. M.
le roi de Prusse , et dans sa
Lettre à la comtesse Fanny de
Beauharnais , contenant un récit
des événements qui se sont pas-
sés à Liibeck dans la journée du
BLU
6 nov. et suiv. (1) [Voy. Villebs^
XLIX, 73). A CCS graves accusations,
les amis de Bliicher ont répondu
« qu'un général à la tête de trente
a mille hommes ne peut pas se dés-
« honorer en se rendant à la première
te sommation, y» Mais ce que l'on re-
proche au général prussien, ce n'est
pas d'avoir résisté aux Français, c'est
d'avoir résisté dans une ville ouverte,
Indéfendable , qu^il vouait ainsi à
toutes les conséquences d'une prise
d'assaut, et d'avoir ensuite mis bas les
arme en rase campagne, à la tête da
douze mille hommes d'infanterie etda
quatre mille chevaux j c'est surtout
d'avoir attiré tous ces malheurs sur
une ville neutre en violant son terri-
toire, malgré les représentations du
sénat. Au reste, il ne faut pas oublier
que dans toutes ces guerres le droit
des gens et les lois de la ueulralilé
n'ont été respectés par les divers
partis que lorsque la force en a fait
une obligation ; que d'ailleurs ,
à la troupe de Bliicher , dernier
débris de l'armée prussienne, sem-
blait être alors attaché le sort de
la monarchie de Frédéric ; et qu'en-
fin, l'exemple unique de fermeté et
de vigueur qu'il a donné dans
cette occasion n'a pas été, mal-
gré sa défaite , entièrement perdu
pour la patrie allemande. Napoléon
sentit fort bien tout cela, et plus ca-
pable qu'aucun autre d'apprécier la
conduite de Bliicher, il donna l'ordre
de le traiter avec beaucoup d'égards, et
l'envoya prisonnier sur parole à Ham-
(i) Cet écrit doit être joint aux deux piécc-
dents. Il est fort rare, n'ayant été im|.riraé qu'à
lin très-petit nombre d'exemplaires et pour tenir
lieu de copie manuscrite. Ch. Villers avait même
ajouté à la main, sur chacun d'eux, pour n'être
communique que par confiance et ai'ec la plus
grande réserve. L'auteur craignait peul-èlie au-
tant les Français que les Prussiens. On y trouve
cette phrase bien hardie alors : >< 1/ empereur sur-
cliargé des soiis du monde perd de vue un objet
isole » (le désastre de Lii()eck\ L— H— x..
DLU
bourg. ?fîais ce séjour lui déplut biea-
lol et il demanda qu'on le transférai
à Spandau. Ce fut alors que le raa-
réclial Victor ayant été fait prison-
nier on consentit à son cchang^e con-
tre Bliiclier 5 et ce général parut
Jjienlôt à la cour de Kœnigsberg ,
où il reçut raccueil le plus Hat-
leor. On l'envoya presque aussitôt
dans la Poméranie suédoise , Dour
défendre Slralsund. La froideur
avec laquelle il fut accueilli des mili-
taires suédois et de la population
paralysa ses opérations , et son
avant-garde seule eut quelques af-
faires à soutenir contre la cavalerie
espagnole du général La Romana.La
paix de Tilsilt vint mettre fin à ces
insignifiantes hostilités , et BlLicher,
laissant les Anglais et lesSuédois sou-
tenir seuls la lutte contre les Français,
établit son séjour à Kolberg , dont il
fut nommé commandant. Dans cette
nouvelle position , il dirigea sans or-
dre ostensible les travaux des fortifi-
cations de la ville avec assez d'activité
pour que Napoléon s'en inquiétai. Le
gouvernement prussien s'empressa de
désavouer son général , et méir.e, en
apparence, de le mettre hors de ser-
vice. Bllicher vécut dès-lors tantôt à
Berlin, tantôt à Stargard , Treptov,
etc., toujours s'exprimant avec amer-
tume sur le compte des Français , et
prédisant le terme prochain de la
domination napoléonienne. Sans beau-
coup aimer les principes duTugend-
bund, qui déjà voulait la liberté de
l'Allemagne en même temps que son
indépendance, et surtout sans devenir
membre de celte société fameuse, il
en favorisa la tendance en tant qu'elle
était hostile aux Français. Enfin eut
lieu la désastreuse campagne de
Russie, qui en trois mois détruisit
cette belle armée, base si puissante
du pouvoir de Napoléon. Les défec-
BLU
38 1
lions commencèrent; et l'exemple
d'York , de Masseubach fut bien-
tôt suivi par toute l'armée prussien-
ne. Bliicher , long-temps condamné
al'inactivilé parla volonté impérieuse
du conquérant de l'Allemagne, sortit
alors de sa retraite, et fut chargé du
commandement de l'armée deSilésic,
deslicée à former l'aile droite des
forces coalisées. Il avait altrs
soixante - onze ans. Sa nominatioa
à un poste aussi important n'eut pas
lieu sans de graves difficuUés : les
uns le regardaient comme trop fou-
gueux , comme trop téméraire pour
un général eu chef ; les autres crai-
gnaient au contraire que l'âge et
surtout la maladie qui en 1808 avait
mis sa vie en danger n'eussent affaibli
ses facultés. D'ailleurs on ne le
goûtait point a la cour , et il faut
avouer qu'il n'avait encore donné
que de faibles preuves de talent.
En revanche , sa haine, ou plutôt
sa rage contre le nom français, éveil-
lait au plus haut degré les sympathies
du peuple prussien. Interprète de
cette opinion populaire, le général
Scliarnhorst la fit triorapheràla cour.
Bliiclier conserva le commandement,
et il s'avança aussitôt à la lête de
quarante mille Prussiens et Russes ,
par Neumarkt.Lieguitz, vers les fron-
tières de laSaxe. C'est Ih qu'il publia,
de son quartier-général de Bunzlau,
sa proclamation eniphalique du 23œai
J813 : « Le D;eu des arn.ées a dans
« l'orient de l'Europe prononcé une
il sentence terrible ; et l'ange de la
« mort , etc. » Celle pièce était
terminée par des menaces violentes
contre les vils partisans de la ty-
rannie étrangère. Au reste, une au-
tre proclamation du même jour re-
commandait aux Prussiens de traiter
les Saxons eu frères, pourvu qu'ils se
ralliassent franchement à la cause de
38a BLU
rAlleiTiagne. Il mit en libsTlé les ci-
toyens détenus pour offense au géné-
ral Revnier, et proclama laliherté de
la presse. Le 30 , il était dans
Dresde, et quelques jours après il
traversa Freiberg et Chemnilz; il
atteignit Alteubourg le 14 avril , et
détacha quelques troupes sur Gotha
et sur Eisenach. Toutefois, les Russes
n'avançant pas avec la même rapi-
dité, il reçut l'ordre d'attendre
que réunis ils pussent l'appuyer- La
jonction opérée , il se trouva sous
les ordres de Wiltgenstein, comman-
dant en chef de toutes les troupes
alliées, et ne se soumit qu'avec peine
a cette nouvelle organisation. Tou-
jours ayant son quarlier'général dans
Altenbourg , tandis que la grande
armée française se réunissait sur la
ligue de la Saale , il observait les
montagnes de la Thuringc. Le l^'"
mai , il soutint dans la plaine de
Luizen quelques engagemens, pré-
ludes de la grande bataille du lende-
main. Ses Prussiens y formaient la
première ligne. Cinq villages, occu-
pés en force par les Français, fu-
rent attaqués, défendus, pris, cl
repris avec acharnement. A l'attaque
de celui de Kaïa , Bliicher blessé lé-
gèrement ne quitta point le combat.
En définitive, l'avantage resta aux
Français , que commandait Na-
poléon en personne. Mais, avant de
retirer leurs troupes, les alliés es-
sayèrent un coup hardi. La nuit
venue, Bliicher marcha en avant,
suivi de loutesacavalerie, se dirigeant
vers les Français qu'il comptait sur-
prendre et chasser de leur position.
Les avant-postes furent enlevés sans
difficulté; mais il fallut s'arrêter, et
bientôt plier devantla masse compacte
de l'infanterie. Un ravin profond ,
dans lequel tombèrent plusieurs esca-
drons, ajouta au désordre , et les
BLU
assaillants , repoussés de loules
parts , eurent surtout à regretter
leur cavalerie. Au point du jour
la retraite était commencée , et l'on
abandonna la ligne de 1 Elbe. Dans
ce mouvement rétrograde , Bliiclier
eut une affaire très-vive à Col-
dilz, en se rabattant sur Meissen.
La, il passa FElhe , joignit son
corps a celui de Rleist , et arriva
en avant de Baulzen. Le 21 eut
lieu la bataille de Bautzen , perdue
encore par les Russes et les Prus-
siens , mais où la victoire ne fut pas
moins disputée qu'a Lutzen. Les
corps do Bliicher, de Wiltgenstein et
de Miloradowilch formaient l'aile
droite 5 et ces généraux, trompés par
les démonstrations de Napoléon ,
se préparaient à marcher vers la
gauche, lorsque tout a coup une forte
canonnade à droite leur fit voir qu'ils
avaient été dupes, et que le général
russe Barclay deToUy était vivement
pressé par des forces supérieures.
Bliicher courut a son secours, prit
l'ennemi en flanc, et le tint quelque
temps en échec. Les corps de Kleist
et d'York appuyèrent ce mouve-
ment. Une charge de 4,000 chevaux
rendit aux alliés le village de Krake-
vilz, pris par l'infanterie française ;
mais ils ne purent le garder long-
temps. Napoléon fit marcher sur ce ^
point des troupes fraîches , et qui
bientôt mirent en sa possession les
collines les plus élevées et une bat-
terie ([ui dominait la plaine. Le corps
russe, pris en flanc, fut contraint k la
retraite. L'armée alliée dut changer
déposition, et elle alla s'établir sur les
hauteurs de Weissenbourg. Bliicher
fil sa retraite sur Schweidnitz. Dans
ce mouvement rétrograde, il se dis-
tingua par un fait d'armes du genre
de ceux qu'il avait toujours affection-
nés. Dirigeant contre la division du
RLU
géuéi'al Maison, lorsqu'elle déboii-
cliait de Haaaa , une atlaque de sa
cavalerie qu'il avait lenue cachée der-
rière un pii de terrain, il s'empara de
11 pièces de canon el fit 1300
prisimuiers. Le 25 mai, Wittgens-
tein remplaça dans le commande-
ment en chef de toutes les troupes
alliées Barclay de Tollj, qui pritce-
lui des Russes, tandis que Bliicher
reçut celui de toute l'armée prus-
sienne. L'armistice qui eut lieu
sur ces entrefaites trouva les troupes
de Bliicher distribuées de Strehlin
a Breslau , et lui-même occupant
Schweidnitz. Il s'indignait de l'in-
lerventioii de la diplomatie dans le
grand drame qui se jouait a cette
époque. Pourtant il est certain qu'au
tond les conférences qui s'ouvri-
rent a Prague devinrent funestes à
la cause de Napoléon, puisque leur
résultat fut l'accession de l'Aulriche
et de la Suède a la coalition. Lors de
la dénonciation de Tarmislice ( 10
août ), Bliicher se trouvait a la lèle
de soixante-dix mille hommes, dont
deux corps russes sous Lapgeron , et
il avait Gneisenau pour chef d'état-
raajor {P^oy. ce nom, au Suppl. ).
Schwarzenberg était devenu général
en chef. Bliicher qui, en conséquence
de sa position a Schweldnitz, devait
occuper successlvementles lieux éva-
cués par l'ennemi , mais en évilant
loute action importante , se dirigea
sur Bunzlau, tandis que l'armée de
Bohème marchait sur Dresde, el
s'avança jusqu'à la Bober ; mais
la, pressé par les corps de Ney et
de iMarmont, il se retira sans beau-
coup de perte derrière la Katzbach,
et , le 26 , il attaqua les corps
français qu'il avait en présence
(Macdonald et Sébastiani). La Katz-
bach , qui a donné son nom à cette
bataille, fui passée entre Goldberg
RLU
58-
et Liegnitz. La pluie tombaîl par
torrents pendant toute l'action , qui
se prolongea fort avant dans la nuit:
et vers le soir, les fusils ne pouvant
plus faire feu , on ne se battit plus
qu'kla baïonnette. Cette victoire de
Bliicher, jointe au succès de Kulm,
obtenu sur V^andamme , compensa
fort a propos pour les alliés l'échec
qu'ils venaient d'éprouver sous les
murs de Dresde. Eu même temps le
général Puthod, détaché vers Jauer
pour opérer contre l'arrière-garde
des Prussiens, fut coupé el forcé de
mettre bas les armes. Du reste, Blii-
cher exagéra sans mesure son triom-
phe, a La Silésie est délivrée ! dit-il
dans un ordre du jour 5 l'ennemi s'a-
vançait présoroptueusement sur vous,
braves soldats!... Vous marchâtes
sur lui a la baïonnette , et vous
le précipitâtes dans la Neisse et
la Katzbach... Vous avez dans vos
mains cent trois canons , deux cent
cinquante caissons, tous les baga-
ges et dix-huit mille prisonniers,
dont trois généraux, etc., etc.. » —
Tandis que l'armée silésienne ,
passant la Neisse, profitait ainsi de
sa victoire , Napoléon en personne
dirigea contre elle les forces qui lui
restaient. Bliicher alors prit position
derrière le Lobauer-Wasser. Atta-
qué le 5 , il fut forcé de repasser
la Neisse et le Queiss. Mais Tim-
possibililé où l'empereur des Fran-
çais se trouvait , par suite des
événements de Kulm , de reprendre
l'offensive , remit bientôt Bliicher
à même de marcher de nouveau en
avant. En présence de jNapoléon ,
d'ailleurs , il suivit avec prudence
le plan général qui avait été adop-
té ; c'était de se retirer devant des
attaques supérieures, et de ne com-
battre qu'avec de grands avanta-
ges. Dès le 13 sept. Bubna , com-
384
BLU
iiiandaut d'un corps autrichien, étant
venu se réunir h lui, il reprit l'offen-
sive , porta ses avanl-postes à un
mille de Dresde, et se mit en rap-
port avec le prince royal de Suède ,
ipii jusqu'à ce moment n'avait agi
f|u'avec mollesse. Napoléon, arrivé le
^3 KBischoffswerda , sembla vouloir
lenter une attaque contre les Silé-
siens. Maisles dispositions de Bliioher
le forcèrent a reprendre la roule de
Dresde. Cependant les troupes alliées
avançaient en masse vers celle ville,
et l'on projeta dès-lors les opérations
^ur une vaste échelle. Suivant les
amis de Bliicher , le plan qu'il en-
voya au quartier-général des sou-
verains obtint leur approbation ^ et
c'est celui que dut taire exécuter
Schwarzenberg. Il est probable que
l'on doit modifier celte assertion ,
et qu'une partie seulement des idées
de Bliicher fut admise, car des jalou-
>.ies secrètes germaient dès-lors entre
les souverains ( Foy. Alexandre ,
LVI , 176 ), et les deux empereurs
jouaient le rôle de protecteurs vis-à-
vis de la Prusse. Il n'était donc point
probable que l'on accueillît exclusive-
ment les plans du général prus-
sien , a moins que leur supériorité
ne semblât décidément incontesta-
ble 5 et l'on peut en douter. Ces
plans d'ailleurs paraissaient fort
^imples ; c'était d'avancer autant
que possible, mais avec des masses
concentrées sur le même point , et
de faire retraite a ta première appa-
rition (Puue force supérieure. Di-
verses affaires qui eurent lieu à la fin
«leseptembre, et l'extrèmedétressede
l'armée française, facilitèrent singu-
lièrement les opérations des alliés.
Bliicher passa l'Elbe, la Mulde , la
Saale; et chaque jourful marqué de sa
pari par quelque nouvelle entreprise.
Bien que les succès de laul de combats
BLU
fussent très-variés, il en résulta pour
les Français des pertes d'autant plus
sensibles qu'ils étaient hors d'étal de
les réparer. Le 14, en avançant sur
la route de Leipzig, Bliicher rencon-
tra leurs 4^ , iS^ et 1^ corps et une
grande partie de la garde, sousles gé-
néraux IKey, Marmont et Bertrand ,
tenant nue ligne a droite sur Frei-
roda, et une autre à gauche sur Lin-
denlhal. Malgré Tabseuce de l'artille-
rie légère et de la cavalerie du prince
royal de Suède , il ordonna le
combat ; et quelque opiniâtre que fût
la résistance des Français, les alliés
l'emportèrent. Le village deMockeru,
pris et repris jusqu'à cinq fois, resta
enfin au général lork. Les Français
se concentrèrent alors autour de
Leipzig; tous les corps des alliés
se dirigèrent vers cette ville et tout
annonça une bataille importante et
décisive. Le 16, Napoléon en per-
sonne attaqua toute la ligne des al-
liés et, mettant sa cavalerie au centre,
il parvint à s'ouvrir un passage avaat
que celle des ennemis pût s'y op-
poser ; mais bientôt il perdit le
terrain qu'il avait gagné. La journée
du 17 se passa de part et d'autre en
nouveaux préparatifs. Ce que Blii-
cher fil alorsde plusimportant, ce fut
de triompher enfin des longues hési-
tations du prince royal. Déjà aupara-
vant il lui avait écrit d'un ton très-
sévère , déclarant qu'il allait passer
lEibe avec lui ou sans lui ; et le
prince n'avait suivi cet exemple que
quelques jours après. Ses mouve-
ments, depuis ce temps, étaient tou-
jours lents et peu décisifs. Encore
alors devant Leipzig , ses mesu-
res annonçaient qu'il comptait pour-
suivre l'ennemi , mais non prendre
part à l'action. LardStewsrt, com-
missaire de la Grande-Bretagne près
des armées confédérées , s'eulreiuit
Irès-aclivemenlpour obtenir du prince
une coopération plus efficace ; el les
deux généraux, s'élant vus , s'expli-
quèrent a leur salisfacUon mutuelle.
Le prince même , dans un moment
d'effusion remarquable, s\;ffriL à com-
mander son cdrps pendant l'action ; et
le commissaire anglais écrivit à sa
cour l'impression que celte scène
avait produite sur lui (2). En effet, le
If ndemaii) , non-seulement l'armée
du INord prit part au combat, mais
encore Bliicher confia au prince
00,000 hommes , pour attaquer les
hauteurs de Taucba. tandis que lui-mê-
me restait devant Leipzig prêt h se
mettre eu mouvement dès qu'il aper-
cevrait la grande armée engagée.
Le village de Schuœfeld ayant été
repris par les Français , il le fit
enlever de nouveau à la baïonnette •
et la défection de treize bataillons
\vest|ihaliens et saxons, qui passèrent
aux alliés pendant la bataille , com-
pléta la défaite des Français. Malgré
leur résistance désespéiée , le succès
le plus complet couronna les efforts
de leurs ennemis, et ceux-ci bivoua-
quèrent sur le champ de bataille.
Vers le soir, Bliicher recul ordre
de se porter sur Weissenfels et
Naumbourg , direction dans laquelle
les Françiiis opéraient leur retraite,
el il fit fermer par le prince royal
la roule de Witlenberg , ce qui
ne laissait plus à Napoléon d'autre
ligne que celle de la Saale pour ga-
gner le Rhin. Le lendemain rp,
Leipzig, après une courte résistance,
lut emporté par Bliicher et le prince
royal , Beunigsen et la grande ar-
mée. C'est à celte occasion qu'im-
palienlé des sollicitations réitérées
(2) CVst le genéial Stewarl Uumème, deveuu
depuis lord Loudondeny, qui a revclé ces dé-
tails dans son Histoire rie la guerre de i8i3 el
!8i4 I réccinmcnl piibliei; en franrais.
BLL
35:
des habitants, pour lui faire suspen-
dre les hostilités , il fit entendre le
fameux Eu avant {F orwdrts), qui
lui valut depuis le surnom populaire
de maréchal Vorwdris. C'est le
lendemain de celle grande bataille
des JSations que Bliicher fut créé
par le roi son maître feld-maréchal.
De tous les généraux confédérés, c'est
lui qui , sans contredit , pressa le
plus vivement les Français dans leur
retraite. Cependant, il se trompa sur
leur direclionj el s'étant engagé dans
les montagnes impraticables de la
Thuringe , il leur lit peu de mal,
et ne les rejoignit réellement qu'à
Eisenach, où il s'empara d'un millier
de prisonniers et de quelques cais-
sons d'artillerie. Il se dirigea ensuite
vers Fulde, puis sur Wetzlar el Co-
blenlz , cédant aux inionelious de
Schwarzenbeig ou croyant a. faux,
avec bien d'autres , que Napoléon
se relirait sur Cobleniz. Sa mar-
che vers Urlichstein, a travers des
routes où jamais la roue n'avait
passé, prouva ce que peuvent la per-
sévérance et la volonté ferme dans
le commandement d'une armée. Enfin
il arriva devant le Rhin. L'inva-
sion était résolue. On devine aisé-
ment que Bliicher fut alors un de
ceux qui entendirent avec le plus
d'impatience parler de paix avec
l'empereur des Français. 11 vou-
lait, disait-il , planter son drapeau
sur le trône de Napoléon. Dans le
plan d'invasion adopté parles souve-
rains , l'armée silésieuue dut encore
former le centre des troupes combi-
nées et agir vis-a-vis des treize for-
teresses du Rhin, tandis que la gran-
de armée entrerail par la Suisse , et
que le prince royal de Suède occupe-
rait le nord de l'empire. Cet an-an«
gement déplut beaucoup a Bliicher.
LegénéralGneisenau présenta un plaa
386
BLU
auquel le chef de l'armée de Sllésie
n'e'lait certainemeut pas étranger et
qui, différant iDalériellement de ce-
lui que Pou veuaiL d'adopter, envoyait
en Hollande le feld-maréchal prus-
sien à la place du prince royal. Ce
plan fut rejeté comme trop vaste. Les
I*''', 2 et 3 janvier i8i4- , Bliiclier
passa le Rhin sur trois points, Co-
blentz, Kaub etManheim, et s'avança
jusqu'à Kreuznach, poussant devant
lui le maréchal Marmout, qui, réduit k
livrer bataille avec des fore es inférieu-
res, ou k faire retraite, s'éloigna par
des marches forcées. Le feld-maréchal
prussien passa la Sarre; fit occuper
Trêves, entra le 17 dans Nancy,
ordonna au corps de Sacken de pren-
dre Toul j et du 16 au 18 opéra sa
jonction avec la grande armée entre
la Moselle et la Meuse, taudis que les
Français se retiraient derrière celle
rivière. Bientôt cent soixante mille
hommes , appartenant à l'armée de
Schwarzenberg et a celle de Silésie,
se trouvèrent réunis autour de Tran-
nes, Brleune et La Rothière. Napo-
léon les attaqua le i'='' février , a la
tête d'une armée moitié moins nom-
breuse, et après des efforts réitérés
il donna le signal de la retraite. Le
succès de celte bataille fut du en
grande partie h la valeur de Bliicher.
L'attaque qn'd dirigea sur la cava-
lerie française mérita surtout les plus
grands éloges. Enflée de ce suc-
cès , chaque armée des alliés se
croyait capable désormais de triom-
pher seule de Napoléon ; et le feld-
maréchal prussien , voulant arri-
ver le premier à Paris, se sépara de
Schwarzenberg. Son mouvement
pour s'approcher de la Marne dé-
cida l'empereur des Français a se
retirer de Troyes sur Nogent, de
peur d'être pris en arrière. Cepen-
dant Bliicher ea filant ainsi entre la
BLU
Seine et la Marne , séparé de la
grande armée qui , pour le rejoin-
dre, avait 'a passer des rivières très-
difficiles en cette saison , ne tarda
pas a s'apercevoir que Kapoléon mé-
ditait une nouvelle et vive attaque
contre lui. Mais il n'était plus temps
de revenir. II avait , d'ailleurs , dans
son impatience, commis une autre
faute capitale ; ses divers corps
étaient tous séparés et dans l'impos-
sibiHlé de se soutenir mutuellement.
Profitant habilement de cette disper-
sion , Napoléon surprend , le i 0 , a
Champ-Aubertle corps russe d'Alsu-
fiev, le fait prisonnier avec deux mille
hommes , atteint Sacken et York k
Monlmirail et remporte sur eux une
victoire pareille. Le 1 4- au soir, il en-
toure de ses colonnes victorieuses
l'armée de Bliicher k Yauchamp, en-
fonce ses ligues, lui tue ou prend
12,000 hommes. Le 16, il revient
se mettre en position sur la Seine et
se réunit k Victor et k Oudinot, qu'il
avait quittés huit jours auparavant.
Bliicher , dans cette semaine, perdit
près de 20,000 hommes. L'arrivée
du corps russe Winlzingerode , de
la Belgique , et sa jonction avec
Schwarzenberg, qui lui ordonna de se
rendre k Méri et k Epernai, lui don-
nèrent la facilité de se réorganiser.
Il était alors d'avis de passer la
Seine et de livrer bataille a Napoléon.
Le feld-maréchal autrichien refusa ,
et s'avança vers Coulomniers , tenant
toujours son armée réunie. Le 22 ,
Bliicher fut attaqué a Méri et se reli-
ra non sans perte. Ses communica-
tions avec la grande armée devinrent
très-difficiles. Il était acculé k
l'Aisne , et sa position était criti-
que. La prise ou plutôt la reddition
de Soissous diminua ce danger. Il
s'établit dans une forte position sur
les hauteurs de Laou avec quatre-
BLU
viugt mille hommes. Napoléou vlut
l'y attaquer les 9 et lo mars avec la
plus grande vigueur, mais de beau-
coup inférieur eu nombre. De celte
bataille peut-être dépendit l'événe-
ment de la campagne. Si Bliicber ,
dans cette sangla;ile et mémorable
affaire , n'eût pas été vainqueur ,
il se serait vu forcé de se retirer dans
les Pavs-Bas,et tous les plans des al-
liés étaient rompus . Le succès de Laon
les encouragea a reprendre l'offen-
sive. Lue bataille générale eut lieu
àla Fère-Champeuoise et Arcis,les
20 et 21 : le 22 les deux armées
(silésienne et Grande-Armée) se joi-
gnirent dans l'ouest; et, par une mar-
che excessivement rapide , Bliiclier,
après avoir suivi divers corps fran-
çais que Napoléon dirigeait vers
l'ouest, revint manœuvrer sur la Mar-
ne. Le 26 , après une autre marche
de vingt-six lieues , en deux jours , il
combattait à la Ferté-Gaucher, et le
lendemain , toutes les armées se
concentraient autour de Paris. Blii-
cber commanda le centre des alliés
dans l'attaque de cette ville, le 3o
mars 1 8 14., et il eut encore une grande
part "a leur triomphe. Mais la capi-
tulation lui déplut singulièrement j
il fallait, selon lui, entrer de vive
force dans celte capitale, afin d'y
dicter des lois : il fallait brûler
cette Sodome, cette Babylone (5).
On pense que ce fut par dépit de
n'avoir pu faire prévaloir de pareil-
les idées qu'il n'entra pas à Paris,
le 5i mars, en même temps que
les souverains alliés ; et qu'il se tint,
pendant que ceux-ci faisaient leur en-
trée solennelle , sur les hauteurs de
Montmartre. Ce ne fut que le len-
(3) 11 eut dû excepter de cet anathèine
les maisons de jeu, auxquelles , pendant son
séjour dans Babjloiie, il rendit de fréquentes
visites.
BLU
387
demain qu'il vint se loger K l'hôtel de
Fouché. Le 2 avril, il se démit da
commandement, alléguant le besoiu
de rétablir sa santé. En effet, le mal
d'yeux et la fièvre le minaient. Le 00
mars il avait en vain essayé de
monter à cheval. Toutefois la
véritable cause de celte démission,
qui causa une sensation d'étonne-
meut , c'est que l'on n'avait plus be.
soin des services de Bliicher , et que
la fureur qu'il affichait en toute oc-
casion contre la nation française ne
pouvait convenir aux vues plus élevées
des alliés, et principalement à l'adroi-
te et sage politique d'Alexandre, qui,
par des démonstrations de générosité
et des manières affables, acquit si vite
une grande influence. Le litre de
prince de Walilslœdt (4), que lui
donna le roi de Prusse, fut pour lui
un moyen de consolation. Simple
particulier, Bliicher vécut sans grand
éclat a Paris : il portait souvent une
redingote bourgeoise sans aucune dé-
coration. Parfois, mangeant chez les
restaurateurs et incommodé de la
chaleur, il se débarrassait de ses vê-
tements a la grande surprise des
assistants, et aux applaudissements
des Anglais, qui voyaient dans celle
absence de toute gène une certaine
conformité avec leur humeur. La
paix signée, il s'embarqua pour l'An-
gleterre, dans la compagnie dessouve-
rains. A peine eut-il touché le rivage
de Douvres, que la foule le porta de
main en main jusqu'aux portes de la
ville. Les premières dames voulu-
rent l'embrasser , ou au moins lui
baiser la main. Arrivé k son hôtel, il v
trouva d'autres dames qui lui deman-
dèrent des boucles de ses cheveux. Blii-
cher découvrit sa tète chauve, et leur
fit dire par l'interprète qu'il n'avait
(4) Vahlstadt est un couvent silué près du
champ de bataille de la Kat^acb.
25.
388
BLU
plus assez de clieveux pour en dou-
ner un a chacune d'elk-s. A Lon-
dres , les démoustraliuns ne fan ni
pas moins vives. Il fît son eulrée
sur une voilure découverte, envoyée
par le piiiice-régenl ; et S. A. il.
îui donna son portrait, qu'elle lui
passa elle-même autour du cou. Le
lendemain , lorsque Bliiclitr rendit
visite a la reine , le peuple détela ses
chevaux et traîna sa voliure. Bientôt,
]a mode voulut que tout homme de
ion ton , tout gentleman pût se van-
ter d'avoii reçu du felJ-maréchal
prussien ou de Platow une poignée
de main. Après avoir passé quaire
jours k Londres , les ironarques
se rendirent aux universités d'Oxford
et de Cambridge. Bliicher qui les
accompagnait reçut de celle-là le
titre un peu facétieux k son égard de
membre honoraire de la faculté de
droit , et de celle-ci le titre non
moins plaisant de docteur. A son
départ, le prince-régeut lui fil pré-
sent d'un magnifique fusil de chasse.
Des hoiumag'-s moins sp'endidement
exprimés, mais probablement plus
sincères, raccueillirent en Allema-
gne. L'ancien comté de la Mark,
el Brunswick , se distinguèrent sur-
tout par leur enthousiasme. Une
pompe triomphale et Tinanguration
de la statue de la Victoire qui , huit
ans anuaravant , avait été emportée
a Paris , signalèrent l'entrée de Blii-
cher dans la capitale de la Prusse.
L'université de Brrliune vouiui point
rester au - dessous Je celle de Cam-
bridge, et elle lui délivra un diplôme
de docteur en pbi'osophie, ainsi qu'au
nrince de llardenbrrg eî aux géné-
raux Gncisenau jloik, Eu'ow, Kleist
et Tauenzien. Vers le commcrucenu nt
de l'automne Bliicher fit un vovage
en Silésie ; puis revint a Berlin ,
d'oiii il obser^3. avec un intérêt
BLU
très-vif tout ce qui se passait au con-
grès de Vienne. Suivant lui, on avait
laissé beaucoup trop a la France ,
qu'il falliit démembrer, pour la ren-
dre incapable de nuire. Avec elle , la
paix ne pouvait être qu'une trêve ,
et il faudrait bientôt en revenir a
la guerre... Un autre grief vint se
joiuJreaii premier: la Prusse était trai-
tée avec beaucoup d'ingralilude. Ou
oubliait que, de tous hs états oppri-
més par Napoléon, nul n'avait autant
souffert, nul n'avait autant fait pour
la cause commune. Bliicher était donc
décidément un de ces mécontents qui
trouvèrent a redire sur tous les actes,
sur toutes les décisions du congrès de
Vienne. C'est dans ces dispositions
qu'il se trouvait lors du débarque-
ment de Bonaparte a Cannes. A
peine en eut-il reçu la nouvelle qu'il
reprit son épée et endossa l'uniforme.
INomnic général en chef de l'armée
deslinée k opérer entre le Rhin et la
Moselle, il partit de Berlin le lo avril;
et huil jours après il se trouvait a
Liège. Il y manda les autorités k
rHôlel-de-Ville , et leur adressa de
vifs reproches sur le mauvais esprit
des habit.mts. Le fait est que des
émissaires cherch ient k fomenter
parmi le peuple le regret de la domi-
nation française 5 et ils y réussissaient
sans peine. Mais les magistrats ne
pouvai nt guère s'opposer k une opi-
nion tacite, et qui, pour se déclarer,
attendait les hostilités. Les troupes
saxonnes , qui n'avaient reçu d'autre
prix de leur dévouement k Leipzig et
en Flandre que le démembren.eul de
leur patrie au profit de la Prusse,
devinrent décidément hostiles. Le 3
mai quelques-uns de leurs grenadiers
se portèrent en tumulte k l hôltl du
maréchal, qui s'échappa par une fe-
nêtre. Les séditieux assouvirent leur
ressentiment sur des meubles, des
BLU
vitres qu'ils brisèrent. Les Irou-
pes pnissieuDcs, s'élant aiissilûl ras-
semblées, enlourèrenl les Saxons , et
se saisirent des plus mutins. Bliiclier
livra ensuite les cbefs fin mouvement
a une commission militaire . qui en
condamnadeux àêlre fusillés. Lerégi-
ment des grenadiers fat dissous et
Ton brûla puhliquemeul ses drapeaux.
A la fin de mai , B'iicher se porta
sur la Saiiibre. Il avait près de cent
mille hommes. Le i 5 juin, INapoléou
commença les hostilités en repoussant
un corps de tronpes qui occupait
Charleroi. Cel'es-ci se retirèrent
avec iieaucoup d'ordre sur Fltuius,
et Bliicher les recevant se concentra
sur Soudiref. Le lendt main i6,les
Français pa^'^èrenl la Snmbre et mar-
chèrent contre les Prussiens étendus
en araphiihéâire sur toute la largeur
d'un eoleau que défendait nu ravin
profond garni de bouquets boisés. La
droite prussienne était appuyée au vil-
lage de Saiut-Amand, le centre a
Ligni, la gauche , dont à peine on
apercevait Texlrémité , à Sorabri f.
La cavalerie prolongeait la gauche
fort avant sur la route de JVamur. Ces
fortes positions fun nt enlevées par la
vieille garde impériale; et a dix
heures du soir , Bliither, après une
résistance opiniâtre , après s'être
continuellement exposé au feu le plus
vif, et avoir été culbuté par la
chute de sou cheval, fit sa retraite
sur Gembloux et Namur, toujours
poursuivi jusqu'à ce que les ténèbres
et la fatigue forçassent enfin Tarmée
française à prendre quelque repos.
Napoléon , dans cette sanglante jour-
née, tua ou prit aux Prussiens quinze
mille hommes. 11 est positif que Blii-
cher lui même^ en^jagé sous t.on che-
val , au milieu des ci irassiers fran-
çais, serait resté prisonnier, si la
rapidité de ceux-ci «e les eût empê-
EJ.U
589
chés de Tapcrcevoir A quoi tiennent
1. s événements qui décident du sort
des empires ! Pendant ce lenip»;, ISey
tombait sur l'avant- garde de Wel-
lington c! lui faisait perdre six mille
hommes. Liirépide et infatigable . au
moment même de .-a défaite, et tau-
dis que Napoléon faisait courir le
bruit de sa mort , Bliicher s'occupa
toute la journée du i y a cincentrer ses
troupes surV\ avres, et parvint a déro-
ber une marche au général Grouchy.
Grâce a celle circonstance, il apparr:t
dans la soirée du 1 8 aux champs
de Waterloo, sur le flinc gauche de
1^ el'iugton , h Tinstant où les deux
armées, après une lutte terrible, mais
sans avantage décisif de part ni
d'autre, recommençaient a combatt; e
avec une nouvelle fureur. Ce fut
comme l'arrêt du destin: Welliiig-
lon seuhaitail Biiither, Napoléon at-
tendait Grouchy. Grouclsy ne vint
point: il n'avait pas reçu d'ordres.
Bliicher n'en avait pas reçu non plusj
seulement il avait prorais a Welling-
ton de venir a son secours s'il était
aitaqué. Long temps Napoléon s'ob-
stina , malgré les avis de ceux qui Ten-
louraient, a croire que le corps qu'il
voyait s'approcher était celui de son
général. Enfin détrompé, il n'en
donna pas 11. oins l'ordie d'agir avec
vigueur. Bulow qui se présenta le
premier avec trente n.ille hommes fut
repoussé ; mais Bl'icher accourut avec
de nouvelles masses. L'armée anglaise
alors dirigea une altaepie sur toute
la ligue. Les munitions commen-
çaient a manquer aux Français ;
une terreur soudaine s'empara de
leur armée ; INapctléon ne put arrêter
le désordre et fut sur le point d'être
pris. Les Prussiens se chargèrent de
la poursuite et firent toute la nuit
des prises incalculable;; en hom.'nes,
en artillerie, en équipai^rj» Na-
îgo
BLÛ
poléon n'ayaiit tenté aucune résis-
tance , aucime diversion , et s'élaiit
rendu en toute hâte à Paris , où les
chambres, loin de le soutenir, hii
imposèrent la loi d'abdiquer pour
la seconde fois, rien ne s'opnosa
plusala marche des Anglo-Prussiens,
En moins de dix jours les deux géné-
raux furent aux portes de Paris.
Peu de jours après Bliicher passa
la Seine au Pecq, et seul ainsi, sur la
rive gauche de ce fleuve, tourna la
capitale avec son armée par Saint-
Germain, Versailles, et Meudon.
Chassé de Versailles par le général
Excelmans qui écrasa sa cavalerie a
Roquencourl, il fut heureux d'en être
quille à si bon marché. Ou sait au-
jourd'hui que , si des intrigues inté-
rieures n'eussent pas retenu dans l'i-
naction l'armée française réorganisée
depuis Waterloo, et surtout si Bona-
parte, qui, de sa retraite, avait seuti
la faute capitale que Bliicher commet-
lait, en s'aveniurant loin de Welling-
ton au sud de la Seine , si Bonaparte,
disons-nous, eût été chargé du com-
mandement de l'armée, les Prussiens
î\uiaieut été anéantis, et certes dans
cette hypothèse Wellington, avec la
prudence qui caractérise les Anglais,
aurait sur-le-champ rétrogradé jus-
qu'à la frontière. Ce qu'on peut
dire de plus favorable a Bliicher,
c est que débarrasse' de son phis re-
doutable ennemi, par la nullité oi!i se
trouvait alors Bonaparte , il crut
inutile de prendre des précautions et
de suivre les règles de l'art militaire.
Quoi qu'il eu soit, la convention de
Saint-Cloud (3 juillet), h laquelle
pour sa part il se montra ou ne peut
moins disposé, ouvrit aux deux géné-
raux alliés les portes de Paris. Eu
attendant que la capitale fût évacuée,
le quartier-général de Bliicher resta
dans Sainl-Cloiid, Ainsi que l'année
BLU
précédente il se plaisait dans ce séjour
de Napoléon. Mais cette fois il ne
se borna pas a insulter les meubles,
les marbres, les tableaux , il emballa
ce qui lui parut le plus a la convenance
de son gouvernement et a la sienne,
entre autres le célèbre passage des
Alpes , peint par David. Lorsqu'il
fut enfin dans la capitale , il s'y livra
a toute sa haine contre les Français.
Déjà dans sa marche il avait donné des
ordres pour séquestrer les biens des
promoteurs de la guerre, et pour
en faire retomber les frais sur eux
seuls , ordres que des considérations
politiques auxquelles il dut céder le
forcèrent a révoquer. De même à
Saiul-Cloud il eut beaucoup de peine
h renoncer au désarmement de la
garde nationale , vu qu'une partie de
cette garde avait combattu les alliés:
il voulait même qu'elle se rendît pri-
sonnière de guerre a Paris. Indépen-
damment des provisions en nature qu'il
se lit délivrer en abondance pour ses
troupes, il imposa une contribution de
cent raillions, surlaquelleil put donner
à chaque soldat une gratification équi-
valente a deux mois de solde. Pre-
nant a tâche de rendre insultantes
des mesures déjà si rigoureuses , il
donna en ces termes à un de ses
officiers l'ordre de reprendre les
objets d'art enlevés eu Allemagne et
en Hollande par les Français : « Le
lieutenant de Groot est chargé par
moi de l'enlèvement de toutes les pro-
priétés allemandes volées par les
Français, etc. » Quelques-uns de ses
officiers lui ayant demandé la per-
mission d'emporter quelques volumes
de la Bibliothèque Royale, comme
souvenir de la campagne de i8x5.
« Tous les livres, dit-il, sont pri-
« sonniers de guerre : ils sont en
« rangs et en files 5 prenez, erapor-
« lez tout ce que yous voudrez. »
BLU
Enfin il lui vint a l'idée de faire sau-
ter le pont d'Iéna, sous prétexte qu'il
portait un nom injurieux à la nation
prussienne. C'est en vainque tout fut
mis en mouvement pour le détourner
d'une re'soUilion aussi puérile que dé-
sastreuse. Il répondit de la manière
la plus insolente aux représentations
que lui adressa, au nom du prince
de Talleyrand , le comte de Golz,
autrefois son adjudant (5), et il
pressa l'exécution des ordres qu'il
avait donnés à cet égard. Heureuse-
ment les ingénieurs prussiens ne surent
pas miner le pont avec la rapidité né-
cessaire • et la ville ayant porté trois
cent mille francs au général , il les
accepta et fit cesser les travaux de
destruclion. Bientôt l'arrivée des
souverains et particulièrement de
l'crapereur de Russie mit fin , au
moins dans la capitale, aces actes de
vandalisme. On regrette que lord
Wellington , sollicité par les munici-
paux de s'opposer à la détermination
deRliicher, aulieu d'accepter une mis-
sion si noble , ait répondu d'une
manière évasive et peu exacte. « Je
a suis le maître dans Paris , le
« prince Bliicher est le maître hors
« de Paris, et le pont d'Iéna est de-
« hors : cela ne me regarde pas.. . »
Bliicher se dédommagea dans les dé-
partements de ce qu'il ne: pouvait
faire dans la capitale. La paix défi-
nitive n'étant pas encore conclue , il
transporta son quartier-général a
Piambouillct , à Chartres , continuant
la guerre contre les forteresses
et espérant avoir a se battre con-
tre l'armée de la Loire 5 mais celle-ci
se soumit au roi de France et fut
licenciée. Alors Bliicher répandit ses
(6) Voici cette réponse : « J'ai arrêté que le
M pont sauterait , et V. Exe. ne peut empêcher
« que cela me plaise , que M. de Talleyrand
« le veuille ou non. Je prie V. Exe. de le lui
« faire savoir. «
BLU 3(>i
troupes dans l'Eure, Eure-et-Loir,
la Sarthe , l'Orne , Loir-et-Cher,
le Loiret , en un mot dans tous les
pays en deçà de la Loire , où
elles vécurent à discrétion et
commirent des désordres de tout
genre , en présence de leur géné-
ral. Il leva lui-même de fortes con-
tributious , fit arrêter et envoya pri^
sonniersen Prusse beaucoup d'indivi-
dus , autorisa tacitement les voies de
fait et le pillage contre ceux qui lui
étaient dénoncés. Personne , parmi
les chefs des troupes alliées ^ n'ap-
prouvait la conduite de Bliicher 5 et
son roi lui-même tenta en vain d'à
doucir ce caractère indomptable.
Souvent forcé de faire révoquer des
ordres trop sévères ce prince fut obli-
gé de l'eu dédommager par de nou-
veaux bienfaits, m'honoramème d'un
ordre créé exprès pour lui; c'était
une croix de fer entourée de rayons
d'or. Bliicher quitta la France en au-
tomne, mécontent de tout, exécré des
Français et même des ennemis de ha
France. Sa santé depuis long-temps
délabrée languissait de plus eu plus :
il se rendit cleux fois a Carlsbad eu
1 8 1 6 et en 1 8 1 7 . Du reste il passait
son temps moitié dans ses terres,
moitié dans les villes de Breslau et
de Berlin. Ilfit aussi quelques excur-
sions a Hambourg , a Dobberau, etc.
Sa vie était redevenue obscure,
comme avant les guerres de 1806 et
de i8i3, mais il était plus riche.
Quant a sa réputation militaire, h
mesure que l'enthousiasme germani-
que contre Napoléon perdait de sa
force , elle était soumise à un exa-
men plus sévère , et le colosse perdait
de ses proportions. En 18 19 il de-
vint mélancolique, irascible, jaloux
des honneurs qu'il se croyait dus.
Atteint d'une hydropisie de poitrine
et d'une inflammation, 11 s'en exagéra
392
BLU
le dauger ; enfin il devint limlde au
point de ne plus vouloir passer la
nuit seul, n Mes enfants, di.-ail-il, ne
« m'abandonnez pas, de peur que je
« n'atlenle a ma vie. n 11 fit un
nouveau vnvage a Carlsbad où il
passa quelques jours auprès du prince
de Schwarzenberg. £n revenant
dans ses terres, il toralia malade à
Krieblowitz. Les médecins furent
appelés et voulurent lui donner des
espérances qu'ils n'avaient pas. Le
roi de Prusse, qui assistait, dans les
environs, aux manœuvres d'automne,
vint le voir. Bliicber n'accepla point
l'augure de son rétablissement : « Je
« sens , dit-il , mieux que tous ces
« docteurs en quel étal je suis. 35 II
recommanda sa veuve au roi , et
raourutle lendemain, 12 sept. 1819.
C'est a Krieblowitz qu'on l'enterra.
Ou lui éleva des statues a Rostock^ a
Beilin et a Breslau. La première lut
érigée le 26 août 1819 pour célé-
brer l'anniversaire de la bataille de
la Kalzbach. La statue de Berlin dale
de 1826; comme celle de Rostock
elle est colossale et en bronze 5 celle
de Breilau ne fut élevée qu'en 1827.
— La vie de Bliicber a été plusieurs
fois écrite. Dès son vivaut on avait
publié : p^ie de Bli'icher, Paris ,
18 16, 2 vol. in 8°, et Vie et
campagne du feld-maréchal prince
Bli'icher de TJ ahlstœdt , Londres,
i8i5 (en anglais). 11 n'est pas vrai
que Gneisenau ait eu part a cette
compilation , que l'on donne comme
traduite de rfillemand de ce général.
Vernbagen d'Ense et L. de A\ al-
lenrodt ont publié en allemand des
hiograpbies du feld-marécbal. La
première est de 1827, Berlin; la
deuxième , impriméeà Sletlin , 1 85 i ,
in 12 , est un manuel à l'usage de la
masse plutôt que des classes lettrées
de la population prussienne, ^iilitairc-
BLi:
ment l'ouvrage est nul : du reste l'au-
teur transforme Bliicber en grand gé-
néral , en sage , en ami de la liberté.
Le héros sans doute eut ri de ces
éloges comme il avait fait des diplô-
mes délivrés par les universités au
docteur Bliicher. Le seul titre du
prince de \\ alslffidl au souvenir delà
postérité sera sans doute sa valeur
militaire. Peut-être en tenant fidèle-
ment compte et des énormes fautes
qu'il comn it en plusieurs occasions,
et de l'immensité des ressources tou-
jours renaissantes, toujours croissan-
tes que les alliés eurent a leur dis-
position en I 81 5, 1 4-, et I 5 , la pos-
térité, commedéjk bien des Allemands,
ne verra-t-elle en lui qu'un pa' tJsan,
un co7i<^o/^ie/'«. Ses principes, décrits
par l'auteur des Caractères prus-
siens, conviennent en effet à un parti-
san plus qu'au cbef d'une grande ar-
mée. Mais la postérité ne lui refusera
ni une intrépidité rare , ni une gran-
de habitude de la guerre, ni enfin
une inébranlable opiniâtreté au mi-
lieu des obstacles, des défaites et
des fatigues. Vingt fois battu , tou-
jours Bl'icher était prêt à se faire
battre de nouveau. Avec les troupes
qu il avait et qui non seulement se
recruta:eut sans cesse, mais encore
étaient animées d'un enthousiasme
a la fois civique et militaire, Bliicber
avait de grands avantages contre jNa-
poléon, dont les jeunes soldais et les
vieux généraux ne faisaient plus la
guerre qu'avec regret et décourage-
ment. Celui-ci d ailleurs avait en hor-
reur les escarmouches . la petite guer-
re, ladeslruclicn de détailj il lui fallait
enlacer son ennemi dans de grandes
combinaisons, et l'écraser par quel-
que grand coup. Bliicber tenant du
cosaque et du guéri las avait une por-
tée infiniment moins vaste , mais ope-
rail (oujours , harcelait tans laisser
BLU
de répil, ballu ou Laltaulrccommcn-
caîl encore, perdait des hommes, mais
pouvait en perdre , et eu tuait sans
cesse a un euiiemi qui était réduit
a compter de pUis près que lui.
P_OT.
BLUTEL ( Chakies-Aucuste-
Esprit-Rose), né à Caeu le 29 mars
lySy, étc'àt avocat a Rouen nvant la
révolution. Modéré par caractère et
par [irincines , il en embrassa la cause
sans exagération, fut nommé en 1790
juge de paix et l'un des chefs de la
garde nationale de Rouen, et en 1792
député de la Seine-Inférieure h la
Convention nationale. Dans le procès
(le Louis XVI , il o?a dire que la
nalion, par la constitution de 1791,
ayant lié ce monarque a son contrat
social , et lui ayant offert la pre-
mière fonction dans soQ gouverne-
ment , il avait cessé de devoir le Irône
à sa naissance , qu'il était de^'enu
roi par la volonté de la nation,
et que le crime, si c'en était un ,
était le crime de la nation et non
le sien. Blutel s'opposa conséquem-
raent a ce que ce prinne fût mis eu ju-
gement j mais, son opinion n'ayant pas
prévalu, il vota Tappel au peuple,
puis la réclusion et le bannissement a
la paix , et enfin appuya la proposition
de Mailbe, tendant k ce qu'il fût
sursis a rexécullon. Dans les derniers
mois de 1795, il signala les actes
d'oppressio 1 et les excès de pouvoir
commis par la municipalité et le co-
mité révolutionnaire de Rouen , et
cita a celle occasion douze cents in-
dividus illégalement détenus dans les
prisons de cette ville, ajoutant (ce
qui était k cette époque d'un cou-
rage sans exemple) que l'arbitraire
éta-.t tel dans celte commune, que si
un prévenu o^ait se plaindre de la
violation des lois k son égard, on lui
appliquait aussitôt cette phrase inqui-
sitorlale : Suspect d'incivisme et
d'aristocratie , et on le traînait
a l'instant même dans les cachots.
Blutel se montra dans plusieurs occa-
sions le zélé défenseur de la liberté ,
non de cette liberté qui , comme il le
disait un jour a !a tribune , n'était
que la licence, et ue tendait qu'à
faire de la société un amas de bri-
gands, dont le p'us fort écraserait
impunément le plus faible , mais de
cette liberté sociale qui rendant
rhomme k sadignité_,a pour base la
morale et la justice. Il prit ensuite
peu de part aux dissensions des
partis qui déchirèrent rassemblée,
et parvint ainsi a échapper aux
proscriptions et k la mort, dont
il fut plusieurs fois menacé Après
le 9 thern idor , il fit mettre en
liberté plus de mille habitants de
son département , en se chargeant ,
par un travail non interrompu , de
l'examen des dossiers et de la rédac-
tion el présentation au comité de sû-
reté générale des rapports qui les
concernaient. Envoyé, vers la fin de
1794, en miss on dans les tléparte-
mentsde la Charenle-Inférieure , de
la Gironde , des Landes et des Bas-
ses-Pyrénées , il mit fin au syslènie
de terreur qui désolait encore cette
partie de la France, et rendit compte
a la Convention des crimes commis
par des représentants, ses prédéces-
seurs, qui avaient établi en principe
que l'arbre de la liberté ne pouvait
prendre racine que dans le sang hu-
main. Il dénonça plusieurs agents du
gouvernement qui, abusant du droit
de réquisition , avaient enlevé et
détourné k leur profit des quantités
considérables de piqués, mousselines
et basins, pour faire, disaient-ils,
des culottes aux défenseurs de la
patrie. 11 fit débarquer et placer
dans des los^ements salubres neau-
394
BLU
coup de prêtres inserraenlés qui, des-
linés a être déportés , gémissaient
dans le port de Brouage , entassés
sur des pontons infects, oii chaque
jour la mort moissonnait une partie
d'entre eux. Le 12 janvier 1793, il
rendit k la liberté un grand nombre
d'habitants des départements de
l'Ouest, détenus au bagne de Roche-
fort, comme royalistes et rebelles de
la Vendée. Le mois suivant, il ferma
la société populaire de Bordeaux , et
quelques jours après restitua au com-
merce de celte place toutes les den-
rées enlevées au maximum , qui se
trouvaient encore dans les magasins
de la république. La même année,
il apaisa par sa seule présence et sa
fermeté, tant k la Rochelle qu'a Ro-
chefort, des mouvements séditieux,
qui avaient pour motifs apparents la
rareté des subsistances , mais qui se
rattachaient aux révoltes de la même
époque a Paris. Député, en 1796,
par le département de la Seine-Infé-
rieure et par la colonie de Cayenne
au conseil des cinq-cents, il parut
plusieurs fois k la tribune pour y dis-
cuter des objets d'intérêt général ,
et fit décréter la prohibition des
marchandises anglaises, au moment
même où lord Malmesbury était a Pa-
ris pour traiter de la paix. Il présenta
en février 1797 un rapport lumineux
sur les douanes, et donna peu de
temps après sa démission , motivée
sur des affaires de famille. L'admi-
nistration des douanes , qui lui devait
en partie sa réorganisation, lui offrit
aussitôt une place de directeur de
correspondance a Paris, et en 1798
le directoire le nomma un des régis-
seurs-généraux; mais Magnieu, auquel
il succédait, avant été réintégré, il
passa à la direction de Rouen , puis
a celle d'Anvers , qui alors était la
plus importante de France. Il mourut
BLY
dans celle ville le i^"" nov. 1806,
laissant deux fils, qui ont suivi la
carrière des douanes. Z.
BL YENBURG (Damase Yak),
poète latin , né en 1 558 aDordrecht,
d'une famille très-distinguée , remplit
après son père la charge de garde de
la monnaie de Hollande, et fut dans
la suite premier conseiller du vice-
roi de Virginie. Le chagrin qu'il
éprouva de la mort de sa femme fut
si violent , qu'on lui conseilla de voya-
ger pour se distraire. Il se mit eu
route, en 16 16, pour la Bohème, et
comme on n'entendit plus parler de
lui, on conjecture que la douleur ter-
mina ses jours. On a de lui : I. Cento
ethiciis ex ducentispoetis hinc inde
contextiis , Leyde, 1699 , petit in-
^^ , et altéra , Dordrecht , 1600,
in-8°. Cette prétendue seconde édi-
tion ne diffère de la première que
par le changement du frontispice. IL
V^eneres hly enhurs,icœ ^ sive amo-
riun hortus , in quiiique areolas
distinctus et J'ragrantissimis i48
celeberrimorumpoetarumjlosculis
7'ç/è/'<wA-, Dordreclit, 1600, petit
in-8°. Ces deux volumes, qu'il est
bon de réunir, sont rares et recher-
chés. L'éditeur y a rassemblé les pa5-
sages les plus agréables des meilleurs
poètes latins modernes. III. B. Ful-
gentii sententiœ sacrœ ^ sive epi-
tome operiim in triginta tilidos
sive capita distributa , Amsterdam,
1612 , in-8''. — BlyEjN'burg [Adrien
Van), neveu du précédent, h son
exemple partagea ses loisirs entre la
culture des lettres et les devoirs de
différentes charges. Né en î56o, a
Dordrecht, il y mourut le 2 3 février
1699. On a de lui : Poemala varia,
Leyde, i582, petit in-8°. Ce re-
cueil est estimé. On trouve plu-
sieurs pièces d'Adrien dans les De-
liciœ poëtar. Belgar, , I, 687,
BNI
Voy. , pour des détails sur ces deux
poêles et sur d'autres e'crivains de la
mêaie famille, \es /Mémoires de Pa-
quot pour servir à l'histoire lit-
téraire des Pays-Bas , éd. in-fol.,
II, 469 et suiv. W — s.
BXINSKI ( AiEXAKDEE , comte
de ) , né à Cracovie en 1788 , d'une
ancienne famille , reçut une éduca-
tion soignée dans la maison pater-
nelle ; parcourut ensuite divers pays
et entra en i8oy, comme volontaire,
dans la légion polonaise au service
de France. Il parvint rapidement
au grade de capitaine , signala sa
bravoure dans la guerre d'Espa-
gne 5 devint major, et suivit, en
1812 , les troupes fiancaises en
Russie. Lors du désastreux passage
de la Bérésina , il concourut a sus-
pendre pendant quelques heures la
marche des ennemis , sans quoi l'ar-
mée française eût eu a déplorer des
perles lieaucoup plus considérables.
Napoléon apprécia ce service et le
nomma major-général. Bienlôl après,
le chagrin de voir ses espérances pa-
triotiques déçues ayant altéré sa
sanlé , il accepta sou congé et retour-
na en Pologne. Depuis cette époque ,
Bninskl vécut a Varsovie dans une
profonde retraite , évitant jusqu'au
moindre contact avec les agitateurs
qui alors abondaient en Pologne,
et (pi'il regardait comme le plus grand
fléau de sa patrie. Il se trouvait dans
une terre de sa femme , sur les fron-
tières de la Lithuanie, lorsqu'il reçut
lanouvcllederinsurrecliondui29nov.
i85o. Soit qu'on lui représentât cet
événement sous de fausses couleurs ,
soit que , par suite de son long iso-
lement du monde et des affaires, il
se fît Illusion sur le véritable état
du pays et qu'il ajoutât foi aux plain-
tes des mécontents , son ardeur pa^
triolique se réveilla; il quitta a l'iu-
BO
395
slant même sa famille ; et , malgré le
froid excessif et la hauteur de la
neige , 11 alla à pied a Varsovie. Ar-
rivé dans cette ville, il fut élu séna-
teur et se chargea spontanément de
la difficile mission de pourvoir l'ar-
mée de vivres , mission qu'il remplit
avec un zèle que trahirent ses forces
physiques. Accompagnant un con-
voi pendant la nuit , il fut atteint
du choléra , qui mit un terme à
sa vie le i5 juin i83i. Les troupes
se ressentireni bientôt do la perte
qu'elles avaient faite en lui, car après
sa mort le service des approvlsion-
uemenls fuL si mal assuré, qu'il ne
put plus y avoir de régularité dans
les distributions, chose qui exaspéra
au plus haut degré les soldats, et de-
vint la cause de nombreuses déser-
tions. Peu de temps avant sa fin,
Bnlnstl comprit dans quel abîme de
maux l'insurrecliou avait précipité la
Pologne , et 11 prédisait a qui voulait
l'entendre l'iî^sue qu'en effet la révo-
lution ne tarda pas a avoir. Ses
dernières paroles furent: «Dieu tout-
ce puissant, délivre ma patrie de ses
« ennemis intérieurs ! » On a de lui
plusieurs ouvrages écrits en polonais,
entre autres : I. Traité sur l'exer-
cice de V infanterie polonaise^ Var-
sovie , 181 0 , in-8°. II. Traité sur
la cavalerie^ ibid. , 181 1 , in-8''.
III. Tables de logarithmes ^ ibid.,
I 8 1 8 , in-4.°. IV. Traité d'arithméti-
que, Plotsko, 1822 , in-8°. M — A.
BO (Jean-Baptiste) , député a la
convention nationale, exerçait la pro-
fession de médecin avant l'année
1789 , qui le trouva établi h Mur-
de-Barrcz, dans le déparlement de
l'Aveyron. Suivant Prudhomme(//i.v-
toire des crimes de la révolution),
Bô avait été musulman a Con-
stantluople , où quelque temps il fut
employé comme chirurgien , et en-
3<)G
BO
suite juif sur lesbords du Rliîn ; mais
celte singulière asserlion aurait be-
soin d'être prouvée. Dès l'ouverture
des états i?énéraux, il se prononça
de la manière la plus exaltée en fa-
veur des idées de réformalion , et fut
élu , en 1790. procureur-svndic du
district de Mur-de-Barrez. Le dépar-
tement de l'Aveyron l'envoya comme
député a rassemblée législative en
1791; et, satisfaits du zèle qui lui
tenait lieu d'éloquence , car Bô n'y
avait jamais pris la parole, ses com-
mettants le nommèrent de nnuvpan
lorsque la Convention remplaça l'as-
semblée législative. Bô se distingua
parmi les plus effrénés révolutionnai-
res. Il vota la mort de Louis XVI,
sans appel et sans sursis Dans son
Opinion sur le Jugement de
Louis Capet se trouvent données
a Louis XII les épilhètes de scé-
lérat, de serpent, de tigre, de
monstre. Et tous les rois sont appe-
lés brigands, voleurs , loups affa-
més. Ainsi le style de ce discoursn'a,
comme le fond des idées, que des
formes grossières et barbares. Bô
ne déplova pas moins de fureur
dans la révolu'.ion du 3 i mai 1790.
Son exalt;)tinn lui vabit diverses
missions dans les départements , dont
bientôt il devint l'horrt- ur et l't ffroi.
Envoyé en Corse dans le mois de juil-
let, il fut incarcéré a Marseille par
les autorités fédéralistes. Mais ses
col'ègues Rovère et Poullier, en mis-
sion dans le midi, seconHés par l'ar-
mée de Carlaux, le délivrèrent. Dans
les Ardennes, 'a Marne et l'Aube , il
épura les outoiilés cons'.iluées dont
l'boslililé se manifestait trop vive-
ment depuis la cbute des Girondins 5
et il annonça, dans une lettre aux ja-
cobins de Paris, l'arrestaticm d^s
administrateurs qu'il avait ordonnée.
Le Cantal subit les mêmes mesures;
BO
et, comme là on ne se soumellait pas
sans réserve , les persécutions de
tout genre furent bientôt a l'ordre
du jour. Bô y établit une commission
révolutionnaire. Les bommes les plus
immoraux formaient son conseil :
des taxes exorbitantes furent arbi-
trairement imposées ; lesdéprédations
et le pillage furent organisés. On as-
sure que les séides du commissaire
de la Convention s'étaient procuré
des sceaux pnreils à ceux de Worms
et de Coblentz , et qu'ils parcouraient
le pays, levant des impôts à lenrgre,
et menaçant ceux qui bésitaient à
pnycr de les accuser de correspon-
dance avec les émigrés en produisant
contre eux des lettres scellées du
sceau de l'émigration. Dans le Lot ,
oi'i il passa ensuite , Bô suivit la
même marcbe. Les paysans même
n'étaientpas kl'abri de ses exactions,
et, en criant guerre aux cbàleaux , il
ne disait pas paix aux cbaumières.
Il arrachait dans les campagnes jus-
qu'aux croix d'or que portaient les
femmes. Cette ex[)éditive manière de
battre monnaie souleva l'indignation
générale contre lui : il n'est pas éton-
nant que, dans l'effervescence causée
par tant de raaUienrs , quelques-uns
de ces bommes méridionaux , chez
qui la baine est si vive et si prompte
a frapper, aient voulu attenter a sa
vie (i). Une insurrection faillit éclater
dans le district de Figeac \ et, si elle
n'eût été étouffée en quelijue sorte
avant d'éclore, il est probable que le
commissaire de la Convention aurait
été mis en pièces. Sa fureur en re-
doubla et devint pre>que de la dé-
mence. On a écrit qu'une jeune fille
étant venue lui demander son père ,
qui était enfermé dans un cacbot , il
{<) A Aurillac on lai lira un coup de fusil et
on le manqua; les aulcurs de celte tentalive
)>iTirpiil sur réchafaud.
BO
liii répondit : « Sois tranquille , Je
« ne veux que sa tète- je le laisserai
Cl le Irouc. 3> On lui témoignait au
nom du peuple de Cahors de l'inquié-
tude sur les subsislances : pour ras-
surer les habitants du Lot, il pro-
mettait qu'avant peu lui et sesaffidés
réduiraient la population , de plus en .
plus exubéraulc, de la France a
douze millions d'individus. « En ré-
« volut ou , disail-il , on ne doit con-
a naître ni parents ni amis : le fils
K peut égorger son père, s'il n'est
« pas a la hauteur des cil constances. 5>
Lu tel langage , s il n'était avéré ,
serait incrovable, tant il est absur-
de , tant l'imbécililé ici égale , sur-
passe la barbarie. C'en est plus qu il
ue faut pour bien compre idre toute
l'ineptie de l'homme qui le tenait.
Après le 9 thermidor, Bô parla (en
novembre 1794) contre Carrier, qui
se disait son ami d'enfance. Un
décret rendu le 26 janvier 1795, sur
la proposition de Grauel, ordonna la
punition des factieux qui l'avaient in-
sulté et emprisonné à JMarseille en
. 1795 ■ mais , six jours après , le dé-
cret fut rapporté sur la proposition
de Durand-.Viaillaue, qui déclara que
l'insulte faite à Bù avait été sullisain-
raeut vengée par le sang répandu à
Marseille et a i oulon. Bô parla dans
cette discussion et manifesta des opi-
nions conciliantes. Un décret du 1 1
mars l'envoya eu mission a l'armée
des Pyrénées-Occidentales, mais la
paix conclue le 22 juillet avec l'Es-
pagne l'empêcha d'y jouer un rôle.
Ce n'est qu'un an après la chute de
Robespierre que Bô lut dénoncé par
les villes de Sedan et de \'itry-sur-
Marne , comme provccaleiir de l'a-
narchie, et par les habitants du Lot,
pour avoir fait juger des malheureux
à huis-clos et sans jury. Genissieux,
dans un rapport foudroyant, articula
BO
3y7
sur son compte les incriminations les
plus fortes. Aubanel et L(.tficial , en
prenant sa défense, ne purent qu'in-
voquer le plus triste des subterfu^^es^
le défaut de pièces, de preuves suffi-
santes (2). Le débat ne se termina pas
immédiatement. Enfin pourtant la
Convention se déclara : Bù lut décrété
d'arrestation, le 9 août 1790, pour
vexations et cruautés de toute espèce
commises pendant ses missions. L'am-
nistie du 4 brumaire au IV vint bien-
tôt le tirer de là; il recouvra la li-
berté; mais son rôle politique était
fini. Merlin de Douai gratifia sa nul-
lité d'une place de chef du bureau
des émigrés au ministère de la police.
Mais le consulat fut plus sévère que le
directoire : Bô perdit sa place a la fin
de 1799. Alors il reprit ses fonctions
de médecin , et il alla exercer cette
(2) 11 faut aire que Lofliciul , députe de
l'Ouest , liouinie sage , motlérc , el premier [>aci-
ficaleur de la Vendée, dans l'an lll, ne con-
uai^sail bien di: Bo que sa ion uite à iNantcs ;
oii , arrivé a|)rc s le départ de Carrier, plusieurs
mois avant la cUute de Soliespierre , U semljla
ne cbercber qu'a réparer les désastres ou du
inuins à consoler les indheurs de celle grande
cité, lléuni à son collègue Bourboite, il osa
faire incircér-T tous les membres de l'horrible
comiterevolutionnaire, ainsi queses principaux
agents, et mc:tire en liberté les victimes de ses
fureurs, qui existaient encore. C'était beai. coup
entreprendre , car rien n'annonçait encore lare-
volutiiin de tbermidor. li i traduisit au triluual
rcvol iliunnairo tons les menii»res du comité , . t
ce fut a Versailles seulement, oii ils arrivèrent
enchaînes, le g lliermijor, qu'ils apprirent avcc
une sur[)rise extrême les grands evènein.-nts
de cette journée. On trouve tous ces dé-
tails dans la lictation du -voyage des cent trente-
deux Nantais emojês à Pans par le comité re\'ii'
luiionnaire de Nantes. On y lit enfin (page 43)
que les Nantais bcniient lio , et qu'il laissa dans
leur ville un souvenir qui ne mourra Jamais,
Ainsi l'homme est souvent inexplicable. I,a der-
nière mission de Bo parut elre un désaveu et
comme nue amende lionorable des fureurs de
SCS jue^nicrs proconsulats. Les travaux législa-
tifs de lîù, djns le sein de la Convention, furent
presque nuls. Membre du comité des secours
publics , il fit accorder une pension de 600 fr.
au citoyen Sans, pour /a découverte de l'électricité
médicale. U présenta , à la suite d'un rapport ,
un projet de décret, sur les bases de l'organisa-
tion générale des secours publics (in-S" de "> p ).
l.'idee des dépots de niei.dicité, qui furent établis
dans la suite, 6C trouve dans l'article ij de ce
projet. V— vii.
398 BOA
profession à Fontainebleau. C'esl là
qu'il mourut en 1812. Oa a de lui uue
Topographie médicale de Fontai-
nebleau y Vàiis , iSiijin-S''.
A — T et P — OT.
BOARETTI (Tabbé Fran-
çois), littérateur, né en 1748, dans
un village près de Padoue , acheva
ses études au séminaire de cette vil-
le, avec un tel succès que ses maîtres
l'associèrent sur-le-champ a leurs
travaux. Nommé professeur d'élo-
quence sacrée eu 1785, au gymnase
ecclésiastique de Veuise , il occupa
cette chaire, pendant dix ans, de la
manière la plus brillante. Le chagrin
que lui causa la suppression de cette
école, en 179 5, fut si vif que peu de
jours après il eut une atlaque d'a-
poplexie. En vain le sénat, informé
de sa situation, s'empressa de lui
confirmer son traitement par un dé-
cret, qui, plus tard, fut respecté
par les partisans de la démocratie.
Le coup élait porté. Boaretti ne fit
que languir et mourut a Venise, le
1 5 mai 1799, a 5i ans. Doué d'une
grande capacité d'esprit et d'une
vaste mémoire , il s'élait rendu très-
habile dans les langues, la théologie,
les mathématiques , la physique , la
chimie et le droit naturel. Les nom-
breux ouvrages qu'il apubliésj quoi-
que écrits avec précipitation , décè-
lent un véritable talent. Outre des
thèses [Assertiones philosophicœ)
Padoue, 1783 , in-8", et des poésies
dans les Raccolte, on a de Boaretti :
I. Les Trachiniennes de Sophocle ;
V Electre , Y Hé cube , V Iphigénie
en Tauride et la Médée d'Euripide,
trad. in versi sciolti , publiées sé-
parément , in- 8° U. U Hymne à
Cérès d'Homère , in versi sciolti,
Padoue, 1784, in-B-'. YSl.Ulliade
d'Homère, in otiava j^ima, Venise,
1788, 2 vol. in-8°. Les douze pre-
BOA
miers livres avaient paru sous le li-
tre d'Omero in Lombardia. Betli-
nelli parle de cette traduction avec
éloge. IV. Les Psaumes de David,
ibid., 1788, 2 vol. iu-8°. Cette ver-
sion est estimée. V. Dotlrina de'
padri greci relativa aile circos-
tanze délia chiesa net secolo 1 8
tratta de' testi originali ^ ibid.,
1791 , 2 vol. in-8°. VL UEcclé-
siaste de Salomon traduit en prose,
ibid. , 1792, in-8". \II. Le Livre
de la Sagesse, ihïà. y 1792, in-S",
précédé d'une dissertation où Boa-
retti réfute les principes éuoucés
par l'abbé jNicol. Spcdalieri , dans
son livre : De' diritti de II' uomo ,
sur l'origine de la souveraineté , les
droits des princes et les devoirs des
sujets. VIIL Pensieri sulla trisc"
zLone dell' angolo , ib., 1 793, in-4°.
Cet ouvrage a été critiqué par Vinc.
Dandolo. On peut consulter pour
des détails la Storia délia lettera-
tura di Venezia, par le P. Mos-
chini, 273-76 et les V itœ virorum
illustriwn seminar. Patavini, 4l3,
où se trouve l'éloge de Boaretti.
W— s.
BOATON ( Pierre-François
DE ) , lilttérateur , naquit, en 1734,
a Longiraud près d'Aubonne , dan*
le pays de Vaud, d'une famille ho-
norable. Ayant embrassé l'état mili-
taire , il obtint une compagnie dans
un des régiments suisses au service
du roi de Sardaigue 5 mais sa santé
l'obligea bientôt de renoncer a cette
carrière ; et le général Lentulus
{V. ce nom, XXIV, io5) le fit
nommer gouverneur a l'école militai-
re de Berlin. Quelques désagréments
qu'il enta essuyer, de la part d'uu de
ses supérieurs, le décidèrent a quitter
celte place 5 et il ouvrit dans la ca-
pitale de \x Prusse un pensionnat
qui, dès la première anuée^ réunit un
BOB
grand uombre d'élèves. Cependant
il aliandonua rétablissement qu'il
venait de créer, pour se cbarger, à
des conditions très-avantageuses , de
Téducalion du fils unique d'un riche
banquier de Berlin. Devenu libre , et
jouissant d'une honnête aisance, qu'il
devait a sou travail et a sou écono-
niie, Boaton consacra le reste de sa
vie à la culture des lettres. Il fut
nommé membre de l'académie de
Berlin, et mourut en cette ville au
mois de juin i79/t. Outre quelques
pièces fugitives dans le journal de
Berlin , on lui doit : I. Une traduc-
tion eu vers français des Idylles de
Gessner, Berlin, 177 5; Copenha-
gue, 1780, in-8°. II. Des Essais
en vers et enprose^ Berlin, 1782 ,
in-8''. UI. Obevon, poème de Wie-
laud, Irad. eu vers français et en oc-
taves, ibid., 1784, in-8°. Celte tra-
duction, dédiée à Wieland , sans être
parfaite, est pourtant bien supérieure
à celle du comte de Borch ( V. ce
nom, ci-après). IV. La mort cl' A-
bel, poème de Gessner, trad. en vers
français, ibid., 1785, et Hambourg,
1791. Boaton a laissé manuscrites
quatre pièces de théâtre : La Bar-
be-Bleue.F adlallah, roi de Mous-
sul , le Triomphe de la bienfai-
sance et V Avare dupé. Denina lui
a consacré une courte notice dans la
Prusse littéraire. \V — s.
BOBOLIXA, héroïne de la
Grèce moderne , appartenait a une
riche famille albanaise. Son mari ,
officier dans le corps des Armatolis ,
alors au service de la Porte, fut exé-
cuté en 1812, sans doute comme en-
tretenant des liaisons avec Ali. Bo-
bolina devint, dès ce jour, l'ennemie
acharnée des Turcs. Sitôt que la révo-
lution grecque éclata, elle arma trois
vaisseaux kses frais, et envoya ses deux
fils àravant-garde de l'armée de terre
BOB 399
ferme. Elle-même voulut assister,
avec l'élite des chefs grecs , au long
siège de Tripolilza, non comme sim-
ple spectatrice, mais comme guerrière
intrépide (1821). Elle j fit des pro-
diges de valeur. Ce ne fut pas sou
seul mérite. Voyant combien le dé-
faut de concert nuisait aux opérations
des Grecs , elle essava de faire cesser
leurs divisions et eraplova toute son
influence à leur persuader que, sans
l'unité de pouvoir et de vues , leur
cause était perdue. Ses efforts fu-
rent inutiles , mais peut-être contri-
buèrent-ils a jeter les germes de
quelques idées plus raisonnables chez
des hommes indomptables. En at-
tendant , les discordes entre l'ar-
mée navale et l'armée de terre en
vinrent au point que les navarques.
(chefs de vaisseau) se retirèrent.
Forcée de les suivre , elle fit hom-
mage de ses vaisseaux a la patrie.
Chargée plus tard d'appuyer avec
une division navale le blocus de
Naupli de Romanie , elle y déploya
la même vigueur , mais peut-être la
poussa-l-elle trop loin. En vain les
Turcs, renfermés dans la ville et pri-
vés de leurs communications avec
Fatras, demandèrent-ils une capitula-
tion. Elle s'y opposa d'autant plus
éncrgiquement que son fils aîné venait
de périr sur le champ de bataille.
Rien ne put faire fléchir sa déter-
mination. Cependant, lorsque le 12
déc. 1822, la ville fut prise d'assaut
par la bravoure de Stoïkos, les Grecs
laissèrent la vie sauve a un millier
de prisonniers et au pacha j ce fut
le premier exemple de modération
donné dans cette affreuse guerre. La
conquête deîSaupli élait la plus im-
portante que les Grecs eussent faite
jusque-là : elle leur donnait quatre
cents canons de bronze , une ville for-
te, un port militaire a l'abri de tou-
/,oo
BOC
te surprise , ime capitale commode
et uu centre ou une base d'opéralioiis
parfaite. Boboliua, décidément de-
venue guerrière, ne cessa pas de
prendre part aux opéralions des
Grecs, et principalement à celles
dont l'Argolide fut le théâtre. Uue
de ces rixes qui prouvent combien
la civilisation est restée en arrière
daus certains pays vint mettre fin
a sa carrière en 1826. Son frère
avait séduit une jeune Grecque. Les
parents, les amis de celle-ci ne virent
rien de mieux à faire que de courir
aux armes , afin de venger leur inju-
re : ils se rassemblèrent en tumulte
devant la maison de Boboliua, qui ou-
vrit uue fenêtre et les harangua en
termes assez hautains. Soit mécon-
lentemeul de ce lungage , soit dessein
préuiédité , un d'eux lui tira un
coup de (usil , et Boboliua tomba
morte sur-le champ. P — ot.
lîOCAGE. Foy. DcBOCAGE ,
XII, 61.
BOCCAGE (Pierre -Joseph
FiQUET du), mari de la femme cé-
lèbre qui compta parmi ses admira-
teurs les écrivains les plus distingués
du dix-huitième siècle {f-^. Boccage,
IV, 6 1 5 ) , cultiva lui-même la litté-
rature avec quelque succès. Ké , en
1700, a Rouen, il entra jeune dans
les finances, et obtint, eu se mariant,
la place de receveur des tailles a
Dieppe. A lexemple de sa femme,
et sans doute par ses conseils, il
consacra ses loisirs à la culture des
lettres. Il avait fait une étude parti-
culière du théâtre anglais; et sans
partager l'enthousiasme de quelques-
uns de nos contemporaius pour un
genre A: pièces (pi'ds ont tenté de
mettre a la mode, d essaya de faire
connaître les productions dram;iti-
ques , alors nouvelles, des Anglais
daus des Iraductiojis dont il eut sohi
BOC
de retrancher les situations ou les
passages qui auraient pu choquer des
lecteurs moins habitués que ceux de
nos jours a des émotions fortes.
11 put jouir de l'accueil que re-
çurent les principaux ouvrages de
sa femme, et mourut a Rouen , au
mois d'août 1767. On a de lui : I.
Mélanges de d ffèrentes pièces de
vers et de prose, traduites de
Vaiiglais , d'Elise Hagwood, Suzan-
ne Cenllivre , Pope, Souihcrn , etCt,
Berlin(Rouen), 1751, 3 vol. in- 12.
C'est dans ce recueil que l'on trouve
Oronoko , ou le prince nègre^
drame de Southern , et V Orpheline,
de misiriss Cenllivre. II. Lettres
sur le théâtre anglais, avec une
traduction de V Avare , comédie de
Shadvvell (/^. ce nom, XLII, 218),
et de la Femme de campagne, co-
médie de Wicherley (Rouen), 1752,
2 vol. in- 12. W — s.
BOCCAGE ( Manoel - Maria
Barbosa du), célèbre poète portu-
gais , de la même famille que le pré-
cédent, naquit à Seluval en 1771,
fils d'un magistrat. Après avoir ter-
miné ses premières études dans les
écoles primaires et secondaires, il en-
tra dans le corps des gardes-marines,
mais il ne tarda pas à en soi tir. Ayant
offensé le minisire de la marine,
comte de Saint-Vincent, par une ré-
partie très-piquante, celui-ci le fit em-
barquer pour Goa, après l'avoir expul-
sé du corps. Arrivé dans l'Inde, plus
heureux que Camôens, du Boccage
fut bien accueilli par ses compatrio-
tres , et il trouva partout des amis gé-
néreux, grâce au talent poétique et a
l'extrême facilité d'improvisalion qu'il
poNsédait a un degré peu commun.
Malheureusement pour le jeune poète,
la nature , si prodigue de ses dons ,
lui dvait fait le funeste présent d'une
verve satirique qui n'épargnait per-
BOC
sonne. Pendant son séjour k Macao ,
du Boccage, entraîné par ce penchant,
fil un poèine mordant contre la maî-
tresse du premier magistral, et Fersa
le ridicule sur cet lioramc, un de ses
bienfaiteurs. Obligé de fuir, il retour-
na à Goa, où il trouva un prolecleur
et un ami dans JoatjuimPereirad'Al-
meida. Ce riche négociant le ramena
à Lisbonne, et mit sa maison et sa
bourse k la disposilion du poète.
Exempt de souci , du Boccage se
livra dès-lors avec ardeur au culte
des Muses et a toutes sortes de plai-
sirs Doué d'une imagination ardente,
rimant avec une inconcevable facilité,
et incapable de toulc application sui-
vie, il se voua entièrement a l'improvi-
sation , et se vit bieulùt entouré d'ad-
mirateurs qui ne pouvaient se lasser
d'écouter le flot intarissable de pen-
sées , d'images et d'expressions heu-
reuses et varie'es qui jaillissaient du
cerveau de ce favori d'Apollon avec
plus de rapidité que la parole ne pou-
vait les reproduire. Faire dix, vingt,
cent sonnets ,>ur un sujet, les termi-
nant tous par un vers que donnait un
des auditeurs, n'était qu'un jeu pour du
Boccage 5 il improvisait souvent cinq
et six heures de suite , et plus il avan-
çait, plus les images s'amoncelaient
dans sa léle volcanique : c'était véri-
tablement la Pythie remplie de son
dieu. Plus d'une fois nous l'avons vu,
suffoqué k force de verve , n'avoir
plus la force d'articuler ce que l'ima-
gination lui dépeignait. Ce qui ajoutait
encore au prudige, c'était la faculté
précieuse d'une mémoire telle ,
qu'il pouvait k volonté répéter une
pièce quelconque de celles qu'il ve-
nait d'improviser j il suffisait pour
cela de lui en désigner un trait ca-
ractéristique. Les improvisateurs
sont aussi communs en Portugal
qu'en Italie, et du temps de notre
BOC
•ioi
poète il y en avait de Irès-remar-
([uables ; mais jamais on n'en avait
entendu de comparable k du Boc-
cage , soit pour la fécondité des
images, soit pour le choix des ex-
pressions et le mérite réel des pro-
ductions sorties du premier jet de
son cerveau. 11 savait k fond le
latin, le français, l'italien, l'espa-
gnol 5 et, commeil n'oubliait rien de
ce qu'il avait lu , il étonnait les plus
savants philologues par sa connais-
sance profonde des auteurs classiques.
Il savait Corneille , Racine, Voltaire,
-Créhillon, Mulière par cœur- et le
Tasse, l'Arioste , Yirgile , Ovide,
Horace, Tibulle , et même des au-
teurs raoius marquants lui étaient
également familiers. L'auteur de c-ct
article se rappelle encore une discus-
sion qui s'éleva un jour entre lui et
un savant professeur de rhétorique
sur l'usage d'une particule latine : du
Boccage avait raison, et il cita a
l'appui de son opinion un passage de
Plante, dont l'exactitude fut vérifiée
sur-le-champ. Si l'auteur de l'His-
toire de la langue et de la poésie
portugaises , placée en tête du Par-
iiaso Lusitano , publié a Paris en
1827, avait mieux connu du Boccage,
il n'aurait pas dit, pag. 56 , que ce
poète était peu versé dans sa langue.
Rien n'est moins exact: du Boccage
avait lu tous les anciens prosateurs,
surtout les poètes nationaux , et
nous l'avons plus d'une fois entendu
citer des passages peu connus de ces
auteurs. Ce qui a* sans doute donné
lieu k cette supposition gratuite, c'est
que notre poète , persuadé que la
langue portugaise, telle qu'on la parle
de nos jours, est propre a tous les gen-
res de poésie, a constam.ment dédaigné
d'emprunter k l'antiquité des expres-
sions et des tournures surannées, que
l'exemple de Francisco Manoel avait
402
BOC
mises en vogue. II eut le même soin
d'éviter des locutions étrangères, si
fort a la mode parmi les mauvais écri-
vains* mais il faisait remarquer à
ceux qui déclamaient sans cesse con-
tre les gallicismes que l'ancien por-
tugais en est plein. Jouissant du pré-
sent et ne songeant guère a Taveuir,
du Fîoccage mena pendant quelques
années une vie joyeuse^ que rien ne
troublait , si ce n'est quelques accès
de jalousie amoureuse , passion qui
chez lui prenait le caractère d'iia vé-
ritable délire. Aussi, la pièce qu'il
a consacrée à cette terrible passion
(O Ciiime) est-elle un chef-d'œuvre.
Vers 1797, il composa une Epîlre
philosophique h la manière de
Voltaire, dans laquelle il niait l'im-
mortalilé de l'àme. Ce morceau re-
marquable fit une grande sensation ,
et bientôt de nombreuses copies ma-
nuscrites circulèrent dans la capitale.
L'auteur, arrêté par ordre de Tinqui-
sition, languit pendant quelque temps
dans les prisons de ce tribunal , qui
à celte époque était cependant peu
redoutable. Il y fut traité avec beau-
coup de douceur. Jj'inlluence du mi-
nistre de l'intérieur Scabra , du duc
de Lafôes et du marquis de Pombal,
fils du grand Carvalho, lui rendit la
liberté; mais !a terreur que lui avait
inspirée le séjour du cachot fit sur
son esprit une impression si pro-
fonde qu'elle abrégea ses jours. Sca-
bra lui ayant oiîert une place de com-
mis dans sa secrétairerie, dont le
célèbre N. Tolenlino d'Almeida fai-
sait partie , il la refusa, alléguant sa
répugnance invincible pour nu travail
assidu. Son esprit droit et indépendant
ne pouvait d'ailleurs consentir a tou-
cher des appointements sans les méri-
ter. Ce n'est qu'après sa sortie de pri-
son que du Boccage songea a l'aire im-
primer quelques-unes de ses nombreu-
BOC
ses productious.Vivement sollicité par
ses amis , qui se cliargèrent des frais,
lui laissant fout le produit de l'édi-
tion, il consenlil apublier un premier
volume , qui fut suivi de quatre au-
tres (1798-18-05). L'impression ne
fit qu'augmenter la réputation de
l'auteur. Le public fut saisi d'admi-
ration en lisant des vers qu'il savait
avoir été improvisés , car il était
connu que du Boccage ne relouchait
jamais ses compositions , qui toutes
avaient été faites d'un seul jet , sans
en excepter les traductions. Le plus
souvent c'était k la suite d'un repas
qu'il dictait ses versions; et c'est
ainsi qu'en notre présence il composa,
sans préparation et à livre ouvert, la
traduction de plusieurs métamorpho-
ses d'Ovide, notamment /(ij'/'rAfl; et
cette traduction est un chef-d'œuvre
d'élégance et de fidélité. Vers la
fin de i8o5, sa santé s'altéra visi-
blement, et un anévrisme au cœur
l'entraîna dans la tombe en 1806 ,
après des souftrances cruelles. Me-
nacé d'une suffocation prochaine , et
pouvant a peine articuler, il dicta
son dernier sonnet , empreint d'un
sentiment a la fois philosophique et
religieux. Le poète mourant y expri-
me en beaux vers le vif remords qu'il
éprouvait d'avoir fait un si mauvais
usage de sa vie et de ses talents. Il
termine par un beau vers, digne d'ê-
tre rapporté, et qui peint bien le
sentiment qui remplissait l'âme de
l'auteur :
Saiba niorrer o que v'wer nàc soube ,
dont le sens est : Qu'il sache mou-
rir celui qui n'a pas su vivre. Les
OEuvres de du Boccage ont été im-
primées a Lisbonne, en 6 vol. in- 12.
Elles se composent de Sonnets ,
d'Épîlres, dldylles, d'Elégies, d'O-
des , de Satires , de Cantates , d'Epi-
grammes et autres pièces fugitives.
BOC
Il a fait paraître à part la Iracliicliou
des poèmes de Rosset sur l'Agricul-
ture, des Plantes de Caslel , des
Jardins et de rimaglnalion de Delille,
el a lai.^sé une traduction delà Co-
lombiade de madame du Boccage. Il
a aussi traduit du français le roman
de Gil Blas. Dans les dernières années
de sa vie , désirant s'illustrer par
quelque production importante, il
avait ébauché le plan de trois tragé-
dies : f^iriatus, j4lj)honse Henri-
quès ^ et F asco de Gama ; mais il
n'en composa que quelques scènes ,
avDUint avec ingénuité qu'il crai-
gnait de ne pas réussir dans le genre
dramatique. La haute poésie lyrique
ne convenait pas non plus au talent de
du Boccage, que son inapplication
habituelle rendait peu propre à
toute composition d'une certaine
étendue. L'exubérance de sa verve
fougueuse lui faisait préférer des su-
jets dont la pensée put saisir a la
fois tout l'ensemble. Inimitable dans
les sonnets , et sans rival dans les
traductions en vers, il s'est placé au
premier rang danslidylle, l'élégie,
Tépître philosophique et la satire.
L'idylle piscatoire intitulée TtHtoii
a enlevé tous les suffrages des natio-
naux el des étrangers ; la littérature
portugaise ne possède rien en ce
genre qui puisse être mis en parallèle
avec celte charmante production. La
Grotte de la Jalousie ^ la cantate
Inès de Castro, l'élégie adressée à
son ami J.-P. Pereira d'Almeida ,
offrent des beautés du premier ordre,*
mais on peut assurer que parmi les
poésies inédites de du Boccage il
en est qui surpassent ce qu'il a
puLlié de plus beau. îlalgré son
penchant pour la satire , il faut dire
a sa louange que les traits les plus
sanglants de sa verve partaient de
la tète , et non du cœur. Il était
BOC
4o3
satirique par tempérament , et Ja-
mais il n'a dans ses vers attaqué
deux fois le même individu. ISous
l'avons souvent entendu rendre une
entière justice au mérite de plusieurs
de ses ennemis qu'il avait voués au
ridicule. Jamais un intérêt sordide ou
le désir de plaire à un protecteur ne
Tui dicta un seul trait satirique. Du
Boccage et Francisco Manoel sont les
derniers poètes dont le Portugal
s'honore; car J.-A. de jMacedo fut
un versilicateur fécond , mais dé-
pourvu de verve et de goiît. C — o.
BOCG ASDO. Foy. PiL.vnts ,
au Slipp.
BOCEîlUS (Jeaîî Boeoekerou
BoCKER , plus connu sons le nom de),
historien - poète , dont les récits
sont très-exacts , quoique en vers
faciles et gracieux , nnquit en 1 525 ,
à Hausberge, près de iMindcn, dans
la Westphalie. Il suivit a l'acadé-
mie de Wiltenberg les leçons de
Mélanchthon , et k Fraticfort-sur-
rOder celles de Georges Sabinus , qui
passait pour le meilleur poète de soa
temps. Les dispositions précoces de
Bocerus ne le ".arantirent noint des
maux qui accomp'ignent la m'sere.
Errant , sans ressource , il éprouva
plus d'une fois la faim et la privation
des objets les plus indispensables. Il
a décrit lui-même sa triste situation
dans un livre d'Elégies touchantes.
Enfin le sort se lassa de le puur-
suivre. Poète lauréat, il prit ses de-
grés, fut pourvu d'une chaire de
droit à l'académie de Rostock , et
put enfin cultiver son talent pour
la poésie. Doué d'une facilité pro-
digieuse , il lui arrivait souvent de
composer après souper une grande
quantité de vers excellents , qui
ne lui coûtaient que la peine de les
écrire. Anrès avoir mis en vers la
généalogie et l'histoire des ducs de
a6.
Aoii BOG
Mecklenbourg et celles des rois de
Danemark, il avait entrepris de cé-
lébrer dans uu poème intitulé Frau-
das les belles actions des rois de
France , lorsqu'il mourut de la peste
le 6 octobre i565. On a de Boce-
riis : I. F ribergum in Misnid ,
Leipzig , i555 , in-S" , très -ra-
re. Cette description de la ville de
Freiberg a été réimprimée en 1677,
in-4-°. 11- Elcgiarum liber priinus ,
ibid., i554, in-8°. .111. De origine
et rébus gestis ducuni Megapo-
lensium , libri très, ibid. , i556,
in- 8". IV. Carminum de origine
et rébus gestis reguni Daniœ et
ducuni Holsatiœ , etc., libri qiiin-
que ,\h'\.à., 1557, in-8°. Freyiag a
donné l'analyse de ce poème . Adpa-
rat. lillerar. , I, 283. V. Brevis
illustr atio urb.s Hagensis^ Roslock ,
i56o, iu-4.' , opuscule de lapins
grande rareté. VI. De origine, an-
tiquilate et celebritate ut bis Min-
dœ brevis declaratio y ibid., i563 ,
in-8°. Vil. S acrorum carminum et
piarum precationum , libri qua-
tuor, ibid., i565, in-8". David
Clément , Biblioth. curieuse , IV,
388, dit que ce volume fut réimprimé
la même année avec des additions •
mais ilcst plus vraisemblable qu'après
la mort de Bocerns ses amis ajoutè-
jent quelques pièces aux exemplaires
qui restaient en magasin, et que les
deux éditions ne diffèrent que par la.
Opilz a publié la f^ ie de Bocerus,
Miudcn, 1 750, in-4°. W — s.
BOCIIAT (Charles-Gxjillau-
me-Loïs DE ),un des écrivains qui
se sont occupés avec le plus de succès
de l'histoire ancienne de la Suisse ,
naquilj en 1696, à Lausanne, d'une
famille honorable, qui a produit plu-
sieurs hommes de mérite. Ajirès
avoir achevé son cours de phi 0-
sophle sous Croulas et celui de droit
EOC
naturel sous le célèbre Barbey-
rac , il fut envoyé a Bàle pour étu-
dier la théologie. Mais étant tom-
bé malade , peu de temps après , il
revint a Lausanne; et ses parents,
craignant que la faiblesse de sa santé
ne le rendît pas propre aux fonctions
ecclésiastiques , lui permirent de re-
prendre l'étude du droit. En 17 16, il
concourut pourlacbaire,quele départ
de Barbeyrac pour Grocingue lais-
sait vacante • et il l'obtint avec Tau-
lorisalion de voyager pendant trois
années , afin de se mettre en état de la
mieux remplir. 11 y joignit en 1725
la place d'assesseur 5 et put concilier
avec les devoirs de professeur ceux
que lui imposait son titre de magis-
trat. Vers le même temps , il devmt
l'un des fondateurs de la Bibliothè-
que italique ( V oy. Bourcuet, V,
3 85) 5 et ce journal lui dut une par-
tie de ses succès. Les talents et le
zèle qu'il avait montrés dans diffé-
rentes circonstances furent récom-
pensés, en 174-0, par sa nomination
à la place de lieutenanl-baillival du
canton de Lausanne. S'étant alors
démis de sa chaire , il profita de ses
loisirs pour se livrer "a l'étude des an-
tiquités de la Suisse. Il entreprit d'a-
bord la traduction de V Histoire de
Lauffer {Foy. ce nom, XXIII,
432 )pnais, trouvant que les origines
des Helvétiens n'y sont pas suffisam-
ment éclaircies, il abandonna ce tra-
vail pour s'appliquer h refaire l'his-
toire des premiers habitants de la
Suisse , a l'aide des monuments et
des auteurs qui en ont parlé. Cet-
te tâche immense n'était point au-
dessus de ses forces, et il l'avait
déjà très-avancée , quand il mou-
rut , le 4- avril i753 , laissant la
réputation d'un savant distingué et
d'un excellent citoyen. Son zèle pour
le bien public l'avait décidé , sur la
BOC
fia de sa vie, a se charger des fonc-
tions pénibles de conirôleur-général.
Il avait ienlé de faire ériger en uni-
versité l'académie de Lausanne 5 et
il lui substitua sa bibliollièque , non
moins précieuse par le choix que par
le nombre des volumes. Indépen-
damment de la thèse ( De optimo
principe) qu'il soutint, en 17 16, à
Bàle pour sa licence , et de deux dis-
sertations sur les antiquités de la
Suisse dans le jMuseuin Heh'eti-
citm , op doit a Bochat : I. Mémoi-
re pour servir à l'iiistoire des dif-
férends entre le ^ape et le canton
de Lucerne , Lausanne, 1727,
in-8°. Celte affaire, qui faillit occa-
sioner des troubles sérieux dans
le canton , avait commencé par une
querelle entre le bailli et le curé
d'un village au sujet de la danse. Le
bailli avait accordé la permission de
danser le jour de la fêle du patron;
le cure le défendit a ses paroissiens.
On dansa malgré le curé qui s'en prit
au badli et l'invecliva publiquement.
Sur la plainte du bailli, le curé fut
banni du canton. Le nonce du pape
en Suisse intervint pour faire rap-
porter la sentence ; et ce ne fut qu'a-
près de longs débats qu'on parvint
a un accommodement. Bochat affirme
que la police appartient a l'autorité
civde , et que le clergé ne peut
s'immister dans l'administration .«ans
de graves inconvénients. Paul-Louis
Courier [Koy. ce nom, au Suppl.)
a traité depuis le même sujet , mais
avec plus de verve et de malice que
Bochat. II. Ouvrages pour et
contre les services militaires étran-
gers, considérés du côté du droit
et de la ?}iora/e ,\h\d., 'ijog, in- 8".
Ce volume jcnfeime une lettre tirée
du Journal littéraire de La Haye,
et que fou croit de Saint-Hvacinîbe,
dans laquelle l'anonyme reproche
vivement aux Suisses de fournir des
soldats aux différentes puissances de
l'Europe ; la réponse de Bochat ; avec
ssiReyutationTpsLT un second anoiivme
(imprimée a Genève en 1731}, et enfin
une autre réponse de Bochat. lU.
Cinq lettres sur le culte de% dieux
égyptiens et en particulier celui
d'isisà Rome , dans le Journal hel-
vétique, août 17/ti a sept. 1742.
Bochat y prend la défense du sen-
timent de Bourguet contre l'abbé
Olivieri (i). 1\ . Mémoires criti-
ques pour servird'éclaircissemtnts
sur dive/'S points de l'histoire an-
cienne de la Suisse, Lausanne,
I "4 7-4-9- 3 vol. in-4°, avec une
carie de l'Helvétie, dressée par Loys
deCheseau (F', ce nom , MIL 545',
parent de Bochat. Ces trois volumes
contiennent quinze dissertations dans
lesquelles l'auteur examine l'origine
des Helvéliens, 'a division de leurs
terres enpagi ou contrées, la forme
de leur gouvernement sous les Ro-
mains, leur culte , les changements
arrivés dans la forme primitive de
leur constitution sous les rois de la
Bourgogne trnnsjuraue , etc. Cet ou-
vrage, rempli de recherches curieu-
ses, est écrit avec trop de diffusion.
Bochat semble avoir pressenti ce re-
proche quand il dit dans sa préface •
« Je n'ai travaillé que pour les lec-
teurs qui ne sont pas gens de let-
tres 5 » mais a cesleeleurs Une faut
que des abrégés. Des dissertations
sur des points obscurs d'histoire et
de géograpliie n'ont d'importance que
pour les savants. Comme Ruchat
( r . ce nom, XXXIX , 202 ^ , son
collègue a racadémie de Lausanne et
(i) 11 y revint encore i!ans quatre Lettres à
Allinann sur un piisiage de Tite-Livr, mut entendu
yM5flu*/cr, concernant le tu te cîcs tiicux ét]-an;;ei'S
h Ri>iiie sons Roninliis; avril, mai, juin i7i3 rt
«:vril i-jXi,Jotinial lielvé'iijHt^
lioG
BOC
son ami le plus intime, Bochat fait
dériver du celtique (ousles noms an-
ciens de la Suisse; et l'on peut con-
jeclurer qu'il a, sur différents points,
adopté les opinions d'un tavant pour
lequil il ai ait beaucoup d'estime;
mai.'» quoi qu'eu aient dit Théophile
Haller ( Foj- ce nom, XIX. 35 7 ),
dans la Bibliothèque de la Suisse . et
après lui Barbier , dans son Exatiwn
des Dictionnaires, 1 19 , il est sans
vraisemblance qu'il n'ait presque fait
que copier un ouvrage manuscrit
de Pvuchat sur l'Iiistoire de la Suisse.
Ruchat n'est mort qu'en lySo, c'est-
à-dire quatre ans après la publication
du premier volume des 3Iémoiresdû
Bochatj et puisqu'il n'a pas, comme
il eut pu le faire , réclamé contre
un tel plagiat , on peut regarder
l'accusation de Haller comme des-
tituée de preuves. Bochat a laissé
plusieurs manuscrits^ parmi lesquels
on cite la traduction d'une partie de
l'Histoire ecclésiastique , d'Arnold
{P^oj-. ce nom, II. 5 1 9); et un Essai
sur l'injluence de la réforme de
Luther; sujet traité depuis avec
beaucoup de succès par Villers
( Voy, Villers , XLIX, 78). Bo-
chat était meiub.'-e de l'académie de
Gottingue. Sou Eloge , par CUvel
de Brenles , ami de Voltaire, Lau-
sanne , 1 7 5 5 , in- 8°^ a été inséré dans
la Nouvelle Bibliothèque germa-
tilque , t. XVII, 225-74. VV — s.
BOCK (le baron Jean-jNicolas-
Etienne de), homme de lettres , né
à ïhionville le i4- janvier 174-7,
était fils d'unlieutenantdes marécl:aux
de France et membre de la noblesse
immédiate de l'empire. 11 embrassa de
bonneheurele partidesarmes clobliut
le grade de capitaine dans un regîment
de cavalerie ; mais il quitta bientôt
celte profession pour exercer l'emploi
de son père dont il avait obtenu la
BOC
survivance. Fixé a Metz , quoique
sa juridiction regardât Thionville,
Saiut-Avold etRoulay, il vécut tantôt
à la ville, tantôt a la campagne,
s'occnpant de travaux littéraires et
de l'éducation de plusieurs enfants
auxquels il portait une rare affec-
tion.Ce fut au milieu de ces soins qu'il
perdit une fille chérie a la suite d'une
longue et douloureuse maladie. Bock
avait épuisé près d'elle tous les soins
que la tendresse peut imaginer , et
ijuand les ressources de l'art vinrent a
faillir , quand la mort s'approcha pour
saisir sa victime , elle dut l'arracher
des bras de Bock lui-même , qui , sus-
pendu au chevet de la malade, compta
ses derniers soupirs. Cette perte ra-
viva dans son cœur une plaie récente
causée par la mort de sa femme ,
dont sa fille lui retraçait l'in'age.
