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Full text of "Biographie universelle : ou, Dictionnaire historique"

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BIOGRAPHIE 


UNIVERSELLE. 


BESANÇON,  —  IMPRIMERIE  D'OUTHENIN  CHALANDRE  FILS. 


BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 

OU 

DICTIONNAIRE    HISTORIQUE, 

Par  F.-X.  DE  FELLER. 

îv®^¥'s&&@  Essaies, 

AUGMENTÉE  DE  PLUS  DE  3000  ARTICLES,   RÉDIGES 

PAR   M.   PËRENNÈS, 

FSOFESSEliR    DE    I.ITTÉJIATCBE    FEANÇAISE    A    I.'aCADÉMIE    DE    BESANÇON. 

TOME  SEPTIÈME. 


BESANÇON.  — OUTH.  CHALANDRE  FILS. 

PARIS, 

J.  LEROUX,  JOUB  Y  ET  Cs  LIBRAIRES,  IGAUME    FRÈRES,  LIBRAIRES, 
nie  des  Grands-Auguslins ,  9.  i  rue  Casselle ,  4, 

M  DCCC  XLVIII. 


cT 

T.  7 


U1TIT3IISELL: 


JOA 


JOA 


JOAB.fils  de  Sarvia  sœur  de  David, 
et  frère  d'Abisaï  el  d'Azaël ,  fut  altaché 
au  service  de  David ,  et  commanda  ses 
armées  avec  succès.  La  première  occasion 
où  il  se  sijjnala  fut  le  combat  de  Gabaon, 
où  il  vainquit  Abner,  chef  du  parti  d'Is- 
boselh.  Il  raonta  le  premier  sur  les  murs 
de  Jérusalem,  et  mérita  par  sa  valeur 
d'être  conservé  dans  l'emploi  de  général, 
qu'il  possédait  déjà.  Il  marcha  coiilre  les 
Syriens  qui  s'étaient  révoltés  contre  Da- 
vid, les  mit  en  fuite,  el  s'étant  rendu 
maître  d'un  quartier  de  la  ville  de  Rab- 
balii  sur  les  Ammonites  ,  il  fit  venir  Da- 
vid, pour  qu'il  eut  la  gloire  de  celte  con- 
tiucto.  Joab  se  signala  dans  toutes  les 
guerres  que  ce  monarque  eut  à  soutenir, 
mais  il  se  déshonora  en  assassinant  Abner 
.  et  Amasa,  parce  qu'il  était  jaloux  de  la 
coiiliance  que  David  leur  accordait.  Il 
réconcilia  Absalon  avec  David ,  et  ne 
laissa  pas  de  tuer  ce  prince  rebelle  dans 
ime  bataille,  vers  l'an  1023  avant  J.-C. 
David,  en  considération  de  ses  services, 
et  parla  crainte  de  sa  puissance,  ne  sévit 
pas  contre  lui  ;  mais  en  mourant  il  com- 
manda à  son  fils  Salomon  de  le  punir. 
Ce  jeune  prince  fut  ministre  de  la  ven- 
geance de  son  père.  Joab  ayant  pris  parli 
pour  Adonias  contre  le  nouveau  roi,  Sa- 
lomon lit  tuer  le  général  rebelle  aux 
pieds  de  l'autel  où  il  s'était  réfugié , 
croyant  y  trouver  un  asile,  l'an  lOli 
avant  Jésus-Christ. 

JOACIIAZ,  roi  d'Israël,  succéda  à  son 
père  Jéhu  l'an  8S6  avant  Jésus-Christ, 
et  régna  17  ans.  Le  Seigneur,  irrité  de  ce 
qu'il  avait  adoré  les  dieux  étrangers,  le 
livra  à  la  fureur  d'Azaël  et  de  Benadad, 
rois  de  Syrie,  qui  ravagèrent  cruellement 
ses  états.  Ce  prince ,  dans  cette  extrémité, 
eut  recours  à  Dieu,  qui  l'écouta  favora- 
blement. Joas,  son  fils  et  son  successeur, 
rétablit  les  affaires  d'Israël ,  et  remporta 
durant  son  règne  plusieurs  victoires  sur 
les  Syriens.  Il  mourut  en  859  avant  J.-C. 


JOACIIAZ,  nommé  aussi  Séleucus , 
fils  de  Josias,  roi  de  Juda,fut  élu  roi 
après  la  mort  de  son  père ,  l'an  609  avant 
J.-C.  Il  avait  23  ans  quand  il  monta  sur 
le  trône.  Il  ne  régna  qu'environ  3  mois  à 
Jérusalem,  et  se  signala  par  ses  impiétés. 
Néchao ,  roi  d'Egypte ,  au  retour  de  son 
expédition  contre  les  Babyloniens,  rendit 
la  Judée  tributaire;  et  pour  faire  un  acte 
de  souveraineté ,  sous  prétexte  que 
Joachaz  avait  osé  se  faire  déclarer  roi 
sans  sa  permission,  au  préjudice  de  son 
frère  aùié,  il  donna  le  sceptre  à  celui-ci. 
Le  roi  détrôné  mourut  de  chagrin  l'an 
598  avant  Jésus-Christ,  en  Egypte,  où  il 
avait  été  emmené. 

JOACIIOÏ,  ou  JOAKIM,  fils  de  Josias 
et  frère  aine  du  précédent,  fut  mis  sur  le 
trône  de  Juda  par  Néchao,  roi  d'Egypte, 
l'an  609  avant  Jésus-Christ.  Il  déchira  et 
brûla  les  livres  de  Jérémie  ,  et  traita  avec 
cruauté  le  projjhète  Urie.  Il  fut  détrône 
par  Nabuchodonosor,  et  mis  à  mort  par 
les  Chaldéeiis,  qui  jetèrent  son  corps 
hors  de  Jérusalem ,  et  le  laissèrent  sans 
sépulture,  vers  l'an  600  avant  J.-C. 

JOACHIM,  fils  du  précédent.  Voyez 
JÉCHONIAS;  c'est  le  même. 

JOACIIIM  (  saint  ),  fut,  selon  une 
pieuse  tradition  ,  épotix  de  sainte  Arme, 
et  père  de  la  sainte  Vierge.  On  ne  sait 
rien  de  sa  vie,  et  l'Ecriture  sainte  ne  fait 
aucune  mention  formelle  de  saint  Joa- 
chim.  Mais  il  est  très  probable  qu'Héli . 
dont  il  est  parlé  dans  le  chap.  5  de  saini 
Luc,  comme  père  de  saint  Joseph  ,est  ce 
même  Joachim,  père  de  Marie  ,  et  beau- 
père  de  Josepb,  car  Joachim,  Héli,  Elia- 
cim,  etc.  sont  les  mêmes  noms  dans  l'E- 
criture (  Voy.  AFRICAIN  Sexte-Julks). 
Le  seul  livre  ancien  qui  parle  expressé- 
ment de  saint  Joachim,  est  traité  d'apo- 
cryphe par  saint  Augustin.  L'église  grec- 
que célèbre  la  fête  de  saint  Joachim  dès 
le  T^  siècle  ;  mais  elle  n'a  été  introduite 
que  fort  tard  dans  l'église  latine.  On  pr6- 
i 


JO.V 

tend  que  ce  fui  le  pape  Jules  II  qui  l'ia- 
stitna. 

JOACniM  (  l'atbé  )  ,  surnommé  le 
Prophète^  né  en  1130  au  bour{j  de  Ce- 
lico ,  près  de  Cosen/.a  ,  fui  d'abord  un  des 
pafje.3  de  Roger,  roi  de  SicUe,  et  voyagea 
unsu  iie  dans  la  Terre-Sainte.  De  retour 
en  Calabre ,  il  prit  l'iiabit  de  Cileaux 
druis  le  monastère  de  Cora/.zo ,  dont  il 
fut  prieur  et  abbé.  Joachim  quitta  son 
abbaye  avec  la  permission  du  pape  Luce 
m  ,  vers  418S,  et  se  retira  dans  la  soli- 
tude de  Casemar,  où  il  resta  deux  ans  , 
occupé  à  commenter  les  saintes  Ecritures. 
11  revint  à  Corazzo  en  1187.  Le  pape  lui 
ayant  alors  ordomié  de  continuer  son 
tommentaire  ,  lui  permit  de  se  démettre 
de  son  abbaye,  où  jiisqu' alors  il  n'avait 
élé  que  remplacé,  comme  absent,  par 
un  de  ses  religieux.  En  conséquence  de 
cette  permission ,  Joachim  alla  se  fixer  à 
Flora,  où  il  fonda  un  monastère  dont  la 
règle  était  calquée  sur  celle  de  Cileaux. 
Il  mourut  en  1202  à  72  ans  ,  laissant  un 
grand  nombre  d'ouvrages  ,  imprimés  à 
Venise,  1516,  in-folio.  Ils  conlicruient 
quelques  propositions  touchant  la  na*are 
divine,  la  Trinité  et  la  durée  de  l'Evan- 
gile de  Jésus-Christ  ;  ils  furent  condam- 
nés dans  la  suite  au  concile  général  de 
Latran  en  1215  ,  et  au  concile  d'Arles,  en 
1260.  Les  plus  connus  sont  les  Commen- 
taires sur  Isaïe ,  sur  Jérémie  et  sur  l'A- 
pocalypse. On  a  encore  de  lui  des  Pro- 
phéties  ,  qui  ont  fait  autrefois  beaucoup 
de  bruit,  et  que  dom  Gervaise  ,  dans 
V Histoire  de  l'abbé  Joachim  ,  i7/i.o  ,  2  vol. 
in-12  ,  prétend  avoir  été  accomplies.  On 
trouve  dans  le  t.  7  des  Jeta  Sanclorum 
des  détails  sur  la  vie  de  Joachim. 

JOACHIM  II  ,  électeur  de  Brande- 
bourg, fils  de  Joachim  l*^"",  iiaquit  en 
IJiOo  ,  et  succéda  à  son  père  en  la32.  Il 
embrassa  la  doctrine  de  Luther  en  1S59. 
Ses  courtisans  et  l'évêque  de  Brandebourg 
suivirentsonexemple.  L'électeur  Joachim 
acquit  par  ce  changement  les  évêchés  de 
lirandebourg,  de  Ilavelberg  et  de  Lebus, 
qu'il  incorpora  à  la  Marche.  Il  n'entra 
l)oint  dans  l'union  que  les  protestans  fi- 
rent à  Smalcalde  ,  se  montra  assez  indif- 
férent aux  progrès  de  cette  secle,  et  se 
tint  en  repos,  tandis  que  les  guerres  de 
religion  désolaient  la  Saxe  et  les  pays 
voisins.  L'empereur  Ferdinand  II  lui  ven- 
dit le  duché  de  Crossen  dans  la  Silésie  ; 
f.t  son  beau-frère  Sigismond-Auguste  roi 
de  Pologne  lui  accorda  en  1569  le  droit 
4e  succéder  à  Albert-Frédéric  de  Brande- 


bourg  ,  duc  de  Prusse  ,  au  cas  qu'il  mou- 
rût sans  héritiers.  Le  règne  de  Joachim  II 
fut  doux  et  paisible.  On  l'accusa  d'être 
libéral  à  la  prodigalité,  et  d'avoir  le  fai- 
ble de  l'astrologie.  II  mouiut  en  1571,  du 
poison  qu'un  médecin  lui  avait  donné. 

JOACHIM  (  Georges  ),  astronome,  sur- 
nommé Rheticus  parce  qu'il  était  de  la 
"Valteline  ,  qui  faisait  partie  de  l'ancienne 
Rhetia,  enseigna  les  mathématiques  et 
l'astronomie  à  Witlenberg.  Dès  qu'il  fut 
instruit  de  l'hypothèse  de  Copernic ,  il 
alla  le  voir,  et  embrassa  son  opinion.  Ce 
fut  lui  qui,  après  la  mort  de  cet  astro- 
nome ,  publia  ses  ouvrages.  Il  a  soin  d'a- 
vertir que  malgré  la  vraisemblance  de  la 
nouvelle  hypothèse ,  il  faut  bien  se  gar- 
der de  la  regarder  comme  une  chose  dé- 
montrée ;  il  croit  que  ceux  qui  pensent 
autrement  n'ont  pas  étudié  la  chose  à 
fond  :  Quihus  aliud  videtur .  rem  peniîus 
non  attigerunt.  Il  mourut  d'apoplexie  à 
Cascliau  en  1576  à  62  an$.  On  a  do  lui 
des  Ephémérides  selon  les  principes  de 
Copernic;  et  plusieurs  autres  ouvrages 
sur  la  physique,  la  géométrie  et  l'astro- 
nomie ;  ils  ont  eu  du  cours  autrefois  (i). 

*  JOAIXES  (  Vincent  ) ,  célèbre  peintre 
espagnol,  né  àFuente-de-la-Higuera,près 
de  Valence ,  en  1525 ,  étudia  son  art  en 
Italie ,  s'appliqua  à  imiter  le  style  de  Ra- 
phaël et  devint  ensuite  chef  de  l'école  de 
Valence.  Il  était  d'une  piété  exemplaire 
La  plupart  de  ses  ouvrages,  qui  sont  ad- 
mirés des  connaisseurs,  se  trouvent  dans 
les  églises,  de  Valence.  On  distingue  un 
Christ  m.ort  soutenu  par  des  anges;  le 
Sauveur  au  milieu  de  deux  prophètes; 
un  Saint  François  de  Paule ,  et  surtout 
une  Sainte-Cène.  Le  principal  mérite  de 
SCS  tableaux  consiste  dans  une  exacte  cor- 
rection de  dessin  ,  dans  la  force,  la  grâce, 
la  majesté  et  l'expression  de  ses  figures, 
et  dans  la  vérité  de  son  coloris.  Joanès 
mourut  à  Valence  en  1581. 

*  JOANXET  (  Claude  ) ,  né  à  Dôle,  le 
Il  juillet  1716,  se  fit  d'abord  jésuite.  Sa 
mauvaise  santé  l'ayant  forcé  d'abandon- 
ner la  société  ,  il  vint  à  Paris  où  il  com- 
mença un  journal  destiné  à  faire  connaître 
les  ouvrages  religieux,  sous  !e  titre  de 
Lettres  sur  les  ouvrages  de  piétés  ou  Jouj'- 
nal  chrétien^'Pa.ris,  1754-64,  40  vol.  in-12. 
Ce  journal  parut  pendant  dix  ans  ;  il  était 
dédié  à  la  reine  Marie  Leczinska,  et  avait 
pour  but  de  combattre  l'incrédulité  mo- 


(i)  C'est  à  George»  Joachim  qu'on  doit  l'iotioduc- 
t^o  d'et  téeaotet  dans  la  trigonométrie. 


JOA 

derne.  L'abbé  Joannct ,  fatigué  du  peu  de 
succès  de  ses  travaux  et  des  nombreuses 
attaques  dont  il  fut  l'objet ,  abandonna  la 
rédaction  de  son  journal ,  et  passa  le  reste 
de  sa  vie  dans  la  retraite.  Il  était  membre 
des  académies  de  Nancy  et  de  Besançon. 
On  a  de  lui,  outre  son  journal  :  |  Elé- 
mens  de  la  poésie  française,  Paris,  1752, 
3  vol.  in-12.  L'abbé  Sabatier  qui  a  con- 
sacré un  article  à  l'abbé  Joannet  dans  ses 
Siècles  littéraires .  tome  2  ,  pajj.  455 , 
tiouve  dans  cet  ouvrage  des  réflexions 
judicieuses  .  une  critique  fine  ,  des  règles 
sûres,  et  le  caractère  d'un  bon  poète  tracé 
avec  discernement  et  avec  goût.  Il  re- 
proche aux  encyclopédistes  d'avoir  extrait 
beaucoup  d'articles  de  cet  ouvrage  sans 
nommer  l'auteur  ;  entre  autres  l'article 
Jeux  de  mots.  \  Les  bêles  mieux  connues  , 
1770 ,  2  vol.  in-12.  L'auteur  est  du  senti- 
ment de  Descartes  qu'il  soutient  par  des 
raisonnemens solides  mais  peucoiicluans. 
Il  y  réfute  l'Essai  de  BouUier  sur  VJme 
des  bêtes.  \  De  la  connaissance  de  V homme 
dans  son  être  et  dans  ses  rapports,  ibid. , 
4775 ,  2  vol.  in-8°  ;  ouvrage  d'une  méta- 
physique embarrassée  ,  obscure ,  et  mal 
écrit.  L'abbé  Joannet  mourut  à  Paris  en 
4789. 

JOANÎVITZ.  royez.  CALO-JEAN. 

JOAPHAR ,  ou  ABOUGIAFAR  ,  philo- 
sophe arabe,  contemporain  d'Averroës, 
est  le  même  ,  selon  quelques-uns  ,  qu'A- 
vicennes.  Il  composa  dans  le  12*=  siècle  le 
roman  philosophique  de  Haï,  fUsdeJock- 
dhan,  dans  lequel  il  règne  une  fiction  ingé- 
nieuse. L'auteur  y  montre,  en  la  personne 
de  son  héros ,  par  quels  degrés  on  peut 
s'élever  delà  connaissance  des  choses  na- 
turelles à  celle  des  surnaturelles.  Edouard 
Pocoke  ,  le  fils  ,  a  donné  une  bonne  ver- 
sion latine  de  cet  ouvrage ,  sous  le  titre  de 
Philosophus  autodidactus ,  ou  Le  philo- 
sophe instruit  par  lui-même.  Cet  auteur 
est  appelé  par  quelques-uns  Jaaphar  ben 
Tophail. 

JOAS ,  fils  d'Ochosias,  roi  de  Juda, 
échappa,  par  les  soins  de  Josabeth,  sa 
tante,  à  la  fureur  d' Athalie,  sa  grand-mère, 
qui  avait  fait  égorger  tous  les  princes  de 
la  maison  royale.  Il  fut  élevé  dans  le 
temple  sous  les  yeux  du  grand  prêtre 
Joïada,mari  de  Josabeth.  Quand  le  jeune 
prince  eut  atteint  sa  septième  année , 
Joïadale  fit  reconnaître  secrètement  pour 
roi  par  les  principaux  officiers  de  la  garde 
du  temple.  Athalie  qui  avait  usurpé  la 
couronne ,  fut  mise  à  mort  l'an  883  avant 
Jésus- Christ.  Tant  que  Jous  fui  conduit 


3  JOA 

par  le  pontife  Joiada,  il  gouverna  avec 
sagesse  ;  mais  lorsque  ce  saint  hommo 
fut  mort ,  le  jeune  roi ,  séduit  par  les  flat- 
teurs, adora  les  idoles.  Zacharie,  fils  da 
Joiada ,  et  qui  avait  succédé  à  son  père 
dans  la  grande  prêtrise,  reprit  le  roi  de 
ses  impiétés  ;  mais  Joas  oubliant  ce  qu'il 
devait  à  son  bienfaiteur,  fit  lapider  son 
fils  dans  le  parvis  du  temple.  Dieu  ,  pour 
punir  ce  crime  ,  rendit  la  suite  de  la  vie 
de  ce  prince  aussi  triste  que  le  commen- 
cement avait  été  heureux.  Les  Syriens , 
avec  une  petite  poignée  de  gens  ,  défirent 
son  armée,  et  le  traitèrent  lui-même 
avec  la  dernière  ignominie.  Après  être 
sorti  de  leurs  mains,  accablé  de  cruelles 
maladies ,  il  n'eut  pas  même  la  consola- 
lion  de  mourir  paisiblement  ;  trois  de 
ses  serviteurs  l'assassinèrent  dans  son 
lit  :  ainsi  fut  vengé  le  sang  du  fils  de 
Joïada  ,  qu'il  avait  répandu.  Ce  prince 
régna  40  ans,  et  mourut  l'an  843  avant 
Jésus-Christ.  Le  rétablissement  de  Joas 
sur  le  trône  de  Juda  a  fourni  le  sujet  de 
la  tragédie  à^ Athalie,  chef-d'œuvre  de  Ra- 
cine. Le  poète  Hardy  et  Métastase  avaient 
aussi  composé,  l'un  une  tragédie,  l'autre 
un  Oratorio  sous  le  titre  de  Joas. 

JOAS  ,  fils  de  Joachas  ,  roi  d'Israël , 
succéda  à  son  père  dans  le  royaume  qu'il 
avait  déjà  gouverné  deux  ans  avant  lui. 
Il  imita  l'impiété  de  Jéroboam,  et  cepen- 
dant conserva  beaucoup  de  vénération 
pour  le  saint  prophète  Elisée.  Ce  dernier 
étant  tombé  malade  de  la  maladie  dont  il 
mourut ,  Joas  vint  le  voir,  et  parut  affligé 
de  le  perdre.  L'homme  de  JDieu  pour  le 
récompenser  de  ce  bon  office  ,  lui  dit  de 
prendre  des  flèches  et  d'en  frapper  la  terre. 
Comme  il  ne  frappa  que  trois  fois,  le  pro- 
phète lui  dit  que  s'il  avait  été  jusqu'à  la 
septième,  il  aurait  entièrement  ruiné  la 
Syrie.  Joas  gagna  contre  Bénadad  les  trois 
batailles  qu'Elisée  avait  prédites ,  et  réu- 
nit au  royaume  d'Israël  les  villes  que  les 
rois  d'Assyrie  en  avaient  démembrées. 
Amasias,  roi  de  Juda,  ayant  déclaré  la 
guerre  à  celui-ci ,  Joas  le  battit,  prit  Jé- 
rusalem, et  fit  le  roi  lui-même  prisonnier. 
Il  le  laissa  libre  à  condition  qu'il  lui  paie- 
rait un  tribut,  et  il  revint  triomphant  à 
Samarie  ,  chargé  d'un  butin  considérable. 
Il  y  mourut  en  paix  ,  peu  de  temps  après 
cette  victoire ,  et  après  un  règne  de  46 
ans  ,  l'an  826  avant  Jésus- Christ.  Jéro- 
boam II,  son  fils  ,  lui  succéda. 

JOATIIAM  ou  JOATHAN,  le  plus  jeune 
des  fiils  de  Gédéon  ,  échappa  au  carnage 
qu'Abimclech  ,  fils  naturel  de  Gédéon,  fit 


JOB 

de  ses  autres  frères.  Du  liaut  d'une  mon- 
tagne ,  il  prédit  aux  Sichimitcs  les  maux 
qui  les  attendaient ,  pour  avoir  élu  Abi- 
mélech,  l'an  1233  avant  Jésus-Christ.  Pour 
leur  rendre  leur  ingratitude  plus  sensi- 
ble ,  il  se  servit  de  l'ingénieux  apologue 
du  figuier,  de  la  vigne ,  de  l'olivier  et  du 
buisson. 

JOATHAM  ou  JOATHAN ,  fils  et  suc- 
cesseur d'Oiias ,  autrement  Azarias ,  759 
ans  avant  Jésus-Christ ,  prit  le  maniement 
des  affaires ,  à  cause  de  la  lèpre  qui  sé- 
parait son  père  delà  compagnie  des  autres 
hommes.  Il  ne  voulut  pas  prendre  le  nom 
de  roi  tant  que  son  père  vécut.  Il  fut  fort 
aimé  de  ses  sujets  ,  pieux ,  magnifique  et 
bon  guerrier.  Il  remporta  plusieurs  vic- 
toires, remit  Jérusalem  dans  son  premier 
éclat ,  imposa  un  tribut  aux  Ammonites  , 
et  mourut  l'an  7i2  avant  Jésus-Christ , 
après  un  règne  de  16  ans  ,  en  comptant  les 
dix  pendant  lesquels  il  fut  associé  à  son 
père. 

JOB,  célèbre  patriarche,  naquit  dans  le 
pays  de  Hus ,  entre  l'Idumée  et  l'Arabie  , 
vers  l'an  1700  avant  Jésus-Christ.  C'était 
un  homme  juste,  qui  élevait  ses  enfans 
dans  la  vertu  ,  et  offrait  des  sacrifices  à 
l'Etre  suprême.  Pour  éprouver  ce  saint 
homme ,  Dieu  permit  que  tous  ses  biens 
lui  fussent  enlevés ,  et  que  ses  enfans  fus- 
sent écrasés  par  les  ruines  d'une  maison 
tandis  qu'ils  étaient  à  table.  Tous  ces  fléaxix 
arrivèrent  dans  le  même  moment,  et  Job 
en  reçut  les  nouvelles  avec  une  patience 
admirable.  «  Dieu  me  l'a  donné ,  Dieu  me 
»  l'a  ôté ,  dit-il  ;  il  n'est  arrivé  que  ce  qui 
»  lui  a  plu  :  que  son  saint  nom  soit  béni  !  » 
Le  démon ,  à  qui  Dieu  avait  permis  de 
tenter  son  serviteur,  fut  au  désespoir  de 
la  constance  qae  Job  opposait  à  sa  malice. 
Il  crut  la  vaincre  en  l'affligeant  d'une  lèpre 
épouvantable  qui  lui  couvrait  le  corps. 
Le  saint  homme  se  vit  réduit  à  s'asseoir 
sur  un  fumier ,  et  à  racler  avec  un  mor- 
ceau de  pot  cassé  le  pus  qui  sortait  de 
ses  plaies.  Le  démon  ne  lui  laissa  que  sa 
femme,  pour  augmenter  sa  douleur  et 
tendre  un  piège  à  sa  vertu.  Elle  vint  in- 
sulter à  sa  piété,  et  traiter  sa  patience 
d'imbécillité  ;  mais  son  époux  se  contenta 
de  lui  répondre  :  «  Vous  avez  parlé  comme 
»  une  femme  insensée '.puisque  nous  avons 
»  reçu  les  biens  de  la  main  de  Dieu,  ponr- 
»  quoi  n'en  recevrions-nous  pas  aussi  les 
»  maux  ?  »  Trois  de  ses  amis ,  Eliphaz , 
Baldad  etSophar,  vinrent  aussi  le  visiter 
et  furent  pour  Job  des  consolateurs  im- 
portuns. Ne  distinguant  pas  les  maux  que 


&  JOB 

Dieu  envoie  à  ses  amis  pour  les  éprouver 
de  ceux  dont  il  punit  les  méchans ,  ils  le 
soupçonnèrent  de  l'avoir  mérité.  Job  , 
convaincu  de  son  innocence,  leur  prouva 
que  Dieu  affligeait  quelquefois  les  justes 
pour  les  éprouver ,  les  humilier ,  les  per- 
fectionner, ou  pour  quelque  autre  raison 
inconnue  aux  hommes.  Le  Seigneur  prit 
enfin  la  défense  de  son  fidèle  serviteur,  et 
rendit  à  Job  d'autres  enfans,  une  parfaite 
santé,  et  plus  de  l)iens  et  de  richesses  qu'il 
ne  lui  en  avait  ôté.  Il  mourut  vers  l'an  1500 
avant  Jésus-Christ  ,  à  211  ans.  Quelques 
auteius  ont  douté  de  l'existence  de  Job ,  et 
ont  prétendu  que  le  livre  qui  porte  son 
nom  est  moins  une  histoire  véritable 
qu'une  parabole.  Mais  ce  sentiment  est 
contraire,  1°  à  celui  d'Ezéchiel  et  à  celui  de 
Tobie,  qui  parlent  de  ce  saint  homme  com- 
me d'un  homme  véritable  ;  2°  à  saint  Jac- 
ques qui  le  propose  aux  chrétiens  comme 
un  modèle  de  la  patience  avec  laquelle  ils 
doivent  souffrir  les  maux  ;  3°  à  l'autorité 
de  la  tradition  des  Juifs  et  de  celle  des 
chrétiens.  Quelques-uns  attribuent  le  livre 
de  Job  à  Moïse ,  d'autres  à  Isaïe  ;  il  est 
difficile  de  décider  cette  question.  Il  est 
écrit  en  langue  hébraïque ,  mêlée  de  plu- 
sieurs expressions  arabes  ,  ce  qui  le  rend 
quelquefois  obscur.  Il  est  en  vers,  et  l'an- 
tiquité ne  nous  offre  point  de  poésie  plus 
riche,  plus  relevée,  plus  touchante  que 
celle-ci.  Les  vers  ne  sont  pas  assujétis  à 
une  cadence  réglée ,  mais  ils  sont  animés 
par  le  feu  du  génie ,  par  les  expressions 
'  nobles  et  hardies ,  qui  font  l'âme  de  la 
poésie  d'Homère  et  de  Virgile.  Bacon  ad- 
mirait les  profondes  connaissances  en  phi- 
losophie et  en  physique  renfermées  dans 
ce  livre.  Si  quis  eximium  illum  Jobi  li- 
brum  diligenter  evolverit ,  plénum  illum 
et  tanquam  gravidum  naturalis  philoso- 
phiœ  mysteriis  deprehendet  :  exempli 
grattât  circa  cosmographiam  ^  et  rotun~ 
ditatem  terrce,  circa  astronomiam  et  aste^ 
rismos  ^  circa  generationem  ^  rem  me- 
tallicam,  etc.,  De  augm.  Scient,  pag.  25. 
On  y  trouve  de  plus  des  maximes  d'une 
sagesse  profonde  et  sublime ,  de  grandes 
et  magnifiques  idées  de  la  Divinité,  qu'on 
chercherait  en  vain  chez  les  anciens  poètes 
abandonnés  à  leur  imagination  et  aux 
rêves  d'une  ridicule  mythologie.  Toutes 
les  expressions  de  Job  dans  la  peinture 
qu'il  fait  de  ses  malheurs  ne  doivent  pas 
être  prises  dans  le  sens  rigoureux  de  la 
lettre.  Il  paraît  que  le  saint  homme  a 
donné  quelquefois  à  sa  douleur  un  essor 
trop  vif ,  et  qu'il  se  reproche  cette  faute 


JOB 

aa  chap.  39  et  i2.  Nous  avons  de  savans 
Commentaires  sur  le  livre  de  Job,  mais 
Il  y  en  a  peu  qui  se  fassent  lire  avec  plus 
de  plaisir  et  d'cdificalion  que  celui  de 
l'abbé  Duguet,  quoique  Tauteurne  s'atta- 
che pas  toujours  assez  au  sens  littéral  ;  dé- 
faut qu'il  répare  par  une  érudition  bien 
amenée,  un  style  plein  d'onction,  des  appli- 
cations et  des  allusions  aussi  heureuses 
que  remplies  de  piété.  Lelivre  de  Job  a  été 
Iraduit  en  français  par  Théodore  Crinsoz 
(  protestant  ),  1729  ,  in-i",  et  par  Bridel, 
1818,  in-8°.  M.  de  Genoude  en  adonné 
une  traduction  Miilii  et  élégante,  etM.de 
Lamartine  en  a  tiré  le  sujet  de  plusieurs 
belles  strophes  ;  nous  en  citerons  deux  : 

Ali  !  périsse  à  jamais  le  jour  qui  ra'.i  vu  naître  ! 


Que  du  nombre  des  jours  Dieu  pour  jamais  l'efface, 
Que  toujours  obscurci  des  ombres  du  trépas, 
Ce  jour  parmi  les  jours  ne  trouve  plus  sa  place  , 
Qu'il  soit  comme  s'il  n'était  pas 

Maintenant  dans  l'oubli  je  dormirais  encore  , 

Et  j'achèverais  mon  sommeil 
Dans  cette  longue  nuit  qui  n'aura  point  d  aurore. 
Avec  ces  conquérans  que  la  terre  dévore  , 
Avec  le  fruit  conçu  qui  meurt  avant  d'e'clore  , 

Et  qui  n'a  pas  vu  le  soleil. 

M.  Levavasseur  a  donné  une  excellente 
traduction  du  poème  de  Job ,  en  vers. 
(  Voyez  LEVAVASSKUR.  )  On  a  une  His- 
toire de  Job  par  Frédéric  Spanheim ,  Ra- 
(isbonne,  1710,  in-8°. 

JOlîERT  (  Louis  ),  jésuite  parisien  ,  lit- 
térateur et  prédicateur,  né  le  27  avril  1637, 
mort  dans  sa  patrie  le  50  octobre  1719  , 
à  82  ans  ,  après  avoir  professé  long-teinps 
la  rhétorique  dans  les  maisons  de  son 
ordre,  s'est  fait  une  grande  réputation  en 
suivant  les  conférences  de  l'hôtel  d'Au- 
mont  :  il  est  surtout  connu  par  sa  Science 
des  médailles  ^  réiinprimée  en  1759,  en 
2  vol.  iu-12,  par  les  soins  de  Bimard  de 
la  Bastie  ,  mort  en  1742  ,  qui  l'a  enrichie 
d'un  grand  nombre  d'observations.  Cet 
ouvrage  a  été  Iraduit  en  latin,  et  à  diver- 
ses reprises  en  italien,  en  anglais,  en 
allemand ,  en  hollandais  ,  etc.  :  on  cite  en- 
core du  Père  Jobert  sa  Lettre  à  M.  Vahbé 
de  Vallemont  sur  la  nouvelle  explication 
qu'il  a\mit  donnée  d'une  médaille  d'or  de 
Galien,  Paris ,  1699 ,  in-8°.  Le  Père  Jobert 
a  fait  aussi  quelques  livres  de  piété. 

JOCONDE.  Voyez  GIOCONDO. 

JODELLE  (Etienne),  sieur  deLimodin, 
ne  à  Paris  en  15o2  ,  fut  le  premier  auteur 
qui  fit  des  tragédies  avec  des  chœurs  ,  et 
l'un  des  poètes  de  la  Pléiade^  imaginée  par 


JOE 

Ronsard.  Sa  Cléopâlre  est  la  première  de 
toutes  les  tragédies  françaises.  Point  d'ac- 
tion, point  de  jeu,  grands  et  mauvais 
discours  partout.  Didon  suivit  Cleopâtre. 
et  fut  aussi  applaudie,  quoiqu'elle  ne  valût 
pas  mieux.  Il  donna  encore  des  comédies 
un  peu  moins  mauvaises  que  ses  tragédies. 
Henri  II  l'honora  de  ses  bienfaits,  mais 
ce  poète,  qui  faisait  consister  la  philoso- 
phie à  vivre  dans  les  plaisirs  et  à  dédai- 
gner les  grandeurs ,  négligea  de  faire  sa 
cour,  et  mourut  dans  la  misère  en  1573  , 
à  hi  ans.  Le  Recueil  de  ses  poésies  fut  im- 
primé à  Paris,  en  1574,  in-i";  et  à  Lyon 
en  1597,  in-12.  Ce  recueil  fut  fait  parles 
soins  de  Charles  de  La  Mothe  qui  avait 
promis  un  2*  volume  ,  lequel  n'a  jamais 
paru.  On  y  trouve  :  |  ses  deux  tragédies, 
Cleopâtre  et  Didon  ;  sa  Cleopâtre  fut 
jouée  en  1552,  à  Reims  ,  puis  au  collège 
de  Boncour,  en  présence  de  Henri  II,  qui 
fil  présent  à  Jodelle  de  500  écus.  L'auteur 
y  jouait  le  rcle  de  Cleopâtre,  et  les  au- 
tres rôles  étaient  remplis  par  ses  amis  ; 
I  Eugène ,  ou  la  rencontre  ^  comédie  :  ]  des 
Sonnets,  des  Chansons,  des  Odes,  des 
Elégies ,  etc.  Quoique  ses  poésies  fran- 
çaises aient  été  estimées  de  son  temps, 
il  faut  avoir  aujourd'hui  beaucoup  de- 
patience  pour  les  lire.  Nicolas  Bourbon  , 
qui  eut  cette  patience,  d'après  la  répu- 
tation de  Jodelle ,  mit  ces  mots  à  la  tête  : 
Minuit  p7'œsentia  famam.  Il  n'en  est  pas 
de  même  de  ses  poésies  latines.  Le  style 
en  est  plus  pur,  plus  coulant  et  de  meil- 
leur goût.  Jodelle  s'était  rendu  habile  dans 
les  langues  grecque  et  latine;  il  avait  du 
goût  pour  les  arts ,  et  l'on  assure  qu'il  en- 
tendait bien  rarchiteclure ,  la  peinture  et 
la  sculpture. 

*  JOECHER  (  Chrétien  Théophile  ) , 
professeur  et  biographe  allemand,  né  à 
Leipsick  en  1694 ,  étudia  successivement 
la  médecine  et  la  théologie,  et  professa 
la  rhétorique  de  1715  à  1750  :  il  prononça 
un  grand  nombre  d'oraisons  funèbres ,  et 
dirigea  do  1721  à  1759  le  Sommai  litté- 
raire dit  Jeta  enulitorum.  Après  avoir 
rempli  d'abord  la  chaire  de  plùlosophie  , 
puis  celle  d'histoire  à  Leipsick,  il  fut 
nominé  bibliothécaire  de  l'université  de 
cette  ville ,  où  il  mourut  en  1758.  Le 
nombre  de  ses  écrits  est  très  considéra- 
ble. Son  prhicipal  ouvrage  est  le  Diction- 
naire uni^^ersel  des  savans  (  Allgemeines 
Gelehrten  Lexicon),  Leipsick,  1750,  in-i". 
Cet  ouvrage  immense  qui  contient  pins 
de  60,000  articles  dans  4754  pages  à  deux 
colonnes ,  est  encore  incomplet.  Adelur.g 


JOH 

eiilreprit  d'y  suppléer  ;  mais  les  deux  vo- 
lumes qu'il  publia  en  4784  et  1787  ne  vont 
que  jusqu'à  la  lettre  J;  il  n'eut  pas  le  temps 
d'achever  ce  travail;  Rotermund  l'a  con- 
tinue, mais  il  no  l'a  poussé  que  jusqu'à  la 
syllabe   Jîimm. 

JOKL,  fils  de  Phatuel ,  cl  le  second  des 
douze  petits  prophètes ,  commença  vers 
l'an  789  avant  Jésus-Christ  sa  mission  pro- 
phétique. On  a  de  lui  trois  chapitres  de 
Prophéties ,  écrits  d'un  style  véhément , 
expressif  ",t  figuré  ;  elles  regardent  parti- 
culièrement la  dévastation  de  la  Judée 
par  les  Chaldéens ,  et  sous  ce  type ,  la  des- 
truction de  Jérusaleiïi  par  les  Romains, 
la  lin  du  monde  ,  le  jugement  universel , 
les  peines  de  l'enftu-  pour  les  réprouvés, 
et  la  gloire  éternelle  pour  les  justes.  Saint 
Pierre  dans  les  actes  des  Apôtres  en  ap- 
plique un  passage  considérable  à  la  révo- 
lution qui  établit  le  christianisme  sur  la 
terre.  Sa  Prophétie  est  en  hébreu,  et  est 
divisée  en  trois  chapitres.  On  trouve  dans 
les  commentateurs  des  petits  prophètes  , 
d'excellentes  dissertations  sur  la  propliélie 
de  Joël.  On  dislingue  surtout  celles  de 
eainl  Jérôme,  de  dom  Calmet ,  de  Jou- 
bert ,  etc. 

*  JOIINES  (  Thomas  ),  savant  anglais, 
né  en  1748  à  Ludlow  dans  le  comté  de 
Shrop ,  d'une  famille  ancienne  ,  possé- 
dait une  fortune  considérable  qu'il  dis- 
sipa par  son  goùl  pour  les  constructions, 
les  réparations  et  les  embellissemens.  II 
avait  fait  d'excellentes  études  à  Oxford  , 
et  il  dut  à  ses  connaissances  les  diffé- 
rentes places  qu'il  occupa.  Conservateur 
des  bàlimens  de  la  couronne  et  auditeur 
des  revenus  fonciers  pour  le  pays  de 
Galles  ,  il  fal  fait  lord-lieutenant  et  mem- 
bre du  parlement ,  où  il  représenta  le 
comté  de  Cardigan.  Johnes  était  membre 
de  la  société  Linnéenne.  Johnes  est  connu 
pour  avoir  fait  imprimer  des  Traduc- 
tions anglaises  de  quelques-unes  de  nos 
Chroniques, enlrcautrcsde  celles  de  Frois- 
sard^k  vol.  in-i°  :  l'édition  de  18ÛG  a  10 
vol.  in-8°;  celles  de  Monslrelet  avec  des 
notes.  1810,  5  vol.  in-4°  ou  12  vol.  in-8"; 
les  Mémoires  de  Jean,  seigneur  de  Join- 
ville,  2  vol.  in-4°  ,  1807.  Tous  ces  livres 
sont  sortis  d'une  très  belle  imprimerie 
que  Johnes  avait  établie  lui-même  à  Ha- 
tod  ,  agréable  maison  de  campagne  située 
dans  le  comté  de  Cardigan.  Joluies  est 
mort  le  5  avril  1816. 

JOHNSO.X  (  Be\j\mis  ),  plus  connu 
sous  le  nom  de  BEN-JOHNSON  ,  célèbre 
poète  anglais,  fils  d'un  ecclésiastique  de 


6  JOU 

Westminster,  naquit  en  1574,  et  cultiva 
les  muses  dès  son  enfance.  Il  fut  d'abord 
soldat ,  puis  comédien  ,  et  enfin  auteur. 
Shakespeare,  ayant  eu  occasion  de  le  con- 
naître, lui  donna  son  amitié  et  le  proté- 
gea. Johnson  fut  le  premier  poète  co- 
mique de  sa  nation  qui  mit  un  peu  de  ré- 
gularité et  de  bienséance  sur  le  théâtre. 
Il  réussit  principalement  dans  la  comé- 
die. Il  était  forcé  dans  la  tragédie  ,  et 
celles  qui  nous  restent  de  lui  sont  assez 
peu  de  chose.  Elles  manquent  souvent  do 
goût ,  d'élégance  ,  et  surtout  de  correc- 
tion. Copiste  des  anciens  ,  il  traduisit  en  ■ 
vers  anglais  les  plus  beaux  morceaux  des 
auteurs  grecs  et  romains.  Ce  poète  mou- 
rut dans  la  pauvreté  en  1637,  à  05  ans. 
Ayant  fait  demander  quelques  secours  à 
Charles  l",  ce  prince  lui  envoya  une  gra- 
tification modique.  «  Je  suis  logé  à  l'é- 
«Iroit,  dii-il  à  celui  qui  lui  remit  la 
»  somme  ;  mais  je  vois  ,  par  l'étendue  de 
»  cette  faveur ,  que  l'àme  de  sa  majesté 
I)  n'est  pas  logée  plus  au  large.  »  On  ne 
mit  que  ces  mots  sur  son  tombeau  :  0 
rare  lien  Johnson!  Le  recueil  de  ses  ou- 
vrages parut  à  Londres,  1716,  en  6  vol. 
in-S"  ,  en  1756  ,  7  vol.  in-S"  et  en  1816 ,  9 
vol.  in-8°.  Il  écrivit  plus  de  50  pièces , 
parmi  lesquelles  on  cite  encore  Catiîina , 
Le  Renard  ou  Volpone ,  Chaque  homme 
dans  son  caractère.  Chaque  femme  hors 
de  son  caractère.  On  admirait  son  talent, 
et  on  haïssait  son  caractère  vain  et  sati- 
rique, accompagné  de  mœurs  désordon- 
nées. —  Il  faut  le  distinguer  de  Thomas 
JOHNSON  ,  auteur  de  quelques  ouvrages 
de  lillératurc,  enir'aulres  de  Notes  asse* 
estimées  sur  quelques  tragédies  de  So- 
phocle ,  et  qui  mourut  vers  l'an  1750. 

JOHNSON  (Samuel),  né  dans  le  comté 
de  Warwick  en  1649,  d'abord  curé  do 
Corrigham  ,  quitta  sa  cure  pour  se  mêler 
de  politique  ;  il  fut  condamné  à  une 
amende  de  500  mar<;s  et  à  la  prison  jus- 
qu'au paiement  de  cette  somme,  pour 
avoir  composé  contre  le  duc  d'Yorck , 
depuis  .lacques  II,  un  libelle  furieux,  sous 
le  titre  de  Julien  l'Jpostat;  mais  le  roi 
Guillaume  cassa  cette  sentence ,  le  fit 
élargir,  et  lui  accorda  de  fortes  pensions. 
Il  existe  une  traduction  française  de  cet 
ouvrage,  1688,  petit  in-12.  Ses  OEuvrrs 
ont  été  recueillies  en  2  vol.  in-fol.,  à  Lon- 
dres. Ils  roulent  sur  la  politique  et  la  ju- 
risprudence anglaise.  Son  Traité  sur  la 
grande  Charte,  qu'on  trouve  dans  ce  re- 
cueil, est  curieux. 

J01INS0.\  (  Samuel  ),  né  à  Litclifield, 


JOU  7 

dans  le  comté  de  Warwick,  en  1709,  se 
lit  connaître  par  plusieurs  ouvrages ,  et 
principalement  par  le  Gentlemafi'Mar/a- 
^me^  journal  estimé  de  ses  compatriotes , 
qui  contribua  beaucoup  à  lixer  alors  une 
langue  qui  jusque  là  n'avait  pas  paru 
avoir  de  rè{;les  sûres  et  uniformes.  Un 
ouvrage  tout  différent,  intitulé  The  Ram- 
bler j  ou  Le  Rôdeur,  dans  le  goût  du 
Spectateur  d'Jddison  .  a  eu  aussi  beau- 
coup de  succès.  L'auteur  le  termina  le  4 
avril  1760.  Il  s'en  imprima  dix  éditions 
du  vivant  de  l'auteur.  Il  a  été  réimprimé 
à  Londres  en  17% ,  5  vol.  grand  in-8°. 
Quelques  allégories  ,  insérées  dans  la 
Ra7nbler.  prouvent  que  1  auteur  avait  une 
imagination  riante  et  quelquefois  poéti- 
que. M.  Boulard  a  publié  une  traduction 
française  de  morceaux  choisis  du  Ram- 
bler, 1783,  in-12.  Johnson  mourui  à  Lon- 
dres en  \lSk.  Milord  Cliesterlield  en  a  fait 
le  portrait  suivant  :  «  Il  y  a  un  homme 
»  dont  je  reconnais.yestime  et  j'admire  le 
»  caractère  moral ,  les  profondes  connais- 
»  sances  e!  le  talent  supérieur  ;  mais  il 
»  m'est  si  impossible  de  l'aimer,  que  j'ai 
j>  presque  la  lièvre  quand  je  le  rencontre 
»  dans  ime  société.  Sa  figure ,  sans  être 
»  repoussante,  semble  faite  pour  jeter  de 
»  la  disgrâce  et  du  ridicule  sur  la  forme  hu- 
»  maine.  Sans  égard  à  aucune  des  bien- 
»  séances  de  la  vie  sociale,  il  prend  tout,  il 
»  fait  tout  à  contre-temps.  Il  dispute  avec 
»  chaleur,  sans  aucune  considération  pour 
)•  le  rang,  l'état  et  le  caractère  de  ceux 
»  avec  qui  il  dispute.  Ignorant  absolu- 
•  ment  toutes  les  nuances  du  respect  et 
»  de  la  familiarité ,  il  a  le  même  ton  et  les 
»  mêmes  manières  avec  ses  supérieurs , 
»  ses  égaux  et  ses  inférieurs  ;  et  il  est  par 
»  conséquent  absurde  avec  au  moins  deux 

■  de  ces  trois  classes  d'hommes.  Serait-il 
»  possible  d'aimer  un  tel  homme?  Non; 
»  tout  ce  que  je  puis  faire  est  de  le  re- 

■  garder  comme  un  respectable  Hotten- 
j>  tôt.  »  Jolmson  néanmoins  était  chrétien 
fervent ,  et  très-  attaché  à  la  maison  des 
Stuarts  ;  et  tous  les  écrits  philosophiques 
de  l'époque  où  il  vivait  ne  portèrent  au- 
cune atteinte  à  sa  croyance.  On  a  encore 
de  lui  :  |  un  Voyage  en  Ecosse  et  aux 
iles  flébrides  ^  ouvrage  curieux  et  plein 
d'humeur  contre  les  Ecossais  ;  |  des  Vies 
des  principaux  poètes  anglais,  remplies 
de  détails  intéressans,  et  d'une  excellente 
littérature  ;  |  d'autres  ouvrages  en  prose 
moins  importuns,  et  plusieurs  pièces  de 
poésie,  où  il  y  a  de  l'esprit  et  du  talent 
poétique;  ]  un  Dictionnaire  anglais^  la 


JOH 

meilleur  dictionnaire  qui  existe  peut-être 
en  aucune  langue,  imprimé  pour  la  pre- 
mière fois  en  1755.  Les  meilleures  édi- 
liotis  sont  celles  de  Londres,  1784  ,  2  vol. 
in-folio  ;  1786  et  1799 ,  2  vol.  grand  in-4°  ; 
1803,  4  vol.  in-8°,  1806  et  1810,  2  vol. 
in-4°,  et  1817,4  vol.  in-4°  ,  avec  de  nom- 
breuses corrections  et  additions.  Il  y  a 
une  édition  de  1783,  en  petit  caractère, 
complète  en  un  seul  vol.  irji-folio.  |  Une 
bonne  édition  de  Shakespeare,  avec  des 
remarques  critiques,  Londres,  1765,  8 
vol.  in-S"  ;  |  une  Collection  des  meilleurs 
Poètes  anglais,  Londres,  1779,  68  vol. 
petit  in-12  ;  1790,  75  vol.  et  1810,  21  vol. 
grand  in-8°.  |  Son  roman  de  Rasselas  ou 
le  Prince  d'Jbyssinie,  traduit  dans  pres- 
que toutes  les  langues,  eut  un  succès 
prodigieux ,  à  la  même  époque  que  parut 
Candide ,  roman  de  Voltaire  (  avec  qui 
Johnson  avait  eu  quelques  démêlés  ).  Le 
fonds  de  ces  deux  romans  est  le  même  ; 
mais  Voltaire  semble  se  faire  une  arme 
contre  la  providence  des  maux  qui  affli- 
gent l'humanité ,  tandis  que  l'auteur  an- 
glais dirige  les  pensées  du  lecteur  vers 
un  meilleur  avenir.  M""  Belot  en  a  donné 
une  Traduction  française  sous  le  titre 
à! Histoire  de  Rasselas  ,  Paris  ,  1768,  in- 
12.  On  a  publié  à  Paris  en  1817,  le  Vallon 
fortuné,  ou  Rasselas  et  Dinarbas  ^  3  vol. 
in-12.  Johnson  travailla  aussi  à  plusieurs 
recueils  périodiques,  par  exemple  à  la 
Revue  unive7'selle,  au  The  Idler  ou  l'Oisif, 
etc.  L'extrait  qu'il  fit  pour  le  premier  de 
ces  journaux  de  l'ouvrage  intitulé  :  Re- 
cherches sur  Vorigine  du  bien  et  du  malj 
par  Soame  Jenyns ,  fut  si  recherché  que 
le  libraire  en  donna  deux  éditions  en  1758. 
A  sa  mort,  qui  eut  lieu  en  1784 ,  les  per- 
sonnes les  plus  distinguées  de  la  cour  et 
de  la  ville  accompagnèrent  son  cercueil. 
Il  fut  enterré  à  Westminster,  auprès  de 
Garrick.  Ses  OEuvres  ont  été  lecueillios 
et  publiées  à  Londres  en  1788,  16  vol.  in- 
8°;  et  1796,  1801,  1806,  1810  et  1816  ,  12 
vol.  grand  in-8"*.  Il  y  a  aussi  une  édit.  de 
1816,  en  12  vol.  in-12.  On  a  publié,  en 
1781 ,  les  Beautés  de  Samuel  Johnson. 
souvent  réimprimées  en  1  et  2  vol.  Sa  Vie 
a  été  écrite  par  Hawkins,  et  placée  à  la 
tête  de  ses  Œuvres;  mais  elle  est  peu 
exacte.  Celle  publiée  par  l'écossais  Bos- 
w-ell  en  1791 ,  2  vol.  in-4°  ,  et  1816  ,  4  vol. 
in-8°  ,  est  plus  estimée  ;  et  malgré  son  ex- 
trême prolixité  ,  elle  a  eu  6  ou  7  éditions. 
On  reciierche  encore  les  Anecdotes  sur  le 
docteur  Johnson,  par  M"'  Pio/z-i,  et 
ï Essai  sur  la  vie^  le  caractère  et  les 


JOI 

écrits  du  docteur  Johnson  >  par  Joseph 
Tcwers. 

JOHNSON.  /^'oyezBEHN. 

fl  JOII.VSTON  (  AnTHun  ),  né  en  1587  à 
Casbicken,  près  Abcrdcen ,  en  Ecosse, 
passa  une  partie  de  sa  vie  à  voyager;  il 
fut  reçu  docteur  en  uicdccinc  à  Padoue , 
|revinl  dans  sa  patrie  en  1(552,  et  mourut 
à  Oxford  en  16/*1.  Sa  Paraphrase  des 
Psaumes  en  vers  latins,  souvent  réim- 
primée, lui  a  acquis  une  espèce  de  célé- 
brité ,  mais  qui  n'approche  pas  de  celle 
que  Buchanan  a  si  bien  ntiéritée  dans  le 
même  genre. 

JOIINSTON  (  Jeaiv  ) ,  naturaliste ,  né  à 
Sambter ,  dans  la  grande  Pologne ,  en 
1605,  parcourut  tous  les  pays  de  l'Eu- 
rope ,  et  mourut  dans  sa  terre  de  Zieben- 
dorf,  dans  le  duché  de  Lignitz  en  Silésie, 
l'an  1675.  On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages, 
parmi  lesquels  on  distingue  s^s  Histoires 
des  poissons ,  des  oiseaux ,  des  quadru- 
pèdes ,  des  arbres ,  etc.  en  5  vol.  in-fol., 
1650  ,  1655  et  166'i.  Celte  édition  ,  qui  est 
la  première ,  est  aussi  rare  que  recher- 
chée. Ce  livre  est  en  latin.  Ou  a  encore 
de  lui  un  traité  De  arboribus  et  fructi- 
bas  M  Francfort-sur-le-Mein ,  166!2,  in-fol. 
C'est  de  toutes  les  productions  de  cet  in- 
fatigable naturaliste  ,  la  meilleure  et  la 
moins  commune.  Tous  ses  ouvrages  ont 
été  réimprimés  en  10  tom.  in-fol.,  1755 
à  1768. —  Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec 
Guillaume  JOHNvSTON,  écossais,  mort 
eu  1609,  dont  on  a  un  Abrégé  de  l'His- 
toire de  Sleidam. 

JOIAD.V ,  grand -prêtre  des  Juifs, 
éleva  avec  soin  Joas,  lils  du  roi  Ochosias, 
dans  le  temple ,  le  plaça  sur  le  trône  de 
ses  pères,  lit  mettre  à  mort  la  reine 
Athalie ,  qui  avait  usurpé  le  sceptre  de 
David  ,  renouvela  l'alliance  de  Juda  avec 
le  Seigneur  ,  l'an  883  ,  mourut  peu  après, 
et  fut  inhumé  par  ordre  de  Joas,  en  con- 
sidération de  ses  services  ,  dans  le  sépul- 
cre des  rois  de  Jérusalem.  Voyez  JOAS, 
roi  de  Juda  ,  et  JOSABETH. 

JOl.N'V'iLLE  (  Jean  sire  de  ) ,  sénéchal 
de  Champagne ,  d'une  des  plus  anciennes 
maisons  de  cette  province  ,  naquit  en  1223 
ou  122/t  de  Simon  ,  sire  de  Joinville  et  de 
Vaucoulcurs,  et  de  Béatrix  de  Bourgogne, 
lille  d'Etienne  IH  ,  comte  de  Bourgogne. 
H  fut  un  des  principaux  seigneurs  de  la 
cour  de  saint  Louis ,  qu'il  suivit  dans 
toutes  ses  expéditions  militaires.  Comme 
il  ne  savait  pas  moins  se  servir  do  la 
plume  que  de  i'épée,  il  écrivit  la  Vie  do 
ce  roonartjue.  Fous  avons  un  grand  aorn- 


8  JOL 

bre  d'éditions  de  cet  ouvrage  ,.cnlr'autre3 
une  excellente  par  les  soins  de  Charles  du 
Cange  ,  qui  la  publia  avec  de  savantes  ob- 
servations en  1668.  Il  faut  consulter  à  ce 
sujet  la  Dissertation  du  baron  Bimard  de 
la  Basile ,  sur  la  Vie  de  saint  Louis , 
écrite  par  Joinville,  dans  le  tome  15  des 
Mémoire  s  de  l'académie  des  Inscriptions, 
p.  602  ;  et  l'addition  du  même  à  cette  Dis~ 
sertation j  dans  les  mêmes  Mémoires,  p. 
736  et  suiv.  On  a  recouvré  depuis  quel- 
ques armées  un  manuscrit  de  la  Fie  de 
saint  Louis,  par  le  sire  de  Joinville,  plus 
aulhenli^que  et  plus  exact  que  ceux  qu'on 
a  connus  jusqu'ici.  Ce  manuscrit  est  à  la 
bibliothèque  du  roi.  M.  l'abbé  Sallier  l'a 
fait  connaître  dans  une  curieuse  Disser- 
tation qu'il  lut  à  ce  sujet  à  l'académie  des 
belles-lettres,  le  12  novembre  1748;  et  on 
l'a  suivi  dans  l'édition  de  1761.  Le  roi 
saint  Louis  se  servait  du  sire  de  Joinville 
pour  rendre  la  justice  à  sa  porte.  Joinville 
en  parle  lui-même  dans  la  Vie  de  ce  mo- 
narque. Π II  avoit  coutume,  dit-il,  de 
»  nous  envoyer  ,  les  sieurs  de  Nesle,  de- 
»  Soissons  et  moi ,  ouïr  les  plaids  de  la 
n  porte  ,  et  puis  il  nous  envoyait  quérir , 
»  et  demandoil  comme  tout  se  portoit,  et 
»  s'il  y  avoit  aucune  affaire  qu'on  pût  dé- 
»  pécher  sans  lui  ;  et ,  plusieurs  fois,  se- 
»  Ion  notre  rapport,  il  envoyoit  quérir 
»  les  plaidoyans  ,  et  les  contenoit,  les  met- 
»  toit  en  raison  et  en  droiture.  »  On  voit, 
par  ce  passage  tire  de  l'ancienne  édition  , 
que  le  français  de  l'Histoire  de  Joinville 
n'est  pas  le  même  que  celui  que  parlait 
ce  seigneur  ;  il  se  trouve  sans  altération 
dans  la  nouvelle  édition  de  1761,  in-fol., 
de  l'imprimerie  royale  ,  donrvée  par  Me- 
lot,  garde  de  la  bibliothèque  du  roi,  par 
SaUier  et  J.  Capperonnier.  Ses  mémoires 
se  trouvent  dans  la  Collection  des  mé~ 
moi?-es  relatifs  à  l'histoire  de  France  de 
M.  Guizot.  Joinville  mourut  vers  1517, 
âgé  de  près  de  90  ans,  avec  la  réputation 
d'un  courtisan  aimable,  d'un  militaire  cou 
rageux,  d'un  seigneur  vertueux.  Il  avait 
l'esprit  vif,  l'humeur  gaie,  l'àme  noble, 
les  sentimens  élevés.  On  trouve ,  au 
lorne  7 ,  page  515  de  la  Vie  des  saints 
par  Godescard ,  une  intéressante  notice 
sur  Joinville  et  ses  Mémoires.  Pendant  sa 
longue  carrière,  Joiuville  avait  vu  ré- 
gner six  rois  de  France. 

'  JOLLY  (  ToussAiXT-FÉLix  ),  ecclé- 
siastique distingué ,  né  le  30  mai  1759  à 
Moivre  ,  diocèse  de  Châlons  ,  appartenait 
à  une  famille  d'honnêtea  laboureurs  qui 
lui  Jirenl  faire  ses  éludes.  Il  entra  chez 


JOL  • 

!es  chanoines  réguliers  de  la  congréga- 
lion  de  France  dile  de  Sic. -Geneviève,  et 
après  avoir  fait  ses  vœux  le  i5  février 
1781,  et  reçu  la  préirise  le  14  juin  1783, 
il  fut  chargé  d'enseigner  la  théologie  à 
Beauvais,  puis  au  Val-des-écoliers  dans 
le  diocèse  de  Langres.  Nommé  en  1788 
prieur  de  Chàtillon-sur-Seine  ,  il  refusa 
d'abord  ce  posle  ;  mais  ,  obligé  en  quel- 
que sorte  de  l'accepter ,  il  se  fit  remar- 
quer par  sa  prudence,  par  son  esprit  con- 
ciliateur et  par  une  sage  fermeté.  A  l'é- 
poque de  la  fédération  du  14  juillet  1790, 
JoUy  fut  chargé  de  dire  la  messe  et  de 
prononcer  le  discours  ajiialogue  à  la  cir- 
constance. Plusieurs  s'étonnèrent  de  le 
voir  prendre  part  à  cette  cérémonie  ;  mais 
on  doit  remarquer  que  la  constitution  ci- 
vile du  clergé  n'était  point  encore  mise  en 
vigueur  :  le  discours  qu'il  prononça  dans 
cette  circonstance,  est  grave  et  religieux; 
l'orateur,  en  traitant  de  la  sainteté  du  ser- 
ment, semblait  avoir  eu  pour  but  de  cal- 
mer les  esprits  par  de  sages  avis  :  ce 
discours  a  été  imprimé.  Mais  bientôt  la 
constitution  civile  du  clergé  fut  approu- 
vée par  le  roi,  et  mise  à  exécution  :  la 
suppression  des  abbayes  et  des  monas- 
tères fut  résolue.  On  eut  quelque  temps 
l'espérance  de  conserver  l'abbaye  de  Chà- 
tillon  ,  espérance  fondée  sur  une  délibé- 
ration prise  par  le  conseil  général  de  la 
commune  le  3  février  1795  ,  et  dans  la- 
quelle il  est  question  des  services  impor- 
tans  que  les  génovéfainsonl  toujours  ren- 
dus à  la  ville.  Ils  étaient,  ajoule-t-on  , 
les  pères  des  pauvres  ;  ils  sac7-i fiaient  tme 
partie  de  leurs  revenus  pour  le  soulage- 
ment des  pauvres  ;  ils  ne  se  contentaient 
pas  de  les  nourrir ,  ils  leur  fournis- 
saient des  vêtemens.  Celte  pétition  si- 
gnée par  les  autorités  et  par  les  habitans, 
fut  envoyée  à  l'Assemblée  nationale  où 
Camus  la  fit  rejeter.  JoUy  rédigea  alors 
une  déclaration  à  laquelle  s'associèrent 
plusieurs  religieux  de  son  ordre  ainsi 
que  des  étudians  de  théologie  (juin  179 1_). 
Dans  cet  écrit ,  il  gémissait  de  ne  pouvoir 
tenir  ses  engagemens,  et  adressait  des 
remercimens  et  des  adieux  qui  attestent 
la  bienveillance  dont  il  avait  été  l'objet,  et 
la  sincère  reconnaissance  dont  il  était  pé- 
nétré. Recueilli  à  la  campagne  par  la 
famille  Mesgrigny,  il  passa  plusieurs 
années  dans  sa  retraite  où  il  consacrait 
tous  ses  loisirs  à  l'éducation  des  enfans 
et  à  la  pratique  de  toutes  les  vertus  du 
christianisme.  Pendant  la  terreur  ,  il  fut 
obligé  de  se  cacher.  Après  la  chute  de 


JOL 

Robespierre  ,  il  revint  chez  ses  anciens 
amis ,  dans  la  famille  des  Mesgrigny,  où 
il  resta  jusqu'après  la  conclusion  du  con- 
cordai. Alors  il  enseigna  au  séminaire  de 
Troyes  la  théologie  et  l'Ecriture  sainte , 
sans  vouloir  accepter  aucune  rétribution, 
se  contentant  dune  petite  rente  qui  suf- 
fisait à  ses  besoins.  Le  séminaire  ayant 
été  fermé  par  suite  des  persécutions  di- 
rigées contre  M.  de  Boulogne  ,  JoUy  re- 
vint à  Paris  où  il  resta  jusqu'à  la  seconde 
restauration;  à  cette  époque  il  retourna 
au  séminaire  de  Ti-oyes  où  il  reprit  ses 
fonctions.  Comme  sa  santé  s'était  nota- 
blement altérée,  il  renonça  à  l'enseigne- 
ment ,  et  vint  se  fixer  au  séminaire  des 
missions  étrangères  à  Paris,  où  il  est 
mort  le  14  octobre  1829.  On  a  de  lui  deux 
ouvrages  importans  :  |  le  Mémorial  sur 
la  révolution  française,  1824,  in- 12,  et 
1828,  en  deux  volumes  ;  M.  d'Exauvillez 
en  a  publié  un  abrégé.  (  Voxjez^MV  cet  ou- 
vrage ainsi  que  sur  le  suivant  X Ami  de 
la  religion,  n*"  1004, 1133 ,  1217,  et  1498.  ) 
I  Mémorial  de  l'Ecriture  sainte  en  deux 
parties,  dont  la  première  parut  en  1823  , 
en  2  vol.  in- 12  pour  l'édition  latine  avec 
la  traduction  française  ;  la  seconde  partie 
a  été  publiée  en  1826 ,  et  est  aussi  en  2 
vol.  pour  l'édition  latine  ,  et  en  un  seul 
vol.  pour  l'édition  française.  C'est  un  ou- 
vrage utile,  qui  l'eût  été  peut-être  da- 
vantage encore  s'il  eût  embrassé  moins 
d'objets.  L'auteur  se  proposait  de  donner 
dans  le  mèime  genre  nw  Mémorial  sur  l'é- 
ducation, et  il  avait  rassemblé  pour  ce 
travail  beaucoup  de  matériaux  qu'il  n'eut 
pas  le  temps  de  mettre  en  ordre.  JoUy 
avait  été  nommé  chanoine  honoraire  de 
Troyes,  et  grand-vicaire  de  Sl.-Flour; 
mais  sa  modestie  l'empêcha  d'accepter 
ce"  dernier  titre. 

JOLY  (Claude),  né  à  Paris  en  1607, 
chanoine  de  la  cathédrale  en  1631 ,  fit  deux 
voyages,  l'un  à  Munster  cl  l'autre  à  Roir.e. 
De  retour  à  Paris,  il  fut  fait  officiai  et 
grand-chantre.  Il  parvint  jusqu'à  l'âge  de. 
93  ans  ,  sans  avoir  éprouvé  les  infirmités 
de  la  vieillesse,  lorsqu'il  tomba  dans  un 
Irou  fait  dans  l'église  de  Notre-Dame  pour 
la  construction  du  grand  autel.  Il  mourut 
de  cette  chute  en  1700,  après  avoir  légué 
sa  nombreuse  bibliothèque  à  son  chapitre. 
Les  agrémens  de  son  caractère ,  la  can- 
deur de  ses  mœurs,  son  exacte  probité, 
et  ses  autres  vertus,  le  firent  long-temps 
regretter.  Il  dut  sa  longue  vieillesse  à  un 
régime  exact,  à  son  enjouement  tempéré 
par  la  prudence.  Sesprinripaux  ouvrages 


JOL 


iO 


JOL 


sont  :  I  Traité  des  restitutions  des  grands. 
4680  ,  in-12;  \Traité  historique  des  écoles 
épiscopales .  1678  ,  in-12  ;  |  Voyage  de 
Munster  en  ff^estphalie .  1672  ,  in-12  ; 
j  Recueil  des  Maximes  véritables  et  im- 
portantes pour  l'institution  du  roi.  contre 
la  fausse  et  pernicieuse  politique  du  cardi- 
nal Mazarin.  1655,  in-12.  Cet  ouvrage, 
écrit  avec  vivacité  et  hardiesse  ,  réimpri- 
mé en  1663  ,  avec  deux  Lettres  apologé- 
litiues  de  l'ouvrage  même ,  fut  brûlé  par 
la  main  du  bourreau  en  1665.  L'auteur  fil 
imprimer  un  autre  livre  relatif  à  celui-ci  ; 
il  est  intitulé  :  Codicile  d'or.  C'est  un 
recueil  de  maximes  pour  l'éducation  d'un 
prince  chrétien,  tirées  d'Erasme  et  d'au- 
tres auteurs.  |  De  l'état  du  mariage; 
I  Traditio  antiqua  Ecclesiarum  Franciie  ; 
circa  Assumptionem  B.  MARl^,  Sens, 
1672  ,  in-12  ;|i)e  reformandis  horis  cano- 
nicis^  1644,  et  1673,  in-12;  |  De  vcrbis 
Usuardi  circa  assumptionem  B.  M.  F'ir- 
ginis^  Sens  ,  1669 ,  in-12  ,  avec  une  Lettre 
apologétique  en  latin  ,  pour  la  défense  de 
cet  ouvrage,  Rouen,  1670,  in-12.  Pres- 
que tous  les  ouvrages  do  ce  pieux  cha- 
noine sont  curieux  et  peu  connus. 

JOLY  (Claude),  né  en  1610  à  Buridans 
le  diocèse  de  Verdun ,  d'abord  curé  de 
Saint-Nicolas-des  -  Champs  à  Paris  ,  en- 
suite évéque  de  Sainl-Pol-de-Léon,  et 
enfin  d'Agen,  mourut  en  1678  ,  à  68  ans  , 
après  avoir  occupé  avec  distinction  les 
principales  chaires  des  provinces  et  de  la 
capitale.  Les  huit  vol.  in-8"de  Prônés  et  de 
Sermons  qui  nous  restent  de  lui  furent  ré- 
digés après  sa  mort  par  Richard  ,  avocat. 
Jls  sont  écrits  avec  plus  de  solidité  que  d'i- 
magination. Le  pieux  évèque  ne  jetait  sur 
le  papier  que  son  exorde  ,  son  dessein  et 
ses  preuves,  et  s'abandonnait  pour  tout 
le  reste  aux  mouvemens  de  son  cœur. 
On  a  encore  de  lui  les  Devoirs  du  chré- 
tien.  in-12,  1719.  Ce  fut  lui  qui  obtint 
l'arrêt  célèbre  du  4  mars  1669,  qui  règle 
la  discipline  du  royaume  sur  l'approba- 
tion (les  réguliers,  pour  l'adjninistralion 
du  sacrement  de  pénitence. 

JOLY  (Gcji),  conseiller  du  roi  au  Châ- 
telet,  fut  nommé  en  1652  syndic  des  ren- 
tiers de  î'hotel-dc-ville  de  Paris.  Il  suivit 
long-temps  le  cardinal  de  Relz  ,  et  lui  fut 
attaché  dans  sa  faveur  et  dans  ses  dis- 
grâces :  mais  ayant  refusé  de  le  suivre  à 
Rome,  il  fut  obligé  de  le  quitter.  Joly  a 
laissé  des  Mémoires  historiques  depuis 
i6U8  jusqu'en  1663.  Si  l'on  en  excepte  la 
lin,  ils  ne  sont  proprement  qu'un  abréfjé 
de  ceux  de  ym  maître,  qu'il  peint  avec 


assez  de  vérité.  Joly  y  parait  plus  sage 
dans  ses  discours,  plus  prudeht  dans  sa 
conduite,  plus  fixe  dans  ses  principes, 
plus  constant  dans  ses  résolutions.  Ses 
Mémoires,  qui  forment  2  vol.  in-12,  ont 
été  réunis  avec  ceux  du  cardinal  de  Retz. 
On  a  encore  de  lui  :  |  quelques  Traités 
composés  par  ordre  de  la  cour  pour  la 
défense  des  droits  de  la  reine,  contre 
Pierre  Stockmans,  célèbre  jurisconsulte 
{voyez  ce  nomj  ;  |  Les  Intrigues  delà 
paix ^  et  les  Négociations  faites  à  la  cour 
par  les  amis  de  M.  le  Prince  ,  depuis  sa 
retraite  en  Guyenne,  in-fol.,  1652;  |  une 
Suite  do  ces  mêmes  intrigues,  1652, 
in-4°,  etc. 

JOLY  (Guillaume)  ,  lieutenant-géné- 
ral de  la  connétablie  et  maréchaussée  de 
France,  mort  en  1613,  est  auteur  :  |d'ua 
Traité  de  la  justice  militait  e  de  France , 
in-S''  ;  !  de  la  f^ie  de  Guy  Coquille  ^  célè- 
bre jurisconsulte. 

JOLY  (Marc-A.-vtoiive),  censeur  royal, 
né  à  Paris  en  1 672,  débuta  par  quelques  piè- 
ces de  théâtre ,  et  se  fit  connaître  ensuite 
plus  avantageusement  par  des  Editions 
de  Molière,  ,in-4°;  de  Corneille,  in-12; 
de  Racine ,  in-12  ;  et  de  Montfleury,  in-12. 
Il  a  laissé  un  ouvrage  considérable  ,  inti- 
tulé Le  nouveau  et  grand  Cérémonial  de 
France,  gros  in-iol. ,  déposé  à  la  biblio- 
thèque du  roi.  Joly  est  mort  à  Paris  en 
1755. 

JOLY  ( Jeaiv-Pierre  de),  avocat  au 
parlement  de  Paris,  et  doyen  du  conseil 
du  duc  d'Orléans,  naquit  à  Milhau  eu 
Rouergue  l'an  1694 ,  et  mourut  subitement 
à  Paris  en  1774.  Nous  avons  de  lui  une 
Traduction  française ,  in-8° ,  des  Pensées 
de  l'empereur  Marc- An  ton  in,  et  une  Edi~ 
tion  très  exacte  du  texte  grec  de  ces  Pen- 
sées. 

*  JOLY  (N.) ,  sculpteur,  élève  du  cé- 
lèbre Girardon  ,  naquit  à  Troyes  en  Ciiam- 
pagne  vers  1690.  Il  a  exécuté  plusieurs 
ouvrages  estimés,  entre  autres  la  statue 
équestre  de  Louis  XIV,  qu'on  admirait  à 
Montpellier,  et  qui  décorait  la  plac*;  du 
Peyrou  de  cette  ville.  Les  états  du  Lan- 
guedoc lui  avaient  fait  en  récompense 
une  pension  de  3, 000  livres.  Il  est  mort 
vers  l'an  1760. 

•  JOLY  (N.  )  ,  doyen  de  l'église  de  Lan- 
gres,  né  à  Dijon,  était' président  delà 
chambre  des  comptes  de  Bourgogne.  On 
a  de  lui  :  j  La  Religion  chrétiome  éclairée 
par  les  dogmes  et  les  prophéties  ;  |  Traité 
du  mal;  j  Traité  des  anges ,  bons  ei 
mauvais- 


joL  a 

•  JOLY  (  PuiMPPE-Louis),  savant  philo- 
logue et  chanoine  de  la  Chapelle-aux- 
Biches  de  Dijon,  naquit  dans  celte  ville 
vers  1680,  ou  1710  d'après  M.  Barbier,  et 
publia  :  |  Eloge  historique  de  l'abbé  Papil- 
lon.il^S,  in-S";  I  Remarques  c?itiques  sur 
le  Dictionnaire  de  Bayle.  Paris  ,  (Dijon), 
1732 ,  2  vol.  in-fol.  Cet  ouvrage  ,  sagement 
écrit  et  très  estimé  .  est  un  des  coJilre-poi- 
sons  les  plus  ef  :icaces  de  la  dangereuse  doc- 
trine de  ce  philosophe .  |  Traité  de  la  ver- 
sification française  .  qui  se  trouve  dans  la 
nouvelle  édition  du  Dictionnaire  des  Ri- 
mes de  Richelet,  Paris,  1751,  in-8°  ; 
I  Eloges  de  quelques  auteurs  français^ 
Dijon,  1742,  in -8".  De  ces  éloges  qui 
sont  au  nombre  de  douze  ,  il  faut  excep- 
ter trois  qui  ne  sont  pas  de  l'abbé  Joly  : 
savoir,  ceux  de  Dalcchamps  ef  de  M.  de 
Méré ,  par  J.-B.  Michauet ,  et  de  Mon- 
taigne ,  par  le  président  Bouhier.  |  Plu- 
sieurs articles  intéressans  dans  le  Journal 
des  5afa«set  dans  les  nouveaux  /Uémoires 
de  l'abbé  d'Jrligny.  Il  a  en  outre  publié 
la  Bibliothèque  des  auteurs  de  Bourgo- 
gne ,  de  l'abbé  Papillon ,  2  vol.  in-fol.  ; 
une  Edition  des  Nouvelles  poésies  de  La 
Monnoie,  1745  ;  et  une  autre  des  Mémoires 
historiques,  critiques  etliltéraires  de  Fran- 
çois Bruys,  1751  {voyez  BRUYS).  L'abbé 
Joly  occupe  une  place  distinguée  parmi  iios 
bons  écrivains.  Il  mourut  dans  sa  patrie 
vers  1755 ,  suivant  la  Biographie  univer- 
selle et  le  27  août  1782  ,  suivant  Barbier, 
Examen  des  Dictionn.  histor.  Joly  avait 
autant  de  modestie  que  d'érudition,  et 
jamais  il  ne  se  décida  à  publier  un  ou- 
vrage sans  l'avoir  soumis  à  la  critique  de 
ses  amis ,  et  corrigé  avec  tout  le  soin  dont 
il  était  capable  ;  néanmoins  il  ne  voulut  en 
avouer  aucun.  C'était  le  blesser  que  de 
lui  parler  de  ses  productions. 

*  JOLY  (le  père  Josepu-Romain  ) ,  ca- 
pucin, né  le  15  mars  1715  ,  à  Saint-Claude 
en  Franche-Comté,  d'une  des  maisons 
les  plus  anciennes  de  cette  ville,  fit  ses 
humanités  dans  sa  ville  natale  ,  au  collège 
qu'y  avait  fondé,  plus  de  deux  cents  ans 
auparavant,  un  eclésiastique  de  sa  famille. 
U  alla  faire  sa  philosophie  chez  les  carmes 
réformés;  s'étant  décidé  pour  l'état  mo- 
:  nastique ,  il  alla  prendre  l'habit  de  vSaint- 
!  François  dans  le  couvent  des  capucins  de 
Pontarlier.  La  nature  l'avait  doué  d'heu- 
I  reuscs  dispositions  ,  et  surtout  d'une  ex- 
trême facilité  d'esprit  qui  lui  permellail 
d'embrasser  tous  les  genres  de  science  et 
de  littérature.  Il  cultivait  à. la  fois  l'élo- 
qv.ence,  la  poésie,  l'histoire,  la  criliciue  . 


JOL 

la  métaphysique,  la  théologie,  les  scien- 
ces naturelles,  les  arts,  et  produisait 
avec  une  incroyable  fécondité  dos  ouvra- 
ges sur  presque  toutes  les  bratichos  de3 
connaissances  humaines. Ce  n'étaient  pasà 
beaucoup  près  des  chefs-d'œuvre;  mais 
tels  que  sont  ces  ouvrages,  ils  supposent 
néanmoins  du  travail,  de  l'érudition  et  un 
véritable  talent.  «  Il  a  cultivé,  dit  Saba- 
»  tier,  presque  tous  les  genres  de  littéi'ii- 
»  ture  ,  sans  qu'on  puisse  dire  qu'il  ait 
»  réussi  dans  aucun.  lia  composé  des  dis- 
»  cours,  des  histoires,  des  critiques  ,  dc3 
«satires,  des  contes,  des  épigrammes, 
«  des  cantiques,  des  tragédies,  un  poème 
»  épique  en  12  chants,  des  lettres  sur  les 
«spectacles,  sur  les  duels,  sur  le  sabbat 
»  des  sorciers,  sur  la  reine  des  abeilles  , 
»  sur  les  convulsionnaires,  et  pas  un  de 
«  ces  ouvrages  n'a  fait  assez  de  sensation 
«  dans  le  moule ,  pour  attacher  la  moindre 
»  célébrité  au  nom  de  l'auteur.  On  ne 
«  peut  cependant  lui  refuser  des  connais-, 
«sances,  de  l'érudition,  des  idées;  mais 
«  ces  qualités  sont  perdues  poui-  le  public, 
«  quand  elles  ne  sont  pas  mises  en  œuvre 
»  par  le  talent ,  ou  relevées  par  le  mérite 
»  du  style.  »  On  a  du  père  Joseph  Romain 
des  Compositions  historiques  ,des  Satires, 
des  Contes ,  un  Poème  épique ,  des  Epi- 
grammes,  des  Lettres,  des  Cantiques,  des 
Tragédies.  De  cette  liste  nombreuse  nous 
nous  contenterons  de  citer  les  ouvrages 
suivans,  dont  quelques-uns  sont  restés 
inédits  :  (  Dissertation  où  l'on  examine 
celle  qui  a  remporté  le  prix  de  l'acadé" 
mie  de  Besançon  en  1734;Epinal,  1734, 
10-8°;  c'est  une  critique  du  mémoire  de 
l'abbé  Bergier  sur  le  nombre  et  la  posi- 
tion des  villes  de  l'ancienne  Séquanie. 
I  Histoire  de  l'image  miraculeuse  de  No- 
tre-Dame d'OnnoZj  près  d'Orgelet  en 
Franche-Comté,  Besançon,  1757,in-12; 
I  Le  Diable  cosmopolite ,  poèiiie  ,  Paris , 
1760,  in-S",  c'est  une  satire  contre,  les 
philosophes  ;  |  Lettre  sur  les  spectacles ,  à 
mademoiselle  Clai?'on,  Avignon  (Paris), 
1762,  m-S";  }  Histoire  de  la  prédication , 
Paris,  1767,  in-I2;  |  Conférences  pour 
servir  à  l'instruction  du  peuple,  Paris, 
1768,6  vol.  in- 12;  |  Conféj-ences  sur  lei 
mystère  s, 'ib'và..,  1771,  5  vol.  in-12;  \  Dic- 
tionnaire de  morale  philosophique^  2 
vol.  in-8°,  1772;  \La  Géographie  sacrée, 
et  les  Monumens  de  l'histoire  sainte , 
Paris,  1784,  in-4''.  C'est  le  plus  important 
des  ouvrages  de  Joly.  |  Notice  touchant 
l'ordre  de  Saint-François ,  à  l'occasion 
de  l'élection  de  Clément  XIV,  dans  le 


JOL  12 

Mercure  ;  |  L'ancienne  Géographie  uni- 
verselte  comparée  à  la  moderne.  Paris  , 
4801,  5  vol.  in-8",  et  atlas  ia-i°;  |  La 
Franche  -  Comté  ancienne  et  moderne . 
avec  une  carte  des  provinces  helvétique 
et  séquanaise,  Paris,  1779,  in-12  ;  |  L'F.gyp- 
tiade ,  ou  le  Voyage  de  saint  François 
d'^Usise  à  la  cour  du  roi  d'Egypte. 
poème  épique  en  12  chants ,  nouvelle  édi- 
tion, Paris,  1786,  in-12;  |  Placide Aragé- 
die  en  vers  et  en  cinq  actes,  ibid  ,  1786, 
in-€°  ;  |  Le  Phaéton  moderne .  poème ,  Pa- 
ris ,  1772 ,  in-8°  ;  |  Lettre  sur  la  manière  de 
prendre  la  reine  des  abeilles ,  dans  le  Mer- 
cure d'août  1770  ;  |  Lettre  sur  le  sabbat 
des  sorciers  j  dans  l'Année  littéraire  en 
1765  ;  )  Lettre  à  un  docteur  en  médecine  sur 
sa  Relation  des  convulsionnaires  ;  \  Lettre 
à  l'occasion  du  Bélisaire  de  Marmonlel , 
touchant  les  fausses  citations;  \  Lettre  sur 
laprimatie  de  Lyon  ;  \  Dissertation  où  l'on 
répond  à  la  question  suivante .  proposée 
par  l'académie  de  Berne  :  Quel  est  le  peu- 
ple le  plus  heureux?  L'auleur  se  décide 
en  faveur  des  Hottentots.  Que  l'on  ajoute 
à  cela  des  Opuscules  touchant  les  lampes 
à  réverbère.  38  Satires .  160  tant  Contes 
qvCEpigrammes  et  poésies,  et  l'on  se 
formera  une  idée  des  travaux  du  Père 
Joseph-Romain.  Ceux  qui  voudront  les 
connaître  plus  en  détail  peuvent  con- 
sulter la  France  littéraire  ^  à  son  article  , 
lom.  3  et  k.  Ce  religieux  survécut  à  son 
institut ,  et  nrrourut  à  Paris  en  1805  ,  âgé 
de  90  ans.  Il  était  de  l'académie  des 
Arcades  de  Rome.  N'ayant  pu  se  faire  ad- 
mettre à  celle  de  Besançon ,  il  s'en  con- 
sola par  des  épigrarames. 

•  JOLY  DE  BÉVY  (  Louis-Philibert- 
JosEPQ  ) ,  naquit  le  23  mai  1736  à  Dijon 
où  il  devint  président  à  mortier  au  par- 
lement. Lors  de  la  révolution ,  il  eut  à 
souffrir  les  persécutions  auxquelles  furent 
exposés  presque  tous  ses  confrères;  Joly 
se  déclara  néanmoins  en  faveur  des  prê- 
tres qui  refusèrent  de  prêter  le  serment 
appelé  civique.  Il  soutint  quelques  an- 
nées après  des  opinions  contraires  à  l'es- 
prit du  concordat  de  1801 ,  sur  lequel ,  en 
1815  ,  on  a  reconstitué  l'Eglise  de  France. 
Joly  de  Bévy  était  aussi  savant  dans  la 
jurisprudence  que  dans  les  canons;  il  est 
mort  dans  sa  patrie  ,  le  21  février  1822.  Il 
a  laissé  ;  |  De  la  nouvelle  Eglise  de  Fran- 
ce ,  Paris ,  Michaud ,  1816 ,  in-8°  ;  |  Nou- 
velle Traduction  des  livres  de  V Imitation 
de  J.  C.  Dijon,   Fantin,   1816,  in-12. 


JOL 

sième  édition ,  ibid.  ,  1822 ,  in-8°  ;  |  Prières 
à  l'usage  des  fidèles,  dans  les  temps  cTuf' 
fliction  et  de  calamités  ,  tirées  des  Psau- 
mes de  David  et  des  Cantiques .  etc. , 
traduction  de  J.-F.  La  Harpe ,  avec  des 
extraits  du  Commentaire  des  Psaumes  du 
Père  Berlhier.  ibid. ,  1817 ,  in-12  do 
cent  quatre-vingt-sept  pages  (l'édition, 
par  ordre  de  l'auteur,  est  restée  tout  ea- 
tière  chez  l'imprimeur  )  ;  |  De  l'ordre  de 
la  noblesse  et  de  son  antiquité  chez  les 
Francs .  ibid. ,  1817,  in-8°  ;  |  Extrait  du 
livre  de  M.  Burke  sur  la  révolution  fran- 
çaise .  ibid.  1819 ,  in-S"  ;  |  Sur  Louis  XIK. 
ibid.  1820  ,  in-8°  ;  |  Instructions  pour  un 
pécheur  qui .  touché  de  Dieu .  veut  se 
convertir,  tirées  du  Cominentaire  des 
Psaumes  de  David,  par  le  Père  Bouhier, 
suivies  d'un  récit  motivé  de  la  conversion 
d'un  incrédule  (La  Harpe)  qui  fut  long- 
temps un  des  plus  renommés  dans  la  secte 
philosophique ,  et  auteur  de  ce  récit,  ibid., 
1820 ,  in-S".  Joly  de  Bévy  a  été  ,  en  outre, 
éditeur  |  du  Traité  de  la  Péremption 
d'instance,  par  M.  Melenet .  nouvelle 
édition,  augmentée  d'un  traité  de  M.  le 
président  Bouhier  sur  la  même  matière  , 
1787,  in-8°;  |  OEuvres  de  jin-isprudena  ^ 
de  M.  Bouhier.  président  à  mortier  au 
parlement  de  Dijon,  de  l'académie  fran- 
çaise ;  recueillies  et  mises  en  ordre  avec 
des  notes  et  additions.  1787-88,  2  vol. 
in-folio.  M.  Amanton  a  donné  une  notice 
sur  Joly  de  Bévy  dans  le  Journal  de  Dijon 
23  février  1822. 

JOLY  DE  FLEURY  (  Guillaume  Fran- 
çois) ,  né  à  Paris  en  1673 ,  d'une  ancienne 
famille  de  robe,  originaire  de  Bourgogne, 
fut  reçu  avocat  au  parlement  en  1095  ,  de- 
vint avocat-général  de  la  cour  des  aides 
en  1700  ,  et  avocat-général  au  parlement 
de  Paris  en  1705.  D'Aguesseau  ayant  été 
fait  chancelier  de  France  en  1717,  Joly  de 
Fleury  le  remplaça  dans  sa  charge  de  pro- 
cureur-générsJ  ,  et  mourut  en  1756 ,  dans 
sa  81'  année  ,  laissant  plusieurs  manus- 
crits :  \Mémoire$.  qui  sont  tout  autant  de 
traités  sur  les  matières  qu'ils  embrassent; 
I  des  Observations,  des  Remarques  ,  de9 
Notes  sur  différentes  parties  du  droiî 
public  français;  |  les  tomes  6  et  7  dn 
Journal  des  audiences  offrent  quelques 
extraits  de  ses  plaidoyers. 

•  JOLY  DE  FLEURY  (  Jean-Omer  ),  fils 
de  Guillaume,  naquit  à  Paris  le  26  octo- 
bre 1715.  Joly  de  Fleury  remplit  «ucces- 
sivement  les  places  de  procureur-général 


deuxiènte  édition  ;  avec  les  textes  de  l'E- 1  et  d'avocat-général  au  grand  conseil  et  au 
criture  sainte,  ibid.,  1821,  in-8° ;  troi-' parlement  de  Paris.  Dans  un  temps  oi; 


JOL  JS 

par  des  prcKuctions  iiiipics  ,  on  sapail  les 
fondemcns  de  la  rcligiuu,  il  s'en  uioulra 
le  zélé  défenseur,  el  la  défendit  avec  au- 
tant de   force    que    d'éloquence.  L'abbé 
C-hauvelia   ayant  dénoncé  au  parlement 
quelques  ouvrages  philosopbiques,  Joly 
de  Fleury  prononça,  le  9  aviil  1756,  son 
réquisiloiie  contre   l'Analyse  de  Bayle , 
(le  l'abbé  de  Marsy  ,  Vflisloire  du  peuple 
de  Dieu  ^dn  Père  Berruyer,  et  contre  Za 
CJiri.'itiade ,  ou  le  Paradis  reconquis ,  es- 
j)èce    de    ronian  sacré ,  de  l'abbé   de  la 
Baume.  Joly  de  Fleury  s'attacha  moins  à 
attaquer  l'auteur  de  l'Analyse  que  le  phi- 
losophe lui- même.  «  Bayle  ,   dit-il,  trop 
f  connu  par  sa  liberté  de  penser ,  se  dé- 
»  Clara  dans  le  dernier  siècle  l'apologiste 
»  du  pyrrlionisme  et  de  l'irréligion.  Ami 
»  de  toutes  les  sectes ,  dont  il  fait  égale- 
»  ment  l'éloge,   il  apprend  à  suspendre 
»  sur  tout  son  jugement,  parce  qu'il  n'ad- 
»  met    aucune    certitude.    Toujours    en 
»  garde    contre  les  ennemis  implacables 
»  de  ses  impiétés  ,  il  répand  comme  fur- 
»  tlvenient  ses  erreurs   dans  les  articles 
»  des    numichéens  j  des  pauliciens  j  des 
»  mai'cioniles ,  ûes  pyrrhoniens ,  etc.  Les 
»  dcmi-savans,   croyant    y  trouver   des 
»  preuves  invincibles  contre  la  religion , 
»  méprisent  ces  hommes  dociles  et  pru- 
»  dv-ns  qui  font  un  usage  légitime  de  leur 
B  raison,    et    qui    pensent    avec  justice 
»  qu'une  raison  droite  conduit  à  la  loi ,  et 
»  qu'une  foi  pure  perfectionne  la  raison, 
Bclc....   Voilà  l'ébauche  du  Diclioimaire 
»  de  Bayle.  Il  mérilait  sans  doute  de  ren- 
»  trcr  dans  les  ténèbres  d'où  il  avait  fait 
»  sortir  tant  d'autres  écrivains.  Bayle  avait 
»  renfermé  tant  d'erreurs  dans  des  volu- 
»  mes  immenses  ;  il  les  avait   répandues 
«  de  tous  côtés  dans  les  différens  articles 
»  qui  les  composent  ;  l'acquisition  de  ses 
»  œuvres  était  difficile ,   la  lecture  trop 
»  longue  ,  l'usage  peu  commun.  Les  textes 
»  dont  il  abuse  pour  autoriser  l'incréduli- 
»  té  étaient  placés  comme  au   hasard  et 
»  sans  ordre.  La  difficulté  de  les  suivre  , 
»  de  les  lire  ensemble  pouvait  être  un 
»  obstacle  aux  progrès    trop  rapides  de 
»  l'impiété.  Un  rédacteur  pervers,  enne- 
»  mi  sans  doute  de  tout  bien ,  prête  hon- 
»  teusement  sa  plume  à  l'impiété.  II  pré- 
»  sente  aujourd'liui  tout  ce  venin ,  comme 
»  dans  une  coupe;  il  approche  les  textes 
»  sous   des  titres  analogues;  il  rassemble 
»  toutes  les  obscénités,  les  histoires  scan- 
*  daleuses,  les  invectives,  et  les  blasphè- 
»  mes  de  l'auteur  :  ce  qui  n'était  presque 
b  accessible  à  personne  devient  àla  portée 
7. 


JOL 

«  de  tout  .e   monde.   Quel  scandale   une 
»  semblable  analyse  n'offre-t-elle  pas  aux 
»  mœurs  et  à  la   religion  ?»  Il  jugea  en- 
suite et  avec  une  juste  sévérité  V Histoire 
du  peuple  de  Dieu.  Le  père  Berthier,  en 
parlant  de  ce   Hvre  et  de  son    auteur, 
s'était  déjà  exprimé  en  ces  termes  :  «  Il 
»  ne  se  souvhit  pas  (  le  père  Berruyer) 
»  qu'il  travaillait  sur  le  livre  le  plus  sim- 
»  pie  ,  le  plus  noble ,  le  plus  divin ,  le  plu» 
»  sanctifiant.   Il    en  altéra    la   simplicité 
»  par  l'extrême  abondance  de  son  style, 
»  la  noblesse  par  une  foule  d'images  et 
»  d'expressions  peu  convenables  ,  la  divi- 
»  nité  par  l'alliage  de  ses  propres  concep- 
»  tiens ,  l'édification  par  la  méthode  très 
»  condairinable    de  réduire   quantité   de 
»  leçons  évangéliques  aux  seuls  Juifs  et 
»  aux  événemens    qui  les  concernent.  » 
L'avocat-général  ne  fut  pas  moins  sévère 
pour  la  Christiade ^  où  «  l'auteur,  dit-il , 
»  en   se  livrant  à  toute  la  fougue  de  son 
»  imagination,  travestit  l'Evangile,  prête 
»  à  la  Divinité  le  langage  que  les  poètes 
»  mettent  dans  la  bouche  de  leurs  dieux, 
»  insère  dans  le  récit  des  actions  de  Jésus- 
»  Christ  des  épisodes  indécens  ,  et  copiés 
B  d'après  ceux  des  héros  de  Virgile ,  etc.  » 
Sur  le   réquisitoire  de  l'avocat-général , 
intervint  l'arrêt  qui  condamnait  à  être 
lacérés  et  brûlés  par  la  main  du  bourreau 
les  trois  livres  ci-dessus  mentionnés.  Le 
23  janvier  1759,  Joly  de  Fleury  déféra  et 
prononça  un  autre  réquisitoire  sur  huit 
livres  impies ,  au  nombre  desquels  étaient 
le  livre  de  VEsprit^   V Encyclopédie ^  la 
Religion  naturelle .  ou  la  Loi  naturelle 
(ce  livre  parut  sous  ces  deux  titres). Vol- 
taire, son  auteur,  en  fut  très  indigné,  et 
chercha  ,    par  des  satires  mordantes  et 
des  plaisanteries  grossières,  à  jeter,  quoi- 
que   en  vain,  du  ridicule  sur  l'avocat- 
général  qui  l'avait  attaqué  vigoureuse- 
ment. Joly  de  Fleury  y  fit  remarquer 
l'adresse  perfide  avec  laquelle  les  auteurs 
insinuaient  plus  ou  moins  ouvertement 
leur  doctrine ,  et  il  ne  dissimula  pas  que 
l'on   voyait  bien  qu'il  y  avait  un  projet 
conçu ,  une  société  formée  pour  soutenir 
le  matérialisme ,    détruire    la  religion , 
inspirer    l'indépendance   et    énerver    la 
morale.  Ces  ouvrages  furent  condamnés 
à  être  brûlés ,  à  l'exception  de  Y  Encyclo- 
pédie qui  devait  être  examinée  plus  am- 
plement. Il  remplit  avec  honneur  les  de- 
voirs de  sa  charge  et  fut  toujours  l'irré- 
conciliable ennemi  des  opinions  philoso- 
phiques, dont  il  a  pu  voir  les  tristes  résul- 
tats ;  après  avoir  traversé  nos  orages  ré- 


JON  14 

voIuîioniKiircs,  il  est  morl  le  20  janvier 
1810.  Son  lils  a  clé  le  dernier  procureur- 
général  (lu  parlement. 

•  JOMBERÏ  (Chvrles-Antoixe),  im- 
primeur-libraire, né  à  Paris  en  1712, 
mort  à  St.- Germain -en-Laye  en  1784, 
était  tr^ès  versé  dans  les  arts  de  la  pein- 
l!)re,  du  dessin,  de  la  gravure,  de  l'ar- 
rlùteclure,  et  a  publié  :  |  Nouvelle  mé- 
ikoda  pour  apprendre  à  dessiner  sans 
r.iuitre^  1740,  in-i°;  |  Architecture  îno- 
dertie^  ou  l'Jrt  de  bien  bàlir ,  pour  toutes 
sortes  de  personnes^  Paris,  1764,  2  vol. 
iu-i".  Cet  ouvrage  est  de  Briseux  :  il  n'a 
fait  que  l'augmenter.  |  Répertoire  des 
artistes^  Paris,  1763,2  vol.  in-fol.;  j  Ca- 
talogue de  V œuvre  de  Charles- Nicolas 
Cochin,  1770,  in-8°;  |  Essai  d'un  catalo- 
gue de  l'œuvre  d'Etienne  La  Belle  ^  1772  , 
iîi-8";  I  Théorie  de  la  figure  humaine^ 
traduite  du  latin  de  Rubens,  1773,  in-i"  ; 
I  Catalogue  raisonné  de  l'œuvre  de  Sébas- 
tien LeclercA77k,  2  vol.  in-8°;  |  plusieurs 
éditions  corrigées  d'ouvrages  do  Bélidor, 
de  Piles,  etc. 

*  JOMliLLI  (  NicoLO  ) ,  compositeur 
italien,  né  dans  le  royaume  de  Naples  en 
1714,  fut  un  des  plus  grands  maîtres  de 
son  temps.  Il  séjourna  long-temps  à  Rome 
«t  fut  nommé  maître  de  chapelle  de  St.- 
Pierre.  En  1755,  lise  rendit  à  Slutgard, 
où  il  séjourna  13  ans ,  enfin  il  revint  à 
Naples  en  1768,  et  y  mourut  le  28  août 
■1774.  Il  a  composé  un  grand  nombre  de 
?nesses .  de  motels  et  plus  de  ii.0  opéras. 
Le  plus  renominé  est  son  Armide.  11  ex- 
cellait particulièrement  dans  la  musique 
sacrée.  Son  Miserere  à  deux  voix  est  une 
des  compositions  sublimes  de  ce  genre. 

JO.\  (du).  Voyez  JUNIUS. 

JOi\ADAB,  fils  de  Réchab,  de  la  fa- 
mille de  Jéthro,  beau- père  de  Moïse, 
aida  Jéhu  à  exterminer  le  culte  de  Baal, 
et  se  rendit  recommandable  par  la  sain- 
teté et  l'austérité  de  sa  vie.  Il  prescrivit  à 
ses  descendans  un  genre  de  vie  très  dur, 
et  des  privations  pénibles,  auxquelles  la 
loi  n'obligeait  personne,  mais  qui  ten- 
daient d'elles-mêmes  à  une  plus  exacte  et 
plus  parfaite  observation  de  la  loi.  Il  leur 
défendit  l'usage  du  vin,  des  maisons,  de 
l'agriculture  et  la  propriété  d'aucun 
fonds,  et  il  leur  ordonna  d'habiter  sous 
des  tentes.  Les  disciples  de  Jonaxlab  s'ap- 
pelèrent réchabites.  du  nom  de  son  père. 
Ils  pratiquèrent  la  règle  qu'il  leur  avait 
donnée ,  durant  plus  de  300  ans.  La  der- 
nière année  du  règne  de  Joachim ,  roi  de 
Jiida,  iNabuchodonosor  étant  venu  assic- 


JOIV 

ger  Jérusalem,  les  réchabites  furpnl 
obligés  de  quitter  la  campagne  et  de  sa 
retirer  dans  la  ville,  sans  toutefois  aban- 
donner leur  coutume  de  loger  sous  des 
tentes.  Pendant  le  siège,  Jérémie  reçut 
l'ordre  d'aller  chercher  les  disciples  de 
Réchab,  de  les  faire  entrer  dans  le  temple, 
et  de  leur  présenter  du  vin  à  boire. 
L'homme  de  Dieu  exécuta  cet  ordre. 
Lorsqu'il  leur  eut  offert  à  boire ,  ils  ré- 
pondirent qu'ils  ne  buvaient  point  de 
vin,  parce  que  leur  père  Jonadab  le  leur 
avait  défendu.  Le  prophète  prit  de  là 
occasion  de  faire  aux  Juifs  de  vifs  repro- 
ches sur  leur  endurcissement.  Il  opposa 
leur  facilité  à  violer  la  loi  de  Dieu  à 
l'exactitude  rigoureuse  avec  laquelle  les 
réchabites  observaient  les  ordonnances 
des  hommes.  Les  réchabites  furent  em- 
menés captifs  après  la  prise  de  Jérusa- 
lem par  les  Chaldéens,  et  on  croit  qu'a- 
près le  retour  de  la  captivité,  ils  furent 
employés  au  service  du  temple;  qu'ils  y 
exercèrent  les  fonctions  de  portiers ,  et 
même  de  chantres,  sous  les  lévites.  L'ex- 
périence a  fait  voir  encore  plus  claire- 
ment depuis,  que  les  hommes  assujétis 
à  des  règles  et  à  des  observances  parti- 
culières, formés  à  l'amour  et  à  la  pratique 
de  la  religion,  par  des  leçons  et  des  exer- 
cices assortis  à  une  plus  grande  perfec- 
tion, sont  en  général  les  plus  propres 
aux  fonctions  du  saint  ministère,  f^oyez 
saint  NORBERT  et  EUSÈBE  de  Vcrceil. 

JOA/E.  f^oyesJONAS  (Aungiîim). 

JO>JAS,  fils  d'Amathi,  cinquième  des 
petits  prophètes ,  natif  de  Géthopher , 
dans  la  tribu  de  Zabulon ,  vivait  sous 
Joas,  Jéroboam  II,  rois  d'Israël,  et  du 
temps  d'Ozias ,  roi  de  Juda.  Dieu  ordonna 
à  ce  prophète  d'aller  à  Ninive ,  capitale 
de  l'empire  des  Assyriens,  pour  prédire 
à  cette  grande  ville  que  Dieu  l'allait  dé- 
truire. Jonas,  craignant  d'exécuter  une 
mission  qui  lui  semblait  dangereuse ,  s'ej>- 
fuit,  et  s'embarqua  à  Joppé,  pour  aller 
à  Tharse ,  en  Cilicie.  Une  grande  tempête 
s'étant  élevée  tout  à  coup,  les  mariniers 
tirèrent  au  sort  pour  savoir  celui  qui  était 
cause  de  ce  malheur,  et  le  sort  tomba  sur 
Jonas.  On  le  jeta  dans  la  mer,  afin  que 
sa  mort  procurât  le  salut  aux  autres;  et 
aussitôt  l'orage  s'apaisa.  Dieu  envoya  un 
grand  poisson  pour  recevoir  Jonas ,  qui 
demeura  trois  jours  et  trois  nuits  dans  le 
ventre  de  l'animal.  Le  poisson  le  jeta 
alors  sur  le  bord  de  la  mer,  et  le  pro- 
phète ayant  reçu  im  nouvel  ordre  d"all  r 
à  Ninive ,  obéit.  Les  habitans ,  effrayé.-,  de 


jroiv 

ses  menaces,  firent  pénitence,  ordonnè- 
rent un  jeûne  public,  et  le  Seigneur  leur 
pardonna.  Jonas  voyant  que  Dieu  avait 
révoqué  sa  sentence  touchant  la  destruc- 
tion de  Ninive,  appréhenda  de  passer 
pour  un  faux  prophète,  et  se  plaignit  au 
Seigneur  qui  lui  lit  bientôt  comprendre 
l'injustice  de  sa  plainte,  par  une  de  ces 
leçons  typiques,  si  propres  à  instruire  et 
à  convaincre.  Pour  le  défendre  contre 
l'ardeur  du  soleil,  il  lit  croître  dans  l'es- 
pace d'une  seule  nuit  un  végétal  que 
riicriture  nomme  un  lierre,  et  qui  est 
probablement  le  Palma  Christi^  lequel 
lui  donna  beaucoup  d'ombre.  Mais,  dès 
!«  lendemain,  un  ver  piqua  la  racine  de 
celte  plante,  la  lit  sécher,  et  laissa  Jonas 
exposé ,  comme  aui)aravant,à  la  violence 
du  soleil.  Cet  événement  augmenta  l'af- 
fliction du  prophète ,  qui ,  dans  l'excès  de 
sa  douleur,  souhaila  de  mourir.  Alors 
Dieu ,  pour  l'instruire ,  lui  dit  que ,  «  puis- 
»  qu'il  était  fâché  de  la  pftte  d'un  lierre , 
»  qui  ne  lui  avait  rien  coûté,  il  ne  devait 
»  pas  être  surpris  de  voir  fléchir  sa  colère 
»  envers  une  grande  ville,  dans  laquelle 
»  il  y  avait  plus  de  120 ,  000  personnes 
■  qui  ne  savaient  pas  distinguer  entre  le 
»  bien  et  le  mal.  »  Jonas  revint  de  Ninive 
dans  la  Judée,  et  saint  Epiphane  raconte 
qu'il  se  relira  avec  sa  mèie  près  de  la 
ville  de  Sur,  où  il  demeura  jusqu'à  sa 
mort,  arrivée  vers  l'an  761  avant  J.-C. 
Les  Prophéties àe  Jonas  sont  en  hébreu, 
et  contiennent  quatre  chapitres.  Il  y  a  des 
mythologistes  qui  prétendent  que  la  fable 
d'Andromède  a  été  inventée  sur  l'histoire 
de  Jonas  ;  sans  rien  décider  sur  cette  con- 
jecture ,  en  particulier,  l'on  peut  dire  que 
presque  toute  la  mythologie ,  et  même  la 
partie  fabuleuse  de  l'histoiie  ancienne , 
est  prise  de  l'Ecriture  sainte  (  voij.  OPHIO- 
NÉE  ).  Jonas  jeté  dans  la  mer  pour  sauver 
ses  semblables,  englouti  parla  baleine  ,  et 
rendu  le  troisième  jour,  est ,  suivant  l'E- 
vangile même,  la  ligure  de  o.-C.  Il  l'est 
encore  en  ce  que  c'est  le  seul  prophète 
que  Dieu  ait  envoyé  aux  gentils.  Les  sa- 
vans  ont  beaucoup  disputé  sur  le  poisson 
qui  engloutit  Jonas.  On  a  dit  que  ce  n'é- 
tait point  une  baleine  proprement  dite , 
puisqu'on  n'en  voit  point  dans  la  mer 
Méditerranée,  où  ce  prophète  fut  jeté  ; 
que  d'ailleurs  le  gosier  des  baleines  était 
trop  étroit  pour  qu'un  homme  y  pût  pas- 
ser. Quelques-uns  croient  que  le  poisson 
dont  il  s'agit  était  une  espèce  de  requin 
ou  de  lamine  ;  mais  il  y  a  pins  d'appa- 
rence que  c'était  une  orca^  qui  ne  sort 


15  JON 

pas  du  genre  des  célacees.  Enfin ,  on  a  dît 
que  le  mol  venter,  qui,  en  général,  si- 
gnifie cavité,  surtout  dans  le  langage  de 
l'Ecriture,  pouvait  marquer  la  bouche  de 
la  baleine,  où  il  y  a  de  très  grands  creux. 
Et  quant  à  la  mer  Méditerranée ,  si  elle 
n'a  pas  aujourd'hui  des  baleines,  elle 
peut  en  avoir  eu  autrefois  :  la  Manche 
n'en  a  pas  davantage ,  et  cependant ,  en 
1617,  on  en  a  pris  une  à  Sclievelingue. 
Quelques  interprètes  ont  cru  que  ce  pois- 
son pouvait  avoir  été  formé  exprès  par 
celui  qui  les  a  faits  tous,  et  se  sont  ap- 
puyés du  mot  prœparavit,  qui  se  trouve 
dans  le  texte  sacré.  Quoi  qu'il  en  soit  de 
celte  opinion ,  elle  est  certainement  plus 
raisonnable  que  les  inepties  qu'un  moine 
nommé  Thaddée ,  professeur  à  Bonn,  et 
d'autres  ignorans,  se  parant  du  nom.(ÏHer-. 
m&neutes ,  ont  débitées  sur  cette  matière. 
Les  principaux  commentateurs  de  ce  pro- 
phète sont  Feuardent,  J.  Heusden ,  H. 
von  der  Hardi,  F.  C.  Fabricius  et  Ro- 
senmuller. 

JO.NAvS,  évcque  d'Orléans,  mort  en 
842 ,  a  laissé  deux  ouvrages  eslimés.  Le 
premier,  intitulé  Institutions  des  laï- 
ques, fut  traduit  en  français  par  D.  Mége, 
1GG!2,  in-rj.  Le  second  a  pour  litre  :  Ins- 
truction d'un  roi  chrétien,  traduit  en 
français  par  Desmarets ,  1661 ,  in-8°  ;  l'un 
et  l'autre  se  trouvent  en  latin  dans  le 
Spicilége  de  d'Acheri.  Il  y  a  encore  de 
Jonas  vui  Traité  des  miracles  dans  la 
Bibliothèque  des  Pères,  et  imprimé  sépa- 
rément ,  164j  ,  in-i6  ;  et  un  Traité  contre 
Claude,  évèque  de  Turin,  et  les  icono- 
clastes, dédié  à  Charles  le  Chauve.  Quoi- 
que Jonas  combatte  le  sentiment  de  ceux 
qui  condamnent  l'usage  des  images,  il 
n'en  approuve  pas  le  culte.  C'est  pour- 
quoi Bellarmin  avertit  qu'il  faut  lire  son 
ouvrage  avec  précaution.  «  On  n'y  trouve 
»  de  justesse  ni  dans  les  raisonnemens  ni 
»  dans  les  réflexions,  a  dit  un  critique, 
K  mais  à  la  place  de  cela ,  de  froides  plai- 
»  sauteries  et  des  puérilités ,  comme  lors- 
»  qu'il  raille  son  adversaire  sur  l'équivo- 
»  que  de  son  nom,  en  lui  disant  qu'on  ne 
»  doit  pas  s'étonner  de  ce  qu'il  ne  marche 
r  pas  droit  dans  les  sentiers  de  la  vérité, 
»  puisqu'il  se  nomme  Claude,  c'est-à-dire 
D  boiteux,  selon  l'élymologie  latine  :  mais 
»  c'était  le  goût  du  temps.  »  Ce  prélat  fu' 
le  modèle  des  évêques  et  l'ornement  du 
6*  concile  de  Paris  et  de  celui  de  Thion- 
ville. 

JONAS  (Juste  ) ,  théologien  luthérien, 
l'un  àcs  premiers  apôtres  de  la  réforma- 


JON  16 

lion,  né  dans  la  Thurinfre  en  1493,  mort 
en  VÔUH  ,  a  laissé  quclqtn^s  ouvrages  rem- 
plis des  erreurs  de  Lulhcr,  dont  il  était 
im  des  plus  ardens  disciples  :  il  était  ami 
de  Mélanchthon  qui  le  fit  principal  du 
collège  de  Wilteniber{j  et  ensuite  doyen 
de  l'université  de  cette  ville. 

JOAAS  ou  plutôt  JON^E  (ARNcnni), 
astronome  irlandais,  disciple  de  Tycho- 
Bralié,  et  coadjuleur  de  Gulbrand  de 
Tliorlaksen,  évèquede  Holum  en  Islande, 
refusa  cet  évèclié  après  la  mort  de  Gul- 
brand, se  contentant  d'être  ministre  de 
l'éfïlise  de  Melstadt,  et  mourut  en  1649, 
à  93  ans,  après  avoir  publié  un  grand 
nombre  d'ouvrages.  Les  principaux  sont  : 
j  V Histoire  et  la  description  de  l' Islande  ^ 
Amsterdam,  1643,  in-4",  avec  la  Défense 
de  cet  ouvrage ,  estimable  pour  l'érudi- 
tion et  les  rechercbes.  Celte  histoire  est 
en  latin.  |  Idea  ve?i  magislratûs  .  Copen- 
hague ,  1589 ,  in-8°  ;  |  la  f^ie  de  Gutbrand 
de  Thorlaksen^  «".n  latin,  in-4°,  etc.  Il 
prétend  que  l'Islande  n'a  été  habitée  que 
vers  l'an  874  de  J.-C. ,  et  que  par  consé- 
quent elle  n'est  point  l'ancienne  Thulé ; 
mais  on  peut  l'avoir  connue  comme  tant 
d'autres  plages  avant  qu'il  y  eût  des 
liabitans.  Il  se  remaria  à  l'âge  de  90  ans  à 
une  jeune  fille,  (i). 

JO.\VTIIVS,  fils  de  SaiJl.est  célèbre 
par  sa  valeur  et  par  l'amilié  constante 
qu'il  eut  pour  David  contre  les  inlérêls 
de  sa  maison.  Il  délit  deux  fois  les  Philis- 
tins ,  cl  eût  été  mis  à  mort  par  Saiil ,  pour 
avoir  mangé  contre  sa  défense  un  rayon 


(i)  SaivaDt  U  Biographie  univertetie  de  Michaud  , 
ArngrimJonx  naquit  en  i563,  rt  mourut  âgé  de  80 
ans  en  1648.  Commr:  la  liste  de  ses  ouvrages  sur  l'Is- 
lande est  presenlée  par  Feller  d'une  ^lani^^e  extrè- 
roeinenl  incomplîle  ,  nous  en  donnerons  ici  les  litre»  ; 
I  Breifis  commt'ntfiriits  d*'  Islandiâ,  (Copenhague, 
*  iSga,  petit  in-fol.  Le  but  de  ce  livic  est  de  réfuter  les 
faux  ju^emens  portés  sur  l'Islande  par  Munster,  Fri- 
iius,  /-icglcr,  Olaiii  Maguus  ,  etc.  |  Crymogcea,  *iVc 
trrum  i.iIanJicarum  lihri  irrs,  Hambourg,  1609,  10, 
i^.iSetao,  in-4'  Cet  ouvrage  ,  le  plus  considérable 
de  Tauteur,  est  aussi  celui  qu "od  cite  le  plus  souvent. 
Ou  y  trouve  beaucoup  de  dt-lails  du  plus  haut  intérêt, 
sur  les  origines  islandaises  ,  les  lois  ,  les  mœurs,  etc., 
auxauels  a  présidé  une  saine  critique.  |  Anatomio 
Blrjkrinlana,  etc.,  iliid  .  16.8,  in-4^  critique  d'un 
ouvrage  de  Bleflien  sur  l'Islande;  i  Spécimen  Islanditr 
kisloricum,  fl  magnd  ex  parle  ehorographieum,  Am- 
•  terdïm  ,  1643  ,  io-4''-  On  a  aussi  de  lui  des  disserta- 
tions latines  iar  /es  Irllres  riinniifues  et  sur  les  divinitét 
des  peuples  septentrionaux,  imprimées,  l'une  dans 
Xi  Liilfratura  danica  d'Olaiis  Worm  ,  et  l'autre  dan» 
le  ctmmenlaire  de  Stephanius  sur  Saxon  le  grammai- 
rien. Arngrim  Jonœ  est  queliinefuis  aussi  désigné  par 
le  Dom  de  Vidalin,  qu'il  prit  da  canton  de  Widesal 
s6  il  avait  re^u  le  jour. 


JON 

de  miel,  si  toute  l'armée  ne  s'y  fût  op- 
posée. La  guerre  s'élanl  de  nouveau  allu- 
mée quelque  temps  après  entre  les  Hé- 
breux et  les  Philistins,  Saiil  et  Jonathas 
se  campèrent  sur  le  mont  Gelboé,  avec 
l'armée  d'Israël.  Ils  y  furent  forcés,  leurs 
troupes  taillées  en  pièces ,  et  Jonathas  fut 
tué  en  lOoS  avant  J.-C.  La  nouvelle  en 
ayant  été  apportée  à  David,  il  composa 
un  Cantique  funèbre,  où  il  fait  éclater 
toute  sa  tendresse  pour  son  ami.  Jonathas 
est  un  modèle  admirable  de  la  générosili 
et  de  l'amitié  chrétienne.  La  gloire  dj 
David  efface  la  sienne  ,  et  il  n'en  est  point 
jaloux.  Quoique  héritier  présomptif  de  la 
couronne,  il  prend,  aux  dépens  de  ses 
propres  intérêts,  ceux  de  l'innocent  per- 
sécuté. M.  l'abbé  Brûlé  a  donné  un  poème 
en  prose  en  quatre  chants,  intitulé  Xllé- 
roïsme  de  l'amitié  ^  ou  David  et  Jo' 
nathasj.  Paris,  1776,  in-12,  plein  de  sen- 
timent, et  écrit  dans  les  bons  principes. 

JO:>JATIIAS,*fils  de  Samma,  neveu  do 
David,  eut  la  gloire  de  tuer  un  géant  de 
9  pieds  de  haut,  qui  avait  six  doigts  à 
chaque  main  et  à  chaque  pied. 

JONATHAS,  qu'on  nomme  aussi  JO- 
NATHAN ou  JOHANNAN,  fils  de  Joïada 
(  autre  que  celui  qui  rétablit  Joas  sur  le 
trône  ),  et  petit-fils  d'EUasib,  surcéda  à 
son  père  dans  la  charge  de  grand  sacrifi- 
cateur des  Juifs ,  qu'il  occupa  pendant 
environ  40  ans.  Ce  pontife  déshonora  sa 
dignité  par  une  action  barbare  et  sacri- 
lège. Il  avait  un  frère  nommé  Jésus ,  qui 
prétendait  parvenir  à  la  souveraine  sa- 
crificature  par  la  protection  de  Bagose . 
général  d'Arlaxei  xès.  Jonathas  en  conçut 
de  la  jalousie  ;  un  jour  que  les  deux  frères 
se  rencontrèrent  dans  le  temple,  la  dis- 
pute s'échauffa  si  fort,  que  Jonathas  tua 
Jésus  dans  le  lieu  saint. 

JONATHAS.  surnommé  Jpphus  ^  l'un 
des  plus  grands  généraux  qu'aient  eus  les 
Juifs,  était  fils  de  Matalhias  et  frère  de 
Judas  Machabée  ;  il  fut  chargé  du  gouver- 
nement après  la  mort  de  Judas,  vengea 
sur  les  fils  de  Jambri  la  mort  de  Jean  son 
frère,  pa.ssa  ensuite  le  Jourdain  à  la  nage 
avec  son  armée,  et  força  Bacchide,  gé- 
néral des  Syriens ,  qui  faLsait  la  guerre 
aux  Juifs,  d'accepter  la  paix  l'an  161  avant 
J.-C.  Après  les  victoires  qu'il  venait  de 
remporter,  et  la  paix  conclue ,  son  prin- 
cipal soin  fut,  ainsi  que  l'avaient  fait  son 
frère  et  son  père,  de  bannir  les  Juifs 
apostats ,  ei  de  rendre  à  la  religion  son  an- 
cienne splendeur.  La  réputation  de  Jo- 
nathas fit  rechercher   son  alliance  'p«ir 


Alexandre  Balas  et  Démélrius  Soter  ,  qui 
se  disputaient  le  royaume  de  Syrie.  Il 
embrassa  les  intérêts  du  premier,  et  prit 
possession  de  la  souveraine  sacrificature, 
en  cousi'-qucnce  de  la  lettre  de  ce  prince 
qui  lui  donnait  cette  dif[nité.  Deux  ans 
après,  Alexandre  Balas  ayant  célébré  à 
Plolémaïde  son  mariage  avec  la  fille  du 
roi  d'Egypte,  Jonalhas  y  fut  invité  ,  et  y 
parut  avec  une  magnilicence  royale.  Dé- 
mélrius, qui  succéda  à  Balas,  le  confirma 
dans  la  grande  sacrificature  ;  mais  sa 
bonne  volonté  ne  dura  pas  long-temps. 
Jonathas  l'ayant  aidé  à  soumettre  ceux 
d'Anlioche soulevés  contre  lui,  Démétrius 
n'eut  pas  la  recoimaissance  qu'il  devait 
pour  un  si  grand  service;  il  le  prit  en 
aversion,  et  lui  fit  tout  le  mal  qu'il  put. 
Diodote  Tryphon ,  ayant  résolu  d'enlever 
la  couronne  au  jeune  Antiochus,  fils  de 
Balas,  sotigea  d'abord  à  se  défaire  de  Jona- 
lhas. Il  l'attira  à  Ptolémaïde  ,  le  prit  par 
trahison,  et  le  fit  charger  de  chaînes  ;  en- 
suite, après  avoir  tiré  de  Simon  une 
somme  considérable  pour  la  rançon  de 
son  frère,  ce  perfide  fit  mourir  Jonathas 
avec  ses  deux  enîans,  l'an  Ikk  avant  J.-C. 
'  JO.\ATIÏAS,  tisserand  du  bourg  de 
Cyrcne.  Après  la  ruine  de  Jérusalem  par 
Titus ,  fils  de  l'empereur  Vespasien ,  il 
gagna  un  grand  nombre  de  Juifs  et  les 
mena  sur  une  montagne,  leur  promet- 
tant des  miracles  s'ils  le  choisissaient 
pour  chef  ;  mais  il  fut  arrêté  par  Catulle , 
gouverneur  de  Lydie.  Ce  séducteur  dit 
qu'on  l'avait  engagé  à  cette  révolte,  et 
nomma  Fluve  Joséphe  l'historien  entre 
ses  conipiires.  Mais  comme  celui-ci  était 
innocent ,  on  ne  s'arrêta  point  aux  accu- 
sations du  caloirniiateur,  qui  fut  condamné 
à  être  brûlé  vif.  La  multitude  d'impos- 
teurs qui  parut  vers  le  temps  de  la  des- 
truction de  Jérusalem  est  un  accomplis- 
sement bien  frappant  de  la  prédiction  de 
J.-C.  :  'J'unc  multi  pseudoprophetcB  sur- 
yent  et  seducent  imiltos.  Mat  th.  24. 

•  JO.XCOURT  (  Pierre  de  ),  prédica- 
teur prolestant,  français  d'origine  et  ré- 
fugié en  Hollande  ,  quelque  temps  avant 
la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  ,  devint 
ministre  de  l'église  wallonne  de  la  Haye  , 
et  s'acquit  une  réputation  brillante  par 
ses  sermons  pleins  de  force  et  d'éloquence, 
il  passa  pour  un  des  plus  célèbres  prédi- 
cateurs de  la  Hollande.  Il  est  mort  vers 
1725,  après  avoir  public  plusieurs  ouvra- 
ges, parmi  lesquelson  remarque  :  |  Letlres 
critiques  sur  divers  sujets  importuns  de 
l'JJciiturc  ia//i/^,  Amsterdam,  1705,  in- 


7  JOIV 

12  ;  I  Entrctims  sur  les  différentes  mèt/io 
des  d'expliquer  l'Ecriture  et  de  prêcher 
de  ceux  qu'on  appelle  coccéiens  et  voé- 
tiens  dans  les  Provinces-Unies  ,  Amster- 
dam, 1707,  in-i2;  |  Nouveaux  entretiens, 
in-12,  pour  faire  suite  aux  précédens,  en 
réponse  à  un  écrit  publié  par  les  coc- 
céiens contre  M.  de  Joncourt;  ]  des  Lettres 
sur  les  jeux  de  hasard.  17 li,  in-12; 
I  Nouvelle  lettre  sur  les  jeux  de  hasard. 
1774,  in-12;  |  Entretiens  sur  l'état  pré- 
sent de  la  religion  en  France ,  oii  l'on 
traite  amplement  de  l'autorité  des  papes 
et  de  ses  fondemens,  la  Haye,  1725,  in-12. 
*  JONCOURT  (  Elie  de  ),  ministre  pro- 
testant, né  à  la  Haye  vers  l'an  1700 ,  fut 
long-temps  professeur  de  philosophie  à 
Bolduc,  et  a  publié  un  grand  nombre  de 
traductions  d'ouvrages  anglais  et  latins 
dont  on  peut  voir  les  titres  dans  la  France 
littéraii-e  de  Formey  ,  et  dans  VExam.en 
critique  de  M.  Barbier.  Nous  citerons  : 
I  Traité  de  la  Providence .  traduit  de 
Sherlock,  la  Haye,  1721,  in-12;  |  Préser- 
vatif contre  le  papisme^  traduction  du 
même,  1721,  in-8";  ]  Sermons  sur  divers 
textes  importans  de  VEcritui-e  sainte^ 
traduits  du  même,  1723,  2  vol.  in-S"; 
I  Sermons  sur  la  mort  et  le  jugement. 
traduits  de   feu  M.   Lucas  ,    1725  ,  in-8°  ; 

I  Jlciphron  ou  le  Petit  philosophe  ,  tra- 
duit de  Berklei,  la  Haye,  1734,  2  vol. 
in-12;  |  Elémens  de  la  philosophie  netv- 
tonienne  ^  traduits  de  Pemberton,  Am- 
sterdam ,  1755,  in-S"  ;  |  Elémens  de  phi- 
losophie morale,  traduits  de  Fordyce, 
1756,  in-8°  ;  |  Elémens  d'algèbre  de  Saun- 
derson,  augmentés  de  quelques  remar- 
ques, Amsterdam,  1756,  2  vol.  in-4"; 
i  Nouvelle  Bibliothèque  anglaise  ancienne 
1756,3  vol.  in-8°,  divisés  en  plusieurs 
parties;  |  le  7' et  le  8' vol.  du  Specta- 
teur anglais.,  Amsterdam,  1750  et  1754, 
in-12  ;  |  Dialogue  des  morts,  traduit  de 
Lyttleton,  1760 ,  in-8°  ;  |  Elémens  de  phy~ 
sique  démontrés  mathématiquement,  el 
confirmés  par  des  expériences,  traduits  du 
latin  de  s'Gravesande,  Leyde,  1746,  2  vol. 
in-4°;  |  OEuvres  diverses,  la  Haye,  1764,  2 
vol.  in-12,  contenant  quelques  morceaux 
de  la  composition  de  l'auteur,  et  autre? 
traductions  de  l'anglais  ou  du  hollandais. 

II  a  aussi  publié  en  latin  un  T?'aité  sur  fa 
nature  et  les  principaux  usages  de  la  plus 
simple  espèce  de  nombres  trigonaux ,  la 
Haye,  1762,  in-4°,  qu'il  a  traduit  lui-même 
en  français.  Il  a  été  aussi  l'éditeur  et  en 
partie  le  traducteur  des  OEuvres  diverses 
de  Pope  Amsterdam  ,    1754  , 7  vol.  in-i2. 

2 


JON 


18 


JOÎV 


n  a  encore  coopère  à  la  reprise  du  Jour- 
nal littéraire  ^  par  s'Gravesande  ,  et  à  la 
traduction  de  V Histoire  universelle ^  \)n- 
Llice  en  anglais.  Il  mourut  à  la  Haye 
l'an  1770.  —  Un  autre  JONCOURT,  pro- 
fesseur de  langues  étrangères  à  Paris  en 
17u4 ,  a  traduit  de  l'anglais  de  Wallace, 
un  £ssai  sur  la  différence  du  nombre  des 
hommes. 

JOKCOITX  (  Fkançoise-Marguerite 
de  ),  naquit  en  1668  d'un  gentilhomme  au- 
vergnat, et  mourut  en  1715,  âgé  de  kl 
ans  ,  après  s'être  distinguée  par  son  atla- 
abement  aux  religieuses  de  Port-Royal. 
et  avoir  donné  une  Traduction  des  Notes 
de  Nicole  (  caché  sous  le  nom  de  lyen- 
drock  )  sur  les  Provinciales.  Cette  version 
a  été  imprimée  en  U  vol.  in-12.  Margue- 
rite de  Joncoux  avait  appris  le  latin  pour 
entendre  loftice  de  l'Eglise. 

JOMùS  (  Imgo  ),  célèbre  architecte  an- 
glais, né  à  Londres  en  1572,  mort  en  1652, 
fui  surnommé  le  Fitruvede  l'Angleterre; 
le  vrai  goût  et  les  règles  de  l'art  étaient 
presque  inconnus  avant  lui  dans  la  Gran- 
de-Bretagne. Il  avait  visité  la  France, 
l'Allemagne  et  l'Italie  ,  et  étudia  long- 
temps à  Venise  les  chefs-d'œuvre  de  Pal- 
ladio sur  lesquels  il  a  laissé  des  Notes 
curieuses  ,  insérées  dans  une  traduction 
anglaise  qui  en  a  été  publiée  en  17i2.  Ses 
principales  compositions  sont  le  Portique 
de  l'église  Saint-PauL  la  bourse  de  Lon- 
dres, V Hôpital  de  Greemvich,  la  grande 
salle  des  banquets  du  palais  de  Jf^ite- 
hall,  le  palais  de  lord  Pembroke  à  Wil- 
son  (  Wiltshire).  Il  fut  successivement  ar- 
chitecte des  rois  Jacques  I",  Charles  1" 
et  Charles  II.  Il  avait  laissé  un  grand 
nombre  de  dessins,  et  il  doit  être  regardé 
comme  le  créateur  de  larchileclure  en 
Angleterre. 

*  JOM'IS  (  Jon\  ),  nommé  aussi  Léan- 
dre  de  Saint-Martin  .  bénédictin  anglais. 
né  à  Londres  en  1575,  fit  ses  éludes  au 
!  collège  de  Sainl-Jean,  à  l'université 
d'Oxford.  Il  quitta,  jeune  encore,  sa  pa- 
trie pour  aller  embrasser  en  Espagne  la 
religion  catholique.  Il  prii  l'habit  de  Saint- 
Benoit,  et  s'engagea  dans  la  congrégation 
des  bénédictins  anglais.  Ce  fut  alors  qu'il 
changea  son  nom  en  celui  de  Léandre  de 
Saint-Martin.  Il  alla  achever  ses  études  au 
collège  des  Anglais,  à  Douai,  et  s'y  api)li- 
qua  aux  langues  orientales.  Après  avoir 
achevé  ses  cours,  il  prit  le  bonnet  de  doc- 
teur, et  fut  presque  aussitôt  chargé  par 
«es  supérieurs  d'enseigner  l'hébreu  et  la 
tUéoiogic  :  il  s'acquitta  de   cette  double 


fonction  d'une  manière  honoroble, ,  et  sut 
mériter  par  les  rares  qualités  de  son  es- 
prit et  de  son  cœur  la  confiance  de  sa 
congrégation.  Il  fut  successivement  prieur 
du  monastère  de  Saint-Waast ,  et  prési- 
dent ou  supérieur-général  de  la  congré- 
gation anglaise  de  son  ordre.  Il  mourut  à 
Londres  en  1656.  Il  a  publié  différens  ou- 
vrages qui  lui  ont  fait  la  réputation  d  un 
savant  distingué  ;  en  voici  les  litres  :  |  Ro- 
se tum  exercitioT^m  spiritualium.  Douai, 
1623;  I  Sacra ars  niemo7ia>  adscripturas 
divinas  in  promptu  Iiabendas .memori ter- 
que  addiscendas,  accoinmodata,  ib.,  1623, 
in-8°  ;  |  Conciliatio  locorum  specie  tenus 
pugnantium,  totius scripturœ  sacrœ.  ibid., 
1623,  in-8°;  |  une  Edition  du  Miroir  his- 
torial  du  domhiicain  Vincent  de  Beauvats, 
sous  ce  titre  :  Bibliotheca  mundi ,  seu  Spé- 
culum. Fincentiibellovacensis .{(j'ai,  4  vol. 
in-fol.  (  Voyez  VINCENT  DE  BEAU- 
VAIS. j  1  Une  Edition  du  livre  d'Amobe 
contre  les  païens,  1632,  in-S";  |  une  Edi- 
tion de  la  Vulgate  avec  la  glose ,  des  pos- 
tilles,  des  observations,  etc.,  et  ses  pro- 
pres remarques  et  explications.  Elle  est 
intitulée  :  Biblia  cum  glossa  07'dinaria  a 
Strabone  fuldensi  collecta  ,  novis  patrum 
grœcorum  et  latinoiutn  explicationibus 
locupletata  et  postilla  IVicolai  de  Lira, 
cum  additionibus  Pauli  burgensis  ac  Mat- 
thiœ  Thoringi  replicis,  theologorum  dua- 
censium  studio  emendatis,  tomis  sex  com- 
prehensa.  Omnia  denuo  recensuit  Lean- 
der  de  Sancto-Martino,  adjecitque  plures 
et  antiquos  tractatus ,  analyses,  paral- 
lella.  tabulas  chronologicas  et  prosogi'a- 
phicas ,  cum  indicibus  copiosisstmis,  ut 
merito  hœc  editio  dici  possil  theologorum 
et  concionatorum  thésaurus.  6  vol.  in-fol. 
Douai,  1617,  et  Anvers ,  1654  ;  |  un  Traité 
de  la  perfection  de  la  grâce ,  resté  ma- 
nuscrit. 

*  JO^ES  (  Paul),  célèbre  marin ,  né  en 
Ecosse  dans  la  terre  du  comte  de  Selkirk, 
alla  s'établir  en  Amérique  ,  et  obtint  en 
1775  le  commandement  d'un  vaisseau  de 
l'escadre  des  Etats-Unis  ,  sous  les  ordres 
de  l'amiral  Hopkins.  Il  rendit  à  cette  répu- 
blique naissante  de  grands  services,  et  sa 
distingua  par  plusieurs  atlions  d'une 
grande  bravoure.  Louis  XVI  lui  donna  la 
croix  de  l'ordre  du  mérite  militaire  et 
une  épéed'or-,  le  congrès  lui  vota  une 
médaille  d'or.  A  la  paix  il  passa  en  Russie 
avec  le  grade  de  contre-amiral.  Il  revint 
ensuite  en  France  ,  et  mourut  à  Paris  en 
juillet  1792.  Il  a  laissé  en  anglais  des  Mé- 
moires  sur  sa  vie,  qui  ont  été  traduits  en 


JON 


19 


JON 


français  sous  ses  yeux ,  et  puMics  après 
sa  mort,  Paris,  171)8,  i  vol.  in-18. 

•  JOAF-S  (le  chevalier  William),  un 
des  plus  laborieux  écrivains  et  des  i)lus 
sa  vans  orientalistes  de  ces  derniers  lenips, 
naquit  à  Londres  le  28  septembre  i7li6. 
Ayant  eu  le  malheur  de  perdre  son  père , 
professeur  de  mathématiques,  dans  un 
ège  encore  tendre,  il  dut  une  éducation 
soignée  à  la  sollicitude  d'une  mère  éclai- 
rée, qui  mit  tout  en  usage  pour  former 
l'esprit  aussi  bien  que  le  cœur  de  son 
fils.  Après  des  éludes  aussi  brillantes  que 
solides,  Jones  fut  reçu  agrégé  à  l'uni- 
versilé  d'Oxford.  Mais  il  fut  bientôt  ar- 
raché de  cette  savante  école  pour  diri- 
ger l'éducation  du  jeune  lord  Althorp , 
depuis  comte  de  Spencer.  Après  quel- 
ques années  données  à  cette  occupation,  il 
se  fil  recevoir  avocat,  et  suivit  le  bar- 
reau avec  succès.  Jones  avait  fait  plu- 
siurs  voyages  en  France  ;  il  avait  méiîie 
accompagné  son  élève  en  Allemagne  et  en 
Italie,  et  s'était  rendu  familier  avccles 
langues  modernes  ,  qu'il  parlait  et  qu'il 
écrivait  avec  autant  de  facilité  que  sa  lan- 
gue naturelle  ;  mais  l'étude  de  ces  diffé- 
rens  idiomes  n'avait  presque  rien  coûté 
à  son  application,  fixée  tout  entière  sur 
les  langues  orientales.  Il  en  possédait 
presque  tous  les  dialectes,  et  leur  conser- 
vait, en  les  traduisant,  leur  charme  et 
leur  pureté.  Appelé  en  1783  à  remplir  la 
place  de  juge  à  la  cour  suprême  du  fort 
William  à  Calcutta ,  Jones  se  rendit  avec 
joie  dans  des  contrées  dont  les  idiomes 
et  les  auteurs  avaient  tant  d'attrait  pour 
lui.  Les  loisirs  que  lui  laissaient  ses  fonc- 
tions étaient  consacrés  à  des  recherches 
scientifiques  ;  et  ce  fut  dans  ces  études 
qu'il  conçut  le  projet  d'établir  à  Calcutta 
une  société  savante  à  l'instar  des  acadé- 
mies de  l'Europe.  Le  projet  fut  exécuté  en 
1784 ,  et  William  Jones  fut  le  premier 
président  de  la  savante  société  de  Cal- 
cutta,  de  cette  illustre  compagnie  dont 
les  travaux  ont  été  si  utiles  aux  lettres,  à 
l'histoire  e'.  même  à  la  religion.  Les  Mé- 
moires de  la  société  du  Bengale  ^  très 
rares  en  France,  forment  12  vol.  in-i" 
ou  in-S".  Le  i)remicr  parut  en  1788 ,  et  le 
dernier  en  1816.  Les  deux  premiers  volu- 
mes ont  été  traduits  en  français ,  en  1805, 
par  A.  Labaume,  et  publiés  avec  des  No- 
tes fort  étendues  de  MM.  Delambre.  Cu- 
vier,  Lamarck  et  Lanylcs  ;  Adrien  du 
Qucsnoy  faisait  les  fonds  de  cette  entre- 
prise, qui  fut  abandonnée  après  sa  moit. 
William  Jones,  qui  dans  un  âge  peu  avan- 


cé ,  pouvait  se  promettre  une  longue  suite 
de  glorieuses  années  ,  ne  jouit  pas  long- 
temps de  SCS  succès  et  de  ses  travaux.  At- 
teint d'une  inflammation  au  foie,  il  suc- 
comba, ajiris  quelques  jours  de  maladie, 
le  27  avril  1794,  à  l'âge  de  47  ans.  L'An- 
gleterre perdit  en  lui  un  des  savans  les 
plus  universels  dont  elle  puisse  s'honorer. 
Rien  n'a  seuiblé  étranger  à  ce  vaste  génie; 
tour  à  tour  poète  ,  jurisconsulte ,  histo- 
rien ,  il  a  encore  écrit  sur  l'Ecriture 
sainte,  l'astronomie,  la  chronologie, l'his- 
toire naturelle  et  les  antiquités.  Il  possé- 
dait plus  de  vingt  langues  et  en  écrivait 
huit  avec  une  rare  élégance.  Ses  OEuvres, 
recueillies  après  sa  mort ,  forment  6  vol. 
in-4°,  ou  15  volumes  in-8°;  le  treizième 
contient  sa  Vie  par  lordTeignmouth,  gou- 
verneur-général du  Bengale.  Les  ouvra- 
ges les  plus  remarquables  de  Jones,  sont: 
I  Poeseos  asiaticœ  Commentariorum  libri 
«^jr^ Londres,  1774,  in-8°.  Enchori,  qui 
en  a  donné  une  édition  avec  des  notes, 
en  fait  le  plus  grand  éloge.  |  Grammaire 
persane,  in-4";  on  la  trouve  en  français; 
I  Histoire  de  Nadir-Schah,  connu  sous  le 
nom,  de  Thamas  Kouli-Kan  ,  publiée  en 
français ,  in-4",  1770  et  1790  ;  |  la  Traduc- 
tion du  Code  de  Menou.  Ce  livre  offre  le 
système  complet  des  devoirs  civils  et  re- 
ligieux des  Indous  ,  et  est  bien  propre  à 
nous  faire  bénir  la  Providence,  qui ,  par 
les  divines  lumières  de  la  révélation, 
nous  a  arrachés  aux  monstrueuses  er- 
reurs du  paganisme.  |  Dissertations  sur 
la  littérature  orientale,  1771,  in-8**,  tra- 
duites en  français.  |  Lettres  philosophi- 
ques et  historiques  sur  l'état  m07-al  et  po- 
litique de  l'Inde,  traduites  par  d'Ecram- 
meville,  Paris,  1803,  in-8°  ;  c'est  d'après 
la  version  anglaise  de  W.  Jones  qu'a  été 
faite  la  traduction  française  du  drame  in- 
dien intitulé  :  Sacountalaou  l'anneau  i».' 
tal.  Un  grand  nombre  de  Traductions  de 
morceaux  persans,  et  de  Dissertations., 
publiées  dans  le  Recueil  de  ses  Œuvres, 
ou  dans  les  Mémoires  de  la  société  do 
Calcutta.  VJiinual  biography  and  obi- 
tuary.  for,  1817,  renferme  un  précis  dr 
la  vie  de  sir  Will.  Jones,  et  l'on  y  trouve 
quelques  détails  qui  avaient  échappé  aux 
reclierches   de  lord  Teignmoulh. 

JO.XGII  (du;.  Koj/ez  JUNIUS. 

JOMN  (  le  père  Gilbom'  ),  jésuite,  né 
en  159(3,  mort  en  1638,  se  distingua  par 
son  talent  pour  la  poésie  grecque  et  la- 
tine,  et  excella  surtout  dans  le  lyrique. 
On  remarque  dans  ses  poésies  de  la  viva- 
cité, de  l'élégance,  de  la  facilité,  et  quel- 


JOR 


20 


JOR 


ipiefois  de  la  négligence.  On  a  de  lui  : 
I  des  Odes  et  des  Epodes,  Lyon  ,  1630,  in- 
16;  I  des  Elégies,  Lyon,  1634,  in-12  ; 
I  d'autres  Poésies,  en  grec  et  en  latin,  6  vol. 
in-«°  et  in-16,  1654  à  1637. 

JOASIUS  (  Jeam  ),  né  à  Flensbourg  en 
1624,  mort  à  la  fleur  de  son  âge,  à  Franc- 
foi  t  sur  leMein.en  1659,  tst  auteur:  |  d'un 
Traité  estimé  des  écrivains  de  l'Jiisloire 
de  la  philosophie,  en  latin.  Jean  Chr. 
Dorn  ,  qui  en  donna  une  bonne  édition , 
en  1716,  in-4°,  à  léna,  a  continué  cet  ou- 
vrage jusqu'à  son  temps.  |  Tractatus  de 
Spartis,  aliisque  nonnullis,  et  de  ordine 
librorum  ^ristotelis,  publié  par  Grœvius, 
dans  Syntagma  disserlattonum.  La  liste 
complète  de  ses  ouvrages  est  dans  \q  Dic- 
tionnaire de  Chauffepié. 

JORAM,  roi  d'Israël ,  après  son  frère 
Ochosias  ,  l'an  896  avant  J.-C,  était  iils 
d'Achab.  Il  vainquit  les  Moabites,  selon 
la  prédiction  du  prophète  Elisée ,  et  fut 
dans  la  suite  assiégé  dans  Samarie  par 
Benadad,  roi  de  Syrie.  Ce  siège  réduisit 
cette  ville  à  une  si  grande  famine  ,  que  la 
tête  d'un  âne  s'y  vendait  80  sicles.  C'est 
alors  qu'arriva  une  histoire  tragique  dont 
il  y  a  peu  d'exemples.  Une  femme  ,  étant 
convenue  avec  une  autre  de  manger 
leurs  enfans  ,  et  ayant  d'abord  fourni  le 
sien,  vint  demander  justice  à  Joram 
contre  l'autre  mère  qui  refusait  de  donner 
son  enfant.  Ce  prince ,  désespéré  d'un  ac- 
cident si  barbare,  tourna  sa  fureur  contre 
Elisée,  et  envoya  des  gens  pour  lui  cou- 
per la  tête.  Mais  se  repentant  bientôt  d'un 
ordre  aussi  injuste  ,  il  courut  lui-même 
pour  en  empêcher  l'exécution  ;  et  le  pro- 
pliète  l'assura  que  le  lendemain ,  à  la 
même  heure  ,  la  farine  et  l'orge  se  don- 
neraient presque  pour  rien.  Cette  pré- 
diction s'accomplit  en  effet.  Les  Syriens  , 
ayant  été  frappés  d'une  frayeur  subite, 
prirent  la  fuite  en  tumulte  ,  et  laissèrent 
un  très  riche  butin  dans  le  camp.  Tant 
de  merveilles  ne  convertirent  point  Jo- 
ram ;  il  continua  d'adorer  les  dieux  étran- 
gers. Enfin,  ayant  été  blessé  dans  une  ba- 
taille contre  Azaël ,  successeur  de  Bena- 
dad, il  se  fit  conduire  à  Jezrahel.  Il  y  fut 
percé  de  flèches  dans  le  champ  de  Na- 
i)oth ,  par  Jéhu  ,  général  de  son  armée, 
qui  fit  jeter  son  corps  aux  chiens  dans  ce 
même  champ,  l'an  884  avant  J.-C,  selon 
1.1  prédiction  du  prophète  Elie. 

JORAM ,  roi  de  Juda ,  succéda  à  son 
père  Josaphat,  l'an  889  a^•o^t  J.-C.  Loin 
d'imiter  sa  piété ,  il  ne  se  signala  que  par 
des  actioas  d'idolâtrie  el  de  fureur.  Il 


épousa  Athalie ,  fille  d'Achab  ,  qui  causa 
tous  les  malheurs  dont  son  rè^ne  fat  af- 
fligé. A  peine  fut-il  sur  le  trône ,  qu'il 
le  souilla  par  le  meurtre  de  ses  propre» 
frères,  et  des  principaux  de  son  royaume 
que  Josaphat  avait  le  plus  aimés.  Il  imita 
toutes  les  abominations  des  rois  d'Israël  ; 
il  éleva  des  autels  aux  idoles  dans  toutes 
les  villes  de  Judée ,  et  excita  ses  sujets 
à  leur  sacrifier.  Dieu  ,  irrité  de  ses  im- 
piétés, permit  la  révolte  des  Iduméens, 
qui ,  depuis  les  victoires  de  Juda ,  avaient 
toujours  été  assujétis  à  sa  domination. 
La  ville  de  Lobna  se  retira  de  son  obéis- 
sance, et  ne  voulut  plus  le  reconnaître 
pour  souverain-  Les  Philistins  et  les 
Arabes  firent  une  irruption  dans  la  Ju- 
dée, où  ils  mirent  tout  à  feu  et  à  sang. 
Joram  fut  lui-même  attaqué  d'une  hor- 
rible maladie ,  qui  lui  causa  pendant  deux 
ans  des  tourmens  incroyables ,  et  qui  le 
fit  mourir  l'an  885  avant  J.-C,  comme 
le  prophète  Elie  l'avait  prédit.  On  le 
priva  de  la  sépulture  des  rois.     • 

JORDAEKS  f  Jacques  ) ,  célèbre  pein- 
tre de  l'école  flamande  ,  né  à  Anvers  en 
1594,  fut  élève  de  Van  Oort  dont  il 
épousa  la  fille ,  puis  de  Rubens ,  auquel 
il  causa  de  la  jalousie  par  sa  manière 
forte ,  vraie  et  suave.  On  dit  que  Rubens , 
craignant  qu'il  ne  le  surpassât,  l'occapa 
long-temps  à  faire  en  détrempe  des  car- 
tons de  tapisserie ,  et  qu'il  affaiblit  ainsi 
son  pinceau  fier  et  vigoureux.  Jordacns 
excella  dans  les  grands  sujets  et  dan-j  les 
sujets  plaisans.  U  embrassait  tous  les 
genres  de  peinture,  et  réussissait  presque 
dans  tous.  On  remarque  dans  ses  ou- 
vrages une  parfaite  intelligence  du  clair- 
obscur,  beaucoup  d'expression  et  de 
vérité;  ils  manquent  quelquefois  d'élé- 
vation et  de  noblesse  Ses  principaux  ta- 
bleaux sont  à  Anvers  et  dans  quelques 
autres  villes  du  Brabaut  et  de  la  Flandre. 
Le  musée  du  Louvre  possède  de  cet  ar- 
tiste 4  tableaux ,  qui  sont  les  quatre  évan- 
gélistes;  le  roi  boit  ;  les  Vendeurs  chas- 
sés du  Temple  et  le  concert  de  famille. 
On  a  souvent  attribué  à  Rubens  un  des 
plus  grands  tableaux  de  Jordaens,  Jésua^ 
Christ  au  milieu  des  docteurs.  Il  a  gravé 
quelques-uns  de  ses  tableaux ,  les  Ven- 
deurs chassés  du  temple;  Jupiter  allaité 
par  la  chèvre  Amalthée  ^  etc.  Il  mourut 
en  1678 ,  à  84  ans. 

JORDAN,  général  des  dominicains, 
né  à  Borrcntrick  dans  le  diocèse  de  Pa- 
derborn,  gouverna  son  ordre  avec  sa 
gesse,  et  y  fit  fleurir  la  science  et  lu 


JOR 

piété.  Il   périt  dans  la  mer, 


2i 


JOR 


auprès  de 
Satalie,  en  revenant  de  la  Terre-Sainte, 
l'an  ^237.  C'est  lui  qui  introduisit  l'usage 
de  chanter  le  Salve  Regina  après  les 
compiles ,  que  les  dominicains  chantent 
toute  l'année,  tandis  que,  dans  lusuge 
ordinaire,  on  chante  successivement 
Aima  Redemptoris  Mater;  Ave  Regina 
çœlorum  ,  Regina  Cœli;  et  Salve  Regina. 
On  a  de  lui  une  Histoii-e  de  l'origine  de 
son  ordre ^  que  le  père  Echard  a  insérée 
dans  sou  histoire  des  écrivains  domi- 
nicains. 

J01\DAIV( RAYMOND),  rotjez  IDIOT. 

JORDAN  (  Chaules-Etienne  ) ,  né  à 
Berlin  en  1700 ,  d'une  famille  originaire 
du  Dauphiné,  remplit  les  fonctions  de 
ministre  de  la  prétendue  réforme;  il  fui 
conseiller  privé  du  grand  directoire  fran- 
çais, curateur  des  universités,  et  vice- 
président  de  l'académie  des  sciences  de 
Berlin,  où  il  mourut  en  1745.  Ses  ou- 
vrages ne  donnent  pas  une  grande  idée 
de  son  esprit.  Les  principaux  sont  : 
I  Y/Iistoire  d'un  voyage  littéraire  en 
France ,  en  Angleterre  .  en  Hollande  ^ 
eemée  d'anecdotes  satiriques,  in-12;  |  un 
Recueil  de  littérature ,  de  philosophie 
et  d'histoire  ^  in-i2,  où  l'on  trouve  quel- 
ques bonnes  remarques  et  plusieurs  mi- 
nutieuses. Il  était  lié  avec  les  pliiloso- 
phes  les  plus  hardis  de  son  temps  ,  et 
était  un  des  littérateurs  favoris  de  Fré- 
déric II  ;  il  publia  sa  Correspondance 
avec  ce  roi  philosophe.  C'est  le  10^  vol. 
des  œuvres  posthmnes  du  roi  de  Prusse. 

•  JORDAN  (Camille),  membre  de  la 
chambre  des  députés,  né  à  Lyon,  le  11 
janvier  1771,  d'une  famille  recomman- 
dable  de  négocians,  lit  ses  études  au  col- 
lège de  l'Oratoire  ,  puis  au  séminaire  de 
Saint-Irénée ,  dépendant  de  celui  de 
Saint-Sulpice.  En  1788,  étant  à  peine  âgé 
de  dix-huit  ans ,  il  assista  chez  Claude 
Perrier ,  son  oncle  maternel ,  à  la  fameuse 
assemblée  des  états  du  Dauphiné,  tenus  à 
Vizille  dans  le  château  de  ce  dernier.  11 
fit,  en  1790,  un  voyage  à  Paris,  où  il 
assista  avec  assiduité  aux  séances  de  l'as- 
semblée Constituante.  Jordan  avait  reçu 
dans  la  maison  paternelle  et  dans  les 
deux  élaMissemensoù  il  avait  étudié,  des 
principes  très  religieux.  Aussi  le  vit-on 
se  déclarer  contre  la  conslilution  civile 
du  clergé ,  et  il  publia  même  à  ce  sujst 
divers  écrits  remarquables.  Plus  tard 
lorsque  la  ville  de  Lyon  tenta  de  résister 
au  parti  delà  Montagne,  Camille  Jor- 
dan, qui  se  trouvait  dans  cette  ville  ,  fut 


un  des  plus  ardens  soutiens  de  l'insur- 
rection; il  comballil  dans  la  sanglante 
journée  du  29  mai  1793  ,  et  parcourut  en- 
suite les  provinces  voisines  pour  rallier 
de  nouvelles  forces  à  la  cause  de  ses  con- 
citoyens. Après  la  réduction  de  Lyon  ,  il 
se  réfugia  en  Suisse ,  où  il  resta  durant 
six  mois ,  et  passa  de  là  en  Angleterre. 
Il  se  lia  dans  ce  pays  avec  plusieurs 
proscrits  français,  entres  autre  Mallouet , 
Lally-Tollendal  et  Ca/.ales  ,  et  y  fit  la 
connaissance  de  plusieurs  membres  in- 
fluens  du  parlement ,  tels  que  Fox  ,  lord 
Erskine ,  et  lord  Holland.  Après  le  9  ther- 
midor, les  proscrits  de  Lyon  purent  re- 
venir en  France  ;  Camille  Jordan  y  ren- 
tra en  1796  ,  et  l'année  suivante,  lors  du 
renouvellement  du  second  cinquième  du 
conseil  des  Cinq-cents ,  il  fut  député  à 
cette  assemblée  par  les  électeurs  de  sa 
ville  natale.  Il  y  lit  briller  ses  talens  oia- 
toires  et  acquit  de  nouveaux  amis  dans 
les  personnes  de  MM.  Royer-Collard, 
Barbé-Marbois,  Boissy-d'Anglas  ,  etc.  Lo 
U  juin ,  il  défendit  Lyon  qu'on  accusait 
d'être  un  foyer  de  coiitre-révolution ^  un 
réceptacle  d'assassins  et  de  bandits.  Le 

17  (29  prairial  an  5),  il  présenta  son 
fameux  rapport  sur  la  police  des  cultes, 
et  demanda  pour  eux  tous  une  entière 
liberté,  la  révocation  des  lois  antérieure?, 
sans  exiger  des  prêtres  ni  serment,  ni 
promesse,  et  il  insista  en  outre  sur  le 
rétablissement  des  cloches  dans  les  églises 
des  villes  et  des  campagnes;  mais  ses 
propositions  ne  furent  adoptées  que  par- 
tiellement ,  et  elles  donnèrent  même 
lieu  à  quelques  mauvaises  plaisanteries  , 
telles  que  le  surnom  de  Jordan-Cloche 
qui  fut  donné  à  l'orateur.  Lorsque  le 
coup  d'étal  du  18  fructidor  an  5  fut 
frappé,  son  nom  se  trouva  porté  sur  les 
listes  de  proscription  ;  mais  il  en  conçut 
si  peu  de  frayeur,  que  M.  de  Gérando, 
s'étant  rendu  chex   lui,  dans  la  nnit  du 

18  au  19  fructidor  ,  eut  de  la  peine  à  l'ar- 
racher de  son  lit  et  à  l'emmener  dans  la 
retraite  qui  lui  avait  été  préparée  chez 
M'"'  de  Griinaldi.  Dès  le  19.  il  lit  im- 
primer et  distribuer  une  Adresse  à  ses 
co7nmettans.  Ses  amis,  qui  l'avaient 
soustrait  au  premier  danger,  lui  fourni- 
rent les  moyens  de  sortir  de  France,  et 
M.  de  Gérando  l'accompagna  même  dans 
son  exil.  Les  deux  amis  se  rendirent  à 
Bâle,  et  ce  fut  dans  cette  ville  que  Ca- 
mille Jordan  composa  et  publia  sa  pro- 
testation contre  le  18  fructidor.  Cet  écrit 
intitulé  :  Camille  Jordan .  député  du  dé- 


JOR 


22 


JOR 


parlement  du  Rhône .  à  ses  commettans. 
sur  la  révolution  du  k  septembre  1797 , 
fut  traduil  aussitôt  en  plusieurs  langues. 
II  quitta  Bàle,  et  se  rendit  dans  la  ville  de 
Neuchâtel,  près  de  laquelle  il  faillit  être 
arrête;  mais  il  fut  encore  sauvé  par 
M.  de  Gérando.  Il  alla  en  Souabe,  à 
Tubingen,  et  enfin  à  Weimar,  où  il  vit 
les  écrivains  les  plus  célèbres  de  l'AUe- 
ntiagne  ,  Goethe ,  Wieland ,  Schiller ,  Her- 
ôer,  etc. ,  et  où  il  étudia  avec  ardeur  la 
littérature  et  la  philosophie  allemandes. 
En  février  1800,  il  revint  en  France  ,  et 
habita  pendant  quelque  temps  la  maison 
de  M""'  de  Staël  à  Saint-Ouen,  puis  il  re- 
tourna à  Lyon.  Le  premier  consul ,  s'é- 
tanl  rendu  dans  cette  ville  à  cette  épo- 
que ,  pour  y  tenir  la  consulte  cisalpine 
qui  devait  décider  des  destinées  de  l'Italie, 
vit  Camille  Jordan,  et  essaya  mais  inuti- 
lement d'en  faire  un  des  appuis  de  sa 
cause.  Lorsque  Bonaparte  soumit  en  ap- 
parence au  peuple  la  question  de  perpé- 
tuer le  consulat  dans  sa  personne ,  Ca- 
mille Jordan,  dans  un  écrit  intitulé  : 
frai  sens  du  vote  national  sur  le  con- 
sulat à  tne^  1802  ,  signala  les  manœuvres 
employées  par  la  police  pour  déternii- 
ner  les  suffrages  populaires ,  et  dévoila 
les  vues  ultérieures  et ,  selon  lui ,  mena- 
çantes du  premier  consul ,  aux  grandes 
qualités  duquel  il  rendait  cependant  jus- 
tice. L'auteur  de  cet  écrit  anonyme  fut 
vivement  recherché,  et  on  arrêta  un 
M.  Duchesne  qui  en  avait  remis  le  ma- 
nuscrit à  l'imprimeur.  Camille  Jordan  se 
fit  alors  connaître ,  mais  il  ne  fut  point 
inquiété.  Use  retira  à  Lyon  ,  où  il  se  maria 
en  1805 ,  et  fut  reçu  dans  l'académie  de 
cette  ville,  à  laquelle  il  lut  plusieurs 
morceaux  fort  remarquables  ,  parmi  les- 
quels on  doit  distinguer  un  Discours  sur 
l'influence  réciproque  de  l'éloquence  sur 
la  révolution  et  de  la  révolution  sur  l'é- 
loquencj  ;  un  Eloge  de  V avocat-général 
Servait,  et  des  Etwles  sur  Klopslock , 
l'auteur  de  la  Messiade ,  dans  lesquelles 
sont  passées  en  revue  les  principales  pro- 
ductions philosophiques  et  littéraires  de 
l  Allemagne,  et  qui  ont  précédé  le  livre 
de  ftï""^  de  Staël.  Au  mois  de  mars  1814, 
la  ville  de  Lyon  le  nomma  membre  d'une 
depulation  qu'elle  envoyait  à  Dijon ,  au- 
I»rès  de  l'empereur  d'Autriche  ,  pour  ob- 
tenir un  allégement  des  charges  de  la 
guerre.  Cette  députalion  avait  une  autre 
mission  secrète,  qui  était,  dit-on,  de 
demander  le  rétablissement  des  Bour- 
bon». De  retour  à  Lyon  ,  Camille  Jordan 


assista ,  le  8  avril  à  la  séance  où  le  con- 
seil municipal  proclama  Lcuis  XVIII.  Un 
mois  après,  il  fut  compris  de  la  dépu- 
tation  envoyée  à  Paris  pour  adresser  ai 
monarque  les  hommages  dans  la  ville  de 
Lyon,  et  il  recul  du  roi,  à  cette  occasion , 
des  lettres  de  noblesse  ;  puis  il  fut  nommé 
chevalier  de  la  légion-d'honneur  ,  par  la 
comte  d'Artois ,  lorsque  ce  prince  vint  à 
Lyon  en  mars  1815 ,  pour  organiser  des 
moyens  de  résistance  contre  Bonaparte 
qui  avait  débarqué  à  Cannes.  Jordan  fut 
le  dernier  qui  se  sépara  du  prince.  Apres 
la  seconde  restauration  ,  ses  compatriotes 
l'envoyèrent  en  Angleterre  pour  récla- 
mer la  délivrance  d'un  legs  fait  à  leur 
ville  par  le  major-général  Martin  ,  mort 
aux  Indes  ,  et  il  l'obtint.  Le  ministère  lui 
offrit  ensuite  la  présidence  du  collège 
électoral  du  département  du  Bhône  ,  que 
le  mauvais  état  de  sa  santé  ne  lui  permit 
point  d'accepter.  Nommé  bientôt  après 
député  par  le  département  de  l'Ain ,  i] 
vola  d'abord  avec  le  ministère  dans  les 
sessions  de  1816,  1817  et  1818.  A  par- 
tir de  cette  dernière  année ,  il  se  raj)- 
procha  de  l'opposition,  en  se  montrant 
toutefois  constamment  motléré.  Il  avait 
été  nommé,  en  1817,  conseiller-d'état, 
puis  appelé  dans  le  conseil  privé  du  roi. 
Son  système  d'opposition  ayant  bientôt 
pris  un  caractère  plus  décidé,  Camille 
Jordan  vil  son  nom  rayé ,  après  la  session 
de  181i),  du  tableau  du  conseil-d'état, 
mais  il  conserva  le  titre  de  conseiller  ho- 
noraire. Il  partagea  encore  les  travaux  de 
la  session  de  1820,  quoique  sa  santé  fût 
déjà  très  délabrée.  Il  mourut  à  Paris ,  au 
njilieu  de  sa  famille  et  de  ses  amis,  le  19 
mai  1821 ,  et  ses  restes  furent  déposés  au 
cimetière  du  Père  Lachaise.  Il  serait  dif- 
ficile d'indiquer  avec  précision  quel  était 
le  système  politique  que  Camille  Jordan 
s'était  créé  dans  les  derniers  temps ,  et 
qu'il  paraissait  avoir  résumé  dans  une 
sorte  d'éclectisme  ,  où  se  heurtaient  plu- 
sieurs dogmes  contradictoires.  Il  se  mon- 
tra toujours  attaché  à  la  religion,  et  lors- 
qu'il senlit  sa  fin  approcher  ,  il  s'y  pré- 
para en  chrétien.  On  le  voyaitsouvent  dans 
les  églises ,  même  aux  jours  non  comman- 
dés par  le  précepte.  Le  jour  de  sa  mort, 
il  avait  dicté  quatre  pages  d'un  discours 
sur  la  loi  relative  aux  établissemens  ec- 
clésiastiques ;  il  ne  put  le  terminer  ;  un 
prêtre  de  sa  paroisse  vint  lo  visiter ,  et 
lui  administra  l'extrême-onction.  On  a  de 
lui  les  ouvrages  suivans  :  |  Lettre  à  M. 
Lamourette  se  disant  évéque  de  Bhânc- 


JOÎl 

st-Loire  et  métropolitain  du  Sud-est  ^ 
Lyon ,  1792  ,  in-S",  (  avec  M.  de  Gérando). 
Cette  épître  sur  l'instruction  pastorale  de 
M.  Lamourette  est  du  16  juillet,  et  C. 
Jordan  combat  cet  évêque  constitu- 
tionnel par  des  raisons  et  des  autorités 
concluantes.  A  la  suite  de  la  lettre,  on 
trouve  deux  Postcriptum,  l'un  sur  l'é- 
lection de  Lamourette,  l'autre  sur  son 
mandement  du  16  septembre.  |  Histoire 
de  la  conversion  d'une  dame  paii- 
«/enne,  Paris,  1792,  in-S".  Cette  fiction, 
écrite  avec  un  talent  remarquable,  re- 
présente une  femme  d'abord  éprise  de  la 
révolution ,  et  qui  en  est  bientôt  désa- 
busée. Cet  écrit  est  également  dirigé 
contre  l'Eglise  constilutioimelle.  |  La  loi 
et  la  religion  vengées  sur  les  troubles 
arrivés  dans  l'église  de  France ,  Paris , 
1792 ,  in-S".  C'est  une  réclamation  éner- 
gique contre  les  persécutions  des  révo- 
lutionnaires envers  les  catholiques  atta- 
chés à  leurs  pasteurs  légitimes.  Cet  écrit 
est  signé ,  le  citoyen  Simon.  \  Discours 
sur  la  liberté  ,  la  police  et  l'exercice  des 
cultes ,  prononcé  dans  le  conseil  des  Cinq- 
cents  ,  «n  5  (  1797  )  ;  ]  Vrai  sens  du  vote 
national  sur  le  consulat  à  vie .  1802^  in- 
8",  etc.  1  Réponse  de  M.  Camille  Jordan^ 
député  du  département  de  l'Ain  ^  à  un 
discours  sur  les  troubles  de  Lyon,  etc., 
et  réponse  de  M.  Cotton  ,  député  du  dé- 
paî'tement  dti  Rhône ,  à  M.  Camille  Jor- 
dan, Paris,  1818;  ]  La  session  de  1817^ 
aux  habitons  des  départemens  de  l'jlin 
et  du  Rhône,  Paris,  1818.  Jordan  a  fait 
insérer  dans  le  Journal  intitulé  VJbeille 
(  1820  à  1821  )  quelques  fragmens  de 
Klopstock  et  de  Schiller,  traduits  en 
prose.  On  trouve  des  Discours  de  Jor- 
dan dans  une  collection  qui  a  pour 
titre  :  Choix  des  rapports ,  opinions  et 
discours  prononcés  à  la  tribune  natio- 
nale de  Paris,  Eymery,  1819,  1822,  2 
vol.  in-8°.  Rien  ne  fait  mieux  con- 
naître les  opinions  de  C.  Jordan  sur 
la  révolution,  qu'une  brochure  impri- 
mée à  Londres,  vers  1798,  ayant  pour 
litre  :  Robespierre  aux  frères  et  amis .  et 
Camille-Jordan  aux  fils  légitimes  de  la 
monarchie  et  de  l'Eglise.  C'est  un  pam- 
phlet non  seulement  contre  Robespierre , 
mais  aussi  contre  Jordan  ,  qu'on  s'y  plaît 
à  faire  parler  d'une  manière  ridicule.  On 
trouve  àwnhVAmide  la  religion,  dans  la 
Revue  encyclopédique,  tom.  10,  pag. 
494 ,  et  dans  VJbeille  de  1821 ,  des  Noti- 
ces sur  Camille  Jordan  :  celte  dernière 
est  (Je  M""  Dufresnoy.  On   a  publié  en 


25  jon 

t826  ses  discours  protioncés  à  la  ttibune , 
précédés  de  son  éloge  par  M.  Ballanche^ 
d'une  lettre  de  M.  de  Gcrando  sur  sa  viô 
privée  ,  suivis  des  discours  prononcés  sur 
sa  tombe  par  MM.  Royer-Collard  et  de 
St.-Aulaire. 

JORDANS.  Voyez  JORDAENS. 

♦  JOUDAÎVS  ou  GIORDANO  (Luc),  pein- 
tre, surnommé  Fa-presto.  à  cause  de  la  cé- 
lérité avec  laquelle  il  travaillait ,  naquit  i 
Naplesenl652.  PaulVéronèsefutle  modMe 
auquel  il  s'attacha  le  plus.  Le  roi  d'Es- 
pagne Charles  II  l'appela  auprès  de  lui 
pour  embellir  l'Escurial.  Le  roi  et  la  reine 
prenaient  plaisir  à  le  voir  peindre ,  et  lui 
pernictlaieiit/esecouvrirenleur  présence. 
Jordans  avait  une  humeur  gaie,  et  des 
saillies  qui  amusaient  la  cour.  L'aisance 
et  la  grâce  avec  laquelle  il  maniait  le 
pinceau  se  faisaient  remarquer  de  tout  le 
monde.  La  reine  lui  parla  un  jour  de  sa 
femme,  et  témoigna  avoir  envie  de  la 
connaître.  Le  peintre  aussitôt  la  repré- 
senta dans  le  tableau  qui  était  devant  lui , 
et  fit  voir  son  portrait  à  Sa  majesté  qui  fut 
d'autant  plus  étonnée,  qu'elle  ne  se  dou- 
tait point  de  son  intention.  Cette  prin- 
cesse détacha  dans  l'instant  son  collier  de 
perles  ,  et  le  donna  à  Jordans  pour  son 
épouse.  Le  roi  lui  montra  un  jour  un 
tableau  du  Bassan  ,  dont  il  était  fâché  de 
n'avoir  pas  le  pendant;  Jordans  peu  de 
jours  après  en  présenta  un  au  roi 
qu'on  crut  être  de  la  main  du  Bassan  ;  et 
l'on  ne  fut  désabusé  que  quand  il  fit  voir 
que  le  tableau  était  de  lui-même.  Tel  était 
le  talent  de  Jordans  ;  il  imitait  à  son  gré 
tous  les  peintres  célèbres.  Le  roi  s'alla- 
chant  de  plus  en  plus  à  ce  savant  artiste  , 
le  nomma  chevalier.  Apres  la  mort  de 
Charles  II,  il  revint  dans  sa  patrie,  oii 
il  mourut  en  1705.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  à  l'Escurial ,  à  Madrid ,  à  Flo- 
rence et  à  Rome.  Ses  tableaux  sont  en 
trop  grand  nombre ,  pour  que  la  plupart 
ne  soient  pas  incorrects;  mais  il  en  a 
laissé  quelques-ims  de  très  finis  et  très 
gracieux.  On  cite  parmi  ses  compositions 
V Enlèvement  des  Sabines ,  et  celui  d'^u- 
rope ,  tous  deux  gravés  par  Beauvarlet  ; 
Sainte  Cécile  mourante ,  gravé  par  F.  Bar- 
toloz7.i ,  La  présentation  de  Jésus  au  temr 
pie,  qu'on  voit  au  Musée  de  Paris  ,  etc. 

JORDAJSUS  BRUi\US.  Voyez  BRU- 
NUS. 

JORÎVAIVDÈS  ou  JORDANÈS  ,  évêquo 
de  Ravenne ,  goth  d'origine ,  fut  notaire 
du  roi  des  Alains ,  en  Italie,  sous  l'empire 
de  Justinien;   ainsi   il   vivait    en  552.11 


JOS, 


2k 


JOS 


en>l)rassa  le  chrisiianisme,  et  obtint  le 
sioyc  épisropal  de  Ravennc.  Voilà  tout 
ce  qu'on  sait  de  sa  vie.  On  a  de  lui  deux 
ouvrages,  dont  l'un  porte  pour  litre  : 
De  rébus  gothicis  :  c'est  l'histoire  des 
Goths  jtisim'au  règne  de  Yiligès;  elle  se 
trouve  dans  la  UihliolJièque  des  Pères. 
KUe  a  été  traduite  par  l'ahbc  de  Mauper- 
luis.  Klle  est  si  conforme  à  V Histoire  des 
Goths  par  Cassiodors,  (ju'on  croit  que  ce 
n'en  est  qu'un  abrégé.  L'autre  est  inti- 
tulé :  De  origine  mundi .  de  rcrum  et 
temporum  sucressione  ,  1017  ,  in-S°  :  c'est 
un  abrégé  chronologique  de  l'histoire 
jusqu'à  son  époque  ;  elle  se  trouve  dans 
la  Bibliothèque  dss  Pères.  Pour  cet  ou- 
vrage, Jornandès  a  beaucoup  pris  de 
Florus  sans  le  citer.  Cet  auteur  est  d'ail- 
leurs trop  partial,  surtout  dans  les  en- 
droits où  il  parle  des  Goths.  L'ouvrage  de 
Jornandès  intitulé  :  De  origine  mundi . 
a  été  aussi  iniprimc  à  Bàle  in  1551  ,  et  se 
trouve  dans  plusieurs  recueils  historiques 
et  dans  la  coUccliosi  des  historiens  de 
Histoire  auguste  de  Gruter,  Hanaut,  1611, 
etc. 

JORTIN  (John  ) ,  théologien  anglican, 
né  à  Londres  en  1698,  mourut  en  1770, 
dans  la  même  ville  où  il  était  archidiacre  : 
il  avait  été  successivement  chapelain, 
puis  prébendaire  de  suint  Paul  et  ministre 
de  Kensinjjlo:!.  Il  passa  toute  sa  vie  à 
écrire  cl  à  publier  des  ouvrages.  Les 
principaux  sont:  |  fie  d'Erasme ,  Lon- 
dres, 1758,  in-4°;  |  Remarques  sur  les 
ouvrages  d'Erasme  avec  un  appendice, 
1760,  in-Zi.",  réimprimé  en  1807,  en  2 
\ol.  in-8°  :  c'est  une  suite  de  l'ouviagc 
précédent.  \I)bsers>ations  sur  les  auteurs 


afnciensetmmernes.  173 1 , 2  vol.  in-S";  |  Six 
Dissertatiofis  sur  différens  sujets^  1755, 
in-8";  |  Remarques  sur  l'Histoire  ecclé- 
siastique ,  1751 ,  5  vol.  in-8"  dont  les  deux 
derniers  ne  parurent  qu'après  la  mort  de 
l'auteur;  ouvrage  entrepris  pour  y  étaler 
les  préjugés  de  la  secte  ;  |  Sermons  sur  la 
vérité  de  la  religion  chrétienne  ^  1750. 
Ils  sont  tous  écrits  en  anglais.  Il  a  paru 
une  édition  des  OEuvres  complètes  de 
Jortin ,  en   1775. 

JOSABET»,  femme  du  grand-prêtre 
Joïada  ,  sauva  Joas  du  massacre  que  fai- 
sait Alhalie  des  princes  du  sang  do  David. 
royez  JOAS. 

JOSAPHAT,  fils  et  successeur  d'Asa  , 
roi  de  Juda ,  l'an  9H  avant  J.-C. ,  fut  un 
des  plus  pieux  souverains  de  ce  royaume. 
11  détruisit  le  culte  des  idoles,  et  envoya 
des  lévites  et  des  docteurs  dans  toutes  lea 


provinces  de  son  obéissance ,  pour  in- 
struire le  peuple  de  ce  qui  concernait  la 
religion.  Il  réforma  aussi  l'es  abus  qiii 
s'«>laient  glissés  dans  la  police  cl  dans  la 
milice.  L'Ecriture  reproche  cependant  à 
ce  prince  d'avoir  fait  épouser  à  son  lils 
Joram  ,  Athalie  ,  fille  d'Achab ,  qui  fut  la 
ruine  de  sa  maison  ,  et  d'avoir  entrepris 
la  guerre  contre  les  Syriens  avec  ce 
même  Achab.  Cette  guerre  fut  malheu- 
reuse ;  le  roi  d'Israël  y  fut  tué.  Josaphat, 
reconnaissant  la  faute  qu'il  avait  faite  en 
secourant  cet  impie,  la  répara  par  de 
nouvelles  actions  de  piété.  Mais  il  fit  une 
nouvelle  alliance  avec  Ochosias,  roi 
d'Israël,  et  Dieu  l'avertit  par  Elisée  qu'il 
l'en  punirait ,  et  que  leur  entreprise  con- 
tre les  Iduméens  échouerait;  ce  qui  ar- 
riva en  effet.  Les  Ammonites,  les  Moa- 
bites  et  les  Arabes  l'étant  venus  attaquer, 
il  s'adressa  au  Seigneur  ,  qui  lui  accorda 
la  victoire  sur  ces  peuples  d'une  manière 
miraculeuse.  Les  chantres  du  temple  se 
mirent  à  la  tête  de  ses  troupes,  et  com- 
mencèrent à  chanter  les  louanges  du  Sei- 
gneur. Leurs  voix  ayant  répandu  la  ter- 
reur parmi  les  infidèles ,  ils  s'enlre- 
tuèrent ,  et  ne  laissèrent  à  Josajibal  que 
la  peine  de  recueillir  leurs  dépouilles.  Ce 
prince  continua  le  reste  de  sa  vie  à  mar- 
cher dans  les  voies  du  Seigneur,  sans 
s'en  dclourner,  et  il  mourut  l'an  889 
avant  J.-C. ,  après  2S  ans  de  règne. 

JOSAPHAT  (le  Bienheureux),  cé- 
lèbre archevêque  de  Polocz ,  né  en  1588 
à  Wlodimir  en  Volhinie ,  de  parens  no- 
bles, se  distingua  par  sa  piété  et  son  zèle 
pour  l'union  de  l'église  russo-grecque 
avec  la  latine,  à  laquelle  la  plupart  des 
Russes ,  sujets  de  la  Pologne ,  venaient 
d'adhérer.  Il  entra  dans  l'ordre  de  Saint- 
Basile  ,  el  se  consacra  entièrement  à  l'in- 
struction des  schismatiques.  Elevé  sur  le 
siège  de  Polocz ,  il  combattit  l'erreur  avec 
tant  d'activité  et  d'ardeur,  que  plus  d'une 
fois  il  fut  sur  le  point  d'être  assassiné 
ou  précipité  dans  les  flots.  C'est  data 
ces  occasions  qu'il  signalait  sa  charité, 
en  embrassant  ses  ennemis,  en  les  in- 
struisant et  les  gagnant  à  Jésus-Christ. 
Après  des  travaux  et  des  dangers  sans 
nombre,  il  fut  attaqué  par  les  schismati- 
ques à  Vitepsk,  et  mis  à  mort  de  la  ma- 
nière la  plus  cruelle  ,  le  12  novembœ 
iG52,  à  l'âge  de  kU.  ans.  Son  corps,  jeté 
dans  la  rivière  ,  fut  retrouvé  par  les  soins 
de  la  noblesse  polonaise ,  et  rapporté  à 
Polocz.  En  1G58,  le  saint  Siège  députa 
des  commissaires  pour  en  f:iirc  ia  vii^ile; 


JOS  2 

ils  le  trouvèrent  sans  corruption ,  et  la 
plaie  de  la  tête  encore  saignante.  Urbain 
VIII  le  héalifia  le  14  mars  1641. 

JOSAPIIAT.  Voyez  BARLAAM. 

JOSEPH  ,  fils  de  Jacob  et  de  Rachel, 
frère  utérin  de  Benjamin.  Ses  autres 
frères,  envieux  de  la  prédilection  que 
son  père  avait  pour  lui,  et  de  la  supério- 
rité qxie  lui  promettaient  quelques  son- 
ges ,  méditèrent  sa  perte.  Un  jour  qu'il 
«'tait  allé  de  la  part  de  son  père  visiter 
Bes  frères ,  occupés  au  loin  dans  la  cani- 
pagne  à  faire  paître  leurs  troupeaux,  ils 
résolurent  de  le  tuer.  Mais ,  sur  les  re- 
montrances de  Ruben ,  ils  le  jetèrent  dans 
une  vieille  citerne  sans  eau ,  à  dessein 
de  l'y  laisser  mourir  de  faim.  A  peine 
fut-il  dans  la  citerne,  que  Judas  ,  voyant 
passer  des  marchands  madianites  et  is- 
maélites ,  persuada  à  ses  frères  de  le 
vendre  à  ces  étrangers.  Ils  le  leur  livrè- 
rent pour  vingt  pièces  d'argent ,  et  ayant 
trempé  ses  habits  dans  le  sang  d'un  che- 
vreau ,  ils  les  envoyèrent  tout  décliirés-el 
tout  ensanglantés  à  leur  père  ,  en  lui  fai- 
sant dire  qu'une  bête  féroce  l'avait  dé- 
voré. Les  marchands  qui  avaient  acheté 
Joseph  ,  le  menèrent  en  Egypte ,  et  le 
vendirent  au  général  des  armées  de  Pha- 
raon ,  nommé  Puliphar.  Bientôt  il  gagna 
la  confiance  de  son  maître,  qui  le  fit  in- 
tendant de  ses  autres  domestiques.  La 
feiiime  de  Puliphar  conçut  pour  lui  une 
passion  violente.  L'ayant  un  jour  voulu 
retenir  auprès  d'elle  dans  son  apparte- 
ment, le  jeune  Israélite  prit  le  parti  de  se 
sauver  en  lui  abandonnant  son  manteau, 
par  lequel  elle  l'arrêtait;  action  que  les 
saints  Pères  regardent  comme  le  fonde- 
ment de  son  élévation  et  des  bénédictions 
de  tous  les  genres  que  le  Seigneur  répan- 
dit sur  lui.  Outrée  du  refus  de  Joseph, 
cette  femme  voluptueuse  rapporta  à  son 
mari  que  l'Hébreu  avait  voulu  lui  faire 
violence,  et  que,  dans  la  résistance  qu'elle 
avait  faite ,  son  manteau  lui  était  resté 
entre  les  mains.  Putiphar  indigne  fit  met- 
tre Joseph  en  prison  :  «  Mais  la  sagesse  , 
»  dit  l'Ecriture,  y  descendit  avec  lui,  et  ne 
■  l'abandonna  pas  dans  ses  fers  :  »  Des- 
cenditqus  cuui  eo  in  foveam,  et  in  vincu- 
lis  non  dereliquil  illum.  Le  jeune  Israélite 
y  expliqua  les  songes  de  deux  prisonniers 
disthigués  qui  étaient  avec  lui.  Pharaon  , 
instruit  de  ce  fait ,  dans  un  temps  qu'il 
avait  eu  un  songe  effrayant,  que  les  de- 
vins et  les  sages  d'Egypte  ne  pouvaient 
expliquer,  fit  sortir  Joseph  de  prison.  Cet 
illustre  opprimé,  alors  âgé  de  trente  ans, 
7. 


a  JOS 

lui  prédit  une  famine  de  scj)t  ans  précé- 
dée d'une  abondance  d<j  scjjt  autres  an- 
nées. Le  roi.  plein  d'atiniiration  pour  Jo 
se})h,lui  donna  fadmini-tralion  de  son 
royaume,  et  le  fit  traverser  la  ville  sur 
uncliaiiot,  précédé  d'un  héraut,  criant 
que  tout  le  monde  ci'it  à  (lédiir  le  genou 
devant  ce  ministre,  Josepli  iil  remplir  do 
blé  des  magasins  immenses  pour  nourrir 
cluranl  la  famine,  non-seulement  les  Egyp- 
tiens, mais  encore  les  autres  nalions.  Ses 
frères  étant  venus  en  Egypte  pour  de- 
mander du  blé,  Joseph  les  reconnut  et 
feignit  de  les  prendre  pour  des  espions. 
11  les  envoya  ensuite  avec  ordre  de  lui 
amener  Benjamin,  et  retint  Siméon  pour 
otage.  Jacob  refusa  d'abord  de  laisser  aller 
Benjamin ,  le  plus  jeune  de  ses  enfans  ; 
mais  la  famine  croissant,  il  fui  contraint 
d'y  consentir.  Joseph  ayant  aperçu  son 
jeune  frère,  fils  de  Ràchel  comme  lui,  ne 
put  retenir  ses  larmes.  II  fit  préparer  un 
grand  festin  pour  tous  ses  frères,  les  plaça 
selon  leur  âge,  et  eut  des  attentions  par- 
ticulières pour  Benjamhi.  Il  se  fit  enfin 
connaître  à  ses  frères  ,  leur  pardonna  et 
les  renvoya,  avec  ordre  d'amener  promp- 
tement  leur  père  en  Egypte.  Jacob  eut  la 
consolation  de  finir  ses  jours  auprès  de 
son  fils,  dans  la  terre  de  Gessen  ,  que  le 
roi  lui  donna.  Joseph,  après  avoir  vécu 
110  ans,  et  avoir  vu  ses  pelits-liis  jusqu'à 
la  5*  génération,  tomba  malade.  Il  appela 
ses  frères,  leur  prédit  que  Dieu  les  ferait 
entrer  dans  la  Terre  promise ,  et  leur  fit 
jurer  qu'ils  y  transporteraient  ses  os.  C'est 
ce  qu'exécuta  Moïse,  lorsqu'il  tira  les 
Israélites  de  l'Egypte ,  et  ce  corps  fut  don- 
né en  garde  à  la  tribu  d'fchraïm,  qui 
l'enterra  près  de  Sichem,  dans  le  champ 
que  Jacob  avait  donné  en  propre  à  Joseph 
peu  avant  sa  nu^rt.  Ce  patriarche  mourut 
l'an  1635  avant  J.-C,  après  avoir  gouver- 
né l'Egypte  pendant  80  ans.  Il  laissa  deux 
fils,  Manasscs  et  Ephraïm,  qu'il  avait  eus 
de  sa  femme  Asenelh ,  fille  de  Putiphar, 
grand-prétre  d'Hcliopolis,  et  qui  lui  fu- 
rent substitués  connne  chefs  de  deux  tri- 
bus. Tout  le  monde  connaît  son  Histoire, 
en  prose  poétique,  par  M.  Bilaubé.  Le 
père  Gab.-Jos.  le  Jay  a  tiré  de  l'Histoire 
de  Joseph  le  sujet  de  trois  tragédies  tou- 
chantes, et  particulièrement  intéressantes 
Iiour  les  jeunes  élèves  ,  par  lesquels  et 
pour  lesquels  elles  étaient  représentées. 
L'abbé  Genest  en  a  donné  une  autre  sur 
le  même  sujet  ,  et  M.  Baour-Lormian  a 
reproduit  rbi^foire  de  Joseph  dans  son 
Omasis.  Les  saints  Pères  ont  eu  soin  de 
5 


JOS  2fi 

/air<*  rriiKirriuer  les  r;iracl{'rc=;  q^i  fonl  ilt- 
Joseph  la  li{jmo  cf  une  image ,  quoique 
imparfaite.,  de  J.-C,  vendu  et  trahi  fiar 
les  siens,  sauveur  de  son  peuple  et  de 
tous  les  pcui)lcs  de  la  terre.  C'est  effecli- 
vcment  xme  des  plus  belles  figures  de 
l'Ancien  Testament,  qui,  de  l'aveu  même 
des  Juifs,  nommément  de  Fhilon  et  de 
Jdsèplie,  était  tout  fl{ruralif,  ronnue  saint ^ 
Paul  le  montre  amplement  dans  son  Epî- 
tre  aux  Hélireux.»  Parées  figures,  «lit  un 
»  théologien  exael  et  profond  ,  Dieu  avait 
»  dessein  de  rendre  sensii>les  les  mystères 
»  futurs  de  son  Fils,  potir  ceux  à  qui  il  en 
»  doîuiait  dès  lors  rinlelligence  par  une 
»  lumière    inlérieuic,    et  d'affermir  un 

•  jour  dans  la  foi  de  ces  mêmes  luysières 
»  ceux  qui,  après  l'accomplissement,  ver- 
»  raient  le  rapport  frappant  qui  se  trouve 
»  crjtre  les  ligures  et  ces  mystères  :  car 
»  quoique  ce  ra])porl  ait  été;  obscur  et 
»  comme  voilé  avant  l'événement,  il  est 
»  certain  qu'aujourd'buiron  ne  peut  com- 
»  parer  les  faits  de  l'Evangile  avec  ceux 
»  de  l'Ancien  Testament  sans  être  vive- 
»  ment  frappé  de  la  parfaite  conformité 
»  que  l'on  y  remarque  aisément,  et  sans 
■  être  intimement  persuadé  que  la  sagesse 
p  divine  a  eu  intention  de  représenter  les 
»  uns  ])ar  les  autres.  i>  C'est  ce  qui  a  fait 
dire  à  Tertullien  :  l/f  verbis  ita  et  rébus 
jrropkctariim  ;  ci  à  saint  Augustin  :  JUo- 
rum  non  tantum  Ungua .  sed  et  vita  pro- 
pketicafuit.  (  Voyez  JON  AS,  MOÏSE,  etc.  ) 
IndépcndanuTient  de  cette  allégorie,  l'his- 
toire de  Joseph  fiit  naître  les  réflexions 
les  plus  religieuses  conmie  les  plus  sen- 
sées. «  Que  les  voies  de  Dieu  sont  admi- 
»  rablcs  »  (s'ftrie  un  auteur  qui  a  déve- 
loppé admirablement  tous  les  traits  de 
cette  histoire  touc^lante)!  «  Quelle  force 
»  dans  les  ressorts    cachés   de  sa  provi- 

•  dencc!  Il  change  la  faiblesse  eu  puis- 
t  sance  ,  et  exécute  ses  desseins  par  les 
»  obstacles  mêmes  qu'on  lui  oppose.  » 

JOSCPH,  llls  de  Jacob,  petil-fils  de 
I^îathan,  époux  de  la  sainte  Vierge,  et  père 
jiutatif  de  Jésus-Christ,  était  de  la  tribu 
de  Juda  et  de  la  famille  de  David.  On  ne 
sait  point  quel  fut  le  lieu  de  sa  naissance, 
mais  on  ne  peut  douter  qu'il  ne  fût  établi 
à  Nazareth,  petite  ville  de  Galilée,  dans 
la  tribu  de  Zabulon.  Il  est  constant  par 
l'Evangile  même  qii'il  était  artisan  ,  puis- 
ijuc  les  .Tuifs,  parlant  de  Jésus-Christ, 
disent  qu'il  était  fabri  fiUus.  Il  était  fiancé 
8  la  vierije  ?.Tarie.  Le  mystère  de  l'incar- 
nation du  (lis  do  Dieu  ne  fut  pas  d'abord 
révélé  à  Joseph.  Ce  saint  homme  ,  ayant 


JOS 


rouiarfjué  la  grossesse  de  son  épo:i<i(^, 
voidut  la  renvoyer  secrèfeinenl  ;  mais 
l'ange  du  Seigneur  lui  apparut,  et  lai  ré- 
véla le  mystère.  Joseph  n'eut  jamais  de 
commerce  conjugal  avec  la  sainte  Vierge. 
Il  l'accompagna  à  Bethléem,  lorsqu'elle 
mit  au  monde  le  fils  de  Dieu.  Il  s'enfuit 
ensuite  en  Egypte  avec  Jésus  et  Marie, 
et  ne  retourna  à  Na/areth  qu'après  la 
morld'Hérode.  L'Ecriture  dit  que  Joseph 
allait  tous  les  ans  à  Jértisalem  avec  la 
sainte  Vierge  pour  y  célébrer  la  fête  de 
Pâques,  e»  qu'il  y  mena  J.-C.  à  l'âge  de 
douze  ans.  Elle  ne  rapporte  rien  de  plus 
de  sa  vie  ni  de  sa  mort.  On  croit  néan- 
wnoins  qu'il  mourut  avant  Jésus-Christ  ; 
car  s'il  eût  été  vivant  du  temps  de  la  pas- 
sion, on  pense  que  le  Fils  de  Dieu,  expi- 
raJil  s>ir  la  croix  ,  lui  eût  recommandé  la 
sainte  Vierge  sa  mère,  et  non  point  à 
saint  Jean.  On  a  été  long-temps  dans  l'E- 
glise sans  rendre  un  culte  religieux  à  saint 
Jost'ph,  vraisemblablement  pour  ôter  aux 
inlîdèles  l'idée  qu'il  était  le  père  de  Jé- 
sns-Christ.  où  pour  les  empêcher  d'attri- 
buer ce  blasphème  aux  chrétiens.  Sa  fête 
était  établie  en  Orient  long-temps  avant 
que  de  l'être  en  Occident.  On  dit  que  les 
carmes  sont  les  premiers  qui  l'ont  célé- 
brée en  Europe.  Sixte  IV  l'institua  pour 
Home  ,  et  ]dusieurs  églises  ont  suivi  de- 
puis cet  exemple.  On  célèbre  sa  fête  le  19 
mars. 

JOSEPH  B\RS\r,\S  ,  surnommé  le 
Juste.  Voyez.  BARS  A  BAS. 

JOSEPH,  ou  JOSUÉ,  fils  de  Marie,  sœur 
de  la  sainte  Vierge,  et  de  Cléophas  ,  frère 
de  saint  .loseph,  était  frère  de  saint  Jac- 
ques le  Mineur,  et  proche  parent  de  J.-C. 
selon  la  chair.  L'Ecriture  ne  nous  apprend 
rien  de  plus  à  son  sujet. 

JOSEPH  D'ARIMATHIE,  prit  ce  nom 
d'une  petite  ville  de  Judée,  située  sur  la 
mont  Ephra'iin,  dans  laquelle  il  naquit. 
Il  vint  demeurer  à  Jérusalem,  où  il  acheta 
des  maisons.  Saint  Matthieu  l'appelle 
riche ,  et  saint  Marc  un  noble  dècurion  . 
c'est-à-dire,  conseiller  ou  sénateur.  Cet 
office  lui  donnait  entrée  dans  les  plus  cé- 
lèbres assemblées  de  la  ville  :  c'est  en 
cette  qualité  qu'il  se  trouva  chex  le  grand- 
prêtre  Caïphe,  lorsque  Jésus-Christ  y  fut 
mené;  mais  il  ne  voulut  point  consentir 
à  sa  condamnation.  L'Evangile  nous  ap- 
prend (jue  c'était  un  homme  juste  et  ver- 
tueux, du  nombre  de  ceux  qui  attendaient 
le  royaume  de  Dieu.  Il  était  même  disci- 
ple de  J.-C. ,  mais  il  n'osait  se  décorer 
ouvertement,  par  la  crainte  des  JuifSr 


JOS 


27 


JOS 


Ai>rè9  la  mort  du  Sauveur,  il  alla  hardi- 
ment trouver  Pilate,  et  lui  demanda  le 
corps  de  Jésus-Christ  pour  l'ensevelir;  il 
I  obtint,  et  le  mit  dans  un  sépulcre  neuf 
qu'il  avait  fait  creuser  dans  le  roc  d'une 
ÎTrolle  de  son  jardin.  L'Ecriture  ne  dit  plus 
rien  de  Joseph  d' Ariiuathie  ;  mais  on  croit 
qu'il  se  joiynit  aux  disciples  ,  et  qu'après 
avoir  passé  le  reste  de  sa  vie  dans  la  fer- 
veur des  premiers  chrétiens,  il  mourut  à 
Jérusalem. 

JOSEPÎI,  beau-frère  d'Hérodc  le  Grand, 
par  Salomc,  sa  sœur,  qu'il  avait  épousée, 
l'.e  roi,  en  partant  pour  aller  se  justifier 
auprès  d'Antoine ,  sur  la  mort  d'Aristo- 
bule,  grand  sacrificateur,  le  chargea  du 
gouvernement  de  ses  états  pendant  son 
absence.  Il  lui  ordonna  en  uicine  temps, 
sous  le  sceau  du  secret,  de  faire  mourir 
Marianne  sa  femme,  s'il  ne  pouvait  se 
disculper.  L'imprudtnt  Joseph  découvrit 
son  secret  à  Marianne.  Celle-ci  le  reprocha 
à  llérode,  qui  de  dépit  iit  mourir  Josepli, 
sans  écouler  ses  justifications. 

JOSEPH  ,  surnommé  rf/i/mnoctraphe ^ 
originaire  de  Sicile,  embrassa  l'état  mo- 
nastique, et  fut  ordonné  prêtre  à  Tliessa- 
lonique.  Il  souffrit  beaucoup  pour  le  culte 
des  images  durant  la  persécution  de  l'^îm- 
pereur  Théophile,  et  fut  relégué  dans  l'ile 
de  Crèle,  où  il  resta  jusqu'à  l'an  842.  Il 
alla  ensuite  à  Constant inople  ,  où  saint 
Ignace  lui  confia  la  garde  du  trésor  de 
l'église.  Il  composa  des  Hymnes  pleines 
d'onction  en  l'honneur  de  la  sainte  Vierge 
et  de  plusieurs  saints,  et  mourut  vers  l'an 
883.  Sa  f^ie  a  été  écrite  par  Théophane , 
son  disciple.  Le  diacre  Jean  en  a  donné 
une  plus  étendue  ,  insérée  dans  les  Jeta 
sancto7'um ,  avril,  tome  V" .  Les  Grecs  cé- 
lèbrent sa  fête  le  3  avril. 

JOSEPH  BEN  GORION,  ou  GORI.ONI- 
DES,  c'est-à-dire  lils  de  Gorion,  fameux 
historien  juif,  que  les  rauojus  confondent 
mal  à  propos  avec  le  céîèi>.e  historien 
Josèphe,  vivait  vers  la  fin  du  9'  siècle,  ou 
au  commencement  du  10*^.  Il  nous  reste 
de  lui  une  Histoire  des  Juifs ,  que  Gagnier 
a  traduite  en  lalin,  Oxford,  1706,  in-i".  Il 
y  en  a  une  édition  hébraïque  et  latine,  de 
Gotha,  1707 ,  in-4°.  On  voit ,  par  ce  livre 
même,  que  l'auteur  était,  selon  toutes  les 
apparences,  un  juif  du  Languedoc.  Le  pre- 
mier écrivain  qui  a  cité  cet  ouvrage  est 
Saadias  Gaon,  rabbin  célèbre,  qui  vivait 
au  milieu  du  10^  siècle. 

JOSEPH  1",  quinzième  empereur  de 
la  maison  d'Autriche ,  troisième  fils  de 
l'ccopereur  Léopold  I",  cl  de  sa  troisième 


femme,  Eléonore-Madeleine,  de  la  maison 
palatine  deNeubourg,  naquit  à  Vienne  le 
2()  juillet  1G76,  fut  couronné  roi  héréditaire 
de  Hongrie  en  1687,  élu  roi  des  Romains  en 
1690,  el  monta  sur  le  trône  impérial  après 
la  mort  de  son  père  en  1703.  L'esprit  du 
lils  était  vif  et  jilus  actif,  plus  propre  à 
brusquer  les  événemens  qu'à  les  attendre, 
consultant  ses  ministres  et  agissant  par 
lui-même.  Ce  prince  soutint  avec  autant 
de  courage  que  de  succès  les  droits  de  sa 
maison.  Il  engagea  le  duc  de  Savoie,  les 
Anglais  et  les  Hollandais  dans  ses  intérêts 
contre  la  France  ,  et  fit  reconnaître  l'ar- 
chiduc Charles,  son  frère,  roi  d'Espagne. 
Il  obligea  Clément  XI,  qui  paraissait  trop 
attaché  à  la  France  ,  à  lui  donner  ce  titre , 
en  déclarant  dépendant  de  l'Empire  beau- 
coup de  liefs  qui  avaient  relevé  jiisqua- 
lors  des  papes.  Les  électeurs  de  Bavière 
et  de  Cologne  continuant  la  guerre  contre 
l'empereur  et  le  corps  de  l'Empire,  Joseph 
les  lit  mettre,  en  1706,  au  ban  de  l'Em- 
pire. Dès  la  victoire  de  Hochstedt ,  la 
Bavière  était  devenue  une  province  au- 
trichienne; mais  une  cons])iralion  mal 
conduite  aggrava  le  sort  de  l'éleclrice  et 
de  ses  enfuns,  à  qui  on  ôta  jusqu'à  leur 
nom.  Le  duc  de  la  Mirandoïe  ,  vassal  de 
l'Empire,  lui  ayant  donné  de  grands  mé- 
conlentemens,  il  le  dépouilla  de  son  fief. 
Par  des  victoires  multipliées,  il  devint 
maître  paisible  en  Italie.  La  conquête  du 
royaume  de  Naples  et  de  Sicile  lui  fut  as- 
surée. Tout  ce  qu'on  avait  regardé  en 
Italie  comme  feudataire  fut  traité  comme 
sujet.  Il  Jaxa  la  Toscane  à  130,000  pisto- 
les  ;  Mantoue,  à  i 0,000.  Parme,  Modène. 
Lucques,  Gènes,  qui  s'étaient  liguées  ou 
secrètement  ou  solennellement  avec  ses 
ennemis,  furent  comprises  dans  ces  im- 
positions. La  France  avait  suscité  contre 
lui  Ragolxki ,  prince  de  Transylvanie,  ar- 
mé pour  ses  prétentions  el  pour  celles  de 
son  pays.  Il  fut  battu,  ses  villes  prises, 
son  parti  ruiné,  et  lui  obligé  de  se  retirer 
en  Turquie.  Au  milieu  de  ses  succès ,  Jo- 
seph fut  attaqué  de  la  petite-vérole,  et 
en  mourut  le  17  avril  1711,  à  55  ans.  Il 
n'y  a  guère  eu  d'empereurs  plus  heureux  ; 
son  règne  n'a  presque  été  qu'un  enchaî- 
nement de  victoires  :  il  parvint  à  apaiser 
presqu'entièrement  les  troubles  de  la 
Hongrie.  L'empire  lui  fut  constamment 
dévoué;  les  plus  grands  princes  recher- 
chèrent son  amitié  ;  toute  l'Europe  consi- 
déra sa  puissance  sans  envie  ;  ses  géné- 
raux étaient  les  héros  de  ce  temps  :  an 
milieu  d'une  guerre  très  compliquée,  il  sut 


JOS 


28 


JOS 


amt'liorer  ses  finance»,  el  ne  surcliarpea 
jaii:aisses  peui)les.  Il  fut  oopeiidanl  moins 
aimé  que  ses  prédéresseurs  »•!  que  le  frère 
«jui  lui  succéda  (  voy.  CHAULES  VI) .  sa 
conduite  personnelle  étant  parfois  légère, 
et  peu  assortie  aux  principes  qui  sem- 
blaient avoir  lixé  la  vertu  dans  sa  famille. 
IsliacKwilz  a  écrit,  en  allemand,  une  Vie 
de  cet  empereur. 

JOSKPII  II ,  lils  de  l'empereur  Fran- 
çois I"  de  Lorraine  et  de  Marie-Tlicrcse 
d'Autriche,  lille  de  Charles  VI,  naquit  à 
Vienne  le  13  mars  Vlk\,  et  fut  porté  la 
même  année  par  sa  mère  à  la  diète  de 
Presbotirjî,  <>ù  la  vue  du  jeune  prince  ne 
contrihua  pas  peu  à  animer  les  Hongrois 
contre  la  multitude  d'ennemis  qui  assail- 
laient son  héritage.  Elu  roi  des  Romains 
en  1764,  il  succéda  l'année  suivante  à 
son  père  comme  empereur  d'Allemagne. 
f>oit  parle  motif  de  s'instruire,  soit  par 
l)rincipe  de  santé  et  le  besoin  impérieux 
dune  activité  extraordinaire,  il  parcou- 
rut une  grande  partie  de  l'Europe,  et  ap- 
prit une  multitude  de  choses,  qu'il  résolut 
de  mettre  à  exécution  après  la  mort  de  sa 
mère.  Cette  princesse  possédanten  propre, 
comme  dernier  rejeton  de  la  maison  d'Au- 
triche, celte  province  ainsi  que  les  royau- 
mes de  Hongrie  et  de  Bohème,  ce  qui  for- 
mait ce  qu'on  appelait  les  élats  héréditai- 
res ,  ne  voulait  laisser  à  son  Jils  aucune 
part  au  gouvernement  de  ses  étals.  Ce 
dernier  alla  à  Rome,  accompagne  de  trois 
seigneurs  de  sa  cour,  et  pendant  qu'il  en 
visitait  les  monumens ,  chacun  de  ses 
compagnons  de  voyage  avait  son  dépar- 
tement, et  chaque  soir  ils  lui  remeltaient 
leurs  observations.  Cependant ,  ^  ces  oc- 
cupations utiles  en  succédèrent  d'autres 
bien  minutieuses  :  à  Milan,  par  exemple, 
il  visita  les  couvens  de  lilles,  et  ne  trou- 
vant pas  qu'elles  fussent  assez  occupées, 
il  leur  envoya  l'ordre  ae  faire  des  che- 
mises pour  ses  soldais,  et  à  cet  effet  il 
leur  fil  remettre  de  la  toile.  Le  3  septem- 
bre 1771 ,  il  eut ,  à  Ncustadt  en  Moravie  , 
«ne  entrevue  avec  le  roi  de  Prusse  ,  la- 
quelle fît  beaucoup  de  sensation  dans  le 
temps,  tant  parce  que  rEurop3  s'étonnait 
de  voir  se  rapprocher  deux  princes  qu'on 
croyait  être  divisés  par  des  inimitiés  in- 
terminables ,  que  parce  qu'on  répandit  le 
bruit  que,  dans  cette  occasion ,  il  avait 
adopté  plusieurs  idées  de  Frédéric,  et 
forme  le  dessein  de  les  réaliser  dans  ses 
états.  Mais  cette  opinion  a  été  trouvée 
fausse  par  le  fait  ;  car  le  roi  de  Prusse 
n'a  presque  donné  l'exemple  de  rien  de 


ce  que  l'empereur  a  cru  devoir  faire  chez 
lui.  En  j)articulier ,  pour  ce  qui  regarde 
les  possessions  ecclésiastiques  et  le»  mai- 
sons religieuses,  Frédéric  a  constamment 
manifesté  des  principes  différens.«  L'em- 
»  pereur,  dit-il  dans  une  lettre  à  d'Alem- 
»  bert ,  continue  ses  sécularisations  sans 
«interruption;  chez  nous,  chacun  reste 
»  comme  il  est,  et  je  respecte  le  droit  de 
»  possession, sur  lequel  la  société  est  fon- 
»  dée.  »(  royez  la  226'  lettre  de  celle  Cor- 
respondance. )  Une  anecdote  a  rendu  celte 
entrevue  remarquable.  Un  corps  nom- 
breux de  troupes  autrichiennes  campait 
à  Neusladt  en  Moravie;  l'empereur  vou- 
lut le  faire  parader  et  manœuvrer  en 
présence  de  Frédéric.  La  journée  était 
belle  et  le  ciel  serein  ;  mais  un  grand 
orage  survint  si  rapidement,  qu'on  ne 
puise  retirer  sans  être  bien  mouillé,  et 
l'exercice  n'eut  pas  lieu  :  Il  faut  avouer^ 
dit  Frédéric  à  l'empereur,  qu'il  y  a  un 
plus  grand  maître  que  nous.  Marie-Thé- 
rèse étant  morte  le  29  novembre  1780,  son 
fils  prit  le  gouvernement  des  provinces  hé- 
réditaires, mais  ne  voulut  pas  se  faire  cou- 
ronner roi  de  Hongrie  et  de  Bohème  ;  il  fit 
même  enlever,  au  grand  regret  des  Hon- 
grois, et  transporter  à  Vienne  la  couronne 
de  saint  Etienne,  gardée  dans  le  château 
de  Presbourg.  Ses  vues  sur  les  affaires 
ecclésiastiques,  sur  l'autorité  épiscopale  , 
les  matières  matrimoniales,  les  maisons 
religieuses ,  dont  plus  de  500  furent  sup- 
primées, engagèrent  le  pape  Pie  VI,  après 
d'injitiles  reniontrances  ,  à  se  rendre  en 
personne  à  Vienne  en  1782.  Joseph  le  re- 
çut avec  beaucoup  d'égards  et  de  respect, 
l'écoula  et  ratifia  les  conclusions  que  le 
pape  avec  les  évéques  de  Hongrie  avaient 
arrêtées  sur  les  points  les  plus  inquictans 
(on  peut  voir  ces  conclusions  dans  le  6*^ 
volume  des  Réclamations  belgiques ,  p. 
252). Pie VI  partit  content;  mais,  soit  que 
le  monarque  eût  changé  de  sentiment , 
soit  que  les  ministres,  chargés  de  l'exé- 
cution ,  fussent  d'une  opinion  différente , 
celle  espèce  d'accord  resta  sans  effet.  Ce 
fut  même  peu  après  le  départ  du  souve- 
rain pontife  que  l'empereur  fit  lui  seul 
une  nouvelle  circonscription  des  évéchés 
de  ses  états,  abolit  les  séminaires  diocé- 
sains, dont  il  ne  laissa  subsister  que  5  ou 
6,  ordonna  d'ôler  les  images  des  églises, 
permit  le  divorce ,  et  se  porta  à  d'autres 
innovations  non  moins  dangereuses.  Ce 
fut  au  sujet  de  ces  innovations  qtie  le  roi 
de  Prusse ,  le  grand  Frédéric ,  l'appelait 
notre  frère  le  sacristain.  Toutefois,  le 


JOS 


29 


JOS 


voyage  du  pape  uc  fui  cependtin»  pas  inu-  ! 
tile.  «  Il  est  incontestable,  dit  un  écrivain 
»  protestant ,  qvic  i>ai-  .'a  prtscnce  ,  par  les 
»  cérémonies  touthanlcs  de  la  reîi^non  , 
»  en  nn  mot,  par  tout  ce  qui  peut  loudier  ; 
»  le  cœur  et  émouvoir  l'ànie,  il  parvint  à  | 
o  raffermir  la  foi  chancelante,  à  lever  les  j 
»  doutes  naissans ,  et  donner  au  moins  | 
»  pour  quelque  temps  une  nouvelle  vi-  j 
»  gueur  et  un  nouvel  aliment  à  la  foi  , 
»  catholique  dans  les  pays  autrichiens.  » 
L'année  178ifut  mémorable  par  la  révolte 
des  Valaques  contre  leurs  seigneurs.  Ils 
dévastèrent  la  Transylvanie  et  le  bantuU 
de  Témeswar  d'une  manière  horrible. 
Les  nobles  el  les  ecclésiastiques  fuient 
massacrés,  leurs  possessions  ravagées,  un 
grand  nombre  de  cliàteaux  el  de  villages 
incendiés.  Horiah  et  Gloska  [voyez  ces 
noms),  qui  étaient  à  la  tète  des  rebelles, 
furent  pris  enlia  par  les  hussards  sicu- 
liens,  et  finirent  par  le  dernier  supplice 
en  1785.  La  manière  dont  on  a  parlé  de 
la  cause  et  du  but  de  cette  rébellion  est 
si  peu  uniforme  ,  et  présente  d'ailleurs 
des  considérations  si  délicates,  qu'il  est 
plus  prudent  de  laisser  la  chose  sous  le 
voile  du  mystère ,  que  d'essayer  de  l'en 
tirer.  Les  Hollandais  qui,  sur  une  simple 
sommation,  avaient  abandonné  en  1782 
les  barrières  qui  leur  étaient  assurées  par 
la  paix  d'Utrecht ,  ne  furent  pas  si  dociles 
en  1784  pour  la  liberté  de  l'Escaut,  que 
demandait  l'empereur.  Ils  refusèrent  de 
déroger  en  ce  point  à  la  paix  de  Munster, 
et  tirèrent  sur  le  vaisseau  impérial,  qui 
avait  entrepris  de  dépasser  les  batteries 
élevées  sur  les  bords  du  fleuve.  Cet  in- 
cident amena  une  guerre  qui  ne  pro- 
duisit aucun  événement  remarquable  ,  et 
qui  fut  lerrainée  par  la  paix  de  Fontaine- 
bleau, le  8  novembre  1785.  L'empereur 
obtint  le  fort  de  Lillo  ;  on  fil  quelques 
échanges,  une  nouvelle  démarcation  dans 
certains  endroits  des  frontières;  mais 
l'Escaut  resta  fermé.  L'impératrice  de 
Russie  ayant  entrepris  en  1787  le  voyage 
de  Kherson ,  pour  visiter  ses  nouveaux 
établissemens  et  ses  conquêtes ,  engagea 
l'empereur  à  s'y  rendre,  fliais  à  peine  y 
fut-il  arrivé,  qu'il  apprit  que  l'exécution 
des  nouveaux  systèmes  en  matière  civile 
el  religieuse  avait  produit  aux  Pays-Bas 
des  mouvemcns  violens ,  que  la  sagesse 
des  états  avait  empêché  d'éclater  en  ré- 
volte ouverte.  Pour  ne  rien  donner  au 
préjugé,  nous  transcrirons  ce  que  dit  à  ce 
sujet  l'auteur  de  la  Vie  de  Joseph  II  (  Ca- 
raccioJi),  qui,  dans  le  fait,  n'est  qu'un  pa- 


négyrique. >'  Toujours  ardent  à  rèaJisiûr 
»  tout  ce  qui  lui  semblait  être  le  mieux, 
»  l'empereur  ne  sentait  pas  le  danger 
»  d'une  iïuiovation,  et  il  s'efforçait  d'aller 
>•  au-delà  du  bien,  même  à  travers  Us  dif- 
»  licuités.  Les  Brabançons  réclamèrent 
»  avec  force  en  faveur  de  leurs  droils,  ne 
«voulant  ni  être  imposés,  ni  diffcrem- 
»  ment  traités  que  par  le  passé.  Us  allé- 
»  guèrent  l'exemple  de  l'impératrice-reitie 
»  de  Hongrie,  Marie-Thérèse,  d'heureuse 
»  mémoire  ,  qui  avait  toujours  respecté 
«leurs  privilèges,  et  ils  rappelaient  le 
»  serment  qu'avait  fait  l'empereur  lui- 
»  même  de  ne  leur  donner  aucune  atteinte. 
»  llien  ne  moleste  autant  les  nations  que 
»  le  changement  de  leurs  lois  et  de  leurs 
»  usages,  comme  rien  ne  fatigue  autant  les 
»  souverains  que  la  différence  des  privi- 
«légesel  des  coutumes  parmi  les  sujets 
»  d'un  même  empire.  Il  n'y  a  pas  un  seul 
»  monarque  qui  ne  voulût  les  restreindre 
»à  la  même  règle,  et  les  assujétir  aux 
»  mêmes  lois.  Ce  fut  la  principale  faute 
»  de  Joseph,  celle  qui  le  fit  passer  pour 
»  tyrannique  aux  yeux  du  public  ;  el  il 
»  faut  convenir  que  c'est  violer  en  quel- 
»  que  sorte  le  droit  des  gens,  que  de  vou- 
B  loir  changer  les  coutumes  consacrées 
»  par  la  prescription  el  par  l'usage  ,  à 
»  moins  qu'on  ne  le  fasse  d'accord  avec  la 
«nation.  »  Le  20  septembre,  il  y  eut  à 
Bruxelles  un  choc  entre  les  troupes  d- 
l'empereur  et  les  volontaires  brabançons; 
et  le  Icndeiiiain,  le  comte  de  Murray.  dé- 
claré gouverneur  gênerai  ad  intérim  . 
apj'ès  le  départ  de  l'archiduchesse  Clii  is 
line  pour  Vienne,  publia  la  restitution  d  j 
tous  les  droits  el  privilèges;  mais  le  mo- 
narque ne  put  se  résoudre  à  la  ratifier,  it 
l'on  s'attendait  à  des  opérations  sévères  , 
quand  il  se  vit  entraîner  dans  la  guerre 
contre  les  Turcs.  Ceux-ci  l'avaient  déjà 
déclarée  aux  Russes.  L'empereur,  quoiquo 
allié  de  ces  derniers,  restait  encore  neu- 
tre, lorsqu'il  résolut  d'enlever  Belgiade 
par  un  coup  de  main.  Cette  tentative, 
manquée  le  5  décembre  1787 ,  décida  la 
guerre.  Elle  se  fit  d'abord  sans  aucun  suc- 
cès marqué  do  ])art  ni  d'autre.  L'armée 
autrichienne,  retranchée  près  de  Senilin 
entre  le  Danube  et  la  Save,  perdit  un 
temps  précieux  ,  et  resta  dans  linaction 
jusqu'à  la  prise  de  Sabacs ,  le  24  avril 
1788.  Dubitza  arrêta  les  assiégeans  pen- 
dant six  mois  ;  ils  y  furent  défaits  le  25 
avril;  mais  la  place  se  rendit  le  26  août 
au  général  Laudon  ,  qui  était  venu  pren- 
dre le  commandement  de  l'armée  de 
5. 


JOS 


30 


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Croatie.  Ce  pt'néral  s'empara  ensuite  des 
aulres  peliles  places,  tandis  que  le  prince 
de  Saxe-Cobourg  prenait  Chocxim.  Mais 
le  grand-visir  ayant  fait  une  invasion  dans 
le  Bannat,  s'empara  de  l'Antre  de  Ve«e- 
rani  et  de  plusieurs  postes  imporlans.  On 
craignait  qu'après  plusieurs  combats  ,  où 
il  eut  l'avantage,  il  n'allât  faire  le  siège 
do  Témcswar,  lorsqu'il  prit  le  parti  de  la 
retraite.  L'année  suivante  fut  remarqua- 
hle  par  la  prise  de  Belgrade,  qui  se  rendit 
à  Laudon  le  7  octobre  1789  ;  mais  la  santé 
de  l'empereur,  qui  depuis  trois  ans  don- 
nait des  présages  sinistres ,  devenait  tous 
les  jours  plus  chancelante.  La  commotion 
que  les  nouveaux  systèmes  avaient  pro- 
duite en  Hongrie,  en  Autriche,  en  Tyrol. 
dans  le  Milanais,  mais  surtout  dans  les 
Pays-Bas ,  l'affligeait  sensiblement.  Dar)s 
cette  dernière  contrée ,  les  choses  en 
étaient  enfin  vwiues  à  une  insurrection 
ouverte:  et  après  l'expulsion  des  troupes 
autrichiennes,  les  états  des  différentes 
provinces,  excepté  le  Luxembourg,  dont 
la  capitale  resta  en  son  pouvoir,  le  décla- 
rèrent déchu  de  la  souveraineté.  Dims 
cette  extrémité ,  il  s'adressa  au  pape  ,  et 
réclama  son  autorité  comme  celle  du  père 
commun  des  peuples  et  des  rois,  pour 
fairr,  rentrer  ses  sujets  dans  le  devoir, 
pro.v.eltant  de  réparer  tous  les  torts  qui 
leur  avaient  été  faits.  Le  pontife  écrivit 
en  effet  un  bref  très  touchant  aux  évê- 
ques  des  Pays-Bas  ;  mais  la  révolution  y 
était  tellement  consommée  ,  que  la  voix 
des  pasteurs  d'Israi:!  devint  inutile  (i).  Le 
monarque  en  fut  consterné.  Son  âme  , 
déjà  affaiblie  par  sa  situation  personnelle, 
ne  put  résistera  tant  de  disgrâces.  Il  mou- 
rut le  20  févilcr  \79?i  deux  jours  après 
la  princesse  Eliz-abeth  de  Wurtemberg , 
épouse  de  l'archiduc  François ,  aujour- 
d'hui empereur,  qu'il  chérissait  tendre- 
ment, et  dont  la  mort  hàla  la  sienne. 
Prince  plein  de  courage,  d'activité,  d'a- 
mour pour  le  travail ,  vwilant  le  bien , 
sans  toujours  en  distinguer  les  moyens; 


(i)  L'auteur  de  eelte  nele  a  été  te'moin  ,  comme 
liicD  d'autrei .  de  la  baine  que  Ici  cbaDgenient  philo- 
iophiquei  de  Joseph  II  avaient  irr.primée  <ians  l-e  coeur 
dci  BrabançoDi  ;  eux  qui  ne  parlaient  qu'avec  CDthuii- 
•  iamie  de  Marie-Thérèie  et  de  leur  grand  gouverneur 
l'archiduc  Charles  ,  en  étaient  venus  au  point  de  dé- 
tester jusqu'aux  soldats  autrichimit ,  qu'ils  appelaient 
irt  rasjur/les.  Par  esprit  de  religion  ,  ils  aicurillircat 
les  ccclésiasti<|ues  français  dcportct  ;  et  par  esprit  de 
■.engeance,  ils  les  virent  partir  avec  une  sorte  de  joie, 


parce   que 


rs  rra:< 


républicains   l'approchaient 


pour  les  délivrer  d'un  jong  qu'ils  ont  plu 

r^rtUé. 


d'une  fois 


cherchant  les  lunnières  ,  mais  s'adrcssan< 
parfois  à  ceux  qui  ne  pouvaient  les  don- 
ner ;  zélé  contre  les  abus  ,  mais  envcloj>- 
panl  dans  celte  dénomination  des  choses 
qui  ne  l'étaient  pas;  avide  de  gloire,  mais 
ne  discernant  pas  dans  tous  les  cas  sa  vé- 
ritable splendeur;  instruit  de  sa  puis- 
sance, mais  la  portant  hors  de  ses  bornes; 
il  etit  eu  un  règne  heureux,  et  probable- 
ment plus  long,  si  ses  instituteurs,  qui 
n'ont  pas  été  choisis  avec  assez  de  soin  , 
avaient  mieux  dirigé  les  heureuses  qua- 
lités de  .son  cœur  et  do  son  esprit  ;  si,  au 
lieu  de  l'inquiéter  par  les  creuses  spécu- 
lations de  la  philosophie,  ils  l'avaient  bien 
pénétré  de  celte  maxime  d'un  de  ses  plus 
illustres  aïeux  (Charles-Quint),  que  «  Us 
»  gouvernemens  établis  maichenl  d'eux- 
»  mêmes,  et  que  ceux  qui  proposent  des 
»  nouveautés  sont  les  perturbateurs  du 
»  repos  public;  «  ou  bii-n  de  celte  utile  et 
raisonnable  leçon  que  Burke  donna  à  son 
successeur  :  «  Un  prince  sage,  tel  que 
»  l'empereur,  doit  étudier  le  génie  de  sun 
»  peuple.  Ce  prince  ne  le  contrariera  pas 
■  dans  ses  mœurs,  il  ne  lui  enlèvera  pas 
»  ses  privilèges  ,  mais  il  agira  d'après  If  s 
»  circonstances  où  il  trouvera  le  gouver- 
»  neiuent;  et  tant  qu'il  se  conduira  d'a- 
»  près  ces  principes  habituels  de  l'expé- 
»  rience  pratique,  il  sera  Iheureux  print  e 
»  d'un  peuple  heureux.  Il  ne  doit  pas  e*- 
»  limer  un  denier  ce  que  les  Condorcet , 
»  les  Raynal,  ces  oiseaux  blancs  et  noirs 
»  de  la  moderne  littérature,  ces  pies  plii- 
»  losophiques  ,  pourront  babiller  ou  ga- 
»  zouiller  sur  sa  conduite  ou  son  carac- 
»  tère.  «Il  avait  épousé  en  1760  Klizabelh 
de  Parme,  dont  il  eut  une  fille,  qui  mourul 
en  bas  âge.  Après  le  décès  d'Elizabeth  ar- 
rivé en  17G3,  il  épousa  en  1765  Marie- 
Antoinette  de  Bavière,  sœur  de  l'électeur, 
qu'il  perdit  en  i767.  Son  frère  Léopold, 
grand-duc  de  Toscane,  lui'succéda,  mais 
ne  lui  survécut  que  deux  ans.  Le  roi  de 
Prusse  décrit  dans  ses  Mémoires  le  véri- 
table caractère  de  Joseph  II.  <i  Ce  jeune 
prince  ,  dit-il ,  affectait  une  franchise  qui 
lui  semblait  naturelle  ;  son  caractère  mar- 
quait de  la  gaité  jointe  à  beaucoup  de  vi- 
vacité, mais,  avec  le  désir  d'apprendre  il 
n'avait  pas  la  patience  de  s'instruire....  » 
Dans  une  autre  occasion,  il  s'exprime  en 
ces  termes  :  «  Le  jeune  empereur  ,  dévoré 
»  d'ambition,  avide  de  gloire,  n'attendait 
»  qu'une  occasion  pour  troubler  le  repos 
»  de  l'Europe.  »  Lors  de  la  révolution  fran- 
çaise, et  peu  avant  d'expirer,  l'enipereur 
l  Joseph  dit  :  «  Je  n'ignore  pas  que  lesenne- 


JOS  5 

»  mis  de  ma  sœur  Anloinctle  ont  osé  l'ac- 
»  cuser  de  m'avoir  fait  passer  des  sommes 
>  considérables  ;  près  de  paraître  devant 
•  Dieu,  je  déclare  que  cette  inculpation 
»  est  une  horrible  calomnie.  »  Il  dicta  lui- 
même  son  épilaphe ,  qui  consistait  en  ce 
peu  de  mots  :  Ci  gît  Joseph  II,  qui  fut 
malheureux  dans  toutes  ses  entreprises. 
On  a  de  Joseph  II  des  lettres  inédites 
précédées  d'une  notice  historique  sur  ce 
prince  et  suivies  de  détails  sur  ses  der- 
niers momens  :  elles  ont  été  traduites  de 
l'allemand,  Paris,  1822,  in-8°.  On  a  publié 
aussi  comme  étant  de  ce  prince  un  testa- 
ment politique  qu'on  a  tout  lieu  de  croire 
apocryphe.  Plusieurs  auteurs  ont  écrit  sa 
vie;  M.  Riousl  a  publié  à  Paris  en  1817  , 
Joseph  If  peint  par  lui-même,^  volumes 
in-i2.Différens  traits  delà  vie  de  ce  prince 
ontélétransporléssur  la scèneavec  succès. 

JOSEPH  l"ou  JOSEPH-KMMANUEL, 
roi  de  Portugal,  de  la  famille  de  Bragance. 
fils  et  successeur  de  Jean  V  ,  né  en  1714  , 
monta  sur  le  trône  en  17o0  ,  à  l'âge  de  5o 
ans,  et  mourut  en  1777,  à  62  ans  et  8  mois. 
Le  tremblement  de  terre  de  1755,  qui  en- 
gloutit une  partie  de  Lisbonne;  une  pré- 
tendue conspiration  en  1758,  quifit  couler 
bien  du  sang  (voyez  AVEIRO);  l'expul- 
sion des  jésuites  et  la  conliscation  de  leurs 
biens  ;  les  disputes  avec  la  cour  de  Rome, 
qui  suivirent  cet  événement  ;  enfin  la 
guerre  avec  l'Espagne  en  1765 ,  sont  les 
événemens  les  plus  remarquables  de  ce 
règne,  dont  les  Portugais  se  souviendront 
long-temps,  Marie-Françoise,  tille  de  Jo- 
seph r%  et  qui  lui  succéda,  ramena  le 
calme  par  l'exil  du  marquis  de  Pombal 
(voyez  ce  nom),  qui  exerça  tant  d'in- 
fluence sous  son  ministère. 

JOSEPH  ALIîO  ,  savant  juif  espagnol 
du  15'  siècle,  natif  de  Soria,  se  trouva  en 
l/tl2  à  la  fameuse  conférence  qui  se  tint 
entre  Jérôme  de  Sainte-Foi  et  les  Juifs. 
Il  mourut  en  l/tôO.  On  a  de  lui  un  livre  cé- 
lèbre intitulé  en  hébreu  :  Sepher  Ikkarim  ; 
c'est-à-dire  le  Livre  des  fnndemens  de  la 
foi,  Venise,  1618,  in-fol.  Plusieurs  savans 
ovit  entrepris  de  le  traduire  en  latin,  mais 
il  n'en  a  encore  paru  aucune  traduction. 
Il  y  prétend  que  la  croyance  de  la  venue 
du  Messie  n'est  point  nécessaire  au  salut. 
ni  un  dogme  essentiel.  Il  avança,  dit- 
on,  celte  proposition  pour  raffermir  la 
croyance  des  Juifs,  que  .lérômede  Sainte- 
Foi  avait  ébranlée,  en  prouvant  que  le 
Messie  était  venu. 

JOSEPH  MEIR,  savant  rabbin,  naquit 
l'an  1496  à  Avignon ,  d'un  des  Juifs  chas- 


1  JOS 

ses  d'Espagne  quatre  ans  auparavant  par 
le  roi  Ferdinand  le  Juste.  Il  fut  emmené 
depuis  par  son  père  en  Italie  ,  et  n»ourut 
près  de  Gènes  en  1554.  On  a  de  lui  un  ou- 
vrage très  rare  en  hébreu  :  Annales  des 
rois  de  France  et  de  la  maison  ottomane, 
Venise,  1554,  in-S".  Il  est  divisé  en  deux 
parties  ;  dans  la  première,  il  rapporte  les 
guerres  que  les  Français  ont  soutenues, 
pour  la  conquête  de  la  Terre-Sainte,  contre 
les  Ottou)ans.  Il  ]>rend  de  là  occasion  ds 
faire  l'histoire  de  ces  deux  peuples.  Il 
commence  celle  des  Français  par  Marco- 
ni ir,  Sunnon  et  Génébalde.  Avant  de  par- 
ler des  Ottomans,  il  donne  une  idée  de 
Mahomet,  d'Aboubeker  et  d'Omar.  Cette 
première  partie  finit  à  l'an  1520.  Dans  la 
deuxième,  l'histoire  des  Ottomans  est  pré- 
cédée de  celle  de  Saladin,  de  Tamerlan  , 
d'Isii'.aèl  Sophi,  et  de  plusieurs  autres 
Orientaux.  11  parle  en  passant  des  princes 
de  l'Europe,  et  termine  cette  partie  à  l'an 
1555.  Sorx  style  est  simple  et  convenable  à 
l'histoire. 

JOSEPH  de  PARIS  (François  le  CLERC 
DU  TREMBLAI),  célèbre  capucin  ,  plus 
connu  sous  le  nom  de  Père  Joseph,  naquit 
à  Paris  le  4  novembre  1577  ,  de  Jean  Le 
Clerc,  seigneur  du  Tremblai,  président 
aux  requêtes  du  palais.  Le  jeune  du  Trem- 
blai voyagea  en  Allemagne  et  en  Italie; 
ayant  embrassé  d'abordle  parti  des  armes, 
il  lit  une  campagne  sous  le  nom  de  baron 
de  iUaflée ,  et  se  distingua  au  siège  d'A- 
miens.  Au  milieu  des  espérances  que  ses 
lalens  donnaient  à  sa  famille  ,  il  quitta  le 
monde  pour  se  faire  capucin  en  1591). 
Après  son  cours  de  théologie,  il  fit  des 
missions,  entra  en  lice  avec  les  héréti- 
ques, en  convertit  quelques-uns  ,  et  ob- 
tint les  premiers  emplois  de  son  ordre. 
Le  cardinal  de  Richelieu,  instruit  de  son 
génie ,  lui  donna  toute  sa  confiance,  et  le 
chargea  des  affaires  les  plus  épineuses. 
Ce  fut  surtout  lorsque  le  cardinal  fit  ar- 
rêter la  reine  Marie  de  Médicis,  que  le 
capucin  fut  utile  au  ministre.  Admis  dans 
un  conseil  secret,  il  ne  craignit  point  de 
remontrer  au  roi  qu'il  pouvait  et  qu'il  de- 
vait sans  scrupule  mettre  sa  mère  hors 
d'état  de  s'opposer  à  son  ministre,  chargé 
du  gouvernement  et  des  intérêts  duroyau- 
me.  L'auteur  de  sa  Vie  lui  reproche  d'a- 
voir extorqué  une  rétractation  du  docteur 
Richer  ;  mais  les  circonstances  qu'il  rap- 
porte de  cette  rétractation  sont  invinci- 
blement réfutéci  dans  le  Journal  de  Tré- 
voux ,  janvier  1703.  Ce  zélé  capucin  en- 
voya des  missionnaires  en  Angleterre,  au 


\ 


JOS 


32 


JOS 


Canada  et  en  Turquie.  N'ayant  pu  réussir 
t  faire  adoiiter  dans  l'ordre  de  Fonlevrault 
lu  réforme  qu'il  voulait  y  introduire  ,  il 
ififida  en  161 4  celui  des  relii^ieuscs  béné- 
dictiiu'S  du  Calvaire,  auxqiielles  il  donna 
des  çonstilulions  très  sayes  ,  qui  ont  lou- 
jouis  été  observées  depuis.  Louis  XIII, 
voulant  le  récompenser  de  ses  services, 
demanda  pour  lui  le  cbapeau  de  cardinal; 
mais  il  ne  put  l'obtenir,  et  le  père  Joseph 
mourut  à  Ruel  le  18  décembre  1638,  à  61 
ans,  avant  que  de  l'avoir  reçu.  Le  parle- 
ment en  corps  assista  à  ses  obsèques,  et  un 
évêque  prononça  son  oraison  funèbre. 
Labbé  Richard  a  publié  deux  P''tes  de  cet 
homme  singulier;  l'une  sous  le  titre  de  Fie 
du  père  Joseph,^  vol.  in-i2  ;  et  l'autre,  qui 
n'est  qu'une  satire  ,  intitulée  Le  véritable 
père  Joseph ,  1704,  in-12.  Dans  la  pre- 
mière, il  le  peint  comme  un  saint,  et  dans 
la  seconde  ,  comme  un  poliliijue  artifi- 
cieux. «  Cet  houime ,  dit  un  liistorien  , 
«travailla  toute  sa  vie  pour  l'Eglise,  et 
»  assez,  long-temps  j)our  l'état  :  fervent 
V  rcli;;ieux  taudis  (ju'il  resta  dans  le  cloî- 
»  tre,  liabile  politique  lorsque  le  cardinal 
o  de  Richelieu  l'eut  en  quelque  sorte  as- 
»  socié  au  ministère,  en  se  déchargeant 
*  sur  lui  d'une  partie  des  soins  qui  en 
»  scHit  inséparables,  il  dorma  dans  tous  les 
w  temps  des  preuves  d'une  capacité  con- 
»  sommée.  Je  sais  que  la  satire  ne  l'a  pas 
»  épargné.  Ami  et  confident  du  cardinal 
»  de  Richelieu  ,  pouvait-il  manquer  de 
»  critiques?  Sa  ferveur  et  la  confiance  du 
»  premier  ministre,  voilà,  ce  me  semble, 
p  ce  qui  fait  tout  son  crime.  » 

JOSEÎ'Il  de  CALASANCE  (saint),  fon- 
dateur des  écoles  pies  .naquit  à  Pétralta, 
dnns  le  royaume  d'Aragon, en  iJjJiG.  d'une 
famille  noble.  Il  lit  vœu  de  chasteté  dans 
sa  jeunesse,  et  la  passa  dans  les  exercices 
de  pieté.  Devenu  fils  uniqtie  par  la  mort 
de  son  frère  aine,  il  eut  quelques  contra- 
dictions à  essuyer  de  la  part  de  son  père, 
qui  voulut  lui  procurer  un  brillant  éta- 
blissement dans  le  monde.  Etant  tombé 
malade  et  réduit  à  l'extrémité,  il  déclara 
à  son  père  le  vœu  qu'il  avait  fait ,  et  le 
pria  de  le  laisser  suivre  sa  vocation.  En- 
ga;;é  dans  les  ordres  sacrés,  Joseph  fut  le 
modèle  du  clergé  ,  et  plusieurs  évêques 
l'ayant  employé  dans  leurs  diocèses,  il  y 
fit  des  fruits  merveilleux.  Se  croyant  ap- 
pelé à  un  étal  plus  parfait,  il  passa  à 
Uome,  où  la  vue  d'une  troupe  denfans 
livrés  aux  vices  qu'amène  le  défaut  d'é- 
«incation,  lui  fit  prendre  la  résolution  de 
£C  donner  tout  entier  à  leur  iiibtrurlion. 


Il  s'associa  quelques  ecclésiastiques,  entre 
lesquels  était  le  célèbre  Dragonetti ,  âgé 
de  9;>  ans,  mais  fort  et  vigoureux;  qui 
remplit  les  exercices  de  la  nouvelle  C07i- 
grégation  jusqu'à  l'âge  de  120  ans,  qii'il 
mourut  en  odeur  de  sainteté.  Elle  fut  éri- 
gée en  ordre  religieux  en  1621  par  Gré- 
goire XV.  Un  mauvais  sujet  y  ayant  été 
reçii,  porta  le  désordre  de  l'orgueil  et  de 
la  division  dans  le  nouvel  établissement, 
se  servit  de  son  crédit  pour  susciter  au 
saint  fondateur  des  persécutions  de  toute 
espèce.  Innocent  X  supprima  l'ordre.  Le 
saint  fondateur  continua  toujours  ses  œu- 
vres de  charité  à  l'égard  des  pauvres  en- 
fans.  Il  survécut  deux  ans  à  ce  désastre, 
et  mourut  âgé  de  92  ans,  après  avoir  pré- 
dit le  réiablissement  de  son  ordre  ;  ce 
qui  aniva  21  ans  après.  Clément  IX  le 
remit  sur  le  même  pied  qu'il  avait  été 
approuvé  par  Grégoire  XV.  Les  fonctions 
des  religieux  de  cet  institut  ne  furent  d'a- 
bord que  d'enseigner  à  lire  ,  à  écrire  le 
catéchisme,  l'arithmétique  et  les  élémens 
de  la  grammaire  ;  mais,  en  vertu  des 
concessions  que  leur  ont  faites  plusieurs 
papes,  ils  ont  dans  leurs  collèges  des  cours 
d'études  réglés,  et  enseignent  aussi  les 
hautes  sciences.  Joseph  de  Calasance  fut 
béatifié  par  Benoît  XIV  et  canonisé  par 
Clément  XIll.  Sa  Fie  a  été  composée  en 
italien  par  le  père  Tosetli ,  et  traduite  en 
allemand  par  le  jière  Kocli  ;  elle  est  très 
bien  écrite  dans  les  deux  langues.  L'au- 
teur est  un  biographe  judicieux,  qui  parle 
des  vertus  chrétiennes  et  de  la  gloire  des 
saints  avec  autant  de  discernement  que 
d'édification. 

JOSEPH  (Pierre  de  SAINT-),  feuillant, 
né  en  1394  dans  le  diocèse  d'Auch,  d'une 
famille  appelée  Comagère .  mort  en  1662, 
publia  plusieurs  ouvrages  de  théologie, 
contre  les  partisans  de  Jansénius. 

JOSEPH  de  CL'PERTIN  (  saint)  ,  ainsi 
nommé  du  lieu  de  sa  naissance ,  petite 
ville  du  diocèse  de  Nardo.dansle  royaume 
de  Naples,  né  en  1603  de  parens  pauvres, 
entra  dans  l'ordre  des  franciscains  con- 
ventuels, fut  élevé  aux  ordres  sacrés  ,  et 
se  sanctifia  par  la  pratique  de  toutes  les 
vertus  propres  à  son  état.  Le  procès  de 
sa  canonisation  fait  mention  d'un  grand 
nombre  de  faveurs  extraordinaires  qu'il 
reçut  de  Dieu.  Il  mourut  enl6G3  àOsimo, 
et  fut  canonisé  en  1767.  Pastrovicchi,  re- 
ligieux du  même  ordre,  a  écrit  sa  Vie  en 
1753  :  il  y  à  peu  de  goût  et  de  critique. 

JOSEPH  (A^CE  de  SAINT-),  carrac 
décliaussé.  Voij.  ANGE. 


JOS  3 

JOSEPH.  Voi/ez  A BOU- JOSEPH. 
JOSEPH E,  Flavius,  ei  non  pas  Flavia- 
iruSj  comme  le  supposent  ceux  qui  l'ap- 
pellent Flavien  et  Flavian,  célèbre  histo- 
rien et  général  juif,  né  à  Jérusalem  ,  l'an 
37  de  Jésus-Christ ,  de  parens  de  la  race 
sacerdotale,  montra  de  bonne  heure 
beaucoup  d'esprit  et  de  pénétration.  Dès 
l'âge  de  14  ans,  les  pontifes  le  consul- 
taient. Il  fut  l'ornement  de  la  secte  des 
pharisiens ,  dans  laquelle  il  entra.  Un 
voyage  qu'il  fit  à  Rome ,  à  l'âge  de  26 
ans,  sous  le  règne  de  Néron,  perfectionna 
ses  talens  et  augmenta  son  crédit.  Un  co- 
médien juif ,  que  l'empereur  aimait  ,  le 
servit  beaucoup  à  la  cour  de  ce  prince. 
Cet  acteur  lui  lit  connaître  l'impératrice 
Poppée,dont  la  protection  lui  fut  très 
utile.  De  retour  dans  la  Judée,  il  eut  le 
commandement  des  troupes,  et  se  signala 
au  siège  de  Jotapat,  qu'il  soutint  pendant 
sept  semaines  contre  Vespasien  et  Titus. 
C'est  là  qu'il  fut  réduit  à  se  cacher  dans 
une  caverne  profonde,  avec  quarante  des 
plus  braves  de  sa  nation.  Vespasien  en 
étant  averti  lui  fit  proposer  de  se  rendre; 
mais  Josèphe  en  fut  empêché  par  ses 
compagnons  qui  menacèrent  de  le  tuer 
s'il  y  consentait.  Ces  furieux  ,  pour  ne 
pas  tomber  entre  les  mains  de  leurs  en- 
nemis, proposèrent  de  se  donner  la  mort; 
et  Josèphe  ne  réussit  qu'avec  peine  à 
leur  persuader  de  ne  pas  tremper  leurs 
mains  dans  leur  propre  sang ,  mais  de 
recevoir  la  mort  par  la  main  d'un 
autre.  Ils  tirèrent  donc  au  sort,  pour 
savoir  qui  serait  tué  le  premier  par  celui 
qui  le  suivait.  Projet  qui  n'était  guère 
plus  raisonnable  qu'un  suicide  propre- 
ment dit.  Josèphe  eut  le  bonheur  de  res- 
ter avec  un  autre ,  à  qui  il  persuada  de 
se  rendre  aux  Eomains.  Vespasien  lui 
accorda  la  vie  ,  à  la  prière  de  Titus  .  qui 
avait  conçu  beaucoup  d'estime  et  d'affec- 
tion pour  lui.  Ce  prince  l'emmenaau  siège 
de  Jérusalem.  Josèphe  y  exhorta  vaine- 
ment ses  compatriotes  à  se  soumettre  aux 
Iloinains.  Après  la  prise  de  cette  ville  ,  il 
suivit  Titus  à  Rome  ,  où  Vespasien  lui 
donna  le  titre  de  bourgeoisie  romaine  et 
le  gratifia  d'une  pension.  Titus  et  Domi- 
tien  la  lui  continuèrent,  et  ajoutèrent  aux 
bienfaits  les  caresses  les  plus  flatteuses. 
On  croit  qu'il  mourut  à  Rome  vers  l'an 
9S.  C'est  dans  cette  ville  que  Josèphe 
continua  la  plupart  des  ouvrages  qui  nous 
restent  de  lui  :  |  Y  Histoire  de  la  guerre 
des  Juifs  ,  en  7  livres.  L'auteur  l'écrivit 
ti'abord  en  syriaque   et  la  traduisit  en 


3  JOS 

grec.  Titus  faisait  tant  de  cas  de  ^G^te 
histoire  qu'il  la  sijjna  de  sa  main  ,  la  fit 
traduire  et  déposer  dans  la  bibliothèque 
publique.  On  ne  peut  nier  que  Josèphe 
n'ait  l'imagination  brillante,  ie  style  ani- 
mé, l'expression  noble  ;  il  sait  peindre  à 
l'esprit  et  remuer  le  cœur.  C'est  celui  de 
tous  les  historiens  grecs  qui  approche  le 
plus  deTite-Live;  aussi  saint  Jérôme  l'ap- 
pelait-il  le  Tite-Live  delà  Grèce;  mais 
s'il  a  les  beautés  de  l'historien  latin,  il  a 
aussi  bien  des  défauts.  11  est  long  dans  ses 
harangues,  et  exagérateurdans  ses  récits. 
\  Les  u^ntiquités  judaïques .  en  20  liv.  ; 
ouvrage  qui  renferme  l'histoire  des  Juifs 
jusqu'à  la  prise  de  Jérusalem,  écrit  avec 
autant  de  noblesse  que  le  précédent  , 
mais  dans  lequel  l'auteur  a  déguisé,  affai- 
bli, ou  anéanti  les  miracles  attestés  par 
l'Ecriture.  Il  corrompt  partout  ce  qui 
pouvaitblesserlesgentils.il  paraît  que 
Josèphe  était  plus  lâche  politique  que 
bon  Israélite.  L'intérêt  le  dirigea  dans  ses 
écrits  comme  dans  sa  conduite.  Il  eut  la 
bassesse  sacrilège  d'appliquer  les  prophé- 
ties sur  le  Messie  à  l'empereur  Vespa- 
sien, tout  païen  qu'il  était.  |  Deux  Livres 
contre  ^/j;;?»//,  grammairien  alexandrien, 
un  des  plus  grands  adversaires  des  Juifs. 
Cet  ouvrage  est  précieux  par  divers  fraç- 
mens  d'anciens  historiens  que  l'auteur 
nous  a  conservés.  |  Un  Discours  sur  le 
martyre  des  Machahées,  qui  est  un  chef- 
d'œuvre  d'éloquence  ;  et  un  Traité  de  sa 
Vie.  Tous  ses  ouvrages  sont  en  grec.  La 
meilleure  édition  est  celle  d'Amsterdam  , 
par  Sig.  Havercamp,  1726,  2  vol.  in-fol., 
en  grec,  et  en  latin  :  il  en  existe  ime 
autre  de  Jean  Hudson  ,  Oxford  ,  1720  , 
2  vol.  in-fol.,  qui  n'est  pas  moins  tstimce. 
Nous  en  avons  deux  traductions  en  fran- 
çais, la  première  par  Arnauld  d'Andilly, 
Amsterdam,  1681 ,  2  vol.  in-folio,  fig.,  et 
Bruxelles,  1701-1703,  o  vol.  in-8°,  fig.; 
la  deuxième  par  le  père  Joachim  Gillet , 
Paris,  1750,  A  vol.  iii-4°  :  celle-ci  est  faite 
avec  plus  d'exactitude  ,  l'autre  est  écrite 
avec  plus  de  force  (  voyez  leurs  articles). 
On  a  beaucoup  disputé  sur  le  fameux 
passage  de  Josèphe  touchant  Jésus-Christ, 
où  cet  historien  juif  reconnaît  le  légis- 
lateur des  chrétiens  pour  le  Messie  et 
l'envoyé  de  Dieu.  Quelques-uns  l'ont  sus- 
pecté, «  parce  que,  disent-ils,  pour  être 
»  conséquent ,  Josèphe  eut  dû  embrasser 
»  le  christianisme  :  »  comme  si  un  homme, 
qui  avait  eu  la  lâcheté  et  l'avcugleinent 
de  reconnaître  pour  Messie  l'idolàUe  Ves- 
pasien, n'avait  pu,  sans  se  faire  cluélien, 


JOS  5 

r^connaîlre  celle  qualité  dans  J.-C.  Saint 
Jérôme.  Ensèbe,  Isidore  de  Pcluse ,  Sozo- 
niène,  Suidas  ,  Grotius,  Huct.  Casaubon, 
Isaac  et  Gérard  Vossius,  Usserius ,  etc. , 
n'ont  pasdciilé  que  ce  passage  ne  fût  de  Jo- 
^èphe.  On  peut  voir  là-dessus  Huet,  Mein. 
évang.  prop.  3,  n°  H.  Mais  s'il  n'est  pas  de 
lui ,  il  en  résulte  un  aqjument  doiit  nos 
incrédules  ne  s'accominoderonl  (juire.Ou 
Joscphe  a  p;irlé  de  Jésus-Christ,  ou  il  n'en 
a  jias  parlé  :  s'il  en  a  parlé ,  qu'on  nous 
hiontre  un  passage  différent  de  celui  que 
nous  y  voyons  :  s'il  n'en  a  pas  jiarlé,  un 
silence  si  affecté  sur  des  événewiens  qui 
avaient  fait  tant  de  i)ruit  dans  le  monde, 
annonce  plus  que  tout  ce  qu'il  eût  pu  en 
dire.  Il  parle  de  saint  Jeaii-Baptiste  et  de 
saint  Jacques  (  roz/cz  saint  JACQUES  le 
Mùiatr)  (i) ,  et  il  aurait  oublié  le  chef, 
dont  les  disciples  étaient  déjà  répandus 
partout  et  cornms  de  tout  lunivers!  On 
a  une  Histoire  clés  Juifs  par  demandes  et 
j)ar  réiKinses ,  avec  la  Vie  de  Joscphe. 
par  Ligcr ,  Lyon  (  Paris  )  ,  1753  3  vol. 
in-12. 

•  JOSÉPHINE  (  Rose  TASCHER  de  la 
PAGERIE),  impératrice  des  Français, 
reine  dllalie ,  naquit  à  la  Martinique  le 
24  juin  1763 ,  d'une  famille  noble.  Amenée 
de  bonne  heure  à  Paris ,  elle  y  épousa  le 
vicomte  de  Beaubaniais  ,  dont  le-  père 
avait  été  gouverneur-général  des  Antilles, 
et  qui  était  doué  des  plus  brillantes  qua- 
lités. Deux  enfans,  Eugène  et  Horlense 
furent  le  fruit  de  ce  mariage.  M""^  de 
Beauharnais  qui  par  son  amabilité  et  ses 
grâces  faisait  les  délices  de  la  société , 
ayant  reçu  la  nouvelle  inopinée  que  sa 
mèi'e  déjà  avancée  en  âge,  était  malade  à 
la  Martinique,  partit  en  1787  pour  cette 
île  où  elle  passa  trois  ans.  Les  troubles 
qui  y  éclatèrent  la  forcèrent  de  fuir 
précipitamment  du  sol  natal ,  et  après 
avoir  échappe  à  une  foule  de  dangers  elle 
arriva  en  France  où  l'attendaient  de  nou- 
velles épreuves.  Son  mari ,  connu  par 
son  attachement  à  la  liberté  constitution- 
nelle, après  avoir  joui  de  la  faveur  popu- 
laire et  commandé  en  chef  l'armée  du 
Rhin,  fut  arrêté  par  suite  de  dénoncia- 
tions mensongères  et  condamné  à  mort. 
AI'"*  de  Beauliarnais  eut  la  douleur  de  le 
voir  conduire  au  supplice,   et  il  paraît 


JOS 


(i)  L'authenltcilé  de  ce  dernirr  passage  n'esl  con- 
tetlée  parperionne;  Blonde!  suspecte  celui  qui  re- 
garde saint  Jean-B.-iptiste  ,  ni.iis  sans  aucun  motif 
raisonnable  (Voyez  JEAN-BAPTISTE).  Orig^ne 
tes  reconnaît  tous  les  deux  ,  dans  un  temps  fort  anté- 
rieur i.  la  prétendue  falsi&catiun  du  texte  de  Josèphc. 


qu'elle  ne  dut  elle-même  son  salut  qti'à 
un  évanouissement  (pii  fit  différer  sou 
exécution.  Le  9  thermidor  survint  bien- 
tôt, et  Tallien  .  dont  la  feitune  avait  élé 
liée  avec  M"""  do  Bt-auharnais .  la  iU 
promiitemenl  sortir  de  prison.  Ce  ser\ice 
dont  elle  conserva  toujours  un  vif  senti- 
ment de  reconnaissance  fut  la  source  de 
la  prodigieuse  fortune  à  laquelle  elle  s'é- 
leva, et  qui  parait  lui  avoir  été  prédite 
dès  son  enfance.  Bai  ras  lit  rendre  à  .José- 
phine tous  sîis  biens  qu'elle  avait  perdus 
l)ar  suite  de  la  condamnation  de  son 
mari.  Après  le  13  vendémiaire,  elle  ren- 
contra chez  ce  direcieur  le  général  Bonn - 
parte  qui  avait  témoigné  la  plus  grand- 
envie  de  la  connaître.  Dès  qu'il  la  vit ,  iî 
coiïçut  pour  elle  un  attachement  très  vif. 
et  il  l'épousa  en  171)6.  La  même  année 
Bonaparte  reçut  le  commandement  de 
l'année  d'Italie.  Joséphine  le  suivit  dans 
cette  campagne  et  s'y  fit  aimer  de  ceux 
niéme  qui  redoutaient  son  mari.  Pendant 
le  temps  que  Bonaparte  passa  en  Egypte, 
la  maisoh  de  Joséphine  devint  à  Paris  le 
rendez-vous  de  tous  les  hommes  mar- 
qwans  de  l'époque.  En  gagnant  les  cœurs 
et  en  se  conciliant  l'estime  et  la  reconnais- 
sance de  tous  les  partis,  elle  frayait  à  son 
époux  le  chemin  du  jjouvoir  suprême.  Sa 
générosilé  n'avait  j)cird  de  bornes ,  et  eile 
essayait  l'aulorité  souveraine,  en  répan- 
dant à  pleines  mains  les  bienfaits.  Ce  fut 
à  ses  larmes  que  MM.  de  Polignac  et  de 
Rivière  durent  plus  lard  leur  grâce.  Lors- 
qu'elle fut  élevée  au  rang  d'impératrice, 
Joséphine  ne  démentit  pas  cette  noble 
conduite  ,  et  elle  redoubla  de  soins  ,  pour 
gagner  la  couliance  de  son  époux  ,  et  mé- 
riter l'amour  des  Français.  Le  mariage 
du  prince  Eugène  ave.^  une  princesse  de 
Bavière,  et  celui  de  Hortense  avec  Louis 
Bonaparte,  qui  devint  roi  de  Hollande, 
lit  éprouver  à  l'impératrice  une  joie  qui 
fut  tempérée  par  le  chagrin  qu'elle  res- 
sentit de  se  séparer  de  ses  enfans.  Bientôt 
la  mort  du  lils  aine  d'Horlense  que  Na- 
poléon se  proposait  de  nommer  son  suc- 
cesseur, lit  évanouir  une  de  ses  plus  chères 
espérances  •,  le  projet  de  divorce  que  Na- 
poléon conçut  dans  l'enivrement  de  sa 
puissance  vint  lui  porter  un  coup  plus 
sensible  encore.  Joséphine  était  tendre- 
ment attachée  à  Bonaparte,  et  elle  ne  put 
qu'éprouver  la  plus  vive  douleur  de  se 
voir  séparée  d'un  époux  dont  la  personne 
et  la  gloire  lui  étaient  également  chères. 
Cependant  elle  eut  aisez  de  force  d'àme 
pour  consentir  à  ce  pénible  sacrifice ,' au- 


JOS  l 

que!  le  prince  Eugène  avait  été  charjjc 
j)ar  reriip«;rcur  de  préparer  sa  irière.  La 
1  e.-olution  de  Bonaparte  fut  rendue  pu- 
blique le  17  décenii)re  180'.).  L'iiilérét  de 
la  France  ,  disail-on  .  coinniandait  cette 
séparation.  Retirée  d'aliord  au  château  de 
Navarre  ,  rcx-iiupératrice  vint  ensuite 
s'établir  à  la  Maluiaison  ,  qu'elle  enrichit 
des  plus  belles  productions  de  la  nature 
et  de  l'art.  Les  revers  qui  signalèrent  le 
déclin  de  l'empire  affectèrent  profondé- 
ment Joséphine.  Elle  voyait  avec  une 
amère  douleur  approcher  la  crise  fatale, 
(^uand  Napoléon  fut  contraint  d'abdiquer, 
Joséphine  re{îrella  d'avoir  perdu  le  droit 
de  l'accompagner  dans  son  exil.  Les  sou- 
verains alliés,  après  leur  entrée  à  Paris, 
s'empressèrent  de  lui  offrir  leurs  hom- 
tnages  respectueux,  et  s'efforcèrent  de  la 
consoler.  Mais  les  émotions  déchirantes 
que  tant  d'événemens  lui  avaient  luit 
éprouver,  avaient  usé  ses  forces.  Bientôt 
elle  fut  atteinte  d'une  maladie  grave,  qui 
dans  trois  jours  termina  sa  vie  et  ses  souf- 
frances. Elle  expira  le  29  mai  1814  au  mi- 
lieu de  ses  enfans  et  de  quelques  amis  (jui 
lui  étaient  restés  fidèles.  Ses  dernières 
paroles  furent  :  l'ile-d'Elbe...  !  Napoléon! 
L'empereur  Alexandre  se  lit  représenter 
à  son  convoi  par  le  général  Sakem.  L'ar- 
chevêque de  Tours  prononça  son  oraison 
funèbre;  et  ses  enfans  obtinrent  en  182i 
l'autorisation  de  lui  ériger  un  monument 
dans  l'église  de  Ruel  où  son  corps  avait 
clé  déposé.  On  a  publié  en  1819  des  .lié- 
moires  et  correspondances  de  Imipéra- 
Irice  Joséphine ,  2  vol.  in-8°.  Mais  le 
prince  Eugène  a  déclaré  depuis  qu'il  n'y 
avait  pas  dans  ce  livre  une  sexde  lettre 
qui  fût  de  la  main  de  sa  mère.  Joséphine 
protégea  les  arts  et  les  sciences  et  aima 
passionnément  la  botanique.  Elle  a  enri- 
chi la  France  d'un  grand  nombre  de 
plantes  exotiques  qu'elle  a  fait  venir  de 
diverses  contrées  du  globe.  On  lui  a  re- 
l)!Oché  une  magnificence  excessive,  qui 
la  força  de  contracter  des  dettes  considé- 
rables ,  pour  suffire  à  ses  énormes  dé- 
penstrs. 

J06EPIN.  Voij.  ARPINO. 

JOSIA.S  ,  roi  de  Juda  ,  succéda  à  son 
père  Amon  ,  l'an  6/tl  avant  Jésus-Christ , 
à  l'âge  de  8  ans.  Il  renversa  les  autels 
consacrés  aux  idoles,  établit  de  vertueux 
iTiagistrals  pour  rendre  la  justice,  et  fit 
réparer  le  temple.  Ce  fut  alors  que  l'ori- 
ginal du  Li'jre  de  la  Loi^  écrit  de  la  main 
de  Moïse  ,  fui  trouvé  par  le  grand-prclre 
Relcias.  Sut  la  fin  de  son  règne  ,  Néchao, 


a  JOS 

roi  d'Egypte,  allant  faire  la  guerre  aux 
Mèdes  et  aux  Babyloniens,  s'avai)^  jus- 
qu'auprès de  la  ville  de  Mageddo.  qui  était 
du  royaume  de  Juda.  Josias  s'opposa  à 
son  passage,  et  lui  livra  bataille  au  pied 
du  Mont-Carmel  :  il  y  fut  blessé  dange- 
reusement, et  mourut  de  ses  blessures  l'an 
GlO  avant  Jésus-Christ.  Le  peuple  donna 
à  sa  mort  les  marques  de  la  \A\\s  vive 
douleur.  Jérémie  composa  un  Cantique 
lugubre  à  sa  louange. 

JOSLAir^  ou  GOSLEN  de  VIERZY, 
évéque  de  Soissons  ,  mort  en  1152  ,  était 
un  des  principaux  ministres  de  Louis 
VII,  et  un  modèle  de  vertu.  Il  laissa  une 
Exposiiion  du  Symbole  et  de  l'Oraison 
doniinicale,  qu'on  trouve  dans  la  Collec- 
tio  inaxima  de  dom  Marlenne.  Il  fonda 
des  abbayes,  entre  autres  Long-Pont,  as- 
sista au  concile  de  ïroyes  ,  en  1127  ,  et  y 
mérita  l'estime  du  pape  Eugène  III  et  de 
toute  la  France. 

JOSSE  (  saint  ) ,  Jitdocus  ou  Jodocus, 
illustre  solitaire,  était  fils  de  Juthaél,  qui 
reprit  le  titre  de  roi  de  Bretagne.  Son 
frère  Judicael,  résolu  de  quitter  le  trône 
pour  se  donner  à  Dieu,  pria  Josse  de  se 
charger  du  gouvernement  de  ses  états  et 
de  l'éducation  de  ses  enfans  ;  mais  celui- 
ci,  également  détaché  des  grandeurs  mon- 
daines ,  sortit  de  la  Bretagne  déguisé  en 
pèlerin,  et  alla  se  cacher  à  Runiac,  dans 
le  Ponthieu  ,  oîi  il  bâtit  une  chapelle.  Cet 
ermitage  fut  changé  ensuite  en  un  mona- 
stère célèbre,  cpiiestà  une  lieue  delà  mer, 
près  de  Montreuil,  diocèse  d'Amiens  ,  et 
se  nomme  Saint -Josse- sur -Mer.  Il  y 
mourut  saintement  en  653  ou  668.  Il  y 
avait  à  Paris  une  paroisse  qui  portait  son 
nom ,  en  mémoire  du  séjour  que  ce  saint 
y  avait  fait.  * 

*  JOSSEyN  l"de  Courtenay,  seigneur 
français  ,  partit  pour  la  Terre-Sainte  eu 
1101,  et  reçut  du  comte  Baudouin  d'Edesse 
son  cousin  ,  la  souveraineté  de  quekpies 
villes  situées  sur  les  bords  de  l'Euijhrate.^ 
En  1115.  Baudoin  lui  donna  la  principauté' 
de  Tibériade.  Après  avoir  été  dans  cet 
intervalle  prisonnier  des  Turcs  pendant 
cinq  ans  ,  il  tomba  de  nouveau  au  pou- 
voir des  Musulmans,  en  1118;  mais  i] 
vint  à  bout  de  briser  ses  fers  et  se  dis- 
tingua par  un  grand  nombre  d'actions 
éclatantes  ,  jusqu'à  sa  mort  arrivéti  en 
1151. 