Accablé de douleur, il quitta Metz,
visita la ligne frontière de l'Allema-
gne, et seul avec sa pensée laissa un
libre cours aux tristes réflexions que
lui suggérait cet isolement. Le pu-
blic ne tarda pas néanmoins a en rece-
voir la confidence , car c'est a lui
que s'adresse l'homme de lettres
dans ses revers comme daus sa pros-
périté. Bock publia une petite bro-
chure , moins intéressante par les
détails topographiques qu'elle ren-
ferme(car tout esprit préoccupé d'une
idée fixe n'observe guère), qu'en ce
qu'elle nous initie aux souffrances
moralesd' un littérateur digne de no-
tre estime (i). Revenu à Metz après six
semaines d'absence, Bock se retira au
château de Buy ( Moselle ) , et trouva
dans la cultuie des lettres un calme
(1) Ctt opusculu, au-dessous du médiocre, e»t
imilule : Relation d'un voyage phUosoiildque f ail
ilaiis le Palaliital et dans ijuelques autres parties
de l\4llemugiie , in-S°,de 8S pag. Bock réclama
contre cette publication, faite sur >in manuscrit
inlidèle, par une lettre insérée dans V Aimée
littéraire, 1784 , V , 287 ; mais le foud de l'ou.
vra 'c était i/ien de lui, >V-^s.
BOC
inespéré. Ce fut alors que parurent
presque en nième temps les quatre
ouvrages suivants : I. Recherches
pjiilosopliiques sur l'urigine de
la Pitié , et divers autres sujets
de morale^ Ijoudres (Metz), 1787,
in-i2, saus nom d'auteur ni d'im-
primeur. \\. La vie de Frédéric,
baron de Trench , écrite par lui-
même , traduite de V allemaïul,
Metz, 1787, in-i2, en 2'parties.
Cette traduction a joui d'une grande
vogue (2) • il en parut a Metz une se-
conde édition la même année, puis
une troisième en 1788. Le Tour-
neur traduisit également la vie du
malheureux Trenck et y laissa sub-
sister plusieurs passages que Bock
avait crude\oir omettre (5). III. ISIé-
nioires sur Z oroastre, Confucius,
et Essai sur l'histoire du Sa-
béisme, Halle, 1787, in-4-°. Ce
mémoire avait d'abord été imprimé
dans le tome XXI du journal publié
par Buscbiug. IV. OEuvres diverses,
Metz, 1788-1 789, 4 vol. in-i2. Le
tome P' cox\ÛQn\.\' Essai sur l'his-
toire du Sabéisme , auquel l'au-
teur a joint le Catéchisme de la
religion des Druses; une plan-
che de caractères inconnus, et un
Mémoire historique sur le peu-
ple nomade appelé en Allema-
gne Zigeuner et Bohémien eu
France. Tue tome II renferaie les
Apparitions , anecdote titrée des
(2) La vogue et le succis de cette traducliun
ne prouvent fjae l'intérêt du l'ublic aux malheurs
de Trenck; car elle e.<.t très-inférieure à telle de
Le Tourneur. ^^ — s.
(3) Les auteurs du Mercure de France repro-
chèrent au baron de Bock d'avoir un peu trop
rcduit son original. Mais ils trouvèrent sa version
mieux écrile que celle de Le Tourneur. « (ju
« ie«/ , disent-ils, qu'un gentilliomme tenait la
« plume, et i\\i'\\ sentait, r[\i\\ parlait A'\ia geii-
u tilf.omme , de la vie duquel il avait à suppri-
« mer des traits, pour le piésenler dans un
M maintien convenable. » ( Mercure de France ,
juin, 1788, p. i65). Croirait-on, en lisant ce pas-
saj;e , que le .Mercure fût alors dirigé par La-
harpe et Mariuontel ? L — n — x.
BOC
407
papiers du comte d'O. ; Le
Foyageur, fragment tiré des
œuvres de Goethe et traduit de
l'allemand; une ISotice surConfu-
cius et son système religieux ; Le
tribunal secret, drame historique
en cinq actes, traduit de V alle-
mand, et plusieurs autres morceaux.
On trouve dans le tome III , divisé
en deux volumes , Y Histoire de la
guerre de sept ans, commencée
en 1756, et terminée en 1763,
par M. d'Archenholtz. Cet ou-
vrage est dédié au savaut Bailly avec
qui Bock entretenait une correspon-
dance. Lors de la convocation des
états-généraux, Bockfit partie comme
électeur de l'assemblée des trois or-
dres pour la noblesse. Il salua avec
enthousiasme l'aurore de la révolu-
tion , mais lorsqu'il la vit marcher
d'excès en excès , il regagna son asi-
le champêtre et continua de s'y livrer
a des travaux littéraires. Il donna une
nouvelle édition du Tribunal secret
et publia: V. Un Tableau de l'ar-
mée prussienne avant et pendant la
guerre de sept ans, d'après d'Ar-
chenholtz. VI. Hermann d'Lnna,
roman de M°" B. TSaubert, 2 vol.
in-i2. Ces trois ouvrages parurent a
Metz en 1 791. Au commencement
de l'année suivante , Bock ne voyant
iilus de sûreté dans sa retraite , émi-
gra , parcourut plusieurs provinces
de l'Allemagne , lit un long séjour a
Auspacb, s'occupa de plusieurs
éducations particulières qu'il dirigea
avec le plus grand succès, et prit occa-
sion de sa présence en Allemagne
pour en étudier la littérature et
transporter dans notre langue quel-
ques-unes de ses beautés. MI. Ce
fut sur ces entrefaites que Behmer,
libraire messin, a qui Botk avait
laissé en partant pour l'émigration sa
Petite chronique du royaume da
4o8
BOC
Tatoiaba, traduite de TJ ieland,
la publia en 1797, 5 vol. in-ia.
Rentré en France après dix années
d'exil, Bock dut ai: sénateur Colcheu,
alors préfet de la Moselle , son éli-
minalion de la liste fatale. Il fut
nommé conseiller de préfecture à
Luxembourg pendant la réunion et
reprit le cours de ses publications.
On vif. paraître successivement :VIII.
Les cJievaliers des sept montagnes
etc., Metz, 1800, 3 vol.^ avec lig.
IX. Histoire du Tribunal secret ,
etc., Metz, i8oi,in-ii. Cet écrit
lire des recherches de Hulter et
de MuUer prouve invinciblement
l'existence des francs-juges , et jus-
tifie la mémoire de Cbarlemagne de
la création de leur tribunal , l'ef-
froi de l'Allemagne pendant plu-
sieurs iiiècles. BolIc traduisit en-
core de l'allemand : X. La vie du
feld maréchal baron de Laudon ,
1798, nouv. édit. XL Erminia
dans les ruines de Rome, Metz,
Behmer, 1801 ,in-i2. XII. De la
fièvre en général , de la rage , de
la fièvre jaune et de la peste ,
par C.-C. Rcisch, Metz, 1800,
in-i2. XIII. Traitement de dif-
férentes maladies guéries par
M. le docteur Reisc/i, elc.,T\Ietz,
1800, in- 12. XIV. Mémoire sur
la peste , du même, Metz, 1801,
in-i2. Enfin, si. dans la liste déjà
fort longue des œuvres de notre
auteur, nous ajoutons la traduction
du Mensonge généreux , drame de
Kotzebue , et la Relation d'un
voyage philosophique imprimée a
Leipzig, 1788, in-8° , nous au-
rons complété l'inventaire de ses
productions; car M. Pigoreau s'est
Irompé en indiquant comme venant
de Bock quatre romans qui appar-
tiennent a M™^ Bénédicte Naubei^t,
la roirautière la plus féconde de l'Ai-
BOC
lemagne. Bock est mort à Arlon en
1809. 11 eut des rclalions d'eslimc
avec Goethe, M ieland , Buffon, etc.
Ce dernier dans son Supplément, édi-
tion in- 4.°, M, 142, rapporte deux
fragments de lettres que Bock lui
avait adressées. INoIrc romancier n'é-
toit ni un génie du premier ordre ,
ni un écrivain élégant. On trouve
beaucoup de uéologismes dans son
style, de rexaclilude plutôt que de
l'invention dans ses portraits. Les
ouvrages qu'il a donnés , suit comme
auteur, soit comme li"aducteur sont
néanmoins recherchés. B — N.
BOCKLEll (George-Akdré).
Voy. BoECKLER, IV, 647.
lîOCTHOR (Ellious), orienta-
liste, naquit a Syout dans la Haute-
Egypte , le 12 avril 1784, de
celte race antique des Egyptiens-
Coptes , qui, lors de l'expédition
de Bonaparte en Orient , reçurent
les Français comme des libéra-
teurs. Quoique k peine âgé de
quinze ans , il fut attaché comme in-
terprète à l'état-major de l'armée j et,
lorsque des revers forcèrent cette ar-
mée d'abandonner ses conquêtes, il
vint en France avec ceux de ses com-
patriotes que leur attachement aux
Français pouvait exposer a la ven-
geance des anciens maîtres de l'E-
gypte. Doué d'une aptitude très-rare
chez les Orientaux , Ellious apprit
a s'exprimer en français avec pres-
que autant de facilité que dans sa
propre langue, et se rendit bientôt
familiers les ouvrages de nos meil-
leurs écrivains. Le ministre de la
guerre informé de ses succès lui per-
mit, en 18 12, de se fixer a Paris
pour y travailler à des traductions
d'ouvrages arabes déposés aux ar-
chives de la guerre et qui h:i seraient
désignés par l'Institut. Em[)loyé d'a-
bord h traduire la partie arabe de
BOC
la Correspondance de l'armée d'O-
rieul, il hit ensuite attaclié comme in-
terprèle au dépôt généi-al de la guer-
re , avec un traitement de deux mille
francs. Sa place, supprimée une des
premières en 1814» ft rétablie,
l'année suivante, sur les instances de
quelques académiciens qui prenaient
un vif intérêt au jeune Egyptien,
fut encore supprimée eu 1817, lors-
que les chambres parurent décidées
a des économies. Mais le ministre lui
rendit, en 1818, le traitement qui
faisait son unique ressource pour le
mettre en état de continuer le Dic-
tionnaire arabe-J'rancais , auijuel il
travaillait avec un zèle infatigable , et
que les orientalistes attendaient im-
patiemment. En 1819, EUious reçut
rautorisation de donner un cours
d'arabe vulgaire a l'École des lan-
gues orientales. Il en fit Vouvcrture
le 8 décembre , par un discours
dont M. Jomard , un de ses pro-
tecteurs, s'empressa de publier les
passages les plus remarquables dans
la Revue encyclopédique , Y, 55.
Malgré le succès qu'avaient obtenu
les leçons d'Elllous , il ne fut nom-
mé professeur en titre qu'au mois de
janvier 1821. Mais il ne jouit que
peu de temps d'une place qui devait
enfin lui donner le rang et l'aisance
qu'ilméritait.L nemaladie de foie l'en-
leva le 26 septembre de la même an-
née, a peine âgé de 57 ans. La con-
naissance que ce jeune savant avait
des localités n'a point été inutile aux
géographes chargés de dresser la
grande carte de l'EgypIe. Outre une
explication nouvelle de l'inscription
arabe gravée sur une cassette que
l'on conserve dans le trésor de la ca-
thédrale de Baveux [Revue encjclo-
pédque, VIII, 199), on lui doit:
Discours prononcé à l'ouverture
du cours d'arabe vulgaire, Paris,
BOD
409
1820, in-8" de 16 pag. ; de nouvelles
éditions, qu'il fit lilhoi;raphier pour
ses élèves , de V Alphabet arabe ,
in-4° de i 0 pages j et de V Abrégé
des conj'us^aisons arabes, Paris,
1821, iu-8°, avec des améliorations
qui lesrendeul supérieures à toutes les
autres. Sou Dictionnaire arabe et
français a été imprimé a Paris en
1828-29, 2 V. in-i° de 461 et 45 5 pa-
ges. Le manuscrit autographe de cet
ouvrage, acheté par le marquis xVmé-
dée de Clermont-Tonnerre , dont ou
connaît le zèle pour le progrès des
études orientales, fut remis, pour le
publier, a M. A. Caussinde Perceval,
fils . successeur d'EUious 'a la cl;aire
d'arabe vulgaire. Le savant éditeur a
refondu dans le dictionnaire de Boc-
thor les porabreux matériaux qu il
avait rassemblés pour un ouvrage sem-
blable , pendant son séjour en Syrie ,
et l'a fait précéder d'une courte mais
intéressante notice sur Ellious. Le
Catalogue des livres et manuscrits
arabes, turcs, persans et coptes,
composant la bibliothèque d'EUious
Bocthor, Paris, 1821, in-S" de
3 2 pages, est précédé d'u'ie autre
notice formée des articles que M. Jo-
mard avait publiés sur son ami dans
\a. Revue encyclopédique ^ V, 58,
et XII, 258(i). W— s.
BODARD DE TEZAY (ÎVi-
• i) La chaire d'arabe vulgaire, à laquelle
Bocthor fut appelé en iStç. était vacante depuis
quatre ans, p.;r la déiuission de doni Raphaël de
Monachis, prêtre syrien, en faveur de qui elle
avait été créée , pour récompense des services
qu'il avait rendus à l'armée l'iançaî'e en Syrie.
De longues privations, des inquiétudes cnieiles
causées par les persécutions de l'intrigue et de
l'envie, avaient épuisé le courage et Its forces
d'un homme qui , dans un coips grêle et valé-
tuiinaiVe , avait une imr.gination vive et une
àme ardente. La mort le frappa lors([i;'iI
commençait à recueillir le fruit de ses travaux
el de son dévnuenunt à sa patrie adoptivf. Son
Dictionnaire francaisirabc , revu , augnienli- et
publié par SI. Caussin de Perceval fiN , contient
aussi de nombreux extraits des Diilionnaiies
c-pagnol-arabe et itulien-urabe du 1'. Canals et
de r. Doniciiieo r.eri:;:i:io di .Sciesia. A^t, ,
4io
BOD
colas-Mahie-Félix), lilléraleur, né
à Baveux, en 1767 , et non l'année
suivante comme l'inclique la. Biogra-
phie des contemporains , mourut
à Paris le i3 janvier 1820. Ilfit ses
études à Caeu et eut pour condisci-
ple et pour ami le fabuliste Lebailly,
qui l'a céle'bré dans le prologue du
livre III de ses fables, édition de
1814 (IV de l'édit. de 1823), et
qui lui a consacré une notice dans le
Moniteur du 26 janvier 1820.
Destiné au barreau , Bodard le
négligea pour le culte des Muses.
Après avoir publié quelques poé-
sies fugitives et donné k divers théâ-
tres de la capitale des pièces d'un
genre léger qui eurent un succès
éphémère , il entra, dans les bureaux
de l'administration générale et de-
vint, en 1792, chef de division à la
caisse de l'exlraordiuaire dont Lau-
moud , son ami, était directeur.
Dénoncé pendant la terreur, comme
modéré , il fut incarcéré et ne recou-
vra saliberté qu'après le 9 thermidor.
Lorsque Laumond fut nommé consul-
général k Smyrne, Bodard l'y suivit
en qualifé de vice-consul , et il dé-
ploya dans ce nouvel emploi autant
de fermeté que de talents. Chargé de
demander k la Porle la réparation
de plusieurs avanies essuyées par le
commerce français, il obtint une sa-
tisfaction complète, et revint en
France après avoir visité la Grèce.
En I 799 , on le nomma commissaire
civil k JNaples , d'où il fut envoyé k
Gènes vers la fin de la même année ,
avec le double titre de consul-géné-
ral et de chargé d'aiïaires, et il se
trouva dans cc'lte ville pendant le fa-
meux siège que Masséna y soutint.
Ce poste^ difficile k tenir dans ces
circonstances, ne fut point au-des-
sus de la capacité et du caractère
de Bodard. Estimé de ses ennemis
BOD
mêmes, il servait d'égide k ceux
qui réclamaient pour des droits mé-
connus. Gènes, réunie k la France,
en i8o5 , perdit son existence poli-
tique, et les fonctions de Bodard ces-
sèrent immédiatement. Il se livra
alors entièrement aux lettres. Nous
citerons de lui: I. une Ode sur l'é-
lectricité, couronnée par l'académie
de Caen. II. Le siècle des Ballons,
satire. III. Le Ballon , ou laPhj-
sicomanie , comédie en un acte et eu
vers, Paris, 1780, 10-8". IV. Le
Rival par amitié ou Frontin qua^
ker, comédie , en un acte et en vers,
représentée avec un grand succès k
l'Ambigu-Comique , en 1784, et ré-
imprimée , sous le pseudonyme mada-
me de F***, dans la Petite Biblio-
thèque des théâtres. V. T^es trois
Damis , comédie en un acte et en
vers , jouée au théâtre des Variétés
du Palais-Royal, Paris, 1780, iu-
8°, insérée aussi dans la Petite Bi-
bliothèque des théâtres. Cette co-
médie sort tout-à-fait du genre des
théâtres forains et répond au vœu,
formé par l'auteur dans sa préface, de
les ramener au goût de la bonne co-
médie. VI. Arlequin, roi dans la
lune .^ comédie en trois actes et eu
prose , représentée ainsi que les
deux suivantes au théâtre du Palais-
Royal, Paris, 1786, in-8". VII.
Les saturnales modernes , ou la
soirée du carnaval , comédie en
deux actes et en prose , Paris , 1787,
in-S". VIII. Le duc de Mont-
mouth , comédie héroïque en trois
ac'.es et en prose, Paris, 1788,
in-8°. Cette pièce a été aussi jouée
sous le titre à'Otlotisko , ou le
Proscrit polonais. IX. Pauline et
J^alniont, comédie en deux actes et
en prose , jouée au théâtre Italien ,
Paris, 1787, in-8°. X. Spinette et
Marine, opéra-comique eu uu acte,
BOD
musique de Bruni, jouée en 1790
au théàlre Wontansier, non imprimée.
Tous les ouvrages dramatiques de
Bodard ont paru sous le voile de l'ano-
nyme. ]Nous connaissons encore du
même auteur l'Etiquette , comédie,
qui probablement n'a pas été impri-
mée. On trouve fréquemment dans
les journaux et les recueils de la fin
du XVIIP siècle des poésies de Bo-
dard de Tezav; elles portent, en géné-
ral, l'empreinte d'une grande facilité.
Bodard était membre de la Légion-
d'Honneur. A — T et B — îî.
BODDAERT (Pierre), poète
bollandais, naquit à Bliddelbourg en
Zélaiide, en 1 694.. Il débuta par une
traduction de VAtrée et TJiyeate
de Crébillon. En 1717, il publia
en société avec deux de ses compa-
triotes, Jean-Sleengracbt et Pierre
de la Rue, un recueil de Récréations
poétiques qui fut réimprimé en
1728, mais oiî règne une constante
médiocrité. Ses Poésies sacrées et
édifiantes eurent un grand succès
à leur apparition ; mais, sous le rap-
port littéraire , elles sont de peu de
valeur. Boddaert publia aussi les
poésies posthumes d'Anne Retbaau,
sa belle-mère, et cel'es de Jeau-
Moorman, avocat de Hulst en Flan-
dre, qui vécut dé 1696 a tj^j.
Pour lui, il termina sa carrière eu
1760. Voici une petite pièce de cet
écrivain , traduite par M. L.-V.
Raoul (pjc la reconnaissance avait
engagé a répandre de tout son pou-
voir le goût de la littérature hollan-
daise :
Conseils à quelfju'un pour ne pas voir de sots :
Les sois te font hoireur, et tu voudraù avoir
Le secret de n'en jamais voir!
Rien de plus facile, mon maître,
Ferme chez loi porLe etfeiièire;
Abstiens-toi de sortir; renonce à recevoir ;
tnfiii , el ce moyen est le jilus sur peut-être.
Mets un rideau sur ton miroir.
On iait que ce dernier Irait n'est
BOD
/,ir
pas neuf en français. L'ne notice sur
Boddaert se lit à la tête de ses Mé-
langes posthumes., où 1 on distingue
le poème de Daphné. R — f — g.
BODDAEllT (Pierre) , savant
médecin et naturaliste , de la même
fauiille que le précédent, était né
dans la Zélande vers 1730. Après
avoir pris ses grades à l'université de
Leyde, il s'établit a Flessingue et
partagea son temps entre la pratique
de son art et la culture des sciences
naturelles. Nommé membre du con-
seil de cette ville , il se démit bientôt
de sa place pour se livrer plus tran-
quillement à l'étude j et, désirant ac-
croître ses connaissances par la fre'-
quentalion des savants, il visita les
principales villes de Hollande. Pen-
dant son séjour a Amsterdam , il se
lia de l'amitié la plus étroite avec
Jean-Albert Scblosser, qui, jeune
encore, avait déjà formé une collec-
tion précieuse d'histoire naturelle.
Scblosser étant mort, en 1769, il
se chargea , par attachement a sa
mémoire, de continuer la descrip-
tion des objets les plus curieux de son
cabinet. Boddaert habitait Utrecht
en 1770, et il demeura deux ans
dans cette ville. Outre des Disser-
tations , dans les mémoires des aca-
démies des Curieux de la nature de
Harlem et de Zélande , dont il était
membre, entre autres sur les poisons
et leurs réactifs, et une édition des
Planches anatomiques de Dauben-
ton, en couleur^ avec un texte ex-
fdicatif en hollandais, on connaît de
Lii : I. La traduction en hollan-
dais de Y Elenchus zoophitoruni^ de
Pallas, Utrecht, 1768, ln-8° , aug-
mentée d'une préface et de nouvelles
descriptions, accompagnée de figu-
res. II. Mélanges de zoologie, où
sont décrites plusieurs espèces d'ani-^
maux, nouvelles ou non encore cou-'
4ia
BOD
nues j Irad. du lalin de Pallas en !iol-
landais , avec des remarques, ibid.,
1770, in-4.°, 6 caliiers, fig. co'. III.
La traduction en lalin et en hollan-
dais de la première partie de V His-
toire naturelle des dents, par Jcaii
Hunier {Voy. ce nom, XXI , 68) ,
D<'rdrei.hl, i773,in-4°, fig., enri-
chie de notes et d'une préface. IV.
De Chaetodonie Argo , Amster-
dam , 1770. — De testudine car-
tialginea, ihid., 1770. — De rana
bicolore , ibid. , 1770. — De Chae-
todondé dincantho ^ ibid., 1772,
gr. ih-4-°,fig. col., lat. et holland.
Ces quatre descriptions, eu forme de
lettres adressées à autant de méde-
cius, ses amis, doivent être précédées
de celle de Schlosser : de lacerta
ainboinensi , Awslerà. , 1768, la
seule qu'ait publiée ce jeune méde-
cin , enlevé trop tôt aux sciences
naturelles, dont il aurait sans doute
agranJi le domaine. Ainsi complet,
ce volume est rare et recherché. V.
Elenchiis animalium ^ Rotterdam,
1785, in 8°. VI. \,' Histoire géo-
graphique de l'homme et des qua-
drupèdes, par ZImmermann, traduit
en iioUandaisjUtrecht, 1787, in-8°.
W— s.
BODE (Jean -J0ACH151 -Chris-
tophe), célèbre eu Allemagne, comme
musicien instrumentiste ei composi-
teur, comme écrivain, et l'un des
chefs de la secte des illuminés ,
naquit à Brunswick le 16 janvier
1730. Son père, ancien soldat, après
avoir obtenu son congé , se retira
dans un villiige, où il geignait péni-
blement sa vie en fabriquant des tui-
les. Le jeune Bode apprit a lire et à
écrire avec les autres enfants du vil-
lage. Son père ne pouvant , à cause
de la faiblesse de sa sauté , l'em-
ployer a de rudes travaux , l'envoya
chez son grand-père, qui le chargea
BOD
du soin de g:Arder les troupeaux.
L'enfant se montra tout-k-fait
inhabile aux occupations rustiques
de tout genre , et dans la famille on
ne l'appelait pas autrement que
Christophe timbécile. Cependant
Bode se sentait une vocation : il avait
un goût prononcé pour la musique;
et, a l'âge de quinze ans, il obtint
d'être mis en pension chez KroU ,
musicien de Brunswick , aux frais
d'un oncle maternel. Il profita des
leçons de KroU avec une ardeur ex-
traordinaire. Réduit dans la maison
de sou maître a une condition pres-
que servile , il consacrait tous ses
moments de loisir et les heures de
la nuit a sati.'-faire sa soif d'instruc-
tion el de lecture. En sept années ,
son talent musical se développa tel-
lement qu'il jouait avec facilité de
tous les instruments a vent et a cor-
des , et qu'on lai accorda une place
de hautbois à Brunswick. Alors il se
maria ; mais celte union , k laquelle
l'amour seul avait présidé, le jeta
dans des embarras de fortune. Pour
se perfectionner dans l'étude de son
instrument favori, le basson, et dans
celle de la composition, qu'il avait
déjà essayée avec succès , il sollicita
un congé , et se rendit a Helmstadt ,
(174.9), auprès de Stolze , basson
célèbre. En même temps , un de ses
amis, Schlabeck, lui enseignait les
langues française, italienne el latinej
le professeur Slockausen l'initiait k
la théorie des beaux-arts et a la con-
naissance de la langue anglaise. Plus
tard Bode avait coutume d'appeler
l'académie d'Helmstadt la nourrice
de son esprit, et ne pouvait jamais
se la rappeler sans une vive émotion.
Revenu a Brunswick, _ et trompé
dans respoir-tl'être admis k la cha-
pelle de la cour, il alla se fixer a
Celle , au service do Hanovre, en qua-
BOD
lilé (le hautbois. Là, il s'occupa
de imislque et de composition avec
une ardeur toujours croissaute. Il
publia deux recueils lyriques, sous
le litre d'Odes et chansons plai-
santes et sérieuses. La mort lui
ayant ravi sa femme et sou en-
fant , il partit en 1707 pour Ham-
bourg , où son esprit et ses talents
acbevèrt'nt de prendre l'essor, et où
il fut introduit dans les meilleures
maisons , comme maître de musi(jue
et raaîlrede langues. Il traduisit plu-
sieurs romans et pièces de théâtre,
soit de l'anglais , soit du français^
et, pendant les années 1762 et
1 763, il fut chargé de la rédaction du
journal le Correspondant Ham-
bourgeois , qui dès lors offrait beau-
coup d'intérêt a tous les amateurs
de musique. Bode avait été reçu
franc-maçon , et pendant le reste de
sa vie la franc-maçonnerie devait
l'occuper beaucoup. Plein de zèle
pour les progrès d'une association a
laquelle il ne voyait d'autre but que
la bienfaisance , il parcourut l'Alle-
magne , visitant les loges maçonni-
ques , cherchant a pénétrer les mys-
tères qu'on ne lui avait pas encore
révélés , et recevant partout des té-
moignages d'amitié et d'estime. Le
tameux Weisshaupt [T^oy. ce nom,
au Supp.) venait de fonder la société
dont les membres , connus sous le
nom à^ Illuminés , furent pendant
quelque temps la terreur de l'Alle-
magne j et cependant, en l'instituant,
.son but avait été non de renverser
iv.ais d'éclairer les gouvernements.
Bode voulut en faire partie; après
la fuite de Meisshaupî, il devint mê-
raele véritable chef de l'IUuminisme,
et continua de l'èlre jusqu'à l'en-
iièie exllnclion de cette secte, qui
pouvait devenir redoutable , mais
qui ne parait pas ra\oir été réel-
BOD
4i3
lement pendant sa courte exis-
tence. Les travaux littéraires de Bo-
de ne l'avaient pas détourné de
la musique ; il dirigeait des concerts,
conduisait des orchestres, donnait
des leçons. Une de ses anciennes éco-
lières , jeune , belle et riche , vou-
lut l'épouser ; mais elle mourut
dans la première année de son ma-
riage. Bode fit preuve dans celte
circonstance d'une rare délicatesse.
Sa femme lui avait fait une donation
considérable j il en rendit la plus
forte part. Néanmoins ce qui lui
restait de bien pouvait lui assurer une
existence agréable et indépendante:
il l'employa à réaliser un projet qu'il
nourrissait depuis long-temps : il se
fit imprimeur. La Dramaturgie de
Lessing fut le premier ouvrage qui
sortit de ses presses. S'étaul marié ,
en troisièmes noces, avec la fille d'un
libraire , Bode s'associa avec Lessing
pour ouvrir une librairie spéciale-
ment destinée aux gens instruits : les
ouvrages marqués au coin du génie et
du bon goût devaient s'y publier au
profit des auteurs. Malheureusement
Lessing et Bode no connaissaient
pas le commerce aussi bien que la
littérature: l'entreprise échoua, et
leur association ne fut pas de lougue
durée. Bode en revint aux travaux
qu'il avait quittés : ce fut Lessing
qui ren;^ngea à traduire le F oyage
sentimental et Tristram Shandy.
Bode traduisit encore le F icaire de
fV akefield^ les Essais de Montai"
gne , les Incas de jlarmontelj i\;iii
Jones , Humphry Klinkcr ^ plu-
sieurs ouvrages périodiques , entre
autres : the TV orld, journal anglais,
et le Pensador de Clavijo , journal
espagnol, Son troisième mariage eut
le sor! des deux autres : dans l'espace
de dix a:is , Bode perdit sa femme et
les ipiatre enfants ([u'clle lui avait
414
BOD
donués. La comtesse de Bernslorf,
veuve du célèbre minisire danois,
qu'il avait connue à Hambourg, le
choisit pour sou bomme d'affaires ,
et l'emmena à Weimar en 1778.
Il fut successivement honoré des li-
tres de conseiller de la cour de Saxe-
Meiuupoen, de conseiller de légation
du duc de Saxe-Gotha , et de conseil-
ler piivédu margrave deHesse-Dar-
msladl. En 1787, Bode avait fait
un voyage à Paris , comme député
par les loges maçonniques de l'Alle-
mas-ne, auprès de la lo"e des Phila-
lèles , pour s occuper de recherciies
sur l'origine et le but de lafranc-ma-
connerie. A son retour, il fut chargé
d'examiner un projet d'associaliuu
proposée par le docteur Barhdt pour
éclairer le peuple 5 il n'y vit qu'une
spéculation déguisée sous l'apparence
du bien public , et dévoila ce charla-
tanisme dans un écrit intitulé : Mehr
noten aïs tex^ (Plus de notes que de
texte). Cet opuscule fit beaucoup de
bruit en Allemagne j mais, comme le
danger des a,ssociations secrètes y
était signalé , l'abbé Barruel soutint,
malgré l'évidence , que Bode n en
pouvait être l'auteur. Ce dernier avait
publié précédemment un petit ou-
vrage , dans lequel il s'altacbait a
prouver que le but de Saint-Martin
était de servir les intérêts des Jésui-
tes et du Pape [Foj. Saiwt-Mar-
TiN , XL , 24). En parlant de cet
opuscule, Mirabeau, dans sa Mo-
narchie prussieiuie , dit que le nom
de Fauteur sera cher à l'humanilé ,
quand la crise souterraine qui
agite l'Allemagne sera passée.
Peu de temps avant sa mort , re-
levant d'une maladie , Bode était
venu en Basse-Saxe dire un dernier
adieu aux lieux où il avait passé sa
jeunesse. A sou retour à Weimar ,
ayant recouvré ses forces , il se dis-
BOD
posait a commencer uue traduction
de Rabelais , lorsque sa dernière
heure sonna, le i 3 décembre Ï793 ,
comme il l'avait toujours désiré , sans
se faire pr&ssentir. Bode appartient
au petit nombre d'écrivains qui, tout
en se bornant a traduire, ont pris lang
parmi les auteurs originaux. Ses ou-
vrages sunt classiques en Allemagne:
on estime surtout ses traductions de
Sterne et de Moulaigne. 11 a même
écrit dans le style du premier quel-
ques pages qui reproduisent fidèle-
ment sa manière. 11 a laissé de nom-
breuses compositions musicales , 50-
los, concertos, symphonies. L'un
de ses amis, le savaut Bœttiger, a
donné' un essai curieux sur sa vie
littéraire. Sous quelques rapports,
Bode pourrait être conoparé au célè-
bre Hoffmann, l'auteur des Contés
fantastiques ^ qui, comme lui, passa
par la musique pour arriver a la lit-
térature. M — N — s et W — s.
BODE (Jean-Elert), astronome
célèbre , naquit, le 19 janvier 17-47,
a Hambourg , où son père tenait un
pensionnat pour les jeunes gens qui
se destinaient au commerce. H y fit
ses premières études , et dès 1 âge de
17 ans fut en état d'aider son père
dans ses fonctions d'instituteur. Ani-
mé du zèle le plus ardent pour l'étu-
de , il consacrait a celle des mathé-
matiques, de la géographie et de
l'astronomie les moments destinés à
la récréation. Les premières notions
de mathématiques lui furent données
par sou père , et plus tard il reçut
des leçons du docteur Busch, direc-
teur de l'académie du commerce à
Hambourg , qui l'encouragea particu-
lièrement dans les études aslronomi-
aues. I! avait arrangé une sphère avec
la boule d'un jeu de quilles , et il avait
dessiné un rapporteur sur du carton ,
ignorant qu'il eu existât en cuivre.
BOD
A l'aide do verres de lunettes, il
s'était fait un télescope; et, «'instal-
lant dans le grenier de la maison
paternelle , il observait les astres. A
l'âge de i 8 ans, il calculait et décri-
Tait arec beaucoup de précision et
d'exactitude la marche des planètes
et les éclipses de lune. Uoe maladie
grave que lit son père en 1760 lui
offrit une occasion d'étendre ses con-
naissances astronomiques. Le docteur
Reimarus, professeur d'histoire na-
turelle au gymnase de Hambourg,
ayant été appelé en consultation, lut
frappé de voir le jeune Bode occupé
a calculer et à dessiner une éclipse
de soleil. Il le pria de lui confier son
travail , et se liâta de le communiquer
au professeur Busch [Voy. Busch ,
VI , 358) qui , ayant fait venir chez
lui le jeune savant, l'engagea à con-
tinuer ce genre d'étude, et mit tous
ses livres, tous ses instruments d'astro-
nomie à sa disposition. L'année sui-
vante (1766), Bode fit connaître ses
progrés par la publication d'un petit
écrit sur l'éclipsé de soleil qui devait
avoir lieu le 5' août de celte même
année, et qu'il avait calculée d'après
les tables et la méthode de Lacadle.
Peu de temps après, par les conseils
de Busch, il composa un traité élé-
mentaire d'astronomie , qui parut
sous ce titre : Introduction à. la
connaissance du ciel étoile, Ham-
bourg , 1768 , in-8", avec une pré-
face, que Busch rédigea lui-même.
Cet ouvrage, qui jouit dès-lors dans
toute l'Allemagne de la vogue classi-
que à laquelle semble destinée en An-
gleterre et eu France l'Astronomie
élémentaire d'Herscbell, en est a sa
vingtième édition. La réputation du
jeuue astronome s'accrut bientôt par
la publication des feuilles mensuelles
connues sousleùlreàe •.Inti^oduction
à la connaissance de la situation et
BOD Ai5
du mouvement de la lune et des
autres planètes^ qu'il continua depuis
l'année 1770 jusqu'en 1777, c^est-
à-dire pendant sept ans. L'astronome
Lalande distingua bientôt Bode et
eut avec lui une correspondance sui-
vie 5 souvent il lui demanda et il en
reçut de précieux avis. En 1769,
Bode publia une petite dissertation
sur le passage de Venus devant le so-
leil , qui devait avoir lieu le 3 juin.
Ce fut ce phénomène qui fit alors
entreprendre au capitaine Cook un
voyage dans la mer du Sud , et qui
conduisit également Chappe d'Aute-
roche [Voy. ce nom, VIII, 65)
dansla Californie, où il mourut. Le 29
août de la même année, Bode décou-
vrit la mémorable comète qui se
montra dans la constellation du
Taureau. C'était la première qu'il eût
vue , et , dès le mois de sept., il
publia sur cette apparition un article
où il en annonça le retour pour le
mois d octobre. Ces découvertes
ajoutèrent beaucoup à la réputation
de Bode, et il compta dès-lors au
nombre de ses amis les hommes
les plus distngués , entre autres
Pieim.arus , Ebeling , Claudius et
Klopstock. En I 772, _ ayant adressé
un exemplaire de ses Eléments d'as-
tronomie au professeur Lambert , il
en reçut les remercîments les plus
flatteurs , et fut nommé presque aussi-
tôt astronome pratique de l'acadé-
mie de Berlin. Appelé dans cette ré-
sidence par l'illustre Frédéric II , il
y trouva de grands avantages, et se
livra au pénible calcul des Ephé-
mérides ou Annales du cours des
astres. En 1782 , il fut admis,
comme membre titulaire, al' académie
des belles-lettres de Berlin , et peu
de temps après il lut nommé direc-
teur de l'observatoire de cette ville.
Plein de reconnaissouce pour le mo-
4i6
BOD
narque sou bienfaiteur, il donualenom
de Gloire de Frédéric {Friedrichs
Ehre) a un groupe d'étodes placé
auprès de Céphée, de Cassicpée ,
de Pégase, elc Celte dénomina-
tion a été généralement adoptée
par les astronomes, et l'on peut dire
que F:ode a ainsi érigé au prince
guerrier el philosuplie un monument
plus durable que le marbre et l'ai-
rain. Ce fut sans contredit un des
savants les plus laborieux du XVIIP
siècle , et il contribua beaucoup par
ses écrits à rendre en quelque sorte
populaire en Allemagne la science
aslronomique. Indépendamment de
ses fonctions et de ses occupations
habituelles, il se livra particulière-
ment aux calculs des Ephéniérides
astronomiques, qui depuis 1774
avaient été publiées sous les auspices
de l'académie royale. Ce recueil pré-
cieux , et indispensable pour tout
astronome, avait paru sans inter-
ruption , et le ii" volume venait
d'élre terminé peu de temps avant la
mort de l'auteur. En 1773, la so-
ciété des Amis de Ihistoire naturelle
{jialurjorsclienden Freunde ) avait
été organisée a Berlin 5 Bode était le
dernier des fondateurs existants de
celte réunion. On a trouvé dans les
registres de cette société de nombreu-
SL'A dissertations écrites de sa main,
lin I 798 , il assista a la célèbre as-
semblée des astronomes réunis a
fobservatoire de Gotha, un des plus
beaux et des plus utiles élablissemeuls
de ce génie. On sait qu a l'occasion
de cetle réunion , provoquée par La-
laude, l'Angleterre fit des représen-
talions a la cour de Golha , alléguant
qu'on ne pouvait savoir si messieurs
les astrouoraes ne s'occupaient pas
plutôt des affaires de la terre que de
celles du. cie! 5 mais ce qui est peut-
être moins connu , c'est ce que Bode
BOD
fit dans celte circonstance pour don-
ner plus d'exleusion a la science de
l'astrouornle. Son souverain , recon-
naissant des services qu'il avait ren-
dus à cette science , l'en récompensa
à son retour par l'addition de cent
cinquante frédérics a son traitement.
Les résultats des observations de Bo-
de sont la découverte de plusieurs co-
mètes, d'étoiles doubles, de nébu-
leuses et autres objets remarqua-
bles. Le i"^' août 1781, il aperçut
la planète Uranus, qui déjà signalée
plusieurs fois par des observateurs ,
mais prise pour une étoile , avait été
enfin retrouvée et reconnue pour une
planète, le 1 3 mars delà même année,
par Herscbell, en Angleterre. Outre
ses Annales astronomiques , il pu-
blia son Liranographe ou Grand
Atlas céleste (en latin}, en 20
cartes , dans lequel il a donné une
liste de 17,240 étoiles, étoiles dou-
bles , nébuleuses, groupes d'étoiles,
c'est-à-dire 12,000 de plus que n'en
renferment les anciennes cartes. Ce
travail, auquel il joignit les descrip-
tions et insiructions nécessaires,
suffit pour faire passer le nom de son
auteur a la dernière postérité. Plu-
sieurs académies et sociétés savantes
des principales villes de l'Europe ,
telles que Berllo;, Londres, Péters-
bourg, Stockholm, Copenhague,
Gœltiugue , Munich, Ulrecht, Mos-
cou, admirent Bode dans leur sein.
En 1817, a l'occasion de la fêle de
la réformation, l'université de Breslau
lui envoya le diplôme de docteur eu
philosophie. Décoré en 181 5 de l'or-
dre de l'Aigle-Rouge de Prusse de
troisième classe, il le fut en 1822 de
la deuxième classe , à l'occasion de
son jubilé comme fonctionnaire de
l'élal , el recul en même ten:ps la dé-
coralion de l'ordre de Sainte-Anne
de Russie , que l'ambassadeur Alo-
BOD
pens lui remit au noui de sou souve-
rain. Les membres de l'académie , un
graud nombre de professeurs de l'uni-
versité, etc., prirent part a cette fêle,
et une dépulation de la société des
Amis de Thisloire naturelle, dont
Bode était le dojea , lui remit une
coupe en argent. Lorsque dans le
mois d'octobre suivant , |k l'occasioa
delà publication du 5o''" volume des
Ephémérides astronomiques , il
célébra son jubilé comme littéra-
teur, les minisires de l'intérieur et
des finances , MM. de Schuckmann
et de Rlewitz, honorèrent cette fête
de leur présence, et le buste de
Bode , qui plus tard a été placé a
l'observatoire , fut un des ornements
de la table , ainsi qu'une mappe-
monde en argent , sur laquelle on
remarquait la constellaliou qui avait
reçu de lui le nom de Gloire de
Frédéric. Quoique forcé, par l'af-
faiblissement de ses forces physi-
ques, de se démettre de ses fonctions
soit comme astronome et comme di-
recteur de l'observatoire de Berlin ,
soit comme membre de l'académie ,
Bode ne cessa de se livrer à l'élude
avec son zèle accoutumé. Les calculs
four son Annuaire astronomique
occupèrent jusqu'à la fin de sa car-
rière 5 et déjà il avait calculé le cours
du soleil pour l'année i83o, et celui
de la lune pour deux mois de la mê-
me aunée , lorsque la mort vint le
frapper le ^5 novembre 1826 , a la
suite d'une fluxion de poitrine. Ayant
conservé toutes les facultés de sou
esprit jusqu'au dernier moment, il
s'occupait paniculièremeutdel'éclipse
desoleilqui devait avoir lieu le 29 no-
vembre, et s'en entretenait encore
le jour de sa mort avec le profes-
seur Enke. On donne le nom de loi
de Bode a la célèbre loi de la pro-
gression double des rayons des or-
BOD
417
biles planétaires. Cette relation avait
élé entrevue avrul lui, puisqu'elle
avait déjà fixé l'attsutiou de Kepler^
n ais il l'a précisée en I énonçant de
la manière suivante : « Prenant pour
4. le rayon de lorbile de JNlercure,
on a pour ceux des autres orbites
planétaires, 4- + 5 (Vénus), 4 -f-
2 X 3 (la Terre), 4- + 4 X 3 (Mars) ,
4-4-8x5 (Cérès) , 4 + 16 x 3
(Jupiter), 4 -|- 3- X 3 (Saturne), 4
4- 64x 3 (Lranus). Mais ce qu'il
y a de vraiment remarquable , c'est
que Bode , en formulant ainsi sa loi
long-temps avant 1800, exprimait le
soupçon qu'entre Mars et Jupiter
existait une planète qui satisfaisait a
cette loi de progression: merveilleux
pressentiment confirmé le premier
jour de notre siècle par la découverte
de Cérès! Toutefois on doit remarquer
que l'expression de la loi, telle que
nous venons de la donner, semble avoir
élé imaginée exprès pour montrer ce
qu'il y a en quelque sorte de contra-
dictoire entre la distance de Mercure
à\enus, et la loi telle que natu-
rellement lesprit la suppose. En
effet, que conçoit ou de prime abord .*
des intervalles doubles , et Mercure
rompt cette harmonie puisque de son
orbite à celle de \ énus il y a pres-
que autant que de celle de Vénus h
celle de la Terre. Mais Mercure
offre encore bien d'autres anomalies :
seul, de toutes les planètes non téle-
scopiqueSjil a une orbite à excentricilé
très-forte 5 et seul d'entre elles il a
le pôle de son orbite à une dislance
considérable de la région du ciel où
sont groupés aujourd'hui les pôles
des autres orbes planetaiies. Il serait
donc mieux, afin de maiulenir la
simplicité du système, de faire abs-
tracliou de Mercure. Alors la pro-
gression des intervalles doubles se
vérifierait rigoureusement entre les
^i8
BOD
limites des excentricités, c'esl-a-dire
sur des rayons vectenrs pris entre le
périhélie et l'apliélie de chacpie or-
bite. Ainsi comprise , la loi de Bode
comme celles de Keppler serait sus-
ceptible d'un énoncé mathématique
{Voj. Keppler, XXII, ooi). Bode
a laissé de nombreux écrits, parmi
lesquels on remarque , outre ceux
que nous avons cités : I. Représen-
tation des astres sur trente-quatre
planches, <ivec une traduction,
etc., Berlii^ 1782, in-4.° oblong ;
deuxième édition, Berlin, i8o5, in-
4-° et in-8°, II. Système plané-
taire du soleil, 1 788. III. Un grand
nombre de Dissertations ( en fran-
çais) , dans les Mémoires de [aca-
démie de Berlin. Voici les titres
des principales : 1° Considérations
générales sur la situation et la
distribution de toutes les planètes
et comètes qui ont été calculées
jusqu'à ce jour (1 792) 5 2° Sur les
points lumineux observés dans la
partie obscure de la lune (1790) ;
5° Observations sur la distribution
des nébuleuses et des groupes d'é-
toiles dans le firmament (1799I;
k° Conjectures sur les déplace-
ments des pôles et de l'axe de la
terre 5 5°-9° Observaiions astro-
nomiques faites à l'Observatoire
de Berlin de 1798 à 1800 (i8o3) ,
en i8oi (i8o4-), en 1802(1804),
en i8o3 (i8o5j, eu 1804(1807);
10° Histoire de V Observatoire de
Berlin, etc. (i8o4), avec trois
planches; 11° Histoire de la dé-
couverte, faite en 1801, d'une
étoile mobile qu'avec beaucoup
de probabilités on peut regarder
conune la planète supposée depuis
long- temps entre Mars et Jupiter
(x 8 04)5 12" Apeix-iis , calculs et
observations supplémentaires sur
le vrai cours de Cérès et de P allas
BOD
(1804.), avec une planche. La bio-
graphiede Bode, écrite par lui-même
jusqu'à sa 59'' année , est insérée
dans la Biographie des savants,
publiée par Lowe, 1806. P — ot-
BODEXSTEIiV (Adam), mé-
decin spagyrique, né en 1628 , à
Wiltemberg , était fils du doyen de
la faculté de théologie de cette ville
[Voj. BODENSTEIN, IV, 636). Il
n'avait que vingt-un ans a la mort
du fameux Paracelse [Voy. ce nom,
XXXII, 543), en sorte qu'il ne
put recevoir long-temps ses leçons j
cependant il embrassa ses principes
avec beaucoup de chaleur, et les pro-
pagea le premier dans toute l'Aile'
magne. Héritier des secrets de son
maître, il se flattait aussi de posséder,
avec le talent de faire de l'or, celui
de prolonger la vie humaine bien au-
delà des boines naturelles. Néan-
moins il vécut pau\Te et mourut
aussi jeune que Paracelse. Se trouvant
à Bàle dans le moment où une fièvre
contagieuse y faisait de grands rava-
ges , il annonça qu'il guérirait tous
ceux qui en seraient atteints au moyen
d'une thériaque de sa composition.
On ne sait s'il fit usage de ce remède,
mais il mourut vers la fin de février
1577, ^ ^9 '^"^' ^^^ restes furent
déposés dans l'église Saint-Pierre ,
où l'on voyait l'épitaphe qu'il s'était
composée et qu'on a recueillie dans
la Basilea sepulta. Bodenstein s'y
montre chrétien confiant dans la vie
future, et très-indifférent sur le juge-
ment que la postérité porterait de lui.
On y retrouve au sujet de la mort le
JHec metuens , nec optans (i) em-
ployé depuis par Maynard(/^o_^. ce
nom, XXVIl, 627). De Thou fait
mention de Bodenstein dans son
Histoire, et Teissicr a reproduit
(i) C'est l'idée de Martial : Summum nec me-
tuas diem, nec optes.
BOD
à^nsst&Ëloges deshonvjies savants ,
III, i56, ce passage, amplifié d'un
extrait des Vitœ medicoruni de
Melchior Adam. Outre des traduc-
tions latines de quelques écrits de
Paracelse , on a de Bodenstein :
Epistola ad Fuggeros in qud ar-
gumenta alchjmice in/îrniantia et
conjirmantin addiicuntur. De Po-
dagrœ prœservatione. De Herbis
duodecim Zodiaci sig/iis dicatis.
fsagogen in rosariwn chynùcoruni
Arnoldi de J^illanova. Ces ou-
vrages ont été réunis en un volume
in-folio, Bàle , i58i. W — s.
BODIN (Pieere-Joseph-Fran-
çois) était cbirugien dans le bourg
de Limcray en Touraine , avant
la révolution. II en adopta les prin-
cipes avec modération et devint, en
1790, maire de Gournay. Le dé-
partement d'Indre - et - Loire le
nomma, en 1792, un de ses députés
a la convention nationale, où il parla
pour la première fois dons le procès
de Louis XVI. Sou discours en
cette occasion donne une idée juste
des concessions auxquelles était alors
obligé un homme de bien, lorsqu'il
avait le courage de dire la vérité.
On y voit que ce n'est qu'après de ré-
dicules déclamatious , selon l'esprit
de cette époque, que Bodin ose expri-
mer sa véritable opinion, a Louis a
« rompu le contrai social quil'unis-
« sait au peuple, dit-il 5 il a parjure
« son serment, a conspiré contre la
«liberté: tels sont ses crimes, et
« tel est le coupable sur lequel il
a s'agit de prononcer , non en juges
a mais en hommes d état , non en
« gens passionnés , mais en hommes
K sages , lisant dans le passé, réflé-
ic chissant sur l'avenir, et de ma-
« nlère à faire tourm-r le sort de
tt Louis au plus grand bien de la
« républi([ue. Comme le muude cu-
BOD 419
« lier nous contemple , que la pos-
te lérité nous jugera, et que le salut
K public dépend de noire délermi-
cc nation; comme on n^est pas grand
a par de grandes exécutions, mais
« par de grands exemples de modé-
« ration et d'humanité , par des ac-
fi les de prudence et non par le sen-
te liment de la haine et l'amour de
a la vengeance ; comme enfin jamais
tt un holocauste de sang humain ne
ft peut fonder la liberté , je vote
t^L pour la réclusion de Louis et de
<c sa famille, pour être déportés a la
ce paix. 3) Bodiu vota ensuite pour
le sursis a l'exécution. Mais après
ce grand procès , il sembla rester
consterné et très-effrayé des périls
auxquels il s'était ainsi exposé , il
garda le silence le plus complet,
lut le témoin le plus impassible de
tous les excès qui marquèrent la
session conventionnelle jusqu'à la
révolution du 9 thermidor. Ce ne fut
que le 2 octobre 1794, trois mois
après la chute de Robespierre, qu'il
reprit la parole en faveur des sus-
pects, dont toutes les prisons étaient
encore remplies. Il fut ensuite élu
secrétaire ; fit décréter la liberté des
entreprises des voitures publiques et
dispenser les ouvriers du service de
la garde nationale. Il eut en 1796 ,
dans les départements de l'Ouest,
une mission où il fit encore preuve
de raison et de sagesse. Après
la session, il fut du nombre des
deux tiers des conventionnels qui fi-
rent partie du conseil des cinq-cents^
où il provoqua des mesures sévères
contre les déserteurs k l'intérieur.
Réélu en 1799 , pour la même as-
semblée , par le département des
Deux-Sèvres, il ne vil cesser ses
fondions législatives que par la ré-
volution du 18 brumaire , et fut en-r
suite nommé par le gouvernement
a-].
420 BOD
consUktiire corainandaul de la gen-
dariticrie du déparlement de Loir et-
Cher. C'est daus ces fondions qu'il
mourut à Blois en i 809. Bodin avait
publié, en i'797,uu Essai sur les ac-
couchements qui eut peu de s'iccès.
— BoDiN [Laurent) , né à Saint-
Paterne en 1762, et médecin dans la
même ville, a pub'ié divers écrits sur
sa profession , entre autres des Ré-
flexions couire le système de Gall ,
et une Bibliographie analytique
de la médecine. M — nj.
BODI\ (Jean -François) , né
à Angers le 26 septembre 1766, fit
ses études dans celte ville et se con-
sacra d'abord à l'architecture , où il
avait acquis uue liabileté remarqua-
ble. Mais la révolution, si ienible
dans ces contrées, y rendit bit-ntôt
sou art inutile. Il en adopta néan-
moins la cause avec beaucoup d'en-
thousiasme et fut nommé, en 1792,
l'un des administrateurs du district de
Saint -FLirent. Placé, dès l'année
suivante , au commeucemeul de la
guerre civile, dans le ceulie des
événements les plus désastreux , et
forcé de renoncer à ses fonctions
d'administrateur , il devint piyeur
de l'armée de l'Ouest, et , dans les
premières défaites qu'éprouvèrent
les troupes républicaines , fut exposé
plusieurs fois a perdre sa caisse.
Il réussit à la sauver par sa pré-
voyance et par son aciiviié. Après la
pacification, il obtint divers emplois
de finances et continua cependant a
s'occuper d'architec'ure. L'institut
ayant ouvert, en 1796. un concours
pour un monument a élever aux ar-
mées françaises , Bodin envoya un
projet d'arc tiiomphal qu'il plaçait
ii 1 endroit même où l'on a élabli ce-
lui de l'Eiuile j mais il fut jugé trop
dispendieux. A l'époque de la res-
tauration , en 181 4, Bodin était
BOD
receveur des contributions a Saumur.
i>0(sque, aprèslaJéfailede Waterloo,
l'armée française se retira derrière la
Loire, enjuillet i 81 5, il yremplilmo-
menlanément les fonctions de payeur 5
et, dans l'élat de pénurie où se trou-
vait celte armée, il contribua beau-
coup, par son zèle et son crédit, à y
maintenir l'ordre en assurant la solde
et lasubsistance des tmupes. Après le
licenciement, il reprit sou emploi de
receveur. Nommé, en 1820, mem-
bre de la chambre des députés par
le département de Maine-et-Loire,
et ayant pris avec les électeurs leu-
gagemeut de se ranger du parti de
l'opposition , il donna sa démissioa
d'un emploi lucratif, qui le tenait
dans la dépendance du ministre des
finances. Il vola toujours eu consé-
quence contre le ministère, mais
il prit rarement la parole , se bor-
nant a adresser chaque année a ses
commetiants des lettres où il leur
faisait connaître les opérations de
la chambre et la marche des évé-
nements. Il fit ainsi imprimer
trois Lettres en 1820, 1821 et
1822. Il cessa, en 1823, de faire
partie de la chambre des dépu-
tés, et retourna dans son départe-
ment, où il vécut dcins ses terres et
ne parut plus occupé que de la
culture des sciences et des lettres.
H avait publié, dans les années i 8 r 2
à I 8 I 5 , un ouvrage fort remar-
quable sous le litre de Recherches
historiques surlaville de Saumur
(Haut- Anjou) , ses monuments et
ceux de ses arrondissements , 2 v.
in-S'^, avec planches et une Bio-
graphie saumuroise. On y trouve
quelques détails minutieux, maisinté-
res'sanls, sur les mœurs des habitants
de cette contrée dans les différents
siècles. Bodin publia, en 1821-22,
sur le même plan, des Recherches
BOD
historiques sur l'Anjou et ses mo-
numents, Angers et le Bas-Anjou,
2 vol. in- 8", avec planches et une
Biographie angevine. Une suite
a été im|)rimée dans le tome III
des Mémoires de la société royale
des antiquaires de France, dont
Bodin était correspondant. Ces deux
ouvrao;cs le fiient nommer corres-
pond.int de l'inslitnl. Il est mort
en 1829, dans sa terre Je Lau-
nav. On a encore de lui une Let-
tre à Eloi Jdkanneau sur la tour
d'Evraud à Fontevraud , av ec
pliinche, insérée dans le tome V des
Mcraoires de l'académie celtique.
J.-F. BoJin était le père de M. Fé-
lix Bodin. homme de lettres, et au-
jourd hui membre de la chambre des
députés. M — DJ.
BODONI (Jean-Baptiste), un
des plus célèbres imprimeurs du dix-
huilième siècle, naquit^ le 16 février
1 74.0 , a Saluées, daiislesélaisduroi
de Sardaigne, d'une famille honnête ,
mais mal partagée des biens de la for-
tune. 11 apprit dans l'alelier de son
père les premiers principes de l'art
qu'il devait portera une perfection in-
connue jusqu'alors, mais il avait au-
paravant fait d'excellentes études au
collège de sa ville natale ; et l'on ne
peut (loulcr que, s'il eût suivi la car
rière des lettres , il n'y eût éiialcment
acauis une grande réputation. Dès
son enfance il montra du gnùt pour
le dessin , el dans ses loisirs il gravait
sur bois de petites vignettes que les
curifux recherchent encore. A dix-
huit ans , le désir de se perfectionner
dans son état lui fit entreprendre le
voyage de Rome. H partit de Saluées
avec sou condisciple Dominique
Covta , qui se flattait qu'un de ses
oncles, seciélaire d'un prélat ro-
main , leur faci'itcr.iil les moyens de
vivre , en attendant qu'ils eussent
BOl)
4îi
trouvé de l'ouvrage. Les deux amis
encore éloignés du terme de leur voya-
ge , avaient épuisé toutes leurs res-
sources. En vendant quelques-unes
de ses ladles de bois aux imprimeurs,
Bodoni se procura l'argent nécessaire
pour continuer sa roule; mais a leur
arrivée a Piome , l'oncle de Costa sur
lequel ils fondaient toutes leurs espé-
rances, déclara qu'il ne pouvait rien
pour eux , et leur conseilla de repren-
dre le chemin de Saluces. Découragé
par cette réception inattendue, peu
sVn fallut que Bodoni ne suivît ce con-
seil 5 mais, avant de quilter Rome, il
voulut voir l'imprimerie de la propa-
gande qu'il avait entendu vanter tant
de fois à sou père. La politesse de
ses manières et la vivacité de son es-
prit plurent à l'abbé Ruggierl [T' oy.
ce nom , XXXIX, 291 ), surin-
tendant et directeur de l'établisse-
ment, et il y fut admis comme ou-
vrier ; c'était plus que n'avait espéré
le pauvre Bodoui ddos ses rêves de
gloire et de fi>rtune. H montra
dans les différents travaux dont il fut
chargé tant de goût el d'habileté,
(pie le cardinal Spinelli se déclnra
son protecteur. D'après les conseils
de ce prélat , il suivit les cours de
langues orientales a l'université de la
Sapience; et, dès qu'il fut enélat de
lire facilement l'arabe et l'hébreu,
il remplaça les compositeurs pour ces
deux langues. Ayant été chaigé de
l'impression du Missel arabe-
cophte et de \ alphabet tibétain,
du V . Giorgi [l uj-. ce nom , XYII,
4.14), il s'acauitla de celte tâche
avec un tel succès que Ruggieri fit
mettre sou nom dans la suscrip-
tiou avec celui de sa ville natale.
Les beaux poinçons que Six!e\ avait
fait graver par Garamond et Lebé ,
pour Fiiiiprimerie de la propagande ,
étaient deniiis long-lemjjs négligés.
4'22
BOD
En les remettant en ordre, Bodoui
conçut l'idée de graver lui-même des
poinçons, art dans lequel après plu-
sieurs essais infructueux , il finit par
égaler et même surpasser tout ce ijue
Ton connaissait de plus parfait en ce
genre. La fin tragique deRuggieri(i)
lui rendant le séjour de Rome insup-
portable , Bodoni accepta les propo-
sitions qui lui furent faites pour Tal-
tirer eu Angleterre ; mais arrivé à
Saluces pour prendre congé de ses
parents, il j tomba malade. Sur ces
entrefaites , le marquis de Felino ,
premier ministre de Parme , lui fit
offrir par le P. Paciaudi la direction
de rimpriraei-le qu'il se proposait d'é-
tablir sur le modèle de celle du Lou-
vre. Bodoni flatté de cette marque de
confiance rompit tous ses engage-
ments et se rendit a Parme eu 1768.
Il s'occupa sur-le-champ de la con-
struction des presses j et, ayant fait
venir de Paris des caractères de
Fournier, il imprima dès la même
année un opuscule poétique qu'avait
composé l'abbé Frugoui, Ne voulant
pas se servir plus long-temps de ca-
ractères étrangers , il en grava lui-
même d'après les beaux modèles lais-
sés par les imprimeurs italiens du
quinzième siècle , et il en publia les
épreuves en 1771 , sous ce titre :
Saggio tlpogrqfico difregi e ma-
juscole^ in-8°, de 76 pages , avec
une préface dans laquelle il repro-
che a Fournier de n'avoir , en parlant
des fonderies italiennes , dans son
Manuel typographique, cité que
celle du Vatican, ouJdiant la fonderie
des Médicis, a Florence, de même
que celle du cardinal Frédéric Borro-
meo, a Milan, et enfin celle du car-
(i) M. Lama place la mort de l'abbé Utiggifri
vers l'aniipe 1762 ; ce serait quatre ans [<liis tiit
que ne l'a fixée M. de ângclis dans la Biogra-
phie universelle.
BOD
dinal Barharigo , pour les caractères
orientaux , a Padoue. Ce premier
essai ne contient que les alphabets
grecs et latins; mais Bodoni pro-
mettait aux bibliophiles de leur don-
ner les alphabets étrangers , et 11
remplit cet engagement en l'j'ji,
par la publication des Iscrizioni
esotiche , composées par J.-B. de
Rossl, il l'occasion du baptême de
rinfaut don Louis. Cet opuscule de
vingt- six pages, contient vingt in-
scriptious en autant de langues, avec
la traduction latine en regard. Cha-
que Inscription est imprimée avec le
caractère propre de sa langue, gravé
et fondu par Bodoni. L'année suivan-
te , il profita du mariage du prince de
Piémont avec la princesse Clotilde de
France , pour faire paraître un se-
cond essai de ses caractères. Ce vo-
lume, In-fol,, de cent cinq pages,
est intitulé ; Epithalamia exolicis
linguis reddita 5 il ofFie vingt-cinq
alphabets de langues étrangères, dont
neuf paraissaient pour la première fols.
Le conseil de Saluces, auquel il en fit
ofi^rir un exemplaire , lui témoigna
sa satisfaction par l'envol d'une paire
de flambeaux d'argent aux armes de
la ville. Il serait inutile d'indiquer
ici les divers ouvrages sortis chaque
année des presses de Bodoni , et
qui, pour la plupart, sont autant de
chefs-d'œuvre typographiques; mais
on doit citer le Couronnement de
la célèbre Corilla Olimpia ( Mo-
relli-Fernandez), 1779, petit in-4°,
enrichi de vignettes, de fleurons et
d'autres ornements que Bodoni em-
ploya depuis très-rarement, persuade
que les éditions devaient tirer tout
leur mérite de leur exécution typo-
graphique 5 les OEuvres de Mengs ,
I 780. 2 vol.; la traduction italienne,
par Aunibal Caro, de Dapîinls et
Clïloé, de Longus, avec le texte grec,
BOD
Î786 , el euFin son M annale tlpo-
grajîco , 1788 , in-4.°- Ce dernier
volume contient, outre la série de ses
caractères grecs (qui s'élevait alors
à vingt-huit et qu'il porta depuis a
trente-cinq), cent descriptions de
villes en italien , dont les cinquante
dernières sont traduites en français^
imprimées en autant de sortes de
caractères depuis le minuscule que
Bodoni nomme Pannigionina ,
jusqu'au gros parangon qu'il désigne
sous le nom de Papale. Cette même
année, Bodoni^ cédant aux instances
d'Azara , ambassadeur d'Espagne,
fil un second voyagea Rome oij il
reçut l'accueil le plus distingué des
savants et des membres du sacré
col'ège, ainsi que du pape Pie VI,
qui s'entretint long-temps avec lui
d'objets relatifs a son art. Le cheva-
lier d'Azara tenta de le retenir à
Rome , lui offrant d'établir dans son
palais une imprimerie pour donner
des e'ditions des classiques grecs, la-
tins et ilaliensj mais Bodoni sut ré-
sistera toutes ces sollicitations. Avant
de revenir dans sa pairie adoptive, il
visita Kaples, et il fut accompagné
dans ce voyage , qui devint pour lui
une suile de triomphes . par le savant
abbé Fortis. La reine de Naples
ayant appris son arrivée , an moment
où elle allait partir, lui envoya un
gentilhomme pour l'inviter à se ren-
dre dans son cabinet. Bodoni s'étant
excusé sur le mauvais état de sa toi-
lette , elle lui fit dire de se présenter
comme il se trouvait , car c'était lui ,
lui seul qu'elle voulait voir. Il était de
retour à Parme dans les premiers
mois de 1789. Azara, qui n'avaltpoint
abandonné son projet de donner de
belles éditions de ses auteurs favoris ,
le pressait de revenir a Rome pour
en diriger l'impression. Le duc de
Parme qui l'aur.ait vu s'éloigner avec
BOD
423
peine , voulant concilier avec le désir
d'Azara son désir de conserver Bo-
doni, l'autorisa àétablir une imprime-
rie particulière , mettant pour cet
objet a sa disposition un immense bâ-
timent. Bodoni fit exécuter aussitôt
de nouvelles presses avec les perfec-
tionnements qu'il avait imaginés pour
obtenir un tirage plus égal , et fondit
une assez grande quantité de carac-
tères pour pouvoir envoyer à Rome
des épreuves au chevalier d'Azara ,
sans que l'impression en fût retardée.
C'est de celle imprimerie que sorti-
rent successivement les Edizioni
Bodoniane., très-précieuses, savoir :
Horatii Flacci opéra ^ ^19^t i
vol. in-folio , dont la valeur est de
4oo fr.' J^irgilii opéra 1793 , 2
vol. in-folio, 4 00 fr., édition très-
recherchée, que les amateurs préfè-
rent k celle de Didot 5 Catulli, Ti-
bulli , Propertii^ opéra, ij^/\.,
I vol. in-folio , 200 fr. ; Taciti
Annales, 1795 , 3 vol. in - 4°?
200 fr. L'impression de Lucrèce ,
dont les trois premiers livres étaient
déjà tirés , fut interrompue par le
départ d'Azara de Rome , et elle
n'a point été terminée. En 1792 ,
Bodoni reçut du pape , avec un bref
conçu dans les termes les plus hono-
rables, deux médailles , l'une d'or et
l'autre d'argent , en remercîment de
son Horace dont il avait adressé un
exemplaire au pontife , ainsi que de
ses trois éditions de CalUmaque ^
deux imprimées en caractères minus-
cules et la troisième en lettres on-
ciales. Le roi d'Espagne Charles III
lui avait, dès 1782 , conféré le litre
de son imprimeur particulier ; en le
lui confirmant, Charles IV joignit a
ce titre honorifique une pension de
six mille réaux. Bodoni offrit a ce
prince , par reconnaissance , la dédi-
cace de sa belle édition de la
4î4
BOD
Gerusnlemtne liherata , 1789,
deux vol. in-folio. Eu 1795, il
(lounacleux éditions, in-tol. et in-/i°,
du Traité du sublime , de Lon-
giii , en grec; avec une dédicace au
pape Pie VI, dcius laquelle il rap-
pelle le bienveillant accueil que le
pontife lui avait fait à Rome et les
marques d'estime qu'il en avait reçues
plus tard. Celle même année 1790,
il publia l'édition iii-fol. de Y Imi-
tation de Jésus-Christ ^ dédiée à
l'infant Louis , de Parme ; il re-
produisit aussi dans le même format
VAmiiite du Tasse , dont il avait
donné une édition iu-4-°, en 1789 , et
mil au jour ÏAnacréo)i, ^rtc et la-
tin, un de ses cbefs-d'œuvre. Ce futau
mois de déc. de cette année que
Monsieur (depuis Louis XVIII),
accompagné du duc de Parme , visita
les ateliers de Bodoni, ainsi que
ceux de l'imprimerie ducale dont
il était le directeur. Ce prince ,
étonné de leur étendue et de l'ordre
qu'il V vit régner, ne put s'empêcher
de dire : « C'estlapremière imprime-
rie du monde. » L'entrée des armées
françaises en Italie fut pour Bodoni
l'occasion de nouveaux triomphes.
Les simples soldats comme leurs
chefs ambitionnèrent la possession
de quelques ouvrages sortis de son im-
primerie, et ceux qui ne pouvaient se
procurer un volume achetaient des
billets ou des lêles de lettres quils
conservaient avec respect. Pvien peut-
être ne fait plr.s d'honneur au carac-
tère de la nation française que cet
hommage rendu spontanément au
mérite d'un artiste étranger. Quoique
la guerre ce nuisît point à ses tra-
vaux typographiques, Bodoni fut
obligé de les ralentir poirr faire face
aux demandes de caractères qu'il re-
cevait de toutes parts. Ses magnifi-
ques éditiotjs, en répandant son nom
BOD
dans toute l'Europe, avaieutiuspiré le
désir à chaque imprimeur de pour-
voir ses ateliers des beaux types avec
lesquels on avait produit de tels
chefs-d'œuvre. Avec ses bénéfices il
se trouva bientôt en état d'acheter,
près de Borgo-San-Dounino, une riche
propriété, dans une situation déli-
cieuse. C'est dans celte charmante
retraite , appelée il Pozzetto , qu'il
se proposait de se '«étirer dès (ju'il
aurait achevé son 3i^..iua/e tipogra-
fico 5 pour y jouir enfin du repos ac-
quis par uue vie laborieuse Mais ce
projet, dont il aimait a s'entretenir
avec ses amis , ne devait jamais se
réaliser. Des affaires de famille l'ayant
appelé en 1798 h Turin, il y fut
accueilli de la manière la plus distin-
guée par les savants et par le roi
Charles-Emmanuel ; mais rien n'é-
gale la réception qui lui fut faite a
Saluées où il avait annoncé qu'il se
rendrait de Turin. Son entrée dans
sa ville natale fut celle d'un prince
dans sa capitale après une longue
absence. Toute la population s'était
portée à sa rencontre; des députés
du corps municipal furent envoyés
pour le complimenter 5 et, deux jours
après, s'étanlrendualHôtel-de-Ville,
au milieu des acclamations de ses
compatiiotes , fiers de sa renom-
mée , Bodoni fortement ému , s'é-
cria : « Il n'est donc pas toujours
« vrai que nul n'est prophète dans
« son pays. » La joie que lui fit
éprouver celle réception fut bien
diminuée par les critiques qui pa-
rurent en France, "a la même époque,
de son édition de Virgile, dans laquel-
le on signala plusieurs fautes gra-
ves (2). Bodoni, en annonçant qu'il
(21 Bodoni prétendit que les iiicoi rodions
qu'on lui reprochait ne se trouvait'iit que dans
les exemplaires de son Virgile qui lui avaient
élé volés; mais qu'elles avaient été conigées
dans les antres exemplaires.
BOD
n'avait jamais ambitinuné la réputa-
tion d'homme de lettres, mais celle
de typographe , déclara qu'il ne
répondrait à ses critiques que par la
publication de son 3Ianuale tipo-
grajico ■) dont il s'occupait depuis
plusieurs années et qu'il se flattait
vainement de pouvoir bientôt ter-
miner. En 1802, il se chargea
de l'impression de l'Oraison funè-
bre de 1 infant D. Ferdinand, dont il
El trois éditions de différents formais;
mais il ne voulut pas qu'on lui rem-
boursât ses frais , disant qu'il se
trouvait payé par l'honneur qu'on lui
avait fait de le choisir, dans celte
circonstance , pour reproduire des
sentiments qu'il partageait avec toute
la ville. Le conseil de VAnzianato,
touché de ce procédé , ordonna, par
une délibération du 28 juillet i8o3 ,
que le nom de Bodoui fut inscrit sur
le livre de la noblesse , dans la c'asse
des Piazzetti; et, par un acte du 17
août suivant, il décida qu'une médaille
serait frappée en l'honneur de ce
grand artiste, distinction d'autant plus
flatteuse pour Bodoni que la ville de
Parme s'en est toujours montrée très-
avare. L'exécution de celle médaille
fut confiée à Manfredini, habile gra-
veur de Milan. Elle est entourée
d'une couronne d'olivier, et au re-
vers de l'effigie de Bodoni on lit cette
inscription :
Civi opiiino
Decurioni snlertiss.
Artis ty|)Ogiophica"
Coryphaco eruditiss.
Ex XII ïirùm Parm.
Décrète.
Il a été frappé de cette médaille
quatre épreuves en or, deux cents eu
argent , deux cent cinquante en
bronze et les coins ont été brisés.
t ne des médailles d'or fut remise,
le 24 février 1806, à Bodoni, dans
une assemblée de tous 1rs corps de
BOD /,2 5
magistrature. Invité la même année
à envoyer pour Texpojition des pro-
duits de l'industrie française quel-
ques-uns des ouvrages sortis de ses
presses , Bodoni s'en défendit en di-
sant qu'il y avait en France des im-
primeurs qui avaient presque ai-
teint le maximum de la perfec-
tion ; mais d'après de nouvelles in-
stances du ministre Cliampagnv , il
lui fil passer quatorze ouvrages (5) ,
dont le plus récent était l'Orai-
son dominicale en cent cinquante-
cinq langues orientales et latines. Bo-
doni , comme on sait, obtint le pre-
mier prix. En le lui décernant, le
jury, dont on doit conserver les ter-
mes, s'exprimait ainsi : 31. Bodoni ^
de Parme, est un des hommes qui
ont le plus contribué aux progrès
que la typographie a faits dans le
dix-huitième siècle et de notre
temps. Il réunit plusieurs talents
ordinairement séparés ; et pour
chacun desquels il nié ri te mit la
distinctioji du premier ordre .etc.
Celte même année, il avait commencé
l'impression de l'Iliade ; mais, par la
lenteur des savants chargés d'en cor-
riger les épreuves, elle ne fut termi-
née qu'en 1808. Celle magnifique
édition, en trois vol. in-fol., est dé-
diée k Napoléon. Ln exemplaire, sur
vélin, lui en fut présente le 21 jan-
vier 1810, dans la galerie de Saint-
Cloud (^4)- L'Empereur, après aviir
rS) IJ Anacréon, grec-italit-n, pet. in-4°, 1784.
— Le même , grec et latin, in-^", 1786 , litter.
qaadralis.— Le même , jirt. in-fi', 1791. — Le
même , in-i6. 1791, sur vélin. — VAnuiita , gr.
in^'.'TS;. — Le même, i;r. infol., 1793, sur vf-
lin. — Théophrasre, grec et lat., gr. 10-4° — ^'7'
phiodore , grec-italien , pet. in-fol., sur soie. —
Les Stances de Pnlilien , pet. in-4'', sur soie. —
Description ae la cliLmbre du Corrcge. gr. in-fol.
— VlJrmiie à Ccrès , gr in-fol., 1803. — Doni.
Cyrillo , Reclierchrs sur la plante de papyrus , gr.
infol., 1794. — Bref du pape Pie f' I , en grosse
nonpartiUe. V Oraison dominicale, pet., in-fol.,
1S06.
(il Cet exemplaire fait anjoiii d'Uni parlie <\e-
4^6
BOD
donné de justes éloges à la belle exé-
cution de l'ouvrage , fit expédier k
riraprimeur lebrevet d'unepension de
trois naille francs. Depuis que Tltalie
était sous la domination française,
Bodonl avait reçu les offres les plus
avantageuses. Le prince Eugène lui
avait proposé la direction de l'impri-
merie royale de Milan (5), et Murât ,
celle de Naples j mais, s'excusant sur
son âge et ses infirmités , il refusa
constamment de quitter Parme, de-
venue , depuis long-temps , sa seconde
patrie. En 1811, Bodoni recul de
Murât la croix de l'ordre des Deux-
Siciles j et , voulant témoigner sa re-
connaissance, lui proposa de publier ,
pour l'éducation du prince royal , une
suite de classiques français. Une ma-
ladie grave ne permit au célèbre typo-
graphe de commencer l'exécution de
ce projet qu'en 1812 , par l'impres-
sion du Télémaque in-fol. Le Ra-
cine, qui devait suivre, ne fut ter-
miné qu'après la mort de Bodoni ,
en 18 14., par sa veuve, W^^ Margue-
rite deir Aglio qui, pour ! emplir les
intentions de son mari, a fait paraître
les Fables de La Fontaine et les
OEiivres de Boileau, complétant
cette précieuse collection. Dans les in-
tervalles que lui laissaient ses douleurs
de goutte , devenues presque conti-
nuelles , Bodoni revenait a son 3fa-
nuel, qu'il était jaloux de terminer.
Un jour que ses amis l'engageaient
à prendre quelque repos , il leur ré-
pondit : « Je n'ai p'us de temps k
perdre, -n Puis eu soupirant il ajouta:
«Qu'unnom célèbre est difficile k por-
ter ! » Dans les derniers mois de sa
vie, Bodoni reçut de nouvelles mar-
ia belle collection des livres imprimes sur vélin,
de la bibliolhèque royale.
(5) En recevant uu exemplaire de l'O'aisnn
dominicale, le vice-roi fit expédier à Bodoni le
brevet d'une pension de douze cenls francs ré-
versible sur la tèto de sa femine.
BOD
ques delà bienveillance de Napoléon'
il fut nommé chevalier de la Réunion
et reçut une gratification de dix-huit
mille francs, pour Paider dans la pu-
blication des classiques français. La
fièvre s'étant jointe a ses autres maux,
il succomba le 20 nov. i8i3. Ses
obsèques furent célébrées avec une
pompe extraordinaire. Yiucent Jaco-
bacci, son intime ami , prononça son
oraison funèbre. N'ayant pour héri-
tier que des neveux auxquels il avait
fait présent d'un établissement typo-
graphique , k Saluces , il institua sa
femme son héritière. Cette dame a
continué k diriger l'imprimerie bodo-
nienne. Le Rlaniiaîe tipograjico de
Bodoni, terminé par Louis Orsi, parut
en i8î8, 2 vol. gr. in-4°. C'est sans
contredit le plus magnifique ouvrage
de ce genre. Il offre des échanlillous
de plus de deux cent cinquante ca-
ractères différents. Tous ne sont pas
également beaux 5 et quelques-uns
des minuscules ont été critiqués.
Le manque de correction que 1 ou
reproche aux éditions de Bodoni ,
eu a fait baisser le prix en France
et en Angleterre j mais son Ana-
crèon , son Aniinte, son Horace
in-fol., son Oraison dominicale^
ses Classiques français, et surtout
son Homère conserveront toujours
un rang très- distingué parmi les
chefs-d'œuvre de latvpographie. Peu
d'hommes ont joui de leur renommée
plus complètement que cet illustre
imprimeur. Pendant plus de qua-
rante ans, son imprimerie fut visitée
par les rois et les princes, dont la
plupart lui donnèrent des preuves
éclatantes de leur estime. Ses qualités
personnelles lui valurent de nom-
breux amis. Toutes les sociétés d'Ita-
lie s'empressèrent k l'envi d'inscrire
son nom sur leurs registres ; et les
plus grands poètes lui prodiguèrent
BOE
des éloges. Bodoui joignait à ses la-
lents, comme typographe , des cou-
naissances très-variées. On a de lui
des sonnets très-agréables. Ses Let-
tres dont plusieurs sont imprimées ,
formeraient une coliectlon intéressante
pour l'histoire littéraire de son
temps. On peut consulter pour les
détails : la Vie de Bodoni , suivie
du Catcdogue chronologique de
ses éditions, en italien ( par i\I. Jo-
seph de Lama), Parme, 1816,2
part. in-/i". L'estimable auteur an-
nonce qu'il a beaucoup profité pour
son travail des ISlemorie anedotti
per servlre un giorno alla vita di
G.-B. Bodoni, par le P. Passeroni.
V oy. aussi la Biographie des trois
illustres Piémontais , Lngrange ,
Denina et Bodoni, décédés en 1 8 1 5 ,
par M. de Gregory, Verctil, i8i4,
iu-8°. Le portrait de Bodoni a été
gravé dans tous les formats.
G — G — Y et W — s.
BOECKHOUT ( .Te ak- Jo-
seph Yaa'), né a Bruxelles, avait
applaudi , dans sa première jeunesse,
aux principes des Van Enpen et
Vander Nnot(^. ce nom, au Supp.).
Mais les idées françaises ayant en-
vahi la Belgique , il se fit dans
celles du jeune enthousiaste une révo-
luticin si complète qu'il devint un des
adeptes les plus ardents de ce qu'on
appelait la philosophie du dix-hui-
tieme siècle. Plus tard, des éludes
sérieuses , des réflexions mûries par
l'âge ne lui laissèrent de ses opinions
naissantes qu'une crainte soupçon-
neuse delà prépondérance du clergé.
Aussi, Jorsqu'en i8i4 il fut ques-
tion de régler les destinées de la Bel-
gique et que plusieurs personnes rê-
vèrent le retour des vieilles institu-
tions , Van Bœckliout, qui jusque-la
avait rempli silencieusement des
fonctions obscures, celles de chef de
BOE
4r
division a l'administration déparle-
menlale de la Dyle , puis de direc-
teur des prisons du même ressort ,
attira sur lui l'attention et se mon-
tra partisan de la réunion de la
Belgique h la Hollande, par la rai-
son que celle-ci était protestante.
Il jeta alors dans le public plu-
sieurs facturas dont l'a-propos fit
le principal mérite ; tels qu'une Re-
nonciation de la souveraineté des
Pays-Bas faite prétenduement
par Vander Noot , en faveur de
l'empereur d'Autriche , dont il
avait jadis proclamé audacieuseraent
la déchéance,' une Lettre de son
excellence Pierre Van Eupen, en
son vivant secrétaire- général du
congrès belgigue^ à son excel-
lence Hejiri Vander Noot, ci-de-
vant père de la patrie , Bruges et
Bruxelles, chez Berthot, in -8°;
une brochure sur cette question : La
réunion de la Belgique à la Hol-
lande serait^elle avantageuse ou
désavantageuse? par A. B. C,
Bruxelles, in-8° , brochure attribuée
à un des comtes de Bylaud dans le
catalogue de Vandenzande, Anvers,
i834-, u** 5453 , et qui donna
lieu h une polémique à laquelle
Vander ISoot, encore vivant , prit
une part , du moins nominale 5 une
facétie assez gaie intitulée : Le
Réveil d'Epiménide , dont le ca-
dre pourtant n'était pas neuf et
rappelait une comédie deFlins et une
du président Hénault. L'abbé Van
Beughen y opposa son antidote con-
tre le somnambulisme ; mais les
rieurs furent pour Van Bœckhout , et
dès que le gouvernement des Pays-
Bas se trouva constitué , il le récom-
pensa par la place d'inspecteur de
renregistrernent et des domaines. En
i8i5, Van Bœckhout entreprit un
ouvrage périodique sous ce titre :
/,aH
BOE
Les Ephémérides de l'opinion, ou
observations politiques, philosophi-
ques et littéraires sur les écrits du
temps , avec celle épigraphe qu'il sut
généralement juslifier : ni satire
ni adulation ; Bruxelles, in 8°. Ses
idées él.iient devenues plus étendues,
son style plus ferme, plus correcl.
Il s'allacha pi incipale^ment à conser-
ver au gouvernement la haute sur-
veillance de l'instruclion publique .
surveillance qu'on lui disputait dès
son établissement , et qui a été
cause en partie de la révolution de
i83r , dont un diplomate railleur a
dit, en di^passant les bornes de Pépi-
gramme, que c'était de l'eau bénite
en ébullition. Le ministre Falck ,
reconnu par tous IfS parli» pour un
homme d'état du plus noble caractère
et d'une haute portée d'esprit, hono-
rait Yan Bœckhoul de sa bienveil-
lance. Le 4 juillet 1820, cet admi-
nistrateur, qui avait renoncé aux
luîtes du journalisme , prononça dans
le sein de la société Concordia, k
Bruxelles, un Discours svr la civi-
lisation que ne désavouerait point
lui chaud partisan du progrès, et qui
aélé imprimé, pages i55-i7o des
TtJengelingen van het... genoots-
chnp Concordia, V>vv\t:\\es, 1820,
in-8". Van Bœckliout est mort à
Bruxelles en 1827. R — f — G.
BOECKMA]Vi\(JoNAs), méde-
cin suédois, naquit le 16 décembre
1716 àWindherg près de Falkenberg,
pelile ville de la province de Hal-
land. Dirigé par son père , habile
prédicateur, il fit des progrès rapi-
des dcins les éludes préliminaires, et
aba s'inscrire à l'universiié de Lund,
oi^i il fut reçu maître es -arts en
1738. Ses parents le destinaient a
l'étal ecclésiastique, qui ne lui répu-
gna point d'abordj mais tout à-coup il
conçut le projet de se livrer a la mé-
BŒ
decine et partit pour Bezen, où il
se proposait d'étudier l'anatomie
et la chirurgie. Après avoir ter-
miné ses cours , il vint s'établir k
Stockholm. Sa réputation, toujours
croissante, lui fit accorder , en l'ji'Jy
une chaire a l'université de Greifswald,
oii il mourut au bout de treize ans
(1760), laissant les ouvrages suivants :
1. Dissertatio de cardine novato-
rum , sive de erroribus sto'icorwn
fundainentalibus,\j\mà^ i 737,in-4°.
H. Dissertatio de fanaticismo
sto'icoruni per novatorrs recocto^
Lund, 1738 , in- 4.°. lH- Disserta-
tio de consciencia sut ut unico
simpliciuni fundamento , Lund ,
1739, in-4°. IV. Dissertatio de
venœ sectione corroborante, \j\)&^f
1744, in-4°. V. Spécimen medi-
cumdesudore corroborante, Greifs-
wald, 1762, in- 4". VI. Disserta-
tio epistolica contra inepta judicia
de arthridite laxantibus balsami-
cis retropulsa, Greifswald, i7 53,
in-4°. VII. Exercitium academi-
cum, dejectionem corroborantem,
et siniul nexitmpurgationis alvinœ
cum sudore , culisque cum ventri-
cnlo exhibens , Greifswald, lySS,
in-4''. J — D — N.
BOEHM (WENZEL-AllÉnÉE ),
artiste célèbre, né à Pr.'igue, en 1771,
mort le i*"'' mai i8o3, a Leipzig,
où il était établi depuis 1786, doit
être considéré comme un des hommes
envers lesquels 'a nature a été le plus
prodigue de ses dons. H eût occu-
pé le premier rang des graveurs de
l'Europe, si l'inconslance de son es-
prit ne l'avait porté sans cesse d'une
composition a une autre, ne faisant
qu'ébaucher ce que lui suggérait une
imai;ination prodigieusem- ni facile.
Elève de Schurazer et de Kuhl , qui
f isalent école dans la \ ille de Prague,
Bœhm fui un des artistes sur lesquels
BOE
ils complèrenl le plus pour souleuir
les bonnes doctrines. A seize ans, il
giMvait déjà pour les principaux li-
braires de rÀHemagae qui achevé -
reul (le gâter soq burin, ea l'obli-
geant de faire vile et beaucoup. Ce-
peniianl , il revint (jueltpiefois a lui-
iiièine et sembla lra\ ailler pour se
survivre lorsrji'il grava la Portrait
du roi de Danemark , et ua
Saint Paul d'après Sereta. Ce sont
ses plus beaux ouvrages. B — n.
BOERIO (Joseph), jurisconsul-
te italien, uaquiL a Lendinaia en
I754-. Il étudia le droit à Padoue ,
sous la direcliun du célèbre prof< s-
seur Bragulino , et il vingt-deux ans
il fut nomme par le sénat vénitien
coadjulcurde son père, magistrat dis-
tingué , puis juge dans divers tribu-
naux de la république. Il publia alors:
Raccolta délie legsi venete, con-
cernenti i corpiinagistrali edofjîci
municipali di C/iioggia , 1761,
ic-8". — Raccolta délie leggi
venete pel territorio , Vérone,
1793, in-S"*. Bonaparte ajanl livré
les états vénitiens a l'Autriche eu
1797, Bœiio fut nommé assesseur
dn tribunal criminel de Venise.
Après la bataille de Marengo , en
1800 , les étals vénitirns ayant été
incorporés dans le royaume d'Iialie,
Bxrio fut placé juge à la cour de
justice de l'Adriatique. Enfin, en
181 4, l'empereur d'Autriche le dé-
signa pour juge à Rovigo dans le
royaume lomb irdo-vénitien , puisa
Padoue , et enfin le nomma conseiller
a Venise. Après trente ans de magis-
trature, il oblint sa retraite et mou-
rulle 25 février i852. Bœrio est en-
core auteur de plusieurs ouvrages
très-remarquables de jurisprudence et
de grammaire. I. Lapraiica delpro-
cesso criininalc , avec les formules
des actes relatifs au Code autrichien,
BOE
''129
Venise, 181 5, in-8". II. Réperto-
ria del Codice criniinali aus-
triaco, Venise, 181 5, in- 8". lil.
Dizionario del dialelto vene-
ziano , ouvrage estimé paries hom-
mes de lettres , entrepris par Tau -
leur en 1797, et qu'il publia eu
1827. Il a bissé manuscrit In-
dice italiano veneto , que son fils,
actuellement juge au tiibunal de Zara,
se piopose de pablier. G — G — y.
BOERXER (Nicolas), méde-
cin, ué a Schinieritz , dans la Thu-
ringe, le 27 janvier 1690, perdit sou
père de Irès-bonne heure. Sa mère
ayant Irtqi pende fortune pourfaire les
frais d'une éducation dispendieuse, il
entra comme apprenti chez un apo-
thicaire de Fraueubourg. Au bout de
quelques années, il fut envoyé a Tina,
dans une autre o3i:ine , où il pa.^sa
encore trois ans. Il pou\ait donc se
croire destiné a la profession de
pharmacien, lorsque les circonstances
développèrent en lui le goût de la mé-
decine, et lui inspirèrent le désir de
l'apprendre. Voulant toutefois se
perlectionner dans l'art pharmaceu-
tique , qu'il sentait devoir lui être
fort utile dans sa nouvelle carrière,
il parcourut succe>sivement diverses
officines a Francfort , Strasbourg ,
Landau , Spire et Worm^.. Ses
voyages terminés, il revint chez
lui j mais a peine trois mois s'é-
taient-ils écoulés, qu'un gros mar-
chand de Francfort lui écrivit de se
rendro a Cobleniz , où il Favail re-
commandé au pharmacien du prince
électeur de Trêves. Bœrner se ruit
aussitôt en route, malgré la rigueur
de la saison, el arriva en 1717 à sa
destination. Ayant appris la m "ri de
sa mère , il alla recueillir un modeste
héritage^ et, après avoir mis ordre à
ses affaires, il vint ii léna , bien ré-
solu d'y étudier la médecine , depuis
43o
BOE
si long-lemps l'objet de ses vœux. Les
deux Wedel , Slevogl et Teichmeyer
furent les maîtres dout il suivit le
plus assidûment les leçons. Lors-
qu'il se crut assez avancé dans la
théorie, il voulut s'essayer dans la
pratique j se rendit , d'après les
conseils d'un ami, d'abord a Freu-
kenthal,puis k Giefser^ alla prendre
le grade de docteur à léna, et se fixa
enfin a Neusladt sur l'Orta , où il
mourut vers 1770. L'académie des
Curieux de la nature l'avait admis au
nombre de ses membres en 1757,
sous le nom d'AslérionlL II a publié:
l.Dissertatio exhibe/is roreni mari-
num, léna, 1725, in-4.°. IL Traité
rationnel des sciences naturelles
(eu allemand), Leipzig i735, in-8°;
ibid., 17 4-1, in- 8°. III. Le médecin
de soijiié'me, ou Traité d'hygiène
domestique ( en allemand), Leipzig ,
i744-,in-8°,-ibid., t. I, 17^7, t. II,
1748, in-8°. Cet ouvrage est sans
contredit un des meilleurs qui aient
paru sur la médecine populaire.
L'auteur a eu le bon esprit de sentir
qu'on ne peut tracer au peuple que
des préceptes d hygiène, et que c'est
lui nuire que de mettre k sa portée
des remèdes plus ou moins énergi-
ques , dont le défaut de connais.'-an-
ces précises lui fait toujours faire
uue application fausse ou intem-
pestive. On lit avec intérêt son cha-
pitre consacré aux ménagements
qu'exigent 'es habitudes contractées.
Ceux qui traitent des bains, de la
gravelle, de la goutte, sont aussi fort
intéressants. Uu pareil manuel, mis
au niveau des connaissances actuelles,
serait une acquisition précieuse pour
toutes les classes de la société. IV.
Manuel des maladies des enfants
(eu allemand), Leipzig, 1762 , 2
vol. in-8°. C'est un très-bon aperçu
des soins qn'cxigeut les enfants , les
BOE
femmes enceintes, les accouchées et
les nourrices. Bœrner a inséré aussi
quelques observations dans les Actes
des Curieux delà nature. J — d — n.'
BOERÎVER (Frédéric), méde-
cin allemand, fils du célèbre théolo-
gien Chrétien-Frédéric Bœrner {V .
ce nom , IV, 666), naquit, le i 7 juin
1725, k Leipzig, où son père lui fit
donner une brillante éducation. Le
précepteur auquel sa jeunesse était
confiée depuis cinq ans ayant élé ap-
pelé k l'école de Torgaw, Bœrner l'y
suivit et resta trois années dans
cette ville. Il revint en 1739 dans le
sein de sa famille, qui l'envoya en-
core passer quelque temps k Halle.
A son retour, il étudia la théologie,
par déférence pour la volonté pater-
nelle, et apprit la langue hébraïque.
Cependant, les leçons de botanique
que l'habile Plaz lui donnait éveil-
lèrent en lui le goût des sciences phy-
siques; et lorsqu'au 1744- il alla k
Wittenberg, ce fut avec l'inlentiou
bien formelle de renoncer a la théo-
logie et de se consacrer a la médeci-
ne. En effet, il suivit avec assiduité
les cours de la faculté médicale de
cette école , alors fort renommée. Au
bout de deux années , il partit pour
Brunswick , où il pratiqua l'art de
guérir , sous la direction et les aus-
pices d'un médecin en vogue. L'année
suivante , un collège de médecine
ayant été établi dans celte ville ,
Bœrner y fut agrégé. En 174.8, il
prit le bonnet doctoral k Helmstàdt,
et en 1756 le titre de maître ès-arfs
k Wiltemberg. Déjà l'académie im-
périale desCurieux de la nature l'avait
admis dans son sein sous le nom de
CinéasII. Aussitôt après saréception
k Helmstadl, il était venu s'établir k
Wolfenbultel, où il éjousa la fille du
bourgii.estre; mais en 1754. il accepta
une chaire de médecine qui lui fut
BOE BOE 43 1
offerte a Willemberg. La guerre swick, lyôi , in-4". VI. ZJeCowzfir
avant éclalé, il ne se cnil point en et Damiano , artis medicœ dus
surelé clans celle ville , el vint se ré- olim et adJiiic hodie hinc iUincqiie
fugier a, Leipzig, oîi il termina ses tutelarihus , commenlatio , Heïin-
jours le 3o juin 1761. Sa mort pré- stsdt, ijSi , in-4.''. VIL De vita
maturée l'empêcha de mellre fin a et meritis Martini Pollichii Mel-
divers ouvrages qu'il avait annoncés, lerstadii^ primi in academia Vit-
et dont on doit vivement regretter la tembergensi rectoris magnijici et
perte. Bœrner était très-versé dans professoris medicitiœ , commenta-
l'iiisloire de la médecine, et per- tio , Wolfenbultel, lyôi , iu-4.°.
sonne plus que lui n'était propre VIIL Bibliothecœ lihrorum vario-
k remplir les lacunes qui existent rwnphysico-medicorumjiistorico-
dans le Diclionnaire de Kestner -criticœ, spécimen I, Helmstœdt ,
et dans l'Histoire de Lenge. C'est lyôi, in-4-°; 5/?ec//«(?« //, Helin-
comme lilléraleur ou érudit , et sKxdl , lyôz, in-z^". Bœrner décrit
non comme praticien, qu'il figure dans ces deux opuscules trente-cinq
dans les fastes de la médecine 5 mais ouvrages rares sur la médecine et
à ce titre , il y occupe une place d'au- l'histoire nalurelle. Son travail a paru
tant plus distinguée, qu'il eut peu une seconde fois , enrichi de quelques
d'émulés et encore moins de rivaux, additions dans les Noctes Guelphi-
Ses nombreux ouvrages sont . L O/'rt- cœ.W. La femme qui accouche et
tiode adorandaDeimajestale, ex son fruit représentés de grandeur
mirabili narium structura , ^xwn- ««^wre/Zc; (en allemand), Wolfeubut-
swick, l'j^j-, in-4°. C'est après avoir tel, lySo , in-8°. X. De tabe sicca
prononcé ce discours un peu empha- lethali a prœternaturali plane
tique que Bœrner fut agrégé au cou- ventriculi situ, mirabilique duo-
veau collège des médecins de Brun- ^/e«/ rt7ig-j<5/m, Wolfenbultel, 17 53,
svvick. IL Dissertatio d,e arte iii-^°. XI. Super locumHippocratis
gy?nnasticaJiova,}îe\mst2eAt,i']/i8, in jurejurando maxime vexatum
iu-4-°. C'est la thèse que Bœrner nieditationes,\iû'çz\^-f\'^hk^m-l^°.
soutint, sous la présidence de l'illustre XII. De yEmilio Macro , ejusque
Laurent Helster, pour obtenir le titre rariore hodie opusculo de virtuti-
de docteur en médecine. Cet opuscu- bus herharum , diatribe , Leipzig,
le, qui est très complet et écrit avec I754-, in-4-°. XQI. Dissertatio
beaucoup de soin , prouve combien cpistolaris de medico , reipu~
l'auteur s'était livré a l'étude de blicœ conservatore^legumquecus-
l'histoire de la médecine et des beaux tode , Leipzig, lyô/i, in-4''. XIV.
aris.Ul. Examende cette question: Programma de vera medicince
Est-il permis aux femmes d'exer- origine potioribusqueejus ad Hip-
ce/'/rtweV/ÊfCf/itf (en allemand)? Leip- pocratis usque tempora incremen-
zig, 1750 , in-^". lY.DeAlexan- tis , Wittemberg , 1754. , in-4.°.
dro Benedicto T^eronensi , medi- XV. Dissertatio de statu me-
cinœ post litteras renalas restau- clicinœ apud veteres Hebrœos ,
ratore, commentatio , Brunswick, Wittemberg, 17 55, in-^". XVI.
1731 , in-4.°. V. De vita , moribus Rtlationes de libris physico-me-
et scriptis Jlieronymi iMercurialis dicis parlim antiquis , narlim
Forolii^iensis commentatio, Uraa- raris fasciculus £, Wittemberg,
432
BOE
1756, iii-4". Bœrncr décrit Irenle
ouvrages rares dans cet opuscule ,
qu'il ne faut pas confondre avec un
aulre roulanl sur le même arguiueut ,
dont il est question plus haut. Le
second fascicule , indiqué dans quel-
ques cata'ogues, u'a point élé im-
primé. XVII. AntiquiLales medici-
nœ JEgyptiacœ , Witleraberg ,
1756, in 4-"- Ou trouve à la suite de
celte savante et curieuse dissertation
une lettre de Bœrner a Fabri : De
Hung'iroru7?i alque Hungaricn;
gentis^ ad ornandam acndemiaiii
f^T" itlembergenseni, studio. X.\{{\.
Institutiones inedicinœ legalis,
Witlemberg, 1756, iu-8". Ce ma-
nuel , destiné à servir de guide aux
élèves, remplit bien ce but, quoi-
qu'il soit très-court, parce qu'il est
rédigé d'après une assez bonne mé-
thode. Bœrner a eu soin d'indiquer h
chaque chapitre les principaux ou-
vrages où il a spécialement traité de
la matière qui en fait l'objet. XIX.
Notices sur la vie et les écrits des
médecins et naturalistes les plus
distingués de l'Allemagne et de
C étranger[endX\eTa.), Wolfenbullel,
tom. I et il, 1749 5 III et IV, 17525
V, 1753; VI , 1756', in-8°.
XXI. Récréations pour les mo-
ments de loisir (en allem.), Wit-
temberg, 1761, in-8°. C'est un ou-
vrage hebdomadaire qui roule sur
la inorale , et que Bœrner publia sans
y mettre son nom. La guerre qui
éclata et la mort qui vint terminer
sa carrière ne lui permirent pas
d'eu donner plus de vingt cahiers.
J D N.
BOETZLAER (le baron de),
général hollandais, né vers 1720,
entra de bonne heure dans la carrière
des armes, et parvint au grade de
général- major. Il commandait en
celle (jualité la place de Willcmsladl
au commencement de 1793, lorsque
Dumouriez voulut envaldr la Hollan-
de. Le courage de Boe'tzlaer, secondé
parle chevalier de Verclay , ancien
capitaine du génie au service de
France, fut un des plus grands ob-
stacles que rencontra dans son projet
le généial français. Après avoir ré-
pondu négativement a toutes les
sommations, Bo'elzlaer soutint un
bombardement de près de deux mois,
repoussa deux assauts , et fil plusieurs
sorties. Délivré le 16 avril par la re-
traite des Français, il fut nommé lieu-
tenant-général, et recul des étals de
Hollande une lettre extrêmement
flatteuse, avec une épée a poignée
d'or, et une pension de mille florins
pour chacune de ses filles. Appelé
aussitôt k ]ia Haye, il y reçut aussi
du stathouder les témoignages de la
plus vive reconnaissance, et M *"
Louise de Boe'tzlaer , sa fille, fut
nommée dame de cour- Le baron ne
jouit pas long-lemps de sa gloire 5
il mourut dans les dernières années
du dix-huitième siècle. — Un de ses
parents, Boetzlaer de Laugrock,
avait élé condamné en 1789a un ban-
nissement perpétuel et k la confisca-
tion de ses biens, pour avoir pris
part a Tinsurrectiou qui éclata con-
tre la maison d'Orange. Z.