*J0SSEL1N  II  de  Courtenay,  fils  et  suc- 
cesseur du  précédent ,  n'hérita  pas  de  la 
bravoure  de  son  père.  Aulieu  de  se  mesu- 
rer contre  lesenncmisde  la  croix,  il  n'eut 


JOS 


56 


JOS 


desse,  qu'il  alla  se  confiner  dans  la  déli- 
cieuse retraite  deTurbesscl  sur  les  Lords 
de  l'Euphrate,  qu'il  ne  quitta  que  lorsqu'il 
eut  appris  que  la  ville  d'Edesse  était  prise 
par  le  sullan  de  Mossoul.  Josselin  profita 
pour  reprendre  cette  ville  des  troubles 
qui  suivirent  la  mort  de  ce  prince  musul- 
man :  mais,  «blii;é  bientôt  de  fuir,  Uii- 
inéme  fut  i)ris  par  le  sultan  Nourcddin  , 
et  emmené  à  AÎep,  où  il  mourut  d'ennui 
el  de  misère  en  ilU7. 

*  JOSSELIK  III,  fils  de  Josselin  II,  se 
battit  avec  une  cxlrcme  valeur  contre 
les  musulmans.  Pris  par  les  Turcs  à  la 
bataille  de  Harul  en  H(  S  ,  il  resta  10  ans 
l)risonnier  à  Alep  ,  cl  ne  recouvra  la  li- 
berté que  lorsque  Baudoin  IV,  son  beau- 
frère,  roi  de  Jérusalem,  eut  payé  sa  ran- 
çon. Baudoin  le  nomma  ensuite  grand- 
sénéchal  de  son  royaume. 

JOSSELIN  ,  médecin  anglais  dans  le 
17'  siècle  ,  sous  le  règne  de  Charles  II , 
laissa  une  I/istotre  naturelle  des  posses- 
sions anglaises  en  Américiue.  Il  y  rap- 
j>orle  ce  qu'il  y  a  de  plus  rare  ,  avec  les 
remèdes  dont  se  servent  les  habitans  du 
pays  pour  guérir  les  maladies  ,  les  plaies 
et  les  ulcères. 

JOSL'É,  était  fils  de  Nun  ,  de  la  tribu 
d'Ephraïm  :  il  naquit  en  Egypte  l'arr  ibôk 
avant  J.-C.  Dieu  le  choisit ,  du  vivant 
môme  de  Moïse ,  pour  gouverner  les  Is- 
raélites. Josné  succéda  à  ce  divin  légis- 
lateur, l'an  Ubl  avant  Jésus-Christ.  Moïse 
avait  conduit  le  peuple  de  Dieu  jusqu'au 
,  bord  du  Jourdain.  C'était  là,  selon  l'ora- 
cle divin,  qu'il  devait  terminer  son  mi- 
nislèrc  et  sa  vie.  La  gloire  de  conduire  les 
Israélites  dans  la  Terre  promise  était  ré- 
servée à  Josué.  n  avait  fallu  jusque  là  à  ce 
peuple  un  législateur.  Il  leur^/allail  alors 
un  général  et  un  guerrier  ;  mais  un  gé- 
néral qui  eût  j)ourses  soldats  toute  la  ten- 
dresse d'un  père  ,  et  un  guerrier  qui  ne 
manquât  ni  des  attentions  ni  de  la  vigi- 
lance du  législateur.  Tel  était  Josué.  Il 
envoya  d'abord  des  gens  pour  examiner 
la  ville  de  Jéricho.  Dès  qu'ils  lui  eurent 
fait  leur  rapport,  il  passa  le  Jourdain  avec 
toute  son  année.  Dieu  suspendit  le  cours 
des  eaux  ,  et  le  fleuve  demeura  à  sec 
dans  une  étendue  de  deux  lieues.  Peu  de 
jours  après  ce  miracle  ,  Josué  fit  circon- 
cire tous  les  enfans  mâles  qui  étaient  nés 
pendant  les  marches  du  désert.  Il  fit  en- 
suite célébrer  la  pàque,  et  vint  assiéger 
Jéricho.  Suivant  l'ordre  de  Dieu  ,  il  fit 
faire  six  fois  le  tour  de  la  ville  par  l'ar- 


mée ,  en  six  jours  dilférens  ,  les  prêtres 
portant  l'arche  et  sonnant  de  la  trompette. 
Les  murailles  tombèrent  d'elles-mêmes 
au  septième  jour.  La  ville  d'Haï  fut  en- 
suite prise  et  saccagée,  et  les  Gabaonites  , 
craignant  le  même  sort  pour  leur  ville, 
se  servirent  d'un  stratagème  pour  faire 
alliance  avec  Josué.  Adonisedec  ,  roi  do 
Jérusalem,  irrité  de  cette  alliance,  s'élant 
ligué  avec  quatre  autres  rois  ,  alla  atta- 
quer Gahaon  ;  Josué  fondit  sur  les  cinq 
rois,  qu'il  mit  en  déroute.  Pour  achever 
sa  victoire,  il  commanda  au  soleil  de  s'ar- 
rêter ,  et  la  nature  ,  soumise  à  sa  voix  , 
prolongea  le  jour  de  12  heures  entières  ; 
soit  que  le  soleil  suspendît  réellement 
son  cours,  soit  que  la  terre  dans  le  sys~ 
tème  de  sa  rotation  demeurât  immobile, 
soit  que  pç.r  une  merveille  plus  simple  , 
la  lumière  jetée  par  le  soleil  s'arrêtât  sur 
l'horixon.  «  C'était ,  dit  un  pieux  et  solide 
»  écrivain,  pour  manifester  sa  puissance 
»  aux  yeux  des  nations  idolâtres,  et  pour 
»  leur  montrer  l'absurdité  de  leur  culte, 
»  que  Dieu  fit  alors  ce  grand  miracle. 
»  Rien  n'est  difficile  au  Tout-Puissant.  Il 
»  a  établi  l'ordre  constant  de  l'univers, 
»  pour  élever  l'esprit  de  l'homme  à  la 
»  connaissance  de  ses  perfections  invisi- 
»  blés ,  par  les  merveilles  visibles  qu'il 
»  expose  à  ses  sens.  Il  suspendit  cet  ordre 
»  en  cette  occasion ,  pour  montrer  que 
B  les  plus  grands  prodiges  ne  lui  coûtent 
»  rien  ;  qu'il  est  l'arbitre  souverain  de 
»  toutes  les  créatures,  et  qu'il  est  abso- 
n  lument  indépendant  des  lois  de  la  na- 
»  ture  ;  parce  que  lui  seul  est  l'auteur  de 
»  ces  loi»  ,  que  la  nature  elle-même  n'est 
»  autre  chose  que  sa  volonté  loute-puis- 
»  santé.  »  L'Ecclésiastique  avait  long-temps 
auparavant  exprimé  la  même  observa- 
tion avec  autant  dénergie  que  de  laco- 
nisme :  IiwocavH  altissimum.  jwtentem 
m  oppugnando  inimicos  undique  ,  et  au' 
divit  illum  magnus  et  sanctus  Deus ,  ut 
agnoscant  gentes  potentiam  ejus,  quia 
contra  Deum  pugnare  non  est  facile 
(  Eccl.  iô  ).  Josué,  poursuivant  ses  vic- 
toires, prit  presque  toutes  les  villes  des 
Chananéens  en  six  ans.  Il  distribua  les 
terres  aux  vainqueurs,  conformément  à 
l'ordre  de  Dieu,  et  après  avoir  placé  l'ar- 
che d'alliance  dans  la  ville  de  Silo,  il 
mourut  à  110  ans,  l'an  \k1k  avant  Jésus- 
Christ.  Il  gouverna  le  peuple  d'Israël 
pendant  27  ans.  Nous  avons  sous  son  nom 
un  Livre  canonique  écrit  en  hébreu.  Plu- 
sieurs savans  le  lui  attribuent,  mais  5ans 
en  avoir  aucune  preuve  démonstrative. 


JOU 


57 


JOU 


Los  Commentaires  de  dom  Calmet  el  de 
Wasius,  sur  ce  livre,  sont  les  plus  estimés. 
C'est  par  ignorance  ou  mauvaise  foi  que 
d«s  écrivains  de  ce  siècle  ont  osé  repro- 
chî^r  à  Josué  et  aux  autres  chefs  des  Hé- 
lireux  la  rigueur  dont  ils  ont  usé  envers 
les  habilans  de  la  Pakstine,  el  envers 
quelques  antres  peuples  ;  rigueur  due 
aux  crimes  énormes  dont  ils  étaient  cou- 
pables, et  si  habituels  chez  eux  qu'ils  fai- 
saient comme  partie  de  leurs  iois. 
Dieu  lui-même  avait  ordonné  cette  ri- 
gueur ;  le  Deutéronome  et  le  livre  de  la 
Sagesse  nous  en  instruisent  (i).  Pour- 
qacrl  les  Juifs  n'auraienl-ils  pu  être  les 
exécuteurs  des  arréls  que  sa  justice  avait 
prononcés  contre  des  nations  abomina- 
Lies  ?...  Le  danger  que  les  Juifs,  mêlés 
avecles  idolâtres,  ne  quittassent  bientôt 
le  culte  du  vrai  Dieu ,  était  évident  ;  et  le 
culte  du  vrai  Dieu  était-il  un  objet  assez 
peu  important  pour  lui  préférer  la 
conservation  d'un  peuple  infâme  ,  dont 
la  malice  était  incorrigible...?  Les  Juifs 
punissaient  la  cruauté  de  ces  barbares  par 
la  peine  du  talion.  Je  n'ai  rien  souffert 
que  je  n'aie  fait  souffrir  aux  autres^ 
disait  Adonibcsech  ;  Dieu  me  rend  le 
mal  que  j'ai  fait.  Yoy.  DAVID,  AGAG, 
ADONIBESECH ,  etc. 

JOTAPIEÎV,  tyran,  quîs'étant  soulevé 
dans  la  Syrie,  et  fait  proclamer  empereur 
sur  la  fin  du  règne  de  l'empereur  Phi- 
lippe, fut  défait  sous  celui  de  Dèce,  vers 
l'an  249.  Sa  tête  fut  portée  à  Rome. 

JOUBERT  (Laurent),  savant  médecin, 
professeur  royal  et  chancelier  de  l'uni- 
versité de  Montpellier,  naquit  à  Valence 
en  Dauphiné,  l'an  1529,  etmourut  àLom- 
bez  en  1583,  médecin  ordinaire  du  roi  de 
France  el  du  roi  de  Navarre.  Reçu  doc- 
teur à  Montpellier,  en  1558,  il  succéda  en 
<o6C  au  célèbre  Rondelet,  son  maître  et 
son  ami,  dans  la  chaire  de  médecine, 
puis  en  1574,  dans  la  dignité  de  chancelier 
de  l'université.  Il  laissa  un  Traité  con- 
tre les  erreurs  populaires^  1578,  in-8". 
Il    y  a  des  choses   curieuses ,   dont  plu- 


(i>  Le  livrf  de  la  Sagesse  leur  reproche  tel  sacrifi- 
re»  huinaÏDS  ,  i'infaolicide,  l'aothropopliagic  et  tou- 
te» lei  atrocités  qui  rendent  l'existence  d'un  peuple 
odieuse  ^  IVcn  et  avix  hommes.  Illos  antSquos  hahila- 
t  >res  terta  tantta  luct ,  quos  exhomisti ,  quoniam 
odiiîlia  epera  /acieiani  tibi  per  medicamina  el  sa- 
crificia  injusia  ;  et  filiorum  suorum  neealiTts  sine 
misericordia  ,  el  eomeslortt  visa  mm  hominum  ,  el 
devoratoret  sanguinis  a  medio  sacramenio  luo ,  et 
pucloreâ  pan  met  animarum  inauxilialarum  ,  perdtre 
voh'.sti  per  manus  parentum  nnstrorum.  Sap.  la.  On 
peut  voir  encore  Dei't-  8.   Lrvii.   i8;  etc. 


sieurs  Sont  bien  constatées,  et  d'autres 
qui  ne  méritent  pas  de  croyance.  |  Uii 
Traité  du  ris ,  1579,  in-S",  5  parties,  avec 
la  cause  morale  du  ris  de  Démocrite, 
expliqué  par  Ilippociate,  rare;  |  un  ZJmj- 
loyue  sur  la  en cogr aphte  française .  à  la 
suite  du  précédent  ;  |  De  halnèis  antiquo- 
rum;  De  gymnasiis  et  generibus  exer- 
citationum  apud  antiquos  celebrium ,  etc. 
La  plupart  de  ses  écrits  latins  ont  été  re- 
cueillis en  2  vol.  in-fol.,  Lyon,  1582.  Ils 
roulent  presque  tous  sur  la  médecine;  on 
en  trouve  la  liste  dans  les  notes  deTeissier 
sur  les  Elofjes  de  de  Thou.  Ils  sont  rem- 
plis d'érudition  ;  on  pexit  même  dire  qu'il 
y  en  a  trop  ,  et  qu'elle  nuit  quelquefois 
au  jugeiTtent  de  l'auteur.  —  Laurent  Jou- 
berl  laissa  un  lils  nommé  ISA/'.cJOUBERT, 
qui  a  fait  une  Apologie  de  l'oi'thograpJie 
fj-ançaise.  el  qui  a  traduit  quelques  ou- 
vrages de  son  p>  re. 

JOIJBERT  (le  père  Joseph),  jésuite 
de  Lyon,  coenu  par  un  Dictionnaire  finan- 
çais el  latin,  in-4°,  très  estimé,  surtout 
pour  le  latin,  qui  est  pur,  et  dont  les 
exemples  sont  tirés  des  meilleurs  auteurs; 
i!  ne  vaut  pourtant  pas  celui  du  père  le 
Brun,  qui,  en  profitant  du  travail  de  son 
confrère,  Ta  perfectionné.  Les  Diction- 
naires de  Boudol  et  de  Koëlont  fait  oublier 
celui  de  Joubert.  L'auteur  mourut  vers 
1724. 

JOUBERT  (  Fraxçois),  prêtre  de  Mont- 
pellier, né  en  1689,  mort  le  23  décembre 
1763,  était  fils  du  syndic  des  états  de  Lan- 
guedoc, et  avait  lui-même  exercé  cette 
charge  avant  dètre  élevé  au  sacerdoce. 
Son  attachement  aux  disciples  de  Jansé- 
nius  le  fit  renfermer  à  la  Bastille.  Il  est 
auteur  d'un  Commentaire  sur  l'Apoca- 
lypse, itïiprimé  en  17G2,  en  2  vol.  in-12 , 
sous  le  titre  d'Avignon.  On  a  encore  de 
lui  divers  autres  ouvrages,  dont  les  prin- 
cipaux sont  :  I  De  la  connaissance  des 
temps  par  rapport  à  la  religion,  in-12  ; 
I  trois  Lettres  sur  l'interprétation  des 
Ecritures,  in-12;  \  Explication  de  l'his- 
toire de  Joseph,  in-12;  j  Eclaircissement 
sur  le  discours  de  Job,  in-12;  ]  Traité  du- 
caractère  essentiel  à  tous  les  prophètes  .. 
in-12  ;  |  Explication  des  prophéties  de 
Jérémie,  Ezéchiel.  Daniel,  5  vol.  in-12; 
I  Cominentairessurles  i'i  petit  s  prophète  s, 
6  vol.  in-12  ;  eî  d'autres  ouvrages  qui , 
comme  les  précédens  ,  sont  en  faveur  du 
parti  dans  lequel  il  s'était  laissé  en^jager. 
Tous  les  écrits  de  l'abbé  Joubert  sur  l'E- 
criture sainte  sont  en  faveur  du  miUéna- 
risme ,  et  remplis  d'allusions  malignes  et 
4 


JOU  58 

de  rêveries  ;  il  n'y  est  question  que  d'obs- 
curcisseini-nt,  de  vcrilés  proscrites,  d'er- 
reurs qui  infectent  le  sanctuaire,  de  pas- 
teurs infidèles  ,  du  retour  des  juifs,  qui 
précédera  de  beaucoup  la  fin  du  monde. 
*  JOIIBKRT  (BAnrnÊLEMi-CATiiEr.iivE), 
(;énéral  français ,  naquit  en  1769  à  Pont- 
de-Vaux  en  Krt^se.  Son  père,  jujje  dans 
relie  ville,  le  destinait  au  barreau  ;  mais 
la  révolution  de  1789  vint  le  détourner 
de  ses  études.  Né  avec  une  imaijination 
vive  et  ardente,  il  s'enrôla  volontairement 
en  1791  ,  ei  iiarviut  bientôt  omnie  simple 
grenadier  au  {^rade  d'adjudant -général. 
S'élant  signalé  en  179.T  à  la  bataille  de 
Loano,  il  fut  nommé  général  de  brigade 
sur  le  cbamp  de  bataille.  Depuis  il  ne 
marcha  plus  que  de  victoire  en  victoire, 
et  fut  un  des  généraux  qui  par  son  in- 
trépidité contribua  le  plus  à  la  brillante 
campagne  dltalie  en  1796.  Il  développa 
surtout  les  plus  grands  lalens  dans  la 
campagne  du  Tyrol,  que  Carnot,  dans  ses 
Mémoi7-es ,  appelle  une  campagne  de 
fjèans.  Il  fut  ensuite  appelé  au  comman- 
dement de  l'armée  de  Maycnce,  et  peu 
après  à  celui  de  l'arniée  d'Italie,  en  rem- 
placement du  général  Brune.  Ce  fut  lui 
qui  dirigea  1  opération,  exécutée  avec 
beaucoup  d'adresse  et  de  promptitude, 
mais  peu  lionorable.  qui  eut  lieu  en  Pié- 
mont en  décembre  1798.  Le  roi  de  Sar- 
tlaigne  fut  détrôné  et  chassé  de  ses  étals 
par  les  troujies  françaises  qu'il  avait  re- 
çues sous  la  foi  d'un  traité.  On  a  prétendu, 
dans  le  temps  .  que  Joubert  avait  entre- 
pris celle  expédition  sans  eu  avoir  reçu 
l'ordre  de  son  gouvernement.  Ce  qu'il  y 
îi  de  certain,  c'est  que  le  Directoire  en- 
voya peu  de  temps  après  à  Livourne,  où 
il  s'était  porté  ,  deux  commissaires  i)our 
traverser  ses  opérations.  Il  donna  alors 
sa  démission,  et  revint  à  Paris.  Après  la 
révolution  <)iii  eut  lieu  dans  le  Directoire 
le;  18  juin  1799.  on  lui  conda  de  nouveau 
le  commandement  en  chef  de  l'armée 
dltalie,  pour  s'opposer  aux  progrès  des 
Ilusscs,  commandés  par  Su\varo^v  ,  qui 
avait  repris  en  peu  de  mois  toutes  les 
conquêtes  de  Bonaparte.  Joubert  venait 
idors  d'épouser  iVl"'  de  Monlholon.  11  se 
r-dndità  Gènes  pour  pénétrer,  parles  mon- 
tagnes du  Monlferrat,  dans  le  Piémont, 
et  fut  tué  à  la  sanglante  bataille  de  iNovi, 
Kiï  voulant  rallier  deux  bataillons  et  com- 
mandant une  charge  à  la  baïonnette. 
#^lie  perte  affligea  vivement  l'arnice , 
dent  il  avait  gagné  la  confiance  ,  en  par- 
tageant dans  toutes  les  occasions  ses  liau- 


JOU 
gers  et  ses  privations.  Il  dut  en  grande 
partie  ses  succès  à  la  hardiesse  et  à  Ja 
promptitude  de  ses  manœuvres,  à  l'im- 
pétuosité de  ses  attaques,  à  son  infatiga- 
ble activité,  et  se  lit  remarquer  par  un 
rare  désintéressement  dans  un  temps  où 
presque  tous  les  généraux  s'enrichissaient 
des  dépouilles  des  vaincus.  Les  princi- 
paux meneurs,  persuadés  qu'il  convenait 
de  meltj-e  à  la  tète  du  gouvernement  \m 
général,  avaient,  dit-on,  jeté  les  yeux  sur 
lui ,  au  refus  du  général  Moreau  ,  comms 
le  plus  capable  de  commander  les  armées. 
Il  lenu''ritails;ins(louleparsesta!cns:mais 
il  lui  manquait  ce  calme,  celte  prudence 
qui  ne  permet  pas  à  un  général  en  chef 
surtout,  de  s'exposer  comme  le  dernier 
des  soldats  ,  sa  mort  pouvant  entraîner  la 
perte  de  l'armée ,  et  par  suite  celle  de 
l'étal. 

JOUFFKOY  (Jea\  de),  en  latin  Joff re- 
clus ,  cardinal  et  aumônier  de  Louis  XI, 
né  à  Luxeuil,  dans  la  Franche-Comté,  vers 
l'an  1412,  étudia  d'abord  le  droit  à  Cologne 
et  à  Paris ,  prit  l'habit  de  religieux  dans 
l'abbaye  de  Saint-Pierre  de  Luxeuil,  et  en 
devint  abbé.  PliilippcleBon.ducde  Bour- 
gogne  ,  lui  procura  l'évêché  d'Arras  ,  et 
sollicita  pour  lui  un  chapeau  de  cardinal. 
Pie  11  le  promit,  à  condition  que  le  prélat 
engagerait  le  roi  Louis  XI  à  supprimer  la 
pragmatique-sanction.  Jouffroy  obtint  de 
ce  nionarque  une  déclaration  telle  que  le 
pape  la  souhaitait.  Mais  Louis  XI  se  re- 
pen'. int  de  sa  facilité,  disgracia  l'évêque 
d'Arras.  Pour  remédier  aux  maux  que  sa 
déclaration  pouvait  occasioner  en  France, 
il  fil  de  nouvelles  ordonnances  touchant 
les  réserves  et  les  expectatives,  qui  élaienî 
presque  le  seul  avantage  que  l'abolition 
de  !a  pragmatique-sanction  avait  procuré 
au  souverain  pontife;  et  jusqu'au  temps 
du  concordat,  la  cour  de  Borne  ne  pul 
avoir  la  satisfaction  qu'elle  désirait.  Ce- 
pendant Jouffroy  recueillit  le  fruit  de  sa 
négociation.  Le  pape  ajouta  même  au 
chapeau  de  cardinal  l'cvèché  d'Alby; 
mais  il  n'en  jouit  pas  long-temps,  étant 
mort  au  prieuré  de  BuUi ,  diocèse  de 
Bourges,  en  l/i73.  Il  reste  de  lui  quelques 
discours  recueillis  dans  le  Spicilége  de 
dom  Luc  d'Achéry  :  son  Eloge  historique 
a  été  publié  par  dom  Grappin,  chanoine 
de  Besançon,  178.'),  ia-8°. 

•JOL'G  (HuMBKP.T  de  VILLENEUVE, 
baron  de  ).  premier  président  du  parle- 
ment de  Dijon  dans  les  15*  et  16'  siècles  , 
né  à  Lyon  vers  l'an  l/i60 ,  exerça  d'abord 
ia  charge  de  lieuienant-géiiéral  de  la  se- 


JGU  5 

nédiaussfc  de  sa  ville  natale.  Il  fui  en- 
suite nommé  conseiller  du  roi  en  son 
prand  conseil,  et  reçu-t  tuûu  de  Louis  XII 
en  Iî)05  la  dignité  de  premier  président 
el  de  chef  de  conseil  du  parlement  de 
Eourfïognc.  Après  avoir  rempli  avec  suc- 
cès diverses  missions  au  sujet  des  pré- 
tonlions  injustes  du  pape  Jules  II,  Ilum- 
bert  de  Villeneuve  fut  cliargé  de  nc[;0cier 
avec  les  Suisses  la  rançon  des  otages  que 
louis  de  laTrémouilie  s'était  vu  contraint 
de  leur  livrer  comme  garantie  du  traité 
qu'il  conclut  avec  eux  en  1515,  pour  les 
déterminer  à  lever  le  siège  de  Dijon  et  à 
évacuer  la  Bourgogne.  Malgré  toule  son 
habileté  ,  il  ne  parvint  qu'avec  beaucoup 
de  peine  à  se  retirer  sain  et  sauf  des 
mains  des  Suisses  qui  ne  le  relâchèrent 
que  moyennant  une  rançon  de  2,000  écus- 
soleils.  De  retour  à  Dijon,  il  reprit  l'exer- 
cice de  ses  fonctions ,  et  mourut  dans 
cette  ville  en  1525.  Humbert  de  Ville- 
neuve était  membre  de  l'académie  de 
Fourvièjes,  et  fut  un  des  restaurateurs 
des  sciences  et  des  lettres  dans  la  province 
qu'il  habitait.  On  trouvera  de  plus  amples 
détails  sur  cet  illustre  personnage  dans 
les  Lettfes  sur  trois  Lyonnais ,  premiers 
présidens  du  parlement  de  Bourgogne 
dans  le  16'  siècle,  par  M.  Amanton,  mem- 
bre des  académies  de  Lyon  et  de  Dijon, 
Lyon,  1826,  in-8°,  de  26  pages,  et  qui  ont 
été  insérées  dans  les  archives  du  IlliCne. 
Les  deux  autres  premiers  présidens  sur 
lesquels  M.  Amanton  a  réuni  des  docu- 
mens  historiques  dans  ce  savant  opusnde 
sont  Hugues  Fournier  et  Claude  Pata- 
rin. 

JOUIN  (Nicolas),  né  à  Chartres,  fut 
banquier  à  Paris ,  el  y  mourut  le  22  fé- 
vrier 17S7,  à  73  ans.  On  a  de  lui  :  |  Pro- 
cès contre  les  jésuites  (celui  d'Ambroise 
Guys),  etc.  1750,  in-12;  |  les  Sarcelades, 
.satire  en  vers,  en  faveur  des  disciples  de 
Jansénius;  |  le  Portefeuille  du  Diable,  et 
daulres  fruits  de  la  calomnie  et  de  la 
luxure,  bien  propres  à  faire  connaître  la 
secte  hypocrite  dont  il  s'était  fait  le  cham- 
l»ion. 

'  JOURDAIN  (  AxSEi.ME- Louis -Ber- 
N.vv.o  BRECHILLET),  chirurgien,  né  à 
Taris  le  28  novembre  1754.  Il  se  destina 
I)artir,ulièrement  à  l'art  du  dentiste,  et 
ne  resta  pas  étranger  aux  autres  branches 
de  l'art  de  guérir.  Il  a  inventé  quelques 
iîis'rumens.  parmi  lesquels  on  en  remar- 
que un  pour  l'opération  de  la  pierre  et 
un  autre  pour  l'extirpation  des  polypes 
duns  l'arrière-bouche.  Il  mourut  le  7  fé- 


9  JOU 

vricr  1816.  Cn  lui  doit  :  }  Nouveaux  été- 
mens  d'odontalgie  ,  1756,  in-d2  ;  ]  Traité 
(les  dépôts  dans  le  sinus  maxillaire,  des 
fractures  et  des  caries  de  l'une  et  de  l'au- 
tre mâchoire  ,  1760,  in-12;  |  Essais  sur 
la  formation  des  dents,  comparée  avec 
celle  des  os.  1766,  in-12;  |  le  Médecin  des 
dames  ou  \'j7t  de  les  conserver  en  santés 

1771 ,  iri-12  ;  |  le  Médecin  des  Iwmmes  d^ 
puis  la  puberté  jusqu'à  l'extrême  vieil- 
lesse,  ilTi,  in-12;  j  Préceptes  de  santé., 
ou  Introduction  au  Dictionnaire  de  santé, 

1772,  in-S**.  Ces  trois  derniers  ouvrag(!3 
sont  anonymes.  |  Traité  des  maladies  et 
des  opératioiis  réellement  chirurgicales 
de  la  bouche  et  des  paities  qui  y  corres- 
pondent,  1778.  2  vol.  iM-8";  |  plus  eu rs 
articles  dans  1  •  Journal  de  médecine  et 
dans  \  Année  littéraire. 

*  JOl  J  H  D  A  !  \'  (  A  M  A  blk-Lou  i  s-Map.  i  i.- 
MiciiiL  BiiECHILLET),  fils  du  précédent, 
né  à  Paris  le  23  janvier  1788,  s'adonna 
d'abord  à  l'étude  des  lois,  qu'il  abandonna 
liienlôt  pour  se  livrer  à  celle  des  langu!  s 
orientales.  Les  talens  qu'il  annonçait 
firent  créer  pour  lui  la  place  de  secré- 
taire-adjoint de  l'école  spéciale  des  lan- 
gues orientales,  qu'il  occupa  jusqu'à  sa 
mort,  arrivée  le  19  février  1818.  Son  prin- 
cipal ouvrage  a  pour  litre  :  La  Perse . 
ou  Tableau  de  l'histoire  du  gouvernement, 
de  la  religion .  de  la  littérature .  etc..  de 
cet  empire  ;  des  mccurs  et  coutumes  de 
ses  habitons ,  Paris,  181/1,  5  vol.  in-i8 , 
ouvrage  composé  d'api  es  les  auteurs  ori- 
ginaux, et  qui  prouve  que  Jourdain  avait 
de  grandes  connaissances  dans  l'histoiro 
littéraire  de  ce  pays.  Il  a  travaillé  à  la 
Biographie  universelle,  aux  Annales  des 
voyages .  des  Mines  de  l'Orient .  et  fourni 
à  M.  Michaud  plusieurs  extraits  d'au- 
teurs arabes  pour  son  Histoire  des  croi- 
sades. 

JOIJilDAN  (Raihoxd),  vicomte  de 
Saint-Antoine  dans  le  Quercy,  parut  à  la 
cour  de  Raiiaond  Bérenger  ,  comte  do 
Provence  ,  et  s'y  signala  par  ses  talens. 
Il  lit  plusieurs  pièces  de  vers  pour  Ma- 
bille  de  Riez,  dont  il  était  devenu  amou- 
reux. Cette  illustre  et  vertueuse  danne 
paraissant  insensible  à  ses  feux,  il  prit 
le  parti  de  s'éloigner,  et  se  croisa  contre 
Raimond,  comte  de  Toulouse.  Le  bruit 
ayant  couru  qu'il  avait  été  tué  dans  cette 
expédition,  Mabille  en  fut  si  touchée, 
qu'elle  en  mourut  de  douleur.  Le  vicomte, 
de  retour,  lui  fit  dresser  une  statue  Ci>- 
lossale  de  marbre  dans  l'abbaye  de  Mont- 
Majour  à  Arles.  Il  prit  ensuite  l'habit  rç- 


JOU 


40 


JOU 


liçieux,  renonça  à  la  poésie,  et  mourut 
vers  1286.  Avant  sa  retraite,  il  avait  fait 
on  traité  de  Lon  Fontiunary  de  las  don- 
nas. Son  entrt'e  dans  le  cloître  parut  d'au- 
tant plus  méritoire,  qu'il  avait  dans  le 
monde  la  réputation  d'un  homme  qui 
savait  unir  les  lauriers  de  Mars  à  ceux 
d'ApolUm. 

*  JOURDAN  (Claude),  dit  de  Colom- 
bier, voyageur  et  journaliste  français , 
qui  vivait  à  la  fia  du  17*  siècle ,  séjourna 
plusieurs  années  dans  les  pays  étrangers  ; 
il  exerça  le  commerce  de  la  librairie  à 
leydc ,  où  il  pul)lia  une  Histoire  abrégée 
de  l'Europe,  1G86,  5  vol.  in-18,  espèce 
ûtx  journal  politique  rédigé  par  Jacques 
Bernard.  Renonçant  ensuite  à  cet  éta- 
blissement, il  se  relira  dans  un  village 
du  Barrois  avec  une  pension  du  roi  de 
France ,  et  il  y  rédigea  les  observations 
qu'il  avait  faites  pendant  le  cours  de  ses 
voyages.  Il  y  joignit  les  mémoires  manu- 
scrits que  lui  avait  laissés  un  de  ses  amis, 
et  fit  paraître  le  tout  sous  le  litre  de 
Voyages  historiques  en  Europe .  depuis 
1692  jusqu'en  i700 ,  8  vol.  in-l2  :  cet  ou- 
Trage  obtint  beaucoup  de  succès,  et  eut 
plusieurs  éditions  en  France  et  à  l'étran- 
ger. En  1704  Claude  Jourdan  rximmença 
à  Luxembourg  et  continua  à  Verdun  un 
journal  qui  a  pris  le  nom  de  Journal  de 
Verdun ,  et  qui  avait  pour  litre  :  Clef  du 
cabinet  des  souverains;  ce  journal  parut 
jusqu'en  1727,  époque  où  les  infirmités 
de  l'âge  forcèrçnt  Jourdan  à  cesser  ce 
travail  qui  avait  été  accueilli  avec  faveur. 
Jourdan  a  encore  donné  un  Choix  de 
bon  s  mots ,  ou  Pensées  des  gens  d'esprit 
sur  toutes  sortes  de  sujets ,  Amsterdam  , 
1709,  in-12,  et  1716,  in-8°,  seconde  édi- 
tion considérablement  augmentée  par 
ï'auteur. 

JOrRDAN  {  Jeax-Baptiste  ) ,  né  à 
Marseille  ,  vers  1711,  est  auteur  d'une  co- 
médie inti\\x\ée  l'Ecole  des  prudes  {  1753), 
et  des  ouvrages  suivans  :  |  Le  Guerrier 
philosophe,  la  Haye  (Paris),  1744,  in-12  ; 
j  Histoire  d'Aristomene  ,  général  des 
Blesseniens ,  avec  quelques  réflexions  sur 
la  tragédie  de  ce  nom,  Paris,  1749,  in-12; 
\  Histoire  de  Pyrrhus,  roi  d'Epire,  Ams- 
terdam, 1749,  2  vol.  in-12  ;  |  Jbrocome 
et  Anlhia.  1748,  in-12  ,  roman  traduit  du 
grec,  etc.'Il  est  mort  en  1793. 

•JOURDAN  (Matthieu  JOUVE),  sur- 
nommé Coupe-téte ,  un  des  plus  lâches 
scélérats  qu'ait  enfantés  la  révolution, 
naquit  à  Saint -Just,  près  Lé  Puy,  en 
1743.  Après  avoir  été  boucher  pendant 


quelques  années,  puis  garçon  maréchal, 
contraint  de  fuir  les  poursuites  de  la 
justice  ,  il  se  fit  contrebandier  sur  les 
frontières  de  la  Savoie.  Quelques  disputes 
qu'il  eut  avec  ses  camarades  de  métier  le 
déterminèrent  à  s'enrûler  dans  le  rr{fi- 
menl  d'Auvergne.  Il  déserta  ,  et  se  plaça 
sur  un  vaisseau  marchand  qui  fut  pris 
par  les  corsaires  de  Tunis.  Emmené  es- 
clave à  Maroc,  ce  fut  là  ,  comme  il  le  di- 
sait lui-même,  qu'il  apprit  le  métier  de 
bourreau  ;  et  comme  ce  métier  était  assez 
conforme  à  ses  inclinations  sanguinaires , 
il  y  devint  bientôt  habile.  Son  esclavage 
fut  assez  long;  et,  de  retour  en  France, 
à  l'aide  de  quelques  sommes  que  ses  escro- 
queries ou  ses  vols  lui  avaient  procurées , 
il  se  fixa  à  Paris  ,  où ,  sous  le  nom  de  Pe- 
tit, il  ouvrit  une  boutique  de  marchand 
de  vin.  Dès  le  commencement  de  la  ré- 
volution, Jourdan  fut  un  de  ceux  qui 
manifestèrent  la  haine  la  plus  violente 
contre  le  roi ,  la  reine ,  les  nobles ,  les 
prêtres  et  les  propriétaires  ,  c'est-à-dire 
contre  le  bon  ordre  et  la  religion.  Aussi 
on  l'employa  dans  toutes  les  émeutes  et 
dans  tous  les  massacres.  Il  signala  d'a- 
bord sa  cruauté  en  arrachant  le  cœur 
au  malheureux  Foulon  ,  et  à  son  gen- 
dre l'intendant  Berlhier,  victimes  d'une 
populace  effrénée  qui  applaudissait  à 
ces  affreux  speclacles  {Voyez  ces,  noms.) 
Le  6  octobre  1789  ,  il  se  trouvait  parmi 
les  factieux ,  et  coupa  la  tète  aux  deux 
gardes  du  corps  Deshuttes  et  Varicourt , 
que  plusieurs  forcenés  lui  livrèrent  ,  et 
dont  le  seul  crime  était  d'avoir  rempli 
leur  devoir.  Les  révolutionnaires  ayant 
résolu  de  s'emparer  du  comtat  d'Avi- 
gnon, y  organisèrent,  pour  exciter  une 
révolte,  une  association  de  brigands  qu'ils 
décoraient  du  titre  d'armée  de  Vaucluse; 
le  farouche  Jourdan  en  faisait  partie. 
Celte  horde  sanguinaire  avait  déjà  pris 
Senas,  Monteux,  etc.,  et  de  sa  propre  au- 
torité elle  fit  fusiller  son  général  Patrix, 
qui  avait  sauvé  la  vie  à  quelques  pri- 
sonniers. Jourdan  le  remplaça  avec  le 
titre  de  généralissime  ;  il  ordonna  sur- 
le-champ  le  siège  de  Carpentras ,  tandis 
qu'il  laissait  à  Avignon  un  de  ses  lieute- 
nans,  digne  de  le  remplacer,  appelé  Les- 
cuyer.  Le  peuple  ,  toujours  attaché  à  son 
souverain  légitime,  voulant  s'opposeraux 
mesures  arbitraires  de  Lescuyer,  se  sou- 
leva, et  celui-ci  périt  dans  l'émeute.  Pen- 
dant ce  temps,  Jourdan  avait  inutile- 
ment attaqué  Carpentras,  d'où  il  s'était 
retiré  avec  une  perltî  considérable.   Fu- 


JOU 


M 


rimix  de  tel  échec,  il  retourna  a  A\  i- 
gnon,  el  venjjea  Ja  mort  de  Lescuycr  de 
la  manière  la  plus  féroce.  Il  lit  d'abord 
rassembler  dans  le  palais  appelé  la  Gla- 
cière soixanle-une  personnes  ,  au  nom- 
bre desquelles  se  trouvaient  treize  fem- 
mes ;  il  se  rendit  sur  les  lieux  ,  et  les  fit 
assommer  à  coups  de  barre  de  fer.  II 
tourna  ensuite  toute  sa  fureur  contre  les 
principaux  habilans,  qu'il  immolait  en 
s' enrichissant  de  leurs  dépouilles.  Les 
prêtres  étaient  surtout  l'objet  de  sa  haine 
et  de,  ses  persécutions.  Mous  ne  citerons 
pas  tous  ses  crimes  ;  la  plume  se  refuse 
à  les  rappeler.  Il  suffira  de  dire  que  le 
pillage,  le  meurtre  ,  l'incendie  suivaient 
toujours  ses  pas,  et  que  les  horreurs  qu'il 
commit  dans  le  comtat  furent  telles, 
qu'elles  éveillèrent  l'attention  de  l'Assem- 
blée nationale.  Plusieurs  membres,  el  no- 
tamment ceux  du  parti  des  Girondins^ 
s'étaient  élevés  contre  les  cruautés  de 
Jourdan;  mais  leurs  voix  avaient  été 
étouffées  par  les  démagoijues  de  la  lUon- 
tagne  et  les  salariés  des  tribunes.  L'As- 
semblée écoula  enlin  les  justes  plaintes  qui 
s'tilevaienl  contre  son  i)roconsul.  Décrété 
d'accusation ,  il  trouva  le  moyen  de  se 
sauver;  mais  il  était  trop  utile  au  parti 
des  jacobins  pour  qu'ils  ne  lissent  pas 
leurs  efforts  pour  obtenir  sa  (jrâce.  Com- 
pris, en  1792,  dans  l'amnistie  que  l'as- 
semblée accorda  aux  bri^jands  d'Avignon , 
il  reparut  encore  dans  c«tle  ville,  où  on 
l'envoya  pour  morigéner  les  habilans  : 
c'était  le  mot  dérisoire  du  lenips,  et  qui 
signiliait  en  réalité  piller,  détruire  et 
massacrer.  Jourdan,  investi  de  pouvoirs 
illimités,  s'abandonna  à  tous  les  excès 
dont  il  était  capable.  Avignon  fut  inondé 
de  sang  II  n'oublia  pas  de  comprendre 
dans  les  persécutions  qu'il  exerçait  ceux 
qu'il  soupçonnait  de  n'avoir  pas  applaudi 
quelques  mois  auparavant  à  sa  barbarie. 
De  retour  à  Paris,  il  rendit  compte  de  sa 
miïsioa  :  la  Montagne  elles  tribunes  ap- 
plaudirent, et  on  décréta  quece monstre, 
îa  honte  de  la  société,  avail  bien  mérité 
de  la  pallie.  Depuis  ce  moment ,  il  fut 
employé  à  tous  les  massacres  qui  eureiU 
lieu  dans  les  églises  et  les  prisons  de  la 
capitale.  Il  élail  le  plus  infatigable  des 
bourreaux;  ce  qui  lui  lit  donner  l'affreux 
surnom  dont  il  se  gloriliail.  Les  bras  nus, 
et  couvert  de  sang  el  de  sueur,  il  se  pre- 
st'ntait  ensuite  à  la  barre  de  la  Conven- 
tion pour  rendre  compte  de  ses  exploits, 
tt  pour  recueillir  de  nouveaux  applau- 
dissf  mens.  Il  se  tenait  parfois  à  la  porte 


JOU 

du  conùic  C.'il  de  sulut  public,  pour  con- 
duire aux  différentes  prisons  les  victimes 
qui  périssaient  ensuite  dans  les  massa- 
cres, ou  que  Ion  envoyait  à  l'éciiafaud. 
En  les  remettant  au  concierge,  il  lui  disait 
tout  bas  :  «  Je  l'amène  du  gibier  à  rac- 
»  courcir.  »  Il  avail  chaudement  servi 
Robespierre  dans  les  terribles  luîtes  d'où 
celui-ci  sortit  vain;j[ueur  des  Girondins, 
d'Hébert ,  de  Danton  el  de  tous  ses  ad- 
versaires, et  il  devait  en  recueillir  la  justo 
récompense.  De  nombreuses  accusations 
vinrent  de  nouveau  peser  sur  sa  tcle.  Dé- 
noncé comme  fédéraliste,  conmie  ayant 
usurpé,  à  prix  de  sang,  des  biens  natio- 
naux, el  méconnu  lesautorités  publiques, 
il  fut  condamné  à  mort  par  ce  même  co- 
mité de  salut  i)ublic  dont  il  avail  si  bien 
exécuté  les  ordres.  Ce  n'éiait  pas  la  pre- 
mière fois  que  le  comité  vouait  à  la  mort 
ses  complices  et  ses  bourreaux.  Il  fut  exé- 
cuté le  127  mai  1794  :  soixante-deux  jours 
après,  Robespierre  lui-même  le  suivit  à 
l'échafaud.  La  ligure,  l'air  et  la  mise  de 
Jourdan  annonçaient  l'atrocité  de  son 
âme.  Ce  tigre  affectait  d'avoir  toujours 
ses  habits,  ses  mains  et  sa  longue  et 
épaisse  barbe  tachés  de  sang.  11  avait  un 
soin  particulier  de  celle-ci,  et  quand  il 
pleuvait,  il  la  couvrait  avec  son  manteau, 
de  peur  que  l'eau  n'effàcât  ces  taches  dé- 
goûtantes. Ses  manières,  son  langage,  ses 
vices,  étaient  en  tout  conformes  à  la  bas- 
sesse de  sa  condiiion,  et  à  celte  cruauté, 
jamais  démentie ,  qui  était  le  caractère 
distiïictif  de  ce  scélérat. 

*  JOTJKDA.\  (  Athaxvse-Jeam-Lk- 
ger)  ,  avocat  à  la  cour  royale  de  Paris, 
naquit  le  29  juin  17J1,  à  Saint-Aubin- 
des-Chaumes  dans  le  déparleinenl  de  \n 
Nièvre  ,  se  livra  de  bonne  heure  à  létudo 
approfondie  du  droit  romain ,  de  l'his- 
toire et  de  la  philosophie ,  cl  fut  reçu 
docteur  en  droil  à  la  faculté  de  Paris  eu 
1812.  11  se  destina  à  l'enseignement  do  la 
science  du  droit ,  et  noua  des  relation:» 
avec  les  plus  savans  professeurs  des  uni- 
versités de  l'Allemagne,  se  mettant  ainsi 
en  mesure  de  pouvoir  réj)andre  plus 
promptement  en  France  le  résultat  des 
recherches  faites  parles  publicisles  étran- 
gers. M.  INebuhr,  étant  à  Vérone  en  1816,- 
avait  découvert  dans  la  bibliothèque  de 
la  cathédrale  de  cette  ville  ,  plusieurs 
vieux  manuscrits  sous  lécrllvire  desquels 
l'œil  attentif  pouvait  apercevoir  quebiues 
traces  de  fragmens  de  droit  ron<ain.  Au 
moyen  de  procédés  chimiques  habilement 
employés,  deux  ccrilures  disparurent 
4. 


JOU  l 

successivemenl  el  laissèrenl  voir  un  Icxte 
qu'on  reconnut  pour  celui  de  Gains.  I\[. 
le  professeur  Goeschin  publia  le  jtrcniier 
une  édition  de  celle  jjrécieuse  décou- 
verte ;  M.  Clossus  de  Tubingcn  en  ap- 
porta un  excm|)îaire  à  Paris,  et  Jourdan, 
de  concert  avec  MM.  Blondcau  et  Du- 
caurroy,  lit  connaître  au  moyen  delà  T/ié- 
mis  toutes  les  circonstances  relatives  à  la 
ilérouverie  des  Institutes  de  Gaïus  :  il  en 
a  publié  avec  les  mêmes  professeurs  une 
excellenle  édition  ;  il  a  réuni  en  outre, 
sous  le  titre  de  Jun's  civilis  ecloya  les 
Institutes  de  Gutus .  celles  de  Justinien , 
les  Sentences  de  Paul  et  les  fragmens 
d'Ulpien.  dont  il  lit  la  base  de  l'ensei- 
gneincnt  du  droit  romain.  Peu  de  temps 
après  cette  découverte,  il  api)rit  que 
l'abbé  Mai  avait  trouve  dans  ia  biblio- 
thèque Valicane  de  nouveaux  manuscrits 
palimpsestes  contenant  des  textes  Antè- 
Justiniens  :  il  s'empressa  de  prendre  des 
arranyemens  pour  faire  à  Paris,  en  même 
temps  qu'à  Rome,  la  publication  de  ces 
fragmens,  et  c'est  à  celte  circonstance 
que  l'on  doit  la  prompte  apparition  des 
Fragnœnla  juris  romani  l'aticana.  Ce 
fut  dans  le  but  de  propager  l'élude  de 
l'ancien  droit  romain  qu'il  lit  paraître, 
sous  les  auspices  du  célèbre  jurisconsulte 
allemand  Haubold ,  ses  Tabulœ  chrono- 
logicœ ,  l'un  des  ouvrages  les  plus  utiles 
en  droit  qui  aient  paru  depuis  long-temps. 
Aiyant  reçu  en  1820,  du  gouvernemeritla 
/lission  d'aller  étudier  l'organisation  des 
justices  de  paix  en  Angleterre,  il  y  lit  à 
ce  sujet  plusieurs  voyages,  et  finit  par 
connaître  à  fond  les  institutions  politi- 
ques et  judiciaires  de  ce  pays.  Dans  la 
dernièie  course  qu'il  lit  dans  le  but  d'ap- 
profondir la  législation  coloniale ,  il  fut 
atteint,  au.  moment  où  Q  se  disposait  à 
revenir  en  France,  d'une  lièvre  ardente 
qui  se  convertit  en  lièvre  cérébrale ,  et  il 
en  mourut  à  Déal  jirès  de  Douvres,  le  27 
août  1826.  On  doit  à  ce  jeune  publiciste  , 
dont  la  mort  prématurée  a  élé  une  perte 
immense  pour  la  science ,  plusieurs  ou- 
vrages importans  :  |  Relation  du  con- 
cours ouvert  à  Paris  pour  la  chaire 
de  droit  Rofnain  ,  vacante  par  la  mort 
de  M.  lierthelot .  Paris  ,  Baudouin  ,  1819, 
in-8°  ;  |  Juris  civilis  ecloga  in  quâ .  cum 
Justinianeis  institutionibus  .  novellisque 
IIS  et  i^T  continentur  :  Gaii  institutio- 
iium  commentarii  IV.  Ulpiani  regula- 
rum  liber  singularis ,  Pauli  senlenliaruin 
libri  V,  et  breviora  quœdam  veteris  pru- 
dentiœ  monumenta ,  etc.,  Paris,  1822,  in- 


2  JOU 

12,  que  l'on  joint  ordinairement  aune 
nouvelle  édition  des  institutes ,  conférée 
avec  le  nouveau  Gains;  |  Faticana  juris 
romani  fragmenta .  Romœ  nitper  ab  Jn- 
gelo  Majo  détecta  et  édita,  etc.,  Paris, 
1823,  in-S";  |  Tabulas  chronologie  a  s  qui- 
bus  historia  juris  romani  externa  illus- 
tratur  A.  V.  C.  JJaubold  concinnatas^ 
etc.,  Paris,  1823,  in-fol.  ;  |  Code  des  che- 
mins vicinaux j  etc.,  précédé  d'un  ex- 
posé entièrement  refondu  des  principes 
de  la  malière,  2'  édition,  Paris,  1825, 
in-8"  ;  |  avec  Decursy  et  Isambert  :  Re^ 
cueil  général  des  anciennes  lois  fran- 
çaises ,  Paris  1822  et  années  suivantes , 
12  vol.  in-8°.  La  portion  de  cet  ouvrage 
relative  au  règne  de  Louis  XVI  jusqu'en 
i781,  c'est-à-dire,  les  tomes  15  et  14 ,  a  été 
plus  particulièrement  conliée  à  ses  soins. 
Il  a  élé  aussi  l'un  des  premiers  collabo- 
rateurs de  la  Thémis  ou  Bibliothèque  da 
jurisconsulte  de  1819  à  1827  ,  à  laquelle  il 
a  fouriii  un  grand  nombre  d'articles. 

*  JOUUDAîV  (  Jeaîv-Bai'tiste ,  comte), 
pair  et  ntaréchal  de  France  ,  né  à  Limo- 
ges le  29  avril  1762 ,  était  lils  d'un  chirur- 
gien de  celle  ville.  11  conunença  sa  car- 
rière militaire  en  1778,  dans  le  régiment 
d'Auxerrois,  et  lit  la  guerre  d'Amérique. 
Après  la  conclusion  de  la  j)aix,  il  revint 
dans  sa  patrie  ,  et  lorsque  les  puissances 
étrangères  menaçaient  la  France  en  1792, 
il  conduisit  à  l'armée  du  Nord  le  2"'  ba- 
taillon de  la  Haute-Vienne  ,  dont  il  était 
chef.  Ses  talens  et  sa  bravoure  ne  tardè- 
rent pas  à  le'  faire  remarquer  :  nommé 
général  de  brigade  le  27  mai  1793,  géné- 
ral de  division  le  50  juillet  suivant,  il  se 
distingua  de  la  manière  la  plus  brillante 
à  la  bataille  de  Jiondschoote ,  où  il  fut 
blessé.  Promu  peu  après  au  grade  de  gé- 
néral en  chef,  il  gagna  le  17  octobre  ,  la 
bataille  de  Wallignies,  et  força  le  prince 
de  Cobourg  à  lever  le  siège  de  Maubeuge  ; 
Il  fut  ensuite  nonnné  au  commandement 
de  l'armée  de  la  Moselle  ,  et  ouvrit  la 
campagne  de  179/».  par  le  combat  d'Arien  . 
où  l'ennenû  fut  complètement  battu.  Il 
se  réunit  alors  avec  quarante  mille 
hommes  à  l'aile  droite  de  l'armée  du 
Nord,  devant  t.harlcroi,  et  les  troupes 
placées  sous  son  commandement  prirent 
le  nom  d'armée  de  Sambre-el-Meuse! 
Celte  même  armée  remporta,  le  26  juin, 
la  mémorable  victoire  de  Fleurus  ,  reprit 
les  places  de  Landrecies,  du  Qucsnoy , 
de  S''alericiennes,  de  Condé;  plus  la:d 
elle  s'empara  des  forteresses  de  Maes- 
Iricht,  de  Luxembourg,  et  planta  ses  dra- 


JOU 


43 


JOU 


peaux  sxiT  le  Kliin.  En  scplt  mbre,  Jour- 
dan  passa  ce  fleuve  de  vive  force.  Les 
liyncs  de  Mayence  ayant  clé  forcées ,  il 
marcha  au  secours  de  lariuée  du  Rhin- 
el-Moselle  ,  et  conviul  d'un  armistice 
après  une  courte,  mais  brillante  campa- 
gne dans  le  Hundsruck.  Au  printemps 
suivant,  il  s'empara  de  Francfort,  de 
VVurlzbourg,  et  poussa  ses  succès  jusque 
près  de  Ilatisbonne.  Il  quitta  ,  à  cette  épo- 
que ,  le  commandement  de  l'armée ,  et 
fut  nommé,  en  17'J7,  par  le  département 
de  la  Haute-Vienne  ,  au  conseil  des  Cinq- 
cents,  dont  il  fut  élu  président  le  23  sep- 
tembre. Après  avoir  donné  sa  démission 
le  15  octobre,  et  re'çu  du  Directoire  le 
commandement  de  l'armée  du  Danube  , 
il  passa  le  RUin  le  l*"""  mars  1799  ,  et  entra 
dans  la  Souabe,  dont  l'ijabileté  de  ses 
opérations  le  rendit  bientôt  maître,  sans 
même  avoir  besoin  de  combattre.  Il  ren- 
tra plus  tard  au  conseil  des  Cinq-cents, 
cl  parut  contraire  aux  vues  ambitieuses 
de  Bonaparte.  Cependant  il  fut  nommé 
en  1800,  par  le  premier  consul,  ministre 
extraordinaire,  puis  administrateur-gé- 
néral du  Piémont,  fonctions  qu'il  exerça 
avec  autant  de  talent  que  d'intégrité.  Le 
roi  de  Sardaif];ne  voulaiU  reconnaitre  les 
services  qu'il  avait  rendus  à  cette  époque, 
lui  envoya,  en  18t(),  son  portrait  enrichi 
de  diamans.  Nommé  maréchal  de  l'empire 
et  grand-cordon  de  la  légion-d'honneur 
au  mois  de  mai  1804,  il  passa  ensuite  au 
commandement  de  l'armée  d'Italie.  II 
remphl  les.haules  fondions  de  gouver- 
neur de  Napleset  reçut  le  titre  de  grand- 
dignilairc  des  Deux-Siciles.  Après  avoir 
ensuite  occupé  le  poste  de  major-généraî 
de  l'armée  d'Espagne,  où  il  avait  suivi 
le  roi  Joseph  en  1808,  il  sollicita  son 
rappel  en  181/t.  Il  envoya  son  adhésion 
à  la  déchéance  de  Napoléon  ,  ainsi  qu'à 
tous  les  actes  du  gouvernement  provi- 
soire, et  fut  confirmé  par  Louis  XVIII 
dans  son  gouvernement  de  la  15'  division 
militaire.  Il  reçut  aussi  de  ce  monarque 
la  croix  de  Saint-Louis,  et  au  commence- 
ment de  l'année  suivante  le  titre  de 
comte.  En  1817,  il  fut  nommé  gouverneur 
de  la  7"  division  militaire,  et,  en  1818, 
le  roi  l'appela  à  la  chambre  des  pairs. 
Le  11  août  18â0  ,  Jourdan  fut  nommé 
par  le  pouvoir  né  de  la  grande  révolu- 
tion qui  venait  de  s'opérer,  gouverneur 
des  Invalides.  Il  est  mort  le  26  novembre 
1833.  Il  avait  reçu,  en  1805,  de  l'électeur 
de  Pavière  la  croix  de  l'ordre  de  Sainl- 
Hubert.  On  a  du  maréchal  J  ourdan  : 


Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  ta 
campagne  de  1796,  Paris,  1818,  in-S". 

*JOl'llGMAC-SAL\T-MÉARD  (Fran- 
çois de  ),  chevalier  de  Saint-Louis  ,  né  eu 
1745  à  Bordeaux  ,  d'une  famille  noble  et 
ancienne,  originaire  du  Limousin,  cu- 
ira en  1766  dans  le  régiment  du  roi  (in- 
fanterie) ,  et  s'était  élevé  au  grade  de  ca- 
pitaine, lorsque  son  régiment  fut  dissous 
en  170O.  A  l'époque  où  la  garnison  do 
Nancy  se  révolta,  le  chevalier  de  Sainl- 
Méard  qui  se  trouvait  dans  celte  ville  fuï 
investi  liu  conuiiandemenl  général  par 
les  soldats  révoltés  qui  voulurent  se  por- 
ter sur  Lunéville;  niais  trois  jours  après 
ils  le  condaumèrent  à  mort,  prétendant 
être  trahis  par  lui.  Il  parvint  à  s'échapper, 
mais  quelque  temps  après,  il  fut  arrêté 
et  enfermé  à  l'Abbaye ,  où  il  était  encore 
à  l'époque  des  massacres  des  2  et  3  sep- 
tembre ;  il  ne  dut  son  salut  qu'à  une  es- 
pèce de  miracle.  11  lit  lui-même  connaî- 
tre la  manière  dont  il  fut  épargné  datjs 
une  brochure  qui  eut  plus  de  50  éditions, 
et  qui  est  intitulée  :  mon  agonie  de  trente- 
six  heures.  11  osa  signaler  dans  cet  ou- 
vrage les  égorgeurs  des  prisons  qu'il  avait 
étonnes  jiar  son  courage ,  sa  présence 
d'esprit  et  par  une  gaité  féconde  en  sail- 
lies. Lié  avec  des  écrivains  du  parti  mo- 
narcliiijue  au  commencement  de  la  révo- 
lution ,  il  lit  paraître  avec  eux  le  Journal 
de  la  cour  et  de  la  ville  qui  eut  beaucoup 
de  vogue.  Il  s'associa  encore  à  plusieurs 
autres  publications.  On  roimaîl  de  lui  une 
tragi-comédie  en  5  actes  sur  l'affaire  de 
Nancy ^  et  Correspondance  de  Mesmer 
sur  les  trois  découvertes  du  bacquct  octo- 
gone .  de  V homme-bacquet  et  du  bacquet 
moral,  1  vol.  in-12  ,  qu'il  composa  avec 
MM.  de  For  lia  de  Piles,  et  Louisde  Boisge- 
lin.  Le  chevalier  de  Saint-Méard  est  mort 
à  Paris  le  5  février  1828. 

JOUSSE  (Daa'iel),  conseiller  hon<i- 
raire  au  chàlelet  d'Orléans,  né  dans  cette 
ville  le  10  février  1704,  mort  le  21  août 
1781  ,  s'est  fait  une  réputation  distinguée 
par  ses  travaux  et  ses  lumières  eu  ma- 
tière de  jurisprudence.  Il  fut  l'émule  et 
l'ami  de  Pothier.  Peu  d'auteurs  ont  été 
plus  cités  de  leur  vivant,  surtout  dans  le» 
matières  criminelles.  On  a  de  lui  : 
I  Traité  de  la  juridiction  des  présidiaùx  , 
tant  en  matière  civile  que  criminelle, 
avec  un  recueil  de  règlemens ,  Paris ,  1764 , 
in-12;  |  Nouveau  commentaire  sur  ledit 
du  mois  d'août  1G95 ,  concernant  la  juri- 
diction ecclésiastique .  avec  un  recueil  des 
jprincipaux  édits^  ordonnances  et  décla- 


JOU  4 

rations  relatifs  à  la  maticre,  Paris  ,  1767, 
,  2  vol.  iu-12;  et  d'autres  ouvrages  estimés , 
niais  qui  se  resscnlcml  ricanuioins  de  la 
I précipitation  et  de  Icsprit  compilateur 
!  de  ce  siècle.  La  liste  complète  de  ses  cu- 
■  vrages  dont  la  i»lupart  sont  classiques  en 
juiisprudence,  se  trouve  dans  les  Lettres 
sur  la  profession  d'avocat,  de  Camus. 

JOUVE  (JosEi'u),  jésuite,  né  à  Em- 
brun en  1701,  morl  le  2  avril  17;)8 ,  est 
auteur  d'une  Histoire  de  la  conquête 
de  la  Chine  par  les  Tartares  Mant- 
ihoux^Lyoa,  illik ,  2  vol.  in-12.  Il  s'est 
déguisé  sous  le  nom  de  ï^ojea  de  Bru- 
tiem;  il  a  joint  un  accoid  chronologique 
des  annales  de  la  uionarchie  chinoise  avec 
les  époques  de  l'ancienne  histoire,  de- 
puis le  déluge  jusqu'à  Jésus -Christ.  On 
prétend  que  le  père  Jouve  a  tiré  celte 
histoire  de  l'élablissemenl  de  la  dynastie 
régnante,  des  Jnnales  de  la  Chine  du 
père  de  Mailla,  qui  n'avaient  pas  encore 
été  imprimées  ;  sources  peu  propres  à 
donner  de  la  confiance.  On  a  encore  du 
même  •.Histoire de Zénobie,  impératrice. 
7'eine  de  Pal/Il ijre .  Paris,  17j8,  in-12, 
sous  le  nom  de  Euvoi  de  Hauteville , 
écrite  d'une  manière  intéressante,  et  qui 
a  eu  beaucoup  de  succès. 

JOUVE-JOUllDAN.  Voyez  JOURDAN 
(Mathieu). 

JOUVEXCY  ou  JOUVANCY  (Joseph  ), 
jésuite  parisien,  né  le  li  septembre  1645, 
professa  les  humanités  à  Caen,  à  la  Flè- 
che et  à  Paris ,  avec  un  succès  peu  com- 
mun, et  mourut  le  29  mai  1719  à  Rome, 
où  ses  supérieurs  l'avaient  appelé,  e'n 
1699,  pour  y  continuer  V Histoire  de  la 
société.  Il  eut  des  désagrémens,  parce 
qu'il  pensait  à  peu  près  conune  le  chan- 
celier de  Chiverny  sur  le  compte  de  son 
confrère  Guignard  (  Voyez  ce  nom  ), 
quoiqu'il  déleslàl  la  doctrine  du  tyran- 
nicide,  comme  il  s'exprime  lui-même 
dans  celle  Histoire  :  Hanc  doctrinam 
(ty7-annicidii)  detestamur.  ut  humanis 
divinisque  legihus  vetitam.  «  Quand  on 
»  songe ,  dit  un  auteur  moderne ,  que 
»  la  plus  téméraire  d*  s  assertions  anti- 
»  royalistes  imputées  aux  jésuites  n'est 
»  pas  comparable  pour  la  hardiesse  aux 
»  maximes  de  la  philosophie,  honorées 
»  aujourd'hui  comme  des  vérités,  et  mises 
»  en  pratique  par  l'Assemblée  nationale, 
»  on  est  bien  tenté  de  gémir  sur  le  sort  de 
»  l'espèce  humaine...  Mânes  de  Gretzer, 
»  de  Keller,  de  Rusembaum,  do  Jou- 
*  vency,  dont  la  justice  séculière  a  flétri 
»  les  oijinions ,  paraissez    au    milieu  de 


l  JOU 

n  nous,  pour  reprociu-r  à  uu  siècle  sans 
n  principes,  son  inronséqiu'n;:e  et  son  in- 
»  justice.  Votre  ci  itne  est  d'avoir  autorisé 
»  des  droits  vrais  ou  prétendus  contre  les 
»  tyrans  ;  le  suprême  mêrile  de  la  pliilo» 
»  Sophie  est  de  tourner  ses  sophismescon- 
»  tre  des  souverains  justes  et  suges...  Im- 
»  prudens  !  en  même  temps  que  vous  ae« 
/>  créditiez  peut-être  une  erreur,  vous  re«« 
»  pecliez  l'ensemble  des  vérités  antiques 
»  de  la  foi.  Vous  élitz  ciiretietis.  Oh  ! 
»  voilà  ce  que  l'on  ne  pardonne  pas!  A 
»  la  doctrine  du  tyrannicide,  que  n'ajou- 
»  tiez-vous  celle  de  l'athéisme,  et  \ous 
»  deveniez  oracles  de  la  po!iti(jue.  »  (  Vo'/. 
SANTAREL.  )  L'ouvrage  du  père  Jeu- 
vency  forme  la  cinquième  partie  de 
l'Histoire  des  jésuites,  depuis  1591  jus- 
qu'en 1616,  in-fol.,  impriuié  à  Rome  en 
1710.  L'historien  y  traite  de  la  puissance 
du  pape  sur  le  temporel  des  rois  ,  suivant 
les  principes  ullramontains  ;  cela  seul 
suffisait  pour  faire  condamner  celte  His- 
toire en  France  :  aussi  fut-elle  supprimée 
par  deux  arrêts  du  parlement,  le  premier 
du  22  février  1713  ;  le  second  du  24.  mars 
de  la  même  année;  peut-être  même  le 
parlement  ne  se  fùl-iî  pas  contenté  d'une 
simple  suppression,  si  le  roi  n'eût  dé- 
clare qu'il  ne  voulait  pas  qu'on  poussât 
plus  loin  celte  affaire,  content  de  la  dé- 
claration faite  et  adressée  à  ce  sujet  par 
les  jésuites,  après  laquelle  le  roi ,  dit  l'a- 
vocat-général  (  M.  Joly  de  Fleury)  dans 
son  plaidoyer,  les  ajuycsplus  dignes  que 
jamais  de  la  protection  dont  il  les  honore. 
L'ouvrage  du  père  Jouvency  est  écrit 
avec  autant  de  pureté  que  d'élégance  ;  il 
a  été  continué  avec  succès  par  le  père 
Jules-César  Cordara,  Rome,  1730,  1  vol. 
in-fol.  En  1715,  on  imprima  à  Liège  un 
Recueil  iri-12  ,  touchant  cette  histoire.  Ce 
recueil  n'est  pas  commun.  On  a  encore  du 
père  Jouvency  :  |  des  Harangues  latines. 
prononcées  en  diverses  occasions ,  en  2 
vol.  in-12;  |  un  trailé  De  ratione  disce7idi 
et  docendi ,  Lyon,  1692,  in-12,  ouvrage 
excellent,  et  dont  Rollin  parle  dans  des 
termes  très  avantageux,  mais  que  le  Traité 
des  éludes  de  ce  dernier  a  rendu  moins 
utile.  Il  a  été  réimprimé  à  Paris,  in-12, 
1778,  chez  Barbou,  et  traduit  en  français 
par  M.  Lefortier,  Paris,  1803,  in-12.  On, 
trouve  dans  la  partie  qui  regarde  l'ensei- 
gnement des  réflexions  sages ,  des  règles 
du  goût  le  plus  sûr,  formé  sur  les  excelîens 
modèles  de  l'antiquité  ;  des  préceptes  tra- 
cés par  la  raison  et  par  l'expérience,  une 
méthode  claire  et  mise  à  la  portée  de  tous 


JOU 


45 


JOU 


les  esprils,  l'amour  de  la  verlu,le  /ile 
pour  le  pi<){jrès  des  sciences  et  des  bonnes 
mœurs.  Ce  qui  parait  surtout  précieux 
dans  l'ensemble  des  différens  avis  que  le 
père  Jouvency  doinie  aux  maîtres .  c'est  la 
noblesse  et  la  force  des  motifs  qui  doivent 
dirijjer  et  soutenir  les  pénibles  travaux 
de  l'instruction;  motifs  qui  ne  prennent 
leur  essor  et  leur  activité  que  dans  les- 
pril  de  la  reljyion  cbrétieime,  et  qui  par 
là  même  sont  devenus  bien  rares,  et 
qu'on  ne  trouve  plus  que  dans  un  petit 
noinbre  d'individus  (jue  le  piïilosopbisme 
n'a  pas  subjugués.  On  ne  peut  rien  ajouter 
à  celte  {jrande  leçon ,  pleine  de  senliment, 
de  tendresse,  d'une  sage  et  bienfaisante 
philosophie,  et  qui  seule  sufiil  pour  faire 
un  excellent  instituteur  :  Certat  tawiuam 
sub  persona  laleiitem ,  in  exiguis  corpus- 
culis.  divinœ  speciem  originis  ^  linea- 
menla  cœleslis  cognationis ,  sanguinnn 
Christi;  in  eisdetn  prelium  crucis,  jus 
regni,  hœredilatem  a'ternitatis  .  conWm- 
pletur  :  tuni  vero  quam  non  modo  liben- 
ier^sed  etiam  arnbitiose  docendi  munus 
exercebit  !  Dans  les  avis  relatifs  à  la  ma- 
nière d'apprendre,  l'auteur  est  moins 
heureux  ;  il  parait  qu'il  ne  connaissait  pas 
assez  la  nature  de  l'esprit  bumain,  les 
différentes  formes  et  propriétés  sous  les- 
quelles lise  développe,  pour  le  diriger 
sûrement  dans  ses  travaux.  En  suivant 
ses  leçons  à  la  lettre,  les  génies  vifs,  ra- 
pides et  profonds  essuieraient  tous  les 
inconvéniens  d'une  servitude  incompa- 
tible avec  leurs  facultés  intellectuelles.  Le 
père  Jouvency  accumule  tellement  et  fait 
succéder  si  rapidement  les  lectures  les 
plus  disparafes,  qu'il  est  impossible  qu'il 
n'en  naisse  de  la  confusion  et  du  désor- 
dre, et  que  l'esprit,  privé  de  sa  liberté  et 
du  loisir  de  la  réflexion,  n'éprouve  le 
malheur  de  la  stéiililé  au  milieu  de  l'a- 
bondance ,  le  dégoût  et  la  satiété  dans  le 
sein  de  la  variété  et  de  la  plus  riche  opu- 
lence. (  yoyez  SACCHIiSl.  )  |  Appendix 
de  Dits  et  heroibics  poelicis.  C'est  lui  ex- 
cellent abrégé  de  mythologie  que  l'on  suit 
encore,  et  dont  M.  Roger  a  donné  une 
édition  en  1803  avec  des  notes  sur  les- 
quelles on  trouvera  une  critique  judi- 
cieuse dans  \c  Magasin  eiicyclopédirpie  de 
1806, 1. 1",  p.  hhd.  I  Des  Notes  pleines  de 
clarté  et  de  précision  sur  Térence,  Ho- 
race, les  Métamorphoses  d'Ovide,  Perse, 
Juvénal,  Martial,  et  sur  quelques  ou- 
vrages de  Cicéroii.  C'est  lui  qui  le  pre- 
mier imagina  de  donner  des  éditions 
d'anciens    auicuis    classiques    avec  des 


suppressions,  ou  ediliunes  expurgatcc.  On 
reconnaît  dans  tous  ces  écrits  un  homme 
qui  s'est  nourri  des  bonnes  productions 
des  anciens.  La  pureté,  l'élégance,  la 
facilité  de  son  style,  la  richesse  de  ses 
expressions,  l'égalent  presque  aux  meil- 
leurs écrivains  de  l'antiquité.  Tous  ceux 
qui  s'intéressent  aux  belles-lettres  et  aux 
bonnes  mœurs  lui  auront  une  éternelle 
obligation  d'avoir  mis  les  auteurs  latins 
en  elat  d'être  lus  par  la  jeunesse ,  sans 
aucun  danger  de  se  corrompre  le  cœur 
en  se  formant  l'esprit. 

JOLIVE.XKT  (Jea?i),  peintre,  né  en 
1647  à  Rouen  d'une  famille  d'artistes  dis- 
thigués,  mort  à  Paris  en  1717,  reçut  le 
l)inceau  de  la  main  de  ses  pères.  Le  ta- 
bleau contm  sous  le  nom  du  Mai^  qu'il  fit 
à  l'âge  de  1<J  ans,  et  dont  le  sujet  est  la 
guérison  du  paralytique  ^  annonça  l'ex- 
cellence de  ses  talens.  Le  Brun  présenta 
ce  maître  à  l'académie,  où  il  fut  reçu  en 
1675.  On  le  nounna  depuis  directeur  et 
recteur  perpétuel.  On  connaît  les  quatre 
morceaux  qu'il  composa  pour  l'église  de 
Saint-Mai  lin-des-Chumps.  Le  roi  voulut 
les  voir,  et  en  fut  si  satisfait ,  qu'il  or- 
donna à  Jouvenel  de  les  recommencer, 
pour  être  exécutés  en  tapisserie.  Jouvenet 
peignit  donc  les  mêmes  sujets  ;  mais  en 
homme  de  génie  ,  sans  s'attacher  servi- 
lement à  ses  premières  idées.  Il  se  sur- 
passa lui-njéme  dans  ces  derniers  ta- 
bleaux, qui  sont  aux  Gobelins.  Le  czar 
Pierre  l"  ayant  vu  les  tapisseries  qui 
étaient  exécutées  d'après  lui,  en  fut 
frappé,  et  les  choisit  pour  la  tenture  que 
le  roi  lui  avait  offerte.  Louis  XIV  connais- 
sait le  rare  mérite  de  Jouvenel;  il  le 
chargea  de  peindre  à  fresque  les  douze 
autres ,  au-dessous  de  la  coupole  de  l'é- 
glise des  Invalides;  et  l'illustre  artiste 
l'exécuta  de  la  plus  grande  manière.  Son 
pinceau  fut  aussi  employé  dans  la  clia- 
pelie  de  Versailles,  lin  travail  excessif 
altéra  sa  santé  ;  il  eut  une  attaque  d'apo- 
plexie, et  demeura  paralytique  du  côlé 
droit.  Cependant  il  dessinait  encore  de  la 
main  droite ,  avec  beaucoup  de  difticulté. 
Eniin  il  s'habitua  à  se  servir  de  la  inain 
gauche.  On  voit  plusieurs  magnifiques 
ouvrages  qu'il  a  exécutés  de  cette  main, 
entre  autres  le  tableau  appelé  le  Magni- 
ficat, dans  le  chœur  de  Noire-Dame  de 
Paris.  Les  autres  ouvrages  les  plus  es- 
timés de  ce  peintre  sont  :  La  Magdeleine 
chez  le  Pharisien  ;  Jésus-Christ  chassant 
les  vendeurs  du  temple  ;  La  Pêche  mira- 
cideuse  ;  La  Résurrection  de  Lazare  ;  La 


jov  U 

descente  de  croix  ;  Lslher  devant  yissué- 
rus  ;  un  grand  nombre  de  Fresques,  etc. 
Le  Musée  du  Louvre  possède  huit  Ta- 
bleaux ou  portraits  de  Jouvenel.  Ce  pein- 
tre avait  une  imagination  vive,  beaucoup 
d'enjouement  dans  l'esprit,  de  franchise 
el  de  droiture  dans  le  caractère.  Son  pin- 
ceau ferme  et  vigoureux,  la  lichesse  de 
sa  composition,  sa  grande  manière,  char- 
ment et  étonnent,  mais  son  coloris  est 
trop  négli;jé. 

JOU  Y  (  Lodis-Fp.axçois  de  )  avocat  au 
])arlem('nl  el  du  clergé  de  France,  né  à 
l'aris  le  2  mai  \l\k,  mort  dans  la  ménie 
ville  le  7  février  1771  ,  se  livra  particu- 
/lèrcment  aux  matières  ecclésiastiques.  11 
fut  chargé  d'îs  affaires  du  clergé,  el  s'en 
acquitta  avec  hoimeur.  On  a  de  lui  : 
I  Principes  sur  les  droits  et  obligations 
des  gradués,  ip-i!2;  |  Supplément  aux  lois 
civiles  dans  leur  ordre  naturel,  in-fol.  ; 
I  Arrêts  et  règlemcns  recueillis  et  nds  en 
ordre,  i752,  in-4";  ]  Conférences  des  or- 
donnances ecclésiastiques,  1753,  in -4". 
Après  sa  mort,  on  trouva  chez  lui  ma- 
nuscrits :  Principes  et  usages  concernant 
les  dîmes,  1770,  in-i2,  el  la  Coutume  de 
Me  aux ,  ouvrage  qu'il  avait  déjà  mis  au 
joiu-,  el  dont  il  avait  préparé  une  nou- 
velle édition. 

JOVE  ou  GIOVIO  (Paul),  historien 
célèbre ,  né  à  Corne  eu  Lombardie  le  15 
avril  li83 ,  vécut  sous  quatre  pontifes, 
savoir  :  Léon  X,  Adrien  VI ,  Clément  YII 
dcMédicis,  son  constant  protecteur,  el 
Paul  III.  D'abord  médecin,  il  fut  ensuite 
élevé  sur  le  siège  épiscopal  de  Nocera.  Il 
désira  en  A  ain  d'être  transféré  à  Côme  ; 
Paul  III  lui  refusa  constamment  cet  évè- 
ché.  François  P'  le  traita  avec  plus  de 
di->linctio!».  Il  lui  écrivit  des  lettres  pi- 
teuses ,  el  lui  accorda  une  pension  consi- 
dérable. Celte  pension  fut  retranchée  par 
le  connétable  de  Monlniormci,  sous  le 
règne  de  Hemi  II.  Paul  Jove  s'en  vengea 
en  maltraitant  le  connétable  dans  le  51' 
livre  de  son  histoire.  Il  ne  faisait  pas  dif- 
licullé  d'avouer  «  qu'il  avait  deux  plu- 
»  mes,  l'une  d'or  et  l'autre  de  fer,  i)Our 
»  traiter  les  princes  suivant  les  faveurs 
s  ou  les  disgrâces  qu'il  en  recevait.  »  Il 
paraît ,  par  ses  lettres  ,  qu'il  avait  l'àme 
cxtrèmemeiil  intéressée.  On  n'a  jamais 
quêté  avec  autant  d'assurance  :  il  de- 
mande à  l'un  des  chevaux,  à  l'autre  des 
cmûlures.  Charles -Quint,  les  ducs  de 
Milan  ,  d'Urbin,  de  Mantoue,  de  Ferrare, 
de  Florence,  le  marquis  de  Pescaire,  et 
autres  princes ,  le  comblèrent  de  présens. 


11  amassa  de  grandes  richesses,  doiit  il 
employa  une  grande  partie  à  balir,  au 
bord  du  lac  de  Cùnie  el  sur  les  ruines  de 
la  superbe  Villa  de  Pline  le  Jeune,  un 
palai.-i  magnifique  ,  orné  de  jardins  somp- 
tueux. Les  chefs-d'œuvre  des  arts  qu'il  y 
réunit  firent  donner  à  ce  palais  le  sur 
nom  de  Musée.  Il  y  avait,  entre  autres, 
une  superbe  collection  de  portraits  des 
personnages  les  plus  célèbres.  Au  sac  de 
Rome,  par  le  comiélable  de  Bourbon,  il 
perdit  tout ,  jusqu'à  un  coffre  de  fer  où 
étaient  enfermés  son  argenterie  et  ses 
écrits.  Ce  colfre  tomba  au  pouvoir  de 
deux  Espagnols  ,  l'un  d'eux  garda  l'argen- 
terie, et  l'autre  céda  les  écrits  pour  un 
canonicat  que  lui  accorda  Clément  VII. 
Cet  historien  mourut  à  Florence  en  1532, 
à  70  ans  :  il  était  conseiller  de  Côme  de 
Médicis.  On  a  de  lui  :  |  une  Histoire  en 
45  livres,  qui  commence  à  l'an  14%,  et 
qui  finit  en  1544  ;  Florence,  1530  et  1552, 
2  vol.  in-fol.  Il  y  en  a  une  vieille  traduc- 
tion française,  Lyon,  1552,  in-fol.  La 
\ariétc  el  l'abondance  des  matières  la 
font  lire  avec  plaisir.  La  scène  est  tour  à 
tour  en  Europe,  en  Asie,  en  Afrique.  Les 
principaux  événemens  de  cinquante  an- 
nées, décrits  avec  beaucoup  d'ordre  et  de 
clarté,  forment  un  corps  d'histoire  qui 
pourrait  élre  très  utile  si  la  fidélité  de 
l'historien  égalait  la  beauté  de  la  matière. 
Pensionnaire  de  Charles-Quinl ,  et  pro- 
tégé par  les  Médicis,  il  parle  de  ces 
princes  avec  des  éloges  quelquefois  ou- 
trés. Il  consacra  57  ans  à  la  composition 
de  son  Histoire,  qu'il  commença  étant 
encore  fort  jeune.  Léon  X  en  ayant  lu 
quelques  passages  devant  les  cardinaux, 
le  compara  à  Tile-Live.  |  Les  Fies  des 
fiommes  illustres  ;  \  Les  Eloges  des  grande 
hommes.  Ou  reproche  à  ces  deux  ouvra- 
ges, ainsi  qu'à  sa  grande  Histoire,  un 
style  trop  oratoire,  un  ton  trop  enflé; 
mais  ils  sont  utiles  pour  la  connaissance 
des  faits  el  dits  des  hommes  célèbres. 
I  Fies  des  douze  Visconti ,  souverains  de 
Milan;  j  Plusieurs  autres  Ouvrages ,Adin% 
lesquels  on  remarque  de  l'esprit,  mais 
peu  de  goût  et  peu  de  justesse.  On  a  re- 
cueilli toutes  ses  OEuvres  à  Bâle,  en  G 
vol.  in-fol.,  reliés  ordinairement  en  trois. 
C'est  l'édition  la  plus  complète,  elle  est 
de  1578.  —  Son  frère,  Bk\oit  JOVE,  com- 
posa plusieurs  ouvrages  ,  entre  autres  une 
Histoire  des  Suisses;  et  son  petit-neveu  , 
Paul  JOVE ,  qui  fut  aussi  évéque  de  INo- 
cera,  el  mourut  en  1382,  cultiva  avec 
succès  la  poésie  italienne. 


JOV  47 

•JOVELLAAOS  (don  Gaspard-Mei.- 
cmoR  de),  savant  espagnol,  naquit. à 
Gijon  dans  les  Asluiies  ,  en  17i9.  Il  étudia 
dans  l'université  d'Alcaia-de-IIénaiès,  et 
ensuite  à  Salanianque.  11  était  profondé- 
ment instruit  dans  les  lois,  dans  les  lan- 
gues savantes,  l'histoiie,  l'antiquité,  la 
lillcrature  ancienne  et  moderne;  il  pos- 
sédait l'anylaiSjle  fraiiçais  et  l'italien; 
ses  poésies  le  mirent  au  ranjj  des  pre- 
miers poètes  espagnols  de  son  temps. 
Quelques  L'ssais  lyriques  qu'il  publia  lui 
raérilèrcnt  d'être  reçu,  en  1770,  à  l'aca- 
déuiie  espagnole  ;  il  avait  alors  21  ans.  Le 
minisire  l'Iorida-Bianca  ayant  su  appré- 
cier les  talons  de  Jovellanos,  le  présenta 
à  Charles  111,  qui  le  nomma  cpnseiller 
d'état,  et  lui  contia  les  affaires  les  plus 
délicates  qu'il  conduisit  toujours  avec 
homieur  et  succès.  A  la  mort  de  ce  mo- 
narque, le  minisire  ayant  été  ron\oyé, 
le  crédit  de  Jovellanos  diminua  ;  mais  il 
sut  se  maintenir  encore  U  ans  en  place. 
Ses  ennemis  n'attendaient  qu'une  occa- 
sion pour  le  perdre  toul-à-iait.  11  la  leur 
fournit  lui-même  en  proposant,  pour 
subvenir  aux  besoins  de  l'Espagne,  que 
ruinait  l'alliance  de  la  France,  d'imposer 
une  forte  taxe  sur  le  haut  clergé.  On  exila 
Jovellanos;  cependant  sa  proposition  fut 
mise  à  exécution  peu  de  temps  après.  Il 
fut  ra])pelé  (Mi  l/UD ,  et  remplaça  Llaguno 
dans  le  ministère  de  grâce  et  de  justice 
(  de  l'intérieur  ).  Jovellanos  voulut  être 
chef  indépendant  du  département  qui  lui 
avait  été  conlié  ;  ce  qui  ne  pouvait  guère 
se  concilier  avec  le  despotisme  que  le 
prince  de  la  Paix  exerçait  sur  les  autres 
ministres.  Ce  favori  lit  exiler  de  nouveau 
Jovellanos  à  l'Ile  Majorque,  où  il  fui  ren- 
fermé dans  le  couvent  des  Chartreux  de 
Paîma,  après  avoir  été  8  mois  seulement 
ministre.  On  l'accusa  d'avoir  fait  j)ar- 
venir  à  Charles  IV  un  mémoire  où  il  dé- 
voilait la  conduite  assez  équivoque  de 
son  favori.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  mé- 
moire ,  ainsi  que  de  bien  d'autres,  qui  ne 
produisirent  aucun  effet  sur  l'esprit  du 
roi,  Jovellanos  fut  soigneusement  gardé 
dans  le  couvent  des  chartreux  de  cette 
ville.  A  l'invasion  des  Français  en  Espa- 
{jne  (  1808  ) ,  on  lui  rendit  la  liberté,  et  il 
lut  élu  un  des  membres  de  la  junte  su- 
prême. Deux  ans  après ,  il  refusa  le  mi- 
nistère de,  l'intérieur  que  Joseph  Napo- 
léon lui  avait  fait  offrir.  Cependant  ses 
liaisons  avec  le  comte  de  Caharrus,  et  la 
prédilection  qu'il  avait  toujours  monlrée 
pour  la  France,  où  il  avait  fait  plusieurs 


JOV 

voyages,  le  rendirent  suspect  aux  yr/iix 
d'une  nalion  indi{;nemenl  trahie  j»ar  re 
gouvernement  jjour  qui  elle  avait  fait  ks 
plus  grands  sacrifices.  On  le  désigna 
connue  traître,  en  l'accusant  de  conser- 
ver des  intelligences  avec  l'ennemi,  et  il 
périt  en  1812  dans  une  énu'ute  populaire, 
avant  môme  qu'on  pût  vérilier  ces  accu- 
sations. Jovellanos  avait  un  caractère 
affable;  il  élait  lié  avec  les  savans  et  les 
hoimnes  de  lettres  les  plus  distingués  do 
la  nation,  tels  que  Campomanès,  Caba- 
nillas,  Yriarte,  Moralin  ,  Melendez ,  etc., 
et  fut  en  correspondance  avec  plusieurs 
académies  de  l'Europe.  Dans  le  cours  de 
sa  vie,  on  peut  seulement  l'accuser  d'a- 
voir été  l'auteur  d'une  mesure  peu  con- 
venable à  un  honnne  qui  semblait  atta- 
ché à  la  religion  et  à  ses  ministres.  Il  a 
laissé  :  |  Recueil  de  Poésies,  Madrid, 
1780,  in-8°,  où  l'on  trouve  sa  comédie  FA 
Delinquente  hotiorailo  (  L'honnèle  cri- 
minel), qui  eut  un  succès  méiité,  et  fui 
traduite  en  français  i)ar  l'abbé  Meylar,  vi- 
caire-général de  Marseille.  I  Discours  pro- 
noncé dans  r académie  des  heaux-ai'ls  de 
Marseille  en  1781  ,  Madrid,  1782.  Ce  dis- 
cours, écrit  en  français,  fut  couronne  i)ar 
cette  même  académie.  On  y  remarque  un 
parallèle  assez.  j)iquant  entre  Gongora  et 
Gionlano;  le  premier,  coiiupteur  du  bon 
goût  dans  la  jtoésie,  et  le  second  dans  la 
peinture.  L'anglais  Cumberland  publia, 
d'après  cet  éciit,  ses  lié/lexion  s  sur  les  ar- 
tistes espagnols  (Londres,  1784).  |  Mé- 
moi7~es  sur  rélahlissement  des  monls-de- 
pièté.  Madrid  ,  1784,  in-4"  ;  |  Réflexions  sur 
la  législation  d' Espagne ^  ibid. ,  178a; 
morceau  cxcelienl  (pii  prouve  le  talent  de 
l'auteur  comuie  jurisconsulte  ;  |  Lettre 
adressée  à  Ca/iipomanès ,  sur  le  projet 
d' un  trésor  public ,  ibid.,178G;  j  Informe 
sobre  la  leij  agraria ,  ou  Rapport  sur  la 
loi  agraire,  ibid.,  1795,1821  :  c'est  l'ou- 
vrage qui  a  fait  le  plus  d'honneur  à  Jo- 
vellanos. Cet  excellent  ouvrage  a  été  tra- 
duit littéralement  par  M.  de  Laborde  ,  et 
inséré  dans  son  Itinéraire  de  l'Espagne^ 
dont  il  forme  la  partie  principale  du  litre 
Agriculture  ,''1'^  \^i\.,  p.  105-2%.  On  lui 
doit  aussi  une  tragédie.  Le  Pelage, }ou€tî 
à  Madrid  en  1790,  et  qu'on  cite  comme 
une  des  meilleures  que  possède  l'Espa- 
gne ;  plusieurs  savans  Mélanges  sur  dif- 
ferens  sujets  politiques,  économiques, 
administraLifs,  etc.  ;  des  Traductions  des 
classiques  français,  italiens  et  anglais, 
notamment  une  version  en  vers  espagnols 
du  Paradis  /j^/y/w  de  Milton,  qu'on  croit 


JOV 


A8 


JOV 


bien  supérieure  à  celle  qui  a  paru  depuis. 
Il  avait  légué  de  son  vivant  aux  élèves  de 
l'académie  de  marine  dans  les  Asluries  , 
sa  riche  bibiiotlièque,  composée  de  plus 
de  quatre  mille  volumes. 

JOVIEN  (  Flavius  -  Ci.audius  JOVIA- 
NUS),  fils  du  comte  Varrouien,  naquit 
l'an  550  à  Singidon, aujourd'hui  Segedin 
(quoique  d'autres  prétendent  que  Singi- 
don  est  Belgrade  ou  Semendria),  ville 
de  la  Mysie.  Liu  empereur  par  les  sol- 
dats de  l'armée  romaine  ,  après  la  mort 
de  Julien  l'Apostat ,  en  503,  il  refusa  d'a- 
bord la  couronne  impériale,  témoignant 
qu'il  ne  voulait  point  coivmander  à  des 
soldats  idolâtres  ;  mais  tous  lui  ayant  pro- 
testé qu'ils  étaient  chrétiens,  il  reçut  la 
pourpre.  Les  affaires  étaient  en  très  mau- 
vais état  ;  il  tâcha  d'y  mettre  ordre,  et 
rommença  par  faire  la  paix  avec  les 
Perses.  Quelques  auteurs  ont  blâmé  très 
mal  à  propos  cette  démarche,  puisque 
sans  cela  il  ne  pouvait  retirer  ses  troupes 
du  pays  où  Julien  les  avait  engagées  : 
et  si  celte  paix  fut  peu  honorable,  ce  fut 
la  faute  de  son  imprudent  et  fougueux 
prédécesseur,  et  non  pas  la  sienne.  L'ar- 
mée romaine,  en  effet,  était  dans  un  état 
tellement  fâcheux,  que  l'auteur  Ammien, 
qui  faisait  partie  de  l'expédition,  dit, 
en  parlant  de  cette  paix ,  qu'elle,«  fut 
»  une  faveur  de  Dieu,  que  les  Romains 
»  n'eussent  osé  espérer.  »  Il  commanda 
de  fermer  les  temples  des  idoles,  et  dé- 
fendit leurs  sacrilices.  Il  eut  surtout  un 
soin  extrême  de  rappeler  saint  Athanase 
et  les  autres  prélats  exilés  ,  et  de  témoi- 
gner aux  hérétiques  qu'il  ne  voulait  point 
souffrir  de  discorde.  Cependant  il  ne 
jouit  ijas  long-lemps  de  l'autorité  dont  il 
se  servait  si  dignement.  Il  mourut,  étouffé 
par  la  vapeur  du  charbon,  qu'on  avait 
allumé  dans  sa  chambre  pour  la  sécher , 
ou  empoisonné .  à  l'âge  de  35  ans,  dans  un 
lieu  appelé  Dadasiane,  entre  la  Galatie  et 
la  Bilhynie ,  en  ôG/»,  n'ayanî  tenu  l'empire 
que  sept  mois  et  vingt  jours.  Jovien  avait 
été  capitaine  de  la  garde  prétorienne  du 
temps  de  Julien,  et  ce  fut  dans  ce  temps 
que  ce  prince,  que  l'ignorance  ou  la 
mauvaise  foi  nous  représente  aujour- 
d'hui comme  un  philosophe  tolérant,  vou- 
lait le  faire  i énoncer  à  sa  religion,  ce 
qu'il  refusa  généreusement.  Son  règne 
fut  trop  court  pour  qu'on  puisse  connaiiro 
s'il  aurait  été  glorieux  ;  mais  l'on  ne  peut 
douter  que  J()\ien.  élant  bon  chrétien, 
n'eût  clé  bon  ])rince.  L'abbé  de  la  Blet- 
fene  a  écrit  son  IJntoire  ea  i  vol.  in-i2. 


II  fut  appelé  Joviumis  en  l'honneur  du 
corps  des  Joviens,  fermé  par  Dioclélien, 
surnommé  Jo^'jus  ,  qui  en  donna  le  com- 
mandement à  Varrouien.  U  avait  d'abord 
exercé  auprès  de  Julien  la  charge  hono- 
rable de  jji-emier  domestique ,  qui,  plus 
lard  ,  devint ,  ainsi  que  celle  de  iogothète, 
une  des  plus  émineulesde  l'empire. 

JOVL\  ,  noble  gaulois,  et  capitaine 
plein  de  bravoure,  fut  déclaré  empereur 
à  Mayence  l'an  ili ,  dans  le  temps  qu'on 
assiégeait  le  tyran  Consianlin  à  Arles.  Il 
dut  ce  dangereux  honneur  à  la  brigue  de 
Goar,  Alain,  et  de  Gundicaire,  chef  des 
Bourguignons.  Il  associa  à  cette  dignité 
son  frère  Sébastien  ;  mais  ils  ne  jouirent 
pas  long-temps  de  la  pourpre.  L'an  /n3, 
Atauli)he,  roi  des  Visigoths,  qui  suivait 
le  parti  de  Jovin,  l'ayant  abandonné,  cet 
usury)aleur  fut  lue  dans  le  temps  qu'on 
le  conduisait  à  l'empereur  Honorius,  qui 
était  alors  à  Rave  nue,  et  auquel  on  porta 
aussi  la  tète  de  Sébastien. 

JOVIiME!\  ,  hérésiarque  du  1*  siècle, 
moine  de  Milan,  infecta  plusieurs  mo- 
nastères de  ses  erreurs,  après  être  sorti 
du  sien ,  où  il  avait  vécu  très  austère- 
ment ,  ne  mangeant  qu'un  peu  de  pain, 
buvant  de  l'eau,  marchant  nu-pieds,  et 
travaillant  de  ses  mains.  II  passa  de  Mi- 
lan à  Rome,  et  engagea  plusieurs  vierges 
à  se  marier,  voilant  son  libertinage,  et 
celui  de  ses  disciples,  de  la  fausse  maxime 
que  l'état  de  mariage  est  aussi  parfait  que 
celui  de  la  virginité;  doctrine  contraire 
à  celle  de  J.-C. ,  et  réfutée  par  l'apôtre 
saint  Paul.  Les  erreurs  qu'il  soutint  en- 
core furent,  que  la  mère  de  J.-C.  n'était 
pas  demeurée  vierge  après  l'enfante- 
ment ;  que  la  chair  du  Sauveur  n'était 
pas  véritable ,  mais  fantastique  ;  que  les 
jeûnes  et  les  autres  œuvres  de  pénitence 
n'étaient  d'aucun  mérite.  Ce  moine  se 
conduisait  suivant  ses  principes.  Saint 
Augustin  et  saint  Jérôme,  qui  combat- 
tirent ses  impiétés  et  ses  relàchemens,' 
lui  reprochent  son  luxe  ,  sa  mollesse  et 
son  goût  pour  le  faste  et  les  plaisirs.  Jo- 
vinien  fut  condamné  à  Rome  par  le  pape 
Sirice ,  et  à  Aliîan  par  saint  Ambroise, 
dans  un  concile  tenu  en  590.  Les  empe- 
reurs Théodose  et  Honorius  l'exilèrent, 
le  premier  dans  un  désert ,  et  l'autre  dana 
une  île ,  où  il  mourut  misérablement , 
comme  il  avait  vécu,  vers  l'an  412.  Saint 
Jérôme  exprime  son  genre  de  mort  d'une 
manière  si  énergique ,  qu'il  serait  bien 
difficile  de  la  rendre  en  français  :  Inter 
phasides  aves  el  cames  suillas  non  tant 


JOY  A9 

emisit  spiritum  quam  eructavit.  Voyez 
VIGILANCK. 

JOVIÏA  RAPICIUS,  né  dans  le  Bres- 
san, est  auteur  d'un  ouvrage  divisé  en 
cinq  livres  sur  le  nombre  oratoire  :  il  pa- 
rut à  Venise  l'an  1554,  dédié  au  cardinal 
Polus,  de  l'iuiprimerie  de  Paul  Manuce, 
lils  d'Aide.  Quelques  {jens  d'esprit  et  de 
lettres  regardaient  le  nombre  oratoire 
comme  une  chimère,  dont  l'objet  n'a  rien 
de  fixe ,  et  varie  au  gré  de  nos  caprices. 
Rapicius  montre  qu'il  y  a  un  ihythme  , 
une  cadence  propre  de  la  prose  comme 
du  vers  ;  il  donne  d'excellenles  leçons 
sur  la  m.anière  de  le  répandre  dans  le 
discours,  et  lait  sentir,  en  finissant,  les 
mépiises  où  sont  tombés  Philippe  Mè- 
lanchthon  et  Gérard  JJulcodian^  en  dé- 
cidant qu'il  était  impossible  ou  inutile 
de  donner  sur  cette  matière  des  instruc- 
tions qu'on  pût  ramener  à  la  pratique. 

JOVEÏISE  (  Guillaume  ,  vicomte  de  ), 
était  fils  puîné  de  Jean  de  Joyeuse  ,  gou- 
verneur de  ISarbonne,  d'une  famille  il- 
lustre. Il  naquit- au  château  de  Joyeuse 
dans  le  Vivarais.  On  le  destina  d'abord 
à  l'Eglise,  et  il  eut  même  Tévêché  d'A- 
leth  ,  du  vivant  de  Jean  Paul,  son  frère 
aine-,  mais  comme  il  n'élait  pas  lié  par 
les  ordres  sacrés  et  que  son  frère  vint  à 
mourir ,  il  embr«ssa  la  profession  des 
armes.  Il  servit  utilement  le  roi  Charles 
IX  dans  le  Languedoc  ,  durant  les  guerres 
civiles  de  la  religion,  fut  fait  maréchal  de 
France  en  1582  ,  par  le  roi  Henri  III,  et 
mourut  fort  âgé ,  en  1592.  Il  avait  épousé 
en  1560  Marie  de  Dutaruny,  quilul donna 
sept  fils. 

JOYEUSE  (  Anne  de  ) ,  fils  du  précé- 
dent, duc  et  pair,  et  amiral  de  France, 
premier  gentilhomme  de  la  chambre,  et 
gouverneur  de  Normandie,  naquit  vers 
1361.  On  le  désigna  d'abord  sous  le  nom 
d'Arqués.  Il  fut  un  des  principaux  favoris 
du  roi  Henri  III  qui  lui  fit  épouser  Mar- 
guerite de  Vaudemont-Lorraine,  sœur 
puinée  de  la  reine  Louise  Vaudemont 
son  épouse,  et  se  chargea  de  la  dépense 
de  son  mariage,  qui  s'éleva  à  1,200,000 
livres,  somme  exorbitante  pour  le  temps , 
et  la  situation  de  la  France  alors  ruinée 
par  les  guerres  civiles.  Le  prince  le  créa 
dans  un  âge  encore  tendre  duc  et  pair , 
amiral  de  France ,  premier  gentilhomme 
de  la  chambre  et  gouverneur  de  Nor- 
mandie. Joyeuse  commanda,  l'an  1586, 
une  armée  dans  la  Guyenne  contre  les 
huguenots  ;  il  y  remporta  quelques  avan- 
tages. Il  se  distingua  au  siège  de  la  Fère, 
7. 


JOY 

où  il  eut  la  mâchoire  brisée  d'un  coup 
d'arquebuse  :  le  roi  le  récompensa  ma- 
gnifiquement. Joyeuse  ne  voulut  faire 
aucun  quartier  à  un  détachement  qu'il 
surprit  au  Wont-Saint-Eloi.  Cette  sévé- 
rité fut  punie  bientôL  après  par  une  vé- 
ritable barbarie  ;  car  ayant  été  vaincu  à 
Coutras  le  20  octobre  1587,  les  huguenots 
le  tuèrent  de  sajig-froid ,  en  triant  le 
Mont-Sai7it-Eloi!  quoiqu'il  offrit  100. QOO 
écus  pour  racheter  sa  vie.  L'amiral  de 
Joyeuse ,  inexorable  les  armes  à  la  main  , 
était  doux  cl  généreux  dans  la  société. 
Un  jour  ayant  fait  attendre  trop  long- 
temps les  deux  seciétaires  d'clat  dans 
l'antichambre  du  roi,  il  leur  en  lit  ses 
excuses,  en  leur  abandonnant  un  don  de 
100,000  écus  que  le  roi  venait  de  lui 
faire. 

JOYEUSE  (FiîAAçoïs  de),  cardinal, 
frère  du  précédent,  né  en  1562,  fut  suc- 
cessivement archevêque  de  Narbonne, 
de  Toulouse  et  de  Rouen.  Il  fut  chargé 
des  affaires  les  plus  {'pineuses  et  les  plus 
importantes  ])ar  les  rois  Henri  III,  Henri 
IV  et  Louis  XIII.  Il  s'acquit  tous  les  suf- 
frages par  sa  prudence ,  par  sa  sagesse 
et  par  sa  capacité  dans  les  affaires.  Il 
présida  l'assemblée  générale  du  clergé 
en  1003  ,  devint  en  1606  légat  du  pape  en 
France,  sacra  Marie  de  Médicis  à  Saint- 
Denis  et  Louis  XIII  k  Reims ,  présida  les 
états-généraux  en  1614 ,  et  mourut  à  Avi- 
gnon, doyea  des  cardinaux,  en  1615,  à 
53  ans.  Il  s'était  illustré  par  plusieurs  fon- 
dations ;  1°  d'un  séminaire  à  Rouen  ;  2° 
d'une  maison  pour  les  jésuites ,  à  Pon- 
loise  ;  5"  d'une  autre  à  Dieppe  pour  les 
Pères  de  l'Oralolre.  Aubery  a  publié 
VHistoii'e  du  cardinal  de  Joyeuse  ,  etc. , 
Paris,  1634,  in-fol.  [voyez  AUBERY.) 

JOYEUSE  (Henri  de),  frère  des  pré- 
ccdens,né  en  1567,  porta  d'abord  les 
armes  avec  distinction  jusqu'en  1587.  La 
perte  d'Anne  son  frère  et  de  sa  femme, 
et  une  vision  qu'il  crut  avoir  eue ,  le  dé- 
terminèrent à  faire  profession  chez  les 
capucins,  sous  le  nom  de  frèi'c  Ange. 
L'année  d'après  ,  les  Parisiens  ayant  ré- 
solu de  députer  à  Henri  III,  pour  le 
prier  de  revenir  habiter  la  capitale ,  frère 
Ange  se  chargea  de  la  commission,  mais 
ce  fut  sans  succès.  Il  resta  dans  sonordie 
jusqu'en  1592.  Le  grand-prieur  de  Tou- 
louse son  frère,  s'étanl  noyé  dans  le 
Tarn,  vers  ce  temps-là,  les  ligueurs  du 
Languedoc  l'obligèrent  de  sortir  de  son 
cloilre  pour  sa  mettre  à  leur  tèle.  Le 
guerrier  capucin  combattit  vaiilanuîicut 


JUA 


50 


JUA 


pour  le  parli  de  la  ligue  ,  jusqu'en  1596, 
«ju'il  lîl  son  accommodement  avec  le  roi 
Henri  IV.  Ce  prince  l'honora  du  bâton  de 
maréchal  de  France;  mais,  quelque  temps 
après,  le  roi  lui  ayant  adressé  quelques 
paroles  un  peu  fortes ,  il  reprit  son  an- 
cien habit.  Le  cloilre  ne  fut  plus  pour 
lui  qu'un  tombeau.  Livré  aux  jeûnes, 
aux  veilles,  et  à  la  plus  rigoureuse  péni- 
tence ,  il  ne  pensa  plus  au  rôle  qu'il  avait 
joué  sur  le  théàtie  brillant  et  fragile  du 
inonde,  que  pour  répandre  des  larmes 
cimères.  Il  mourut  à  Rivoli,  près  de  Tu- 
rin, en  1C08,  à  41  ans.  11  avait  épousé  la 
sœur  du  ducd'Epernon,qui  ne  lui  donna 
qu'une  lille,  Henriette  -  Catherine  ,  la- 
quelle épousa  en  lo99  le  duc  de  Monlpen- 
sier,  et  en  1611  le  duc  de  Guise.  Elle 
njourut  en  1656,  à  71  ans.  M.  de  Callières 
a  écrit  la  Vie  de  frère  Ange  de  Joyeuse , 
Paris,  15iM,iii-8".  Ml-:  est  édiliante ,  et 
bien  propre  à  \t  jusiilier  contre  ceux  qui, 
sans  raison,  oui  voulu  suspecter  la  sincé- 
rité de  sa  piété. 

JIIA.\  d'AUTRICHE  (  don  ).  fils  na- 
turel de  l'empereur  Charles-Quint,  qui 
déclara  ce  secret  en  mourant  à  Philippe  II 
son  {ils.  naquit  à  Ralisbonne  en  1546.  C'est 
1res  ealomnieusement ,  comme  le  failob- 
.servcr  le  président  Hénault,  qu'un  for- 
cené a  avancé  que  Charles  l'avait  eu  dé  sa 
propre  sœur  Marie  d'Autriche,  gouver- 
nante des  Pays-Bas  ;  il  l'a  eu  d'une  alle- 
mande, fille  de  condition,  nommée  Barbe 
lîlomberg  ;  et  stlon  quelques-uns ,  d'une 
princesse  .  mais  qui  n'était  pas  de  sa  fa- 
mille ,  et  cela  dans  le  temps  qu'il  était 
veuf,  car  si  ce  grand  et  religieux  prince 
ne  fut  pas  toujours  à  l'abri  des  faiblesses 
humaines  ,  il  ne  viola  jamais  la  foi  con- 
jugale. Le  jeune  prinee  fut  élevé  secrè- 
tement à  la  campagne  par  la  femme  de 
Tx)uis  Quijada ,  grand  maître  de  la  maison 
de  l'empereur.  Après  la  mort  de  Charle.s- 
Quint ,  Philippe  II  l'appela  à  la  cour  d'Es- 
pagne ,  où  il  se  distingua  de  bonne  heure 
par  sa  politesse  et  sa  grandeur  d'âme. 
Philippe  II  l'envoya  en  1570  contre  les 
Maures  de  Grenade ,  qu'il  réduisit.  La 
haute  réputation  qu'il  acquit  dans  celte 
guerre  le  fit  choisir  pour  généralissime 
d'une  flotte  de  près  de  500  voiles,  que  l'Es- 
pagne et  l'Italie  avaient  préparée  contre 
les  Turcs.  Les  chrétiens  et  les  musulmans 
en  vinrent  aux  mains  le  7  octobre  1571 , 
avec  un  acharnement  sans  exemple,  vers 
le  golfe  de  Lépante ,  proche  de  ces  mêmes 
lieux  où  Antoine  et  Auguste  combatti- 
rent autrefois  pour  l'empire  du  monde. 


Don  Juan  partagea  ses  vaisseaux  en  trois 
divisions  :  la  droite  était  commandée  par 
le  célèbre  André  Doria,  la  gauche  par  Bar- 
baiigo,  amiral  vénitien  ;  le  prince  com- 
mandait le  centre.  Par  sa  valeur,  il  força 
la  victoire  à  se  déclarer  pour  lui ,  s'em- 
para de  lacapilane  ennemie,  et  obligea  les 
Turcs  à  prendre  la  fuite.  Les  vainqueurs 
prirent  150  galères  .  en  brûlèrent  ou  cou- 
lèrent à  fond  55  ,  tuèrent  25,000  Turcs, 
parmi  lesquels  était  Ali-Bacha,  leur  géné- 
ral ,  firent  10,000  prisonniers  ,  et  délivrè- 
rent 15,000  esclaves  chrétiens.  Don  Juan 
donna  le  combat  malgré  don  Louis  de  Re- 
quesens  ,  qu'on  avait  chargé  de  modérer 
l'ardeur  de  ce  prince  intrépide.  Il  voulait 
aller  droit  à  Conslanlhiople  ;  c'était  le  seul 
parti  qu'il  avait  à  prendre  ;  son  conseil  s'y 
opposa.  Dans  la  consternation  où  étaient 
les  musulmans,  on  pouvait  non-seulement 
se  rendre  maître  de  la  capitale  de  leur 
empire,  niais  encore  chasser  de  la  Thrace 
et  de  la  Grèce  ces  fiers  ennemis  des  chré- 
tiens. Don  Juan  d'Autriche  se  fit  par  ses 
exploits  la  plus  grande  réputation  dont 
peu  de  capilaints  ont  joui,  o  Chaque  na- 
»  tion,  dit  un  historien,  ne  compte  queses 
»  héros,  et  né^jUge  ceux  des  autres  peu- 
»  pies.  Don  Juan,  comme  vengeur  de  la 
»  chrétienté,  était  le  héros  de  toutes  les 
»  nations.  »  On  le  com[ftirail  à  l'empereur 
Charles-Quinl ,  son  père  ,  dont  il  avait  la 
figure,  la  valeur,  l'activité,  le  génie,  et 
surtout  l'humanité,  la  générosité,  le  zèle 
de  la  religion  ,  qui  achèvent  et  assurent 
les  conquêtes.  Il  mérita  surtout  l'amour 
et  l'admiration  des  peuples ,  lorsque  deux 
ans  après  il  prit  Tunis ,  comme  Charles- 
Quint,  et  en  eunnena  le  roi  prisonnier. 
Don  Juan  se  couvrit  d'une  nouvelle  gloire 
lorsque  en  1576,  il  eut  été  nommé  gou- 
verneur des  Pays-Bas.  Il  employa  d'a- 
bord les  voies  de  la  douceur  ;  mais  no 
pouvant  vaincre  l'obstination  des  habi- 
tans,  il  fut  obligé  de  recourir  à  la  force, 
Il  se  rendit  maitre  de  Namur ,  de  diver- 
ses places ,  et  défit  entièrement  les  rebel- 
les dans  les  plaines  de  Gembours,  le  51 
décembre  1577.  Les  ennemis  perdirent 
6,000  hommes  dans  cette  journée  ,  qui , 
au  rapport  de  Ferreras,  ne  coûta  la  vie 
qu'à  200,  et  suivant  Strada  à  100  espagnols. 
Le  général  Goignies  fut  pris  avec  l'artil- 
lerie, les  bagages  et  les  drapeaux.  Le 
vainqueur  profita  de  la  victoire  ,  en  sou- 
mettant rapidement  Louvain  ,  Diest,  Ni- 
velle, Philippeville,  Limbourg.  Une  mort 
prématurée  enleva  ce  héros  au  milieu  de 
ses  conquêtes.  11  mourut  lei"oclobrc  de  la 


JUA  SI 

même  année  ,  ù  35  ans,  sons  les  tnnrs  de 
Namur,  d'une  maladie  si  aifruëet  si  extra- 
ordinaire ,  que  l'on  crut  que  sa  mort  n'é- 
tait point  naturelle  ;  et  Strada  rapporte 
que  deux  anglais  accusés  et  convaincus 
d'avoir  conspiré  contre  sa  vie  ,  furent  mis 
à  mort  par  ordre  d'Alexandre  de  Parme. 
Cependant ,  selon  M.  de  Thou ,  il  avait 
contracté  sa  maladie  au  siège  de  Philippe- 
ville  ,  où  il  s'était  prodigieusement  fatigué 
en  partageant  avec  les  soldats  les  travaux 
du  siège.  Selon  d'autres  ,  il  mourut  de  la 
peste.  La  vie  de  don  Juan  d' Autriche 
a  été  écrite  en  espagnol  par  don  Laurent 
van  der  Hammen  ,  Madrid,  1G27  ,  in-i", 
et  en  français  (par  Bruslé  de  Monlplein- 
chainp)  Amsterdam,  1690,  in-12.  M.  Alexis 
Dumesnil  a  publié  une  Histoire  de  don 
Jufln  d'Autriche  ,  Paris,  1827,  in-8°. 

JUAN  D'AUTRICHE  (don  ),  fils  naturel 
de  Philippe  [V,  et  de  Marie  Calderona,  co- 
médienne, né  à  Madrid  en  1629,  fut  granîl- 
prieur  de  Caslille  ,  et  commanda  en  1647 
les  armées  du  roi  d'Espagne  en  Italie,  où  il 
réduisit  la  ville  de  Naples.  Don  Juan  sou- 
mil  dabord  la  Catalogne ,  qui ,  eu  1652  , 
s'était  mise  sous  la  protection  de  la  France; 
il  alla  ensuite  en  Flandre,  où  il  fut  rejoint 
par  le  grand  Condé ,  et  où  il  perdit  la  ba- 
taille des  Dunes  (  14  juin  1658  )  contre 
Turenne,  qui  l'obligea  d'évacuer  les  Pays- 
Bas.  Il  commanda  ensuite  en  Flandre  , 
devint  généralissime  des  armées  de  terre 
et  de  mer  contre  les  Portugais.  Il  eut  quel- 
ques succès,  et  défit  en  1661  les  Portugais 
à  Badajoz  ;  mais  le  résultat  de  l'expédition 
ne  fut  pas  heureux.  Don  Juan  se  flattait 
qu'il  n'aurait  qu'à  se  présenter,  et  que 
le  Portugal  se  soumettrait.  Il  se  croyait  si 
assuré  de  le  subjuguer,  qu'il  fil  afficher 
dans  Madrid  l'état  des  troupes,  de  l'arlil- 
lerie ,  des  munitions  de  toute  espèce  qu'il 
avait  préparées  pour  cette  conquête.  Il 
trouva  la  punition  de  sa  vanité  à  Extremos 
où  il  fut  entièrement  défait  par  le  comte 
de  Schomberg  en  1663.  «  C'est  une  re- 
»  marque  constamment  vérifiée,  dit  un 
»  historien ,  que  les  généraux  présomp- 
»  tueux  ont  toujours  eu  contre  eux  le  Dieu 
»  des  armées ,  qui  seul  dispose  de  la  vic- 
»  toire.»  Don  Juan  eut  la  principale  admi- 
nistration des  affaires  à  la  cour  du  roi 
Charles  II,  et  mourut  à  Madrid  en  1679, 
à  50  ans.  On  peut  consulter  pour  plus 
de  détails  Vllistoire  de  la  révolution  de 
j  Naples  (  en  italien  )  par  Augustin  Nicolas 
^Amsterdam,  1660,  in-8°  ;  V Histoire  de 
l'expédition  de  don  Juan  en  Catalogne 
(  en  espagnol  )  par  don  Fr.   Fabro  Bre- 


JUB 

mondanio,  Saragosse,  1673,  in-foUd; 
Vllistoire  de  l^  campagne  de  Portugal  en 
1662  (espagnol  )  par  don  Jer.  Mascarinas, 
Madrid  ,1663,  in-4'',  et  la  vie  de  Don  Juan 
d'Autriche .  par  Grégorio  Léli ,  Cologne, 
1686,  iii-12. 

JUAN  Y  SANTACILIA  (don  Geouges), 
espagnol,  chevalier  de  Malte,  comman- 
deur d'Aliaga  ,  naquit  à  Orihuela  ,  près  de 
Valence,  en  1712  ,  et  mourut  à  Cadix,  le 
21  juin  1774.  Il  se  distingua  par  ses  con- 
naissances dans  les  mathématiques.  Il 
fut  choisi  avec  D.  Antonio  de  Uiloa,  capi- 
taine de  frégate,  pour  accompagner  MM. 
Bouguer,  la  Condamine  et  autres  académi- 
ciens français ,  envoyés  l'an  1735  au  Pérou 
pour  déterminer  la  ligure  de  la  terre.  Ce 
fut  par  les  soins  de  don  Georges  Juan 
qu'on  réussit,  au  Pérou,  à  mesurer  la 
hauteur  des  montagnes  au  moyen  du  ba- 
romètre. A  son  retour  en  Espagne,  il  fut 
nommé  chef  d'escadre  et  commandant  des 
gardes  marines.  Il  consacra  alors  tous  ses 
soins  à  faire  prospérer  les  chantiers  de 
construction ,  qui  jusqu'en  1808  furent 
des  plus  beaux  de  l'Europe.  11  publia  en 
espagnol  ses  Observations  astronomiques 
sur  l'objet  de  ce  voyage  ,  dans  un  grand 
ouvrage,dont  la  partie  historique,  rédigée 
par  D.  Antonio  de  Ulloa  [voyez  ce  nom  et 
CONDAMINE),  a  paru  traduite  en  français 
Amsterdam,  (Paris)  1732,  2  vol.  in-4°  fig. 
Il  fut  agrégé  à  l'académie  des  sciences  do 
Paris ,  où  il  vint  en  1745  ,  et  à  celle  de 
Berlin  ,  en  1750.  On  a  de  lui ,  en  langue 
espagnole,  plusieursouvrages  très  instruc- 
tifs sur  la  marime. 

JlIBA  I*^"",  roi  de  Mauritanie  et  de  Nu- 
midie,  succéda  à  son  père  Hiempsal,  vers 
l'an  50  avant  ^.-C,  et  suivit  le  parti  do 
Pompée  contre  Jules-César,  par  qui  il 
fut  défait.  Après  la  mort  de  Pompée,  Juba, 
si  fier  avant  la  bataille  ,  étant  vaincu,  se 
vit  réduit  à  demander  la  vie  à  ses  sujets.  II 
les  pria  de  le  sauver  ;  mais  aucune  ville 
ne  voulant  le  recevoir,  il  se  fit  donner  la 
mort  à  la  fin  du  repas,  par  Pélréius , 
compagnon  de  son  malheur,  l'an  42  avant 
J.-C.  11  avait  gouverné  ses  peuples  en 
tyran,  et  ne  méritait  pas  un  meilleur 
sort.  «  On  voit  (  dit  AI.  Turpin  de  Crissé 
»  dans  ses  Notes  sur  César  )  son  désordre 
»  et  son  malheur  avec  plaisir,  et  l'on 
»  croit  revivre  quand  il  est  près  de  mourir. 
»  On  se  met  sans  peine  à  la  place  des  ha- 
»  bilans  de  Zama ,  qui  croyaient  toujours 
»  voir  le  bûcher  où  il  voulait  livrer  aux 
»  flammes  ses  sujets,  ses  femmes,  ses  en- 
»  fans ,  ses  trésors  et  lui- incme.  »  Son 


JUB 


b'2 


JUB 


royaume  fui  réduit  en  province  romaine 
par  César. 

JUBA II,  fils  du  précédent,  fut  mené  à 
Rome,  et  servit  à  orner  le  triomphe  de 
César.  Il  fut  élevé  à  la  cour  d'Au{jusle, 
qui  lui  fit  épouser  Cléopùtre  (  Séléné  )  la 
jeune,  fille  d'Antoine  et  de  la  fameuse 
Cléopàlre  ,  et  lui  doima  le  royaume  des 
deux  Maurilanies  et  une  partie  de  la  Gé- 
tulie.  Il  se  distingua  par  les  agrémens  de 
son  caraclcre  et  les  connaissances  de  son 
esprit.  Cet  avantage  le  rendit  plus  illustre 
que  la  couronne  qu'il  portait.  Il  se  livra 
surtout  à  l'élude  de  l'histoire  et  des  scien- 
ces naturelles  ;  il  avait  composé  en  grec 
une  Histoire  d'Jrabie  dont  Pline  a  con- 
servé quelques  fragmens ,  une  Histoire 
des  antiquités  de  V  Assyrie  et  de  Rome  ; 
une  autre  de  la  peinture  et  des  peintres  ; 
une  enfin  des  Théâtres  dont  quelques 
fragmens  se  trouvent  dans  Athénée  et 
Hésychius  :  il  avait  aussi  fait  des  Re- 
cherches sur  les  sources  du  Nil  ^  et 
une  Dissertation  sur  la  corruption  du 
langage.  Aucun  de  ces  ouvrages  ne  nous 
est  parvenu.  L'abbé  Sevin  a  inséré  dans 
le  tome  4'  des  Mémoires  de  l'académie 
des  inscriptions  une  savante  Dissertation 
sur  la  F'ie  et  les  écrits  de  Juba. 

JlIBAL,  fils  de  Lamech  et  d'Ada,  et 
frère  de  Jabel ,  inventa  les  instrumens  de 
musique, (  Genèse .  IV,  21  ). 

*  JUBÉ  (Jacques),  curé  d'Asnières , 
naquit  à  Vanvres  près  de  Paris,  le  27  mai 
1074.  Quoique  sesparens  fussent  pauvres, 
11  put  néanmoins  entreprendre  ses  études, 
et  fit  des  progrès  remarquables  dans  les 
belles-lettres  et  les  langues  classiques. 
Jubé  eut  pourmailre  de  philosophie  Da- 
goumer,  qui ,  admirant  ses  talens  préco- 
ces et  n'ignorant  pas  le  mauvais  état  de 
sa  forlune,  paya  pour  lui  les  frais  d'une 
thèse  publique ,  que  Jubé  soutint  avec 
honneur;  Dagoumer  fit  encore  les  frais 
nécessaires  pour  le  faire  recevoir  maître- 
ès-arts.  Jubé  avait  embrassé  la  carrière 
ecclésiastique  ,  et  eut  pour  maître  en  théo- 
logie le  célèbre  et  savant  Bailtet.  Aussitôt 
qu'il  eut  pris  les^  ordres  ,  on  lui  donna  la 
cure  de  Vaugrigneuse,  d'où  le  cardinal 
de  Noailles  le  fit  passer,  en  1701 ,  à  celle 
d'Asnières.  Pieux,  excessivement  sobre  , 
et  ayant  les  moeurs  les  plus  austères,  l'abbé 
Jubé  ne  tarda  cependant  pas  à  se  faire 
remarquer  par  la  singularité  de  son  ca- 
ractère et  de  ses  opinions  sur  la  rubrique. 
Il  avait  un  esprit  vif,  entreprenant ,  iné- 
branlable dans  ses  principes ,  et  propre  à 
former  un  chef  de  parti.  Pendant  quelque 


temps  il  fut  regardé,  par  les  anli-constl- 
lulionriaires  ,  counne  une  des  plus  solides 
colonnes  de  leur  parti  ;  mais  l'abbé  Jubé 
ne  suivait  que  son  propre  sentiment,  et 
ne  reconnut  toute  sa  vie  d'autre  parti  que 
celui  de  l'indépendance.  Aussi ,  lui  seul 
et  de  son  seul  aveu,  il  voulut  être  le  réfor- 
mateur du  culte  et  de  la  discipline  de  lE- 
glise.  Jadis  il  aurait  été  digne  de  figurer 
dans  la  secte  des  iconoclastes,  et  s'il  ne  bi  i- 
sait  pas  les  images  des  saints,  il  les  avait 
prises  en  aversion, lesconsidéranl  comme 
objets  d'un  culte  superstitieux.  L'église  do 
sa  paroisse  était  précisément  remplie  de 
figures  et  d'images  de  vierges  et  de  saints 
pour  lesquelles  le  peuple  avait  une  granile 
vénération.  Afin  de  mieux  réussir  dans 
son  projet  de  réforme  ,  il  commença  par 
dire  que  son  église  était  trop  petite  et  peu 
décente  ;  puis  excitant  la  piété  des  parois- 
siens ,  dont  il  avait  captivé  le  respect  et 
l'affection  ,  il  recueillit  des  fonds  sufflsans 
pour  une  nouvelle  église.  Il  fallait ,  en 
outre  préparer  ces  mêmes  paroissiens 
aux  innovations  qu'il  se  proposait  d'intro- 
duire ,  et  c'est  ce  qu'il  fit  pendant  qu'on 
bâtissait  l'église.  Il  leur  donna  tous  les 
livres  de  Y  Ecriture- sainte  en  français, 
et  leur  en  recommanda  la  leclure.  Ses  ser- 
mons, ses  abondantes  aumônes ,  ses  bonnes 
moeurs  ,  firent  le  reste  ;  et ,  lorsqu'il  crut 
que  les  esprits  étaient  bien  disposés,  il 
leur  fit  aisément  adopter  sa  doctrine.  En 
attendant,  la  nouvelle  église  avait  été  ter- 
minée; elle  était  jolie  ,  mais  sans  figures, 
ni  images,  de  sorte  qu'elle  ressemblai!  à 
un  temple  de  proteslans.  L'autel ,  sans 
crucifix,  sans  cliandeliers  ni  oruemens 
d'aucune  sorte,  n'était  composé  que  d'une 
simple  table  de  marbre  blanc.  Au  moment 
des  offices,  on  le  couvrait  d'une  nappe , 
et  l'on  allumaU  deux  cierges  attachés 
contre  la  muraiHe.  Pendant  tout  Vintroit 
de  la  messe  ,  le  curé  était  assis  auprès  de 
l'autel ,  tandis  que  son  diacre  chantait 
l'épîlre  et  l'évangile  eu  lai  in  ;  et  se  tour- 
nant ensuite  vers  l'auditoire  ,  il  les  lirait 
et  les  expliquait  en  français.  Ce  n'est  qti'à 
l'offertoire  que  le  curé  montait  à  l'axitel, 
récitant  à  haute  voix  les  secrètes  et  le  ca- 
non, et  à  la  fin  de  toutes  les  prières ,  les 
auditeurs  répondaient  amen.  Une  colombe 
en  vermeil,  suspendue  sur  l'autel,  con- 
tenait le  saint  sacrement,  qui  n'était  jamais 
exposé  avec  pompe.  Le  jour  du  jcuùi 
saint,  après  avoir  lavé,  dans  l'église  ,  Us 
pieds  à  douze  pauvres,  le  curé  les  faisait 
asseoir  avec  lui  à  une  table  qui  figurait  la 
Cène.  Il  bénissait  le  pain,  en  présentait  uu 


JUB 

morceau  à  lous,  en   disant  :  T'oicL  mes 
frères  ^  comme  le  Sauveur  institua  l'eu- 


charistie. Il  faisait  la  inème  cérémonie  et 
disait  les  mêmes  mots  avec  io  vin  qu'il 
mettait  dans  un  calice,  et  dont  goûtait 
chacun  des  douze  convives.  On  trouvera 
bien  extraordinaire  que  l'abbé  Jubé  ne 
fût  point  inquiété  à  cause  de  ces  singula- 
rités :  aucun  évêque  ,  ni  le  régent  (  Phi- 
lippe d'Orléans  ),  ne  sévirent  contre  lui. 
Mais  on  sait  quel  était  alors  le  relâche- 
ment de  notre  cour,  où  un  Dubois  se  trou- 
vait ministre.  La  discipline  que  l'abbé 
Jubé  établit  parmi  ses  paroissiens  était 
excessivement  sévère  ;  et  si,  par  exemple, 
«ne  tille  se  laissait  séduire,  elle  devait 
rester  trois  mois  sous  le  porche  de  l'église 
sans  qu'il  lui  fût  permis  d'entrer.  L'abbé 
Jubé  était  également  rigide  envers  les 
grands  comme  envers  le  peuple.  La  mar- 
quise do  Parabeyre  avait  une  maison  à 
Asflières  :  cette  dame  était  aimée  du  ré- 
gent, qui  lui  faisait  quelques  visites.  Ce 
commerce  galant  ne  fut  pas  ignoré  du 
curé,  qui  lit  dire  poliment  à  la  marquise 
qu'elle  ne  vint  plus  aux  ofiices  divins,  car 
il  ne  pouvait  pas  les  célébrer,  en  vertu 
des  canons,  devant  les  pécheurs  publics. 
La  dame  méprisa  cet  avis ,  et  se  présenta 
un  jour  à  l'église.  A  peine  le  curé  l'eùt- 
il  aperçue,  qu'il  lui  envoya  dire  à  loreille 
«le  se  retirer  à  l'instant.  Elle  prit  cela  en- 
core pour  une  plaisanterie;  mais,  voyant 
que  le  curé  ne  sortait  point ,  elle  envoya 
v\i\  laquais  pour  savoir  quand  la  messe 
commencerait.  «  Dès  qu'elle  sera  partie  , 
»  réyiondit  l'inflexible  curé,  et  assurez 
»  votre  maîtresse  que  je  retournerai  plu- 
»  tôt  chez  moi  que  de  monter  à  l'autel  en 
»  sa  présence.  »  La  marquise  moule  dans 
sa  voilure,  et  va  toute  furieuse  se  plaindre 
au  régent  de  l'affront  qu'elle  vient  d'es- 
suyer... «  Vous  ne  deviez  pas  vous  y  expo- 
»ser,  madame,  lui  répondit  le  prince; 
»  vous  deviez  connaître  l'hoaune;  et ,  s'il 
»  m'eût  fait  à  moi-même  une  pareille 
»  menace,  je  ne  ni'y serais  pas  fié.  «Après 
la  mort  du  régent,  le  nouveau  minisirc 
de  Louis  XV  examina  de  plus  près  la  con- 
duite du  curé  d'Asnières,  et,  en  \Tik,  il 
mandachez  lui  l'abbé  Jubé,  mais  il  s'évada 
et  se  tint  caché  pendant  quelque  temps. 
L'année  suivante,  on  allait  tenir  à  Rome 
un  concile,  etl'évéque  de  Montpellier  en- 
voya l'abbé  Jubé  à  la  première  de  ces 
villes,  aider  de  ses  lumières  les  théolo- 
giens qui  devaient  assister  à  cette  assem- 
blé. Mais  la  cour  de  Rome  était  instruite 
des  singularités  de  Jubé,  qui,  dans  la 


53  JUB 

crainte  d'être  puni ,  se  relira  h.  Napli-s;  îî 
ne  s'y  crut  pas  plus  en  sûreté  ,  et  préféra 
de  revenir  en  France,  où  il  ne  resta  pas 
long-temps.  S'élant rendu  en  Hollande,  il 
y  prit  le  nom  de  Lacour ^  voyagea  en- 
suite en  Angleterre,  en  Allemagne  ,  en 
Pologne,  et  partit  pour  la  Russie  en  qua- 
lité de  précepteur  des  enfans  de  la  prin- 
cesse Dolgorouki.  En  1717,  la  faculté  de 
Sorbonne  avait  fait  présenter  au  czar 
Pierre  I*""  un  Mémoire  tendant  à  opérer 
l'union  des  églises  latine  et  russe.  Ce  Mé- 
moire  n'ayant  eu  aucun  résultat  ,  elle  en 
rédigea  un  autre  ,  et  les  docteurs  l'adres- 
sèrent à  l'abbé  Jubé ,  qui  devait  traiter 
de  cette  union  avec  les  prélats  de  Russie. 
Le  fameux  évéque  de  No^vogorod  lit 
avorter  ce  plan  par  l'influence  qu'il  exer- 
çait sur  le  czar.  Par  suite  de  ces  négocia- 
tions, il  parut  un  ouvrage  ayant  pour  titre: 
Ecclesia  romana  cum  ruthenicâ  irrecoU' 
ciliabilis^clc,  que  plusieurs  bibliographes 
croient  avoir  été  publié  par  ''évéque  de 
Nowogorod,  et  d'autres  par  Budens ,  pro- 
fesseur de  théologie  à  léna.  Quelque  temps 
après,  les  Dolgorouky  tombèrent  en  dis- 
grâce, et  l'abbé  Jubé  se  réfugia  en  France, 
passa  ensuite  en  Hollande  el  revint  à  Paris 
sous  le  faux  nom  de  Lacour.  Il  y  tomba 
dangereusement  malade,  et,  se  trouvant 
dans  un  état  voisin  de  la  misère,  il  se  lit 
transporter  à  l'Hôtel-Dieu,  où  il  mourut, 
/«.près  avoir  reçu  lous  les  secours  de  la 
religion  >  le  20  décembre  17i4,  à  l'àgc  de 
soixante-dix  ans.  Jubé  eut  part  au  livre 
intitulé  f^ie  des  sainls .  de  Baillel.  On  le 
croit  aussi  éditeur  de  quelques  ouvrages. 
Dans  une  brochure  publiée  en  Wik,  qui 
a  pour  titre:  ISouvelle litturgie d' Asnière . 
el  qu'on  attribue  à  M.  Blin  .  chanoine  do 
Rouen,  et  dans  la  Notice  que  lui  a  consa- 
crée M.  A.  A.  Barbier  dans  son  Examen 
critique  des  Dictionnaires. on  trouve  des 
détails  curieux  sur  les  singularités  de 
Jubé. 

*  JURE  (  Aur.usTE,  baron  de  la  PE- 
RELLE),  maréchal  de  camp,  né  le  12  mai 
17<35  à  Leuville,  près  de  Alontlhéry,  fut 
d'abord  allaciié  à  l'adminislralion  de  la 
marine  à  Cherbourg  ,  et  devint  successi- 
vement chef  de  la  première  lésion  des 
gardes  naiionales  delà  Manche  (  17U2  ), 
inspecteur  des  côtes  de  ce  département, 
puis  inspecteur-général  tn  179/t.  I^Jumme 
adjudant-général  en  1796,  il  servit  sous 
le  général  Hoche,  qui  en  fil  son  chef- 
d'état-major.  Il  se  trouvait  au  18  brumaire 
an 8  (9  novembic  1797;  commanûanl  de  la 
garde  du  Directoire,  lorsque  ce  gou ver* 


JUB 


54 


JUD 


nemenl  fut  renversé  par  Bonaparte.  Il  fut 
char{ïé  de  l'organisation  de  la  garde  des 
consuls  ;  puis  il  lit  partie  du  Tribunal  où 
il  déploya  quelques  talons  oratoires.  Il  fut 
nommé  ensuite  préfet  de  la  Doire  dans 
le  Piémont ,  puis  du  Gers ,  où  il  resta 
jusqu'en  1814.  A  cette  époque  il  fut  appelé 
comme  historiographe  au  dépôt  de  la 
jjuerre.  En  1816  il  obtint  sa  retraite  avec 
le  grade  de  maréchal-de-camp  et  le  cor- 
don des  deux  ordres  de  Saint-Louis  et 
do  la  légion  d'honneur.  Le  général  Jubé 
s'occupa  de  littérature,  dans  laque-Ile  il 
aurait  pu  obtenir  de  grands  succès,  sans 
le  mauvais  état  de  sa  santé  qui  ne  lui  a 
même  pas  permis  d'achever  sesou\  rages. 
Ou  a  de  lui  :  |  Histoire  des  guerres  des 
Gaulois  et  des  Français  en  Italie .  avec  le 
tableau  des  événemens  civils  et  militaires 
d/rpuis  Bellovèse  jusqu'à  lamortde  Louis 
XII ^  1  vol.  in-8"  ;  ouvrage  qui  a  été  con- 
tinué jusqu'au  traité  d'Amiens  par  le  gé- 
néral Servan.etqui  forme  7  vol.  in-8", 
avec  allas,  1803;  |  Hommage  des  Fran- 
çais à  r  empereur  Alexandre  ^nne.  feuille 
in-8°  ;  1  le  Temple  de  la  gloire,  ou  les  fastes 
militai?-es  de  la  France  depuis  le  règne 
de  Louis  XIV  jusqu'à  nos  jours ,  l'a- 
ris,  1819,  2  vol.  in-folio  avec  40  gravu- 
res ;  I  Histoire  générale  militaire  des 
guerres  de  la  France  depuis  le  commen- 
cement du  règne  de  Louis  XI V  jusqu'à 
Vannée  1815  ;  l'ouvrage  devait  avoir  tro-s 
vol.  et  il  n'a  donné  que  les  deux  premiers. 
Le  général  Jubé  a  aussi  coopéré,  en  1818 
et  années  suivantes  à  la  rédaction  du  Jour- 
nal général,  feuille  de  l'opposition.  Il 
est  mort  à  Dourdan  (  Eure-et-Loire/le  i"" 
juillet  1824  ,  âgé  de  59  ans. 

♦  JLBIN  (saint),  fils  de  Hugon  III, 
comte  de  Dijon ,  ayant  embrassé  l'état  ec- 
clésiastique ,  devint  grand-vicaire  de  l'é- 
glise de  Laiîgres,  puis  archevêque  de  Lyon 
après  la  démission  de  Humbert  I*^  II  s'op- 
posa inutilement  à  ce  choix  qui  avait  été 
fait  par  les  évêques  réunis  au  concile 
provincial  àAulun;on  le  contraignit  d'ac- 
cepter celle  dignité  qui  n'était  à  ses  yeux 
qu'un  pesant  fardeau.  Arrivé  à  Lyon,  sa 
piété  ranima  la  foi  et  la  discipline,  et  il 
gagna  par  sa  douceur  tous  les  esprits.  Son 
habileté  soutenue  par  son  zèle  infatigable 
produisit  dans  la  première  église  des 
Gaules  le  plus  grnnd  bien.  Aussi  le  pape 
Grégoire  VII ,  lui  adressa  en  1078  une 
décrétais  pleine  déloges,  dans  laquelle  il 
lui  confirmait  ainsi  qu'à  ses  successeurs  le 
litre  de  primat  des  Gaules.  Dans  plu- 
sieurs autres  occasions  ,  le  même  pontife 


lui  témoigna  combien  il  avait  pour  lui 
d'estime  et  de  confiance  dans  ses  lumiè- 
res. Cependant  telle  était  la  modestie  do 
saint  Jubin  ,  que  dans  les  huit  lettres  qui 
nous  restent  de  lui  ;  il  ne  prend  d'autre 
titre  que  celui  d'indigne  prêtre  de  l'église 
de  Lyon,  Jamais  il  n'usa  de  linlluence 
qui  lui  avait  été  accordée  que  pour  paci- 
fier les  troubles  de  plusieurs  églises ,  et 
mettre  fin  à  de  fâcheuses  divisions.  Il  as- 
sista au  concile  tenu  à  Lyon  en  1080,  et  y 
concourut  à  l'adoption  de  sages  rcglemens. 
Enfin ,  après  avoir  fait  plusieurs  pieuses 
fondations,  il  termina  le  18  avril  1083 
ime  vie  entièrement  consacrée  à  l'exer- 
cice de  toutes  les  vertus  chrétiennes.  Ses 
reliques  ont  eu  le  don  des  miracles  :  Voy. 
l'Abrégé  historique  des  martyrs  de  Lyon, 
par  M.  Guérin ,  chanoine  de  St.-Irénée. 
M.  J,  B.  Durand ,  curé  de  St.-Irénée ,  a 
publié  une  Notice  sur  saint  Jubin.  ar- 
chevêque de  Lyon .  avec  une  dissei-faHon 
sur  l'authenticité  de  son  co?'ps;  quelques- 
unes  des  guérisons  obtenues  par  son  in- 
tercession ;  une  neuvaine  de  méditations 
et  prières  ;  la  messe  et  les  vêpres  à  l'hon- 
neur de  ce  saint  pontife  .  et  le  chemin  de 
la  croix.  Lyon,  1827,  1  vol.  in-12. 

JUDA  ,  patriarche  ,  4'  fils  de  Jacob  et 
de  Lia,  naquit  vers  1735  avant  J.-C.  Lors- 
que les  lils  de  Jacob  voulurent  mettre  à 
mort  Joseph  leur  frère ,  il  leur  conseilla 
plutôt  de  s'en  défaire  en  le  vendant ,  et 
cet  avis  sauva  la  vie  à  ce  dernier.  Juda 
épousa  la  fille  d'un  Chananéen  nommé 
Sué .  et  il  en  eut  trois  fils ,  lier ,  Onan  et 
Séla.  Il  eut  aussi  de  Thamar,  femme  de 
l'ainé  de  ses  fils  ,  dont  il  jouit  sans  la  con- 
naître. Pliai  es  et  Zara.  Lorsque  Jacob  bé- 
nit ses  enfans ,  il  dit  à  Juda  :  a  Le  sceptre 
»  ne  sortira  point  de  Juda  ,  ni  le  législa- 
»  leur  de  sa  postérité  ,  jusqu'à  la  venue 
»  de  celui  qui  doit  être  envoyé,  et  à  qui 
»  les  peuples  obéiront-  »  Cette  prédiction 
s'accomplit  évidemment  en  la  personne 
de  Jésus-Ciirisl;  car,  de  quelque  ma- 
nière qu'on  l'explique  ,  il  reste  vrai  que 
la  Judée  ne  cessa  d'être  un  royaume,  el 
le  peuple  juif  une  nation  rasscimblée  en 
corps ,  ayant  ses  chefs  ,  ses  lois ,  jusqu'à 
l'arrivée  de  J.-C.  (i).  Juda  mourut  l'an 
1636  avant  l'ère  vulgaire,  âgé  de  119  ans. 


(i)  Par  U  timple  IranspoiitioD  d'uoc  virgule,  le 
tCKle  présente  une  explication  plut  facile  et  ptui  per- 
toDDellemcnt  applicable  au  Meiste.  iV«ii  auferelur 
seeptrum  de  Juda  et  dur ,  de  Joemore  ejuê  dente  ve- 
ntât qui  mitlendu»  est.  Le  iceptre  et  le  chef  ne  tor- 
tiront  point  de  Juda,  jusqu'à  que  GiiLCI  qui' doit 
ttrc  envoyé'  naisie   de  so  poitérite'. 


JUD 


55 


JUD 


Sa  tribu  tenait  le  premier  rang  parmi  les 
autres;  elle  a  été  la  plus  puissante  et  la 
jtlus  nombreuse.  Au  sortir  de  l'Egypte , 
elle  était  composée  de  74,600  hommes  ca- 
pables de  porter  les  armes.  Cette  tribu 
occupait  toute  la  partie  méridionale  de  la 
l'alesline.  Le  royaume  passa  de  la  tribu 
de  Benjamin  ,  d'où  étaient  Satil  et  Isbo- 
selh  .  dans  la  tribu  de  Juda  qui  était  celle 
de  David  ,  et  des  rois  ses  successeurs.  Les 
dix  tribus  sétant  séparées,  celle  de  Juda 
et  celle  de  Benjamin  demeurèrent  atta- 
chées à  la  maison  de  David  ,  et  formè- 
ri'iit  un  royaume  qui  se  soutint  avec  éclat 
contre  la  puissance  des  rois  d'Israël.  Après 
la  dispersion  et  la  destruction  de  ce  der- 
nier royaume,  celui  de  Juda  subsista,  et 
se  maintint  même  dans  la  captivité  de 
Babylone.  Au  retour,  celte  tribu  vécut 
selon  ses  lois,  ayant  ses  chefs;  les  restes 
des  autres  tribus  se  rangèrent  sous  ses 
t  leudards,  et  ne  firent  plus  qu'un  peuple 
que  l'on  nomma  Juif.  Les  temps  où  de- 
vait s'accomplir  la  promesse  du  Messie 
étant  arrivés,  la  puissance  romaine,  à 
qui  rien  ne  résistait,  assujétit  ce  peuple, 
lui  ôta  le  droit  de  se  choisir  un  chef ,  et 
lui  donna  pour  roi  Hérode,  étranger  et 
Iduméen.  Ainsi  cette  tribu,  après  avoir 
conservé  le  dépôt  de  la  vraie  religion,  et 
l'exercice  public  du  sacerdoce  et  des  cé- 
rémonies de  la  loi  dans  le  temple  de  Jé- 
rusalem, et  avoir  donné  naissance  au 
Messie,  ftit  réduite  au  même  état  que  les 
autres  tribus ,  dispersée  et  démembrée 
comme  elles. 

JUDA  (LÉON  de  ),  fils  de  Jean  de  Juda, 
piètre  de  Germoren,  naquit  en  Alsace, 
en  1482,  d'une  concubine  ;  il  entra  dans 
Tordre  ecclésiastique  ,  et  embrassa  depuis 
les  erreurs  de  Zuingle.  Erasme  lui  ayant 
reproché  sa  lâche  apostasie,  s'attira  une 
réponse  très  aigre  de  la  part  de  cet  apostat. 
Juda  s'acquit  une  grande  réputation  dans 
son  parti,  et  mourut  à  Zurich  ,  en  1542  , 
à  60  ans.  Sa  Version  latine  de  la  Bible  est 
celle  qui  est  jointe  aux  Notes  de  Valable. 
On  a  de  lui  d'autres  ouvrages  qui  piou- 
vcnt  son  érudition. 

JUDA  Voyez  lÂO'S. 
'  JUDA-HIOUG  ou  CHIUG ,  ou  selon  les 
arabes  ,  lahia- Ben-David- Jben-Zaclia- 
ria.  célèbre  rabbin  ,  natif  de  Fez  ,  et  sur- 
nommé le  Prince  des  grammairiens  juifs. 
^vivait  au  IT  siècle.  On  a  de  lui  divers 
.'ouvrages  manuscrits  en  arabe,  qui  sont 
très  estimés  ,  entr'autrcs  un  Dictionnaire. 
qui,  imprimé,  pourrait  cire  for»,  utile 
pour  l'intelligence  de  l'Ecriture  sainte. 


JUDA  nAKKADOSCII,  cest-à  dire  le 
Saiîit.  rabbin  célèbre  par  sa  science  ,  par 
ses  richesses  et  par  ses  talcns ,  fondateur 
de  l'école  de  Tibériade,  fut,  selon  les 
Juifs,  ami  et  précepteur  de  l'empereur 
Anlonin.  Il  naquit  selon  le  Thalmud  à  Sè- 
phora  (Tzippurl)l'an  120,  et  mourut  l'an 
194  ;  il  était  entré  fort  jeune  dans  le  San- 
hédrin ,  et  fut  proclamé  par  le  peuple 
Nassi.  c'est-à-dire  prince  très  riche  et  cé- 
lèbre par  sa  sagesse.  Il  recueillit,  vers  le 
milieu  du  2*^  siècle,  les  conslilutions  et 
les  traditions  des  magistrats  et  des  doc- 
teurs juifs ,  particulièrement  de  Hillcl , 
qui  l'avaient  précède,  et  en  composa, 
avec  quelques  autres  docteurs .  un  livre 
qu'il  nomma  Mischna  (première  partie 
du  Thalmud) ,  et  il  le  divisa  en  6  parties 
La  1"^'  traite  de  Yagriculture  et  des  se- 
me)ices  ;  la  2*^  des  jours  de  fêtes  ;  la  5*  des 
mariages,  ei  de  ce  qui  concerne  les 
femmes  ;  la  4'  des  dommages-intérêts,  et 
de  toutes  sortes  d'affaires  civiles;  la  5' 
des  sacrifices  .  et  la  6*^  des  puretés  et  im- 
puretés légales.  Il  y  consacra,  dit-on  ,  50 
ans  159-189  ).  Surrhenusius  a  donné  une 
bonne  édition  de  ce  livre  en  hébreu  et  en 
latin  avec  des  notes,  Amsterdam,  1698, 
6  vol.  in-fol. 

JUDACILIUS  se  distingua  durant  le 
siège  que  Pompée  avait  mis  devant  As- 
coll ,  sa  patrie.  Il  était  à  la  tête  d'une 
troupe  de  rebelles  ;  il  résolut  de  s'en  ser- 
vir pour  donner  du  secours  à  celte  ville 
assiégée.  Dans  ce  dessein ,  il  avertit  ses 
compatriotes ,  que  dès  qu'ils  le  verraient 
aux  prises  avec  les  Romains  ,  ils  fissent 
une  sortie  pour  le  soutenir.  Quelques 
bourgeois  d'Ascoli  détournèrent  les  au- 
tres de  seconder  Judacilius,  et  lorsqu'il 
se  présenta  devant  la  ville  ,  aucun  des  as- 
siégés ne  remua.  Il  ne  laissa  pas ,  l'épée  à 
la  main,  de  se  faire  jour  ,  et  d'arriver  à 
la  porte  de  la  ville,  qui  lui  fut  ouverte. 
Dès  qu'il  fut  entré  dans  Ascoli ,  il  lit  égor- 
ger ceux  qui  avaient  empoché  qu'on  ne 
se  joignît  à  lui.  Puis  ayant  invité  ses  ami? 
à  un  grand  repas,  quand  la  bonne  clière 
et  le  vin  l'eurent  un  peu  échauffé,  il  se 
fit  apporter  une  coupe  pleine  de  poison, 
et  l'avala  ,  pour  n'être  pas  témoin  de  la 
profanation  des  temples  de  sa  pairie  ,  eî 
de  la  captivité  de  ses  compatriotes.  Il  se 
lit  porter  ensuite  dans  un  temple,  où  Ll 
avait  fait  préparer  son  bûcher  funèbre.  Il 
y  mourut  au  milieu  de  ses  amis,  et  son 
corps  y  fut  réduit  en  cendres.  Bientct 
après  Ascoli  se  rendit  à  Pompée. 

JUDAS  ,  dit  Machabée  ,   5"  fils  de  Ma- 


JUD 


S6 


JUD 


Ihathias ,  de  la  famille  des  Asmoneens  , 
succéda  à  son  père  dans  la  dignité  de  gé- 
néral des  Juifs  ,  l'an  167  avant  J.-C  II 
descendait  par  Joiarib  de  lafaniilie  d'E- 
léazar ,  grand  sacrificateur ,  lils  aîné 
«l'Aaron  Matliathias  le  préféra  à  ses  au- 
tres enfans,  et  le  chargea  de  couiballre 
pour  la  défense  d'Israël.  Judas  ne  trompa 
point  ses  espérances  :  secondé  de  ses 
frères,  il  marcha  contre  Apollonius,  gé- 
néral des  troupes  du  roi  de  Syrie ,  le  dé- 
lit et  le  tua.  Il  tourna  ses  armes  contre 
Séron ,  autre  capitaine,  qui  avait  une 
nombreuse  armée,  qu'il  battit  é{];aleiiienl, 
quoique  avec  des  troupes  fort  inférieures 
en  nombre.  Antiochus,  ayant  appris  ces 
deux  victoires,  envoya  contre  Judas  trois 
généraux  de  réputation ,  Plolémée  ,  Ni- 
canor  et  Gorgias.  L'armée  considérable 
qu'ils  firent  marcher  en  Judée  épouvanta 
d'abord  ceux  qui  accompagnaient  Judas; 
mais  son  courage  ayant  ranimé  celui  de 
ses  gens  ,  il  tomba  sur  cette  multitude ,  et 
la  dissipa.  Lysias,  régent  du  royaume 
pendant  l'absence  d'Antiocluis,  désespéré 
de  ce  que  les  ordres  de  son  prince  avaient 
été  si  mal  exécutés ,  crut  qu'il  ferait 
mieux  par  lui-même.  Il  vint  donc  en  Ju- 
dée avec  une  armée  nombreuse  ;  mais  il 
ne  lit  qu'augmenter  le  triomphe  de  Ju- 
das ,  qui  l'oblijjea  de  retourner  en  Syrie. 
Le  vainqueur  profita  de  cet  intervalle 
pour  réiahlir  Jérusalem  ;  il  donna  ses  pre- 
miers soins  à  la  réparation  du  temple  , 
détruisit  l'auti  1  que  les  idolâtres  avaient 
profané,  en  bàtil  un  autre,  fit  faire  de 
nouveaux  vases  ,  et  l'an  165  avant  J.-C,  5 
ans  après  que  ce  temple  eût  été  profané 
par  Anliorhus,  il  en  fit  célébrer  la  dédi- 
cace. La  paix  ne  fut  pas  de  longue  durée. 
Judas  fut  obligé  de  reprendre  les  armes, 
et  eut  partout  l'avantage  :  il  défit  Timf>- 
thée  et  Bacchides,  deux  capitaines  sy- 
riens, battit  les  Idum^ens ,  les  Ammo- 
nites, délit  les  nations  qui  assiégeaient 
ceux  de  Gaiaad,  et  revint  chargé  de  ri- 
ches dépouilles.  Il  n'y  eut  qu'une  seule 
occasion  où  la  victoire  fut  disputée  ,  et  où 
plusieurs  Juifs  périrent  dans  le  combat. 
Gimmcon  trouva  qu'ils  avaient  péché  en 
emportant  des  choses  consacrées  aux  ido- 
les, ce  que  la  loi  défendait,  «  le  pieux  gé- 
»  ncral  envoya  ,  dit  l'auteur  du  second  li- 

■  vredesMachabées,  2000draclimesd'ar- 
»  gent  à  Jérusalem  ,  alin  qu'on  offrit  des 
»  sacrifices  pour  les  péchés  de  ceux  qui 
»  étaient  morts  ;  car  il  éiait  persuadé 
»  qu'une  grande  nnséricorde  esi  réservée 

■  à  ceux  qui  meurent  dans  la  piété  :  ainsi 


»  c'est  une  sainte  et  salutaire  pensée  de 
^  prier  pour  les  morts  ,  afin  qu'ils  soient 
»  délivrés  de  leurs  péchés.  »  Passage  qui 
prouve  la  croyance  et  l'usage  des  anciens 
Juifs  sur  la  prière  pour  les  morts  ,  et  sur 
l'existence  du  purgatoire.  Antiochus  Eu- 
pator  ,  qui  avait  succédé  à  Antiochus  Epi- 
phanes,  irrité  des  mauvais  succès  de  ses 
généraux,  vint  lui-même  en  Judée,  et 
assiégea  Bethsure.  Judas  marcha  au  se- 
cours de  ses  frères.  Du  premier  choc,  il 
tua  COO  hommes  des  ennemis;  et  ce  fut 
alors  que  son  frère  Eléazar  fut  accablé 
sous  le  poids  d'un  éléphant  qu'il  tua , 
croyant  faire  périr  le  roi.  La  petite  armée 
de  Judas  ne  pouvant  tenir  léle  aux  trou- 
pes innombrables  du  roi,  ce  général  se 
relira  à  Jérusalem.  Eupator  l'y  vint  as- 
siéger ;  mais  ,  averti  de  quelques  mouve- 
mens  qui  se  tramaient  dans  ses  états,  il 
fil  la  paix  avec  le  général  hébreu ,  qu'U 
déclara  chef  el  prince  du  pays.  II  retourna 
ensuite  en  Syrie ,  où  il  fut  tué  par  Démé- 
trius  ,  qui  régna  en  sa  place.  Le  nouveau 
roi  envoya  Bacchides  et  Alcime,  avec  la 
meilleure  partie  des  troupes.  Les  deux 
généraux  marchèrent  contre  Judas ,  qui 
était  à  Béthel  avec  5000  hommes.  Cette 
petite  armée  fut  saisie  de  frayeur  à  la  vue 
des  troupes  ennemies  ;  elle  se  débanda , 
et  il  ne  resta  que  800  hommes  au  camp. 
Judas  ,  sans  perdre  courage,  les  exhorta 
à  mourir  courageusement,  fondit  sur 
l'aile  droite  et  fut  tué  dans  la  mêlée,  l'an 
161  avant  J.-C.  Simon  et  Jonalhas,  ses 
frères  ,  enlevèrent  son  corps ,  et  le  firent 
porter  à  Blodui  ,  où  il  fut  enterré  avec 
magnificence  dans  le  sépulcre  de  son 
père.  Les  Juifs  pleurèrent  sa  perte  plu» 
long-temps  qu'ils  n'avaient  coutume  de 
le  faire  pour  les  rois  mêmes.  Les  froids 
moralistes  qui  ont  prétendu  que  la  guerre 
faite  à  Antiochus  était  contraire  à  la  sou- 
mission due  aux  rois,  méritaient  bien 
d'être  eux-mêmes  les  victimes  de  sa  ty- 
rannie. S'il  n'est  pas  permis  aux  particu- 
liers de  se  soulever  contre  une  autorité 
quelconque,  une  nation  entière  devra- 
l-elle  se  laisser  massacrer  ,  voir  anéantir 
ses  lois  et  son  culte  ,  parce  que  le  caprice 
du  tyran  l'ordonnera  ainsi?  On  cite 
l'exemple  des  chrétiens  qui  se  laissaient 
égorger;  mais  ces  chrétiens  étaient  des 
particuliers  soumis  à  l'autorité  établie,  et 
dont  la  religion  contrariait  celle  de  l'em- 
pire. «  Vous  ne  pouvea  ,  dit  à  ce  sujet  un 
»  jurisconsulte  éclairé  ,  vous  prévaloir  de 
B  la  conduite  des  premiers  chrétiens,  sôus 
1»  le  règne  du  paganisme  :  ils  devaient 


JUD  57 

»  s'exclure  absolument  de  la  société  pu- 
»  blique,  toute  vouée  aux  horreurs  de  li- 
pdolàlrio,  à  une  impiété  plus  détestable 
»  encore ,  et  à  toute  espèce  d'abomina- 
»  lions.  Contraints  en  quelque  sorte  de  vi- 
»  vre  inconnus ,  ils  n'avaient  point  une 
»  existence  civile  dans  l'empire  romain  , 
»  étant  considérés  comme  des  coupables  , 
»  à  cause  de  la  nouvelle  religion  qu'ils 
»  professaient  et  cherchaient  à  répandre  ; 
»  ils  étaient,  sous  Néron  et  d'autres  mons- 
»  très  couronnés ,  dans  le  cas  des  parti- 
i>  culiers,  que  nous  convenons  ne  pouvoir 
»  pas  résister  au  prince.  La  Sagesse  éter- 
»  nelle  a  fait  servir  cette  situation  des 
»  chrétiens  à  sa  gloire  :  elle  a  fait  éclater 
»  en  eux  l'esprit  de  paix ,  d'humilité , 
»  d'une  charité  sans  bornes ,  d'un  déta- 
»  chement  héroïque,  d'une  douceur  et 
»  d'une  patience  admirables,  au  milieu 
n  d'un  monde  corrompu ,  qui  avait  be- 
»  soin  de  ces  leçons  et  de  ces  exemples  ; 
»  les  chefs-d'œuvre  de  cet  enchaînement 
»  de  miracles  qui  devaient  terrasser  l'in- 
»  crédulité  ,  adoucir  et  subjuguer  la  féro- 
»  cité  ,  faire  taire  les  passions  et  convertir 
»  l'univers.  Mais  inférer  de  là  qu'une  na- 
»  tion  entière,  ses  chefs  et  ses  représen- 
»  tans,  doivent  livrer  leurs  possessions, 
»  leur  vie ,  leurs  lois  et  leur  culte  aux  ca- 
»  prices  et  aux  violences  d'un  tyran,  c'est 

>  ce  qui  certainement  n'est  ni  dans  les 
»  rèjjles  de  la  bonne  logique,  ni  dans  celles 
»  de  la  bonne  justice.  »  (  Voyez  BURLA- 
MAQUI.  )  Bossuet ,  qu'on  ne  soupçonnera 
pas  d'affaiblir  l'autorité  des  rois,  justifie 
hautement  les  Machabées ,  parce  qu'An- 
tiochus  voulait  détruire  leur  religion  et 
la  nation  mérae ,  en  la  corrompant  par 
les  rites  idolâtres  ,  pour  la  mêler  et  con- 
fondre avec  les  nations  infidèles.  «  Antio- 
»  chus  ,  dit-il,  ne  se  proposait  rien  moins 
»  que  de  détruire  la  nation  et  le  culte 
r  qu'elle  professait ,  et  en  éteindre  lamé- 
r.  moire  ,  profaner  le  temple  ,  y  effacer  le 
»  nom  de  Dieu ,  et  y  établir  l'idole  de  Ju- 
s  piter  Olympien.  Voilà  ce  qu'on  avait 
»  entrepris,  et  ce  qu'on  exécutait  contre 
»  les  Juifs  avec  une  violence  qui  n'avait 

>  point  de  bornes...  Lorsque  Dieu  ne  leur 
ï  donnait  aucun  ordre  d'abandonner  la 
»  terre  promise  ,  où  il  avait  établi  le 
a  siège  de  la  religion  et  de  l'alliance,  ni 
B  ne  leur  montrait  aucun  moyen  de  con- 
»  server  la  race  d'Abraham,  que  celui 
»  d'une  résistance  ouverte ,  comme  il 
»  leur  arriva  manifestement  dans  cette 
•  cruelle  persécution  des  rois  de  Syrie, 
;»  c'était  une  nécessité  absolue  et  une  suite 


JUD 

»  indispensable  de  leur  religion ,  de  se 
»  défendre.  »  5*  Avcrtiss.  aux  protest., 
n.  24  { I  ).  M.  Rainouard  a  composé  un 
poème  sur  Machabée. 

JUDAS  ,  lils  de  Sarriphée ,  s'étant  joint 
à  Matthias,  fils  de  Margalotte,  docteur  de 
la  loi ,  persuada  à  ses  disciples  et  à  quel- 
ques autres  Juifs  ,  d'abattre  l'aigle  d'or 
qu'Hérode  le  Grand  avait  fait  poser  sur 
le  plus  haut  du  temple ,  en  l'honneur 
d'Auguste.  Ce  prince  cruel  le  condamna 
à  être  brûlé  vif.  Après  la  mort  d'Hé- 
rode  ,  le  peuple ,  qui  aimait  Judas  ,  de- 
manda à  son  successeur  Archelaiis  la  pu- 
nition des  auteurs  d'un  supplice  si  inhu- 
main ;  et ,  sur  le  refus  qui  en  fut  fait ,  il 
s'éleva  une  sédition  qu'on  ne  put  éteindre 
que  par  le  sang  de  3,000  hommes.  (Jo- 
sèphe  ,  Histoire  des  Juifs ,  livre  17 , 
chap.  8.) 

JUDAS,  chef  de  voleurs  ,  après  la  mort 
d'Hérode  le  Grand  ,  assembla  une  troupe 
de  déterminés ,  avec  lesquels  il  pilla  les 
trésors  du  roi,  et  se  rendit  assez  redou- 
table pour  pouvoir  aspirer  à  la  couronne. 
(  Josèphe,  v!//«/7/7  Jud.,\\.\.  17,  chap.  12.) 
JllDAS,  ou  JUDE,  surnommé  Barsa- 
bas.  Voyez  ce   nom. 

JUDAS  ESSÉEN,  se  rendit  célèbre  par 
quelques  prophéties.  11  prédit  qu'Anti- 
gone,  premier  prince  des  Asmonéens, 
périrait  dans  la  tour  de  Straton.  Cepen- 
dant le  jour  même  qu'il  avait  assuré  que 
le  roi  mourrait,  il  parut  douter  du  suc- 
cès de  sa  prédiction ,  parce  qu'il  savait 
que  ce  prince  était  à  Jérusalem ,  éloigné 
de  la  tour  de  Straton  d'environ  25  lieues. 
Il  fut  surpris ,  peu  de  temps  après  d'ap- 
prendre que  le  roi  venait  d'être  tué  dans 
tine  chambre  du  palais ,  qu'on  appelait 
la  Tour  de  Straloîi,  endroit  qu'U  avait 
nommé  sans  le  connaître ,  trompé  par  la 
ressemblance  des  noms.  C'était  un  saint 
homme.  Quelques  savans  pensent  que  ce 
Judas  est  le  même  que  l'auteur  du  2"^  livre 
des  Machabées. 

JUDAS  de  GAULAN,  chef  d'une  secte 
avec  Sadoc  parmi  les  Juifs,  s'opposa  au 
dénombrement  que  fit  Cyrinus  dans  la 
Judée,  et  excita- une  révolte.  Il  préten- 
dait que  les  Juifs  étant  libres,  ils  ne  de- 
vaient reconnaître  aucune  autre  domi- 
nation que  celle  de  Dieu.  Ses  sectateurs 
aimaient  mieux  souffrir  toutes  sortes 
de  supplices  que  de  donner  le  nom  de 
Maître  oit  de  Seigneur  à  quelque  homme 


(i)   On   peut  ajouter  qocl'aulorile  de 
ïttr  la  Jude'e  ne  provenait  fjue  du  droit 


rois  de  Syrie 
lu  plus  fort. 


JUD 


bs 


iui) 


que  ce  fût  (  Josèphe ,  Histoire  des  Juifs. 
liv.  18,  cil.  i.)  Le  même  Judas  est 
nommé  le  Galiléen  dans  les  Acles  des 
apôtres ,  parce  qu'il  était  de  la  ville  de 
Gamala  dans  la  Gaulanite  ,  petit  pays  de 
la  Galilée. 

JUDAS  ISCARIOTE,  ainsi  appelé  parce 
qu'il  était  d'une  ville  de  ce  nom  dans  la 
Iribu  d'Ephraïm,  fut  choisi  par  J.-C, 
pour  être  l'un  des  douze  apôtres  ;  mais  il 
répondit  mal  au  choix  et  aux  bontés  de 
l'Homme -Dieu.  Son  avarice  lui  lit  cen- 
surer l'action  de  la  Madeleine,  qui  ré- 
pandait des  aromates  précieux  sur  les 
pieds  du  Sauveur,  et  lui  lit  livrer  aux 
Juifs  le  Fils  de  Dieu  pour  50  dt;niers.  Il 
reconnut  ensuite  l'atrocité  de  sa  trahi- 
son, jeta  dans  le  temple  l'arjjent  qu'il 
avait  reçu  d'eux  ,  se  pendit  de  désespoir  . 
et  son  corps  devint,  comme  dit  saint 
Pierre  dans  les  Jetés  des  apôtres,  un 
objet  d'horreur  ,  en  s'ouvrant  et  présen- 
tant le  plus  affreux  spectacle.  Casaubon, 
Jacques  Gronovius,  Daniel  Heinsius,  ont 
assez  inutilement  disserté  sur  ce  phéno- 
mène ,  qui ,  disent-ils,  ne  résulte  pas  de 
la  strangulation.  On  peut  voir  dans  la 
Physica  sacra  de  Scheuchzer  une  expli- 
cation naturelle ,  rendue  sensible  par  une 
estampe  pittoresque.  Mais  il  y  a  plus  de 
vérité  peut-être  dans  ce  passage  d'un 
théologien  moderne  :  Post  buccellam  ^  ut 
ait  Scriptura,  introivit  in  eum  Salanas^ 
quem  minime  mirum.  est  devotum,  ac  de- 
volutum  sibi  cadaver  decerpsisse.  Les 
savans  ne  sont  pas  d'accord  entre  eux 
sur  la  valeur  des  50  deniers  que  reçut 
Judas.  Les  hérétiques  cérinthiens  hono- 
raient cet  apôtre  infidèle  d'une  manière 
particulière,  et  se  servaient  d'un  évan- 
gile qui  portait  son  nom. 

JUDDE  (Claude  ,  le  père  ) ,  jésuite ,  né 
à  Rouen  le  21  décembre  1661 ,  est  connu 
par  divers  ouvrages  moraux  et  ascé- 
tiques, qui  décèlent  un  homme  con- 
sommé dans  les  voies  de  la  perfection 
chrétienne.  Après  avoir  prêché  quelque 
temps  avec  succès ,  il  fut  chargé  à  Rouen 
de  la  direction  du  second  noviciat,  où 
les  jeunes  jésuites  prêtres,  après  avoir 
enseigné  les  humanités  et  étudié  pen- 
dant quatre  ans  en  tliéologie  ,  étaient  for- 
més au,  ministère  apostolique ,  avant  de 
faire  leurs  vœux  solennels;  il  fut  ensuite 
jusqu'en  1721 ,  supérieur  du  premier  no- 
viciat à  Paris,, d'où  il  passa  à  la  retraite 
de  ce  même  noviciat,  et  de  là  à  la  mai- 
son professe,  où  il  mourut  en  1755.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  )  Réflexions 


chrétiennes  sur  les  grandes  vérités  de  la 
foi  et  sur  les  principaux  mystères  de  la 
Passion,  Paris,  1756,  in-12,  ouvrage  tiré 
des  manuscrits  de  ce  jésuite  par  l'abbé  le 
Mascrier.  Le  père  Chéron,  théalin ,  a 
publié  en  1780  |  ses  Exhortations  sur  les 
principaux  devoirs  de  l'état  religieux^ 
Paris,  1780,  2  vol.  in-12;  I  Retraite  spi- 
rituelle pour  les  personnes  religieuses^ 
Paris,  1746.  in-12. En  1781  et  1782  ,  l'abbé 
Lenoir  Duparc  a  donné  une  Collection 
complète  des  OEuvres  spirituelles  du 
père  Judde ,  Paris,  7  vol.  in-12,  réim- 
primée en  1815-1816,  Besançon,  7  vol 
in-12,  1825-26,  Paris.  5  vol.  in-12;  moins 
complète  que  les  précédentes.  On  a  aussi 
publié  à  Besançon  :  Traités  sur  la  con- 
fession à  l'usage  des  séminaristes  et 
des  communautés  religieuses ^  tirés  des 
œuvres  spirituelles  du  père  Judde ,  1825, 
in-8".  Ce  qui  prévient  beaucoup  en  fa- 
veur du  père  Judde ,  c'est  le  cas  tout  par- 
ticulier que  le  père  Bourdaloue  faisait 
de  ses  lumières  ;  il  souhaita  en  mourant 
qu'on  lui  confiât  ses  papiers,  sans  doute 
pour  qu'il  les  mît  en  ordre.  Mais  ce  grand 
prédicateur  avait  mis,  sans  le  prévoir, 
un  obstacle  à  Texéculion  de  celte  de- 
mande ,  ayant  indiqué  le  père  Judde 
pour  un  emploi  qui,  le  tirant  de  la  pré- 
dication ,  fixa  son  attention  sur  des  ob- 
jets dlfférens. 

JUDE  (saint),  apôtre,  nommé  aussi 
Lebbée ,  Thadée  ou  le  Zélé  ^  frère  de 
saint  Jacques  le  mineur  et  parent  de  J.-C. 
selon  la  chair,  fut  appelé  à  l'apostolat 
par  le  Sauveur  du  monde.  Dans  la  der- 
nière cène,  il  lui  dit  :  «  Seigneur  ,  pour- 
»  quoi  vous  manisf  esterez -vous  à  nous, 
»  et  non  pas  au  monde?  »  Jésus  lui  répon- 
dit :  tt  Si  quelqu'un  m'aime,  il  gardera 
B  ma  parole ,  et  mon  Père  l'aimera  ;  et 
»  nous  viendrons  à  lui;  et  nous  ferons  en 
»  lui  notre  demeure.  »  Après  avoir  été 
visité  par  le  Saint-Esprit  avec  les  autres 
apôtres,  Jude  alla  prêcher  l'Evangile  dar»s 
la  Mésopotamie ,  l'Arabie ,  la  Syrie ,  l'I- 
dumée  et  la  Libye.  On  dit  qu'il  reçut  la 
couronne  du  martyre  dans  la  ville  de 
Béryte ,  vers  l'an  80  de  J.-C.  Nous  avong 
de  lui  une  Epitre .  qui  est  la  dernière 
des  sept  Epi  très  catholiques.  Il  l'écrivit 
après  la  prise  de  Jérusalem ,  principale- 
ment pour  les  Juifs  convertis  au  chris- 
tianisme. Il  y  attaqua  les  nicolaïtes,  les 
siinoniens,  les  gnostiques  et  les  autres 
hérétiques,  qui  combattaient  la  nécessité 
des  bonnes  œuvres.  On  avait  d'abord  fait 
quelque  difficulté  de  mettre  celle  Epître 


JUD  b 

I  dans  le  canon  des  Ecritures ,  à  cause  de 
;  la  cilalion  du  livre  apocryphe  d'Enoch  ; 
ij  mais  elle  y  est  placée  communément  dès 
I  a\anl  la  lin  du  i'  siècle.  Le  passaye  rap- 
I  porté  j)ar  cet  apôtre  peut  être  réellement 
d'Enoch,  quoique  le  livre  qui  le  ren- 
ferme soit  apocryphe  ,  c'est-à-dire  d'une 
autorité  incertaine  ;  la  tradition  .  quelque 
ai^cien  écrit ,  ou  une  inspiration  parti- 
culière, peuvent  avoir  appris  à  saint 
Jude  que  ces  paroles  sont  véritablement 
d'Enoch.  Il  a  pu  d'ailleurs  citer  un  livre 
célèbre  et  estimé  de  son  temps,  pour 
faire  impression  sur  les  esprits  et  donner 
plus  d'horreur  des  hérétiques  contre  les- 
quels il  écrivait.  Le  saint  apô.re  dépeint 
ces  imposteurs  avec  des  couleurs  fort 
•vives.  On  y  reconnaît  trait  pour  trait  les 
philosophes  dogmatisans  de  notre  siècle. 
C'est  avec  raison  qu'Origène  dit  de  cette 
lettre  ,  «  qu'elle  ne  contient  que  très  peu 
»  de  paroles,  mais  quelles  sont  pleines 
»  de  la  force  et  de  la  yràce  du  ciel.  » 

JUDEX.  (Matthieu),  dont  le  véritable 
nom  était  Jiichfer  en  allemand,  ce  qui 
veut  dire  Ju^e ,  né  à  Tippolswald  en 
Misnie  ,  l'an  1528,  est  un  des  principaux 
écrivains  des  Centuries  de  IMagdeboury, 
publiées  à  Bàle ,  1552  à  1574 . 8  vol.  in-fol.: 
ouvrage  destiné  à  bouleverser  toutes  les 
notions  de  llnstoire  ecclésiastique,  ré- 
futé par  Baronius,  Bellarmin,  etc.  I! 
enseigna  la  théologie  avec  réputation  dans 
son  parti ,  et  ne  laissa  pas  d'essuyer  beau- 
coup de  chagi  ins  dans  son  ministère.  Il 
mourut  à  Uoslock  le  15  mai  1564.  On  a  de 
lui  plusieurs  Ouvrages  cités  dans  5e  Dic- 
tionn.  de  Bayle,  plus  ou  moins  entachés 
des  préventions  et  de»;  erreurs  de  sa  secte. 
JUDITH,  rcyez  HOLOKERNE.  Nous 
nous  contenterons  de  dire  que  l'action  de 
cette  sainte  et  courageuse  veuve  ne  doit 
pas  être,  au  moins  avec  toutes  ses  cir- 
constances, jugée  sur  les  règles  ordinaires 
de  la  morale  ,  auxquelles  le  souverain  lé- 
gislateur peut  déroger  dans  des  cas  que 
sa  sagesse  et  sa  justice  peuvent  seules  dé- 
terminer. Il  faut  observer  «-ncore  quil 
s'agissait  d'un  ennemi  particulièrement 
odieux  par  une  férocité  et  une  brutalité 
sans  exemple,  ravageant  et  détruisant 
lout,  blasphémant  le  nom  du  Dieu  vi- 
vant, et  se  proposant  de  placer  dans  son 
temple  les  idoles  des  nations.  {Voyez 
JÉHU.  )  H  est  difficile  de  liîCer  le  temps 
auquel  cette  histoire  est  arrivée,  et  il 
est  presque  impossible,  quelque  parti 
qu'on  piennc,  de  satisfaire  pleinement 
à   toutes   les  objections  ;  mais  celte  dif- 


9  JUD 

(iculté  ne  doit  pas  faire  recourir  à  la 
supposition  gratuite  de  Scaliger  et  de 
Grotius ,  qui  prétendent  que  le  livre  de 
Judith  n'est  qu'une  parabole,  composée 
pour  consoler  ii-s  Juifs  dans  le  temps 
qu'Antiocluis  -  Epipliune  vint  en  Judée. 
L'authenticité  (lu  livre  de  Judilhaétécon- 
testée  ;  niais  tous  les  doutes  doivent  être 
lixés  par  l'auloi  ilé  du  concile  de  Trente  , 
qui  l'a  confirmé  dans  la  possession  où  il 
était  de  passer  pour  ins])iré.  Saint  Jé- 
rôme nous  assure  qu'il  a  été  aussi  re- 
connu comme  tel  par  le  concile  de^icée. 
L'auteur  ,  qui  est  toul-à-fail  inconnu ,  écri- 
vit son  ouvrage  en  langue  chaldaïque, 
et  il  fut  traduit  en  latin  jiar  saint  Jérôme  ; 
on  en  a  une  version  en  hébreu  ,  en  grec 
et  en  syriaque.  Quelques  -  uns  veulent 
que  ce  soit  Judith  elle-même;  d'autres, 
le  grand-prêtre  Eliaciuj,  dont  il  est  parlé 
dans  ce  livre  ;  mais  tout  cela  est  sans  au- 
cune preuve.  Montfaucon  a  donné  une 
savante  dissertation  sous  le  titre  de  Vé- 
rité de  l'histoire  de  Judith  (i). 

'JÎIDITII  de  BAVIÉKE,  seconde  femme 
de  Louis  le  Débonnaire  ,  empereur  et  lils 
de  Charlemagne  ,  nacjuit  vers  «06.  Louis 
étant  devenu  \euf  et  voulant  se  remarier, 
les  plus  nobles  et  les  plus  belles  lilles  do 
l'empire  accoururent  pour  se  disputer  la 
main  d'un  si  (jrand  monarque.  La  beauté, 
les  grâces  et  l'esprit  de  Judith  lui  firent 


(i)  Le  iiijel  de  Judith  a  inipiré  pliiiieiirt  e'crivaint , 
entre   aiilret  l'aLbif  Buyrr,  fpii   en   fit  une   tra);é(lie , 
imprimée  rn  1695  (  vo/rt  BOYEK  Claude  ),  du  Bar- 
las  et  Mlle  (.alagei  <|ni  en   ont   fait  At%  pormei.  On 
trouve  dans  l'ouvr.ige  de  cette  dernière,   imprime'  en 
1640,  à  Touluiise  (  voyei  CALAGES)  ,  et  qui  ic com- 
pose de  luiit    livres,  des   vers  d'une  pureté   d'autant 
plus  remarqualile ,  qu'ils  furent  écrit»  avant   que   le 
Cid  K.iiV    paru.   Nous  en   citerons  les   suivant   (Judit^ 
quitte   ses   vètemen»    de   deuil    pour    reprendre   ceu« 
qu'elle  portail  le  jour  de  son  union  avec  Manassès  ) 
Elle  louctie  et  cent  fois  elle  arrose  de  larmes 
L'Iiabit  dont  son  époux  voulut  parer  ses  charmes  , 
Quand,  aux  yeux  des  Hébreux,  t'avançaotà  faute». 
Tous  deux  se  sont  jurés  un  amour  éterneJ. 
Qu'un  soin  bien  différent  lajjite  et  la  dévore  ! 
Ah  !  ce  n'est  pas  pour  plaire  à  lobjet  qu'elle  «do.-* 
Que  Judith  a  recour»  à  ces  vains  ornemens. 
Elle  entend  tout  à  coup  de  longs  gémissement  ; 
Son  bras  ,  avec  effroi ,  comme  eochaîné  »'»rr«'K  ; 
Elle  frémit  ,  soupire  et  détourne  la  tète  ; 
Ij'un  nuage  confu»  »on  vil  est  obscurci , 
D'un   tremblement  soudain  tout  son  corps  est  i»lrî. 
A  la  p.Mc  lueur  dune  sombre  lumière  , 
V!n  fanlAroe  effrayant  vient  frapper  sa  paopi^te: 
C'est  fllanassfs  qui  s'offre  à  son  cŒur  attendri , 
Tel  que  se»  yeux  l'ont  vu  ,  quand  cet  époux  chéri. 
Exbata  dans  ses  bras  son  àme  fugitive  ,  etc. 
L'éditeur  (  Mlle  de  Viliandon  )  avait  dédiif  rt  poème- 
à  la  reine  Aone  d'Autriche  ,  «lort  réjente . 


JIJD 


60 


JUE 


oLtenii  la  préférence  (819);  mais  elle 
lui  coûta  bien  cher  dans  la  suite.  Louis 
avait  eu  de  sa  i)nMnièTe  feiiiu)e  trois  lils  : 
Lothaire,  Pépin  et  Louis,  entre  lesquels 
il  avait  parlajjé  plusieurs  de  ses  nom- 
breux états.  Cependant  Judith  jouit  de 
quelque  bonheur  jusqii'au  niomeni  où 
elle  accoucha  d'un  iils ,  connu  depuis 
sous  le  nom  de  Charles  le  Chauve.  L'em- 
pereur, alin  de  laisser  aussi  un  royaume 
à  son  quatrième  enfant,  voulut  faire  un 
nouveau  parla{;e ,  et  ce  jjrojet  mit  tout 
l'empire  en  combustion.  Les  trois  princes 
aines  ,  jusqu'alors  peu  d'accord,  se  réu- 
nirent pour  i)rendre  les  armes  contre 
l'auteur  de  leurs  jours.  Mais  pour  mieux 
réussir  à  déshériter  leur  frère  Charles, 
encore  enfant ,  ils  calomnièrent  la  vertu 
de  sa  mère.  Déjà  la  préférence  dont  l'a- 
vait honorée  l'empereur  lui  avait  donné 
pour  ennemies  toutes  les  familles  de  ses 
rivales.  Louis,  d'un  caractère  faible, 
quoique  peul-élre  convaincu  de  l'inno- 
cence de  sa  femme  ,  ne  lui  pouvait  servir 
d'aucun  appui.  Dans  ces  circonstances 
critiques,  Judilh  eut  recours  à  un  puis- 
sant el  vaillant  yuerrier,  Bernard,  comte 
de  Barcelone  et  duc  de  Scptimanie  (  i  ). 
Il  vint  à  la  cour  de  Louis,  s'attira  la  bien- 
veillance de  cet  empereur,  qui  le  nomma 
successivement  premier  ministre ,  {^rand- 
chambellan  et  gouverneur  du  jeune 
Charles.  Ces  faveurs  et  la  fermeté  de  Ber- 
nard à  soutenir  les  droits  de  son  royal 
élève  irritèrent  encore  davantage  les  trois 
j)rinces  révoltés.  Ils  accusèrent  l'impéra- 
trice d'entretenir  des  liaisons  criminelles 
avec  le  comte.  Celui-ci,  pour  défendre 
l'honneur  outragé  de  l'impératrice,  appela 
à  un  combat  singulier  quiconque  vou- 
drait se  porter  pour  son  accusateur.  Au- 
cun n'osa  se  présenter;  mais  succombant 
enfin  aux  efforts  cacliés  de  ses  ermemis, 
il  fut  contraint,  par  ordre  de  l'empereur, 
de  se  retirer  à  Bai  celone.  Judith,  exposée 
alors  à  toute  la  rage  de  ses  calomniateurs, 
se  vit  bientôt  airachée  d'auprès  de  son 
époux,  et  renfermée  dans  un  cloître,  où 
l'on  voulait  l'obliger  de  prendre  le  voile. 
Cependant  la  division  s'étant  -mise  entre 
les  princes  révoltés  ,  les  mécontens,  qui 
avaient  été  séduits  par  leurs  promesses,  et 
qui  ne  voyaient  pas  celics-ci  se  réaliser , 
se  révoltèrent  à  leur  tour  contre  eux,  et 


(i)  La  Sep/imant'f  comprenait  une  grande  partie  du 
Languedoc,  <iu  Iloutsillon  ,  de  la  Catalogne,  dont 
Barcelone  elail  Ij  c.pliale.  On  Tappi^ait  Seplimanie 
»  faute   de   ^ej-l  grandn  \illes  ou   cili't  <]ui  t'y   Irou- 


rendirent  à  l'empereur  son  fils  et  son 
éjjouse.  L'impératrice  ,  soit  par  ambition, 
soit  plutôt  par  un  sentiment  maternel, 
réclama  de  l'empereur  l'exécution  du 
dernier  projet  de  partage.  Nouvelle  ré- 
volte de  la  part  des  princes  :  l'empereur, 
abandormé  des  siens,  vient  se  livrer  entre 
les  mains  de  ses  enfans  rebelles  avec  sa 
femiTie  et  son  fils.  On  fait  alors  revivre 
l'ancienne  calomnie  contre  l'honneur  de 
l'iiTipératrice  :  elle  est  contrainte  de  se 
justifier  par  Véjyreuve  du  feu.  Malgré 
son  innocence  recoimue  par  cette  même 
épreuve,  on  la  livre  à  son  plus  mortel 
enneiTii ,  son  beau-fils  Louis  ,  roi  de  Ba- 
vière, qtii  lui  fait  raser  les  cheveux  et  la 
relègue  dans  une  forteresse  de  la  Lombar- 
die.  Elle  y  mourut  quelcpie  temps  après 
en  8i5,  sans  avoir  eu  le  bonheur  ni  de 
voir  son  époux  remonter  sur  le  trône  ,  ni 
son  lils,  tant  persécuté,  ceindre  la  cou- 
ronne de  France.  {V.  LOUIS  le  Débon- 
naire.  CW  h.JM^)î^S  le  Chauve.) 

JUDITH,  tille  de  Charles  l-  Chauve. 
avait  été  d'abord  mariée  à  Ethulphe,  el 
ensuite  à  Ethelrède ,  rois  anglais.  Celui-ci , 
las  de  la  tyiannie  qu'elle  voulait  exercer 
sur  lui,  la  chassa  de  son  lit  et  de  son 
trône.  Revenue  en  France  ,  elle  se  lit  en- 
lever par  Baudouin  Forestier  de  Flandre , 
qu'elle  épousa.  Charles  le  Chauve  lit  son 
gendre  comte  de  Flandre  vers  l'an  870, 
et  ce  fut  la  souche  de  tous  les  autres 
princes  de  ce  nom.  Judith  était  galante 
et  impérieuse;  ses  époux  li'élaient  que 
ses  premiers  esclaves. 

JIIELLUS.  Voyez  JE'VVEL. 

JIJEMA  ou  JUENNIN  (GASPAno), 
prêtre  de  l'Oratoire ,  né  à  Varembon  en 
Bresse,  en  1(350,  mort  à  Paris  en  1713, 
professa  long  -  temps  la  théologie  dans 
plusieurs  maisons  de  sa  congrégation ,  et 
surtout  au  séminaire  de  Sainl-Magloire. 
Sa  piélé  et  son  érudition  le  firent  esli» 
mer.  On  a  de  lui  :  |  Instructiones  theo' 
logicœ  ad  usuni  seminariorum ,  nou- 
velle édition  ,  Paris  ,  1700  ,  7  vol.  in-12. 
On  n'avait  pas  encore  vu  de  meilleure 
théologie  scolastique  ;  mais  l'auteur  y 
ayant  glissé  avec  beaucoup  d'art  quel- 
ques erreurs  nouvellement  condamnées, 
son  ouvrage  fut  proscrit  à  Rome  le  25 
septembre  1708,  par  plusieurs  évèqucs 
de  France,  notamment  par  les  évéques 
de  Chartres,  de  Laon,  d'Amiens,  de  Sois- 
sons,  et  par  le  cardinal  de  Noailles.  Le 
cardinal  de  Bissy  opposa  une  critique 
très  solide  à  celte  théologie.  |  Coiiunen- 
taiius  historiens  et  dogmaticiis  de  sacr^ar 


JUG 


6i 


JUG 


mentis.  Lyon  ,  1696,  en  2  vol.  in-fol. ,  dont 
l'auteur  tira  3  vol.  ln-12  ,  sous  le  litre  de 
Théorie  pratique  des  sacremens  ;  \  un 
Abrégé  de  ses  Institutions  ,  à  l'usage  de 
ceux  qui  se  préparent  aux  examens  qui 
précèdent  les  ordinations,  i  vol.  in-12, 
en  latin;  |  77i<?o?o^?e  morale,  par  demandes 
t't  par  réponses,  Paris  ,  1741,  2  vol.  in-12; 

I  Résolution  des  cas  de  conscience  sur  la 
vertu  de  justice  et  d'équité  j  A  vol.  in-12. 
Ces  deux  derniers  ouvrages  sont  pleins 
de  décisions  appuyées  sur  l'Ecriture  et 
sur  les  Pères ,  et  écrits  avec  clarté  et  avec 
méthode. 

•  JUGE-SAINT  -  MARTIN  (Jacques- 
Joseph),  fils  d'un  conseiller  auprésidial 
de  Limoges,  né  dans  cette  ville  en  17/».3, 
devint  professeur  d'histoire  naturelle  à 
Limoges ,  et  fut  un  agronome  distingué. 

II  couvrit  plus  de  200  hectares  de  mau- 
vaise terre  qui  formaient  son  patrimoine, 
d'une  foule  d'arbres  de  toutes  espèces  qui 
n'avaient  jamais  été  cultivés  dans  son 
canton  :  ce  qui  lui  valut  une  médaille 
d'or  et  le  titre  de  correspondant  de  la 
société  royale  d'agriculture  de  Paris.  On 
lui  doit  plusieurs  ouvrages  sur  l'agricul- 
ture et  sur  l'histoire  naturelle  :  ]  Traité 
de  la  culture  du  chêne .  1788 ,  in-8°  ;  c'est 
un  des  meilleurs  ouvrages  qui  aient 
paru  sur  cette  matière.  |  Notice  des  arbres 
et  arbustes  du  Limousin  .  Limoges,  1790, 
in-8°;  j  Observations  météorologiques  et 
économiques  faites  pendant  l'année  1791 
dans  le  département  de  la  Haute-Vienne , 
i791 ,  in-S"  ;  |  Proposition  d'un  congrès  de 
paix  générale,  1798,  in-i2  ;  |  Théorie  de  la 
2)ensée .  de  son  activité  primitive  et  de  sa 
continuation  par  les  songes .  4806 ,  in-8°  ; 
I  Changemens  surverms  dans  les  mœurs 
des  habitans  de  Limoges  depuis  une  cin- 
quantaine d'années ,  2'  édit.  augmentée  , 
Paris,  1817,  in-8°.  Ce  savant  agronome 
est  mort  à  Limoges  au  commencement 
de  182i. 

JUGURTHA,  roi  de  Numidie,  fils  de 
Manastabal  et  d'une  concubine,  né  avec 
les  grâces  de  l'esprit  et  de  la  figure  ,  fut 
élevé  à  la  cour  de  Micipsa,  son  oncle. 
Celui-ci  ayant  démêlé  dans  son  neveu 
beaucoup  d'ambition ,  lui  donna  le  com- 
mandement d'un  détachement  cpi'il  en- 
voyait à  Scipion  ,  qui  faisait  alors  le  siège 
de  Numance.  Micipsa  espérait  qu'il  ne 
reviendrait  pas  de  cette  expédition;  mais 
ïl  fut  trompé.  Jugurtha ,  courageux  sans 
être  téméraire ,  fit  éclater  sa  valem-  et 
échappa  à  la  mort.  Son  oncle  l'adopta 
dans  son  testament ,  et  le  nomma  héritier 
7. 


avec  ses  deux  fils,  Adherbal  et  Ilû-mpsal, 
espérant  que  les  bienfaits  du  père  l'at- 
tacheraient aux  enfans  ;  il  se  trompa 
encore.  Qu'était  -  ce  que  le  tiers  d'un 
royaume  pour  un  ambitieux  tel  que  son 
neveu?  L'ingrat,  le  perfide  Jugurtha  fit 
mourir  Hiempsal,  fil  la  guerre  à  Adher- 
bal ,  l'obligea  à  s'enfermer  dans  Cirthe , 
sa  capitale ,  l'y  réduisit  par  la  famine  à 
se  rendre  à  composition ,  et  le  fit  périr 
dans  les  plus  cruels  tourmens,  contre  la 
foi  du  traité.  Adherbal  avait  eu  recours 
aux  Romains  ;  il  était  venu  lui-même  se 
plaindre  au  sénat  :  mais  l'or  de  Jugurtha 
lui  en  avait  fermé  toutes  les  avenues. 
Cependant  Rome  ne  resta  pas  indifférente 
à  la  perfidie  de  Jugurtha,  elle  lui  dé- 
clara la  guerre  ;  mais  celui-ci ,  ayant  cor- 
rompu les  sénateurs  et  les  généraux  qu'on 
envoya  contre  lui,  obtint  une  paix  avan- 
tageuse. Enhardi  par  ce  succès,  il  vint  lui- 
même  plaider  sa  cause  à  Rome  ;  ses 
largesses  lui  procurèrent  de  puissans 
protecteurs,  et  il  aurait  encore  réussi 
dans  ses  projets,  s'il  n'eût,  pendant  son 
séjour  dans  cette  ville ,  poussé  l'audace 
du  crime  jusqu'à  faire  assassiner  un 
prince  numide,  nommé  Massiva ,  dont  les 
droits  au  trône  l'inquiétaient.  Ayant  reçu 
l'ordre  de  quitter  l'Italie  ,  ce  fut  alors  que 
sortant  de  Rome ,  il  dit  o  que  cette  ville 
»  n'attendait  pour  se  vendre  qu'un  ache- 
»  leur ,  et  qu'elle  périrait  bientôt  s'il  s'en 
n  trouvait  un.  »  Cécilius  Ikiélellus,  qui  fut 
envoyé  contre  lui ,  ne  se  laissa  gagnerni 
par  les  promesses  ni  par  les  présens.  Jl 
vainquit  Jugurtha ,  et  le  réduisit  à  quit- 
ter ses  états  pour  aller  mendier  du  se- 
cours chez  les  Gélules  et  les  Maures.  Ma- 
rius  et  Sylla,  qui  continuèrent  la  guerre 
après  Métellus ,  la  firerit  avec  le  même 
succès.  Bocchus ,  roi  de  Mauritanie ,  beau- 
père  de  Jugurtha,  le  livra  à  SylIa,  l'an 
103  avant  Jésus-Christ.  Le  monarque  cap- 
tif,  après  avoir  été  donné  en  spectacle 
au  peuple  romain  ,  depuis  la  porte  triom- 
phale jusqu'au  Capilole ,  attaché  au  char 
de  triomphe  de  Marins ,  fui  jeté  dans  un 
cachot  (  I  )  ,  où  il  mourut  au  bout  de  six 
jours  :  fin  très  peu  assortie  à  ce  que  l'on 
voudrait  nous  faire  accroire  de  la  clé- 
mence et  de  l'humanité  de  ces  vainqueurs 
du  monde. 


(i)  Il  paraît  constant  que  ce  fàt  dam  un  cul  de  batte 
foiie  ,  où  il  ne  pouvait  respirer  qu'un  air  infect  et  ex- 
trêmement humide.  L'amour  de  la  vie  et  la  force  de 
sa  constitution  prolongèrent  ton  existence  jusqu'à» 
tixiime  jour,  dans  l'horrible  sgpplice  qu'il  y  endura, 
^tant  condamné  À  y  mourir  de  faim. 

6 


JUI 

•  jrUIGîVÉ  (  Antoine -Ei.ÉoxoRE-LÉo\ 
LECLERC  de  )  ,  archevêque  de  Paris  ,  né 
en  cette  ville ,  en  1728  ,  était  fils  du  mar- 
quis de  Juigné ,  d'une  famille  illustre  du 
Maine ,  et  qui  fut  tué  à  la  bataille  de 
Guastallafen  1734),  où  il  était  colonel  du 
régiment  d'Orléans.  Antoine  de  Juigné 
lit  ses  premières  éludes  au  collège  de  Na- 
varre, ensuite  au  séminaire  de  Saint-Ni- 
i:olas  iu  Cliardonnet  ;  il  revint  faire  son 
lours  de  licence  et  prendre  les  ordres 
au  même  collège  de  Navarre.  Son  parent 
M.  de  Bezons  ,  évêque  de  Carcassonne  , 
I  appela  auprès  de  lui ,  et  le  nomma  son 
grand-vicaire.  Il  fut  choisi  en  1760  ,  pour 
être  agent  du  clergé.  Les  fonctions  atta- 
chées à  ce  litre  duraient  cinq  ans,  à  moins 
que  l'agent  ne  fût  nommé  à  un  siège  épi- 
scopal.  M.  de  Juigné  les  avait  à  peine  com- 
mencées qu'on  lui  offrit  l'évêché  de  Com- 
minges.  Il  préféra  continuer  ses  travaux 
<;t  fut  promu  en  1764  ,  à  l'évêché  comté- 
])airie  de  Cliàlons.  Sous  son  prédécesseur 
<lans  ce  diocèse ,  le  jansénisme  avait  fait 
des  proijrcs  rapides  :  il  rencontra  pour 
l'extirper  plusieurs  obstacles,  et  se  vit 
obligé  de  recourir  à  des  mesures  très  sé- 
vère contre  plusieurs  prêtres  des  plus 
obstinés  qu'il  interdit  ou  expulsa.  Après 
avoir  rétabli  la  paix  dans  le  diocèse  ,  il 
ne  songea  qu'à  y  faire  du  bien  ;  et  c'est 
à  sa  sollicitude  toute  paternelle  que  l'on 
dut  la  reconstrtlclionda  grand  séminaire, 
la  fondation  d'un  autre  plus  petit,  rt  con- 
sacré à  instruire  gratuitement  les  enfants 
de  la  campagne  que  l'on  croyait  propres 
à  l'état  ecclésiastique.  Humain  ,  doux  , 
charitable,  il  était  généraleuient  aimé  dans 
son  diocèse,  où  le  pauvre  trouvait  en  lui 
un  constant  bienfaiteur.  Dans  une  occa- 
sion il  donna  une  preuve  du  rare  courage 
«[u'inspire  cette  religion,  dont  le  premier 
précepte  est  d'aimer  et  de  secourir  son 
prochain.  Au  milieu  d'une  nuit  obscure  , 
le  ciel  en  feu  annonce  un  incendie  dans 
le  voisinage  de  Châlons.  Le  pieux  évêque 
en  est  averti,  et  ne  balance  pas  à  courir 
lui-même  au  secours  des  incendiés.  Dirigé 
par  les  flammes  et  à  la  têle  de  ceux  qui 
l'accompagnaient,  il  arrive  à  Saint-Dizier, 
qu'il  trouve  réduit  en  cendres.  L'espoir 
de  sauver  quelque  victime  lui  fait  affron- 
ter tous  les  périls  ;  il  se  fraie  un  chemin 
au  travers  des  décombres  ,  entouré  de 
flammes  et  de  fumée.  On  crut ,  pendant 
quelques  instants  qu'il  avait  péri,  iorsqu'on 
parvint  à  le  retirer  de  ce  lieu  où  l'on  ne 
trouvait  plus  que  des  ruines  et  des  cada- 
vres déligurés.  Le  retour  de  M.  de  Juigné 


62  ÏUI 

à  Châlons  ramena  la  tranquillité  parmi  les 
habilans,  qui  avaient  tremblé  pour  les 
jours  de  leur  prélat.  Ces  événemcns  mal- 
heureux était  fréquents  en  Champagne  , 
où  la  plupart  des  maisons  sont  construites 
en  bois.  M.  de  Juigné  s'empressa  d'éta- 
blir un  bureau  de  secours  pour  les  incen- 
diés. A  peu  près  à  celle  époque,  on  lui 
offrit  l'archevêché  d'Auch,  un  des  plu» 
riches  du  royaume  ;  M.  de  Juigné  le 
refusa,  se  fondant  sur  le  texte  des  canons, 
qui  enseignent  quune  augmentation  de 
l'evefius  ne  doit  pas  être  un  motif  pour 
changer  de  siège.  Cependant ,  après  la 
mort  de  M.  de  Beaumont,  archevêque  de 
Paris  (4781  ),  le  roi,  dé  son  propre  mou- 
vement, l'appela  à  ce  siège.  Sa  modestie 
et  ses  scrupules  durent  alors  céder  aux 
ordres  réitérés  du  monarque.  Le  vertueux 
prélat  vint  à  Paris  animé  des  mêmes  sen- 
timens  qui  avaient  jusqu'alors  dirigé  sa 
conduite  dans  ses  fonctions  pastorales. 
Les  revenus  de  son  vaste  patrimoine  et 
de  son  archevêché  étaient,  en  grande 
partie,  employés  en  aumônes  et  en  éta- 
blissemens  pieux  ;  dans  le  rigoureux 
hiver  de  1788  à  1789,  ayant  presque  épuisé 
ses  moyens,  il  vendit  sa  vaisselle  d'argent, 
engagea  son  patrimoine  ;  et,  leur  produit 
ne  suffisant  pas  pour  subvenir  aux  be- 
soins des  nombreuses  familles  dont  la 
misère  affligeait  son  cœur  ,  il  emprunta 
des  sommes  considérables  jusqu'à  la  va- 
leur de  cent  mille  écus ,  dont  son  frère 
aîné  ,  le  marquis  de  Juigné ,  garantit  le 
paiement.  Peu  de  temps  après  eurent 
lieu  les  états^énéraux ,  auxquels  l'arche- 
vêque de  Paris  fut  élu  député  ainsi  que 
ses  deux  frères.  Il  siégea  parmi  la  mino- 
rité, et  s'attira  delà  sorte  la  haine  des 
factieux ,  qui  excitaient  les  passions  du 
peuple.  Il  ne  tarda  pas  à  éprouver  l'in- 
gratitude de  ce  même  peuple  qu'il  venait 
d'arracher  aux  tourmens  de  la  faim.  Le 
pieux  archevêque  sortait, le  24  juin  1789, 
de  l'assemblée  de  Versailles ,  lorsque  sa 
voiture  fut  attaquée  et  poursuivie  long- 
temps à  coups  de  pierres,  au  miheu  des 
insultes  de  la  populace.  Il  n'échappa  qu'a- 
vec peine  à  la  fureur  de  la  multitude  h 
laquelle  il  promit  de  se  réunir  au  tiers- 
état.  Il  assista  à  la  fameuse  séance  du  k 
août,  où  tous  les  membres  de  l'assemblée 
parurent  se  confondre  dang  un  même 
sentiment  de  bien  public,  et  où  le  clergé 
et  la  noblesse  rivalisèrent  avec  le  tiers- 
élat  de  dévouement  dans  leurs  généreux 
sacrifices.  Séduit  par  ces  appat-ences 
trompeuses  de  la  pari  de  ceux  qui  vwu- 


JLI 


63 


JUL 


laient  tout  envahir,  le  bon  arcbcvéque 
proposa  de  chanter  un  Te  Deum .  pour 
solcnniscr  celle  nicmorahle  journée.  Les 
affreux  désordres  qui  suivirent  éclairè- 
rent bientôt  M.  de  Juigné  sur  ce  que 
l'on  devait  attendre  de  ces  conuiience- 
mens.  Ayant  obtenu  du  roi  la  permission 
de  quitter  la  France,  il  se  relira  à  Chani- 
béri,  où  il  reçut  l'accueil  le  plus  affec- 
tueux du  marquis  de  Clermont-Sainl- 
Jean,  qui  était  son  allié.  Il  se  rendit  en- 
suite à  Constance  et  c'est  de  cette  ville 
qu'il  publia  son  mandement  et  plusieurs 
autres  écrits  relatifs  au  serment  à  la  con- 
stitution civile  du  clergé.  D'autres  évo- 
ques et  plusieurs  prêtres  émigrés  le  re- 
joignirent. M.  de  Juigné  les  aida  de  sa 
bourse  ,  et  de  ce  que  produisait  la  vente 
de  quelques  effets  précieux  qui  lui  res- 
taient encore.  Les  obstacles  ne  faisant 
qu'enflammer  davantage  sa  charité  toute 
chrétienne ,  il  sollicita ,  en  faveur  de  ses 
compagnons  d'inforlune  ,  l'impcralrice 
de  Russie  Catherine  II,  difféiens  pré- 
lats et  princes  de  l'Allemagne ,  et  en  ob- 
tint d'abondans  secours.  Infatigable  dans 
son  zèle,  il  parvint  à  établir  à  Con- 
stance un  séminaire  pour  l'instruction  des 
jeunes  clercs  destinés  à  remplacer  les 
prêtres  qui  périssaient  journellement  en 
France  sous  la  hache  révolutionnaire. 
En  1799,  les  Français  s'étant  emparés  de 
Constance ,  M.  de  Juigné  et  tous  les  émi- 
grés qui  s'y  trouvaient  durent  quitter 
cette  ville.  Il  se  rendit  à  Augsbourg ,  et 
reçut  de  l'électeur  de  Trêves  un  accueil 
honorable.  Api  es  le  concordat  de  1802 
M.  de  Juigné  ne  revint  dans  sa  patrie 
que  pour  donner  la  démission  de  son  ar- 
chevêché entre  les  mains  du  pontife  Pie 
VIL  II  vécut  dès  lors  dans  le  sein  de  sa 
famille ,  et  il  allait  quelquefois  visiter  le 
nouvel  archevêque,  le  cardinal  de  Belloy, 
qui  le  recevait  avec  empressement.  M.  de 
Juigné  mourut  à  Paris\  le  19  mars  1811  , 
âgé  de  quatre-vingt-trois  ans.  Ses  restes 
alors  déposés  dans  le  cimetière  commun 
furent  à  l'époque  de-  la  restauration  en 
1814,  transportés  dans  le  caveau  del'égUse 
de  Notre-Dame.  Ce  prélat  était  ami  de 
la  bonne  litlérature  ,  et  possédait  si  bien 
la  Bible  que  lorsqu'on  en  citait  un  pas- 
sage, il  pouvait  en  indiquer  tout  de  suite, 
non-seulement  le  livre ,  mais  le  chapitre 
et  le  verset.  On  a  de  lui  :  ]  des  Mandemens; 
I  un  Rituels  Chàlons,  1776,  2  vol.  in-4°. 
On  reproduisit  cet  ouvrage  avec  plusieurs 
changcmens  ,  sous  le  titre  de  Pastoral  de 
Paris,  1786,  â  vol.  in-4°.  On  croit  que  les 


éditeurs  de  cette  édition  et  des  change- 
mens  qu'on  y  remarque,  furent  les  abbés 
Revers,  chanoine  deSaiiji-Houoré  ;  Plun- 
kett ,  professeur  au  collège  de  Navarre,  et 
P.-J.-fiippolyte  Charlier,  secrétaire  et 
bibliothécaire  de  M.  l'archevêque  de  Pa- 
ris. Quoiqu'il  en  soit,  les  jansénistes  coru- 
baltirent  ce  livre  par  divers  écrits  ,  tels 
que  ,  Observations  sur  le  Pastoral  ;  ré- 
flexions sur  le  Rituel  ;  Examen  des  prin- 
cipes du  Pastoral  ^  sur  l'ordre  ,  lapéni- 
tence  ,  les  censures  ,  le  mariage  .  écrits 
qu'on  attribua  à  Maullrot  et  à  de  Lar- 
rière-  Les  jansénistes  ne  se  bornèrent 
pas  là  ;  leurs  clameurs  furent  telles  que 
le  Pastoral  fut  dénoncé  au  parlement ,  le 
19  décembre  1786,  par  le  conseiller  Ro- 
bert de  Saint-Vincent.  Malgré  ses  instan- 
ces pour  qu'on  en  fît  arrêter  la  distribu- 
tion, séance  tenante,  le  parlement  ordon- 
na qu'on  le  remit  aux  gens  du  roi,  qui  ne 
donnèrent  pas  de  suite  à  la  dénoncia- 
tion, au  grand  déplaisir  des  jansénistes. 
Il  y  a  une  Fie  de  M.  de  Juigné  archevê' 
que  de  Paris,  par  M.  l'abbé  Lambert, 
Paris,  1821,  un  vol.  in-S"  ;  et  1823,  în-8° 
Cette  seconde  édition  accompagnée  d'un 
portrait  lithographie  de  M.  de  Juigné  ,  a 
été  vendue  au  profit  des  petits  séminaires 
de  Paris  et  de  Châlons ,  pour  honorer  la 
mémoire  du  vénérable  prélat  qui  en  a 
occupé  les  sièges  :  M.  l'abbé  Jallabert , 
vicaire-général,  prononça  l'oraison  funè- 
bre de  M.  de  Juigné. 

JUILIARD.  Voyez  JULIARD. 

JULES-CÉSAR.  Voyez  CÉSAR. 

JULES  CONSTANCE,  père  de  l'empe- 
reur Julien  ,  et  fils  de  l'empereur  Con- 
stance Chlore,  et  de  Théodora,  sa  seconde 
femme,  était  un  prince  doux  et  modéré , 
qui  vit  sans  jalousie  le  diadème  sur  la  tête 
de  son  frère  Constantin.  Il  fut  le  particulier 
de  son  siècle  le  plus  illustre  par  sa  nais- 
sance, par  ses  richesses  ,  par  son  crédit , 
et  peut-être  le  premier  sénateur  de  Rome 
qui  ait  fait  profession  publique  du  chris- 
tianisme. Il  avait  été  engagé  dans  le  parti 
du  tyran  Maxence  ;  mais  Constantin  vic- 
torieux ^respecta  dans  ce  grand  homnie 
les  talens  supérieurs,  et  une  vertu  encore 
supérieure  aux  talens.  Il  le  fit  consul, 
préfet,  etc.  Jules  Constance  périt  l'an  337, 
dans  le  massacre  de  sa  famille  par  les  fils 
de  Constantin  après  la  mort  de  leur  père. 

JULES  (  saint  ) ,  soldat  romain ,  servit 
long-temps  avec  valeur  dans  les  armées 
des  empereurs  ,  et  eut  la  tête  tranchée 
vers  l'an  502,  par  ordre  de  Maxime,  gou- 
verneur da  la  basse  Mœsie. 


JULES  I"  (  saint  ),  Romain,  successeur 
du  pape  saint  Marc  le  6  février  337,  en- 
voya ses  légats  au  concile  de  Sardique 
en  347  ,  et  soutint  avec  force  la  cause  de 
saint  Athanase,  qui  en  avait  appelé  à  lui 
comme  au  chef  de  l'Eglise  et  au  juge 
des  évoques.  (  Voy.  APIARIUS  ,  ATHA- 
NAvSE,  INNOCENT  I").  Il  mourut  après 
avoir  illustré  son  siège  par  la  science  et 
les  vertus  des  saints,  le  i2  avril  352.  On  a 
de  lui  deux  Lettres  admirables  dans  les 
OEuvres  de  saint  Allianase  ,  et  dans  les 
E pitre  s  des  papes  de  D.  Constant ,  qui 
sont ,  au  jugement  de  Tillemont  ,  cfcux 
des  plus  beaux  monumens  de  l'antiquité 
ecclésiastique.  Les  autres  ouvrages  que 
l'on  attribue  à  saint  Jules  sont  supposés. 

JULES  II  (Julien  delà  ROVÈRE),  ne- 
veu du  pape  Sixte  IV  ,  né  au  bourg  d'Al- 
bizale  près  de  Savone,  l'an  1454,  fut  élevé 
successivement  sur  les  sièges  de  Cai;pcn- 
tras,  d'A^bano,  d'Oslie  ,  de  Bologne  ,  d'A- 
vignon. Le  pape  Sixte  IV,  son  oncle,  l'ho- 
nora de  la  pourpre  en  1471 ,  et  lui  confia 
la  conduite  des  troupes  de  l'état  contre 
les  peuples  révoltés  en  Ombrie.  Le  car- 
dinal delà  Rovère,  né  avec  un  génie 
guerrier,  dompta  les  rebebes.  Ses  exploits 
et  SCS  entreprises  lui  acquirent  beaucoup 
de  pouvoir  dans  Rome.  Cependant,  à  son 
avènement  au  pontificat,  le  pape  Alexan- 
dre VI ,  son  ennemi  déclaré  ,  l'exila.  Le 
cardinal  de  la  Rovère  remua  alors  toute 
l'Italie.  La  conquête  de  Naples  par  Char- 
les VIII,  le  soulèvement  des  Génois,  l'ex- 
jmlsion  de  Ludovic  Sforce ,  furent  en 
grande  partie  son  ouvrage.  A  la  mort 
d'Alexandre  VI ,  il  fit  élire  le  cardinal 
Piccolomini  (  Pie  III  ) ,  vieillard  infirme 
<iui  ne  régna  que  26  jours.  Il  fit  alors  en- 
irer  dans  ses  intérêts  César  Borgia  et 
l'emportant  sur  le  cardinal  d'Amboise , 
son  compétiteur  ,  il  fut  élu  pape  au  pre- 
nùer  scrutin  ,  en  1505.  Son  premier  soin 
fut  de  faire  construire  l'église  de  Saint- 
Pierre  ;  il  en  posa  la  première  pierre  en 
l;i06.  Cet  édifice,  le  plus  beau  que  les 
hommes  aient  élevé  à  la  Divinité,  fut 
bâti  sur  le  Vatican  ,  à  la  place  de  l'église 
construite  par  Constantin  :  «  Monument 
»  célèbre  dans  toutes  les  langues  ,  dit  un 
»  voyageur,  et  toujours  supérieur  à  l'idée 
■  qu'on  s'en  fait,  pourvu  que  le  bon  sens 
»  règle  l'imagination  ;  temple  auguste , 
»  qui  n'eut  jamais  d'égal  en  grandeur ,  en 
»  majesté  ,  en  richesse  ;  où  la  religion  a 
»  rassemblé  tout  ce  qui  pciit  servir  à 
»  animer  et  à  nourrir  la  piété  ;  où  la  eu 


64  JUL 

»  gcnte  trouve  de  quoi  se  satisfaire,  re- 
»  vient  sans  cesse  aux  mêmes  objets,  e1 
»  ne  les  quitte  que  déterminée  à  revenir 
»  encore  ;  où  les  artistes  en  tout  genre  les 
»  plus  critiques  et  les  plus  habiles  vien- 
»  nent  admirer  et  s'instruire.  »  (  Voy. 
FONTANA  ,  Charles.  )  Des  idées  diffé- 
rentes occupèrent  bientôt  le  pontife.  Jules 
II,  qui,  comme  ses  prédécesseurs ,  aurait 
voulu  chasser  les  étrangers  de  l'Italie, 
cherchait  à  renvoyer  les  Français  au-de- 
là des  Alpes  ;  mais  il  exigeait  auparavant 
que  les  Vénitiens  lui  remissent  les  villes 
dont  ils  s'étaient  saisis  après  la  mort  d'A- 
lexandre VI.  Ces  républicains  voulurent 
garder  leurs  conquêtes  ;  Jules  II  s'en 
vengea  en  liguant  toute  l'Europe  contre 
Venise.  Cette  ligne ,  connue  sous  le  nom 
de  Ligue  de  Cainbrai^  fut  signée  en  1508, 
entre  le  pape ,  l'empereur  Maximilien,  lo 
roi  de  France  Louis  XII ,  et  le  loid' Ara- 
gon Ferdinand  le  Catholi([ue.  Les  Véni- 
tiens, réduits  à  l'extrémité,  demandèrent 
grâce  et  l'obtinrent  à  des  conditions  assez 
dures.  Ils  cédèrent  à  Jules  une  partie  de 
la  Romagne ,  et  alors  le  pontife  n'eut  plus 
besoin  des  Français.  Il  ne  les  aimait  pas 
d'ailleurs ,  parce  qu'ils  avaient  traversé 
son  élection  au  pontificat ,  et  qu'ils  perpé- 
tuaient les  guerres  d'Italie  par  des  préten- 
tions et  des  vues  de  conquêtes  toujours 
renaissantes.  Il  se  ligua  contre  eux  la 
même  année,  avec  les  Suisses,  avec  le  roi 
d'Aragon  ,  et  avec  Henri  YIII ,  roi  d'An- 
gleterre. Il  fit  demander  à  Louis  XII  quel- 
ques villes  qu'il  occupait  en  Italie,  et  sur 
lesquelles  le  saint  Siège  prétendait  avoir 
des  droits;  Louis  les  refusa,  et  fut  excom- 
munié. La  guerre  commença  vers  Bolo- 
gne el  vers  le  Ferrarais.  Le  pape  assié- 
gea laMirandole  en  personne,  pour  don- 
ner de  l'émulation  à  ses  troupes.  On  vil 
ce  pontife  septuagénaire ,  le  casque  en 
tête  et  la  cuirasse  sur  le  corps,  visiter  les 
ouvrages ,  presser  les  travaux  et  entrer  on 
vainqueur  par  la  brèche  le  20  janvier 
1511.  MaisTrivulce,  général  des  Iroupei 
françaises ,  s'empara  de  Bologne  ,  et  l'ar- 
mée papale  unie  à  celle  des  Vénitiens 
fut  mise  en  déroute.  Jules  II,  obligé  de 
se  retirer  à  Rome  ,  eut  le  chagrin  de  voir 
en  passant  à  Rimini  les  placards  affichés 
pour  intimer  l'indiction  d'un  concile  à 
Pise.  Louis  XII  excommunié  en  avait  ap- 
pelé à  cette  assemblée,  qui  inquiéta  beau- 
coup le  pape.  Après  diverses  citations,  il 
fut  déclaré  suspens  par  contumace  dans 
la  S'' session  tenue  le  21   avril  1512.  Ce 


riosité  la  plus  avide   et  la  plus  intelli-    fut  alors  que  Jules  ne  gardant  plus  au- 


JUL  6 

cune  mesure ,  mit  le  royaume  de  France 
en  interdit.  Louis  XII  fit  excommunier  à 
son  tour  Jules  II ,  et  fit  battre  des  pièces 
de  monnaie  qui  portaient  au  revers  : 
PERDAM  BABYLONIS  NOMEN  :  Je  dé- 
truirai jusqu'au  nom  de  Babylone  :  dé- 
marche qu'on  ne  saurait  excuser,  qui  mar- 
que la  passion  et  l'aveuglement  de  la  co- 
lère. Louis  pouvait  se  défendre  et  même 
6e  venger ,  sans  outrager  l'Eglise  et  le 
saint  Siège.  Jules  opposa  au  conciliabule 
ile  Pise  ,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec 
le  célèbre  concile  de  ce  nom  en  i/iO'J ,  le 
Doncile  général  de  Latran  ,  dont  l'ouver- 
ture se  fit  le  3  mai  1512  ;  mais  il  n'en 
vit  pas  la  fin.  Une  fièvre  lente  ,  causée , 
dit~on,  par  le  chagrin  de  n'avoir  pu  por- 
ter les  Vénitiens  à  s'accommoder  avec 
l'empereur,  remporta  le  21  février  1513. 
Il  pardonna  aux  cardinaux  de  l'assem- 
blée de  Pise,  avec  cette  restriction,  qu'ils 
ne  pourraient  assister  à  l'élection  de  son 
successeur.  «  Comme  Julien  de  la  Rovère, 
■  dit-il,  je  pardonne  aux  cardinaux  schis- 
•  matiqut's;  mais  comme  pape,  je  juge  qu'il 
»  faut  que  la  justice  se  fasse...  »  Jules  II  avait 
dans  le  caractère  un  fonds  d'inquiétude 
qui  ne  lui  permettait  pas  d'être  sans  pro- 
jets, et  une  certaine  audace  qui  lui  faisait 
préférer  les  plus  hardis  S'il  eut  l'enthou- 
siasme propre  à  communiquer  ses  pas- 
sions à  d'autres  puissances,  il  manqua  de 
la  probité  qui  rend  les  alliances  sincères , 
et  de  l'esprit  de  conciliation  qui  les  rend 
durables.  Jean  Stella,  auteur  contempo- 
rain, dans  ses  Vies  des  papes  ,  peint  au 
contraire  ce  pontife  avec  les  plus  belles 
couleurs  ;  on  ne  peut  rien  ajouter  à  l'é- 
loge qu'il  en  fait  :  d'autres  historiens  en 
font  uu  portrait  affreux.  On  ne  peut 
guère  se  fier  à  ce  que  les  auteurs  disent 
des  grands  hommes  qui  ont  vécu  dans  des 
temps  de  trouble  :  chacun  en  parle  selon 
le  parti  qu'il  a  épousé.  Au  reste  ,  ce  que 
l'on  peut  assurer,  c'est  que  le  sublime  de 
sa  place  lui  échappa  ;  il  ne  vil  pas  ce  que 
voient  si  bien  aujourd'bui  ses  sages  suc- 
cesseurs :  que  le  pontife  romain  est  le 
père  commun,  et  qu'il  doit  être  l'arbitre 
de  lapaix,  etnonle  flambeau  de  la  guerre. 
Tout  entier  aux  armes  et  à  la  politique, 
il  ne  paraissait  chercher,  dans  la  puissance 
spirituelle  ,  que  le  moyen  d'accroître  la 
temporelle.  Il  n'est  pas  vrai  cependant 
nu' il  jeta  un  jour  dans  le  Tibre  les  clefs 
de  saint  Pierre,  pour  ne  se  servir  que  de 
l'cpée  de  saisit  PauL  comme  tant  d'histo- 
riens protcsfans  et  catholiques  l'ont  dit , 
d'après  h'  tcmoignaged'un  mauvais  poète 


i  JUL 

satirique  Les  papes  n'ont  i>as  conservé 
tout  ce  que  Jules  II  leur  avait  donne. 
Parme  et  Plaisance  ,  détachées  du  Mila- 
nais ,  furent  jointes  par  ce  pape  au  do- 
maine de  Rome,  du  consentement  de 
l'empereur,  et  en  ont  été  séparées  depui^. 

II  fut  favorable  aux  savans,  et  avait  même 
une  trop  bonne  opinion  de  l'influence  des 
lettres  ,  si  un  propos  qu'on  lui  prête  est 
véritable.  Il  encouragea  la  peinture ,  la 
sculpture,  l'architecture;  et  de  son  temps, 
les  beaux-arts  commencèrent  à  sortir  des 
décombres  de  la  barbarie  gothique.  Le 
pape  Jules  II  fut  le  premier  qui  laissa 
croître  sa  barbe  ,  regardant  l'usage  con- 
traire comme  l'effet  de  la  frivolité  et  de 
la  mollesse.  François  \"  ,  Cbarles-Quint 
et  tous  les  autres  rois  suivirent  cet  exem- 
ple, adopté  à  l'instant  par  les  courtisans 
et  ensuite  par  le  peuple.  Léon  X  lui  suc- 
céda. 

JULES  m  (  Jeak-Makif.  GIOCCHI, 
pape  sous  le  nom  de),  né,  selon  quelques- 
uns,  dans  le  diocèse  d'Arezzo  ,  et  selon  le 
continuateur  de  Fleury,  à  Rome,  dans  le 
quartier  del  Parione,  d'une  famille  ori- 
ginaire de  Monte-San-Savino,  dans  le  dio- 
cèse d'Arezzo,  d'où  il  avait  le  nom  del 
Monte,  se  fit  estimer  de  bonne  heure  par 
ses  connaissances  en  littérature  et  en  ju- 
risprudence. Il  eut  successivement  l'ad- 
ministration de  plusieurs  évêchés,  l'arche- 
vêché de  Siponte  ,  et  enfin  le  chapeau  de 
cardinal  en  1536.  Il  succéda  au  pape  Paul 

III  en  1550,  et  prit  le  nom  de  Jules  III. 
Né  avec  de  la  fermeté  dans  le  caractère, 
il  avait  paru,  avant  son  pontificat ,  selon 
Panvini ,  d'une  grande  sévérité  ;  mais 
lorsqu'il  eut  été  placé  sur  le  trône  de  saint 
Pierre  en  1550,  ses  mœurs  parurent  s'al- 
térer, et  son  amour  pour  la  justice  dimi- 
nua. D'autres  auteurs  ont  porté  de  ce  pape 
un  jugement  tout  opposé  ,  et  on  dit  que 
Jules  III,  depuis  son  élévation,  n'eut 
d'autres  plaisirs  que  ceux  qu'il  trouvait, 
dans  les  affaires  et  dans  le  maintien  de 
l'ordre  public.  Il  avait  présidé  au  concile 
de  Trente  sous  Paul  III  ;  il  le  fit  rétablir 
et  continuer  dès  qu'il  fut  souverain  pon- 
tife. Il  prit  les  armes  ensuite  avec  l'em- 
pereur ,  contre  Octave  Farnèse  ,  duc  de 
Parme  ,  et  mourut  en  1555  Ce  pontife 
avait  établi  en  1553,  une  nombreuse  con- 
grégation de  cardinaux  et  de  prélats , 
pour  travailler  à  la  réforme  de  l'Eglise  : 
mais  celte  congrégation  nout  aucna 
succès.  Jules  III  eut  Marcel  IH  pour  suc- 
cesseur. 

JI  LES  AFRICAIN.  Voy.  AFRICALv. 
ti. 


JUL 


66 


JUL 


JULES  ROMAIN.   Voyez  ROMAIN. 
JULIA  DOMNA  (Pia-Felix-Aucusta), 

fille  d'un  i)rêlre  du  Soleil,  née  vers  l'an  170 
à  Apamée ,  dans  la  Phrygie ,  ou  à  Emèse  en 
Syrie,  épousa  l'empereur  Septime-Sévère. 
Sûre  du  cœur  de  son  époux ,  qu'elle  avait 
enclianfé  par  son  esprit  et  par  sa  beauté, 
elle  se  livra  à  toutes  ses  passions.  Ses  dé- 
bauches allèrent  jusqu'aux  derniers  excès. 
Plautien,  favori  de  Septime-Sévère,  crut 
Ja  perdre  auprès  de  l'empereur,  en  dé- 
voilant ses  infamies  ;  mais  il  péril  lui- 
même.  Julia  reprit  son  crédit,  et  recom- 
mença ses  prostitutions.  Après  la  mort  de 
Sévère,  les  plaisirs  fuirent  d'auprès  d'elle. 
vSes  deux  fils ,  altérés  du  sang  l'un  de 
l'autre,  étaient  à  tout  moment  sur  le  point 
de  se  poignarder.  Caiacalla  massacra  Géta, 
son  frère ,  entre  les  bras  de  leur  mère 
commune.  Les  malheurs  de  Julia  ne  la 
corrigèrent  pas.  Si  l'on  en  croit  Sparticn, 
elle  se  prostitua  à  Caracalla,  son  fils. 
Telles  étaient  les  mœurs  de  ces  temps, 
qu'on  ose  rappeler  à  des  chrétiens  comme 
des  siècles  de  vertus.  Après  la  mort  de  cet 
empereur,  déterminée  à  ne  pas  lui  sur- 
vivre ,  elle  avança  le  terme  de  ses  jours, 
en  irritant  un  cancer  qu'elle  avait  au  sein. 
Elle  mourut  à  Antiochc  vers  la  fin  de  l'an 
217,  à  l'âge  de  Ul  ans.  Elle  avait  protégé 
les  lettres  ,  et  ce  fut  à  sa  sollicitation  que 
Philostrate  composa  le  roman  intitulé  La 
Vie  d'Apollonius  de  Thyane.  Diogène 
Laërce  lui  dédia  ses  ouvrages  sur  la  Vie 
et  les  opinions  des  philosophes  grecs.  Il 
existe  des  médailles  de  Julia  Domna. 
Bayle  lui  a  consacré  un  article  remarqua- 
ble dans  son  Dictionnaire. 

JULIA RD  ou  JUILIARD  (Guillaume), 
docteur  en  théologie  et  prévôt  de  la  ca- 
thédrale de  Toulouse ,  neveu  de  la  fa- 
meuse madame  de  Mondonville,  institu- 
trice des  Filles  de  l'enfance .  défendit  la 
mémoire  de  sa  tante  contre  Rcboulet, 
auteur  d'une  Histoire  de  cette  congréga- 
tion. Il  publia  deux  brochures  à  ce  sujet  : 
I  L" Innocence  justifiée;  \  Le  Mensonge 
con/bnrfu.  L'abbé  Juliard  mourut  en  1757, 
à  70  ans,  après  avoir  réussi  à  faire  con- 
damner au  feu  par  le  parlement  de  Ton 
louse,  l'ouvrage  de  son  adversaire.  «  Ju- 
»  liard  était  connu,  dit  Ladvocat ,  par  son 
»  appel  delà  bulle  Unigenitus  au  futur 
.  concile.  »  Voyez  MONDONVILLE 
(  Jea:v.\e  de  ). 

JULIE  (  sainte  ),  vierge  et  martyre  de 
Cartilage.  Celte  ville  ayant  été  prise  et 
saccagée  en  459  par  Genséric,  roi  des 
Vandales  1  Julie  fut    vendue  à  un  mar- 


chand païen ,  et  menée  en  Syrie.  Quel- 
ques années  après  ,  ce  marchand  s'étant 
embarqué  avec  elle  pour  transporter  des 
marchandises  en  Provence,  le  vaisseau 
s'arrêta  au  Cap-Girse  pour  y  célébrer  une 
fêle  en  l'honneur  des  fausses  divinités 
Julie,  qui  n'y  prenait  aucune  part ,  fut 
citée  devant  le  gouverneur  Félix  comme 
chrétienne,  et  elle  reçut  la  couronne  du 
martyre. 

JULIE  ,  fille  de  César  et  de  Cornélie, 
passait  pour  la  plus  belle  et  la  plus  ver- 
tueuse femme  de  Rome.  Son  père  la  ma- 
ria d'abord  avec  Cornélius  Cépion,  maifi 
il  l'engagea  ensuite  à  faire  divorce ,  pour 
lui  faire  épouser  Pompée,  que  César  vou- 
lait s'attacher  par  ce  lien.  Julie  fut  effec- 
tivement le  nœud  d'amitié  de  ces  deux 
grands  hommes;  mais  étant  morte  en 
couches  l'an  53  avant  J.-C.  on  vit  bientôt 
naître  ces  querelles  funestes  qui  finirent 
par  la  ruine  de  la  république.  Pompée 
avait  aimé  tendrement  Julie,  ettantqu'elle 
vécut,  il  parut  oublier  les  armes  et  les  af- 
faires pour  complaire  à  son  épouse  ,  et  ne 
pas  troubler  la  douceur  de  celte  union. 

JULIE ,  fille  unique  d'Auguste,  et  de 
Scribonie,  sa  troisième  femme,  épousa 
Marcellus.  Son  rang  lui  fil  des  courtisans, 
et  sa  figure  des  amans.  Loin  de  les  dédai- 
gner, elle  s'abandonna  avec  eux  aux  plai- 
sirs de  la  débauche  la  plus  effrénée.  Deve- 
nue veuve  ,  elle  épousa  Ag.'-ippa,  et  ne 
fut  pas  plus  sage.  Son  mari  était  vieux; 
elle  s'en  consola  ,  en  se  livrant  à  tous  les 
jeunes  gens  de  Rome.  (  Voyez  OVIDE.  ) 
Après  la  mort  d' Agrippa,  Auguste  la  fil 
épouser  à  Tibère ,  qui ,  ne  voulant  être 
ni  témoin  ni  dénonciateur  des  débauches 
de  sa  femme ,  quitta  la  cour.  Sa  lubricité 
augmentait  tous  les  jours;  elle  poussa 
l'impudence  jusqu'à  faire  mettre  sur  la 
statue  de  Mars  autant  de  couronnes  qu'elle 
s'était  prostituée  de  fois  en  une  nuit. 
«  Quand  les  cours  et  les  trônes ,  dit  un  au- 
n  leur,  sont  souillés  par  de  telles  infamies, 
»  que  la  luxure  y  est  en  honneur,  ou  sui- 
»  vie  seulement  de  tardives  et  timides 
»  punitions  ,  on  peut  assurer  que  la  chuta 
»  de  l'empire  n'est  pas  ,loin.  »  Auguste, 
honteux  enfin  de  ses  excès  ,  l'exila  dans 
l'île  Pandataire ,  sur  la  côte  de  Cam- 
panie ,  après  avoir  fait  défense  à  tout 
homme  libre  ou  esclave  d'aller  la  voir 
sans  une  permission  expresse.  Cédant  ce- 
pendant aux  sollicitations  politiques  de 
Tibère,  il  cliangea  le  lieu  de  son  exil,  ^et  la 
fit  transférer  à  Rhége,  dans  la  Calabie  ; 
mais  il  fil  prononcer,  en  même  temps, 


JUL 


67 


JUL 


son  (llvorceavec  Tibère.  Aufiruste  ne  rap- 
pela pas  Julie  par  son  testament  ;  et  ce 
fut  sous  ce  prétexte  que  Tibère,  devenu 
empereur,  lui  ôta  sa  pension  ,  et  la  laissa 
mourir  de  faim  dans  son  exil,  l'an  ik  de 
J.-C. — JULIE  sa  fille,  femme  de  Lépidus, 
fut  aussi  exilée  pour  ses  débauches. 

JULIE  ,  surnommée  Liville  (  Julia  Ju- 
jiiOK  ) ,  troisième  fille  de  Germanicus  et 
d'Agrippine ,  née  dansl'ile  de  Lesbos ,  l'an 
17  de  Jésus-Christ ,  fut  mariée  à  l'âge  de 
16  ans,  au  sénateur  Marcus-Vinucius. 
Elle  jouit  d'abord  d'une  grande  faveui- 
sous  l'empereur  Caligula  son  frère  ,  qui 
ayant  été,  dit-on,  son  premier  corrupteur, 
l'avait  livrée  ensuite  aux  compagnons  de 
ses  débauches.  Mais  ce  prince  s'élant  ima- 
giné qu'elle  était  entrée  dans  une  conspi- 
ration contre  lui,  l'exila  dans  l'ile  de 
Ponte.  Rappelée  a  Rome  par  Claude  son 
oncle  ,  l'au  41,  elle  ne  resta  pas  long-temps 
dans  cette  capitale.  Messaline  ,  jalouse  de 
son  crédit ,  la  fit  exiler  de  nouveau,  sous 
prétexte  d'adultère  ,  et  massacrer  peix  de 
temps  après  par  un  de  ses  satellites.  Elle 
n'avait  encore  que  24  ans.  Ses  mœurs 
étaient  très  corrompues.  On  prétend  que 
lo  philosophe  Séncque  fut  un  de  ses 
nombreux  amans,  et  qu'il  fut  relégué  dans 
l'île  de  Corse  pour  l'avoir  séduite  :  tant  il 
est  vrai  que  dans  tous  les  temps  la  phi- 
losophie, abandonnée  à  elle-même ,  a  fait 
plus  de  froids  et  hypocrites  moralistes 
que  de  sages  dignes  de  ce  nom. 

JULIE,  fille  de  l'empereur  Titus ,  fut 
mariée  à  Sabinus,  son  cousin-germain. 
Domilicn,  son  frère,  en  devint  amoureux, 
et  elle  n'eut  point  horreur  de  répondre  à 
sa  passion  infâme.  Ce  prince  étant  par- 
venu à  l'empire ,  fit  assassiner  Sabinus 
et  répudia  en  même  temps  sa  femme. 
Julie  s'étant  retirée  dans  le  palais  impé- 
rial ,  devint  publiquement  la  concubine 
de  son  frère.  Mais  ayant  voulu  se  faire 
avorter,  le  breuvage  que  Domitien  lui  fit 
donner  à  cet  effet  agit  d'une  manière  si 
violente  qu'elle  en  moumt  l'an  80  de  Jé- 
sus-Christ, quoiqu'elle  fût,  dit-on,  accou- 
tumée à  ce  crime.  Domitien  la  plaça  au 
rang  des  divinités  :  il  en  fallait  de  telles  à 
ce  monstre,  ^oyez  SABINE. 

JULIE  DOMiVE.  royez  JULÏA. 

JULIE.  Foy.  DRUSILLE,  GONZAGUE 
et  SOEMIAS. 

JULIEiV  (  saint),  premier  évêque  du 
Mans  et  l'apôtre  du  Maine  ,  sur  la  fin  du 
5*  siècle  ,  doit  être  distingué  de  saint  Ju- 
lien, martyrisé  en  318,  dit-on  ,  à  Brioude 
en  Auvergne  ,  sous  Dioclélien.  Quoiqu'on 


ne  puisse  contester  à  saint  Julien  la  gloire 
d'avoir  prêché  l'Evangile  dans  le  Maine: 
on  n'a  aucun  monument ,  ni  du  temps 
auquel  il  a  vécu,  ni  des  actions  qui  signa- 
lèrent son  épiscopat. 

JULIEN  (  saint  )  ,  illustre  archevêque 
de  Tolède,  en  680  ,  présida  au  12*  concile 
de  Tolède,  et  aux  trois  suivans.Il  mourut 
en  690  ,  et  laissa  :  |  un  Traité  contre  les 
Juifs,  dans  le  livre  intitulé  :  Testamen- 
tum  12  Prophelarurrij  Haguenau,  1532, 
in-8°  ;  |  Pronostica  futuri  sœculi .  dans  la 
Bibliothèque  des  Pères  ;  |  De  expeditione 
IVambce  Régis  in  Paulum  ducem  Nar- 
bonensem,  dans  les  Historiens  de  France 
de  Duchesne  ;  ]  d'autres  Ecrits  sa  vans  et 
solides.  Il  avait  l'esprit  aisé,  fécond,  agréa- 
ble, et  les  mœurs  douces  et  pures. 

JULIEN  (  DiDius  Servus-Juliakus  ). 
Voyez  DIDIER-JULIEN. 

JULIEN  (  Flavius-Claudius  ),  dit  l'J- 
postal,  fameux  empereur  romain ,  fils  de 
Jules-Constance,  frère  du  grand  Con- 
stantin, et  de  Basiline  sa  seconde  femme, 
naquit  à  Constantinople  en  551.  Il  pensa 
périr  avec  son  frère  Gallus  dans  l'hor- 
rible massacre  que  les  fils  de  Constantin 
firent  de  sa  famille,  massacre  dans  lequel 
son  père  et  ses  plus  proches  parens  fu- 
rent enveloppés  ;  il  ne  fut  sauvé  que  par 
les  soins  de  Marc,  évêque  d'Arélhuse,  qui 
le  cacha  dans  le  sanctuaire  de  son  église, 
circonstance  qui  ajouta  dans  la  suite  à 
l'horreur  de  son  apostasie,  et  de  la  per- 
sécution qu'il  souffrit  que  l'on  exerçât 
contre  les  chrétiens ,  lorsqu'il  fut  sur  le 
trône.  Eusèbe  de  Nicomédie,  chargé  de 
l'éducation  de  Julien  et  de  Gallus,  leur 
donna  un  gouverneur  nommé  Mardo- 
nius,  qui  tâcha  de  leur  inspirer  de  la  gra 
vite,  delà  modestie  et  du  mépris  pour 
les  plaisirs  des  sens.  Ces  deux  jeunes  prin- 
ces entrèrent  dans  le  clergé,  et  firent  l'of- 
fice de  lecteurs  ;  mais  avec  des  sentimeus 
bien  différens  sur  la  religion.  Gallus 
avait  beaucoup  de  piété  ,  et  Julien  avait 
un  secret  penchant  pour  le  culte  des  fau-x 
dieux.  Ses  dispositions  éclatèrent  lors- 
qu'il fut  envoyé  à  Athènes ,  à  l'âge  de  24 
ans.  Il  s'y  appliqua  à  l'astrologie,  à  la 
magie ,  et  à  toutes  les  vaines  illusions  du 
paganisme.  Il  s'attacha  surtout  au  philo- 
sophe Maxime  ,  qui  flattait  son  ambition, 
en  lui  promettant  l'empire.  C'est  princi- 
palement à  cette  curiosité  sacrilège  de 
coiyiaître  l'avenir,  et  au  désir  de  domi- 
ner, que  l'on  doit  attribuer  l'apostasie  de 
ce  prince,  qui  ne  la  fit  connaître  qu'a 
ii:vs  la  mort  de  Constance    Celui-ci  le  lit 


JUL 

Césat  l'an  55b.  Julien  eut ,  en  cette  qua- 
lité, le  commandement  général  des  trou- 
pes dans  les  Gaules,  et  se  si{;nala  dans 
tet  emploi  par  sa  prudence  et  son  cou- 
rage. Il  remporta  une  victoire  sur  sept 
rois  allemands  auprès  de  Strasbourg, 
vainquit  plusieurs  fois  les  barbares,  et 
les  chassa  des  Gaules  en  très  peu  de 
temps.  Constance  auquel  il  était  devenu 
suspect  par  tant  de  succès ,  lui  envoya 
demander  pour  l'affaiblir  une  partie  con- 
sidérable de  ses  troupes,  sous  prétexte 
de  la  guerre  contre  les  Perses.  Mais  les 
soldats  de  Julien  se  mutinèrent  el  le  dé- 
clarèrent empereur  malgré  sa  résistance, 
n  était  alors  à  Paris ,  où  il  avait  fait  bâtir 
un  palais,  dont  on  voit  encore  les  restes. 
L'empereur  Constance  indigné  contre 
lui  songeait  aux  moyens  de  le  soumettre, 
lorsqu'il  mourut  le  5  novembre  361.  Ju- 
lien alla  aussitôt  en  Orient,  où  il  fut  re- 
connu empereur  comme  il  l'avait  élc  en 
Occident.  Le  luxe,  la  mollesse,  une  foule 
de  maux  désolaient  l'empire  ;  Julien  y 
remédia  avec  zèle ,  et  fit  naître  les  plus 
fortes  espérances  d'un  règne  heureux; 
mais  les  philosophes  dont  il  était  envi- 
ronné les  firent  évanouir.  Ils  lui  per- 
suadèrent d'anéantir  le  christianisme  el 
de  faire  revivre  l'idolâtrie.  Julien  or- 
donna par  un  édit  général  d'ouvrir  les 
temples  du  paganisme.  Il  fit  lui-même 
les  fonctions  de  souverain  pontife ,  avec 
toutes  les  cérémonies  païennes,  s'effor- 
çant  d'effacer  le  caractère  de  son  bap- 
tême avec  le  sang  des  sacrifices.  Il  assi- 
gna des  revenus  aux  prêtres  des  idoles, 
dépouilla  les  églises  de  (ous  leurs  biens, 
pour  en  faire  des  largesses  aux  soldats, 
ou  les  réunir  à  son  domaine;  révoqua 
tous  les  privilèges  que  les  empereurs 
avaient  accordés  à  l'Eglise,  et  ôta  les  pen- 
sions que  Constantin  avait  données  pour 
nourrir  les  clercs,  les  veuves  et  les  vier- 
ges. Plus  adroit  que  ses  prédécesseurs ,  il 
ne  crut  pas  d'abord  devoir  employer  la 
violence  pour  abolir  le  christianisme  :  il 
savait  qu'elle  avait  donné  à  l'Eglise  une 
plus  grande  fécondité.  Il  affecta  même  la 
douceur  envers  les  chrétiens  ,  el  rappela 
lous  ceux  qui  avaient  été  exilés  sous  Con- 
stance, à  cause  de  la  religion.  Son  but 
était  de  les  pervertir  par  les  caresses,  les 
avantages  temjjorels,  et  les  vexations  co- 
lorées de  quelque  prétexte  étranger.  S'il 
enlevait  les  richesses  des  églises,  c'é- 
tait, disait-il,  pour  faire  pratiquer  aux 
chrétiens  la  pauvreté  cvangélique  :  il  leur 
défcniluil  de  plaider ,  de  se  défendre  en 


68  JUL 

justice,  et  d'exercer  des  charges  publi- 
ques. Il  fit  plus;  il  ne  voulut  pas  qu'ils 
enseignassent  les  belles-lettres ,  sachant 
les  grands  avantages  qu'ils  tiraient  des 
livres  profanes  pour  combattre  le  paga- 
nisme et  l'irréligion.  Quoiqu'il  témoignât 
en  toute  occasion  un  mépris  souverain 
pour  les  chrétiens  ,  qu'il  appelait  toujours 
Galiléens,  cependant  il  sentait  l'avantage 
que  leur  donnait  la  pureté  de  leurs  mœurs 
et  l'éclat  de  leurs  vertus  ;  il  ne  cessait  de 
proposer  leurs  exemples  aux  prêtres 
païens.  Tel  fut  le  caractère  de  la  persé- 
cution de  Julien  :  la  douceur  apparente 
et  la  dérision  de  l'Evangile.  Il  en  vint 
néanmoins  ouvertement  à  des  moyens 
violens  quand  il  vit  que  les  autres  étaient 
inutiles.  Il  donna  les  charges  publiques 
aux  plus  cruels  ennemis  des  chrétiens,  et 
les  villes  furent  remplies  de  troubles  et 
de  séditions.  Il  y  eut  un  grand  nombre  de 
martyrs  dans  la  plupart  des  provinces, 
et  même  à  sa  cour,  où,  par  des  ordres  se- 
crets ,  on  se  défaisait  des  plus  illustres 
partisans  du  christianisme.  Il  fit  mourir 
à  Chalcédoine  les  deux  ambassadeurs  de 
Perse,  Manuel  et  Ismaël,  parce  qu'ils 
étaient  chrétiens.  Maris,  évêque  de  cette 
ville,  qui  était  aveugle,  lui  ayant  reproché 
publiquement  ses  impiétés,  Julien  lui  ré- 
pondit en  souriant ,  «  que  son  Galiléen  ne 
»  le  guérirait  pas  de  la  perte  de  sa  vue. 
» —  Je  loue  le  Seigneur,  répondit  Maris. 
»  d'être  aveugle  pour  n'avoir  pas  les  yeux 
»  souillés  par  la  vue  d'un  apostat  tel  qu« 
»  toi...  »  Julien  voulant  convaincre  de 
faux  la  prédiction  de  Notre-Seigneur  sur 
le  temple  de  Jérusalem ,  entreprit  de  le 
faire  rebâtir  par  les  Juifs ,  environ  300 
ans  après  sa  démolition  par  Titus  ;  mais 
tous  leurs  efforts  ne  servirent  qu'à  véri- 
fier la  parole  de  J.-C.  Les  Juifs  ,  qui  s'é- 
taient rassemblés  tle  tous  côtés  à  Jérusa- 
lem, en  ayant  creusé  les  fonde  mens  ,  il 
en  sortit  des  tourbillons  de  flammes  qui 
consumèrent  les  ouvriers,  et  l'ouvrage 
commencé.  Les  maçons  s'opin'iâtrèrent  à 
diverses  reprises  ,  à  construire  les  fonde- 
mens  du  temple  ;  mais  tous  ceux  qui  osè- 
rent y  travailler  périrent  par  les  flam- 
mes. Ce  fait  est  constaté  par  Ammien 
Marcellin ,  auteur  païen  très  estimé ,  et 
par  un  grand  nombre  de  témoins  authen- 
tiques. L'empereur  Julien,  résolu  d'é- 
lemdre  le  christianisme  ,  voulait  aupara- 
vant terminer  la  guerre  contre  les  Perses, 
11  fit  des  préparatifs  et  des  sacrifices  sa  n? 
nombre,  et  jura,  en  partant,  de  ruiner 
l'Eglise  à  son  retour  :  mais  Dieu  la  ga» 


JUL 

rantit  de  ses  menaces  insensées.  Ce  prince 
s'étant  engagé  sans  cuirasse  dans  le  pre- 
mier combat,  il  fut  blessé  dangereuse- 
ment. Comme  illevail  les  bras  pour  ani- 
mer les  troupes,  en  criant  Tout  à  nous!  il 
fut  frappé  d'un  dard  qui  le  blessa  à  mort. 
Théodoret  et  saint  Grégoire  de  Nazian7.e 
rapportent  qu'il  prit  alors  dans  sa  main 
du  sang  de  sa  blessure,  et  qu'il  s'écria  en 
lejelanl  vers  le  ciel  :  Tu  as  vaincu  j,  Ga- 
liléen  !  Trait  que  quelques  critiques  ont 
révoqué  en  doule,  mais  que  sa  haine 
contre  Jésus-Christ  et  ses  vains  efforts 
pour  détruire  le  christianisme  rendent 
Jrès  croyable,  el  que  M.  Le  Beau,  dans  son 
Histoire  du  Kas-Empire_.  a  suspecté  sans 
raison  sur  le  simple  silence  d'Ammien 
Marcellin.  «  Lorsque,  dit  un  critique,  à 
»  l'autorité  de  Théodore! ,  si  voisin  de  ce 
»  temps-là,  on  ajoute  celle  de  saint  Gré- 
»  goire  de  Nazianze,  auteur  contemporain, 
»  écrivain  solide  el  judicieux,  et  qui  con- 
»  naissait  si  bien  Julien  (i)  ;  lorsque  l'on 
»  considère  que  le  silence  d'Ammien  Mar- 
»  cellin  ne  prouve  rien  ,  puisqu'il  n'est 
»  pas  naturel  qu'un  auteur  païen  rapporte 
»  l'aveu  de  la  victoire  de  Jésus-Christ, 
»  échappé  à  son  héros  mourant  ;  lorsqu'on 
»  se  rappelle  que  Julien  avait  résolu  d'ex- 
■B  tirper  le  christianisme  à  son  retour; 
i>  que  redit  de  persécution  était  déjà  en- 
»  voyé  en  Afrique,  et  que  les  païens  claient 
»  si  persuadés  de  sa  prochaine  deslruc- 
»  tien,  que  Libanius  osa  demander  à  un 
»  grammairien  chrétien  :  Que  fait  main- 
»  tenant  le  fils  du  charpentier  {2)?  lors- 
»  qu'on  songe  que  les  païens  mêmes  ont 
»  regardé  la  mort  de  Julien  comme  une 
»  vengeance  du  Christ  (  3  )  /  lorsqu'on 
«  réfléciiit  à  l'exclamation  tout- à- fait 
j)  fluide  et  insignihante  (  Soleil  tu  as 
»  perdu  Jidien),  que  M.  Lebeau  substitue 
»  à  l'énergique  f^lcisti Galilœe !  si  bien  as- 
»  sorti  au  caractère  de  haine  que  Julien 
t>  portail  à  Jésus-Christ,  si  naturellement 


lorsqu 


(i  )  Ct  saint'avait  et»;  coriflisciple  de  Jul 
ce  dernier  étudiait  à  Ailunes 

(a)  Il  fait  un  cercueil,  répondit  le  grammairien. 

(3)  Saint  Jérftme,  qui  (ftwil  àg,-:  de  aaans  quand 
Julun  muurul,  raronle  qu'au  milieu  des  stîmisscmens 
quesa  mortarr.ithailà  l'idûlàtrie,  il  entendit  ces  pa- 
role» de  la  bouche  d'uD  pa'jen  :  .  Comment  les  chrp- 
.  liens  peuvent-iU  vanter  la  patience  de  leur  Dieu? 
•  Ilien  n'est  si  prompt  que  sa  colère.  Il  n'a  pu  sus- 
.  pendre  pour  un  peu  de  temps  son  indignation  .  Oc - 
Uvc  de  Mile:  ,  Théodorel  ,  Sozomènc  ."etc  .  rappor- 
tent des  propos  semblables.  Or.  qui  ne  voit  que  ce 
lûr.g-ige  des  païens .  qui  ne  croyaient  point  en  la  pais- 
»snce  de  J  .-C,  ne  poavaii  iire  fondé  q-ae  sur  tes  der- 
tti^re;  par<}le3  de-  Julien, 


6.9  JUL 

«lié  aux  circonstances,  si  digne  du  vain* 
»  queur  et  du  vaincu  ;  lorsqu'on  se  sou- 
»  vient  de  la  mort  d'autres  ennemis  du 
»  christianisme  ,  surtout  de  ceux  qui  ont 
»  eu  contre  son  divin  fondateur  une  haine 
»  personutillc ,  et  qu'on  a  vu  renouveler  ce 
•i>  Vicisti  à'wnç.  manière  terrible,  etc.; 
»  lorsque,  dis-je,  on  rasseml)le  toutes  ces 
»  considérations,  on  n'hésite  point  à  soup- 
»  çonner  de  légèreté  l'historien  ,  d'ailleurs 
»  très  estimable ,  qui  a  paru  révoquer  en 
»  doute  une  ancienne  et  générale  tradi- 
n  tion.  »  Julien  employa  ses  derniers  mo- 
mens  à  s'entretenir  avec  le  philosophe  et 
le  magicien  Maxime ,  et  expira  la  nuit 
suivante,  le  26  juin  563,  à  52  ans.  Il  avait 
épousé  Hélène,  sœur  de  Constance,  la- 
quelle mourut  à  la  fleur  de  son  âge.  II 
n'y  a  guère  de  prijice  dont  les  auteurs 
aient  parlé  plus  diversement,  parce  qu'ils 
l'ont  regardé  sous  différens  points  de  vue, 
et  qu'il  était  lui-même  un  amas  de  con- 
tradictions. II  fit  paraître  des  vertus  tant 
qu'il  fut  en  tutelle,  et  réduit  à  tremble 
continuellement  pour  ses  jours  ;  lorsqu'il 
fut  maître ,  il  donna  l'essor  à  son  carac- 
tère. Une  dissimulation  profonde ,  tme 
hypocrisie  raflinée ,  dont  il  avait  contracté 
l'habitude,  fut  le  voile  dont  il  sut  couvrir 
de  très  grands  vices...  Son  courage  est  in- 
contestable ;  mais  il  fut  bouillant ,  témé- 
raire, avide  de  gloire  à  un  excès  puéril. 
Maître  de  conclure  avec  les  Perses  une 
paix  avantageuse ,  il  eut  la  folie  de  vou- 
loir imiter  Alexandre  ;  il  se  laissatrompcr 
par  un  espion,  malgré  les  remontrances 
de  ses  généraux  ;  il  exposa  son  armée  à 
une  perte  certaine,  en  faisant  bnîler  sa 
flotte.  Il  mit  l'Assyrie  à  feu  et  à  sang; 
la  manière  dont  il  traita  les  villes  de  Dia- 
cires,  Ozogardane  et  Maogamalgue ,  fait 
horreur.  Il  fut  d'une  tempérance  exem- 
plaire, mais  il  poussait  la  malpropreté  rt 
l'extérieur  cynique  à  une  indécence  qui 
avilissait  l'empereur  et  le  philosophe. 
Dans  les  fêtes  de  Vénus ,  il  ne  rougissait 
point  de  se  mêler  à  la  troupe  des  prosti- 
tuées et  des  efféminés  qui  célébraient  la 
déesse  ;  il  fil  pour  les  sacrifices  des  pro- 
fusions insensées.  Ammien  Marcellin  dit 
que  s'il  était  revenu  vainqueur  des  Per- 
ses, l'empire  n'aurait  pas  pu  fournir  asser, 
de  bœufs  pour  servir  de  victimes.  Il  fai- 
sait lui-même  les  fonctions  les  plus  vilts 
desacrihcateur,  et  paraissait  conlinuellu- 
ment  dans  l'équipage  d'un  boucher...  Dans 
plusieurs  occasions  il  donna  des  exemples 
de  clémence,  dans  d'autres  il  montra  de  la 
cruauté.  Il  laissa  tourmenter  impunéu)eat 


JUL 

Marc,  évoque  d'Aréthuse,  qui  lui  avait 
sauvé  la  vie  pendant  son  enfance  ;  il  paya 
de  la  même  ingratitude  le  trésorier  Ursu- 
lus,  qui  avait  tenu  son  parti  dans  les  Gau- 
les :  la  mort  de  cet  homme  irréprochable 
lit  murmurer  tout  l'empire.  Il  lit  mourir 
deux  officiers,  parce  qu'ils  étaient  demeu- 
rés fidèles  à  Constance ,  leur  maître.  11 
ne  vengea  aucune  des  cruautés  que  les 
païens  exercèrent  contre  les  chrétiens 
sous  son  règne  ;  il  punit  au  contraire  les 
gouverneurs  de  province  qui  voulurent 
les  réprimer.  Par  une  libéralité  fort  mal 
entendue,  il  causa  une  famine  à  Antio- 
che.  Il  était  d'une  application  infatigable 
au  travail ,  fit  plusieurs  ordonnances  très 
sages ,  et  retrancha  beaucoup  d'abus;  mais 
il  en  fit  naître  de  nouveaux,  et  commit 
plusieurs  injustices  (  voyez  Ammien 
Marcellin,  liv.  24  ).  A  la  place  des  tyrans 
subalternes  qu'il  déposséda ,  il  mit  en  fa- 
veur des  sophistes  dont  l'orgueil,  l'inso- 
lence et  les  vexations  indignaient  tout  le 
monde.  L'apostasie,  sous  son  règne,  tint 
lieu  de  mérite  ;  on  vit  un  certain  Ecebe- 
lus ,  qui  avait  été  un  de  ses  maîtres , 
changer  trois  fois  de  religion  sous  trois 
règnes.  Enfin  parmi  les  philosophes  même 
de  ce  siècle ,  qui  ont  tenté  de  faire  de  Ju- 
lien un  héros  et  un  sage ,  il  s  en  est  trouvé 
de  sincères  qui  en  ont  parlé  avec  vérité. 
Celui  qui  a  traité  de  la  félicité  puhliqrie  a 
porté  de  ce  prince  un  jugement  plus  équi- 
table, que  ses  confrères.  Il  convient  que  la 
manière  dont  on  en  a  parlé  est  moins  hu- 
miliante pour  le  faux  zèle  que  pour  la 
philosophie  ;  que  c'était  un  crime  de  la 
part  de  Julien  d'opprimer  le  christianis- 
me ;  qu'au  lieu  de  montrer  sur  le  trône 
un  philosophe  impartial ,  il  ne  fit  voir  en 
lui  qu'un  païen  dévot  et  fanatique.  «  Je 
»  ne  sais,  dit-il,  quel  caractère  de  comé- 
»  dien  domine  dans  l'esprit  de  Julien  ; 
B  tantôt  c'est  Marc-Aurèle ,  tantôt  Trajan, 
»  tantôt  Alexandre  qu'il  s'empresse  de  co- 
»  pier.  Ses  ouvrages  sont  ceux  d'un  so- 
»  phiste  et  d'un  rhéteur.  Dans  ses  mœurs 
»  c'est  un  stoïcien  :  au  temple  c'est  un 
1»  idolâtre  ;  et  dans  son  cabinet  un  mau- 
I»  vais  platonicien,  qui  cherche  à  cor- 
»  rompre  la  doctrine  de  cette  secte  par 
»  l'indigne  alliage  de  la  magie.  »  Saint 
Grégoire  de  Na/.ianze  fait  le  portrait  sui- 
vant de  sa  figure,  de  ses  attitudes  et  de 
ses  manières  :  «  Il  y  a  beaucoup  de  gens , 
»  dit-il,  qui  n'ont  connu  Julien  que  lors- 
»  qu'il  s'est  fait  connaître  par  ses  actions 
»  et  par  l'abus  de  la  puissance  absolue  ; 
»  mais  pour  moi,  je  connus  ce  qu'il  était 


70  JUL 

»  dès  que  je  le  vis  et  que  je  le  pratiquai  à 
»  Athènes ,  et  je  ne  lui  trouvai  aucune 
B  marque  de  rien  de  bon.  Il  portait  la 
»  tête  au  vent ,  renmait  sans  cesse  les 
»  épaules ,  tournait  les  yeux  de  côté  et 
»  d'autre  à  tout  moment ,  avait  le  regard 
»  farouche  ;  il  ne  pouvait  tenir  ses  pieds 
»  en  place ,  enflait  ou  retirait  ses  narines 
i>  continuellement ,  en  signe  de  colère  ou 
»  de  mépris  ;  s'exerçait  à  dire  des  bons 
»  mots  et  des  bouffonneries  froides,  riait 
»  à  gorge  déployée  ;  ac<:ordait  ou  refusait 
»  légèrement  une  même  chose  d'un  mo- 
»  ment  à  l'autre ,  parlait  sans  ordre  et 
»  sans  fondement ,  faisait  des  interroga- 
»  lions  importunes  et  des  réponses  hors 
»  de  propos.  Mais  pourquoi  est-ce  que  je 
»  m'arrête  à  faire  un  si  long  détail  de  son 
»  extérieur  ?  Pour  conclusion,  je  le  con- 
»  nus  dès  lors  par  là,  avant  que  de  le  con- 
»  naître  dans  ses  actions,  et,  depuis ,  elles 
»  n'ont  fait  que  me  confirmer  dans  mon 
»  premier  jugement  :  car  ceux  qui  étaient 
»  alors  avec  moi  pourraient  rendre  témoi- 
»  gnage,  s'ils  étaient  présens,  que  dès 
B  que  j'eus  observé  toutes  ses  manières, 
»  je  dis  aussitôt  que  la  république  romaine 
»  nourrissait  un  serpent  bien  dangereux. 
i>  Je  le  dis,  et  je  souhaitais  en  même  temps 
B  d'être  un  menteur  ;  et  sans  doute  il  eût 
0  beaucoup  mieux  valu  que  je  l'eusse  été 
»  et  que  Ion  n'eût  point  vu  tant  de  maux 
»  qui  ont  désolé  toute  la  terre.  »  A  ces  di- 
vers portraits  de  Julien  ,  nous  joindrons 
celui  qu'en  fait  M.  Le  Beau  dans  son  His- 
toire du  Bas-Empire  ;  le  dernier  trait 
surtout  est  caractéristique.  «  On  aperçoit, 
B  dit-il ,  dans  cette  âme  tout  le  jeu  de  la 
»  vanité.  Avide  de  gloire  comme  les  ava- 
B  res  le  sont  des  richesses ,  il  la  chercha 
»  jusque  dans  les  moindres  objets.  Sa  tem- 
»  pérance  ,  poussée  à  l'excès  devint  une 
B  vertu  de  théâtre  ;  une  grande  partie  de 
B  ses  sujets  ne  trouva  jamais  en  lui  de 
B  justice  ;  s'il  eût  été  vraiment  le  père  de 
B  ses  peuples,  il  eût  cessé  de  haïr  les  chré- 
»  liens  ,  et  ne  leur  eût  pas  fait  la  guerre 
B  du  moment  qu'il  devait  leur  empereur. 
B  II  n'épargna  leur  vie  que  dans  ses  pa- 
B  rôles  et  dans  ses  édits.  Julien  est  le  mo- 
B  dèle  des  princes  persécuteurs ,  qui  veu- 
B  lent  sauver  ce  reproche  par  une  appa- 
B  rence  de  douceur  et  d'équité.  »  On  peut 
consulter  son  Histoire,  très  bien  écrite  , 
par  M.  l'abbé  de  la  Bletlerie,  réimprimée 
à  Paris  en  i  vol.  in-12  ;  ou  bien  encore 
celle  qu'a  publiée  M.  Jondot,  1817,  2  vol. 
in-8°.  Ce  prince  a  été  encore  l»ien  jugé 
par  un  autour  déjà  cité ,  dont   les  prin- 


JUL 


7J 


JUL 


cipes  anti -chrétiens  ne  sont  pas  équivo- 
ques (  Chastdlux,  De lafélicité publique ) ; 
<1  mieux  encore  par  le  cardinal  Gerdil, 
Considérations  sur  Julien.  L'aLbé  Bau- 
douin dans  une  savante  explication  de 
VJpocahjpse.  publiée  en  178/j  ,  Paris  ,  2 
vol.  in-12  ,  prétend  que  Julien  est  le  per- 
sécuteur dont  le  nom  est  exprimé  d'une 
manière  énigmatique  au  chap.  15,  et  que 
le  mot  ocTToçaTviç,  devenu  son  surnom,  et 
sa  qualité  dislinctivc,  donne  exactement 
le  nombre  6G6  ,  suivant  la  valeur  numé- 
rique qui  se  trouve  dans  tous  les  diction- 
naires grecs.  Il  nous  reste  de  cet  empe- 
reur plusieurs  Discours  ou  Harangues , 
des  Lettres ,  une  Satire  des  Césars  ^  la 
Fable  allégorique Afi  Misopogon  ou  l'En- 
nemi de  la  barbe,  satire  par  laquelle  il 
répondait  aux  habitans  d'Antioche  qui 
avaient  tourné  en  ridicule  son  extérieur 
philosophique.  Ces  différens  opuscules 
publiés  plusieurs  fois  séparément  l'ont 
été  collectivement;  à  Paris,  1583,  in-8", 
grec  latin;  ibid.  1650,  in-4°,  et  Leipsick, 
1696,  in-fol.  La  Blettcrie  en  a  traduit  une 
partie  [voijez  BLETTERIE)  :  le  marquis 
d'Argens  a  traduit  ses  Discours  contre  les 
chrétiens  avec  des  notes  nouvelles  de  di- 
vers auteurs  (de  Voltaire),  nouvelle  édi- 
tion, Berlin  (  Genève  ),  1768,  deux  par- 
ties in-8".  Les  12  Césars  ont  été  traduits 
par  Ezéchiel  Spanheim  ,  avec  des  remar- 
ques et  preuves ,  et  500  médailles  gravées 
par  B.  Picart,  Amsterdam,  1728,  in-4°. 
On  a  publié  en  1821  les  OEuvi-es  com- 
plètes de  l'empereur  Julien,  traduites 
I)our  la  première  fois  du  grec  en  fran- 
çais, etc.  ,  par  R.  Touret,  Paris,  5  vol. 
in-8°. 

JULIEN,  oncle  maternel  de  l'empereur 
Julien,  comte  d'Orient,  haïssait  les  chré- 
'  tiens  autant  que  son  neveu  ;  mais  il  ca- 
chait beaucoup  moins  sa  haine.  Altéré  de 
leur  sang,  il  saisissait  toutes  les  occasions 
de  leur  faire  subir  le  dernier  supplice. 
Il  fit  fermer  toutes  les  églises  d'Antioche. 
K'ayant  jamais  pu  obliger  le  prêtre  Théo- 
doret,  économe  d'une  église  catholique, 
à  renier  J.-C,  il  le  condamna  à  perdre 
la  tète  ,  après  lui  avoir  fait  souffrir  des 
lourmens  inoxiïs.  Le  même  jour,  il  se 
rendit  à  l'église  principale,  profana  les 
vases  sacrés  d'une  manière  détestable, 
qu'il  n'est  pas  permis  de  raconter,  et  donna 
un  souflet  à  un  évêque  qui  voulait  l'en 
empêcher,  o  Qu'on  croie  maintenant,  dit 
6  ce  sacrilège ,  que  Dieu  se  mêle  des  af- 
o  faires  des  chrétiens  !  »  L'empereur  Ju- 
lien ayant  appris  la  mort  du  prêtre  Tbéo- 


doret ,  au  lieu  d'arrêter  la  cruauté  de  son 
oncle  en  le  punissant,  comme  il  le  devait, 
se  contenta  de  lui  en  faire  quelques  froids 
rcproclics.  «  Est-ce  ainsi ,  lui  dit-il,  que 
«  vous  entrez  dans  mes  vues?  Tandisque 
»  je  travaille  à  ramener  les  Galiléens  par 
»  la  raison,  vous  faites  des  martyrs  sous 
»  mon  règne  et  sous  mes  yeux.  Ils  vont 
»  me  liétrir ,  comme  ils  ont  flétri  leurs 
»  plus  odieux  persécuteurs.  «  Ce  qu'il  y  a 
ici  de  plus  étonnant,  c'est  que  ce  même 
Julien  qui  fait  ces  reproches  à  son  oncle 
savait  faire  des  martyrs  aussi  bien  que 
lui,  et  les  annales  de  l'Eglise  en  comptent 
un  grand  nombre  sous  son  règne.  (  Voy. 
l'article  précédent.  )  Cet  homme  sangui- 
naire et  impie  mourut  au  commence- 
ment de  l'an  363,  peu  de  temps  après  le 
martyre  de  saint  Théodoret  et  la  profa- 
nation dont  nous  avons  parlé.  Sa  maladie 
et  sa  mort  furent  tout-à-fait  semblables 
à  celles  d'Anliochus. 

JtlLIEP^',  gouverneur  de  la  province  de 
Vénétieen  Italie,  prit  le  titre  d'empereur 
après  la  mort  deNumérienenSSi.  Comme 
il  avait  de  la  bravoure,  il  se  maintint  pen- 
dant quelque  temps  en  Italie  contre  les 
troupes  de  l'empereur  Carin.  Mais  les 
deux  concurrens  à  l'empire  s'élant  ren- 
contrés dans  les  plaines  de  Vérone,  Julien 
fut  vaincu.  Les  uns  disent  qu'il  périt  dans 
la  bataille  ;  d'autres,  qu'il  se  tua  lui-même 
après.  Il  n'avait  porté  la  powpre  impé- 
riale qu'environ  5  à  6  mois. 

JULIEN  d'ESCLANE  était  fils  de  Mémo 
aius ,  évêque  de  Capoue.  Il  fut  d'abord 
marié ,  mais  ayant  perdu  sa  femme ,  il 
entra  dans  les  ordres  et  obtint  l'évêché 
d'Eclane,  petite  ville  située  entre  laLam- 
panie  et  la  Pouille.  Il  se  distingua  par  son 
éloquence  et  par  les  grâces  de  son  esprit 
et  de  son  style.  Ses  talens  lui  gagnèrent 
le  cœur  de  saint  Augustin,  qui  avait  été 
l'ami  intime  de  son  père  ;  mais  ils  se 
brouillèrent,  lorsque  Julien  refusa  de 
souscrire  aux  anathèmes  lancés  en  418 
contre  les  Pélagiens  ,  dans  le  concile  de 
Carthage.  Julien  se  joignit  à  17  autres 
évêques  de  sa  secte  pour  faire  une  confes- 
sion de  foi,  dans  laquelle  ils  prétendaient 
se  justifier.  Le  pape,  sans  y  avoir  égard, 
le  condamna  avec  ses  complices.  Ces  fa- 
natiques en  appelèrent  à  un  concile  gé- 
néral; mais  saint  Augustin,  un  des  plus 
ardens  adversaires  du  pélagianisme ,  dé- 
montra que  cet  appel  était  illusoire  ; 
démontra  que  ceux  qui  se  prétendent 
aujourd'hui  les  disciples  de  ce  saint  doc- 
teur devraient  sérieusement  méditer.  Ju- 


JUL 


72 


JUL 


lien  mourut  en  i50,  après  avoir  été  chassé 
de  son  église,  analliématisé  par  les  papes 
cl  particulièrement  par  saint  Léon,  et 
proscrit  par  les  empereurs.  On  a  de  lui 
quelques  ouvrages,  1668,  in-8°. 

•  JULIEN  (Simon),  peintre,  élève  de 
Carie  Vanloo ,  naquit  à  Toulon  en  1756. 
Ayant  remporté  le  prix  de  l'académie , 
il  fut  envoyé  à  Borne ,  où  il  séjourna 
pendant  dix  ans.  Leduc  de  Parme  l'honora 
de  ses  bienfaits  ;  et ,  pour  lui  témoigner 
sa  reconnaissance ,  il  prit  le  nom  de  Ju- 
lien de  Parme ,  qu'il  conserva  toute  sa 
■vie.  De  retour  en  France ,  il  fit  quelques 
tableaux  célèbres,  parmi  lesquels  on  cite 
\  Etude  qui  répand  des  fleurs  sur  le  Temps  ^ 
qu'il  exposa  au  salon  de  1788,  et  Jupiter 
sur  le  mont  Ida^  endormi  dans  les  bras 
de  Junon,  qui  a  été  gravé  par  Benoît.  Il 
mourut  le  25  février  1800.  —  Il  y  a  eu  un 
statuaire  du  même  nom,  né  à  Saint^Pau- 
Jien,  près  du  Puy  en  Velay,  et  mort  à 
Paris  en  1804,  qui  fut  un  des  plus  habiles 
artistes  de  son  siècle.  On  estime  surtout 
ses  statues  du  Guerrier  mourante  de  La 
Fontaine,  du  Poussin,  de  la  Baigneuse , 
et  une  Galatée ,  qui  fut  regardée  comme 
une  des  statues  les  plus  parfaites  que  l'on 
connût. 

JULIEN  DE  FONTENAI.  Foyez  COL- 
DOBÉ. 

JULIENNE ,  prieure  du  monastère  du 
Hlont-Cornillon,  près  de  Liège ,  naquit  en 
1193  au  village  de  Bétine,  dans  la  ban- 
lieue de  cette  ville,  et  mourut  à  Fosse  en 
1258 ,  en  odeur  de  sainteté.  Une  vision 
qu'elle  eut  donna  lieu  à  l'institution  de 
la  fête  du  Saint-Sacrement,  qui,  célébrée 
ù'abord  dans  quelques  églises  particu- 
lières, le  fut  ensuite  dans  l'Eglise  uni- 
verselle {voyez  URBAIN  IV);  espèce 
de  triomphe  que  la  Providence  préparait 
d'avance,  et  qui  devait  subsister  toujours 
dans  l'Eglise  de  Dieu,  en  réparation  des 
outrages  que  ce  mystère  auguste  essuie- 
rait de  la  part  des  sectaires  des  derniers 
siècles.  Julienne  n'a  point  été  canonisée 
dans  les  formes  ;  mais  on  la  trouve  qua- 
lifiée de  sainte  dans  quelques  martyro- 
loges, et  de  bienheureuse  dans  d'autres. 
L'abbaye  de  Saint-Sauveur  d'Anvers,  or- 
dre de  Cîleaux  ,  conserve  ses    reliques. 

JULIUS  CANUS  a  rendu  so6  nom  cé- 
lèbre sous  l'empereur  Caligula.  Ce  tyran, 
irrité  sans  sujet  contre  lui,  l'avertit  de  se 
préparer  à  la  mort  :  Je  vous  suis  bien 
obligé ,  César ,  répondit  Julius  sans  pa- 
raître ému.  On  le  conduisit  en  prison,  et 
lorsqu'on  vint  le  prendre  pour  le  mener 


au  supplice,  on  le  trot. va  jouant  aux 
échecs.  Son  jeu  était  plus  beau  que  celui 
de  s()n  compagnon,  et  afin  que  celui-ci  ne 
se  glorifiât  j)as  après  sa  mort  de  l'avoir 
gagné,  il  pria  le  centurion  d'être  témoin 
de  l'avantage  qu'il  avait  sur  lui.  Il  se  leva 
ensuite,  et  suivit  l'exécuteur  avec  une 
fermeté  qui  étonna  les  spectateurs.  C'est 
au  moins  ce  que  nous  raconte  Sénè(jue  ; 
mais  le  fait ,  suppose  exactement  vrai , 
prouve  bien  plus  d'ostentation  et  de  va- 
nité puérile  que  de  véritable  courage. 

JULIUS-CAPITOLINUS.  frayez  CA- 
PITOLÎNUS. 

JULIUS-FIRMICUS.  roy.  FIRMICUS. 

JULIUS-PAULUS.  Koyez  PAUL. 

JULIUS-POLLUX.    rotjez   POLLUX. 

•  JULLIEN  (Mauc-Aistoiive)  ,  surnom- 
mé de  la  Drôme,  parce  qu'il  fut  député  de 
ce  déparlement  à  la  Convention,  naquit  au 
Péage  de  Romans  en  Dauphiné,  en  1744, 
et  était  fixé  à  Paris  à  l'époque  où  la  révo- 
lution éclata  ;  il  en  adopta  les  principes 
et  entretint  une  correspondance  politique 
avec  les  principaux  habitans  du  Dau- 
phiné. Ces  lettres  dans  lesquelles  ses  com- 
patriotes remarquèrent  beaucoup  de  cha- 
leur et  d'énergie  contribuèrent  à  le  faire 
nommer  député  aux  deux  assemblées  lé- 
gislatives dont  il  fil  partie.  Dans  la  pre- 
mière il  se  lit  peu  remarquer  :  dans  la  se- 
conde il  vota  avec  la  majorité ,  et  lors  du 
procès  de  Louis  X\I,  il  vota  la  mort 
du  monarque,  en  déclarant  qu'il  avait 
toujows  haï  les  rois,  et  que  son  hu- 
ma?iité  éclairée  ayant  écouté  la  voix 
de  la  justice  é terne,  lie  ,  lui  ordonnait  de 
prononcer  la  mort.  Durant  le  reste  de  la 
session,  il  ne  parla  presque  point,  en 
sorte  qu'il  échappa  facilement  aux  pros- 
criptions réaclionnaires.  Rentré  dans  la 
vie  privée,  il  s'occupa  paisiblement  de  lit- 
térature, jusqu'en  1814,  époque  à  laquelle 
il  quitta  Paris  pour  se  retirer  dans  son 
pays  natal.  JuUien  ne  signa  point  l'acte 
additionnel  et  n'accepta  point  de  fonc- 
tions publiques  durant  les  Cent-joiu-s.  En 
conséquence  ,  il  ne  fut  pas  atteint  par  le 
loi  de  1816  contre  les  régicides.  En  1821 , 
il  était  à  un  balcon  fort  élevé,  lorsqu'il 
fut  saisi  d'un  violent  élourdisseraent  :  il 
se  laissa  tomber  et  expira  sur-le-champ. 
Jullien  avait  entretenu  des  relations  de 
correspondance  et  d'amitié  avec  l'avocat- 
général  Servan,  son  compatriote,  avec 
l'abbé  de  Mably  et  la  duchesse  d'Anville. 
Il  a  composé  un  grand  nombre  de  mor- 
ceaux de  poésie  qui  sont  épars  dans  plu- 
sieurs recueiU  ;  ils  ont  été  réunis  dans 


JlîM  7!^ 

un  volume  in-8",  et  on  y  en  a  ajouté  quel- 
ques autres  qui  n'avaient  point  encore  vu 
le  jour  :  cet  ouvrage  intitulé  :  Opuscules 
en  vers^  a  été  publié  à  Paris,  en  1807. 
JuUien  a  laissé  aussi  en  manuscrit  des 
Contes  pour  les  enfans  dont  il  existe  plu- 
sieurs copies.  C'est  l'aîné  de  ses  fils  qui  a 
dirigé  jusqu'en  1830  la  Revue  encyclo])é- 
dique^  recueil  scientifique  et  littéraire. 

*  J€MELIN  (Jean-Baptiste),  profes- 
seur de  physique  et  de  chimie,  né  en  1715 
près  de  Cherbourg ,  fit  ses   études  che/ 
les  eudistes  de  Caen,  puis   vint  à   Paris 
où  il  fut  maître  d'étude  ou  de  quartier 
dans    un    des    collèges    de    l'université. 
Pendant  les  loisirs  que   lui  laissait  son 
emploi,    il   suivit    les  cours    de   méde- 
cùie,   et  se  livra    particulièrement   aux 
sciences  physiques.  Il  était  devenu  mem- 
bre du  bureau  de  consultation  des  arts 
et  métiers,  et  ses  talens  comme   médecin 
et  comme  physicien  lui  avaient  acquis 
de  la  célébrité,  lorsque  M.  de  Choiseul- 
Gouffîer,  nommé  à  l'ambassade  de  Cons- 
tantinople.le  choisit  pour  l'accompagner. 
Pendant  tout  le  temps  que  Jumelin  sé- 
journa dans  la  capitale  de  l'empire  otto- 
man ,  il  s'occupa  de  recherches  relatives 
à  l'histoire  naturelle  de  la  Turquie.  Con- 
jointement avec  l'abbé  Spallanzani  son 
ami,  il  fit  un  grand  nombre  d'expériences, 
dont  les  résultats  amenèrent  plusieurs 
découvertes   précieuses.  En  parcourant 
les  rives  de  la  mer  Noire,  il  trouva  les 
ruines  de  la  ville  de  Githium  dont  aucun 
auteur  n'avait  parlé  avant  lui ,  et  à  celte 
occasion,   il   rédigea  un  Mémoire   qu'il 
présenta  à  l'institut  de  France.  On  doit  à 
ce  savant  l'invention  d'une  machine  pneu- 
matique  d'une    structure    particulière, 
celle  d'une  nouvelle  pompe  à  feu,  etc. 
Une  suite  nombreuse  d'expériences  l'avait 
amené  à  reconnaître  tous  les  effets  que 
peut  produire  l'électricité  sur  l'économie 
animale.  Jumelin  a  en  outre  laissé  plu- 
Sieurs  bons  ouvrages  parmi  lesquels  on 
distingue  Traité  élémentaire  de  physique 
et  de  chimie^  Paris,  1809,  4  vol.  in-8°; 
précédé  d'une  notice  sur  la  vie  et  les  ou- 
vrages de  l'auteur ,  parN.-L.  Desessarts; 
le  second  volume  qui  devait  traiter  des 
sciences  physico-mathématiques  est  resté 
manuscrit.  Ses  OEuvres  diverses  concer- 
nant les  sciences  et  les  arts  avaient  paru 
en  1800,  Paris,  in-8°.  Jumelin  fut  intime- 
ment lié  avec  La  voisier.  Il  mourut  en  1807 
à  Paris, après  avoir  été  professeur  de  phy- 
sique et  de  chimie  au  lycée  impérial. 
•  JUMILIIAC  (domPiERRE-BEXoiT  de). 
7. 


JUM 

bénédiciin  de  Saint-Maur,  né  dans  le  Li- 
mousin en  1611 ,  d'une  famille  illustre, 
entra  fort  jeune  dans  la  congrégation  oà 
il  parvint  aux  premières  dignités.  Il  mou- 
rut le  22  mars  1082  ,  à  l'abbaye  de  Saint- 
Germain  des  Prés.  11  était  très  versé  dans 
la  n)usique,  et  on  lui  doit  la  Science  et  la 
pratique  du  plain  chant,  Paris,  1C77,  in-4.°. 
C'est  un  traité  divisé  en  8  parties ,  danti 
lequel  on  trouve  une  exposition  complète 
et  méthodique  de  la  doctrine  de  Gui  d'A- 
rezzo.  On  a  attribué  ce  traité  à  dom  Jac- 
ques Leclerc;  mais  domMartenne  et  don 
Tassin  ont  fait  connaître  son  véritable 
auteur. 

*  JUMILIIAC -CHAPELLE  (N.  baron 
de  ) ,  issu  d'une  famille  ancienne ,  entra 
de  bonne  heure  dans  l'état  militaire,  et 
fit  ses  premières  armes  dans  le  régiment 
d'Artois  (  cavalerie  ).  Plusieurs  missions 
diplomatiques  lui  furent  ensuite  confiées 
par  le  gouvernement  français  pour  l'Al- 
lemagne ,  et  il  séjourna  quelque  temps  à 
Berlin.  De  retour  en  France ,  il  obtint  le 
brevet  de  colonel  et  fut  nommé  conseil- 
ler d'ambassade  en  Portugal ,  où  il  resta 
deux  ans.  Ayant  épousé  M""^  de  Launay, 
fille  du  gouverneur  de  la  Bastille,  il  avait 
obtenu  la  promesse  de  remplacer  son 
beau-père  après  sa  mort  ;  mais  la  révolu- 
tion en  disposa  autrement.  Il  paraît  que 
le  baron  de  Jumilhac  ne  quitta  point  la 
France,  même  pendant  l'époque  de  la  ter- 
reur. En  181S  il  reçut  le  brevet  de  maré- 
chal de  camp,  et  la  croix  de  Saint-Louis, 
et  il  présida  dans  le  mois  de  septembre 
de  la  même  année ,  le  collège  électoral  de 
Seine-et-Oise  qui  le  nomma  membre  de 
la  chambre  des  députés.  Lorsque  dans  le 
mois  d'avril  1816,  M.  Lachèse-Murel  pro- 
posa de  remettre  entre  les  mains  des  prê- 
tres les  registres  de  l'état  civil,  Jumilliac 
appuya  fortement  cette  proposition  et  pu- 
blia même  son  opinion ,  dans  laquelle  il 
s'attacha  à  prouver  que  cette  mesure  était 
nécessaire  sous  le  rapport  des  principes 
religieux  ;  que ,  sous  le  rapport  civil,  elle 
l'était  au  moins  autant,  pour  éviter  les 
erreurs  très  graves  qui  se  commettaient 
fréquemment,  et  dont  il  cite  plusieurs 
exemples.  La  mesure  proposée  ne  fut 
point  adoptée.  Jumilhac  vcrta  constam- 
ment pendant  cette  session  avec  la  majo- 
rité. Après  l'ordonnance  du  5  septembre 
1816,  il  fut  renommé  président  du  collège 
électoral  de  Seine-et-Oise  qui  le  réélut. 
Depuis  cette  époque  Jumilhac  fit  partie 
de  la  minorité  royaliste.  Jumilhac  est 
mort  dans  son  château   de  GuigneviJle 


JUM  7 

près  iVAipajon,  le  o  juillet  1820.  On  a  de 
Wii  :  I  Réflexions  sur  V état  des  finances, 
Paris,  1816,  in- 8'*;  |  Opinion  sur  la  propo- 
sition tnidant  à  rendre  aux  ministres 
de  la  religion  les  fondions  de  l'état  civil. 
^810,  in-«°;  |  et  quelques  articles  d'écono- 
mie rurale,  insérés  dans  les  Mémoires  de 
la  société  d'agriculture  de  Scine-et-Oise 
dont  il  était  membre ,  et  où  une  notice 
nécrologique  lui  a  été  consacrée ,  21*  an- 
née ,  page  92. 

•  JUMILIIAC  (Antoine -Pierre -Jo- 
seph de  CHAPELLE ,  marquis  de),  naquit 
dans  le  midi  de  la  France ,  le  51  août  1764. 
Ne  voulant  pas  adopter  les  maximes  ré- 
volutionnaires ,  et  croyant  ne  pouvoir  pas 
défendre  son  roi  en  restant  en  France , 
il  imita  l'exemple  de  plusieurs  milliers  de 
gentilshommes,  et  émigra  en  1792.  S'é- 
tant  enrôlé  dans  les  années  des  princes  , 
il  en  fit  les  campagnes.  Lors  de  la  disso- 
lution de  leurs  armées,  il  se  rendit  à 
Londres,  d'où  il  partit  comme  officier 
dans  l'expédition  de  Quiberon.  Après  la 
reprise  du  fort  Peuthièvre  ,  par  les  répu- 
blicains, et  la  bataille  sanglante  qui  en 
fut  la  suite ,  abandonné  sur  le  sol  français 
avec  les  autres  fidèles  royalistes,  il  fut, 
avec  eux  ,  amené  prisonnier  à  Vannes. 
Les  émigrés,  par  l'héroïque  action  du 
comte  de  Sombreuil(t'0?/<?2  Mémoires  sur 
l  expédition  de  Quiberon,  Paris,  Lenor- 
h)ant ,  1822 , 2  vol.  in-8°  ) ,  qui  se  voua  à  la 
mort  pour  sauver  ses  camarades ,  comp- 
taient sur  la  capitulation  conclue  entre  ce 
chef  et  le  général  Hoche;  mais  TalHen 
sut  la  rendre  nulle ,  et  tous  les  émigrés 
furent  successivement  fusillés,  àl'exri'p- 
tion  de  six  ou  sept  officiers  seulena'ut , 
qui  parvinrent  à  s'échapper.  Le  marquis 
de  Jumilhac  fut  de  ce  nombre.  De  retour 
à  Londi  es  ,  il  publia  une  Relation  sur  ce 
malheureux  événement.  Après  le  i8  bru- 
lur.ire  ,  il  rentra  en  France  ,  prit  du  ser- 
vice dans  les  armées  de  l'empire  .  et  se 
maria  à  une  soeur  du  duc  de  Richelieu. 
A  la  restauration,  Louis  XVHI  le  nomma 
lieutenant-général  de  cavalerie ,  le  50 
août  4814,  commandant  de  la  16"  division 
militaire,  à  Lille,  le  21  octobre  1815  ,  et 
commandeur  de  Saint -Louis,  le  3  mai 
1816.  Elu  président  du  collège  électoral 
du  Nord,  il  en  lit  l'ouverture  le  8  octobre 
par  un  discours  où  Ion  remarqua  le  pas- 
sage suivant...  «  Le  roi  n'attend  de  nous 
»  ni  félicitations  ni  adresses;  les  seules 
»  preuves  qu'il  exige  de  notre  amour  sont 
*  de  n'accorder  nus  suffrages  qu'à  des 
»i  honuncs    recommaudablcs    par    leurs 


*  JUJ\ 

»  principes  en  faveur  de  la  légitimité, 
»  par  leur  modération,  par  leur  amour 
»  pour  lui  et  pour  la  France ,  dont  il  veut 
»  assurer  le  repos...  »  Le  20  août  1817,  il 
fut  de  nouveau  nonmié  président  de  ce 
même  collège  électoral.  Il  est  mort  le  19 
février  1826 ,  âgé  de  C2  ans.  L'ainé  de  ses 
cnfans  a  pris  les  noms  et  les  litres  de  duc 
de  Richelieu. 

JUNCKER  (  CnRiSTiA:v  ),  philologue 
allemand ,  né  à  Dresde  en  1668.  Il  fut  suc- 
cessivement recteur  à  Schleusingen,  à 
Eisenach  et  à  Altenbourg,  où  il  mourut, 
en  1714 ,  avec  le  titre  d'historiographe  de 
la  maison  de  Saxe-Ernest,  et  de  membre 
de  la  société  royale  de  Berlin.  La  mort 
subite  de  sa  femme  accéléra  la  sienne.  Il 
a  fait  un  grand  nombre  de  traductions 
allemandes  d'auteurs  anciens,  et  donné 
plusieurs  éditions  d'auteurs  classiques, 
avec  des  notes,  dans  le  goût  des  éditions 
de  Minellius.  On  a  encore  de  lui  :  |  Sche- 
diasma  de  Diariis  eruditonim .  etc., 
Leipsick,  1692,  in-12;  |  Centuria  fevii- 
naruin  eruditione  et  scriptis  illustrium  ;  ' 
1  Theatrum  latinitatis  tiniversœ  reghe- 
rojunckerianum  ;  \  Tabulœ  synopticce  his- 
toriée philosophicce  lineamentis  eruditio- 
nis,  Altenbourg ,  1714  ,  in-4"  ;  |  Vita  Mar- 
tini Lulheri  et  successuum  evangelico- 
rum.  Ouvrage  qui,  lu  par  un  esprit  aîttn- 
tif  et  impartial ,  fournit  les  plus  profondes 
réflexions  en  faveur  de  l'Eglise  catholique. 
I  Vita  Jobi  Ludolphi ,  etc.  ;  |  une  traduc- 
tion latine  de  la  Science  des  médailles 
pnr  le  père  Jobert.  Sa  pauvreté  l'obligeait 
de  travailler  un  peu  à  la  hâte ,  et  ses  ou- 
vrages se  ressentent  de  cette  précipitation, 

Jl'\CTE  (  les  ).  Voyez  JUNTE. 

JIL\CT1I\,  qu'on  appelait  en  italien 
Giuntino  qui  est  son  véritable  nom ,  ma- 
thénrtaticien,  né  à  Florence  en  1523,  avait 
été  d'abord  carme  ;  il  apostasia  ensuite. 
Après  avoir  mené  ime  vie  errante,  liceu- 
cieuse  et  inquiète,  il  fut  écrasé,  dit-on, 
sous  les  ruines  de  sa  bibliothèque,  qu<»i- 
qu'il  crût  avoir  lu  dans  les  astres  qu'il 
mourrait  d'un  autre  genre  de  mort.  On  a 
de  lui  :  |  des  CommeJitaires  latins  sur  la 
Sphère  de  Sacrobosco ,  1577  et  1578,2 
vol.  in-8°  ;  |  Spéculum  astrologiœ .  Lyon, 
1581 ,2  vol.  in-fol.  ;  |  un  Traité  en  fran- 
çais sur  la  comète  qui  parut  en  1577,  in- 
8'  ;  I  un  autre  sw  la  réformation,  du  ca- 
lendrier par  Grégoire  XIII ,  en  latin , 
in-S**.  Il  mourut  en  1590.  à  Lyon.  H  était 
rentré  dans  l'Eglise  catholique ,  saus  être 
plus  réglé. 

JLr\(ii:ïlMA.>N  (G<  nEinui),  fils  d'un 


JUN 


7S 


JUN 


professeur  en  droit  de  Leipsick,  est  connu 
l)ar  une  Edition  recherchée  d'une  an- 
cienne version  grecque  des  sept  livres  de 
la  guerre  des  Gaules  de  Jtdes  -  César , 
Francfort ,  1606 ,2  vol.  in-h"  ;  et  par  une 
Traduction  latine  des  Pastorales  de  Lon- 
gus  ,  avec  des  notes  ^  Hanau,  1605  ,  in-S". 
On  a  aussi  de  lui  des  Lettres  imprimées. 
11  mourut  à  Hanau  le  16  août  1610. 

JUKGERMAKN  (Louis),  frère  du  pré- 
cédent, né  en  1572,  cultiva  avec  succès 
l'histoire  naturelle,  et  s'appliqua  parti- 
culièrement à  la  Lolanique.  Il  mourut  à 
Altorf  en  1653,  professeur  d'anatomie  et 
de  botanique,  et  directeur  du  jardin. 
C'est  à  lui  qu'on  attribue  Ilortus  Eystet- 
tensis  (  voyez  BESLER  )  ;  Catalogus  plan- 
tai-um  quœ  circa  Altorfium  nascuntur  ^ 
Altorf,  16A6,  in -8°;  Cornue opia  Florœ 
Giessensis  ^  Giessen,  1623,  in-i°. 

JUNIE  (JuNiA  CalviN/v),  différente 
de  Junia  Silana ,  autre  dame  romaine, 
fameuse  par  ses  galanteries,  descendait 
de  l'empereur  Auguste  eu  droite  ligne. 
Elle  joignait  à  l'éclat  de  sa  naissance  une 
rare  beauté,  mais  qui  n'était  pas  relevée 
par  la  sagesse.  Son  intimité  avec  Silanus 
son  frère  la  fit  accuser  d'inceste ,  et  exiler 
par  l'empereur  Claude.  Elle  fut  rappelée 
par  Néron,  et  vécut  jusqu'au  règne  de 
Vespasien.  Racine,  dans  sa  tragédie  de 
Britannicus  ^  la  peint  bien  autrement  que 
les  écrivains  anciens.  Comme  Britannicus 
était  un  prince  vertueux ,  le  poète  a  sup- 
posé que  son  amante  avait  les  mômes 
qualités,  et  a  fait  de  Junie  une  vestale 
digne  du  cœur  de  son  héros  Une  telle 
licence  ne  devrait  pas  être  permise, 
même  aux  poètes  ;  outre  qu'elle  tend  à  la 
subversion  totale  des  notions  historiques , 
elle  est  proscrite  par  la  grande  règle 
d'Horace  : 

Aul  famani  lequere,  aut  »ibi  convenientia  finge. 

JUMEN  (saint  ) ,  célèbre  solitaire  natif 
de  Briou  en  Poitou ,  fonda  un  monastère 
à  Maire ,  dont  il  fut  le  premier  abbé.  Il 
mourut  le  13  août  o87,  le  même  jour  que 
sainte  Radegonde,  avec  laquelle  il  avait 
été  en  commerce  de  lettres  et  de  spiri- 
tualité. 

JUNILIUS,  évêque  d'Afrique,  au  6*= 
siècle.  On  a  de  lui  deux  livres  De  la  loi 
divine,  ou  Apparat  pour  l'étude  de  l'E- 
criture sainte,  en  forme  de  dialogues, 
dans  la  Bibliothèque  des  Pères. 

JUMUS,  ou  der  JONCHE,  le  jeune, 
(  AoRiE-v ) ,  né  à  Horn  en  Ilollaïu'.e ,  lan 
1512,  mort  à  Armuyden  en  1575,  laissa 


I  des  Commentaires  peu  connus  sur  di- 
vers auteurs  latins  ;  |  un  poème  en  vers 
prosaïques,  intitulé  la  Philippide ,  Lon- 
dres, 1554,  '\a-k°,  sur  le  mariage  de 
Philippe  II,  roi  d'Espagne,  avec  Marie, 
reine  d'Angleterre;  |  quelques  Traduc- 
tions d'ouvrages  grecs;  mais  elles  sont 
peu  fidèles ,  et  dans  la  seule  version  d'Eu- 
napius ,  il  a  fait  plus  de  600  fautes  ;  |  six 
livres  d' Animadversorum ,  que  Gruter  a 
insérés  dans  son  Trésor  critique  ;  \  Phalli 
ex  fungorum  génère  in  Hollandiœ  sabu- 
letis  passim  crescentis  descriplio  et  ad 
vivumexpressa  figura,  Btilît.  1564,  Leyde, 
1601,  in-4";  Dordrecht,  1652,  in-8".  On 
trouve  dans  cette  édition  des  lettres  de 
Junius ,  mais  il  n'y  a  pas  de  ligure.  |  iVo-  ■■ 
menclator  omnium  reiiim,  propria  no~  » 
mina  variis  linguis  explicata  indicans, 
Augsbourg,  1555,  in-8°;  Anvers,  1577, 
in-8".  Cet  ouvrage  est  curieux  et  recher- 
ché. Il  est  auteur  d'autres  ouvrages  scien- 
tifiques, au  nombre  de  douze,  parmi  les- 
quels un  de  poésie,  intitulé  :  Poemata 
pi  a  et  moralia,  Leyde,  1598,  in-8°.  Ju- 
nius mourut  de  chagrin  :  s'étant  rendu 
auprès  du  prince  d'Orange,  en  qualité  de 
médecin,  dans  son  absence,  sa  bibliothè- 
que et  ses  manuscrits  furent  pillés.  Le 
séjour  d'Harlem  lui  devint  odieiix  ,  et  il 
se  retira  à  Middelbourg,  puis  chez  un 
ami,  à  Armuyden  où  il  termina  sa  car- 
rière au  bout  de  quelques  mois. 

JlJi\IUS  ou  du  JON  (François),  né  à 
Bourges  en  1545 ,  se  rendit  habile  dans  le 
droit,  dans  les  langues  et  dans  la  théo- 
logie ,  et  devint  ministre  de  l'église  pré- 
tendue réformée  dans  les  Pays-Bas.  Il  fut 
choisi  en  1597  pour  enseigner  la  théologie 
à  Leyde,  où  il  mourut  en  1602,  à  57  ans. 
On  a  de  lui  :  [  une  Version  latine  du  texte 
hébreu  de  la  Bible ,  qu'il  fit  avec  Emma- 
nuel Tremelius.  Elle  a  souvent  été  im- 
primée en  différentes  formes  :  celle  qui  a 
plus  de  notes  est  d'Herborn,  1645,4  vol. 
in-fol.  ]Des  CoTm/ie/î/aires  sur  une  grande 
partie  de  l'Ecriture  sainte,  etc.,  publiés  à 
Genève ,  1607,  en  2  vol.  in-fol. 

JlîWUS  (François),  fils  du  précé- 
dent, né  à  Heidciberg  en  1589,  prit  d'a- 
bord le  parti  des  armes  ;  mais  après  la 
trêve  conclue  en  1609,  il  se  livra  tout 
entier  à  l'étude.  II  passa  en  Angleterre  en 
1620,  et  demeura  pendant  30  ans  chez  le 
comte  d'Aiundel.  Il  mourut  à  Windsor,  ' 
chez  Isaac  Vossius,  son  neveu,  en  1678,  à  ' 
89  ans,  laissant  ses  manuscrits  à  l'uni- 
vcrsilé  dOxford.  On  a  de  lui  :  |  un  traité 
De  piclurâ  veterum.  Il  y  a  peu  de  choses 


JUN  76 

dans  les  auteurs  grecs  et  latins  sur  la 
peinture  et  sur  les  peintres,  qui  aient 
échappé  aux  recherches  laborieuses  de 
l'auteur.  La  meilleure  édition  est  celle  de 
Rotterdam  en  169i,  in-fol.  |  L'Explica- 
tion de  l'ancienne  Paraphrase  gothique 
des  quatre  Evangiles^  corrigée  sur  de 
bons  manuscrits ,  et  éclaircie  par  les  notes 
de  Thomas  Maréchal,  1665,  in-4°;  |  un 
Commentaire  sur  la  concorde  des  quatre 
Evangiles  ^  par  Tatien ,  manuscrit  ;  |  un 
Glossaire  en  cinq  langues ,  dans  lequel  il 
explique  l'origine  de-s  langues  septentrio- 
nales. Ce  dernier  ouvrage  a  été  donné  au 
public  à  Oxford,  en  17i3 ,  in-fol.,  par  M. 
Edouard  Lye,  savant  anglais.  Junius 
était  aussi  très  versé  dans  les  langues 
orientales. 

*  JUNKER  (  George- Adam  ) ,  né  à  Ha- 
nau,  et  mort  à  Fontainebleau  en  1803,  a 
donné  :  |  Nouveaux  principes  de  la  lan- 
gue allemande  j  Hanau,  1760,  in-8°,  plu- 
sieurs fois  réimprimés  ;  |  Introduction  à 
la  lecture  des  auteurs  allemands  ^  en 
allemand  et  en  français,  1765,  in-12; 
I  une  traduction  du  Théâtre  allemand^ 
avec  Liébault ,  Paris, -1772 -8a  ,  4  vol.  in- 
12;  |  la  Découverte  de  l'Amérique ^  tra- 
duite de  l'allemand  de  Campe ,  Ham- 
bourg, 1783 , 2  vol.  in-S»  ;  |  Leçons  de  droit 
public.  Paris ,  1786 ,  2  vol.  in-8°. 

*  JUNOÏ,  duc  d' AERANTES  (Andoche), 
général  de  division,  colonel-général  des 
hussards ,  gouverneur  de  Paris ,  etc. ,  na- 
quit le  23  octobre  1771,  à  Bussy-le-Grand, 
près  de  Semur  (  Côte-d'or).  Etudiant  en 
droit ,  lorsqtie  la  révolution  éclata ,  il  s'é- 
tait acquis  un  certain  fonds  de  connais- 
sances ,  et  était  plus  instruit  que  la  plu- 
part des  jeunes  gens  qui  prirent  les  armes 
à  cette  époque.  Junot  servit  comme  gre- 
nadier dans  un  des  bataillons  du  départe- 
ment où  il  avait  reçu  le  jour,  et  ce  fut, 
en  1790 ,  pendant  le  siège  de  Toulon  que , 
Bonaparte  le  remarqua  et  se  l'attacha 
comme  secrétaire.  Une  circonstance  où 
il  fit  preuve  d'un  grand  sang-froid  ajouta 
encore  à  l'estime  que  son  protecteur  avait 
pour  lui.  Bonaparte  lui  dictant  un  jour 
une  dépèche ,  une  bombe  éclata  à  côté  de 
Junot,  qui  fut  couvert  de  terre.  Il  se 
contenta  de  secouer  la  poussière  qui  s'é- 
tait répandue  sur  le  papier,  et  disant  d'un 
ton  très  calme  :  «  La  bombe  est  venue 
■  fort  à  propos  ;  j'avais  besoin  de  poudre 
»  i)our  sécher  mon  écriture.  »  Junot  ne 
cessa  depuis  d'accompagner  Bonaparte  ; 
il  fit  en  qualité  de  sou  aide-de-camp  les 
fampagnes  d'Italie,  et  passa  en  peu  de 


JUÎV 

temps ,  par  les  grades  de  chef  d'escadron, 
de  colonel  et  de  général  de  brigade.  Dans 
l'expédition  d'Egypte ,  il  se  distingua  par- 
ticulièrement au  combat  de  Nazareth ,  où, 
suivi  de  trois  cents  cavaliers  seulement , 
il  osa  attaquer  10,000  Turcs  qu'il  mit  en 
déroute,  soutenu  par  Kléber.  Revenu  en 
France  avec  le  général  en  chef,  il  prit 
part  à  la  révolution  du  18  brumaire ,  et , 
au  commencement  de  1804 ,  il  fut  nonmié 
commandant  puis  gouverneur  de  Paris , 
poste  dans  lequel  il  déploya  un  faste  ex- 
traordinaire. Il  passa  ensuite  avec  le 
grade  de  général  de  division  à  l'armée 
destinée  à  faire  une  descente  en  Angle- 
terre, et  reçut  le  titre  de  colonel-général 
des  hussards.  Junot  fut  envoyé  la  même 
année  en  Portugal  en  qualité  d'ambassa- 
deur, quitta  momentanément  Lisbonne 
pour  se  rendre  à  l'armée  d'Allemagne ,  et 
si;  conduisit  d'une  manière  brillante  à  la 
célèbre  journée  d'Auslerlitz.  Il  retourna 
ensuite  à  Lisbonne ,  revint  encore  en 
France ,  et  reçut  à  la  fin  de  1807,  le  com- 
mandement de  l'armée  assemblée  à 
Rayonne  et  destinée  à  faire  la  conquête 
du  Portugal.  Cependant  Junot  était  dé- 
pourvu des  qualités  indispensables  dans 
un  chef  d'armée ,  et  il  avait  le  tort  de  se 
laisser  aller  à  des  transports  de  fureur  qui 
pouvaient  quelquefois  laisser  soupçonner 
quelque  dérangement  dans  ses  facultés 
intellectuelles.  Il  pénétra  en  Portugal , 
sans  rencontrer  d'autres  obstacles  que 
ceux  qui  naissaient  de  la  difficulté  des- 
chemins et  du  manque  de  vivres.  Ce  ne 
fut  qu'à  Abrantès ,  petite  ville  située  sur 
le  Tage,  à  vingt-cinq  lieues  de  Lisbonne  , 
que  l'armée  trouva  des  ressources  ,  et 
c'est  sans  doute  pour  celte  raison  que  Na- 
poléon donna  à  son  général  le  titre  de  duc 
d' Abrantès  Junot,  maître  de  Lisbonne 
et  de  tout  le  royaume ,  indisposa  la  na- 
tion contre  les  Français  ,  par  sa  cupidité, 
son  intempérance  et,  il  faut  le  dire,  son 
incapacité.  Les  Portugais  se  soulevèrent, 
et  après  un  échec,  éprouvé  par  les 
Français  à  Vimeira ,  où  triompha  sir  Ar- 
thur Welleslcy,  depuis  lord  M'cUington  , 
à  la  tête  des  forces  anglaises  supérieures 
en  nombre,  Junot,  assiégé  dans  Lisbonne, 
fut  obligé  de  capituler.  La  convention  si- 
gnée le  30  août  1808  au  village  de  Cintra 
fut  très  honorable  pour  l'armée  française, 
dont  le  général  Kellermann,  chargé  de  la 
négociation ,  avait  habilement  exagéré  k'S 
ressources.  L'armée  revint  en  France 
après  avoir  occupé  neuf  mois  le  Portugal. 
Junot  fut  froidement  accueilli  par  l'empd- 


JUR  77 

rcur  qu'il  accompagna  néanmoins  en  Es- 
pagne, Dans  la  seconde  campagne  contre 
le  Portugal ,  il  conunanda  un  des  corps 
sous  les  ordres  du  maréchal  Masséna.  En 
4812,  il  reçut  le  commandement  du  8* 
corps  de  la  grande  armée  de  Russie  ,  et , 
après  la  retraite  de  Moscou  ,  Napoléon  le 
nomma  gouverneur-général  des  provinces 
îllyriciuies.  Sa  raison  s'étant  tout-à-fait 
égarée ,  on  le  ramena  en  France ,  et  il 
arriva  le  22  juillet  1815,  chez  son  père, 
qui  demeurait  à  Montbard.  Il  y  avait  à 
peine  deux  heures  qu'il  y  était  arrivé, 
que ,  dans  un  moment  de  délire  ,  il  se 
précipita  par  une  fenêtre.  Sa  cuisse  s'é- 
tant brisée ,  il  fallut  recourir  à  l'amputa- 
tion. Le  malheureux  général  arracha 
l'appareil  qui  y  fut  appliqué  ,  et  mourut 
le  28  du  même  mois.  Bien  que  son  édu- 
»;ation  n'eût  pas  été  soignée ,  Junot  ai- 
mait les  lettres,  et  il  avait  réuni  un  assez 
grand  nombre  de  manuscrits  précieux  et 
de  tableaux  rares.  Sa  femme  ,  ijiadame  la 
duchesse  d' AERANTES ,  a  donné  des  3Ié- 
moires  écrits  avec  esprit. 

JUNTE,  en  italien GIUNTA,  et  ZONTA, 
est  le  nom  de  plusieurs  célèbres  impri- 
meurs d'Italie  dans  les  IS*"' et  iC  siècles,  qui 
ont  été  long -temps  crus  originaires  de 
Lyon;  ils  tenaient  le  second  rang  dans  l'I- 
talie, après  les  Maauces.  Philippe,  l'un 
d'eux,  commença,  à  imprimer  à  Gènes  en 
1497,  et  mourut  vers  1519.  Il  eut  pour  frère, 
ou  cousin,  Bernard,  qui  exerça  la  même 
profession  avec  autant  de  célébrité.  Les 
éditions  grecq^ies  de  Philippe  Junte  sont 
infiniment  estimées.  Les  OEuvres  d'Ho- 
mère.  lol9,  in-8°,  sont  le  dernier  livre 
qu'il  imprima.  Le  Florelegium  diverso- 
i-um  epiyramjnaturn ,  in  8° ,  fut  imprimé 
par  ses  héritiers. 

JUPPIN  (Jean -Baptiste),  natif  de 
Namur,  perfectionna  ses  talens  pour  la 
peinture,  sous  d'habiles  maîtres  en  Italie. 
Il  se  fixa  ensuite  à  Liège  ,  où  il  se  fit  con- 
naître par  des  Paysages  d'une  grande 
beauté.  On  regrette  ceux  qui  avaient  été 
feîts  pour  riiôte)  des  états ,  et  qui  furent 
consumés  par  un  incendie;  les  étrangers 
en  ressentent  encore  plus  la  perte,  en 
admirant  ceux  qui  ornent  le  chœur  des 
Chartreux.  Ses  sites  sont  très  heureuse- 
ment choisis;  ses  points  de  vue  à  travers 
les  forêts  sont  admirables  ;  ses  coups  de 
lumière,  d'un  grand  effet  ;  son  feuiller, 
délicat;  ses  eaux,  presque  inimitables.  Il 
mourut  à  Namur  l'an  1729. 

JURE  (Jean-Baptiste  de  SAINT),  né 
à  Motz  en  1588,  entra  chez  les  jésuites  en 


JUR 

1604,  à  l'âge  de  16  ans,  et  se  disting^tvi ~ 
par  ses  travaux  continuels  pour  le  salut 
des  âmes  et   particulièrement    pour   la 
direction  des  collèges  :  il  fut  pendant  12 
ans  chargé  de  ceux  d'Amiens,  d'Alençon 
ou  de  Paris.  Il  passa  en  Angleterre  avec 
quelques  autres  membres  de  son  ordre, 
du  temps  de  la  reine  Henriette ,  femme 
dp  Charles  \" .  Les  ouvrages  ascétiques 
qu'il  publia  décèlent  un  homme  consom- 
mé dans  les  voies  de  Dieu  et  la  science 
des  saints.  On  estime  surtout  le  Livre  des 
£  lus ,  ou  Jésus  crucifié  (qu'il  ne  faut  pas 
confondre  s.vec  Jésus-Christ  crucifié  de  M. 
Duguel),  Paris,  1771,  in-12  ;  La  Connais^ 
sauce  et  l'amour  de  Jésus- Christ ,  in-4", 
abrégé  et  réimprimé  à  Paris,  en  1791,  in-12, 
et  dont  il  a  été  fait  depuis  plusieurs  éditions 
en  divers  formats.  Cet  ouvrage  est  divisé 
en  quatre  livres  :  le  premier  contient  les 
motifs   qui  doivent  nous    porter  à  nous 
appliquer  à  la  connaissance  et  à  l'amour 
de  Jésus-Christ;  le  deuxième  expose  et 
explique  les  exercices  de  cet  amour  ;  le 
troisième  en  montre  les  effets,  et  le  qua- 
trième présente  les  exemples  des  saints 
qui  ont  fait  une  "I)rofession  particulière 
d'aimer  Notre-Seigneur.  L'auteur  ,  natu- 
rellement fécond  et  accoutumé  à  méditer 
sur  ce  qui  lient  à  la  vie  spirituelle,  s'est 
beaucoup  étendu  sur  ces  divers  objets,  et 
il  épuise  en  quelque  sorte  la    matière  : 
cependant  il  ne  fatigue  jamais ,  parce  qu'il 
a  rattaché  à  son  siijet  toute  l'économie  de 
la  religion,  et  qu'il  parcourt  tout  ce  qu'il 
y  a  d'important  dans  les  doctrines  et  les 
pratiques  du  christianisme.  Ce  livre  pré- 
cieux a  été  réimprimée  à  Lyon  en  1825 , 
en  0   vol.  in-S",  et  l'on  a  eu  soin  de  re- 
toucher le  slyle  qui  en  avait  besoin.  Des 
tables  à  la  fin  de  chaque  volume  montrent 
les  divisions  et  subdivisions  des  chapitres, 
et  peuvent  servir  à  guider  des  lecteurs 
dans  le  choix  du  sujet.  L'abbé  de  Sainl- 
Pard,  pour  mettre  cet  ouvrage  à  portée 
d'un  plus  grand  nombre  de  lecteurs,  en 
a  publié  ,  en  1775,  un  abrégé  en  un  vol 
in-12,  sous  le  titre  de  la  connaissance  et 
de  l'amour  de  N.  S.  J.-C  Cet  abrégé  est  en 
trois  parties    seulement,  les    motifs   «.u' 
l'amour    de  Dieu,  les  caractères    de  k 
charité,  et  le  récit  abrégé  des  saints.  Il  ;i 
été  réimprimé  à  Paris  en  1824,  avec  de» 
Corrections  et  augmentations.  Le  Père  de 
Sainl-Jure  a  laissé  en  outie  la  F'ie  de  M. 
de  Reniij ^  L'Homme  religieux,  etc.    Il 
mourut  à  Paris  le  50  avril  1657. 

JURET   (François),   né  à  Dij«n    ea 
1535,  chanoine  de  Lngres,  mort  eu  1626. 
7. 


JUR 


78 


JUR 


à  73  ans,  cultiva  l'étude  et  les  belles-let- 
tres avec  beaucoup  d'assiduité.  On  a  de 
lui  :  J  quelques  Pièces  de  Poésie  qu'on 
trouve  dans  Deliciœ  poetarumgallorum; 
I  des  Notes  sur  Symmaque ,  Paris ,  1604 , 
in-4°  ;  sur  Yves  de  Chartres ,  1610 ,  in-8°  ; 
sur  Cassiodore.  Elles  sont  remplies  d'éru- 
dition. 

JURIEU  (Pierre),  fils  d'un  ministre 
protestant  de  Mer ,  dans  le  diocèse  de 
Blois ,  et  neveu  des  fameux  Rivel  et  du 
Moulin,  naquit  le  24  décembre  1637,  et 
succéda  à  son  père  dans  son  ministère.  Sa 
réputation  le  fit  choisir  pom  professeur 
de  théologie  et  d'hébreu  à  Sedan.  L'aca- 
démie de  cette  ville  ayant  été  ôlée  aux 
calvinistes  en  1681,  il  fut  destiné  aux  fonc- 
tions de  ministre  à  Rouen;  mais  averti 
que  la  cour  voulait  le  faire  arrêter,  comme 
auteur  d'un  libelle  intitulé  :  La  politique 
du  clergé  rfe  France,  il  passa  à  Rotterdam, 
où  il  obtint  une  chaire  de  théologie.  Ju- 
rieu,  homme  d'un  zèle  ardent  et  emporté, 
s'y  signala  par  ses  extravagances ,  et  par 
ses  querelles  avec  les  philosophes  de  son 
parti  Bayle ,  Basnage  ^de  Beauval  et  Sau- 
rin.  Il  se  mêla  de  présages ,  de  miracles , 
de  prophéties.  Il  osa  prédire  (dans  son 
Accomplissement  des  prophéties.  1686 ,  2 
vol.  in-12)  qu'en  1689  le  calvinisme  serait 
rétabli  en  France.  Il  se  déchaîna  contre 
toutes  les  puissances  de  l'Europe  oppo- 
sées au  protestantisme  ,  et  fit  frapper  des 
médailles  qui  éternisent  sa  démence  et 
sa  haine  contre  Rome  et  sa  patrie.  C'est 
ce  fougeux  insensé  que  Bayle  eut  à  com- 
battre. Cette  guerre  eut  diverses  causes , 
et  la  véritable  est,  sans  doute  ,  la  jalousie 
qu'inspira  à  Jurieu  le  succès  de  la  criti- 
que de  Y  Histoire  du  calvinisme  de  Maim- 
bourg  j  qu'il  avait  censurée  en  même 
temps  que  Bayle.  L'abbé  d'Olivet  a  pré- 
tendu ti'ouver  le  principe  de  la  hairte  de 
Jurieu  dans  les  liaisons  de  Bayle  avec 
madame  Jurieu.  Cette  femme  de  beau- 
coup d'esprit  connut ,  dit-il ,  Bayle  à  Se- 
dan, et  l'aima.  Son  amant  voulait  se  fixer 
en  France  ;  mais  lorsque  Jurieu  passa  en 
Hollande ,  l'amour  l'emporta  sur  la  patrie, 
et  Bayle  alla  joindre  sa  maîtresse.  Ils  y 
continuèrent  leurs  liaisons,  sans  même 
en  faire  trop  de  mystère.  Tout  Rotterdam 
s'en  entretenait;  Jurieu  seul  n'en  savait 
rien.  On  était  étonné  qu'im  homme  qui 
voyait  tant  de  choses  dans  l'Apocalypse  ne 
vit  pas  ce  qui  se  passait  chez  lui.  Il  ou- 
vrit enfin  les  yeux.  Un  cavalier  en  pareil 
cas  (dit  le  même  académicien)  lire  l'é- 
péc»  un  homme  de  rote  inlenlc  un  pro- 


cès ,  un  poète  fait  une  satire  ;  Jarieu  fit 
des  livres.  Ce  procès  occupa  long-temps 
la  Hollande.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces 
anecdotes ,  la  contention  et  la  chaleur 
avec  lesquelles  Jurieu  écrivit  jusqu'à  la 
fin  de  ses  jours  épuisèrent  son  esprit.  Il 
s'imaginait  que  les  coliques  dont  il  était 
tourmenté  venaient  des  combats  que  se 
livraient  des  cavaliers  qu'il  croyait  avoir 
dans  le  ventre.  Il  tomba  dans  l'enfance,  et 
il  est  fort  douteux  si  ce  qu'il  faisait  dans 
cet  état  de  langueur  ne  valait  pas  autant 
que  ce  qu'  il  avait  fait  dans  la  force  de  l'âge. 
Il  mourut  à  Rotterdam  le  H  janvier  1713, 
à 76  ans.  Les  catholiques  et  les  protestans, 
du  moins  ceux  qui  sont  capables  d'équité, 
se  réunissent  aujourd'hui  dans  le  juge- 
ment qu'on  doit  porter  de  ses  écrits  et  de 
sa  personne.  Ils  convieniient  qu'il  avait 
beaucoup  de  feu  et  de  véhémence,  qu'il 
était  capable  d'en  imposer  aux  faibles  par 
son  imagina!  ion;  mais  ils  avouent  en  même 
temps  que  son  zèle  allait  jusqu'à  la  fu- 
reur et  au  délire  ;  et  qu'il  était  plus  digne 
de  prêcher  à  des  frénétiques  qu'à  des 
hommes  raisonnables.  Ses  principaux 
ouvrages  sont  :  |  un  Traité  de  la  dévo- 
tion; I  un  écrit  sur  la  nécessité  du 
Baptême  ;  \  une  Apologie  de  la  morale 
des  pi-étendus  réformés,  contre  le  livre 
du  docteur  Arnauld,  intitulé  Le  ren- 
versement de  la  morale  par  les  calvi- 
nistes .  Idi  Haye,  1685,  2  vol.  in- 8°; 
I  Préservatif  contre  le  changement  de  la 
religion^  in-12,  opposé  au  livre  de  V Ex- 
position de  la  foi  catholique  de  Bossuet; 
I  des  Lettres  contre  l'Histoire  du  calvinis- 
me, de  Maimbourg,  k  vol.  in-12  ,  et  2  vol. 
in-i.°;  |  d'autres  Lettres  de  controverse, 
contre  V Histoire  des  variations  de  Bossuet: 
ce  prélat  les  a  anéanties  par  ses  Avertis- 
semens  aux  protestans;  |  Traité  de  la 
puissance  de  l'Eglise.  Quedilli,  1677, 
in-12  ;  |  Le  vrai  Système  de  l'Eglise^  1686, 
in-S";  I  Unité  de  l'Eglise.  1688,  in-8°.  Il  y 
prétend  qu'elle  est  composée  de  toutes 
les  sociétés  chrétiennes  qui  ont  retenv  ce 
qu'il  lui  plaît  d'appeler  les  fondemens  de 
la  foi  :  comme  si  tous  les  hérétiques  n'ac- 
commodaient pas  à  leurs  idées  la  nature 
et  le  nombre  de  ces  fondemens .  comme 
les  autres  articles  de  la  croyance  chré- 
tienne, et  qu'on  put  adhérer  sincèrement, 
et  conséqucmment,  à  quelques  points  de  la 
religion  ,  en  rejetant  les  autres  également 
consacrés  par  l'autorité  qui  donne  la  sanc- 
tion à  tous.  Les  fanatiques  de  tous  les 
siècles  qui  ont  été  proscrits  par  l'Eglise 
catholique  entrent  de   cette  façon  dans 


JUS  79 

les  i]ii)tyques  de  Jurieu.  Bayle  lui-même 
fut  scandalisé  de  l'indifférenee  ou  del'im- 
piété  du  ministre  prolestant ,  et  le  mena 
assez  mal  dans  son  traité  :  Janua  cœlo- 
rum  reserata  cunctis  religionibus  à  cele- 
bri  admodum  viro  domino  Petro  Jurieu  j 
avec  l'épigraphe  : 

Porta  patcDs  esto  ,  nulli  claiidatur  hoocsto. 

Mais  Jurieu  avait  pour  cela  ses  raisons. 
Il  était  au  pied  du  mur  par  le  terrible 
argument  des  catholiques,  touchant  la 
perpétuité  de  l'Eglise,  la  succession  non 
interrompue  des  pasteurs,  la  continuité 
et  la  persévérance  de  la  doctrine  :  il 
fallait  bien  compulser  les  annales  du  dé- 
lire et  de  la  scélératesse,  pour  donner  à 
son  parti  un  air  d'antiquité  et  de  suc- 
cession. I  Une  Histoire  des  dogmes  et  des 
cultes  de  la  religion  des  Juifs ,  Amster- 
dam ,  1704,  in-12  ,  livre  médiocre  ;  |  l'Es- 
prit de  M.  Jrjiauld.  1684,  2  vol.  in-12  : 
satire  caustique  et  furieuse  contre  cet 
écrivain  ,  qui  avait  porté  de  violens 
coups  au  parti  de  Calvin  ;  |  Traité  histo- 
rique d'un  protestant  sur  la  théologie 
mystique,  à  l'occasion  des  démêlés  de  Fé- 
nélon  avec  Bossuet ,  etc. ,  1699 ,  in-8° ,  peu 
commun  ;  |  La  Religion  du  Latitudinaire , 
Rotterdam ,  1686 ,  in-8°  ;  |  La  Politique  du 
clergé  de  France,  1681,  2  vol.  in-12; 
I  Préjugés  légitimes  contre  le  papisme , 
1683,  in-4°  ;  |  desLettres  pastorales,  3  vol. 
in-12,  où  il  soufflait  le  feu  de  la  discorde 
entre  les  nouveaux  catholiques  et  les  pro- 
lestans  ,  etc.,  etc.  F^oyez  JACQUELOT. 

JURI\'  (Jacques),  secrétaire  de  la  so- 
ciété royale  de  Londres,  et  président  des 
médecins  de  cette  ville ,  mort  à  Londres  , 
en  1750 ,  dans  un  âge  avancé ,  cultiva  avec 
an  succès  égal  la  médecine  et  les  mathé- 
matiques. Il  contribua  à  rendre  les  ob- 
servations météorologiques  plus  commu- 
nes,  et  à  répandre  l'inoculation,  par 
les  écrits  qu'il  publia  sur  cette  matière 
(  royez  CON» AMINE).  Il  eut  de  violen- 
tes disputes  avec  Michellolti ,  sur  le  mou- 
vement des  eaux  courantes;  avec  Robins, 
8ur  la  vision  distincte  ;  avec  Keill  et  Se- 
nac,sur  le  mouvement  du  cœur;  et  avec 
les  partisans  de  Leibnitz ,  sur  les  forces 
vives. 

JUSSIEU  (Antoine  de),  secrétaire  du 
roi  de  France,  docteur  des  facultés  de 
Paris  et  de  Montpellier,  professeur  de 
botanique  au  Jardin  Royal ,  naquit  à  Lyon 
en  1686.  La  passion  d'herboriser  fut  très 
vive  en  lui  dès  sa  jeunesse,  et  lui  mérita 
une  place  à  l'académie  des  sciences  en 
1712.  Il  parcourut  une  partie  des  provin- 


JUS 

ces  de  France ,  les  îles  d'Hières..  la  vallée 
de  Nice,  les  montagnes  d'Espagne,  et  il 
rapporta  de  ses   savantes  covurses    une 
nombreuse  collection  de  plantes.  Devenu 
sédentaire  à  Paris ,  il  enrichit  les  volumes 
de  l'académie  d'un  grand  nombre  de  Mé- 
moires sm  le  café, sur  le  Aa/i  d'AUcante ; 
sur  le  cachou  ;  sur  le  macer  des  anciens, 
ou  simarouba  des  modernes  ;  sur  Valtô^ 
ration  de  l'eau  de  la  Seine  arrivée  en  1731  ; 
sur  les  mines  de  mercure  d'Jlmaden  ; 
sur  le  magnifique  recueil  de  plantes  el 
d'animaux,  peints  sur  vélin,  qu'on  con- 
serve à  la  bibliothèque  du  roi  ;  sur  une 
fille  qui  n'avait  point  de  langue  et  qui 
parlait  cependant  distinctement  ;  sur  les 
cornes    d'Ammon;  sur  les  pétrifications 
animales  ;  sur  les  pierres  appelées  pierres 
de  tonnerre.  C'est  lui  qui  a  fait  VJppen- 
dix  de  Tournefort ,  et  qui  a  rédigé  l'ou- 
vrage du  père  Barrelier,  sur  les  plantes 
qui  croissent  en  France ,  en  Espagne  et 
en  Italie,    1714,  in-4°   {voyez  BARRE- 
LIER). On  a  imprimé  son  Discours  sur 
les  progrès  de  la  botanique,  1718,  in-4". 
A  ses  occupations  littéraires,  il  joignait 
la  pratique  de  la  médecine ,  et  il  voyait 
les  pauvres  de  préférence.  Il  y  en  avait 
tous  les  jours  chez  lui  un  nombre  consi- 
dérable; il  les  aidait  non  seulement  de 
ses  soins ,  mais  de  son  argent.  Il  mourut 
d'une   espèce  d'apoplexie,    le    22    avril 
1738,  âgé  de  72  ans. —Son  frère,  Ber- 
nard de  JUSSIEU,  né  à  Lyon,  en  1699, 
se  distingua  comme  lui  dans  la  pratique 
de  la  médecine,  et  par  ses  connaissances 
dans  la  botanique.  Ses'talens  lui  procu- 
rèrent la  chaire    de   démonstrateur  des 
plantes  au  Jardin  du  Roi ,  et  une  place  à 
l'académie  des  sciences  de  Paris.  On  lui 
doit  l'édition  de  VIIistoi?-e  des  plantes  qui 
naissent    aux    environs    de    Paris ,    par 
Tournefort,  1723,  2  vol.  in-12,  qu'il  en- 
richit de  notes,  et  dans  laquelle  il  lit  con- 
naître plusieurs  plantes  qu'il  avait  décou- 
vertes dans  des  herborisations.  II  est  mort 
en  1777,  dans  sa  79*^  année  après  avoir 
reçu  les  secours  de  la  religion.  Il  avait  été 
choisi  par  Louis  XV  pour  former  le  Jar- 
din des   plantes  de  Trianon  ;  toutes  ces 
plantes   étaient   indigènes,  et   servaient 
d'école  botanique  nationale.  Le  cèdre  du 
Liban  manquait  au  Jardin  du  Roi.  Jussieu 
eut  le  plaisir  de  voir  deux  pieds  de  cet 
arbre,  qu'il  avait   apportés  d'Angleterre 
dans     son    chapeau,    croître     sous    ses 
yeux,  et  leurs  cimes  élevées  au-dessus 
des  plus  grands  arbres.  Son  travail  favori 
fut  toujours  l'élude  des  plantes,  et  sur- 


JUS 


80 


JUS 


tout  leur  distribution  en  familles,  fondée 
sur  la  ressemblance  générale  de  leurs  par- 
ties ,  ou  ce  que  l'on  appelle  méthode  na- 
turelle. Le  neveu  de  Bernard  devenu  si 
célèbre ,  par  un  ouvrage  classique  sur 
cette  matière ,  a  reconnu  qu'il  devait  à 
son  oncle  sa  première  instruction  el  l'é- 
bauclie  de  son  talent.  Bernard  de  Jussieu 
était  membre  des  académies  de  Berlin , 
de  Saint-Pétersbourg,  d'Upsal,  de  l'insti- 
tut de  Bologne,  de  la  société  royale  de 
Londres ,  etc. 

JUSTE  ou  JUST  (saint) ,  né  de  parons 
nobles  du  A'ivarais,  pieux  el  savant  évc- 
que  de  Lyop ,  quitta  ce  siège  à  l'occasion 
d'un  frénétique  qui  fut  mis  en  pièces  par 
le  peuple  ;  ce  malheur  lui  flit  si  sensible , 
qu'il  se  retira  dans  les  déserts  de  l'Egypte, 
où  il  vécut  en  saint  jusqu'à  sa  mort,  ar- 
rivée vers  la  fin  du  h'^  siècle.  Il  avait  as- 
sisté ,  étant  évêque ,  à  deux  conciles ,  l'un 
tenu  à  Valence  en  37/» ,  et  l'autre  à  Aqui- 
lée  en  581. — Il  y  a  eu  d'autres  saints  de 
ce  nom  et  des  personnages  illustres  :  un 
évcque  d'Urgel ,  mort  en  540 ,  auteur 
d'un  petit  Commentaire  sur  le  Cantique 
des  cantiques ,  inséré  dans  la  Bibliothè- 
que des  Pères;  et  un  archevêque  de  To- 
lède dans  le  7*  siècle ,  célèbre  par  son 
savoir  et  sa  piété. 

JUSTE-LIPSE.  royez  LIPSE, 

JUSTEL  (Christophe),  parisien,  con- 
seiller et  secrétaire  du  roi  de  France,  né 
en  1580,  mort  dans  sa  patrie  en  1649, 
était  l'homme  de  son  temps  le  plus  versé 
dans  l'histoire  du  moyen  âge.  Il  possé- 
dait parfaitement  celle  de  l'Eîjlise  et  des 
conciles.  C'est  sur  les  recueils  de  ce  savant 
homme,  que  Henri  Justel ,  son  fils,  non 
moins  savant ,  mort  à  Londres  en  1693 ,  et 
Guillaume  Voël .  publièrent  la  Btbhoiheca 
juris  canonici  veteris ,  en  2  vol.  in-fol.  , 
Paris,  1601.  C'est  une  collection  très  bien 
faite  de  pièces  forl  rures  sur  le  droit  canon 
ancien.  On  y  trouve  plusieurs  canons  grecs 
et  lalins,  tirés  de  manuscrits  inconnus 
jusqu'à  lui.  On  a  de  Christophe  Justel  : 
I  le  Code  des  canons  de  V Eglise  univer- 
selle ^  ouvrage  justement  estimé;  |  YFIis- 
toire  généalogique  de  la  m,aison  d^ Au- 
vergne s  in-fol. ,  pleine  de  recherches. 

JUSTIN  (saint),  philosophe  platoni- 
cien ,  naquit  vers  l'an  103 ,  à  Naplouse 
(autrefois  Sichein  en  Palestine).  Il  fut 
fonverti  à  la  religion  de  Jésus-Christ  l'an 
133 ,  par  le  spectacle  touchant  de  la  pa- 
tience,  de  Ja  douceur,  de  la  charité,  du 
courage  et  de  toutes  les  vertus  que  les 
chrétiens  faisaitnl  éclater  dans  les  cruelles 


persécutions  qui  éprouvaient  leur  foi. 
Quoiqu'il  eût  embrassé  le  christianisme, 
il  garda  l'habit  de  philosophe,  nomuié 
en  latin  pallium.  C'était  une  espèce  de  , 
manteau.  TertuJlien  remarque  que  non 
seulement  les  philosophes ,  mais  tous  les 
gens  de  lettres  portaient  cet  habit.  Plu- 
sieurs chrétiens  le  prirent,  non  comme 
philosoi)hes ,  mais  comme  faisant  profes- 
sion d'une  vie  plus  austère.  La  persécu- 
tion s'étant  allumée  sous  Antonin,  suc- 
cesseur d'Adrien,  Justin  composa  une 
Apologie  pour  les  chrétiens.  L'empereur 
en  fut  si  satisfait ,  qu'il  donna  un  édit  en 
faveur  des  chrétiens.  Justin  en  présenta 
une  autre  dans  la  suite  à  Marc-Aurcle , 
dans  laquelle  il  prouve  la  religion  chré- 
tienne par  les  mœurs  admirables  de  ceu» 
qui  la  professaient,  par  l'accomplissement' 
tout  récent  des  prophéties,  et  par  l'expo- 
sition simple  et  naïve  de  ce  qui  se  pas- 
sait dans  les  assemblées  des  premiers  chré- 
tiens. Il  dit  que  «  le  christianisme  a  exis- 
»  té  même  avant  Jésus-Christ,  parce  que 
»  Jésus-Christ  est  le  Verbe  de  Dieu,  et  la 
»  raison  souveraine  dont  tout  le  genre  liu- 
«  main  participe  ;  et  que  ceux  qui  ont 
»  vécu  suivant  la  raison  sont  chrétiens.  • 
Effectivement,  on  ne  peut  vivre  selon  la 
raison  sans  se  soumettre  aux  lois  de  Dieu  , 
sans  adhérer  à  une  révélation  dont  il  esl 
l'auteur ,  el  dont  il  ne  refuse  pas  la  lumière 
à  ceux  qui  la  cherchent  de  bonne  foi.  I.t-s 
saints  de  l'ancien  Testament  croyaient  au 
Messie  qui  devait  venir,  et  nous  croyons 
au  Rlessie  qui  est  venu.  Cette  seconde  apo- 
logie n'eut  pas ,  à  beaucoup  près ,  le  succès 
de  la  première.  Marc-Aurèle  avait  un 
faible  étonnant  pour  les  philosophes  (ie 
sa  religion,  hypocrites  habiles  qui  abu- 
saient de  sa  confiance  pour  assouvir  leurs 
passions  particulières.  Crescent  le  Cyni- 
que était  le  plus  irrité  contre  Juslin. 
Ils  avaient  eu  ensemble  une  conférence , 
où  l'orgueil  du  cynique  n'eut  pas  lieu 
d'être  satisfait.  Le  saint  docteur  en  sentit 
d'abord  les  conséquences,  puisqu'il  an- 
nonça que  Crescent  lui  procurerait  la  mort. 
Il  fut  martyrisé  à  Rome  l'an  165 ,  selon  le 
Père  Labbe  ;  l'an  167  ou  168  ,  selon  Tille- 
mont  ,  peu  de  temps  après  saint  Poly- 
carpe.  On  peut  regarder  saint  Justin 
comme  le  premier  ou  le  plus  ancien  des 
pères  de  l'Eglise,  après  les  disciples  du 
Sauveur  et  des  apôtres.  Eusèbe  dit  qu'en- 
tre les  grands  hommes  qui  éclairaient  le 
second  siècle  de  l'Eglise,  le  nom  de 
Justin  les  surpassait  tous  par  son  éclat. 
Quoiqu'il  eût  donné  beaucoup  de  lempa 


JUS  8ft 

à  la  philosophie  profane ,  il  parle  de  nos 
luyslcres  avec  une  exaclilude  remarqua- 
Me  enlre  les  auteurs  de  celte  première 
antiquité,  ei  il  entend  bien  les  Ecritures. 
0  Ce  pieux  et  solide  écrivain,  dit  un  cri- 
»  tique  moderne  ,  néglige  assez  habituel- 

>  lement  les  ornemens  et  l'élégance  de  la 
»  diction;  mais  il  ravit  ses  lecteurs  par 
»  l'éclat  de  la  lumière ,  avec  lequel  il  leur 
»  présente  la  vérité.  Ainsi ,  quoique  ex- 
»  trèmement  persuasifs  ,  pleins  de  force 
»  et  d'instruction,  ses  discours  sont  bien 
»  plus  marqués  au  coin  du  philosophe 
"  qu'à  celui  de  l'orateur.  Il  parait  avoir 
»  eu  peur  de  corrompre  la  beauté  simple 
»  et  naturelle  de  la  philosophie  par  des 
»  couleurs  empruntées  de  la  rhétorique. 
»  Son  caractère  propre  est  une  science 
»  profonde  des  matières  philosophiques  , 
«  avec  une  vaste  érudition  et  une  ample 
»  connaissance  de  toutes  sortes  d'histoires. 
«Comme,  depuis  son  baptême  surtout, 
»  il  avait  beaucoup  plus  étudié  les  maxi- 
»  mes  des  prophètes  ,  suivant  l'expression 
ji  de  saint  Basile  ,  que  les  préceptes  d'Iso- 
»  crate  ou  de  Démosthènes ,  il  se  rencon- 
»  Ire  souvent  dans  son  style  un  certain 
»  genre  de  digressions ,  et  des  endroits 
»  rompus ,  qui  demandent  une  grande 
»  application  pour  être  bien  saisis.  »  Il 
rendit  compte  de  son  changement  de 
religion  par  un  petit  discours  qui  com- 
mence ainsi  u  Ne  croyez,  pas,  Romains, 
»  que  ce  soit  sans  raisons  et  sans  examen 
B  que  j'ai  renoncé  à  vos  rites  et  à  votre 
»  culte.  Je  ne  l'ai  fait  que  parce  que  je 
»  n'y  ai  rien  trouvé  ni  de  saint,  ni  qui 
»  fût  digne  des  regards  de  la  Divinité.  » 
Et  tout  de  suite  il  fait  voir,  avec  une  ra- 
pidité et  une  précision  admirables ,  que 
les  dieux  qu'ils  adoraient  s'étaient  livrés 
aux  plus  infâmes  passions  :  que  dans  leurs 
fêtes,  leurs  assemblées  ,  leurs  festins  ,  on 
s'abandonnait  à  des  excès  qui  déshono- 
raient la  raison  et  outrageaient  la  nature. 
A  tout  cela  il  oppose  la  sainteté  et  la  pu- 
reté des  rites  et  des  mœurs  des  chrétiens. 
■  Notre  maître,  dit-il,  ne  daigne  pas  re- 
»  garder  la  beauté  du  corps  ni  les  riches- 

*  ses  de  la  parure  ;  il  ne  fait  attention  qu'à 
«la  beauté,   c'est-à-dire  à  la  sainteté  de 

*  l'àme.  Venez  vous  instruire ,  ô  Romains, 

*  j'ai  été  aulrefois  comme  vous,  soyez 
»  aujourd'hui  comme  moi.  C'est  la  force 
»  et  l'énergie  delà  religion  chrétienne  qui 
»  m'a  éclairé ,  qui  a  délivré  mon  âme  de  la 
•>  servitude  des  sens  et  des  passions  ,  qui 
»  y  a  fait  régner  la  tranquillité  et  la  séré- 

>  nilé.  L'àmc  ainsi  délivrée  est  sûre  d'al- 


JUS 

»  1er  se  réunir  à  celui  qui  l'a  créée ,  parce 
»  qpi'il  est  juste  qu'elle  retourne  à  celui 
»  des  mains  duquel  elle  est  sortie.  »  Outre 
ces  deux  Apologies,  il  nous  reste  de  lui  : 
I  un  Dialogue  avec  le  Juif  Tryphon  ; 
I  deux  Traités  adressés  au  gentils;]  un 
Traité  de  la  monarchie  ^  ou  de  l'unité  de 
Dieu;  \  son  Traité  à  Diognète  sur  les 
raisons  qu'ont  eues  les  chrétiens ,  et  d'a- 
bandonner le  culte  des  dieux,  et  de  ne 
point  s'attacher  à  la  religion  des  Juifs. 
On  lui  attribue  encore  d'autres  ouvrages. 
Les  meilleures  éditions  de  saint  Justin  sont 
celles  de  Robert  Etienne  en  1551  et  1571  , 
en  grec  et  en  latin  ;  celle  de  Commelin  , 
1593 ,  en  grec  et  en  latin  ;  celle  de  Morel , 
en  1656 ,  et  enfin  celle  de  dom  Marand , 
en  174.2 ,  in-fol.  L'authenticité  des  autres 
ouvrages  qui  portent  le  nom  de  saint  Jus- 
tin est  justement  suspecte  ,  même  celle  de 
la  Lettre  à  Dï0^nèf(?  (  qu'on  trouve  parmi 
ses  OEuvres  )  ,  qui  n'en  est  ni  moins 
belle  ,  lii  moins  utile  à  la  religion ,  et  qui 
parait  encore  antérieure  aux  écrits  de  ce 
saint  docteur.  M.  Guillon  a  donné ,  dans  sa 
Bibliothèque  choisie  des  Pères  de  l'église 
grecque  et  latine^  la  plupart  des  principaux 
ouvrages  de  ce  saint  docteur.  Nous  avons 
une  traduction  française  de  la  première 
apologie  et  un  abrégé  de  la  seconde ,  dans 
la  suite  des  anciens  apologistes  de  la  reli- 
gion chrétienne ^  traduits  ou  analysés  par 
l'abbé  de  Gourcy,  Paris,  1785 ,  2  vol.  in-S". 
JUSTIN  1",  r^ncien ,  empereur  d'O- 
rient ,  naquit  en  450  à  Bédariane ,  dans 
les  campagnes  de  la  Thrace.  Son  père 
était  un  pauvre  laboureur.  Le  fils,  man- 
quant de  pain  ,  s'enrôla  dans  la  milice  ; 
et  quoiqu'il  ne  sût  ni  lire  ni  écrire ,  il  par- 
vint de  grade  en  grade  ,  par  sa  valeur  et 
par  sa  prudence ,  jusqu'au  trône  impérial. 
Justin  parut  digne  de  la  couronne.  L'em- 
pereur Anastase,  prédécesseur  de  Justin, 
et  haï  pour  ses  vices ,  avait  trois  neveux 
qui  ne  pouvaient  prétendre  au  trône.  En 
même  temps,  l'eunuque  Amantus,  grand 
chambellan  ,  voulant  y  placer  une  de  ses 
créatures  ,  se  confia  à  Justin  et  lui  donna , 
pour  faire  réussir  son  projet,  une  grosse 
somme  dont  celui-ci  se  servit  pour  se 
faite  des  partisans  qui  le  portèrent  au 
trône  l'an  518.  Il  avait  alors  68  ans.  Peu  de 
temps  après ,  Amantus  fut  décapité.  Le 
premier  soin  du  nouvel  empereur  fut 
d'examiner  les  lois.  Il  confirma  celles 
qui  lui  parurent  justes ,  annula  les  au- 
tres, accorda  au  peuple  plusieurs  immu- 
nilés,  retrancha  beaucoup  d'impôts,  fil 
des  heureux,  et  sut  l'être.  Cependant  on 


JUS 


82 


JUS 


reproche  à  sa  mémoire  d'avoir  fait  assas- 
siner Vitellien,  prince  golh,  qui  s'était  ac- 
quis l'amour  du  peuple  romain.  L'inva- 
sion des  Perses  dans  l'Ibérie  el  la  Lazique 
cl  les  factions  dites  des  verts  et  des  bleus 
troublèrent  son  règne.  Il  se  déclara  pour 
le  concile  de  Chalcédoine,  rappela  tous 
ceux  qui  avaient  été  exilés  pour  la  foi, 
demanda  un  Formulaire  au  pape  Hor- 
misdas ,  et  le  lit  signer  dans  un  concile 
tenu  à  Constant inoplc  ;  mais  le  zèle  de  cet 
empereur  devint  funeste  à  l'Eglise,  dans  le 
temps  même  qu'il  voulait  la  faire  triom- 
pher; car,  en  poursuivant  les  ariens 
avec  trop  de  chaleur  pour  réprimer  leur 
audace ,  il  aigrit  ïhcodoric ,  roi  des  Ostro- 
goths,  contre  les  catholiques  d'Occident, 
qui  essuyèrent  une  persécution  cruelle. 
Il  mourut  en  527 ,  à  77  ans  ,  après  avoir 
nommé  Juslinien  ,  fils  de  sa  sœur,  pour 
lui  succéder.  L'année  précédente ,  sa 
vieillesse  avait  été  affligée  par  un  horrible 
tremblement  de  terre ,  qui  engloutit  pres- 
que toute  la  ville  d'Antloche.  Cette  cala- 
mité fut  si  sensible  à  l'empereur  ,  qu'il  se 
revêtit  d'un  sac  par  esprit  de  pénitence, 
et  s'enferma  dans  son  palais ,  pour  ne 
s'occuper  qu'à  gémir,  et  à  fléchir  celui 
qui  élève  et  fait  crouler  les  villes  et  les 
empires. 

JUSTIIV  M,  le  Jeune ^  nevea  et  suc- 
cesseur de  Justinien  en  565,  était  fils  de 
Vigilantia,  sœur  de  cet  empereur.  La  2' 
année  de  son  règne  fut  marquée  par  un 
forfait.  Il  fit  étrangler  Justin,  son  parent, 
petit -neveu  du  dernier  empereur,  et 
qui  pouvait  avoir  quelque  droit  à  l'em- 
pire. Il  eut  la  basse  cniaulé  de  se  faire 
apporter  sa  tête  et  de  la  fouler  aux  pieds. 
Incapable  de  porter  le  sceptre,  esprit 
faible,  caractère  voluptueux  ,  làcJie  el 
cruel ,  prince  sans  politique  et  sans  valeur, 
il  se  laissa  gouverner  par  Sophie  son 
épouse.  Cette  princesse  ayant  raillé  sans 
nénagement  l'eunuque  Narsès  ,  gouver- 
neur en  Italie ,  celui-ci  appela  les  Lom- 
bards (peuple  de  la  Germanie) ,  qui  dès 
lors  commencèrent  à  y  régner.  Les  Perses, 
d'un  autre  côté,  ravagèrent  l'Asie,  et 
Justin  n'opposa  à  leurs  conquêtes  que  de 
vaines  bravades.  Il  mourut  en  578  ,  après 
avoir  régné  près  de  13  ans.  Il  était  sujet 
depuis  k  ans  à  des  accès  de  frénésie  qui 
ne  lui  laissaient  que  peu  d'intervalle  de 
raison.  Il  choisit  pour  son  successeur  Ti- 
bère Constantin ,  son  gendre ,  qu'il  adopta. 
En  le  revêtant  des  marques  de  sa  dignité , 
il  lui  donna  les  meilleurs  conseils ,  et  il 
termina  son  discours    par  ces  paroles  ; 


«  L'éclat  ^u  diadème  m'a  ébloui....  Puisse 
I)  le  Dieu  du  ciel  et  de  la  terre  inspirer  à 
»  votre  cœur  tout  ce  que  j'ai  négligé  ou 
»  oublié!  »  Il  passa  les  quatre  dernières 
années  de  sa  vie  dans  une  obscurité  pai- 
sible. 

JUSTIK,  historien  latin  du  2'  siècle, 
selon  l'opinion  la  plus  probable  ,  abrégea 
la  grande  Histoire  de  Trogue-Pompée , 
et  par  cet  abrégé  fit  perdre,  dit-on,  l'o- 
riginal. Son  ouvrage  ,  instructif  et  curieux 
est  écrit  avec  agrément,  el  même  avec 
pureté ,  à  quelques  mots  près ,  qui  se  res- 
sentent de  la  décadence  de  la  langue  la 
tinc.  On  lui  reproche  un  peu  de  mono- 
tonie, et  d'avoir  négligé  d'extraire  de 
Trogue  les  détails  érudils  que  celui-ci 
avait  publiés  sur  les  origines  et  les  anti- 
quités des  peuples.  Sa  narration  d'ail- 
leurs est  nette,  ses  réflexions  sages,  quoi- 
que communes,  ses  peintures  quelque- 
fois très  vives.  On  trouve  chez  lui  plu- 
sieurs morceaux  de  la  plus  grande  beauté, 
des  harangues  éloquentes,  mais  trop  de 
goût  pour  l'antithèse.  On  le  blâme  aussi 
de  rapporter  quelques  traits  minutieux  , 
et  quelques  faits  absurdes ,  mais  c'est  le 
défaut  d'un  grand  nombre  d'hisloiiens 
de  l'antiquité.  Certains  maîtres  hésitent  de 
le  mettre  dans  les  mains  des  pnfans,  tout 
estimable  qu'il  est ,  parce  que  ces  expres- 
sions ne  sont  pas  toujours  modestes.  Les 
meilleures  éditions  de  Justin  sont  celles 
de  Paris  en  1677  ,  in-h.°,  par  le  père  Can- 
tel ,  jésuite  ;  d'Oxford  en  1705,  in-S",  par 
ThoniEis  Hearne;  de  Leyde,  in-S";  de  Paris 
chez  Barbou  ,  1770 ,  in-12 ,  sur  plusieurs, 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  roi  de 
France.  Il  y  en  a  une  d'Elzévir,  1640,  ia- 
12;  la  première  est  de  1470,  in-fol.  M. 
l'abbé  Paul ,  qui  s'est  exercé  avec  suc- 
cès sur  Paterculus ,  a  publié,  en  1774, 
une  bonne  Traduction  de  Justin  en  2  vol. 
in-12  ,  qui  n'a  pas  fait  oublier  celle  de  M. 
de  la  Martinière ,  donnée  avec  des  remar- 
ques ,  Paris,  1694 ,  2  vol.  in-12.  La  traduc- 
tion de  l'abbé  Paul  a  été  réimprimée  en 
1817  :  cet  écrivain  entend  assez  bien  son 
auteur ,  mais  son  style  est  faible ,  dénué 
de  mouvement ,  sans  précision ,  et  quel- 
quefois d'vme  trop  grande  familiarité. 
Nous  citerons  encore  celle  de  MM,  J.  Pier- 
rot et  Boitard  ,  qui  fait  partie  de  la  Colles^ 
tien  in-8°  des  classiques  latins  avec  tra-- 
duction.  publiée  par  Panckoucke. 

JLSTII\iE  (Flavia  Justixa  Augcsta  ) , 
née  dans  la  Sicile,  de  Juste  ,  gouverneur 
de  la  Marche  d'Ancône,  fut  mariée  au 
tyran  Maguence,  niurt  en  oSo.  Sa  beauté 


JUS 


83 


JUS 


et  son  esprit  charmèrent  Valenlinien  l"  , 
qui  l'épousa  en  5G8.  Elle  fut  mère  de 
«Hiatre  enfans,  Valenlinien  II,  Jusla, 
Galla  etGrala.  Son  lils  fut  élevé  à  l'em- 
pire en  573  ,  quoiqu'il  n'eût  que  5  ans. 
L'empereur  Gratien  confirma  celte  élec- 
tion, et  après  la  mort  de  ce  prince,  elle 
eut  en  383  la  régence  des  états  de  son  fils, 
c'est-à-dire  dune  partie  de  l'empire  d'Oc- 
cident. Son  penchant  pour  ïan'anisme  la" 
rendit  l'ennemie  des  évéques  orthodoxes. 
Elle  se  préparait  à  chasser  saint  Ambroise 
de  Milan  ,  lorsque  le  tyran  Maxime  la 
chassa  elle-même  de  cette  Yille  en  387. 
Obligée  d'abandonner  l'Italie  ,  elle  se  re- 
tira à  Thessalonique ,  où  elle  mourut 
l'année  suivante,  dans  le  temps  que  Théo- 
dose son  gendre,  vainqueur  de  Maxime, 
allait  rétablir  Valenlinien  dans  l'empire 
d'Occident. 

JUSTIMANI  (  saint  Laurent  ) ,  né  à 
Wenise  en  1381 ,  premier  général  des  cha- 
noines de  Saint-Georges  in-Jlga^  en  1424  » 
donna  à  celte  congrégation  d'excellens 
règlemens.  Le  pape  Eugène  IV  le  nom- 
ma évéque  et  premier  patriarche  de  Ve- 
nise en  ik^i.  Saint  Laurent  Justiniani 
mourut  en  li53 ,  à  74  ans ,  après  avoir 
gouverné  son  diocèse  avec  sagesse.  On  a 
de  lui  plusieurs  Ouvrages  de  piétés  re- 
cueillis à  Brescia,  1506  ,  2  vol.  in-fol.,  et 
à  Venise ,  1755,  in-fol.  La  famille  des 
Justiniani  en  Italie  ,  qu'on  écrit  aussi ,  et 
même  plus  exactement,  Gnistiniani ^  a 
produit  un  grand  nombre  de  personnes 
illustres. 

JIISTINIAJM  (BERNiAnD),  neveu  du 
jirécédent ,  mort  en  1489 ,  à  81  ans ,  fut 
élevé  aux  charges  les  plus  importantes  de 
^'enise.  il  cultiva  les  lettres  avec  succès , 
et  laissa  divers  écrits.  Le  plus  considé- 
rable est  une  Histoire  de  Venise ,  depuis 
son  origine  jusqu'en  809 ,  in-fol. ,  Venise , 
1472  et  1304  ;  elle  est  en  italien.  Il  écrivit 
dans  la  même  langue  en  1473 ,  in-4°  ,  la 
f^ie  de  son  oncle  sahit  Laurent  :  c'est  un 
panégyrique. 

JUSTIiyjIANI  (Augustin),  évéque  de 
Nebbio  en  Corse ,  naquit  à  Gènes ,  en  1470, 
d'une  maison  illustre ,  se  fit  dominicain  à 
l'âris,  en  1488  ,  et  s'y  acquit  un  nom  par 
ion  habileté  dans  les  langues  orientales. 
Il  fut  nommé ,  en  1314,  évéque  de  Nebbio , 
par  le  pape  Léon  X.  H  assista  au  S*"  concile 
de  Latran ,  fit  fleurir  la  science  et  la  piété 
dans  son  diocèse ,  et  périt  dans  la  mer  en 
passant  de  Gènes  à  Nebbio ,  l'an  1336,  avec 
ie  vaisseau  qui  le  portait.  Son  principal 
ouvrage  est  un  Psautier  en  hébreu,  en 


grec  ,  en  arabe  et  en  chaldéen ,  avec  des 
versions  latines  et  de  courtes  notes ,  sans 
date  (Gènes,  1319) ,  in-fol.  C'est  le  pre- 
mier Psautier  qui  ait  paru  en  diverses 
langues.  L'auteur  le  fit  imprimer  à  ses  dé- 
pens. On  tira  2000  exemplaires  sur  du 
papier ,  et  30  sur  du  parchemin  ou  sur  du 
vélin ,  pour  les  princes.  Il  espérait  en 
retirer  une  somme  considérable  pour  le 
soulagement  des  pauvres  ;  mais  peu  de 
personnes  achetèrent  ce  livre,  quoique 
tous  les  savans  en  parlassent  avec  éloge. 
Le  titre  de  cet  ouvrage  estimable  est: 
Psalterium  hebrœum  ^  arabicum  et  chai- 
dœum ,  cum  tribus  latinis  interpretatio- 
nibus  et  glossis.  On  a  encore  de  lui  des 
Jlnnales  de  Gènes ,  en  italien  ;  ouvrage 
posthume ,  publié  in-fol. ,  en  1537.  Il  re- 
vit le  traité  de  Porchelli,  intitulé  :  Vic- 
toria adversus  inipios  Judœos .  qui  fut 
imprimé  à  Paris ,  in-fol. ,  en  1520  ,  sur 
papier  et  sur  vélin.  Cette  dernière  édi- 
tion est  recherchée  des  curieux  et  peu 
commune. 

JUSTINIANI  (  Benoit)  ,  né  à  Gènes  , 
l'an  1350,  se  fit  jésuite,  et  enseigna  la 
théologie  à  Toulouse ,  à  Messine  et  à 
Rome.  Clément  VIII  l'envoya  en  Pologne 
avec  le  cardinal  Cajetan,ran  1596,  en 
qualité  de  théologien  du  cardinal.  Il  mou- 
rut l'an  1622  ,  à  Rome  ,  dans  le  collège 
de  la  pénitencerie  ,  qu'il  avait  gouverné 
pendant  plus  de  20  ans.  On  a  de  lui  des 
Commentaires  sur  l'Ecriture  sainte,  5 
vol.  in-fol. 

JUSTÏIVIANI  (  Fabio  ) ,  né  à  Gènes,  en 
1568  ,  de  Léonard  Taranchelti ,  qui  fut 
adopté  dans  la  famille  de  Justiniani,  pour 
n'avoir  pas  voulu  tremper  dans  la  con- 
juration des  Fiesques,  mourut  en  1627.  Il 
entra  dans  la  congrégation  de  l'Oratoire 
de  Rome  ,  et  fut  en  1616,  nommé  évéque 
d'Ajaccio ,  où  il  est  enterré  dans  son  église 
cathédrale.  On  a  de  lui  :  |  Index  univer- 
salis  alphabeticus  ,  materias  in  omni  fa- 
cultate  pertractans,  casunique  scriptores 
et  locos  designans  ^  Rome  ,  1612 ,  in-fol.  ; 
I  Commentarius  de  sacra  scriptura  et  de 
sacris  interpretibus ^  Rome,  1614,  Paris, 
1618,  in-8"  ;  |  de  sacra  Concionatore  ^ 
Cologne ,  1619 ,  in-4°  ;  |  Tobias  explana- 
tus.  1620  ,  in-fol. 

JUSTIIVIAM  (  le  marquis  Vincent  ) , 
de  la  famille  illustre  de  Bernard  Jusii- 
niani ,  fit  graver  par  Bloemaërt,  Mcllan , 
et  autres  ,  sa  Galerie .  Rome,  1642,  2  vol. 
in-fol.  Il  en  a  été  tiré,  depuis  1730  ,  des 
épreuves  qui  sont  bien  inférieures  aux 
anciennes. 


JUS 


84 


JLS 


jrSTlMANI  (l'abbé  Beunard),  de 
tu  famille  du  précédent ,  donna ,  en  ita- 
lien, V  Origine  des  ordres  militaires  j,  Ve- 
nise ,  1C92 ,  2  vol.  in-fol.  On  en  a  extrait 
l'Histoire  des  ordres  militaires  ,  Amster- 
dam ,  1721  ,  4  vol.  in-S",  à  laquelle  se 
joint  l'Hisloire  des  ordres  religieux ,  Ams- 
terdam, 1716,  k  vol.  in-S". 

JUSTINIE\  I",  neveu  de  Justin  l'An- 
cien ,  naquit  à  Tauresium ,  petit  village 
de  la  Dardanie,  le  11  mai 485,  d'une  famille 
obscure.  L'élévation  de  son  oncle  pro- 
duisit la  sienne.  Il  lui  succéda  en  527. 
L'empire  grec ,  faible  reste  de  la  puis- 
sance romaine ,  ne  faisait  que  languir. 
Justinien  le  soutint ,  en  étendit  les  bor- 
nes ,  et  lui  rendit  quelque  chose  de  son 
ancien  éclat.  Il  mit  à  la  tête  de  ses  troupes 
le  vaillant  Bélisaire  (  voyez  son  article  ) , 
qui  releva  le  courage  des  légions,  et  fit 
rendre  aux  Barbares  ce  qu'ils  avaient  en- 
levé aux  Romains.  Les  Perses  furent 
vaincus  en  528 ,  542  et  543 ,  les  Vandales 
exterminés  ,  leur  roi  Gilimer  fait  prison- 
nier, l'Afrique  reconquise,  les  Goths 
subjugués  ,  les  Maures  réduits  et  les  dis- 
sensions intestines  étouffées.  Les  Bleus  et 
les  F'erts .  deux  factions  qui  avaient  pris 
naisssuice  dans  les  jeux  du  cirque  ,  entre 
les  conducteurs  des  chars  ,  et  qui  déchi- 
raient l'empire  depuis  plusieurs  années  , 
furent  réprimés.  Après  avoir  rétabli  la 
tranquillité  au  dedans  et  au  dehors,  il 
mit  de  l'ordre  dans  les  lois  ,  qui  étaient 
depuis  long-temps  dans  une  confusion 
extrême.  Il  chargea  dix  jurisconsultes  , 
choisis  parmi  les  plus  habiles  de  l'em- 
pire ,  de  faire  un  nouveau  Code  tiré  de 
ses  constitutions  ou  ordonnances  ,  et  de 
celles  de  ses  prédécesseurs.  Ce  code  fut 
divisé  en  douze  livres ,  et  les  matières 
séparées  les  unes  des  autres ,  sous  les  ti- 
tres qui  leur  étaient  propres.  Ce  Code 
à  été  traduit  en  français  par  Tissot  ,  Metz, 
1807-1810 , 4  vol.  in-4°.  Il  fut  suivi  en  553  : 
I  du  Digeste  ou  les  Pandectes  ;  recueil 
d'anciennes  décisions  répandues  dans  plus 
de  deux  mille  livres.  Il  fut  imprimé  à  Flo- 
rence ,  en  1553 ,  in-fol. ,  qui  se  partage 
en  2  ou  3  vol.  Il  faut  qu'il  y  ait  à  la  lin  8 
feuillets  non  chiffrés ,  cotés  eeee.  On  a 
encore  l'édition  que  M.  Pothier  en  a  don- 
née à  Paris ,  1748  ,  3  vol.  in-foi. ,  qui  est 
estimée  :  elle  a  été  réimprimée  en  1782  et 
1818.  Le  Digeste  a  été  traduit  eu  français 
par  Hullot  et  Berthelot ,  Metz ,  1803-1805, 
7  vol.  in-4° ,  ou  35  vol.  in-12.  |  Des  Jn- 
stitutes,  qui  comprennent  en  4  livres, 
d'une  manière  claire  et  précise ,  le  germe 


de  toutes  les  lois ,  et  les  élémens  de  la 
jurisprudence.  Cet  ouvrage  a  clé  traduit 
en  français  par  HuUol,  Mot?,,  1807,  in-4", 
ou  5  vol.  in-12  :  il  en  existe  aussi  une  tra- 
duction par  Perrière  ,  Paris  ,  1770,  7  vol. 
in-12  ;  |  du  Code  des  Novelles ,  dans  lequel 
on  recueillit  les  lois  faites  depuis  la  publi- 
cation de  ces  différentes  coUerlions  :  les 
Novelles  ont  été  traduites  en  français  par 
Bérenger  fils,  1810-1811,  2  vol.  in-4» ,  ou 
10  vol.  in-12.  Les  Pandectes  ont  été  tra- 
duites parBréard  de  Neuville,  et  publiées 
sons  ce  titre  :  les  Pandectes  de  Justinien 
mises  dans  un  nouvel  ordre  avec  les  lois 
du  Code  et  les  Novelles  qui  confirment, 
expliquent  ou  abrègent  celles  des  Pan- 
dectes, parR.-J.  Pothier,  et  la  traduction 
en  regard  du  texte,  par  Bréard  de  Neu- 
ville, Paris,  1818-1824,  24  vol.  in-8°.  Il 
faut  joindre  à  cet  ouvrage  la  Table  analy- 
tique et  raisonnée  des  Pandectes,  par  Mo- 
rcau  de  Montalin,  Paris,  1825,  2  vol.  in-S".*- 
Les  meilleures  éditions  de  ces  ouvrages , 
réunis  sous  le  titre  de  Corpus  juris  civilis 
sont  :  I  celle  dElzévir  ,  1664  ,  2  vol.  in-S". 
plus  belle  que  la  réimpression  de  1681  ; 
I  celle  avec  les  grandes  gloses  et  \ Index 
de  Daoyz ,  Lyon  ,  1627  ,  6  vol.  in-folio  ; 
I  celle  avec  les  notes  de  Godefroy ,  Paris, 
Vitré,  1628,  2  vol.  in-fol.  ;  |  Amsterdam, 
chez  Elzévir,  1663  ,  2  vol.  in-fol.  Si  l'on 
veut  plus  de  détails  sur  les  diverses  par- 
ties qui  composent  le  corps  du  droit  ro- 
main, on  peut  consulter  le  3Ianuel  de 
Jacques  Godefroy;  V  Histoire  de  la  Juris- 
prudence romaine  par  Terrasson ,  et 
l'histoire  du  droit  romain  par  Berriat- 
Saint-Prix ,  Paris ,  1821 .  1  vol.  in-8°.  On 
trouve  dans  les  Lettres  sur  la  profession 
d'avocat  par  Camus ,  et  dans  le  Manuel 
du  libraire  de  Brunet,  l'indication  des 
nombreux  comrrienlateurs  de  Justinien. 
Ce  prince  attentif  à  tout ,  fortifia  les  pla- 
ces ,  embellit  les  villes  ,  en  bâtit  de  nou- 
velles ,  rétablit  la  paix  dans  l'Eglise.  Il 
bâtit  un  grand  nombre  de  basiliques ,  et 
surtout  il  reconstruisit  celle  de  Sainte- 
Sophie  ,  ou  de  la  Sagesse  divine  .  à  Con- 
stanlinople ,  qui  avait  été  brûlée  dans  une 
sédition,  et  qui  passe  pour  un  chef- 
d'œuvre  d'architecture.  Son  malheur  fut 
de  vieillir  sur  le  trône.  Sur  la  fin  de  ses 
jours  ,  ce  ne  fut  plus  le  même  homme.  Il 
devint  avare  .  méfiant ,  cruel  ;  il  accabla 
le  peuple  d'impôts,  employa  les  voies  les 
plus  iniques  pour  amasser  des  trésors 
destinés  à  satisfaire  ses  fantaisies  et  ses 
passions ,  ainsi  que  celles  do  l'impératrice 
Thcodora  et  d'Antonine ,  femme  de  Bé- 


JUS 


8H 


JUV 


lisaire  ;  îl  ajouta  foi  à  toutes  les  accusa- 
tions, voulut  être  juge  de  l'affaire  des  Trois 
Chapitres  >  persécuta  les  papes  A{ïapet , 
Silvère  et  Vigile.  Il  se  précipita  si  on  en 
croit  Evagre,  dans  l'erreur  des  Jphthartes 
ou  incorrujjtibles  ,  branclie  de  Veulychia- 
nisme;  persécuta  le  saint  patriarche  Euty- 
chius,  qui  tâchait  de  le  désabuser  de  cette 
erreur,  et  mourut  le  li  novembre  565, 
à  83  ans  ,  haï  ,  et  peu  regretté  même  de 
ses  courtisans.  Sa  femme  ïhéodora ,  qu'il 
avait  prise  sur  le  théâtre  ,  où  elle  s'était 
long-temps  prostituée  ,  et  qui  conserva 
sous  la  pourpre  tous  les  vices  d'une  cour- 
tisanne ,  le  gouverna  jusqu'à  sa  nunl. 
Cellarius  porte  un  jugement  plus  favora- 
ble de  Justinien,au  moins  quanta  sa 
religion  ;  il  nie  qu'il  ail  donné  dans  l'er- 
reur des  incorruptibles;  et  Danès,  dans 
sa  A^otio  temporum^  paraît  adopter  le 
sentiment  de  Cellarius.  11  a  paru  à  ce 
sujet  un  ouvrage  plein  de  recherches  ,  in- 
titulé :  Justiniaiius  imperalor  cathoUcus, 
par  André  Corvin,  Vienne,  1767.  Il  sem- 
ble que  dans  ces  sortes  de  contestations  , 
il  faut  toujours ,  quand  on  lo  peut ,  pren- 
dre  le  parti  Je  plus  favorable  aux  hommes 
célèbres,  le  plus  propre  à  affaiblir  le 
triomphe  de  l'erreur,  en  diminuant  le 
nombre  des  erraris.  Voyez  IJistoria  uni- 
versa  romani  imperii^  Wurtzbourg, 
1754  ,  tome  2,  i)ar  le  père  Daude  ,  jésuite. 
JUSTIMEN  II,  le  Jeune  ^  surnommé 
Rhinotmète,  ou  le  Nez-Coupé  ^  était  fils 
aine  de  Constantin  Pogonat.  Il  monta  sur 
le  trône  après  son  père,  en  686.  à  16  ans. 
Il  reprit  quelques  provinces  sur  les  Sar- 
rasins, et  conclut  avec  eux  une  paix  assez 
avantageuse.  Ses  exactions,  ses  cruautés 
et  ses  débauches  ternirent  lu  gloire  de 
ses  armes.  Il  ordonna  à  l'eunuque  Etienne, 
qu'il  avait  fait  gouverneur  de  Constaiiti- 
nople,  de  faire  massacrer  dans  une  seule 
nuit  tout  le  peuple  de  la  ville,  à  commen- 
cer par  le  patriarche.  Cet  ordre  barbare 
ayant  transpiré,  le  patrice  Léonce  souleva 
le  peuple  et  fît  détrôner  ce  nouveau  Né- 
ron. On  lui  coupa  le  nez,  et  on  l'envoya  en 
exil  dons  la  Chersonèse,  en  69o.  Léonce 
fut  aussitôt  déclaré  empereur;  mais  Ti- 
bère-Absimare  le  chassa  en  698.  Celui-ci 
régna  environ  sept  ans,  au  bout  desquels 
Trébellius,  roi  des  Bulgares ,  arma  une 
flotte,  en  705 ,  pour  le  reconduire  à  Con- 
slantinople.  Une  tempête  s'étant  élevée 
pendant  son  trajet,  un  de  ses  officiers  lui 
dit  :  «  Faites  vœu  que  si  vous  échappez 
au  péril,  et  si  vous  remontez  sur  le  trône 
impérial,  vous  pardonnerez  à  tous  vos 
7. 


ennemis.  »  «  Je  veux,  lui  repondit  Justi- 
nien ,  que  Dieu  me  fasse  périr,  si  le  par- 
donne .i  un  seul.  »  Il  tint  parole.  Léonce 
et  Til  ère-Al)simare  furent  ]junis  de  mort. 
Justinicn  II  continua  d'exercer  ses  cjxian- 
lés ,  et  régna  en^ore  six  ans  depuis  son 
rétablissement.  Philippe  Bardane,  pro- 
clamé empereur  par  les  Chazares,  se 
rendit  maître  de  Conslaulinople.  et  en- 
voya le  général  Elie  pour  le  combattre. 
Eliele  joignit  dans  les  jjlaines  de  Dama- 
tris ,  et  après  avoir  déterminé  ses  soldat» 
à  l'abandonner,  il  lui  lit  couper  la  tète, 
qu'il  envoya  à  Constanlinople ,  pour  y 
être  exposée  ,  l'an  711.  En  lui  fut  éteinte 
la  famille  d'HéracIius.  Jusliiiien  fut  le 
fléau  de  ses  sujets  et  l'horreur  du  genre 
humain.  Le  peuple,  sous  son  règne,  fut 
accablé  d'impôts,  et  livré  à  des  minisire» 
avares  et  lâches,  qui  ne  sonj^eaicnt  qu'à 
ïîjvontcr  des  calomnies  contre  les  parti- 
culiers, pour  les  faire  périr  et  cnvaliir 
leur  patrimoine. 
Jl'STlMEN  de  TOURS.  /^'oy.FEBUKE 

(MlCUEI.)- 

JUVÉïNAL   (DÉciMcs  ou    Décius-Ju- 

Nius),  poète  latin,  d'Aquinum ,  aujour- 
d'hui Aquino  dans  l'Abruzze,  passa  à 
Rome,  où  il  commença  par  faire  des  dé- 
clamations, et  finit  par  composer  des  sa- 
tires. 11  s'éleva  contre  la  passion  de  Néron 
pour  les  spectacles ,  et  surtout  contre  un 
acteur  nomméPa/Ys, bouffon  et  favori  de 
cet  empereur.  Le  déclamateur  satirique 
resta  impuni  sous  le  règne  de  Néron,  mais 
sous  celui  de  Domitien  ,  Paris  eut  le  cré- 
dit de  le  faire  exiler.  11  fut  envoyé,  ù 
l'âge  de  80  ans,  dans  la  Pentapole,  sur  le» 
frontières  d'Egypte  et  de  Libye.  On  pré- 
texta qu'on  y  avait  besoin  de  lui  pour 
commander  la  cavalerie.  Le  poète  guer- 
rier eut  beaucoup  à  souffrir  de  l'emploi 
dont  on  l'avait  revêtu  par  dérision  :  mais, 
quoique  octogénaire,  il  survécut  à  son 
persécuteur.  Il  revint  à  Rome  après  sa 
mort .  et  il  y  vivait  encore  sous  Nerva  et 
sous  Trajan.  Il  mourut,  à  ce  qu'on  croit , 
l'an  128  de  J.-C.  Nous  avons  de  lui  seize 
Satires^  qui  ne  furent  connues  que  sous 
Adrien.  Son  style  est  fort,  âpre,  véhé- 
ment ;  mais  il  manque  souvent  d'élégance, 
de  pureté ,  et  surtout  de  décence.  Il  y  a 
cependantd'cxcellcrites  maximes  morales^ 
des  réflexions  justes  et  piquantes.  Quel- 
ques savans  l'ont  mis  à  côté  d  Horace, 
mais  c'est  sans  doute  le  mettre  trop  haut. 
Ces  Satires  forment  avec  les  annales  de 
Tacite ,  le  tableau  le  plus  vrai ,  le  plus 
profondément  tracé  des  mœurs  publiques 


JUV 

et  privées  de  celle  époque  de  corruption. 
Elles  oui  fu  un  grand  nombre  d'éditions 
'  depuis  1a  1'*  qui  a  été  faite  en  i/i70.  Parmi 
les  plus  récentes,  on  distingue  celles  de 
G.-Alex.  Ruperti,  Leipsick ,  1801  ,  2  vol. 
in-8°  ;  de  Firmin  Didot',  avec  les  Com- 
mentaires  nouveaux  de  N.-L.  Achainire, 
Paris,  1810,  2  vol.  in-8"  ;  enfin  celle  de 
M.  Leu'aire  dans  sa  Collection  des  classi- 
ques latins.  On  estime  la  traduction  de 
ce  poète  par  le  père  Tarîeron,  et  celle 
qu'en  a  publiée  Dussaulx  ,  Paris  ,  1782 
in-8",  réimprimée  en  1803,  2  vol.  in-8°, 
et  i806,  2  vol.  in-12;  cette  même  traduc- 
tion a  reparu,  en  1821,  revue  par  Achain- 
tre,  puis  par  M.  J.  Pierrot  en  182G,  2  vol. 
in-8°,  dans  la  Collection  des  classiques  la- 
tins de  Panckoucke ,  M.  Baillot  en  a  pu- 
blié une  autre,  Paris,  1825,  in-8°.  Les  Sa- 
tires de  Juvénal  ont  été  traduites  en  vers 
français  par  L.-V.  Raoul,  Meaux,  1811, 
i815,  Tournay,  1818,  2  vol.  in-S",  et  Bru- 
ges 1826.  in-8";  par  le  baron  Méchin,  Paris, 
-•817,  2  parlies  in-8";  et  en  1825,  par 
M.  Vicl.  Fabre  de  Karbonne,  Paris,  1825, 
3  vol.  in-8". 

JIJVEACUS  (  Caius  Veccius  Aquili- 
Kus),  l'un  des  premiers  poètes  chrétiens, 
naquit  en  Espagne,  d'une  fanùUe  illustre. 
11  mit  en  vers  latins  la  Vie  de  Jésus- 
Christ,  en  h.  livres,  vers  529.  Ce  poème  est 


86  JUV 

cslimablc,  moins  par  la  beauté  des  vers 
et  la  pureté  du  latin,  que  par  l'exactitude 
scrupuleuse  avec  laquelle  l'auteur  a  suivi 
le  texte  des  évangélistes.  On  le  trouve 
dans  la  Bibliothèque  des  Pères ,  et  dans 
le  Corpus  poelarum  de  Maitlaire.  Saint 
Jérôme  en  cite  avec  éloge  ce  vers  sur 
l'adorat'on  des  mages  : 

Thus,   anrtiin  ,  myrrhatn,    Ilcgique ,  Honiin!<iue, 

Dcuque, 
Doua  fcniot. 

JL' VEÎVEL  des  URSINS.  Voy.  URSINS. 

JUVEIVEL  ou  JOUVENEL  ou  JUVÉ- 
NAL, de  CARLENCAS  (  Félix  de),  naquit 
à  Pézenas  ,  au  mois  de  septembre,  en 
1679.  Après  avoir  fait  ses  études  chez  les 
Pères  de  l'Oratoire  de  sa  ville  ,  il  fit  un 
voyage  à  Paris,  où  il  demeura  une  année  ; 
il  revint  chez  lui,  et  s'y  maria.  II  écrivit, 
pour  l'instruction  de  son  fils,  les  Prin- 
cipes de  l'Iiistoire.  C'est  un  vol.  in-12, 
publié  à  Paris  ,  en  1755.  Carlencas  fil  en- 
suite ses  lissais  sur  l'histoire  des  sciences^ 
des  belleS'lellres  et  des  arts  ,•  il  y  en  a  eu 
quatre  éditions  à  Lyon  ,  dont  la  dernière 
en  17t)7,  4  vol.  in-8".  Cet  ouvrage,  catalo- 
gue assez  imparfait  des  richesses  littérai- 
res des  différens  siècles,  a  eu  beaucoup  de 
succès.  Il  a  été  traduit  en  allemand  et  c;i 
anglais.  L'auteur  mourut  à  Pézena.v,le  ii 
avril  1760,  âgé  de  80  ans. 


KAE 


KAE 


KaAB.  Voyez  CAAB. 

RABEL.  Voyez  VANDER-KABEL. 

KAEMPEEK  ,  ou  CAEMPFER  (  Esigkl- 
beut),  médecin  et  voyageur  célèbre  ,  né 
en  1651  à  Leingow,  en  Westphalie,  d'un 
ministre,  passa  en  Suède,  après  s'être 
adonné  pendant  quelques  années  à  l'élude 
de  la  niédecine,  de  la  physique  et  de  l'his- 
toire naturelle.  On  le  sollicita  vivement 
de  s'arrêter  dans  ce  royaume;  mais  sa 
passion  extrême  pour  les  voyages  lui  fil 
préférer  à  tous  les  emplois  qu'on  lui  of- 
frit la  place  de  secrétaire  d'ambassade,  à 
la  suite  de  Fabrice ,  que  la  cour  de  Suède 
envoyait  au  roi  de  Perse.  Il  partit  de  Stock- 
holm en  1685,  s'arrêta  2  mois  à  Moscou, 
et  passa  2  ans  à  Ispahan,  capitale  de  la 
Perse.  Fabrice  voulut  l'engager  à  revenir 
avec  lui  en  Europe;  mais  son  goût  pour 
les  voyages  augmentant  les  connaissances 
qu'il  acquérait ,  il  se  mit  sur  la  flotte  de 
Ja  compagnie  hollandaise  des  Indes  orien- 


tales, en  qualité  de  chirurgien  en  chef, 
Kaempfer  fut  à  portée  de  satisfaire  sa  cu- 
riosité; il  poussa  ses  courses  jusqu'au 
royaume  de  Slain  et  au  Japon.  De  retour 
en  Europe  en  1695,  il  se  fit  recevoir  doc- 
teur de  la  faculté  de  Leyde,  et  revint  dans 
sa  patrie.  La  composition  de  divers  ou- 
vrages, la  pratique  de  la  médecine,  et 
l'emploi  particulier  de  médecin  du  comte 
de  Lippe,  son  souverain,  l'occupèrent 
jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  1716.  Parmi 
les  ouvrages  de  cet  observateur,  on  dis- 
tingue ;  I  Jmœnitalum  exoticarum  poli- 
tico-physico-medicarum  fascicidi  ginn- 
que.,  etc. ,  Lemgow  ,  1712,  in-i",  avec  un 
grand  nombre  de  figures.  Cet  ouvrage 
qui  est  rare  et  recherché ,  entre  dans 
un  détail  curieux  et  satisfaisant  sur  l'his- 
toire civile  et  naturelle  de  la  Perse  et  des 
autres  pays  orientaux.  |  Ilerbarium  ultra- 
Gungeticum;  \  Histoire  naturelle .  ecclé- 
siaUique  cl  civile  de  l'empire  du  Japon» 


KAE 


87 


KAE 


eu  allernantl  ;  lrad.iile  en  anglais  jiar  les 
soins  de  Scheuch/.cr  ;  et  en  français  sur 
cette  version  ,  jiar  Ucsmaizeaux ,  la  Haye, 
1729,  en  2  vol.  in-foi. ,  avec  quantité  de 
ligures,  cl  1751,  en  3  vol.  in-I2,  avec  les 
cartes  seulement.  Celte  histoire  n'est 
qu'un  amas  de  niatoriaux  informes,  sans 
suite  et  souvent  sans  ordre  ;  l'auteur  était 
bien  éloigné  de  donner  à  ses  Journaux  et 
ï  ses  Mémoires  le  litre  important  sous  le- 
quel on  les  a  imj)riniés  après  sa  mort  ;  il 
ies  a  remplis  des  iiréjugés  de  sa  secte ,  et 
l'histoire  sous  sa  plume  prend  souvent  la 
forme  dune  satire  contre  les  catholiques. 
11  ne  rougit  pas  de  calomnier  d'une  ma- 
nière atroce  l'église  naissante  du  Japon  , 
qui  a  reproduit  avec  le  courage  des  mar- 
tyrs toutes  les  vertus  des  premiers  chré- 
tiens. Le  P.Charlevoix  a  mis  au  jour  une 
inlinilé  de  ses  erreurs,  conlradictions  et 
assenions,  qui  ne  peuvent  être  sans  mau- 
vaise foi  :  il  prouve  son  ignorance  dans 
l'histoire,  comme  la  petitesse  de  ses  vues 
en  politique;  j  Le  liecueil  de  tous  ses  au- 
tres Voyages ,  Londres ,  1756  ,  en  2  vol. 
in-fol.,  avec  ligures.  On  y  trouve  des  des- 
criptions plus  exactes  que  toutes  celles  qui 
avaient  ])aru  avant  lui  de  la  cour  et  de 
lempire  de  Perse ,  et  de  quelques  autres 
contrées  orientales. 

'  RAESTMiR    (  ABHAHAM-GOTTnELF), 

professeur  de  malhématiques  à  l'univer- 
sité de  Gœttingue,  et  poète  satirique,  né  à 
Leipsick.  en  1719,  suivit  dès  l'âge  de  dix 
ans  les  cours  de  jurisprudence  de  son 
père,  professeur  de  droit  à  l'université  de 
cette  ville.  Il  étudia  surtout  lesniathéma- 
liques  sous  le  célèbre  Hausen.  Ce  maître 
habile  lui  lit  adopter  la  méthode  géomé- 
trique des  anciens,  à  laquelle  Kaestner 
s'est  nriontré  constamment  attaché.  En 
même  temps  il  forma  son  style  d'après 
les  principes  que  Goltsched  s'efforçait 
d'inspirer  à  ses  concitoyens,  en  leur  don- 
nant le  goût  de  la  bonne  littérature  :  en 
sorte  qu'il  apporta  dans  les  ouvrages 
scienlitiques  une  pureté  de  diction  jus- 
qu'alors inconnue.  Nommé  professeur  de 
malhémaliques  à  Gœttingue,  il  se  lit  une 
grande  réputation  par  la  netteté  et  la 
clarté  de  son  enseignement.  Kaeslners'ap- 
pliqua  encore  à  l'astronomie  et  fit  un 
grand  nombre  d'observations,  d'abord 
avecun  instrument  grossier  et  imparfait  : 
il  s'occupa  beaucoup  delà  comète  de  1742  ; 
mais  n'ayant  pas  cru  devoir  publier  les 
observations  faites  avec  un  tel  instru- 
ment ,  il  les  chanta  dans  une  Ode  qu'on 
trouve   dans  ses  Mélatigcs.  Muni  d'une 


lunellc  qui  grossissait  23  fois,  il  put  élti- 
dier  avec  quelque  succès  la  comète  de 
ilkh,  et,  lorsqu'il  fut  pourvu  d'inslru- 
mens  encore  meilleurs  ,  il  découvrit  sur 
le  soleil  les  taches  blanchâtres  que  Schroe- 
ler  de  Lilienlhala  observées  aussi  avec  des 
télescopes  do  la  plus  grande  perfection. 
Toutes  ses  études  astronomiques  étaient 
faites  de  concert  avec  l'opticien,  J.-Cbré- 
tien  Baumarm,  dont  il  épousa  la  sœur.  Il 
devint  directeur  de  l'observatoire  deGœt- 
tingue.  Kaestner  cultiva  aussi  avec  succès 
les  belles-lettres  et  il  a  laissé  un  grand  noin» 
bre  d'épigraninus estimées,  mais  qui  sou- 
vent ont  jeté  le  trouble  dans  ses  relations 
civiles  et  littéraires.  On  a  de  lui  différen- 
tes traductions,  entre  autres,  celle  des  il/<î- 
rnoires  de  l'académie  de  Suède  ;  celle  do 
Vy/rt  de  la  teinture,  par  Hellot;  celle  de 
l 'optique de  Smith.  c\.c.  Il  remporta  un  prix 
à  l'académie  de  Berlin,  pour  une  disserta- 
tion écrite  en  français,  sur  les  devoirs  qui 
résultent  de  la  conviction  que  les  événeiwns 
fortuits  dépendent  de  la  volonté  de  Dieu. 
Etant  parvenu  avec  Heyne  à  rapprocher 
les  membres  de  la  société  littéraire  de 
Goetlingue  désunis  depuis  quelque  temps, 
il  rédigea  les  Mémoires  At  zv^Ki'ù  sociélé 
pendant  l'espace  de  14  ans,  et  publia  47 
dissertations  iusirées  depuis  le  volume 
de  17or)  à  celui  de  17(36.  Dans  le  14*  vo- 
lume de  ces  Comment iiliones ,  il  publia 
son  Spécimen  unalyseos  gcomctricœ  cum 
algebraica  comparatœ.  11  fut  aussi  l'un 
des  rédacteurs  de  la  Gazette  littéraire  de 
Gœttingue.  dans  laquelle  il  donna  d'excel- 
lens  articles  de  mathématiques,  de  phy- 
sique ,  d'astronomie  ,  etc.  La  liste  de  ses 
ouvrages  occupe  douze  pages  dans  le  DiC' 
tionnaire  de  Meusel,  et  comprend  plus  de 
200  titres.  Nous  nous  bornerons  à  citer  : 
I  Prima  quœ  post  inventant  ttjpographiani 
prodiit  Euclidis  c<//?îo  ,  Leipsick  ,  1750, 
in-4"  ;  |  De  habitu  matheseos  et  physicœ 
ad  religionem  .  Leipsick,  1752  ;  |  Elémens 
de  mathématiques .  contenant  :  l'arith- 
métique ,  la  géométrie  plane  et  sphérique, 
la  trigonométrie  .  la  perspective ,  la  mé- 
cainque ,  t optique ,  l'astronomie ,  la  géo- 
graphie,  la  chronologie ,  la  gnomonique, 
l'analyse  des  grandeurs  finies ,  l'analyse 
des  infinis ,  la  mécanique  transcendante . 
l'hydrodijnamique ,  Gœttingue,  1758  et 
années  suivantes,  6'  édition  1800  |  iV'ou- 
velle  démonstration  de  l'immortalité  de 
l'âme,  ib.,  1767,  in-4"  ;  |  Notices  ou  Eloges 
de  Leihnitz .  Tohie-Mayer ,  Rœderer^ 
Erxlehen.  Meister .  Lichtenberg ,  etc. 
I  Histoire  des  mathématiques  depuis  la 


KAH 


8a 


KAL 


renaissance  des  sciences  jusqu'à  la  fin 
du  ib'  siècle,  Gcellingue,  1796-1800,  k  vol. 
in-8"  :  la  mort  de  l'aïUeiir  ne  lui  nennit 
pas  d'achever  ce  savant  ouvrage  ,  qui  va 
seulement  jusqu'au  milieu  du  17*  siècle. 
I  Mélanges^  Allenbourgf,  17oo,  in-8". 
Kaestner  mourut  le  20  juin  1800  :  il  avait 
lui-même  écrit  sawi>  que  Baldenger  a  in- 
sérée dans  ses  Biographies  des  médecins 
et  des  naturalistes  vivans  ^tome  i"  ;  elle 
se  trouve  aussi  dans  ï Histoire  de  l'uni- 
versité de  Gœttingue^  par  Pulter.  Heyne 
a  publié  dans  le  tome  15  du  Recueil  de 
l'académie  de  Gœllingue  l'éloge  de  Kaest- 
ner^ en  l'honneur  duquel  le  comte  Guil- 
laume \"  de  Schauemburg  et  Lippe  a  fait 
frapper  une  médaille  d'or  en  1770.  Ce  sa- 
vant professeur  avait  opéré  une  espèce 
de  révolution  dans  l'enseignement,  et  il 
concourut  puissanmient  à  répandre  en 
Allemagne  le  goût  des  sciences  mathé- 
matiques. A  l'époque  où  la  doctrine  de 
Kant  occupait  en  Allemagne  tous  les  es- 
prits, Kaeslner  persislail  à  ne  point  vou- 
loir l'étudier  :  je  possède,  disail-il  à  ceux 
qui  lui  reprochaient  celle  négligence  pour 
un  système  dont  la  terminologie  bizarre 
est  le  moindre  défaut ,  je  possède  douze 
langues  tant  anciennes  que  modernes  ; 
elles  me  suffisent  :  à  mon  âge  je  ne  veux 
pas  en  apprendre  une  treizième. 

KAFOUR-EL-ARIICUYDY,  noir  el  eu- 
nuque ,  parvint  de  l'esclavage  à  la  royauté. 
Ce  ne  fut  ni  par  la  force  des  armes  ni 
comme  usurpateur  qu'il  devir»t  roi  d'E- 
gypte et  de  Syrie ,  ce  ne  fut  que  par  son 
seul  mérite.  Il  avait  été  acheté  18  dinars 
par  Aboubekr-  Mohammed-Al-lkhchid, 
souverain  de  ce  royaume.  Il  fit  des  pro- 
grès si  rapides  dans  les  bonnes  grâces  de 
son  maître,  que  ce  dernier,  à  sa  morl 
arrivée  en  945 ,  lui  laissa  la  tutelle  de  ses 
deux  fils  et  la  régence  du  royamine,  pen- 
dant la  minorité  d'Aboul  -  Cacem-Auou- 
djour.  Kafour  remplit  ce  double  emploi 
avec  sagesse,  el  sa  conduite  prouva  tant 
de  grandeur  d'àme,  que  ses  pupilles  étanl 
morts,  il  fut  choisi  d'un  commun  accord 
pour  leur  succéder.  Son  règne  fut  sage  el 
paisible.  On  place  sa  mort  en  l'année  968. 
Elle  fut  le  signal  d'une  révolution  dans 
l'empire  musulman,  et  de  l'avénemenl 
des  kalifes  Fatimites  au  trône  d'Alexan- 
drie. 

KAHLER  (  WiGAND  ou  Je\!W  ),  théolo- 
gien luthérien ,  né  à  Wolmar,  dans  le 
landgraviatdeHessc-Cassel,  en  1649,  fut 
professeur  de  poésie ,  de  mathématiques 
et  de  Uiéologie  à  Rinteln  ,  et  membre  de 


la  société  de  Gœltingen.  Il  mourut  en  1729. 
On  a  de  lui  un  grand  nonibre  de  Disser^ 
tationes  juvéniles  sur  des  matières  de 
théologie  et  de  philosophie,  réunies  en 
2  vol.  in-12  ,  Rinteln,  1710  el  1711. 

KAIN.  royez  LEKAIN. 

KALDÏ  (  GEoncES  )  ,  né  à  Tyrnau  en 
Hongrie,  l'an  1570,  d'une  ancienne  famille, 
refusa  la  prévôté  de  Strigonie  pour  se 
faire  jésuite,  prêcha  avec  succès  à  Vienne, 
enseigna  la  théologie  à  Olmutz ,  et  fit  bâtir 
le  collège  de  Presbourg,  où  il  mourut  le 
20  octobre  1654,  universellement  regretté 
pour  ses  belles  qualités  et  ses  vertus. 
Pierre  Pa/mann,  cardinal  et  archevêque 
de  Strigonie  ,  fit  son  Eloge  funèbre.  On  a 
de  lui  :  |  la  Bible,  traduite  en  hongrois , 
Vienne  .  1622  ,  in-fol.  ;  |  des  Sermons  en 
hongrois,  Presbourg,  1651 ,  in-fol.,  el  plu- 
sieurs ouvrages  qui  sont  restés  manus- 
crits. P.  Pazmann  ,  cardinal  et  archevê- 
que de  Strigonie  a  fait  l'éloge  funèbre  de 
G.  Kaldi. 

*  KAEF  (Guillaume  ),  peintre  hollan- 
dais ,  né  à  Amsterdam  en  1630 ,  mort  des 
suites  d'une  chute,  en  1695,  fut  élève  de 
Henri  Pot.  Ses  sujets  ordinaires  étaient 
des  vases  qu'il  peignait  avec  la  plus  grande 
délicatesse  el  un  éclat  extraordinaire.  On 
trouve  beaucoup  de  ses  ouvrages  en  Hol- 
lande el  en  Flandre ,  mais  ils  sont  très 
rares  en  France  :  les  plus  connus  sont  un 
Melon  coupé  en  deux ,  le  Benedicite  hol- 
landais, la  Batteuse  de  Beurre  .  un  Inté- 
rieur de  cuisine  :  ce  dernier  tableau  est 
au  musée  du  Louvre. 

KALIL.  royez  PATRONA. 

*  R  VLK  \R  (  HExni  de) ,  chartreux  cé- 
lèbre, originaire  de  Calcar  dans  le  duché 
de  Clèves  ;  il  était  surnommé  /Eger ,  tK 
naquit  l'an  1528.  Etant  venu  en  France ,  il 
étudia  à  Paris,- où  il  reçut  le  bonnet  do 
docteur.  Dans  ces  siècles  d'ignorance,  on 
le  regardait  comme  un  prodige  de  savoir. 
Celle  réputation  lui  obtint  un  canonicat 
dans  l'église  de  St.-Georges  de  Cologne. 
Il  avait  déjà  trente-sept  ans  ,  quand  il  en- 
tradans  l'ordre  de.s  chartreux  ;  il  y  remplit 
les  principaux  emplois ,  el  fut  prieur  à 
Arnheirn  ,  recteur  à  Ruremonde  ,  prieur 
à  Cologne  el  à  Strasbourg.  Afin  d'établir 
une  sage  réforme  dans  les  couvens  de  son 
ordre,  il  parcourut,  en  qualité  de  visi- 
teur,  la  France,  l'Angleterre  et  mourut 
en  odeur  de  sainteté ,  l'an  1428  ,  âgé  de 
80  ans.  Il  laissa  plusieurs  ouvrages  manus- 
crits, dont  les  plus  connus  sont  les  suivans  : 
(  une  chronique,  de  ortu  ac  progressu 
ordtnis  carlusiensis.  On  lit,  à  la  fin  do 


l'ouvra[jc,ccs  mots  :  saipfum  anno  Doim- 
ni  1598,  circa  festum  B.  Joh.  Bapt.  L'au- 
teur suit  dans  ce  livre  la  tradition  de  la 
conversion  miraculeuse  de  saint  Bruno, 
et  telle  qu'on  la  trouve  (  dil-il  lui-même) 
dans  le  Spéculum  historiale  du  frère  Vin- 
rent de  Beauvais.  Celte  chronique  ,  écrite 
dans  la  chartreuse  de  Coloyne,  y  était  con- 
servée, et  on  la  conserve  dans  la  l)iblio- 
thèquc  de  Strasbourg,  dans  la  Collection 
des  lettres  de  Kalkar.  |  Chronica  priorum 
Cartusiœ  majo?'is  .  ayant  la  souscription  : 
C.ompilata  Jicec  suni  ah  Ilenrico  de  Kal- 
har,  subanJio  1598 ,  circa  festtivi  B.  Joan- 
m's  Baptistœ  ;  \  Epistolœ  rarce  ad  diversos. 
Ces  lettres  roulent  la  plupart  sur  des  sujets 
ascétiques ,  et  comprennent  les  années 
depuis  1570  jusqu'à  1407,  Pierre  Canisius 
fait  mention  de  Kalkar  dans  son  Marty- 
rologe allemand,  à  la  rubrique  du  20  dé- 
cembre. On  en  parle  aussi  dans  les  Mé- 
langes de  Bonaventure  d'Argonne.  Kalkar 
est  du  nombre  des  auteurs  à  qui  Ion  a 
attribué  Y  Imitation  de  J.-C. 

•RALRBRENM:R  (  Christiaim  )  ,  cé- 
lèbre compositeur  allemand ,  naquit  à 
Munden  ,  dans  la  liesse  ,  en  1755  d'une 
famille  juive  :  après  avoir  reçu  des  leçons 
(lu  célèbre  professeur  Bach,  et  avoir  été 
attache  de  bonne  lieure  à  la  cliapelle  de 
l'électeur .  il  passa  à  Berlin  en  1778 ,  et  fut 
successivement  maitre  de  la  chapelle  de 
la  reine  et  du  prince  Henri ,  frère  de  Fré- 
déric Il ,  qui  le  nomma  directeur  du 
théâtre  italien  de  celle  ville.  Il  composa 
])lusieurs  opéras  ,  entre  autres  la  Veuve  de 
Malabar .  Démocrite,  la  Femme  et  le  Se- 
cret. Il  publia  aussi  un  Traité  d'accompa- 
gnement. En  179G  il  quitta  Berlin  et  voyaga 
ensuite  en  Allemagne,  en  Italie,  en  France, 
se  fixa  à  Paris ,  et  fut  reçu  à  l'académie 
de  musique.  Il  donna  à  ce  théâtre  Olym- 
pie  qui  n'eut  pas  un  grand  succès,  OEnone 
qui  ne  fut  point  représentée  ,  Saiil.  Don 
Juari,  etc.  Il  mourut  le  10  août  1806.  Il 
a  laissé  d'autres  ouvrages,  tels  qu'un  Traité 
de  la  fugue  ei  du  contrepoint,  d'après  le 
système  de  Biclier ,  et  une  Histoire  de 
la  musique,  Paris,  1802,  2  vol.  in-8",  qui 
est  estimée  des  connaisseurs;  mais  il  n'a 
pu  lui  donner  toute  l'extension  dont  il  le 
jugeait  susceptible. 

*  KALKREtlTH  (  Adolphe-Frédéric  . 
comte  de  ) ,  feld-maréchal  prussien  ,  na- 
quit en  1756  :  pendant  la  guerre  de  sept 
ans ,  il  était  adjudant-général  du  prince 
Henri  de  Prusse,  aux  succès  duquel  il 
contribua  beaucoup  par  ses  avis.  En  1789 
il  fut  noinmc  commandaal  de  l'armée  do 


89  RAL 

Pologne,  n  s'oppo.«a  à  la  guerre  (pie  Ton 
voulait  faire  à  la  France  ;  et  lorsque  mal- 
gré lui  elle  eut  élé  décidée  ,  il  n'en  com- 
battit pas  moins  avec  distinction  dans  les 
campagnes  de  1792,  1793  et  1794.  Dan» 
celte  dernière  année  il  s'empara  de  la 
ville  de  Trêves  ;  il  en  résulta  d'assez  vive» 
discussions  entre  ce  général  et  les  offi- 
ciers autrichiens  qui  lui  reprochaient  de 
chercher  à  détruire  la  puissance  de  la 
maison  d'Autriche  :  mais  cette  accusation 
injuste  fui  repoussée  victorieusement  par 
un  mémoire  qu'il  publia  pour  exposer  et 
jusliiier  sa  conduite.  r<ommé  en  ISOii 
commandant  de  l'armée  x)russienne  ras- 
semblée en  Poniéranie.  il  devint  en  1806 
gouverneur  de  Thorn  et  de  Dantzick,  puis 
inspecteur-général  de  la  cavalerie  prus- 
sienne et  colonel  en  chef  des  dragons  de 
la  reine.  La  même  année  il  quitta  la  Po- 
méranie  pour  entrer  en  Saxe,  afin  da 
réunir  les  troupes  à  la  grande  armée  prus- 
sienne. Après  la  bataille  d'Iéna  il  com- 
mandait une  partie  delà  réserve;  il  sol- 
licita alors  vainement  auprès  de  Napoléon 
un  armistice  de  six  semaines  :  n'ayant  pii 
l'obtenir ,  il  se  retira  sur  Brunswick  et 
défendit  peu  de  temps  après  la  ville  de 
Dantzig  qui  fut  assiégée  par  le  maréchal 
Lefèvre.  Le  27  mai  1807  il  fut  obligé  de 
conclure  une  capitulation  par  laquelle  il 
obtint  que  la  garnison  ne  serait  point  pri- 
sonnière de  guerre.  Le  24  juin  suivant  il 
signa  aussi  pour  son  souverain  le  traité  de 
Tilsitt.  Le  comte  de  Kalkreuth  était  en  1810 
gouverneur  de  Perhn,  lorsqu'il  fut  envoyé 
par  le  roi  de  Prusse  à  Paris  pour  y  com- 
plimenter l'empereur  français  au  sujet  do 
son  mariage  avec  Marie-Louise.  A  son  re- 
tour, il  devint  gouverneur  de  Breslau  cl 
fui  chargé  en  1814  du  goiivernement  du 
grand  duché  de  Varsovie.  Il  occupait  celui 
de  Berlin  lorsqu'il  mourut  dans  cette  vilie 
le  10  juin  1818 ,  à  l'âge  de  82  ans. 

*  KALRA.Vr  (  Abraqah  van  ),  peintre 
de  paysages  hollandais  ,  né  à  Dordrccht 
en  1045,  mort  eu  1721 ,  étudia  la  sculplum 
chex  les  frères  Emile  et  Samuel  Hulp;  il 
s'ailorma  ensuite  plus  parliculièrcment  k 
la  p' iiilure.  Il  a  peint  plusieurs  villes, 
dont  la  vue  est  prise  des  bords  du  Rhin  ; 
ses  tableaux  sont  enrichis  de  figures  rt 
d'animaux  dessinés  avec  beaucoup  dy 
goût. 

RALTEY.SEX  (  Hexri  )  ,  dominicain  , 
né  dans  un  château  près  de  Coblenl?, ,  de 
parens  nobles  ,  fut  maitre  du  sacré  palaii*, 
et  inquisiteur  général  en  Allemagne.  H 
parut  avec  éclat  au  concile  de  Bàlo  ,  :jù  il 
8. 


KAN  90 

réfuta  avec  force  les  héréliqius  de  Bo- 
hème,  eu  1435,  Il  devint  ensuite  arrlie- 
vêque  de  Dioiitlieitn  en  NoI■^véîJe  et  de 
Césaréc.  Ce  prélat  se  retira  sur  la  lin  de 
ses  jours  dans  le  couvent  des  frCrfs-prè- 
cheura  à  Coblentz,  où  il  mourut  le  2  oc- 
tobri!  ik(')Ti.  Il  nous  reste  de  lui  un  Dis- 
cours qu'il  prononça  au  concile  de  Bàle, 
sur  la  manière  de  prêcher  la  parole  de 
Dieu.  C'était  un  des  hommes  les  plus  la- 
horieux  de  son  ordre. 

KAMKI.  royez  KK^G-m. 

R>\MI»1':>;.  Voyez  CAMPEN. 

*IiAMPi:\HAU.SKi\  (le  baron  Bai-tha- 
SAii  ),  né  dans  le  district  de  Riga  en  1772. 
mort  à  Saint-Pétersbourg,  le  17)  septembre 
1823  ,  occupa  plusieurs  fonctions  impor- 
tantes ,  entre  autres  celles  de  directeur  de 
V Ecole  du  commerce.  On  a  de  lui  plusieurs 
ouvrages  allemands  dont  voici  les  titres 
en  fiançais  :  |  Principe  du  droil politique 
russe ^  Gœttingue,  1792,  in-fol.  \  Essai 
d'une  description  geoyraphico-slatislique 
du  gouvernement  de  l'empire  russe  ;  pie- 
mier  cahier  renfermant  la  Description  du 
goiwei-nenient  d'Olonctz.  Gœttinfjue.  1795 
in-8°;  \  Histoire  remarquable  du  gower- 
nement  de  Sai)d-Pétersbourg  .  première 
partie,  1797  :  cet  ouvrage  et  le  précédent 
n'ont  pas  été  achevés  ;  |  Magasin  de  Li- 
vonie .  tome  premier.  Gotha,  1803;  la 
deuxième  partie  de  cet  ouvrage  qui  était 
entre  les  mains  du  libraire  Ettinguer , 
ne  s'est  pas  retrouvée  à  la  mort  de  ce  der- 
nier ;  I  Histoire  généalogique  et  chronolo- 
gique de  la  dynastie  des  Romanof .  Leip- 
sick,  1803,  in-S";  le  célèbre  Meusel,  dans 
son  Allemagne  savante,  ajoute  encore  un 
volume  de  Poésies,  publié  à  Itével  en 
4788  ;  mais  il  est  probablement  d  un  autre 
auteur  du  même  nom. 

IvAi\I)LEll  (  Jea.\-Joachim  ),  commis- 
saire de  la  cour  électorale  de  Saxe,  né  en 
1706  à  Sélingstadt,  en  Saxe,  mort  en 
177G,  fut  le  maître  des  modèles  de  la  fa- 
brique de  porcelaine  de  Messein.  Il  excella 
dans  ce  genre.  On  a  de  lui  \\n  grand 
nombre  d'ouvrages,  exécutés  par  lui  ou 
sur  ses  dessins,  et  on  ne  peut  rien  trouver 
de  j)lus  élégant  et  de  plus  moelleux..  Tels 
sont  V  yj pâtre  saint  Paul,  de  grandeur  na- 
turelle; Saitd  Xavier  mourant ,  la  Fla- 
gellation du  Sauveur  .  les  12  Apôtres  .  un 
Carillon  tout  de  porcelaine  ,  divers  cru- 
cifix .  etc.  Il  fut  chargé  par  le  roi  Au- 
gas*e  d'apporter  en  présent  à  Louis  XV 
un  magniliquc  trumeau  en  glace  de 
Dresde ,  avec  un  cadre  de  sa  composition, 
oraé  de  guirlandes  et  de  fleurs  en  relief: 


KAN 

on  assure  que  cet  ouvrage  est  son  chef- 
d'œuvre. 

KA\G-ni  1",  empereur  de  la  Chine, 
petit-fils  du  prince  tarlawe  qui  la  conquil 
en  lGi4,  appartient  à  la  dynastie  des 
Tsing  ou  Mandchous  qui  règne  encore 
aujourd'hui  sur  celte  vaste  contrée  :  il 
naquit  en  lGo3,  d'une  des  femmes  du  2' 
rang  de  l'empereur  Chun-Tchi.  Il  n'avait 
que  Sans  lorsque  son  père  mourut  (  16G1  ;. 
Il  monta  alors  sur  le  trône  ;  mais ,  suivant 
les  usages  chinois ,  le  gouvernement  fut 
confié  à  quatre  régens  ;  Tun  de  ces  der- 
niers étant  mort  en  16G6 ,  Kang-Hi ,  âgé 
de  13  ans,  saisit  celte  occasion  pour 
])rendre  les  rênes  de  l'état  et  secouer  le 
jougdes  trois  autres  régens.  Le  prince  jus- 
liiia  bientôt  sa  démarche  par  de  grandes 
qualités.  Peut-être  outra-t-il  l'orgueil  et 
le  faste  des  Asiatiques.  Sa  curiosité  n'avait 
point  de  bornes,  et  voulait  savoir  jus- 
qu'aux choses  qu'il  lui  convenait  d'igno- 
rer. Un  jour  il  voulut  senivrer ,  pour 
connaître  par  lui-même  l'effet  du  vin. 
Néanmoins  les  historiens  nous  représen- 
tent ce  prince  comme  un  sage  :  mais  c'est 
qu'à  la  Chine,  pour  mériter  ce  titre,  il 
suflit  de  ne  pas  avoir  tous  les  vices.  11 
ainmit  les  missionnaires,  et  rendait  jus- 
lice  à  la  religion  chrétienne,  en  faveur 
de  laquelle  il  doiuia  un  édit  célèbre,  qui 
contient  les  plus  grands  éloges  de  cette 
religion  divine,  la  lumière  et  la  consola- 
lion  des  mortels.  Kang-Hi  renchérit  sur 
ceux  qu'on  lit  dans  l'édit  donné  par  un 
de  ses  prédécesseurs  en  G3G,  plus  de  mille 
ans  atiparavant.  C'est  lui  qui  lit  mettre 
sur  l'église  chrétienne  à  Pékin,  cette  in- 
scription ,  écrite  de  sa  propre  main ,  qui 
prouve  combien  l'idée  de  Dieu  est  exacte- 
ment la  même  chez-  toutes  les  nations,  dès 
le  moment  que  la  superstition  cl  les  pas- 
sions ne  l'altèrent  pas  :  <«  AU  VRAI  PRIN-' 
.  CIPE  DE  TOUTES  CHOSES.  Il  est  infini- 
»  ment  bon  et  infiniment  juste  ;  il  éclaire  et 
»  soutient;  il  règle  tout  avec  une  suprême 
»  autorité  et  avec  une  souveraine  justice. 
»  Il  n'a  point  eu  de  commencement,  et  il 
»  n'aura  point  de  fin;  il  a  produit  toutes 
»  choses  dès  le  commencement  :  c'est 
•  lui  qui  les  gouverne,  et  qui  en  est  le 
B  véritable  seigneur.  »  (  Voyez  SAADI  ). 
C'est  à  tort  qu'on  l'a  accusé  d'a\oir  exigé 
par  une  suite  de  la  vanité  chinoise ,  que, 
dans  les  caries  géographiques,  la  Chine 
fut  placée  au  milieu  du  monde  :  cette  ri- 
dicule prétention  est  bien  plus  ancieime. 
Le  père  Matthieu  Ricci  avait  déjà  dû  s'y 
conformer  dans  la  carte  qu'il  présenta  à 


KAN 


91 


ItlX 


rempcreur  Vanli,  datis  le  siècle  précé- 
dent. Kang-Hi  eut  à  soutenir  plusieurs 
guerres  dont  il  sortit  triomphant.  Il  vain- 
quit le  fameux  Ou-San-Konei,kan  tartare 
qui  pouvait  disposer  d"une  armée  de 
quatre-vingt  mille  liommes,  et  lit  périr 
son  lils,  qui  avait  tenté  de  soulever  les 
esclaves  de  l'empire.  Il  délit  Galdan-Con- 
Jaïsch  ,  prince  mongol ,  qui  avait  conquis 
plusieurs  provinces  sur  les  Musulmans. 
Le  père  Gerbillon,  jésuite,  qui  avait  ac- 
compagné Kang-Hi  dans  deux  expéditions 
contre  ce  prince ,  a  écrit  la  relation  de  la 
dernière  qui  fut  suivie  de  la  dispersion 
des  troupes  nombreuses  réunies  par  Gal- 
dan ,  et  de  la  mort  de  ce  dernier.  Par  len- 
Iromise  de  la  mission  de  Pékin,  ses  ba- 
tailles contre  Galdan  furent  gravées  en 
France,  d'après  des  dessins  faits  sur  les 
lieux,  et  ensuite  renvoyées  en  Chine  avec 
des  planches.  Ce  fut  sous  le  règne  de 
ivang-Hi,  que  la  cour  de  Russie  envoya 
un  ambassadeur  à  Pékin,  et  que  les  pro- 
cédés astronomiques  des  Européens  fu- 
rent déclarés  préférables  à  ceux  des  Chi- 
nois :  le  père  Verbiest  «jésuite,  fut  nommé 
président  du  bureau  des  astronomes  de 
l'empire.  Kang-Hi  avait  un  esprit  vaste 
et  pénétrant,  qui  embrassait  toutes  nos 
sciences.  Outre  différens  morceaux  de 
poésie  et  de  littérature  recueillis  avec  soin 
et  qui  forment  une  collection  de  plus  de 
100  vol.,  on  a  encore  de  cet  empereur  un 
recueil  de  maximes  pour  le  gouverne- 
ment des  états,  traduit  en  anglais,  et  pu- 
blié sous  le  titre  d'Edils  sacrés  par  M. 
Mihie  ,  missionnaire  prolestant.  Il  fut  en 
quelque  sorte  le  disciple  des  jésuites,  qu'il 
protégeait  spécialement  et  qui  ont  fait  les 
plus  grands  éloges  de  ce  monarque ,  dont 
lePoîtrait  historique .  a  été  publié  par  le 
père  Bouvet,  en  WM.  On  peut  consulter 
sur  ce  prince  et  ses  ouvrages  les  Mémoires 
concernant  les  Chinois  où  l'on  trouve  une 
traduction  italienne  des  Inslilutions  mo- 
rales^ laissée  par  Kang-Hi  et  publiée  par 
Bon  iils  :  d'après  celle-ci,  il  en  a  été  fait 
une  en  français. 

K-AAOLD  (  Jeax  ) ,  médecin  de  Bres- 
Jaw  ,  mort  en  1729  ,  à  49  ans  ,  laissa  des 
Mémoires  en  allemand ,  sur  la  nature  et 
sur  les  arts,  très  curieux. 

•  KAAT  (  Emmanuel  ),  célèbre  philoso- 
phe prussien,  fondateur  d'un  nouveau 
système,  auquel  MlM.  Royer-Collard  et 
Couôin  oiîl  dotuié  quelque  vogue  en  France 
et  qui  en  Allemagne  a  succédé  pendant 
quelque  temps  à  celui  de  Leibnitz ,  naquit 
àKœuigsberg  en  Pj.usse,  le  22  avril  1724; 


il  descendait  d'une  famille  écossaise,  et 
son  père,  après  avoir  été  caporal  au  ser- 
vice de  Suède  ,  exerçait  l'état  de  sellier. 
Le  jeune  Kant  reçut  sa  première  instruc- 
tion dans  une  école  de  charité;  il  entra 
ensuite  au  gymnase  ,  puis  à  l'université 
de  Kœnigsberg.  D'abord  répétiteur  ,  puis 
précepteur  des  cnfans  d'un  ecclésiastique, 
il  devint  en  1770  professeur  de  philoso- 
phie. En  1786  il  remplit  les  fonctions  de 
recteur  de  l'université ,  fut  nouimé  en 
1787  membre  de  l'académie  de  Berlin  ,  et 
mourut  à  Kœnigsberg  le  12  février  1804. 
L'histoire  de  sa  vie  est  tout  entière  dans 
celle  de  ses  travaux  ;  on  y  remarque  deux 
époques  bien  distinctes  :  l'une  dans  la- 
quelle il  s'occupa  avec  le  plus  grand  suc- 
cès de  V enseignement  de  la  physique  ,  de 
l'astronomie  ,  de  la  mécani(|ue ,  de  la  géo- 
graphie et  de  la  philosophie  :  la  seconde 
qui  date  de  1 78 1 ,  et  dans  laq  uelle  il  se  livra 
exclusivement  à  la  philosophie,  et  écrivit 
sur  celte  science  les  ouvrages  qui  lui  ont 
fait  tant  de  réputation.  Ces  ouvages  sont 
nombreux  ;  ce  sont  :  |  Critique  de  la  raison 
pure,  Riga,  1781-1787,  etc.  in-S"  ;  |  Prolé- 
gomènes ou  Traités  préliminaires  à  toute 
métaphysique^  1785;  |  Base  d'une  mé- 
taphysique des  mœurs.  1784;  |  Princi- 
pes métaphysiques  de  la  science  de  la 
fiature,  1786;  |  Critique  de  la  raison  pra- 
tique ,  Riga ,  1787  ;  |  Essai  d'anthropolo- 
gie, 1788;  I  Critique  du  jugement  (  où  il 
traite  spécialement  du  beau  ),  1790,  in-S"; 
I  La  religion  d'accord  avec  la  raison. 
Kœnigsbeig,  1793;  |  Essai  philosophique 
surlajiaix  perpétuelle^  ibid.  1795  ;  !  Prin- 
cipes métaphysiques  de  la  science  du 
droit .  1796,  in-8";  |  Principes  métaphysi- 
ques de  la  doctrine  de  la  vertu .  1797.  On 
a  en  outre  un  extrait  de  ses  manusci'its 
un  Manuel  pour  l'enseignement  de  la  Lo- 
gique. 1803^  et  un  traité  de  l'éducation, 
publié  sous  le  titre  de  Pédagogique ,  1805. 
C'est  dans  ces  ouvrages  qu'il  a  exposé  sa 
doctrine  que  l'on  peut  résumer  en  peu  de 
mois;  car  le  trait  caractéristique  de  ce 
piiilosophe,  c'est  d'avoir  distingué  dans  nos 
connaissances  ce  qui  appartient  aux  clio- 
ses,  aux  objets  (ce  qu'il  nomma  Vobjectif)^ 
de  ce  que  notre  esprit  y  ajoute  et  qui  n'api 
partient  qu'au  sujet  pensant  (cest  là  la 
subjectif)  :  c'est  ainsi  que  Kant  rapporte 
à  l'esprit  seul  les  notions  de  nombres ,  de 
temps,  d'espace,  de  causalité,  de  nécessité^ 
qui,  selon  lui,  en  sont  comme  les  formes j 
et  dont  par  une  illusion  naturelle ,  uouà 
revêtons  les  choses  (  matière  ) ,  comme  si 
elles  leur  étaient  propres   Le  philosopha 


KAIV 


92 


KAN 


prussien  passe  en  revue  toutes  nos  con- 
iiuissaiiccs  pour  faire  dans  chacune  la  sé- 
paration de  V objectif  d'a\ ce  le  subjectifrde 
la  forme  d'avec  la  matière  ;  et  il  arrive  à 
celte  conclusion  que  l'expérience  seule 
peut  donner  la  certitude  de  l'existence 
réelle  ou  objective,  et  que  ,  même  dans 
cet  ordre  de  faits,  nous  ne  pouvons  être 
assurés  que  les  choses  soient  telles  qu'elles 
nous  apparaissent.  Cependant  il  fait  une 
exception  en  faveur  des  vérités  morales, 
de  la  loi  du  devoir,  dont  il  nous  est  possible 
de  percevoir  la  réalité  objective  et  la  certi- 
tude absolue.  «  Kanl  a  adopté,  dit  l'auteur 
»  des  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire 

•  ecclésiastique  pendant  le  18'  siècle,  une 
»  métaphysique  fort  extraordinaire  et  peu 
»  aisée  à  comprendre.  Il  se  perd  dans  des 
»  abstractions  et  dans  une  idéologie  vague 
»  et  obscure.  Les  uns  l'admirent;  les  au- 
»  très  se  plaignent  qu'il  ait  détruit  la  reli- 
»  giosité  en  voulant  l'expliquer  ;  que  sa 
»  raison  pure  et  sa  raiéoii  critiqua  ne 
»  soient  autre  chose  que  le  déisme  pur  : 
»  que  l'auteur,  en  ne  voulant  considérer 
»  le  christianisme  que  comme  une  religion 

•  purement  éthique  ou  morale ,  annonce 
»  assez  qu'il  n'en  reconnaît  pas  lesmyslè- 
»  res  ;  qu'il  fasse  de  J.-C.  un  idéal  dont  il 
»  consent  qu'on  honore  la  doctrine,  mais 
»  dont  il  ne  permet  pas  d'adorer  la  per- 

•  sonne:  que  l'église  soit  aussi  un  idéal; 
»  qu'il  ne  faille  dans  ce  système,  ni  priçies 

•  ni  sacrilices  ,  ni  cérémonies,  etc.  Au 
»  surplus  toute  celte  théorie  est  si  embar- 
»  rassée  ,  que  les  disciples  se  sont  dispu- 
»  tés  pour  savoir  quelle  était  la  doctrine 
»  du  maître. SchellingetFichte  prétendent 
»  l'avoir  perfectionnée.  Kanl  n'avait  fait 
»  que  les  mettre  sur  la  voie  :  ils  se  flattent 
»  de  s'être  élevés  plus  haut;  ils  ont  cha- 
»  cun  leur  école  ,  et  on  dispute  aussi  pour 

•  savoir  ce  quils  ont  pensé,  tant  ils  ont 
»  mis  de  prix  à  être  entendus.  Cependant 

•  cette  doctrine  hiéroglyphique  s'est  ré- 
»  pandue  ;  on  l'a  adoptée  dans  plusieurs 
V  universités  d'Allemagne  ,  et  on  a  beau- 
»  coup  écrit  poxir  et  contre.  Il  ne  semble 

•  paw  que  ces  progrès  du  kantisme  aient 
»  contribué  à  fortilier  la  religion  en  Alle- 

•  magne.  La  vogue  de   la  raison  pure , 

•  parmi  lesprofesseurs  et  parmi  les  élèves, 

•  a  secondé  au  contraire  la  propagation 

•  do  l'esprit  d'incrédulité.  »  A  ce  jugement 
vrai  et  modéré,  nous  ajouteronssur  le  phi- 
losophe de  Kœnigsberg  et  sa  doctrine 
quelques  observations  pen  suspectes.  Elles 
nous  sont  fournies  par  un  auteur  qui  se 
déclare  assc»  hautement  le  partisan  du 


criticisme  :  après  avoir  exalté  les  décou- 
vertes idéologiques  de  Kant ,  et  avoir  fait 
tous  ses  efforts  j)our  établir  qu'elles  sont 
éminemment  favorables  à  l'idée  de  Dieu  , 
comme  dirigeant  et  secondant  l'éducation 
morale  de  l'espèce  humaine,  et  que  Kant 
n'a  jamais  nié  ni  l'impossibilité  ni  l'in- 
vraisemblance d'une  révélation  :  «  Ce- 
»  pendant,  ajoute-t-il ,  on  est  aussi  étonné 
»  qu'affligé  de  trouver  dans  ses  livres  la 
»  preuve  de  sa  répugnance  à  admettre 
»  l'origine  surnaturelle  du  christianisme... 
»  Dans  sa  critique  de  la  raison  pure  ,  il 
»  refuse  à  l'argument  physico-théologique 
»  pour  l'existence  de  Dieu  toute  force  pro- 
»  bante...  Interrogé  peu  de  temps  avant 
»  sa  mort  sur  ce  qu'il  se  promeUait  de  la 
»  vie  à  venir  :  Jiie?i  de  déterminé ,  ré- 
»  pondit-il  après  avoir  réfléchi.  Je  n'ai 
r>  aucune  notion  de  l'état  futur  ,a.\!^lt-il 
»  dil  auparavant  à  une  pareille  question 
»  qu'on  lui  avait  adressée.  Une  autre  fois, 
»  il  se  déclara  pour  une  espèce  de  métem- 
»  psycose.  »Le  même  auteur  ne  dissimule 
pas  qu'un  nombreux  parti  accuse  Kant 
«  d'avoir  créé  une  terminologie  barbare  ; 
»  innové  sans  nécessité,  ens'enveloppant 
»  à  dessein  d'une  obscurité  presque  impé- 
Bnélrablo;  enfanté  des  systèmes  absur- 
»  des  ou  funestes  ;  augmenté  l'incertitude 
»  sur  les  intérêts  les  plus  graves  de  l'hu- 
»  manité;  d'avoir,  par  le  prestige  du  ta- 
»  lent ,  détourné  la  jeunesse  d'études  po- 
»  sitives;  d'avoir,  par  son  idéalisme  trans- 
»  cendental,  conduit  ses  disciples  rigou- 
»  reusement  conséquens ,  les  uns  à  l'idéa- 
»  lisme  absolu,  les  autres  au  scepticisme, 
»  d'autres  encore  à  un  nouveau  genre  de 
»  spinosisme ,  tous  à  des  systèmes  aussi 
»  absurdes  que  funestes.  »  Si  les  ouvrages 
de  Kant  sont  dangereux  sous  le  rapport 
religieux  ,  ils  ne  le  sont  pas  ujoins  pour 
l'esprit  qui  cherche  la  lumière  dans  les 
questions  naturellement  obscures  de  la 
métaphysique.  Kanl  est,  du  consentement 
de  tous  ceux  qui  l'ont  étudié,  le  plas 
obscur  de  tous  les  philosophes  :  sa  ter^ 
minologie  est  tellement  neuve  et  peut- 
être  si  singulière  qu'avant  de  lire  Kant , 
il  faudrait  apprendre  son  dictionnaire. 
Néanmoins  Kant  est  devenu  chef  d'une 
école  nombreuse  qui  l'a  placé  à  la  tète 
des  métaphysiciens  du  Nord,  et  qui  la 
révère  comme,  un  génie  du  premier 
ordre.  Sa  doctrine  s'est  répandue  dans 
toute  l'Allemagne  et,  pendant  quelque 
temps  ,  on  l'a  prêchée  publiquement  dans 
plusieurs  églises  de  Kœnigsberg  ,  sous  le 
nom  bizarre  de  Christianisme  national. 


KAP 


93 


KAR 


Mais  depuis  quelque  temps  de  nombreux 
systèmes  philosopliiques  ont  été  enfantés 
par  le  {«énie  métaphysique  des  Allemands. 
Kant  n'a  plus  qu'un  petit  nombre  de  par- 
tisans. Charles  Villers  fut  le  premier  qui 
introduisit  en  France  cette  nouvelle  doc- 
trine dans  l'ouvrage  français,  intitulé:  la 
Philosophie  de  Kant,  Melx  ,  ^80l ,  in-S". 
M.  Tissot,  professeur  de  philosophie  à 
B()ur{;fs,  a  publié  les  Pî'incipes  méta- 
physiques de  la  morale  de  Kant,  et  a  pro- 
mis la  traduction  de  la  Critique  de  larai- 
son  pure.  M.  de  Gérando  dans  Yllistoii-e 
comparée  des  systèmes  de  philosophie 
relativement  aux  jjrincipes  des  connais- 
sances humaines  .  fait  bien  connaître  le 
philosophe  de  Kœnigsbcrg  et  ne  s'en 
montre  pas  enthousiaste.  L,  Jourdan,  dans 
la  traduction  de  l'Histoire  de  la  philoso- 
phie moderne .  depuis  la  renaissance  des 
lettres  jusqu'à  Kant,  peut  être  ausi  con- 
sulté avec  avantage.  Les  ouvrages  scien- 
tifiques de  Kant  sont  :  |  Pensées  sur  la 
véritable  évaluation  des  forces  vives,  et 
critique  des  démonstrations  employées 
par  Leilmitz  et  d'autres  mathématiciens 
dans  cette  matière,  240  pages  in-8",  avec 
deux  planches ,  1746  ;  |  Histoire  naturelle 
du  monde  et  théorie  du  ciel  d'après  les 
principes  de  Newton ,  1755;  |  Théorie  des 
vents,  1756,  in-4°;  |  Nouvelle  Théorie  du 
mouvement  et  du  repos  des  corps,  avec 
un  essai  de  son  application  aux  élémens 
de  la  physique,  in-4",  1738  ;  |  Essai  sur  les 
quantités  néyativcs  en  philosophie ,  in-8°, 
1763  ;  I  Précis  de  géographie  physique 
extrait  de  ses  manuscrits ,  1802 ,  etc.  Le 
professeur  Tieflrunk  a  recueilli  une  partie 
de  ses  ouvrages,  Halle,  1799-1807,  4  vo- 
lumes in-8°.  On  en  a  publié  aussi  un  cJioix 
sous  le  titre  de  Opéra  ad  philosophiam 
perlinentia  lat.  vert.  F.-G.  Born ,  Leip- 
sick  ,  179G-1798  ,  4  vol.  in-8".  Quelle  que 
soit  l'opinion  que  l'on  ail  sur  les  ouvrages 
do  Kant ,  on  ne  peut  s'empccher  de  dire 
que  pendant  toute  sa  vie  il  se  lit  remar- 
quer par  ses  vertus,  sa  probité  et  l'aus- 
térité de  ses  mœurs. 

K A.\TEMIR.  ployez  CANTEMIR. 

KAPMOIV.  Voyez  REUCHLIN. 

IvAPOSl  (Samuel),  né  en  Hongrie 
d  un  ministre,  parcourut,  pour  étendre 
ses  connaissances,  l'Allemagne,  la  Hol- 
lande et  l'Angleterre.  Doué  d'une  mé- 
moire extraordinaire  ,  il  apprit  le  grec  et 
l'hébreu  en  très  peu  de  temps.  De  retour 
dans  sa  patrie  ,  il  fut  fait  professeur  de 
l'Ecriture  sainte  à  Alba  Julia  ,  aujour- 
d'hui Carlsbourg,  et  mourut  l'an  1715, 


dans  un  âge  peu  avancé.  On  a  de  lui  ; 
I  Memoriale  hebraicuîn  ,  Coloswar,  1698, 
in-8° ,  et  Utrei  ht ,  1758.  Ce  sont  des  vers 
techniques  qui  renferment  les  i  èglcs  de  la 
lan^îue  hébraïque  ;  |  Breviarium  bibli- 
cum,  Colos-war ,  1699,  et  plusieurs  ou- 
vrages manuscrits. 

KAPRII\AI  (Etiexne)  .  né  à  Neuheu- 
sel,  dans  le  comté  de  Neitia,  en  1714, 
entra  chez,  les  jésuites  en  1729  ,  enseijfna 
l'histoire  et  l'éloquence  sacrée  dans  l'uni- 
versité de  Cassovie  ,  et  se  fit  connaître 
par  plusieurs  ouvrages,  où  l'érudition 
marche  à  côté  de  l'amour  le  plus  ardent 
pour  la  patrie;  car  c'est  particulièrement 
à  tirer  de  l'oubli  les  écrits  et  les  monu- 
mens  qui  ont  illustré  la  Hongrie  ,  qu'il 
consacrait  ses  recherches  et  ses  veilles.  Il 
avait  rassemblé  avec  des  peines  incroya- 
bles une  collection  très  précieuse  de  li- 
vres ,  de  manuscrits  ,  de  Chartres ,  de  mé- 
dailles, de  monnaies  propres  à  répandre 
la  lumière  dans  les  annales  de  cette  brave 
et  généreuse  nation.  Il  s'en  servit  pour 
donner  un  grand  nombre  d'écrits  rela- 
tifs à  cet  objet ,  parmi  lesquels  on  distin- 
gue :  Hungaria  diplomatica  lemporis  Ma- 
tliiœ  de  Ilunyad,  régis  Hungariœ,  Vienne, 
1767-1772,  2  vol.  in-4".  On  a  encore  do 
lui  :  I  De  eloquentia  sacra  generatim  . 
Cassovie  ,  1  vol.  in-8°  ;  |  De  eloquentia 
sacra  speciatim ,  ex  veterum  ac  recen- 
tiorum  prœceptionibus  adornata  ,  ibid.  , 
1  vol.  in-S"  ;  I  un  excellent  Discours  sur 
la  présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans 
l'eucharistie^  où  il  presse  les  calvinistes 
par  ce  dilemme  :  Vel  Christus  est  in  Eu- 
charistia^  vel  non  est  Deus.  Effective- 
ment, les  preuves  de  ces  deux  vérités 
sont  les  mêmes,  et  ceux  qui  rejettent  la 
première  ne  peuvent  tenir  sans  inconsé- 
quence à  la  seconde  :  raison  pour  laquelle 
le  calvinisme  dégénère  partout  dans  le 
socinianisme.  {Voyez  LENTULUS ,  MÉ- 
LANCHTHON,  SERVET,  VORSTIUS.)  11 
est  mort  au  commencement  de  1786.  Le 
xèle  pour  la  pureté  de  la  foi ,  pour  l'in- 
itruction  du  peuple  chrétien ,  la  fran- 
chise et  les  qualités  sociales  de  cet  homme 
estimable ,  égalaient  son  application  el 
son  savoir. 

RARA-MEIIEMET,  hacha  turc,  si- 
gnala son  courage  aux  sièges  de  Candie , 
de  Kaminieck  et  de  \ienne,  el  se  distin- 
gua au  conihal  donné  à  Choczim.  Après 
avoir  été  pourvu  du  gouvernement  do 
Bude  en  1084,  il  lit  une  merveilleuse  ré- 
sistance contre  les  Impériaux,  mais  il 
mourut  pendant  le  siège,  d'un  éclat  de 


KAR 


94 


KAR 


canon  qu'il  reçut  en  donnant  désordres 
êur  les  remparts.  Il  avait,  peu  de  temps 
auparavant ,  fait  tuer  quarante  esclaves 
chrétiens,  en  présence  d'un  ofticier  qui 
l'était  allé  sommer  de  se  rendre ,  de  la 
part  du  prince  Charles  de  Lorraine  :  ac- 
tion horrible  qui  ternit  toute  sa  gloire. 

KARA  MUSTAPHA.  Voyez  CARA- 
MliSTAPHA. 

*  KARAMZm  (  Nicolas -MiKHAiLo- 
vvitch),  historiographe  de  l'empire  de 
Russie ,  conseiller  d'état ,  grand  cordon 
de  l'ordre  de  Ste-Annc,  chevalier  de  Sl.- 
Wladimir,  membre  de  l'académie  russe  , 
naquit  le  1"  décembre  1763,  d'une  famille 
noble ,  dans  le  gouvernement  de  Sim- 
birsk  :  il  fit  d'excellentes  études  ,  cl  dé- 
buta, jeune  encore,  dans  la  carrière  des 
lettres,  par  des  poésies  qui  annonçaient 
une  imagination  vive  et  brillante.  A  l'âge 
de  24  ans,  il  entreprit  un  voyage  en  Alle- 
magne, en  Suisse,  en  France  et  eu  Angle- 
terre. Après  avoir  fréquenté  dans  chacun 
de  ces  pays  les  hommes  les  plus  distin- 
gués de  la  littérature ,  et  notamment  en 
Suisse,  Bonnet,  l'auteur  de  la. Paltnfféné- 
sie.  et  d'autres  ouvrages  qu'il  voulait  tra- 
duire, il  publia  les  Lettres  d'un  voyageur 
russe ,  qui,  accueillies  avec  enthousiasme, 
obtinrent  plusieurs  éditions  <  et  furent 
traduites  en  allemand.  Ses  Souve7îirs  his- 
toriques sur  le  chemin  de  Moscou  à 
Troïtza  (i),  sa.  Marthe. sa  Possadnitza  (2), 
ou  la  Soumission  de  Nowogorod,  Natha- 
lie fille  d'un  boyard,  ci  plusieurs  autres 
jtroductions  du  premier  ordre  ,  augmen- 
tèrent sa  réputation,  tt  prouvèrent  qu'il 
avait  su  perfectionner  la  prose  russe  et 
lui  donner  un  charme  que  l'on  ne  trouve 
dans  aucun  des  écrivains  qui  l'ont  pré- 
cédé. Rédacteur  de  plusieurs  journaux  , 
le  CouiTier  de  l'Europe  dont  il  fut  le  fon- 
dateur, les  Aonides^  Jglaé,  il  semblait 
s'être  voué  exclusivement  aux  ouvrages 
d'imagination.  L'empereur  Alexandre  le 
nomma  historiographe  de  l'empire .  et  le 
chargea  d'écrire  l'histoire  de  la  Russie. 
Après  14  années  de  recherches  et  de  tra- 
vaux assidus,  Karamzin  fit  paraître  les 
huit  premiers  volumes  de  son  Histoire , 
qui  produisirent  la  plus  vive  sensation  , 
non  seulement  en  Russie,  mais  dans  toute 
l'Europe  :  3000  exemplaires  de  la  première 
édition  furent  vendus  en  28  jours.  Cet 
ouvrage  ne  laisse  rien  à  désirer  sous  le 


(1)  Ancien  monastère  aux  environs  de  3Toscoii. 
{a)  fossadnilta   veut   dire   fera  me   du    Possadnilc, 
fTtmiti  magistrat  de  la  re'publiiiue  de  NowogoroJ. 


rapport  de  la  composition  ,  des  dtMcils  et 
du  style  :  il  doit  prendre  place  à  côté  de^i 
chefs-d'œuvre  des  historiens  modernes. 
Cependant  une  pareille  entreprise  offrait 
plus  d'une  difficulté;  car  jusqu'alors  on 
avait  envisagé  ces  commence  mens  des 
annales  russes  ,  commo  trop  arides  pour 
être  étudiés.  Malheureusement  cette  his- 
toire reste  inachevée.  Tendant  qu'il  y  tra- 
vaillait, Karamzin  se  sentit  accablé  par  la 
fatigue  :  l'empereur  Nicolas  qui  avait  hé- 
rité de  la  bienveillance  de  son  frère  pour 
cet  écrivain  ,  l'engagea  par  un  ukase  du 
2o  mai  182G,  à  aller  rétablir  sa  santé  dans 
un  climat  plus  tempéré,  et  lui  fit  con- 
naître en  même  temps  qu'une  pension 
annuelle  de  50,000  roubles  réversible  à 
sa  femme  et  à  ses  enfans,  lui  était  accor- 
dée coumie  une  récompense  de  ses  tra- 
vaux et  de  son  dévouement  à  la  personne 
du  prince  uéfunl.  Le  Journal  des  Débats 
du  27  juin  1827  a  reproduit  en  entier  ce 
rescrit  impérial  ;  mais  Karamzin  ne  put 
jouir  lui-même  de  cet  avantage;  car  il 
mourut  le  22  mai  (3  juin)  1826.  Outre 
son  Histoire  de  l'empire  de  Russie  qui  a 
été  traduite  en  français,  les  neuf  pre- 
miers volumes  par  MM.  St.-Tliomas  et 
Jauffret,  1819  elsuiv.  ;  les  deux  autres  en 
1826  par  M.  de  Divoff ,  conseiller  d'état 
actuel  et  chambellan  de  l'empereur  de 
Russie,  Karamzin  a  publié  un  grand 
nombre  d'autres  ouvrages,  doi>t  trois  édi- 
tions complè'es  ont  paru  à  Moscou  en 
1804 ,  1815  et  1820  ;  parmi  ceux-ci  on 
distingue  un  Recueil  de  nouvelles .  dont 
une  {Julie)  a  été  traduite  en  français  par 
M.  Boreilley  ;  plusieurs  discours;  \e  Pan- 
théon des  auteurs  russes  ;  le  Panthéon  de 
la  littérature  étrangère.  Il  a  encore  tra- 
duit en  russe  les  contes  de  Marmonlel , 
(  Moscou ,  17%  et  1815  )  et  ceux  de  M""  de 
Genlis(ibid.  181C). 

K  VRG  (  JEA\-FRÉDÉnic) ,  minisire  de 
Maxiinilien-Emmanuel,  électeur  de  Ba- 
vière, et  ensuite  chancelier  de  son  frère 
Joseph-Clément ,  électeur  de  Cologne  , 
mort  en  1719  ,  est  connu  par  plusieurs  ou- 
vrages sur  la  politique  et  sur  le  droit  ca- 
non. Celui  qui  lui  a  donné  le  plus  de  cé- 
lébrité est  Pax  religiosa  ,  Wurlzbourg  , 
1680.  L'auteur  envisage  les  religieux 
comme  des  corps  auxiliaires ,  envoyés 
aux  ministres  de  l'EgKse  ,  et  dont  les  ser- 
vices et  le  zèle  ne  peuvent  qu'être  d'une 
utilité  très  marquée  ,  pourvu  qu'ils  se  dé- 
ploient selon  les  règles  et  les  constitu- 
tions de  la  hiérarchie  ecclésiastique. 
Cette  idée    est  heureusement  exprimée 


KAR  9 

dans  une  estampe  qui  est  à  la  tête  de  Tou- 
vrage ,  où  l'on  voit  dans  un  navire  lés 
apôtres  occupés  à  tirer  un  filet  si  bien 
rempli,  qu'ils  sont  obliges  d'appeler  à 
leur  secours  des  pécheurs  qui  étaient  dans 
une  barque  voisine.  El  annuerunt  iis  qui 
erant  in  alia  navi  ^  ut  venirent  et  acija- 
parent.  Soit  que,  malgré  sa  circonspec- 
tion ,  l'auteur  eût  moniré  quelque  parlia- 
lilé  contre  les  religieux  ,  soit  que  les  in- 
quisiteurs de  Rome  aient  jugé  l'ouvrage 
avec  un  peu  de  sévérité  ,  ils  ont  mis  à  Yin- 
dfX  la  Vax  religiosa ,  donec  corrigatur. 
Le  docile  auteur  a  corrigé  en  effet  son 
ouvrage,  et  eu  le  conigeant ,  il  l'a  aug- 
menté et  enrichi  de  plusieurs  traits  d'é- 
rudition, fllais  les  imprimeurs  de  Venise, 
ignorant  ces  changemens,  ont  réimprimé, 
en  1778,  le  livre  tel  qu'il  avait  paru  en 
^(iSO.  Le  manuscrit  destiné  à  la  nouvelle 
édition  ,  est  dans  la  bibliothèque  de  feu 
RT.  le  baron  de  Clerc,  à  Liège.  Le  fameux 
Sébastien  Leclerc  a  gravé  la  planche  du 
frontispice  ;  le  sujet  est  le  même  que  celui 
qu'on  voit  dans  lancienne  édition,  mais 
il  est  mieux  dessiné  et  exécuté  d'une  ma- 
nière digne  de  cet  artiste  célèbre.  On  a 
encore  de  Karg  ,  Vues  pacifiques  sur  la 
réunion  des  religions  qui  divisent  l'Alle- 
fnagne .  Wurtzbourg,  1  vol.  in-16.  Une 
Vie  de  saint  Jean  JS'éj)omucène  ^  Borm  , 
1702,  in-12.  etc. 

RAIUB-SCIIAH ,  descendait  des  an- 
ciens rois  des  Kileks ,  peuple  de  la  pro- 
vince de  Kilan  ,  dans  le  royaume  de 
Perse.  Né  avec  de  l'ambition  et  du  cou- 
rage, il  voulut  ôter  la  possession  de  cette 
province  à  Schah-Sophi ,  roi  de  Perse, 
successeur  de  Schali-Abbas ,  qui  l'avait 
conquise  en  1600.  Il  leva  une  armée  de 
14,000  hommes,  et  prit  d'abord  la  ville 
de  Rcschl.  Il  occupa  ensuite  toutes  les 
avenues  de  Kilan  ;  mais  le  roi  de  Perse 
envoya  contre  lui  une  armée  de  40,000 
hommes ,  qui  défit  entièrement  la  sienne, 
et  se  saisit  de  sa  personne  :  ce  prince  fut 
mené  à  Casbin ,  où  était  le  Sophi,  le- 
quel ordonna  qu'on  lui  fit ,  par  dérision, 
une  entrée  magniiique  :  îiOO  courtisan- 
nes ,  qui  l'accompagnèrent  dans  cette  ridi- 
cule cérémonie,  lui  firent  essuyer  mille 
hidignités.  Lorsqu'il  eut  été  condamné  à 
mort ,  on  commença  son  exécution  par  un 
supplice  assez  extraordinaire.  Il  fut  fjrré 
aux  pieds  et  aux  mains  comme  un  cheval  ; 
et,  après  qu'on  l'eut  laissé  languir  ainsi 
pendant  trois  jours ,  il  fut  attaché  au  bout 
d'une  perche ,  et  tué  à  coups  de  flèches. 
Le  roi  lira  le  premier  coup  ;  action  bien 


:;  KVT 

propre  à  faire  oublier  les  torts  de  Tusur- 
I)ateur  ! 

*  KASSOU ,  l'un  des  plus  vertueux  pré- 
lats du  5'  siècle,  professa  d'abord  le  mé- 
tier des  armes  pendant  plusieurs  années 
Après  la  mort  de  son  épouse,  il  embrassa 
l'état  ecclésiastique  ;  ses  vertus  et  ses  ta- 
lens  relevèrent  à  l'évèché  de  Daron , 
grande  province  de  l'Arménie  majeure. 
Il  mourut  vers  l'an  478 ,  en  odeur  de  sain- 
teté. On  coimaît  de  lui  deux  ouvrages  ma- 
nuscrits, qui  sont  fort  estimés  ;  |  YHiS' 
toire  de  rétablissement  du  christianisme 
en  Arménie  ;  \  Réponse  aux  m.anickéens. 
et  à  ceux  qui  admettaie7it  les  deux  prin- 
cipes. 

*RATEB  (Ibn),  ou  mieux  IBN-AL- 
KHATIB ,  célèbre  écrivain  arabe-espa- 
gnol ,  plus  connu  sous  le  nom  de  Liçan- 
Eddyn  (la  langue  de  la  religion)  naquit  à 
Grenade  l'an  713  de  l'hégire  (  1513  de 
J.-C.  ).  Il  fut  attaché  à  la  cour  d'Ibn- 
Alahmar ,  souverain  de  ce  royaume,  et 
ren)plit  avec  distinction  les  postes  les 
plus  éminens  de  l'état.  Malgré  son  crédit 
et  le  haut  rang  qu'il  occupait ,  ayant  été 
soupçonné  de  trahison ,  il  fut  décapité  le 
même  jour  que  l'accusation  eut  lieu,  sans 
avoir  pu  faire  connaître  son  innocence. 
Il  a  laissé  les  ouvrages  suivans  :  |  Ilis 
toire  des  rois  de  Grenade  et  de  celte  ville 
en  particulier;  \  Histoire  des  califes  d'Es~ 
pagne ;\  Chronologie  des  califes  d'Espagne 
et  des  rois  d'Afrique .  en  vers,  avec  un 
conmjentàire  de  l'auteur.  Cet  ouvrage  a 
été  traduit  en  latin.  |  Table  chronologie 
que  des  aglabites  et  des  fathimites  qui  ont 
régné  en  Afrique  et  sur  la  Sicile.  On  la 
trouve  avec  une  version  latine  dail^  VHis- 
toire  des  Arabes  en  Sicile  ,  par  dom  Gré- 
goire, 1  vol.  in-foK;  |  De  l'utilité  de  l'his- 
toire ;  I  De  la  monarchie^  ouvrage  sin- 
gulier ,  en  50  sections  ;  |  Bibliothèque 
arahico-espagnole.  Ce  livre  a  été  com- 
posé l'an  1361  de  J.-C.  Le  savant  Casiri 
ertfait  un  grand  éloge  ;  il  en  a  inséré  des  ex- 
traits dans  le  2^  volume  de  sa  Bibliothèque. 
Cinq  des  onze  parties  qu'il  contient  sont 
conservées  dans  la  bibliothèque  de  l'Es- 
curial.  Ibn  Kateb  a  écrit  aussi  plusieurs 
ouvrages  de  médecine  ;  |  un  Traité  sur 
les  devoirs  d'un  visir ;  \  un  Poème  sur  le 
régime  politique;  \  un  Recueil  de  poé" 
sies.  etc.,  etc.  On  trouve  à  la  bibliulhè- 
([ue  du  roi  la  Vie  de  cet  écrivain,  écrite 
par  Ahmed-Ben  -Mohammed-Al-Mocry. 

•  RATO\A  (Etikiwxe j,  chanoine  et 
iiislorien  allemand,  mort  vers  17^8,  a 
laissé   en   lalin  ;  j  une    Hisloiie  critique 


KAU 


96 


KAU 


des  rois  de  Hongrie^  Pesth  el  Bude ,  1779- 
4806,  41  vol.  in-S";  ouvrage  rare  en 
France;  |  Epitovie  chi-onologice  rerum 
hunçaricai-um  j,  Bude,  1796,  3  volumes 
in-S". 

•  KAUFFMA1\N  (  Marie-Anne-Ange- 
LiCA-CATHEnixE),  célèbrc  dame  qui  a 
cultivé  la  peinlure  avec  succès,  naquit  à 
Coire,  dans  le  pays  des  Grisons,  en  1741. 
Elle  prit  les  premières  leçons  de  son  père 
Jean-Josepli  Kaufimann,  artiste  assez  mé- 
diocre, et  peignit  Icportrailayecun  grand 
talent,  dès  l'âge  de  11  ans.  Après  sètre 
perfectionnée  à  Rome  où  elle  suivit  un 
cours  de  perspective  ,  elle  fit  partie  de  la 
société  royale  de  peinture  de  Londres. 
es.  Klopslock  et  Gessner  ont  célébré 
dans  leurs  écrits  le  mérite  et  les  grâces  de 
celte  aimable  arliste.  Elle  passa  à  Lon- 
dres, et  eut  l'honneur  de  faire  le  portrait 
de  Georges  III  et  de  toute  la  famille  royale. 
C'est  dans  cette  ville  que  son  amour-pro- 
pre fut  sensiblement  blessé.  Ayant  refusé 
de  s'unir  à  un  peintre  anglais  qui  avait 
recherché  sa  main ,  celui-ci  en  tira  une  in- 
digne vengeance;  il  fit  habiller  somp- 
tueusement un  jeune  homme  d'une  fi- 
gure agréable  ,  mais  pris  dans  la  dernière 
classe  du  peuple.  Ajjrès  lui  avoir  appris 
à  jouer  le  rôle  de  baronet,  il  le  fit  intro- 
duire sous  le  nom  de  Frédéric  de  Ilom, 
chez  Angelica,  qui  dupe  de  ses  protesta- 
lions,  tomba  dans  le  piège ,  lui  donna  .«on 
cœur  et  l'épousa.  Le  peintre  rebuté  se 
hâta  bientôt  de  dévoiler  sa  fourberie  ;  la 
jeune  arliste  en  tomba  malade  de  dia- 
grin  ,  mais,  ayant  fait  ensuite  ses  récla- 
mations ,  le  peintre  fut  puni ,  et  elle  ob- 
tint un  acte  de  séparation  le  10  février 
17C8,  moyennant  une  pension  qu'elle  fit 
à  son  mari,  dont  les  vices  accélérèrent 
bientôt  la  mort.  Devenue  veuve,  elle  se 
maria  à  un  artiste  vénitien,  nommé  Zuc- 
chi ,  se  rendit  avec  lui  à  Rome ,  où  elle 
fixa  sa  demeure.  Sa  maison  était  fréquen- 
tée par  ce  qu'il  y  avait  de  plus  distingué 
dans  la  ville  ;  aucun  étranger  de  marque 
n'y  serait  passé  sans  assister  aux  sociétés 
du  cardinal  de  Bernis  et  à  celle»  d'Ange- 
lica  Kauffinan  (on  l'appela  toujours  de 
son  nom  de  lille  ).  Les  ouvrages  que  cette 
dame  peintre  a  laissés  sont  innombrables 
et  répandus  dans  toute  l'Europe  ;  elle  pei- 
gnait également  l'histoire  et  le  portrait , 
mais  elle  excellait  dans  ce  dernier  genre. 
La  grâce,  la  ciiaieur  et  un  coloris  parfait, 
sont  les  qualités  |irincipales  qui  distin- 
guent SOS  ou\ra;5es,  dont  les  principaux 
sont  :1a  mort  de  Léonard  de  Finci:  le 


retour  d'Jrminius  vainqueur  des  lé- 
gions  de  Varus  ;  la  pompe  funèbre  par 
laquelle  Enée  honore  la  dépouille  de  Pal- 
las.  Celle  célèbre  arliste  était  aussi  cxcel 
lente  musicienne  :  à  20  ans  elle  avait  été 
sur  le  point  de  débuter  sur  un  théâtre 
comme  cantatrice  :  elle  s'est  représentée 
elle-même  dans  un  tableau,  placée  entre 
la  musique  el  Va  peinture,  et  adressant  de 
tendres  adieux  à  la  première.  Elle  mou- 
rut à  Rome  le  5  novembre  1807.  Angelica 
mena  toujours  une  vie  régulière ,  et  on 
l'estima  autant  pour  ses  talens  et  ses 
mœurs  que  pour  la  douceur  de  son  ca- 
ractère. Sa  vie  a  été  écrite  par  Gherardo 
de'  Rossi ,  Florence  ,  1810 ,  in-8°. 

'  RAUÎVITZ-RIETBEUG  (  Venceslas- 
prince  de),  ministre  d'état,  naquit  en 
Autriche  en  1710  ,  et  jouit  pendant  sa  vie 
d'une  réputation  à  laquelle  ses  talens  di- 
plomatiques ne  répondaient  pas  entière- 
ment. Dès  son  enfance  ,  il  avait  été  des- 
tiné à  l'état  ecclésiastique ,  mais  la  mort 
de  son  frère  aîné  changea  ces  disposi- 
tions. Sa  naissance  lui  ouvrit  l'entrée  à  la 
cour  de  l'empereur  Charles  VI,  qui  le 
nomma  son  chambellan ,  et  l'employa  en- 
suite à  quelques  missions  peu  difficiles  , 
mais  dont  il  s'acquitta  avec  succès.  En- 
voyé ensuite  par  l'empereur  au  congrès 
d'Aix-la-Chapelle,  il  signa  le  fameux  trailô 
de  1748 ,  qui  rétablissait  la  paix  en  Eu- 
rope. Bientôt  après,  il  fut  chargé  d'une 
négociation  bien  plus  importante  ;  il  ne 
s'agissait  rien  moins  que  de  détacher  le 
cabinet  de  Versailles  des  intérêts  de  la 
Prusse ,  et  de  rendre  alliée  de  l'Autriche 
la  France  ,  qui  avait  fait  la  guerre  la  plus 
cruelle  à  Marie-Thérèse  lors  de  la  succes- 
sion au  trône  impérial  de  l'Allemagne. 
Kaunitz ,  plus  adroit  courtisan  qu'ha^ 
bile  diplomate,  connut  aussitôt,  dès  son 
arrivée  à  Versailles,  les  ressorts  qu'il 
fallait  mettre  en  mouvement  pour  réussir 
dans  son  projet.  La  marquise  de  Pompa- 
dour  s'attirait  alors  tous  les  hommages  de 
la  cour  de  Louis  XV ,  dominait  l'esprit  de 
ce  monarque  el  dirigeait  par  conséquent 
les  opérations  des  ministres.  C'est  à  cette 
favorite  que  Kauniti  s'adressa  principa- 
lement. Une  mise  recherchée,  quelques 
agrémens  d'esprit,  des  flatteries  bien  mé- 
nagées, lui  attirèrent  la  bienveillance  de 
la  marquise  ,  qui  ne  tarda  pas  à  adopter 
les  vues  du  diplomate  autrichien.  En 
même  temps,  Marie-Thérèse,  fille  de 
Charles  VI ,  ne  dédaigna  pas  d'écrire  à  la 
favorite  des  lettres  très  aimables ,' que 
M™'  de  Pompadour  montrait  et  citait  avec 


RAU 

orgueil.  Cette  manœuvre  rcussil  complè- 
tement ;  et ,  après  plus  de  deux  siècles 
(depuis  Charles-Quint  et  François  V) 
d'une  constante  inimitié  entre  la  France 
et  l'Autriche ,  la  paix  fut  conclue  entre 
ces  deux  maisons.  Louis  XV  ,  allié  de 
Frédéric,  roi  de  Prusse,  devînt  son  en- 
nemi ,  et  d'ancien  ennemi  de  Marie-Thé- 
rèse il  devint  son  allié.  Ce  traité,  au  grand 
élonnement  de  toute  l'Europe ,  fut  conclu 
à  Versailles  dans  le  mois  de  mai  1750.  La 
destruction  du  grand  édifice  politique 
élevé  par  le  cardinal  de  Richelieu,  fut 
tout  à  l'avantage  de  l'Autriche,  et  la  nou- 
velle alliance  mérita  justement  le  nom 
Vunio7i  monstrueuse.  On  en  lit  honneur 
à  l'abbé  de  Bernis  (  depuis  cardinal  ) , 
alors  ministre  d'état,  qui  ne  dissimula 
pas  que  ce  traité  deviendrait  peut-être 
funeste  à  la  France.  Il  voulut  se  faire 
écouter  ;  mais  la  favorite  lui  fit  ôter  le 
portefeuille.  Kaunitz  se  vit  élevé  à  la  di- 
gnité de  ministre,  et  en  exerçales  fonctions 
sous  Marie-Thérèse  et  sous  Joseph  IL  II 
accompagna  ce  prince ,  lors  de  son  en- 
trevue à  Neustadt ,  en  1770,  avec  le  roi 
de  Prusse.  Le  ministre  avait  reçu  de  l'im- 
pératrice des  instructions  secrètes,  qu'il 
ne  devait  pas  même  communiquer  à  l'em- 
pereur son  fils.  En  parlant  de  celte  en- 
trevue, Frédéric  ÎI  dit  dans  ses  Mémoi- 
res :  «  M.  de  Kaunitz  eut  avec  moi  de 
»  longues  conférences  ,  dans  lesquelles  , 
»  étalant  avec  emphase  le  système  de  sa 
»  cour ,  il  le  présenta  comme  un  chef- 
»  d'œuvre  de  politique  dont  il  était  l'au- 
»  teur.  »  Mais  Kaunitz  avait  affaire  à  un 
prince  aussi  habile  dans  son  cabinet  qu'à 
la  tête  de  ses  armées,  et  bien  souvent  sa 
politique  dut  fléchir  devant  celle  du  roi 
de  Prusse.  Dans  la  première  de  ces  con- 
férences, Frédéric  écouta  avec  sang-froid 
Je  ministre  d'Autriche  ,  et  rendit  aussitôt 
compte  à  Joseph  II  de  son  entretien  avec 
Kaunitz.  Celui-ci,  dans  les  entrevues  sui- 
vantes^, fit  usage  de  toute  son  adresse 
pour  faire  adopter  ses  projets  ;  mais  Fré- 
déric fut  inébranlable,  et  la  négociation 
échoua.  Il  n'eut  pas  plus  de  succès  dans 
celles  qui  eurent  lieu ,  en  1778 ,  sur  la 
succession  de  Bavière.  Frédéric  se  refusa 
à  toutes  les  propositions  de  Kaunitz,  et 
pénétra  sa  duplicité.  Ce  prince  le  dit  lui- 
même  dans  ses  Mémoires  de  la  guerre  de 
1778 ,  et  il  ajoute  encore  :  «  L'impératrice 
"Marie-Thérèse  était  mal  secondée  par 
%  son  minjstre ,  le  prince  de  Kaunitz,  qui, 
»  par  des  vues  assez  communes  aux  cour- 
»  lisans,  s'attachait  plutôt  à  l'empereur, 
7. 


7  KAU 

»  dont  la  jeunesse  ouvrait  une  perspec- 
»  tive  plus  brillante  à  la  famille  de  ce  mi- 
»  nislre ,  que  l'âge  avancé  de  l'impéra- 
»  trice....  La  déclaration  inattendue  de  la 
»  Russie  en  faveur  de  la  Prusse  fut  un 
»  coup  de  foudre  pour  la  cour  de  Vienne, 
»  Le  prince  de  Kaunitz  fut  embarrassé, 
»  n'ayant  rien  prévu.  »  Cependant  l'échec 
qu'éprouva  ce  ministre  dans  ses  négocia- 
tions à  l'égard  de  la  Bavière  ,  que  l'Au- 
triche aurait  voulu  réunir  à  ses  vastes 
états ,  ne  diminua  en  rien  son  crédit  au- 
près de  ses  souverains,  qui  se  virent  con- 
traints de  signer  la  paix  de  Teschen  ,  en 
1778.  Cette  dernière  défaite  éclaira  néan- 
moins les  cabinets  de  l'Europe  sur  les  ta- 
lens  tant  vantés  de  Kaunitz.  Il  avait  ce- 
pendant des  qualités  estimables,  et  dans 
l'exercice  de  ses  fonctions ,  il  n'écoutait 
ni  la  jalousie,  ni  la  vengeance  ;  on  cite 
de  lui ,  sous  ce  rapport ,  im  trait  qui  lui 
fait  honneur.  Un  jour  il  proposa  à  l'im- 
pératrice un  feld-raaréchal  pour  être  pré- 
sident du  conseil  aulique  de  guerre.... 
«Mais  cet  homme,  dit  Marie  Thérèse  , 
»  est  votre  ennemi.  —  Madame,  reprit 
»  Kaunitz ,  il  est  l'ami  de  l'état ,  et  c'est 
»  la  seule  chose  qu'il  faut  prendre  en  con- 
»  sidéralion,  »  Il  ne  mérite  pas  les  mêmes 
éloges  dans  sa  conduite  postérieure.  Après 
la  mort  de  Marie-Thérèse,  en  1780,  il 
gouverna  presque  en  maître.  Joseph  II 
avait  pour  lui  une  déférence  qui  ressem- 
blait au  respect  filial  ;  aussi  il  donnait 
parfois  le  nom  de  père  à  son  vieux  mi- 
nistre ,  qu'il  visitait  souvent ,  afin  de  ne 
pas  le  déranger ,  tandis  qu'il  s'occupait 
des  affaires.  Dans  les  fréquens  voyages 
que  ce  prince  entreprit  dans  toute  l'Eu- 
rope ,  Kaunitz  restait  comme  l'arbitre  de 
l'état,  et  il  fut  généralement  accusé  d'à' 
voir  été  le  principal  auteur  des  innova- 
tions que  Joseph  II  voulut  introduire 
dans  les  églises  de  son  empire  ,  et  notam- 
ment dans  les  Pays-Bas.  C'est  donc  à  lui 
qu'il  faut  reprocher  les  troubles  qui  eu- 
rent lieu  dans  celte  belle  province  ,  et  qui 
curent  pour  chefs  Van-Espcn  et  Vander- 
Noot,  défenseurs  des  droits  de  leur  reli- 
gion et  de  leur  pays.  Ce  furent  aussi  ces 
dangereuses  innovations  qui  amenèrent 
le  pontife  Pie  VI  à  Vienne ,  où  il  ne  fut 
pas  reçu  ainsi  qu'il  devait  l'être  ,  comme 
chef  de  l'Eglise,  ni  même  comme  prince 
temporel.  Les  diverses  conférences  que 
le  pape  eut  avec  Joseph  II  ne  produisant 
aucun  résultat  favorable ,  et  Pie  VI  n'ayant 
pour  but  que  le  bien  de  l'Eglise,  S.  S. 
oublia  pour  un  moment  sa  dignité ,  et  alla 


KAY 


98 


KEA 


en  personne  faire  une  vislle  à  Kaunilz, , 
qui  n'avait  pas  cru  devoir  le  prévenir. 
Quand  le  pape  entra  dans  le  cabinet  de 
ce  minisire ,  celui-ci  daigna  à  peine  se 
lever  de  son  siôge,  et,  lorsque  le  pontife 
se  retira,  il  n'eut  pas  même  l'allention  de 
l'accompagner.  Pie  VI  eut  encore  à  souf- 
frir d'autres  mortifications  de  la  part  de 
ce  favori  orgueilleux;  il  quitta  donc 
Vienne  ,  navré  de  douleur  et  sans  avoir 
rien  pu  obtenir  dans  ses  réclamations  , 
objet  d'un  si  long  voyage.  On  peut  lire  , 
sous  ce  rapport ,  X  Histoire  civile  j  politi- 
que et  religieuse  de  Pie  VI.  Kaunitz  fut 
du  petit  nombre  des  ministres  qui,  pen- 
dant une  longue  carrière  politique  ,  ne 
subirent  jamais  de  disgrâce.  L'affection 
que  lui  portèrent  les  divers  souverains 
qu'il  servit,  semblait  être  comme  héré- 
«litaire ,  et  passa  successivement  de 
Ciiarles  VI  à  Marie-Thérèse,  de  Fran- 
çois I"  à  Joseph  II ,  à  son  frère ,  Léo- 
pold  II,  et  enfm  au  fils  et  successeur  de 
cet  empereur,  François  II,  actuellement 
régnant.  Chacun  de  ces  princes  le  combla 
d'honneurs  et  de  richesses.  Kaunitz  par- 
vint à  l'âge  de  quatre-vingt-quatre  ans  , 
sans  avoir  éprouvé  de  maladie  sérieuse. 
A  cette  époque,  il  voulut  se  guérir  d'un 
ihume  très  léger  en  apparence ,  anais  qui 
devint  bientôt  une  infirmité  grave  ,  et  le 
conduisit  au  tombeau,  le  24  juin  1794. 
Dès  le  commencement  de  la  révolution 
française,  il  se  déclara  ouvertement  contre 
elle. 

KAUT ,  fameux  hérétique  anabaptiste , 
qui  s'éleva  à  Worms  l'an  1550 ,  et  qui 
pensa  plonger  le  palatinat  dans  de  nou- 
velles guerres  civiles.  Il  prêcha  avec  le 
même  esprit  que  Muncer.  Il  annonça 
même  qu'il  fallait  exterminer  les  princes, 
et  qu'il  avait  reçu  pour  cela  l'inspiration 
infaillible  ou  Très-Haut,  Tel  était  le  fruit 
du  fanatisme,  qui  fit  éclore  dans  ce 
siècle  une  multitude  de  sectes  conjurées 
contre  l'Eglise  catholique,  et  qui  en  même 
temps  qu'il  attaquait  l'ancienne  croyance, 
ébranlait  les  fondemens  de  l'ordre  civil. 
On  tâcha  vainement  de  gagner  ce  fanati- 
que par  la  douceur ,  et  on  ménagea  vai- 
nement ses  turbulens  disciples.  La  prison 
seule  et  les  supplices  délivrèrent  le  Pala- 
tinat d'une  peste  qui  commençait  à  l'in- 
fecter :  tant  il  est  vrai  que  la  rigueur 
bien  dirigée  ne  sert  pas  à  propager  les 
sectes  (  comme  de  faux  politiques  l'ont 
avancé  ) ,  mais  qu'elle  les  étouffe  dans 
leur  berceau. 

li.lYE.  Voyez  CAIUS. 


KAYOTIMARATS,  premier  roi  de 
Perse.  Il  établit  cet  empire  vers  l'an  890 
avant  J.-C,  malgré  la  résistance  que  lui 
opposèrent  les  Arabes  et  les  Tartares, 
peuples  sauvages  voisins ,  et  les  habitant 
de  ces  contrées.  Il  choisit  l'Alzcrbaijan 
pour  sa  résidence,  et  on  lui  attribue  la 
fondation  d'istbakhar  ou  Persépolis  On 
dit  que  Kayoumarats ,  chef  d'un  peuple 
qu'il  avait  civilisé ,  était  ce  roi  d'Elam 
dont  parle  l'Ecriture  sainte.  Il  fonda  la 
dynastie  de  Pychdàdyens.  Cependant  M. 
Langlès  et  d'autres  savans  croient  que 
celle  des  Abadyens,  qui  régnait  sur  la 
Perse  et  sur  l'Inde  ,  est  la  première  ,  el 
que  les  Pychdàdyens  ne  s'établirent  que 
par  le  résultat  d'une  scission  de  pouvoir 
avec  celle-ci. 

*  KAZA?l^YNY  (  Zacharia  Ben- Mo- 
hammed ben-Mahmoud  ),  naturaliste  et 
géographe  arabe ,  a  laissé  plusieurs  ou- 
vrages très  étendus  qui  lui  ont  mérité  le 
surnom  de  Pline  des  Orientaux.  Le  plus 
important  est  :  |  Y Jdjaïb-ûl-Makhloucât 
wa  Gharaïb-al-Mawd  ^  dont  plusieurs 
fragmens  ont  été  publiés  soit  en  arabe , 
soit  dans  les  langues  modernes  de  l'Eu- 
rope ,  entre  autres  en  allemand  (  ce  qui 
dans  ce  livre  concerne  les  constellations), 
par  M.  Ideler,  Berlin,  1809,  in-8°;  par 
M.  Bochart  (  pour  ce  qui  regarde  les  élé- 
mcns,  le  mouvement  de  la  terre,  les  mé- 
téores, etc.),  dans  son  Hierozoïcon;  ces 
derniers  fragmens  ont  été  réimprimés 
par  Jahn  dans  sa  Chrestomathie  arabe; 
M.  Wahl ,  en  a  aussi  donné  dans  sa  Neuâ' 
j7-abische  anthologie  ;  ainsi  que  le  che- 
valier Ouseley ,  dans  ses  Oriental,  collée- 
tions;  M.  de  Chtzy  en  a  traduit  la  des- 
cription des  Trois  règnes  de  la  nature^  en 
y  ajoutant  des  notes.  Voyez  le  troisième 
volume  de  la  Chrestomathie  arabe  de 
M.  de  Sacy.  L'autre  ouvrage  de  Kazwyny 
a  pour  titre  ]  \  Jthar  âl-Bilâdwa  Akhbar 
al-lbad  ou  Description  de  l'univers  et 
Histoire  de  ses  habitans  :  c'est  un  très 
long  traité  de  géographie  précédé  de  prfn 
légomènes.  Ce  savant  arabe  est  mort  vers 
l'an  682  de  l'hégire  (1283  de  notre  ère), 
après  avoir  été  khadi  de  Wacet  et  de  Hil- 
làh,  dans  llrakArabi.  —  Hamdo'llau  ben 
Abybekr  ben  Hamdo'llah  Almostaoufy  al 
KAZWYNY  mort  en  l'an  dôoO  de  notre 
ère ,  a  aussi  écrit  en  persan  un  traité  de 
géographie  et  d'histoire  naturelle  qui  a 
pour  titre  :  Nozhato'lcoloub ;  le  savant 
I^nglès  en  avait  entrepris  la  traduction. 

KEATE  (  Georges  ),  littérateur  an- 
glais, issu  d'une  bonne  famille,  naquit  en 


KEA 


99 


KET 


1729  ou  i7ôa.  Il  fil  ses  études  au  coîlé{;e 
de  Kingston ,  et  voyagea  ensuite  en  Eu- 
rope. Se  trouvant  à  Genève ,  il  connut 
Voltaire,  auquel  il  communiqua  quel- 
ques-uns de  ses  écrits.  De  retour  en  An- 
gleterre ,  il  suivit  les  cours  de  jurispru- 
dence à  Cambridge ,  et  se  livra  quelque 
temps  au  barreau  ;  mais  ,  n'y  -obtenant 
pas  de  grands  succès,  il  le  quitta  pour 
s'adonner  à  l'étude  des  antiquités  etàla  lit- 
térature. Keate,  jouissant  d'une  honnête 
fortune,  put,  sans  se  mettre  aux  gages 
des  libraires,  travailler  avec  tranquillité, 
et  donner  ainsi  à  ses  ouvrages  cette  élé- 
gance et  ce  fini  qui  en  forment  un  des 
principaux  ornemens.  Il  en  avait  déjà 
écrit  plusieurs  ,  tandis  qu'il  voyageait ,  et 
ce  fut  à  Rome  qu'il  composa  sa  Rome  an- 
cienne et  moderne ,  qui  commença  à  éta- 
blir sa  réputation.  Ses  talens  le  firent  re- 
cevoir membre  de  la  société  royale  de 
Londres  et  de  celle  des  antiquaires  ;  il 
occupait  la  place  d'assesseur  au  collège 
de  droit  du  Temple  ,  à  Londres ,  où  il 
mourut  en  1797,  âgé  de  soixante-sept 
ans.  On  a  de  lui  :  1  Rome  ancienne  et  mo- 
derne ,  poème,  Londres ,  1760  ;  |  Tableau 
abrégé  de  l'histoire  ancienne  du  gouver- 
nement actuel  et  des  lois  de  la  république 
de  Genève  j  17G1  ,  in-8°.  L'auteur  dédia 
cet  ouvrage  à  Voltaire  :  ce  philosox^he  se 
proposait  de  le  traduire  en  français,  mais 
il  abandonna  ce  projet ,  piqué  sans  doute 
de  ce  que  Keate,  dans  l'ouvrage  suivant, 
en  parlant  de  Voltaire  lui-même  ,  fit  un 
pompeux  éloge  d'un  autre  auteur.  |  Fer- 
ney  ^  épître  à  M.  de  Voltaire^  1769. 
Keate  ,  dans  celte  épître ,  n'épargne  pas 
les  louanges  au  philosophe  de  Ferney; 
mais ,  pour  mieux  lui  plaire ,  il  devait 
s'en  tenir  là,  et  ne  point  faire  le  panégy- 
rique de  Shakespeare.  L'amour- propre, 
d'ailleurs  très  susceptible ,  de  l'auteur  de 
Mahomet^  en  fut  vivement  blessé.  Le 
maire  elles  représentans  de  Stratford  sur 
l'Avon  ,  pour  se  montrer  reconnaissans 
de  l'éloge  que  Keate  avait  fait  de  leur  il- 
lustre compatriote,  lui  donnèrent  une 
écritoire  montée  en  argent,  et  faite  du 
bois  du  fameux  mûrier  planté  par  Sha- 
kespeare. I  Les  Alpes,  poème,  1765.  C'est 
le  meilleur  ouvrage  de  l'auteur.  |  L'ab- 
baye  de  Netley  ,  1764;  deuxième  édition  , 
augmentée  et  corrigée ,  1769  ;  |  Le  Tom- 
beau dans  l'Ârcadie ,  poème  dramati- 
que ,  1775  ;  I  Esquisses  d'après  nature , 
dessinées  et  coloriées  dans  un  voyage  à 
Margatej.  1779,  2  vol.  in-12.  C'est  une 
heureuse  imitation  du  Voyage  sentimen- 


tal de  Sterne,  et  qui  eut  un  grand  succès  ; 
il  a  été  traduit  en  français,  2  vol.  in-8°. 
I  Vllelvétiade,  1780.  Ce  n'est  que  le  fiag- 
ment  d'un  poème  en  dix  chants  sur  la  ré- 
volution suisse,  et  que,  d'après  l'avis  de 
Voltaire ,  auquel  il  avait  communiqué 
son  manuscrit ,  il  ne  piiblia  pas  en  en- 
tier ;  I  Relation  des  îles  Pelew  ;  composée 
sur  les  journaux  et  les  communications 
du  capitaine  Henry  Vilson ,  et  de  plu- 
sieurs de  ses  officiers ,  qui  en  août  1785  , 
y  firent  naufrage ,  1788 ,  in-4**.  Keate  en- 
treprit cet  ouvrage ,  afin  d'en  distribuer 
le  produit  de  la  vente  entre  les  mal- 
heureux naufragés.  Sa  relation  est  fort 
bien  écrite  et  pleine  d'intérêt.  Elle  a  été 
traduite  en  français.  Perceval  Hockin 
ayant  obtenu  de  nouveaux  renseigne- 
mens  du  capitaine  Wilson ,  donna  un 
Supplément  à  la  relation  originale  ,  Lon- 
dres ,  1804 ,  ïi\-k°,  fig.  Keate  a  traduit  en 
anglais  la  Sémiramis  de  Voltaire.  Il  publia 
un  Recueil  de  ses  œuvres  poétiques,  Lon- 
dres, 1781,  2  vol.  in-8".  Il  passe  pour 
être  un  des  meilleurs  poètes  et  écrivains 
anglais  du  19*  siècle. 

REATING  (  Jeffery  ),  docteur  et  prê- 
tre catJiolique  irlandais  ,  natif  de  Tippe- 
rary,  moit  en  1650,  est  auteur  d'une  JF/is- 
toire  des  j^octes  de  sa  nation ,  traduite  de 
l'irlandais  en  anglais ,  imprimée  magni- 
fiquement à  Londres,  en  i758,in-fol, 
avec  les  généalogies  des  principales  fa- 
milles d'Irlande,  lia  aussi  laissé  plusieurs 
ouvrages  manuscrits  parmi  lesquels  on 
distingue  Simon_.  poème  burlesque,  dont 
son  domestique  était  le  héros. 

RECRERMAI^N  (  BAUTHÉtEMi  ),  pro- 
fesseur d'hébreu  à  Heidelberg,  et  de  phi- 
losophie à  Dantzick ,  sa  pairie  ,  mourut 
dans  cette  ville  en  1609,  à  56  ans.  On  a 
de  lui  plusieurs  ouvrages ,  recueillis  à 
Genève,  1614  ,  2  vol.  in-fol.,  qui  ne  sont 
que  des  compilations.  Les  plus  connus 
sont  deux  Traités  sur  la  rhétorique  ;  le 
premier  publié  d'abord  en  1600,  sous 
le  titre  de  Rheto7'icfV  ecclesiasticœ  libri 
duo,  et  le  deuxième  en  1606,  sous  le  titre 
de  Systema  rhetoricœ.  Ces  deux  produc- 
tions sont  assez  méthodiques. 

RlîïLL  (Jeax),  professeur  d'astronomie 
à  Oxford,  membre  de  la  société  royale  da 
Londres,  naquit  en  1671  à  Edimbourg, 
en  Ecosse  ,  et  mourut  en  1721 ,  à  50  ans. 
C'était  un  philosophe  modéré,  ami  de  la 
retraite  et  de  la  paix.  Il  fut,  dit-on,  le 
premier  qui  enseigna  les  élémens  de  New- 
ton ,  à  Oxford ,  où  il  fut  nommé  profes- 
seur suppléant  de  philosophie  naturelle 


KEI 


100 


REI 


en  1700  et  professeur  titulaire  d'astrono- 
mie en  1710.  Il  eut  dans  cette  université 
une  discussion  très  vive  avec  Leibnilz 
qui  contestait  à  Newton  l'honneur  d'a- 
voir inventé  la  méthode  des  fluxions. 
Avant  de  se  livrer  à  renseignement,  Keill 
avait  publié  (1698)  V Examen  de  la  théo- 
rie de  la  Terre  de  Burnett ,  et  il  y  joi- 
jnit  quelques  remarques  sur  la  JSou- 
velle  théorie  de  la  Terre  de  V»hislon. 
Cet  habile  mathématicien  laissa  plusieurs 
ouvrages  d'astronomie,  de  pliysiquc  cl 
de  médecine,  tous  également  estimes  des 
connaisseurs.  Le  plus  connu  est  son  Jn- 
troduction  à  la  véritable  physique,  en  14 
leçons,  1700,  et  en  16  leçons,  1705;  en 
1718,  parut  son  Introduction  à  la  véri- 
table astronomie^  qui  devint  classique  en 
France ,  lorsque  la  philosophie  newto- 
nlenne  commença  à  s'y  établir.  M.  le 
Monnier  le  fils,  célèbre  astronome,  l'a 
traduite  en  français ,  Paris ,  17ii6,  in-4". 
Keill  est  un  des  premiers  qui  aient  réfuté 
les  visions  de  Hartsocker  et  d'autres  as- 
tronomes ,  touchant  les  villes  ,  les  forêts 
et  les  mers  de  la  lune  ;  il  assure  que  toutes 
ces  imaginations  s'évanouissent  au  moyen 
d'un  bon  télescope ,  et  <[ue  les  taches  de 
la  lune  sont  l'effet  des  inégalités  et  des 
cavernosités  de  cette  planète.  Cet  auteur 
était  aussi  religieux  que  savant;  on  lit, 
dans  la  préface  de  l'ouvrage  que  nous 
avons  cité,  le  passage  suivant  :  «  De 
»  toutes  les  sciences  que  nous  acquérons 
»  par  les  lumières  de  la  nature ,  il  n'y  en 
»  a  aucune  qui  nous  conduise  plus  stire- 
»  ment  à  la  connaissance  d'un  être  sou- 
f  verain  et  tout  parfait.  »  —  Jacques 
KEILL,  son  frère,  excellent  médecin,  né 
en  1G73,  mort  à  Northampton  en  1719,  à 
46  ans ,  est  auteur  de  plusieurs  écrits  sur 
son  art,  qui  ont  été  recherchés,  entre 
autres  du  Tableau  de  la  sécrétion  ani- 
male^ etc.,  Londres,  1708  ,  réimprimé  en 
1717  et  traduit  en  lathi.  Foyez  JURIN. 

KEITII  (Geokges  ),  fameux  quaker  ou 
trembleur,  né  en  Ecosse  d'une  famille 
obscure  ,  embrassa  de  bonne  heure  l'état 
ecclésiastique,  fut  presbytérien,  puis 
quaker,  et  se  distingua  par  la  bizarrerie  de 
£es  opinions.  Il  niait  l'éternité  des  peines 
de  l'enfer,  enseignait  la  métempsycose, 
et  plusieurs  autres  idées  extravagantes. 
Celle  des  deux  Christs  (  l'un  terrestre  et 
corporel,  fils  de  Marie,  né  dans  le  temps; 
l'autre  spirituel,  céleste  et  éternel,  rési- 
dant dans  tous  les  hommes,  depuis  la 
constitution  du  monde  )  lui  causa  de  lon- 
gues et  fàcheuises  affaires.  Il  parcourut 


l'Allemagne,  la  Hollande,  l'Amérique, 
semant  partout  ses  rêveries,  qu'il  mêlait 
avec  les  vérités  les  plus  augustes.  Cet  in- 
sensé fut  plusieurs  fois  condamné  sans 
vouloir  se  soumettre.  De  retour  en  Eu- 
rope ,  en  1694  ,  il  pai  ut  au  spiode  géné- 
ral de  la  secte  des  trembleurs,  tenu  à 
Londres,  la  même  année ,  et  y  fut  con- 
damné malgré  son  enthousiasme  et  son 
babil.  Quelque  temps  après,  il  rentra 
dans  l'église  anglicane ,  et  publia  un  li- 
vre intitulé  :  Examen  de  l'état  des  qua- 
kers,  Londres,  1702,  in-8°,  pour  prou- 
ver son  orthodoxie.  Il  mourut  dans  l'ob- 
scurité. (  "Voyez  les  Jeta  eruditontm  . 
année  1703,  p.  590;  'Walch  ,  Bibliolhcca 
iheolog.  sel.  t.  2  ;  le  père  Catrou,  Histoire 
du  quakérisme.  ) 

REITII  (  Jacques  ) ,  feld-maréchal  des 
armées  du  roi  de  Prusse,  était  fils  cadet 
de  George  Keilh ,  comte  maréchal  d'E- 
cosse,  et  de  Marie  Drummond,  fiUe  du 
lord  Perth,  grand -chancelier  d'Ecosse 
sous  le  règne  de  JaccfUes  II.  Il  naquit  t  n 
1696,  à  Fréteressa,  dans  le  shérifsdon  de 
Kincardine.  Ayant  pris  parti  avec  son 
frère  aîné  pour  le  prétendant,  elles  entre- 
prises de  ce  prince  n'ayant  pas  été  heu- 
reuses en  1715,  il  passa  avec  ce  frère  en  Es- 
pagne. Il  y  fut  ofticicr  dans  les  brigades 
irlandaises,  pendant  dix  ans.  Il  alla  en- 
suite en  Moscovie,  où  la  clarine  le  nomma 
brigadier  général ,  e-t  peu  de  temps  après 
lieutenant-général.  Il  signala  son  courage 
dans  toutes  les  batailles  qui  se  donnèrent 
entre  les  Turcs  et  les  Russes  sous  le  règne 
de  cette  princesse ,  et  à  la  prise  d'Ocza- 
kovv^,  il  fut  le  premier  à  la  brèche,  et 
fut  blessé  au  talon.  Dans  la  guerre  entre 
les  Russes  et  les  Suédois,  il  servit  en 
Finlande  en  qualité  de  lieutenant-géné- 
ral. Ce  fut  lui  qui  décida  le  gain  de  la 
bataille  de  Wilinanstrand,  et  qui  chassa 
les  Suédois  des  îles  d'Aland,  dans  la  mer 
Baltique.  A  la  paix  conclue  à  Abo  en 
1745  ,  il  fut  envoyé  par  l'impératrice  am- 
bassadeur à  la  cour  de  Stockholm,  où 
il  se  distingua  par  sa  magnificence.  De 
retour  à  Pélersbourg,  l'impératrice  l'ho* 
nora  du  bâton  de  maréchal  ;  mais  ses  ap- 
poiulemens  étant  trop  modiques,  il  se 
rendit  auprès  du  roi  de  Prusse  qui  lui 
assura  une  forte  pension,  et  le  mit  dans 
sa  confiance  la  plus  intime.  Il  parcourut 
avec  lui  la  plus  grande  partie  de  l'Allo- 
magne  ,  de  la  Pologne  et  de  la  Hongrie. 
La  guerre  s'étant  déclaiée  eri  1736,  Keiih 
entra  en  Saxe  en  qualité  de  feld-maré- 
chal de  l'armée  prussienne,  Ce  fut  lui  qui 


KEL 


JOJ 


KEL 


assura  la  belle  relraile  de  cette  année, 
après  la  levée  du  siège  d'Olmutz,,  en  1758. 
Il  fut  tué  celle  même  année ,  lorsqtie  le 
comte  de  Daun  surprit  le  camp  des  Prus- 
siens à  Hockirchen.  Le  général  Keilh 
était  homme  de  tête  et  homme  de  main  ; 
il  avait  médité  beaucoup  sur  l'art  mili- 
taire.— Son  frère  Georges  KEITH,  comte- 
maréchal  d'Ecosse ,  nommé  communé- 
ment Milor^ Maréchal,  suivit  le  parti  du 
prétendant,  qu'il  quitta  ensuite.  Après 
avoir  séjourné  quelque  temps  en  Espa- 
gne ,  à  Avignon ,  à  Venise  ,  en  Suisse  ,  il 
mourut  en  Prusse  en  1778.  Il  ne  serait 
guère  connu  sans  un  Eloge  que  d'Alem- 
bert  s'avisa  d'en  faire,  on  ne  sait  pour- 
quoi ,  en  1779  ;  pièce  remplie  d'anachro- 
nismes ,  d'assertions  fausses ,  de  propos 
injurieux  à  de  grands  princes,  et  de  toutes 
les  petites  gentillesses  philosophiques. 
Voyez  X Année  littéraire.  1779,  n°'  12 
et  17. 

*  KELGREN  (Henri  ),  philosophe ,  lit- 
térateur et  poète  suédois ,  né  en  Sca- 
nie ,  le  1"  décembre  1751,  fit  d'excellentes 
études  à  l'université  d'Abo  en  Finlande, 
obtint  le  titre  de  maître-ès-arts,  et  donna 
pendant  quelque  temps  des  leçons  publi- 
ques dans  cette  ville.  Il  se  rendit  à  Stock- 
holm ,  et  y  fut  chargé  de  l'éducation  des 
deux  fils  du  feld  -  maréchal  comte  de 
Meyerfeldt.  Mais  poussé  par  son  goût  pour 
la  poésie,  il  s'occupabientôt  exclusivement 
de  littérature  :  alors  le  besoisi  se  fit  sentir, 
et  il  se  vit  en  butte  aux  attaques  de  la  fouie 
des  mauvais  poètes.  Enfin  il  trouva  un 
protecteur  dans  le  prince  Gustave  III , 
qui  le  chargea  de  corriger  ses  produc- 
tions et  de  mettre  en  vers  les  opéras  dont 
il  avait  esquissé  le  plan  :  ce  prince  l'en 
récompensa  en  le  nommant  un  des  dix- 
huit  premiers  membres  de  l'académie 
suédoise ,  instituée  à  l'instar  de  l'acadé- 
mie française  en  1786.  Kelgren  s'occupa 
aussi  avec  succès  d'histoire  et  de  pliiloso- 
phie,  et,  lorsqu'il  mourut  le  12  avril 
1793,  il  mérita  celte  inscription  que  ses 
amis  placèrent  sur  sa  tombe  :  Poetie.  phi- 
losopha.  civi.  aiyiico  lugentes  amici.  Le 
recueil  de  ses  OEuvrcs  a  été  fait  peu  de 
temps  après  sa  mort,  en  k  vol.  avec  une 
Notice  sur  sa  vie  par  Rosenstein  :  elles 
se  composent  principalement,  d'Odes. 
d'Epilres  .  de  Tragédies  lyriques  ^  parmi 
lesquelles  on  remarque  Christine  et  Gus- 
tave-irasa.  des  Traductions  d'Horace. 
de  Tibulle .  de  Voltaire .  des  Essais  de 
philosophie  morale,  etc.  Ses  poésies  se 
distinguent  par  l'élévation ,  la  grâce  et  la 


finesse  :  ses  ouvrages  en  prose,  par  nn 
style  clair  et  précis ,  ei.  par  des  idées 
profondes  ou  des  vérités  utiles.  Kelgren 
rédigea  pendant  quelque  tc;mps  la  partie- 
httéraire  d'un  journal  intitulé  Stockholm 
Posten. 

KELLER  (  .Tacqdes),  Cellarius.  jé- 
suite allemand  ,  né  à  Seckingen  ,  dans  le 
diocèse  de  Constance,  en  1508,  mort  a 
Munich,  en  1651 ,  professa  avec  distinc- 
tion les  belles-lettres  ,  la  philosophie,  la 
théologie,  devint  recteur  du  collège  de 
Ralisbonne  ,  puis  de  celui  de  Munich ,  et 
fut  long-temps  confesseur  du  prince  frère 
de  l'électeur  et  de  la  princesse  de  Ba- 
vière ;  il  se  signala  dans  les  conféiences 
de  controverse,  et  disputa  publiquement 
avec  Jacques  Hailbrunner,  le  plus  célè- 
bre ministre  du  duc  de  Neubourg.  On  a 
de  lui  divers  ouvrages  contre  les  luthé- 
riens et  contre  les  puissances  qui  fai- 
saient, en  leur  faveur,  la  guerre  aux 
princes  catholiques  d'Allemagne.  Il  s'y 
déguise  souvent  sous  les  noms  de  Jacob 
Sylvanus.  Fabius  Hercynianus.  par  allu- 
sion au  lieu  de  sa  naissance  qui  est  dans 
laForét-Noire,  dH Aurimontius  (traduction 
du  mot  Goldberg ,  nom  allemand  de  sa 
mère),  etc.  Son  ouvrage  contre  la  France. 
\\\\x\\\\c,  Mysteria  politica.iîiVù  ,  in-ii",  fut 
brûlé  par  sentence  du  Châtelet ,  censuré 
en  Sorbonne,  et  condamné  parle  clergé 
de  France.  Keller  n'avait  pu  compren- 
dre ,  sans  recourir  aux  mystères  de  la 
politique,  pourquoi  la  France  prenait 
parti  pour  les  hérétiques  en  Allemagne, 
tandis  qu'elle  les  l>rûlait  chez  elle  ;  cela 
était  effectivement  peu  facile  à  compren- 
dre en  bonne  logique  ;  et ,  ce  que  ni  le 
Châtelet ,  ni  la  Sox'bonne  ,  ni  le  clergé 
n'ont  expliqué,  le  cardinal  de  Richelieu 
eût  pu  le  faire  ;  mais  il  no  l'eût  fait , 
comme  Keller  ,  que  par  les  viystèi'es  de 
la  politique.  On  a  reproché  à  ce  dernier 
quelques  maximes  contraires  à  l'indépen- 
dance des  rois  ;  et  c'est  ce  qui  a  fait  con- 
damner ses  ouvrages  au  feu  par  le  par- 
lement de  Paris.  Foyez  JOUVENCY,  SAN- 
TARKL.  Voyex  aussi  la  Bibliothèque  du 
père  Sotwell  et  le  tom.  1"  p.  202  du  Die 
tionnaire  des  livres  condamnés  au  feu, 
de  Peignot.  Un  des  écrits  les  plus  curieux 
de  Keller  a  pour  titre  :  Tyrannicidium  seii 
sciturn  catholicum  de  tyranni  inteme- 
cîo«<?,  Munich,  1611,  in-4°,  où  l'auteur  s'al- 
tache  à  laver  les  jésuites  du  reproche  d'a- 
voir enseigné  le  régicide. 

KELLER  (  Jeas-Baltiiasar),  né  à  Zu- 
rich en  1638,  excellent  ouvrier  darxs  l'arl 

0, 


KEL 


102 


KEL 


de  foudre  en  Lronzc ,  jeta  en  fonte  la  sta- 
tue équestre  de  Louis  Xiy^  que  l'on  voyait 
a  Paris  sur  la  place  de  Louis  le  Grand. 
Celte  statue,  haute  de  20  pieds,  et  d'un 
seul  jet,  fui  terminée  le  1"  décembre 
1  G92.il  fut  fait  inspecteur  de  la  fonderie 
de  l'arsenal ,  et  mourut  en  1702.  —  Jea\- 
Jacqces  KELLER,  son  frère,  était  aussi 
1res  habile  dans  le  même  art,  et  mourut 
commissaire  d'artillerie  du  roi  à  Colnrar 
en  1700 ,  âgé  de  65  ans.  Plusieurs  des  sta- 
tues en  bronze  qui  décorent  les  jardins  de 
Versailles  et  des  Tuileries  sont  l'ouvrage 
do  ces  deux  artistes. 

•  KELLERMANN  (  Fp.ançois-Chris- 
tophe),  pair  et  maréchal  de  France,  duc 
de  Valmy,  grand-cordon  de  la  légiun- 
d'honneur,grand'croix  des  ordres  de  Saint- 
Louis  ,  de  l'Aigle  d'or  de  Wurtemberg ,  de 
la  Fidélité  de  Bade ,  naquit  le  30  mai  1755 
à  Strasbourg  (  Bas-Rhin  ).  Il  entra  au 
service  en  4752,  et  obtint  dans  la  guerre 
de  sept  ans  le  grade  de  capitaine.  Après 
avoir  été  chargé  de  différentes  missions 
en  Pologne  et  en  Tartarie,  en  1765  et 
4766 ,  il  fut  du  nombre  des  officiers  en- 
voyés par  le  roi  en  Pologne ,  en  1771,  pour 
seconder  la  confédération  de  Bar,  et  il  se 
signala  au  combat  de  Cracovie.  Avant  la 
lin  de  1785,  il  était  parvenu  au  grade  de 
maréchal-de-camp.  S'étant  déclaré  en  fa- 
veur de  la  révolution,  il  fut  investi,  en 
1791 ,  du  commandement  de  l'Alsace ,  dé- 
couvrit les  intelligences  que  le  prince  de 
Condé  et  Mirabeau  entretenaient  sur  cette 
frontière,  pourvut  à  la  défense  des  places 
de  cette  province  et  permit  aux  soldats  de 
fréquenter  les  sociétés  populaires.  La  ville 
de  Landau  lui  décerna,  en  reconnaissance 
de  ses  efforts  patriotiques  ,  une  couronne 
civique  et  des  remercimens  solennels. 
Kellermann,  nommé  général  en  chef  des 
troupes  qui  se  rassemblaient  sur  la  Sarre, 
au  camp  de  Neukirck,  le  fut  ensuite  de 
l'armée  du  centie,  en  remplacement  de 
Luckner,  nommé  généralissime.  Le  19 
«epterabre  1792 ,  il  opéra  à  la  tête  de  vingt- 
deux  raille  hommes  sa  jonction  avec  Du- 
njouriez,  et  ses  manœuvres  à  la  bataille 
de  Valmy  (20  septembre),  où  il  resta 
vainqueur,  méritèrent  les  applaudisse- 
raens  de  ses  ennemis  mêmes.  Après  cette 
victoire  la  république  fut  proclamée.  Kel- 
lermann ,  employé  ensuite  sous  Cusline 
à  l'armée  de  la  Moselle ,  fut  dénoncé  par 
lui  pour  ne  s'être  point  emparé  de  Trêves 
et  de  Mayence.  Il  répondit ,  le  6  novembre 
à  la  Convention  «  que  cette  dénonciation 
»  ne  pouvait  être  que  l'effet  de  la  folie  ou 


i>  du  vin.  »  Il  lui  fallut  néanmoins  com- 
paraître le  14  novembre  1792  à  la  barre 
de  l'assemblée  où  il  donna  des  protesta- 
tions de  dévouement.  Une  seconde  dé- 
nonciation de  Custine  n'eut  pas  plus  do 
succès  que  la  première.  Kellermann  fut 
nommé,  le  21  mai  1793,  au  commande- 
ment en  chef  de  l'armée  des  Alpes  et  d'I- 
talie ,  délivra,  en  passant  à  Lyon,  deux 
conventionnels  qui  étaient  tardés  à  vue 
et  dont  les  jours  étaient  menacés,  et  se 
rendit  à  JNice  pour  se  concerter  avec  le 
général  Biron ,  qui  commandait  l'armée 
d'Italie.  Il  fut  obligé,  sur  la  réquisition  dea 
commissaires  de  la  Convention  à  Lyon , 
d'envoyer  conîre  celte  ville  une  partie 
assez,  considérable  de  son  armée,  et  il 
publia  une  proclamation  pour  faire  ou- 
vrir les  portes  aux  représentans.  Amar, 
qui  l'accusait  de  trahison ,  ayant  demandé 
le  27  août  1795 ,  qu'on  fit  tomber  la  lèle 
du  général ,  celui-ci  fui  défendu  par  Du- 
bois-Crancé ,  qui  ne  le  reconnaissait  cou- 
pable que  de  mollesse.  Kelltrinann  vint 
lui-même  sous  les  murs  de  Lyon  ;  il  savait 
que  les  Lyonnais  étaient  encouragés  dans 
leur  résistance  par  l'espoir  que  les  Pié- 
montais  forceraient  la  ligne  du  Mont-Blanc 
et  viendraient  les  secourir.  Il  écrivit  en 
conséquence  à  Paris  que  c'était  à  la  fron- 
tière que  Lyon  devait  être  prise.  Mais  ce 
ne  fut  que  plus  tard  que  l'assemblée  lui 
permit  de  quitter  momentanément  la 
ville  assiégée  pour  aller  au-devant  de 
l'armée  piémontaise  ,  à  qui  la  supériorité 
du  nombre  venait  d'assurer  quelques 
avantages.  Peu  de  temps  après  Keller- 
man ,  à  la  tète  de  huit  mille  hommes, 
chassa  l'ennemi  de  la  Tarcntaise  et  de  la 
Maurienne ,  et  lui  enleva  dix-sept  pièces 
de  canon  et  presque  tous  ses  équipages. 
La  ville  de  Lyon  s'était  rendue ,  et  Kel- 
lermann avait  reçu  le  18  octobre  l'ordre 
d'aller  prendre  le  commandement  du 
siège  de  Toulon,  lorsque  tout  à  coup  il 
fut  destitué ,  arrêté  et  conduit  à  Paria. 
Fouquier  -  Tainville,  à  qui  l'on  avait 
transmis  plusieurs  fois  l'ordre  de  le 
remettre  en  jugement ,  répondait  qu'il 
ne  trouvait  pas  même  l'apparence  d'une 
base  d'accusation.  La  révolution  du  9 
thermidor  étant  survenue,  Kellermann 
fut  enlin  acquitté ,  et ,  après  treize  mois  de 
détention,  il  fut  nommé  de  nouveau  géné- 
ral en  chef  des  armées  des  Alpes  et  d'Italie. 
Il  se  livra  un  gi  and  nombre  de  combats  ; 
mais  le  général  français  se  borna  à/  dé- 
fendre son  terrain  contre  l'ennemi  (!onl 
les  forces  étaient  bien  supérieures  aux 


KEL 


103 


KEM 


siennes.  Kellermann  qui  voulait  entrer 
dans  l'intérieur  de  l'Italie  ,  était  parvenu 
enfin  à  obtenir  des  renforts  du  comité  du 
salut  public;  mais  l'exécution  de  sou  pro- 
jet fut  confiée  à  Schérer.  Il  contribua  en- 
core à  la  prospérité  des  armes  de  Bona- 
parte ,  fut  chargé  en  1797  d'organiser  la 
gendarmerie ,  et  fut  nommé  membre  du 
bureau  militaire  établi  près  du  Directoire. 
Kellermann  prit  peu  de  part  aux  événe- 
mens  du  18  brumaire  an  8  (  9  novembre 
1799  ).  Il  entra  au  sénat  conservateur, 
dont  il  devint  président ,  le  2  août  1801 , 
fut  nommé  grand -aigle  de  la  légion 
d'honneur,  le  13  pluviôse  an  13  (  2  fé- 
vrier 18G5),  puis  maréchal  de  France, 
et  duc  de  Valmy.  En  1803,  il  alla  organi- 
ser les  gardes  nationales  en  Alsace ,  fut 
aussi  chargé  de  l'organisation  des  régi- 
mens  provisoires  à  Mayence ,  et  obtint, 
en  1808 ,  le  commandement  en  chef  de 
l'armée  de  réserve  d'Espagne ,  puis  celui 
du  corps  d'observation  de  l'Elbe.  Après  la 
bataille  de  Hanau  (50  et  51  octobre  1815  ), 
il  prit  le  commîMidcment  de  toutes  les  ré- 
serves à  Metz.  Il  vota,  le  l*^'  avril  1814  , 
la  déchéance  de  Napoléon  ,  et  la  création 
d'un  gouvernement  provisoire,  et  fut 
nommé  la  même  année  ,  commissaire  du 
roi  dans  la  troisième  division  militaire, 
et  pair  de  France.  Resté  sans  emploi  du- 
rant les  Cent-jours ,  il  rentra  ensuite  à  la 
chambre  des  pairs  où  il  vota  avec  l'op- 
position ;  son  fils  y  a  hérité  de  sou  titre.  Le 
maréchal  Kellermann  est  mort  le  12  si'p- 
tembre  1820 ,  à  l'âge  de  85  ans ,  après 
avoir  demandé  par  son  testament  que  son 
coeur  fût  déposé  dans  les  champs  de  A'al- 
uiy  :  son  fils  a  rempli  ce  vœu.  M.  Mahul 
a  consacré  à  ce  général  une  notice  dans 
h;  premier  volume  de  sou  Annuaire  né- 
crologique. 

*  ïiELLY  (  Joiix  ),  savant  ecclésiastique 
anglais,  né  en  1730  à  Douglas,  capitale 
de  l'ile  de  Man ,  devint  successivement 
gouverneur  du  marquis  de  Huntley ,  vi- 
caire d'Ardleigh  et  recteur  de  Copford 
près  de  Colchester.  Il  s'adonna  de  bonne 
heure  à  l'étude  de  la  langue  de  son  pays 
qui  est  un  dialecte  du  celtique.  A  l'âge  de 
17  ans ,  il  composa  une  grammaire  et  un 
dictionnaire  de  cet  idiome  particulier,  et 
surveilla  ensuite  la  traduction  dans  ce 
dialecte  de  différens  livres  religieux  ,  en- 
traulres  de  Y  ancien  Testament.  Il  publia 
en  1805,  son  ouvrage  inlilulc;  Grammaire 
pratique  de  l'ancienne  langue  y alli que  ou 
de  Vile  de  3fan,  vulgairement  appelée  le 
Manks,  et  il  faisait  inipriiner  chez  les  Ki- 


cliols  un  Dictionnaire  triglotte  des  langues 
erse ,  irlandaise  et  manks .  quand  un  in- 
cendie qui  dévora  la  maison  de  ces  im- 
primeurs détruisit  les  résultats  de  ses  tra- 
vaux. Kelly  mourut  du  typhus  ,  en  1809, 
à  l'âge  d'environ  60  ans. 

'  REMBLE  (  Jean-Philippe  )  acteur  cé- 
lèbre, né  en  1757,  à  Prescot,  dans  le 
Lancashirc,  débuta  à  Tàge  de  10  ans  par 
le  rôle  du  duc  d'York  de  la  tragédie  de 
^Charles  I'^^ ,  sur  le  théâtre  de  Worcester 
dont  son  père  était  le  directeur.  Celui-ci 
voulant  détourner  son  fils  de  la  carrière 
dramatique,  l'envoya  dans  un  séminaire 
catholique  du  comté  de  Slafford.  Le  jeune 
Kemble  vint  ensuite  en  France,  à  l'âge 
de  15  ans,  et  étudia  pendant  5  ans  au 
collège  de  Douai ,  où  ïalma  fut ,  dit-on  ; 
son  condisciple.  11  y  termina  son  éduca- 
tion, et  il  était  de  retour  en  Angleterre 
avant  sa  20'  année.  Après  avoir  occupé 
une  place  dans  un  bureau  de  poste ,  il 
reparut  au  théâtre  dans  le  rôle  de  Théo- 
dose ,  de  la  pièce  intitulée  la  Force  de 
l'amour,  dans  celui  de  Bajazet  et  dans 
d'autres  encore  :  il  joua  à  Sheffield,  à 
Neuwcastle  et  à  Edimbourg.  Il  prit  même, 
avec  l'acteur  Tate  Wilkinson ,  la  direction 
du  théâtre  de  cette  dernière  ville,  et  dé- 
buta en  1782  sur  celui  de  Dublin  dans  le 
rôle  de  Hamlet.  Les  succès  toujours  crois- 
sant qu'il  obtint  dans  celte  pièce,  qui  fut 
toute  sa  vie  son  triomphe,  le  détermi- 
nèrent à  venir  l'année  suivante  débuter 
sur  le  théâtre  de  Drury-Lane  à  Londres, 
dans  le  même  personnage  :  il  y  obtint  un 
succès  éclatant.  En  1788,  Kemble  fut  chargé 
de  la  direction  de  ce  théâtre  dans  lequel  il 
s'empressa  d'établir  le  système  des  déco- 
rations et  des  costumes  conformes  à  la  vé- 
rité historique.  Il  continua  à  jouer  avec 
un  talent  extraordinaire  dans  plusieurs 
pièces ,  entre  autres  dans  Macbeth  où  il 
remplissait  le  rôle  de  Malcolm  :  il  relit 
plusieurs  pièces  anciennes  et  enrichit  la 
scène  anglaise  de  quelques  chefs-d'œuvre 
étrangers.  En  1802  il  vint  sur  le  continent 
pour  rétablir  sa  santé  chancelante,  visila 
iMadrid  et  Paris,  se  lia  d'amitié  avec 
Talaia,  et  perfectionna  son  talent  à  l'école 
de  ce  grand  acteur.  De  retour  en  Angle- 
terre, il  prit  avec  son  frère  la  direc- 
tion du  théâtre  de  Covent-Garden  dont  il 
était  devenu  propriétaire  ;  il  y  parut  dans 
de  nouveaux  rôles  et  fut  couvert  d'applau-» 
dissemens  mérités.  A  l'époque  de  l'ouver- 
ture du  nouveau  théâtre  de  Covent-Gar- 
den il  encourut  pendant  quelque  temps 
la  disgrâce  du  public;  mais   il  rccou\ra 


KEM 


104 


KEM 


Lienlôt  sa  faveur  et  il  en  jouit  jus(ru'au 
moment  où  il  prit  sa  relraile  (  1817  ). 
Kemble  mourut  à  Lausanne  en  1823.  Ses 
principaux  rôles  étaient  Caton  ^  Bi-utus , 
Coriolaris  Macbeth.  Richard  III,  le  roi 
Jean^  le  roi  Lear,  Pierre  (  clans  la  Roue 
de  la  fortune),  et  snrioui Hamlet  dans  le- 
quel personne  ne  l'a  surpassé.  KeniLle  a 
laissé  plusieiirs  ouvrages  dramatiques  : 
nous  citerons  le  Point  d'honneur,  comé- 
die ,  1800 ,  in-8°  ;  le  Vagabond,  histoire 
dramatique,  1808,  in-8°;  Intrigue  eU 
contre-intrigue,  farce  ,  1808  ,  in-S";  et  des 
Essais  sur  Macbeth  et  Richard  III.  1817, 
in-8"  Voyex  yinnualbiography,{%^U..\o\. 
in-8".  On  a  publié  :  Memoirs  ofthe  life  of 
J.  Ph.  Kemble.  Londres,  1825, 2  vol.  in-8°. 

KEMIVITIUS.  Voyez  CHEMNITZ. 

*  KEMPELEN  (Wolfgaxg,  baron  de  ), 
fameux  mécanicien  hongrois ,  né  à  Près- 
bourg  le  25  janvier  1754,  se  livra  dès 
sa  jeunesse  à  l'étude  des  sciences,  et, 
s'occupant  avec  le  plus  grand  succès  de 
la  mécanique ,  construisit  des  machines 
très  ingénieuses.  Il  fit  voir  en  1769  un  au- 
tomate qui  jouait  aux  échecs  et  exécutait 
les  combinaisons  de  ce  jeu  de  manière  à 
gagner  un  adversaire  de  force  médiocre. 
En  1784  Kempelen  l'amena  à  Paris  où  il 
excita  la  curiosité  publique.  L'automate 
était  assis  devant  un  bureau  monté  sur 
quatre  roulettes  et  contenant  un  cylindre 
et  des  rouages  ;  il  levait  le  bras  avec  len- 
teur, l'avançait  de  même  et  enlevait  avec 
dextérité  la  pièce  que  le  jeu  indiquait  de 
prendre  pour  la  transporter  sur  la  case  où 
elle  devait  être;  lorsqu'une  faute  était 
commise  par  l'adversaire,  il  la  faisait  con- 
naître par  un  mouvement  de  tête  ;  la  par- 
tie se  continuait  ainsi  jusqu'à  la  fin.  Cette 
figure  répondait  aussi  aux  diverses  ques- 
tions qu'on  lui  faisait ,  en  indiquant  les 
lettres  propres  à  faire  sa  réponse.  Les  ob- 
servateurs cherchèrent  le  secret  d'un  pa- 
reil mécanisme.  Il  y  en  eut  qui  suppo- 
sèrent que  c'était  un  nain  caché  qui  diri- 
geait tous  les  mouvemens;  mais  cette 
conjecture  se  trouva  fausse.  L.  Dutems 
s'assura  de  l'impossibilité  de  cacher  dans 
aucune  des  parties  de  la  machine ,  même 
l'enfant  le  plus  petit.  Il  est  bon  de  re- 
marquer que  Kempelen  en  dirigeait, 
de  son  propre  aveu,  tous  les  mouve- 
mens ,  quoiqu'il  se  tint  à  six  pieds  de  la 
machine;  maison  ignore  encore  aujour- 
d'hui par  quel  moyen  il  communiquait  sa 
volonté  à  son  ingénieuse  mécanique.  Du- 
tems et  Ch.  Golllieb  de  Windisch  ont 
publié  plusieurs  lettres  sur  \c  joueur  d'é- 


checs automate  ;  les  premières  ont  été  in- 
sérées dans  le  Mercure  de  France  du 
mois  de  juillet  1770  ;  les  autres  ont  été 
traduites  en  français,  et  publiées  dans  les 
Jmiales  encyclopédiques  de  1817,  tom.  5. 
Kempelen  avait  aussi  une  autre  ligure 
qui  au  moyen  d'un  soufflet  et  d'une  tra- 
chée-artère, articulait  quelques  mots  et 
même  de  petites  phrases  :  il  donna  lui- 
même  la  description  de  cette  mécanique 
sous  ce  titre  :  Le  mécanisme  de  la  parole, 
suivi  de  la  description  d'une  machine 
parlante,  et  enrichie  de  27  planches. 
Vienne ,  1791 ,  grand  iii-8".  Cethabile  mé- 
canicien composa  plusieurs  autres  chefs- 
d'œuvre  parmi  lesquels  nous  remarquons 
sa  presse  à  l'usage  des  aveugles.  Kempe- 
len était  aussi  un  littérateur  distingué  ; 
on  a  de  lui  plusieurs  poésies  allemandes 
et  quelques  pièces  de  théâtre  parmi  les- 
quelles on  cite  Persée  et  Andromède, 
drame,  et  V Inconnu  bienfaisant ,  comé- 
die. Le  baron  de  Kempelen  était  con- 
seiller de  finance  de  l^empereur  d'Au- 
triche, directeur  des  salines  de  Hongrie, 
et  référendaire  de  la  chancellerie  hon- 
groise à  Vienne.  H  est  mort  dans  cette 
dernière  ville  le  22  (  ou  le  26)  mars  1806. 
*  KEMPER  (.Iea\-Melchior  ),  juriscon- 
sulte ,  né  en  1776  à  Amsterdam ,  fut  reçu 
docteur  en  droit  à  l'université  de  Leyde  en 
1796,  obtint  en  1799  la  chaire  de  droit  ci- 
vil et  naturel  à  Hardervvick,  remplaça 
Cras  en  1806  pour  le  cours  de  droit  civil 
à  l'Athénée  d'Amsterdam ,  et  fut  appelé 
en  1809  à  Leyde  pour  y  professer  le  droit 
naturel  et  le  droit  des  gens.  11  avait  ap- 
plaudi aux  premières  manifestations  de 
la  révolution  française;  mais  il  ne  tarda 
pas  à  se  désabuser  sur  ses  suites,  et  il  pu- 
blia en  1806  sous  le  voile  de  l'anonyme 
un  Recueil  de  lettres  hollandaises  dans  le- 
quel il  se  prononça  contre  l'influence  que 
le  gouvernement  français  prenait  de  jour 
en  jour  sur  la  république  batave.  En 
1813  ,  à  l'époque  des  revers  de  Bonaparte, 
il  contribua  par  l'influence  qu'il  exerçait 
sur  la  jeunesse  à  accélérer  le  mouvement 
de  l'insurrection  hollandaise.  Le  prince 
d'Orange  récompensa  ses  services'en  lui 
conférant  la  dignité  de  recteur  honori- 
fique de  l'université  de  Leyde  ,  le  collier 
de  commandeur  du  Lion  de  Belgique ,  des 
lettres  de  noblesse  et  le  titre  de  conseiller 
d'état  honoraire.  Chargé  de  l'organisation 
de  l'université  et  des  collèges ,  U  rédigea 
aussi  le  projet  de  code  civil  pour  le'nou- 
veau  royaume  des  Pays-Bas.  11  fut  député 
par  la  province  de  Hollande  aux  éiai 


K£M 


lOS 


KEM 


généraux  en  1817,  et  il  y  fit  preuve  d'une 
grande  étendue  de  connaissances  et  d'une 
modération  rare ,  unie  à  une  brillante 
cloculion.  Il  mourut  d'une  attaque  d'apo- 
plexie le  20  juillet  1824.  Kempcr  avait pu- 
Llié  en  1810  une  édition  du  Code  crimi- 
nel de  la  Hollande  avec  une  introduction 
et  un  commentaire  qui  lui  valurent  les 
suffrages  de  tous  les  jurisconsultes.  On  lui 
doit  en  outre  les  ouvrages  suivans  :  |  De 
jure  naturœ  imniutahili  et  œterno  ,  Har- 
derwick,  1799,  in-4°  ;  |  De  populorum  le- 
gibuSj  ojJtimis  increscentis  vel  decrescen- 
tis  humanitatis  indiciis  ^  Amsterdam , 
1806  ,,in-/i.";  I  De  œtatis  nostrce  fatis  exem- 
plu  gentibus  ac  prœsertim  Belgiis  nun- 
f/uam  neyligendo M  Leyde  ,1816  ,  in-4°.  Il 
a  laissé  de  plus  un  grand  nombre  de  Dis- 
sertations latines  ,  des  Discours  en  langue 
hollandaise,  sur  différens  sujets  ,  dédiés 
au  prince  souverain  des  Pays-Bas,  1  vol. 
in-8°  ;  des  Observations  sur  diverses  par- 
ties du  droit  français  ;  un  Essai  sur  la 
nécessité  des  idées  religieuses  qui  lui  va- 
lut une  médaille  d'argent  au  concours  de 
1801 ,  et  un  Mémoire  intitulé  :  de  \  In- 
fluence qu'ont  exercée  les  événemens  po- 
litiques sur  les  lumières,  la  religion  et  les 
mœurs  des  peuples  de  l'Europe,  cou- 
ronné en  1818  par  la  société  de  Harlem, 
et  qui  a  été  traduit  en  allemand  sur  la 
2' édition  par  Dielrich,  Leipsick,  1823. 

KEMPFER.  royez  K^MPFER. 

•  REMPIIEll  (  GÉRARD  ),  poète  hollan- 
dais ,  naquit  vers  1680 ,  et  fut  pro-rec- 
teur  de  l'école  latine  d'Alckmaër,  dans  la 
Nord-Hollande.  On  ignore  l'époque  de  sa 
moit  ;  il  a  laissé  :  |  une  Traduction  d'Ana- 
créon  en  vers  ,  1726  ;  |  un  Recueil  d'I- 
dylles ;  I  Hélène  en  Egypte,  tragédie  imi- 
tée d'Euripide,  1757.  On  lui  doit  des  Ob- 
servations très  savantes  sur  les  trois  pre- 
mières églogues  de  Calpurnius  ;  ces  ob- 
servations sont  insérées  dans  la  belle  édi- 
lion  des  Poetce  lalini  rei  venaticce  scrip- 
tores  et  bucolici  antiqui ,  Leyde  et  la 
Haye,  1728,  in-i°.  Kempher  publia,  en 
outre,  la  Clironique  d'Egmond,  ou  An- 
nales des  jjrinces-abbés  d'Egmond ,  que 
Jean  de  Leyde  écrivit  en  latin.  Corneille 
van  Herk  la  traduisit  en  hollandais ,  et 
Gérard  Kempher  l'a  revue  et  continuée  , 
Alckmaër,  1732,  in-i". 

KEMPIS  (  Thomas  H^.MMERLEIN  ou 
HvEMaiERCHEN  ,  en  latin  Malleolus,  dit 
de  ou  à  ),  né  de  parens  pauvres,  au 
village  de  Kcmpen  ,  diocèse  de  Cologne  , 
en  1380, fut  disciple  de  Florent  Radewin. 
U  entra,  en  1599,  dans  le  monastère  des 


chanoines  réguliers  du  Mont -Saint- Agnès, 
près  de  Zwoll ,  dans  l'Over-Yssel,  où  son 
frère  était  prieur.  U  fut  fait  prêtre  en 
1413.  Ses  actions  et  ses  paroles  portaient 
à  la  vertu.  Doux  avec  ses  confrères, 
humble  et  soumis  avec  ses  supérieurs, 
charitable  et  compatissant  envers  tous  , 
il  fut  le  modèle  de  cette  piété  aimable  qui 
change  en  paradis  l'enfer  de  ce  monde. 
Son  occupation  principale  était  de  copier 
des  ouvrages  de  piété  et  particulièrement 
la  Bible.  Il  lit  aussi  plusieurs  manuscrits 
admirables  sous  le  rapport  calligraphique. 
Il  composa  en  outre  des  ouvrages  de  piété. 
Ceux  que  nous  avons  de  lui  respirent  une 
onction ,  xuie  simplicité  ,  qu'il  est  plus  i'à^ 
cile  de  sentir  que  de  peindre.  Les  meil- 
leures éditions  que  nous  en  ayons  sont 
celles  de  Sommalius,  jésuite  ,  à  Anvers, 
1600  et  1615,  3  vol.  in-S"".  La  plus  grande 
partie  de  ces  excellentes  productions  a  été 
traduite  eri  français  par  l'abbé  de  Belle- 
garde,  sous  le  litre  de  Suite  de  l'Imitation 
de  J.  C,  in-24;  et  par  le  père  Valette, 
doctrinaire ,  sous  celui  à^ Elévation  à  J.-C. 
sur  sa  vie  et  ses  mystères,  in-12.  Les  titres 
des  originaux  sont  :  |  Soliloquium  animœ  ; 
j  f^atlis  liliorum  ;  j  De  tribus  taberna- 
cidis  ;  I  Gemitus  et  suspiria  animœ  pccni- 
tentis  ;  \  Cohortatio  ad  spiritualem pî'ofec- 
tum.  Thomas  A-Kempis  avait  été  sous- 
prieur  (  1423  ) ,  puis  prieur  de  son  monas- 
tère (1448)  ;  il  mourut  saintement  en  1471, 
à  91  ans.  Son  principal  ouvrage  est,  selon 
quelques  critiques  ,  le  livre  de  l'Imitation 
de  J.-C,  qui  ne  prêche  que  la  douceur  et 
la  concorde ,  et  qui  a  été  un  sujet  de 
querelle  entre  les  bénédictins  de  Saint- 
Mauretles  chanoines  réguliers  de  Sainte- 
Geneviève.  (  Voyez  NAUDÉ)  Gabriel  , 
GERSNE,  AMORT,  QUATREMAIRE ,, 
ROSWEIDE.  )  Cet  ouvrage  admirable,! 
malgré  la  négligence  du  style,  touche, 
beaucoup  phis  que  les  réflexions  pétil-' 
lantes  de  Sénèque ,  les  arides  mora- 
lités d'Epiclèle  et  de  Marc-Aurèle.  II 
charme  à  la  fois  le  chrétien  et  le  philo- 
sophe. Il  a  été  traduit  dans  toutes  les 
langues-,  et  partout  il  a  été  infiniment 
goûté.  On  rapporte  qu'un  roi  de  Maroc 
l'avait  dans  sa  bibliothèque,  et  qu'il  le 
lisait  avec  complaisance.  (  Koyez  SCI» 
POLI.  )  La  première  édition  latine  est  de 
1492  ,  in-12,  gothique.  Il  en  existait  alors 
une  vieille  traduction  française ,  sous  le 
titre  de  Y Internelle  consolation,  dont  le 
français  a  paru  à  quelques  critiques  aussi 
ancien  que  Thomas  A-Kempis;  mais  il 
paraît  qu'il  est  d'une  date  postérieure. 