COGD AiXOVlTSCH (Hippo-
lyte-Feodorovitsch ( I )), surnommé
l'Anacréon russe, naquit le 28 décem-
bre 1745 kPerevoltchno, bourg delà
petite Russie. Il fui admis dans sou
entance a Tuniversité de Moscou,
nouvellement fondée par l'impéra-
trice Elisabeth 5 et le célèbre Khe-
x-ascof ( Voy. ce nom , au Supp.),
qui en était le directeur , prit plaisir
h cultiver les dispositions piécoces
d'un élève dont les talents ne pou-
(j) C'est-à-diro fils do Tliéodore.
iiOCr
vaitMil (juc faire lioniieiii" a. l t-cole cl
k ses mcuties. D'après quelques-unes
de cesiudiLatioiis, assez souvent liom-
peuses, on le jugea d'abord propre
au génie milita.re j et en conséquence
on lui enseigna les mathématiques
avec le dessin. Mais, le jeune élève
ajant eu l'occasion d'assister k la
représentation de quelques pièces de
théâtre , la pompe du spectacle et le
charme des vers firent sur lui une
telle impression , qu'il ne s'occupa
plus que de poésie. Des essais lyri-
ques donnèrent une idée avantageuse
de son talent • et bientôt un poème en
trois chants, l'Ile de laJiHicité ,
qu'il fit paraître en 1765, élendit sa
réputation jusqu'à St-Pétersbourg.
Attachél'auuée suivanlek l'ambassade
russe près de l'électeur de Saxe , il
profita de son séjour a Dresde pour
se perfectionner par la lecture des
meilleurs ouvrages et par la fréquen-
tation des hommes les plus spirituels.
Le français lui devint bientôt fami-
lier ; et il traduisit en russe , outre
les Révolutions romaines de Vertot,
VExtrait (\\xA.\\i;\'i venait de publier
des œuvres du bon abbé de ijaint-
Pierre(^oj-. ce nom, XL, 5i). Son
poème de Douchenka, gracieuse
imitation de la Psyché de notre La
Fontaine, qu'il mit au jour en 1775,
plaça Bogdanovltsch au rang des pre-
miers poètes russes. Rappelé vers
1776 en Russie, il rédigea pendant
deux années le Courrier de Saint-
Pétersbourg. En 1796 , il aban-
donna la carrière diplomatique, et fut
nommé président des archives de
l'empire. Il mourut à Koursk, le 6
janvier i8o3. Outre les ouvrages
déjà cités , on connaît de lui : le
Tableau historique de la Russie,
Sl-Pétersbourg, 1777, in-8°, ce vo-
lume est le seul qui ait paru ; des
Proverbes dramatiques , ibid. ,
EOG
ti)
1785 , 5 vol. in 8' , et un Recueil
de poésies lyriques. On trouve des
fragir.enis de Bogclar^oviUsch dans
\ Anthologie lusse, publiée en aU'
glais par Joim Bowring , avec la
Biographie de ce grand poète , par
le célèbre Karamsin. W — s.
BOGSCH (Jean), né en 174-5,
h Deutschendorf , fit ses études a
Leutschau, à Presbourg, et revint
dans la première de ces villes pour y
tenir une école. Il s'acquitta pen-
dant seize ans de cette tâche avec
beaucoup de succès , puis il fut
appelé a Presbourg (1785), pour y
remplir la double fonction d'organiste
et de maître de grammaire. C'est la
qu'il mourut le 18 janvier 1821,
après cinquante années passées dans
la carrière de l'enseignement. Indé-
pendamment de sou mérite comme
mstituteur,Bogsch s'acquit des droits
à l'estime du public éclairé, par deux
ouvrages d'agronomie : I. Maïuiel
abrégé, contenant des préceptes
fondés sur l'expérience, relative-
ment à l' art de foire croître les ar-
bres fouitiers utiles et les plantes
indispensables à la cuisine, Wenne,
1794. IL Instruction abrégée,
d'après des essais nuiltipliés, pour
T éducation des abeilles. Vienne,
1795. Le succès de ces deux ou-
vrages fut dû surtout a leur clarté,
aux faits positifs et peu connus dont
ils sont enrichis, et enfin a la faci-
lité avec laquelle chacun peut réali-
ser les préceptes qu'ils contiennent.
P_OT.
BOGUSLAWSKI (Albert),
auteur dramatique polonais, né, en
1752, d'une famille honorable , re-
çut une bonne éducation et apprit la
plupart des langues de l'Europe.
Passionné pour le théâtre , dès sa
jeunesse, ilcommmenca par jouer lui-
même la comédie avec ueaucoup de
/,i4 BOG
succès. Ce fut sous le règue de Sla-
uislas-Ponialovvski que TarL llicâLial
se répandit en Pologne. Avanl celte
époque onnecoraptaitque troisp:èces
qui avaient obtenu les honneurs de la
représentation, et ces pièces étaient
représentées par des amateurs. En
1764, un théâtre s'établit à Varso-
vie; et quinze ans après il avait déjà
un répertoire de 56 volumes. Le
jeune Bogusiawski apparut au milieu
de cette foule de nouveaux auteurs.
La première pièce qu'il fit repré-
senter était une traduction de la co-
médie française : les Fausses infidé-
lités. Le directeur du théâtre. Mont-
brun, se lia avec lui d'une étroite
amitié, et ilTencourageadansses es-
sais, l'engageant à traduire toutes les
pièces remarquables des théâtres
étrangers. Mais le génie de Bogus-
lawski ne pouvait pas s'asservir tou-
jours à la traduction j il composa
l'Amant auteur et serviteur qui
fut très - bien accueilli; ce qui
l'excita à mettre en opéra une
pièce de Bobomoiec, intitulée: Ze
bonheur triomphant de laj'alalité,
qui eutégnlement un succès complet.
Boguslawski arrangea alors des opé-
ras italiens en leur donnant plus
d'étendue. En 1780 les principaux
artistes dramatiques quittèrent Var-
sovie pour aller a Léopol. L'entre-
preneur Bizesti fut obligé de casser
son contrat avec Boguslawski , et
celui-ci contraint de se rendre a
Léopol, pour poursuivre sa car-
rière. Il éprouva mille tracasseries ,
par suite de ce changement; et il était
presque décidé a abandonner le théâ-
tre quand il reçut de nouveaux en-
couragements de la part de Moszjnski,
direct eur-général du théâtre. Il re-
vint alors à Varsovie. En i 782, après
avoir surmonté d'immenses difficultés
eu appliquant les combinaisons musi-
BOG
cales à la langue nationale, il fit re-
présenter l'opéra original polonais.
En 1785, le prince Martin Lubo-
rairski fut nommé directeur du théâ-
tre, mais l'année suivante le roi con-
fia k Boguslawski la direction des
théâtres allemand et polonais et celle
des ballets, et il l'aida de toute sa
protection lui permettant de donner
plusieurs représentations pendant la
diète de Grodno. A la suite d'un
procès avec les monopoleurs du théâ-
tre de Varsovie, Boguslawski quitta
celte ville et se rendit avec sa troupe
a Wilna, oii il obtint de nouveaux
succès. En 1787,1! fil le voyage de
Dubuo, de Léopol et de Grodno.
Rentré a, Varsovie en 1790, il obtint
de nouveau la direction générale des
théâtres, et le monopole fut aboli par
la volonté du roi que sanctionna la
Diète. A cette époque, Varsovie pos-
sédait toute l'élite de la jeunesse et
de la république qui s'y était donné
rendez-vous. Boguslawski ne dé-
mentit pas les espérances qu'il avait
fait naître , et le théâtre polonais
égala les premiers théâtres de l'Eu-
rope. La Pologne après des ef-
forts inouïs succomba dans la lutte
acharnée de trois puissances voisines.
Boguslawski dut se retirer a Kra-
kovie. Cependant son infatigable ac-
tivité lui ouvrit une nouvelle voie.
11 apprit qu'un théâtre allemand
s'organisailâ Léopol, et il se hâta d'y
aller. Il se mit en relation avec
l'entrepreneur Bulli, et donna des
représentations allemandes et polo-
naises, qui durèrent jusqu'à la moitié
de l'année 1799. Plus tard il revint
a Varsovie, et, dans l'espace de neuf
mois il fit représenter trente pièces
nouvelles. Delà il se rendit a Posen
et àKalisz, et partout il obtint de
grands succès; mais ses opinions pa-
triotiques, manifestées dans plusieurs
B03
circonstances, le mirent eu disgrâce
auprès du gouvernement prussien qui
s'était emparé de celle [artie de la
Pologne. Ou lui fit défense de re|a-
raître sur la scène; une chanson li-
bérale fut le prétexte ou la cause de
celte rigueur : mais bientôt il fut
rappelé au théâtre, et de i8o4 à
1807 il dirigea la scène ds Varsovie.
Eu 1807, il alla à Posen • mais les
armées Irancaises y avaient établi un
théâtre français, et Boguslawski dut
se rendre à Bialyslok. En 1809, il
obtint du roi de Saxe , devenu grand-
duc de Varsovie, la permission d'é-
lever un théâtre dans cette ;ille;
mais l'entrée des troupes autrichien-
nes mit obstacle à ce projet 5 il cher-
cha des ressources'k Krakovie, et re-
vint dans la capitale après sa déli-
vrance. C'est alors qu'il y fonda une
école dramatique. Les événements de
1812 et des années suivantes eurent
une fâcheuse influence sur le théâtre
polonais. Bogtislawi'kl cependant per-
sévéra dans ses entreprises ; mais le
5o avril i8i4 il ferma difinilivement
son théâtre, et se mil à faire des
voyages en Gallicie et en Lithuanie
pour publier ses œuvres dramatiques
qui composent 10 volumes in-8°,
1819 k 1821. Il est auteur de 80
pièces de théâtre dont les 10 volumes
imprimés à Varsovie ne contiennent
que soixante 5 les autres sont des
traductions d'opéras italiens. Son
Histoire du théâtre polonais for-
me le premier volume de ses OEii-
vres dramatiques. Boguslavvski. ac-
teur inimitable , excellait également
dans lacoméde et la tragédie. Après
avoir parcouru une carrière riche de
gloire et de succès, mais traversée
par toutes les peines qui s'attachent
si souvent aux hommes supérieurs,
il moiirul a \arsuvie eu 1829.
Ch — o.
BCMi
435
BOHAIRE ( DuTHEiL DE ) ,
auleur dramatique et satirique, que
tous ses efforts n'ont pu tirer de
l'obscurité, naquit vers 1750 à La
Fei lé-sous-Jouarre. Quelques études,
achevées dans les collèges de Paris,
lui iuspirèrent le goût des lettres; et ,
se croyant un talent décidé pour le
théâtre, il débuta par un drame en
prose , intitulé : Eulalie , ou les
préférences amoureuses. Cette
pièce avant été refusée par les comé-
diens, il la fit imprimer en 1777; et,
loin de cacher l'arrêt porté contre
son ouvrage, il l'annonça sur le fron-
tispice, et y joignit un long mémoire
dans lequel , après avoir démontré
que la pièce est excellente, il déclare
qu'il l'a lue à une demoiselle, a un
gentilhomme, à un marchand et k
une cuisinière qui l'ont trouvée très-
amusante; et qu'il n'y a que les sa-
vants, les beaux-esprits et les comé-
diens qui l'aient trouvée mauvaise.
Eohaire conçut ensuite l'idée au moins
bizarre de mettre la Henriade en
tragédie, sous le nom de Siège de
Paris y et il trouva le secret de com-
poser, avec les vers de Vcltaire, une
pièce dont il est impossible de sup-
porter la lecture. Craignant sans
doute que le public ne lui attribuât
d'autre parla cette œuvre que le plan
et la distribution des scènes, il eut
soin d'avertir, dans la préface , qu'il
n'y avait pas mal àe vers de lui.
La Nouvelle Iléloïse , dont il con-
serva le litre, lui fournit le sujet d'une
seconde tiagédle, imprimée en ijçjz^
et la même année il publia la Pas-
sion de Jésus-Christ ^ ou la véri-
table religion, pièce dont le style fait
regretter celui des Mvstères. Ou doit
cependant tenir compte k l'auteur d'a-
voir eu le courage de .se déclarer en
faveur d'uu culte dont les ministres
étaient alors proscrits. En faisant
28.
4^6
ïijli
iaiprimcr ses pièces , Hohaire ne put
réussir a leur dounerla moindre [)i:-
blicité. Elles ont éJiappé même aux
lecherclies ir.icroscopicjues du raaliu
Rivarol, q'.ii , s'il les eût connues ,
n'aurait pas manqué de s'égayer, aux
dépens de l'auteur, dans son petit Al-
manach des grands hommes. Per-
suadé sans doute qu'il serait plus
heureux dans un autre genre, Bo-
haire abandonna le théâtre, mais
sans renoncer à la manie de rimer.
Des Epitres , dont une a Chénier ,
une autre a Bonaparte , restées cer-
tainement sans réponse, àc$ poèmes,
des satires, etc., furent le fruit des
loisirs de son âge mùr. Il fit impri-
mer, de i8i3 à 1824., a Meaux,
une vingtaine d'opuscules , qui tous
ont le mérite de la rareté , puisqu'ils
n'ont été tirés qu'a un très-petit nom-
bre d'exemplaires. On en trouve les
litres dans la France littéraire , de
M. Quérard , I, 5 70. Bohaire est
mort en 1825 "a la Ferté dans uu
âge avancé. Parmi ses opuscules
il s'en trouve deux , le Zélateur
du régime monarchique, 182 3 5
et le B.oyaliste philosophe , ou
l'opinion d un bon , d'un véri-
table citoyen (envers), 1824, dans
lesquels l'aulcur , parlisan de la res-
tauration, fait des vœux pour sou af-
fermissement. Sur le litre de ces
deux pièces la Biographie uni\>er~
selle et portative des contempo-
rains, 452, dit que les Bourbons ont
trouvé Bohaire entièrement dévoué a
leur cause qu'il soutient de sa plume
(quel soutien !) ; que sous l'empire,
il avait flagellé Napoléon (de 1 799 a
i8i3, il n'a pas publié une seule
pièce)^ et que précédemment, parti-
san exagéré de la révolution, il avait
lait paraître une foule de brochures,
où le délire révolutionnaire est porte
a sou comble. Le (ail est que Bohaire
liOlI
n'csl nomnié ni dans le Moniteur,
ni dans aucune des nombruises com-
pilations des crimes et des soLlises de
1 époque- et que, depuis i 792 jusqu'au
consulat, il n'a publié que VEpître
à Chénier, en 1795. Yoilà puurlaul
avec quelle mparlialilé les contem-
porains sont jugés dans la Biogra-
phie contemporai/ie ! \\ — s.
BOHAX, ( François -Philippe
LouKAT, baron de), tacticien , naquit
en 1761 , a Bourg en Bresse , d'une
famille noble, fut admis de bonne
heure a l'école militaire , et s'y
distingua par ses talents pour Téqui-
tation. Il entra comme sous-licute-
nanl , a l'âge de 1 7 ans , dans Royal-
Pologne, cavalerie. Quatre ans après,
il obtint une compagnie dans les dra-
gons de La Rochefoucauld. En 1 7 84,
il fut fait colonel des dragons de Lor-
raine, puis major-général de la gen-
darmerie, corps que fit supprimer
une mauvaise économie. Joignant à
l'expérience que donne la pratique
beaucoup d'esprit et de jugement, il
écrivit sur l'organisation militaire de
la France un ouvrage très-remarqua-
ble , et qui, chose rare, en lui con-
ciliant le suffrage des officiers les
plus instruits, ne lui suscita pas d'en-
nemis parmi ceux qui ne partageaient
pas ses opinions. Mis a la retraite,
Bohan revint habiter sa ville natale.
Dans les premières années de la ré-
volution, dont il adopta les principes
avec modération , il accepta les fonc-
tions d'administrateur des hospices
et de commandant de la garde natio-
nale à cheval. Malgré la considéra-
tion dont il jouissait, il n'en fut pas
moins inscrit un des premiers sur
la liste des suspects, en 1793. Le
proconsul Albitte avait signé l'ordre
de le conduire à Lyon avec dix-sept
autres proscrits, dont quinze périrent
sur l'échafaud 5 mais il révoqua cet
BOH
ordre sur Tobservatioii que Eolian
qu'il envoyait k la mort sans If con-
uaîlreélail le même que Boliaii daus
la maison duquel il était logé. Toute-
fois celui-ci ne recouvra sa liberté
qu'après le g thermidor. Membre
depuis 1785 de la société littéraire
de Bourg , Boban avait eu plusieurs
fois l'honneur de la présider, et lui
avait communiqué des mémoires
pleins d'intérêt, mais qui sont restés
manuscrits. Il en fut un des nouveaux
fondateurs , et contribua beaucoup h
donner une direction utile k ses tra-
vaux. Il possédait une bibliothèque
choisie , un cabinet d'histoire natu-
relle, et un jardin, où il avait réuni
beaucoup d'arbres étrangers qu il vou-
lait acclimater. Sur la fin de sa vie, il
s'occupait exclusivement d'agricul-
ture. Privé dans l'espace de quelques
années d'une femme digne de sou at-
tachement et de deux filles qu'elles
lui avait données, il ne put survivre
k ces êtres chéris, et mourut a Bourg
le 12 mars (i) 1804.. On a de lui :
I. Examen critique du militaire
français , Genève, 1781, 5 vol.
in-S", fig. L'auteur j passe en
revue tout ce qui concerne l'organi-
sation d'une armée, montre les in-
convénients de nos usages , et propose
les remèdes qu'il conviendraiî. d'y
appliquer. Le troisième volume , qui
contient les Principes pour monter
et dresser les chevaux de guerre ,
a été réimprimé avec des extraits
des deux premiers volumes, Paris,
1821, in-8'% fig. II. Notice sur
t acacia-robinia , Bourg, i 8o5, in-
8°. m. Mémoire sur les haras ,
(i) Lalande vaiie sur la date de la mon de
Bolian. Dans la Aolice en tète du Mémoire sur
les Haras, il la place au f) mars, et dans l'Eloge
publié en i8o5, au 12 du niéiiir mois. Celle
dernièredate est exacle puisque Lalande, s'étant
rendu à Bourj pour y lire l'éloge de son ami,
n'auia fait celte recliûcation qne sur des
rer.spi^nçnients contr-iiree.
HOII
'1 '7
considérés comme une nouvelle
richesse pour la France^ etc., Paris,
i8o4, in-8". Cet otivrngc posthume
a été publié par Lalande , précédé
d'un extrait de ï Éloge de Tauleur,
qu'il ])ronouça l'année suivante a la
société littéraire de Bourg. Boban y
démontre qu'une bonne administra-
tion des haras épargnerait chaque-
année a la France douze millions,
que lui coûte la remonte de sa cavale-
rie. Parmi ses autres Mémoires , on
se contentera de citer celui mr la
manière de préserver les ballons
de la foudre, ^1^1 ■> et un autre
sur le froid et la chaleur, 1789 ,
qui prouvent de grandes connaissances
en pbvsique. — Son frère , qui fut
d'abord comme lui officier de cavale-
rie, devint général dans la révolution ;
fit toutes les campagnes de cette épo-
que jet, parvenu k un âge très-avancé,
obtint sa retraite et mourut vers
i85o. W — s.
BOHL (Jea>'-Chrktien), méde-
cin du roi de Prusse et professeur a
l'université de Kœnlgsberg, naquit
dans cette ville le 19 novembre
1705. Après V avoir commencé ses
études, qu'il alla terminer K Leipzig
et k Levde , il prit le litre de docteur
dans cette dernière école, et peu de
temps après son retour dans sa pa-
trie , obtint une chaire , qu'il remplit
jusqu'à sa mort, arrivée le 29 dé-
cembre 1785. On a de lui : 1. Dis-
sertatio de morsu , Leyde, 1726 ,
in-4.'\ IL Uiisertatio epistolaris
de usu novarum cavœ propai^inum
in sjstemate Chylojiao , Amster-
dam, 1727, in-4". On trouve cette
Dissertation dans les OEuvres de
Ruysch, Bohl v émet des doutes
contre l'opinion de Ruysch, que la
substance corticale du cerveau est
purement vasculaire. Wl.Dissertatio
exhihens medicnmenla litlionfrip-
4^8
BOH
tica anglicana revisa, Kœnigsbcrg,
174.1 , in-4-"« IV. JDissertatio sis-
tens liistoriam naturalemviœ lac-
tcœcorporishamani,perexlispicia
aiiimalium oUm detectœ, nunc in-
solilo diictu chylijero genuino
auctœ , cum Jiotis criticis necessa-
riisque commentariis ad placita
Ruyschiana et Boerhaaviana ,
Kœnigsberg, i74-i, ia-4.°. Cetle
disstrlatiou renferme une excellenie
description des vaisseaux lactés et
une bonne figure du canal tbora-
ciqiie. V. Des précautions à
prendre dans les expériences sur
les êtres vivants pour constater
r insensibilité des tendons (en aile-
mand) , Kœnigsberg , 1767, in-8°.
Bohl rapporte des expériences con-
statant cjue les aponévroses des mus-
cles de l'abdomen, le périoste, la
dure-mère et le tendon d'Achille sont
insensibles chez Tliomme. IX. Pro-
gruînma de lacté aberrante , Kœ-
nigsberg, 1772, in 4.". J — D — ^\
BOHTORI (Alvalid), poète
arabe, de la tribu de Tay, naquit en
Syrie, a Manbedj ( l'ancienne Hiéra-'
polis), vers l'an 206 de l'bégire, 821
de J.-C. Il fui dirigé dans son goût
pour les vers par le célèbre Abou-
Temam {Foj. ce nom, I, loi).,
^aii de sa mère , el se rendil ensuite
à Bagdad pour y chercher fortune.
C'est la qu'admis dans les bonnes
grâces du khalife Motavakkel et de
son visir Falh , il composa la plus
grande partie de ses ouvrages. Il
mourut en Syrie vers la fin du neu-
vième siècle de notre ère. Bohiori
s'était fait une grande réputation par
ses poésies. Ou donnait à ses vers le
nom de chaînes d'or. Il avait reçu
tant de présents pendant sa vie, qu'on
trouva chez lui après sa mort cent
babils complets et cinq cents turbans.
Il est ordinairement regardé comme
BOÎi
l'un des trois poètes arabes les plus
distingués qui soient venus après le
premier siècle de l'hégire. Les deux
autres sont Abou-Temam et Mote-
nabby yP'oy. ce nom, XXX, 267).
Il nous reste de Bohtori : I. Un di-
van , où ses poésies sont rangées d'à'
près l'ordre alphabétique des rimes :
ce divan se Irouveala bjbliolhèquedu
roi. Il existe une autre édilion où les
poésies sont classées par ordre de ma-
tières. Ce recueil a eu plusieurs com-
mentateurs, entre autres Aboul'-Ola
[F oy. ce nom, I, 97). II. Un recueil
d'anciennes poésies arabes , a l'iiiiila-
tion de celui d'.Vbou-Temara , et in-
titulé égalemeiiti/rtwairt. Ce recueil,
beaucoup moins célèbre que celui
d'Abou-Teraam , se trouve a la bi-
bliothèque de Leyde. M. Freylag a
publié dans ses Selecta ex lustoria
Ilalebi , Paris, i8i9,in-8°, une
des pièces du divan , adressée au
khalife Motavakkel. R~-d.
BOIIUSZ (Xavier), historien
polonais, naquit en Lilhuanie le i'^''
janvier i 746. Elève à l'université de
\\ ilna, il ne tarda pas à être employé
dans la maison du célèbre Antoine
Tyzenbauz, surnommé le Colbert
de la Pologne^ à cause des immen-
ses services qu'il rendit à sa patrie
sous les rapports industriels et com-
merciaux. Bohusz voyagea dans pres-
que toute l'Europe , et laissa trois
énormes volumes d'observations
recueillies pendant ses longs voya-
ges. Frère d'Ignace Bohusz, secré-
taire de la confédération de Bar ,
un des hommes les plus influents de
celle époque, Xavier Bohusz écrivit
l'histoire de cette confédération,
mais en 1794 ^es Russes l'enle-
vèrent à Wilna, et l'emmenèrent en
Sibérie. Ses papiers furent égarés;
mais on assure que bieu plus tard
ils passèrent à la bibliothèque des
BOl
princes CzarlorTskih Piilawy- Apres
une longue caplivilé, Bohusz rentra
dans sa pairie et fut nommé juge
de paix du premier arrondissement
de la ville de Varsovie, et membre
de la sociélé royale des amis des
sciences de cetle ville. En 1786 , il
fit imprimer à Wilna un ouvrage
intitulé: Le philosophe sans reli-
gion ; mais son ouvrage capital et
celui qui le place au rang des savants
et des historiens du premier ordre ,
ce sont ses Recherches sur les anti-
quités de t histoire et de la langue
lithuajùennes, publiées en 18 08, et
réira primées en 1 8 2 8 . Bohusz mourut
a Varsovie en 1825, âgé de 79 ans.
Ch — o.
BOICÎÏOT ( Guillaume (i),
sculpteur, né en 1738 a Chalon-sur-
Saône, alla fort jeune se perfection-
ner en Italie et s'attacha particulière-
ment a Félude des chefs-d'œuvre an-
tiques , conservés a Rome et à Flo-
rence. A son retour dans sa patrie,
il fut chargé d'exécuter, pour l'église
Saint-Marcel-les-Chàlons, deux an-
ges de proportion colossale, destinés
a soutenir ia châsse qui renfermait les
reliques du saint patron. Quoiqu on
reconnaisse dans cet ouvrage , qui
subsiste encore , un artiste formé sur
les grands modèles , il ne faut pas
juger Boichot sur ce morceau de
commande qui produit un effet mé-
diocre a ia place qu'il occupe. Ap-
pelé quelque temps après dans la
capitale de la Bourgogne par Fabbé
de Saint-Benigne, il décora le réfec-
toire de cette abbaye de bas-reliefs,
dontladestruction n'est pas le moindre
mal que le vandalisme ait fait a Di-
jon, lien exécuta trois autres qui sub-
sistent encore dans la salle de l'aca-
démie , où les connaisseurs retrouvent
(i) Et non pas /ean, coiinne ou le dit dans
les Dictionnaifss et les Biojraphios modwnes.
BOI
439
celte pureté de trait, celle simplicité
de composition , ce goût de Fantique,
qui distinguent les productions d'un
artiste trop peu connu. Plus tard,
Boichot vint 'a Paris 5 mais trop mo-
deste pour se produire, et manquant
de prôneurs , il y resta plusieurs
années dans un état voisin de la mi-
sère. Cependant, c'est à celte époque
qu'il exécuta le beau bas-relief qui
forme le rétable du maître-autel de la
paroisse de Montmartre. En 1789
il fut admis a l'académie royale de
sculpture, sur «ne statue de Télèphe
blessé par Achille , qui, la même
année , exposée au salon, y réunit
tous les suffrages. Boichot, n'ayant
point été compris au nombre des ar-
tistes qui furent employés parle gou-
vernement pendant la révolution, se
vit forcé , pour subsister avec sa fa-
mille, d'accepter la modeste place de
professeur de dessin a l'école centrale
d'Aiitun. Toutefois, il fut nommé cor-
respondant del'Institut à !-a création,
et il revint à Paris dès qu'il eut l'es-
pérance d'y être occupé. 11 mit a
l'exposition, en 180 1, les iM5fe.î de
Denon et de Bernardin de Saint-
Pierre. Cet habile artiste, aussi mo-
deste que laborieux, mourut pauvre
le 9 déc. i8i/f. Parmi les ouvrages
qu'il a laissésa Paris, on cite -.ï Her-
cule assis • le grand bas-relief du
porche de Ste-Geneviève ; la statue
du patron a Saint-Roch et enfin les
Z'rts-re/Ze/i du grand portique del'arc-
de-triomphe du Carrousel, où les ama-
teurs retrouvent le style et la manière
de Jean Goujon. C'est sur les dessins
de Boichot qu'ont été gravées les figu-
res du Théocrite, de VHérodote,
du Thucydide et du Xénophon de
Gail, qui a donné une JSolice très-
incomplète sur Boichot. (Voy. le
Moniteur du i5 février 181 5.)
W— s.
kkf*
BOI
BOIE (Henri- Chrétien), né h
Meldorp,dans le Holstein , eu ly^ô,
mourut conseiller d'élat eu i8o6. Il
fut avec Frédéric-Guillaume Golter
le père et le créateur des Almanaclis
des Muses en Allemagne, et publia
celui de Gœllingue avec cet écrivain,
de 1770 a 1773. L'Almanarli des
Muses était une imilation française, à
laquelle nos voisins applaudirent avec
une sorte d'enthousiasme. De 1776
k 1778 , il eut pour rédacteur L.-
F.-G. von Gockingk ; de 1779 a
1794., le célèbre Biirger. Le doc-
teur Reinhard le continua jusqu'en
i8o5. On a un recueil des poésies
de la jeunesse de Boie, iuiilulé :
Gedichte,V>vèvae, 1770. R — f — c.
BOIELDIEU (Fra^çois-
Adrie\), compositeur français, na-
quit k Rouen le 1 6 décembre 1775.
Son père, qui, après la révolution
et par le crédit de Mollien, son com-
patriote , obtint une place k la
caisse d'amortissement, était alors
secrétaire de rarchevêclié : sa mère
tenait le magasin de modes le plus
achalandé de la ville. Les disposi-
tions musicales de l'enfant s'annoncè-
rent de bonne heure , et Broche ,
organiste de la cathédrale, se char-
gea de les cultiver. Par la bizarre-
rie de ses manières, et sa dureté envers
ses élèves. Broche était tout -à-fait
un artiste de l'ancienne école: le
petit Boïel (c'est ainsi qu'on nom-
mait Boïeldieu) eut k souffrir plus
que tout autre : il était le plus jeune
de ses condisciples, et il lui fallait
remplir auprès de Broche l'office de
valet de chambre , comme jadis
Haydn auprès du vieux Porpora.
Broche, qui tenait k Rouen le mo-
nopole de l'enseignement musical ,
t|ui fréquentait les meilleuresmaisons,
hnniine du monde, homme de plai-
sirs chez les autres, redevenait en
BOI
entrant chez lui pédagogue farouche,
tyran impitoyable. Un jour, le
petit Boïel, saisi de terreur k la vue
d'une tache d'encre qu'il venait de
faire sur un livre de son maître, ne
crut pouvoir se soustraire au péril
que parla fuite; il partit seul, a
pied , et vint k Paris. Bientôt rendu
k sa famille , k son maître, qui mo-
difia quelque peu sa méthode, le
jeune Boieldieu fit des progrès si
rapides, que nul doute ne resta plus
sur sa vocation. Dès l'âgede sept ans
il avait commencé k toucher le cla-
vecin : deux ans lui avaient suffi
pour se mettre en état d'improviser
sur l'orgue. Il ne s'en tint pas Ik :
il composa de petits morceaux, so-
nates , romances , et sans savoir en-
core bien les règles de l'harmonie, il
écrivit la partition d'un opéra en un
acte; le poète et le musicien étaient
de Rouen : leur ouvrage obtint un
plein succès sur le théâtre de leur ville
natale. Boïeldieu ne tarda pas k re-
prendre la route de Paris , et cette
fois de l'aveu de sa famille (1795).
Il avait k peine vingt ans. Avec une
figure charmante, des manières
exquises, il possédait un beau talent
de pianiste , une voix agréable : il
semblait donc avoir tout ce qu'il fal-
lait pour réussir, et pourtant il ne réus-
sit pas d'abord. La musique avait subi
la même influence que les autres artsj
c'était l'époque de l'énergie et non celle
de la grâce : on voulait avant tout
des seusations vigoureuses et profon-
des. Mélml, Chérubini, Lesueur
avaient donné des ouvrages du
style le plus sévère , tels qu'jE'î^-
plirosine et Coradin^ Lodoïska,
la Caverne, L'heure de Boïeldieu
n'était pas venue : son petit opéra ,
soumis au jugement des maîtres , fut
trouvé d'une extrême faiblesse. Pen-
dn n t quelque temps, il vécut au hasard ,
BOI
enseignant le piano, ne dédaignant
pas même le luélier d'accordeur,
composant, chantant de délicieuses ro-
mances , dont plusieurs, et, entre
autres, J^ivre loin de ses amours,
jouirent d'une vogue populaire. Ga-
rât , le chanteur a la mode, les prit
sous sa protection, et la réputation
de Boïeldieu commença dans les sa-
lons. Enfin le talent du jeune compo-
siteur inspira assez de confiance pour
qu'on jouât au théâtre Fejdeau son
opéra de la Famille suisse, et ce-
lui de Monhreuil et Merville , en
1797 : 1 un et l'autre étaient en un
acte. Zordime et Zulnare, opéra
eu trois actes, composé auparavant,
ne put être représenté que Tannée
suivante (1798), ainsi que la Dot
de Suzette. En 1799, les Mépri-
ses espagnoles et le Calife de Bag-
dad parurent au théâtre Favart. Tels
furent les débuts de Boïeldieu : il ne
se laissa pas éblouir par leur éclat. 11
avait été nommé professeur de piano
au conservatoire: et c'est , dit-on,
dans sa classe , entouré de ses élè-
ves , que , sur un coin du piano , il
écrivit les mélodies si originales et
si franches du Calife. Après l'im-
mense succès de cet ouvrage , que
trente années n'ont pu vieillir ,
Boïeldieu pouvait croire que le gé-
nie tenait lieu de science : au con-
traire il avait senti Tinsuffisance de
son éducation musicale, et prié Ché-
rubini de lui donner des leçons. Les
conseils du savant professeur fructi-
fièrent. Après la réunion des deux
troupes d'ojiéra-comique dans la
salle Feydeau , Boïeldieu donna
Ma tante Aurore ( 1802 ); et
l'on remarqua dans ce nouvel ou-
vrage des progrès décidés , une in-
strumentation élégante et soignée ,
des dessins bien suivis, des mor-
ceaux d'ensemble combinés avec art
BOI
hU\
et remplis d'effets ingénieux. Le fa-
meux quatuor restera un des mor-
ceaux classiques de l'école française.
D'aliord la pièce était en trois actes,
et le premier jour on la sifDa: c'é-
tait presque une chute* mais Boïel-
dieu, qui avait apprécié son œuvre,
n'en désespéra pas : deux jours
après, diminué d'un ace , l'opéra de
]\Ia tante Aurore se releva complè-
tement. Boïeldieu avait épousé eu
I 8 02 m"*" Clotilde, célèbre danseuse
de l'Opéra: ce mariage ne fut pas
long-temps heureux. Dès Tannée
suivante, voulant se délivrer des cha-
grins domestiques qui l'obsédaient ,
Boïeldieu prit loul-a-coup la résolu-
lion de quitter la France , et de par-
tir pour la Russie, où il allait retrou-
ver une famille qu'il aimait comme
la sienne. Arrivé aux frontières de
l'empire russe, il reçut un message
d'Alexandre, qui lui conférait le titre
de son maître de chapelle. Une récep-
tion brillante Tattcudait à. Saint-Pé-
tersbourg : on exécuta a l'Ermilage
le Calife de Bagdad , devant la la-
mille impériale ei toute la cour, dans
une salle étincelanle de lumières et de
parures. Un traité fut conclu entre
le directeur du théâtre impérial et
Boïeldieu : le compositeur promit d'é-
crire trois opéras nouveaux chaque
année , moyennant que Ttmpereur
lui fournirait Ks poèmes. Cette der-
nière clause n'était pas la plus facile
a exécuter 5 aussi Tempereur y raan-
qua-t-il, et Boïeldieu se vit-il obligé
de prendre dans 'OU porte-feuille des
poèmes déjà mis en musique ou qui
n'étaient pas destinés a eu recevoir.
C'est ainsi qu'il écrivit une partition
à' Aline, reine de Golconde, après
celle de M. Berton ; de Télémaque,
après celle de M. Lesueur; des l oi-
tures versées , sur un vaudeville de
I\I. Dupalv; delà Jeune femme co-
444 BOI
lère^ sur nue comédie de M. Etien-
ne j des Deux paravents , A"" Amour
et mystère sur des vaudevilles
de MM. J. Pain et Bouilly. Il com-
posa encore des chœurs pour VA-
thalie de Racine, et un grand
nombre de marches et de morceaux
militaires pour la garde impériale
russe. Un seul poème fut écrit pour
lui aSainl-Pétershourgpar un Fran-
çais, attaché comme chanteur au
théâtre impe'rial ; mais la chute
à' Ahderkan punit le poète de sa
présomption. Télcmaque était un
des ouvrages que Boïeldieu affection-
nait le plus. Il l'avait composé en
six semaines pour les relevailles de
l'impératrice 5 et , a mesure qu'il écri-
vait , les acteurs apprenaient , on
répétait au théâtre , de sorte que
l'ouvrage fut aussitôt représenté que
fini. Les chœurs S Athalie renfer-
maient aussi de grandes beautés , et
produisaient tant d'effet qu'une cé-
lèbre tragédienne française, qui se
trouvait alors en Piussie , cessa de
jouer le rôle principal, parce que la
musique enlevait une trop large part
d'applaudissements. Quelque bril-
lante que fût son existence a Saint-
Pétersbourg, Boïeldieu sentit le be-
soin de revoir sa patrie : l'air et le
ciel de la France étaient nécessaires
à sa santé affaiblie. K'osant rompre
entièrement sa chaine , il sollicita un
congé (181 1) , que les circonstances
d'accord avec sa volonté devaient
rendre définitif. Quand Boïeldieu
revint 'a Paiis , le gracieux et fécond
Nicolo était en possession del Opéra-
comique : Boïeldieu et lui se le par-
tagèrent, au grand profit de l'art et
des plaisirs du public. Dans l'année
même de son retour, Boïeldieu fit
jouer les J9ew.r paravents ou Rien
de trop, dont il avait compose la
musique en Russie. L'année suivante,
ÊOI
(18 12), il écrivit et donna Jean ds
Paris , un de ses meilleurs ouvra-
ges : il j avait placé un morceau
tiré de son Télémaque, l'air
chanté par la princesse de Navarre,
Quel plaisir d'être en voyage , et
qui faisait partie du rôle d'Encharis.
La Jeune femme colère, égalcnient
composée en Russie, suivit de près
Jean de Paris. Quoique le sujet
fût peu musical , on y remarqua un
trio et un quatuor pleins d'expres-
sion et de vérité dramatique. Le
ISouveau seigneur de 7Hllage , qui
fut joué en 181 3, reçut l'accueil que
mérite un chef-d'œuvre: jamais le
compositeur ne s'était montré plus
vrai, plus élégant , plus fin dans ses
mélodies, plus habile et plus varié
dans son insirumentation. En février
1814., Boïeldieu fit sa part de
Bayard à Mézières , ouvrage de
circonstance, avec Chérubini , Catel
et Nicolo. Il donna l'opéra à' Ange-
la ^ avec madame Gail , sou élève.
En 181 6, il donna la Fête du vil-
lage voisin , partition spirituelle ,
mais un peu froide. La même année,
à Foccasion du mariage du duc de
Berri, il composa Charles de Fran-
ce, en société avec Hérold , encore
inconnu , et dont il favorisait ainsi les
premiers pas : le trio des Chevaliers
de la fidélité , écrit par Boïeldieu ,
a survécu k toute la partition de
Charles de France. Méhul étant
mort en i 817 , Boïeldieu et Nicole
se présentèrent pour lui succéder a
rinstitut. L'élection fut vivement dis-
putée : Boïeldieu l'emporta; et, com-
me pour légitimer l'honneur qu'on lui
accordait, il écrivit la belle partition
du Petit chaperon rouge , joué en
1818: son talent qui s'élevait tou-
jours , n'avait encore rien produit
d'aussi fort, ni d'aussi complet. Les
Voitures versées y opéra joué a Saint-
BOÎ
Pélershourg et presque enlièrement
refondu pour la scèii»* française, pa-
rurent en 1820. Siflle'e le premier
jour , comme ^la tante Aurore ^ la
pièce se releva, grâce a la musique,
le surlendemain. Deux ouvrages de
circonstance , représentés au graud
opéra, Blanche de Provence.^ com-
posée pour la naissance du duc de Bor-
deaux, avec Chérubini, Berlon ,
'Kreutzer et Paër (1821), et P/m-
ramojid, composé pour le sacre de
Charles X, avec Bertou et Kreuizer
(1825), précédèrent le dernier et
peut-être le plus admirable des chefs-
d'œuvre que Boïeldieu ait enfan-
tés. La Daine blanche^ représentée
le 1 0 déc. 1825, oblint un succès
immense non seulement a Paris et
en France, mais dans toute l'Europe j
l'Allemagne en fit ses délices, et FI-
lalie même, si exclusive dans son
goût musical, ne put s'empêcher de
l'applaudir. Les TJeux nuits termi-
nèrent la carrière théâtrale de Boïel-
dieu (20 mai 1829). 11 avait rap-
porté de Piussie le germe d'une souf-
france habituelle que dans le monde
on appelle maladie noire. Dans les
dernières années de sa vie, une phlhi-
5>ie laryngée, s'attaquant d'abord a
l'organe vocal, et le détruisant par
degrés, mina sourdement ses forces.
Privé de la faculté d'écrire de la mu-
sique, parce qu'il ne pouvait en écrire
sans chanter, il voyagea, parcourut
la Provence, l'Italie , alla chercher
dans les Pyrénées des bains dont il
avait éprouvé l'influence salulaire.
Dans l'hiver de i833 a i 834, il com-
posa encore pour les bals de 1 Opéra,
sous le nom vulgaire de galop , une
petite symphonie pétillante d'esprit
et de verve, oîi se retrouvent tout le
charme et la fraîcheur de son talent.
Dans l'automne suivant, il revint de
Bordeaux dans sa maison de Jarcy,
BOI
44'^
près Grosbois, faible, languissant, et
il V mourut le 8 opt. 1854. Ses ob-
sèques se célébrèrent dans l'église des
Invalides , l'archevêque dt- Paris
n'ayant pas permis qu'elles eussent
lieu dans celle de Saiut-Iloch. On
y exécuta la messe des morts com-
posée par Chérubini pour les funé-
railles de Louis X\III. Sa dépouille
morlells fut portée au cimetière de
l'Est , dit du Père-la-Chaise, et dé-
posée entre les tombes de Grétry,
Monsigny , Dalayrac , Méhul , ISi-
colo , et de Hérold , mort peu de
temps avant lui. Bouen, oii il avait
vu le jour, réclama son cœur qui lui
fut accordé par la famille, pour être
placé dans un n.onumenl construit
aux frais de la ville. Boïeldieu, de-
puis son divorce avec Clolilde, s'élait
marié en secondes noces avec la sœur
de M * Philis , qui avait crée' plu-
sieurs rôles de ses opéras, tant k
Paris qu'en Pvussie. Il a laissé un
fils , qui était en même temps sou
élevé , dans la classe de composi-
tion créée pour lui au Conserva-
toire. Parmi ses autres élèves , on
cite MÎVl Adolphe Adam el Théo-
dore Labarre. Comme professeur
de piano , il avait eu pour élèves
MM. Fétis et Zimmernnann. Outre
les vingt-six opéras qu'il écrivit, tant
seul qu'avec des collaborateurs, Boïel-
dieu avait composé une foule de ro-
mances, et plusieurs trios po'ir pia-
no , violon et violoncelle (i). Dans
(i) Nous connaissons encore de lui ()eux au-
tres opéras : l' Heureuse nouvelle , pièce de cir-
constance, jouée à l'occasion du traite de Campo-
Formio, en 1797, au théâtre Feydean ; et la Pri-
sonnière, coni|>osée avec Cherubi:ji et jouée, en
1799, au théâtre Montansier. U a fait en oiilie
piusiems sonates et concertos de piano. Boïel-
dieu était doué d'une grande flexibilité de ta-
lent : il avait su faire du bruit, en 179S, d:ins
Zorainie et Zulnare comme on en fais.tit alors ;
il contribua au retour de la mél'die, opiTe
par Oella Msria , et depuis il a été un des plus
habile$ imitateurs de l'école italienue moderne,
A T.
f^!^l^
BOI
le genre de la comédie musicale (l'o-
péra-comique n'est pas autre chose),
Boïeldieu s'est placé immédiatement
après Grélry , et a coté deDaloyrac.
]Sul n'a rendu mieux que lui le ton
de la conversation et du monde ;
nul n'a mis plus d'esprit dans la mu-
sique, bien que la musique et l'es-
prit soient regardés par beaucoup
d'artistes comme incompatibles. La
phrase mélodique de Boïeldieu est
toujours éminemment française, c'est
à-dire toujours claire, facile, élégan-
te, spiritue le, coquette même, sans
être prétentieuse ni recherchée : son
Jiarmonie, travaillée avec un soin
parfait , spirituelle et coquette aussi
plus souvent que ferme et hardie,
avait suivi ses progrès personnels non
moins que ceux de l'art même. Sous
ce rapport surtout , Boïeldieu mé-
rite d'être étudié : c'est en exami-
nant l'orchestre de ses diverses par-
titions qu'on voit jusqu'à quel point
il portait l'intelligence et le senti-
ment des réformes, ou si l'on veut,
des innovations musicales. Son style
avait marché avec le siècle : il s'était
élargi, coloré, fortifié j la Dame
blanche montre comment il avait
profité de l'exemple d'un homme de
génie , sans tomber dans le servi-
lisme de l'imitation. Admirateur pas-
sionné de Gluck et de Mozart , Boïel-
dieu comprit un des premiers le prodi-
gieux mérite de Rossini, et ne négligea
rien pour le faire comprendre à ses
élèves. « Mes enfants, » leur disait-il,
après leur avoir analysé une nouvelle
partition de ce maître, a voilà la
« meilleure leçon que je puisse vous
a donner. 11 faut avant tout étudier
K les auteurs qui ont du chant , et
a on ne reprochera pas à celui-là
« d'en manquer. » Boïeldieu attachait
un grand prix aux succès, et ne s épar-
gnait aucune peine pour les obtenir.
ROI
Le long intervalle qu'il mit entre
ses derniers ouvrages lui attira le
reproche de manquer de facilité ;
c'était une erreur. 11 concevait faci-
lement, exécutait vite, mais n'était
presque jamais content de ce qu'il
avait fait. Plus d'une fois , il lui
arriva d'écrire jusqu'à six versions
différentes d'un morceau avant d'en
trouver une à laquelle il s'arrêtât.
Quand il avait achevé un opéra, ou
pouvait être sûr que dans ses rebuts
il y avait de quoi en composer qua-
tre ou cinq autres. Il soufîrait cruel-
lement des incertitudes d'une pre-
mière représentation , des rigueurs
d'un article de journal j mais ni les
sifflets ni les critiques ne le fai-
saient désespérer d'un ouvrage au-
quel il avait foi. On a vu que les
Voilures versées avaient été mal-
traitées par le public , le premier
jour. Le poète , passant condamna-
tion , Invitait les acteurs à ne pas
tenter une seconde épreuve : k Qu'est-
ce ce que tu dis? 5> s'écria Boïeldieu,
qui entrait en ce moment dans le
fover , «je veux que notre ouvrage
« ait cent représentations et qu'il
a reste au répertoire. y> En effet
l'ouvrage y est resté. La musique
n'était pas le seul art que culti\àt
Boïeldieu ^-Gtrmme amateur, il ma-
niait avec talent le pinceau et le
crayon. Pendant la longueur des
séances académiques, son crayon lui
servait de ressource , et ses confrères
f-e disputaient ensuite ses ingénieux
badinages. Sa conversation aimable
et spirituelle reflétait fidèlement son
caractère. Parmi les traits nombreux
qui le peignent et l'honorent , nous
ne citerons que le suivant. Quand il
reçut, en 1821, la décoration de la
Légion-d'Honneur, il regretta vive-
ment que Catel ne l'eût pas obtenue
avant lui, et il se mita faire, dans
liOl
linlércl de son coufrère, tt)ulei les
dL-marcbes qu'il n'aurait pas failespoui'
Itii-inèiiie : il réussit , mais Catel, qui
n'avait pas ambitionné cette faveur,
ne s'en luoalra pas fort reconnaissant.
Pendant son séjour en Russie. Boïel-
dieu avait été remplacé au Conserva-
toire dans renseignement du piano :
à son retour, en lui conféra le titre
de professeur honoraire, qu'il garda
jusqu'en i8i5 : en 1815, il ob;inl
celui de professeur de composition
qu'il perdit eu i832 , et qui lui fut
rendu en janvier 18 34-. boïeldieu
avait été en outre membre du jury
de lecture de l'Opéra (iBiô-ios^),
du conseil musical (18 16) 5 composi-
teur-accompagnateur, adjoint de la
chapelle du roi (iSiy-iSSo)^ com-
positeur de la duchesse de Berri , et
membre du conseil d'administration
de l'école royale de chant et de dé-
clamation (i824-i833). M — N — s.
BOIGNE (le général Benoit
Leborgne, comte de) , naquit, le 8
mars 1741, à. Cbambéry, où son
père était marchand de pelleleries.
A défaut de fortune, il lui donna une
bonne éducation dans le |col'ège de
cette ville et le destina a l'étude du
droit. Mais le jeune de Boigne ou plu-
tôt/^e^org'we^ car tel était son vé-
ritable nom , qu'il changea lui-même
lorsque pour la première fois il s'é-
loigna de sa famille, était tourmenté
par le désir d'acquérir de la gloire ,
et ce fut vers la carrière des armes
que, dès sa première jeunesse, il se
sentit entraîné. Cette carrièie offrait
alors peu d'espoir de succès a un
homme d'origiiie roturière quel que
fin son mérite, les emplois élevés
étant exclusivement réservés à la
noblesse. Les chances d'avancement
n'étaient guère plus favorables dans
l'armée française • mais la brillante
réputation doul elle a toujours joui
liOI
•H ->
fixèrent ses regards ; et il entra dans
un régiment irlandais au service
de France, où l'on n'admettait que
des hommes robustes et bien consti-
tués. Personne ne réunissait de tels
avantages à un plus haut degré que
le jeune Leborgne : d'une constitution
forte, d'une taille élevée , d'une phv-
sionomie avantageuse , il offrait dans
son caractère un contraste remarqua-
ble de douceur et d'emportement,
secondé par une volonté ferme et
une activité extraordinaire. Le régi-
ment de Clarck, dans lequel il entra,
en 1768, avait pour commandant pro-
visoire le major Leighs, excellent
officier, connu surtout par sa sévé-
rité, à laquelle ce régiment était
redevable d'une discipline citée com-
me modèle. Boigne suivit ce corps h
l'île de France , et revint en Europe
au bout de dix-huit mois. Il comptait
alors cinq ans de service qu'il avait
employés à étudier avec soin l'art
théorique et pratique de la guerre.
]\Jalgré sa bonne conduite, son zèle
et son application, il obtint peu d'a-
vancement. Voyant ainsi s'évanouir
toutes ses espérances , il ne perdit
point courage et résolut de porter
plus loin son ardeur aventureuse et
ses désirs immodérés d'illustration.
Il demanda donc son congé et se ren-
dit a Turin où il obtint du marquis
if'Aigues- Blanche , alors ministre du
roi de Sardaigne , une lettre de re-
commandation pour l'amiral Orloff ,
qui commandait dans l'archipel grec
les forces de terre et de mer de la
Piussie. Il s'embarque aussitôt pour
la Grèce , et va rejoindre a l-'aros
l'amiral russe qui se disposait à aller
assiéger Ténédos. Orloff accueillit
avec bienveillance le jeune militaire,
non-seulement à cause de sa lettre de
recommandation , mais encore parce
qu il sut apprécier au premier abord
446
BOI
son excellente tenue et son air mar-
tial. Bolirne fut admis comme ca-
piiaine dans un régiment grec au
service de Catherine. Dans une sortie
de la garnison , au siège de Ténédos
en 1780, la compagnie qu'il com-
mandait fui presque entièreinent dé-
truite et lui-même tomba au pou-
voir de reuuemi. Conduit prisonnier
à Chio , puis à Constanliuople , il y
languit sept mois dans une captivité
très-dure et qu'il pensait devoir être
encore bien plus longue. La paix vint
le délivrer^raais cette circonstance qui
le rendait libre devait mettre obstacle
a ses succès 5 car la Russie, en licen-
ciant une partie de ses troupes, non-
seulement avait besoin de réduire le
nombre des officiers, mais encore n'of-
frait qu'un faible espoir d'avance-
raenta ceux qu'elle conservait. Cepen-
dant il reçut le grade de major. Alors
n'espérant plus s'élever davantage au
service de la Russie, il donna sa démis-
sion, et se rendit a Smjrue , oîi il
fit connaissancd avec le consul de
France , Rousseau , et avec beaucoup
d'étraugers oui revenaient de l'Inde.
Ayant entendu faire de séduisantes des-
criptions de cette contrée , il sentit
remiître dans sou esprit tous les rê-
ves de sa jeunesse , et ne s'occupa plus
que des moyens de les réaliser. La
voie de terre lui paraissant la plus
convenable , il se rendit k Constauti-
nople et de la a Alexandrie et a Alep
pour joindre une caravane qui par-
tait pourBassoraj mais elle ne put
continuer sa roule, a cause de la
guerre entre les Turcs et les Persans.
Tout autre se fût rebuté; mais l'Inde
était devant lui et il voulait y parve-
nir a loul prix. Espérant qu'il serait
plus heureux par mer, il se rendit à
Alexandrie ; et , dans la traver.-.ée de
cette ville a lloselle , il fil naufrage
a l'entrée du NI où il «e trouva a
BOI
la merci des Arabes qui, au lieu de le
dépouiller^ comme il s'y attendait,
exercèrent envers lui la plus géné-
reuse hospitalité et le conduisirent
jusqu'au Caire. Grâce a la protection
de M. Baldev\'in , consul anglais , il
put atteindre l'Inde en passant par
Suez , et de la se rendit a Bombay,
puis a Madras, où il reconnut toute
la difficulté de se faire employer k
cause de sa qualité d'étranger. Livré
k ses propres ressources, il fut con-
traint pour exister de donner des leçons
d'escrime, genre d'exercice dans le-
quel il avait toujours excellé ; et il at-
tendit avec résignation un meilleur
sort. Enfin on lui accorda un emploi,
mais il ne l'obtint que par un sacrifice
pénible pour un militaire, ce fut de
rétrograder en acceptant un brevet
d'enseigne dans un bataillon d'infan-
terie du pays. A cet te époque ,Haïder-
Aly, sultan de Maïssour, avait ré-
solu de mettre une barrière à l'en-
vahissement toujours croissant de la
puissance anglaise. Dans une affaire
partielle entre l'armée de ce prince
indien et celle de la compagnie des
Indes, le corps où se trouvait Boi-
gne fut presque entièrement dé-
truit, et lui-même n'échappa que parce
qu'il avait été envoyé en détachement
quelijues instants avant ce désastre,
qui ajouia encore aux difficultés de sa
position et rendit moins probables les
ch.wces de son avancement. Il de-
manda son congé, décidé k revenir en
Europe. Ne voulant plus tenter le
voyage monotone et insignifiant de
la mer, il résolut d'effectuer son
retour par terre, lors même qu'il de-
vrait traverser entièrement l'Inde et
la Perse, jusqu'à la mer Caspienne,
Sans être effrayé des fatigues et des
périls d'un pareil voyage, Boigne,
jeune et plein de santé ^ comptait
pour réussir sur la force de son lem-
BOl
pératnent, sur Tétude approfondie
qu'il avait faite de la géographie du
pays, des mœurs et surtout des di-
vers idiomes iiidous qu'il parlait avec
une facilité remarquable. L'exactitu-
de dans l'accomplissement de ses de-
voirs , le courage qu'il avait montré
dans la dernière campagne, lui valu-
rent de la part de ses chefs d'excel-
lentes recommandations pour lord
Hasling. Ce gouverneur de l'Inde ac-
cueillit dès le premier abord le jeune
étranger, et l'encouragea surtout à
tenter son retour en Europe par
terre, voyage périlleux sans doute,
mais qui annonçait dans celui qui en
avait conçu l'idée un courage extraor-
dinaire. Il lui donna des lettres de
créance pour toutes les autorités an-
glaises et pour tous les princes alliés
de la compagnie (i). Il se rendit d'a-
bord a Luckuovv, capitale de la pro-
vince d'Oude , où il fut présenté par
l'ambassadeur anglais Middlelon , au
Habab Assefed-Daulah , qui lui fit
un présent en étoffes et en bijoux de
la valeur de quatre mille roupies
(environ douze mille francs de notre
monnaie). Après l'avoir gardé quel-
ques mois auprès de lui, le nabab lui
donna encore des traites pour douze
milleroupies sur Caboulet Candahar.
(i) Tout indique ici que l'enseigne Boigne
ne réussit aussi promptement auprès de Lord
Hasling qu'en proposant de lui rendre d'impor-
tants services auprès des différents souverains
de l'Inde, ennemis ou iributaires des Anglais;
qu'il reçut de lui des instructions et des moyens
de remplir auprès de ces princes une mission
secrète et à laquelle son courage, son intelli-
gence et surtout la connaissance qu'il avait des
différentes langues de l'Iude le rendaient extrê-
mement propre. Ce n'est , il faut le dire , qu'en
soalevant ainsi le voile qu'il s'est efforcé lui-
mèine de jeter sur celte époque de sa vie que
l'on peut expliquer en même temps cet excès de
confiance et de bonne volonté cliez un eouver-
neur anglais, et d'un autre enté celte transition,
subite et si imprévue, de l'existence la plus pé-
nible et la plus obscuie, à la plus haute, à
la plus brillante dettinée. La suite de cet ailic!e
offre encore plusieurs circoUitauces à l'appui
da motre opioioa. H — s j.
BOI
447
Avec de pareils témoignagesd'inlérét,
Boigne sentit renaître dans son cœur
tous les projets dont il s'était bercé si
long-temps j et, s'il est vrai qu'il eût
réellement pensé a revenir en Euro-
pe, dès-lors il n'en parla plus que
pour couvrir ses projets d'entrer au
service de quelque souverain indien.
Après s'être perfectionné a Lucknow
dans les divers dialectes iudous, il se
rendit a Delili vers la fin de lySS.
Son premier soin comme sou plus
grand désir était d'être présenté a
Chali-Aalem {Voy. ce nom, YII ,
6i6) , empereur régnant, mais la
défiance et la position équivoque du
ministre Maza - ShufEe rendirent
vaines toutes les tentatives qu'il fit
pour y parvenir. Forcé d'attendre
l'arrivée de l'ambassadeur anglais
Brown , qu'il avait devancé , afin
d'être présenté par lui, il prit de
nouveau des renseignements sur la
situation politique et militaire du
pays , et il sut bientôt que Sindiah se
disposait a l'envahissement du terri-
toire du ranah de Gohed. Dès cet in-
stant, il renonça publiquement à son
retour en Europe , et il offrit ses ser-
vices au ranah de Gohed contre Sin-
diah , proposant de lever un corps de
huit mille hommes qu'il instruirait
lui-même et avec lequel il se faisait
fort de repousser, même de défaire
complètemennt l'armée mahrate. Il
devait être secondé dans cette en-
treprise par un écossais nommé
Saugster, qui commandait depuis
long-temps un corps de douze cents
hommes. iVIais, voyant Chitter-Sing,
ranah de Gohed , traîner les négo-
ciations en longueur et préférer la
médiation anglaise pour éloigner Sin-
diah , Boigne rebuté de ces délais
offrit ses services au radjah de Dja'i-
pour , qui ne tarda pas a les agréer.
Alors il crut devoir faire part de cette
448 EOl
nouvelle au gouicrueur Ilasl:ug ^ luais
la compagnie qui avait si peu appré-
cié ou du luoins si mal récompensé
son zèle , prit ombrage de sa dé-
termination d'entrer au service d'un
prince étranger j et ce qui indique
assez qu'il avait contracté des enga-
gements avec les Anglais , c'est que
le conseil de cette compagnie iuien-
ioio'nit de retourner a Calcutta. Ce-
pendant son premier mouvement fut
de résister 5 mais la reconnaissance
qu'il devait a lord Hasting , et d'au-
tres motifs assez vraisemblables le
décidèrent à se soumettre. Dès qu'il
fut revenu a Calcutta, Hasting parut
lui savoir gré de cette soumission ,
et bientôt il le chargea d'autres opé-
rations du même genre, en lui re-
commandant une extrême prudence ;
mais Boigne était a peine arrivé
auprès du radjah de Djaïpour, qu'il
lui fut aisé de se convaincre que son
voyage à Calcutta lui avait été funes-
te, car ce radjah, qui avait fait la paix
avec ses voisins , le remercia de
l'offre de ses services, en le priant tou-
tefois d'accepter dix mille roupies pour
indemnité de voyage. Boigne sans se
déconcerter par un contre- temps
aussi imprévu revint a Dehli, où son
ami, le major Brown, lui conseilla
d'offrir ses services à ce même Sin-
diah , qu'il avait dû combattre sous
les drapeaux du ranah de Gohedj et
l'ambassadeur anglais se chargea lui-
même d'envoyer ses propositions, qui
étaient de lever et d'exercer a l'eu-
ropéenne une partie des troupes.
Cette négociation se termina promp-
tement, et il fut convenu que la solde
serait de mille roupies par mois pour
Boigne , et de huit roupies pour cha-
que soldat. Dans un pays où tout
homme est habitué a porter les armes,
où les guerres intestines forcent tous
les petits princes k lever sans cesse des
liOl
troupes, rien uY-tait plus facile que
de créer une armée ; mais ce qui pré-
sentait le plus de difficultés c'était de
plier le caractère et les habitudes
des Indiens k la sévérité de la disci-
pline européenne. Boigne seul pou-
vait surmonter ces obstacles et il le
fit en moins de cinq mois. Sa petite
armée fut bientôt mise k l'épreuve ,
Sindiah lui ayant donné l'ordre de le
rejoindre dansleBundelcond, où il se
distingua particulièrement au siège
de Callindjer. L'empire mogol , dé-
voré par des querelles intestines
et des déprédations ministérielles,
semblait alors pencher vers sa ruine.
Chah-Aalem , monarque sans pou-
voir, fut détrôné par ses ministres.
Sindiah , comprenant toute l'impor-
tance du rôle qu'il pouvait jouer en
secourant l'empereur, passe le Cum-
bul , k la tète de sou armée, et at-
taqueles usurpateurs déjk divisés entre
eux et près d'en venir aux mains.
C'est dans cette occasion que Sindiah
put apprécier la supériorité du corps
de Boigne, et toute l'influence qu'il
eut sur la victoire. Rentré triom-
pliant k Dehli , il le nomma général
commandant de toute son infante-
rie. Mais les Mogols, délivrés de
leurs ennemis intérieurs et voyant
avec peine l'ascendant qu'avait pris
Sindiah sur les destinées de l'Inde,
résolurent de s'affranchir de son pou-
voir. Sindiah avait prévu ce dan-
ger; et Boigne, chargé de réprimer
l'insurrection , trouva une nouvelle
occasion de développer ses talents.
Son infanterie seule soutint les efiorts
de la cavalerie radjepoule et d'une
nombreuse artillerie, lorsque, au mo-
ment de l'action, vingt-cinq bataillons
de troupes du pays refusèrent de
donner, et passèrent k l'ennemi avec
quatre-vingts pièces de canon. Force
fut a Sindiah d'opérer sa retraite j
BOI
et il la fit en bon ordre, protégé par
I infanterie de Boigne qui, par sa
prudence et son habileté, exécuta en
buit jours, avec de faibles débris,
une retraite si difficile. Siudiah, con-
traint d'ajourner ses projets, b'occujia
de réparer ses forces, et chargea Boi-
gne d'augmenter le corps d'infanterie
régulière. A peine les préparatifs
él.iieul-ils commencés , qu'il se vit
obligé de repasser le Cumbul pour
délivrer Agra, seule position fortiliée
qui lui restai dans l'Indoustan. Is-
maïl-Bej vint a sa rencoatre(i 7 avril
1788), et encore tout fier de sa vic-
toire de Djaïponr, il se rua sans pru-
dence, avec toute l'impétuosité de son
caractère, sur l'année de Sindiab.
ce fut surtout contre l'infaulerie de
Boigne qu'il dirigea ses plus grands
efforts. Mais il trouva sur tous les
points un rempart de baïonnettes im-
mobiles j et si l'aile droite , compo-
sée de troupes du pays, n'eût plié,
malgré l'inégalité de forces, la vic-
loiie restait à Siudiah, qui, forcé de
se retirer, fut encore protégé par la
brave infanterie de Boigne. Cette
belle retraite mit le comble a la répu-
tation militaire de ce général. Après
de nouveaux préparatifs , l'infatigable
Sindiab reparut bientôt devant Agra.
Cette fois la fortune se montra favo-
rable 5 et grâce encore à l'infanterie
de Boigne , les armées d'Ismaïl-
Bey et de sou allié Gholam-Kadir
furent détiuites : le premier ne dut
son salut qu'a la vitesse de sou che-
val et se réfugia 'a Djaïpour. Sin-
diab transporté de joie combla
le général d'honneurs et de riches-
ses ; mais, comuie tous les souve-
rains, cédant aux insinuations de ses
courtisans , il conçut ensuite des dé-
fiances et se montra soupçonneux et
a oux de celui qui l'aiait sauvé par
son dévouement. Boigne ne pouvait
BOI
'•49
supporter long-temps de pareils dé-
goûts j il donna sa démission qui fut
acceptée , et se rendit 'a Lucknow,
où il rencontra son ami , le major
Martin, le même qui, après avoir fait
dans l'Inde une fortune colossale, la
consacra toute entière a des fondations
philantropiques, aCalculta etaLyon,
sa ville natale. Martin donnaaBoigne
quelques utiles conseils pour des spé-
culations de commerce 5 et celui-ci ,
ayant su en profiter, fit dans cette ville
des bénéfices assez considérables.
Cependant Sindiab était dans une at-
mosphère trop orageuse pour vivre
en paix ; sa prépondérance effrayait
la confédération mahrale^ etHolkar,
un des principaux membres de cette
confédération , leva une armée pour
le détrôner. C'est alors q.ie compre-
nant enfin ses torts envers Boigne,
il lui dépêcha un message avec prière
de revenir, se soumettant d'avance k
toutes ses conditions, et quant a lui
ue voulant pas en faire d'autre que
celle du retour le plus prompt.
Boigne n'hésita pas, et il eut k peine
reparu devant les troupes deS.ndiah,
que ses anciens officiers et tous les
soldats se groupèrent autour de sa
personne En peu de jours treize ba-
taillons furent sur pied. Les limites
de cet articlenenous permettent point:
d'entrer dans tous les détails des amé-
liorations qu'il introduisit dans l'ar-
mée mahrate; nous renvovons, pour
cet objet , k l'ouvrage intitulé : Mé-
moires sur la carrière politique et
Jiulilaire du général Boigne, pu-
bliés par la société académique de Sa-
voie, I vol. in-8°_, Chambéry, 1828;
secoude édition, i83o. Dès que
Holkar se fut mis en devoir d'accom-
plir ses desseins, Boigne vola k sa
rencontre (1792), l'attaqua, et
malgré de profonds marais, qui cou-
vraient l'armée envahissante, maigre
4^11,1.
'-'y
45o
BOI
l'explosiou de douze Be ses propres
caissons chargés de munitious, il le
de'fit complèlement ; et les lalenls de
M. Drudenne, officier français, qui
avait un commaudeinenl dans l'armée
de Holkar, el Faidait de ses conseils,
ne purent l'euipêcher de voir son
camp , son artillerie et ses bagages
tomber au pouvoir du vainqneur.
— Cette année si mémorable pour Boi-
gne devait être couronnée par un au-
tre triomphe. Le rahjad de Djaïpour,
Pertaub-Siug , s'étaut révolté , il
marcha contre lui , le défit et l'as-
siégea dans sa capitale. Le rebelle,
effiayé des préparatifs de siège, se
soumit et remit tout Parriérë de ses
tributs avec vingt millions d'indem-
nité. Ce fut Boigue qui signa le
traité, et il se montra, dans cette cir-
constance , avec tout l'appareil de (a
puissance, si nécessaire pour imposer
à ces peuples turbulents. Il fit son
entrée triomphale kDjaïpour, monté
sur un éléphant chargé d'or, de bro-
deries, et suivi d'un brillant corps
d'officiers. Après avoir mérité par
tant d'exploits sa réputation de cou-
rage et d'habileté mditaire , il vou-
lut encore acquérir d'autres titres a
l'admiration des peuples. Aussi bon
admiuistrateurqu'intrépide guerrier , il
mit un frein à !a déprédation des col-
lecteurs d'impôts, eu établissant dans
les finances et dans l'admiuistraliou de
l'armée une régularité inconnue
jusqu'alors. Etendant ces sages me-
sures a la discipline militaire, il ré-
prima sévèrement le pillage. Sindiah
ne crut pouvoir mieux le récom-
penser de tant de services qu'en le
nommant gouverneur et administra-
teur des pays conquis, avec part au
tribut. Ainsi s'explique, au moins en
partie, sa rapide et prodigieuse for-
tune. L'Iude était pacifiée, des confins
de Lahore à la mer de Cambave,
BOI
tout était soumis a Sindiah [Koy. ce
nom, tom. XLII ). Au sein des
honneurs et des richesses , Boigne
continuait ses améhoratlons dans l'ar-
mée 5 il établissait a Agra une fonde-
lie de canons; et l'infanterie irrégu-
lière recevait des fusils a baïonnette.
Toute cette armée fut organisée dans
le courant de l'année 1793, et elle ne
s'élevait pas à moins de trente mille
hommes de troupes régulières, y com-
pris un corps de cavaliers persans,
composé de six cents chevaux , de
cent chameaux, avec quatre pièces
d'artillerie légère , qui appartenait
spécialement au général Boigne. Et
ce qui n'est pas indigue d'être re-
marqué, c'est que pendant que la puis-
sauce de la maison royale de Savoie
tombait devant les armes de la répu-
blique française, et que le roi Charles-
Emmanuel ne pouvait plus arborer son
drapeau que dans l'île de Sardaigne,
la croix blanche de Savoie brillait
sur les bannières victorieuses d'un de
ses sujets, qui les avait déployées aux
rives de l'Indus. — Dès cette époque,
l'heureux savoisien eut un pouvoir
sans limites dans tous les états mah-
rates situés au nord du Cumbul ;
mais au milieu de tant de prospérités
un coup affreux vint le frapper. Sin-
diah mourut à Wunolie, le 12 fé-
vrier 1 794 5 à. rage de soixante-qua-
tre ans , laissant la couronne à son pe-
tit neveu Daulah-Rao-Siudiah. Cette
mort inattendue brisa le cœur du gé-
néral. Avec Sindiah s'évanouissaient
tous ses projets de conquêtes : en
perdant sou bienfaiteur, sou ami,
il perdit le mobile de toutes ses ac-
tions, l'àrae de toutes ses pensées.
Pour lui l'Inde ne fut plus ricnj il
songea sérieusement a revenir en
o
Europe et fit ses préparatifs de dé-
part. Comme l'a judicieusement ob-
servé M. Grantj dans sou Histoire
BOI
des Mahrales, la mort de Sindiali
fut un grand événement non-seule-
ment pour la confédération mahrate
mais encore pour tout l'Indoslan.
La plupart des souverains soumis ou
tributaires brûlaient de reconquérir
leur indépendance. L'empereur mo-
gol , le roi de Caboul sentirent les
premiers de quel poids serait le se-
cours de Boigne , et tous deux en-
voyèrent des ambassadeurs pour lui
oifrir la place de premier minis-
tre. Ces offres ne purent l'ébranler.
Loin de chercher à démembrer les
états laissés par Sindiah, il donna a
sou successeur tous les conseils, tou-
tes les instructions nécessaires pour en
maintenir liiitégritéj et, afin de con-
solider son ouvrage , il relarda son
départ pendant deux ans. Alors, sa
santé ne lui prescrivant plus de dif-
férer, il dit adieu a ses compagnons
d armes ; et, après avoir pris congé de
Daulah-Rao- Sindiah , il partit pour
Calcutta avec le régiment de cava-
lerie persane qui lui appartenait , et
que le neveu de Sindiah voulait bien
acheter mais ne payer qu'au retour de
Boigne. N'ayant point accepté cette
condition, ce général le proposa a la
compagnie des Indes , qui l'acheta a
raison de cinq cents roupies par che-
val , ou de neuf cent mille francs pour
le corps entier; ainsi tout le corps
passa au service de l'Angleterre.
Cette vente et quelques autres cir-
constances ont donné lieu à une ac-
cusation ridicule contre Boigne.
On a prétendu qu'il avait trahi Tipou-
Saëb en faveur des Anglais, et qu'il
avait ainsi causé la perle de celui-ci.
Mais en 1799 , lorsque le sultan de
Maïssour tomba, Boigne était de
retour en Europe depuis Irois ans.
Et d'ailleurs il n'eut jamais de rap-
port avec ce prince, qui résidait à plus
de cinq cents lieues des contrées oh
BOI 45i
l'illustre savoisien acquit toute sa
gloire et sa brillante fortune. Lorsque
ce général quitta pour la première
fois le service de Sindiah , il eut soiu
de faire passer en Europe et de pla-
cer dans des maisons sûres une par-
tie de sa fortune. Il apporta ensuite
avec lui tout ce qu'il avait réalisé
avant son départ, et vint se fixer en
Angleterre, où il fut très-bien ac-
cueilli par la plus haute société. C'est
alors qu'il épousa la fille du marquis
d'Osmond , ancien ambassadeur de
France près la cour de Londres;
mais cette union, si peu convenable
par l'extrême différence d'âge, n'offrit
pas même au général un seul jour de
félicité. Renonçant alors aux plaisirs
bruyants des grandes villes, il vint
chercher dans son pays natal le repos
et le bonheur. — Ici commence celte
nouvelle carrière de bienfaisance, ce
généreux emploi de sa fortune, qui
rendra son nom plus grand que ses
trophées dans l'Inde, ou qui le fera du.
moins retentir a jamais sur les mon-
tagnes de la Savoie. Voulant finir ses
jours dans cette paisible contrée, où
les grandes fortunes sont rares , il
monta sa mai>on comme un simple
particulier. Ou peut seulement dire
que sa délicieuse villa de Buisson ,
k la porte de Chambéry, rappelait ,
par ses constructions et ses dé-
cors, des souvenirs de l'Indoslan.
De cette manière , il lui fut aisé
d'accumuler ses revenus , et de ré-
pandre de nombreux bienfaits sans
altérer ses capitaux. Ne bornant point
ses largesses a des actes de bienfai-
sance, il s'occupait de tout ce qui a
rapport h l'utilité publique. Chara-
béiy lui doit un théâtre , des rues
nouvelles, des fondations scientifiques,
des dotations aux sapeurs-pompiers,
l'agrandissement de ses hôpitaux et
surtout le collège des Jésuites, pour
29.
452
BOI
lesquels il montra {oujoiirs une grande
frédileclion. Il a', ail si'uli depuis
OD};-leinps tout ce que l'mdigeuce a
d affreux pour un vieillard élevé dans
Taisance-Sun cœur, ému par le spec-
tacle d'iiilorlunes non mériiées, lui
suggéra radinirable idée d'éltver un
asile alavieillesse malheureuse el bien
née, en créant sdus Tinvocalion de
saint Benoît, son patron, avecune do-
tation de neuf cent mille francs , une
maison où quarante sexagénaires des
deux sexes sont tiailés avec les soins
et les égards dus "a leur âge et à
leur naissance. Boigne s'appliqua
aussi a éteindre le vagabondaj'e et
la mendicité, sources de tant de cri-
mes, en ouvrant un refuge aux per-
sonnes sans travail el sans ressource,
avec une dotation de six cent cin-
quante mille francs. Enfin il consacra
enrore quatre cent mille francs à un
é[abliss( ment pour les aliénés. Tant
de bieiifails sont plus que suffisants
pour faire oublier quelque^ travers
dus plutôt à des luibiludes contractées
dans rOrient qu'à des faiblesses que
l'envie et la calomnie se sout plu k
grossir. S'il fut grand et généieux ,
ses concitoyens fureut reconnaissauts.
Son souverain ordonna que son busie
en marbre . exécuté de son vivant ,
fut placé dans la bib iotbèque de
CliHmbérv. 11 le créa en même temps
comte , lieutenant-général et graud-
croix de l'ordre militaire de S. 31au-
rice el S. Laz.ire. Louis XVllI, dès
son retour en France, l'avait nommé
maréchal -de-camp , et chevalier de
Saiut-LouisetdelaLégion-d'Honneur.
La mort de Boigne , arrivée a Cham-
béry le 21 juin i85o, fut pour cette
ville, pour la Savoie tout enlièie une
calamilé. Un convoi magnifique l'es-
corta a sa dtrnière demeure j et plu-
sieurs discours fureut prononces sur
sa tombe. L'académie de Chambéry
BOI
ouvrit un concours pour son Eloge;
et de nombieuses el éloquentes com-
posilioiis ui furent en\ oyées. Celle de
M. Tabbé Turina , qui fut couron-
née, a été imprimée sou^ ce litre :
Eloge historique du comte Boi-
gne, Chambéry, i85i, in 8°. —
boigne n'avait qu'un fils, issu d'un
premier mariage coiilraclé dans
l'Inde, le comie Charles -Benoît
lioigne, déjà pure d'une nombreuse
famille. La forîuue qu'il a laissée a
été évaluée à trente-sept millions six
cent soixante-dix-huit raille francs.
C. D. V.
BOILEAU (Marie-Louis-Jo-
sEPu DE ) , jurisconsulte et littérateur
médiocre, naquit à Dimkerque en
1741. 11 nous apprend lui-même
qu'il descendait auvingl-seplième de-
gré d'Etienne Boyleaux (A 07'. ce
nom, tom. V), célèbre prévôt de
Paris au xiii* siècle, et qu'il comp-
tait l'auleur de VArf poétique au
nombre de ses parents. Quoiqu'il en
soit de celle prétention, le jeune
Boileau, après avoir terminé ses étu-
des, se fit recevoir avocat eu 1762,
et s'établit dans la Picardie , où il
exerça quelque temps sa profession
d'une manière honorable. Il était
déjà sur le relOi:r de l'âge lorsque
des chagrins domeslicpies vinrent
empoisonner sa vie. Forcé de remet-
tre a sa femme la totalité de son
douaire . et n ayant pu remboursrr
les sommes qu'il avait empruntées
pour plaider contre elle, il resta plu-
sieurs anuées en pri-on. La tendresse
de sa fil^e {F oy. Boileau, Biogra-
phie des vivants^ I, 38 i ) adoucit
seule l'araerlume de son sort. Il
mourut a Paris le 7 avril 1817. On
a de lui plusieurs ou\ rages, déjà
tombés dans l'oubli : I. Recueil de
règlements el recherches concer-
naniles municipalités, Paris, 1785,
BOi
6 vol. in- 12. II. Les embarras du
père de famille, comiAie en cinq ac-
tes el eu vers, imitation libre de l'al-
lemand, ibid. , 1787, iu-8". Celte
})ièce u'a poiut été représentée. L'au-
teur, qui, depuis, a fait un assez
grand nombio de vers, iL;norait en-
core les premières règles de la versi-
fication, m. P oyages et réflexions
du chevalier d'Ostalis, ou ses let-
tres au marquis de Simiane , ibid.,
1787 , 2 vol. in-i2. Cet ouvrage ,
([u'il paraît avoir entrepris pour ex-
haler son Lumeur contre les femmes,
est moins un recueil de voyages ,
comme le titre l'annonce , qu'une
compilation mdigeste de tout ce qu'il
avait trouvé de plus saillant dans ses
lectures. IV . E/itreliens philoso-
ph.ques et historiques sur les pro-
cès, ibid., i8o5, i8o5, i8o6,in-i2
(ouvrage très-superCcif 1). V. Histoi-
re du droit français, ibij., 1806,
iu 12. Elle n'est point cilée dans la
dernière édition de la Bibliothèque
d'un avocat [P' . A. -Gaston Camus,
tom. VI), augmentée par M. Dupin.
VI. Code des faillites, ïhid. , 1806,
in-i2. \\l. L'opi!non,^-)oèa\e; ibid.,
i3o6,iu-8°. \ m. Histoire ancien-
ne et moderne des départements
belgiques, ibid., 1807, 2 vol.in-12.
IX . Epître à Etienne et Nicolas
Boileau , ibid., 1808, in-i 2. C'est
à la tète de celle pièce, où l'on tiou-
ve quelques détails intéressants , que
l'auteur s'annonce comme le vingt-
o
.septième descendant du prévôt de
Paris. X. La femme slellionataire
à ses enfants., poème- ibid., 1809,
in-8°. XI. Epître à l'amitié, ibid.,
181 (. in-8'. Xi. De la contrainte
par corps, abus k réformer; ibid.,
i8i4> iu-S*^ de 40 pages. C'est sa
propre cause que l auteur défend
dans cet écrit. XIII. Droit d'appel
de toutes condamnations par corps
BOI
45H
prononcées par les Jug-es de com-
merce, ibid., 1817, in-8" de 44.
pages. — Moyens additionnels,
confirmatifs du droit d appel, etc. ,
iu-8" de 20 pages. — Mise en li-
berté des détenus pour dettes, par
le consentement des trois quarts eu
sommes, in-8°. — jSotions som-
maires sur les septuagénaires ^
et réclamations au roi et au corps
législatif, in-8°. Ce dernier écrit
obtint latlenlioa des deux cliambres
et fut renvoyé dans les bureaux pour
y avoir égard. W — s.
BOILEAU de Maulaville
(Edme-Frauçoiî>-Makie), archéolo-
gue, néa Auxeire, le 21 décembre
1739 , se vantait, comme le pré-
cédent , de compter parmi ses ancê-
tres le prévôl de Paris, Etienne Boy-
leaux. Possesseur d'une fortune qui
lui permi Hait de se livrer à ses goûts,
il s'établit dans sa terre de Mont-
Regnauil , près de Tours, et partagea
ses loisirs entre l'élude et l'adminis-
traiion de ses domaines. Ses opinions
monarchiques Payant rendu suspect
aux agents de la terreur, il fut jeté
d.ins une prison avec scn père, et
n'en sortit qu'après le 9 thermidor.
Il était n aire de sa commune a l'é-
poque des deux invasions qui pesè-
rent sur la France , et fit tout ce
qui dépendait de lui pour en alléger
le fardeau àsesaJmiuisIrés. Désirant
mettre au jour le curieux ouvrasse
d'Etiennt' Boyleaux, sur les métiers
au XIIP siècle , il se rendit k Pa-
ris, où il se flattait de trouver toutes
les ressources nécessaires pour com-
pléter cet important travail. L'aca-
démie celtique l'avait admi^ au nom-
bre de ses coirespondanls, et il lui
communiqua divers extraits de se>re-
cherchts îur les métiers au mo\en
âge. Mais il ne les avait pas encore
complétées lorsqu'il mourut, le 2 5
Kt.
454
BOI
septpml)re 1826. D'après le vœu
qu'il avait exprimé, ses rpstes furent
Iransporlésk Mont-l\egnault, el in-
humés dans la chapelle qu'il y avait
construite pour sa lamille. Indépen-
damment de quelques articles dans
la Biographie universelle, dont le
plus remarquable est celui A'E-
tieniie Boyleaux , tom. V, on a
de lui : Notice sur un dicton popu-
laire de Picardie : tout le monde,
c'est le vacher de Chauny (1) ;
sur le sobriquet des singes de
Chauny et sur quelques usages
singuliers , dans les Alémoires de
l'académie celtique YI. — Nou-
veau mémoire sur le monument
antique, autrefois connu sous le
nom. de marbre de Thoriguy, ac-
tuellement transféré dans la ville
de Saint-Lé ; avec des pi., dans le
Recueilde la société des antiquai-
res, VII, 278-307. L'abbé Le-
beuf avait déjà décrit ce monument
dans les IMémoires de ï académie
des Belles - Lettres , XXI , 4 9 5 j
mais en reproduisant les inscriptions
telles que l'abbé Lebeuf les avait
données d'après Maffei, Boileau en a
présenté le calque relevé sur le raonu-
laent, et a mis ainsi les antiquaires
en état d'apprécier toutes les expli-
cations proposées jusqu'alors.
W— s.
BOILLOT (Joseph), architecte,
né à Langres, vers i55o , et auquel
Dous n'avons consacré que quelques
lignes insuffisantes [Voy. tom. V),
étudia dans sa jeunesse les mathéma-
tiques et le dessin , et se rendit fami-
liers les divers procédés de la gravure.
Il fut employé comme ingénieur a Far-
inée de HenrilV, et depuis il contribua
BOI
detoutsonpouvoira maintenir sa yille
natale dans l'obéissance de ce prince.
En récompense il obtint le modeste
emploi de contrôleur du grenier à
sel, et la direction du magasin des
poudres et salpêtres. Il vivait en
i6o3 ; mais on ignore la date de sa
mort. On a de lui : I. Nouveaux
portraits et figures de termes
pour user en V architecture ;
composez et enrichis de diversité
d'animaux (i) et représentez au
vrai selon l'antipathie et contra-
riété naturelle d'iceulx , Langres,
Jehan Desprey, sans date, in-fol. de
60 feuillets non chiffrés. Ce volume
est très-rare. Boillotl'a dédié au duc
de Nevers par une épîlre datée du
l*"^ janvier 1592. Indépendamment
du frontispice et du portrait de Tau-
teur en médaillon, gravés a l'eau-
forte , cet ouvrage contient cin-
quante-trois planches , dont les unes
sont gravées sur bois et les autres sur
cuivre, avec une grande délicatesse.
Il a été traduit en allemand par Jean
Brantz, Strasbourg, i6o.i, iu-fol.
Mariette l'a reproduit vers 1750,
mais sans nom d'auteur, sous ce li-
tre : Livre de termes et animaux
et leurs antipathies , fort utile pour
toutes sortes de personnes se mê-
lant de dessin, Paris, in-8°. Celle
édition dont le texte est gravé, ne
contient que cinquante-une planches.
Le nouvel éditeur en a d'ailleurs re-
tranché le poitrail de Boillot , l'épî-
tre dédicatoire el la préface. II.
Modèles d'artifices de feu et de
divers instruments de guerre, avec
les moyens de s'en prévaloir pour
assiéger, battre et défendre toutes
sortes de places ; utiles et néces-
(j) Ce diclon n'est poini particulier à la Pi-
cardie : ou dit en Franche-Comté : Tout le
Blonde, c'est l» vaclier de Craj;
(i) L'ouvrage de Boillot est l'opposé des
Termes d'hommes et de femmes , par Hugues
Siuç^ip^./^'o/. ce nom, tom. XLj,
BOI
saires à tous ceux qui font pro-
fession des armes ^ Chaiimont, i 698 ,
in-4°, Tig., Irès-rare. Cet ouvrage a
été réimprimé avec la traduclicu al-
lemande de Branlz , Strasbourg ,
i6o5, in-fol. ; il est orué de qua-
tre-vingt-onze planches gravées à
l'eau-forte par Boillot. Hanzelet en
a beaucoup profité pour composer
son Recueil de plusieurs machines
militaires ( Voy. Hanzelet , tom.
XIX); et il a eu le tort de ne pas
nommer une seule fois Boillot auquel
il était redevable de la plupart des
inventions qu'il annonçait comme
nouvelles. W — s.
lîOIXVILLïERS (i) (Jean-
Etien?;e-Jx;dith Forestier de), labo-
rieux grammairien, naquit a Versailles
le 5 juin. 1764.. Après avoir fait ses
éludes au collège de cette ville , il
vint se perfectionner a Paris dans la
société des savants , et il y ouvrit a
vingt ans un cours de littérature. A
Tépoque de la révolution , il en
adopta les principes avec toute l'ar-
deur de sou âge ; mais plus tard il
reconnut et déplora les erreurs où
lepbilosopbisme l'avait entraîné (2).
Désigné par le département de la
Seine comme élève de cette école
normale dont les maîtres étaient les
hommes les plus distingués que la
France eût alors dans tous les genres,
il y suivit les leçons de Garât et de
Sicard, et s'ailacha dès lors plus
spécialement a l'étude de la gram-
maire. Lors de la création des écoles
centrales, il fut nommé professeur
de belles-lettres a Beauvais; et, mal-
gré les devoirs que lui imposait cette
place, il put trouver le loisir de
(1) Les biographies modernes joignent à
ce nom ceir.i de Des.iardins; mais, comme
Boinvilliers ne l'a itiis à la lète d'aucun de ses
nombreux ouvrages, on s'est cru dispensé de
le reproduire.
C2) Voy. VAlmanarh des Miis^i , iZo-j, t-S,
BOI
455
composer quelques ouvrages de gram-
maire. L'institut (classe de la littéra-
ture et des arts) le choisit, en 1800,
pour un de ses correspondants ; et
l'instruction publique ayant été ,
quelque temps après, réorganisée
sur de nouvelles bases , il fut nommé
censeur du lycée de Rouen. Il rem-
plit ensuite les mêmes fonctions à Or-
léans; et , en 1809 , il fut fait inspec-
teur de 1 académie de Douai. Pendant
son séjour dans cette ville , la société
d'agriculture dudépartement dulNord
l'élut son secrétaire-général. Admis
a la retraite en 1816, il revint à
Paris avec le projet de s'y fixer pour
surveiller la réimpression de ses ou-
vrages , dont plusieurs avaient obtenu
l'approbation de l'université et ser-
vaient à l'enseignement dans les col-
lèges. En 1819 il se mit sur les
rangs pour remplacer l'abbé Morellel
a l'académie française ; mais il n'eut
pas une seule voix {^Poy. Lemon-
TEY, au Suppl.). Boinvilliers dut
être d'autant plus sensible a cet af-
front, qu'il regardait plusieurs aca-
démiciens comme ses amis. Il se
retira peu de temps après a Ours-
camp , département de l'Oise, et il
y mourut le i*"'' mai i85o ,à 66 ans.
« Personne , dit M. Eckard , ne s'est
«voué avec plus de zèle a l'instruc-
ct tien de la jeunesse. » (Voy. iîe-
cherches sur J^ ers aille s ^ i55).
La liste des écrits auxquels il a mis
sou nom est très-étendue; mais ce ne
sont pour la plupart que des éditions
améliorées ou des traductions d'ou-
vrages destinés aux écoles. Comme
éditeur , 11 a publié les Dictionnai-
res fratiçais et latin, de Boudot et
de Lallemand, le Gradiis ad Par-
nassuni , le Dictionnaire des sy-
nonymes , le Dictionnaire des an-
tiquités de Furgault , les Comédies
de Térence , les Fables de Phèdre,
/ij6
BOI
celles de Faërue , le De viris il-
liis tribus de Lhomoud , et il a donné
des traductions de ces trois derniers
ouvrages. On lui doit en outre les
abrégés du Dictionnaire de Bou-
dot , a l'usage des commençants, de
V Histoire et des Antiquités ro-
maines ; et de plus il a composé les
Dictionnaires des mots qui se trou-
vent dans Cornélius-lS épos , Phè-
dre et Y Appendix du P. Jouvency.
Enfin , on a de cel iufaligable gram-
mairien : I. Avantage de l'étude
approfondie de la langue françai-
se, et moyens de la perfectionner^
Paris, 1796, iu-8°. II. Manuel
latin., \ViA., 1797; i6''édil., 1824,
3 vol. in-i2. m. Grammaire élé-
mentaire latine , réduite à ses vrais
principes , ibid., 1798 , in- 12. IV.
Apollineum opus, ibid., 1801, in-
12. C'est un traité de prosodie. V.
Grammaire raisonnes , ou cours
théorique et analytique de la langue
française, ibid. , i8o5 , 2 vol. inT25
l8i8, 2 vol. in-i2. YI. Cacogra~
phle , ou Recueil de plirases dans
lesquelles on a violé a dessein l'or-
tbograpbe, ibid., i8o3. — Corrigé
de la cacoi;raplile, i8o3 , 7" édit. ,
1 8 2 2 , 2 vol. in- 1 2 . VII. Cacologie,
ou Recueil de locutions vicieuses 5
avec le Corrigé, ibid., 18075 6^
édit., 1824., 2 vol. in-12. Cet ou-
vrage, par son but, ainsi que par
son titre, semblerait n'élre qu'un
recueil d'éplgrammes contre les au-
teurs modernes , si , dans le choix
de ses exemples , Boinvilliers ne leur
avait associé les écrivains les plus
célèbres par la correction et la pu-
reté de leur style, VIII. Grammaire
latine théorique et pratique , 9"^
édit., 181 5, in-12. On n'a pas
compris dans celle liste quelques
ouvrages de Boinvilliers, tels que :
Monsieur le Marquis , comédie en
BOI
deux actes et en vers, 1792. Con^
dorcet en fuite , fait liistorique en
trois acies, 1797. he Manuel du
Républicain , ouïe Contrat social
mis à la portée de tout le monde ,
1794 , in- 18, etc. Ces écrits, oubliés
aujourd'hui, sont indiqués dans la
Biographie des hommes viiuaits.
Les pièces de vers qu'il a fournies a
VAlmanach des Muses et aux re-
cueils du temps sont très-médiocres.
Boinvilliers a rédigé quelques articles
dans les premiers volumes de la Bio-
graphie universelle. W — s.
BOISASID (J.-J. F. -M.), le
plus fécoud des fabulistes, né k
Caen , d'une famille honorable en
1745, était membre de l'académie
des belles-lettres de cette ville et
secrétaire de Tinlendance de Norman-
die, depuis 1768 , lorsqu'il fut
nommé, en 1772, secrétaire du
conseil des finances de Monsieur,
comte de Provence, puis, en 1778,
secrétaire du sceau et de la chancel-
lerie de ce prince. Larévolution ayant
obligé le frère de Louis XVI à faire
des réformes dans sa maison en 1790,
Boisard perdit sa place et obtint une
modique pension qui cessa bientôt de
lui être payée, par suite de l'émigra-
tion de son ancien maître. Il passa
quelques années k Paris oiî ses opi-
nions anti-révolutionnaires et son ca-
ractère frondeur l'empêchèrent d'ob-
tenir un emploi. 11 vécut dès-lors ou-
blié , malheureux, el sur la fin du
dernier siècle il retourna dans sa ville
natale, où il est mort presque nona-
génaire dans les derniers mois de
i83i. Dès l'année 1764, il fit
des vers; et il publia en 1769, dans
le Mercure de France quatre
fables lues k l'académie de Caen.
Il continua d'en insérer dans ce re-
cueil jusqu'en 1773 que parut le
tome L'" de ses Fables^ Paris, in-8".
Bot
lieu publia un secc^ud, ibid., 1777,
in-8°. Ces deux volumes , ornés de
gravures d'après les dessins de Mon-
net et de Saint- Aubin , reparurent
avec un uouieau frontispice, Paris,
1779, in-S". Il est plusieurs de ces
fables qu'on lit avec plaisir, entre au-
tres celle qui est lahhAée f Histoire •,
mais un grand norabie d'autres,
n'offrant point de moralilc et n en
laissant deviner aucune, sont moins
des fables que des contes, dont la fin
même ti'est pas toujours salistaisante.
Des détails heureux , une narration
quelquefois agréable , se trouvent
noyés dans une multitude de vers
médiocres. Grimm , en rendant
compte du premier recueil, dit
qu'il fit peu de sensation , parce
que les fables n'étaient déjà plus de
mode ; mais il avoue que celles de
Boisard sont moins précieuses que
celles de La Moite, plus naturelles
que celles de Dorai, plus variées,
plus naïves que celles de l'abbé Au-
bert ; cependant il en trouve la chute
rarement heureuse, la morale com-
mune, souvent répétée, el le style dé-
pourvu delà précision de Phèdre et du
coloris gracieux deLaFoatainejumais
peut être, ajoute Grimm, Boisard
est-il de tous les fabulistes celui qui a
le moins imité La Fontaine et qui s'en
est le moins éloigné, si une narration
simple, facile et naïve est le premier
mérite de ce genre de poésîe>'. Voltaire
aussi a parlé avec éloge du premier
recueil de Boisard, dans sa corres-
pondance avec Didemt. La plupart
des fabulistes nonl fait que cinquante
ou cent fables. Quelques-uns en ont
publié deux cent cinquante a l'exem-
ple de La Fontaine. C'est ce nombre
que conliciiuenl les deux volumes de
Boisard. Mais il avait continué d'en
insérer dans V Almanach des Muses
etdans d'autres ouvrages périodiques^
feÔÎ
/,57
il en publia uu nouveau volume divisé
en dix livres qui en contenaient trois
centsj Caen, i8o3, in-12. Dans le
prologue , l'auteur se félicite de la
tranquil'ité rendue à la Fracce par
Bonaparte, el se console des larmes
qu'il a constamment versées. Ce re-
cueil passa inaperçu : on y trouva
pourtant quelques jolies fables, mais
la plupart sont trop négligées el on
ne peut en deviner la morale. La
Bibliothèque française de i8o4
est le seul journal littéraire qui en
ait parlé dans un article signé E.Tou-
lougeon. Dans le prologue d'un autre
volume qui parut sous le titre de
Fables et Poésies diverses, Caen ,
1804, in-12, Tanteur s'excuse de
celle indifférence du public j il dit:
J'écris beaucoup et mou salaire e.sl mince,
Il se réduit à rien; les Muses de province
ÎSe font pas fortune à Paris.
La moitié du volu'ne contient cent
vingt fables, formant les livres XI a
XIV, et l'autre moitié des poésies
diverses, dont plusieurs contre le ré-
gime de la terreur, el la Grotte de
Merlin, divertissement en trois ac-
tes^ représenté dans un cbàleau, en
1772, pour la fête de Tintendant
M. de Fonlette , son protecteur. Ln
troisième volume de Fables^ faisant
suite aux deux précédents, parut
à Caen, i8()5, in 12. Il contient
trois cent trenle-une fables, com-
prises dans les livres XV h XXV.
Dans la première, l'auteur fait en-
tendre qu'il avait reçu des secours
ou une peUïion de Bonaparte. Ln-
fiu Biiisard a fait réimprimer ses deux
premiers recueils de 1773 et 1777,
sous ce titre : Mille et une Fables, l '^
partie, Caen, i 806. i a- 12. Il annonce
dans l'averlissement qu'il a indiqué
par un astérisque les fables qui se res-
sentaient de sa jeunesse, ainsi que des
opinions qui commençaient à devenir
458
BOI
à l'ordre '<3ii jour, et donl il fait son
acte de conlrition.Il ajoute que, dans
le cas d'une nouvelle édition, ce volu-
me doit devenir le premier, puisqu'il
contient les huit premiers des trente-
cinq livres que forment ses Mille et
une Fables. A la En de ce volume se
trouvent quatre psaumes traduits en
yers ; mais on n'y voit point , non
plus que dans le volume de Fables et
poésies diverses, qui doit être le
quatrième et dernier tome , une Ode
sur le déluge , couronnée par l'aca-
démie de Rouen, 1790, in-8°. Au
mérite delà fécondité Boisard a joint
celui de l'invention , car il ne paraît
pas que ses fables aient été des imita-
tions. Son style est naturel, mais trop
souvent prosaïque. — Boisakd(J.-F.),
neveu du précédent, né aussi à Caen,
vers 1762, cultiva la peinture et fut
élève de Regnault , de l'académie
royale; mais, de son propre aveu , il
ne sortit jamais de la médiocrité et
jeta souvent le pinceau pour pren-
dre la plume. 11 émigra au com-
mencement de la révolution , rentra
eu 1795, fut arrêté, condamné a
mort, et sauvé par un miracle qu'il
n explique pas. Il eut toujours a se
plaindre des rigueurs de la fortune, et
mena une vie errante et mallieureuse ,
souvent éloigné de sa femme , qu'il
adorait et qu'il a célébrée dans ses
vers sous le nom de Rose. H conte
ses malheurs domestiques avec une
naïveté verbeuse, entremêlée de
plaintes fréquentes, dans ses fables et
dans ses nombreux prologues adressés
au roi, aux princes et a MM. Gérard,
Horace Vernet , Bosio, et a plusieurs
autres dont il réclamait les secours.
Il paraît que Boisard est mort dans
la misère. Il a publié : I. Fables
dédiées au roi , Paris , 1817, in-8° ;
II. Fables faisant suite a celles qui
sout dédiées au roi, Paris, 1822,
BOI
2* partie , i vol. in-8°. Digne émule
de son oncle en fécondité (puisque
ses fables sout au nombre de trois
cent quatre-vingt-douze) , mais non
pas en talent (car elles sont toutes
au-dessous de la -médiocrité) , nous
aurions a peine fait mention de lui ,
si la Biographie portative des
contemporains n'eût pas confondu
l'oncle et le neveu ainsi que leurs ou-
vrages, en ne parlant que des fables de
1775 et 1777 du premier, et en disant
qu'elles ont été réimprimées en 1817
et 1822. La France littéraire de
M. Quérard a^ aussi commis une er-
reur a l'article de l'oncle, en citant
une édition de Fables et œuvres
diverses, Caen, 1773-1801,15 vol.
in-8°, qui n'existe pas, et en omet-
tant les titres des volumes publiés eu
i8o4-, i8o5 et 1806. A — T.
BOÏSBAUDRON (le baron de
LoTjN'Es de), d'une ancienne famille
du Poitou, était le frère du marquis
de la Coudraye député de la noblesse
d'Anjou aux états-géuéraux de 1789.
Il fut destiné dès son enfance au
service de la ranrine , dans laquelle
il servit jusqu'à l'époque de son
émigration, en 1791- Alors il entra
dans l'armée de Condé, et il en fit
toutes les campagnes jusqu'à celle
de 1795. A cette époque , il se ren-
dit à Jersey, d'oi!i il s'embarqua pour
la Bretagne, avec des instructions
particulières pour les royalistes de
celte contrée. Il débarqua à Erqui ,
dans les Cotes-du-ÎSord. En abor-
dant, la petite troupe avec laquelle
était Boishaudron fut rencontrée par
un détachement de républicains très-
supérieur en nombre. Il se défendit
néaumoins , et ne se rendit qu'a-
près avoir eu la cuisse percée
d'une balle. Conduit à la prison
de Rennes sur une charrelle dé-
couverte, quoique la neige tombât
BOI
par flocons , il souffrit cruellement
pendant ce trajet. Ce fut au milieu
de ces souffrances , et avec la presque
certitude d'èlre mis a mort , qu'il
écrivit aux chefs royalistes pour les
engager à refuser toute proposition
de paix. Remis en liberté peu de
temps après par un article spécial
du traité de la Mahilais , il se rendit
aux eaux d'Aix-la-Chapelle, puis à
Orléans, où il vécut fort tranquille.