KEM 


106 


KEM 


L'abbé  Lenglet  a  tiré  de  cette  ancienne 
traduction  un    chapitre    qui  n'était   pas 
dans    les    versions  latines.  Ce  livre    de 
V Internelle    consolation  a    été  imprimé 
plusieurs  fois  dans  le   16'  siècle,  in-8°. 
M.  l'abbé  Valart  publia  une  jolie  édition 
de  Y  Imitation^  chez  Barbou,  en   1758, 
in-  12  ;  mais  en   voulant  mettre  en  bon 
lai  in  les  expressions  négligées  et  un  peu 
barbares,  ou  qui  lui  paraissaient  telles, 
en  réformant  ou  supprimant  celles  qui 
démontrent  que  l'auteur  était  allemand, 
non  seulement  il  défigura  l'original,  mais 
il  en  affaiblit  l'onction  et  dérogea  à    sa 
précieuse  simplicité.  (  Voyez  VALART.  ) 
Beauzée  opposa  à  cette  édition  une  autre, 
conforme  au  texte  primitif,  et  très  bien 
imprimée  chez  Barbou ,  1787.  Avant  Va- 
lart, le  protestant  Castalion  avait  déna- 
turé cet  ouvrage  précieux  d'une  manière 
bien  plus  condamnable,  en  retranchant 
ou  réformant  tout  ce  qui  était  contraire 
aux  erreurs  de  sa  secte.  On  comprend  ce 
que  le  quatrième  livre  ,  qui  traite  de  l'eu- 
charistie, est  devenu  dans  celle  opéra- 
tion. L'élégance  grammaticale  qu'il  a  sub- 
stituée à  la    simplicité   de   l'original,   a 
fait  de  tout  l'ouvrage  un  didactisme  aride, 
sans  onction  et  sans  suc.   Ferœ  2>ictatis 
gustum  non  habuit ^  dit  le  Père  Sarama- 
lius,   persiiadendi     efficaciam    ademit_. 
nervos  vii-tutis    inciditj,  denique   ipsam 
quasi  animarn  authoris  elisit.  Nouvelle 
preuve  que  l'hérésie  ne  doit  ni  traiter  de 
pareilles  matières ,  ni  toucher  à  de    pa- 
reils ouvrages.  (  Voyez  BARRAL,  LA- 
BADIE  ,  PASCAL.)  Bassompierre  a  donné, 
à  Liège,  une  bonne  édition  de  ce  livre, 
en  1783.  Celle  d'EIzévir,  in-12 ,  à  Leyde, 
sans  date,  avec  deux  figures  au  frontis- 
pice, est  recherchée.  Il  y  en  a  eu  aussi 
une  édition  au  Louvre,  16/tO ,  in-fol.,  en 
gros  caractère,  dont  l'impression  est  très 
belle  ;  mais  elle  n'est  pas  d'un  usage  com- 
mode, et  ne  peut  servir  que    dans  les 
grandes  bibliothèques.  Une  des  plus  belles 
éditions,  parmi  les  différentes  versions 
françaises  qu'on  en  a  faites,   est  celle  de 
la  traduction  de  Beuil  (  Saci  ) ,  1665 ,  in-S", 
avec   figures.  Ceux  qui  désireront  con- 
naître les  efforts  que  ks  bénédictins  ont 
faits  pour  enlever  cet  ouvrage  à  Thomas 
à-Kempis,  peuvent  consulter  la  disserta- 
tion d'Eusèbe  A  mort,  de    l'abbé    Ghes- 
quière,  et  du  père  Desbiilons,  sur  cette 
matière.  La  dernière ,  la  plus  complète  de 
toutes  ,  a  paru  en  1780  ;  elle  est  à  la  tête 
d'une  édition  très  exacte  du  texte  origi- 
nal,   mais  qu'on  aurait  dû   diviser  par 


versets  comme  les  autres  ;  car  cette  divi- 
sion tient  évidemment  au  style  du  livre, 
à  la  nature  et  au  ton  des  sentences ,  et  à 
l'intention  de  l'auteur,  comme  on  l'a 
montré  dans  le  Journal  historique  et  lit-- 
ter  aire ,  lo  mai  1788,  p.  108.  Le  livre  de 
Y  Imitation  a,  depuis  sa  publication ,  altirô 
l'attention  des  savans,  qui  ont  cherché  à 
en  connaître  l'auteur.  Le  premier  qui  l'at- 
tribua à  Thomas  à-Kempis  fut  le  savant 
Jodours  Budius  Uscensius ,  imprimeur  à 
Paris ,  mais  flamand  de  nation.  Son  sen- 
timent fut  suivi  par  François  de  Toi, 
chanoine  régulier.  D'un  autre  coté,  le 
père  Possevin,  jésuite,  est  le  premier 
qui  ait  attribué  cet  ouvrage  à  J.  Gerson , 
dans  son  Jpparat  sacré.  Il  fut  imité  par 
le  père  Cajelan,  religieux  du  Mont-Cassin, 
et  par  les  bénédictins  de  Saint-Maur.  On 
peut  voir  la  relation  curieuse  de  ce  point 
de  critique,  donnée  par  dom  Vincent 
Thuillier,  bénédictin,  à  la  tète  du  pre- 
mier tome  des  OEuvres  posthumes  des 
Pères  Mabillon  et  Ruinart.  Les  critiques 
modernes  ne  se  sont  pas  moins  exercés 
sur  cet  ouvrage.  M.  Barbier  a  publié  une 
Dissertation  sur  les  traductions  fran- 
çaises qui  en  ont  été  faites ,  et  M.  Gence 
a  fait  paraître  des  considérations  sur 
'  l'auteur  de  ce  précieux  livre.  Les  recher- 
ches de  M.  Barbier  sont  intéressantes  et 
curieuses  ;  et  les  raisons  de  M.  Gence ,  en 
faveur  de  Gerson,  qu'il  regarde  comme 
l'auteur  de  l'Imitation,  sont  solides ,  quoi- 
que peut-être  pas  toujours  concluantes. 
Elles  ne  nous  ont  pas  paru  démonstra- 
tives, quoiqu'elles  aient  fait  naître  bien 
des  doutes  dans  notre  esprit  ;  et  nous 
avons  conclu  de  la  lecture  de  sa  disser- 
tation, que  l'auteur  de  l'Imitation  a  su 
s'envelopper  de  tant  de  ténèbres,  qu'on 
ne  pourra  jamais  le  connaître  avec  cer- 
lilude.  Nous  croyons  faire  plaisir  à  nos 
lecteurs  en  rapportant  ici  ce  que  pense 
à  cet  égard  le  savant  et  modeste  ré- 
dacteur de  L'Ami  de  la  religion  dang 
ses  n"' 2021  et  205/i,  à  l'occasion  d'ime 
réimpression  des  Considérations  de  M. 
Gence.  «  Il  est ,  comme  on  sait ,  trois  per- 
»  sonnages  pour  lesquels  on  revendique 
»  principalement  l'honneur  d'avoir  com- 
y>  posé  V Imitation.  Ces  personnages  sont 
»  Thomas  à-Kempis ,  chanoine  régulier , 
»  Jean  Gerson,  chancelier  de  l'église  et 
»  de  l'université  de  Paris  ,  et  Jean  Gersen, 
D  abbé  de  Verceil.  L'existence  de  ce  der- 
»  nier  persormage  est  assez  douteuse.  Le 
»  manuscrit  d'Aione  dans  lequel  seul 
»  Gersen  est  nonuné  et  qualifié  abbé   est 


KEM  107 

»  le  litre  prineipal  qui  fait  supposer  un 
»  auteur  distinct  du  chancelier  Gersori. 
»  Mais  l'histoire  et  les  monumens  se  tai- 
«  sent  sur  Gersen.  On  le  suppose  abbé  de 
n  Saint-Etienne  de  Verceil,  contemporain 
^  de  saint  François  d'Assise  et  originaire 
p  de  Cavaglia  ou  Canabacum  près  Verceil; 
„  ces  suppositions,  il  faut  l'avouer,  ne 
.t  reposent  que  sur  des  indices  bien  faibles 
»  et  sur  des  données  fugitives.  Le  seul 
,1  témoignage  de  quelque  poids  est  le  ma- 
»  nuscrit  d'Arone,  manuscrit  apporlé  de 
»  Gênes  en  1579,  et  trouvé  dans  la  mai- 
»  son  des  jésuites  d'Arone ,  i)rès  Milan , 
»  qui  était  jadis  un  monastère  de  béné- 
»  dictins.  Ce  manuscrit  était  regardé 
»  comme  très  ancien  ;  il  fut  apporté  en 
»  France  es  1686 ,  et  livré  à  l'examen  de 
»  19  savans ,  parmi  lesquels  Sainle-Beuve, 
»  le  président  Cousin,  -Ducange,  Renau- 
j>  dot,  Baluie ,  Alexandre,  Elles  Dupin , 
»  Hardouin,  Bulteau,  Chamillart ,  Oudin, 
»  etc.,  qui,  réunis  dans  l'abbaye  Saint- 
»  Germain-des-Prés,  déclarèrent  dans  une 
5.  espèce  de  procès- verbal  du  28  juillet 
*  1687,  que  ce  manuscrit  avait  au  moins 
»  300. ans  d'antiquité.  Mais  d'autres  savans 
n  ont  depuis  émis  une  opinion  contraire; 
»  nous  citerons,  entr'autres ,  le  professeur 
B  Hartzheim,  le  chanoine  Amort  et  le  jé- 
»  suite  Zaccaria.  De  plus  M.  Gence,  ayant 
»  reçu  de  M.  Vernaxz.a ,  bibliothécaire  de 
»  Turin,  le  fac  simile  de  six  pages  du 
»  manuscrit  d'Arone,  l'a  soumis  à  l'in- 
»  spcctiun  de  plusieurs  savans  modernes, 
r  qui  l'ont  jugé  du  iu''  siècle.  Tel  a  été 
»  l'avis  de  MM.  Dacier,  Gosselin ,  van 
»  Praët ,  Petit-Radet ,  Hase  ,  etc.  Dans  ce 
»  fac  simile .  que  M.  Gence  a  reproduit 
»  dans  son  édition  latine  de  l'Imitation 
i>  de  1826 ,  le  nom  de  Gersen  n'est  même 
»  pas  bien  écrit,  et  on  lirait  plutôt  Gesen. 
r  D'autres  manuscrits  portent  le  nom  de 
»  Gessen.  et  quelques-uns  lui  donnent 'la 
»  qualité  de  chancelier  de  Paris  ^  ce  qui 
9  indiquerait  que  ce  nom  de  Gersen  était 

>  une  faute  de  copiste ,  et  que  c'était 
i  Gerson  que  l'on  voulait  désigner.  Ce- 
»  pendant  ce  Gersen  a  eu  de  nombreux 
»  partisans;  Cajelan,  Valgrave,  Metzler, 
»  Quatremaire,  Deltau ,  Mabillon  ,  le  car- 
rdlnal  d'Aguire,  Valarl,  et  en  dernier 
«lieu,  Cancellieri,  Napione  et  Grégori 
»  ont  soutenu  l'attribution  de  limitation 
»  à  Gersen.  Serait- il  vrai  qu'ils  eussent 
»  adopté  ce  sentiment  parce  qu'ils  étaient 

>  bénédictins  ou  italiens ,  et  que  l'hon- 
»  neur  de  leur  ordre  et  de  leur  patrie  ait 
»  influé  à  ce  point  sur  leur  jugement  et 


KE3I 

sur  leur  critique  ;  c'est  ce  qu'il  sérail 
aussi  injuste  qu'impoli  de  dire  de  tous. 
Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Gence  nous  paraît 
assez  fondé  dans  ce  qu'il  dit  de  la  fai- 
blesse des  motifs  sur  lesquels  repose 
l'attribution  à  Gersen.  L'attribution  au 
religieux  à-Kempis  est  peut-être  moins 
aisée  à  détruire.  Thomas  Haemmerchen 
ou  Hœmmerlein,  en  latin  Malleolus,  était 
vers  1580  à-Kempen  ,  au  diocèse  de  Co- 
logne ,  d'où  lui  vient  le  nom  d'à-Kempis. 
Il  lit  profession  dans  la  maison  des  cha- 
noines  réguliers  à  Sainte-Agnès  près  de 
ZwoU  dans  TOver-Yssel,  et  fut  fait 
prêtre  en  1413.  Il  mourut  en  li7i ,  en 
réputation  de  piété ,  et  on  lui  attribue 
plusieurs  ouvrages  antiques.  M.  Gence 
lui-môme  qui  ôte  au  bon  religieux  la 
gloire  d'avoir  composé  V Imitation  j,  le 
cite  comme  auteur  d'un  assez  grand 
nombre  de  sermons ,  d'un  traité  de  Fi- 
delis  dispensator  et  d'un  dialogue  sur  le 
Mépris  du  monde  ;  du  reste  il  le  con- 
sidère surtout  comme  un  habile  calli- 
graphe.  A-Kempis ,  dit-il ,  copia  d'abord 
des  livres  de  chant ,  puis  deux  Missels , 
puis  une  Bible  entière  en  h  vol.  in-foL, 
qui  se  conservait  au  monastère  du  Corps- 
du-Chrisl ,  à  Cologne.  Il  transcrivit  en- 
suite le  recueil  où ,  en  tête  de  plusieurs 
traités ,  se  trouvent  les  quatre  livres  de 
l'Imitation.  Ce  recueil  est  souscrit  de  la 
même  formule  que  la  Bible  :  Finitus  et 
complétas  anno  lUiL  per  manu  s  fratris 
Thomœ  Kemp.  Il  est  assez  remarquable 
que  la  même  formule  se  trouve  sur  la 
Bible  transcrite  par  le  bon  religieux  en 
1439,  sur  le  Missel  et  sur  les  opuscules 
de  saint  Bernard ,  copiés  également  par 
lui.  D'où  M.  Gence  conclut  que  à-Kempis 
n'a  eu  d'autre  part  à  l'Imitation  que  de 
la  copier  avec  plus  d'habileté  et  d'intel- 
ligence. Le  mot  per  manus  semble  en 
effet  indiquer  un  travail  tout-à-fait  ma- 
nuel. Dans  la  chronique  du  couvent  de 
Sainte-Agnès ,  il  est  dit  que  à-Kempis 
écrivit  la  Bible  en  entier,  et  beaucoup 
d'autres  livres,  pro  modo  et  pretio^ 
c'est-à-dire  sans  doute  pour  l'usage  de 
la  maison ,  et  pour  le  céder  moyennant 
un  prix  à  d'autres  communautés  :  c'é- 
tait un  des  revenus  de  la  maison.  Le 
recueil  connu  sous  le  nom  de  manuscrit 
d'Anvers  existait  chez  les  jésuites  de 
cette  ville ,  et  a  servi  aux  célèbres  Bol- 
landistes.  Quatre  éditions  principales 
ont  été  faites  sur  ce  manuscrit  par  Som- 
malius,  Rossweydes ,  BoUandus  et  Chii- 
flet  ;  elles  ont  été  plusieurs  fois  réim- 


KEM 


primées ,  et  passent  pour  les  plus  soi- 
gnées. Néanmoins  M.  Gence,  dans  son 
édition  latine  de  V Imitation  j  y  a  remar- 
qué des  variantes  plus  ou  moins  vicieu- 
ses. Ce  manuscrit  d'Anvers,  dit  M. 
Gencç ,  est  le  plus  ancien  connu  avec  le 
nom  de  Kempis  ;  celui  d'Augsbour^j  de 
1440,  supposé  sans  nom  par  Bollandus, 
est  réellement  anonyme.  Il  n'en  a  pas 
été  produit  d'antérieur  pendant  et  de- 
puis la  contestation  élevée  au  17'  siècle 
entre  Fronteau ,  Qualremaire  et  Naudé, 
sur  l'auteur  de  l'Imitation.  Fronteau 
qui  était  parent  d'à-Kempis,  obtint  un 
arrêté  du  parlement  de  Paris,  du  12 
février  1652,  qui,  sur  la  contestation 
entre  les  chanoines  réguliers  et  les  bé- 
nédictins, ordonnait  que  les  livres  de 
Ylmitation  seraient  dorénavant  impri- 
més au  nom  d'à-Kempis ,  et  défendait 
d'y  mettre  le  nom  de  Gerson  ;  jugement 
qui  n'a  pas  empêché  que  plusieurs  édi- 
tions aient  paru  depuis  sous  le  nom  de 
Gerson.  Le  manuscrit  que  Ghesquière  a 
fait  connaître  et  qui  a  appartenu  depuis 
à  van  Hultem,  ne  porte  de  date  plus 
ancienne,  avec  désignation  de  nom, 
I  que  dans  une  note  ajoutée  à  la  marge  ; 
et  le  manuscrit  de  Louvain,  cité  par 
Desbillons  depuis  Rosw^eyde ,  est  ano- 
nyme et  sans  date.  M.  Gence  ne  nous 
reprochera  certainement  pas  d'avoir  ici 
affaibli  ses  arguraens  contre  à-Kempis; 
car  nous  avons  le  plus  souvent  cité  ses 
propres  paroles ,  tirées  soit  de  ses  nou- 
velles considérations  j,  soit  de  ses  ar- 
ticles de  la  Biographie  universelle.  Nous 
'  ne  devons  pas  dissimuler  néanmoins 
que  à-Kempis  a  eu  un  grand  nombre  de 
zélés  défenseurs,  Sommalius,  Ros- 
wreyde,  BoUand,  Chifflet,  Fronteau, 
Naudé,  Heser,  Weslhi,  Raynaud,  Amort, 
Desbillons,  Ghesquière,  etc.  Heser  et 
Rosweyde  sont  ceux  qui  ont  soutenu 
cette  cause  avec  le  plus  de  talent.  M. 
Gence  leur  rend  justice ,  tout  en  com- 
battant leur  sentiment  ;  il  discute  quel- 
ques-uns de  leurs  argumens,  il  exa- 
mine entr'autres  l'autorité  de  la  chro- 
nique Wendesleem.  Il  remarque  qu'au- 
cun manuscrit  du  texte  daté  n'offre 
d'attribution  directe  de  Ylmitation  à 
Thomas,  comme  auteur,  que  bien 
après  1441 ,  si  ce  n'est  après  1471  ;  et 
que  V Imitation  ne  se  trouve  point  dans 
la  plus  ancienne  édition  des  œuvres  de 
Kempis ,  donnée  à  Utrecht  même ,  peu 
de  temps  après  sa  mort.  Malgré  cela, 
il  faut  avouer  que  l'opinion  qui  fait 


108  REM 

honneur  du  livre  au  bon  religieux  est 
fort  répandue.  11  y  a  des  pays  où  Vltni' 
talion  s'appelle  vulgairement  Yà-Kem^ 
pis.  N'est-ce  là  qu'une  prétention  popu- 
laire comme  le  croit  M  Gence ,  c'est  ce 
que  nous  n'oserons  décider...  M.  Gence. 
qui ,  dans  son  édition  latine  de  Ylmi- 
tation^ a  donné  une  description  des 
manuscrits  et  des  éditions  les  plus  an- 
ciennes de  Y  Imitation  ^  indique  les  ma- 
nuscrits et  les  éditions  quf  portent  le 
nom  de  Gerson.  Un  manuscrit  de  Salx- 
bourg,  en  1463,  porte  pour  titre  :  De 
Imitatione  Christi,  Joh.  Gers.,  abrégé 
sans  doute  de  Jean  Gerson.  Le  savant 
Amort  cite  un  manuscrit  de  Pollingen  , 
sous  le  nom  de  Gerson.  Un  manuscrit 
de  Reichersberg ,  en  1477,  porte  le  nom 
i  de  Jean  Gerson ,  chancelier  de  Paris  f 
un  autre,  de  Jean  Gersen,  chancelier 
de  Paris.  Ici  la  méprise  est  évidente, 
et  M.  Gence  s'en  sert  pour  montrer  que 
plusieurs  des  manuscrits  qui  portent  le 
nom  de  Gersen  peuvent  être  regardés 
comme  des  témoignages  en  faveur  de 
Gerson.  La  langue  et  la  prononciation 
allemande  ont  pu  contribuer  à  celle 
erreur .  M.  Gence  a  un  manuscrit  d'Augs- 
bourg ,  sans  date ,  où  il  est  dit  que  le 
compilateur  de  Ylmitation  fut  Thomas, 
ou  selon  d'autres  ,  Jean  Gersen ,  chan- 
celier de  Paris.  Une  édition  à  Ulm  en 
1487,  et  une  à  Nuremberg,  en  1490, 
donnaient  également  Ylmitation  a  Ger- 
son. Voilà  pour  l'Allemagne.  En  Belgi- 
que ,  on  cite  une  édition  de  Louvain , 
peut-être  avant  1474,  époque  où  l'on 
commença  à  mettre  l'année  sur  les 
livres  imprimés;  le  titre  commence 
ainsi  :  Incipit  liber  magistri  Johannis 
Gerson,  Cancellarii  Parisiensis...  Il  y  a 
à  la  bibliothèque  du  roi  deux  exem- 
plaires de  cette  édition  ;  sur  l'un  on  a 
effacé  Gerson  et  mis  à  la  place  Thomas- 
à-Kempis.  En  France,  on  aie  manu- 
scrit de  l'abbaye  de  St-Germain  de  Paris, 
de  1460,  avec  le  nom  de  Jean  Gerson; 
le  manuscrit  Léchassier ,  qui  appartient 
aujourd'hui  à  M.  Gence,  et  qui,  outre 
le  nom  de  Gerson ,  offre  son  portrait  en 
habit  de  docteur  (  on  croit  que  ce  ma- 
nuscrit peut  être  de  1472  )  ;  le  manu- 
scrit de  Sainte-Geneviève ,  qui,  en  don- 
nant Ylmitation  à  saint  Bernard ,  ajoute 
qu'on  l'attribue  à  Jean  Gerson,  chan- 
celier de  Paris.  Parmi  les  éditions  qui 
ont  le  nom  de  Gerson,  on  compte  celle 
de  Paris ,  peu  après  1481 ,  celle  de  Lyon 
vers  1488;  une  version  française   de 


KTM 


109 


KEIV 


Toïilousc,  où  l'on  dit  que  Vlmilation  a 
été  composée  par  saint  Bernard,  mais 
qu'elle  est  attribuée  à  Gerson.  En  Italie, 
de'ix  manuscrits  de  Florence  portent  le 
nom  de  Gerson ,  chancelier  de  Paris; 
un   manuscrit  de  Vérone,  Jean   Ger- 
son^  chancelier    de    Paris;     un  ma- 
nuscrit de  Turin  ,  Jean  Gerson  chan- 
celier de  Paris  ;  deux  manuscrits  de 
Venise ,  J.  Gerson  ;  une   édition  Prin- 
ceps  de  Venise,  en  1482,  offre  le  nom 
de  J.  Gerson  ,  chancelier  de   Paris; 
il  s'en  est  fait  dans  la  même  ville  plu- 
sieurs éditions  semblables.  D'autres  édi- 
tions du  15"^  siècle  à  Padque,  à  Brescia, 
à  Milan ,  portent  également  le  nom  de 
Gerson.  M.  Gence  a  fait  un  extrait  du 
volumineux  index  du  Vatican  ,  qui  con- 
tient en  plus  de  50  vol.  in-folio  l'indica- 
tion de  tous  les  livres  exislans  dans  la 
bibliothèque    des    monastères    d'Italie 
avant  IGOO;  il  a  remarqué  qu'il  ne  s'est 
îjurres    écoulé    d'années,   depuis  1470 
jusqu'à  celle  époque,  où  il  n'y  ait  eu 
plusieurs  éditions  lutines  ou  italiennes 
,  de  V Imitation  avec  le  nom  du  chance- 
lier de  Paris,  à  Venise,  à  Florence,  à 
Home  ou  ailleurs,  tandis  qu'il  ne  s'en 
est  trouvé  aucune  sous  celui  de  Gersen, 
■et   très- peu   sous  celui  d'A-Kempis. 
'  Ccsl  d'après  toutes  ces   autorités  que 
31.  Gence  a  pu  dire  que  Gerson  est  le 
plus  ancien    auteur,  sans  en  excepter 
saint  Bernard,  auquel    V Imitation  ait 
été  attribuée.  Il  cite  l'opinion  de  Bos- 
sue t  :  La  vie  de  Gerson  fut  si  sainte  ^ 
et  ses  écrits  si  édifiants,  qu'il  mérita 
d'être  regardé  comme  l'auteur  de  l'Imi- 
tation. M.  Daunou,  qui  a  examiné  la 
question  de  l'auteur  dans  le  Journal  des 
Savans ,  de  décembre  1826 ,  croit  que 
Gerson,  réfu{jié  en  Allemagne,  s'y  est 
consolé  de  ses  disgrâces  en  composant 
'  le  traité  De  Consolatione  theologicCj.  et 
celui  qui  a  pour  titre  :  De  Tmitatione 
Christij  ou  Intemarum  consolationum. 
L'un    et    l'autre    sont   réunis  dans  un 
manuscrit  de  1421 ,  trouvé  en  1527  à 
'  l'abbaye  de  Moclk ,  en  Autriche  :  et  plu- 
sieurs autres  copies  de  ses  derniers  ou- 
'  vrages  se  conservaient  dans  le  même 
monastère.  On  a  trouvé  dans  celte  ab- 
'  baye  jusqu'à  dix  manuscrits  au  moins 
de    V Imitation.  Après    avoir  présenté 
I  celte  idée  sommaire  de  la  discussion , 
•  nous  dirons  quelque  chose  de  plus  par- 
'  ticulier   sur  les  Nouvelles  Considéra- 
>  tions  de  M.  Gence.  Cet  écrit  est  partagé 
'  en  quatre  scellons  :  dans  la  première, 


»  l'auteur  montre  Gerson  comme  ayant  la 
»  possession  la  plus  ancienne,  Kempis 
»  comme  un  simple  copiste ,  et  Gersen 
»  comme  un  être  imaginaire,  créé  sur 
»  l'autorité  d'une  seide  lettre,  cl  adopté 
»  par  esprit  de  corps  ou  par  des  affec- 
»  tions  de  patrie  ;  dans  la  seconde  section, 
»  il  discute  les  raisons  alléguées  récem- 
»  ment,  en  faveur  de  Gersen,  par  qucl- 
»  ques  savans  italiens  ;  dans  la  troisième 
»  section,  il  résume  les  preuves  qui  éta- 
»  blissent ,  selon  lui ,  que  X Imitation  n'est 
»  ni  d'un  moine ,  ni  du  13"  siècle ,  et  que 
»  cet  admirable  ouvrage  ,  inconnu  au  14* 
»  siècle ,  appartient  au  commencement 
»  du  15'';  enfin,  dans  la  quatrième  section 
»  M.  Gence  rassemble  tous  ses  motifs  pour 
»  attribuer  l'ouvrage  à  Gerson ,  l'autorité 
ï>  des  manuscrits,  la  comparaison  de  la 
»  doctrine  et  des  maximes  de  V Imitation 
»  avec  celles  des  autres  ouvrages  de  Ger- 
»son,  plusieurs  passages  du  livre  qui 
»  semblent  indiquer  un  docteur  et  un 
»  membre  de  l'université  {ubi suntomnes 
»  illi  doinini  et  magistri...  ),  la  piété  du 
»  chancelier,  sa  vie  retirée  dans  les  der- 
»  niers  temps,  les  germanismes  et  les 
»  gallicismes  du  style ,  etc.  S'il  nous 
T  était  permis  d'avoir  une  opinion  sur  la 
»  question,  nous  dirions  que  l'auteur  des 
■  Considérations  nous  paraît  i)lus  fort 
»  quand  il  réfute  les  partisans  d'A-Kempis 
0  ou  de  Gersen,  que  quiuid  il  veut  établir 
»  l'attribution  à  Gerson,  Il  rassemble  bcau- 
»  coup  de  probabilités  en  faveur  decelui- 
»ci;  mais  il  ne  dissipe  pas  encore  tous 
»  les  nuages.  »  Ts'ous  avons  aussi  une 
bonne  traduction  française  de  l'Imitation 
par  M.  Gence.  Plus  récemment  encore. 
M.  Genoude  et  M.  F.  la  Mennais  ,  en  ont 
publié  de  nouvelles  traductions  qui  ont 
eu  du  succès.  Voyez  GERSON. 

KEN  (  Thomas  ) ,  évcque  de  Bath,  en 
Angleterre  ,  instruisit  son  clergé,  fonda 
des  écoles,  secourut  les  pauvres,  et  a 
laissé  plusieurs  ouvrages  de  piété  ,  esti- 
més par  les  anglicans.  Il  était  né  à  Bar- 
hamslead,  dans  la  province  de  Ilereford, 
en  1647,  et  il  mourut  à  Longe-Leate,  en 
1711,  à  64  ans.  Quelqu'un  l'ayant  accusé, 
auprès  du  roi,  sur  certaines  propositions 
d'un  sermon  qu'il  avait  prêché  à  Wiltc- 
hal ,  ce  prince  l'envoya  chercher  pour 
qu'il  se  lavât  de  ce  reproche  :  l'évéque  de 
Bath  lui  dit,  sans  s'ébranler  :  »  Si  votro 
»  majesté  n'avait  pas  négligé  son  devoir, 
»  et  qu'elle  eût  assisté  au  sermon ,  mes 
»  ciuiemis  n'auraient  pas  eu  occasion  de 
»  m'accuser.  »  Il  justilia  ensuite  ce  qu'iJ 
10 


KEN 


no 


KEN 


avail  dit  dans  soo  sermon,  et  le  roi  ne 
s'offensa  point  de  sa  liberté.  Il  obtint  de 
la  reine  Anne  une  modique  pension. 
Outre  plusieurs  ouvrages  de  polénii(iuc 
religieuse ,  il  a  laissé  quelques  pièces  de 
poésie  sacrée  et  un  poème  épique  en  13 
chants,  intitulé  Edmo^id.  Tous  ses  écrits 
ont  été  recueillis  après  sa  mort  et  impri- 
més en  1721,  k  vol. 

KENiXEDY  (  J\CQUEs),  illuslro  écos- 
sais, archevêque  de  Saint- André,  issu  de 
rare  royale  par  sa  mère  Marguerite  ,  lille 
de  Robert  III,  roi  d'Ecosse,  était  né  en 
1404.  Son  père  était  sir  William  Ken- 
nedy,  qui  avait  épousé  cette  princesse. 
Jacques  Kennedy  renonça  à  tous  les  avan- 
ta{jes  de  sa  naissance  pour  embrasser  l'é- 
tat ecclésiastique  :  il  fut  d'abord  abbé  d'A~ 
I,erbrot-Wic.  Appelé  à  la  réfrénée  pen- 
dant la  minorité  de  Jacques  II ,  et  à  la 
place  de  chancelier  d'Ecosse,  il  montra 
dans  ces  postes  éminens  autant  de  vertu 
(|ue  de  capacité;  il  aimait  les  sciences  et 
protégeait  les  savans.  Ayant  été  nommé 
archevêque  de  Saint-André,  il  édifia  son 
diocèse  par  sa  piété,  et  l'enrichit  d'éta- 
blissemens  utiles  à  la  religion  et  aux  let- 
tres. Il  fonda  à  Saint-André  même  le  col- 
lège de  Sainte-Marie,  et  le  dota  libérale- 
ment. Cet  illustre  prélat  mourut  en  1472. 

KEXNEDY  (  Jeas  ),  théologien  de  l'é- 
glise anglicane ,  fut  recteur  de  Bradli-yau 
roinlé  de  Derby,  dans  le  siècle  dernier. 
«^)n  a  de  lui  |  une  Chronologie  de  l'Ecri- 
ture sainte  ,  175!  ,  in-8°.  On  l'accuse  de 
n'être  point  toujours  exacte  :  |  un  Exa- 
men des  antiquités  chronologiques ,  du 
/{.  M.  Jackson .  1755 ,  in-8"  ;  j  Doctrine 
(le  la  cominensurabililé  des  mouvemens 
diurnes  et  annuels. 

IvE.\NET  (  WniTE  ),  évêque  de  Péler- 
l)orough,né  à  Douvres  en  1660,  fonda 
uns  bibliothèque  d'antiquités  et  d'his- 
toire, dans  sa  ville  épiscopale,  se  lit  un 
nom  par  ses  sermons  et  .ses  écrits.  Les  ou- 
vrages qui  restent  de  lui ,  presque  tous 
en  anglais,  décèlent  un  homme  savant  et 
im  bon  littérateur.  Ce  sont  :  |  un  petit 
Poème  contre  les  JVighs ,  1681;  |  la  tra- 
duction de  \ Eloge  de  la  folie  d'Erasme  ; 
!  celle  du  Panégyrique  de  Trajan;  |  le 
.■>*  vol.  d'une  Histoire  complète  d'Angle- 
terre .  commencée  par  Hughes,  1706, 
Londres,  a  vol.  in- fol.  L'ouvrage  fut  réim- 
primé en  1719.  Il  aida  beaucoup  Wood 
pour  la  rédaction  de  son  Jlhenœ-Oxo- 
nienses.  Il  laissa  aussi  quelques  manus- 
crits dont  plusieurs  passent  pour  avoir 
de  l'importance.  Il  mourut  en  1728. 


KEx\.\ET  (  B.\sn.E  ),  né  en  1C74  à  Post- 
ling,  dans  le  comté  de  Kent ,  frère  du 
précédent,  autant  distingué  par  sa  science 
que  i)ar  la  pureté  de  ses  mœurs ,  mort  à 
Oxford  en  1714,  où  il  venait  d'être  élu 
président  du  collège  du  Christ,  laissa  plu- 
sieurs ouvrages  en  anglais ,  parmi  les- 
quels on  distingue  |  les  Vies  des  poètes 
grecs  ^  1&97 ,  in-8°;  |  \c?,  Antiquités  r<y 
maincs.  1696,  2  vol.  in-12;l  ^^^  Sermons,  en 
5  vol.  in-8"  ;  |  Paraplirase  en  vers  des 
Psaumes,  1706,  in-8"  ;  |  et  une  versiomXvk 
Traité  des  lois  de  Puffendorf. 

KEi\i\ICOTT  (  Beîvjamiiv  ),  anglais,  sa- 
vaut  dans  les  langues,  et  habile  critique, 
naquit  en  1718  à  Torness,  au  comté  de 
Devon,  fut  d'abord  maître  des  écoles  de 
charité  dans  son  pays  natal.  Il  entra  en 
1744  à  l'universitéd'Oxford.el  acquit  une 
telle  réputation,  même  avant  d'en  être 
sorti,  qu'il  fut  appelé  connue  professeui 
au  collège  d'Exeter.  Il  fut  nommé  ensuite 
successivement  conservateur  de  la  biblio- 
thèque de  Radcliffe  ,  docteur  en  théolo- 
gie, chanoine  de  l'église  du  Christ  à  Ox- 
ford, ministre  à  Culham,  dans  le  ménuj 
comté.  Kennicott  s'était  d  abord  fait  coiv- 
naître  par  des  Dissertations  sur  l'arbre 
de  vie j  et  sur  le  sacrifice  de  Cain  et  d'A~ 
bel.  1747.  Mais  ce  qui  lui  a  fait  une  répu- 
tation parmi  les  savans,  c'est  la  Bible  hé- 
braïque, qu'il  a  publiée,  en  2  vol.  in-fol. 
à  Oxford.  Il  a  suivi  l'édition  de  van  dcr 
Hoogt,  qui  passe  pour  la  plus  corrcclf, 
et  a  rassemblé  au  bas  des  pages  toutes  les 
variantes .  recueillies  d'après  tous  les  ma- 
nuscrits hébreux  ,  chaldaiques  et  sama- 
ritains. Il  avait  collalionné  lui-même  250 
manuscrits,  et  sous  sa  direction  et  à  ses 
frais  les  plus  habilts  hébraïsans  de  l'épo- 
({ue  en  coUalionnèrenl  550  ,  ce  qui  fuit 
600  manuscrits.  liiea  ne  nous  manque 
donc  j»lus  jtour avoir  le  texte  hébreu  dans 
loute  la  correction  dont  il  est  suscepiible 
axijourd'liui;  mais  qui,  après  tout  ce  qu'il 
a  essuyé,  ne  peut  en  aucun  sens  avoir 
l'autorité  des  Septante  ni  de  la  Vu!{jate. 
[Voyez  CAPPEL,  ELÉAZAIl,  GOROt'lUS, 
MASCLEF.MORIN,  PTOLÉMÉE.  )  Ken- 
nicott mourut  à  Oxford,  à  65  ans,  le  18 
septembre  1783. 

*  KEÎ^T  (  Edouard- AucrsTE,  duc  de), 
quatrième  lils  de  Georges  III ,  roi  d'An- 
gleterre, naquit  à  Londres  ,  le  2  novem- 
bre 1767.  Après  avoir  terminé  ses  pre- 
mières éludes,  il  fut  envoyé  en  Allema- 
gne à  l'âge  de  17  ans  ,  pour  y  faire  son 
éducation  militaire.  Il  conuncnça  son 
service  à  Luxembourg,  dans  l'électoral  de 


KEN 


111 


KEP 


son  père,  en  qualilé  de  simple  ctulel;  puis 
se  rendit  à  Hanovre.  Pendant  deux  an- 
nées, il  n'eut  que  mille  livres  sterling  de 
revenu,  dont  son  gouverneur  disposait, 
deux  [juinées  par  semaine  exceptées.  A 
l'âge  de  vingt  ans,  11  fut  élevé  au  grade 
de  capitaine  aux  gardes,  sans  que  ses  re- 
venus fussent  augmentés.  Rappelé  en 
d790,  en  Angleterre,  il  fut  créé  colonel  du 
70*^  de  ligne  ;  et,  au  bout  de  dix  jours  ,  il 
reçut  l'ordre  de  son  pèfe  de  se  rendre  à 
Gibraltar  pour  rejoindre  son  régiment. 
Dans  l'hiver  de  17!)  l,  à  l'époque  de  la 
guerre  contre  la  France,  il  s'embarqua 
pour  le  Canada;  mais  il  reçut  en  roule 
l'ordre  d'aller  se  réunir  à  l'armée  que  com- 
mandait sir  Charles  Gray,  dans  les  Indes 
Occidentales.  Le  duc  de  Kent  fit  ses  pre- 
mières armes  dans  celte  expédition,  se 
signala  par  sa  bravoure  à  l'aîtaque  du 
Fort-Royal  delà  Martinique,  et  à  celles 
de  Saint-Lucie  et  de  la  Guadeloupe.  Il  se 
rendit,  en  1796,  dans  l'Auiérit^ue  du  nord, 
où  il  fut  élevé  au  grade  de  lieutenant  gé- 
néral, et  nommé  gouverneur  de  la  Nou- 
velle-Ecosse. Une  chute  de  cheval  qu'il 
fit  à  Halifax  en  1801  le  força  de  revenir 
en  Angleterre ,  où  il  fut  admis  à. la  cham- 
bre des  lords,  et  reçut  les  titres  de  duc 
de  Kent  et  de  Stratherne  et  de  comte  de 
Dublin.  La  même  année,  il  eut  le  com- 
mandement en  chef  des  armées  anglaises 
en  Amérique.  Il  s'y  rendit  de  nouveau; 
mais  une  maladie  bilieuse  l'obligea,  en 
1800,  de  retourner  en  Angleterre;  il  fut 
nommé  colonel  de  Royal-Ecossais,  et 
gouverneur  de  Gibraltar  en  l}i02.  Arrivé 
dans  cette  forteresse,  il  y  établit  aussitôt, 
parmi  la  garnison ,  la  plus  sévère  disci- 
pline dont  il  donnait  l'exemple  le  premier. 
Des  murmures  commencèrent  à  se  faire 
entendre  et  furent  bientôt  suivis  d'un  sou- 
lèvement. Les  soldats  avaient  envoyé  une 
(lépulation  au  duc  de  Kent,  pour  le  prier 
de  leur  permettre  de  passer  en  fête  la  nuit 
de  Noël.  Le  duc  refusa  non-seulement  son 
consentement,  mais  fit  mettre  la  dépula- 
t ion  aux  arrêts;  à  cette  nouvelle,  une 
partie  de  la  garnison  se  révolta,  et  voulut 
faire  embarquer  le  duc  de  Kent,  et  le 
remplacer  par  le  général  Barnet.  Le  UW 
régiment  fit  feu  sur  les  insurgés  ,  et  ren- 
dit par  là  l'insurrection  plus  terrible  ;  mal- 
gré les  efforts  du  général  Barnet ,  dans  la 
nuit  du  26  décembre,  toute  la  garnison 
était  soulevée.  Le  duc  de  Kent  se  mit  alors 
à  la  tète  du  régiment  resté  fidèle  et  suivi 
de  deux  pièces  de  campagne,  il  attaqua  les 
mutins.  Le  feu  dura  plusieurs  heures  : 


ceux-ci  furent  enfin  dispersés, elungrand 
nombre  condamnés  par  une  cour  mar- 
tiale. Le  prince  fut  rappelé  à  Londres,  où  , 
pour  le  dédommager  de  la  perte  de  son 
gouvernement ,  le  roi  son  père  le  nonnna 
feld-maréchal.  Cependant  le  duc  de  Kent 
avait  contracté  plusieurs  dettes,  à  cause 
de  la  modicité  de  son  revenu,  qui,  de- 
puis 1790  jusqu'en  1799,  ne  fut  que  de 
5,000  livres  sterling,  dont  il  réservait  le 
cinquième  pour  ses  créanciers.  A  celte 
époque .  le  parlement  augmenta  ce  revenu 
de  7,000  livres  sterling  :  cette  augmenta- 
tion ne  suffisant  pas  p/our  acquitter  ses 
dettes,  le  duc  de  Kent  en  sollicita  le  paie- 
ment à  la  chambre  des  comnmnes,  par 
un  mémoire  qu'il  rédigea  d'accord  avec 
ses  cinq  frères.  Sa  démarche  n'ayant  pas 
obtenu  de  succès,  il  se  retira  ,  en  1816,  à 
Bruxelles,  où  il  vivait  en  simple  particu- 
lier. En  1810,  il  épousa  Marie-Louise-Vic- 
torine  de  Saxe-Cobourg,  veuve  du  prince 
de  Linange  ,  el  sœur  du  prince  Léopold  , 
époux  de  la  princesse  Charlotte  d'Angle- 
terre. Il  retourna  ensuite  à  Londres,  et 
devint  le  protecteur  de  plusieurs  sociétés 
consacrées  au  soulagement  des  pauvres , 
et  à  l'amélioration  de  l'éducation  publi- 
que. On  lui  doit  l'établissement  utile  des 
écoles  rcgimentaires ,  introduites  dans  les 
armées  anglaises.  Il  fut  emporté  par  une 
maladie  aiguë  le  25  janvier  1820,  âgé  de 
53  ans,  laissant  deux  filles  de  son  mariage 
avec  la  princesse  douairière  de  Linange. 

KEPPtL  Foyez  ALBEMARLE. 

REPPLER  en  latin  Keplerus  (Jean  ) , 
célèbre  astronome,  né  le  27  décembre 
1571 ,  à  Magstatt ,  village  situé  près  de  la 
petite  ville  de  Weil ,  dans  le  Wurtem- 
berg, d'une  famille  illustre,  mais  peu 
riche,  étudia  sous  Mœstlin,  et  devint,  à 
l'âge  de  22  ans,  professeur  de  mathéma- 
tiques et  de  morale  à  Gratz,  (Styrie  ).  S'é- 
tant  attaché  ensuite  à  la  théologie,  il  fit 
au  peuple  quelques  discours  qui  annon- 
çaient moins  de  talent  pour  l'éloquence 
que  pour  d'autres  études.  Il  en  fut  lui- 
même  persuadé,  et  se  livra  exclusive- 
ment à  l'astronomie.  En  1594,  il  remplaça 
Sladt  dans  la  chaire  des  mathématiques 
à  Gralz.  Un  calendrier  qu'il  fît  pour  les 
grands  de  Styrie ,  auxquels  il  devait  sa 
chaire,  lui  fit  un  nom  distingué.  Tycho- 
Brabé  l'ajjpela  auprès  de  lui  en  Bohème, 
l'an  IGOO,  et.  pour  quil  se  rendit  plus  vite 
à  son  invitation  ,  il  le  fit  nommer  mathé- 
maticien de  IV.mpercur  Rodolphe  II.  De- 
puis, ces  deux  hommes  ne  se  quittèrent 
plus.  Si  Tyclio-Brahé  fut  d'un  grand  se-. 


KEP  II 

cours  par  ses  lumières  à  Kepi)lcr,  celui 
ci  ne  lui  fut  pas  moins  utile  par  les  sien- 
nes. La  mort  lui  ayant  enlevé  cet  illustre 
ami,  ce  généreux  bienfaiteur,  en  IGOI, 
Keppler  manifesta  ses  regrets  dans  une 
iléyie  touchante.  Le  disciple  survécut  50 
ans  à  son  maître,  et  mourut  à  Ratisbonne 
Je  \o  novembre  KiôO.à  59  ans.  Ce  mallié- 
roaticien  fut  le  premier  maître  de  Des- 
caries en  optique,  et  le  précurseur  de 
Ne^vlon  en  physique.  On  Ic  regarde 
comme  un  législateur  en  astronomie. 
Tycbo-Brahé  lui  avait  donné  le  conseil 
de  renoncer  à  ses  vaines  spéculations 
pour  s'en  tenir  à  l'observation.  Kep]>ler 
dont  l'esprit  rigoureux  et  méthodique  m; 
8'accommodait  pas  des  résultats  isolés  de 
l'astronomie  de  son  temps,  continua  ce- 
pendant ses  tentatives  et  ses  calculs  pour 
trouver  les  lois  qui  gouvernent  les  révo- 
lutions des  planètes,  et  il  y  parvint  en 
1618.  C'est  à  lui  qu'on  doit  la  règle  con- 
nue sous  le  nom  de  Lois  ou  Règle  de  Kejh- 
pler  ^  selon  laquelle  on  suppose  que  les 
planètes  se  meuvent.  Moins  philosophe 
qu'astronome,  Keppler  croyait  que  les 
astres  étaient  animés;  que  les  comètes 
naissaient  dans  l'élher  comme  les  balei- 
nes dans  l'Océan;  que  le  soleil  attirait  à 
soi  les  planètes  en  tournant  sur  lui-même, 
mais  qu'elles  ne  tombaient  pas  dans  le 
soleil,  parce  qu'elles  font  aussi  une  révo- 
lution sur  leur  axe.  «  En  faisant  cette  ré- 
svolulion,  dit-il,  elles  présentent  au  so- 
»  leil  tantôt  un  coté  ami,  tantôt  uri  côté 
»  ennemi  :  le  côté  ami  est  attiré,  etlecôté 
r  ennemi  est  repousé  ,  ce  qui  produit  le 
»  cours  annuel  des  planètes  dans  l'éclip- 
»  tique.  »  Il  faut  avouer,  pour  1  humilia- 
tioii  de  la  philosophie ,  que  c'est  par  de 
tels  raisonnemens  que  les  hommes  les 
plus  célèbres  ont  tâché  d'expliquer  la  na- 
ture. Kej)i)ler  devina  la  rotation  du  soleil 
sur  lui-même  ,  pîns  de  quinze  ans  avant 
que  Galilée  l'annonçât  à  l'aide  des  téles- 
ïopes.  On  lui  attribue  aussi  lu  decou- 
rerte  de  la  vraie  cause  de  la  pesanteur 
Ses  corps  ;  mais  cette  cause  est  encore 
inconnue,  comme  elle  l'était  du  temps 
lie  Keppler,  et  il  est  d'ailleurs  certain  que 
l'expérience  sur  laquelle  il  fondait  cette 
découverte  est  tout-à-fail  illusoire  et 
étrangère  à  son  oltj  ."t.  (  Voyez  LEUCIP- 
PE  ).  11  devança  Desearles  et  Newton 
dansl'idée  d'attribuer  le  flux  et  le  reJliix 
à  laclion  delà  luné  :  explication  dont  Ga- 
lilée se  mociua,  attribuant  tout  bonne- 
ment ce  jdiénomène  au  mouvement  de 
la  terre.   (  J'otjez  EULER.  )  Kepiilcr  di- 


>  KEP 

sai:  qu'il  pré  ferait  la  gloire  de  ses  invetu 
(ions  à  l'électoral  de  Saxe  :  vanité  ])ar- 
donnable  dans  un  auteur  et  surtout  dans 
un  astronome,  appréciant  ses  connais- 
sances sur  l'élévation  de  leur  objet.  Kej)- 
pler  consigna  les  premiers  résultats  de  ses 
travaux  d'abord  dans  son  /'roc/romu.s,  puis 
en  dGl'.>,  dans  son  IJannonique  du  monde. 
«  Le  sort  en  est  jeté,  dit-il,  dans  sa  prê- 
»  face;  j'écris  mon  livre,  il  sera  lu  par 
»  l'âge  présent  ou  par  la  postérité ,  peu 
»  m'importe;  il  pourra  attendre  son  lec- 
»  teur  :  Dieu  n'a-l-il  pas  attendu  G,  000 
«  ans  un  contemplateur  de  ses  œuvres?  » 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  |  FrodrO' 
mus  dissertationum  cosmograpnicaruni , 
Tubingen .  1596,  in-/i°.  Il  donna  aussi  à  ce 
livre  le  titre  de  Mgslerium  cosrnographi- 
tinn  :  \  Paralipomena  quihus  astronomiœ 
pars  oplica  traditur,  1604,  in-i"  ;|  De  Stella 
nova  in  pede  serpentaiii .  Prague,  1606, 
in-i";  |  De  cometis  libri  très ,  Augsbourg, 
ton ,  in-4°  :  |  Eclogce  chronicœ  ,  Francfort, 
1615;  I  Epliemerides  «ov^,  Linlz,  1610, 
in-i";  I  Tabalœ  Rodolplnnœ .  Ulm,  1627, 
in-fol.  :  ouvrage  qui  lui  coûta  vingt  ans 
de  travail  ;  |  Epitome  astronomie  Coper- 
nicanœ ,  1655,  2  vol.  in-8*^;  j  Aslronomia 
nova ,  seu  physica  caleslis  tradita  corn- 
mentariis  de  molibus  stellœ  Martis  ex 
observationihus  G.  V.  Tyclionis  Brahe  j, 
1609,  in-fol.;  Lalande  a  dit  que  tout 
astronome  devait  lire  cet  ouvrage  au 
moins  une  fois  en  sa  vie.  |  Chilias  loga- 
rithrnorum ,  etc.,  in -4";  |  Nova  ste~ 
reometria  doliorum  vinariorain ,  etc.  , 
1615,  in-fol.;  |  une  Dioptrique .  in-/».°; 
I  De  vero  natali  aniio  CHllISTI,  in-4". 
Keppler  ordonna  qu'on  mil  sur  son  tom- 
beau cette  épitaphe,  qui  ne  donne  pas 
une  grande  idée  de  sa  poésie  : 

McDSus  eraiD  coelos  ,  budc  tcir»  mctior  umLrcii  i 
Mens  coclcitis  crat ,  corporit  uinbra  jacct. 

Mais  on  ignore  si  l'on  mil  même  une 
pierre  sur  sa  tombe;  il  n'en  restait  du 
moins  aucun  vestige  lorsqu'on  lui  a  élevé 
en  1808  un  monument  eu  marbre  de  Car- 
rare ,  dans  le  cimetière  de  Saint-Pierre  où 
il  fut  enterré  ,  à  Ratisbonne.  Voyez  sa 
Vie  par  M.  Gott.  Ilanschius ,  à  la  tête  de 
ses  Lettres,  imprimées  en  latin  à  Leip- 
sick.  en  1718,  in-fol.,  et  NarratiodeJoh. 
Kepleii ,  theologia  et  rcligioue ,  par  C. 
Fred.  Standlin ,  Gœttingue,  1794,  111-4", 
réimprimée  avec  des  augmentations  dans 
les  Mélanges  du  même  auteur,  1797,  tome 
1,  tt"  7. 

KEPPÎ.rr.  (LotîSj,  fils  du  précédent, 


KER 


lis 


TŒR 


médecin  à  Kœnigsberjï  en  Prusse,  publia 
l'ouvrage  de  son  père,  intitulé  :  Somm'um, 
seu  De  astionomia  lunuri ,  Francfort , 
1G34,  in-4°.  C'est  dans  cette  production 
qu'il  débite  les  rêveries  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut.  Louis  naquit  à  Prague  en 
1G07,  et  mourut  à  Koenigsberg  en  1G65. 
On  a  de  lui  quelques  écrits. 

*  KÉRALIO  (Louis-FÉMX  GUINEMENT 
de),  chevalier  de  Saint-Louis,  major  d'in- 
fanterie, ancien  professeur  à  l'école  mili- 
taire, membre  de  l'académie  des  inscrip- 
lions  et  belles-lettres,  de  celle  des  sciences 
de  Stockholm,  etc.,  naquit  à  Rennes  le  17 
septembre  1751.  Il  embrassa  d'abord  la 
carrière  des  armes  et  parvint  au  grade  de 
lieutenant-colonel.  Après  avoir  obtenu  , 
avec  sa  retraite ,  la  croix  de  Saint-Louis  , 
il  se  retira  à  Paris,  où  il  se  livra  à  l'étude 
des  belles-lettres.  Vers  1756  ,  il  fut  appelé 
à  Parme  avec  Condillac ,  pour  diriger,  en 
qualité  de  gouverneur,  l'infant  de  Parme, 
don  Ferdinand.  La  protection  du  duc  de 
Choiseul  lui  fit  ensuite  obtenir  la  place 
de  professeur  à  l'école  militaire,  dont 
il  fut  plus  tard  inspecteur.  Il  mourut 
à  Grosley,  dans  la  vallée  de  Montmo- 
rency ,  le  10  décembre  1793.  On  lui  doit 
les  ouvrages  suivans  :  |  Traduction  de 
différens  morceaux  sur  l'histoire  natu- 
relle et  civile  des  pays  du  Nord ^  Paris, 
1753,  2  vol.  in-12  ;  |  Voyage  en  Sibérie^ 
traduit  de  l'allemand  de  Gmelin ,  ibid. , 
1767 ,  2  vol.  in-12  ;  |  Recherches  sur  les 
principes  généraux  de  la  tactique,  ibid., 
1769,  in-12  ;  |  Histoire  naturelle  des  gla- 
ciers de  la  Suisse^  traduit  de  l'allemand  de 
Gruner,  ib.,  1770,  in-4"  :  |  Mémoires  de  l'a- 
cadémie royale  de  Stockholm^  concernant 
l'histoire  naturelle^  l'anatomie^  la  chimie ^ 
l'économie^  les  arts;  traduction,  tomel", 
in-i"  ;  I  Essai  sur  les  moyens  de  rendre 
les  facultés  de  l'homme  plus  utiles  à  son 
bonheur^  traduit  de  l'anglais  de  J.  Gre- 
Kory  ,  1776,  in-12  ;  |  Histoire  de  la  guerre 
des  Russes  et  des  Turcs^  en  1730-59,  et  de 
ta  paix  de  Belgrade  qui  la  termina,  2 
vol.  in-12,  1777',  1780,  1789,  avec  cartes 
«■t  planches,  traduite  en  allemand  ,  Leip- 
8ick,  1778  ,  2  Nol.  in-8°.  |  Histoire  de  la 
guerre  entre  la  Russie  et  la  Turquie  .  et 
particulièrement  de  la  campagne  t/el7u9, 
avec  des  notes,  etc.,  du  prince  de  Ga- 
litzin,  Pétersbourg  (Amsterdam),  1773, 
in-4",  in-8°,  et  en  2  vol.  in-12;  traduite 
en  allemand,  1777-78,  in-8°.  Cet  ou- 
vrage est  loué  par  Pélisson  et  déprécié 
par  Laharpe.  Le  chevalier  Kéralio  fut 
l'un  des  rédacteurs  du  Journal  des  sa- 


vans,  depuis  1783  jusqu'en  1792  ,  époque 
de  sa  suppression ,  et  du  Mercure  Natio- 
nal. Il  avait  épousé  mademoiselle  Marie- 
Fkaxçoise  ABEILLE,  qui  a  traduit  de  l'an- 
glais les  Fables  de  Gay .  suivies  du  poème 
de  \ Eventail.  Paris,  17o3 ,  in-12;  et  le 
Succès  d'un  fat,  roman,  ibid. ,  17G2. 

'  KÉRALIO  (  LouiSE-FiiuciTÊ  GUINE- 
MENT  de),  fille  du  précédent,  né  à  Paris 
en  1758,  épousa  M.  Robert,  et  mourut  à 
Bruxelles  en  1821,  après  avoir  publié  plu- 
sieurs ouvrages  parmi  lesquels  on  remar- 
que :  I  Histoire  d'Elizabelh,  rei7ic  d'An- 
gleterre ;  I  Collection  des  meillews  ou- 
vrages français  composés  par  des  fem  mes., 
1786-1789,  h  volumes  in-S"  ;  |  Jmélic  et 
Caroline^  ou  VJmour  et  l'amitié^  1808  , 
5  vol.  in-12  ;  |  Alphonse  et  Mathilde  ^o\\ 
la  Famille  espagnole ,  1809,  h  volum<,'s 
in-12,  etc.  ;  elle  a  encore  traduit  de  l'an- 
glais et  de  l'italien  différens  ouvrages  : 
I  le  Voyage  dans  les  Deux- Sicile  s .  par 
Swinburne,  1783,  in-8''  ;  |  Voyage  en  Hol- 
lande et  dans  le  midi  de  V  Allemagne ,  ejc, 
ibid. ,  1809 ,  2  vol.  in-8"  ;  |  M  Etranger  en 
Irlande,  ou  voyage,  etc. ,  par  John  Carr , 
1809,  2  vol.  in-S"  ;  |  Différens  morceaux 
des  mémoires  de  V académie  de  Sienne  . 
1777,  in-12.  Elle  a  tradviit  d'autres  ou- 
vrages sous  le  voile  de  l'anonyme  '.voyez 
les  n<"  5753,  3976  et  8028  du  Dictionnaire 
des  anonymes.  W°^  Robert  de  Kéralio  a 
travaillé  au  Censeur  utiiversel  et  au  Mer- 
cure national. 

KERCADO.  Voyez  MOLAC. 

KERCKRmO  (TnÊODonE),  célèbre 
médecin  d'Amsterdam,  membre  de  la  so- 
ciété royale  de  Londres,  se  fit  beaucoup 
d'honneur  dans  la  pratique  de  la  méde- 
cine, qu'il  exerça  long-temps  dans  la  pre- 
mière de  ces  deux  villes.  Condisciple  de 
Spinosa,  il  fut  élève  et  ensuite  gendre  do 
François  van  Eude.  Il  embrassa  la  religion 
catholique,  et  quitta  la  Hollande  pour  pas- 
ser en  France  ,  d'où  il  se  rendit  à  Ham- 
bourg ;  il  y  mourut  en  1G93.  Il  se  fil  un 
nom  par  ses  découvertes  et  par  ses  ou- 
vrages. C'est  lui  qui  trouva  le  secret  d'a- 
mollir l'ainbrc  jaune  sans  lui  oter  sa  trans- 
parence. Ses  principales  productions  rou- 
lent sur  l'anatomie  :  |  Spicilegium  anoi- 
tomicum,  Amsterdam,  1G70  et  1673,  in-A"; 
\  Anthropogeniœ  iconographia ,  Amster- 
dam ,  1670  ,  in-i.",  où  il  soutient  que  l'on 
trouve  dans  les  corps  de  toutes  les  femmes 
desœufs,  dont,  selon  lui,  les  hommes  sont 
engendrés.  (  Voyez  GRAAF  REîxifï(.)On 
lui  attribue  encore  une  Anatomie,  impri- 
mée en  1G71,  in-folio. 

10. 


KER  U 

•  RF-RCI  I:i.E\-TIU:M\UEC  (Yves- 
Joseph  t!e  ),  brave  iiiaiiii  français,  naquit 
fi  Quiinpcr  en  Bretagne  vers  1745.  Dès  sa 
jeunesse  il  montra  un  Roùt  prononcé  pour 
ia navigation,  entra  de  bonne  beure  dans  la 
marine,  e!  était  déjà  lieutenant  de  vaisseau, 
en  17C7,  àl'âgede  22  ans.  A  cette  époque  le 
(îouvernement  lit  armer  une  frégate  dans 
le  but  de  proléger  la  pécbe  de  la  morue 
sur  les  (ôtes  d'Irlande  :  Kerguelen  en 
ayant  reçu  le  rommandemenl,  s'acquitta 
parfaileinent  de  cette  mission.  A  son  re- 
tour il  fut  cliargé  de  se  rendre  en  Angle- 
terre, j)oury  faire  des  observations  sur  la 
construction  navale;  il  reprit  ensuite  le 
commandement  de  sa  frégate  pour  une 
expédition  à  peu  près  semblable  à  la  pre- 
mière, et  à  son  retour  en  France  il  rendit 
compte  de  ses  deux  voyages  dans  un  mé- 
moire au  roi.  Il  se  distingua  dans  la 
guerre  de  1778  contre  les  Anglais,  fit  deux 
voyages  dans  les  mers  des  terres  australes 
et  des  Indes,  dont  le  résultat  fut  la  décou- 
verte d'une  île  de  deux  cents  lieues,  à 
laquelle  le  capitaine  Cook  donna  le  nom 
de  Kerguelen.  Lorsqu'il  revint  dans  sa 
patrie ,  il  fut  accusé  par  un  de  ses  officiers 
d'avoir  abandonné  une  embarcation  dans 
les  parages  déserts  qu'il  avait  visités ,  et 
condamné  par  un  conseil  de  guerre  à  être 
renfermé  au  château  de  Saumur.  Il  obtint 
ensuite  son  élargissement ,  et  fil  encore 
quelques  courses  sur  mer  avec  ses  deux 
fils.  Kerguelen  entra  au  service  de  la  ré- 
publique française;  niais  il  fut  compris 
dans  les  réformes  de  1796.  Il  réclama ,  et 
on  le  nomma  adjoint  au  ministère  de  la 
marine,  et  puis  commandant  d'une  divi- 
sion de  l'armée  navale  de  l'Océan.  Un 
fjouvcrncment  anarchique  est  toujours 
soupçonneux  ,  et  souvent  envers  ceux-là 
mêmes  qui  lui  sont  le  plus  dévoués.  On 
arrêta  Kerguelen  à  Krest,  au  moment  où 
il  allait  s'enibarqucr,  et  on  l'amena  à  Pa- 
1  is.  Il  mourut  en  1797,  peu  de  mois  après 
Bvoir  recouvré  sa  liberté.  On  a  de  lui;  |  Re- 
lation d'un  voyage  dans  la  mer  du  Nord . 
flux  côtes  d' Islande ,  du  Groenland ,  de 
ferro .  de  Schettland  ;  des  0/ codes  et  de 
yzrwégejait  en  1767  <?n768,  Paris,  1771  ; 
I  flclalion  de  deux  voyages  dans  les  mers 
australes  et  des  Indes .  fail'i  en  1771  et 
Mlh  ,  "pour  la  vérification  d'une  nouvelle 
route  à  la  Chine  .Var'is,  1782,  in-8°;  |  His- 
toire des  événemens  des  guerres  mariti- 
mes .  des  causes  de  la  destruction  de  la 
rfua-ine  française^  et  des  moyens  d'y  re- 
iiiédicr;  précédée  de  la  Relation  descom- 
pais  et  dcs.évcnemens  de  la  guerre  mari- 


4  keh 

timc  de  1778,  entre  la  France  et  l'Angle- 
terre, Paris,  17%,  in  8". 

KI:RI(Je.vn),  Hongrois,  embrassa  l'or- 
dre  de  Saint-Paul,  premier  ermite  (ordre 
fondé  en  1213  jiar  Eusèbc,  évéque  deStri- 
gonie),  et  qui  n'existe  quà  P.ude  en  Hon- 
grie, s'y  distingua  par  sa  j)iélé  et  par  son 
7,èle  apostolique.  Il  fut  ensuite  fait  surces- 
sivementévéquede  vSirmichetdeWal/.en, 
et  mourut  à  Tyrnau  fan  1685,  après  avoir 
publié  :  I  Fci-ocia  Martis  Turcici.  C'est 
une  histoire  de  la  guerre  A\i.i  Turcs  ea 
Hongrie  de  son  temps  ;  |  un  Cours  de  phi' 
losophie^  en  5  vol. 

KI:RI  (Fraaçoïs-Borgia),  né  dans  le 
comté  de  Zeniplin  en  Hongrie  ,  au  com- 
mencement du  18*^  siècle,  se  fit  jésuitç,  et 
se  distingua  dans  celte  société  par  la  va- 
riété de  ses  connaissances  dans  la  pbilo- 
soj)lii<;  et  les  malbématiques,  qu'il  pro- 
fessa, et  par  sa  grande  pieté.  Il  mourut  à 
Bude  l'îin  1769.  On  a  de  lui  :  |  une  Histoire 
des  empereurs  d'Orient,  depuis  Constan- 
tin le  Grand  jusqu'au  dernier  Constantin, 
Tyrnau,  Mkk  ,  iii-fol. ,  en  latin  , ornée  de 
figures  et  de  médailles  ;  |  Histoire  des 
empereurs  ottomans ,  depuis  la  prise  de 
Constantinojde ,  Tyrnau,  17/i9,  9  petits 
volumes.  Le  père  Nicolas  Schmith,  jésuite, 
a  continué  cette  Histoire ,  et  en  a  publié 
2  volumes  in-fol.  qui  la  conduisent  jus- 
qu'en 1718. 1  Dissertations  sur  le  vide,  sur 
le  mouvement  des  corps  et  sur  les  causes  du 
mouvement ^Tymau,  in-8".  11  contribua 
beaucoup  à  perfectionner  le  télescope  ,  et 
se  fil  un  corn  célèbre  ])ar  ses  observa- 
tions astronomiques.  M.  Cassini  de  Thury 
l'ayant  vu  à  Tyrnau ,  admira  ses  talens  et 
le  zèle  qui  l'animait  pour  faire  briller 
dans  sa  patrie  le  flambeau  des  sciences. 
«  Vous  possédez  chez  vous,  lui  dit-il,  dans 
»  une  lettre  du  15  juillet  1761,  des  trésors 
»  immenses  en  littérature  ;  vous  êtes  le 
»  Blécène  des  sciences.  Vous  avez  posé  des 
»  monumens  éternels;  et  je  désirerais  que 
»  vous  le  fussiez  aussi ,  pour  le  bonheur 
»  de  la  société,  pour  le  bien  de  la  religiou, 
»  et  pour  le  progrès  des  sciences.  » 

'  KERIVALA.NT  (N...  Le  DEIST  de), 
maître  à  la  chambre  des  lomptes  de  Bre- 
tagne, fut  auteur  de  plusieurs  remon- 
trances que  cette  chambre  fit  au  roi  dans 
des  circonstances  délicates.  La  révolu! ion 
l'ayanl  prive  de  celle  place,  il  se  livra 
tout  entier  à  la  liltéralure.  Il  fut  un  des 
fondateurs  de  la  société  académique  de 
Nantes,  qui  porta  d'abord  le  nom  d'in^lilut 
départemental,  cl  à  laquelle  il  lui  un 
grand  nombre  de  pièces  de  vers  qu'on 


KER  Jl 

trouve  dans  Jes  procè.s-verLD.ux  dosscan- 
CCS  publiques  de  cette  société.  Il  a  aussi 
fourni  des  vers  à  divers  recueils,  notam- 
ment à  la  Jfuse  Brcto7ine  et  au  Mercure 
de  France.  Mais  son  principal  ouvrage 
est  une  traduction  en  vers  des  Epigram- 
mes  de  Martial,  (\\iW  allait  publier,  quand 
sa  mort,  arrivée  en  1814,  l'en  a  empêche. 
On  a  encore  de  Kcrivalanl,  outre  un  ou- 
vrage manuscrit  intitulé  :  Essai  sur  l'o- 
rigine s  les  progrès  et  le  génie  de  la  lan- 
gue française,  A^s  traductions  imprimées, 
parmi  lesquelles  on  remarque  plusieurs 
odes  d'Horace ,  des  élégies  de  Tibulle , 
quelques  morceaux  de  Catulle,  et  des 
pièces  choisies  parmi  les  poètes  italiens 
et  anglais,  notamment  V Hymne  au  créa- 
teur de  Tliompsou,  et  le  Cimetière  de 
Campagne  de  Gray. 

KEURllERDÈiÛ:  (  Jeax-Gérard),  né 
vers  1678,  à  Fauquemont,  petite  ville  du 
j)ays  d'Oulre-Meuse   hollandais,  à  deux 
lieues  de  Maëslriclit,  fit  de  bonnes  études 
dans  celte  dernière  ville,  étudia  la  philo-  j 
Sophie  et  la  théologie  à  Louvain,  se  con- 
sacra à  l'étude  des  langues  savantes,   de  i 
la  critique  sacrée  et  de  l'antiquité;  ensei- 
gna les   belles-lettres  pendant  phisieurs  I 
années ,  donna  des   leçons  d'histoire  au  1 
collège  des  Trols-Langues ,  fut  fait  hislo-  j 
riographc  de  l'empereur  Joseph  \" ,  eu 
i708 ,  et  mourut  le  16  mars  17.'58.  On  a  de  ' 
lui  :  I  Sijstema  apocalyplicum ,  Louvain, 
1708,  in-12  :  c'était  comme  un  es.sai  <i'un 
ouvrage  plus  considérable,  qu'il  inlilula  : 
De  nionarchia  Rornœ  paganœ  sccunduin 
concordiam  inter  sanctos  prophctas  Da- 
nielcm  et  Joannem  :  consequens  historia 
a  monarchiœ  conditoribus  ,  usque  ad  iir- 
bis  et  imperii  riiinam.   y/ccessit  soies 
historice  apocabjplicœ  .  Louvain,    1727, 
in-12  {voyez   GUYAUX);   |  Prodromus 
danielicus  t  sive  novi  conatus  liislcriri , 
critici:.  in  celchcrrimas  difficxdtulcs  his- 
toria; veteris  Testanienti,  inonarchiaruni  ; 
yisiœ  ^  etc. .  ac  prœcipue  in  Danielem  \ 
\trophetam ,  Louvain,  171 1,  in-12.  L'éru-  j 
dilion  est  répandue  à  pleines  mains  dans  j 
CCS  deux  ouvrages  ;  les  hypothèses  qu'on 
y  propose  ont  de  grandes  vraisemblances, 
tt  jettent  beaucoup  de  jour  sur  les  difli- 
cullés  historiques,  chronologiques  et  géo- 
graphiques de  l'Ecriture  sainte.  |  De  situ 
paradisi ferrestris .  Louvain,  1731,  in-12. 
11  place  le  paradis  terrestre  un  peu  au- 
dessus  de  la  Bubyloisie,   prend  pour  le 
Phison  le  bras  occidental  de  l'Euphrate, 
jusqu'à  son  embouchure;  et  pour  le  Ge- 
hon,  le  bras  oriental  du  même  fleuve. 


n  KER 

depuis  la  ville  de  C.ippara,  où  il  se  niéle 
à  un  bras  du  Tigre,  jus(ju'à  l'emliinicluire 
du  même  Tigre,  près  de  la  ville  et  l'ile 
de  Charax  :  ce  système  différent  de  celui 
delluet  est  peut-être  aussi  i)robable.  Kcr- 
kherdèrc  a  fait  précéder  ce  traité  du  Co- 
natus  novus  de  Ceplia  reprehenso ,  où  il 
soutient  que  ce  Céphas  est  diiférent  de 
saint  I'ierre.(/^^oyezCÉPHAS.)  On  trouve 
encore  dans  ce  volume  une  Disscrtaliun 
sur  le  nombre  des  années  pendant  les 
quelles  le  Sauveur  a  instruit  le  peuple 
et  une  autre  intitulée:  J)e  Ceplia  ter  cor 
repto.  I  Grammatica  lalina  ^  Louvain 
1706,  in-12  de  117  pages,  où  il  y  a  plus 
d'érudition  que  dans  la  ])lu[)art  des 
grammaires,  même  volumineuses;  (  un 
grand  nombre  de  Poésies  latines,  qui  lui 
assurent  uiie  j.lace  distinguée  sur  le  Par- 
nasse ;  I  plusieurs  ouvrages  manuscrits, 
entre  autres:  Quatuor  œtates ,  (\u\ ,  s"\\ 
avait  été  imprhné,  aurait  pu  éclaircir 
plusieurs  endroits  de  la  Genèse;  Ojyus 
quatuor  mona?c hiai-um,  auquel  le  Mo- 
narchia  Jiomœ  paganœ  devait  servir  de 
4*^  partie  ;  un  Traité  des  70  semaines  de 
Daniel ,  qui  était  entre  les  mains  du  cen- 
seur lorsque  l'auteur  mourut. 

REULEREC  (  Lotis  BILLOUART  de), 
L'rigadier  des  armées  navales  de  France  , 
gouverneur  de  la  Louisiane  ,  né  à  Quim- 
per,  en  1704,  s'est  acquis  une  considé- 
ration distinguée  par  sa  probité  cl  la  vi- 
gueur de  son  administration  dans  un  pays 
lointain,  où  l'esprit  des  lois  et  les  intérêts 
de  l'état  ne  peuvent  se  suuienir  que  par 
la  fermeté  et  la  vertu.  De  retour  en 
France,  en  1 764  ,  après  que  la  province 
dont  il  était  gouverneur  eût  été  aliénée 
par  le  traité  de  1763,  il  acquit  restimc  de 
ce  qu'il  y  avait  de  plus  respectable  à  Ver- 
sailles et  îi  Paris.  Le  dauphin,  fils  de 
Louis  XV,  et  la  reine,  lui  témoigncrenl  la 
])îus  grande  coniiance.  Mais  la  franchise 
avec  laquelle  il  s'exprima  sur  des  ma- 
tières d'état,  el  surtout  sur  la  destruction 
des  jésuites,  lui  lit  un  ennemi  puissant 
dans  la  personne  du  ministre  Choiseul, 
([ui,  après  avoir  suscité  contre  lui  divers 
accusateurs,  lui  défendit  de  leur  répon- 
dre, sous  prétexte  que  sa  culpabilité  était 
trop  évidente.  En  août  1769,  le  conseil 
des  déiiêchcs  exila  l'ancien  gouverneur, 
avec  1  honorable  témoignage  par  lequel 
on  reconnaissait  en  lui  des  services  nù- 
litaires  distingués  cl  dignes  d'éloges  ,  de 
grands  talens  pour  l'administration,  une 
jirobité  intacte  et  sans  reproche.  En  1779, 
il  était  parvenu  à  confondre  ses  adver- 


KÉR 


lie 


KER 


taircs,  et  à  trioiripher  avec  éclat,  lorsqu'il 
mourut  à  Paris,  au  mois  de  septembre  de 
la  môme  année. 

*  KERU  (Robert),  chirurgien  et  natu- 
raliste écossais  ,  n'est  connu  que  par  ses 
ouvrages.  Plein  d'estime  pour  nos  savans, 
il  a  transporté  dans  sa  lan{jue  maternelle 
i:n  grand  nombre  de  productions  fran- 
çaises :  ainsi  il  a  traduit  |  les  Elèmens  de 
chimie  de  Lavoisici- ,  1793,  in-8";  |  V Essai 
sur  la  nouvelle  méthode  du,  blanchiment 
par  Vacide  inurialique  oxigènè  de  Ber- 
Iholetf  I  V Essai  sur  la  théorie  de  la  terre 
par  Cvvicr.  Cet  ouviage  posthume  a  paru 
tn  1815  ])ar  les  soins  du  professeur  Ja- 
meson  qui  y  a  ajouté  une  introduction  et 
des  notes  Les  autres  ouvrages  de  Kerr 
sont  le  Rè(/7ie  animal  ou  système  zoolo- 
gique de  Linnée^  1792,  in-i°  ;  |  Histoire 
naturelle  des  quadrupèdes  et  des  serpens, 
h  volumes  in-S"  ;  |  Mémoire  de  la  vie  de 
M.  jniliam-Smelli .  1811,  2  vol.  in-8°  ; 
j  Histoire  de  l'Ecosse  durant  le  règne  de 
Robert  Bruce,  1811,  2  vol.  in-8''.  Kerr 
avait  commencé  une  collection  générale 
des  voyages  qui  devait  avoir  18  vol.  in-8°. 
Il  était  membre  de  la  société  royale  et  de 
la  société  des  antiquaires  d'Edimbourg  : 
il  mourut  dans  cette  dernière  ville  en 
i814. 

•  KERSAIAT  (  AnjiAXD-Giii-Sniox)  , 
capitaine  de  vaisseau,  d'une  famille  noble 
de  Bretagne ,  naquit  à  Paris  vers  1741. 
Après  avoir  servi  dans  la  marine  avec 
lionneur,  et  obtenu  le  grade  de  capitaine 
de  vaisseau,  il  embrassa  la  cause  de  la 
révolution  ,  et  se  montra  un  des  plus  ar- 
dens  propagateurs  des  nouveaux  prin- 
cipes. Dans  le  mois  de  septembre  1791,  il 
fut  nommé  administrateur  du  départe- 
ment de  Paris  dont  il  présida  le  corps 
électoral,  et  membre  suppléant  de  l'as- 
semblée Législative  oij  il  remplaça  Mos- 
neron.  Il  j)arlagca  les  opinions  d^s  répu- 
blicains les  plu.i  déterminés,  et  se  ranj^jea 
du  parti  des  Girondins.  11  dénonça  le  2.j 
juillet  1792  le  pouvoir  exécutif,  pour  n'a- 
voir pas  fait  déclarer  la  guerre  à  la  Sar- 
daigne.  Il  demanda  même  que  sa  dénon- 
ciation fût  renvoyée  à  une  commission 
extraordinaire,  pour  examiner  si  le  roi 
n'avait  pas,  à  cette  occasion,  encouru  la 
déchéance.  S'il  ne  proposa  pas  des  me- 
sures violentes,  il  n'osa  pas  les  combattre, 
«m  il  les  appuya.  Témoin  des  affreuses 
journées  des  5  et  G  octobre  17S9  ,  de  colle 
du  18  août  1791,  etc.,  et  de  la  plus  funeste 
de  toutes,  celles  du  10  août  1792  ,  tant  de 
Itrribles  événernens  lui  dessillèrent  enr=^- 


les  yeux.  L'emprisonnement  du  roi  aclieva 
de  l'éclairer  sur  le  véritable  état  des  choses, 
et  il  frémit  des  dangers  qui  menaçaient 
Louis  XVI  au  commencement  de  1793.  Il 
vola  le  16  janvier  1793  pour  la  réclusion 
jusqu'à  la  paix,  et  le  20  il  écrivit  au  pré- 
sident de  la  Convention  la  Icllrc  suivante, 
oîi ,  en  blâmant  sa  conduite  passée ,  il 
disait  entre  autres  choses  :  «  Si  un  en- 
»  chaînement  d'erreurs  m'a  réduit  à  être 
»  le  collègue  des  panégyristes  et  des  pro- 
»  moteurs  des  massacres  de  septembre, 
»  et  de  tous  les  excès  qu'on  a  commis  dans 
»  le  cours  de  la  révolution  ,  je  veux  au 
»  moins  tâcher  de  défendre  ma  mémoire 
»  du  reproche  d'avoir  été  leur  complice; 
»  et  il  ne  me  reste  plus  qu'un  moment  : 
»  demain  il  ne  serait  plus  temps;  ainsi, 
»  monsieur,  acceptez  ma  démission;  je 
»  ne  fais  plus  jiartie  du  corps  que  vous 
»  présidez.  »  Cette  lettre  répandit  le  tu- 
multe parmi  tous  les  membres  de  l'as- 
semblée. On  dénonça  Kcrsainl  comme 
traître  et  ennemi  de  la  république. Mandé 
à  la  barre,  ilse  défendit  (22  janvier)  avec 
fermeté.  Soit  quason  discours  fit  quelque 
impression  ,  soit  que  les  factieux  portas- 
sent alors  leur  attention  sur  une  affaire 
plus  grave,  la  mort  de  Louis  XVI ,  Ker- 
sainl  eut  le  temps  de  quitter  Paris,  et  de 
se  cacher  dans  une  obscure  retraite;  mais 
il  y  fut  découvert,  arrêté  et  conduit  à  Pa- 
ris. Le  tribunal  révolutionnaire  le  fit  traî- 
ner à  l'écliafaud,  le  h.  décembre  1793  :  il 
avait  alors  52  ans.  Victime  d'une  cause 
qu'il  avait  défendue  avec  tant  d'ardeur , 
Kersaint  eut  le  bonheur  de  réparer,  par 
un  noble  dévouement ,  ses  erreurs  pas- 
sées. Plus  heureux  encore,  s'il  put  abjurer 
les  doctrines  philosophiques  qu'il  avait 
eu  le  malheur  d'embrasser  !  Il  avait  pu- 
blié, avant  la  révolution,  un  opuscule 
intitulé  Le  bon  sens,  1788,  in-S",  dans  lc« 
quel  il  attaquait  les  privilèges  ,  et  même 
l'existence  des  deux  premiers  ordres  de 
l'étal.  On  a  encore  de  lui  quelques  autres 
ouvrages  :  |  Institutions  navales ,  ou  pre* 
mières  vues  sur  les  classes  etTadmifiistra- 
tion  maritime,  1790,  in-8°;  |  Considéra^ 
fions  sur  la  force  publique  et  l'institution 
des  gardes  nationales ,  1790  ;  |  Lettre  en 
réponse  à  M.  Alex.  Lamelh;  |  Le  Rubi- 
con.  par  l'auteur  du  Bon  sens.  1789,  in-S". 
Kersaint  a  concouru  avec  Condorcet,  Du- 
pont de  Nemours,  etc.,  à  la  rédacUon  du 
Journal  de  la  société  de  1789. 

•  KERVELEGAIM  (  Auguste-Bernaro- 
François  le  GOARRE  de  ),  député  aux 
(>i..<'c_£rônéraux  et  à  plusieurs  des  asscm- 


KER 


117 


KES 


l)lccs  lotîislalivcs  de  France  ,  naipiil  i\ 
Qiiiini>er  le  2'.)  septembre  ilklj.  Avant  la 
révolution  ,  il  clail  sénéchal  du  présidial 
de  cette  ville  ,  où  il  fut  élu  député  aux 
états  généraux  .  en  ^789  ;  à  peu  près  à 
relte  époque  il  publia  un  écrit  intitulé 
Réflexions  d'un  philosophe  breton  sur  les 
affaires  présentes.  Il  parla  peu  dans  l'as- 
semblée Constituante,  mais  il  fut  membre 
lie  la  fameuse  réunion  révolutionnaire 
connue  sous  le  nom  de  comité  breton^  qim 
formèrent  à  Versailles  les  députés  du 
tiers-état  de  sa  province  ,  et  auxquels  se 
joignirent  tous  les  démafjogues  riu  jour. 
Kervelegon  fit  ensuite  partie  du  comité 
chargé  de  l'aliénation  des  domaines  natio- 
naux ,  dans  lesquels  n'étaient  alors  com- 
jiris  que  les  biens  ecclésiastiques.  Il  eut  à 
soutenir  plusieurs  débats  avec  différens 
membres  qui  n'étaient  pas  de  son  avis, 
et  apportaient  une  sage  modéiation  dans 
cette  inesurearbitraire:  à  celle  occasion, 
Kerveleyan  se  battit  au  pistolet  avec  le 
vicomte  de  Mirabeau,  frère  du  fameux 
Mirabeau,  député  du  tiers-état ,  et  il  le 
blessa.  Jusqu'alots  il  n'avait  professé 
que  desopiivjons  exaltées;  mais  après  le 
voyaj^îe  de  Varenues,  il  changea  de  système, 
et  se  montra  purement  constitutionnel.  Le 
département  du  Finistère  l'ayant  nommé 
à  la  Convention  ,  il  vota  ,  lors  du  procès 
de  Louis  XVI,  pour  la  détention  et  le  ban- 
nissement à  la  paix.  Il  était  attaché  au 
parti  delà  Gironde  ,  avec  lequel  il  vola 
constamment.  Ce  fut  Kerveleyan  qui,  le 
premier,  dénonça,  en  décembre  1795,  le 
journal  incendiaire  de  Marat.  La  nou- 
velle commune  de  Taris  s'était  violem- 
ment installée,  le  10  août  1792,  dans  l'hô- 
tel-de- ville,  après  en  avoir  chassé  les 
membres  de  l'ancienne  coinmune,  moins 
révolutionnaires  ou  plus  modérés.  C'est 
dans  cette  même  journée  que  Louis  XVI 
fut  attaqué  dans  son  propre  palais  des 
Tuileries,  d'où  il  passa  à  la  tour  du  Tem- 
ple, et  de  là  sur  l'échafaud.  La  commune 
empiétant  de  jour  en  jour  sur  tous  les 
pouvoirs,  la  Convention  forma  ,  le  i8  mai 
4793,  une  couuuission  de  douze  membres, 
parmi  lesquels  fut  nommé  Ker>elegan, 
et  qui  devait  faire  la  recherche  des  com- 
plots tramés  par  Robespierre  et  ses  com- 
plices. Mai.s  le  parti  des  Montagnards,  sa- 
tellites de  la  commune,  l'emporta  sur  ce- 
lui des  autres  mcml)resde  l'assemblée,  et 
le  31  du  même  mois,  un  décret  de  pro- 
scription fut  prononcé  contre  les  Giron- 
dins. Kervelej',an  avait  prévu  ce  coup,  et 
et  dès  le  28,  coniointcmcr.l  avec  plusieurs 


ruembrcs  de  la  Gironde,  il  avait  donné 
sa  démission;  mais  cette  jjrécaution  n'em- 
péclia  pas  qu'on  ne  le  mit  hors  la  loi  avec 
ses  autres  collègues.  Il  put  néanmoins  se 
soustraire  aux  poursuites,  et  se  cacher 
dans  son  département,  où  il  facilita  même 
un  asile  à  quelques  autres  proscrits.  Ceux- 
ci,  obligés  entin  de  quitter  la  Bretagne, 
furent  arrêtés  près  de  Bordeaux  ,  et  tom- 
bèrerjl  la  plu])art ,  sous  la  hache  de  Ro- 
bespierre. Ce  m.uslre  ayant  ])éri  à  son 
tour  sur  l'échafaud,  le  9  thermidor  (28 
juillet  1794  )  et  sa  chute  ayant  enlraiii6 
(elle  des  Montagnards.  Kervelegan  rentra 
dans  la  Convention  ,  et  de\"'lnt  membre 
du  comité  de  sûreté  générale.  Les  jaco- 
bins, qui  étaient  encore  en  grand  nom- 
bre, ne  se  tinrent  pas  pour  battus,  et  our- 
dirent la  révolution  du  \"  prairial  (  20 
mai  179G  ).  Ils  attaquèrent  la  Convention  ; 
niais  ils  furent  vaincus  à  leur  tour  et  en- 
suite désarmés.  JKervelegan  se  battit,  et 
fut  blessé  dans  cette  journée,  où  le  député 
Ferraud  fut  assassiné  et  sa  tète  placée  sur 
le  bureau  du  président  iîoissy-d'Anglas. 
Nommé  en  sejilembre  17'J6,  au  conseil 
des  Anciens,  Kervelegan  passa,  au  mois 
de  mars  1799  ,  à  celui  des  Cinq-cents  .  ad- 
héra à  l'établissement  du  consu'al  ,  et 
sous  rem|)ire  il  fut  élu  au  corps  législa- 
tif. Il  y  était  encore  en  1815,  lorsque 
cette  assemblée  fut  dissoute  au  retour 
des  Bourbons.  Depuis  cette  époque,  Une 
se  mêla  plus  d'affaires  publiques,  et  vécut 
retiré  dans  ses  propriétés,  où  il  est  mort, 
le  24  février  1825 ,  âgé  de  quatre-vingts 
ans. 

RERVILLARS  (  Jean-Makix  de  ) ,  jé- 
suite, né  à  Varmes  en  1668,  mort  en  1745, 
à  Paris  ,  où  il  professait  la  philosophie  , 
avait  du  goût  et  de  la  littérature.  Nous 
avons  de  lui  une  assez,  bonne  Traduction 
des  Fastes  et  ElégiesdOvide,  5  vol.  in-12, 
1724,  1726  et  1742.  Il  avait  travaillé  quel- 
que temps  aux  Mémoires  de  Trévoux. 

KESLtU  (  André  ),  théologien  luthé- 
rien,  pensionné  par  Jean-Casimir,  duc 
de  Saxe,  naquit  à  Cobourg  en  1595,  et 
mourut  en  1645,  avec  la  réputation  d'un 
bon  prédicateur  et  dun  assez  bon  ronlro- 
versiste.  Il  laissa  une  Philosophie ^  en  3 
vol.  111-8",  dont  on  ne  parle  plus  ;  et  des 
Commentaires  sur  la  Bible,  in-4''. 

*  KKSSI:L(  Jea\  van  )  ,  célèbre  pein- 
tre, né  à  Anvers  en  1626  ,  excellait  à  pein- 
dre les  fleurs  ,  les  oiseaux  et  les  insectes. 
Ses  tableaux  sont  rares  et  chers.  Le  musée 
royal  possède  deux  tableaux  de  ce  maitre  ; 
ce  sont  deux  guirlandes  de  fleurs  et  de 


KET 


118 


KHA 


fruits  dont  l'une  entoure  déjeunes  enfans 
soufflant  des  huiles  de  savon  (  les  figures 
sont  de  Téniers  )  :  et  dont  l'autre  encadre 
la  vierge,  l'enfant  Jésus  et  deux  anges 
\{  les  figures  sont  de  Frank  le  jeune  ).  Ce 
•peintre  recherchait  trop  le  fini  :  il  en  ré- 
sulte quelquefois  de  la  sécheresse.  —  Son 
fils,  Ferdikano  van  ,  né  à  Bréda  en  ICGO, 
peignait  dans  le  même  genre  que  son 
père  ,  mais  il  ne  l'égalait  pas  ;  il  fut  pre- 
mier peintre  de  JeanSobieski,  roi  de  Po- 
logne. On  distingue  parmi  ses  tableaux 
les  4  élémens  et  les  h  parties  du  monde. 
Le  musée  rq^al  possédait  de  lui  un  lièvre 
mort  et  des  racines  ;  mais  ce  tableau  fut 
revendiqué  en  1815  par  le  duc  de  Brun- 
swick. 

*  KETEL  (  Corneille  )  ,  peintre,  né  à 
Gouda  en  1548,  vint  jeune  en  France  ,  et 
se  vit  obligé  à  l'époque  des  troubles  re- 
ligieux qui  signalèrent  le  règne  de  Char- 
les IX  de  passer  en  Angleterre  où  ses 
productions  furent  généralement  esti- 
mées ;  il  revint  ensuite  en  hollande  où 
il  mourut  vers  1610.  Il  excellait  dans  le 
portrait.  Il  peignit  la  reine  Eliy.abelh,  le 
comte  d'Oxford  et  les  principaux  person- 
nages delà  cour.  Sa  réputation  était  telle 
qu'il  pouvait  à  peine  suffire  à  toutes  les 
demandes  qui  lui  étaient  adressées.  Par 
une  bizarrerie  singulière  ou  pour  aller 
plus  vite  ,  il  se  mit  à  peindre  ,  sur  la  fin 
de  ses  jours,  avec  ses  doigts  au  lieu  de 
pinceaux ,  et  il  fit  d'assez  bons  tableaux. 

KETT  (  Guillaume  ) ,  chef  dune  ré- 
bellion sous  Edouard  VI  roi  d'Angleterre, 
était  fils  d'un  tanneur  et  tanneur  lui- 
même.  Son  esprit  était  au-dessus  de  sa 
naissance  ;  il  était  délié  ,  souple  ,  rusé , 
plein  de  hardiesse  et  de  courage.  S'étant 
mis  à  la  tête  du  peuple  de  Norfolck ,  il 
s'empara  de  la  ville  de  Norw^ich  ;  mais  le 
duc  de  Warwick,  ayant  eu  ordre  de  mar- 
cher contre  lui ,  le  prit  et  le  fit  pendre  à 
un  chêne  ,  avec  dix  des  principaux  com- 
plices de  cette  révolte. 

KETTLEWELL  (Jean),  théologien 
anglican  ,  né  dans  la  province  d'York , 
mort  de  consomption  en  1695  ,  est  connu 
dans  son  pays  par  plusieurs  ouvrages, 
dont  le  plus  célèbre  est  intitulé  :  Les 
mesures  de  l'obéissance  chrétienne.  Les 
Anglais  républicains  ne  trouvent  pas  ces 
mesures  tout-à-fail  exactes.  L'auteur  était 
zélé  royaliste.  Il  avait  dédié  son  livre  à 
Compton,  évêque  de  Londres,  partisan 
de  l'autorité  royale  comme  lui  ;  mais  ce 
prélat  ayant  changé  de  sentiment,  et  s'é- 
tant mis  à  la  tête  d'un  régiment  de  gen- 


tilshommes contre  leur  prince  ,  Kcltle- 
well  fit  ôler  la  dédicace. 

KEIILEN.  rotjez  VAN  KEULEN. 

KEYLER  (  Jean-Georges  ) ,  antiquaire 
allemand ,  né  à  Thornau ,  dans  l'électoral 
de  Hanovre  en  1689,  voyagea  en  France, 
en  Angleterre ,  en  Suisse  ,  en  Italie  ,  en 
Hollande  ,  en  Allemagne,  en  Hongrie,  et 
se  fit  estimer  par  son  érudition.  Il  fut 
trouvé  mort  dans  son  lit  eu  1743,  dans 
une  terre  appartenante  à  M.  de  Born- 
slorff,  premier  ministre  du  roi  d'Angle- 
terre, dans  l'élcctorat  d'Hanovre.  Il  avait 
accompagné  les  petits-fils  de  ce  seigneur 
dans  leurs  voyages,  et  il  en  a  écrit  la  re- 
lation sous  le  litre  de  Voyage  iJistructif 
très  détaillé  en  Allemagne ,  etc.  Cet  ou- 
vrage a  été  traduit  en  anglais  sur  la  2" 
édition,  Londres.  1756. 4  vol.  in-ii'',  et  in-8" 
avec  fig.  Son  principal  ouvrage  fut  publié 
en  1720  à  Hanovre,  sous  le  titre  6'Jnli- 
quitates  sélect  ce  septentrionales  et  celticœ» 
in-8°.  On  y  voit  une  grande  connaissance 
des  antiquités.  Keysler  était  membre  de 
la  société  de  Londres  depuis  1718. 

*  KilADYDJAII,  première  femme  du 
faux  prophète  Mahomet.  Elle  naquit  l'an 
564  de  notre  ère  et  était  fille  de  Khowaï- 
led,  homme  très  considéré  dans  la  tribu 
des  Coraïchites,  et  était  une  des  riches 
marchandes  du  pays.  Khadydjah  deve- 
nue veuve  de  deux  maris  ,  avait  déjà  at* 
teint  sa  quarantième  année.  Elle  avait 
pour  facteur  le  jeune  Mahomet ,  âgé  do 
vingt-cinq  ans  ,  et  qui  passait  pour  avoir 
de  l'intelligence  ;  mais,  dépourvu  de  for- 
tune, il  attendait  tout  de  son  oncle,  Abou- 
Thâleb.  Envoyé  en  Syrie  par  sa  maîtresse, 
qui  lui  avait  donné  pour  compagnon  un 
esclave  affidé,  il  vendit  très  avantageu- 
sement ses  marchandises  à  Damas ,  et  en 
rapporta  d'autres  qu'il  débita  avec  un 
égal  succès  à  la  Mecque.  Khadydjah,  très 
contente  de  son  facteur,  qu'elle  aimait 
d(\jà.  lui  donna  le  triple  de  la  somme  qui 
lui  revenait  pour  sa  spéculation  commer- 
ciale. Ce  voyage  eut,  pour  Mahomet,  un 
plus  important  résultat.  Ambitieux  ,  en- 
treprenant et  adroit,  il  avait  déjà  formé 
un  plan  pour  s'élever  au-dessus  du  com- 
mun des  hommes,  et  il  y  réussit  en  les 
trompant.  Soit  que  pendant  le  voyage  il 
eût  ébloui ,  par  des  récils  merveilleux  , 
l'ignorance  de  l'esclave  qui  l'accompa- 
gnait ;  soit  qu'il  l'eût  séduit  en  lui  pro- 
mettant une  récompense,  celui-ci  ne  ces- 
sait do  raconter  les  prodiges  que  Dieu 
avait  opérés  ,  pendant  la  route,  en  faveur 
de  Mahomet.   L'imposteur  se  fit  voir,  en 


KHA 


H9 


KHE 


rsvcnaiil  chez  Khadydjah,  au  milieu  de 
deux  anjes  qui  le  couvraient  de  leurs 
niles,  pour  le  garantir  de  la  chaleur  du 
jour.  Khadydjah  lit ,  de  sa  terrasse  ,  re- 
marquer ce  miracle  à  deux  feinmes  qui 
se  trouvaient  avec  elle,  et  depuis  ce  temps 
elle  témoigna  à  Mahomet  un  respect  di- 
gne de  celui  qu'elle  appelait  Y£nvot/é  de 
Dieu.  Malgré  ce  respect,  au  bout  de  deux 
mois  ,  elle  se  servit  du  même  esclave 
pour  annoncer  à  Mahomet  son  désir 
d'être  sa  femme.  La  réponse  du  facteur 
nepoilvail  que  lui  être  favorable;  cepen- 
dant elle  lui  envoya  un  second  message  , 
avec  un  écrit  contenant  ces  mots  :  Epou- 
sez-moi. Le  jour  des  noces  fut  lixé  :  Abou- 
Thâleb  vint  chez  Kliadydjah,  suivi  des 
chefs  de  la  tribu  des  Choraichites;il  unit 
son  neveu  avec  Khadydjah,  qui  eut  pour 
douaire  vingt  jeunes  chameaux  femelles. 
Elle  fut  la  première  femme  de  Mahomet  ; 
tant  qu'elle  vécut ,  il  n'en  épousa  pas 
d'autres.  Il  eut  de  ce  mariage  huit  gar- 
çons, qui  moururent  en  bas  âge,  et  quatre 
iilles,  dont  l'ainée  Falimeh,  favorite  de 
Mahomet ,  est  encore  en  vénération 
parmi  les  Musulmans.  Ce  fut  Khadydjah 
qui  mit  en  vogue  la  prétendue  mi-^sion  di- 
V  ine  de  Mahomet  :  elle  racontait  à  ses  am  is, 
à  ses  parens  et  à  toute  la  tribu,  les  conver- 
sations qu'elle  disait  avoir  entendues  en- 
tre l'ange  Gabriel  et  Mahomet ,  et  notam- 
ment celle  où  l'ange  gardien  lui  avait  dit: 
Tu  es  le  prophète  de  celle  nation.  Un 
matin,  au  sortir  de  la  couche  nuptiale  , 
Mahomet  conduisit  Khadydjah  auprès 
d'une  fontaine,  qu'il  avait  fait  jaillir  en 
frappant  la  terre  de  son  pied .  et  ,  après 
s'y  être  purifiée,  elle  lit  sa  prière  debout, 
se  prosterna  deux  fois  ,  à  l'exemple  de 
Mahomet,  qui  institua  ainsi  les  ablutions 
pratiquées  ensuite  par  les  Musulmans  , 
avec  les  mêmes  cérémonies.  Ils  regardent 
Khadydjah  comme  leur  mère  ,  la  citent 
comme  le  modèle  des  épouses,  et  l'invo- 
quent dans  leurs  pressans  besoins.  Elle 
mourut,  l'an  628  de  notre  ère  ,  âgée  de 
soixante-cinq  ans ,  après  une  union  de 
vingt-quatre  ans  et  demi.  Mahomet  avait 
alors  cinquante  ans,  et  avait  su  répandre 
dans  presque  tout  lOrienl  sa  fausse  doc- 
trine, établie  moins  par  ses  faux  miracles 
que  par  le  fer  et  le  feu.  Il  montra  tou- 
jours une  grande  tendresse  pour  sa 
femme,  et  en  parlait  souvent  après  sa 
mort  ;  ce  qui  excitait  la  jalousie  de  ses 
auires  épouses,  et  surtout  d'Aïcliah  ,  qui 
lui  dit  un  jour  :  «  Celle  que  vous  vantez 
»  et  que  vous  regrettez   était  veuve  et 


»  vieille  ,  et  Dieu  l'a  remplacée  par  une 
n  épouse  jeune  et  vierge  ,  qui  doit  vous 
»  plaire  davantage.  »  —  «  Non,  répondit 
«  brus(iuement  Mahomet  ;  Khadydjah  a 
»  cru  en  moi  quand  tous  les  hommes 
«  m'accusaient  de  mensonge  et  d'impos- 
»  tare  ;  elle  fut  généreuse  envers  moi 
«  lorsque  tout  le  monde  me  persécutait.  » 
Mahomet.  p.our  témoigner  sa  reconnais- 
sance envers  Khadydjah  ,  la  plaça  au 
nombre  des  quatre  femmes  qu'il  appelait 
prédestinées  .  savoir  :  Jcyt.  épouse  de 
Pharaon;  Mariùm.,  lille  d  Omrau  et  sœur 
de  Moïse  ;  Khadydjah ,  lille  de  Khowaï- 
led,  et  Falimeh, S^Mk.  de  Mahomet.  Pour 
augmenter  encore  davantage  la  vénéra- 
tion de  ses  sectaires  envers  sa  femme  ,  il 
leur  fit  accroire  que,  peu  avant  la  mort 
de  celle-ci ,  l'ange  Gabriel  était  venu  lui 
dire  :  «  Puisque  Khadydjah  l'a  enrichi 
»  de  tous  ses  biens  quand  tu  étais  dans 
»  l'indigence,  salue-la  de  la  part  de  Dieu 
•  et  de  la  mienne  ,  et  annonce-lui  qu'on 
»  lui  prépare  un  palais  bâti  dans  le  ciel  , 
»  et  où  elle  n'éprouvera  ni  douleurs  ni 
»  soucis.  )»  D'après  ce  que  nous  venons 
de  dire,  on  i)eut  aisément  conclure  que 
la  secte  absurde  que  suivent  tant  de  mil- 
lions d'hommes,  doit  son  commenccmeijt 
aux  rêveries  et  aux  faux  rapports  d'un 
esclave,  et  à  l'hypocrisie  ou  à  la  crédu- 
lité d'une  femme  éprise  de  celui  qu'elle 
proclamait  comme  un  envoyé  du  Ciel, 
à  un  peuple  superstitieux  et  slupide. 

IvHA.XGIIl  ,  empereur  de   la  Chine. 
royez  KANG-m. 

'  KIÎL\.J\-LOLIi\G,  en  chinois  protection 
céleste  ^  empereur  de  la  Chine ,  né  en 
1709,  monta  sur  le  trône  en  1753  ,  après 
la  mort  de  son  père  ,  Young-Tching  ,  et 
fut  le  troisièuje  empereur  de  la  dynastie 
des  Mandchous, actuellement  régnante.  Il 
se  montra  d'abord  ami  du  la  justice ,  et 
son  premier  acte  de  souveraineté  fut  de 
rendre  la  liberté  à  plusieurs  princes  de 
sa  famille,  qui  avaient  été  mis  en  prison 
ou  envoyés  en  exil  au  commencement 
du  règne  de  son  prédécesseur.  Mais  il 
obscurcit  cette  belle  action  et  d'autres 
traits  de  clémence  que  nous  pourrions 
citer  de  lui,  par  les  persécutions  cruelles 
qu'eurent  à  subir  les  chrétiens.  Pour  ter- 
miner les  querelles  qui  existaient  entre 
deuxprinces  tartares.Dawadji  elAmour- 
sanan,  il  entra  ,  en  17oG  ,  dans  leur  pays 
avec  une  puissante  armée, et  lit  couron- 
ner Amoursanan;  mais  ce  prince  ,  s'ctanl 
bientôt  aperçu  qu'il  ne  régnait  que  comme 
tributaire  de  la  Chine,  se  révolta;  et  fui 


Kni 


i20 


KHI 


vainqueur  par  la  défection  des  Tarlares 
qui  servaient  dans  l'armée  des  Chinois. 
Ceux-ci  furent  plus  heureux  dans  leur 
seconde  expédition  ,  et  Amoursanan  , 
battu  par  le  {{encrai  Tchao-hoeï,  fut  obligé 
tle  fuir  «n  Sibérie  ,  où  il  mourut  peu  de 
temps  après  de  la  petite  vérole.  Khian- 
Loung,  n'ayant  pu  le  saisir  vivant ,  vou- 
lait au  moins  avoir  son  cadavre  La  cour 
de  Russie  en  refusa  l'extradition ,  et  se 
borna  à  le  faire  montrer  aux  délé{;ués  de 
l'empereur.  Par  la  chute  et  la  mort  d'A- 
iiioursanan,  Khian-Loung  agrandit  son 
empire  des  vastes  pays  appartenant  aux 
Tartares,  de  ceux  habités  par  les  Musul- 
mans ,  et  devint  ainsi  mailre  d'une  im- 
mense portion  de  l'intérieur  de  l'Asie. 
Fier  de  ce  triomphe,  Khian-Loung remit 
en  usage  les  anciennes  cérémonies,  qu'on 
pratiquait  quand  les  armes  chinoises 
avaient  triomphé  des  ennemis.  On  éleva 
à  dix  lieues  de  Pékin,  et  sur  Ja  route  par 
où  devait  passer  le  général  vainqueur  , 
un  autel  à  la  victoire  ,  à  côté  duquel  se 
Iroiivait  une  tente  magnifique.  L'empe- 
reur, suivi  de  toute  la  cour  et  de  ses 
principaux  officiers,  mil  pied  à  terre  de- 
vant l'autel ,  et  alla  à  la  rencontre  de 
Tchao-liocï;  il  lui  fit  un  gracieux  compli- 
ment, rendit  avec  lui  grâces  à  X Esprit 
de  la  vicloircj  et  conduisit  ensuite  le  gé- 
néral dans  sa  tente,  où  de  ses  propres 
mains  il  lui  présenta  tme  tasse  de  thé.  Le 
général  voulut,  d'après  l'étiquette  ,  rece- 
voir à  genoux  la  tasse  ;  mais ,  d'après 
l'éliquelle  aussi,  l'empereur  s'y  opposa  el 
le  releva.  Après  cette  cérémonie,  le  cor- 
tège .reprit  sa  marche  :  le  général,  cou- 
vert de  son  casque  et  de  sa  cuirasse,  mar- 
chait à  cheval,  un  pas  en  avant  de  l'em- 
pereur, qui,  assis  sous  un  superbe  dais, 
était  porté  par  six  mandarins.  Le  jour  où 
l'empereur  atteignit  sa  cinquantième 
année  (  en  1761  ),  il  y  eut  à  Pékin  de 
grandes  fêtes  ;  elles  furent  plus  magnifi- 
ques encore  six  an»  après ,  lors  de  la  fa- 
meuse cérémonie  4u  labourage,  où  l'em- 
jiereur,  comme  on  sait,  pour  encourager 
Tagricullure ,  conduit  une  charrue  ,  et 
fait  un  sillon.  En  1770  la  tribu  Mongole 
écs  Tourgots  établie  sur  les  bords  du 
Wolga,  vint,  à  travers  mille  périls,  s'of- 
frir à  la  domination  Chinoise  ;  d'antres 
tribus  suivirent  cet  exemple.  Cet  événe- 
ment fut  regardé  par  les  Chinois  comme 
le  plus  heureux  ;  la  rentrée  de  ses  anciens 
sujets  et  l'arrivée  des  Tourjwts  eurent 
lieu  le  jour  même  où  l'on  célébrait  le 
fjualrc- vingtième    anniversaire    de  l'im- 


péralrice-mère  ;  l'empereur  fêta  ce  dou- 
ble  événement  par  un  discours  qu'il 
composa  en  mandchou,  et  que  l'on  tra- 
duisit en  chinois,  en  mongol  et  en  thibé* 
tain.  Cette  pièce  d'éloquence  fut  (i)  gra- 
vée sur  une  pierre  que  l'on  plaça  dans 
un  temple  dédié  à  Fo  ou  Foé,  et  sur  une 
colonne  élevée  sur  les  rives  de  l'Ile,  ileuve 
qui  donne  le  nom  au  pays  des  Tourgots. 
Le  reste  de  cette  nation ,  formant  200 
mille  âmes,  arriva  en  Chine  l'année  sui- 
vante. Son  chef  fut  appelé  à  la  cour  par 
Khian-Loung,  qui  le  comlila  d'honneurs. 
L'n  autre  événement,  regardé  aussi  comme 
très  glorieux  par  les  Chinois,  fut  la  ré- 
duction, en  1777,  des  Miao-Tseu  ,  nation 
de  race  thibétaine,  et  qui  demeurait  sur 
des  montagnes  escarpées.  Les  Miao-Tseu 
avaient  de  fréquentes  rixes  avec  les  offi- 
ciers chinois  en  garnison  dans  leurs  fron- 
tières, ce  qui  leur  faisait  donner  le  nom 
de  brigands.  Khian-Loung  voulut  à  tout 
prix  les  soumettre  ,  el  envoya  contre  eux 
le  général  Akhoui,  qui,  en  un  an  et  demi, 
ne  put  avancer  que  de  dou/.e' lieues  dans 
ces  montagnes  sauvages,  où  il  était  coa- 
traint  de  livrer  à  chaque  instant  un  com- 
bat. Etant  parvenu  à  faire  monter  l'ar- 
tillerie sur  les  rochers  de  Miao-Tseu ,  il 
prit  le  Ruisseau-d'Or  ,  nom  de  leur  ville 
capitale  ;  s'empara  ensuite  de  Kara'i , 
forteresse  élevée  sur  des  rocs,  et  jusqu'a- 
lors jugée  inexpugnable.  Repoussés  jus- 
qu'à leurs  derniers  retranchemens  ,  les 
Miao-Tseu  ,  hommes,  femmes,  enfans, 
tous  armés,  livrèrent  leur  dernier  com- 
bat, furent  vaincus  et  presque  tous  ex- 
terminés.. Les  princes,  les  chefs,  ce  qui 
restait  des  guerriers  de  ce  malheureux 
peuple,  fut  conduit  dans  les  fers  ,  à  Pé- 
kin, et  mis  à  mort  par  ordre  de  l'empereur. 
Non  content  de  cet  acte  barbare  et  d'un 
triomphe  aussi  sanglant,  il  le  célébra  par 
un  chant  en  vers  mandchous  composés 
I)ar  lui-même.  Il  parait  que  le  ciel  vou- 
lut punir  Khian-Loung  de  son  atrocité  ; 
car  il  perdit  en  peu  de  temps  sa  mère, 
son  premier  ministre,  homme  d'un  grand 
mérite ,  el  son  fils  aîné,  le  prince  héré- 
ditaire ,  qu'il  aimait  tendrement.  Malgré 
son  grand  âge  ,  il  se  livrait  à  toutes  les 
plus  minutieuses  cérémonies  des  Chinois, 
et  il  eu  exigeait  la  pratique  de  tous  ses 
sujets.  Lorsque  ses  infirmités  |e  rete- 
naient chex  lui,  et  qu'il  ne  pouvait  rem- 
plir ces  cérémonies,  il  s'en  justifiait  par 


(i)  Elle  *  rlc  traduile  par  le   p?rc  Aroyo».  «Ion  ]■ 
Xiovit  *u  tum.   I  Je  ici  JUem.  tur  li  i  C'fOiê. 


Km 

âes  maiùfestes  publics.  Il  apportait  la 
même  assiduité  aux  affaires  de  l'état  ;  et, 
quoiqu'il  eût  80  ans ,  il  se  levait  avant  le 
solt'il  ou  même  pendant  la  nuit ,  pour 
donner  audience  ou  pour  tenir  conseil 
avec  ses  ministres.  Une  vie  aussi  labo- 
rieuse dans  un  souverain  et  vm  vieillard 
si  avancé  en  âge  étonnait  les  ambassa- 
deurs étrangers  et  les  missionnaires  qui 
l'approchaient  :  car  ces  pères  étaient 
rentrés  en  grâce  auprès  de  l'empereur , 
qui  toléra  de  nouveau  les  chrétiens.  Dans 
le  cours  de  son  règne  ,  il  visita  six  foix 
les  vastes  provinces  du  midi  ;  et,  à  l'occa- 
lion  de  son  anniversaire  ou  de  celui  de 
sa  mère  ,  il  accorda  cinq  fois  la  remise 
générale  de  tous  les  impôts ,  qu'on  ac- 
quitte en  or  ou  en  argent,  et  trois  fois  celle 
des  droits  qu'on  paie  en  nature,  sans 
compter  les  remises  faites  à  différentes 
provinces,  ni  les  secours  distribués  aux 
pauvres  coftsislant  en  plusieurs  milliers 
d'onres  d'or  et  d'argent.  Il  fit  construire 
des  digues  pour  contenir  la  mer  ,  fit  ré- 
gler le  cours  des  grands  fleuves,  l'Hoang- 
ho  et  le  Kiang,  et  sut  maintenir  une  lon- 
gue paix  dans  ses  états,  qu'il  agrandit  par 
de  rapides  conquêtes.  Il  réprima  l'orgueil 
des  grands,  et  son  règne  fut  encore  illus- 
tré par  les  ambassades  que  lui  envoyèrent 
la  Grande-Bretagne  et  la  Hollande.  Son 
caractère  était  ferme,  son  esprit  péné- 
iranf  ;  il  se  plaisait  à  rendre  justice  au 
plus  humble  de  ses  sujets.  Cependant  ces 
qualités  furent  ternies  par  ses  mesures 
violentes  contre  les  chrétiens,  mesures 
qu'il  parut  cependant  désavouer  dans  la 
suite,  et  par  le  sang  des  infortunés  Miao- 
Tseu  qu'il  fil  répandre.  Il  avait  désiré 
jouir  d'un  règne  aussi  long  que  celui  de 
son  aïeul  Khan-Hi ,  et  avait  fait  serment 
d'abdiquer  quand  il  serait  parvenu  à  ce 
terme  :  il  tint  parole ,  et,  le  8  février  1796 
il  remit  la  couronne  à  son  fils  ,  et  se  re- 
tira des  affaires.  Khian-Loung  vécut  en- 
core trois  ans,  et  mourut,  le  7  février 
1799,  après  un  règne  de  64  ans.  Il  était  sa- 
vant, littérateur  et  poète  ,  et  a  laissé  plu- 
sieurs ouvrages  très  estimés  parmi  les 
Chinois,  tels  que  V Histoire  de  la  conquête 
du  royaume  d'Olet{  1735),  La  Transmi- 
gration, des  Tourgols,  La  Réduction  des 
Miao-Tseu  ,  pièce  en  vers,  et  une  autre 
Pièce  en  vers  sur  le  thé.  Ces  trois  mor- 
ceaux ,  traduits  par  le  père  Amyot  (  les 
deux  premiers  dans  ses  Mémoii-es  sur  les 
Chinois  ,  tom.  1"" ,  et  le  3*=  séparément  ) 
furent  gravés  sur  des  pierres  par  l'ordre 
de  l'empereur    et  placés  sur  des  monu- 


J2i  KHI 

mens  qu'il  faisait  élever  pour  éterniser 
les  événemens  glorieux  de  son  règne.  II 
composa  en  outre  un  Eloge  de  laville  de 
Moukden,  en  vers,  que  Yoltaire  célébra 
dans  une  Epitre  dédiée  à  Khian-Loung. 
Un  Abrégé  de  Vhistoire  des  Ming  ;  une 
Collection  en  cent  volumes  de  monumcns 
chinois,  anciens  et  modernes  ,  avec  des 
Explications  rédigées  par  l'empereur  et 
autres  savans  et  artistes  chinois  ;  uu 
Choix  de  ce  qu'il  y  a  de  mieux  dans  la 
littérature  chinoise,  qui  était  très  avant 
ce  en  1787,  et  qui  devait  contenir  en 
tout  180,000  volumes  ;  une  Edition  ma- 
gnifique du  Thoung-Kian-Kang-Mou  eu 
chinois  ;  une  Rédaction  soignée  du  Mi- 
roir_.  c'est-à-dire  ,  d'un  dictionnaire  uni- 
versel des  mots  mantchous  et  chinois, 
accompagné  d'un  Index  et  de  supplémens 
qui  contiennent  les  mots  nouveaux  in- 
ventés par  l'empereur  lui-même ,  pour 
exprimer  les  idées  nouvelles  que  les  Tar- 
tares  ont  acquises  dans  les  livres  et  le 
commerce  des  Chinois  :  ces  mots  sont 
en  mantchou  avec  la  traduction  en  chi- 
nois. Non  seulement  les  nationaux,  mais 
les  étrangers  eux-mêmes  admiraient  les 
grands  talens  de  Khian-Loung  :  ceux  qui 
l'ont  connu  en  font  le  plus  grand  éloge , 
et  l'on  trouve  ,  en  tête  des  Mémoires  sur 
les  Chinois^  et  au  bas  du  portrait  de  l'em- 
pereur ,  ces  vers  composés  par  les  mis- 
sionnaires : 


Occcpé  tans  telâebe  à  tons  les  soîns  divers 

D'un  gouvernement  qu'on  admire , 
Le  plus  grand  potentat  qui  soit  dans  l'unîvert 
£st  le  meilleur  lettre'  qui  soit  dans  son  empire. 

Le  père  Amyot  a  aussi  rendu  en  français 
\ Eloge  de  Moukden  ^  et  cette  traduction 
a  été  publiée  en  1770 ,  avec  des  Noies, 
renfermant,  entre  autres  choses,  trente- 
deux  sortes  de  caractères  chinois ,  ce  qui 
prouve  d'ailleurs  l'abondance  unique  de 
celte  langue,  dont  la  connaissance  la 
la  moins  imparfaite  exige  toute  la  vie 
d'un  homme ,  et  les  études  el  l'applica- 
tion assidue  d'un  savant. 

KIIILROFF  (  le  prince  Aivdp.ë  Jacob 
Levitch  ),  historien  russe,  ambassa- 
deur en  Suède,  y  fut  retenu  prisonnier, 
lorsqu'on  1700  Pierre  I"  commença  la 
guerre  contre  Charles  XII.  Il  tâcha  de 
se  désennuyer  en  composant  pendant  sa 
détention  un  Abrégé  de  l'histoire  russe^ 
qui  se  termine  à  la  bataille  de  Pultawa. 
Ce  petit  ouvrage  est  estimé  chez  les 
Russes,  et  a  été  imprimé  en  1770  à  Mos- 
cou ,  in-8°.  Il  mourut  dans  la  prison  de 
11 


KÎL 


i23 


Kim 


Vesicras  en  1718,  lorsqu'il  était  sur  le 
point  de  recouvrer  sa  liberté. 

KHIIIVU  AT.  Voyez  KUNRAT H. 

KIDDER  (  Richard  )  ,  prélat  anglais  , 
né  en  1G49  à  Suffolk,  d'abord  ministre  à 
Londres,  doyen  de  Pélerborough ,  en- 
suite évêque  de  Balh  et  de  Wels,  fut 
écrasé  dans  son  lit  avec  sa  femme  par  la 
chute  d'une  cheminée,  qu'une  grande 
lempèle  renversa  le  26  novembre  1703. 
Ce  jirélat  était  profondément  versé  dans 
la  littérature  hébraïque  et  rabbinique. 
On  lui  doit  :  |  un  savant  Commenlaire 
sur  le  Pentateuque,  avec  quelques  Let- 
tres contre  Jean  Le  Clerc,  169i,  en  2  vol. 
in-8°  ;  |  vme  Démonstration  de  la  venue 
du  Messie,  en  3  vol.  in-8°,  1684-1700; 
j  des  Ouvrages  de  controverse  ;  \  des  Li- 
vres de  morale;  \  des  Sermons. 

*  KIERIAGS  (Alexandre)  ,  peintre  de 
paysages ,  né  à  Ùtrecht  en  1590  ,  mort  en 
i6i6,  a  imité  la  nature  avec  une  rare  et 
scrupuleuse  exactitude.  Ses  tableaux  sont 
d'uu  fini  parfait.  Il  s'attachait  à  rendre 
jusqu'à  l'écorce ,  jusqu'aux  plus  petites 
libres  des  arbres.  Il  travaillait  ordinaire- 
ment avec  Poëlembourg,  qui  se  chargeait 
de  peindre  les  ligures  de  ses  tableaux. 

KILIAIV  ,  ou  van  KIEL  (  Corneille  ), 
savant  laborieux,  né  à  Duffel,  près  de  Ma- 
lines,  avant  le  milieu  du  16'  siècle,  mort 
dans  un  âge  avancé  en  1607,  fut  pendant 
cinquante  ans  correcteur  de  l'imprime- 
rie de  Plaiilin,  qui  dut  une  partie  de  sa 
gloire  à  son  attention  scrupuleuse.  Nous 
avons  de  lui  :  |  Etymoloyicum  linguœ 
teutofiicœ^  Anvers ,  1588 ,  in-8°.  C'est  un 
dictionnaire  flamand-latin,  le  premier 
qui  ait  été  fait  avec  soin  ;  Juste-Lipse  en 
a  parlé  avec  éloge  L'auteur  y  compare 
les  mots  teuloniques  avec  ceux  des  lan- 
gues italienne  ,  française  ,  espagnole,  an- 
glaise ,  grecque  et  latine ,  qui  ont  quel- 
que ressemblance ,  pour  en  découvrir  les 
étymologies.  Gérard  Hasselt  en  a  publié 
une  nouvelle  édition  enrichie  d'additions 
importantes,  Utrecht,  1777,  2  vol.  in-4°; 
I  une  traduction  en  flamand  des  Mé- 
moires de  Commines  ;  \  Solitudo.  sive 
Fitce  fœminarum  anachoretarum ,  car- 
mine  elegiaco  explanatœ,  in-fol.  C'est  un 
recueil  d'estampes  avec  un  quatrain  au  bas 
de  chacune.  Il  a  fait  un  grand  nombre 
d'épigrammes  latines  ;  une  des  plus  heu- 
reuses est  une  Apologie  des  correcteurs 
d'imprimerie  contre  \qs  auteurs;  on  la 
trouve  dans  le  Theatrum  vitœ  humance 
lie  Beyerlinck,  tome  7. 

KiLlAIM  (  Jacques  ) ,  né  à  Prague ,  le 


ik  février  1714  ,  entra  chez,  les  jésuites  à 
Cracovie,  en  1731  ,  et  fit  de  grands  pro- 
grès dans  la  physique  et  la  géométrie. 
Les  ouvrages  qu'il  a  laissés  supposent  les 
talens  des  Kircher,  des  Scholt,  des  Bo- 
nanni  et  des  Boscowich  ;  les  principaux 
sont  :  I  Causa  efficiens  motûs  astrorum 
ex  princijnis  pyrotechnicœ  nuturalis , 
avec  fig.,  Danlzick  ,  1769  ,  1  vol.  in-12  ; 
I  Prodromus  physico-astronomicus  py- 
rotechnici  systematis  vorticum.  Dant- 
zick,  1770,  in-8".  On  ne  peut  disconvenir 
qu'il  n'y  ait  dans  ces  ouvrages  des  idées 
systématiques ,  et  si  l'on  veut  para- 
doxales ,  mais  aussi  il  y  a  bien  de  l'élude 
et  du  génie.  La  nouvelle  hypDlhcse  sur 
la  cause  du  mouvement  des  astres  suffit 
au  moins  pour  affaiblir  la  confiance  qu'on 
a  pu  donner  aux  autres.  Il  a  écrit  en- 
core :  Ars  demittendi  se  ah  alto  ;  Naviy 
horologia  solaris  ;  Statua  Memnonis  s 
sibilosolem,  salutans;  mais  ces  ouvrages 
restés  en  manuscrit  sont  perdus.  Après  la 
destruction  de  la  société ,  il  se  retira  chez 
un  gentilhomme  près  de  Kaunitz,  et  mou- 
rut en  1774. 

*  RILIUAINE  (  Charles- Joseph  ),  gé- 
néral des  armées  de  la  république  fran- 
çaise ,  né  à  Dublin  en  1754  ,  d'une  famille 
noble,  passa  au  service  de  France,  et 
suivit  M.  de  La  Fayette  en  Amérique,  où 
il  se  distingua.  Il  était  capitaine  des  hus- 
sards dans  le  régiment  de  Lauzun-hus- 
sards,  au  commencement  de  la  révolu- 
tion ;  le  désir  de  parvenir  lui  lit  adopter 
les  nouveaux  principes.  Son  avancement 
fut  rapide;  en  1791 ,  il  était  déjà  général 
de  brigade.  Il  servit  en  cette  qualité  dans 
les  armées  des  Ardennes  et  du  Nord,  et 
il  se  fit  remarquer  à  la  bataille  de  Je  m-, 
mapes.  Il  fut  ensuite  envoyé  dans  la  Ven- 
dée ,  puis  il  revint  à  l'armée  du  Nord  ; 
et  il  se  signala  à  la  bataille  du  camp  de 
César;  mais  bientôt  dénoncé  comme  plu- 
sieurs autres  généraux ,  il  fut  destitué  cl 
incarcéré  pendant  18  mois.  Rendu  à  la  li- 
berté après  la  chute  de  Robespierre,  il  pas- 
sa à  l'armée  d'Italie,  et  cueillit  de  nou- 
veaux lauriers  dans  les  plaines  de  Casti- 
glipne  et  de  Mantoue.  Il  obtint  ensuite  le 
commandement  de  l'armée  destinée  à 
faire  une  descente  en  Angleterre.  Ce  pro- 
jet n'ayant  pas  reçu  son  exécution  ,  il  fut 
employé  successivement  dans  l'intérieur, 
dans  la  Hollande  et  en  Suisse.  Enfin,  rem- 
placé par  Masséna,  il  revint  à  Paris,  où 
il  mourut  le  15  décembre  1799. 

KIMCHI  (David),  rabbin  espagnol, 
mort  vers  1240 ,  fut  nommé  en  1252,  ar? 


KtIV 


123 


îtlN 


})ilre  de  la  querelle  survenue  entre  les 
synagogues  d'Espagne  et  de  France,  au 
sujet  des  livres  de  3Iaimonides.  C'est  de 
lous  les  grammairiens  juifs  celui  qui, 
avec  Judas  Chiug,  a  été  le  plus  suivi, 
même  parmi  les  chrétiens,  lesquels  n'ont 
presque  composé  leurs  dictionnaires  et 
leurs  versions  de  la  Bible  que  sur  les  li- 
«7res  de  ce  savant  rabbin.  On  estime  par- 
ticulièrement sa  mélhode  ,  la  netteté  el 
l'énergie  de  son  style  :  les  Juifs  mo- 
dernes aussi  le  préfèrent  à  tous  les  gram- 
mairiens. Il  s'est  illustré  par  divers  ou- 
vrages :  I  une  grammaire  hébraïque , 
intitulée  Michlol.  c'esl-à-dire  Perfection, 
Venise ,  1S45  ,  in-8"  ;  Leyde  ,  1651 ,  in-12. 
C'est  cette  grammaire  qui  a  servi  de  mo- 
dèle à  toutes  les  grammaires  hébraïques; 
I  ufi  livre  des  Racines  hébraïques ,  1555, 
in-S",  ou  in-fol.,  sans  date;  |  Dictiona- 
rium  talmudicuin^  Venise,  1506,  in-fol. ; 
I  des  Commentaires  sur  les  Psaumes,  sur 
la  plupart  des  autres  livres  de  l'ancien 
Testament,  imprimés,  au  moins  la  plus 
considérable  partie,  dans  les  grandes  Bi- 
bles de  Venise  et  de  Bâle.  L'on  n'y  a  pour- 
tant point  mis  ses  Commentaires  sur  les 
Psaumes,  qui  se  trouvent  imprimés  sé- 
parément, en  Allemagne.  Dom  Janvier, 
bénédictin  de  Saint-Maur,  en  a  donné 
une  version  latine  en  1669 ,  in-i°.  Ces 
commentaires,  ainsi  que  tous  les  autres 
de  cet  illustre  rabbin,  sont  ce  que  les 
Juifs  ont  produit  de  meilleur  et  de  plus 
raisonnable  sur  l'Ecriture.  Voyez  pour  les 
autres  ouvrages  de  Kittichi  la  Bibliothè- 
que hébraïque  de  Wolf ,  tom.  1,  p.  501  et 
suiv.  ou  le  Dizionario  storico  digli  au- 
to7i  ebrei  et  dette  loro  opère,  Aq  Rossi. 
David  Kimchi  était  fils  de  Joseph,  et  frère 
de  Moïse  KIMCHI,  tous  les  deux  sa  vans 
docteurs  juifs.  On  cite,  entre  autres  ou- 
vrages du  premier,  un  Commentaire  sur 
Jérémie,  et  du  second .  Delicice  animœ. 
On  croit  que  le  père  et  les  deux  fils  mou- 
rurent à  Narbonne,  où  ils  s'étaient  établis. 

KING  (  Jean  ),  né  en  1559  à  Warnhall, 
dans  le  duché  de  Kinghamshire,  en  Angle- 
terre, devint  chapelain  de  la  reine  Eliza- 
beth,  prédicateur  du  roi  Jacques  ,  doyen 
de  l'église  du  Christ  à  Oxford  ,  enfin  évè- 
que  de  Londres.  Il  mourut  en  1621,  après 
avoir  donné  plusieurs  ouvrages ,  parmi 
lesquels  on  distingue  ses  Commentaires 
sur  Jonas ,  et  des  Sermons. 

KÏIVG  (  HExni  ) ,  fils  du  précédent ,  né 
àVfarnhalï  en  1591,  mort  en  16G9 ,  évè- 
que  de  Chichester ,  laissa  différens  ou- 
vrages en  anglais  et  en  latin,  en  prose  et 


en  vers  ;  les  meilleurs  sont  des  Sermons , 
une  explication  de  l'Oraison  domini- 
cale,  et  une  Traduction  des  Psaumes. 

KIKG  (Guu.laume),  né  à  Antrim  en 
Irlande,  en  1650  ,  d'une  ancienne  famille 
d'Ecosse  .  prit  des  leçons  de  philosophie 
et  d'histoiie  soxis  le  fameux  Dodwel.  Par- 
ker, archevêque  de  Toam  (siège  quia 
été  transféré  à  Gallowai),  lui  procura 
divers  emplois ,  et  enfin  le  doyenné  de 
Dublin  en  1688.  King  fut  nommé  par  trois 
fois  différentes ,  lun  des  lords  de  jus- 
tice d'Irlande;  peu  fidèle  au  roi  Jac- 
ques II,  son  souverain,  il  manifesta  ou- 
vertement son  attachemt  nt  au  prince  d'O- 
range. 11  fut  mis  en  prison ,  mais  quand 
le  gendre  eut  détrône  le  beau-père,  il  eut 
pour  prix  de  sa  félonie  l'êvêché  de  Derby, 
el  ensuite  l'archevêché  de  Dublin.  Il  mou- 
rut en  1729  ,  à  79  ans,  sans  avoir  jamais 
voulu  se  marier.  Ses  ouvrages  sont  : 
I  l'Etat  des  prctestans  d'Irlande  sous  le 
règne  du  roi  Jacques  ^  Londres  ,  1692 , 
in-8°,  5'  édition;  ouvrage  vanté  par  le  fa- 
meux G.  Burnet,  mais  dont  M.  Leslie , 
évêque  de  Ross,  a  fait  une  bonne  réfuta- 
tion; I  Discours  sur  les  inventions  des 
hommes  dans  le  culte  de  Dieu.  DuLIIn  , 
1694,  in-/t°,  souvent  réimprimé;  |  un 
Traité  de  l'origine  du  mal,  en  latin,  ibid. 
in-4°,  1702,  4*^  édit.  traduit  en  anglais 
par  Edmond  Law ,  1752,  réimprimé  en 
1759,2  vol.  in-8°.Le  traducteur  a  chargé  sa 
version  de  longues  Notes,  dans  lesquelles 
il  prétend  réfuter  les  objections  que  Bayle 
et  Leibnitz  avaient  faites  contre  ce  traité. 
C'est  le  plus  connu  des  ouvrages  de  King. 
I  Des  Ecrits  polémiques  ;  \  des  Ser~ 
mous.  etc. 

KING.  rotjez  CHING. 

KI>iG  (  Guillaume  ) ,  jurisconsiilte  an^ 
glais,  était  d'une  illustre  famille.  La  reine 
Anne  le  fit  son  secrétaire ,  et  il  accompa- 
gna le  comte  de  Pembroke  en  Irlande.  Il 
aurait  pu  s'enrichir  par  les  emplois  im- 
portans  qu'il  exerça  dans  ce  pays,  mais 
il  aima  mieux  retourner  en  Angleterre 
pour  cultiver  les  sciences  et  la  litlérar 
ture.  L'élude  n'affaiblit  point  sa  gaieté 
naturelle.  Il  aimait  à  dire  et  à  entendre 
de  bons  ntiots,  et  passait  pour  en  être  u» 
excellent  juge.  Il  mourut  en  1712,  et  fut 
enterré  à  l'abbaye  de  Westminster.  On  a 
de  lui  un  grand  nombre  d'écrits  en  an- 
glais, remplis  de  saillies.  Ses  Réftexiona 
sur  le  livre  de  M.  Molesworlh ,  touchant 
le  Danemarck,  furent  fort  goûtées  :  elles 
ont  été  traduites  en  français. 

KING   (  Pierre  ),  grand  chancelier 


khv 


i2â. 


KIN 


d'Ançlclcrre,  né  à  Excester  dans  le  Dc- 
vonshire,  l'an  i669 ,  était  fils  d'un  épi- 
cier, el  exerça  quelque  temps  la  profes- 
sion de  son  père  ;  mais  Locke,  son  parent, 
du  côté  maternel,  ayant  reconnu  ses  bon- 
nes dispositions  pour  l'étude,  l'encoura- 
gea à  s'y  consacrer  entièrement,  et  lui 
laissa  la  moitié  de  sa  bibliothèque  ;  ce  fut 
aux  conseils  de  Locke  que  King  dut  son 
illustration  et  sa  fortune.  Ses  progrès 
dans  l'étude  des  lois  et  son  mérite  réle- 
vèrent à  plusieurs  dignités,  et  enfin  à 
celle  de  grand-chancelier.  II  mourut  pa- 
ralytique en  173/i,  à  Ockam,  après  avoir 
publié  en  anglais  deux  ouvrages ,  où  les 
critiques  orthodoxes  trouvent  bien  des 
inexactitudes  :  |  Recherches  sur  la  con- 
stitution^ la  discipline  et  l'unité  du 
culte  dans  la  primitive  Eglise  ^  pendant 
les  trois  premiers  siècles,  Londres,  1691 
et  suivans ,  2  part.  in-S"  ;  |  Histoire  du 
Symbole  des  apôtres  j  avec  des  réflexions 
critiques  sur  ses  différens  articles ,  ibid. 
1702,  in-8°,  trad.  en  latin  par  Godefroy 
Olearius  ,  Leipsick ,  170G-1708. 

KIXG  (  Jean-Glen  ) ,  théologien  angli- 
can ,  né  au  comté  de  Norfolk ,  en  1751 , 
Tuuri  en  i757  à  Wormiey  (KcrifordshireJ, 
fit  ses  études  au  collège  de  Caïus ,  dans 
l'université  de  Cambridge ,  et  y  prit  le 
degré  de  docteur.  Il  était  habile  numis- 
mate et  savant  dans  les  antiquités.  L'im- 
pératrice de  Russie  lui  confia  la  garde  de 
son  cabinet  de  médailles.  Il  a  laissé  plu- 
sieurs ouvrages  importans,  parmi  les- 
quels on  distingue  \  les  Rites  et  cérémonies 
de  l'Eglise  grecque  ,  contenant  une  expo- 
sition de  sa  doctrine j  son  culte  et  sa  dis- 
ciplineA77^,  in-i",  fig.;  |  des  Observations 
sur  le  climat  de  la  Russie  et  des  autres 
contrées  du  Nord^  avec  une  vue  des  mon- 
tagnes voisines  de  Pétersbourg ,  1778  ; 
1  Observations  sur  le  vase  Barberini  ;  ce 
dernier  écril  se  trouve  dans  le  8'  vol. 
des  Transactions  de  la  société  des  anti- 
quaires. 

RI\G  (  Edouabd  ) ,  savant  anglais,  né 
dans  le  comté  de  Norfolk  en  1753 ,  mort 
le  16  avril  1807,  avait  commencé  ses 
études  à  Cambridge  et  les  termina  dans 
la  société  de  jurisprudence  du  Temple.  Il 
fut  ensuite  nommé  greffier  de  Lynn.  Un 
Essai  sur  le  gouvernement  anglais  qu'il 
publia  en  1767  lui  ouvrit  les  portes  de  la 
société  royale  de  Londres ,  et  de  celle  des 
antiquaires  en  1770  ,  dont  il  devint  prési- 
dent en  1784.  Son  principal  ouvrage  est 
une  Histoire  des  anciens  châteaux,  qu'il 
publia  sous  ce  litre  :  Mwiimenta  aniiqua. 


or  observations  on  ancicnt  castles,  Lon- 
dres, 1799-1805,  k  vol.  in-fol.  fig.  ;  ou- 
vrage rempli  d'érudition  et  de  reclierches, 
et  en  même  temps  d'idées  singulières  et 
de  conjectures  insoutenables;  on  trouve 
des  singularités  du  même  genre  dans  ses 
Fragmens  litté?'aires. 

KIASCUOÏ  (Henri  de),  jurisconsulte, 
né  en  iUki,  d'une  bonne  famille  deTurn- 
hout ,  près  d'Anvers,  mort  à  Bruxelles 
en  1608 ,  a  donné  Responsa  sive  Const- 
liajuris,Lonv&in,  1653,  in-*fol.,  (jui  ont 
été  augmentés  par  son  fils  Français  de 
Kinschot,  chancelier  de  Brabant,  mort 
le  5  mai  iG54  ,  Bruxelles ,  1655. 

KL\SCIIOT  (  Gaspard  ) ,  né  à  la  Haye 
en  1622 ,  s'appliqua  avec  succès  aux  bel- 
les-lettres et  à  la  jurisprudence.  Il  fut  un 
des  sept  députés  des  étals-généraux  pour 
la  paix  de  Weslphalie.  Il  mourut  à  la 
Haye  en  1649,  âgé  seulement  de  27  ans. 
On  a  de  lui  des  Poésies  latines ,  distri- 
buées en  h  livres,  la  Haye  ,  en  1685  ,  in- 
12.  Il  y  a  beaucoup  d'imagination,  de  la 
netteté  et  de  l'élégance. 

*  KIASBEIIGEN  (  Jeaiv-Heîvri  van  ) , 
célèbre  marin  hollandais,  né  le  l'^''  mai 
1755  àlïoesburg,  entra  au  service  mili- 
taire à  l'âge  de  9  ans,  et  cinq  ans  Qprès 
dans  la  marine  :  son  avanceinent  fut  ra- 
pide ;  il  n'était  que  cadet  lorsqu'il  com- 
mença sa  carrière  :  quelques  actions  d'é- 
clat, une  grande  intelligence  et  des  cir- 
constances heureuses  qui  se  présenlèrcnt 
dans  plusieurs  voyages  de  long  cours,  le 
firent  parvenir  jusqu'au  rang  de  lieute- 
nant-amiral. Ennuyé  du  repos  auquel  le 
coîidamnait  la  paix  dont  jouissait  son 
pays ,  il  obtint  la  permission  de  passer 
en  Russie,  où  Catherine  11  lui  confia  le 
commandement  des  forces  maritimes  do 
l'empire.  Bientôt  l'occasion  se  présenta 
de  se  signaler  contre  les  Turcs,  et  à  deux 
reprises  différcrites  il  défit  leurs  flottes 
dans  la  Mer-Noire ,  malgré  la  supériorité 
du  nombre  de  leurs  vaisseaux.  Après  avoir 
été  au  service  de  la  Russie  pendant  9  ans 
(1767-1776),  malgré  la  perspective  bril- 
lante qui  lui  élait  offerte  dans  ce  pays, 
il  revint  en  Hollande,  fut  aussitôt  char- 
gé de  négocier  la  paix  avec  l'empereur 
de  Maroc  ,  et  remplit  cette  mission  avec 
talent  et  succès.  En  1781  il  contribua 
puissamment  à  la  victoire  que  remporta 
l'amiral  Koutman  sur  l'amiral  Poker,  et 
ses  services  furent  récompensés  par  une 
médaille  d'or  que  lui  donna  la  république 
batave,  par  le  titre  de  contre-amiral  et 
par  d'autrqs  distinctions  non  moins  flat-. 


KIN 


12S 


KIP 


teuses  ;  aussi  s'emprcssa-t-il  pendant  toute 
sa  carrière  de  se  signaler  par  son  activité 
et  par  son  zèle.  Pendant  la  guerre  que  la 
Hollande  avait   alors   à   soutenir  contre 
l'Angleterre,  il  établit  et  fortifia  le  port  du 
Helder,  et,  quand  la  paix  fut  signée  avec 
celte  puissance,  il  resta  dans  sa  patrie 
malgré  les   offres  avantageuses  que  plu- 
sieurs gouvcrnemens  lui  firent  différentes 
ois.  En  1793  ,  il  repoussa  Dumouriez  et 
préserva  son  pays  de  l'invasion  des  Fran- 
çais. En  1795  il  fut  licencié ,  puis  arrêté  : 
ayant  recouvré  la  liberté,  il  se  rendit  en 
Danemark  où  il  prit  du  service  et  y  resta 
Jusqu'en   1806.   Lorsque  le  royaume  de 
Hollande  fut  organisé,  Louis,  frère  de  Bo- 
naparte,  le  nomma  maréchal-conseiller 
d'étal,  chambellan,  et  à  ces  distinctions 
il  ajouta  le  titre  de  comte  de  Doggers- 
bank,  pour  perpétuer  le  souvenir  de  la 
f.loire  dont  il  s'était  couvert  à  la  journée 
de  ce  nom.  A  l'époque  de  la  réunion  de 
la  Hollande  à  la  France  ,  Kinsbergen  fut 
nommé  sénateur.  II  mourut  en  1820  à  84 
ans,  laissant  la  réputation  d'un  des  offi- 
ciers les  plus  distingués  de  son  pays.  La 
Hollande  lui  doit  rétablissement  d'un  in- 
stitut ou  école  militaire  dont  l'état  fit  les 
frais  ;  mais  ce  fut  avec  sa  propre  fortune 
qu'il  fonda  linslilutde  la  marine  à  Amster- 
dam, l'institut  des  sourds-muets  à  Gro- 
ningue ,  les  académies  de  Utrecht  et    de 
Hardenwick ,  et  une  foule  d'autres  insti- 
tutions particulières.  Il  chercha  surtout  à 
inspirer  aux  jeunes  gens  l'amour  de  la 
gloire,  en  mettant  sous  leurs  yeux  les  let- 
tres des  personnages  dont  s'honore  laHol 
lande.  En  général  la  marine  lui  doit  de 
grands  perfeclionnemens  :  dans  le  combat 
qu'il  livra   aux   Turcs,  il  fit  l'essai  d'un 
nouvel  ordre  de  bataille  qu'il  avait  in- 
venté et  qui  fut  adopté  plus  tard  par  les 
marins  anglais  et  français  :  il  se  servit 
aussi  des  nouveaux  signaux  mobiles  qui 
furent  dans   plusieurs    occasions   d'une 
très  grande  utilité.  Il  savait  écrire  aussi 
bien  qu'il  savait  combattre  :  outre  plusieurs 
mémoires^  il  composa  quelques  ouvrages 
qui  sont  restés  pour  la  plupart   inédits  ; 
parmi  ceux  qui  ont  paru ,  plusieurs  ont 
été  publiés  sous  le  nom  de  ses  élèves.  Les 
principaux  sont  :  |  Ordres  et  instruclions 
concernant  le  service  de  la  marine^  le 
service  de  vaisseau,  par  le  chevalier  van 
Kinsbergen,  publié  par  C.  A.  Vcrhuel  ; 
I  Exercice  du  canon  sur  un  vaisseau  de 
guerre,  publié  par  le  même  ;  |  Manuel  du 
marin  augmenté  et  rectifié  par  le  cheva- 
lier van  Kinsbergen;  \  le  Service  général 


du  vaisseau,  par  le  chevalier  van  Kins- 
bergen, publié  par  C.  A.  Verhuel  ;  |  Priîi' 
cipes  de  la  tactique  de  mer,  publié  par 
le  même.  Catherine  II  a  fait  traduire  cet 
ouvrage  en  langue  russe  pour  l'usage  de 
sa  marine.  |  Le  grand  livre  général  des 
signaux  de  jour  et  de  nuit,  avec  un  grand 
nombre  de  figures  ;  |  VÂrlillerie  pratique 
de  marine  ;  \  Nouvelle  carte  de  la  Crimée,' 
avec  une  description  de  cette  province 
(cette  carte  est  très  estimée);  |  Carte  delà 
mer  de  Marmara  ;  \  Description  de  l'ar- 
chipel, avec  une  nouvelle  carte  générale. 
ouvrage  excellent,  qui  a  été  traduit  en  al- 
lemand en  1792,  et  publié  avec  des  re- 
marques ;  I  Introduction  à  la  guerre  de 
mer,  par  le  chevalier  van  Kinsbergen , 
publié  par  A.  Makay;  |  Manuel  politique 
à  l'usage  des  jeunes  officiers  de  marine^ 
par  le  chevalier  van  Kinsbergen,  publié 
par  J.  H.  Ollenhausen  ;  |  Sur  la  formation 
des  batteries  de  mer;  \  Projet  de  l'établis- 
sement d'un  fonds  pour  les  veuves  de  ma- 
rins, sans  frais  pour  l'état;  |  Rêves  d'un 
marin  ;  \  Sur  la  nécessité  de  tenir  en  ser- 
vice permanent  un  corps  de  matelots; 
I  Sur  la  formation  d'une  académie  de 
marine. 

KIPPIXG  (Heivri),  Kippingius.  philo- 
logue allemand  ,  né  vers  1G23,  à  Rostock, 
fut  pris  par  les  enrôleurs,  qui  l'obligèrent 
de  porter  les  armes.  Dans  cette  nouvelle 
profession ,  il  ne  laissa  pas  de  s'adonner 
aux  études.  Un  jour  qu'il  était  en  faction 
à  Stade,  dans  le  duché  de  Brème,  M.  Er- 
skeim,  conseiller  du  roi  de  Suède,  l'a- 
peryul  tenant  d'une  main  un  livre  (  c'était 
Statius),  et  de  l'autre  ses  armes;  il  l'in- 
terrogea, s'aperçut  facilement  que  c'était 
un  homme  de  lettres  ,  et  le  fit  son  biblio- 
thécaire. Kipping  mourut  en  1678,  sous- 
i-ecteur  du  collège  de  Brème.  11  est  connu 
par  plusieurs  ouvrages.  Les  principaux 
sont  :  I  un  Supplément  à  VHistoii'e  ecclé' 
siastique,  par  Jean  Pappus  en  allemand  , 
1677 ,  in-fol,  ;  |  un  Traité  des  antiquités 
romaines,  Leyde,  1713,  in-S»,  en  latin; 
I  un  autre  sur  les  ouvrages  de  la  créa- 
tion ,  Francfort ,  1676 ,  in-4°  ;  |  plusieurs 
Dissertations  ou  Exercitations  sur  l'an- 
cien et  le  nouveau  Testament,  etc.;  |  des 
Dissertations  philosophiques  sur  le  droit 
public.  (  Henri  Erh.  Hceren  a  publié  Orat. 
de  Henric  Kippingio.  Brème,  1756,  in-4".)  ' 
*  KIPPIS  (André  ),  théologien  et  bio- 
graphe anglais,  naquit  en  1725  à  Noltin- 
gham.  Il  fit  ses  études  à  Northampton, 
sous  le  docteur  Doddridge,  célèbre  thro- 
loîiien  dissident.  Il  devint  en  17.'i6  miais- 
11. 


KIP 


126 


KIR 


tre  de  Boston ,  au  comté  de  Lincoln ,  et 
passa  à  Dorking  au  comté  de  Sussex,  en 
4750.  Il  était  en  1755  pasteur  d'une  con- 
grégation à  Westminster.  Il  s'occupait  en 
même  temps  d'objets  de  littérature,  et 
travaillait  au  Slonthly  magazine.  Il  en- 
treprit en  1761  un  ouvrage  périodique , 
intitulé:  Bibliothèque  {Library).  Celte 
spéculation  ne  lui  ayant  point  réussi,  il 
prit  une  place  de  professeur  dans  une 
académie  destinée  à  l'éducation  déjeunes 
ecclésiastiques  dissidens.  On  a  de  lui  : 
j  Défense  des  ministres  protestatis  dissi- 
dens j  relativement  à  leur  dernière  adresse 
au  parlement ^  i76ô ',  ouvrage  qui  donna 
occasion  à  une  discussion  amiable  entre 
Kippis  et  le  docteur  Tucker;  |  une  nou- 
velle Edition  de  la  Bibliothèque  britati- 
nique^  1778-93,  dans  laquelle  il  fit  preuve 
de  son  érudition.  Cinq  volumes  de  cet  ou- 
vrage furent  publiés  pendant  sa  vie ,  et 
il  avait,  avant  de  mourir,  préparé  la  plus 
grande  partie  du  sixième  (  il  devait  y  en 
a\  oir  15.  )  |  p^ie  du  capitaine  Coo/Cj,  1788, 
1  vol.  in-4",  et  2  vol.  in-8°  ;  on  la  joint 
ordinairement  aux  trois  voyages  de 
Cook  ;  I  F^ie  du  docteur  Lardner^  laquelle 
se  trouve  à  la  tète  de  ses  œuvres,  dont 
Kippis  donna  l'édition  en  11  vol.  in-8"; 
1788;  I  Histoire  des  connaissances  et  des 
progrès  des  sciences  et  du  goût  dans  la 
Grande-Bretagne,  pour  le  Nevo  annual 
register;  \  Editions  nouvelles  Ô-qs  six  dis- 
cours de  John  Pringle ,  avec  la  V^ie  de 
l'auteur,  1782  ,  in-S"  ;  [  Leçons  et  explica- 
tions du  nouveau  Testament ,  par  le  doc- 
leur  Doddridge ,  avec  la  yie  de  l'auteur , 
1792.  On  a  en  outre  de  lui  divers  autres 
ouvrages,  et  des  Sermons,  et  une  2'  édi- 
tion considérablement  augmentée  de  la 
Biographica  brilannica  (en  anglais),  1778- 
93, 13  vol.  in-fol.,  ouvrage  précieux.  L'u- 
niversité d'Edimbourg  lui  fit  offrir  le 
grade  de  docteur,  comme  un  hommage 
rendu  à  son  rare  savoir.  Il  était  de  la  so- 
ciété royale  de  Londres ,  et  de  celle  des 
antiquaires.  C'était  un  écrivain  recom- 
mandable  par  la  pureté  et  la  correction 
llu  style  ,  et  non  moins  laborieux  qu'in- 
telligent ;  mais  du  côté  des  principes  re- 
ligieux ,  il  était  unitaire  déclaré ,  et  lali- 
tudinaire  au  dernier  point.  Auteur  ou  édi- 
teur de  divers  ouvrages  très  répandus ,  il 
y  semait  ses  sentimens.  On  a  dit  qu'il 
croyait  à  la  révélation  ;  il  serait  difficile 
de  dire  en  quoi  :  il  n'admettait  ni  la  Tri- 
nité, ni  l'éternité  des  peines,  ni  plusieurs 
putres  dogmes  essentiels  du  cluristianisme. 
JJi  n'a  paa  médiocrement  contribué  à  la 


liberté  d'opinions  qui  a  prévalu  dans  l'é- 
glise anglicane ,  et  qui  plus  que  jamais 
fait  d'affreux  ravajjcs  dans  les  églises  pro- 
testantes. Kippis  mourut  à  M'estminster 
en  1795. 

KIRCîI  (Corist-Fried)  ,  astronome  do 
la  société  royale  des  sciences  de  Berlin, 
correspondant  de  l'académie  de  Paris, 
naquit  à  Gubcn  en  1694,  acquit  de  la  ré- 
putalion  aux  obscrvaloires  de  Daiilzick 
et  de  Berlin,  et  niounil  dans  cette  der- 
nière ville  où  il  était  directeur  de  l'obser- 
vatoire, en  1740,  à  46  ans.  Kirch,  ainsi  que 
WoKf,  allribuait  aux  étoiles  fixesun  mou" 
vemcnt  propre ,  et  c'est  pcut-clre  à  ce 
mouvenieiil  qu'il  faut  rapporter  quelques 
apparences  que  d'autres  astronomes  ont 
tâché  d'accorder  avec  d'autres  causes. 
Kirch  a  laissé  :  fun  écrit  Sur  le  passage; 
de  Mercure  autour  du  soleil,  pour  le  6 
mai  1720  ;  \  des  Observations  aslrûnomi- 
ques  {Observationes  aslronomicœ  scleC" 
/io;-^s),  Berlin,  1750,  in-i"",  1  Cma  Mémoires, 
etc.  —  GoDEFROi  KIRCH  ,  son  père  ,  et 
]\îai\ie-3Iarguerite  V/1^XKELMANN,  sa 
mère ,  s'étaient  fait  un  nom  par  leurs 
observations  astronomiques.  Celle  famille 
entretenait  pour  cet  effet  une  coi  respou^ 
dance  dans  toutes  les  parties  de  i'Eui  ope. 
Les  ouvrages  qui  nous  restent  d'elle  en 
ce  genre  sont  très  estimés.  Il  faut  consul- 
ter sur  les  Kirch  la  Bibliographie  astro- 
nomique de  Lalande. 

*  KIRCIîBERGER( Nicolas  Aïvtoixe), 
baron  de  Liebistorf,  philosophe  suisse, 
né  à  Berne  le  13  janvier  1759,  d'une  fa- 
mille ancienne  de  l'Helvélie  ,  fut  pendant 
quelque  temps  au  service  de  lu  Hollande, 
et  commanda  un  détachement  formant 
la  garnison  du  fort  Saint-Pierre  près  de 
Maestricht.  Au  milieu  même  des  camps  , 
il  se  livra  avec  constance  à  son  goût  pour 
les  lettres  et  les  sciences  philosophiques  : 
il  lut  les  écrits  de  Leibnitz  el  de  Wolf ,  et 
conçut  ensuite  le  plan  d'un  grand  ouvrage 
dont  il  confia  l'idée  et  l'exécution  à  son 
ami  le  conseiller  Eckartshausen.  De  re- 
tour dans  sa  patrie,  Kirchberger  prononça 
en  1765  dans  une  réunion  de  jeunes  ber- 
nois un  discours  en  l'honneur  des  habi- 
tans  de  Soleure,  qui  en  1518,  défendirent 
leur  ville  contre  Léopold  \",  duc  d'Ati- 
triche  ;  dans  un  combat  qui  eut  lieu  pen- 
dant ce  siège,  les  Soleurois  ayant  vu  une 
foule  de  leurs  ennemis  tomber  dans  l'Aar, 
par  suite  de  la  rupture  du  pont  jeté  sur 
cette  rivière ,  s'empressèrent  de  voler  à 
leur  secours,  parvinrent  à  les  sauver',  et 
après  leur  avoir  prodigué  tout  ce  qui  leur 


KIR 


127 


KIÎV 


élait  nécessaire  ,  les  ronvoyèrcnl  sans  ran- 
çon. En  célébrant  ce  trait  de  générosité , 
Kirijhberger  excita  l'admiration  de  tous 
ceux  qui  l'entendirent.  Il  était  en  relation 
avec  J.  J.  Rousseau  qui  parle  de  lui  dans 
ses  Confessions,  livre  12 ,  élait  lié  aussi 
avec  St.-jVIartin  et  s'occupait  avec  lui  des 
matières  obscures  de  la  théosophie.  11  s'é- 
leva avec  force  contre-  une  secte  d'illumi- 
nans  ou  à'éclaireurs  dont  le  chef  était  Fré- 
déric Nicolaï ,  éditeur  de  la  Bibliothèque 
Germanique,  et  qui  se  propageait  rapide- 
ment en  Allemagne.  C'est  d'après  ses  avis 
que  le  chevalier  Zimmermann  rédigea 
contre  ces  novateurs  des  Mètnoires  qui 
parvinrent  à  l'empereur  Joseph  II,  et  qui 
Ûélerminèrent  ce  prince  à  prendre  aussi- 
tôt,de  concert  avec  la  cour  de  Berlin,  des 
mesures  capables  d'arrêter  les  progrès  de 
ces  dangereux  sectaires.  Indépendam- 
ment de  ses  études  philosophiques  et  re- 
ligieuses, Kirchbergercultivales  sciences 
naturelles  et  surtout  l'agriculture  ;  il  con- 
tribua surtout  à  éclairer  les  habitans  de 
son  pays  sur  l'emploi  de  certains  pro- 
cédés utiles,  et  propagea  l'usage  du  gypse 
dans  les  prairies  arlilicielles  :  il  inséra 
un  Mémoire  à  ce  sujet  dans  le  Journal 
de  l'ahhé  Rozier  en  1774  ;  ce  fut  aussi 
dans  une  feuille  périodique  qu'il  écrivit 
contre  les  illuminans.  Enfin  son  discours 
sur  les  habitans  de  Soleure  fut  imprimé 
sous  le  titre  à' Histoire  de  la  vertu  helvé- 
tique, Bàle,  176S,  iu-S".  Kirchberger  par- 
vint dans  sa  patrie  aux  charges  les  plus 
importantes.  11  se  délassait  chaque  année 
de  ses  importantes  fonctions ,  en  allant 
jouir  du  repos ,  de  la  nature  et  de  ses  li- 
vres ,  dans  le  sein  de  sa  famille  à  sa  cam- 
pagne de  Morat.  Il  mourut  en  1800. 

KIIICIIER  (  Athanase  ) ,  célèbre  jé- 
suite allemand  ,  l'un  des  plus  laborieux 
et  des  plus  savans  hommes  de  cet  ordre  , 
naquit  à  Geysen  près  de  Fulde  le  2  mai 
1602 ,  et  entra  chez  les  Pères  de  la  compa- 
gnie à  Mayence  en  1618.  11  professait  la 
philosophie  elles  mathématiques  à  Wiirlz- 
bourg ,  dans  la  Franconie ,  lorsque  les 
Suédois  troublèrent  par  leurs  armes  le 
repos  dont  il  jouissait.  Il  se  retira  on 
France,  passa  à  Avignon  et  de  là  à  Rome, 
où  il  mourut  en  1080,  à  79  ans.  Il  ne  cessa 
d'écrire  qu'en  cessant  de  vivre.  Kircher 
avait  embrasse  toutes  les  sciences,  phy- 
sique, histoire  naturelle,  philosophie, 
mathématiques,  théologie,  antiquités,  mu- 
sique ,  langues  anciennes  et  modernes  : 
ses  nombreux  ouvrages  se  divisent  en 
trois  classes  ;  1"  sciences,  physique  et  ma- 


thématiques  ;  2"  langues  et  hiéroglyphesî 
5°  histoire  et  antiquités.  Les  principaux 
fruits  de  sa  plume  laborieuse  et  féconde 
sont  :  I  P7'œlusiones  magneticœ  .  1654 ,  in- 
fol.;  I  Ars  magna  lucis  et  umbrœ ,  in- 
fol.,  Rome ,  1645  ,  1646 ,  2  vol.  :  traité  d'oi>- 
tique,  profond  et  lumineux  pour  son 
temps ,  ainsi  que  le  suivant  ;  |  Primitice 
gnomonicœ  catoptricœ,  in-4°  ;  |  Musurgia 
universalis,  sive  ars  magna  consoni et  dis» 
soni^  in  decem  libros  digesta,  ibid  ,  1650, 
in -fol. ,  2  vol.;  |  Obeliscus  2\imphilius^ 
ICoO,  in-fol.  ;  |  Obeliscus  œgyptiacus ,  in- 
foL  ;  I  0£dipus  œgyptiacus,  Rome  ,  1652  et 
1655 ,  4  vol.  in-fol.  C'est  une  explication 
d'un  grand  nombre  d'hiéroglyphes,  expli- 
cation telle  qu'on  peut  l'attendre  d'un  Sa- 
vant qui  avait  quelquefois  une  façon  de 
voir  toute  particulière,  mais  toujours  fon- 
dée en  érudition  et  en  raison.  Ce  livre 
est  rare.  |  Iter  extaticum,  in-4°.  C'est  un 
voyage  idéal  dans  les  planètes  et  les  régions 
supérieures  du  ciel.  On  conçoit  que  le 
voyageur  n'a  pu  rien  nous  dire  de  bien 
positif,  mais  il  en  parle  d'une  manière 
pleine  d'intérêt  et  de  sentiment  ;  son  style 
est  élégant ,  pur ,  riche  ,  et  semble  s'éle- 
ver avec  les  objets  dont  l'auteur  s'occupe. 
Il  n'y  a  que  le  génie  desséché  par  les  cal- 
culs et  les  aridités  géométriques,  qui 
puisse  avoir  dicté  à  Maclaurin  la  cen- 
sure dédaigneuse  qu'il  a  faite  de  cet  ou- 
vrage. I  Mundus  subie rraneus ,  in  quo 
universœ  naturœ  majeslas  et  divitice  de- 
monslrantur,  Amsterdam,  1664  ou  1668, 
in-fol. ,  2  vol. ,  troisième  édition  ,  aug- 
mentée ,  2  vol.  in-folio ,  ligures ,  1678; 
plein  de  recherches,  écrit  avec  élégance 
et  intérêt;  on  y  voit  quelques  préjugés 
en  matière  de  physique,  mais  c'étaient 
ceux  de  son  siècle.  Entre  une  inllnité  d'ob- 
servations ,  on  y  trouve  une  théorie  vaste 
et  hardie  de  la  génération  des  êtres ,  dont 
quelques  vues  sont  reconnues  pour  faas- 
ses;  d'autres  sans  être  peut-être  plus 
vraies,  ont  été  adoptées  par  des  hommes 
célèbres  :  le  système  des  molécules,  si 
éloquemmenl  exposé  par  RI.  de  Buffon , 
y  est  pris  enlicrcment  quant  au  fond,  et 
souvent  même  quant  aux  expressions, 
comme  on  l'a  démontré  dans  \Examen 
impartial  des  époques  de  la  nature. 
[Voy.  GRAAFReimrr  ,  LEUWENHOECK, 
MUYS.)  j  China  illustrata,  Amsterdam, 
1667,  in-fol.  Struviiis  en  porte  ce  juge- 
ment :  Kircheri  China  est  vera  auctoris 
phantasia  :  sic  autem  judicatur ^  eo  quod 
Patres  jesuitœ  nuper  reduces  ^facta  ple- 
raque  in  illo  libre  improbent.  Ce  livre  a 


KIK 


128 


KIU 


été  traduit  en  français  par  d'Alquié  ,  1670, 
in -fol.  j  Arca  JSoe ,  in-fol.  ;  |  Turris  Ba- 
bel, in-fol. ,  Amsterdam,  1679.  Cette  pro- 
duction, peu  commune  et  vraiment  sin- 
gulière, traite  de  la  construction  de  la  tour 
de  Babel  et  de  la  dispersion  des  peuples; 
I  Phonurgia  nova  de  prodigiosis  sonorum 
effectibus  el  sermocinatione per  machinas 
sono  animatas.  où  l'on  trouve  des  choses 
curieuses,  1673,  in-folio;  |  Jrs  ma- 
gna sciendi\  1669,  in-fol.  :  ouvrage  plus 
8ul)lil  qu'utile ,  plein  de  combinaisons 
pénibles  et  de  spéculations  techniques, 
moins  propres  à  faire  des  savans  qu'à 
dégoûter  des  sciences;  |  Polyg raphia . 
seu  artificium  linguarum,  quo  cum  omni- 
bus populis  totius  mundi  poterit  quis  cor- 
respondere.  Rome,  1665,  in-fol.;  |  La- 
tium^  1671,  in-fol.  :  ouvrage  savant,  et 
qui  a  coûté  beaucoup  de  recherches; 
I  Scrutinium  physico-medicum  conta- 
giosœ  luis,  Leipsick ,  1671 ,  avec  une  pré- 
face de  Langius.  C'est  un  traité  sur  la 
pesle,  fort  utile  et  bien  écrit.  |  Mundus 
magnes,  in-/».°,  où  l'on  voit  l'idée  de  l'at- 
traction universelle;  |  Magia  catoptrica, 
où  l'on  trouve  les  miroirs  d'Archimède 
etdeBuffon(roytfzARCHIMÈDE);  |  Spé- 
cula inclitensis  enctjclica,  etc..  Messine, 
1658 ,  in -12.  C'est  le  plus  rare  de  tous  les 
ouvrages  de  Kircher.  ]  Lingua  œgyptiaca 
restituta,  sive  Institufiones  grammatica- 
les, et  lexicon  cophticum,  Rome,  1644, 
in-4°.  Cet  ouvrage  fut  le  premier  qui  ré- 
pandit en  Europe  des  notions  exactes  sur 
la  langue  cophte.  Il  est  rare  et  doit  avoir 
un  supplément,  etc.  Les  connaissances 
extrêmement  variées  de  ce  jésuite ,  la  ma- 
nière grande,  neuve  et  approfondie  dont 
il  a  traité  plusieurs  sciences  difficiles  et 
peu  cultivées  jusqu'alors ,  l'eussent  fait 
regarder  conmnïe  un  savant  universel , 
s'il  pouvait  y  en  avoir,  et  si  l'esprit  de 
l'homme  pouvait  embrasser  un  espace 
dont  l'imagination  même  ne  saisit  pas  le 
terme.  Son  style  est  coulant,  pur,  abon- 
dant ,  vigoureux ,  animé  par  des  citations 
en  vers  et  en  prose,  ingénieusement  ap- 
pliquées à  la  matière  qu'il  traite.  Lors 
même  qu'il  s'égare ,  soit  par  quelque  er- 
reur qui  lui  est  propre ,  soit  par  celles 
qui  étaient  universellement  adoptées  de 
son  temps,  on  reconnaît  encore  le  savant 
et  l'homme  de  génie.  Des  écrivains  mo- 
dernes ont  uni  leurs  efforts  pour  obscur- 
eir  la  gloire  de  ce  jésuite  célèbre  ,  qui  a 
fourni  bien  des  matériaux  à  leurs  sys- 
tèmes et  à  leurs  spéculations.  Au  lieu  de 
reconnaître  leur  bienfaiteur,  ils  ont  cru 


qu'en  le  décriant,  on  ne  soupçonnerait 
point  qu'ils  lui  devaient  quelque  chose. 
Pline  croyait  au  contraire  «  qu'il  était  de 
»  la  probité  et  de  l'honneur  de  rendre 
»  une  sorte  d'hommage  à  ceux  dont  on 
»  avait  tiré  quelque  secours  et  quelque 
»  lumière  ;  et  que  c'était  une  extrême 
»  petitesse  d'esprit  d'aimer  mieux  être 
»  surpris  honteusement  dans  le  vol,  qu9 
»  d'avouer  ingénument  sa  dette.  »  Vrœf- 
hist.  nat.  Cet  homme  rare  et  peut-être 
unique  par  la  multitude  et  la  variété  de 
ses  connaissances ,  avait  manqué  d'être 
renvoyé  du  noviciat  ,  le  recteur  le  ju- 
geant inepte  aux  sciences.  On  voit  en- 
core à  Mayence  la  chapelle  où  le  novice 
désolé  se  retirait  pour  demander  au  Ciel 
les  lumières  nécessaires  à  l'état  qu'il  vou- 
lait embrasser.  On  peut  dire  qu'il  a  été 
exaucé  au-delà  de  ses  vœux.  Le  père 
Kircher  a  occupé  à  Rome  la  chaire  de 
mathématiques  ,  au  collège  Romain.  Son 
amour  pour  la  science  lui  faisait  braver 
les  plus  grands  dangers.  Dans  un  voyage 
à  Naples,  voulant  connaître  l'intérieur  du 
Vésuve,  il  se  fit  descendre  ,  par  la  pre- 
mière ouverture ,  par  un  homme  vigou- 
reux qui  l'y  tint  suspendu  à  l'aide  d'une 
corde ,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  satisfait  sa  cu- 
riosité. Plusieurs  souverains,  et,  entre 
autres,  le  duc  de  Brunswick,  lui  fournis- 
saient les  sommes  nécessaires  pour  ses 
expériences,  et  lui  envoyaient  des  rare- 
tés dont  il  composa  un  des  plus  beaux  ca- 
binets de  l'Europe ,  décrit  par  Ph.  Bo- 
nanni ,  Rome ,  1709,  in-fol.  M.  Battara  a 
donné ,  en  1774  .  une  nouvelle  description 
des  pièces  relatives  à  l'histoire  naturelle, 
qu'il  renfermait.  Ce  laborieux  jésuite  a 
donné  trente-deux  ouvrages  qui  roulent 
sur  presque  toutes  les  sciences.  On  peut 
consulter  sur  ce  savant  jésuite  le  mémoire 
qu'il  a  donné  lui-même  sur  sa  vie  et  ses 
ouvrages  dans  le  Fasricuhis  epistolarum 
de  Langenmanlel,  pag.  65  etsuiv. 

KIRCHER  (Cosirad),  théologien  lu- 
thérien né  dans  le  16'  siècle  à  Augsbourg, 
s'est  rendu  célèbre  par  sa  Concordance 
grecque  de  l'ancien  Testament,  qu'il  fit 
imprimer  à  Francfort,  en  1607  ,  en  2  vol. 
in-4°.  Cet  ouvrage  peut  servir  de  diction- 
naire hébreu.  L'auteur  met  d'abord  les 
noms  hébreiix ,  et  ensuite  l'interprétation 
que  les  Septante  leur  ont  donnée  ,  et  cite 
les  endroits  de  l'Ecriture  où  ils  se  trouvent 
différemment  interprétés.  Le  principal 
défaut  est,  sans  contredit ,  d'y  avoir  suivi 
l'édition  des  Septante  de  Francfort,  1597, 
au  lieu  de  suivre  celle  du  Vatican,  rrue 


KIR 


J29 


KÎU 


lous  les  sàvans  préfèrent.  La  Concoi'dance 
de  Troinmius  n'a  pas  fait  tomber  celle 
de  Kircher ,  comme  l'a  démontré  Jean 
Gaynier  d'Oxford.  Voyez  TROMMIUS. 
Kircher  a  publié  un  abrégé  de  son  ou- 
vrage sous  ce  titre  :  De  concordav^tiarum 
bibltcarurrij  maxime  veteris  Teslamen- 
ti  grœcarum,  hebrœis  vocibus  responden- 
tium^  vario  ac  muUiplici  in  sacro-sancta 
theologia  usu .  Wittenberg ,  1G22  ,  in-4°. 
On  ignore  l'époque  précise  de  sa  mort. 

RIllClIER  (  Jea\  ) ,  théologien  né  dans 
le  17'  siècle  à  Tubingen ,  publia  en  1646 , 
en  latin  ,  Motifs  de  sa  conversion  du  lu- 
théranisme à  la  religion  catholique , 
Vienne ,  1640,  in-S".  Les  luthériens  ont 
vainement  essayé  de  réfuter  cet  ouvrage. 
RIRCIII»IA!\I\  (Jean),  savant  anti- 
quaire allemand,  né  en  157S  à  Lubcck , 
fut  recteur  de  l'université  de  cette  ville, 
exeiça  cet  emploi  avec  beaucoup  de  dis- 
tinction jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  en  1643, 
à  68  ans.  Ses  principaux  écrits  sont  ;  |  De 
futieribus  Romanorum  libri  IV^  Leyde  , 
1672 ,  in-12  :  traité  savant,  qui  lui  acquit 
une  grande  réputation  ,  et  lui  procura  un 
riche  mariage  ;  |  De  onnulis  liber  singu- 
larîs .  Lubcck ,  1G23,  ûi-S",  et  Leyde  ,1672  , 
in-12  :  ouvrage  plus  curieux  qu'utile  ;  des 
Oraisons  funèbres,  etc. 

KIRCIIMANN  (N.) ,  professeur  de  phy- 
sique à  Pétersbourg,  est  devenu  célèbre 
par  ses  expériences  sur  la  matière  élec- 
trique ,  et  par  le  genre  de  mort  qui  ter- 
mina ses  jours ,  le  0  août  1753.  Il  avait 
dressé  un  conducteur  pour  soutirer  la 
foudre;  un  globe  de  feu  en  sortit  au  mo- 
ment quil  en  approcha,  et  lui  brûla  la 
tète.  Depuis  cette  époque,  le  système  des 
conducteurs  a  éprouvé  diverses  destinées  : 
tandis  que  les  uns  les  regardent  comme 
un  préservatif  contre  le  feu  du  ciel, 
d'autres ,  fondés  sur  des  exemples  multi- 
pliés ,  les  envisagent  comme  une  inven- 
tion empirique  et  dangereuse.  Les  pré- 
cautions infinies  qu'il  faut  observer  pour 
en  prévenir  les  mauvais  effets  (  et  sur  les- 
quelles on  n'est  rien  moins  que  d'accord, 
les  uns  voulant  une  chose ,  les  autres  une 
autre),  en  rendent  l'exécution  presque 
impossible.  Cependant  les  nouveaux  pro- 
grès de  la  science  ont  levé  toutes  les 
difficultés ,  et  l'usage  des  conducteurs  est 
maintenant  sans  danger,  f^oyez  le  Journ. 
hist.  et  lilt.  13  juillet  1782,  page  412  ;  — 
1"=''  mars  1785,  page  557,  et  l'article 
Pringle.  Un  poète  latin  a  fait  à  Kirch- 
roan  cette  épilaphe  imitée  de  Yirgile,  au 
6"^  livre  de  l'Enéide  : 


Vidi  et  crudeles  d;ialem  Salrnonea  pœnaj  , 

Dum  flammas  Jovis  et  sonilm  non  curai  OlyrapJ, 

Démens,  qui  nimbos  ac  irrilabile  folmcn 

Igniferis  filis  ferroque  lacessit  aciiio. 

At  Pater  omnipotens  densa  inler  nubila  lelum 

Contorsit  (  non  ille  levés  de  culmine  tecli 

Scintillas)   rapti'.mque  immaoi  turbine  volvit. 

KIRCIIMAYER  (George -Gaspard), 

professeur  à  Witteni)erg ,  et  metnbre  des 
sociétés  royales  de  Londres  et  de  Vienne, 
naquit  à  Uffenheim  en  Franconie,  l'an 
1633 ,  et  mourut  en  1700 ,  après  avoit 
publié  plusieurs  ouvrages  d'érudition  el 
de  physique.  Les  principaux  sont  :  |  des 
Commentaires  sur  Cornélius  Népos,  Ta- 
cite, et  d'autres  auteurs  classiques;  ]  des 
Oraisons  et  des  Pièces  de  poésie;  \  De 
corallo,  balsamo  et  saccharo ,  1661 ,  in-4°  ; 
I  De  iribulis,  1692,  in-4°;  |  six  Disserta- 
tions, sous  le  titre  de  Hexas  disputa- 
tionum  zoologicariim.  Elles  roulent  sur  le 
basilic,  la  licorne,  le  phénix,  le  béemelh 
et  l'araignée.  |  Pathologia  vêtus  et  nova; 
I  Philosophia  melallica;  \  Institutiones 
metallicœ .  etc. 

KIRCIIMAYER.  r.  NAO-GEORGES. 

'  RIRRLAND  (Thomas),  médecin  et 
chirurgien  anglais ,  membre  de  la  vSociété 
royale  d'Edimbourg  et  de  plusieurs  socié- 
tés savantes,  naquit  en  1720,  et  consacra 
toute  sa  vie  à  l'exercice  de  son  art.  Il  prit 
part  à  toutes  les  discussions  importantes 
qui  s'élevèrent  entre  les  médecins  du  18' 
siècle.  On  a  de  lui  |  un  ouvrage  sur  \agan- 
g?\'neAt6h;  \  unIJssaisur  les  fièvre  s  AI  dT', 

I  des  Observations  sur  les  fractures  com- 
pliquées 1770 ,  suivies  en  1771  d'un  Jp- 
pendice  et  en  1780  d'un  Supplément;  \  des 
Cominentaires  sur  les  maladies  apoplec- 
tiques et  paralytiques  ;  \  un  Traité  sur  la 
coqueluche,  etc.;  mais  de  tous  ces  ou- 
vrages, le  plus  remarquable  et  le  plus 
estimé ,  c'est  celui  qui  a  pour  titre  :  Exa^ 
men  de  l'état  présent  de  la  chirurgie , 
où  il  examine  l'analogie  entre  ies  mala- 
dies internes  et  externes,  et  le  danger 
qu'il  y  aurait  à  séparer  deux  branches 
d'un  art  qui  ont  entr'elles  des  rapports  si 
intimes;  Kirkland  mourut  à  Ashby  dans 
le  mois  de  janvier  1798,  âgé  d'environ 
77  ans. 

♦KIRRPATRICR  (James),  major-gé- 
néral anglais,  fut  long-temps  employé  par 
la  compagnie  des  Indes  dont  il  devim 
l'ambassadeur  près  des  cours  de  Madadji- 
Scindiah  et  du  grand  Mogol  Schah-Aalem. 

II  résida  aussi  au  nom  de  la  même  com- 
pagnie ,  auprès  de  Nizam ,  ainsi  qu'à  Ha'i- 
derabad.  Pendant  son  séjour  dans  l'Inde, 


Il  cludla  les  langues  d'Asie,  et  devint 
nn  des  plus  habiles  orientalistes;  il  s'oc- 
cupa aussi  beaucoup  de  l'histoire  des  an- 
tiquités ,  des  religions  des  contrées  qu'il 
visita.  On  a  de  lui:|  une  Biographie  des 
poètes  persans  Afaidiihe  de  Daoulet-Schah 
et  qui  a  été  insérée  dans  le  New-Asiatic- 
Miscellany .  Calcutta,  1789,  in-4°;  |  Des- 
cription du  royaume  de  Népal  avec  une 
carte  et  des  planches,  Londres,  1811 ,  in  4°  ; 
I  Choix  des  lettres  du  sultan  Tippoo-Saèb. 
il)id. ,  1811 ,  in-4°.  Kh-kpatrick  est  mort  le 
22  mars  1812. 

KIRSCHMEYER  f  Jeak-SIGISMOND  ) , 
né  à  AUendorf  en  Hcsse ,  l'an  1674  ,  pro- 
fesseur de  philosophie  et  de  théologie  à 
Marpourg,  mourut  en  1749.  On  a  de  lui  : 
I  plusieurs  Dissertations  académiques  ; 
1  un  Traité  en  latin  contre  les  enthou- 
siastes ^  pour  prouver  que  l'unique  prin- 
cipe de  la  foi  est  la  parole  de  Dieu.  Les 
protestans  en  font  cas  ;  mais  les  catlx)- 
liques  ont  démontré  que  les  principes  de 
l'auteur  justifient  les  sociniens  et  tous  les 
hérétiques,  puisqu'ils  se  fondent  tous  sur 
la  parole  de  Dieu. 

KIRSTEIV  (Pierre),  médecin  et  orien- 
taliste ,  né  à  Bre?l»vi  en  1577,  eui  la  direc- 
tion des  collèges  de  cette  ville,  après 
avoir  acquis  de  vastes  connaissances  par 
des  voyages  dans  toutes  les  parties  de 
l'Europe,  en  Asie,  et  par  l'élude  des 
langues  savantes,  notamment  de  l'arabe  , 
qu'il  avait  apprise  pour  entendre  parfai- 
tement Avicenne,  et  dans  laquelle  il  se 
rendit  fort  habile.  Son  emploi  lui  déro- 
bant trop  de  temps,  il  se  dévoua  entière- 
ment à  la  médecine ,  et  se  retira  en  Prusse 
avec  sa  famille.  Le  chancelier  Oxenstiern 
l'y  ayant  connu,  l'emmena  en  Suède,  et 
lui  procura  la  chaire  de  professeur  en 
médecine  dans  l'université  d'Upsal.  Il  y 
mourut  en  1G40,  à  65  ans.  Son  application 
avait  accéléré  sa  vieillesse ,  et  il  était  déjà 
fort  affaibli  quand  il  se  rendit  en  Suède. 
Son  épitaphe  porte  qu'iY  savait  vingt-six 
langues;  cela  peut  être,  mais  il  ne  les 
connaissait  pas  certainement  comme  sa 
langue  maternelle.  On  a  de  lui  un  grand 
nombre  d'ouvrages  :  |  Traité  de  l'usage 
et  de  l'abus  de  la  médecine ,  Francfort , 
1610,  in-8";  |  Les  quatre  évangélistes  .ti- 
rés d'un  ancien  manuscrit  arabe ,  Franc- 
fort, 1609,  in-fol.  ;  |  Notes  sur  l'Evangile 
de  saint  Matthieu ,  confronté  sur  les  textes 
arabe ,  syriaque ,  égyptien ,  grec  et  latin , 
Breslau,  1613,  in-fol.;  |  une  Grammaire 
arabe  Ares  estimée. 

KIRSTEMUS   ou   KIESCHSTEIN 


150  KIR 

(  Georges  ),  habile  médecin  et  savant  natu- 
raliste ,  né  à  Stettinen  1613,  fit  long-temps 
et  avec  succès  des  exercices  publics  sur 
la  physique  ,  la  médecine  ,  la  botanique, 
l'anatomie ,  etc.  On  fait  cas  de  ses  hxer- 
citationesphilologicœ.  Slettin,  1651 ,  in-4°. 
Il  mourut  en  1660,  à  47  ans.  On  peut  con- 
sulter sur  ce  médecin  le  tome  41  des 
Mémoires  de  Nicéron  et  le  Dictionnaire 
de  Chauffcpié. 

RIRWAN  (  Richard  ) ,  célèbre  chi- 
miste ,  né  en  Irlande ,  étudia  d'abord  la 
jurisprudence  ,  mais  son  goût  l'entraîna 
vers  les  sciences  naturelles  auxquelles  il 
s'adonna  tout  entier.  Il  s'établit  à  Londres 
ou  aux  environs  vers  l'an  1779,  et  lut , 
aux  séances  de  la  société  royale ,  dont 
plus  lard  il  devint  membre ,  différens 
mémoires  qui  lui  méritèrent,  en  1781, 
la  médaille,  fondée  par  Copley.  Il  re- 
tourna dans  son  pays  natal  en  1789 ,  et 
fut  bientôt  nommé  président  de  la  société 
royale  d'Irlande.  Il  fût  aussi  président  de 
la  société  royale  de  Dublin ,  et  membre 
ou  associé  des  premières  compagnies  lit- 
téraires et  savantes  de  l'Europe.  Il  mou- 
rut le  22  juin  1812.  Kirwan  a  donné  son 
nom  à  la  société  Kirtuanienne  instituée 
depuis  peu  de  temps  à  Dublin.  Presque 
toutes  les  sciences  naturelles  doivent  à 
ses  grands  travaux  quelques  progrès.  Il 
publia  un  grand  nombre  d'ouvrages  sur 
la  chimie ,  la  géologie ,  la  minéralogie .  la 
métaphysique ,  etc.  ;  quelques-uns  d'entre 
eux  se  trouvent  dans  les  Transactions  phi- 
losophiques d'Irlande  :  on  trouvera  sur 
les  autres  de  longs  détails  dans  la  Biblio^ 
thèque  britannique  imprimée  à  Genève. 
Nous  citerons  :  |  Estimation  de  la  teni' 
pérature  de  différens  degrés  de  latittide^ 
trad.  en  français  par  Adel,  Paris,  1789, 
1  vol.  in-8"  ;  |  £ssai  de  réponse  à  la  ques" 
tion  suivante  ,  proposée  par  la  société 
royale  d'Irlande  :  Quels  sont  les  engrais 
qu'on  peut  appliquer  avec  plus  d'avan- 
tage aux  diverses  espèces  de  solSj,  et  quelles 
sont  les  causes  de  leurs  bons  effets  dans 
chaque  cas  particulier?  1794 ,  couronné 
par  l'académie  de  Dublin,  et  traduit  en 
français  par  F.  G.  Maurice,  Genève,  1800 
et  1806,  in-8°.  |  Réflexions  sur  l'état  pri- 
mitif du  globe  et  la  catastrophe  qui  lui  a 
succédé.  1796,  ouvrage  rempli  de  rappro- 
chemens  ingénieux.  On  en  peut  hre  un 
extrait  dans  la  Bibliothèque  britannique 
(littérature),  vol.  9%  an  7,  page  228. 
j  JSssai  sur  le  phlogistique  et  sur  la  con- 
stitution des  acides .  ouvrage  important , 
traduit  en  français  par  Mad.  Lavoisier, 


RLA  I5i 

avec  des  notes  par  Guylon-Morveau,  La-  bre 
\oisier ,  etc. ,  Paris ,  1788 ,  in-S"  ;  |  Expé- 
riences sur  une  nouvelle  terre  trouvée 
près  de  Strontian^  en  Ecosse^  1794.  La 
Strontiane.  comme  on  sait,  est  mise  au- 
jourd'hui au  nombre  des  terres  élémen- 
taires. I  Elémens  de  minéralogie  >  17% , 
^  vol.  io-8°,  traduit  de  l'anglais  par  Gibe- 
lin, 1785,  in-S";  ]  Essais  de  métaphtjsi- 
yue,  contenant  les  principes  et  les  objets 
■fondamentaux  de  cette  science^  1809, 
in-S". 

♦  KL APROTII  (Martin-Henri ),  un  des 
chimistes  les  plus  distingués  de  l'Allema- 
gne ,  docteur  en  philosophie ,  conseiller 
du  comité  sanitaire  et  de  médecine  de 
Prusse  ,  et  professeur  de  chimie,  naquit 
à  Berlin  le  1"  décembre  1743.  Il  exerça 
la  profession  de  pharmacien  jusqu'en  1788, 
époque  à  laquelle  il  vendit  sa  pharmacie 
et  fut  nommé  chimiste  auprès  de  l'acadé- 
mie des  sciences.  Klaproth  avait  apprécié 
l'importance  de  l'analyse  des  minéraux 
pour  établir  une  bonne  classification  de 
ces  corps,  et  cette  idée  lumineuse  le  con- 
duisit à  d'importantes  découvertes.  C'est 
à  lui  que  les  chimistes  doivent  la  décou- 
verte de  la  Zircone ,  qu'il  trouva  dans  le 
jargon  de  Ceylan ,  ainsi  que  celle  du  titane, 
de  l'urane  et  du  tellure.  Il  a  démontré 
que  la  potasse  existe  dans  les  produits 
volcaniques  et  dans  le  grenat  blanc,  et 
que  la  mine  d'argent  rouge  est  un  sulfure 
d'argent  et  d'antimoine.  Il  fit  connaître  le 
molybdate  do  plomb  et  le  sulfate  de  stron- 
tiane. Ce  chimiste  distingué  est  mort 
dans  la  capitale  delà  Prusse  le  1"  janvier 
1817,  laissant  les  ouvrages  suivans:  |  Con- 
naissances chimiques  des  minéraux^ 
Berlin,  1790,  in-8°;  |  Supplément  aux 
connaissances  chimiques  des  minéraux  j. 
Berlin,  1795-182S,  6  vol.  in-8°;  les  deux 
premiers  volumes  ont  été  traduits  en  fran- 
çais par  Tassaert ,  Paris  1807,  2  vol.  in-S". 
I  Dictionnaire  de  chimie  (avec  F.Wolf), 
Berlin,  1807-1809,  5  voL  in-8".  II  a  paru 
postérieurement  h.  vol.  de  supplément. 
Bouillon  Lagrange  en  a  traduit  les  pre- 
miers volumes  en  français,  Paris,  1810- 
1811,  2  vol.  in-8°.  Klaproth  a  encore 
écrit  un  grand  nombre  de  mémoires  con- 
signés dans  les  Mémoires  de  la  société 
d'histoire  naturelle  de  Berlin,  dans  les 
Annales  de  chimie  de  Crell ,  dans  les  Mé- 
moires de  l'académie  des  sciences  de  Ber- 
lin ,  dans  la  Bibliothèque  physico-chimi- 
que de  Hermstaedl,  et  dans  divers  autres 
recueils.  Il  était  chevalier  de  l'ordre  de 
Taigle  rouge  de  troisième  classe  et  mem- 


KLE 

d'un    grand    nombre    de    sociétés 
savantes. 

KLAUSWITZ  (  Benoit -Gotlieb),  né 
à  Leipsick  en  1692,  professeur  de  théolo- 
gie à  Hall ,  mourut  en  1749.  Il  a  donné  : 
I  plusieurs  Dissertations  académiques; 
I  des  Explications  de  divers  passages  de 
la  Bible;  |  un  Traité  en  allemand  sur 
la  raison  et  l'Ecriture  sainte ,  et  sur  l'u- 
sage que  nous  devons  faire  de  ces  deux 
grandes  lumières. 

*  K  LEBER  (Jean  -  Baptiste  ) ,  général 
français ,  né  à  Strasbourg  en  1734 ,  était 
fils  d'un  terrassier  attaché  à  la  maison  du 
cardinal  de  Rohan.  Son  père  le  destinant 
à  l'état  d'architecte,  il  vint  à  Paris  ,  où  il 
étudia  sous  d'habiles  maîtres ,  mais  une 
circonstance  imprévue  vint  changer  sa 
carrière.  Se  trouvant  un  jour  dans  un 
café  où  quelques  étourdis  insultaient  des 
étrangers,  Kléber  prit  la  défense  de 
ceux-ci.  C'étaient  deux  gentilshommes 
bavarois,  qui,  reconnaissans  du  service 
qu'il  leur  avait  rendu ,  l'invitèrent  à  les 
suivre  à  Munich.  Ils  lui  ouvrirent  dans 
celte  ville  l'entrée  de  l'école  militaire,  où 
Kléber  se  distingua  par  son  assiduité  au 
travail.  Le  général  Kaunitz,  fils  du  pre- 
mier ministre  ,  le  prit  en  amitié ,  et ,  frap- 
pé de  sa  belle  taille  et  de  son  esprit , 
l'emmena  avec  lui  à  Vienne,  où  il  lui 
donna  une  lieutenance  dans  son  régi- 
ment. L'Autriche  se  trouvant  en  guerre 
avec  la  Porte ,  Kléber  fit  sa  première 
campagne  en  1776,  et  mérita  les  éloges 
de  ses  chefs;  mais  après  7  ans  de  service 
n'ayant  guère  pu  obtenir  d'avancement, 
il  donna  sa  démission,  revint  en  Al- 
sace ,  et  obtint  par  la  protection  de 
l'intendant  Galaisière  la  place  d'inspec- 
teur des  bâtimens  publics  à  Béfort.  Il 
reprit  alors  l'étude  de  l'architecture. 
Après  six  ans  d'une  vie  paisible  ,  il  vit 
éclater  la  révolution  dont  il  embrassa 
les  principes.  Le  régiment  Royal-Louis, 
qui  restait  fidèle  à  la  cour,  s'élant  op- 
posé à  certaines  mesures  ordonnées  par 
les  officiers  municipaux,  Kléber  prit  le 
parti  des  municipaux ,  repoussa  les  sol- 
dats ,  et  présenta  même  un  défi  au  colonel. 
En  1792 ,  il  entra  comme  simple  grenadier 
dans  un  régiment  de  volontaires  du  Haut- 
Rhin.  Il  s'y  fit  bientôt  remarquer ,  et  le 
général  Wimpfen,  qui  commandait  à 
Brissac,  lui  accorda  le  grade  d'adjudant- 
major  dans  un  bataillon  qui  allait  se  réu- 
nir à  l'armée  de  Custine  à  Mayence.  Isom- 
mé  adjudant -général,  il  commanda  et 
exécuta  les  sorties  de  Biberacb  et  de  M^" 


KLE 


152 


KLË 


rîenborn.  Après  la  prise  de  Mayence,  il 
vint  à  Paris  :  appelé  devant  le  tribunal 
révolutionnaire  comme  téirioin  dans  l'ac- 
cusation intentée  contre  Custine  ,  il  eut 
le  courage  de  déposer  en  sa  faveur.  Kléber 
nomn^é  général  de  bri{jade,fut  envoyé 
dans  la  Vendée  et  rencontra  à  Torfou , 
l'armée  royaliste  forte  de  vingt  mille 
hommes  :  il  n'en  avait  que  quatre  mille 
et  6  pièces  de  canon.  Après  une  vigou- 
reuse résistance,  il  fit  une  habile  retraite 
et  comprit  qu'on  ne  pouvait  vaincre  les 
Vendéens  qu'en  imitant  leur  tactique.  Il 
éprouva  un  nouvel  échec  au  delà  de  la 
Loire,  échec  qui  fut  attribué  aux  géné- 
raux en  sous -ordre.  Il  s'ensuivit  une  al- 
tercation entre  Kléber  et  le  jeune  Mar- 
ceau son  rival  de  gloire  qui  remplaça 
le  premier  au  commandement  en  chef.  Dès 
que  Marceau  vit  Kléber  disgracié,  il  lui 
remit  toute  l'autorité,  servit  sous  lui,  et 
ne  garda  que  le  titre  de  général.  Kléber 
victorieux  au  Mans,  poussa  de  marche 
en  marche  les  débris  des  Vendéens  entre 
la  Loire  et  la  Vilaine,  et  dit  :  «  C'est  ici  où  je 
»  les  voulais.  »  Les  commissaires  de  la  Con- 
vention, qui  suivaient  toujours  les  armées, 
lui  ordonnent  de  commencer  l'attaque 
pendant  la  nuit  :  «  Non  ,  dit  Kléber ,  il  est 
»  bon  de  voir  clair  dans  une  affaire  sé- 
»  rieuse,  et  celle-ci  doit  se  décider  au 
»  grand  jour.  »  Il  défit  complètement  les 
Vendéens  près  de  Savcnay.  Il  répondit 
alors  sur  sa  tête  de  la  tranquillité  des  pro- 
vinces insurgées;  mais  le  comité  de  salut 
public  ne  voulut  rien  accorder ,  ni  re- 
courir en  aucune  manière  à  des  moyens 
de  clémence.  Kléber  fit  son  entrée  à 
Nantes;  on  lui  donna  une  fête,  et  au 
moment  où  une  couronne  de  laurier  des- 
cendait sur  son  front ,  un  des  trois  com- 
missaires conventionnels  s'écria  :  o  que 
»  ces  lauriers  n'étaient  pas  dus  aux  gé- 
»  néraux ,  maî's  aux  soldats  ;  »  —  Nous 
»  avons  tous  vaincu,  répondit  Kléber  avec 
»  fierté  ;  je  prends  cette  couronne  pour  la 
»  suspendre  aux  drapeaux  de  l'armée.  » 
Les  exécutions  horribles  qui  avaient  lieu 
après  les  batailles  contre  les  prisonniers 
excitèrent  en  lui  une  indignation,  qu'il  ne 
dissimula  pas.  La  Convention  l'exila,  et  on 
commença  à  le  regarder  comme  suspect  et 
ennemi  de  la  liberté.  Son  caractère  franc, 
et  souvent  brusque,  lui  faisait  en  outre 
tles  ennemis ,  et  retardait  son  avance- 
ment ;  mais  on  avait  besoin  d'un  grand  gé- 
néral, et  Kléber  en  avait  toutes  les  quali- 
tés :  il  lut  en  conséquence  rappelé  et  suc- 
cessivement employé  à  l'armée  du  Nord, 


puis  à  celle  de  Sambre-et-Meuse ,  comme 
général  de  division.  Il  passa  la  Sambre 
en  présence  des  armées  alliées ,  et  à  la 
bataille  de  Fleurus,  26  juin  179i,  il  com- 
mandait l'aile  gauche  opposée  au  prince 
d'Orange  (qu'il  arrêta  au  pont  de  Mar- 
chiennes).  S'étant  ensuite  porté  sur  Mons, 
avec  trois  divisions ,  il  força  le  camp  re- 
tranché du  mont  Panisel  et  le  passage  de 
la  Roër ,  repoussa  l'ennemi  jusqu'à  la 
rive  droite  du  Rhin,  et  après  vingl-hnil 
jours  de  tranchée  ouverte  et  quarante* 
huit  heures  de  bombardement ,  il  entra 
victorieux  dans  Maastricht.  Dans  le  mois 
d'octobre  1793  ,  il  commanda  l'aile  gauche 
de  l'armée  de  Jourdan  ,  et  dirigea  le  pas- 
sajje  du  Rhin  devant  Dusseldorf.  Quand 
cette  armée  ,  s'avançant  sur  le  Mein,  fut 
tournée  par  le  général  Clerfayt ,  Kléber 
dirigea  sa  retraite  avec  autant  de  sang- 
froid  que  d'habileté.  Il  seconda,  en  1796, 
toutes  les  opérations  de  Jourdan ,  et  con- 
tribua à  ses  succès.  A  la  tête  de  l'aile 
gauche,  il  força  le  passage  de  la  Sieg,  et 
mit  en  déroute  l'armée  du  prince  de  Wur- 
temberg, sur  les  hauteurs  d'Altenkirchen. 
Atteint  par  l'armée  de  l'archiduc  Charles, 
forte  de  60  mille  hommes ,  et  n'en  ayant 
que  20  mille ,  il  prit  une  position  avan- 
tageuse sur  les  hauteurs  d'Ukrad ,  d'où 
l'ennemi  ne  put  pas  le  déloger.  II  battit 
ensuite  le  général  Kray  à  Kaldieck,  et 
le  prince  de  Warlenslebcn  à  Friedberg. 
Il  commanda  l'armée  j)ar  intérim  pen- 
dant quelques  jours,  et  il  allait  opérer  sa 
commimication  avec  l'armée  de  Rhin-et- 
Moselle,  par  Heilbronn,  et  s'emparer  de 
Francfort,  lorsqu'une  intrigue  l'éloigna 
de  l'armée  dont  il  méritait  si  bien  le  com- 
mandement en  chef.  Quoique  les  jour- 
naux eussent  annoncé ,  en  1797 ,  qu'il  ob- 
tiendrait ce  grade  à  l'armée  de  Sambre- 
et-Meuse  ,  ce  fut  à  Pioche  qu'on  le  déféra. 
Kléber,  mécontent  du  Directoire,  se  re- 
tira à  une  maison  de  campagne  qu'il 
avait  achetée  aux  environs  de  Paris,  où 
il  s'occupait  de  rédiger  des  mémoires  sur 
ses  campagnes ,  lorsque  Bonaparte  l'en- 
gagea en  1798  à  le  suivre  en  Egypte.  Il 
débarqua  le  50  juin  de  la  même  année  de- 
vant Alexandrie,  et  recul  un  coup  de  feu 
en  en  escaladant  les  remparts.  Bonaparte, 
qui  se  portait  sur  le  Caire,  lui  laissa  le 
commandement  de  celte  place.  Kléber 
l'accompagna  fhi ver  suivant  en  Syrie,  à 
la  tête  de  l'avant-garde ,  prit  le  fort  d'El- 
Arisch,  suivit  sa  route  dans  le  désert, 
s'empara  de  Gaza  ,  de  la  ville  et  des  forts 
de  Jaffa.  Pendant  le  siège  de  Saint-Jean 


KLE 


133 


KLE 


d'Acre .  il  fui  détaciu-  du  camp,  battit 
les  Turcs  au  Mont-Thabor  ,  et  les  força 
de  se  retirer  vers  le  Jourdain.  Après 
la  levée  du  siège  ,  il  commanda  Tarrière- 
garde,  et  protéjjea  la  retraite  de  l'armée. 
Il  se  signala  de  nouveau  en  Egypte ,  au 
combat  d'Aboukir,  où  les  Turcs  furent 
entièrement  défaits.  A  son  départ  pour 
l'Europe,  Bonaparte  lui  remit  le  com- 
mandement; Kléber  se  trouvait  dans  la 
position  la  plus  diflicile.  Les  fréquens 
combats .  les  marcbcs  forcées  dans  le  dé- 
sert avaient  affaibli  notablement  l'armée  , 
qui  se  trouvait  en  outre  dépourvue  de 
nnmitions  et  d'argent,  tandis  que  le 
(;rand  visir  s'avançait  par  la  route  de 
Damas  avec  80  mille  hommes  et  60  pièces 
de  canon ,  et  que  le  fort  d'El-Ariscli  était 
déjà  tombé  en  son  pouvoir.  Ne  pouvant 
ni  obtenir  de  secours,  ni  conserver  l'E- 
gypte .  Kléber  conlinuaavec  les  Ottomans 
les  négociations  entamées  par  Bonaparte; 
mais  n'espérant  d'elles  aucun  résultat 
sans  l'entreunse  des  Anglais,  il  choisit 
pour  médiateur  le  coiimiodore  Smith.  Le 
traité  d'El-Arisch  fut  conclu  :  il  portait 
que  l'armée  française  serait  embarquée 
el  transportée  en  France  avec  armes 
et  bagages;  l'Egypte  devait  être  entière- 
ment évacuée,  et  tous  les  Français  pri- 
sonniers mis  en  liberté  ;  mais  à  peine 
Kléber,  fidèle  au  traité,  eut-il  remis  aux 
Turcs  tous  les  forts  de  la  haute  Egypte , 
la  ville  de  Damietle ,  comme  il  se  dispo- 
sait à  évacuer  le  Caire,  l'amiral  Keith 
lui  écrivit  que  son  gouvernement  lui  dé- 
fendait de  permettre  l'exécution  d'aucun 
traité,  à  moins  que  l'armée  française  ne 
mît  bas  les  armes,  et  ne  se  rendît  prison- 
nière de  guerre.  Kléber  indigné  fil  im- 
primer cette  lettre  pour  lui  servir  de 
manifeste,  et  y  ajouta  ces  mots  :  »  Sol- 
»  dats ,  aux  arma^l  voais  répondrez  à 
»  ime  telle  insulte  par  des  victoires.  » 
Depuis  ce  moment ,  Kléber  vola  de  succès 
en  succès.  Ayant  rapidement  concentré 
son  armée  ,  il  la  développa  dans  les  plai- 
nes de  la  Koubeh,  défit  l'avant-garde  tur- 
que, retranchée  devant  le  village  de  Ma- 
tarié  ;  et  rencontra  l'armée  du  grand  visir 
déjà  rangée  en  bataille ,  au  moment  qu'il 
s'approchait  de  l'obélisque  d'Héliopolis; 
elle  était  dix  fois  supérieure  à  la  sienne  ; 
Kléber  l'attaqua  immédiatement  et  rem- 
porta la  célèbre  victoire  d'Héliopolis.  Il 
dispersa  les  Turcs  dans  le  désert ,  se  ren- 
dit maître  ,  à  Salahieh ,  de  tous  les  bagages 
de  l'ennemi  et  d'un  butin  considérable , 
©t  reprit  de  vive  force  le  Caire ,  où  l'in- 
7. 


surrection  avait  éclaté,  ainsi  qu'à  Boulak. 
La  révolution  du  18  brumaire  lui  fai- 
sait espérer  de  prompts  secours  de  la  part 
du  premier  consul.  Sa  victoire  récente 
lui  offrait  la  possession  paisible  de  l'E- 
gypte, au  moins  pour  une  année  ;  l'armée 
elle-même  montrait  le  désir  de  conserver 
cette  conquête;  tandis  que  les  Ejjyptiens, 
étonnés  de  voir  l'armée  nombreuse  du 
grand  visir  battue  par  une  poignéede  Fran- 
çais ,  crurent  désormais  que  ces  derniers 
resteraient  leurs  maîtres.  Les  contributions 
extraordinaires  imposées  à  la  vilie  du 
Caire,  en  punition  de  la  révolte,  mirent 
Kléber  à  portée  de  payer  li  millions  d'ar- 
riéré, y  compris  la  solde.  Il  forma  une 
légion  grecque,  et  un  corps  deCophtes, 
qu'il  fil  instruire  et  habiller  à  la  française. 
Il  établit  aussi  un  parc  de  500  chameaux, 
et  des  ponts  volans  sur  le  Nil ,  pour  fa- 
ciliter le  passage  du  fleuve  aux  troupes 
qui  auraient  à  marcher  de  la  côte  aux 
frontières  de  la  Syrie.  Kléber  s'occupa 
ensuite  de  la  sûreté  et  de  la  prospérité 
de  l'Egypte  ;  il  mit  un  terme  aux  dilapi- 
dations ,  établit  un  comité  adtr»inistratif. 
Respecté  par  les  peuples  conquis  ,  aimé 
de  ses  subalternes ,  chéri  de  tous  ses 
soldats,  il  exerçait  un  pouvoir  souve- 
rain et  nullement  disputé.  Il  quitta 
le  Caire  le  3  juin  1800,  pour  faire  une 
tournée  en  Egypte  ;  le  14 ,  il  passa  la  re- 
vue de  la  légion  grecque ,  dans  l'île  de 
Rhouda,  et  revint  au  Caire  voir  les  em- 
bellissemens  qu'on  faisait  à  son  hôtel.  Il 
se  promenait  sur  la  terrasse  de  son  jardin 
lorsqu'un  jeune  Turc,  nommé  Soleyman, 
égaré  par  son  fanatisme,  lui  porta  quatre 
coups  de  poignard ,  dont  il  expira  quel- 
ques momens  après.  On  arrêta  aisément 
l'assassin ,  qui  n'opposa  pas  la  moindre 
résistance,  et  qui  semblait  regarder  ce 
meurtre  atroce  comme  une  action  inspi- 
rée par  le  Ciel.  Il  fut  condamné  par  une 
commission  militaire  à  périr  au  milieu 
des  tourmens.  Kléber  est  sans  contre- 
dit un  des  plus  grands  hommes  de  guerre 
qu'ail  produits  la  révolution.  Une  activité 
infatigable  ,  un  rare  sang-froid  ,  beaucoup 
d'enthou.'«asmc  pour  la  gloire  de  son  pays, 
un  coup  d'oeil  juste,  une  connaissance 
profonde  de  la  tactique  de  son  art,  voilà 
les  qualités  qui  le  distinguaient  comme 
général.  Désintéressé,  humain  et  très  res- 
pecté, d'un  seul  regard  il  arrêtait  les  sé- 
ditions, le  brigandage  et  l'effusion  du 
sang.  Peu  de  chefs  d'armée  ont  établi  une 
discipline  aussi  exacte  parmi  les  soldats  ; 
et  peu  d'hommes ,  pouvant  disposer 
12 


KLE  134 

des  richesses  conquises,  ont  micitx  suies 
mépriser.  Safranchise,  une cerlainefierlé. 
et  un  caractère  facile  à  s'emporter,  ren- 
daient souvent  son  abord  pénible  à  cetix 
qui  raj)prochaient;  mais  ses  actions  et  son 
équité  loi  ja;juaienl  bientôt  leur  estime. 
Sus  restes,  rapportes  à  Marseille,  furent 
déposés  au  château  d'If.  Louis  XVIII  or- 
donna, en  1818,  qu'ils  fussent  recueillis  et 
placés  dans  un  uioiiumenl  qui  lui  fut  élevé 
à  Strasbourg.  Un  autre  uïonument,  qui 
ne  fut  pas  terminé,  lui  avait  été  décerné 
sur  la  place  des  Victoires;  c'est  là  que  Garât 
jirononça  son  élojje  funèbre,  qui  fut  iui- 
])rimé  avec  celui  du  {jénéral  Desaix  ,  par 
le  même  auteur  ,  à  Paris  (an  9  )  ,  1800  , 
iii-S".  N.  P^ourrier,  devenu  depuis  secré- 
taire général  de  l'académie  des  sciences 
et  alors  membre  de  l'institut  d'Egypte, 
avait  déjà  fait  insérer  dans  la  Décade 
égyptienne ,  \o\\i'ivd.\  qui  s'imprimait  au 
Caire,  l'oraison  funèbre  qu'il  prononça 
lors  de  la  cérémonie  des  funérailles,  en 
juillet  1791).  Ce  morceau  a  été  reproduit 
dans  le  tome  12  de  l'ouvrage  intitulé  : 
f^ictoires  et  Conquêtes  ,  etc. 

*  KMCL\  (  JAcyUES-TiiÉODORE  ) ,  natu- 
raliste, membre  de  l'académie  des  sciences 
de  Saint-Pétersbourg,  de  la  société  royale 
de  Londres,  et  de  rinslilul  de  Bologne, 
naquit  à  Ko:iigsberg  en  1083,  et  mourut 
àDanîxick,  où  il  exL'r«;a  la  ciiarge  de  se- 
crétaire du  sénat,  le  ti7  février  1759.  Il  a 
laissé  un  grand  nomlire  d  ouvrages  qui 
laissent  délirer  plus  de  {joùl ,  mais  qui  ren- 
ferment prescpie  tous  quelques  faits  ou 
quelques  ligures  qui  les  renoent  utiles 
aux  natnralisies.  Les  principaux  sont  : 
i  Descriptioiieb  tubnloruin  marinorum  , 
ï>antz.iri'  .  1751  .  in-/i.°,  (ig.,  réimpriuiéen 
illô,  in-4   ;  I  Nnttii^dlis  clispositio  echino- 


dennatum  ,  ibid.  1754  et  Leipsick,  1778  , 
ia-i",  iig.,  Irad.  en  français  d'après  la  pre- 
mière édition,  sous  ce  titre  :  Ordre  na- 
turel des  oursins  de  mer,  Paris,  ilok . 
in-8°  ;  |  fJistoria  nuturalis  piscium.  1740 
— 49,  5  part.,  en  un  vol.  in-4",  Iig.  Il  y 
a  des  exemplaires  datés  de  Leipsick,  1802, 
ifui  diffèrent  des  autres  par  la  réimpres- 
sion du  premier  fascicule,  augmenté  d'uxe 
note  au  verso  de  la  page  55  ,  ei  par  l'ad- 
dition d'une  (i'  partie.  C'est  celui  des  ou- 
vrages de  Klein  quel'on  consulte  le  pins. 
I  Ilistoriœ  avium  prodromus  .  1750.  in-4°  ; 
1  Tentainen  methodi  ostracologicœ.  Leyde, 
4755,  in-4'',  figures.  |  Stemmata  avium, 
4759.  in-4'';  ]  Uitcrior  lucub ratio  subter- 
ranea  de  terris  et  mineraîibus ,  Péters- 
liOTirg,  1760,  in-'i^.  C'est  un  des  ouvrages 


KLE 

les  plus  rares  de  l'auteur.  |  Ora  avium 
pturimarum^  allemand  et  latin,  17(i6. 
Iig.  coloriées  ;  [  Spécimen  descriptionis 
petrefactorum  gedanensium ,  alicinand 
et  latin,  Nuremberg,  1770,  in-4",  fig.  colo- 
riées. Plusieurs  de  ces  ouvrages  ont  clé 
traduits  en  anglais  et  en  hollandais. 

*  KLKIIM  (  EnwKST-F'ERuimA^'D)  ,  jiuis- 
consulte  prussien,  né  à  Breslau  en  1745, 
étudia  dans  le  gymnase  de  sa  ville  natale 
et  à  l'université  de  Halle ,  et  se  fit  re- 
cevoir ensuite  avocat.  En  1779  il  publia 
un  recueil  de  Mémoires  sur  le  droit  et 
sur  la  législation^  ouvrage  qui  com- 
mença à  le  faire  connaître,  et  fixa  sur 
son  auteur  l'attention  du  chancelier  Cra- 
mer qui  l'appela  à  Berlin  en  1780  ,  pour 
coopérer  à  la  rédaction  du  nouveau  code 
prussien.  Il  en  rédigea  les  parties  les  plus 
importantes  avec  Suarcz  son  ami ,  entre 
autres  celles  qui  concernent  les  délits  et 
les  peines.  Klein  devint  ensuite  directeur 
de  l'université  de  Halle  et  membre  ordi- 
naire de  la  faculté  de  droit.  Rappelé  quel- 
ques années  après  à  Berlin,  il  fut  l'un  des 
juges  du  tribunal  suprême,  puis  conseil- 
ler privé  et  secrétaire  d'état  au  déparle- 
ment de  la  justice.  Il  mourut  le  28  mars 
1810.  Il  était  décoré  de  l'ordre  de  i'Aigle- 
rouge,  et  était  membre  de  l'académie  des 
sciences  de  Berlin  qui  avait  couronné  son 
Mémoire  sur  la  puissance  palejnel/e ,  et 
correspondant  de  la  coumiission  de  légis- 
lation établie  à  St.-Pétersbourg.  On  a  de 
lui  un  asscA  grand  nombre  d'om>rages 
dont  la  liste  se  trouve  dans  la  Bibliothè- 
que générale  allemande .  avec  son  poil  rait, 
14*=  volume  ;  nous  citerons  :  |  Annales  de 
la  législation  et  du  droit  dans  les  états 
prussiens  .''Qç.vWn  el  Slellin.  24  volumes 
In-S",  1788-1807;  i  Principes  du  droit 
pénal  allemand  el  prussien.  Halle  ,  1799, 
in-8°  ;  |  Système  du  cùmil  naturel.  Halle, 
1797,  in-8";  |  Système  au  droit  civil  prus- 
sien .  ihid. ,  1801,  in-8°  ;  |  Archives  du 
droit  criminel  (  avec  Kleinschrod),  1798- 
1809,  7  vol.  in-8°. 
RL1:L\ARTS.  T-^oyez  CLÉNARD. 
KLEIST  (EwALO-CuRiSTiASide),  mili- 
taire el  poète  allenjand  ,  né  le  5  mars 
1715,  à  Zellin  en  Poméranie,  marcha  sur 
les  traces  du  célèbre  Gessner  ,  son  ami  ; 
il  a  dorme  aux  acteurs  de  ses  Idylles  les 
mêmes  sentiuiens  de  vertu  et  de  bienfai- 
sance qui  distinguent  le«  bergers  de  Gess- 
ner, mais  il  ne  s'est  pas  borne  à  des  ber- 
gers :  il  a  introduit  dans  l'églogue  des 
jardiniers  et  des  pécheurs,  à  l'exemple 
de  Sannazar  ,  de  Grotius  et  de  Théocrile 


KLE 


ISS 


KLI 


lui-même.  Kleist  mourut  en  1759 ,  des 
blessures  qu'il  avait  reçues  à  la  bataille 
de  Kunnersdorf ,  où  il  commandail  le  ré- 
giment de  Hanssen,  au  service  du  roi  de 
Prusse.  Ce  soldat  poète  était  d'une  inlré- 
pidilé  rare.  Au  moment  qu'il  tomba  cri- 
blé de  blessures  ,  il  s'écria  aux  soldats  : 
«  Mes  enfans,  n'abandonnez  pas  votre 
»  roi.  i>  Sa  perte  excita  les  re{i;rets  dt;  l'Al- 
lemagne entière.  C'est  un  des  poètes  les 
plus  distingues  de  sa  nation,  et  un  de  ceux 
qui  ont  le  plus  contribué  à  former  la  lan- 
gue allemande.  Son  principal  ouvrage  est 
le  Poème  du  Printemps .  1749 .  in-S"  ,  où 
l'on  trouve  une  peinture  iidèle  et  animée! 
des  beautés  de  la  nature.  Il  a  été  traduit 
en  italien ,  en  latin  et  en  français.  Cette 
dernière  traduction,  faible  et  décolorée  , 
n'acepeadant  pas  détruit  toutes  les  beautés 
de  l'original.  Elle  se  trouve  dans  le  Choir 
des  poésies  allemandes  de  M.  Huber.  Il  a 
paru  depuis  deux  nouvelles  traductions 
françaises  de  ce  jioème;  l'une  à  Berlin 
4781  ,  in-S" ,  l'autre  en  vers  ;  mais  elles 
ne  valent  pas  mieux.  On  a  encore  de  lui 
des  Odes,  des  Chansons^  des  Idylles,  des 
Contes  et  des  Fables,  diverses  petites 
pièces  de  vers,  plusieurs  morceaux  inti- 
tulés Rapsodies.  Ces  morceaux  sont ,  avec 
le  Printemps^  ce  qu'il  a  écrit  de  plus  ori- 
ginal et  de  plus  poétique.  Cissidès  et  Pa- 
chès,  petite  épopée  qui  n'a  d'autre  mérite 
que  celui  de  peindre  avec  force  le  mérite 
guerrier  ;  et  quelques  fragmens  en  prose 
dans  le  genre  du  Spectateur.  Le  recueil 
de  ses  poésies  a  été  souvent  réimprimé 
sous  le  litre  de  Poésies  de  l'auteur  du 
Printemps. 

♦  KLEIST  DE  NOLLEIVDORF  (  Emile- 
Frédéric,  comte  de),  général  d'infanterie 
prussienne ,  né  à  Berlin  en  1762 ,  était 
colonel  de  hussards  en  1793,  lorsque  se  fil 
la  campagne  du  Rhin  dans  laquelle  il  se 
distingua  à  plusieurs  reprises ,  notam- 
ment au  siège  de  Mayence,  à  l'affaire  de 
Monbach  et  à  la  bataille  de  Laulern  (  13 
juillet  1794  )  où  il  fut  blessé  ;  nommé  plus 
tard  major-général  il  contribua  à  la  dé- 
Caile  des  Polonais.  Kleist  recul  le  grade 
de  lieutenant-général  en  1812,  et,  après 
{a  défection  du  général  York ,  il  le  rem- 
plaça en  qualité  de  commandant  du  corps 
prussien  qui  agit  de  conceit  avec  les 
Français  contre  les  Russes,  et  fut  sous  les 
ordres  de  Joachitn  Murât,  roi  de  Naples. 
Lorsqu'on  1813  le  roi  de  Prusse  se  fut  dé- 
claré hostile  à  Bonaparte,  Kleist,  encore 
placé  à  la  tète  d'un  corps  de  Prussiens , 
se  distingua  dans  la  journée  de  Bautzen , 


à  l'allaque  des  hauteurs  de  Burg,  et,  le 
29  mai.  il  signa  avec  le  général  russa 
Srhouwatoff  et  le  duc  de  Vicence  à  Plei- 
witz  un  armistice  qui  suspendit  les  hos- 
tilités jusqu'au  8  juillet.  Le  17  août  il  se 
signala  devant  Dresde,  et,  quelques  jours 
après,  à  l'affaire  de  Culm  où  il  mit  en  dé- 
route et  lit  prisonnier  le  corps  du  géné- 
ral Vandamme  :  ce  fut  à  la  suite  de  celte 
brillante  affaire  qu'il  reçut  le  titre  de 
comte  de  Nollendorf,  du  nom  d'un  village 
auprès  duquel  il  avait  attaqué  les  Fran- 
çais. Le  comte  de  Kleist  se  conduisit  avec 
la  même  dislinclion  à  la  bataille  de  Leip- 
sick,  où  ses  troupes  faisaient  partie  de  la 
colonne  commandée  par  le  général  Barclay 
de  ToUy.  Le  1"  janvier  1814,  il  passa  le 
Rhin,  s'avança  avec  l'armée  de  Silésie 
dans  l'intérieur  de  la  France,  s'arrêta  de- 
vant Thionville.  et  assista  à  la  bataille  de 
Laon  (9  mars  1814).  Après  s'être  battu 
avec  lionneur  le  26  du  même  mois  à  La- 
ferté-Gaucher  d'où  il  délogea  les  Français, 
ainsi  qu'aux  affaires  de  Sézannc  et  de 
Coulommiers,  il  s'empara  de  Villc-Parisis 
et  de  Monsaigle,  positions  importantes 
que  les  Français  lui  disputèrent  vivement 
et  qu'ils  furent  obligés  de  céder.  Chargé 
de  faire  la  principale  attaque  sur  Paris, 
il  s'empara  le  50  mars  do  Saint-Denis,  de 
la  Villeiie  et  de  la  Chapelle,  et  il  venait 
d'enti-er  dans  ce  dernier  village,  lorsqu'il 
reçut  la  nouvelle  de  la  capitulation  de 
Paris  ,  et  de  la  cessation  des  hostilités. 
Le  comte  de  Kleist  fut  récompensé  de 
ses  services  par  le  titre  de  gouverneur  du 
grand  duché  de  Berg.  Ce  général  est  mort 
à  Berlin  le  16  février  1823,  avec  la  répu- 
tation d'un  habile  tacticien. 

KLESCI!  (  CnRiSTOPiiE),  fameux  prédi- 
cant  luthérien  ,  né  à  Tglan,  dans  le  comté 
de  Scepus  en  Hongrie ,  et  mort  à  Berlin 
en  1697,  s'est  fait  connaître  par  un  grand 
nombre  d'ouvrages ,  dont  les  derniers 
sont  remplis  de  visions  et  entachés  d'un 
fanatisme  qui  marque  assez  le  dérange- 
ment de  sa  Icle.  En  assurant  que  le  pape 
est  la  bète  à  sept  tètes  de  l'Apocalypse , 
il  montre  que  Louis  XIV  est  la  bête  à 
dix  cornes  ,  comme  roi  de  France  et  de 
Navarre.  Il  trouve  dans  le  nom  Ludovi- 
cus  le  nombre  666,  dont  il  est  parlé  au 
verset  18  du  chap.  13.  Ce  nombre  y  est 
effectivement  selon  la  valeur  des  lettres 
romaines ,  et  c'est  ce  qu'il  y  a  de  vrai 
dans  le  Commentaire  de  Klesch. 

KLI^G.  J^oyez  CLING. 

*  RLL\GER  (  Frédébic-Maximilibn 
de),  né  à  Francforl-sur-le-Mein,  en  1753» 


KLI 


i56 


KLI 


résida  d'abord  à  Weimar ,  où  il  composa 
quelques  bluettes  dramatiques  ;  et  se  ren- 
dit ensuite  en  Russie ,  pour  y  tenter  la 
fortune.  Il  fut  nommé  ofUcier  en  1780 , 
et  parvint  de  grade  en  grade  à  celui  de 
lieutenant-général,  qu'il  occupait  lorsque 
la  mort  vint  le  surprendre ,  à  Saint-Pé- 
tersbourg, le  23  février  1831.  Ce  célèbre 
écrivain  a  pris  une  part  active  au  mou- 
vement qui  fut  imprimé  à  la  littérature 
allemande  il  y  a  environ  cinquante  ans. 
Klinger  débuta  par  un  drame  intitulé  : 
les  Jumeaux ,  écrit  dans  la  manière  de 
Shakespeare.  Il  publia  ensuite  plusieurs 
romans  :  |  Fie.  faits  et  gestes  et  descente 
de  Faust  aux  enfers  ;  \  Histoire  de  Giafar, 
le  Barmécide  ;  \  Histoire  de  Raphaël  de 
Jguilar;  \  Voyages  avant  le  déluge ;\  le 
Faust  de  l'Orient;  \  Histoire  d'un  alle- 
mand des  derniers  temps  ;\  L'homme  du 
monde  et  le  poète  ;  \  enfin.  Considérations 
et  pensées  sur  divers  sujets  de  inorale  et 
de  littérature.  Ses  œuvres  complètes  ont 
été  publiées  à  Kœnigsberg,  1819,  en  douze 
volumes. 

•  KLINGLm  (N...  le  baron  de),  né 
français ,  était  maréchal-de-camp  au  ser- 
vice de  France  ,  lorsque  la  révolution 
éclata.  M.  de  Bouille  le  chargea  en  partie 
des  détails  relatifs  au  départ  de  Louis  XVI 
pour  Varennes  au  mois  de  juin  4791.  La 
part  qu'il  prit  à  cet  événement  lui  valut 
les  honneurs  de  la  proscription  :  décrété 
d'accusation ,  il  alla  se  placer  dans  les 
rangs  des  émigrés  dont  il  commanda  un 
corps  l'année  suivante.  Nommé  général- 
major  au  service  de  l'empereur  d'Au- 
triche, il  fit  les  campagnes  du  Rhin  de 
1796  et  1797  :  un  de  ses  fomgons  qui  con- 
tenait la  correspondance  entre  le  prince 
de  Condé  et  Pichegiu  ,  fui  |)ri3  par  Mo- 
reau.  Les  lettres  publiées  ofliciellemeut 
compromirent  beaucoup  de  personnes, 
et  devinrent  la  base  de  l'accusation  qui 
fut  portée  contre  Pichegru  après  le  18 
fructidor  (4  septembre  1797  ).  Le  générai 
Klinglin,  qui  doit  toute  sa  célébrité  à  cet 
événement  fut  employé  en  1800  à  l'armée 
de  Brisgaw  et  est  mort  en  Autriche. 

♦RLINGSPOIIRE  (Mauiwce,  baron  de), 
feld-maréchal  suédois ,  fit  avec  honneur 
ses  premières  armes  en  France.  De  retour 
dans  sa  patrie  en  1788,  il  mérita  la  faveur 
des  rois  Gustave  III  et  Gustave  IV  ;  il  fut 
employé  dans  la  guerre  de  Finlande ,  et 
l'année  suivante,  il  fut  chargé,  après  le 
renvoi  du  général  Toll ,  du  commissa- 
riat général  et  des  approvisionnemensde 
l'armée.  Malgré  l'épuisement  du  pays,  il 


s'acquitta  de  celte  commission  avec  zèle 
et  intelligence ,  jusqu'à  la  paix  de  Wc' 
roelé.  En  1808.  le  roi  Gustave  IV  lui  con- 
fia le  commandement  en  chef  de  l'armée 
de  Finlande,  dans  la  funeste  guerre  qu'il 
venait  de  s'attirer  avec  la  Russie.  Le 
général  Klingsporre  défendit  pied  à  pied 
la  province  qui  lui  était  confiée  ,  contre 
une  armée  quatre  fois  plus  nombreuse 
que  la  sienne.  Ne  pouvant  se  mesurer  en 
bataille  rangée ,  il  se  contenta  de  harce- 
ler l'ennemi  dans  des  affaires  d'avant- 
postes.  Il  fit  brûler  la  flottille  des  lacs  qui 
se  trouvait  dans  les  ports  de  Saint-Michel 
et  de  Christine  ,  et  se  battit  avec  opiniâ- 
treté dans  les  défilés  de  Tawastéhus; 
mais  grâce  à  la  supériorité  du  nombre , 
les  Russes  s'emparèrent  de  Swartholin, 
de  Sweaborg,  d'Abo  et  de  presque  toutes 
les  places  de  la  Finlande.  L'intrépide 
Klingsporre  obtint  cependant  à  Sikojoki 
et  à  Kewolax  des  succès  inespérés ,  à  la 
suite  desquels  il  reprit  momentanément 
l'offensive.  La  fortune  ne  lui  sourit  pas 
long-temps  :  d'un  côté  les  troupes  étaient 
fatiguées  et  réduites  à  un  petit  nombre, 
de  l'autre  les  Russes  furent  renforcés  par 
une  armée  nouvelle  que  leur  amena  le 
général  Barclay  de  "Tolly.  Il  lui  fallut 
battre  en  retraite  :  le  désordre  se  mit 
dans  les  rangs  de  l'armée  ,  et  Klingsporra 
eut  beaucoup  do  diflicullé  à  réunir  quel- 
ques débris  du  corps  qu'il  commandait. 
La  Suède  se  trouvait  dans  un  état  de  com- 
bustion :  l'armée  de  l'Ouest  qui  avait  été 
opposée  aux  Danois  et  aux  Norwégiens 
venait  de  faire  un  armistice  et  marchait 
sur  Stockholm  pour  y  changer  le  gou- 
vernement. Dans  cette  conjoncture  il  ne 
restait  d'autre  moyen  de  salut  à  la  Suède 
que  de  conclure  la  paix.  Mais  Gustave  IV 
refusait  d'entendre  à  cet  égard  aucun 
conseil.  Le  15  février  1809,  il  avait  mérne 
défendu  de  laisser  entrer  personne  dans 
ses  appartemens  ;  le  maréchal  Klhigsporre 
suivi  de  deux  autres  officiers  généraux, 
osa  violer  la  consigne,  eut  un  court  en- 
tretien avec  le  roi ,  et  peu  d'inslans  après 
la  Suède  eut  un  nouveau  monarque  : 
Gustave  IV  avait  abdiqué.  Les  états  du 
royaume  donnèrent  la  couronne  au  duc 
de  Sudermanie  qui  prit  le  nom  de  Charles 
XIII  (  1809  ).  (  Voyez  CHARLES  XIII.  )  Le 
maréchal  Klingsporre  est  mort  en  1820 , 
dans  un  âge  très  avancé. 

RLli\GSTET  (Claude-Gustave),  pein- 
tre, né  en  1657  à  Riga  en  Livonie,  mort 
à  Paris  en  1734,  âgé  de  77  ans,  3'étail 
destiné  à  la  profession  des  armes    sans 


Kï.O  I 

ftégligerlestalens  qu'il  avait  pour  la  pein- 
ture, et  qu'il  eût  bien  fait  d'exercer  sur 
des  sujets  moins  libres  et  moins  offcn- 
sans  pour  les  mœurs.  Attaché  à  Pliilippe 
d'Orléans  régent  de  France,  il  voulut  que 
ses  tableaux  fussent  conformes  au  {joût 
dépravédesonprotecteur  et  de  cette  épo- 
que de  corruption.  On  ne  peut  point  dire 
qu'il  ail  eu  ,  dans  un  haut  deyré  ,  la  cor- 
rection du  dessin  et  le  yénie  de  l'inven- 
tion ;  cependant  plusieurs  des  morceaux 
de  sa  composition  sont  assez  bien  traités. 
Ses  ouvrages  sont ,  pour,  l'ordinaire ,  à 
l'encre  de  la  Chine.  Il  a  excellé  dans  la 
miniature  :  il  donnait  beaucoup  de  relief 
zt  de  caractère  à  ses  figures.  On  l'appelait 
le  Raphaël  des  Tabatières. 

KLOPPE\BURG  (Jea\).  royez  CLOP- 
PENBURG. 

•  KLOPSTOCK  (Frédéric-Gottlieb  ), 
un  des  plus  célèbres  poètes  de  l'Allema- 
gne ,  naquit  à  Quedlinbourg ,  le  2  juillet 
4724,  à  l'abbaye  de  ce  nom  où  son  père 
avait  un  emploi.  Le  jeune  Klopstock  qui 
était  l'aîné  de  dix  enfans ,  étudia  à  l'é- 
cole de  Pforla  près  de  Naumbourg,  et 
après  avoir  fréquenté  différentes  univer- 
sités de  l'Allemagne ,  il  fit  ses  cours  de 
théologie  à  léna  et  à  Leyde ,  puis  em- 
brassa l'état  ecclésiaslique.  Il  avait  de 
bonne  heure  révélé  son  génie  poétique 
par  des  odes  et  des  pastorales  pleines  de 
1  verve  et  d'harmonie.  Ce  fut  durant  le 
cours  de  ses  éludes  théologlcjucs  qu'il 
conçut  le  projet  de  donner  à  l'Allemagne 
un  poème  épique,  et  le  Messie  fut  le  sujet 
qu'il  choisit  pour  celte  composition  qui 
devint  dès  lors  l'objet  exclusif  de  ses 
méditations,  et  dont  il  termina  les  trois 
premiers  chants  à  Leipsick.  Il  les  com- 
muniqua à  quelques-uns  de  ses  amis 
qui  les  livrèrent  au  public  dans  des  re- 
cueils périodiques  de  Brème  et  de  Halle 
en  1748,  et  ce'.te  publication  fit  en  Allema- 
gne la  plus  vive  sensation.Appelé  à  Zurich 
par  Bodmer,  Breilinger  et  Gessner ,  qui 
avaient  formé  dans  cette  ville  une  réunion 
littéraire,  il  y  séjourna,  chez  le  premier 
de  ces  trois  écrivains,  pendant  neuf  mois. 
Il  retourna  ensuite  dans  sa  patrie  ,et  reçut 
de  Frédéric  roi  de  Danemarck  l'invitation 
de  se  rendre  à  Copenhague,  où  une  pension 
de  2,000  francs  lui  était  assurée  (  1751  )  : 
il  devait  cette  faveur  au  comte  de  Berns- 
torff ,  ambassadeur  danois  près  la  cour  du 
France,  qui  avait  lu  avec  admiration  les 
premiers  chants  de  la  Messiado ,  et  qui 
en  recommanda  l'auteur  à  son  souverain. 
Lorsque  ce  ministre  fut  disgracié,  Klops- 


37  KLO 

tock  se  retira  à  Hambourg  qu'il  ne  quitta 
plus  que  pour  faire  quelques  excursions 
auprès  du  landgrave  de  Hesse  qui  lui 
avait  fait  aussi  une  pension.  Pendant  son 
séjour  en  Danemarck,  Klopstock  conti- 
nua la  Messiade .  el  les  dix  premiers 
chants  furent  iiriprimés  en  1755  aux  frais 
du  roi.  La  muse  lyrique  lui  inspira  sou- 
vent aussi  plus  d'un  chant  sublime ,  et 
plusieurs  critiques  ont  placé  ses  odes  au- 
dessus  de  son  épopée.  Il  adopta  avec  pas- 
sion les  principes  de  la  révolution  de 
France,  et  ses  chants  patriotiques  lui  va- 
lurent le  titre  de  citoyen  français  dont 
le  diplôme  lui  fut  envoyé  par  l'assem- 
blée Constituante;  mais,  lorsqu'il  villes 
crimes  que  l'on  commettait  au  nom  de  la 
liberté,  et  qu'il  apprit  les  massacres  des  2 
et  3  septembre,  il  renvoya  ce  diplôme  à 
la  Convention.  Il  consacra  une  ode  inti- 
tulée les  Deux  Tombeaux^  à  la  mémoire 
du  duc  de  Larochefoucault  assassiné  à 
Gisors  et  de  Charlotte  Corday  :  il  voua 
Marat  à  l'exécration  publique  el  se  dé 
chaîna  contre  la  révolution.  Les  moeur» 
de  Klopstock  étaient  douces  et  pures  :  il 
possédait  toutes  les  vertus  qui  honorent 
le  talent ,  sans  avoir  aucun  des  défauts 
qui  déparent  souvent  l'homme  de  lettres. 
Il  est  mort  le  15  mars  1805  ,  vivement  re- 
grellé  par  les  habitans  de  Hambourg,  qui 
célébrèrent  ses  funérailles  avec  une  ma- 
gnificence extraordinaire.  La  ville  d' Al- 
loua s'associa  d'une  manière  solennelle 
aux  regrets  universels  qui  éclatèrent  à  sa 
mort.  La  Messiade  est  dans  toutes  les  bi- 
bliothèques. Le  choix  du  sujet,  la  manière 
neuve  et  brillante  avec  laffirelle  il  a  été 
traité,  la  beauté  des  images,  la  profon- 
deur des  pensées ,  un  style  soutenu  et 
souvent  sublime ,  ont  assigné  à  Klopstock 
un  rang  honorable  parmi  les  plus  grands 
poètes  épiques.  Le  sentiment  leltçieux  se 
montre  partout  exalté  et  profond  dans 
cet  ouvrage,  qui  esi  loin  toutefois  d'être 
sans  défaut.  On  remarque  surtout  dans  la 
seconde  partie  de  la  Messiade  un  mor- 
ceau sur  la  mort  de  Marte  sœur  de  Mar- 
the  et  de  Lazare  :  c'est  le  tableau  da 
la  mort  du  juste  :  Klopstock ,  avant  d'ex- 
pirer, récitait  ce  passage  d'une  voix  fai- 
ble ,  afin  de  s'exhorter  à  bien  mourir.  La 
traduction  la  plus  récente  de  ce  poème 
est  celle  de  M.  J.  d'Horrer,  Paris,  1825- 
1826,  3  vol.  in-8''.  Outre  ce  poème  qui 
avait  coûté  à  son  auteur  vingt  années  de 
travail,  et  ses  odes  qui  lui  ont  mérité  le 
surnom  de  Pindare  de  V Mlemagne , 
Klopstock   composa  quelques  tragédie» 


RLO 


138 


KLO 


qui  eurent  du  succès.  Voici  la  liste  do 
ses  principales  productions  :  |  la  Mes- 
stade,  poème  en  20  chants,  Halle,  1769, 
4  vol.  in-S**;  Altona,  1780,  traduite  en 
français;  Aix-la-Chapelle,  i801,  5  vol. 
in-8";  |  plusieurs  Poèmes  et  poésies  lyri- 
ques. Hambourg,  1798;  |  des  Tragédies, 
parmi  lesquelles  on  remarque  la  Mort 
d'Adam,  traduite  dans  presque  toutes 
les  langues  de  l'Europe ,  et  dont  il  existe 
deux  traductions  en  français ,  celle  de 
l'abbé  Roman ,  avec  un  discours  prélimi- 
naire, Paris,  1762,  in-12;  et  celle  de 
l'abbé  de  Sl.-Etner,  ibid.,  1770 ,  in-8",  les 
Dardits ,  c'est  le  titre  de  trois  pièces, 
dont  le  héros  est  le  célèbre  Jrminius  ou 
Hermann.  et  qui  sont  d'un  genre  tout-à- 
fait  nouveau;  |  Salom.on,  David,  etc.  Les 
tragédies  de  Klspstock  sont  les  plus  ré- 
gulières du  théâtre  allemand  ,  et  se  dis- 
tinguent par  le  style,  par  le  plan,  par 
des  senlimens  énergiques,  et  une  ex- 
trême sensibilité.  |  Aa  république  des  let- 
tres allemandes,  1774;  |  Traité  sur  l'or- 
thographe allemande ,  1778;  |  Fragmcns 
sur  la  langue  et  la  poésie.  1779;  j  des  Dia- 
logues grammaticaux  .  1794  ;  |  Discours 
sur  la  langue  allemande.  Klopslock  avait 
enrichi  plusieurs  Journaux  et  recueils 
périodiques  d'articles  intéressans.  Ses 
OEuvres  ont  été  publiées  à  Leipsick ,  1799, 
1809,  7  vol.  in-4".  Goeschen,  éditeur  de 
celte  belle  collection,  en  a  publié  une 
autre  qui  est  aussi  très  estimée  en  10  vo- 
lumes in-8'  de  1798  à  1806.  Pour  plus  de 
détails  bibliographiques,  on  peut  con- 
sulter le  Dictionnaire  de  C.  //.  Joerdens. 
ainsi  que  V Allemagne  littéraire  de  Meu- 
sel  :  ou  peut  aussi  recourir  au  Dictionnaire 
bibliographique  d'Elbcr  t,  pour  l'indication 
des  diverses  versions  qui  ont  été  faites  des 
productions  de  ce  grand  poète.  Klopslock 
fut  nommé  en  1802  associé  étranger  de 
J'insiilul  de  France ,  et  M.  Dacier  a  lu  son 
Eloge  dans  la  séance  publique  du  22  mars 
180o  :  voyez  le  Magasin  encyclopédique, 
1803,' tome  2,  page  358.  M.  Ohnmacht, 
auii  de  Klopslock  et  statuaire  habile  de 
Strasbourg,  a  fait  le  buste  de  ce  poète. 
—  Klopslock ,  en  allant  à  Copenhague  en 
1751 ,  lil  à  Brunswick  la  connaissance  de 
!^I/\RGUEitiXE  MOLLER,  femme  spirituelle 
»  t  aimable  ,  plus  connue  sous  le  nom  de 
META ,  qu'il  épousa  en  1754  ,  et  qu'il  a  si 
souvent  célébrée  dans  ses  chants,  sous 
le  nom  poétique  de  Cidli.  Elle  est  morte 
en  1758.  laissant  diverses  compositions 
cfue  Klopslock  a  publiées  sur  le  titre 
à^  Œuvres  posthumes  de  Marguerite  Klop- 


slock :  on  y  dislingue  des  Lettres  de  morti 
à  des  vivons .  et  une  Tragédie  de  la 
mort  d'Abel;  il  y  a  joint  quelques  lettres 
adressées  par  lui  à  la  défunte,  et  une  /Vb- 
tice  SUT  la  vie  de  cette  fenune,  qu'il  a 
tendrement  aimée. 

•  RLOTZ  (  Chrétien-Adolphe  ) ,  litté- 
raleur  allemand  ,  naquit  à  Bischofswerda 
le  1?  novembre  1738,  d'un  ministre  protes- 
tant, auteur  de  trois  Dissertations  latines 
très  estimées ,  sur  Tyron ,  affranchi  de 
Cicéron.  Dès  1  âge  de  sept  ans  il  montra 
pour  l'étude  de  grandes  dispositions,  que 
son  père  s'empressa  de  cultiver.  Il  apprit 
les  premiers  éléiiumsdes  lettres  à  Meissen 
et  à  Gorlitz,  et  se  rendit  ensuite  à  Leipsick, 
où  il  suivit  peu  les  leçons  publiques,  trou- 
vant mieux  son  compte  à  s'instruire  lui- 
même  dans  les  meilleurs  livres.  Son  père, 
qui  vivait  dans  l'aisance  ,  lui  fournissait 
le  m  oyen  de  se  livrer  tranquillement  à  lé- 
tude  :  le  jeune  Klotx  fil  de  rapides  progrès. 
II  quitta  Leipsick  et  se  rendit  à  léna ,  où  il 
était  avantageusement  coiuiu  ])arde  nom- 
breux écrits  qu'il  a\  ait  publiés  depuis  l'âge 
de  dix-neuf  ans.  Cédant  aux  instances  de 
plusieurs  littérateurs,  il  ouvrit  une  école, 
où  il  commença  par  expliquer  Horace 
avec  beaucoup  de  succès.  Kloli  était  versé 
dans  plusieurs  sciences  et  possédait  les 
langues  savantes.  Le  roi  d'Angleterre  te 
nomma  professeur  de  pbilosoplnieà  l'uni-, 
versité  de  Gollingue.  liienlôt  après  le 
prince  de  Darmstadl  et  le  général  Quintus 
Icilius  (  roijez  GUISCHAUDT).  au  nom 
du  roi  de  Prusse,  lui  offrirent  en  même 
temps,  le  premier,  la  chaire  des  langues 
orientales  à  l'université  de  Giessen;  et  le 
second  .  celle  d'éloquence  à  l'université  de 
Halle.  Klolz  préféra  pour  lors  rester  à  Got- 
tingue ,  d'aulant  plus  qu'on  lui  conféra  le, 
titre  de  professeur  honoraire,  et  qu'on  aug-j 
menla  ses  appoinlemens-  Mais,  invité  do 
nouveau  par  Frédéric  II ,  il  se  rendit  à 
l'université  de  Halle,  pour  y  professoi 
l'éloquence,  et  y  reçut  le  titre  de  conseiller 
aulique.  Sa  réputation  s'étendait  de  jour 
en  jour,  et  le  roi  de  Polo^jne .  Slanislas- 
Auguste  !I ,  devant  établir  une  académie 
pour  la  jeune  noblesse,  l'appela  à  Varso- 
vie, en  lui  offrant  une  pension  de  douze 
cents  thalers  et  le  litre  de  conseiller.  Fré- 
déric, voulant  conserver  dans  ses  états 
un  honuTie  d'un  tel  mérite ,  augmenta  les 
appoinlemens  de  Klotz  et  le  nomma  son 
conseiller  inlime.  Le  roi  de  Pologne  ren- 
chérit alors  sur  les  honneurs  et  sur  les 
appoinlemens  pour  gagner  ce  dernier; 
mais  la  reconnaissance  le  retint  à  Halle, 


I 


KLO  iô 

OQ  il  travaillait ,  ca  outre,  à  plusieurs  ou- 
vrages iinporlans.  Quoiqu'il  fût  un  peu 
irascible  et  piquant  dans  ses  écrits ,  Klotz 
était  d'un  caractère  jovial  et  généreux. 
Tout  à  coup ,  et  lorsqu'il  eut  atteint  sa 
quarantième  année,  il  devint  triste  et 
avare,  sans  qu'on  pût  en  deviner  d'abord 
la  cause  :  mais  on  ne  tarda  guère  à  recon- 
naître, dans  ce  cliangemenl,  les  syinplô- 
nics  d'une  maladie  séreuse  qui  menaçait 
ses  jours.  Klotz  ,  dans  son  lit  de  douleur, 
sentant  sa  tin  a[)pr()cber,  pria  son  ami 
Mangelsdorf  de  lui  lire  le  Phédon  de  Men- 
delssohn,  où  il  est  tiaiié  de  l'immortalité 
de  l'âme.  Klot/-  intenompil  la  lecture,  et 
coumiença  à  disculei  avec  son  ami  sur 
différens  passages  du  livre  de  Aiendels- 
sohn,  puis  s'écria  :«  Ces  discussions  ne 
»  prouvent  rien  ;  la  religion  nous  donnera 
»  de  plus  forts  argumens.  »  Il  lit  appe- 
ler un  ministre,  dans  les  bras  duquel  il 
mourut,  le  51  décembre  1771,  à  l'âge  de  iô 
ans.  L'assiduité  de  Klotz  au  IravaH  était 
extraordinaire,  ainsi  qu'on  le  voit  par 
les  nombreux  ouvrages  qu'il  a  publiés 
dans  une  aussi  courte  carrière,  et  dans  l'es- 
pace de  douze  ans.  Nous  nous  bornerons  à 
indiquer  les  suivans  ;  ]  La  Ruine  de  Zil- 
taUj  en  vers  latins,  1738;  |  une  Disser- 
tation pour  la  défense  du  caractère  de 
Cicéron ,  contre  Dion,  Cassius  et  Plutar- 
que;  |  une  Lettre  sur  Homère  ,  dans  la- 
quelle il  suppose  que  nous  n'avons  du 
poète  grec  qu'une  édition  corrigée  et  mu- 
tilée par  Cynethus  de  Chio.  Cependant 
les  preuves  dont  l'auteur  appuie  ses  con- 
jectures ne  paraissent  pas  très  convain- 
cantes ;  I  Les  Mœurs  des  érudits  ;  |  Le 
Génie  du  siècle  ;  \  les  Ridicules  littéraires. 
Ces  trois  ouvrages  satiriques,  publiés  de 
1761  à  17(52,  suscitèrent  à  Klotz  un  grand 
nombre  d'ennemis;  |  un  Discours  pro- 
noncé dans  la  société  latine  de  léna ,  et 
où  il  défend  la  latinité  de  Juste-Lipse, 
1761  ;  I  Remarques  sur  les  Caractères  de 
Théophraste .  1761.  Cet  ouvrage ,  critiqué 
par  Fischer,  excitaentre  ces  deux  auteurs 
des  discussions  d'autant  plus  vives,  que 
Klotz,  naturellement  caustique,  avait 
blessé  l'amour-propre  de  Fischer  par  des 
articles  satiriques  insérés  dans  des  jour- 
naux auxquels  il  travaillait.il  indisposa 
également  contre  lui  et  par  le  même  motif 
le  savant  Burmann ,  non  moins  irascible 
que  Klotz,  et  une  discussion  polémique 
s'établit  entre  eux,  pendant  laquelle  Klotz 
publia  son  :  |  Jntiburmanus  ^  léna  et 
Utrecht,  1761,  et  auquel  Burmann  riposta 
par  son  Antildotsias.  |  Dissertation  sur 


9  RLU 

l'heureuse  hardiesse  d'Horace,  1762,  réim- 
primée dans  le  Classical  Journal,  t.  {7> , 
Londres,  18 17;  |  f-'indiciœ  horatiancc . 
contre  le  père  Hardouin  ,  1764  ;  nouvel. e 
édition,  corrigée,  augmentée,  et  sous  le 
titre  de  Lectiones  Venusinœ ,  1770  , 
\Fra(jmens de  Tyi-fée .  i76k,  accompagnés 
d'un  commentaire  justement  crLliqtié 
co:nme  prolixe.  Cet  ouvrage  a  été  réim- 
primé en  1767  ;  ]  Opuscule  varia  argu- 
menti ,  contenant  divers  morceaux  acadé» 
miques,  et  entre  autres  des  Programme» 
sur  les  défauts  de  Sénèque  le  tragique, 
sur  le  style  d'Isocrate,  sur  le  clinquant  da 
Tasse,  contre  Boileau,  sur  l'interprétation 
des  poètes  anciens,  sur  le  vrai  caractère 
de  l'histoire  littéraire,  sur  le  génie  de 
Callimaque  ,  etc.  |  un  Traité  sur  la  nu- 
mismatique ^  3  petits  volumes.  Le  pre- 
mier est  un  supplément  à  la  Jurispru- 
dentia  numismatica  deHonuuel.  Le  deu- 
xième contient  l'histoire  des  médailles  ob- 
sidioiiales;  letroisièuïe,  celle  des  médailles 
satiriques.  |  Miscellanea  critica,  etc.  Il 
fut ,  en  outre  ,  un  des  rédacteurs  du  jour- 
nal périodique  intitulé  Jeta  litleraria  , 
et  des  journaux  de  lena  et  de  Leipsick. 
Klotz  écrivait  avec  beaucoup  de  facilité; 
son  style  était  correct  et  élégant;  mais  il 
se  livrait  un  peu  trop  souvent  à  ce  genre 
satirique  qui  dégrade  parfois  le  plus  beau 
talent,  et  lui  fait  des  ennemis  irréconci- 
liables. 

KLOTZîUS  (  Etienxe  ),  théologien  lu- 
thérien ,  né  à  Lipsladt  en  1606,  gouverna 
en  qualité  de  suriniendant-général,  les 
églises  des  duchés  de  Sleswick  et  de  Hols- 
tein,  et  eut  beaucoup  de  crédit  auprès  de 
Frédéric  III,  roi  de  Danemarck.  Il  mourut 
à  Flonsbourg  en  1668.  On  a  de  lui  plu- 
sieurs ouvrages  de  théologie  et  de  méta- 
physique, peu  connus ,  entre  autres  Pneu- 
matica,  seu  Theologia  naturalis  de  Deo, 
1640,  in-8°;  \De  doloribus  animœ  Christi 
in  horto  et  in  cruce  ;  De  sudore  Christi , 
1750 ,  in-i". 

*  KLL'IT  (  Adhien  ),  historien  et  pu- 
bliciste  hollandais,  naquit  le  9  février 
1753,  àDordrecht,  fit  ses  premières  étu- 
des dans  cette  ville ,  et  passa  ensuite  à 
Utrecht,  pour  y  apprendre  la  médecine. 
Bientôt  son  goût  pour  l'histoire  et  la  lit- 
térature donna  à  ses  travaux  une  autre 
direction.  En  peu  d'années,  il  devint  pro- 
fondément instruit  dans  la  philologie  hol- 
landaise ,  dans  l'histoire  ,  la  critique  sa- 
crée ,  la  diplomatie,  la  langue  grecque, 
et  même  la  poésie.  Dans  sa  première  jeu- 
nesse, il  publia  des   ouvrages  eu   vers 


KLtJ  l/tO 

Lullandais,  qui  eurentTseaucoup  de  vo{jue. 
Il  avait  eu  pour  maître  deux  des  plus  sa- 
\ans  hommes  de  l'Europe ,  Weselirij; ,  et 
Saxius.  A  peine  eul-il  terminé  ses  études, 
qu'il  fut  nomnjé  précepteur  et  recteur, 
d'abord  à  Rotterdam,  et  puis  à  la  Haye, 
à  Alckmaër,  à  Leeuwarden ,  à  Middel- 
bourg ,  dans  les  écoles  dites   Latines.  A 
Middelbour{j,  il  obtint,  outre  les  titres 
déjà  cités,  celui  de  lecteur  en  éloquence 
et  en  langue  grecque.  Enfin,  en  1776,  il 
fut  décoré  d'un  titre,  olijet  de  ra\nbilion 
de  tous  les  sa  vans  hollandais,  celui  de  pro- 
fesseur, considéré  bien  au-dessus  de  tous 
les  autres  titres  littéraires.  II  rangea  dans 
un  ordre  exact  les   aichives  de  5liddel- 
bourg  ,  et  y  puisa  de  précieux  documens 
pour  ses  ouvrages  historiques.  En  1779, 
il   fut   nommé  professeur    d'archéologie 
hollandaise  et   d'histoire  diplomatique  à 
l'université  de  Leyde,  où  il  se  lixa  défl- 
nitivement.  Il  ouvrit  ses  leçons  par  un 
Discours  sur  le  droit  qu'avaient  eu  les 
Hollandais  d'abjurer  la  domination  de 
Philippe   II,   leur  légitime  souverain  et 
maître.  Dans  ce  discours  ,  l'auteur  aurait 
dû  retrancher  du  moins  le  mot  légitime , 
puisqu'il  prenait  la  défense  de  la  rébellion. 
Nous  n'examinerons  pas,  de  notre  côté, 
les  droits  que  pouvait  avoir  un  souverain 
pour  punir  des    sujets   rebelles;  mais, 
quoi  qu'il  en  soit,  le  but  de  Philippe  n'é- 
tait que  de  combattre  les  fausses  doctrines 
propagées  dans  la  Hollande  ,  et  de  main- 
tenir les  habitans  dans  la  religion  de  leurs 
pères.  Kluil  publia,  à  des  époques  diffé- 
rentes ,    1785 ,    179Ô  et  1794 ,  trois   écrits 
diamétralement  opposés  aux  opinions  qui 
régnaient  alors  sur  la  liberté  et  C indépen- 
dance des  peuples ,  et  ces  écrits  lui  tirent 
perdre  sa  chaire  ça  1795.   Le  courageux 
écrivain  souffrit  patiemment  sa  disgrâce, 
et  se  borna  à  donner  des  leçons  particu- 
lières jusqu'en  1802,  époque  à  laquelle  on 
lui  rendit  son  litre  de  professeur.  Quatre 
ans  après  (180(5)  on  créa  pour  lui  une  chaire 
de  statistique  du  royaume  de  Hollande, 
soumis  alors  à  Louis  Bonaparte ,  frère  de 
Napoléon.   Kluit,   généralement  estimé, 
jouissait  d'une   vie  douce  et  tranquille , 
lorsqu'un  funeste  accident  vint  terminer 
ses  jours ,  et  répandre  le  deuil  sur  toute 
la  ville  de  Leyde.  Un  bateau   chargé  de 
poudre  fut  amarré  au  quai  près  de  la 
maison  de  Kluit. Vers  le  soir  du  12  janvier 
1807 ,  ce  bateau  fit  une  explosion  terrible, 
renversa  de  fond  en  comble  la  maison  de 
Kluit,  sous  les  ruines  de  laquelle  celui-ci 
fot  enseveli  avec  sa  femme.  Lt-s  cadavres 


KLU 

mutilés  des  deux  époux  nft  purent  élrc 
retirés  que  cinq  jours  après ,  et  furent 
mis  dans  la  même  tombe.  Kluit  avait  alors 
soixante-onze  ans.  Il  laissa  un  fds  unique 
directeur  de  la  posteaux  lettres,  à  Leyde, 
et  qui  n'a  pu  retrouver  que  des  fragmens 
presque  inutiles  de  la  bibliothèque,  des 
recueils  et  des  manuscrits  de  son  malheu- 
reux père,  dont  nous  allons  citer  les  prin- 
cipaux ouvrages  :  |  Vindiciœ  articuli ,  ô, 
v],  To,  m  novo  Testamento  .  en  5  parties; 
Ulrecht,  1708,  1771;  |  Traité  sur  les  IQ 
semaines  de  Daniel,  avec  le  titre  de  yati- 
cinium  de  Messia  duce  priniarium.  Mid- 
delbourg,  1771,  in-8"  ;  |  Historia  critica  co- 
7nitatûs  Ilollandiœ  et  Zelandice.  ib.,  1777, 
1782,  2  toin.  in-4";  |  Réfuiationde l'ouvraga 
de  Bent ,  sur  les  antiquités  hollandaises; 
I  Economie  politique  de  la  Hollande,  y 
compris  ses  colonies  ;  \  Histoire  de  l'ad- 
ministration politique  de  la  Hollande  juS' 
qu'en  1795 ,  Amsterdam ,  1802-1805 ,  5  vol. 
in-8".  Cet  ouvrage  est  considéré  comme 
le  chef-d'œuvre  de  Kluit;  |  plusieurs  Z)/*- 
cours  académiques,  tels  que  :  pro  impe- 
ratore  Juliano  apostata;  Pro  Mythica; 
De  superstitiosissimo  atque  pemiciosissi- 
mo  in  templis  et  urbibus  sepetiendi  ritu  ; 
De  eo  quod  nimium  est  in  studio j'uris  pu- 
blici  universalis.  sive  dedamnis  exabusu 
j'uris  publici  universalis  in  omnem  socie- 
tatemredundantifjus .e[c.',\  des  Opuscules^ 
des  Traités  élémentaires  ^  des  Mémoires 
insérés  dans  les  OEuvres  de  la  société  de 
philologie  hollandaise ,  et  dans  d'autres 
recueils  .  soit  pour  ses  cours  ,  soit  relati- 
vement à  l'iiistoire  ou  la  statistique  de  la 
Hollande,  etc.  ;  |des  Thèses tX  des  Disser- 
tations, au  nombre  de  seize ,  écrites  en 
hollandais;  |  La  souveraineté  des  Etats 
de  Hollande,  maintenue  contre  la  mo- 
derne doctrine  de  la  souveraineté  du  peu- 
ple,  1785  ;  I  Les  droits  de  l'homme  consa- 
crés par  la  constitution  hollandaise. 
1793;  I  Coup  d'œil  sur  la  guerre  avec  l'An- 
gleterre et  sur  les  intérêts  du  peuple  hol- 
landais, 179/t.  Ce  furent  ces  trois  écrits 
qui  firent  perdre  à  l'auteur  la  chaire  dans 
laquelle  il  fut  ensuiie  réintégré. 

*  KLUK  (l'abbé  CnRisTOPUE),  célèbre 
naturaliste  polonais  ,  né  en  1739 ,  à  Ciec- 
hanowiec  dans  le  palatinat  de  Podlaquie , 
se  voua  de  bonne  heure  à  l'état  ecclésias- 
tique et  fut  nommé  successivement  cha- 
pelain chez  Ossolinski ,  prévôt  de  sa  ville 
natale  ,  doyen  de  Drohyczim ,  enfin  cha- 
noine de  Kruschwitz.  Il  est  mort  en 
1796 ,  laissant  les  ouvrages  suivans  :  |  Dés 
plantes  utiles  et  particulièrement  indi- 


KNE 


m 


K\0 


çèngs  dont  on  peut  faire  uaage  et  de  la 
manière  de  les  tnuftiplixr yai:'(y\  ic ,  1778- 
4780,  3  vol.;  |  La  botanique  à  l'usage 
des  ccotes  nationales,  avec  li{;ures ,  1785  ; 
cet  ouvrage  écrit  d'après  le  plan  du  doc- 
teur Cz.empitiski,  devint  classique;  |  Dic- 
tionnaire des  plantes  selon  Linnée  ,  Var- 
sovie, 1788,  5  vol.;  [  Histoire  naturelle 
des  animaux  domestiques  et  sauvages  . 
particulièrement  de  ceux  de  ta  Pologne . 
Varsovie,  1779-1780.  k  vol.;  |  un  trailé 
intitulé  :  Des  7ninéraux.2  vol.,  Varsovie , 
1781.  L'abbé  Kluk,  infatigable  dans  ses  re- 
cherclies,  avail  parcouru  toute  la  Polo- 
gne dans  les  intérêts  de  la  science  ,  el  ses 
ouvrages,  qui  sont  devenus  populaires, 
attestent  les  connaissances  les  plus  éten- 
dues en  histoire  naturelle  ,  en  même 
temps  qu'ils  portent  l'ejnpreinte  de  l'ori- 
ginalité. Voici  comment  le  savant  luud- 
zill,  son  illustre  compatriote,  abbé  comme 
lui  et  naturaliste,  s'est  exprime  à  son  su- 
jet :  «  A  l'époque  où  le  célèbre  Gilibert , 
»  précédé  d'une  grande-  renommée  ,  fut 
»  appelé  en  Pologne  pour  organiser  l'en- 
j>  seignement  des  sciences  naturelles  dans 
»  l'académie  de  Wilna ,  le  modeste  et  sa- 
j>  vant  naturaliste  Kluk,  dans  sa  paisible 
»  retraite,  composait  des  ouvrages  d'une 
»  utilité  générale,  restant  ainsi  long-temps 
»  inconnu  au  public,  alin  de  lui  devenir 
»  plus  utile  un  jour.  »  Une  partie  de  ses 
écrits  qui  traitent  des  abeilles  a  été  tra- 
duite du  polonais  en  langue  samo^jiHenne 
et  lithuanienne,  er.  18ti5,  à  Wilna,  par 
Cyprien-Joseph  Nie/.abilowski,  chanoine 
de  Minsk  et  curé  de  Wielona  en  Lilbuanie. 
Il  a  paru  une  nouvelle  édition  du  Dic- 
tionnaire des  plantes  de  Kluk ,  corrigée 
et  considérablement  augmentée  par  le 
docteur  Dziarkowski  el  le  pharmacien 
Siennicki,  Varsovie,  1823-1825,  k  vol. 
in-8°. 

KîVAEP  (Jeax).  rogez  SERVILIUS. 

KNELLEU  (  GoDEFROY  )  ,  excellent 
peintre  dans  le  i;orlrait,  naquit  à  Lubeck 
en  1648.  Après  s'être  appliqué  quelque 
temps  aux  tableaux  d'histoire  ,  il  se  livra 
tout  entier  au  portrait ,  et  passa  en  An- 
gleterre ,  où  il  fui  comblé  de  biens  el 
d'honneurs.  Il  y  devint  premier  peintre 
de  Cnarles  II.  de  Jacques  II,  de  Guillaume, 
delà  reine  Anne,  qui  lui  témoignèrent  la 
plus  grande  bienveillance.  Il  fut  créé  che- 
valier par  le  roi  Guillaume  III,  et  enlin 
nommé  baroimet.  Il  mourut  à  Londres  au 
moisd'octobre  172r),  et  non  en  1726.comme 
ont  dit  plusieurs  biographes  :  cette  date  est 
confirmée  par  l'épilaphe  que  Pope,  son 


ami,  fit  graver  sur  le  toiTi,beau  qu'on 
lui  éleva  dans  l'abbaye  de  Westminster. 
La  louche  de  îCneller  est  ferme  sans  être 
dure.  On  a  grave  d'après  co  mailre.  Knel- 
1er  lit  les  portraits  de  presque  tous  les 
souverains  de  l'Europe  ,  et  vint  à  Pari? 
pour  faire  celui  de  Louis  XIV. —  Son  frère 
Zacuahie  se  distingua  dans  la  peinture  à 
fresque  ,  et  par  son  talent  à  représenter 
les  monumcns  anciens. 