Averti qu'on l'avait dénoncé au direc-
toire, il partit pour Paris, afin de
prouver qu'il était compris dans la
pacification. On l'arrêta néanmoins
alhôlel même du ministre de la po-
lice. Ramené en prison a Orléans ,
il fut traduit devant une commis-
sion militaire. L'assemblée était pu-
blique et fort tumullueuse. Bois-
baudron se défendit avec force. Les
habitants , électrisés par son éloquen-
ce , l'applaudissaient vivement et té-
moignaient bautemeul leur intérêt ,
surtout lorsqu'on apprit que vingt-
cinq soldats avaient été commandés
d'avance pour l'exécution. La com-
mission prétendait n'avoir à prouver
que l'identité sur le fait de Témigra-
tion,elBoisbaudrou soutenait avec rai-
son que le traité de laMabilais l'avait
absous du fait de l'émigration. Le ju-
gement fut remis à huitaine. L'accusé
se défendit avec les mêmes moyens que
la première fois. ïoulannonçait pour-
tant sa condamnation , lorsqu'un dé-
cret, sollicité par Lanjuiuais et rendu
la veille a la sollicitation de ses amis,
arriva pendant la séance, et déclara
la commission incompétente. Désirant
toujours être utile à la cause qu'il
brûlait de servir de nouveau,Boisbau-
dron se trouva à Paris à l'époque du
i8 fructidor, et fut compris dans le
décret qui renvoyait les émigrés hors
de France. 11 passa en Angletejre et
de la en Danemark. ISe pouvant s'ha-
BOI 459
blluer à vivre dans ces climats étran-
gers, dès qu'il vit la possibilité de
rentrer dans sa patrie , il y revint j
mais les douleurs de sa blessure
se firent de nouveau sentir avec
tant de violence, que, pour les calmer,
il prit de fortes doses d'opium. Sa
santé s'altéra de plus en plus j et enfin,
après plusieurs mois de souffrances ,
il mourut âgé d'environ 5o ans , au
mois de sept. 1801, dans la terre
de M. d'Auteroche, son parent, a
troislieuesd Orléans. Il joignait^ dans
les dernières années de sa vie, une
piété aimable et tolérante a ses ver-
tus militaires. Sou esprit, cultivé
et plein d'agrément, était d'une teinte
chevaleresque, rappelant nos anciens
preux. Il avait perdu un fils chéri à
l'affaire de Quiberon, et sa femme
avait été massacrée à la défaite du
Mans, en 1794. B — p.
BOIS BEREXGER (la mar-
quise Charloxte-HetsRiette Tar-
dieu-jMalessy de) , née a Paris en
1767, fut une des femmes les plus
héroïques d'un temps où tant de fem«
mes déployèrent un grand courage.
M. de Bois-Bérenger ayant émigré ,
elleresla courageusement exposée aux
proscriptions révolutionnaires dans
le seul but de conserver son bien à
sa famille; et, pour y parvenir,
elle feignit de se séparer de son
mari, et fit une demande judiciaire en
divorce. Mais ce moyen eut peu de
succès ,• elle fut arrêtée comme
suspecte et renfermée avec son père ,
sa mère et sa sœur dans la prison du
Luxembourg , puis comprise avec
toute sa famille dans une de ces
conspirations de prison imaginées
pour envoyer en même temps à
l'échafaud un plus grand nombre de
victimes , co.itre lesquelles il n'y
avait pas même l'ombre d'un motif.
Conduite avec ses parents devant le
46o
BOI
sanglant tribunal révolutionnaire, et
n'.iyant pas encore entendu son acte
d'accusation lorsque déjà tous con-
naissaient le leur, elle se crut ou-
bliée par les bourreaux, et s'écria en
versant un torrent de larmes! « Dieu,
avons mourrez avant moi; je suis
a condamnée a vous survivre!...
« Barbares! a quelle pénible exis-
K tt-nce me condamnez-vous ? o Elle
s'arrachait les cheveux, embrassait
tour a tour son père , sa sœur , sa
mère, et répétait avec anierlume ;
« Nous ne mourrons pas ensemble ! »
Pendant qu'elle s'abandonn;iit ainsi a
sa dou'eur, l'acte d'accusation arriva.
La joie éclata aussitôt sur son visage,
et toute son affliction iîl place au
plai^ir douloureux de consoler ses
parents. Elle se coupa elle-même les
cheveux, mangea avec appétit , même
avec gaieté, et soutint le courage
de sa mère jusqu'à l'écliafaud «Cou-
ec sol' z -vous , lui disait- elle , nous
« mourrons ensemble : vous n'em-
« portez pas le moindre rej^ret ;
et toute votre famille vous accoin-
te pagne, et vos vertus vont rece-
« voir leur récompense dans le sé-
tt jour de la paix et de l'innocence. »
Cette jeune femme, belle, aimable,
avait été la garde-malade de toutes
les femmes prisonnières avec elle,
Sou père , presque mourant , avait
surtout été l'objet de sa tendre sol-
licitude. Séparée quebpe temps de
sa mère , qu'on avait mise au secret
dans un cachot, elle se privait d'une
partie de sa nourriture pour la lui
porter , sans se rebuter des propos
et de la dureté des geôliers. Ce fut le
26 messidor an 1 1 ( 1 4- juillet i 794)
douze jours avant la chute de Robes-
pierre, que périt ainsi la famille de
Bois-Bérenger , qui deux semaines
plus tard eût été sauvée! M — d j.
BOÏSGELl^■ (le comte Lntns-
fiOÎ
Bruno de) , frère du cardinal de ce
nom {J^oy. Boisgelin, tom. V), né
à Rennes en lySS, fut d'abord
connu sous le nom de chevalier, puis
sous celui de comte de Cicé et de-
vînt le chef de sa f;imille par la mort
de son aîné et la résolution que prit
le puîné de suivre la carrière ecclé-
siastique. Entré coiirae enseigne
dans les Gardes- Françaises en 174-8,
il fut dix ans plus tard cornette da'is
les mousquetaiies avec rang de colo-
nel et chevalier de Saint-Louis en
1761. INouimé colonel des Gardes-
Lorraines Tonnée suivante, il fui eu-
suite brigadier et raaréchal-de-cainp
en 1780. 11 était en même temps
maître de la garde-robe du roi, piis
ministre de France a Parme , cheva-
lier du Saint-Esprit et baion des
états de Bretagne. H présida en celte
qualité à diliérentes époques la no-
blesse de cette province, notamment
en 1789, où il deplova un caractère
très-énergique. Ayant juré dene point
assister aux états-géoéraux , d n'en-
lendil à aucune des propositions que
lui firent les minisires pour l'enga-
ger k y siéger, et se tint à l'écart
pendant les premiers orages de la
révolution. Cependant il némi^^ra
pas. Il fut arrêté en 1794 et conduit
à la pri.son du Luxembourg , où,
compris dans une de ces conspirations
imaginées par les bourreaux de cette
époque, il fut traduit au tribunal ré-
volutionnaire et condamné a mort le
19 messidor au 1 1 (8 juillet 1794)
Sa femme , sœur du chevalier de
Boufflers, dame d'honneur de mada-
me Victoire , subit le même sort.
C'était une personnede beaucoup d'es-
prit, et elle montra un grand cou-
rage dans ses derniers momr-nis. —
Son cousin , le vicomte Gilles-Do-
minique de BoisGELiN, ancien colo-
nel du régiment de Béarn^ commau-
BOl
dait ce corps dans les premières an-
nées de la rév<plulioa, el il y iiiain-
lial la (lisci()liiii- la plus exacte au.
milieu du désordre j^éiéral. Il fui en-
suite fait maréchal-de-camp, donua
sa démission el se relira en 1792 ai,i
Havre. où il fui arrèlécomine suspect.
Conduit h Paris dans la prison du
Luxembourg, il n'en sorlil que
pour aller a l'échdfaud , enveloppé
dans la mè le condaniuation que ses
parents. — I/abbé de Boisgeli?*" ,
frère du précédent, agent-général du
cleigé de France, et grand-vicaire
de l'arclievèque d'Aix , péril dans les
massacres deTabliaye Saint-Germain,
en septembre 1792, à côté de l'abbé
Lenfaut. qui lui adininisira dans ce
momenl suprême les derniers secours
de In religion, {f^oy. Lenfaut, lom.
XXIV.) M— Dj.
BOISGELIN de Kerdu
( le chevalier Pierre-Marie-Louis
de ). frère de l'aldié el du colonel de
Béarn ( V oy . l'arlicle précédtnl),
né a Plélo, diocèse de Sainl-Brieux,
en 1708, fut destiné à l'éiat ecclé-
sicistijiie et passa une partie de sa
jeunesse au sémnaire de Saint-Sul-
pice. Quelques changements survenus
dans sa famille le décidèrenl k entrer
dans la carrière des armes, et il fuL
nommé officier dans le régiment du
roi, infanterie, oii il se lia d'une
étroite amitié avec iVl. de Forlia de
Piles, alorslieiitenanl dans le même
corps. Ils visitèrent ensemble le nord
de lEurojie de 1790 a 1792 ; mais
Boisgeliu n'eut aucune part a la ré-
dartion de l'ouvrage publié par son
ami Fortia, sous le titre de J^ oya-
ge de deux Français au JSord
{Foy.]a. préface du i'^'' volume, et
Farlicle Fortiade Piles, au Supp.).
Admis dans l'ordre de Malle, il se
trouvdit dans cette ile en 1 790 5 et il
se rendit à Toulon lorsque cette
BOl
461
place fut occupée par les Anglais au
nom de Louis XVII. Il y commanda
un régiment qui fut levé pour le ser-
vice du roi , el qu'après l'évncuation
il conduisit en Corse, li passa ensuite
en Anglfterrc et ne retourna point à
Malle. Ainsi il ne s y trouvait pas ,
comme on l'a prétendu,, lorsque les
Français s'en emparèrent en 1798;
et s'il a peint, dans la description
de celle île , avec des traits énergi-
ques les fâcheux résultats de celle
occupation pour les habilauts, ce
n'est que d'api es les récits de lémoius
oculaires. Il fil pendant la révolution
plusieurs voyages sur le continent j
et plus lard il a fait connaîlre ses
judicieuses observations sur le com-
merce, l'administration et les forces
militaires de divers étals. Le cheva-
lier de Boisgelin ne revint en France
qu'après le retour des Bou bons, eu
1 8 1 4. et il mourut k Pleubihan,
département des Côles-du-iVord, le
10 sept. 18 16. Il fut un des auteurs
ou éditeurs de la Correspondance
de Mesmer. ( f"oy. ce nom , tora.
XXVIII.) On a de lui : I. Jncient
and modem M alla , Londres,
i8o4, 3 vol. in-8". Cet ouvrage, ac-
compagné de p'anches et d'une bonne
carie i^éograj.hique, a élé liadiiit
en français et publié par M. de For-
tia de Piles, Paris, 1809,5 vol.
in-8". Le premier contient le tableau
physique de l'île , de ses productions
et de son commerce. Les deux au-
tres sont consacrés k l'histoire de
l'ordre de SainI- Jean de-Jérusalem ,
depuis son origine jusiju'en 1800.
L'auteur y provoque le rétablisse-
ment d'une institution long-temps
utile, mais qui deviendrait sans but
si la destruction de la piraterie est
une conséijuence de l'occupation du
royaume d'Alger par les Français.
11 y manque un chapitre intitulé :
tiÛà
BOI
Malte niêlallique et littéraire,
dontnous savons queBolsgelin s'était
occupé. U. Travels through Den-
mark and Sweden , Londres ,
1810, 2 vol. gr. in-4-°, fig. Ce voya-
ge est très-estiraé. III. Histoire des
révolutions de Portugal , par l'ab-
bé de F ertot , continuée Jusqu'au
temps présent, enrichie dénotes
historiques et critiques, d'une ta-
ble historique et chronologique
des rois de Portugal et cTune des-
cription du Brésil , Londres, im-
primé par et pour R. Juigné,
1809, m-i2. Outre les additions
indiquées sur le litre, l'éditeur a
joint au livre de Vertot, p. viii-xv,
un Catalogue raisonné, historique
et critique des principaux ouvra-
ges écrits sur l'histoire de Portu-
gal et des Noms des principaux au-
teurs qui ont écrit sur le Brésil.
(Voy. Rouard, Notice sur la biblio-
thèque publique cVAix, i83i,
in-8°.) De concert avec son ami For-
lia de Piles, Boisgelin, pour char-
mer les ennuis de la garnison , avait
imaginé nue facétie dont ils publièrent
plus lard les résultats sous ce tilre :
Correspondance de Caillot-Du-
val y rédigée d'après les pièces ori-
ginales y et publiée par une société
de littérateurs lorrains (Nancy,
juillet 1795). C'était une myslilica-
tion fort gaie, adressée de leur gar-
nison à toute la France par les deux
officiers, qui reçurent beaucoup de
réponses naïves aux lettres qu'ils en-
voyaient partout sous le nom d'un
être incaginaire. Boisgelin de Rerdu
a laissé divers manuscrits qui sont
déposés a la bibliothèque publique
d'Aix en Provence. — Le mar([uis
Bruno de Boisgelin, qui était
devenu le chef de cette famille,
et pair de France en 1814 , est
mort a Paris le zc) juin i85i,h
BOX
l'âge de 6r ans. M — d j et W — s.
BOISIIARDY ( le chevalier
Charles de), ancien officier au régi-
ment de Pioyal-Marine, quitta le ser-
vice au commencement de la révolu-
tion 5 prit part a la première conspi-
ration vendéenne, celle de La Roua-
rie, et fat désigné par lui pour com-
mander les forces militaires de la
ligue bretonne sur les Côles-du-Nord.
Après la mort de La Piouarie, il se
relira vers la côte entre Lamballe et
Moncoulour; et, réunissant tout
ce qui s'armait contre la révolution ,
il établit son quartier-général a
Brehan. Boishardy était dans la
force de l'âge, et aussi adroit qu'in-
trépide j son ascendant était tel sur les
paysans qu'ils se seraient tous exposés
a la mort pour le défendre, et qu'il
passait dans leur esprit pour pré-
dire l'avenir. D'ailleurs, ses manières
douces et l'aménité de son caractère
le faisaient généralement aimer. Au
mois d'août 1794 5 il alla trouver
Puisaye et le reconnut comme géné-
ralissime des chouans. Puisaye le fit
colonel et lui donna la croix de
Saint-Louis. Il commanda les roya-
listes des Côtes-du-]\ord 5 et au mois
d'octobre 1794, se voyant accablé
par la division du général républicain
Rey, et autorisé par l'exemple de
Charelle , il crut écarter le danger
en faisant des ouvertures de paix.
Ayant demandé une entrevue au
général Humbert , qui commandait à
Moncontour une division républi-
caine, il lui indiqua, dans les pre-
miers jours de décembre , un bois
pour le lieu de la conférence, et
il s'y trouva avec cinquante chouans
armés. Humbert arriva seul sans au-
cune escorte. Le général rovaliste,
étonné (le la sécurité de cet officier,
lui dit : Le témoigJiage de confian-
ce que tu me donnes me décide
BOÏ
à la réciprocité ; je vais renvoyer
ma troupe^ et chercher avec toi
les moyens de ramener la paix
dans ces malheureuses contrées !
Après la pacification , les haslililés
ayaut recommencé entre les deux
partis, Boishardy reprit l'offensive.
Les républicains avant été instruits
qu'il se trouverait , le i3 juin 179 5,
dans son château de \ illeheraet , une
compagnie de grenadiers marcha pour
l'y surprendre. Boishardy s'aperçut
trop tard qu'il était trahi 5 il voulut
fuir : les grenadiers le poursui-
virent à coups de fusil 5 il fut at-
teint et achevé a coups de sabre. Sa
tète sanglante et séparée de son
corps fut promenée dans les rues de
Laniballe et de Moncontonr. B — p.
BOISJOSLIN (Claude- Au-
gustin ViEiLH de), né à Paris le 24
février 1788, mort le 2.0 juin i832,
était le fils aîné deM.de Boisjoslin,
poète distinguéjéiève ami de LaHarpe
et de Delille, qui après avoir quitté
la lyre, il y a plus de quarante ans ,
devint tribun , puis sous-préfet de
Louviers. Il était depuis long-temps
le doyen de cette classe de fonc-
tionnaires si amovibles, lorsqu'il prit
sa retraite en i 83 r . Dans sa jeunesse
Augustin de Boi'^joslin se livra k l'é-
lude des mathématiques. 11 se desti-
nait a l'école polytechnique ; des re-
vers de famille le forcèrent a entrer
prématurément dans l'arme du génie
en qualité de simple soldat ; et il fit
en Espagne les campagnes de 1808 ,
1809 et 1810. Nommé caporal dans
les sapeurs il assista au siège de Sa-
ragosse. Ses prolecteurs, désespérant
de lui faire obtenir un avancement
toujours lent et difficile dans le gé-
nie, lui firent avoir l'emploi d'adjoint
au paveur-général de l'armée, ce qui
était as.^urément une fortune pour
un ex-caporal, Mais , des revers
BOI 463
ayant contraint les Français d'évacuer
l'Espagne en 18 15, Boisjoslin re-
vint en France, blessé, après avoir
perdu tout ce qu'il possédait à la
journée de \iltoria. Pour comble
de malheur, il fut du nombre des
agents du trésor que l'on réforma
comme les moins anciens. Boisjoslin,
a qui ses protecteurs reconnaissaient
beaucoup de talents, et qui d'ailleurs
était doué d'un extérieur séduisant ,
fut près d'être nommé secrétaire par-
ticulier de la grande-duchesse de
Toscane [J-^oy Baciocchi, LVII,
17), lorsque les événements de i 8 i 4-
détruisirent encore pour lui cette nou-
velle chance de fortune. Après avoir
été sur le point d'obtenir, par le cré-
dit de Fontanes , la place de secré-
taire d'ambassade en Espagne, il se
décida a entrer dans la maison du roi,
oii ses goûts littéraires le singulari-
sèrent un peu, et où il fut signalé
comme mal- pensant , et réforme
sans traitement. 11 embrassa alors le
commerce de la librairie, qu'il quitta
pour la direction d'une imprimerie.
La mort d'Alphonse Rabbe , eu
rendant vacante la direction de la
Biographie portative des co/z^em-
/j>orrt//« (i) (édition compacte), à la-
quelle Boisjoslin avait déjà, fourni
(i^ Celle Biographie fut commencée en iS25
par Babeuf, (ils du démagogue de ce nom qui
périt sur l'échafaud en 1797- Ce jeune homme
manquant bientôt de fonds la céda à ses impri-
meurs, Aucher Eloy et Comp., de Blois, qui eu
confièrent la direction à Alphonse Rabbe, l'uu
des rédacteurs. Mais son imagination désor-
donnée et sou esprit brouillon le rendaient peu
capable de l'ordre et du la régularité qu'exige
un pareil travail. Dès le milieu de la lettre C,
JL.iucUer Eloy vint lui-même a Paris, et dirigea
en personne son entreprise avec autant d'intelli-
gence que d'activité jusqu'à latin de la lettre S;
mais s'élanl brouillé avec son associé de Blois,
pour avoir dépassé le nombre des livraisons
promises aux souscripteurs, il partit pour la
hus5!e eu 182g. Ce fut alors que Boisjoslin,
un des cno lérateurs de la Biographie, en de-
vint directeur à forfait ; il n'y «-tait pas plus
propre que "Rabbe : ses distractions, ses causeries,
ses lenteurs, ses accès d'humeur occasionés|:ar
fM
BOI
plusieurs articles, lui ouvrit une
carrière plas conforme à ses goùls et
à ses laleuls. Celle enireprise tou-
cliait k sa tin, mais un Supplément
élail nécessaire : ce fui la lâche a
laquelle Boisjoslin se consacra tout
entier. Sous sa direclion les articles
de celle Biographie cessèrent de
présenler ce défaut de convenance ,
celte àprelé de slyle qu'on avaii pu
reprocher a quelques notices insérées
dans les premières livraisons. Bois-
joslin, qui élail homme du monde
et surtout un causeur dislingué ,
n'eut pas de peine à attirer à *ou
enireprise des lillérateurs faits pour
s'enlendre avec lui j il se les don-
na pour collaborateurs. Parmi les
articles les plus remarquables qu'il
a composés pour cet ouvrage, nous
citerons Ancelol , Creuzé , Decaen ,
Dejean , Destourntlles , Fourier ,
Fox, Fraucœur , Heyne , Lassus,
]\] asséna, Meunier, Motiiuda, Pro-
ny,etc. ^2). On a de lui, outre ses
notices biographiques : i " Sur l'é-
ducation des Jemmes, Pa.rh, 1 8 1 8 ,
in-4° 5 2" la Préface du Diction-
naire de médecine d' Auboni ; 5"
la Préface placée en lêle du livre
de l' amour ^dit Senancour, dont il
avait élé l'éditeur. Croyant avoira se
jilaindre de la res'auralion, Boisjoslin
avait vu sans peine la révolution de
18305 il fut élu officier de la garde
nationale aussitôt après; mais son
le mauvais état de sa santé, firent traîner telle-
ment la jiiiblicatinn des livraisons , qu'à sa
mnii , c'esl-a dire dans IVspace c'e deux ans,
il li'en avait paru que quatorze ou quinze. Tour
rendre sa besogne plus facile et plus lucrative,
il avait deux commis qui abrégeaient et re-
fouchjieul assez maladroitement les articles dé-
jà publ es dans des ouvrsf;es analogues. A — t.
(2) Il a rédigé aussi celui d'Uuvrard, qui est
d'une longueur démesurée, cav il formerait à
lui feul un volume. Boisjoslin n'a fjit au reste
qu'abréger les Mémoires de ce fauiciix fournis-
seur, auxquels il attachait une grande impor-
tance. A — T.
BOI
esprit inquiet le jela promptemeul
dans l'opposition , bien qu'au 2
août 1800, il eût salué le nouveau
gouvernement par la publication
d'une brochure intitulée : Noti-
ces historiques sur S. A. R.
Louis-Philippe d'Orléans et sur le
général Lafayette (extraites de la
Biographie des contemporains ) ,
précédées de quelques mots sur la
nécessité de se rallier au duc
d'Orléans. Boisjoslin, condamné
depuis plusieurs mois a un silence
absolu par une esquinancie, a été une
des victimes du choléra j et peut-être
aussi le sentiment pénible que lui
avaient fait éprouver les événements
du 6 juin 1 832 n'a pas peu conlri-
i»ué a rendre sa maladie mortelle.
D— R— R.
BOISLANDRY (Louis de),
né en ijig, était négociant a
Vei'sailles lorsqu'il fut nommé dé-
puté du tiers •• étal de Paris aux
états-généraux de 1789. 11 se ran-
gea dans cette assemblée du parti
de la révolution; mais, naturellement
sage et modéré , il ne s'y occupa
guère que d'objets de finances et
d'administration. Le 6 juillet 1790,
il fit au nom du comité ecclésiastique
un rapport sur la division du royau-
me en arrondissEmens métropolilains,
et proposa l'établissemenl d'un siège
épiscopal dans chaque déparlement.
Le 5 septembre suivant il prononça
un long discours sur la liquidation de
la dette publique, et présenta des
raisonnements 1res lumineux sur lé-
missii)n excessive de deux milliards
d'assignats qu'avait proposée Mira-
beau. Mais ses raisonnements, qui
étaient une véritable prophétie, ne
furent point accueil'is; l'émission eut
lieu, el la France ne tarda pas k
subir toutes les calamités que Bois-
landry avait prévues. Ce député parla
liOI
encore avec ])eaucoup de sagesse, le
5o iiov. de la même année, sur les
droits d'enliée et sur le nouveau
tarif (les douanes j et, dans la séance
du i5 février 1791 , il s'éleva avec
orce contre les taxes qu'il s'agissait
d'établir a l'entrée des villes. Il pro-
posa à l'assemblée, dans le même
discours , de s'occuper du projet sur
les patentes qui lui avait été présenté.
Après la session , Boislandry parut
avoir renoncé aux affaires publiques.
Il essuya quelques persécutions pen-
dant la terreur j et i! est mort a
Paris en uov. i 854- On a de lui : I.
/ ues impartiales sur l'éLablisse-
metit des assemblées provinciales ,
sur leur Jbrmation, sur T impôt ter-
ritorial et sur les charges , Paris,
1787, in- 8°. n. Considérations
sur le discrédit des assignats pré-
sentées à l'assemblée nationale ,
Paris, 1791, iu-8°. III. Exanieti
des principes les plus favorables
aux progrès de l'agriculture , des
uuuuifactures et du commerce de
France .)Y^v L. D. B. (Louis de
Boislandry), Paris, i8i5 , 2 vol.
iu-8". IV. Des impôts et des char-
ges des peuples en France , Paris,
1824, 1 vol. in-8°. On trouve dans
tous ces écrits des observations ju-
dicieuses et des vues sages sur le
commerce et l'admiuislration publi-
que. M — D j.
iîOISLÈVE (Pierre), ofE-
cial du diocèse de Paris, dont le nom
appartient a l'histoire, pour avoir
prononcé le divorce de INapoléon et
de Joséphine, naquit a Saumur, le i •^
septembre 174^- Ayant embrassé
l'état ecclésiastique, il se fit recevoir
docteur en droit ; fut nommé vi-
caire de Saint-Michel d'Angers , et
développa beaucoup de talent dans
l'exameu des procédures qui lui
étaient envoyées par le prébidial de
BOl
46;")
celle ville. Pourvu d'un canonical de
la collégiale de Saint-Maiiin, il fut
en même temps nommé vice-promo-*
teur du diocèse, place qu'il remplis-
sait à l'époque de la révolution. Son
refus de prêter le serment l'obligea
de quitter Angers. 11 vint k Paris,
jugeant qu'il y serait plus en sûreté
que dans la province ; et il se tint
caché pendant la terreur a Passy,
dans une maison que son ancien con-
disciple , l'évêque de Sainl-Papoul
( Maillé ) , avait retenue et meu-
blée sous un nom supposé. Après
le concordat, i'abbé Boisiève lut
nommé chanoine honoraire de No-
tre-Dame. INapoléon voulant faire
casser son mariage sans riuterveuliou
du pape, alors captif, rétablit l'offi-
cialité de Paris j et Boisiève, comme
jurisconsulte, fut revêtu du titre dof-
ficial. La cause ayant été portée de-
vant lui, après i'instrucliou préli-
minaire, il prononça , le 9 janvier
i8io , la sentence de divorce , qui
ne fut point publiée ( Voy. Jo-
séphine, au Suppl.). On croit
que l'abbé Boisiève fut également
chargé d'annuler le mariage de Jé-
rôme Bonaparte avec mademoiselle
Paterson. Devenu chanoine titulaire
et vicaire-général, il était eu même
temps directeur des religieuses de
1 Hotel-Dieu et des dames de la Con-
grégation. 11 mourut a Paris, le 3
déc. i85o. W — s.
BOïSSEL DE MOXVILLE
(le baron Thomas-Charles- Gaston),
])air de France , naquit à Paris au
mois d'août 1765 , d'une famille ho
norable , originaire de Normandie.
Ilecu conseiller au parlement en
1785, il prit part aux délibérations
de ce corps jusqu'à sa suppression ,
et fut du no 1 bre des jeunes magis-
trats qui, par leur résistance k l'auto-
rité royale, hâtèrent la révoluUou.
3o
466 BOI
Quoique lié intimement avec Adrien
Duport [T'oy. ce uom , lom. XII ),
il ne partagea poiul la violence de ses
principes , et sut se tracer une ligue
de conduite également éloignée de
tous les excès. A l'époque de la ter-
reur, ne se croyant pas en sûreté a
Paris (i), il se fit employer comme
ingénieur. Il avait dans sa première
jeunesse cultivé son goût naturel pour
la mécanique. Maniant avec beaucoup
d'iiabilelé la lime et la varlope , il
exécuta différentes machines utiles ,
entre autres uue faux h moissonner
le blé , très-supérieure à celle que
l'on emploie aujourd'hui dans diffé-
rentes provinces. 11 s'occupa aussi
quelque temps a perfectionner les
moulinsa veut. Après !e 9 thermidor,
se trouvant sur les bords du Rhône,
il résolut de descendre ce fleuve de-
puis le fort l'EcluGe jusqu'à. Seissel,
partie réputée nou navigable^ et, dans
celle entre-prise hasardeuse, il fit
preuve d'uu courage extraordinaire.
11 ne tenta, comme il le dit lui-même
( Voyage pittoresque, i36), ce
trajet périlleux que dans l'espoir
d'ouvrir uue nouvelle voie au com-
nierce_, etd'obtenir sinon des récom-
penses brillantes , du moins l'hon-
neur d'une mention au Bulletin.
Lorsque le calme fut rétabli , Boissel
vint habiter Rouen avec sa famille.
Quelque temps après , une partie des
gardes nationales ayant été mobilisée
pour la défense des côtes, il entra vu-
lonlairemenl dans la légion de la Sei-
(i) Dn passage des Mémoires de Slorellet, 11,
io3, nous apprend que Monville babitait alors
;< Fonteuay la Liicme maison que Suard. Condor-
cet croyant aller chez Suard se Uompa de porte
et vint frapper h celle de Monville : un domes-
tique ouvrit au fugitif qui lui demanda s'il (jou-
vait le recevoir. « Hélas '. non, Monsieur, car
mon maître ne vous aime pas. >i On voit pnr-là
que Monville désapprouvait la conduite de Con-
dorcet ; mais il est à croire cependant, d'après
ce que l'on sait de son caractère, qu'il n'aurait
pas refusé d'aider Coudorcet proscrit.
BOI
ne-Inférieure , dont il fut nommé ma-
jor , et il reçut eu 18 10 la croix
d'honneur. A la restauration, nommé
pair de France par Louis XVIII, il
se montra dans celle assemblée parti-
san de toutes les réformes utiles et de
toutes les améliorations compatibles
avec l'ordre public. 11 fut en i 8 1 9 l'un
des fondateurs de la société des pri-
sons, dont le but est d'adoucir le
sort des détenus , en leur procurant
les moyens de travailler et de s'in-
struire. Après la révolution de i83o,
il adopta toutes les mesures qu'il crut
nécessaires au prompt rétablissement
de la tranquillité dans Paris, et vota
dans ce but l'abolition de l'hérédité
de la pairie. Boissel mourut au mois
d'avril i832. A une grande ardeur
pour l'étude il joignait des mœurs
simples et uue bienfaisance éclairée.
On a de lui : I. Voyage pitto-
resque et navigation exécutée
sur une partie du Rhône réputée
non navigable ; moyens de rendre
ce trajet utile au commerce , paris ,
an III (1796), in-4.''. Cette relation,
qu'on lit avec un vif intérêt , est ac-
cumpagnée de 1 7 pi. dessinées et en
partie gravées par l'auteur. IL Des-
cription des atomes^ Paris 18135
Développements, tic, 18 i 5, 2 vol.
iu-80. C'est une nouvelle théorie de
l'univers. III. Peut-être , ibid. ,
1825 . in-S". Cet ouvrage doit être
considéré comme une suite du précé-
dent. M. Ferry, dont l'opinion est
ici d'un très-grand poids, le juge
toul-a-fait hors de ligne. Ounepeut,
dil-d, le comparer a aucun autre....
aucun livre n'est plus propre, pourvu
qu'il soit bien lu, a développer les
forces inlellectuelles et a diriger leur
emploi (Voy. la. Revue encyclopé-
dique , XXIX, 4ii). Toutes les
parties du cadre immense que l'au-
teur s'était tracé ne sont pas égale-
BOI
meut bien remplies 5 quelques-unes
de ses idées manquent de justesse ,
ou sont exprimées d'uue manière
obscure ; mais on y trouve a chaque
page Texpression des sentiments les
plus nobles et les plus généreux. IV.
De la législation sur les cours
d'eau, février 1818, in-4". Dans
cet opuscule , l'auteur approfondit
plusieurs questions qui intéressent
également l'administration, la juris-
prudence et la propriété. ^\ — s.
BOISSET ( Joseph de ) , né a
Montélimart, vers lyôo, d'une fa-
mille noble , y reçut une éducation
Irès-superËcielle et adopta , dès le
commencement de la révolution ,
toutes les idées nouvelles. Nommé,
en septembre 1792 , député du dé-
partement de la Drôme à la conven-
tion nationale , il vota pour la
mort de Louis XVI , sans appel au
peuple et sans sursis a l'exécution.
Cependant il n'était ni cruel ni san-
guinaire; mais essentiellement peu-
reux j et l'on sait que, dans ce mé-
morable procès, plus de votes furent
dictés par la peur que par la
conviction. Dès qu'il fut engagé
dans cette funeste voie , Bolsset en
suivit toutes les conséquences; et
sa conduite dans la révolution s'ex-
plique par ce premier fait. A la fin
d'avril 1793 , envoyé dans le Midi
avec Moïse Bayle , il cassa le tribu-
nal populaire et le comité central de
Marseille, qui leur avaient signifié de
partir de celte ville sous vingt-qua-
tre heures ( Voy. Batle , LVII,
337). A son retour, il se plaignit
aux Jacobins de l'iufluence des riches
et des muscadins dans les assem-
blées des sections, et proposa de les
chassera coups de bdlon. Il fut en-
suite commissaire chargé de la levée
en masse des Français. Le 2 oct.,
i^l demanda aux Jacobins le jugement
BOI 467
de Brîssot et de ses co-accusés. Le
1 5 novembre, la Convention ap-
prouva sa conduite dans le départe-
lement de la Drôme, et, peu de temps
après, le comité de salut public le fit
renvoyer eu mission dans le Midi.
En février 1794-5 il fut dénoncé aux
Jacobins par la société populaire de
Nîmes, comme oppresseur des pa-
triotes dans le département du Gard.
Il avait destitué Gourbis, maire de
Nîmes , dit le Marat du Midi, ce
que n'approuva point la Convention.
Le maire fut réintégré. Trois jours
avantla chute de Robespierre, Boisset
présenta aux Jacobins un projet sur
la liberté de la presse et sur les
moyens d'en prévenir les abus. Ayant
été envoyé dans le département de
l'Ain après le 9 thermidor, il fut
dénoncé aux Jacobins comme s'élant
laissé égarer par les nobles qu'il j
avait mis en liberté. Il passa de la a
Autun et a Moulins ; et, en rendant
compte de ses opérations, après avoir
dénoncé le comité de surveillance , il
annonça, comme correctif, qu'il avait
donné la chasse aux prêtres réfrac-
iaires. De retour a la Convention, il
y appuya laréclamalion des comédiens
français pour le rétablissement de
leur théâtre. Envoyé de nouveau à
Lyon et dans le Midi, en 1796, il
écrivit que l'esprit de vengeance ani-
mait les Lyonnais contre les terro-
ristes qu'ils appelaient mathevons ;
qu'ils les massacraient dans les rues
et dans les prisons. Comme il parut
ensuite fermer les yeux sur ces excès,
la Convention le rappela. Le 9 août,
il demanda un prompt rapport sur
la fête du 10 août qu'il voulait cé-
lébrer. Lors de la lutte des sections
de Paris contre la Convention, en
oct. 1793 , Boisset annonça que la
ville de Lyon avait accepté la consti-
tution et les décrets pour l'admission
3o.
468
BOI
des deux tiers des convenliouuels. De-
venu membre du conseil des anciens,
il s'y fit peu remarquer jusqu'au 18
fructidor an V ( 4- seplcmh. 1797 ) ,
et se joignit daus celte journée
a la minorité du conseil, réunie a
l'école de médecine. En juin 1798 ,
il fut élu secrélaire, et, peu de temps
après, il demanda l'urgence sur la
réiolulion assimilant aux émigrés
les individus qui s'étaient soustraits
à la déportation (i). Il ne fit pas par-
tie du corps législatif après le 18
brumaire (9 novembre 1799), et de-
puis ce temps il vécut retiré à Mouté-
limart, où il mourut quelque temps
avant la cbule du gouvernement impé-
rial. — Sou Irère, Ségiir de Boisset,
qui avait émigré eu 1791, et fait,
au service de TEspagne, plusieurs
campagnes contre la république, mou-
rut a Lvon en i8i4. Z.
BOIS S Y - D AXGLAS
[ le comte François-Antoine di:) ,
né d'une famille protestante, a Saint-
Jcan-Chaœbre, village du canton de
Yernoux, (départ, de l'Ardècbe), le
8 déc. 1756 , fit ses éludes a Anno-
nay. Un goût assez vif pour les lettres
et quelques essais le firent recevoir
dans plusieurs académies de provin-
ce. 11 ne tarda pas à se lier avec deux
de ses compatriotes , El. Montgolfier
ei; Rabaut de Saint-Etienne. 11 s'était
fait recevoir avocat au parlement de
Paris ; mais il ne suivit point la car-
rière du barreau , et il acbela une
charge de maîlre-d'holel de MoN-
siEVR ("depuis Louis X\'III(i). Dans
I II l.eb février '799, Boisseucrivail au diiuc-
Ifur Mcrlm, en lui itdicssant uv. projet ilc tiiinrj'ie
ïiatiOhah,ii.le le crois assez bien f.iit pour pouvoir
cantivei" voire attention. Lisez-le, et si vous 'e
ci'ovez, ainsi que moi, susceptible de faire le
bien de iioti e république, voyez de prendre telles
mesures que vous jugerei dans votre sagesse
pour en faire l'application. « lit le directeur mit
sur la lettre cette aprslille: Kcuvoyé à Cexnmeit
tlu ministre des fiiiait.e [pour lui seul). Signe
MrXI.111. V VE.
(i) Il i« di'mil de celle charge eu 1791 .
BOI
les premiers mois de 1787, une affai-
re importante l'avait appelé dans la
capitale j il s'agissail de faire rétrac-
ter, sur opposition par 'ui formée, un
arrêt du conseil , rendu deux ans au-
paravant, et qui, sans que Boissy-
d'Anglas eût élé eu tendu, et , sur un
faux exposé des faits et des
moyens, avait cassé un arrêl du par-
lement de Toulouse, rendu depuis siï
ans en sa faveur. Boissy-d'Anglas
écrivit, le 17 mars, une longue let-
tre a Maleslîerbes , qui , rentré une
seconde fois au ministère , était déjà,
en relation avec Rabaut et Mont-
golfier. Boibsy se disait « ciloyen
« obscur el ignoré , cultivant les lel-
« très mais sans prétention , et uni-
« quement pour le charme qu'elles
« répandent sur la vie de celui qui
« les aime. « Il se présentait sous
les auspices d'un de 5^5 amis les plus
chers, Etienne Montgolfier, el aussi
sous les auspices deRabaul de Sainl-
Etienne qui m'a permis, écrivait-il,
de jn honorer du titre de son ami,
aux yeux de Malesberbes ,* et après
avoir beaucoup loué le ministre phi-
losophe, il lui parlait de son affaire :
«Il s'agit, disail-il,d'une partie de ma
fortune, d'ailleurs médiocre , et sur-
tout du repos et de la tranquillité de
ma vie entière... J'avais raison au par-
lement sur le fond : j'ai raison au con-
seil sur la forme, n Or, le rapporteur
de sa cause était le président de
Boisgibault, ami intime de Maies-
herbes. Boissy désirait donc que Ma-
lesberbes le recommandât au rappor-
teur, et il terminait ainsi sa lettre :
K Je vous prie de m'excuser , Mon-
sieur , si je ne vous donne pas la
qualification qui vous est due. J'ai
su que je vous déplairais en vous
donnant un titre que vous êtes
assez grand par vous-même pour
dédaigner : et cette consldéraliti»
BOI
seule m'a déterminé a ni écarter
un instant des convenances. 2) Il y
avait (Icja dans ce rejet des conve-
nances par le ministre, et dans l'es-
pèce d'empressement de Boissy-d' An-
glas a ne pas se conformer à l'usage,
quelque chose qui sentait l'approche
de la révolution. Dans son premier
ministère ( 1776), Malesberbes s'é-
tait lais!-é donner, par tous ceux qui
lui écrivaient, même par Vollaire et
p;ir d'Aiemberl, la qualification de
monseigjieur ; mais , dans le court
espace de douze ans, le sentiment
des convenances s'était singulière-
ment affaibli 5 et les hautes classes
l'avaient elles-mêmes oublié. On ne
disait plus dans les salons que mon-
sieur el madame :\ts titres n'étaient
déclinés que par les laquais , au mo-
ment où ils annonçaient ; et ces titres
avaient disparu dans la suscription
des lettres que s'écrivaientles person-
nes du rang le plus élevé. Cependant
tandis que Boissy-d' Anglas ne donnait
point au ministre sa qualification ,
il avait soiu de prendre lui-même
tous les titres qui lui appartenaient,
et il ajoutait a sa signature : des aca-
démies de Lyon, de Nimes, de
La Rochelle, etc. Maleslierbes s'em-
pressa d'envoyer a Boissy une très-
Jjoune lettre de recommandation pour
son ami, rapporteur de la cnuse , et
l'arrêt du conseil fut rétracté. Dès
lors, des relations et une correspon-
dance s'élablirent entre Malesher-
Les et Boissy-d' Anglas. A cette épo-
que. Et. Jlontgcllier sollicitait l'en-
trepôt de tabac d'Annonay. Boissy
et Rahaud agirent pour qu'il l'ob-
tînt. Ils demandèrent aussi quelque
bénéjice pour l'abbé Montgolfier,
second frère de l'inventeur des aéro-
stats , et qui exerçait « avec distinc-
tion une charge de conseiller a la
sénéchaussée d'Annonay, avec un re-
BOI l^C>()
venu de moins de huit ceuls livres.»
Ainsi, deux proleslanis sollicitaient
alors, auprès de Maleshcrbcs, et au-
près de l'évêque d'Autun (Marbœuf),
un bénéfice pour un prêtre catholique.
En sept. 1787, Et. Montgolfier avait
annoncé, par une lettre confidentielle
h Malesherbes, qu'il venait de faire
de nouvelles et importanics décou-
vertes pour la direction des aérostats.
On ne sait pas que Boissy-d' Anglas
s'était associé aux travaux et aux ex-
périences des deux frères, Etienne et
Joseph Montgolfier. Le 18 septem-
bre, il écrivait a Malesherbes •
« Vous sentirez , Monsieur, a quel
point on peut , sans danger, an-
noncer d'avance les nouvelles expé-
riences, et vous distinguerez, mieux
que qui que ce soit, ce qui ne doit
être su que de vous, moTasieur, et ce
qui doit l'èlre de l'administration et des
savants qu'elle consultera;» et peu
de jours après il adressa au ministre,
qui le lui avait demandé , un long
Mémoire (inédil) sur les avanta-
ges que le commerce peut retirer
des aérostats (2). On y voit jusqu'à
quel point ils partageaient l'un et
l'autre les illusions de Montgolfier :
ce J'espère, disait Boissy, démontrer
l'utilité des aérostats [pour le trans-
port des marchandises) 5» elle se-
rait surtout importante pour voiturer
des objets fragiles k comme les gla-
ces dont Paris possède l'unique ma-
nufacture, objets fragiles et craignant
le cahot des voitures par terre. »
Cette utilité s« manifesterait encore,
disait-il, pour le transport des pa-
piers peints et pour tous les objets
de luxe que la capitale fournit aux
provinces. Suivent de singuliers dé-
tails sur Vétude des vents, i-t un
(2) L'original ontographe de ce mémoire et
les lelties citùes, qui sonl également autogra-
phes, appartiennent à l'auteur de tetarlicle.
fl"/}
BOÎ
itinéraire plus singulier encore pour
les transports du commerce, a travers
les airs, dans toutes les parties du
monde. Ce mémoire est terminé par
des réflexions fort tristes sur l'in-
suffisance des moyens pécuniaires
des inventeurs pour continuer leurs
expériences, ce qui était évidem-
ment un moyen indirect de stimu-
Ifr le gouvernement et de l'invi-
1er h faire les frais de ces expé-
riences. Mais le gouvernement n'ac-
corda pas de nouveaux fonds (5).
Ainsi les premières pensées de Bolssy
furent un rêve patriotique , et ce
n'est pas le dernier qu'il ail fait sur le
bonlieur de la France. Son premier
écrit politique, qui parut au commen-
cementde 1789, le seul qui ne porte
pas son nom, a pour titre : Adresse
au peuple languedocien ^pai^ un ci-
toyan du Languedoc , in-8°. L'au-
teur dit lui-même, eu rappelant cette
production, dans son Adresse à ines
conciLoyens , ( 1790 ) : k J'ai, l'un
des premiers, réclamé, 11 y a dix-huit
mois, contre cette constitution go-
thique, sous laquelle vous gemis-
sez.Ti — Elu député du tiers-état delà
sénéchaussée d'Annonay aux étals-
généraux, il se montra dw le com-
mencement un des plus chauds par-
tisans de la cause populaire. Mais il
marqua peu dans cette assemblée , oîi
les grands talents qui brillaient k
la tribune parurent d'abord l'inti-
mider. Cependant il se prononça sur
la nécessité, pour les députés des
communes , de se constituer en as-
(3) Le roi arait assigné, en 1786, soixante
mille livres pour les frais d'un aérostat ;
mais Montgolfier ue reçut que quarante mille
livres, et il fut insciit pour cette dernière som-
me sur le Livre rouge , publie au mois, de mars
1790. Boissy d'Anglas fit iinprimer, le 10 avril ,
une noie pour expliquer que les quarante mille
livres n'étaient pas une grul'ficalion déguisée. Il
trouve que le gouvernemciit a été ingrat envers
Montgolfier ^«(>yi<'/V ne l'a point récompensé .
BOI
semblée nationale, et il discuta les
motions faites a ce sujet par Rabaut
et Chapelier. C'est injustement qu'on
lui a reproché d'avoii fait l'apologie
des tristes journées des 3 et 6 octobre
1789; il a repoussé cette accusa-
tion et déclaré qu'il les avait flétries
de ce mot mémorable de L'Hôpital
sur la Saint- Bar ihélemi : Excidat
illa dies ! En 1790, il vota pour
qu'il fût pris des mesures contre les
conspirateurs rassemblés au camp de
Jalès , oii ils organisaient la guerre
civile dans le Midi • et il dénonça
comme contre - révolutionnaire un
mandement de l'archevêque de
Vienne. Vers la fin de cette anne'e, le
vicomte de Beauharnais avait pro-
posé de décréter que le roi ue pour-
rait jamais commander les armées en
personne : k Je vis, dit Boissy-
d'Anglas , M. de Malesherbes le jour
même de cette proposition. Nous la
discutâmes long-temps verbalement,
saus trop nous entendre 5 je lui en-
voyai le lendemain quelques obser-
vations sur les principes qui avaient
pu déterminer M. de Beauliarnais ,
en les soumettant a son examen 5 y> et
peu de jours après Malesherbes fit
une très-longue réponse , dont la plus
grande partie était l'apologie de sa
longue carrière , comme président
de la cour des aides et comme deux
fois appelé dans le conseil du roi.
Venant enfin a l'objet de la discus-
sion, il disait : « Le projet de décret
de M. de Beauharnais, tel que je
l'ai compris , se réduit en dernière
analyse a ceci : // est dangereux
que le roi ait un pouvoir sans
bornes f et par conséquent il faut
lui ôter toute espèce de pouvoir.
Est-il bien vrai que c'est là ce que
vous pensez ? j'espère que non, et
qu'il suffit de nous expliquer. Il y a
peu de temps que j'ai l'iioniieur
BOl
de vous connaître : mais j'ai cru voir
en vous une vertu, des lumières,
même une douceur de caractère
qui me semblaient incompatibles
avec de tels principes. La candeur
est empreinte sur votre physio-
nomie 5 vous êtes Tarai de M. Mont-
golfier , dont je respecte encore
plus la vertu que le génie ,• oui,
monsieur, il faut nous expliquer... j 33
et Malesherbes joignit a sa lettre un
mémoire sur la question débattue.
Boissj-d'Anglas , dans une brochure
qui parut alors, et qui a pour litre :
A mes concitoyens , fit un ma-
gnifique éloge des travaux de rassem-
blée constituante, en opposant au ta-
bleau de tous les abus qu'elle avait
renversés la série de tous les droits
qu'elle avait établis; il s'attacha sur-
tout ala justifier de tous les reproches
qui lui étaient adressés, et montra
l'heureux avenir qu'elle ouvrait pour
la France. En même temps, il par-
lait de Louis XYI comme du meil-
leur des rois , toujours occupé du
bonheur du peuple , toujours entouré
de la confiance et du respect de la
nation. Boissy déplorait les scènes
sanglantes qui avaient souillé quel-
ques journées de la révolution , et
il ajoutait : « Mais je dois le dire
aussi, dussé-je passer pour barbare. . ,
la moindre guerre entreprise pour
flatter l'orgueil d'un ministre ou les
caprices d'une maîtresse a fait cou-
ler bien plus de sang que n'en a coulé
parmi nous la conquête de la liberté. 33
(On n'était alors qu'en 1790.) Il
recommandait l'union , la confiance
dans l'assemblée , dans le roi , dans
les curés , classe de citoyens res-
pectable, dans laquelle les Français
trouveront, disait-il, des amis, des
consolateurs, des arbitres, v II y
a du rêve dans cette brochure , mais
c'est le rêve d'un homme de bien.
BOI
471
Peu de temps après , Boissy fit
imprimer un assez gros volume , qui
a pour titre : Observations sur
f ouvrage de M. de Galonné , in-
titulé de /'Etat de la Fbaisce pré-
sent ET A VEKiR ; et, à son occasion,
sur les principaux actes de l'as-
semblée nationale , avec un post-
scrit sur les derniers écrits de
MM. MoTJTîiER et Lallt (Paris,
1791, iii-8°). C'est le même fond
d'idées que celui de la brochure A
mes concitoyens , avec plus de dé-
veloppements et quelques attaques
un peu vives, dans le postscrit^conire
ses deux collègues déserteurs de
l'assemblée constituante, et qui n'é-
taient point optimistes comme lui.
D'ailleurs l'auteur dit lui-même .
K Cet ouvrage a été rédigé avec
beaucoup de précipitation, et l'on
s'en apercevra sans peine. 33 On
s'en aperçoit en effet. Boissy-d'An-
glas fut élu en 1791 secrétaire de
l'assemblée nationale. Il réclama
contre l'insertion de son nom dans
un pamphlet intitulé : Liste des
députés qui ont voté pour l'An-
gleterre dans la. question des co-
lonies, et il déclara qu'il se faisait
gloire d'avoir voté avec la mino-
rité' qui voulait conserver les droits
des hommes de couleur. 11 s'é'eva
dans le même t^mps contre les dé-
vastations qui affligeaient le comiat
Veuaissin ainsi que le département
de la Drome ; et il appuya la
demande des honneurs du Pan-
théon pour J.-J. B-ousseau , dé-
clarant que la crainte de priver Gi-
rardin des restes de son ami ne
pouvait être un motif pour empê-
cher cet acte de reconnaissance
nationale. — Lorsque l'assemblée
constituante eut mis fiu k ses
travaux, Boissy- d'Anglas fut élu
procureur-syndic du département de
kl'>.
BOI
l'Ardèche. Cette raagistraliirc était
importante clans des temps devenus
difficiles; il y déploya une fermeté
impartiale et courageuse : on le vit
pendant plusieurs lieures couvrir de
son corps la porte de la prison d'An-
nonaj, lorsqu'une force militaire ,
étrangère au pays, voulait la briser
pour égorger des prêtres catholiques
qui, la nuit suivante, furent rendus
à la liberté (4-). Boissy avait déjà
provoque sur sa conduite la censure
publique , qu'il disait être d'obliga-
tion pour les membres d'une nation
libre. Une brochure intitulée j5ow^-
d'Anglns à Thomas Raynal (Paris,
1792, in-8°) fut regardée comme
une assez faible réfutation de la fa-
meuse Lettre adressée à Vassembléa
nat'ionah' , par le vieux philosophe,
pénitent de ses longues erreurs.
Mais Raynal n'avait fait qu'adopter
et signer cette lettre remarquable,
ouvrage de Malouet. Au mois de
juin de la même année (1792) , Bois-
sy publia Quelques idées sur la li-
(4) Dans l'hiver de 1791 à 1792 , Boissy.
<l'Anf;las vint à Avignon ou son caractère con-
ciliant ne put parvenir à rapprocher les esprits
ni à calmer les passions exaspérées par l'élat
tl'incertilude et d'anarchie oii ce malheureux
pays était plongé. Peu de mois après, le fameux
décret d'amnistie rendu par l'assemblée législa-
tive en faveur des assassins de la Glacière,
Joardan, Daprat, Mainvielle , etc. , a3'ant forcé
plusieurs Avignonais de se dérober par la fuite
à la vengeance des tigres déchaînés, queli|ues-
uns se trouvaient dans une auberge à Kimes :
au sortir du souper, ils fuient assaillis dans
la salle à manger par dix on douze coune-
jarrels qui s'étaient donné le nom de pouvoir
exécutif et qui, armés de sabres et d'énormes bâ-
tons, étaient les séides des jacobins, les précur-
seurs des septembriseurs. Le père de l'auteur de
cette note ayant voulu faire drs rejirésentations
et opposer de la résistance, fut potir>uivi au-
tour de la table o'hôte par les scélérats, et il
allait être massacré, lorsque lioissy-d'Anglas ,
un des convives , s'interposa couragensrment
«ntre les assassins et leur victime, et sauva ce-
lui-ci ainsi^ que sa famille et ses compatriotes,
sous la condition (|u'ils quitteraiinl Nîmes le len-
deaiain matin. Mais dès la nuit même, pour les
soustraire à de nouveaux dangers, Boissy les fit
partir sous l'escorte de quelf(*ies gardes natio-
naux, ses «mis, A — r.
BOI
berté , la rê\>olutlon , le gouverne-
ment républicain , et la constitu-
tion française (in-8° de 4-6 pages),
avec cette épigraphe : Nous voulons
l'égalité, toute l'égalité, rien que
l'égalité. C'est un recueil de pensées
politiques, souvent empreintes des il-
lusions de cette époque. — Trois mois
plus tard, Boissy-d'Anglas fut élu dé-
puté de l'Ardèche à la convention na-
tionale. Il prit peu de part aux pre-
miers travaux de cette assemblée , et
fut envoyé deux fois en mission à
Lyon, d'abord avec Yitet et Legen-
dre , pour rétablir l'ordre que trou-
blait la rareté des subsistances j en-
suite avec Vitet et Alquier, pour assu-
rer les approvisionnements de l'armée
des Alpes. Devenu membre du co-
mité de la guerre, il fit un rap-
port sur V arrestation de Bider-
mann et jSIax-Berr, membres du
directoire des achats (in-S" de
20 pag. ) ; et , sur sa proposition ,
les deux administrateurs des vivres
furent mis en liberté. — Le pro-
cès du roi allait commencer : Boissy-
d'Anglas demanda qu'au premier mur-
mure des citoyens dans une tribune,
elle fut évacuée. Mais l'ami de Ma-
lesherbes ne le seconda point dans
son généreux dévouement pour un
monarque infortuné. « Je n'ai point
parlé dans la discussion qui a précédé
le jugement de Louis, je n'ai pas
même publié de discours. » C'est eu
ces termes que Boissy s'exprima lui-
même lorsque, le 17 janvier 1793,
il prit enfin la parole. D'ailleurs il
avait voté « pour la nécessité de
faire ratifier par le peuple le juge-
ment qui serait rendu; » et, sur la
question de la peine qui serait appli-
quée , il dit : ts. Il s'agit moins pour
moi d infliger un juste châtiment, de
punir des attcnlats nombreux , que de
procurer la paix inférieure... je re-
ROI
Jelte doue l'opinion de ceux qui veu-
lent faire mourir Louis... je vote pour
que Louis soit retenu dans un lieu
sur, jusqu'à ce que la paix et la recon-
naissance de la république par tou-
tes les puissances pernicllent. .. d'or-
donner son bannissement hors du ter-
ritoire (5). » Après le 21 janvier,
Boissj-d'Anglas fit imprimer une pe-
tite brochure in-8" de douze pages,
intitulée : De noire situation pré-
sente et future. En voici le début:
« La royauté est .ibolie et le sang
du dernier de nos rois vient de sceller
la résolution prise par le peuple fran-
çais d'être effacé de la terre plutôt
que de n'y pas demeurer libre. »
Et dans une noie sur celte pbrase il
disait : « Je n'ai pas volé pour la
mort de Louis, parce que j'ai cru
cette mesure rigoureuse coulraire à
l'intérêt national , et j'ai dit et im-
primé mes motifs ; f avais tort, sans
doute, puisque la majorité de la
Convention a pensé autrement
Loin de moi toute idée de séparer
ma responsabilité de celle de mes
collègues.... nous sommes tous soli-
daires envers les assassins et les
rois et lorsque après être arrivés
sur la terre de la liberté, nous avons
brûlé nos vaisseaux, il faut vouer a
l'infamie et k l'opprobre celui qui au-
rait conçu l'espoir de retrouver un
esquif pour lui. » — Bolssy-d'Anglas
ne monta point àla tribune pendant la
lutte qui s'étaljlit eutre les monta-
gnards et les girondins, mais 11 volait
avec ces derniers. Avant le 3 1 mai,
divers plans de conslitulion furent
proposés : il en fut publié une ving-
taine par divers membres de la Con-
vention. Un des plus singuliers était
celui du capucin Chabol , un des plus
(5) Opinion de lîoissv-d'Anglas, rflativcmcnt
à Ludis, pronoQcée le 17 janvier. !)e Vimprimc'
ne ndttomiU, in-8'' de 3 pagfs.
BOI /,73
raisonnables celui de Bolssy-d'Anglas.
Le projet du comité avait été rédigé
parCondorcet, etce futCondorcetqui
fit le rapport : mais ni ce projet ni au-
cuu de ceux qui avaient élé Imprimés
en grand nombre ne purent élre discu-
tés avant la révolution du 5i mai; et
l'on sait qu'après celle révolution un
aul-re comité de conslltutiou fut nom-
mé, une aulre constilullon adoptée,
et que cette constitution , dite de
1795 , fut immédialement suspendue
pour faire pince au gouvernement
révolutionnaire jusqu'à la paix.
Boissy n'avait point approuvé la ré-
volution du 3i mai: il vil l'oppres-
siou de la représentation nallonale ,
et il écrivit une Lettre au citoyen
TDumonts ., vice-président de l'Ar-
déchc , qui fut Imprimée a Annonay.
Celts lettre, dalée de Paris, le
28 juin 1795, exprimait une ver-
tueuse indignation qui n'était pas
alors sans danger, mais qui aurait
eu plus de retentissement a la
tribune nallonale (6). Peu de
lemps après l'avoir écrite, Boissy-
d'Anglas ayant voulu prendre la
parole : Tais-toi, coquin , lui cria
Chabot , nous savons ce que tu as
écrit , tu devrais être déjà guillo-
tiné. Et un jour, tandis q l'il traver-
sait les Tuileries , Legen'lre ^'avau^a
vers lui avec fureur : Eh bien! scé~
lérat , dit-il , tu as osé dire que tu
n'étais pas libre , et cependant ta
voilà ici. — Non , répondit Boissy -
d'Anglns , je ne suis pas libre^ car
si je fêtais , je pourrais te répon-
dre. C'est ainsi que peut s'expliquer
le silence de Bolssy-d'Anglas a la Con-
venlion, pendant toute la durée de
la turreur. Alors la parole libre d'un
(6) Cette lettre fut réiin|Frimép à Pjiis, en
seize pages, sans date , mais apn's la nvoliiliou
du 9 thermidor. Cette réimpression eut pour but
de justifier lioissy-i!'.4ngias sur Sun silence à
l'époqne du 3 i mai.
tklk
BOl
honnêle homme n'avait ^)our ré-
ponse que réchafaud. Boissj était
membre du comité d'insiruclion pu-
blique 5 il sigua en cette qualité
le ridicule rapport fait par Léo-
nard Bourdon .sur la fête de la cin-
quième sans-culotide, jour oîi le corps
de Marat devait être transféré au
Panthéon. Le i3 février lypi,
il adressa a la Convention , au nom
du comité , Quelques idées sur
les arts , sur la nécessité de les
encourager , sur les institutions
qui peuvent en assurer le perfec-
tionnement , et sur divers établis-
sements nécessaires à renseigne-
ment public. La Convention ordonna
l'impression de cet écrit , ainsi que
celle des Courtes observations que
Boissy présenta le i8 avril suivant ,
au nom du même comité, Sur le
projet de décret concernant le
dernier degré d^ instruction. Ce
fut vers cette époque , qui semble-
rait d'abord assez mal choisie , que
Boissy publia sou Essai sur les fê-
tes nationales , suivi de quelques
idées (déjà imprimées) , sur les arts
et sur la nécessité de les encoura-
ger, adressé à la Convention natio-
nale (an II, in-8° de 192 pag.).
Boissy loue l'institution des fêtes dé-
cadaires, consacrées a la fraternité,
a la bienfai.-ance , au malheur, h la
naissance , au mariage , a l'agricul-
ture , etc. 5 il voudrait qu'aux funé-
railles , des chants lugubres , tels
qu'en invente, dit-il, le génie de
Gossec, conduisissent les citoyens au
centre même de cette enceinte où
l'ambition vient s'anéantir. « Je vou-
drais , ajoute-t-il , qu'»/z arrêt solen-
nel sefit entendre surchaque tombe
au moment oii elle devrait se re-
fermer pour jamais. J'appellerais
la censure la plus rigoureuse envers
toutes les mémoires , afin qu'une pro-
BOl
scription morale fut aussitôt pronon-
cée contre celle qui devrait être dés-
héritée de l'estime des gens de bien.»
Il croit que le règne des rois va finir sur
la terre : k Qu'importe la vie des rois ?
Qu'importent les tyrans et leur mé-
moire? bientôt la terre en sera déli-
vrée , et il ne restera plus d'eux que
le souvenir de leurs crimes. 33 II veut
ce qu'il appelle la démocratie de la
mort comme le complément néces-
saire de la démocratie politique.
Il parle avec éloge du discours de
Robespierre sur le rapport des idées
religieuses et morales avec les prin-
cipes républicains: «Il ne me semble
pas , dit-il , qu'on puisse rien ajouter
aux principes de celte morale bien-
faisante et sainte qui y sont déve-
loppés avec tant de charmes, et qu'un
homme de bien ne rencontre jamais
sans les adorer, sans les bénir....
Robespierre parlant de l'Elre-Su-
prême au peuple le p'us éclairé du
monde, me rappellait Orphée en-
seignant aux hommes les premiers
principes de la civilisation et de la
morale, et j'éprouvais un plaisir in-
concevable. » Mais quoique ce livre
soit empreint de la couleur du temps,
et qu'on y voie un des esprits les
plus sages de la Convention mutilée
atteint de cette fièvre révolutionnaire
dont aucun ami de la liberté n'était
alors exempt , il faut dire que VEssai
sur les fêtes nationales semble
avoir été rédigé pour ramener k
des idées plus calmes , à des senti-
ments humains un peuple que les
factions emportaient avec tant de fu-
reur dans tous les excès. — La ré-
volution du 9 thermidor était enfin
venue, et Boissy -d'Auglas allait
commencer une carrière législative
pleine de mouvement et d'action.
Il fut élu secrétaire de la Convention
nationale, le 7 octobre 1794. Voici
BOI
quels furent ses principaux travaux
législatifs : car leur série complète
serait trop considérable dans cet ar-
ticle. En novembre 1794 (brumaire
an III) , il fait un Rapj)ort sur le ly-
cée républicain et sur les encoura-
gements h donner a ses travaux (in-
8° de 8 pag.). Il appuie la de-
mande faite par David, arrêté k la
suite des événements de thermidor, .
d'être gardé dans son domicile pour
Y Ëuir un tableau. Le i5 déc. (26
frimaire), il est nommé membre du
comité de salut public : il demande
des mesures contre les prêtres qui
troublent le département de l'Ar-
dèche ; il dénonce le honteux gaspil-
lage des domaines nationaux. Prin-
cipalement chargé dans le comité de
salut public de fa partie des subsis-
tances et de l'approvisionnement de
Paris, il rassure, avec trop d'impré-
voyance, la Convention. Il vote en
faveur de la levée du séquestre mis
sur les biens des étrangers 5 puis il
annonce encore, en prenant son vœu
pour la vérité, que les subsistances de
Paris sont assurées 5 et il fait un
rapport k ce sujet. Le 27 déc. 1794-5
il prononce un Discours sur les
principes du gouvernement et sur
les bases du crédit national (m-8°
de 23 p.). Un peu plus tard il parle
avec étendue sur les conditions aux-
quellesla France doit traiter avec les
puissances étrangères ; et il fait un
nouveau rapport suc les subsistances.
Il discute le traité de paix conclu avec
la Toscane 5 il lit, le 3o janvier
1795 (11 pluviôse)^ un Discours
sur les véritables intérêts de quel-
ques-unes des puissances coali-
sées , et sur les bases d'une paix
durable.Y.Q 2 1 février, il lit encore un
Discours sur la liberté des cultes j
et le 28, il fait un nouveau Rap-
port sur l'état actuel des sub'
Boi 475
slstanccs de Paris. Un décret or-
donne que ce rapport soit imprimé
de suite , affiché et envoyé le soir
aux quarante-huit sections , pour
que la lecture en soit J'ai te dans
leurs assemblées. En même temps
l'insertion est ordonnée au Bulletin
delà Convention., qu'on imprimait
en placard d'affiche , et aussi in-8°.
On voit par ce rapport que, malgré
qnarante-cinq jours de la gelée la
plus rigoureuse , qui avait fermé tous
les arrivages par eau et rendu les
routes de terre impraticables aux
voitures , que quoique tous les mou-
lins parussent devoir être enchaînés
par le froid, on avait cependant
fait entrer a Paris , à travers tous
les obstacles , et livré k la consom-
mation six cent mille quintaux de
farine; que la distribution journa-
lière qui, avant 1789, était de quin-
ze cents sacs , avait été , la veille
du rapport, de deux mille cent dix-
huit. Boissv-d'Anglas voit dans l'in-
quiétude de la population , dans
les attroupements devant la porte
des boulangers un complot des
malveillants de l'intérieur ; il accuse
aussi les émigrés et le ministère an-
glais. Cependant il convient que le
moment actuel est le plus difficile;
mais, dit-il , « déjà des navires, pré-
curseurs de beaucoup d'autres, ar-
rivent au Havre , k Dunkerque 5 déjà
tous les points de l'univers s'apprê-
tent k effectuer leurs promesses. . . On
sera surpris un jour, quand il sera
possible de le dire, de l'immensité
des moyens mis en œuvre pour ap-
provisionner la république, des sa-
crifices immenses faits par la na-
tion. 3) Il annonce que « dans ce
moment , six représentants du peuple
sont dans les départements affectes
aux approvisionnements de Paris,
pour activer le versement des grains
470
BOI
etfaciliter les réquisitions... Non, s'é-
crie-t-il , Paris ne manquera pas,
pourvu que Paris soit tranquille....»
Il y avait bien quelque contradiction
entre les assertions et les faits.
Ce rapport annonçait que la distri-
bution de la veille avait été de deux
mille cent dix-huit sacs de farine ; et
cependant on ne délivrait a chaque in-
dividu ;, muni d'une carte de la sec-
tion, que quelques onces de pain et
quelques onces de riz: encore fallait-
il faire queue , toute la nuit , a la
porte des boulangers. Les restaura-
teurs avaient leurs tables servies com-
me a l'ordinaire ,* mais, a ces ta-
bles publiques , comme aussi chez
leurs amis , les dîneurs devaient
apporter leur pain. — Boissy-d'An-
glas avait déjà fait d'autres rap-
ports sur les subsistances et sur les
troubles dont elles étaient la cause
ou le prétexte. Il avait dénoncé l'a-
giotage , proposé de rouvrir la
bourse (7) , et fait décréter le mode
de distribution des comestibles j il
avait fait une motion d'ordre sur les
dangers que courait la liberté, atta-
quée par le royalisme et l'anarchie.
Dans d'autres séances, car il montait
presque tous les jours a la tribune , il
avait discuté le projet des attributions
a donner au comité de salut public 5
il avait proposé de décréter l'annula-
tion des jugements rendus par les tri-
bunaux révolutionnaires, depuis le
22 prairial, la révision des jugements
antérieurs, la suspension de la vente
des biens des condamnés, et demandé
des indemnités pour ceux qui avalent
été vendus. «La justice, s'écriait-il,
voila notre devoir, voila noire force;
les siècles passent et s'anéanlissent...:
la justice seule demeure et survit a
(7) Rapport et projet de décret sur le rétablisse-
ment de lu Bourse, fait le i3 ventôse (3 mars
'795 }, in-8' de 7 pages.
BOI
toutes les révolutions. » Il avait pré-
senté une adresse pour calmer les in-
quiétudes du peuple sur les subsis-
tances 5 il avait demandé l'envoi, par
des courriers extraordinaires , de la
loi de grande police pour prévenir les
excès dont on était menacé sur tous
les points de la république; il avait de
nouveau exposé les entraves apportées
a l'arrivage des subsistances , les me-
sures prises pour les lever et annonce'
que, le jour même où il parlait, sept
cent quatorze mille livres de pain
avaient été distribuées dans Paris :
enfin les nombreux rapports de Boissy
sur les subsistances, et ses assertions
qu'elles étalent assurées quand le
pain manquait partout , lui avaient
fait donner par le peuple, et dans les
pamphlets du temps, le sobriquet de
Boissy-F aminé , lorsque la journe'e
du 12 germinal an III (i*^"" avril 179 5)
commença la renommée historique de
Boissy-d'Anglas.Il était a la tribune,'
11 avait commencé un rapport sur le
svstème de l'ancien gouvernement
dans la partie des subsistances. Sou-
dain^ dans la salle où la Convention
siégeait auxTulleries, déborde comme
im torrent une populace ivre et dés-
ordonnée, précédée de sales drapeaux
en guenilles, hurlant et vociférant:
L,a constitution de 1790 et du
pain'. Tous les bancs des députés
sont envahis , la terreur règne dans
l'enceinte où elle s'était organisée ,
et plus d'un visage a pâli. Boissy-
d'Anglas reste impassible a la tribune:
toute délibération est suspendue
Enfin , le bruit des tambours battant
la générale domine et fait taire les
clameurs de la multitude. Le son
lugubre du tocsin , placé depuis trois
jours dans le pavillon de l'Horloge,
(qu'on appelait alors pai'illon de
rUnité),est entendu : l'eifroi se ré-
pand dans la foule ameutée, elle s'é-
BO
cliappe par loutes les issues, el dispa-
raît sabilemenl : Boissy reprend tran-
quillement son rapport , et i'assem-
ble'e , qui s'étonne et qui admire, a
repris elle-mèine le cours de ses dé-
libérations avec un calme digne des
temps antiques. Un décret prononce
la déportation de CoUol-d'Herbois ,
deBarère, de Billaud-Yarenne et de
\ adier ; uu autre décret met en arres-
tation Amar, Choudieu , Léonard
Bourdon , avec cinq autres conven-
tionnels montagnards ; et par un
troisième décret , Pichegru est nom-
mé général eu chef de la garde na-
tionale parisienne. Six jours après,
Eoissj - d'Anglas fut élu 64.'^ prési-
dent de la Convention. C'est à cette
époque que Chazal proposa de faire
choix , pour gouverner , de vingt-
quatre membres qui ne pourraient
siéger à la Convention pendant
l'exercice de leur pouvoir. Sans ap-
puyer celle proposition, Boissy en fit
ordonner le renvoi aux comités. Il
reclama une mesure générale en fa-
veur des conventionnels comme ayant
été absents a deux appels nominaux en
1793. Le 18 avril (29 germinal),
Boissy fut nommé membre de la com-
mission des onze, chargée de la con-
fection des lois organiques de la
constitution (8). Le 3o ventôse (20
mars 1795 ), il prononça un Dis-
cours sur la nécessité d'annu-
ler et de re viser les jugements
rendus par les tribunaux révo-
lutionnaires, et de rendre auxj'a-
milles des condamnés les biens con-
Jisqués par ces jugements ; le len-
demain, W'àiuacmotion d'ordre con-
tre les terroristes et les royalistes.
(8) Les auires membres de cette comiuission
t'tiiicnt : Caïubacérès, Mciliii, «le Douai ; Sieyès,
Thibciiudcau, La Kcvi-illere-Lépcaux , Le:>age
d'Eure-c!-Loii-, Creuzé-Lalouche , Louvel, du
Loiret; i'cilier et Uaunuu.
BOI
A77
— Cependant les chefs cachés de l'é-
meute du 12 germinal n'y avaient vu
qu'un coup manqué, qu'iuie révolution
avortée, et ils avaient arrêté de mieux
prendre leurs mesures. Le i''"' prai-
rial (20 mai 1795) fut le jour mar-
qué pour cette nouvelle tentative. Les
mêmes instruments et les mêmes
moyens sont employés ; une foule
immense , armée de toutes pièces, et
où figurent tous les sexes ei tous les
âges, se précipite, en grossissant
toujours , des faubourgs Saint- An-
toine et Sainl-Marceau, vers les Tui-
leries, poussant d'horribles clameurs,
et prête a tous les excès. Elle s'est
recrutée , sur son passage, de tout ce
que Paris renfermait alors d'individus
faciles à entraîner au désordre, au
meurtre et au pillage. La salle de la
Convention est de nouveau envahie 5
les forces du pre'sident Vernier sont
bientôt épuisées, il descend du fau-
teuil ^ André Dumont le remplace ,
comme ancien président : mais il
sort bientôt de la salle au bruit du
tumulte croissant. Boissy-d'An^^las ,
appelé par tes collègues, monte
au fauteuil, s'assied et se couvre.
Soudain les cris de mort retentissent
contre luij son visage est calme el
son regard sans trouble j il voit le
fer levé sur sa tèle , les fusils diri-
gés contre lui; il u'est point ému.
Son collègue Kervélégan est atteint
sous ses yeux , el près de la tribune ,
de plusieurs coups de sabre : le pré-
sident est immobile. Le reorésenlant
Féraud vient d'être égorgé ; 5a tête ,
placée au bout d'une pique , prome-
née dans la salie , s'arrête en face du
président : le président se lève, se
découvre et la salue religieusement :
ni les hurlements de l'émeute , ni les
menaces des égorgeurs , ni les piques
dirigées sur sou sein , ne peuvent le
décider a abandonner son siège. Cet
A78
BOI
exemple héroïque empêche ses col-
lèsues de déserter une enceinle où
Tanarchie est près de triompher.
Quelques orateurs de la montagne
demandent , en vociférant , le réta-
blissement de toutes les lois ré-
volutionnaires , l'arrestation des
membres des comités de gouverne-
ment , l'élargissement du tous les
détenus depuis le 9 thermidor , le
rappel de Barèrc , CoUot et Billaud ,
des visites domiciliaires , la ferme-
ture des barrières, etc. , etc. Boissy
semble ne rien voir et ne riei. enten-
dre: son immobilité frappe la multi-
tude étonnée... C'était le malin qu'a-
vait commencé le tumulte 5 déjà la
uuit était venue, les sections s étaient
enfin réunies 5 la générale bat ail, le
tocsin retentissait dans les ténèbres j
enfin on entend, de la salle envahie,
le bruit du pas de charge , et celte
populace révoltée, déjà lasse de ses
excès et de ses crimes impuissants ,
saisie d'une épouvante soudaine ,
prend la fuite , se disperse et s'éva-
nouit en un moment. A onze heures
du soir , la Convention peut déli-
bérer, et elle ordonne l'arrestation
de Romme , Duquesnoy, Prieur de
la Marne, Bourbolte, Goujon, Sou-
branj,Duroy, Albitle l'aîné, Fayau,
Rhul , Pinet, Borie, Peissard et Le-
carpenlier de la Manche. Le lende-
main, lorsque Boissy-d'Anglas entra
dans la salle , il lut salué par des
cris unanimes d'enthousiasme : il
venait de conquérir dans une seule
journée la gloire de toute sa vie. Il
fit part de plusieurs traits de dévoue-
ment dont il avait été témoin dans
cette hideuse et sanglante journée ,
et des remercîmeuts lui furent votés
par J.-B. Louvet, au nom de la pa-
trie. Boissy-d'Anglas a souvent ra-
conté à sa fan.ille et k ses amis
qu'un jeune honime assez proprement
BOI
mis s'était au plus fort de l'émeute
approché de lui , et lui avait dit ironi-
quement et a voix basse : a Eh bien ,
M. de Boissy, croyez-vous que ce
peuple mérite la liberté que vous
vouliez lui donner? 3) Boissy allait
répoudre , mais l'inconnu avait déj'a
disparu , et depuis il n'en a plus
entendu parler. La France et l'Eu-
rope admirèrent la vertu héroïque de
Boissy-d'Anglas, et ce courage ci-
vil qui s'élève bien au-dessus du cou-
rage guerrier, ce Piien ne peut être
placé (disait a la Chambre des pairs
M. le marquis de Pastoret en 1827),
même dans la vie d'un tel homme ,
a côté d'une si grande action, si
grande par ses résultats et par tout
ce qu'elle sUj'pose d'intrépidité, w —
Boissy-d'Anglas continua de monter
souvent a la tribune. 11 avait él«
nommé rapporteur de la commission
des onze, chargée de présenter un
nouveau projet de constitution. Le
23 juin 1795 (5 messidor au IU),il
fit son rapport qui fut imprimé sous
le titre de Discours pvcliniinaire
au projet de constitution ^ (in-8°
de 65 pages), et réimprimé entête
du projet. Ce discours était ainsi ter-
miné : K Si le peuple se livre encore
au démagogisrae féroce et grossier,
s'il prend encore des Marat pour ses
amis, des Fouquier pour ses magis-
trats, des Chaumette pour ses muni-
cipaux , des Henriot pour ses géné-
raux , des Vincent et des Rcnsiu pour
ses ministres , des Robespierre et des
Chalier pour ses idoles ; si même, sans
faire des choix aussi infâmes , il n'en
tait que de médiocres, s'il n'élit pas
exclusivement devrais et franns répu-
blicains , alors nous vous le déclarons
soleuncUeraent, et a la France entière
qui nous écoute, tout est perdu : le
roytdisme rep.end son audace , le
terrorisme %ts poignards , le fana-
BOI
lisme ses torches incendiaires , 1 in-
trigue ses espe'rauces , la coalilion ses
plans destructeurs ; la liberté est
anéantie , la république renversée ,
la vertu n'a plus pour elle que le
désespoir et la mort , et il ne vous
reste plus a vous-mêmes qu'a clioisir
entre l'échafaud de Sidney, la ciguë
de Socrate ou le glaive de Citon. »
Les applaudissements les plus vifs
furent donnés a l'orateur. La Con-
vention décréta l'envoi de ce discours
a toutes les communes de la répu-
blique et aux armées. Dix jours après
(3 juillet) , Boissy entra , une seconde
fois , au comité de salut public j le
lendemain, la discussion s'ouvrit sur
le projet de constitution. Lanjuinais,
Daunou , Cambacérès , Grégoire ,
d'autres encore parlèrent sur la ré-
daction de la déclaration des droits.
Dans les séances suivantes , Tliomas
Payne, La RévelUère-Lépaux , Ber-
lier, Eschasseriaux, Dubois-Crancé,
Defermou , Jean Debry, Tbibaudeau
et un grand nombre d'autres pri-
rent part à la discussion qui se pro-
longea pendant près de deux mois,
et dans laquelle Boissy - d'Anglas
fut souvent entendu. Le i3 août,
la déclaration des droits et celle
des devoirs furent adoptées. Le
i4, Biissy fit décréter les articles
constitutionnels qu'il avait présentés
sur les colonies (9). Eufiu,le 17 août
1795, on acheva la lecture de tous
les articles de la conslilution, et le
vote définitif de l'adoption fut long-
temps suivi des cris de vive la répu-
blique! Tel fut, au milieu de trou-
bles incessants, du procès de l'exécra-
ble Joseph Lebon , du décret d'arres-
(9) Boissy avait fait , à la séance du 3 août .
un rapport sur les moyens de rendre les colo-
nies llurifsanles et libres. Il fit décréter qu'elles
seraient régies par la nouvelle constitution, et
suivant les lois de la république.
BOI
479
talion de dix autres députés (lo), du
déplorajjle événement de Quiberon ,
de l'emprunt d'un milliard , tel fut
l'enfantement pénible de cette con-
stitution dite de l'an IIL Elle établit
le directoire exécutif, les deux com-
seils des cinq-cents et des anciens j
et , après quelques années de com-
plots, de discorde au dedans et d'une
gloire extérieure par les armes , qui
a\ ait pâli en 1799, elle traîna la répu-
blique jusqu'à la fameuse révolution
du i8 brumaire, où elle périt par le
sabre d'un soldat. — PeudaLt la dis-
cussion des articles de son projet de
constitution, Boissy fit (19 juillet)
une motion d'ordre sur les mouve-
ments qui avaient lieu à Paris, et il
les attribua au cabinet de Londres,
qui usait, dit-il, de ses dernières
ressources. 11 l'accusa encore d'avoir
provoqué les crimes de prairial , di-
rigé les massacres dans le Midi j et
il s'écria : « Non , vous ne voulez point
rétablir la terreur! » (Vifs applaudis-
sements), et Legendre lui-même dit
d'une voix forte : «Pas plus de terreur
que de roi ! pas plus de roi que de
jacobins! » Boissy reprit son dis-
cours , et fit adopter un décret por-
tant que les comités de gouvernement
présenteraient un rapport sur la si-
tuation de Paiis, et qu'il serait fait
une adresse a ses habitants pour les
éclairer sur les pièges dont on les
environnait. Cette adresse fut rédigée
par Cbénier, etlaConvention ordonna
l'envoi du rapport et de l'adresse
aux départements et aux armées.
Le 12 août, parlant au nom des
comités de salut public , de sûreté
générale et de législation, Boissy
avait fait adopter l'ordre du jour
sur la proposition: d'ordofiner la clô-
(10) Lequinio, Laneau, Ltfiot , Diipin, Bô,
Piorry, Massicu , Chaudron -Rousseau, La-
planche et Fouché, de Mantes.
48o BOI
ture des assemblées géne'rales des
i|uarante-luiit seclions de Paris, qui
remplissaient une partie des fonctions
municipales. Ce fut nue faute: l)ien-
tôl après , la plupart de ces sections
raarclièrent en armes contre la
Convention ; et , dans la fameuse
jouruée du i5 vendémiaire, la repu-
blitjue, telle que Boissy-d'Aiiglas la
voulait, fut gravement comprouiise.
Il avait communiqué la ratiticalion
donnée par le roi de Prusse au traité
de Bàle, et démenti le bruit que la
république dut abandonner k ce mo-
narque les places fortes de la Bala-
vie et de la Zélande j il avait tait or-
donner au comité de sûreté générale
de rendre compte, sous vingt-quatre
heures , de Texéculion du décret
pour la mise eu jugement de l'ex-mi-
nistre Boucholte , de l'cx-maire de
Paris Pache , et de l'ex-général en
chef dans la Vendée, Rossignol ^ il
avait défendu Massieu , Fouché ,
Cavaigoac, et demaudé que la Con-
vention se bornât a examiner les dé-
nonciations portées contre llenlz ,
Noél-Poiule et Francastel. Enfin ,
depuis 1789, la France n'a point
eu de législateur qui, dans le court
espace de quinze mois ait montré
une activité comparable a celle que
déploya Bolssy-d'Anglas depuis la
révolution de thermidor jusnu'a la
fin de la session conventionnelle (26
ocl. 1795). Le ^5 août, il pro-
nonça un Discours sur la situation
intérieure et extéi^ieure de la ré-
publique. Il communiqua a la tri-
bune , au nom du comité de salut
public , et peu de jours après ( 4
tept. ) il fit ralifier le traité de paix
entre la république et le landgrave
de Hesse - Cassel. Il fil charger le
comité d'instruction de présenter la
liste des Français auxquels la re-
connaissance nationale devait des
BOI
statues , et il en demanda pour
Fénélon, Corneille, Racine, Yol-
taire, J.-J. Rousseau et BufFon ,
dont il s'étonnait de ne pas trouver
les images dans les places publiques.
Le 22 seplembre, il proposa, a la
suite d'une motion d'ordre , de char-
ger le comité d'instiuction publique
de présenter, dans deux jours, le
plan d'une fête anniversaire de la
fondation de la république , ayant en
même temps pour objet d'honorer la
mémoire des représentants du peuple
et de tous les citoyens assassinés par
la tyrannie décemvirale. Guyomard
demanda la dirision , ne croyant pas
que l'on dût rire et pleurer dans le
même jour, et la proposition fut ren-
voyée au comité d'instruction pu-
blique (11). Dans la séance du 2.S
sept. 1793. Fioissy se réunit a Gou-
pilleau et à Jean Debry, pour solli-
citer une loi contre les journalistes
incendiaires. Ce fut quelques jours
après la sanglautc journée du i3 ven-
démiaire , où Bonaparte commandait
sous Barras , qu'à la suite d'un
discours de Eoissy , le décret de
réunion de ia Belgique fut pro-
noncé le 16 oct. (24 vendémiaire).
Boissy résuma ainsi son opinion :
a 1° La volonté invariable de la na-
tion est de conserver et d'iucorporer
les provinces belgiques : sa gloire le
lui commande , son intérêt le lui pres-
crit j 2" les avantages politiques , mi-
litaires et commerciaux conseillent
cette réunion 5 5° l'intérêt et le vœu
des Bel";es la sollicitent également :
(il) Ce fut le II vendéinlnire au iv (3 oclo-
brc ) cjuc la Couventioii célébra, dans son sein,
l'aiiiiivrisaire de l'assasiinal de* Girnndins.
Tous les députés avaient un cicjie au l)ias. Di-
veis attributs funéraires étaient places dans la
salie. On lut lo nom de quarante-sept conven-
lionntls victimes du régime dccemviral; et le
président Eaudiu rappela, dans un discours, leurs
talents , liurs vertus , et les services qu'ils
avaient rendus à la pairie. Des marches et une
musique guerrière terminèrenl la séance.
BOl
hàlez-vous doue de la pronouccr ;
qu'elle soit le fondemeut inébranla-
ble des Irailéà que la république doit
souscrire encore.» Plufin Boissy, Lan-
juinais, Henri Larivière et JLesage,
d'hure-et- Loir , eurent a justifier
1 éloge qu'ils avaient fait des sections
de Paris, lorsqu'on avait proposé la
clôture de leurs assemblées générales.
— EnlréJansle conseil des cinq-cents,
lîoissj lut bientôt nommé secrétaire
(22 nov. lycjDj. Ou le vil appuyer la
demande des teinmes de Cullot-d'Her-
bois et de lîillaud -\'arenne pour la
mise en liberté de leurs maris et le
paiement de leurs indemnités. Celte
demande fut repoussée par l'ordre du
jour. Le 1 0 décembre , Boissj fit
une motion eu faveur de la liberté
de la presse, et conclut à ce qu'il fut
nommé une commission chargée de
présenUr un projet de loi qui garaulît
celte liberté, classât et précisât les
déli'.s qui peuvent êlre commis par
sou abus, et indiquât les moyens de
les réprimer. Job Aymé, membiedu
conseil , était vivement dénoncé et
poursuivi par Tallieu et Louvel j
Boissy deinanda qu'il fùl jugé selon
les formes constitutionnelles 5 mais,
après de longs débats, Job Aymé fut
expulsé. Boissy parla en faveur des
palrioles de la Corse , réfugiés, qui
avaient fui la domination des Anglais,
alors maîtres de cette île. Il combaltit
le projet relatif aux parents d'é-
migrés, et manifesta son indignation
contre ceux qui voLlaient iaire re-
vivre les lois de 1793. Une discus-
sion s'élaut engagée relativement a la
comaiiss.on formée pour la liberté de
la presse, Boissy s'oppoja à toute li-
mitaliou temporaire. M. de Pasloret
souliiit que cette liberté était la base
de la république et Vejfroi de la
tjrannie. Jean Debry demandait
aussi la suspension. Lemerer soulinl
FOI
:,8i
qu'avec Cil le susueusiou la coasliluliou
ne serait qu'une tyrannie organi-
sée. Cbénier appuya la suspension et
établit que, dans une organisation
sociale, liberté illinntée élu'uui deux
mots qui formaient une alliance
monstrueuse . M. DoulcLt(de Ponlé-
coulant)souiiut que les feuilles de Ma-
ral el d'Hébert n'étaient devenues dan-
gereuses que parles mesures prohibi-
tives qui turent prises contre elles.
Enfin, après de longs débals, le 19
mars, la motion de Boissy-d'Auglas
lut adoptée et le conseil des cinq-
cents passa a l'ordre du jour sur I ouïes
propositions de mesures prohibitives.
Mais la liberté illimitée ., loin de sau-
ver la république , précipita sa fin. —
Boissy vota ensuite contre le projet
de loi sur les parents d'émigrés. H ap-
puya celui qui avait pour but de fix.er
le traitement des membres de l'Insti-
tut 5 et il parla aussi sur les moyens
d'encourager les manufactures de pa-
pier. H fut nommé dixième président
du conseil, le 19 juillet 1796. Parmi
ses nombreux travaux législatifs,
nous citerons seulement sou rapport,
pour la réduction du prix des ouvra-
ges périodiques ; ses opinions sur le
mode de radiation des émigrés;
contre l'amnislie des délits relatifs à
la révolution ; sur les prévenus de l'al-
tiique de Greuelle 5 en faveur de la
lecture d'une pélilion des détenus au
Temple, lecture qu'il fit ordonner 5
pour l'autorisation a donner aux con-
seils mililaires de diminuer ou com-
muer les peines portées par les loisj
pour ijue le corps législatif énonçât sou
vœu eu faveur de la pais j sur la loi du
5 brumaire an iv, el sur son applica-
tion aux amnisties, qu'il cousiciérait
comme une dérogeauce à l'acie con-
stitutionnel ; contre la continuation
de la prohibition des marchandises
anglaises, Il réclama t'ucore la liberté
482
BOI
des journaux , et accusa le directoire
d'avoir donné l'exemple de la licence,
en répandant des calomnies contre les
députés. Il pri t la parole sur le prix des
feuilles périodiques, et exprima sa
crainte quel augraenlalion de ce prix
n'anéantît la circulation de la pensée.
Dans la discussion de la loi du 3 bru-
maire, il déclara qu'on devait craindre
en limitant le cLoix du peuple ; mais
qu'il n'y avait point de danger a
limiter celui du gouvernement 5
et il £1 une sortie contre ceux qui
avaient ensanglanté Bordeaux et
mitraillé Lyou. Enfin il prononça
des discours contre les maisons- de
jeu , contre le divorce , contre la
loterie nationale , et il en appela
de Mercier législateur k Mercier au-
teur du Tableau de Paris ( P^oy.
Merciek, tom. XXVIII) (12). De-
venu hostile au directoire, Boissy-
d'Anglas attaqua presc^ue tous ses
actes. Il fit une motion d'ordre
sur 1 inconvenance de nommer des
comités généraux pour discuter des '
messages' que le directoire faisait
impriiner le lendemain dans les jour-
naux. Il appuya le projet de Daunou,
sur la répression des délits de la
presse 5 fit ajourner le projet sur
le divorce : lut son rapport contre les
taaisons de jeu, parla contre les écri-
vains, qui provoquaient les conspira-
tions par leurs écrits , enfin il s'op-
posa a ce que les tribunes fussent
lerraécs aux journalistes. Le va.ste
(i2)(;c fui à celle époque q'ifi porul un pam-
phlet inlituli^ : Pic de lioissj--d' Aiij^lus , mem-
bre des Ciiiij-Ceiits, traité suns égard et comme il le
mérite, par le citoyen B , (sans date, in-8°
de 8 pages) C'est un libelle dégoûtant, dont je
ne citerai que ce passage • « Malgré les spécimx
raisunnements, Ion système nelriompht-ra pas, et
jjour l'avantage, pour la eonsolulioii dapiiufie, les
loteries seront rétablies, et la republique per-
cevra un impôt de plus sans que personne eu
murmure, sans que personne en soit blessé..
C'est avec raison qu'on l'a donné le sobriquet
de Boiss^-Faminet Personne n'ignore que lu au-
rais voulu enterrer le peuple lout vivant, etc. «
EOI
ensemble des travaux législatifs de
Boissy - d'Anglas , mériterait d'être
présenté au moins comme sujet d'é-
tonnement; mais nous devons nous
borner à citer les plus remarquables.
11 demanda que le directoire fil con-
naître les mesures qu'il avait prises
contre les prêtres perturbateurs j il
annonça que son collègue Louvet ,
rédacteur de la Sentinelle ^ était en
jugement comme calomniateur ; et
proposa qu'on discutât le mode de
punir les députes prévenus de ce dé-
lit. Il appuya le projet contre l'ar-
rêté du directoire , qui interdisait
l'exercice des droits politiques aux
prévenus d'émigralion. Il combattit
le serment proposé par le directoire
pour les électeurs , comme contraire
k la liberté des cultes. Il demanda la
translation du corps électoral de Ne-
vers, traita ceux qui l'interrompaient
de protecteurs, Afi faiseurs d'anar-
chie , et il fut rappelé k l'ordre. —
Fiééhi député au conseil des cinq-cents
en 1796 , par le département de la
Seine, il réclama contre l'injustice
barbare qui avait mis hors la loi les
émigrés rentrés , et proposa k cet
égaid un projet qui fut rejeté. Il vota
pour qu'on s'occupât de l'instruction
publique j il s'éleva contre les confis-
cations; appuya le projet de retirer
au directoire la nomination des agents
aux colonies. Il ne voulait pas qu'on
l'autorisât a en\oyer de nouveaux
agents k Saint-Domingue , et il dé-
signa larairal Truguet comme ayani
déterminé le malheureux choix de
Sonthduax. Il prononça (6 mars 1797)
uû Discours sur la proposition de
remettre ou de commuer la peine
des crinunels qui révèlent leurs
complices. « Un scélérat , dit - il .
fort de l'impunité que votre loi lui
aura garantie , viendra s'accuser
lui-même, k tort ou k raison,
BOI
d'une coiispiralion <jni aura ou n'au-
ra pas existé, et nommer, comme ses
complices , les citoyens qu'il aura le
projet de perdre, ou que la faction
qu'il voudra servir aura le besoin de
proscrire... Ceci ressemble trop aux
conspirations des prisons, inventées
par nos derniers tyrans 5 » et il de-
manda sur l'entier projet la ques-
tion préalable. Il appuya les propo-
sitions de Dumolard sur le silence
gardé par le directoire a Foccasion
des révolutions de Gènes et de Ve-
nise. En même temps qu'il poursuivait
ainsi le directoire, il fut accusé lui-
même, par une société populaire, de
travailler à la contre-révolution. Le
i4 mars, il lut a la tribune un nou-
veau Discours sur la liberté de la
pi^esse (an V, in-8°) (i3). Il pro-
nonça, le II juillet 1797, une Opi-
liioa sur la liberté et la police
des cultes. Enfin il demanda qu'on
rejetât l'usage des clocbes comme
dangereux : mais il ne voulait pas de
persécution. Alors le 18 fructidor
n'était pas loin. Boissy se plaignit
de la destitution des ministres , de
l'apparition a Paris d'une foule de
brigands, et il provoqua l'ouver-
ture de la discussion sur la réor-
ganisation de la garde nationale,
déjà demandée par Picliegru. Il parla
aussi sur le projet coucernaut la
garde du corps législatif. Ses der-
nières paroles , dans le conseil des
cinq-cents, exprinièrent la demande
que les affiches, dont se couvraient
les murs de la capitale, fussent sou-
mises au visa de la police. Boissy,
qui avait eu, dans beaucoup de cir-
constances, le courage de ses opi-
nions, fut compris comme complice du
(i3) Ce discours fut rcimpriinp en ^i4, par
les soins de M. Augiiis ; el, en 1817, dans le/ie-
cueil des discours mr la lib rie de la presse, pu-
blié cheï Mongic, iii-8° de 120 pages.
BOI
483
parti clichien , avec tant d'autres
illustres victimes, sur la liste des dé-
portés de fructidor 5 et, pour justi-
fier cette inique mesure, le directoire
exécutif qui, d'ailleurs, se mutila lui-
même, fit imprimer des notes sus-
pectes sur Boissy- d'iVnglas, annoncées
comme ayant été trouvées dans les
pièces de la conspiration Brolbier
et La \illeuruoy. Il échappa a la
déportation a Sinnamary eu se tenant
caché et muet pendant deux ans. La
carrière démocratique de Boissy-
d'Anglas se termina , comme tant
d'autres, par une proscription : il
avait été nommé membre du conseil
des cinq-cents par soixante-douze dé-
partements ; et il s était écrié, à la
nouvelle de ce triomphe unique dans
nos fastes législatifs : Ils ne savent
ce quils font ; ils me nomment
plus que roi. Il n'était monté (lue
cinq fois a la tribune, dans la longue
session de l'assemblée constituante.
Après le 9 thermidor , il avait pris
phis de quatre-vingts fois la parole
a la Convention, et il avait parlé dans
soixante-treize séances du conseil des
cinq-cents. Dans les derniers temps
du directoire, il vint se constituer
prisonnier a l'île d'Oleron, afin d'é--
viler la spoliation qui menaçait sa
famille. 11 ne reparut k Paris qu'a-
près le ï8 brumaire, et fut nomrn*
membre du tribunat en 1800. Cette
assemblée l'élut ra-ésident le 24. uov.
i8o3. Il entra au sénat le 8 fév.
1804, et reçut alors le tilre de
conite, qui fut aussi conféré k plu-
sieurs de ses collègues de la Con-
vention. En 1806, après la paix
de Presbourg , il proncnça , dans le
sénat , un discours a la gloire de
iSapoléou 5 et le 6 nov. 1809 il lui
adressa encoïc, kla lêle de l'Insùtut ,
dont il était membre, les félicita-
tions de ce corps , a l'occasion de
3i.
484
SOI
la paix de Vienne. Un mois après,
il ÎliI préseulé , par !c si'nat, com-
me candidat pour une sénat oierie.
Cette faveur ne lui fut point ac-
cordée ; mais, eu 1811 , il recul le
cordon de graud-officier de la Le-
giou-d'HoBULur. 11 avait assisté a la
chute de la monarchie, à celle de
la république : il allait voir celle de
l'empire. Tandis que, au mois de lé-
vrier i8j4, l'Europe en armes pé-
nétrait sur le sol de la France au
nord et au midi , le comte Boissy-
d'Anjijlas fut nommé commissaire ex-
traordinaire de Tcmpereur, dans
l'ouest, pour y organiser des movcns
de résisliince. Celte mission était
importante et difficile. Les Anglais
occupaient déjà la^iile de Bordeaux.
Il enipèclia les Iles de Ré el d'Oleron
de tomber entre leurs mains j il pré-
serva les établissements maritimes
dellocbetorL d'une ruine imminente.
Le repos de la ^ endée , presque
inexplicable , dans cette grande
crise , fut peut-être aussi son ou-
vrage 5 enfin aucun acte arbitraire
ne souilla sa mission. Mais la
restauration s'était accomplie dans
Paris. Boissy - d'.Auglas envova
sou adhésion , et il fut compris
dans la première nomination des
pairs de France, le 4- juin 1814.
— Cependant les aimées d'Europe
étaient venues et s'étaient retirées
comme un torreul. Bmiaparte avait
abdiqué et semblait n'avoir été re-
légué dans l'île d'Elbe que pour en-
tretenir les rêves de son ambition, les
espérances de ses parlisaus , i'agi-
tafiou el les troubles de l'intérieur
qui légitimeraient une nouvelle inter-
venlicu plus décisive , el l'exécution
d'un [ilan d'énervalion de la France,
que d'abord on n'avait osé réaliser.
Eu effet, bientôt Bimapaiie tenta de
ressaisir l'empire , el le moûdy fut
BOI
encore ébranlé. Nommé commissaire
extraordinaire dans les départements
de la Gironde, des Landes et des
Basses-Pvréné'^s , Boissy - d'Anglas
y réorganisa Fadministration impé-
riale , et, le 2 juin , il fut appelé a
la nouvelle cliambre des pairs, car
le sénat n'avait pas été rétabli.
Lorsque les destins de Fex- empe-
reur se furent irrévocablement ac-
complis dans les champs de Water-
loo, Boissy dAnglas jugea qu'il était
temps de séparer la cause nationale
de la personne de Napoléon. Une ré-
solution des représentants déclarait
traître a la patrie quiconque tente-
rait de dissoudre leur chambre.
Celte résolution transmise par un
message a la chambre des pairs v
lut vivement appuvée par Boissv-
Le lendemain, il couiballit la propo-
sition de proclamer ÎSapoléon 11, et
demanda la formation d'un gouver-
nement jirovisoire. Une loi de police,
sur la liberté individuelle , mise en
délibération a Une époque oîi les évé-
nements marchaient plus vite que les
discussions légi.>lalives , fut éuergi-
queinent combattue par Boissv, qui
termina sou discours par ces paroles
remarquables : ce Les circonstances
où nous nous trouvons sont graves
el difficiles ; notre indépendance est
atta(|uée : peut-être nos institutions
politiques sont-elles à la veille d'être
renversées. ÛJais si elles doivent pé-
rir j si une subversion absolue doit ef-
facer de nos tables sacrées les lois bieu-
laisantes que nous avons eu tant de
peincay graver, Userait encore hono-
rable et beau que, du sein de tant de
débris, pussent s'élever, au-dessus de
l'océan des âges, les restes de Quel-
ques institutions tutélaires destinées à
servir de modèle et de consolation
aux races futures. » Le lendemain,
l'orateur devait lire 'a la chambre Id
BOI
projet d'une loi complète sur la li-
berté individiielle • mais, nommé par
le gouvernement provisoire un des
commissaires chargés d'aller propo-
ser au général Bliiciier un ar-
mistice qui ne fut pas obtenu,
le comte de Latour-Maubourg fut a
la chambre ce projet , où l'auteur
avait voulu concilier les deux prin-
cipes de la liberté individuelle et de
l'ordre public 5 mais ce projet ne
put être discuté : la chambre n'avait
plus que peu de jours a siéger. —
Le 54- juillet, Boissv-d'An^las fut
compris dans l'ordonnance royale qui
éliminait de la chambre les pairs
nommés par Napoléon ; mais une au-
tre ordonnauce, du 17 août, le réta-
blit dans son litre: et celte excep-
tion , qui fut unique à cette époque,
le public l'attribua au grand carac-
tère et k la renommée de Roissv-
d'Anglas. Peut-être aussi Louis
XVIH voulut-il, par cette promotion,
gagner les protestants à sa cause.
Boissj-d'Anglas était, depuis i8o5.
membre du consistoire de Pans ^ et
la société biblique le comptait parmi
ses vice-présidents. Déjà il appartenait
a la troisième classe de llnstilul : il fut
compris, le 2 1 mars 1816, dans la
réorganisation de ce corps, et nom-
mé membre de l'académie des belles-
lettres. Quand tout était changé dans
la forme du gouvernemeut , Boissy
marcha d'un pas ferme dans les voies
constilutionuelles : il défendit la li-
berté individuelle , la liberté de la
presse a la chambre des pairs, comme
il les avait défendues "a la Convention,
au conseil des cinq-cents 5 et, dès
18 18, il demanda que le jury fût
appelé a prononcer sur les délits de
la presse (i4)- JLors de la fameuse
(1 !\) Opiiiims de MM. hs comtes de Boiiij-
d' .éngtua, Luujuinais et le duc de ISrogtie, rela-
tii-es aiipro/et de loi sur la Itbtnlé hidividurllr, Paris,
BOI
48;
proposition de Barthélémy pour le
changement de la lui des élections (5
fév. 1817), Boissy s'éleva avec force
contre celle proposition qu'il jugeait
dangereuse pour la liberté. Il poursui-
vit encore de sa vive indignation la lo-
terie et les jeux publics, et il les dé-
nonça sous la monarchie comme il
l'avait fait sous la république. A la
suite de son rapport sur le droit d'au-
baine et de délraction , ce vestige
de la barbarie des anciens temps fut
aboli. Il profita de l'amitié qui l'u-
nissait au duc de Pvichelieu pour de-
mander le rappel de plusieurs dépu-
tés de la Convention dont il estimait
le caractère et qui, par une interpré-
tation trop sévère de la loi du 6
janv. 1816 , avaient été exilés du sol
français. Le 12 janvier, il exposa,
dans une longue lettre au duc de Ri-
chelieu, que quarante-six membres
de la Convention avaient été injuste-
ment exceptés de la loi d'amnistie
comme ayant vote' la mort de Louis
XVI , puisque ce vote , qui était con-
ditionnel, n'avait point compté pour
l'application de la peine. Mais il fut
décidé , dans le couseil des ministres,
que ceux qui avaient prononcé le mot
de mort., quoique leur vote n'eût point
compté , seraient regardés comme ré-
gicides. Cependant, quelque temps
après , plus heureux dans ses nou-
velles instances, Boissy obtint la le-
vée de l'exil pour plusieurs conven-
tionnels, même pour un de ses anciens
collègues , qui avait beaucoup contri-
bué a sa proscription, au 18 fructi-
dor; et lorsque ce député, rentré, de-
manda à lui porter l'expression de sa
reconnaissance , 11 lui fil dire : k Je
1817,111-8'' de se p. — Deux discours de M. (e comte
de lîo/'syd'Jngias, pair de France : l'u.i sur In
liberté individuelle , l'au:re sur la liberté de la
presse, iinpiiinés ]iOur la première roiAeaféï.
1817, et réiinurimcs au mois de février iSst ,
iu-S'' de 6S pa^'€s.
486
BOI
tens, et je me le reproche, que je
n'ai pas encore assez de philosophie
pour lui pardonner enlièrement le
mal qu'il a voulu me faire 5 j'ai été
assez heureux pour lui ('tre utile : je
le remercie de sa visite. Le monde
est assez gran.1 pour nous contenir
éloignés l'un de l'autre, y) — En
1819, le ministre de l'inte'rieur
ayant formé auprès de lui un conseil
choisi parmi les calvinistes et les
luthériens, pour en recevoir des ren-
seignements sur tout ce qui pourrait
intéresser ces deux communions ,
nomma membres de ce conseil le
comte de Boissj-d'Anglas, avec le
marquis de Jaucourt , MM. Guizot,
Benj. Delessert , le lieutenant-géné-
ral Maurice Mathieu, etc. — Le
calme des esprits et les loisirs que
laissaient, sous la restauration, les
débats parlementaires avaient ra-
mené Boissy-d'Auglas à la culture
des lettres. Il fit imprimer, en i 819,
son Essai sur la vie, les écrits et les
opinions de Al. de Maleslierhes ,
adressé à mes enfants (Paris, deux
parties in-8") ; et, en 182 i, il ajouta
a cet ouvrage une troisième partie
avec ce second titre : Supplément
contenant une réponse à la Bio-
graphie universelle. Le comte
Boissy, mécontent de l'article il/a/fs-
herbes , inséré dans la Biographie
universelle , attaqua vivement non-
seulement l'article , mais aussi ce grand
ouvrage dont cependant il était un
des souscripteurs, un des lecteurs les
plus assidus ; mais il eut le malheur
d'être seul de son avis, comme il
avait eu celui de se voir désavouer
par le petit- fils de jMalesherbes. . . .
«Une réclamation, dit -il, s'est
élevée... hélas! elle est sortie d'une
bouche de laquelle on n'aurait pas dû
l'attendre: tout offensante qu'elle
ail pu être pour moi , le respect que
BOT
je dois... m'a prescrit démettre dans
ma réplique autant de modération
que de brièveté ; 3) mais il s'écarta de
celte modération et de cette briè-
veté en attaquant l'article de la Bio-
graphie. Cet article ne resta pas
sans défense dans les jom'naux. La
brochure de Boissy fut sévèrement
jugée; ou reprocha a l'auteur de
traiter le biographe qui n'était pas
du même avis que lui « avec un ton
de hauteur qu'on aurait eu peine a
tolérer dans le quinzième siècle,
même a un pair de France. 33 On fit
celte observation que la presque
totalité des trois volumes semblait
destinée a faire connaître au monde
que Boissy- d'Anglas fut en cor-
respondance avec Malesherbes , et
que ce grand homme eut de l'estime
pour lui. ..Ou remarqua encore qu'ad-
mirateur enthousiaste de Males-
herbes , Boiisy-d^Anglas avait gardé
le silence dans le procès de Louis
X\I, au lieu d'unir sa voix "a celle de
son héros , de son ami, et de parta-
ger son glorieux danger, son noble
et coui-ageux dévouement, qui est si fi-
dèlemeut retracé dans XdiBiographie
universelle. Le titre modeste
d Essai sur la vie de JMalesherbes
ne permet guère de juger avec sé-
vérité cet ouvrage sous le rapport
littéraire; c'est un recueil de faits,
d'opinions qu'on peut ne pas adopter,
de sentiments toujours honorables ,
et une collection de documents pour
l'histoire : c'est enfin l'œuvre d'un
homme de conscience j mais Males-
herbes attend encore un historien.
— Dans ses loisirs, le noble pair
réunit et publia les Etudes littéraires
et poétiques d'un J^ieillard ou
Recueil de divers écrits en vers
et en prose , Paris, 1826 . six vol.
in-i2, qu'il fit imprimer à Coulom-
raiers, et qu'il dédia au comte de
BOl
Sésriir, son ami et son collè<ri'c a
rinsliliil el a la chambre des pairs.
Les deux premiers volumes contien-
nent deux poèmes : Bougivnl (mai-
son de campagne de l'auleur, pres-
qu'en face de la machine de Marlv), et
la Bienfaisance^ en deux chants (i 5),
suivis d'un très-grand nombre de
notes et éclaircissements ; plus,
une Epître adressée k Laharpe en
1784., et une autre « J^. Pieyre,
(1786), nussi avec notes et éclair-
cissements. Le troisième volume se
compose de notices historiques sur
Vincent de Paul ^ La Kochefou-
cauld , ha Bruyère , Massillon ^
Fontenelle , Saint-Lambert , La-
harpe, J^lorian [16) , Rabaut de
Saint- Etienne^ Scrvan, d'Epré-
mesnily Barou du Soleil, Beau-
marchais. Plusieurs de ces notices
avaient été composées pour laGrt/e/v'e
française . On trouve dans les au-
tres volumes des notices sur ifi/e/z/ie
31ontgolfier , Badly , Diiclos ;
le discours prononcé aux funé-
railles de Sainte-Croix (1809),
et une Réclamation contre les
maisons de jeux de hasard, adres-
sée à la chambre des pairs, et qui
avait été déjà imprimée séparément,
(juillet 1822, in- 8°). Les trois der-
niers volumes contiennent les Frai^-
ments d'une histoire de la littéra-
ture française au dix - huitième
siècle , dédiés k M. de Jouj, en
échange de la dédicace que ce der-
nier lui avait faite de sa Morale
appliquée à la politique. L'auteur
dit que, sans avoir la prétention d'a-
jouter un supplément au Cours de
(là) Un épisode de ce poème : Cange, ou le
commissionnaire de Saint-Laziire , fut imprimé
sépiiivment, Paris, i8?5, m. S".
/iG) La notice sui- Floriai^ avait paru en i8jo,
à la tète d'un lecueil des lettres écrites iiar
Florianà Boissy-d'Anglas dont il fut l'ami ;
Paris, Reriouard, i vol. iniS, de 67 paj-.
BOI
A87
Laharpe, il s'est pourtant attaché
(dans ces trois volumes de fraguients
écrits il y a long-temps , et qui
devaient faire partie d'un ouvrage
beaucoup plus long, que diverses
circonstances de sa vie ne lui ont
pas permis de conduire à sa fin)
« a parler avec plus d'étendue,
quand l'occasion s'en est présentée,
des écrivains dont Laharpe n'a
rien dit , ou dont il n'a parlé que
d'une manière succincte, ou enfin
dont il a pu avoir une opinion diffé-
rente de 11 sienne. 3) On chercherait
en vain l'inspiration , la verve poé-
tique dans les vers de Boissy-d'An-
glas : il faut se contenter d'y trouver,
au lieu de l'empreinte duvrai talent,
celle de la vertu exercée dans une
belle vie , où la versification ne fut
que le repos du sage , et une illu-
sion souvent cherchée aussi par
d'autres écrivains dans les derniers
loisirs de la vieillesse. Mais la plu-
part des notices historiques et les
fragments d^une histoire de la
littérature française offrent assez
souvent, avec le mérite d'un style
facile , des jugements solides , de
sages aperçus , de l'intérêt et de
la variété. Cet intérêt et cptte va-
riété ne manquent pas souvent aux
nombreuses notes , beaucoup plus
amples que le texte, dans les deux
premiers volumes qui contiennent les
vers de l'auteur. Fidèle kla mémoire
de Rabaut de Saint-Etienne, son
ancien ami, Boissy fit réimprimer
tous ses ouvrages k Couloramiers.
{Voy. Rabaut , tom. XXXVI). Le
noble pair annonça la même année
(1826) une nouvelle édition des
Sermons complets de Jacques
Saurin , avec une notice sur sa
vie et ses écrits , en six vol. in-8°.
Le prospectus fut publie peu de mois
avant la mort de Boissy • mais l'édi-
4S8
BOI
tîon n'a point paru. Dans la publica-
tion des Discours et Opinionsde Mira-
beau faite en 1820, (5 vol. iu-B'^),
par M. Barthe, on trouve un Pa-
rallèle de Mirabeau ei du car-
dinal de Retz, par Boissy-d'An-
glas. Ses dernières paroles à la
chambre des pairs appuyèrent un
amendement proposé par M. de
Kergorlay k l'article i*"'' du projet
de loi sur l'indemnité du milliard
qui fut accordé aux émigrés (182 5).
— Boissy présida Tadministralion
de l'Athénée royal avec un zèle sage
et intelligent (1825- 1824). L'af-
faiblissement de sa santé, qui avait
pnur cause (depuis reconnue) une
maladie au cœur, lui fit chercher
le ciel du Midi. 11 passa k Nîmes
l'hiver de 1824. k 1825, et voulut
revoir la ville où il avait reçu le jour.
Les habitants d'Annonay se montrè-
rent également fiers et joyeux de sa
présence. Il habita pour la dernière
fois l'humble toit paternel, qui avait
été religieusement conservé dans sa
simplicité première. Il revint k Pa-
ris et y mourut le 20 octobre i 826,
âgé de 70 ans. Son corps fut trans-
porté k Annonay, conformément k sa
dernière volonté. Le plus jeune de ses
£Is, M. le baron Théophile de Boissy-
d'Anglas, qui, en 1814, était dans
l'intendance militaire (17), accompa-
gna son convoi. La garde nationale
et la population du chef-lieu de
l'Ardèche allèrent recevoir, hors des
portes de la ville, les resles mortels
du grand citoyen^ ils furent dépo-
sés dans le cimetière public, et ce-
(17) En i8i4,aprr5 la restaaration, M. le baron
Théophile de Bnissy-trAnglas fut un des snus-
inspecteurs le plus activement employés dans
la revue générale des officiers de l'armée ci-devant
impériale, pour le traitement en deniers qui
leur était dû : il a siégé depuis dans la chambre
des députés. — Le frère aîué a succédé au titre
de comte et à la pairie.
BOÏ
lui qui prononça l'éloge funèbre (18)
était le fils du général d'Aymé , qui,
trente-sept ans auparavant, en 1789,
lors de la réunion des trois ordres du
Vivarais , avait proclame Boissy-
d'Anglas député du tiers aux états-
généraux. — Orateur, Boissy-d'An-
glas dut souvent la puissance de sa
parole k l'indignation de la vertu de-
vant les crimes des factions, k l'a-
specl des dangers et drs malheurs de
la patrie. Lorsqu'il n'était point ému,
ses discours manquaient de nerf et de
chaleur, mais jamais de solidilé, de
sensetde conviction. Un lé";er bésraie-
ment nuisait d'ailleurs k son accentua-
tion oratoire 5 et de mauvais plaisants
l'appelaient, avant les temps de l'em-
pire;, l'orateur Babébihobu ; ils
avaient aussi donné celte épithèle bur-
lesque a sa constitution de l'an IIF.
Homme de lettres, Boisssy brillait
moins par Je double éclat du style et
de la pensée que par une raison éclai-
rée et une franchise qui n'était point
saus attrait. Homme d'état, il eut pu
combattre avec plus de force les pre-
miers envahissements de f anarcJiie :
d'au tresl'avaient osé. Il eût pu montrer
plus de stoïcisme en face du pouvoir
qui brisa sa constitution et la répu-
blique : d'autres l'avaient osé en -
core. Il eût pu rejeter les faveurs
du despotisme : d'autres, en bien
petit nombre, l'avaient fait. Il eût
pu montrer des principes plus in-
flexibles ; d'autres l'avaient fait en-
core. Mais nul ne fut plus coura-
geux que lui a certaines époques : il
arracha plusieurs détenus k la ha-
che du tribunal révolutio -.naire. Lu
jour qu'il réclamait, au com.ilé de
sûreté générale , une victime dé-
vouée k la mort ; Te voilà encore.
(iS) Cet éloge a été imprimé dans \' Indcpen-.
danl,\m\\\M\ de Lyon, numéro du 3 nor. 1826.
fiOI
s'écria un des membres : combien te
donne-t-on j)ourJ'airc ce métier?
— « Je dévorai cet oulrage, disait
depuis Boissy-d'Anglas ; mais j'ob-
tins la délivrance de celui pour qui
je sollicitais, et je me crus bien dé-
dommagé. 5) Une autre fols qu'il
réclamait pour Florian, Duhem lui
dit : a Tes gens de lettres sont tous
aristocrates et contre -révolution-
naires , et on n'en pourra jamais
rien faire de bon. Ce Voltaire , dont
on parle tant , il était royaliste et
aristocrate 5 et il aurait émigré l'un
des premiers, s'il avait vécu. Et
Rousseau, il n'y aqu"a lire ses écrits
pour voir qu'il aurait été fédéraliste
et modéré. Ton Florian ne vaut pas
mieux , malgré son histoire et ses
phrases (19).=' Boissv-d'Anglas brava
les dangers de la Iribuue et fut pro-
•scrit sous le directoire 5 enfin aucun
autre citoyen n'a pu placer, dans sa
vie un acte d'héroïsme comparable
à celui qui, en un jour ( le i"^ prai-
rial an III), Fa fait si grand dans l'his-
toire nationale. — La tête de Boissv-
d'Anglas avait un caractère expres-
sif de noblesse et de bonté ; les
cheveux blancs qui, dans son dernier
âge, ombragenient son front, et
descendaient négligés le long de son
visage, lui donnaient un aspect vé-
nérable 5 et , dans tioutes les réunions
où il se montrait, les regards se
fixaient long -temps sur lui. Son
buste a été fort bien sculpté par
Houdon. Son portrait, ti-ès-res-
semblant, se trouve a la tèle du i*""
volume de ses Etudes littérai-
res, dans la Collection des por-
traits des membres de l'Institut,
publiée par M. - J. Boilly , et dans
i Iconographie des contemporains
depuis 1789. y — VE.
(15) Rnup proti-stante , ri-diçce p-ir Charles
Coqiieie], lome 2, page iSï.
BOI
489
BOISTE (Pierre-Claude -Vic-
toibe) , né a Paris en i 76.1 , et mort
k Ivri-sur-Seine le 24. avril 1824,
avait depuis long-temps altéré sa
santé par ses immenses travaux ,
malgré la vie paisible et régulière
qu'il menait. C'était un homme labo-
rieux et consciencieux , mais de peu
de goiit et de jugement. Ses lectures
prodigieusement étendues, quant au
nombre de volumes , n'avaient pas été
soumises k un contrôle assez sévère,
surtout n'avalent jamais été suffisam-
ment classées dans sa tète. Son slvle
est souvent peu net et quelquefois tri-
vial. On a de lui: I. (en collaboration
avec Baslien) Dictionnaire uni-
l'ersel de la langue J^rancaise ,
1800 , in-8° ; 2* éd. , i8o5 , 2 vol,
in-8"; S*", 18085 4.", 1812 , in-4.°
oblong, et 2 vol. in- 8" 5 ô'", 18 19,
in-4." oblong, et 2 vol. in-8°; ô'",
Verdière , 1823, in-^", ou 2 vol-
in-8"; 7<- édit., 1834, in-4-°.Ce grand
ouvrage est sous quelques rapports
un des meilleurs que nous avions dans
notre langue. Ses définitions ne man-
quent point d'exactitude j ses exem-
ples éclairent et prouvent, ses autori-
tés sont bien ci'oisies : il épuise les sens
divers du même mot, et souvent
les échelonne, les gradue avec bon-
heur. En revanche ou lui a reproché ,
outre des omissions réelles et quel-
ques fautes qui sont le contraire
des qualités générales spécifiées ci-
dessus , la multiplicité des abré-
viations et des sii;ues presque hié-
roglyphiques qui rendent difficile
1 usage de son livre, la négligence avec
laquelle il agiissésurlaprononcialion,
l'idée bizarre (|u'il a eue de ne pas
admettre dans le corps de l'ouvrage,
et en conséquence de rejeter k la fin,
sous la forme d'un lexicpie particu-
lier, une foule de muts scientifiques
de jour en jour plus familiers, et qui
490
BOI
d'ailleurs ont tout autant la pliysîo -
nomie ïraittcùse qne parallc'lipipède ,
hypoténuse et sphci'o'ide. Mais les
tables d'homonymes et de paronymes,
le recueil de synonymes avec les sens
et les nuances de chacun d'eux, les
dictionnaires de noms propres liistori-
ques, mythologiques j géographiques
et autres, le diclionnaire de rimes,
le tableau synoplitpe de grammaire
française , tous ces appendices fort
considérables, Joints au corps de l'ou-
vrage, sont autant de services rendus
a toutes les classes de lecteurs ; et il
est certain que jusqu'à ce que l'on
ait fait mieux , l'ouvrage de Boiste
sera le vrai manuel de la langue
française. On raconte à propos de la
deuxième édition de ce Dictionnaire,
imprimée en i8o3,une anecdote as-
sez curieuse. A côté de chaque mot
sujet d'un article , l'auteur plaçait
une autorité: il se trouva qu'à la
suite du mot spoliateur était écrit
Bonaparte. La police eut vent de
celte inadvertance ou de cette malice;
on exigea de l'auteur un carton, et
Frédéric-le-Graud remplaça Bona-
parte. II. ISouveaux pvincipiis de
grammaire, suivis de notes gram-
maticales élémentaires , de solu-
tions de questions et difficultés
grammaticales d'après ces prin~
cipes , de réjlexions sur la géné~
ration des idées, sur le langage et
V harmonie , avec un appendice
sur la philosophie et une lettre
sur la critique, Pajis, 1820, r
vol. in-8°. IIL Dictionnaire des
belles-lettres , contenant les élé-
ments de la littérature théorique
et pratique appuyés d'extraits
raisonnes des écrits didactiques
d'Aristote, de Cicéron , d'Ho-
race, de MM. de Barante , Lefe-
hure , Guizot , etc., Paris, 1821-
24, in-8'% 5 vol. (on en promettait
BOI
dix). Cet ouvrage, avec les Jeux pré-
cédents, devait, sidon les idées de
Boiste, former un Ar^t d'écrire et de
parler français ; et ces mots se re-
trouvent effectivement comme faux-
titre sur le premier recto de chacun
des trois.) IV. Dictionnaire de
géographie universelle, ancienne
et moderne , comparée, rédigée
sur le plan de Vosgieti , Paris ,
1806 , I vol. in-8° , avec un atlas
de 5 I cartes coloriées. V.Z^L^«iVer^,
poème en prose et en douze chants,
publié sous le voile de l'anonyme,
Paris, 1801 (an IX), 2*^ édit., 1802,
2 vol. in-8° 5 3*", i8o5 : puis repro-
duit sous le titre de l'Univers déli-
vré, narration épique en vingt-
cinq livres, 1809^ in-8°^ fig. Ce
poème prétendu est accompagné de
notes et observations tant sur le
système de Newton que sur la théo-
rie physique de la terre. Boiste se
proposait d'y combattre certaines
théories cosmogoniques et métaphysi-'
ques , fausses selon lui. Malheureuse-
ment il raisonnait physique comme un
poète, et maniait la langue poétique
comme un physicien. On est de-
meuré d'accord que son Jjnivers était
le chaos j et, s'il est vrai que ce
poènne en prose ait eu quatre édi-
tions réelles, on peut tenir pour cer-
tain qu'il n'en aura pas une cinfjuième.
P— OT.
BOIS VILLE (Jea^^-François-
Martinde) évêque de nijon , na-
quit, en 1755, à Rouen. Destiné par
sa famille à l'état ecclésiastique, ses
études furent dirigées vers ce but ;
et, après avoir pris ses grades en
Sorbonne, il fut pourvu d'un cano-
nicat de la cathédrale de Rouen.
Pendant la révolution , il dut se
condamuer "a l'exil pour échapper
aux lois cruelles rendues contre les
prêtres. Mais au retour de l'ordre
BOI
il se liàta de rentrer dans sapatrîe;
cL le uouvtl archevêque Cambacérès
{Voy. ce nom , au Supp.) le nomma
l'un de ses viraires -généraux: en
1 8 0 1 . Il se démit, en 1812, a raison
de sa santé , uaturellemenl délicate ,
et se relira dans pne terre , près du
Havre, ovi il partageait ses loisirs
entre Tétude et rexercice des de-
voirs religieux. Contraint, en 1822,
d'accepter l'évèclié de Dijon , il
montra beaucoup de zèle et de fer-
meté dans l'administration de son
diocèse 5 et mourut dans sa ville épis-
copale, le 27 mai 1829, a la suite
d'une longue et douloureuse maladie.
Ce prélat est auteur d'une traduction
en vers de \ Imitation de Jésus-
Christ, Paris^ i8i8,in-8°. La ver-
sification en est faible 5 mais le dis-
cours préliminaire mérite d'être lu.
M. Amanloa a publié, dans le Jour-
nal de la Cote-d'Or, une Notice
sur Boisville , dont il a été tiré sépa-
rément soixante exempl. pap. vél.,
iu-8°. \V — s.
BOIVIX ( Jacques-Denis), gé-
nérai français, né a Paris, le 28 sep-
tembre 1756, entra, comme simple
dragon, dans le régiment du roi, le
12 mars 1771, et en sortit après
huit ans de service, sans avoir obte-
nu aucun avancement. Douze ans s'é-
coulèrent saus qu'il songeât a rentrer
dans la carrière militaire. Mais lors-
que, après la révolution, la guerre
étrangère allait commencer, Boivin ,
qui, depuis 1789, servait dans la
garde nationale parisienne, partit
avec les premiers bataillons de vo-
lontaires qui se rendirent aux fron-
tières du nord ( 1792 ). Il se distin-
gua dans les combats qui ouvrirent
les Ioniques guerres de la révolution,
et fut rapidement r;ommé capitaine,
ebef de bataillon et adjudant -général.
L'insurrection ayant édalé dans la
POI
491
Vendée, le 17 mars 1793, il fut en-
voyé dans roueï.t a ranuée que com-
mandait Biron. et signala s>oa courage
dans diverses affaires, devant Saumur,
aux Ponls-de-Cé,'a\ ic et à Parthenay.
Nommé général de brigade, il com-
mandait la place de Nantes au com-
mencement de l'an II (nov. 1795 ),
lorsque le comité révolutionnaire lui
transmit l'élrange arrêté suivant,
que l'histoire doit conserver comme
un des plus curieux monuments des
fureurs de l'anarchie : « Au nom du
COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE DE NaN-
TES , le commandant temporaire est
requis de fournir de suite trois cents
hommes de troupes soldées, pour
une moitié se transporter a la maison
d'arrêt du Bouffay, se saisir des pri-
sonniers désignés dans la liste ci-join-
te , leur lier les mains deux à
deux , et se transporter au poste de
l'Eperonnière (maison transformée en
prison , a l'exlrémilé de liantes, sur
la route de Paris ) ; l'autre moitié se
porter aux Saintes-C' aires ( prison
OLi l'auteur de cet article était dé-
tenu ), et conduire de celte maison h
celle de l'Eperonnière tous les indivi-
dus indiqués dans la liste également
ci jointe; enfin, pour le tout, ar-
rivé a l'Eperonnière , prendre en ou-
tre ceux détenus k cetlcmaisou d'ar-
rêt, et LES FUSILLER TOUS INDISTINC-
TEMENT , de la 77ianière que le
commandant le jugera convena-
ble. Nantes, le 7 frimaire , l'an
deuxième de la république une et
indivisible. Signé J.-J. Coulis ,
M. GrajSdmaison , J.-B. ÏVIain-
GUET. » Cet horrible arrêté, re-
vêtu du sceau du comité, révolta le
■généreux Boivin, qui savait combat-
Ire et non assassiner. ?>îais dans ces
lemps épouvantables il dut cacher
sa vive indignation. Il avait été pré-
venu secrètement, la veille, que c'é-
4ga
lîOI
tait un balaillon de noirs, récem-
ment arrivé à Nanfes, (jiii devait
être requis par le comité pour fu-
siller indistinctement cent trcnle-
deux Nantais , portés sur les trois
listes qui lui seraient remises (i), et
aussitôt il prit sur lui de faire
partir dans la nuit le bataillon de
noirs ponr la Vendée, pensant qu'au-
cun bataillon français ne voudrait
souiller l'honneur de ses armes
par ce vaste assassinat. Le comité
révolutionnaire modifia son arrêté
par un autre du même jour, portant
que les cent trente-deux Nantais
seraient conduits sous escorte à
Paris, mais que si l'un d'eux venait k
s'évader sur la route, tous les autres
seraient fusillés sur-le-champ. Le
général Boivin dut déférer a la ré-
quisition de fournir l'escorte, et il
choisit un détachement de braves vo-
lontaires parisiens de la section du
Luxembourg, dont il donna le com-
mandement au capitaine Boussard,
homme d'honneur et de vertu, K qui
la liste de mort et l'arrêt furent re-
mis. Mais Boivin et Boussard igno-
raient ce qui fut depuis établi dans
le procès du comité révolutionnaire
et de Carrier, que le comité s'était
entendu avec un des prisonniers qui
devaient êl^e transférés. C'était un
horloger, demeurant a Nantes, place
du Pilori, lequel avait consenti a s'é-
(i) Parmi les cent trente-deux Nantais figu-
raient les administrateurs du départi ment de la
loire-lnfirieure, le procureur de la commune,
Kerverseau , depuis général et commissaire du
gouvernement à Sainl-Domingne ; Sotin, depuis
ministre de la police f/^'ur. ce nom, tom. XLUIj,
le comie de Menou, amien s^uvernenrdu châ-
teau de Nantes; plusieurs noliles, un grand nom.
brn de riches négociants , de médecins , de
procureurs. Chaque membre du comité avait eu
soin de faire porter sur la lisle ses ennemis
personnels , et ceux qui exerçaient la même
profession que lui, pour augmenter sa clientelle,
£n léte de la liste fut placé un vieillard riu
nom de Charette, et , sur la route, on annon-
çait que celaient le général vendéen Charetle et
son éta!-major que l'on condui^ail i Part*.
BOI
cbapper alahauteur d'Ancenîs,surla
promesse qui lui avait été faite de
pouvoir ensuite rentrer tranquillement
dans ses foyers. « 11 partit avec nous
de Nantes, le 7 frimaire an II ( 27
nov. 1795); il était le seul (|ui se fût
coiffé d'un bonnet rouge. 11 se sauva
en eiFtt à la de.*cente d'Oudon ; il
était également facile a tous les au-
tres de s'échapper : les chemins
étaient si mauvais et la nuit si noire,
que soldais et citoyens tombaient
pêle-mêle dans les fossés, et s'entrai-
daient a se relever (2). » Mais quand
le Jour fut venu , quoique surveillé et
pressé par un membre du comité ,
horloger aussi, nommé Bologniel ,
qui accompagnait les détenus , en
qualité de commissaire , le capitaine
Boussard refusa d'exécuter l'exé-
crable arrêté. Les Nantais arrivèrent
k Angers, où le représentant Fran-
cnstel était en mission. Bologniel
alla lui dénoncer l'inexécution de la
mesure ordonnée -, et, sur-le-champ,
le brave Boussard fut incarcéré. Ain-
si, ce fut au général Boivin et au
capitaine Boussard, par lui chargé de
l'escortedescenttrente-deuxNantais,
que ces victimes dévouées à la mort
durent la vie (3). Quant aux fameu-
ses novades de Nantes , le comman-
dant de la place ne lut pas appelé
(2) Relation du voyage des cent trente-deux
Nantais ( publiée en thermidor an ii, 1794 )•
(3) Le comité révolutionnaire comptait si bien
sur l'exécution de son arrêté", que, dès le lende-
main de notre départ , il annonçait que nous
n'existions plus : c'était aussi l'opinion générale
dès Nantais, car les noyades étaient déjà com-
mencées ; et , quinze jours avant notre proscrip-
tion, le comité avait fait précéder la célébration
de la fêle de la Raison par b première épreuve
des bateaux à soupape, oit furent engloutis
quatre-vingt-dix prêtre; envoyés par le proconsul
en mission dans la Nièvre. Lorsque nous arri-
vâmes à Angers, on venait cl'exécutemne grande
noyade aux Ponts-de-Cé, sans autre motif que
celui d'évacuer la [u.son du Pitit-Î^éminaire, qui
devait nous recevoir. Nous trouvâmes dans
toutes les chambres ou du feu dans les chemi-
nées, ou des aliments préparés, ou des couverts
mis, on des bardes , et toutes les tiac»« d'une
BOI
k y prendre |.art. Elles fureiil loiiles
exécutées par uue cornpag/ue ilite
de Manit ^ (jiii avait été orj^^aiiisée
et année ])ar le comité révululion-
uaire. Après la révolution delhermi-
tlor, Boivin alla servir sur le llhiu-
Dans l'an MI, ( i 798 ) , il pas^a à
l'armée d'Helvélit; et se couvrit de
gloire à l'affaire de Scliwitz , où à
la léle de sa brigade il enleva aux
iiusses quatre canons, un draptau et
mille piisoufiiers. Le i3 brumaire,
étant à Paris , il se tléclaia pour
Bonaparte, et le suivit kSaiiU-Cioud.
Lien tôt après , sa conduite a la La-
BOl 493
taille de IScw-IsemLourg , près de
Frauclorl, lui valut les éloges du géné-
ral en chef. Il lit encore avec honneur
les campagnes de i 801-1802, celles
des trois années suivantes (i 8o3-
i8o5), à Tarmée gallo-batave, sous
Augereau. Napoléon lui confia plus
lard le gouvernement de Bordeaux,
et Boivin continua de servir jusqu'à
la chute de l'empire. Sa probité et
SJn désintéressement honorèrent sa
carrière militaire, où, comme tant
d'aulrea, il eut pu élever l'édifice de
sa fortune : et quand ce brave vété-
ran des armées de la république et
li.ib.tatidii HHenle, qui ne pouvait avoir ci ssé
<|ue drpuis queli|ucs liemcs. . . ; et pas un être
vivant! Uipeiulant les Vcudeeiis, après la déroule
du Mans, aUaient se préseiiter devant Angers,
pour repasser la Loire : bu jugea a propos de
nous transférer dùus l'aucieniie prison de la
Sénéchaussée. >,ous la trouvâmes également
destite: ou venait aussi de uojcr précipitaai-
ir.ent, pour nous faire place , les prisonniers de
1.1 ^enliee, qui la remplissaient , et dont ics
bardes {(rossieres étaient encore, en graud nom-
bre, accrochées aux parois de la cour, de la
chapelle et des cachots ( Voy. Va Relation du
vjyii^e des cent tunU-deux Nantais). ISous de-
vions être noyés aussi; Carrier et le comité ré-
vuliitiounaire de ÎSantes avaient arrangé ceîte
cipediliou avec le proconsul d'Angers ; mais
le géner.il Danican nous sauva par sa résistan-
ce et par sou énergie. Lui-même a publie quelle
fut sa uoblc couduUe eu cette circonstance . .
Il ialluldonc se résoudre à nous laisser jurtir
d'Augers et à nous remetlre sur la roule de
l'aiis. Mais notre dépare fut combiné avec le
jour ou nous devions rencontrer, sur la levée,
l'aruiee révolutionnaire, comuiandée par Uon-
siu , qui avait reçu mission de nous égorger.
Aous pariiuies lies iiz à six, sous l'escorte de
trente à quarante hommes du régiment ci-de-
vant Royal-Coiniois, et comiuaudés par nn
brave oflicier, originaire de Alayeuce, dont on
regrette, dans la llelut-uit tléjà citée, de ne pou-
voir faire coniii-ilie le nom. Kotre destinée
éiait de ne trouver des seulimeuts humains que
dans les militaires. Les soldats demandaient à
porter nos faibles bagages, et nous confiaient
assez souveul leurs armes en eeiiange. Arrivés
à .Saint-Maihuriu , le commandant de l'escorte
nous avertit que quinze cents hommes de l'ar-
mée révolutionnaire approchaient, et il uoiisût
entrer dans l'église, nous l'ecommaii'Jant le silen-
ce jusqia ce que la troupe eut uéfiié. C'est ainsi
que nous fùm'S encoie sauvés, et il ne rcsia
plus [luur nous que les daiii;ers encore bien
grandi du tribunal de iMUiquirr-'iaiin ille- Ce-
pendant, même a ce nibunal de sang, il fallait
la matière qicicoiique d'un acte d'ac-cusatiou.
cl le «.liiiiiié de Xanîes n'avûit envoyé aucune
pièce, parce qu'il ne pensait pas que notre
voyage Uut s'achever. Fouquier écrivit ; le co-
mité n'avait point de charges a lui Iransmcltre.
L'accusateur public réitéra plusieurs fois, avec
instance, la demamie de quelques pièces. Enfin,
arrivèrent , au lien de pièces, des noies ; celle qui
me concernait était la plus grave : la voici dans
sa courte énergie : ^ tilenayc, secrétaire du scé-
lérat giiilloli}ié Builly, guUlutiiiable cv/nme lui. Or
je n'avais connu ÏJailly que lorsqu'il n'avait
plus besoin dj secrétaire; lorsqu'il vint passer
dans ma maison, à îîantes- la dernière année de
sa vie. Les autres notes étaient beaucoup plus
insignifiantes. Un grand uombre de mes camara-
des d'infortune n'avaient pour accusation que
les épilhètes dejederaliste , ou d'anslocrate, ou
même di" muscadis. Fouquier avait toujours at-
tendu, mais en vain , trautres éléments de l'acte
d'dcciisatiou qu'il voulait rédiger ; en sorle que
le g thermidor ariiva avant notre mise en ju-
gement. Mais déjà le tiers d'entre nous avait suc-
comijè aux maladies ou aux chagrins ; et les
cent Ironie-deux Nantais étiiient réduils à qua-
tre-vingt-quatorze, lorsqu'ils furent jugés et ac-
quilles, le 28 fruclidor an 11 •( 14 septembre
1794 )- J'avais le trisle honneur d'occuper ce
(îii'on apjii lait le fatUeuil dans ce procès uié-
miTable qui , avec la lielation que j'avais pu-
bliée, dont six éditions furent faites dans huit
jours, et qui a eie traduite en plusieurs langues,
eut une grande influence, fon;,: la ni^se en ju-
gement du coiniié révolutionnaire et de Car-
rier,et reudit impossible le projet, existant en-
core à celte époque, de inain'.eiiir le règne de
la terreur. Après des conclusions a mort prises
contre moi, contre les administrateurs du dépar-
tement de la Loire-Inférieure, contre le procu-
reur, de la commune de Nantes, et contre le gé-
néral Kerversiau, je fus déclare, aiuti qu'eux,
alleiul et convaincu d'avoir conspiré contre /'unité
et i'indivinOilité de la république ; mais il fut dé-
clare eu même Iriujjs que nous n'avions |)oiut
agi aiec des intenliors contre-révolutionnaires :
cjuiinesi, en l'g-i, i' eut éié possibli^ de conspi-
rer avec d'aulres intentions 1 Le fait eôt que
BOUS n'avions nnllement coaspirë.
494
BOL
de remplre mourut, âgé de soixante-
seize ans, au mois de juillet 1802,
il n'avait, pour lui et pour sa femme,
d'autres moyens d'existence que sa
pension de retraite. V — ve. •
BOLGEjVI(Jean-Vikcent), cé-
lèbre théologien , naquit a Ber^ame,
le 22 janvier lySo. Ayant embrassé
la règle de Saint-Ignace, il fut chargé
d'enseigner la philosophie et ensuite
la théologie à Macerala. La suppres-
sion de la Société lui causa d'autant
plus de chagrin que ses talents lui
donnaient l'espoir de briller dans les
premiers emplois. Le pape l*ie VI,
instruit de bon méiile, le fit venir a
Rome et le nomma son théologien-
pénitencier. Défenseur ardent des
principes qu'il avait puisés chez les
jésuites, Bolgeni ue cessa de com-
battre ceux qui les attaquaient j mais
ce fut avec si peu de mesure que
plusieurs de ses confrères se crurent
obligés de le réfuler. Dans les con-
troverses auxquelles donnèient lieu
presque tous ses ouvrages , il se
montra plus jaloux de faire triompher
ses opinions que de conserver en-
vers ses adversaires les égards dont
tout écrivain qui se respecte ne de-
vrait jamais s'écarler. Il se prononça
contre la nouvelle église de France
avec un tel emportement que, dans
une brochure publiée en 1794^ (i),
il alla jusqu'à soutenir que tous les
jansénistes, c'est-a-dire les constitu-
tionnels , étaient sans exception
des jacobins. Cependant la républi-
que romaine ayant en 1799 ordonné
que les instituteurs et fonctionnaires
publics prélassent le serment civi-
que , il écrivit eu faveur de cette me-
sure. Abandonné dès-lors par ses
amis, il ne trouva d'appui que dans
les ranos de ceux nu'il n'avait cessé
(1) l'roblema se i giuu\enisti siaiiu jacobint.
Rouie, in-S*.
BOL
de combattre. Une telle position n'é-
tait pas tenable, et Bolgeni s'em-
pressa d'adiesser sa rétractation au
sacré collège assemblé a Yeuise pour
l'élection d'un pape. Il mourut a
Rome, le 3 mai 181 1, Morcelli
composa son épitaphe , qui est rap-
portée par Caballero a la fin de l'ar-
ticle qu'il lui a consacré dans le Sup-
plément s. la Bibliothèque du P.
Southwell. On y trouve une liste de
ses écrits dont les principaux sont :
I. Esame délia vera idea délia
santa Sede, Macerata, 1786, in-8°.
(l'est une réfutation de l'ouvrage du
fameux P. Tamburini. IL // criti-
co (2) corretto ossia ricerche cri-
tiche , ibid. , 1786, in-8°. III.
FalLi dommatici ossia délia infal~
lihilità délia chiesa nel décidera
sulla dottiina buona o cattiva de'
libri,}ictiscia., 1788, z vol. iu-8°-
et, avec des additions, Rome, 1796,
3 vol. Cet ouvrage fut vivement cri-
tiqué par Guadaguini, archi-prètre
de Valcaraouica. IV. Délia cari ta
o ainor di Dio^ dissertazione in
quattro parti cou appendice, Ro-
me, 1788. 2 vol. iu-8". Cet ouvrage
fut censuré par deux de ses anciens
confrères, Muzzarelli et Certes. Bol-
geni leur répondit par les Schiari-
nienti, Follgno , 1788 , ttV^polo-
gia , ibid., 1792. in-8°. V. Ilves-
covado ossia délia podestà di go-
l'ernarc la chiesa, Rome, 1789,
in-4". VI. l'Economia délia fede
cristiana, Brescia , 1790. VII. //
possesso , principiojbndamentale
per décidera i casi morali , ibid.,
1796. La suite de cet ouvrage n'a
été publiée qu'après la mort de l'au-
teur , à Crémone , en 181 6. Vt — s.
?.) Et non pas Cristiano, comme on lit dans
Il llio^rajia ('.((fcrtn/r, VI, 3S6. On a liù signa-
ler cette faute tj|)Ogia]>lii((ue, pour empêcher
qu'elle ne se iierpslue, comuie cela u'arrire que
trop souvent.
BOL BOL 495
laOhlV AlA. y Ponte {don Si- Je dormir, ce sont là île ces lieux
WOiV), né a Caracas, le 24. juillet comicuus que les flatleurs prodiguent
1783, d'une famille de Manluauas, tu'ijours aux hommes puissants, même
avait pour père un colonel de mi- après leur mort, et les libérateurs
lice de la plaine d Aragua (province n'en manquent pas plus que les autres.
de Barcelone). Le plus jeune de Ce qui semble plutôt avoir frappé
quatre enfants, qui demeurèrent or- Bolivar, à Paris, c'est Tomnipotence
phelins de père et de mère eu à laquelle arriva si promptemenl Bo-
lySg, 11 reçut une éducation très- aiaparte , c'est son couronnement. Il
incomplète. Cependant ayant été en- y assistait en 1804 , et l'année sui-
voyé en Europe a l'âge de quatorze vante il fut présent à la prise de pos-
ans , il y fut accueilli par un de ses session de la couronne de fer par
oncles , qui habitait Madrid , et qui l'homme qui un instant renouvela
prit soin de sa jeunesse. D'un carac- Charlemagne. Toutefois il paraît que,
tère ardent et très-aclif, il répara le cédant a l'entraînemeul de quelques
temps perdu eu étudiant avec le plus amis, il avait laissé échapper, sur l'am-
grand zèle les lettres et surtout les bitiou et la marche peu libérale du
sciences exactes. Maisl'amour l'enleva fds de la révolution française, quel-
bientôt à l'étude. Il avait h peine dix- ques propos que la police impériale
sept ans lorsqu'il demanda en mariage aurait puuis, si l'influence de quelques
dona Térésa, sa cousine. En vam ses hauts personnages n'eût fait passer sur
amis cherchèrent a le détourner d'une les paroles sans conséquence d'un
passion aussi précoce, en l'engageant jeune homnie de vingt ans. Quant a
a se rendre "a Paris. Il ne resta que ses occupations réelles au sein de la
quelques mois dans celle capitale, capitale de la Erance, elles se rédui-
et ne tarda pas a reparaître a iaient à de légères éludes peu suivies è
Bilbao , alors le séjour de dona ïé- les cours publics, les leçons v jouaient
résa. Malgré sou âge, il obtint un rôle moins grand que des leclurcs,
enfin la main de la jeune personne des conversalions, la plupart frii-^les
qu'il emmena aussitôt en Amérique, où ou superfi^elles. Il acquit néanmoins
11 eut le malheur de la perdre cinq ainsi des notions assez variées 5 il
mois après son arrivée. Celle perte entendit parler d'objets de tous les
l'affligea vivement , mais il ne fut pas genres j et, sans être a même de se
inconsolable , et ce ne fut point afin former des opinions raisonnées , il
de quitter les lieux témoins de son in- apprit du moins l'existence des q"es-
forlune que deux ans après (i8o3) lions. Il ne sut jamais que très-
il s'embarqua de nouveau pour l'Eu- imparfaitement le français , et l'on a
rope , et qu'Use rendit à Madrid, puis de lui des lettres dans cette langue qui
à Paris. Ses panégyristes ont vanté offrent de nombreuses fautes. Ainsi
l'ardeur avec laquelle il reprit l'étude on ne l'a pas calomnié eu affirmant
des sciences physiques et politiques 5 qu'il se livra à tous les plaisirs
llssontallésjusqu'adireciu'ilclierchait qu'offre à l'oisiveté opulente le séjour
à s'instruire plus particulièrement de de Paris. Au reste, c'était imiter
tout ce qui pouvait le servir dans ses ses compatriotes , ([ui presque tous,
projets de donner la liberté à son penda:it un court séjour en Europe,
pays. Que dès-lors la gloire de\\a- dépensent plusieurs années de leurs
shington et de Fraiikliu l'empêchât revenus. Le sien était considérable et
4yfJ
BOL
lui permellalt de satisfaire des goùls
inème dispendieux. De Milan , où il
était allé voir le second coiironuement
de jNapoléoa, Bolivar se dirigea vers
le midi de la Péninsule , eu visita les
principales villes, et enfin se rendit à
Rome, où nous ne croyons pas, comme
on l'a prétendu , qu'il ait juré sur le
Mojit-Sacré de rendre sa patrie libre.
11 Ht aussi une excursion en i^llemague,
avec des lettres de recommandation ,
parmi lesquelles ou distingue celle de
M. de Humboldt. H retourna ensuite
en Espagne, traversa l'Atlantique, et,
avant de rentrer dans sa patrie amé-
ricaine, alla observer les Etats-Unis.
Revenu dans ses domaines d'Aragua ,
il y mena la vie obscure et inactive
des Mautuanas jusqu'aux événements
qui bouleversèrent la péninsule espa-
gnole en 1808, événements dont la
commotion se fit bientôt sentir dans
le fond de l'Amérique. Une anar-
chie complète vint troubler ces pro-
vinces. Des ordres , des procla-
mations et des décrets de tous les
partis y parvinrent a-la-fois. Ici,
Murât réclamait pour Charles IV j là,
Ferdinand VII, roi par l'abdication
de son père, intimait des cydres à ses
fidèles sujets d'Amérique ; puis ve-
naient les ordres du jour au nom de
JNapoléon et de Josepli-lXapoléon , et
enfin toute la foule des déclarations
de la junte de Cadix, de la junte de
Séville , de la junte des Asluries ,
toutes se proclamant légitimes et
seules légitimes, toutes prétendant a
une aveugle soumission. Jamais co-
lonie n'eut , il faut le dire, une plus
belle occasion de secouer le joug de
la métropole. Mais a cette époque l'i-
dée d'indépendance, loin d'être do-
minante , avait a peine été conçue
par quelques esprits ardents. ()ueique
temps la balance dans l'Amérique du
Sud pencha en faveur du parti fran-
BOL
çais : les autorités, pour se main-
tenir dans leurs postes, étaient dis-
posées à reconnaître la dynastie de
JNapoléon. L'opinion populaire flot-
tait indécise. La présence, les propos
de l'anglais Deaver que le capitaine-
général de Caracas eut l'imprudence
de laisser initier les Caraguins à
tout ce qui s'était passé en Espagne,
changea ces dispositions en haine. II
n'y eut plus dès-lors qu'unevoix con-
tre JNapoléon, contre les Josephinos,
lesafrancesados, les hérétiques, etc. 5
on porta en triomphe le buste de Fer-
dinand VII j le capitaine - général dut
se mettre en communication avec la
junte de Séville , et peu après il re-
çut sa destitution des mains de don
Manuel Emparan , envoyé pour le
remplacer. Bolivar, colonel de mlHce
à Aragua, comme son père l'avait été,
ne prit d'abord aucune part aux événe-
ments. Malgré les instances réitérées
de son cousin don Féhx Ribas, il re-
fusa d'entrer dans les plans de To-
bar et de ses compagnons , pour
l'indépendance de la capitainerie-
générale , et il traita l'entreprise
projetée contre le délégué euro-
péen de folle et d'inexécutable.
Cotte entreprise n'en eut pas moins
lieu 5 elle réussit le 19 avril i8ro.
Tonlefuis la junte suprême, installée
par les insurgés, reconnaissait en ap-
parence Ferdinand VII, et ne refusait
obéissance qu'a la régence qui venait
de se substituer a la junte centrale
d'Andalousie, et dont alors toutes les
possessions se bornaient à Cadix et à
la Galice. Mais celle-ci ne vit qu'une
rébellion dans les événements du 19
avril; et une mésintelligence, prélude
de guerre, sépara la colonie de la
métropole, entre ce que l'on nom-
mait dès-lors le parti européen et les
Américains. Malgré le triomphe de
ses amis , Bolivar ne se prononça pas
BOL
frauchemenl sur le parti a prendre
dans la lutte qu'où pressentait; il
n'inspira au nouveau gouvernement
pas plus de confiance qu'il n'en mon-
trait lui-même. Aussi de tant de
fondions militaires ou civiles qui
eussent pu plaire a sou ambition,
n'accepta-f-il ou u'oLtint-il que celles
d'envoyé à Loudresj encore lui im-
posa-t-on pour collègue don Louis
Lopez y Mendez. Les deux envoyés
devaient demander la protection de
l'Angleterre en cas d'attaque, et sa
médiation. La réponse fut ambiguë.
Il était impossible de reconnaître un
gouvernement encore informe , et qui
d'ailleurs ne s'an:ioncait pas comme
fait définitif 5 d'autre part, la puis-
sauce qui avait le monopole des mers
et du commerce devait chercher a
perpétuer ces avantages. Le marquis
de Wellesley dit donc à Lopez et à
Bolivar que le gouvernement britan-
Dique les protégerait contre les atta-
ques françaises, qu'on ne craignait pas,
et il promit les bons offices du cabinet
près de la métropole. Les deux en-
voyés n'obtinrent de plus que l'ex-
portation d'un petit nombre d'armes,
qu'ils dnreut payer comptant et fort
cher. î>i l'un ui l'autre n'étaient dans
le secret des vues de la Grande-Bre-
tagne. Bolivar, rebuté, laissa son col-
lègue poursuivre ses négociations, et
arriva eu Amérique le 5 déc. , ac-
compagné de Miranda , que le ca-
hinet de Saint-James envoyait popr
exploiter au profit des x\nglaisles dis-
positions des Caraguins. Il était ren-
tré dans le cercle de la vie privée,
lorsquel'accession du général Miranda
au suprême commandement , après les
deuxconspiratious royalistes de i 8 1 1 ,
le fit sortir de cette inaction. Il prit
part aux combals qui eurent lieu pour
la réduction des rebelles de Valence
et au siège de Guacara • puis, après
BOL
497
la déclaration d'indépendance par le
congrès de Venezuela, le tremblement
de terre du 26 mars et la dictature
de î\lirauda , il reçut le brevet de
lieutenant - colonel, et fut nommé
commandant de Puerto -Cabello, dont
la possession devait empêcher sur
toute cette côte le débarquement des
Espagnols. Miranda , qui avait eu
quelques succès, comptant sur la force
de la place, y envoya ses prisonniers
que l'on tint enfermés dans la cita-
delle. Mais ceux-ci se révoltèrent et,
quoique sans armes , demeurèrent ,
par la trahison de \inoni , maîtres de,
la citadelle. Bolivar rallia en vain les
restes de la garnison qu'il avait dans
la ville 5 il fut obligé au bout de six
jours de l'abandonner aux royalistes.
Outre le défaut de surveillance, ses
ennemis lui reprochèrent alors de ne
pas avoir fait sortir de la place qu'il
abandonnait la pendre, les armes et
les munitions. La position déjà fâ-
cheuse de Miranda devint intenable
par cet échec inattendu: tout se dé-
clara pour son ennemi qui de jour en
jour voyait ses forces se grossir et par
les désertions et par l'accession des
douze cents prisonniers de Puerlo-
Cabello, et par les renforts que les
communications libres désormais lui
permettaient de recevoir. Peu de
temps après, la capitulation de Vi-
toria, entre Monleverde et Miranda,
promit amnistie aux Caraguins, mais
fit poser les armes a tous les fauteurs
de l'indépcndauce et remit leur pays
sous le pouvoir de l'Espagne. On sait
avec combien d'éclat les promesses
d'amnistie furent violées. Miranda ,
qui se préparait a quitter les lieux où
triomphait son adversaire, fut la plus
illustre victime du système de perfi-
die et de réaction qui s'appesantit
sur le Caracas. Au moment de s'em-
barquer sur la corvette anglaise , le
32
/iy8
BOL
Snp/iir, il fut arrélé par Peiia et
Maria Casas , qui le livrèreui a Mou-
tevtrde , lequel l'envoya mourir dans
les cacbols de CadiX. On e,t affligé
de liouver Bolivar a cùlé de ces en-
nemis de Mirauda. Quel molif le
poussait ])arnn ei'X? Les reproches
de ce général sur l'aveulure de Puer-
to Cabtllo? ou bien l'envie de faire
disnaraîlre un liomme qui, dans touie
îiisurreclion conlre la ii)étrû[/ole , le
primerait nalurelkincul? ou la dé-
couverte de ses intrigues en faveur
de TAnglelerre? Quoi qu'il en soit ,
les partisans Ks plus eilhousiasles de
liolivar ont jeté uu voile sur celte cir-
constance de sa \ie. — Cependant les
fureurs du parti de la métropole de-
venaient effrayantes. Uolivar, au foml
de sa terre de San-Matco. craignit
que l'orage ne vînt lallcludre malgré
la proleclion de don iLurbe , secré-
taire de Moiiteverde. 11 se rendil près
de ce général, cjui , entraîné par le
toricul, donnait les mains a ce qu'il
ne pouvait empêcher. Bolivar reçut de
lui un passe-port pour Curaçao, avec
des lettres de recommandation pour
un marchand anglais t[ui allait quitter
Puerto Cabello j mais , sans égard
pour la recommandation du général
espagnol, celui-ci reprocl.alrès vive-
ment h Bolivar sa conduite a l'égard
de Mirauda , et refusa de le recevoir.
Bo!i\ar n'en débarqua piis moins
quelques jours plus taid , avec son
';f>usiii Félix Ribas , a Curaçao, puis
h Cuithagène, libre alors du joug es-
pagnol. Beaucoup de soldais de Mi-
randa et de réfugiés de Caracas s'y
Irouvaienl. Bolivar et son cousin y
furent très-bien reçus du président
Moni;e!- Rodriguez Tonicès et du
Français Pierre Labatut , comman-
dant. Bolivar publia pluîieu;s écrits
kur les désastres de Venezuela et sur
[a aéi cssité de l'union entre les pa-
BOL
trioles. 11 fui ensuite nommé inspec-
teur des milices républicaines, puis
colonel dans l'armée active. Il son-
geaila former un corp.'> d'armée, afin
de prendre la revanche des indépi^n-
danls sur Monteverde. Ses projets
plurent au congrès de Carthagène j
el Torricès aulorisa les ofliciers et
quelques corps de l'armée grenadine
k prendre paît a la tentative des ré-
fugiés caraguins. 11 leur fournit même
de l'argent, des munitions, des ar-
mes, et leur adjoignit Jfanuel Cas-
lillo, son cousin 5 avec cinq cents
hommes. Mais cet auxiliaire , au
fond , n'était qu'un chef avec des
pouvoirs mal définis. Bolivar condui-
sait les Vénézuéliens au nombre de
trois cents ; Ribas commandait en
second. C'est au commencement de
janvier i8i3 que Bolivar et Castillo
quittèrent Carthagène. Mais la mé-
sintelligence éclata bientôt dans cette
petite armée. Les Grcnalins et les
Caraguins se divisèrent, et Castillo ,
prétendant n'avoir point d'ordre à
recevoir de Bolivar , marchait a son
gré , campait "a part. Simple ré-
fugié , protégé du gouvernement de
Carthagène et au fond sou ennemi
secret el redouté, Bolivar ne pouvait
sans doute forcer le parent de Tor-
ricès k reconnaître son pouvoir; d'ail-
leurs ses trois cents hommes n'au-
raient pas suffi pour en réduire cinq
cents k l'obéissance. Il y eut plus :
un décret du congrès lui confia le
commandement de Barancas, bourg
sur la Madeleine , tandis que le corps
greuadiu s'avançait a l'est ; c'était in-
directement le condamner k l'inac-
tion. Ribas ouvrit alors l'avis de
passer outre et de désobéir, d'agir
sans les Grenadins el d'effacer l'in-
subordination par de la gb^Ve. k II
faut , disail-il , remonter la Made-
leine , franchir les luouts de Pam-
BOL
plona , prendre les Caraguins a re-
vers. La capitainerie-générale n al-
tend ijii'un libérateur , notre faible
escorte sera bienlôl décuplée par
l'adjonction des patriotes, des mé-
contents , partout où nous passe-
rons. » Ribas parlait avec autant de
raison que d'énergie , et tout se passa
comme il le prédisait. Réunissant an-
tour d'eux tout ce qu'ils purent trou-
ver de forces , ils s'emparèrent de
Ténériffe , sur la rive droite de la
Madeleine , passèrent sans obstacle
dans tous les villages de cette même
rive, arrivèrent li Mompox, où Bo-
livar fut reçu avec enthousiasme et où
il trouva de l'argent , des provisions
et quelques recrues. L'armée, pour-
suivant ses opératious , mit en dé-
roule l'ennemi et arriva à Ocana,
sur les confins de la Grenade et du
Venezuela. Le récit des cruautés es-
pagnoles leur attirait beaucoup d'au-
xiliaires. Déjà suivi de plus de deux
m die bommes, lorsqu'il arriva aux
Andes, Bolivar passa ces hautes mon-
tagnes dans les parages de Pamplona,
puis traversa le Tachira , limite
orientale de la Nouvelle-Grenade.
Plusieurs milliers de Vénézuéliens
vinrent se rassembler sous ses dra-
peaux. Ribas, a la tête de six cents
hommes de la Nouvelle-Grenade,
que lui accordait le congrès de Tuuja,
opérait sa jonction avec Bolivar sur
les terres de Venezuela. Il est vrai
qu'en même temps le congrès impo-
sait k celui-ci l'obligalion de rétablir
le système fédéral. Bolivar accepta
les troupes et n'eut souci de la con-
dition. Détaché du côté de Guada'ito,
le colonel Briceno lui amena uu corps
de cavalerie dont chaque instant lui
taisait vivement sentir le besoin. Plus
heureux , Bolivar commença par bat-
tre l'enuemi devant La Grila, s'em-
para de celle ville, puis de Mérida cl
BOL
^99
deloul le dislricl de ce nom; il soumit
la province de Varinas avec la même
rapidité. Ses succès porlaienl le dé-
couragement dans l'esprit des Espa-
gnols : les ciéoles désertaient par
centaines , des corps entiers passaient
aux indépendants : on eût dit une
promenade plutôt qu'une campagne
militaire. Pendant le même temps,
Marino s'étant élabli k Maturin,
avait battu Monteverde , fait fuir
Cagigal ; et , resté maître des pro-
vinces de Cumana et de Barcelone,
il prenait le litre de général en chef,
dictateur des provinces orientales de
Venezuela. Favorisé par cette diver-
sion , quoique défavorable k ses vues
d'unité , Bolivar partagea ses troupes
en deux divisions, dont l'une fut con-
fiée a Ribas , tandis qu'il guidait
l'autre. Les indépendants s'avancè-
rent ainsi sur Caracas , traversant les
provinces de Trujillo , de Varinas et
de Carabobo. Les combats de Ni-
quitao , de Bétioque , de Barquisi-
melo , de Varinas , furent tous k
leur avanlaç-e. Tiscar s'enfuit k San-
o
Tome de Angoslura et y rejoignit Ca-
gigal. iVIoulevejde alors rassembla
ses meilleures troupes et vint pré-
senter la bataillek Bolivar aux envi-
rons de Los Taguaues. Sa cavalerie,
composée d'indigènes, passa aux in-
dépendants dès le commencement da
combat j il perdit encore plusieurs
centaines d'hommes et alla se renfer-
mer dans Puerlo-Cabello , taudis que
Bolivar marchait en hàle vers Cara-
cas que le gouverneur Fierro quittait
précipitanieut après avoir, sur ra\ls
d'uue]unle, proposé k Bolivar une ca-
pitulation qui fut acceptée par le vain-
queur, mais dont il n'attendit point
la ratification par Monteverde. Bo-
livar fit quelques jours après ( 4
août 18 13) sou entrée solennelle k
Caracas, Le citar Iriomphal dans le-
32*
5oo
BOL
quel il parut debout, nu-lête, en
graud uuiforrae , et une baguette de
comuiandcmeut a la main, était traîné
par douze demoiselles des preiulèrcs
familles de la ville. En même temps
il prit, à l'instar de Marino , le tilrc
de général eu chef, dictateur des
provinces occidentales de Venezuela.
— Cependant JMouleverde refusait
de ratifier la capitulation : c'eût été
reconnaître les rebelles. Mais^ à la
fin d'août i8i5 , le géuéral espa-
gnol , maître nominal des provinces
de Maracaïfco et de Coro , ne pos-
sédait plus réellement que Puerto-
Cabello : on l'y assiégea j la ville
fut prise , mais la citadelle résista.
Bientôt un renfort de quinze cents
hommes que lui amenèrent d'Espagne
cinq vaisseaux de transport , et que
Ribas tenta en vain d'enlever par
surprise, inspira aux royalistes l'idée
de reprendre l'offensive. Monteverde
attaqua les républicaius à Naguaua-
gua, près de \alence , sans être se-
condé par le chef nouvellement ar-
rivé , Saloraon , qui ne voyait en
lui qu'un parvenu; il se fit battre,
même blesser , et fut obligé de re-
mettre le commandement a Salomou ,
qui bientôt le transmit a Istueta.
Cependant la citadelle de Puerto-Ca-
bello, assiégée par terre et par mer,
tenait avec une opiniâtreté telle , que
Bolivar renonça au dessein de l'em-
porter d'assaut. C'est alors que Ce-
vallos elles royalistes de Coro péné-
trèrent sur le territoire de Cara-
cas , et vainquirent à Barquisimeto ,
le 10 novembre. Eu même temps,
Boves, ex -sous -officier de l'armée
de Cagigal, battait, a la tète de cinq
cents hommes, le dictateur Marino
a Calabozo ( i3 décembre i8i5 ) ,
levait des taxes, organisait des gué-
rillas , attaquait Camacagua ; et ,
sans s'occuper de Monteverde ou
BOL
de Saloraon , gagnait du terrain et
cliaque jour rendait plus incertain ,
plus précaire, le triomphe du parti
patriote. Ce triomphe était encore
possible, sans doute ; mais i\ s'en fal-
lait de beaucoup que les indépendants
sussent profiler de leurs ressources
et de toutes les fautes, de toutes les
impuissances de l'ennemi. Bolivar,
eu se revêtant du titre pompeux de dic-
tai eur, n'avait pas ces grandes qualités
indispensables aux chefs qui sauvent
les peuples dans les temps de crise. Ce
n'est pas l'ambition que nous blâme-
rons chez lui, c'est l'insuffisance de
génie qui eût dû réaliser les rêves de
celte ambition. Certes, l'Amérique
méridiouale, h celte époque, ne pou-
vait échapjicr à la métropole qu'a
deux conditions : i° unité nationale,
2" unité de pouvoir. Contre l'unité
nationale luttait l'esprit de fédéra-
lisme ; contre l'unité de pouvoir lut-
taient l'instinct démocratique et les
prétentions contraires des chefs, qui
tous se croyaient les sauveurs par ex-
cellence. Bohvar fit bien de viser
toujours a l'une et a l'autre unité. Seu-
lement il est fâcheux qu'il semblât
par la plaider sa propre cause ; d'ail-
leurs ce pouvoir unique ne pouvait
guère alors être mieux confié qu'à lui.
Car, au dire même d'un de ses plus
violents ennemis, le général Ducou-
dray-Holstein , pas un de ceux qui
le secondaient dans la grande entre-
prise de l'émnucipation des colonies
espagnoles ne réunissait au même
degré les qualités nécessaires dans un
chef suprême. C'est dans cet esprit
qu'il finit juger les événements, si
l'on veut se faire une juste idée du
mérite de Bolivar. De plus, on doit
tenir compte des difficultés de sa si-
tuation, de l'exiguité des ressources,
de l'immensité des dislances, enfin,
des antipathies et des sympathies oscil-
BOL
lanles du pays habité, ou le sait, par
quatre et même cinq classes bien di-
verses. Lu plus graud géuie eîit dû
faire disparaître ces obstacles , les
surmouter, les utiliser même- mais
où sout de tels génies? Quoi qu'il
en soit , Bolivar, reconnu daus Cara-
cas dictateur des provinces occidenta-
les de Venezuela, et possédant a peu
près la moitié delà capitainerie-géné-
rale (le reste était occupé par le dic-
tateur oriental Marino et par les roya-
listes), s'était trouvé, eu septembre
et octoltre i8i3, daus une situation
très-prospère. L'opinion était pour
lui; la campagne qu'il avait entreprise
par la vallée de la Madeleine et par
les Andes, de manière à prendre are-
vers l'oucif du Yénézuébi, tandis qu'un
autre chef indépendant se rendait
maître des provinces de l'est, était
une idée heureuse 5 le succès l'avait
ratifiée : toujours marchant eu avant,
le général eu chef n'avait point eu de
ces faiblesses qui indisposent les sol-
dats, et provoquent les reproches.
Les infaiiiies et les cruautés dont les
suivants de Mouteverd'' s'étaient souil-
lés, les avaient rendus si odieux que
quiconque se présentait h leur place
était reçu. Des femmes apnorlaient
leurs bijoux , des négociants leurs
marchandises, des citoyens de toutes
les classesleur argent. De nombreuses
acclamations accueillirent le litre de
libérateur {H.bertador), que Bolivar
reçut en même temps que celui de dic-
tateur, et le titre d'armée libératrice
fut donné h toutes les troupes qui
avaient pris part a celte brillante
marche de Garlhagène à Caracas.
Bolivar donna carrière aux vanités de
ses suivants, eu fondant l'ordre du
Libérateur, qui pbis tard , prit le
nom d'ordre des Libérateurs. Il
forma des troupes d'élite qui eurent le
litre de gardes-du corps et qu'il fit
BOL 5oi
commander pnr des officiers de son
état-major. L'administration fut cou-
fiée à quatre ministres, et divisée en
quatre départements : l'intérieur,
lajustice,les finances, la guerre. Tous
recurent de lui leur direction et leurs
instructions 5 ses décisions étaient
sans appel. Cependant quelques
républicains demandaient la division
des pouvoirs et 'a convocation d'un
congrès national. Déterminé h oppo-
ser k leurs vœux tous les obstacles
imaginables, Bolivar tantôt lui-isla sur
la nécessitéd'imprimer, pour l'instant,
un caractère énergique et rapide a la
marche du gouvernement , tantôt pro-
mit la prochaine convocation du con-
grès et l'éluda. Souvent ces ruses fu-
rent peu compatibles avec la dignité
du chef d'un empire. Cetlerépugnance
pour tout contiôle h son absolutisme,
et l'usage qu'il fit de sou pouvoir re-
froidirent assez vite : ou compara
le passé au présent 5 on accusa le
dictateur d'ambition : enfin on crut
que le haut rôle joué par jXapo-
léon dans le monde européen tentait
Bolivar. Ses emphatiques proclama-
tions semblèrent copiées sur celles de
l'empereur des Français; et il fut dit
qu'une de ses créatures avait dû toute
sa faveur a cette flatterie : k J"ai
voulu voir le ÎSapoléon du Nouveau-
Monde. 35 Ses parasites , ses flatteurs
lui formaient une véritable cour, qui,
k toutes les petitesses des œils-de-
bœuf européens , joignait des vices
propres aux Caraguins et aux colons,
la jalousie contre les étrangers, une
inactivité honteuse, un amour effréné
du plaisir. Bolivar lui-même donnait
de fâcheux exemples. Ses maîtresses,
entre autres la Pépita, disposaient de
toiit, nommaient les fonctionnaires
civils et militaires, puisaient au trésor,
L'étal-major trop nombreux, des aven-
turiers sans talents et sans valeur ab-
5o2
BOL
sorbaieut des sommes importantes et
disparaissaient. L'armée , la marine,
tous les services éprouvaient alors
des relards, des déficits. L'iusufEsancc
des recettes amena les moyens vexa-
toires,les laxes forcées, tous remèdes
pires que le mal. Enfin , le trésor en
vint arefuser ses propres obligations.
Ce n'est pas ainsi qu'un grand homme
eût marché a l'accomp'issemeut de sa
triple tâche , refouler ses rivaux au se-
cond rang, anéantir l'étranger, ouvrir
des voies de richesse et de prospérité au
pays. Bolivar ne fit rien de tout cela.
D'unautrecùlé, Marino. loin de recon-
naître sa suprématie, ne voulait pas
même se concerter avec lui , et cepen-
dant un tel concert eût indubitable-
ment amené la ruine des Espagnols.
L'éclio du mécontentement général
parvint enfin a Bolivar 5 il crut le
calmer en convoquant le congrès des
provinces occidentales de Venezuela,
et en se faisant confirmer par celte
assemblée ( 2 janvier 181/i). Envi-
ronné d'officiers et d'un fort déta-
chement de gardes-du-corps, le dic-
tateur déclara qu^il n'aspirait qu'a
remettre le pouvoir aux représen-
tants que la nation choisirait, et que
l'unique grâce qu'il ambitionnât, c'é-
tait l'honneur de combattre les enne-
mis de la patrie. Quelques patriotes
furent d'avis qu'il fallait accepler la
démission ; mais les rues principales
de Caracas étaient remplies desoldats,
et les adversaires du libérateur n'en
avaient pas. Hurtado de Mendoza ,
Rodriguez , Alzaru , opinèrent pour
qu'on le contraignît à garder le com-
mandement suprême jusqu'à l'expul-
sion totale des troupes espagnoles ,
et jusqu'à la réunion des provinces du
Venezuela et de la Nouvelle-Grenade.
Cette comédie ne trompa personne ;
mais les choses restèrent dans la
jnérac position. Pendaui ce temps ^
BOL
les royalistes avançaient dans les
valle'es de Tui et d'Aragua . que
dépeuplait leur barbarie. Rosette
avait pris possession d'Ocumare ;
Boves, vainqueur du général Campo-
Eiias kSan-Juan-de-los-Morros, avait
établi son quartier-général à Villa-
del-Cura, d'où il délachalt sur la
route de Caracas une colonne com-
mandée par Morales. D'un autre
côté, lanez et l'ni, après avoir re-
pris Varinas , s'avançaient de l'ouest
pour joindre Boves et Rosette. Par-
tout , sur leur passage, ces chefs es-
pagnols armaient les esclaves et leur
octroyaient provisoirement la liberté.
Enfin 1,4-00 prisonniers espagnols a
La Guaira el à Caracas forçaient h
y tenir des troupes. De jour en jour,
la position des indépendants devenait
plus critique; le massacre des habi-
tants d'Ocumare porta au comble
l'anxiété du libérateur. Son fameux
jxanifeslc du 8 février annonça que
tout prisonnier de guerre serait mis
à mori ; et huit jours après . douze
cent cinquante-trois Espagnols et Is-
lenos, parmi lesquels se trouvaient
des marchands , des vieillards de
quatre-vingts ans, furent fusillés
sans jugement à Caracas et k La
Guaira. Le 12, Bolivar avait rem-
porté sur Boves un avantage signalé
a La Vitoria. Bientôt Rihas vainquit
Rosette sur les bords du Tui. lanez,
battu près d'Araure, avait trouvé la
mort au combat d'Ospino; maison lieis
des troupes républicaines avait péri,
et , faute de cavalerie , on n'avait pas
pu poursuivre les fuyards. Successeur
de Ribas, Campo-Elias, au lieu d'agir
avec vigueur, se reposa dans Valence.
Les royalistes reconquirent ce qu'ils
avaient perdu , et marchèrent de nou-
veau sur Caracas. Bolivar était sur-
pris et battu k San-Maleo par Boves ;
Marino éprouvait les mêmes échecs.
BOL
Les débris des deux armées se réu-
nirent alors; et, grâce a quil(|ues
renforts que coramaudait Montilla ,
le libérateur repoussa l^-s rovalistes
h r>oca-Chica , fit lever a Cevallos et
Calzadale siège de Valence, refoula
Boves vers les plaiues d'Apuré, battit
à Calabozo [ 2 8 mai i 8 1 4 ) Cagigal ,
nommé capitaine-général a la place
de ]\luntcverde. 11 eût alors fallu
accabler F.oves , qui s'était porté des
plaines d'Apuré sur La Guaira et
que Piar avait forcé de rétrograder.
Bolivar commit la faute capitale de
faire de son armée trois divisions ,
qu'il ne pouvait réunir à son gré :
il envoya Urdaneta a la tète de Tune,
détacba la seconde sous les ordres de
IMariuo vers San - Fernando , sur
l'Apure, et s'avança vers les plaines
de Caracas avec la Iroisième. Mais
Boves part brusquement de Calabozo,
renconire, le lA j^'U;» l^'s indépen-
dants a La Piierta ; et , quoique en cet
instant les deux dictateurs se trou-
vent encore a peu de dislance l'un de
l'autre . il les bat successivement tous
les deux. Bolivar va s'enfermer à
Caracas, et IMarino dans Cumana j
Urdanela, Incapable de réduire Coro,
se relire sur les froulières de Bogota
dans Cucuta. Boves coupe les com-
munications de Caracas et dé La Ca-
brera, disperse uu dernier corps de
patriotes qui veut s'opposer a lui,
inarclie sur Valence , et, sans attendre
qu'on capitule, s'avance vers Caracas
et La Guaira. Nulle armée républi-
caine n'en défendait les approclies :
le siège de Puerlo-Cabello avait été
levé; les troupes s'élaient embar-
quées pour Cumana. où Bolivar se
rendit par terre avec les débris Je
son armée. Caracas, La Guaira se
soumirent au mois de juillet ; Valence
tint avec courage et tut enfui obligée
d'accepter une canllulatiou j qui fut
BOL
io3
jurée dans une messe solennelle, a
l'instanl de l'élévation, elqueles Espa-
gnols violèrent comme la précédente.
Bolivar IcnLa un nouvel effort a la tète
des iiidépeudants ; mais il fut encore
vaincu près d'Areguila. Ainsi furent
déçues les espérances que l'on avait
pu concevoir du triomphe de l'in-
dépendance. Le dictateur vaincu ,
quitta momentanément la partie, et
s'embarqua pour Cartbagène avec
ceux qui voulurent s'associer h sa for-
tune, laissant Ribas et Bermudez sur
les terres de Maturin, qui fut alors le
rendez-vous de tout ce qui n'avait au-
cun ijuartier h espérer des royalistes.
Us s'y maintinrent quelques jours ,
et contre Morales et contre Boves ;
mais enfin ils furent écrasés à Urica
le 5 déc. i8r/|.. Les Espagnols y
gagnèrent 3Ialuriii, mais ils perdirent
Boves. — Pendant ce temps, Bolivar
s'élaitrendu a Cartbagène qui, comme
toute la Nouvelle-Grenade, et avec la
pro\ince de Santa-Marta, formait une
république à pari, et dont iManuel-Ro-
driguez Torricès était encore prési-
dent. C'ile fois, Bolivar ne pouvait
y è!re bien reçu des partisans de ce
magistrat, mais Torricès avait des
enneaiis. Le libérateur se joignit a
eux , pour le dépiuiiller du pouvoir
suprême ; mais le complot échoua.
Forcé de quilier le territoire de la
républic|ue, Bolivar se rendit aTiinja,
et fit offre de ses services au congrès
de cette vll'e. Nommé général en
cbef de l'armée . qui allait marcher
contre Bogota et son président Al-
varez . il eut dans cette entreprise
le succès le plus complet ; et une
cajiltulalion fut lignée , en vertu
de laquelle les provinces dissidentes
convinrent de se joindre à la coufé-
dération, sous la condition qu"a l'ave
nir le congrès siégerait 'a Bogota.
Ln guerre dès hïs se truuyail pveS'
5o^
Bbt
lïe ^ans oTijet . râncïèïme capitale ,
evenant ainsi fè centre du gouver-
nement , lie perdait pas son rang ,
et !es tonfédéiés s'applaudissaient
de la conquête de celte grande -ville
et de son territoire. Installé à Bo-
gota , le congrès songea d'abord aux
moyens de soutenir la guerre contre
les Espagnols, que l'on s'attendait
h voir hienlôt paraître. On expulsa de
larépublique ceux dont l'établissement
sur ses terres était nouveau , et Ton
recueillit beaucoup d'argent : le clergé
même contribua sans murmure. Au
sud on envoya des troupes pour con-
tenir le gouverneur de Quito, I\Iou-
tès, tandis que dans Test un corps
sous les ordres d'Urdoneta préservait
la province de Paraplona des incur-
sions dévastatrices de Pui. Ou vou-
lait surtout expulser les royalistes de
Santa-Marta , où était attendue l'ar-
mée de Morillo. Bolivar fut chargé de
cette importante expédition , et nom-
mé à cette occasion capitaine-général
de la Nouvelle-Grenade et du Vene-
zuela. L'ex-dictateur partit a la tête
de 3,000 hommes, descendit la 3Ia-
deleine , surprit Morapox où il fusilla
400 prisonniers espagnols, et requit
de Torricès un renfort pour l'attaque
de Santa -Blarta. Torricès déclina
la demande : Bolivar alors, au lieu de
continuer a marcher dans la direc-
tion de cette place, voulut contrain-
dre le président à exécuter son
ordre, et mit le siège devant Cartlia-
gène, où il perdit un temps irrépa-
rable. 11 n'était pas plus avancé que
le premier jour , quand on .-ut que
l'expédition de Morillo allait arriver.
Il fallut renoncer a un siège entrepris
par vanité. Admis dans la ville comme
allié , Bolivar réunit ses forces a celles
de Torricès pour défendre Garlbagène
contre Morillo. Cette place n'en fat
pas moins dans l'obligation de capi-
ÈbL
tuïer au bout de quatre mois de siège,
le 6 décernbre 1 8 i 5 , à peu près à
l'époque qui vit Ribas battu et fu-
sillé a Urica. Bolivar était parti pour
la Jamaïque où des intelligences avec
les Anglais semblaient lui promettre
quelques succès 5 et il s'y occupait
d'une expédition pour secourir Car-
tbagène lorsqu'il apprit la capitula-
tion de cette place. Alors il passa
dans l'île d'Haïti , où le président
Pétion lui promit des secours , à
condition qu'il proclamerait la liberté
de tous les noirs dans les contrées
qu'il allait affranchir. Beaucoup de
Vénézuéliens étaient réfugiés dans
cette île. Bolivar leur communiqua
ses plans, ses espérances 5 mais il in-
spira peu de confiance a la plupart
d'entre eux. Cependant les plus
éclaires, tout en avouaul les fautes,
les vices du dictateur, montrèrent
que seul il pouvait rattacher toutes les
provinces vénézuéliennes a la cause
de l'indépendance, et qu'aucun des
autres chefs, quelle que fût sa su-
périorité dans telle ou telle partie de
l'art militaire et du gouvernement,
n'approchait autant que lui de l'idéal
dont ils auraient besoin pour rendre
leur cause i-apidement et a toujours
triomphante. Cet avis prévalu! 5 et
Bolivar, a Saint-Domingue , se vit
réélu capitaine-général de Venezuela
et de la INouvelle-Grenade. Seul le
Commodore Aury refusa de se sou-
mettre a celte décision, et abandonna
la cause commune. L'amiral Brion le
remplaça (fin de i8i5). De nom-
breuses guérillas tenaient encore dans
quatre des sept provinces vénézué-
liennes et dans laGuiane : Arismendi
surtout, relevant l'étendard de l'indé-
pendance dans l'île Marguerite, avait
à plusieurs reprises battu les roya-
listes. Bolivar et Brion mirent à la
voile aux Caycs a la fin de mars 1 8 1 6«
BOL
L'expédilion , pfescjne loule aux
frais du dernier, consistait en deux
vaisseaux de guerre et treize bâti-
ments de transport armés et montés
par un millier de combattants. Le
2 mai , a la suite d'un engagement
très-vif et dans lequel Brion fut
blessé, il cnplura deux bâtiments es-
pagnols. On débarqna ensuite à l'île
Marguerite, où bientôt les Espagnols
furent réduits à la seule forteresse
de Pampalar ; après quoi les patriotes
se dirigèrent sur la Terre -Ferme,
descendirent h Carupano , et entrè-
rent dans Cumana , dont ils expulsè-
rent les royalistes. A la nouvelle
de celte réapparition de Bolivar, la
rage des Espagnols fut au comble,
et se manifesta par des barbaries qui
eussent compromis leur cause, si deux
fautes du liljérateur ou de ses parli-
sauls ueles eussent servis encore une
fois. La première fut la précipitation
avec laquelle on annonça que désor-
mais les nègres seraient libres 5 la
seconde, le renouvellement de ces
fatales divisions qui affaiblissaient des
forces déjà bien insuffisantes , puis-
qu'elles ne s'élevaient qu'à 1,200
borames au plus. Mac-Gregor , à la
tète de l'avant- garde, s'avança dans
l'intérieur du pays; Marino. malgré
le vreu de Bolivar, alla former le siège
de Cumana ; le reste de l'armée se ren-
dait a Ocumare. Lorsque Morales ,
établi a quelque distance, dans une po-
sition avantageuse, entama le combat,
on fit courir parmi les troupes de Fin-
dépendance le bruit que toute l'armée
de Morillo était la. Une terreur pani-
que s'empara alors de qucbiues offi-
ciers , et à leur exemple cbacuu se
mit a fuir. Bolivar se rembarqua
précipitamment et il alla débarquer
à Bon-Air, mais pour reparaîlre bien-
tôt dans les environs d'Ocumare.
Piar et Mariuo s'çmportèrcnl en re-
BOL
5o5
proches contre lui. et même le mena-
cèrent. Il est clair que soit jalousie,
soit préférence pour Marino , on
voulait se débarrasser de Bolivar.
Celui-ci reprit le chemin d'Haïti,
laissant l'expédition se continuer sans
lui. et se promettant bien de tirer
vengeance dePiar qu'il regardait, non
sans raison , comme l'iustlgateur de
Blarino. En t ffet le combat d'Ocu-
mare avait moins été la victoire des
royalistes sur les indépendants que
celle des chefs subalternes sur le chef
suprême. Ainsi évincé par sa propre
armée, Bolivar eu arrivant à Port-au-
Prince reçut un tiède accueil ûe
Pélion; mais l'arrivée de Brion mo-
difia un peu ces dispositions. L'a-
mlial , toujours plein de confiance
dans rex-diclateur , trouva par son
crédit des ressources nouvelles, et, de
concert avec lui, prépara une autre
expédition. Le président d'Haïll ,
appréciant l'importance de tout évé-
nement qui rendrait l'Amérique du
Sud Indépendante , fournit encore
des secours , dont le fameux bataillon
noir, tout dévoué h Bollvnr, faisait
partie. Enfla les Indisclplinables gé-
néraux restés en Terre-Ferme, au
bout de deux mois de pourparlers
avec Brion, sentirent la nécessité
d'un chef suprême et formèrent ma-
jorité en faveur de l'ex-diclateur.
Arismendi, 'Via, Paez , Boxas, Mo-
nagas , Sedegno , Bermudez , con-
vinrent de le reconnaître pour gé-
néralissime , a condition qu'il assem-
blerait un congrès ; que son autorité
serait purement milltuire et que sous
aucun prétexte il ne s'immiscerait
dans radralnistratiou civile. Rappelé
par celte espèce de traité , Bolivar
arriva le 01 déc. 1816 a Barcelone,
que les patriotes possédaient depuis
le mois d'octobre. 11 y convoqua un
nouveau congrès, et, en attendant
f,
5o6 BOL BOL
la venue des cicpulés , proclama un celoiie , dl>aut a Freltes , cliargé
ouvernement provisoire dont il fui du coramaudfim'iit en son absence,
e ciief , sous le litre de président qu il allait recruter des re'gimculs et
de la république de \énézuéla , rén- qu'il reparaîtrait sous peu. Le lende-
nissant les trois pouvoirs; puis il fit main, les retrancheraenls des palrio-
publier la loi martiale , eu vertu de les furent emportés, et Freites mis
laquelle un certain nombre d'iiabi- à mort à Caracas. Cette perte fut
tanls devaient porteries armes, in- heureusement compensée par les raou-
corpora parmi ses troupes les esclaves vcments insurrectionnels delà Nou-
qui venaient k lui, et marcba vers velle-Grenade , et parle nombre des
Xiraenès , campé a Clarius. L'eu- guérillas qui couraient les provinces
gagemeuf (9 janvier 1817) fut fatal d'Anlioquia, de Cboco, de Quito ,
aux indépendauts qui perdirent en- de Popaïau. D'nutre part , le général
core toute la province de Ijarceloua, Piar, accompagné de Scdeno et se-
moins la capitale, que Bolivar se hàla condé par Brion , cuvabit la Guiane ,
de mettre en élat de défense, cl que battit le gouverneur Miguel de la
Pascal Real n'investit que pour se Torre a San-Félix, s'empara delà ca-
faire battre. En vain même une es- pitale Sau-Toraé-de-Angostura, mal-
cadre espagnole voulut forcer l'eu- gré l'héroïque résistance de Fitz-Gé-
trée du port; très maltraitée , elle raid, entra dans la ville de Vieja-
prit le large pour se sauver d'une Guavana,etfilpassertoutela province
destruction totale. La situation rcde- sous l'oljéissance de Véné/.uéla. Pro-
venait prospère , lorsque Marino et filant eusuitcderéloiguemenldeBoli-
Bolivar se divisèrent de recbef : l'un varqui, après avoir quitté Barcelune,
voulait assiéger Cumaua; l'autre avait s'était mis en sûreté sur le territoire
en vue Caracas; de là une sépara- de Cumana, Brion, Marino , Aris-
lion nouvelle. Tout le tort en celte niendi, Zéa , établirent à Curiaco un
occasion fut k Marino- car Bo!i- congrès provisoire, dans lecjuel ils
var était le chef reconnu de la repu- figuraient avec huit autres membres ,
l)lique , et Caracas le point de mire en attendant la convocation de tout
de la campagne. S'il eût fallu porter le premier congrès fcelui de Caracas,
la guerre d'un autre côté pour re- 2 janvier 1814), et confièrent le
venir ensuite avec plus de force sur pouvoir exécutif a trois personnages:
Caracas , c'est vers la Guiane espa- Bolivar, Francisco di^lToro, François
gnole qu'eussent dû être dirigés ces Xavier 3Iaiz. Ce partage du pouvoir
efforts. Un plan expédié a Bolivar, raontrail assez combien Brion et Aris-
par le colonel Bidol , établissait l'im- mcndi avaient k cœur de mettre des
portance de cette conquête comme limites k l'omnipotence du dictateur ;
base de toutes les opérations; mais et cependant personne plus que Brion
Bolivar avait décidé que la conquête n'était attaché k Bolivar. Celui-ci
de la Guiane ne serait entreprise qu'a- informé de tout ce qui s'était passé
près celle de Caracas. Toutefois le en conçut un vif déplaisir. Il se ren-
plan de Bidot devait s'accomplir mal- dit aussitôt k Angostura et annula les
gré Bolivar, que l'éloignement de actes du congrès provisoire ; Brion et
Warino affaiblissait beaucoup, et qui, Zéa essayèrent de l'apaiser en di-
bifntôt menacé de la manière la plus sanl que le bruit de sa mort avait été
sérieuse par d'Mmada , quitta Bar- général : (ju'eus-raèmes avaient parla-
nOL BOL 5o7
gé l'erreur comimiup. A ce« arguments sanare, sur le point de communiquer
s'enjoig;nirents,ui5floutef!"a!ilrespliis avec Paez , cernaient de trois côtés
persuasifs , et loul finit par une espèce la province de Caracas. Aussitôt que
detransaclion : Bolivar laissa subsister la saison des pluies fut passée et qu'il
le congrès, mais il eut la plus forte fut possible de reprendre les opéra-
partie de la puissance executive. De tions. tandis que Paez commençait le
plus , il suscita autant qu'il le put des .siège de San-Fernando , Morillu ,
embarras , même des persécutions après avoir partagé son armée en
aux membres les plus influents , et cinq divisions qu'il pouvait réunir h
par des déplacements conliiiuels il volonté, s'avançait sur Calabozo où
rendit fort diffici'e la coopération du déjà il avait été défait par ce général,
congrès aux actes législatifs qu'il de- Bolivar partit le 3 i déc. 1817 d An-
vait souvent proposer, et toujours si- goslura, avec deux mille hommes
gncr. Au bout de quelques mois cette d'infanterie et deux mille cinq cents
assemblée fatiguée de son rôle fut chevaux, les uns suivant TOré-
obligée de se dissoudre et laissa tous uoque , les autres la rive gauche
les pouvoirs aux mains de Bolivar, du fleuve, opéra ia jonction avec,
— Pendantce temps, Paez, parcourant Monagas , Paez, Sedcùo , ha-
ies plaines avec deux k trois mille versa ainsi l'Apure vis-a-vis de San-
ludiens ou zambos , avait remporté Fernando; et le 11 février 1818,
sur les royalistes detix victoires bril- après quarante-deux jours de marche
lantes, l'une a Guavabal , sur le gé- ou plutôt de course a. travers des dif-
néral Calzada, l'autre sur ^lorillo en ficidlés bans nombre, huit mille
personne. L'armée espagnole aux hommes se déplovèrenl devant Cala-
abois demandait a évacuer Caracas et bozo, et la ville fut sommée de se
laGuiira, poursc retirer sur Puerto- rendre. i\Iorillo avait au plus trois
Cabello , lors([u'un renfort de quatre mille hommes, mais tous soldais
mille hommes permit h son général, d'élite. Le 12 eut lieu la bataille
toujours maître de Cumana, d'aller de Calabozo qu'il perdit ; le leu-
batlre Marino a Curiaco, de prendre demain, il évacua Calabozo C'é-
Cumanacoaet Carupano, dereconqué- tait linstant d'écraser les Espagnols;
rir ainsi presque toute la province de mais la cavalerie américaine ne fut ni
Cumana, et de couper les communi- active ni heureuse dans sa poursuite,
calions des indépendants avec leur Morillo effectua sa jonction avec Lo-
flolte. Au lieu de poursuivre avec vi- pès_, renfoica les quatre mille hom-
gueur ces avantages , il voulut ré- mes qu'il groupait ainsi autour de
duireTilelMarguerite devenue le siège lui par quelque cavalerie. Bolivar
de l'amirauté vénézuélienne. Ce tut perdit du temps, divisa de nouveau ses
une faute : en deux mois 1 île Mar- troupes, el Morillo puise reformer,
guérite devint le tombeau de ses tandis que Morales, son lieutenant,
quatre mille hommes. Pour comble battait Mouagas aTapatapa, puis
d'infortune , Paez vainqueur de Cal- a \ illa-dd - Cura et le poi:ssait
zada et Correo . a San-Fernando-de- jusqu'à. Boca-Chica. En vain Bo-
Apure; Eazas a Alatnrin; Saraza, livar accourut a son secours; al-
Monaga?,dans les plaines du \arinas: iaqné deux fc'is dans son camp, h
laNouvel'e-Grenade n'attendant plus Semen , puis h Orlez , il essuva deux
que le moment d'agir j Perez , h. Ca- échecs. Une troisicn;e défaite ;, h la
568
BOL
Pnerlâ (6 avril), semblait devoir
achever sa ruine. Il se relira presque
seul à El-E.incon,et la il s'occupa de
réparer ses pertes- Déjà il avait réuni
six cents chevaux et trois cents fantas-
sins, lorsqu'une surprise de ses avant-
postes ne lui laissa que le temps de
sauter de son hamac et de s'échapper
à cheval à la faveur de la nuit. El
pendant ce temps, Pacz était aussi rais
en déroute à Coxede. Enfin Calahozo
retomba au pouvoir des royalistes.
Dans une position aussi critique,
Bolivar ne perdit pas courage , et
c'est alors, il faut le dire, qu'il se
montra véritablement grand : si sou-
vent défait , il se relevait comme par
enchantement avec des forces inat-
tendues. De nouveaux appels au pa-
triotisme des Américains, la.po|)n-
larité qu'il conservait malgré ses dé-
faites , le mirent bientôt en état
de reprendre l'offensive ; et dès le
mois de juin il occupait Calahozo et
faisait marcher ses colonnes sur
Caracas. Ses postes avancés n'en
étaient plus qu'a cinq lieues. Mais,
suivant son usage , il avait encore
isolé ses divisions. Morillo , instruit
de tout par ses espions, les attaqua
successivement et successivement les
battit. Il y eut jusqu'à neuf actions
partielles : a Sombrero , à Maracaj,
à la Puerta , a El-Cayman , a Orliz ,
k El-Rincon-de -los-Torres, a la
savane de Coxede, sur les monta-
gnes de Los Patos , à Nutrias. En
soixante-dix jours , les Américains
perdirent encore cinq mille hommes,
tués o» faits prisonniers , trois mille
chevaux et mulets , plusieurs milliers
de fusils , sept pièces de canon , etc.
Toutes les villes et toutes les places
au nord de l'Orénoqne ( Gniria ,
Carupano , etc. ) restèrent aux
mains des Espagnols, sauf Arau-
re que Paez reprit quelque temps
BOL
après ; Marino , Bermudez se
retirèrent dans leurs plaines res-
pectives. Bolivar reprit la ronte
d'Angostura , où des ennemis non
moins dangereux que les Espa-
gnols cherchaient a ruiner son pou-
voir. Cinq des personnages les plus
influents y mirent ouvertement en
délihération la question suivante :
« Faut-il ôter a Bolivar la prési-
tc dence et en revêtir Paez ?» Si
Paez n'eût été l'ennemi de l'un des
cinq délibérants, et si la force mili-
taire dont Bolivar était entouré n'eût
fait craindre son ressentiment, peut-
être aurait- on décrété l'affirmative.
Ici revenons sur les dissensions inté-
rieures des indépendants. Deux partis
se disputaient toujours le pouvoir,
les unitaires et les fédéralistes qui
sons un autre rapport prenaient
pour la plupart les caractères de
quasi- monarchistes et de républi-
cains. C'est à l'influence de ceux-
ci qu'étaient dues les fréquentes
réclamations en faveur d'un congrès,
d'une représentation nationale , de la
division des pouvoirs. Bolivar et ses
amis insistaient sur l'excellence, au
moins provisoire, de l'unité. On a vu
avec combien de ténacité le chef su-
prême s'était appliqué a rendre toutes
les opérations du congrès imj)0ssibles :
la dissolution de cette assemblée et
le premier triomphe du chef suprême
furent le résultat de ces combinaisons ;
mais c'était bien peu encore. En res-
saisissant le pouvoir absolu , Bolivar
dut consentir à feindre au moins pour
quelque temps de le partager. Tou-
jours éloigné de convoquer un nou-
veau congrès, appuyant d'ailleurs
sur l'impossibilité qu'il y avait a en
réunir réellement les membres, tant
que durerait la guerre , il nomma en
remplacement de cette assemblée un
conseil suprême , divisé en dpux sec-
BOL
tions : l'une, politique, eut Zéa pour
piésideul 5 l'autre, luilltaire , fut pré-
sidée par Brion. Tous deux étaient
d'accord avec Bolivar, qui d'ailleurs ,
sous le nom de président , avait seul
le pouvoir exécutif. Tout se fai-
sait avec sa sancliouj et , pendant
toute la durée de la campagne , on
n'avait cessé d'expédier des courriers,
pour lui faire signer et approuver
les affaires. C'est dans de telles
circonstances qu'eut lieu le fameux
procès de Piar. Cet homme de cou-
leur, qui jouissait a Barcelone d'une
grande considération , et que ses suc-
cès en Gui.ine plaçaient au premier
rang des généraux de l'indépendance ,
avait songé plus d'une fois , sans
doute , soit pour Marino , soit pour
lui -même, a déposséder Bolivar.
Mais avait-il formé un complot pour
l'accomplissement de ce dessein?
Les Bolivaristes l'en soupçonnèrent •
et pour prévenir l'exécution de ses
plans ils l'accusèrent de conspiration
contre tous les blancs indistincte-
ment. Ces accusations n'ont jamais
été prouvées, et la cause la plus
réelle de son arrestation fut la crainte
qu'il inspirait. La puissance dont le
président était investi lui permit de
diriger la procédure a son gré. Il fut
condamné à mort par une cour mar-
tiale que présidait Brion, son ennemi
juré, et subit sa sentence le 16 oct.
1817. Ce supjilice , en débarrassant
Bolivar d'un ennemi , consolida le
gouvernement unitaire d'Angosluraj
mais il rendit le président encore
plus odieux a beaucoup de militaires
et de républicains utopislts. De plus
en plus obligé de se créer des appuis
contre les ambitieux ou les mécon-
tents, le président , qui jusqu'alors
avait regardé d'un œil jaloux les
étrangers, en vint à sentir combien
ils pouvaient lui être utiles, non-
BOL
5of
seulement pour combattre les Espa-
gnols exercés a l'européenne , et pour
donner à toutes les bandes insubor-
données qu'il employait l'exemple
d"une discipline et d'une lacti jue sé-
vères, mais encore pour défendre son
pouvoir contre des attaques k foi ce
ouverte. "Vers la fin de 18 17, le lieu-
tenant-colonel anglais Hippislej
lui avait amené trois cents hom-
mes équipés en Angleterre. Un
autre lieutenant - colonel , nommé
Euglish , qui devait commander
sous Hippisley, était resté dans la
Grande-Bretagne d'où il euvova suc-
cessivement deux mille hommes par de'-
tachements. Mais déjà Hippisley, dé-
goûté, non sans cause, du service amé-
ricain, avait quitté les indépendants ,
lorsque English arriva fort k propos
pour le remplacer. Bolivar, au lieu
de continuer , ainsi qu'il l'avait fait,
k incorporer les Européens dans ses
bandes, et dans celles de Paez, forma
des derniers venus une légion que des
additions successives portèrent k
deux mille hommes. A partir de cette
époque, il suivit la même tactique et
chercha toujours a se procurer des
espèces de troupes -modèles en les
faisant venir d'Europe. Il essayait
aussi d'avoir accès auprès des cabi-
nets étrangers, et il accréditait des
chargés d'affaires k Washington et k
Londres. Déjà dans cette dernière
ville Lopcz Mendez était toléré, sans
être reconnu officiellement, et un en-
voyé des Etals-Unis, M. Irving, pa-
rut dans le mois de juillet a Angos-
tura. Ainji la campagne de 1818,
sans produire précisément de grands
résultats territoriaux, exerçait une
influence morale et faisait admettre
au monde l'existence d'une nouvelle
nation. Deux autres graves sujets oc-
cupèrent Bolivar, le reste de l'an-
née , le congrès cl la prochaine
5io BOL
campagne. La uouvelle de la délibéra-
tion secrète des cinq, cl l'éloquence
de l'ex-député German Roscic , qui
venait de Philadelphie avec des let-
tres de Torrès, le déteimluèrcnl a
convoquer le congrès. H en fixa Tou-
veriure au i5 février 1819, et ne
chercha point h la retarder par des sub-
terfuges: mais riiislallation de celte
assemblée de vingt-six députés ne
changea rien a l'essence du gouver-
nement. Des intrigues préparées de
longue main en donuèreut la prési-
dence a Zéa qui, sans consistance mi-
litaire, ne pouvait devenir le rival du
président. Celui-ci remit alors aux
représentants de la nation, avec tou-
tes les apparences de la franchise ,
l'autorité militaire et tous les pou-
voirs que la république lui avait
confiés. L'assemblée refusa ; et une
lutte d'apparat s'éleva entre le
congrès et le chef suprême. Enfin une
députalion obtint de lui qu'il se
chargerait pour quarante-huit heures
de l'autorité. Le lendemain , nouvel-
les instances, et Bolivar^ cédant enfin,
se laissa imposer la présidence de la
république jusqu'à l'achèvement de
la constitution... Il ne tarda pas a en
présenter le plan qu'il avait long-
temps médité, et dans lequel il pro-
posait la division de la législature en
deux chambres , un sénat ou chambre
des pairs héréditaire, et une cham-
bre des députés. Les représei;ta-
lions de quelques amis le déterminè-
rent a élaguer du projet un article
totalement aristocratique en vertu
duquel les membres de la chambre
des pairs auraient porté des titres
de comtes, marciuis , barons, etc.
On comprend combien avec une telle
organisation il eût trouvé de facili(és
'a vivre avec ce congrès redouté.
Mais les députés alors réunis dans
Angostura mirent au néant toutes les
BOL
chimères dont il pouvait encore se
bercer: et ils biffèrent du projet de
constitution le sénat héréditaire. Du
reste, on prit quelques mesures sages
et de nature a répandre l'instruc-
tion , a favoriser le commerce, l'agri-
culture et l'industrie , a exciter l'é-
mulation desdéfenseurs de la patrie.
La création de l'Ordre des libérateurs
fut approuvée. Un décret régla le
partage des propriétés nationales en-
tre les combattants, et déclara les
étrangers eux-mêmes admis aux
récompenses. Zéa fut chargé de la
vice-présidence 5 et les départements
ministériels restèrent au nombre de
quatre, intérieur, extérieur, guerre
et justice. Une compagnie anglaise
qui offrait des sommes considérables,
h condition qu'on lui accorderait le
privilège de r'exjiortaliou des tabacs
du Varinas , reçut pour réponse que
la république s'interdisait tout mo-
nopole, mais qu'on lui accorderait
de vastes terrains 'a la seule condi-
tion de les défricher. Quant a la
campagne qui allait s'ouvrir, Boli-
var avait conçu un excellent plan:
c'était de feindre l'intention d'atta-
quer Caracas et d'adiMuchir Yéné-
zuéla; puis , quand Morillo , dupe de
ses démonstrations, aurait dégarni
la Nouvelle -Grenade pour concen-
trer ses forces vers Ica points mena-
cés, de se réiînir aux nombreuses gué-
rillas vénézuéliennes et de marcher
sur Bogota. Il partit en conséquence
le 27 février, envoyant Urdanela et
Valdfz a l'île Marguerite , avec une
vingtaine d'officiers , pour organiser
les troupes anglaises qui lui étaient ex-
pédiées par English, et chargea Mariuo
d'occuper lesprovinccs orientales avec
six n^ille hommes, et de prendre les vil-
les de Cumanaet de Barcelone. Lui-
même n'avait avec lui que son état-
major, et environ deux mille hom-
BOL
mes; mais il comptait sur les ren-
forts étransrers, Mir les sruérillas de
Paez , enliri sur les forces des Gre-
nadins. Effeclivement Paez opéra sa
jonclion avec lui le 20 mars et ap-
prouva son plan. Mais ses Llaneros,
habitués k se développer dans les
plaines , refusèrent de traverser les
Andes et menacèrent de déserter.
QiiOMjue déconcerté jiav cet obstacle,
et peu après battu, ainsi que Marine,
par Pereira, près de Trapiche de la Ga-
marra, il ressaisit bientôt l'avantage.