*  Ki\OUR  (  GEORfiES- Wolfgang),  gra- 
veur allemand  ,  naijuità  Nuremberg  le  30 
décembre  1705,  el  mourut  le  I7septembre 
17GI.  Il  cultiva  aussi  la  peinture  et  pei- 
gnit quelques  paysages.  Il  a  publié  plu- 
sieurs ncueils  qui  ont  été  traduits  en 
fiançais  et  recherchés  pour  la  beauté  des 
gravures  :  |  Thésaurus  rei  herbarice  hor- 
tensisque  universafis,  etc.,  Nuremberg, 
1750,  in-fol. .  avec  501  planches  enlumi- 
nées; I  Recueil  des  monumcns  des  ca- 
tastrophes que  le  globe  de  la  terre  a  es- 
suyées ,  contenant  des  pétrifications  et 
d'autres  pièces  curieuses ,  Nuremberg, 
1708-78,  5  touu-sen  5  vol.  in-fol. ,  figures 
coloriées;  |  Les  délices  d'S  yeux  et  de 
l'esprit  ,o\x  collection  des  différentes  es- 
pèces lie  coquillages  que  la  mer  renferme, 
1700-73,6  part,  en  5  vol.  in-i",  fig.  color.  ; 
I  Délices  physiques  choisies,  ou  Choix  de 
tout  ce  que  les  trois  règnes  de  la  nature 
renferment  de  plus  digne  des  recherches 
d'un  amateur  curieux  ^  1766-67,  2  vol. 
in-fol.   fig.    color. 

RxNOUIlde  ROSENROTH  (Cdristian), 
savant  allemand  du  17'  siècle,  néàAll- 
Rauteu,  près  de  Liegnitz  en  1656,  est 
connu  principalement  par  un  ouvragu 
qu'on  lui  attribue,  et  qui  a  pour  titre  : 
Kabbala  denudata.  L'auteur  a  approfondi 
el  l'on  peut  dire  épuisé  la  matière  qu'il 
traite.  Parmi  les  rêveries,  les  folies  et  les 
chimères  qu'il  discute,  on  trouve  d'excel- 
lenles  recherches  sur  la  philosophie  des 
Hébreux ,  et  surtout  des  rabbins.  Cet  ou- 
vrage est  en  5  vol.  in-i".  Les  2  premiers 
furent  imprimés  à  Sulzbach  en  1677  ,  le  5* 
à  Francfort  en  1684  :  ce  dernier  vol.  est 
peu  commun.  Knorr  mourut  en  1689 ,  à 
55  ans. 

K\OTT.  dont  le  vrai  nom  est  Matiiias 
WIL.SON  (Edouard),  jésuite  anglais,  natif 
du  Northumberland,  en  1580,  auteur  d'un 
livre  sur  la  hiérarchie  ,  censuré  par  le 
clergé  de  France  ei  par  la  Sorbonne.  Ce 
livre,  intitulé  :  Modestes  et  courtes  dis- 
cussions de  quelques  propositions  du  doc- 
leur  Kellisson  par  Nicolas  Smith ,  in-12, 
Anvers,  1631,  est  aftjourd'hui   parfaite- 


KNd  H2 

ment  ignoré ,  ainsi  que  ses  livres  de  coa- 
Iroverse,  Knott  mourut  en  16y6. 

KNOX  (Jean  ).  fameux  ministre  écos- 
sais, un  des  principaux  Imulofcux  du  cal- 
vinisme el  du  preslJyU'rianismcen  Ecosse, 
naquit  à  Gifford  (  Lolliiati  oriimlal  ) ,  en 
<o05,  et  fut  d'abord  cliapelain  d'Edouard 
VI.  Chassé,  à  la  iiiorl  de  ce  prince,  par 
les  catholiques,  il  se  retira  à  Genève,  où 
il  aida  puissamment  Calvin.  De  retour 
dans  son  i)ays ,  où  il  fut  rappelé  par  les 
chefs  du  parti  prolestant  qui  j)renail  cha- 
que jour  de  nouvelles  forces ,  il  seconda 
le  comte  de  Murrai  (  vouez  ce  nom  )dans 
pcs  attentais  ,  ou  plutôt  il  l'y  prépara.  Le 
clergé  catholique  d'Ecosse  le  cita  deux  fois 
devant  son  tribunal  à  Edimbourg.  Ayant 
refusé  d'y  comparaître  et  s'étanl  réfut;ié 
de  nouveau  à  Genève  ,  il  fut  brûlé  en  ef- 
figie. C'était  un  moine  apostat,  accusé 
par  plusieurs  historiens  d'un  commerce 
infâme  avec  sa  belle-mère,  avec  une  mul- 
titude de  dévotes  abusées ,  et  accusé 
même  des  plus  abominables  pratiques  de 
la  magie.  Poussé  par  la  fureur  qu'inspire 
uneconscienccbourrelée parles  crimes  et 
les  rcniords,ilcomnuiniqua  sa  frénésie  aux 
peuples  et  aux  nobles,  qu'il  entraînait  à 
.sa  suite  par  ses  prêches  forcenés  et  ses 
calomnieux  blasphèmes.  Il  renversa  les 
églises  et  les  monastères ,  chassa  les  pré- 
Ires  et  les  évéques,  pilla  les  biens  consa- 
crés à  Dieu ,  et  commit  contre  les  catholi- 
ques et  les  choses  les  plus  saintes  les  pro- 
fanations et  les  cruautés  les  plus  inouïes. 
Passant  du  mépris  de  la  religion  à  celui 
du  diadème  ,  il  lit  abroger  l'autorité  de  la 
reine  régente  et  la  transféra  aux  chefs  du 
parti,  qu'on  décora  du  titre  de  conseil- 
lers, et  principalement  au  barbare  comte 
de  Murrai,  qui  n'aspirait  qu'à  ravir  le 
trône  à  la  jeune  Marie  .  sa  sœur.  Il  mou- 
rut en  1572,  à  G7  ans.  On  a  tle  lui  des  Ou- 
vrages de  conlrovei-se  marqués  au  coin 
du  plus  atroce  fanatisme,  ainsi  qu'une 
Histoire  de  la  réfortnation  de  l'Eglise 
d'Ecosse,  Londres,  16/i4 .  in-fol.  Ce 
monstre  va  jusqu'à  appeler  yo/ewse  nar- 
ra^ion  la  relation  qu  il  donne  de  l'assas- 
sinat du  cardinal  Béton  .  que  les  Ecossais 
nomment  Bealoun,  archevêque  de  Saint- 
André,  qui  fut  lâchement  massacré  par 
les  satellites  de  la  réforme.  Un  des  pam- 
phlets qu'il  lança  contre  Marie  ,  reine 
d'Angleterre  ,  avait  pour  litre  :  Le  pre- 
mier son  de  la  trompette  contre  le  mon- 
strueux gouvernement  des  femmes.  Il  ne 
«e  montra  pas  moins  acharné  contre  la 
reine  d'Ecosse ,  et  il  contribua  à  sa  mort  : 


KIVU 

Tel  est  l'homme  dont  Bèzc  parle  ccmmc 
d'un  apôlre. 

•  KIVOX  (VicEssijius) ,  littérateur  et 
prédicateur  anglais,  né  le  8  décembre 
1752,  à  Newington-Green  dans  le  comté 
de  MiddU'sex,  était  très  versé  dans  la 
connaissance  des  lettres  {jrecques  et  la- 
tines et  reçut  le  grade  de  docteur  en 
théologie  par  un  diplôme  expédié  de 
Philadelphie  ,  à  la  suite  du  succès  popu- 
laire que  ses  essais  de  morale  avaient  ob- 
tenu en  Amérique.  Il  obtint  quelques 
modestes  bénéhces  ,  et  fut  pendant  33  ans 
supérieur  de  l'école  de  Tunbridge.  Il  se 
livra  à  la  prédication,  parut  avec  succès 
dans  les  chaires  ecclésiastiques  de  Lon- 
dres el  fut  constanmient  attaché  au  parti 
des  whigs.  En  17U3 ,  lorsque  les  esprits 
étaient  irrités  contre  la  révolution  fran- 
çaise il  s'attacha  à  établir  dans  un  sermon 
prononcé  à  Brighion,  que  toute  guerre 
offensive  est  un  crime  contre  le  christia- 
nisme et  l'humanité.  Knox  est  mort  à 
Tunbridge  ,  le  6  septembre  1821.  Il  avait 
débuté  jeune  encore  dans  la  carrière  lit- 
téraire par  des  Essais  de  morale  et  de 
littérature,  1777,  in-12,  2'  édit.  1778,  2 
vol.  in-i2.  Cet  ouvrage  qui  a  été  réim- 
primé plusieurs  fois  depuis,  établit  sa 
réputation  d'écrivain  pur  el  harmonieux, 
et  de  penseur  profond.  Ses  autres  pro- 
ductions sont:  I  Education  libérale,  ou. 
Traité  pratique  sur  les  moi/ens  d'acqué- 
rir une  instruction  utile  et  convenable , 
1781  ,  in-S"  ;  nouvelle  édition  augmentée, 
2  vol.  in-8"  ,  1783  ;  |  Soirées  d'hiver,  1787, 
5  vol.  in-S",  plusieurs  éditions;  |  Ser- 
mons sur  la  foi .  l'espérauce  et  la  cha- 
rité, 1792,  in -8";  j  Delà  noblesse  person- 
nelle, ou  Lettres  à  un  jeune  noble.  1793 , 
in-12;  ]  Lectures  de  famille ,  1794,  in-S"; 

1  Considérations  sur  la  nature  et  l'effica- 
cité de  la  sainte  Cène  .  1794  ,  in-12 ,  ou- 
vrage qui  fut  recommandé  par  l'évêque 
Horsley ,  à  l'attention  du  clergé  ,  comme 
un  monument  de  la  piété  et  du  savoir  de 
l'auteur;  |  Philosophie  chrétienne .  1795, 

2  vol.  in-12;  |  Sermon  prêché  à  V  ouver- 
ture de  la  société  philanthropique ,  1807, 
in-4°  ;  |  Ànti-polémon  ou  Plaidoyer  contre 
la  guerre,  trad.  d'Erasme,  1794,  in-12. 
On  lui  doit  encore  une  édition  d'Horace 
expurgata  et  quelques  compilations  plu- 
sieurs fois  imprimées  sous  ces  titres.  Mor- 
ceaux choisis  en  prose.  1783,  in-8"';  Mor- 
ceaux choisis  en  vers  ,  1790,  in-8°,  etc., 

KMJTZE\  ou  KNUZEN  (MATniAS), 
fanatique  du  17*  siècle,  né  à  Oldens- 
worth,  vers  1640  dansl»  luchédeSleswig, 


KOG  Ik 

s'avisa,  après  avoir  fait  ses  éludes  à 
Kœiiijjsberg  en  Prusse,  de  courir  le 
monde,  et  de  s'éri(jer  en  nouvel  ajjolre 
de  l'alhéisinë.  En  l(»7/i.,  il  répandit  dans 
divers  endroits  de  l'Aile ma{îne  ,  et  sur- 
tout à  léna,  en  Saxe  et  à  AUdorf,  une 
Lettre  latine,  et  deux  Dialogues  alle- 
mands ,  qui  contenaient  les  principes 
d'une  nouvelle  secte,  qu'il  voulait  établir 
sous  le  nom  de  secte  des  consciencieux. 
c'est-à-dire  des  gens  qui  ne  feraient  pro- 
fession de  suivre  en  toutes  choses  que  les 
lois  de  la  conscience  et  de  la  raison.  Ce 
chef  des  consciencieux  xndÀi  l'existence  de 
Dieu,  rinnuorlalltéde  l'àme ,  et  par  con- 
séquent raulorité  de  l'Kcriture  sainte; 
conime  si  ces  vérités  étant  ôtées ,  ïl  j)ou- 
vait  rester  dans  l'homme  qtielque  con- 
science «et  quelque  principe  de  vertu.  Les 
historieixs  ne  nous  apprennent  pas  quelle 
fut  la  lin  de  ce  fanatique. 

KAIJÏZCN  (MAnTix),  né  à  KœnijîS- 
hcffi;  eu  1715,  y  fut  professeur*  en  philo- 
sophie et  bibliothécaire.  Il  mourut  en 
1751.  On  a  de  lui  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages,  dont  la  liste  se  trouve  dans  la 
Bibliographie  allemande.  Les  uns  sont  en 
allemand  ,  et  les  autres  en  latin.  Les  prin- 
cipaux de  ceux-ci  sont:  |  Systematacau- 
sarum  efficientiutn;  \  Elemcnta  vhilo- 
sophiw  rationalis  .  methodo  mathematicâ 
demonstrala;  \  Theovemata  de  par  aboli  s 
infinitis,  etc.  Celui  de  ses  livres  alle- 
mands qui  lui  fait  le  plus  d'honneur  est 
une  Défense  de  la  religion  chrétienne ^ 
in-,V» 

KOEIAD.  royez  CABADES. 

*  KOBELL  (KiiiioixA.Mu) ,  peintre  et 
ffraveur  allemand,  né  à  Manheim  en 
■5740.  Il  excellait  dans  le  paysage.  Les 
siens  se  font  remarquer  par  le  choix  des 
sites  et  la  fraîcheur  du  coloris.  On  re- 
cherche aussi  ses  gravures,  qui  repré- 
sentent des  scènes  ciiampétres  de  peiite 
cl  de  moyenne  grandeur  :  elles  soit  au 
nombre  de  60.  11  mourut  en  17%.  Son 
caractère  n'était  pas  moins  estimable  que 
fes  lalens.  Il  a  laissé  deux  llls  héritiers 
de  ses  ver'ns  et  de  son  art. 

'  KOCîI  (ClIKÏSTOPHE-GuiIXAUME    dc  )  , 

savant  professeur  de  droit  public  à  Stras- 
bourg, né  le  9  mai  1737,  à  Bouxwillier , 
chef-lieu  de  la  seigneurie  de  Lichlenberfî, 
en  Alsace,  qui  appartenait  alors  au  land- 
grave de  Hesse-Darmstadt,  était  (ils  d'un 
conseiller  et  membre  de  la  chan-bre  des 
linances  de  ce  prince.  Après  avoir  fait  ses 
premières  études  dans  l'école  de  sa  petite 
vilbj  natale  ,  le  jeune  de  Koch  entra  à  l'âge 


3  KOC 

do  13  ans  dans  l'université  protestante  dfl 
Strasbourg,  oii  il  fit  son  cours  de  droit. 
En  même  temps  il  se  livra,  sous  le  cé- 
lèbre Schœpflin ,  à  l'élude  des  anciennes 
chartes  qu'il  apprit  à  lire  et  à  compren- 
dre. Il  s'occupa  surtout  du  droit  canoni- 
que ,  et  publia  même  sur  ce  sujet  deux 
ouvrages  qui  commencèrent  sa  réputa- 
tion :  Commentatio  de  collatione  digni' 
tatum  et  beneficiorurn  ecclesiasticorum 
in  imperio  rotnano  germanico.  qui  parut 
en  1761,  et  qui  fui  le  prélude  du  Commen- 
taire sur  la  sanction  pragmatiqueger- 
manique ,  qui  ne  parut  qu'en  1789.  En 
1762,  Koch  reçut  les  grades  académiques 
et  vint  la  même  année  à  Paris  où  il  fut 
accueilli  et  reclierché  pur  les  savans  les 
plus  distingués.  Pendant  son  séjour  dans 
la  capitale  de  France ,  il  recueillit  des  ma- 
tériaux précieux  pour  la  continuation  de 
XHistoria  Zoeringo-  Badensis .  dont  le 
premier  voknne  seulement  avait  été  ré- 
digé par  Schœpflin  ,  quoique  l'ouvrage 
entier  ait  été  publié  depuis  sous  le  noiii 
de  ce  savant.  De  retour  à  Strasbourg,  il 
continua  à  travailler  sous  son  illustre 
maître  ;  celui-ci  vint  à  mourir  en  1771  ; 
il  avait  légué,  en  17()6 ,  son  cabinet,  et  sa 
riche  bibliothèque  à  la  ville  de  Strasbourg, 
à  condition  que  Koch  en  serait  nommé 
conservateur.  Le  legs  fut  accepté,  et  Koch 
qui  en  eut  le  déput  obtint  aussi  la  permis- 
sion de  continuer  l'espèce  d'école  politi- 
que que  Schœpflin  avait  fondée  à  Stras- 
bourg, et  à  laquelle  sa  haute  réputation 
lit  accourir  de  toutes  parts  des  jeunes  gens 
appartenant  aux  premières  familles  de 
l'Europe.  Cependant,  d'après  les  règle- 
nu'ns  de  l'université,  la  chaire  de  Schœ- 
pflin fut  donnée  au  plus  ancien  profes- 
seur :  mais  tous  les  élèves  suivaient  les 
leçons  de  Koch  qui  devint  le  chef  de  cette 
école  diplomatique,  d'où  sortirent  pen- 
dant 60  ans  un  grand  nombre  de  ministres 
et  d'hommes  d'état.  En  1779  le  gouverne- 
ment hanovrien  lui  offrit  la  chaire  de 
droit  public  germanique  à  Gottingue; 
malgré  les  émolumens  considérables  que 
l'on  avait  attachés  à  cette  place  .  Koch  re- 
fusa de  quitter  Strasbourg.  Il  reçut  de 
l'empereur  Joseph  II  le  diplôme  de  che- 
valier de  l'eufpire.  Promu  à  la  chaire 
de  droit  public  dans  l'université  de  Stras- 
boui^g.  il  conserva  cette  place  et  la  rem- 
|)iit  avec  talent  jus([u'à  la  suppression 
de  cet  établissenu-nt.  En  17S9  ,  il  fut 
chargé  par  les  protestans  d'Alsace  d'aller 
solliciter  auprès  de  Louis  XVI  et  de  l'as- 
semblée Constituante  la  conservation  d» 


KOC 


U& 


KOC 


leurs  droUs  civils  et  religieux ,  qu'ils 
avaient  olitcnns  par  dos  traités.  Sa  de- 
niaiide  fut  arcucillie  :  le  décret  du  17 
aoi'it  1700  ratitia  les  privilèges  des  pro- 
testans.  et  re  detrel  fui  enr<Me<'tendu  par 
un  aulre  du  1"^  decemUre  de  la  luéiiic  an- 
née :  il  déclarait  ([ue  leurs  biens  ecclé- 
siastiques n'claient  pas  compris  dans  ceux 
que  le  déciet  du  t"  novembre  i78;i  avait 
mis  à  la  disposition  de  la  nation.  La  ré- 
volution française  avant  disséminé  les 
jeunes  {jens  des  universités  dans  les 
camps,  l'école  de  Kocb  fut  déserte  :  cet 
babilc  i»rofesseur  se  livra  dés  lors  aux 
affaires  publiques  et  fut  nommé  député 
à  la  première  assemblée  législalive.  Les 
principes  religieux  el  monarcliiques  trou- 
vèrent dans  ce  député  protestant  un  dé- 
fenseur courageux  :  ami  de  la  religion 
et  du  trône,  il  se  ])n)non9a  contre  toutes 
les  persécutions  auxquelles  les  prêtres 
catholiques  et  les  cungrés  furent  si  long- 
temps en  butte.  Klu  président  du  comité 
diplomatique,  il  s'opposa  à  la  guerre 
contre  l'Aulrichc  (rapport  du  mois  de 
mars  1792  j  ;  mais  ses  efforts  furent  vains. 
Après  la  terrible  journée  du  iO  août, 
Kocli  écrivit  à  son  département  pour  ex- 
primer son  opinion  personnelle  sur  les 
mesures  qui  avaient  préparé  el  qui  sui- 
virent ce  massacre  :  il  espérait  que  ses 
concitoyens  partageraient  son  indigna- 
lion  ;  mais  son  vœu  ne  fut  pas  rempli  ;  il 
attira  même  sur  lui  le  ressentiment  des 
révolutionnaires  qui  le  firent  incarcérer 
et  le  laissèrent  dans  les  prisons  jusqu'a- 
près la  révolution  du  9  thermidor  qui  vit 
périr  Robespierre.  Rappelé  à  Strasbourg 
pour  faire  partie  du  directoire  du  dépar- 
tement ,  il  défendit  constamment  les  in- 
térêts de  ses  administrés,  empêcha  la 
vente  des  fabriques  et  des  hospices,  et 
se  signala  dans  toutes  les  circonstances 
par  son  amour  de  l'ordre.  Il  se  hâta  de 
quitter  des  fonctions  qui  le  détournaient 
de  ses  occupationj  savantes  :  rendu  à  ses 
travaux,  il  ouvrit  en  1793  son  cours  de 
droit  public,  qu'il  professa  jusqu'en  1802. 
Le  sénatus-consulle  du  mois  de  mars  de 
cette  année  le  nomma  membre  du  tribu- 
nal. Ce  fut  dans  nnlenlion  d'être  utile  à 
ses  coréligiormaires  qu'il  accepta  celte 
place  :  il  eut  en  effet  une  grande  part  à  l'or- 
ganisation du  culte  protestant  en  France , 
el  au  rétablissement  de  l'académie  protes- 
tante de  Strasbourg.  Après  la  suppres- 
sion du  tribunal,  Koch  ne  voulut  ac- 
cepter aucune  place  :  mais  le  gouverne- 
r/ieni,    sans  qu'il  l'cûi  demandée,  lui  fit 


une  pension  de  3000  francs  (  1808)  et  lui 
donna  le  titre  de  recteur  honoraire  de 
l'académie  de  Strasbourg  (1810):  Koch 
mourut  le  23  octobre  1813,  à  làge  de  76 
ans.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  |  Com- 
rnentatio  de  collalione  diguitatum  et 
bencficiorxun  ccclesiasiicorum  in  imperio 
roinano  germanico ,  Strasbourg,  1761. 
C'est  comme  une  introduction  à  sdi  prag~ 
matique  snnctioJi.  \  Tables  généalogiques 
des  maisons  souveraines  de  l'Europe, 
(du  midi  et  de  l'ouest  j,  Strasbourg, 
1782,  I  vol.  in-4";  |  Sanctio  pragmalica 
Gennanorum  illustrata ,  ibid.,  1789.  Cet 
ouvrajTe  fut  très  bien  accueilli  par  les 
catholiques  allemands ,  et  les  prélats 
même  en  firent  de  grands  éloges.  |  Abré- 
gé de  l'histoire  des  traités  de  paix  en- 
tre les  puissances  de  l'Europe,  Bâie, 
1796  ,  i  vol  in-S".  Il  commence  depuis  la 
paix  de  Wesîphalie  ;  M.  Schœll  l'a  conti- 
nué  jusqu'au  traité  de  Paris  en  1815,  15 
vol.  in-8°;  |  Table  des  traités  eiitre  la 
France  et  les  puissances  étrangères  .  de- 
puis la  paix  de  ff^estphalie  jusqu'à  nos 
jours,  suivie  d'un  Recueil  de  traités  et 
actes  diplomatiques  qui  n'ont  pas  encore 
vu  le  jour.  Bàle,  1802,  2  vol.  in-S"; 
I  Tableau  des  révolutions  de  l'Europe, 
depuis  le  bouleversement  de  l'empire  ro- 
main, en  Occident .  jusqu'à  nos  jours  . 
1807,  3  vol.  în-8" ,  nouvelle  édition, 
Paris,  1813-18H,  k  vol.  in-8°,  accompa- 
gnés de  sept  cartes  géographiques ,  de 
tables  généalogiques  et  chronologiques. 
Le  quatrième  volume  n'est  qu'un  supplé- 
ment aux  trois  volumes  de  la  première 
édition.  |  Tables  généalogiques  des  mai' 
sons  souveraines  de  l'est  et  du  nord  de 
l'Europe,  ouvrage  posthume,  publié  par 
les  soins  deF.Schœ'.l,  in-4°.  Les  livraisons 
qui  ont  paru  contiennent  la  généalogie  des 
rois  de  la  Scandinavie ,  des  souverains  de 
la  Russie  ,  de  la  Pologne,  de  la  Silésie,  etc. 
I  Historia  Hoeringo-Badensis  (  voyez  ci- 
dessus.)  I  Plusieurs  Mémoires  sur  des 
sociétés  savantes,  tels  que  la  Notice  sur 
un  code  de  règlemens  ecclésiastiques.  Ce 
code  avait  été  écrit ,  en  787,  par  ordre  de 
Rachion  ,  évéque  de  Strasbourg,  et  il  est 
relatif  à  Y  Histoire  des  fausses  décrétales. 
On  trouve  cette  notice  dans  les  Notices 
et  extraits  des  manuscrits  de  la  biblio- 
thèque du  roi.  I  Mémoire  sur  la  société 
littéraire  que  Jacques  Jf'^einpheling  avait 
fondée  à  Strasbourg  vers  la  fin  du  15* 
siècle.  Il  est  inséré  dans  les  Mémoires  des 
sciences  historiques  et  politiques  de  l'in-' 
slilut  de  France.  On  a  trouvé ,  parmi  loa 


KOE 


i4S 


KOEIV 


manuscrits  de  Koch ,  des  3fémoires  sur 
sa  vie  ,  en  allemand;  et  d'autres  sur  l'état 
et  le  régime  des  prolestans,  etc.  M.  J.-G. 
Schweighacuser  fils  a  fait,  au  nom  du 
séminaire  prolestant  de  Strasbourg ,  une 
Vie  de  Koch,  sans  date  ,  in-8°  de  78  pa- 
ges: une  BxxXre  Notice  sur  ce  savant  se 
trouve  à  la  tête  de  la  nouvelle  édition  des 
Traités  de  paix ,  etc. ,  de  Koch.  Les  pro- 
fesseurs de  Strasbourg  lui  ont  fait  ériger 
un  tombeau  en  marbre  blanc ,  exécuté 
par  M.  Ohnmacht,  habile  statuaire  de 
Strasbourg ,  dans  le  temple  de  St.-Tho- 
mas  de  cette  ville  ,  à  côté  des  monumens 
élevés  en  l'honneur  de  Schœpflin  et  d'O- 
berlin.  La  septième  édition  de  celte  bio- 
graphie fait  une  singulière  erreur  en  sup- 
posant que  l'église  de  St.-Thomas  est 
consacrée  à  la  religion  catholique ,  et  à 
cette  occasion  le  rédacteur  s'indigne  de 
voir  la  dépouille  d'un  protestant  dans  un 
temple  du  culte  romain  :  nous  partage- 
rions son  mécontentement ,  si  le  fait  était 
vrai  :  mais  l'église  de  St.-Thomas  est  pro- 
testante. 

KODDE  (  Jean  ,  Adrieiv  et  Giber  ,  van 
der).  Voyez  CODDE. 

KOEBERGEU  (Wenceslas),  premier 
peintre  et  architecte  des  archiducs  Albert 
et  Isabelle ,  à  Bruxelles  ,  né  à  Anvers  en 
1360  ,  étudia  l'architecture  et  la  peinture 
sous  Martin  de  Vos,  et  alla  perfectionner 
son  goût  en  Italie ,  où  il  séjourna  quelque 
temps.  De  retour  dans  sa  patrie ,  Koeber- 
ger  construisit  plusieurs  églises  à  Bru- 
xelles ,  à  Louvain ,  à  Anvers  et  ailleurs  ; 
il  dessécha  les  marais  des  environs  de 
Dunkerque  et  de  Bergues-Saint-Vinox, 
fit  écouler  dans  la  mer  plusieurs  eaux 
dormantes  qui  infectaient  l'air  du  canton, 
bâtit  des  fontaines,  et  eut  Êeaucoup  de 
part  à  l'établissement  et  à  la  construction 
des  monts-de-piété,  dont  il  obtint  la  sur- 
intendance générale.  Cet  artiste ,  mort 
en  1630,  à  Bruxelles,  était  encore  versé 
dans  la  connaissance  des  médailles.  Il  avait 
composé  un  ouvrage  considérable  sur  la 
peinture  ,  l'architecture  ,  la  sculpture , 
les  images  des  dieux  et  les  médailles  im- 
périales ,  dont  on  ignore  le  sort.  En  1621, 
il  publia  en  flamand  à  Malin  es,  une 
Apologie  des  monts-de-piété ,  in-i".  On 
lui  doit  les  tableaux  suivans  :  Le  Martyre 
de  saint  Sébastien.  Le  Christ  détaché  de 
la  croix.  Le  Christ  présenté  au  peuple. 
Le  Christ  au  tombeau ,  etc. 

KOÉGLER  (Ignace),  né  à  Landsberg 
en  Bavière  en  1680  ,  entra  chez  les  jésuites 
en  1696,  et  se  distingua  particulièrement 
7. 


dans  l'élude  des  mathématiques,  qu'i 
enseigna  avec  beaucoup  de  réputation 
dans  l'université  d'Ingolsladt.  Ayant  dé- 
siré de  se  dévouer  aux  travaux  des  mis- 
sions étrangères  ,  il  fut  envoyé  à  la  Chine 
en  171S ,  où  il  devint  président  du  tribu- 
nal des  mathématiques,  et  mandarin  dans 
le  tribunal  des  rites.  Il  jouit  de  la  con- 
fiance et  de  la  considération  de  l'empereur 
Yung-Tching ,  au  point  que ,  durant  la 
grande  persécution  que  ce  prince  exerça 
contre  les  chrétiens ,  le  père  Kocgler  fut 
presque  le  seul  qui  pût  calmer  ses  fu- 
reurs. Ses  forces  commençant  à  s'épuiser, 
il  obtint  pour  associé  dans  ses  fonctions 
de  président  de  mathématiques,  le  père 
Augustin  Hallerstein,  qui  le  remplaça 
après  sa  mort.  Il  mourut  à  Pékin  en  1746, 
à  l'âge  de  66  ans.  L'empereur  lui  fit  faire 
des  obsèques  magnifiques.  Ses  Observa^ 
tions  astronomiques,  recueillies  par  le 
père  Hallerstein,  et  envoyées  à  Vienne, 
ont  été  imprimées  dans  cette  ville  avec 
celle  du  père  Hallerstein,  par  les  soins  du 
père  Hell ,  1768 ,  2  vol  in-4°.  On  cite  du 
même  auteur  un  ouvrage  Sur  les  Eclip- 
ses, et  un  autre  intitulé  :  Notilice  circa 
SS.  Biblia  Judœorum.  m  Càifung-fu  in  im- 
perio  sinensi.  On  le  trouve  dans  les  No~ 
titiœ  Bibliorum ,  etc  . ,  de  Murr ,  Halle , 
1803.  On  a  encore  de  Koegler  Litterœ 
patentes  imperaloris  Sinarum  Kang-Hi , 
sinicè  et  latine,  cum  interpretatione,  pu- 
bliées par  de  Murr,  qui  y  joignit  le  texte 
chinois,  Nuremberg,  1802,  in-8". 

KOEMPFER.  Voyez  KyEMPFER. 

KOEIVIG  (  Georges  -  Matiiias  ),  bio- 
graphe allemand  né  à  Altdorf  en  1616, 
mort  dans  cette  ville  en  1699,  fut  profes- 
seur de  poésie  et  des  langues  latine  et 
grecque ,  et  bibliothécaire  de  l'université 
de  sa  patrie.  La  plupart  des  savans  ne  le 
connaissent  guère  que  par  sa  Bibliotheca 
vêtus  et  nova  e  prima  mundi  origine , 
gros  in-fol.  publiée  en  1678,  à  Altdorf. 
Cet  ouvrage  méritait  d'être  plus  soigné. 
Ce  qu'il  y  dit  des  auteurs  est  ou  superfi- 
ciel ou  inexact,  et  a  été  relevé  en  grande 
partie  par  Jean  MoUerus.  Il  publia  en 
outre  de  nouvelles  éditions  du  Lexicon^ 
Trilingue  de  Garth.  Des  notes  sur  \Histo- 
ria  Evangelica  de  Juvencus ,  etc.  On 
trouve  la  Vie  et  la  liste  des  ouvrages  da 
cet  auteur  dans  Jpini  vitce  professorum 
philosophice ,  academiœ  Jltorfinœ.  — 
Son  père,  Georges  KŒNIG  ,  natif  d'Am- 
bert,  mort  en  1654,  à  64  ans,  fut  profes- 
seur de  théologie  à  vVltdorf,  et  a  laissé 
un  Traité  des  cas  de  conscience .  in-4° , 
13 


KOEN 


U6 


KOL 


1673 ,  et  d'autres  livres  Uiéologiqucs, 
lels  que  des  Commentaires  sur  diverses 
parties  de  l'Ecriture  sainte  ;  beaucoup  de 
Thèses  et  de  Sermons. 

ROE!\IG  (  David)  ,  suisse  de  nation, 
mort  à  Rotterdam  en  1727  ,  à  22  ans,  des 
coups  qu'il  reçut  à  Franeker.  La  populace 
l'entendant  parler  français ,  le  prit  pour 
un  espion  de  la  France,  et  l'eût  mis  en 
pièces  ,  si  le  sénat  académique  ne  l'avait 
arraché  à  cette  troupe  mutinée  ;  les  bles- 
sures qu'il  reçut  le  mirent  au  tombeau 
quelques  mois  après.  On  lui  doit  la  Tra- 
duction latine  des  Tables  que  le  docteur 
Arbuthnot  mit  au  jour  sur  les  monnaies 
des  anciens,  en  1727,  in-h".  Cet  ouvrage  ne 
fut  publié  qu'en  17S6  ,  in-4° ,  par  Reitz , 
professeur  à  Utrecht,  qui  l'orna  d'une 
préface  curieuse  et  utile. 

KOEKIG  (Samuel),  frère  du  précédent, 
né  en  1712 ,  se  fit  connaître  de  bonne 
heure  par  ses  lalens  pour  les  mathémali- 
ques.  Il  alla  demeurer  quelque  temps  au 
château  de  Cirey ,  avec  la  marquise  du 
Châtelet,  et  lui  donna  des  leçons.  Il  ob- 
tint ensuite  une  chaire  de  philosophie  et 
de  droit  naturel  à  Franeker,  Mhk.  En 
1747,  on  joignit  à  cette  place  celle  de  pro- 
fesseur de  mathématiques.  Il  passa  en- 
suite à  la  Haye  pour  être  bibliothécaire 
du  prince  stathouder ,  et  de  la  princesse 
d'Orange.  L'académie  de  Berlin  se  l'asso- 
cia, et  le  rejeta  ensuite  de  son  sein.  On 
sait  à  quelle  occasion  Kœnig  disputa  à 
Mauperluis  sa  découverte  du  iirincipe 
universel  de  la  moindre  action.  Il  écrivit 
contre  lui,  et  cita,  en  la  réfutant,  un 
fragment  d'une  lettre  de  Leibnitz,  dans 
laquelle  ce  philosophe  disait  avoir  remar- 
qué que ,  dans  les  modifications  du  mou- 
vement, l'action  devient  ordinairement 
un  maximum,  ou  un  minimum.  Mauper- 
tuis  fit  sommer  son  adversaire  par  l'aca- 
démie de  Berlin ,  de  produire  l'original 
de  cette  lettre  ;  l'original  ne  se  trouvant 
plus  ,  le  philosophe  suisse  fut  condamné 
par  l'acadcinle.  Toute  l'Europe  a  été  in- 
struite des  suites  de  cette  querelle.  Kœ- 
nig en  appela  au  public,  et  son  Appel, 
écrit  avec  la  clialeur  de  style  que  donne 
le  ressentiment,  mit  plusieurs  personnes 
de  son  côté  :  le  récit  qu'on  lit  de  celte  af- 
faire dans  la  première  Vie  de  Frédéric  II 
lui  est  favorable.  En  général ,  quand  un 
différend  se  décide  par  autorité,  quand 
le  manège  des  cours  ou  des  académies  in- 
tervient dans  le  jugement,  les  préjugés 
sont  en  faveur  du  condamné.  «  Rien,  dit 
»  un  auteur  moderne,  ne  nuit  plus  à  une 


»  cause  quelconque  dans  l'opinion  publi- 
»  que  ,  que  l'intervention  de  l'autorité  et 
»  de  la  force.  Si  de  deux  hommes  qui  ont 
»  un  différend,  l'un  est  appuyé  de  la  cour 
»  et  ne  rougit  point  d'employer  les  moyens 
»  de  violence,  qui  dans  ces  foyers  d'ini- 
»  quilé  sont  toujours  prêts,  on  peut  être 
»  foncièrement  convaincu  que  son  adver- 
»  saire  a  pour  lui  la  justice  et  la  raison.  » 
On  a  de  Kœnig  d'autres  ouvrages.  Il 
mourut  en  1757 ,  regardé  comme  un  des 
plus  grands  mathématiciens  de  ce  siècle. 

KOEMG  (Emmanuel),  célèbre  méde- 
cin, professeur  de  physique  et  de  méde- 
cine à  Bàle  sa  patrie,  mourut  en  1731 ,  à 
75  ans,  après  avoir  publié  plusieurs  ou- 
vrages sur  son  art ,  qui  décèlent  une  vaste 
lecture.  Le  plus  connu  est  son  Regnum 
minérale,  générale  et  spéciale,  Bâle , 
1705  ,  in-li° ,  qui  fut  suivi  du  Regnum  ve~ 
getabile ,  Bâle ,  1708  ,  in-4°  ;  et  du  Regnum 
animale,  1703,  in-l". 

KOERTEN    (  JoAîïTWE  ) ,   femme    de 
Block  Adrien.  Voyez  BLOCK. 

•  ROFFLER  (Jeaiv)  ,  missionnaire  en 
Cochinchine ,  où  il  demeura  14  ans ,  par- 
vint à  être  médecin  du  roi ,  emploi  qu'il 
exerça  pendant  sept  ans.  Ayant  quitté  ce 
pays  en  1735  pour  revenir  eii  Europe ,  il 
fut  arrêté  en  Portugal.  Il  profita  du  loisir 
de  sa  détention  pour  rédiger  des  mémoi- 
res sur  son  voyage.  Il  résulta  de  son  tra- 
vail une  Description  succincte  de  la  Co- 
chinchine. Le  père  Eckart  la  divisa  en 
chapitres  et  la  publia  avec  des  notes. 
M.  de  Murr  la  fit  réimprimer  en  1805  sous 
ce  titre  :  Joannis  Koffler  histo7ica  Co- 
chinchinœ  descriptio  ,  in  epitome  redacta 
ah  Ans.  Eckart ,  edente  Chr.  de  Murr, 
126  pages  in-S".  Koffler  ayant  recouvré 
sa  liberté ,  fut  envoyé  en  mission  en  Tran- 
sylvanie ,  et  y  passa  le  reste  de  ses  jours. 
Il  mourut  en  1780.  On  trouve  dans  l'in- 
troduction de  son  ouvrage  quelques  par- 
ticularités qui  lui  sont  personnelles.  Il  y 
donne  aussi  des  détails  sur  le  collège  Clé- 
mentin  à  Prague ,  tenu  alors  par  les  jé- 
suites. 

KOLBE  (Pierre  ) ,  célèbre  voyageur  , 
né  en  1£75 ,  à  Wunsiedel ,  dans  le  pays  de 
Bayreuth  ,  a  publié  une  très  bonne  Des- 
cription  du  Cap  de  Bonne- Espérance,  pu- 
bliée par  Jean  Bertrand,  Amsterdam,  1741, 
3  vol.  in-12,  très  préférable  à  celle  deM.  Le 
Vaillant,  et  même  à  celle  de  Sparman. 
(  Voyez  le  Journal  hist.  et  litt.,  1790, 
pag.  452.  )  L'ouvrage  de  Kolbe  fut  d'a- 
bord publié  à  Nuremberg  en  1719.  Il  y 
trace  l'histoire  de  la  découverte  du  pays, 


KQM 

et  de  l'établissement  des  Hollandais  ;  il  y 
donne  une  description  des  mœurs,  usages, 
origine  ,  langage  et  caractère  des  Hotten- 
toîs.  —  Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec 
le  père  KOLBE  ,  jésuite ,  dont  on  a  une 
bonne  histoire  abrégée  des  papes  ,  intitu- 
lée :  Séries  romanorum  pontificum. 

•  KOMARZEUWSRY  (Jean-Baptis- 
te ) ,  écrivain  et  général  polonais  ,  né  à 
Varsovie  vers  Vlkk  ,  mort  à  Paris  en  1809, 
reçut  sa  première  éducation  chez  les  jé- 
suites. Il  suivit  la  carrière  des  armes  et 
obtint  la  bienveillance  du  roi  Stanislas 
Poniatowski,  qui  le  nomma  général  en 
1780.  Sous  le  règne  de  ce  prince  il  rem- 
plit diverses  missions  en  Russie,  en  Alle- 
magne et  à  Constantinople  :  il  devint  en- 
suite chef  du  bureau  de  la  guerre ,  lieute- 
nant-général ,  premier  aide -de-camp  du 
roi ,  et  enfin  intendant  général  des  mines 
de  Pologne.  Il  accompagna  ce  roi  à  Ka- 
nef  lors  du  voyage  de  Catherine  H  dans 
la  Tauride,  en  1787.  Sincèrement  atta- 
ché à  son  souverain  auquel  il  devait  son 
élévation  ,  il  partagea  tous  ses  malheurs , 
et  il  se  prononça  ouvertement  contre  la 
Russie  ,  lors  du  premier  démembrement 
de  la  Pologne  en   1772  ;   il  professa  les 
mêmes  principes  lorsqu'on  opéra  un  se- 
cond partage  de  ce  royaume  entre  les  trois 
monarques  de  Russie ,  d'Autriche  et  de 
Prusse.  Dès  l'année  précédente ,  les  trou- 
pes russes  avaient   envahi  les  étals  de 
Stanislas.  Après  l'abdication  forcée  de  ce 
monarque ,  Komarzeuwski  se  livra  à  la 
culture  des  sciences  et  des  lettres.  Il  était 
très  versé  dans  la  géométrie  et  la  géogra- 
phie ,  avait  été  membre  de  la  société  lit- 
téraire  de  Varsovie,  et    de  l'académie 
royale  de  Londres.  Appelé  à  la  cour  de 
Catherine  II ,  il  fit  un  séjour  de  quelques 
années  en  Russie  ;  puis  ,  après  avoir  par- 
couru l'Italie ,  l'Angleterre  et  plusieurs 
régions  du  Nord ,  il  vint  en  1806  à  Paris, 
se  lia  avec  les  principaux  savans ,  et  se 
<it  aimer  par  ses  talens  et  par  l'cgalilé  de 
son  caractère.  C'est  là  qu'en  1809  il  donna 
la  Carie  hydrographique  de  Pologne  qu'il 
avait  dressée  en  commun  avec  le  colonel 
de  Perthes  par  ordre  du  roi  Stanislas-Au- 
guste. Avanà  celte  époque  il  avait  déjà 
exécuté  le  Graphomètre  souierrain  ,  ac- 
compagné de  cartes  et  de  gravures,  ins- 
trument très  utile  pour  tous  ceux  qui 
veulent  faire  exploiter  des  mines  ,  et  des- 
tiné à  remplacer  la  boussole  dans  les  tra- 
vaux souterrains  :  à  l'invitation  de  lin- 
slitut  de  France  il  le  fît  paraître  en  1803. 
Anx  titres  de  mathématicien  et  de  miné- 


U7  KOR 

ralogiste  ,  Komarzeuwski  joignit  celui  de 
littérateur.  Il  publia  :  Coup  d'œil  sur  la 
révolution  de  Pologne ,  Paris ,  1806  ,  ia- 
8°  ;  ouvrage  assez  bien  écrit ,  et  qui  se 
termine  par  un  panégyrique  du  roi  Ponia- 
towski. Plusieurs  raisons  politiques  ont 
contribué  au  succès  de  cette  histoire, 
mais  il  a  été  de  courte  durée.  Presque  en 
même  temps  parut  l'ouvrage  posthume 
de  Rulhière  sur  le  même  sujet,  et  on  ou- 
blia aussitôt  celui  du  comte  Komarzeuw- 
sky.  On  a  imprimé  et  réimprimé  en  1814 
un  éloge  de  cet  illustre  polonais ,  prononcé 
sur  sa  tombe  par  M.  Bazot ,  au  nom  de 
plusieurs  sociétés  de  bienfaisance  dont  il 
faisait  partie. 

KOPERMK.  Voyez  COPERNIC. 

•  ROUF  i  le  baron  Andké  ) ,  sénateur 
de  Russie ,  né  près  de  Millau  en  1765  » 
mort  à  St.-Pétersbourg  le  12  décembre 
1823  ,  a  laissé  un  Essai  statistique  sur  la 
monarchie  prussienne ,  dédié  à  Frédéric- 
Guillaume  II,  1791,  un  vol.  in-S",  T 
édit.,  1798  ;  cet  ouvrage  écrit  en  français 
est  le  seul  de  cet  auteur  qu'il  ait  fait  im- 
primer. Il  a  composé  en  outre  les  ouvra- 
ges suivans  qui  n'ont  pas  encore  été  pu- 
bliés; i  I7isloi?'e  contemporaine  j  extraite 
des  journaux  contemporains ,  qui  s'étend 
de  1812  à  1823  (octobre)  et  formerait  à 
lui  seul  plus  de  10  vol.  in-fol.  ;  |  Manuel 
de  législation  russe ^  1  vol.  ;  |  Histoire  de 
la  hiérarchie  russe;  \  Recueil  de  diffé- 
rentes pièces  y  x)lusieurs  volumes  ;  |  Re- 
cueil de  toutes  les  notions  relatives  à  la 
mort  de  Kotzebue ,  1  vol.  ;  |  Description 
géographique ,  historique  et  politique  de 
l'empire  russe  ^  1812,5  parties  ;  ]  un  grand 
nombre  de  cahiers  de  géographie  et  de 
statistique. 

KORNMAA'N  (Henri  ) ,  jurisconsulte 
allemand  ,  né  vers  la  fin  du  16'=  siècle  à 
Kircheim  dans  le  Wurtemberg ,  visita  la 
France  et  l'Italie ,  alla  ensuite  s'établir  à 
Francfort ,  où  il  mourut  postérieurement 
à  1620.  Il  publia  divers  livres  au  com- 
mencement du  17*  siècle  ;  |  Templum  na- 
turce  ,  seu  de  miraculis  quatuor  elemen- 
toruniy  Darmstadt ,  1611 ,  in-8°  ;  |  De  mi- 
raculis vivorum^  Kircheim  ,  1614  ,  in-8"  ; 
I  De  miraculis  mortuorutn  ,  1620  ,  in-8°. 
Ces  trois  ouvrages,  surtout  les  2  derniers, 
sont  curieux  et  difficiles  à  trouver  ;  |  De 
virginitate  >  virginum  statu  et  jure  trac- 
tatus  jucundus,  1610 ,  in-8"  ;^|  Linea  amo~ 
ris.  1610,  in-S".  Quoique  ce  livre  et  le 
précédent  soient  superficiels,  il  s'y  trouve 
des  choses  qui  supposent  des  rechercbes. 
Ses  OEuvres  complètes  ont  paru  sous  le 


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ikS 


KOS 


litre  d'Opéra  curiosa^  etc.  ,  Francfort, 
4696  et   1726,  in-8°. 

KORTIIOLT  (Christian),  fameux 
théologien  protestant,  né  en  1653  à  Burg, 
dans  l'île  de  Femcren  ,  professeur  de  grec 
à  Roslock  ,  en  1662  ,  devint  vice-chance- 
lier perpétuel  et  professeur  de  théologie 
dans  l'université  nouvellement  fondée  à 
Kiel.  Il  mourut  en  1694  ,  à  61  ans,  avec 
la  réputation  d'un  homme  érudit.  On  a 
de  lui  :  1  Tractalus  de  calumniis  pagano- 
rum  in  veteres  christianos.  Kiel ,  1698 , 
in-/».*'  :  ouvrage  curieux  et  intéressant 
pour  ceux  qui  aiment  la  religion  ;  |  Trac- 
talus de  origine  et  natura  christiaynsmi 
ex  mente  genirUum  .  Kiel ,  1672  ,  in-4°  , 
livre  non  moins  curieux  que  le  précé- 
dent; 1  Tractatus  de  persecutionibus  Ec- 
clesice  primitivœ,  veterumque  martyrum 
cruciatibus ,  Kiel ,  1689  ,  in-4°  ;  |  Tracta- 
tus de  religione  ethnica^  mahummedana 
etjadaicaAn-k",  Kiel,  166S  ;  |  De  Christo 
ci-ucifixo,  Judceis  scandalo^  gentilibus 
staîtitia,  Kiel,  1678,  in-4°;  |  De  tribus 
impostoribus  magnis  liber^  Edoardo  Her- 
bert^ Thomoe  Ilobbes  et  Benedicto  Spino- 
sce  opposituSj  dont  la  meilleure  édition 
est  de  1701,  in-4°,  donnée  à  Hambourg  par 
Sébastien  Kortholt,  son  fils.  L'auteur  de 
ces  sa  vans  ouvrages  se  déshonora  par  des 
Traités  de  controverse,  dont  les  titres 
annoncent  le  fanatisme  et  la  fureur.  Le 
papisme  plus  noir  que  le  charbon;  Le 
Béelzébut  romain;  Le  pape  schismati- 
que  ^  etc.  On  trouve  la  Vie  de  ce  théolo- 
gien ,  écrite  par  Joachim  Lindeman,  son 
gendre,  "Sans  le  livre  de  Pippiny,  inti- 
tulé :  Sacer  decadum  septenarius  j.  Leip- 
sick  ,  178S ,  in-8°.  —  Curistiaiv  KOR- 
THOLT ,  son  petit-fils ,  travailla  au  Jour- 
nal de  Leipsick  jusqu'en  1756 ,  et  mourut 
à  l'âge  de  40  ans,  en  1731,  professeur 
de  théologie  à  Gottingen.  On  lui  doit, 
I  une  Edition  des  Lettres  latines  de  Leib- 
nitz ,  en  k  vol.,  des  Lettres  françaises  du 
rcème ,  en  un  seul  vol .,  et  un  Recueil  de 
diverses  pièces  philosophiques,  mathé- 
matiques et  historiques  de  ce  philoso- 
phe ;  I  De  Ecclesiis  suburbicariis  ;  \  De 
enthusiasmo  Mahummedis;  \  de  savantes 
Dissertations  ;  |  des  Sermons,  etc. 

*  KOSCIUSZKO  (Thadée),  général 
polonais,  né  le  28  octobre  1746  en  Li- 
tbuanie,  d'une  famille  noble,  mais  peu 
riche ,  fut  élevé  à  Varsovie ,  dans  l'insti- 
liilion  des  Cadets,  ou  jeunes  nobles  qui  se 
destinaient  à  la  carrière  militaire.  Il  s'y 
distingua  par  ses  heureux  progrès  dans 
les  mathématiques  et  dans  le  dessin,  et 


mérita  d'être  désigné  pour  un  des  quatre 
élèves  qui  voyageaient  aux  frais  de  l'état, 
dans  le  but  de  perfectionner  leurs  études. 
Le  jeune  Thadée  vint  passer  plusieurs 
années  en  France ,  et ,  à  son  retour  dans 
sa  patrie,  il  obtint  le  grade  d'ofûcier  dans 
un  régiment ,  puis  celui  de  capitaine  ; 
une  intrigue  d'amour  l'ayant  forcé  de 
s'expatrier,  il  se  rendit  dans  l'Amérique 
du  Nord ,  où  les  colonies  anglaises  ve- 
naient de  secouer  lo  joug  de  la  métropole, 
et  se  présenta  à  Wa&liington ,  qui  l'admit 
au  nombre  de  ses  officiers.  Le  congrès 
des  états  le  nomma,  sur  le  rapport  do 
comité  de  la  guerre ,  ingénieur  de  l'armée 
avec  le  rang  de  colonel  ;  il  devint  ensuite 
général ,  et  il  ne  repassa  en  Europe  que 
lorsque  l'indépendance  américaine  eut  été 
reconnue  en  1783  par  l'Angleterre.  Kos- 
ciuszko  rentré  en  Pologne,  vécut  dans  la 
retraite  jusqu'en  1789,  époque  à  laquelle 
il  fut  nommé  général-major  par  la  diète 
polonaise ,  qui  réunissait  ses  efforts  à 
ceux  du  roi  Stanislas  pour  s'opposer  aux 
envahissemens  de  la  puissance  russe ,  et 
à  l'influence  progressive  des  puissances 
étrangères.  Commandant  d'une  division 
des  forces  nationales ,  sous  les  ordres  da 
jeune  prince  Joseph  Poniatowski,  neveu 
du  roi  (  voyez  PONIATOWSKI  ) ,  Kos- 
ciuszko  se  conduisit  de  manière  à  exciter 
l'enthousiasme  de  ses  compatriotes ,  dans 
la  bataille  livrée  contre  les  troupes  de 
l'impératrice  Catherine  le  18  juin  1792, 
près  de  Zielence  dans  la  Volhynie.  Les 
Russes  s'étant  ensuite  rendus  jusqu'à  la 
rivière  du  Bug,  dirigèrent  principale- 
ment leur  attaque  contre  le  général  Kos- 
ciuszko,  placé  près  de  Dubienka  (17  juil- 
let 1792  ) ,  et  ce  dernier  leur  fit  perdre 
beaucoup  de  monde.  Cependant  les  en- 
nemis ayant  obtenu  de  l'Autriche  la  per- 
mission de  diriger  une  de  leurs  attaques 
par  la  frontière  de  Galitzie ,  cet  incident 
imprévu  força  le  général  polonais  à  la  re- 
traite ,  qu'il  fit  dans  le  plus  grand  ordre 
possible  jusqu'à  Chelm.  Ce  fut  alors  qu'on 
lui  conféra  la  croix  militaire  virtuti  mili- 
tari. Mais  Stanislas  ayant  accédé  aux  con- 
ditions imposées  par  la  Russie ,  Kos- 
ciuszko  se  démit  de  son  grad» ,  ainsi  que 
plusieurs  autres  officiers  supérieurs  ,  et 
s'éloigna  de  la  Pologne.  Il  s'était  retiré  à 
Leipsick,  lorsqu'il  apprit  que  l'assenablée 
nationale  de  France ,  par  un  décret  so- 
lennel du  26  août  1792  ,  lui  avait  déféré 
le  titre  de  citoyen  français.  La  Pologne 
avait  été  soumise  à  un  partage  dans  la 
diète  de  Grodno,  et  il  y  avait  plus  dun  an 


KOS 


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ROT 


que  Koscîuszko  vivait  en  Saxe ,  lorsque 
ses  compatriotes ,  qui  se  disposaient  à  se- 
couer le  joug  des  Russes,  lui  envoyèrent 
une  députation  pour  l'inviter  à  se  mettre 
à  leur  tôte.  Kosciusxko  accepta  avec  em- 
pressement ce  périlleux  honneur,  en  con- 
seillant toutefois  de  différer  encore  le  si- 
gnal de  l'insurrection.  Après  un  délai 
d'un  mois  ,  informé  que  l'ardeur  des  Po- 
lonais ne  pouvait  plus  être  contenue ,  il 
se  rendit  à  Cracovie  (24  mars  W94),  au 
moment  où  le  {jénéral  Antoine  Madalinski 
venait  de  commencer  les  hostilités,  et  où 
on  venait  de  le  déclarer  lui-même  géné- 
ralissime de  toutes  les  armées  de  la  répu- 
blique. En  un  instant  toute  la  Pologne 
fut  en  feu  ,  cl  l'acte  d'indépendance  na- 
tionale fut  dressé  à  Cracovie ,  le  jour 
même  de  son  entrée  dans  cette  ville.  In- 
vesti d'un  pouvoir  illimité ,  il  marcha 
aussitôt  contre  les  Russes  avec  cinq  mille 
hommes,  et  mit  ses  adversaires  en  pleine 
déroule  à  Resîawice  (4  avril).  Ce  pre- 
mier succès  acheva  de  ranimer  l'ardeur 
des  Polonais,  les  Russes  évacuèrent  Var- 
sovie ,  et  Kosciuszko  se  vit  à  la  tète  de 
bO,000  combattans.  La  Prusse  s'étant  réu- 
nie à  la  Russie,  Kosciuszko  eut  à  lutter 
contre  des  forces  de  beaucoup  supé- 
rieures à  celles  dont  il  pouvait  disposer. 
La  lutte  continua  cependant  encore ,  et  il 
ne  fallait  pas  moins  que  toute  l'énergie 
de  la  nation  polonaise  pour  balancer  par 
des  avantages  les  revers  qu'elle  éprouva. 
Enfin  ,  attaqué  par  les  Russes  près  de 
Macieïowice ,  Kosciuszko,  après  avoir 
long-temps  disputé  la  victoire,  fut  ren- 
versé de  cheval,  percé  de  coups,  et  céda 
à  sa  mauvaise  fortune  en  s'écriant  :  Finis 
Poloniœl  Vêtu  du  costume  d'un  paysan, 
il  allait  expirer  sous  le  fer  des  Cosaques , 
lorsque  des  officiers  le  reconnurent,  et  le 
firent  prisonnier.  On  le  conduisit  à  Saint- 
Pétersbourg  ,  où  il  resta  deux  ans  enfermé 
dans  un  cachot ,  et  il  n'en  sortit  qu'après 
la  mort  de  Catherine  (  novembre  1796  ). 
Paul  l",  qui  s'empressa  de  lui  rendre  la 
liberté ,  en  montant  sur  le  trône ,  le  com- 
bla de  témoignages  d'estime,  et  lui  fit 
même  une  pension  dont  le  fier  Polonais 
lui  renvoya  le  brevet  aussitôt  qu'il  eut 
quitté  la  Russie.  Kosciuszko  se  rendit 
bientôt  après  en  Angleterre,  puis  en  Amé- 
rique, et  en  revint  en  1798,  en  France, 
où  il  fut  reçu  avec  enthousiasme.  Il  con- 
tribua par  ses  représentations  et  ses  dé- 
marclies  auprès  du  Directoire  à  opérer  uu 
rapprochement  entre  la  France  et  les 
Etats-Unis,  et  proposa  de  procurer  à  la 


France  un  grand  nombre  d'auxiliaires 
parmi  ses  compatriotes ,  demandant  en 
retour  que  l'indépendance  de  la  Pologne 
fût  garantie  lorsqu'on  traiterait  delà  paix  i 
générale.  Mais  il  ne  fui  pris  à  ce  sujet  au- 
cune détermination.  Kosciiiszko  vécut 
obscurément ,  jusqu'en  1814  ,  soit  à  Paris , 
soil  dans  une  maison  qu'il  avait  acquise 
près  de  Fontainebleau.  Napoléon  voulut, 
en  1806 ,  se  servir  de  son  nom  pour  opé- 
rer un  soulèvement  en  Pologne.  Mais  le 
brave  général,  comprenant  quel  était  1« 
but  du  conquérant  Français,  répondit  aux 
avances  qui  lui  furent  faites  par  un  refus 
formel.  On  publia  néanmoins  dans  les 
journaux  une  proclamation  aux  Polonais 
que  l'on  donnait  comme  étant  émanée  de 
lui ,  et  les  réclamations  qu'il  voulut  élever 
dans  celte  circonstance  ne  furent  pohit 
accueillies.  A  l'époque  de  l'invasion  de 
1814  ,  les  Russes  lui  témoignèrent  des 
égards;  l'empereur  Alexandre,  avec  qui 
il  eut  une  longue  entrevue,  le  pressa  de 
retourner  dans  sa  patrie  ,  et  l'exilé  à  son 
tour  demanda  au  monarque  sa  réinté- 
gration au  rang  des  nations  libres.  Kos- 
ciuszko fit  même  un  voyage  à  Vienne  où 
toutes  ses  généreuses  espérances  achevë- 
renl  de  s'évanouir;  il  revint  de  cette  ville 
en  Suisse,  où  il  est  mort  à  Solcure,  le  l,> 
octol)re  1817.  Ses  restes  ont  été  transférés 
en  Pologne ,  avec  les  plus  grands  hon- 
neurs, et  déposés  dans  la  cathédrale  de 
Cracovie  entre  la  tombe  de  JcanSobieski 
et  de  Joseph  Poniatowski.  En  1817,  durant 
son  séjour  à  Soleure,  Kosciuszko  avait  af- 
franchi, par  un  acte  notarié,  les  serfs  de 
la  petite  terre  qu'il  possédait  en  Lithuanie. 
Il  déposa,  entre  les  mains  du  célèbre  Jef- 
ferson,  un  legs  ùi  13,000  dollars  pour 
fonder  un  collège  destiné  à  rinstruction 
des  noirs  ;  celte  volonté  a  reçu  son  exécu- 
tion ,  et  l'établissement  a  été  fondé  à 
Newark.  M.  A.  JuUien,  directeur  de  1» 
Revue  encyclopédique^  a  publié,  dans 
les  Annales  des  faits  et  des  sciences  mili- 
taires (Paris,  Panckoucke,  1818-1819), 
une  Notice  biographique  sur  Kosciuszko; 
elle  a  paru  séparément,  Paris,  1818,  in- 
8°  de  48  pages. 

ROSROU  et  KOUROM.  Foy.  GEHAN- 
GUIR. 

ROTTER  (CnniSTOPHE),  corroyeur  de 
Sprotau  en  Silésie  ,  devint  fameux  dans 
le  parti  protestant  par  les  visions  qu'il 
disait  avoir.  Commenius  ayant  fait  con- 
naissance avec  lui,  se  rendit  promuiga- 
teur  de  ses  prophéties.  Connue  elles  an- 
nonçaient de  grands  malheurs  à  la  maison 
13. 


KOT 


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KOT 


d'Autriche ,  et  de  grands  avatitages  à  ses 
ennemis,  on  le  mit  au  pilori  à  Breslau, 
en  1627 ,  et  on  le  bannit  ensuite  des  états 
de  l'empereur.  Cette  légère  punition  ne 
le  corrigea  pas.  Il  passa  dans  la  Lusace , 
et  y  prophétisa  jusqu'à  sa  mort ,  arrivée 
en  1647,  à  62  ans.  Commenius  publia  les 
•  iclires  de  ce  visionnaire,  et  ceux  de  Dra- 
bitius  et  de  Christine  Poniatovia,  sous  le 
titre  de  Lux  in  tenebris ,  Amsterdam, 
1G65.  L'édition  de  1657  est  beaucoup  moins 
ample. 

•  KOTZEBUE  ou  KOT^BUE  (  Auguste- 
Frédéric-Ferdinand  de),  littérateur  alle- 
mand, né  le  5  mai  176l,àWeimar,  où  son 
père  était  conseiller  de  légation,  com- 
mença son  éducation  dans  sa  ville  natale, 
et  la  termina  dans  les  écoles  deDuisbourg 
et  à  l'université  d'Iéna.  Après  avoir  ache- 
vé avec  succès  son  cours  de  droit,  il  pa- 
raissait devoir  embrasser  la  carrière  de 
la  jurisprudence  ;  mais  à  l'âge  de  20  ans  , 
i!  fut  appelé  à  Saint-Fétersbourg  par  le 
comte  de  Gocrtz ,  ami  de  son  père ,  qui  le 
plaça  dans  cette  capitale  en  qualité  de  se- 
crétaire de  M.  de  Bauer  ,  général  du  gé- 
nie. Ce  dernier,  qui  mourut  doux  ans 
après,  le  recommanda  dans  son  testament 
à  l'impératrice  Catherine.  Cette  princesse 
qui  connaissait  le  talent  de  Kotzebue  le 
nomma  conseiller  titulaire ,  et  le  plaça 
dans  l'administration  de  Revcl  en  Esto- 
nie ,  où  il  devint  en  1783  assesseur  au 
premier  tribunal,  et  ensuite  président  du 
gouvernement  civil  avec  le  grade  de  lieu- 
tenant-colonel. Ayant  donné  sa  démission 
en  1793 ,  il  se  relira  dans  une  petite  pro- 
priété qu'il  possédait  près  de  Narva  ;  puis 
il  devint  directeur  du  théâtre  de  Vienne, 
qu'il  quitta  bientôt  pour  retourner  à 
Weimar.  Il  s'était  marié  en  Russie ,  et  sa 
femme  y  était  morte,  en  lui  laissant 
deux  fils  qui  étaient  élevés  au  collège  des 
cadets  à  Saint-Pétersbourg.  Il  partit  en 
1800  pour  cette  ville.  Arrivé  sur  les  fron- 
tières de  l'empire,  il  fut  arrêté  par  ordre 
de  Paul  1"  qui  le  croyait  auteur  de  quel- 
ques pamphlets  diffamatoires  où  il  était 
j)ersonnellement  insulté ,  et  on  l'exila  à 
Kurgaii  en  Sibérie.  Cependant  l'empereur 
après  avoir  lu  une  de  ses  pièces  intitulée  : 
le  cocher  de  Paul  I",  qui  contenait  un 
panégyrique  de  ce  prince  et  qui  avait  été 
traduit  en  langue  russe  ,  le  rappela,  l'ac- 
cueillit à  la  cour,  et  lui  donna  la  direction 
du  théâtre  de  Saint-Pétersbourg.  Kotze- 
bue ne  conserva  pas  long-temps  cet  em- 
ploi :  le  désir  de  voir  sa  famille  l'engagea 
à  demander  sa  démission  qu'il  ne  put  ob- 


tenir qu'après  la  mort  de  Paul  I".  A  gon 
arrivée  à  Weimar ,  il  eut  avec  Goethe 
et  les  frères  Schlegel  quelques  démêlés 
à  la  suite  desquels  il  vint  à  Paris ,  où  il 
fut  reçu  avec  empressement  des  savans 
les  plus  distingués.  Il  parcourut  aussi 
rilalie  et  l'Allemagne,  et  il  se  trouvait 
vers  la  fin  de  1805  à  Berlin.  Il  corres- 
pondit dès  lors  continuellement  avec  la 
cour  d'Alexandre,  et  accompagna  en  1813 
les  armées  du  czar  comme  écrivain  poli- 
tique. Iloi)tinl  ensuite  la  place  de  consul- 
général  de  Russie  à  Kœnigsberg ,  fut  at- 
taché en  1816  aux  affaires  étrangères  à 
Saint-Pétersbourg  en  qualité  de  conseiller 
d'état ,  et  revint  en  1817  dans  sa  patrie, 
avec  le  titre  de  correspondant  littéraire 
de  l'empereur  et  une  pension  de  15,000 
roubles.  Il  fut  frappé  le  23  mars  1819  ,  de 
trois  coups  de  poignard  que  lui  porta  l'é- 
tudiant Sand,  et  dont  il  mourut  sur-le- 
champ  (  voyez  SAND  ).  Kotzebue  a  lui- 
même  raconté  une  partie  de  son  histoire 
I  dans  VJnnée  la  plus  remarquable  de 
ma  vie  ;  c'est  la  relation  de  son  exil  en 
Sibérie,  ouvrage  qui  a  toute  l'apparence 
d'un  roman  ;  il  eut ,  dit-il,  à  essuyer  mille 
mauvais  iraitemens  de  la  part  de  ses 
gardes,  qui  d'abord  le  conduisirent  à  Mit- 
tau,  puis  en  Sibérie,  d'où  il  s'évada. 
Après  avoir  long-temps  erré  en  Livonie , 
il  retomba  au  pouvoir  de  ses  persécu- 
teurs, fut  amené  à  Tobolsk,  et  enfin  à 
Kurgau,  lieu  qui  devait  lui  servir  d'exil; 
tout  cela  est  assaisonné  d'un  grand  nom- 
bre daventures  pathétiques.  Un  de  ceux 
qui  dévoilèrent  ce  qu'il  y  avait  de  faux 
dans  ce  récit,  fut  M.  Masson ,  que  Kot- 
zebue avait  assez  mal  traité  dans  son 
Àn7iée  la  plus  remarquable  >  à  l'occasion 
d'un  ouvrage  du  premier  intitulé  Mé- 
moires secrets  de  la  Russie.  Masson  avait 
à  son  tour  attaqué  son  adversaire  d'une 
manière  viclorieuse.Néanmoinscelui-ciré- 
pliqua  ensuite  (en  1802),  par  une  brochure 
intitulée  Réponse  courte  et  modérée .  etc. 
Lorsque  Kotzebue  se  rendit  à  Paris  ,  le 
succès  qu'avaient  obtenu  deux  de  ses  co- 
médies (  Misanthropie  et  les  deux  Frè- 
res )  lui  avait  préparé  dans  cette  capitale 
la  réception  la  plus  bienveillante.  Chaque 
littérateur  surtout  s'empressait  de  fêler 
ledramatiste  allemand,  dont  la  conver- 
sation était  d'ailleurs  très  spirituelle.  Il  se 
montra  néanmoins  peu  reconnaissant  des 
politesses  sans  nombre  qu'il  reçut  des 
Français;  et  dans  son  ouvrage  intitule 
jUes  Souvenirs  de  Paris  .  qui  ont  été  tra- 
duits en  français  par  Guilberl  de  Pixéié- 


KOT 


151 


ROT 


courl,  Paris  ,  1803 ,  2  vol.  iii-12  ,  il  ne  se 
borne  pas  à  rapporter  des  jugemcns  faux, 
desanecdolcs  conlrouvées,  mais  il  insulte, 
il  calomnie  ceux-là  même  qui  l'avaient 
reçu  dans  leurs  maisons  avec  générosité 
et  confiance.  ]  Dans  ses  Souvenirs  de  Rome 
et  de  Naples  j  il  ne  ménage  pas  les  Ita- 
liens ;  et  plusieurs  de  ses  compatriotes  al- 
lemands ne  furent  pas  mieux  traités  par 
sa  verve  satirique.  Parmi  ses  autres  écrits, 
qui  ont.exercé  une  si  grande  influence  en 
Allemagne,  nous  citerons  :  |  une  Histoire 
de  l'ancienne  Prusse  >  1808 ,  k  vol.  in-8"  ; 
c'esl  un  bon  ouvrage  de  critique  et  d'é- 
rudition ;  il  est  de  plus  écrit  avec  esprit 
et  avec  chaleur,  mais  non  pas  avec  toute 
la  gravité  convenable  au  genre  histori- 
que. Il  consulta  pour  cette  histoire  les  ar- 
chives secrètes  de  l'ordre  teutonique  :  elle 
est  poussée  jusqu'en  1466 ,  à  la  paix  de 
Thorn.  |  Histoire  de  l'empire  d'Allema- 
gne; elle  est  inférieure  à  la  précédente  :  au 
reste  ni  l'une  ni  l'autre  n'ont  eu  beaucoup 
de  succès.  Un  grand  nombre  de  Romans 
dont  le  plus  connu  a  pour  titre  les  3fal- 
heurs  de  la  famille  d' Orthemberg .  On 
cite  sous  le  nom  de  Kotzebue  près  de  500 
tragédies,  comédies,  drames,  opéras, 
farces,  tant  en  vers  qu'en  prose.  Mais  on 
sait  qu'il  en  a  acheté  la  plus  grande  par- 
tie ,  à  bas  prix,  de  plusieurs  étudians,  et 
qu'après  les  avoir  retouchées,  il  les  a 
vendues  très  cher  aux  différens  théâtres 
de  l'Allemagne.  11  en  a  imité  quelques- 
unes  d'auteurs  espagnols,  italiens  et  fran- 
çais. L'Homme  de  quarante  ans  est  une 
imitation  de  la  Pupille  de  Fagan.  La  Pe- 
tite Ville  d' Allemagne  est  tirée  de  la  Pe- 
tite Ville  de  Picard.  D'autres  pièces  telles 
que  la  Fausse  Honte,  la  Veuve  et  le  Che- 
val ,  sont  de  véritables  satires,  qui  lui  at- 
tirèrent à  Hambourg  et  à  Bremen  beau- 
coup de  dcsagrémens.  Ses  tragédies  les 
plus  accréditées  sont  :  Gusiave-JVasa  ; 
I.cs  Hussiles;  Oclavie  ;  le  Siège  de  Nauem- 
bourg  ;  La  Prétresse  du  soleil  (  imitée  d'un 
opéra  italien,  la  Vergine  del  sole);  Les 
Espagnols  au  Pérou;  Hugo-Grotius,  etc. 
Ou  distingue  parmi  ses  drames ,  Les 
deux  Frères^  traduit  en  français  par 
MM.  Weiss,  Jauffret  et  Patrat ,  et  Misan- 
thrnjne  et  Repentir  j,  traduit  en  français , 
par  M.  Mole,  etc.  n  On  ne  peut  lui  refuser, 
»  dit  M""=  de  Staël ,  une  intelligence  par- 
»  faite  des  effets  du  théâtre.  Les  deux 
»  Frères,  Misanthropie  et  Repentir  j  les 
»  Hussites .  les  Croisés .  Hugo-Grotius , 
»  Jeanne  de  Mont  faucon  Ja  mort  de  Rol- 
»  h,  ont  excité  le  plus  vif  intérêt  partout 


»  où  ces  pièces  ont  été  jouées.  Toutefois 
»  il  faut  avouer  que  Kotzebue  ne  sait  don- 
»  ner  à  ses  personnages  ni  la  couleur  des 
«siècles  dans  lesquels  ils  ont  vécu,  ni 
»  les  traits  nationaux,  ni  le  caractère 
»  que  l'histoire  leur  assigne.  Ses  per-' 
»  sonnages  ,  à  quelque  pays  ,  à  quelque 
»  siècle  qu'ils  appartiennent,  se  montrent 
»  toujours  contemporains  et  compatrio- 
»  tes  ;  ils  ont  les  mêmes  opinions ,  les 
«mêmes  mœurs  modernes;  et  soit  qu'il 
i>  s'agisse  d'un  homme  de  nos  jours  ou  de 
»  la  fille  du  soleil ,  l'on  ne  voit  jamais 
»  dans  ses  pièces  qu'un  tableau  du  temps 
»  présent,  naturel  et  pathétique.  Si  le 
»  talent  théâtral  de  Kotzebue ,  unique  en 
i>  Allemagne ,  pouvait  être  réuni  avec  le 
»  ton  de  peindre  les  caractères  tels  que 
B  l'ixistoire  nous  les  a  transmis ,  et  si  son 
»  style  poétique  s'élevait  à  la  hauteur  des 
»  situations  dont  il  est  l'ingénieux  inven- 
»  teur,  le  succès  de  ses  pièces  serait  aussi 
»  durable  qu'il  est  brûlant.  »  M"*'  de  Staël 
lui  reproche  encore  de  n'avoir  pas  asser 
respecté  la  religion,  surtout  dans  ses  pre- 
mières productions.  On  peut  ajouter  à  ce 
reproche ,  que ,  dans  presque  toutes  ses 
pièces ,  l'action  marche  au  hasard ,  et  que 
les  événomens  arrivent  'par  la  seule  rai- 
son que  l'auteur  en  a  besoin  pour  un  dé- 
noûment  ;  que  le  goût  français  est  conti- 
nuellement choqué  par  le  mélange  des 
détails  comiques  et  tragiques  ;  et  qu'enfin 
son  style  n'a  que  bien  rarement  de  la  con- 
cision et  de  l'élévation.  Ses  OEuvres  dror 
matiques  ont  été  recueillies  à  Leipsick, 
1797,  5  vol.  in-8°,  et  1798-1819,  23  vol.  in- 
8°.  Plusieurs  de  ses  pièces  ont  été  tra- 
duites ou  imitées  en  français.  Outre  celles 
que  nous  avons  citées  de  lui ,  on  remar- 
qua dans  le  temps  un  petit'  drame  inti- 
tulé ;  Ze  club  des  jacobins ,  où  il  osa  re- 
tracer avec  franchise  le  double  caractère 
de  folie  et  de  scélératesse  de  ceux  qui 
alors  déshonoraient  le  nom  de  la  liberté. 
—  Les  opinions  de  Kotzebue  ont  subi  de 
singulières  variations  suivant  les  circon- 
stances où  il  s'est  trouvé.  Une  de  ses  pre- 
mières productions  politiques  fut  une  Dé- 
fense de  lanoblesse,  publiée  en  1792,  où  il 
développe  avec  une  grande  force  le  prin- 
cipe de  la  nécessité  d'une  noblesse  héré- 
ditaire dans  une  monarchie.  Plus  tard  il 
adopta  les  idées  révolutionnaires,  qu'il 
propagea  même  dans  divers  pamphlets. 
Après  son  voyage  à  Paris ,  il  se  déchaîna 
contre  Bonaparte;  il  rédigea  à  Berlin, 
de  concert  avec  M.  Merkol ,  "un  journal 
dont  le  titre  était  le  Sincère ,  dans  lequel 


KOT 


152 


KOU 


U  comballait  avecTorceel  beaucoup  d'es- 
prit la  politique  de  ce  conquérant.  Ce 
journal  commença  à  paraître  en  septem- 
bre 1803  :  et  voici  cependant  comment  il 
s'exprimait,  en  iSOA.,  dans  son  livre  qui  a 
•  pour  titre  Voyage  de  Paris  à  Berlin...  : 
•  Le  système  de  politique ,  dit  l'auteur, 
»  qui  rend  un  peuple  heureux  et  glorieux 
»  est  toujours  jxiste  et  légitime...  La  pos- 
»  té  rite  ne  jugera  que  par  les  résultats 
»  Vhomme  héroïque  qui,  comme  Jupiter, 
»  fait  trembler  la  terre  en  fronçant  le 
»  sourcil.  Peu  importe  qu'il  ne  se  fasse  pas 
»  de  scrupule  de  sacrifier  les  hommes, 
»  qu'il  ne  les  regarde  que  comme  des  in- 
»  slrumens  qui  lui  servent  à  arriver  au 
s  but  qu'il  se  propose ,  s'il  rend  heureux 
»  tous  ceux  qu'il  ne  sacrifie  pas...  !  »  On 
sait  que  Napoléon ,  en  1804 ,  s'était  fait  dé- 
clarer empereur.  Peu  avantcetle  époque, 
Kotzebue  reçut  un  affront  public  auquel  il 
parut  très  sensible.  S'étant  brouillé  avec 
son  corédacteur  Merkel,  celui-ci  écrivit 
contre  lui  dans  son  journal,  et  dévoila 
des  faits  que  Kotzebue  aurait  voulu  tenir 
caches  atout  le  monde.  Réconcilié  avec  la 
cour  de  Russie  ,  il  se  dévoua  entièrement 
à  son  service  etonle  regarde  comme  l'au- 
teur de  plusieurs  proclamations  et  d'autres 
pièces  qui  émanèrent  alors  du  cabinet  de 
Saint-Pétersbourg  ,  et  dans  lesquelles  on 
remarque  un  contraste  frappant  entre  ses 
opinions  de  1800  et  celles  de  1812.  L'em- 
pereur Alexandre  lui  ayant  accordé  la 
])ermission  de  se  fixer  dans  sa  patrie,  le 
chargea  en  même  temps  de  lui  rendre 
compte  de  l'esprit  public  de  ce  pays. 
Deux  prédécesseurs  immédiats  d'Alexan- 
dre avaient  eu  de  semblables  correspon- 
dans.  Grimin  le  fut  de  Catherine  II,  et 
Laliarpe  de  Paul  I"".  Moins  heureux  que 
ses  devanciers,  Kotz,«bue  dut  à  cette  cor- 
respondance sa  mort  tragique.  On  sait 
combien  est  répandue  dans  l'Allemagne 
la  secte  des  Carbonarij  ou  des  Illuminés. 
Kotzebue,  dans  ses  lettres  à  l'empereur 
Alexandre,  la  peignait  avec  les  couleurs 
les  plus  vives,  montrait  comme  éminem- 
ment dangereux  les  principes  qu'elle  pro- 
fessait, et  ne  cachait  pas  qu'elle  visait 
sourdement  à  la  destruction  des  trônes, 
iau  bouleversement  de  l'Europe  ,  et  mémo 
[du  monde  entier.  Comme  les  étudians  de 

i l'université  de  l'Allemagne  sont  les  plus 
attachés  à  la  secte  des  illuminés ,  c'étaient 
eux  principalement  que  Kotzebue  com- 
ballait. Ceux  de  leurs  partisans  qui  se 
disaient  le  mieux  instruits  prétendirent 
qu'il  y  avait  de  l'exagération  dans  ses  at- 


taques. Quoi  qu'il  en  soit,  le  lésultatn'en 
fut  pas  moins  terrible  pour  leur  antago- 
niste. On  ignore  par  quel  hasard  plusieurs 
lettres  de  la  correspondance  de  Kotzebue 
furent  rendues  publiques  :  elles  tombè- 
rent entre  les  mains  des  étudians.  Un  de 
ceux-ci,  nommé  Sand,  quitte  son  univer- 
sité, se  rend  à  Manheim ,  puis  à  la  mai- 
son de  Kotzebue ,  et  demande  à  lui  par- 
ler ;  il  est  introduit  dans  son  cabinet,  et, 
sans  prononcer  un  seul  mot,  le  frappe  de 
son  poignard,  et  Kotzebue  expire  au  mo- 
ment même.  On  ne  saurait  exactement 
définir  le  caractère  de  Kotzebue  ;  mais  il 
est  certain  que  dans  plusieurs  occasions  on 
lui  reprocha  justement  d'être  envieux , 
versatile  et  avide.  Il  serait  cependant 
injuste  de  lui  refuser  du  talent,  un 
style  vif,  animé  et  plein  de  coloris.  Ses 
connaissances  étaient  très  variées,  et  il 
s'exerça  presque  dans  tous  les  genres, 
excepté  dans  le  genre  épique.  Nous  ne 
pouvons  pas  faire  le  même  éloge  de  son 
jugement  ni  de  son  bon  goût,  qu'on  pou- 
vait appeler  anti-classique.  Il  disait  lui- 
même  qu'il  n'avait  jamais  pu  voir  dans  la 
Vénus  de  Médicis  ^  «  qu'une  jolie  servante 
»  surprise  en  grand  déshabillé  par  le 
»  jeune  maître  de  la  maison  ,  dont  elle  ne 
»  se  presse  pas  trop  de  fuir  les  regards.  » 
C'est  à  peu  prèsle  jugement  qu'aurait  porté 
sur  cette  statue  un  brasseur  de  Weiniar. 
Le  groupe  de  Laocoon  ne  lui  représen- 
tait «que  les  convulsions  repoussantes  d'un 
»  scélérat  que  le  bourreau  fait  expirer  sur 
»  la  roue.  »  Quelqu'un  lui  ayant  demandé 
ce  qu'il  avait  trouvé  de  bon  à  Paris,  il 
répondit  par  une  basse  platitude  que  nous 
dédaignerons  de  rapporter.  Malheureuse- 
ment ce  faux  jugement  et  ce  mauvais 
goûl  régnent  dans  to'utes  ses  pièces  drama- 
tiques ,  quoiqu'il  faille  convenir  qu'on  y 
trouve  beaucoup  d'imagination ,  une  par- 
faite connaissance  du  théâtre  ,  des  scènes 
comiques  et  intéressantes,  un  dialogue 
facile ,  plein  de  verve  et  de  saiUieS  pi- 
quantes ;  mais  Kotzebue  connaissait  mieux 
les  dehors  de  l'homme  que  son  cœur  et 
ses  passions.On  trouve  des  détails  snr  Kot- 
zebue ,  dans  l'ouvrage  allemand  de  Eich- 
horn,  intitulé  Histoire  générale  de  la 
littérature  j  Xoxtx.  k,  sect.  2.  M.  flenricha 
a  aussi  donné  une  Notice  sur  ce  grand 
écrivain  dans  la  Revue  encyclopédique, 
tom.  6,  pag.  52. 

KOTIC  (  Pierre  ).  Voyez  CŒCK. 

KOULI-RAIV  (Thahas  ),  roi  de  Per^e, 
appelé  aussi  Nadir-Schah,  naquit  en 
1688  (1100  de  l'hégire  ),  à  Calot,  dans  la 


KOU 


155 


KOU 


province  du  Khorasan,  une  des  pjus 
orientales  de  la  Perse,  et  sujette  aux  in- 
cursions des  Tarlares  Usbecs  contre  les- 
quels il  eut  à  combattre  dès  l'âge  de  13  ans, 
pour  défendre  ses  propriétés.  Le  père  de 
Nadir  était  gouverneur  de  la  forteresse 
de  Calot  :  cette  dignité  depuis  long-temps 
était  héréditaire  dans  sa  famille ,  et  de- 
vait par  conséquent  revenir  à  son  fils, 
qu'il  laissa  mineur  à  sa  mort;  mais  l'on- 
cle de  celui-ci  s'empara  du  gouverne- 
ment, sous  prétexte  d'en  prendre  soin 
jusqu'à  la  majorité  de  son  neveu.  Nadir, 
indigné  d'une  telle  conduite ,  s'expatria. 
Après  divers  exploits ,  plus  dignes  d'un 
brigand  que  d'un  capitaine  ,  il  se  distin- 
gua honorablement  en  rçjf)0ussant  les 
Tartares  Usbecs  qui  ravageaient  le  Kho- 
rasan; mais  il  irrita  en  même  temps,  par 
son  orgueil ,  le  gouverneur  de  cette  pro- 
vince ,  au  point  que  celui-ci  lui  fît  don- 
ner la  bastonnade  sous  la  plante  des  pieds, 
jusqu'à  ce  que  les  ongles  des  orteils  lui 
fussent  tombés.  Cet  affront  obligea  Nadir 
à  prendre  la  fuite  ;  il  se  joignit  à  deux  vo- 
leurs de  grand  chemin,  enrôla  des  ban- 
dits, et  se  vit  dans  peu  à  la  tète  de  500 
hommes  bien  montés.  Avec  ce  corps,  il 
ravagea  tout  le  pays,  et  brûla  les  maisons 
de  tous  ceux  qui  refusaient  de  contri- 
buer. Les  Aghwans  s'étaient  rendus 
maîtres  d'Ispahan  sous  la  conduite  de 
Maghmud  ,  qui  venait  d'envahir  la  Perse. 
Les  Turcs  el  les  Moscovites  s'étaient,  d'un 
autre  côté,  jetés  sur  divers  états  delà  Perse; 
de  sorte  que  Schah-Thamas,  légitime 
successeur  de  Hossein,  n'avait  plus  que 
deux  ou  trois  provinces.  Un  des  généraux 
de  son  armée,  dont  il  était  mécontent,  se 
retira  secrètement  auprès  de  Nadir  avec 
1500  hommes.  L'oncle  de  Nadir,  appré- 
hendant alors  qu'il  ne  vînt  le  dépouiller 
du  gouvernement  à  main  armée ,  lui 
écrivit  qu'il  obtiendrait,  s'il  voulait,  le 
pardon  de  tout  ce  qu'il  avait  fait ,  et  qu'il 
pourrait  entrer  au  service  du  roi.  Il  ac- 
cepta cette  offre,  et  partit  sans  différer 
pour  Calot,  avec  le  général  fugitif  et  cent 
hommes  d'élite.  Il  fut  bien  reçu,  mais 
la  nuit  suivante  il  fit  investir  la  place  par 
500  hommes,  et  étant  monté  dans  la 
chambre  de  son  oncle  ,  il  le  tua  en  1727. 
Schah-Thamas  ayant  besoin  de  monde, 
fit  dire  à  Nadir  qu'il  lui  pardonnerait  en- 
core ce  crime,  s'il  venait  le  joindre,  et 
qu'il  le  ferait  Min-Baschi,  ou  comman- 
dant de  mille  chevaux.  Nadir,  ravi  de 
cette  proposition,  se  rendit  auprès  du 
monarque,  s'excusa ,  et  promit  beaucoup 


de  fidélité.  Après  s'être  signalé  en  di- 
verses rencontres  contre  les  Turcs,  il 
fut  fait  lieutenant-général.  Il  sut  raéme 
si  bien  s'insinuer  dans  l'esprit  du  roi,  et 
rendre  suspect  le  général  de  ses  troupes, 
que  ce  dernier  ayant  eu  la  tête  tranchée. 
Nadir  se  vit  général  au  commencemenl 
de  l'an  1729.  C'est  alors  qu'il  déploys 
toute  l'étendue  de  ses  talens ,  et  le  roi  se 
reposa  sur  lui  de  toutes  les  affaires  mili- 
taires. Dans  le  mois  d'août  de  cette  année, 
Thamas  apprit  qu'Aschruff,  successeur  de 
Maghmud ,  s'avançait  avec  trente  mille 
hommes  vers  le  Khorasan  :  Nadir  marcha 
contre  lui  ;  la  bataille  se  donna,  et  Aschruf  f 
y  ayant  perdu  12,000  hommes ,  se  retira 
à  Ispahan  avec  environ  le  tiers  de  son 
armée.  Thamas ,  pour  récompenser  de 
tels  exploits,  fit  à  son  général  le  plus  grand 
honneur  qu'un  roi  de  Perse  puisse  faire. 
Il  lui  ordonna  de  porter  son  nom  ;  de  sorte 
qu'il  fut  nommé  THAMAS -KULI  ou 
KOULI ,  l'esclave  de  Thamas ,  en  y  ajou- 
tant le  mot  KAN ,  qui  signifie  seigneur. 
L'esclave  voulut  bientôt  être  le  maître. 
Kouli-Kan  excita  une  révolte  contre  Tha- 
mas ,  le  fit  enfermer  dans  une  prison  ol)- 
scure ,  et  se  plaça  sur  le  trône  d'où  il  l'a- 
vait fait  descendre.  Il  fut  couronné  en 
1736,  àKasbin.  Le  Grand-Seigneur  et  le 
Mogol  le  reconnurent  pour  roi  de  Perse. 
Il  partit  au  mois  de  décembre ,  avec  une 
armée  de  plus  de  80,000  hommes,  ayant 
laissé  son  fils  Beza-Kuli-Mirla,  pour  com- 
mander dans  Ispahan  pendant  son  ab- 
sence. Il  prit  Kandahar  après  un  siège  de 
dix-huit  mois.  Quelques  ministres  de  Ma- 
hommed-Schah  ,  empereur  du  Mogol  ou 
de  rindoslan,  écrivirent  à  Kouli-Kan  pour 
l'inviter  à  s'emparer  d'un  empire  dont  le 
monarque  indolent  et  voluptueux  n'était 
pas  digne.  Dès  que  le  roi  de  Perse  eut 
pris  ses  sûretés,  il  ne,se  refusa  pas  à  cette 
conquête  ,  si  conforme  à  son  inclination. 
Après  s'être  emparé  des  villes  de  Gorbim- 
det  et  de  Ghoznaw,  il  marcha  droit  à  Ca- 
bul  capitale  de  la  province  du  même  nom, 
et  frontière  de  l'Indostan,  et  s'en  rendit 
maître  :  ily  trouva  d'immenses  richesses.II 
écrivit  au  Grand-Mogol  que  «  tout  ce  qu'il 
»  venait  de  faire  était  pour  le  soutien  de  la 
»  religion  et  de  l'empereur.  »  Mahommed 
ne  répondit  à  cette  lettre  qu'en  levant  des 
troupes.  Kouli-Kan  envoya  un  second  am- 
bassadeur pour  demander  environ  100 
millions  de  notre  monnaie  et  4  provinces. 
L'empereur,  fort  nonchalant ,  et  trahi  par 
ses  ministres ,  ne  fit  aucune  diligence. 
Pendant  ces  tergiversations ,  le  Persan  se 


KOU 


154 


KOU 


rendait  devant  Peishor,  dont  il  s'empara, 
après  avoir  défait  un  corps  de  7,000  hom- 
mes, campé  devant  celte  place,  au  mois 
de  novembre  1738.  Le  19  janvier  suivant 
il  se  vit  maître  de  Lahor.  Enfin ,  l'armée 
du  Grand-Mogol  s'ébranla ,  et  le  monar- 
que partit  de  Dehli  le  18  janvier.  Kouli- 
Kan  alla  au-devant  de  lui.  Son  armée  était 
d'environ  16,000  hommes  de  cavalerie. 
Il  alla  camper  à  une  petite  distance  de 
celle  de  l'ennemi.  Le  combat  se  donna , 
et  le  Persan  remporta  une  victoire  com- 
plète ,  quoiqu'il  n'eût  fait  agir  qu'une 
partie  de  ses  troupes.  La  consternation  et 
la  terreur  se  répandirent  dans  le  camp  de 
l'empereur.  On  tint  un  conseil,  et  on  fit 
faire  des  propositions  d'accommodement 
à  Kouli-Kan,  qui  exigea  qu'avant  toutes 
choses  le  Grand-Mogol  vînt  s'entretenir 
avec  lui  dans  son  camp.  L'empereur  fit 
ce  qu'on  demandait  de  lui  ;  et  après  que 
le  roi  de  Perse  l'eut  fait  asseoir  à  côté  de 
lui  dans  le  même  siège,  il  lui  parla  en  maî- 
tre et  le  traita  en  sujet .  Il  ordon na  ensuite  à 
un  détachement  de  cavalerie  de  s'emparer 
de  toute  l'artillerie  du  Grand  Mogol,et  d'en- 
lever tous  les  trésors,  tous  les  joyaux,  toute 
les  armes  et  les  munitions  de  l'empereur 
et  des  émirs.  Les  deux  monarques  se  ren- 
dirent 'ensuite  à  Dehli ,  capitale  de  l'em- 
pire ,  et  ils  arrivèrent  avec  leurs  troupes 
le  7  mars  1739.  Le  vainqueur  enferma  le 
vaincu  dans  une  prison  honorable ,  et  se 
fit  proclamer  empereur  des  Indes.  Tout 
se  passa  d'abord  avec  beaucoup  de  tran- 
quillité ;  mais  une  taxe  que  l'on  mit  sur 
le  blé  causa  un  grand  tumulte ,  et  quel- 
ques-uns des  gens  du  roi  de  Perse  fu- 
rent tués.  Le  lendemain  11.  le  tumulte  fut 
plus  grand  encore.  Kouli-Kan  monta  à 
cheval  et  envoya  un  gros  détachement  de 
ses  troupes  pour  apaiser  le  tumulte,  avec 
permission  de  faircy  main-basse  sur  les 
séditieux ,  après  avoir  employé  la  dou- 
ceur et  les  menaces.  S'élant  rendu  dans 
une  mosquée  ,  il  y  fut  attaqué  à  coups  de 
pierres  ;  on  tira  même  sur  lui.  Ce  prince, 
se  livrant  alors  à  toute  sa  fureur,  ordonna 
un  massacre  général  ;  il  le  fit  cesser  enfin  : 
mais  ayant  duré  depuis  8  heures  du  ma- 
lin ,  jusqu'à  trois  heures  après-midi ,  il  y 
eut  un  si  grand  carnage ,  que  l'on  compte 
qu'il  y  périt  plus  de  40,000  habilans. 
Pour  se  délivrer  d'un  hôte  si  formidable, 
il  s'agissait  de  lui  payer  les  sommes  qui 
lui  avaient  été  promises.  Kouli-Kan  eut 
pour  sa  part  des  richesses  immenses  en 
bijoux ,  en  diamans.  Il  emporta  beaucoup 
plus  de  trésors  de  Dehli  que  les  Espagnols 


n'en  prirent  à  la  conquête  du  Mexique. 
Ces  trésors ,  amassés  par  un  brigandage 
de  plusieurs  siècles,  furent  enlevés  par 
un  autre  brigandage.  On  fait  monter  le 
dommage  que  causa  cette  irruption  dea 
Persans,  à  125  millions  de  livres  sterling. 
Un  dervis ,  touché  des  malheurs  de  sa 
patrie ,  osa  présenter  à  Kouli-Kan  la  re- 
quête suivante  :  «  Si  tu  es  Dieu ,  agis  en 
»  Dieu  :  si  tu  es  prophète ,  conduis-nous 
»  dans  la  voie  du  salut  ;  si  tu  es  roi,  rends 
»  les  peuples  heureux ,  et  ne  les  détruis 
I)  pas.  n  Kouli-Kan  répondit  dans  le  style 
d'Attila  :  Je  ne  suis  pas  Dieu ,  pour  agir 
»  en  Dieu  ;  ni  propliète  ,  pour  montrer  le 
»  chemin  du  salut  ;  ni  roi ,  pour  rendre 
»  les  peuples%eureux.  Je  suis  celui  que 
»  Dieu  envoie  contre  les  nations  sur  les- 
n  quelles  il  veut  faire  tomber  sa  ven- 
»  geance  (i).  »  Le  monarque  persan,  qui 
était  en  droit  de  tout  exiger  de  Mahom- 
med ,  finit  par  lui  demander  en  mariage 
une  princesse  de  son  sang  pour  son  fils  , 
avec  la  cession  de  toutes  les  provinces  si- 
tuées au-delà  de  la  rivière  d'Atek ,  et  de 
celle  de  l'Indus,  du  côté  de  la  Perse.  Ma- 
hommed  consentit  à  ce  démembremenl 
par  un  acte  signé  de  sa  main.  Kouli-Kan 
se  contenta  de  la  cession  de  ces  belles 
provinces,  qui  étaient  conliguës  à  son 
royaume  de  Perse ,  et  les  préféra  à  des 
conquêtes  plus  vastes ,  qu'il  eût  conser- 
vées difficilement.  Il  laissa  le  nom  d'em- 
pereur à  Mahommed,  mais  il  donna  le 
gouvernement  à  un  vice-roi.  Comblé  de 
richesses,  il  ne  songea  plus  qu'à  retourner 
en  Perse.  Il  y  arriva  après  une  marche 
pénible,  qui  fut  traversée  par  plusieurs 
obstacles  ,  que  sa  valeur  et  sa  fortune  sur- 
montèrent. Ses  autres  exploits  sont  peu 
connus.  Cependant  on  sait  que  son  neveu 
Ali  ayant  levé  l'étendard  de  la  rébellion  , 
Kouli-Kan  marcha  contre  lui;  il  était 
campé  à  Feth-Abud,  lorsque  l'inleruianl 
de  sa  maison  et  plusieurs  généraux  l'al- 
laquèrent  de  nuit  dans  sa  tente  ;  il  se  dé- 
fendit vaillamment  ;  mais,  ayant  fait  une 
chute ,  il  fut  percé  par  leurs  coups  ,  et  on 
lui  trancha  la  tète  le  20  juin  1747.  «  Les 
»  assassins,  dit  un  historien  persan,  firent 
»  une  balle  de  paulme  de  celle  têle  que 
»  l'univers ,  i)eu  de  temps  auparavant , 
»  n'était  pas  capable  de  contenir.  »  Son 


(i)  Od  doit  ajouter  qu'il  te  moquait  de  toutes  les 
religions ,  m«!me  de  la  sienne.  Un  des  chefs  de  cette 
dernière  lui  ayant  remontre  que,  tout  grand  prince, 
tout  invincible  qu'il  était,  il  n'avait  pas  le  dioil  4'«n- 
nover  en  religion,  Kui)!i-Kao  ,  poui  toute  léponsef 
le  6t  e'irar.gler. 


KOU  ISS 

neveu  Ali  Kouli-Kanse  fit  proclamer  roi 
de  Perse.  Ses  conquêtes  ne  furent  mar- 
quées que  par  des  rava^jes.  II  nefutqu'nn 
illustre  scélérat.  11  aimait  excessivement 
les  femmes ,  et  semblait  nourrir  son  hu- 
meur sanguinaire  par  la  jouissance  des 
plaisirs  sensuels.  Sa  taille  était  de  six  pieds 
sa  constitution  fort  robuste ,  et  sa  voix 
extrêmement  forte.  L'histoire  de  ses 
exploits  est  une  vérification  bien  sensible 
de  la  réflexion  de  Montesquieu.  «  Que  l'on 
»  se  mette  devant  les  yeux ,  d'un  côté  les 
»  massacres  continuels  des  rois  et  des  chefs 
»  grecs  et  romains ,  et  de  l'autre  la  deslruc- 
»  tien  des  peuples  et  des  villes  par  ces 
ï  mêmes  chefs, Timur  etGengis-Kan,  qui 
»  ont  dévasté  l'Asie ,  et  nous  verrons  que 
»  nous  devons  au  christianisme ,  dans  le 
»  gouvernement,  un  certain  droit  poli- 
»  tique ,  et  dans  la  guerre ,  un  certain 
»  droit  des  gens ,  que  la  nature  humaine 
»  ne  saurait  assez  reconnaître.  »  Tout 
en  aspirant  à  la  monarchie  universelle., 
Kouli-Kan  eut  le  dessein  de  réunir  par 
une  même  croyance  les  chrétiens ,  les 
juifs  elles  mahométans.  Il  est  certain  qu'il 
fit  traduire  en  persan  le  Pentaieuque  et 
YEvangile.  Il  voulut  aussi  introduire  des 
innovations  dans  la  religion  musulmane, 
ce  qui  mécontenta  beaucoup  ses  sujets. 
Menacé  d'hydropisie ,  un  médecin  mu- 
sulman le  soigna  avec  succès.  Après  le 
départ  de  celui-ci,  il  se  'confia  aux  soins 
du  frère  Basin,  jésuite,  qui  ne  le  quitta 
plus,  et  qui  a  donné  une  Relation  exacte 
de  ses  dernières  années.  L'histoire  de 
Nadir-Schah  ^  par  Mahommed-Mahdy- 
Khan ,  écrite  en  persan  ,  a  été  traduite  en 
français  ,  par  William  Jones ,  Londres , 
1770,  in-4°. 

*  KOURARIN  (  le  prince  Alexandre 
de  ) ,  ancien  ministre  d'état  russe  près  la 
cour  impériale  de  France ,  bailli  de  l'or- 
dre de  Saint-Jean  de  Jérusalem  ,  chan- 
celier des  ordres  de  Russie ,  grand-croix 
de  la  légion  d'honneur ,  membre  des  or- 
dres de  Prusse ,  de  Danemarck ,  de  Ba- 
vière, etc.,  naquit,  en  1732  ,  d'une  des  fa- 
milles les  plus  illustres  de  la  Russie.  Le 
jeune  Kourakin  fut  élevé  avec  le  grand- 
duc  Paul,  depuis  empereur,  qui  eut  tou- 
jours pour  lui  une  bienveillance  portée 
jusqu'à  l'intimité.  Il  l'accompagna  dans 
ses  voyages  en  Allemagne ,  en  France  et 
en  Italie.  Nommé  en  1796  ministre  et  vice- 
chancelier  de  l'empire ,  il  se  démit  de  ses 
fonctions  ,  après  la  mort  violente  de 
Paul  r'  (  en  1801  ) ,  et  s'absenta  quelque 
temps  de  la  cour.  Cependant ,  cédant  aux 


KOU 

ordres  de  l'empereur  Alexandre ,  fils  ef 
successeur  de  Paul,  il  accepta  en  1802 
l'ambassade  de  Vienne.  Ce  fut  le  prince 
de  Kourakin  qui  entama  les  négociations 
avec  la  France ,  et  signa  le  traité  de  paix 
de  Tilsitt  en  1807.  Alexandre  le  créa  alors 
conseiller  privé   de  première  classe,  et 
feld  maréchal;  et  l'année  suivante  ,  il  le 
nomma  son  ambassadeur  à  Paris ,  où  il 
demeura  quatre  années.  Le  prince  de  Kou- 
rakin faillit  périr  à  l'occasion  de  la  fôte 
que  le  prince  de  Schwartzemberg ,  am- 
bassadeur de  François  II,  donnait  à  Na- 
poléon pour  célébrer  son  mariage  avec 
une  archiduchesse  d'Autriche ,  fille  de  cet 
empereur.  Le  feu  prit  à  la  salle  du  bal ,  el 
dans  la  confusion  générale ,  il  tomba  dans 
l'escalier,  fut  foulé  aux  pieds,  et  perdit 
connaissance.   Quand    on    l'emporta,   il 
était  couvert  de  blessures  qui  le  firent 
long-temps  souffrir ,  et  plusieurs  brûlures 
qu'il  avait  à  la  main  ne  purent  être  cica- 
trisées entièrement.  La  Russie  ne  voulant 
plus  adhérer  au  système    continental  , 
établi   par    Bonaparte    contre    le  com- 
merce anglais  ,  la  bonne  harmonie  fut  al- 
térée entre  les  deux  empereurs.  Le  prince 
de  Kourakin   montra  dans  les  négocia- 
tions qui  eurent  lieu  à  cette  occasion  les 
lalens  d'un  habile  diplomate,  et  une  fer- 
meté qui  fait  honneur  à  son  caractère.  Na- 
poléon lui  ayant  dit  :  «  J'ai  500,000  hom- 
»  mes  pour  mes  amis  ou  contre  mes  en- 
»  nemis  :  —  Non ,   sire  ,  vous  n'en  avez 
»  que  250,000,  »  lui  répondit  Kourakin. 
Il  avait  obtenu  ces  renseignemens  exacts 
de  deux  commis  au  ministère  de  la  guerre , 
qui  furent  condamnés  par  une  commis- 
sion militaire  à  être  fusillés.  La  guerre 
contre  la  Russie   ayant  été  déclarée  en 
mai  1812,  le  prince  de  Kourakin  se  re- 
tira dans  une  maison  de  campagne  qu'il 
avait  à  Sèvres  ,  où  il  attendit  long-temps 
ses  passeports.  Avant  la  rupture  défini- 
tive de   la  paix,   il  s'établit,  entre  les 
agens  français  ,  le  comte  de  Romanzow 
et  le  prince  de   Kourakin ,   une   corres- 
])ondance   officielle   qui  offre  un  grand 
intérêt  politique.  Quand  il  lui  fut  permis 
de  quitter  la  France ,  le  prince  de  Kou- 
rakin se   rendit  à  fliemel ,  où  on  lui  re- 
fusa de  nouveau  des  passeports.  Sa  po- 
sition devint  alors  très  critique  :  la  com- 
munication entre  Memel  et  Wilna,  où  se 
trouvait  l'empereur  Alexandre  ,  était  in- 
terrompue ,  et  le  prince  de  Kourakin  ne 
pouvait  pas  même  faire  parvenir  ses  let- 
tres à  son  souverain.  Cependant  les  Fran- 
gais  s'avancèrent   vers  Moscou  ,   et  le 


KOlî  15 

prince  Kourakin  apprit  à  Memel  l'incen- 
die de  cette  ville ,  qui  lui  causa  des  pertes 
considérables.  La  retraite  désastreuse 
des  Français  lui  permit  de  rejoindre 
l'empereur  Alexandre ,  dont  il  reçut  un 
honorable  accueil.  Le  sénat  russe,  qui, 
après  le  succès  des  alliés  en  Allemagne  , 
avait  décerné  le  litre  de  Béni  à  l'empe- 
reur ,  choisit  le  prince  de  Kourakin  pour 
aller  le  complimenter.  A  Berlin ,  il  fut  at- 
taqué d'une  longue  maladie ,  qui  l'empê- 
cha de  prendre  part  aux  affaires.  Alexan- 
dre le  nomma  ensuite  son  conseiller  d'é- 
tat; et  en  1817,  il  lui  donna  la  permission 
de  voyager  en  pays  étrangers.  L'empe- 
reur lui  continua  pendant  tout  ce  temps 
ses  appointemens ,  pensions ,  et  argent  de 
table ,  et  ajouta  dans  sa  dépêche  :  «  Quand 
»  il  aura  obtenu  du  soulagement  dans  son 
»  état  actuel ,  le  prince  de  Kourakin  ne  se 
r>  refusera  pas ,  sans  doute ,  à  être  de  nou- 

»  veau  utile  à  son  pays »  Il  se  trouvait 

à  Paris  au  mois  de  septembre  1822  ;  l'an- 
née suivante ,  il  partit  pour  Saint-Péters- 
bourg, et  mourut  dans  cette  ville,  vers 
la  fin  de  1824 ,  âgé  de  73  ans.  Sa  mort 
fut  vivement  sentie  par  l'empereur  Alexan- 
dre ,  qui  avait  en  lui  un  sujet  aussi  distin- 
gué par  ses  talens  que  par  sa  loyauté  et 
son  zèle. 

*  KOUTOUSOFF  -  DE  -  SMOLENSK 
(Michel  LAVRIONOVITCH - GOLENIT- 
CHEFF  ) ,  général  russe ,  né  en  174S  ,  ter- 
mina son  éducation  à  Strasbourg ,  où  il 
apprit  le  français  et  l'allemand  :  il  com- 
mença sa  carrière  militaire  à  16  ans ,  servit 
d'abord  dans  l'artillerie  comme  caporal , 
et  devint  la  même  année  lieutenant  dans 
le  régiment  commandé  par  le  célèbre  Su- 
warow.  Le  prince  de  Holstein-Beck  le 
choisit  en  1762  pour  son  aide-de-camp. 
En  1764  il  fut  envoyé  en  Lithuanie  avec 
le  grade  de  capitaine ,  et  fit  cinq  campa- 
gnes contre  les  Polonais.  Il  passa  en  1770 
à  l'armée  de  Romanzoff,  qui  se  battit 
contre  les  Turcs  avec  tant  de  succès.  Le 
jeune  Koutousoff  s'était  fait  remarquer  au 
combat  de  Ribaja-Moguila  ,  le  10  juin 
4770  ;  à  celui  de  Pruth  le  5  juillet  ;  au  pas- 
sage de  la  Lagre  et  à  la  bataille  de  Ka- 
goul.  Nommé  successivement  major,  lieu- 
tenant-colonel, colonel,  général-major, 
il  signala  sa  valeur  en  plusieurs  occa- 
sions,  notamment  au  siège  d'Ismaïlow, 
(  1790  )  où  il  vint  prendre  le  commande- 
ment de  la  6*  colonne ,  qu'il  conduisit  au 
terrible  assaut  où  les  Turcs  perdirent 
plus  de  30,000  hommes.  Devenu  lieute- 
nant-général en  1791  ,  il   contribua  au 


6  KOU 

gain  de  la  bataille  de  Matchine,  qui  amena 
la  paix.  Use  signala  encore  dans  la  guerre 
qui  eut  lieu  entre  l'Autriche  et  la  France, 
notamment  à  Crems ,  où  le  combat  fut 
très  opiniâtre  et  le  succès  balancé.  Il  perdit 
la  bataille  d'Austerlitz  ;  mais  elle  avait  été 
livrée  contre  son  avis  ;  il  voulait  qu'aupa- 
ravant on  se  réunit  au généralBcnningseu 
qui  arrivait  avec  des  forces  considéra- 
bles. Lorsque  la  paix  fut  conclue ,  il  se 
rendit  en  Ukraine  ,  ensuite  à  St.-Péters- 
bourg.  n  fut  chargé  en  1809 ,  à  la  mort  du 
comte  de  Karaensky ,  du  commandement 
des  troupes  desthiées  à  combattre  les 
Turcs.  Après  quelques  avantages ,  il  par- 
vint à  envelopper  le  grand-visir  Nazir- 
Pacha,  et  le  força  de  se  rendre  à  discrétion 
le  26  novembre  1811 ,  quoique  son  armée 
fût  inférieure  à  celle  de  l'ennemi.  Un  suc- 
cès si  important  lui  valut  le  titre  de  comte 
et  un  portrait  enrichi  de  diamans;  mais 
il  devait  bientôt  obtenir  une  gloire  plus 
réelle  et  surtout  plus  utile  à  sa  patrie. 
Il  parvint  par  d'habiles  négociations  à 
conclure  une  paix  avantageuse  ,  lors- 
qu'il lui  était  ordonné  de  la  faire  à  tout 
prix,  parce  qu'elle  était  devenue  de  la 
plus  urgente  nécessité.  Il  la  signa  à  Bu- 
charest  ,  le  16  mai  1812.  L'empereur 
Alexandre  ,  pour  le  récompenser  d'un  si 
grand  service,  l'éleva  à  la  dignité  de 
prince.  Lorsque  la  guerre  éclata  entre  la 
France  et  la  Russie,  il  fut  nomme  géné- 
ralissime des  armées  russes  ,  et  il  livra  , 
le  26  août  1812  ,  à  Bonaparte ,  la  bataille 
de  la  Moskow^a  ,  la  plus  sanglante  qui  ait 
été  donnée  dans  cette  guerre.  Les  talens 
et  la  bravoure  qu'il  y  développa  le  firent 
nommer  feld-maréchal.  Cependant  Bona- 
parte pénétra  dans  Moscou  ;  pendant  ce 
temps  son  habile  adversaire,  se  recrutant 
chaque  jour,  l'environnait  de  toutes  parts, 
et  lui  coupait  toute  communication  avec 
le  Sud.  Il  le  força,  après  l'avoir  battu  à 
Dorogobouj  et  Krasnoy,de  se  rejeter  vers 
le  nord  et  de  parcourir  de  nouveau  un 
pays  dévasté  et  ruiné,  où  il  perdit  pres- 
que toute  son  armée  dans  les  glaces.  Les 
débris  qui  en  échappèrent  ne  durent  leur 
salut  qu'aux  fautes  de  quelques  généraux 
subalternes.  Koutousoff  obtint  pour  ce 
nouveau  triomphe ,  le  grand  cordon  de 
Saint-George.  Les  Russes  pénétrèrent  en- 
suite en  Prusse  ,  et  de  là  en  Saxe  ;  mais 
tandis  qu'ils  assuraient  ainsi  l'indépen- 
dance de  l'Allemagne  ,  leur  général ,  at- 
teint d'une  maladie  cruelle  ,  suite  de  ses 
longs  travaux ,  était  près  de  terminer  sa 
glorieuse  carrière.  Il  mourut  le  16  avrij 


KRA 


137 


KRA 


18i3,  dans  la  petite  ville  de  Bunzlau, 
en  Silésie,au  moment  de  voir  ses  tra- 
vaux couronnés  par  les  plus  grands  ré- 
sultats. Livré  dès  l'enfance  à  l'étude  de 
l'art  militaire  ,  il  en  avait  long-temps  mé- 
dité les  principes  et  pratiqué  les  opéra- 
tions. Il  ne  donnait  rien  au  hasard  ,  et 
jamais  il  ne  s'écartait  des  règles  établies. 
Il  parvint  ainsi  à  porter  la  gloire  des  ar- 
mes russes  plus  loin  que  tous  ceux  qui 
l'avaient  précédé.  Son  caractère  était  liant, 
ses  mœurs  douces  ;  il  aimait  la  littéra- 
ture française  ,  cultivait  les  arts  avec  suc- 
cès, et  parlait  purement  plusieurs  langues. 

KRACHENIÎNIVIKOYV  ou  KRASCHE- 
NINNIKOF  (  Etienne  ) ,  voyageur  russe,  né 
à  Moscou,  en  d7i2,  fut  du  nombre  des 
jeunes  élèves  attachés  aux  professeurs  de 
l'académie  de  St.-Pétersbourg.  Cette  com- 
pagnie ayant  envoyé  quelques-uns  de  ses 
membres  au  Kamtschatka,  par  ordre  de 
l'impératrice ,  en  1733 ,  pour  donner  une 
relation  de  ce  pays,  le  jeune  Kracheninni- 
kow  suivit  le  professeur  d'histoire  natu- 
relle. Il  en  revint  en  17i3,  avec  un 
certain  nombre  d'observations,  dont 
quelques-unes  peuvent  paraître  intéres- 
santes. L'académie  le  nomma  adjoint  en 
1745,  et  professeur  de  botanique  et  d'his- 
toire naturelle  en  1753.  Il  mourut  en 
4754  ;il  avait  été  chargé  par  sa  compagnie 
de  dresser  une  Relation  des  découvertes 
des  académiciens,  et  de  la  combiner  avec 
celle  de  M.  Stellert ,  qui  était  mort  en 
4745.  C'est  cet  ouvrage  dont  la  traduc- 
tion forme  le  second  volume  du  Voyage 
de  Sibérie^  de  l'abbé  Chappe  d'Aulero- 
che,  Paris ,  1768  ,  2  tomes  en  3  vol.  in-4° , 
avec  fig. ,  magnifiquement  exécuté.  Il 
avait  été  publié  séparément  en  1767  ,  2 
vol.  in- 12.  La  meilleure  traduction  est 
celle  de  Saint-Pré ,  Amsterdam  ,  1771 ,  2 
vol.  În-S". 

KRAKTZ  ou  CRANTZ  (Albert),  chro- 
niqueur allemand,  professeur  de  philoso- 
phie et  de  théologie  à  Rostock ,  puis 
doyen  de  l'église  de  celte  ville  ,  qui  était 
sa  patrie ,  naquit  vers  le  milieu  du  15* 
siècle,  fut  employé  par  les  villes  anséati- 
ques  dans  diverses  négociations  ,  et  s'en 
acquitta  avec  autant  d'intelligence  que 
de  zèle.  Il  était  l'arbitre  des  différends , 
la  ressource  des  pauvres  et  l'exemple  de 
son  chapitre.  Il  fut  choisi  pour  média- 
leur  entre  les  rois  de  Danemarcket  de 
Holstein,  en  1500.  Cet  homme  estimable 
mourut  en  1517,  laissant  plusieurs  ouvra- 
ges. Les  plus  connus  sont  :  Chronica  re- 
gnorum  Aquiloniorum  Daniœ,  Suecice* 
7. 


Norwegiœ  j  Strasbourg,  154G,  in-fol.  , 
réimprimée  à  Francfort  dans  le  même 
format  ,  par  les  soins  de  Jean  Wolf  ; 
I  Saxoniaj.  sive  De  Saxonicœ  gentis  ve- 
tusta  origine^  Francfort,  1573,  1580, 
1621,  in-fol.  ;  [  fFandalia  ^  sive  Histoiia 
Wandalorum ,  Cologne,  1600,  in-fol., 
réimprimée  avec  jjIus  de  soin  en  1619,  à 
Fiancfort,  in-fol.  ,  par  Wechel  ;  |  Metro- 
poliSj,  sive  Bistoria  ecclesiastica  Saxoniœ, 
Francfort ,  4373,  1590  et  1627,  in-fol.  Elle 
ne  regarde  que  l'histoire  de  Westphalie 
de  Jutland.  |  Ordo  missœ ,  secundiim  ri- 
tum  Ecclesiœ  Hamhurgensis  ,  Rostock , 
1303,  in-fol. ,  etc.  Tous  les  ouvrages  de 
cet  auteur  offrent  beaucoup  de  recher- 
ches; mais  il  se  perd  quelquefois  dans  les 
origines  des  peuples,  quoiqu'il  soit  le  pre- 
mier qui  ait  travaillé  à  purger  l'histoire 
septentrionale  des  fables  dont  elle  était 
farcie.  Si  ses  Histoires  ont  été  mises  à 
V Index  ^  avec  la  clause  donec  expurgen- 
tur^  c'est  que  les  sectaires  les  ont  défigu- 
rées :  car  Krantz  était  très  bon  catholique; 
et  mourut  avant  que  Luther  eût  produit 
le  triste  schisme  quia  désolé  l'église  d'Al- 
lemagne. Voyez  les  Mémoires  de  Nicéron, 
tom.  58. 

RRASICKI( Ignace),  comte  deSiczen, 
évêque  polonais,  né  à  Doubiecko  le  3  fé- 
vrier 1753,  d'une  famille  illustre  dans  les 
sciences  et  dans  les  armes,  fut  destiné 
par  ses  parens  à  l'état  ecclésiastique  ,  et 
devint  prince  évêque  de  Warmie ,  puis 
archevêque  de  Gnesne.  Krasicki  fut  un 
des  plus  célèbres  littérateurs  polonais  du 
18*  siècle  :  ses  vers  et  sa  prose,  qui  se  dis- 
tinguent par  le  goût,  l'agrément  et  la  faci- 
lité ,  lui  ont  valu  le  surnom  de  Voltaire 
de  laPologne.  Il  excellait  dans  la  peinture 
des  ridicules;  ne  pouvant  défendre  sa  pa- 
trie comme  la  plupart  de  ses  amis ,  avec 
l'épée,  il  la  défendit  avec  sa  plume.  Lors- 
que la  Pologne  eut  été  partagée  pour  la 
première  fois  en  1772,  et  que  par  suite  de 
ce  partage ,  il  se  trouva  sous  la  dépen- 
dance de  la  Prusse  et  perdit  en  consé- 
quence le  titre  de  sénateur  de  la  Pologne, 
il  se  retira  à  Berlin  ,  où  le  fameux  Frédé- 
ric l'honora  de  son  amitié.  Ce  prince  lui 
ayant  dit  un  jour:  Monsieur  l'archevêque, 
j'espère  que  vous  me  ferez  entrer  en  pa- 
radis sous  votre  manteau  épiscopal.  — 
iVon^SiV^, répondit  le  Prélat,  Votre  Ma- 
jesté me  l'a  rogné  si  court  qu'il  me  serait 
impossible  d'y  cacher  de  la  contrebande. 
Le  comte  Krasicki  est  mort  à  Berlin  le 
14  mars  1801.  On  ade  lui  :  |  Les  aventures 
de  Nicolas  Doswiadczj/nski ,i7Tîi,  ir-S**  ; 
14 


KRA 


1S8 


KRA 


lia  Mxjcheide.  1776, 1780,  in-S",  poème  hé- 
roï-comique en  10  chants,  sur  l'aventure 
An  roi  Popiel  manjjé  par  les  rats,  au  rap- 
port d'une  ancienne  chronique  de  l'évê- 
que  Kadlubek.  Ce  poème  a  été  traduit 
en  français  par  Dubois  en  1784  ,  puis  par 
J.  B.  Lavoisier.  sous  le  titre  de  la  Sou- 
riade,  Paris  ,  1818  ,  in-8";  |  la  Monoma- 
clxie  ou  la  Guerre  des  Moines^  1778 , 
{)oème  en  C  chants,  qui  passe  pour  son 
rhef-d'œuvre  et  qui  fut  fait  à  la  solUcita- 
>ion  de  Frédéric  ;  plusieurs  livres  de 
Fables  et  Contes,  n7'ù,  in-8'';  M.  de  Vienne 
en  a  traduit  plusieurs  en  vers  français, 
Paris ,  1828  ,  in-S";  |  des  Satires  .  1780  ; 
j  la  Guerre  de  Chocim.  poème  épique  en 
12  chants,  1780  ,  in-8°  ;  c'est  le  premier 
poème  épique  en  12  chants  qui  ait  paru 
en  Pologne  :  le  sujet  est  tiré  des  victoires 
remportées sousle  règne  deSigismondlII, 
par  Chodkiewicx ,  sur  le  sultan  Osman. 
j  Des  Lettres  et  Mélanges  en  prose  et  en 
^  ers;  \L' histoire  ^partagée  en  deux  livres; 
I  la  traduction  en  polonais  d'une  partie  des 
poésies  d'Ossian,  celle  des  Vies  des  grands 
hftmmes  de  Plutarque,  etc.  Ses  ouvrages 
ont  été  recueillis  pour  la  plupart  et  pu- 
bliés par  François  Dmochowski ,  Varso- 
vie, de  l'imprimerie  des  Pierisles  ,  1803 
i-i  suiv.,  10  vol.  in-S".  Entre  autres  édi- 
tions faites  plus  récemment,  nous  devons 
mentionner  celle  qu'on  a  donnée  à  Paris 
f  n  1850.  Le  libraire  Barbezat ,  qui  a  pu- 
blié plusieurs  ouvrages  relatifs  à  la  Po- 
logne, a  publié  les  OEuvres  complètes  de 
Krasicki.  en  un  seul  volume  à  deux  co- 
lonnes ,  petit-texte ,  avec  le  portrait  de 
l'auteur.  J.-B.  Lavoisier,  chanoine  de 
Mohilew,  a  traduit  en  français  les  Aven- 
ture de  Nie.  Doswiadczyn$ki^VdiVi%,  1818, 
1  vol.  in-8°,  précédées  de  V  Eloge  de 
Krasicki  T^dx  Stanislas -Kostka  Potocki , 
sénateur  palatin  {voi/ez  POTOCKI  ). 

KHATZ.  F^oyez  FISCHET. 

KRATZ  (  Georges  ) ,  né  à  Schongau 
en  Bavière,  en  1714  ,  jésuite  en  1750,  en- 
seigna les  mathématiques  dans  l'univer- 
sité d'Ingolsladt ,  avec  une  répulation  ex- 
traordinaire, et  mourut  à  Munich  en 
1766.  On  a  de  lui  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages ,  entre  autres  :  |  De  viribus  cor- 
porum  ;  \  De  genuino  pri7icipio  œquilibrii 
corporum  solidorum  ,  Ingolstadt ,  1739  ; 
I  Observatio  transitas  Veneris  per  discum 
solarem.  6  j unit  1761  ;  I  Methodus  cujus- 
cumque  non  pe7'fecte  quadrati  radicem 
verè  quam  proximam  brevi  labore  de- 
terminandi  ,  1702  ;  |  De  ratione  motûs 
fnedtee  lunce  a  terra  ad  vires  quibus  in 


lunam  premitur.  1762.  On  a  publié  après 
sa  mort,  Nova  virium  thenria  de  pressions 
fluidorum,  Ingolstadt,  1763,  et  Principia 
hydraulicœ.  Ingolstadt,  1770. 

KRAIJSou  KRAUSEN  (  Jeaiï-Ulbich), 
habile  graveur  allemand  ,  né  en  1645  è 
Aiigsbourg ,  dont  nous  avons  l'ancien  et 
le  nouveau  Testament ,  très  élégamment 
exécutés  en  taille-douce.  La  délicatesse 
des  figures  fait  rechercher  le  recueil 
qu'on  en  fit  à  Augsbourg  en  1703  ,  2  vol. 
in-fol.,  qui  doivent  contenir  133  planches. 
Les  Epitres  et  Evangiles  sont  gravés  sé- 
parément en  1706  ,  1  vol.  in-fol.  L'expli- 
cation étant  en  allemand,  cet  ouvrage  ne 
peut  être  recherché  de  ceux  qui  ne  sa- 
vent pas  cette  langue ,  qu'à  cause  de  la 
beauté  des  gravures.  Voyez  WEIGEL. 
Kraus  est  mort  dans  sa  patrie  en  1719. 

KRAUS.  Voyez  CRUSIUS. 

*  KRAUSE  (  Charles-Chrétie;v-Fré- 
DÉRic),  docteur  en  philosophie  et  l'un 
des  plus  savans  professeurs  de  l'Allema- 
gne ,  naquit  en  1781 ,  à  Eisenbcrg  ,  dans 
le  duché  de  Saxe-Gotha.  Il  suivit ,  à  l'uni- 
versité d'Iéna ,  les  cours  de  philosophie 
de  Fichte  et  de  Schelling ,  et  il  donna,  de 
1802  à  1804,  dans  la  même  université,  des 
leçons  particulières  de  mathématiques , 
de  philosophie  et  de  droit  naturel  avec  le 
titre  de  professeur  extraordinaire.  Il  se 
rendit  ensuite  à  Rudolstadt ,  où  il  exa- 
mina en  détail  le  célèbre  musée  du  prince 
de  Schwartzbourg,  et  de  là  à  Dresde ,  où 
il  se  livra  à  des  recherches  sur  l'histoire 
des  beaux-arts.  Les  événemens  de  la  guerre 
l'en  firent  sortir  en  1813,  et  Krause  alla  à 
Berlin,  où  il  tint  plusieurs  cours  gratuits 
et  publics ,  et  fonda,  avec  quelques  autres 
savans ,  la  société  de  langue  allemande , 
dont  les  statuts  ,  imprimés  en  1817 ,  ont 
été  rédigés  par  lui.  L'accroissement  de 
sa  famille ,  et  la  difficulté  d'obtenir  en 
Prusse  une  place  convenable,  le  détermi- 
nèrent à  retourner  à  Dresde.  Deux  ou- 
vrages qu'il  publia  dans  cette  ville,  et  in- 
titulés, le  premier  :  I^s  trois  plus  anciens 
monumens  de  l'aria  et  l'autre  :  Origine 
des  idiomes  du  peuple  allemand,  lui  as- 
signèrent un  rang  parmi  les  hommes  les 
plus  érudils  de  sa  patrie.  En  1817,  il 
voyagea  avec  un  de  ses  amis  en  Alle- 
magne, en  Italie  et  en  France,  puis  il  ob- 
tint une  chaire  de  philosophie  à  l'univer- 
sité de  Gœttingue.  Krause  est  mort  è 
l'âge  d'environ  52  ans ,  le  27  septembre 
1852,  d'une  attaque  d'apoplexie,  à  Mu- 
nich ,  où  il  s'était  rendu  pour  rétablir  sa 
santé.  On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages,  tels 


lillE  15 

que  :  |  Système  de  morale^  Leipsick,  1810, 
\  Archétype  de  l'humanité ^  2'  édition, 
Dresde,  1819;  |  Géométrie  transcendante, 
Berlin ,  1825  ;  1  Cours  de  philosophie . 
Goettingue  ,  1828.  Afûlié  à  la  franc-ma- 
.  çonnerie,  Krause  étudia  l'histoire  de  celte 
société,  et  publia  quelques  brochures 
asseï  curieuses  dans  lesquelles  il  démon- 
tre combien  la  conduite  mystérieuse  af- 
fectée par  la  plupart  des  francs-maçons 
était  ridicule  et  absurde. 

•  KRAY  (  N....,  baron  de  ),  général  au- 
trichien, né  en  Hongrie,  d'une  famille  dis- 
tinguée ,  prit  le  parti  des  armes  ;  après 
avoir  fait  la  guerre  contre  les  Turcs  ,  en 
qualité  de  colonel ,  il  fut  nommé  général- 
major  à  la  paix ,  en  récompense  de  ses 
faits  d'armes,  et  servit  d'une  manière 
distinguée  en  1793,  94  et  95,  dans  les  Pays- 
Bas  et  sur  le  Bas-Rhin.  Elevé  l'année  sui- 
vante au  grade  de  feld-maréchal-licute- 
nant,  il  continua  de  rendre  à  l'armée  les 
plus  grands  services  ,  et  il  se  fit  surtout 
remarquer  par  ses  manœuvres  savantes, 
aux  batailles  d'Altenkirchen,  de  Bamberg, 
Vetzlar  et  Giessen.  Au  commencement  de 
Tannée  1797 ,  cette  même  armée  dans  la- 
quelle servait  Kray,etqui  était  comman- 
dée par  Werneck,  fut  mise  en  déroute  par 
les  troupes  de  Hoche  :  presque  tous  les 
officiers  généraux  furent,  à  la  suite  de  ce 
désastre,  traduits  devant  un  conseil  de 
guerre  tenu  à  Vienne  :  Kray  qui  était  de 
ce  nombre  fut  acquitté.  Dans  le  mois  de 
juillet,  et  après  la  mort  du  prince  d'O- 
range, ïl  prit  le  commandement  des  trou- 
pes autrichiennes.  En  1799  ,  il  fut  envoyé 
en  Italie ,  et  il  prépara,  par  les  avantages 
qu'il  y  obtint,  les  succès  des  généraux 
Mêlas  et  Suwarow.  Chargé  du  siège  de 
Mantoue ,  il  s'en  empara  après  deux  mois 
de  travaux  ,  et  reçut  de  l'empereur  l'ac- 
cueil le  plus  flatteur  lorsqu'il  se  rendit  à 
Vienne  en  1800.  Peu  après  on  lui  confia 
le  commandement  de  l'armée  du  Rhin , 
que  quittait  l'archiduc  Charles  ;  mais  ses 
succès  ne  furent  pas  aussi  brillans  daris 
celte  campagne  que  dans  les  précédentes. 
n  mourut  à  Vienne ,  en  janvier  1804.  On 
ie  regarde  comme  un  des  généraux  les 
plus  habiles  qui  aient  commandé  les  Au- 
trichiens pendant  la  guerre  de  la  révolu- 
tion. 

*  K.RESA  (Jacques),  jésuite  allemand, 
né  en  Moravie  en  1648 ,  avait  fait  ses  pre- 
mières éludes  à  Brinn.  On  ignore  l'époque 
précise  de  son  entrée  dans  la  société  ;  mais 

^     peu  de  ceux  qu'elle  admit  dans  son  sein 
contribuèrent  davantage  à  son  illustra- 


9  KRE 

lion.  Le  père  Kresa  avait,  pour  ainsi  dire 
tout  étudié  et  presque  tout  appris.  Ceux 
qui  ont  fait  mention  de  lui  parlent  de  la 
vaste  étendue  de  ses  connaissances  :  iî 
écrivait  et  parlait  avec  une  singulière  fa- 
cilité le  latin  ,  le  grec,  l'hébreu  ,  l'italien, 
le  français ,  l'espagnol  et  le  portugais.  Il 
possédait  à  fond  la  philosophie  et  la  théo- 
logie, et  était  un  des  plus  habiles  mathé- 
maticiens de  son  siècle  ;  il  fut  professeur 
d'hébreu  à  Prague  et  à  Olmutz.  Sur  sa 
réputation,  ou  l'appela  à  Madrid  pour 
professer  les  mathématiques  ,  et  U  passa 
quinze  ans  dans  cet  emploi  ;  cela  ne  l'em- 
pèchail  ni  de  prêcher  ni  de  diriger  les 
consciences.  Il  fut  en  Espagne  confesseur 
du  roi  et  de  la  reine  ;  il  l'avait  été  précé- 
demment du  roi  et  de  la  reine  de  Bo- 
hème. Il  était  allé  en  Bohème  après  la 
mort  de  Charles  II,  mais  on  le  fit  revenir 
sous  son  successeur.  Cependant  il  retour- 
na à  Brinn  ,  et  y  mourut  en  1715 ,  à  l'àge 
de  67  ans.  On  a  de  lui  :  |  une  Traduction 
d'Euclide  en  espagnol;  |  Analysis  spe- 
ciosa  trigonotnetriœ  sphœricce,  primo  mo- 
bili,  Iriangulis  rectilineis ,  progressioni 
arilhmeticœ  et  geometricœ ,  aliisque  pro~ 
blematibus  ^  a  11.  P.  Jacobo  Kresa  j.  Pra- 
gue, 1  vol.  in-4°,  1721  ;  œuvre  posthume. 

RRETZCUMER  (  Pierre),  né  dans  le 
Brandebourg  vers  1700,  conseiller  des  do- 
maines du  roi  de  Prusse ,  mort  en  1764 , 
se  distingua  par  sa  patience  en  fait  d'ex- 
périences économiques ,  d'agriculture , 
et  par  des  observations  plus  curieuses 
qu'utiles  et  praticables.  La  plus  fameuse 
est  celle  qu'il  annonça  dans  un  excellent 
Mémoire  sur  la  multiplicalion  d'un  grain 
d'orge.  Les  tiges  d'une  touffe  d'herbe , 
produite  par  ce  graiti  semé  au  printemps, 
ayant  été  transplantées  ailleurs,  produi- 
sirent d'autres  touffes  ;  et  ainsi  de  suite 
par  le  même  procédé,  ce  grain  produisit 
jusqu'à  15,000  épis.  On  sent  que  cette  dé- 
couverte ,  si  c'en  est  une  (car  on  peut 
donner  la  même  fécondité  à  toutes  les 
plantes  qui  se  propagent  par  marcottes  ), 
demande  trop  de  bras  pour  être  de  quel- 
que utilité.  Ce  même  auteur  s'était  pro- 
posé d'introduire  en  Piusse  le  labourage 
à  deux  charrues  :  il  le  proposa  dans  un 
autre  Mémoire.  L'idée  n'était  pas  neuve, 
Olivier  de  Serres  en  parle  dans  son  Théâ- 
tre d'agriculture;  et  il  faut  bien  qu'on  ne 
l'ait  pas  trouvée  avantageuse  ,  puisqu'on 
ne  s'est  point  avisé  de  la  réaliser. 

•K.REUÏZ,  ouCREUTZ,  ou  CREUZ 
(  FRÉDÉRic-CuARi.ES-CASîMia  ,  baron  de), 
poète  allemand,  VYoung  de  son  pays. 


KRE 


160 


KRI 


naquît  à  Hambourg  sur  le  Hartz,  en  1724  , 
el  mourut  à  l'âge  de  A5  ans,  le  6  septem- 
bre 1770.  Ses  ouvrages,  tous  fort  lugubres, 
ont  été  publiés  et  recueillis.  Ils  compren- 
nent :  1  le  poème  intitulé  :  Les  Tombeaux^ 
Francfort-sur-le-Mein ,  1769.  Nulle  mé- 
thode ,  de  l'obscurité ,  des  vers  parfois 
))rosaïques  et  durs,  de' grandes  beautés, 
des  images  sublimes,  un  sentiment  pro- 
fond du  sujet,  voilà  les  défauts  et  les  qua- 
lités de  cet  ouvrage.  Il  serait  à  souhaiter 
qu'il  fût  traduit  en  français.  |  Des  Odes  : 
la  diction  en  est  pure ,  noble  ;  mais  on 
n'y  trouve  pas  ce  feu,  cette  élévation  que 
demande  la  poésie  lyrique.  ]  Sénèque  ^ 
tragédie  en  S  actes.  Elle  eut  peu  de  succès. 
])arce  qu'on  n'y  remarque  presque  aucune 
situation  intéressante.  |  Essais  sur  l'hom- 
me. L'auteur,  après  avoir  parlé  du  bon- 
heur en  général,  entre  dans  quelques  dé- 
tails sur  celui  que  l'homme  peut  trouver 
en  cultivant  les  sciences  et  les  arts;  et  il 
attaque  souvent  les  principes  que  Rous- 
seau a  présentés  sur  ce  sujet. 

*  KREUTZER  (Rodolphe),  célèbre 
compositeur  de  musique  ,  el  l'un  de  nos 
premiers  violonistes  ,  naquit  à  Versailles 
en  1767  d'un  musicien  attaché  à  la  cha- 
pelle du  roi ,  et  fut  élevé  par  son  père , 
puis  par  A.  Stamitz.  Il  cultiva  les  heu- 
reuses dispositions  qu'il  avait  pour  le  vio- 
lon ,  et  à  l'âge  de  13  ans ,  il  parut  au  con- 
cert spirituel  et  y  exécuta  avec  un  art  et 
«n  aplomb  qui  excitèrent  l'étonnement  et 
l'enthousiasme  un  concerto  qu'il  avait 
composé  lui-même.  Admis  à  la  cour  ,  il 
joua  dans  plusieurs  occasions ,  et  mérita 
par  son  talent  la  protection  de  la  reine 
qui  l'appela  dans  ses  concerts  particu- 
liers. Kreutzer  fit  partie  du  conservatoire 
dès  sa  création}  il  fut  envoyé  en  1797  en 
Italie  pour  y  recueillir  les  ouvrages  des 
maîtres  de  l'école  italienne ,  et  voyagea 
en  Allemagne  ainsi  qu'en  Hollande  :  à  son 
retour  il  devint  successivement  premier 
violon  de  la  chapelle  el  de  la  musique 
particulière  de  Bonaparte,  premier  violon 
de  l'académie  de  musique  ;  premier  violon 
à  l'école  de  musique  et  de  déclamation ,  et 
premier  chef  d'orchestre  de  l'académie 
royale  de  musique.  Il  publia  plusieurs 
concertos  et  fil  représenter  plusieurs  opé- 
ras qui  obtinrent  du  succès,  surtout  celui 
de  Paul  et  Vt7'ginie  qui  est  un  de  ses 
principaux  titres  de  gloire.  Voici  la  liste 
des  principaux  ouvrages  de  Kreutzer  : 
—  LA  V  Académie  de  musique  :  \  Aslya- 
nax ,  opéra  en  trois  actes  ,  paroles  de  De- 
jaure,  1801 ,  remarquable  par  un  air  du 


caractère  le  plus  tragique,  el  surtout  par 
les  chœurs  ;  |  Flaminius  à  Corinlhe  (  avec 
Nicolo),  paroles  de  Guilbert  et  Lambert, 
1801;  I  Aristippe,  opéra  en  deux  actes,  pa- 
roles de  MM.  Giraud  et  Leclerc,  1808,  ou- 
vrage gracieux  ;  |  La  mort  d'AbeL  opéra 
en  trois  actes,  paroles  de  M.  Hoffmann, 
1810;  I  le  Triomphe  du  mois  de  mars^ 
opéra  en  un  acte  ,  paroles  de  M.  Dupaty, 
1811;  I  Y  Oriflamme  (avec  MM.  Michel, 
Paer  et  Berton  )  opéra  en  un  acte,  paroles 
de  MM.  Etienne  et  Baour-Lormian,  1814; 
I  La  princesse  de  Babylone  ^  opéra  en  3 
actes ,  paroles  de  M.  Tigée,  1815;  |  les 
Deux  rivaux  (avec  MM.  Persuis,  Spontini 
et  Bcrlon),  opéra  en  un  acte,  paroles  de 
MM.  Dieulafoi  et  Brifaut.  Kreutzer  a  com- 
posé la  musique  de  plusieurs  ballets  : 
Paul  et  Virginie ,  1806  ;  Antoine  et  Cléo- 
pâtre ^  1808;  la  Fêle  de  mars,  1809; 
V Heureux  retour  (avec  MM.  Persuis  et 
Berton),  1813;  le  Carnaval  de  Venise , 
1817  ;  la  Servante  justifiée ,  1818  ;  Clari , 
1820.  —  II.  A  l'Opéra  comique  :  \  Jeanne- 
d'Arc;  |  Loddisha  dont  l'ouverture  est 
connue  de  tout  le  monde  ;  ]  Paul  et  Vir- 
ginie ;  I  le  Franc  Breton  :  |  Charlotte  el 
fVerther;  \  le  Petit  page  ;  |  François  T*""; 
I  Jadis  et  aujourd'hui;  |  l'Homme  sans 
façon;  \le  Campde Sobieski;  \  Constance 
et' Théodore;  \  le  Béarnais  (181i);  |  la 
Perruque  et  la  Redi7igoite  (  4814  )  ;  |  le 
Maître  et  le  Valet  (  1816  ) ,  etc.  On  doit 
encore  à  Kreutzer  des  concertos  de  vio- 
lon, des  symphonies  concertantes,  des 
quatuor,  des  trios .  des  duos  et  des  sonates 
de  violon.  Il  est  auteur  avecM.  Baillot  de 
l'excellente  méthode  de  violon  rédigée 
pour  l'enseignement  du  conseivatoire  de 
musique.  Cet  habile  virtuose  est  mort  âgé 
de  64  ans,  à  Genève  ,  au  mois  de  janvier 
1831.  —  KREUTZER  (  Auguste  ) ,  élève 
de  son  frère  Rodolphe,  fut  aussi  premier 
violon  à  l'Opéra ,  et  membre  de  la  cha- 
pelle du  roi,  et  succéda  à  son  frère  comme 
professeur  au  Conservatoire.  Il  s'était  dis- 
tingué dans  l'exécution  des  concertos  de 
Viotti  et  de  R.Kreutzer,  et  composa  aussi 
un  concerto  remarquable.  Il  est  mort  à 
Paris  vers  la  fin  d'août  1852. 

*  ivRIEG  (  Jean-Frédéric  ),  général 
badois ,  naquit  à  Lahr,  en  Souabe,  en  1750. 
Entré  dans  les  armées  françaises  ,  à  l'âge 
de  16  ans,  il  fit  toutes  les  campagnes  de 
la  guerre  d'Hanovre ,  sous  le  comte  Mau- 
rice ,  maréchal  de  Saxe.  Il  reçut  sept  bles- 
sures à  la  bataille  de  Rosbach,  et  y  fut 
fait  capitaine  de  cavalerie  par  le  maréchal 
de  Broglie,  qui  le  nomma  major  de  'a 


KRO 

même  arme ,  à  la  bataille  de  Miiiden.  A 
celle  de  Klosteicamp,  en  protégeant  la 
retraite  de  l'armée  française,  il  reçut  seize 
blessures  qui  le  mirent  hors  d'étal  de  re- 
paraître à  l'armée  pendant  trois  ans.  Une 
batterie  floîtante  qu'il  commandait  au 
siège  de  Gibraltar ,  en  1782 ,  ayant  été  dé- 
faite ,  il  fut  obligé  de  se  sauver  à  la  nage. 
il  commandait  en  seconda  Thionville , 
lorsque  cette  place  fut  assiégée  ;  il  parut 
dans  toutes  les  sorties.  Les  nombreux  ser- 
vices que  Krieg  avait  rendus  à  la  France 
n'empêchèrent  pas  qu'il  ne  fût  arrêté  en 
1793.  On  le  transféra  à  Paris,  où  il  lan- 
guit dans  les  prisons  pendant  d3  mois. 
Nommé  ensuite  chef  d'une  armée  de  la 
Vendée  ,  il  y  donna  de  nouvelles  preuves 
de  ses  talens  et  de  sa  valeur,  et  il  ne  la 
quitta  que  pour  venir  occuper  la  place  de 
commandant  en  chef  de  Paris ,  laquelle  il 
remplit  pendant  18  mois.  Au  bout  de  ce 
temps  ,  il  demanda  et  obtint  sa  retraite. 
Alors  il  se  fixa  à  Bar-sur-Ornain,  où  il  se 
montra  le  soutien  des  pauvres,  après 
s'être  montré  le  père  des  soldats.  Il  mou- 
rut dans  celte  ville  en  1800,  ayant  S4  ans 
de  service  effectif ,  dans  lequel  il  avait 
reçu  33  blessures. 

RROMAYEU  (  Jean  ) ,  né  en  1576,  à 
Dobelen,  en  Misnie ,  fut  ministre  à  Eisle- 
ben,  prédicateur  de  la  duchesse  douai- 
rière de  Saxe ,  et  enfin  surintendant  à 
Weimar ,  où  il  mourut  en  16i5.  On  a  de 
lui  :  \Ilarmonia  Evangelistarum  ;  \  His- 
torice  ecclesiasticœ  Compendium  ;  \  une 
Paraphrase  estimée  ,  sur  Jérémie  et  sur 
les  Lamentations  ;  elle  se  trouve  dans  la 
Bible  de  Weimar. 

KRQMAYER  (  Jérôme  ),  neveu  du  pré- 
cédent, né  à  Zeitz  en  1610 ,  mort  en  1670, 
à  Leipsick,  où  il  était  professeur  d'his- 
toire, d'éloquence  et  de  théologie,  a  donné 
plusieurs  ouvrages  infectés  des  erreurs 
de  Luther,  entre  autres  :  |  Theologia po- 
sitivo-polemica  ;  \  Historia  ecclesiastica  ; 
I  Polymathia  theologica,  etc. 

KROUST  (  Jean-Marie  ) ,  entra  chez 
les  jésuites,  fut  professeur  de  théologie 
plusieurs  années  à  Strasbourg,  puis  con 
fesseur  de  Mesdames  de  France ,  en  par 
ticulier  de  madame  la  dauphine ,  mère 
des  rois  Louis  XVI  ^  Louis  XVIII  et  Char 
les  X.  Il  travailla  quelque  temps  au  Jour- 
nal de  Trévoux.  Il  mourut  à  Brumpt  en 
Alsace,  en  1770.  On  a  de  lui  un  ouvrage 
en  latin  ,  en  h  vol.  in-S",  intitulé  :  Insli 
Uitio  clcricorum,  Augsbourg,  1767.  Ce 
sont  des  méditations  pour  tous  les  jours  de 
l'année  ,  très  propres  à  former  les  prêtres 


161  RIVU 

à  la  sainteté  de  leur  état ,  et  au  ministère 
de  la  chaire.  Il  a  encore  donné  un  vol. 
in-8°,  contenant  une  Retraite  de  huit 
jours  ,  à  l'usage  des  ecclésiastiques  ;  réim- 
primée à  Fribourg  ,  en  Brisgau ,  1765  ,  à 
Augsbourg,  en  1792.  On  trouve  dans  ces 
livres  le  langage  onctueux  de  l'Ecriture 
et  des  Pères. 

*  KRUDE!\ER  ou  KRUDNER  (Julie  ou 
Valérie  de  WITTINGHOFF ,  baronne 
de  ) ,  femme  d'un  gentilhomme  livonien, 
qui  fut  ambassadeur  de  Russie  à  Madrid, 
à  Copenhague  et  à  Berlin,  et  qui  mourut 
dans  cette  dernière  ville  en  1802 ,  se  fit 
la  réputation  d'illuminée  ou  d'enthou- 
siaste. Née  en  1766  à  Riga  en  Courlaude , 
d'une  famille  noble  et  opulente  de  cette 
contrée  de  l'empire  russe  ,  elle  était  fille 
du  baron  de  VTittinghoff ,  gouverneur  de 
cette  ville,  et  arrière-petite-fille  du  célèbre 
maréchal  Munich.  Son  père  la  conduisit 
à  Paris  àl'âge  de  neuf  ans,  et  sa  maison  de- 
vint le  rendez-vous  des  plus  célèbres  phi- 
losophes du  jour,  parmi  lesquels  on  comp- 
tait alors  Diderot,  d'Alembert,  Heivé- 
tius  et  Grimm.  A  l'âge  do  U  ans,  elle 
était  citée  comme  un  modèle  de  beauté  et 
d'esprit  :  mais  on  remarquait  déjà  en  elle 
un  caractère  ardent  et  une  imagination 
exaltée,  a  Une  physionomie  ravissante  , 
»  dit  un  de  ses  biographes ,  un  esprit  fa- 
»  cile  et  léger  ,  des  traits  mobiles  qui  ex  - 
»  primaient  toujours  le  sentiment  et  la 
»  pensée  ;  une  taille  moyenne  et  parfaite  : 
»  des  yeux  bleus  toujours  sereins,  tou- 
»  jours  vifs,  dont  le  regard  pénétrant  sem. 
»  blait  vouloir,  comme  disait  si  bien  Di- 
»  derot ,  traverser  le  passé  ou  l'avenir  ; 
»  des  cheveux  cendrés  retombant  en  bou- 
»  clés  sur  ses  épaules  ;  quelque  chose  de 
»  neuf,  de  singulier,  d'imprévu  dans  ses 
»  goûts  et  SCS  mouvemeus  :  tels  étaient  les 
»  avantages  qui  disthiguaient  la  baronne 
»  Valérie  de  Krudcner.  »  Mariée  au  baron 
de  Krudener,  elle  le  suivit  dans  différens 
voyages  ,  notamment  à  Venise  où  celui-ci 
resta  plusieurs  années  comme  ambassa- 
deur. Une  passion  fatale  qu'elle  inspira 
au  secrétaire  de  légation  de  son  époux  fit 
alors  beaucoup  de  bruit.  Le  malheureux 
jeune  homme ,  n'osant  avouer  l'état  de 
son  cœur,  ou  n'espérant  pas  de  retour, 
quitta  la  maison  de  l'ambassadeur  et  se 
retira  dans  les  montagnes  de  la  Suisse  où  il 
mourut  de  consomption.  Bl"**  de  Krudener 
avait  des  mœurs  légères ,  mais  au  fond 
exemptes  de  blâme  ;  elle  avait  un  amour- 
propre  assez  vain  poui'  désirer  de  faire 
des  conquêtes  et  elle  se  plaisait  mniie  a 
14. 


KRU 


162 


KRU 


en  faire  l'énutnération.  De  là  une  foule 
d'aventures  romanesques  dont  on  trouve 
les  détails  plus  ou  moins  amplifiés  dans 
le  roman  publié  par  elle  sous  le  litre  de 
Falérie  ou  Lettres  de  Gustave  de  Linar 

à  Ernest  de  G Paris,  i805  ,5*  édition 

4803,  2  vol.  in-12,  ouvrage  qui  a  eu  de- 
puis tme  continuation.  (Voyez,  le  tom,  30 
des  OEuvres  du  Prince  de  Ligne .)  En  1791 
clîe  était  mère  de  deux  cnfans  lorsque  son 
époux  rompitavecelleparundivorce.  Au 
commencement  de  la  révolution  fran- 
çaise, elle  séjourna  dans  le  midi  de  la 
France,  avec  sa  belle-fille  Sophie  de  Kru- 
dener,  mariée  depuis  à  un  espagnol.  Elle 
voyagea  ensuite  en  Allemagne,  en  Suisse, 
en  Italie ,  et  elle  était  à  Berlin  en  1805  : 
elle  avait  été  admise  àlinlimitéde  la  reine 
de  Prusse ,  et  elle  fut  témoin  de  la  mort 
,de  cette  malheureuse  princesse.  Cet  évé- 
nement fit  sur  elle  une  forte  impression,  et 
elle  se  jeta  tout  à  coup  dans  l'enthousiasme 
religieux  le  plus  exagéré.  Disciple  du  fa- 
meux visionnaire  allemand  lung  Stilling, 
dont  elle  outrepassa  bientôt  le  mysticisme, 
elle  commença  ses  excursions  à  Heidel- 
berg  en  1815  ;  chassée  du  royaume  de  Wur- 
temberg ,  elle  eut  le  même  sort  dans  le 
duché  de  Bade.  M™*  de  Krudener  se  pré- 
sentait sous  la  forme  d'une  Madeleine  pé- 
nitente :  elle  se  disait  envoyée  de  Dieu, 
pleurait  sur  les  hommes,  sur  leurs  er- 
reurs ,  sur  les  siennes ,  et  se  croyait  ap- 
pelée à  rétablir  sur  la  terre  le  règne 
du  Christ.  En  1814,  elle  suivit  à  Paris 
l'empereur  Alexandre  qu'elle  appelait 
Voint  du  Seigneur ,  et  qu'elle  regardait 
«:oro.me  choisi  d'en-haut  pour  être  le  régé- 
nérateur du  monde.  Ce  monarque  assista 
plusieurs  fois  à  la  célébration  des  mysti- 
ques exercices  de  la  moderne  prêtresse. 
M™'  de  Krudener  prophétisait ,  et ,  il  faut 
le  dire ,  parmi  ses  prophéties ,  il  y  en  eut 
quelques-unes  qui  s'accomplirent;  par 
exemple ,  la  chute  de  Bonaparte ,  son 
retour  de  l'Ile  d'Elbe  et  les  événemens 
de  Waterloo.  Plusieurs  grands  person- 
nages ont  cru  qu'elle  exerçait  sur  Alexan- 
dre une  grande  influence,  et  ils  ont  été 
jusqu'à  lui  attribuer  l'idée  première  de  la 
Sainte  alliance.  M""  de  Krudener  n'eut 
d'autreappui  que  ses  talens  et  son  adresse. 
La  nouvelle  prophétesse  reprit  ses  prédi- 
cations après  avoir  quitté  Paris.  Elle  s'était 
associé  un  ministre  de  Genève  nommé 
Empeytaz.  On  ne  saurait  déterminer 
quelle  espèce  de  secte  ou  de  doctrine  pou- 
vait résulter  des  principes  d'une  dame 
née  dans  l'église  grecque  schismatique , 


et  de  ceux  d'un  ministre  de  Calvin.  Les 
uns  crurent  que  la  secte  qu'ils  voulaient 
établir  était  celle  dite  des  piétistes  ;  d'au- 
tres l'assimilèrent  à  celle  desméthodistes, 
des  puritains^  etc.,  etc.  ;  mais  il  est  prouvé 
qu'elle  ne  ressemblait  à  aucune  ;  que  tan- 
tôt Yinspirée  parlait  de  Dieu  sans  se  sou- 
venir de  J.-C.  et  tantôt  menaçait  des  châ- 
timens  du  Ciel  sans  faire  mention  du  Père 
ni  du  Fils.  Comme  elle  avait  laissé  dans 
le  pays  de  Bade  de  nombreux  prosélytes, 
elle  demanda  la  permission  d'y  faire  en- 
core une  mission  :  ne  pouvant  l'obtenir, 
elle  écrivit  au  ministre  du  grand-duc 
une  lettre  qu'elle  fit  imprimer  ,  datée  du 
17  février  1817,  et  où  l'on  remarquait, 
entre  autres,  le  passage  suivant  :  «  Je  n'au- 
»  rai  pas  à  me  défendre  là  où  je  n'aurai 
»  pas  à  traverser  le  désert  de  la  civilisa- 
»  lion ,  et  à  lutter  contre  des  lois  réprou- 
»  vées  par  le  seul  code  que  je  reconnaisse, 
»  celui  du  Dieu  vivant.  »  Dans  une  autre 
lettre  au  même  ministre  elle  s'exprime 
de  la  sorte  :  «  C'est  au  Seigneur  à  ordon- 
»  ner,  et  à  la  créature  à  servir,  c'est  lui  qui 
»  expliquera  pourquoi  la  voix  d'une  fai- 
i>  ble  femme  a  retenti  devant  les  peuples, 
»  a  fait  ployer  le  genou  au  nom  de  J.-C, 
»  arrêté  le  bras  du  scélérat,  fait  pleurer 
»  l'aride  désespoir ,  demandé  et  obtenu 
»  de  quoi  nourrir  des  milliers  et  milliej's 
i>  d'affamés...  Il  fallait  Une  mère  pour 
»  avoir  soin  des  orphelins,  et  pour  pleurer 
»  avec  les  mères...  une  femme  élevée 
»  dans  les  demeures  du  luxe,  pour  dire 
»  aux  pauvres  qu'elle  était  plus  heureuse 
Dsur  un  banc  de  pierre,  en  les  servant...; 
»  une  femme  simple  et  non  aveuglée  par 
»  le  faux  savoir  et  qui  pût  confondre  les 
«sages...;  une  femme  courageuse  qui, 
D  ayant  tout  possédé  sur  la  terre ,  pût  dire 
»  même  aux  rois  que  tout  n'est  rien  ;  qui 
»  détrônât  les  préjugés  et  les  idoles  des 
X  salons,  en  rougissant  d'avoir  voulu  briller 
»  par  quelques  misérables  talens...  »  On 
conviendra  aisément  que  malgré  ce  mé- 
lange d'humilité  et  de  vanité  ,  un  pareil 
langage  pouvait  séduire  des  gens  de  bonne 
foi  et  surtout  des  paysans ,  dont  M'^'  de' 
Krudener  s'attirait  d'ailleurs  la  vénérai  ion 
par  d'abondantes  aumônes.  En  entrant 
en  Suisse ,  elle  s'arrêta  à  Bàle ,  et  logea  à 
l'auberge  du  Sauvage,  où  elle  forma  des 
exercices  spirituels.  Ces  exercices ,  com- 
mencés d'abord  dans  la  chambre  de  M""* 
de  Krudener,  furent  transportés  dans  la 
grande  salle  de  l'auberge,  qui  pouvait  à 
peine  contenir  les  auditeurs ,  dont  lé  nom- 
bre  augmentait  de  jour  en  joar.  Après 


KRU 


165 


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une  longue  oraison  mentale  ,  M.  Ereipey- 
ta»  récitait  une  prière,  suivie  d'un  dis- 
cours que  terminait  une  autre  prière  que 
les  assistans  faisaient  à  genoux.  Quand  on 
avait  fini  cet  acte  préliminaire  de  piété , 
quelques-uns  obtenaient  une  audience 
particulière  de  M'°'  de  Krudener,  que  l'on 
apercevait  souvent  au  fond  de  plusieurs 
chambres  sombres ,  à  genoux ,  en  habit 
de  prêtresse.  Son  œil  pénétrant  observait 
ceux  dont  le  recueillement  et  la  crédulité 
donneraient  plus  de  pouvoir  à  son  in- 
fluence; elle  en  fit  l'épreuve  avec  succès 
sur  plusieurs  jeunes  gens,  notamment  sur 
de  jeunes  demoiselles ,  appartenant  aux 
familles  les  plus  distinguées.  Elles  auraient 
tout  sacrifié  pour  M""^  de  Krudener  ;  mais 
les  pères  et  mères  ne  partageaient  pas  cet 
enthousiasme.  Les  exercices  publics ,  et 
surtout  les  conférences  particulières ,  pa- 
rurent suspects  aux  autorités  ,  qui  en  dé- 
fendirent la  continuation.  La  prophétesse 
et  son  associé ,  n'ayant  pu  établir  leurs 
missions  aux  environs  de  Bàle ,  se  rendi- 
rent dans  le  canton  d' Arau ,  où  ils  formè- 
rent un  grand  nombre  de  prosélytes.  Les 
paysans  désertaient  leurs  campagnes  et 
venaient  écouter  les  prédications  ;  à  ceux- 
ci  se  réunissaient  une  foule  de  mendians 
et  de  vagabonds  ;  on  remarquait  aussi  des 
curieux  ou  des  spéculateurs  politiques, 
qui  venaient  examiner  quel  parti  ils  pour- 
raient tirer  de  l'enthousiasme  qu'excitait 
la  sibylle  russe.  Mais  tous  ces  rassemble- 
mens  inquiétèrent  à  la  fin  les  gouverne- 
mens  suisses ,  et  la  prophétesse  reçut 
l'ordre  de  quitter  le  pays.  M.  Empeytaz, 
qui  commençait  à  craindre  pour  sa  sûreté 
personnelle,  se  sépara  de  madame  de 
Krudener  :  elle  n'en  continua  pas  moins 
ses  voyages  mystiques.  Quand  elle  était 
expulsée  d'un  canton  ^  elle  passait  dans 
un  autre ,  entraînant  à  sa  suite  plus  de 
trois  cents  personnes  ,  la  plupart  couver- 
tes de  haillons.  Elle  faisait  souvent  des 
lialtes ,  au  milieu  des  bois ,  sur  le  haut  des 
montagnes ,  où ,  debout  sur  une  pierre , 
elle  catéchisait  ses  dévots  et  distribuait 
des  secours  aux  plus  pauvres ,  sans  que 
ie  froid  le  plus  rigoureux ,  la  neige ,  la 
pluie,  lui  fissent  interrompre  ses  prédica- 
tions. De  toutes  parts  on  accourait  pour 
l'entendre ,  et  les  mendians  demandaient 
en  route,  où  était  la  bonne  dame  qui  don- 
nait de  V argent  el  apprenait  à  prier  Dieu. 
Elle  occupa  quelque  temps  une  maison 
près  ds  Lucerne  ,  et  l'on  remarqua  qu'elle 
y  recevait  beaucoup  de  lettres  qui  n'arri- 
vaient pas  par  la  poste,  mais  par  des  mes- 


sagers qui  venaient  souvent  de  pays  tréâ 
éloignés  En  peu  de  temps ,  elle  dépensa 
en  Suisse  plus  de  dix  mille  florins ,  et , 
avant  de  quitter  ce  pays ,  elle  reçut  des 
lettres-de  change  pour  toucher  de  grosses 
sommes ,  qui  devaient  sans  doute  avoir  la 
même  destination.  Forcée  à  Schaffouse  de 
sortir  de  la  ville  ,  elle  se  rendit  à  pied  à 
Randegg,  demanda  l'hospitalité  pour  elle, 
tandis  que  sa  suite  alla  loger  à  l'auberge  ; 
mais  ,  au  milieu  de  la  nuit ,  le  bailli  de 
Rodolphell  lui  envoya  l'ordre  de  partir  le 
lendemain  avec  tout  son  cortège.  La  nou- 
velle de  l'arrivée  de  madame  de  Krudener 
s'était  répandue  en  peu  de  temps-  dans 
tout  le  pays,  et  avant  le  jour ,  plusieurs 
personnes  étaient  arrivées  àBandegg,  eu 
voiture,  à  cheval,  ou  à  pied,  et  toutes 
demandèrent  à  voir  et  entendre  la  pro- 
phétesse. Madame  de  Krudener,  à  peine 
sortie  de^son  lit ,  prit  son  costume  de  pré- 
tresse, enveloppa  une  baguette  d'une 
manière  mystérieuse  ;  et ,  après  avoir  fait 
mettre  à  genoux  tous  les  siens  et  les  nom- 
breux étrangers,  se  promena  au  milieu 
d'eux  en  agitant  la  baguette  ,  et  menaça 
trois  fois ,  du  courroux  du  ciel ,  le  bailli 
et  un  monde  corrompu  et  impénitent. 
Parmi  ses  auditeurs  se  trouvaient  quel- 
ques juifs,  attirés  par  la  curiosité;  elle 
les  recormut,  leur  reprocha  leur  ophiià- 
treté  et  leur  endurcissement.  Après  cet 
anathème  et  cette  remontrance ,  la  pro- 
cession se  mit  lentement  en  marche 
vers  Rodolphell,  où  elle  arriva  à  dix  heu- 
res. Le  bailli,  étonné  de  cette  audace,  et 
voyant  tout  ce  monde  qui  était  venu  à  la 
suite  de  madame  de  Krudener ,  se  tran- 
sporta chez  elle ,  et  lui  demanda  où  elle 
voulait  aller  avec  ce  cortège.  Une  conver- 
sation très  vive  s'établit  entre  eux  ;  le  bailli 
la  termina  en  lui  signifiant  l'ordre  de 
partir.  Madame  de  Krudener  n'en  fit  au- 
cun cas  ,  et,  le  lendemain,  toutes  les  au- 
berges étaient  encombrées  des  nouveaux 
voyageurs  qui  étaient  venus  entendre  la 
sibylle  :  elle  commença  son  sermon  à 
l'aube  du  jour,  se  plaignit  en  même  temps 
des  persécutions  qu'elle  essuyait ,  de  le. 
dweté  des  coeurs^  des  suggestions  de 
Sala7i^  dont  ses  persécuteurs  étaient  V or- 
gane ;  elle  n'oublia  pas  de  placer  le  bailli 
parmi  ces  derniers.  Forcée  enfin  de  partii , 
elle  fît  donner  deux  écus  neufs  à  l'admi- 
nistrateur de  la  paroisse  (  sa  bourse  était 
épuisée  dans  ce  moment  )  :  mais  les  pau- 
vres, qui  connaissaient  par  expérience 
la  générosité  de  la  bonne  dame.,  crurent 
qu'elle  avait  donné  cent  louis,  cl  furent 


&RU 


164 


RRU 


ffor  le  point  de  saccager  la  maison  de  l'ad- 
ministrateur.  Elle  erra  encore  dans  di- 
vers cantons  ,  d'où  elle  fut   également 
expulsée.  Contrainte  de  quitter  Zurich, 
elle  se  retourna  vers  la  ville ,  et ,  éten- 
dant les  bras...  «  Je  te  maudis  ,  dit-elle; 
»  malheur  à  toi ,  ville  profane ,  où  les  en- 
»  fans    eux-mêmes   ont  déjà   des   mines 
»  d'Holopherne...  !  »  C'était  son  usage  de 
maudire  les  lieux  qu'elle  était  forcée  de 
quitter,  elle  secouait  ensuite  la  poussière 
de  ses  pieds,  reprochait  aux  magistrats 
qui  l'expulsaient  leur  dureté  envers  Ven- 
voyée  du  Seigneur;  leur  annonçait  les 
derniers  malheurs ,  les  menaçait  du  feu 
du  ciel ,  et  de  toutes  les  vengeances  d'un 
Dieu  irrité.  Ne  pouvant  plus  trouver  en 
Suisse  un  seul  pays  qui  voulût  lui  donner 
asile ,  elle  pénétra  en  France ,  et  se  pré- 
senta à  Colmar  ;  mais  les  autorités  lui  en 
défendirent  l'entrée.  Madame  de  Krude- 
ner  parcourut  encore  quelques'pays  ,  et 
on  la  repoussa  de  toutes  parts.  Elle  était 
devenue  un  eimemi  redoutable  pour  tous 
les  gouvernemens ,  et  il  est  curieux  de 
voir  tous  les  souverains  se  réunir  contre 
une  faible  femme,  dont  ils  croyaient  avoir 
à  craindre  l'ascendant.  En  effet ,  dans  les 
proclamations  imprimées  qu'elle  publiait 
dans  les  divers  pays  où  elle  devait  faire 
ses  prédications,  tout  en  parlant  d'amour 
divin  et  de  charité ,  elle  paraissait  exciter 
les  peuples  à  la  révolte.  Quelques-uns  ont 
cru  que  madame  de  Krudener  était  l'a- 
gent du  parti  philosophique ,  dont  le  but 
était  de  détruire  ,  par  les  prédications  de 
la  fausse  prophétesse  ,  la  religion  catholi- 
que ,  et  même  la  protestante ,  et  d'y  sub- 
stituer un  culte  éphémère,  qui  bientôt 
aurait  conduit  au  déisme.  Quant  à  nous , 
nous  n'embrasserons  ni  cette  opinion,  ni 
celle  qui  avait  d'abord  donné  à  ces  prédi- 
cations un  but   tout  politique  :  et  nous 
nous  bornerons  à  ne  voir  dans  madame 
de  Krudener  qu'une  imagination  exallée, 
une  enthousiaste  qui  travaillait  pour  son 
propre  compte  ,  c'est-à-dire  pour  attirer 
sur  elle  l'attention  de  l'Europe,  et  pour 
jouir  de  la  gloire  de  devenir  un  jour  chef 
d'un  grand  nombre  de  prosélytes.  Quoi 
qu'il  en  soit,  restée  seule ,  abandonnée 
par  ces  mêmes  prosélytes,  elle  trouva 
une  retraite  à  Sackingen,  dans  le  grand- 
duché  de  Bade,  où  elle  était  étroitement 
surveillée.  Forcée  pour  la  troisième  fois 
de  sortir  de  ce  pays,  madame  de  Krude- 
ner retourna  en  Russie.  Elle  trouva  un 
instant  de  repos  dans  l'une  des  terres  qui 
lui  restaient  encore   près  de  Riga.   Ses 


communications  sympathiques  avec  les 
Hernutes  ou  frères  moraves,  qui  habitent 
cette  contrée  l'y  retinrent  d'abord  :  elle 
forma  ensuite  le  projet  d'aller  fonder  en 
Crimée  un  établissement  chrétien  de  cor- 
rection, pour  les  criminels  et  les  pécheurs. 
Elle  mourut  à  Karason-Bazar  le  25  dé- 
cembre 1824.  Outre  son  roman  de  Fa- 
lérie^  M™'  de  Krudener  a  publié  une  bro- 
chure intitulée  le  camp  des  vertus  j  Paris 
et  Lyon  ,  1815  ,  in-8°.  Son  adepte  princi- 
pal, M.  Empeylaz ,  est  devenu  le  chef  de 
l'association  dirigée  en  Suisse  sous  le  nom 
de  momiers  :  un  autre  de  ses  disciples , 
M.  Liedner,  de  Leipsick,  a  publié  un 
ouvrage  iniiiu\é  :  Macbenac  ^  en  faveur 
des  opinions  de  M"''  de  Krudener.  Peu 
de  temps  auparavant,  le  professeur  Kriig 
avait  fait  paraître  ses  Entretiens  avec  M^'^ 
de  Krudener^  Leipsick,  1818.  Enfin  M. 
Marignié  a  publié  en  1817 ,  une  brochure 
in-8°,  sous  ce  titre  :  Sur  M^^de  Krudener. 
en  réponse  à  l'article  sur  cette  dame  ^  et 
contre  M.  de  Bonald.  inséré  dans  le  Jour- 
nal  de  Paris  jN°  du  ?H)  mai  1817.  On  trouve 
une  lettre  de  JE/""'  de  Krudener  à  Ber- 
nardin de  Saint-Pierre,  parmi  celles 
qu'on  a  jointes  à  l'édition  des  Œuvres 
de  cet  écrivain,  publiées  en  182i,  par 
M.  Aimé-Martin. 

KRUGER  (  Jean-Cbrêtiex),  né  à  Ber- 
lin, de  parens  pauvres,  mort  à  Ham- 
bourg, en  1750,  âgé  de  28  ans,  a  donné 
une  Traduction  allemande  du  Théâtre 
de  Marivaux,  et  un  recueil  A&  Poésies^ 
imprimé  à  Leipsick  :  les  ouvrages  qu'il 
contient  sont  ses  Poésies  diverses^  ses 
Prologues  et  surtout  ses  Comédies^  qui 
sont  très  peu  de  chose. 

*  KRUNITZ  (Jean-Georges  ),  né  à  Ber- 
lin en  1728,  étudia  à  Gottingue,  Halle  et 
Francfort-sur-l'Oder,  se  fit  d'abord  rece- 
voir docteur  en  médecine ,  dans  cette  der- 
nière ville  et  commença  à  professer  cet 
art  à  Francfort-sur-lOder  ;  mais  ayant  eu 
peu  de  succès  ,  il  alla  s'établir  à  Berlin, 
où  il  donna  successivement  un  grand 
nombre  de  traductions  et  de  compilations 
écrites  en  général  avec  une  prolixité  fati- 
gante. On  assure  qu'il  ne  donnait  pas 
moins  de  trois  feuilles  à  l'impression  par 
jour.  Une  maladie  dont  il  fut  affecté  sur 
la  fin  de  sa  vie  ne  mit  aucun  obstacle  à  sa 
fécondité.  Le  style  de  ses  écrits  est  né- 
gligé ;  mais  l'auteur  a  beaucoup  d'érudi- 
tion. La  plus  considérable  de  ses  produc- 
tions est  une  Encyclopédie  économico- 
technologique ,  qui  ne  devait  être  d'abord 
I  qu'une  traduction  de  rEnrycl"pédic  d'Y- 


KUL 


165 


KUi\ 


verdon  ;  mais  Krunitz  trouvant  trop  de 
lacunes  dans  cet  ouvrage,  résolut  de  mar- 
cher seul  dans  cette  grande  entreprise  ,  et 
publia,  jusqu'à  sa  mort,  72  gros  vol.  in- 
8°.  Cette  collection  a  été  continuée  par 
les  deux  frères  F.-J.  et  H.-G.  Flœrke. 
Elle  diffère  de  l'Encyclopédie  française  , 
en  ce  que  Krunitz  n'a  visé  qu'à  l'utile; 
mais  son  ouvrage  n'est  qu'un  magasin  in- 
forme ,  rempli  de  matériaux  bruts ,  en- 
tassés sans  mesure  et  sans  choix.  On  y 
trouve  cependant  de  précieux  renseigne- 
mens,  qui  attestent  l'érudition  de  l'au- 
teur ;  aussi  a-t-il  obtenu  une  2*^  édition  en 
1786  et  années  suivantes.  On  en  a  publié 
un  abrégé  j  qui  est  encore  un  recueil  très 
volumineux  :  plusieurs  articles  fort  éten- 
dus ont  été  imprimés  à  part ,  le  curé  de 
Campagne j  les  écoles  rurales,  etc.  Il  a 
traduit  de  l'anglais  l'Histoire  de  l'électri- 
cité, par  Priestley,  1772;  |  V Histoire  na- 
turelle desCoralines  par  EUis,  1767,  in-4''. 

KUHLMANN  (  Quirinus  ) ,  fameux  vi- 
sionnaire, était  né  en  1651  à  Breslau,  en 
Silésie,  avec  un  esprit  sage  et  pénétrant  ; 
une  maladie  dérangea  ses  organes  à  18 
ans  ;  il  se  crut  inspiré  de  Dieu ,  et  s'ima- 
gina être  dans  un  globe  de  lumière  qui 
ne  le  quittait  jamais;  il  ne  voulut  recevoir 
aucune  leçon ,  parce  que ,  disait-il ,  le 
Saint-Esprit  était  son  maître.  Cet  écer- 
velé ,  qu'il  aurait  fallu  enfermer,  fut  brûlé 
l'an  1689 ,  à  Moscou,  pour  quelques  pré- 
dications séditieuses.  Il  avait  parcouru 
auparavant  l'Angleterre,  la  France,  l'Al- 
lemagne ,  l'Orient,  et  n'avait  pas  fait  beau- 
coup de  prosélytes.  On  a  de  ce  visionnaire 
plusieurs  ouvrages  pleins  de  rêveries  les 
plus  absurdes.  Il  en  préparait  un  qu'il 
devait  intituler  :  La  clé  de  l'éternité  et 
du  te77ips;  c'était  la  suite  d'un  ouvrage 
qu'il  avait  publié  en  1674,  à  Leyde,  sous 
le  titre  de  Prodromus  quinquennii  mira- 
bilis. Voyez  Adelung,  Histoire  de  la  folie 
humaine ,  tom.  5  p.  5-90. 

KUlli\  (  JoACiuM  ) ,  en  latin  Kuhnius, 
professeur  de  grec  et  d'hébreu  dans  l'uni- 
versité de  Strasbourg ,  né  à  Grispsvrald  , 
en  1647 ,  mort  en  1693  ,  laissa  des  Notes 
sur  Polluxj  Pausanias ,  Elien .  Diogène- 
Laërce .  et  d'autres  écrits  dans  lesquels 
on  remarque  un  grand  fonds  d'érudition. 
Le  plus  conim  est  intitulé  :  Quœstiones 
philosophicœ  ex  sacris  veteris  etnovi  Test, 
aliisque  scriptoribus,  Strasbourg,  1698, 
3  tom.   in-4". 

KULCZIiVSKI  (Ignace),  abbé  deGrod- 
no ,  né  à  Wlodimir  en  Pologne,  l'an  1707, 
entra  de  bonne  heure  dans  l'ordre  de  St— 


Basile,  et  fut  envoyé  à  Rome  en  qualité 
de  procureur-général  de  cet  ordre.  Il 
mourut  dans  son  abbaye  de  Grodno,  en 
1747,  après  s'être  acquis  une  grande  répu- 
tation par  son  Spécimen  Ecclesiœ  ruthe- 
nicce.  On  a  encore  de  lui,  en  manuscrit^ 
Opus  de  vitis  sanctorum  ordinis  Basilii 
magni,  2  vol.  in-fol. 

KULPISIUS  (  Jean-Georges  ),  profes- 
seur en  droità  Gieslein,  puis  à  Strasbourg, 
assista  au  congrès  de  Ryswick  en  qualité 
d'envoyé  du  duc  de  Wirteraberg ,  et  mou- 
rut en  1698.  Le  plus  estimé  de  ses  ouvra- 
ges est  un  Commentaire,  in-4",  sur  Gro- 
tius,  sous  le  titre  de  Collegium  Grotianum, 
qui  est  très  estimé. 

RUNADUS  (  André  ) ,  théologien  lu- 
thérien, né  à  Dobelen  en  Misnie ,  l'an  1602, 
fut  professeur  de  théologie  à  Wiltenberg 
et  ministre  général  à  Grimma.  Il  mourut 
en  1662.  On  a  de  lui  :  ]  une  Explication 
de  l'Epttre  aux  Galates;  \  \m  Abrégé  des 
lieux  communs  de  théologie  ;  |  des  Dis- 
sertations sur  la  tentation  au  désert,  sur 
la  confession  de  saint  Pierre....,  sur  ceux 
qui  ressuscitèrent  au  temps  de  la  passion, 
in-4°,   etc. 

KUNCKEL  de  LOEWENSTERN  (Jean), 
né  à  Hutlen  ,  dans  le  duché  de  Sleswick  , 
en  1650,  fut  chimiste  de  l'électeur  de  Saxe, 
de  celui  de  Brandebourg,  et  de  Charles 
XI ,  roi  de  Suède.  Ce  monarque  récom- 
pensa son  mérite  par  des  lettres  de  no- 
blesse ,  et  par  le  titre  de  conseiller  métal- 
lique ou  conseiller  des  mines.  Si  l'on  en 
croit  Beërbaave,  il  aurait  peut-être  sur- 
passé Boyie ,  s'il  eût  été  moins  prévenu 
en  faveur  de  l'alchimie.  Kunckel  rriourut 
le  20  mars ,  en  1702 ,  après  avoir  fait  plu- 
sieurs découvertes ,  entre  autres  celle  du 
phosphore  d'urine.  Parmi  le  grand  nombre 
d'ouvrages  qu'il  a  publiés  en  allemand , 
et  dont  quelques-uns  ont  été  traduits  en 
latin,  on  distingue  ses  Observationes  chi- 
micce ,  Londres ,  1678,  in-12;  et  son  Ari 
de  la  verrerie,  traduit  en  français  par  le 
baron  d'Holbach ,  et  imprimé  à  Paris ,  en 
1752  ,  in-4".  Ils  sont  écrits  d'un  style  fort 
bas  et  avec  peu  d'ordre.  Les  chimistes 
qui  l'avaient  précédé  avaient  cultivé  la 
chimie  pour  augmenter  les  lumières  de 
la  médecine  ;  Kunckel  en  fit  usage  pour 
perfectionner  les  arts.  C'était  un  artiste 
qui  avait  peu  de  théorie  ,  mais  qui  por- 
tait dans  la  pratique  une  sagacité  et 
une  intelligence  qui  lui  tenait  lieu  de 
savoir.  Il  s'attacha  surtout  à  suivre  le  tra- 
vail de  Neri ,  sur  la  vitrification  ;  et  ses 
découvertes  donnèrent  beaucoup  d'éten- 


KUS 


166 


KUT 


due  à  celle  partie  imporlanlc  de  la  chi- 
mie. Une  de  ses  expériences  paraîl  dé- 
monlrer,  conlre  Buffon,  que  l'or  n'esl 
pas  viirifiable;  Kunckel  en  a  tenu  dans  un 
feu  de  verrerie  pendant  plus  d'un  mois , 
sans  qu'il  ait  diminué  d'un  grain,  ni  reçu 
la  moindre  altération. 

KUIVRATH  ou  KHUENRATH  (Henri), 
chimiste  delà  secte  de  Paracelse  ,  et  aussi 
visionnaire  que  son  maître,  né  en  15C0 
dans  la  Saxe,  fit  beaucoup  parler  de  lui  au 
commencement  du  17'  siècle,  et  fut  pro- 
fesseur en  médecine  àLeipsick.sa  patrie. 
Mollerus  prétend  que  Kunrath  était  un 
adepte  qui  possédait  la  pierre  philoso- 
phale.  Il  nous  apprend  lui-même  «  qu'il 
»  avait  obtenu  de  Dieu  le  don  de  discer- 
»  ner  le  bien  et  le  mal  dans  la  chimie.  » 
Il  mourut  à  Dresde ,  en  1603.  On  a  de  lui 
plusieurs  ouvrages  d'une  obscurité  im- 
pénélrable,  qui  ne  servent  qu'à  montrer 
le  fanatisme  ou  la  charlatanerie  de  leur 
auteur.  Les  curieux  recherchent  son  ^m- 
phitheatrum  sapientiœ^  cetemœ^  chris- 
tiano  -  cabalisticum ,  divino  -  magicum  ^ 
Hanau ,  1619,  in- fol.  On  y  mit  un  nouveau 
titre  en  16o3.  Ce  livre  fut  censuré  par  la 
faculté  de  théologie  de  Paris. 

RU\Z  de  Kauffungen,  gentilhomme 
saxon  au  15'  siècle,  après  avoir  fidèlement 
servi  l'électeur  de  Saxe,  Frédéric  le  Doux, 
reçut  quelque  mécontentement  de  ce 
prince,  et  pour  s'en  venger,  lui  enleva  ses 
deux  fils  Ernest  et  Albert.  Ce  dernier  s'é- 
tanl  fait  connaître  à  un  charbonnier,  dans 
une  vaste  forêt ,  celui-ci,  aidé  de  ses  com- 
pagnons, s'empara  de  Kunz ,  qui  fut  dé- 
capité. La  postérité  du  charbonnier  reçoit 
encore  aujourd'hui  deux  muids  de  seigle 
par  an,  à  titre  de  récompense. 

KURT  SPRENGEL.  Koy.  SPRENGEL. 

KUSTER  (  LuDOLPHE  ) ,  philologue  et 
commentateur,  né  à  Blomberg  ,  dans  le 
comté  de  Lippe  ,  en  1670 ,  du  premier 
magistrat  de  cette  ville  ,  se  distingua  de 
bonne  heure  par  l'étendue  de  sa  mémoire. 
Il  fut  d'abord  précepteur  des  enfans  du 
comte  de  Swerin ,  premier  ministre  du 
roi  de  Prusse;  il  voyagea  ensuite  pendant 
dix  années  :  de  retour  à  Berlin,  un  passe- 
droit  qui  lui  fut  fait  l'engagea  à  se  rendre 
à  Paris,  où  l'abbé  Bignon  ,  son  ami ,  l'in- 
vitait à  venir.  Les  réflexions,  qu'il  avait 
faites  sur  la  nécessité  de  reconnaître  une 
Eglise  dont  l'autorité  infaillible  mît  fin 
aux  controverses  ,  l'engagèrent  à  se  faire 


catholique.  La  cérémonie  de  son  abjura- 
tion se  fit  le  25  juillet  1713.  L'abbé  Bignon 
le  présenta  à  Louis  XIV,  qui  le  gratifia 
d'une  pension  de  2,000  liv.  L'académie 
des  belles-lettres  lui  ouvrit  ses  portes  ,  en 
qualité  d'associé  surnuméraire  :  distinc- 
tion qu'elle  n'avait  faite  à  personne  avant 
lui.  Ce  savant  mourut  peu  de  temps  après, 
en  1716,  à  kl  ans.  Ses  ouvrages  les  plus 
estimés  sont  :  |  une  Edition  de  Suidas,  en 
grec  et  en  latin ,  Cambridge ,  1705 ,  for- 
mant 3  vol.  in-fol.  Cet  ouvrage  deman- 
dait une  prodigieuse  lecture  :  l'auteur 
n'épargna  rien  pour  le  rendre  parfait  en 
son  genre.  C'est  aussi  la  meilleure  édition 
que  nous  ayons  du  lexicographe  grec. 
L'université  de  Cambridge  récompensa 
l'éditeur,  en  le  mettant  au  nombre  de  ses 
docteurs.  |  Bibliotheca  novorum  libro- 
rum,  5  vol.  in-S".  Il  commença  en  avril 
1697,  et  finit  avec  l'année  1699.  L'auteur 
s'était  associé,  pour  ce  travail,  Henri  Sike. 
Historia  critica  Homeri ,  1696,  in-8°,  cu- 
rieuse ;  I  Jamblicus  de  vita  Pythagorœ , 
Amsterdam,  en  1707,  in-4.°  ;  |  Novum  Tes- 
tamentum  ^  en  grec  ,  1710  ,  Amsterdam  , 
in-fol. ,  avec  les  variantes  de  Mill ,  aug- 
mentées et  rangées  dans  un  ordre  métho- 
dique; I  une  belle  Edition  d'Aristophane, 
en  grec  et  en  latin ,  1710  ,  in-fol.  Voyez 
ARISTOPHANE. 

*  RUTTi\ER  (  Charles  Gottlob  ) ,  sa- 
vant voyageur  saxon ,  né  le  18  février 
1755,  à  Wiedemar  ,  près  de  Delitsch  en 
Saxe.  Après  avoir  fait  de  bonnes  études  à 
Leipsick,  il  embrassa  la  profession  d'insti- 
tuteur, qu'il  exerça  pendant  8  ans  à  Bàle. 
Il  fut  ensuite  chargé  de  l'éducation  d'un 
lord  irlandais  avec  lequel  il  fit  plusieurs 
voyages  dans  les  principales  contrées  de 
l'Europe  :  plus  tard  il  en  entreprit  de 
nouveaux,  avec  plusieurs  jeunes  anglais  , 
qui  voulaient  s'instruire  dans  des  courses 
scientifiques.  Il  mourut  dans  la  retraite 
à  Leipsick  ,  le  14  février  1803.  On  lui  doit 
divers  voyages,  en  allemand  ,  qui  renfer- 
ment des  renseignemens  positifs.  |  Lettres 
sur  l'Irlande  ,  Leipsick ,  1783  ;  |  Lettres 
d'un  saxon^  écrites  de  Suisse^  ibid.,  1783 , 
3  vol.  I  Voyage  e7i  Allemagne,  en  Dane- 
marck .  en  Suède,  en  Nonvége.  et  dans  une 
partie  de  l'Italie.  1801  et  180't;  |  Des  Ob- 
servations surl'yingleterre,,  les  Pays-Bas 
et  la  France  ;  |  Des  Extraits  et  des  Mé^ 
moires  insérés  dans  les  journaux  litté- 
raires d'Allemagne. 


167 


LAB 


LAB 


Fj-IAR.     Foyez  LAER. 

LABADIE  (Jean),  fanatique  du  iT 
siècle,  fils  d'un  soldat  de  la  citadelle  de 
Bourg,  en  Guienne,  naquit  en  i610.  Les 
jésuites  de  Bordeaux,  trompés  par  sa  piété 
apparente  ,  et  charmés  de  son  esprit,  le 
reçurent  dans  la  société,  et  il  y  resta 
quinze  ans.  Quoique  dès  lors  son  esprit 
donnât  dans  les  rêveries  de  la  plus  folle 
mysticité  ,  il  sut  si  bien  se  déguiser  que , 
lorsqu'il  voulut  quitter  la  société,  les  su- 
périeurs et  les  inférieurs  mirent  tout  en 
usage  pour  le  retenir.  Rendu  au  siècle,  en 
1659,  il  parcourut,  en  prêchant,  plusieurs 
villes  de  la  Guierme,  prêcha  aussi  à  Paris, 
et  fut  employé  dans  le  diocèse  d'Amiens, 
où  M.  de  Cauraartin ,  alors  évéque  de 
cette  ville,  lui  donna  une  prébende  dans 
l'église  collégiale  de  Saint-Nicolas.  Les 
succès  qu'il  obtint  dans  la  chaire  enflèrent 
son  orgueil,  et  il  «e  persuada  qu'il  était 
un  nouveau  Jean-Baptiste,  envoyé  au 
monde  pour  annoncer  un  second  Messie. 
On  le  croyait  un  saint  ;  mais  un  commerce 
criminel  avec  une  dévote ,  et  d'autres 
liaisons  plus  que  suspectes ,  découvrirent 
en  lui  un  scélérat  hypocrite.  L'évêque 
d'Amiens,  Caumartin ,  allait  le  faire  arrê- 
ter ,  lorsqu'il  prit  la  fuite.  Il  se  sauva  à 
Paris ,  et  se  cacha  quelque  temps  chez 
MM.  de  Port-Royal.  Il  demeura  ensuite  à 
Bazas  ;  il  passa  de  là  à  Toulouse ,  dont  il 
trompa  l'archevêque,  qui  lui  confia  la  di- 
rection d'un  couvent  de  religieuses  ;  mais 
bientôt  celui-ci,  informé  de  ses  désordres, 
dispersâtes  religieuses, poursuivit  le  cor- 
rupteur, qui  alla  se  cacher  dans  un  ermi- 
tage de  carmes,  près  de  Bazas,  s'y  fit  ap- 
peler Jean  de  J.-C. ,  parla  en  prophète , 
et  y  sema  son  enthousiasme  et  ses  détes- 
tables pratiques.  Contraint  de  s'enfuir ,  il 
se  fit  calviniste,  en  1650,  et  exerça  le  mi- 
nistère pendant  8  ans.  «  Après  avoir  été 
3  fort  estimé  (dit  M.  Collet,  Vie  de  saint 
»  Vincent  de  Paul^  1. 1",  pag.  536)  de 
»  l'abbé  de  Saint-Cyran ,  et  fort  zélé  pour 
»  les  sentimens  de  Port-Royal,  il  se  fit 
»  huguenot  à  Monlauban,  et  pour  justi- 
»  fier  son  apostasie ,  il  publia  im  écrit ,  où 
»  il  prouva  que  du  jansénisme  dont  il 
»  avait  fait  profession,  au  calvinisme  qu'il 
»  venait  d'embrasser ,  il  n'y  avait  qu'un 
»  pas  à  faire.  »  Labadie  passa  à  Genève, 


d'où  il  fut  encore  expulsé,  et  de  là  à  Mid» 
delbourg ,  où  il  épousa,  dit-on  ,  la  célèbre 
Schurman ,  si  habile  dans  les  langues  sa- 
vantes ,  et  qui  attira  à  la  secte  des  laba- 
distes  la  princesse  palatine  Elizabeth. 
Après  diverses  courses  et  aventures  en 
Allemagne  et  en  Hollande,  il  mourut 
d'une  colique  violente  à  Altona ,  dans  le 
Holstein ,  en  1674 ,  âgé  de  64  ans.  Il  avait 
été  déposé  ,  peu  de  temps  auparavant , 
dans  le  synode  de  Dordrecht.  Les  ouvra- 
ges de  ce  fanatique  sont  en  grand  nombre. 
Voyez-en  la  liste  aux  tom.  18  et  20  des 
Mémoires  de  Nicéron  ^  et  au  tom.  3  de  la 
Cimbria  Utterata.  Ils  sont  tombés  dans 
l'oubli;  il  les  intitulait  singulièrement  : 
I  Le  Hérault  du çr and  roi  Jésns,  Amster- 
dam, 1667,  in-12  ;  |  Le  véritable  Exorcisme^ 
ou  runique  moyen  de  chasser  le  Diable 
du  monde  chrétien ,  Amsterdam ,  1667  , 
in-12;  |  Le  Chant  Royal  du  roi  Jésus- 
Christ.  Amsterdam,  1670,  in-12;  |  Les 
saintes  Décades.  Amsterdam,  1671,  in-8°; 
I  L'Empire  du  Saint-Esprit .  Amstei'dam, 
1671,  in-12;  |  Traité  du  soi,  ou  le  renon- 
cement à  soi-même  ,  etc. ,  etc.  Les  disci- 
ples de  ce  dévot  libertin  s'appelèrent  la- 
badistes;  on  assure  qu'il  y  en  avait  encore 
il  y  a  peu  de  temps  dans  le  pays  de  Clè- 
ves  ;  mais  il  est  incertain  s'il  s'en  trouve 
encore  aujourd'hui.  «  Cette  secte  ,  dit  un 
»  auteur  moderne,  n'avait  fait  que  joindre 
»  quelques  principes  des  anabaptistes  à 
»  ceux  des  calvinistes ,  et  la  prétendue 
»  spiritualité  dont  elle  faisait  profession 
I)  était  la  même  que  celle  des  piétistes  et 
»  des  hernutes.  Le  langage  de  la  piété ,  si 
»  énergique  et  si  touchant  dans  les  prin- 
»  cipes  de  l'Eglise  catholique  n'a  plus  de 
»  sens  ,  et  parait  absurde ,  lorsqu'il  est 
»  transplanté  chez  les  sectes  hérétiques  ;  il 
B  ressemble  aux  arbustes  qui  ne  peuvent 
»  prospérer  dans  ime  terre  étrangère.  » 
Voyez  BARRAL,  KEMPIS,  PASCAL.  »0n 
a  publié  une  vie  de  Jean  Labadie,  la  Haye^ 
1670,  in-12. 

LABAN ,  fils  de  Bathuel  et  petit-fils  de 
Nachor ,  demeurait  à  Haran,  en  Mésopo- 
tamie. Il  fut  père  de  Lia  et  de  Rachel, 
qu'il  donna  l'une  et  l'autre  en  mariage  à 
Jacob,  à  condition  qu'il  le  servirait  pen- 
dant quatorze  ans.  Comme  Laban  vit  que 
ses  biens  fructifiaient  sous  les  mains  dç 


LAB  168 

Jacob,  il  voulut  le  garder  encore  plus 
long-temps  par  avarice  ;  mais  Jacob  quitta 
son  beau-père  sans  lui  rien  dire.  Celui-ci 
courut  après  lui  durant  sept  jours,  dans 
le  dessein  de  le  maltraiter,  et  de  ramener 
ensuite  ses  biens ,  ses  fils  et  ses  filles. 
Mais  Dieu  lui  apparut  en  songe,  et  lui  dé- 
fendit de  faire  aucun  mal  à  Jacob.  L'ayant 
atteint  sur  la  montagne  de  Galaad,  ils  of- 
frirent ensemble  des  sacrifices ,  et  se  ré- 
concilièrent. Laban  redemanda  seulement 
à  son  gendre  les  idoles  qu'il  l'accusa  de 
lui  avoir  dérobées.  Jacob,  qui  n'avait  au- 
cune connaissance  de  ce  vol ,  lui  permit 
de  fouiller  tout  son  bagage.  Rachel  assise 
dessus  s'excusa  de  se  lever,  feignant  d'être 
incommodée ,  pour  ne  pas  restituer  à  son 
père  un  objet  de  superstition  et  de  faux 
culte.  Ils  se  séparèrent  contens  les  uns 
des  autres,  l'an  1739  avant  J.-C.  On  croit 
que  Laban  s'attacha  dans  la  suite  exclu- 
sivement à  l'adoration  du  vrai  Dieu ,  à 
l'exemple  et  par  les  exhortations  de  son 
gendre  et  de  ses  filles. 

LABARRE.  Voyez  BARRE  (La). 

•  LABARTUË  (Pierre),  né  le  9 juin 
1760  à  Dax,  d'une  famille  noble,  qui  avait 
fondé  à  Bordeaux  un  établissement  com- 
mercial, fit  ses  études  dans  l'université 
de  cette  ville ,  et  embrassa  la  carrière  du 
barreau  qu'il  abandonna  bientôt  pour  en- 
trer dans  l'administration  des  colonies , 
en  qualité  de  secrétaire  de  l'intendant- 
général;  il  devint  en  1794  chef  du  bureau 
des  colonies  orientales  et  des  côtes  d'A- 
frique, et  il  occupa  cette  place  jusqu'en 
1808.  Elle  fut  pour  lui  une  occasion  de 
recueillir  de  précieux  matériaux  dont  il  a 
composé  les  ouvrages  suivans  :  ]  Essai 
sur  l'étude  de  la  législation  de  la  marine^ 
1796,  brochure  in-8°;  |  annales  mari- 
times et  coloniales  (an  7),  1799,  in-S"; 

1  Voyage  au  Sénégal  pendant  les  années 
1784-83,  d'après  les  mémoires  de  Laf aille, 
ancien  officier  de  marine,  Paris  (an  10), 
1802,  in-S",  traduit  en  allemand,  Weimar, 

1802,  in-8°;  |  Voyage  à  la  côte  de  Guinée, 
ou  Description  des  côtes  d'Afrique  de- 
puis le  cap  Tagrin  jusqu'au  cap  de  Lopès- 
Gonzalès  (an  11),  1803,  in-8°,  traduit  en 
allemand  par  J.  Ad.  Bergk,  Leipsick, 

1803,  in-8°;  |  Synonymes  anglais,  1803, 

2  vol.  in-S"  ;  |  Harmonies  maritimes  et 
coloniales,  contenant  un  précis  des  éta- 
blissemens  français  en  Amérique,  en 
Afrique  et  en  Asie,  Paris,  1813,  in-8°; 
(  Intérêts  de  la  France  dans  l'Inde,  1816, 
brochure  in-8°.  On  trouvera  le  détail  de 
ses  autres  ouvrages  dans  Idi Bibliographie 


LAB 

de  la  France,  année  1824,  page  566.  Ce 
laborieux  écrivain  qui  avait  pris  sa  re- 
traite en  1808,  parce  que  le  travail  du  ca- 
binet diminuait  sensiblement  sa  vue ,  est 
mort  le  6  juin  1824.  M.  Allut  a  donné  une 
Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Lor 
harthe .  dans  les  Annales  maritimes  et 
coloniales,  rédigées  par  M.  Bajot  (cahiers 
de  juillet  et  d'août  1824  ,  p.  162-64  ). 

LABAT  (Jean-Baptiste),  dominicain 
parisien,  né  en  1663,  fut  d'abord  profes- 
seur de  philosophie  à  Nancy,  puis  il  fut 
envoyé  en  Amérique  l'an  1693.  Il  y  gou- 
verna sagement  la  cure  de  Macouba ,  et 
visita  comme  supérieur  des  missions  de 
son  ordre  toute  la  chaîne  des  Antilles 
française ,  anglaise  et  hollandaise ,  depuis 
la  Grenade  jusqu'à  Sauit-Domingue.  Les 
Anglais  étant  venus  en  1703  attaquer  la 
Guadeloupe  où  il  se  trouvait,  le  père  La- 
bat  donna  ses  preuves  d'un  grand  cou- 
rage ,  et  contribua  à  la  défense  de  la  co- 
lonie par  ses  conseils  éclairés.  Etant  re- 
venu en  France  par  l'Espagne ,  en  1705 
et  1706,  il  se  rendit  à  Rome  en  1709  pour 
y  veiller  aux  intérêts  de  la  mission  des 
Antilles.  Il  revint  d'Italie  à  Paris  en  1716, 
et  mourut  dans  cette  ville  le  6  janvier 
1738 ,  à  73  ans ,  dans  le  couvent  de  son 
ordre ,  de  la  rue  Saint-Honoré.  On  a  de 
lui  :  I  Nouveau  Voyage  aux  iles  de  l'A- 
mérique, contenant  l'Histoire  naturelle 
de  ce  pays,  l'origine ,  les  mœurs ,  la  reli- 
gion et  le  gouvernement  des  habitons  an- 
ciens et  modernes  ;  les  guerres  et  les  évé- 
nemens  singuliers  qui  y  sont  arrivés  pen- 
dant le  long  séjour  que  l'auteur  y  a  fait . 
le  commerce, les  manufacture  s  qui  y  sont 
établies,  et  le  moyen  de  les  augmenter, 
avec  une  description  exacte  et  curieuse 
de  toutes  ces  iles,  ornée  défigures,  Paris, 
1722,  6  vol.  in-12;  la  Haye,  1724,  6  vol. 
in-12 ,  ou  1758  2  vol.  in-4°  ;  Paris ,  1742 , 
8  vol.  in-12.  «  Ce  livre  agréable  et  instruc- 
»  tif  est  écrit  (dit  l'abbé  Fontaines)  avec 
»  une  liberté  qui  réjouit  le  lecteur.  On  y 
»  trouve  des  choses  utiles,  semées  de  traits 
»  historiques  assez  plaisans.  Ce  n'est  peut- 
B  être  pas  un  bon  livre  de  voyage ,  mais 
»  c'est  un  bon  livre  de  colonies.  Tout  ce 
»  qui  concerne  les  nôtres  y  est  traité  avec 
»  étendue.  On  y  souhaiterait  seulement 
»  un  peu  plus  d'exactitude  dans  certains 
•  endroits.  »  On  a  critiqué  la  partie  bo- 
tanique. Il  a  été  traduit  en  allemand  par 
CF.  C.  Schad ,  avec  le  voyage  de  La- 
borde  aux  iles  Caraïbes,  Nuremberg, 
1783-87,  6  vol.  in-8'',  avec  fig.  |  Voyages 
en  Espagne  et  en  Italie ,  Paris,  1730,  8 


LAB 


169 


LAB 


vol.  in-12,  fig.  écrits  avec  autant  de  gaieté 
que  le  précédent.  Ses  plaisanteries  cepen- 
dant ne  sont  pas  toujours  de  bon  aloi,  il 
prend  quelquefois  un  ton  satirique  qui 
déroge  à  sa  sagesse  et  à  sa  circonspection 
ordinaire.  Ils  ont  été  réimprimés  à  Ams- 
terdam; 1731,  8  vol.  in-i2,  fig.,  et  traduits 
en  allemand  par  C.  F.  Troltsch,  Francfort, 
1738-61,  8  volumes.  |  Nouvelle  relation  de 
l'Afrique  occidentale»  Paris  ,  1728,  5  vol. 
ih-12 ,  fig.  >  composée  sur  les  Mémoires 
qu'on  lui  avait  fournis  (  de  Brue  )  et  par 
conséquent  moins  certaine  que  la  Relation 
de  son  voyage  en  Amérique  ;  |  Voyage  du 
chevalier  Desmarchais  en  Guinée»  îles 
voisines,  et  à  Cayenne,  avec  des  cartes  et 
des  figures,  Paris,  1730,  k  vol.  in-12.  On 
y  donne  une  idée  très  étendue  du  com- 
merce de  ce  pays.  |  Relation  historique 
de  VEthiopie  occidentale»  1732,  S  vol, 
in-12.  Cette  Relation  traduite  de  l'italien 
du  capucin  Cavazzi,  est  augmentée  de 
plusieurs  relations  portugaises  des  meil- 
leurs auteurs,  et  enrichie  de  notes,  de 
cartes  géographiques  et  de  figures.  |  Mé- 
moires du  chevalier  d^Arvieux  »  envoyé 
du  roi  de  France  à  la  Porte»Veins,  1735,  6 
vol.  in-12.  Le  père  Labat  a  recuelli  et  mis 
en  ordre  les  Mémoires  de  ce  voyageur  sur 
l'Asie,  la  Palestine,  l'Egypte,  la  Barbarie. 
A  peine  ces  Mémoires  avaient-ils  vu  le 
jour,  qu'il  en  parut  une  critique,  par 
M.  Pétis  de  la  Croix ,  sous  le  nom  d'un 
secrétaire  de  l'ambassadeur  Méhémet-Ef- 
fendi  :  cette  critique  est  estimée.  Le  style 
de  tous  les  ouvrages  du  père  Labat  est  en 
général  assez  coulant,  mais  un  peu  diffus. 
On  peut  le  considérer  comme  un  des  voya- 
geurs les  plus  dignes  de  la  confiance  du 
lecteur. 

*  LABAT  (Pierre-Daniel),  religieux 
bénédictin  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur ,  né  en  172S  à  Saint-Sever,  en  Gas- 
cogne, fit  profession  dans  l'ordre  de  Saint- 
Benott ,  au  monastère  de  la  Daurade  à 
Toulouse ,  en  1742.  Prieur  de  la  Daurade 
en  1768,  il  se  distingua  par  beaucoup  de 
talent  dans  les  conférences  ecclésiasti- 
ques ordonnées  dans  ce  diocèse  par  M.  de 
Brienne ,  alors  archevêque,  et  qui  eurent 
lieu  en  1769  à  Marmoutier  ;  mais  un  écrit 
sur  la  Grâce»  de  24  pages  in-4*,  où  l'on 
reconnut  quelques  erreurs  déjà  combat- 
tues, et  réfutées  depuis  près  d'un  siècle , 
fit  interrompre  ces  conférences.  En  1770, 
D.  Coniac  ayant  proposé  à  Labat  de  venir 
se  joindre  à  lui  au  monastère  des  Blancs- 
Manteaux  de  Paris  pour  y  travailler  à  la 
Collection  des  conciles  de  France»  celui- 
7. 


ci  l'accepta ,  vint  se  fixer  dans  la  capitale, 
et  se  vit  bientôt  chargé  seul  de  conduire 
l'ouvrage  des  conciles.  Les  temps  étalent 
peu  favorables  ;  mais,  au  moyen  de  quel- 
ques secours  du  gouvernement,  et  de  quel- 
ques souscriptions ,  le  premier  volume 
parut  en  1789.  La  moitié  du  second  était 
déjà  imprimée  quand  la  révolution  dé- 
pouilla le  clergé  de  ses  biens,  et  força  La- 
bat à  abandonner  son  entreprise.  Peu 
d'exemplaires  du  premier  volume  ont  été 
mis  en  circulation,  et  le  travail  du  savant 
religieux  a  été  presque  perdu.  Pendant  la 
révolution ,  toujours  fidèle  à  ses  devoirs , 
dom  Labat  vécut  tranquille  et  ignoré  à 
Saint-Denis ,  jusqu'à  l'époque  plus  calma 
où  il  put,  quoique  fort  âgé,  se  livrer  h 
l'exercice  du  ministère.  Il  mourut  le  10 
avril  1803,  regardé  comme  un  savant 
pieux  et  estimable  ,  mais  qui  n'avait  pas 
toujours  été  exempt  d'un  certain  esprit  de 
parti.  Dom  Labat  fut  aussi  d'un  grand  se- 
cours à  dom  Clémencet  pour  l'édition  des 
œuvres  de  saint  Grégoire  de  Nazianze  , 
dont  il  n'a  paru  qu'un  volume.  Il  publia 
en  178S  V Histoire  de  l'dbbayé  de  Saint- 
Polycarpe  »  in-12,  et  aida  l'abbé  Rastignac 
dans  ses  ouvrages  contre  la  constitution 
civile  du  clergé.  Son  éloge  historique  a 
été  publié  en  1803,  sous  le  voile  de  l'ano- 
nyme, par  dom  Brial. 

LABAUME.  Voyez  BAUME  (  la  ). 

LABBE  (  Philippe),  jésuite, né  à  Bour- 
ges en  1607  ,  professa  les  humanités ,  la 
philosophie  et  la  théologie  avec  beaucoup 
de  réputation.  Il  mourut  à  Paris  le  25 
mars  1667 ,  dans  sa  soixantième  année , 
avec  la  réputation  d'un  savant  profond 
et  d'un  homme  doux  et  poli.  Le  père 
Commire  lui  fit  cette  épitaphe  : 

Labbeus  hic  titus  est  :  vitam ,  moresque  requirlt  ? 

Vita  libroj  illi  scribere  ,  morsque  fuit. 

O  nim'tum  felix!  qui  patrura  antiqua  retractans 

Concilia,  accessit  coaciliit  Saper&m. 

Il  avait  une  mémoire  prodigieuse ,  une 
érudition  fort  variée ,  et  une  ardeur  infa- 
tigable pour  le  travail.  Toutes  les  années 
de  sa  vie  furent  marquées  par  des  ou- 
vrages ,  ou  plutôt  par  des  recueils  de  ce 
qu'il  avait  ramassé  dans  les  livres  des 
autres,  ou  de  ce  qu'il  avait  déterré  dans 
les  bibliothèques.  La  liste  qu'on  en  a 
publiée  contient  64  articles.  Voyez  le 
tome  25  de»  Mémoires  de  Nicéron.  Ses 
principales  compilations  sont  :  J  De  By^ 
zantinœ  historiée  scriptoribus»  1648 ,  in- 
fol.  C'est  une  notice  et  un  catalogue  des 
écrivains  de  l'histoire  byzantine  par  ordre 
chronologique.  |  Nova  bibliotheca  manu." 
13 


LAB 


170 


LAB 


scriptorum,  1657 ,  2  vol.  in-fol.  :  compi- 
lalionde  plusieurs  morceaux  qui  n'avaienl 
pas  encore  été  imprimés  ;  j  Bibliotheca 
bibliothecarum.  1664,1672  et  1686,în-fol., 
et  Genève,  1G86,  in-i**,  avec  la  Biblioth. 
nummaria  j  et  ua yïuctuanutn ^imprimé 
en  1703  ;  |  Concordia  chronolo(/icaA670, 

5  vol.  in-fol.  Les  i  premiers  volumes  de 
cet  ouvrage  ,  fort  embrouillé  ,  peu  utile  , 
mais  bien  imprimé,  sont  du  père  Labbe, 
et  le  5'  est  du  père  Briet.  Cependant  il  y 
a  des  choses  qu'on  chercherait  inutile- 
ment ailleurs  :  telle  est  VJriadne  chro- 
nologicaj  qui  est  au  premier  volume.  Cet 
ouvrage  ne  s'étant  pas  vendu  d'abord  , 
Cramoisi,  séduit  par  l'esprit  d'intérêt,  en 
envoya  inconsidérément  une  partie  à  la 
beurrière  :  c'est  ce  qui  le  rend  rare  au- 
jourd'hui. I  Le  Chronologiste    français  . 

6  vol.  in-12  ^  1666,  assez  exact  ,  mais  écrit 
avec  peu  d'agrément  ;  |  Abrégé  royal  de 
V alliance  chronologique  de  l'histoire  sa- 
crée et  profane j  avec  le  lignage  d'Outre- 
mer, 2  vol.  in-i",  1651.  Cet  Abrégé  royal 
est  fort  confus ,  mais  on  y  trouve  des 
extraits  et  des  pièces  qu'on  ne  pourrait 
découvrir  ailleurs.  |  Concoi'dia  sacra  et 
profana  chronologiœ,  ab  orbe  condito  ad 
annum  Christi  1658,  in-12  :  |  Méthode 
aisée  pour  apprendre  la  chronique  sacrée 
et  profane  j  m-l2  ,  en  vers  artificiels  si 
mal  construits,  que  cette  méthode  aisée 
deviendrait  fort  difficile  pour  un  homme 
qui  aurait  du  goût.  En  général ,  les  vers 
techniques  sont  un  mauvais  moyen  d'ap- 
prendre ;  on  doit  les  employer  tout  au 
plus  dans  l'enseignement  des  langues  :  le 
mot,  le  genre,  le  régime,  etc.,  faisant  tout 
l'objet  de  la  leçon,  elle  peut  être  tout  en- 
tière renfermée  dans  un  vers,  mais  il  n'en 
est  pas  ainsi  des  traits  historiques.  Celui 
qui  ne  sait  que  les  noms  et  les  dates  ne 
sait  rien ,  et  ces  dates  s'apprennent 
mieux  dans  la  suite  et  l'ensemble  de 
l'histoire,  que  dans  ces  espèces  de  grimoi- 
res rimes.  |  Plusieurs  Écrits  sur  l'his- 
toire de  France A^  plupart  ensevelis  dans 
la  poussière  :  La  Clef  d'or  de  l'histoire 
de  France...  Les  Mélanges  curieux...  Les 
Eloges  historiques ^  etc.;  |  Pharus  Gal- 
lice  antiquœ^  1668,  in-12.  L'auteur  y  relève 
quelques  erreurs  de  Sanson  ;  mais  celui- 
ci  répliqua  vivement  et  attaqua  le  père 
Labbe  à  son  tour.  |  Plusieurs  autres  ou- 
Trages  sur  la  Géographie  ;  \  beaucoup 
d'écrits  sur  la  grammaire  et  la  poésie 
grecque ,  entre  autres  un  excellent  P,e- 
cueil  de  racines  grecques ,  et  YEtymolo- 
çie  de  plusieurs  mots  français^  1661,  in- 


12,  contre  le  Jardin  des  racines  grecques 
de  messieurs  de  Port-Royal.  Lancelot , 
dans  une  deuxième  édition ,  défendit 
vigoureusement  l'ouvrage  attaqué.  |  Bi- 
bliotheca antijanscniana.  in-ili.°  :  c'est  xin 
catalogue  des  écrits  composés  contra 
Jansénius  et  ses  défenseurs  ;  |  Notitia  di- 
gnitatum  omnium  imperii  romani,  1631  r 
in-12,  ouvrage  utile  ;  j  De  scriptoribus  ec" 
clesiasticis  dissertationes .  en  2  vol.  in-8°. 
C'est  une  petite  bibliolhèque  des  écri- 
vains ecclésiastiques  ,  utile  mais  trop- 
abrégée  ;  on  y  trouve  une  bonne  disser- 
tation contre  la  papesse  Jeanne.  (  Voyez 
BENOIT  III.  )  î  Conciliorum  collectio 
maximaj  17  vol.  in-fol.,  1672,  avec  des 
notes.  Les  huit  premiers  volumes  de  cette 
collection  sont  du  père  Labbe  ,  les  autres 
sont  du  père  Cossart  son  confrère ,  plus 
judicieux  et  meilleur  critique  que  lui.  On 
y  a  joint  un  18*  volume.  C'est  le  plus  rare. 
Il  est  sous  le  titre  de  Jpparatus  aller, 
parce  que  le  17"^  tome  est  aussi  un  appa- 
rat :  cependant  ce  18*  volume  n'est  autre- 
chose  que  le  Traité  des  conciles  de  Jaco- 
balius.  Cette  collection  est  recherchée, 
quoiqu'elle  renferme  un  assez  grand  nom- 
bre de  fautes.  Le  jésuite  Hardouin  s'était 
chargé  d'en  donner  une  nouvelle  ;  mais 
on  peut  voir  dans  son  article  comment  il 
l'exécuta.  Nicolas  Coleti  a  donné  une  Col- 
lection des  conciles  plus  ample  ,  Venise  , 
1728  et  t732 ,  25  vol.  in-fol.,  et  Jean-Do- 
minique Mansi  a  donné  des  Supplémcns 
très  estimés  de  cette  édition ,  Lucques , 
1748  ;  I  une  édition  des  Annales  de  Mi- 
chel Glicas,  en  grec  et  en  latin  ,  in-fol. , 
et  une  de  V Institution  du  roi  chrétien  par 
Jonas,  évêque  d'Orléans  ;  |  enfin  ce  sa- 
vant et  infatigable  compilateur  publia, 
en  1659,  un  Tableau  des  jésuites  illustres 
dans  la  république  des  lettres  j,  suivant 
l'ordre  chronologique  de  leur  mort  : 
ouvrage  sec,  et  qui  ne  peut  avoir  d'uti- 
lité que  par  rapport  aux  dates.  En  1663  , 
il  mit  encore  au  jour  une  Bibliographie 
des  ouvrages  que  les  savans  de  la  société 
avaient  publiés  en  France  ,  dans  le  cou- 
rant de  1661,  et  au  commencement  de 
1662. 

LABBE  (  Marin  ) ,  né  au  village  de 
Luc,  près  Caen  ,  fut  destiné  ,  en  1678 ,  à 
la  mission  de  la  Cochinchine.  Rappelé 
en  1697,  il  fut  nonxmé  évêque  de  Tilopo- 
lis  par  le  pape  Innocent  XII.  Il  remplit 
pendant  IS  ans  les  devoirs  de  vicaire 
apostolique  dans  la  Cochinchine,  où  il 
était  retourné,  et  mourut  en  1723.  On  a 
de  lui  une  Lettre  au  pape  Clément  XI , 


LAB 

sur  le  cuUc  des  Chinois  ;  et  un  Mcinoire 
«[ui,  ainsi  que  la  Lettre^  semble  annoncer 
certaines  préventions,  et  un  zèle  un  peu 
aaier. 

LABBEY  DE    POMPIERES   (Guil- 
laume-Xavier ).  Voyez  POMPIERES. 

LABE  (  SÉBASTIEN  ) ,  né  à  Rokyczan  en 
Bohème  le  26  février  lG3o,  entra  chez  les 
jésuites  en  1655 ,  où  il  enseigna  avec  dis- 
tinction les  belles-lettres.  Il  fut  pendant 
15  ans  prédicateur  à  Prague,  et  ensuite 
20  ans  missionnaire.  Il  mourut  à  Klattau 
en  1710  ,  après  avoir  publié  :  Salés  epi- 
çrammatici j  dont  on  a  fait  plusieurs  édi- 
tions ;  la  dernière  de  Prague,  1701,  in-8". 
On  a  encore  de  lui  des  Cantiques  spi7'i~ 
tuels  en  langue  bohémienne ,  fort  répan- 
dus parmi  le  peuple  ,  et  qui  ont  produit 
de  grands  fruits. 

LABÉ  (Louise),  surnommée  la  belle 
Cordïèrej  parce  qu'elle  avait  épousé  un 
riche  négociant  en  cables  et  en  cordes,  est 
néo  à  Lyon  en  1526.  Son  père  Charly,  dit 
Labé ,  lui  donna  une  éducation  très  soi- 
gnée, lui  fit  apprendre  la  musique  et 
plusieurs  langues.  Elle  reçut  des  leçons 
d'équitation ,  et  de  tous  les  exercices  mi- 
litaires. A  16  ans  ,  en  1542 ,  elle  figura 
parmi  les  guerriers  français,  au  siège  de 
Perpignan.  Son  nom  de  guerre  était  le 
capitaine  Loys.  Sa  première  campagne 
ne  fut  pas  heureuse  ;  les  Français  ayant 
éléobligés  de  lever  le  siège  de  Perpignan, 
elle  renonça  au  métier  de  la  guerre , 
pour  se  livrer  à  l'étude.  Ce  fut  alors 
qu'elle  se  maria.  Son  époux  Ennemoud 
Pcrrin,  mort  en  1565,  sans  enfans,  l'avait 
faite  son  héritière  universelle  ;  ce  testa- 
ment semble  contredire  l'idée  que  des 
biographes  ont  voulu  nous  donner  de  ses 
mœurs.  Son  cabinet  élait  rempli  de  livres 
italiens,  français  et  espagnols  Elle  faisait 
des  vers  dans  ces  trois  langues.  Les  beaux- 
esprits  de  son  siècle  l'ont  célébrée.  Ses 
OËuvres  furent  imprimées  à  Lyon,  en 
J555,  et  réimprimées  dans  la  même  ville 
en  1762,  in-12,  avec  la  Vieàe  cette  muse. 
La  meilleure  pièce  de  ce  recueil  est  inti- 
tulée :  Débats  de  Folie  et  dJmour^  dia- 
logue en  prose.  Ces  deux  divinités ,  qui 
devraient  être  fort  unies  ,  se  disputent  le 
pas  à  la  porte  du  palais  de  Jupiter ,  qui 
avait  invité  tous  les  dieux  à  un  festin. 
n  Cet  ouvrage,  dit  l'auteur  des  Trois  Siè- 
>  clés ,  est  plein  d'images  ,  de  naturel ,  de 
»  finesse  ;  le  sujet  est  aussi  ingénieux  que 
»  la  morale  en  est  utile...»  On  trouvera 
l'indication  exacte  des  OEuvres  de  cette 
femme  spirituelle  dans  lédiliu'i  la  plus 


m  LAB 

récente  cl  la  plus  estimée  ;  c'est  celle  quî 
a  paru  sous  le  lilre  à'OEuvres  de  Lovize 
Labé  Lyoniwise  .Lyon,  182/i. ,  un  vol.  in- 
S**  :  cette  édition  ([ui  a  été  publiée  par  les 
soins  de  M.  Bréghot  et  aux  frais  d'une  so- 
ciété de  gens  de  lettres  de  Lyon  ,  contient 
un  Dialogue  entre  Sapho  et  Louise  Labé, 
par  M.  Dumas  ,  et  ime  Notice  historique 
par  M.  Cociiard  avec  des  notes  de  M.  Bré- 
ghot, auteur  du  commentaire  et  du  glos» 
saire  qui  terminent  le  volume.  On  a 
publié  en  1825  le  testament  de  Louise  Labé, 
in-S",  de  15  pages.  Louise  Labé  mourut 
dansle  mois  de  mars  1566. 

LABEAU31ELLE.  KoyecBEAlBIELLE. 

LABÉDOYÈRE.  Voyez  BÉDOYÈRE. 

LABELLE  (  Pierre-Fraxçois),  prêtre 
de  la  congrégation  de  l'Oratoire,  mort 
le  14  janvier  1760,  âgé  de  64  ans  ,  est  au- 
teur du  Nécrologe  des  appelanset  oppo- 
sans  à  la  bulle  UNIGENIïUS  ,  en  2  vol. 
in-12.  Le  titre  de  cet  ouvrage  suffit  pour 
faire  connaître  ses  senlimcns,  le  caractère 
et  l'objet  de  son  zèle. 

LABELLE  (  Etie.vsie  ).  Voyez  BELLE. 

LABEO  ,  surnom  commun  à  plusieurs 
familles  romaines,  qui  exprimait  un  dé- 
faut, comme  des  taches  de  rousseurs  labes 
ou  des  lèvres  trop  épaisses  {labia).-— 
LABEO  (  Q.  Fabius-Labeus  )  ,  d'abord 
questeur ,  puis  consul  romain ,  l'an  183 
avant  J.-C,  fut  homme  de  guerre  et 
honmie  de  lettres.  Il  remporta  une  vic- 
toire navale  sur  les  Candiotes,  et  aida» 
dit-on ,  Térence  dans  ses  comédies.  Il  fut 
plus  illustre  pour  son  courage  que  pour 
sa  bonne  foi. 

LABEO  (  Ca'ius-Abîtistius  -Labeus  ) ,. 
tribun  du  peuple  ,  l'an  148  avant  J.-C. , 
voulut  se  venger  du  censeur  Métellus, 
qui  l'avait  rayé  de  la  liste  des  sénateurs 
Il  le  condamna  ,  sans  forme  de  procès ,  à 
être  précipité  du  roc  Tarpéien  ;  et  il  au- 
rait fait  exécuter  son  arrêt  sur-le-champ 
sans  un  autre  tribun  qui  survint  et  forma 
opposition  ,  à  la  prière  des  parens  de 
Métellus  ;  car  rien  n'est  plus  terrible 
qu'un  démocrate  assuré  du  mobile  et 
méprisable  suffrage  de  la  multitude.  Non 
seulement  Labeo  demeura  impuni,  mais 
il  reprit  sa  place  au  sénat  en  vertu  d'una 
nouvelle  loi ,  par  laquelle  il  fit  statuer 
«  que  les  tribuns  auraient  voix  délibéra- 
»  tive  dans  cette  compagnie  ;  »  et  pour 
([u'il  n'eût  rien  à  désirer  dans  son  triom- 
phe, il  prononça  la  confiscation  des  biens 
de  Métellus,  et  les  fît  vendre  sur  la  place 
à  son  de  trompe.  Tant  il  est  vrai  que 
dans  les    républiques,    au  moins  dans 


LAB 


172 


LAB 


celles  où  des  ambitieux  peuvent  dominer 
le  peuple,  la  violence  et  le  despotisme 
sont  souvent  plus  redoutables  que  dans 
une  monarchie,  et  qu'en  général  la  liberté 
n'est  qu'ujn  vain  nom. 

LABEO  (  Antistics  -  Labeus  ) ,  savant 
jurisconsulte  ,  refusa  le  consulat  qu'Au- 
guste lui  offrit.  Il  passait  six  mois  de 
l'année  à  converser  avec  les  savans,  et  les 
autres  six  mois  à  composer.  Il  laissa  plu- 
sieurs ouvrages  qui  sont  perdus.  Son  père 
avait  été  un  des  complices  de  l'assassinat 
de  Jules-César  ,  et  s'était  fait  donner  la 
mort  après  la  perte  de  la  bataille  de  Phi- 
lippes,  51  ans  avant  J.-C. 

LADÉRIUS  (  Decimus  ) ,  chevalier  ro- 
main ,  composait  avec  succès  de  petites 
comédies  satiriques  on  mimes  ^  pour  les- 
quelles son  humeur  caustique  lui  donnait 
beaucoup  de  talent.  A  Rome  ,  un  homme 
de  naissance  qui  composait  des  poésies 
pour  le  théâtre  ne  se  dégradait  point , 
mais  il  ne  pouvait  les  représenter  lui- 
même  sans  se  déshonorer.  Jules-  César 
pressa  vivement  Labérius  de  monter  sur 
le  théâtre  pour  y  jouer  une  de  ses  pièces. 
Le  poète  s'en  défendit  en  vain  :  il  fallut 
céder.  Dans  le  prologue  de  cette  pièce, 
Labérius  exhala  sa  douleur  d'une  manière 
fort  respectueuse  pour  César,  et  en  même 
temps  fort  touchante  ;  c'est  un  des  plus 
beaux  morceaux  de  l'antiquité  ,  suivant 
Rollin  :  «  Comment ,  dit-il ,  aurais-je  pu 
»  refuser  quelque  chose  à  celui  auquel 
»  les  dieux  mêmes  n'ont  rien  refusé  ? 

Eteniin  ipsi  dii  negare  cui  nihil  potuerunt , 
Horaiuem  me  denegare  ,  quis  posiet  pati  ! 

Il  déplora  ensuite  son  sort  en  ces  termes  : 

Ergo  bit  tricenis  actis  sine  nota, 
Eqaet  romanus  lare  egrestus  meo 
Domum  rcvertarmimus . 

Mais  dans  le  cours  de  sa  pièce  ,  il  lança 
contre  César  divers  traits  satiriques.  Ce 
dictateur  l'en  punit,  en  donnant  la  pré- 
férence à  Publius-Syrus,  rival  de  Labé- 
rius. Cependant ,  lorsque  la  pièce  fut  fi- 
nie, il  lui  donna  un  anneau ,  comme  pour 
le  rétablir  dans  la  noblesse  qu'il  avait 
perdue.  «  Quel  expédient ,  dit  un  auteur 
»  moderne ,  employèrent  Néron  et  les 
»  autres  fléaux  de  Rome  pour  affermir 
»  leur  empire  odieux  ?  Ces  monstres , 
•  pour  abâtardir  le  peuple  et  le  rendre 
»  insensible  à  ses  maux ,  l'enivraient  par 
»  la  continuité  et  l'appareil  des  spectacles; 
»  et  l'aspect  d'un  mime  en  faveur  faisait 
»  oublier  des  monceaux  de  victimes  que 
»  la  cruauté  immolait  tous  les  jours  aux 


»  yeux  du  public.  Et  sans  parler  des  ty- 
i>  rans  et  des  fléaux  de  l'espèce  humaine, 
»  tous  les  ennemis  de  la  liberté  et  du  droit 
»  public  ont  saisi  ce  moyen  comme  le 
»  plus  efficace  pour  consolider  leur  usur- 
»  pation.  Jules-César  regardait  comme  un 
»  chef-d'œuvre  de  politique  l'invention 
»  de  faire  jouer  sur  le  théâtre  les  cheva- 
»  liers  romains.  Dans  les  beaux  temps  de 
»  la  république ,  on  n'avait  point  d'idée 
»  d'histrions  :  de  quoi  eussent  servi  les 
»  gesticulations  et  les  mignardises  de  ces 
»  gens-là  aux  Camille  et  aux  Cincinna- 
»  tus  ?  »  Labérius ,  descendu  du  théâtre , 
alla  cherclier  une  place  au  quartier  des 
chevaliers  ;  mais  chacun  jugeant  qu'il 
s'était  rendu  indigne  de  ce  rang,  ils  firent 
en  sorte  qu'il  n'y  en  trouvât  plus  aucune. 
Cicéron  le  voyant  dans  l'embarras,  le 
railla  en  diseuit  et  en  faisant  allusion  au 
grand  nombre  de  sénateurs  que  César 
avait  faits  :  Recepissem  te ,  nisi  auguste 
sederem.  Labérius  lui  répondit  :  Mii^um  si 
auguste  sedesj  qui  soles  duabus  sellis  se- 
dere.  Il  lui  reprochait  ainsi  de  n'avoir 
été  ami  ni  de  César  ni  de  Pompée  ,  quoi- 
qu'il affectât  de  le  paraître  des  deux.  La- 
bérius mourut  à  Pouzzole,  10  mois  après 
Jules  César  ,  44  ans  avant  Jésus-Christ. 
Il  avait  coutume  de  dire  :  Beneficium 
dando  accepit,  qui  digno  dédit.  Ou  trouve 
quelques  fragmens  de  lui  dans  le  Corpus 
poelarum  de  Maittaire  ;  la  Bibliothèque 
latiue  de  Fabricius  contient  les  titres  de 
40  de  ses  mimes.  Le  prologue  de  celle  de 
ces  pièces  qu'il  joua  devant  César  a  été 
conservé  par  Macrobe ,  et  Henri  Etienne 
a  donné  plusieurs  fragmens  de  Labérius  , 
Paris ,  1564,  in-8° ,  réimprimés  dans  plu- 
sieurs recueils  Veterum  poetarum. 

LABERTIIOIVIE  (  Pierbk-Thomas  ), 
dominicain,  naquit  à  Toulon  le  7  février 
1708.  Il  prêcha  avec  succès  à  Paris ,  par- 
ticulièrement contre  les  incrédules ,  et 
montra  beaucoup  de  zèle  pour  le  main- 
tien de  la  régularité  dans  son  ordre  :  ce 
zèle  se  manifeste  dams  l'ouvrage  qu'il  pu- 
blia sous  ce  titre  :  Exposé  de  l'état  et 
obligation  des  frères  prêcheurs^  i767 , 
in-4°  et  in-12.  Les  preuves  de  la  religion 
qu'il  avait  exposées  en  chaire  avec  autant 
de  lumière  que  de  solidité ,  sont  consi- 
gnées dans  la  Défense  de  la  religion  chré- 
tienne contre  les  incrédules  ^  les  Juifs  ^ 
etc.,  1779,  3  vol.  in-12.  On  a  encore  de  lui 
la  Relation  de  la  conversion  et  de  la  mort 
de  M.  Bouguer  ^  1784.  Les  difficultés  et 
les  doutes  de  l'incrédtile  sont  très  bien 
aplanis  dans  cet  ouvrage  {Voyex  BOU- 


JLAB  il 

GUER  ).  Il  a  été  réimprimé  en  181 1  Sous 
le  titre  de  Supplément  aux  OEuvres  du 
père  Laberthoniej  avec  une  conférence 
avec  un  déiste  :  examen  critique  d'un 
écrit  spinosiste  sur  l'existence  de  DieUj, 
etc.  Le  pèreLabertlionie  mourut  en  1774. 

*  LABEY  (  Jeaiv-B.vptiste  ),  professeur 
de  mathématiques,  né  dans  le  dcparle- 
menl  du  Calvados,  enseigna  à  l'école  mi- 
litaire de  Paris ,  puis  aux  écoles  centrales 
de  la  Seine,  en  fin  à  l'école  polytechnique  et 
au  lycée  Napoléon.  Il  est  mort  à  Paris  en 
1825,  après  avoir  publié:  \  Introduction  à 
l' analyse  infinitésimale ^  par  Léonard 
Euler .  traduit  du  latin  en  français,  avec 
des  notes  et  éclaircissemens,  Paris,  1799, 
2  vol.  in-4°  ;  |  Lettres  à  une  i^rincesse 
d Allemagne  sur  divers  sujets  de  physi- 
que et  de  philosophie,  nouvelle  édition  re- 
vue et  augmentée  de  diverses  notes,  Paris, 
i812,  2  vol.  in-8°;  cette  édition  est  esti- 
mée. I  Traité  de  statique,  Paris,  1812 , 
in-8°,  fig. 

LABIENUS  (Titus),  historien  et  ora- 
teur du  temps  d'Auguste,  né  l'an  98  avant 
J.-C,  fut  tribun  l'an  C3  avant  J.- C. 
pendant  le  consulat  de  Cicéron.  Sué- 
tone parle  de  lui  dans  la  Vie  de  Caligula. 
Sénèque  en  fait  mention  dans  la  préface 
du  5*  livre  des  Controverses.  On  ne  croit 
pas  qu'il  soit  le  même  que  LABIENUS, 
lieutenant  de  César  dans  les  Gaules,  qui 
suivit  depuis  le  parti  de  Pompée  ,  et  qui 
fut  tué  en  Espagne ,  comme  on  le  voit 
dans  les  Commentaires  de  César,  et  dans 
la  Continuation  de  Ilirtius.  Il  s'était  dis- 
tingué sous  César  par  un  grand  nombre 
d'exploits  hardis  et  heureux,  mais  il  n'eut 
pas  les  mêmes  succès  sous  Pompée.  Le 
«omle  de  Turpin  Crissé,  dans  ses  Notes 
sur  les  Commentaires  de  César,  parle 
ainsi  de  celte  révolution  dans  les  travaux 
militaires  de  Labiénus.  «  Pourquoi,  dit-il, 
»  Labiénus  se  montra-t-il  dans  la  guerre 
»  civile  si  différent  de  ce  qu'il  avait  paru 
»  dans  les  Gaules  ?  C'est  le  sort  de  ceux 
j»  qui  passent  d'un  parti  à  un  autre.  L'his- 
»  toire  ancienne  et  moderne  en  fournit 
»  mille  exemples.  La  désertion  ,  non  seu- 
»  lement  est  une  tache  à  la  gloire ,  mais 
»  presque  toujours  elle  rend  encore  inu- 
»  tiles  les  plus  heureuses  qualités  et  les 
»  plus  beaux  talens.  »  Il  faut  convenir  ce- 
pendant que  la  cause  de  Pompée  étant 
telle  de  la  républiqu©  et  de  la  patrie  ,  la 
désertion  de  Labiétms  ne  manque  pas  de 
raisons  justifiantes. 

*  LABLA^CHEUIE  (  Mammès-Claude 
PAHINde  ),  littérateur,  naquit  à  Langres 


3  LAB 

le  29  décembre  1732.  Il  s'attira  quelquev<t 
épigrammes  de  Rivarol,  pour  avoir  pris 
le  litre  faslueux  d'agent  général  de  la 
littérature,  à  l'occasion  d'un  bureau  de 
correspondance  pour  les  sciences  et  le» 
arts  qu'il  essaya  sans  succès  d'établir  à 
Paris.  Au  commencement  de  la  révolution 
il  se  retira  à  Londres ,  où  il  mérita  par 
son  caractère  et  ses  talens  l'estime  des 
plus  grands  seigneurs  de  l'Angleterre. 
On  a  de  lui  :  |  Essai  du  Journal  de  mes 
voyages,  ou  Histoire  d'un  jeune  homme 
j}our  servir  d'école  aux  pères  et  aux 
mères,  Vax'is^  1776,  2  vol.  in-12.  L'idée 
de  cet  ouvrage ,  qui  présente  le  double 
tableau  des  suites  d'une  bonne  et  d'une 
mauvaise  éducation,  est  excellente  ;  mais 
l'exécution  n'y  répond  pas.  |  Correspon- 
dance générale  sur  les  sciences  et  les 
arts,  ou  Nouvelles  de  la  république  des 
lettres  depuis  1778  jusqu'en  1788.  Ce  jour- 
nal, devenu  fort  rare,  forme  8  vol.  in-ii.°, 
rare.  |  Essai  d'un  Tableau  historique  des 
peintres  de  l'école  française  depuis  Jean 
Cousin  en  V6QQ  jusqu'en  1783^  'm-k'*.  L'an- 
née littéraire  y  a  relevé  plusieurs  erreurs. 
I  Quelques  brochures.  Lablancherie  mou- 
rut à  Londres  en  1811. 

LABLA]\DINIÈRE.  F^oyez  BLANDI- 
NIÈRE. 

LABLETTERIE.  Voyez  BLETTERIE. 

LABOISSÏÈRE.  Voyez  BOISSIÈRE. 

LABORDE.  Voyez  BORDE  et  DELA- 
BORDE. 

*LABOREAU  (  Jeatv-Baptiste),  né  en 
1732,  à  Saint-Claude  dans  le  département 
du  Jura,  fut  pendant  13  ans  attaché  à 
l'ambassade  française  à  Londres  en  qua- 
lité de  secrétaire,  puis  receveur  dans 
l'administration  des  domaines  à  Sens 
où  il  est  mort,  le  20  décembre  1814.  Il  a 
publié  sous  le  voile  de  l'anonyme  une 
Traduction  du  précis  philosojihique  et 
politique  de  l'histoire  d'Angleterre ,  dans 
une  suite  de  lettres  écrites  par  un  lord  à 
son  fils,  Londres  et  Paris,  1776,  2  vol. 
in-12.  Laboreau  a  partagé  l'erreur  de  ceux 
qui  attribuent  cet  ouvrage  à  lord  Lyttel- 
ton,  tandis  qu'il  appartient  réellement  à 
Olivier  Goldsmilh. 

*LABORIE(J.  B.  P.),  médecin,  né  à 
Montpellier  en  1797 ,  se  livra  de^  bonne 
heure  à  l'étude  et  à  la  poésie.  Doué  d'heu- 
reuses dispositions ,  il  a  été  enlevé  trop 
tôt  à  l'art  auquel  il  destinait  sa  vie,  et 
auquel  il  avait  déjà  donné  des  gages  so- 
lides de  succès.  Laborie  est  mort  le  23 
novembre  1823,  dans  des  sentimens 
religieux.  Il  a  laissé  :  1  Dissertations  sur 
^  '         15. 


LAB 


i74 


LAB 


te  Tétanos  traumatique,  Montpellier,  1820; 
i>i-8°  ;  I  les  Pronostics  d'Hippocrate,  com- 
mentés par  A.  Piquer  ^d'après  les  Obser- 
vations pratiques  des  auteurs  tant  anciens 
que  modernes  ;  ouyraQC  traduit  de  l'es- 
pagnol, et  augmenté  d'une  notice  biogra- 
phique ,  Paris  ,  d822  ,  in-8°  ;  |  Eclaircis- 
semens  analytiques  sur  la  doctrine  phy- 
siologique de  Barthez,  imprimés  dans 
les  Nouvelles  Annales  cliniques  de  la  so- 
ciété de  médecine  pratique  de  Montpel- 
lier. Ce  sont  les  prolégomènes  d'un  cours 
de  physiologie  fait  à  Montpellier,  par  La- 
borie ,  durant  les  deux  dernières  années 
de  sa  vie. 

*  LABOULLAYE-MARILLA.C  (Pierre- 
Charles-Madeleine,  comte  de),  chi- 
miste, né  en  1771  à  Billom,  f  Puy-de- 
Dôme  ),  était  lieutenant-colonel ,  lorsque 
la  révolution  éclata.  Il  fut  un  des  pre- 
miers às'offrir  comme  otage  de  Louis  XVI; 
il  alla  ensuite  se  joindre  à  l'armée  des 
princes,  dans  laquelle  il  resta  jusqu'à  son  li- 
cenciement. Il  trouva  cependant  du  temps 
pour  se  livrer  à  l'étude  des  sciences ,  s'a- 
donna surtout  à  celle  de  la  chimie  et  à 
celle  de  la  médecine,  et  se  fit  recevoir 
docteur  en  médecine  à  l'université  de 
Gottingue.  Après  avoir  pourvu  parla  pro- 
fession de  médecin  à  sa  subsistance  et 
à  celle  de  son  père  qui  mourut  pendant 
l'exil,  il  revint  en  France  où  il  continua 
ses  travaux  chimiques.  Il  s'occupa  surtout 
des  applications  de  la  chimie  aux  arts, 
et  découvrit  douze  couleurs  inaltérables  : 
le  1"  janvier  1817,  il  obtint  la  place  de 
directeur  des  teintures  de  la  manufac- 
ture royale  des  tapisseries  des  Gobelins , 
où  il  fit  un  cours  public  de  chimie  appli- 
quée à  la  teinture.  Chaque  année ,  à  la  fin 
de  son  cours,  il  exposait  les  procédés  dont 
il  était  l'inventeur,  et  par  lesquels  il  était 
parvenu  à  teindre  les  draps  en  pièce,  en 
écarlate,  en  bleu,  et  en  toute  autre  cou- 
leur, aussi  profondément  au  centre  qu'à 
la  surface,  etc.  Laboullaye  était  en  outre 
contrôleur  des  dépenses  au  ministère  de 
la  maison  du  roi.  Il  est  mort  à  Paris  le 
25  août  1824,  après  avoir  publié  un  Mé- 
moire sur  les  couleurs  inaltérables  pour 
la  teinture^  suivi  du  rapport  fait  à  ce 
sujet  par  MM.  F'auquelin^  Gay-Lussac^ 
^te.,  Paris,  181i,  brochure  in-4°.  Il  a 
donné ,  avec  Tonnellier,  Voyages  entre- 
pris dans  les  gouvernemens  méridionaux 
de  l'empire  de  Russie  dans  les  années 
i793  et  1794,  par  le  professeur  Pallas,  tra- 
duit de  l'allemand ,  Paris ,  180S  ,  2  vol. 
in-4°  et  atlas  in-folio  -,  1811,  4  vol.  in-S" 


et  atlas  in-4''.  Il  avait  déjà  paru,  de  1799 
à  1801  à  Leipsick,  une  traduction  de  cet 
ouvrage  en  2  vol.  in-4°  et  atlas  in-folio. 

LABOUREUR  (Jean  le),  historien, 
né  à  Montmorency,  près  de  Paris,  en  1623, 
fit  gémir  la  presse  dès  l'âge  de  19  ans.  Il 
était  à  la  cour  en  16iSi4,  en  qualité  de  gen- 
tilhomme servant,  lorsqu'il  fut  choisi 
pour  accompagner  le  maréchal  de  Gué- 
briant  dans  son  ambassade  en  Pologne , 
où  il  allait  pour  accompagner  Marie  de 
de  Gonzague ,  fiancée  à  Wladislas  VII.  De 
retour  en  France ,  il  embrassa  l'état  ec- 
clésiaslique ,  obtint  le  prieuré  de  Juvi- 
gné,  la  place  d'aumônier  du  roi,  et  fut  fait 
commandeur  de  l'ordre  de  Saint-Michel. 
Ce  savant,  mort  en  1675,  à  53  ans,  est 
connu  par  plusieurs  ouvrages  :  |  Recueil 
des  tombeaux  des  personnes  illustres  .dont 
les  sépultures  sont  dans  l'église  des  cè- 
le stins  de  Paris .  1642  ;  in-fol.;  |  Relation 
du  voyage  de  la  reine  de  Pologne  et  du 
retour  du  maréchal  de  Guébriayit.Vasls, 
1647,  in-fol.,  plus  exacte  qu'élégante  ;|  une 
bonne  Edition  des  Mémoires  de  Michel 
de  Castelnau,  en  2  vol.  in-fol.,  avec  des 
commentaires  historiques,  très  utiles  pour 
l'intelligence  de  plusieurs  points  de  l'his- 
toire de  France  ;  |  Histoire  du  roi  Charles 
f^^  traduite  du  latin  en  français,  en2  vol., 
in-fol. ,  1663;  elle  est  estimée  des  sa  vans; 
I  Traité  de  l'origine  des  armoiries,  1684, 
in-4°.  On  y  trouve  des  choses  curieuses  et 
recherchées.  |  Histoire  de  la  pairie.  8 
manuscrits  déposés  à  la  Bibliothèque  du 
roi.  Le  mauvais  Poème  de  Charlemagne^ 
in-8°  ,  1664 ,  n'est  point  de  lui ,  mais  de 
son  frère  Louis  ,  mort  en  1679,  qui  inonda 
le  Parnasse,  dans  le  dernier  siècle,  de  ses 
productions.  Jean  le  Laboureur  a  été  l'é- 
diteur des  deux  derniers  volumes  des 
Mémoires  de  Sully. 

LABOUREUR  (dom  Claude  le),  né  vers 
1601,  était  prévôt  de  l'abbaye  de  l'île  Barbe 
près  Lyon.  Il  fut  obligé  de  résigner  ce  bé- 
néfice ,  pour  se  soustraire  au  ressenti- 
ment du  chapitre  de  Lyon,  dont  il  avait 
parlé  d'une  manière  peu  mesurée,  en 
présentant  à  l'archevêque  ses  Notes  et  ses 
Corrections  sur  le  Bréviaire  de  ce  diocèse, 
1643,  in-8°.  On  a  de  lui  les  Masures  de 
V abbaye  de  Vile  Barbe  les  Lyons.  2  vol. 
in-4",  1681  ;  ouvrage  plein  d'érudition  ; 
c'est  une  histoire  de  l'abbaye  dont  il  avait 
été  le  prévôt.  On  ignore  l'époque  précise 
de  sa  mort  ;  il  parait  qu'il  vivait  encore 
en  1682. 

LABOURLIE.  Voyez  BOURLIE. 

LABOURLOTTE  (Claude),   l'un  des 


LAB 


I7S 


LAB 


plus  braves  capitaines  de  son"  siècle,  na- 
quit en  Bourgogne  d'une  famille  obscure; 
il  passa  par  tous  les  degrés  de  la  milice , 
jusqu'à  celui  de  commandant  des  troupes 
wallones,  au  service  du  roi  d'Espagne. 
Ayant  appris,  dans  sa  jeunesse,  l'état  de 
chirurgien,  il  entra ,  en  cette  qualité ,  au 
service  du  comte  de  Mansfleld ,  par  la 
protection  duquel  il  parvint  à  s'avancer 
dans  la  carrière  des  armes.  Il  se  distin- 
gua à  Noy  on,  A  rdes  et  Nieuport,  et  fut 
anobli  par  Philippe  II,  roi  d'Espagne.  Ja- 
mais il  ne  s'engageait  plus  volontiers  à 
cne  entreprise  que  lorsqu'elle  était  fort 
périlleuse.  Il  fut  blessé  en  diverses  oc- 
casions ,  et  enfin  tué  d'un  coup  de  mous- 
quet ,  le  24  juillet  1600,  pendant  qu'il  fai- 
sait travailler  à  un  retranchement  entre 
Bruges  et  le  fort  Isabelle. 

LABRE  (  le  vénérable  Benoit-Joseph), 
né  à  Amettc ,  dans  le  diocèse  de  Boulo- 
gne-sur-Mer ,  en  1748 ,  se  distingua ,  dès 
son  enfance ,  par  sa  piété  et  l'innocence 
de  ses  mœurs.  Sa  santé  l'ayant  obligé  de 
quitter  les  Chartreux,  et  ensuite  l'abbaye 
de  Sept-Fonts,  où  il  avait  résolu  de  se 
consacrer  au  Seigneur,  il  alla  à  Rome, 
y  vécut  dans  la  pauvreté  et  dans  l'exer- 
cice des  vertus  chrétiermes,  et  y  mourut 
en  odeur  de  sainteté ,  le  16  avril  1783.  Un 
décret  de  la  congrégation  des  rites  a  auto- 
risé à  lui  donner  le  titre  de  vénérable. 
Sa  Fie^  écrite  en  italien  par  M.  Alégiani, 
a  été  traduite  en  français ,  et  augmentée 
d'un  avertissement  plein  d'éloquence  et 
de  raison  ,  Liège  ,  1784 ,  petit  in-12.  On  a 
imprimé  quelque  temps  après  un  Recueil 
des  miracles  opérés  à  son  tombeau^  Paris 
et  Liège,  1784,  et  une  autre  Fie  par  l'abbé 
Marconi ,  son  confesseur  :  elle  a  été  tra- 
duite en  français  par  Roubaud,  Paris, 
1784,  in-12.  Dans  un  mandement  de  l'é- 
vèque  de  Boulogne,  donné  le  3  juillet 
1783,  on  trouve  un  très  bel  éloge  de  Be- 
noit-Joseph Labre ,  né  dans  ce  diocèse. 
«  Quoique  son  extérieur  fût  abject ,  dit 
»  ce  prélat,  et  parût,  aux  yeux  delà  chair, 
»  n'avoir  rien  que  de  rebutant  et  d'af- 
»  freux,  cependant  son  insigne  piété ,  son 
»  humilité  profonde  ,    son  amour   aussi 

•  grand  pour  la  pauvreté  que  généreux 

•  pour  les  pauvres,  avec  qui  il  partageait 
»  les  aumônes  qu'il  avait  reçues  sans  les 
n  avoir  demandées,  lui  avaient  attiré  l'es- 
»  time,  la  bienveillance  et  la  vénération 
»  de  tous  les  vrais  appréciateurs  de  ses 
»  excellentes  vertus,  surtout  de  sa  conti- 
«  nuelle  application  à  la  prière,  dont  l'as- 

•  siduité,  que  vous,  ô  faux  sages  de  notre 


»  siècle  !  cherchez  tant  à  décrier,  à  d»S- 
»  primer,  à  détruire  ,  comme  n'étant  que 
»  le  vil  partage  des  personnes  inutiles  à 
»  la  société,  ne  peut  toutefois  être  trop 
»  louée,  trop  exaltée,  trop  protégée,  puis- 
»que,  selon  un  oracle  divin  {Multum 
»  valet  deprecatio  justi  assidua,.  Jac.  v, 
»  16  ),  auquel  les  discours  artificieux  de 
»  la  sagesse  humaine  n'opposent  que  des 
»  raffinemens  vains  et  illusoires ,  elle  a 
»  beaucoup  de  pouvoir  auprès  du  souve- 
»  rain  maître  des  temps,  des  coeurs  et  des 
»  événemens.  »  A  la  suite  de  ce  mande- 
ment, on  lit  la  traduction  en  français  de 
l'inscription  latine,  mise  avec  l'approba- 
tion du  saint  Siège ,  dans  le  cercueil  de 
Benoît- Joseph  Labre,  et  deux  lettres  adres- 
sées à  M.  l'évêque  de  Boulogne ,  par  M. 
Fontaine,  chargé  à  Rome  des  affaires  de 
la  congrégation  de  la  mission,  dont  il  est 
membre.  Ces  lettres  contiennent  des  dé- 
tails aussi  édifians  que  curieux.  Les  mi- 
racles opérés  à  son  tombeau  furent  l'oc- 
casion de  la  conversion  de  M.  Thayer, 
ministre  protestant  à  Boston.  Voyez  la 
Belation  du  néophyte  lui-même,  Liège , 

1788,  in-12,  Joui-n.  hist.  et  littér.,  1"  fév. 

1789,  pag.  161. 

LABROSSE.  Voyez  BROSSE  et  ANGE 
de   Saint-Joseph. 

*  LABROSSE  (Pierre  de),  vivait  dans 
le  treizième  siècle.  Après  avoir  été  bar- 
bier chirurgien  de  Saint-Louis,  il  devint 
chambellan  sous  Philippe  le  Hardi.  On 
l'accusa  d'avoir  voulu  empoisonner  l'hé- 
ritier de  la  couronne ,  et  il  fut  exécuté  le 
30  juin  1278.  La  justice  de  cette  accusa- 
tion, intentée  par  tous  les  barons,  est 
douteuse  ;  voici  ce  qu'on  lit  à  ce  sujet 
dans  la  chronique  de  Saint-Magloire  : 

L'an  mil  deux  cenk  teptante  et  htiît, 
S'accordèrent  li  barons  tait 
A  Pierre  de  Labrotse  pendre  s 
Pendu  fut  lani  raençon  prendre  | 
Contre  la  volonté  du  roy. 
Fut  il  pendu ,  si ,  com  je  croy 
Mien  encient ,  qu'il  fut  desfet 
Plut  par  envie  que  par  fct. 

LABROUE.  Voyez  BROUE. 

*  LABROUSSE  (  Clotilde  -  Susaxne- 
CouRCELLES  de  ) ,  qu'on  pourrait  appeler 
la  Krudener  française  (  voyez  ce  nom  ), 
naquit  àVauxain,  dans  lePérigord,  le  8 
mai  1747,  d'une  honnête  famille;  dès  son 
plus  jeune  âge  elle  donna  dans  un  mysti- 
cisme exalté,  et  pratiqua  des  mortifi- 
cations extraordinaires.  Couchée  sur  le 
dos,  elle  passait  des  journées  entières  à 
contempler  la  ciel ,  et ,  pour  y  monter 


LAB 


176 


LAB 


plus  tôt,  elle  tenta,  âgée  de  9  ans,  de  s'em- 
poisonner en  avalant  des  araignées.  Cette 
espèce  de  folie  ne  fit  que  s'accroître. 
Comme  elle  avait  un  teint  très  animé ,  la 
jeune  Labroussc  appliquait  la  nuit ,  sur 
son  visage  ,  de  la  chaux  vive,  se  flattant 
ainsi  d'y  faire  paraître  des  rides  et  des 
cicatrices  ;  mais  le  remède  (  à  ce  que  dit 
l'auteur  de  sa  Fie  )  n'opéra  point ,  et  ne 
fit  pas  même  disparaître  son  beau  coloris. 
Elleinrenta  alors  un  autre  genre  de  tour- 
ment, et  remplit  non  seulement  sou  lit , 
mais  ses  souliers  de  petits  cailloux ,  de 
sorte  qu'elle  ne  pouvait  faire  un  pas  sans 
ressentir  des  douleurs  très  aiguës.  Elle 
aimait  naturellement  la  bonne  chère; 
pour  réprimer  sa  sensualité,  elle  avait 
toujours  dans  sa  poche  un  cornet  rempli 
de  cendres  mêlées  avec  du  fiel  et  de  la 
suie,  et  quand  elle  était  à  table,  elle  en 
jetait  sur  les  mets  qui  lui  paraissaient  les 
plus  délicats.  Outre  cela ,  Clotilde  portait 
toujours  dans  un  flacon  de  l'eau  mêlée 
avec  du  fiel  de  bœuf  ;  elle  le  flairait  sou- 
vent, buvait  même  de  cette  eau,  qui  lui 
écorchait  le  gosier  et  lui  occasionait  une 
extinction  de  voix.  Du  reste ^  ajoute  le 
même  auteur,  sa  santé  allait  toujours 
son  train.  Ayant  pris  l'habit  des  tierce- 
retteS:.  ou  religieuses  du  tiers -ordre  de 
Saint-François,  la  méditation,  le  jeûne 
et  la  solitude  exaltèrent  encore  davan- 
tage son  imagination  :  elle  se  crut  défini- 
tivement inspirée ,  et  destinée  à  parcou- 
rir le  monde  pour  convertir  les  héréti- 
ques et  les  pécheurs.  Elle  en  fit  part  à 
ses  supérieures,  les  assurant  qu'elle  en 
avait  recula  mission  de  Dieu  lui-même, 
dans  des  révélations  et  des  communi- 
cations extatiques.  Cependant  ses  supé- 
rieures furent  assez  prudentes  pour  s'op- 
poser à  ce  projet.  Ne  sachant  que  faire  de 
mieux,  elle  écrivit  sa  Vie ^  et  soumit  cet 
ouvrage  à  M.  de  Flamarens,  évêque  de 
Périgueux,quineparulpasy  faire  grande 
attention.  Il  n'en  fut  pas  ainsi  du  prieur 
de  la  chartreuse  de  Vauclaire,  appelé  dom 
Gerle  :  ayant  lu  cet  écrit ,  que  le  hasard 
fit  tomber  ,  en  1759,  entre  ses  mains  ,  il 
devint  enthousiaste  de  mademoiselle  La- 
Lrousse,  et  s'empressa  d'entamer  une  cor- 
respondance épistolaire  avec  elle.  C'est 
à  ce  religieux  qu'elle  dut  sa  première 
réputation  d'însjoîr*?^  et  àe  prophète  s  se.  Il 
assura  quoique  temps  après ,  qu'elle  lui 
avait  prédit  qu'il  serait  membre  d'une 
assemblée  nationale ,  et  qu'elle  avait  éga- 
lement prédit  la  révolution  française. 
Quand  celle-ci  éclata ,  mademoiselle  La- 


brousse  trouva  un  autre  admirateur  dans 
M.  Pontard,  évêque  constitutionnel  de  la 
Dordogne.  Il  appela  mademoiselle  La- 
brousse  à  Paris ,  où  son  titre  de  prophé- 
lesse  et  ses  prédications  pouvaient  être 
utiles  pour  affermir  les  maximes  du  jour. 
Les  couveus  ayant  été  supprimés,  à  la 
grande  satisfaction  de  mademoiselle  La- 
brousse,  qui  désirait  jouer  un  grand  rôle 
dans  le  monde,  elle  se  rendit  à  l'invita- 
tion de  M.  Pontard ,  vint  à  Paris ,  et  alla 
loger  chez  une  dame  de  haut  rang,  la 
duchesse  de  B...  Mademoiselle  Labrousse 
commença  à  remplir  sa  mission  en  prê- 
chant et  prophétisant  en  faveur  de  la 
constitution  du  clergé,  contre  la  cour  de 
Rome,  et  ne  manqua  pas  de  se  faire  un 
parti  parmi  des  gens  crédules  et  des  spé- 
culateurs :  l'évêque  Fauchet  fut  de  ces 
derniers  :  mais  il  revint  bientôt  de  son 
erreur.  Il  parut  à  cette  époque  un  Recueil 
des  prophéties  de  mademoiselle  La- 
brousse j,  imprimé  aux  frais  de  la  même 
dame  (  la  duchesse  de  B...  )  par  Didot,  2 
vol.  in-S".  En  même  temps,  l'évêque  Pon- 
tard disait  dans  ses  écrits...  :  «  C'est  dans 
»  les  cahiers  de  mademoiselle  Labrousse 
»  qu'il  faut  apprendre  à  connaître  la  re- 
»  ligion  ;  non  point  cette  religion  que  les 
j>  vices  de  l'ancien  clergé  ont  rendue  si 
»  différente  de  son  origine ,  mais  cette 
n  émanation  pure  des  lumières  célestes.  » 
Dora  Gerle  devenu  membre  de  l'assemblée 
Constituante,  comme  l'avait  prédit  made- 
moiselle Labrousse ,  parla  dans  celte  as- 
semblée en  faveur  de  la  prophétesse  ; 
mais,  malgré  tous  ses  éloges ,  on  ne  vou- 
lut point  l'écouter.  De  retour  dans  son 
pays,  mademois'jlle  Labrousse  médita  un 
grand  projet  :  c'était  de  se  rendre  à  Rome, 
pour  prêcher  aux  cardinaux  ,  et  au  pape 
lui-même,  les  principes  de  fraternité ^ 
liberté,  égalité.  Outre  cela  elle  devait  en- 
gager le  saint  Père  à  faire  l'abdication  de 
sa  puissance  temporelle.  Mademoiselle 
Labrousse  entreprit  donc  ce  voyage,  pen- 
dant lequel  elle  prêchait  sur  les  routes 
publiques ,  dans  les  villes ,  les  villages , 
les  clubs,  les  églises  ;  faisant  usage ,  au 
commencement  de  tous  ses  discours, 
de  la  formule  jacobinique  :  Frères  et 
amis...  etc.  Elle  arriva  à  Bologne  en  août 
1792,  et  elle  ne  pouvait  choisir  une  ville 
dont  le  peuple  fût  moins  crédule  et  plus 
porté  à  la  plaisanterie.  Mademoiselle  La- 
brousse y  essaya  ses  prédications  ;  on  y 
répondit  par  des  sarcasmes.  Le  cardinal- 
légat  mit  un  terme  à  cette  comédie,  en 
chassant  Vinspirée^  qui  passa  à  Yiterbe  , 


LAB 


177 


LAC 


où  des  ordres  avaient  déjà  été  dbnnés 
pour  l'arrêter  et  la  conduire  à  Rome. 
Soit  qu'on  eût  négligé  ces  ordres  ,  ou 
qu'elle  sût  les  éluder  ,  mademoiselle  La- 
brousse  arriva  sans  obstacle  dans  la  capi- 
tale du  monde  chrétien ,  où  les  nouvelles 
maximes  avaient  déjà  pénétré ,  et  donné 
naissance  à  quelques  clubs  secrets.  La 
prophélesse  y  prononça  des  discours  et 
contre  le  pape ,  et  contre  tout  le  clergé 
non  assermenté.  Elle  avait  voulu  planter 
sa  chaire  dans  un  des  plus  vastes  empla- 
cemens  de  Rome ,  la  place  Naçone  ^  où 
abonde  le  menu  peuple,  mais  elle  fut 
arrêtée  et  enfermée  au  château  Saint- 
Ange.  Un  autre  visionnaire  (  ou  pré- 
tendu tel  )  d'une  espèce  différente  ,  s'y 
trouvait  aussi  prisonnier  depuis  1789; 
c'était  le  fameux  Balsamo,  surnommé 
Cagliosiro.  Mademoiselle  Labrousse  pré- 
tendait avoir  des  visions  divines,  et  Ca- 
glîostro  avait  voulu  faire  accroire  qu'il 
était  en  communication  directe  avec  le 
démon  ;  si  la  première  trouva  des  per- 
sonnes crédules ,  le  second  eut  aussi  de 
nombreux  partisans.même  dans  les  classes 
éclairées...  Quel  exemple  pour  abaisser 
l'orgueil  de  l'esprit  humain....  !  Cepen- 
dant mademoiselle  Labrousse  était  mieux 
traitée  dans  sa  prison  que  le  charlatan 
sicilien.  Celui-ci  languissait  dans  un  ca- 
chot, où  il  mourut  en  1793 ,  et  la  prophé- 
tesse  française  occupait  une  chambre 
commode,  où  on  lui  avait  permis  de  gar- 
der une  suivante.  Son  emprisonnement 
causa  un  vif  regret  à  M.  Ponlard,  de- 
venu de  plus  en  plus  théosophe.  Nul 
doute  qu'il  fit  toutes  les  démarches  pos- 
sibles pour  délivrer  l'objet  de  sa  profonde 
vénération.  Enfin,  en  1796,  le  Directoire 
demanda  à  la  cour  de  Rome  l'élargisse- 
ment de  mademoiselle  Labrousse ,  ce  qui 
fut  accordé  sur-le-champ  :  mais  elle  ne 
voulut  pas  quitter  sa  prison,  alléguant 
qu'en  y  restant ,  elle  obéissait  à  une  in- 
spiration céleste.  Elle  changea  néanmoins 
d'avis  deux  ans  après,  lorsque  les  troupes 
françaises  s'emparèrent  de  Rome.  Made- 
moiselle Labrousse  revint  à  Paris  ;  et ,  se 
rappelant  les  suites  fâcheuses  de  ses  pré- 
dications ,  et  moins  courageuse  que  ne  le 
fut  madame  de  Krudener,  elle  se  con- 
damna à  la  retraite  ;  cependant  elle  se 
croyait  toujours  inspirée,  et  disait  que 
les  anges  lui  avaient  préparé  un  trône 
dans  le  ciel.  Elle  eut  dans  sa  retraite  la 
satisfaction  de  se  voir  entourée  d'un 
petit  nombre  d'amis  fidèles ,  à  la  tête  des- 
quels était  M.  Pontard,  qui,  pendant  la 


captivllc  de  la  prophétcssc  ,  avait  publié 
un  Recueil  des  ouvrages  de  la  célèbre 
mademoiselle  Labrousse  (  Bordeaux, 
Brossier,  1797,  1  vol.  in-8°  de  296  pages). 
De  son  vivant ,  il  parut  aussi  un  autre 
ouvrage  en  italien ,  intitulé  :  Discorsi.  ou 
Discours  de  la  citoyenne  Courcell^s-La-' 
brousse^  avec  le  texte  français,  Rome, 
1798,  in-8°  Dans  sa  retraite,  elle  com- 
posa des  ouvrages  mystiques ,  commenta 
la  Bible  et  Y  Apocalypse.  Mademoiselle 
Labrousse  conserva  ses  liaisons  avec  M. 
Pontard  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  1821, 
à  l'âge  de  74  ans.  Elle  avait  nommé  son 
ancien  ami  pour  son  exécuteur  testamen- 
taire, et  lui  laissait  3,000  fr.  qui  lui  ont 
été  contestés  par  la  famille  de  la  défunte, 
ce  qui  a  donné  lieu  à  un  procès  devant 
les  tribunaux,  et  à  un  Mémoire  de  M. 
Pontard ,  où  il  se  plaint  de  l'ingratitude 
de  la  famille  Labrousse.  Quant  aux  écrits 
de  cette  visionnaire ,  nous  devons  nous 
borner  à  dire  qu'ils  ne  sont  que  des  rêves 
d'une  imagination  exaltée  ,  qu'ils  con- 
tiennent de  violentes  déclamations  contre 
la  cour  de  Rome,  des  prophéties j  des  ex- 
tases^ des  missions  célestes^  auxquelles 
on  ne  peut  croire  sans  avoir  le  cerveau 
aizssi  malade  que  cqlui  de  l'auteur. 