Morillo fut mis en déroute k sou tour
devant Achaguas, et Ht retraite jus-
qu'à Calabozo. LaTorredéfait sur un
autre point fuvail également par
les plai.nes d'Aragua et rejoignait
sou chef. Maître du Varinas euiier ,
Bolivar y leva des recrues et at-
tendit les renforts anglais, Paez
avec ses Llaneros tint constamment
en échec Morillo qui avec une nou-
velle armée cherchait k envahir les
plaines d'Apuré; il refusa la bataille
((lie lui offrait le général espagnol,
intercepta ses convois, le hnrassa ,
lui tua en détail plus de quinze cents
hommes, et enfin, le forçant de nou-
veau k faire retraite, l'assiégea dans
son camp d' Achaguas. Morillo était
perdu, et n'avait d'autre alternative
que de voir son armée anéantie d'un
seul coup , ou de souscrire a une hon-
teuse capitulatiou. Mais ses ennemis
n'avaient pas les premières notions
de l'art de la guerrre; et, lorsqu'il
eût été facile de le cerner, il s'ouvrit
un chemin k travers le camp de Paez
et rentra sans pertedans Caracas, d'où
il envoya deux délacliemenis renfor-
cer Barcelone et Cumana Pendant ce
temps, Bolivar franchissait la chaîne
des Andes et entrait dans la Nou-
velle-Grenade , où déjà Sanlander
r.vait battu les Espagnols en plusieurs
rencontres. D'immenses fleuves dé-
BOL 5ii
bordés, de hautes montagnes ne pu-
rent arrêter le président ; il _v laissa
son artillerie, ses bagages 5 et la plu-
part des chevaux y périrent. Enfin
pourtant il atteignit la rivière de Paya,
et rencontra le général royaliste Ba-
rasino le i""" juillet k Samagozo ,
puis le 20 k Palano-de-Barg (pro-
vince de Tunja). Ces deux journées
furent désastreuses pour les Espa-
gnols. Un dernier combat eu lieu k
Vanta-Quémada(7 août). Bolivar pro-
fila des accidents du terrain pour y
dresser une emLu^:cade k laquelle Ba-
rasiuo se laissa prendre : mille roya-
listes restèrent sur le champ de ba-
taille ; et le 9 au malin le vice- roi
Samaua quitta P)Ogota , suivi d'une
centaine de personnes, et laissant
dans les caisses du gouvernement
un demi-million d'argent monnayé.
Ainsi se terminait une campagne
aussi brillante que rapide , entre-
prise dans la saison la plus défavora-
ble , celle des inondations. Trois
jours après le départ de Samana. Bo-
livar entra en triomphe dans la ville
abandonnée, fit occuper, le 17,
Ocaùa . organisa dans la capitale de
la Nouvelle-Grenade un congrès dont
iltul président, et sevitainsimaîlrede
celle province presque tout entière»
Tout dans celte glorieuse campagne
eût niérilé des applaudissemenis si les
sommes considérables obtenues par
Bolivar (trois millions de dollars des
Grenadins , et un million mensuelle-
ment des diverses autorités) eussent
été consacrées au paiement des trou-
pes, aux munitions, aux armes. Mais
il n'en tut pas ainsi. On lui reproche
encore d'avoir perdu surtout k Pam-
plona un temps précieux en fêtes, en
vaines cérémonies. De celle ville, il
se porta sur Guadalita , arriva le
2 nov. k MonSecal, dans le Vene-
zuela où il avait donné rendez-vous k
5l2
BOL
plusieurs chefs; et bieulôt, quoique
ayant perdu en route huit cents dé-
serteurs, eut autour de lui neuT mille
liommes dont trois mille de troupes
anglaises, irlandaises et hanovrieunes.
Morillo évacua San-Fernando et se
concentra sur Sau-Carlos : le \ éué-
zuéla fut de recLef perdu pour l'Es-
pagne. Tout annonçait que les roya-
listes réduits à quatre raille boiumes,
allaient être expulsés des contrées en
deçà de l'Orénoque. Mais Bolivar
avait a vaincre les siens et les Espa-
gnols. Au lieu d'employer contre les
ennemis de l'Amérique la force im-
posante qu'il avait à sa disposition ,
il se mit en marche sur Angos-
tura où, pendant son absence, Aris-
mendl avait éle substitué à Zéa dans
le titre de président du congrès et
de vice-prcsideut de la république. Ce
chansemenl au fond était une protes-
- n r
talionbienmuins contre Zeaque contre
Bolivar lui-même. Trois mille hom-
mes dévoués accompagnèrent le libé-
rateur dans la marche rapide qu'il
diiigea sur Angostiira. Pris a i'im-
proviste, Arismendi, qni n'avait que
six cents hommes , n'essaya pas de
résister au chef suprême qui réinstalla
Zéa et renvoya son antagoniste a La
Marguerite. Il pensa même a le tra-
duire comme Piar devant une cour
martiale ; mais Arismendi avait des
amis puissants dans le congrès et dans
l'armée ; nombre de Llaneros lui
étaient dévoués; enfin l'Ile Margue-
rite , si importante pour la républi-
que, aurait pu s'insurger en sa faveur.
Tranquille de ce côté, Bolivar mit a
profit l'avis qu'il venait de recevoir
par la petite révolution d'Angostura,
et annonça pompeusement qu'il allait
former le congrès sur un plan nou-
veau et plus étendu. Le 17 novembre
18 19, en effet, une délibération so-
lennelle du congrès proclama la réu-
BOL
niou des provinces de Venezuela et
de la Nouvelle-Grenade en une seule
république sous le nom de Colombie,
et la division de la Colombie en
troisgrands départements, Venezuela,
Quito, Cundiuamarca. Des dispositions
subséquenlesétaientrelativcs aux capi-
tales des trois départements , à la ca-
pitale générale qui serait fondée
plus tard et qui prendrait le nom
du libérateur , à lu présidence et
a la vice-présidence , aux vice-prési-
dences et administrations supérieures
départementales, a la dette, etc.
Il était décidé que le congrès
actuel suspendrait sa session le i5
janvier 1820; que le congrès futur
serait ouvert le i^'^ janvier 1821 ,
dans E-osario de Cucuta; que le
mode des élections serait réglé par
un comité spécial et approuvé par
le congrès siégeant ; que l'on pro-
céderait aux élections dans toute
la Colombie, dès la séparation de ce
dernier congrès j enfin , que pen-
dant l'intervalle des deux sessions,
un comité de six membres avec un
présideut siégerait et se concerterait
avec le gouvernement. Ces disposi-
tions en apparence limitatives du pou-
voir suprême le limitaient fort peu au
fond, et même étaient de nature a lui
donner une force nouvelle , en sanc-
tionnant les mesures administra-
tives de l'autorité du congrès ; et
certes Bolivar comptait bien que le
comité de six ou sept membres se-
rait composé de manière a le con-
trarier moins que le congrès. Sous
tous les rapports sa position deve-
nait plus élevée et plus belle. Les
succès de la campague de Bogota,
l'éviucemenl d'un rival formidable
daus la personne d'Arismendi, enfin
la naissance de la Colombie plaçaient
son nom bien haut dans l'opinion, et
l'cnlouraieut de celle auréole de
liOL
gloire qui s'atlacbe aux fondateurs.
11 ne s'agissait plus ijue d'acliever la
couquète coiuiuencée , tl raniiée
1820 pouvait amt'ucr ce grand ré-
sultat. La Nouvelle-Grenadcj quoi-
que mécontentée par les levées d'hom-
mes et d'argent, et menacée par cinq
corps espagnols, résistait, grâce à
Saulauder : les forces des indépen-
dants montaient k seize mille hommes j
celles de Morillo étaient k peine de
quatre mille , et les enrôlements de-
veniiient de plus en plus difficiles.
Bolivar a la tète de quatre mille sol-
dats d'élile marcha vers la Nouvelle-
Grenade, tandis que des troupes mar-
gueritaines devaient y débarquer sous
la conduite de Montilla, et y opérer
leur jonction avec quatre radie hom-
mes qui viendraient du Varinas et du
Maracaïbo.Paez, k qui restaient enco-
re huit millehommes, attaquerait Ca-
racas et nettoierait le Venezuela. Tou-
ies ces opérations étaient bien conçuesj
mais elles furent conduites mollement.
Paez d'abord ne fit aucun mouve-
ment et laissa Morillo se renforcer
à Valence et k La Guaira. A Rio-de-
la- Hacha, huit cents Irlandais refusè-
rent de marcher, parce qu'on ne les
payait point, et firent manquer l'ex-
pédition dirigée sur les trois places
septentrionales de la Nouvelle-Gre-
nade. On reprit celte expédition plus
tard et avec assez d'avantage, mais
sans succès décisifs. 11 eu fut de même
dans la iXouvelle-Greuade , cù Bo-
livar en personne reçut plusieurs
échecs. D'un autre côté les désertions
commençaient dans les troupes euro-
péennes: et des contrées qui jusque-
là semblaient hésiter se déclarèrent
pour l'indépendance. Ces change-
ments tenaient surtout a la nouvelle
récemment arrivée de la révolution
de Cadix. Cette révolution en un
sens fut due au ^Nouveau-Monde ; car
LVllJ.
BOL ii3
l'insurrection partit du sein de Tcx-
pédiliou de vingt-cin(j mille hommes
qui, sous les ordres d'O'Donnel, de-
vaient agir contre le Pérou et la Co-
lombie. Sous d'autres rapports elle
eut des résultats fâcheux pour les
indépendants j elle fît naître dans la
république une espèce de tiers-parti
qui voyait la liberté coloniale dans
la soumission k la métropole devenue
libre j elle donna même lieu a des
négociations, sinon fatales, nuisibles
du moins k la cause de l'indépen-
dance. Morillo, après avoir balancé
k recevoir la constitution nouvelle ,
prit enfin le parti de la publier ; mais
aussitôt il répandit des proclama-
tions dans le but de faire croire que
désormais une lutte entre la colonie
cl la métropole était ^ans objet.
Il envoya des parlementaires aux di-
vers généraux, et des commissaires
au congrès ou plutôt au comité re-
présentant le congrès. On lui répon-
dit que la seule base sur laquelle il
fût possible de traiter était la recon-
naissance de l'indépendance co-
lombienne 5 on savait bien qu'il n'a-
vait pas de pouvoir pour une pareille
reconnaissance; et les hostilités con-
tinuèrent. Mais bientôt on se dépar-
tit de celte marche ferme, et les hos-
tilités se ralentirent. Morillo , par
des propositions artificieuses et am-
higuës , gagna du temps, se ren-
força et diminua les chances d'une
ruine assurée. Les généraux indépen-
dants, Bolivar surtout, se trouvèrent
flattés d'entendre les propositions de
la métropole, de conférer comme de
puissance a puissance avec les hom-
mes de Ferdinand, de recevoir leurs
lettres et d'y répondre. Un armistice
de six mois fut signé le 2 5 novembre"
k Trujillo entre les généraux Sucre ,
Briceiïo et Ferez pour la Colombie,
Correa, Toro et Linares pour l'Espa-
33
5i4
BOL
gne. Le lendemain les deux généraux
en chef ratifièrent la convenlion.
Puis une entrevue solennelle, au vil-
lage de Santa-Anna, scella celte sus-
pension d'armes. Bolivar et Morillo s'y
jurèrent éternellearallié comme hom-
mes privés, mangèrent ensemble, cou-
chèrent dans la même chambre el po-
sèrent la première pierre d'une
pyramide destinée a perpétuer la
mémoire de cette entrevue. Beau-
coup d'officiers de part et d'autres
partagèrent leur enthousiasme. Ce-
pendant l'éclat de cette journée, cjui
indiquait évidemment la décadence
de la cause espagnole et la supé-
riorité de la Colombie , ne doit pas
faire illusion sur la faute que com-
mettait le chef suprême en signaut
un armistice a l'instant où il lui était
facile d'écraser le reste dos troupes
espagnoles j et quel armistice encore?
un armistice dans lequel on ne re-
connaissait pas la Colombie! Cepen-
dant les Cortès, qui alors étaient
maîtres du pouvoir en Espagne^ se
montrèrent très-raéconlentcs de la di-
plomatie de Morillo, et il fut rappelé.
Le vice-président Zéa, qui avait d'a-
bord été chargé de négocier un em-
prunt soit en Angleterre , soit en
France , et qui , à la nouvelle de
l'armistice , alla dans la Péninsule
pour y agir en faveur de la paix ,
n'entendit sortir du sein des Cortès
que des propositions dérisoires. Le
duc de Frias , ambassadeur d'Es-
pagne a Londres, lit les mêmes ré-
ponses aux instances des envoyés de
Bolivar. En Amérique la suspension
d'armes excitait des murmures dans
le peuple et dans l'armée. Le chef des
indépendants sentait sa faute; et les
deux partis violaient en secret les
conditions de l'armistice. Enfin trois
mois et demi après la signature de la
trêve , Bolivar en dénonça le terme
BOL
à La Torre qui commandait en chef
depuis le départ de Morillo. secondé
par les manœuvres du mulâtre Pa-
dilla. Le zi juin, le libérateur ayant
sous lui Paez , Sedeùo , Anzoate-
gui, Plaza , Marino, et neuf mille
hommes dont trois mille de cava-
lerie, opéra sa jonction avec Yaldez
et Bermudez dans la plaine de Tina-
guillo , et se porta vers le quartier-
général de La Torre et de Morales
établis tous deux dans une position
très-forte, a Calabozo , entre San-
Carlos et Vulence. Il hésitait a les
attaquer : Bermudez, Paez , insistè-
rent pour que la bataille fût livrée ;
ils voulaient même , contrairement
a Marino, que l'attaque eût lieu
de front. Un guide connu de Bo-
livar leva toutes les difficultés, en
lui indiquant un ravin par lequel
on pouvait tourner l'aile droite des
Espagnols . Paez y passe sous le feu
de l'enuemi 5 puis, a la tête de trois
bataillons et d'un régiment de lan-
ciers, se précipite sur son flanc droit
qui cède enfin a l'impétuosité des in-
dépendants. Morales n'a que le temps
de former des débris de son armée un
carré avec lequel il se retire sur
Puerlo-Cabello, et les débris de sou
parti el de son armée s'y rendent à sa
suite. Ce jour fut le dernier de la do-
mination espagnole dans ces contrées.
Le soir même de la bataille de Cala-
bozo , Bolivar entra dans Valence.
Caracas , La Guaira rentrèrent au
pouvoir des indépendants pour n'en
plus sortir : la dernière de ces villes
était défendue par le colonel Pereira
déterminé a se faire sauter plutôt
qu'a rendre le fort ; la médiation de
l'amiral français Jurieu prévint ces
terribles extrémités. Provisoirement
Bolivar établit deux gouvernements
militaires qu'il confia, l'un à Marino,
l'autre à Paez, el qui comprenaient, le
BOL
premier Coro , Maracaibo , Truxîllo,
Méridaj le second Caracas et Valence.
Le 2 1 sept., Cartliagène se rendit ,
et Cumaua suivit bientôt cet exem-
ple. Une seule ville dans tout le
Venezuela restait a La Torre, c'é-
tait Puerto-- Cabello dont la résis-
tance se prolongea jusqu'en juillet
1824^. Déjà même le territoire de Co-
lombie était plus vaste que ne l'avait
jamais été Caracas réuni a la Nou»-
velle - Grenade. Les intelligences
que le chef suprême s'élait ménagées
dans les provinces de Tislhme y
avaient préparé une insurrection qui
éclata, le 28 nov. 182 i, a Panama,
et, sept jours plus tard, h Porto-
Belo. Les Espagnols cliassés de
l'isthme se retirèrent dans la pro-
vince de Quito, la seule, de la Nou-
velle-Grenade, qui, avec celles des
Pastos et de Guayaquil, n'eût pas
arboré le drapeau de l'indépendance.
Les Paslos du reste étaient con-
traires k cette cause , tandis que
Guayaquil et Quito, possédés par les
royalistes , complaicnt beaucoup de
fauteurs de l'indépendance. Confor-
mément a la déclaration du congrès
d'Angostura, qui, sous son influence,
avait compris dans la Colombie tou-
tes les provinces de la Nouvelle-
Grenade et du Venezuela, Bolivar
était bien déterminé à expulser les
Espagnols de Quito et des Pastos. et
il avait de longue main préparé les
événements par ses intelligences. Du
reste, l'expédition était approuve'e par
le nouveau congrès qui , depuis le
i^^ janvier 1821 , avait ouvert ses
séances et publié le 3o août la consti-
tution connue sous le no'.n de Cucuta.
Cette constitution, remarquable sous
plusieurs rapports, cl principalement
en ce qu'elle abolissait l'inquisition,
reconnaissait la dette des deux états,
divisait le pouvoir législatif en deux
BOL 5i5
cliambres, sans admettre Tliérédité
du sénat, et remettait le pouvoir
exécutif k un président quadriennal
élu par le peuple; enfin elle sanc-
tionnait la loi fondamentale d'Angos-
tura sur la réunion des provinces.
La peut-être les législateurs avaient
fait preuve d'inexpérience. Des con-
trées aussi dissemblables queCartha-
gène et Bogota, Pamplona et Guaya-
quil pouvaient-elles être régies par un
même congrès? c'est une question qui
n'est pas encore jugée. Au reste, la
toute-puissance du président était res-
treinte dans des bornes plus étroites
peut-être qu'il n'eût été sage de le
faire, k coup sûr plus qu'il ne con-
venait a Bolivar. Toujours fidèle a
son usage de refuser le p»mvoir, il
avait remis son autorité militaire au
congrès; et, toujours accoutumé k
triompher de ce désintéressement,
le congrès l'avait de nouveau investi
de la présidence. En même temps
Sanlander avait reçu la vice -prési-
dence de Bogota, et Paez celle de Ca-
racas. Peu de temps après la clôture
du congrès (i4- oct. 1821), s'ouvrit
la campagne de Quito. Bolivar et Su-
cre prirent le commandement des
troupes : Sucre partit de Guayaquil
ou il s'était rendu par Esmeraldas ,
en suivant les côtes de l'ouest, et se
dirigea sur Quito : Bolivar quittant
Bogota franchit la haute chaîne des
Andes et , après des marches pénibles
sur ces versants escarpés, descendit
dans les plaines occupées par les corps
espagnols, les mit en déroute k Bam-
bona, puis a Pichincha où fut tué le
général Crux-Mourgeon , entra vain-
queur dans Quito et dans Guayaquil
(11 juillet 1822), où les trois cents
quatorze représentants déclarèrent
pa'" acclamation l'incorporation de
ces contrées kla Colombie, qui s'ac-
crut ainsi de 2,65o,ooo habitants.
33.
La rrcoiinaissance de la Colombie
par les Etals-Uuis avait marcjué le
cummenceinent de celte année j des
trailés d'unioa et ligue avec le Pé-
rou et le Chili en signalèrent la fin.
(Trailés de Lima et de Santiago , 6
juillet, 5i ocLobrc.) A Guayaquil
élail venu le général Saint-Martin,
nroiecteur du Pérou, i^ui, lui aussi,
avait fondé un empire, mais dont les
affaires étaient dans un état moins
brillant que celles du clief de la
Colombie. Bolivar le reçut comme
un souverain reçoit son allié, lui
promit des secours en cas de besoin,
et fil entendre les grands mots de
fédération américaine, d'alliance des
peuples, qui au fond indiquaient le
but de familiariser avec l'idée de la
Colombie, soit comme puissance pro-
tectrice, soit comme puissance domi-
nanle ou appelée a dominer toutes
les républiques du Nouveau-Monde.
En effet, Tannée suivante, les secours
de la Colombie furent indipeiisables
au Pérou 5 et Bolivar ne les refusa
point. Le résultaldevait èlrerassujet-
tissemeul de cette contrée a l'état que
Bolivar avaii fondé. Mais c'est al'ar-
liclc de Sucre qu'appartiennent les
détails de celle campagne, couron-
née par les batailles de Junln et
d'Ayacucho. Callao seul resta aux
mains des Espagnols, qui ne le rendi-
rent qu'en 1826. Bolivar, pour se
faire conférer un po.ivoir immense
chez, les Péruviens , n'avait pas
attendu les derniers triomphesde Su-
cre. Tout était dans une désorgani-
sation complète lorsqu'il apparut dans
les provinces subéquatoriales ; il le
disait, et il disait vrai; il fallailun
réorganisateur : ce fut lui. Dès le 3
septembre 1823, il avait fait une en-
trée triomphale à Lima ; et, le 10
février 1824, le congrès duPérou,
travaillé par ses agents, lui avait dé-
BOL
cerné la dictature qu'il exerçait en
fait depuis cinq mois. Des dissensions,
des révoltes suivirent cette nomina-
tion, mais des améliorations partiel-
les dans le gouvernement , et les
succès éclatants qui eurent pour
suite l'expulsion des Espagnols
fermèrent la bouche aux mécon-
tents. Au fond , il est visible qu'un
double but occupait Bolivar, a De
deux choses l'une, se disait-il : ou je
maintiendrai sans obstacle la Colom-
bie dans mon obédience, ou elle vou-
dra m'échapper. Dans le premier cas,
non seulement le Pérou doit être l'al-
lié de la Colombie, mais lot ou tard
il doit être absorbe par elle ; ma
puissance en grandira d'autant. Dans
l'autre cas , si cette puissance chan-
celle dans la Colombie, où laconslilu-
tinn de Cueuta limite trop mes pou-
voirSj il me faut, pour être a même de
la modifier, un point d'appui hors de la
Colombie, et ce polut d'appui , qui,
peut me l'offrir mieux que le Pé-
rou?» Réuni de nouveau le i 0 fé-
vrier 1825, le congrès péruvien n'ac-
cepta point la démission de Bolivar
et, à défaut de la dictature, lui déféra
la présidence pour un an. Semblable
tactique avait eu lieu de sa part rela-
tivement a la Colombie, et, le 22
déc. 1824, il écrivait au président
du sénat pour résilier le pouvoir :
a Je désire convaincre l'Europe et
« l'Amérique, lui disait-il, de l'hor-
« reur que mlnspire le pouvoir su-
u prème , sous quelque nom qu'il se
a déguise. Ma conscience est révol-
te tée des calotnnies atroces qu'ac-
« cumulent contre moi les libérales
a de l'Amérique et les serviles de
« l'Europe... » Et, comme les
gens sensés s'y attendaient, il fut
supplié de garder ce pouvoir qu'il
abhorrait; et il le garda. C'était sa
troisième présidence en Colombie.
BOL
Pendant ce temps, rAngkierre avait
reconnu le noui'el état, et des traités
avaient été conclus avec Buénos-Ay-
res et Mexico. La même année
(1824) fut signalée par une nouvelle
conquête de Sucre. Sept provinces
autrcfoi"! dépendantes du gouverne-
ment de Buénos-Ayres, et depuis réu-
nies h la vice-royauté du Pérou
sous le nom de Haut-Pérou , furent
proclaiT:éps indépendantes par ce gé-
néral , qui leur donna, en l'honneur du
libérateur, le nom de Bolivie. L'au-
torité de Bolivar dans cette dernière
des républiques du Nouveau-Monde
■fut plus absolue peut-être qu'au sein
du Pérou et de l,'i Coloiribie. Il lui
donna un code qui fut connu sous le
litre de code bolivien et qui , aux
yeux des amis du dictateur, était le
code modèle. On peut croire que le
président se proposait de l'intro-
duire dans la Colombie; mais aupa-
ravant 11 fallait le faire admettre
dans les provinces péruviennes. Mal-
heureusement plusieurs obstacles s'op-
posaieut à ce plan. D'abord le code
bolivien était très-peu populaire
dans ces provinces. Ensuile il existait
dans la nation un esprit anti-colom-
bien de plus en plus prononcé. De
toutes paris on criait que le prési-
dent sacrifiait le Pérou ii la Colom-
bie, comme en Colombie on l'accu-
sait de tout sacrifier à ses maîtres-
ses , a ses amis, à ses créatures. De
plus, le vice-président Santander et
Paez, commandantdu Venezuela, ain-
si que son ancien rival Marino, se
montraient fort opposés à ses vues.
Enfin les fautes que déjà nous
avons indiquées dans sa conduite se
reproduisaient souvent, de sorte que
non seulement le sysièrae politique,
mais encore le mécanisme administra-
tif et les relations de l'homme privé
donnaieul lieu a des invectives, à des
BOL 5 17
Laines. De toutes ces causes et du
malaise général ne pouvait manquer
de résulter incessamment une coUi •
sion. En 1826, il découvrit ou pré-
tendit découvrir un complot dont le
but était do l'assassiner et d'expulser
les troupes étrangères. Des mesu-
res sévères furent prises, et pour l'in-
stant Bolivar intimida ses adversai-
res étonnés;' mais ceux-ci reprirent
bientôt courage. Alors il résolut de
frapper un grand coup, et commença
par un moven non moins usé (jue le
coup de poignard : ses émissaires ré-
pandirent avec affectation le bruit
de son prochain départ, s'exlialèrent
en lamentations sur l'avenir du Pérou
qu'allait ressaisir l'anarchie, et, après
ce prologue, usèrent de toute leur in-
fluence sur le peuple, pour qu'il joignît
ses prières aux instances q\i'ils multi-
pliaient auprès de Bolivar, afin de le
iaire changer de détermination. Ecou-
tons ici un journal partisan déclaré du
président. «Le 1 3 août, jour fixé pour
le départ de Bolivar, des dépulations
de toutes les sections de Lima se ren-
dirent en procession sur la grande
place qui est vis-a-vis du palais. Le
libérateur parut au balcon, et on lui
adressa des discours pour le supplier
de rester. Il ne pourrait partir,
lui disait-on , sans réduire au déses-
fioir une population dont il avait été
e prolecteur. » Bolivar parut iné-
branlable. Il promit seulement de
faire connaître sous huit jours ses
dernières intentions. Pendant cet
intervalle, des pétitions envoyées par
les provinces , par l'armée, par le
clergé , par les tribunaux, lui furent
adressées : mais il répondait Ion jours
que son pays l'appelait; que les dis-
cussions qui s'étaient élevées en Co-
lombie réclamaient sa présence ; que
le Pérou ne souffrirait pas de son
absence, qiie si les jours de danger
oa
BOL
renaissaient pour lui, ri accourrait a
son secours. Enfin les femmes les
plus distinguées de la capitale se
rendirent au pjlais , espérant encore
par leurs prières clianger sa détermi-
nation. Il répondit a ces belles sup-
plianlcs qu'il fallait que le devoir
qui le forçait a partir fût bien impé-
rieux, puisqu'il lui donnait le courage
deleur résister. IN'avaiit point encore
perdu tout espoir^ elles l'entourèrent;
et, après une discussion vive et ani-
mée, on entendit du milieu de la
foule une voix qui parut angélique
prononcer ces mots : a Le libérateur
consent à rester! 33 Des acclamations,
des cris d'allégresse répondirent à
ces paroles : les cloches sonnèrent
toute la nuit , et le lendemain un bal
fut donné en l'honneur des dames qui
avaient obtenu ce triomphe. Le jour
suivant, le collège électoral de la
province et de la ville de Lima dé-
cida que le code bolivien serait adopté
dans tout le Haut-Pérou, et le libé-
rateur nommé président a vie. Tous
les collèges provinciaux, à l'exceiition
de celui de Tarapaca, adoptèrent
également ce code. Ainsi Bolivar
reuiportait encore une vicloire^ et
voyait s'avancer l'accomplissement
du plus cher de ses vœux. Mais cette
espérance ne devait que luire de loin
à ses yeux et bientôt disparaître :
un orage se formait contre sa puis-
sance , ou du moins contre son sys-
tème, au sein même de la Colombie.
Les trois années de 1822 à 1826
furent l'apogée de sa gloire. C'est
alors qu'au milieu de l'éclat un
peu factice qui l'environnait, au
milieu des louanges de ses amis qui
l'adulaient comme l'on adule les
rois , et de l'Europe libérale qui
commençait par le déifier, sauf k
l'étudier età le comprendre plus lard,
il attira l'atteûlion sur le projet de
BOL
son congrès de Panama, de celte bril-
lante utopie, véritable sainte-alliance
des peuples, Amphiclyonie des deux
Amériques , diète colossale, qui de-
vait poser un nouveau code interna-
tional a l'usage et au profit des de'-
mocralies. Ce congrès se réunit effec-
tivement a Tacubaya, en 1827, et se
composa de plénipotentiaires de la
Colombie, du Brésil, de la Plata ,
de Bolivie, du Mexique, de Guate-
mala. Un ambassadeur des Etats-
Unis y avait été député, mais il mou-
rut a Carthagène. Un commissaire
anglais y assista aussi , mais sans
prendre une part directe aux délibé-
rations. Le but secret de Bolivar
avait été de préparer, par ce congrès^
l'érection de l'Amérique méridiona-
le tout entière en une immense répu-
blique dont, sous un nom quelconque,
il eut été le chef unique et le directeur
suprême. Mais déjà les événements
avaient rejeté bienloin la réalisatioude
ces gigantesques idées. Mise à exécu-
tion,la constitution de Cucuta s'était
trouvée ne convenir à personne. Les
fédéralistes j Paez a leur tète, se
plaignaient des entraves que l'unité
leur imposait j les agents du pouvoir
exécutif détestaient les limites dans
lesquelles ils étaient retenus. Ceux-ci
ne pouvaient^ il est vrai , proclamer
leurs orriefs. mais ils n'en souliai-
talent pas moins le renversement de
cette loi fondamentale si solennelle-
ment jurée. Le fédéralisme dès lors
avait beau jeu. Le vice - prési-
dent de Bogota, Santander, tout en
simulant une courageuse opposition a
ces menées, les appuyait. Son but à
luiétait tout autre. Tromper, détruire
les fédéralistes, mais se substituer à
Bolivar dans la place de chef suprê-
me, était le rêve de son ambition.
Tels étaient les ennemis que Bolivar
avait à perdre. Il ne pouvait y réus-
BOL
sir qu'eu les allaquaut séparcineut el
les uus par les autres. Il s'y prit lual.
En mars 1826, il avait aineué le
congrès a purter nue accusation con-
tre radrainistraliou de Paez , cpii se
révolta en avril suivant, soutenu par
Marino. Quito, Guayaquil , Mara-
caïbo, Puerlo-Cabello , se pronuucè-
rent en sens plus ou moins hostiles.
Bolivar alors quitta le Pérou, pour
remédier aux désastres qu'il était fa-
cile de prévoir. Dans la conjoncture
délicate où il se trouvait, quel était
le parti à prendre? S il était homme
de conscience, il devait iou tenir la
constitution qu'il avait jurée , qui l'a-
vait investi du pouvoir , qui faisait de
lui le gardien des lois , l'ennemi des
rebelles et non un médiateur, un
conciliateur entre les rebelles et les
lois : s'il était ambitieux et machia-
véliste , quoique peu content de la
coustitulion de Cucuta, il devait en-
core en prendre la défense , dans
un temps de révolte • il devait surtout
ne pas céder a d'irréconciliables ri-
vaux. Une anmislie, mais rien de
plus, et plus tard une révision de la
loi attaquée, révision paisible, libre,
telles eussent dii être les bases de sa
conduite. En annonçant , au contraire,
que le libérateur venait presser éga-
lement dans ses bras les amis de la
justice et ses ennemis, les innocents
et les coupables ; en faisan t ainsi pres-
senlir que les termes constituliou-
nelles foulées aux pieds étaient une
contravention excusable, et qu'en
fait les révoltés seraient ses amis , il
décela on de la faiblesse; ou de l'as-
tuce 5 il se perdit : car , d'une
part, il ruina peut-être à toujours ce
système unitaire qu'il avait si péni-
blement élaboré , el qui désormais
ne pouvait plus vivre que d'une vie
factice j de l'autre, il ruina l'idée
qu'on avait conçue de sa force au
BOL
5i9
temps où il faisait fusiller Piar , et
donna la mesure de sa faiblesse et
de son impuissance. C'était dire a
tous les mécontents : « Piévollez-
vous!» La suite des faits ne fut que
trop d'accord avec ces sinistres pré-
visions. Toutefois il eut d'abord une
apparence de succès, et développa
de l'habileté , même de l'énergie.
Stimulées par son délégué, Léocadlo
Guzman, qu'il leur avait envoyé
avant de quitter Lima , les munici-
palités de Guayaquil , de Cuenca ,
de Quito lui offrirent le titre de
dictateur. Il le refusa, mais se déclara
président avec pouvoirs exiraordinai-
res , et en conséquence exerça dans
toute sa plénitude la puissance dicta-
toriale. A Bogota, lise déclara ou-
vertement contre Santander, dont il
n'était pas dupe , et qui, marchant
sur une ligue autre que celle de Paez,
n'en était pas moins un rival. A Va-
lence, après avoir comprimé l'insur-
rection , il eut le tort de ne pas bri-
ser d'un coup ses ennemis. Jeter un
voile sur le passé par l'amnistie de
Puerto-Cabello était déjà beaucoup^
il fit plus, il favorisa ceux qu'il n'eût
dû qu'amnistier; il distribuâtes em-
plois et les houneurs aux auteurs ,
aux fauteurs de la rébellion 5 il ré-
primanda les amis de la constitution,
pour l'avoir chaudement soutenue ,
pour avoir arrêté les progrès de
l'insurrection. Tel est le sort de la
faiblesse ! On délaisse ou l'on sacrifie
des amisj on flatte, on arme des ad-
versaires. A Maracaïbo , a Carllia-
gène , a Cumaua, il reconnut de
même le droit qu'avait le peuple de
chaque localité de se donner un gou
vernement, des lois, des chefs. Grâce
à ces concessions multipliées , grâce
enfin a une loi par laquelle on con-
voquait pour 1827 une convention
nationale à Ocaaa , pour réviser la
Sao
B3L
conslltiilion de Cucula , une appa-
rence de calme se réiabllt dans la
Culomliie. Nous disons une apparen-
ce . car la moindre élincelle pouvait
rallumer l'incendie. « Chacun des
a actes du président , dit un pu-
« bliciste , fut une blessure raor-
a telle faite à l'ordre constitu-
« tionnel , une mine préparée pour
« faire sauter tout autre système qui
« viendrait a s'établir. Quand on ac-
« cordait , non-seulement aux villes
« et aux cités , mais encore aux corps
« militaires , le droit de discuter l'u-
« tilité et l'opportunité d'une cousti-
« talion, d'exiger avec menaces et
« par des voies de fait sou abolition
« ou sa reforme , comment a-t-on pu
a espérer que ces doctrines et cette
« expérience ne seraient pas toujours
« présentes a l'imagination d'hommes
« dont l'obéissance n'est ni inspirée
« par un sentiment de conviction ,
«t ni éclairée par la connaissance des
« lois ? » Il est vrai que la revision
de la constitution par une convention
nationale était un article de cette
constitution même; mais la loi en vertu
de laque Ile elle s'exécutait en iSsyan-
iicipait sur l'époque constitutionnelle.
La Convention fut réunie •. des intri-
gues, les unes en faveur de Bolivar,
les autres ourdies par Saulander ,
avaient présidé à réleclion de ses
membres. Alors les sourdes pratitjnes
et le machiavélisme reprirent un nou-
vel essor. De io8 représentants,
6i seulement se rendirent a Ocana ;
les autres craignaient Bolivar j ils res-
tèrent chez eux. Bientôt des discor-
des éclatèrent. D'une part , des rap-
ports de finances faits par des amis du
r résident accusaient de dilapidation
administration précédente, celle de
Saiitanderj de l'autre , un décret de
l'assemblée portait qu'aucun de ses
membres ne pourrait , pendant les
BOL
quatre ans qui suivraient la clôture de
la Convention , remplir aucune fonc-
tion dans le gouvernement , décret
rendu dans un esorit d'indépendance
contraire k Bolivar. Néanmoins la
question fondamentaïe , la réforme
delà constitution colombienne arriva.
La nécessité des modifications fut
admise a l'unanimité. Mais il fut
posé eu principe que la forme du
gouvernement n'en subirait aucune.
Puis le projet d'une constitution pro-
posée par Caslillo , sans reproduire
mot k mot celles de Bolivie et du
Pérou , augmentait l'influence légis-
lative et complétait la puissance exe-
cutive du président. Tandis qu'à
l'appui du projet les bolivaristes fai-
saient valoir la nécessité d'un pouvoir
fort, pour contenir et lier une popu-
lation ignorante, disséminée, étran-
gère k toute idée politique, menacée
k la foispar l'Espagne et par le Pérou,
les fédéraliste» , unis aux amis de
Santauder, ne voyaient dans ce pro-
jet de constltulion que le fondement
d'un trône pour Bolivar. Leurs
craintes furent partagées , et ils
gagnèrent assez de terrain pour que
les bolivaristes s'aperçussent que leur
nombre diminuait de jour en jour. Le
président craignit alors que le projet
amendé ne sortit de la Convention
tout différent de ce qu'il avait été
d'abord; et, sur son mol d'ordre, ses
vingt amis se retirèrent de l'assem-
blée , ce qui rendit les délibérations
impossibles , la majorité nécessaire
pour délibérer n'existant plus. Boli ■
var alors, k quelques lieues d'Oca-
ïïa, feignit d'en être surpris et fâ-
ché. Une proclamation dans laquelle
il inculpait implicitement la conven-
tion, ap[)ela les provinces kdes me-
sures extraordinaires, et promit de sa
part un dévouement k toute épreuve.
A Caracai , à (larlbai^ène , a Rogo-
BOL
BOL
fa, où H se rendit, s'ouvrirent, sous
Ifs auspices des autorités et la pro-
tccliou des baïonneUfS, des assem-
blées municipales et populaires , où
on le supplia de prendre l'autorité su-
prême et de sauver la patrie. La loi
ancienne était morte j la loi nouvelle
u'existait pas encore et ne pouvait
exister: dans cette crise dangereuse,
la dictature seule pouvait guider le
vaisseau de la répubiicpie au milieu
des écueils. Telle était, en i 828 , la
])osition de la Colombie. Bolivar vou-
lait le sceptre, Bolivar n'eut pas
le taleut de le saisir. Du reste, parmi
les actes qui marquèrent sa nou\elle
administration doivent être signalés
ses efforts pour remédier au désor-
dre des finances et rétablir le crédit
public , les mesures pour une levée
de quarante mille hommes, soit contre
les teulalivc's des Espagncils , soit
contre le Pérou , le Pérou , qui
libre de sa présence avait aussi essayé
de la révolte! Le congrès déclara, dès
1827, que Bolivar, président à vie,
était un contre-sens avec la liberté :
que le code bolivien avait été im-
posé au Pérou et répugnait à ses ha-
Liludes. Bolivar et son code cessè-
rent de régir le pays ; et le /i juin
1827, le général Lamar fut nommé
président de la république. Bientôt
même les Péruviens, sous sa conduite,
vinrent compliquer les discordes ci-
viles par la guerre étrangère, et blo-
quèrent les côtes occidentales de la
Colombie jusqu'à Panama. Des Co-
lombiens même les y appelaient.
Dans la Bolivie, deux insurreclions
(25 décembre et 18 avril 1828)
éclatèrent, l'une h La Paz, l'autre
a Chuquisaco, contre le maréchal
d'Ayacucho (Sucre), que Bolivar
avait imposé k la république nouvelle.
Des fusillades les cumprimèreul pour
le momtut, mais l'irnlation générale
augmenta si fortement cjue Sucre crut
prudent de donner sa démission et
laissa ses pouvoirs a Penz d'Ur-
diminea. Les Péruviens envahirent
alors la Bolivie pour la délivrer du
libérateur: et les généraux conclureut
une convention dont la clause fon-
damentale fut que tous les Colom-
biens de 1 armée bolivienne quitte-
raient le territoire de la république.
Ainsi l'édifice gigantesque (ju'avait
voulu élever Bolivar croulait de tou-
tes paris. Le Pérou , la Bolivie lui
échappaient : la Colombie se débal-
lait sous sa main . Toutefois il la
maintenait encore. Presque tous les
postes imporlanis avaient été con-
fiés k ses créatures 5 une conspiration
tramée par Horment Carujo et au-
tres , et dont il fai'lit réellement être
la victime , lui fournit rocraslim de
rétablir son autorité. Il déclara qu'il
mettrait en vigueur le por.yoir que
le vœu national lui avait conféré
dans toute l'extension que les circon-
stances rendraient nécessaire ; il fit
fusiller les conspirateurs et même
Ranion Guerra et Padilla , dont la
participation au complot n'élait pas
prouvée , et traduisit en jugement
Santander menacé d'ailleurs comme
concussionnaire et dilapidateur , et
déjà retenu en prison. Une com-
mission militaire , présidée par Ur-
daneta , prononça sa mort; mais
le président, sur l'avis de son conseil,
commua la peine eu un bannissement
k vie. Bolivar comprima encore une
antre insurrection dans le Popavan ;
mais la il fallut faire des concessions,
et Obaude , qui en était le chef,
conserva son commandement. Ce-
pendant la guerre avec le Pérou de-
venait plus active. La flotte de Guj
pressait très-vivement Guayaquil, qui
même fit une capitulation condition-
nelle. Compromis au posie de Tarqui,
^3(2
BOL
Lamar slgua la convenlion de Jirou
(28 février 1829)5 mais peu après,
ofiensé de l'orgueil avec lequel les
Colombiens vantaient leur douteuse
victoire, et prétextant le refus de
ratification par le congres, il reparut
sur le territoire de la Colombie, fit
transporter trois mille hommes à
Guayaquil , et se renforça dans Yau-
quilla. Privés de marine, et retenus
par les inondations, les Colombiens
ne pouvaient arrêter les dévastations
de Lamar ; mais un changement dans
le gouvernement du Pérou renversa
ce redoutable ennemi, qui fut rem-
placé par Gutierrez de la Fueute,
dans la présidence , et par Gamarra
dans le commandement de l'armée.
Bolivar, par un armistice, rentra en
possession de Guayaquil; et le traité
du 2.2 nov. 1829 rendit à la Co-
lombie ses limites primitives . stipula
1 égalité des deux pays , et sépara les
dettes. Deux mois avant la sl2;nature
de ce traité qui détruisait des rêves
si brillants, un autre fédéraliste,
Cordova , dans Rio-Kegro, avait levé
l'étendard de la révolte : un fort parti
le seconda , puis l'abandonna 5 il
mourut en combattant le 17 oct. , à
Sautuario ; mais ce triomphe de Bo-
livar devait être le dernier. Sentant
que son étoile pâlissait , le libérateur
voulait eu finir, c'est-k-dire qu'il
voyait la nécessité de devenir maître
ou de s'exiler, il tenta un dernier
effort. Une circulaire invita les ci-
toyens à exprimer avec franchise les
modifications qu'où désirait faire à la
constitution. Cinq cents notables as-
semblés a Caracas répondirent a cet
appel 5 et un nombre a peu près égal
de généraux et de fonctionnaires pu-
blics signèrent une résolution portant
séparation du gouvernement de Bogo-
ta et de Venezuela, qui néanmoins
devaient conserver la dénomination
BOL
commune de Colombie. Une députa-
lion présenta ce décret h Paez, et
sollicita son adhésion et celle du Vé-
nézuélaj mais, secondépar Arismendi,
il demanda une séparation totale.
Fort embarrassé pour répoudre a une
pareille demande , ou plutôt pour
faire admettre la négative par le con-
grès et surtout par l'opinion , Bolivar
en revint à se montrer en butte aux
poignards des amis de la liberté. Un
miracle seul l'avait soustrait aux coups
des assassins dans la nuit du 2 5 sept.
1829- il fit certifier ce fait par une
médaille dont on distribua les épreu-
ves en bronze, en argent et eu or,
avec beaucoup de bruit. Le sénat
répondit k Paez par un refus formel ;
et tandis que cette réponse ajoutait
au mécontentement de Venezuela,
l'insurrection se préparait sur d'au-
tres points. A Casanare , le colonel
Pereira se déclai'a en révolte : un
autre oflScier menaça d'en faire au-
tant a Cauca. Bolivar se mit en
roule par le sud et se convainquit
par ses yeux des symptômes toujours
cruissans du mécontentement public
et du découragement de ses amis.
Ses chances les plus favorables , il
le voyait , c'était le défaut d'organi-
sation de ses adversaires 5 c'était la
bienveillance des ministres d'Angle-
terre, des Etats-Unis et du Brésil,
accoutumés k traiter avec lui. Plus
que jamais il s'occupa de leur être
agréable. En même temps , pour
sonder la pensée publique jadis ef-
frayée de l'idée de son absence, il
recommença pour la cinquième fois
ses simulacres de démission, et joua
plus verbeusement que jamais, dans sa
proclamation et son message au con-
grès du 20 janvier i83o, l'abnéga-
tion de soi-même et le désintéresse-
ment. Nommé alors k la présidence ,
il quitta néanmoins la ville de Çogola,
BOL BOL 523
laissant le pouvoir exécutif par intérim renouvelant l'offre de son abdication,
au général Calcédo , et encore une il fit à cette assemblée c|ueltjues
fois il lit répondre aux manifestes de modestes demandes. Cette fois le
Paez que le congrès était décidé aux congrès promit de prendre en con-
mesures les plus vigoureuses |)0ur sidération tous les vœux du libérateur,
empêcher le démembrement de la et nomma (4- mai) président de la
Colombie , et que la guerre en dé- Colombie don Joachim Mosquera ,
ciderait. Effectivement, vers la fin de et vice -président Calcédo; il vota
mars , il se mit à la tèle de huit mille une con.Mitution nouvelle, et, pour le
hommes , prit Cucula révoltée , se général Bolivar , des remercîments
dirigea vers la province de Mara- et une pension annuelle de cent cin-
caïbo, où Paez Pattendait avec douze quanle mille francs, payable soit en
mille hommes, dans une forte posi- Colombie, soit hors de la Colombie,
tion , et se renforçant tous les jours. Quoique en apparence on lui laissât
Lorsqu'il fut informé de ces disposi- ainsi le choix de rester dans celte
lions, Bolivar, déconcerté, ne sut plus contrée ou d'eu sortir, on pense que
quel parti prendre. Il voulut aller- les auteurs de celte résululion lui
nalivement se soumettre à Paez, dis- avaient imposé d'avance la condlliou
soudre le congrès j et il écrivit à du départ. II se relira d'abord dans
Calcédo , puis se prépara à partir sa maison de campagne aux environs
pour l'Europe. Et pendant ce temps de Bogota, où il recul la visite et les
les ministres anglais , anglo-araéri- félicitations des autorités et des ci-
cain et brésilien , notifièrent officiel- loyens les plus honorables. Lorsqu'il
lemeut au général Calcédo (et non prit congé de ses anciens compagnons
au congrès) que la séparation des d'armes, l'émotion du général Urda-
deux parties intégrantes de la Co- neta et des officiers qii Taccompa-
lombie et la couvocation d'assem- gnaient fut telle , que des larmes con-
blées provinciales mettraient à, leurs lèrent des yeux de tous les assistants,
yenxun termea l'existence delà repu- Le i o, il quitta Bogota, dans la com-
blique', et les forceraient a demander pagnie de son aide-de-camp le colonel
leurspasse-ports. A cette déclaration, Wiison, et de quelques ofliciers. Sur
du 2 5 avril , il fut répondu que, par sa route, il reçut des adresses de di-
la convocation des assemblées pro- verses villes et corporations. Quelles
vinciales, le congrès voulait, autant qu'eussent été les impuissances du li-
qu'd le pourrait , prévenir le démem- béraleur, en cet instant il était im-
brement redouté. Un instant le bruit possible de ne pas donner un regret
courut que le congrès se rattachant à son départ, de ne pas sentir que
plus que jamais k l'unité nationale , par son absence tout irait plus mal
conférait au libérateur la présidence dans le Nouveau-Monde. Ces senli-
a vie , et que désormais le seul point ments surtout eussent été plus vifs
incertain , c'était de savoir s'ill'accep- si sa renonciation eût été crue
terait.Maisce dénouemenln'était plus sincère: mais pouvait-elle l'être?
possible • l influence et la puissance II s'avança le plus lentement qu'il
des amis de Bolivar allaient sans cesse put, et resta dans Carlhagèue sous
a'affaiblissant. Après plusieurs négo- prétexte d'attendre de l;Ogofa ses
dations évaslves , il adressa, le 27 passe-ports. Le jour mèuie de son
avril ^ au congrès un message où en départ, les troupes se révoltèrent ,
52(4 BOL
deiuandanl sept raille dollars qui
leur élaient dus, et se retirèrent dans
le Ye'nézuéla. Plusieurs tentatives eu-
reiil lieu en faveur du général ahsenl.
riorez te déclara chef suprême du
sud, et noliBa au gouverne:iu'iil île
Bogota qu'il ne se soumellrait que
lorsqu'il aurait cédé la place a Ho-
livar. Le gécéral Infaute , appuvé
des colonels Pauégo , Armas , Ta-
mora , Ausiria, se révolta dans le
district d'Orilico. Le général Ma-
chado agit daus le même sens eu
Vénézuél;), Enfin, les troupes du
gouvernement furent complètement
battues par les insurgés de Calloa ,
et les vainqueurs occupèrent Bogota
le 28 août. Une dépiitation se rendit
a Carlliagène oii Bolivar était encore.
Après avoir attendu ses passe-ports,
il avait attendu un vaisseau , balan-
çant sur le pays où il fixerait son
séjour ( les Etats-Unis , la Jainaï([ue ,
la Provence) 5 il avait appris que,
lorsqu'il se rendrait au navire qui
devait le ravir a l'Amérique , nue
dépulation de Carlhagène viendrait
le supplier de rester, et il attendait
pour éviter l'éclat de cette scène...
C'est ainsi qu'il atteignit le mois de
septembre. Aux prières qu'on lui
adressait de la part des villes du sud
pour qu'il reprît le pouvoir, il répon-
dait par ses formules accoutumées,
ne voulant pas que ses ennemis l'ac-
cusassent de trop d'empressement, et
attendant que le triomphe de ses ad-
hérents prît delà consistance. Au mi-
lieu de ces tergiversations , il tomba
malade , et bientôt on désespéra de
ses jours. Est- ce le poison qui en
abrégeait le cours si à propos pour
les fédéralistes? Certes, on acru à des
empoisonnements sur moins de vrai-
semblance : mais les preuves n'existent
point encore pour l'histoire. Quoiqu'il
en soit, il reçut la nouvelle de sa
BOL
fin prochaine avec calme et résigna-
lion ; légua ses croix de diamants et
autres magnifiques décorations qui lu
avaient été données par divers états
et villes du Pérou et de Bolivie, aux
donateurs-, écrivit le 11 décembre
une adresse aux Colombiens , adresse
où il leur recommande l'inestimable
bien de l'union, et que l'on peut re-
garder comme son testament pollti-
([ue. Il mourut le 17 du mèmp mois,
âgé de quarante-sept ans, quatre mois,
vingt-trois jours. Peut èlre celle mort
prématurée vint-elle a propos pour
la gloire de Bolivar, Simple parti-
culier après dix-huit ans de gran-
deur , et a l'instant de régner ,
qu'eùt-il été aux yeux de tous ? Son ac-
tivité avait augmenté dans les der-
nières années de sa vie. Il avait ap-
pris la guerre. Au reste, on a dû
voir qu'il excellait daus l'art de sur-
prendre l'ennemi par des marches
torcées , inattendues. Persoimelle-
ment , a-t-on dit , il était peu brave 5
mais on peut répoudre a celte impu-
tation que dans les armées il était
général en chef et non soldat j
souvent d'ailleurs , entouré d'un pe-
tit nombre d'hommes , il fut obligé
de payer de sa personne et de com-
battre corps k corps. II aimait les
femmes avec excès. Très-sobre pour
lui , il se plaisait a voir sa table somp-
tueusement servie, et a porter des
toasts ({u'il faisait précéder de quel-
ques paroles a effet. Sa générosité
n'avait pas de bornes , mais elle choi-
sissait rarement les plus dignes. Il ne
touchait que des k-coraptes surses trai-
tements, et cesa-comptesétaient moins
k lai qu'a tout ce qui l'entourait. Il
en résulta qu'il était souvent gêné,
obéré , incapable de payer. Malheu-
reusement il porta ce vice dans son ad-
ministration, où du reste, il faut l'a-
vouer, tout éîait a créer lorsqu'il
BOL
commença comme lorsqu'il finit sa
carrière politique. Il sacrifia réelle-
ment les neuf dixièmes de sa fortune
palrimoiiiale pour la cause de la ré-
publique j et, strict exécuteur delà
promesse qu'il avait faite à Pétion,
en affranchissant les nègres des au-
tres, il atlrauchit aussi mille a douze
cents esclaves qu'il avait dans ses
terres de San-Malco. Sa franchise
apparente , la brusquerie de ses mou-
vements, pouvaient être un voile de
sa polilique. Il ne manquait pas d'une
certaine ténacité dans ses plans , mais
la continuité d'attention lui était dif-
ficile. De la ses fautes civiles et mi-
litaires, ses anomalies et peut-êlre
aussi la faiblesse qu'il eut de trop
s'en rapporter à ses favoris. Quant à
l'ambition du pouvoir, on peut dire
qu'il en fut préoccupé, mais molle-
ment, passagèrement, et qu'il sentit
parfois de sincères velléités de tout
abandonner. Nous avons juj^é plus
haut le mérite de ses mesures, soit
pour prendre soit pour conserver
l'autorité ; nous n'avons rien k y
ajouter, si ce n'est que le malheur de
la Colombie lut d'avoir eu en lui un
homme évidemment supérieur à son
entourage , mais trop peu supérieur
pour réduire ses favoris et ses rivaux
a lui faire cortège. De la , les luttes
ambitieuses, le fédéralisme et la dis-
location de la république qu'il rêva
et qu'il ébaucha. Bolivar n'a pas ,
comme ^VashingIon, laissé un étal
pour trophée au jour de ses funé-
railles. L histoire ne gardera pas
moins un grand souvenir du fon-
dateur de la Colombie , qui , née à
sa parole , a semblé trouver dans le
cercueil du libérateur des germes de
mort. On a publié sur Bolivar ,
dans toutes les langues, un grand
nombre d'écrits. Le plus important
/qui existe en français est Vllistoii^
BOL
5:^5
de Bolivar, par le général Ducou-
draj-Holstein , continuée jusqu'à sa
mort, p&f VioUet, Paris, i85i,
2 vol. iu-8°. Cet ouvrage d'uu
officier qui servit long-temps sous le
dictateur, etquieul ensuite a se plain-
dre de lui, semble trop souvent dicté
par d'injustes ressentiments. P — ox.
BOLLEMO?JÏ, général d'ar-
tillerie, né en 1749 au village d'Ar-
raucy (Meuse), doit être compté parmi
les otficiers les plus honorables de
l'armée française. Il servait depuis
dix - sept ans dans l'arme de l'ar-
tillerie , lorsqu'il fit sa première
campagne, en 1792 , h l'armée des
Alpes, où il commanda l'artillerie
de lavant-garde. L'année suivante ,
il passa a l'armée du nord , et fut
nommé directeur du parc d'artillerie.
Il contribua beaucoup k l'éloigner du
pgrti de Dumouriez, qui voulait Ten-
Iraîner dans sa défection. Nommé
général de brigade , il concourut à
la défense de Maubeuge en oct. 1793,
et passa un peu plus tard a l'armée
de Sambre-et-Meuse , ou il dirigea
un corps d'artillerie k Fleurus ,
devant Charleroi et devant Maes-
trichl. ccMaeslricht a capitulé , écri-
te vait Jourdan , le 1 5 brumaire au
« III (5 oct. 1 794-)5 k la Convention
ce nationale. Celte place, une des
« plus fortes et des plus en état de
a défense , n'a tenu que douze jours
a de tranchée ouverte , et doit sa
« prompte reddition k la bonne in-
« telligence qui a régné entre le gé->
« néral Kléber, qui commandait It's
« troupes , le général Bollemont , qui
« tominandail l'artillerie , et le gé-
« néral Marescot , qui commandaitle
K génie, etc.... )> En 1797 (an V),
le commandemint de la citadelle de
^V urlzbourg lui fut confie j mais il se
vil obligé de rendre celle place aux
Autrichiens le A sept, de la même
5a6
BOL^
ann^e , après une défense opiniâtre.
Fait prisonnier, Bollemont fui bien-
tôt rendu par échange, et le direc-
toire exécutif le nomma inspecteur-
général d'artillerie. En 1800 , il
avait été désigné pour commander la
place de Brest : des circonstances
particulières l'empêchèrent d'accep-
ter. Eu l'an X (1802), il entra au
corps législatif, oii il représentait le
déparlement de laMeuse. L'empereur
l'avait fait officier de la Légion-
d'Honneur le 22 nov. 1804. Il mou-
rut quelques années plus tard, dans
sa famille , 011 il vivait retiré. B — n.
BOLLET (Philippe-Albert),
était député du Pas-de-Calais à la
Convention , où il vota la mort de
Louis XVI , sans appel au peuple et
sans sursis à l'exécution. En 1794,
il remplit une mission k l'armée du
IXord pour l'organisation de la cava-
lerie j et il écrivit de Douai K la
Convention nationale, le 2 floréal
au II , pour lui annoncer une victoire
remportée sur les Autrichiens et l'ar-
restation d'un émigré, qui, disait-il,
était leur espion. A Pépoque mémo-
rable du 9 lliermidor, BoUet fut ad-
joint à Barras et il montra beaucoup
d'énergie et de courage dans l'attaque
de !a maison commune, où s'était ré-
fugié B^obespierre. La Convention
l'envova ensuite eu Bretagne , pour
terminer la guerre civile par un traité
de paix avec les royalistes. Il se trouva
en opposition avec Boursault. Ces
deux représentants avaient cliacun un
parti. Bollet , d'accord avec Hoche ,
parvint enfin à conclure le traité. C'est
chez Bollet que Cormartin fut arrêté,
et Cormartin se loue beaucoup de lui
dans ses Mémoires. Devenu membre
du conseil des Cinq-Cents, après la
session conventionnelle , Bollet s'ab-
senta par congé , et il habitait sa
maison à Violaines, déparlement du
BOL
Pas-de-Calais, lorsque , dans la nuit
du 24. au 2 5 oct. 1796 , des brigands
s'y introduisirent et l'assassinèrent
dans son lit. Sa femme, qui était
couchée près de lui , liée par les
malfaiteurs, fut témoin de leurs vio-
lences contre son mari. Il recul neuf
coups de sabre, d'abord jugés mortels
et annoncés comme tels au corps lé-
gislatif. Toutes les autorités ac-
cusèrent, dans leurs rapports , l'im-
puissance des moyens de répression
contre les nombreuses bandes orga-
nisées dans ces contrées. Bollet vint
heureusement lui-même, quelques
mois plus tard, montrer au conseil des
Cinq-Cents que les médecins s'étaient
trompés , et il annonça que les chefs
de ses assassins étaient arrêtés. Tout
indique que cette affaire était le résul-
tat de quelque vengeance politique.
Aucun mauvais traitement n'avait été
fait à la femme de Bollet, et il n'y
avait eu aucune soustraction d'eiFets
ni d'argent. H entra dans le corps
législatif qui fut créé après la révolu-
tion du 1 8 brumaire ; et il y resta
jusqu'en i8o3, époque a laquelle il
se retira de nouveau dans son village
de \iolaines dont il était maire ,
lorsqu'il y mourut en 1 8 1 1 . M nj.
BOLOGNE (Pierre de), poète
lyrique, né, en 1706, k la Martini-
que , descendait de la famille des
Capizupi de Bologne , établie en
Provence, depuis le seizième siècle.
Son père , officier au service de
France, s'était distingué dans plu-
sieurs occasions. Il entra dans les
mousquetaires , et fit toutes les cam-
pagnes du Rhin et des Pays-Bas,
dans les guerres contre l'Autriche.
Compris dans les réformes qui eurent
lien kla paix d'Aix-la-Chapelle (164.8)
il choisit Angouléme pour sa rési-
dence et s'y maria. Dans les loisirs
des camps, il avait cultivé la poésie
BOL
avec assez de succès pour se faire une
réputation, si le talent modeste, sans
prùneurs et sans intrigue, était tou ■■
jours apprécié. Bologne , dit un cri-
tique , est , après Pompignan , celui
de tous les poêles du dix-huitième
siècle qui a le mieux réussi dans l'ode
sacrée. Sa poésie se distingue par
la pureté, l'élégance, Tharmouie , le
naturel et Taisance de la versification
(Sabalier, Troh siècles de la litté-
rature). L'indifférence du public
pour ses productions ne l'erapècha
pas de trouver dans le commerce
des Muses un charme qui se prolon-
gea jusque dans sa vieillesse (i). Cé-
dant au désir de quelques amis , il
consentit a laisser imprimer ses der-
nières compositions 5 mais rien ne put
le décider à quitter sa douce re-
traite pour venir a Paris solliciter
l'annonce de ses livres. Bologne
mourut vers 1789 (2). Il était mem-
bre des académies de La Rochelle,
d'Angers, de Marseille, et des Ines-
slricati de Bologne. On a de lui .
I. Poésies diverses , Angoulème
et Paris, 1746, in-8°. IL Odes sa-
crées, ibid., 1758, in-i2. Ces deux
recueils furent réunis en 1769 , sôus
le titre à'OEuvres de Bologne (3).
m. Amusements d'un septuagénai-
re, ou contes, anecdotes, bons
mots ,na'Lvetés^ mis en vers, Paris,
i786,in-8°. W— s.
lîOLOT ( Claude -Antoine ),
conventionnel, était né, vers i74-o.
(i) On voit par des vers qu'il adressait au
contrôlear-géiiéral des finances , Boulloiigne ,
qne ce ministre , en raison de la ressemblance
des noms , s'clant informé de l'aulear, lui avait
fait obtenir une pension. A — i.
(2; C'est par erreur que quelques biographes
disent qu'il mourut à l'aris en 1799- Le nom de
Bologne ne se trouve plus dans la Table des
Poètes français en 17S0.
(3^, On y trouve une traduction en vers lalins
du 1" livre de Tèléma(jue , et une pièce en vers
latins sur Bologne , en remercîment aux aca-
démiciens de cette ville. A — t.
BOI,
527
a Gv, petite ville de Franche-Comté,
d'une lamille riche et considérée dans
le pays. Avant achevé ses études, à
l'université de Besançon, il se fit re-
cevoir avocat au parlement ; mais sa
fortune lui permettant de vivre indé-
pendant, il ne fréquenta point le bar-
reau • et , après avoir passé sa jeu-
nesse dans les plaisirs et les diver-
tissements, il s'établit K Yesoiil . eu
1770. A l'époque de la révolution,
dont il embrassa les principes, il fut
élu procureur de la commune , et au
mois de sept. 1792 , député de
là Haute-Saône a la Couveulion. Dans
le procès de Louis XVI, il vola con-
tre l'appel au peuple en ces termes
« Je considèreparticulièrement, dans
K celle circonstance , la Convention
K nationale comme le peuple entier :
« pour celte raison je dis non. » Et
sur la question de la peiue : « Des
ce preuves multipliées m'ont donné la
« conviction des crimes de Louis; la
a loi l'a confirmée. Aujourd'hui, la
(f justice, le salut delà république,
ce la loi, la politique commandent
ce que Louis périsse. La pitié ne doit
K pas même être écoutée j je con-
cc damne Louis a la mort, n Cepen-
dant Bolot se déclara pour le sursis.
Après la session, il entra au conseil des
Anciens et fut ensuite nommé juge au
tribunal de Vesoul. N'ayant point été
maintenu dans ses fonctions kla réor-
ganisation des tribunaux , il se retira
dans le domaine qu'il possédait à La
Chapelle Saint-Quillain, arrondisse-
ment de Gray ; et il j mourut le 28
juin 1812 , k 70 ans. Les Biogra-
phies coiitemporaiiies , n'en rappor-
tent pas moins que Bolot, atteint parla
loi d'amnistie du 12 janvier 181 6,
se relira d'abord à Genève, et qu'il
fut obligé de quitter cette ville a
cause des persécutions qu'on y faisait
éprouver aux proscrits ! W — s .
h-2S
BOL
«OLTIN (IvATJ), fils de JNikila,
uaquil a Sainl-Pétersbourg, en lySô.
Quoiqu'il eut suivi la carrière laili-
taire, dans laquelle il parvint au
grade de major-général , il fit sou
occupation favorite des reclierches
historiques, principalement celles qui
avaient rapport à sa pairie. Ses tra-
vaux se distinguent de ceux de la
plupart des historiens russes par
une saine critique et une excellente
méihode. Le premier cuivrage qu'il
pu])lia fut une Description c/ioro-
gruphique des eaux minérales de
iSarepta ( en russe) , Saint-Péters-
bourg, 1782. Avant parcouru This-
toire de Russie, publiée eu 1787,
par le médecin français Leclerc, il
fut indigné des erreurs dont cette
compilation est remplie j et il le ré-
futa dans deux volumes iu-/i° , qui
portent le titre de Remarques cri-
tiques sur r histoire de Ixussie, par
AI. Leclerc. Cet ouvrage fut imprimé
h Saint- Pélersbou'-g , aux frais du
gouvernement. La critique qu il con-
iient est amere, mais juste ^ et l'ou-
vrage est rempli d'une foule de ren-
seignements neufs et intéressants. Ce-
pendant il faut dire que la plupart des
fautes qi'e l'auteur y signale appar-
tenaient plutôt au prince Stcher-
batow qu'a l'auteur français , qui
souvent n'avait fait qu'extraire les
ouvrages de celui-ci. Le prince se
crut obligé de se défendre sous sou
propre nom; mais Bollin fit d'abord
imprimer une Réponse .^ in-8°, puis
il publia deux autres volumes iu-4",
contenant des Réjlexions critiques
sur rbisluire russe du prince Stcher-
balow. Aucuu Russe n'avait encore
écrit sur l'histoire de sa patrie avec
autant de connaissances, de critique
et de giiùt que Bullin : cependant,
malgré toute sa supériorité, n'avant
pas reçu une éducation scientifique, il
BOL
ne put se défaire d'une foule de préju-
gés qui régnaient encore de son temps
sur l'antiquité de la nation russe, et
répéta une partie des fables dé-
bitées sur son origine. Bollin publia
aussi la traduction russe d'un drame
écrit en allemand par l'impéralrice
Calherine II ; c'est une Imitation
de Shakspeare ^ pièce en cinq
actes j contenant un épisode de la
vie de Rurik y Saint -Pétersbourcj,
1792, in-8". Il entreprit également
avec A. Pouchkine une traduction,
accompagnée d'éclaircissements, du
Droit russe, qui parut k Saint-Pé-
tersbourg , la même année. Après
sa mort, arrivée le 6 oct. 1792,
l'impératrice Catherine acheta tous
ses papiers , et les donna k son
ami et collaborateur le comte A.-I.
Moussin - Pouchkine, qui eu publia
une partie , inlitulée Description
des peuples , villes et cantons,
dans ses Recherches historiques
sur la position de l'ancienne prin-
cipauté russe de Tmoutarakan ,
Saiut - Pétersbourg, 1794-j in-4-°-
Dans ces mêmes papiers se trouvait
aussi le manuscrit du Dictionnaire
hiscorique, géographique , politi-
que et civil de la Russie par V .
Tatistchev, lequel parut k Saiut-Pé-
tersbourg en 1795, 3 vol. in-4-°.
Kl — H.
B O M B E L L E S (le marquis
Marc-Marie de), évêque d'Amiens,
naquit, le 8 octobre 174^5 dans la
place de Bilclie , dont son père avait
le commandement (i), d'une famille
(i) Henri-Frnnçoîs , comte de Bnrabelles, né en
iG>!i, était entre au service dès l'âge de quinze
:!iis et avilit fjit les dernières guerres de Louis
\\V. Il était parvenu au grade de lieulenant-
gcrieral , avait rci.u le ùtre héréditaire de
comte en 17 53, et fut crée, l'année suivante,
touiuiandeui- de Saint-Louis. Il raouiut en
1760. C'était un des officiers les plus distingues
de ce lemps-là. On a de lui deux ouvrages
estimés : I. Mémoires pour le service journalier de
BOM
dout la noblesse remonte au qua-
torzième siècle. Il reçut sa première
e'ducaliou avec le duc de Bourgogne ,
frère aîné de Louis XYI, lequel mou-
rut en 1761; elil servit dansles mous-
quetaires dès l'âge de treize ans. Il
fit ensuite les deruières campagnes de
la guerre de sept ans dans le régi-
ment de Colonel-général cavalerie ,
et eomme aidc-dc-camp du marquis
deBélhune. Après la paix de 1763,
il passa comme capitaine dans le ré-
giment des hussards de Berchinj.
Deux ans plus tard , il entra dans la
diplomatie , d'abord avec le tilre de
conseiller d'ambassade a La Haye,
ensuite a Vienne et a INaples^ puis
comme ministre de ï'rance a la diète
de l'empire. En 1784 , il obtint du
roi un brevet qui rendit liérédifairc ,
dans sa famille , la pension accordée
par Henri IV aux descendants de
Jacques de Bombelles , gouverneur
de Cbamburd. Cbargé dans la même
année de différentes missions il se
rendit eu Angleterre, en Ecosse, en
Irlande, et en Allemagne. Le 27
juin 1785, il fut nommé ambassa-
deur en Portugal , et reçut a Lis-
bonne le brevet de maréchal -de-
camp , daté du 9 mars 1788. Au
commencement de Tannée suivante,
il fut envoyé eu ambassade a Venise,
et, trois mois plus tard, Louis XVI
le nomma ambassadeur a Conslan-
tinoplej mais, cette dernière no-
mination ayant eu lieu dans des
circonstances qui pouvaient devenir
embarrassantes pour ce prince , le
rnarquij de Bombelles le supplia de
la regarder comme nou avenue, et il
continua de résider a Venise où ,
au mois de décembre 1790, ne
voulant pas prêter le serment exigé
des fonctionnaires publics ^arl'as-
l'injuidenc , 1719. 2 vol. iii-12, 11. Truilé des
etotulions miliiaires^l'jb^, iii-8*.
BOM 53 y
fecmblée nationale, il déposa le ca-
ractère d'ambassadeur. Cette démis-
sion, qui fut donnée en même temps
que celle du cardinal de Bernis à
Rome , du baron de Talleyiand à
ÎSaples , et du comte de Yergcnnes à
Trêves, reçut les applaudissements
de tout ce qu'il y avait alors en
Europe de partisans de la monar-
chie. La îeine de Naples fit a
M. de Bombelles une pension de
mille ducats 5 et le roi de France ,
loin de regarder son refus de serment
comme une désobéissance , le char-
gea de traiter secrètement pour lui,
d'abord avec l'empereur d'Autriche ,
ensuite avec les cours de Russie , de
Stokholm et de Copenhague. M. de
Bombelles se rendit successivement
dans ces différentes capitales et ses né-
gociations y eurent autant de succès
que le permettaient alorsl'incerlitude,
l'hésitation des puissances, et surtout
l'état de faiblesse et de désordre où.
se trouvait la France. Lorsque le
trône de Louis XVI tut définitive-
ment renversé par la révolution du
10 août 1792, M. de Bombelles se
rendit , avec des instructions qui lui
furent communiquées par le baron
de Breleuil, auprès du roi de Prusse j
et ce prince le traita sur le pied d'am-
bassadeur du roi de France, lui
permettant de l'accompagner dans
l'expédition qu'il allait taire pour
la délivrance de Louis XVI : ce qui
avait été refusé à plusieurs autres
agents diplomatiques. C'est ainsi que
le marquis de Bombelles se liouvait
dans les plaines de Champagne la
veille de la bataille de Valmy ,
lorsque Goethe l'y rencontra. Cet
homme célèbre a lui-même raconté
leur entrevue d'une manière si inté-
ressante que nous croyons devoir le
citer textuellement (1:). « Dans le
(a) Ce iiiKlceau est eMi-.iit du tome i" de la
Ô3o
BOM
a cercle des personnes qui entou-
a raient les feux du bivouac , et
« dont la figure était éclairée par
ce la lueur des flammes, je vis un
et homme qui avait l'air âgé et que
a je crus reconnaître. Eu m'appro-
tc cbant de lui, sa surprise fut grande
a de me voir moi-même au milie'i
« d'une armée à la veille d'une ba-
a taille. C'était le marquis de Bom-
o belles, que j'avais vu à Venise, où
« deux ans auparavant j'avais accom-
tt pagné la duchesse Amélie. Il y
« résidait comme ministre de France,
a et s'était empressé de rendre agréa-
it blea la princesse le séjour de cette
et métropole de l'Adriatique. INotre
a élonnement réciproque, le plaisir
a de nous revoir et de nous rappeler
te de doux souvenirs, répandirent une
•t SOI te de contentement sur la silua-
tc tion grave où nous nous trouvions.
et Je lui parlai de son beau palais
a sur le canal de Venise, et de ce
<t moment eucbanteur où , y arrivant
tt en gondole, il nous reçut d'une
et manière si honorable et si amicale,*
et enfin je lui rappelai les fêtes qu'il
et nous donna. Mais combii-n je fus
tt déçu , croyant le distraire et le
tt flatter par ces joyeuses réminiscen-
tt ces! se repliant dans sa douleur,
et il s'écria : ne parlons plus de celaj
tf ce temps est bien loin de moi.
a Même alors, tout en fêtant mes
et nobles hôtes, ma joie n'était
et qu'apparente : j'avais le cceur na-
ee vré ; je prévoyais les suites des
tt orages de ma patrie, et j'admirais
tt votre insouciance. Elle était telle
te que vous n'aviez pas même l'idée
a que de pareils dangers pussent se
te tourner contre voi.s-n.ièmes Quant
« à moi, je me préparais en silence
» au changement de ma situation. En
précieuse colleclion qui se publie sous le titre de
Mémoiics lires des papiers d'un homme d'clul.
BOM
te effet , il me fallut, bientôt après ,
« quitter et un poste honorable, et
tt \ enise qui m'était devenue si chè-
K re , pour commencer une carrière
«c d'aventures qui m'a conduit ici et
a. qui se terminera je ne sais où... »
Quelque noirs que fussent alors les
pressentiments de M. de Bombe'les ,
il était loin de se douter des arran-
gements qui se négociaient ou qui
peut-être étaient déjà conclus pour
la retraite de l'armée prussienne.
Lorsque cette retraite se fut opérée,
il se retira en Suisse où il fut le cor-
respondant politique de la reine de
INaples dont les bienfaits seuls le
faisaient exister. Il fit imprimer
dans cette contrée, sous le voile de
l'anonyme, une brochure fort curieuse
pour l'histoire de celte époque ,
intitulée : Avis raisonnable au
peuple allemand par un Suisse ,
1795 , iu-8°. Au commencement de
l'année 1800, il rentra dans la Car-
rièremilltaire et fit à l'armée de Con-
dé, comme ofEcier général, toutes les
campagnes qui précédèrtnt le licen-
ciement. Ce fut dans ce lemps-lk
qu'il perdit safemmeM '^ deMackau,
qu'il avait épousée en 1778, et qui
avait été long-temps la compagne et
l'amie de la vertueuse sœur de Louis
XV I, Ma lame Elisabeth. Celte perte
douloureuse lui causa un tel chagrin
que, résolu de renoncer au monde ,
il entra dans un couvent à Brunn en
Moravie. Nommé ensuite chanoine
de Breslavv , puis prélat d'Oober-
Glogau , il donna encore dans ces
fonctions des preuves d'un griind cou-
rage pour la défense de ses parois-
siens , lorsque les Français vinrent
faire le siège de Neiss. en 1807,
sous les ordres de Jérôme Bonaparte.
Il rentra en France en 1 8 1 4, en sor-
tit l'année suivante lors du retour de
Napoléon , et y revint avec le roi
BON
Louis XVIII. Il fut sacré évèque
d''AiuIi'iis le 3 oclobre 1819,
puis nommé aumônier de la duchesse
de Berri, et mourut a Paris le 5 mars
I 822. L'évèque d'Amiens avait ma-
rié sa fille unique a M. de Casieja,
et il dit lui-même la messe pour la cé-
lébration du mariage. Le discours
simple et touchant qu'il prononça,
dans une cérémonie aussi nouvelle,
excila au plus haut degré l'allendris-
sement de tous les spectateurs. On a
encore de lui un petit écrit fort re-
marquable sous ce titre: La France
avant et depuis la révolulion ,
i799,in-8°. — Ilalai'sé trois fils dont
Tun est minisire d'Autriche à Berne;
l'autre à Turin. Le troisième, lieule-
nant-colonel au service de France^ a
donné sa démission après la révolu-
tion de i83o , et a été nommé en
i833 , par la cour de Vienne,
grand-maître de la maison de l'ar-
chiduchesse Marie Louise, duchesse
de Parme. — Le baron Gabricl-
JoacJiim de Bombelles , lieutenant-
général, qui mouiul en 1827a Paris,
était de la même famille. Il OA'ail servi
en Russie pendant toute la révolu-
tion, et n'élait revenu en France
qu'après le rétablissement des Bour-
bons. M — D j.
BON ( Louis -AndhÉ ) , général
français, né a Romans. enDauphiné,le
25 octobre lyôS, s'enrôla jeune en-
core dans le régiment de Bourbon-
Infanterie, avec lequel il passa dans
les colonies et fit une partie de la
guerre d'Amérique. Revenu dans sa
patrie, après un congé de huit ans,.il
s'y trouvait en 1792, à l'époque de
la levée des volontaires nationaux.
Un de ces lafaillons l'ayant choisi
pour chef, Bon le conduisit aussitôt
sur les fronlières d'Espagne, à Tar-
raée que commaiidait Dugommicr.
Il avait obtenu le grade d'adju-
BON
53i
dant général , chef de brio-ade , et
li était employé au blocus de Bel-
legarde, loisque, dans la nuit du 10
août 1794, un corps de vingt mille
Espagnols , auquel s'étaient joints
un grand nombre de paysans, vint at-
taquer les Français que commandait
à Terrade le général Lemoine. Bon
rallia par sa fermeté et sa présence
d'esprit les troupes qui déjà avaient
été débusquées, les fit marcher con-
tre l'ennemi au pas de chaige et re-
prit la position abandonnée. Ce bril-
lant exploit lui valut le litre de général
debrigadej et il passa l'année suivante,
en cette qualité, k l'armée d'Italie,
où il fut placé sous les ordres d'Au-
gereau. Il se distingua dans toutes les
batailles qui marquèrent le début de
Bonaparte dans cette campagne,
principalement devant Mantoue , au
pont d'Arcole et au passage du
Tagliomenlo. En 1797 , il com-
mandait une colonne mobile au nom
de laquelle il fit parvenir au di-
rectoire une de ces adresses véhé-
mentes dirigées contre les conspi-
rateurs de Clichy, et qui prépa-
rèrent si bien la révolulion du i8
fructidor an V. Lorsque la paix
eut élé signée à Cmipo - Formio ,
le général Bon fut chargé du comman-
dement de la huitième division mili-
taire, dont Marseille était le chef-
lieu. Il arriva dans cette contrée
au moment où la réaction contre les
terroristes y était le plus active, et fit
cesser ces desordres par sa fermeté'
et par les proclamations énergiques
qu'il adressa aux habitants. S'étant
ensuite porté k Tarascon avec les co-
lonnes mobiles d'Avignon, il di-persa
une troupe de douze cents insurgés ,
et parvint a rétablir le calme dans ce
malheureux pavs. 11 fut a'ors nommé
général de division et dut biealôl ac-
compagner en Egypte son ancien gé-
34.
i32
BON
neral eu clicf. Dans celle mémorable
expédition, il se disliugua dcvaut
Alexandrie, marcha sur Rosette,
entra le premier dans Tenceinle des
Arabes qui défendaient celte ville,
détermina la prise du Caire par l'at-
taque d'un puslo important , traversa
ensuite le désert avec quinze cents
hommes, prit possession de Suez , et
conrourut puissamment a la victoire
d'El-AriscL 5 enfin il prit part à tous
les combats qu'il fallut soiilenlr con-
tre de nombreux ennemis. Bon fut en-
core un de ceux qui renversèrent la ca-
valerie d'Abdallah sur les hauteurs de
Rorsumj il contribua au triomphe ines-
péré du 'Mont-ïhabor, en tournant
l'ennemi, attaqué de front par Klé-
ber, et brilla également devant les
murs de St- Jeân-d'Acre, dans trois as-
sauts meurtriers. Le 20 floréal (mai
1799), a quatre heures de l'après-
midi, Bon, s'étant mis à la tête des
grenadiers, tentait un nouvel assaut ,
lorsqu'il tomba mortellement blessé.
« Ainsi périt, dit un de ses biogra-
« pl'es, dans les plaines de la Syrie,
a ce guerrier que Bonaparte avait si
a souvent associé a ses succès. » Les
habitants de Valence ont e'ievé un mo-
nument a sa mémoire. Bon n'était pas
seulement remarquable par celte hau-
teur décourage, premier mobile des
succès militaires : il joignait a une bra-
voure froide et réfléchie une grande
vivacité d'esprit , uoe pénétration
peu commune et d^s connaissances
stratégiques étendues. Napoléon le
regardait comme un des hommes qui
avaient le plus d'avenir. Bon avait
laissé dans l'infortune une femme et
un fils. Ce ne fut qu'en 18 12 que
l'empereur, visitant l'école de Saint-
Germain, arrêta ses jeux sur la liste
des élèves, où se trouvait le nom de
Bon. 11 fit aussitôt venir devant lui le
fils de son ancien compagnon d'arnM?^:
BON
« Où est voire mère? — 'A Paris. —
Quefail-ellt? — Elle est malheureuse
— Comment! sans pension? — Si-
re, nos réclamations ne sont point
venues jusqu'à vous. — Je veux ré-
parer cette injustice. Jeune homme,
allez a Paris, dites a voire mère que
je vous fais baron et qu'a compter de
ce jour vous jouirez tous deux d'une
dotation. » B — n.
lîOXAL (François de), évèque
de Clermont , était né le 9 mai 1 yS/i-
au château de Honal, diocèse d Agcn.
S'étant destiné a l'état ecclésiastique,
il assista comme député du deuxième
ordre a l'assemblée du clergé de
1758 5 et fut pourvu l'année suivante
de l'abbaye de Saiut-Ambroise , de
l'ordre de Saint-Augustin, au diocèse
de Bourges. Presque en même temps
il devint graud-vicaire et graud-ar-
chidiacrede Chàlou-sur-Saone. ^Som-
raé evèque de Clermont en 1776 , il
fut sacré le 6 octobre de celte année.
Le clergé du bailliage de Clermont
l'élut député aux états - généraux.
C'est la que son mérite, et son zèle
pour la religion le firent surtout
connaître. Il lutta de tout son pou-
voir contre les innovations de l'assem-
blée (i). Son opinion sur les ordres
religieux , prononcée dans la séance
du i I ïéwieT I'] ^o[2),sa. déclaration
au sujet dit serment civique , le g
juillet suivant , à laquelle adhérèrent
tous les évêques et grand nombre
d'ecclésiastiques de l'assemblée; sou
dire au nom du clergé , le 1 1 oclo-
(1) Il compara, dit Lucliet , les opinion» reli-
gieuses aux lois civiles , et ilcinaiida si celui
qui attaquerait ces lois, en manifestant les opi-
nions qui leur seraient contraires , et en cher-
chant à faire des prosélytes, des prevaricaleurs,
ne troublerait pas l'ordre public. V — te.
(ï) Je suis charge, disait-il , par mon cnhier
do demander non,seuleinent que les ordres mo-
iiasliques ne soient pas supprimés, mais encore
qu'ils rej^reniiont leur ancienne spleii^lcur. Je
dois a une mi>sion aussi furmeile de combattre
1 avis du comité; sans elle je le devrais à ma
conscience. V — te.
BON
bre, pour demander la suspension
des décrels jusqu'à ce que le roi eut
reçu une réponse de Rome ; son autre
dire du 26 novembre , pour deman-
der un concile ou uu délai, afin de
recevoir les explications du pap?,
alleslaient la fermeté de ses princi-
pes. L'évèque prit part a toutes les
déclarations et protestations de ses
collègues; à celle du 19 avril 1790
sur la religion de l'étal; a celle du
5o mars 1791 , sur le cas de dé-
cliéauce de la royauté 5 a celle du 29
juin 1791 , sur la captivité du roi ; a
ce'le du 3r août 1791 , sur la révi-
sion des décrets, et a la dernière , du
2.^ sept. , sur l'adrainislralion des fi-
nances. Mais c'est principalement
sur Il's questions qui louchaient ;i
la religion que Bonal montra au-
tant de constauce que de modération.
Dans la séance du 2 janvier 1791 ,
lorsqu'on demanda le serment h la
constitution civile du clergé , il
commença un discours où il annonçait
sa soumission aux décrets, en excep-
tant ce qui regardait le spirituel. In-
terrompu par les interpellations et
les murmures de la majorité, il ne
put déduire tous ses motifs ; les évè-
ques et les ecclésiastiques du côté
droit se levèrent en signe d'adhésion
aux principes du prélat, qui remit
son discours signé sur le bureau. Il
adressa, le i*' février 1791, une
Lettre aux électeurs du Puy-dc-
Ddme, pour les détourner de pren-
dre part au schisme par une élection
anti-canonique; et le 5 0 avril suivant
il protesta, par une ordonnance et
par une lettre pastorale ^ contre l'é-
lection de l'évèque constitutionnel
Périer. La conduite de M. de Bonal
k l'assemblée constituante lui avait
procuré une juste considération.
C'est a lui que Louis X\I s'adressa
pour savoir s'il pouvait aller faire ses
BON
5rî5
pâques dans l'église où le nouveau
clergé était établi. On a une lettre
du prince a l'évèque, en date du i5
avril 1791, et la réponse de celui-
ci , du 1 6 avril ; il engageait le roi a
ne point aller dans une église occu-
pée par les constitutionnels. Les deux
lettres ont été trouvées aux Tuileries
après le 10 août, et elles sont im-
primées dans le Recueil des pièces
pour le procès de Louis XFI,
tomes VIT et ix. A la fin de la session
de l'assemblée, vingt-six évêques et
cent quinze ecclésiastiques signèrent
ua compte-rendu ; révèipe de Cler-
raont fut du nombre. 11 passa peu
après en Flandre et de là en Hol-
lande. Les Français entrés en Hol-
lande en 1790, surprirent un grand
nombre d'ecclésiastiques f{ui n'a-
vaient pas eu le temps de fuir.
M. de Bonal fut arrêté au Texel et
ramené à Amsterdam. puisaUtrechi,
elenfin'aBreda, où il devait être jugé.
La rigueur du froid qui était alors
excessif, la barbarie de ses gardiens
et les incommodités d'un voyage fa;t
k pied , lui occasionèrent une grave
maladie k Bois-le-Duc. Son courage
ne se démentit pas un seul instant.
Enfin , après trois mois de souf-
frances, les juges devant lesquels il
avait été traduit a Breda le con -
damnèrent a être déporté : c'était ce
qu'il demandait depuis son arresta-
tion. H se rendit k Altona, et il
habita ensuite diversesparties de 1 Al-
lemagne. H fut un des signataires de
l'Instruction sur les atteintes por-
tées à la religion, qui fut publiée
sous la date du i5 cavril 1798 par
les évêques français alors réfugiés en
Allemagne. Il mourut k Munich , le
5 sept. 1800, après avoir dicté un
Testament spirituel, ou dernières
instructions à son diocèse. Celte
pièce a été impriaKe^, in-8" de 02
5H4
BON
pag ; elle esl terinlnëe par une épi-
J.aplie où l'on clonue au prélat les
titres de comte du chapitre noble de
Brioude, et de membre liouoraire
de Tordre de Saiat-Jeau-de-Jérusa-
lem. L'abbé Jarry, dans son Orai-
son J'unèbre du cardinal de La-
rocliefoucaidd , Munster, 1801,
in-4°, a fiiit un éloge très-beau et
très-vrai de l'évèque de Clermont.
P — c T.
BONAMY (Charles-Augus-
te-Jean-Baptiste-Loujs-Joseph ) ,
général français, né en 1764., a Fon-
tenay-le Comte, s\'nrô!a en 1791
dans le premier bataillon des volon-
taires nationaux du département
de la Vendée , et vint avec celte
troupe, en 1792, sur la frontière du
Nord dans Tarmée que commandait
Lafayette. Bonamy était caporal lors-
qu'il fut nommé par le roi, le i 7 juin
de cette année, sous-lieutenant dans
le dix-septième régiment de cava-
lerie. Il lit en cette qualité la pre-
mière campagne contre le> Prussiens
sous Dumoiiriez, et pins tard celle
de la iielgique. Après la défection
de ce général en avril 1790, il en-
tra comme adjoint a l'état-major de
Dampierre, qui lui avait succédé; et
il passa aussitôt après à l'armée de la
\endée, d'où il revint à la frontière
du Nord en 1794-5 avec le général
Marceau. Emplojé dans l'armée de
Sambre-et Meuse sous Kléber, il ob-
tint le grade d'adjudant-général chef
de bataillon, et fut chargé de com-
mander, a Tade gauche, un corps de
trois mille hommes qu'il dirigea avec
beaucoup de succès. Kiéber le 6t
alors son chef d'étatmajor, et Bo-
namy se distingua sous ses ordres
dans plusieurs occasions, notamment
au siège de Mayence (oct. 1796).
Il passa l'année suivante a la divi-
sion de Marceau ; mais il eut le
BON
malheur de perdre cet excellent
chef , qui tomba près de lui sur le
champ de bataille, dans la campa-
gne de 1796. Accusé peu de temps
après d'avoir favorisé les approvi
sionnemenls de la garnison autri-
chienne , d'Ehrenbreitstein que les
Français tenaientbloquée,llparvint a
se disculper; mais il cessj d'être
cn]plojé pendant près de deux ans ,
et ce ne fut qu'à la fin de 1798
qu'il suivit Championnet , lorsque ce
général alla commander l'armée de
Home. Bonamy devint son chef d'é-
tat-raajor j et fut nommé général de
brigade en récompense de la valeur
qu'il avait déployée dans la résis-
tance de cette armée contre le géné-
ral Mack ( Voy. Mack, au Supp.).
Il se distingua également dans la ra- ,
pide invasion du royaume de Naples':
mais il paraît qu'il prit aussi quelque
part aux concussions et aux abus de
pouvoir qui causèrent alors la dis-
grâce du général en chef. Comme lui,
il fut arrêté, et il devait être traduit
à un conseil de guerre par ordre du
directoire , lorsque la révolution du
3o prair. an vu (18 juin i 799}, qui
renversa une partie des directeurs ,
sauva Championnet et Bonamy. Ce
dernier sortit de la prison de l'Ab-
baye a Paris, où il avait été amené
de la manière la plus rigoureuse ,
et il alla prendre un commande-
ment sur le Rhin. Ce fut a cette
époque qu'il publia, sous le titre de
Coup d'œil rapide sur les opéra-
tions de la campagne de Naples
jusqu'à l'entrée des Français dans
cette ville , un ouvrage dont le but
principal était sa justitication, mais
qui offre cependant quelques rensei-
gnements utiles pour l'histoire. A
l'armée du Rhin, Bonamy fut euiployé
sous le général Saint-Lyr et sous Mo-
reau, qui le chargea dans le mois d'à-
BON
vril 1800 (le conduire en Ita'ie uu
corps de troupes aa cousul Boua-
parlc, qui allait commander lui-même
dans celte contrée. 11 eut ainsi
quelque part au triomplie de Ma-
rengo j mais le nouveau chef du gou-
vernement ne fut pas content de lui
dans celle occasion ; Bonamy cessa
d'èlre employé, et il dut .se reti-
rer dans son déparlemeul, où il
devint maire du village qu'il ha-
bitait et président du conseil d'ar»
rondisseii eiit. Ayant paru en cette
qualité devant l'empereur en 1809 ,
à la tête d'une députation, il en lut
mieux accueilli qu'il n'avait dû l'es-
pérer, et ne tarda pas a être employé
dans son grade de général de brigade.
En I 8 1 2 , il faisait partie de la belle
et nombreuse armée qui envahit la
Russie sous les ordres de Napoléon.
Sa brigade, qui était du corps de Da-
voiist le 5 sept, devant Smolensk, y fut
presque entièrement détruite. Mais
ce fut surtout a la bataille de la Mos-
kowa que Bouamy s'illustra par l'un
des plus beaux laits d'armes de cette
guerre. Ayant reçu l'ordre d'atta-
quer au centre de l'armée russe la ter-
rible redoule oir 4-0 pièces de canon
vomissaient incessamment la mort,
il se met a la tète du trentième
régiînenl, essuie de nombreuses dé-
charges de mitraille , perd la moitié
de sa troupe et devient avec le reste
maître du redoutable boulevartj mais
il ne pouvait avec si peu de monde
conserver long-temps un poste aussi
important. Attaqué bientôt par
d'innombrables masses d'inlanterie,
il voulut encore résister , vit tomber
à ses cotés le dernier de ses soldats ,
fut lui-même percé de vingt coups de
baïonnette et laissé pour mort sur le
cliamp de bataille. Il tomba au pou-
vou des Russes, qui le gardèrent vingt-
deux mois prisonnier. Bonamy ne
BON
535
revint en France que dans le mois
d'août i8i/t, après la chute du
gouvernement impérial. Le roi le créa
chevalier de Saint-Louis et lieu tenant-
général, mais il ne l'employa pas.
Après le retour de Bonaparte , en
i8i5 , ce général fut un des dépu-
tés au champ de mai, et lorsque l'ar-
mée française se retira derrière la
Loire il fut chargé par le minisire
de la guerre Davoust d'y conduire
tous les dépôts et magasins qu'il réus-
sit ainsi a conserver pour la France.
Reslé sans fonctions après le licen-
ciement, il rentra dans la paix de la
vie privée, et mourut, en sept. i83o,
au sein d'une famille qui le chéris-
sait. 11 avait pubHé en i8o3 , 31é-
moirc sur la révolution de Naples.,
in-8°. M— D j.
BONAPARTE. Vof. Buo-
NAPARTE {C/iarles)y f^' KapolÉon,
au Supplément.
BOXATI (Thecdore-Maxime),
né à Bondeno , dans le Ferrarais ,
le 8 novembre 1724., suivit dans
sa jeunesse les cours de Pécule de
médecine , et fut reçu docteur 5 mais,
sans abandonner entièrement celle
proressicin, il se livra en.-.uile plus
spécialement à l'étude des mathéma-
tiques sous la direction du célèbre
professeur d'hydraulique Ballaglia.
Le marquis de ISenlivoglio se dé-
clara son protecteur et le fit son
médecin, en lui donnant un traite-
ment considérable. Plus tard Bo-
nati, ayant de plus en plus acquis
l'estime de Ballaglia par ses pro-
grès dans les mathématiques, se ren-
dit k Rome avec lui (lySp), pour
traiter la grande question du dessè-
chement des marais pontins, et celle de
la réunion du torrent du Reno au fleuve
du Pô. L'année suivante il fut cbar-
gé , par le pape Clément Xlll , d as-
sister le cardinal Conli pour tâcher
536
BON
de mettre fin aux anciennes et vio-
lenles discussions entre les Bolo-
nais et les Ferrarais , relativement
au cours des eaux. On trouve dans
le tome VI delà Raccolta d' aiitori
elle trattnno del moto de.lV acque
(édition de Florence, 1769), un
méraoiie de Bonati contenant le dté-
lail de ses expériences et la descrip-
tion des appareils qu'il employa dans
la vue de réfuter les paradoxes sur
la théorie des eaux couraijtes pu-
bliés a Paris en 1760 par Genneté,
et qui , malgré les résultats fort
ordinaires qu'ils offraient , avaient
trouvé des partisans. Les erreurs
de Genneté ont été repousse'es par
les hydrauliciens éclairés 5 mais les
recbcrciies et les expériences de
Ronati, h leur sujet, n'en ont pas
.Tioins été jirofitables à la science.
Après la mort de Battaglia , son
élève Bonati obtint la place de
consulteur de la congrégation des
travaux publics de la province Fer-
raraise , et fut en même temps
nommé professeur de mécanique et
d'hydraulique à l'université de Fer-
rare. Il s'occupa de la théorie du
mouvement des fleuves , inventa ou
perfectionna des méthodes expérimen-
tales applicables k la mesure de la
vitesse des eaux courantes , et pu-
blia sur ce sujet un ouvrage remar-
quable sous ce titre : Dell' arte
idrometnclie edun nuovopendolo
per trovav la scala délie velocitd
d'un acqua corvente, in-8°. Il tira
un très-bon parti de ses divers gen-
res d'étude pour traiter d'importantes
questions relatives au Reno et aux
autres torrents qui désolent les pro-
vinces de Bologne et de Ferrare. C'est
d'après les plans de Bonati que fut
commencé le dessèchement des ma-
rais pontius, entreprise qui suffirait
pour immortaliser le pontificat de
BON
Pie VI {Voy. ce nom , t. XXXU?^.
Il fut également honoré de la con-
fiance des ducs de I\ïodène et de
Parme, du prince de Piomhino et de
la plupart des villes de l'élat romain ,
qui le chargèrent de commissions
difficiles dont il s'acquitta con-
stamment avec succès. Lorsque
les Français, maîtres du duché de
Ferrare, eurent aboli l'ancien gou-
vernement, Bonati lut appelé par
le vœu de ses compatriotes aux pre-
miers emplois de la république Cis-
padane. Elu malgré son âge au Con-
seil des jeunes {corpo dei giiiniori),
il le présida pendant son unique ses-
sion. Cette république t-phémère
ayant été réunie à la Cisalpine , Bo-
nati se trouva momenlanément prive
de sa place ; mais il ne tarda pas
a être rétabli dans les fondions qu'il
n'avait cessé de remplir avec un
zèle infatigable. Il fut l'nn des pre-
miers mend^res de l'institut national
d'Italie. En 1806, il fut nommé in-
specteur-général honoraire des eaux,
avec l'intégralité de son traitement ,
faveur qu'il avait méritée par ses
longs et importants services. Les ma-
thématiques pures furent aussi un des
principaux objets des méditations de
Bonati. On trouve dans le lome
VIII des ?Jém.oires de la société ita-
lienne des sciences, dont il était
membre , une dissertation sur les
racines des équations du 5' et du 6"
degré, et une méthode pour cal-
culer les mêmes racines par approxi-
mation, méthode expéîlilivc , fondée
sur la théorie des courbes planes et
le calcul différentiel. IS'apoléon re-
connut le mérite de Bonati en lui
conférant l'i-rdre de la Couronue-de-
Fer. Sa réputation scientifique lui va-
lut aussîTiionneur d'être nommé cor-
respondant de la première classe de
l'institut de France, de l'académie de
ËON
Londres , et d'èlre inscrit parmi les
raenilires de plusieurs sulrcs sociéle's
savantes. Il avait atteint sa qualre-
viugtième année lorsqu'il fut appelé a
Modène pour assister a un congrès
convoqué par Napoléon , et chargé
de discuter de nouveau le projet de
l'iminission du Reno dan-; le Po.
L'exéculion de ce projet . ordonnée
par un décret du 2 5 juin i8o5 , fut
commencée contre l'avis de Bonali ;
mais elle n'a pas été continuée , et il
paraît qu'on y a tout-a-fait renoncé
(/-'. Zendp.isi. t. LU). A l'âge de "95
ans , Bouati , presque perclus de tous
ses membres, était encore consulté,
par divers o;ouvernements. sur des
questions difficiles du ressort de la
science de Tingénieur. Il est mort à
Ferrare le 2 janvier 1820, après
deux jours de maladie. Ses manu-
scrits ont été déposés a la bibliothè-
que publique de celte ville. Bonati n'a
laissé que des opuscules el des mé-
moires dont on trouve la liste à la
buile de son E/oge ,.Tp:ir Thistorien
Ant. Lombardi , dans les^ctes de la
société ital. des sciences, tom.
XIX. Les principaux sont: I. ]\lé-
morlale idrometrico délie acque
per la città e ducato di Fevrara ,
B ome , 1765. — Risposta idrome-
trica délia S. Congregazione délia
ncqna , etc. — Annotazioni alla
risposta del sign. Marescotti. —
Sommario délia risposta idroine-
trica^ 4- parties iu-fol. IL Progctto
di di\.'ertire le acque di Ëiirana
in Pô alla slellata, Ferrare, 1770,
in-fol. III. Essai sur une nouvelle
théorie du mouvement des eaux, dans
la trad. ital. de V Hydrodynamique
de Bossut, Pavie, 1786. IV. Ore
italiane del mezzodi calcetala
perla latitudine délia città di Fer-
rara, dal 1780 al 1799.V. Espcri-
mento proposto per iscoprire
ôbN
537
realmente se la terra sia quicta ,
appure si mouva. M. Letteracos-
tabili sulVaffare del Reno ^ Fer-
rare , i8o5, in-4-°. \II. Nuova
curva isocrona , ibid. , 1807 , in-
8" j elle avait déjà paru dans les
Opuscoli scientifici de Colelti, en
1781. ^III. JS atura délie radici
delV cquazioni letterali di quinto e
sesto f;rado^ e nuovo metodo per
le radici prossinie delV cquazioni
numeriche di qualunque grado y
dans les l\Iémoires de la Soc. ita-
lienne. IK. Alcune j'ijlessioni cri-
tiche sii i nuovi principi d'idrau-
lica di Bernard [f^oy. ce nom , ci-
dessus, p. 56). ibi.i. X. Lettera
del dottore Battaglia , intorno al
problema del sign. Coutard des
Clos. XL Délia velocità delPac-
qua per unforo di un vaso , che
ahhia uno o piu diaframmi , e del
soffio che si procura nelle J'hrnaci
di alcune ferriere col mezzo delV
acqua^ etc. , ibid. XII. Esperienze
in confutazione del si gnor Genneté
intorno al corso de' Jiunii , dans la
ISuoi'a Raccolta d! aulori d' acque,
tom. Xl. P— XY.
BOXAYEXTURA ( Feédé-
Kic), célèbre philosophe italien, na-
quit, en i555, à Ancône, d'une fa-
niille distinguée. Son père , officier
dans les troupes du duc d Urbin ,
commandait le corps que ce prince
envova au secours de Malle, attaquée
par les Turcs , et il mourut au retour
de celte expédition, en i565. Le
jeune Frédéric fut recueilli par le
cardinal d'Urbin , l'ami de scn père,
qui lui donna les meilleurs maîtres,
et ne négligea rien pour en faire
un cavalier accompli. Admis plus
tard à la cour du dnc d'Urbin
( François -Marie ) , il remarqua
le goût de ce prince pour les let-
tres et la philosophie, et s'empressa
53«
BON
de renoncer aux jeux et aux exer-
cices de la jeunesse, pour s'appliquer
eutièremenl k l'étude des sciences.
Doué d'un esprit vif et pénétrant,
il apprit seul les éléments de la phi-
losophie, et acquit, en peu de temps,
une coiinaissance approfondie de la
langue grecque. Les talents de Fré-
déric accrurent encore la bienveil-
lance que lui portait son maître.