LABRUYÈRE.  Ployez  BRUYÈRE. 

LACAILLE.  Foyez  CAILLE. 

LACARRY  (  Gilles  ) ,  jésuite,  né  au 
diocèse  de  Castres  en  1603 ,  professa  avec 
succès  les  humanités ,  la  philosophie ,  la 
théologie  morale ,  l'Ecriture  sainte ,  fit 
des  missions,  obtint  les  emplois  de  sa  so- 
ciété ,  et  mourut  à  Clermont  en  Auver- 
gne ,  l'an  1684.  Malgré  la  multitude  et  la 
variété  de  ses  occupations ,  il  trouva  le 
temps  de  composer  un  grand  nombre 
d'ouvrages  très  utiles  ,  surtout  pour  ceux 
qui  s'appliquent  à  l'histoire  de  France. 
Les  pruicipaux  sont  :  |  Historia  Gallia- 
rum  sub  prcefectis  prcetorii  Galliarum» 
1672 ,  in-ii."  :  morceau  bien  fait  et  plein 
d'érudition.  Elle  commence  à  Constantin, 
et  finit  à  Justinien;  |  Historia  coloniarum 
tum  a  Gallis  in  exteras  nationes  missa- 
rum  ^  tum  ab  exteris  nationibus  in  Gah 
lias  deductarum,  1677,  in-4°  :  ouvrage 
estimé ,  écrit  avec  autant  de  savoir  que 
de  discernement  ;  j  Epitome  historiée  re- 
gum  Francice  .  1672 ,  in-4°  :  petit  abrégé 
tiré  du  Doctrina  temporum  de  Pctau; 
I  De  regibus  Francice  et  lege  Salica^  in- 
4"  ;  I  Comelii  Taciti  liber  de  Germania, 
in  4° ,  1649 ,  avec  de  savantes  notes ,  que 
Dithmar  a  suivies  dans  l'édition  qu'il  a 
donnée  du  même  ouvrage  en  1726,  in-8% 


LAC 

à  Francfort -sur -l'Oder;  |  Historia  ro- 
mana.  depuis  César  jusqu'à  Constantin, 
appuyée  sur  les  médailles  et  les  autres 
monumcns  de  l'antiquité.  Cet  ouvrage , 
publié  en  1671,  in-4°,  contient  des  in- 
structions utiles  en  faveur  des  personnes 
peu  versées  dans  la  connaissance  des  mé- 
dailles, et  offre  desavantes  discussions  sur 
plusieurs  faits.  Il  renferme  aussi  Séries 
et  numismata  regum  Syriœ^  u^gtjpti,  Si- 
ciliœ  et  Mesopotamicc  ;  \  une  bonne  Edi- 
tion  de  Velleïus  Paterculus,  avec  des 
notes;  |  Ilisloria  christiana  imperatorum. 
consulumetpî'œfectorum;  \Notitia  magis- 
tratuum  et  provinciarum  imperii  utrius- 
que^  cum  notis^  i66S ,  \a.-h°.  On  voit  dans 
tous  ces  ouvrages  un  homme  profondé- 
ment versé  dans  les  matières  les  plus 
épineuses  et  les  plus  recherchées  de  l'his- 
toire ,  et  un  savant  en  qui  l'érudition  n'a 
pas  éteint  le  goût.    , 

•  LACATHELIMERE  (Ripaitlt  de), 
officier  des  armées  royales  de  la  Vendée, 
né  vers  1760 ,  fut  choisi  au  mois  de  mars 
d793,  parles  paysans  insurgés  du  pays  do 
Retz,  pour  leur  commandant,  et  s'em- 
para d'abord  du  port  St.-Père,  de  Bourg- 
neuf,  et  des  principaux  bourgs  de  ce 
canton.  Charette  {Votjez  CHARETTE), 
s'étant  mis  à  la  tête  des  insurgés  de  Ma- 
checoul ,  marcha  de  concert  avec  lui 
contre  Pornic  qui  fut  pris  sur  les  républi- 
cains. Ces  deux  chefs  combinèrent  depuis 
habituellement  leurs  opérations.  Lacathe- 
linière  commandait  l'avant -garde  à  l'at- 
taque de  Machecoul ,  le  20  juin  1793  ; 
mais  il  ne  s'engagea  dans  aucune  des  ex- 
cursions de  Charette ,  à  qui  il  envoya 
quelquefois  des  renforts  ,  sans  vouloir 
jamais  sortir  de  son  canton  pour  faire  la 
guerre.  Durant  l'hiver  de  179i,  lorsque 
les  républicains  poursuivaient  sans  re- 
lâche l'armée  de  Charette  ,  Lacathelinlère 
s'était  retiré  dans  la  forêt  de  Pornic ,  où 
il  se  défendait  contre  les  attaques  et  les 
recherches  de  l'ennemi.  Un  républicain 
l'ayant  tiré  à  bout  portant ,  et  blessé 
de  deux  balles,  il  se  cacha  pour  se  guérir 
dans  sa  maison  de  Frossay.  Plusieurs 
soldats  y  vinrent,  et  un  d'entre  eux, 
en  poursuivant  une  pouls ,  la  fit  fuir 
■vers  un  pressoir.  Le  soldat  y  trouve  un 
homme  caché ,  déguisé  en  paysan  ,  et  à 
demi  mort  de  ses  blessures  :  «  Qui  es-tu  , 
»  demanda-t-il ?  »  Lacalhelinière,  répondit 
le  vendéen.  On  le  conduisit  à  Nantes ,  où 
il  périt  sur  l'échafaud  cette  même  année 
4794.  Lacathelinlère  commandait  à  des 
hommes  qui  manqiiaient  de  discipline , 


178  LAC 

mais  il  avait  le  talent  de  les  conduire  et 
de  s'en  faire  respecter. 

*  LACi:PÈDE  (  Bernard- Geummi»-. 
Etic Nxr.  DE  LAVILLE-SUR-ILLON,  comte 
de  ),  savant  naluralisle,  né  à  Agen  le  26 
décembre  1756,  était  fils  du  comte  de 
Laville.  Héritier  d'un  oncle  maternel ,  il 
dut  en  prendre  le  nom.  Il  s'occupa  do 
bonne  heure  d'histoire  naturelle,  se  mit 
en  correspondance  avec  Buffon ,  et  cul- 
tivait aussi  les  beaux  arts ,  surtout  la  mu- 
sique, dont  le  célèbre  symphoniste  Beck 
lui  avait  donné  des  leçons.  Il  n'avait  que 
vingt  ans ,  lorsqu'il  vint  en  1776  à  Paris , 
et  déjà  il  avait  entrepris  de  remettre  en 
musique  VArmide  de  Quinault  ;  mais  il 
renonça  à  son  prqjet  quand  il  apprit 
que  Gluck  l'avait  devancé.  Il  y  continuait 
ses  travaux  scientifiques  sous  Buffon  et 
ses  études  musicales  sous  Gossec ,  et  il  ve- 
nait de  faire  paraître  une  OEuvre  de  sym- 
phonie concertante ,  quand  sa  famille  ob- 
tint pour  lui  \in  brevet  de  colonel  dans 
les  cercles  de  l'empire  (  Bavière  )  :  son 
service  militaire  dans  ce  grade  se  borna 
à  deux  voyages  qu'il  fit  en  Allemagne.  Il 
était  fixé  à  Paris  en  1781.  A  cette  époque 
était  en  répétition  son  opéra  d'Omphale^ 
qu'il  avait  composé  par  les  conseils  de 
Gluck  avec  lequel  il  était  très  lié,  mais 
qui  cependant  ne  fut  pas  représenté. 
Dans  le  même  temps  il  publia  ses  pre- 
miers écrits  :  |  Essai  sur  l'électricité  na- 
turelle et  artificielle ,  1781,  2  vol.  in-8'*; 
Physique  générale  et  particulière  ^  1782- 
1784,  2  vol.  in-12,  ouvrages  dont  la  forme 
pouvait  plaire  aux  gens  du  monde,  mais 
qui  n'étant  point  à  la  hauteur  de  la  science , 
firent  naître  contre  leur,  auteur  des  pré- 
ventions tellement  défavorables  ,  que  La- 
cépède  s'empressa  de  racheter  les  exem- 
plaires qui  se  trouvaient  en  circulation  , 
pour  n'avoir  point  à  craindre  que  sa  réptn 
tationen  souffrit.  Ce  fut  alors  que  Buffon , 
pour  lui  faciliter  les  études  qu'il  avait  be- 
soin de  compléter ,  lui  offrit  la  place  de 
garde  et  sous-démonstrateur  du  cabinet 
d'histoire  naturelle,  dont  Daubenton  jeune 
venait  de  se  démettre.  Quoique  le  poste 
parût  au-dessous  de  ce  que  Lacépède 
avait  droit  d'espérer,  celui-ci  accepta. 
Après  avoir  publié  en  178o  la  Poétique  de 
la  musique  ,  Paris ,  2  volumes  in-8° ,  il 
commença  ses  études  d'histoire  naturelle 
dont  les  résultats  furent  à  la  fois  si  glo- 
rieux pour  lui  et  si  utiles  à  la  France.  On 
vit  paraître  successivement  r/^?5foire  na- 
turelle des  quadrupèdes  ovipares  et  des 
serpens^  1788-1789,  2  vol.  in-4°,  ou  4  vol. 


LAC 


479 


LAC 


în-12;  Histoire  naturelle  des  reptiles^ 
1789,  1  vol.  \n~h.° ,  ou  2  vol.  in-12  :  His- 
toire naturelle  des  Poissons  j  1798-1805, 
6  val.  en  5  tomes,  ou  11  vol.  in-12;  His- 
toire naturelle  des  cétacées^  1804,  in-i", 
ou  2  vol.  in-12,  que  l'auteur  regardait 
evec  raison  comme  le  plus  complet  et  le 
plus  méthodique  de  ses  livres.  Lacépède, 
dans  ses  descriptions,  n'a  pas  le  brillant 
de  l'auteur  qu'il  continue  ;  mais  il  décrit 
exactement  ;  et  l'on  voit  qu'il  clierchail 
plus  à  satisfaire  celui  qui  veut  s'instruire 
qu'à  éblouir  par  un  attrayant  langage. 
Ces  quatre  ouvrages  qui  ont  été  publiés 
dans  l'espace  de  16  ans  forment  la  suite 
et  le  complément  de  l'édition  originale 
de  Buffon,  sortie  des  presses  de  l'impri- 
merie royale  :  ils  ont  été  imprimés  deux 
fois  et  presque  toujours  avec  les  OEuvres 
de  Buffon.  et  ont  été  traduits  en  allemand. 
A  l'époque  de  la  révolution  ,  Lacépède 
ut  du  nombre  de  ceux  qui  adoptèrent  les 
idées  de  réforme.  D'abord  nommé  par  la 
section  du  jardin  des  Plantes  comman- 
dant de  bataillon,  il  présida  ensuite  les 
deux  premières  assemblées  conslilulion- 
nelles,  accepta  la  plaça  d'administra- 
teur de  Paris,  puis  fut  appelé  à  l'as- 
semblée Législative ,  qui  le  choisit  pour 
son  président  le  28  novembre  1791.  On 
vantait  beaucoup  la  modération  des  prin- 
cipes de  Lacépède;  ce  fut  néanmoins 
sous  sa  présidence  que  cette  assemblée 
fit  une  adresse  au  roi  contre  les  émigrés 
réunis  sur  les  bords  du  Rhin,  et  qu'elle 
décréta  la  formation  de  la  haute  cour 
d'Orléans,  d'odieuse  mémoire.  Il  refusa 
alors,  dit-on,  le  poste  difficile  de  gou- 
verneur du  dauphin.  La  s«ession  étant 
finie,  Lacépède  reprit  ses  occupations 
scientifiques,  et  se  démit  de  toutes  ses 
fonctions  pour  vivre  dans  la  retraite.  En 
1796 1  il  fut  nommé  membre  de  l'institut 
de  France,  et  trois  ans  après,  celui  de 
Bologne  l'admit  au  nombre  de  ses  asso- 
ciés. Chargé  d'organiser  l'expédition  du 
capitaine  Baudin,  il  désigna  pour  en 
faire  partie  deux  jeunes  savans,  MM. 
Eory  de  Saint -Vincent  et  Péron.  Lors 
de  l'établissement  du  consulat,  Bona- 
parte appela  le  comte  de  Lacépède  au  sé- 
nat conservateur,  dont  il  devint  prési- 
dent en  1801  ;  deux  ans  après ,  il  fut 
nommé  grand- chancelier  de  la  Légion- 
d'Honneur,  et  en  1805,  grand-aigle  de 
cette  même  Légion  :  l'année  d'aupara- 
vant, il  avait  été  créé  titulaire  de  la  sé- 
natorerie  de  Paris.  Chargé  très  souvent 
de  porter  la  parole  à  Napoléon ,  il  fut  un 


de  ses  plus  chauds  panégyristes  ,  et  îl  dot 
en  grande  partie  les  honneurs  dont  il  fut 
investi  à  son  éloquent  enthousiasme  pour 
celui  qui  les  dispensait.  Une  seule  fois 
cependant  il  osa,  à  la  tête  du  sénat ,  par- 
ler de  paix  à  Bonaparte  :  ce  fut  le  12 
janvier  1814.  Il  s'exprima  en  ces  termes  : 
a  Nous  combattons  entre  les  tombeaux 
»  de  nos  pères  et  les  berceaux  de  nos  en- 
»  fans.  Obtenez  la  paix  ^  sire ,  et  que  vo- 
»  tre  main  tant  de  fois  victorieuse  laisse 
»  échapper  les  armes ,  après  avoir  signé 
»  la  paix  du  monde.  »  Ce  conseil  venait 
trop  tard  :  les  alliés  foulaient  déjà  le  sol 
de  la  France,  et  après  avoir  tout  refusé 
au  congrès  de  Châtillon,  l'empereur  ne 
pouvait  plus  parler  de  paix  :  il  touchait 
à  sa  chute.  Lacépède  suivit  à  Blois  l'im- 
pératrice Marie  -  Louise ,  et  envoya  ce- 
pendant plus  tard  son  adhésion  à  la  dé- 
chéance de  Napoléon.  Le  gouvernement 
provisoire  priva  Lacépède  de  sa  charge 
de  grand-chancelier  de  la  Légion-d'Hon- 
ncur,  qui  fut  provisoirement  donnée  à 
M.  de  Pradt.  Le  roi  Louis  XVIII  l'en  dé- 
dommagea, en  le  nommant  pair  le  4  juin 
1814.  Au  retour  de  Napoléon  de  l'Ile 
d'Elbe,  Lacépède  refusa  la  place  de  grand- 
maître  de  l'miiversité ,  mais  il  siégea  dans 
la  nouvelle  chambre  des  pairs ,  dont  il 
fut  exclu  par  l'ordonnance  royale  du  24 
juillet  1815.  Le  roi  Louis  XVIII,  toujours 
indulgent  et  ami  de  la  science  ,  l'y  rap- 
pela quelque  temps  après.  Depuis  ce  mo- 
ment ,  il  ne  joua  pas  un  grand  rôle  dans 
les  affaires  publiques  ,  et  se  livra  exclu- 
sivement à  ses  études  favorites.  Au  mi- 
lieu de  sa  carrière  politique,  Lacépède 
avait  continué  ses  travaux.  On  lui  doit 
plusieurs  Discours  qu'il  prononça  comme 
professeur  d'histoire  naturelle  au  jardia 
des  Plantes  :  il  avait  été  nommé  élève  à 
l'école  normale  par  les  administrateurs 
de  Corbeil  après  le  9  thermidor,  et  en 
1793  on  avait  créé  pour  lui  une  15*  chaire 
au  muséum  d'histoire  naturelle.  Les  dis- 
cours les  plus  remarquables  qu'il  fit  pour 
l'ouverture  ou  la  clôture  de  son  enseigne- 
ment sont  ceux  de  1798 ,  1799 ,  1800  et 
1801  :  ils  contiennent  des  vues  élevées  et 
nouvelles  sur  quelques  parties  d'histoire 
naturelle.  On  lui  doit  encore  (  avec  MM. 
Cuvier  et  GeoffroiSaint-Hilaire  ),  |  la  Mé- 
nagerie  du  Muséum  d'histoire  naturelle  , 
ou  Description  et  histoire  des  animaux 
qui  y  vivent  ou  qui  y  ont  vécu ,  Paris , 
1801  cl  années  suivantes,  grand  in-folio  : 
il  n'en  a  paru  que  10  livraisons  ;  \nisloire 
générale^  physique  et  civile  de  V Europe 


LAC 

depuis  les  deimières  années  du  5 
jusque  vers  le  milieu  du  i8',  Paris,  1826, 
i8  vol.  in-8°.  2'  éd. ,  1835.  L'auteur  revoyait 
les  dernières  feuilles  de  ce  grand  ouvrage 
dans  les  derniers  jours  de  sa  vie  :  il  n'a  été 
publié  qu'après  sa  mort.  Il  enribrasse  dans 
son  plan  les  usages ,  les  lois ,  les  mœurs , 
les  sciences,  les  lettres,  les  arts,  les  fi- 
nances, l'agi-iculturc,  la  population,  les 
guerres,  l'esprit  de  chacun  des  siècles 
dont  il  s'est  proposé  de  tracer  le  tableau. 
I  Fîtes  générales  des  progrès  de  plusieurs 
branches  des  sciences  d'histoire  naturelle 
depuis  la  mort  de  Buffon^  1819  et  1822  , 
in-S";  \nistoi7-e  naturelle  de  l'homme^ 
1827,  in-8°  et  in-18;  |  Les  Ages  de  la  na- 
ture et  l'histoire  de  l'espèce  humaine, 
1830, 2  vol.  in-8°  ;  [  plusieurs  Eloges  on  No- 
tices historiques  sur  le  prince  de  Bruns- 
wick-Lunéhourg^  sur  Davbenton  ^  Mon- 
tesquieu^ etc.;  Ides  Articles  oxi  Mémoires 
insérés  dans  la  Décade  philosophique , 
dans  le  Magasin  encyclopédique ,  dans  le 
Recueil  de  l'Institut^  dans  les  Annales  du 
Muséum  d'histoire  naturelle,  dans  le  Dic- 
tionnaire des  sciences  d'histoire  natu- 
relle^ où  il  a  fourni  celui  de  V homme  et 
tom  ceux  qui  concernent  les  reptiles  et 
\qs  poissons^  dans  la  Revue  encyclopédi- 
que, etc.  Lacépède  fut  aussi  l'éditeur  de 
plusieurs  éditions  de  Buffon.  Il  continua 
de  cultiver  la  musique  avec  passion  jus- 
qu'à sa  mort  :  et  on  a  de  lui  plusieurs 
opéras ,  une  Messe  de  requiem ,  etc.  Il  a 
même  mis  en  musique  \ Action  générale 
et  les  différens  épisodes  du  Télémaque 
de  Fénélon.  Après  avoir  rempli  une  car- 
rière aussi  belle,  Lacépède,  qui  était 
membre  d'un  grand  nombre  d'académies 
et  de  sociétés  savantes,  mourut  de  la  pe- 
tite vérole  le  19  septembre  182S ,  dans  sa 
maison  de  campagne  à  Epinay  ,  près  de 
Saint -Denis,  où  depuis  long -temps  il 
avait  coutume  de  passer  la  belle  saison. 
On  a  cité  de  ce  naturaliste  divers  traits 
de  bienfaisance  qui  font  honneur  à  son 
caractère.  Personne  n'était  plus  laborieux 
que  lui;  rarement  il  donnait  plus  de 
deux  heures  chaque  nuit  au  sommeil  :  le 
reste  du  temps  il  était  couché ,  et  c'était 
dans  son  lit  qu'il  composait  ses  ouvrages; 
il  les  écrivait  ensuite  quand  il  en  avait 
le  loisir.  Ses  fonctions  administratives  ne 
lui  ont  jamais  fait  négliger  ses  études,  et 
il  remplit  exactement  les  devoirs  de  se- 
crétaire ,  soit  du  muséum  d'histoire  na- 
turelle ,  soit  de  la  classe  des  sciences  phy- 
siques et  mathématiques  de  l'institut.  11 
entretenait    des    correspondances   avec 


iSO  LAC 

siècle  toutes  les  académies  de  l'Europe  ,  et  il  en 
était  très  peu  qui  ne  le  comptassent  aa 
nombre  de  leurs  associés.  On  a  donné  une 
édition  do  ses  écrits  (  commencée  en 
182G  ) ,  qui  porte  ce  titre  :  OEuvres  com- 
plètes de  M.  Le  comte  de  Lacépède  ^  avec 
la  synonymie  des  auteurs  modernes  les 
plus  célèbres,  nouvelle  édition  rédigée  par 
iV.  Desmarets ,  10  vol.  in-8*»,  accompa- 
gnés d'autant  de  cahiers  de  figures  colo- 
riées. Outre  les  éloges  prononcés  ou  im- 
primés à  l'époque  de  sa  mort ,  au  nom 
des  corps  savans  dont  il  faisait  partie ,  il 
a  paru  sur  cet  illustre  naturaliste  trois 
notices,V\xnÇi  de  M.  Mahul  dans  la  sixième 
année  de  son  Annuaire  nécrologique  ;  la 
seconde  de  M.  d'Amalricdansle  29'  tome 
de  la  Revue  encyclopédique ,  et  la  3'  de 
M.  Julia  Fontanelle,  Paris,  1825,  in-S**. 

LACERDA.  royez  CERDA. 

•  L ACHABEAUSSIÈRE  (  Ange-Etieîv- 
ive-Xavier  POISSON  de),  littérateur,  né 
à  Paris  en  1752 ,  était  fils  d'un  avocat  au 
parlement  qui  fut,  dit-on,  instituteur  du 
célèbre  Mirabeau.  Dégoûté  de  la  carrière 
des  armes,  qu'il  avait  d'abord  embrassée, 
il  se  livra  entièrement  à  la  littérature  ,  et 
eut  quelques  différends  avec  Mirabeau 
relativement  aune  traduction  de  Tibulle, 
publiée  sous  le  nom  de  celni-ci  (Tours, 
1796,  3  vol.  in-8°),  et  dont  Lachabeaus- 
sière  réclama  la  propriété.  Il  est  l'auteur 
du  Catéchisme  républicain.  Sous  le  régime 
de  la  terreur,  et  sur  la  dénonciation  da 
son  propre  gendre ,  qui  l'accusait  d'avoir 
donné  asile  à  Julien  de  Toulouse  (  excla 
delà  Convention  et  proscrit),  avec  lequel 
il  n'avait  jamais  eu  de  relation ,  Lacha- 
beaussière  fut  enfermé  aux  Madelon- 
nettes ,  et  cette  persécution  s'étendit  sur 
toute  sa  famille.  Sa  femme  fut  confinée 
dans  la  prison  de  la  Bourbe,  et  deux  de 
ses  filles  enfermées  à  Sainte-Pélagie.  La- 
chabeaussière  ,  croyant  sa  mort  inévita- 
ble ,  écrivit ,  peu  de  jours  avant  celui  où 
l'on  devait  prononcer  son  arrêt,  un.  Adieu 
envers,  qu'il  confia  à  un  des  prisonniers, 
afin  qu'après  ses  derniers  momens  il  le 
fît  parvenir  à  son  épouse  et  à  ses  filles. 
Le  10  thermidor  an  2  (  28  juillet  1794  ),  il 
devait  être  conduit  au  supplice  ;  mais  ce 
jour-là  Robespierre  périt  lui-même  sur 
l'échafaud.  Lachabeaussière  et  sa  famille 
sortirent  de  prison,  et  quelques  mois  après 
(  septembre  1795),  il  fut  compris  dans  la 
liste  des  hommes  de  lettres  auxquels  on 
accordait  une  pension.  L'année  suivante, 
le  conseil  des  Cinq-cents  le  nomma  mem- 
bre du  comité  d'instruction  publique,  et. 


LAC 


181 


LAC 


en  1798 ,  administrateur  de  l'Opéra.  Ac- 
cusé de  dilapidation,  en  i799,  il  eut  à  se 
justifier  devant  les  tribunaux  qui  pro- 
noncèrent son  acquittement;  ce  qui  n'em- 
pêcha pas  un  des  membres  du  conseil 
des  Qnq-cents,  M.  Pons  de  Verdun ,  d'im- 
proviser contre  lui  une  épigramme  vi- 
rulente, qu'il  fit  circuler,  et  qui  finissait 
par  ces  vers  : 

Petit  Poisson  deviendra  grand 
Pourvu  que  Dieu  lui  prête  vie. 

Lachabeaussière  a  travaillé  à  plusieurs 
écrits  périodiques;  tels  que  la  .Décade  ^ 
les  Soirées  littéraires^  YMmanach  des 
Muses  j  dont  Vigée  était  l'éditeur.  A  la 
mort  de  celui-ci,  il  devait  lui  succéder  dans 
la  direction  de  ce  recueil.  Mais  il  succom- 
ba bientôt  après  à  une  longue  maladie , 
le  10  septembre  1820,  à  l'âge  de  68  ans. 
Il  a  laissé  :  |  Catéchisme  français,  ou 
Principes  de  morale  républicaine  (  en 
vers),  Paris,  1793;  5*  édit.,  1800,  iu-8°; 
trad.  en  hollandais,  par  M™' Brinckmarm, 
Amsterdam ,  1796 ,  in-16  ;  en  allemand , 
par  S.-H.  Catel,  avec  le  texte  français, 
Berlin,  1798,  in-8°.  L'époque  et  le  titre  de 
cet  ouvrage,  destiné  aux  écoles  primaires, 
font  aisément  connaître  l'esprit  dans  le- 
quel il  a  été  rédigé.  |  OEuvres  dii^erses^ 
Paris,  180J,  in-S".  Elles  contiennent  des 
poésies,  des  traductions  en  vers,  d'Ho- 
mère, de  Virgile,  d'Horace,  et  autres  poètes 
classiques  ;  des  apologues  nouveaux ,  des 
contes,  etc. ,  etc.;  |  Poésies  galantes  et 
gi-acieuses  d'Ânacréon^  Bion ,  Moschus^ 
Catulle  et  Horace^  imitées  en  vers  fran- 
çais^ etc.  ibid.,  1803 , 1  vol.  in-8''  ;  |  Jpo- 
logues  m,oraux  imités  pour  la  plupart  de 
Saadi  le  Persan ,  ibid. .  1814 ,  in-8°  de  3 
feuilles.  Ses  comédies  ont  pour  litre  : 
I V Intrigante jQXi  5  actes  et  en  vers,  1776 
(  M.  Etienne  a  donné,  en  1813 ,  une  comé- 
die sous  le  même  titre  :  elle  a  eu  trois 
représentations);  \  Les  Maris  corrigés, 
en  3  actes  et  en  vers ,  1781  ;  |  Le  Sourd, 
en  1  acle  et  en  prose ,  1783  ;  (  Les  deux 
Fourbes,  en  1  acte  et  en  prose  ;  |  La  Con- 
fiance dangereuse^  en  2  actes  cl  en  vers  ; 
I  Les  Charlatans,  en  5  actes  et  en  vers  ; 
I  L'heureuse  erreur  ^  1793;  |  Lamentine , 
tragédie  burlesque,  1779.  Ses  opéra-co- 
miques sont  intitulés  :  ]  L'Eclipsé  totale^ 
1782  ;  I  Le  Corsaire,  en  3  actes  ;  |  Jzémia 
ouïes  Sauvages,  en  3  actes  ;  |  Gulistan  ou 
le  Huila  de  Samarcande  ;  j  Dilara,  cic; 
cl  plusieurs  f^audevilles  qui ,  de  même 
que  ses  autres  ouvrages  dramatiques, 
eurent  du  succès.  Il  a  aussi  laissé  en  ma- 
7. 


nuscrit  une  traduction  en  prose  de  Vir- 
gile, dont  il  avait  lu  des  fragmens  à 
l'Athénée.  Lachabeaussière  avait  un  ta- 
lent supérieur  pour  la  lecture  et  pour 
la  comédie  de  société.  Il  était  mem-. 
bre  de  l'Athénée  de  Paris ,  de  la  société 
libre  des  sciences ,  lettres  et  arts ,  secré- 
taire perpétuel  de  la  société  philotechni- 
que, de  celle  des  enfans  d'Apollon ,  et  se- 
crétaire général  de  celle  des  Amis  des  arts, 

LACHAISE.  Vorjez  CHAISE. 

LACHALLMÈRE.  Koyez  CHALI— 
NIERE. 

LACHALOTATS.  F^oyez  CHALOTAIS. 

LACHAMBRE.  ^oyez  CHAMBRE. 

LACIIAMUS,  seigneur  gaulois,  père 
de  Rutilius  Numatianus ,  s'acquit  beau- 
coup de  gloire  dans  les  charges  de  ques- 
teur, de  préfet  du  prétoire  et  de  gouver- 
neur de  Toscane.  Il  était  né  à  Toulouse , 
ou,  selon  dom  Rivet,  à  Poitiers.  Les  peu- 
ples charmés  de  sa  bonté,  de  son  équité  , 
et  surtout  de  son  attention  à  les  soulager, 
lui  firent  ériger  plusieurs  statues  en  dif- 
férens  endroits  de  l'empire  11  mouruJ 
vers  la  fin  du  15"  siècle. 

LACHAPELLE  (Marie-Louise  DU- 
GES ,  femme  ) ,  sage-femme  en  chef  de 
la  maison  d'accouchement  (  hospice  de 
la  Maternité  ),  née  à  Paris  en  1769 ,  prit 
les  premières  leçons  de  son  art  auprès  de 
sa  mère  madame  Dugès ,  sage- femme 
en  chef  de  l'Hôtel-Dieu,  et  mérita  par 
ses  succès  de  lui  être  adjointe  de  bonne 
heure  dans  ses  fonctions.  A  l'âge  de  15 
ans  et  demi,  elle  donna  des  preuves 
d'un  talent  précoce  et  de  beaucoup  de  pré- 
sence d'esprit  dans  un  accouchement  très 
difficile  où  elle  eut  le  bonheur  de  sauver 
la  mère  et  l'enfant.  Mariée  à  22  ans, 
et  devenue  veuve  peu  de  temps  après, 
elle  se  consacra  tout  entière  aux  détails 
de  son  état  :  en  1791  elle  fut  nommée  pro* 
fcsseur  en  chef  à  l'école  de  la  Maternité, 
Après  avoir  formé  dans  ses  leçons  jour- 
nalières, tant  théoriques  que  pratiques, 
un  très  grand  nombre  d'élèves  distingués 
elle  mourut  en  1821.  La  vie  de  cette 
femme  fut  une  suite  de  bonnes  actions. 
Outre  plusieurs  observations  importantes 
insérées  dans  le  1"  volume  de  V Annuaire 
médico-chii-urgicaï,  on  a  d'elle  Recher^ 
ches  sur  les  maladies  des  nouveau-nés  ^ 
1  volume  in-4°,  et  Pratique  des  accouche^ 
mens  ou  Recueil  de  mémoires  et  observa^ 
tions  sur  les  points  les  plus  imjwrtans  de 
l'art,  Paris,  1821-1823,  5  volumes  in-S**  : 
cet  ouvrage  a  été  rédigé  sur  les  notes  de 
l'auleur,  par  son  neveu  le  docteur  Dugès. 
16 


LAC 


182 


LAC 


LACHAPETXE.  Voyez  CHAPELLE. 

LACnASTRK.  Voyez  CFIASTRE. 

LACHATAIG\ERAYE.  Voyez  CHA- 
TEIGNERAYE  (Fuançois  deVIVONNE, 
seigneur  de  la). 

LACHATRE  (Claude-Louis,  comte, 
puis  duc  de  ),  naquit  à  Paris  le  50  sep- 
tembre 17A.5 ,  d'une  ancienne  famille  du 
Berri ,  et  entra  de  bonne  heure  dans  la 
carrière  des  armes.  ïl  était  maréchal-de- 
camp  et  grand-bailli  d'épée  du  Berri  en 
i789 ,  et  fut  élu  par  la  noblesse  député 
aux  états-généraux.  Il  parut  peu  à  la  tri- 
bune ;  mais  il  montra  dans  les  comités  sa 
haine  pour  toute  innovation  et  il  signa 
les  protestations  des  12  et  13  septembre 
1791  contre  les  opérations  de  l'assemblée 
nationale.  Il  émigra  après  la  session,  et 
servit  dans  l'armée  des  princes  en  1792. 
Plein  de  zèle  et  d'activité,  il  organisa  à 
Londres,  en  1793,  un  régiment  sous  le 
nom  de  Loyal  émigrant,  qui  se  fit  re- 
marquer par  sa  bravoure  et  sa  discipline 
dans  l'armée  des  princes,  et  qui  soutint , 
en  plusieurs  occasions ,  les  efforts  des  ré- 
publicains victorieux,  particulièrement 
à  Merlin  et  à  Quiberon.  Ce  corps  fut  em- 
barqué en  1796  pour  le  Portugal,  et  licen- 
cié en  1802.  Le  comte  de  La  Châtre  se 
retira  à  Londres,  et  conserva  le  titre  de 
colonel  dans  l'armée  anglaise  avec  le  trai- 
tement qui  y  est  attaché.  Lo,uis  XVIII  le 
nomma,  en  1807,  son  chargé  d'affaires 
confidentiel  auprès  du  cabinet  britanni- 
que ;  et  l'année  suivante,  il  l'attacha  à  sa 
maison  ivec  le  titre  de  premier  écuycr. 
Après  la  restauration  de  1814,  il  fut  nom- 
mé ambassadeur  à  la  cour  de  Londres, 
puis  pair  de  France,  duc  et  premier  gen- 
tilhomme de  la  chambre.  Ayant  pris  parti, 
en  1824,  pour  le  vicomte  de  Chateaubriand 
qui  venait  de  perdre  le  portefeuille  des 
affaires  étrangères ,  il  fut  remplacé ,  dans 
ses  fonctions  de  premier  gentilhomme 
de  la  chambre ,  par  le  comte  Charles  de 
Damas.  Frappé  de  cette  disgrâce ,  il  eut , 
peu  de  jours  après ,  une  attaque  de  pa- 
ralysie, dont  il  mourut  à  Meudon  le  18 
juillet  1824. 

LACHAIISSÉE.  Voyez  NIVELLE. 
•  LACHIMTH  (Louis-Wenceslas),  com- 
positeur dramatique,  né  à  Prague  en  17b6, 
mort  en  1820 ,  possédait  un  talent  très 
distingué  sur  le  cor,  lorsqu'il  vint  à  Paris 
en  1773  :  il  se  perfectionna  par  les  leçons 
elles  conseils  de  Rodolphe,  et  parut  avec 
distinction  au  concert  spirituel  ;  mais  le 
mauvais  élat  de  sa  santé  l'obligea  de 
quitter  cet  instrument.  Il  renonça  même 


entièrement  à  l'éxecution,  et  se  livra  dé» 
lors  à  la  composition  sous  la  direction  de 
Philidor.  Parmi  ses  ouvrages,  on  remarque 
I  une  Méthode  de  doi y  té  pour  le  forté-piano 
qui  a  été  adoptée  par  le  Conservatoire  ; 
il  la  lit  avec  Adam  ;  mais  il  y  ajouta  deux 
parties.  ]  Dix-huit  œuvre  s  de  musique  ^  tels 
que  Symphonies ^  quatuor^  concerto^  so- 
nates, pour  le  piano  et  la  harpe  ;  |  des 
ouvrages  dramatiques,  parmi  lesquels  on 
distingue  :  les  Mystères  d'ïsis  arrangés, 
quant  à  la  musique,  d'ai)rès  la  Flûte  en" 
chantée  de  Morart;  il  y  a  ajouté  plusieurs 
airs  ;  don  Juan  sur  lequel  il  fît  le  même 
travail;  Y  Oratorio  de  Saille  pastiche 
formé  des  chefs-d'œuvre  des  plus  grands 
maîtres  et  composé  avec  Kalkbrenner 
père,  ainsi  que  la  Pn'se  de  Jéricho,  autre 
oratorio  dans  le  même  genre;  YHeu7-€usc 
}  éconciliation.  joiiéc  aux  Italiens  en  1785, 
Eugénie  et  Linval  aux  Variétés  en  1798  ; 
les  Fêtes  Lacédémoniennes  dont  les  pa- 
roles sont  de  Loudet  du  Sancerre  :  cette 
pièce  est  restée  en  portefeuille  ;  la  musi- 
que de  ces  trois  derniers  opéras  est  de- 
Lachnith  seul.  Lachnith  avait  plus  de  ta- 
lent pour  l'enseignement  musical  que 
pour  la  composition  :  aussi  a-t-il  laissé 
plus  de  bons  élèves  que  de  chefs-d'œuvre. 

•  LACLEDE  (N...  de) ,  historien  du  18* 
siècle ,  n'est  connu  que  par  son  Histoire 
générale  du  Portugal.  Paris,  1755,  2  vol. 
in-4°,  ou  8  vol.  in-12.  C'est  l'ouvrage  lo 
plus  complet  que  nous  ayons  sur  ce 
royaume  ;  mais  on  reproche  à  l'auteur 
de  s'y  livrer  à  des  digressions  trop  fré- 
quentes et  à  des  déclamations  outrées 
contre  les  papes  et  la  cour  do  Rome.  Cette 
histoire  a  été  traduite  en  portugais,  avec 
des  notes,  Lisbonne,  1777, 16  vol.  in-S". 
Le  même  ouvrage  a  été  publié  de  nou- 
veau en  1828,  10  vo}.  in-S",  avec  une  con- 
tinuation jusqu'à  don  Miguel ,  par  M.  le 
marquis  Fortia  d'Urban  et  M.  Miellé.  Les 
nouveaux  éditeurs  ont  fait  subir  à  cet 
ouvrage  phisieurs  cbangemens  impor- 
tans. 

•LACLOS  (PiERKE-AsiBROiSE- Fran- 
çois CHODERLOS  de),  naquit  à  Amiens^ 
en  1741.  A  l'âge  de  18  ans ,  il  entra  dans 
le  corps  royal  du  génie  en  qualité  d'aspi- 
rant ,  et  fut  nommé  sous-lieutenant  un 
an  après.  Capitaine  en  1778,  il  fui  envoyé 
à  l'ile  d'Aix  pour  y  construire  un  fort. 
Né  avec  des  talens ,  de  l'esprit  et  de  l'a- 
mabilité ,  Laclos  cultiva  la  littérature  au 
milieu  des  occupations  de  l'état  militaire. 
Il  eût  été  peut-être  plus  heureux  pour  sa 
mémoire  qu'il  se  fût  borné  »ux  cormais» 


LAC 


183 


LAC 


sance3  qu'exigeaient  ses  fonctions;  il 
xi'aurait  pas  laissé  dans  les  lettres  une  ré- 
putation d'écrivain  licencieux,  et  dans 
l'histoire  de  notre  révolution  un  nom 
souillé  de  plus  d'un  crime.  Un  roman, 
en  2  vol.  in-8°,  intitulé  les  Liaiso7is  dan- 
gereuses^ lui  donna  tout  à  coup  une  place 
parmi  les  écrivains  déhontés,  qui  ne  crai- 
gnent pas  d'offenser  la  moralité  publique 
en  dévoilant  les  turpitudes  les  plus  hon- 
teuses. La  jeunesse  ,  déjà  imbue  des  doc- 
Irines  philosophiques,  le  lut  et  le  loua 
avec  enthousiasme.  A  peine  convenait-on 
du  défaut  de  naturel  et  de  l'inlidélité  des 
tableaux  et  des  caractères.  En  1789  ,  La- 
clos devint  secrétaire  surnuniéraire  du 
<luc  d'Orléans,  et  fut  bientôt  un  des  con- 
lidens  intimes  de  ce  prince. De  confident, 
il  devint  conseiller;  et  l'on  se  souvient 
qu'en  1789,  il  faisait  partie  d'un  club  qui 
se  tenait  au  village  de  Mont-Rouge,  près 
Paris ,  où  des  personnages  puissans  déli- 
béraient sur  le  sort  du  royaume.  C'est 
lui,  dit-on,  qui,  pour  faire  armer  les 
Français  qu'on  voulait  porter  à  l'insur- 
rection, hiventa  la  fable  des  brigands 
qui  devaient  venir  ravager  la  France  au 
même  jour  et  à  la  même  heure.  Chacun 
s'arma  pour  les  repousser  et  resta  sous 
les  armes.  Ainsi  les  conspirateurs  eurent 
tout  à  coup  à  leur  disposition  tme  masse 
énorme  do  soldats  prêts  à  tout  entre- 
prendre. Il  fut  aussi  un  des  meneurs  des 
terribles  journées  des  5  et  6  octobre.  Vi- 
vement inculpé  à  ce  sujet,  il  suivit  le  duc 
d'Orléans  en  Angleterre  ,  lorsqu'une  mis- 
sion supposée  exigea  ce  voyage  ,  et  rédi- 
gea ,  dit-on ,  les  lettres  du  duc  d'Orléans 
au  roi,  publiées  pendant  la  révolution. 
De  retour  à  Paris  en  juillet  1791,  il  fut  un 
des  principaux  rédacteurs  du  Journal 
des  amis  de  la  constitution ,  écrivit  avec 
Brissot  la  fameuse  pétition  qui  provoqua 
le  rassemblement  du  Champ-de-Mars , 
où  l'on  demandait  que  le  roi  fût  mis  en 
jugement,  et  la  colporta  dans  les  rues  de 
Paris  à  la  tête  des  séditieux,  ^'ommé  en 
4792  maréchal-de-camp  et  gouverneur  de 
tous  les  établissemens  français  dans  l'Inde, 
il  ne  partit  point  pour  sa  destination,  prit 
part  dans  le  quartier  du  Palais-Royal  aux 
délibérations  populaires,  et  finit  par  être 
«nfermé  par  suite  des  mesures  prises 
îontre  le  duc  d'Orléans.  Livré  à  ses  pen- 
lées  au  fond  de  sa  prison,  il  envoyait  aux 
îomités  des  plans  de  réforme,  et  imagina 
Dne  nouvelle  espèce  de  projectiles  dont 
il  proposa  de  faire  l'expérience.  Il  fut 
relâché,  fit  ses  essais  à  Moudon,  cl  le  suc- 


cès les  justifia.  Arrêté  encore  une  fois,  il 
resta  en  prison  jusqu'au  9  thermidor;  il 
fut  alors  nommé  secrétaire-général  de 
l'adiniiuslratiou  des  hypothèques,  em- 
ploi dont  »1  s'acquitta  de  la  manière  la 
plus  satisfaisante.  Après  la  réforme  de 
cette  administration,  il  reprit  la  car- 
rière militaire ,  servit  en  qualité  de  gé- 
néral de  brigade  d'artillerie  dans  les  ar- 
mées du  Rhin  et  d'Italie  ,  et  succomba  à 
Tarente,  le  5  octobre  1805,  après  bien 
des  fatigues  et  bien  des  traverses.  Outre 
le  roman  dont  nous  avons  parlé,  on  a  en- 
core de  lui  des  Poésies  fugitives  .  et  une 
Lettre  à  l'académie  française ,  à  l'occa- 
sion du  prix  proposé  pour  YEloge  de 
Vauban ,  où  il  exagère  au-delà  de  toute 
mesure  les  dépenses  que  cet  illustre  ma- 
réchal a  occasionées  à  la  France  pour 
ses  fortifications.  Il  les  porte  à  1440  mil- 
lions (i).M.  Barbier  lui  a  attribué  la  rédac- 
tion des  Causes  secrètes  de  la  révolution 
du  9  au  10  thermidor,  par  Villate,  1795  , 
in-8°. 

LACOLOMBIÈRE.  V.  COLOMBIÈRE. 

•  LACOLOME  (Jean-Martin  de  )  ,  né 
à  Bordeaux  en  1674 ,  embrassa  la  profes- 
sion des  armes  et  passa  au  service  de  l'é- 
lecteur de  Bavière.  Il  se  distingua  dans 
la  guerre  d'Allemagne,  parvint  au  grade 
de  maréchal-de-canip,  et  fit  en  celte  qv  alité 
la  campagne  de  1717  contre  les  Turcs , 
soùs  les  ordres  du  prince  Eugène.  Com- 
blé des  témoignages  d'estime  de  l'empe- 
reur, il  revint  dans  sa  patrie,  et  mourut 
le  20  novembre  1739.  Il  a  laissé  des  Mé- 
moires contenant  les  événcmcns  de  la 
guerre  depuis  le  siège  de  Namur  en  1692 
jusqu'à  la  bataille  de  Belgrade,  Bruxel- 
les (Bloisj,  1757,  2  vol.  in-12;  Francfort 
(Bordeaux),  17S0,  aussi  2  vol.  in-12, 
écrits  avec  prolixité  ;  mais  on  y  trouve 
des  particularités  curieuses.  On  lui  at- 
tribue l'Histoire  de  la  ville  de  Bordeaux, 
1737,  3  vol.  in-12,  où  l'on  trouve  de  l'exac- 
titude et  beaucoup  de  recherches  :  mais 
le  style  en  est  négligé  ,  et  les  grands  évé- 
nemens  de  l'Histoire  de  France  sont  con- 
fondus avec  les  faits  particuliers  qui  con- 
cernent Bordeaux. 

*LACOMBE  (François),  né  à  Avignon 
en  1733  ,  mort  vers  1795  ,  à  Montpellier 
où  il  était  commissaire  de  police ,  est  au- 
teur I  du  Dictionnai>-e  du  vieux  langage 
français,  Paris,  1763-67,  2  vol.  in-8°,  tou- 


(i)  Voyci  le  Journal  de t  satant  de  Tannée  1786, 
page  556  «à  cette  atiertioa  a  e'ié  comple'tcment  ré- 
futée. 


LAC 


184 


LAC 


jours  recherché ,  quoique  moins  complet 
«juc  celui  de  M.  de  Roquefort  ;  \  des  Obser- 
vations sur  Londres  et  ses  environs,  etc., 
1780,  in-12 ,  ouvrage  réimprimé  sous  le 
titre  de  Tableau  de  Londres  <^de  ses  en- 
virons. On  a  encore  de  lui  |  des  traductions 
de  quelques  ouvrages  anglais .  tels  que 
les  Lettres  de  milord  Shafstesbury  sur 
l'enthousiasme,  les  Lettres  historiques  et 
philosophiques  du  comte  d'Orréry  ..  sur 
la  vie  et  les  ouvrages  du  docteur  Sivift  : 
quelques  poésies  de  Pope  et  de  Dryden, 
etc.  Il  a  été  l'éditeur  des  Lettres  choisies 
de  Christine^  reine  de  Suède^  Paris,  1759, 
in-12. 

*  LACOMBE  (  Jacques  )  ,  littérateur 
distingué,  né  à  Paris  en  1724,  fit  ses  cours 
de  droit,  et  se  consacra  au  barreau  ;  mais 
s'en  étant  dégoûté ,  il  obtint  la  patente  de 
libraire.  Devenu  ensuite  auteur,  il  publia 
un  grand  nombre  d'ouvrages  qui  eurent 
beaucoup  de  succès.  Lacombe,  dont  la 
vie  n'offre  rien  de  bien  remarquable  , 
mourut  à  Paris  ,  le  16  septembre  1801.  11 
était  beau-père  du  célèbre  Grétry.  Voici 
la  liste  de  ses  principaux  ouvrages  :  1  Pro- 
grès des  sciences  et  des  beaux-arts  sous 
le  règne  de  Louis  XV^  ode,  1750.  Elle  est 
insérée  dans  le  Recueilàe  l'académie  d'An- 
gers ,  et  avait  obtenu  le  prix  que  cette 
même  académie  avait  proposé  en  17i9. 
I  Dictionnaire  portatif  des  beaux-arts^ 
Paris ,  1752,  in-8°, 3^  édit.  ,  1759.  Ce  dic- 
tionnaire a  eu  plusieurs  autres  éditions  , 
et  a  été  traduit  en  italien  ,  Venise,  1758 , 
in-8°  ;  |  Le  Salon  en  vers  et  en  prose ,  ou 
Jugement  des  ouvrages  exposés  au  Lou- 
vre^ en  1753,  in-12  ;  |  Abrégé  chronologi- 
que de  l'histoire  ancienne j  \Tol .  in-8°  ; 
\  Le  spectacle  des  beaux-arts.  1738 ,  in-12, 
4762,  in-12  ;  |  Abrégé  chronologique  de 
l'histoire  d'Espagne  et  de  Portugal^  (avec 
Hacquer  ) ,  commencé  par  le  président 
Hénault,  1759,  2  vol.  in-8°  ;  2'  édit.,  1765  ; 
j  Histoire  des  révolutions  de  l'empire  de 
Russie,  1760,  in-8",  traduit  en  allemand, 
4761  ;  I  Abrégé  chronologique  de  l'his- 
toire du  Nord.  1762  ,  2  vol.  in-8"  ;  |  Mé- 
moires secrets  de  la  duchesse  de  Ports- 
mouth.  avec  des  7iotes  historiques  .  1805 , 
a  vol.  in-S",  avec  Chamfort  ;  |  Précis  de 
l'art  dramatique  des  anciens  et  des  mo- 
dei^nes  ,  1808  ,  2  vol.  in-8"  ;  ]  Scipion  à 
Carthage,  opéra  en  3  actes  ,  in-12.  La- 
combe a  travadllé  au  journal  intitulé,  VA- 
vant-courcur.  ou  Le  Mercure  de  France. 
et  a  donné  à  l'Encyclopédie  méthodique 
I  le  Dictionnaire  des  arts  et  métiers  mé- 
caniques. 8  vol.  ;  à  celui  Des  chasses  et 


à  celui  De  l'art  aratoire  et  du  jardinage, 
1  vol.  ;  des  pèches  .  1  vol.  ;  à  celui  Dea 
amiisemens  des  sciences .  l  vol.  Il  a  coo- 
péré aussi  à  V Encyclojyédiana,  1  vol.  ;  au 
Dictionnai7-e  des  jeux  mathématiques  et 
des  jeux  familiers  .  1  vol.  Lacombe  avait 
beaucoup  d'instruction  ,  un  talent  varié , 
et  un  style  clair,  élégant  et  assez  correct. 

•  LACOMBE  de  PRÉZEL  (  Honoré), 
frère  du  précédent ,  né  à  Paris  en  1725  , 
fut  aussi  avocat  et  mourut  au  conmience- 
ment  de  la  révolution  ;  il  a  publié  :  |  Dic- 
tionnaire d'anecdotes,  de  traits  singuliers 
et  caractéristiques  .  1756  ,  2  vol.  in-8''  ; 
I  Dictionnaire  iconologique,  ou  Introduc' 
tion  à  la  connaissance  des  peintures.  m<?- 
dailles.  estampes,  etc..  1756,  in-12  ;  1  Les 
progrès  du  commerce.  1760,  in-12  ;  |  Dic- 
tionnaire portatif  de  jurisprudence.  176:5, 
3  vol.  in-12  ;  |  Les  pensées  de  Pope .  1760, 
in-12  ;  |  Dictionnaire  des  portraits  his- 
torique s.  il  &^,  3  vol.  in-8°.  On  remarque 
dans  ces  différentes  compilations ,  de  la 
méthode  et  du  goût ,  de  l'arrangement  et 
du  choix  dans  les  matières. 

LACOMBE  (  J.-B.  ),  né  à  Toulouse,  fut 
d'abord  instiluieur,  et  vint  ensuite  tenter 
fortune  à  Bordeaux  ,  d'où  différentes  es- 
croqueries le  forcèrent  de  se  retirer.  Il 
ouvrit  une  école  dans  un  village  ,  où  il 
resta  jusqu'à  la  révolution  du  31  mai 
1793.11  osa  alors  reparaître  à  Bordeaux, 
où  il  parvint  à  se  rendre  agréable  aux  re- 
présentans  en  mission,  et  fut  nommé 
président  du  tribunal,  ou  commission 
militaire,  dite  7'évolutionnaire. c^mûi  cou- 
ler tant  de  sang  dans  cette  ville.  Ce  bour- 
reau ne  laissait  pas  même  aux  accusé» 
la  faculté  de  se  défendre  ;  il  les  inter- 
rompait en  disant  :  Le  tribunal  est  fixé 
sur  ton  compte  ;  et  il  se  hâtait  de  pro- 
noncer l'arrêt  de  mort.  Il  en  condamnait 
jusqu'à  50  dans  le  même  jour.  Son  prin- 
cipal but  étant  de  s'enrichir,  il  dénonçait 
lui-même  les  plus  riches  habitans  de 
Bordeaux,  et  s'emparait  de  leurs  dépouil- 
les ;  il  parvint  ainsi  à  devenir  en  peu  de 
mois  un  des  hommes  les  plus  riches  du 
pays.  Mais  dénoncé  à  son  tour  comme 
ayant  dépassé  les  pouvoirs  qui  lui  avaient 
été  confiés  ,  il  fut  arrêté  et  condamné  k 
mort  par  le  même  tribunal  qu'il  avait 
présidé  ,  et  qui  avait  clé  renouvelé  après 
le  9  thermidor.  On  ne  lui  accorda  aucun 
moyen  de  défense.  Lorsqu'il  entendit  sa 
condamnation,  il  s'écria  :  «  Bordeaux  m'a 
»  les  plus  grandes  obligations  ;  si  j'avais 
,  «suivi  les  ordres  que  j'avais  reçus  ,  j'au- 
»  rais  fait  périr  deux  fois  autant  d'accusés. 


LAC  {'6 

i>ct  plusieurs  de  ceux  qui  m'ccouitnl 
M  n'existeraient  plus.  «Une  foule  immense 
l'accompagna  au  supplice  en  poussant  des 
cris  de  joie  et  en  l'accablant  de  malédic- 
tions. Il  fut  exécuté  le  15  août  179i. 

•  LAC03iBE  SAINT-MICHEL  (  Jean- 
Pierre  ) ,  général  français  ,  né  vers  1740 
d'une  famille  noble  du  Languedoc  ,  em- 
brassa le  parti  des  armes.  Il  était,  au  mo- 
ment de  la  révolution  ,  capitaine  dans  le 
7* régiment  d'arlillerie,  et  avait  obtenu  la 
croix  de  St. -Louis.  Il  ne  s'en  déclara  pas 
moins  ouvertement  l'ennemi  du  trône. 
Son  régiment  avait  reçu  ordre  de  marcher 
sur  Paris  pour  contenir  le  peuple ,  qu'on 
«xcitait  à  l'insurrection  par  des  intrigues 
et  des  manœuvres  de  toute  espèce  ;  mais 
il  manifesta  lui-même  dès  le  12  juillet  1789 
des  principes  si  opposés  à  l'ordre  qu'on 
voulait  rétablir,  que  le  maréchal  de  Broglie 
le  fit  partir  avec  son  régiment  la  nuit  sui- 
•\ante.  Elu  député  au  mois  de  septembre 
1791 ,  il  dénonça  les  officiers  de  l'armée 
qui  donnaient  leur  démission  ,  proposa 
lies  mesiires  pour  les  punir  et  les  rem- 
placer. Réélu  à  la  Convention  ,  il  vota  la 
mort  du  roi  sans  appel  et  sans  sursis. 
Peu  de  temps  après  il  fut  envoyé  en 
Corse  et  dans  les  Ardennes  en  qualité  de 
commissaire.  On  a  de  lui  le  Rapport  sur 
sa  mission  en  Corse ,  1793  ,  in-8°.  De  re- 
tour à  Paris,  il  devint  membre  du  comité 
de  salut  public  ;  mais  il  ne  s'y  fit  point 
remarquer.  Il  passa  de  là  au  conseil  des 
Anciens  ,  et  il  en  devint  président  le  28 
octobre  1797.  Sorti  du  Corps  législatif  en 
1798,  il  reprit  son  rang  dans  l'artillerie  , 
et  la  même  année  le  Directoire  le  nomma 
ambassadeur  à Naples;  maisil fut  abreuvé 
de  dégoûts  à  cette  cour,  et  il  la  quitta  en 
lévrier  1799.  Il  fut  alors  employé  comme 
général,  et  se  distingua  dans  la  campagne 
d'Italie  en  1803  ,  et  dans  celle  de  1806 
contre  les  Prussiens  ;  enfin  il  passa  en 
Espagne  ;  mais  le  mauvais  état  de  sa 
santé  l'obligea  de  rentrer  en  France,  il 
mourut  le  27  janvier  1812  des  suites  de  ses 
blessures. 

•  LACOMBE  (  Dominique  ) ,  évéque 
d'Angoidême  naquit  le  25  juillet  1749,  à 
Montrejeau ,  dans  la  Haute-Garonne  dio- 
cèse de  Comminges.  Apiès  avoir  fait  ses 
études  chei  les  doctrinaires  de  Tarbes ,  il 
entra  dans  leur  congrégation  en  1766  ,  y 
occupa  divers  emplois  ,  et  devint  en  1788 
principal  ou  recteur  du  collège  de  Guyenne 
à  Bordeaux.  Il  occupait  encore  cette  place 
à  l'époque  de  la  révolution  dont  il  adopta 
les  principes.  Il  devint  curé  de  St.-Paul  à 


:>  LAC 

Bordeaux,  prêta  le  serment  constitution- 
nel, et  fut  nommé  député  à  l'Assembléa 
lét'islutive  ;  mais  le  lendemain  du  jour 
où  fut  décrclée  la  loi  qui  prohibait  tout 
costume  ecclésiastique,  il  donna  sa  démis- 
sion de  représentant  (7  avril  1792).  De  re- 
tour à  Bordeaux  ,  il  reprit  l'exercice  de 
ses  fonctions  sacerdotales,  et  conserva 
néanmoins  assez  d'influence  pour  se  ga- 
rantir non  -  seulement  de  toutes  pour- 
suites, mais  encore  pour  sauver  la  vie  à 
plusieurs  citoyens  accusés  de  fédéralisme. 
Après  la  mort  de  M.  Pascaueau,  évéque  de 
Bordeaux  (  1797  )  il  fut  appelé  à  lui  suc- 
céder. Sacré  le  14  février  1798 ,  il  tint 
avec  son  clergé  constitutionnel  un  con- 
cile en  1802.  Il  assista  à  l'assemblée  diie 
concile  nationalj  à  Paris ,  prit  une  part 
très  active  aux  affaires  du  concordat, 
donna  sa  démission  de  son  siège  de  Bor- 
deaux ainsi  que  ses  collègues,  sur  la  réqui- 
sition du  gouvernement  consulaire,  et  fut 
compris  parmi  les  douze  évêques  constitu- 
tionnels qui  firent  partie  du  nouvel  épi- 
scopat  français.  Envoyé  à  Angouléme  , 
après  avoir  refusé  sa  rétractation  que  lui 
demandait  au  nom  du  pape  le  cardinal 
Caprara^  légat  en  France,  il  resta  attaché 
à  ses  principes  qu'il  proclama  même  dans 
une  lettre  adressée  le  kjuin  1802,  au  vé- 
nérable prêtre  JBinos  ^  ancien  chanoine 
de  St.-Bertrand  ^  auquel  il  faisait  part 
des  motifs  de  son  refus.  Lacombe  eut  à 
l'occasion  de  ses  doctrines,  plusieurs  al- 
tercations assez  vives  avec  quelques 
membres  de  son  clergé.  Lorsque  Bona- 
parte dépouilla  le  pape  de  ses  étals,  La- 
combe approuva  cette  mesure  dans  un  de 
ses  mandemens;  cette  conduite  était  d'au- 
tant moins  généreuse  que  le  pape  venait 
d'être  arrache  de  Rome  et  conduit  en 
France.  Il  assista  aussi  au  champ  de  mai,  et 
exhorta  son  clergé  à  remercier  le  ciel  du 
retour  de  Bonaparte  de  l'ile  d'Elbe.  Ce 
prélat  mourut  presque  subitement  le  7 
avril  1823.  L'Jmi  de  la  religion  lui  a  con- 
sacré une  Notice  très  détaillée ,  tora.  3^ 
pag.  357. 

LACOMBE.  Foyez  GUYON. 

LACO-\DAMIîVE.  Foyez  CONDAMINE. 

*  LACOSTE  (  Elie)  ,  médecin,  né  vers 
1740 ,  à  Montignac  ,  dans  le  département 
de  la  Dordogne,  fut  député  à  la  Conven- 
tion nationale  à  l'époque  de  la  révolu- 
tion. Devenu  en  1790  administrateur  do 
la  Dordogne ,  il  fut  élu  députe  do  ce  dé- 
partement à  l'Assemblée  législative ,  puis 
fi  la  Convention ,  où  il  vota  la  mort  da 
Louis  XYI,  sans  appel  et  sans  sursis.  Il  sié- 
16. 


LAC 


186 


LAC 


Çfca  constamment  à  la  Montagne,  fut  nom- 
mé présidenlde  l'assemblée  le  {"messidor 
an  2  (  19  juin  17%  ) ,  et  fit  toujours  partie 
du  fameux  comité  de  sûreté  générale ,  qui 
fut,  pendant  quatorze  mois  ,  le  complice 
de  tous  les  crimes  du  comité  de  salut  pu- 
blic. Envoyé  en  mission  dans  le  nord ,  il 
s'y  conduisit  avec  assez  de  modération.  Il 
se  prononça  fortement  contre  Robespierre 
au  9  thermidor ,  et  fit  décréter,  dès  le 
même  jour ,  la  suppression  du  tribunal 
révolutionnaire ,  dont  l'action  n'était  plus 
redoutable  que  pour  la  faction  qui  venait 
d'être  renversée.  Lorsque  Lecoinlre  de 
Versailles  dénonça  les  membres  de  l'an- 
cien gouvernement ,  Lacoste  le  combat- 
tit vivement ,  et  demanda  son  arresta- 
tion. Dénoncé  par  Gouly,  le  28  mai  1795, 
comme  un  des  auteurs  de  l'insurrection 
des  premiers  jours  de  prairial,  il  fut  à  son 
tour,  décrété  d'arrestation.  Il  fut  rendu  à 
la  liberté  par  l'amnistie  de  brumaire  an  k , 
et  retourna  dans  sa  ville  natale ,  où  il  re- 
prit ses  fonctions  de  médecin  ;  il  y  mourut 
obscurément  en  1803. 

'LACOSTE  (Pierre-François),  prêtre, 
chanoine  honoraire,  naturaliste  distingué, 
naquit  à  Plaisance,  j)rès  de  Toulouse,  em- 
brassa l'état  ecclésiastique,  et  fut  pendant 
plusieurs  années  professeur  de  morale  à 
Toulouse ,  d'histoire  naturelle  (  minéralo- 
gie) à  l'école  centrale  du  département  du 
Puy-de-Dôme ,  et  de  la  même  science  »  la 
facidté  de  Clermonl-Ferrand  en  Auvergne. 
C'est  dans  ce  département  qu'il  se  livra  à 
l'étude  de  la  géologie,  de  la  minéralogie, 
et  de  l'histoire  naturelle  en  général.  Il 
étudia  et  explora  toutes  les  parties  de 
cette  province  sur  laquelle  il  a  fait  pa- 
raître plusieurs  ouvrages  importans.  Lors 
de  la  révolution  française  ,  il  adhéra  à  la 
constitution  civile  du  clergé,  ainsi  que  le 
témoignent  ses  premiers  ouvrages  ,  dont 
voici  la  liste  :  1  Lettre  de  M.  l'abbé  Lacoste, 
de  Plaisance,  vicaire  delaDalbade,  à  un 
Turé  non  conformiste,  1791 ,  in-8°;  {Réponse 
à  la  lettre  d'un  curé  non  conformiste^ 
4791,  in-8°  ;  |  Discours  sur  les  devoirs  des 
citoyens  envers  la  patrie^  Toulouse,  1792, 
in-8°  ;  |  Discours  pour  une  fête  civique . 
il  793,  in-8"  ;  |  Discours  sur  les  obligations 
que  les  Français  se  sont  imposées  en  ac- 
ceptant la  constitution ,  Toulouse ,  1795  , 
in-8°  ;  |  Discours  sur  les  vertus  républi- 
caines, Toulouse ,  1795  ,  in-S".  Le  renver- 
sement du  Directoire  et  le  nouvel  ordre 
de  choses  qu'amena  le  consulat  de  Bona- 
parte parurent  faire  une  diversion  aux 
Idées  républicaines  de  Lacoste ,  qui  ne 


s'occupa  plus  que  de  sujets  scîenlîfiqties, 
et  publia  :  |  Observations  concernant  l'or- 
griculture  dans  les  montagnes  des  dépar- 
temens  de  l'Jnvergne^  Clermont,  1799, 
in-8";  |  Quelques  observations  concernant 
l'agriculture  dans  les  montagnes  du  dé' 
jmrtement  du  Puy-de-Dôme j  1801,  in-8**; 
I  Discours  sur  les  dispositions  des  habi' 
tans  du  département  du  Puy-de-Dôme 
pour  les  sciences,  1801 ,  10-8"  ;  [  Discours 
sur  les  avantages  qui  résultent  de  l'étude 
de  l'histoire  naturelle,  avec  des  notes,  3* 
édit. ,  1801,  in-8°  ;  |  Observations  sur  les 
volcans  d'Auvergne,  suivies  de  notes  sur 
divers  objets  recueillis  dans  une  course  mi' 
néralogique,  1802,  in-8°,2''  édition,  1803; 
I  Lettre  miner alogique ,  et  géologique  sur 
les  volcans  de  l'Auvergne,  écrite  dans  un 
voyage  fait  en  1804  ,  1805,  in-8°  ;  |  His- 
toire naturelle  de  l'Auvergne,  et  des  dé- 
partemens  environnans  :  (il  en  a  lui-même 
rassemblé  les  matériaux),  3  vol.  in-8°. 
Lacoste  est  mort  le  18  avril  1826. 

•  LACOSTE  (  Jeatv-Baptiste),  avocat, 
fut  député  à  la  Convention  par  le  dépar- 
tement du  Cantal  et  vota  la  mort  de 
Louis  XVI,  sans  appel  ni  sursis.  Pendant 
le  reste  de  la  session  ,  il  fut  presque  tou- 
jours en  mission  ,  et  fut  envoyé  dans  les 
départemens  de  la  Haute-Loire ,  du  Bas- 
Rhin  ,  de  la  Moselle  et  près  des  armées 
du  Nord.  Il  accompagna  aussi  l'armée  qui 
fit  la  conquête  de  la  Hollande,  et  il  s'y  fit 
remarquer  par  son  intrépidité  ,  notam- 
ment à  Haguenau  et  à  Kaiserslautern , 
mais  il  était  dans  les  villes  qu'il  parcou- 
rait le  proconsul  le  plus  sanguinaire. 
Dans  une  lettre  datée  de  Strasbourg  le  14 
nivôse  3  janvier  1794,  il  se  vantait  des 
profanations  qu'il  avait  ordonnées  à 
Spire,  et  envoyait  la  dépouille  des  églises, 
les  reliques,  les  ciboires,  et,  selon  ses  ex- 
pressions, d'autres  instrumens  de  sottise'. 
A  son  retour,  il  fut  accusé  (1"  juin  1795) 
d'avoir  organisé  la  commission  qui  en- 
sanglanta l'Alsace  sous  la  direction  de  l'ac- 
cusateur public,  i'infàmc  Schneider.  Un 
député  prit  la  parole  en  sa  faveur,  car  il 
était  absent  pour  maladie  :  son  défenseur 
demanda  pour  Lacoste  l'autorisation  de 
rester  chez  lui  sans  gendarmes;  car, 
dit-il,  il  n'a  pas  les  moyens  de  les  payer. 
Lacoste  n'en  fut  pas  moins  décrété  d'arres- 
tation ;  il  fut  ensuite  amnistié.  Bonaparte 
l'appela  en  1800  à  la  préfecture  des  Fo- 
rets, et  en  1815  à  celle  de  la  Sarthe.  Atteint 
par  la  loi  du  12  janvier  1816  ,  il  se  retira 
en  Belgique  ,  d'où  il  obtint  ensuite  la  la- 
veur de   rentrer  en  France.   En  1818  il 


XAC  187 

fut  attaqué  à  Mauriac  pa»*  une  riialatlie 
qui  faillit  l'envoyer  au  tombeau  :  il  paraît 
que  ses  remords  l'avaient  préparc  à  un 
changement  sincère  ;  il  fit  appeler  M. 
l'abbé  d'Auzers  ,  curé  de  la  ville ,  et  ce 
vénérable  ecclésiastique  le  fortifia  dans 
ses  heureuses  dispositions.  Lacoste  se 
soumit  humblement  à  tout  ce  qui  lui  était 
prescrit ,  et  ce  ne  fut  pas  chez  lui  une 
disposition  passagère  ;  car  pendant  les 
trois  années  qu'il  vécut  encore  ,  il  persista 
dans  les  mêmes  sentimens,  et  manifesta 
souvent  en  public  son  vif  repentir  de  ses 
crimes  et  de  ses  folies.  Il  est  mort  en 
chrétien  le  13  août  1821.  Voyez  VAmi  de 
la  religion,  tome  59 ,  page  512. 

LACOUR.  Voyez  COUR. 

•  LACOUR  (N....  ),  peintre  français, 
né  en  1746 ,  à  Bordeaux  ,  mort  dans  sa 
ville  natale  le  28  janvier  1814,  apprit  les 
premiers  élémens  do  son  art  dans  l'atelier 
de  Vien ,  et  alla  ensuite  perfectionner  son 
talent  à  Rome  ;  il  se  fixa  ensuite  A  Bor- 
deaux ,  malgré  les  offres  brillantes  qui  lui 
étaient  faites  pour  l'attirer  à  Paris ,  et 
il  a  orné  presque  toutes  les  églises  de 
cette  ville  de  ses  tableaux.  Son  chef- 
d'œuvre  est  celui  qui  représente  Saint 
Paulin  archevêque  de  Bordeaux .  accueil- 
lant dans  son  palais  une  foule  de  mal- 
heureux persécutés.  On  remarque  aussi 
un  de  ses  tableaux  représentant  la  Fa- 
çade des  Chartrons.  Cet  artisie  a  ex- 
posé au  Louvre  différentes  productions 
parmi  lesquelles  on  a  distingué  un  Avare 
endormi  sur  son  trésor,  wa.  Mendiante  des 
paysages ,  des  têtes  d'études  et  des  m.a- 
rines.  etc.  Il  peignait  avec  succès  dans 
plusieurs  genres,  et  ses  tableaux  d'his- 
toire sont  estimés.  Il  n'est  pas  moins  cé- 
lèbre comme  professeur.  Jusqu'alors  on 
n'enseignait  à  Bordeaux  q\ic  les  premiers 
principes  de  l'art  du  dessin;  il  introduisit 
l'étude  delà  peinture  dans  l'établissement 
où  il  avait  été  placé,  et  forma  en  peu  de 
temps  une  foule  d'élèves  très  distingués. 

*  LACRETELLE  (  PinnnE-Louis)  pu- 
bliciste  et  littérateiu",  membre  de  l'insti- 
tut ,  né  à  Metz  en  1751 ,  était  fils  d'un 
avocat  de  Nancy  qui  le  destina  lui-mpme 
au  barreau.  La  première  cause  que  le 
jeune  Lacrelelle  plaida  dans  cette  ville 
fut  perdue; mais  il  fit  à  celte  occasion  un 
mémoire  qui  mérita  l'approbation  géné- 
«•ale.  Il  fut  inscrit,  en  1778,  au  tableau 
des  avocats  de  Paris ,  et  se  vit  chargé ,  en 
partie ,  de  la  rédaction  du  Grand  Réper- 
toire de  Jurisprudence.  Il  publia  aussi 
plusieurs  mémoires,  obtint  divers  succès 


LAC 

littéraires  et  se  lia  avec  les  Gingnené,  les 
Suard,  les  Fontanes.  En  1781,  il  obtint 
l'accessit  au  prix  proposé  par  l'académie 
française  pour  Y  Eloge  de  Sainte-Maure, 
duc  de  Mon(ausier{  i  ).  Déjà ,  en  1774  ,  il 
avait  été  couronné  par  l'académie  de  3Ieti 
pour  un  discours  dont  le  sujet  était  :  As- 
signer les  causes  des  crimes  et  donner  les 
moyens  de  les  rendre  plus  rares  et  moins 
funestes.  Il  le  fut  de  nouveau,  en  178i  , 
à  la  même  académie ,  pour  son  discours 
sur  le  Préjugé  des  peines  infamantes  qui 
obtint  le  premier  prix  ;  le  second  fut  dé- 
cerné à  Robespierre.  Lacretelle  donna 
aussi  plusieurs  articles  au  Mercure  et  vit 
s'ouvrir  devant  lui  les  portes  de  l'institut. 
Il  fit  paraître  en  outre  en  1784  une  Lettre 
sur  la  réparation  qui  serait  due  aux  ac" 
cusés  jugés  innocens.  une  Dissertation 
sur  le  ministère  public  et  ùes  Réflexions 
sur  la  réforme  de  la  justice  criminelle^ 
formant  un  volume  in-S"  ;  et  de  1786  à 
1791 ,  une  Logique .  une  Métaphysique ,  et 
une  Moraîe,en  4  volumes  in-4'',  faisant  par- 
tie de  l'Encyclopédie  méthodique.En  1787, 
Malesherbes ,  qu'il  voyait  souvent ,  l'avait 
fait  nommer  de  la  commission  que  Louis 
XVI  chargeait  de  préparer  des  projets  de 
reforme  dans  la  législation  pénale.  Il 
adopta  ,  mais  avec  modération,  les  prin- 
cipes de  la  révolution,  fut  élu  député 
suppléant  à  l'assemblée  Constituante  ,  et 
ne  siégea  que  dans  l'assemblée  Législative. 
Après  la  journée  du  10  août ,  il  renonça 
aux  affaires  publiques ,  et  vécut  dans  la 
retraite  juscfu'après  le  9  thermidor.  Après 
avoir  été,  du  temps  du  Directoire,  un 
des  jurés  de  la  haute-cour  nationale,  il 
entra,  en  1801,  au  corps  législatif,  où  il 
vota  plusieurs  fois  contre  le  projet  du 
gouvernement;  il  n'y  fut  point  réélu.  Peu 
de  temps  après  la  réorganisation  de  l'in- 
stitut, Lacretelle  fut  choisi  pour  rem- 
placer Laharpe,  et,  durant  la  période 
du  règne  de  Napoléon,  il  se  montra  en 
quelque  sorte  hostile  au  gouvernement 
impérial.  Il  composa  encore  plusieurs 
mémoires  consultatifs  parmi  lesquels  se 
remarque  celui  qu'il  écrivit  pour  le  prince 
de  Carignan ,  de  la  maison  de  Savoie. 
Plus  tard  il  coopéra  avec  MM.  Etienne, 
Jay,  etc.,  à  la  rédaction  de  \di  Minerve 
française 3  recueil  périodique,  conçu 
dans  le  sens  de  l'opposition  libérale ,  et 
qui  avait  remplacé  le  Mercure.  Lorsque  la 
première  loi  de  censure  sur  la  presse  pé- 
riodique eut    paru  en  1820 ,   Lacretelle 


(i)  Ce  fut  Garât  qui  obtint  le  prii 


LAC 


188 


LAC 


crut  pouvoir  en  éluder  les  diposilions  en 
se  faisant  libraire,  et  publia  quelques 
brochures  politiques  destinées  à  faire  suite 
à  la  Minerve.  Il  fut  traduit  à  celte  occa- 
sion devant  la  police  correctionnelle ,  et 
condamné  à  un  mois  de  prison  que  le  roi 
lui  remit.  La  classe  de  l'institut.,  qui  re- 
prenait le  nom  d'académie  française  le 
choisit  pour  un  de  ses  chanceliers.  Après 
avoir  relouché  ses  écrits,  et  en  avoir  pré- 
paré une  édition  générale,  Lacretelle  vit 
avec  calme  approcher  sa  fin ,  et  mourut  à 
Paris  le  5  septembre  1824.  Sous  les  divers 
gouvernemens  qui  s'étaient  succédé  en 
France ,  il  fut  du  petit  nombre  de  ceux 
qui  conservèrent  leur  indépendance,  et 
son  honorable  pauvreté  n'excila  jamais  en 
lui  ni  plainte  ni  regret.  Il  n'a  pas  eu  le 
temps  de  voir  se  terminer  l'édition  com- 
plète de  ses  Œuvres ,  dont  il  n'a.  vu  impri- 
mer que  6  volumes ,  des  quinze  volumes 
in-S'  dont  elle  devait  se  composer.  Il 
avait  précédemment  publié  :  |  Essai  sur 
l'éloquence  du  barreau;  \  Discours  sur  ce 
sujet  :  assigner  les  causes  des  crimcSs 
etc.  (  voyez  plus  haut  ),  Nancy,  1774,  in-8°; 
I  Plaidoyers .  Bruxelles  (  Nancy  ),  1773, 
in-8°  ;  |  Discours  sur  la  multiplicité  des 
lois ,  1778 ,  in-S"  ;  |  Mélanges  de  juris- 
prudence ou  divers  plaidoyers ,  précédés 
d'un  Essai  sur  l'éloquence  et  suivis  de 
différens  morceaux  de  philosophie  et  de 
jurisprudence  j  Paris ,  1779,  in-8°  ;  réim- 
primés en  1807;  |  Eloge  de  Charles  de 
Sainte-Maure  j.  duc  de  Montausier,  1781 , 
10-8°;  I  Discours  sur  le  préjugé  des  peines 
infamantes^  1784,  in-8°;  réimprimé  l'an- 
née suivante  avec  d'autres  morceaux; 
I  Convocation  de  la  prochaine  tenue  des 
états  généraux  en  France,  novembre 
1788  ;  I  Mémoire  sur  l'institution  des  bu- 
reaux des  finances  et  futilité  de  leurs 
fonctions.  1789,  in-8°;  \  De  l'établisse- 
ment des  connaissantes  humaines,  et  de 
l'instruction  publique  dans  la  constitution 
française .  1791,  in-8°;  |  Du  système  du 
gouvernement  pendant  la  session  ac- 
tuelle, elc,  1797,  in-8°;  \  Sur  le  i7  bru- 
maire ,  à  Syeyès  et  à  Bonaparte  (  an  7  ), 
1799,  in-8°  ;  |  Idée  sommaire  d'un  grand 
travail  sur  la  nécessité,  l'objet  et  les  avan- 
tages de  l'instruction ,  sur  les  difficultés 
qui  s'y  opposent,  et  sur  leur  aplanisse- 
ment  au  moyen  d'une  collection  complète 
€t  méthodique  de  toutes  les  connais- 
sances  humaines.jiaTJi.  L.  C,  1800,  in-8"; 
,  \OEuvres  diverses,  ou  Mélanges  de  philo- 
sophie et  de  littérature ,  i80^-l807 ,  5  vol. 
în-8°;  l  Fragmens  politiques  et  littéraires. 


1817,  in-8^  etc.  Parmi  les  morceaux  que 
Lacrelelle  a  fournis  au  Mercure  on  re- 
marque une  Notice  sur  Legouvé  (  le  père 
de  l'auteur  de  la  Mort  d'Abel).  On  lui 
attribue  en  outre  la  publication  de  la  tra- 
duction en  français  des  Lettres  d'un  cul- 
tivateur américain ,  par  S.  John  Crève- 
cœur,  Paris,  1784  ,  2  vol.  in-8°.  L'édition 
en  16  volumes  in-S**,  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut  comprend  quelques  pro- 
ductions encore  inédites ,  telles  que  :  les 
Etudes  sur  la  révolution  et  Mes  soirées  à 
Malesherbes.  M.  Parent-Réal  a  consacré 
une  notice  à  Lacretelle  dans  la  Revue  en- 
cyclopédique ,\.omc  24 ,  page  351. 

LACROIX.  Voyez  CROIX  DU  MAINE, 
NICOLLE  et  PETIS. 

LACROIX  (Claude),  jésuite,  né  à 
Saint -André,  village  entre  Hervé  et  Da- 
lem,  dans  la  province  de  Limbourg,  l'an 
1652,  se  fit  jésuite  l'an  1673,  enseigna  la 
théologie  morale  à  Cologne  et  à  Munster, 
et  mourut  à  Cologne  le  1"  juin  1714.  On  a 
de  lui  un  Commentaire  sur  la  Théologie 
morale  de  Busembaum ,  Cologne ,  1719 ,  2 
vol.  in-fol.  Lacroix  donne  en  entier  dans 
son  Commentaire  le  texte  de  Busem- 
baum ,  pour  l'expliquer  et  fixer  le  vrai 
sens  des  décisions  :  s'il  a  eu  tort ,  les  cen- 
seurs caustiques  qui  l'ont  accablé  d'in- 
jures et  d'accusations  odieuses  ne  sont 
pas  non  plus  à  l'abri  des  reproches.  {Voy. 
BUSEMBAUM,  ESCOBAR,  PASCAL.  )  Le 
nère  François-Antoine  Zaccaria  a  justifié 
plusieurs  opinions  des  deux  jésuites  que 
Coucina  etPatuzzi  avaient  censurées  avec 
aigreur  :  il  est  certain  que ,  en  bornant , 
au  cas  précis ,  supposé  par  les  auteurs , 
la  plupart  dei  décisions  qui  paraissent  re- 
lâchées, on  verra  presque  toujours  dispa- 
raître ce  qu'elles  semblent  présenter  de 
révoltant.  Il  est  également  vrai  encore 
que  toutes  ces  opinions  avaient  été  ensei- 
gnées avant  les  jésuites,  qui  n'ont  fait  que 
les  adopter  et  les  répéter.  (  Voy.  MOYA.  ) 
L'édition ,  qu'on  dit  avoir  été  faite  à  Co- 
logne en  1737,  est  supposée.  Ce  n'est  qu'un 
nouveau  titre  et  une  nouvelle  table  ajou- 
tée à  l'aBcienne  édition. 

*  LACROIX  (  Jean-François),  né  à 
Compiègne ,  est  auteur  des  ouvrages  sui- 
vans  :  |  Abrégé  chronologique  de  l'his- 
toire ottomane,  1768  ,  2  vol.  in-8''  ;  ]  DiC' 
tionnaire  des  dits  et  faits  mémorables, 
1768,2  vol.  in- 8°;  |  Dictionnaire  histori-^ 
que  portatif  des  femmes  célèbres ,  1769, 
2  vol.  in-8°;  |  Dictionnaire  historique  dç s 
sièges  et  batailles  mémorables  de  l'histoire 
ancienne  et  moderne ,  1770,  3  vol.  petit 


LAC 


iS9 


LAC 


îil-8°  ;  !  Dictionnaire  historique  des  cultes 
religieux,  i770,  réimprimé  en  1775,  en  3 
vol.  petit  in-8*;  |  Dictionnaire  historique 
des  saints  personnages  ^  1772,  2  vol.  petit 
in-8°  ;  1  Dictionnaire  poétique  d'éduca- 
tion .  1775 ,  2  vol.  petit  în-8°.  Ces  diffé- 
rentes compilations  sont  faites  avec  mé- 
thode et  avec  goût. 

•  LACROIX  (  J.  P.  de  ),  né  en  1754  à 
Pont-Audemer,  d'une  famille  bourgeoise, 
entra  très  jeune  dans  l'aiicienne  gendar- 
irferie  de  France.  Après  la  dissolution  de 
ce  corps,  il  se  fil  avocat,  et  en  exerça  la 
profession  à  Anet.  Lorsque  la  révolution 
arriva ,  il  en  embrassa  les  principes  avec 
enthousiasme.  Elu,  en  1791,  procureur- 
général-syndic  du  déparlement  de  l'Eure, 
il  fut  l'année  suivante  député  par  ce  dé- 
partement à  l'assemblée  Législative.  Un 
bel  organe ,  une  figure  agréable ,  une 
taille  noble  ,  élevée,  quelque  esprit,  une 
imagination  ardente  et  d'assez  bonnes 
manières ,  le  firent  rechercher  de  tous  les 
partis  :  il  se  rangea  d'abord  du  côté  de 
la  cour  ;  mais  les  ennemis  de  la  monar- 
<:hie  le  séduisirent  à  force  de  présens. 
Dès  lors  on  ne  le  vit  que  rarement  garder 
quelque  mesure,  et  les  ministres,  les  gé- 
néraux ,  les  émigrés ,  la  garde  du  roi ,  le 
comité  dit  autrichien:,  devinrent  tour  à 
tour  l'objet  de  ses  dénonciations  et  de  ses 
invectives;  les  prêtres  furent  surtout  en 
butte  aux  poursuites  de  Lacroix  qui, 
étendant  sa  haine  jusqu'au  monarque  lui- 
môme  ,  accusa  Louis  XVI  d'être  la  cause 
des  troubles  qui  agitaient  la  France  par 
son  refus  de  sanctionner  les  décrets  re- 
latifs au  clergé.  A  cette  occasion ,  il  fit 
mander,  séance  tenante,  le  ministre  de 
l'intérieur  à  la  barre  pour  y  rendre 
compte  de  sa  conduite.  Par  suite  de  ses 
motions  révolutionnaires,  les  ministres  de 
la  guerre  et  des  affaires  étrangères  furent 
aussi  obligés  de  comparaître ,  et  de  se 
disculper  des  accusations  qu'il  avait  por- 
tées contre  eux.  Le  20  juin  1792 ,  on  le 
vit  encore  exiger  que  le  maire  et  la  mu- 
nicipalité fussent  appelés  à  l'assemblée, 
pour  y  rendre  compte  de  ce  qui  se  pas- 
sait dans  Paris  ;  mais ,  peu  de  jours  après, 
il  provoqua  lui-même  la  levée  de  la  sus- 
pension de  Pétion ,  prononcée  par  le  dé- 
partement. Quoiqu'il  eût  fait  voir  aussi 
beaucoup  de  haine  pour  M.  de  Lafayette, 
<iu'il  trouvait  encore  trop  modéré ,  il  vota 
néanmoins,  dans  la  séance  du  8  août 
J792  ,  contre  sa  mise  en  accusation.  Le  10 
août ,  il  se  fit  remarquer  par  do  nou- 
velles violences,  et  fit  décréter  la  créa- 


tion d'une  cour  martiale,  pour  juger, 
sans  désemparer,  les  Suisses  faits  pri- 
sonniers à  l'attaque  du  château  des  Tui- 
leries. Le  19  août,  il  fut  nommé  prési- 
dent de  l'assemblée  Législative.  Réélu  en 
septembre  de  la  môme  année  ,  à  la  Con- 
vention nationale,  il  y  vota  la  mort  de 
l'infortuné  Louis  XVI,  sans  appel  et  sans 
sursis  ,  fut  chargé  trois  fois ,  avec  Danton, 
de  missions  pour  la  Bel;j[ique ,  et  rentra 
dans  la  Convention ,  après  avoir  considé- 
rablement accru  son  patrimoine,  qui  était 
fort  médiocre  avant  son  entrée  dans  la 
carrière  politique.  Méprisé  des  députés  de 
la  Gironde  et  du  côté  droit ,  Lacroix  fut 
vivement  inculpé  par  eux  sur  sa  conduite 
dans  la  Belgique  et  ses  liaisons  avec  Du- 
mouriez;  mais  la  Montagne  le  soutint 
alors  fortement.  Le  27  mai  1793  ,  il  prit 
hardiment  la  défense  de  Robespierre,  de 
Danton  et  de  Marat,  accusés  par  le  côté 
droit  d'être  les  instigateurs  de  la  conspi- 
ration du  10  mars ,  et  des  troubles  qui, 
en  ce  moment  même  ,  agitaient  Paris.  Six 
jours  après  ,  il  fit  créer  une  armée  ré- 
volutionnaire de  six  mille  hommes.  Mais 
la  faction  de  Robespierre  voulant  à  son 
tour  écraser  celle  des  cordeliers ,  à  la- 
quelle Lacroix  appartenait,  renouvela 
contre  celui-ci  les  imputations  alléguées 
par  les  Girondins.  Lacroix  triompha  une 
seconde  fois,  le  28  janvier  1794;  et 
croyant  désormais  n'avoir  plus  rien  à 
redouter ,  il  se  livra  à  ime  sécurité 
qui  fut  la  cause  de  sa  perte.  Lié  inti- 
mement avec  Danton,  son  collègue,  ils 
ne  s'occupaient  plus  ensemble  que  de 
jeu  et  de  plaisirs  ,  tandis  que  la  haine  et 
l'ambition  de  Robespierre  veillaient  tou- 
jours pour  écraser  ses  ennemis.  Ils  fu- 
rent arrêtés  ensemble,  conduits  à  la  pri- 
son du  Luxembourg,  et  condamnés  à 
mort ,  avec  Desmoulins ,  Hérault  de  Sé- 
chelles ,  etc.  Lacroix  fut  exécuté  le  8  avril 
179/1..  On  rapporte  que,  pendant  son  in- 
carcération, il  conversait  assez  gaiement 
avec  son  ami  sur  le  sort  qui  les  attendait, 
et  qu'ils  se  demandaient  quelle  grimace 
ils  feraient  lorsque  le  rasoir  national  leur 
couperait  la  parole.  Ce  sang-froid  les 
suivit  jusqu'aux  pieds  du  tribunal,  où  ils 
s'amusaient  à  jeter  de  petites  boulettes  de 
pain  à  la  figure  des  juges  et  des  jurés: 
calme  affreux  !  que  l'excès  seul  de  leur 
perversité  peut  faire  concevoir.  Ce  fut 
Lacroix  qui  le  premier  distingua  l'opi- 
nion des  différens  membres  de  l'assem- 
blée où  il  siégeait ,  par  le  nom  de  côté 
gauche  et  de  coté  droit. 


LAC 


190 


LAC 


•  LACnOIX  de  CONSTANT  (  Charles 
de  ) ,  né  à  Givry  en  Champagne ,  le  4/* 
avril  1754,  fui,  avant  la  révolution,  chef 
de  bureau  au  contrôle  général  des  finan- 
ces, sous  Turgot,  auprès  duquel  il  resta 
quatre  années.  Nommé,  en  1792,  parle 
département  de  la  Marne ,  député  à  la 
Convention ,  il  y  vota  la  mort  de  Louis 
XVI,  sans  appel  et  sans  sursis.  Avant  et 
après  le  9  thermidor,  il  fut  chargé  de  di- 
verses missions  dans  les  départcmens.En- 
•voyé  en  1794  dans  les  départemens  des 
Ardennes  et  de  la  Meurthe ,  il  obligea  par 
un  arrêté ,  tous  les  prêtres  à  se  rendre 
au  chef-lieu  de  leur  district ,  sous  la  sur- 
veillance la  plus  scrupuleuse  des  comités 
révolutionnaires.  Rentré  dans  la  Conven- 
tion ,  il  s'opposa  à  ce  que  les  biens  des 
condamnés  pendant  la  terreur  fussent  ren- 
dus à  leurs  parens.  Il  fut  envoyé  dans  le 
département  de  l'Oise  en  4793, 'se  livra  à 
des  orgies  scandaleuses,  notamment  à 
Lucienne  ,  dans  la  maison  qui  avait  ap- 
partenu à  la  comtesse  du  Barry  ;  entre 
autres  plaisirs ,  il  s'y  donna  celui  de  dé- 
chiqueter à  coups  de  sabre  tous  les  por- 
traits des  rois  de  France.  Lacroix  fut  mem- 
bre du  conseil  des  Anciens  après  le  13 
vendémiaire  (  5  octobre  1793).  Le  27  du 
'Miême  mois  il  fut  appelé  au  ministère  des 
relations  extérieures ,  et,  en  cette  qualité, 
il  eut  l'impudence  d'inviter  deux  ambas- 
sadeurs étrangers  à  la  cérémonie  de  l'an- 
niversaire du  martyre  de  l'infortuné  Louis 
XVI.  Les  ambassadeurs  indignés  ne  firent 
point  de  réponse.  Son  impéritie  fut  d'au- 
tant plus  remarquée  qu'il  eut  pour  suc- 
cesseur M.  de  Talleyrand.  Le  16  juillet 
4797,  il  fut  remplacé  dans  ses  fonctions 
ministérielles ,  et  envoyé  comme  ambas- 
sadeur en  Hollande ,  où  il  seconda  la  ré- 
volution démocratique  qui  s'opéra  dans 
ce  pays  en  179S.  Appelé  par  les  consuls, 
après  le  18  brumaire,  à  la  préfecture  des 
Bouches  du-Rhône ,  il  donna  de  l'éclat  à 
son  administration  par  les  beaux  monu- 
mens  qu'il  fit  construire  à  Marseille ,  et 
passa  de  là  à  la  préfecture  de  la  Gironde. 
Il  mourut  à  Bordeaux ,  dans  les  premiers 
jours  de  novembre  de  l'année  1805. 

*LACUOSSE  (  Jean-Baptiste- Ray- 
mond, baron  de  ) ,  contre-amiral ,  naquit 
à  Meilhan  (  Lot-et-Garonne) ,  le  3  sep- 
tembre 1760  ,  d'une  des  familles  les  plus 
remarquables  de  la  Guyenne  :  son  père 
était  lieutenant  des  maréchaux  de  France 
pour  cette  province.  Après  avoir  fait  ses 
études  au  collège  de  Juilly,  il  entra  à 
l'âge  de  18  ans  dans  la   marine  royale. 


comme  simple  garde  sur  la  Friponne :,  fit 
la  campagne  d'Amérique ,  et  assista  sur 
cette  frégiUe  à  deux  combats,  contre  des 
vaisseaux  anglais  qui  furent  pris;  il  s'em- 
barqua ensuite  sur  le  vaisseau  \ Argo- 
naute, et  se  battit  encore  dans  le  golfe  de 
Gascogne  ;  Lacrosse  était  enseigne  de  vais- 
seau sur  la  frégate  la  Cléopâtre,  attachée 
à  l'escadre  du  bailli  de  Suffren  ,  qui  déli- 
vra à  la  suite  d'une  fameuse  bataille,  la 
ville  de  Gondelour  ,  alors  assiégée  par 
terre  etpai-  mer.  Pendant  la  paix  ,  il  fat 
attaché  à  plusieurs  stations  lointaines 
(178:^-1789  ).  Il  était  parvenu,  en  1792,  au 
grade  de  capitaine  de  vaisseau;  mais  sous 
la  terreur  il  fut  incarcéré  et  n'échappa 
que  par  miracle  à  l'échafaud  ,  sur  lequel 
périrent  tant  d'officiers  distingués,  tels 
que  les  Kersaint ,  les  d'Estaing ,  etc.  Le 
Directoire  le  rendit  à  son  poste  et  il  était 
chef  de  division  dans  la  célèbre  et  mal- 
heureuse expédition  d'Irlande ,  que  com- 
mandaient Morard  de  Galles  et  Hoche. 
C'est  au  retour  de  cette  campagne  qu'il 
soutint ,  sur  le  vaisseau  les  Droits  de 
l'homme,  l'un  des  combats  les  plus  fjlo- 
rieux  de  la  dernière  guerre  :  les  Anglais 
rendirent  hommage  au  sang-froid  et  au 
talent  de  Lacrosse,  et  quoiqu'on  eût  à  dé- 
plorer la  perte  de  ce  vaisseau ,  cette  af- 
faire lui  fit  beaucoup  d'honneur.  Nommé 
contre-amiral,  Lacrosse  eut  à  soutenir 
une  espèce  de  siège  dans  le  port  de  la 
Hogue ,  avec  la  flottille  qu'il  commandait 
et  qui  fut  bombardée  par  les  Anglais.  A 
l'époque  où  l'on  s'occupa  pour  la  première 
fois  sérieusem  cnt  d'une  descente  en  An- 
gleterre ,  il  reçut  la  place  d'inspecleur- 
général  des  côtes,  depuis  Cherbourg  jus- 
qu'à Anvers.  Mais  les  démonstrations  de 
guerre  que  l'on  faisait  alors  n'avaient 
d'autre  but  que  de  détourner  l'attention 
de  l'expédition  d'Egypte  que  l'on  prépa- 
rait avec  activité.  Plus  tard,  lorsque  l'ar- 
mée navale ,  commandée  par  l'amiral 
Brueis,  mit  en  mer,  le  contre-amiral  La- 
crosse fut  chargé  d'aller  à  Madrid  pour 
décider  le  cabinet  espagnol  à  faire  sortir 
ses  escadres  de  Cartliagène  et  de  Cadix, 
afin  qu'elles  se  réunissent  à  la  flotte  fran- 
çaise, et  il  réussit  dans  celte  mission. 
Lorsque  la  révolution  du  18  brumaire  eut 
été  consommée,  on  lui  proposa  le  minis- 
tère de  la  marine  qu'il  refusa.  Après  la 
paix  d'Amiens,  le  gouvernement  le  nom- 
ma capitaine-général  de  la  Guadeloupe,  et 
Lacrosse  séjourna  pendant  deux  ans  dans 
cette  colonie.  Ne  sachant  pas ,  quand  il 
revint,  que  la  paix  avait  été  rompue,  il 


LAC 


19i 


LAC 


ne  chercha  point  à  éviter  les  \aîsscaux 
anglais,  et  tomba  dans  une  croisière  en- 
nemie qui  bloquait  le  port  de  Brest.  Ce- 
pendant il  échappa ,  et  il  parvint  même  à 
s'emparer  d'une  corvette  qu'il  fit  entrer 
dans  un  port  d'Espagne.  Nommé ,  à  son 
retour  en  France ,  préfet  maritime  du  2*^ 
arrondissement  au  Havre,  puis  directeur- 
général  de  l'armement .  et  commandant 
en  second  de  la  flotlille  destinée  à  une 
descente  en  Angleterre,  il  remplit  ses  fonc- 
tions avec  un  zèle  qui  fut  récompensé  par 
la  place  de  commandant ,  après  la  mort  de 
Brueis.  Il  avait  déjà  préservé  les  vaisseaux 
de  l'incendie  qu'avaient  cherché  à  y  allu- 
mer les  Anglais  :  il  se  défendit  avec  succès 
contre  leurs  nouvelles  attaques,  jusqu'à 
ce  qu'il  fut  envoyé  à  Rochefort,  comme 
préfet  maritime.  Après  la  seconde  restau- 
ralion  (  en  1816  )  il  fut  mis  à  la  retraite. 
Il  est  mort  le  10  septembre  1829,  avec  la 
réputation. d'un  de  nos  marins  les  plus 
distingués. 

LACROZE.  l'oyez  CROZE. 

LACTAIVCE  (  Lucius  Coeuus-Firmia- 
Nus  ),  orateur  et  défenseur  de  l'Eglise,  né 
(  suivant  l'opinion  la  plus  commune  ) 
dans  le  5'  siècle ,  étudia  sous  Arnobe,  à 
Sica  en  Afrique.  On  ne  connaît  ni  son 
pays,  ni  sa  famille  ;  presque  tous  les  his- 
toriens le  font  africain;  mais  le  Père 
Franceschini,  carme,  prétend  qu'il  était 
de  Ferme,  et  ses  raisons  sont  très  plausi- 
bles. Son  éloquence  lui  acquit  une  si 
grande  réputation ,  qvie  Dioclélien  le  fit 
venir,  vers  l'ain  290  ,  à  Nicomédie ,  où  il 
tenait  son  siège ,  et  l'engagea  à  enseigner 
la  rhétorique  latine  ;  mais  il  y  eut  peu  de 
disciples ,  parce  qu'on  y  parlait  plus  grec 
que  latin.  Là  il  vit  commencer,  l'an  303 
de  Jésus-Christ,  celte  terrible  persécu- 
tion contre  les  chrétiens;  et,  s'il  n'était 
pas  lui-môme  alors  attaché  à  la  religion  de 
VEvangile  (  ce  qu'on  ne  peut  décider, 
parce  qu'on  n'a  rien  de  certain  sur  l'épo- 
que de  sa  conversion  ) ,  son  humanité  du 
moins  le  trouva  sensible  aux  maux  qu'il 
voyait  souffrir  aux  chrétiens.  Sa  vertu  et 
son  mérite  le  rendirent  si  célèbre ,  que 
Constantin  le  fit  venir  dans  les  Gaules  et 
lui  confia  l'éducation  de  son  fils  Crispus, 
l'an  517.  Lactance  n'en  fut  que  plus  mo- 
deste :  il  vécut  dans  la  pauvreté  et  dans 
la  solitude ,  au  milieu  de  l'abondance  et 
du  tumulte  de  la  cour.  Il  ne  reçut  les 
présens  de  l'empereur  que  pour  les  dis- 
tribuer atix  pauvres.  Go  grand  homme 
mourut  vers  l'an  323  à  Trêves ,  à  ce  qu'on 
présume,  dans  un  âge  très  avancé.  Le  style 


de  Cicéron  avait  été  le  modèle  du  sien; 
même  pureté,  même  clarté,  même  no-i 
blesse,  môme  élégance.  C'est  ce  qui  le  fit 
appeler  le  Cicéron  chrétien.  Parmi  les 
ouvrages  dont  il  a  enrichi  la  postérité, 
les  plus  célèbres  sont  :  [  les  Institutions 
divines^  en  sept  livres.  L'auteur  y  élève 
le  christianisme  sur  les  ruines  de  l'idolâ- 
trie ;  mais  il  réfute  beaucoup  plus  heu- 
reusement les  chimères  du  paganisme, 
qu'il  n'établit  les  vérités  de  la  religion 
chrétienne.  Il  traite  la  théologie  d'une 
manière  trop  philosophique  ;  il  parle  des 
mystères  avec  peu  d'exactitude.  Il  parait 
néanmoins  que  le  père  Petau  et  d'autres 
ont  jugé  trop  sévèrement  quclqucs-une, 
de  ses  expressions,  sans  considérer  que 
dans  ce  temps  le  langage  théologique 
n'était  pas  encore  fixé,  quoique  la  foi 
fût  sûre  et  constante.  Un  critique  plus 
modéré  en  a  parlé  de  la  manière  suivante  : 
a  Plusieurs  censeurs  trop  rigides  y  ont 
»  noté  un  assez  grand  nombre  d'erreurs 
D  théologiques;  mais  la  plupart  sont  seu- 
»  lementdes  façons  de  parler  peu  exacte?, 
»  et  qui  sont  susceptibles  d'un  sens  orlho- 
n  doxe ,  lorsqu'on  ne  les  prend  pas  à  la 
w  rigueur.  Il  faut  se  souvenir  que  cet  au- 
i>  teur  n'était  pas  théologien,  mais  orateur; 
»  qu'il  n'avait  pas  fait  une  longue  étude 
Dde  la  doctrine  chrétienne,  mais  qu'il 
»  possédait  très  bien  l'ancienne  philoso- 
■D  phie.  Quoiqu'il  ne  fût  pas  assez  instruit 
»  pour  expliquer  avec  précision  tous  les 
»  dogmes  du  christianisme  ,  il  a  cepen- 
»  dant  rendu  à  la  religion  im  service  cs- 
»  sentiel ,  en  mettant  au  grand  jour  les 
»  erreurs,  les  absurdités  et  les  contradic- 
»  lions  des  philosophes.  »  Ce  traité  a  été 
traduit  en  français  par  René  Famé,  Paris» 
lS.'i2,  in-fol.  Le  1""  livre  de  ses  Institution» 
a  été  aussi  traduit  par  Drouet  de  Mau- 
pertuy,  Avignon  ,  1710,  in-12.  Il  en  a  été 
fait  un  abrégé,  Institutionum  epitome. 
I  Un  Traité  de  la  mort  des  persécuteurs^ 
publié  pour  la  première  fois  par  Baluze, 
d'après  xm  manuscrit  trouvé  à  l'abbaye 
deMoissac,  en  Quercy,  et  réimprimé  à 
Utrecht,  ln-8°,  en  1693.  (  Ployez  BAUL- 
DRI  et  FOUCAULT ,  Nicolas.  )  On  y  a 
ajouté  une  dissertation  de  Dodvrel,  De 
ripa  striga ,  qui  est  d'une  sécheresse  ex- 
trême; mais  on  y  voit  avec  plaisir  la 
préface  du  père  Ruinard,  ad  Jeta  martyr 
nwi,  qui  réfute  supérieurement  une  autre 
dissertation  de  cet  anglais  :  De  paucitate 
martyrum.  Dom  Le  Nourry ,  trompé  sans 
doute  par  les  prénoms  Lucius  Cœlius,  a 
prétendu  que  cet  ouvrage  était  d'un  Lu- 


LAC 


193 


LAC 


cîus  G»ciliu3,  qui  vivait,  selon  lui,  au 
commencement  du  k'  siècle  :  mais  il  a  été 
réfuté  par  d'habiles  critiques.  Ce  livre 
est  cité  par  saint  Jérôme ,  dans  le  cata- 
logue des  ouvrages  de  Lactance.  Le  but 
de  Lactarice  est  de  prouver  que  les  em- 
pereurs qui  ont  persécuté  les  chrétiens 
ont  tous  péri  misérablement.  Cetouvrage^ 
propre  à  faire  des  Impressions  profondes 
et  consolantes  pour  les  fidèles,  pourrait 
aisément  être  augmenté  par  des  additions 
que  fournit  l'histoire  de  tous  les  siècles. 
Il  a  des  rapports  marqués  avec  le  traité 
de. Henri  Spelman  :  De  la  fatalité  des  sa- 
crilèges. L'abbé  de  Maucroix  l'a  traduit 
eu  français,  Paris,  1680,  in-12;  il  l'a  été 
plus  récemment  encore  par  Basnage  (d'a- 
près la  version  anglaise,  de  Burnet  ), 
Utrecht ,  1687 ,  in-8" ,  et  par  l'aibé  Godes- 
card.  On  trouve  cette  traduction  dans 
l'édition  de  la  Vie  des  saints  de  cet  au- 
teur, Versailles,  1820.  |  Un  Hvre  de  Y  Ou- 
vrage de  Dieu ^  où  il  prouve  la  Provi- 
dence par  l'excellence  de  son  principal 
ouvrage ,  par  l'harmonie  qui  est  dans 
toutes  les  parties  du  corps  de  l'homme,  et 
paf  les  sublimes  qualités  de  son  âme  ; 
I  un  livre  De  la  colère  de  Dieu.  Ces  écrils 
furent  imprimés  d'abord  collectivement 
in-fol.  au  monastère  de  Sublac  en  1463. 
C'est  le  1"  livre  imprimé  en  Italie  avec 
date  :  il  l'a  été  et  plusieurs  fois  ensuite, 
séparément  ou  ensemble.  L'édition  la  plus 
correcte  de  toutes  ces  différentes  produc- 
tions ,  est  celle  du  père  François-Xavier 
Franceschini,  carme,  Rome,  1754-1760, 
10  vol.  in-S" ,  avec  des  dissertations  plei- 
nes do  critique  et  de  jugement.  La  plus 
répandue  en  France  est  celle  de  Le  Brun 
des  Marettes,  publiée  en  2  vol.  in-4°, 
1748.  On  attribue  à  Laclance  xm  poème 
intitulé  Symposium^  que  Heumann  a  fait 
imprimer  à  Hanovre ,  1722 ,  in-S".  On  le 
croit  aussi  l'auteur  d'un  autre  poème, 
Phénix  j,  qu'on  trouve  dans  la  Collection 
des  poètes  latins  du  second  ordre  ,  par 
Wumdorff ,  tom.  3,  1782.  On  cite  encore 
de  Lactance  plusieurs  autres  ouvrages  qui 
sont  perdus. 

•  LAGUXZA  (Emmanuel),  jésuite, 
connu  par  ses  rêveries  mystiques  et  sa 
bizarre  interprétation  de  l'Apocalypse, 
naquit  le  19  juillet  1731 ,  à  Saint-Iago,  ca- 
pitale du  Chili ,  d'ime  famille  espagnole 
noble  mais  sans  fortune.  Il  se  voua  à  l'é- 
tat ecclésiastique  ,  et  après  avoir  fait  ses 
éludes  chez,  les  jésuiles,  il  entra,  en  1747, 
dans  leur  sociéié  et  y  reçut  les  ordres.  Il 
66  livra  pendant  queUjue  ternies  avec  suc- 


cès à  la  prédication,  et  s'appliquait  en 
outre  à  l'étude  de  la  géométrie  et  de  l'as- 
tronomie. Sa  profession  solennelle  eut 
lieu  le  2  février  1766.  La  compagnie  de 
Jésus  ayant  été  abolie  en  1767 ,  et  ses 
membres  expulsés ,  par  ordre  du  roi  d'Es- 
pagne, de  tous  ses  états,  Lacunta  se  ren- 
dit en  Italie  et  se  fixa  à  Imola ,  où  il  se 
séquestra  entièrement  de  toute  société , 
se  servant  lui-même  ,  se  couchant  au 
point  du  jour,  et  passant  la  nuit  à  tra- 
vailler. Le  soir,  il  faisait  seul  une  prorae« 
nade  à  la  campagne.  Il  poussait  la  so- 
briété au  point  de  ne  pas  prendre  quel- 
quefois la  nourriture  nécessaire.  C'est 
après  avoir  adopté  ce  genre  de  vie,  qu'il 
composa  l'ouvrage  intitulé  :  Avénemeni 
du  Messie  dans  sa  gloire  et  daiis  sa  ma- 
jesté^ (  en  espagnol  )  qui  parut  à  Londres , 
1816,  k  vol.  in-S",  imprimé  aux  frais  d& 
l'envoyé  de  la  nouvelle  république  de 
Buenos-Ayres  en  Angleterre.  Il  y  en  avait 
eu  précédemment  une  édition  incom- 
plète ,  faite  dans  l'île  de  Léon ,  près  do 
Cadix,  en  2  petits  volumes  in-12,  sous  1© 
nom  de  Jean-Josaphat  Ben-Ezen  ;  il  fut 
traduit  en  latin  par  un  mexicain  qui  garda 
l'anonyme.  Le  singulier  systèsne  de  La- 
cunza  n'est  au  fond  qu'un  millénarisme 
mitigé.  L'auteur  croit  que  «  Jésus-Christ 
»  descendra  du  ciel  lorsque  le  temps  sera 
»  venu,  qu'accompagné  des  anges  et  de» 
»  saints  ,  il  régnera  visiblement  avec  eux 
»  durant  mille  ans ,  et  qu'enfin ,  mais  sans 
»  être  remonté  aux  cieux ,  il  se  montrera 
»  dans  toute  sa  majesté  pour  juger  tous 
»  les  hommes.  »  Lacunza  s'efforce  de  ré- 
pondre aux  objections  qu'on  peut  faire 
contre  ses  idées  ,  et  traite  de  prévention 
l'enseignement  des  théologiens  sur  cette 
matière.  Son  ouvrage  suppose  toutefois 
une  grande  connaissance  de  l'Ecriture. 
Va  de  ses  partisans  (M.  Agier)  qui  se 
montre  en  môme  temps  favorable  à  nn 
parti  que  les  jésuiles  ont  toujours  com- 
battu {voyez  AGIER)  a  fait  paraître  une 
brochure  intitulée  :  Fues  sur  le  second 
avènement  de  Jésus-Christs  ou  Analyse 
de  l'ouvrage  de  Lacunza  sur  cette  imjyor- 
tante  matière ,  Paris,  1818,  in-8°  de  120 
pages.  On  trouve  à  la  suite  de  cette  ana- 
lyse une  notice  curieuse  sur  le  jésuite 
espagnol.  Le  17  juin  1801 ,  on  trouva  lo 
malheureux  Lacunza  sans  vie ,  sur  les 
bords  du  Santerno ,  rivière  qui  baigne  les 
murs  d'Imola ,  et  dans  lequel  il  parait 
qu'il  s'était  laissé  tomber  en  faisant  un& 
de  ses  promenades  noclurnes. 
LACURPiE.  Fouez  SAINTE-PAL AYR. 


LAC 


193 


LAC 


LACL'SON.  Voyez  TROST. 

•  LACY  (  don  Louis),  général  espa- 
gnol, naquît  le  11  janvier  1775,  à  Saint- 
Roch  près  de  Gibraltar  ,  d'une  famille  ir- 
landaise dont  l'origine  remonte  au  duc  de 
Normandie,  et  dont  un  des  ancêtres  avait, 
dit-on,  accompagné  son  parent  Guillaume 
ie  Conquérant  dans  l'expédition  d'Angle- 
terre. Son  père ,  Patrice  Lacy ,  major  au 
régiment  d'infanterie  d'Ullonie,  mourut 
avant  d'avoir  pu  soigner  l'éducation  de 
son  fils.  Sa  mère  s'étant  remariée  et  ayant 
[icrdu  son  second  époux  ,  alla  joindre  ses 
frères  qui  étaient  officiers  dans  le  régi- 
ment d'infanterie  de  Bruxelles.  Le  jeune 
Lacy ,  qui  n'avait  alors  que  9  ans ,  entra 
dans  ce  corps  en  qualité  de  cadet ,  et , 
après  l'avoir  suivi  à  Porto-Ricco,  revint 
avec  lui  en  Espagne.  Lacy  servit  avec 
fant  de  distinction,  qu'après  avoir  passé 
par  tous  les  grades  intermédiaires,  il  était 
parvenu  au  rang  de  capitaine  en  1794.  Il 
se  signala  dans  la  guerre  contre  la  répu- 
blique française.  Après  la  conclusion  de 
la  paix ,  il  s'embarqua  pour  les  îles  Cana- 
ries (31  décembre  1798  ).  Le  capitaine- 
général  qui  gouvernait  ces  îles  eut  avec 
Lacy  quelques  démêlés  à  la  suite  desquels 
ce  dernier  fut  exilé  à  l'île  de  Fer  :  indi- 
gné de  cette  injustice,  ce  bouillant  ofiicier 
lui  écrivit  des  lettres  outrageantes,  et  fut 
traduit  devant  un  conseil  de  guerre  pour 
cette  infraction  à  la  discipline,  qui  em- 
portait la  peine  capitale  :  il  ne  fut  néan- 
moins condamné  qu'à  un  an  d'emprison- 
nement ,  parce  que  ses  juges  voulant  le 
sauver  admirent  qu'il  y  avait  aliénation 
mentale.  Lacy,  envoyé  à  Cadix,  où  il  reçut 
sa  retraite,  demanda,  à  l'époque  de  la 
guerre  contre  le  Portugal ,  à  faire  la  cam- 
pagne en  qualité  de  simple  grenadier  : 
ce  qu'il  ne  put  l'obtenir.  Il  résolut  alors 
de  venir  en  France  chercher  du  service. 
Il  partit  de  Cadix  à  pied  pour  Boulogne- 
sur-Mer ,  où  il  s'enrôla  comme  siujple 
soldat  dans  le  6*  régiment  d'infanterie  lé- 
gère :  vingt-neuf  jours  après  son  eu'réc 
dans  ce  corps,  il  était  déjà  sergent;  et 
bientôt  il  reçut  le  brevet  de  capitaine  ad- 
judant-major dans  la  légion  irlandaise  qui 
se  formait  à  Morlaix,  Ce  corps  ayant  été 
envoyé  à  Quimper,  Lacy  se  maria  dans 
cette  ville  en  juin  f806.  Il  devint  plus 
tard  commandant  d'un  bataillon  de  ce  ré- 
giment et  fut  chargé  de  le  conduire  en 
Espagne.  Lacy  qui  aimait  son  pays ,  ne 
put  voir  sans  douleur  les  projets  d'usur- 
pation de  Bonapaile  :  aussi,  après  nvoir 
déterminé  sa  firnme  à  se  retirer  auprès 
7. 


de  sa  famille  à  Quimper  (il  se  trouvait 
alors  en  Hollande  où  son  épouse  l'avait 
suivi),  forma-t-il  le  desseih  de  se  réunir 
aux  amis  de  l'indépendance  espagnole. 
Arrivé  à  Madrid  ,  à  la  tête  de  sa  troupe , 
il  quitta  aussitôt  l'armée  française  et  se 
rendit  à  Sé\  ille  ,  où  se  trouvait  la  junte 
suprême  qui  le  nomma  lieutenant-colone) 
commandant  le  bataillon  de  Ledesma. 
sous  les  ordres  du  général  Cuesta.  C'est 
avec  ce  corps  qu'il  se  battit  à  Logrono  ,  à 
la  retraite  de  l'Ebre  et  à  Guadalaxara.  Sa 
bravoure  lui  valut  le  grade  de  colonel, 
avec  le  commandement  du  régiment  d'in- 
fanterie de  Burgos;  il  continua  à  se  si- 
gnaler par  sa  valeur,  défendit  avec  ses 
soldats  plusieurs  passages  de  la  Sierra- 
Morcna,  et  surprit  5,000  chevaux  à  Fo- 
ralva.  Nommé  brigadier,  il  commanda  la 
division  d'avant-garde,  et  se  battit  avec 
intrépidité  à  la  Cuesta  de  la  Reyna ,  à 
Aranjuez,  àAlmonacid,  à  Ocana,  à  Des- 
pena  Perros.  Les  revers  des  Espagnols 
l'ayant  obligé  de  se  retirer  à  Cadix  ,  il  y 
fut  nommé  successivement  sous-inspec- 
teur d'infanterie ,  major-général,  maré- 
chal-de-camp, chef  de  l'étal  major,  et 
commandant  général  de  l'ile  de  Léon.  11 
prit  une  part  très  active  à  la  bataille  de 
Ciiiclanale  5  mai  1811,  et  reçut  au  mois  de 
juin  suivant  le  commandement  en  chef 
de  la  Catalogne.  Il  partit  aussitôt  pour 
cette  province  dans  laquelle  il  n'arriva 
qu'au  moment  où  Tarragone  venait  d'être 
prise  d'assaut.  II  se  mit  à  la  tête  des  restes 
de  l'armée  espagnole  dont  il  releva  le 
courage  abattu  ;  en  peu  de  temps  il  par- 
vint à  organiser  une  nouvelle  armée  ,  et 
sut  tenir  tète  pendant  vingt  mois  aux 
troupes  françaises,  dans  soixante-dix-huit 
affaires  générales  ou  partielles.  En  1812  il 
fut  nommé  lieutenant-général ,  commau' 
dant  de  l'armée  de  Galice  et  capitaine- 
général  de  celte  province.  Quoique  cet 
ofiicier  eût  contribué  à  élever  le  trône 
de  Ferdinand  VII ,  il  perdit  son  comman- 
dement en  1813  à  cause  de  son  attache- 
ment pour  la  constitution.  Il  se  retira  à 
Vinaroz  dans  le  royaume  de  Valence  ,  et 
ce  fut  dans  cette  retraite  que  le  mécon- 
tentement le  rendit  rebelle.  De  concert 
avec  quelques-uns  de  ses  anciens  compa- 
gnons d'armes,  il  avait  formé  le  projet  de 
ijétablir  la  constitution  de  1812  ,  dite  des 
Cortès.  Ce  complot  allait  être  exécuté, 
lorsque  le  gouverneuncnt  en  fut  informé  : 
Lacy  fut  arrêté  et  traduit  aussitôt  devant 
un  conseil  de  guerre  qui  désida  qu'il  serait 
passé  par  les  armes,  mais  sans  être  de- 


LAD 


194 


LAD 


grade.  Conduit  à  l'île  de  Mallorca,  dans 
le  château  de  Bel  ver,  il  y  fut  fusillé  le  5 
juillet  1817. 

LACYpES,  philosophe  grec,  natif  de 
Cyrène ,  disciple  d'Arcésilaiis,  succéda  à 
son  maître  la  h^  année  de  la  134'  olym- 
piade ,  l'an  241  avant  Jésus-Christ  ;  il  fut 
aimé  et  estimé  d'Atlalus,  roi  de  Pergame 
qui  lui  donna  un  jardin  où  il  philosophait. 
Ce  prince  aurait  voulu  le  posséder  à  sa 
cour  ;  mais  le  philosophe  lui  répondit  tou- 
jours, que  le  portrait  des  rois  ne  devait 
être  regardé  que  de  loin.  Les  principes 
de  Lacydes  étaient  :  «  Qu'il  fallait  toujours 
»  suspendre  son  jugement ,  et  ne  hasarder 
»  jamais  aucune  décision.  »  Lorsque  ses 
domestiques  l'avaient  volé  et  qu'il  s'en 
plaignait ,  ils  ne  manquaient  pas  de  lui 
dire  :  Ne  décidez  rien^  suspendez  votre 
jugement.  Fatigué  de  se  voir  battre  sans 
cesse  avec  ses  propres  armes,  il  leur  ré- 
pliqua :  a  Mes  enfans,  nous  parlons  d'une 
»  façon  dans  l'école ,  et  nous  vivons  d'une 
»  autre  manière  dans  la  maison »  La- 
cydes suivait  ce  jjrincipe  à  la  lettre.  Tout 
philosophe  qu'il  était ,  il  fil  de  magni- 
fiques funérailles  à  une  oie  qu'il  avait 
beaucoup  chérie;  enfin  il  mourut  d'un 
excès  de  vin  l'an  212  avant  Jésus-Christ. 
Tels  étaient  les  sages  que  l'antiquité  pro- 
fane regardait  comme  ses  héros  et  ses 
maîtres  (voyez  COLLIUS).  Lacydes  avait 
composé  plusieurs  ouvrages  sur  la  phy- 
sique et  la  philosophie  :  rien  ne  nous  en 
est  parvenu. 

•LADERCHl  (Jacques),  oratoricn  de  la 
congrégation  de  Saint-Philippe  de  Néry, 
né  à  Faënza  dans  la  Romagne  :  c'était  un 
savant  distingué ,  qui  florissait  au  com- 
mencement du  18*^  siècle ,  et  n'était  pas 
moins  recommandable  par  sa  piété  que 
par  son  savoir.  Il  tourna  toute  son  appli- 
catioa  vers  l'érudition  ecclésiastique,  et 
fit  de  la  fondation  dos  églises  et  des  actes 
des  martyrs,  l'objet  de  ses  principales 
recherches.  Il  mourut  à  Rome  le  25  avril 
4758.  Il  est  auteur  de  nombreux  ouvrages, 
dont  on  trouvera  la  liste  dans  la  Biblio- 
theca  Faventina  du  P.  Mittarelli,  et  dont 
voici  les  principaux  :  |  Acta  sanctcrum 
Chrisli  martyrum  vindicata,  Rome, 
4723,  2  vol.  in-4°  ;  |  Jlnnales  ecclesinstici 
ab  anno  1566,  ubi  Oldericus  Raynaldus 
desinit^seu  tomi  22,  23,  24,  Annalium 
baronianorum ^  Rome,  1727-1728,  3  vol. 
in-fol.  ;  celte  continuation  des  Annales  de 
Barcnius  est  peu  estimée.  L'édition  de 
Cologne  do  1733  est  surtout  remplie  de 
fautes  ;  |  Fita  sancti  Pctri  Damiani  S.  R. 


/?.  cardinalis .  etc. ,  in  sex  libres  disfri-^ 
buta,  Rome,  1702,  3  vol.  in-4°.  Cetouviage 
donna  lieu  à  une  critique  amère  et  indé- 
cente .  intitulée  :  Nugce  Laderchianœ ,  te 
diaîogus  Sejani  et  Rufini .  Paris.  1705; 
I  De  sacris  basilicis  sanctorum  martyrum 
Pétri  et  Marcellini .  dissertatto  historica, 
Rome,  1705.  Ces  deux  martyrs,  saint  Mar- 
cellin ,  prêtre ,  et  saint  Pierre ,  exorciste , 
avaient  été  martyrisés  l'an  302,  et  décapités 
à  dix  mille  de  Rome ,  dans  un  endroit  ap- 
pelé alors  Sylva  nigra;  et  qui ,  depuis,  fut 
nommé  Sylva  candida.  Peu  après  le  mar- 
tyre de  ces  saints,  leurs  corps  furent 
transportés  à  trois  mille  de  Rome ,  dans 
l'endroit  où  saint  Tiburce  avait  été  marty- 
risé, sur  le  chemin  nommé  Vialavicana, 
et  Constantin  y  avait  fait  bâtir  une  église 
en  leur  honneur.  Une  troisième  qui  leur 
était  aussi  dédiée ,  avait  été  bâtie  dans 
Rome  même,  et  l'opinion  du  père  Lader- 
chi  était  que  cette  dernière  avait  été  éri- 
gée en  titre  du  temps  de  saint  Grégoire  le 
Grand.  Il  en  prend  occasion  de  traiter  des 
titres,  cardinalistes^  qu'il  croit  n'avoir  été 
dans  le  commencement  que  des  maisons 
de  chrétiens  distingués  et  riches ,  où  les 
fidèles  étaient  reçus  pour  la  célébration 
des  saints  mystères,  et  recevaient  des  au- 
mônes ou  trouvaient  un  asile  dans  la  per- 
sécution. Selon  Laderchi,  les  évé(jues  de 
Rome  préposèrent  un  prêtre  à  chacune 
de  ces  maisons  devenues  des  églises.  Ces 
prêtres  furent  nommés  cardinaux^  du 
mol  incardinare  (attacher  à  une  église). 
On  attribue  au  pape  Evarisle  la  division 
de  Rome  en  25  litres  ;  on  sait  qu'originaire- 
ment la  dénomination  de  cardinal  était 
commune  à  tout  ecclésiastique  titulaire 
d'un  bénéfice  à  charge  d'âmes ,  et  que  ce 
n'est  que  par  la  suite  des  temps,  qu'elle 
fut  réservée  exclusivement  aux  membres 
du  sacré  collège.  |  Acta  passionis  sanc- 
torum martyrum  Crescii  et  sociorutn, 
ex  manuscriptis  codicibus  biblioth.  Me^ 
diceo  -  laurentianœ ,  Florence ,  1707  ; 
I  Apologia  pro  actis  eorum  sanctorui7i , 
Florence,  1708;  |  Acta  sanctœ  Ceciliœ  et 
Traristibei'ina  basilica  illustrata^  Rome, 
1725  ,  S  vol.  in  4°  ;  |  La  Critica  d'oggidi . 
osia  Vabuso  délia  critica  odicma,  Rome, 
1726,  in-4°.  Outre  ces  ouvrages,  Lader- 
chi a  laissé  aussi  une  ample  collection  de 
mémoires  manuscrits. 

LADISLAS  1",  roi  de  Hongrie ,  après 

Geysa  en  1079,  était  né  l'an  1041,  en 

Pologne ,  où  son  père  Bêla  l"  s'était  retiré 

pour  éviter  les  violences  du  roi  Pierre. 

i  Apres  diverses  révolutions  ,  il  monta  sur 


LAD 

y  fit   éclater 


le  trône ,  et  y  lit  éclater  le  courage 
dont  il  avait  donné  de  bonne  heure  des 
preuves.  Il  soumit  les  Bohémiens,  battit 
it's  Huns ,  les  chassa  de  la  Hongrie ,  vain- 
quit  les  Russes,  les  Bulgares,  lesTartares, 
agrandit  son  royaume  des  conquêtes  faites 
sur  eux,  et  y  ajouta  la  Dalmatie  et  la 
Croatie ,  où  il  avait  été  appelé  pour  déli- 
vrer sa  sœur  des  mauvais  traitemens  de 
Zuonimir,  son  cruel  époux.  Ce  héros 
avait  toutes  les  vertus  d'un  saint.  Il  fut 
l'ami  des  pauvres  et  de  la  justice,  dota 
plusieurs  églises ,  et  fonda  un  grand 
nombre  de  monastères.  Il  mourut  l'an 
1095 ,  au  moment  où  il  se  préparait  au 
voyage  de  la  Palestine.  Ce  prince  est  cé- 
lèbre dans  l'histoire  par  sa  piété.  Céleslin 
III  le  canonisa  l'an  1198.  Sa  Vie  a  été 
écrite  en  latin ,  par  un  moine  contem- 
porain, Cracovie,  1511,  et  insérée  dans 
les  Bollandistes  avec  des  noies,  Acta 
sanctorum ^  tom.  5. 

*  LADISLAS  II ,  roi  de  Hongrie ,  suc- 
céda en  1200  à  Emcric  son  père  ;  son 
règne  s'annonçait  sous  de  bons  auspices  ; 
mais  il  ne  goxiverna  son  royaume  que 
pendant  six  mois,  ayant  été  enlevé  par 
une  mort  prématurée.  Il  eut  pour  succes- 
seur André  II ,  son  oncle. 

*  LADISLAS  III ,  roi  de  Hongrie ,  suc- 
céda en  1272  à  son  père  Etienne  IV,  et 
aida  puissamment  l'empereur  Rodolphe  à 
détrôner  Ottocare,  roi  de  Bohème.  Plus 
lard  il  fut  attaqué  lui-même  par  les  Tar- 
tares  et  les  Cumans  :  alors  il  eut  recours 
à  l'empereur,  à  qui  il  avait  rendu  service  ; 
mais  celui-ci  désirant  affaiblir  son  rival 
ne  lui  envoya  d'abord  que  des  secours 
insufiisans,  et  bientôt  l'abandonna  tout- 
n-fait.  Ladislas  ne  put  se  défendre  contre 
ses  nombreux  ennemis  ;  tombé  au  pou- 
voir des  Cumans  dans  un  combat  qu'il 
leur  livrait ,  il  fut  emmené  hors  de  ses 
états  et  massacré  dans  sa  tente ,  par  les 
Tartares,  l'an  1290.  André  III  lui  succéda. 

LADISLAS  IV,  grand-duc  de  Lithuanle, 
fut  appelé  au  trône  de  Hongrie ,  en  l/tiO, 
après  la  mort  d'Albert  d'Autriche.  Il  pos- 
sédait déjà  celui  de  Pologne  depuis  l'es- 
pace de  six  ans,  sous  le  nom  de  Wladislas 
■^'I ,  comme  successeur  de  son  père ,  le 
fameux  Jagellon.  La  veuve  d'Albert  d'Au- 
triche, dernier  roi  de  Hongrie,  appuyée 
par  l'empereur  Frédéric,  avait  fait  sacrer 
son  fils,  âgé  de  quatre  mois;  et,  à  l'ap- 
proche de  Ladislas,  s'était  enfuie,  en  em- 
portant la  couronne  qui  avait  servi  au 
sacre.  Mais  les  Hongrois,  qui  avaient  be- 
soin d'un  prince  capable  de  s'opposer  aux 


J9S  LAD 

Turcs,  n'en  proclamèrent  pas  moins  La- 
dislas; cl  à  défaut  de  diadème  royal,  on 
lui  plaça  sur  la  tétc  une  couronne  qui  dé- 
corait la  statue  d'Etienne  1"^"^.  Amurat  11 
porta  ses  armes  en  Hongrie  ;  mais  ayant 
été  battu  par  Huniade,  général  de  Ladislas, 
et  se  voyant  pressé  de  retourner  en  Asie, 
il  conclut  la  paix  la  plus  solennelle  que 
les  chrétiens  et  les  musulmans  eussent 
jamais  contractée.  Le  prince  turc  et  le  roi 
Ladislas  la  jurèrent  tous  deux,  l'un  sur 
l'Alcoran,  et  l'autre  sur  l'Evangile.  A 
peine  était-elle  signée  que  Ladislas  en  eut 
des  remords,  parce  que  par  là  il  avait 
violé  la  parole  donnée  à  l'empereur  Pa- 
léologue  et  aux.  Vénitiens ,  d'agir  de  con- 
cert avec  eux  contre  l'ennemi  commun. 
Le  cardinal  Julien  Césarini,  légat  en 
Allemagne,  arrivant  dans  ces  circon- 
stances, jugea  qu'effectivement  Ladislas 
n'avait  pu  faire  la  paix  sans  ses  alliés,  (et 
non  pas ,  comme  l'a  écrit  faussement  un 
ministre  calviniste ,  qu'il  ne  fallait  pas 
garder  la  parole  donnée  aux  infidèles  ; 
caloiTinie  victorieusement  réfutée  par  le 
cardinal  Pazinan).  Ayant  donc  repris  les 
armes,  le  roi  livra  bataille  à  Amurat, 
près  de  Varnes,  en  ihkh.  ;  il  fut  battu  et 
percé  de  coups.  (  Voyez  AMURAT  lî.  ) 
Sa  tète,  coupée  par  un  janissaire,  fut 
portée  en  triomphe  de  rang  on  rang  dans 
l'armée  turque ,  ce  qui  réfuie  sufiisam- 
rnent  ce  que  quelques  auteurs  rapportent 
des  honneurs  qu' Amurat  fit  rendre  au 
corps  de  ce  roi  ennemi.  Cet  échec  causa 
en  partie  la  ruine  de  la  Hongrie  et  celle 
de  l'empire  grec  ,  en  ouvrant  une  nou- 
velle porte  aux  conquérans  ottomans.  Si 
on  en  peut  juger  par  l'événement ,  la 
Providence  a  puni  une  perfidie  qui  faisait 
blasphémer  son  nom.  parmi  les  gentils  : 
mais  le  secret  des  conseils  de  Dieu  doit 
nous  empêcher  d'assigner  trop  affirma- 
tivement la  cause  des  malheurs  dont  il 
frappe  les  peuples  et  les  rois.  Voyez 
CÉSARINI. 

*  LADISLAS  V,  roi  de  Hongrie ,  était 
fils  d'Albert  d'Autriche.  Lorsque  son  père 
mourul ,  il  était  trop  jeune  pour  régnei  : 
et  ce  fut  la  crainte  d'une  minorité  ora- 
geuse qui  décida  les  grands  à  nommer 
Ladislas  IV  (  voijez  l'article  précédent  ). 
A  la  mort  de  cehii-ci,  Ladislas  V,  roi  lé- 
gitime d'après  les  lois  de  la  Hongrie  ,  fut 
appelé  sur  le  trône  par  ses  fidèles  Hon- 
grois ;  ceux-ci  furent  obligés  d'employer 
la  force  des  armes,  pour  arracher  ce 
jeune  prince  des  mains  de  l'empereur 
Frédéric  ,  qui  s'était  déclaré  son  tuteur. 


LAD 


196 


LAD 


Sous  son  règne  les  Turcs  ajltaquèrcnt  de 
nouveau  la  Hongrie ,  et  ce  royaume  fut 
sauvé  une  seconde  fois  i^ar  le  brave  Jean 
Huniade.  Après  la  mort  de  ce  héros  libé- 
rateur de  son  pays,  l'ingrat  Ladislas  fit 
périr  son  Txls  aîné  sur  l'échafaud;  cette 
exécution  le  rendit  si  odieux ,  qu'il 
fut  obligé  de  s'enfuir  à  Vienne  ,  puis  à 
Prague.  Il  allait  épouser  Madeleine,  fille 
de  Charles  VII ,  roi  de  France ,  lorsqu'il 
mourut  dans  cette  dernière  ville  en  1458  : 
Mathias  Corvin ,  second  lils  de  Jean  Hu- 
niade, fut  son  successeur. 

*  LADISLAS  VI ,  roi  de  Hongrie,  était 
déjà  roi  de  Pologne  et  de  Bohème ,  lors- 
qu'il monta  sur  le  trône  de  Hongrie  après 
la  mort  de  Mathias  Corvin.  La  couronne 
de  Hongrie  était  élective,  et  elle  lui  avait 
été  disputée  par  de  puissans  compétiteurs. 
Les  difficultés  qu'ils  avaient  ai)portécs  à 
son  élection,  le  déterminèrent  à  faire  re- 
connaître de  son  vivant  son  successeur, 
Louis  son  lils  aîné  :  il  rendit  ainsi  la  cou- 
ronne héréditaire.  Il  présenta  en  1514,  à  la 
sanction  des  états  de  Hongrie ,  le  recueil 
des  lois  du  pays  qu'il  avait  rassemblées  et 
mises  en  ordre.  Il  mourut  en  1516,  regretté 
de  ses  sujets  du  bonheur  desquels  il  s'était 
constamment  occupé. 

LADIl^LAS,  ou  LANCELOT,  roi  de 
Naples,  surnommé  le  Victorieux  et  le  Li- 
béral, fut  l'un  et  l'autre;  mais  ces  qua- 
lités furent  ternies  par  une  ambition  sans 
bornes  et  une  cruauté  inouïe.  Il  naquit 
en  1576,  et  était  fils  de  Charles  III ,  de 
Puras,  qui  conquit  le  royaume  de  Naples 
sur  Jeanne  V.  Charles  fut  assassiné  en 
Hongrie  en  février  1386,  laissant  à  Naples 
sa  femme  Marguerite ,  avec  deux  enfans, 
Jeanne,  qui  régna  depuis,  et  qui  avait 
alors  seize  ans;  et  Ladislas,  qui  en  avait 
dix.  Le  parti  d'Anjou  contraignit  Mar- 
guerite à  s'enfermer  dans  Gaëte,  où  se 
•passa  la  jeunesse  de  Ladislas.  Il  se  disait 
comte  de  Provence  et  roi  de  Hongrie.  Il 
se  fit  donner  tetle  dernière  couronne  à 
Javarin,  en  1405,  durant  la  prison  du  roi 
Sigismond,  qui  bientôt  après  le  contrai- 
gnit de  retourner  à  Naples.  Il  avait  suc- 
cédé à  son  père  Charles  de  Duras,  dans 
le  royaume  de  Naples,  en  158G;  mais  les 
Napolitains  ayant  appelé  Louis  II,  duc 
d'Anjou,  ces  diverses  prétentions  cau- 
sèrent des  guerres  sanglantes.  Le  pape 
Jean  XXIII  était  pour  le  prince  d'Anjou , 
à  qui  il  avait  donné  l'investiture  de  Naples. 
Lancelot  fut  battu  à  Roquesèche ,  sur  les 
bords  du  Garigliana  en  1411.  Après  cette 
défaite ,  dont  le  vainqueur  ne  sut  pas  pro- 


fiter, Jean  XXIII  reconnut  Lancelot ,  son 
ennemi,  pour  roi  (au  préjudice  de  Louis 
d'Anjou ,  son  vengeur  ),  à  condition  qu'on 
lui  livrerait  le  vénitien  Corario,  son  con- 
current au  saint  Siège.  Lancelot ,  après 
avoir  tout  promis,  laissa  échapper  Cora- 
rio, s'empara  de  Rome  et  combattit  contre 
le  pape  son  bienfaiteur,  et  contre  les  Flo- 
rentins, qu'il  força  d'acheter  la  paix  cu 
1413.  Ses  armes  victorieuses  lui  promet- 
taient de  plus  grands  succès ,  lorsqu'il 
mourut  à  Naples  en  1414,  à  38  ans,  dar.3 
les  douleurs  les  plus  aiguës.  La  fille 
d'un  médecin ,  dont  il  était  passioimémeiU 
amoureux,  l'empoisonna  avec  une  com- 
position que  son  père  lui  avait  préparée, 
soit  pour  plaire  aux  Florentins,  soit  pour 
se  venger  de  ce  qu'il  avait  séduit  sa  fille. 

LADISLAS,  roi  de  Pologne.  Voyez 
WLADISLAS. 

LADISLAS  ,  fils  aîné  d'Etienne  Dragu- 
tin,  épousa,  un  peu  avant  la  mort  de 
son  père ,  la  fille  de  Ladislas ,  vaivode  de 
Transylvanie;  et  à  cause  de  cette  alliance, 
faite  avec  une  princesse  schismatique , 
fut  excommunié  par  le  cardinal  de  Mon- 
tefiore,  légat  du  saint  Siège.  Ladislas 
était  l'héritier  présomptif  de  la  couronne 
de  Servie  :  son  père,  en  y  renonçant, 
avait  réservé  le  droit  des  enfans.  Milu- 
tin ,  son  oncle ,  voulant  posséder  ce  trône  , 
fit  enfermer  Ladislas  après  la  mort  de  son 
père ,  et  le  ti nt  en  prison  j  usqu'à  sa  propre 
mort,  arrivée  en  1421.  Ladislas,  devenu 
alors  roi  de  Servie,  refusa  l'apanage  à 
Constantin  son  frère  ,  qui  n'ayant  pu  l'ob- 
tenir de  gré,  le  lui  demanda  à  la  tète 
d'une  armée.  Il  fut  vaincu  et  fait  prison- 
nier :  Ladislas  poussa  la  cruauté  jusqu'à 
le  faire  pendre,  et  ensuite  écarteler.  Cette 
barbarie  atroce  lui  attira  la  haine  des 
peuples,  qui  offrirent  la  couronne  à 
Etienne,  fils  naturel  de  Milutin,  banni 
alors  à  Conslantinople.  Ladislas,  aban- 
donné de  tout  le  monde ,  fut  pris  à  Sir- 
mick,  el  jeté  dans  une  prison,  d'où  il  ne 
sortit  plus. 

LADVOCAT  (  Lobis-Fraxçois  ) ,  né  à 
Paris  en  1644 ,  mort  dans  la  même  ville  , 
doyen  de  la  chambre  des  comptes,  le  8 
février  173S  ,  à  91  ans  ,  avait  exercé  les 
fonctions  de  conseiller  du  roi.  Son  prin- 
cipal ouvrage  est  intitulé  :  Entretiens  sur 
un  nouveau  système  de  morale  et  de  phy- 
sique ^  ou  la  Recherche  de  la  vie  heu- 
reuse selon  les  lumières  naturelles.  Paris, 
1721,  in-12.  La  seule  idée  de  présenter 
dans  le  IS*^  siècle  un  Nouveau  système  cle 
philosophie^  établi  sur  la  nature   de& 


LAD 


197 


LJETi 


choses  connues  par  elles-mêmes  .  auquel 
on  a  joint  un  traité  de  la  nature  de  l'âme 
et  de  l'existence  de  Dieu ,  prouvées  lune 
et  l'autre  par  une  chaîne  suivie  d'aryu- 
mens  capables  de  convaincre  les  plus  in- 
crédules^ et  les  plus  opiniât7-es,  ibid. 
i728,  2  vol.  in- 12,  montre  assez  que  l'au- 
teur n'était  pas  destiné  à  trouver  la  vie 
heureuse.  Le  principe  sur  lequel  repose 
le  système  de  l'auteur ,  dans  Je  premier  de 
ces  deux  ouvrages  est  que ,  de  l'obéis- 
sance aux  lois  dérive  le  plaisir^  et  de  leur 
transgression ,  la  douleur.  Il  y  a  ajouté 
de  nouveaux  développemens  dans  son 
Nouveau  système ,  etc. 

LADVOCAT  (Jean-Baptiste),  né  en 
1709,  du  subdélégué  de  Vaucouleurs.  dans 
le  diocèse  de  Toul ,  fut  docteur ,  biblio- 
Ihécaire ,  et  professeur  de  la  chaire  d'hé- 
iireu  en  Sorbonne.  Après  avoir  fait  ses 
études  de  philosophie  chez  les  jésuites  de 
Pont-à-Mousson ,  qui  voulurent  en  vain 
l'attacher  à  leur  société,  il  alla  étudier 
en  Sorbonne.  11  fut  admis  en  173/t  à  l'hos- 
pitalité ,  et  à  la  société  en  1736,  étant 
déjà  en  licence.  Rappelé  dans  son  diocèse, 
il  occu;  a  la  cure  de  Domremy,  lieu  cé- 
lèbre par  la  naissance  de  la  Pucelle  d'Or- 
léans. Mais  la  Sorbonne  l'enviant  à  la 
province ,  le  nomma  en  1740  à  une  de  ses 
chaires  royales,  et  lui  donna  le  titre  de 
bibliothécaire  en  1742.  Le  duc  d'Orléans, 
jirince  aussi  religieux  que  savant,  ayant, 
dans  l'année  1751 ,  fondé  une  chaire  en 
Sorbonne ,  pour  l'explication  de  l'Ecriture 
sainte  selon  le  texte  hébreu ,  y  nomma 
iabbé  Ladvocat ,  qui  remplit  cet  emploi 
avec  succès  jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  le  29 
décembre  1765.  C'était  un  homme  plus 
éruditquejudici  eux,  possédant  les  langues 
anciennes ,  l'hébreu ,  le  chaldéen ,  les  ma- 
thématiques. Ce  savant  avait  un  cœur 
digne  de  son  esprit  ;  une  noble  franchise 
animait  tous  ses  sentimens.  Il  n'ornait  ni 
ci;  qu'il  écrivait  ni  ce  qu'il  disait  ;  maison 
tentait  dans  toutes  ses  actions  celte  huma- 
nité et  cette  douceur  qui  est  la  vraie  source 
fie  la  politesse.  Nous  avons  de  lui:  |  Dic- 
tionnaire géograjohique  portatifs  in-S", 
plusieurs  fois  réimprimé.  Cet  ouvrage, 
publié  sous  le  nom  de  Vosgien  ,  et  donné 
f  omme  une  traduction  de  l'anglais,  est  un 
iissez  bon  Abrégé  du  Dictionnaire  géogra- 
phique de  La  Marlinière.  Le  livre  fran- 
yais  est  beaucoup  plus  exact  que  l'anglais, 
avec  lequel  il  n'a  presque  aucun  rapport  ; 
mais  Ladvocat  voulut  accrédiler  son  ou- 
vrage, en  le  présentant  au  public  comme 
une  production  de  lAngleterre. On  a  fait 


usage  de  ce  Dictionnaire  dans  la  rédaclioi": 
d'un  autre  plus  ample  et  jilus  correct, 
imprimé  pour  la  seconde  fois  à  Liège , 
chez  Bassompierre,  1791  à  1794,  2  vol 
in-8".  I  Dictionnaire  historique  portatif 
des  grands  hommes,  Vax'is,  1752  ,  en  2  vol. 
in-S"  :  la  meilleure  édition  est  celle  de  M. 
Lelronne  avec  des  additions  importantes, 
Paris,  1815,  dont  il  y  a  eu  plusieurs  édi- 
tions et  contrefaçons.  Quelques-unes  ont 
été  défigurées  et  altérées  de  toutes  les 
manières;  les  jansénistes  et  les  proteslanp 
y  ont  glissé  leurs  préventions  et  leurs  er- 
reurs. Il  en  a  paru  une  en  3  vol. ,  à  Paris, 
1777 ,  avec  des  augmentations  les  unes 
bonnes,  les  autres  mauvaises.  Les  bornes 
dans  lesquelles  l'auteur  avait  circonscrit 
son  ouvrage  ne  lui  ont  pas  permis  de 
donner  à  un  grand  nombre  d'articles  un 
développement  convenable  ;  mais  son  im- 
partialité, son  attachement  aux  droits  de 
la  religion  et  de  la  vertu ,  rendent  son 
Dictionnaire ,  tout  imparfait  qu'il  est , 
très  préférable  à  la  plupart  de  ceux  par 
lesquels  on  a  voulu  le  remplacer.  Dans 
une  dernière  édition  publiée  à  Paris  de 
1821  à  1824 ,  5  vol.  in-8°,  on  a  fondu  avec 
le  corps  de  l'ouvrage  le  supplément  de 
1789,  un  vol.  in-8°,  par  Charles-Guillaume 
Leclerc.  Cet  ouvrage  a  été  traduit  en  ita- 
lien ,  Milan ,  1758,  5  vol.  in-8°,  et  en  alle- 
majjd,  l'im,  1761, 2  vol.  in-S".  {Grammaire 
hébraïque,  1755  ,  1765,  1789,  1822,  iu-8^ 
L'auteur  l'avait  composée  pour  ses  élèves  ; 
elle  réunit  la  clarté  et  la  méthode  néces- 
saiios.  I  Dissertations  latines  sur  le  Pen- 
tateuque  ,  sur  Job  et  sur  les  Psaumes  ,  et 
une  Dissertation  en  français  sur  le  lieu 
du  naufrage  de  saint  Paul;  |  Tractatus de 
conduis  in  génère ,  Caen  ,  1769,  in-12,  et 
Porto  ,  1773,  in-8°;  |  Dissertation  sur  le 
psaume  67,  Exurgat  Deus.. .  ;  \  Lettre 
sur  l'auto?  ité  des  textes  originaux  de 
l'Ecriture  sainte,  Caen  ,1766,  in-8'';  |  Ju- 
gemens  sur  quelques  nouvelles  traduc- 
t/ons  de  l'Ecriture  sainte,  d'après  le 
fe:r^^/ie'Jr(îu.  Ces  quatre  derniers  ouvrages 
sont  posthumes,  et  ont  été  imprimés  à  la 
Haye  en  1767.  C'est  une  bonne  réfutation 
du  système  de  l'abbé  Villefroy  et  des  ca- 
pucins élèves  de  cet  abbé.  L'éloge  histo- 
rique de  Ladvocat  se  trouve  dans  Y  Année 
littéraire,  1766,  tom.  2 ,  et  dans  le  Nécro- 
loge de  1767. 

Lyi':LîE.\ ,  LOLLIEN  ou  ŒLÎEN  (  Ul- 
pius -Cornélius  L.elianus)  est  un  de  ces 
généraux  qui  prirent  le  titre  d'empereur 
dans  les  Gaules,  sur  la  fin  du  règne  de 
Gallien,  II.  fut  proclamé  Auguste  par  ses 


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soldats  à  Maycnce ,  l'an  266.  Il  était  d'un 
âge  avancé,  mais  il  avait  de  la  valeur  et 
de  la  politique.  Laelien  ne  régna  que  pen- 
dant quelques  mois.  Les  soldats ,  qui  l'a- 
vaient proclamé,  et  qu'il  occupait  à  réta- 
I)lir  les  villes  gauloises  qu'avaient  dé- 
truites les  Germains  et  à  construire  de 
nouvelles  forteresses  pour  contenir  les 
Barbares,  ne  voyant  pas  de  terme  à  leurs 
travaux,  se  révoltèrent  et  lui  ôtèrent  la 
vie  au  commencement  de  l'an  267,  au 
moment  où  Posthume,  qui  aspirait  aussi 
au  Irônedes  Césars,  marchait  contre  lui. 
On  l'a  confondu  mal  à  propos  avec  le  ty- 
ran Lollien ,  qui  prit  la  pourpre  après 
lui;  et  avec  Pompoiiius  JLlianus,  qui  se 
révolta  sous  Dioclétien. 

L;ELIIIS  (Caius),  surnommé  Sapiens^ 
tiudia  la  philosophie  sous  Diogène  le 
stoïcien  et  sous  Pansetius  :  il  fréquenta 
<nsuite  le  forum ,  et  se  fit  remarquer  par- 
mi les  orateurs  de  son  temps.  Il  fut  d'a- 
bord préteur  et  consul  l'an  140  avant 
J.-C.  ;  et  était  l'intime  ami  de  Scipion 
l'Africain  le  jeune.  Il  signala  sa  valeur  en 
Espagne,  dans  la  guerre  contre  Viriatus, 
général  des  Lusitains  ou  Portugais.  Il  ne 
se  distingua  pas  moins  par  son  goût  pour 
l'éloquence  et  pour  la  poésie,  et  par  la 
protection  qu'il  accorda  à  ceux  qui  les 
«ultivaient.  On  croit  qu'il  eut  part  aux 
Comédies  de  Térence.  Son  éloquence 
éclata  plusieurs  fois  dans  le  sénat  pour  la 
veuve  et  pour  l'orphelin.  Ce  grand  homme 
était  modeste.  N'ayant  pas  pu  venir  à  bout 
de  gagner  une  cause ,  il  conseilla  à  ses 
parties  d'avoir  recours  à  Galba,  son  émule; 
et  il  fut  le  premier  à  le  féliciter  lorsqu'il 
sut  qu'il  l'avait  gagnée.  Son  amitié  pour 
Scipion  ne  se  démentit  jamais ,  et  Cicéron 
a  immortalisé  cette  liaison  en  plaçant  le 
nom  de  Lselius  en  tète  de  son  dialogue  De 
omicitia.  —  Son  père  Caius-LjELIUS-NE- 
rOS,  consul  romain,  190  ans  avant  J.-C, 
accompagna  le  premier  Scipion  l'Africain 
en  Espagne  et  en  Afrique ,  et  eut  part  aux 
victoires  remportées  sur  Asdrubal  et  sur 
Syphax. 

•  LAENNEG  (  RÉNÉ-TnÉopHiLE-HYA- 
cixtue)  docteur  en  médecine,  chevalier 
de  la  légion  d'honneur,  médecin  de  son 
altesse  royale  madame  la  duchesse  de 
Berry ,  lecteur  et  professeur  royal  de  mé- 
decine au  collège  de  France  ,  membre  de 
l'académie  royale  de  médecine  ,  naquit  à 
(^uimper  en  itsi  ;  il  fit  ses  premières 
études  médicales  à  Nantes  ,  sous  les  yeux 
d'un  de  ses  oncles  ,  médecin  en  chef  des 
hôpitaux  de  celte  ville,  vint  à  Paris  en 


1799,  ei  y  suivit  le  cours  de  Corvisart. 
Après  avoir  rempoi  té  en  1802 ,  les  deux 
grands  prix  de  médecine  et  de  chirurgie, 
décernes  par  l'institut ,  il  se  livra  à  la 
pratique  de  sa  profession,  et  écrivit  un 
grand  nombre  de  Mémoires  qu'il  inséra 
dans  le  Journal  de  médecine .  des  articles 
pour  le  Dictionnaire  des  sciences  médi- 
cales^ etc.  :  ses  observations  lui  valurent 
une  mention  honorable  dans  le  rapport 
fait  à  l'institut,  en  1810,  sur  les  progrès 
des  sciences.  En  1802,  il  publia,  dans  le 
Journal  de  médecine,  son  premier  travail 
sur  VAnatomie  pathologique,  intitulé  Mé- 
moire  sur  la  péritonite.  Les  journaux  de 
la  môme  époque  contiennent  plusieurs 
découvertes  dont  il  est  l'auteur,  entre 
autres  le  procédé  anatomique  pour  dissé« 
qucr  la  membrane  interne  des  ventri- 
cules du  cerveau ,  dont  l'existence  n'a- 
vait été  jusqu'alors  admise  que  par  ana- 
logie ,  et  la  découverte  d'une  membrane 
propre  du  foie  qui  a  été  vérifiée  par  plu- 
sieurs savans  médecins,  et  dont  on  peut 
voir  la  description  dans  le  Journal  de  mé- 
decine, année  1803.  En  1804  lu  faculté  de 
médecine  inséra  dans  ses  Mémoires  la 
Monographie  des  vers  vésiculaires ,  qui 
contient  la  description  de  plusieurs  nou- 
velles espèces  de  vers.  Laennec  lut  à  cette 
société  différens  mémoires  sur  des  vers 
intestinaux  inconnusjusqu'alors,  sur  Van- 
gine  de  poitrine  ;  sur  les  mélanoses^  espèce 
d'altération  organique ,  etc.  Mais  ce  qui 
lui  a  valu  une  réputation  européenne,  ce 
sont  les  travaux  qu'il  entreprit  sur  les 
maladies  de  poitrine.  La  propriété  qu'un 
corps  solide  frappé  à  une  extrémité  a  de 
transmettre  fidèlement  à  l'autre  l'impres- 
sion qu'il  a  reçue ,  lui  donna  l'idée  d'un 
instrument  qu'il  a  appelé  Pectoriloque  ou 
Sthétoscope^par  le  moyen  duquel  l'oreille 
la  moins  exercée  peut  connaître  l'état  des 
poumons  et  du  cœur  :  après  trois  années 
de  recherches ,  poursuivies  avec  un  zèle 
infatigable  ,  il  consigna  cette  découverte 
qui  lui  appartient  en  entier,  dans  son  ou- 
vrage intitulé  :  De  l'Auscultation  médiate^ 
ou  Traité  du  diagnostic  des  maladies 
des  poumons  et  du  cœur_,  Paris,  1819, 
2  vol.  in-8°;  il  en  a  été  rendu  compte  de 
la  manière  la  plus  avantageuse  dans  les 
Annales  encyclopédique s^  et  dans  les  An- 
nales politiques ,  morales  et  littéraires.  lî 
en  a  paru  une  seconde  édition  améliorée 
au  point  de  pouvoir  être  considérée  comme 
un  ouvrage  presque  neuf ,  en  1826,  2  vo- 
lumes in-8°.  La  santé  de  Laënnec  s'étanl 
altérée  par  suite  de  nombreux  travaux,  il 


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199 


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alla  respirer  l'air  natal.  Après  deux  an- 
nées d'absence ,  il  revint  à  Paris-où  Hailé, 
qui  l'avait  désigné  pour  le  remplacer  dans 
le  poste  de  médecin  de  S.  A.  R.  Madame 
duchesse  de  Berry ,  ayant ,  par  sa  mort , 
laissé  vacante  la  chaire  du  collège  de 
de  France  ,  Laënnec  fut  choisi  pour  l'oc- 
cuper. L'ancienne  faculté  de  médecine 
ayant  été  supprimée  vers  le  même  temps 
parime  ordonnance  royale,  il  fil  partiede 
la  commission  chargée  de  l'organisation  de 
la  nouvelle ,  où  il  fut  lui-même  nommé 
l)rofesseur  de  clinique  interne,  préférant 
celte  chaire  au  litre  plus  élevé  de  membre 
du  conseil  royal  de  l'instruction  publique 
qu'on  lui  offrit.  On  assure  que  plusieurs 
jirofesseurs  lui  durent  la  conservation  de 
leurs  chaires  ,  et  son  mérite  lui  avait  as- 
suré une  très  grande  influence.  Cepen- 
<lantla  pulmonie,  dont  il  avait  relardé  les 
progrès,  recommença  à  lui  faire  sentir 
ses  atteintes,  et  dans  l'espoir  que  l'air 
natal  lui  serait  une  seconde  fois  favo- 
rable, il  repartit  pour  la  Bretagne.  Mais 
il  n'arriva  à  Kerlouannec ,  dans  le  Finis- 
tère ,  que  pour  y  mourir  le  13  août  1825. 
Cet  habile  anatomiste  était  médecin  de  la 
Salpétrière  et  de  l'hôpital  Necker.  Il  était 
très  versé  dans  les  langues  anciennes,  et 
surtout  dans  les  différens  idiomes  cel- 
tiques. On  cite  de  lui  plusieurs  traits  de 
bienfaisance  et  d'humanité,  qui  prouvent 
que  l'on  rencontrait  chez,  lui  l'alliance  de 
la  science  et  de  la  vertu ,  et  la  fermeté 
doses  conviclions  religieuses  ne  fléchissait 
devant  aucun  respect  humain.  On  a  de 
Laënnec  :  |  Description  d'un  nouveau  mode 
de  dissection,  et  divers  mémoires  sur 
des  sujels  d'anatomie ,  insérés  dans  le 
Journal  de  médecine  de  Corvisart ,  année 
1803;  I  Des  «ïij'moori  d'anatomie  patho- 
logique, dans  le  Bulletin  de  la  faculté  de 
juédecine ,  n°  1 8  ;  |  un  Mémoire  sur  la 
péritonite ,  même  journal,  fructidor  an  1 1 
(  août  1803  )  ;  |  Monographie  des  vers  vé- 
siculaires  (  voyez  ci-dessus  )  ;  |  Mémoire 
sur  une  nouvelle  espèce  d'hernie,  im- 
primé à  la  suite  du  traité  de  Scarpa,  sur 
les  hernies ,  traduit  par  M.  Cayrol;  |  Traité 
de  f  auscultation  médiate  (  voyez  ci-des- 
sus). L'académie  des  sciences  décerna  à 
l'auteur  une  médaille  de  3,000  francs,  lors 
de  la  première ,  et  une  autre  de  5,000 
francs  lors  de  la  seconde  édition  de  cet 
admirable  ouvrage;  dont  une  troisième 
édition  auguienlée  d'un  grand  nombre  de 
noies,  a  paru  en  1831,  Paris,  3  volumes 
In-S".  I  Les  articles  qu'il  a  fournis  au  Dic- 
liomiaire   de»  sciences  médicales  sont  : 


Jnatomie  pathologique.  Ascarides,  Car- 
tilages  accidentels .  Déçénération  encé- 
phaloide.  Le  docteur  Laënnec  se  montra 
toujours  contraire  au  système  du  célèbre 
Broussais ,  qui  appartient  à  la  même  pro- 
vince que  lui. 

LAENSBERGH  (Mathieu),  chanoine 
de  St.-Barthélemy  de  Liège,  vivait  vcr^ 
l'an  1600  ;  il  passe  pour  l'auteur,  du  pre- 
mier Ahnanach  de  Liège ,  imprimé  pou  ? 
la  première  fois  suivant  la  tradition  la  plus 
commune  en  1636.  Cet  Mmanach  a  été 
réimprimé  depuis  annuellement ,  avec  de 
nouvelles  prophéties  et  pronostications. 
On  n'a  aucun  document  certain  sur  ce 
Mathieu  Laensbergh  dont  le  nom  ne  s'est 
point  trouvé  dans  la  liste  des  chanoines 
de  Liège  à  cette  époque.  Mais  ce  nom 
adopiif  est  devenu  célèbre  par  la  splen- 
deur qu'il  reçoit  du 

Sabllme  lUge , 
D'où  flanqnc  de  trente-deux  venti  , 
L'auteur  de  l'AlmaDacb  de  Liège 
Lorgne  l'hist'ùre  du  beau  temps. 
Et  fabrique  avec  privilège 
Ses  asl(ooomii]ues  roinsni. 

Gres£et. 

LAER  ou  LAAR  (  Pierre  de),  sur- 
nommé Bamboche,  peintre  né  en  1615  , 
à  Laaren,  village  proche  de  Naarden,  en 
Hollande ,  mourut  à  Harlem  ,  l'an  1673 
Le  surnom  de  Bamboche  lui  fut  donné  à 
cause  de  la  singulière  conformation  de  sa 
ligure.  Il  était  d'une  grande  gaieté  ,  rem- 
pli de  saillies,  et  tirait  parti  de  sa  diffor- 
mité pour  réjouir  ses  amis  ,  le  Poussin  , 
Claude  le  Lorrain  ,  Sandart ,  etc.  Mais 
celte  gaieté  n'était  que  dans  ses  organes  ; 
et  dès  qu'il  cessait  de  faire  le  plaisant ,  il 
était  eu  proie  à  la  mélancolie  la  plus 
noire  ,  qui  augmenta  encore  avec  l'âge. 
Son  cœur  n'était  pas  fait  pour  goûter  la 
joie.  Comme  il  ne  tenait  aucun  compte 
des  pratiques  de  religion  ,  il  fut  surpris 
avec  quatre  autres  ,  mangeant  de  la 
viande  en  carême ,  par  un  ecclésiastique 
qui  les  réprimanda  avec  un  zèle  qui  les 
irrita  (i)  ;  Bamboche,  aidé  des  autres 
qui  étaient  avec  lui,  noya  le  prclre.  Lt5 
remords  que  ce  crime  lui  causa,  joints  à 
quelques  disgrâces  qu'il  eut  à  essuyer, 
hâtèrent  sa  mort  ;  quelques  -  uns  disent 
qu'Use  précipita  dans  un  puils.  Ce  pcin- 


(i)  Le  prêtre  e'tait  levenu  plusieart  fois  à  la  charge, 
et  avait  fini  par  leur  faire  peur  de  l'iaquisition  :  ils  le 
noyèrent,  cioyaot  noyer  son  accusation  avec  lai.  Ce 
crime  e'iait  d'autant  plus  grand  ,  qu'il  était  gratuit, 
puisque  l'inquisition  o'a  jamais  regarde  comme  ma- 
tière à  accusation  la  violation  simple  de  l'abstinence 


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Ire  ne  s'est  exercé  que  sur  de  petits  su- 
jets. Ce  sont  des  foire  s.  des  jeux  d'en  fans. 
des  chasses,  des  paysages.  Le  Musée  de 
Paris  possède  deux  tableaux  de  cet  artiste  : 
le  Dépdrt  de  l'hôtellerie  ,  et  une  femme 
qui  trait  un"  chèvre  à  côté  d'un  pâtre 
jouant  du  chalumeau. 

LAERCE.  royez  DIOGÈNE  LAERCE. 

L  A.ET  {  Jean  de  ),  géographe  allemand, 
et  directeur  de  la  compagnie  des  Indes , 
savant  dans  l'histoire  et  la  géographie  , 
naquit  à  Anvers  ,  à  la  fin  du  IG*  siècle , 
et  y  mourut  en  1649.  On  a  de  lui  16  ou- 
vrages dont  quelques-uns  peuvent  être 
consultés  avec  fruit:  Novus  o7-bis.Lcjde, 
1653,  in-fol. ,  avec  un  grand  nombre  de 
cartes  et  de  figures  qui  représentent  les 
animaux,  les  plantes  et  les  fruits  de  l'A- 
mérique. Cette  description  du  nouveau 
monde,  en  18  livres,  quoique  quelquefois 
inexacte,  a  beaucoup  servi  aux  géogra- 
phes. Laët  traduisit  lui-même  son  ouvrage 
en  français.  Cette  version  fidèle  ,  mais 
plate ,  parut  à  Leyde  en  1640  ,  in-fol. , 
sous  le  titre  d'Histoire  du  Nouveau- 
Monde  ;  I  De  gemmis  et  lapidibus  libri 
duo  ,  Leyde  ,  1647  ,  in-8"  ;  |  Respublica 
Belgarium^  in-24  ,  assez  exacte  ;  |  G  allia  ^ 
in-24,  moins  estimée  que  la  précédente  ; 
1  De  régis  Hispanice  regnis  et  opibus^  in- 
24  ;  I  Hisloria  naturalis  Brasiliœ  G.  Pi- 
sonis,  et  Georgii Margravii,  Leyde,  1648, 
in-fol. ,  avec  fig.  ;  |  Turcici  imperii  sta- 
tus. in-24  ;  |  Persia^  seu  regni persici  stOr- 
tus,  in-24  ;  |  De  imperio  magni  Mogolis, 
1631  ;  I  Portug allia,  1641  ;  1  Respublica 
Poloniœ,  Lithuaniœ.  Prussiœ  et  Livonice, 
1642.  Tous  ces  petits  ouvrages,  imprimés 
chez  Eizévir,  contiennent  une  description 
succincte  des  différens  pays  dont  le 
royaume,  que  le  géographe  parcourt,  est 
composé.  On  y  parle  des  qualités  du  cli- 
mat, des  productions  du  terroir  ;  du  gé- 
nie, de  la  religion  ,  des  moeurs  des  peu- 
ples ;du  gouvernement  civil  et  politique; 
de  la  puissance  et  des  richesses  de  l'état. 
Les  géographes  qui  sont  venus  après 
Laët  ont  beaucoup  profité  de  ses  ouvra- 
ges. On  estime  infiniment  son  édition  de 
T'itruve ,  avec  les  notes  de  Philandre  , 
de  Barbaro,  de  Saumaise  ,  accompagnée 
de  plusieurs  Traités  de  divers  auteurs 
sur  la  môme  matière  (architecture),  chez 
Elxévir  ,  en  1649,  in-fol. 

LyETA ,  dame  romaine  ,  fille  d'Albin  , 
grand-pontife ,  épousa ,  sur  la  fin  du  4*^ 
siècle,  Toraxe,  fils  de  sainte  Paule.  Albin 
fut  si  louché  de  la  vertu  de  son  gendre 
et  de  la  sagesse  de  sa  fille  ,  (^u'il  renonça 


au  paganisme  et  em})ra8sa  la  religion 
rhrctienae,  Lceta  fut  mère  d'une  fille 
nommé  Paule ,  comme  son  aïeule  :  c'est 
à  cette  occasion  que  saint  Jérôme  lui 
adressa  une  épître  d'une  éloquence  vive 
et  pleine  de  choses,  qui  commence  ainsi  : 
Apostolus  Paulus  scribcns  ad  Corinthios . 
etc.  ,  dans  laquelle  il  lui  donne  des  in- 
structions pour  perfectionner  l'éducation 
de  cet  enfant  chéri. 

L/ETUS  (  QufXTUS-^Mus  ) ,  capitame 
de  la  garde  prétorienne  de  l'empereur 
Commode,  dans  le  2*  siècle,  empêcha 
que  ce  prince  barbare  ne  fil  brûler  la 
ville  de  Rome  ,  comme  il  l'avait  résolu. 
Commode  ayant  voulu  le  faire  mourir 
avec  quelques  autres,  celui-ci  le  prévint, 
et  de  concert  avec  eux  et  avec  Marcia , 
concubine  de  ce  monstre  ,  lui  fit  donner 
du  poison,  l'an  193.  Le  poison  n'agissant 
pas  avec  assez  de  promptitude  ,  il  le  fit 
étrangler  par  un  athlète,  avec  lequel 
Commode  s'exerçait  souvent  à  la  lutte. 
Laetus  éleva  à  l'empire  Pertinax;  et  trois 
mois  après  il  le  fit  massacrer,  parce  qu'il 
rétablissait  trop  sévèrement  la  discipline 
militaire  ,  et  que  ,  par  l'innocence  et  la 
droiture  de  ses  moeurs ,  il  lui  reprochait 
tacitement  sa  dissolution.  Didier-Julien 
le  punit  de  mort  peu  de  temps  après. 

L./ETUS  POMPOMIJS.  Voyez  POMPO 
NIUS. 

L^VmuS  TORRENTIUS.  Voy.  TOR 
RENTIUS. 

LiEVIUS ,  ancien  poète  latin ,  dont  il 
ne  nous  reste  que  deux  vers  seulement 
dans  Aulu-Gelle ,  et  six  dans  Apulée.  On 
croit  qu'il  vivait  avant  Cicéron. 

*  LAFAGE  (  Jean-Pierhe  de  ),  prédi- 
cateur du  roi,  naquit  vers  1753  ,  à  Mausy , 
près  de  Rieux  en  Languedoc  :  son  père  , 
qui  était  syndic-général  de  la  province, 
l'amena  à  Paris  à  l'âge  de  M  ans  :  le 
jeune  Lafage  y  reçut  la  tonsure  des  mains 
du  cardinal  de  la  Roche- Aymon ,  alors 
archevêque  de  Toulouse.  Il  n'avait  que 
14  ans  lorsqu'il  fut  pourvu  d'un  canonicat 
de  l'église  de  Rieux.  II  fit  ses  cours  de 
philosophie  et  de  théologie  en  Sorbonne,. 
et,  après  avoir  été  ordonné  prêtre,  il  en- 
tra à  la  communauté  de  Saint-André- des- 
Arcs,  sous  la  direction  de  M.  Léger,  curé 
de  cette  paroisse  ;  école  alors  célèbre  et 
d'où  sortirent  des  prélats  et  des  sujets 
très  distingués.  (  Voyez  LÉGER.  )  II  pa- 
raissait naturel  que  l'abbé  de  Lafage  re- 
tournât à  Rieux  ,  où  l'appelait  son'  cano- 
nicat, où  il  avait  toute  sa  famille,  et  dont 
révcc^ue   l'avait  dt';jà  nommé  son  grami- 


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20i 


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vicaire;  mais  M.  Léger  qui  avait  aperçu 
dans  le  jeune  ecclésiastique  un  germe  de 
talent  qui  pouvait  se  développer  avec 
avantage  dans  la  capitale,  engagea  M. 
de  Beaumont ,  archevêque  de  Paris,  à  le 
retenir  dans  son  diocèse.  L'abbé  de  La- 
fagc  fut  nommé  promoteur  de  l'ofticia- 
litc,  et  eut  un  canonicat  de  la  métropole. 
C'est  alors  qu'il  se  livra  entièrement  à  la 
prédication  ,  où  il  obtint  des  succès  mé- 
rités. Son  éloquence  était  grave,  son  dé- 
bit simple,  maisnoble.  Dans  son  discours, 
il  ne  courait  pas  après  les  vains  orne- 
mens;  mais  son  raisonnement  était  solide 
et  instructif,  et  on  sortait  de  ses  sermons 
persuadé  et  touché.  Ses  discours  produi- 
saient d'autant  plus  d'effet  qu'il  paraissait 
bien  pénétré  des  vérités  qu'il  annonçait. 
En  un  mot  il  rappelait  les  orateurs  sacrés 
de  la  bonne  école.  La  révolution  l'arrêta 
au  milieu  de  sa  carrière  utile  ;  elle  le  dé- 
pouilla de  tout,  comme  ceux  qui  appar- 
tenaient à  l'Eglise,  mais  il  resta  en  France 
pendant  les  temps  les  plus  orageux,  et  sut 
se  soustraire  aux  fureurs  des  tyrans 
démocrates  de  la  France.  Après  le  con- 
cordat de  1801,  il  fut  nommé  à  l'évêché 
de  Montpellier;  il  s'excusa  et  se  fixa 
à  Versailles,  où  il  accepta  un  canonicat. 
Jl  reprit  alors  le  ministère  de  la  chaire, 
prêcha  à  Versailles ,  à  Paris ,  et  dans  plu- 
sieurs villes  de  province  :  con  âge  avancé 
ne  l'empêcha  pas  de  se  charger  de  grandes 
stations.  Ce  n'était  pas  seulement  le  même 
z.i'le  ,  c'était  la  même  vigueur,  le  même 
feu  qu'il  montrait  étant  jeune.  Il  avait 
été  nommé  pour  prêcher  devant  le  roi 
lecarêmede  1813.  Une  indisposition  em- 
pêcha Louis  XVIII  de  l'entendre  les  pre- 
mières semaines  ,  et  l'on  connaît  les  évé- 
nemens  sinistres  qui  forcèrent  bientôt 
après  la  cour  de  quitter  la  France.  L'abbé 
deLafage  ayant  été  appelé,  en  1818,  à 
prêcher  de  nouveau  à  la  cour  ,  le  roi  le 
suivit  pendant  toute  la  station.  Cet  ora- 
teur avait  alors  85  ans.  Peu  de  temps 
après,  il  perdit  l'usage  de  ses  jambes,  et 
de  graves  symptômes  annoncèrent  sa  fin 
prochaine.  Il  s'empressa  de  recevoir  les 
secours  spirituels ,  et  mourut  le  25  dé- 
cembre 1818,  honoré  des  regrets  de  tous 
ceux  qui  l'avaient  connu ,  et  laissant  un 
grand  vide  dans  le  petit  nombre  de  pré- 
dicateurs qui  ont  survécu  à  nos  troubles, 
eu  qui  se  sont  formés  depuis. 

*  L/VFAGE  (  AivToiiVE  de  )  ,  baron  de 
Pailhès  ,  seigneur  de  Mancie,  membre  de 
la  société  d'agriculture  ,  et  du  conseil-gé- 
néral de  la  Haute-Garonne,   naquit  en 


1753  à  Toulouse.  Il  s'adonna  d'abord  au^ 
arts  et  donna  des  preuves  de  son  talent 
en  peinture ,  en  sculpture  et  en  architec- 
ture ,  puis  il  s'occupa  d'une  science  non 
moins  utile,  de  la  science  de  l'agriculture. 
Ne  se  bornant  point  à  de  vaines  spécula- 
tions, il  prouva  la  bonté  de  ses  découver- 
tes par  l'heureuse  application  qu'il  en  fit, 
et  qui  quadrupla  les  revenus  de  sa  terre  de 
Mancie.  Il  fut  arrêté  à  l'époque  de  la  ter- 
reur :  rendu  à  la  liberté  il. reprit  ses  tra- 
vaux champêtres  et  mourut  le  16  septem- 
bre 1806.  On  lui  doit  :  |  Nouveau  système 
d'agriculture  fondé  sur  l'expérience; 
I  Observation  sur  les  7'ouleaux  à  battre 
les  grains  ;  \  Mémoires  sur  la  construc- 
tion des  cuves j  foudres  et  citeimes  en  ma- 
çonnerie ;  I  plusieurs  autres  Mémoires . 
imprimés  dans  la  Feuille  du  cultivateur 
et  dans  le  Journal  des  propriétaires  ru- 
raux du  département  de  la  Haute-Ga- 
ronne. 

LAFAILLE.  ^oyez  FAILLE. 

LAF  ARE  (  Charles- Auguste,  marquis 
de  ),  né  au  château  de  Valgorge  ,  dans  le 
Vivarais,  en  164i,  fut  capitaine  des  gardes 
de  Monsieur  et  de  son  lils,  depuis  régenl 
du  royaume.  Il  plut  à  ce  prince  par  l'en- 
jouement de  son  imagination  et  la  déli- 
catesse de  son  esprit.  Ses  poésies  respirent 
cette  liberté  ,  cet  air  riant  et  facile  que 
l'art  tenterait  en  vain  d'imiter  ;  mais  elles 
ont  aussi  lesdéfauts  de  la  nature  livrée  à 
elle-même  :  le  style  en  est  incorrect  et 
sans  précision  ,  sans  parler  d'un  autre 
défaut  beaucoup  plus  grave.  C'est  l'A- 
mour, c'est  Bacchus ,  plutôt  qu'Apollon  , 
qui  inspiraient  le  marquis  de  Lafare.  Les 
fruits  de  sa  muse  se  trouvent  à  la  suite 
des  anciennes  éditions  ^es  OEuvres  de 
l'abbé  de  Chaulieu,  son  ami.  Le  n.arquis 
de  Lafare  mourut  en  1712  à  68  ans.  Outre 
ses  Poésies,  réimprimées  à  part  en  1781  , 
1  vol.  petit  in-12,  on  a  de  lui  Cies  Mémoires 
et  des  Réflexions  sur  les  principaux  évé- 
nemens  du  règne  de  Louis  XIV,  in-12.  Ils 
sont  écrits  avec  une  liberté  qui  est  sou- 
vent poussée  trop  loin.  On  a  encore  de 
lui  les  paroles  d'un  opéra  intitulé  Pan- 
théej  dont  le  duc  d'Orléans  fil  en  partie 
la  musique. 

•  LAFAUE  (  Ax\E-Louis-HExni  de  ) , 
cardinal  ,  né  le  8  septembre  1732  ,  dans 
le  diocèse  de  Luçon ,  fut  élevé  au  collège 
Louis  le  Grand,  et  s'étant  voué  à  l'état  ec- 
clésiastique ,  obtint ,  jeune  encore  ,  ie 
prieuré  de  Donchéry  près  de  Sedan.  En 
1778 ,  il  était  grand-vicaire  de  Dijon  et 
doyen  de.la  Sainte-Chapelle  de  cette  ville. 


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202 


LAF 


Elu  ,  en  celte  qualité  syndic  des  états  de 
Bourgogne  ,  il  se  trouvait  ainsi  à  la  tète 
de  l'administration  de  cette  province.  En 
1783,  il  obtint  en  outre  l'abbaye  de  Lic- 
ques,  ordre  de  Prémontré,  dans  le  diocèse 
de  Boulogne.  Nommé  àl'évêchéde  Nancy, 
en  1787 ,  il  fut  sacré  le  13  janvier  1788  : 
ce  siège  lui  donnait  les  titres  de  primat , 
de  chancelier  de  l'université  de  Nancy 
et  de  conseiller-prélat-né  du  parlement 
de  Lorraine.  Le  clergé  de  son  diocèse  le  dé- 
puta aux  états-généraux,  et  il  y  prononça 
le  discours  d'ouverture,  qui,  au  milieu  de 
la  fermentation  des  esprits ,  ne  produisit 
pas  tout  l'effet  qu'on  aurait  pu  en  attendre. 
Il  parla  plus  d'une  fois  dans  l'assemblée 
pour  faire  déclarer  la  religion  catholique 
religion  de  l'état ,  pour  empêcher  la  sup- 
pression des  ordres  religieux ,  pour  s'op- 
poser à  la  confiscation  des  biens  de  l'E- 
glise ,  ainsi  que  dans  plusieurs  autres 
circonstances  importantes  ,  et  fut  un  des 
signataires  de  l'exposition  des  principes 
que  rédigea  la  minorité  en  1790.  Le  8 
janvier  1791,  Lafare  adressa  à  son  clergé 
une  lettre  pastorale  sur  le  serment  pres- 
crit, et  aux  administrateurs  du  dépar- 
tement de  la  Meurthe  une  Lettre  en 
forme  de  déclaration  et  à  la  même  date, 
pour  leur  annoncer  qu'il  refusait  de  con- 
courir à  toutes  les  innovations  renfer- 
mées dans  les  décrets.  Ce  prélat  coura- 
geux avait  déjà  fait  paraître  plusieurs 
brochures  dans  lesquelles  il  soutenait  les 
intérêts  de  la  religion,  entre  autres  des 
)  Considérations  politiques  sur  les  biens 
temporels  du  clergé j  1789,  in-8°  ;  |  Quelle 
doit  être  l'influence  de  l'Assemblée  na- 
tionale sur  les  matières  ecclésiastiques 
et  religieuses ,  1789,  in-8°.  L'évêque  de 
Nancy  se  retira  d'abord  à  Trêves  ,  puis  à 
Vienne  ,  où  il  fut  pendant  vingt  ans  l'a- 
gent et  le  correspondant  du  roi  et  des 
princes.  Lorsque  Madame,  fille  de  Louis 
XVI,  arriva  dans  cette  ville,  il  remplit  les 
fonctions  d'aumônier  auprès  de  celle 
princesse,  et  suivit  les  négociations  pour 
son  mariage  avec  le  duc  d'Angoulème.  Il 
ne  donna  point  la  démission  de  son  évê- 
ché  et  il  signa  même  les  réclamations  de 
1803  :  il  avait  adressé  au  pape  une  lettre 
particulière  qui  est  datée  de  Vienne 
le  2  novembre  1801,  et  qui  se  trouve  dans 
le  Recueil  des  pièces  imprimées  à  Londres 
en  1802,  et  réimprimées  en  1814  à  Paris. 
(  Voyez  page  59  du  volume.  )  Du  reste 
ce  prélat  s'abstint  constamment  de  l'exer- 
cice de  sa  juridiction,  et  fut  un  des  pre- 
miers à  remettre  sa  démission  au  roi, 


lorsqu'il  en  fut  requis.  Sa  qualité  d'ageul 
du  roi  à  Vienne  attira  l'attention  de  Bo- 
naparte qui  le  contraignit  de  sortir  de 
cette  capitale  :  il  passa  plusieurs  années 
en  Moravie  ,  et  courut  même  quelque 
danger  lorque  les  armées  françaises  en- 
vahissaient l'Allemagne.  Rentré  en  France 
en  1814 ,  il  fut  adjoint  à  la  commission 
chargée  de  l'administration  des  affaires 
ecclésiastiques,  et  fut  nommé  archevêque 
de  Sens.  Il  ne  prit  possession  de  ce  siège 
que  le  27  novembre  1821.  Il  fut  promu  au 
cardinalat  en  1823,  et  obtint  le  titre  près- 
bytéral  de  Sle-Marie  m  Transpontina. 
Il  était  en  même  temps  pair  de  France, 
ministre  d'état,  premier  aumônier  de  ma- 
dame la  dauphine  ,  et  commandeur  de 
l'ordre  du  St.-Esprit.  Le  cardinal  de  La- 
fare a  assisté  aux  deux  derniers  conclaves. 
Il  est  mort  à  Paris  au  mois  de  décembre 
1829.  Plusieurs  de  ses  mandemens  et  de 
ses  cf?5C0Mrs  mériteraient  d'être  recueillis  : 
on  lui  doit  aussi  un  Eloge  de  M.  de  Ber- 
niSt  archevêque  de  Rouen  ;  une  Notice 
sur  M.  de  Girac.  ancien  évêque  de  Ren- 
nes, etc.  On  assure  qu'il  a  laissé  des  manu- 
scrits très  précieux  sur  son  émigration  et 
sur  les  affaires  dont  il  avait  été  chargé 
par  le  roi  à  Vienne  :  il  est  à  désirer  que 
l'on  publie  ces  mémoires. 

*  LAFAYETTE  (Marie- Paul- Jeas- 
RocH  -  Yves-Gilbert  MOTIER ,  marquis 
de),  naquit  le  6  septembre  1757  ,  à  Cha- 
vagnac  en  Auvergne.  Issu  d'un  famille 
illustre,  il  reçut  une  éducation  conve- 
nable à  son  rang ,  et  fit  au  collège  du 
Plessis  des  études  qui  lui  donnèrent  une 
connaissance  assez  étendue  de  l'antiquité. 
Il  n'avait  que  seize  ans  lorsqu'il  épousa 
m'^*  de  Noailles  ,  fille  du  riche  duc 
d'Ayen.  Cette  alliance  semblait  ouvrir 
devant  lui  la  route  des  honneurs  ;  mais  il 
dédaigna  les  succès  faciles  que  lui  assu- 
raient sa  naissance  et  sa  position  dans  le 
monde  ,  pour  se  faire  une  carrière  à  part 
où  réclat  de  tous  les  avantages  qu'il  pa- 
raissait mépriser  devait  ajouter  un  nou- 
veau lustre  à  sa  renommée.  L'indépen- 
dance, qui  dès  ses  premières  années  avait 
été  son  goût  dominant ,  devint  la  vocation 
de  sa  vie.  Il  se  sentait  porté  vers  la  li- 
berté par  une  passion  irrésistible ,  qu'il 
comparait  plus  tard  à  l'entraînement  de 
l'amour  ou  à  l'enthousiasme  de  la  reli- 
gion. L'insurrection  des  colonies  anglaises 
de  l'Amérique  lui  offrit  une  occasion  écla- 
tante ,  de  manifester  par  des  actes  ,ses 
croyances  politiques.  On  sait  que  l'armée 
américaine  composée  de  milices  levées  à 


LAF 


205 


LAF 


la  hâte ,  essuya  d'abord  plusieurs  échecs. 
Le  gouvernement  français  hésitait  encore 
à  se  déclarer   pour  les  insurgés.  Ce  fut 
dans  ce  moment  critique   que  Lafayette 
conçut  l'aventureux  projet  d'aller  combat- 
ire  dans  les  rangs  de  l'indépendance.  Ses 
amis  et  Franklin  lui-même  cherchèrent 
vainement  à  le  détourner  d'une  entre- 
prise qui  paraissait  téméraire  dans  ces 
circonstances.  Lafayette  partit  sur  un  na- 
vire qu'il  fréta   lui-même ,   et  aborda  à 
Georgps-Town  dans  l'été  de  1777.  Reçu  de 
la  manière  la  plus  flatteuse  par  le  con- 
tirès,  il  fut  revêtu  du  grade  de  major- 
fjénéral  dans    l'armée    des    Etats-Unis , 
rjuoiqu'il  eût  demandé  à  servir  en  qualité 
de  simple  volontaire.  S'étant  rendu  au 
camp   des   insurgés ,  il  se  vit   accueilli 
avec  honneur  par  Washington,  et  bien- 
tôt s'établit  entr'eux  une  amitié  qui  dura 
jusqu'à  la  mort  de  cet   homme  illustre. 
Lafayette  fut  blessé  près  de  Philadelphie, 
dans  la  premièie  affaire  à  laquelle  il  prit 
part ,   et  scella   ainsi  de  son   sang   son 
union  avec  les  Américains.  Le  sang-froid 
qu'il  déploya   dans  celte   occasion  aug- 
menta la  confiance  qu'on  avait  en  lui ,  et 
chaque  phase  noxivelle  de  la  révolution 
vint  ajouter  à  son  nom  un  nouvel  éclat. 
Non  content  de  servir  de  son  épée  la 
cause  américaine,  il  engagea  pour  la  sou- 
tenir une   grande   partie  de  sa  fortune. 
Pendant  la  campagne  de  1778  ,  il  déga- 
gea   un  corps    de  2,  000   hommes  que 
l'armée  anglaise  avait  enveloppés  à  Ba- 
linkill.  Dans  l'affaire   qui  eut  lieu  dans 
les  défilés  de  Freehold ,   près  de  Mont- 
mouth  ,  Lafayette  ,  en  dirigeant  l'avanl- 
gardc  contribua  au   triomphe    de  Was- 
liinglon.   Peu  après  il  prévint   la  més- 
intelligence qui  était  au  moment  d'écla- 
ter entre  les  Français  et  les  Américains , 
à  l'occasion  de  la  retraite  de  l'escadre 
française  qui  devait  concourir  à  l'attaque 
de  Rhodisland ,  et  il  conserva  ainsi  aux 
insurgés  un  puissant  allié.  Les  combats 
ayant  été  suspendus  pour  quelque  temps, 
î  afayetle  profita  de  cet  intervalle  de  re- 
pos ,  pour  revoir  la  France ,  où  il  pouvait 
servir  encore  la  cause  qu'il  avait  em- 
brassée ,  en  hâtant  les  secours  destinés 
aux  Etats-Unis.  Au  moment  de  son  dé- 
part ,  Franklin ,  au  nom  de  ses  compa- 
triotes .  lui  offrit  une  épée  sur  la  coquille 
de  laquelle  il  était  représenté  blessant 
le  léopard  britannique  ,  et  recevant  un 
laurier  de  l'Amérique  délivrée.  En  re- 
mettant les  pieds  dans  sa  patrie ,  où  l'o- 
pinion publique  s'était  hautement  pro- 


noncée pour  la  cause  américaine,  il  se 
vit  entouré  de  distinctions  et  d'hommages. 
La  cour  qui  s'était  opposée  à  son  départ 
l'accueillit    comme   un   héros;   Voltaire 
l'applaudit ,  et  il  fut  chanté  par  tout  ce 
qu'il  y  avait  de  poètes  en  France.  Profi- 
lant de  cette    bienveillance  universelle 
pour  servir  la  cause  des    insurgés ,    il 
pressa  les  armemens  destinés  à  secourir 
les  Etats-Unis  ,  et  passant  en  Espagne  ,  il 
obtint  de  cette  puissance  un    traité  de 
commerce  qui  bientôt  fut  changé  en  dé- 
claration de  guerre   contre  l'Angleterre. 
De  retour  en  Amérique,  Lafayette  prit 
une   part  active    aux  opérations   de  la 
guerre.  Le  général  Arnold,  après  avoir 
trahi  la  cause  de  l'indépendance,  ayant 
été  chargé  par  les  Anglais  de  ravager  les 
côtes  de  la  S'^irginie ,  Lafayette  nommé  au 
commandement    de  l'armée  américaine 
dans  cet  état,  lutta  avec  avantage  contre 
lui.  Bientôt  il  tint  tête  à  un  plus  redou- 
table adversaire  ,  à  lord  Cornwallis,  qui 
avait  des  forces  supérieures  aux  siennes  , 
et  qui  avait  écrit  à  Londres  que  le  petit 
garçon  ne  pouvait  lui  échapper;  c'est 
ainsi  qu'il  appelait  Lafayette.  Celui-ci  mit 
tous  ses  soins  à  éviter  une  bataille ,  et 
après  avoir  enfermé  son  adversaire  dans 
une  position  désavantageuse,  il  attendit 
pour  l'attaquer  l'arrivée  de  Washington, 
qui  amenait  avec  lui  le  corps  de  Ro- 
c.hambeau.  La  victoire  fut  complète  du 
côté  des  Américains,  et  la  capitulation 
d'Yorck-Town  (  1781  ),  qui  en  fut  la  suite, 
décida  du  sort  de  la  guerre.  Heureux  de 
voir  se  consolider  l'indépendance  amé- 
ricaine ,  Lafayette  partit  de  nouveau  pour 
l'Europe  où  la  conclusion  de  la  paix  vint 
bientôt    consacrer  les  résultats  obtenus 
par  la  force  des  armes.  Après  en  avoir 
envoyé  la  première  nouvelle  au  congrès, 
il  partit  pour  Madrid  où  il  renoua  les  re- 
lations politiques  quelque    temps  inter- 
rompues entre  l'Espagne  et  les  Etats-Unis. 
Après  des    événemens    d'une  si   haute 
importance ,  il  voulut  visiter  encore  une 
fois  sa  patrie  adoptive.  Partout  il  fut  ac- 
cueilli avec  des  transports  d'allégresse  ; 
son  nom  fut  donné  à  plusieurs  forts  et  à 
deux  comtés,  et  son  buste  fut  inauguré 
au  Capilole  de  Virginie.  Les  principes 
d'indépendance  qui  venaient  de  triom- 
pher en  Amérique  ,  se  propageaient  et  se 
fortifiaient   chaque  jour  en  Europe,   et 
Lafayette  ,  qui  en  était  pour  ainsi  dire  le 
représentant ,  jouit  bientôt  dans  son  pays 
d'une  popularité  égale  à  celle  qu'il  avait 
acquise  aux  Etats-Unis,  Le  moment  ap- 


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204 


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prochait  où  des  esprits  ardens  allaient 
essayer  en  France  une  régénération  so- 
ciale. Lafayette  se  croyait  prédestiné  à 
cette  réforme  partout  où  elle  serait  ten- 
tée. Après  son  retour  en  Europe  on  le  vit 
s'occuper  avec  Naleshcrbes  du  sort  des 
protestans,  et  de  l'amélioration  de  la 
condition  des  nègres  ;  les  catholiques 
d'Irlande,  les  patriotes  Bataves  excitèrent 
vivement  ses  sympathies.  Dans  les  deux 
assemblées  des  notables  il  se  signala  par 
la  hardiesse  de  ses  propositions.  Il  s'y 
prononça  pour  la  suppression  des  lettres 
de  cachet  et  des  prisons  d'état ,  et  il  de- 
manda la  convocation  de  la  nation  repré- 
sentée par  ses  mandataires.  Nommé  en 
1789  député  aux  états-généraux,  il  y 
parla  pour  la  première  fois  le  8  juillet 
de  la  même  année,  à  l'appui  de  la  cé- 
lèbre motion  de  Mirabeau  pour  l'cloigne- 
raent  des  troupes ,  et  il  offrit  à  l'assem- 
blée un  projet  de  déclaration  des  droits 
de  l'homme ,  qui  fut  adopté.  Nommé 
vice-président,  il  occupait  le  fauteuil 
pendant  les  nuits  terribles  des  13  et  14 
juillet.  Le  IS ,  il  se  rendit  à  Paris  à  la 
tète  d'une  députation  de  soixante  mem- 
bres de  l'assemblée.  Il  y  trouva  le  peuple 
encore  ému  et  frémissant  sur  les  ruines 
sanglantes  de  la  Bastille.  Dans  ce  mo- 
ment, plusieurs  esprits  conçurent  l'idée 
d'organiser  une  garde  nationale  afin  de 
l'opposer  tour  à  tour ,  et  selon  le  besoin 
au  peuple  et  à  l'autorité  royale.  Qn  déli- 
liérait  à  la  commune  sur  le  choix  du  chef 
à  donner  à  cette  force  ;  le  nom  de  La- 
fayette réunit  tous  les  suffrages ,  et  il  fut 
proclamé  d'une  voix.  Quelques  jours 
après,  il  présenta  à  l'asseuiblée  des  élec- 
teurs la  cocarde  tricolore ,  symbole  de 
la  révolution  qui  commençait.  Cette  co- 
carde ^  dit-il,  fera  le  tour  du  monde. 
Après  le  massacre  de  Foulon  et  de  Ber- 
Ihier,  il  donna  sa  démission;  mais  les 
instances  qui  lui  furent  faites  le  décidè- 
rent à  reprendre  son  commandement.  Le 
5  octobre  ,  après  une  émeute  ,  il  marcha 
avec  la  garde  nationale  sur  Versailles  où 
s'était  porté  le  peuple  de  la  capitale  ,  et 
le  6  il  ramena  dans  Paris  la  famille  royale 
que  son  intervention  tardive  avait  eu 
peine  à  soustraire  à  la  fureur  d'une  mul- 
titude soulevée.  Ces  scènes  violentes, 
amenées  par  les  progrès  de  la  révolution, 
n'étaient  aux  yeux  de  Lafayette  que  des 
accid^ns  déplorables  en  eux-mêmes , 
mais  dont  le  blâme  ne  pouvait  retomber 
sur  les  principes  qu'il  professait.  Dans  la 
discussion  du  20  février  1790 ,  il  proclama 


que  l'insurrection  est  le  plus  saint  des 
devoirs,  lorsque  l'oppression  et  la  ser- 
vitude rendent  une  révolution  néces- 
saire; principe  dangereux,  qui  pous- 
sant tous  les  mécontens  à  la  révolte,  et 
les  faisant  juges  dans  leur  propre  cause  , 
tend  à  bouleverser  incessamment  les 
états.  Lorsque  le  club  des  Jacobins  se  fut 
organisé  ,  Lafayette ,  de  concert  avec 
Bailly,  lui  opposa  celui  des  feuillans, 
destiné  à  offrir  un  point  de  réunion  aux 
partisans  plus  modérés  de  la  liberté.  Lors 
de  la  fuite  de  Louis  XVI ,  Lafayette  se 
vit  accusé  par  les  deux  partis  opposés  , 
les  uns  lui  reprochant  d'avoir  laissé  par- 
tir le  roi,  les  autres  de  l'avoir  fait  ar- 
rêter. Il  est  vrai  de  dire  qu'il  protégea 
dans  cette  grave  circonstance  les  jours 
de  la  famille  royale  ;  mais  il  approuva 
la  suspension  de  Louis  XVI ,  et  il  ne  re- 
connut les  droits  de  ce  prince  qu'après 
qu'il  eut  accepté  la  constitution.  Le  dé- 
cret qui ,  à  ceite  condition  ,  rétablissait  le 
roi  sur  le  trône,  ayant  excité  un  soulè- 
vement, Lafayette  dissipa  par  la  force  les 
attroupemens  qui  s'éiaicrit  formés  au 
champ  de  Mars  pour  signer  une  pétition 
factieuse.  Plusieurs  républicains  furent 
tués.  Le  8  octobre  1791 ,  après  avoir  lait 
accepter  l'airmistie  proposée  par  Louis 
XVI ,  il  se  démit  de  son  commandement, 
et  prit  congé  de  la  garde  nationale  dans 
une  lettre  où  il  exposait  les  principes  poli- 
tiques qui  avaient  dirigé  sa  conduite  ; 
quelques  jours  après,  il  quitta  la  capitale. 
Lorsque  la  première  coalition  se  fut  for- 
mée contre  la  France ,  il  fut  désigné  pour 
commander  une  des  trois  armées  desti- 
nées à  repousser  cette  agression.  Le  gé- 
néral en  traversant  Paris  fut  reçu  en 
triomphe.  Son  premier  soin  après  avoit 
rejoint  l'armée  fut  d'y  rétablir  la  disci- 
pline. Il  battit  l'ennemi  à  Philippeville, 
à  Maubeuge  et  à  Florennes;  malgré  ces 
succès  il  se  vit  bientôt  en  butte  aux  ac-. 
cusations  des  Jacobins.  Dans  une  lettre 
écrite  le  16  juin  à  l'assemblée  Législative , 
il  osa  dénoncer  les  démagogues,  qui ,  di- 
sait-il, tuaient  la  liberté  par  les  crimes 
de  la  licence.  Quelques  jours  après,  ij 
vint  lui-même  à  la  barre  de  l'assemblée 
appuyer  sa  dénonciation ,  et  demander 
le  châtiment  des  attentats  du  20  juin.  Le 
discours  qu'il  prononça  fut  vivement  ap- 
plaudi par  le  côté  droit.  Le  roi  devait  le 
lendemain  passer  en  revue  quatre  mille 
gardes  nationaux.  Lafayette  résolut  de 
profiter  de  cette  circonstance  pour  y)or!er 
un  coup  décisif  aux  fadieux.  Mais  soit 


LAF 

que  les  Jacobins  fussent  parvenus  à  le 
rendre  suspect  à  un  corps  qui  lui  avait  été 
dévoué,  soit  que  la  revue  eût  été  contre- 
inandéc  dans  la  nuit ,  peu  d'hommes  ré- 
pondirent à  l'appel ,  et  Lafayette  repartit 
pour  son  armée  avec  la  triste  conviction 
que  sa  popularité  s'était  en  grande  pai  tic 
évanouie.  Quelques  jours  après  son  dé- 
part son  effigie  fut  brûlée  au  Pahûs-Royal  ; 
et  au  mois  d'août  suivant,  sa  mise  en  ac- 
cusation fut  discutée  dans  l'assemblée  Lé- 
gislative. Malgré  les  menaces  et  les  cris 
des  forcenés  entassés  dans  les  tribunes  , 
celte  question  fut  résolue  en  sa  faveur 
à  une  majorité  de  plus  des  deux  tiers  dos 
voix  ;  mais  tous  ceux  qui  avaient  voté 
pour  lui  furent  hués ,  poursuivis  et  mal- 
traités par  le   peuple  au    sortir  de   la 
séance.  Indigné  des  scènes  de  désordres 
qui  se  succédaient  dans  la  capitale ,  La- 
fayette conçut  le  projet  de  marcher  sur 
Paris ,  de  chasser  les  républicains  et  de 
rétablir  le  roi  et  la  constitution;  mais  il 
s'aperçut  bientôt  que  son  armée  était  peu 
disposée  à  seconder  ses  desseins ,  et  il  se 
décida  à  passer  en  pays  étranger  avec  un 
petit  nombre  d'officiers  dont  la  vie  était 
évidemment  compromise.  Le  général  et 
CCS   compagnons  au  nombre   de  vingt- 
deux  ,    tombèrent  dans   un  poste  autri- 
chien  qui  refusa  de  les  laisser  passer. 
Lafayette  ayant  été  reconnu,  il  n'en  fallut 
pas  d'avantage  pour  qu'on  les  arrêtât.  La 
plupart  d'entre  eux  furent  conduits  àNa- 
mur,  à  Nivelle  et  ensuite  à  Luxembourg. 
Lafayette  avec  trois  de  ses  compagnons, 
anciens  membres  de  l'assemblée  Consti- 
tuante ,  fut  envoyé  à  Wez-el  comme  pri- 
sonnier d'état.  Transféré  à  Magdebourg  , 
il  y  resta  un  an ,  renfermé  dans  un  sou- 
terrain humide  el  obscur.  Il  passa  ensuite 
dans  les  cachots  de  Glatx ,  de  Neiss ,  el 
enfin  d'Olmiitz ,  où  l'Autriche  le  fît  traiter 
avec  ime  grande  rigueur ,  le  regardant 
«ans  doute  comme  un  des  principaux  au- 
teurs de  la  révolution  qui  avait  conduit 
à  l'échafaud  Louis  XVI  et  Marie-Anloi- 
nette.  On  le  dépomlla  de  ce  que  les  Prus- 
ftiens  lui  avaient  laissé ,  et  on  confisqua 
jtisqu'aux  livres  qu'il  avait  avec  lui-  Ce- 
pendant un  médecin  hanovrîen  ,  nommé 
Bollman,  et  un  jeune  américain ,  nommé 
Iluger,  entreprirent  de  le  délivrer,  et 
profitant  d'une  des  promenades  qu'on  lui 
faisait  faire  régulièrement  à  cause  du  dé- 
labrement de  sa  santé ,  ils  parvinrent  à 
l'enlever  ;    mais  divers  accidens  firent 
échouer  leur    entreprise.  Lafayette  fut 
atteint  et  repris  à  huit  lieues  d'Olmiilx  ; 
7. 


£05  LAF 

et  ses  deux  amis  arrêtés  également,  ex- 
pièrent dans  les  prisons  leur  courageux 
dévouement.  Cependant,  après  avoir  passé 
seize  mois  dans  les  cachots  de  Robes- 
pierre, M"'=  de  La  fayelte  vint  avec  ses 
filles  partager  la  captivité  de  son  époux, 
et  celle  réunion  compensa  pour  le  gé- 
néral prisonnier  le  redoublement  de  sé- 
vérilé  dont  on  usait  envers  lui,  de- 
puis sa  tentative  d'évasion.  Des  menv- 
bres  du  parlement  d'Angleterre,  et  des 
agens  du  gouvernement  des  Elais-Unis 
élevèrent  en  vain  la  voix  pour  deman- 
der sa  liberté ,  l'Autriche  fut  inflexi- 
ble :  elle  ne  devait  céder  qu'à  l'ascendant 
de  la  victoire.  Bonaparte ,  à  qui  ses  suc- 
cès en  Italie  donnaient  une  si  grande  in- 
fluence en  Europe,  fut  chargé  par  le 
Directoire  de  négocier  la  délivrance  des 
prisonniers  d'Olmiitz.  Ce  ne  fut  pourtant 
qu'après  cinq  mois  de  pourparlers  réitérés 
qu'il  obtint  leur  mise  en  liberté.  Sur  ce» 
entrefaites  le  18  fructidor  eut  lieu.  La- 
fayette qui  desapprouvait  ce  coup  d'état 
resta  en  pays  étranger  ,  el  alla  s'établir  à 
Uîrecht.  Les  événemens  du  18  brumaire 
lui  ouvrirent  les  portes  de  la  patrie. 
De  retour  en  France,  il  vécut  éloigné  du 
théâtre  des  affaires  publiques.  Ce  fut  seu- 
lement après  la  bataille  de  Marengo  qu'il 
eut  occasion  de  voir  Bonaparte.  Lafayette 
fut  accueilli  très  amicalement  par  le  pre- 
mier consul  avec  qui  il  passa  trois  jour» 
à  la  campagne  chez  son  frère  Joseph. 
Cependant  toutes  les  instances  qui  lui 
furent  faites  ne  purent  le  décider  à  ac- 
cepter une  place  de  sénateur.  Entrevoyant 
déjà  les  projets  ambitieux  de  Bonaparte, 
il  pensait  qu'il  ne  lui  convenait  pas  d'en- 
trer dans  un  ordre  de  choses  contraire  à 
ses  principes ,  et  où  il  aurait  eu  à  com- 
baltre  l'homme  auquel  il  se  sentait  atta- 
ché par  la  reconnaissance.  Lorsque  le 
consulat  à  vie  eut  été  proposé  à  la  sanc- 
tion des  suffrages  du  peuple ,  Lafayette 
déclara  qu'il  ne  pouvait  voter  pour  une 
pareille  magistrature  jusqu'à  ce  que  la 
liberté  publique  eût  été  sufiisamnaent  ga- 
rantie; ajoutant  qu'alors  il  donnerait  sa 
voix  à  Napoléon  Bonaparte.  Ses  relations 
avec  Bonaparte  cessèrent ,  à  dater  de 
l'érection  du  trône  impérial.  Le  vain- 
queur de  l'Europe  s'étonnait  de  trouver 
un  homme  qui  osât  lui  résister  avec  tant 
d'obstination.  «  Tout  le  monde  en  France, 
»  disait-il,  est  corrigé  des  idées  extrême» 
»  de  liberté  ;  il  n'y  a  qu'un  homme  qui 
»  ne  le  soit  pas ,  et  cet  homme  c'est  La- 
»  fayelte.  Vous  le  voyei  tranquille!  Eli 


LAF 


206 


LAF 


»  bien ,  s'il  y  avait  une  occasion  de  ser- 
»  vir  SCS  chimères ,  il  reparaîtrait  plus 
»  ardent  que  jamais.  »  En  1814 ,  Lafayelte 
se  présenta  une  fois  chez  le  roi  et  chez 
Monsieur ,  et  il  fut  bien  reçu  par  ces 
princes.  Pendant  les  cent  jours  il  refusa 
la  pairie ,  parce  que  l'hérédité  de  cette 
magistrature  était  contraire  à  ses  prin- 
cipes, et  il  protesta  contre  les  articles  des 
constitutions  de  l'empire  et  de  l'acte  ad- 
ditionnel qui  pouvaient  attenter  à  la  sou- 
veraineté nationale.  Elu  par  le  départe- 
ment de  Seine-et-Marne  membre  de  la 
chambre  des  représenlans ,  il  fit  déclarer 
oprès  la  bataille  de  Waterloo  que  l'as- 
«emblée  était  en  permanence ,  que  toute 
tentative  pour  la  dissoudre  était  un  crime 
de  haute  trahison.  Lorsque  Bonaparte, 
effrayé  des  dispositions  de  la  chambre , 
»e  fut  décidé  à  abdiquer,  Lafayelte  exclu 
par  une  intrigue  du  gouvernement  pro- 
visoire, fut  envoyé  en  qualité  de  com- 
missaire près  des  puissances  alliées  pour 
demander  une  suspension  d'armes.  Ses 
démarches  et  celles  de  ses  collègues 
n'ayant  eu  aucun  résultat,  il  revint  à 
Paris,  oii  déjà  les  armées  étrangères 
étaient  entrées  par  suite  d'une  capitula- 
«ion.  Quelques  jours  après  les  portes  du 
rorps  législatif  furent  fermées  et  mises 
sous  la  garde  d'un  poste  de  Prussiens. 
Lafayette ,  après  avoir  protesté  avec  plu- 
sieurs députés  contre  cette  violence,  se 
retira  dans  sa  terre  de  Lagrange  où  il 
▼4cut  dans  la  retraite.  Nommé  en  1818, 
membre  de  la  chambre  des  députés  par  le 
département  de  la  Sarlhe,  il  prit  place  sur 
les  bancs  de  l'extrême  gauche,  et  s'y  si- 
gnala par  une  opposition  dans  laquelle  il 
gutallier  l'inflexible  énergie  des  principes 
révolutionnaires  à  des  formes  exemptes 
d'aigreur  et  de  violence.  La  prédiction  de 
Bonaparte  s'accomi>lissait.  En  reparais- 
sant sur  la  scène  politique,  Lafayette 
s'y  montrait  l'ardent  apôtre  des  doctrines 
les  plus  absolues  de  souveraineté  du  peu- 
ple et  d'insurrection ,  et  il  les  développait 
à  la  tribune  avec  une  conviction  qui  se 
fortifiait  des  souvenirs  de  deux  révolutions 
auxquelles  il  avait  pris  une  part  active. 
Ses  souffrances  d'Olmîitz  n'avaiont  en 
rien  modifié  ses  principes.  Le  vieux  dé- 
puté de  1820  parlait  comme  le  jeune  vo- 
ilontaire  de  1777,  et  on  aurait  pu  dire  de 
jlui  ce  qu'on  disait  des  émigrés,  qu'il  n'a- 
vait rien  oublié^  ni  rien  appris.  A  l'occa- 
sion de  tous  les  complots  qui  éclatèrent 
gous  la  restauration,  le  nom  de  Lafayette 
lut  prononcé;  mais  il  fut  imposftil>le  de 


prouver  qu'il  y  eût  participé.  Rendu  k  la 
vie  privée ,  le  compagnon  d'armes  de 
Washington  sentit  le  désir  de  revoir  sur 
le  déclin  de  l'âge  le  peuple  pour  lequel 
il  avait  combattu  dans  sa  jeunesse.  Plus 
d'une  fois  ses  nombreux  amis  d'Amérique 
l'avaient  sollicité  de  venir  les  visiter.  II 
se  rendit  enfin  à  leur  vœu ,  et  s'embarqua 
au  Havre  sur  le  Cadmus\&  13 juillet  1824. 
Après  trente-trois  jours  de  traversée,  il  dé- 
barqua sur  le  rivage  où  il  avait  fait  ses  pre« 
mières  armes.  Le  congrès  lui  accorda  dos 
honneurs  qu'il  n'avait  jamais  accordés  à 
Washington  ;  il  fut  proclamé  l'hôte  de  la 
nation,  et  fut  successivement  fêté  partous 
les  états  de  l'Union.  Entouré  des  popula- 
tions qui  se  pressaient  sur  son  passage,  il 
visita  le  tombeau  de  Washington ,  et  les 
champs  de  bataille  où  il  avait  partagé 
les  périls  de  ce  grand  homme.  Ce  voyage, 
qui  dura  plus  d'un  an ,  ne  fut  pour  lui 
qu'une  suite  de  fêtes  où  se  retrempa  son 
enthousiasme  républicain.  La  prospérité 
des  Etals-Unis  dont  il  venait  d'être  témoin 
l'attacha  de  plus  en  plus  aux  maximes 
qu'il  avait  professées  toute  sa  vie,  et 
lorsqu'en  1827  il  fut  envoyé  de  nouveau 
à  la  chambre  des  députés  par  l'arrondis- 
sement de  Meaux ,  on  le  vit  défendre  avec 
une  ardeur  nouvelle  les  principes  démo- 
cratiques. Ennemi  déclaré  de  la  restaura- 
lion  ,  il  appelait  de  ses  vœux  le  moment 
de  sa  chute.  Son  expérience  lui  faisait  re- 
connaître dans  tout  ce  qui  se  passait  au- 
tour de  lui  les  symptômes  d'une  révolution 
nouvelle,  qu'il  prédisait  à  ses  amis  pour 
ranimer  leur  courage  défaillant.  Quand 
le  trône  de  Charles  X  s'écroula  en  1830 . 
il  vit  sans  étonnement  ce  mouvement  po- 
pulaire et  il  se  remit  à  l'œuvre,  comme  en 
1789.  Après  avoir  repoussé  toutes  les  pro- 
positions du  frère  de  Louis  XVI,  en  décla- 
rant qu'il  était  trop  tard,  son  influence  con- 
tribua à  rattacher  à  la  dynastie  de  Louis- 
PhiUppe  les  hommes  les  plus  exaltés  dn 
parti  libéral.  En  paraissant  à  côté  du  nou- 
veau roi  sur  le  balcon  de  l'Hôtel-de-ville , 
il  sembla  contracter  une  alliance  solen- 
nelle avec  le  pouvoir  né  des  barricades . 
et  le  mot  fameux  ;  c'est  la  meilleure  des 
républiques^  qu'il  prononça  selon  les  uns, 
et  qu'on  lui  attribua  faussement  selon  les 
autres,  fut  répété  dans  toute  la  France  et 
jeté  comme  un  cri  de  ralliement  à  l'opi- 
nion publique  ;  mais  en  se  faisant  l'auxi- 
liaire de  la  royauté  ,  Lafayette  était  loin 
d'avoir  renoncé  aux  théories  de  sa  jeu- 
nesse. Comme  au  temps  où  il  conseillait 
l'infortuné  louis  XVI*  il  prétendait  allitr 


LAF 


207 


LAF 


deux  choses  qui  semblent  incompatibles , 
la  monarchie ,  et  des  institutions  républi- 
caines. Mais  Louis-Philippe  recula  devant 
cette  carrière  de  concessions ,  que  lui  ou- 
vrait le  vétéran  de  la  révolulion  française, 
et  dont  il  craignait  sans  doute  que  le  terme 
ne  fût  une  catastrophe.  Bientôt  Lafayeltc 
s'aperçut  que  d'autres  avis  que  les  siens 
étaient  écoutés.  Investi  dans  les  premiers 
jours  de  la  révolution  de  juillet  du  com- 
mandement en  chef  des  gardes  nationales 
de  France ,  il  dut  renoncer  à  ce  titre  par 
suite  d'un  amendement  introduit  par  un 
député  dans  la  loi  relative  à  la  milice  ci- 
toyenne. Dès  lors  sa  scission  avec  le  pou- 
voir devinldejour  en  jour  plus  profonde, 
et  il  vit  se  rallier  autour  de  lui  une  op- 
position composée  de  républicains  ar- 
dens ,  dont  il  lâchait  de  calmer  les  impa- 
tiences. La  marche  de  la  royauté  nouvelle 
l'affligeait,  mais  sans  altérer  sa  confiance; 
il  attendait  du  temps  bien  plus  que  de  la 
violence  un  retour  aux  principes  qu'il 
professait,  et  sur  la  tin  de  sa  vie  il 
croyait  fermement  à  un  dernier  triomphe 
de  la  révolution  dont  il  ne  lui  serait  pas 
donné  d'èlre  le  chef  ni  même  le  témoin. 
Ayant  voulu ,  malgré  son  grand  àj^e ,  sui- 
vre à  pied  le  convoi  du  malheureux  Du- 
long ,  enlevé  d'une  manière  si  déplorable , 
la  fatigue  que  lui  causa  cet  effort  altéra 
sa  santé.  Après  une  convalescence  appa- 
rente, il  éprouva  une  rechute  qui  bientôt 
ne  laissa  plus  d'espoir.  Il  est  mort  à  Paris 
le  20  mai  1851.  Ses  restes  ont  été  inhumés 
au  cimetière  de  Picpus.  Peu  d'hommes 
depuis  soixante  ans  ont  joué  un  rôle  aussi 
important  que  Lafayette  sur  la  scène  po- 
litique. Sans  jamais  avoir  tenu  les  rênes 
du  pouvoir,  il  influa  immensément  sur 
les  destinées  de  son  siècle.  Trois  révolu- 
lions  partagèrent  sa  vie;  celle  d'Améri- 
que ,  celle  de  1789  et  celle  de  1830.  Mais  si 
la  première  opérée  par  les  armes,  répon- 
dit complètement  à  ses  espérances ,  les 
deux  autres  furent  fécondes  pour  lui  en 
désappointemens.  Proscrit  comme  mo- 
déré par  les  patriotes  de  92 ,  accusé  d'exa- 
gération par  les  libéraux  de  1850 ,  il  vil 
tour-à-tour  la  révolution  de  France  aller 
au-delà  ou  rester  en-deça  de  ses  vœux , 
et  la  liberté ,  telle  qu'il  l'avait  rêvée , 
échappa  deux  fois  comme  une  ombre 
vaine  à  ses  poursuites.  Malgré  la  droiture 
de  ses  intentions  et  la  pureté  de  ses  mo- 
tifs, sa  conduite  fut  souvent  accusée  à 
juste  litre.  On  lui  reprocha ,  et  non  sans 
raison,  la  téméraire  imprudence  avec  la- 
quells  il  déchaînait  les  passions  popu- 


laires, sans  avoir  aucun  moyen  de  les 
maîtriser,  et  l'aveugle  confiance  avec  la- 
quelle il  se  laissait  entraîner  par  des  évé- 
nemens  plus  forts  que  ses  théories.  Mal- 
gré le  brillant  courage  dont  il  fit  preuve 
en  diverses  circonstances,  il  parut  man- 
quer plus  d'une  fois  de  résolution,  et  ses  dé- 
terminations  ne  répondirent  pas  toujours 
à  la  grandeur  des  circonstances  dans  les- 
quelles il  se  trouva  placé.  La  postérité  lui 
reprochera  de  graves  erreurs ,  mais  elle 
dira  aussi  qu'il  se  trompa  de  bonne  foi, 
et  qu'une  conviction  profonde  régla  le 
cours  de  sa  vie  politique.  Au  milieu  delà 
nation  la  plus  changeante  de  l'univers,  et 
malgré  la  plus  étonnante  succession  d'é- 
vénemens  dont  l'histoire  ait  conservé  le 
souvenir,  il  donna  le  rare  exemple  d'une 
longue  vie  consacrée  tout  entière  à  la  dé- 
fense des  mômes  principes.  Ennemi  des 
excès  et  des  violences  de  toute  espère,  il 
exposa  plus  d'une  fois  une  popularité  qui 
lui  était  chère  pour  arrê'er  Ses  désordres. 
Les  efforts  qu'il  fit  au  mois  de  décembre 
1850  pour  protéger  la  vie  des  ministres 
de  Charles  X  menacée  par  le  peuple 
ameuté ,  honorent  son  caractère  et  son 
courage.  Dans  la  vie  privée ,  la  facilité  de 
ses  mœurs ,  une  complaisance  à  toute 
épreuve,  et  un  mélange  piquant  d'urba- 
nité française  et  de  franchise  républicaine 
le  faisaient  aimer  de  tous  ceux  qui  l'en- 
touraient. La  mort  d'un  tel  homme  a 
laissé  un  vide  immense  dans  son  parti,  et 
l'on  a  eu  raison  de  dire  que  la  république 
avait  perdu  son  drapeau. 

LAFAYETTE.  Voyez  FAYETTE. 
LyVFÉRAADiÈRE  (  Marie-Amable- 
PÉTITAU  ,  épouse  de  Louis -Antoine 
Rousseau  ,  marquis  de  )  ,  née  à  Tours 
en  1756,  morte  à  Poitiers  en  janvier  4817, 
cultivait  en  secret  les  muses,  lorsqu'une 
jolie  chanson  qu'elle  adressait  à  sa  fille, 
ayant  été  insérée  dans  le  Mercure  par 
l'indiscrétion  de  quelques  amis  ,  valut  è 
l'auteur  des  vers  charmans  qu'elle  ne  crut 
pas  devoir  laisser  sans  réponse.  Dès  lors 
le  Mercure  et  V Abnanach  des  muses 
s'enrichirent  de  ses  productions  :  eUe  se 
fit  remarquer  par  des  pièces  en  vers  plei- 
nes de  grâce  ,  de  facilité  et  d'élégance.  ^ 
Elles  ont  été  réunies  sous  ce  titre:  OEit-' 
vresde  madame  de  Lafér....  Paris,  1806, 
2  vol.  in-12.  Il  en  parut  la  même  année 
une  seconde  édition  augmentée. 

•  LAFERRO.NAYS  (Jules-Basile  de  ) 
évéque  de  Lisieux  ,  né  le  2  janvier  1735, 
au  château  de  Sl.-Mards-lès-Ancenis,  près 
de  Nantes,  dut  à  sestalcns  autant  qu'à  sa 


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naissance  sa  prompte  élévation  aux  di- 
gnités ecdésiasliques.  Il  fut  pourvu  très 
jeune  de  divers  bénéfices ,  et  devint 
grand-vicaire  de  M.  de  Marnays ,  évcque 
de  Couscrans,  qui  lui  donna  aussi  la  di- 
fTnilé  de  présenteur  de  son  chapitre. 
I/abbé  de  la  Ferronays  assista  à  l'assem- 
blée du  clergé  en  17G5  ,  et  fut  conclavisie 
du  cardinal  de Bernis  au  conclavede  1769. 
Le  24  décembre  de  la  même  année,  le  roi 
le  nomma  à  l'évêché  de  Sl.-Bricuc  ,  et  il 
fut  sacré  le  8  avril  1770.  Il  fut  appelé  en- 
tuile  successivement  au  siéjje  de  Rayonne 
(  1775  ) ,  et  à  celui  de  Lisieux  (  1783  ). 
Il  s'attacha  à  pacifier  ce  diocèse  que  des 
divisions  avaient  troublé  sous  son  prédé- 
cesseur, M.  de  Condorcet ,  prit  part  aux 
réclamations  de  ses  collègues  contre  les 
décrets  de  l'assemblée  Constiluanle , 
adopta  r Exposition  des  principes ,  et  pu- 
blia une  lettre  pastorale  pour  adiiérer  à 
l'instruction  de  M.  de  Bourevilles  ,  évo- 
que de  Soissons.  Il  émigra  en  1790,  se  re- 
lira en  Suisse  et  résida  quelque  lemps 
près  de  Genève  ,  puis  à  Soleure.  S'étanl 
réuni  à  sa  famille  en  Franconie,  il  se  ren- 
dit ensuite  à  Bruxelles  où  il  conféra  avec 
un  certain  nombre  d'évéques  français  qui 
«'y  trouvaient  à  celte  époque  :  une  nou- 
velle invasion  de  l'armée  républicaine 
dans  les  Pays-Bas  le  força  de  s'éloigner. 
Le  l'"''  juillet  179iil  se  rendit  àDusseldorf, 
puis  en  179a  à  Munster  et  en  1796  àBrun- 
.«jwick.  En  1797  il  songeait  à  revenir  en 
France,  où  l'étal  des  choses  semblait  don- 
ner quelques  espérances  ;  mais  le  18  fruc- 
tidor le  lit  renoncer  à  son  dessein.  Les 
progrès  de  l'armée  française  l'obligèrent 
de  changer  de  retraite  ;  il  alla  d'abord  à 
Constance  où  il  rejoignit  sa  famille  ,  et 
enfin  lise  fixa  à  Munich.  C'est  dans  cette 
dernière  ville  qu'il  succomba  à  une  lon- 
gue maladie  le  15  mai  1799.  On  trouve  de 
plus  amples  détails  sur  ce  prélat  dans 
une  Notice  qui  a  été  publiée  à  Lisieux 
en  1850. 

LAFFICHARD.   Voyez  AFFICHARD 
(Tqouas  r). 

•  LAFFITTE-CLAVÉ  (  N....  ),  général 
français ,  né  à  Clavé  (  Gascogne  )  en  1730, 
servit  en  1783  dans  la  guerre  des  Turcs 
'  contre  la  Russie  ,  et  reçut  du  sultan  en 
récompense  de  ses  services,  une  ma- 
gnifique épée.  Laffîlle-Clavé  avait  fondé  à 
C/onslanlinople  une  école  militaire  ^  et 
publié ,  pour  l'instruction  des  élèves  de 
cet  établissement,  un  Traité  élémentaire 
(le  la  castramélation  et  de  la  fortifica- 
tion passagère .  ouvrage  écrit   en  langue 


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turque  et  imprimé  magnifiquement  dans 
le  palais  de  l'ambassadeur  de  France  à 
Péra,  1787,  deux  parties  in-4»  avec  20 
planches.  De  retour  en  France  ,  il  fut 
nommé  colonel  et  chargé  des  fortificationa 
de  Valenciennes.  Promu  au  grade  de  gé- 
néral de  brigade  en  1792,  il  commanda 
l'arme  du  génie  à  l'armée  du  Nord ,  et 
mourut  du  chagrin  que  lui  causa  une 
destitution  injuste  dont  on  voulut  ensuite 
réparer  le  tort,  lorsqu'il  n'élail  plus  temps. 
Outre  l'ouvrage  dont  nous  avons  parlé, 
on  a  de  lui  un  Mémoire  militaire  sur  la 
frontière  du  Nord.  1779,  in-8°. 

♦  LAFFON  DE  LADÉBAÏ  (  André-Da- 
niel), né  à  Bordeaux  le  50  novembre 
1746 ,  d'une  famille  distinguée  de  celte 
ville,  acheva  son  éducation  dans  l'uni- 
versité de  Franeker  (Frise  hollandaise), 
et  était  de  la  religion  prolestante.  Il  par- 
tagea quelque  temps  les  travaux  de  son 
père,  chef  d'une  maison  de  commerce  1res 
considérable,  se  maria  en  1775,  et  se  re- 
tira à  la  campagne  où  il  s'occupa  des 
soins  qu'exigeait  sa  famille.  Il  s'appliqua 
à  l'étude  de  l'économie  politique  ,  et  y  ac- 
quit des  connaissances  très  élendues,  sur- 
tout dans  la  partie  des  finances  et  de  l'a- 
griculture. Il  fut  un  des  fondateurs  de 
l'académie  de  peinture  do  Bordeaux  ,  de- 
vint membre  de  l'académie  des  sciences 
et  arts  de  la  même  ville,  et  correspon- 
dant des  sociétés  d'agriculture  et  d'en- 
couragement de  Paris.  A  l'époque  de  la 
convocation  des  états-généraux,  Laffon 
publia  sur  la  formation  de  cette  assem- 
blée et  sur  le  mode  des  élections  divers 
écrits  de  circonstance.  La  noblesse  de  la 
Guyenne  ne  s'étant  point  entendue  sur 
la  nature  et  les  limites  des  pouvoirs  à 
donner  aux  députés ,  il  fut  chargé  d'aller 
réclamer  auprès  des  étals-généraux  contre 
les  nominations  qui  avaient  été  faites 
avec  des  mandats  spéciaux  ,  et  de  nou- 
veaux pouvoirs  furent  donnés  aux  dé* 
pûtes.  En  1791  Laffon  fut  nommé  membre 
de  l'assemblée  Législative  :  il  se  rangea 
parmi  les  défenseurs  du  trône,  et  s'oc- 
cupa ,  dans  le  comité  des  finances  dont  il 
faisait  partie ,  des  moyens  qui  pouvaient 
apporter  l'ordre  dans  les  dépenses  de 
l'état  et  soutenir  le  crédit  menacé.  Le  20 
juin  1792  il  se  rendit  au  château  où  il 
s'efforça  de  protéger  la  famille  royale, 
présida  l'Assemblée  ,  du  23  juillet  au  10 
août ,  journée  dans  laquelle ,  après  avoir 
reçu  Louis  XVI  dans  l'assemblée  et  fait 
de  vains  efforts  pour  rétablir  l'ordre ,  il 
dut  quitter  le  fauteuil.  Il  parvint  pendaat 


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209 


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les  massacres  de  septembre  à  arracher  à 
la  mort  l'abbé  Sicard  :  ce  fut  aux  démar- 
ches qu'il  fit  près  de  Chabot  (  Foy.  CHA- 
BOT) que  l'insliluteur  des  sourds-muets 
dut  la  vie.  Dans-  le  mois  de  décembre 
•uivant ,  Laffon  fut  dénoncé  sous  le  faux 
prétexte  qu'il  avait  reçu  des  fonds  de  la 
liste  civile.  Mis  en  étal  d'arrestation  chez 
lui  pendant  quelques  jours,  il  recouvra 
ensuite  la  liberté,  fut  arrêté  de  nouveau 
en  1794,  et  n'échappa  à  la  proscription 
que  parce  que  l'on  avait  besoin  de  ses 
lalens  pour  assurer  le  service  des  subsis- 
tances. En  septembre  1795  les  départe- 
mens  de  la  Seine  et  de  la  Gironde  le  dé- 
putèrent au  conseil  des  Anciens ,  dont  il 
fut  nommé  secrétaire  le  20  mai  1797  ,  et 
président  le  20  août  suivant.  Il  parla  dans 
cette  assemblée  sur  la  plupart  des  ques- 
tions de  finances  ,  se  montra  opposé  aux 
projets  du  Directoire ,  et  fut  déporté  après 
le  coup  d'état  du  18  fructidor  (4  septem- 
bre 1797  ) ,  dans  les  déserts  brûlans  de  Si- 
namary.  Il  y  fut  atteint  de  la  maladie 
violente  qui  enleva  plusieurs  de  ses  com- 
pagnons d'infortune,  et  resta  seul  avec 
M.  de  Marbois  sur  cette  terre  inhospita- 
lière. Après  21  mois  d'exil ,  ils  furent  tous 
deux  rappelés.  Comme  Laffon  avait  au- 
trefois demandé  la  destitution  du  général 
Bonaparte,  dans  le  conseil  des  Anciens , 
il  ne  put  être  admis  dans  le  sénat,  quoique 
plusieurs  départemcns  l'eussent  proposé 
pour  en  faire  partie.  Il  se  chargea  de  la 
direction  de  la  banque  territoriale  ;  mais 
il  n'y  fut  pas  heureux.  Il  devint  plus  tard 
un  des  administrateurs  de  l'institution 
royale  des  jeunes  aveugles.  Il  est  mort  à 
Paris  le  14  octobre  1829 ,  à  l'âge  de  83 
ans.  Parmi  les  diverses  brochures  que 
Laffon-de-Ladébat  a  publiées ,  nous  ci- 
terons; I  Examen  impartial  des  nou- 
velles vues  de  sir  Rohefi't  Owen  et  de  ses 
établissemens  à  New-Lanarck  en  Ecosse 
pour  le  soulagement  et  l'emploi  le  plus 
utile  des  classes  ouvrières  et  des  pau- 
vres ^  pour  l'éduca  tion  de  leurs  enfans ,  e  te . 
avec  des  observations  sur  l'application 
de  ce  système  à  l'économie  politique  de 
tous  les  gouverneme?is^  par  Henri-Grey 
Macnab  ,  traduit  de  l'anglais  ,  Paris,  1820, 
in-8°;  |  Eloge  de  John  Oiven^  l'un  des 
secrétaires  el  des  fondateurs  de  la  société 
biblique  britannique  et  étrangère^  fait  au 
nom  du  comité  de  la  société  biblique  pro- 
testante à  Paris  ^  Paris  ,  1823  ,  in-S".  Laf- 
fon-de-Ladébat a  aussi  publié  des  obser- 
vations sur  la  Guyane  françabe ,  et  a 
coopéré  jusqu'en  1827,  à  la  rédaction  de 


la  Revue  encyclopédique  pour  la  partie 
des  sciences  politiques  et  morales.  On 
trouve  sur  cet  auteur  une  Notice  dans  le 
quatrième  volume  de  1829  de  ce  recueil, 
page  537. 

LAFITAU  (JoSEPn  François),  mis- 
sionnaire et  historien,  né  à  Bordeaux  , 
entra  de  bonne  heure  dans  la  compagnie 
de  Jésus ,  où  son  goût  pour  les  belles- 
lettres  et  pour  l'histoire  le  tira  de  la  foule. 
Il  se  fit  connaître  dans  la  république  des 
lettres  par  quelques  ouvrages  ;  |  Les 
mœurs  des  sauvages  américains  ^  corn- 
parées  aux  mœurs  des  premiers  temps , 
imprimées  à  Paris  en  1723 ,  en  2  vol.  io- 
4°,  fig.,  et  4  vol.  in-12;  c'est  un  livre  très 
estiiTMible  ,  attaqué  fort  mal  à  propos  par 
Roberlson  dans  son  Histoire  de  l'Améri- 
que, ouvrage  superficiel,  plein  d'obser- 
vations fausses  et  de  principes  pernicieux. 
{Voyez  le  Joum.  hist.  et  lit. ^  13  mars 
1778.)  Le  père  Lafitau  avait  été  mission- 
naire parmi  les  sauvages  ;  aussi  n'avons- 
nous  rien  d'aussi  exact  sur  ce  sujet.  Son 
parallèle  des  anciens  peuples  avec  les 
Américains  est  fort  ingénieux ,  et  supposa 
ime  grande  connaissance  de  l'antiquité  , 
qtxoique  tout  n'y  soit  pas  également  plau- 
s.iblc ,  et  qu'il  y  ait  plusieurs  rapproche- 
mens  forcés.  |  Mémoire  concernant  la 
précieuse  plante  Ging-Seng^  de  Tartarie, 
Paris  ,  1718  ,  in-8**  ;  |  Histoire  des  décou- 
vertes des  Portugais  dans  le  Nouveau- 
Monde,  1733,  2  vol.  in-4°,  et  1754,  4  vol. 
in-i2,  exacte  et  bien  écrite.  L'auteur 
mourut  en  1740. 

LAFITAU  (Pierre-François),  parent 
du  précédent,  évéque  de  Sisteron, naquit 
à  Bordeaux  en  1685 ,  d'un  courtier  de  vin, 
et  dut  sa  fortune  à  son  esprit.  Il  entra 
fort  jeune  chez  les  jésuites ,  et  s'y  distin- 
gua par  son  talent  pour  la  chaire.  Ayant 
été  envoyé  à  Rome  au  sujet  des  disputes 
élevées  par  les  jansénistes  contre  la  bulle 
Unigenitus ,  il  plut  à  Clément  XI.  Sa  con- 
versation vive  et  aisée  ,  son  esprit  fécond 
en  saillies  ,  donnèrent  au  pontife  une  idé»; 
favorable  de  son  caractère  et  de  ses  ta- 
lens.  11  sortit  de  son  ordre  et  fut  nommé 
à  l'évêché  de  Sisteron  (1719);  il  y  fui 
l'exemple  de  son  clergé.  Après  avoir  passé^ 
sa  vie  dans  l'exercice  des  vertus  épis-' 
copales,  il  mourut  en  17G4,  à  soixante- 
dix  ans  au  château  de  Lurs,  qui  apparte- 
nait aux  évêques  de  Sisteron.  L'cvéque 
de  Sisteron  s'était  toujours  montré  en- 
nemi ardent  du  jansénisme.  On  a  de  lui 
plusieurs  ouvrages  :  !  Histoire  de  la  con- 
stitution UWGENITI'S  ,  1757 .  el  1738  en 
18. 


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î  vol.  ln-12.  «  On  y  trouve ,  dit  l'auteur 

•  dcs.TVo»*  siècles j.  le  vrai,  qui  doit  être 

•  la  base  de  tout  ouvrage  historique ,  et 
»  avec  le  vrai,  de  l'ordre,  de  la  clarté,  du 

•  développement,  un  style  noble,  con- 
»  venable  à  l'histoire  ,  et  une  modération 
»  dont  on  ne  doit  jamais  s'écarter.  »  Il  en 
a  paru  une  nouvelle  édition  à  Maeslricht, 
^789 , 2  vol.  in-12.  |  Réfutations  des  anec- 
dotes ^  ou  Mémoires  seci'ets  sur  l'accepta- 
tion de  la  Constitution  UNIGENITUS,  par 
nilefore^  Gray,  1734, 5  vol.  in-S"  ;  ouvrage 
qui  prouve,  ainsi  que  le  précédent,  qu'il 
connaissait  à  fond  la  secte  dont  il  dévoi- 
lait les  intrigues.  Cette  connaissance  allait 
Jusqu'à  voir  bien  avant  et  d'une  manière 
bien  précise  dans  l'avenir,  comme  il  pa- 
raît par  le  passage  suivant ,  si  llltérale- 
ment  vérifié  lors  de  la  révolution  de 
^789  :  «  Qu'on  revienne  présentement 
»  sur  tout  ce  qu'on  a  lu  dans  cette  his- 
»  toire,  et  on  trouvera  que  le  Quesnellisme 

•  n'est  au  fond  que  le  calvinisme  même, 
»  qui  n'osant  se  montrer  en  France  à  dé- 
»  couvert ,  s'est  caché  sous  les  erreurs  du 
»>  temps.  C'est  ce  qu'on  a  vu  dans  ces  fa- 
»  mcux  projets  où  les  quesncUistes  vou- 
■  laicnt  réunir  l'Egrise  de  France  à  l'E- 
»  glise  anglicane  (  voyez  DUPIN  ) ,  et  dans 
»  tous  ces  fameux  libelles  où  ils  ont  éngé 
»  un  tribunal  à  l'esprit  particulier.  Mais 
»  c'est  ce  qui  paraîtrait  encore  mieux 
»  dans  une  de  ces  occasions  critiques,  que 

•  Dieu  veuille  détourner^  où  il  s'agirait 

•  de  troubler  tout  pour  établir  une  entière 
»  libei-tê  de  conscience  ;  pour  lors  il  est 
I»  indubitable  qu'on  verrait  les  quesnel- 
»  listes  s'associer  ouvertement  aux  pro- 
»  testons,  pour  ne  plus  faire  qu'un  même 
»  corps ,  comme  ils  ne  font  déjà  qu'une 
»  même  âme  avec  eux.  »  L'auteur  avait 
signalé  dans  un  mandement  les  anecdotes 
qu'il  accompagna  de  la  Réfutation;  l'un 
et  l'autre  furent  supprimés  par  un  arrêt 
du  conseil.  Il  avait  désapprouvé  la  con- 
sultation des  avocats  de  Paris  en  faveur 
de  l'cvéque  de  Senei ,  qui  fut  condamné 
au  concile  d'Embrun,  où  Lafilau  assista. 
I  Histoire  cfo  Clément  XI,  en  2  vol.  in- 
i2  ;  I  des  Sermons,  en  h  vol.  in-12  ,  qui  ne 
répondirent  point  à  l'attente  du  public. 
Ce  prélat  avait  plus  de  geste  et  de  repré- 
sentation que  d'éloquence.  Il  cite  rare- 
ment l'Ecriture  et  les  Pères,  les  preuves 
manquent  de  choix  ,  et  les  meilleurs  res- 
tent souvent  de  côté  :  ils  sont  cependant 
bien  supérieurs  aux  discours  légers  de  la 
plupart  de  nos  orateurs  modernes.  Il  trai- 
Uxil  U  morale  avec  plus  de  succès  que  les 


mystères  ;  [  Retraite  de  quelques  jours , 
in-12;  I  Avis  de  direction  ,  in-12;  |  Con^ 
férences  pour  les  missions.  in-i2  ;  |  Let- 
tres spirituelles,  in-12.  Tous  ces  ouvra- 
ges, remplis  de  bonnes  moralités,  sont 
quelquelois  faiblement  pensés  ;  ils  sont 
cependant  très  utiles  pour  la  direction 
des  consciences  ;  |  La  Vie  et  les  mys- 
tères de  la  sainte  Vierge.  1759,  2  vol. 
in-12.  L'auteur  y  montre  plus  de  piété 
que  de  critique ,  et  associe  à  des  choses 
incontestables  des  traditions  incertaines 
ou  fausses. 

•L.\FITE  (  Marie -EuzABETH,  dama 
de  ),  née  à  Paris  vers  1750  ,  morte  à  Lon- 
dres en  1794,  est  particulièrement  connue 
par  ses  Entretiens,  drames  et  contes  mo' 
raux,  à  Vusage  des  enfans,  Paris  ,  18(M  , 
4  vol.  in-12  ou  in-S",  très  souvent  réimpri- 
més. On  a  encore  d'elle  :  |  Réponses  à  dé- 
mêler,  ou  Essai  d'une  manière  d'exercer 
l'attention. 'i.dLXit&nnc,  1791,  in-12;  \  flis- 
toire  de  la  conversion  du  comte  Struen- 
sée,  traduite  de  l'allemand  de  Munster, 
Lausanne  ,  1773,  in-8  ;  |  Mémoires  de  iW"' 
de  Stemheim.  traduits  de  l'allemand  do 
Wieland,  1773,  2  vol.  in-12;  ]  Vie  et  let- 
tres de  Gellert.  177o ,  3  vol.  in-8°,  aussi 
traduites  de  l'allemand. 

•  L.\FOLIE  (  Ch4rles-Jeai«  ) ,  né  le  23 
janvier  1780 ,  à  Paris,  était  employé  à 
l'administration  déparlementale  de  la 
Seine  ,  à  l'époque  du  premier  procès  du 
général  Moreau.  II  prit  la  défense  du 
vainqueur  de  Hohcnlinden  ;  et ,  la  veille 
du  jour  où  le  jugement  devait  être  prtn 
noncé,  il  publia  et  dédia  à  Bonaparte  une 
brochure  intitulée:  Opinion  publique  sur 
le  procès  du  général  Moreau  (  1804  ). 
On  assure  que  ce  livre  produisit  quelque 
impression  sur  l'esprit  du  guerrier  qui 
gouvernait  la  France.  L'année  suivante 
l'auteur  fut  nomftié  chef  de  bureau  de 
M.  Méjean ,  ministre  de  la  justice  du 
royaume  d'Italie  ,  et  il  conserva  cet  em- 
ploi jusqu'en  1812  :  M.  Méjean  était  à  cette 
époque  en  Autriche,  où  il  avait  accompa- 
gné le  vice-roi  d'Italie.  Lafolie  peignit 
vivement  au  ministre  le  mécontentement 
des  Italiens,  que  les  charges  continuelles 
dont  on  les  accablait ,  irritaient  chaque 
jour  davantage  ;  il  fut  destitué.  Cepen- 
dant peu  de  temps  après  ,  il  fut  nommé 
secrétaire-général  de  la  préfecture  du  Ta- 
gliamento,  puis  sous-préfet  de  Ravenne. 
La  restauration  do  1814  le  ramena  en 
France  ,  où  il  ne  tarda  pas  à  recevoir  la 
place  de  conservateur  des  monumens  des 
art»  à  Paris,  sous  la  direction  du  ministre 


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de  l'intérieur.  Il  est  mortle  4  février  1824, 
oprès  avoir  publié  plusieurs  ouvrages, 
dont  M.  Beuchot  a  donné  la  liste  dans  la 
Bibliographie  de  France .  \%2k,  page  446. 
On  lui  doit:  |  une  édition  revue  ànJanua 
tii}guce  latiîicCt  de  J.  Amos  Comenius, 
1802,  in-12  ;  june  5' édition  delà  Gram- 
maire italienne  de  MM.  de  Port-Royal  ^ 
précédée  de  réflexions  sur  cette,  gram- 
maire >  Paris  ,  1803,  in-8°;  |  une  traduc- 
tion en  italien  (VElizabeth ,  ou  les  Exilés 
en  Sibérie,  de  M""  Coltin  ;  J  V Angleterre 
jugée  par  elle-même  ou  Aperçus  moraux 
et  politiques  sur  la  Grande-Bretagne . 
extrait  des  écrivains  anglais,  traduit  de 
ntalien.  Milan,  1806,  in-S"  ;  Paris,  1508, 
in  12;  |  une  Table  chronologique  des 
hommes  les  plus  célèbres  de  C Italie  de- 
puis le  temps  de  la  grande  Grèce  jus- 
qu'à nos  jours,  insérée  dans  une  édition 
italienne  de  la  géographie  de  Guthrie, 
donnée  à  Milan  en  1810  ;  j  Notice  des  mo- 
numcns  publics,  palais,  édifices,  musées, 
galeries,  etc. ,  de  la  ville  de  Paris ,  avec 
l'indication  des  ministères ,  Paris  ,  1820  , 
in-12;  \  Histoire  de  l'administration  du 
royaume  d'Italie  pendant  la  domination 
française .  etc. ,  par  M.  Frédéric  Corac- 
dni,  pseudonyme,  traduit  de  l'italien,  Pa- 
ris, 1823,  in-8°.  M.  Beuchot  prétend  que 
Lafolie  n'est  pas  le  traducteur,  mais  l'au- 
teur de  cette  histoire,  quoique  ce  dernier 
l'ait  désavouée  dans  les  journaux.  Cet 
ouvrage  a  été  reproduit  l'année  suivante 
sous  le  litre  de  Riémoires  sur  la  cour  du 
prince  Eugène  et  sur  le  royaume  d'Italie. 
Lafolie  a  publié  plusieurs  autres  écrits 
moins  importans,  de  politique  et  de  litté- 
rature, et  donné  des  notices  biographiques 
dans  l'ouvrage  intitulé  :  Galerie  française, 
ou  Collection  des  portraits  des  hommes 
et  des  femmes  célèbres  qui  ont  illustré  la 
France  dans  les  IGS 17*  et  18'^  siècles,  Pa- 
ris, Didol ,  1822-24  ,  in-4".  Il  a  aussi  coo- 
péré,  durant  son  séjour  en  Italie,  au 
journal  littéraire  intitulé  :  il  Poligra- 
pho. 

LAFONT,  LAFOSSE.  p-Quez  à  la  let- 
tre F. 

•  LAFONTAÏNE  (  Auguste  ) ,  un  des 
romanciers  les  plus  féconds  de  noire  épo- 
que ,  naquit  à  Brunswick ,  le  6  février 
4756,  d'une  famille  prolestante  de  réfu- 
giés français.  Son  père  qui  étaii  peintre,  le 
destina  à  l'état  ecclésiastique ,  cl  il  fit  ses 
cours  de  théologie  à  l'université  d'Hclm- 
stadt  ;  mais ,  ne  se  sentant  aucune  voca- 
tion pour  le  sacerdoce ,  il  accepta  eu  i7y6 
l'emploi  de  gouverneur  des  enfans  du  gé- 


néral prussien  Thadden,  résident  à  Halle. 
Cependant  il  devint  ministre  ,  et  obtint 
en  1789  la  place  d'aumônier  d'un  régi- 
ment qu'il  suivit  dans  toutes  ses  campa- 
gnes jusqu'au  traité  de  Bàle.  Il  revint 
alors  à  l'université  de  Halle  ,  dont  il  s'est 
rarement  éloigné  depuis.  Il  a  composé 
une  foule  de  romans  :  la  France  littéraire 
de  M.  J.  M.  Quérard  en  compte  78,  dont 
la  plupart  ont  été  traduits  en  français  par 
madame  Isabelle  de  Montolieu,  M™'  Elisa 
Voïarl ,  M.  J.-B.-J.  Breton  ,  M.  de  Pro- 
piac,  M™'  de  Cerenville ,  M™*  la  comtesse 
de  Montholon  ,  M.  Andrieux  ,  etc.  Nous 
en  citerons  quelques-uns  :  |  Aristomène. 
traduit  par  madame  de  Montolieu  ,  1810  , 
2  vol.  in-12;  |  Charles  et  Emma^  ou  les 
amis  d'enfance,  traduit  par  Chazet,  1810, 
2  vol.  in-12  ;  |  Les  deux  Fiancés,  traduit 
parle  chevalier  de  Propiac,  1810,  5  vol. 
in-12  ;  \la  Ferme  aux  abeilles ,  ou  les 
Fleurs  de  lys ,  traduit  par  madame  de 
Montolieu,  1814,  2  vol.  in-12  ;  |  Ludwig 
d'Ëisach  ou  les  Educations  „  traduit  par 
madame  Elise  Voïard ,  1818,  3  vol.  in-12  ; 

I  liiSpectre  des  ruines,  traduit  i)ar  Maxier 
du  Heaume  ,  1826  ,  in-12  ,  etc. ,  etc.  On 
trouve  en  général  dans  ces  ouvrages  du 
naturel ,  de  la  sensibilité ,  de  la  gaité ,  de 
la  critique  sans  aigreur  et  des  portraits 
d'une  originaHté  piquante.  Madame  do 
Staël,  dans  son  ouvrage  sur  l'Allemagne, 
dit,  en  parlant  des  romans  deLafoulaine, 
«  qu'ils  sont  en  général  plus  intéressans 
»  par  les  détails  que  par  la  conception 
»  même  du  sujet.  »  On  le  regarde  dans  ce 
genre  de  littérature ,  comme  le  fondateur 
d'une  école  qui  excelle  moins  dans  l'an 
de  peindre  les  caractères,  que  dans  celui  du 
distinguer  les  habitudes.  Il  a  aussi  donné 
une  édition  avec  commentaires  de  Y  A' 
gamemnon  et  des  Coéphores  d'Eschyle , 
Halle,  1821 ,  2  vol.  Ce  romancier  est  mort 
le  20  avril  1851. 

LAFO\'TAL\E  (  Jean  de  )  ,  Voyes 
FONTAINE. 

•  LAFOUEST  (  N...  de)  custode  et  curé 
de  Sainte-Croix  de  Lyon,  se  signala  par 
son  7.èle  pour  la  conversion  des  proles- 
lans,  et  pendant  quarante  ans  qu'il  exerça 
son  ministère,  il  eut  le  bonheur  d'en  lar- 
mener  plusieurs  dc.ns  le  sein  de  l'Eglise. 

II  a  consigné  les  moyens  qu'il  avait  em- 
ployés pour  cette  noble  lin  dans  un  ou- 
vrage qui  a  pour  titre  :  Méthode  d'in- 
struction pour  ramener  les  prétendus  ré" 
formés  à  l'église  romaine .  et  confirmer 
les  catholiques  dans  leur  croyance,  Lyon, 
1783,  Ln-i2 ,  un   des  meilleurs  ouvrage* 


LAF 


212 


LAG 


que  nous  ayons  sur  ce  sujet  :  ce  sont  des 
enlreliens  dans  lesquels  il  expose  sim- 
plement, avec  force  et  clarté,  les  dogmes 
de  notre  religion ,  donne  les  preuves  qui 
se  rapportent  à  chacun  d'eux,  et  détruit 
les  objections  des  incrédules.  Les  six  pre- 
miers entreliens  sont  spécialement  con- 
sacrés à  prouver  que  l'église  catholique 
est  l'Eglise  de  J.-C,  et  les  six  derniers  à 
la  discussion  des  points  particuliers  sur 
lesquels  les  catholiques  sont  en  dissidence 
avec  les  protestans.  C'esl  dans  le  même 
but  que  l'abbé  de  Laforest  avait  fait  des 
conférences  dont  M.  Lasausse  a  recueilli 
le  fonds ,  et  qu'il  a  publiées  sous  le  titre 
do  Dialogues  chrétiens  sur  la  religion^ 
les  commandemens  de  Dieu  et  les  sacre- 
mens^  Lyon,  1802,  2  volumes  in-8°.  On 
doit  encore  à  l'abbé  de  Laforest  l'ouvrage 
qui  a  pour  titre  :  Traité  de  l'usure  et  des 
intérêts  ^  augmenté  d'une  Défense^  et  de 
Diverses  observations ,  Cologne  et  Paris, 
4760;  deuxième  édition,  Paris,  1777  ,  in- 
12.  Ce  vénérable  ecclésiastique  est  mort 
vers  1786. 

•  LAFOSSE  (  Anne  CHARLIER),  fille 
d'un  coutelier  de  Paris,  et  femme  d'un 
ébéniste,  est  connue  par  un  miracle  bien 
surprenant  opéré  sur  sa  personne  l'an 
1725.  Elle  était  attaquée  depuis  20  ans 
d'une  perte  considérable ,  et  si  affa-blie, 
qu'elle  pouvait  à  peine  se  soutenir.  \h\e 
protestante,  sa  voisine,  lui  donna  le  con- 
seil de  demander,  à  l'exemple  de  l'Hémor- 
roïsse  de  l'Evangile,  sa  guérisou  à  Jésus- 
Christ.  Poussée  par  una  inspiration  se- 
rrèle ,  elle  en  forma  sur-le-champ  lu  ré- 
solution, et  choisit  pour  l'excculer  It^îour 
delà  Fête-Dieu,  où  la  procession  passait 
devant  sa  porte.  Elle  se  iit  descendre  à  ce 
moment  dans  la  rue,  et  lorsqu'elle  aper- 
çut le  Saint-Sacrement,  elle  essaya  de  se 
mettre  à  genoux ,  et  pria  d'une  foi  si  vive, 
en  faisant  tous  ses  efforts  pour  le  suivre, 
qu'elle  se  sentit  tout  à  coup  plus  de  force, 
et  qu'elle  pût  mêmeaccompagnerlaproces- 
sion  jusqu'à  l'église.  En  y  entrant  elle 
sentit  le  sang  s'arrêter,  assista  à  la  grand'- 
raesse.et  revint  chez  elle,  seule  et  sans 
appui,  au  grand  étonnement  de  tous  ceux 
qui  la  connaissaient.  Depuis  ce  jour  elle 
fut  complètement  guérie.  Cet  événement 
fit  beaucoup  de  bruit;  on  venait  la  voir  de 
toutes  parts.  Des  médecins  de  la  faculté 
royale  furent  choisis  pour  l'examiner  avec 
une  exactitude  rigoureuse ,  et  sur  leur 
rapport ,  le  cardinal  de  Noailles,  archevê- 
que de  Paris ,  publia  un  mandement  par 
lequel  il  déclarait  la   guérison  surnatu- 


relle et  mîracideuse  ,  et  ordonnait  une 
procession  et  un  Te  Deum  en  actions  de 
grâces.  Pour  en  conserver  la  mémoire ,  il 
voulut  qu'on  gravât  le  dispositif  de  son 
mandement  sur  une  pierre  érigée  dans 
l'église  de  Sainte-Marguerite.  Un  office 
annuel  avec  octave  se  célèbre  dans  celte 
église  en  commémoration  de  ce  miracle. 
Cette  solennité,  interrompue  pendant  la 
révolution,  a  été  reprise  le  31  mai  1818. 
L'office  qu'on  ydit  a  élé  imprimé  en  1728 
et  1761.  Les  hymnes  latines  ont  été  com- 
posées par  Coffin.  Le  cardinal  envisagea 
cette  guérison  comme  un  témoignage  so- 
lennel que  Dieu  avait  voulu  rendre  au 
dogme  de  la  présence  réelle  ,  pour  éclai- 
rer les  protestans  qui  étaient  en  grand 
nombre  dans  le  faubourg  Saint-Anlome, 
où  demeurait  M""'  Lafosse.  Le  miracle 
opéré  en  sa  faveur  a  donné  lieu  à  une 
correspondance  polémique  outre  le  cha- 
noine Hoquiné  et  le  pasteur  Jacob  Ver- 
net,  de  Genève,  imprimée  en  1725,  3 
vol.  in-S".  Voyez  V Histoire  littéraire  de 
Genève,  par  Sénebier. 

•  LAFOSSE  (  Philippe-Etienne  ) ,  cé- 
lèbre médecin-vétérinaire  et  maréchal 
ordinaire  des  écuries  du  roi ,  mort  à  Vil- 
leneuvc-sur-yonnc,  au  mois  de  juin  1820. 
Jon  père ,  qui  mourut  en  1765 ,  s'était  déjà 
rende  recommandable  dans  la  même 
profession  ,  et  avait  publié  quelques  bro- 
chures sur  différentes  maladies  des  che- 
vaux. On  doit  au  fils  plusieurs  ouvrages 
importans  et  estimés  :  |  le  Guide  du  ma- 
réchah  avec  un  traité  sur  la  ferrure. 
Paris,  1766,  in-i";  1767,  in-8%  très  sou- 
vent réimprimé  ;  \  Cours  d'hippiatrique. 
ou  Traité  complet  de  la  médecine  des 
chevaux,  ornr!  ds  63  planches,  >774  ,  in- 
folio ;  ouvrage  très  bien  exécuté  ;  j  ZJic- 
tionnaire  raisonné  d' hippiatrique .  cava- 
lerie, manège  et  maréchallerie .  1775,9 
vol.  in-4°;  îruxell^.s,  1736  ,  k  vol.  in-8"*; 
I  Observations  et  découvertes  d'hippia^ 
trique,  lues  dans  plusieurs  sociétés  sa- 
vaîUes.  1801 ,  in-S"  ;  |  Manuel  d'hippiatri- 
que.  5'  édition,  1813,  in-I2. 

LAGALLA  (  Jules-César  ),  naquit  en 
1571,  d'un  père  jurisconsulte  à  Padula, 
petite  ville  de  laBasilicale,  au  royaume  de 
Naples  (i).  Après  avoir  fait  ses  première» 
études  dans  sa  patrie,  il  fut  envoyé  à 
Naples,  à  l'âge  de  11  ans,  pour  y  étudier 
la  philosophie.  Son  cours  étant  achevé ,  il 
s'appliqua  à  la  médecine,  et  fit  tant  de 


(i)  Saivinl  J.  N.  Erilhrzui  (  Rotsi  )  ,  Bibl    Fi. 
cetheta  I  Lagalls  serait  ai  à  Lcccc. 