Chargé de diverses missions près du
pape Grégoire XIII et de quel-
ques autres princes d'Italie , il s'en
acquitta de manière k prouver, s'il
en eût été besoin, que la culture des
sciences peut se concilier avec les
qualités de l'homme d'élat. Dans les
loisirs que lui laissaient ses fonc-
tions, il se retirait a la campigne,
pour se livrer plus traaquiliemeut
k la rédaction des ouvrages qu'il se
proposait de publier 5 mais son ser-
vice k la cour l'obligeait d'interrom-
pre ses travaux, ou ne lui permettait
pas d'y mettre la dernière main. Le
duc d'Urbin, ne voulant pas le con-
traitidre davantage , linit par lui
accorder, avec une pension con-
sidérable , la permission de vivre
dans la retiaite. Mais il ne jouit pas
long -temps de cette faveur. At-
taqué d'une fièvre violente , il
succomba le quatrième jour , au
mois de mars 1602. On a de
lui ; l.De natura partiîs octomes-
tris , adversus vulgatam opinio-
nein , Uibin, 1600, petit in-fol.,
Francfort, 1612, même format^
ouvrage rare et plein d'érudition.
Les curieux recherchent l'édition
originale. L'auteur se propose de
prouver qu'un enfant, k huit mois,
naît viable 5 mais il entre dans des
digressions qui lui font souvent per-
dre de vue son sujet. La plus intéres-
sante est celle oiî il établit la légili-
mité des naissances à dix mois. II.
BON
De hippocratica anni partitione.
— De monstris . — De ceslu ma-
ris. — De ventis. — De calore
cœli. — De via lactea. — De ca-
ne rabido. — P arafrasi di Te-
mistio , etc. Ces divers opuscules,
imprimés séparément, ont été réunis
en un volume, Urbin, 1627, iu-^"-
Frédéric avait eu le projet de les re-
voir et de les corriger ; mais il en fut
empêché par un ordre du duc, qui le
chargeait de composer un traité
Délia razione di stato, dont il n'a
paru que le i*"^ livre. Il avait entre-
pris, avec Magini, un grand ouvrage
sur V astrologie, resté manuscrit. On
lui doit encore une bonne édition de
l'ouvrage de Ptolémée : Apparen-
tiœ incessantium stellarum, Urbin,
1692, iu-;4'^, et un traité de météo-
rologie, intitulé : Anemologia, si-
ve de causis et signis pliiviarum,
venlorum, serenitatis et tempesta-
/MW,Venise, 1594, in-4°, dans lequel
il a recueilli tout ce que les anciens
nous ont laissé a cet égard. W — s.
BOIVAVEXTURE (le baron
Nicolas), légiste distingué, naquit-
k Thionville le 7 oct. 1761. Des dis-
positions heureuses engagèrent ses
parents k soigner sou éducation. 11 fit
d'excellentes études, d'abord a Thion-
ville , ensuite k Louvain, oîi il suivit
les cours de l'université. Reçu avocat,
il se lit en peu d'années une grande
réputation. On le nomma, en 1 784,
membre du conseil aulique de Tour-
nay 5 et, trois années plus tard,
lors de la révolution du Brabant, il
fut un des plénipotentiaires envoyés k
La Haye pour traiter de la paix avec
le stathouder. Élu, en 1797, député
du déparlement de la Dyle au conseil
des cinq-cenis, il y prit plusieurs
fois la parole. Un arrêté du premier
consul (6 juillet 1800) le nom-
ma juge a la cour d'appel de la
BON
Djie et président du tribunal cri-
minel de Bruxelles. Décoré , eu
1804., de la croix de la Légion-
d'Honneur, il devint, le 26 avril
1806, membre du conseil de dis-
cijiline et d'enseignement de l'é-
cole de droit de Bruxelles, fut pré-
senté a 1 empereur , le i 0 févrfer
181 1, comuie député du collège
électoral de la Djle, et obtint, dans
le cours de la même année, les titres
de baron et d'ofHcier de la Légion-
d'Honneur. Ajant pris sa retraite
peu de temps après , il s'élaldit h
Yelte^ près de Bruxelles, au centre
d'immenses propriétés que lui avait
laissées un oncle maternel. Boua-
venture y fil d'élégantes construc-
tions, bâtit presque entièrement
deux o-rands villaiies , rassembla
beaucoup d'objets d'arts, et se créa
une résidence qui rivalisait avec la
maison royale de Lacken. Il œcurnt
en I 83 1, laissant uneforlune de quatre
millions. Bonaventure n'a rien pu-
blié. Il était dans sa jeunesse le
premiervioloncellisle des Pays-Bas.
Plusieurs composileurs babiles lui
ont dédié quelques-uns de leurs œu-
vres. B — N.
BO^XERF (Claude- Joseph),
lillérateur, né en 1724., à Chasot ,
bailliage de Baume , en Franche-
Comté, était frère de l'avocat Bon-
cerf (/^. ce nom, tom.V), connu sur-
tout par son opuscule sur les incon-
vénients des droits féodaux. 11
embrassa l'état ecclésiastique, et vint
à Paris dans l'espoir de s'y placer.
Ses talents l'ayant fait connaître de
La Pioclie-Aymon , archevêque de
INarbonne, ce prélat l'emmena dans
son diocèse, et lui conféra la dignité
d'archidiacre, avec un cauonicat de sa
cathédrale. Satisfait de sa position et
de sa modeste fortune, Boucei f consa-
cra ses loisirs à la culture des le Itres, et
BON 539
publia quelques ouvrages qui le firent
couiiaîlre avantageusement (i). A la
révolution il se retira chez un de ses
neveux a Etampes, «t il y mourut le
2.% janvier 181 1 , dans un âge très-
avancé. On counaît de lui : I. Le Ci-
toyen zélé., ou la tolutiondu problème
sur la njulliplicité des académies,
sujet proposé par l'académie fran-
çaise ; Londres (Paris), i ySy, in-8°,
de 5 I pag. Persuadé que les académies
de province, en proposant des prix
d'élo([uen e et de poésie, ne peuvent
qu'augmenter le noinbi e des écrivains
médiocres, l'auteur désirerait qu'elles
se bornassent a encourager les scien-
ces et les arts utiles. II. Le vrai phi-
losophe, ou l'usage delà philosophie
relativement a la société civile , a la
vérité et a la vertu ; avec l'iiistoire,
l'expositiou exacte et la réfutation du
pyrrhonisme ancien et moderne 5
Paris, 1762, in-i2 de 4-" 8 pages,
ouvrage rempli d'excellentes \ues ,
mais quine sont pas présentées d une
manière assez piquante. Il a re-
paru sous le titre de Système philo-
sophique; \h\A. , 1767, in-i2. ill.
La poétique ou épître à un poète
sur la poésie; ibid., in- 8°. On trouve
deux petites pièces de l'abbé Boncerf
dans {'Encyclopédie de Guignes ,
tome XIII et XIV. W— s.
BOA'DI (Clément) , poète ita-
lien , naquit, en 1742, â Mezzano
Superiore , territoire de Parme, et
non dans le Manlouan , comme le
disent quelques biographes. Après
avoir fait ses études a Parme, il en-
tra dans la compagnie de Jésus, et
devint professeur de belles -lettres.
L'ordre des jésuites ayant été sup-
primé , Bondi exhala ses plaintes dans
(i) Je n'ai donc pour toute opuleuce
Qu'à bieu r'U'er on peu d'aisance.
Le poète reconnaissant.
54o
BON
lin canzone qui commence ainsi :
Tirsi , 7111 sproni in vano , Luc-
qnes , 1778, La cour d'Espagne ,
qui avait été une des provocalri-
ces de la bulle de suppression ,
se croyant désignée par des allu-
sions offcufantes , suscita ([uelques
difficultés au jeune poète qui , pour
échapper aux ressenliments de celle
])uissaHce, alla cberclier un icfuge
dans le Tyrol auiiicliien. Le temps
qui calme beaucoup de choses calma
aussi cet orage, el Bondi , un peu
rassuré, se rapprocha de sa patrie
en venant habiter Venise, où il vécut
tranquille sons la protection de l'a-
rislocralie de celte république. Il
quitta ensuite Venise pour Manloue
sur i'invilalion de la famille Zanardi ,
qui le fit son bibliothécaire, et dont la
maison était le rendez-vous des litté-
rateurs et des savants. La position
de Boudi au milieu de ces hommes,
dont beaucoup avaient appartenu à
la société de Saint-Jgu;ice (les Aii-
drès, les Carli, les Vitlori, les Bet-
tinelli, etc.), lui donna Tidée d'une
espèce d'académie où des person-
nes spirituelles et polies se réunirent
pour couversersur des sujets à la fois
agréables et inslrnctifs, tenant sur-
tout à la littérature. Ces réunions a
leur tour lui inspirèrent le poème
par lequel il est le plus connu en
Fiance , le Conversazioni. Il ve-
nait de le publier (1783), lorsque
le bnilli Valenlini l'invita à se rendre
k Milan , où il l'introduisil dans les
cercles les plus élevés. Boudi s'y fit
goûter de l'archiduc Ferdinand ,
gouverneur de la Lombardie, el sur-
tout de sa femme Béatrix d'Esté , par
ses manières insinuantes et polies,
par ses saillies spirituelles, enfin
par sa promptitude h improviser des
poésies de circonstance pour cette
cour alors très-brillante. C'est laque
BON
le trouva l'année 1796, si rcmar-
([uable par les rapides succès des
armes françaises en Italie. Bondi
se voyant , par la retraite de l'archi-
duc, privé de tous les avantages dont
il avait joui jusqu'alors, se rendit en
1797 a Brunn, où son protecteur, qui
l'avait invité h venir pai les lettres les
plus pressantes, lui confia la conser-
vation de sa bibliothèque archidu-
cale, mais non, comme ou l'a dit, l'é-
ducation de ses fils et de la prin-
cesse Marie-Louise. Toutefois ses
conseils eurent de l'influence sur la
sage direction donnée à cette éduca,-
tion par Draghelti ( Voy. ce nom,
au Snppl.), qui en était chargé. La
princesse surtout le voyait avec au-
tant d'affection que d'estime , et
lorsqu'elle devint impératrice, il
fut fixé pi es d'elle , par le titre de
maître de littérature cl d'histoire.
La mort de cette protectrice, en
18 16, ne précéda !a sienne que de peu
d'années : il comptait alors soixante-
quatorze ans, et il y en avait près
de vingt qu'il habitait Vienne. Il
expira le 2.1 juin 1821, et fut
enterré dans la même église que
Métastase, avec lequelil eut plus d'une
ressemblance. C'était , de part et
d'autre, même aménité de caractère,
même sensibilité , même mélodie
suave et tendre , el aussi même fa-
cilité a trouver de belles rimes , en-
fin même habileté de versification.
Cependant Métastase l'emporte de
beaucoup en souplesse, et surtout
il a plus de coloris poétique, plus de
grâce ; en revanche Bondi a quelque
chose de plus précis , et , s'il faut le
dire, il est plus vrai, ou si l'on veut
plus réel; il sent le salou , la ga-
zette, tandis que dans Métastase il
y a encore de la naïveté, du par-
fum, de l'air frais de la campagne.
Ces remarques wr Bondi ne s'appli-
queflt qu'à celles de ses poésies où
il a été original. Dans ses tradiicliuiis
il se plie avec assez de facilité au
caractère des morceaux qu'il faut
rendre, et il ne manque ni d'énergie,
ui de coloris , ni même de grâce et
d'élégance , quoique eu général la
fidélité avec laquelle il calque le
texte semble uu peu exclure ces
dernières qualités. Bondi a publié
1° les Bucoliques et les Géorgi-
(]ues de \irgile^ traduites eu vers
italiens, Parme, 1790; 2" \'E-
iwide , Parme, 1797, * vol. iu-8°,
et Milau , 1804. ; 5° les 31eta-
morphosc'S d'Ovide , Parme , Bo-
doni, -j. vol. in-8°5 4.° plusieurs
réi;n pressions de VAthalie de Ra-
cine. La traduction des Géorgi-
(jues est considérée comme son chef-
d'œuvre j celle de ï Enéide est re-
gardée par les Italiens comme plus
littérale , plus fidèle que celle d'An-
uibal Caro et plus encore que celles
d'Alfiéri, de Grassi,de Solari,de
Lloui et d'Arici. La version poétique
des Métamorphoses fit oublier
celle de TAnguillara (i). On peut lire
dans le Courrier des Muses et des
Grâces., rédigé en français a Alilan ,
année i8o4-, un parallèle entre
les traductions de l'Enéide par Caro ,
par Bondi et par Delillc , dans lequel
il est dit que Bondi l'emporte sur
ses rivaux par la majesté épique ,
surtout dans le quatrième livre , où
nous pensons cependant qu'il fallait
au poète plus de sentiment et de
flexibilité que de majesté épique.
Déjà rival du dernier de ces poêles
par ses traductions, Bondi se trouve
encore rapproché de lui par une
(i) M. Gamba de Veiiisc a porié sur lc<i tra-
ductions da liondi uu jugeinout bien diflorent.
Sciou ce ti'itiqup, ijui (c Bondi ne lit j.ii-s yii-
gile. Quant à ia îiaductiuii des Iilélumorphoses ,
c'est ceUe de l'Anguiltara (jui fail partie des
Ctassiei ttaliuni. \V — s.
BON
5/1 1
œun-e originale les Cercles (en
italien le Coiiversazioni). Publié
en 1783k Venise, ce poème a précédé
de trente ans la Conversatonàç De-
lille qui eu a imité le plan , le style,
les détails, clqui, malgré sou immense
talent et s:i brillante versification, n'a
peut-être pas surpassé Bondi (2).
Mais depuis sa mort , il faut convenir
que Bondi a beaucoup perdu de sa ré-
putation en Italie. : on le juge même
trop sévèrement aujourd'hui en lui re-
fusant toute imagination. Parmi ses
autres ouvrages principaux, nous cite-
rons : I. Petits poèmes , etc. (Poe-
melli e varie rime), Venise, 1780,
1799, in-8'' (c'est la que se trouvent
son Asinata ou Eloge des dues, qui
fut sa piemière pièce, et le fameux
canzone Tirsi , mi sproni in vano ,
qui lui attira l'animadversion du gou-
vernement espagnol). II. Poésies y
Nice, 1793, z vol. in-i2. III. La
Journée champêtre^ 1793, tableau
délicieux qui a de l'analogie avec
ï Homme des champs de L't lille, et
qui n'a de commun que le nom avec
un ouvrage de Parny. IV. Six
Cantates , Parme , Bodoni , 1794?
grand in-8". V. Le Mariage^
ibid. , Bodoni, 1794-, gr- in-8°
(ce sont douze sonnets moraux).
VI. Le Bonheur, poème eu deux
clianls, Milan, 1797, in-8". VIL
Poésies diverses , Pise, et dans le
Parnasse italien de 1806. VIII.
Deux ii'/f'g'to-, Denise, 1816. IX.
Sentences , Proverbes , Epigram-
mes et Apologues , Vienne, i8i4 J
Milan , 1817. ■"^'^ plupart de ces
morceaux et d'autres encore ont été
réunis dans une édition de Venise ,
1798, 1801, 7 vol. in-8". Ses
{>) Pln^leurs ci'iùque'; ont nitme nils le poète
itaUea .:;i-des5US de s-on rival , ce qui est ccr-
taiiieuicut uue cxogéralion' ^ l'esprit natio-
nal. M — B J.
542
BON
œuvres complètes sous le litre de
Poésie . ont été publiées k Vienne,
1808 , 3 vol. petit iu-4-", édition de
luxe, revue par l'auteur, et dédiée a
l'archiduchesse Marie- Béalrix d'Esté.
G — G — Y.
BO\DIOLI_(Pierre-Antoine),
médecin et physicien distingué, né en
1 765 , a Corfou , montra dès sa plus
tendre enfance une vive passion pour
les lettres. Uu jour il disparut, et
ses parents , après l'avoir cherché
de tous côtés, le découvrirent dans
la bibliothèque d'un couvent, k une
assez grande dislance. Ayant reçu
quelques leçons de littérature du seul
homme vraiment instnàl qu'il y eût
alors dans l'île, Bondioli communiqua
son enthousiasme pour la poésie ita-
lienne a ses camarades et les réunit en
une espèce d'académie. Envoyé plus
tard k l'université de Padoue , il fit
des progrès si rapides dansles sciences,
qu'avant d'avoir achevé ses cours , il
fut admis a lire a l'académie trois
mémoires : l'un sur l'usage des fric-
tions en médecine 5 le second sur
l'électricilé considérée comme moyen
curalifdans certaines muladies ; elle
troisième, sur le sou . dont le jeune
auleur expose une théorie nouvelle,
fondée sur la structure du cerveau : il
reçut le laurier doctoral en i 789. Le
mémoire qu'il lut, le i 5 décembre de
l'année suivante, k l'académie, sur
les causes de l'aurore boréale , lui
mérita les éloges de deux célèbres
physiciens, Toaido et Alex. Voila.
Celui-ci le fit imprimer, avec des notes
dans le tume l"^"" du Giornale Jisi-
co-niedico de Brugnatelli. Plusieurs
années après, Bondioli revint sur
ce sujet intéressant ; et dans un mé-
moire sur les aurores boréales locales,
que la Société italienne Et insérer, en
1801, dans le tome IX de ses Actes, il
prouve queMairan s'est trompé, en an-
BON
nonçant que ce brillant phe'nomène ne
peut avoir lieu que dans les climats
voisins du pôle. Mais c'^est la seule fois
que Bondioli se soit écarlé de ses
études médicales. Joignant constam-
ment la pratique a la théorie^ il avait
acquis ce coup d'œil rapide qui dis-
tingue de l'empirique levérilable mé-
decin ; il jugeait sur-le-champ la
maladie et les remèdes qu'il convenait
d'employer. Il était établi depuis
quelque temps a Venise . lorsque le
gouverneur de Montana, dansTlstrie,
l'appela pour soigner une maladie
épidémique dont lui-même était at-
taqué. Le succès du jeune médecin
fut complet ; mais la jalousie de ses
confrères l'empêcha d''en tirer parti
pour augmenter sa clieulelle. Ayant
accompagné le Baile de Venise a
Conslaulinople, il y trouva de fré-
quentes occasions d'exercer ses talentsj
mais informé que les Français s'étaient
emparés de Corfou , il se hâta de
revenir dans sa patrie , séduit par
l'espérance de contribuer k l'affran-
chissement de ses compatriotes. Son
espoir ayant été déçu , Bondioli par-
tagea le sort des Français, et vint a
Paris où il recul «n accueil honora-
ble. Attaché, depuis la bataille de
Marengo, al'armée d'Italie en qualité
de médecin militaire, il fut en i8o3
nommé professeur de matière médi-
cale à l'université de Bologne. Il prit
possession de celle chaire le 29 no-
vembre , par un discours très-remar-
quable sur les movens de constater
la qualité des médicaments. Le talent
qu'il déploya comme professeur lui
concilia tous les suffrages. Elu, peu de
temps après, l'un des quarante de la
société italienne des sciences, il fut
ensuite décoré de l'ordre de la Cou-
ronne de fer. A la réorganisation de
l'université de Padoue , en i8u6 , il
fut nommé professeur de clinique.
BON
Pendant les deux années qu'il remplit
cette cliarge, il traita conplètement
des fièvres et des inflammations, s'ap-
puyant des observations qu'il avait re-
cueillies dans les hôpitaux, et signalant
les erreurs que sa propre expérience
lui avait fait reconnaître dans la pra-
tique de ses devanciers. S'étant rendu
vers la fin d'avril 1808 a Bologne,
pour prendre part aux travaux du
collège des Dolti, il fut attaqué
d'une maladie inflammatoire dont il
prédit sur le-champ la funeste i^sue.
Il s'empressa de mettre ordre a ses af-
faires , et mourut le 16 septembre a
4.5 ans. L'abbé Scbiassi décora sa
tombe d'une belle épitaphe, insérée
dans les Mém. délia socisld ilal. ,
XV , à la suite de son Elo^e par
Mario Pieri^J Boudioli chargea son
exécuteur testamentaire de jeter au
feu tous ses manuscrits, persuadé,
comme il le disait, que celui qui
laisse un manuscrit ne laisse que la
moitié de son ouvrage, et cet ordre
fut rigoureusement exécuté. Outre les
mémoires déjà cités , on a de cet ha-
bile médecin deux opuscules anato-
miques : Sulle vaginali del ttsti-
colo , Vicence , 1789, et Fadoue ,
1790, in 8°. Dans le recueil de la so-
ciété italirnne : Ricerche sopra le
forme particolari délie nialattie
universali^ et IMemoriadell' azione
irrltativa. Parmi ses manuscrits se
trouvaient un traité des maladies
contagieuses ; un des maladies in-
Jlamtnaloires ; un mémoire sur la
nature de Vair et les maladies
dominantes dans l'Istrie ,• un autre
sur la distension organique, etc.
W— s.
BOXELLI (Feakçois-André),
naturaliste, né en 1784-, a Cuueo
ea Piémont , n anifesta pour l'histoire
naturelle , dès sa jeuu'^^se et pendant
le cours de ses humanités, uu gpÇit
BON
543.
décidé que l'âge et son ardeur pour
la chasse ue firent qu'augmenter.
Ou raconte qu'un jour, ayant vu
dans les environs de Turin un pa-
pillon d'une espèce rare, il le pour-
suivit jusqu'à Pignerol où enfin il
l'atteignit, après avoir parcouru huit
lieues de. France. A l'âge de vingt
ans, il avait dé)k formé une colleclion
précieuse de quadrupèdes , d oiseaux
et d'insectes indigènes. Des voyages
pénibles qu'il fit aux Alpes et dans
les Apennins le fortifièient de plus
en plus dans toutes les pailies de
la zoologie. Après la mort du pro-
fesseur Giorna , en 1809, Bonelli,
déjà membre de la société d'agricul-
ture de Turin, lui succéda à l'aca-
démie des sciences de cette ville , et
dans la chaiie d'histoire naturelle
que le gouvern ment français avait
fondée à l'université. En i 8 1 0 , il en-
treprit un voyage pédestre de Turin
à Paris , afiu de connaître l'-s insectes
et les productions du sol français.
Arrivé dans la capitale , où il resta
plui d'une année, il visita les établis-
sements publics, surtout le jardin des
plantes , et se mit en relation avec les
Cuvier, les Geoffroy, les Duméril et
aulres savants. De retour à Turia ,
il fut nommé directeur du musée
d'histoire naturelle dont Napoléon
avait doté cette ville, et il contribua
beaucoup à l'enrichir et à le mettre
en ordre. Il y disposa les objets
d'ornithologie d'après le ^ystème de
M. Blaiuville , qu'il regardait comme
le plus clair et le plus méthodique.
Malgré un défaut de conformation
daus les jambes , qui lui rendait la
jnarche pénible , Bonelli entreprit
encore plusieurs voyages sur les
Alpes et les Apennins , en Sardaigne
et eu Angleterre. Etant venu à Pa-
ris, en 1822, il pria M. Geoffroy-
Saiût-Hilaire de le mettre en rap-
544
BON
port avec le colonel Coulelle, qui
avait monté dans le ballon de Fleu-
rus , en 179^, pour observer les
mouvements de l'ennemi. Boiielli
prétendait avoir trouvé un moyen
sur de diriger les aérostats ; et, crai-
gnant d'être prévenu dans celte décou-
verte , il voulait passer a Londres
pour y prendre un brevet d'inven-
tion. Les travaux excessifs auxquels
il se livrait abrégèrent sa vie : il
mourut k Turin, le 18 nov. i83o.
Outre un Spécimen Faunœ subal-
piiiœ^ publié eu 1807, et relatif à
tous les insectes indigènes qui sont
utiles ou nuisibles a l'agriculture,
on a de Bonelli plusieurs mémoires
insérés dans le recueil de l'acadé-
mie des sciences de Turin. ÎNous
citerons , entre autres , ses Obser-
vations entomologiques sur les
scarabées , oîi il signale de nouveaux
genres et de nouvelles espèces j ses
mémoires d'ornitbologie , sur le
passage périodique de certains
oiseaux en Italie, qui contien-
nent aussi des observations neuves
et intéressantes. On lui doit une
description fort exacte de \hippo-
potame, et une autre du trachite-
rum cristatum, poisson qu'il avait
découvert sur les bords de la mer
ligurienne. Peu de temps avant sa
mort , il se proposait de publier la
Conchyliologie fossile d'Italie ,
avec des notes sur celle de Brocchi
(imprimée en i8i-4). Les natura-
listes ont donné le nom de Bonelli a
plusieurs variétés de plantes et d'in-
scclcs. ^ — ^ — ^'*
BONGUYOD ( Marc-Fran-
coîs), conventionnel, né, en 1751, à
liloirans, près de Saint-Claude, se
fit recevoir avocat au parlement de
Besancon , revint dans sa famille et
mérita Teslime de ses compatriotes,
par son zèle et sou intégrité dans
BON
l'exercice de différentes cliarges mu-
nicipales. A l'époque de la révolution,
il fut élu membre de l'administra-
tion centrale du département du
Jura j et, en 1792 , député "a la
Convention. Dans le procès de
Louis XVI , il vota pour l'ajipel
au peuple. Sur la question de la
peine a infliger, il s'exprima de
la manière suivante : « Pressé par
« ma conscience , j'ai reconnu Louis
« coupable de baute trahison. On me
« demande mon opinion sur la peine,
K je crois que c'est la mort ; mais
« l'intérêt de ma patrie me fait pen-
ce ser qu il vaut mieux qu'il reste en
« détention, parce qu'elle peut bà-
« ter la paix. IN'est-il pas temps que
K le sang français cesse de couler ?
« Je demande donc la déteùtion a
a perpétuité, sauf h ordonner la dé-
« portation , si les circonstances le
ce permettent. î3 II se prononça en-
suite pour le sursis. Dès-lors, Bon-
guvod s'abstint, jusqu'après la chute
de Robespierre, de prendre part
aux discussions qui s'élevèrent dans
l'assemblée. Lorsqu'il reparut à la
tribune, ce fut pour solliciter des
mesures en faveur du commerce et
de l'agriculture , qu'il nomme la pre-
mière de toutes les industries. Sa
proposition fut renvoyée aux comités,
et l'impression en fut ordonnée. Il
présenta, quelques mois après, des
vues qu'il jugeait propres a. faire
cesseriez procès auxquels donnait lieu
le prétexte de lésion sur le prix des
biens fonds. Demandant la révision de
différentes lois, rendues trop préci-
cipitauiraent , il déclara qu'il trouvait
que le divorce s'accordait avec trop
de facilité -, il blâma la loi qui fixait la
majorité k vingt un ans, et, en ap-
prouvant l'égalité de parta-ge entre
les frères, il demanda qu'il tut permis
aux pères et mères de disposer d'un
BON
sixième de leur forUine. A la fin de
la session, Konguyod rclonrna dans
]e sein de ^a famille, et reprit son
clal de jurisconsulte. Après le 18
brumaire, il fut nommé membre du
conseil général de son département.
Allacbé par touvicliou a la républi-
que , il ne put voir sans nne douleur
profonde Tavènemeut de Bonapar-
te à l'empire. Dès-lors , il montra,
dans sa conduite et dans ses discours,
des marques d'aliénation mentale. Le
28 octobre i8o5, son corps fut
trouvé dans une marre , près de
Moirans, sans qu'on ait pu découvrir
si sa mort avait été l'effet d'un acci-
dent ou de sa volonté. W — s.
BONI (LE P. lilAL-Ro), archéolo-
gue et bibliographe distingué, naquit
a Gènes, le 3 novembre 174.6 (i), de
parents honnêles, nais peu favorisés
de la fortune. Il commença ses étu-
des a Crémone sons les jésuites , qui
lui ayant reconnu des dispositions
ne négligèrent rien pour le gagner
à la société. Envoyé par ses supé-
rieurs k Rome, en 1765, pour y
prononcer ses vœux, il v fit son
cours de théologie hrunivcrsité de la
Sapience , et s'appliqua dans le même
temps à l'étude de l'bistoire ecclé-
siastique et a celle des grands écri-
vains de l'antiquité. Ses progrès fu-
rent si rapides, qu'on ne crut pas
pouvoir laisser plus long-lemps parmi
les élèves un jeune homme qui se
montrait l'égal de ses maîtres ; et en
attendant qu'il eût l'âge nécessaire
pour recevoir les ordres sacrés, on
1 cn\"o\a professer la rhétorique dans
(i) Suivant la Bingrafia ilalinna , lîoni f'st né
en 1744 à Mozzanica, dans le Crémonais. Mais
)e P. C^iballeri), dans le -Suppl. ad liibliolh. societ.
Jes'i,p. io3, le fait naitre à Gènes en 1746; et
nous avons prefiré suivre son sentiment,
parce <iu'il devait être mieux instruit de foules
cp>; ]iavticularitc5, ayant eu à sa disposition les
registres de la société, et tous les documents of-
ficiels.
BON 545
uu collège d'Allemagne. Il ne farda
pas à revenir en Itaîie. Vers 1772,
il se rendit a Ragusc , pour y classer
le beau rausi'e du comte Dura7;zo. A
la suppression de la société, il se re-
tira dans sa famille a Mozzanica,
dans le Crémonais, el.peu de temps
après il obtint la collation d'une
chapelle dont les revenus suffisaient
k peine k son modeste entretien.
Conîcnt de son sort , il ne son-
geait point k quitter la retraite que
la Providence lui avait procurée j mais
ses talents ne pouvaient le laisser
long-lemps inconnu. Nommé par
l'évèque de Crémone professeur de
littérature dans son séminaire, il fut
élu, k la mort de ce prélat, vice-rec-
teur du collège de Kergame. Pen-
dant son séjour dans celte ville ,
il entretint une correspondance lit-
téraire avec quelques - uns de ses
anciens confrères, Lanzi, Morcelli,
Tiraboschi , Andrès, etc., qui lui
soumettaient leurs ouvrages ou le
consultaient sur différents pointa d'é-
rudition. De Bergame il vint k
Venise occuper la place de précep-
teur des enfants du prince Giusli-
mani, digne d'apprécier un homme
d'un si rare mérite. Sans négliger ses
devoirs , il put alors se livrer k son
goût pour les recherches de l'anti-
quilé: et , dans ses loisirs, il forma
des recueils précieux de monuments
relatifs k l'histoire de Venise. Les
éyènementsde iBi^le décidèrent k
quitter sa nouvelle patrie. Cédant aux
instances de quelques - uns de ses au-
ciens confrères , il reprit Thabit de
Saint-Ignace, et vint occuper, au
collège de Reggio , les doubles fonc-
tions de bibliolhécaire et de maître
des novices. Il y mourut le 4- janvier
1817. Boni fut l'un des principaux
coopéraleurs de Tédiiion itolienne du
Dictionnaire des hommes illustres
LVIII.
35
546
BON
de (lom Chaudon ( Vojr. ce nom, au
Suppl.) , imprimé à Bassano. Il le
revit, le corrigea et l'eDricliit d'une
foule d'articles remarquables par
l'étendue et l'exactitude des reclier-
ches. C'est à lui que l'on est redeva-
ble de l'édition des OEuvres lat. et
ital. du P- Jul. -César Cordara, Ve-
nise, i8o5, 4 vol. in-4°,avec une
préface et plusieurs dissertations
{P oy. Cordara, tom. IX), et de
celle des OEuvres de Métastase,
Padoue, 1811, précédée de l'éloge
de l'auteur. 11 a traduit en italien
l'ouvrage de Laharpe : Dufanatisme
dans la langue révolutionnaire.
Enfin , on a de lui : I. Sulla piitura
di un goiifidone délia Jraternità
di S . Mariadi Castello, esu dial-
tre opere^fatte nelFriuli, da Gio-
vanidi Udine. Venise, 1790,10-8°
{P'oy. Jean d'UniNE, tom. XLYU).
II. Degli autori classici sacri,
profani, greci e latinl, hiblio-
theca portatile,\bià., ijg^, 2 vol.
in-8°. C'est une traductioa de l'ou-
vrage d'Edw. Harwood (f^. ce nom,
tom. XIX) , augmentée d'un grand
nombre d'articles par MauroBoni et
par son savant collaborateur , M.
Barthél. Gamba. A la fin du second
volume , on trouve un opuscule de
Boni : Quadro critico tipogra-
Jico. C'est un catalogue raisonné
des principaux ouvrages publiés jus-
qu'à cette époque sur l'histoire lit-
téraire, la biographie et l'imprime-
rie , suivi de diverses opinions sur
l'origine de l'imprimerie et l'intro-
duction de cet art eu Italie. Suivant
Boni, Jean de Spire ne serait pas,
comme on le croit communément , le
premier imprimeur de Venise : mais
il a été réfuté solidement par Mich.
Denis, dans une dissertation intitu-
lée : Suffragiujii pro Johanne de
Spira {Koj, Denis, tora. XI). III.
BON
Lettere su i primi libri a stampa di
alcune città e terre delV îtalia
superiore, ibid., i794,grand in-4.°.
On trouve dans ces lettres la notice
de plusieurs éditions de Gènes , de
Milan et d'autres villes de la Lom-
bardie , inconnues jusqu'alors aux
bibliographes. IV. Séries monetce
romance universœ ; niusœo ordi-
nando ad Morelli , P aillantii et
Eckhelii doctrinam, ibid. , 1801 ,
in- 8°. Boni s'est associé pour cet
ouvrage J.-J. Pedrotti. Il en pro-
mettait une suite qui n'a point encore
paru. V. Notizia duna casset-
tina geografica , opéra di coni-
messo d'oro e dargento , etc., ib.,
1808, in-8°. Ce meuble précieux
avait été l'objet d'une savante disser-
tation de Dau. Francesconi, Boni
s'attache a réfuter l'explication qu'en
avait donnée ce prof^esseur. VI. Une
Lettre à Lanzi sur quelques pein-
tures antiques (de Tomazo de Mo-
dène ) récemment découvertes à
Venise ; insérée dans le tome VI
des Opuscoli scientijici letterati ,
Florence , 1809, et traduit en
Français dans le J)Iagasin ency-
clopédique de Millin , 1810 ,
IV, 1-26. Vil. Saggio di studi
del P. Luigi Lanzi, Venise , i 8 1 0,
in-8°. Cet éloge de Lanzi se trouve
dans \çs Annales encyclopédiques ^
1 8 1 7 , IV , 72. — Boni ( Oniifre),
architecte, né en 1743 et mort en
1818, fut surintendant des travaux
publics en Toscane , et l'ami du sa-
vant Lanzi {Voy. ce nom, tom.
XXIII) , auquel il consacra, dans
l'église Sainte-Croix , un monument
dont il fit en partie les frais après en
avoir dressé le plan. Outre plusieurs
mémoires pleins d'érudition dans les
Ejeméridi intorno ail' architec-
tura , on lui dit : Elogio di Lanzi,
tratto délie sue opère, Pise ,
BON
1816 , in-i8 5 el une Défense de
Micliel-Ange. conlre les critiques
de Fréarcl ( /^oj^. Chambrai, tom.
VU!). W— s.
liOXIîVGTON (RicHAP.D
Parkes), pelulre anglais, Tune des
espérances et des gloires de l'école
roinaulique, avait reca le jour a Lon-
dres en 1802; mais la France fut sa
pairie adoptive et sa terre de prédi-
leclion. Amené de bonne heure dans
ce pays des beaux-arts, alors le ihéâ-
tre le plus brillant de la gloire et
des mouvements politiques, il puisa
dans celte atmosphère enivrante la
sève qui nourrit et développe le gé-
nie du peintre. Sa vocation pour les
arts s'annonça, dès l'enfance, par de
petites scènes qu'il esquissait sans
principes et sans modèle. Bientôt
les maîtres vinrent: ils firent leur mé-
tier. Boninglon qui bien des fols avait
su voir sans qu'ils lui eussent imprimé
une direction, savait aussi voir autre-
ment qu'eux. Il les écouta pour tout
ce qui regarde le technique du dessin
et de la peinture: ils lui exercè-
rent la main , ils lui apprirent a om-
brer, k empâter; Us lui firent pein-
dre le modèle vivant j ils lui don-
nèrent des théories de perspective j
mais, chemin faisant, il devançait ou
défaisait les principes. A peine ca-
pable de donner une forme à ses
pensées , il faisait courir son crayon,
son pinceau , sa plume , et cent
croquades vives et piquantes fai-
saient l'étonnement des uns, le
charme des autres, le scandale d'au-
cuns. C'est que véritablement l'éco-
lier n'avait cure de la rhétorique pit-
toresque , qu'il s'en moquait, la bra-
vait, réussissait a faire rire,k émou-
voir, à être vrai sans elle. Chaque jour
augmentait cette insubordination fla-
grante. Tout montrait que Boulng-
ton Irait sans cesse s'endui'ci.ssaut
BON
5A7
dans cette horreur des types conve-
nus. El comme on ne lui épargnait
pas les remontrances, il n'épargnait
pas aux semonceurs une fois partis
les sarcasmes parlés et peints. Ou en
rapporta un au chef de l'école, qui trop
sévère ce jour-la prit la chose au Ira-
gl(|ue et mil l'élourdi au ban de l'a-
telier classique, qu'il eût sans doute
bientôt quille si l'on n'eût pris
rinitiative a cet égard. Boninglon
alors se mit a voyager : il visita nos
côles de l'ouest, celles de la Médi-
terranée, les Alpes suisses, l'Italie.
En observant la nature , il n'en étu-
dia pas moins a fond les procédés,
les manières et les caractères tant des
principaux maîtres que des écoles
qui se sont succédé dans chaque
pays. Riche des résultats de tant
d'attentives comparaisons, 11 acquit
une flexibilité rare el combina dans
son slyle, qu'on peut nommer anglo-
vénitien , les effets de cinq ou six
écoles diiféreutes. Quand Boninglon
reparut a Paris , précédé par sa
renommée, M Gros qui l'avait exclu,
lui rouvrit spontanément alors la
porte du sanctuaire et le félicita en
présence de tous ses élèves. Mais
déjà l'artiste portail le germe de la
mort dans son sein. Arrivé dans sa
paille , il y fut assailli d'une fièvre
cérébrale , dont il mourut , en sept.
1828, dans les bras de quelques amis.
L'académie royale de Londres fit cé-
lébrer pour lui un service solennel
auquel assistèrent tous ses membres.
Boninglon s'était essayé dans pres-
que tous les genres, les marines,
l'archlleclure, le paysage, les Inté-
rieurs. Il peignait à la gouache,
ou a l'huile 5 11 maniait la plume,
la mine de plomb et le crayon li-
thographique avec un succès égal ;
11 se jouait avec le pastel si dé-
crédllé depuis Latour , et s'il eût
35.
548
BON
vécu 11 l'eût réhabilité, ainsi que
la goiiathc , en quelque sorte ago-
nisaute depuis Mougiu , et qu'il
arracha du tombeau en l'asso-
ciant k l'aquarelle. L'histoire est
le seul genre que Boninglon eût
négligé. 11 ne l'airuait pas j il le
croyait faux, non pas en lui-mêine,
mais par la manière d'après laquelle
on est convenu de le traiter. Il re-
fait un changement complet dans
cette partie de l'art qui est de tou-
Ics la plus soumise k la routine.
Mais, pour opérer ce changement,
sou talent n'élait pas mùr. Il comptait
y préluder par une suite de tableaux
de chevalet où auraient élé combi-
nées, de manière a se faire ^aloir mu-
tuellement, la finesse hollandaise,
la vigueur vénitienne et la maaic des
Anglais. L'inexécution de ce plan
est une perte pour les arts. Le ca-
ractère dominant de Bonington est
une espèce de demi-mélancolie toute
poétique que frappaient vivement les
formes et les couleurs, et plus vi-
vement encore les secrets intimes
dont les formes et les couleurs ne
sont que les symboles. Aussi est-il
coloriste brillant, mais de ces colo-
ristes qui expriment des pensées par
des couleurs, et des nuances inlellec-
luelles par les nuances de l'outremer
et du pastel. Sa facture est large,
trop large peut-être. Ses figures,
jolies d'intention et de mouvements,
offrent en revanche trop de vague
dans les détails : aussi Bonnigton est-
il bien loin d'avoir l'exaclilude de
Canaletli dont il rappelle la manière
Comme presque tous les Anglo-Véni-
licns , il a donné k plusieurs de ses
ouvrages une teinte de vieillesse qui
réellement n'ajoute ni grâce ni va-
leur a un morceau moderne dont on
ne cache pas la date. Le chef-d'œuvre
de Boninglon est sa P^iie du grand
BON
canal de Penise. On distingue en-
suite son Tombeau de St-Omer,
remarquable par la linesse, la solidité
du ton et la vigueur de l'effet 5 puis
les planches du P" ojage pittoresque
de MM. Taylnr , INodier, (.'ailleux,
et surtout le Recueil de fragments^
empreint de toute l'originalité de son
talent j entin les planches lilhogra-
phiées des Vues pittoresques d'E-
cosse. P OT.
BOXJOUPi (Les FRÈRES ), chefs
de la secte des Fareinistes (ainsi ap-
pelée parce quelle prit naissance vers
la fin du XVIII'' siècle k Fareins ,
village sur les bords de la Saône
près de Trévoux)j étaient originaires
du Pout-d'Ain en Bresse, et d'une
famille peu aisée : ils embrassèrent
tous deux l'état ecclésiastique. L'aîné
fut d'abord curé d'une paroisse dans le
Forez, où il commença a répandre
une doctrine hétéiodoxe peu différen-
te de celle des pauvres de Lyon , prê-
ehée par Pierre de Valdo, sur la fin
duXIP siècle. Mais, avant excité l'a-
niraadversion du seigneur de la pa-
roisse et des principaux habilants, il
fut rappelé par l'archevêque Montazet
qui lui fit une mercuriale et l'cnvova
comme curé dans la paroisse de Fa-
reins en 1775, lui donnant son
frère pour vicaire. Les deux ecclé-
siastiques se rendirent recomraanda-
bles par la sévérité de leurs mœurs ,
par leur piété, leur charité, et
surtout par leur talent pour la
chaire. Ils étaient doués d'un ca-
ractère très-doux • et des manières
insinuantes leur gag-naient l'affec-
tion générale. Huit années s'écoulè-
rent ainsi dans la pratique des ver-
tus pasîorales les plus incontestables,
lorsque tout k coup le curé monta
en chaire, et déclara k ses parois-
siens qu'il ne se croyait plus digne
non seulement de continuer ses fonc-
BON
lions, mais même de participer à la
sainte communion: dès lors il cessa de
célébrer la messe a laquelle il assistait
néanmoins avec une grande ferveur.
Sou frère lui succéda eu 1783, com-
me curé, et il eut pour vicaire un
ecclésiastit[ue nommé Furlay qui était
imbu de leur doctrine. Ils continuèrent
de vivre tous les trois ensemble,
l'aîné 5e réduisant au rôle modeste de
maîlie d'école. Il s'était, dit-on, cou-
damné à une rigoureuse pénitence et
passait tout le carême sans manger;
mai.s lorsqu'on fit l'inventaire de son
mobilier, on trouva une armoire ri-
chement garnie de chocolat, de con-
fitures cl de liqueurs de toute es-
pèce. Bientôt on entendit dans le pays
parler de miracles: un petit couteau
à manche rouge d'une construction
particulière, dans le genre de ceux
qui sont décrits dans la Magie blan-
che dévoilée [Voy. Decremps
au Snppl.), avait acquis une célé-
brité singulière. Le curé l'avait en-
foncé jusqu'au manche dans la jam-
be dune jeune fille, non seulement
sans lui causer aucun mal, mais il
l'avait de plus guérie d'une douleur
dans cette partie. Quelque temps
après, une autre fille demanda avec de
pressantes instances au bon curé
de la crucifier comme l'avait été
Jésus-Christ. Cette exéculion eut
lieu dans la chapelle de la Vierge,
qui tenait à l'église de la paroisse de
Farcius, un vendredi, h liois heures
après midi, en présence des deux
curés, du vicaire Furlay, du P. Caffe ,
dominicain , et de dix à douze per-
sonnes des deux sexes qui étaient du
nombre des adeptes. Ces miracles
produisirent l'effet qu'on en atten-
dait; ils attirèrent aux frères Bon-
jour un grand nombre de prose! vies,
surtout en filles et en femmes . elles
se rasiemblaient dans une grauîrc
BON
549
pendant la nuit, sans lumière , et le
prêtre s'y rendait par la fenêtre.
Là il distribuait la discipline à droite,
à gauche, à torl et à travers; el les
pénitentes, loin de pousser des cris
de douleur, exprimaient leur salis-
faction par des cris de joie, appe-
lant le iustigeur mon petit papa.
Isolément même, ces fanatiques le
poursuivaient dans les chaujps en le
suppliant de leur distribuer des coups
de verges j elles ne se trouvaient heu-
reuses que lorsque le peliL papa
les avaient bien fustigées, et elles en
clicrcliaient avidement toutes les oc-
casions. Les pères de famille et les
maris qui ne faisaient point partie de
cette secte souffraient impatiemment
ces désordres j il en résultait des di-
visions et des querelles de ménage
assez graves , surtout quand on s'a-
percevait que les denrées disparais-
saient des greniers^ car celte société
avait posé en principe la commu-
nauté des biens comme chez les pre-
miers chrétiens. Un événement fu-
neste répandit l'alarme chez les prin-
cipaux habitants de Fareins. L'un
d'eux, qui s'était montré le plus op-
posant a tous ces désordres, mourut
presque subitement d'une piqûre
d'aiguilîe trouvée dans son lit; dès
lors il n'y eut qu'un cri contre ces
novateurs dangereux : des plaintes
furent portées à l'arclievêclié et aux
magistrats de Trévoux. M. Jolvclair,
grand-viraire, fut envoyé à Fareins,
oùilpritdes informations, entenditde.s
témoins, et dressa un procès-verbal
qui constatait toutes les folies de
cette nouvelle secte. D'après ces faits,
l'archevêque obtint trois lettres de
cachet. Bonjour aîné etFurlav furent
exilés, et Bonjour second fut enfermé
au couvent de Toulay. d'où il corres-
pondait avec ses sectateurs. 11 par-
vint à s'évader, et leur fit croire qu'il
55o BON
avait été, comme saint Pierre aux
liens , délivré par un ange :; il se ré-
fugia à Paris • la fille crucifiée el une
nuire prophélesse vinrent rjjoindre.
Il envoya lapremicreaPori-Rojal, au
nioisde jauv., nu pieds avec cinq clous
plantés dans cbaque talon; elle avait
passé tout un carême ne mangeant
qu'une rôlie de fiente humaine cha-
que malin. Bonjour avait soin d'in-
slruire de tous ces faits les habitanls
de Farcins. dont plusieurs vendirent
leurs propriétés, mirent leur argent
en commun , et allèrent le joindre à
Paris. La révolution de 1789 pa-
rut au curé Bonjour une occasion
opportune pour recouvrer sa cure.
Il se rendit à Fareins, et accompdgné
d'une centaine de ses sectaleurs il pé-
nétra dans le presbytère, en l'absence
du curé et du vicaire , s'empara des
clés de l'église , y entra , monta en
chaire et enflamma le zèle de ses
partisans; ils se rendirent de là
dans le jardin de la cure d'oîi ils dé-
clarèrent qu'ils ne sortiraient que
par la force. La maréchaussée de Tré-
voux arriva et eut bientôt dissipé
cet attroupement. Le procès-verbal,
rédigé par M. Jolyclair le 27 sept,
1787, fut afiirmé par le seigneur
de P'areins, un chanoine de Trévoux,
M. iVIerlinoz, ancien conseiller au
parlement de Donibes, deux chirur-
giens et un notaire de Messimi, qui tous
signalèrent les désordres causés par
ces fanatiques, surtout a la dernière
procession de la fèle-Dieu. Le curé
Bonjour retourna a Paris , où il con-
tinua sa correspondance avec ses
affidés et ses myslificalions jusqu'à
l'époque où Bonaparte fut nommé
premier consul. Les deux frères
Bonjour furent alors exilés à Lau-
sanne en Suisse, où ils sont morts
dans un à^e avancé et dans un elal
voisin de l'indigence. A\ec eux $"eit
BON
éteinte la secte des Flagellants
Fareinistes. Oz — ?i.
BOX JOUR (Fkan-ç ois-Joseph),
chimiste,naquille 12 décembre 1754.,
a la Grange de Combes, près de Sa-
lins. Pressé par ses parents d'embras-
ser l'état ecclésiastique, il commença
ses études de théologie au séminaire
de Besancon ; mais il en sortit pour
suivre le cours de médecine à l'uni-
versité , et se rendit à Paris , où il
reçut le doctorat en 1781. Doué
d'une sensibilité trop vive pour con-
server auprès des malades le calme
nécessaire , dont dépend la sûreté
du pronostic , il renonça bientôt à la
pratique de la médecine pour se H •
vrer à l'étude de la botanique el de
la chimie, sciences dans lesquelles ses
progrès furent rapides. Ses talents le
firent distinguer de BerthoUel, qui le
choisit en 1784 pour son prépara-
teur ; et il concourut à toutes les ex-
périences de ce grand chimiste , dont
le résultat fut la découverte d'un nou-
veau procédé pour le blanchiment
des toiles. Envoyé par son maître à
Valenciennes pour y faire en grand
l'application de ce procédé , il était
dans cette ville lorsqu'elle fut assié-
gée par les Autrichiens en 1793.
Il servit d'abord pendant le siège
comme simple canonnier; mais, ayant
été blessé d'un éclat de bombe au bras
gauche , il fut adjoint aux officiers de
sauté comme pharmacien, et contri-
bua beaucoup a prévenir la contagion
dans les hôpitaux par l'usage des ap-
pareils désinfecleurs qui n'étaient pas
encore répandus. Après le siège , il
fut nommé par l'administration des
salpêtres son commissaire dans le
district de Valenciennes, et il rem-
plit celte place jusqu'à la fin de 1794..
Revenu alors à Paris, il fut adjoint
au professeur de chimie à 1 école
centrale des travaux publics , et dé-
BON
signé preîique en même temps élève a
l'école normale pour le département
de Paris : en sorte qu'il donnait des
leçons dans une école et qu'il en rece-
vait dans une autre. En 1790 , il fut
nommé membre du conseil d'agri-
culture et des arts, et, en 1797 ,
commissaire du gouvernement près
des salines de laMeurthe. Ce savant,
modeste et laborieux , mourut k
Dieuze, le 24 février 181 1. Absent
de son pays , Bonjour n'avait pas
cessé de prendre le plus vif intérêt
k sa prospérité. C'est k lui que le
Jura est redevable des diverses es-
pèces de pommes de terre qui se
sont multipliées a l'infini depuis
1787 , époque où il envoya les pre-
mières, avec une instruction sur le
meilleur mode de les propager. A di-
verses époques , il tenta d'y natura-
liser d'autres plantes utiles. Bonjour
a traduit du latin de Bergmann le
Traité des affinités chimiques ou
attractions électives y Paris , 1788,
in-8°, (ig. . avec un supplément et
des noies. Il avait achevé, en 1784,
nu Traité complet de botanique,
dont le manuscrit s'est perdu; mais
on doit trouver dans les bureaux du
ministère la relation d'un voyage
qu'il fit en 1801 , en Allemagne,
par ordre du gouvernement, pour
examiner les divers modes d'exploita-
tion des salines. W — s.
BOXX (AiVDRÉ) , professeur de
chirurgie a Amsterdam, était fils
d'un pharmacien de cette ville, où
il naquit en lySS. Après avoir reçu
une éducation soignée , il se rendit
a Leyde pour étudier la médecine^
il y fut reçu docteura l'âge de 25
ans et soutint alors une disserta-
tion inaugurale très - remarquable ,
intitulée : De continuationibus
membranarum, dont on a prétendu
que l'immortel Bichat avait profité
BON 55 1
dans son traité des membranes. Quel-
ques années après il vint a Paris où
il eut des rapports avec les hommes
les plus célèbres de l'époque. De
retour k Amsterdam^ Bonn y fut
nommé professeur d'anatomie et de
chirurgie a la place de Folkerl Snipp
qui venait de mourir. Dans ces fonc-
tions, il fit tous ses efforts pour con-
tribuer efficacement aux progrès des
sciences qu'il enseignait. II prit une
grande part a la fondation de la
société de chirurgie d'Amsterdam ,
dont les membres firent frapper une
médaille en son honneur. En 181 5 ,
il fut nommé clievalier de l'ordre du
Lion Belgique , membre de l'aca-
démie de Bruxelles et d'un grand
nombre de sociétés savantes. 11 jouit
d'une estime générale qu'il méritait
par ses talents, et mourut en 1819 ,
âgé de quatre-vingt-un ans. Avant
sa mort , il eut la douleur de perdre
son fils, André Conrad, qui avait
terminé ses études de médecine et
qui donnait de grandes espérances.
Plusieurs des ouvrages de Bonn sont
en hollandais. Vuici la liste de
ceux qu'il a écrits en latin : I. Lfis-
sertatio inauguralisde continuatio-
nibus membranarum y Leydcj 1765,
in-4.° , réimprimée dans le Thésau-
rus dissertationum et program-
maium de Sandifort. II. Z^e sim-
plicitate naturce , anatomicorum
admiratione , chirurgicorum imi-
tatione dignissima , Amsterdam ,
1772 , in-4-''. C'est le discours qu'il
prononça lorsqu'il prit possession
de la chaire d'anatomie et de chi-
rurgie d'Amsterdam. III. Commen-
tatio de humero luxato, avec fig.,
1 j Q 2 ,'\n- ^° .ÏV . Descrip tio Thesau-
ri ossium morbosorum Hoviani;
adnexa est dissertatio de Callo ;
Amsterdam, 1785^ in-4.° ; Leipzig,
1784-, in-S". V. Tabules ossium
552
BON
morhosorum j prœcipue Thesauri
Hovuini,fasclc. r-3,Leyde, 1780-
1789, iu-fol Boun . ami iitlrae
crHovius, avait publié à ses frai?
cette descripliou de sa riclie collec-
lioii d'os malades •, mais il ne l'a pas
couliiiiie'e. M. Tahiilœ anatom.co-
chirurgicœ doctrinam hernïariini
illustrantes^ editœ à G. Sandi-
fort , avec 20 planches, Lejde ,
iSiiS, iu-fol. On trouve encore
dans le catalogue d'Euslln de Ber-
lin l'indication d'un écrit de cet
auteur sur la rétention d'urine et la
ponction de la vessie, traduit du hol-
landais en allemand, Leipzig , 1 794.,
in- 8°. Van der Breggen , professeur
de médecine a Amsterdam , a pro-
noncé Tcloge de Bonn , imprimé sous
le titre : Meuioria Andreœ Bonn
M. D. , anatomiœ et chirurgUe
projessoris , etc. , 1819 , in-4-°.
G — T — R.
BONNAIRE (Jean-Gérard) ,
maréchal-de-camp , né k Propet ,
(dép. de l'Aisne), le 1 1 déc. 1771,
entra dans la carrière des armes en
1792 , comme volontaire dans le 6"^
bataillon de Paris, servit avec hon-
neur dans les armées françaises; par-
courut toutes les contrées , et parvint
successivement a tous les grades jus-
qu'à celui de maréc!ial-de-camp ,
qu'il possédait en i8i5, lorsque
Napoléon revint de l'île d'Elbe.
Comme la plupart de ses confrères,
il s'empressa de se ranger sous les
drapeaux de son ancien maître ,
qui le nomma commandant de
Condé. Lorsque, après la bataille de
Waterloo , Louis XYIII rentra
dans Paris le 8 juillet , P>onnaire
défendait encore la place dont le
commandement lui avait été con-
fié. Mali^ré les exigences de sa posi-
tion, les habitants de Condé et des
environ» n'eurent qu'à se louer
BON
de sa modéi-ation et de son éloîgne-
ment pour les mesures de rigueur.
Mais tel n'était pas Miélon,son aldc-
de-camp^ homme violent, d'une
impétuosilé indomptable : le drapeau
du roi produiîiait jur lui l'iffct de
l'eau sur un liydrophobe, il devenait
furieux ala vue d'une cocardeblanche.
Condé fut investi par les troupes hol-
landaises, sous le commandement du
général Authiug. C'est alors que le
colonel Gordou , hollandais de nais-
sance . mais depuis long-temps natu-
ralisé Français , porteur de letties
signées de MM. de Bourmont,
Clouet , et d'une circulaire du duc
de Feltre , se dirigea vers Condé.
Sur la roule, au village de Bruai^ de
bons campagnards veulent le détour-
ner de son dessein : « IS'allez pas
K dans cette ville, lui disent-ils:
a vous vous exposez 5 les Coudéens
« sont des bonajiartistes , et la gar-
« nlson y est montée au plus haut de-
« sré d'cxaltaiion, » Ces conseils ne
peuvent rien sur la résolution dn
colonel 5 son devoir lui ordonne d'a-
vancer et d'ailleurs la qualité de
parlementaire est sacrée. Le prince
Frédéric d'Orange lui avait donné
une escorte de quatorze hommes et
un trompette. Arrivé au village de
Frênes, il y laisse celte escorte 5 un
palefrenier le conduit seul , dans
une voiture attelée de deux chevaux,
aux postes avancés. La boutonnière
de sa redingote bleue est ornée d'un
liseré blanc et rouge , et il porte la
cocarde blanche; le palefrenier a
aussi placé sur son chapiau un mor-
ceau de papier de même couleur. Au
cri de : « halte-la! qui vive? » il ré-
pond : « adjudant-général français ,
chargé de dépèches pour le général
Bonnaire. » Un caporal vient le re-
connaître. Gordon descend de voi-
lure, les canonniers du poste l'en-
BON
toiirent et lui adressenl vingt ques-
tions a-la-fois sur ce qui se passe
eu France, car on étail a Coudé
dans la plus eulière ignorance a cet
égard. « Le roi est à Paris, répond
a le colonel , ou sur le point d'y en-
« Irer : tout est fini; Bonaparte a
« fui comme un lâche en aljandon-
« uant son armée. » Ces paroles ont
produit sur tous les auditeurs une
vive impression. On court en toute
liàte chercher Bonnaire dont les
blessures réceules reudeut la marche
pénible. Miéton le devance- il ar-
rive, devient furieux, commande à
Gordon de mettre bas la cocarde
blanche et, sur sou refus, l'arrache de
sa propre main ainsi que sou liseré.
Le palefrenier p!us mort que vif
Ole son morceau de papier. Miéton
ordonne qu'on bande les veux au
parlementaire, et l'on (frige sa
marche vers les glacis. La se trouve
le général Bonnaire qui l'interroge.
« Quel est voire souverain? — Louis
« XVllI. — Que demandez-vous? —
« J'appcrleles ordres de mon roi. —
« Où sont vus dépêches^ vos pou-
ce voirs? — Les voici. — Des lettres
«de Feltre, Bourraont, Clouet.
« belle recommandation vraiment !
« vous mériteriez que je vous fisse
« jeler dans un cachot. Soldats,
« qu'on reconduise ce misérable au-
« delà des postes avancés, et, quand
a il sera à cinquante pas, qu'on lire
«c sur lui un coup de canon. » Un
seul homme déclare que le général
avait dit a un coup de canon a mi-
traille.» Adoptant une autre pensée,
Bonnaire demande a son aide-de-
camp s'il existe dans Condé une pri-
son sûre, a — Qu'on le fusille ! ré-
pond Miéton : la mort est la meil-
leure prison pour un traître. » Ici
les tails se compliquent à l'égard du
général, et il devient difficile de dé-
BON 553
mêler clairement la vérité. Dans
celle grave circonslauce il fut au
moins taible : la prudence et le san^--
froid l'abandonnèrent. Il s'éloio-na
pour rentrer en ville, ne s'expllcjuant
plus que par des gestes diversement
interprétés. La conduite de Miéton ,
malgré ses dénégations nombreuses
et tardives , n'eut rien d'équivoque ;
il avait ordonné qu'on fîl rebrousser
chemin au colonel Gordon. On le
touille : des proclamalions fleurde-
lisées trouvées sur lui portent a sou
comble l'indignation des soldats. Ou
les transmet au général. Sou aide-
de-camp, qui étail retourné près de
lui, le quille, suivi de deux gardes
nationaux étrangers à la ville du
Condé. Il accourt furieux pour res-
saisir Gordon, et celle fuis il ne le lâ-
chera plus. «Que faut il faire? lui de-
« maude-t-on. — Il faut en finir. —
«Oui, dit un vieux caporal: il faut en
ce finir ; .mais comment? — Qu'on le
te fusille enfiu, dit l'impilovable Mié-
tc lou. — Qu'on le fusille! répètent pin-
ce sieurs voix. — Grâce ! grâce ! s'écrie
ce Gordon. — Pas de grâce pour les
ce traîtres.» Un violent coup de crosse
ce retend par terre, ec Par pilié ! —
ce Fiien. — Français ! au nom de
ecl'honueur, de l'Iuimanilé —
ee Rien. » Et deux coups de fusil
tirés à bout porlaut achèvent cet
Inforluué. (ij. Dès que le roi ,^it
rentré dans la capitale , les frères de
Gjrdon réclamèrenl justice, et Bon-
naire fut traduit a un conseil de
guerre ainsi que son aide-decamp.
Chauveau-Lagarde défendit le gé-
néral. Le caractère et les antécé-
dents de cet illustre avocat étaient
(i) N'oublions pns de dire qu'il résulte de
rinsttuction de l'alfaire, et (l'iiifoniialions piJ-
SLS sciupuUusemeiit par nous, que la ville de
Condé lut éirangrre à ce ciinie. /Viicun des
hommes qui se riiidirent les meurlriers ou les
spoliateurs de Gordon ii'appnrtenail ù celte ville.
554
BON
d'un favorable augure. Bonnaire ,
selon lui , n'avait voulu ni com-
mandé la mort du parlementaire ;
mais tous les efforts d'un beau ta-
lent ne purent triompher que d'une
partie de l'accusation. Ou pensa que,
dans le doute, le prévenu aurait dû
se borner à faire incarcérer Gordon.
Telle était en effetla mesure indiquée
par la prudence; miis cet homme,
parfaitement à sa place sur un champ
de bataille , manquait des qualités
indispensables pour être gouverneur
d'une ville dans des moments aussi
critiques. L'ordre primitivement
donné par lui de tirer de loin un
coup de canon sur le parlementaire
après l'avoir renvoyé n'aggrava pas
la position de l'accusé. Il parut
constant que, dans le cas où Ton
eût donné suite k cet ordre, le
coup n'aurait guère pu atteindre
Gordon. Mais Bonnaire n'avait pas
fait rechercher les auteurs du crime:
il avait dit au conseil municipal, après
sa consommation, suivant les uns :
Je viens ou nous venons dejaire
fusillerun traître; suivautlesautres:
On vient de fusiller un traître ; et,
dans un ordre du jour du lendemain ,
il s'était exprimé en ces termes :
V. Un de ces traîtres qui ont lâche -
ce ment abandonné nos drapeaux ,
a s'est présenté hier à nos postes ,
« chargé de proclamations incendiai-
« tes : il a subi le sort qu'il méri-
cc tait. » Pour ces causes et quel-
ques autres dont ces temps de réac-
tion rendaient l'appréciation plus
sévère , il fut ju^é que Bonnaire ,
coupable de n'avoir pas usé de toute
la force de son autorité et de s'être
laissé dominer pnr son aide -de-camp,
« avait commis Tacte de violation le
« plus inoui du droit des gens , en
« méconnaissant dans le colonel Gor-
« don le caractère sacré de parlemen-
BON
« taire, crime que toutes les nations
a anciennes ont puni de la mort, même
ce de populations entières 5 etenlais-
(c sant impuni le meurtre commis sur
te sa personne , au mépris des devoirs
te les plus sacrés de sa place. » Eu
conséquence, le conseil le condamna
a l'unanimité, le 9 juin 1816, a
la déportation, avec supplique au
roi de commuer cette peine en une
prison perpétuelle , commutation qui
eut lieu. Quant a Miéton, trouvé
coupable sur tous les points, et qui,
pendant qu'on dépouillait le cadavre
de Gordon, s'était emparé de sa
bourse contenant douze cents francs ,
dont une partie avait été distribuée
par lui a quelques soldats , il fut
condamné , k la majorité de six voix
(un membre ayant opiné pour les
travaux forcés k perpétuité), k la
peine de mort, peine que le malheu-
reux Bonnaire suppliait k grands cris
le conseil de guerre de lui appliquer
également... I>e 3o juin i8i6, ce
général fut dégradé sur la place Ven-
dôme, non loin de la colonne triom-
phale qui lui devait sans doute quel-
ques fragments de sou bronze. Cette
dernière humiliation fit sur ce vieux
guerrier une impression telle qu'on
le reconduisit malade dans sa prison
et qu'il y mourut deux mois après.
\S Histoire du procès du maréchal-
de-camp Bonnaire et du lieutenant
Miéton^ son aide-de-camp ^ a été
publiée par M. Maurice Méjan . Pa-
ris, i8i6,in-8''. L — R — Y.
BONXARD (Ennemond) , gé-
néral français, nék St-Symphorienen
Daupliiné le 3o septembre 1756,
entra au service en 1774- dans le
régiment d'artillerie d'Auxonne 5
fit la guerre d'Amérique sous Ro-
chambeau et y fut nommé ser-
gent. Revenu en Europe, il fut en-
voyé k Naples avec un détachement
BON
d'artilleurs que commandait Pommc-
reul , pour y servir d'instrudeiir. Il
ne revint eu France qu'au commen-
cement de la révolution, et fut nommé
lieutenant, puis adjudant-major avec
rang de capitaine en 1793. L'année
suivante il passa comme chef de ba-
l.iillon dans le 2"*' rég. d'artillerie,
et fut cliargé a l'armée du Nord de la
direction d'un parc. Elevé au grade
de général de Lrigade il commanda
l'artillerie aux sièges de Charle-
roi, du Quesnoi, de Valeiicieunes ,
et prit une grande part aux victoi-
res de Fleurus et de Duren. Il con-
courut ensuite beaucoup à la prise
de Maesiricht et fut nommé, pour ce
dernier exploit, général de division.
Ce fut encoie Bonnard qui dirigea
l'artillerie de l'armée de Sanibre-et-
Meuse au passage du Rhin devant
Dus.seldorf en septembre 1795, et
qui fut ensuite cliarge de l'inveslisse-
ment d Ehreiibreistein et de M agence
On lui confia plus lard le comman-
dement de différentes contrées sur le
Rhin , et du pays de Luxembourg.
Partout il se fit remarquer par sa
modération et sa probité. Il com-
mandait dans !a Belgique en 1798,
lors des révoltes de la Campiue , et
il contribua beaucoup a les réprimer
par sa sagesse et la fermeté de ses
mesures. Nommé dans les premières
années du gouvernement impérial
commandant de la 22™^ division mi-
lllaire a Tours, il conserva cet em-
ploi jusqu'au mois d'octobre i8i4..
Ayant été mis à la retraite a cette épo-
que, il conlinua de résider dans cette
ville, et y mourut le 1 5 janvier 18 19.
Il avait été (ail comte, commandant
de la Légion-d'Hocneur par l'en.pe-
reur et chevalier de Saint-Louis par
le roi. — Un au^^e Bon>ard était
aide-de-camp du général Carteaux en
i''95j et devint également général
BON
555
de division • il est mort par un sui-
cide en 1801. M — D j.
BOXXARD(Jacq-ues-Charles),
arcliilecte , naquit a Paris le 3 0 janv.
1765. Son père aurait désire (pi'il
eût embrassé une de ces professions
auxiliaires de l'architecture, qui sont
moins honorables , mais plus lucra-
tives j cependant il n'essaya pas de le
contraindre, et Bonnardétudial'arcbl-
tecture a l'école de Renard, l'une des
meilleures de cette époque. «La on
« enseignait, dit M. Quatremère de
a Quincy, dans toute leur pureté les
a doctrines de cette anliquilé classi-
cc que où vont toujours se rajeunir le
«goùtetlesinvenlionsdesmodernes.»
Bientôt Bonnard obtint le giand prix,
dont l'objet estd'ouviira l'élève qui
le remporte la carrière de cette
haute émulation où l'on n'a pour
rivaux que les grands génies des
temps passés. Un de ses principaux
ouvrages en Italie fut nue suite de
recherches sur les aqueducs de l'an-
tique Rome. Il y en avait neul^ on n'en
emploie plus que trois 5 il fallait re-
trouver les six autres : Bonuard y
parvint j et son nom est resté en
grand honneur dans ce pays. Lorsque
Louis XVI fut forcé , en 1 7 89 , de
venir résidtraux Tuileries, Renard,
qui était l'architecle de ce palais ,
avant reçu ordre de le rendre ha-
bitable , invita son élève a quitter
Rome pour venir l'aider. Bonnard
accourut j mais bientôt effrayé des ca-
tastrophesquimenaçaient le trônej dé-
noncé lui-même comme partisan du
roi, il se réfugia en Angleterre. Les
premiers dangers passés, il revint à
Paris , où l'on n'employait plus les
architectes qu'à démolir. i\e voulant
pas perdre un temps précieux , il
s'associa comme dessinateur et gra-
veur a la pubiicatiun d'un ouvrage
sur les palais d'Italie. Sous le cou-
556
BON
sulat, il quiUala pointe et l'cau-forte
pour reprendre la règle el le compas.
Sous l'empire, Renard, architecte
des relations extérieures , mourut
au moment où il allait élever sur le
quai d'Orsay un vaste palais pour ce
ministère. Il y avait là pour Bonnard
deux héritages a recueillir, la place
d'architecte titulaire du ministère ,
et le droit de continuer le grand
ouvrage qui n'était encore qu'un
projet. Toujours délicat et géné-
reux , il n'accepta la place qu'a la
condition qu'il en partagerait le trai-
tement avec la veuve de son maître.
Il s'éleva d'abord quelques obstacles
sur la consiruclion de ce grand édi-
fice : on parla de concours j mais à
la fin le projet de Bonnard fut
adopté. Le palais aurait été achevé eu
ciuq ans , si les fonds n'eussent pas
•manqué j du reste , un de ses élèves,
homme de talent, M. Lacornée, ter-
mine aujourd'hui cet édifice pompeux,
qui atteste le savoir et l'habileté de
Bonnard. Isommé inspecteur des di-
vers établissements des droits réunis,
Bonnard les acheva en ordonnant
de grandes économies. Il mourut en
1818 a Bordeaux où le gouverne-
ment l'avait envové pour diriger
différentes constructions. M. Qua-
tremère de Quincy prononça son
éloge , qui fut inséré dans les mé-
moires de l'Institut et dans divers
journaux. — Bonnard [Etienne] , né
à Sannois près Paris, en ijio, fut
d'abord avocat en parlement , puis
chargé d'affaires du duc de Deux-
Ponts, depuis roi de Bavière, près
la cour de France. Emprisonné ,
ainsi que sa femme, peudaut la
terreur , con;me agent de l'étran-
ger et pour différents services qu'il
avait rendus a des émigrés , entre
autres h M. de La Galaizière et au
fameux financier Duiuct, il courut
BON
les plus grands dangers et fut tenu
long-teinps au secret. Un de ses amis
qui sollicitait pour lui jFuuquier-Tain-
ville , ea reçut pour toute réponse
l'assurance qu'il serait maintenu au
secret, que c'était le seul moyen de le
sauver. Bonnard arriva ainsi jus-
qu'au 9 thermidor et fut alors mis
en liberté. Le roi de Biivière et le
prince de Birkenfeld, son cousin, lui
firent témoigner leur reconnaissance
pour le zèle et le courage qu'il avait
mis à les servir, et leur sollicitude
pour les dangers qu'il avait courus.
Etienne Bonnard est mort a Paris ,
en 1817. A — D.
lîOXXARD (Charles-Louis) ,
né a Arnay-le-Duc, le 19 mai 1769,
d'une famille honorable , fut admis
comme élève a l'école militaire
d'Auxerre, dirigée par les bénédic-
tins et inspectée par le chevalier de
Kéralio(^oj'. ce nom, tom. XXII).
Il y eut pour amis et condisciples'
Davoust, depuis maréchal de Fran-
ce , Fourier , secrétaire de l'aca-
démie des iciences , et Blanche-
lande . gouverneur de Saint-Domin-
gue. Il y fit d'excellentes études et en
sortit a la fin de 1786, pour suivre
un cours de philosophie au collège
de Dijon où il se perfectionna dans
les mathématiques* ce qui décida du
choix de sa carrière. Prévoyant les
difficultés qu'il éprouverait a se faire
admettre dans le corps du génie mi-
litaire, ou dans celui de la marine,
l'un el l'autre exclusivement réservés
à la noblesse, il se détermina pour
les ponts et chaussées et se rendit à
Paris en juillet 1788. Ce fut d'après
le conseil et sous les auspices du
créateur delà géométrie descriptive,
Monge, qu'il se décida pour le gé-
nie de la marine. Il y futreçu comme
aspirant en janvier 1789. Bonnard
s'appliqua dès-lors, el pendant quatre
BON BON 557
années, avec succès, a acquérir loti- in-S''.Bonnaud montre d'une manière
les les connaissances qu'exige celle assez piquante la supposition des let-
carrière ; mais les malliéiualiqucs très publiées sous le nom de Clément
n'absorbèrent pas à lel point ses in- XIV, par Caraccioli. Deux ans après,
stauts qu'il ne sut eu varier l'étude par i\-p\ih\\a.au Examen ci^itique des Ob-
des occupations moins sérieuses. C'est seri'atio?is suj^ l' ^ tlantide dcl\d\[[j ^
ainsi , et par suite de son goût pour par l'abbé Creyssent de la Moseille ,
la litléralure , qu'il devint avec Bron- in-12 de 53 pag. Les Observations
gniart,:il. Silvestre, del'académie des avaient paru dans \e Joia-nal des
sciences, et d'aulres savants, l'un sai>ants de février 1779- Bonnaud
des fondateurs de la société pbilo- prit part à la controverse excitée par
malbique qui subsiste encore. INommé le livre de Guérindu Rocber, et donna
sous-ingénieur constructeur au port sur ce sujet Hérodote historien du
de Toulon , Bonnard fut arrêté dans peuple hébreu sans le savoir, ou
sa carrière par une maladie grave , Réponse à la critique de l'his-
qul le priva pour toujours de l'avan- toire des temps fabuleux , 1786,
cément qu'il devait obtenir. Voué in-8". Ily adeTéruditiondanscelivre
dès-lors à une retraite absolue , il où d'ailleurs est soulenu un système
consacra les moments de loisir que tout-k-fait abandonnéaiijourd'hui. En
lui laissaient ses infirmilés à la ré- 1787 , lorsqu'il était question d'ac-
dac lion d'un ouvrage intitulé : yJ/eïa- corder létal civil aux prolestants,
physique nouvelle, ou Essai sur le Bonnaud publia le jD/^coi/r* à lire
sj stème moral et intellectuel de au conseil, en présence du roi,
l'homme, qui l'occupa pendant 2.S par un ministre patriote, sur Id
ans et dont il n'a publié que la pre- projet d'accorder Cétat civil aux
mière partie (Paris, 1826, 3 vol. protestants, in-8°. On trouve des
in-8°). Cette composition signale à cboses assez curieuses dans ce livre
la fois une saine pbilosophie et une que quelques-uns allribuèrent alors a
grande instruction. La 2'' et la 5''par- l'abbé Lcnfaut, ex-jésuile • mais Fd-
lie sont restées manuscrites. Cli.-L. Icr , qui devait savoir ce qui en était,
Bonnard mourut dans son pays natal donne l'ouvrage a Bonnaud _, dont
le 25 janvier 1828. Z. c'était en effet plutôtle genre cpiecelui
BOXXAUD (Jean-Baptiste), de Lcnfaut. Ce discours valut à l'au-
néen Amérique en 17^0, fut amené teur la protection de M. de Mar-
■de bonne heure en France, lit ses bœuf, alors ministre de la feuille,
éludes au collège de La Flèche et en- Ce prélat lui donna eu 1788 deux
Ira jeune chez les jésuites. Lors de la bénéfices simples , les prieuiés de Ser-
suppresbion de la société, eu 1 7 62 , il maise et de Harnicourt , et le nomma
élailrégenl de basse classekQuimper. grand- vicaire de Lyon, siè;;e sur
Il ne put èlre ordonné prêtre qu'après lequel il remplaça cette année même
cette époque , et Ton dit qu'il exerça ]\1. de Blonlazel. Comme M. de Mar-
ie ministère en divers diocèses. Sou breufue résida point dans son diocèse,
premier écrit paraît être celui qui d'abord à cause de ses fondions
a pour titre : le Tartufe épistolaire a la cour , et ensuite a cause des ora-
démasqué ^ ou Epitre très-faini- ges de la ré\oIulion, Bonnaud eut
Hère au marquis Caraccioli, ionsle une plus grande part il l'adminlslra-
masque de Kokerbourn, Liège, 1777, tiou. 11 paraît qu'il était chargé spé-
558
BON
cialemeut de la rédaction des inau-
deraents et lettres pastorales. On lui
atlribiia un mandement de l'arihe-
vêque pour le carême de 178^, man-
dement dans lequel il annonçait des
malheurs , qu'on a vus depuis trop
malheureusement réalisés. Le mardi
gras, les patriotes de Lyon vinrent
Ériiler ce mandement sous les fenêtres
du séminaire où logeait l'aljbé Bon-
naud. Dans les controverses qui sui-
virent, le grand-vicaire donna, mais
toujours sans y mettre son nom, la
Découverte importante sur le vrai
système de la constitution du cler-
gé, 32 pages. L'auteur regardait ce
système comme le renouvellement du
lichérisme. Feller attribue encore k
Bonnaud la Réclamation pour l'é-
glise gallicane contre l'invasion
des biens ecclésiastiques et l'abo-
lition de la dùne^ ^79^3 in-8°. Ces
publications le signalèrent comme un
ennemi du nouvel ordre de choses j
mais , s'il est vrai qu'il fût Fauteur
des écrits qui parurent sous le nom
de l'archevêque de Lyon , ou conçoit
encore mieux , vu l'exaltation des
esprits a cette époque, qu'il se soit
attiré l'animadversion du parti domi-
nant. L'archevêijue, qui n'osait pas
venir dans son diocèse en ces temps de
fermentation, avait mandé Bonnaud
à Paris pour prendre ses conseils,
et c'est la que parurent les décla-
rations et les mandements du pré-
lat sur les objets relatifs a la consti-
tution civile du clergé. Il y eut en ce
genre une déclaration de l'archevêque
(5 déc. 1790), en réponse k la pro-
clamation du département de Rhône-
et-Loire , un avertissement pastoral
du 8 février 1791 , aux électeurs,
une ordonnance du 2 0 du même mois,
concernauL les nouveaux directeurs
du séminaire Saint-L'énée de Lyon,
une lettre pastorale du 4- mai 1791 ,
BON
contre l'usurpation du siège de Lyon
par l'abbé Lamourelte, un mande-
ment du 18 mai pour la publication
du bref de Pie YI du i3 avril 1791,
un mandement du 24^ janvier 1792
pour le carême de cette année, enfin
un mandement du i^"' mai suivant
pour la publication du bref de Pie
VI du 19 mars 1792. Ces divers
ouvrages et surtout la lettre pastorale
du 4- mai I 79 1 sont écrits avec beau-
coup de force. On ne pardonna pas
k l'abbé Bonnaud son zèle. 11 fut ar-
rêté après le 10 août 1792, et ren-
fermé au couvent des Carmes, rue de
Yauglrard, que l'on avait transformé
en maison de détention. Il se trouvait
dans cette prison lorsque des hommes
féroces s'y portèrent le 2 septembre
suivant {f^oy. BiLLAun-YAREnHE ,
dans ce vol.), et il périt sous leurs
coups. P — G — T.
BO X jX AUD ( Jagqxjes-Phi-
LirpE), général fiançais, né vers le
milieu du dernier siècle dans une
condition obscure, s'enrôla jeune en-
core (1776) dans les dragons du Dau-
phiné, et devint ofEcier au commen-
cement de la révolution, dont il em-
brassa la cause avec beaucoup de
chaleur. Il parvint alors rapidement^
et, dès l'année suivante ( 1^93 ), il
était général de brigade , employé k
l'armée du Nord. Chargé d'altaquer
un corps anglais près de Roubaix, il
le mit en fuite et s'empara de son
artillerie. Nommé bientôt général de
division , il concourut puissamment ,
sous Pichegru , k la conquête de la
Hollande et k la prise de Ger(ruy-
demberg et Dordreclit, où il trouva
une immense quantité d'artillerie, de
raunilions et de vivres- puis de Rot-
terdam , de La Haye ei enfin d'He-
voetsluys , où il délivrai 600 Fran-
çais prisonniers, et arn ta les princes
de Salm-Salm et de Hohenlohe au
BON
moment où ils allaient s'embarquer
pour TAuglelerre. Bonnaud fit eu-
suile uue courte appari'.iou sur les
côtes (le l'Océan , où il fut employé
sous le général Hoche. Revenu dans
le nord , il commanda la réserve de
cavalerie k l'armée de Sambie-et-
Meuse , et fit sous Jourdan la cam-
pagne de 1796 en Bavière. Chargé
de couvrir la retraite après la ba-
taille de Wurtzbourg, il défendit le
terrain pied a pied et fil volte face
dans plusieurs occasions. Arrivé dans
la position de Giessen, il fut envoyé
pour soutenir la division Grenier, et
chargea vigoureusement a plusieurs
reprises la cavalerie autrichienne.
Mais ce beau fait d'armes devait être
son dernier exploit : blessé griève-
ment d'une balle a la cuisse, il subit
une douloureuse amputation et mou-
rut peu de jours après. B — n.
BONiVAY (le marquis Fran-
çois de) , d'une famille du Berry
dont la noblesse remonte au dou-
zième siècle, naquit dans celte pro-
vince le 22 juin lySo.Il fut d'abord
page du roi, puis sous-lieutenant dans
un régiment de dragons et enfin
officier des gardes-ducorps. Il était
mestre-de-camp avant la révolution,
et il s'était fait a la cour, par les grâ-
ces de ses manières et la composition
de quelques poésies légères , la répu"
tation de l'un des hommes les plus
aimables et les plus spirituels.
Nommé dépulé suppléant de la no-
blesse du Nivernais aux états-géné-
raux , il n'entra a l'assemblée natio-
nale que dans le mois d'août 1789.
Quelques mois après, un événement
de peu d'importance lui fournit le
sujet d'une pièce de vers très-ingé-
nieuse et qui fit beaucoup de bruit.
Les membres du comité des recher-
ches de l'assemblée , Pétion et
Charles de Lameth ayant fait aux
BON 559
Annonciades une perquisition très-
sévère, afin d'y trouver le garde-des-
sceaux Bareutin qu'ils crovaient ca-
ché dans ce couvent, dont sa sœur
était abbesse, essuyèrent de la part
de cette dame des plaisanteries
fort piquantes et qui donnèrent a
M. de Bonnay l'idée de son petit
poème intitulé la Prise des Annon-
ciades par M. le comte C — s de
L — ^(Charles de Lamelh ) , qu'il
publia sous le voile de l'anonyme , et
qui fut réimprimé plusieurs fois. Le
marquis de Bonnay se rangea, dès son
entrée a l'assemblée nationale , du
parti des monarchiens où figuraient
les Mounier, les Malouet, les Lally-
Tolendai j il fut porté deux fois k la
présidence^ et remplit avec beaucoup
de talent et de dignité ces impor-
tantes fonctions , qu'il refusa lors-
qu'il y fut appelé une troisième fois.
Ce fut en sa qualité de président que
le premier il prononça le serment ci-
vique , k la fédération du 14. juillet
1790, et qu'il harangua Louis XVI
sur la modération que ce princeavalt
mise a fixer lui-même sa liste civile.
Cependant il s'abstint de rappeler
k l'ordre Cazalès , ainsi que le de-
mandaient plusieurs députés, pour
s'èlre livré dans une discussion k de
violentes invectives contre la majo-
rité de l'assemblée, et il montra
la même indulgence pour M. de
Froudeville ( Foj. ce nom , au
Supp.),qui était accusé d'avoir in-
sulté cette même majorité dans un
pamphlet. Après avoir tenté, en
1790, d'empêcher la vente des bieus
du clergé, en reproduisant l'offre
d'un emprunt de cent millions qu'a-
vait flûte l'archevêque d'Arles, le
marquis de Bonnay présenta vai-
nement une seconde fois cette propo-
sition le 4. janvier 1791, dans l'in-
tention de faire cesser l'appel nomi-
56o
BON
ual du serment civique, dont le refus
exposait les ecclésiastiques aux vio-
lences populaires , et causait dans
l'assemblée des scènes non moins
scandaleuses. Lorsque le député Cha-
broud fit son rapport sur les allcu-
latsdes 5 et 6 octobre, Bonnay, avant
cru y voir de^ assertions injurieuses
pour les gardes-du-corps, prit avec
beaucoup de chaleur la défense de
ses anciens camarades , et il termina
son éloquente improvisation en dé-
clarant que l'on essaierait en vain de
noircir un corps qui depuis quatre
siècles servait la monarchie , qui l'a-
vait quelquefois sauvée , et qui, de
même que Bavard, avait toujours été
sans peur et sans reproche. Le mar-
quis de Bonuav parla encore avec
force pour les gardes-du-corps le 20
juin 1791 , après la malheureuse
issue du voyage de Yarennes. Et, se
voyant accusé lui-même dans celte
séance d'avoir eu connaissance du
projetde Louis X\ I, il répondit avec
une noblesse qui en imposa a l'as-
semblée: «Si le roi m'avait demandé
ce mon avis, je ne lui aurais pas con-
cc seillé ce départ; mais s'il m'avait
a choisi pour le suivre, je serais mort
« a ses côtés , en me glorifiant d'une
« telle mort. » L'assemblée natio-
nale avant alors suspendu le roi de
son autorité , et procédant sans son
concours à la rédaction de l'acte
conslitulionnel. Bonnay écrivit au
président qn^il ne croyait plus devoir
assister aux séances : et bientôt
il se rendit a Coblentz auprès des
princes, frères de Louis XVI , sous
les ordres desquels il fit la campa-
gne de 1792. Il avait laissé dans la
capitale, où sans doute il se flattait
de revenir, un mobilier considérable
qui ne larda pas a être frappé de
confiscation par suite des lois contre
les émigrés. Le i*^"" novembre 1 792,
BON
le ministre Roland écrivit k la con-
vention nationale que des commissai-
res chargés de se transporter cLez
Bonnay^ émigré, venaient de lui
envoyer des paquets sur lesquels
étaient écrits ces mots : Pour être
brûlés après ma mort , sans qu'il
en reste de vestiges ; je le de-
mande par le respect dû aux morts.
Le député Blerlin demanda vaine-
ment que les intentions de M. de
Bonnay lussent respectées ; la Con-
vention décida que ces paquets se-
raient ouverts par son comité de sû-
reté générale, et bientôt, comme or-
gane de ce comité. Manuel vint an-
noncer que tous ces papiers n'étaient
qu'un porte feuille de l'amour.
ii'endant ce temps, l'émigré Bonnav
parcourait assez tristement différentes
contrées de l'Europe. Cependant
lorsque Louis X\ III, après la mort
du fils de Louis X\ I, eut pris le titre
de roi , il se rendit auprès de ce
prince a Vérone : dès-lors il fut at-
taché K son service personnel ou en-
voyé vers différentes cours , surtout
celle de Vienne, et il résidait encore
dans celte capitale à l'époque de la
restauration en 1814. Kommé bien-
tôt minisire de France a Copenhague,
il s'y trouvait lors du retour de B( -
naparte en iSiôj et il y conti-
nua ses fonctions. Bourrienne , qui
s'était réfugié k Hambourg où pro-
bablement il remplissait une mission
d'observation, eut avec lui quelques
rapports, et en reçut plusieurs let-
tres qu'il a imprimées presque fout
entières dans le tome X de ses Mé-
moires. On y voit que le marquis de
Bonnay , bien qu'il fût l'ami du
comte de BLicas, n'approuvait pas
en lous points sa conduite ministé-
rielle, qu'il le regardait comme une
des principales causes des malheurs
de cette époque, et qu'il pensait que
BON
Louis XVIII ne devait pns le conser-
ver auprès de lui. Après l;i seconde
reslauration, le marquis de Bonnay
revint à Paris et lut noramé pair de
France et lieutenant- général. Au
grand étonnement de ses anciens amis,
il se rangea, dans les discussions de
la chambre Laute, du parti minis-
tériel; et, accusant la majorilé de
la chambre des députés d'entraver
la marche du gouvernement, il ap-
puya de tout son pouvoir la disso-
lution de cette chambre introuvable
qui fut prononcée par l'ordonnance
du 5 sept. 1816. Nommé aussitôt
après ministre plénipotentiaire à
Berlin , il se rendit dans celte capi-
tale, d'oi'i il fut rappelé en 1820(1).
Louis XVIII l'appela alors dans son
conseil privé et lui donna le rang
de ministre d'état* bientôt il le
nomma gouverneur de Fontaine-
bleau. Le marquis de Bonnay mou-
rut a Paris le 25 mars 1825.
Il avait donné en 1796, a Ham-
bourg , une nouvelle édition de sou
(i) Dans \' Histoire gr'néalogiijue des Pairs de
France, Courcelles a dit que le marquis du Don-
nay avilit demandé son rappel; il cite mémo
une ordonnance royale dont le cc.nïidirant viint
à l'appui de celle assertion ; mais il est évident
que ce considérant inusité prouve au contraire
que le rappel tut une caube extraordinaire, et
voici ce que tout le inonde sut alors : RI. de Bon-
nay , presque septuagénaire, venait de se marier
avec une jeune femme; on le savait à la cour
de Berlin , et l'on n'y avait pas encore vu la
jeune épouse. Les dames se montraient fort im-
patientes delà connaître, et elles .l'avaient té-
moigné plusieurs fois an marquis. Enfin il leur
annonce qu'elle est arrivée, et aussitôt iilusieurs
de ces dames s'em|>ressenl de faire une visite à
l'ambassadrice. 51. de Bonnay leur présente en
cflet une très-belle personne , qu'elles accueil-
lent avec le plus vif intérêt, et qu'elles em-
brassent à plusieurs reprises. Elles la pressent
ensuite de la manière la plus affectueuse de
Tenir à la cour ; mais on ue l'y vit jamais. .
Ces dames apprirent au contraire bientôt avec
autant de mécontentement que de surpribeque
la prétendue marquise qu'on leur avait fait em-
brasser nVtait autre qu'un jeune secrclaire que
M. de Bonnay avait babillé en femme. Cette
espi^ce de mystification leur déplut beaucoup ;
elles s'en plaignirent amèrement , et M. de Bon-
nay fut rappelé.
LVtll.
BON
i6i
poème intitule : La prise des An-
nonciades ; afec des Epi très sur
la révolution; et le Prospectus
d'un journal en vaudevilles avec
des notes et des variantes. On a
encore de lui La vie et les opinions
de Tristram Shandy , traduit de
l'anglais de Sterne, Paris , 1785, 4.
vol.. in-i2. Le marquis de Bonnay
eut dans le travail de cette traduc-
tion Fresnais pour collaborateur. Il
avait épousé en secondes noces, en
181 6, mademoiselle d'Oneil , d'une
famille irlandaise , de laquelle il n'a
point laissé d'enfants. Il reste un pe-
tit-fils et deux filles de son premier
mariage avec M '' de Croix. M — d j.
BOA'^EAU (J.-Yves-Alexan-
dre) , né à Blontpellier en 1709,
entra fort jeune dans la carrière de
la diplomatie et fut nommé, sous le
ministère du ducde Castries, consul
général de France en Pologne. Il
se trouvait h Varsovie, remplaçant
fiar intérim le ministre Descorches ,
orsque les Russes s'emparèrent de
cette ville en 1794- ? sous les ordres
de Souwarow. Ce général le fit arrê-
ter, et, par ordre de l'impératrice Ca-
therine, tous les papiers de la léga-
tion française qui étaient dans ses
mains furent saisis. Lui-même fut
conduit prisonnier à St-Pétersbourg,
et il y resta quatre ans dans une
rigoureuse captivité 5 Paul P' , h son
avènement , le lit mettre en li-
berté. Bonneau revint aussitôt dans
sa patrie 5 mais il n'y retrouva plus
sa femme ni sa fille qui avaient suc--
combé au chagrin causé par la uou"
velle de ses malheurs. Il mourut h
Paris dans le mois de mars i8o5.
La correspondance de Bonneau
prouve que c'était un homme éclairé,
poli , instruit et habile. Il pensait
que le partage de la Pologne n'au-
rait jamais été consommé sans les
36
562 BON
événements de la rérolulion fran-
çaise. M — D j.
BOK3ÎECARKEÏIE (GniL-
lATJME lie), né h Muret (Haute-
Garonne), le i3 fév. «754., d'une
famille noble, fut d'abord sous-lieu-
tenant dans un régiment dinTanlerie,
et quitta bientôt cette carrière pour
entrer dans la dlp'omatie. Chargé en
1785 d'une mission aux In. le orien-
tales par le ministre Yergennes, il
séjourna daus cettre contrée justpren
1786 , et fut chargé de missions du
même genre , à son retour en Eu-
rope, par Calonne et Montraorin.
11 se montra des le commencement
partisan très-prononcé ^e la révo-
Julion et parut fort lié avec Mi-
rabeau et Dumouricz que sans doute
il avait connus dans des intrigues et
des missions diplomatiques où Tun
et l'autre avaient été employés
Bonnecarrère fut alors un des fon-
dateurs du club des jacobins que Ton
nommait à celte époque la société
des amis de la constitution, et il eu
devint mè'i e successivement secié-
taire et président; mais 1! en fut
exclu eu 179 1 , soupçonné d'avoir
des relations avec le jninistère, qui le
uoram:\ eu effet vers cette époque
chargé dts affaires de France a Liège,
en reranlacemeut de Sainte- Croix.
Le priuce-évèque ayant refusé de le
reconnaître , il reviut dans la capi-
tale , où il contribua beaucoup a
faire nommer rauilslre son ami Du-
mourlez qui le plaça a la tète d'un bu-
reau polllique créé pour lui-même.
Ce fut en cette qualité qu'il signa , le
29 avril 1792, des traités d'indem-
nisation avec les princes de Saira-
Salm et de Loewfnsteiii-Wertheim.
Il avait été nommé envoyé extraordi-
naire près des Etals-Unis d'Améri-
que, et il était sur le point de se
rendre h, ce nouveau poste, lorsque
BON
la révolution du 10 août 1792 vint
tout changer. Dans la séance du soir
même de cette Icrrib'e journée, la
nomination de Bonnccarrère fut ré-
voquée par rassemblée oallonale sur
un lapporldeBrissol, qui Ct en même
temps ordonner que le scellé serait
apposé sur ses papiers (i). Heureuse-
ment il ne fut pas arrêté 5 ce n'est
que le 7 avril [795,au raomeutde la
défection de Dumouriez, que ses
liaisons avec ce général firent décer-
ner contre lui uu mandat d'arrêt.
Celte fols il fut conduit en prison et
dcm.'inda Inu'.ilement sa sortie à plu-
sieurs reprises , s'adressauth la con-
vention nationale elle-même et b'ap-
piyaul des preuves nombreuses de
pairiotisice qu il avait données. Li-
nirailié de Brissot lui fut alors d'un
grand secours, et lorsque ce député
l'ut lui-inêrae proscrit, Bounecarrère
fil valoir très- adroitement la Laine
qu'il semblait lui avoir vouée. Ce-
pendant il allait être envoyé devant
le sanglant Irihunnl révolullonnaire ,
et tout deviiii lui faire craindre un
arrêt de mort lorsque la chute de
(i) Dons un écrit irnilniri GuiUoume Voiiiif-
cnrrère â ses conci(oyens , Boniipconcre anuiiiue
iiu'ayant éle su.yiciu/u c!e la place de ministre
jilcnipoleutiaiic près les Elats-Uiiis, il. jloniia sa
ilciiiission de la place de directeur-général du dé-
jiurtcment pnliiirjue. l,e iiicme jour, tous les em-
pii)yis t!ii di'partement des affaires étraiii^ères,
dont il cite les noiiis au nombre de trenteiîeux,
et parirti lesquels on remarque Lebrun , aliirs
chef de la piemièno division, et qui allait deve-
nir iriini'.lre; ISoel, r.oldien, ele., lui donnèrent
un ceitlfieal d'esllœe et de regrels, qu'il fii im-
jiriuier, et qui porle la dale du ii août. Le lâ
du même mois, Lebrun, devenu ministre, dé-
clara avoir reçu les comptes de Bonnccarrère
qu'il avait trouves de la p'us grande exactitude
el de la plus grande clarté. Enfin le i6 sept, les
scellés apposés sur les papiers de Bonnccarrère
fiirent levés avec un grand appareil, par le
juge de paix de la section, en présence de
Lai-.niond et df l'abbe K..uchel, membres du co-
miU' de stu'veiilance.et de Lebri.n, ministre des
affaires élrangcres; il e«t dit au procès- verbal
qu'aprèi examen el vérification des papiers, il lie
s'en est trouvé aucun qui ait pu donner lieu à
U moindre suspicion. V — te.
BON
BON'
;63
Robespierre le sauva. Rendu à la li-
berté, il ne fut revêlu, du moins
oslensiblemeut , d'aucuue fonction
publique ; cependant il fit plusieurs
voyages en Ho'Iande et dans d'aulres
contrées du nord , où Ton croit qu'il
eut encore des missions seciètes , ce
qui est très-probjble. Bonaparte ne
voulut jamais lui confier dVmploi im-
portant , et il dit nettement un jour à
M. de Tallevrand qui le sollicilail en
sa fyyeur : C'est un intrigant. Ce
fut aussi inutilement que son déj'arte-
ment ^c<lni de la Haute-Garonne) le
porta sur la liste des candidats au sé-
nat conservateur. En i8io,lemaré-
cbal Macdonald le fit venir en Ca-
talogne pour y èlre direcleur-généial
de la police. Mais il n'occupa que
fort peu de temps cette place impor-
tante , el dut l'abandonner lorsque
le maréchal fut appelé à un autre
commandement. Bonnecairère était
ainsi sans emploi, lors du retour
des Bourbons en i8i4, et il fil tout
alors pour en obtenir. Nous avons
sous les yeux un mémoiie qu'il re-
mit a Louis XVIII , et daus lequel
il se représente comme une des vic-
times de la révolution , et comme
un des hommes qu' avaient été dans
tous les temps le plus invariablement
fidèles a la cause de la monarchie.
Ces protestations eurent peu de suc-
cès, el Bonuecarrère n'obtmt rien. Il
s'en consola en établissant sur la
route de Versailles des voitures
publiques appelées Gondoles qui
réussirent très- bien, et qui du-
rent contribuer à rétablir ses af-
faires. Il est mort a Versailles, au
milieu de ce triomphe , le g nov.
1825. M— DJ.
BOXI^^EGÏÎOSE (Locis-
ChARLES l'iOlSA'ORMAXû df), ué h Ni-
mèguf où ton père remplissait les
fonctions de sous -préfet, eu no-
vembre 1812, d'une famille ancienne
et distinguée , y puisa dès le ber-
ceau des exemples et des leçons
du plus entier dévouement al'ancienue
dynastie des rois de France, et fut
ad lis en 1828 parmi les pages de
Charles X. Il suivit ce prince eu
Angleterre dans le mois d'août i85o ,
et revint d'Edimbourg vers la fia
de i83i avec des instructions pour
les royalistes d^rs déparlements de
l'ouest j mais cette mission, qui était
tout-à-fait pacifique, eut peu d'effet
sur l'oprlt d hommes irrités au der-
nier point. Apres avoir assisté au
dcsa-itre de la Pénissière où il dé-
ploya le plus grand courage , le
j( une Bonnechose fut accueilli dans
une ferme isolée près du vdiage de la
Gauberlière . et il se préparait à j
passer la nuit lorsqu'une décharç;e de
mousqueterie faite presque à boat-
porlant a travers les fenêtres , ren-
Tcrsa la. fermière, un enfant de six
ans, un ami de Bonnechose et le
blessa lui-même ti ès-grièveraent a la
cui>se. Il eut uéanmoms encore la
force de sauter dans le jardin- mais,
atteint d'un second coup de feu h l'é-
paule, il tomba mourant, et fut encore
assailli de coups de sabre et da
baïonnette, puis jeté dans une cba-
rette et transporté a Bourbon-Ven-
dée où il expira dans la même journée
{21 janvier i852), après s'ét:e con-
fessé'a l'aumônier de la prison. Les
soldais qui l'avaienl tué ayant déclaré
qu'ils l'avaieat \u avaler «n mor-
ceau de papit-r, on ouvrit son corps ,
• t il tu fut en effet tiré une lettre
que, selon le procès-verbal, on recon-
nut poor être d'une femme qai n'a
point élé indiquée. Z.
BOXXEFOY (Frakcois- Lam-
bert de) , grand-vicaire d'Augou-
lême, né dans le diocèse de V aisou
en 1749, se fit connaître par un
â6i
BON
ICloge historique du daiiplùn,
qui fui imprimé en 1780, el par un
livre intitulé, De l'état religieux ,
son esprit , son établissement et
ses progrès , services quil a ren-
dus à T église, 1784, in- 12. L'abbé
Eonnefoy, rédigea ce livre conjointe-
ment avec Bernard ( de Besancon ) ,
avocat au parlement , mort en 1825,
à l'àge de 70 ans. Barbier, dans
sou Dictionnaire des anonymes ,
attribue a l'abbé de Bonnefuj une bro-
cbure in-8-' publiée, en 1788 , sons
ce titre : Un peu de tout, par h. B.
deB., initiales qu'il explique ainsi :
L'abbé Bonnefoy de Bonyon.
Bonaefoy, n'ayant pas prêté le ser-
ment exigé des ecclésiastiques par
l'assemblée constituante, fut obligé de
sortir de France en 1792, et il résida
long-temps en Allemagne. Revenu en
France , il n'accepta aucune fonction
et vécut cliez la princesse de Taî-
mont, occupé d'un ouvrage sit la
révolution, auquel il attachait beau-
coup d'importance. 11 venait de le
terminer , et il se proposait de le pu-
blier, lorsqu'il fut frappé d'apo-
p'exie et mourut subitement le i4
janvier i83o. Z.
BOWEVAL (l'abbé Sixte-
Louis Coxstaxt BuFFo (l) de), né
à Aix en Provence en 17^2, fut
nommé h 1 7 ans chanoine de Paris ,
puis grand-vicaire de Màcon, dé-
puté aux assemblées du clergé de
1765, 1775, et évêque de Senez
en i784--Mais il refusacette dern'cre
dignité par modestie ou par toute
autre cause, el fut pourvu eu 1788
de l'abbaye d'Honuecourt au diocèse
(i) La famille Ruffo étant venue s'établir de !a
Calabie à Marseille, son nom fut francisé en
ctUii de Roux. Celte famille étjnt , en grande
partie, rt tournée en Italie à réjioque de la révo-
lution , a repris son nom par autorisation du roi
de Naples, et cnsijite par celle du roi ds l'rance,
«■n i!(i5.
BON
de Cambray. Nommé député du
clergé de Paris aux étals-généraux
de 1789, l'abbé de Bonneval j'y
montra dès le commencement un
des plus fermes appuis de l'autorité
monarchiijue et surtout du pouvoir
religieux. Il signa toutes les protes-
tations du côté droit et pubha plu-
sieors brochures véhémentes contre
les innovations révolutionnaires 5 il
fut même le rédacteur de quelques-
unes de ces protestations. Aprcsavcip
dénoncé comme séditieux le Jour-
nal de Paris que rédigeait alors
Garât, il demanda que Robes-
pierre fut rappelé a l'ordre, pour
avoir calomnié des ofEciers qui avaient
fait tons leurs efforts à Toulon
pour réprimer l'insubordination des
soldats. Le 27 sept. 1790 , il publia
une dernière protestation, où il éta-
blit ses motifs pour ne plus siéger
dans une assemblée qui usurpait
tous les pouvoirs civils et religieux,
et il rendit compte de ces molifs
danslrois Lettres à ses commettants
qu'il fit également imprimer. Le i*""
mai 1791, il fit encore paraître ua
écrit très-énergique sous le litre de
Remontrances au roi par les bons
Français, a l'occasion de la lettre
do Monlmorin anx ambassadeurs
f-ançais près les cours étrangères.
Cette lettre était relative a l'accep-
tation de la constitution par Louis
XVI, que le ministre des affaires
étrangère disait avoir été libre et
sincère; ce que nia fortement l'abbé
de Bonneval. Il publia encore eu
France deux écrits du même genre,
savoir : Uoléance au roi, 1792 ;
— ' Avis aux puissances de l'Eu-
rope , ^792, in-8". Il se rendit
ensuite eu A'iemagne oîi il lit
paraître : 1 ° Réflexions d'un ami
des gouvernements et de l'obéis-
s<ince. '"93, io-o": 2'^. Le cri de
BON
Vévidence et delà douleur^ ^79^^
in-S". Pendant son séjour a Vienne,
il présenla une Requête à l'empe-
reur d'Allemagne pour la conser-
vation de son abbaye qui dépendait en
partie du Saint-Empire romain.
Se trouvant à Rome a lépoque de la
mort du cardinal de Bernis en 1 794^5
il composa un Précis historique de
sa vie, qu'il présenta k Pie VI, et
que le pontife accueillit très-bien. S'é-
lant fixé a Vienne, Bonne val y devint
cbaiioine de Saint-Etienne, el c'est
là qu'il est mort le i"'" mars 1820,
jouissant d'uue pension de sis mille
francs que lui faisait payer Louis
XVIII. Il a publié k Vienne, sur le
concordat . quelques écrit.j dont une
Î)artie a été réimprimée par M. l'ab-
)é d'Auribeau , dans ses Mémoires
pour servir à l'histoire de la per-
sécution , recueillis d'après les or-
dres de Pie VI. — Bonneval
( E-uffo de) , frère du précédent et
évéque de Senez , succéda k M. de
Beauvais, el se trouvait le doyen de
Tépiscopat en France au moment de
la révolution dont il se raonlra,
comme son frère, un des plus con-
stant-s adversaires. Il éraigra égale-
ment, se rendit en Italie, el ré-
sida long-temps k Viterbe , 011 le
pape lui faisait une pension. Il donna
sa démission lors du premier concor-
dat en 1802 5 mais il refusa l'arcbe-
vèché d'Arles. Pievenu en France
après la restauration de 181 4-, il .j
est mort depuis quelques années.
M — D j .
BOiVNEVILLE (C. . . de ( i ) ),
ingénieur français, descendait par sa
mère de la famille des Pazzi de Flo-
rence , qui s'établit au quinzième
'1) C'est ainsi iju'il signa la dédicace des
liererifs du niaréibal de Saxe. Mais Eiscb , el
après lui K. Quéiaid, le nomment Zuc/iane de
l'azzi de IlonnryilU,
BON
56 f
siècle a Lyon , et naquit dans cette
ville vers 1710. Il embrassa de
bonne heure la carrière des armes
et servit en Prusse avec le grade de
capitaine ingénieur. Suivant Ersch,
il fut prisonnier quelque temps a la
forteresse de Si^d^nàsM [France lit-
téraire,!, 162). Employé depuis
dans la guerre contre les Anglais,
que termina la paix de 1763, il pro-
fila de son séjour en Amérique pour
étudier les productions de celte partie
de la terre , ainsi que les mœurs
de SCS liabitants. 11 était de retour
k Lyon en 1765 , et il présenta la
même année au corps municipal ua
mémoire sur une nouvelle méthode
de faire remonter les bateaux, par
lePihône et par la Saône, depuis leur
confluent jusque dans l'inléricur de
la ville ( Catalogue des manuscrits
de Lyon, III, 4^o4). H ne paraît
pas que cette métbode, qui consistait
à remorquer les bàlinients par le
moyen de cabestans placés sur des
radeaux , ait eu le moindre succès.
Bonneville vivait encore en 1771 y
mais on ignore la date de sa mort.
C'est k lui que l'on doit la prem:ère
édition des Rêveries àw maréchal de
Saxe, La Haye, 1766, in-fol., fig.
Il est auteur des ouvrages suivants .
I. Esprit des lois de tactique et
des différentes institutions mili-
taires , ou notes du luarécbal de
Saxe commentées , etc. , La Haye et
Paris, 1762, 2 vol. in-^", fig. , II.
Les Lyonnaises , protectrices des
états souverains et conservatrices
du genre humain, ou traité d'une
découverte importante sur la science
militaire et politique, Amsterdam
et Paris, 1771, iu-S". Bonneville
annonce qu'il cbercbait depuis long-
temps le moy^en de cimenter pdrmi
les hommes une paix éternelle , et
qu'il se flatte de l'avoir enfin irouvc.
liG6
P,ON
Ce moyeu pourra paraître extraor-
dinaire puisqu'il cousisie dans l'in-
venlioîi d'une arme plus terrible, sui-
vanllui, et mille lois plus m^urtiière
que la poudre à cauon. C'est celte
arme formidable qu'il nomme un
Lyojinaise , du nom de la v lie où il
en a fait exécuter le modèle. L ou-
vrage desliiié 'a propager celte dé-
couverle est divisé en quatre parties.
La première fst une disseï talion sur
les prOi;rès de Part de la guerre chez
les aiiciens et les modernes ; la se-
coude contient une descriplion fort
élendue de la Lyonnaise : c'est une
macbiue garnie en devant de lames
tranchantes et placée sur un Iraiu si
léger que deux hommes peuvent fa-
cilement la faire manœuvrer 5 la troi-
sième pai tic traite de la guerre défen-
sive , la seule possible avec l'arme
en question j et enfin la quatrième
renferme une suite de réflexions mi-
litaires et politiques. III. De l'A-
mérique et des Américains ou Oh'
servaiions curieuses du philosophe
La Douceur^ qui a parcouru cet
héndsphtre pendant la dernière
guerre en faisant le noble métier
de tuer les hommes sans les man-
ger ^ Berlin ( Lyon) ,1771, iu-8°.
C'est une critique très-vive, mais so-
lide , de quelques-unes des opiuious
mises en avanL par Fauw dans ses re-
cherches sur les Américains ( Voy.
Pauw, tora. XXXIII). Après avoir,
dans les premier.-, ciiajiitres , établi
qu'il existe .{jlusieurs races d'hommes,
système qu'il ne cro!t point contraire
au texte de la Genèse, BoDnevil'e
soutient, contre le célèbre philosophe
prussien , que l'Amérique n'offre pas
plus de terrains stériles ni d'endroits
marécageux que les autres pai ties
du globe; que le sol y est partout
Irès-fécond, et que, si l'on y voit des
tcircs en friche c'est parce que les
BON
habitants n'ont pas Juge nécessaire de
les cultiver; qiie les Américains in-
digènes ne sont point une race dégé-
néiée; qu'ils ne sont ni lâches ni pol-
trons, et que leur intelligence n'est
pas plus bornée que celle des Euro-
éens. W — 8.
B O N N E V î L L E \^ Psicolas
de) (i), publicisle enthousiaste et
littérateur que l'on peut regarder
comme un des fondateurs et des chefs
de la nouvelle école , était iils d'un
procureur, et naquit aEvreux,lç i5
mars 1760 A la fin de .sa première
année de philosophie , le professeur
ayant soutenu dans une thèse que
Rousseau défend de prier, Bonne-
ville impatienté quitta son banc et
revint un instant après tenant \ E~
mile, où il lut le passage commen-
çant par ces mois : Faites vos priè-
res courtes selon l'instruction de
Jésis Christ, etc., (2). Celte
aventure fil du biuit, et Bonncville
ne pouvant. plu,>i rester au collège,
après le scandale qu'il venait d'y
donner (le jedressement du maître
par lécolier), vint achever ses éludes
à Paris On a dit qu'il trouva dans la
générosité de d'Aîemberl les moyens
de se livrer a son goût naissant pour
la littérature; mais, quoiqu'il ail parlé
plusieurs fois de la géoéiosilé de ce
philosoj)he , lîonueville ne dil pas
en avoir ressenti personnellement les
effets ; et 1 effrayante peinture qu'il a
tracée, dans la préface de sesEssais de
poésies , du sort des jeunes écrivains
qui se rendent a Paris sans fortune
et sans protection semble prouver
assez qu'il avait essuyé lui-même une
partie des souffrances qu'il décrit.
(i) Il était d'une autrf famill»" que M. de
Bonnevi.lc, dipute de la nobl^s-e d'Kvrcux aux
tt.it^-généraux. Cependant il prenait, avant et
dans les premiers temps de la révolution, le c/c,
que MOUS lui avons conservé.
<y) Vov. le <'/i«> rff conta, p. a48.
BON BON S(^7
Doué d'une imaginalîou qu'il u'a de Galles venait de recevoir les pre-
jamais pu maîtriser, Bonneville s'ap- oner^ grades de la maçonnerie (5).
pliqua cependant d'ahord a des élu- Pendant son séjour en Angleterre,
uej grammaticales , et il acquil eu peu Wil. Russel pùMia !a seconde édi-
de lemps la connaissance des priucipa- tion de ses Lettres sur r histoire
les langues de l'Europe (5). Il se dé- de l'Europe moderne. Quelques
lassait en cornposantdes vers ; ctquel- amis de Bonneviile l'engagèrent a
ques pièces imitées de la ^/Z(/e, dont donner une traduction française de
la lecture continuelle ajoulail à son cet ouvrage, el celte proposition lui
exaltation , l'avaient déjà fait rimar- fut très-agréahle; mais, s'étant aperçu
quer comme poêle lyrique, lorsque que ce qu'il avait pris pour une œu-
Friedel se Tassociapour la traduction vre de génie n'était qu'iine corapila-
d un choix de pièces du théâtre aile- tion , il abandonna le projet de Ira-
mand. Le succès de cette traduction, duire Tliistoire de Russel pour en
due piesque en entier à Bonneviile, composer une d'après ses propres
lui valut la protection de la reine idées (6). En se promenant sur la
qui lui donna des marques de sa raonlagne de Primrose , il lut pour la
bienveillance. Reconnaissant des première fois la fameuse lettre de
bontés de celle princesse, il sollicita Junius Brutus a Georges III, roi
la permission de lui offrir la dédicace d'Angleterre. Dans l'ivresse oiÀ le
d'un Choix de contes également jeta celte lecture, il se mit à déc'àraer
imités ou tradul s de l'allemand, el sans savoir ce qu'il disait ni a qui il
cet hommage fut agréé. Dnns le parlait 5 el , se loiirnant a perdrt? Iia-
même temps , il concourait avec Le leine vers les quatre parties du monde,
Tourneur à la traduction du Théâtre il bénil le genre humain avec le vo-
de Shakspease. Il fournit a Lu- lume qu'il tenait (7). Dès qu'il fut de
neau de Boisjeimai - la version intcr- retour en Fiance, sans négliger ses
linéaire anglaise de Tcléinaque (4), travaux littéraires, il s'occupa sérieu^
et a Berquin des morceaux pour sèment des movens de donner à la té-
V Ami des enfants. Ces divers Ira- volulion, qu'il était facile de prévoir,
Vaui, suffisants pour occuper l'homme la direction la plus conforme aux bê-
le plus actif, ne l'empêchèrent pas soins et au bonheur de rhumauité. Il
de faire, en 1786, un voyage eu fut avec l'abbé Fauchet un des fon-
Anglelerre. Il se trouvait k la Mère- dateurs du cercle social qui, d'après
lo^e de Londres, lorsque le duc de leurs idées , devait offrir la réunioa
Cumberland y annonça que le priuce de tous les amis de la vérité répandus
— — — sur le globe, et où semblèrent ea
(3) Plus tnrd il connut Le Biigant, linguiste effet s'èlre douné rcnd.Z VOUS IcS
bas-breton, cherchant la tangue arimitiie dans i 1 • • 1 I " I ■
sa pallie, et qui, selon Bonneviile, ton.hait Ue melapIiySlCleUS IcS plus neLKlleUX Ct
fort près à la veiilé, quoiqu-, à l'exception de ies SOpIlisleS IcS o'uS téméraires de
l'Oraison dominicale el de quelques jjhrases de pip j-., I r J o !
l'Ecriture, qu'il écrivait aussi intorreoieaient l i^Urope. DeS la Un de I709, le
qu'il les prononçait, il n'eilt aucune connais- cercle eul SOU imprimerie, et BdU-
sance des langui-s anciennes et modernes. Bon- .■, ^ 1 1 11 r j 1
neviUe se trompe en le faisant mourir avant UeVîHe, prt^htanl de la liberté de la
1792 , dans la plus affreuse indigence ( Esprit •
des relig., i^' partie, 26). le Brigant [ f'oj. ce ' (5) Voy. les Jésuites chassés de la maçonnerie ,
nom, toin. V), n'est mort qu'en i8o-i. i'^'^ paît-, p. Si.
|4J Voy. d.ms la Bin:j;rupkie d'-s hommes vi- (6) liisioire de l'Europe moderne, discours
vants , I, 407» des détails sur les rapports de preliui ,32.
Bonnevill» avec t,uneai.i. (-^ f'iùt. , i<'; p. 3gS.
i6S
BON
presse dont il était un des parti-
sans les plus exaltés , s'empressa de
donner cours à ses rêveries philan-
Iropiques. Après avoir publié seul le
Tribun du Peuple , dont le succès
paraîtrait aujourd'hui inconcevable ,
si Ton ne pouvait eu citer d'autres
aussi peu mérités , il se réunit a
Tabbé Faucliet, pour la rédaction
de la Bouche de fer , journal
si rempli d'extravagances que La
Harpe n'hésite pas à déclarer que les
auteurs lui paraissent fous (8). Ce-
pendant Boiineville avait rendu des
services réels et dont Tliisloire doit
lui tenir compte. Electeur de la
ville de Paris en 1789 (9) , il ne tint
pas a lui d'empêcher les scènes san-
glantes qui souillèrent la révolution
dans son principe. Il demanda le
premier (25 juin) l'élablissemeul
d'uue garde bourgeoise pour veil-
ler a la sûreté publique; et l'on
ne peut douter que si cette garde
eût été organisée, elle n'eût com-
primé les émeutes qui suivirent la
frise de la Bastille. Chargé d'assurer
'arrivée des subsistances a Paris , il
s'acquitta de cette mission avec un
zèle dont il fut récompensé par la
décoration du JMont-Carmel , que
lui remit Monsieur, depuis Louis
XVIII , en sa qualité de graud-maî-
Ire de l'ordre (10). Pilais Bonneville
(8) Correspondance liltrraire, \ellre Sgj.
(9) Les électeurs s'étaient formes en société
qnr tenait tou5 les soirs des conférences. Bonne-
Tille dit dans son adresse aiix véritables amis de la
liierlé[i'jCti. \^a<^. 2) : v La place de secrétaire de
la société des électeurs m'a rais à portée de pré-
voir, etc. . . Si je voulais faire un ouvrage très-
piquaut, ouvr.ige à la icode. je donnerais à lire
aux curieux tes Intrigues électorales. » Les hom-
mes cl les assemblées sont les mêmes dans tous
les temps. V — ve.
(10) Il voulut célébrer, par une oeuvre dra-
matique la grande ftderalion de 1790, et il
écrivit cette lettre inédite aa présidi-nt de la
commune de Paris: «51. le présidenl, j'ai l'hon-
rieur de vou^ adresser un ouvraj^e dramatique
destiné à la fé:e du i4 juillet. Je désire ardem-
ment que les représentants de la commune veuil-
lent bien nommer des coinmis?oires pour lui
BON
attendait un autre prix de son dé-
voùment, et quoiqu'on ne puisse lui
rendre compte de mon travail. Témoin de leurs
efforts pour établir la gloire de la capitale, j'ai
cru que mou devoir tl peul-étre n^es talents en
poésie m'imposaient la loi d'essayer toutes mes
foires pour consacrer leurs principes et ins|)irer
comme eux à tous les citoyens de l'empire une
éternelle reconnaissanc! jiour leurs frères de
Paris. >> Sif;né N. de Bn3tjiEViL»B. — Peu de jours
après (le 6 juillet), il écrivit a Louis XVI une
lettre singulière dont voici quelques extraits
pris sur une copie de sa main. «0 mon père,
d Louis X\I! ce fut le malheur de ta vie, et la
cause première de tous les reproches et de la
détresse de ton gouvernement que tu n'aies
commencé à entendre le langage de la vérité
que dans les plaintes et les cris de tout un peu-
ple désespéré Tu n'as pas entendu la chute
de la Bastille, qui a ébranlé l'univers entier, et
fait cKanceler tous les trônes de la terre
Bailly a dit vrai : le peu)i!e français a conquis
son roi, il a conquis la liberté pour toi et pour
lui , il ne l'a conquise tout entière que pour t'en
confier la garde tout entière. Ce bon peuple ,
qui sait que le meilleur des rois n'est qu'un
homme enfin , a vu avec indulgence les effet»
sinistres des pernicieuses leçons de ta jeunesse,
et il a tout espéré de la bonté naturelle de ton
cœur et de ton caracière Il a vu un bon
père, un mari sensible ; il était loin de t'accuser
d'un dessein direct et prémédité d'envahir les
droits sacrés que lui donna la nslare, sa liberté
civile et politique. Autrement, s'il lui eût été possi-
ble d'entretenir dts soupçons qui eussent désho-
noré ton esprit et ton cœur, tu l'as vu mailri»de
tesjours et de tes destinées : penses-tu qu'alors il
n'eut pas adopté un style de remontrances bien
différent de l'humilité de ses plaintes ? La loi
n.ntionale t'a déclaré inviolable. Cette loi est chère
au peuple français, parce qu'elle met son prince
à l'abri de toutes les jalousies du pouvoir, et
l'empire à l'abri de toutes les intrigues des fac-
tieux qui oseraient se disputer le trône, sous le
masque si trompeur et si perfide de l'antique
popularité Kechenenne. Le peuple a séparé le
prince aimable, qu'il croit d'un excellent naturel,
d'avec la folle ivresse et les perfidie» de ses ser-
viteurs.. .. Le peuple a écirté toute idée pé.
nibl» et offensive de reproche personnel. Dans
l'exiès de son amour, de sa justice, et du besoin
qu'il a de trouver reconnaissant celui auquel il a
tout donn--' t le peuple a séparé ta personne de ton
gouveroement. .Sache donc, à ton tour, distinguer
la conduite qui convient à la dignité perma-
nente d'un roi iiiviciluble, d'avec ces petites ia-
trigues ei ces tracasseries insolentes qui ne ser-
vent qu'à des intéièts particuliers, momentanés,
odieux, et tout au plus à satisfaire la misérable
i-imbilion d'un ministre » Signé N. na
BoxxiviLLE. — Louis XVI dut être plus effrayé
que rassuré par cette lettre, qui futsans doute
la première où un sujet osa tutoyer son roi. Le
tutoiement avec les autorites ne s'introluisit
que dans la république , en 1793. Cette lettre,
qui sentait la Bouche de fer, établie par Bonne-
ville, était un triste prélude à la grande fédéra-
tion de 1790; elle fait connaître quel éiait alors
le cours des idées, et jusqu'où se trouvait arri-
vée l'cxallation. même chez les liommes sansmau-
BON
reprocher d'avoir jamais eu des vues
d'iimbilion ni de fortune , on présume
qu'il se flatlait que les Parisiens, en
reconnaissance des services qu'il leur
avait rendus , le nommeraient k l'as-
semblée législative. C'est à cet oubli
de leur pari qu'il semble faire allu-
sion quand il leur dit : « Je vous ai
a armés, je vous ai nourris, je vous
a ai confédérés 5 vous l'ignoriez?
a c'est là ma gloire et voire honte
(Esprit des Religions, 4)- » Dans le
même ouvrage il revient encore sur
ses services : « Non , dit-il , ce n'est
ce pas Mirabeau qui vous a appelés
« aux armes, qui vous a nourris,
a qui vous a confédérés. Ingrats! j'ai
M la fierté de croire que vous recon-
a naîtrez voire appui, votre fière,
« et riudomptable ami de la vérité
ce {iùid. , deuxième partie, 25i). »
Les massacres de seplerabre 1792
réveillèrent la verve lyrique de Bon-
neville; bravant les péri's auxquels
il s'exposait , il n'hésita pas a stigma-
tiser les auteurs de ces assassinats et
à demander leur puuition (i 1), tout
eu réclainaut l'établissement d'une
république fédérativc , la liberté
indéfinie de la presse , l'abolitiou
du culte catholique et même le par-
tage des terres (12), Comme il pré-
tendait réaliser toutes ses théories
sans secousses et sans effusion de
sang , Bouueville n'avait pas cessé
d'inviter les citoyens à la concorde ,
et il s'était élevé courageusement
contre toutes les mesures de rigueur:
aussi les jacobins le regardèrent-ils
comme leur plus grand ennemi. Un
vaises passions, et qui , comme Bonnevillc, le-
vaient honnêtement le bonheur de leur pays.
V— V».
(11) Indépendamment des arides qu'il inséra
dans les journaux , il fit, sur les mi'ts de sep.
tembre, une pièce publiée dans son recueil de
poésies^ '79'
(12; Voy., ci-après, l'anslyso de V Esprit des
religions *
BON
569
jour qu'il se trouvait dans une des
tribu ues de la Convention (16 mars
1793), il fut violemmeul apostrophé
par Levasseur et Marat; celui-ci le
traita même d'aristocrate iufàme et
d'entremetleur de Fauchet. Cepen-
dant Lanthenas et le président Is-
nard ayant pris sa défense, cette
atlaque n'eut pas de suite* mais après
la proscription des Girondins, dont
plusieurs étaient ses amis , il fut ar-
rêté lui-même, et la journée du 9
thermidor prévint seule son supplice.
Il ne tarda pas à reprendre le métier
alors si dangereux de journaliste, et,
malgré la terrible leçon qu'il venait
de recevoir, il ne modifia poiut ses
idées politiques. Mais regardant les
évènemenls qui se succédaient comme
des orages passagers, dont chacun à
son tour pouvait être la victime, sa
porte comme sou cœur fuient con-
stamment ouverts aux proscrits de
toutes les opinions. C'est ainsi qu'a-
près le 18 frucùdor il ofirit un asile
à Barruel-Beauvert ( Voj. ce nom ,
LVII , 221), poursuivi comme roya-
liste. Bonneville ne se montra point
opposé dans le principeàla révolution
du 18 brumaire; mais avaut com-
paré Bonaparte à Cromwel dans le
Bien informé , journal qu'il l'édi-
geait alors avec Mercier, il fut mi»
eu prisou , et ne recouvra sa liberté
qu'eu reslant sous une surveillance
sévère delà police . qui ne finit qu'a-
vec l'empire. Sa longue détention
avait dérangé ses affaires commer-
ciales, et n'ayant pas obtenu le bre-
vet d'imprimeur, il se trouva complè-
tement ruiné. Ne pouvant plus alors,
comme au temps de sa prospérité,
recevoir chez lui les littérateurs
étrangers, il se rendait presque tous
les soirs dans un petit caf<' avec son
ami Mercier. C'était la qu'il se dé-
lassait des fatigues de la journée
dans des conversations qui u'étaicut
ni sans charmes ni s.ins intérêt. Un
des habitués de celte réunion a tracé
le portrait suivant, dont ttfus cens qui
ont connu Bouneville attestent la
I essemb'ance. « Celai t le cœur le plus
« simple et le plus ezalté que j'aie
« counu de ma vie, avec son imagi-
« ualion de ihauuiaturre et sa science
a de bénétlicliû , si faconde de tribune
«t et sa crédulité de femme, son édu-
« cation d'homme du monde et ses
« mœurs d'homme du peuple (Sou-
te venii's et Portraits ^ par M. No-
« dier, 333). »» Sur la tin de sa vie
il avait une petite bouti(]ue de vieux
livres dans le quartier latin ( pas-
sage des Jacobins), que ses jeunes voi-
sins se plai-aient à visiter, pour con-
verser avec un homme qui avait joui
d'une réputation lilléraire, et joué
même un rôle dans les affa res puili-
que>.(i5).Bonnev;lle mourut iegnov.
1828, à l'âge de sc'ixanle-ntuf ans.
II avait été dans sa jeunesse l'ami de
Foulanes, do Rouch<r, l'auteur des
dlois ^ d'Aniiré Chéuier, de Mercier
et de Picslif de la Bretonne. Si i'on
en croit Cuhières , Bonneville mellait
Restif au-de.^sus de Slilton, de ma-
dame Riccoboui et de J.-J. Rousseau
{ P^oj-. CueiÈres , au Suppl.). A
l'exemple de ÎMercier, il brava dans
la plupart de ses compositions les
règles du goût et du bon sens. Il
haïssait surtout Boileau ; toutefois
lorsqu'il écrivit ce ver-; inconcevable :
BoilcaUjjele inépiise et méprisai !ouJoui's(i4),
c'éiail moins l'auteur de l'^'^/'f^oe//-
(i3) Mais dpjà iiiru'in , absorbé, lisant toujours
quelque clas'^ique lalin, il n'él;:it plus que l'om-
bre de lui-même. La suppression, sous le minis-
tère Viiièle, d'une pension qu'il avait jadis ob-
tenue, vint beaucoup ajouter à Ses embarras et à
SCS chagrins. L'auteur de cette note écrivit en
sa faveur à M. Lnurdoueix; el, huit jours après,
la iieusion fut rétablie aTec paienii-nt de près
d'une annie d'arriéré. V— V£.
(i j) Vor, Potstrs, p, 5r.
BON
que qu'il avait en vue, que le courti-
san de Louis XIV et le viljlatteur
des rois. En indiquant ses princi-
paux ouvrages, nous aurons eticore
1 occasion de faire coimaîire ses prin-
cipes en politique et en littérature.
I. Le Nouveau théâtre allemand ,
Paris, 1782, in-8°, 12 vol. Les dix
derniers sont entièrement de Bonne-
ville (^oj-. Friedel, tom.XVl). II.
Choix de petits romans, imités de
l'allemand ; suivis de quelques Es-
sais de poésies lyriques, ibid.,
1786, in- 13. Ce petit volume qu'il
eut rhontieur de dédier à la reine ,
contient les meilleures pièces de
Bouneville dins le genre lyrique :
Le Cheval de bataille, le Déses-
poir de Job^ la Prophétie contre
Tjr, etc. Dans une préface très-
longue et très-chagrine, il déplore
avec amertume le sort des jeunes
écrivains qui n'ont pas de fortunej
mais il faut convenir iju'i! y a dans ce
morceau plus d'imagination el de sen-
sibilité que de raiou ( Voy. V Année
littéraire, VI, 2.4-i-iS). 111. Let-
tre à Condorcet, Londres, 1786,
iii-8''5 elle roulo sur la philo.'Ophic
de Ibslolre. IV. Les jésuites
chassés de la maçonnerie et leurs
poignards bi isés par les maçons ( 1 5),
Londres , (Paris) , 1788 , deux par-
lies in-8°. Le but de l'auteur est
de prouver que les jésuites profi-
tèrent des troub'es du reçue de
Charles 1*^"^ pour fonder en Angle-
terre la raaconuerie telle qu'elle existe
dans les différents états tie l'Europe.
Eonueville avait, suivant Barruel,
reçu de Bode les matériaux nécessai-
(i^) C'est le titre général de l'ouvrage que
nuus avons cite; mais chaque partie en a un
pariiculiel". La première est intitulée :ia maçon-
nerie écossaise comparée avec les liois jimfesstons
el le secret des Templiers du Xlf ^ sièc/e ; la
seconde ; HfémeU des quatre vaux de la compagnie
de Saint- l'^riave el des (jitstre grades di la mflc'Ja»
« en'e de Sain t- Jmn ,
BON
'"es [Mémoire sur le Jacobinisme ,
V, 11-1988)^ niais il dtlare lui-
même que l'Essai de ]S icclaï 5///' l'or-
dre des T'euipliers lui a élé d'un
grand secours(i'^^ part., p. i5). Mira-
beau dit que c'esL un ra|)prochenienl
très-complet et trcs-exacl des princi-
paux faiis qui ont amené en Allema-
gne celte iraporlante découverte;
et qoe cet ouvrage fait beaucoup
d'honneur aux coaaaissa.>ces, a la
sagacité et même au courage de Boc-
reville ( Monarchie prussienne ,
liv. vm). L'auteur y rendait (ii*
partie, p. i32) un dernier hom-
mage aux vertus de Louis X\ I , ainsi
qu'aux vues bienveillantes de Brieune,
de Brcteuilj de Lamoign'.u et de
Bionlmorin- mais dans la plupart des
exemplaires cette page a élé rem-
placée par un carton. V. Histoire
de r Europe moderne , depuis l'ir-
ruption des peuples du Isorddans
V empire romain j squ à la paix de
1783 5 Genève (HarisJ , 1789-92,3
vol. iu-S**. Cet ou\ rage devait être
divibé en trois parties : la première
aurait offert, en 6 ou 7 volumes, \q
tableau des événements ; la seconde ,
l'histoire des sciences et des arts»- et
la troisièiiie , celle de l'esprit hu-
main, depuis Li découverte d'un al-
phabet par les Francs, jusquà la
naissance de l'Encyclopédie. Dans les
trois volumes qui ont paru, on trouve
quelques belles pages , quelques
idées justes et fécondes eu résul-
tats. Mais que doil-on penser d'un
écrivain qui s'éloiine que \' Abrégé
chronologique du pré>ideul Héuaiilt
n'ait pas été brûlé par la main du
bourreau, par la raison qu'il a eu la
bassesse de reproduire celle maxime ;
que si veut le roi , si veut la loi
[Discprélim , 4-^)3 comme si ce u'é-
lait pas un des prin ipes de l'ancienne
monarchie ! d'un écrivain qui , dans
BON
,^71
un au'.re endroit (I, 4.06), après avoir
annoncé que la terre épurée ne re-
produira plus de rois absolus , ni de
piêlres, ni de volcaos, regret! e beau-
coup de n'avoir pu s'exprimer comme
les Anglais en disant que la terre sé-
rail déroisée et déprétraillée , deux
mois qu'on trouve sublimes dans
Shakspeaie ] VI. he tribun du peu-
ple , ou Recueil de lettres de quel-
ques élecleuis de Paris avant la ré-
volullou, 1789, in-8°. — Le Vieux
tribun , imprimerie du cercle so-
cial 1791 . 2 vol. ln-8°. VIL La
Bouche de fer,']omnû commencé ea
1790, avec CI.Fauchel, in-8°. VIII.
De l'esprit des religions, ouvrage
promis et nécessaire a la confédéra-
tion universelle des amis de la ver: lé,
1791, 2 part. in-8°; nouvelle édil.,
I 792 , iii-S'^. Ce livre , le plus sin-
gulier de Bonneville , est bien loin
de répondre h son titre. Comme il
con posait les deux parties en même
temps, et qu'on les imprimait a me-
sure , il ne lui a pas élé possible de
donner à ses idées l'ordre et la
méthode nécessaires. Il suit de la
que tout y est décousu , et qu'on y
trouve accolés les sujets les plus
disparates. Suivant Bonneville, la
religic^n universdle ne peut êlre
que celle qui sera fondée sur l'avan-
tage de tous les hommes. Elle aura
pour prêtres les sages, c'esl-a-dire
les philosophes et les savants ; et
comme il faut un culte et des églises,
il propose d'adi'pter provisoirement
les rilcs et de s'emparer dts loges des
francs maçons , sauf L'approbation
'ie l'assemblée générale du genre
humain. Il proiesse parlent le plus
grand respect pour Dieu ; 11 demande
qu'on traite les alhéescomine des ma-
lades, ou des êlres d'u:ie classe infé-
rieure à l homme, puisqu'ils n'ont
pas comme lui l'idée d'une éternilé
572 BON
de bonheur. C'est donc ainsi bien
à tort que , sur quelques phrases
équivoques , Sylvain Âlaréchal l'a
placé dans son Dictionnaire des
athées. Pour arriver au bouheur par-
fait que la nature nous doit^ puis-
qu'elle nous l'a promis , Bonneville
veut qu'on adopte sur-le-champ la
communauté des femmes , et qu'on
s'occupe d'une répartition plus juste
des biens. Il propose, pour attein-
dre ce but sans secousse, de régler
par une loi la portion de chaque enfant
dans les biens de son père , et de ré-
partir le surplus entre les parents les
plus pauvres. Si l'on vient à lui ob-
jecter que les propriétés sont inviola-
bles et sacrées, il lépond : «C'est pré-
cisément pour cela que tu n'as pu
avoir celle du pauvre 5> (i""*" part., p.
7 8). Voilà déjà des choses Lien singu-
lières ; mais ce a quoi l'on est loin de
s'attendre, c'est que, dans cet Esprit
des religions^ Bonneville parle beau-
coup de grammaire* qu'il y donne
desétjmologiesingéuieuseàdont quel-
ques-unes soni des réponses très-so-
lides à des plaisanteries de Voltaire
sur la Bible ; et enfin qu'il s'y montre
très- opposé à l'orthographe de Vol-
taire , et k ce qu'on écrive comme on
parie, pour d'eïcelleules raisons qui
ont été reproduites en partie dans la
récente controverse suscitée sur ce
point par un grammairien (i6). IX.
Le nouveau code conjugal, éta-
bli sur les bases de la constitution,
T'7g2,in-8°. Cet ouvrage est annoncé
eu trois parties^ mais il n'a paru que
la première. Voici quelques-unes des
Ci6)«Mon Espiii des religions, d\l Bonneville,
rst le gerine de vingt ouvrasses classiques dans
le sens de la révolulion , et j'aiir.e à croire que
le bon Jeon-Jacque'î , qui avait un cœur, n'eût
pas d( daigné d'en être l'auteur, et qu'il ajniile-
rait à sa gloire. « C'est dans son a<lressea((T vcrita-
bles amis de /u lif/erle' (i-^^i, png. ii) que Bon-
neville s'exprimait ainsi avec l'amour-proprc le
plus candide. A' — rs.
BON
idées de l'auteur. Les célibataires sont
exclus de tous les emplois publics , a
moins qu'ils ne deviennent pères par
l'adoption. L'âge des mariages est
tixe a quinze ans pour les garçons, et a
treize pour les filles. Le père ne peut
épouser sa fille, ni la mère son fils,
afin d'arriver sans violence a. la di-
vision des héritages. Les époux ré-
pondent au magistrat qui vient de
déclarer leur union : \ ivc la liberté !
vive la nation (p. 359)! Le mari peut
répudier sa femme, mais seulement
pour cause de libertinage 5 et la femme
peut demander le divorce si son mari
devient fou et se rend coupable de
désordre extrême. Avant de le pro-
noncer , le juge de paix doit faire
observer aux époux qu'il n'y a point
d'homme ni de fenime sans défauts,
çue le plus beau ciel a ses ora-
ges, etc. X. Poésies , 1793 , in-8°.
Aux Essais Ijriques dont on a déjà
parlé, Bonneville a réuni dans ce vo-
lume tous les vers qu'il avait compo-
sés depuis la révolution. Un assez
grand nombre sont au moins singu-
liers, tel que celui-ci tiré du Druide:
Satan!... c'est le monarque en tranches découi>é.
Parmi les pièces nouvelles, la plus
remarquable est le Poète , oii Bon-
neville déplore dans une suite de
chants quelquefois barbares , mais
souvent énergiques , les excès de
la révolulion. C'est ainsi que dans le
huitième il décrit, avec une rare vi-
gueur de pinceau, la réunion oîi furent
décidés lesmassacres des prisonniers.
Là, septembre, en panache, as.tonible ses ministres
Et s'y fait applaudir de projets plus siai-stres
Que les plans de Caligula.
L'enfer n'est plus l'enfur : tous les démons sont là.
XI. Hymne des combats^ '797»
in-S". Outre quelques traductions de
l'anglais de Thom. Payne ( 1 7), et un
(17) Madame de Bonneville , dépositaire des
papiers de Thorass Payne, avait commencé eu
BON
assez grand nombre de pamplilelsano
nyincs, on doit aEonuevi'le |ilusieurs
articles dans les journaux , parlicul.è
rement dans le Mercure, et depuis
la révolution, dans la Chronique du
mois (i8). Il a laissé en manuscrit
un Nouveau système de pronon-
ciation anglaise pour les mots
homophones ; el les Forets des
Gaules, poème (19). \V — S.
BO!\XIVARD (François de),
fils de Louis de Bonnivard, seigneur
de Lunes, naquit eu 1496, et fit ses
études à Turin. Jean Aimé de Bon-
nivard , son oncle , lui résigna eu
i5io le prieuré de Saint -Victor,
silué aux poitcs de Geuève, et qui
iormait un bénéfice considérable ;
inais a cause de sa grande jeunesse
il n en prit possession qu'en i5i4.,
en vertu d'un bref du pape. Il dit
lui même que, dès qu'il eut commencé
à lire les annales des nations, il se
sentit entraîné pardon goût pour les
républiques , dont il épousa toujours
les inléi êls. Cette disposition d'esprit
détermina plus fard sa conduite po-
litique. Genève, ville impériale el li-
bre, sauf des droits assez étendus
exercés par ses évèqnes, luttait
depuis long-temps contre la maison
de Savoie, qui voulait la posséder.
Le duc Charles III , surnommé le
bon par ses sujets et par ses hislo
liens, résolut d'y établir sa dominai ion.
Jean , bâtard de Savoie, occupait le
siège épiscopalde Genève et avait cédé
iSjq la rédaction d'une v.'e de cet écrivain,
qu'elle se pinposail de jiublicr. V — ve.
(iS) CV st di s presses de Bonnevilie que sorti-
rent le Système du monde, de Laplace, et les
Leçons de l'Ecole normale. V ve.
(19) Ces manuscrits sont entre les mainsdesa
veuve, qui, en i8i3, est allée rejoindre ses deux
eniantsaux Etats-tnis. I, 'aine des fils d,^ Bonne-
viUe est un d. s officiers les plus distingués de
l'armée américaine; il a été charpé par le gou-
Teriiemcnl d'une mission imporlante pour la civ;-
lisatii^n -'es peuplades indijèncîi V— vs.
BON 573
au duc tous ses droits régaliens. Ce
fut alors qu'éclatèrent les premiers
bè- troubles , et que Bonnivard se signala
par son courage el par ses liaisons
avec les liommes les plu.s remarqua-
bles de ce parti , entre autres Berthe-
lier {Foy. ce nom, tome IV).
D'abord il eut à soutenir contre l'é-
vêque un citoyen appelé Pecolat que
le prélat avait fait arrêter 5 ensuite
il ménagea, entre Genève et Fri-
bourg , un traité de co-bourgeoisie
et de défense mutuelle 5 mais l'an-
née suivante, iSip, le duc s'élant
fait ouvrir les portes de Genève ,
à la tête de cinq cents bommes ,
Bonnivard qui redoutait son ressen-
timent voulut se retirer k Fri-
bourg : il fut trahi par deux hommes
qui l'accompagnaient et conduit , eu
vertu d'un ordre du prince , a Grolée,
où il resta deux aus prisonnier.
Ses ennemis avaient toujours les yeux
ouverts sur lui, et ils avaient résolu de
mettre en usage tous les moyens pour
le perdre. En i53o, l'avant rencontré
sur le Jura, des voleurs le dépouil-
lèrent et le mirent encore entre
les mains du duc de Savoie, qui
l'envoya au château de Chillon, où
il resta sans être interrogé jusqu'en
I 536, qu'il fut délivré par les Ber-
nois , maîtres du pays de Vaud. Ce
chàfeaUj ancien séjour des baillis de
Vevai et qu'un tel captif suffirait à
rendre célèbre, est situé entre Cla-
rens et A illeneuve , ville placée à
une extrémité du lac de Genève.
A gauche de Chillon, à l'entrée du
Rhône , et vis-a-vis , se dressent
les rochers de Meilli rie, illustres par
Rousseau. Byron a retracé les souf-
frances de Bonnivard dans un poème,
digne pendant de l'épisode d'Ugoliu,
et qui est peut-être de toutes sescoœ-
positions, ainsi que l'a remarqué
M""' Belloc , celle nul fai l pleurer da-
5 7 4
EOiN
vanlage. L'aiiîeur àehi Noui^cUe J/é-
loïse 3. aussi consacré le souvenir de
Chilloii el de .'■on prisonnier : il l\ip-
pelle nn homme d'un naérite rare ,
d'une droïlure et d'une fermelé à
toute épreuve, ami de la liberté
quoique Savoyard ^ et tolérant
quoique prêtre. Bonuivard, en bri-
sant SCS ftrs, eut la satlslaction de
trouver Genève libre. La rélornie
religieu>c s'y élail en même temps
opérée et les magistrats voulaimt
rétablir dans les camp. ignés, qui re-
fusèrent d'ahcrd d'ahandi nner leur
croyance. Bonnivard, partisan d'une
toléranie dont le calvinisme .s'est
trop souvent écarté , applaudit a
cette réi-oluliou et engagea le conseil
a leur accorder un temps snfiisant
pour examiner les proposilious qui
leurélaiint {ailes. Ce uioyen fut cou-
ronne par le succès. Quoique Bou-
nivard eût reçu plus d'une récoir-
pense des sfr\ices qu'il avait rendus
à la république, il ne crut point avoir
été convenablement dédommagé de
ce qu'il avait perdu pour sa cause ,
et l'on serait en droit de s'étonner
de celle riirueur de calcul dans un
1 , , • r
bomrae vanle pour la gcuerosile
de .--on civisme , .••i une falale expé-
rience n'avait appris que le partait
désintéressement est la plus rare des
verlus pairiolicjues. li demanda en
i558 d'êlre mis eu posse;,sionde son
prieuré de Saint-Victor; on le lui
rcfusaj il se relira a Berne. .Le hé-
ros de Genève plaida contre elle :
enfin , par un accommodement , il
obtint, au mois de lévrier i53o,
ooo écus en e.^pèces, et i4o écns
de pension via-ère. On pense qu'il
inonrnt en lôyo, mais on ne peut
l'assurer, parce qu'il y a une lacune
dans le nécr(doge , d( puis le mois
de juillet if.yo jns'qn'eu lôyi. —
Cet homme fameux dans sa pairie
BON
adoplive pouvait passer pour savant.
Il s'était fanii liari.se avec les classi-
qnes latins, et il avait approfondi la
théologie et l'histoire. En i55i il
donna au public sa bibliotlièque qui
devint le fondement de celle de Ge-
nève. La même année il inslilua la ré-
puldicpie sou héritière, h condition lou-
tefuis que ses biens seraient employés
a entretenir le collège dont on proje-
tait lafondationj el cet acte l'ab.sout
du compte trop sévère demandé à
ses concitoyens, lorsqu'il balança
ses rémiméralious et ses sacrifices.
Il avait composé un grand nombre
d'ou'.rages dosit quelques-uns onl été
publiés et dont les manuscrits auto-
gnphes sont conscivés dans la biblio-
thèque de la république. Senebier
{Hist. litt. deGenêfe,!, lôy-iSg),
en do. ne la lisle. Le plus iinporlant,
quoique encore inédit, est sa Chroni-
que de Genève. Un libi-aire en a com-
mencé \d publication en iSaS , mais
elle n'a p:)s élé achevée. Il est élon-
nant eue dans une ville où existent
tant d'hommes dont le zèle égale le
savoir, on n'ait pas encore mis au
jour ce monument de l'hi.sloire natio-
nale. R — F — G.
EO:\'NYCASTLE ( Jeak ) ,
malhémallcieu anglais, né 'a While-
church dans le comté de Fnckinghann,
de parents pauvres, recul néanmoins
une bonne éiincalion. Quoique 'ts
malhéra.;iiques fussent dès celle épo-
que le principal objet de ses éludes,
il ne laiss.i pas de se livrer à la lit-
léralure ; et , indépendaninîent de la
connai,ssaucc qu'il avait des deux lan-
gues classiques , il possédait l'ita-
lien , l'allemand et le français , .si-
non de mau ère a parler ces langues ,
assez du moins pour comprendre et
sentir les écrivains qui s'en étaient
servis. Cette diversité de talents lui
lit trouver de bonne heure «ne posi-
B()^
iion atanfageuse à Londres, où il
était venu perfeclionner ses connais-
sances et tirer parti de cellts qu'il
nossédiiit. Le comie de Foiwfiel le
chargea de l'éducation de ses deux
en aiits. Bonnviaslle qui n'avait alors
que dix-buil ans , était dc'ja. marié.
Il tint ensuite une académie ou
cours libre à Hackuey; et, déjà re-
gardé comme un des premiers ma-
thématiciens de l'époque, il devint
un des principaux correspondants du
London Magazine. Pins tard , il
se mit k composer, a Tusage des élè-
ves de tous les degrés , des ouvrages
él'-mentaires qui sont devenus classi-
ques . et qui souvent réimprimés ne
contribuèient pas ueu "a sa fortune.
En même temps il ét;at nommé pro-
fesseur de mathématiques k l'école
militaire de V/oolv?ich. Il mourut
en 1821. Voici la liste de ses ou-
vrages. L Le Guide de V écolier
en mathématiques, i78D,in-i2;
5^ éditinn ,1811 : il y en a eu beau-
coup d'autres depuis. IL Intro-
duction à fart du mssurage et à
la géométrie pratique f 17 52, in-
12. III. Introduction à l'algèbre ,
1782, in- 13. IV. Introduction à
l'astronomie, 1786, \n-^" .N . Elé-
ments de géométrie d'Euclide .
1789, in-S". VI. Une traduction
âe l'Histoire générale des mathé-
matiques, de Bo^sut, i8o5, in-8".
VII. T.raité de trigonométrie
plane et sphcrique , 1806 , in-
8°. MIL Introduction à la-
rithmélique formant la première
pariie d'un cours géuér.ii de ma-
thématiques, 18 10, in-8°. ÏX.
Traité dJ" Algèbre, 18 i5. 2 vol.in-
S°. P— OT,
BOXO (l'abbé Jean -Baptiste-
Augustin) , professeur de droit ca-
nonique, était né en iy58 h Ver-
zuolo , près de Saluées. Il reciU sa
EON
J7 j
première éducation de son père , doc-
teur en médecine, qui désirait lui
faire adopter la même profession ,
déjà exercée dans sa famille par sept
géiiéralioas Consécutives • mais le
jeune Bono se montra plus disposé
pour l'étal cccL'siasiique Api es avoir
fait sa philosophie au collé- e de Sa-
luées , il obtint une bourse, et fit
Si n cours de droit civil et canonique
îi l'université de Turin. En i 7 5 5 il fut
admis au Cl liège des Fr()vince^ comme
répétiteur, et l'année suivante il fut
reçu docteur. Désirant .suivre la car-
rière de l'enS'-igntraenl , il .fut répé-
titeur de droit a l'académie rovale
des nobles, où il demeura jusqu'en
1767 , époque de sa nomination k la
chaire d'instiiutions canoniques, et
l'année suivante , a celle de droit ca-
non. Ce fut alors qu'il se fit connaî-
tre par son traité De potestate ec-
clesiœ tuniprincipis, seu de juris-
dictione , ouvrage qui mérilerait
d'être plus connu en France, car il
marque les vraies liii.iles des deux
pouvoirs, dont le fanatisme et l'igno-
rance ont lanl abusé. En 1788 liono
publia encore des thèses De potestate
principis circa matrimonia. Un ro-
main pseudonyme lui répondii par une
biochure intitulée : Pétri Deodali
]SicopolitM.ni epistola ad Anteces -
soreni Taurinensem, qua ilhislran-
lurejus propositiones de potestate
ecclesiœ in matrimonia , Mégalo-
poli ^ '789- Eu i7'9i, le savant
professeur ajouta h sou Irailé De cri-
minibus ecclcsiaslicis sept thèses
De usuris , par lesquelles il a clai-
rement expliqué la loi de l'évangile ,
l'autorité des pères He l'église, le
vrai sens des canons , eJ la lettre eu-
cyc'iqiie de Benoît XIV. Ces tiièses
furent de nouveau atlaouécs dans une
brochure par le vicaire du saint of-
fice. Lors de l'occu nation de .'a Sa-
576
BON
voie et du comté de Nice par les
années françaises, en 1792, l'abbé
Bono et d'autres professeurs avant
montré quelques dispositions favora-
bles k la révolution, Tuaiversilé de
Turin fut fermée, et Boao fut obligé
de vivre dans la retraile oii il se
consola au milieu de sa bibliothèque,
qui était une des plus riches et des
mieux choisies du Piémont. Ce fut
dans ce teinps-la qu'il composa la
savaule préface des œuvres de Leib-
nitz , qui furent publiées à Ge-
nève, en 1797. Lorsque les Fran-
çais s'emparèreut définitivement du
Piémont , le 8 décembre 1798 ,
le général Joubert désigna Bono
pour nu des quinze membres du
gouvernement provisoire, et il fut
attaché avec Botlone, Fasclla et
autres, au comilé des fhiniices ,
commerce , agriculture, arts et
manufactures. C'est de ce comité
qu'émnna la loi funeste qui réduisit
les obligations du trésor royal a un
tiers de leur valeur nominale, et les
pièces de billon a moitié. Bono fut
nommé président du gouvernement
provisoire, et il signa en cette qua-
lilé la délibération du 6 janvier
1799, par laquelle la basilique de
Supirga devait être transformée
eu un temple de la Reconnais-
sance ^ en l'honneur des patriotes ,
et les tombeaux des rois enlevés
de cette église. On avait demandé au
club de Turin que ces tombeaux fus-
sent délruils , et la décision du gou-
vernement provisoire empêcha un tel
acte de vandalisme. Ce fut par une dé-
libération de ce même gouvernement
que, dès le 8 février 1799, trois dé-
putés, Boltoue, F)0ssi et Sarloris, fu-
rent envoyés a Paris pour porter au
directoire une demande de réunion
à la France. Après avoir rempli de
telles fouctions, Bono n'eût pas luau-
BON
que d'être poursuivi comme révolu-
tionnaire, lorsque les Français fu-
rent obligés d'évacuer le Piémont en
1799, devant l'armée Austro-Russe;
mais il était mort dans le mois de
mars de celte année; et ses collè-
gues du gouvernement provisoire lui
avaient fait décerner de grands hon-
neurs funéraires. G — g — t.
BONSI (le comte Frawçois),
célèbre hippialrisle italien, né vers
1720 krvimiui, descendait d'une il-
lustre famille de Florence. Elève du
fameux Janus Plancus[Voj. BlAN-
CHi(/ca/i),tom IV), il cultiva dans sa
jeunesse la médecine et les différen-
tes branches de l'histoire naturelle;
mais passionné pour le cheval , il finit
Far s'attacher plus particulièrement à
étude de cet animal. Quelques opus-
cules qu'il publia en 1756 , sur les
maladies et le traitement des che-
vaux, furent critiqués vivement par
Perulez, maréchal au service du duc
de Modèue, et firent naître divers
pamphlets plus propres k égayer les
oisifs qu'à éclairer le sujet de la
dispute. M. Aul. Lombardi regrette
que les ouvrages de Bonsi ne soient
pas appréciés par ses compatriotes
cqmme ils méritent de l'êlre, et se
croit fondé k réclamer pour lui Thon-
neur d'avoir créé l'iiippialrique ,
parce que, dès 1751, c'est-k-dire
plus de dix ans avant la fondation
des écoles vétérinaires d'Alfort et de
Lyon , Bonsi avait publié un traité
sur la connaissance des cbevaux (voy.
Storia délia letteral, ital. , net
XFIII secoL,\l, 280). Mais
M. Lombard! semble oublier qu'une
science doit nécessairement exister
avant que l'on établisse des éculea
pour l'enseigner ; et que d'ailleurs les
Eléments d' hippiatrique de Bour-
gelat sont antérieurs aux Regole de
Bonsi. C'est donc saus aucune nro-
BON
babilité de succès qii'l! tente de dé-
pouiller le médecin fraucais de la
gloire d'avoir créé riiippiatrique
{Voy. BOUEGELAT , tOID. V). Bonsï
lit en 1780 un cours a Naples ,
dans le palais du prince de Franca-
villa. Il vivait en 179a j mais nous
ignorons la dalede sa mort. Ses prin-
cipaux écrits sont : I. Regolc per
conoscere perfcttaniente le bel-
lezze e i difetii dé cnvalli , Ri-
mini, i y5 i , ia-4", fig-j ibid., 1802,
)n-u°, II. Ltttcra d'un cocchiere
ad un suojlglio in cul gîi da al-
cuni utili aveilimenli necessari
per esercitare con Iode la propria
arte , ibid., 1755 , in-8". III. Let-
tere ed opusculi ippiatrici o siano
intorno la inedicina de' cavalli^
ibid., 1756, et Venise^ '^1^1 ■> in-8°.
I\. Istituzione dimarecalcia^ con-
ducenti.... ad esercilare con sodi
fondamenti la inedicina de' ca—
valu, ISaples , 1780, in-8°; Ve-
nise, 1786-875 ibid., i8or , 2 vol.
C'est un très bon ouvrage de niaré-
chalerie. V. Dizionario ragionalo
di veterinaria teorico praLica,
Venise, 1784, in-8°, 4- vol. L ne
nouvelle édit. , commencée a Venise
en 1775, sur un plan beaucoup plus
vaste, n'a point été terminée. Le cin-
quième vol. de i8o3 finit avec la
lettre J. W — s.
BOXSTETTEX (Chaeles-
ViCTOR de) , naquit h Berne le 3
sept. 174-5. Sa famille, après avoir
brillé, dès le dixième siècle, dans
les cours de l'Allemagne, jouait un
rôle distingué dans le palriciat de
Berne , et son père y avait rempli
les premières charges. L'éducation
que recevaient les jeunes patriciens,
d une manière assez uniforme, n'était
nullement propre a développer leurs
qualités naturelles. Destinés, pourla
plupart, au service militaire étranger,
jyiiT.
BON
577
on négligeait de leur faire acquérir
les connaissances dont l'application
devait It ur être utile, lois(jue après
une absence plus ou moins loneue .
ils reviendraient , selcn l'usage ,
occuper des places dans l'admi-
nistralion. Quelques - uns suivaient
une carrière différente, et allaient
puiser dans les principales univer-
sités de l'Allemagne et de la Hol-
lande les lumières qn'ils n'eussent
pas trouvées dans leur patrie Le
père de Bonstetten adopta cette
raarcbe , et il rapporta de son sé-
jour a Gotliugiie non - seulement un
assortiment précieux de connaissan-
ces variées, mais des idées d'égalité
et de to'éiance qui contn'slaient avec
l'esprit dominant a Berne dans la
haute classe, et dont il s'efforça de
très - bonne beu e d'inculquer les
principes k son fils. Le jeune homme
s'aperçnl bien tôt lui-même que l'espèce
d'édiica ion qu'il recevait et l'atmo-
sphère dont il était entouré ne sa-
tisfaisaient point à ses besoins iiitel-
hcluels, et ne lui présentaient pas
les résultats que son imagination
lui laissait entrevoir. Sur sa de-
mande , son père l'envoya k Yverdun
et le plaça, a Tàge de treize ans, dans
une maison respectable, oii il sentit
promplement qu'il acquérait une nou-
velle existence (i). Ne recevant que
fort peu de leçons, il voulut sinslruire
sans secours étrangers, et c'est dès-
lors qu'il comniençak réfléchir sur ses
propres facultés, et a faire une élude
de lui-même, quila poursuivie jus-
qu'à la fin de sa carrière. Dès l'âge Je
dix-huit ans, il fut envoyé k Genève
et il ne larda pas k y former des re-
lations avec les hommes distinjrués
(i) La fin de son séjour à Yvordun fut mar-
quée par la connaissance «ju'il fit de Jean-Jac-
(jucs hou==can, et par un amour qui devint pour
lui un movcu il'cducatinn spiritucll« et morale.
M— A.
37
5^8
BON
que celte ville possédait, Cramerj
Jallabert, Abauzit, Moultou , l'ami
de Jean- Jacques , et surtout avec
Charles Bonnet dont Taccueil pa-
ternel fit, dit-il (2), la destinée de
sa vie intellectuelle, et s'empara
de toute son âme. C'est dans la fré-
quenlalion habituelle de ce philoso-
phe aimable, dans les lectures qu'il
faisait sous sa direction , que Bon-
stetlenprit pour l'analyse métaphysi-
que un goût que Ton retrouve même
dans ceux de ses écrits qui en parais-
sent le moins susceptibles. De ce mo-
ment vl adopta un usage, suivi aussi
par Diderot , et bien propre a for-
tifier son intelligence et a conser-
ver a ses travaux un caractère d'origi-
nalité. Quand il entreprenait la lec-
ture d'un ouvrage , il parcourait , en
premier lieu, les titresdes chapitres, et
il écrivait ses pensées avant de lire
celles de l'auteur. C'est a Genève
aussi que les sentiments religieux se
développèrent dans le cœur de Bon-
stelten. Rien de plus touchant que la
manière dont il peint a son ami Mat-
thisson (5) sa première communion ,
7c plus heureux jour de sa vie ,
et les larmes que lui firent répan-
dre quelques doutes élevés dans sou es-
prit par les railleries de Voltaire, h la
table duquel il fut souvent invité.
Après une anuée ou deux de cette vie
philosopliique avec Bonnet, Bou-
sletten fut obligé de quitter son maî-
tre chéri et ses douces habitudes :
jl alla étudier a Leyde , il fit des
voyages, il vit les hommes célèbres du
siècle, il se lia avec plusieurs, no-
tamment avec Gray qu'il connut k
Cambridge, « Cependant sa vie inté-
rieure s'effaçait peu a peu, nous dit-
il , (4) dans l'éclat de la vie réelle.
(2) Voy. l'Homme du JHdi, pjg. vi, prtT.
(!) Lettres à Matthisson.
f\) f'réfaee Ue i'Uorasiic dr. usidi el du u«id.
BON
L'habitude si douce de lire dans son
ame allait se perdre 'a jamais. Ce ne
fut qu'environ trente ans après avoir
quitté Bonnet qu'il retrouva insen-
siblement le fil de ses idées, dans les
lieux mêmes 011 il l'avait quitté. »
« J'ai fait voir , nous dit-il encore ,
K comment l'éducation que j'ai reçue
« a concentré ma pensée dans l'é-
« tude de moi-même. Il en est ré-
« suite que l'habitude de réfléchir
a me donne une vie intérieure que
a tout ce que je vois anime et
ce embellit. Dans cette disposition de
« l'àme , tout devient un objet de
« pensée. « Ce peu de mots expli-
quent l'inclination bienveillante de
Bonstetten pour tout ce qui était ca-
pable d'exciter quelque intérêt, et
cette manière originale de l'envisa-
ger qui caractérise tous sesécrits(5).
Quelquefois , dans ses ouvrages mé-
taphysiques , il s'est un peu égaré
dans des combinaisons théoriques j
mais dès qu'il les abandonne pour
des remarques de détail , et qu'il
se replie sur l'homme en action ,
soit qu'il l'observe dans sa con-
science intime , soit qu'il le suive
dans le mouvement de la vie, on
retrouve l'observateur spirituel qui
captive par la finesse de ses aper-
çus ceux même qui en contcsic-
raient la justesse, et le jibilosop-be
ingénieux qui fait toujours penser,
(i) Donsletten avait reru da ciel un esprit se-
rein , une imagination vive et un enthousiasme
éclairé pour tout ce qui est bon et beau. Sa piété
était ardente, mais pure do toute .supcr'lition.
11 racoiitiiit lui même à ce snj^t que lorsque
dans sa jeunesse il entendit p(jur la première
fols argumenter contre Dieu (ce fut à Genève
chez le fameux athée Rilliet), il fut saisi d'un tel
effroi qu'il rentra précipitamment chez lui, versa
des torrents de larmes et ne trouva de repos
qu'après avoir rédigé un écrit on il s'enijageait
envers rLtre-Supréme à chercher la vérité selon
ses forces, et à rester fidèle à la vertu durant
toute sa vie. — I.es ouvrages de Bonstetten res-
pirent, tous, celte douce philosophie et cette
pureté d'àmo qui le caraclcrisaienl à un si haut
desrt. M — a.
BON
quoiqu'on envisage les sujels qu'il
Iraite sous un aspect diftcrenl. Ce
don de féconder la pensée de son
lecteur, une des principales causes
du cliarine de ses écrits, est surtout
remarquable par l'usage qu'il en a
fait au profit de ceiix qui ont eu le
bonheur de l'avoir pour ami. L'in-
fluence vivifiante et productive qu'ils
ont éprouvée , chacun dans sa sphère
d'études et d'affections, s'est surtout
déployée dans les relations intimes
qne Bonstelten a entretenues avec
MuHer et Malthisson. On peut affir-
mer, sans exagération, que l'Allema-
gne doit a sa tendre et encourageante
amitié son plus illustre historien.
Dans sa correspondance avecMuller(6)
il publie lui-même avec une douce sa-
tisfaction que c'est lui qui a appris a
MuUer a connaître tout ce qu'il valait
et tout ce qu'il pouvait Sa liai-
son avec l'historiographe de la Suisse
date de l'année lyyS, etaduré jus-
qu'hla mort de celui-ci. Il n'eu forma
pas une moins intime avec le poète
Malthisson qui lui rendit le même
service que lui, Bonstetten, avait ren-
du kMuller. aSans Mathisson, dit-il,
(préf. de la Scandina%'iè), je n'au-
rais jamais pensé a me faire auteur, et
ma vie se serait malheureusement
éteinte dans Berne révolutionnée et
pleine de haines et de ténèbres. »
Il a consacré un chapitre de ses50u-
veniis k la peinture de son amitié
pour IMalihis^on, et il en exprime
avec effusion toutes les douceurs dans
les lettres qu'il lui adressait et dont il
a dans la suite autorisé la publica-
tion. Nous voudrions citer les autres
relations qui répandirent tant de
(6) Cette correspondance a été pu' liée sous
le titre de Lt-ttres d'un jeune savant à un ami
(TubiDgue, 1S02) et se trouve aussi dans le 13"=
voliime des œuvres coinplèles de Jean de iMuller.
Il en a paru une traduction française à Zurich ,
en iSio. ' M »,
BON
'79
charmes sur sa vie , celles qu'il a\aif:
contractées avec madame Frédéri-
que Erun (7), avec madame de Staël,
avec M. Stapfer dont il ne parlait Ja-
mais sans un sentiment profond de
vénération et d'attachement 5 mais
nous devons dire encore quelques
mots de sa carrière politique princi-
palement eu vue des écrits dont nous
avons à rendre compte. Appelé par
sa naissance et par ses talents a joiier
un rôle important dans l'état , Bon-
stetten entra dans le grand conseil de
Berne a Tàge oiî il pouvait y parve-
nir, et les premières fonctions qu'il
eut k remplir furent celles de vice-
bailli du Gessenay, vallée de l'O-
berland (8), dont il a décrit les
mœurs , la culture et l'industrie.
Devenu membre du conseil chargé de
la direction de l'instruction publique,
il y signala avec beaucoup de zèle
l'insuffisance de l'enseignement aca-
démique, pour l'état actuel des
sciences et de la société. Il ne se
contenta pas de provoquer de grandes
réformes dans le conseil, aux travaux
duquel il participait, il s'aida de la
presse, pour disposer l'opinion pu-
blique aux améliorations qu'il jugeait
convenables. 11 fit paraître a Zurich,
en 1786, a peu de mois d'inter-
valle, deux mémoires sur l'éduca-
(7) Sœur du savant théologien Frédéric
MuuttT, évèque de Steland, en Daneinatk,
mort en i83o Bien que Danoise, madame Brun
u composé tous ses ouvrages eu allemand.
M— 1.
(8) Il était encore incertain s'il devait accep-
ter des fonctions qui le plaçaient à la tête d'un
district où tout était nouveau pour lui , lorsque
l'avoycr, d'Krhich, le fit appeler et dissipa ses
doutes à Cet égard « Vous voilà donc bailli,
« lui dit ce magistrat ; je ne sais si vous con-
<( naissez les usages du pavs. On donne, par au,
« tant de fromages à chaque conseiller, et , mon
« cousin, retenez ceci, tant à l'avoyer. Votre
II prédécesseur était un sot; il m'envoyait de
«pelits fromages qui ne valent pas les grands.
« Adieu , mon cher cousin, je vous souhaiie un
i< bon vo.age. »— Ce fut le même IM. d'Eilach,
■{ui fit chas;cr J.-J. Rousseau de l'ile de Saint-
Pierre, M — i. i
37.
58(>
RON
iîon des familles patriciennes de Ber-
ne , dans lesquels à des idée^ utiles se
trouvent mêlées des critiques un peu
vives de l'ordre existaut, critiques
qui n'étaient pas toutes également dic-
tées parla prudence et par les besoins
bien compris des parties intéressées.
Bonstetten ne blessa pas moins , dans
les discussions qui s'élevaient au
sein des comités et des tribunaux dont
il était membre, les amours-propres
et les préjugés de quelques-uns de
ses collègues , surtout des magistrats
avancés en âge. Ceux qui savent com-
bieu l'esprit bernois était antipathique
a la publicité et aux innovations , ne
doivent pas s'étonner si, plus laid,
Bonstetten trouva des patriciens si
peu disposés aie porter aux places de
la haute administration , pour les-
quelles il était désigné par sa nais-
sance et ses brillantes qualités. Ce-
pendant il fut nommé, en 1787, au
bailliage de Nyon qu'il administra
jusqu'en 1793. Là, se trouvant sur
les rives de ce beau lac qui lui
rappelaient les plus doux souvenirs
de sa jeunesse, en face de ces
Alpes majestueuses qui agissaient si
puissamment sur sou imagination,
rapproché de ses relations gene-
voises, et dans la société de son
cher Matthisson, Bonstetten se livrait
à ses études , a ses méditations favo-
rites, et se faisait chérir de ses ad-
ministrés. La révolution française
éclata, et le magistrat lit servir sou
autorité et le voisinage de la France
k protéger les malheureux qui
fuyaient la persécution. En 1790^
il fut encore appelé a remplir,
pendant trois ans, les fonctions de
syndicateur dans les bailliages
italiens qui composent aujourd'hui
le canton du Tésin. De criants
abus s'y étaient introduits dans l'ad-
ministration de la justii.e. Bonstel-
BON
ten s'efforça d'y porter remède, par
le seul moyen véritablement efficace
c'est-a-dire par la publicité; il dé-
nonça a l'indignation publique, dans
plusieurs lettres, les iniquités qu'il
avait vues de près. Cependant la
tourmente révolutionnaire n'avait
point épargné l'Helvétie, heureuse et
tranquille jusqu'alors, k Au mois de
mars 1798, dit Bonstetten, tomba
celte république de Berne, ma pa-
trie, vieille de plus de six siècles,
riche de vertus politiques et de
prospérité.... Inutile k mon pays
englouti sous les flots révolution-
naires , assourdi par les sons dis-
cordants de mille intéiéts blessés,
sans amis, entouré de haine et d'hu-
meur, je quittai une contrée qui , ne
vivant que de souvenirs, était blessée
k-la-fcis dans sa gloire passée et
dans ses intérêts présents et a ve-
nir. M ( Préf. de la Scandinavie. )
Bonstetten se rendit k l'invitation du
ministre d'une cour du Nord, qui lui
ofFrait un asile. Arrivé en Allema-
gne , entouré de bienveillance, d'es-
time et d'amliié, il se sentit comme
rendu k lui-même 5 son àme renais-
sait k la lumière , et le grand spec-
tacle que présentait alors l'histoire du
monde se déroulait a ses regards ,
dans son imposante grandeur. C'est
a Copenhague qu'il passa trois années
d'un exil que l'amitié sut adoucir. Il y
publia un recueil de ses opuscules j
et par l'élude de la poésie et des
mœurs de la Scandinavie , par des
observations sur la face "éolosiciue
des contrées septentrionales , il jeta
les fondements de divers écrits qu'il
a mis au jour dans la suite. De retour
en Suisse , en 1802 , il fixa sa rési-
dence piincipale dans cette Genève
oh. il avait passé les plus heureux
temps de sa jeunesse, et où il retrou-
vait de nombreux et fidèles amis. Il
BON
fil plusieurs voyages eu Italie , eu
Allemajrne , et dans le midi de la
France, portant partout sou esprit
observateur et lecueillant des maté-
riaux pour ses écrits. Dans les inter-
valles de ses courses, il reprit et
rédigea ses médilalions sur divers
poiuts de métaphysique, vers les-
quels bon inclination le reportait
toujours. Lorsqu'il eut atteint soixan-
te-dix ans, sa santé reçut les
premières atteintes d'un mal qui
devait lui être funeste, mais dont
les soins d'un liaMle médecin sa-
rcnt alors arrêter les développe-
ments. Ses facultés intellectuelles
n'en furent point affaiblies ; il sem-
blait, au contraire, acquérir avec
l'âge une nouvelle ardeur et une
susceptibilité d'entliousiasme qui
n'appartient d'ordinaire qu'a la jeu-
nesse. Peu de semâmes avant sa
mort, il commença, sous le titre de
Souvenirs, la publication d'un ou-
vrage dans lequel on retrouve toute
la traîcheur et l'originalité de son
esprit. Enfin, le 5 février i852,
une nouvelle atteinte du mal , qui
n'avait été qu'assoupi ^ l'enleva,
à l'âge de quatre-vingt-six ans et
cinq mois, a ses amis, à sa patrie,
à l'Europe même qui perdit en lui,
non un de ces hommes qui ont fait
faire de grands pas a la science ,
mais un de ceux qui en ont le plus
encouragé les progrès, et qui ont
fourni un exem()le rare de bienveil-
lance universelle, de candeur, de
naïveté presque enfantine , et d'ab-
sence de toute la morgue et de tout
I, , *^ . r ■
1 amour - propre qu aurait pu taire
naître, et a un certain point excu-
ser, l'accueil distingué qu'il avait reçu
des principales illustrations de son
époque. Les nombreux écrits de
Bunslelten pourraient être divisés en
trois catégories , selon qu'ils ont
BON
58i
pour objet des questions politiques,
littéraires et métaphysiques. Mais
peut-être réussit- on mieux a se
faire une idée juste du génie et du
caractère d'un écrivain, ainsi que de
l'influence qu'ont exercée sur lui les
circonstances extérieures, en présen-
tant ses ouvrages dans l'ordre de leur
publication. TSous avons donc adopté
Tordre chronologique, et nous nous
aiderons , dans cette énumération ,
des notes qu a bien voulu nous four-
nir notre respectable collaborate ur,
M. Stapfer père , le plus capable ,
sous tous les rapports , d'apprécier
Bonstetten comme homme et comme
écrivain. L Lettres sur une con-
trée pastorale de la Suisse j Berne,
1782, in-8°. Ces lettres parurent
d'abord fans nom d'auteur dans le
31ercure de \\ icland , en 1781, et
furent attribuées à Jean de I»luller,
tant y brille un talent original et
vrai. Les mœurs, la culture, l'in-
dustrie du canton de Gessenay, dans
la vallée de l'Oberland , y sont dé-
crites avec un charme et une fraî-
cheur de style que l'auteur n'a pas
atteints dans ses autres produc-
tions. C'est un modèle de mono-
graphie géographique qui témoigne
de l'esprit observateur et fécond en
vues de bien public (|u'o:i retrouve
dans tous les écrits de Bunstelten.
Les lettres sur le Gessenay font par-
tie de la collection de ses ouvrages
publiée par les soins de Matlhisson,
à Zurich , en 1772, et réimprimée
avec des additions , par Orell, Fues-
sli et autres, en 1824.. II. Deux
inéinoires sur V éducation desj'a-
iiiilles patriciennes de Berne , pu-
bliés à Zurich , en 1786, et insérés
aussi dans un recueil intitulé : Le
musée suisse. Nous en avons parlé
k l'occasion desefforîs que fit Honslet-
teu pour améliorer le système d'in-
082
BON
struclion piibliiiue dans sa pairie. III.
L' Ermite , histoire alpine , réim-
primée dans les recueils de 1792 et
1824., que nous avons déjà indiqués,
et dans lesquels se trouvent encore :
1° le fragment du journal d uu
voyage à Bàle et a Neul'châtel 5 2°
des pensées sur la morl et l'immor-
laliléj 3° des Idylles , etc. ; 4° Ex-
posé des causes qui ont amené la
ré\>olution de la Suisse , discours
prononcé a Yverdun le 2^ nov.
1795. IV. Nouveaux écrits de C-
V. de B.^ Copenhague, 1799,
1800, 1801, 4 vol. iu-i2. Ce re-
cueil traite de queslions très-diverses
et sous des formes différentes : nous
indiquerons les principales. F"' vol.
(1799). De l'éducaliou du peuple.
— Influence des lumiÀ-res sur les
mœurs et sur la liberté. — L'amour
inné de la liberté tend an dévelop-
pement général du genre humain. —
Qu'est-ce que la liberté? Le 2*" vol.
(1800) renferme uu traité de l'art
des jardins ; des remarques sur la
langue islandaise ; des vues sur l'o-
rigine du langage, de la musique et
de la poésie, ainsi que sur la part
qu a prise à la formation des langues
la faculté de l'abstrac ion • des con-
sidérations sur les poètes Scandinaves,
et une comparaison de ces poètes
avec Homère et Ossian ; enfin, la
traduction de la Saga de Ragnar-
Lodbrok et de ses lils , précédée
d'une introduction qui offre des dé-
tails historiques fort instructifs. Le
3'^ vol. (1800) contient une lettre
adressée k Matlhi.^son, en septembre
1794., sur la dernière révolution de
Genève et sur les troubles qui ve-
naient d'agiter cette cité 5 il les
avait observés du bailliage de Njon
qu'il occupait encore , et sa rési-
dence avait offeil un asile aux hon-
nêtes citoyens fugitifs. Yient ensuite
BON
sa relation d'un voyage entrepris ,
en l'année 1796, dans les baillia-
ges italiens de Lugano , Mendrisio ,
Locarno et Valraaggia, etc. Cette re-
lation , comprise dans une suite de
onze lettres adressées a une amie ,
renferme des détails qui, après qua-
rante ans , semblent incroyables, sur
l'état des contrées oli Bonstetten fut
appelé à remplir, pendant trois ans,
les fonctions de syndicateur; ce qui
fut pour lui l'occasion d'y faire trois
voyages et trois séjours successifs.
Le qvalrième volume contient les
détails des voyages de 1796 à 1797 ;
et l'auteur y expose avec une no-
ble sincérité, et dans rintcrêl des
firovinces sujettes , tous les vices de
eur administration. Mais au moment
où dans sa retraite, près de Copen-
hague, il mettait la dernière main k
ses relations, la face politique des
pays dont il s'occupait avait été
changée: un conquérant les avait en-
vahis, ce Sans doute , s'écrie l'ex-
syndicateur, l'édifice de cette consti-
tution était défectueux j mais, en
mettant ses défauts au grand jour, on
pouvait en trouver le remède et tra-
vailler au bonheur d'une population
intéressante. Aujourd'hui ces contrées
n'offrent plus a l'œil du voyageur
que le spectacle attristant des débris
qu'une lave dévastatrice a laissés sur
son passage...» Les dernières relations
de Bonstetten sont contenues, comme
les précédentes, dans une suite de
lettres qui avaient déjà paru dans le
Magasin germanique de M. d'Eg-
gers, années 1 797- j 799. V. La
Suisse améliorée , ou la Fête de
la reconnaissance^ 1802, in-8''.
Un émigré suisse, rentré dans sa pa-
trie, après les orages de 1798-180:,
retrouve sa famille et ses amis, dont
la révolution l'avait séparé. Invité à
raconter son histoire, par des com«
BON
patriotes réunis pour célébrer le re-
tour de la tran(|uillilé, il peint en
prose poétique Taccueil hospitalier
(pli lui a été fait dans une cour du
nord 5 y exprime avec chaleur les sen-
timents d'une vive gratitude envers
1rs étrangers qui ont adouci pour lui
les amertumes de l'exil, et se livre
aux espérances d'un meilleur avenir
pour sa patrie rendue h son indé-
pendance. Cet écrit respire un pro-
fond sentiment des besoins moraux
de la nation helvétique, et appelle
la régénération du peuple, par le
perfectionnement de son éducation
et de ses institutions politiques.
VI. Développement national ,
Zurich, 1802, 2 volumes. Ce livre
fut composé en vue de la Suisse ,
qui subissait a cette époque le pro-
tectorat de Napoléon 5 ef l'auteur
en a transporté les principes dans
l'ouvrage suivant qu'il a publié , en
français. VII. Pensées sur divers
objets de bien public , Genève ,
181 5. Le but avoué de ces deux
écrits est de montrer aux Suisses que
la liberté ne repose pas uniquement
sur telle ou telle forme de gouverne-
ment; mais qu'afin que celte for-
me, la meilleure qu'où puisse imagi-
ner en théorie, procure le bonheur
des citoyens qu'elle réï;it , il faut
qu'une raison éclairée lui imprime le
mouvement et l'entretienne II j avait
dans ce sens, plus de véritable liber-
lé à Rome sous les Trajan et sous
les Antonin qu'au temps des Giac-
ques ou dans la démocratique Athè-
nes. Les écrits de Bonstetten posté-
rieurs au Développement national ,
ont eu , a laréserve des Pensées, etc. ,
des rapports moins directs avec la
politique , et notamment avec celle
de la Suisse. VIII. Voyage sur la
scène des six derniers livres de
i' Enéide , suivi de (juelques ob-
BON
583
servalions sur le Latium moderne^
Genève, r8o4, in-8°. Cet ouvrage
qui a ëlé traduit en allemand par
Schœll, Leipzig, 2 vol. , in-8°, est
le plus estimé et le plus connu en
France des écrits de Bonsl» tten :
c'est un des meilleurs guides que
puissent suivre les voyageurs qui,
leur Virgile a la main, parcourent
la partie de l'Italie décrite par Bon-
stetten. Le tableau comparatif du
Laliura ancien et du Latium mo-
derne , de la dépopulation crois-
sante de la campagne de Rome et
des causes de cette dépopulation,
serait bien propre a réveiller la sol-
licitude des administrateurs de ces
belles contrées. Bonstetten prouve,
d'après des autorités et des observa-
tions irrécusables , que les mau" qui
minent graduelb-ment aujourd'hui la
campagne romaine, n'existaient pas
autrefois, ou du moins pas au même
degré (9). IX. Recherches sur la
nature et les lois de l'Imagina-
tion, Genève, 1807, in-S". X. Etu-
des de V homme, Genève, 1821,
2 vol. in-S** , traduites en alle-
mand sous le titre de Philosophie
der Erfahrûn^ , etc. , Slutgard ,
1829, in-8°. Ces deux ouvrages,
auxquels il faut réunir quelques
articles de psychologie insérés dans
la Bibliothèque britannique, com-
posent le recueil des écrits métaphy-
siques de Bonstetten. C'est vers ce
genre de méditation que , comme
nous l'avons dit , son inclination le
(9) On pourrait désirer un peu moins d»
poésie dans sj prose, et un peu plus de métho-
de dans le plan de ce livre; mais, tel qu'il est,
on le trouve à-la-fois curieux , inslruttil et inté-
ressant. Bonstetten y accusait les Français d'a-
voir, en se mêlant à la populace de Berne,
renversé les tombeaux des protestants dans celte
capitale; mais on lui a démontré, plus tard,
qu'aucun fait de ce jenre n'avait eu lieu de la
part de l'arniée française, et que les desordres
de cette époque furent plutôt dirjgcs contre les
calkeliques que contre les protesiaRts. M—» j.
584
ËON
portait constamment ; il eu avait pris
le goût dans la société de Ch. Bon-
net, et son active imagination l'y
ramenait trop souvent peut-être.
Aussi doit-on reconnaître que Tac-
cueil qu'ont généralement obtenu
ses écrits doit plus particulière-
ment s'entendre de ceux qui ont
pour objet des observations sur des
choses spéciales , sur des matières
circonscrites dans les limites de l'ex-
périence réelle et de la vie pratique,
que de ceux dans lesquels il a exposé
ses théories sur le jeu des facultés
considérées dans leurs abstractions
spéculatives. M. Damiron fio) place
Bonstetten au rang des philosophes
éclectiques. « Il a su prendre, dit-
il , une position entre deux philoso-
phies qui semblaient l'une et l'autre
devoir le gagner et le captiver. En
commerce avec toutes les deux , ex-
posé a leurs séductions, il a gardé sa
liberté et il y est demeuré indépen-
dant : vivant au milieu des penseurs
qui tenaient à Kant ou a Coudillac,
il n'a été lui-même ni Kanliste ni
Condi'lacien.... lia tout regardé,
tout jugé avec bienveillance et avec
ca'me, et s'est ensuite retiré sans
préjugé , dans sa conscience , pour y
former de son propre fond une opi-
nion qui fût a lui S'il ressemble
'a quelqu'un , c'est plutôt h un Ecos-
sais , c'est k Stewart dont il rappelle
assez la manière et l'esprit ; mais ce
n'est pas comme disciple , c'est
comme du même cru et de même na-
ture philosophique. » M. Damiron
attribue plus a Bonstetten comme
théoricien que cet écrivain ne s'ac-
cordait a lui-même. Nous lui avons
entendu dire , à l'occasion du compte-
rendu, par un journal, de l'un de ses
ouvrages métaphysiques : « On veut
(lo) Essai sur r/ust, de la pliilos. (n France, t.
iijp. 64.
BON
absolument chercher dans mes livrés
un système, et voir si je suis matéria-
liste, Kanliste , Ecossais, Condilla-
cieii, etc. Ce n'est rien de tout cela :
il faut regarder mes essais comme
des recueils d'observations psyco-
logiques assez neuves (i i). n Celte
(il) Une telle indipciulatice ile l'espiit peut
avoir des causes diverses. Chez Bonsteltco elle
provenait autant de sa répu;,'nance à ne rien
admettre, en morale et en métaphysique, qui ue
fut le résultat de ses propres observations, que
de la diffireiice esseiilielle qu'il y avait entre
les doctrines qu'on soutenait de part et d'autre
avec un égal succès. Prenant pour devise les
sublimes paroles inscriles sur le temple de
Delphes : Confiais-loi toi-même, il se mit à étu-
dier sa vie intérieure; et, sans remonter par
la mémoire à un âge qui ne laisse pas de
souvenirs, il entreprit l'histoire de son moi
parvenu à un degré de développement qui
permit d'en saisir les modes et les lois. Les
Eludes de l'I.omme sont le fruit de ce tra-
vail. On n'y trouve pas un système complet
de pliilosopliic, mais une niasse d'observations
et d'expériences sur l'ame, dignes d'èlre médi-
tées par tous ceux qui cherchent à approfondir
la nature de nos facultés intellectuelles. — Selon
lionstetten, il y a deux classes de sens ; les ex-
térieurs et les intérieurs : ceux-là donnent une
idée, on la représentation d'un objet extérieur;
ceux-ci procurent un sentiment de plaisir ou de
déplaisir. L'àme a deux grandes facultés, Vima-
ginalion et V intelligence : la première nous con-
duit au bien, el nous révèle le monde intérieur;
la seconile nous conduit au irai, el nous révèle
le monde extérieur. L'imagination analysée pré-
sente trois espèces de sentiments soumis chacun
à des lois particulières : le sentiment de nos be-
soins , le sens du beau , et le sens moral. C'est
l'harmonie de ce dernier sens avec les grandes
lois de l'intelligenc.- révélées à l'homme par la
raison, qui consliiue la morale. V intelligence est
caractérisée par cinq opérations successives : la
première est de saisir précisément les idées
dont les rapports viennent la frapper ; la secon-
de de réunir plusieurs idées dans le sentiment
du moi, la troisième de distinguer ces idées
réunies dans le moi ; la quatrième de les com-
parer, et la cinquième d'énoncer le résultat de
la comparaison ou le rapport, par un jugement
ou par une proposition qui se compose cs.sen-
tielleiuenl d'un sujet el d'un attribut. L'imagina-
tion et l'intelligence, en nous introduisant dans
le non-moi, ou le monde extérieur, nous révèlent
Dieu qui est tout à la fois lien et appui de no-
tre savoir et complément de nos conceptions.
Mais les idées que nous en avons ainsi que de
l'univers, à peine ébauchées dans cette vie, pré-
sagent un avenir d.ms lequel ce qui est obscur
m.iinteuant s'eclaircira, et que réclame d'ailleurs
notre nature tout entière; de là V immortalité de
l'dme dont la croyance doit se fortifier ù mesure
que nous avancerons dans la eonnai-sance de
l'aine elle-même. Voilà une indication succincte
des points qui sont traités dans la première
p;iriiedcs Études de l'iiomn.c. ha seconde se com-
BON
prétenlîou de l'écrivain n'était pas
sans fomlemeut, et peut-être ne lui
a-t-on pas rendu , sous ce rapport ,
toute la justice qu'il mérite. Mais il
a eu le tort de donner a ses ouvrages
une forme trop scienlifi(|ue , et de
leur imprimer, par une su:te de divi-
sions et de subdivisions, un caractère
systématique, lorsqu'il voulait écar-
ter toute apparence de système.
Quant aux imputations de matéria-
lisme, il ne les a jamais méritées.
Croire à l'immorlalilé de 1 àme sa-
tisfaisait à ses besoins de vie et de
bonlieurj mais il s'est obstiné a
donner à l'àme le nom (ïorgane ,
et l'on n'a pas compris qu'il enten-
dait par la le centre de nos impres-
sions . le sensorium commune. XI.
L'Homme du Midi el l'Homme
du Nord, ou l'iii/luence du climat ,
Genève, i 824-..in-8°- C'est un ouvra-
ge plein d'observations fines et déli-
pose de quatre ap[)eiidicts dont le premier, re-
latif au ]irincpe de la morale, est le développe-
luenl du troisièi.ie sentiment renfttrmé d.ms
V imaginution; le deuxième un tableau psychoio-
t;ique de l'homme, qui rcpréseute et résiune
l'ouvrage entier ; le ti'oisième un examen de la
inélhode employée par l'auleur dans son rai-
sonnement sur l'existence de Dieu et sur
l'existence de l'âme ; et le quatrième enfin
des fragments d'un Essai sur la mémoire. In-
dépendamment de son mérite scientifique, te
livre a celui d'èire écrit d'une manière qui
le met à la portée des gens du monde; aussi
n'a-t-ii pas peu contribué à populariser la phi-
losophie dans la Suisse framaise où il trouve
des lecteurs même parmi les dames. — Dans les
Reclierches sur tu naluie et les lois de l'imagina-
tion, l'auleur, en examinant les phénomènes de
celle faculté, analyse Its scnliinenls les plus in-
times qui afficlent notre être, et fait, pour ainsi
dire, l'histoire de la douleur et du plaisi'-. Ot
ouvrage, par lequel il préluda aux Eludes de
riiomme, est un des premiers m notre langue
r.ii des questions purement lucîjphvsiques aient
été traitée; dans uu stjle poélique et altravant.
11 obtint, dès son apparition, un immense'suc-
rès, et il a éié mentionné avec élojre par la
classe d'histoire et de littérature de l'Institut de
Fronce, dans son rapport de i8oSsnr les pro-
grès des sciences. Madame deSlacl a émis une
opinion très-fiyorable sur cet ouvrage i.inti que
sur le Vojage cité plus haut sous le n" Vllf.
Voy. les Lettres de madame de .Slaël à Jl. de
Bonstellen et ù madame Fredérique Brun , in-
sérées dans la Biblcollièqui uniierselle de Genève,
littérature, toin'j 4-i- 31 — a,
BON
i85
cales, l'un de ceux de Bonstetten
qui ont obtenu le plus de succès et
qui restait oublié dans ses porte-
feuilles, lorsque la princesse ^Vilbel-
mine de Wurtemberg l'y découvrit
et en força , pour ainsi dire , li pu-
blication (12). XII. La Scandi-
navie et les AlpeSj Genève, 1826,
in-8°. C'est dans les environs de Co-
penhague que cet ouvrage a élé com-
posé, lionstetten, qui avait eu de fré-
quentes occasions d'éluJier les Alpes
de sa patrie , a recueilli les ressem-
blances et les différences qui l'ont
frappé , entre les traces des grandes
révolutions qu'offrent les montagnes
de la Suisse et celles dont les Alpes
de la Suède et de la Norvège pré-
sentent de nombreux vestiges. Mais
ce qui donne un intérêt particulier à
l'ubservation de ceux-ci , ce sont les
rapports de ces débris avec la my-
thologie des peuples Scandinaves.
Bonstetten a joint à l'ouvrage dont il
est question , des J"/ agmenls sur
l'Islande où se trouvent des détails
intéressants sur la constitution de la
république d'Islande , les jeux pu-
blics des anciens Islandais , leurs
poètes et leurs historiens , et sur
l'imporlance de l'histoire des Scan-
dinaves , comme source première des
mœurs et des institutions du raovcn-
âge. XIII. Lettres de Bonstetten à
Blatthisson (en allemand], mises
(12) Cet opuscule traite de l'influence que le
climat exerce sur le moral de l'homme, c'est-à-
diré sur le culte, le gouvernement , les lois, la
liberté, le courage, l'amour, etc. Bimsteiteu n'est
pas du nombre de ceux qui, à l'exeiiude de
iMontesquieu, regardent celle influence tomme
la cause principale et presque unique des in-
stitulions et des qualitus morales du peuple.
« L-tliiiiat, dit-il. n'est qu'une des causes qui
« influent sur les hommes; sa puissance, tou-
« jours eu activité, ne se fait sentir qu'à la lon-
« gue par des résultats qui paraissent quelque-
« l'ois lui être étrangers. » Il expose d'une ma-
nière nor.velle et pi-^uante sous combien de
formes l'action du climat se reproduit, et croit
que, dans de certaines circonstances, il est pos-
sible de la neutraliser. I\! — .i.
i86
BON
au jour par Fucssli, Zurich, 1827,
in 12. Ces lellres ont été écrites des
divers lieux que Bonsteiten a par-
courus, de 1795 à 1827 (i3). Elles
sont suivies d'une courte notice sur
sa jeunesse rédigée par lui-même ,
pour rectifier celles qui avaient été
publiées, sans sa participation, dans
deux feuilles alleniandes la Miiierva
et Y Heh'etia. XIV. Lettres à ma-
dame Fréd. Brun, née Munter,
mises au jour par les soins de Fréd.
de Mallhisson (en allemand), Franc-
fort-sur-!e-Mein, 1829-1850, 2 vol.
m- 8°. XV. Souvenirs de Ch.-Vic-
tor de Bonstetlen, écrits en i 85 i ,
Paris, i852, in-12 de 124. pages.
C'est sous ce titre que l'illustre
vieillard , quelques mois avant sa
mort, avait entrepris de publier des
notices sur les hommes distingués
avec lesquels sa longue vie avait pu
le mettre en rapport. « Il en comptait
plus de quatre-vingts avant 1773.»
Haller, Ganganelli , le cardinal de
Bernis,le prince Edouard, dernier
des Stuarls , la comtesse d'Alhanv,
la célèbre Corilla, composent cette
première galerie rendue particulière-
ment intéressanle par l'histoire de
ses relations avecMatlhisson, et par
celle de sa propre jeunesse. C'est dans
cet opuscule, où l'on retrouve toute
la fraîcheur d'imagination, toute la
douceur et reujouenaeut des plus
beaux temps de Bonsletten, et dans
('i3) Plus qu'aucun autre ouvrage de Boiistet-
teu , ses Lellres à Mallhisson et o madame
Ilrun portent l'eiii[)rcinte de ruriîversalité de
ses connaissances. Elles com|)reanent les qua-
rante années de i-go à 1829 et présentent en
quelque sorte l'histoire morale de cette période
qui, pour le nombre et l'importance des événe-
ments , équivaut à \)lusieurs siècles- 11 faut lire
ces diux recueils pour voir avec quelle justesse
l'auteur apprécie les hommes et leurs actions;
avec quelle sagacité il devine jusqu'aux causes
les plus cachées des événements ; avec quelle
facilité il passe des objets les plus graves aux
plus frivoles; avec quelle finesse il compare
les faits les plus opposes, et saisit ce qu'ils ont
de commun. M — a,
BON
la préface de V Homme du Midi et
du Nord, que l'auleur a fourni a
sou biographe les éléments de son
travail. Il y a retracé les circon-
stances qui ont le plus influé sur ses
études, sur sa vie politique et littérai-
re, ce II y a peu d'écrivains , observe
l'homme respectable dont nous avons
obtenu d'utiles renseignements, il y
a peu d'écrivains qui se soient pré-
sentés à leurs contemporains avec
une physionomie plus individuelle, et
qui offre cependant tous les traits gé-
néraux ou dominant chez les hommes
éclairés, et dans les sociétés d'élite
de l'époque qu'ils ont concouru à
illustrer. S'adressant tour-h-tour
à deux des nations les plus civilisées
du continent européen, il sut parler
à chacune sa langue, donner eu fran-
çais comme en allemand a ses idées
l'expression , à sa pensée l'ordre et
l'enchaînement le mieux en accord
avec les besoins moraux, les habitu-
des intellectuelles et les exigences du
goût qui caractérisent si diversement
le public lettré de ces deux grands
peuples. Mais ce n'est pas seulement
à deux lit léralures si d ifférentes qu'ap-
partient Bonsteiten. Il avait compris,
il s'était approprié l'esprit de deux
siècles, il avait suivi les progrès et
les travaux de l'un et de l'autre avec
la même impartialité , la même bien-
veillance , avec la même disposition à
y coopérer dans l'intérêt de l'hu-
manité.Peu d'hommes ont été doués,
au même degré de la faculté de se
rappeler les impressions reçues dans
un autre âge et dans un autre entou-
rage, avec leur fraîcheur primitive ,
et de les confronter ainsi, non alté-
rées, avec les impressions que firent
sur son esprit plus mûr une autre
scène du monde et une génération
nouvelle. On conçoit les avantages
que doit procurer un taleal si rare à
liOO
un observateur exercé, a une imagî-
iialion féconde en combinaisons , a
une sensibilité exquise, et (]ue mettait
incessamment en jeu tout ce qui ,
de près ou de loin, se trouvait dans
sa sphère. » L'énuméralioa des ou-
vrages de Bonstetten serait incom-
plète, si nous passions sous silence
sa correspondance avec M. Henri
Zschokke, mise au jour par ce publi-
cisle, sous le titre de Promcthcusfur
Licht und Redit , Aarau , 1 852 , a
vol. in-8". Cette correspondance qui
commence au 8 mai i83i et finit au
00 déc. i832 , un mois avant la mort
de Bonstetten, roule sur divers sujets
de littérature, de métaphysique et de
politique. La politique de la Suisse y
tient la plus grande place , et cette
partie acquiert un grand intérêt au mi-
lieu de la crise dont fucore aujourd'hui
THelvélie est travaillée. B — s — r.
BOO\ (Daniel) cultivait une
ferme dans la Caroline septentrio-
nale, dont il était originaire, lorsqu'en
1769 il alla, suivi de cinq individus,
fonder dans le Kentucky, alors en
fiiche et inhabité, le premier établis-
sement qui ait commencé a donner de
la vie a des déserts que traversaient
de loin h loin des nomades étrangers
à toute espèce de civilisation. La
maison fortifiée qu'il éleva dans ces
vastes solitudes, et dont le nom
Boonshorough at leste l'influence
qui guidait les premiers colons au mi-
lieu des forêts sans fin du Kentucky,
est devenue le centre d'une ville ri-
che et florissante. Sis ans avaient
suflj à l'industrie et a l'actif ilé de
Boon pour donner a sou établissement
tout ce qui pouvait eu assurer le suc-
cès. Il avait pris, par droit de pre-
mier occupant, possession de toutes
les terres environ liantes, et il s'en était
fait garantir la propriété. Dès 1775,
il commençait à recevoir des l'a-
BOO
587
milles émîgrantes , qui chaque Jour
augmentaient la population de sa colo-
nie. Des maisons s'élevèrent a côté de
la sienne 5 la sape, la bêche déboisè-
rent des plaines incultes, ameublirent
des terrains vierges. Un plan de dé-
fense et de garde perpétuelle fut or-
ganisé contre les attaques fréquentes
des peuplades indiennes que la curio-
sité, le besoin, le caprice poussaient
de temps à autre vers Boonshorough ,
et qui cependant voyaient avec ad-
miration et une espèce d'amour le
chef de cette colonie. C'est dans le
ISlew-Monthly magazine qu'il faut
lire par quelles ingénieuses précau-
tions Boon sut éloigner ces visites im-
portunes, ou neutraliser les mauvaises
intentions des visiteurs. Il y a quelque
chose de vraiment inouï dans la con-
stance et la fécondité de ressources
aveclesquelles il poursuivait son plan de
civilisation. De tels efforts, de la part
d'un homme que pourtant Téducation
n avait pas développé, annonçaient
une àme bien au-dessus du vulgaire ,
et certes de tels travaux eussent
mérité quelques encouragements d'uu
gouvernement éclairé. Qui croirait
que , sous prétexte d'un défaut de
forme, des compatriotes eurent l'infa-
mie de déposséder et de réduire a la
misère celui qui avait changé la face
d'un pays .^11 semble que pour frap-
per ce coup odieux on eût attendu
l'inslaut où il commençait à re-
cueillir le fruit de ses sueurs , celui
auquel sa veillesse le mettait hors
d'état de se défendre. Boon avait-il
les titres voulus pour la possession des
terres par lui dt'frichées ? telle fut la
question gravement posée devant l'ad- ^
ministration de l'Union. Les tribus in-
diennes seules propriétaires primor-
diales du sol où il avait porté la char-
rue et la cognée eussent répondu que
oui : ou fut d'un autre avis dans les
588 BOQ
bureaux. Exproprié par uu arrêt Ini-
que , le patriarche regarda ses liens
avec la société comme rompus et ,
disant à sa famille , a ses amis un
éternel adieu, s'enfonça dans les im-
menses régions du nord-ouest qu'ar-
rose le Missouri , et se bâtit sur les
Lords de ce fleuve une hutte que nul
du moins ne fut tenté d'aller lui dis-
puter. Pour tous compagnons, dans
cet exil lointain, il avait son fils , son
cliien et son fusil. Les Indiens le
rencontraient parfois dans leurs cour-
ses, et transmettaient de ses nouvelles
aux habitations anglo-américaines
qui de proche en proche vont s'é-
Icndant vers le territoire du nord-
ouest et envahissent le désert. Jamais
le vieux Boon ne se plaignait de son
sort. Le bruit de la sape et de la
bêche, ces avant-coureurs de la civili-
sation , semblaient seuls affecter pé-
niblement son oreille. On le trouva,
vers la fin de 1822, mort a genoux ,
son fusil ajusté et posé sur un tronc
d'arbre. Le comté le plus septen-
trional du Kentucky porte le nom de
Boon. Cooper a immortalisé le ca-
ractère de ce vieillard eu l'idéa-
lisant dans son Trapeur , qui joue
im rôle si original dans les ouvrages
du romancier américain. P — ot.
BOQUIN ou BOUQUIN
(Pierre), théologien hétérodoxe,
embrassa d'abord la vie religieuse
dans l'ordre des carmes. Séduit par
les nouvelles doctrines, il jeta le froc,
sortit de France en i54.i, se rendit
a Eàle, puis a Willeniberg,où il fut
accueilli par Luther et Méianchthon.
Ce dernier lui persuada d'aller occu-
per a Strasbourg la chaire que laissait
vacante le départ de Calvin. Après y
avoir professé quelque temps, il re-'
vint a Bourges 5 mais ilne rentra point
dans son couvent, comme on l'a dit.
BOQ
Espérant voir bientôt la réforme s'in-
troduire dans l'église de France , il
fit en attendant des leçons publiques |
degrammaire hébraïque. Peu de temps i
après, la reine de Navarre, a laquelle
il avait présenté quelques-uns de ses
ouvrages, lui fit assigner un traite-
ment; et, sur la recommandation de
cette princesse, il fut nomme prédica-
teur à la cathédrale. Mais, quoiqu'il
eût donné sa démission dès qu'elle lui
avait été demandée, il fut poursuivi de-
vant le parlement de Paris et devant
l'archevêque de Courges. A^ant échap-
pé a tous ces dangers, il revint à Stras-
bourg en 1 5 55, et y resta quelque
temps attaché comme prédicateur à
l'église française. Appelé par l'élec-
teur Palatin, k Heidelberg, il y rem-
pl.t vingt ans la chaire de prolesseur
en théologie , non sans avoir des que-
relles avec les partisans de Luther,
dont il était loin d'approuver toutes les
opinions. L'électeur, pour mettre fin h
CCS débals, ayant fait rédiger une pro-
fession de foi, ijoquin refusa de la si-
gner, et fut expulsé de sa chaire. Il
obtint enfin une place à Lausanne,
et mourut dans celte ville en i582.
Melchior Adam, dans les F itœ tlieo-
logor. extcrorum , et , d'après lui ,
Bayle, dans son Dictionnaire , ont
donné la liste des ouvrages de Bo-
quln. Ce sont des traités de théologie
et des écrits de controverse qui n'of-
frent plus d'intérêt. Par un hasard sin-
gulier, ces biographes ne font pas
mention du seul ouvrage de Boquin qui
soit encore recherché^ il est intitulé :
P . Boquinl Apodeixis anti-chris-
lianismi qiia christianismum ve-
rani religionem , phnrisaismiim
cliristianismo contrariiun , papis-
muni pharisaismo simillimum esse
ostejidilur, Genève, i585, iu-8",
W—s.
rlN nu COgUAXTE-HLlTIEME VOLUME.
X-, €-"<?>*=<>
f- -^..^^i^
rcrx^'^-
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a 3 900 3 0 0£9 8'i4 ^Vïb
8I0CR«PHIE UNIVERSELLE
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