LAG 


215 


LAG 


progrès  dans  celte  science,  qu'après  avoir 
été  reçu  docteur  gratuilenient ,  par  une 
distinction  que  le  collège  des  médecins  de 
Naples  voulut  lui  accorder,  il  fut  nommé, 
à  l'âge  de  18  ans  ,  médecin  des  galères  du 
pape.  A  19  ans,  il  se  fit  recevoir  docieur 
en  philosophie  et  en  incdccine  dans  l'uni- 
versilé  do  Rome  ;  et  à  21  ans ,  il  fut  ju^jé 
digne,  par  Clément  VIII,  delà  chaire  de 
logique  du  collège  romain ,  qu'il  occupa 
avec  une  grande  réputation  jusqu'à  sa 
mort ,  arrivée  en  1624..  Les  travaux  de 
celte  place  lui  laissaient  peu  de  temps 
pour  pratiquer  la  médecine;  aussi  est-il 
plus  connu  comme  philosophe  que  comme 
médecin.  On  avait  cependant  une  telle 
opinion  do  ses  talensdans  l'art  de  guérir, 
que  Sigismond  III ,  roi  de  Pologne  et  de 
Suède,  voulut  l'avoir  auprès  de  lui  en 
qualité  de  médecin,  ce  que  sa  mauvaise 
santé  ne  lui  permit  pas  d'accepter.  Ce 
savant  était  doué  d'une  mémoire  admira- 
ble ,  cl  ce  don  de  la  nature  lui  fut  plus 
utile  qu'à  tout  autre,  car  son  écriture 
étant  indéchiffrable,  il  n'écrivait  qu'avec 
la  plus  grande  répugnance.  Aussi  est-il 
resté  peu  d'ouvrages  de  lui.  Leo-AUatius, 
qui  adonné  sa  Fie^  y  cite  un  Traité  in- 
titulé Disputatio  de  cœlo  animato .  Hei- 
delberg,  1622  ;  et  un  autre  sur  l'immor- 
talité de  l'àme,  Rome  ,  4621 ,  in-Ji°.  La  Vie 
de  Lagalla,  publiée  en  latin  par  AUalius, 
Paris,  1644,  in-8°,  a  été  insérée  par  Guil- 
laume Bâtes  dans  ses  Vitœ  selcctce  aliquot 
virorunxj,  Londres,  1681,  in-i". 

LAGALLISSOi\MÈRE.  Koyez  GAL- 
LISSONNIÈRE. 

LAGAUAYE.  Voyez  GARAYE. 

LAGARDIE.  Voyez  GARDIE. 

LAGERLOEF,  ou  LAGERLOFF  ,  Lau- 
rifolius  (Pierre  ),  savant  suédois,  né 
dans  la  province  de  Wermeland ,  le  k  no- 
vembre 1048,  devint  professeur  d'élo- 
quence àUpsal,  et  fut  choisi  parle  roide 
Suède  pour  écrire  l'histoire  ancienne  et 
moderne  des  royaumes  du  nord.  Il  mou- 
rut le  7  janvier  1699.  On  a  de  lui,  entre 
outres  :  |  Ilistoria  linçuce  grœcœ ,  Upsal, 
1683,  in-S";  |  De  antiquiîaleet  situ  gentis 
suionicœ,  ibid.  1689  ;  |  Ilistoria  repertœ 
navigationis  in  album  mare .  ibid.,  1C91  ; 
I  De  gfintis  gothicœ  sedihus  ,  ibid.,  1691; 
j  Observaliones  in  linguam  suecanam. 
ibid.  1694;  |  De  magno  sinarumimpei'io^ 
ibid.  1697;  \  De  veris  et  aritiquis  gentis 
sedibus  asserendis ,  ibid.  1709,  in-S". 

LAGNEAU  (  David  ),  fameux  adepte 
des  sciences  occultes ,  connu  seulement 
par  sa  folie  pour  la  pierre  philosophale, 


qui  lui  fit  perdre  le  jugement  et  sa  for^ 
tune,  et  qui  l'engagea  à  traduire  et  à  aug- 
menter le  livre  insensé  de  Basile  Valcn- 
lin ,  intitulé  Les  douze  clefs  de  philoso' 
phie.  La  traduction  de  Lagneau  fut  im- 
primée à  Paris  en  1600  ,  in-8°.  Les  fous 
comme  lui  la  recherchent.  Il  est  aussi 
l'autour  d'un  livre  traduit  en  français  par 
Veillulil,  sous  le  titre  de  Harmonie  myS' 
tique^  ou  accord  des  philosophes  chimi- 
ques, Paris,  1656,  in-8".  Cet  auteur  mou- 
rut sur  la  fin  du  17"^  siècle. 

LAGxW  (  TuoMAS  FANTET,  sieur  de  ), 
célèbre  mathématicien,  né  à  Lyon  en 
1660 ,  fut  destiné  par  ses  parens  au  bar- 
reau ;  mais  la  physique  et  la  géométrie 
l'emportèrent  sur  la  jurisprudence.  Connu 
de  bonne  heure  à  Paris,  il  fut  chargé  de 
l'éducation  du  duc  deNoailles.  L'académie 
des  sciences  lui  ouvrit  ses  portes  en  1695, 
et ,  quelque  temps  après ,  Louis  XIV  lui 
donna  la  chaire  d'hydrographie  à  Roche- 
fort.  Son  mérite  le  fit  rappeler  à  Paris  16 
ans  après,  et  lui  obtint  une  place  de 
pensionnaire  de  l'académie ,  celle  de  sous- 
bibliothécaire  du  roi  pour  les  livres  de 
philosophie  et  de  mathématiques ,  et  une 
pension  de  2,000  livres,  dont  le  duc  d'Or- 
léans le  gratifia.  Ce  prince  le  nomma  en 
1716  sous-dlrecteur  de  la  banque  géné- 
rale :  en  cela  pareil  à  Newton  qui,  comme 
on  le  sait,  avait  été  nommé  directeur  de  la 
monnaie  de  Londres.  Lagny  ne  fut  point 
étourdi  par  ce  passage  soudain  de  la  mé- 
diocrité à  la  richesse  ,  et  quitta  ses  fonc- 
tions délicates  sans  que  sa  probité  eût  été 
un  moment  soupçonnée.  Cet  homme  il- 
lustre mourut  en  1734 ,  regretté  des  gens 
de  lettres ,  dont  il  était  l'appui  et  l'ami,  e» 
des  pauvres,  dont  il  était  le  père.  Les  ou- 
vrages les  plus  connus  de  ce  célèbre  ma- 
thématicien sont  :  I  Méthodes  nouvelles 
et  abrégées  pour  l'extraction  et  Vappro- 
ximation  des  racines.V&rïs,  1692  et  1697, 
in-4"  ;  |  Elémens  d'arithmétique  et  d'al- 
gèbre, Paris,  1697,  in-12;  |  La  cubature 
de  la  sphère,  La  Rochelle,  1702.  in-12; 
I  Analyse  générale,  ou  Méthode  pour 
résoudre  les  problèmes,  publiée  à  Paris , 
par  Richer,  en  1733 ,  in-*"  ;  |  plusieurs 
Ecrits  importans  dans  les  Mémoires  de 
l'académie  des  Sciences;  ils  décèlent  tous 
un  grand  géomètre. 

•  LA{;OMARSL\I  (  Jérôme  ) ,  célèbre 
jésuite  italien  et  philologue  célèbre  ,  issu 
d'une  famille  noble ,  naquit  à  Gènes  le  30 
septembre  1698  ,  et  fit  ses  premières  étu- 
des de  la  manière  la  plus  distinguée  ,  au 
collège  de  Prato,  en  Toscane,  dirigé  pa>  lut 


LAG 


2I& 


LAG 


jésuites,  chez,  lesquels  il  entra  le  13  novem- 
bre J715.  Après  avoir  fini  son  noviciat,  il  fut 
envoyé  en  1721  à  Arezzo  pour  y  enseigner 
les  belles-lettres.  Quelques  écrits  qu'il  pu- 
blia ,  firent  connaître  son  talent  et  sa  pro- 
fonde connaissance  du  latin.  De  là  date 
son  intimité  avec  le  célèbre  Facciolati, 
qui  s'occupait  alors  de  l'amélioration  du 
Vocabulaire  de  Calepiii.  Ce  savant  en- 
trevit combien  le  père  Lagomarsini  pou- 
vait l'aider  dans  cette  pénible  lâche ,  et  il 
eut  souvent  recours  à  ses  lumières.  C'est 
sur  ces  entrefaites  que  les  supérieurs  de 
Lagomarsini  le  rappelèrent  à  Rome  pour 
y  faire  sa  théologie.  Lorsqu'il  l'eut  ache- 
vée, il  fut  envoyé  à  Florence  en  qualité 
de  professeur  de  rhétorique.  Après  avoir 
rempli  dignement  cette  place  pendant 
vingt  ans ,  il  fut  rappelé  à  Rome ,  pour  y 
enseigner  la  langue  grecque  au  collège  ro- 
main. Il  mourut  dans  les  plus  grands  sen- 
timens  de  piété,  le  18  mai  1775,  dans  sa 
76'  année.  Cet  illustre  jésuite  a  laissé  un 
grand  nombre  d'ouvrages  ,  dont  les  prin- 
cipaux sont  :  I  Antonii  Mariœ  Grattant  de 
scriptis,  invita  Minerva ,  ad  Aloijsium  fra- 
trem  libri  20 ,  cum  notis  Hieronymi  La- 
gomarsini^ Florence,  i746,  2  vol.  in-4°. 
Les  notes  sont  nombreuses  et  savantes  : 
elles  sont  d'ailleurs  écrites  dans  la  lati- 
nité la  plus  pure.  Le  1"  volume  est  dédié 
à  Muratori,  en  reconnaissance  de  son 
Christianesimo  felice  nel  Paraguai  ^  si 
honorable  à  la  société  des  jésuites.  L'autre 
volume  est  dédié  au  marquis  Maffei  ;  |  Ju- 
lii  Poggiani  sunensis  epistolœ  et  oratio- 
nes  ^  olint  collectes  ab  Antonio-Maria 
Gratiano,  nunc  ab  Hieronymo  Lagomar- 
sino^  è  societatc  Jesu^  illustratce  ac  pri- 
mum  ediice^  Rome,  1762,  4  vol.  in-4°.  Cet 
ouvrage,  auquel  l'auteur  employa  plu- 
sieur»  années ,  donne  des  lumières  qu'on 
ne  trouverait  point  ailleurs  ,  non  seule- 
ment sur  l'histoire  du  concile  de  Trente, 
mais  encore  sur  la  littérature  du  17'siècle. 
On  trouve  à  la  fin  du  second  volume  une 
pièce  éloquente  intitulée  :  In  Jacobum 
Augustwn  Thuanum ,  posteritatis  notni- 
tie  ^  ad  çuam  ille  quodam  suo  carminé 
provocavit ,  actio ,  qui ,  dit-on  ,  par  la 
latinité  pure ,  mérite  d'être  comparée 
aux  fameuses  VeiTines  de  l'orateur  ro- 
main :  I  Hieronymi  Lagomarsini ^  soc. 
Jesu  .  orationes  septem^  editio  sexta  , 
vetractatior  et  auctior;'acceditjam  epi- 
stola  édita,  qua  quid  in  Marci  Tullii  Cice- 
ronis,  contra  L.  Pisonem.  oratione  inter- 
cideril  demonstratur ,  Rome,  1755.  Lago- 
marsini avait  prononcé  ces  harangues  à 


Florence,  et  les  avait  dédiées  au  savant 
cardinal  Clément  Argenviîliers.  Elles  fu- 
rent fort  applaudies  du  public.  ]  R.  P. 
Hieromjmi  Lagomarsini,  soc.  Jesu ,  epi- 
stolce  ad  amicum  exemplum  in  quajudi- 
cium  fertur  de  aliquot  locis  opcris  tJi- 
scripti ,  Noctiiim  s'armalicarum  vigiliœ, 
editio  post  polonicam  et  germanicam  ter- 
ftrt, Bologne,  1733.  Le  père  Lagomarsini 
avait  été  consulté  par  un  habitant  de  Var- 
sovie, au  sujet  de  l'ouvrage  intitulé  iVoc- 
tium  sarmaticarum  vigilice  ,  du  père  Ubal- 
do  Mignoni,  imprimées  dans  celte  ville, 
en  1751.  Il  émit  son  opinion  dans  les  lettres 
dont  on  vient  de  donner  le  titre.  Elles 
sont  insérées  dans  le  Recueil  de  Calogera 
fom.  10,  pag.  435,  et  adressées  au  célèbre 
Facciolati.  |  R.  P.  Lagomarsini ,  soc. 
Jesu.  litterarum  ad  JoannemVincentium 
lucensem  exemplum,  quibusjudicium  fer- 
tur de  aliquot  locis  libelli.  Romce  ,  mense 
septembri,  anno  1753,  vulgati,  hoc  titulo  : 
F.  Vincentii'Mariœ  Dinelli .  cathcdratici . 
casanatensis  ordinis  prœdicatorum,  ad 
Carolum  Nocctium,  soc.  Jesu  theologum. 
epiHolce,  Trente,  1734.  Ce  dominicain 
avait  attaqué  le  père  Noceti,  avec  les  ar- 
mes de  la  plaisanterie,  au  sujet  du  pro- 
babilisme.  Lagomarsini ,  dans  ces  lettres, 
prend  la  défense  de  son  confrère,  et  répond 
au  professeur  dominicain  sur  le  même  ton  : 
I  Giudicio  degli  autori  délia  storia  let- 
teraria  d' Italia ,  intomo  l'ultimo  librode 
teatri  del  pâtre  Concina  ,  Venise  ,  1736  ; 
I  Angelo  Marice ,  cardinali  Quirinio  ,  de 
Dione  Cassio  epistola.  Il  y  est  question 
des  corrections  faites  à  Dion  Cassius  par 
Reimaro.  Cette  pièce  se  trouve  dans  le  14* 
volume  délia  Storia  letteraria  d'/talia, 
pag.  167.  I  Letlera  del  Padre  Lagomar- 
sini  al  signore  marchese  Maffei,  intomo 
allasuaMerope.  Cette  lettre  est  insérée  au 
même  volume,  page  284,  avec  la  réponse 
du  mar(iuis.  ]  De  origine  fontium,  carmen. 
Ce  poème ,  composé  en  1726 ,  avantageu- 
sement connu  à  Rome ,  fut  traduit  en 
vers  libres,  par  le  père  Jean-Pierre  Ber- 
ganlini,  théatin,  qui  le  publia  avec  la 
traduction  délie  Cose  botaniche  di  Savas- 
tano,  Venise,  1749,  in-8°,  et  y  joignit  une 
épîtredédicatoireen  veis,  où  il  fait  l'élogo 
de  Lagomarsini  et  de  ses  ouvrages.  \  de 
aleœ  januensis ,  scu  De  alece  romance, 
Romam  traductœ,  ratione,  elegiacon.  auc- 
tore  Golmario  Marsiliano ,  pièce  d'une 
facilité  et  d'une  élégance  dignes  d'Ovide, 
publiée  dans  le  12'  volume  du  Recueil  de 
Calogera,  et  dans  l'ouvrage  de  Azevcdo, 
intitulé  :  Fenetce  urbis  descriptio,  Venise, 


LAG 


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LAG 


1780.  On  est  loin  d'avoir  cilé  tous  les  ou- 
vrages de  LajTomarsinL;  il  était  infatiga- 
ble, et  on  a  peine  à  concevoir  comment  un 
seul  homme  a  pu  autant  écrire.  Son  seul 
travail  pour  une  édition  de  Cicéron  est 
immense;  il  avait  coUationné  et  comparé 
plus  de  trois  cents  manuscrits  de  ce  classi- 
que, tirés  de  la  bibliotlièque  Laurentiane. 
Il  contribua  en  outre  à  plusieurs  grands 
ouvrages  de  littérature  ,  fut,  comme  on 
l'a  déjà  dit ,  d'un  grand  secours  à  Faccio- 
lati  pour  son  Vocabulaire,  prit  part  aux 
fameuses  lettres  d'JtroJiio  Trascomaco, 
contrôle  livre  de  l'abbé  Lami,  De eru- 
ditione  apostolorum ,  etc.  1741,  et  aux 
notes  sur  le  poème  de  Jof^eph  Marianus 
Parthenius,  (  pseudonyme  du  P.  Mazzo- 
lari  )  touchant  l'électricité.  On  sait  enlin 
qu'il  fut  d'une  grande  utilité  au  père 
Bandiera,  d'abord  jésuite ,  et  ensuite  ser- 
vite,  pour  ses  traductions  des  oraisons  et 
des  épitresde  Cicéron,  ainsi  que  pour  les 
notes  qui  y  sont  jointes.  On  le  consultait 
de  toutes  parts,  et  il  trouvait  du  temps 
pour  satisfaire  à  tout.  Il  était  extrême- 
ment attaché  à  son  ordre  :  il  en  prévoyait 
la  suppression,  qui  en  effet  eut  lieu  peu 
de  temps  après  sa  mort  ;  et,  comme  il  était 
déjà  malade,  il  se  félicitait  d'un  état  qui 
lui  faisait  espérer  de  n'en  pas  être  le  té- 
moin. L'honneur  de  la  société  lui  tenait 
fort  à  cœur:  il  avait  rassemblé  en  sa  fa- 
veur un  grand  nombre  de  mémoires  et 
d'autorités,  qui  la  justifiaient  pleinement 
dos  odieuses  inipul;itions  de  ses  ennemis, 
lien  avait  composé  un  recueil ,  auquel  il 
avait  donné  le  titre  de  Testimonta  vi?-o- 
rum  illustrium  de  societate  Jesu  j  inde 
usque  ab  initio  ejusdem  repetita,  ordine 
chronologico,  adnosti-am  œtatem  perpé- 
tua, nec  unquam  interi'upta,  annorum 
série  digesta.  Ce  recueil  était  composé  do 
50  volumes  :  sa  seule  correspondance  en 
formait  20.  Lagomarsini  laissa  aussi  de 
nombreux  manuscrils,  qui  se  sont  perdus 
lors  de  la  suppression  de  la  société.  Une 
petite  partie  de  son  immense  travail  sur 
Cicéron  i)assa  entre  les  mains  de  Jean- 
Baptiste  Lavagna,  jésuite  génois,  son 
jiarent ,  qui  la  transmit  au  savant  Ban- 
«lini,  chanoine  de  Florence.  D'autres  ma- 
nuscrits enrichirent  la  bibliothèque  du 
collège  romain,  et  celle  du  cardinal  Ze- 
lada,  amateur  distingué,  qui  souvent  avait 
contribué  de  ses  propres  fonds  aux  en- 
treprises littéraires  de  Lagomarsini,  et  qui 
fut  l'un  des  cinq  cardinaux  chargés  de 
Burvciller  les  dépouilles  des  différens  col- 
lèges des  jésuites.  On  ne  peut  refuser  à 


Lagomarsini  l'honneur  d'avoir  été  l'un 
des  hommes  les  plus  éclairés  et  les  plus 
érudils  du  18'  siècle.  A  sa  mort ,  tous  les 
savans  de  l'Europe  s'empressèrent  de 
rendre  hommage  à  sa  mémoire,  et  de  lui 
payer  le  tribut  d'éloges  qui  lui  était  dû. 
On  fit  graver  son  portrait  à  Florence,  avet 
ce  distique  : 

Ej!  Li^omarsirans  vullu  j  jed  pîngere  vocetn 
Si  liceal,  qiiivii  dixerit:  e»l  Ciceio. 

*  LAGR AI\"GE  (Joskph-Louis,  comte  de), 
célèbre  géomètre,  l'un  des  plus  grands  ma- 
thématiciens des  temps  modernes,  naquit 
à  Turin  le  23  janvier  1756.  Il  était  d'origine 
française  comme  l'indique  son  nom.  Son 
bisa'ieul  avait  servi  Louis  XIV,  en  qualité 
de  capitaine  de  cavalerie,  et  était  parent 
d'une  dame  d'atours  de  la  reine,  mère  de 
ce  prince.  Cet  officier  avait  passé  dans  les 
armées  de  Charles-Emmanuel  II,  duc  de 
Savoie ,  qui  l'avait  marié  à  une  demoi- 
selle Conti ,  issue  d'une  famille  illustre  de 
Rome.  Le  père  de  Joseph  Lagrange  oc- 
cupait à  Turin  la  place  de  trésorier  au 
ministère  de  la  guerre;  mais  des  mal- 
heurs imprévus  vinrent  lui  ravir  une 
grande  partie  de  sa  fortune.  Son  jeune 
lils  étudiait  alors  dans  l'université  de  sa 
ville  natale.  Les  revers  de  sa  famille  aug- 
mentèrent le  désirqu  il  avait  d'acquérir  une 
instruction  que  sa  position  lui  rendait 
plus  nécessaire.  On  a  remarqué  que  celui 
qui  devait  aller  si  loin  dans  la  carrière  des 
sciences,  ne  montra  d'abord  de  disposi- 
tion que  pour  les  lettres  :  re  ne  fut  qu'à 
la  2'  armée  de  son  cours  de  philosophie 
que  la  lecture  d'un  mémoire  de  Halley  lui 
révéla  son  génie  pour  les  mathématiques. 
A  cet  âge  où  l'on  peut  à  peine  classer  ses 
idées  sur  les  éludes  qu'on  a  parcourues 
(  19  ans  ),  il  devint  professeur  de  malhé- 
malhiques  à  l'école  d'artillerie  de  Turin  ; 
il  se  mit  en  correspondance  avec  plusieuri 
savans  de  l'Europe,  et  plus  particulière- 
ment encore  avec  le  célèbre  Euler.  Son 
premier  essai  fut  le  fameux  problème 
maximis  et  minimis  des  formules  inté- 
grales indéfinies.  Euler ,  qui  avait  depuis 
dix  ans  invité  les  savans  de  l'Europe  à 
résoudre  ce  problème,  quand  il  vil  Ja 
solution  savante  du  jeune  Lagrange  ,  fut 
frappé  d'étonncment.  Admirateur,  à  son 
tour ,  de  ce  grand  géomètre ,  Lagrange 
en  étudiait  les  ouvrages ,  les  commentait, 
y  faisait  des  notes,  et  s'identifiait,  pour 
ainsi  dire,  avec  l'auteur.  Un  simple  aperçu 
lui  ouvrait  le  chemin  à  des  connaissances 
nouvelles,  et  la  solution  d'un  problème 


LAG 


216 


LAG 


Ittl  offrait  le  développement  d'une  théorie. 
Son  travail  sur  les  maximis  et  minimis 
lui  découvrit  une  nouvelle  branche  de 
malhéinaliques ,  le  calcul  des  variations. 
et  lorsqu'il  le  trouva,  il  n'avait  pas  encore 
atteint  sa  22*année.  Quelque  temps  après, 
aidé  par  le  chevalier  Saluées  (  depuis 
marquis  de  ce  nom  )  et  par  le  docteur 
Cigna ,  il  fonda  l'académie  des  sciences 
de  Turin,  sous  la  protection  immédiate 
du  roi  Victor-Amédée  III.  Ce  fut  aussi 
80US  les  auspices  de  ce  monarque ,  pro- 
ifcleur  des  sciences,  que  la  nouvelle  aca- 
démie publia  bientôt  les  résultats  de  ses 
travaux  ,  parmi  lesquels  se  distinguaient 
toujours  ceux  de  l'infatigable  Lagrange. 
Dans  l'espace  de  trois  années ,  il  parut 
deux  volumes  des  mémoires  de  ladite 
académie ,  le  premier  en  1739 ,  et  le  se- 
cond en  1760.  Au  premier  volume,  et 
dans  les  précieuses  découvertes  de  La- 
jfrange  ,  on  remarque  principalement  sa 
Dissertation  savante  sur  la  propagation 
du  son ,  qui  lui  fournit  les  moyens  de 
perfectionner  et  d'étendre  le  calcul  que 
d'Alembert  avait  imaginé  pour  résoudre 
les  problèmes  de  physique  ;  calcul  qui 
produisit  un  résultat  aussi  invariable  que 
certain.  Le  savant  astronome  Monlucla  a 
donné  une  analyse  de  cette  opération  dans 
le  Journal  étranger  ^  mai  1790.  On  y  re- 
marque le  passage  suivant...  «  M.  La- 
»  grange  s'attache  d'abord  à  montrer  l'in- 
»  suffisance  de  la  théorie  de  Newton,  et 

■  à  l'aide  de  la  théorie  des  variations,  il 
»  résout  la  question  par  les  principes  di- 
»  rects  et  lumineux  delà  dynamique; 
»  toutes  les  propriétés  de  la  transmission 
»  sont  renfermées  dans  les  formules  géné- 
»  raies  de  M.  Lagrange.  Voici  les  consé- 
»  qnences principales  qu'il  en  tire.l"  Que 
»  la  vitesse  du  son  ne  dépend  aucune- 

■  ment  de  la  vitesse  ou  delà  force  de  l'é- 
»  branlement  imprimé  à  l'air  ;  2°  que  le 
»  son  se  propage  également  de  tous  les 
»  côtés  du  corps  qui  le  produit  ;  5"  que  la 
»  vitesse  est  la  même,  dans  toute  l'étendue 
»  de  la  fibre  élastique;  4°  que  cette  vitesse 
»  ne  dépend  pas  de  la  longueur  de  cette 
»  fibre,  c'est-à-dire  que  le  son  se  transmet 
»  avec  la  même  vitesse  dans  un  air  libre 
»  que  dans  celui  qui  est  renfermé.  La  plu- 
»  part  de  ces  conséquences  étaient,  il  est 
»  vrai ,  déjà  connues  par  l'observation , 
»  mais  nous  pensons  qu'il  n'y  a  aucun 
»  physicien  qui  ne  reconnaisse  le  mérite 
»  d'avoir  déduit  ces  faits  d'une  solide 
»  théorie.  »  A  l'appui  du  passage  précé- 
dent noua  citerons  celui  d'un  habile  théo- 


ricien en  musique ,  M.  Chéron.  «  Passant 
»  ensuite,  dit-il,  à  l'examen  de  la  réflexion 
»  ou  formation  des  échos  ,  Lagrange  n'a 
»  besoin  pour  cela  que  de  développer  quel- 
»  que  cas  de  la  formule  ;  elle  lui  montra 
»  que  si  la  fibre  aérienne  est  terminée  de 
n  l'un  et  de  l'autre  côté  par  un  obstacle 
»  quelconque,  la  vibration  des  parlicult» 
»  do  l'air  doit  retourner  en  arrière  avec  la 
»  même  vitesse.  L'oreille  pourra  donc  en- 
»  tendre  une  seconde  fois,  par  réflexion, 
»  le  son  qu'elle  aura  déjà  entendu  dirccle- 
»  ment.  Si  la  fibre  aérienne  n'est  termi.. 
B  née  que  d'un  côté  ,  l'écho  sera  évidem- 
»  ment  simple  ;  mais  si  cette  fibre  est  ter- 
»  minée  par  les  deux  bouts ,  elle  sera 
1»  multipliée  ,  car  le  son  réfléchi  par  Tune 
»  des  extrémités  le  sera  de  nouveau  par 
»  l'autre,  et  cela  aurait  lieu  à  l'infini,  si 
»  ce  mouvement  ne  s'affaiblissait  et  ne 
»  s'anéantissait  à  la  fin.  Cette  explication 
»  des  échos  est  sans  doute  la  véritable , 
»  et  il  ne  resterait  rien  à  désirer  dans  la 
»  théorie  de  ce  phénomène ,  si  l'on  con- 
»  naissait  les  circonstances  nécessaires 
»  pour  procurer  celte  espèce  de  réflexion, 
»  ou  pour  la  rendre  perceplible.  »  Euler  , 
loin  de  ressentir  uuft  basse  jalousie  des 
progrès  desonémule,  conçut  pour  lui  uno 
affection  toule  paternelle  ;  il  l'encoura- 
geait dans  ses  travaux ,  et  le  fît  nommer 
membre  de  l'académie  de  Berlin ,  dans  la 
classe  des  mathématiques,  dont  il  était  lo 
directeur.  En  17C4 ,  Lagrange  remporta 
le  prix  proposé  par  l'académie  de  Paris , 
sur  la  théorie  de  la  libration  de  la  lune . 
Il  résolut  ce  problème  par  le  principe  dej 
vitesses  virtuelles^  combiné  avec  celui 
de  d'Alembert;  il  y  détermina  l'inclinai- 
son de  l'équateur  lunaire  sur  l'écliptiquo, 
et  parvint  ainsi  à  démontrer  la  raison  da 
la  coïncidence  des  nœuds  de  l'équateur 
et  de  l'orbite  lunaire.  Ces  savantes  re- 
cherches lui  inspirèrent  la  conception  de 
la  Mécanique  analytique  s  ouvrage  célè- 
bre )  qui  enseigne  et  qui  prouve  que  toute 
la  perfection  de  la  mécanique  dépend  de 
la  perfection  du  calcul  intégral ,  calcul 
dont  New^ton  et  Leibnitz  se  disputent  l'in* 
venlion ,  et  que  Lagrange  débarrassa  de 
toutes  ses  entraves.  Il  remporta  en  I7(;6 
le  prix  proposé  par  l'académie  des  scien- 
ces de  Paris ,  sur  les  mouvemens  des  sa- 
tellites de  Jupiter ,  et  qui  avait  pour  but 
de  déterminer  les  mouvemens  exact» 
d'une  planète ,  soit  Jupiter  ou  Saturne , 
qui,  par  les  attractions  qu'exécutent,  sur 

[elle  les  satellites,  est  continuellement 
dérangée  dans  sa  marche.  La  solution  de 


LAG 

ce  problème  offrait  un  grand  avanlage 
pour  la  navigation  :  elle  perfeclionnait 
les  tables  de  Jupiter  et  de  Saturne ,  et 
facilflait  par  conséquent  la  détermination 
des  longitudes  en  pleine  mer.  Nous  ne 
suivrons  pas  le  savant  géomètre  dans 
toutes  ses  importantes  découvertes;  il  nous 
suffira  de  dire  qu'il  a  perfectionné  toutes 
les  branches  appartenant  aux  sciences 
mathématiques,  sans  en  excepter  l'algèbre. 
Désirant  connaître  à  Paris  les  savans 
avec  lesquels  il  était  en  correspondance , 
il  vint  dans  celte  capitale  et  y  accompagna 
«on  ami,  le  marquis  de  Caracciolo ,  qui  y 
venait  en  qualité  d'ambassadeur.  Une 
maladie  assez  sérieuse  força  Lagrange 
de  retourner  à  Turin.  D'Alemberl  ayant 
refusé  l'offre  de  Frédéric  II ,  qui  l'avait 
nommé  directeur  de  l'acadéuiie  de  Berlin, 
proposa  à  ce  monarque  Lagrange  ,  qui 
fut  accepté ,  et  en  donna  avis  à  celui-ci 
par  une  lettre.  Lagrange  en  fit  part  à 
Yiclor-Amédée ,  qui  ne  parut  pas  content, 
et  voulut  voir  la  lettre  de  d'Alembert. 
Ayant  lu  celte  plu-ase  :  o  II  faut  que  le  plus 
V  grand  géomètre  de  l'Europe  se  trouve 
»  auprès  du  plus  grand  de  ses  rois.  Allez, 
»  monsieur ,  dit-il  à-^  La  Grange ,  allez 
»  joindre  le  plus  grand  roi  de  l'Europe.  » 
Arrivé  à  Berlin,  Lagrange  reçut  de  Fré- 
déric l'accueil  le  plus  distingué.  Il  fil 
venir  de  Turin  une  de  ses  parentes  avec 
laquelle  il  se  maria ,  et  quil  perdit  quel- 
ques années  après.  Il  se  concilia  l'estime 
et  l'amitié  du  roi  de  Prusse ,  qui  le  nom- 
mait le  philosophe  sans  crier.  Lagrange 
fut  pendant  vingt  ans  directeur  de  l'aca- 
démie de  Berlin,  sans  faire  regretter  l'ab- 
sence d'Euler,  qu'il  y  avait  remplacé.  Il 
fournit  à  ce  corps  savant  plus  de  soixante 
Mémoires  ou  Dissertations ,  et  ne  négli- 
gea point  pour  cela  l'académie  de  Turin. 
Mirabeau,  se  trouvant  à  Berlin,  avait  en- 
gagé M.  de  Breteuil,  ambassadeur  de 
France  à  écrire  au  ministre  de  Vergen- 
nés  d'attirer  Lagrange  à  Paris.  Louis  XVI 
à  qui  on  en  parla ,  témoigna  le  désir  de 
l'avoir ,  et ,  après  la  mort  de  Frédéric  II, 
obtint  de  son  successeur  Guillaume-Fré- 
déric qu'il  cédât  le  savant  géomètre.  La- 
grange refusa  les  propositions  que  lui 
firent  les  ambassadeurs  de  Sasdaigne, 
de  Naples  et  de  Toscane,  et  vint  à  Paris 
en  1787.  Il  y  reçut  une  pension  de  6,000 
francs,  qui  était  égale  à  celle  qu'il  avait  à 
Berlin ,  et  il  eut  un  It^ement  au  Louvre , 
avec  le  titre  de  pensionnaire  vétéran . 
qui  le  mettait  à  même  de  jouir  du  droit 
de  suffrage  dans  les  délibérations  de  l'a- 
7. 


2i7  LAG 

cadémie  dont  il  était,  depuis  1772,  associé 
étranger.  En  1788 ,  par  les  soins  de  M. 
l'abbé  Maire  et  de  M.  Legendre  parut  se 
mécanique  analytique.  Considéré  du  roi, 
protégé  par  la  reine ,  estimé  de  tous  les 
savans>  il  se  dégoûta  tout-à-coup  de  cette 
même  science  qui  lui  avait  procuré  tant 
jde  gloire ,  d'honneurs ,  et  une  heureuse 
aisance.  On  avait  remarqué  le  même  chan- 
gement chez  d'Alembert;  mais  ce  qui  pa- 
raissait dégoût  n'était,  pour  ainsi  dire, 
qu'une  lassitude  cérébrale^  causée  par 
une  application  assidue  sur  des  calculs 
longs,  difficiles,  et  qui  demandaient 
quelque  temps  de  repos.  Lagrange  tourna 
ses  idées  vers  l'histoire  des  Religions, 
sur  les  théories  de  la  musique  ancienne, 
des  langues^  de  la  médecine,  elc  II  s'oc- 
cupa également  de  chimie,  et  disait 
«  qu'elle  était  devenue  aussi  aisée  à  ap- 
»  prendre  que  l'algèbre.»  Il  fit  partie  de  la 
commission  cliargée  d'établir  un  système 
métrique.  En  1791 ,  il  devint  membre  du 
bureau  chargé  des  récompenses  pour  les 
découvertes  utiles;  et  au  mois  de  mars 
1792 ,  il  fut  nommé  un  des  trois  adminis- 
trateurs de  la  monnaie.  Deux  mois  après, 
il  épousa  m"'  Lemonnier ,  dont  le  grand- 
père  ,  le  père  et  l'oncle ,  avaient  siégé  à 
l'académie.  Jusqu'alors  la  révolution  n'a- 
vait porté  atteinte  nia.  sa  fortune  ni  à  sa 
personne  ;  mais  il  manqua  d'être  frappé 
par  le  décret  du  16  octobre  1793,  qui 
excluait  tous  les  étrangers  du  territoire 
français.  Guyton-Morveau  le  sauva  en  le 
faisant  mettre  en  réquitîsion  pour  con- 
tinuer les  calculs  sur  la  théorie  des  pro- 
jectiles. Il  fut  vivement  affecté  de  la 
mort  tragique  de  Bailly  et  du  savant  La- 
voisier  et  dit ,  en  parlant  de  ce  dernier  t 
«  Il  ne  leur  a  fallu  qu'un  moment  pour 
»  faire  tomber  cette  tête ,  et  cent  année» 
»  peut-être  ne  suffiront  pas  pour  en  rc- 
»  produire  une  semblalile.  »  Il  courut 
quelques  dangers  à  cette  époque ,  mais  le 
régime  de  la  terreur  cessa  enfin  par  la 
supplice  de  Robespierre.  Lors  de  la  for- 
mation de  l'école  normale ,  il  y  fut  nom- 
mé professeur  de  mathématiques ,  et  oc- 
cupa la  même  chaire  à  l'école  polytechni- 
que ,  où  conjointement  avec  Laplace  et 
Monge  ,  il  opéra  une  révolution  complèto 
dans  l'enseignement  des  sciences  exactes.. 
Ces  trois  savans  avaient  l'un  pour  l'autre 
une  véritable  estime  et  une  sincère 
amitié.  Lagrange  était  un  juste  appré- 
dateur  du  sublime  talent  de  Newton ,  et 
admirait  surtout  son  système  du  monde. 
Il  fut  des  premiers  admis  à  Tinslilut ,  lora 


LAO 


SIS 


LAG 


de  la  création  de  ce  corps.  Sous  le  gou- 
vernement de  Bonaparte ,  il  se  vit  comblé 
d'Iionaeurs ,  et  fut  noamié  membre  du 
sénat,  grand-officier  de  la  légion-d'hon- 
neur ,  comte  de  l'empire ,  grand-croix  de 
l'ordre  de  la  Réunion,  etc.  Lagrange 
succomba  à  une  courte  maladie  ,  le  10 
avril  1813 ,  à  l'âge  de  75  ans  ,  et  fut  en- 
terré au  Panthéon.  MM.  Laccpcdc  et  de 
Laplace prononcèrent  chacun  un  discours 
funèbre.  Plusieurs  écrits  ont  été  publiés 
sur  ce  géomètre  célèbre,  savoir  son  Eloge 
par  feu  Delambre  ,  une  Notice  dans  le 
Journal  de  VEmpire^  28  avril  1813  ;  une 
lettre  dans  le  Moniteur^  26  février  1814  ; 
Précis  historique  sur  la  vie  et  la  mort  de 
Lagrmige ,  par  MM.  Virey  et  Potel ,  Pa- 
ris, 1813,  in-ii.°;  et  enfin,  un  éloge  de  La- 
grange par  Cossali  (  en  italien),  Padoue, 
1813,  in-8°.  Lagrange  a  laissé  :  |  Additions 
à  l'algèbre  d'Euler  (dans  l'édition  de  cc;t 
ouvrage,  Lyon ,  1774,  2' édition,  1799,  2 
vol.  in-i"  ).  Ces  additions  se  trouvent  au 
2'  volume,  et  contiennent  300  pages. 
{Mécanique  analytique^  Paris,  1787, 
in-4°,  2'  édition,  l""  vol.  en  1811;  2'  vol. 
en  181S  ;  [  Théorie  des  fonctions  analyti- 
ques ^Taris,  1797-1803,  in-4°  ;  I  Résolution 
des  équations  numéi'ique s  ^ih'iA.  1798-1808 
in-4°  ;  |  Leçons  sur  les  calculs  des  fonc- 
tions Ellesont  eu  plusieurs  éditions ,  dont 
la  plus  estimée  est  celle  de  1808,  in -8". 
}  Leçons  d'a?ithmétique  et  d'algèbre^ 
données  à  l'école  uormcde ,  publiées  dans 
les  cahiers  7  et  8  du  Journal  de  l'école 
polytechnique  et  en  d'autres  collections  ; 
J  Essais  d^ arithmétique  politique  (  dans 
la  collection  de  M.  llœderer),  1786  ,  in-4"; 
j  plus  de  cent  Mémoires ,  insérés  dans  les 
recueils  des  académies  de  Turin,  de  Ber- 
lin, de  Paris ,  dont  il  était  membre ,  ainsi 
que  d'autres  sociétés ,  excepté  celles  de 
l'Angleterre.  Carnot,  alors  ministre  de 
l'intérieur,  fit  acheter  (  en  1815  )  parle  gou- 
vernement ,  les  manuscrits  de  Lagrange 
qui  n'ont  pas  encore  été  imprimés.  Ce 
savant,  naturellement  bon  et  affable ,  et, 
dit-on,  asse.z  religieux^  avait  un  carac- 
tère un  peu  original.  Il  se  plaisait  beau- 
coup dans  la  société  des  jeunes  gens  et  des 
femmes,  dont  il  aimait  la  conversation, 
de  quelque  âge  qu'elles  fussent  :  aussi 
disait-il  qu'il  n'avait  jamais  trouvé  de 
femme  à  00  ans  ;  c'est-à-dire  qu'il  ne  cher- 
chait dans  le  bean  sexe  que  cette  amabi- 
lité, cette  sensibilité  et  celte  douceur  que 
lui  a  données  la  nature,  et  que  développe 
une  sage  éducation. 

LAGRAIVGE.  Voyez  GRANOE. 


•LAGRE^'EE  l'aîné  (Loms-jEA\-FnAi». 
çois  ),  peintre  ,  naquit  à  Paris  ,  le  30  dé- 
cembre 1724.  On  le  croit  élève  de  Carie 
Vanloo  :  il  suivit  au  moins  la  manière  de 
ce  maître.  Il  a  joui  d'une  réputation  que 
le  temps  a  vu  diminuer  ,  à  mesure  que  le 
goût  antique  a  repris  son  heureuse  in- 
fluence sur  les  arts.  Son  premier  ouvragft 
représentant  Joseph  expliquant  les  son» 
ges .  obtint  le  grand  prix  :  il  alla  ensuite 
se  perfectionner  â  Rome.  De  retour  à  Pa- 
ris, il  fut  reçu  à  l'académie  et  son  tableau 
de  réception  représente  Z?<?y/7??j7-(?  enlevée 
par  le  Centaure.  Il  se  rendit  en  Russie ,  à 
l'invitation  de  l'impératrice  Elixabelh,  qui 
lenomma  son  premier  peintre;  mais  il  re- 
vint bientôt  en  France,  et  fut  professeur 
de  l'académie  de  Paris.  Le  roi  le  choisit 
quelque  temps  après,  pour  directeur  de 
son  académie  à  Rome,  où  il  demeura  j/Ju- 
sieurs  années.  Rappelé  à  Paris,  il  obtint 
la  place  de  recteur  de  l'académie  ;  on  lui 
donna,  aux  galeries  du  Louvre,  un  de 
ces  logemensdont  Henri  IV  récompensait 
les  artistes.  Ce  grand  roi  disait  :  o  Je  tiens- 
»  à  l'honneur  d'avoir  auprès  de  ma  per- 
»  sonne. ceux  que  j'estime,  et  qui  contri- 
»  buent  le  jilus  à  la  gloire  du  gouvcrne- 
i>  ment.  »  On  a  gravé  entre  autres  ta- 
bleaux de  Lagrenée  celui  qui  représente 
If  s  Grâces  lutinées  par  les  Jmours.  Il 
est  mort  le  19  juin  1805  âgé  de  81  ans». 
Ses  tableaux,  qui  sont  très  nombreux,, 
eurent  tme  grande  réputation  ;  mais  il* 
sont  aujourd'hui  beaucoup  moins  recher- 
chés. Il  n'avait  que  peu  d'invention. 
Sa  manière  manquait  de  vigueur  ;  mais 
il  plaisait  par  la  fraîcheur  et  le  moel- 
leux de  ses  carnations  :  ce  qui  l'avait  fait 
appeler  par  ses  contemporains  V  Jlbane^ 
français. 

*  LAGRENÉE  (  Je A!V- Jacques  ),  dit  le 
Jeune^  peintre  et  frère  du  précédent  dont 
il  fut  l'élève ,  naquit  vers  1740  ;  aprt» 
avoir  perfectionné  son  talent  en  Italie,  il 
alla  en  Russie.  De  retour  en  France,  il  de- 
vint professeur  de  l'académie  de  pein- 
ture de  Paris,  et  fut  attaché  pendant  quel- 
que temps  à  la  manufacture  de  Sèvres 
où  ses  dessins  produisirent  une  heureuse 
révolution  dans  les  formes  et  les  orne- 
mens  des  ouvrages  en  porcelaine  que  l'on 
y  fabrique.  Cet  artiste  a  reproduit  les 
peintures  de  quelques  thermes ,  de  plu- 
sieurs vases  étrusques  et  un  grand  nom- 
bre d'arabesques  sur  les  émaux  ,  la  toile  , 
le  bois,  le  verre  et  le  marbre  ,  au  moycrt 
des  procédés  les  plus  ingénieux.  Les  p^ein- 
turcs  gracieuses,  mais  décentes,  et  les 


I 


LAG 


219 


LAH 


«Sessins  de  Lagrenôe  jeune  ,  sont  cncoïc 
recherchés  par  les  aina leurs.  Il  est  inorl 
à  Paris  le  iZ  février  1821. 

*  LAGIIENÉE  (  Anthklme  ),  peintre 
d'histoire,  issu  d'une  famille  ancienne  et 
célèbre  dans  la  peinture,  naquit  en  1778. 
Ayant  payé  sa  dette  dans  les  premières 
guerres  de  la  révolution,  il  étudia  parti- 
culièrement les  chevaux,  leurs  allures  et 
leurs  formes.  Il  parvint  à  traiter  cette 
partie  de  l'art  avec  une  grande  vérité. 
On  peut  en  juger  par  les  jolis  tableaux 
liistoriques  des  usages  et  costumes  russes 
qu'il  peignit  à  Saint-Pélersbourg,  où  il 
resta  plusieurs  années.  Il  est  mort  le  17 
avril  1855  ,  àV&Qe  de  54  ans. 

LAGlin.Lli  (Louis),  jésuite,  né  à  Au- 
tun,  en  1658,  mort  à  Ponl-à-Mousson  ,  en 
d742  ,  se  lit  estimer  par  ses  vertus  et  ses 
talens.  Il  s'était  trouvé  au  congrès  de 
Eade  ,  en  1714;  et  le  zèle  pour  la  paix, 
qu'il  avait  fait  paraître  dans  cette  assem- 
blée ,  lui  valut  une  pension.  On  a  de  lui 
plusieurs  ouvrages.  Le  principal  est  une 
Histoire  de  la  province  d'Jlsace,  ancienne 
et  moderne  j  depuis  César  jusqueti  1725, 
Strasbourg,  1727,  3  part,  in-fol.  Celte  his- 
loire  commence  par  xme  Notice  utile  de 
l'ancienne  Alsace ,  et  finit  par  plusieurs 
titres  qui  lui  servent  de  preuves,  et  des- 
quels on  peut  tirer  de  grandes  lumières. 
Jj'yilsatia  illastrata  de  M.  Schœpflin  n'a 
point  fait  oublier  cet  ouvrage  du  père 
Laguille.  11  a  aussi  publié  quelques  livres 
de  piété,  entre  autres  :  Préservatifs  pour 
un  jeune  homme  de  qualité ,  contre  l'ir- 
réligion et  le  libertinage^  1739,  in-12.  Le 
père  Laguille  fut  trois  fois  élu  provincial 
de  son  ordre,  après  avoir  été  recteur  de 
plusieurs  de  ses  collèges. 

LAGUI\AouLACUNA(AivDnÉ),  méde- 
cin,  né  à  Ségovie ,  en  1499,  passa  une 
grande  partie  de  sa  vie  à  la  cour  de  l'em- 
pereur Charles -Quint,  qui  avait  une 
grande  confiance  en  lui  et  qui  le  lit  son 
premier  médecin.  Il  se  rendit  à  Metz,  l'an 
d540 ,  prodigua  tous  ses  soins  à  ses  habi- 
tans,  durant  une  épidémie  pestilentielle, 
et  s'acquit  par  là  leur  estime  et  leur  re- 
connaissance,  dont  il  profita  adroitement 
pour  resserrer  les  nœuds  qui  les  atta- 
chaient à  l'Eglise  romaine  et  à  leur  souve- 
rain. Il  se  rendit  de  là  à  Rome  ,  où  Léon  X 
lui  donna  des  marques  d'une  grande  es- 
time ;  il  parcourut  ensuite  l'Allemagne , 
les  Pays-Bas ,  et  alla  enfin  finir  ses  jours 
dans  sa  patrie,  en  1560.  Le  pape  Jules  III, 
pour  récompenser  son  mérite,  l'avait 
nommé  archidiacre  et  créé  comte  |ul;'.;la 


et  chevalier  de  Saint-Pierre.  Ce  médecin 
était  aussi  un  bon  critique  ,  et,  aux  ton- 
naissances  médicales  il  joignait  une  étude 
piofonde  des  langues  grecque  et  latine. 
On  a  de  lui  :  |  Anatomica  methodust 
Paris,  1635  ,  in-S"  ;  |  Epitome  Guleni  ope- 
rum  .  adjectis  vita  Galeni  et  libella  de 
pondcribus  et  mensuris .  Lyon  ,  1643 ,  in- 
fol.  ;  I  Annotatioyies  in  Dioscorideni , 
Lyon,  1554,  in-12;  |  une  J^ersion  espa^ 
gnole  des  ouvrages  de  Dioscoride  ,  Va- 
lence,  1636,  in-fol.,  etc.  Laguna  a  beau- 
C(Tup  d'autres  écrits  remarquables,  plu- 
sieurs fois  réimprimés. 

LAGUS  (  Daniel)  ,  luthérien  profes- 
seur de  théologie  à  Gripswald,  mourut 
en  1678.  On  a  de  lui  :  1  Theoria  meteoro- 
logica;  \  Astrosophia  mathematico-phy~ 

sica;   \  Steichologia Psychologia 

Archeologia  :  ce  sont  trois  traités  diffé- 
rens;  |  Examen  triwn  confessionum,  re- 
formatiorum^  machiacx .  lipsiensis  et 
throrunensis  ;  \  des  Commentaires  sur  les 
Epîtres  aux  Calâtes,  aux  E[)hésiens  et  aux 
Philippiens. 

*  LAHARPE  (  Amédée-Emmancul),  gé- 
néral de  division,  né  en  1754  au  château 
des  Uttins ,  près  de  PioUe ,  dans  le  pays 
de  Vaud ,  qui  dépendait  alors  du  canton 
de  Berne,  entra  au  service  de  Hollande 
dans  le  régiment  de  May ,  que  comman- 
dait Constant  de  Rebecque,  père  de  Ben- 
jamin Constant.  Obligé  bientôt  de  revenir 
dans  son  pays ,  et  de  renoncer  à  la  car- 
rière des  armes  pour  surveiller  l'ad- 
ministration de  ses  biens,  il  prit  part  au 
soulèvement  des  Vaudois  contre  le  gou- 
vernement de  Berne.  5a  conduite  politi- 
que le  fit  condamner  à  mort,  et  ses  biens 
furent  confisqués.  Laharpe  ,  père  de  six 
enfans,  vint  chercher  en  Franée  un  asile 
et  des  ressources.  Il  fut  nommé  sur  la  fin 
de  1791  chef  du  4*  bataillon  de  volontaires 
du  département  de  Seine-et-Oise ,  et  fut 
placé  par  le  maréchal  Luckner ,  dans  le 
château  de  Rodemak  à  trois  lieues  de 
Thionville,  avec  une  partie  de  ses  sol- 
dats :  c'élait  de  ce  côté  que  devait  com- 
mencer l'invasion  dont  on  était  menacé, 
Laharpe  reconnut  bientôt  rhnpossibilité 
de  défendre  cette  forteresse  avec  d'aussi 
faibles  moyens  :  mais  décidé  au  sacrifice 
de  sa  vie,  il  fait  part  de  sa  résolution  hé- 
roïque aux  braves  de  la  garnison  ,  et  les 
dermine  à  employer  tous  les  moyens  de 
résistance,  ou  si  elle  devenait  impossi- 
ble, à  s'ensevelir  avec  les  assaillans  sous 
les  ruines  du  château.  Déjà  les  souterrains 
se  remplissaient  d'une  grande  quantité 


LAH 


220 


LAH 


de  poudre,  lorsque  Luckacr  qui  en  fut  in- 
formé, ordonna  l'évacuation  de  Rodemak , 
Laharpe  en  retire  les  munitions  et  l'ar- 
rillerie  et  les  fait  entrer  à  Thionville  en 
présence  même  de  l'ennemi.  Le  général 
en  chef,  en  le  recevant  dans  le  camp  de 
Richemont,  lui  donna,  en  présence  de 
toute  l'armée,  le  surnom  de  brave.  Chargé 
du  commandement  du  fort  de  Bitche ,  il 
étouffa,  dans  les  environs  de  cette  place, 
quelques  tentatives  d'insurrection  ,  et  se 
et  remarquer  par  son  caractère  sage  et 
conciliant  autant  que  ferme  et  énergique. 
Après  avoir  pris  quelque  part  aux  atla- 
<pies  dirigées  près  de  Trêves  par  le  géné- 
ral Beurnonville,  Laharpe  fut  nommé  au 
conimslndemenl  de  Briançon,  fit  la  guerre 
dans  les  Alpes,  obtint  le  grade  de  général 
de  brigade  en  prenant  d'assaut  un  des 
forts  de  Toulon ,  et  commanda  pendant 
quelque  temps  la  ville  de  Marseille.  Il  re- 
prit ensuite  son  poste  à  l'avant-garde  de 
l'armée  d'Italie  ,  et  continua  de  se  distin- 
guer. Lorsque  Kellermann  se  vit  forcé  de 
reculer  devant  les  troupes  Austro-Sardes 
commandées  par  Devins,  Laharpe  fut 
chargé  de  couvrir  sa  retraite  ,  et  sa  con- 
duite intelligente  et  courageuse,  surtout 
pendant  les  combats  de  Vado  et  de  Sa- 
vone  (juin  1793),  permit  à  l'armée  de 
prendre  ses  positions.  Promu  au  grade 
dégénérai  de  division,  il  se  signala  en- 
core à  la  sanglante  bataille  d©  Loano ,  et 
eut  plus  tard  une  grande  part  aux  succès 
des  combats  de  Montenotte,  de  Millésimo 
et  de  Dego.  Pendant  que  Bonaparte  cher- 
chait à  isoler  l'armée  pîémontaise  dans  le 
dessein  de  détacher  de  la  coalition  le  roi 
de  Sardaigne ,  Laharpe  reçut  l'ordre  de 
tenir  en  échec  les  autrichiens.  Il  se  dis- 
tingua de  nouveau  à  Mondovi ,  et ,  après 
le  traité  de  Cherasco  conclu  avec  le  roi 
de  Sardaigne ,  il  reçut  l'ordre  de  passer 
le  Pô  à  la  tête  de  l'avant-garde  en  surpre- 
nant l'ennemi.  Il  y  réussit ,  et  força  l'en- 
nemi de  se  retirer.  Il  revenait  pendant  la 
cuit  à  son  quartier-général,  lorsque  dans 
Tobscurité  qui  ne  permettait  pas  de  le  re- 
connaître ,  les  troupes  françaises  croyant 
que  des  Autrichiens  s'approchaient,  firent 
une  décharge  dans  laquelle  il  fut  tué. 
li'armée  lui  donna  de  justes  regrets.  La- 
harpe a  laissé  quatre  fils ,  dont  deux  ont 
«ervi  dans  les  armées  françaises  :  l'un 
d'eux  est  mort  de  ses  blessures. 

•  LAHARPE  (Jean-Fbançois  de),  lit- 
térateur et  critique  célèbre,  né  à  Paris  le 
20  novembre  1759,  fut  orphelin  avant  l'âge 
de  9  ans  :  il  nous  apprend  lui-même  que 


pendant  six  mois  les  sœurs  de  la  charité 
de  la  paroisse  Saint-André-des-Arcs  lo 
nourrirent  et  prirent  soin  de  lui.  Ces 
bonnes  soeurs,  poussant  leur  bienfaisanca 
au-delà  de  la  première  éducation ,  par- 
vinrent à  lui  donner  des  professeurs,  au 
nombre  desquels  fut  le  respectable  abbé 
Asselin ,  principal  du  collège  d'Harcourt , 
qui  le  prit  en  amitié  et  lui  fit  obtenir  une 
bourse  dans  cet  établissement.  Le  voile 
qui  couvre  l'origine  de  Laharpe  n'a  ja- 
mais été  entièrement  levé;  on  lui  a  re- 
proché dans  vingt  pampldetsrillcgitimilé 
de  sa  naissance.  Laharpe  dédaigna  long- 
temps et  avec  raison  de  repousser  une 
accusation  qui  ne  retombait  pas  sur  lui. 
Cependant  en  1790  il  déclara  pour  la  pre- 
mière fois  dans  une  lettre  adressée  aa 
Mercure  de  France^  et  dirigée  principale- 
ment contre  l'abbé  Royou,  que  le  hasard 
l'avait  fait  naître  d'un  bon  gentilhomme 
du  pays  de  Yaud  :  ce  qui  ne  décidait  rien 
pour  la  question  ;  il  ne  parlait  point  de  sa 
mère,  et  ce  silence  a  été  regardé  par  quel- 
ques personnes  comme  un  aveu  tacite  du 
fait  controversé.  Ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'est  que ,  lorsque  le  général  Laharpe  fut 
tué  en  Italie,  cette  circonstance  fut  invo- 
quée auprès  du  Directoire,  comme  une 
raison  d'adoucir  la  situation  de  l'homme 
de  lettres  qui  portait  le  même  nom,  et  qui 
gémissait  alors  sous  un  décret  d'exil  à  la 
suite  du  18  fructidor  :  cette  réclamation 
appuyée  par  M.  de  Talleyrand  et  parChé- 
nier  ne  resta  pas  sans  effet.  Le  jeune  La- 
harpe fit  au  collège  d'Harcourt  de  bril- 
lantes études,  et  deux  années  de  suite  il 
obtint  le  prix  d'honneur  en  rhétorique , 
avantage  qui  n'a  été  ohtenu  depuis  La- 
harpe que  par  M.  Noël  et  par  M.  Victor 
Leclerc  ,  devenu  depuis  professeur  d'élo- 
quence à  la  faculté  des  lettres  de  l'aca- 
démie de  Paris.  Mais  la  douceur  de  ce 
triomphe  fut  empoisonnée  par  une  humi- 
liation cruelle  :  il  s'était  permis  de  com- 
poser des  couplets  satiriques  contre  quel- 
ques personnes  du  collège  d'Harcourt, 
probablement  contre  des  maîtres  d'étu- 
des :  cette  faute  fut  expiée  par  une  dé- 
tention ignominieuse  à  Bicètre;  on  le 
transféra  de  cette  maison,  par  une  espèce 
de  grâce ,  à  la  Force,  où  il  resta  encore 
plusieurs  mois.  L'opinion  publique  ag- 
grava sa  faute  ,  et  on  répandit  que  cette 
satire  avait  été  dirigée  contre  son  bien- 
faiteur. Le  fait  était  faux  ;  mais  ses  enne- 
mis (et  peu  d'écrivains  en  eurent  autant 
que  Laharpe  ),  jaloux  de  quelques  succès 
qu'il  avait  remportés,  voulaient,  par  cette 


LAH  'i'ii 

odieuse  calomnie ,  noircir  la  répulaUu.i 
d'un  homme  dont  le  talent  leur  portait  om- 
brage. Laharpe  repoussa  cette  imputation 
dans  lia  avertissement  mis  à  la  fin  de  sa 
tragédie  de  Timoléon  :  «  il  est  bien  vrai 
»  qu'à  l'âge  de  19  ans  ,  je  lis  1res  impru- 
»  demmuiit  quelques  couplets  contre  des 
»  particuliers  du  collège  d'flarcourt  ;  quel- 
»  ques-uns  de  mes  camarades  les  recueil- 
»  lirent,  et  y  en  ajoutèrent  d'autres  ;  mais, 
«dans  ces  couplets,  il  n'est  nullement 
»  question  de  personnes  envers  qui  j'eusse 
»  le  moindre  devoir  à  remplir...  ;  »  et  il 
invoque  à  cet  égard  le  témoignage  de 
H.  Asselin  lui-même.  La  détention  qu'il 
subit  eut  pour  résultat  d'aigrir  son  res- 
sentiment contre  le  pouvoir.  En  sortant  de 
sa  prison,  il  se  consacra  «tout  entier  à  la 
•arrière  des  lettres  dans  laquelle  ses  pre- 
«niers  succès  semblaient  lui  en  présager 
de  nouveaux.  Laharpe  débuta  par  quel- 
ques épures  ou  héroïdes  qu'il  lit  paraître 
en  1759,  entre  autres  les  épitres  de  Mon- 
iéziime  à  Cortès  et  A'Elizaheih  à  don 
Carlos,  qui  étaient  précédées  d'une  Dis- 
lertatioji  sur  Vhcroïde.  Ces  deux  pièces 
furent  vivement  critiquées  par  Fréron, 
<iui,  dans  un  article  de  Y  Année  littéraire^ 
blâma  cet  écolier  d'avoir  osé.  d'une  main 
encore  soumise  à  îa  férule,  peser  le  mé- 
rite d'un  poète  .  f.  que  Ovide.  L'injuste 
critique  excita  h  liaine  de  Laharpe,  et 
dès  lors  entre  ces  doux  hommes  de  let- 
tres il  y  eut  guerre  ouverte.  Les  applau- 
dissemens  qui  furent  donnés  aux  Hé- 
roïdes encouragèrent  le  jeune  auteur, 
qui  lit  jouer  en  1763  à  la  cour ,  puis  au 
Théàlre-Franyais ,  la  tragédie  de  ff^ar- 
tvick;  celle  pièce  eut  un  grand  succès  : 
elle  lui  valut  l'honneur  d'être  présenté  à 
Louis  XY.  La  noblesse  du  style ,  la  vi- 
gueur du  rôle  principal ,  la  simplicité  de 
l'action,  et  surtout  la  vérité  du  dialogue . 
ont  fait  rester  cette  pièce  au  théâtre . 
quoique  l'histoire  n'y  soit  pas  respectée , 
et  que  le  dénoùment  en  soit  un  peu  ro- 
manesque. Cependant  les  jouissances  d'a- 
mour-propre  que  fit  éprouver  à  Laharpe 
le  succès  de  sou  premier  ouvrage  dra- 
matique furent  un  peu  tempérées  par  les 
nombreuses  critiques  qui  en  parurent, 
et  auxquelles  il  répondit  avec  ce  ton  de 
supériorité  dédaigneuse  qui,  par  la  suite, 
Indisposa  contre  lui  tant  d'esprits.  Résolu 
d'imposer  silence  à  ses  détracteurs ,  et 
entr'autres  à  Piron ,  qui  avait  dit  de  lui 
avec  sa  causticité  ordinaire  :  «  Ce  jeune 
»  homme  n'a  que  cette  pièce  dans  le  ven- 
»  tre,  »  il  continua  de  marcher  dans  la 


LAH 

carrière  où  il  venait  de  se  distinguer; 
mais  il  ne  sotilint  pas  cet  éclatant  début. 
Laharpe  avait  dédié  sa  tragédie  à  Voltaire. 
A  coiui)ler  de  celte  époque  il  s'établit  en- 
tre le  maîlre  et  le  disciple  des  relations 
de  l'amitié  la  plus  intime  :  il  y  avait  môme 
de  la  part  du  philosophe  de  Ferney  quel- 
que peu  de  bonhomie.  Chabanon  nous  a 
transmis  quelques  anecdotes  à  ce  sujet  : 
on  jouait  souvent  à  Ferney  quelques  pièces 
de  Voltaire,  et  chacun  y  prenait  un  rôle. 
Laharpe,  dominé  par  son  penchant  irré- 
sistible pour  la  critique,  se  liasardait  quel- 
quefois à  corriger  les  vers  qui  se  trou-, 
vaient  dans  le  sien  ;  un  jour  que  Ton  de- 
vait représenter  Adélaïde  du  GuescUn , 
il  dit  à  Voltaire  :  a  Papa,  j'ai  changé  qucl- 
«  ques  vers  qui  me  paraissaient  faibles.  » 
Voltaire  écoute  lescliangeuiens,  et  lui  dit 
ensuite  :  «Bien  !  mon  lils,  cela  vaut  mieux, 
»  changez  toujours  de  même,  je  ne  puis 
»  qu'y  gagner.  »  Dans  d'autres  circon- 
stances Laharpe  qui  était  entier  dans  seg 
opinions,  contrariait  Voltaire,  et  il  pous- 
sait souvent  sa  patience  à  bout  :  cepen- 
dant le  philosophe  ne  se  fâchait  point,  et, 
comme  plusieurs  personnes  lui  en  témoi- 
gnaient leur  étonnement,  il  leur  dit  :  «  Que 
»  voulez-vous  !  il  aime  ma  personne  et 
»  mes  ouvrages.  »  Un  an  après  la  repré- 
sentation de  Warwick,  parut  Timoléon 


(176/t)  qui  fut  froidement  accueilli;  et 
PA«r«?nonfl?^  qu'il  donna  en  i765  ,  ne  réus- 
sit pas  aux  premières  représentations.  De 
malins  censeurs  s'empressèrent  de  pro- 
fiter de  ce  double  échec.  J'ai  vu ,  écri- 
vait alors  Dorât , 

J'ai  vu,  raaigré  la  canicule. 
Mourir  de  froid  Timoieon  ; 
J'ai  vu  le  public  sans  scrupule 
Bâiller  au  nom  de  Pharamuad. 

Ces  épigrammes  plus  piquantes  que  jus- 
tes, et  le  défaut  de  succès  qui  y  avait  don- 
né lieu,  ne  déconcertèrent  cependant  pas 
Laharpe,  qui  donna  successivement  au 
théâtre  ,  quoiqu'à  de  grands  intervalles  , 
Gustave  ff^asa  (  1766  ),  Menzikoff{  1776  ), 
Les  Bamiécides  (  1778),  Les  Muses  riva- 
les ^  espèce  d'apothéose  en  l'honneur  de 
Voltaire  (1779)  ;  Jeanne  de  Najiles,  Les 
Brames  (1783)  ,  et  Coriolan  (1784).  Le 
sort  de  ces  differens  ouvrages  ne  fut  pas 
le  même  à  beaucoup  près  :  Menzikoffj, 
Jeanne  de  Naples  et  Coriolan  furent  les 
seuls  qui  eurent  quelques  succès.  Les  nom- 
breux ennemis  de  l'auteur  triomphaient 
déjà  de  tant  de  chutes;  mais  Laharpe  se 
vengea  pleinement  par  Philoctcte ,  qui 
est,  avec  Warwick.  son  plus  beau  titre  à 
19. 


LAH  222 

ta  gloire  dramatique.  Soit  que,  soutenu 
par  Sophocle  ,  qu'il  a  plutôt  traduit  qu'i- 
mité, et  que ,  se  trouvant  affranchi  du 
soin  d'inventer  un  plan  et  de  créer  des 
caractères,  Laharpe  pût  s'attacher  exclu- 
civenientà  embellir  et  à  épurer  son  style, 
avantage  inappréciable  pour  un  auteur 
chez  qui  l'imagination  n'était  pas  la  fa- 
cilité la  plus  puissante  ;  soit  que  son  amour 
passionné  pour  les  chefs-d'œuvre  de  la 
Grèce  et  de  Rome  lui  fournît  d'heureuses 
inspirations,  il  est  certain  que,  dans  cet 
ouvrage ,  il  se  plaça ,  du  moins  sous  le 
rapport  de  la  diction,  à  peu  de  distance 
des  maîtres  de  l'art.  Jeanne  de  Naples 
mérita  le  succès  qu'elle  obtint;  les  Brames 
ne  parurent  que  pour  justifier  une  plai- 
santerie du  marquis  de  Bièvre  {voyez 
BIÈVRE).  Un  ouvrage  distingué  par  son 
exécution,  quoique  appartenant  à  un  genre 
moins  recommandable ,  vint  accroître  en- 
core la  réputation  de  Laharpe.  Ce  fut  Mé~ 
lanie ,  drame  en  3  actes ,  qu'il  composa  en 
4770.  On  prétend  qu'il  en  puisa  le  fonds 
dans  une  aventure  affreuse  et  récente ,  et 
qu'il  se  plut  à  y  retracer  les  vertus  de 
8on  bienfaiteur ,  M.  Léger ,  curé  de  Saint- 
André-des-Arcs.  Cette  pièce ,  écrite  avec 
une  élégance  et  une  pureté  peu  commu- 
nes ,  eut  un  succès  peu  proportionné  à 
son  mérite ,  et  reçut  plusieurs  fois  les  ap- 
plaudissemens  d'une  assemblée  qui  écou- 
tait avec  enthousiasme  les  sentences  phi- 
losophiques dont  elle  est  remplie  ,  et  ve- 
nait pleurer  sur  la  triste  aventure  d'une 
Jeune  insensée ,  qui  se   donne  la  mort 
plutôt  que  d'entrer  dans  un  couvenJL  où 
ses  parens   veulent  l'envoyer.  Ce  sujet , 
qui  était  en  rapport  avec  la  haine  qu'in- 
spiraient déjàles  institutions  religieuses  à 
ceux  qui  les  détruisirent  depuis  avec  tant 
d'inhumanité  ,  fut  la  cause  principale  de 
cet  accueil  trop  favorable.  L'on  ne  voulut 
point  voir  combien  il  était  inconvenant 
de  mettre  sur  la  scène  l'intérieur  d'un 
couvent ,  et  des  personnages  tels  qu'un 
pasteur  vénérable  et  une  jeune  novice. 
Laharpe  lui-même  l'a  si  bien  senti  depuis , 
qu'un  an  avant  sa  mort   il  a  retiré  du 
théâtre  cet  ouvrage ,  qu'il  regretta  sin- 
cèrement d'avoir  fait  représenter.   Les 
succès  dramatiques  ne  furent  point  les 
seuls  que  Laharpe  sut  obtenir.  Il  était 
entré  dans  la  carrière  des  concours  aca- 
démiques ,  où  la   nature  de  son  talent 
semblait  l'appeler  particulièrement.  Les 
Eloges  de  Henri  IV,  de  Racine  et  de 
Pénèlon  accrurent  sa  réputation ,  et  con- 
tribuèrent éminemment  à  lui  faire  ou- 


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vrlr  les  portes  de  l'académie 


où  il  fut 
reçu  en  1776  ,  après  avoir  été  couronné 
huit  fois  par  celte  compagnie.  Pou  do 
temps  après,  il  publia  sur  une  traduction 
littérale,  faite  par  d'Hermilly,  une  tra- 
duction en  prose  poétique ,  de  la  Lu- 
siade,  quoique,  dit-on,  il  ne  sût  point 
le  portugais.  Mais  si  sa  version  ne  re- 
produit pas  souvent  la  verve  et  l'éclat 
de  l'original ,  elle  est  au  moins  recom- 
mandable par  la  correction  et  la  clarté  , 
qualités  caractéristiques  du  style  de  La- 
harpe. Cette  traduction ,  accompagnée  de 
notes  et  de  la  vie  du  Camoëns  ,  a  paru  en 
1776,  Paris,  2  vol.  En  1780  il  fit  paraître 
son  abrégé  de  ï Histoire  des  voyages  de 
l'abbé  Prévost  ;  volumineux  recueil ,  où 
des  observations  précieuses  et  des  faits 
du  plus  grand  intérêt  se  trouvent  le  plus 
souvetït  confondus  parmi  des  détails  mi- 
nutieux. Quoique  cetiavail,  fort  étran- 
ger par  sa  nature  aux  occupations  habi- 
tuelles de  Laharpe  ,  ne  pûl  guère  èlre,  de 
sa  part,  qu'une  spéculation  de 'librairie  , 
l'on  ne  peut  nier  que  cet  abrégé  ne  soit 
rédigé  avec  goût ,  et  ne  se  fasse  lire  avec 
beaucoup  d  intérêt.  TI  réduisit  à  21  vo- 
lumes in-8"  les  43  volumes  in-i"  de  l'abbé 
Prévost.  La  tournure  de  son  esprit  le  por- 
tant à  disserter,  un  attrait  de  prédilection 
le  ramenait  sans  cesse  vers  l'épineuse 
profession  de  journaliste.  Pendant  qua- 
rante ans,  il  enrichit  divers  journaux 
d'articles  où  régnent  les  principes  con- 
servateurs du  bon  goût,  lorsqu'aucun 
motif  de  partialité  ne  l'égaré.  Ses  renïar- 
ques  sont  quelquefois  minutieuses,  mais 
en  général  sa  discussion  annonce  le  vé- 
ritable esprit  d'analyse.  Dans  les  mor- 
ceaux qu'il  soigne,  sa  dialectique  est  sûre 
et  pressante  ;  à  la  clarté ,  à  la  précision , 
à  la  correction  de  son  style,  on  reconnaît 
le  disciple  zélé  de  nos  classiques.  Il  rem- 
porta aussi  des  prix  de  vers  ;  mais  en  gé- 
néral le  plus  grand  mérite  de  ses  poé- 
sies ,  c'est  la  correction  du  style  et  la  pu- 
reté du  goût  ;  il  manque  presque  tou- 
jours de  feu ,  d'invention  et  de  coloris  ; 
on  trouve  difficilement  dans  ces  compo- 
sitions poétiques  une  tirade  de  vingt  vers 
digne  d'être  retenue  ou  citée.  Laharpe 
avait  travaillé  pendant  plusieurs  années 
à  la  rédaction  du  Mercure  :  à  l'époque 
où  la  révolution  éclata,  il  coopéra  de 
nouveau  à  ce  recueil  périodique ,  dans  la 
partie  littéraire  duquel  il  se  montra  }q 
défenseur  enthousiaste  des  nouvelles 
idées.  Attaché  au  Lycée,  maintenant  \A~ 
thénée  des  arts .  depuis  1786 ,  en  qualité 


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223 


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de  professeur  de  littérature,  il  y  impro- 
visa ou  lut  le's  leçons  qui  ont  été  impii- 
nices  sous  le  titre  de  Lycée  ou  Cours  da 
littérature  ancienne  et  moderne  ^  ouvrage 
souvent  réimprime,  dans  lequel  on  trouve 
beaucoup  de  pages  excellentes  ;  il  serait 
en  tout  un  modèle  de  critique,  si  le  pro- 
fesseur eût  été  plus  fort  dans  les  études 
grecques,  cl  aussi  juste  envers  ses  con- 
temporains qu'envers  ses  devanciers  ;  si 
à  une  connaissance  plus  grande  des  chefs- 
d'oeuvre  de  la  Grèce  il  eût  pu  ajouter 
l'oubli  de  quelques  querelles  ou  rivalités 
anciennes.  Cette  production  importante 
valut  à  son  auteur  le  titre  de  Quintilie?i 
français.  Apôtre  zélé  de  l'école  philoso- 
phique, il  parut  à  son  cours  le  3  décem- 
bre 1792 ,  le  bonnet  rouge  sur  la  tète  et 
récita  un  hymne  à  la  liberté.  Tant  de  ga- 
ges donnés  à  la  révolution ,  soit  par  sa 
conduite ,  soit  par  son  enseignement,  soit 
par  ses  articles  du  Mercure ,  ne  le  sau- 
vèrent point  do  la  proscription  :  en  1794 
il  fut  détenu  plusieurs  mois  dans  la  pri- 
son du  Luxembourg.  C'est  de  cette  époque 
que  date  sa  conversion  politique  et  reli- 
gieuse. H  nous  apprend  lui-même  que  sa 
conversion  fut  entièrement  opérée,  lors- 
qu'ouvrant  au  hasard  l'Imitation  deJ.-C.^ 
il  tomba  sur  ces  paroles  :  a  Me  voici,  mon 
»  fils  ,  je  viens  à  vous  ,  parce  que*  vous 
»  m'avez  invoqué.  »  Pendant  sa  déten- 
tion ,  il  traduisit  le  Psautier^  à  la  tète 
duquel  il  a  mis  un  excellent  Discours  sur 
i'ssprit  des  livres  saints  et  le  style  des 
prophètes.  Depuis  ce  temps ,  Laharpe  fut 
on  homme  et  surtout  un  écrivain  tout 
nouveau.  Rendu  à  la  liberté ,  il  ne  crai- 
gnit pas  de  donner  à  sa  conversion  la  pu- 
blicité qu'exigeait  le  scandale  qu'il  avait 
pu  causer;  et,  bravant  à  la  fois  les  sar- 
casmes des  révolutionnaires  et  des  phi- 
losophes, il  donna,  dans  ses  leçons  pu- 
bliques, des  témoignages  certains  de  son 
changement.  En  1799  il  fit  paraître  son 
Cours  de  littérature  dont  nous  avons  déjà 
parlé ,  après  lui  avoir  fait  subir  toutes  les 
modifications  convenables,  14  tom. ,  en  17 
vol.  in-S".  Dans  ce  même  temps,  Laharpe 
•e  réunit  avec  MM.  de  Fontanes  et  de 
Vauxcelles ,  pour  rédiger  un  journal  (  Le 
Mémorial  )  ^  où  il  attaqua  sans  relâche  la 
domination  du  Directoire  ,  et  où  il  cher- 
chait à  ramener  aux  bonnes  mœurs  et 
aux  saines  doctrines  un  peuple  déjà  lassé 
de  révolutions ,  et  qui  commençait  à  être 
honteux  de  ses  excès.  Sa  franchise,  et 
surtout  un  écrit  qu'il  fit  paraître  dans 
le  même  temps,  intilulé />u  Fanatisme 


dans  la  langue  révolutionnaire  ^  plein 
d'une  énergie  qu'on  ne  lui  connaissait 
point  encore ,  le  fit  comprendre  parmi 
les  proscrits  du  18  fructidor.  Il  fut  obligé 
de  se  cacher  aux  environs  de  Paris,  d'où 
il  fit  paraître  la  Corres2)ondance  littéraire., 
que,  depuis  1774  jusqu'en  1791,  il  avait 
entretenue  avec  le  grand-duc  de  Russie. 
La  sévérité  avec  laquelle  la  plupart  des 
écrivains  du  temps  s'y  trouvent  jugés,  lui 
valut  des  désagrémens  qu'il  aurait  pu 
s'épargner.  Ses  écrits  et  ses  discours  contre 
le  parti  philosophique ,  que  semblait  fa« 
voriser  Bonaparte ,  lui  attirèrent  un  ordre 
qui  l'exilait  à  vingt-cinq  lieues  de  Paris  ; 
il  obtint  ensuite  de  regagner  à  CorLeil  la 
retraite  dans  laquelle  il  avait  échappé  aux 
marais  infects  de  Sinamary  :  mais  le  dé- 
périssement de  sa  santé  lui  fit  bientôt  ac^ 
corder  la  permission  de  revenir  à  Paris. 
Dès  ce  moment ,  on  reconnut  eu  lui  les 
effets  de  la  résignation  chrétienne  :  pres- 
que uniquement  occupé  des  exercices  de 
piété ,  il  se  i)répara  à  paraître  devant 
Dieu  ;  et ,  malgré  les  secours  de  l'art ,  il 
expira  le  11  février  1803,  dans  sa  G4'  an- 
née. M.  de  Fontanes,  au  nom  del'inslitul, 
fit  entendre  sur  sa  tombe  les  regrets  de 
l'amitié ,  et  en  180i> ,  à  l'ouverture  de  l'A- 
thénée ,  M.  de  Chazet  prononça  son  éloge. 
On  trouve  sa  F'ie  et  l'histoire  touchante 
de  sa  conversion  dans  l'édition  du  Cours 
de  littérature  de  Coste ,  16  vol.  in-12 , 
1815  ;  c'est  M.  Mely-Jauin  qui  en  est  l'au- 
teur. Outre  les  ouvrages  de  Laharpe  dont 
nous  avons  parlé ,  on  lui  doit  encore  : 
I  Mélanges  littéraires^  ou  Epîires  et 
pièces  philosophiques^  1763,  in-12  ;  |  lYa^ 
duction  de  la  vie  des  douze  Césars  de 
Suétone,  avec  des  notes  et  des  réflexions, 
1770,  2  vol.  in-8".  Celte  traduction  ,  géné- 
ralement élégante,  n'est  pas  toujours 
fidèle  ;  |  Discours  de  réception  à  l'acadé- 
mie française  ^  1776  ,  in-4°  ;  |  Eloge  de 
Foltairel  1780  ,  in-8°  ;  1  Eloge  de  Cati- 
nat^  couronné  en  177o,  par  l'académie 
française  ;  \  De  la  guerre  déclarée  par 
nos  derniers  tyrans  à  la  raison  j,  à  la 
morale^  aux  lettres  et  aux  arts ^  1796, 
ift-8°;  I  quelques  pièces  de  vers,  dont 
plusieurs  ont  été  couronnées ,  telles  que 
la  Délivrance  de  Saleme,  le  Portrait  du 
sage»  les  Avantages  de  la  paix.  Conseils 
à  un  jeune  poète ,  Brutus  au  Tasse , 
Tangu  et  Félime ,  etc.  ;  |  Commentaires 
des  tragédies  de  Racine ,  ouvrage  pos- 
:  ihume,  Paris,  1807,  7  vol.  iï\-%° ;\  Com- 
mentaires sur  le  théâtre  de  Voltaire . 
\  1814,  1  vol.  in-8°;  |  le  Triomithe  de  la 


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224 


LAI 


réligioyi.  ou  le  Roi  martyr,  épopée  en 
six  chants  ,  1814.  Cei  ouvrage  est  au-des- 
sous de  la  réputalioa  de  son  auleur.  La- 
liarpe  a  donné  lui-inèmo  un  choix  de  ses 
œuvres,,  Paris,  1778,  6  vol.  in-8".  Le 
Lycée  ou  Cours  de  littérature  a  élé  réim- 
primé en  1813,  8  vol.  iu-12,  précédé  de 
la  vie  de  l'auteur,  par  L.  S.  Auger;  la 
même  année  à  Toulouse  en  12  volumes 
in-8°,  suivi  d'une  Table  analytique  et 
d'une  Notice  historique  sur  l'auteur  ;  la 
même  année  à  Paris  en  16  volumes  in-12, 
avec  la  Notice  de  M.  Mely-Janin  dont 
nous  avons  déjà  parlé;  en  1814 à  Paris, 
46  volumes  in-18  ,  chez  Ledoux  et  Temé  ; 
cette  édition  a  été  reproduite  par  les 
mêmes  éditeurs  en  1817,  1820  et  1822; 
en  1816  Lefèvre  en  a  donné  une  édition 
en  13  volumes  in-8°;  en  1817,  Verdière 
3'a  réimprimé  en  5  volumes  in-S" ,  avec 
ime  notice  par  M.  Villenave  ;  Deler ville 
et  Lefèvre  l'ont  publié  en  1818  ,  16  volu- 
mes in-8°.  Les  autres  éditions  du  même 
ouvrage  sont  celles  données  à  Dijon  par 
M.  Peignot,  1820,  16  volumes  in-12;  de 
Verdière  avec  une  notice  .  par  M.  Saint- 
Surin  ,  1821 ,  1823 ,  16  volumes  in-8°  ;  de 
Garnery  (édition  stéréotype  ) ,  1822, 1824, 
48  volumes  in-i8  et  20  vol.  in-12;  de  De- 
pelafol,  1825, 14  volumes  in-8°;  de  Manie, 
4823  ,  16  volumes  in-32  ;  de  Delaunay , 
4823 ,  in-8"  :  cette  édition  devait  avoir 
25  livraisons ,  il  n'en  a  paru  que  3  ;  de 
M.  Buchon  avec  un  Discours  prélimi- 
naire; de  M.  Daunou,  1823,  1826,  18 
volumes  in-8°;  des  frères  Baudouin  (  édi- 
tion stéréotype  ) ,  avec  itne  notice  par 
M.  Léon  Thiessé ,  1826 ,  1829,  18  volumes 
în-8°  ;  d'Emler  avec  la  notice  de  M.  Saint- 
Surin  ,  1829 ,  16  volumes  in-S".  Il  a  paru 
en  1818  un  Nouveau  supplément  au  Cours 
de  littérature  de  Laharpe ,  1  volume 
in-8**,  réimprimé  en  1823.  Ses  OEuvres 
choisies  et  posthumes,  Paris,  chez  Mi- 
gneret ,  1806 ,  ont  été  publiées  par  M.  Pe- 
litot,  qui  parait  s'être  conformé  aux  in- 
tentions de  l'auteur  dans  les  retranche- 
niens  qu'il  a  faits.  Il  y  a  inséré  plusieurs 
productions  inédites ,  au  nombre  des- 
quelles sont  les  Fragmens  de  l'apologie 
de  la  religion;  ouvrage  que  Laharpe  avait 
entrepris,  mais  qu'il  n'a  pu  terminer. 
Ces  Fragmens  remplissent  presque  en- 
tièrement le  dernier  volume.  On  y  re- 
marque ,  outre  la  pureté  et  l'élégance  or- 
dinaires à  l'auteur ,  une  onction  et  ime 
élévation  qu'il  avait  puisées  dans  se» 
senlimeus  religieux  et  dans  1  Ecriture 
sainte,  qui  a  fait  l'objet  principal  de  ses 


lectures  et  de  ses  méditations  sur  la  fin 
do  sa  vie.  Son  Théâtre  a  été  imprimé  en 
1779;  il  en  a  élé  fait  un  clioix  qui  a  paru 
en  1816,  Ses  OEuvrcs  cojnpîctes  ont  paru 
en  1820 ,  16  volumes  in-8" ,  et  ses  OEu- 
vres  choisies  avec  une  notice  sur  l'auteur 
par  M.  Fayol  en  1818. 

LAHIRE.  Foyez  VIGNOLES. 

LAHUERTA.  Foyez  HUERTA. 

•  LAIGIMELOT  (  Joseph  François  ) , 
député  à  la  Convention  nationale  par  le 
département  de  Seine-et-Oise,  naquit  à 
Versailles  en  1732.  Il  fit  représenter  en 
1779  sur  le  théâtre  de  sa  ville  natale  ,  et 
en  1782  à  Paris,  une  tragédie  intitulée 
./gis ,  qui  réussit.  Appelé  en  1792  à  siéger 
à  la  Convention ,  il  vota  pour  la  mort  du 
roi,  sans  sursis,  et  fut  quelque  temps 
après  envoyé  en  mission  à  Brest ,  à  Lo- 
rient,  à  la  Rochelle.  En  septembre  1794, 
il  parla  avec  énergie  contre  Carrier,  et , 
le  3  novembre  de  la  même  année ,  il  fut 
nommé  membre  du  comité  de  sûreté  gé- 
nérale; le  12,  Laignelot  fit,  au  nom  des 
quatre  comités  rémiis,  un  rapport  sur 
l'urgente  nécessité  de  suspendre  les 
séances  des  Jacobins ,  qui  fut  bien  ac- 
cueilli. Plus  tard,  il  fut  accusé  d'avoir 
pris  part  aux  mouvemens  populaires  du 
12  germinal  (  1"  avril  1795  j,  et  à  la  révo- 
lution jacobine  des  20 ,  22  et  24  mai  da 
la  même  année.  Il  fut  en  conséquence 
décrété  d'arrestation  avec  Duquesnoy , 
Romrae  ,  Bourbotte ,  etc.  ;  mais  grâce  au 
dénuement  de  preuves ,  il  ne  partagea 
pas  le  sort  de  ses  collègues ,  et  fut  rendu 
à  la  liberté  par  l'amnistie  du  4  brumaire. 
En  1796  ,  s'étant  jeté  dans  la  conspiration 
de  Babeuf,  il  fut  de  nouveau  mis  en  ar- 
restation ,  et  jugé  par  la  haute  cour  de 
Vendôme  qui  l'acquitta.  En  1799,  on  lui 
offrit  une  place  qu'il  refusa  pour  se  livrer 
à  l'étude  des  belles-lettres.  Il  fit  paraître 
en  1804  une  seconde  édition  de  sa  tragé- 
die de  Rienzi,  qui  fut  saisie  sur  le  rap- 
port du  ministre  duc  d'Olrante  ,  et  le  fit 
exiler.  Laignelot  n'ayant  occupé  aucune 
fonction  durant  les  cent  jours ,  ne  fut  pas 
atteint  parla  loi  du  12  janvier  1816  con- 
cernant les  régicides.  Il  s'occupait  depuis 
quelque  temps  de  faire  des  cliangenjens 
à  sa  tragédie  d^Agis,  et  relouchait  ses  tra- 
gédies de  Caton  et  de  Jean  S  force,  lors- 
qu'il est  mort  à  Paris  le  23  juillet  1829. 

LAIMAN,  ou  LAYIMAN  (Paul),  jé- 
suite, né  à  Inspruck  en  1576,  enseigna  la 
philosophie  ,  le  droit  canon  et  la  théolo- 
logie  à  Ingolstadt ,  à  Munich  et  à  Dillin- 
gcn,  et  mourut  à  Constance  en  1635 ,  à  60 


LAI  22 

ans.  On  a  de  lui  une  Théologie  morale  . 
in-fol.,  en  5  parties,  à  Munich,  lC2j  ; 
elle  est  d'un  {jrand  usaye  ,  non-seulement 
pour  les  tliéolojiens  ,  mais  aussi  pour  les 
canonistes.  On  en  a  fait  plusieurs  éditions  ; 
<;elle  de  Paris  ,  1622  ,  est  estimée. 

LAI^AS.  Voyez  LAISNÉ. 

LAI!\É.  Voyez  LAISNÉ. 

LAIKEZ,  ou  plutôt  L  AYNEZ  (Jacques  ), 
deuxième  général  des  jésuites  ,  né  en  1512, 
à  Almançiirio ,  bourg  du  diocèse  de  Si- 
guenza  en  Castille,  contribua  beaucoup 
à  l'établissement  de  la  société  de  Jésus. 
Deux  ans  après  la  mort  de  saint  Ignace  , 
dont  il  fut  im  des  premiers  compagnons  , 
il  lui  succéda  dans  le  généralat.  Il  assista 
au  concile  de  Trente  comme  théologien 
de  Paul  III,  de  Jules  III  et  de  Pie  IV.  Il 
s'y  signala  par  son  savoir ,  par  son  esprit, 
et  surtout  par  son  zèle  contre  les  sectes 
de  Luther  et  de  Calvin ,  et  s'y  fit  telle- 
ment estimer,  qu'ayant  la  fièvre  quarte, 
les  congrégations  des  théologiens  et  des 
cardinaux  ne  se  tenaient  point  les  jours 
de  sa  fièvre.  Laînez  parla  fortement 
contre  l'usage  du  calice  ^  demandé  pour 
les  Allemands  par  le  roi  Ferdinand  et  le 
duc  de  Bavière  ,  malgré  les  grandes  obli- 
gations que  la  société  naissante  avait  à 
ces  princes  ;  persuadé  que  ces  sortes  de 
condescendances,  au  lieu  de  contenter 
les  novateurs ,  ne  font  que  les  enhardir. 
Ce  fut  devant  ce  concile  qu'il  prononça 
la  harangue  célèbre  dans  laquelle  il  cher- 
cha à  établir  la  prééminence  du  pape  sur 
les  autres  évéques ,  ses  délégués.  Laînez 
vint  en  France  à  la  suite  du  cardinal  de 
Ferrare ,  légat  de  Pie  IV  ,  et  y  parut  au 
colloque  de  Poissi ,  pour  s'opposer  aux 
prétentions  des  calvinistes.  Ses  premiers 
traits  s'adressèrent  à  la  reine  Catherine 
de  Médicis.  Il  eut  le  courage  de  lui  mon- 
trer l'inutilité  et  le  danger  de  ces  sortes 
de  disputes ,  qui  semblent  rendre  la  vé- 
rité problématique.  Il  disputa  pourtant 
contre  Bèze  dans  cette  assemblée ,  et  parla 
avec  force  contre  les  erreurs  modernes. 
De  retour  à'  Rome  ,  il  refusa  la  pourpre, 
et  mourut  en  lo6u,  à  53  ans.  Sa  Vie, 
écrite  en  espagnol  par  le  père  Ribade- 
neira,  a  été  traduite  en  latin  par  André 
Schott  et  en  français  par  Michel  d'Esne  , 
seigneur  de  Bettancourt,  Douai,  1597, 
in-b".  On  a  de  lui  quelques  ouvrages  de 
théologie  et  de  morale.  Théophile  Ray- 
naud  le  fait  auteur  des  Déclarations  sur 
les  constitutions  des  jésuites  ;  et  quelques 
écrivains  lui  attribuent  les  Constitutions 
mêmes;  mais  c'est  une   erreur  réfutée 


o  LAI 

par  les  dates  et  les  faits  les  plus  hicon- 
leslables.  (  Voyez  IGNACE.)  Ce  que  quel- 
ques auteurs  ont  écrit  touchant  les  chan- 
gemens  apportés  par  Luinez  dans  l'insti- 
tut des  jésuites  est  également  fabuleux  (i  ). 
Personne  ne  saisit  mieux  que  lui  l'esprit 
du  fondateur,  et  ne  s'appliqua  avec  plus 
d'ardeur  à  le  conserver  parmi  ses  enfans. 
On  trouve  la  liste  de  ses  ouvrages  dans  la 
bibliothèque  de  Sothwell. 

LAIIVEZ  ou  LAYNEZ  (Alexandre), 
poète  de  la  même  famille  que  le  précé- 
dent, né  à  Chimai,  dans  le  Hainaut, 
vers  1650 ,  se  distingua  de  bonne  heure 
par  ses  talens  pour  la  poésie  et  par  son 
goût  pour  les  plaisirs.  Après  avoir  par- 
couru la  Grèce  ,  l'Asie-Mineure  ,  l'Egypte, 
la  Sicile,  l'Italie,  la  Suisse,  il  revint 
dans  sa  patrie  dépourvu  de  tout  ;  mais  ce 
poète  trouva  de  l'accueil  par  ses  saillies 
et  ses  vers  ,  qu'il  faisait  souvent  sur-le- 
champ.  Content  d'être  applaudi  à  table  le 
verre  à  la  main ,  ce  poète  épicurien  ne 
voulut  jamais  confier  à  personne  les  fruits 
de  sa  muse.  La  plupart  des  petites  pièces 
qui  nous  restent  de  lui,  recueillies  par  les 
soins  de  Tilon  du  Tillet,  en  1753 ,  la  Haye 
(Paris)  in-8°,  ne  sont  presque  que  des  im- 
promptu. Lainez  mourut  à  Paris ,  le  18 
avril  1710,  à  60  ans.  Il  avait  imaginé  folle- 
ment de  se  faire  mener  dans  la  plaine  de 
Montmartre ,  et  d'y  mourir ,  pour  voir 
encore. une  fois  lever  le  soleil  (trait  imité 
par  J.-J.  Rousseau  ,  qui  fit  ouvrir  sa  fe- 
nêtre pour  voir  encore  une  fois  la  belle 
nature).  Il  avait  mené  une  vie  volup- 
tueuse qui  avait  influé  sur  ses  sentimens. 
Tous  ses  écrits  n'en  sont  qu'un  trop 
fidèle  tableau.  Le  choix  qu'il  avait  fait  de 
Pétrone  pour  le  traduire  en  prose  et  en 
vers ,  marque  aussi  son  penchant.  Cette 
traduction  n'a  point  été  imprimée. 

*  LAIR  (  le  baron  Pierre-Jacques-Ga- 
briel), inspecteur-général  du  génie  ma- 
ritime, né  à  Caen  le  10  août  1769,  fut  ad- 
mis en  1788,  à  l'école  des  ingénieurs  de 
vaisseau  dirigée  par  Borda.  Employé  d'a- 
bord à  Brest,  il  fut  plus  tard  envoyé  au 
Havre ,  pour  y  diriger  en  chef  les  con- 
structions militaires.  Il  prit  ensuite  une 


(i)  Lrs  biographei  qui  lui  ont  imputé  de  s'être  fait 
donner  les  pouvoirs  les  plus  e'tendus  pour  Ini  et  sel 
successeurs,  tels  que  le  généralat  à  perpétuité,  le 
droit  de  passer  toutes  sortes  de  contrats  sans  délibé- 
ration  commune  ,  celui  d'interpréter  de  mîme,  et  de 
modifier  les  constitutions  de  l'ordre,  col  c'.é  induits  en 
erreur.  Tout  était  arrangé  avant  Lainez  ,  qui  pouvait 
bien  y  avoir  contribué ,  mais  comme  adjoint ,  et  non 
cominc  général  de  la  société. 


LAI 


226 


LAI 


grande  pari  à  réquipemenl  do  la  llolllllt'- 
qui  se  préparait  à  Boulogne;  il  suppléa  à 
la  rarelc  du  bois  de  Gayac  par  des  rouets 
de  poulie  en  fer  coulé ,  auxquels  on  sub- 
stilua,  dans  les  ports  du  Calvados ,  des 
rouets  en  porcelaine.  Ce  fut  principale- 
ment à  Anvers  qu'il  déploya  sa  science 
profonde  et  toute  l'activité  de  son  esprit  : 
il  y  concourut  à  l'exécution  d'un  magni- 
fique bassin ,  dirigea  l'établissement  d'un 
arsenal  immense ,  et  la  construction  d'une 
flotte  qui  donna  de  grandes  inquiétudes  à 
l'Angleterre ,  et  seconda  puissamment  le 
général  Carnol,  dans  la  défense  de  cette 
place  en  181/»..  Avant  M.  Browes,  ingé- 
nieur anglais ,  qui  a  formé  en  i82i  des 
embarcadères  d'une  longueur  considé- 
rable, Lair  avait  établi  des  ponts  volans, 
et  des  embarcadères  flotlans  :  l'essai  qu'on 
en  fit  en  1813  réussit  complètement ,  et  son 
procédé  légèrement  modifié ,  a  été  em- 
ployé au  débarquement  de  l'armée  fran- 
çaise en  Afrique.  Nommé,  en  1815,  direc- 
teur des  constructions  navales  au  port  de 
Brest ,  M.  Lair  s'occupa  dans  cette  ville , 
avec  succès,  de  perfectionner  l'art  de  la 
corderie.  Sa  santé  fayant  forcé  de  se  re- 
tirer, il  alla  établir  près  de  Caen  une  ma- 
nufacture de  sucre  de  betteraves.  Il  est 
mort  le  27  mars  1830,  dans  le  village 
de  Matthieu,  où  naquit  le  poète  Marot, 
et  qu'habitait  dans  sa  jeunesse  Augustin 
Fresnel.  Il  était  depuis  1824,  comman- 
deur de  la  légion  d'honneur,  et  avait 
reçu  de  Louis  XVIIl  les  titres  d'inspecteur- 
pénéral  du  génie  maritime  et  de  baron. 
Aucun  autre  ingénieur  n'a  contribué  plus 
que  lui  à  soutenir  et  à  accroître  la  supé- 
riorité de  la  France  dans  les  cohslructions 
navales,  supériorité  que  l'Amérique  du 
Nord  avoue ,  et  qui  ne  nous  est  plus  con- 
testée, même  par  l'Angleterre. 

*LA1RE  (François-Xavier),  religieux 
minime  de  l'académie  des  Arcades  de 
Rome,  de  la  société  Colombaire  de  Flo- 
rence ,  et  de  l'académie  de  Besançon,  cé- 
lèbre bibliographe,  naquit  le  10  novembre 
1738,  à  Yadans,  village  près  de  Gray  en 
Franche-Comté.  Il  embrassa  la  vie  reli- 
gieuse dans  l'ordre  des  minimes ,  professa 
la  philosophie  au  collège  d'Arbois,  et  ob- 
tint de  ses  supérieurs,  en  1774,  la  per- 
mission d'aller  en  Italie.  Arrivé  à  Rome  , 
il  visita  avec  une  attention  particulière 
les  manuscrits  des  bibliothèques  de  celle 
Cfrande  ville,  et  obtint  par  ses  connais- 
sances en  bibliographie ,  le  titre  de  bil>lio- 
thécairc  du  prince  de  Salm-Salm  ,  qui  lui 
accorda  la  plus  grande  bienveillance.  En 


178(} ,  le  cardinal  de  Briennc  Uii  fit  pro- 
poser la  place  do  son  lublioliiécaire  ,  qu'il 
accepta  avec  joie ,  dans  l'espérance  de 
[>ouvoir  se  livrer  à  son  goût  pour  la  l)ibliO" 
graphie.  Il  obtint  de  ce  cardinal  la  facilité 
de  visiter  les  bibliothèques  les  plus  consi- 
dérables de  l'Italie,  et  retourna  dans  ce 
pays  pour  y  poursuiv/e  sc;s  recherches. 
Pendant  son  séjour  à  Rome,  le  pape  Pie 
VI  lui  accorda  des  marques  d'une  estime 
particulière,  et  essaya,  mais  en  vain  ,  de 
le  retenir  par  une  place  de  conservateur 
à  la  bibliothèque  du  Vatican.  En  1791,  il 
adressa  au  gouvernement  un  Mémoire 
sur  les  mesures  à  prendre  pour  prévenir 
la  dégradation  des  monumens  des  arts, 
s'opposa  avec  une  fermeté  qui  n'ctait  pas 
alors  sans  danger  aux  fureurs  des  Van- 
dales modernes ,  et  parvint  à  sauver  une 
foule  de  monumens  historiques  très  pré- 
cieux. Lors  de  l'organisation  des  écoles 
centrales,  il  fut  nommé  bibliothécaire  du 
département  de  l'Yonne,  et  ouvrit  à 
Auxene,  lieu  de  sa  résidence,  un  cours 
de  bibliographie  très  intéressant.  Il  con- 
serva cette  place  jusqu'à  sa  mort ,  arrivée 
le  27  mai  1801.  On  trouve  une  Notice  sur 
le  père  Laire  dans  le  Magasin  encycloiié- 
dique ,  année  1801  ;  et  dans  le  Recueil  de 
l'académie  de  Besançon  de  1816  ,  par  dom 
Grappin.  On  a  de  lui  :  |  Mémoires  pour 
servir  à  l'histoire  de  quelques  grands 
hommes  du  15'  siècle,  avec  un  supj}lé7nent 
aux  annales  typographiques  de  Mait- 
taircj  en  latin ,  Naples,  1776 ,  in-4";  |  Spé- 
cimen historicum  typographies  romanes 
Xf^seculi,  cum  indice  librorum.  Rome, 
1778,  in-8°;  cet  ouvrage  fut  vivement 
critiqué  par  Audiffrédi  ;  |  Epistola  ad  ab- 
balem  Ugolini^  etc.,  imprimée  à  Pavie, 
avec  la  fausse  indication  de  Strasbourg, 
in-8°  ;  |  De  l'origine  et  des  progrès  de 
l'imprimerie  en  Franche-Comté,  avec  un 
catalogue  des  livres  qui  y  furent  impri- 
més,  Dole,  1784,  in-12;  |  Série  deW  edi- 
zionialdine ,  Pise ,  1790,  in-12  ;  une  2"  édi- 
tion augmeutée,  Padouc ,  1790,in-i2; 
une  5*  édition,  Veni.se,  1792,  même  format; 
1  Index  librorum  ah  inventa  typogruphia 
ad  annum  1500  ,  Sens  ,  1791 ,  2  vol.  in-8°. 
C'est  un  catalogue  liislorique  et  raisonne 
da  tous  les  livres  imprimés  dans  le 
15*  siècle,  qui  faisaient  partie  de  la 
magnilique  bibliothèque  du  cardinal  de 
Brienne;  [  Recherches  et  observations 
historiques  sur  un  tnonument  des  art:, 
qui  existait  dans  V église  de  Sens;  cHcs 
sont  insérées  dans  le  Magasin  encyclopé- 
dique^ année  3*,  pag.  542.  Ce  monuaicnt 


LAI 


227 


LAI 


est  un  superbe  mausolée  élevé  à  la'  mé- 
moire du  rhancelicr  Dupral,  mort  en 
il}T)j    cardinal   et  archevêque   de    Sens. 

1  Lettres  surdifférens  monumens  antiques 
trouvés  à  Juxerre  j  insérés  dans  le  même 
journal. 

LAIU ESSE  (GÉRARD  de),  peintre  et  gra- 
veur, né  à  Liège  en  1640,  mourut  à  Am- 
sterdam en  1711.  Il  avait  l'esprit  cultivé; 
la  poésie  et  la  musique  firent  tour  à  tour 
son  amusement ,  et  la  peinture  son  oc- 
cupation. Son  père  ,  peintre  de  l'évêquc 
de  Liège  ,  fut  son  maître  dans  le  dessin  ; 
il  suivit  aussi  les  leçons  de  Barlholet  Flé- 
mael  :  Lairesse  réussissait ,  dès  l'âge  de 
15  ans,  à  peindre  le  portrait.  Il  gagnait  de 
Vargent  avec  bcavicoup  de  facilité,  et  le 
dépensait  de  méinc.  L'amour  fit  les  plai- 
sirs et  les  tourmens  de  sa  jeunesse;  il 
pensa  être  tué  par  une  de  ses  maîtresses, 
qu'il  avait  abandonnée.  Pour  ne  plus  être 
le  jouet  de  l'inconstance ,  il  se  maria.  Ce 
peintre  entendait  parfaitement  la  poé- 
tique de  la  peinture  ;  ses  idées  sont  belles 
et  élevées;  il  inventait  facilement,  et  ex- 
cellait dans  les  grandes  compositions  ;  ses 
tableaux  sont  distingués  par  un  riche  fond 
d'architecture.  Ou  admirait  une  Assomp- 
tion à  la  cathédrale  de  Liège,  un  Orphée 
et  Euridice  ^  chez  le  chanoine  Diffui ,  la 
Conversion  et  le  Baptême  de  saint  Au- 
gustin aux  Ursulines.  On  lui  reproche 
d'avoir  fait  des  figures  trop  courtes  et  peu 
gracieuses.  Devenu  aveugle  à  50  ans,  il  se 
consola  de  ce  malheur  en  présidant  à  des 
conférences  sur  la  peinture  ,  et  en  dictant 
en  hollandais  toute  sa  théorie.  Ces  leçons, 
recueilh'es  avec  soin  par  ses  auditeurs  et 
ses  disciples,  forment  un  traité  complet 
de  peinture,  dont  M.  Jansen  a  donné 
nne  traduction  française,  sous  le  titre  de 
Grand  livre  des  peintres,  Paris,  1787, 

2  vol.  \n-k°.  On  y  trouve  aussi  les  Prin- 
cipes du  dessin,  q\n  avaient  été  impri- 
més long-temps  avant.  Lairesse  a  laissé 
beaucoup  d'estampes  à  l'eau-forte.  On  a 
gravé  d'après  ce  maître.  Lairesse  fut  père 
de  trois  fils ,  dont  deux  furent  ses  élèves 
dans  son  art.  Sa  facilité  était  si  prodi- 
gieuse ,  qu'il  fit  la  gageure  de  peindre  en 
un  seul  jour  Apollon  et  les  Muses  ;  il  y 
réussit,  et  y  ajouta,  en  outre,  la  léte  très 
ressemblante  de  celui  contre  lequel  îlavait 
fait  cette  gageure.  Le  Musée  de  Paris  con- 
serve de  Lairesse  les  tableaux  suivans  : 
L'Institution  de  l'Eucharistie;  Hercule 
jeune  entre  le  Vice  et  la  Vertu  :  Le  Dc- 


étaienl  aussi  peintres,  Eunest  et  Jean,  qui 
s'attachèrent  à  peindre  des  animaux  ,  et 
Jacques,  qui  représentait  fort  bien  les 
fleurs.  Ce  dernier  a  composé  en  flamand 
un  ouvrage  sur  la  Peinture  pratique. 

LAÎRSVELS  (Sekvais),  né  à  Soignies 
en  Hainault ,  l'an  1560,  abbé  de  Sainte- 
Marie-aux-Bois,  et  réformateur  de  l'ordre 
de  Prémontré ,  fil  approuver  sa  réforma 
par  Louis  XIII ,  qui  lui  permit  de  l'intro- 
duire dans  les  monastères  de  son  royaume, 
et  par  les  papes  Paul  V  et  Grégoire  XV. 
L'abbé  Lairsvels  eut  la  consolation  de  voir 
revivre  en  France ,  comme  en  Lorraine  , 
l'esprit  de  pauvreté,  de  charité,  d'humi. 
lité  et  de  mortification ,  qui  anima  les 
premiers  disciples  de  saint  Norbert.  II 
mourut  à  l'abbaye  de  Sainte-Marie-aux- 
Bois  en  1631 ,  après  avoir  publié  quelques 
ouvrages  de  piété ,  écrits  d'une  manière 
diffuse  :  |  Statut  de  la  réforme  de  l'ordre 
de  Prémontré  ;  \  Catéchisme  des  novices  ; 
I  V Optique  des  réguliers  de  l'ordre  des 
Augusdns,  etc. 

LAIS,  fameuse  courtisane,  née  vers 
l'an  420  avant  J.-C. ,  à  Hyccara,  ville  de 
Sicile,  fut  transportée  dans  la  Grèce, 
lorsque  Nicias,  général  des  Athéniens,  ra- 
vagea sa  patrie.  Corinlhe  fut  le  premier 
théâtre  de  sa  lubricité.  Princes,  grands, 
orateurs,  philosophes,  tout  courut  à  elle. 
Laïs  avait  un  goiit  décidé  pour  les  philo- 
sophes. Le  dégoûtant  cynique  Diogène 
lui  plut.  Aristippe,  autre  philosophe,  dé- 
pensa avec  elle  une  partie  de  son  patri- 
moine. Cette  femme  badinait  quelquefois 
sur  la  faiblesse  de  ces  gens  qui  prenaient 
le  nom  de  sages  :  «  Je  ne  sais  ce  qu'on 
»  entend  ,  dit-elle ,  par  l'austérité  des  phi- 
»  losophes  ;  mais  avec  ce  beau  nom,  ils  ne 
»  sont  pas  moins  souvent  à  ma  porte  que 
»  les  autres  Athéniens.  »  Après  avoir  cor- 
rompu imc  partie  de  la  jeunesse  de  Co- 
rinthe,  Laïs  passa  en  Thessalie,  pour  y 
voir  un  jeune  homme  dont  elle  était  amou- 
reuse. On  prétend  que  quelques  femmes, 
jalouses  de  sa  beauté,  l'assassinèrent  dans, 
un  temple  de  Vénus,  vers  l'an  340  avant 
J.-C.  I-a  Grèce  lui  éleva  des  monumens, 
à  la  honte  de  la  décence  et  des  mœurs, 
que  l'aveugle  gentililé  ne  connaissait  pas, 
et  dont  la  divinité,  comme  dit  saint  Paul, 
était  la  parfie  la  plus  honteuse  de  l'être 
corporel  :  Quorum  deus  venter  est ,  et 
gloria  in  confusione  eorum.  Phil.  5.  Il  no 
faut  pas  confondre  cette  Laïs  avec  une 
autre  qui  vivait  environ  50  ans  plus  tard. 


barquemcnt   de   Cléopûtre    an  port   de    Visconli  dans  son  Iconograjjhie  grecque 
7'ariV.— Lairesse  avait  trois  frères  qui  !  a  fait  graver  une  médaiUe  corinllnenne, 


LAI  228 

sur  laquelle  on  trouve  d'un  côté  le  mau- 
solée que  Corinlhe  éleva  à  la  première  de 
ces  deux  courtisanes,  et  de  l'autre  côté 
une  tète  qu'il  suppose  être  celle  de  Laïs. 
Le  Goux  de  Gerland  a  donné  une  His- 
toire de  Laïs  avec  quelques  anecdotes 
sur  les  philosophes  de  son  temps,  Paris, 
1736,  in-12. 

LAISi\É  ,  ou  LAINAS  (Vinck.nt)  ,  père 
de  l'Oratoire  de  France,  né  à  Lucques  en 
1633 ,  professa  avec  distinction ,  et  lit  des 
Conférences  sur  l'Ecriture  sainte  à  Avi- 
gnon ,  à  Paris  et  à  Aix.  Elles  furent  si  ap- 
plaudies, que  dans  cette  dernière  ville  on 
fut  obligé  de  dresser  des  échafauds  dans 
l'éfïlise.  Sa  santé  avEiit  été  toujours  fort 
délicate.  On  l'avait  envoyé  à  Aix  pour  la 
rétablir;  il  y  mourut  en  1677,  à  45  ans. 
On  a  de  lui  :  ]  les  Oraisons  fwièbres  du 
chancelier  Séguîer  et  du  maréchal  de 
Choiseul.  Les  louanges  y  sont  mesurées ,  et 
les  endroits  délicats  maniés  avec  adresse. 
Son  éloquence  est  à  la  fois  fleurie  et  chré- 
tienne. 1  Des  Conférences  sur  le  concile 
de  Trente  ,  imprimées  à  Lyon  ;  |  des  Con- 
férences manuscrites,  en  4  vol.  in-fol.  sur 
l'Ecriture  sainte.  Un  magnistrat  d'Aix  les 
conservait  dans  sa  bibliothèque.  M""=  de 
Sévigné,  dans  une  de  ses  lettres  à  sa 
iille,  parle  avec  beaucoup  d'éloge  du  ta- 
lent oratoire  de  Laisné,  qu'elle  avait  en- 
tendu débiter  l'une  de  ses  oraisons  fu- 
nèbres ,  et  l'assimile  à  Mascaron ,  dont  ce 
père  était  l'ami. 

•  LAISNÉ  (Antoixe)  ,  avocat  au  parle- 
ment de  Paris,  secrétaire  du  roi  à  Lyon, 
et  directeur  de  l'hôtel  des  monnaies  de 
cette  ville,  naquit  à  Paris  vers  la  fin  du 
17'  siècle.  Il  est  auteur  de  quelques  écrits 
sur  la  numismatique  en  général ,  et  l'ar- 
chéologie, sciences  à  l'étude  desquelles 
il- se  livra  avec  succès  ;  nous  citerons  seu- 
lement :  1  Disquisitio  in  dissertationem 
eut  titulus  est  :  Tumulus  T.  Flavii  mar- 
tijris  illusiratus.  Lyon ,  1728,  in-4°  ;  |  Ex- 
plication d'une  médaille  singulière  de 
Vomitien,  présentée  à  l'académie  de 
Lyon^  Paris,  1735,  in-12;  |  Dissertation 
sur  les  médailles  de  l'cmjJereur  Com- 
mode ,  frappées  en  Egypte  ^  insérée  dans 
les  Mémoires  de  Trévoux ,  mai  1737. 

LAITH ,  ou  LEITH  ,  était  un  chaudron- 
nier qui  éleva  trois  enfans,  nommés  Jacob^ 
jàmrou  et  Jli.  Le  père  et  les  enfans  s'cn- 
nuyant  de  leur  métier ,  voulurent  porter 
les  armes.  Lailh  se  mit  donc  en  campagne 
avec  ses  trois  fils,  et  ayant  ramassé  quel- 
ques gens  de  fortune ,  dont  il  se  fit  le  chef, 
il  devint  capitaine  de   voleurs.  11  volait 


LAK 

pourtant  en  galant  homme,*  car  il  ne  dé- 
pouillait jamais  entièrement  ceux  qui" 
tombaient  entre  ses  mains,  se  contentant 
de  partager  avec  eux  ce  qu'ils  avaient.  Il 
fut  connu  et  estimé  pour  sa  bravoure  et 
pour  celle  de  ses  enfans,  par  Darhan ,  qui 
régnait  alors  dans  le  Ségestan.  Ce  prince 
l'attira  à  sa  cour,  et  l'avança  jusqu'aux 
premières  charges  de  l'état  :  de  sorte  que 
Laith  ,  en  mourant ,  laissa  à  son  fils  Jacob 
l'espérance  et  les  moyens  de  parvenir  à 
qtielque  chose  de  plus  grand.  En  effet ,  ce 
fut  ce  même  Jacob  qui  fonda  la  dynaslio 
des  Soff arides. 

*LARE  (Gérard),  lord,  vicomte,  gé- 
néral anglais ,  né  en  1744 ,  d'une  famille 
très  ancienne  ,  embrassa  de  bonne  heure 
la  carrière  des  armes  et  s'éleva  par  soa 
propre  mérite.  Il  se  distingua  pendant  la 
guerre  de  sept  ans,  et  en  Amérique ,  sous 
le  général  Cornwallis.  Lorsque  l'Angle- 
terre eut  déclaré  la  guerre  à  la  France  , 
en  1795 ,  il  fut  envoyé  en  Hollande  à  la 
tête  de  la  première  brigade  des  gardes; 
il  revint  avec  l'armée  anglaise ,  que  le» 
Français  forcèrent  en  1794  d'abandonner 
le  continent  ;  en  1797,  il  reçut  ordre  de  se 
rendre  en  Irlande,  pour  apaiser  la  révolte 
qui  y  avait  éclaté.  Le  21  juin  de  cette 
môme  année,  il  défit  les  insurgés  à  Vine- 
garhill  ;  peu  après,  les  Français  ayant  dé- 
barqué sous  les  ordres  du  général  Hum- 
bert,  Lake  fut  battu  à  Castlebar,  où  il 
laissa  six  pièces  de  canon.  Il  reprit  sa  re- 
vanche le  8  septembre  1798,  pris  de 
Ballynamuck;  étant  très  supérieur  en 
nombre ,  après  un  combat  opiniâtre ,  il 
força  les  Fi  ançais  et  les  Irlandais  qui  n'é- 
taient point  restés  sur  le  champ  de  ba- 
taille de  mettre  bas  les  armes.  L'Irlande 
se  soumit  ;  Lake,  qui  y  était  en  horreur, 
avait  contribué,  par  ses  mesures  d'une 
sévérité  excessive  ,  à  y  exaspérer  les  es- 
prits. En  1800,  il  fut  nommé  commandant 
en  chef  de  l'armée  anglaise  dans  les  Indes. 
Au  mois  de  novembre  1801 ,  il  décida  le 
nabab  Vézier,  à  céder  à  l'Angleterre  une 
portion  de  territoire,  en  remplacement 
du  subside  auquel  il  était  soumis.  En  1802  y 
il  défit  les  zémindars  de  Sasni  et  de 
Colchoura ,  et  s'empara  de  toutes  leur» 
places.  Le  29  août  1805,  il  entra  sur  le 
territoire  des  jMahrates,  et  après  avoir 
repoussé  le  général  français  Perron,  il 
s'empara  de  la  forteresse  Aly-Ghor.  Le  11 
septembre  1805,  il  attaqua  le  général  fran- 
çais dans  la  plaine  de  Debly,ct  força ^ 
après  un  combat  sanglant,  deux  de  ses 
brigades  à  se  rendre  prisonnières.  Ayaot 


LAL 


229 


LAL 


chassé  les  troupes  mahrates  et  françaises 
de  la  ville  d'Agra,  il  se  trouva  maître  des 
possessions  de  Scindia ,  à  l'est  de  la  ri- 
vière Tomboul.  Vers  la  fin  de  l'année  ,  il 
conclut  un  traité  avec  le  rajah  de  Djei- 
poure.  Le  17  novembre  180/i.,  il  surprit 
dans  son  camp  Holcar ,  chef  des  Mahrates, 
et  le  défit  complètement.  Au  mois  de 
îanvier  1806,  il  investit  Bertpore ,  la  seule 
place  qui  restât  à  Holcar.  Après  une  courte 
paix  ,  les  hostilités  recommencèrent.  Hol- 
car ayant  tout  perdu ,  conclut ,  au  mois  de 
février  1807,  un  second  traité,  après  la 
conclusion  duquel  Lake  revint  en  Angle- 
terre (1807).  Nommé  pair  du  royaume, 
avec  le  titre  de  lord  Lake  ,  baron  de  Dehly 
et  de  Laswarri ,  vicomte ,  gouverneur  de 
Plymouth ,  il  mourut  le  21  février  1808, 
n'ayant  joui  que  quelques  mois  de  sa  haute 
élévation.  —  Geobges- Auguste -Fuédé- 
Bic,  son  second  fils,  qui  avait  fait  sous 
lui  la  campagne  des  Indes,  fut  tué  le  17 
août  1808,  à  la  bataille  de  Roleia  en  Por- 
tugal. Wellington  en  faisait  le  plus  grand 
cas. 

LALANDE  (Jacques  de},  conseiller  el 
professeur  en  droit  à  Orléans,  sa  patrie , 
naquit  en  1622 ,  et  mourut  en  1703.  Il  fut 
aussi  regretté  pour  son  savoir  que  pour 
son  zèle  et  son  inclination  bienfaisante , 
qui  lui  méritèrent  le  titre  de  Père  du 
peuple.  On  a  de  lui  :  [  un  excellent  Com- 
mentaire sur  la  Coutume  d'Orléans ,  Or- 
léans ,  in-fol. ,  1673  ;  réimprimé  en  170/i. 
et  en  1712 ,  2  vol.  in-fol.  augmenté  des 
mémoires  de  l'auteur  et  des  notes  de 
Gyves,  revu...  par  Perreaux  ;  la  première 
édition  est  la  meilleure  ;  [  Traité  du  ban 
et  de  l'arrière-ban .  'm-k° ,  Orléans,  1673  ; 
I  plusieurs  ouvrages  de  droit  en  latin. 
Voyez  les  Mémoires  de  Nicéron ,  tome  63. 
LALANDE  (  Michel-Ricuard  de),  mu- 
sicien français,  né  à  Paris  en  1657,  mou- 
rut à  Versaillesenl726.Il  s'attacha  à  l'or- 
gue et  au  clavecin,  et  se  fit  bientôt  dési- 
rer dans  plusieurs  paroisses.  Louis  XIV 
le  choisit  pour  montrer  à  jouer  du  clave- 
cin aux  deux  jeunes  princesses  ses  filles , 
mesdemoiselles  de  Blois  et  de  Nantes.  Il 
obtint  successivement  les  deux  charges 
de  maître  de  musique  de  la  chambre,  les 
deux  de  compositeur ,  celle  de  surinten- 
dant de  la  musique,  elles  quatre  charges 
de  maître  delà  chapelle. Les  Motets  qu'il 
a  fait  exécuter  devant  Louis  XIV  et  Louis 
XV ,  toujours  avec  beaucoup  de  succès 
et  d'applaudissemens ,  ont  été  recueillis 
en  2  vol.  in-fol.  On  admire  surtout  le 
Cantate,  le  Dixit,  le  Miserere. 
7. 


*  LAL AXDE  (JosEPii-JÉROME  LEFR AN- 
ÇAIS  de),  célèbre  astronome,  né  à  Bourg; 
en  Bresse,  le  H  juillet  1732,  manifesta 
de  bonne  heure  cet  amour  de  la  célébrité 
qui  fut  constamment  sa  passion  domi- 
nante. D'abord  destiné  par  son  père  à  Is^ 
carrière  du  barreau,  il  fut  placé  dans  une 
maison  de  jésuites  à  Lyon,  où  il  prit  le 
goût  de  la  dévotion,  et,  à  l'âge  de  10  ans»- 
il  composait  des  romans  mystiques,  et 
même  lies  sermons  qu'il  débitait  dans  la 
chaire  en  habit  de  jésuite.  Il  étudiait  lea 
mathématiques  sous  le  père  Beraud,  aa 
collège  de  Lyon ,  lorsqu'arriva  la  grande 
éclipse  du  25  juillet  1748,  et  il  suivit  avec 
la  plus  grande  attention  les  observatiolis 
que  faisait  son  professeur  sur  ce  phéno» 
mène.  Quelque  temps  indécis  sur  sa  vo- 
cation, il  se  détermina  alors  à  se  livrer 
à  l'astronomie.  Lorsqu'il  fit  son  cours  de 
philosophie ,  ses  vues  se  tournèrent  vers 
la  religion  et  il  voulut  se  faire  jésuite; 
mais  ces  sentimens  de  piété  ne  purent 
étouffer  en  lui  l'amour  de -la  science  à  la- 
quelle il  devait  plus  tard  donner  tant 
d'illustration.  Dans  la  retraite  où  il  aurait 
vécu ,  s'il  s'était  associé  à  la  société  de 
Jésus,  il  espérait  trouver  les  ressources  el 
la  tranquillité  nécessaires  pour  se  livrer 
sans  distraction  à  son  étude  chérie.  Mais 
ses  parens  s'opposèrent  à  ses  désirs,  et 
l'envoyèrent  à  Paris  pour  faire  son  cours 
de  droit.  Il  fut  en  effet  reçu  avocat.  La» 
lande  avait  fait  la  connaissance  de  Delisle 
qui  avait  établi  un  observatoire  dans  l'hô- 
tel même  qu'il  habitait  ;  il  suivit  ses  le- 
çons ,  assista  au  cours  d'astionomie  que 
Messier  faisait  au  collège  de  France  et 
fréquenta  celui  de  physique-mathémati- 
que, que  donnait  alors  dans  le  même  éta- 
blissement le  professeur  Lemonnier ,  de- 
venu célèbre  pour  la  mesure  d'un  degré 
au  cercle  polaire.  Lalande  sut  gagner  l'a- 
mitié de  ses  maîtres ,  et  profila  de  leur 
enseignement.  On  s'occupait  alors  d'une 
grande  question  astronomique  :  il  s'agis~ 
sait  de  déterminer  la  parallaxe  de  la  lune» 
ou ,  en  d'autres  termes  ,  la  distance  de  \» 
lune  à  la  terre.  Lacaille  s'était  rendu  au 
cap  de  Bonne-Espérance  pour  y  faire  des 
observations  relatives  à  la  solution  de 
cette  question,  et  il  avait  invité  les  savana 
de  l'Europe  à  le  seconder  par  des  obser- 
vations correspondantes  à  celles  qu'il 
allait  entreprendre.  La  position  de  Ber* 
lin  était  celle  qui  paraissait  la  plus  con- 
venable, parce  qu'elle  se  trouve  à  peu 
près  sous  le  méridien  du  Cap  ;  rriais  l'ob- 
servatoire de  cette  ville  n'avait  alors  ni 
20 


LAL 

bon  instrument  ni  astronome 


230 


LAL 


suffisam- 
ment exercé.  Lemonnier,  après  avoir  ob- 
tenu du  gouvernement  l'auforisation  de 
se  rendre  à  Berlin,  n'eut  pas  de  peins  à 
se  faire  remplacer  par  son  élève  auquel 
il  confia  son  grand  quart  de   cercle ,    le 
meilleur  qui  existât  alors  en  France.  La- 
lande   partit   donc  pour  Berlin,  n'ayant 
à   cette  époque  que  19  ans.  Il    fut  pré- 
senté par  Maupertuis  à  Frédéric  qui  s'é- 
tonna de  voir  un  si  jeune  astronome  ,  et 
qui  à  cette  occasion  lui  dit  les  choses  les 
plus  flatteuses.  Lalande  reçu  membre  de 
l'académie  de   Berlin,   passait  les  nuits 
dans  son  observatoire  ,  les  matinées  chez 
Euler  dont  il  recevait  des  leçons  sur  l'a- 
nalyse, et  les  soirées  avec  d'Argens,  Mau- 
pertuis, Lamettrie ,  et  les  autres  philoso- 
phes de  la  cour  du  roi.  Pendant  qu'il  fré- 
quentait cette  société,  il  se  manifestadans 
ses  sentimens  religieux  un  changement 
sensible.  A  son  retour ,  il  publia  le  résul- 
tat de  sesohservations  dans  une  brochure 
qui  avait  pour  titre  :  D.Delalande,  astro- 
nomi  regii^  de  observatmiibus  suis  Bero- 
linensibus^  ad  parallaxim  lunce  definien- 
dam  Epistola.  (  acta  eruditorum ,  augusti 
17S2,  et  Mém.  de  l'acad.  de  Paris ,  années 
4751  et  1752  ).  Il  revint  ensuite  à  Bourg ,  où 
sur  les  instances  de  son  père  ,  qui  aimait 
mieux  avoir  dans  son  fils  un  avocat  qu'un 
académicien ,  il  plaida  plusieurs  causes 
dans  le  barreau  de  celte  ville.  Quoique 
ses  opinions  religieuses,  comme  nous  ve- 
nons de  le  dire  ,  se  fussent  un  peu  modi- 
fiées, il  parut  encore  attaché  à  la  religion 
et  accompagnait  sa  mère  dans  ses  exer- 
cices pieux.  En  1753,  Lalande  âge  de  21 
ans  fut  nommé  professeur  d'astronomie , 
et  revint  à  Paris.  Sur  ces  entrefaites,  La- 
caille  et  Lemonnier  eurent  une  dispute 
sur  le  degré  d'Amiens  :  Lalande  se  pro- 
nonça contre  son  maître.  Le  ressentiment 
de  celui-ci  dura  dix-huit  ans,  ou,  comme 
.  le  disait  Lalande ,  une  révolution  entière 
des  nœuds  de  la  lune.  Pour  tirer  des  ob- 
servations faites  au  Cap  et  à  Berlin  le  parti 
le  plus  sûr  et  le  plus  avantageux ,  il  était 
nécessaire  de  connaître  avec  la  dernière 
précision  le  diamètre  de  la  lune.  Lalande, 
à  l'aide  d'un  héliomètre  de  18  pieds,  par- 
vint  à  déterminer  ce  diamètre,  et  son 
rapport  constant  avec  la  parallaxe  hori- 
zontale. Deux   passages  de  J-^énus  sur  le 
soleil  devaient  avoir  lieu  :  Lalande  repré- 
senta sur  xme  carte  géographique,  alin  de 
pouvoir  choisir  sur  un  globe  les  situations 
lis  plus  favorables,  l'heure  de  l'entrée  cl 
de  la  sorlLe  do  Fénus.  pour  les  diflcrens 


pays  de  la  lorrc.  Il  seservit(  tout  en  la  dé- 
veloppant) do  la  méthode  de  Dc!i:ile,  qui 
devint  ainsi  la  sienne.  Lagrange  la  prit, 
quelques  années  après  pour  sujet  d'un 
grand  mémoire ,  où  l'analyse  la  plus  sa- 
vante le  conduisit  aux  mêmes  procédés 
que  Delisle  et  Lalande  avaient  indiqués  les 
premiers.  Lalande  s'occupa  aussi  de  gno- 
monique ;  il  expliqua  plusieurs  cadrans 
d'une  espèce  particulière,  tels  que  celui 
de  Bourg  en  Bresse,  celui  de  Besançon  (i), 
celui  de  Pingre,  destiné  pour  la  colonne 
de  la  Halle  au  blé ,  bâtie  sur  l'emplace- 
ment de  l'iiôtel  de  Soissons.  Il  fit  une  Dis- 
sertation savante  sur  la  comète  de  1765, 
dont  Halley  avait  préditle  retour,  et  donna 
dans  la  suite  de  nouveaux  détails  sur  la  der- 
nière apparition  de  cette  comète.  Maraldi 
ayant  abandonné  la  direction  de  la  Con- 
naissance rf^s  <em/>.ç^ Lalande  lui  succéda, 
et  eut  la  préférence  sur  Pingre ,  quoique 
cet  astronome  fût  avantageusement  conna 
par  un  Etat  du  ciel ,  rédigé  spécialement 
pour  la  marine.  Lalande  perfectionna 
l'ouvrage  dont  il  était  devenu  rédacteur  ; 
et,  depuis  1760  jusqu'en  1775  inclusive- 
ment, il  en  composa  seize  volumes.  Les 
améliorations  faites  à  cet  ouvrage  exi- 
geant de  plus  amples  explications,  il  les 
réunit  dans  un  volume  qu'il  publia  sépa- 
rément, avec  le  XWtqCC Exposition  du  cal- 
cul astronomique^  Paris,  1752. Dans  cette 
même  année,  Delisle,  son  premier  maître 
à  Paris,  accablé  par  l'âge,  lui  céda  la 
chaire  d'astronomie  qu'il  occupait  au  col-- 
lége  de  France.  Lalande  la  remplit  avec 
hormeur,  et  il  sortit  de  son  école  d'exccl- 
lens  élèves,  tels  que  Henri, Barry,  Piaxzi, 
son  neveu  Lefrançais  Lalande ,  Méchain 
et  autres,  qui  devinrent  très  utiles  à  la 
marine,  en  introduisant  sur  les  vais- 
seaux l'usage  des  instrumens  et  des  mé- 
thodes  astronomiques.  Ces  services  lui 


(i)  Ce  cadran  ,  pîacï  par  un  conseiller  nomme'  IJi- 
zot ,  ëtait  sous  un  auvent;  quand  le  soleil  e'iait  ton- 
vert,  on  ne  voyait  qu'un  ange  dont  le  doigt  srmLialt 
indiquer  quelque  chose  qu'on  n'apercevait  p-ns.  Des- 
que  le  soleil  venait  à  paraître,  on  voyait  r.ii  cadrai» 
lumineux  et  mobile,  et  l'heure  s'y  plaçait  sous  le  doigt 
de  l'ange.  Celui  de  liourg  était  aussi  d'une  espèce  «in- 
gutiè.re  ;  on  n'y  voyait  ni  style  ,  ni  gnomon  j  mais  en 
se  plaçant  «ur  des  points  marqués  pour  les  diffe'ren». 
jours  de  l'année  ,  l'observateur,  tournant  le  dos  ao 
soleil  ,  voyait  son  ombre  couvrir  le  chiffre  qui  indi- 
quait l'heure.  On  conçoit  cependant  que  ce  moyen 
n'était  pas  d'une  grande  précision,  f'oyet  \c  ^Ue'moire 
que  Lalande  écrivit  à  ce  sujet  dans  le  volume  de  <  ySy 
de  VAcade'mie  des  sciences,  et  VEnc/^-lope'dU ptélhe. 
dique  (1789)  ,  où  cet  astronome  ,  peu  satisfait  de  son 
premier  essai  ,  inséra  une  seconde  dcmonslralion  ^u& 
est  encore  asseï  pénible. 


LAL 


251 


LAL 


t»6ritcrenl  dètie  admis  au  nombre  des 
membres  de  racadémie  do  Brest,  et  une 
pension  de  1000  livres,  que  lui  accorda 
le  gouverneiucnl.  Il  rendit  encore  un  ser- 
vice important  à  la  science  qu'il  profes- 
sait, en  réparant  dans  son  Traité  d'as- 
trono?nie  les  omissions  qu'on  reprochait 
à  plusieurs  ou  vraies,  tels  que  les  Elémens 
<lc  Cassini,  les  Institutions  astronomi- 
ques de  Lcmonnier,  cl  les  Leçons  élémen- 
taires de  la  Caille.  On  était  dans  l'année 
d769,  où  l'on  attendait  le  passage  de  f^é- 
nus  sur  le  soleil  :  Lalande  s'empressa 
d'inviter  tous  les  astronomes  de  l'Europe 
à  faire  leurs  observations.  Ces  suvans  lui 
en  adressèrent  les  résultais ,  excepté  le 
père  Hell,  astronome  distingué,  et  connu 
■par  SCS  F2^hétné7'ides  de  Vieime^  ville  où 
il  résidait.  Cela  donna  lieu  à  quelques 
différends  entre  les  deux  astronomes; 
niais  enliu  Lalande  fut  contraint  d'avouer 
<ïue  Tobscrvation  du  père  HcU  sur  le 
passage  de  Ténus  avait  été  la  plus  com- 
plète. Du  reste,  s'il  ne  l'avait  pas  adressée 
à  Lalande,  c'était  par  ordre  de  son  gou- 
vernement. Cependant  LalanHc  publia 
en  1772  son  Observation  sur  ce  même 
passage,  qui  servit  à  déterminer,  le  plus 
exactement  possible,  la  distance  du  soleil 
à  la  terre.  Ayant  lu ,  en  1775,  dans  les 
JElémens  de  la  philosophie  de  Newton, 
par  Voltaire ,  «  que  la  rencontre  d'une 
»  comète  qui  viendrait  choquer  la  terre 
»  aurait  pu  l'embraser,  mais  que  la  Pro- 
»  vidence  avait  tout  disposé  de  manière 
»  à  rendra  celle  rencontre  impossible  ;  » 
et  Clairaut ,  de  son  côté,  à  l'occasion  de 
ïa  comète  de  1739,  ayant  démontré  «  que 
»  les  attractions  planétaires  pouvaient  al- 
»  lérer  sensiblement  une  orbite,  »  Lalande 
se  déclara  contre  la  première  assertion, 
el,  adoptant  en  quelque  sorte  la  seconde, 
il  conclut  que  la  chose  n'était  pas  abso- 
lument impossible,  mais  extrêmement 
invraisemblable,  cl  composa  sur  ce 
sujet  le  J/<?'moîr^  intitulé  :  Réflexions  sur 
les  comètes  qui  peuvent  approcher  de  la 
'terre.  On  eut  connaissance  de  cet  écrit  ; 
et  la  possibilité  que  ce  litre  indiquait 
qu'une  comète  s'approchât  du  globe  ter- 
restre, et  2iar  conséquent  l'embrasât, 
mit  l'alarme  dans  le  public.  On  croyait 
que  la  fin  du  monde  arriverait  dans  l'ins- 
tant où  on  l'attendrait  le  moins.  Celte 
crainte  redoubla  quand  on  apprit  que  ce 
Mémoire  n'avait  pas  été  lu  à  la  séance 
pour  laquelle  on  l'avait  destiné  ;  car  on 
pensa  que  ce  n'était  que  pour  cacher  le 
malheur  qu'on  y  annonçait.  Lalande,  qui 


aimait  tant  la  célébrité,  l'obtint  dans  celle 
occasion,  aux  dépens  de  la  frayeur  gé- 
nérale; clic  fui  telle,  que  le  lieutenant  de 
police  se  fit  remettre  \o  Mémoire ,  et, 
convaincu  qu'il  ne  conienait  rien  d'alar- 
mant ,  il  en  ordonna  la  publication.  Celle 
démarche  prudente  ne  calma  pas  les  es- 
prits, et  l'on  se  persuada  que  l'auteur 
avait  retranché  l'annonce  terrible  que 
l'on  redoutait.  La  tranquillité  ne  se  réta» 
blil  qu'insensiblement,  jusqu'à  ce  qu'on 
eût  oublié  el  le  Mémoire  et  les  comètes. 
Peu  de  temps  après ,  Lalande  se  trans- 
porta à  Béziers,  où  l'on  jouit  du  ciel  le 
plus  pur ,  pour  observer  la  disparition 
qu'on  avait  annoncée  de  l'anneau  de  Sa- 
turne ;  mais  la  faiblesse  de  sa  vue  rendit 
son  observation  moins  exacte  que  celles 
qu'on  avait  faites  à  Paris  cl  à  Londres.  Il 
eut  à  ce  sujet  plusieurs  discussions  avec 
Cassini  de  Thury;  mais  des  amis  com- 
muns mirent  d'accord  les  deux  astrono- 
mes. Lalande  fit  paraître  ,  en  1775  ,  un 
globe  céleste  d'un  pied  de  diamètre  ;  il 
s'occupa  ensuite  de  terminer  un  ouvrage 
sur  les  diamètres  des  satellites  de  Jujji- 
ter,  que  Bailly  avait  laissé  incomplet ,  et 
sur  lequel  celui-ci  lui  laissa  liberté  en- 
tière. Dans  l'année  1789 ,  tous  les  astro- 
nomes se  mirent  en  mouvement  :  il  s'a- 
gissait d'un  passage  de  Mercure,  qui  de- 
vait avoir  Heu  le  3  mai.  Lalande  le  fit 
annoncer  dans  le  Journal  de  Paris ,  et 
avait  déterminé  la  minute  et  la  secondo 
à  laquelle  Mercure  devait  quitter  le  dis- 
que du  soleil.  Lalande  se  trompa,  et  fut 
forcé  d'en  convenir  ;  mais  il  faut  dire 
aussi  que  ce  jour  là  le  ciel  était  couvert 
de  nuages.  Il  avait  pour  compagnon  de 
ses  travaux  sonne  veu,  qui  élaitson  élève, 
dont  il  parle  avec  avantage  dans  la  pré- 
face de  son  Histoire  céleste  française, 
etc.  «  Ce  recueil,  dit-il,  pourra  renfermer 
»  de  nombreuses  observations  de  Cassini, 
»  de  Lemonnier,  de  Delisle ,  de  Messier, 
»  etc.;  mais  j'ai  cru  devoir  commencer 
»  par  les  plus  récentes,  et  surtout  par  les 
•  observations  des  étoiles,   qui   sont  le 

»  premier  fondement  de  l'astronomie 

»  J'avais  délégué  à  Lepaule-Dagelet  la. 
»  description  du  ciel  étoile  :  il  commença 
»  en  1782,  el  l'on  trouve  dans  ce  volume 
»  une  partie  de  ses  observations.  Le 
»  voyage  de  La  Pérouse  nous  l'enleva  le 
»  15  juin  1785.  Michel  Lefrançais  Lalande, 
»  mon  neveu,  me  seconda  au-delà  de  mes 
»  espérances  ,  et  il  est  arrivé  à  cinquante 
»  mille  étoiles.  «  Cet  éloge  de  son  neveu  a 
été  confirmé  par  le  célèbre  docteur  01- 


LAL 


232 


LAL 


bcrs,  qui  ne  balance  pas  à  dire  qiie  celte 
fustoire  céleste  est  une  des  plus  impor- 
tantes productions  du  18'  siècle,  et  il  ajoute 
«  Je  suis  très  persuadé  que  la  postérité 
m  confirmera  ce  jugement ,  et  que  les  as- 
»  tronomes  sentiront  un  jour  tout  le  prix 
»  d'une  description  si  lidèle  et  si  complète 
»  du  ciel.  j>  A  la  fin  du  18'  siècle,  Lalande 
fit ,  par  son  crédit .  bâtir  l'observatoire 
•de  l'Ecole  militaire,  et  «tcheler  par  le  gou- 
vernement le  quuî't  de  cercle^  qui  fut 
confié  à  Dagenet ,  et  ensuite  à  Michel  La- 
lande son  neveu  ;  enfin,  il  fonda  une  mé- 
daille que  l'institut  décerne  tous  les  ans 
à  l'auteur  de  l'observation  la  plus  inté- 
ressante ou  du  Mémoire  le  plus  utile  aux 
progrès  de  Vastronomie.  Il  rédigea  les 
Ephèmérides  jusqu'en  1775,  qu'il  fut 
chargé  de  la  Connaissance  des  temps. 
Ayant  quitté  ce  journal ,  il  le  reprit  en 
4794,  elle  continua  encore  jusqu'à  sa 
tnort.  Dans  sa  vieillesse ,  Lalande  tomba 
clans  des  singularités  assez  communes  à 
ceux  qui  s'appliquent  aux  sciences  de  cal- 
cul ,  et  dont  le  but  principal  était  de  faire 
parler  de  lui  ;  il  se  tenait  le  soir  sur  le 
Pont-Neuf,  et  faisait  voir  aux  curieux,  qui 
l'entouraient  en  grand  nombre,  les  varia- 
tions de  l'éclat  de  l'étoile  Algol,  leur  par- 
lait d'astronomie  ;  et  répétait  qu'il  s'ap- 
pelait Lalande.  Enthousiaste  de  Montgol- 
fier  (  voyez  ce  nom ,  et  GlfSMAO  ) ,  et 
pour  devenir  de  plus  en  plus  populaire , 
il  voulut  aller  à  Gotha  dans  un  ballon 
aérostatique.  Il  annonça  publiquement 
cette  détermination,  monta  sur  le  ballon, 
•qui  s'éleva  dans  les  airs  ;  mais  son  con- 
ducteur, prévenu  à  temps,  le  descendit 
au  bois  de  Boulogne  ,  et  protesta  que  le 
vent  était  contraire  au  voyage  de  Gotha 
Forcé  de  l'interrompre ,  Lalande  se  con- 
sola en  pensant  que  le  public  aurait  su 
apprécier  son  courage,  et  qu'il  serait  l'ob- 
jet dp  toutes  les  conversations.  Au  com- 
mencement de  la  révolution  il  en  em- 
brassa la  cause  avec  transport,  et  pro- 
nonça publiquement,  en  1793,  un  discours 
contre  l'existence  de  Dieu.  Comme  il 
«tait  petit  et  laid,  on  eût  dit,  lorsqu'il  prê- 
chait sa  désolante  doctrine ,  un  démon 
disgracié,  qui  mettait  son  bonheur  à  nier 
la  divinité.  Lorsque  des  temps  plus  heu- 
reux permirent  à  chacun  de  suivre  sa 
croyance ,  il  continua  d'afficher  et  de 
prêcher  l'athéisme ,  et  aida  Sylvain  Ma- 
réchal dans  la  composition  du  Diction- 
maire  des  athées.  Il  publia  même  deux 
Supplémens  à  cette  mauvaise  compila- 
tion, lesquels  sont  pleins  de  mensonges  et 


de  jactance  ;  enfin  il  porta  si  loin  sa  manie 
de  vouloir  faire  des  prosélytes,  que  dans 
les  maisons  qu'il  fréquentait,  il  catéchi- 
sait jusqu'aux  domestiques,  et  qu'il  reçut 
ordre  du  gouvernement  d'être  plus  cir- 
conspect et  de  ne  plus  rien  écrire  sur  cet 
article.  On  a  attribué  sa  conduite  dans 
cette  occasion  à  l'en  vie  qu'il  avait  de  fixer 
l'attention  sur  lui,  n'importe  comment.  Il 
disait  lui-même  qu'il  était  une  toile  cirée 
pour  les  injures,  et  une  éponge  povir  les 
louanges.  Il  a  fait  imprimer  à  plusieurs 
reprises,  qu'il  croyait  posséder  toutes  les 
vertus  de  l'humanité.  «  J'ai  peut-être  eu 
»  tort  de  parler  ainsi ,  ajoute-t-il  quelque 
»  part,  mais  ma  conscience  intime  m'en  a 
»  fait  une  loi.  »  Un  homme  d'esprit  di- 
sait :  Au  moins,  de  ses  vertus,  il  faut  en 
excepter  la  modestie.  Son  caractère  sin- 
gulier et  bizarre,  et  l'habitude  qu'il  avait 
contractée  d'émettre  continuellement  son 
opinion ,  même  sur  les  matières  qui  n'é- 
taient pas  de  son  ressort ,  avait  animé 
contre  lui  une  foule  de  mécontens  et  de 
détracteurs  qui  en  vinrent  jusqu'à  l'acca- 
bler d'outrages  dans  les  derniers  temps 
de  sa  vie.  On  prétend  «  que  tous  les  ans  , 
»  dans  la  semaine  sainte ,  il  se  faisait  lire 
»  la  Passion  de  Jésus-Christ.  »  On  nous 
permettra  d'être  un  peu  sceptiques  sur 
ce  point,  et  la  fin  de  Lalande  ne  justifie 
que  trop  nos  doutes.  Pendant  long-temps, 
il  s'était  soumis  à  un  régime  qui  consistait 
à  faire  diète,  à  boire  beaucoup  d'eau, 
et  à  entreprendre  de  longues  courses.  Ce 
régime ,  qu'il  suivait  dans  les  saisons  les 
plus  rigoureuses,  finit  par  altérer  sa 
santé ,  qui  n'était  pas  d'ailleurs  très  ro- 
buste. Il  prévit  que  son  dernier  moment 
allait  arriver,  sans  se  mettre  en  peine  de 
se  procurer  les  secours  de  la  religion.  Le  4 
avril  1807,  au  matin,  il  dit  à  ceux  qui  l'en- 
touraient :  Je  n'ai  plus  besoin  de  vous  , 
allez  vous  reposer.  On  revint  quelques 
momens  après  ;  il  avait  expiré ,  âgé  de 
soixante-quinze  ans.  Tout  le  monde  con- 
naît son  goût  bizarre  pour  les  chenilles 
elles  araignées,  qu'il  avalait  avec  une 
affectation  ridicule;  et  il  trouvait  plai- 
sant, lorsqu'il  se  trouvait  en  la  compagnie 
des  dames ,  de  renouveler  en  leur  pré- 
sence ces  dégoûtantes  scènes  de  poly- 
phagie.  C'était  là  ce  que  Lalande  appelait 
se  mettre  au-dessus  des  préjugés.  Ayant 
dit  un  jour  à  madame  Condorcet  qu'il 
trouvait  à  cet  étrange  mets  une  saveur 
de  noisette  :  —  a  Je  comprends,  répliqua 
»  cette  dame;  c'est  à  peu  près  comme  oa 
»  peut  trouver  à  l'athéisme  une  odeur  de 


LAL  '2 

»  pliilosopliie.  j>Le  chevalier  de  Piis  fit  à 
ce  sujet  le  couplet  suivant  : 

Quand  sur  voire  blanche  Atsiette 
La  noire arachné  courra, 
Pour  la  croquer  sans  fourcliette 
Entre  vos  doigts  prenez  la  : 
Si  non  de  vous  ,  landerlrctte , 
monsieur  de  Lalande  rira. 

Son  cynisme  répondait,  dans  les  derniers 
temps  de  sa  vie  à  ses  habitudes  et  à  ses 
doctrines.  II  a  laissé  :  ]  Exposition  du  cal- 
cul astronomique  ,  Paris ,  17G2,  1  vol.  ; 
]  Traité  d'astronomie,  d764,  2  vol.  in-4°  ; 
îl  en  donna  deux  autres  éditions  :  celle 
de  1790  contient  ses  nouvelles  tables  des 
planètes;  un  quatrième  volume,  publié 
en  1780,  renferme  un  grand  nombre  d'ob- 
servations sur  les  marées.  On  y  trouve 
aussi  un  Mémoire  de  Dupuis  sur  l'origine 
astronomique  de  toutes  les  fables  ,  et  qui 
fut  le  germe  de  l'ouvrage  peu  orthodoxe 
de  l'Origine  de  tous  les  cultes;  |  Mémoire 
sur  le  passage  de  J^énus  ^  observé  la  5 
juin  1769 ,  pour  servir  de  suite  à  l'expli- 
cation de  la  cqrte  publiée  en  1764^  Paris  , 
1772,  In-4°;  |  Réflexions  surles  comètes  qui 
peuvent  approcher  de  la  terre,  ibid.,  1774; 
]  Lettre  sur  l'anneau  de  SatU7me décrite 
par  M.  Lalande  à  M.  Cassint,  au  sujet  de 
son  avis  imprimé  dans  le  Journal  politi- 
que d'août  1773,  Toulouse,  in-8°;  |  Abrégé 
de  navigation  historique,,  théorique  et  pra- 
tique ,  par  M.  Lalande  ^  avec  des  tables 
horaires,  calculées  par  madame  Lalande, 
sa  nièce,  Paris,  1773,  1  vol.  in-4°.  L'au- 
teur y  a  inséré  le  catalogue  de  tous  les 
bons  livres  de  navigation  qui  ne  sont  pas 
indiqués  dans  la  Bibliographie  astrono- 
mique. (  Astronomie  des  Darnes^  1793, 
d  vol.  in-18  ;  |  Catalogue  de  mille  étoiles 
circompolaires^  d79o  ;  |  Mémoire  sur  la 
hauteur  de  Paris  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer,  1793  ;  \  Histoire  céleste  française , 
contenant  les  observations  de  plusieurs 
astronomes  français,  1801,  imprimée  par 
ordre  du  gouvernement;  |  y'oyage  au 
Mont-Blatic.  fait  en  août  1796,  in-8°  de 
4'ingt  pages  ;  |  Voyage  en  Italie  (  en  1765 
et  1766),  2"  édition,  Paris,  1786,  9  vol. 
in-12;  excellent  ouvrage,  avec  un  atlas, 
contenant  les  plans  topographiques  des 
principales  villes.  L'auteur,  loin  d'y  affi- 
cher cette  manie  d'athéisme  qui  le  fit 
mépriser  même  de  ses  partisans  sur  la  fin 
de  ses  jours,  parle  convenablement  de  la 
religion,  de  la  cour  de  Rome,  des  papes 
et  du  clergé.  Il  regarde  les  cérémonies 
de  l'Eglise  comme  respectables  en  dépit 
d'une  philo  s  oj}hie  destructive  de  toute  iné- 


33  LAL 

g  alité ,  de  toute  religion,  de  tout  pouvoir, 
et  il  se  moque  d'un  médecin  génois  nom- 
itié  Riva,  dont  la  folie  était  de  prêcher 
l'athéisme,  ne  prévoyant  pas  que  ce  se- 
rait un  jour  sa  folie  à  lui-même.  Il  a  été 
éditeur  des  Leçons  élémentaires  d'astrO' 
nomie  de  La  Caille .  4*^  édition,  1780  ;  d\x 
Traité  de  la  Sphère  et  du  Calendrier, 
par  Rivard,  d798,  nouvelle  édition;  de 
V Histoire  des  mathématiques  de  Montu- 
cla,  d800,  etc.  Il  a  en  outre  travaillé  à  la 
Bibliographie  astronomique,  a.  presque 
tous  les  Journaux  ou  Recueils  savans  de 
l'Europe  ;  il  a  écrit  plusieurs  mémoires 
séparés,  des  discours,  des  réflexions, 
des  Eloges  peu  estimés,  etc.,  etc.,  etc., 
dont  la  nomenclature  serait  trop  longue, 
et  que  l'on  peut  trouver  dans  la  Fratice. 
littéraire,  à  l'article  Lalande,  par  J.  M, 
Quérard.  L'éloge  de  Lalande  fait  par 
M.  Delambre  se  trouve  dans  le  tome 
5  des  Mémoires  de  l'Institut.  Madame  la 
princesse  Constance  de  Salm  a  lu  en 
1809  à  l'Athénée  des  arts  un  éloge  his- 
torique de  Lalande  ;  ce  morceau  suivi 
de  notes  extraites  des  Mémoires  de  La- 
lande, se  trouve  dans  le  tome  2  du  Maga- 
sin encyclopédique,  1810.  On  peut  con- 
sulter aussi  sur  les  ouvrages  de  Lalande 
le  Dictionnaire  d'Ebert,  la  Bibliothèque 
astro7iomique ,  la  France  littéraire  de 
Ersch ,  le  Supplément  au  Dictionnaire 
des  anonymes  de  M.  A.  A.  Barbier. 

LALAIN'E  (Piekise),  rimeur  parisien, 
fils  d'un  garde-rôles  du  conseil  privé  , 
ii'est  connu  que  par  quelques  Stances  et 
une  espèce  ^Eglogue  insérée  dans  le 
tome  4  du  Recueil  des  plus  belles  pièces 
des  poètes  français,  par  mademoisells 
d'Aunoi ,  et  quelques  autres  pièces  re- 
cueillies en  17o9 ,  in-12 ,  avec  celles  de 
Montplaisir.  Elles  se  trouvent  aussi  dans 
un  autre  recueil  publié  par  Lefèvre  de 
Saint-Marc,  Amsterdam  (Paris),  1759,  2 
vol.  in-12.  Il  mourut  vers  1761.  Il  était  lié 
avec  Ménage  ,  à  qui  il  a  adressé  une  de 
ses  pièces  réputée  la  meilleure  :  elle. est 
écrite  en  stances. 

LALANE  (NoEL  de),  fameux  docteur  de 
Sorbonne ,  né  à  Paris  ,  était  abbé  de  Notre- 
Dame  de  "Valcrolssant.  Il  fut  le  chef  des 
députés  envoyés  à  Rome,  en  1653,  pour 
l'affaire  de  Jansénius ,  à  la  défense  du- 
quel il  travailla  toute  sa  vie.  Ce  fut  lui 
qui  prononça  devant  Innocent  X  la  ha- 
rangue rapportée  au  chapitre  22  de  la  6* 
partie  du  journal  de  Saint-Amour.  On  lui 
attribue  plus  de  40  ouvrages  différens 
sur  ces  matières,  sur  lesquelles  l'autorité 
20. 


LAL 


234 


LAL 


ile  l'Eglise  eût  dû  lui  donner  dea  senll- 
«nens  différens.  Les  principaux  sont  :  |  De 
imlio  pice  voluntatis  ^  1650,  in-12;  |  La 
Crâce  victorieuse ^  in-4°,  sous  le  nom  de 
Beaulieii  :  la  plus  ample  édition  est  de 
i666  ;  I  Conformité  de  Jansénius  avec  les 
thomistes  sur  le  sujet  des  cinq  Proposi- 
tions ;  I  Vindiciœ  sancti  Thomœ  circa 
<gratiam  sufficientem,  ^  contre  le  père  Ni- 
colaï,  dominicain,  avec  Arnauld  et  Ni- 
cole. Lalane  mourut  en  1673 ,  à  53  ans.  Il 
«ut  part  à  plusieurs  des  écrits  d'Arnauld 
et  de  Nicole. 

•  LAL\UBIE  ( Louis-Henry-Guy  DE- 
t.OLM  de),  médecin  distingué  d'Aurillac, 
et  maire  de  cette  ville,  mort  en  1829,  étu- 
dia au  collège  Louis  le  Grand,  et  vint 
exercer  la  profession  de  médecin  dans 
son  pays.  Pendant  la  révolution ,  il  avait 
publié  un  opuscule  sur  la  loi  naturelle^ 
dont  quelques  passages  attaquaient  la  ré- 
vélation :  peu  de  temps  avant  sa  mort , 
le  3  novembre  1828 ,  il  a  rétracté  cet  ou- 
vrage par  un  acte  ainsi  conçu  :  Dans  le 
discours  sur  la  religion  naturelle  ,  que 
i'ai  publié  pendant  la  révolution ,  je  re- 
grette beaucoup  d'avoir  ajouté  à  la  fin 
tout  ce  que  j'ai  dit  contre  la  révélation  ^ 
particulièrement  dans  l'application  que 
jen  faisais  à  la  religion  chrétienne.  Il  a 
paru  à  Aurillac ,  une  Notice  nécrologique 
sur  Delolm  Lalaubie ,  où  ce  fait  est  re- 
laté. 

*  L ALLEMAND  (Jean-Baptiste),  pein- 
tre, né  à  Dijon,  vers  1710,  fut  d'abord 
obligé ,  à  cause  de  son  peu  de  fortune , 
de  travailler  avec  son  père ,  tailleur  d'ha- 
bits ,  et  de  négliger  l'art  pour  lequel  il  se 
sentait  le  penchant  le  plus  prononcé.  Il 
employait  néanmoins  les  momens  de  loi- 
sir dont  il  pouvait  disposer  à  manier  le 
crayon  ou  le  pinceau.  Ayant  obtenu  de 
son  père  la  permission  d'aller  travailler 
à  son  métier  de  tailleur  à  Paris ,  il  se  ren- 
dit dans  la  capitale.  Un  jour  une  personne 
•dit  en  sa  présence  qu'elle  avait  besoin  de 
tableaux  pour  décorer  sa  maison.  «  Je  me 
*  charge  de  les  faire  ,  »  repart  vivement 
le  jetune  tailleur  qui  en  ce  moment  tenait 
Taiguille.  L'étranger  ayant  regardé  avec 
Tin  sourire  cet  instmment  de  son  métier, 
^allemand  la  jette  avec  dépit  ,dnsiste,  et 
parvient  à  inspirer  de  la  confiance.  Notre 
tailleur-peintre  se  met  à  l'œuvre ,  et  exé- 
cute quatre  tableaux  représentant  lés 
i^fuatre  saisons  ^  qui  furent  généreuse- 
ment payés.  Le  premier  succès  fut  bientôt 
suivi  d'autres  qui  procurèrent  au  nouvel 
artiste  les  moyens  de  passer  en  Angle- 


terre où  ses  ouvrages  furent  achetés  par 
les  personnages  les  plus  distingués.  La 
température  de  ce  climat  lui  étant  con- 
traire ,  il  revint  passer  quelque  temps 
dans  le  sein  de  sa  famille  à  Dijon,  puis  se 
rendit  à  Rome  où  il  demeura  plusieurs 
années ,  s'occupant  de  composer  un  assez 
grand  nombre  de  tableaux ,  et  de  se  per- 
fectionner par  l'étude  des  chefs-d'œuvre 
des  grands  maîtres.  Plusieurs  cardinaux 
employèrent  ses  talens,  et  il  fit  pour  le  Va-^ 
tican  différentes  compositions.  Il  épousa 
une  romaine ,  peu  riche  ,  mais  douée  de 
vertus,  et  vint  se  fixer  à  Paris,  où  l'acadé- 
mie de  Saint-Luc  le  reçut  dans  son  sein. 
Lallemand  fit  pour  les  moines  de  Saint- 
Martin,  près  d'Aulun,  six  grands  tableaux 
qui  excitèrent  l'admiration.  Ce  sont  des 
paysages  héroïques  et  des  marines  ,  dont 
deux  surtout  sont  au-dessus  de  tout  élo- 
ge. On  a  placé  ses  productions  à  côté  do 
celles  de  Vernel ,  au  génie  duquel  il  était 
le  premier  à  rendre  hommage.  Le  musée 
de  Dijon  possède  quelques-uns  de  ses  ou- 
vrages. Ce  peintre  est  mort  en  1802  ou 
1803. 

•  LALLEMAND  (Dominique)  ,  baron  , 
né  à  Metz ,  embrassa  la  carrière  militaire, 
et  dut  à  sa  valeur  et  à  ses  connaissances 
les  différens  grades  qu'il  obtint.  Parvenu 
au  rang  de  général  de  brigade  dans  l'ar- 
tillerie ,  il  se  battit  en  cette  qualité  pen- 
dant la  première  invasion  en  18 ii.  Le 
gouvernement  royal  l'avait  décoré  de  la 
croix  de  Saint-Louis  ;  toutefois  à  la  nou- 
velle du  débarquement  de  Bonaparte  re- 
venu de  l'ile  d'Elbe ,  il  chercha  à  opérer 
un  mouvement  en  sa  faveur  dans  le 
département  de  l'Aisne  ;  ses  tentatives 
ayant  échoué ,  Lallemand  fut  arrêté ,  et 
détenu  jusqu'à  l'arrivée  de  Napoléon  à 
Paris  :  alors  il  fut  nommé  lieutenant- gé- 
néral, et  combattit  à  Waterloo,  à  la  tête 
de  l'artillerie  de  la  garde.  Après  avoir 
suivi  l'armée  dans  sa  retraite  sur  Paris, 
puis  au-delà  de  la  Loire ,  il  passa  aux  Etats- 
Unis.  Compris  dans  l'article  2  de  l'ordon- 
nance du  24  juillet  181S,  et  condamnée 
mort  par  contumace  ,  il  résolut  conjoin- 
tement avec  son  frère  Charles ,  lieutenanfr 
gétiéral ,  de  fonder  une  colonie  d'exilés 
français  au  Texas  ,  sous  la  dénomination 
de  Champ-d' Asile  :  cette  entreprise  ne 
put  réussir,  et  la  colonie  fut  dissoute.  Elle 
avait  été  en  France  l'objet  des  souscrip- 
tions nombreuses  des  partisans  du  gou- 
vernement déchu  ;  Lallemand  se  fixa  en- 
suite aux  Etats-Unis ,  où  il  épousa  la  fille 
d'un  riche  négociant.  11  est  mort  le  13  sep- 


LAL 

tcmbre  1823,  à  Borden-Town ,  dans  la 
province  de  New-Jersey.  On  a  de  lui  un 
Traité  d'a7'tillerie ,  estimé,  qui  a  été  tra- 
duit en  anglais  par  le  professeur  Rcn- 
wick. 

*  LALLEMANDET  (Jean), théologien, 
né  à  Besançon  en  1593,  embrassa  la  vie 
religieuse  dans  l'ordre  des  Minimes.  Ses 
supérieurs  l'envoyèrent  en  Allemagne 
professer  la  théologie  et  la  philosophie, 
en  1641  il  fut  nommé  provincial ,  et  chargé 
de  la  surveillance  des  maisons  de  son  or- 
dre ,  dans  la  haute  Allemagne ,  la  Bohème 
et  la  Moravie.  Il  est  mort  à  Prague,  le  10 
novembre  1617,  âgé  de  52  ans.  On  a  de 
lui  les  ouvrages  suivans  :  |  Decisiones 
philo soj)hic ce  tribus  partibus  comprehen- 
scB y  Munich,  16i5  et  1646,  in-fol.  ;  réim- 
primé sous  ce  litre  :  Cursus  philoso- 
phicus^  etc.,  Lyon ,  1656 ,  in-fol  ;  f  Cursus 
théologiens  in  quo,  discussis  hinc  indè 
Thomistarum  et  Scolistarum  prœeipuis 
fundamentis  ^  decisiva  sententia  pronun- 
tiatur.  Lyon ,  1636 ,  in-folio.  Ces  deux  ou- 
vrages ont  joui  long-temps  eu  Allemagne 
d'une  grande  célébrité.  Il  avait  laissé  en 
manuscrit  un  traité  de  Eucharistia;  Elu- 
cidationes  in  institutiones  juris  civilis;  et 
Institutumjuris  canonici.  Le  père  Lalle- 
mandet  avait  d'abord  refusé  par  modestie 
le  doctorat  que  lui  offrit  l'université  de 
Prague.  Mais  il  finit  par  accepter  un  di- 
plôme qui  lui  donnait  le  droit  d'argumen- 
ter dans  les  concours  publics ,  droit  ré- 
servé aux  seuls  gradués. 

LALLKMAIXT  (Louis),  jésuite,  né  à 
Châlons-sur-Marne  en  1578,  mort  recteur 
à  Bourges,  en  1655  ,  est  auteur  d'un  Re- 
cueil de  Maximes ,  qu'on  trouve  à  la  fin 
de  sa  Vie ,  publiée  en  1694,  in-12 ,  par  le 
père  Champion ,  et  qui  a  paru  depuis  sous 
le  titre  de  Doctrine  spirituelle  ;  la  der- 
nière édition  est  d'Avignon  ,  1781.  Il  y  a 
d'excellentes  choses ,  fruits  d'une  grande 
expérience  dans  les  choses  de  Dieu  ;  mais 
aussi  quelques  minuties ,  des  mysticités 
un  peu  exotiques ,  et  des  assertions  au 
moins  incertaines. 

LALLEMAÎ^T  (Pierre),  chanoine  ré- 
gulier de  Sainte-Geneviève,  né  à  Reims 
vers  1622,  n'embrassa  cet  état  qu'à  l'âge 
de  33  ans.  La  chaire ,  la  direction  et  les 
ceuvres  de  piété  remplirent  le  cours  de 
5a  vie.  Il  la  termina  par  une  mort  sainte 
en  1673,  à  51  ans,  après  avoir  été  prieur 
de  l'abbaye  de  Sainte-Geneviève  et  chan- 
celier de  l'université.  Nous  avons  de  lui  : 
\  le  Testament  spirituel ,  in-12  ;  |  Les 
saints  désirs  de  la  mort ^  m-i'2  ;  [  La  mort 


255  LAt 

des  justes  j  in-12.  Ces  trois  ouvrages  sont 
entre  les  mains  do  toutes  les  personnes 
pieuses;  |  Abrégé  de  la  vie  de  sainte 
Geneviève  ^  1663 ,  in-12  ,  réimprimé  en 
1683 ,  avec  des  notes  du  père  Dumoulinet , 
in-8"  :  elle  manque  de  critique  ;  |  Eloge 
funèbre  de  Pompone  de  Bellièvre  ,  1671 , 
in-4°,  prononcé  à  l'Hôtel-Dieu  de  Paris, 
le  17  avril  1637. 

L ALLEMAIVT  (  Jacques  -  Phillippe  ) , 
jésuite ,  né  vers  1660  à  Saint-Valery-sur- 
Somme ,  mourut  à  Paris  en  1748.  Il  était 
un  des  plus  zélés  défenseurs  de  la  consti- 
tution Unigenitus^eiiXQ  l'autorité  de  l'E- 
glise. On  a  de  lui  :  |  Le  Véritable  Esprit 
des  nouveaux  disciples  de  saint  Augustin. 
1705  et  1707 ,  4  vol.  in-12  :  tableau  vrai  à 
certains  égards  ,  mais  quelquefois  outré. 
I  Le  sens  propre  et  littéraire  des  Psau^ 
mes^  en  prose,  in-12  ,  et  qui  met  dans  un 
beau  jour  les  sublimes  cantiques  du  pro- 
phète roi.  On  en  a  fait  une  multitude  d'é- 
ditions; et  ce  livre  ne  saurait  être  trop 
familier  aux  chrétiens  ;  c'est  le  meilleur 
livre  de  prières  qu'on  puisse  leur  suggé- 
rer. Le  père  Goldhagen  a  donné  une  pa- 
raphrase allemande  sur  ce  modèle  , 
Mayence,  1780,  in-8°.  {V.  DAVID).  [  Ré- 
flexions  sur  le  nouveau  Testament^  12  vol. 
in-12,  qu'il  opposa  à  celui  de  Quesnel. 
Si ,  comme  l'ont  prétendu  les  gens  de 
parti ,  il  lui  est  inférieur  pour  les  grâces 
du  style ,  ce  désavantage  est  bien  réparé 
par  une  exacte  orthodoxie.  Il  y  a  à  la  fin 
de  chaque  chapitre  do  très  bonnes  notes 
pour  l'intelligence  du  sens  littéral ,  par  le 
Père  Languedoc  ;  |  une  Traduction  do 
l'Imitation  de  Jésus-Christ ,  1  vol.  in-12. 
Plusieurs  Ouvrages  contre  les  réfractaires 
aux  décisions  de  l'Eglise.  - 

*  LALLEMAIVT  (Richard  CONTERAY), 
imprimeur  célèbre  par  ses  belles  éditions 
des  classiques,  né  à  Rouen,  en  1726,  y 
mourut  le  3  avril  1807,  après  y  avoir 
rempli  différentes  fonctions  municipales. 
Louis  XV  lui  avait  expédié  des  lettres  de 
noblesse.  Parmi  les  ouvrages  classiques 
sortis  de  ses  presses ,  on  distingue  le  PetiJ 
Apparat  royale  ou  Nouveau  Diction-^ 
naire  fi-ançais-latin ^^onan ,  1760,  in-8°: 
13'  édition,  corrigée  et  augmentée  de 
1500  aclicles,  par  M.  Boinvilliers,  Paris, 
Delalain,  1818,  in-8°  ;  |  V Ecole  de  la 
chasse  aux  chiens  courans  .  par  Verrier 
de  la  Conterie  ,  1763 ,  in-8°  ;  Lallemant  a 
fait  précéder  cet  ouvrage  de  la  Bibliothè- 
que des  théreuticographes s  c'est-à-dire, 
des  auteurs  qui  cmt  traité  de  la  chasse.  Ce 
morceau  de  la  bibliographie,  très  estimé. 


LAL  25 

est  Icrmîné  par  une  table,  qui  est  elle- 
même  un  chef-d'œuvre.  —Nicolas,  et  Ri- 
chard-Xavier-Féux, frères  du  précédent, 
s'aidèrent  dans  ses  travaux  typographi- 
ques. Le  dernier,  né  le  8  mars  1729 ,  ayant 
embrassé  l*état  ecclésiastique ,  fut  vicaire- 
général  du  diocèse  d'Avranches.  Outre  le 
Dictionnaire  français-latin  ^  dont  nous 
venons  de  parler,  on  doit  aux  trois  frères  : 
1  le  Rudiment  latin  ^  avec  la  méthode  ^ 
fn-12;  I  le  Dictionnaire  français-latin  ^ 
■par  le  Père  Lebrun^  augmenté,  in-4°  ; 
J  Ovide ^  latin-français,  par  Fontanelle, 
augmenté,  2  vol.  in-12  ;  |  Virgile^  en  la- 
lin,  avec  les  notes  du  père  Jouvency, 
augmenté ,  in-12  ;  ]  Fables  de  Phèdre  ^  en 
latin-français  ,  avec  des  notes  ;  |  Sallustii^ 
et  Cornelii  Nepotis  Opéra  j  avec  des  no- 
tes. Ces  ouvrages  classiques  ont  été  si 
souvent  réimprimés ,  qu'il  serait  inutile 
d'en  indiquer  les  éditions. 

*  LALLEMEIMT  (Guillausie),  journa- 
liste, né  à  Metz  le  2o  décembre  1782,  mort 
en  1828  à  Paris,  débuta  dans  la  carrière  des 
lettres  par  quelques  poésies  en  l'honneur 
de  Napoléon.  On  a  de  lui  :  ]  une  Histoire  de 
la  Colombie,  1826,  in-8°,  1827 ,  in-32 , ou- 
vrage remarquable  pour  le  style  et  pour 
l'exactitude ,  et  le  premier  qui  ait  paru 
sur  celte  république  ;  |  Petit  Roman  d'une 
grande  histoire  ou  Wimjt  ans  d'une  plume  ^ 
facétie ,  \W\, ,  in-8"  ;  j  le  Secrétaire  royal 
parisien  j  ou  Tableau  indicatif  de  tout  ce 
gui  J  dans  Paris ,  peut  intéresser  etc. , 
4814,  in-12;  |  De  la  véritable  légitimité 
des  souverains  ^  de  V Elévation  et  de  la 
chute  des  dynasties,  1814,  in-S".  Lalle- 
ment  avait  aussi  fourni  des  articles  à  la 
feuille  quotidienne  intitulée  \Aristarque. 
Ses  opinions  l'ayant  placé  en  1816  parmi 
les  Français  réfugiés  en  Belgique ,  il  y 
publia  successivement  le  Journal  de  la 
Flandre  Orientale  et  Occidentale  ^  qui 
s'imprimait  à  Gand,  et  la  Gazette  de  Liège ^ 
puis  il  inséra  des  articles  dans  le  Vrai  li- 
béral de  Bruxelles.  Rentré  en  France 
deux  ans  après,  il  fournit  des  articles  à 
plusieurs  journaux ,  tels  que  le  Diable 
boiteux,  le  Frondeur ,  etc.  Lallement  est 
en  outre  l'éditeur  du  Choix  de  rapports  ^ 
opinions  et  discours  prononcés  à  la  tribune 
nationale  depuis  i789  jusqu'à  nos  jours, 
4819  et  années  suivantes  ,  et  a  rédigé  la 
Table  de  l'histoire  de  France  de  l'abbé  de 
ifonfgaillard. 

LALLI.  Voyez  LALLY. 

LA.LLI  (  Jean  -  Baptiste  ) ,  Lallius  , 
poète  et  jurisconsulte  italien  ,  né  en  1572 , 
lut  employé  par  le  duc  de  Parme  et  par 


6  LAL 

le  pape  au  gouvernement  de  plusieuri 
villes ,  et  mourut  à  Norcia  dans  l'Oinbrie , 
sa  patrie ,  en  1637,  à  64  ans.  On  a  de  lui 
plusieurs  poèmes  italiens  :  j  Domiziano  II 
Moschicida.  (  Domitien  le  destructeur 
des  mouches)  poème  en  quatre  chants, 
in-12;  (  Il  mal  f?-ancesse ,'m-i2;  \  La 
Gerusalemne  desolata,  in-12  ;  |  L'Enéide 
travestita.  1653,  in-12;  |  un  vol.  de  Poé- 
sies diverses ,  1638  ,  in-12 

LA.LLOUETTE  (Ajibroise),  chanoine 
de  Sainte-Opportune ,  né  à  Paris ,  vers 
1653,  mort  eu  1724,  à  71  ans,  s'appliqua 
avec  succès  aux  missions  pour  la  réunion 
des  protestans  à  l'Eglise  romjdne  On  lui 
doit  :  I  des  Traités  sur  la  présence 
réelle  ^  sur  la  communion  sous  une  espèce, 
réunis  en  1  vol.  in-12  ;  j  l'Histoire  des  tra- 
ductions françaises  de  l'Ecriture  sainte^ 
1692,  in-12.  L'auteur  parle  des  change- 
mens  que  les  protestans  y  ont  faits  eu 
différens  temps ,  et  entre  dans  des  détails 
curieux,  mais  quelquefois  inexacts.  [  La 
Vie  d'Antoinette  de  Gondi,  supérieure  du 
Calvaire,  in-12;  |  la  Vie  du  cardinal  Le 
Camus,  évéque  de  Grenoble,  in-12.  On 
lui  attribue  communément  YHistoire  et 
l'Abrégé  des  ouvrages  latins  ,  italiens  et 
français  pour  et  contre  la  comédie  et  l'o- 
péra, in-12. 

LA.LLOUETTE  (Jean-François)  ,  mu- 
sicien français,  disciple  de  LuUi,  mort  à 
Paris  en  1728,  à  75  ans,  obtint  successi- 
vement la  place  de  maître  de  musique  de 
l'église  de  Saint-Germain-l'Auxerrois  ,  et 
de  celle  de  Notre-Dame.  Il  a  composé 
plusieurs  motets  a  grand  chœur,  qui  ont 
été  fort  applaudis  ;  mais  on  n'a  gravé  de 
ses  ouvrages  que  quelques  motets  pour 
les  principales  fêtes  de  l'année,  aune, 
deux  et  trois  voix,  avec  la  basse  continue. 
Son  Miserere  surtout  est  très  estimé. 

LALLY  (Thouas-Authur,  comte  de), 
baron  de  TuUendally  ou  Tollendal  en  Ir- 
lande, gentilhomme  irlandais  de  Tan- 
cienne  famille  des  O' Mul-Lally  dont  les 
ancêtres  suivirent  la  fortune  de  Jacques  II, 
roi  d'Angleterre ,  lorsqu'il  chercha  un 
asile  en  France ,  naquit  à  Romans  en 
Dauphiné  en  1702 ,  et  fut  destiné  à  la  car- 
rière des  armes  ;  on  a  dit  qu'il  fut  solda  t 
en  naissant ,  et ,  en  effet ,  dès  1709 ,  c'est- 
à-dire  ,  à  l'âge  de  moins  de  huit  ans  il  ob- 
tint une  commission  de  capitaine  dans  le 
régiment  irlandais  de  Dillon ,  dont  son 
père ,  sir  Gérard  Lally,  était  colonel  com- 
mandant ,  et  son  oncle  colonel  proprié- 
taire. Au  mois  de  septembre  de  la  même 
année,  son  père  le  lit  camper  avec  lui 


LAL 


237 


LAL 


anprès  de  Giionuc ,  voulant,  disait -il, 
lui  faire  sentir  au  moins  la  poudre  pz-ur 
gagner  son  premier  grade ,  et  à  12  ans  , 
en  1714  ,  il  monta  sa  première  tranchée  à 
Barcelone.  Après  celte  récr  cation  des  va- 
cances^ le  jeune  Lallyfut  renvoyé  au  col- 
lège et  il  fit  réellement  ses  premières  ar- 
mes ,  en  1733 ,  en  qualité  d'aide-major  du 
régiment  de  Dillon.  Le  régent  qui  mou- 
rut en  1723  avait  voulu  le  faire  colonel , 
à  l'âge  de  18  ans  ;  mais  sir  Gérard  Lally 
s'y  était  opposé,  on  ne  sait  trop  pour 
quelle  raison.  Il  se  distingua  en  1734 ,  à 
l'attaque  des  lignes  d'Etlingen  où  il  sauva 
la  vie  à  son  père  alors  brigadier  des  ar- 
mées ,  grade  que  celui-ci  dut  aux  services 
et  aux  réclamations  de  son  fils.  La  paix 
ayant  été  conclue  en  1737 ,  le  comte  de 
Lally  passa  en  Angleterre  ,  afin  d'y  jeter 
les  semences  de  ces  conjurations  qui  tant 
de  fois  faillirent  replacer  les  Sluarts  sur 
le  trône.  Il  parcourut  les  trois  royaumes,  y 
établit  des  correspondances  avecles  prin- 
cipaux partisans  de  Jacques  III ,  et  fut  à 
son  retour  chargé  auprès  de  la  cour  de 
Russie,  parle  cardinal  Fleury,  d'une  négo- 
ciation secrète  et  périlleuse  dans  laquelle 
il  échoua  ,  non  toutefois  sans  avoir  fait 
preuve  de  zèle  et  de  talens  diplomatiques. 
Il  devint  successivement  colonel  d'un  ré- 
giment de  son  nom ,  puis  lieutenant-gé- 
néral, se  distingua  à  la  bataille  deDeltin- 
gue,  perdue  en  1743,  et  à  celle  de  Fon- 
tenoi,  dont  le  succès  lui  fut  dû  en  grande 
partie ,  et  fut  nommé ,  en  1756 ,  gouver- 
neur des  possessions  françaises  dans  l'In- 
de. Il  arriva  à  Pondichéry  le  28  avril  1758. 
La  guerre  était  déclarée  entre  la  France 
et  1  Angleterre.  Il  s'empara  d'abord  de 
Gondelour  et  de  Saint-David  ;  mais  il 
échoua  devant  Madras  ;  et,  après  la  perte 
d'une  bataille  ,  il  fut  obligé  de  se  retirer 
sous  Pondichéry,  que  les  Anglais  blo- 
quèrent et  prirent  le  16  janvier  1761.  Sa 
garnison  fut  prisonnière  de  guerre ,  et  la 
place  rasée.  Lally  avait  indisposé  tous 
les  esprits  par  son  humeur  violente  et 
hautaine,  et  par  les  propos  les  plus  ou- 
trageans.  Les  Anglais  le  firent  conduire 
à  Madras  le  18  janvier,  pour  le  soustraire 
à  la  colère  des  officiers  français.  Arrivé 
en  Angleterre  le  23  septembre  suivant ,  il 
obtint  la  permission  de  retourner  en 
France.  Le  consul  de  Pondichéry  et  les 
habitans  l'accusaient  d'avoir  abusé  du 
pouvoir  que  le  roi  lui  avait  confié.  Il  fut 
renfermé  à  la  Bastille.  La  parlement  eut 
ordre  de  lui  faire  son  procès,  et  il  fut 
condamné ,  le  6  mai  1766 ,  à  être  décapité , 


comme  dûment  atteint  d'avoir  trahi  les 
intérêts  du  roi  ^  de  l'état  et  de  la  compas 
gnie  des  Jndes,  d'abus  d'autorité  ^  vexa- 
tions et  exactions.  L'arrêt  fut  exécuté,  et 
ce  lieutenant-général  finit  sa  vie  sur  un 
échafaud.  En  1778 ,  un  fils  du  comte  de 
Lally  [voyez  l'article  suivant),  dont  la 
légitimité  était  contestée  par  une  nièce 
(  madame  la  comtesse  de  la  Heuse  ) ,  se 
pourvut  en  cassation  de  l'arrêt  prononcé 
contre  son  père.  Il  réussit  aie  faire  casser 
en  effet ,  et  à  faire  renvoyer  ce  procès  au 
parlement  de  Dijon.  Ce  tribunal  confirma 
la  sentence  du  parlement  de  Paris ,  par  un 
arrêt  du  23  août  1783  ;  mais,  en  vertu  d'un 
arrêt  du  conseil ,  l'arrêt  du  parlement  fut 
cassé.  Le  Factura  que  Voltaire  a  publié 
en  faveur  de  cet  infortuné  général  est 
rempli  d'assertions  fausses  et  calom- 
nieuses :  il  est  toujours  beau  de  prendre 
le  parti  des  malheureux ,  mais  il  ne  faut 
pas  sacrifier  à  leurs  dépens  l'innocence 
et  l'honneur  d'autrui. 

•  LALLY -TOLLEND AL  (Trophime- 
GÉRAKD,  marquis  de) ,  fUs  du  précédent, 
pair  de  France ,  membre  de  l'académie 
française,  naquit  à  Paris  le  5  mars  1751. 
A  l'époque  où  son  père  fut  envoyé  à  l'é- 
chafaud ,  le  jeune  Trophime  étudiait  au 
collège  d"Harcourt,  et  il  ne  connut  le  se- 
cret de  sa  naissance  que  la  veille  du  jour 
où  il  devint  orphelin.  Il  n'avait  pas  en- 
core seiz.e  ans ,  lorsqu'il  adressa  à  son  pro- 
fesseur Mauduit  tme  pièce  de  vers  latins 
sur  le  procès  de  Jean  Calas ,  dans  laquelle 
la  mort  de  son  père  était  indiquée  avec 
chaleur.  Les  tribimaux  retentirent  bien- 
tôt de  réclamations ,  et  ses  nobles  efforts 
allaient  être  couronnés  d'un  plein  succès, 
sans  la  révolution  qui,  en  éclatant,  fit 
suspendre  l'affaire  à  Rouen ,  où  elle  avait 
été  portée  en  dernier  lieu.Louis  XVI  avait 
même  voulu  consacrer  la  réhabilitation, 
universelle  du  général  Lally  dans  diver- 
ses lettres  et  brevets,  en  exprimant  sa 
satisfaction  particulière  de  la  conduite  du 
fils,  et  en  y  disant  :  Nous  avons  ap^^ 
plaudi  à  sa  piété  filiale.  Ce  prince  ne  lui 
accordait  plus  une  seule  marque  de  sa 
spéciale  protection  sans  la  motiver  par  ces 
mots  :  en  considération  des  services  de 
sa  famille  et  du  régimetit  de  son  nom. 
Lally-Tollendal  occupait  le  poste  de  grand 
bailli  àEtampes  (Seine-et-Oise),  lorsque 
la  noblesse  de  Paris  le  choisit  pour  son 
député  aux  états-généraux.  Partisan  des 
idées  de  réforme  et  des  systèmes  finan- 
ciers de  Necker,  il  se  réunit  avec  la  mi- 
norité de  la  noblesse  aux  communes,  le 


LAL  2 

2o  juin  1789 ,  et  se  prononça  dans  l'assem- 
blée pour  une  monarchie  tempérée  qu'il 
aurait  voulu  baser  sur  la  constitution  an- 
glaise. Le  ik  juillet ,  jour  de  la  prise  de  la 
Bastille,  il  fut  de  la  députation  chargée 
d'apaiser  l'agilatiou  des  esprits,  et  haran- 
ftua  la  multitude  le  lendemain  à  l'hôlel-de- 
ville.  Le  17,  lorsque  Louis  XVI,  s'y  rendit, 
il  exposa  au  peuple  tous  les  bienfaits  dont 
le  monarque  l'avait  comble.  Ses  discours 
no  purent  satisfaire  entièrement  les  es- 
prits. Il  se  prononça  ensuite  en  faveur  de 
la  cour,  attaqua  Mirabeau  dans  une  de 
ses  allocutions  ,  et  présenta,  en  qualité  de 
rapporteur  du  comité  de  constitution , 
mais  sans  succès  ,  un  système  de  gouver- 
nement  où  il  avait  pris  pour  modèle  celui 
qui  régit  l'Angleterre.  Un  second  projet , 
qu'il  rédigea  avec  Mounier,  Bergasse  et 
l'archevêque  de  Bordeaux,  éprouva  le 
même  sort  que  le  premier,  et  on  nomma 
un  nouveau  comité  qui  produisit  la  con- 
stitution de  i79i.  Lally-ToUendal  vota 
pour  le  veto  absolu ,  et  se  plaignit  de  la 
trop  grande  extension  dormée  aux  conces- 
sions faites  le  4  août  par  les  deux  pre- 
irâers  ordres.  Après  les  journées  des  S  et 
6  octobre ,  désespérant  du  salut  de  la  mo- 
narchie ,  il  se  relira  avec  Mounier  en 
Suisse ,  où  il  composa  son  ouvrage  inti- 
tulé :  Quintus  Capitolinus  aux  Romains^ 
critique  détaillée  des  diverses  opérations 
de  l'assemblée  nationale.  Rentré  en  France 
en  1792,  il  cherclia,  de  concert  avec  Ber- 
trand de  Molleville ,  Malouet  et  Montmo- 
rin ,  à  s'opposer  à  la  marche  de  la  démo- 
cratie ,  et  fut  emprisonné  à  l'Abbaye  après 
le  1 0  août.  Il  échappa  aux  massacres  de  sep- 
tembre, et  se  rendit  en  Angleterre,  où  une 
modique  pension  lui  fut  accordée  par  le 
gouvernementbritannique.  Du  lieu  de  son 
exil,  il  écrivit  à  la  Convention  pour  lui 
demander  l'autorisation  de  venir  défen- 
dre Louis  XVI ,  et  n'en  ayant  point  reçu 
de  réponse ,  il  fit  paraître  le  plaidoyer 
qu'il  avait  préparé.  Les  événemens  du  18 
brumaire  le  ramenèrent  dans  sa  patrie  ; 
Il  se  fixa  à  Bordeaux ,  d'où  il  vint  en  1805 , 
à  Paris,  présenter  ses  hommages  au  sou- 
verain pontife,  et  resta  étranger  aux  af- 
faires sous  le  gouvernement  impérial. 
Louis  XVIII  le  nomma  membre  de  son 
conseil  privé,  et  il  suivit,  en  cette  qua- 
lité, le  prince  à  Gan.d,  durant  les  cent- 
jours.  Ce  fut  lui  qui  fit  le  rapport  d'après 
lequel  fut  rédigé  le  Manifeste  du  roi  à  la 
nation  française.  Créé  pair  de  France  le 
19  août  iSlo ,  il  demanda  avec  Desèic  que 
le  21  janvier  fût  un  jour  de  deuil  national  ; 


58  LAL 

ii  se  fit  plusieurs  fois  écouter  avec  intérêt 
à  la  tribune.  Lors  du  procès  de  Louvel, 
Lally-Tollendal  adressa  au  coupable  cette 
sommation  solennelle  :  «  Louvel,  je  vous 
»  adjm-e  au  nom  du  Dieu  vivant  de  dé- 
»  clarer  si  vous  n'avez  point  de  complices.  » 
Il  fut  appelé  à  siéger  à  l'académie  fran- 
çaise par  ordonnance  du  21  mars  181G.  II 
est  mort  le  11  mars  1830,  dans  les  sonti- 
mens  de  religion  qu'il  avait  toujours  pro- 
fessés ,  et  a  laissé  les  ouvrages  suivans  : 
I  Observations  sur  la  lettre  écrite  par 
M.  le  comte  de  Mirabeau  au  comité  des 
recherches ,  contre  M.  le  comte  de  Saint- 
Priest^  mi7iistre  d'état ^  1789,  in-S"  ;  |  Rap- 
port sur  le  gouvernement  qui  convient  à 
la  France^  1789,  in-8°  ;  |  Lettres  à  ses 
commettanSj  réunies  en  un  volunie, 
Paris ,  1790 ,  in-8°  ;  |  Mémoire  ou  seconde 
lettre  à  ses  commettans  ^  1790 ,  in-S"  ; 
I  Quintus  Capitolinus  aux  Romains  >  ex- 
trait du  troisième  livre  de  Tile-Live  ^  1790, 
in-8°;  |  Lettre  à  Edm.  Burice .  1791,  in- 
8°,  et  un  Post-scriptum ,  1791,  in-8"  ; 
I  Seconde  lettre  à  Burke^  1791,  in-S"; 
I  Lettre  à  M.  l'abbé  /)"*,  grand-vicaire  ^ 
auteur  de  l'écrit  intitulé  :  Lettre  à  M.  le 
comte  de  Lally,  par  \\n  officier  français , 
1793 ,  in-S"  ;  I  Plaidoyer  pour  Louis  XVI, 
1793,  in-8°,  réimprimé  dans  le  Barreau 
français^  publié  par  Panckoucke  ;  [  Mé- 
moire au  roi  de  Prusse ,  pour  réclamer 
la  liberté  de  Lafayettc ,  1793,  in -8°; 
I  Le  comte  de  Strafford^  tragédie  en  5 
actes  et  en  vers,  Londres,  1793,  in-S"; 
cette  tragédie  avait  été  reçue  en  1792  au 
Théâtre-Français ,  mais  elle  n'a  pas  été 
représentée  ;  |  Essai  sur  la  vie  de  T. 
Wentworth.  comte  de  Strafford,  Lon- 
dres, 1795,  in-8°;  Leipsick,  1796,  in-8''; 
Paris,  181i,  in-8°;  |  Défense  des  émigrés 
français,  adressée  au  peuple  français, 
1797,*  2  vol.  in-8°  ;  2'  édiUon  ,  Paris ,  1823 , 
in-S"  ;  I  Lettre  au  rédacteur  du  Courrier 
de  Londres ,  sur  le  bref  du  pape  aux  évê- 
gues  français,  1801,  in-8°;  [  Lettre  aux 
rédacteurs  du  Journal  de  l'empire,  18H, 
in-8°;  réponse  à  un  article  de  ce  journal 
où  la  mémoire  du  père  de  l'auteur  avait 
paru  attaquée  ;  |  Déclaration  demandée 
par  M.  Ferris,  1814,  in-S"  ;  |  Observa- 
tions du  marquis  de  Lally-Tollendal,  pair 
de  France,  sur  la  déclaration  de  j)lu~ 
sieurs  pairs  de  France,  publiée  dans  le 
Moniteur  du  mardi  27  novembre  1821 , 
Paris ,  1821 ,  in-S"  ;  elles  eurent  deux  édi- 
tions ;  I  Extrait  de  la  défense  des  émi- 
grés français,  Paris,  1819,  în-8°;  [  Ob- 
servations sur  la  nature  de  la  propriété 


LAL  2! 

littéraire,  présentées  à  la  commission 
nommée  par  le  roi,  pour  l'examen  pré- 
paratoire au  projet  tendant  à  améliorer, 
dans  l'intérêt  des  gens  de  lettres  et  artis- 
tes, la  législation  nouvelle  sur  le  droit 
des  auteurs  et  de  leu?'s  héritiers,  1826  , 
in-8°,  deux  cdilions.  Lally-Tollendal  a 
traduit  des  Oraisons  de  Cicéron,  et  a 
fourni  plusieurs  articles  à  la  Biographie 
universelle,  etc. 

•  LALUZERIVE(CÉSAn-GuiLLAUME  de), 
cardinal- évêque  de  Langres ,  pair  de 
France ,  naquit  à  Paris  le  17  juillet  1738, 
d'une  ancienne  famille  de  Normandie.  Il 
était  allié  par  sa  mère  aux  Lamoignons,  et 
fut  d'abord  chevalier  de  Malle  ;  mais  il  se 
destina  bientôt  à  l'état  ecclésiastique ,  et 
entra  dans  le  séminaire  de  Saint-Ma- 
ploire  à  Paris.  Lo  crédit  de  son  grand- 
père,  le  chancelier  de  Lamoignon  ,  lui  fit 
obtenir  de  bonne  heure  plusieurs  béné- 
fices :  nommé  en  1734,  chanoine  in  mino- 
ribus  de  la  cathédrale  de  Paris,. et  deux 
ans  après  abbé  de  Mortemer ,  il  fit  son 
cours  de  théologie  au  collège  de  Navarre, 
fut  le  premier  de  sa  licence  en  1762,  et 
deviiit  grand-vicaire  de  M.  Dillon ,  ré- 
cemment appelé  à  occuper  le  siège  ar- 
chiépiscopal de  Narbonne.  La  province 
de  Vienne  dans  laquelle  il  possédait  la 
chapelle  de  Notre-Dame  de  Pitié  (Dio- 
cèse de  Grenoble  ),  le  nomma  en  1763, 
agent  du  clergé;  il  s'acquitta  avec  xèle  et 
succès  de  cette  place ,  difficile  à  celte  épo- 
que ,  à  cause  des  contestations  survenues 
entre  le  clergé  et  les  parlemens.  De  con- 
cert avec  M.  de  Cicé ,  son  collègue,  il  pré- 
senta requête  au  conseil  dans  le  mois  de 
mars  1766 ,  contre  le  réquisitoire  de  M. 
Castillon,  avocat-général  au  parlement  de 
Provence  ,  sur  les  actes  du  clergé.  (  Voy. 
les  Jetés  de  la  dernière  assemblée  du 
clergé  sur  la  7'eligion  vengée  par  le  clergé 
et  par  le  roi,  des  attaques  de  M.  de  Cas- 
tillon, 1767,  in-12.  )  Le  conseil  ordonna  la 
suppression  du  réquisitoire.  En  1770, 
l'abbé  de  Laluzerne  succéda  àM.  deMont- 
morin,  mort  cette  même  année  dans  l'é- 
vêché  de  Langres,  qui  avait  le  titre  de 
duché-pairie.  Il  resta  néanmoins  cha- 
noine honoraire  de  la  métropole  de  Paris, 
et  assista  à  l'assemblée  du  clergé  de  celle 
année,  et  à  celle  de  1775.  Chargé  d'un 
grand  diocèse ,  il  partageait  son  temps 
entre  l'étude  et  les  devoirs  du  ministère 
pastoral.  Il  prononça  en  1773  l'oraison 
funèbre  du  roi  de  Sardaigne  devant  le 
comte  d'Artois,  et  l'année  suivante,  il 
prononça  dans  la  même  église ,  celle  de 


9  LAL 

Louis  XV  devant  Monsieur.  Il  remit .  er» 
1782,  son  abbaye  de  Mortemer,  et  fut 
nommé  à  celle  de  Bourgueil ,  au  diocèse 
d'Angers.  Il  publia  d\v  erses  Ordonnance  s 
et  Lettres  ])ast07-ales  dignes  de  son  talent 
et  de  ses  vertus  évangéliques.  Laluzerna 
fui  appelé  à  l'assemblée  des  notables  en 
1787  ;  il  siégea  l'année  suivante  dans  la 
dernière  assemblée  du  clergé  ;  et  en  1789, 
il  fut  nommé  aux  états-généraux.  S'étant 
aperçu  des  suites  qu'auraient  les  pre- 
mières opérations  du  tiers-état ,  il  pro- 
posa que  le  clergé  et  la  noblesse  se  réu- 
nissent dans  une  chambre  ;  mais  ce  projet 
fut  rejeté  par  les  trois  ordres  :  Mirabeau 
consacra  trois  lettres  à  ses  commettans 
pour  réfuter  le  système  de  Laluzerna 
qui  était  calqué  sur  les  formes  du  gou- 
vernement anglais.  Cependant  Laluzerne 
fut  le  second  des  évèques  qui  présida 
l'assemblée  ;  l'esprit  qui  y  dominait  ne 
pouvait  plaire  à  un  si  sage  prélat  ; 
aussi,  après  les  5  et  G  octobre  ,  il  se  retiia 
dans  son  diocèse  ,  où  les  novateurs  ne  le 
laissèrent  pas  en  repos.  11  adhéra  à  Yex^ 
position  des  principes  des  trente  évéques, 
refusa  le  1"  décembre  1790,  de  coopérer 
à  la  suppression  de  son  chapitre,  et,  le 
20,  il  adi-essa  aux  administrateurs  de  la 
Haute-Marne  une  lettre  énergique  qui 
réclamait  contre  leurs  arrêtés,  et  rendait 
compte  de  ses  principes.  Il  adressa  encore 
d'autres  lettres  non  moins  courageuses, 
et  qui  combattaient  les  principes  du  jour, 
savoir  :  aux  officiers  municipaux  de  Lan- 
gres, sur  son  refus  du  serment  civique  ; 
à  M.  Becquey,  procureur  général  et  syn- 
dic du  département,  qui  répliqua,  el  au- 
quel le  prélat  fit  une  réponse  victorieuse. 
II  publia  aussi  un  Examen  de  l'instruc- 
tion  de  V Assemblée  natioyiale  sur  l'orga- 
nisation prétendue  civile  du  clergé;  une 
Instruction  aux  curés  et  aux  autres  prê- 
tres de  son  diocèse  quin^ avaient  pas  prêle 
le  serment  (13  mars  1791),  et  qui  fut 
adoptée  par  Irente-trois  évêques  ;  et  une 
Instruction  pastorale  sur  le  schisme  de 
France  (  réimprimée  à  Langres  en  1803), 
où  il  parle  à  fond  sur  les  principales  ma- 
tières contestées.  Cette  courageuse  résis- 
tance ne  pouvait  que  redoubler  les  per- 
sécutions. On  le  priva  de  son  évêcbé; 
bientôt  il  fut  obligé  de  quitter  la  France. 
Il  se  relira  en  Suisse,  et  se  fixa  à  Con-^ 
stance.  où  il  prêcha,  le  jour  de  Pâques 
1795  ,  un  sermon  sur  les  causes  de  l'/n- 
crédulité  (  imprimé  en  1818  ).  Il  séjourna 
plusieurs  années  dans  cette  ville ,  et  y  ac- 
cueillit les  prêtres  de  son  diocèse  émigrés 


LAL 


240 


LAL 


comme  lui.  Il  en  avait  toujours  au  moins 
douze  à  sa  table  :  pour  remplir  celte 
œuvre  de  charité ,  il  vendit  jusqu'à  ses 
boucles  d'or  et  sa  croix  épiscopale.  S'é- 
tant  rendu  en  Autriche,  au  près  de  son 
frère,  CéSar-Henrl ,  qui  demeurait  à  Ber- 
neau,  près  de  Wels ,  il  y  resta  jusqu'à  la 
mort  de  cet  ancien  ministre  de  Louis 
XVI,  arrivée  en  1799.  Il  passa  en  Italie, 
et  fixa  son  séjour  à  Venise,  où  il  s'occupa 
de  la  rédaction  de  ses  nombreux  ouvra- 
ges. Les  soins  qu'il  donnait  aux  prison- 
niers français  dans  les  hôpitaux  lui  firent 
contracter  une  maladie  grave  dont  il  se 
ressentit  long-temps  :  il  ne  cessa  de  visi- 
ter et  de  secourir  six  cents  de  ses  com- 
patriotes malheureux  attaqués  du  typhus. 
En  1801 ,  et  à  la  demande  du  pape  Pie 
VII,  il  donna  sa  démission  de  son  siège 
de  Langres  et  ne  vint  en  France  qu'en 
4814,  après  la  chute  de  Bonaparte.  Son 
passage  par  Langres  fut  un  triomphe. 
Lorsqu'il  fut  arrivé  à  Paris  ,  le  roi  Louis 
XVIII  le  nomma  pair  de  France.  Sur  la 
fin  de  la  même  année ,  Laluzerne  fut  un 
des  neuf  évêqucs  réunis  en  commission 
pour  délibérer  sur  les  affaires  de  l'Eglise. 
Lors  du  retour  de  Bonaparte  en  France, 
il  ne  quitta  point  Paris  ,  et  ne  fut  pas  in- 
quiété. Après  la  seconde  restauration, 
ayant  été  présenté  par  le  roi,  il  fut  élevé 
au  cardinalat  et  reçut  la  barrette  le  24 
août  1817.  Quoique  Laluzerne  eût  pu, 
comme  d'autres  anciens  évêques,  obtenir 
un  archevêché,  il  préféra  son  siège  de 
Langres;  mais  de  nouvelles  négociations 
entamées  avec  la  cour  de  Rome  l'empê- 
chèrent de  se  rendre  à  son  diocèse.  A 
celte  époque ,  il  fut  le  seul  prélat  admis 
dans  le  conseil  des  ministres  ,  tenu  pour 
discuter  le  concordat  -,  peu  de  temps  après, 
le  roi  le  nomma  ministre  d'élat.  Il  fit  aussi 
partie  de  l'assemblée  que  tinrent  plusieurs 
évêques  au  sujet  de  ce  même  concordat, 
et  signa  les  lettres  qui  furent  adressées 
au  pape  et  au  roi.  On  le  croit  auteur  de 
celle  qui  fut  écrite  à  Louis  XVIII,  en 
juin  1818,  signée  par  plus  de  trente  évo- 
ques, qui  y  réclamaient  l'exécution  dudil 
concordat.  Il  s'éleva,  dans  la  chambre  des 
pairs,  ainsi  que  trois  autres  évêques, 
membres  de  la  même  chambre,  par  une 
déclaration  publique ,  le  10  mai  1819 , 
contre  le  refus  de  mentionner  dans  un 
projet  de  loi  la  répression  des  outrages 
faits  à  la  religion.  Au  moisd'octobiel819, 
il  reçut  le  cordon  bleu.  Malgré  son  âge 
avancé  et  ses  infirmités ,  Laluzerne  par 


exercices  de  piété.  Il  se  levait  à  quatre 
heures  du  matin  ,  et  observait  un  régime 
austère.  Depuis  long-temps  ,  sa  santé  dé- 
périssait. Attaqué  d'une  maladie  qui  a 
durécinquante-cinqjours.et, «entant  appro- 
cher sa  dernière  heure  ,  il  réclama  aussi- 
tôt les  secours  de  la  religion ,  et  les  reçut 
en  présence  de  sa  famille  ,  à  laquelle  U 
adressa  une  pieuse  exhortation.  Lalu- 
zerne conserva  toute  sa  présence  d'esprit, 
jusqu'au  moment  de  sa  mort ,  arrivée  le 
21  juin  1821,  à  l'âge  de 83  ans.  Son  corps 
a  été  scellé  dans  un  cercueil  de  plomb  et 
déposé  à  côté  de  celui  de  l'abbé  Legris- 
Duval,  dans  un  caveau  de  l'église  des 
Carmes  de  la  rue  Vaugirard.  M.  Corloi» 
de  Pressigny  ,  archevêque  de  Besançon, 
a  prononcé  à  la  chambre  des  pairs  V éloge 
de  M.  le  cardinal  de  Laluzerne.  Cet 
éloge  a  été  inséré  dans  le  Moniteur  du  2& 
juillet  1821....  «  A  l'expérience  des  vieil- 
»  lards,  dit  VAmi  de  la  religion  et  du  roi^ 
»  tom.  28,  p.  232,  il  joignait  la  vivacité  de 
»  la  jeunesse  et  la  piété  la  plus  vraie;  il 
»  pratiquait  la  vertu  simplement  ;  aprè» 
»  avoir  étonné  par  ses  connaissances  et  sa 
»  mémoire  les  gens  les  plus  instruits  ,  il 
»  étonnait  encore  plus  dans  l'intimité  par 
»  sa  gaieté  franche.  Il  aimait  les  enfans  et 
»  en  était  aimé.  Excellent  ami,  patriarche 
»  de  sa  famille ,  il  fut  constamment  sujet 
»  fidèle,  prélat  attaché  à  ses  devoirs,  écri- 
»  vain  laborieux  ,  ^t  défenseur  zélé  des 
»  principes  de  la  religion  et  des  droit* 
n  de  l'Eglise.  Il  a  rempli  avec  honneur 
»  une  longue  carrière,  et  laisse  au  dedans 
»  et  au  dehors  de  son  diocèse  le  souvenir 
»  de  ses  qualités  et  de  ses  services.  »  On 
a  de  lui  :  1  Oraison  funèbre  de  Charles^ 
Emmanuel  III,  roi  de  Sardaigne^  1773, 
in-4°  et  in-12  : 1  Oraison  funèbre  de  Louis 
Xy^  roi  de  France,  1774 ,  in-4°  et  in-12  ; 
I  Instruction  pastorale  sur  l'excellence  de 
la  religion,  Langres,  15  avril  1786 ,  in-12  ^ 
ibid. ,  1809  ;  Paris,  société  typographique^ 
1810;  Biaise  et  Potel,  1818;  Lyon,  Rusand,. 
1810-1815  ;  traduit  en  italien  par  Gio.  Pro* 
doscimo  Zabeo,  Venise,  1799,  in-S";  ibid.» 
Carli,  1810  ;  |  Institutions  sur  le  rituel  de 
Langres,  Besançon ,  Couché  (  sans  date  ), 
1786,  in-4*;  Paris,  Méquignon  fils  aine, 
1817,  in-4°;  |  Examen  de  l'instruction  de 
V Assemblée  nationale,  sur  l'organisation 
prétendue  civile  du  clergé,  1791,  70  pa- 
ges ;  I  Considérations  sur  divers  points  de 
la  morale  chrétienjie,  Venise,  Carti,  1799,. 
5  volumes  in-12;  Lyon,  1816,4  volumes 
in-i2;  ]  Explications  des  évangiles,  dos 


tageait  son  temps  entre  l'étude   et    les  1  dimanches  et  de  quelques-unes  des  prinr 


LAM 


241 


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cipalc3  fêtes  de  l'année.  1807-1816  ,  1822, 
h  vol.  in-il;]  Dissertations  sur  les  églises 
catholique  et  protestante .  1816,  2  vol. 
ln-12  ;  1  Eclaircissemens  sur  l'amour  pur 
de  Dieu,  1815,  in-12,  de  214  pages. 
I  Dissertation  sur  la  loi  naturelle,  in-12; 
{Dissertation  sur  la  spiritualité  de  Vâme. 
et  sur  la  liberté  de  l'homme;  |  Consi- 
dérations sur  l'état  ecclésiastique.  Paris, 
société  typographique,  1810,  in-12;  \ Dis- 
sertation sur  l'instructio7i  publique, V&ris, 
d8i6,  in  8°;  1  Sur  la  responsabilité  des 
ministres,  1816,  in-8°;  \  Projet  de  loi  sur 
les  élections,  ibid.  ,  Egron,  1820,  2  feuil- 
les. Laluzerne  est  auteur  de  beaucoup 
d'autres  ouvrages ,  parmi  lesquels  les 
Dissertations  imprimées  à  Langres ,  de 
1802  à  1808  ,  chez  Bournot ,  forment  11 
tom.  en  6  vol.  in-12.  Il  a  laissé  en  ma- 
nuscrit un  traité  théologique  sur  le  p7'ét 
à  intérêt,  pouvant  former  3  vol.  in -8°, 
et  un  traité  concernant  la  supériorité  des 
évêques  sur  les  prêtres.  Ce  prélat  a  fourni 
en  outre  plusieurs  articles  aux  journaux 
intitulés  :  Le  Conservateur  et  La  Quoti- 
dienne, dont  le  premier  a  cessé  de  pa- 
raître en  1823.  L'histoire  ecclésiastique 
le  rangera  parmi  les  défenseurs  les  plus 
lélcs  de  la  religion  et  du  trône;  les  rai- 
sonnemenssans  réplique  répandus  dans 
ses  écrits ,  sont  présentés  avec  chaleur, 
avec  force,  avec  onction,  dans  un  style 
attrayant ,  et  ont  produit  dans  le  clergé 
français  les  effets  les  plus  salutaires. 
Le  cardinal  de  Laluxerne  avait  deux  frè- 
res, César-Hexri  qui  fut  ministre  de  la 
marine  sous  Louis  XVI ,  et  Anne-Césau 
qui  fut  ambassadeur  à  la  cour  de  Londres. 

LAMARCHE  (  Jeaiv  -  Fraivçois  ) ,  jé- 
suite, né  en  Bretagne  en  1700,  s'est  dis- 
tingué par  des  ouvrages  dont  la  justesse 
et  la  solidité  font  le  principal  mérite  ;  tels 
sont  :  la  Foi  justifiée  de  tous  reproches  de 
contradiction,  1762,  in-K'i,;  Instructions 
dogm.aliques  sur  les  indulgences ,  1751, 
in-12.  On  a  encore  de  lui  un  Discours 
sur  la  géométrie.  Il  mourut  en  1703. 

•  LAMARCK.  (  Jean-Baptiste-Pierre- 
A-NToiNE  de  MONET,  chevalier  de  ),  qu'on 
J)0urrait  surnommer  le  Linnée  français, 
membre  de  l'académie  des  sciences,  pro- 
fesseur au  Jardin  des  Plantes ,  naquit  le 
i"  août  1744,  à  Bazentin  en  Picardie, 
d'une  famille  noble  fort  ancienne.  Destiné 
d'abord  à  l'état  ecclésiastique ,  il  quitta  le 
séminaire  à  la  mort  de  son  père ,  et  entra 
au  service  à  l'âge  de  dix-sept  ans  dans 
le  régiment  de  Beaujolais,  avec  lequel  il 
fit  la  guerre  de  sept  ans.  Sa  conduite  à  la 
7. 


journée  de  Filinghausen  (  16  juillet  1761  ) 
fut  si  brillante ,  que  le  général  en  chef  ,1e 
maréchal  de  Broglie ,  le  nomma  officier 
sur  le  champ  de  bataille,  malgré  les  ordres 
du  duc  de  Choiseul ,  minisire  de  la  guerre 
qui  avait  enjoint  de  ne  faire  aucune  pro- 
motion. Son  grade  lui  fut  confirmé  ;  mais 
un  accident  grave  qui  lui  survint ,  tandis 
qu'il  était  en  garnison  à  Toulon,  l'obligea 
de  venir  se  faire  traiter  à  Paris  ,  et  le 
porta  même  à  renoncer  au  service  en 
1765.  La  médecine  occupa  alors  son  atlen-t 
tion  et  il  l'éludia  pendant  quatre  ans , 
pour  se  créer  par  elle  des  ressources  qu'il 
ne  trouvait  pas  dans  «a  fortune  qui  était 
très  médiocre.  lU' abandonna  ensuite  pour 
la  botanique  ,  et  la  Flore-Française  fut  le 
résultat  de  ses  travaux.  Cet  important  ou- 
vrage ayant  reçu  de  l'académie  française 
la  plus  brillante  approbation ,  le  gouver- 
nement ,  à  la  sollicitation  de  Buffon,  le  fit 
imprimer  à  ses  frais  ,  en  1778.  Lamarck 
déclara  avec  franchise  que  M.  Haliy  avait 
donné. à  son  style  le  fini  et  l'élégance  qui 
lui  manquaient.  Buffon  chargea  aussi 
Daubenton  de  composer  pour  ce  livre  un 
Discours  préliminaire,  où  seraient  expo- 
sées les  idées  de  l'auteur.  En  1781,  Lamarck 
fut  commissionné  comme  botaniste  par  le 
gouvernement ,  et  parcourut  successive- 
ment les  Pays-Bas ,  la  Hollande,  la  Prusse, 
l'Allemagne,  la  Hongrie,  etc.,  pour  en 
visiter  les  musées ,  les  jardins  botaniques, 
et  spécialement  les  mines  ;  il  visita  sur- 
tout avec  un  soin  particulier  les  mines  de 
Chemnilz ,  illustrées  par  les  beaux  ou- 
vrages d'Agricola ,  et  celles  du  Hartz  que 
les  découvertes  de  Werner  ont  rendues 
célèbres.  Lorsqu'il  fut  de  retour  à  Paris , 
J.-J.  Rousseau  l'admit  à  ses  herborisa- 
tions ,  et  il  s'occupa  de  rédiger  la  partie 
botanique  de  l'Encyclopédie  méthodique  , 
publiée  parPanckoucke.  Son  premier  de- 
mi volume  parut  en  1783,  et  le  second  en 
1788.  Des  difficultés  s' étant  élevées  entre 
l'auteur  et  l'éditeur,  ce  fut  M.  Poirct  qui, 
long-temps  après,  termina  l'ouvrage.  La- 
marck fut  adjoint ,  en  1788 ,  à  Daubenton, 
dans  la  garde  du  cabinet  du  roi ,  sous  la 
titre  de  conservateur  des  herbiers,  ci 
nommé  sous-démonstrateur.  Il  passa,  avec 
assez  de  sécurité,  le  règne  de  la  terreurr 
et,  dès  que  le  calme  parut  revenir,  il  pro-. 
posa  un  projet  d'organisation  du  Muséum, 
qui  avait  pour  but  de  soustraire  ce  corps 
enseignant  à  l'autorité  d'un  chef  unique  , 
en  même  temps  qu'à  la  domination  des 
médecins;  son  projet ,  d'abord  froîdemeut 
accueilli,  fut  ensuite  largement  mis  à 
21 


LAM 


^L% 


LAM 


contribution,  quand  on  rédigea  le  décret 
d'institution  du  Muséum  qui  parut  en 
1793.  Desfontaines ,  professeur  de  bota- 
nique dès  le  temps  de  Buffon ,  fut  main- 
tenu dans  son  poste.  La  cbaire  de  bota- 
nique rurale  avait  été  donnée  à  Antoine 
de  Jussieu ,  fils  du  célèbre  Bernard  de 
Jussieu,  de  sorte  que  pour  placer  La- 
marck,  ou  ne  trouva  d'autre  expédient 
que  de  partager  l'enseignement  de  la 
toologie  :  Géoffroy-Saint-Hilaire  eut  la 
partie  des  animaux  vertébrés,  et  la  classe 
des  animaux  invertébrés,  dont  l'étude 
étoit  presque  dédaignée,  échut  à  La- 
marck.  Il  était  lui-même  étranger  à  cette 
partie  de  la  science  ;  mais  telles  furent  la 
persévérance  et  la  sagacité  qu'il  apporta 
dans  ses  études  nouvelles ,  et  l'habileté  de 
ses  laborieuses  investigations,  qu'au  bout 
d'un  an  il  fut  en  état  de  faire  son  cours,  et 
qu'on  lui  dut  plus  tard  sur  la  matière  un 
des  meilleurs  ouvrages  de  l'histoire  natu- 
relle moderne,  je  veux  parler  du  Traité 
des  animaux  invertébrés,  dont  le  premier 
volume  parut  en  1815.  Lamarck  s'était 
aussi  occupé  de  météorologie,  et,  dès 
d778,  il  avait  soumis  à  ce  sujet  des  obser- 
vations à  l'académie  des  sciences  qui  lui 
avait  donné  des  encouragemens.  Dominé 
par  cette  idée  que  la  lune  exerçait  une  ac- 
tion bien  marquée  sur  notre  atmosphère, 
qu'elle  amenait  les  changemens  de  temps, 
et  qu'ainsi  en  combinant  ses  phases  avec 
ses  différens  degrés  d'éloignement  de  la 
terre  et  son  obliquité,  il  n'était  point  im- 
possible de  prédire ,  avec  quelque  préci- 
sion, les  changemens  de  temps ,  il  com- 
mença à  publier  son  Annuaire  météoro- 
logique, auquel  il  dut  bientôt  renoncer  (i). 
la  physique  et  la  chimie  prirent  une  part 
de  son  temps ,  et  il  donna  ses  Recherches 
sur  les  causes  des  principaux  faits  phy- 
siquesoùVon  trouve  des  idées  singulières, 
qui  ont  eu  très  peu  de  partisans ,  et  que 
nous  ne  pouvons  suivre  et  relever  ici. 
Lamarck  devint  aveugle,  dans  ses  der- 
nières années ,  par  suite  d'une  cataracte 
qui,  dès  1818,  l'avait  obligé  de  se  faire 
remplacer  dans  sa  chaire  de  zoologie  par 
Latreille  («oyez  LATREILLE).  Il  se  ren- 
dait néanmoins  assidûment  aux  séances  de 
l'académie  ,  pour  y  recevoir  son  jeton  de 


(i)  On  «lU  dire  2t  K»polcon  qii'vn  membre  de  l'în- 
-.titul  composait  dcf  Almanachi  ,  et  qiie  celte  cireoo- 
il«oce  pouvait  jeter  de  U  deconsidc'ralion  lur  le  cnrpi. 
L'empereur  eo  fil  dei  reprochet  à  l'Aittcur,  dam  une 
teceptioD  Je  l'institut,  et  VAnniiaiu  mileorologique 
cciM  de  p4raî;rt. 


présWice ,  auquel  l'état  de  sa  fortune  qu'iï 
avait  négligée,  ne  lui  permettait  pas  de 
renoncer.  L'académie  décida,  en  1825, 
sur  la  proposition  de  Fouricr,  qu'il  en 
jouirait  quoique  absent.  Le  chevalier  de 
Lamarck  est  mort  à  Paris,  le  19  décembre 
1829,  laissant  les  ouvrages  dont  les  litres 
suivent  :  [  Flore  française  ou  Description 
succincte  de  toutes  les  jjlantes  gui  crois- 
sent  en  France,  Paris,  1778,  3  vol.  in-S"; 
ibid.,  1795  ;  nouvelle  édition ,  par  MM. 
de  Lamarck  et  Decandolle ,  Paris,  1805, 
5  vol.  in-S";  |  Annuaire  météorologique 
pour  Van  8  de  la  république  française  , 
Paris,  1799-1810,  in-12.  Il  n'a  paru  que 
onze  numéros  de  ce  recueil  ;  |  Hydrœolo- 
gie,  Varis,  1801,  in-S";  traduit  en  alle- 
mand, parWrede,  Berlin,  180S,  in-S"  ; 
I  Recherches  sur  les  causes  des  princi- 
paux faits  physiques,  Paris,  1801,  2  vol. 
in-8°;  |  Système  des  animaux  sans  ver- 
tèbres,  Paris,  1801,  un  vol.  in-8°;  traduit 
en  allemand,  par  Froriep,  sous  le  titre  de  : 
I  Nouveau  système  de  conchyliologie  de 
Lamarck,  Weimar,  1807,  in-S"  ;  \  Re- 
cherches sur  l'organisation  des  corps  vi- 
vans  ,  particidièrement  sur  leur  origine  , 
sur  la  cause  de  leur  développement,  des 
progrès  de  leur  composition  et  celle  qui 
amène  la  mort,  Paris ,  1802,  in-8°  ;  |  Phi- 
losophie zoologique,  Paris,  1809,  2  vol. 
in-8°;  |  Extrait  des  cours  de  zoologie  sur 
les  animaux  sans  vertèbres,  Paris ,  18 1 2, 
in-8°;  Système  analytique  des  connais- 
sances positives  de  l'homme ,  Paris,  iMQ\. 
in-S"  ;  I  Histoire  naturelle  des  animaux 
saJis  vertèbres,  Paris,  1818-1822,  7  voL 
in-S**  ;  1  Histoire  naturelle  des  végétaux- 
classes  par  familles ,  Paris,  1802  et  1826, 
15  vol.  in-18.  Les  deux  premiers  volume* 
seulement  sont  de  Lamarck;  les  treize  der- 
niers sont  de  M.  Brisseau-Mirbel.  Lamarck: 
est  encore  auteur  des  premiers  volume* 
du  Dictionnaire  de  botanique ,  et  des  II- 
lustrationes  generum ,  faisant  partie  de- 
l'Encyclopédie  méthodique.  On  a  encore 
de  lui  plusieurs  mémoires  insérés  parmi 
ceux  de  l'académie  des  sciences ,  et  dw 
muséum  d'histoire  naturelle  ,  et  il  a  coo- 
péré au  Journal  de  physique,  ainsi  qu'au 
Journal  d'histoire  naturelle,  qui  com- 
mença en  1772 ,  et  n'eut  que  deux  vo- 
lumes. On  a  voulu  donner  les  noms  de 
Monetia  et  de  Lamarckea  à  des  plante» 
qui  ne  les  ont  point  retenus ,  à  l'excep- 
tion d'une  graminéo  auquel  Manch  & 
donné  le  second  de  ces  deux  noms. 

LAMARE.  Voyez  MAUE. 

LAM  ARQUE  (  le  comte  Maximiliem), 


LAM 


243 


îîculenanl-général,   graml-officier  de  la 
légion   d'honneur,    chevalier    de   Saint- 
liouis,  fils  d'un  membre  de  l'assemblée 
Constituante,  né  à  St.-Sever,  département 
des  Landes,  le  21  juillet  1770,  s'enrôla 
comme  simple  soldat  en  1792,  et  devint 
au  bout  de  quelques  mois ,  capitaine  des 
grenadiers    de  Latour  d'Auvergne,  Il  fit 
la  campagne  de  1793 ,  à  l'armée  des  Py- 
rénées-Orientales, et  reçut  deux  blessures 
graves  en  arrêtant,  le  3  février,  une  co- 
lonne espagnole  avec  une  seule  compa- 
gnie. Plus  tard,  il  s'empara  de  Fontarabie 
à  la  tête  de  200  grenadiers ,  fait  d'armes 
qui  lui  valut  le  grade  d'adjudant-général. 
Employé  depuis  aux  armées  d'Angleterre 
et  du  Rhin ,  il  fut  nommé  général  de  bri- 
gade en  1801,  et  se  distingua  en  cette 
qualité  à   la  bataille    de    Hohenlinden. 
Après  la  paix  de  Lunéville ,  il  commanda 
une  division  sous  les  ordres  de  Leclerc  ; 
fit  la  campagne  d'Allemagne  de  1805 ,  et 
rejoignit  ensuite  les  troupes  qui  mar- 
chaient sur  Naples.  Dans  ce  voyage  du 
Nord  au  Midi  il  se  vit  exposé  plusieurs 
fois  à  de  grands  dangers ,  surtout  en  tra- 
versant les  montagnes  du  Tyrol  et  les 
frontières  du  royaume  de  Naples ,  où  il 
fut  attaqué  par  50  brigands ,  que  comman- 
dait le  fameux  Fra-Diavolo.  L'armée  fran- 
çaise ouvrit  la  campagne  de  Naples ,  par 
le  siège  de  Gaète  où  Lainarque  se  fit  re- 
marquer. Chargé  en  1807  de  réduire  les 
insurgés  calabrois ,  il  prit  d'assaut  Came- 
rotta ,  battit  près  de  Marattica  1200  an- 
glais qui  étaient  débarqués  pour  soutenir 
l'insurrection,  obligea  la  ville  de  capituler, 
et  fit  1200  prisonniers.  Ces  brillans  ser- 
vices lui  valurent  le  grade  de  général  de 
division.  Le  roi  Joseph  le  nomma  son 
thef  d'étal-major  ;  Joachim ,  qui  succéda 
à  Joseph  sur  le  trône  de  Naples ,  chargea 
Lamarque  de  prendre  Caprée ,  où  com- 
mandait sirHudson-Low^e,  celui-là  même 
qui  depuis  s'est  fait  à  Sainte-Hélène  un 
autre  genre  de  célébrité.  Lamarque  partit 
avec  1800  hommes  d'élite  ,  et ,  après  des 
prodiges  d'audace  et  de  valeur,  força  les 
assiégés  à  capituler.  Salicetti ,  ministre  de 
Naples,   disait   en   parlant  de    Caprée: 
«  J'y  ai  trouvé  les  Français,  mais  je  ne  puis 
»  pas  croire  qu'ils  y  soient  entrés.  »  Après 
cette  brillante  expédition ,  que  Napoléon 
lui-même  admira ,  Lamarque  fut  appelé 
dans  la  haute  Italie  où  il  eut  le  com- 
mandement d'une  division  dans  l'armée 
du  vice-roi.  Il  se  distingua  dans  cette  nou- 
velle campagne    à  Villa -Nova,   sur    les 
bords  de  laPiave,  à  Laybach,àEi!ccu- 


LAM 

à  Wanram ,  où  il  eut  quatre  che- 


dorfcn 

vaux  tués  sous  lui.  C'est  dans  celte  cam- 
pagne que  Napoléon  le  nomma  grand-of- 
ficier de  la  légion -d'honneur.  Après  la 
journée  de  Wagtam,  le  général  Lamar- 
que fut  envoyé  à  Anvers,  où  il  rendit  de 
nouveaux  services.  Employé  en  1812  dans 
la  campagne  de  Russie ,  il  fut  rappelé  en- 
suite en  Espagne,  et  pendant  trois  ans 
de  périls  et  de  succès  il  fit  preuve  de  dés« 
intéressement  et  d'humanité.  Rentré  en 
France  après  la  première  restauration , 
Lamarque  fut  nommé  chevalier  de  St.- 
Louis  le  27  juillet  1814.  Au  retour  de  l'ile 
d'Elbe ,  Napoléon  lui  donna  successive- 
ment le  commandement  de  Paris  et  celui 
d'une  forte  division  sur  les  frontières  de 
la  Belgique;  et  enfin,  dans  le  mois  de 
mai ,  il  fut  nommé  général  en  chef  de 
l'artnée  de  la  yendée.  Il  débuta  par  pren- 
dre des  mesures  sévères  contre  les  pa- 
rens  des  royalistes  vendéens;  mais,  dans 
le  cours  de  cette  campagne  ,  il  se  montra 
généreux  autant  qu'habile;  plus  jaloux 
d'épargner  les  Vendéens  que  de  les  dé- 
truire ,  il  leur  écrivait  le  9  juin  :  «  Je  ne 
»  rougis  pas  de  vous  demander  la  paix  ; 
»  car ,  dans  les  guerres  civiles  ,  la  seule 
»  gloire  est  de  les  terminer.»  Après  avoir 
obtenu  quelques  succès  à  Laroche-Ser- 
vière ,  il  réussit  à  opérer  une  pacifica- 
tion dont  les  articles  fuirent  signés  !»  Chol- 
Iet,le  26  juin  1813.  Le  lendemain  rSM. 
Duchesne  et  Duperat  vinrent  lui  porter 
de  la  part  de  MM.  de  Sapinaud  et  La  Ro- 
chejaquelein ,  le  vœu  unanime  des  Ven- 
déens de  se  réunir  à  ses  troupes  et  de 
combattre  sous  ses  ordres  comme  fran- 
çais ,  pour  s'opposer  à  toute  tentative  des 
puissances  qui  aurait  pour  but  le  démem- 
brement de  la  France.  Après  le  retour  du 
roi,  le  général  Lamarque  fut  compris 
dans  la  seconde  liste  de  l'ordonnance  du 
26  juillet,  et  se  retira  d'abord  à  St.-Sever, 
sous  la  surveillance  du  ministre  de  la  po- 
lice. Il  se  réfugia  ensuite  à  Bruxelles  où 
le  roi  Guillaume  lui  fit  im  accueil  distin- 
gué :  le  prince  d'Orange  s'entretenait 
avec  lui  dans  les  jardins  de  Tervuren. 
Rappelé  en  France  en  1820,  le  général 
Lamarque  habita  Paris  et  se  livra  dès 
lors  à  la  culture  des  lettres-  Il  publia 
quelques  brochures  qui  furent  remar- 
quées. Il  fit  paraître  d'abord  un  ouvrage 
sur  la  nécessité  d'une  armée  perma- 
nente, avec  un  projet  d'une  organisa- 
tion d'infanterie  plus  économique  que 
relie  qui  avait  été  adoptée  jusqu'a- 
lors En  1825 ,  il  donna  un  mémoire  sur 


LAM  2 

tes  avantages  d'un  canal  de  navigation 
parallèle  à  VJdour^  considéré  sous  les 
rapports  agricole^  commercial  et  mili- 
taire^ Paris ,  in-8° ,  et  en  1826  il  publia 
une  brochure  sous  ce  titre  :  de  l'Esprit 
militaire  en  France  j,  des  causes  qui  con- 
tribuent à  l'éteindre  ^  de  la  nécessité  et  des 
moyens  de  le  ranimer^  Paris,  in-8°;  2'  édit., 
même  année  et  même  format.  En  1829,  La- 
inar({ae  fut  élu  à  la  chambre  des  députés 
par  le  département  des  Landes.  Il  siégea 
BU  côté  gauche ,  et  partagea  l'exaltation 
fle  ceux  de  ses  collègues  qui  occupaient 
le  même  banc;  il  prit  la  parole  dans 
presque  toutes  les  questions  importantes 
qui  s'agitèrent  à  la  tribune  ,  et  défendit 
les  intérêts  de  ses  anciens  compagnons 
d'armes ,  en  faveur  desquels  il  réclama 
constamment  l'attention  du  gouverne- 
ment. Il  a  traité  la  plupart  des  questions 
d'administration  militaire  ,  avec  la  jus- 
tesse et  la  clarté  que  l'on  devait  atten- 
dre d'un  orateur  habile  et  d'un  savant 
militaire.  Le  général  Lamarque  a  rendu 
un  éclatant  hommage  à  la  campagne  de 
1823,  qui  fut  dirigée,  selon  ses  expressions, 
par  Mgr.  le  Dauphin  ,  «  avec  une  habileté 
»  et  une  prudence  admirables.  »  Quelque 
temps  après  la  révolution  de  1830,  il  fui 
de  nouveau  envoyé  dans  les  départemens 
de  l'Ouest;  mais  il  commençait  à  peine 
des  opérations  dont  on  se  promettait  d'heu- 
reux succès,  qu'il  fut  rappelé  et  réformé. 
Depuis  cette  époque,  il  se  livra  exclusi- 
vement à  ses  fonctions  de  député.  Il  sié- 
geait pour  la  quatrième  fois  à  la  cham- 
bre, lorsqu'il  mourut  à  Paris ,  le  3  juin 
4832.  Ses  obsèques  eurent  lieu  le  5  juin. 
I.e  convoi  se  composait  d'une  foule  im- 
mense ;  le  maréchal  Clauzel  au  nom  de 
l'armée,  M.  Mauguin  au  nom  de  la  cham- 
bre des  Députés  et  le  général  Lafayette 
prononcèrent  des  discours  sur  sa  tombe; 
le  général  polonais  Uminski,  le  nonce 
telewel,  le  général  portugais  Saldanha, 
rendirent  hommage  au  défenseur  de  leur 
cause.  Mais  un  tumulte  inattendu  trou- 
bla cette  fête  funèbre.  Le  bonnet  rouge 
fut  arboré,  et  pendant  deux  jours  la  capi- 
tale fut  ensanglantée.  La  postérité  re- 
tranchera sans  doute  quelque  chose  aux 
éloges  donnés  au  général  Lamarque 
comme  orateur.  On  lui  a  reproché  de 
viser  trop  souvent  à  l'effet ,  et  chei  lui 
l'homme  politique  valait  mieux  que  l'é- 
crivain. Il  a  du  reste  dans  sa  vie  militaire 
assez  de  titres  qui  le  recommandent  à  l'es- 
time de  la  postérité.  Le  général  Lamarque 
a  été  un  des  rédacteurs  du  Journal  des 


Ut.  LA3i 

sciences  militaires  ^  et  un  des  collabora- 
teurs de  \ Encyclopédie  moderne ,  pu- 
bliée par  M.  Courtin  :  il  a  fourni  à  cet 
ouvrage  les  articles  Armée  ^  Bataille, 
Combat  s  qui  ont  été  imprimés  séparé- 
ment. 

•  LAMARTILLIERE  (N...,  comte  de  ) 
général  d'artillerie  et  pair  de  France ,  né 
en  1732,  entra  au  service  en  1757,  en 
qualité  de  sous-lieutenant  d'artillerie ,  fit 
la  guerre  de  sept  ans,  et  fut  ensuite  en- 
voyé à  la  Guadeloupe.  En  1789  il  était  de 
retour  en  France ,  et  fut  nommé  colonel 
dans  son  arme.  Il  fit  les  premières  campa- 
gnes de  la  révolution ,  et  obtint  le  grade 
de  maréchal-de-camp.  Chargé  du  com- 
mandement de  l'artillerie  à  l'armée  des 
Pyrénées  orientales,,  il  concourut  à  la 
conservation  do  Perpignan,  dirigea  avec 
habileté  la  défense  du  fort  Bellegarde, 
et  fut  blessé  du  même  coup  qui ,  le  17 
novembre  1794,  fit  périr  le  général  Du- 
gommier  (  Voyez  DUGOMMIER  ).  Il  con- 
tribua aussi  à  la  prise  du  fort  la  Trinité 
et  de  la  citadelle  de  Roses.  Ses  succès  lui 
valurent  le  grade  de  général  de  division  ; 
il  continua  à  se  signaler  dans  les  armées  de 
Rhin-et-Moselle ,  d'Allemagne  et  d'Italie , 
fut  nommé  sénateur  en  1802 ,  et  reçut  en 
180o  la  sénalorerie  d'Agen.  Louis  XVIII 
le  nomma  pair  de  France  et  .l'appela  au 
conseil  de  perfectionnement  et  d'inspec- 
tion de  l'école  polytechnique.  Le  général 
Lamartillière  est  mort  en  1819 ,  âgé  de  87 
ans.  Il  avait  acquis  la  réputation  d'un 
des  plus  savans  et  des  plus  habiles  offi- 
ciers de  son  arme.  On  a  de  lui  les  ouvrages 
suivans  :  |  Recherches  sur  les  meilleurs 
effets  à  obtenir  de  l'artillerie  j,  1812,  2 
vol.  in-S";  |  Réflexions  sur  la  fabrication 
en  général  des  bouches  à  feu,  Paris, 
1817,  in-8"*.  Ces  ouvrages  sont  très  es- 
timés. 

*  LAMARTINE  aîné  (  N....  de  ),  né  à 
Mâcon,  en  l'an  1750,  mort  dans  celte 
ville  en  1827,  servit  quelques  années  dans 
les  chevau-légers  de  la  maison  du  rci , 
se  relira  de  bonne  heure  du  service  et  se 
livra  à  l'étude  des  sciences.Chimiste,  phy- 
sicien ,  agronome ,  il  possédait  aussi  l'his* 
toire ,  et  était  surtout  curieux  d'antiqui- 
tés. La  révolution  le  surprit  au  milieu 
de  ses  paisibles  occupations  :  persécuté , 
et  emprisonné  avec  toute  sa  famille ,  il 
soutint  ces  épreuves  avec  courage  et  re- 
prit ses  études  en  recouvrant  sa  liberté. 
Il  était  correspondant  de  la  société  ipoyale 
des  antiquaires  de  France,  et  il  a  en- 
richi le  recueil  de    cette  société  d'ua 


LAM 


Siîi 


LAIVÏ 


ïTicmoîre  sur  ua  sépulcre  suh  ascia , 
trouvé  à  Mâcon  le  21  juillet  1814  (  toiïie 
premier,  1817)  et  d'un  autre  mémoire 
sur  quelques  médailles.  Les  cahiers  des 
académies  de  Mâcon  et  de  Lyon  contien- 
nent aussi  plusieurs  de  ses  productions. 
Lamartine  appartenait  à  la  même  famille 
<iue  le  poète  de  ce  nom  qui  illustre  au- 
jourd'hui notre  littérature. 

•  LAMB  (lady  Caroline)  ,  fille  de  lord 
Ponsonby  comte  de  Berborough  ,  née  en 
1785,  épousa  l'an  1805,  à  l'âge  de  20 
ans,  William  Lamb,  depuis  lord  Mel- 
bourne, et  mourut  d'hydropisie  le  27 
janvier  1828.  Ce  qui  l'a  rendue  célèbre , 
ce  sont  ses  liaisons  avec  lord  Byron  :  il 
paraît  que  le  commerce  d'inl  imité  qui 
s'établit  entre  cette  femme  spirituelle ,  et 
le  dernier,  peut-être  le  plus  grand  poète 
de  la  Grande-Bretagne ,  dura  trois  ans , 
après  lesquels  celui-ci  la  délaissa.  Alors 
lady  Lamb  publia  un  premier  roman  ^  in- 
titulé Glenarvon^  dans  le  héros  duquel 
le  public  a  reconnu  généralement  lord 
Byron.  Elle  en  a  publié  deux  autres  qui 
ont  pour  litre,  Graham^  Hamilion  et 
Jda  Rcis.  Ses  ouvrages  sont  pleins  d'i- 
magination et  d'originalité  ;  mais  ils  sont 
remplis  d'invraisemblance  souvent  ex- 
travagante. Lady  Lamb  connaissait  le  la- 
tin ,  le  grec  et  plusieurs  langues  vivantes  : 
«lie  aimait  la  littérature  avec  passion. 

*LAMBALLE  (  Marie-Tbérèse-Louise 
de  SAVOIE-CARÏGNAN,  princesse  de  ) 
née  à  Turin,  le  8  septembre  1749,  fille 
de  Louis-Victor-Amédée- Joseph,  prince 
de  Carignan ,  et  de  Catherine  Henriette , 
princesse  de  Hesse-Rinfeld-Rottembourg, 
femme  douée  d'éminentes  vertus,  épousa, 
à  l'âge  de  seize  ans  ,  Louis-Alexandre-Jo- 
seph-Stanislas de  Bourbon -Penthièvre, 
prince  de  Lamballc,  dont  elle  devint 
lîicntôt  après  veuve  sans  enavoir  eu  d'en- 
fans.  Ce  prince  était  mort  à  20  ans ,  en 
1708,  au  milieu  de  ses  débauches.  Malheu- 
rexise  pendant  son  court  mariage,  elle 
s'était  liée  de  bonne  heure  avec  la  reine 
Marie-Antoinette ,  et  ces  deux  princesses 
se  confiaient  leurs  chagrins  mutuels  ;  car 
la  reine  prévoyait  les  malheurs  de  la  ré- 
volution française,  et  en  était  effrayée. 
Sa  place  de  surintendanle  de  la  maison 
de  Marie-Antoinette  la  mettait  continuel- 
lement en  relation  avec  toute  la  cour,  dont 
elle  était  l'ornement  par  ses  grâces  et  par 
sa  Leauté.  Aux  premiers  troubles  qui 
agitèrent  Paris  ,  la  reine  craignant  pour 
la  sûreté  de  son  amie ,  l'engagea  à  partir 
pour  l'Angleterre;   mais  la  princesse  de 


Lamballc  ne  consentit  qu'avec  la  plus 
grande  peine  à  cette  triste  séparation  : 
les  uns  disent  qu'elle  ne  s'y  décida  que 
lorsqu'elle  eut  été  informée  du  dé  par 
prochain  du  roi  pour  Varennes  ;  les  au- 
tres prétendent  qu'elle  ne  fut  pas  mise 
dans  cette  confidence.  Cependant  elle 
partit  le  même  jour,  20  juin  1791  pour 
Dieppe ,  d'où  elle  s'embarqua  pour  l'An- 
gleterre; elle  y  fut  accueillie  avec  tous 
les  égards  dus  au  malheur  et  à  la  beauté. 
Elle  eût* pu  traverser,  sur  cette  terre 
hospitalière,  l'époque  de  notre  révolu- 
tion. Mais  lorsqu'elle  ^t  appris  que 
Louis  XVI  avait  été  ramené  à  Paris,  et 
qu'il  avait  accepté  la  constitution,  dès 
lors  elle  voulut  revenir  en  France  par- 
tager les  dangers  de  la  famille  royale. 
Elle  devint  la  compagne  inséparable  de 
Marie-Antoinette  ,  et  lorsque  la  reine  fut 
arrêtée,  elle  la  suivit  dans  sa  prison  du 
Temple  (13  août  1792).  Elle  n'y  passa  que 
quelques  jours.  Arrachée  de  la  tour  le  19 
août,  et  conduite  à  la  prison  de  la  Force, 
à  l'instant  où  l'on  préparait  les  massa- 
cres ,  dans  lesquels  la  commune  de  Paris 
avait  résolu  de  la  comprendre,  on  lui  an- 
nonça ,  le  3  septembre  au  matin ,  lorsque 
déjà  le  sang  ruisselait  à  grands  flots  aux 
portes  de  la  prison,  qu'elle  allait  être  trans- 
férée à  l'Abbaye.  Elle  répondit  qu'elle  ai- 
mait autant  demeurer  dans  cette  prison 
que  d'aller  dans  une  autre  ;  mais  un  garde 
national,  s'approchant  de  son  lit ,  lui  dit 
avec  dureté  que  sa  vie  dépendait  de  son 
obéissance.Un  grand  mouvement  se  mani- 
festait alors  dans  sa  prison  ;  mais  les  cris 
des  mourans  ne  pouvaient  encore  pénétrer 
jusqu'à  la  chambre  de  madame  de  Lam- 
ballc. Ce  mouvement,  et  surtout  la  ter- 
reur empreinte  sur  les  visages,  lui  inspi- 
rèrent un  tel  effroi,  qu'elle  demanda  quel- 
ques instans  pour  reprendre  ses  esprits 
et  s'habiller.  Appelant  ensuite  le  garde 
national  pour  lui  donner  le  bras ,  elle  fut 
conduite  au  tribunal  de  sang,  où  sié- 
geaient Hébert ,  Lhuillier  et  Cheppy,  re- 
vêtus de  leur  écharpe  municipale,  et  as- 
sistés des  bourreaux  qui,  les  mains ,  Je 
visage  et  les  habits  teints  de  sang ,  atten- 
daient impatiemment  les  victimes.  A  la 
vue  de  cette  horrible  assemblée ,  et  aux 
cris  des  malheureux  qu'on  égorgeait  tout 
près  de  là,  la  princesse  s'évanouit;  dès 
qu'elle  eut  repris  connaissance ,  on  lui 
demanda  son  nom  et  ses  qualités,  et  si 
elle  avait  eu  connaissance  des  complots  de 
la  cour  avant  le  10  août.  On  lui  adressa 
plusieurs  questions  sur  la  reine.  «  Hélas  l 
Si. 


LAM 


246 


LAM 


•  s'écria  l  elle ,  je  n'ai  rien  à  répondre. 
»  Mourir  un  peu  plus  tôt ,  un  peu  plus 
»  lard ,  m'est  indifférent.  Je  suis  toute 
»  préparée.  »  —  Oh!  dit  le  président,  elle 
»  refuse  de  répondre;  à  l'abbaye!  »  — 
Ce  mot  était  l'arrêt  de  mort  des  prison- 
niers de  la  Force ,  comme  le  mot  à  la 
force  était  l'arrêt  de  mort  des  prison- 
niers de  l'Abbaye.  On  entraîna  aussitôt 
'infortunée  hors  des  guichets,  et  à  peine 
eut-elle  passé  le  seuil  de  la  porte  qu'elle 
reçut  un  coup  de  sabre  sur  le  derrière  de 
la  tète.  Plusieurs  voix  s'élevèrent  dans  la 
loule ,  qui  demandèrent  grâce  !  grâce  ! 
mais  un  infâme  soldat  la  terrassa  d'un 
coup  de  massue.  Son  corps  devint  en- 
suite l'objet  des  outrages  les  plus  san- 
glans  ;  on  en  sépara  la  tête  ;  on  lui  ouvrit 
le  sein  ;  son  cœur  fut  arraché ,  et  mis  au 
bout  d'un  croc  de  fer.  Aussitôt  se  forme 
un  horrible  cortège.  Cette  tête  ,  à  qui  la 
mort  n'avait  point  encore  enlevé  toute 
son  expression,  est  placée  sur  une  pique, 
et  le  cœur  sanglant  est  trainé  dans  les 
ruisseaux  ;  un  fifre  et  un  tambour  précè- 
dent les  assassins,  qui,  après  avoir  par- 
couru divers  quartiers  de  Paris,  passent 
devant  l'hôtel  de  Toulouse  (aujourd'hui  la 
Banque  de  France  ) ,  lieu  de  la  résidence 
de  madame  de  Lamballe,  font  le  tour 
du  jardin  du  Palais-Royal ,  et  portent  l'é- 
pouvantable trophée  au  Temple ,  sous  les 
yeux  de  la  reine,  que  les  monstres  appel- 
lent à  grands  cris  pour  la  rendre  témoin 
de  cette  scène  d'horreur.  Belle ,  douce , 
obligeante ,  d'une  verlu  sans  tache ,  sans 
intrigue,  et  modérée  au  sein  de  la  fa- 
veur, madame  de  Lamballe  ne  demanda 
jamais  rien  pour  elle-même.  Une  fureur 
aveugle  versa  son  sang ,  car  elle  n'avait 
point  d'enne,mis  ;  aucune  vengeance  per- 
sonnelle ne  s'attachait  à  elle  :  on  regor- 
gea sans  la  haïr.  Celait  le  cœur  de  Ma- 
rie-Antoinette qu'on  voulait  atteindre, 
en  perçant  celui  de  son  amie  la  plus 
chère.  Ce  qui  prouve  à  quel  point  ma- 
dame de  Lamballe  était  respectée ,  c'est 
que  ceux-là  même  qui  la  firent  assassiner 
n'osèrent  jamais  dans  leurs  libelles  calom- 
nier sa  mémoire.  On  a  publié  en  1826 
chez  Treultel  et  "Wurtz  un  ouvrage  très 
curieux  et  plein  de  détails  ignorés  jus- 
qu'ici :  on  l'a  dit  rédigé  d'après  des  notes 
autographes  de  la  princesse  elle-même; 
mais  l'authenticité  en  a  été  contestée  par 
de  grands  personnages.  Nous  nous  bor- 
nerons à  en  indiquer  le  titre  :  Mémoires 
relatifs  à  la  famille  royale  de  France 
jtendant  la,  révolution^  publiés  pour  la 


première  fois  j  d'après  lejoumaL  les  let- 
tres et  les  entretiens  de  la  princesse  de 
Lamballe,  par  une  dame  de  qualité  {  ma- 
dame Catherine  Hyde  ,  marquise  Govion 
Broglio  Solari  ),  attachée  au  service  con- 
fidentiel de  cette  infortunée  princesse, 
Paris,  2  vol.  in- 8*. 

LAMBECIUS  (  Pierre  ),  célèbre  bi- 
bliographe allemand ,  né  à  Hambourg  en 
1628 ,  fit  des  progrès  si  rapides  dans  la  lit- 
térature ,  qu'à  l'âge  de  19  ans ,  il  publia 
ses  savantes  Remarques  sur  Aulu-Gelle. 
Des  voyages  dans  les  différentes  contrées 
de  l'Europe  répandirent  son  nom  et  aug- 
mentèrent ses  connaissances.  De  retour 
à  Hambourg ,  il  fut  nommé ,  en  16S2 , 
professeur  d'histoire ,  et  en  1664 ,  recteur 
du  collège.  Deux  ans  après,  il  épousa 
une  femme  riche,  mais  vieille,  avare 
et  acariâtre.  Ne  pouvant  plus  vivre  avec 
cette  furie ,  il  passa  à  Rome ,  où  il  em- 
brassa publiquement  la  religion  catholi- 
que. Là ,  le  pape  Alexandre  VII  et  la  reine 
Christine  lui  firent  un  sort  heureux.  Il 
oublia  aisément  sa  patrie,  où  l'envie, 
après  avoir  critiqué  ses  études  et  ses  ou- 
vrages ,  l'avait  accusé  d'être  hérétique  et 
même  athée.  Il  devint  ensuite  bibliothé- 
caire, conseiller  et  historiographe  de 
l'empereur ,  et  mourut  dans  ce  poste  à 
Vienne,  en  1680,  à  52  ans.  Les  ouvrages 
qui  honorent  sa  mémoire  sont  :  |  Origines 
Hamburgenses  ab  anno  808  (urbis  con- 
dilae  epochâ)a£f  ffnnMml292,  Hambourg, 
2  vol.  in-i",  1632-1661  ;  et  in-fol.,  1706  et 
1710,  ouvrage  chargé  d'érudition.  Lam- 
bedus  promettait  à  cet  ouvrage  une  con- 
tinuation ,  qu'on  n'a  pas  trouvée  dans  ses 
papiers.  |  Animadversiones  ad  Codini 
Origines  Constantinopolitanas^  très  sa- 
vantes ,  Paris ,  1655,  in-fol.  ;  j  Commenta' 
riorum  de  bibliotheca  cœsarea  vindobo- 
nensilibri  VIII,  1665-79,  8  vol.  in-fol.  C'est 
un  catalogue  savant  des  manuscrits  de  la 
bibliothèque  de  l'empereur.  Il  faut  join- 
dre à  cet  ouvrage  le  Supplément  de  Da- 
niel de  Nessel,  1690 ,  2  vol.  in-fol.  ;  |  Pro- 
dromus  historiée  litterariœ,  et  Iter  Gel- 
lense,  ouvrage  posthume,  publié  en  1710, 
in-fol.,  par  Jean- Albert  Fabricius. 

LAMBERT  (  saint  ) ,  né  vers  l'an  640 , 
évêque  de  Maestricht ,  sa  patrie ,  succéda, 
vers  670  ,  à  Théodoret  son  maître ,  et  fut 
chassé  de  son  siège  après  la  mort  de  Chil- 
déric  II,  roi  d'Austrasie,  l'an  674,  par  le 
barbare  Ebroïn ,  qui  mourut  7  ans  après, 
Lambert,  qui  s'était  réfugié  danslemo- 
nastère  de  Stavelo,  fut  rétabli  sur  le 
trône  épiscopal  par  Pcpin  d'Héristal  l'an 


LAM 


247 


LAM 


681  :  il  coavertit  un  grand  nombre  d'in- 
fidèles de  la  Toxandrie ,  adoucit  leur  fé- 
rocité ,  et  fut  tué  en  709  par  Dodon  (  sui- 
vant les  Bollandistes ,  et  en  696  ou  697 
selon  d'autres) ,  à  cause  de  la  liberté  avec 
laquelle  il  reprit  Pépin  d'Héristal,  qui 
menait  une  vie  scandaleuse  avec  Alpaïs. 
Dodon  était  parent  de  cette  concubine. 
D'autres  attribuent  sa  mort  à  une  cause 
différente  ;  ils  prétendent  que  deux  ne- 
veux de  l'évêque  ayant  assassiné  deux 
frères  de  Dodon ,  celui-ci  se  vengea  par 
ce  meurtre  d'un  crime  auquel  cependant 
Lambert  était  étranger.  Son  martyre  ar- 
riva à  Liège ,  qui  n'était  qu'un  petit  vil- 
lage ,  et  qui  devint  par  cet  événement 
une  ville  considérable ,  la  dévotion  des 
fidèles  y  ayant  attiré  beaucoup  de  peu- 
ples. Saint  Hubert  fut  son  sviccesseur.  La 
Bibliothèque  historique  de  France ,  t.  1 , 
«°  8746-8760  ,  indique  li  vies  de  ce  pré- 
lat. — Il  y  a  eu  deux  autres  saints  du  nom 
de  Lambert,  l'un  archevêque  de  Lyon, 
mort  en  668;  l'autre  évêque  de  Vence, 
mort  en  1114.  Voyez  la  Vie  des  saints. 

LAMBERT,  empereur  et  roi  d'Italie, 
était  fils  de  Gui,  duc  de  Spolette,  auquel 
il  succéda  en  894  après  avoir  été  associé 
au  pouvoir  en  892.  Il  eut  pour  compéti- 
teurs Bérenger  et  Arnolphe;  mais  il  re- 
couvra sur  eux  Milan  et  une  partie  de  la 
Lombardie  ;  il  finit  par  s'entendre  avec 
Bérenger,  et  mourut  d'une  chute  de  che- 
val, qu'il  fit  à  la  chasse  en  898.  Ce  prince 
donnait  les  plus  belles  espérances,  qu'il 
aurait  sans  doute  réalisées  s'il  eût  régné 
plus  long-temps. 

LAMBERT  D'ASCHAFFENBOURG  cé- 
lèbre bénédictin  de  l'abbaye  d'Hirchfel- 
den,  en  10o8,  entreprit  le  voyage  de  Jéru- 
salem. De  retour  en  Europe ,  il  composa 
une  CAroni^rue  depuis  Adam  jusqu'en  1077. 
Cette  chronique  n'est  qu'un  mauvais  abré- 
gé jusqu'à  l'an  1050  ;  mais  depuis  lOSO  jus- 
qu'en 1077,  c'est  une  histoire  d'Allemagne 
d'une  juste  étendue.  Ce  monument  fut  im- 
primé à  Bâle  en  1669,  in-fol.  ,  avec  celui 
de  Conrad  de  Lichtenau ,  et  dans  le  pre- 
mier volume  des  Ecrivains  d'Allemagne 
de  Pistorius.  Un  moine  d'Erfurt  en  a 
donné  une  continuation  jusqu'à  l'an  1472, 
mais  elle  est  peu  estimée.  Cette  continua- 
lion  se  trouve  aussi  dans  le  Recueil  de 
Pistorius. 

LAMBERT ,  évêque  d'Arras ,  né  à  Guî- 
nes ,  se  distingua  tellement  par  la  prédi- 
cation pendant  qu'il  était  chanoine  de 
Lille,  que  les  Artésiens,  désirant  sépa- 
rer leur  église  de   celle  de  Cambrai,  à 


laquelle  elle  élait  unie  depuis  îJOO  ans  » 
l'élurent  pour  leur  évêque  en  1112.  Ur- 
bain II  confirma  cette  élection  ,  et  sacra 
le  nouvel  évêque  à  Rome ,  malgré  les  op- 
positions des  Cambraisiens.  Lambert  as- 
sista à  quelques  conciles ,  et  mourut  en 
1115.  Il  fut  enterré  dans  sa  cathédrale,  où 
on  lui  mit  une  épitaphe  qui  annonce,  que 
«  la  sainte  Vierge  était  apparue  à  Lam- 
»  bert ,  et  lui  avait  donné  un  cierge  qui 
«  avait  la  vertu  de  guérir  du  mal  des  ar- 
»  dens ,  alors  si  commun  en  France.  »  On 
a ,  dans  les  Miscellanea  de  Baluze ,  un 
Recueil  de  chartes  et  de  lettres  concer- 
nant l'évêché  d'Arras,  et  qui  est  attribué 
à  Lambert. 

LAMBERT,  surnommé  Begh  ou  le 
Bègue j  à  cause  de  la  difficulté  de  sa  pro- 
nonciation, mourut  l'an  1177,  à  son  retour 
de  Rome,  où  Raoul,  évêque  de  Liège, 
l'avait  envoyé.  Ce  fut  lui  qui  institua  les 
béguines  des  Pays-Bas  ;  établissement  fort 
répandu  dans  ces  provinces ,  et  qui  est 
de  la  plus  grande  utilité  à  la  religion  et  à 
la  société ,  en  assurant  à  une  multitude 
de  filles  les  moyens  de  vivre  vertueuse- 
ment, sans  leur  ôter  la  liberté  de  rentrer 
dans  le  monde.  Plusieurs  auteurs  attri- 
buent l'institution  des  béguines  à  sainte 
Bègue  ;  on  peut  voir  les  raisons  de  cette 
attribution  dans  la  Diplomat.  belgica  de 
Foppens,  tom.  2,  pag.  948. 

LAMBERT  (  Fkaxçois  ),cordelier  d'A- 
vignon ,  où  il  naquit  en  1487,  quitta  son 
couvent  en  1522  pour  prêcher  le  luthé- 
ranisme, et  surtout  pour  avoir  une  femme. 
Luther  en  fit  son  apôtre  dans  la  Suisse  et 
en  Allemagne,  et  lui  procura  la  place  de 
premier  professeur  de  théologie  à  Mar- 
purg.  Il  y  mourut  de  la  peste  en  1530, 
après  avoir  publié  :  [  deux  Ecrits .  l'un 
pour  justifier  son  apostasie,  et  l'autre 
pour  décrier  son  ordre ,  1523 ,  in-8".  Le 
premier  a  été  réimprimé  avec  plusieurs 
de  ses  Lettres  et  de  ses  Questions  théolo- 
giques, dans  les  Amœnitates  litterariœ  de 
Selhorn  ;  des  Commentaires  sur  saint  Luc, 
sur  le  mariage,  sur  le  Cantique  des  can- 
tiques, sur  les  petits  Prophètes  et  sur  l'A- 
pocalypse, in-8°;  un  Traité  renfermant 
plusieurs  discussions  théologiques ,  sous 
le  titre  assez  juste  de  Farrago .  in-8°.  Ce 
moine  apostat  se  déguisa  long-temps  sous 
le  nom  de  Johannes  Serranus,  Jean  de 
Serres.  Ses  écrits  sont  aussi  bouffis  d'em- 
portement que  vides  de  raison.  Il  était 
contemporain  du  trop  fameux  Zvringle, 
avec  lequel  il  eut  plusieurs  conférences 
sur  divers  points   de   doctrine.  La  liste 


LAM 


2/1-8 


LAM 


<Ic  ses  ouvrages  est  dans  le  tome  59  des 
Mémoires  de  Nicéron. 

LAMBERT  (  Michel  )  ,  musicien  fran- 
çais, né  en  1610  ,  à  Vivonne  ,  petite  ville 
en  Poitpu,  mort  à  Paris  en  169G ,  excellait 
à  jouer  du  luth  ,  et  mariait ,  avec  beau- 
coup d'art  et  de  goût,  les  accens  de  sa 
voix  au  son  de  l'instrument.  Il  fut  pourvu 
d'une  charge  de  maître  de  musique  de  la 
chambre  du  roi.  Il  a  fait  quelques  petits 
vwtets^  et  a  mis  en  musique  des  Leçons 
de  ténèbres.  On  a  encore  de  lui  un  Re- 
cueil contenant  plusieurs  airs  à  une, 
deux ,  trois  et  quatre  parties ,  avec  la 
basse  continue.  Ce  musicien  était  très  es- 
timé ,  el  l'on  peut  lire  à  ce  sujet  Boileau  , 
dans  sa  o^  Satire.  La  Fontaine  en  parle 
dans  la  5'^  Fable  du  livre  XI,  et  Titon  du 
Tillet  lui  a  consacré  une  Notice  dans  son 
Tamasse  français. 

LAMBERT  (  Jean  ou  Jon-v  ) ,  général 
des  troupes  d'Angleterre  sous  la  tyrannie 
de  Cromwell ,  exerçait  les  fonctions  d'a- 
vocat lors  des  premiers  démêlés  de  Char- 
les I""  et  de  son  parlement.  Ayant  em- 
brassé le  parti  des  républicains,  il  obtint 
un  rang  dans  l'armée ,  signala  sa  valeur 
dans  différentes  occasions,  et  eut  les  qua- 
lités d'un  chef  de  parti.  Il  accompagna 
Cromwell  en  Ecosse,  où  il  remporta  une 
importante  victoire  dans  le  comté  de  Fife, 
el  eut  une  grande  part  à  celle  de  Wor- 
cester,  qui  détruisit  les  espérances  du 
prince  Charles,  depuis  Charles  II.  Crom- 
well ayant  cassé  le  parlement  l'an  1653 , 
établit  un  conseil  dont  il  nomma  chef 
Lambert ,  lorsque  lui-même  fut  déclaré 
prolecteur  de  la  république.  Lambert, 
qui  avait  contribué  à  lui  obtenir  cette 
dignité ,  dans  laquelle  il  espérait  lui  suc- 
céder, empêcha  qu'il  ne  fût  déclaré  roi. 
Cromwell  le  regarda  dès  lors  comme  son 
rival,  et  lui  ôta  le  généralat.  Après  la 
mort  du  protecteur,  arrivée  en  1658, 
Lambert  se  ligua  avec  le  chevalier  Vane 
contre  le  parlement  et  contre  le  nouveau 
protecteur,  Richard  Cromwell ,  fils  d'Oli- 
vier. Il  s'opposa  ensuite  de  toute  sa  force 
au  rétablissement  de  la  monarchie  ;  ses 
intrigues  furent  inutiles.  Son  armée  ayant 
été  défaite,  il  fut  pris  par  le  général  Monk, 
qui  le  fil  mettre  dans  la  tour  de  Londres 
avec  Vane,  son  complice.  Il  fut  con- 
damné à  mort  l'an  1662  ;  mais  le  roi  mo- 
déra cette  sentence ,  et  se  contenta  de  re- 
léguer Lambert  dans  l'Ile  de  Guernesey, 
où  il  mourut  trente  ans  après,  totalement 
oublié ,  et  ayant  embrassé  la  religion  ca^ 
ibolique. 


LAMBERT  (  Anxe  TnénÉSE  de  MAR- 
GUENAT  de  COURCELLES,  marquise 
de  ) ,  naquît  à  Paris ,  vers  1647 ,  d'un 
maître  des  comptes.  Elle  perdit  son  père 
à  l'âge  de  trois  ans.  Sa  mère  épousa  en 
secondes  noces  le  facile  et  ingénieux  Ba- 
chaumont ,  qui  se  fit  un  devoir  et  un  amu- 
sement de  cultiver  les  heureuses  dispo- 
sitions qu'il  découvrit  dans  sa  belle-fille. 
Cette  aimable  enfant  s'accoutuma  dès  lors 
à  faire  de  petits  extraits  de  ses  lectures. 
Elle  forma  peu  à  peu  un  trésor  littéraire 
propre  à  assaisonner  ses  plaisirs  et  à  la 
consoler  dans  ses  peines.  Après  la  mort 
de  son  mari ,  Henri  Lambert ,  marcpiis  de 
Saint-Bris  ,  qu'elle  avait  épousé  en  1666, 
et  qu'elle  perdit  en  1686 ,  elle  essuya  de 
longs  et  cruels  procès ,  où  il  s'agissait  de 
toute  sa  fortune.  Elle  les  conduisit  et  les 
termina  avec  toute  la  capacité  d'une  per- 
sonne qui  n'aurait  point  eu  d'autre  talent. 
Libre  enfin,  et  maîtresse  d'un  bien  consi- 
dérable, qu'elle  avait  presque  conquis,  elle 
établit  dans  Paris  une  maison  où  il  était 
honorable  d'être  reçu  :  c'était  la  seule , 
à  un  petit  nombre  d'exceptions  près ,  qui 
se  fût  préservée  de  la  maladie  épidémi- 
que  du  jou,  et  où  l'on  se  rendit  pour  par- 
ler raisonnablement.  Aussi  les  gens  frivo- 
les lançaient,  quand  ils  pouvaient,  quel- 
ques traits  malins  contre  la  maison  de 
M""=  de  Lambert,  qui ,  très  déUcate  sur  les 
discours  et  sur  les  opinions  du  public, 
craignait  quelquefois  de  donner  trop  à  son 
goût.  Cette  dame  illustre  mourut  le  12 
juillet  1755  ,  à  86  ans.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  :  I  Les  Avis  d'une  mère  à  son 
fils  et  d'une  m.ère  à  sa  fille^  1727,  in-12 , 
3*  édit.  Ce  ne  sont  point  des  leçons  sèches 
qui  sentent  l'autorité  d'une  mère;  ce  sont 
des  préceptes  donnés  par  une  amie ,  et 
qui  partent  du  cœur.  C'est  un  philosophe 
aimable,  qui  sème  de  fleurs  la  route  par 
laquelle  il  veut  faire  marcher  ses  disci- 
ples, qui  s'attache  moins  aux  frivoles  dé- 
finitions des  vertus  qu'à  les  inspirer  en 
les  faisant  connaître  par  leurs  agrémens. 
Tout  ce  qu'elle  prescrit  porte  l'empreinte 
d'une  âme  noble  et  délicate ,  qui  possède, 
sans  faste  et  sans  effort,  les  qualités  qu'elle 
exige  dans  les  autres.  On  sent  partout  cette 
chaleur  du  cœur  qui  seule  donne  le  prix 
aux  productions  de  l'esprit.  Les  Jvis 
d'une  mère  à  sa  fille  ont  été  traduits 
en  allemand.  Cette  traduction ,  avec  une 
version  française  littérale  interlinéaire , 
a  été  publiée  par  M.  Boulard,  Paris, 
1800,  in-8°  :  |  Nouvelles  réflexions  sur  les 
femmes^  ou  Métaphysique  d'amour»  elles 


i 


LA3I 

Bont  pleines  d'imagination,  de  finesse  et 
d'agrément  ;  [  Traité  de  Vamitîé.  L'ingé- 
nieux auteur  peint  les  avantages ,  les 
charmes,  les  devoirs  de  l'amitié,  avec  au- 
tant de  vérité  que  de  délicatesse  ;  |  Traité 
de  la  vieillesse,  non  moins  estimé  que  ce- 
lui de  l'Amitié  ;  |  La  Femme  ermite^  pe- 
tit roman  extrêmement  touchant;  |  des 
Morceaux  détachés  de  morale  ou  de  lit- 
térature. C'est  partout  le  même  esprit,  le 
même  goût,  la  même  nuance  ;  il  y  a  quel- 
•quefois,  mais  raremBnt,  du  précieux.  Les 
Œuvres  de  madame  Lambert  ont  été  re- 
cueillies, 1748,  2  vol.  in-12  avec  un  abrégé 
4^6  sa  Fie,  et  1813,  2  voL  in-18. 

LAMBERT  (  Joseph  ) ,  fils  d'un  maître 
des  comptes,  naquit  à  Paris  en  1654  ,  prit 
le  bonnet  de  docteur  de  Sorbonne ,  et  ob- 
tint le  prieuré  dePalaiseau,  près  de  Paris. 
L'église  de  Saint- André-des-Arcs ,  sa  pa- 
roisse, retentit  long-temps  de  sa  voix 
douce  et  éloquente.  Il  eut  le  bonheur  de 
convertir  plusieurs  calvinistes  et  plusieurs 
pécheurs  endurcis.  Il  donna  tant  à  Paris 
qu'à  Amiens  des  conférences  qui  ont  été 
imprimées.  Sa  charité  pour  les  pauvres 
allait  jusqu'à  l'héroïsme  :  ils  perdirent  le 
plus  tendre  des  pères ,  le  plus  sage  conso- 
lateur, et  le  plus  généreux  protecteur, 
lorsque  la  mort  le  leur  enleva  le  31  jan- 
vier 1722,  à  68  ans.  Ce  fut  à  la  réquisition  de 
ce  saint  homme ,  que  la  Sorbonne  fit  xme 
déclaration  qui  rend  nulles  les  thèses  de 
ceux  qui  s'y  seraient  nommés  titulaires 
de  plusieurs  bénéfices.  On  a  de  lui  : 
j  L'Année  évangélique ,  ou  Homélies,  7 
vol.  in-12.  Son  éloquence  est  véritable- 
ment chrétienne,  simple  ,  douce  et  tou- 
chante. Tous  ses  ouvrages  sont  marqués 
au  même  coin ,  et  l'on  ne  peut  trop  les 
recommander  à  ceux  qui  sont  obligés  par 
état  d'instruire  le  peuple.  Si  le  style  en 
est  négligé ,  on  doit  faire  attention  qu'il 
écrivait  pour  l'instruction  des  gens  de  la 
campagne,  et  non  pour  les  courtisans, 
j  Des  Conférences ,  en  2  vol.  in-12,  sous 
le  titre  de  Discours  sur  la  vie  ecclésiasti- 
que; I  Epitres  et  évangiles  de  Vannée, 
avec  des  réflexions,  en  1  vol.  in-12  ;  cet 
ouvrage  a  été  réimprimé  en  2  parties  en 
4831 ,  et  chaque  partie  a  2  vol.  in-12  ; 
j  Les  Ordinations  des  saints,  in-12  ;  |  La 
manière  de  bien  instruire  les  pauvres, 
in-12  ;  |  Histoires  choisies  de  l'ancien  et 
du  nouveau  Testament,  i  vol.  in-12:  re- 
cueil utile  aux  catéchistes  ;  [  Le  Chrétien 
instruit  des  mystères  de  la  religion  et  des 
vérités  de  la  morale;  \  Instructions  cour- 
tes et  familières  pour  tous  les  dimanches 


249  LAM 

et  principales  fêtes  de  l'année  ,  en  faveur 
des  pauvres,  et  particulièrement  des  gens 
de  la  campagne  ;  |  Instructions  sur  le 
Symbole, '2  \o\.  in-12,  réimprimés  en  1831, 
3  vol.  in-12  ;  sur  les  comtnandemens  de 
Dieu  et  de  l'Eglise.  2  vol.  in-12  ;  |  Deux 
Lettres  sur  la  pluralité  des  bénéfices^ 
contre  l'abbé  Boileau.  VAmi  de  la  reli- 
gion a  rendu  un  compte  avantageux  do 
ces  ouvrages  qu'il  recommande  aux  pas- 
teurs et  aux  fidèles. 

LAMBERT  (  Claude-François  )  ,  com- 
pilateur fécond  et  laborieux  ,  né  à  Dôle, 
eut  la  cure  de  St.-Etienne;  dans  le  diocèse 
de  Rouen ,  qu'il  abdiqua  ensuite.  Il  vint  à^ 
Paris ,  et  s'y  mit  aux  gages  des  libraires, 
pour  lesquels  il  compila  divers  ouvrages, 
qui  lui  coûtaient  peu  ,  et  qui  ne  valaient 
pas  ce  qu'ils  lui  coûtaient.  Les  principaux 
sont  :  I  Le  nouveau  Télémaque,  ou  Mé- 
moires et  aventures  du  C.  de***  et  de  son 
fils,  3  vol.  in-12  ;  |  La  Nouvelle  Marian- 
ne, 3  vol.  in-12  ;  |  Mémoires  et  aventures 
d'une  femme  de  qualité,  3  vol.  in-12.  On 
voit  que ,  dans  ces  divers  romans ,  il  a 
cherché  à  persuader  qu'il  copiait  de 
bons  modèles;  mais  cela  ne  parait  que 
dans  le  titre ,  et  c'est  à  ce  titre  qu'ils  ont 
dû  tout  leur  succès.  Us  sont  dénués  d'i- 
magination et  d'élégance  :  |  L'infortunée 
Sicilienne,  in-12  ;  |  Recueil  d'observations 
curieuses  sur  les  moeurs,  les  coutumes, 
les  arts  et  les  sciences  des  différens  peu- 
ples de  l'Asie,  de  l'Afrique  et  de  l'Amé- 
rique, Paris,  1749,  4  vol.  in-12;  |  His- 
toire générale  civile,  naturelle,  politique 
et  religieuse  de  tous  les  peuples  dumonde^ 
Paris,  1750,  14  vol.  in-12,  qui  se  relient 
en  15.  Il  a  réuni  dans  ce  livre  tout  ce  qui 
se  trouve  répandu  dans  les  différens  voya- 
geurs ;  mais  il  manque  d'exactitude  danâ 
les  faits  et  de  grâce  dans  la  narration. 
j  Histoire  littéraire  de  Louis  XI f^,  3  vol. 
in-4*',  qui  lui  valut  une  pension  :  ce  n'est 
qu'une  compilation  indigeste  et  mal  écrite 
des  Mémoires  de  Nicéron,  des  Eloges  des 
différentes  académies ,  des  jugemens  des 
journalistes.  L'auteur  y  a  mis  des  Discours 
préliminaires  sur  les  progrès  de  chaque 
science  sous  le  règne  illustre  de  Louis  le 
Grand  ;  mais  ces  discours ,  vides  de  pen- 
sées ,  ne  sont  pleins  que  de  phrases  em- 
phatiques. Cet  ouvrage  a  été  traduit  en 
allemand ,  Copenhague ,  1759  ,  3  vol.  in- 
8°.  I  Histoire  de  Henri  II,  2  vol.  in-12  ; 
I  Bibliothèque  de  physique,  7  vol.  in-12; 
j  Mémoires  de  Pascarilla ,  in-12 ,  mau- 
vais roman,  etc.  11  mourut  à  Paris  en  1765. 
Lçi  manie  compilatrice  de  l'abbé  Lambert 


LAM  2" 

est  devenue  parfaitement  épidémique. 
Celle  nuée  épaisse  de  brochures  de  tous 
les  genres  ,  et  ces  romans  plus  ou  moins 
encyclopédiques  qui  inondent  la  terre, 
sont  un  effet  de  cette  maladie. 

•  LAMBERT  (  Georges  ) ,  peintre  an- 
glais et  graveur  à  l'eau-forte ,  né  dans  le 
comté  de  Kent,  en  1710,  mort  à  Lon- 
dres en  176S.  Il  réussissait  très  bien  dans 
le  paysage.  Il  avait  pris  pour  modèle 
Wooton,  et  surtout  le  Guaspre,  qu'il  s'ef- 
força d'imiter.  On  cite  de  lui  deux  pay- 
sages  d Angleterre j  d'un  bel  effet;  et 
deux  vues^  l'une  de  la  ville  de  Douvres^ 
l'autre  du  château  de  Saltwood.  Ces  quatre 
tableaux  ont  été  gravés  avec  beaucoup  de 
perfection  par  James  Mason.  Lambert  a 
gravé  à  l'eau-forte  un  paysage  orné  de 
ruines  et  de  figures^  in-i";  et  troispetiles 
figures  dédiées  à  James  Robinson  de 
Wandsworth.   Ces  estampes  sont  rares. 

LAMBERT  (  Jean-Henri  ) ,  mathéma- 
ticien ,  naquit  à  Mulhausen ,  en  Alsace, 
vers  l'an  1728,  et  mourut  à  Berlin  de  con- 
somption, le  2S  septembre  1777.  Fils  d'un 
pauvre  tailleur  cliargé  d'une  nombreuse 
famille ,  il  ne  put  d'abord  satisfaire  son 
goût  pour  l'étude;  cependant  il  alla  dans 
une  école  gratuite  où  on  lui  donna  les 
élémens  des  langues  latine  et  française  : 
le  reste,  il  l'apprit  seul  et  dans  les  livres; 
et  telle  était  sa  facilité  qu'il  parvint  à  con- 
naître à  fond  ,  le  grec,  le  latin ,  l'anglais, 
l'allemand  ,  la  physique ,  la  mécanique, 
l'astronomie,  la  théologie ,  la  philosophie, 
l'éloquence  et  même  la  poésie.  Son  esprit 
avait  quelque  chose  de  singulier  et  d'o- 
riginal. Ayant  été  présenté  au  roi  de 
Prusse,  et  interrogé  par  ce  prince  sur  ce 
qu'il  pourrait  entreprendre  en  fait  de 
science j  astronomie,  histoire,  ou  enfin 
quelque  autre  partie ,  il  répondit  tout. 
Quoique  cette  réponse  prévînt  contre  lui, 
le  prince  l'excusa,  sans  doute  à  raison  de 
la  légèreté  et  de  la  suffisance  du  siècle, 
dont  les  jeunes  gens  se  défendent  diffici- 
lement, et  lui  fit  accueil  ;  il  devint  pen- 
sionnaire de  l'académie  de  Berlin,  et  con- 
seiller au  département  des  bâtimens.  Il 
commença  par  être  précepteur  des  petits- 
fils  du  comte  Pierre  de  Salis,  établi  à  Coire 
et  accompagna  en  cette  qualité  ses  élèves 
dans  leurs  voyages  en  Allemagne,  en  Italie 
et  en  France,  où  il  connut  d'Alembert,  qui 
le  recommanda  au  roi  de  Prusse.  Lam- 
bert possédait  plusieurs  langues  vivantes 
et  passait  pour  un  bon  helléniste.  Il  avait 
une  prédilection  marquée  pour  les  choses 
nouvelles  et  extraordinaires,  et  les  saisis- 


0  LAM 

sait  avec  celle  vicacilé  qui  se  tient  si  près 
de  l'erreur.  Le  prétendu  satellite  de  Venus 
est  une  de  ces  découvertes  du  siècle  dans 
laquelle  il  s'exerça  beaucoup.  Il  assura 
que  ce  satellite  paraîtrait  d'une  manière 
évidente  le  1"  juin  1777,  et  bien  des  as- 
tronomes l'attendirent  avec  une  attention 
et  une  patience  qui  prouvent  bien  le  cré- 
dit  dont  jouissait  parmi  eux  celui  de  Ber- 
lin. Outre  les  pièces  qu'il  inséra  dans  les 
Mémoires  de  Berlin,  de  Bâle,  de  Munich, 
on  a  de  lui  un  grand  nombre  d'ouvrages  ; 
les  principaux  sont:  |  une  Perspective, 
Zurich ,  1758  ;  |  un  ,Traité  sur  les  pro- 
priétés  les  plus  remarquables  de  la  route 
de  la  lumière,  la  Haye ,  1759  ;  |  une  Pho- 
tométrie,  Augsbourg,  1760;  |  un  Traité 
sur  les  orbites  des  comètes ,  Augsboui  g , 
1761;  I  des  Opuscules  mathématiques, 
etc.  M.  Mérian,  de  l'académie  de  Berlin,  a 
publié  le  Système  du  monde,  par  M.  Lam- 
bert ,  en  1770  ;  la  seconde  édition  a  paru 
en  1784 ,  in-8°.  Cet  astronome  fait  de  toutes 
les  étoiles  visibles  (  celles  de  la  voie  lactée 
exceptées)  un  seul  et  même  système  (tour- 
billon ,  ensemble ,  machine  )  :  elles  tour- 
nent toutes  en  masse,  avec  notre  soleil, 
autour  d'un  corps  opaque  d'une  grandeur 
monstrueuse,  et  qu'on  dit  se  trouver  dans 
Orion,  où  depuis  long-temps  il  se  voit 
une  lueur  pâle,  qui  est  à  coup  sûr  ledit 
corps ,  centre  do  tout  le  système.  La  voie 
lactée  en  fait  autant  de  son  côté,  et  rend 
le  même  hommage  à  son  corps  opaque. 
Mais  ces  grands  systèmes  ne  sont  encore 
que  de  petites  parties  d'un  autre  systèmcj 
et  la  voie  lactée  n'est  qu'une  appartenance 
d'une  autre  voie  lactée ,  une  petite  roue 
d'une  machine  composée  de  cent  autres 
roues,  etc.  On  peut  voir  diverses  ré- 
flexions sur  ce  système  dans  le  Journ.  hist. 
et  littér.  13  mai  1786,  p.  97.  Eberhard 
a  consacré  à  Lambert  une  notice  biogra- 
phique dans  un  ouvrage  posthume  de  cet 
auteur  qui  a  pour  titre  Pyrométrie ,  et 
qui  a  été  publié  en  allemand,  Berlin, 
1779,  in-i",  avec  une  préface  de  Karsten. 
*  LAMBERT  (  Bernard  ) ,  religieux  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique ,  né  à  Saler- 
nes ,  en  Provence ,  en  1758  ,  fit  ses  vœux 
dans  le  couvent  de  Saint-MaxirRin ,  dont 
alors  les  religieux  étaient  interdits  pour 
cause  de  jansénisme  ;  il  prit  l'esprit  et  les 
principes  de  la  maison ,  et  en  soutint  la 
doctrine  dans  des  thèses  publiques  ;  de- 
venu ensuite  proTesseur  du  couvent  de 
Limoges ,  il  l'enseigna  dans  ses  leçons. 
Une  thèse  qu'il  y  fit  soutenir,  le  14  août 
1765,  fut  mise  à  Vindex,  le  18  février  1766. 


LAM 

Il  tint  la  même  conduite  à  Grenoble  ,  où 
il  enseigna  aussi  la  théologie.  M.  de  Mon- 
ta/et, archevêque  de  Lyon,  l'y  appela ,  le 
mit  dans  son  conseil ,  et  en  fit  son  théo- 
logien. Il  quitta  néanmoins  ce  prélat  pour 
venir  s'établir  à  Paris.  Ses  principes 
étaient  trop  opposés  à  ceux  de  M.  de  Beau- 
mont  pour  qu'il  l'y  souffrit  volontiers. 
Quelques  évêques  néanmoins  intervin- 
rent en  sa  faveur,  et  promirent  qu'il 
n'écrirait  plus  que  contre  les  philosophes 
et  les  incrédules  ;  à  cette  condition ,  qu'il 
ne  viola  point  pendant  la  vie  du  ferme 
et  pieux  archevêque ,  il  lui  fut  permis  de 
se  rendre  dans  un  couvent  de  la  capitale. 
Il  est  auteur  de  beaucoup  d'ouvrages.  On 
a  de  lui  :  |  L'Idée  de  l'ceuvre  des  secours 
selon  les  sentimens  de  ses  véritables  dé- 
fenseurs, Paris,  1786,  in-i°.  Le  P.  Lam- 
bert y  préconise  les  convulsions  ;  il  le  fit 
encore  dans  l'avertissement  aux  fidèles  , 
etc.,  et  dans  l'Exposition  des  prédictions, 
etc.  ;  I  Recueil  de  passages  sur  l'avéne- 
ment  intermédiaire  de  Jésus-Christ ,  sou- 
mis à  l'éditeur  du  Discours  de  M.  l'é- 
véque  de  Lescar  (de  THoé),  sur  l'état  futur 
de  l'Eglise^  Paris ,  1785,  in-12  ;  |  Adresse 
des  Dominicains  de  la  rue  du  Bac,  à  l' As- 
semblée nationale ,  1789  ;  |  Lettre  de  M***, 
à  M.  l'abbé  A.  (  Asseline  ),  censeur  et  ap- 
probateur du  libelle  intitulé  :  Discours  à 
lire  au  conseil,  etc.,  sans  date,  1787; 
I  Adresse  des  dominicains  de  la  rue  Saint- 
Jacques  ,  à  l'Assemblée  nationale^  1789  ; 
j  Apologie  de  l'état  religieux^  in-12  ;  I  Mé- 
moire sur  le  projet  de  détruire  les  cor-ps 
religieux^  1789^  in-8°;  ]  Mandement  et 
instruction  pastorale  de  M.  l'évéque  de 
Saint-Claude,  pour  annoncer  le  terme  du 
synode  ,  et  rappeler  aux  pasteurs  les  pre- 
miers devoirs  e7ivers  la  religion,  1790, 
in-4.*'  et  in-S";  |  Avis  aux  fidèles,  ou  Prin- 
cipes propres  à  diriger  leurs  sentimens 
et  leur  conduite  dans  les  circonstayices 
présentes^  Paris ,  1791 ,  in-S";  |  Préservatif 
contre  le  schisme  (  de  Larrière  )  ,  con- 
vaincu de  graves  erreurs ,  1791 ,  in-8 
I  l'Autorité  de  l'Eglise  et  de  ses  mi- 
nistres ^  défendue  contre  l'ouvrage  de 
M.  Larrière  j  intitulé  :  Suite  du  préser- 
vatif contre  le  schisme,  ou  Nouveau 
développement  des  principes  qui  y  sont 
établis ,  1792 ,  in-8°  ;  |  Avertissement  aux 
fidèles  sur  les  signes  qui  annoncent  que 
tout  se  dispose  pour  le  retour  d'Israël  et 
V exécution  des  menaces  faites  aux  gentils 
apostats^  Paris,  1793,  in-8°;  |  Devoirs  du 
chrétien  envers  la  puissance  publique ,  ou 
Ptincipc s  propres  à  diriger  les  sentimens 


2ol  LAM 

et  la  conduite  des  gens  de  bien ,  au  mi- 
lieu des  révolutions  qui  agitent  les  empi- 
res,  Paris,  1793,  in-8°;  |  Réflexions  sur 
la  fête  du  il  Janvier,  in-S"  de  32  pages; 
I  Réflexio7is  sur  le  serment  de  la  liberté 
et  de  l'égalité^  1793,  in-S";  |  Apologie 
de  la  religion  chrétienne  et  catholique  ^ 
contre  les  blasphèmes  et  les  calomnies 
de  ses  ennemis,  Paris,  2'  édition,  1796, 
in-S";  I  Cinq  Lettres  aux  ministres  de 
la  ci-devant  église  constitutionnelle ,  1795 
et  1796,  in-8°;  I  La  vérité  et  la  sainteté 
du  christianisme,  ve?igées  contre  les 
erreurs  du  livre  intitulé  :  Origine  de 
tous  les  cultes  par  Dupuis,  1796,  in-8°; 
I  Traité  dogmatique  et  moral  de  la  jus- 
tice  chrétienne  ^  1798,  in-12  ;  |  Essai  sur 
la  jurisprudence  universelle,  1799,  in-i2  ; 
I  Lettre  à  l'auteur  de  deux  opuscules 
intitulés,  l'un.  Avis  aux  fidèles  sur  le 
schisme  dont  la  France  est  menacée  ; 
l'autre.  Supplément  à  l'avis  aux  fidèles, 
in-8".  Cet  auteur  est  le  père  Minard, 
doctrinaiire ,  partisan  de  la  constitution 
civile  du  clergé.  |  Remontrances  augou- 
vernemenf  français ,  sur  la  nécessité  et 
les  avantages  d'une  religion  nationale^ 
1801,  in-8°;  ]  Manuel  du  simple  fidèle, 
où  on  lui  remet  sous  les  yeux,  1°  la 
certitude  et  l'excellence  de  la  religion 
chrétienne, 1°  les  titres  et  prérogatives  de 
l'Eglise  catholique  ,  5°  les  voies  sûres  qui 
mènent  à  la  véritable  justice,  iSOZ ,  1  vol. 
in-8''  ;  |  quatre  Lettres  d'un  théologien  à 
M.  révéque  de  Nantes  (  du  Voisin  ),  1805. 
On  y  a  fait  deux  réponses  qui  se  trouvent 
dans  le  tome  k  des  Annales  littéraires. 
I  La  pureté  du  dogme  et  de  la  morale 
vengée  contre  les  erreurs  d'un  anonyme, 
(  l'abbé  Lassausse ,  dans  son  Explication 
du  catéchisme  ),  par  M.  P.  T.,  Paris,  1808; 

I  La  Vérité  et  l'Innocence  vengées,  contre 
les  erreurs  et  les  calomnies  des  Mé- 
moires pour  servir  à  l'histoire  ecclésias- 
tique, pendant  le  18'  siècle,  1811,  in-8°. 

II  publia  quelques  autres  écrits  sur  la 
même  matière  dans  une  controverse 
entre  lui  et  Reynaud,  curé  de  Vaux, 
diocèse  d'Auxerre;  ]  Ti-aité  contre  la 
philanthropes;  |  Cours  d'instructions  sur 
toute  la  religion.  Ces  deux  derniers  ou- 
vrages sont  restés  manuscrits.  Il  avait 
fourni  les  matériaux  de  l'Instruction  pas- 
torale  contre  l'incrédulité,  publiée  par 
M.  de  Montazet,  en  1776.  Ces  ouvrages 
ont  été  publiés  sous  le  voile  de  l'anonyme; 
on  en  trouve  la  liste  dans  le  Diction- 
naire de  M.  lîarhicr.  Lambert  mourut  à 
Paris  le  27  féviicr  1813 ,  âgé  de  75  an». 


LAM 


252 


LAM 


Le  père  Lambert  avait  du  savoir  et  des 
connaissances  en  théologie.  Si  parmi  ses 
ouvrages  il  s'en  trouve  qui  contiennent 
une  doctrine  répréhensible ,  et  parmi 
ceux-là  il  faut  compter  non  seulement 
ceux  qu'il  a  composés  en  faveur  du  parti 
auquel  il  s'était  attaché ,  et  dans  lesquels 
il  essaie  de  justifier  une  résistance  cou- 
pable aux  décisions  du  chef  de  l'Eglise , 
mais  encore  ceux  où  il  renouvelle  les 
erreurs  du  millénarisme ,  il  en  est  d'au- 
tres dont  le  but  est  louable  ;  tels  sont  ceux 
où  il  poursuit  l'incrédulité  à  outrance , 
ceux  où  il  combat  l'Eglise  constitution- 
nelle, ceux  où  il  défend  l'état  religieux, 
etc.  Tous  ces  écrits  font  regretter  que  le 
père  Lambert,  s'il  est  permis  de  se  servir 
de  cette  expression,  ait  semé  l'ivraie  avec 
le  bon  grain.  On  aimerait  à  n'avoir  point 
à  lui  reprocher  le  tort  d'avoir  fait  revivre 
d'anciennes  erreurs,  et  d'en  avoir  sou- 
tenu de  nouvelles;  d'avoir  manqué  de 
respect  envers  des  ecclésiastiques  consti- 
tués en  dignités ,  quand  ils  n'étaient  point 
de  son  sentiment;  d'avoir  trempé  sa  plume 
dans  le  fiel ,  quand  il  écrivait  contre  ses 
adversaires,  et  enfin  d'avoir  fait  l'apo- 
logie absurde  des  folies  du  secourisme ^ 
qu'il  a  défendu  opiniâtrement ,  quoique 
méprisées  et  rejetées  par  les  plus  raison- 
nables de  ceux  avec  lescpiels  il  faisait 
cause  commune  C'était,  au  reste,  un 
religieux  attaché  à  sa  profession ,  en  rem- 
plissant les  devoirs ,  même  après  y  avoir 
été  arraché. 

♦  LAMBERT,  baron  LECHARRON(Ax- 
i)BÉ-Lot'is  ) ,  d'une  famille  du  Gatinais  , 
né  en  1739,  fut  élevé  à  l'école  militaire, 
et  en  sortit,  en  1776,  pour  entrer  dans  le 
régiment  de  Limousin.  Lorsque  l'insubor- 
dination des  troupes  força  la  plupart  des 
officiers  de  se  disperser,  le  baron  Lechar- 
ron  fut  de  la  dernière  garde  qui  mérita 
l'attachement  de  Louis  XVL  II  partagea  ,1e 
lOaoût,  le  danger  du  monarque,  et  trouva 
le  moyen  de  rejoindre  l'armée  des  princes 
en  Champagne.  Il  devint  officier  dans  le 
régiment  de  Loyal-Emigrant  et  d'Hervilly, 
et  passades  campagnes  meurtrières  de  la 
Flandre ,  à  la  fatale  expédition  de  Qui- 
beron.  Fait  prisonnier  dans  la  presqu'île, 
il  comparut  deux  fois  devant  le  tribunal 
d'où  l'on  ne  sortait  que  pour  aller  à  la 
mort ,  et  deux  fois  sa  présence  d'esprit  fit 
suspendre  pour  lui  la  cruelle  sentence. 
Plus  tard  il  se  relira  à  Montfort-l'Amaury 
avec  le  rang  de  colonel  et  la  croix  de  Saint- 
louis  ,  et  il  y  est  mort  au  mois  de  no- 
vembre 1825  à  l'àgc  de  68  ans.  Il  a  laissé  : 


I  Expédîtîoji  de  Quiberon^  suivie  de  V éva- 
sion des  prisons  de  Vannes  :  avec  une 
carte  de  la  presqu'île  de  Quiberon  ré- 
duite par  l'auiew  d'après  celle  de  Cassini 
et  4  gravures  par  Bence  j  ouvrage  dédié 
au  rot  et  faisant  suite  aux  mémoires  sur 
la  révolution  française  ^Vaxis,  1826,  in-18. 
•  LAMBERTI  (  Louis  ) ,  helléniste  ita- 
lien ,  naquit  en  1758  à  Reggio ,  en  Lom- 
bardie.  Il  fut  reçu  avocat  à  Modène  ;  mais 
il  quitta  bientôt  cette  profession  pour  se 
livrer  à  la  littérature.  Il  devint  d'abord 
secrétaire  du  nonce  de  Bologne ,  passa  en- 
suite à  Rome ,  où  il  gagna  l'amitié  du  sa- 
vant antiquaire  Visconti ,  qui  l'introduisit 
dans  la  maison  de  Borghèse.  Lambcrtl 
décrivit,  sous  la  direction  de  son  protec- 
teur ,  les  antiques  et  les  beUes  statues  de 
la  villa  de  ce  nom.  Au  commencement 
de  la  révolution  française ,  il  se  rendit  à 
Reggio ,  et  de  là  à  Milan,  lors  de  l'inva- 
sion de  Bonaparte  en  1796.  Au  mois  do 
mars  de  l'année  suivante ,  eut  lieu  l'éta- 
blissement delà  république  Cisalpine ,  qui 
fut  précédée  à!vin  congrès ^  dit  national, 
dans  lequel  Lamberti  fit  décréter  l'abo- 
lition de  la  noblesse  et  de  tous  les  sym- 
boles monarchiques  ;  il  s'opposa  à  l'éta- 
blissement de  la  polygamie,  proposée  par 
Compagnoni.  Il  fut  membre  du  grantJ 
conseil  législatif,  puis  membre  du  Direc- 
toire exécutif.  Les  victoires  de  Souwa- 
row  en  Italie  (  1798  et  1799  )  forcèrent 
Lamberti  de  quitter  Milan  :  il  y  revint 
après  la  bataille  de  Marengo ,  gagnée  par 
Bonaparte  ,  qui  s'était  fait  premier  con- 
sul après  son  retour  d'Egypte.  Lamberti , 
nommé  membre  de  l'institut  italien,  qu'on 
créa  à  cette  époque ,  témoigna  sa  recon- 
naissance par  une  Ode^  à  la  louange  du 
vainqueur.  Il  obtint,  peu  de  temps  après, 
la  chaire  de  belles-lettres  à  l'université 
de  Bréra  ,  et  la  place  de  directeur  de  la 
bibliothèque  du  même  nom,  qu'il  enrichit 
d'une  suite  d'éditions  du  lo'  siècle,  comme 
celles  des  Aide ,  de  Comino ,  de  la  Crusca, 
etc.  Il  fut  décoré  des  ordres  de  la  légion 
d'honneur  et  de  la  Couronne-de-Fer  ;  et , 
en  1810  ,  étant  venu  à  Paris  présenter  à 
Napoléon ,  devenu  empereur  en  1804 ,  sa 
magnifique  édition  d'Homère  imprimée 
par  le  célèbre  Bodoni ,  il  en  reçut  pou  r 
récompense  la  somme  de  12,000  fr.  De 
retour  à  Milan,  il  y  mourut  le  4  décembre 
1813 ,  âgé  de  53  ans.  On  a  de  lui ,  en  ita- 
lien :  I  des  Poésies^  Parme,  Bodoni,  17%, 
1  vol.  in-18  ;  |  Description  des  sculptures 
du  palais  de  la  villa  Borghèse.  dite  Prin- 
ciana^  Rome,  1796,  2  tom.  in-6°;  |  Ode  à 


LAM 

Xapoh'on  pour  la  fête  nationale  de 


253 

mz, 

ode  imprimée  avec  celles  de  Savioli  et 
nionti,  publiées  à  la  même  occasion  ;  |  Dis- 
cours sur  les  belles-lettres  j  Milan,  1803  , 
iu-S";  I  Ode  à  Napoléon  (  pour  son  cou- 
ronnement comme  roi  d'Italie  ) ,  Milan  , 
1808;  \  Alexandre  dans  Jrmotie .  can- 
tate, ib.,  1808,  etc.  ,  in-fol.;  |  Poésies  d'é- 
crivains grecs  ^  saso'w  :  les  Cantiques  de 
Tyrtée  ,  l'Œdipe  de  Sophocle  ,  et  l'hymne 
à  Cérès  d'Homère,  traduits  en  vers  ita- 
liens, Brcscia,  1808,  in-8";  |  des  Obser- 
vationsa  ajoutées  à  celles  du  père  Marn- 
hclli,  sur  la  langue  italienne  {  voyez  les 
CJassici  ilaliani,  en  1809  )  ;  |  l'Homère 
en  {jrec,  avec  des  corrections  et  des  chan- 
{îcniens,  Parme,  Bodoni,  1810,  grand 
in-fol.  C'est  la  plus  belle  édition  que  l'on 
(oimaisse  de  ce  grand  poète.  Elle  a  mérité 
les  éloges  de  l'institut  de  France ,  suivant 
le  compte  qu'en  a  rendu  M.  Boissonnade  ; 
j  O^ixervazioni  soprà  alcune  lezioiii  délia 
'riiade  d'07nero.KA\a.i\,  1813  ,  iii-8". 

'  nïRElVriM.  rorj.  BENOIT  XIV. 

■  ?.A.HBESC(  CnARï-ES-EuGÈNE  de  Lor- 
rahio  ,  duc  d'ELBEUF,  prince  do  ),  né  le 
2")  sej)tembro  17ol ,  d'un  des  princes  de  la 
maison  de  Lorraine ,  parent  de  la  reine 
IVia:  ie- Antoinette,  montra  pour  cette  priu- 
jcsse  un  grand  dévouement.  Il  était  entré 
liés  jeune  au. service  de  France,  et  sa 
prolectrice  lui  obtint  la  charge  impor- 
tante de  grand-écuyer.  Il  était  colonel 
propriétaire  du  régiment  royal-allemand, 
et  avait  une  grande  influence  à  ia  cour. 
Dès  le  commencement  de  la  révolution, 
il  s'en  montra  l'ennemi  le  plus  déclaré. 
La  tournure  que  prenaient  les  affaires 
obligea  le  gouvernement  de  former,  en 
juillet  1789,  un  camp  près  de  Paris.  Le 
prince  de  Lambesc  y  fut  employé  ,  et  le 
i!2  de  ce  mois,  des  groupes  tumultueux 
étant  venus  sur  la  place  Louis  XV  ,  le 
prince  de  Lambesc  fut  chargé  de  les  dis- 
siper. A  la  tête  de  son  régiment,  il  fran- 
chit le  Pont-Tournant  et  entra  au  galop 
dans  les  Tuileries.  Les  autres  corps  ne  le 
soutinrent  pas;  on  vit  même  les  gardes- 
françaises  se  réunir  au  peuple  ,  barrer  le 
chemin  avec  des  chaises ,  braver  les  sol- 
dats du  prince ,  tandis  qu'une  grêle  de 
pierres  tombait  sur  eux.  Forcé  de  se  re- 
tirer, mais  sans  beaucoup  de  danger,  il 
retourna  au  camp  ;  le  triomphe  du  parti 
populaire  au  ik  juillet  entraîna  sa  mise 
en  accusation.  Il  fut  accusé  à  l'Assemblée 
nationale,  et  dénoncé  comme  chef  de  la 
t(^!ispiralio!i  aiiti-révouitiounaire  Tra- 
duit devant  le  Châtelct,  comme  ayant  agi 


LAM 

il  fut  acquitté  par 


contre  la  nation, 

juges.  Le  prince  évita  d'ailleurs  les  suites 
de  cette  affaire  en  se  réfugiant  en  Alle- 
magne ,  où  son  régiment  le  réjoignit  en 
1792  ,  pour  servir  dans  l'armée  des  prin- 
ces, frères  de  Louis  XVI.  Le  prince  de 
Lambejc  entra  dans  la  Champagne  avec 
les  Prussiens.  Après  qu'ils  eurent  évacué 
le  territoire  français,  il  prit  du  service  en 
Autriche ,  et  y  obtint  les  grades  de  géné- 
ral major  et  de  fcid-marcchal-lieutenant. 
On  croit  que  ce  prince  a  aussi  fait  les 
campagnes  du  Rhin  et  d'Italie  contre  les 
Français:  mais  il  n'eut  point  de  comman- 
dement en  chef.  Il  se  maria,  en  1803, 
avec  la  comtesse  Amie  de  Cetmer ,  veuve 
du  comte  Cajétan-Poloki,  et  épousa  en 
secondes  noces  (  1812),  la  comtesse  douai- 
rière de  CoUoredo.  Ala  restauration  (1814) 
il  revint  en  France.  Créé  pair,  il  était, 
retourné  à  Vienne ,  où  sa  qualité  de  prince 
du  sang  lui  assignait  le  premier  rang  après 
les  archiducs.  Le  prince  de  Lambesc  est 
mort  le  20  novembre  1823 ,  âgé  de  soixante 
quatorze  ans ,  ne  laissant  point  d'héritier. 
En  lui  s'est  éteinte  la  branche  mâle  de  la 
maison  de  Lorraine. 

LAMBIN  (  Denys  ),  savant  français,  né 
à  Montreuil-sur-Mer  en   Picardie ,  vers 
1516.  Il  voyagea  en  Italie  avec  le  cardinal 
de  Tournon,  et  obtint  par  son  crédit  la 
place  de  professeur  en  langue  grecque  au 
collège  royal  de  Paris.  Il  l'occupa  jusqu'à 
sa   mort,  occasionée    en    1572,   par    la 
perte  de  son  ami  Ramus  ,  tué  dans  l'exé- 
cution de  la  Saint-Barthélemi.  Il  avait 
alors  o6  ans.  On  a  de  lui  plusieurs   ou- 
vrages ,  dans  lesquels  on  trouve  une  éru- 
dition vaste,  mais  quelquefois  accablante. 
Le  soin  qu'il  a  de  rapporter  les  diverses 
leçons  avecla  plus  scrupuleuse  exactitude 
ennuya  bien  des  savans ,  et  fit  naître  le 
mot  de  lambiner.  Lambin  a  donné  des 
Commentaires  sur  Lucrèce,  1563,  in-4°; 
sur  Cicéron,   1585,  2  vol.;   sur  Plante, 
1588,  et  sur  Horace,  1603;  tous  trois  in 
fol.  Son  travail  sur  Horace  a  été  applaudi; 
mais  il  a  été  moins  heureux  dans  les  cor- 
rections qu'il  a  faites  aux  œuvres  de  l'o- 
rateur latin.  Il  change  le  texte  de  Cicéron 
à  sou  gré ,  sans  être  autorisé  par  les  an- 
ciens manuscrits.  Il  ôte  les  mots  des   édi- 
tions  qui  se  trouvent    entre    les   mains 
de  tout  le  monde ,  pour  en  substituer  de 
nouveaux,  qu'il  n'a  pris  que  dans  sa  bi~ 
zarre   imagination.  André  Schott  assure 
que  toutes  les  f(^is  qu'il  ajoute  ces  mots  : 
Invitis  et  repugnanlibas  libris  om.nibus , 
on  peut  assurer  qu'il  se  trompe. 
22 


LAM  2 

•  L.VMÎÎINET  (  PiEunE  ),  bibliographe, 
çaccessivement  jésuite,  préniontré  et 
prêtre  séculier,  naquit  en  1742.  à  Tournes, 
village  près  de  Mézières  (  Ardeniies  ).  Il 
lit  SCS  éludes  chez  les  jésuites,  et  entra 
(!ans  leur  société  à  Pont-à-iMousson ,  à 
ràfje  de  15  ans  ;  il  y  resta  jusqu'à  sft  sup- 
pression. Rendu  au  monde,  il  y  passa 
({uclques  années,  après  quoi  il  se  pré- 
senta à  l'abbaye  de  Lavaldicu,  ordre  de 
Préinonlré,  pour  en  embrasser  l'inslitut. 
il  y  l)rit  l'habit  de  Tordre,  et  alla  faire 
profession  à  l'abbaye  de  Villers-Cotlerels. 
Il  quitta  celte  maison  et  l'habit  reli^jieux, 
sinon  de  l'aveu  formel  de  ses  supérieurs, 
au  moins  sans  qu'ils  s'y  opposassent,  et 
se  rendit  à  Bruxelles  ,  où  il  fil  l'éducation 
des  deux  lils  du  duc  de  Croquenbourg. 
Après  l'avoir  finie  ,  il  s'adressa  à  Rome 
l)our  obtenir  un  bref  de  sécularisation, 
qui  lui  fut  accordé ,  sur  le  consentement 
de  l'abbé  de  Prémontré.  L'abbé  Lambine! 
s'était  toujours  occupé  de  belles-lettres  , 
et  principalement  de  recherches  biblio- 
graphiques. Il  avait  visité  un  grand  nom- 
bre de  bibliothèques,  et  entrepris  des 
voyages  pour  étendre  ses  connaissances 
.sur  cette  partie  de  la  littérature.  Il  publia 
plusieurs  ouvrages  dont  les  titres  suivent  : 
I  Eloge  de  l  impératrice  Marie-Thérèse . 
Bruxelles  ;  |  Table  raisonnée  des  matières 
contenues  dans  l'esprit  des  journaux  de- 
puis  177^2  jusqu'en  1784  inclusivement  ^ 
Paris  et  Liège,  sans  date,  4  vol.  in-12^ 
I  Notice  de  quelques  manuscrits  qui  con- 
cernent l'histoire  de  la  Belgique j  et  qui  se 
trouvent  dans  la  bibliothèque  publique  de 
Berne .  insérée  dans  le  tome  5 ,  2*^  partie 
des  Mémoires  de  l'académie  de  Bruxelles, 
p.  2o2-265.  L'abbé  Lambinet  rédigea  cette 
notice  avec  le  secours  de  M.  Wilhelmi , 
bibliothécaire  de  Berne;  elle  fut  lue  à 
l'académie  de  Bruxelles,  le  12  octobre 
1780.  I  Recherches  historiques  et  litté- 
raires j.  sur  l'origine  de  l'imprimerie^ 
particulièrement  sur  ses  premiers  éta- 
ijlissemeîis ,  au  15'  siècle^  dans  la  Bel- 
(jique,  Bruxelles,  an  7(  1798,  in-8"), 
réimprimées  à  Paris  en  1810,  sous  ce  litre  : 
Origine  de  l'imprimerie,  d  après  les  titres 
autheiUiqiies ,  l'opinion  de  M.  Daunou  et 
celle  de  M.  Fan-Praèt.^\o\.  in-8°.La  pre- 
mière édition  fut  vivement  critiquée  par 
^L  de  la  Serna  Santander ,  Dictionnaire 
hihlioyraphique  du  15*^  siècle,  partie  V 
pag.  588  et  58!)  ;  j  Remarque  s  bibliog  r  a phi- 
i-ues  et  critiques  surune  édition  lutine  de 
l Imitation  de  Jésus-Christ,  donnée  par 
Heuuzée  de  l'académie  française ,  chez. 


Barbou,  1788,  et  sur  plusieurs  autrei 
éditions  du  même  livre ,  insérée  dans  le 
Journal  des  curés,  23  cl  27  août  1809,  n"** 
117 et  119.  A  cet  otivrage,M.  Gence  oi> 
posa,  dans  le  même  journal ,  un  écrit  in- 
titulé :  Défense  de  l'édition  latine  de  l'I' 
mitation ,  donnée  par  Beauzée.  Il  y 
prouve  que  la  prétendue  édition  de  Beau- 
zce,  attaquée  par  Lambinel  ,  n'est  autre 
chose  que  celle  de  Valart,  revêtue  du 
frontispice  de  l'édition  de  l'académicien. 
(  Voyez  l'article  GERSON.  )  L'abbé  Lam- 
binet a  levu  et  augmenté  la  Notice  des 
éditions  de  l'Imitation  ,  publiée  par  lo 
pèreDesbillons.  lia  donné  lui-même  une 
édition  stéréotype  de  ce  livre  célèbre,  et 
a  pris  part  aux  disputes  élevées  sur  son 
auteur,  qu'il  prétend  être  A  Kempis, 
contre  l'opinion  de  M.  Gence.  La  lutte 
qu'il  eut  à  soutenir  à  cet  égard  avec  de 
célèbres  adversaires  altéra,  dit-on,  sa 
santé.  Il  fut  frappé  d'un  coup  d'apoplexie 
et  mourut  le  10  décembre  1813.  L'institut 
a  donné  des  éloges  à  ses  connaissances,  el 
des  sa  vans  l'ont  mis  au  nombre  de  ceux 
qui  ont  bien  mérité  de  la  bibliographie. 
*  LIMBLARDIE  ( Jacqces-Elie ),  di- 
recteur de  l'école  des  ponts  et  chaussées, 
et  de  l'école  polytechnique  depuis  sa  fon- 
dation (1795) ,  né  à  Loches  ,  département 
d'Indre-el-Loire ,  est  mort  à  Paris  le  26 
novembre  1797.  Employé  d'abord  comme 
sous-ingénieur  sur  les  côtes  de  la  Nor- 
mandie ,  il  fut,  en  1793,  nommé  ingé- 
nieur du  port  du  Havre  ,  qui,  d'après  les 
travaux  qu'il  y  commença ,  est  devenu 
un  des  plus  beaux  el  des  plus  utiles  que 
la  France  ait  sur  l'Océan.  On  y  admire  le 
pont  à  bascule  ,  établi  sur  la  plateforme 
qui  sépare  l'ancien  bassin  de  celui  qui  le 
joint  au  nord  ;  Lamblardie  l'a  décrit  dans 
son  Mémoire  sur  les  diverses  espèces  de 
ponts  mobile?.  Devenu  ingénieur  en  chef 
dans  le  département  de  la  Somme,  mem- 
bre de  la  commission  des  travaux  du  pont 
de  Cherbourg  ,  il  fut  (  1793  )  appelé  à  Pa- 
ris pour  diriger  avec  Perronnet  l'école 
des  ponts  et  chaussées;  enfin,  à  l'époque 
de  la  formation  de  l'école  polytechnique, 
il  en  fut  nommé  le  premier  direttrur.  Le 
Mémoire  qu'il  a  publié  (  1789  ,  iM-4"  )  sur 
les  côtes  de  la  haute  Normandie .  est 
rempli  de  vues  profondes  et  neuves,  ap- 
plicables aux  constructions  dans  la  mer, 
et  à  la  direction  des  jetées  dans  les  ports. 
M.  de  Prony  a  donné  dans  le  5'  cahier 
du  Journal  de  l'école  Polytechnique ^ 
!om.  T,  une  notice  sur  la  vie  el  les  ou- 
vrages de  Lamblardie. 


•  LAMIiUrCIlTS  (Charles- JosEPii- 
fllATTiiiEU  )  ,  sénateur  ,  né  <à  Saiul-Tron  , 
dans  les  Pays-Has  en  17o3,  étudia  à  l'u- 
niversilc  de  Loxivain  ,  et  s'adonna  sur- 
tout au  droit  civil  et  canonique.  Après 
avoir  été  reçu  docteur,  il  fut  nommé  en 
1777  professeur  dans  cette  même  univer- 
sité, et  fut  chaifïé  en  1788  par  Joseph  II, 
empereur  d'Allemagne ,  de  visiter  les 
diverses  universités  de  ce  pays.  Lam- 
brechts  fut  obligé  de  s'exiler  de  sa  patrie  en 
1790  ,  lorsqu'elle  s'insur(;ea  contre  le  gou- 
vernement autrichien,  auquel  les  Bçlges 
le  soupçonnaient  détre  resté  lidèle.  Apres 
le  rétablissement  de  la  domination  autri- 
chienne ,  Lambrechts  retourna  à  Bruxel- 
les où  il  reprit  la  pratique  du  droit .  et  il 
fut  choisi  pour  faire  partie  du  grand-con- 
seil de  Malines  ,  lorsque  les  troupes  fran- 
çaises chassèrent  les  Impériaux  de  la 
Éelijique.  lise  rangea  aussitôt  du  côté  des 
vainqueurs ,  obtint  les  premières  fonc- 
tions administratives,  et  après  le  18  fruc- 
tidor, il  fut  appelé  à  Paris  pour  remplacer 
Merlin  de  Douai ,  au  ministère  de  la  jus- 
tice (4  septembre  1797).  Remplacé  à  son 
tour  par  Cambacérès  au  mois  de  juillet 
1799  [voyez  CAMBACÉRÈS)  ,  il  retourna 
dans  sa  patrie  où  il  devint  président  du 
département  de  la  Dyle.  Après  le  18 
brumaire ,  le  gouvernement  consulaire  le 
nomma  sénateur.  Mais  il  apporta  dans 
l'assemblée  où  il  élail  appelé  à  siéger  des 
idées  d'indépendance  et  d'opposition  qui 
le  firent  remarquer;  il  se  prononça  avec 
force  contre  les  envahissemens  de  Bona- 
parte ,  et  fut  un  des  trois  membres  du 
sénat  qui  refusèrent  leurs  suffrages  à  l'é- 
rection du  trône  impérial.  Pendant  les 
treize  ans  qu'il  siégea  dans  celte  assem- 
blée, il  fit  toujours  partie  de  la  minorité. 
Ce  fut  lui  qui  en  181/»  rédigea  les  fameux 
considérans  de  Vactede  déchéance  rendu 
contre  Bonaparte  ;  il  lit  aussi  partie  du 
comité  qui  proposa  à  Louis  XVIII  l'acte 
constitutionnel  que  ce  prince  refusa  d'a- 
dopter. Il  reçut  du  gouvernement  royal 
des  lettres  de  grande  naturalisation  ;  mais 
il  ne  fut  point  du  nombre  des  sénateurs 
qui  entrèrent  à  la  chambre  des  pairs. 
Pendant  les  cent-jours  il  vota  contre  l'acte 
constitutionnel;  les  départemens  de  la 
Seine-Inférieure  et  du  Bas-Rhin  le  nom- 
mèrent député  en  1819  :  le  mauvais  étal 
de  sa  santé  ne  lui  permit  pas  de  paraître 
souvent  à  la  chambre  où  il  avait  pris  place 
dans  les  rangs  de  l'extrême  opposition. 
Lambrechts  est  mort  à  Paris  le  k  août 
1823  :  il  avait  reçu  le  titre  de  comte  et  le. 


grade  de  commandant  de  la  légion-d'hon- 
neur. Parmi  ses  dispositions  testamentai- 
res on  remarque  un  legs  do  12,000  francs 
pour  la  fondation  d'un  hospice  exclusive- 
ment destiné  au  soulagement  des  protcs- 
tans  aveugles,  et  celui  d'une  somme  de 
2000  francs  destinée  nu  meilleur  ouvrage 
en  faveur  de  la  liberté  des  cultes ,  el  que 
le  ministre  de  l'intérieur  n'autorisa  pas 
l'académie  française  à  accepter  :  son  hé- 
ritier (M.  Charles  d'Oulreponl  )  a  chargé 
la  société  de  la  morale  chrétienne  do 
mettre  cette  question  au  concours,  el  le 
prix  a  été  en  effet  décerné  en  1826.  On  a 
de  lui  :  Principes  politiques  ,1815,  in-8"  . 
et  quelques  Réflexions  à  l'occasion  du 
livre  de  M.  l'abbé  de  Fi-ayssitious ,  inti- 
tulé :  des  Frais  principes  de  Vcglise  gai- 
licane ^Par'is,  1816,  in-8°.  Il  a  aussi  écrit 
quelques  détails  sur  sa  vie,  publiés  après 
sa  mort ,  sous  le  titre  de  Notice  trouvée 
dans  les  papiers  de  M.  le  comte  Lam- 
brechts,  Paris,  1823,  in-S". 

*  LAMBRlJSCiîIM  (  Jëan-Baptiste  ) , 
évéque  d  Orviète ,  né  le  28  octobre  1735  , 
à  Seslri-di-Levante  dans  le  diocèse  de 
Brugnato,  fit  ses  études  chez  les  jésuites 
de  Gènes  et  embrassa  l'état  ecclésiastique. 
Nommé  professeur  de  théologie  dans  le 
séminaire  de  cette  ville  ,  il  rendit  les  plus 
grands  services  aux  jeunes  gens  qui  sui- 
vaient ses  cours,  en  leur  donnant  des 
moyens  de  se  prémunir  contre  les  séduc- 
tions de  quelques  théologiens  novateur*;. 
Lors  de  la  révolution  de  Gènes  en  1797  , 
Lambruschini  fut  arrêté  avec  plusieurs 
autres  personnages  de  distinction  :  ren- 
fermé dans  la  forteresse  de  Savone,  il  ne 
recouvra  la  liberté  qu'au  bout  de  quelque 
temps  et  à  la  condition  de  ne  point  ren- 
trer à  Gènes.  Il  y  revint  cependant,  lors- 
que les  alliés  obtinrent  des  avantages  sur 
les  Français  el  fut  nommé  grand-vicaire 
en  1799.  Obligé  de  fuir  une  seconde  fois, 
il  se  réfugia  à  Rome,  où  le  pape  l'accueil- 
lit avec  honneur  et  le  nomma  évèqus 
d'Azoth  in  parlihus  ,  puis  administrateur 
apostolique  du  diocèse  d'Orviète  ,  enfin 
évéque  de  ce  siège  en  1807.  Il  se  rendit 
au  milieu  de  ses  diocésains  :  mais  n'ayant 
point  voulu  prêter  le  serment  exigé  de 
lui  par  le  gouvernement  français,  il  fat 
exilé  d'abord  à  Turin  ,  pias  à  Bourg,  et 
enfin  à  Belley.  où  il  resta  jusqu'en  1814. 
Lambruschini  se  hàla  alors  de  retourner 
dans  son  diocèse  où  il  s'occupa  de  faire 
refleurir  la  religion  et  do  réparer  les  maux 
de  l'invasion  étrangère.  11  fonda  plu- 
sieurs écoles,    entre  autres  une  maison 


LAM  2 

des  frères  des  écoles  chréliennes,  cl  dix 
couvens  d«  religieux  des  deux  sexes  s'é- 
levèrent en  peu  de  temps  sous  ses  auspi- 
ces C'est  ou  milieu  de  ces  travaux  qu'il 
fut  frappé  d'une  attaqué  d'apoplexie  qui 
l'enleva  le  24  novembre  1827.  On  doit  à 
ce  vertueux  prélat  plusieurs  ouvrages , 
en  Ire  autres  :  |  Théologien  dogmala  ^ 
Gènes,  1788,  in-il.'',  qui  embrasse  en 
trente-trois  articles  toute  la  théologie 
dogmatique  ;  |  un  Abrégé  de  tliéologie  ^ 
en  latin,  sur  la  grâce ^  Gènes,  1789, 
in-S";  I  un  Discours  prononcé ,  en  1804, 
à  V académie  de  la  religion  catholique  ^ 
dont  il  fut  un  des  premiers  membres  ; 
I  la  Guide  spirituelle  pour  l'usage  d'Or- 
vii;ts,  Rome  ,  1825  ,  in-12. 

LAMECH  ,  de  la  race  de  Caïn  ,  fils  de 
Malhusacl  ,  père  de  Jabel ,  de  Jubal ,  de 
Tubalca'in  et  de  Noëma  ,  est  célèbre  dans 
l'Ecriture  par  la  polygamie,  dont  on  le 
croit  le  premier  auteur.  Il  époxisa  Ada  et 
Sella.  Un  jour  Lamech  dit  à  ses  femmes  : 
«  Ecoutez-moi,  femmes  de  Lamech!  J'ai 
»  tué  un  homme  pour  ma  blessure  ,  et 
«  un  jeune  homme  pour  ma  meurtris- 
»  sure.  On  tirera  vengeance  sepî  fois  du 
»  meurtrier  de  Ca'in  ,  et  soixante-dix  fois 
«  de  Lamech.  »  (Genèse,  4.)  Ces  paroles 
lenferment  une  obscurité  impénétrable  ; 
on  n'a  pu  les  expliquer  que  par  des  conjec- 
tures, parce  qu'on  n'est  point  instruit  de 
tout  le  détail  des  choses  qui  se  passèrent 
dans  ces  premiers  temps  du  monde.  Il 
paraît  cependant  qu'une  partie  de  ce  dis- 
cours regarde  Ca'in  ,  qu'on  croit  avoir  été 
tué  par  Lamech  ,  et  dont  le  meurtrier  de- 
vait être  puni  au  septuple ,  comme  il  est 
dit  au  chapitre  4  de  la  Genèse.  Ce  qu'on 
peut  conclure  en  général,  c'est  que  La- 
mech était  un  liomme  violent  et  emporté, 
dont  Dieu  a  puni  la  bruîale  colère  ,  et 
que  la  divine  justice  a^jgravait  le  châti- 
ment de  rhomicide  par  une  sévérité  crois- 
sante ,  à  mesure  que  cette  barbarie  atroce 
gagnait  parmi  les  enfans  des  hommes. 
Dom  Calmet  et  le  continuateur  de  Bullet 
ont  travaillé  à  éclaircir  ce  passage  de 
l'Ecriture  sainte,  et  à  résoudre  les  diffi- 
cultés qu'il  a  fait  naître. 

LAMECH  ,  fils  de  Malhusalem  ,  père  de 
Noé  ,  qu'il  eut  à  l'âge  de  182  ans;  après 
la  naissance  de  son  fils  ,  il  en  vécut  en- 
core o7i).  Ainsi  tout  le  temps  de  sa  vie  fut 
de  7o7  ans.  Il  mourut  la  cinquième  année 
avant  le  déluge  ,  l'an  du  monde  1631. 

•  LAMESENGÈRE  (  Pierre  de  ) , 
homme  de  lettres  ,  né  à  la  Flèche ,  le  28 
juin  1701 ,  avait  été  doctrinaire  avant  la 


16  LAM 

révolution.  Il  dévnit  professeur  de  belles- 
lettres  et  de  philosophie  au  collège  de  la 
Flèche.  Il  succéda  à  Scllèque  dans  la  ré- 
daction et  la  direction  du  Journal  d^s 
dames  et  des  modes  ^  depuis  1797  jusqu'à 
sa  mort ,  c'est-à-dire  pendant  près  de  54 
ans.  On  lui  doit  :  \  Géographie  de  là 
France  d'après  la  nouvelle  division  en  83 
déparfemens  ,Varï?,,  1791,  in-S"  ;  j  A'o?^- 
velle  bibliothèque  des  enfans.  ibid.,  1794, 
in-12  ;  |  Histoire  naturelle  des  quadru- 
jH'des  et  des  reptiles  .  îbid.  ,  1794,  in  12  ; 
I  Géographie  historique  et  littéraire  de  la 
France,  ibid.  ,  1796  .  4  vol.  in-12  ;  |  Dic- 
tionnaire des  proverbes  français,  ibid. , 
1821 ,  in-8"  :  presque  tous  ces  ou  crages 
ont  eu  plusieurs  éditions.  Lamesengère  a 
été  l'éditeur  des  Voyages  en  France  ,  en 
vers  et  en  prose,  auxquels  il  a  ajouté  des 
notes.  1798,  4  vol.  in-18.  Il  est  mort  à  Pa- 
ris,  le  22  février  1831  :  il  était  membre 
du  lycée  des  arts  de  Paris. 

LAMET.  Voyez  DELA:\IET. 

•  LAMETn  (Alexandre  de),  membre 
de  l'Asse-mblée  constituante  ,  naquit  à 
Pans  le  28  octobre  17C0.  Il  était  encore 
au  berceau ,  lorsqu'il  perdit  son  père. 
Après  avoir  fait  de  bonnes  études  classi- 
ques, il  embrassa  la  carrière  militaire  et 
entra  comme  ses  frères  dans  un  régiment 
de  cavalerie.  A  l'époque  où  les  colonies 
anglaises  se  séparèrent  de  leur  métro- 
pole, Lameth  partit  pour  défendre  les  in- 
surgés et  devint  aide-de-camp  du  général 
Rochambeau.  Il  commanda  comme  adju- 
dant l'attaque  dirigé  contre  la  Jamaïque, 
et  à  son  retour  en  France  ,  il  devint  co- 
lonel du  régiment  Royal-Lorraine.  Lors- 
que l'année  1789  vint  ouvrir  en  France  la 
carrière  des  changcmcns  puliliqnes,  La- 
meth embrassa  avec  une  convicUon  ar- 
dente, la  cause  de  la  révolution.  Député 
aux  élals-généraux  ,  par  la  noblesse  de 
Péronne  ,  il  fut  un  des  45  députés  de  cet 
ordre  qui  passèrent  les  premiers  dans 
l'assemblée  du  tiers-état.  Dans  la  fameuse 
nuit  du  4  août,  que  Rivarol  appelait  la 
Saint-Barthélemi  des  privilèges,  il  se  si- 
gnala ainsi  que  son  frère  i)ar  le  sacrifice 
des  siens.  Comme  la  plus  grande  partie 
des  membres  de  l'assemblée  il  voulait 
pour  la  France  une  monarchie  représen- 
tative. Mais  sa  haine  pour  l'ancien  régime 
l'entraîna  dans  de  graves  erreurs  ;  et  au 
lieu  de  fonder  le  gouvernement  sur  un 
juste  équilibre  des  pouvoirs  ,  il  livra  la 
royauté  désarmée  aux  attaques  des  fac- 
tieux. Dans  la  discussion  sur  la  sanction 
royale  Alexandre  de  Lameth  se  trouva  m 


opposition  formelle  avec  Mirabeau,  cl 
•vota  contre  le  veto  absolu.  Il  lut;a  encore 
contre  le  môme  orateur  dans  les  débals 
qui  s'élevèrent  sur  le  droit  de  i)aix  et  de 
guerre  ,  et  malgré  tous  les  efforts  de  Mi- 
rabeau pour  défendre  l'autorité  royale 
contre  les  empiétemens  excessifs  de  la 
démocratie,  il  fit  décider  avec  l'aide  de 
Barnave  et  après  cinq  jours  de  discus- 
sion ,  que  la  guerre  ne  pouvait  être  dé- 
clarée sans  un  décret  de  l'Assemblée.  En 
1790,  il  présenta  un  plan  d'organisation 
de  l'armée  qui  satisfit  tellement  l'assem- 
blée ,  que  par  une  acclamation  unanime 
il  fut  adjoint  au  comité  militaire.  La  loi 
3ur  l'avancement  dans  l'armée  fut  adoptée 
sur  sa  proposition.  Ce  fut  lui  (mi  à  l'oc- 
casion d'une  députalion  de  la  ville  de 
Liège  ,  demanda  et  obtint  la  liberté  en- 
tière des  join-naux ,  liberté  qui  devait 
bientôt  dégénérer  en  licence.  Ce  fut  lui 
encore  qui  fit  consacrer  par  un  décret  la 
liberté  des  cultes.  Lors  du  voyage  du  roi 
à  Varennes ,  il  proposa  d'envoyer  une 
députation  de  l'assemblée  pour  garantir 
les  jours  de  la  famille  royale.  Lameth 
prit  part  à  toutes  les  discussions  impor- 
tantes de  cette  mémorable  session  dans 
laquelle  il  vota  presque  toujours  avec 
Barnave  son  ami ,  et  fut  élevé  à  la  prési- 
dence le  20  novembre  1790.  La  confiante 
audace  qu'il  avait  montrée  à  son  début 
dans  la  carrière  législative  fit  place  à  des 
craintes  sérieuses  sur  l'avenir  que  la 
révolution  commencée  préparait  à  la 
France.  Il  sentit  que  l'assemblée  com- 
mettait ime  faute  immense  en  déclarant 
qu'aucun  de  ses  membres  ne  pourrait 
être  réélu,  et  il  s'éleva  avec  force  contre 
cette  délicatesse  intempestive.  Il  parait 
qu'à  celte  époque  Louis  XVI  demanda  ses 
conseils  et  eut  morne  avec  lui  quelques 
conférences  particulières  ,  qui  n'abouti- 
rent à  rien.  Peu  de  temps  avant  le  10 
août,  Lameth,  effrayé  de  la  voie  sanglante 
où  s'engageait  la  révolution  ,  chercba  un 
asile  à  l'armée  et  alla  défendre  le  terri- 
toire en  qualilé  de  maréchal-de-camp 
sous  les  ordres  de  Luckner.  Il  fit  tracer 
le  camp  de  Maulde,  occupé  depuis  par 
Dumouriez,  et  passa  après  la  catastrophe 
du  10  août  sous  les  ordres  de  Lafayt^lte. 
Décrété  d'accusation  avec  ce  général ,  il 
l'accompagna  dans  son  émigi-alion,  et  fut 
arrêté  avec  lui  par  les  autrichiens.  En- 
voyé comme  prisonnier  à  Magdebourg,  sa 
captivité  dura  trois  ans  et  trois  mois. 
Rendu  au  bout  de  ce  temps  à  la;  liberté  , 
il  passa  en  Angleterre ,  où  les  Fox ,  les 


)7  T.  A  M 

Schoridan  cl  tous  les  chefs  de  l'opposition 
l'accueillirent  avec  distinction.  Mais  bien- 
tôt le  gouvernement  lui  ayant  intimé 
l'ordre  de  quitter  ce  pays,  il  se  retira  à 
Hambourg  où,  de  concert  avec  son  frère 
et  le  duc  d'Aiguillon,  il  éleva  luie  maison 
de  commerce  qui  prospéra.  Renlré  en 
France  sous  le  gouvernement  directorial, 
le  18  fructidor  le  força  de  nouveau  à 
chercher  un  asile  en  pays  étranger.  L'é- 
tablissement du  consulat  au  18  brumaire 
fil  cesser  la  proscription  qui  pesait  sur 
lui.  Alexandre  de  Lameth  fut  successive- 
ment appelé  à  la  préfecture  des  Basses- 
Alpes  en  1802,  à  celle  de  Rhin-et-Moselle 
en  180b,  à  celle  de  la  Roer  en  1806,  et 
enfin  à  la  préfecture  du  Pô  en  1809.  Bo- 
naparte le  noumia  en  outre  maître  des 
requêtes  ,  baron  de  l'empire  ,  et  officier 
de  la  légion  d'honneur.  Louis  XYIII  le  fit 
préfet  de  la  Somme  et  lieutenant-général 
en  1814  ;  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  d'ac- 
cepter pendant  les  cent -jours  la  pairie 
impériale.  Après  la  seconde  restauration, 
Lameth  resla  sans  fonction  jusqu'en  1819. 
Nommé  à  celle  époqxie  membre  de  la 
chambre  des  députés  par  le  département  de 
la  Seine-Inférieure,  il  y  prit  place  sur  les 
bancs  de  l'opposition,  et  sembla  quelque- 
fois retrouver  la  fougue  impétueuse  do 
sa  jeunesse  pour  attaquer  l'émigration  cl 
le  minislère.  Il  fit  partie  do  toutes  les 
législatures  qui  se  succédèrent  jusqu'à  sa 
mort,  qui  arriva  le  19  mars  1829.  On  a  de 
lui  :  I  Un  électeur  à  ses  collègues^  Paris  , 
1824 ,  in-8°.  |  La  septenualité  du  parle- 
ment d' Angleterre ,  ou  Journal  des  dis- 
cussions  qui  ont  eu  lieti  dans  les  deur 
(hambres,  lors  de  cette  proposition ^  etc. 
Paris,  1824,  in-8°,  (  extrait  de  la  revue 
encyclopédique.  )  La  censure  dévoilée  , 
Paris,  1824,  in-8".  A.  de  Lameth  a  fourni 
en  outre  un  grand  nombre  d'articles  à  la 
Minerve ,  et  à  la  revue  encyclopédique.  Il 
a  aussi  composé  une  histoire  de  l'assem- 
blée constituante^  dont  deux  volumes  ont 
paru  de  son  vivant. 

*  LAMETH  (  Cuarles-Malo-François 
de),  frère  du  précédent,  et  comme  lui 
membre  de  l'assemblée  Constituante  ,  n,i- 
quil  le  5  octobre  1757.  Il  servit  en  Amé- 
rique dans  l'armée  de  Rochambeau  conunn 
aide-maréchal-générul-iles-logis ,  el  s'y 
distingua  par  son  courage  et  ses  lalens. 
Blessé  grièvement  à  la  prise  d'une  re- 
doute devant  Yorck-Town,  il  obtint  avec 
la  croix  de  St. -Louis  le  grade  de  colonel  en 
second  des  dragons  d'Orléans.  De  nou- 
velles  récoiupi'nH's   l'allendaienl  à   son 


LAM  25 

telour  dans  sa  patrie.  Nommé  colonel  du 
régiment  des  cuirassiers  du  roi ,  il  reçut 
en  môme  temps  le  titre  de  gentillioînme 
d'iionueur  du  coînte  d'Artois.  Mais  il  se 
démit  de  cette  dernière  place,  lorsqu'il  fut 
appelé  en  1789 ,  à  faire  partie  des  états- 
généraux  ,  comme  députe  de  l'Artois.  Il 
s'empressa  comme  son  frère  de  se  réunir 
nu  tiers-état  avec  plusieurs  de  ses  collègues 
de  la  noblesse  ,  et  il  figura  comme  lui 
parmi  les  plus  ardens  réformateurs  de 
l'assemblée  Constituante.  Dans  la  discus- 
sion sur  le  cens  d'éligibilité ,  il  repoussa 
l'institution  du  marc  d'argent,  parce 
qu'elle  tendait,  disait-il,  à  consacrer  l'a- 
ristocratie des  richesses.  Il  se  prononça 
pour  le  libre  exercice  de  tous  les  cultes 
et  vola  pour  la  liberté  de  la  presse,  en 
déclarant  qu'il  vouait  le  plus  souverain 
mépris  aux  pamphlétaires  et  aux  libel- 
listes.  Il  demanda  la  suppression  des  jus- 
lices  prévô.tales ,  et  s'opposa  à  ce  que  le 
pouvoir  exécutif  eût  le  droit  de  faire 
grâce.  Provoqué  par  le  duc  de  Castries 
pour  les  opinions  libérales,  il  so  battit 
avec  ce  seigneur  et  en  reçut  un  coup 
d'épée.  Cet  événement  irrita  le  peuple 
qui  se  porta  sur  l'hôtel  du  duc  ,  en  brisa 
les  meubles  et  les  jeta  par  les  fenêtres. 
Pendant  la  discussion  sur  le  livre  rouge  , 
Charles  de  Lameth  garda  le  silence ,  et 
lit  reporter  au  trésor  public  la  somme 
de  60  mille  francs  que  son  éducation  et 
celle  de  ses  frères  avaient  coulée  au  roi. 
Lorsqu'on  agita  la  question  du  droit  de 
paix  et  de  guerre ,  il  opina  pour  que  la 
guerre  ne  fût  jamais  déclarée  qu'avec 
l'assentiment  des  représentans  do  la  na- 
tion. Il  ilt  à  la  tribune  celle  profession 
de  foi  politique  :  «  Je  suis  ennetni  de 
j>  toute  aristocratie  :  j'entends  par  aristo- 
»  cratie  le  désir  de  dominer,  déjà  contraire 
»  à  réga.'itc  politique...  Je  faisais  auire- 
i>  fois  partie  d'un  ordre  qui  avait  quel- 
»  ques  avantages  aristocratiques;  j'y  ai 
»  renoncé  par  amour  pour  mon  pays.  >' 
En  janvier  1791,  il  demanda  que  les  places 
des  ecclésiastiques  qui  auraient  refusé  de 
jtréter  serment  à  la  constitution  fussent 
déclarées  vacantes.  Après  la  fuite  du  roi, 
il  sollicita  vivement  l'assemblée  de  pren- 
dre de  promptes  mesures  de  salut  public, 
et  il  provoqua  le  serment  de  fidélité  à  la 
nation ,  que  prêtèrent  les  représentans 
«lui  remplissaient  des  fonctions  militaires. 
Porté  à  la  présidence  de  l'assemblée  le  3 
juillet  1791,  il  occupait  encore  le  fauteuil 
lors  des  événemens  du  Champ-de-lMars  , 
le  17  du  même  mois,  et  il  cmpétha  la  dé- 


8  L.\?il 

chéance  de  Louis  XVI  en  contribuant  aux 
différentes  mesures  qui  amenèrent  la 
dispersion  des  insurges.  En  1792,  il  se 
rendit  à  l'armée  de  Lafayelle  où  il  com- 
mandait la  division  de  cavalerie.  Après 
la  révolution  du  10  août,  Charles  de  La- 
meth ,  qui  était  absent  de  l'armée  par 
congé,  partit  pour  conduire  sa  femme  et 
sa  tille  au  Havre.  Arrêté  en  route  et  trans- 
féré sous  bonne  escorte  à  Rouen  ,  il  resta 
quarante  sept  jours  enfermé  au  secret. 
Rendu  à  la  liberté  par  suite  des  pressaiites 
soUif.-ilalions  d'un  de  ses  frères,  il  qiiitla 
la  France  au  moment  où  le  comité  de  sa- 
lut public  venait  d'envoyer  l'ordre  de 
l'arrêter  de  nouveau  ,  et  il  se  réfugia  à 
Hambourg  et  ensuite  à  Bàle.  Rentré  en 
France  vers  le  commencement  de  ISOl,  il 
se  retira  dans  ses  foyers  avec  le  grade  de 
général  de  brigade  en  réforme,  et  il  y 
resta  jusqu'en  1807,  époque  où  il  fut  réin- 
tégré dans  l'armée  en  qualilc  daide-dc- 
camp  de  Murât.  Après  avoir  fait  la  cam- 
pagne de  1809  contre  l'Autriche  ,  il  fut 
nommé  gouverneur  du  grand  duché  de 
Wurt7.bourg,  et  mérita  dans  ce  poste  la 
reconnaissance  du  grand  duc  qui  lui  of- 
frit la  décoration  de  commandeur  de  son 
ordre  de  Saint-Joseph.  En  juin  1812  , 
Charles  de  Lameth  alla  prendre  le  com- 
mandement de  Santona,  place  située  sur 
les  côtes  de  la  Biscaye.  Il  dcfentUt  avec 
succès  ce  poste  imporlatst,  dont  il  ne  fit 
la  remise  aux  Espagnols  que  le  16  mai 
1814  ,  d'après  l'ordre  de  Louis  XVIII.  A 
son  retour  en  France,  il  fut  nommé  lieu- 
tenant-général. Depuis  cette  époque  il 
vécut  ,presqu'ignoré.  Nommé  député  de 
Pontoise  après  la  révolution  de  juillet,  il 
prit  place  à  la  chambre,  parmi  les  dépu- 
tés ministériels,  et  ne  parut  que  très  ra-^ 
rement  à  la  tribune.  Comprenant  un  peu! 
tardée  que  les  révolutions  ont  de  funeste,' 
il  répudia  les  aventureuses  théories  pro- 
fessées x'ar  son  ancien  ami ,  Lafayelle  ,  et 
il  mit  dans  sa  conduite  politique  autant  de 
circonspcclion  et  de  réserve,  qu'il  avait 
mordre  dans  sa  jeunesse  d'effervescence 
et  d'audace.  Charles  de  Lameth  est  nmrt 
le  28  décembre  1852.  Ses  restes  ont  élé 
inhumes  au  cimetière  du  père  Lachaise  , 
à  côté  de  ceux  de  son  frère  Alexandre. 
La  popularité  dont  il  avait  savouré  l'i- 
vresse, à  l'entrée  de  sa  carrière  politique, 
ne  lui  était  point  revenue  dans  sa  vieil* 
lesse.  Le  mépris  et  les  insultes  des  jour- 
naux de  l'opposition  avaient  accueilli  .^es 
complaisances  ministérielles;  la  mort  de 
cet  liomme,  qui  voyait  jadis  le  peuple  pa- 


LAM  2 

fisicn  se  presser  e:i  fr)uie  snr  son  passafjo, 
n'a  ciriu  personne,  et  son  cercueil,  comme 
reiiiî  de  l'homme  le  plus  vulgaire,  n'a 
élc suivi  que  d'unpetil  nombre  de  parens 
et  d'amis. 

LAMÉTIIERIE.   Voyez  MÉTHERIE. 

LAMETTRIE.  Voyez  MEÏTRIE. 

*  LAMEY(  AxDRÉ  ),  savant  antiquaire, 
ne  en  1726  ,  à  Munster  ,  déparlement  du 
Haut-Rhin  ,  fut  nommé  par  l'électeur  de 
Bavière  conservateur  de  sa  bibliothèque  ; 
en  1765,  il  devint*secrétaire  perpétuel  de 
lacadémie  de  Manheim  ,  où  il  mourut  le 
i7  mars  1802.  Après  avoir  passé  toute  sa 
vie  à  visiter  les  bibliothèques  de  l'Allema- 
{pie  et  de  l'Italie  ,  il  a  publié  ;  |  YAlsatia 
ih'plomatica  de  Schœpflin  {voy.  ce  nom)  ; 
j  Codex  principis  olim  Laweshamiensis 
abbatice  diplomaiicus  ,  ex  œvo  maxime 
carolingico ,  diu  multumque  desideratas, 
?Ȕanheim,  1768,5  vol.  m-k"  ;  \  Jlisloire  di- 
plomatique des  anciens  comtes  de  Ravens- 
berg  (  allemand  ) ,  avec  une  table  {jénéa- 
lof;iq\!e  ,  des  cartes  et  cent  trente-neuf 
pièces  justificatives,  Manheim,  1776,  in-i"; 

I  vinfrt-sept  Dissertations  dans  les  ATé- 
moires  de  l'académie  de  Manheim  ,  dont 
Lamey  publia  les  sept  premiers  volumes, 
de  1706  à  1794. 

LAMI  (dom  Frwçois),  bénédictin,  né 
à  Montreau,  village  du  diocèse  de  Char- 
Ires,  l'an  1656,  de  parens  nobles,  porta 
d'abord  lés  armes ,  qu'il  quitta  ensuite 
pour  entrer  dans  la  congrégation  de 
Saint-Maur.  Il  y  lit  profession  en  lGo9, 
et  mourut   à  Saint-Denis  le  4  avril    1711. 

II  fut  infiniment  regretté  ,  tani  pour  les 
lumières  de  son  esprit  que  pour  la  bonté 
de  son  cœur,  la  candeur  de  son  caractère, 
et  la  pureté  de  ses  mœurs.  Les  ouvrages 
dont  il  a  enrichi  le  public  portent  l'em- 
preinte de  ces  différentes  qualités.  On 
en  peut  voir  la  liste  dans  la  Bibliothèque 
des  auteurs  de  la  congrégation  de  Saint- 
MauTj  par  dom  Tassin.  Les  principaux 
sont  :  I  un  Traité  estimé  De  la  coj^nais- 
mnce  de  soi-même  ^  Paris  ,  1694-1698  ,  0 
vol,  in-12»  dont  la  plus  ample  édition  est 
celle  de  1700.  Celui  d'Abbadie  ,  sur  le 
même  sujet ,  semble  être  plus  profondé- 
ment pensé  I  Nouvel  athéisme  renversé^ 
Paris  ,  1696  ,  in-12  ,  contre  Spinosa  :  ou- 
vrage assez  faible,  et  où  l'auteur  n'assxire 
point  à  ses  raisonnemcns  le  triomphe 
éclatant  que  les  absurdités  de  Spinosa 
rendaient  bien  facile:  |  Les gémissemens 
de  rà?ne  sous  la  tyrannie  du  corps .  Pa- 
ris, 1701,  in-12;  |  Lettres  philosophiques 
iw  divers   sujets,   Paris,    1705,  in-12; 


)9  LAM 

I  Les  premiers  FJémens  .  ou  rentrée  nnx 
connaissances  solides,  suivi  d'un  7^55(7/ 
de  logique  en  forme  de  dialogue  ,  Paris, 
1706,  in-12  ;  |  Lettres  théologiques  et  vin- 
rales.  Paris,  1708,  in-12  ;  |  L'incrédule 
amené  à  la  religion  par  la  raison.on  En- 
tretien sur  Vaccord  de  la  raison  et  de  la 
/bï^  Paris,  1710,  in-12  :  livre  estimé  et 
peu  commun  ;  |  De  la  connaissance  et 
de  l'amour  de  Dieu.  Paris,  1712,  in-12, 
ouvrage  posthume  ;  |  Réfutation  du 
système  de  la  grâce  universelle,  de  Ni- 
cole?; I  Réflexions  sur  le  traité  de  la 
prière  publique,  de  Duguet.  Un  petit 
traité  de  physique  ,  fort  curieux  ,  sous  ce 
titre  :  Conjectures  sur  divers  effets  du 
tonnerre,  1689,  in-12  ;  |  Les  leçons  de  la 
sagesse  sur  l'engagement  au  service  de 
Dieu,  Paris,  1705  ,  in-12  ;  |  La  Rhétori- 
que du,  collège  trahie  par  son  apologiste, 
in-12,  contre  Gibert.  Le  sujet  de  la  que- 
relle était  la  question,  si  la  connaissance 
du  mouvement  des  esprits  animaux  dans 
chaque  passion  est  d'un  grand  poids  à 
l'orateur  pour  exciter  celles  qu'il  veut 
dans  le  discours.  Le  professeur  Pourchot 
avait  soutenu  l'affirmative;  le  bénédictin 
la  soutint  avec  lui  contre  le  professeur 
de  rhétorique.  Il  parait  cependant  que 
tout  ce  qui  est  l'effet  de  telles  spécula- 
tions est  naturellement  faible  pour  con- 
vaincre et  toucher.  Le  père  Lami  brillait 
surtout  dans  la  dispute.  Il  en  eut  une 
assez  sérieuse  au  monastère  de  La  Trappe 
avec  le  célèbre  abbé  de  Rancé  ,  au  sujet 
des  études  monastiques  ,  et  devant  un 
auditoire  nombreux  et  clioisi.  Le  béné- 
dictin remporta  la  victoire  ,  ce  qui  ne 
fit  qu'augmenter  sa  réputation. 

LAMÏ  (  BiiR.WRD  )  ,  prêtre  de  l'Ora- 
toire, né  à  Mans,  en  1645  ,  d'une  bonne 
famille,  professa  les  humanités  et  la  phi- 
losophie dans  divers  collèges  de  sa  con- 
grégation, et  dans  tous  avec  le  plus  grand 
succès.  Ce  fut  un  ecclésiastique  aussi  re- 
marquable par  sa  piété  sincère  que  par 
ses  connaissances  étendues.  Son  zèle 
pour  les  opinions  de  Descaries  souleva 
contre  lui  les  partisans  d'Aristote.  Il  es- 
suya des  chagrins  àSaumur  et  à  Angers, 
où  il  enseigna  successivement  la  philoso- 
phie ;  on  en  vint  jusqu'à  demander  et 
obtenir  une  lettre  de  cachet  contre  lui. 
Le  savant  oratorienfut  privé  de  sa  chaire, 
et  relégué  à  Grenoble.  Le  cardinal  Le  Ca- 
mus, évêque  de  cette  ville,  l'associa  au 
gouvernement  de  son  diocèse  ,  le  nomma 
vicaire-général ,  et  lui  confia  la  place  de 
professeur  en  théologie  dans  son   sémi- 


LAM 


260 


LAm. 


naîre.  Ce  fui  pendant  son  séjour  dans 
celte  ville  qu'il  ramena  à  la  foi  calholique, 
Vigiila,  ministre  protestant,  qui  jouissait 
d'une  grande  réputation.  Latni  joijjnil 
l'Ecriture  sainte  à  la  théologie ,  et  dès 
lors  il  prépara  les  matériaux  des  ouvra- 
ges qu'il  a  publiés  sur  cette  matière.  Ce- 
lui qui  a  fait  le  plus  de  bruit  est  sa  Con- 
corde des  éçangélislcs  ,  dans  laquelle  il 
avança  trois  senlimensqui  le  brouillèrent 
avec  M.  de  Harlay ,  archevêque  de  Paris , 
et  rengainèrent  dans  de  longues  contesta- 
tions. Il  y  soutenait,  premièrement  ,  que 
saint  Jean-Baptisle  avait  été  mis  deux 
fois  en  prison,  la  première  fois  par  l'ordre 
des  prêtres  et  des  pharisiens,  la  deuxième 
par  celui  d'Hérode  ;  secondement ,  il  pré- 
tendait que  J.-C.  ne  mangea  pas  l'agneau 
pascal  dans  la  dernière  cène,  et  que  le 
véritable  agneau  pascal  fut  mis  en  croix, 
pendant  que  les  Juifs  immolaient  le  typi- 
que ou  le  figuratif;  troisièmement ,  les 
deux  Maries  et  la  pcclieresse  étaient ,  se- 
lon lui,  la  même  personne  ,  en  quoi  il  pa- 
raît avoir  dit  vrai.  (  roT/ez  MADELEINE.) 
Bulteau  ,  Tiilemont ,  Mauduit  ,  Wilasse  , 
Daniel  ,  Piednud ,  attaquèrent  ces  opi- 
nions avec  beaucoup  de  feu  ,  celle  de  la 
Pâque  surtout,  qui  ne  semblait  pas  s'accor- 
der avec  le  récit  évangélique  :  yàpud  te 
facto  Pascha  cum  discipulis  meis.  Le  père 
Lami  était  un  homme  très  estimable  ,  ami 
de  la  retraite,  simple,  modeste;  ses  mœurs 
étaient  pures  et  austères.  Il  parlait  aisé- 
ment et  sur  toutes  sortes  de  matières.  La 
république  des  lettres  le  perdit  en  171S. 
Il  mourut  à  70  ans,  du  chagrin  qu'il  res- 
sentit d'avoir  vu  retourner  à  l'hérésie  un 
jeune  homme  qu'il  avait  converti  et  asso- 
cié à  ses  travaux.  On  a  do  lui  onze  ou- 
vrages qu'il  publia  de  1670  à  1701  :  |  Elé- 
niens  de  géométrie  et  de  înathématiques  ^ 
2  vol.  in-12.  Il  les  composa  dans  iin 
voyage  qu'il  fit  à  pied  de  Grenoble  à  Pa- 
ris. I  Traité  de  l'équilibre.  1687,  in-12  ; 
\  nannonia  sive  Co)icordia  evangelica  ^ 
Lyon ,  1099,  2  vol.  ïn-hT  ;  |  Traité  de  per- 
spective^ 1700,  hi-S";  I  Traité  de  la  gran- 
deur en  général,  in-12.  Tous  ces  diffé- 
rens  traités  furent  bien  reçus  dans  le 
temps ,  mais  à  présent  ils  ne  sont  d'au- 
cun usage.  I  Entretiens  sur  les  sciences 
et  sur  la  manière  d'étudier,  1706  ,  in-12  : 
ils  forment  une  composition  estimable  , 
dont  la  lecture  serait  très  utile  aux 
jeunes  gens  assez,  sages  pour  vouloir  s'in- 
struire ,  avant  d'exercer  leur  plume  au 
hasard  et  sans  principes.  L'auteur  leur 
donne  des  avis  très  judicieux  contre  la 


présomption  et  la  précipitation  qui  le9 
égarent ,  et  peint  fort  bien  les  savans  de 
notre  siècle.  (  Voyez  SPIZELIUS.  )  \Dé- 
ynnnstration  de  la  sainteté  et  de  la  véj-ité 
de  la  morale  chrétienne,  en  5  vol.  in-12, 
1706  à  1716  ;  [  Introduction  à  l'Ecriture 
sainte,  traduite  de  VJpparatus  Biblicus 
de  Boyer,  'in-h°  :  l'édition  latine  est  'mS°. 
Il  y  en  a  un  abrégé. 'ia-i'2.  L'abbé  de  Bel- 
legarde  l'a  aussi  traduit  sous  le  titre 
d'./pparat  de  la  Bible.  in-S".  Ce  livre 
remplit  son  litre  ,  et  Ton  gagne  beaucoup 
aie  lire  avant  que  d'étudier  les  livres 
saints.  [  De  tabernaCido  fœderis .  de 
sancla  civitate  Jérusalem  et  de  templo 
fjus.  in-fol.,  ouvrage  savant;  |  une  Rhé- 
torique.  avec  des  Réflexions  sur  l'art 
poétique^  1715,  in-12.  Le  style  de  cet  écri- 
vain est  assez  net  et  assez  facile  ,  mais  il 
n'eci  pas  toujours  pur.  M.  Pote,  ex-pro- 
fesseur de  mathématiques  à  l'école  cen- 
trale de  la  Sartlie  ,  a  publié  un  Eloge  du 
père  Lami .  Le  Mans  ,  1816  ,  in-8". 

LAMI  (  Jew  )  ,  théologien  du  grand- 
duc  de  Toscane  ,  professeur  d'iùsloire 
ecclésiastique  dans  l'université  de  Flo- 
rence, né  en  1697  au  village  de  Santa- 
Croce,  entre  Pise  et  Florence  ,  mort  dans 
cette  ville  le  6  janvier  1770  à  75  ans,  s'est 
fait  connaître  par  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages latins,  entre  autres  par  les  Délices 
des  savans.  Florence,  1756-69,  18  vol.  in- 
8",  et  par  le  Vrai  sentiment  des  chré- 
tiens sur  le  mystère  de  la  très  sainte  Tri- 
mfe',  divisé  en  6  livres  ,  Florence  ,  1735  , 
in-i".  On  a  aussi  de  lui  De  Eruditione 
apostoldfrum  liber  singularis.  Florence, 
1758,  in-8",  ibid.,  1766,  2  vol.  in-i°.  Il 
rédigea  de  17i0  à  1770 ,  à  Florence,  les 
Nouvelles  littéraires.  L'éloge  de  Lami  se 
trouve  au  tome  k  des  Elogi  degli  nomini 
illustri  Toscani  :  l'abbé  François  Fontanl, 
bibliothécaire  de  la  Riccardiana.  en  a  pu- 
Wié  un  autre  plus  complet,  Florence, 
1789,  in-4°. 

LA.MIA,  nom  d'une  illustre  famille  ro- 
maine ,  de  laquelle  descendait  >ïlius  La- 
mia,  qui  est  loué  dans  Horace. —  Il  y  eut 
un  Lucics  MiAV.s  LAMIA  ,  qui  fut  exilé 
pour  avoir  embrassé  avec  trop  de  cha- 
leur le  parti  do  Cicéron  contre  Pison.  Il 
fut  édile ,  puis  préteur  après  la  mort  de 
César.  On  croit  que  c'est  lui  que  Pline 
place,  avec  Aviola  etTubéron,  au  nombre 
des  hommes  qui  ont  été  crus  morts,  et 
qui  ont  été  réveillés  par  le  feu  du  bûcher 
qui  devait  les  consumer.  Ilist.  nat.  .1.  7. 
c.  52.  Mais  ces  asphyxies  n'ont  rien  de 
comparable  à  celle  dont  il  est  parlé  dans 


LAM 


26  J 


LAM 


le  Journal  hisl.  et  litt..  i"  décenibrc  1776, 
p. /i90.  On  peut  voir  diverses  réflexions 
sur  CVS  évenctiieus  ,  ibid.  ,  ï"  décembre 
i/'.M.  p.  402. 

Î.ASîli:.  fameuse  courtisane  ,  fille  d'nn 
Athénien  .  après  avoir  été  joueuse  de 
fliite.  devint  maîtresse  de  Ptoléméer"", 
roi  dE{fy{)te.  Elle  fut  prise  dans  la  bataille 
navale  que  Démétrius  Polyorcète  gagna 
sur  ce  prince  auprès  de  l'île  de  Chypre. 
Le  vainqueur  l'aima  autant  que  le  vaincu, 
quoi(iu'oUe  fui  déjà  d'un  âge  assez  avancé. 
Les  Athéniens  et  les  Thébains  lui  élevè- 
rent, comme  à  toutes  les  célèbres  corrup- 
trices des  bonnes  mœurs ,  un  temple  sous 
le  nom  de  Vénus  Lamie. 

*  LAMIOT  (Louis-Marie),  né  vers 
177;)  dans  le  diocèse  d'Arras ,  entra  dans 
la  congrégation  de  St.-La/.are,  en  1787,  et 
partit  pour  les  missions  en  1789,  avec 
MM.  Clet  et  Pené,  n'étant  encore  que  dia- 
cre. Il  fut  ordonné  prêtre  à  Macao ,  et 
alla  à  Canton ,  puis  à  Pékin  où  il  devin.l, 
depuis  la  mort  de  M.  Raux  ,  interprète  du 
gouvernement  chinois  pour  les  langues 
européennes.  Il  y  dirigeait  en  même 
(emps  un  séminaire  de  jeunes  Chinois, 
et  enseignait  les  mathémaliques,  M.  Clet, 
avant  élé  pris  dans  le  Ho-Nou  où  il  prê- 
chait ,  Lamiot  fut  arrêté  sous  prétexte 
qu'il  entretenait  des  rapports  avec  lui. 
Durant  sa  translation  dans  le  Hou-Pé, 
où  on  le  menait  pour  le  confronter  avec 
cet  ecclésiastique,  on  lui  lit  souffrir  plu- 
sieurs mauvais  traitemensatin  de  lui  arra- 
cher unavcu. Le  ti'ibunal décida  qu'il  n'é- 
tait pas  prouvé  que  Lamiot  fût  en  rap- 
port avec  M.  Clet  ,  mais  qu'il  fallait  le 
renvoyer  en  Europe.  M.  Clet  fut  étranglé 
dans  sa  prison,  le  17  février  1820  (voyez. 
l Ami  de  la  religion,  tom.  2,  G.  n"  G24  ) , 
après  avoir  reçu  la  communion  des 
mains  de  Lamiot  ,  qui  avait  trouvé  le 
moyen  de  pénétrer  jusqu'à  lui.  Lamiot 
fut  conduit  à  Canton  ;  arrivé  dans  cette 
ville  au  mois  d'avril  1820,  il  se  rendit  peu 
de  temps  après  à  Macao  ,  où  il  est  mort 
le  5  juin  1831.  Il  avait  fondé  dans  cette 
ville  un  collège  ou  séminaire  pour  les 
jeunes  Chinois ,  et  il  a  augmenté  la  mis- 
sion d'au  moins  quinze  prêtres.  Il  eut 
aussi  l'heureuse  idée  d'envoyer  en  France 
de  jeunes  Chinois  pour  y  faire  de  fortes 
études. 

•  L-\.M[RA.L  (  D<.on\iQUE-HAPXorRT  ) , 
voyageur  français  ,  né  à  Lyon,  vers  l'an 
1750,  servit  d'abord  comme  soldat  dans 
ie  régiment  de  Provence  ;  il  était  en  gar- 
nison au  lîâvre,  lorsque  M.  Eyriès,  lieu- 


tenant de  vaisseau  ,  fut  nommé  gouver- 
neur du  Sénégal.  Cet  officier  de  marine 
ayant  reconnu  en  lui  une  belle  écriture 
avec  quelque  talent  pour  le  dessin  ,  et 
pour  la  levée  des  plans,  acheta  son  congi» 
et  le  prit  pour  son  secrétaire.  Lamiral 
satislit  son  prolecteur,  qui  le  lit  nommer 
agent  de  la  compagnie  commerciale  de  la 
Guyane  en  Afrique.  La  fortune  lui  sourit 
et  il  acquit  d'immenses  richesses ,  qu'il 
eul  bientôt  dissipées  par  sa  folle  î)rodiga- 
\At.  Il  lit  de  nouveau  fortune  et  dissipa 
une  seconde  fuis  ses  trésors.  11  mécon- 
tenta ses  supérieurs,  fut  rappelé  en  1757, 
et  assista  à  l'aurore  de  la  révolution  fran- 
çaise. Après  s'être  vu  arrêter  deux  fois, 
il  linit  par  occuper  un  emploi  modeste 
dans  une  adjninistralion,  et  vécut  obscu- 
rén)ent  jusqu'à  sa  mort  arrivée  à  Paris, 
dans  le  mois  de  septembre  1795.  Il  a  pu- 
blié VJffrique  et  le  peuple  affriquain  con- 
sidérés sous  tous  les  rapports  avec  notre 
commerce  et  nos  colonies,  Paris,  1789,  in- 
8°,  ouvrage  qui  n'a  de  remarquable  que  le 
titre  et  qui  n'est  guère  qu'une  longue  dia- 
tribe'contre  la  compagnie  au  service  de 
laquelle  il  s'était  enrichi.  On  a  encore  de 
lui  un  Mémoire  sur  le  Sénégal,  Paris  , 
1701,  in-8°. 

LAMOIGIVOX  ,  nom  d'une  ancienne 
famille  du  Nivernais ,  distinguée  dans 
les  armes  depuis  le  15'^  siècle,  et  qui  dans 
le  IC*  s'ouvrit  la  carrière  de  la  magistra- 
ture. —  LAMOIGNOÎS  (  Charles  de  )  . 
seigneur  de  Fiàville  ,  né  en  151/».  ,  étutlia 
le  droit  à  Ferrare  ,  sous  le  célèbre  Alciai, 
et  fut  le  premier  de  sa  famille  qui  en!;  n 
dans  la  magistrature  :  il  mourut  en  157."  . 
maître  des  requêtes.  11  fut  visité  plusieurs 
fois  dans  sa  l'ornière  maladie  par  le  roi  ; 
sa  sagesse  et  son  intégrité  lui  avaient  mé- 
rité cette  distinction.  —  Son  fils  ,  PiERra 
deLAMOIGNON,  mort  en  1584,  conseiller 
d'é'.-t,  était  un  bon  poète  latin.  Chri:- 
TZE\,  son  autre  fils,  fut  père  du  suivant. 

LA3îOîG\0.%  Guii.LAL.ME  de),  marquis 
de  Bàville  ,  était  petit-tils  du  précédent, 
et  naquit  en  1G17.  Il  fut  reçu  conseiller 
au  parlement  de  Paris  en  1635,  maître 
des  requêtes  en  1044,  et  se  distingua  dans 
ces  deux  places  par  ses  lumières  el  par 
sa  probité.  Son  mérite  lui  procura  la 
charge  de  premier  président  du  parle- 
ment de  Paris  en  1658,  après  la  mort  du 
premier  président  de  Eellièvre.  Lors  de 
sa  nomination,  Louis  XIV  lui  adressa  ces 
paroles  flatteuses  :  «  Si  j'avais  connu  un 
»  plus  homme  de  bien  et  un  plus  digne 
i>  sujet,  je  l'aurais  choisi  :  »  Le  président 


LAM 


262 


LAM 


deLamoignon  remplit  tous  les  devoirs  de 
sa  place  avec  autant  de  sa^jcsse  que  de 
zèle  ;  il  soutint  les  droits  de  sa  compafïnie  ; 
il  éleva  sa  voix  pour  le  peuple  ;  il  dés- 
arma la  clùcane  par  ses  arrêts  ;  enfin  il 
crut  que  sa  santé  et  sa  vie  étaient  au  pu- 
blic, et  non  j)as  à  lut  :  c'étaient  les  ex- 
pressions dont  il  se  servait.  Il  eut  quel- 
ques démêlés  avec  Fouquet ,  au  sujet  de 
ses  énormes  dépenses.  Cependant ,  à  l'oc- 
casion du  procès  de  ce  surintendant  ,  il 
s'abstint  autant  qu'il  put,  de  présider  le 
parlement ,  et  il  n'y  assista  pas  le  jour  de 
la  sentence.  Ses  amis  le  pressant  de  re- 
prendre sa  place  à  la  chambre ,  il  répon- 
dit :  Lavavimanusmeas....quomodo  in- 
quinabo  cas  ?  Il  reconnaissait  Fouquet 
coupable,  mais  il  désapprouvait  l'achar- 
nement avec  lequel  Colbert  voulait  pré- 
cipiter l'arrêt  contre  un  homme  qu'il 
haïssait.  Au  commencement  de  son  règne, 
Louis  XIV  ayant  tenu  un  lit  de  justice,  le 
maître  des  cérémonies  se  présenta  pour 
saluer  le  parlement  après  les'  évêques. 
«  Saintot,  dit  le  premier  président,  la 
»  cour  ne  reçoit  point  vos  civilités.  »  — 
»  Je  l'appelle  M.  Saintot  .  réplique 
•  Louis  XIV.  » — «Sire  ,  reprend  le  magis- 
»  trat.  votre  bonté  vous  dispense  quelque- 
»fois  de  parler  en  maître,  mais  votre  par- 
»  lement  doit  toujours  vous  faire  parler 
»  en  roi.  n  Ses  harangues,  ses  réponses,  ses 
arrêtés,  étaient  tout  autant  d'écrits  solides 
et  lumineux.  Son  âme  égalait  son  génie. 
Simple  dans  ses  mœurs  ,  austère  dans  sa 
conduite  ,  il  était  le  plus  doux  des  hom- 
mes, quand  la  veuve  et  l'orphelin  élaijent 
à  ses  pieds.  Il  se  délassait  de  ses  travaux 
par  les  charmes  de  la  littérature.  Les 
Boileau  ,  les  Racine  ,  les  Bourdaloue  , 
composaient  sa  petite  cour.  Il  mourut  en 
1G77  à  60  ans.  Fléchier  prononça  son 
oraison  funèbre,  et  Boileau  le  célébra 
dans  ses  poésies.  Ses  Arrêtés  sur  plu- 
sieurs matières  importantes  du  droit 
français  parurent  à  Paris  en  1702,  in-i" 
et  in-S",  17G8.  Ils  ont  été  réimprimés  en 
i78ô,  avec  une  Vie  du  président  de  La- 
moignon,  écrite  d'après  les  papiers  de  sa 
famille. 

LVMOIGiV'ON  (  Chrétien -François 
de  ) ,  fils  aîné  du  précédent ,  naquit  à  Pa- 
ris en  le/i'i..  Il  reçut  du  ciel,  avec  un  es- 
prit grand,  étendu,  facile,  solide,  propre  à 
tout ,  un  air  noble,  une  voix  forte  et  agréa- 
ble, une  éloquence  naturelle,  à  latjuelle 
l'art  eut  peu  de  chose  à  ajouter  ;  une  mé- 
moire prodigieuse ,  ua  cœur  juste  et  un 
caractère  ferme.    Son    père  cultiva  ces 


heureuses  dispositions.  Reçu  conseiller 
en  1666  ,  sa  compagnie  le  chargea  des 
commissions  les  plus  importantes.  Il  de- 
vint ensuite  maître  des  requêtes,  et  enfin 
avocat-général  ;  place  qu'il  renii)lit  pen- 
dant 25  ans,  et  dans  laquelle  il  parut  tout 
ce  qu'il  était.  Au  commencement  de  1690, 
le  roi  lui  donna  l'agrément  d'une  charge 
de  président  à  mortier  ;  mais  l'amour  du 
travail  le  retint  encore  8  ans  entiers  dans 
le  parquet ,  et  il  ne  profita  de  la  grâce 
du  prince  que  lorsque  sa  santé  et  les  in- 
stances de  sa  famille  ne  lui  permirent 
plus  de  fuir  un  repos  honorable.  L'acadé- 
mie des  Inscriptions  lui  ouvrit  ses  portes 
en  170/t ,  et  le  roi  le  nomma  président  de 
cette  compagnie  l'année  d'après.  Boileau 
lui  adressa  sa  6'  épître.  C'est  lui  qui  fit 
abolir  l'épreuve  ,  aussi  ridicule  qu'in- 
fâme, du  congrès.  On  n'a  imprimé  qu'un 
de  ses  ouvrages  ,  tel  qu'il  est  sorti  de  sa 
plume  ;  c'est  une  Lettre  sur  la  mort  du 
père  Bourdaloue,  jésuite,  qu'on  trouve  à 
la  fin  du  tome  5"  du  Carême  de  ce  grand 
orateur.  Il  avait  fait  la  vie  de  son  père  , 
premier  président. 

'  L\MOIGIVOi\  (  Nicolas)  ,  seigneur 
de  Bâville,  intendant  du  Languedoc,  con- 
seiller d'état  ,  était  le  5'  fils  du  premier 
président  Guillaume  deLamoignon  (voyez 
ci-dessus  son  article  ),  et  frère  de  Chrétien- 
François  qui  fait  le  sujet  de  l'article  pré- 
cédent. Il  naquit  en  1648,  fut  destiné  à  la 
magistrature ,  et  exerça  pendant  h  ans  les 
fonctions  d'avocat  avec  quelque  succès. 
Nommé  conseiller  au  parlement  en  1670, 
puis  maître  des  requêtes  en  1673,  il  suivit 
la  carrière  administrative,  et  occupa  suc- 
cessivement les  intendances  de  Monlau- 
ban,  de  Pau,  de  Poitiers,  de  Montpellier. 
Il  resta  dans  celle-ci  l'espace  de  33  ans 
sans  revenir  à  la  cour.  On  l'a  accusé  d'a- 
voir agi  avec  rigueur  contre  les  protes- 
tans  à  l'époque  de  la  révocation  de  l'édit 
de  Nantes,  et  de  la  révolte  des  Ce  venues. 
On  a  dit,  pour  le  disculper  ,  que  la  posi- 
tion dans  laquelle  il  se  trouvait ,  ses  obli- 
gations envers  Louis  XIV,  qui  avait  com- 
blé sa  famille  de  grâces  et  de  faveurs  , 
ne  lui  laissaient  pas  la  liberté  d'hésiter 
sur  ses  déterminations  ,  et  que  dans  ces 
circonstances  difficiles  ,  les  moyens  de 
douceur  et  de  persuasion  ne  furent  pas 
toujours  mis  à  la  disposition  des  magis- 
trats. Rhulières  a  dit  que  «  M.  de  Bàville 
»  passait  dans  ce  lemps-là  pour  un  homme 
»  doux  et  modéré.  «  On  peut  consulter  à  ce 
sujet  les  mémoires  pour  servir  à  l'his- 
toire du   Languedoc  .  que  Lamoignon  do 


Bàville  ccnvail  par  ordre  du  roi  et  pour 
l'iuslruclion  du  duc  de  Bourgogne  ,  en 
iG98  :  cet  ouvrage  a  été  imprimé  en  17311. 
à  Marseille  ,  sous  la  rubrique  d'Amsler- 
daiTi,  sur  un  manuscrit  déposé  à  la  hi- 
Miollièque  du  roi.  Lamoignou  quitta  l'in- 
tendance du  Languedoc  en  1718,  et  mou- 
rut à  Paris ,  en  1724.  —  Son  fils  Urbain- 
Guillaume  deLAMOIGNON,  comte  de 
Launay-Courson  ,  né  en  1674,  fut  inten- 
dant de  Rouen  en  170V  ,  et  de  Bordeaux 
en  1707.  Diiclos  elle  de  lui  des  traits  d'ar- 
bitraire et  de  despotisme  dont  l'effet  fut 
tel  que  l'intindant  se  vit  oblige  de  renon- 
cer à  sa  charfje.  Il  devint  en  1717  conseiller 
d'état  ordinaire. 

*  LAMOIG\0\  (  Guii.LAUMii  II  de  )  , 
seigneur  de  Maleslierbcs  ,  second  fils  de 
Chrétien-François  de  Lamoignon  ,  prési- 
dent au  parlement,  naquit  en  1683,  et  fut 
successivement  avocat-général,  président 
du  parlement  de  Paris,  premier  président 
de  la  cour  des  Aides,  et  enfin  chancelier 
de  France  en  175.0  ,  sans  avoir  toutefois 
les  sceaux  de  l'état.  En  1765 ,  une  intrigue 
de  cour  lui  donna  pour  successeur  dans 
cette  dernière  place  le  fameux  Maupeou: 
Lamoignon,  n'ayant  point  voulu  donner 
sa  démission,  fui  exilé  ;  mais  le  parlement 
refusa  de  recoimaîlre  M.  Maupeou  sous 
le  titre  de  vice-chancelier.  Plus  tard 
(""1768  )  cédant  à  des  obsessions  de  tout 
genre  ,  Lamoignon  se  démit  de  son  em- 
ploi, et  alors  Maupeou  le  fils  lui  succéda, 
avec  le  titre  plein  et  entier  de  chancelier. 
Il  mourut  en  1772.  Giiillaume  de  Lamoi- 
gnon fut  le  père  de  l'illustre  Malesherbes 
(  Voyez  ce  nom  ).  Ce  magistrat  avait  ré- 
voqué le  privilège  de  V Enctjclopédie. 

"  LAMOIGNOîV  (  CiinÊTiEK-FnANÇOis 
II  de  ),  arrière  petit-fils  du  président 
Chrétien-François  Lamoignon  ,  dont  il 
descendait  par  le  frère  aîné  du  chancelier 
Guillaume  II,  naquit  le  18  décembre  1755, 
et  fut  président  à  mortier  du  parlement 
de  Paris,  en  1758.  Il  paitagea  en  1772 
l'exil  du  corps  auquel  il  appartenait  ,  fut 
rappelé  dès  les  premiers  jours  du  règne 
de  Louis  XVI,  et  se  montra  dès  lors  con- 
stamuient  dévoué  à  la  cour.  A  l'époque 
de  l'assemblée  des  notables,  en  1787,  il  fut 
nommé  garde  des  sceaux  en  remplace- 
ment de  Hue  de  Miromesnil  et  fut  aussi 
chevalier  de  l'ordre  du  Saint-Esprit.  Il 
travailla  de  concert  avec  le  principal  mi- 
nistre Lomén-e  de  Brlenne  ,  aux  édils  du 
timbre  et  delà  subvenlioii  terriloriale, 
dont  le  refus  d'enregistrement  occasiona 
l'exil  du  parlement    à  Troyes.    Ces  deux 


265  ,  LAM 

ministres  prirent  d'autres  mesures  qui 
éprouvèrent  la  même  résistance  de  la 
part  de  cette  cour  souveraine,  et  ils  furent 
obligés  de  se  retirer.  Lamoignon  donna 
sa  démission  dans  le  mois  d'octobre  1788, 
trois  mois  après  celle  de  Loménie  de 
Brienne  :  il  se  retira  dans  sa  terre  de  Bà- 
ville ,  où  il  mourut  le  16  mai  1789,  d'un 
accident  de  chasse  dont  on  n'a  pas  connu 
la  vraie  cause.  Sa  précieuse  bibliothèque 
fut  vendue  après  sa  mort  :  les  plus  beaux 
ouvrages  passèrent  en  Angleterre.  Il  laissa 
trois  liis  ;  l'aîné  était  conseiller  au  parle- 
ment ;  le  second  péril  à  Quiberon ,  et  le 
troisième  est  le  vicomte  Christian  dont  il 
est  question  dans  l'article  qui  suit. 

'  LAMOIGNOX  (  Christian  ,  vicomte 
de),  fils  puîné  de  Chrétien -François  II, 
garde-des-sceaux  sous  Louis  XVI,  naquit 
en  1770.  Il  suivit  la  carrière  des  armes , 
émigra  au  commencement  de  la  révolu- 
tion et  servit  dans  les  armées  des  princes. 
Il  fit  partie,  avec  son  frère  aîné,  de  l'ex- 
jjédilion  de  Quiberon;  blessé  à  la  reprise 
du  fort  Penthièvre  par  les  républicains, 
commandés  par  le  général  Hoche ,  il  fut 
du  très  petit  nombre  de  ceux  qui  purent 
se  sauver,  sur  les  vaisseaux  anglais;  après 
la  défaite  des  royalistes  il  retourna  à  Lon- 
dres, et  il  revint  en  France  lors  de  l'établis- 
sement du  consulat.  Quelque  temps  après, 
il  épousa  sa  nièce  ,  sœur  du  comte  Mole , 
ministre  de  Napoléon  ,  et  qui  le  fut  de- 
puis de  Louis  XYIII.  En  1812,  Lamoignon 
fut  nommé  membre  du  conseil-géné- 
ral du  département  de  la  Seine.  Un  bio- 
graphe dit  :  <ï  Que  le  nom  de  M.  Lamoi- 
»  gnon  se  trouve  au  bas  de  la  célèbre 
»  adresse  que  ce  conseil  vota  dans  la 
»  même  année  à  Napoléon ,  après  la  dé- 
i>  fection  des  Prussiens  »  (dans  la  dernière 
campagne  contre  la  Russie  ,  12  janvier 
1815).  Cependant,  lors  de  la  restauration, 
on  a  essayé  de  prouver  que  M.  Lamoi 
gnon  ne  s'était  point  trouvé  à  l'assemblée 
quand  l'adresse  fut  votée.  Il  est  certain 
qu'il  signa  celle  qui  fui  rédigée  par  M.  Bel- 
lart,  le  premier  avril  1814,  contre  Bona- 
parte. Louis  XVIII  l'en  récompensa  en 
le  nommant  chevalier  d*  la  légiou- 
d'honneur  et  pair  de  France.  Au  retour 
de  Napoléon  ,  il  ne  siégea  pas  dans  la 
chambre  haute  ;  on  ne  le  vit  y  reparaître 
qu'à  la  seconde  restauration.  Lors  de 
l'examen  du  projet  de  loi  sur  l'abolition 
du  divorce  en  avril  1816,  il  fut  rapporteur 
de  la  commission  formée  pour  le  faire,  et 
appuya  fortement  ce  projet.  En  1819,  il  se 
prononça  contre  le  ministère  d'alors ,  et 


LAM 


26/i 


LAM 


devint  un  des  membres  les  plus  actifs  de 
la  majoiilé  de  la  chambre.  Cille  majorité 
devenant  menaçante,  une  ordonnance  du 
I>  septembre  et  la  crcalio/i  d'un  {j''ii"ii 
nombre  de  nouveaux  pairs  en  diminuè- 
rent l'influence.  On  effectua  celte  nomi- 
nation le  y  mars  suivant  ;  elle  donna 
lieu  à  une  séance  très  orageuse,  pendant 
laquelle  M.  de  Lamoignon  proposa  une 
adresse  au  roi,  pour  exprimer  à  sa  ma- 
jesté «  le  regret  avec  lequel  la  chambre 
»  haute  voyait  l'augmentalion  du  nombre 
I)  de  ses  menibres.  »  Mais  cette  remon- 
trance resta  sans  effet ,  le  roi  ayant,  parmi 
ses  prérogatives  ,  celle  de  créer  des  pairs 
à  sa  volonté.  Dans  1.  s  sessions  suivantes, 
M.  de  Lamoignon  a  toujours  voie  avec  la 
majorité.  Il  est  mort  le  12  mars  1826,  âgé 
de  otJans 

LAMOIGNOIV  DE  MALESIIERBES 
(  Chrétien-Guillaume  de  ).  Voyez  MA- 
LESHERBES. 

*  LAMON^OYE  (  Anselme -Fuaxçois- 
Marie  de  ) ,  littérateur  français  ,  mort  à 
Paris  le  19  juillet  1829,  a  publié  :  |  la  Jé- 
rusalem délwrée,  poème  du  Tasse,  nou- 
velle traduction  envers  français ,  1818, 
in- 8°  -,  I  quelques  pièces  fugitives  d'un 
Almanach  des  Muses.  Il  avait  été  édi- 
teur des  OEuvres  de  Chcwles-J.  Demous- 
(ier_,  Paris,  B.  A.  Renouard  ,  1805  ,  2  vol. 
in-S**,  ou  5  vol.  in-18. 

LAMORINIÈilE  (  SuioN-BAinnÉLEr-u- 
JosEPU  NOËL  de  ).  f^oijez  NOËL  DE  LA 
MORINIÈRE. 

*  LAMOTIIE-PIQUET  (  N.-F.  )  né  en 
1720.  entra  dans  la  marine  royale,  et  par- 
vint rapidement  ,  grâce  à  l'intelligence 
et  à  l'intrépidité  dont  il  fit  preuve,  au 
grade  de  capitaine  de  vaisseau.  Ilavait  déjà 
rendu  de  grands  services  à  son  pays,  no- 
lanuTient  dans  les  mers  de  l'Inde ,  lors- 
qu'une nouvelle  action  d'éclat  dans  les 
mers  d'Amérique  ,  acheva  d'illustrer  son 
nom.  Avec  un  seul  vaisseau  ,  YJnnihaL 
qui  pouvait  à  peine  tenir  la  mer,  il  attaqua 
audacieusement  quatorze  vaisseaux  an- 
glais ,  et  parvint  à  sauver  un  convoi 
français  qu'ils  étaient  sur  le  point  de  cap- 
turer. Le  grade  de  lieutenant-général  des 
armées  navales  devint  sa  récompense, 
et  Lamothe-Piquet  continua  de  porter  la 
terreur  dans  la  marine  anglaise.  Il  mou- 
rut à  Brest ,  le  10  juin  17'.)1.  Le  quatrain 
suivant  a  été  placé  au  bas  de  son  ;);nirait  : 


LAMOTTE.  rotjez  HOUDAF.D, 
LAMOÏJRETTE   (   Aoriex   )  ,  évoque 
constilulionntl   de  Lyon,  na([uil  à  Fré- 
vent ,  dans  le  Boulonais,  en  1742.  Il  entra 
dans  la  congrégation  des  lazaristes,  et  fui 
successivement  supérieur   du  séminaire 
de  Toul,   directeur   à   Saint -Lazare  ,  tt 
grand-vicaire   d'Arras   en  1789.  Il  s'était 
distingué  jusqu'alors  par  une  piété  aj)pa- 
rente,  ou,  si  elle  était  sincère,  du   moins 
elle  fut  pou  constante  et  trop  faible  pour 
lutter  contre  les  séductions  du  siècle.  Ce- 
pendant   il  avait  déjà  publié    quelques 
écrits,  où,  parmi  les  maximes  de  religion, 
il  avait  mêlé  des    idées  philosophiques. 
Celle  tendance  aux   innovations  révolu- 
tionnaires   le  lit   choisir   par  Mirabeau 
pour  son  théologien,  et  il  se  servait  de  la 
plume   de  Lamourelto    lorsqu'il  avait  à 
parler  sur  des  matières  religieuses.  Ce  fut 
Lamourelîe   qui    rédigea  le    projet  d'A- 
dresse au  peuple  français,  sur  la  consti- 
tution civile  du.  clergé  ^  que  Mirabeau  lut 
à  rasseiïiblée  Constituante.  Ayant  prêté 
le  serment  exigé,  Lamouretle  fut  nommé 
à  l'évècaé  de  Lyon  ,  et  sacré  à  Paris  le  27 
mars  1791.  Le  département  de  Saône-et- 
Loire  le  choisit  pour  député  à  l'assemblée 
Législative, 'OÙ  il  se  montra  d'abord  un 
des  plus  modérés.  Lamouretle  se  déclara 
contre  la  liberté  des  cultes,  contre  la  ré- 
publique et  les  deux   chambres  ,   et  de- 
manda qu'oii  fit  cesser  toutes  les  recher- 
ches relatives  aux    chefs   de   l'insurrec- 
tion du   20  juin  1792,  contre   la  famille 
royale,  dans  le  château  des  Tuileries,  c'est 
à  celle  époque  qu'il  lit  sa  fameuse  motion, 
à  laquelle  il  doit  la  plus  grande  partie 
de  sa  célébrité ,  el  qui   tendait  à  réunir 
dans  un  même  esprit  tous  les  membres 
d3  l'assemblée  Législative.  Le  résuliat  de 
cet  appe!  à  l'union  et  à  la  fraternité  fut  de 
détruire   passagèrement    les    distinctions 
de  partis  qui  y  existaient,  et  l'on  vit  Du- 
n)as  et  Bazire  ,  Chabot  et  Gentil,  Jaucourt 
et  Merlin  ,  Paslurct  et  Coiidorcet ,  Albitle 
et  Ramond ,  etc.,  etc.,  se  serrer  mutuel- 
lement dans  leurs  bras  (i).  LamourcUe 
parut  insensible  au    terrible  événement 
du  10  août  de  la   vnême   année.  Lorsque 
Louis  XVI  fut  enfermé  avec   sa  famille 
dans  la  tour  du  Temple,  il  demanda  que 
toute  coaununication  fut   interdittî  entre 
les  membres  de  la  famille  royale.  Le  MO' 
niteur  sélant   trompé  de   nom  ,  et  ayant 


y\ 

irin  ,  dès  ta  prem 

ière  .i.-.i-or(- 

V, 

.tirUr.  .cher  ini-n 

f.  .1  tes  tiv.-i 

1. 
E 

Fraoce  s.iit  et:  qi 
l'Angleterre  plus 

e  lu  vaux  , 
encore. 

(i)  Dos  plaisant  ne  virent  dans  celle  (J'-montUati 
de  fraternité  que  le  càté  <]ui  pouvait  pr" 
ItmLuurg  ,  el  l'appeltTcnt  le  bai:i 


■de  Lama 


LAM 


265 


LAM 


sî{înalé  M.  Damourctte  ,  honnête  culliva- 
îcurdes  Ardennes,  confime  auteur  de  cette 
motion  cruelle,  ce  député  réclama  contre 
'•  ite  assertion,  et  le  Moniteur  se  rétracta 
le  6  septembre  1792  ,  en  déclarant  pour 
véritable  auteur  de  la  motion  l'abbé  La- 
isiourelte,  évéque  de  Lyon.  Il  revinlbien- 
tot  à  des  idées  plus  humaines  et  plus 
équitables,  lorsqu'il  vit  répandre  le  sang 
innocent  ;  il  attaqua  les  factieux ,  parla 
avec  courage  et  vigueur  contre  les  mas- 
sacres du  2  septembre  ,  où  périrent  dans 
les  prisons  et  les  églises  tant  d'infortu- 
nés, parmi  lesquels  on  comptait  un  grand 
nombre  de  prêtres.  A  la  clôture  de  l'as- 
semblée Législative,  il  se  retira  à  Lyon  , 
où,  pendant  le  règne  des  terroristes,  il  se 
prononça  en  faveur  des  habitans  de  cette 
malheureuse  ville.  Tombé  plus  tard  au 
pouvoir  des  factieux ,  Lamouretle  fut 
conduit  à  Paris,  et  enfermé  dans  la  Con- 
ciergerie, où  il  trouva  l'abbé  Emery.  Les 
conseils  de  ce  respectable  ecclésiastique 
et  sa  propre  conscience  l'amenèrent  à 
signer  ,  le  7  janvier  1794 ,  une  rétracta- 
tion de  ses  erreurs  passées  :  l'original  de 
cette  pièce  se  conserve  à  Lyon.  Il  s'y  dé- 
clara auteur  des  discours  prononcés  par 
Mirabeau  sur  les  matières  ecclésiastiques. 

-Goiidamné  à  mort  par  le  tribunal  révolu- 
tionnaire ,  il  monta  à  l'échafaud  avec  un 
calme  çt  une  résignation  chrétiennes  qui 
édifièrent  les  autres  victimes  qui  l'accom- 
pagnaient au  supplice.  Il  fut  exécuté  le 
10  janvier  de  la  même  année  1794  ;  ilavait 
alors  B2  ans.  Quelles  qu'aient  été  les 
fautes  de  ce  pécheur  repentant ,  il  faut 
avouer  qu'il  fut  plus  imprudent  que  cou- 
pole. Il  a  laissé  :  |  Pensées  sur  la  philo- 

/sophie  de  l'incrédulité^ on  Réflexions  sur 
l'esjjritet  le  dessein  des  philosophes  irré- 
ligieux de  ce  siècle  ,  1786,  in-8°  ;  |  Pen- 
sées sur  la  philosophie  de  la  foi^  ou  Le 
système  du  christianisme  considéré  dajis 
ton  analogie  avec  les  idées  naturelles  de 
l'entendement  humain^  1789,  in-S"  ;  |  Les 
Délices  de  la  religion,  ou  Le  pouvoir  de 
l'Evangile  jmur  nous  rendre  heureux . 
i788,  in-12,  traduit  en  espagnol ,  Madrid, 
1791,  in-8°;  |  Décret  de  l'Assemblée  na- 
tionale sur  les  biens  du  clergé,  justifié  par 
la  nature  et  les  lois  de  l'institution  ecclé- 
siastique. 1789-1790  ,  in-8°  ;  |  Lettre  pas- 
torale^ suivie  de  la.  Lettre  au  pape.  Lyon, 
i790-1791  ;  |  Prône  et  J^épres.  ou  Le  pas- 
teur patriote  1  1790-  1791  ;  |  Coiisidéra- 
tions  sur  l'esprit  et  le  devoir  de  la  vie 
religieuse  ,  publiées  après  sa  mort,  1793  , 
in  12. 

7. 


'  LAMOUROllX  (  JEAiv-Vr!«CE!<T-FÉ- 

Lix  ) ,  naturaliste  distingué,  né  à  Agen, 
en  1779,  était  fils  d'un  manufacturier  de 
toiles  peintes,  et  étudia  d'abord  la  chimie 
et  la  botanique  dans  le  but  d'aider  son 
père  dans  ses  travaux;  mais  son  profes- 
seur de  botanique  ,  Saint-Amans  ,  ne 
tarda  pas  à  remarquer  en  lui  de  rares  dis- 
positions pour  la  science  ,  et  il  le  désigna 
même  souvent  pour  le  suppléer  dans  ses 
cours  publics.  En  1808,  Lamouroux  s'é- 
tant  vu  obligé  par  suite  des  circonstances 
d'abandonner  ses  affaires  commerciales, 
accepta  la  chaire  d'histoire  naturelle  à 
la  faculté  des  sciences  de  l'académie  de 
Caen.  Il  la  remplit  de  la  manière  la  plus 
honorable,  et  mourut  d'une  attaque  d'a- 
poplexie foudroyante  dans  cette  ville 
le  26  mars  1825.  Sa  méthode  d'enseigne- 
ment n'a  pas  moins  contribué  à  sa  réputa- 
tion que  ses  différeas  écrits.  Sa  position 
lui  avait  permis  de  se  livrer  à  son  goût 
favori  pour  l'histoire  naturelle ,  surtout 
pour  la  partie  qui  concerne  la  mer  ,  à  la- 
quelle il  a  fait  faire  de  grands  progrès  : 
ses  collections  étaient  très  riches  ;  la 
ville  de  Caen  les  a  acquises  pour  son 
musée.  Outre  un  grand  nombre  d'articles 
insérés  dans  divers  journaux  et  recueils 
scientifiques  et  dans  le  Dictionnaire  clas- 
sique d'histoire  naturelle  j  il  a  publié  les 
ouvrages  suivans.  |  Dissertation  sur  plu- 
sieurs espèces  de  fucus  peu  connues  ou 
nouvelles,  avec  leur  description  eri  latin 
et  en  français,  Agen,  1805,  in-4",  avec  50 
planches  ;  |  Essai  sur  les  genres  des 
thalassiophijtesnon  ai'ticulées.  1815,  in-4". 
avec  fig.  ;  |  Histoire  des  polypiers  coral- 
ligènes  flexibles  vulgairement  nommés 
Zoophyfes .  Caen  et  Paris,  1816,  in-S", 
avec  19  planches  ;  |  Exposition  métho- 
dique des  genres  de  l'ordre  des  poly- 
piers .  avec  leur  description,  etc.  Paris  , 
1821,  in -4°  ;  |  Résumé  d'un  coun 
élémentaire  de  géographie  physique  j 
autorisé  par  l'université  pour  l'enseigne-' 
ment  de  cette  partie  de  l'histoire  natu- 
relle. Caen  et  Paris ,  1821 ,  in-S".  |  Notice 
sur  les  Aras  bleus  nés  en  France  et  accli- 
mates dans  le  département  du  Calvados^ 
Paris,  1825,  in-8°  ;  ]  Notice  sur  lamustée^ 
poisson  qui  vit  dans  l'Orne,  etc.  Il  a  fait 
en  grande  partie  V Histoire  des  vers  dans 
V Encyclopédie  méthodique,  et  il  a  publié 
un  supplément  aux  Icônes  zoophitorum 
d'Esper.  On  lui  doit  encore  la  publication 
de  quelques  volumes  d'une  édition  de 
Buffon.  en  40  vol.  in-8°,  commencée  en 
1824,  et  continuée  par  M.  Desmarets. 
23 


LA.1UPE  (  Frédéric-Adolphe  ) ,  théolo- 
gien protestant ,  né  à  Dethmold,  dans  le 
comté  de  la  Lippe,  le  19  février  1683, 
fut  successivement  ministre  de  plusieurs 
églises,  puis  docteur  et  professeur  en 
théologie,  et  d'histoire  ecclésiastique,  à 
Utrecht,  et  mourut  pasteur  de  Saiiil- 
Etienne  de  Brème,  d'une  hémorragie,  en 
1729  ,  à  46  ans,  laissant  plusieurs  ouvra- 
ges, parmi  lesquels  on  distingue  son  traité 
ne  cymbalis  veterum^  Utrecht,  1703, 
in-12  avec  fig.  et  son  commentaire  sur 
i  Evangile  de  saint  Jean,  1724-23,  en  3 
gros  vol.  in-i" ,  plein  de  savantes  minu- 
ties. On  a  encore  de  lui  :  un  Abrégé  de  la 
théologie  naturelle  /\n-%'^ .  Il  travailla  avec 
Tlicodore  de  Hase  ,  à  un  Journal  intitulé 
lUbliotheca  historico  philogolico-tkeolo- 
(jica  bremensis  a  et  donna  une  édition  de 
Jlist.  ecclesiœ  reformatœ  in  Hungaria  et 
Transilvania  de  Paul  Emhert ,  avec  des 
siipplémens,  Utrecht.  1728,  in-8"-  La  vie 
(ie  Lampe  a  été  publiée  dans  le  t.  2  des 
Miscell.  Duisburgensia  et  dans  les  Jeta 
£ruditormn  gcrman.  sect.  XXXV^  etc. 

*  LAMPILLAS  (  l'abbé  don  Fraxçois- 
Xavier  ),  ecclésiastique  et  littérateur  es- 
pagnol ,  naquit  à  Jaen ,  dans  l'Andalou- 
sie ,  en  1759.  Jeune  encore  ,  il  entra  chez 
les  jésuites,  et  y  resta  jusqu'à  la  destruc- 
tion de  cette  société.  Il  occupait  la  chaire 
de  belles-lettres  au  collège  de  Séville , 
lorsqu'il  fut  forcé  de  quitter  son  pays  par 
suite  des  mesures  sévères  que  l'on  prit 
contre  les  religieux  de  son  ordre  :  il  se  re- 
tira à  Gènes  avec  plusieurs  de  ses  con- 
( frères.  Là,  uniquement  occupé  de  l'étude 
de  la  langue  et  de  la  littérature  italienne, 
il  mit  au  jour  son  Saggio  storico  j  ou  Es- 
.sai  historique  et  apologétique  de  littéra- 
ture espagnole,  qui  était  une  réponse 
à  deux  écrits  des  pères  Bettinelli  et  Ti- 
raboschi ,  où  ces  derniers  parlent  avec 
beaucoup  de  prévention  de  la  littérature 
espagnole.  Cet  ouvrage  parut  à  Gènes,  en 
1778-1781 ,  en  6  vol.  in-8°  ;  il  eut  un  très 
grand  succès.  L'abbé  Lampillas  y  fait 
preuve  d'une  érudition  peu  commune; 
il  prouve  aux  Italiens  qu'ils  ont  été  les 
premières  causes  de  la  décadence  des  let- 
tres et  de  la  littérature  :  ce  qui  n'aurait 
point  été  répondre  à  ses  adversaires ,  s'il 
n'avait  fait  voir  en  même  temps  qu'au 
milieu  de  la  plus  profonde  ignorance  des 
nations  ,  l'Espagne  conservait  encore  des 
génies  distingués,  et  qu'elle  a  été  pres- 
que le  berceau  de  la  renaissance  des  let- 
tres en  Europe.  On  pourrait  peut-être  lui 
disputer  cet  éloge;  mais  Charles  III  ,  roi 


266  LAM 

d'Espagne,  eu  prince  reconnaissant,  com- 
bla de  bienfaits  l'auteur  qui  employait  sea 
talens  à  la  gloire  de  sa  patrie.  Bettinclii 
cl  Tiraboschi  répondirent  à  cet  Essai  his- 
torique par  deux  lettres^  auxquelles  Lam- 
pillas répliqua  à  son  tour.  Ces  diverses 
pièces  furent  imprimées  à  Rome  en  1781. 
Il  a  ajouté  à  ses  productions  des  Poésies 
italieimes ,  qui  ne  sont  pas  sans  mérite.  11 
est  mort  à  Gènes  en  novembre  1798. 

LAMPRIDE  (  y'Elius  Lampridius),  his- 
torien latin  du  4"^  siècle,  sous  les  règnes 
de  Dioclétien  et  de  Constance  Chlore , 
avait  composé  la  FUe  de  plusieurs  empe- 
reurs ,  mais  il  ne  nous  reste  que  celle  de 
Commode,  de  Diadumène,  fils  de  Macrin , 
d'Héliogabale  et  d'Alexandre  Sévère.  Ces 
ouvrages,  qui  lui  sont  attribués  à  tort, 
selon  quelques  critiques ,  ont  été  impri- 
més une  première  fois  à  Milan  ,  et  on  les 
trouve  dans  Historiœ  Jugustœ  scriptores, 
Leyde ,  1671 ,  2  vol.  in-8".  Cet  auteur  of- 
fre des  choses  curieuses,  omises  par  la 
plupart  des  historiens  et  qui  concourent 
cependant  à  donner  une  idée  juste  de  ces 
souverains  de  Rome.  Son  style  est  plutôt 
celui  d'un  recueil  d'anecdotes  que  d'une 
histoire  suivie.  Vossius  {Dehist.  lat.  )  et 
Fabricius  {Biblioth.  lat.  )  croient  que 
Lampride  et  Sparlien  ne  sont  qu'un  seul 
et  même  écrivain,  mais  de  Moulines  a 
réfuté  cette  opinion,  et  a  donné  ce  qui 
reste  de  Lampride  dans  sa  traduction  des 
Ecrivains  de  l'hist.  d'Auguste.  Ces  frag- 
mens  ont  aussi  été  traduits  en  français 
par  de  Marolles. 

LAWPÎUDE  (Benoit)  ,  célèbre  poète  , 
né  à  Crémone  ,  vers  la  lin  du  IS'  siècle, 
enseigna  les  langues  grecque  et  latine  avec 
répulalionàRome,oùLéonX  le  protégea. 
Après  la  mort  de  ce  pontife  ,  il  se  retira 
à  Padoue ,  et  fut  ensuite  précepteur  du 
fils  de  Frédéric  de  Gonzague,  duc  de 
Mantoue.  On  a  de  lui  des  Epigrammes . 
des  Odes,  et  d'autres  pièces  en  vers ,  eu 
grec  et  en  latin,  Venise,  1540,  in-8°  : 
elles  ont  été  insérées  depuis  dans  le  ô*^  vol. 
des  Carmina  illustrium  poetarum  Italo- 
rum,  Florence,  1719  et  dans  d'autres  re- 
cueils. Il  mourut  en  1340,  ou  suivant  Ti- 
raboschi en  1542. 

LAMPSOIV  ou  LAMPSONIUS  (Domini- 
que),  littérateur  flamand ,  né  à  Bruges 
en  1532  ,  s'attacha  au  célèbre  cardinal  Po- 
lus  ,  le  suivit  en  Angleterre ,  cl  se  relira 
à  Liège  après  la  mort  de  ce  prélat ,  en 
15S8.  Il  y  fut  secrétaire  des  évéqucs  et 
princes  Gérard  de  Groësbcck  et  d'Ernest 
de  Ba\icre.   Mal^jré  ses  occupations,  il 


LAN 


267 


LAN 


trouva  le  loisir  de  prendre  avec  fruil  des 
leçons  de  peiiiUire  de  Lambert  Lombart. 
Par  reconnaissance,  il  écrivit  la  Fie  de  ce 
peintre  ,  qui  fut  publiée  à  Bruges  par  Hu- 
bert Golliius,  en  1565  ,  in-8°.  Il  célébra 
aussi  en  vers  lalins  les  peintres  les  plus 
renommés  des  Pays-Bas  dans  un  ouvrage 
qui  a  pour  titre  :  Elogia  i^  effigies  pic- 
torum  celebrium  Germanice  infériorisa 
Anvers,  1572,  in-i°.  Il  mourut  à  Liège 
l'an  1599. 

LAIVA-TERZI  (François  de),  né  à 
Brescia  (  Brixia^  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  Brixinium,  Brixen  )  Tan  1631, 
se  fit  jésuite,  et  enseigna  avec  beaucoup 
de  distinction  la  philosophie  et  les  ma- 
thématiques. On  a  de  lui  plusieurs  ou- 
vrages sa  vans  et  curieux  sur  la  physique, 
écrits  en  italien ,  entre  autres  un  recueil 
des  nouvelles  inventions  ,  sous  le,titre  de 
Prodromo  ail' artemaestra^Br  cscia,  1670, 
in-fol.  ;  ouvrage  qui  a  reparu  dans  ia 
même  ville  en  168i  ,  sous  le  titre  de  Ma- 
gisterium  naturce  et  artis^  3  tom.  in-fol., 
avec  fig.  {Voyez  STURM Christopue,  et 
le  Journ.  hist.  et  littér.,  l"mars  1784,  p. 
346.)  Les  Œuvres  de  François  Lana  et 
de  Philippe  Lobmeir ,  sur  la  navigation 
dans  les  airs,  ont  été  traduites  en  alle- 
mand avec  des  remarques  ,  par  M.  Heer- 
brandt,  Tubingeu ,  1784,  in-8"  de  80 
pages.  Ce  Philippe  Lobmeir  mit  au  jour, 
à  Wittenberg  ,  en  1C79  ,  une  dissertation 
avec  ce  titre  :  Exercitatio  phxjsica  de  ar- 
tificio  navigandiper  aerem.  Il  parait  avoir 
copié  Lana  ou  plutôt  Sturrn  ,  dont  le  Col- 
legiuin  avait  paru  3  ans  avant  son  Exer- 
citatio. Le  père  Lana  publia  d'autres  ou- 
vrages sur  divers  points  de  physique.  Il 
est  mort  à  Brescia  en  1687.  Les  détrac- 
teurs de  Montgolfîer  ont  prétendu  qu'il 
avait  puisé  la  première  idée  de  ses  aéro- 
stats dans  l'ouvrage  de  Lana-Terzi  dont  il 
a  été  donné  un  extrait  intitulé  Navis  Vo- 
lans  j.  Naples ,  1784. 

LAIVCELOT,  ou  plutôt  LANCELLOTI 
(  Jeax-Paul  ) ,  jurisconsulte  célèbre  de 
Pérouse,  mort  dans  sa  patrie  en  1591, 
à  quatre-vingts  ans  ,  composa  divers  ou- 
vrages, entre  autres  celui  des  Insti- 
tutes  du  droit  canon  en  latin ,  à  l'imita- 
tion de  celles  que  l'empereur  Juslinien 
avait  fait  dresser  pour  servir  d'introduc- 
tion au  droit  civil.  Il  dit  dans  la  préface 
de  cet  ouvrage  ,  qu'il  y  avait  travaillé  par 
ordre  du  pape  Paul  IV  ,  et  que  ces  insti- 
tutes  furent  approuvées  par  des  commis- 
saires députés  pour  les  examiner.  Nous 
en  avons  diverses  éditions  avec  des  notes. 


La  meillciire  est  celle  de  Doujaf,  en 
2  vol.  in-12.  M.  Durand  de  Maillane  en  a 
donné  une  Iraduclion  en  français  avec 
des  remarques,  en  10  vol.  in-12,  Lyon  , 
1770.  On  a  encore  de  Lancclot  un  Corps 
du  droit  canon,  in-4''. 

LA?.'CELOT  (dom  Clacde),  habile 
grammairien ,  né  à  Paris  en  1615 ,  fut 
employé,  par  les  solitaires  de  Port-Royal, 
dans  une  école  qu'ils  avaient  établie  à 
Paris  ,  enseigna  les  humanités  et  les  ma- 
thématiques. Il  fut  ensuite  chargé  de  l'é- 
ducation des  princes  de  Conti.  Celle  édu- 
cation lui  ayant  été  ôtée  après  la  inort  de 
la  princesse  leur  mère,  il  prit  l'habil  de 
Saint-Benoît  dans  l'abbaye  de  Saint-Cy- 
ran.  Ayant  contribue  à  élever  quelques 
troubles  dans  ce  monastère  ,  il  fut  exilé  à 
Quimperlay  en  Basse-Bretagne ,  où  il 
mourut  en  1693  ,  à  79  ans.  Les  vertus  que 
lui  attribuent  les  Mémoires  sur  Port- 
Royal  ne  s'accordent  guère  avec  ce  qu'en 
disait  le  comte  de  Brienne  en  1685. 
«  Claude  Lancelot,  né  en  1616,  est  bien 
»  le  plus  enlété  janséniste  et  le  plus  pé- 
»  dant  que  j'aie  jamais  vu.  Son  père  étoit 
»  mouleur  de  bois  à  Paris.  Il  fut  précep- 
i>  teur  de  messeigneurs  les  princes  do 
»  Conti ,  d'auprès  desquels  le  roi  le  chassa 
D  lui-même ,  après  la  mort  de  la  princesse 
»  leur  mère ,  ce  qui  l'obligea  de  se  retirer 
»  en  l'abbaye  de  Saint-Cyran  ,  où  il  a  voit 
»  déjà  reçu  le  sous-diaconat.  Depuis  son 
»  retour  dans  cette  abbaye  ,  il  y  faisoit  l;i 
»  cuisine,  et  très  mal;  ce  qu'il  continua 
«jusqu'à  la  mort  du  dernier  abbé  de 
»  Saint-Cyran.  »  Ses  principaux  ouvrages 
sont  I  :  Nouvelle  méthode  pour  appren- 
dre la  langue  latine  ,Vdx'\.% ,  1644;  in-S", 
3*  édition,  avec  des  augmentations  con- 
sidérables, 1656;  autre,  avec  un  indev 
général  des  mots  lalins  ,  1761  ;  nouvelle 
édition  avec  de  courtes  notes ,  1819. 
Lancelot  est  le  premier  qui  se  soit  af- 
franchi de  la  coutume  de  donner  à  des 
enfans  les  règles  du  latin  en  latin  même  ; 
coutume  qui ,  avec  des  difficultés  d'a- 
bord rebutantes,  avait  l'avantage  de 
hâter  les  progrès  des  écoliers ,  et  de  leur 
donner  la  pratique  avec  la  théorie  :  aussi 
s'aperçoit-on  que  depuis  qu'on  l'a  négli- 
gée, l'usage  de  la  langue  latine  est  fort 
déchu.  Les  grammaires  de  Despautèro. 
d'Alvarès  ,  et  d'autres  qui  ont  fait  tant  de 
bons  latinistes,  étaient  écrites  en  latin. 
On  a  beau  dire  que  cela  est  absurde,  quil 
est  contre  la  nature  et  l'ordre  des  choses 
d'enseigner  une  langue  dans  cette  langue 
même  ,puisque  cela  suppose  qu'on  la  sait 


LAIV 


268 


LAN 


déjà  ;  dans  les  langues  mortes  cela  est  ab- 
solument nécessaire  ;  c'est  le  seul  moyen 
de  se  les  rendre  familières,  et  de  sup- 
pléer l'avantage  qu'on  a  dans  l'appren- 
tissage des  langues  vivantes.  Dès  qu'on 
en  sait  assez  pour  comprendre  imparfai- 
tement quelques  constructions ,  il  faut  s'at- 
tacher aux  grammaires  latines.  C'est  le 
cas  d'un  enfant  qui  apprend  à  marcher  , 
à  danser  ;  ce  n'est  qu'en  pratiquant  ces 
choses  qu'il  les  apprend.  Savait-il  la  lan- 
gue maternelle  quand  on  a  entrepris  de 
la  lui  apprendre?  [Voy.  la  défense  de  ces 
observations  dans  le  Joum.  hist.  et  lit- 
tér.,  15  janvier  1783.  )  On  peut  regarder 
l'ouvrage  de  Lancelot  comme  un  extrait 
de  ce  que  Valle  ,  Scaliger ,  Scioppius,  Sa- 
turnius  et  surtout  Sauctius  ont  écrit  sur  la 
langue  latine.  On  y  trouve  des  remar- 
ques curieuses  sur  les  noms  romains,  ses- 
terces,  sur  la  manière  de  prononcer  et 
d'écrire  des  anciens  ;  |  JSouveile  Méthode 
pour  apprendre  le  grec.  Elle  vit  le  jour 
en  1653,  in-8°,  chez  Vitré,  et  réimprimée, 
souvent ,  l'a  été  encore  en  1819  :  ces  deux 
ouvrages  ont  été  traduits  en  anglais  ;  |  des 
Abrégés  de  ces  deux  ouvrages.  On  pré- 
tend que  Louis  XIV  se  servit  de  la  mé- 
thode latine.  Les  vers  français  de  ces 
deux  ouvrages  sont  de  Sacy  ;  |  Le  Jardin 
des  racines  grecques  j  in-8° ,  1657.  (  Voyez 
LABBE.  )  Cet  ouvrage  a  eu  un  grand  nom- 
bre d'éditions  ;  il  a  servi  de  modèle  à  bien 
d'autres  Jardins  de  racines  pour  l'étude 
de  diverses  langues ,  et  dont  le  succès  n'a 
fié  égalé  par  celui  d'aucune  de  ses  nom- 
breuses imitations  ;  une  Grammaire  ita~ 
tienne^  in-i2  ;  \  une  Grammaire  espa- 
fjnole,  in-12;  1  Grammaire  générale  et 
raisonnée,  in-12,  réimprimée  en  1754 
par  les  soins  de  Duclos  ,  secrétaire  de  l'a- 
cadémie française.  Cet  ouvrage  ,  fait  sur 
le  plan  et  sur  les  idées  du  docteur  Ar- 
nauld,  a  été  traduit  en  plusieurs  lan- 
gues ;  I  Deleclus  epigrammatum  ^  en  2 
vol.  in-12 ,  avec  une  Préface  par  Nicole  ; 
!  Mémoires  pour  servir  à  la  vie  de  Sainl- 
Cyran,  en  2  parties  in-12  :  ouvrage  d'un 
enthousiaste ,  qu'il  faut  apprécier  sur  la 
vie  et  les  qualités  connues  de  son  héros. 
'  Voij.  VERGER)  ;  |  Dissertation  surVhé- 
miyie  de  vin  et  la  livre  de  pain  de  Saint- 
Henoit,  in-i2.  Le  savant  Mabillon  réfuta 
inodeslement  l'opinion  de  l'auteur  ;  |  les 
Dissertations^  les  Observations  et  la  Chro- 
nologie sacrée^  qui  se  trouvent  dans  la 
Bible  de  Vitré ,  Paris ,  1662 .  in-fol. 

LAIVCELOT,   roi   de  Naples.    Voyez 
LADISLAS  , 


LAXCISI  (Jean-Marie),  célèbre  mé- 
decin italien,  né  à  Rome  en  1654 ,  mort 
dans  cette  ville  en  1720,  professeur  d'a- 
natomie  au  collège  de  la  Sapience ,  méde- 
cin et  camérier  secret  d'Innocent  XI  et  de 
Clément  XI,  exerça  ses  emplois  avec 
beaucoup  de  succès.  Il  laissa  une  nom- 
breuse bibliothèque,  qu'il  donna  à  l'hô- 
pital du  Saint-Esprit,  à  condition  qu'elle  ' 
serait  publique.  L'abbé  Christophe  Car- 
sughi  immortalisa  ce  don  précieux  par  sa 
Bibliotheca  Lancisiana^  Rome,  1718, 
in-i».  La  plupart  de  ses  productions  ont 
été  imprimées  à  Genève  en  1718  ,  2  vol. 
in-i<*,  réimprimées  en  latin  en  1739,  in- 
fol.,  et  en  1745,  4  vol.  in-4''.  On  y  trouv»; 
différens  Traités  curieux  sur  les  moris 
subites,  sur  les  mauvais  effets  des  va- 
peurs de  marais,  sur  le  ver  solitaire,  sur 
les  maladies  épidémiques  des  bestiaux  . 
sur  la  manière  dont  les  médecins  doivent 
étudier.  On  a  encore  de  lui  une  édition 
de  la  Metallotheca  vaticana  de  Michel 
Mercati ,  Rome ,  1717  ,  avec  un  Supplé- 
ment de  1719  ,  qui  manque  souvent. 

LANCIVAL.  Voyez  LUCE  de. 

LANCRET  (Nicolas),  peintre  pari- 
sien, né  en  1690,  mort  en  1743,  aimé  cl 
estimé,  étudia  sous  Pierre  d'Ulin  et  Gil- 
lot  :  il  eut  aussi  Watteau  pour  maître  : 
mais  il  ne  saisit  ni  la  finesse  de  son  pin- 
ceau ,  ni  la  délicatesse  de  son  dessin.  Il  a 
fait  pourtant  plusieurs  choses  agréables 
et  d'une  composition  riante.  On  a  gravé 
plus  de  80  sujets  d'après  ses  tableaux. 

LA1\DA  (  Catheriive  ) ,  dame  de  Plai- 
sance ,  cultivait  les  lettres  sans  vanité, 
et  n'avait  pas  les  défauts  ordinaires  des 
femmes  savantes.  Elle  écrivit  en  1526  une 
Lettre  latine  à  Bembo,  qui  se  trouve  avec 
celles  de  cet  habile  homme.  Elle  était 
sœur  du  comte  Augustin  Lando,  et  femme 
du  comte  Jean  Fermo  Trivulcio. 

*  LANDAIS  (  Pierre  ) ,  était  fils  d'un 
tailleur  de  Vitré  ,  et  travaillait  de  son  état 
chez  le  tailleur  de  François  II,  duc  de 
Bretagne,  en  1475.  Il  s'insinua  dans  les 
bonnes  grâces  de  ce  prince  qui  l'éleva  ra- 
pidement jusqu'à  la  place  importante  de 
grand  trésorier.  Landais  était  peut-être 
le  plus  adroit  politique  qu'il  y  eût  alors 
en  Europe.  Entreprenant  et  infatigable , 
il  était  en  même  temps  d'une  dureté  t- 1 
d'un  orgueil  qui  le  rendirent  le  tyran  du 
peuple  et  l'oppresseur  de  la  noblesse. 
Ennemi  de  tous  ceux  qui  pouvaient  lui 
faire  ombrage  (  Voyez  V Histoire  des  ducs 
de  Bretagne  par  Desfontaines ,  tome  2  , 
page  141  ) ,  il  ne  craisnît  pas  d'accuser 


LAIV 


2C9 


LAIV 


(le  concussion  le  vertueux  chancelier 
Chauvin ,  qu'il  fit  jeter  dans  une  prison  , 
où  il  mourut  misérablement ,  et  il  dis- 
posa de  sa  place  en  faveur  de  Fr.  Chré- 
tien ,  un  de  ses  flatteurs.  Ce  dernier  crime 
acheva  de  le  rendre  odieux ,  surtout  aux 
{grands,  qui  essayèrent ,  mais  inutilement 
de  le  perdre.  Enfin  François  II ,  voyant 
ses  sujets  prêts  à  se  révolter  ,  consentit  à 
un  examen  juridique  de  la  conduite  de 
son  indigne  favori,  et  le  remit  entre  les 
mains  du  chancelier ,  en  rappelant  à  ce 
dernier  qu'il  devait  sa  charge  à  Landais. 
La  perte  du  grand  trésorier  était  jurée. 
Les  commissaires ,  chargés  de  lui  faire 
son  procès,  le  condamnèrent  à  être  pendu, 
et  cet  arrêt  fut  exécuté  le  J9  juillet  1483 , 
sans  avoir  été  présenté  à  la  sanction  du 
duc ,  qui  lui  aurait  sans  doute  accordé  sa 
grâce.  La  confiscation  de  ses  biens,  qui 
étaient  immenses ,  avait  été  prenoncée  ; 
mais  la  fille  de  Landais  en  obtint  la  re- 
mise, et  elle  épousa,  peu  de  temps  après, 
un  noble  breton.  Landais  avait  marié  sa 
sœur  à  Adenet  Guillé.  Elle  eut  six  en- 
fans  ,  dont  le  second  nommé  Michel ,  fut 
évéque  de  Dol,  et  ensuite  de  Rennes;  le 
troisième,  nommé  Robert,  fut  évéque 
de  Nantes ,  cardinal  et  ambassadeur  près 
du  pape  Innocent  VIII. 

*  LAIVDAZURI  (  JoACHiM  ) ,  prêtre  es- 
pagnol, naquit  à  Vittoriaen  1754,  embrassa 
rétat  ecclésiastique,  et  se  livra  avec  un 
ïèle  particulier  à  l'étude  de  l'histoire  de 
son  pays.  Il  a  laissé  plusieurs  ouvrages 
(ians  ce  genre,  très  intéressans  par  les 
détails  que  l'on  y  trouve ,  et  par  la  ma- 
nière dont  ils  sont  rapportés.  Charles  III, 
reconnaissant  des  services  qu'il  avait  ren- 
dus à  son  pays,  lui  accorda  une  pension 
et  l'académie  espagnole  le  reçut  parmi 
ses  membres.  On  a  de  cet  historien  ;  |  His- 
toire ecclésiastique  et  politique  de  la  Bis- 
caye. Vittoria,  1752,  S  vol.  in-i»;  |  Géo- 
yraphie  de  la  Biscaye.  1760 ,  2  vol.  in-8°. 
C'est  de  toutes  les  gcographies  de  cette 
province  celle  qui  se  distingue  le  plus  par 
son  exactitude  :  |  Histoire  des  hommes 
illustres  de  la  i?wa?/e.  Vittoria,  1786, 
in-i".  Landazuri  mourut  à  Vittoria,  le  12 
■janvier  1806,  regretté  de  tous  ses  com- 
(palriotes,  auxquels  il  avait  consacré  pres- 
jquc  tous  les  travaux  de  sa  vie. 

LAIVDERIC.  roijez  LAKDRI. 

LAXDES.  J^oijez  DESLANDES. 

LAIVDINO  et  non  LANDINI  (  Christo- 
l'HE  ) ,  littérateur  italien ,  né  à  Florence 
en  1424,  a  traduit  V Histoire  natwelle  de 
Pline.  Sa  Fersion.  qui  n'est  pas  toujours 


exacte  ,  fut  imprimée  par  Janson ,  à  Ve- 
nise, en  1476 ,  in-fol.  En  1482 ,  on  impri- 
ma à  Florence ,  in-folio ,  ses  Commen- 
taires latins  sur  Horace  ,  et  à  Venise  en 
1520  ,  ceux  qu'il  a  faits  sur  Virgile.  Ils 
ont  été  réimprimés  plusieurs  fois  depuis  : 
mais  la  première  édition  est  la  plus  re- 
cherchée. On  lui  doit  aussi  des  Notes  sur 
le  Dante  ,  qui  ont  été  jointes  à  celles  de 
Vellutello  sur  le  même  auteur,  par  San- 
sovino ,  etc.  lia  donné  en  outre  Disputa- 
tionum  camaldulensium  librilF.  Dialogi 
de  nobilitate  animce.  etc.  Il  était  de  l'a- 
cadémie platonique  de  Florence. 

LANDO  ou  LANDI  (  Ortensio  ),  mé- 
decin milanais  du  16'  siècle ,  ne  tarda  pas 
à  quitter  sa  profession,  trop  grave  pour 
un  esprit  aussi  léger  que  le  sien.  Après 
avoir  voyagé  en  France  et  en  Italie,  il 
s'attacha  aux  évêques  de  Catane  et  de 
Trente ,  assista  à  l'ouverture  du  concile 
tenu  dans  cette  dernière  ville ,  et  mourut 
à  Venise  en  1560.  Il  est  auteur  de  plu- 
sieurs ouvrages ,  qu'il  se  plaisait  à  pu- 
blier sous  des  noms  supposés.  On  a  de 
lui  :  I  un  dialogue  intitulé  :  Forciancf 
quœstioneSj  où  il  examine  les  mœurs  et 
l'esprit  des  divers  peuples  d'Italie  ,  et 
où  il  prend  le  nom  de  Philalethes  Polyto- 
piensis.Lou\ âin,  1550,  in-8°  ;  |  deux  autres 
BialoguesA'un  intitulé  :  Cicero  relega- 
tus.  et  l'autre  Cicero  revocatus.  qui  ont 
été  faussement  attribués  au  cardinal  Jé- 
rôme Alexandre.  Ils  parurent  à  Lyon,  où 
Lando  était  alors,  en  1 534,  in-8°.  Plusieurs 
de  ses  opuscules  ont  été  réimprimés  à  Ve- 
nise, en  1554,  sous  ce  titre  :  Farj-com- 
ponimentid'Orlensio  Lamio ,  cioè  dialo- 
ghi,  novelle .  favole  ;  c'est  uti  vo!.  in-S". 
Lando ,  dans  ses  voyages  en  Allemagne, 
en  Suisse  ,  etc.  ,  s'était  laissé  corrompre 
par  les  novateurs  ;  plusieurs  de  ses  ou- 
vrages ont  été  rais  à  l'index.  On  peut  con-  | 
sulter  le  tom.  VII  de  la  Storia  Letteraria 
d'Italia.  par  Tiraboschi ,  et  le  tome  pre- 
mier des  Memorie  per  la  Storia  letteraria 
de  Piacenza.  par  Poggiali. 

*  LANDOLPIIE  (  Jean-Fraivçois  ) ,  ca- 
pitaine dans  la  marine  marchande  et  mi- 
litaire ,  né  à  Auxonne  en  Bourgogne,  le  3 
février  1747,  était  le  dernier  de  vingt- 
deux  enfans.  Il  vint  étudier  la  chirurgie 
à  Paris,  et  y  renonça  au  bout  d'un  an  pour 
entrer  dans  la  marine.  S'ctant  rendu 
à  Nantes ,  il  s'engagea  comme  mousse  à 
bord  d'un  bâtiment  marchand  ,  et  s'em- 
barqua en  1766;  pendant  les  nombreux 
voyages  qu'il  fit  depuis  cette  année  jus- 
qu'en 1786,  il  donna  des  preuves  dé  cou- 
23. 


LA]V 


270 


LAl^ 


rage  et  de  capacité.  A  celle  époque  une 
riche  compagnie  le  chargea  de  l'établis- 
sement et  de  la  direction  d'un  comptoir 
dans  les  régions  inconnues  qui  bordent 
le  golfe  de  Guinée.  Landolphe  raconte 
lui-même  dans  ses  Mémoires  tous  les  dé- 
tails de  cette  expédition  périlleuse.  Il 
nous  y  apprend  qu'étant  parvenu  à  .se 
concilier  la  bienveillance  du  roi  d'Ouère, 
il  en  obtint  la  permission  de  construire 
un  fort  à  l'embouchure  du  fleuve  de 
Bénin,  et  de  mettre  en  culture  un  ter- 
rain très  étendu.  Cet  établissement  pros- 
pérait, lorsqu'en  1792  quelques  indivi- 
dus mis  à  terre  près  du  fort,  par  deux 
vaisseaux  de  commerce  anglais  ,  armés 
de  canon ,  se  présentèrent  au  nom  de  la 
maison  Dobson  et  compagnie  de  Liver- 
l)ool ,  se  disant  chargés  de  remettre  au 
capitaine  Landolphe  de  riches  présens, 
en  reconnaissance  des  services  qu'il  avait 
rendus  l'année  précédente  à  un  bâtiment 
de  cette  maison  :  les  présens  furent  ac- 
ceptés, et  la  journée  se  passa  en  fêtes; 
mais  pendant  la  nuit ,  Landolphe  fut  as- 
sailli par  ces  brigands ,  et  obligé ,  pour 
sauver  ses  jours,  de  se  jeter  dans  les  fos- 
sés du  fort  qui  étaient  remplis  d'eau.  Au 
bruit  des  armes ,  les  nègres  de  la  colonie 
sonnent  le  tocsin,  et  cherchent  les  Anglais 
qui  venaient  de  fuir ,  après  avoir  mis  le 
feu  aux  différens  magasins ,  et  surtout  à 
celui  de  poudre  qui  sauta.  Cet  acte  de  bri- 
jfandage  et  de  piraterie  n'a  jamais  donné 
lieu  à  une  enquête  ,  ni  à  une  réparation 
quoiqu'il  eût  été  commis  en  pleine  paix  : 
la  guerre  qui  éclata  peu  de  temps  après 
entre  la  France  et  l'Angleterre ,  ne  per- 
mit pas  de  s'en  occuper,  et  Landolphe  ne 
put  rien  obtenir  à  l'époque  du  traité  d'A- 
miens. Cependant  il  s'en  était  vengé  lui- 
même  au  commencement  de  la  révolution: 
ayant  pris  du  service  dans  la  marine  mili- 
taire, il  s'empara  de  l'ile  du  Prince ,  où  il 
captura  64  bâtimens  ennemis,  et  930  piè- 
ces de  canon  évalués  à  43  millions  de 
francs.  Ce  brave  capitaine  est  mort  d'une 
attaque  d'apoplexie,  à  Paris  le  15  juillet 
4825.  Depuis  22  ans ,  de  graves  blessures 
l'avaient  éloigné  du  service  (  1802  ). 
5es  Mémoires,  écrits  d'une  manière  un 
peu  emphatique,  sont  intitulés  :  Mémoii'es 
du  capitaine  Landolphe  ^  contenant  l'his- 
toire de  ses  voyages  pendant  trente-six 
ans  s  aux  côtes  d'Afrique  et  aux  deux 
Amériques^  rédigés  sur  son  manuscrit  par 
J.  S.  Quesné,  Paris,  1823,  2  vol.  in-8°, 
ornés  de  figures.  Le  célèbre  Palisot  de 
licauvais,  àqui  il  avait  facilité  les  moyens 


de  pénétrer  très  avaut  en  Afrique  »  lui 
a  consacré  sous  le  nom  de  Landolphia 
owariensis  une  très  belle  plante  de  cette 
contrée. 

LAIVDOîV  ,  pape  ,  successeur  d'Anas- 
tase  III ,  en  91/i. ,  mourut  à  Rome,  après 
six  mois  de  pontificat.  Soumis  aveuglé- 
ment aux  volontés  de  la  fameuse  Thécn 
dora,  mère  de  Marosie,  il  ordonna  arche- 
vêque de  Ravenne  le  diacre  Jean,  un  des 
favoris  de  cette  femme  impérieuse.  La 
mort  enleva  ce  pontife  peu  de  temps 
après. 

'  L.VNDON  (  C.  P.  ),  peintre  et  littéra- 
teur, né  vers  l'an  1760,  se  livra  de  bonne 
heure  à  l'étude  de  la  peinture,  et  obtint 
plusieurs  prix ,  qui  lui  méritèrent  d'être 
envoyé  à  Rome  ,  comme  pensionnaire  de 
l'académie  française.  De  retour  à  Paris, 
il  fut  nommé  directeur  du  Musée.  Artiste, 
écrivain  et  éditeur  d'ouvrages  relatifs 
aux  beaux-arts  ,  il  devint  correspondant 
de  la  4*  classe  de  l'institut,  et  membre 
de  plusieurs  sociétés  savantes.  Il  est  mort 
le  7  mars  1826,  âgé  de  près  de  67  ans,  et 
a  publié  :  |  Nouvelles  des  arts^  5  vol.  in-S"  ; 
I  Annales  du  Musée  et  de  l'école  modems 
des  beaux  arts^  1"^'  collection,  de  1801  à 
1810, 17  vol.  in-S";  2'  collection,  1810-17,  12 
vol.  in-8".  On  joint  ordinairement  à  cet 
ouvrage  les  Paxjsages  et  Tableaux  de 
genre,  180S ,  4  vol.  in-8°  ;  |  Annales  du 
Musée ,  2*  collection  ,  qui  comprend  le 
Salon  de  1817, 12  vol.  in-8''  ;  ]  La  Galerie 
Giustiniani  et  la  Galetie  Massias.  33  vol.  ; 
chacun  des  trente-trois  volumes  qui  com- 
posent cette  précieuse  collection  contient 
72  planches  gravées  au  trait.  Les  princi- 
paux tableaux  qui  y  sont  retracés  ne  se 
trouvent  plus  en  France,  ayant  été  ren- 
dus (  en  1815  )  à  leurs  premiers  proprié- 
taires ;  I  Vies  et  œuvres  des  peintres  les 
plus  célèbres,  1803  et  suiv.  ,  20  vol.in-4°. 
Elles  renferment  les  portraits  elles  œuvres 
complètes  du  Dominiquin ,  de  Michel- 
Jinge,  de  Raphaël ,  du  Poussin  et  de  Le- 
sueur,  avec  un  choix  des  productions  les 
plus  remarquables  de  l'Albane ,  de  Da- 
niel ,  de  Volterre ,  de  Baccio-Bandinelli, 
et  le  premier  volume  de  peintures  anti- 
ques :  I  Description  de  Paris  et  de  ses 
édifices,  avec  un  Précis  historique,  et  des 
observations,  par  Legrand,  2  vol.  in-S**, 
de  1806  à  1&09;  |  Galerie  historique  des 
hom77ies  les  plus  célèbres  de  tous  les  siè- 
cles et  de  toutes  les  nations,  12  vol.  in-8"; 
I  Choix  de  biographies  anciennes  et  mo- 
de/mes, 2  vol.in-l2,  avec  l-U  portr.  C'est 
un  abrégé  de  l'ouvrage  précédent.  )  Art' 


LAN 


271 


LAIV 


tiquités  d'Athènes  d'après  Stuart,  3  vol. 
in -fol.  ,  avec  le  texte  traduit  en  français  ; 
1  Description  de  Londres  et  de  ses  édifi- 
ceSj  1  vol.  in-8° ,  avec  42  planches  ;  |  Le 
saint  Evangile  de  N.  S.  J.-C.  ,  imprimé 
par  Didot,  avec  ol  planches  au  traita 
d'après  Raphaël ,  Poussin  et  l'Albane  ; 
I  Recueil  des  ouvrages  de  peinture  et 
sculpture  qui  ont  concouru  pour  les  prix 
décennaux,  in-8°,  avec  45  planches  ;  ]  At- 
las du  Musée,  ou  Catalogue  figuré  de  ses 
Tableaux  et  Statues;  \  Lfi  Amou?'s  de 
Psyché  et  de  Cupide^,  in-fol.  ,  imprimé 
par  Didot ,  52  planches  au  trait ,  d'après 
llaphaël. 

LA.NDRI  ou  LANDE  RIO,  maire  du  pa- 
lais de  Qotaire  II,  sut  défendre  ce  roi  de 
Neustrie  pendant  sa  jeunesse  contre  Chil- 
debert  II  (  584-628  ).  Landri  fit  avancer 
vers  le  camp  de  Childebert  quelques 
troupes ,  avec  des  rameaux  qu'elles  plan- 
tèrent; de  sorte  que  les  gens  de  Childe- 
bert s'imaginaient  être  auprès  d'un  bois- 
taillis.  Mais,  au  point  du  jour,  les  soldats 
de  Landri  sortirent  de  ces  feuillages  ,  et 
attaquèrent  si  brusquement  ceux  de  Chil- 
debert, qu'ils  les  mirent  en  fuite  en  593. 
Stratagème  digne  de  figurer  parmi  ceux 
que  rapporte  Julius  Frontinus  dans  son 
traité  de  Stratagematibus,  tl  qui  est  assez 
semblable  à  quelques-uns  de  ceux  qu'il 
dit  avoir  le  mieux  réussi.  Ses  relations  cri- 
minelles avec  Irédégonde  ne  sont  que 
trop  réelles. 

LANDRI  (  saint) ,  évêque  de  Paris  ,  si- 
gnala sa  charité  durant  la  grande  famine 
qui  affligea  cetle  ville  l'an  651.  Ce  fut  lui 
qui  fonda  vers  le  même  temps  l'hôpital 
qui  dans  la  suite  a  pris  le  nom  d'Hôtel- 
Dieu.  Après  sa  mort,  sa  précieuse  dé- 
pouille fut  déposée  dans  l'église  de  Saint- 
Germain-l'Auxerrois,  qui  alors  était  sous 
linvocation  de  saint  Vincent. 

LANFANT  (  le  père  )  roy.  LENFANT. 

LAINFRANC,  archevêque  de  Cantor- 
béry  ,  naquit  à  Pavie  vers  l'an  1005;  il 
était  fils  d'un  conseiller  du  sénat  de  cetle 
ville.  Après  s'être  distingué  par  sa  science 
et  avoir  enseigné  le  droit  à  Pavie,  il  passa 
en  France  et  se  consacra  à  Dieu  en  1041 
dans  le  monastère  du  Bec,  dont  il  devint 
prieur.  Il  y  ouvrit  son  école  ,  qui  devint 
la  plus  célèbre  de  l'Europe  :  il  en  établit 
une  autre  de  littérature  à  Avranches  ; 
mais,  en  allant  d'Avranches  à  Rouen, 
ayant  été  arrêté  par  des  voleurs ,  qui  le 
laissèrent  attaché  à  un  arbre ,  il  fut  dé- 
goûté du  monde.  H  se  distingua  aussi  par 
le  zèle  avec   lequel  il  combattit  les  er- 


reurs de  Béranger  au  concile  de  Rome, 
en  1059,  et  dans  plusieurs  autres  conciles. 
Guillaume,  duc  de  Normandie  ,  le  tira  de 
son  monastère  pour  le  mettre  à  la  tête 
de  l'abbaye  de  Saint-Etienne  de  Caen, 
en  1063.  Lanfranc  y  ouvrit  encore  xme 
école  qui  devint  aussi  fameuse  que  celle 
du  Bec.  En  i070,  Guillaume,  devenu 
roi  d'Angleterre,  appela  Lanfranc,  et  lui 
donna  l'archevêché  de  Cantorbéry.  Le 
nouvel  archevêque  rebâtit  la  cathédrale 
de  Cantorbéry,  et  y  fonda  plusieurs  hô- 
pitaux. Guillaume  avait  une  telle  con- 
fiance en  lui ,  qu'il  le  chargeait  du  gou- 
vernement de  l'Angleterre,  quand  il  était 
obligé  de  passer  en  Normandie.  Ce  saint 
prélat  mourut  en  1089 ,  illustre  par  ses 
vertus  et  par  son  zèle  pour  le  maintien  de 
la  discipline ,  des  droits  de  son  église  et 
des  immunités  ecclésiastiques.  Il  fut  re- 
gardé à  la  fois  comme  un  homme  d'état 
habile,  et  comme  un  prélat  savant.  Ses 
ouvrages  ont  été  recueillis  par  dom  d'A- 
chery,  et  imprimés  à  Paris  chez  Biluine 
en  1648 ,  in-fol.  On  y  trouve  :  |  son  fa- 
meux Traité  du  corps  et  du  sang  de  IVo- 
tre-Seigneur,  contre  Béranger;  \  des  Com- 
mentaires sur  saint  Paul  ;  |  des  Notes  sur 
Cassien;  ]  des  Lettres;  des  Sentences,  où 
il  est  parlé  en  détail  des  exercices  de  la 
vie  monastique  ,  ouvrage  découvert  par 
dom  d'Achery,  après  son  édition  des  écrits 
de  Lanfranc,  et  inséré  dans  le  4'  tome  de 
son  Spicilége.  «  Cet  auteur,  dit  l'abbé 
B  Bergier,  se  sent  moins  que  ses  contera- 
B  porains  de  la  rudesse  du  siècle  dans  le- 
»  quel  il  écrivait;  il  montre  une  grande 
»  connaissance  de  l'Ecriture  sainte ,  de  la 
»  tradition  et  du  droit  canonique.  On 
»  trouve  dans  ses  écrits  plus  de  naturel , 
»  d'ordre  et  de  précision,  que  dans  le» 
»  autres  productions  du  il'  siècle.  Les 
»  protestans ,  qui  ont  témoigné  en  faire 
»  peu  de  cas  parce  qu'il  était  moine , 
»  avaient  oublié  que  son  mérite  seul  le 
1)  fit  placer  sur  le  premier  siège  d'Angle- 
»  terre  ;  qu'il  gagna  la  confiance  de  Guil- 
»laume  le  Conquérant;  que  pendant  l'ab- 
»  sence  de  ce  prince,  Lanfranc  gouverna 
»  plusieurs  fois  le  royaume  avec  toute  la 
»  sagesse  possible.  Il  ne  faut  donc  juger 
»  des  hommes ,  ni  par  l'habit  qu'ils  ont 
«porté,  ni  par  le  siècle  dans  lequel  ilsont 
»  vécu  :  le  cloître  fut  et  sera  toujours  le 
»  séjour  le  plus  propre  pour  se  livrer  àl'é- 
»  tude,  pour  acquérir  tout  à  la  fois  beaucoup 
»  deconnaissanceselde  vertus.  Onn'aqu'à 
û  confronter  ce  qu'a  écrit  Lanfranc  ,  pour 
I  »  établir  le  dogme  de  l'eucharistie,  avec 


LAN 


272 


LAN 


•  ce  que  les  plus  habiles  ministres  proles- 
B  tans  ont  fait  pour  l'attaquer  ;  on  verra 
»  de  quel  côté  il  y  a  plus  de  justesse  et  de 
»  solidité.  »  Quelques  écrivains  satiriques 
et  détracteurs  ont  attaqué  la  mémoire  de 
ce  prélat;  mais  on  trouve  une  réfutation 
solide  de  ce  qu'ils  ont  avancé  dans  Yjdn- 
çlia  sacra  de  Warthon.  Lanfranc  avait 
fait  encore  une  Histoire  ecclésiastique^  la 
Vie  ôiQ  Guillaume  le  Conquérant,  et  un 
Commentaire  sur  les  psaumes ,  qui  sont 
perdus.  Scsœuvres  se  trouvent  aussi  dans 
la  Bibliothèque  des  Pères. 

L.\^'FRAI\C,  médecin  de  Milan,  du 
13*  siècle,  professa  avec  succès  en  cette 
ville  la  médecine  et  la  chirurgie.  Cepen- 
dant il  essuya  des  chagrins,  dont  il  ne  dit 
point  le  sujet ,  mais  qui  paraissent  être 
relatifs  aux  querelles  des  Guelfes  et  des 
Gibelins  ;  il  fut  même  arrêté  et  mis  en 
prison.  Le  vicomte  Matthieu  lui  permit  de 
se  transporter  où  il  jugerait  à  propos ,  et 
dès  qu'il  eut  choisi  la  France ,  ce  sei- 
gneur l'y  fit  conduire;  Il  fut  appelé  en 
divers  lieux  du  royaume,  et  demeura 
quelque  temps  à  Lyon.  L'an  1293  il  se 
rendit  à  Paris ,  sur  les  instances  de  plu- 
sieurs seigneurs  et  maîtres  en  médecine, 
mais  particulièrement  de  maître  Jean  de 
Passavant ,  et  d'après  les  sollicitations  des 
bacheliers  en  médecine ,  pour  enseigner 
publiquement  la  chirurgie  et  démontrer 
les  opérations  de  cet  art.  La  chirurgie 
était  entièrement  abandonnée  aux  bar- 
biers ou  à  des  empiriques  ignorans.  Il  éta- 
blit entre  les  médecins  et  les  barbiers 
une  classe  de  sa  vans,  qui  joignaient  la 
pratique  des  opérations  manuelles  à  la 
science  médicale,  comme  faisait  Lanfranc. 
De  là  est  venu  le  collège  des  chirurgiens 
de  Saint-Côme,  à  Paris ,  qui  a  commencé 
du  temps  de  saint  Louis.  On  a  de  lui  : 
Chirurgia  m,agna  et parva  ^  Venise,  1490, 
in-fol.  ,  réimprimée  plusieurs  fois  de- 
puis :  dans  l'édition  de  Lyon,  1553,  on 
trouve  les  écrits  de  Roger,  de  Bertapalier, 
de  Roland  et  de  Gui  de  Chauliac ,  sur  la 
chirurgie.  Lanfranc  a  souvent  copié 
Guillaume  Salicet  sans  le  citer.  Son  ou- 
vrage a  été  traduit  en  français  par  maître 
Guillaume  Yvoire ,  Lyon ,  li90 ,  in-i",  et 
en  allemand  par  Othon  Brunfels ,  Franc- 
fort, 1566,  in-S". 

LAIVFRAIVC  (  Jean  ),  peintre  né  à 
Parme  en  1581 ,  mort  à  Rome  en  1647, 
à  66  ans,  fut  d'abord  page  du  comte  Scotti; 
mais  étant  né  avec  beaucoup  de  disposi- 
tions et  de  goût  pour  le  dessin,  il  en  fai- 
sait son  amusement.  Le  comte  s'en  aper- 


çut ,  et  le  mena  lui-même  dans  l'école 
d'Augustin  Carrache  ,  et  depuis  dans  celle 
d'Annibal  Carrache.  Les  progrès  rapides 
que  Lanfranc  faisait  dans  la  peinture  lui 
acquirent  bientôt  un  grand  noui .  et  lui 
méritèrent  la  dignité  de  chevalier.  Ce 
peintre  avait  une  imagination  vaste,  qui 
exigeait  de  grands  sujets.  Il  ne  réussissait 
que  médiocrement  aux  tableaux  de  che- 
valet. Il  a  surtout  excellé  à  peindre  des 
coupoles:  on  cite  comme  ses  chefs-d'œuvre 
en  ce  genre ,  celles  de  saint- André  délia 
P^alle  j  du  Jésus  et  du  trésor  du  Saint- 
Sauveur  ,  à  Naples.  Le  Musée  du  Louvre 
possède  de  ce  maître  les  tableaux  suivans  : 
^gar  dans  le  déserta  saint  Pierre^  saint 
Paul,  et  saint  Jugustin.  Il  a  gravé  aussi 
à  l'eau  forte ,  et  en  partie  d'après  ses  pro- 
pres compositions  ,  la  bible  de  Raphaël, 
1607,  51  feuilles  in-4°. 

*  LANFREDLM  (  Jacques  ),  savant 
cardinal,  naquit  à  Florence  le  26  octobre 
1670.  Ayant  embrassé  l'état  ecclésiastique, 
il  courut  la  carrière  de  la  prélalure  ro- 
maine. La  première  charge  qu'il  occupa 
fut  celle  d'auditeur  civil  du  cardinal  ca- 
merlingue, en  1722.  L'année  suivante,  il 
fut  déclaré  prélat  domestique,  membre 
de  la  congrégation  consistoriale  ,  et  réfé- 
rendaire de  l'une  et  l'autre  signature.  Le 
16  mars  1727,  il  reçut  l'ordre  de  la  prê- 
trise des  mains  du  pape  Benoît  XIII.  Clé- 
ment XIII,  son  compatriote  ,  le  nomuja 
en  1730  à  un  canonicat  de  Saint-Piet  ru. 
Il  fut  successivement  secrétaire  de  la  con- 
grégation du  concile,  volant  de  la  signa- 
ture de  grâce  ,  dalaire  de  la  pénitencerie, 
enfin  cardinal  le  24  mars  1735.  Il  quitta 
alors  le  nom  d'Amadori ,  qu'il  avait  porté 
jusque  là,  pour  prendre  le  nom  de  Lan- 
fredini ,  qui  était  celui  de  sa  famille.  Le 
27  du  même  mois  ,  le  pape  le  proposa  en 
consistoire  pour  les  évêchésunis  d'Osimo 
et  de  Cingoli  dans  la  Marche  d'Ancône  ; 
et  le  4  avril  suivant ,  il  fut  sacré  par  le 
cardinal  Guadagni.  C'était  un  prélat  sa- 
vant et  zélé ,  qui  ne  s'illustra  pas  moins 
par  ses  vertus  épiscopalesquepar  sa  pro- 
fonde érudition.  Il  mourutle  16  mai  1741, 
laissant  dans  son  diocèse  de  grands  exem- 
ples de  sagesse  et  de  charité.  Il  était  dans 
la  71'  année  de  son  âge.  Ou  a  de  lui  : 
I  Raccoltad'orazioni  sinodali  epastorali, 
Jesi,  1740^  in-4°  ;  j  Lettere pasloralij  etc. . 
Turin,  1768,  2  vol.  in-8°;  |  Letlere  scritiel 
alla  nobiità  ed  agli  artisti.  in-S".  L'abbé 
Lami  publia  sa  P'ie  dans  le  tome  '2  des 
Memorabilia  Italorum  eruditione  pra- 
stantium.  Guarnaci  et  Buonamici  en  p.ir- 


LAN 


273 


LA]« 


lent  avec  éloge,  le  premier,  dans  son  livre 
intitulé  :  f^itœ  et  gâsta  pontificum  roma- 
norum^  et  S.  R.  E.  cardinalium  ^  pag, 
681,  Rome  ,  1751,  2  vol.  ;  et  l'autre  dans 
son  ouvrage ,  De  clans  pontifie,  epist. 
scriptoribus,  pag.  286. 

LANG  (Jean-Micbel  ),  né  à  Ezelwan- 
gea ,  dans  le  duché  de  Sultzbach ,  en  1664, 
obtint  la  chaire  de  théologie  à  Allorf. 
Mais  s'y  étant  attiré  des  ennemis,  il  quitta 
cette  place ,  et  alla  demeurer  à  Prentzlow, 
où  il  mourut  !e  20  juin  1731.  On  a  de  lui  : 
I  De  fàbulîs  mohammedicis^  1697,  in-4°; 
I  plusieurs  Traités  latins  sur  le  mahomé- 
tisme  et  l'Alcoran;  |  Dissertationes  bota- 
nico  -  theologicce ^  Altorf,  1703,  in -4°; 
I  Philologia  barbaro-grœca,  Nuremberg , 
1708,  in-4°. 

LANGALLEUIE  (Philippe  de  GEN- 
TILS ,  marquis  de  ),  premier  baron  de 
Saintonge,  naquit  à  la  Motte-Charente, 
en  1656.  Il  se  consacra  aux  armes  dès  sa 
jeunesse,  fit  trente-deux  campagnes  au 
service  de  Franco,  donna  de  grandes 
preuves  de  valeur ,  et  parvint  au  grade 
de  lieutenant-général  en  1704.  Son  carac- 
tère hautain  et  son  excessive  ambition  lui 
puscitèrent  des  discussions  désagréables , 
qui  l'engagèrent  à  passer  au  service  de 
l'empereur  en  1706.  Il  fut  jugé  en  France 
comme  déserteur ,  et  condamné  à  être 
pendu.  Ayant  obtenu  dans  l'armée  de 
l'empereur  l'emploi  de  général  de  la  ca- 
valerie ,  il  ne  le  garda  pas  long-temps , 
parce  qu'il  s'attira  la  disgrâce  du  prince 
Eugène  qu'il  avait  acompagné  au  siège 
de  Turin,  et  sous  lequel  il  avait  failles 
deux  campagnes  suivantes.  Il  quitta  l'em- 
pereur, passa  en  Pologne,  où  il  fut  fait 
général  de  la  cavalerie  lithuanienne ,  et 
ne  fut  pas  plus  tranquille.  Il  se  fit  luthé- 
rien en  1711 ,  dans  l'espérance  de  trou- 
ver plus  facilement  de  l'emploi  chez  les 
princes  protestans.  Après  diverses  courses 
à  Francfort ,  à  Berlin ,  à  Hambourg ,  à 
Brème,  à  Cassel,  il  partit  pour  la  Hol- 
lande ,  où  il  se  lia  très  étroitement  avec 
l'aga  turc,  ambassadeur  à  la  Haye,  qui 
conclut  un  traité  avec  lui  au  nom  du 
Grand-Seigneur.  On  n'en  a  jamais  bien  su 
les  articles,  mais  en  général  on  croit  qu'il 
s'agissait  d'une  descente  en  Italie,  dont  le 
marquis  devait  commander  les  troupes. 
C'était  l'effet  des  intrigues  du  cardinal 
Alberoni,  qui  s'était  ligué  avec  les  Otto- 
mans pour  donner  de  l'occupation  à  l'em- 
pereur, et  réaliser  son  vaste  et  chimérique 
projet.  Le  marquis  passait  à  Hambourg 
jîour   faire  préparer  des  vaisseaux,  lors- 


que l'empereur  le  fit  arrêter  à  Stade  en 
1716.  On  le  conduisit  à  Vienne  ,  puis  au 
château  de  Raab  ou  Javarin  dans  la  Hon- 
grie ,  où  il  mourut  de  chagrin  en  1717.  Il 
a  paru ,  en  1743  ,  des  Mémoires  du  mar- 
quis de  Langallerie  ^  Histoire  écrite  par 
lui-même  dans  sa  prison  à  Vienne  i  la 
Haye  ,  in-12.  Cette  prétendue  histoire  est 
un  roman  qu'on  a  voulu  débiter  à  la  fa- 
veur d'un  nom  connu  :  les  noms,  les  faits, 
les  dates ,  tout  en  démontre  la  fausseté. 
On  prétend  que  le  marquis  de  Langal- 
lerie avait  formé  le  projet  de  rassembler 
dans  les  îles  de  l'Archipel  les  restes  de  la 
naUgn  hébraïque.  On  peut  consulter  sur 
ce  personnage  le  Manifeste  de  Philippe  de 
Gentils,  marquis  de  Langallerie .  écrit 
par  lui-même^  en  1706,  Cologne,  1707. 
in-4°;  la  Guerre  d'Italie  ou  Mémoires 
historiques^  politiques  etgalqns  du  mar- 
quis de  Langallerie,  Cologne ,  1709,  2  vol. 
in-12,  espèce  de  roman  historique ,  où 
l'on  trouve  beaucoup  de  fautes  grossières. 

LANGBAI^iE  (Gérard),  né  à  Barton- 
Kirke,  dans  le  "Westmoreland,  en  Angle- 
terre, mort  en  1638,  à  50  ans,  fut  garde 
des  archives  de  l'université  d'Oxford.  On 
a  de  lui  plusieurs  écrits,  dans  lesquels 
l'érudition  est  semée  à  pleines  mains.  Les 
plus  connus  sont  :  |  une  Edition  de  Lon- 
gin,  en  grec  et  en  latin,  avec  des  notes, 
1656  in-8°  ;  |  Fœderis  scotici  examen^  en 
anglais ,  1644,  in-4'*;  |  une  Traduction  an- 
glaise de  l'Examen  du  concile  de  Trente, 
par  Martin  Chemnitz.  (  Voyez  ce  nom.  ) 
I  Platonicorum  aliquot  qui  etiamnum  su 
persunt  authorum  ^  grœcorum  iinpri- 
mis.  mox  et  latinorum  syllabus  alpha- 
beticus^  à  la  suite  de  l'AlcinouSj  in  Pla- 
tonicam  philosophiam  introductio  du  doc 
teur  Fell ,  1667,  in-8°. 

LANGE  (Rodolphe),  gentilhomme  de 
Westphalie  et  prévôt  de  la  cathédrale  de 
Munster,  fut  envoyé  par  son  évêque  et 
par  son  chapitre,  vers  le  pape  Sixte  IV, 
pour  une  affaire  importante ,  et  s'acquitta 
fort  bien  de  sa  commission.  A  son  retour, 
il  fit  étabUr  un  collège  à  Munster.  Lange 
fut,  par  cet  établissement  et  par  ses  écrits, 
le  principal  restaurateur  des  lettres  en 
Allemagne.  On  a  de  lui  plusieurs  Poèmes 
latins  (  sur  le  dernier  siège  de  Jérusalem  , 
sur  la  sainte  Vierge,  sur  saint  Paul),  que 
l'on  ne  croit  pas  avoir  été  imprimés 
Maittaire  en  indique  cependant  une  édi- 
tion de  Munster,  i486,  in-4°.  Lange  mou- 
rut en  1519 ,  à  81  ans  ,  pleuré  de  ses  con- 
citoyens, dont  il  avait  été  le  bienfailcui 
et  la  lumière. 


LAN 


274 


LAN 


LANGE  (Paul)  ,  bénédictin  allemand, 
el  ensuite  disciple  de  Luther ,  natif  de 
Zwickau  en  Misnie,  parcourut  en  1513 
les  couvens  d'Allemagne ,  afin  de  recher- 
cher des  monumens.  Il  est  auteur  d'une 
Chronique  des  évéques  de  Zeitz^  en  Saxe, 
depuis  968  jusqu'en  1515,  hupiimée  dans 
le  premier  tome  des  écrivains  d'Alle- 
magne. Il  7  loue  Luther ,  Carlostad  et  Mé- 
lanchthon ,  et  y  déclame  contre  le  clergé  : 
c'est  ce  qui  l'a  rendue  si  précieuse  aux 
protestans;  comme  si  le  suffrage  d'un 
moine  apostat  pouvait  justifier  le  schisme 
fatal  par  lequel  ils  ont  déchiré  l'Eglise. 

LANGE  (Jean),  né  à  Lœwenberg,  en 
Silésie,  l'an  li8b,  mort  à  Heidelberg,  en 
1565,  exerça  la  médecine  en  cette  ville 
avec  distinction ,  et  fut  médecin  de  quatre 
électeurs  palatins.  On  a  de  lui  :  Episto- 
larum  medicinalium  opus  miscellaneum  ^ 
Francfort ,  1689 ,  in-8°  :  recueil  rempli 
d'une  rare  érudition ,  et  dont  la  lecture 
est  utile  à  tous  ceux  qui  veulent  ap- 
prendre l'histoire  de  la  nature.  —  Il  est 
différent  de  Curistopee-Jean  LANGE,  né 
à  Pégau  dans  la  Misnie ,  en  1635,  profes- 
seur en  médecine  à  Leipsick ,  mort  en 
1701,  dont  les  ouvrages  ont  paru  à  Leip- 
sick ,  1704 ,  en  2  tomes  in-fol. 

LANGE  (Joseph)  ,  Langius^  né  à  Kei- 
sersberg,  dans  la  Haute- Alsace,  mort  vers 
1650 ,  fut  professeur  de  grec  à  Fribourg , 
dans  le  Brisgau ,  vers  1610,  se  fit  ensuite 
catholique,  et  publia  la  compilation  inti- 
tulée Polyanthea  nova,  Genève,  1600, 
in-fol.  Lyon,  1604  ,  Francfort,  1607.  On 
y  trouve  des  passages  sur  toutes  sortes 
de  matières.  On  a  encore  de  lui  Flori- 
geliiim,  recueil  alphabétique  de  sen- 
tences ,  apopîitliogm^s ,  etc.  Strasbourg , 
1615,  in-8"  ;  Elcmentàle  mathematicum , 
m-8°.  On  lui  doit  aussi  des  éditions  de 
Perse,  de  Juvénal,  avec  des  Index  très 
amples. 

LANGE  (CnARLES- Nicolas),  habile 
naturaliste  suisse,  a  donné  en  latin  : 
j  Historia  lapidum  figxiratorum  Helvetiœ, 
Venise ,  1708 ,  \n-h°  ;  |  Origo  lapidum  fi- 
guratorunij,  Lucerne,  1706,  in-4°;  |  Me- 
thodus  testacea  marina  distribvendi , 
Lucerne ,  1722,  in-h.".  Ces  ouvrages ,  el 
surtout  le  premier ,  sont  recherchés  par 
les  naturalistes. 

LANGE  (François),  avocat  au  parle- 
ment de  Paris,  natif  de  Reims  en  1610, 
mort  à  Paris  en  1684 ,  à  74  ans ,  s'est  fait 
un  nom  par  le  livre  intitulé  Le  Praticien 
français  ;  il  parut  pour  la  première  fois 
sous  le  nom  de  Gastier,  procureur  au 


parlement.  Il  en  était  à  sa  4*  édition, 
lorsque  les  nouvelles  ordonnances  de 
1667  et  de  1670  en  mettant  de  l'ordre 
dans  la  procédure  civile  et  criininelk-, , 
et  en  changeant  la  jurisprudence  dis 
arrêts,  forcèrent  de  le  refondre.  Depuis 
il  en  parut  un  grand  nombre  d'éditions, 
La  dernière  est  celle  donnée  par  Pimont, 
conseiller  référendaire  à  la  chancellerie , 
Paris,  1755,2  vol.  in-4°. 

LANGEAC  ou  LANGHAC  (Jean  de), 
né  d'une  ancienne  maison  à  Langeac, 
diocèse  de  Saint-Flour ,  acheva  ses  étudeo 
à  Paris,  et  embrassa  l'état  ecclésiastique. 
La  quantité  de  bénéfices  qu'il  posséda  est 
étonnante  ;  mais  il  faisait  un  bon  usage 
de  ses  revenus.  François  I",  qui  l'aimait , 
le  lit  son  aumônier  en  1516 ,  maître  des 
requêtes  en  1518,  ambassadeur  en  Portu- 
gal, en  Pologne,  en  Hongrie,  en  Suisse, 
en  Ecosse,  à  Venise,  à  Ferrare,  en  An- 
gleterre, et  enfin  à  Rome.  Ce  fut  à  sa 
recommandation  que  Robert  Cenalis  lui 
succéda  en  l'évêché  d'Avranches.  Dai.s 
tous  les  lieux  où  il  se  trouva,  il  ne  fut 
occupé  que  du  bien  public.  Sa  mémoire 
subsiste  encore  à  Limoges ,  où  on  l'ap- 
pelle le  bon  évêque.  Il  aimait  et  protégeait 
les  lettres.  Etienne  Dolet  lui  dédia  ses  trois 
livres ,  De  officio  legati,  quem  vulgo  am- 
bassiatorem  vacant;  de  immunitate  lega- 
torum;  de  legationibus  Langiachi  epi- 
scopi  Lemovicensis ,  imprimés  à  Lyon  en 
1541 ,  in-4°.  Ce  digne  prélat  mourut  la 
même  année  à  Paris,  très  regretté. 

LANGELY.  Voyez  ANGELY  (1'  ). 

LANGEVIN  (  Raoul  ),  chanoine  do 
Bayeux ,  composa  en  1209, le  fameux  Cai- 
tulaire  de  cette  église ,  si  connu  sous  le 
nom  de  son  auteur.  C'est  une  compila- 
tion des  statuts,  usages  et  cérémonies  qui 
se  pratiquaient  de  son  tetnps  dans  cette 
cathédrale ,  à  laquelle  elle  sert  encore  di; 
loi.  Ce  manuscrit  précieux  fut  sauvé ,  par 
un  accident  heureux ,  des  horribles  ra- 
vages des  protestans,  en  1562. 

LANGEVIN  (  Eléonor  ),  docteur  do 
Sorbonne,  natif  de  Carantan,  mort  en 
1707,  est  auteur  d'un  livre  intitulé  :  VI/i- 
faillibilité  de  V Eglise  ,  touchant  la  foi  et 
les  mœurs,  contre  Masins,  professeur  de 
Copenhague,  Paris,  1701 ,  2  vol.  in-12. 

LANG-JEAN  (Rémi),  peintre ,  natif  de 
Bruxelles,  mort  en  1671,  fut  le  meilleur 
des  élèves  de  Van  Dyck.  Il  forma  sa  ma- 
nière sur  celle  de  son  maître,  et  il  a  as- 
sez bien  saisi  son  coloris;  mais  il  n'a  pu 
atteindre  à  la  même  lincsse  de  dessin.  On 
voit  peu  de  tableaux  de  cht-valct  de  Lai)j;- 


LAIV 


27S 


LAN 


Jean.  Ses  principaux  ouvrages  sont  des 
sujets  de  dévotion ,  peints  en  grand. 

LANGIUS.   royez  LANGE. 

LANGIUS,  ou  LANGE  (Charles),  né 
selon  quelques-uns  à  Gand,  et  selon 
d'autres  à  Bruxelles  ,  fut  chanoine  de  l'é- 
glise de  Liège  ,  où  il  mourut  dans  un  âge 
peu  avancé ,  le  29  juillet  1573.  Il  fut  étroi- 
tement lié  avec  Juste-Lipse  et  plusieurs 
autres  savans  de  son  temps.  Langius  était 
1res  versé  dans  le  grec  et  le  latin ,  bon 
poète ,  et  l'un  des  plus  judicieux  critiques 
de  son  siècle  ;  tous  ceux  qui  en  ont  parlé 
conviennent  qu'il  réunissait  en  lui  une 
érudition  extraordinaire  et  une  piété  très 
exemplaire.  Nous  avons  de  lui  des  Co7n- 
mentaires  sur  les  Offices  de  Cicéron^  sur 
les  Comédies  de  Plante ^  et  plusieurs  Pîèces 
de  vers. 

LAKGLADE.  Voyez  FAYARD  de  LAN- 
GLADE. 

LANGLE  (Jean-Maximilien  de),  mi- 
nistre protestant,  néàEvreux,  mourut 
en  1674 ,  âgé  de  84  ans.  Il  a  laissé  2  vol. 
de  Sermons^  et  une  Dissertation  pour  la 
défense  de  Charles  I" ,  roi  d'Angleterre. 

LANGLE  (Pierre  de),  né  à  Evreux  en 
1644 ,  docteur  de  Sorhonne  en  1670 ,  fut 
choisi ,  à  la  sollicitation  du  grand  Bossuet 
son  ami,  pour  précepteur  du  comte  de 
Toulouse.  Louis  XIV  le  récompensa  en 
1698,  de  ses  soins  auprès  de  son  élève, 
par  l'évêché  de  Boulogne.  Le  Mandement 
qu'il  publia  en  1717,  au  sujet  de  son  ap- 
pel de  la  bulle  Unigenitus^  scandalisa  les 
catholiques ,  causa  sa  disgrâce  à  la  cour , 
et  excita  des  troubles  violens  dans  son 
diocèse.  Les  habitans  de  Calais  se  soule- 
vèrent ;  ceux  de  Quernes ,  en  Artois ,  le 
reçurent  dans  une  visite  à  coups  de  pierres 
et  à  coups  de  bâton.  Ce  prélat  s'opposa , 
avec  l'évêque  de  Montpellier,  Colbert,  à 
l'accommodement  de  1720.  Cette  dé- 
marclie  irrita  le  régent,  qui  l'exila  dans 
son  diocèse.  Il  y  mourut  en  1724 ,  à  80  ans, 
ayant  sacrifié  les  douceurs  de  la  paix,  les 
avantages  de  la  soumission  à  l'Eglise ,  la 
satisfaction  attachée  aux  devoirs  d'un 
pasteur  fidèle,  à  l'esprit  de  dispute  et  de 
parti. 

*  LANGLE  (le  marquis  de),  dont  le  nom 
était  Jérôme-Charlemagne  Fleuriau ,  na- 
quit en  Bretagne  vers  1742,  se  consacra  à 
la  littérature ,  et  mourut  à  Paris  le  lô  oc- 
tobre 1807.  Il  a  laissé  :  |  Voyage  de  Fi- 
garo en  Espagne^  Saint-Malo  (Paris), 
1785,  2  vol.  in-12;  pamphlet  contre  la  re- 
ligion et  les  prêtres ,  qui  fit  beaucoup  de 
bruit,  eut  plusieurs  éditions,  et  fut  tra- 


duit en  anglais,  en  danois,  en  italien  cl  eh 
allemand.  11  a  été  condamné  à  être  brûlé., 
par  arrêt  du  parlement  du  26  février  1788. 
La  dernière  et  sixième  édition,  la  seule 
avouée  par  l'auteur ,  a  pour  titre  :  Voyage 
en  Espagne  par  M.  Langle ,  Paris,  Perlet, 
1805,  in-8°  ;  on  a  publié  une  critique  de 
cet  ouvrage  sous  le  titre  de  Dénoncia- 
tion au  public  du  voyage  d'un  soi-disant 
Figaro  en  Espagne^  par  le  véritable  Fi- 
garo, 1785,  ii)-i2.  I  Tableau  pittoresque  de 
la  Suisse^  Paris,  1790,  in-8";  Liège,  1790, 
in-12;  |  Soirées  villageoises ^  on  Anec- 
dotes et  aventures,  avec  des  secrets  inté- 
ressans^  1791,  in-12;  mauvais  ouvrage, 
dont  le  public  lit  justice,  ainsi  que  des 
suivans  :  Paris  littéraire,  1791, in-12,  en 
partie  reproduit  sous  le  titre  de  VJlchi- 
miste  littéraire,  ce  sont  l'un  et  l'autre  des 
libelles  contre  les  hommes  de  lettres  les 
plus  distingués;  |  Mon  voyage  en  Prusse,  ou 
Mémoires  secrets  sur  Frédéric  le  Grand 
et  sur  la  cour  de  Berlin ,  180G,  in-8°  ;  |  Né- 
crologie des  auteurs  vivons,  1807 ,  in-S". 
L'auteur  n'y  a  pas  oublié  son  nom ,  et  a 
la  modestie  de  se  reprocher ,  à  la  page  35. 
l'abus  excessif  d'esprit;  plusieurs  articles 
sont  extraits  du  Paris  littéraire;  \  des 
Opuscules  (  voyez  La  France  littéraire  de 
M.  Ersch,  et  le  Mercure  du  30  janvier 
1808).  M.  Fleuriau  s'est  jugé  lui-même, 
quant  à  l'abus  d'esprit ,  mais  il  a  omis  d'a- 
jouter que  son  style ,  presque  toujours 
satirique ,  est  parfois  aussi  prolixe  qu'in- 
correct et  sans  coloris.  Sur  la  fin  de  ses 
jours  il  revint  à  la  religion  et  reçut  les 
sacre  mens  de  l'Eglise. 

*  LANGLE  (  Honoré  -  François  -  Ma- 
rie) ,  compositeur  de  musique,  né  à  Mo- 
naco en  1741 ,  étudia  à  Naples  sous  Caf- 
faro ,  et  se  rendit  à  Gènes  pour  y  diriger 
à  la  fois  lé  théâtre  et  le  concert  des  nobles  ; 
il  vint  à  Paris  en  1768,  où  il  se  fit  uns 
grande  réputation,  et  devint  membre  «t 
bibliothécaire  du  Conservatoire.  Il  est 
mort  le  20  septembre  1807.  On  a  de  lui  ; 
I  Traité  d'harmonie  et  de  modulation  ; 
I  Traité  de  la  basse  sous  le  chant.  On  y 
trouve  une  excellente  analyse  des  trois  es- 
pèces  principales  de  contrepoint.  |  Traite 
de  la  fugue.  Ses  préceptes  sont  plus  métho- 
diques et  plus  clairs  que  ceux  de  Martini. 
I  Nouvelle  méthode  pour  chiffrer  les  ac- 
cords. Il  avait  fait  la  musique  de  Cori- 
sandre,  qui  fut  généralement  applaudie  : 
il  entreprit  ensuite  2  tragédies  lyriques  , 
Mahomet  II  et  le  Choix  d'Jlcide^  qu'il 
ne  put  parvenir  à  faire  représenter. 

*  LAIVGLÈS  (LoDis -Matthieu),  savant 


LAN  2 

orientaliste ,  membre  de  l'inslitut ,  de  la 
société  asiatique  de  Caloulla ,  de  la  société 
royale  des  antiquaires  de  France ,  de  celle 
de  géo^^raphie ,  membre  de  l'académie 
impériale  de  Saint -Pétersbourjï,  de  la 
société  philosophique  de  Philadelphie , 
des  académies  royales  de  Munich,  de 
Gottingen,  etc.  naquit  le  25  avril  1703,  à 
Péronne  en  Picardie.  Il  était  lils  d'un  an- 
cien militaire ,  chevalier  de  St.-Louis,  qui 
le  destinait  à  la  carrière  des  armes  :  mais 
il  sollicita  de  ses  parens  la  permission 
d'apprendre  les  langues  orientales ,  afin 
de  pouvoir  servir  dans  l'Inde  ou  comme 
officier  ou  comme  diplomate ,  et ,  après 
avoir  commencé  son  éducation  à  Monf- 
didier ,  il  la  termina  à  Paris,  où  il  suc- 
céda en  1785  à  son  père ,  dans  la  charge 
d'officier  près  le  tribunal  des  maréchaux 
de  France  de  la  connétablie.  Il  mit  à  profit 
les  loisirs  de  sa  place ,  pour  suivre  les 
différens  cours  des  langues  orientales 
qu'il  voulait  connaître ,  et  fréquenta 
au  collège  de  France  les  leçons  d'a- 
rabe de  M.  Caussin  de  Perceval,  et 
celles  de  persan  de  M.  Ruffin.  Les  mi- 
nistres Berlin  et  de  Breleuil  l'engagèrent 
à  étudier  le  mandchou  >  et  il  publia  en 
1787  un  alphabets  qu'il  dédia  à  l'acadé- 
mie des  inscriptions  ;  cet  ouvrage  tartare- 
tnandchou  ,hn  valut  des  éloges  exagérés  ; 
mais  il  lui  attira  en  même  temps  l'injuste 
reproche  de  s'être  approprié  Valphabet 
de  Deshauterayes  ,  gravé  20  ans  aupara- 
vant dans  les  planches  de  V Encyclopédie. 
L'Alphabet  de  Langlès  avait  été  composé 
sur  le  manuscrit  du  Dictionnaire  tartare- 
mandchou-français  j  ^i\  père  Amiot,  qui 
en  avait  envoyé  de  Chine  le  manuscrit  à 
M.  Berlin.  Langlès  fut  chargé  de  la  pu- 
blication de  ce  même  Dictionnaire  qui  fut 
imprimé  à  Paris,  parDidot  aîné,  1789-90, 
5  vol.  in-i".  Dès  1787,  Langlès  avait  tra- 
duit du  persan,  et  publiéles  Instituts  poli- 
tiques et  militaires  de  Tamerlan  ;  cette 
t  raduction ,  par  laquelle  il  avait  débuté 
dans  la  littérature  orientale,  lui  avait  ac- 
<  uis  la  protection  du  maréchal  de  Riche- 
lieu, et  lui  fit  obtenir  une  des  douze  pen- 
sions que  le  tribunal  des  maréchaux  de 
France  accordait  aux  hommes  de  mérite 
attachés  à  son  service.  Langlès  fit  impri- 
mer peu  de  temps  après  un  livre  intitulé 
Contes^  Fables  et  Sentences^  tirés  de  dif- 
férens auteurs  arabes  et  persans  :  dans 
le  discours  préliminaire  duquel  l'auteur 
prétend  avoir  le  premier  fait  connaî- 
tre en  France  et  même  en  Europe  l'exis- 
tence et  les  travaux  de  la  société  asiatique 


76  LAN 

de  Caltutla.  La  même  année  (1788)  il  fil 
paraître  les  Ambassades  réciproques 
d'un  roi  des  Indes  ^  de  la  Perse  ^  etc.  et 
d'un  empereur  de  la  Chine  ^  traduit  du 
persan  ,  avec  la  vie  de  ces  princes ,  et  un 
précis  historique  sur  les  Mahratles ,  tra- 
duit du  persan,  dialecte  de  l'Inde.  Langlès 
désirait  passer  dans  les  établissemens 
français  d'outre-mer;  la  révolution  ne  lui 
permit  pas  de  réaliser  ce  projet.  Il  con- 
tinua de  se  livrer  à  l'étude  des  langues 
orientales  vivantes,  qu'il  regardait  comme 
nécessaires  aux  entreprises  commerciales, 
et  favorables  au  progrès  des  sciences  et 
de  la  littérature,  et  ce  fut  dans  le  but  de 
déterminer  le  gouvernement  à  proléger 
et  à  encourager  ce  genre  d'études  ,  qu'il 
adressa  en  1790  un  mémoire  à  l'assem- 
blée Constituante  :  la  même  année  il  pu- 
blia encore  des  Fables  et  des  Contes  ?'«- 
diens^  avec  un  discours  préliminaire  et 
des  Notes  sur  les  mœurs  ^  la  l'eligion  et 
la  littérature  des  Indous  ^  un  vol.  in-8". 
Nommé  en  1792  conservateur  des  manu- 
scrits orientaux  de  la  Bibliothèque  royale, 
il  fit  partie  en  1793  delà  commission  tem- 
poraire des  arts  qui ,  adjointe  au  comité 
d'instruction  publique ,  sauva  du  vanda- 
lisme révolutionnaire  plusieurs  monu- 
mens  de  sciences  et  d'arts.  Il  devint  en 
1794  garde  du  dépôt  littéraire  des  Capu- 
cines de  la  rue  Saint-Honoré  à  Paris,  et  la 
même  année  il  obtint  la  création  de  l'é- 
cole des  langues  orientales  vivantes,  j)la- 
cée  près  de  la  bibliothèque  dite  alors  na- 
tionale ,  création  qu'il  avait  long-temps 
sollicitée.  Langlès  en  fut  nom.mé  admi- 
nistrateur, et  il  y  professait  en  même  tenips 
le  persan  ;  mais  il  n'a  jamais  été  profes- 
seur de  mandchou  ni  de  malais,  quoiqu'il 
en  ait  pris  le  titre.  En  1795  il  devint  l'un 
des  huit  cooservateurs  de  la  bibliothèque 
nationale,  et  chargé  spécialement  des  ma- 
nuscrits orientaux.  Nommé  membre  de 
l'institut ,  à  l'époque  de  sa  création ,  il 
refusa  de  faire  partie  de  l'expédition  d'E- 
gypte, quoiqu'il  connût  personnellement 
Bonaparte.  Langlès  professait  des  opinions 
républicaines.  Une  fut  point  inquiété  pen- 
dant le  cours  de  la  révolution ,  ayant  su 
se  faire  des  protecteurs  et  des  amis  parmi 
ceux  qui  étaient  à  la  tête  des  affaires. 
Langlès  s'occupa  de  publier  divers  ou- 
vrages ,  surtout  des  relations  de  voyages 
en  Asie,  et  se  livrait  à  l'enseignement  des 
langues  orientales  qu'il  est  parvenu  à 
faire  goûter  en  France.  Après  avoir  ainsi 
traversé  le  temps  de  l'empire  et  de  la 
restauration  au  milieu  de  ses  études  fa- 


LAN 


277 


LAN 


vorîtes,  il  est  mort  le  28  janvier  182i,  ûgé 
de  60  ans.  L'érudition  philologique  qu'il 
possédait  lui  a  servi  à  éclaircir  une  foule 
de  points  d'histoire ,  de  géographie  et  de 
statistique  des  diverses  contrées  de  l'Asie. 
Mais  on  doit  être  en  garde  contre  les 
nombreuses  erreurs  parsemées  dans  ses 
écrits.  Sa  bibliothèque  particulière  com- 
prenait un  nombre  immense  de  livres 
relatifs  à  l'Orient;  le  catalogue  en  est  cu- 
rieux ,  il  a  été  publié  par  M.  Merlin ,  en 
182S  ,  in-8".  Langlès  reçut  du  gouverne- 
ment royal  la  croix  d'honneur;  il  était 
aussi  décoré  de  l'ordre  de  Sainl-Wiadimir 
de  Russie.  On  peut  voir  la  nomenclature 
de  ses  nombreux  ouvrages  dans  le  Dic- 
tionnaire des  anonymes,,  dans  la  France 
littéraire  de  Ersch  ,  et  dans  \  Annuaire 
nécrologique  de  M.  Mahul^  1824  ,  page 
457-162.  Nous  citerons  :  |  Instituts  politi- 
ques et  militaires  de  Tamerlan,  traduits 
en  français  sur  la  version  persane  ^  avec 
la  vie  du  conquérant,  Paris ,  1787,  in-8°  ; 
(  Alphabet  tartare  -  mandchou  ,  Paris, 
1787,  in-4°;  5'  édit.  1807,  in-A°.  C'est  le 
premier  ouvrage  de  cette  langue  qui  ait 
été  imprimé  en  caractères  mobiles.  |  Con- 
tes s  fables  et  sentences  tirés  de  différens 
auteurs  arabes  et  persans ,  Paris,  1788, 
vol.  in-8°  et  in-18;  |  Ambassades  réci- 
proques d'un  roi  des  Indes ,  de  la  Perse 
et  d'un  empereur  de  la  Chiyie,  traduites 
du  persan  ,  Paris  ,  1788 ,  in-8°  ;  |  Diction- 
naire tartare-mandchou-français ,  com- 
posé d'apj'ès  un  dictionnaire  mandchou- 
chinois,  par  le  père  Amiot ,  1788-90,  5 
vol.  '\VL-h°  ;  I  Adresse  sur  l'importance  des 
langues  orientales  pour  l'extension  du 
commerce,  les  progrès  des  lettres  et  des 
sciences,  présentée  à  l'assemblée  Consti- 
tuante,  1790,  in-8°  ;  |  Fables  ei  Contes  in- 
diens nouvellement  traduits,  avec  un  dis- 
cours préliminaire  et  des  noies  sur  la 
religion,  la  littérature ,  les  mœurs,  etc., 
des  Indous,  1790,  in-18  ;  ]  Description  du 
Pégu  et  de  l'île  de  Ceylan  ,  traduite  de 
l'anglais  et  de  rall,emand ,  Paris,  1791, 
in-8°  (  anonyme);  |  Collection  portative 
de  voyages,  traduite  de  différentes  lan- 
gues orientales  et  européetines  ,  avec  des 
notes  géographiques  et  historiques,  Paris, 
1 797-1805, in-8°,  5  vol.  et  atlas  petit  m-k"; 
I  f  avec  J.-B.  Lamarck)  Voyage  de  C.P. 
Thunberg  au  Japon,  etc.  ;  traduit  et  aug- 
menté de  notes  considérables  sur  la  re- 
ligion, le  gouvernement,  le  commerce,  l'in- 
liustrie  et  les  langues  de  ces  différentes 
contrées  ,  Paris ,  1796  ,  2  vol.  in-A°,  ou  h 
^ol.  in-8°;  |  Voyage  du  Bengale  à  Pé- 
7. 


tcrsbourg ,  traduit  de  l'anglais  avec  addi^ 
fions  et  une  notice  chronologique  des  Kans 
ae  Crimée ,  etc.,  Paris,  1805,  5  vol.  in-8°, 
avec  2  grandes  cartes  géographiques  ; 
I  Voyage  de  Hornemann  dans  l'Afi'iqae 
septentrionale ,  depuis  le  Caire  jusqu'à 
Moursouk,  traduit  de  l'anglais  et  aug- 
menté de  notes  et  d'un  mémoire  sur  les 
Oasis,  d'ajirès  les  auteurs  arabes.  Paris, 

1803,  2  vol.  in-8°  avec  cartes.  Barbier, 
dans  son  Dictionnaire  des  auteurs  ano- 
nymes, n"'  19,287,  2^  édit.,  attribue  cette 
traduction  à  Labaume  ;  |  Recherches  sur 
la  découverte  de  l'essence  de  rose,  Paris, 

1804 ,  petit  in-12  ;  |-  Catalogue  des  manu- 
scrits sanskrits  de  la  bibliothèque  im- 
périale ,  avec  des  notices  du  contenu  de 
laplupart  des  ouvrages  (avec  Hamilton), 
el  augmenté  de  notes.  Langlès  qui  ignorait 
le  sanskrit ,  n'a  eu  part  à  cet  ouvrage  que 
comme    traducteur    et    commentateur. 

1  Notice  sur  l'état  actuel  de  la  Perse,  en 
persan,  en  arménien  et  en  français ,  par 
Myr  Davoud  Zadour ,  Chahan  de  Cirbied 
et  Langlès,  1818,  in-18;  |  Monumens  an- 
ciens et  modernes  de  l'Indostan....  en  150 
planches,  Paris,  Didol  aîné  ,  1821 ,  2  vo- 
lumes in-folio,  ligures  ;  cet  ouvrage  n'est 
pas  terminé.  |  Analyse  des  mémoires  con- 
tenus dans  le  14'  volume  des  Asiatick  re- 
searches  avec  des  notes  et  un  appendice, 
1825,  in-4°,  avec  2  planches ,  et  plusieurs 
autres  ouvrages.  Il  a  encore  coopéré  à 
une  nouvelle  édition  (  1795)  des  Voyages 
lie  Pallas,  8  vol.  in-S"  ;  des  voyages  d'^- 
gypte  et  de  Nubie ,  par  Norden ,  3  vol. 
in-4°.  Il  a  aussi  donné  des  éditions  du 
Voyage  en  Chine  et  en  Tartarie,  à  la 
suite  de  l'ambassade  de  lord  Macartney . 
par  Holmes,  1805,  2  vol.  in-8°,  du  Cheva- 
lier Chardin  en  Perse  10  vol.  in-8",  et  atlas. 
Il  a  encore  contribué  à  \ Histoire  d'Egypte 
sous  le  gouvernement  de  Mohammed- Ali, 

2  vol.  in-8'';  aux  Recherches  asiatiques, 
trad.  par  Labauine  ;  à  la  Grammaire  de 
la  laiigue  arabe  vulgaire  et  littérale  ,  ou- 
vrage posthume  de  Savary  ;  enfin,  il  a 
fourni  des  Dissertations  .Mémoires,  No- 
tices ou  Articles  dans  les  Mémoires  de 
l'Institut,  dans  les  Notices  et  extraits  des 
jnanuscrits  de  la  bibliothèque  du  roi,  dans 
la  Biographie  universelle  de  Michaud  et 
dans  le  Magasin  encyclopédique ,  la.  Revue 
encyclopédique  et  dans  le  Mercure  étran- 
ger. On  trouve  sur  Langlès  dans  le  t.  4 
du  Journal  asiatique  une  notice  véci-olo- 
gique  par  M.  Abel  Rémusal ,  son  succes- 
seur i\  la  place  de  conservateur  des  ma- 
nuscrits mandchou   de   la    bibliothèque 

24 


LAN 


278 


LAN 


royale ,  et  une  autre  dans  le  Moniteur  du 
i"  septembre  i82S,  par  M.  Dacier,  secré- 
taire perpétuel  de  l'académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  (i). 

LAIVGLOIS  (  Jean-Baptiste)  Jésuite  , 
né  à  Nevers  en  1663,  et  mort  en  1706 ,  pu- 
blia divers  écrits  coniveV Edition  de  saint 
Augustin,  donnée  par  les  bénédictins  de 
Saint-Maur.  Nous  avons  de  lui  un  ouvrage 
estimable  par  les  grandes  recherches ,  la 
orltique  et  la  diction  noble  ,  aisée  et  sou- 
vent pleine  de  chaleur  et  d'élégance  :  c'est 
5on  Histoire  des  croisades  contre  les  al- 
biçeois, Far'is,  1703,  in-l2.  Ce  qu'il  rap- 
porte des  vices,  des  erreurs  et  des  excès 
des  albigeois  prouve  combien  des  écri- 
vains modernes  ont  eu  tort  de  blâmer  les 
rigueurs  exercées  envers  ces  sectaires. 
Nous  avons  encore  de  lui  la  Journée  spi- 
rituelle^ à  l'usage  des  collèges,  et  un  petit 
in- 12,  Dm  respect  humain^  imprimé  à 
Paris,  en  1703. 

'  LANGLOIS  (Isidore), journaliste,  né 
à  Rouen  le  18  juin  1770 ,  rédigea  pendant 
plusieurs  années  delà  révolution  le  Mes- 
sager du  soirj  et  chercha  à  réparer ,  par 
les  principes  qu'il  y  répandit,  le  tort  qu'il 
s'était  fait  par  la  part  active  qu'il  avait  prise 
aux  premiers  troubles  de  la  France  II  atta- 
qua sans  ménagement  les  tyrans,  dont  on 
ne  bravait  pohit  impunément  la  haine  et 
l'amour-propre ,  et  fut  au  18  fructidor 
proscrit  comme  journaliste  et  frappé  de 
déportation.  Il  parvint  à  s'échapper  ;  mais 
arrêté  en  1798,  il  fut  renfermé  au  Temple, 
et  envoyé  à  Oléron.  Rappelé  par  les  con- 
suls après  le  18  brumaire ,  il  mourut  à 
Paris  le  12  août  1800.  On  a  de  lui  :  Des 
gouvernemens  qui  ne  conviennent  pas  à 
la  France.  1793,  in-S";  \Jppel  à  mes  juges 
et  à  mes  concitoyens.  1795,  in-8°. 

♦  LANGLOIS  (  JEA?v-TnoMAS) ,  journa- 
liste, ancien  avocat  au  parlement  de  Paris, 


(0  La  brillante  rëpnlation  que  Langlfts  s'était  ac- 
qaiie  par  une  érudition  qui  ,  à  ce  qu'il  paraît ,  ne 
reposait  na»  «iir  des  fondenit;nj  très  solidfis  ,  a  été  vio- 
ieraraenl  attaquée  par  divers  écrivains.  Le  savant 
M.  Audlffret,  auteur  de  l'article  Lang/ès  dans  la 
Biographie  des    contemporains  ,  le  juge    très  sévère- 


ment. Après 


me  bé 


chronolo 


S'<i"« 


commise  par  cei  auteur  .lans  un  de  ses  ouvrages, 
ÎM  Audiffret  ajoute  :  •  Tout  ce  qui  esl  sorti  de  la 
t  piame  de  Langlès  est  écrit  avec  la  miime  négligence, 
»  la  iiaîtne  étourderie  ,  et ,  pour  trancher  le  raol,  avec 
»  lu  mém(  ignorance.  •   •  Les  lioinincs    pcri  instruits, 

•  ajoiite-t-il  plus  bas ,  l'ont  cru  sur  parole,  et  ont 
»   loue  «es  ou\  rages  parce  ([u'ils  y  trouvaient  tant  bien 

•  que  mal ,  des  choses  qu'ils  ignoraient  et  qu'ils  tie 
»  voulaient  point  approfondir  ,  et  les  $aifans  Its  ont 
-  ii'^'t  ilu-dfttoiis  de  la  criti<lu€.  * 


où  il  était  né  en  1748  ,  concourut  en  17ÎH 
et  1792  à  la  rédaction  d'un  journal  intitulé 
les  Actes  des  Apôtres  (publié  d'abord  par 
Peltier  1789,  et  opposé  aux  principes  de 
la  révolution,  1791,10  volumes  iri-8°). 
Il  s'était  tenu  constamment  éloigné  de 
tous  les  emplois,  et  ne  s'occupait  que  de 
la  rédaction  de  quelques  Mémoires.  Il  a 
fourni  des  articles  dans  les  colonnes  de  la 
Quotidienne  et  du  Précurseur.  On  cite 
comme  un  modèle  celui  qu'il  publia  en 
1804,  en  faveur  des  députés  de  la  Guade- 
loupe, et  auquel  ceux-ci  durent  leur  salut. 
Langlois  mourut  à  Gisors  en  1805,  à  l'âge 
de  57  ans. 

LAIVGIJET  (  HuBEnT  ) ,  né  à  Vitteaux 
en  Bourgogne,  l'an  1518,  étudia  en  droit  à 
Boulogne.  Ayant  lu  le  livre  des  Lieux- 
Communs .  de  Mélanchthon,  il  prit  la  ré- 
solution de  l'aller  voir  à  Witlemberg.  Il  y 
arriva  en  1549,  et  y  lia  une  étroite  amitié 
avec  cet  homme  fameux ,  qui  lui  inspira 
les  erreurs  de  Luther.  Après  la  mort  de 
Mélanchthon  ,  Languet  se  retira  auprès 
d'Auguste,  électeur  de  Saxe ,  qxi'il  suivit 
au  siège  de  Gotha  ,  et  qui  lui  confia  les 
négociations  les  plus  importantes.  Il  fut 
député  en  1568,  à  la  diète  de  Spire,  et  as- 
sista en  1570 ,  aux  conférences  de  Stetin. 
Envoyé  en  France,  dans  le  coxirant  de  la 
même  année,  il  fit  une  harangue  inso- 
lente à  Charles  IX ,  au  nom  des  princes 
protestans  d'Allemagne  (  elle  se  trouve 
dans  les  Mémoires  de  ce  roi).  Les  diffé- 
rends survenus  en  Saxe  entre  les  luthé- 
riens et  les  zuingliens  sur  l'eucharistie 
obligèrent  Languet  de  demander  son  congé 
au  duc  de  Saxe  ,  dont  il  était  un  des  pre- 
miers ministres.  Il  mourut  à  Anvers  en 
1581,  à  63  ans,  au  service  du  prince  d'O- 
range. Languet  fut,  suivant  la  pensée  de 
Duplessis-Mornai ,  ce  que  bien  âiCS  gens 
tâchent  de  paraître,  et  il  vécut  de  la  façon 
dont  les  gens  de  bien  veulent  mourir  j 
mais  on  sent  assez  que  dans  les  éloges  que 
les  gens  de  parti  font  les  uns  des  autres , 
il  y  a  souvent  beaucoup  à  rabattre.  On  a 
de  lui  plusieurs  ouvrages  ;  les  principaux 
sont  :  I  des  Recueils  de  lettres  en  latin  , 
à  l'électeur  de  Saxe,  publiées  à  Hall,  in-4'', 
en  1699  ;  à  Camerarius  ,  père  et  fils  ,  im- 
primées en  1685,  Francfort,  in-12;  au  che- 
valier Sidnei,  mises  au  jour  en  1646,  in-12. 
I  Vindiciœ  contra  tyrannos.  publiées  sous 
le  nom  de  Stephanus  Junius  Brutus. 
1579,  in-8°,  traduites  en  français  ,  1581  , 
in-8°.  C'est  la  production  d'un  républi- 
cain qui  ne  ménage  rien ,  et  qui  pense  sur 
les  monaïques,  comme  on  parlait  dans  !^ 


LAN 


279 


LAN 


sénat  de  Rome  après  l'expulsion  des  Tar- 
«{uins.  I  Une  Relation  de  Vexpédilion  de 
l'électeur  Au^jaste ,  contre  Guillaume 
Grumbach  et  autres  révoltés  de  Saxe  ^ 
avec  V Histoire  de  ce  que  fit  l'empereur 
contre  ce  prince,  1562,  in-i°  ;  |  on  lui  at- 
tribue YJpologie  du  prince  d'Orange 
contre  le  roi  d'Espagne ,  1581 ,  in-i"  ;  sa- 
tire grossière  et  caloivmicuse,  que  le  fa- 
natique Watson  a  osé  donner  comme  une 
pièce  authentique ,  sur  laquelle  on  de- 
vait juger  Philippe  II.  {Voyez  ce  nom.) 
Sa  Vie  a  été  écrite  par  La  Mare,  conseil- 
ler au  parlement  de  Dijon  ,  Halle  ,  1700  , 
in-12. 

LAIVGUET  deGERCY  (  Jeak-B/vptiste- 
Joseph),  arrière  pelit-neveu  du  précé- 
dent, naquit  à  Dijon  en  1675  ,  du  procu- 
reur-général au  parlement  de  cette  ville. 
Il  prit  le  bonnet  de  docteur  de  Sorbonne 
en  1703,  et  obtint  la  cure  deSaint-Sulpice 
en  1714.  L'église  de  sa  paroisse  n'était 
guère  digne  de  la  capitale  :  on  voulait  la 
rétablir,  et  on  avait  déjà  construit  le 
chœur;  mais  le  reste  était  imparfait. 
L'abbé  Languet  conçut  le  vaste  dessein 
d'élever  un  temple  capable  de  contenir 
ses  nombreux  paroissiens.  Il  entreprit  ce 
grand  ouvrage,  n'ayant  d'autres  fonds 
qu'une  somme  de  100  écus.  Il  employa 
cet  argent  à  acheter  des  pierres  qu'il  fit 
étaler  dans  toutes  les  rues  adjacentes ,  et 
il  eut  soin  de  faire  annoncer  qu'elles 
élaient  destinées  à  la  construction  de  son 
église.  Les  secours  lui  vinrent  aussitôt  de 
toutes  parts  ,  et  le  duc  d'Orléans  ,  régent 
du  royaume,  lui  accorda  une  loterie.  Ce 
prince  posa  la  première  pierre  du  portail 
l'an  1718  ;  et  le  curé  de  Saint-Sulpice  n'é- 
pargna, pendant  toute  sa  vie,  ni  soins,  ni 
dépenses,  poiir  rendre  son  église  l'une 
des  plus  magnifiques  de  la  France,  en  ar- 
chiteclure  et  en  décoration.  La  consécra- 
tion s'en  fit  en  1745.  Un  autre  ouvrage  , 
qui  ne  fait  pas  moins  d'honneur  à  l'abbé 
Languet ,  est  l'établissement  de  la  iTiaison 
de  Y  Enfant  Jésus^  en  faveur  des  pauvres 
femmes  et  filles,  et  d'un  certain  nombre 
de  demoiselles  nobles  :  il  est  maintenant 
destiné  aux  enfans  malades.  L'abbé  Lan- 
guet ne  cessa  de  soutenir  cette  maison 
jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  1750,  à  75 
ans,  dans  son  abbaye  de  Bernay.  .Jamais 
homme  ne  fut  plus  habile  et  plus  indus- 
trieux que  lui  à  se  procurer  d'abondantes 
aumônes  et  des  legs  considérables.  On  sait 
de  bonne  part  qu'il  distribuait  environ  un 
niillion  chaque  année.  Il  préférait  tou- 
jours les  familles  nobles  réduites  à  la  pau- 


vreté, et  l'on  a  appris,  de  personnes  dignes 
de  foi.  qu'il  y  avait  dans  sa  paroisse  quel- 
ques familles  de  distinction ,  pour  les- 
quelles il  dépensait  jusqu'à  50,000  livres 
par  an.  Généreux  par  caractère  ,  il  don- 
nait grandement ,  et  savait  prévenir  les 
besoins.  Dans  le  temps  de  la  cherté  du 
pain ,  en  1725  ,  il  vendit ,  pour  soulager 
les  pauvres ,  ses  meubles ,  ses  tableaux  . 
et  autres  effets  rares  et  curieux  ,  qu'il 
avait  amassés  avec  beaucoup  de  peine.  11 
n'eut  depuis  ce  temps-là  ,  que  trois  cou- 
verts d'argent,  point  de  tapisserie  ,  et  un 
simple  lit  de  serge  que  madame  de  Cavois 
ne  fil  que  lui  prêter,  parce  qu'il  avait 
vendu  jusqu'alors  pour  les  pauvres  tous 
ceux  qu'elle  lui  avait  donnés  en  différens 
temps.  Bien  loin  d'enrichir  sa  famille,  il 
distribua  jusqu'à  son  patrimoine.  Sa  cha- 
rité ne  se  bornait  point  à  sa  paroisse- 
Dans  le  temps  de  la  peste  de  Marseille,  il 
envoya  des  sommes  considérables  eu  Pro- 
vence, pour  soulager  ceux  qui  étaient 
affligés  de  ce  fléau.  Il  s'intéressa  sans 
cesse  et  avec  zèle  à  l'avancement  et  au 
progrès  des  arts,  au  soulagement  du  peu- 
ple et  à  la  gloire  de  la  nation.  L'abbé  Lan-' 
guet  refusa  constamment  Tévêché  de 
Conserans,  celui  de  Poitiers,  et  plusieurs 
autres.  Sa  piété  et  son  application  conti- 
nuelle aux  œuvres  de  charité  ne  l'empê- 
chaient point  d'être  gai  et  agréable  dans 
la  conversation.  Il  y  faisait  paraître  beau- 
coup d'esprit ,  et  avait  des  reparties  fines 
et  délicates.  On  lui  a  élevé  dans  l'église  de 
Saint-Sulpice  un  superbe  mausolée  qui  fut 
enlevé  pendant  la  révolution. 

L/kiNGUEÏ  (Jean-Joseph)  ,  frère  du 
précédent,  entra,  à  la  sollicitation  du 
grand  Bossuet,  son  ami  et  son  compa- 
triote, dans  la  maison  de  Navarre,  dont 
il  devint  supérieur;  il  y  prit  le  bonnet  de 
docteur  de  Sorbonne,  et  fut  nommé  évé- 
que  de  Soissons  en  1715.  Son  zèle  pour  la 
constitution  Unigenitus  ne  contribua  pas 
peu  à  lui  procurer  la  milre,  et  ce  zèle  ne 
diminua  point  lorsqu'il  l'eut  obtenue.  Il 
signala  chaque  année  de  son  épiscopat  par 
des  Mandcmens  et  par  des  Ecrits  contre 
les  anti-constitutionnaires  ,  les  appelans , 
les  réappelans,  les  convulsionnaires  et  les 
dévots  au  diacre  Paris.  Ses  adversaires 
prétendirent  que  Tournely  avait  eu  la 
plus  grande  part  à  ces  différens  ouvrages 
contre  eux  ;  et  après  la  mort  de  ce  doc- 
teur, l'évêque  ayant  mis  au  jour  la  Vie  de 
Marie  Alacoque^  un  mauvais  plaisant  du 
parti  dit  que  Tournely  avait  emjwrté  l'es- 
p^'it  de  l'évêque  de  Soissons  j.  et  quil  ne 


LAN 


280 


LA]?Î 


lui  avait  laissé  que  la  Coque.  Celle  plai- 
santerie n'était  pas  plus  fondée  que  cette 
autre  antithèse,  enfantée  par  je  ne  sais 
qui,  lorsqu'il  eut  été  admis  à  l'académie 
française  et  au  conseil  d'état  :  «  L'évêque 
»  de  Soissons  a  traité  la  théologie  sans  en 
»  être  instruit,  il  était  académicien  sans 
•  en  avoir  les  talens,  et  conseiller-délai 
»  sans  être  instruit  des  affaires.  «Tous  ces 
traits  portent  à  faux.  Languet  n'était  ni 
un  Fénélon,  ni  un  Bossuet,  on  le  sait  très 
bien,  mais  il  savait  écrire,  et  même  avec 
élégance.  Ses  ennemis  devraient  l'avouer 
et  l'avoueraient,  si  le  bandeau  de  l'esprit 
de  parti  ne  cachait  toute  vérité.  Il  se  peut 
qu'il  ait  trop  donné  à  son  zèle  dans  ses 
ouvrages  polémiques  ;  qu'il  n'ait  pas  assez 
distingué  le  dogme  de  l'opinion;  qu'il 
n'ait  pas  toujours  vu  le  mérite  de  ses  ad- 
versaires, mais  il  n'est  pas  moins  vrai  que 
plusieurs  morceaux  de  ses  productions 
font  honneur  à  son  savoir  et  à  son  esprit. 
Ce  prélat  passa,  en  1751,  de  l'évêché  de 
Soissons  à  l'archevêché  de  Sens,  et  mou- 
rut en  1735,  à  l'âge  de  76  ans,  regardé 
comme  un  prélat  pieux  et  charitable.  Ses 
ouvrages  polémiques  ont  été  traduits  en 
latin,  et  imprimés  à  Sens  en  1753,  en  2 
vol.  in-fol.  On  a  encore  de  lui  :  |  une  Tra- 
duction des  Psaumes,  in-12  ;  |  De  l'espi'it 
de  l'Eglise  dans  ses  cérémonies ,  contre 
le  traité  de  Claude  de  Vert ,  trésorier  de 
Cluny,  sur  les  cérémonies  de  l'église; 
I  des  livres  de  piété  pleins  d'onction, 
entre  autres  le  Traité  de  la  confiance  en 
la  miséricorde  de  Dieu,  bien  propre  à  la 
faire  naître  dans  le  cœur  des  fidèles  ;  |  des 
Remarques  sur  le  fameux  Traité  du  jé- 
suite Pichon,  touchant  la  fréquente  com- 
munion; I  nua  Réfutation  des  Lettres  de 
Jacques  Varie t  (  voyez  ce  nom  )  ;  |  la 
y^ie  de  Marie  Alacoque  ^  1729,  in-i**  ; 
I  plusieurs  Discours  dans  les  recueils  de 
l'académie  française.  Ils  prouvent  qu'il 
était  très  capable  de  composer  lui-même 
ses  ouvrages.  Son  style  est  un  peu  diffus, 
niais  clair ,  naturel ,  élégant  et  assez 
noble. 

L.VNGVKLDT.   Voij.  MACROPÉDIUS. 

*  L ANJUIAAiS  (Jea\-Dems,  le  comte), 
]»air  de  France ,  membre  de  l'académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres,  né  le  12 
mars  1733,  à  Rennes,  était  fils  d'un  avo- 
cat au  parlement  de  cette  ville  ;  il  se  voua 
à  la  même  carrière  que  son  père  ,  fut  ad- 
mis dans  l'ordre  des  avocats ,  par  dispense 
d'âge  en  1771 ,  et  s'appliqua  si  bien  à  l'é- 
tude des  lois  qu'il  obtint  18  bonnet  de  doc- 
teur en  1772.  H  fut  nommé,  trois  ans 


après,  à  la  suite  d'un  brillant  concours, 
professeur  de  droit  ecclésiastique,  Kn 
1779  il  fut  choisi  pour  être  un  des  conseil- 
lers des  états  de  Bretagne ,  par  chacun 
des  trois  ordres  qui  les  composaient.  Le 
tiers-état  de  la  sénéchaussée  de  Rennes  , 
le  chargea  en  1789  de  la  rédaction  du  ca- 
hier de  ses  vœux ,  oii  l'on  trouve  ex- 
primée la  demande  d'une  constitution 
monarchique  et  représentative ,  et  relut 
pour  son  député  aux  états-généraux  ,  où 
Lanjuinais  vota  contre  la  noblesse,  con- 
tre les  parlemens  et  contre  tous  les  privi- 
lèges. Quoiqu'il  eût  été  un  de  ceux  qui 
contribuèrent  le  plus  à  la  rédaction  de  la 
constitution  civile  du  clergé,  il  vola  con- 
tre le  décret  qui  déclara  sans  exception  , 
tous  les  biens  du  clergé  biens  de  l'étal. 
Pendant  qu'on  délibérait  sur  la  conslilu- 
tioii ,  Mirabeau  ayant  demandé  que  les 
ministres  fussent  admis  dans  l'assemblée , 
sauf  à  décider  plus  tard  s'ils  pourraient 
en  faire  partie  ,  Lanjuinais  s'y  opposa^  ol 
fit  décréter  que,  pendant  la  session,  au- 
cun député  ne  pourrait  faire  partie  du 
ministère.  Lanjuinais  fut  compté  parmi 
ces  hommes  nommés  réviseurs  dont  le 
but  était  de  maintenir  la  constitution , 
et  de  s'opposer  à  ce  qu'ils  appelaient  les 
prétentions  de  la  cour.  Après  la  session, 
Lanjuinais  retourna  à  Rennes  où  il  devint 
professeur  de  droit  constitutionnel,  pro- 
fesseur de  grammaire  générale,  et  mem- 
bre de  la  haute  cour  nationale  (1792).  Au 
mois  de  septembre  de  la  même  année ,  le 
département  d'Ile-et-Vilaine  le  nomma 
membre  de  la  Convention,  et  dans  celte 
assemblée  Lanjuinais  se  montra  le  dé- 
fenseur du  trône.  Il  se  pronotiça  dès  le 
24  septembre  contre  les  provocateurs 
à  l'assassinat ,  et  appuya  la  dénoncia- 
tion de  Louvet  contre  Robespierre.  Lors 
du  procès  de  Louis  XVI ,  il  demanda 
qu'on  laissât  à  ce  prince  les  mêmes  moyens 
de  défense  et  d'appel  qu'aux  autres  accu- 
sés :  le  26  décembre  il  attaqua  l'acte  d'ac- 
cusation. Le  16  janvier  1793,  il  vota  non 
comme  yw^e^  mais  comme  représentant ^ 
la  réclusion  et  le  bannissement  à  la  paix, 
demandant  toutefois  que  le  jugement 
n'eût  force  de  loi  que  s'il  réunissait  les 
deux  tiers  des  suffrages;  cet  avis  ,  le  seul 
qui  pût  sauver  Louis  XVI ,  fut  rejeté. 
Lanjuinais  s'opposa,  malgré  les  menaces 
des  Montagnards  qui  venaient  à  l'assem- 
blée avec  des  armes  pour  effrayer  leurs 
collègues ,  à  ce  qu'on  rapportât  le  décret 
qui  ordonnait  des  poursuites  contre  les 
auteurs  des  massacres  de  septembre  ;  ses 


LAN 


281 


LAN 


efforts  n'eurent  aucun  résultat  ;  ils  ne  fu- 
rent pas  plus  heureux  quand  il  combattit 
la  création  d'un  tribunal  extraordinaire  ; 
mais  il  refusa  courageusement  de  se  ren- 
dre au  comité  de  législation  dont  il  était 
membre ,  et  d'y  coopérer  à  la  loi  qui  de- 
vait constituer  ce  monstrueux  tribunal , 
devenu  si  fameux  sous  le  nom  de  tribu- 
nal révolutionnaire.  Une  commission  de 
douze  membres  avait  été  formée  au  sein  de 
l'assemblée  pour  s'opposer  aux  envaliisse- 
mens  de  la  commune  :  la  Montagne  ayant 
demandé  la  suppression  de  cette  commis- 
sion, Lanjuinais  s'éleva  vigoureusement 
contre  ces  fauteurs  de  l'anarchie ,  et  dé- 
nonça Chabot  et  le  reste  du  comité  d'iu- 
surrection  qui  s'assemblaient  dans  la  salle 
de  l'archevêché  :  une  lutte  violente  s'en- 
gagea entre  la  majorité  révolutionnaire  et 
la  minorité  qui  s'opposait  aux  désoidres. 
Lanjuinais  faisait  partie  de  cette  dernière 
fraction  :  le  2  juin  1793  ,  il  attaqua  de 
nouveau  Chabot  comme  un  des  auteurs 
du  projet  de  proscription  médité  contre  la 
minorité  :  plusieurs  députés  de  la  3Ion- 
tagne ,  parmi  lesquels  on  remarquait  le 
boucher  Legendre  et  Chabot,  s'élancèrent 
vers  lui ,  le  pistolet  à  la  main  ,  pour  le 
faire  descendre  de  la  tribune  :  Lanjuinais 
se  tournant  avec  calme  vers  l'apostat 
Chabot,  lui  dit  :  «  On  a  vu  dans  l'antiquité 
»  orner  les  victimes  de  fleurs  et  de 
»  bandelettes  ;  mais  le  prêtre  qui  les  im- 
»  molait  ne  les  insultait  pas.  »  Les  pre- 
scripteurs étonnés  n'osèrent  pousser  plus 
loin  leur  audace ,  et  Barrère  affectant  une 
modération  hypocrite  proposa  une  me- 
sure de  pacification  :  il  fallait ,  disait-il , 
que  les  membres  accusés  se  suspendissent 
eux-mêmes  ;  mais  Lanjuinais  s'y  opposa 
dans undiscours éloquent  quine  fitqu'irri- 
ter  de  plus  en  plus  ses  ennemis  ;  cepen- 
dant un  décret  proclama  l'innocence  des 
députés  incriminés  ;  mais  sur  la  fin  du 
jour  im  nouveau  décret  ordonna  que  Lan- 
juinais et  plusieurs  autres  membres  se- 
1  aient  gardés  à  vue  chez  eux.  Lanjuinais 
l»arvint  à  s'évader,  et  se  rendit  à  Rennes, 
où ,  caché  durant  18  mois  dans  sa  propre 
maison,  il  dut  la  vie  au  courage  de  sa 
femme  et  à  celui  de  sa  domestique ,  Marie 
Poirier.  Leur  dévouement  a  été  célébré 
par  Legouvé  dans  son  poème  intitulé  Le 
Mérite  des  femmes.  Après  le  9  thermi- 
dor, Lanjuinais  reparut  sur  la  scène  poli- 
tique ,  et  il  rentra  le  8  mai  1793  à  la  Con- 
vention dont  il  devint  président.  Lorsqu'il 
reprit  la  parole,  ce  fut  pour  plaider  de 
nouveau  la  cause  de  l'humanilê  et  de  la 


religion,  etiloLtintl'ouverture  des  églisc^^ 
Après  le  règne  de  la  Convention  et  l'éta- 
blissement du  Directoire,  soixante-lreiy.e 
départemens  le  portèrent  au  conseil 
des  Anciens,  dont  il  devait  secrétaire, 
le  sort  l'en  fit  sortir  dans  le  mois  de  mai 
1797.  Après  la  révolution  du  18  brumaire 
an  8,  il  fut  nommé  deux  fois  candidat  au 
sénat  par  le  Corps  législatif,  et  enfin  ad- 
mis dans  cette  assemblée  le  22  mars  1800. 
Il  s'y  prononça  contre  l'établissement  du 
consulat  à  vie  et  du  gouvernement  impé- 
rial; et  fit  partie  de  la  minorité  qui  s'op- 
posait aux  vues  ambitieuses  do  Bonaparte. 
Cependant  il  reçut  le  titre  de  comte  et  le 
cordon  de  commandant  de  la  légion-d'hon- 
neur. Le  premier  avril  1814 ,  il  adhéra  à 
la  déchéance  de  l'empereur,  vota  l'établis- 
sement d'im  gouvernement  provisoire ,  et 
coopéra  à  la  rédaction  de  la  constitution 
que  le  sénat  présenta  à  Louis  XVIIL  Lan- 
juinais fut  placé  sur  la  liste  des  pairs  nom- 
més le  k  juin  181/1. ,  et  refusa  pendant  les 
cent-jours  de  prêter  serment  à  Napoléon. 
La  ville  de  Paris  l'ayant  choisi  pour  son 
député,  il  fut  élu  à  la  presque  unanimité 
président  de  la  chambre  des  représentans. 
Louis  XVIII,  rentré  en  France,  le  main- 
tint à  la  chambre  des  pairs ,  où  il  fit  partie 
jusqu'à  sa  mort ,  de  la  minorité  constitu- 
tioiuielle.  Depuis  1808  il  a\ait  été  admis  à 
l'institut,  et  lors  de  la  réorg-anisation  des 
quatre  académies ,  il  entra  dans  celle  des 
inscriptions  et  belles-lettres.  Lanjuinais  est 
mort  à  Paris  le  13  janvier  1827.  Plusieurs 
discours  furent  prononcés  sur  sa  tombe, 
notamment  i)ar  M.  Abel  Rémusat,  au 
nom  de  l'académie  des  inscriptions  et 
belles-lettr*3.  M.  le  comte  de  Ségur  pro- 
nonça son  éloge  funèbre  à  la  chambre  des 
pairs  dans  la  séance  du  T*"  mars.  Outre  ses 
rapports  et  ses  discours  à.d.n'i  les  diverses 
législatures  dont  il  a  fait  partie,  Lanjuinais 
a  publié  plusieurs  ouvrages  scientifiques 
et  littéraires,  ainsi  que  divers  écrits 
d'économie  politique.  Ils  sont  intitulés  : 
I  Èlémoire  sur  l'origine^  l'inscriptibilité , 
les  caractères  distinclifs  des  différentes 
espèces  de  dîmes  ^  et  sur  la  présomption 
légale  de  l'origine  ecclésiastique  de  toutes 
les  dîmes  tenues  en  fief^  1786 ,  in-8"  ; 
I  Rapport  sur  la  nécessité  de  supprimer 
les  dispen^s  de  mariage ,  et  d'établir  une 
forme  purement  civile  pour  constater  l'é- 
tat des  personnes^  1791,  in-8",  2*^  édition 
ISlo.  L'époque  où  parut  pour  la  première 
fois  cet  écrit  indique  assez  dans  quel  es- 
prit il  était  rédigé.  |  Discoïirs  sur  la  ques- 
tion de  savoir  s'il  convient  de  fixer  un 
24. 


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282 


LAN 


maximum  de  population  pour  les  coin- 
munes  de  la  république^  1793,  in-8°  ; 
I  Dernier  mot  de  Lanjuinais  aux  assem- 
blées primaires  ^  sur  la  constitution  de 
1793,  Rennes,  1793,  in-S",  2'  édition, 
1793  ;  I  Notice  sur  l'ouvrage  du  sénateur 
Grégoire^  intitulé  :  De  la  littérature  des 
nègres^  1808 ,  in-S"  ;  |  Histoire  naturelle 
de  la  parole  j  par  Court  de  Gébelin ,  avec 
un  Discours  préliminaii-e  sur  l'histoire 
de  la  grammaire  générale^  Paris  ,  1816 , 
in-8°;  |  Appréciation  du  projet  relatif  aux 
trois  concordats ,  1817;  |  La  religion  des 
Jndous  ^  selon  les  Védah  >  ou  Anahjse  de 
tOupnehhat  ^  publié  par  M.  Jnquetil- 
Duperron  en  1802,  2  vol.  in-4°,  Paris, 
1823,  in-8°;  |  De  l'organisation  munici- 
pale en  France  (avec  M.  de  Kératry); 
I  Discours  sur  la  compétence  de  la  cham- 
bre des  pairs  .  au  crime  d'attentat  à  la 
sûreté  du  roi  ;  '  Histoire  abrégée  de  l'in- 
quisition religieuse  en  France  ^  1821 ,  in- 
8°  ;  I  Etudes  biographiques  et  littéraires 
sur  Antoine  Amauld^  Nicole  et  Necker, 
avec  une  notice  sur  Christophe  Colomb , 
etc. ,  Paris  ,  1823 ,  in-8°  ;  |  Rapport  sur 
l'effet  rétroactif  des  lois  du  5  brumaire 
et  du  17  nivôse  an  2  (  179o  ) ,  in-8*  ;  |  Mé- 
moire justificatif  ^  181S  ,  in-8"  ,  2*  édition  ; 
\Constitutions  de  la  natioti  française,  p?-é- 
cédées  d'xcn  Essai  historique  et  politique 
sur  la  charte,.  Paris,  1819,  in-8";  |  la 
Bastonnade  et  la  Flagellation  pénales 
considérées  chez  les  peuples  anciens  et 
chez  les  modernes  ^  1823,  in-18,  2  édi- 
tions ;  I  Tableau  général  de  l'état  politi- 
que intérieur  de  la  France  depuis  I8I/1., 
et  de  l'Angleterre  depuis  1716,  etc.,  1824, 
in-8°;  |  Les  Jésuites  en  miniature,  ou  le 
livre  du  jésuitisme  analysé ,  avec  quelques 
mots  sur  des  réflexions  nouvelles  de 
M.  l'abbé  de  la  Mennais ,  et  sur  la  vie  de 
Scipion  Ricci ,  évéque  de  Pistoie ,  1826, 
in-è";  I  Extraits  de  la  grammaire  slave  de 
la  Camiole, du Mithridate d'Adehmg,  etc. 
dans  les  mémoires  de  l'académie  celtique; 
I  Plusieurs  analyses,  notices  et  autres 
morceaux  littéraires  lus  à  Tinstitut ,  ou 
insérés  dans  le  Magasin  encyclopédique, 
la  Chronique  religieuse ,  la  Revue  ency- 
clopédique ,  etc.  Lanjuinais  fut  en  outre 
avec  Grégoire  ,  co-édileiu'  et  co-réviseur 
de  la  Vie  et  des  Mémoires  de  Scipion 
Ricci,  par  de  Polter,  Paris,  1823,  k  vol. 
in-8°. 

*  LAANEAU  ou  DELANNEAU  (P.  A. 
V.  de),  ancien  directeur  du  pensionnat 
de  Sainte-Barbe  à  Paris,  mort  dans  celte 
ville,  le  50  mars  1830,  fut  élève  de  l'école 


militaire  en  lî67,  puis  théàtin  et  préire; 
il  fut  professeur  au  collège  de  Tulle  et 
ensuite  vicaire  épiscopal  à  Autun  en  1791. 
Ai)rès  avoir  été  procureur-syndic  du  dis- 
trict de  la  même  ville  et  membre  du 
club,  il  quitta  le  sacerdoce  ,  se  maria  et 
établit  un  pensionnat  qui  fut  fréquenté 
par  un  grand  nombre  d'élèves.  Les  étu- 
des de  cette  maison  y  étaient  en  généra! 
assez  bien  dirigées  ;  mais  Iti  part  des  ha- 
bitudes religieuses  y  était  nulle  dans  le 
principe,  et  jamais  elle  n'y  fut  très  grande. 
On  assure  que  Lanneau  présenta  une  sup- 
plique au  cardinal-légat  pour  faire  réha- 
biliter son  mariage  après  le  conœrdat. 
vSans  doute  l'esprit  de  parti  contribua 
beaucoup  au  succès  de  son  établissement  ; 
mais  noire  impartialité  nous  force  de  dire 
que  Lanneau  était  bienfaisant.  11  a  trans- 
mis son  pensionnat  à  son  fils,  quelque 
temps  après  la  restauration.  Plusieurs 
journaux  ,  et  entre  autres  le  Journal  du 
commerce ,  lui  ont  consacré  à^s  Notices 
nécrologiques.  On  lui  doit  quelques  ou- 
vrages pour  l'enseignement ,  parmi  les- 
quels on  cite  un  Cours  de  leçons  pratiques 
de  grammaire  française. 

*  LAINES  (  Jean  ),  duc  de  Montébello , 
général  français,  né  d'une  famille  esti- 
mée mais  pauvre,  à  Lectoure  (ancienne 
Guyenne  ) ,  dans  le  département  du  Gers , 
!e  11  avril  1769,  est  parvenu  par  des  pro- 
diges de  valeur  à  une  haute  illustration 
militaire.  Il  faisait  ses  éludeS  dans  sa  ville 
natale,  lorsqu'il  fut  obligé  d'y  renoncer 
par  suite  de  la  perte  que  son  père  fit  alors 
du  peu  de  bien  qu'il  possédait  et  qui  con- 
sistait en  une  métairie.  01)ligé  de  prendre 
une  profession  ,  le  jeune  Lannes  fut  mis 
en  apprentissage  chez  im  teinturier;  en 
1792 ,  il  fut  appelé  par  la  loi  qui  met- 
tait en  réquisition  tous  les  jeunes  Français 
en  état  de  porter  les  armes.  Lannes  partit 
un  des  premiers ,  en  qualité  de  sergent- 
major,  pour  l'armée  des  Pyrénées-Orien- 
tales dans  le  bataillon  des  volontaires  du 
département  du  Gers ,  ancien  comté  d'Ar- 
magnac. Actif,  intelligent  et  brave,  son 
avancement  fut  rapide ,  et  dès  l'année 
1793  il  était  colonel  (chef  de  brigade). 
Après  le  traité  de  Bàle,  qui  établit  la  paix 
entre  la  France  et  l'Espagne  ,  Lannes  ne 
fut  pas  placé  dans  le  nombre  des  offi- 
ciers supérieurs  en  activité.  Il  fut  com- 
pris dans  le  nombre  des  officiers  que  le 
conventionnel  Aubry  fit  destituer  après 
le  9  thermidor,  pour  cause  d'incapacité. 
Le  repos  auquel  il  semblait  condamné  l'in- 
digna, et  il  se  rendit  au  commencement 


LAN 


283 


LAM 


de  1796,  en  qualité  desimpie  volontaire, 
à  l'armée  d'Italie  ,  où  sa  valeur  le  fit  re- 
marquer, et  fixa  particulièrement  sur  lui 
l'attention  du  général  Bonaparte ,  qui  se 
rappela  qu'à  la  journée  du  13  vendé- 
miaire an  /t  (18  octobre  179S  ),  au  moment 
où  la  Convention  était  menacée  par  les 
sections  de  Paris,  cet  officier  avait  été 
sous  ses  ordres ,  et  qu'il  s'était  distingué 
par  son  sang-froid  et  son  courage.  Fait 
colonel  du  29'  régiment  (32'  demi-brigade) , 
sur  le  champ  de  bataille  de  Millésime  (2o 
germinal  an  5,  ik  avril  1796),  il  fit  des 
prodiges  de  valeur  au  passage  du  Pô ,  à 
la  bataille  du  Pont  de  Lodi  (21  fioréal,  10 
mai  1796),  à  la  bataille  de  Bassano  (22 
fructidor,  8  septembre  1796),  où  il  prit 
deux  drapeaux  ;  à  l'assaut  de  Pavie  ,  à  la 
suite  duquel  il  fut  fait  général  ;  au  siège 
de  Mantoue,  où  il  enleva  le  faubourg 
Saint-George  à  la  baïonnette  ;  aux  com- 
bats de  Fombio  et  do  Governolo;  enfin  à 
la  mémorable  bataille  d'Arcole ,  25  bru- 
maire an  k,  (la  novembre  1796),  où  les 
Français  remportèrent  sur  les  Autrichiens 
une  dès  plus  importantes  victoires  de  la 
rampagne,  et  à  laquelle  Lannes  avait  voulu 
assister  malgré  les  vives  souffrances  que 
lui  faisaient  éprouver  des  blessures  reçues 
à  un  précédent  combat.  Lorsque  l'armée 
d'Italie  marchait  sur  Rome,  le  général 
Lannes  arriva  le  premier  à  Imola,  dont  il 
enlevales  retranchemens;et  cet  événement 
décida  aussitôt  de  la  soumission  du  véné- 
rable et  malheureux  pape  Pie  VI ,  auprès 
duquel  le  vainqueur  fut  envoyé  pour  trai- 
ter de  la  paix.  Après  le  traité  de  Campo- 
Formio  (  23  vendémaire  an  6,  17  octobre 
1797),  le  général  Lannes  se  rendit  à  Paris 
où  il  devait  prendre  un  commandement 
dans  l'expédition  dirigée  contre  l'Angle- 
terre ;  mais  celle  d'Egj'pte  ayant  été  dé- 
cidée dans  cet  intervalle,  il  y  accompagna 
Bonaparte  ,  qui  le  regardait  depuis  long- 
temps comme  un  de  ses  plus  braves  gé- 
néraux. Dans  cette  canjpagne ,  où  tout 
était  nouveau  pour  l'armée  française , 
ennemis,  armes^  localitcs,  climat,  Lannes 
fut  constamment  cliargé  du  commande- 
ment des  avant-gardes.  Au  débarquement 
de  l'armée  sous  les  reurs  d'Alexandrie, 
dans  tous  les  combats  qui  précédèrent 
l'entrée  des  Français  au  Caire,  au  siège 
de  Saint-Jean  d'Acre,  à  la  bataille  d"A- 
boukir ,  il  se  signala  par  une  étonnante 
intrépidité,  et  fit  preuve  des  plus  grands 
talens  militaires.  Sa  division  se  porta 
contre  les  Turcs,  sur  la  montagne  de  Sa- 
bles ,  défendue   par  six  canons  de  gros 


calibre;  et  la  terreur  qu'il  répandit  dans 
leur  armée  fut  telle  que  les  soldats,  éper- 
dus et  fuyant  de  toutes  parts,  se  précipi- 
taient dans  la  mer  pour  échapper  au  fer 
des  vainqueurs  ;  plus  de  dix  mille  y  pé- 
rirent, refoulés  vers  le  rivagç  par  la  ca- 
valerie du  général  Murât.  Lannes  investit 
Aboukir ,  attaqua  la  redoute  dont  il  em- 
porta de  vive  force  les  relranchemens ,  el 
fut  dangereusement  blessé  dans  ce  com- 
bat. Lorsque  Bonaparte  quitta  l'Egypte 
pour  revenir  en  France ,  Lannes  fut  un 
des  sept  officiers  qui  l'accompagnèrent , 
et  un  des  généraux  qui  lui  furent  le  plus 
utiles  dans  les  journées  des  18  et  19  bru- 
maire an  8  (  9  et  10  novembre  1799  ).  En. 
voyé  à  Toulouse  à  la  suite  de  ces  événe- 
mens,  il  fut  chargé  du  commandement 
des  9'  et  10'  divisions  militaires,  dont  sa 
ville  natale  faisait  partie;  et,  quoiqu'il 
eût  plus  de  courage  sur  un  champ  de  ba- 
taille que  d'habileté  pour  une  négociation, 
sa  gloire,  sa  fermeté  ,  sa  franchise,  l'es- 
poir que  l'on  fondait  dans  le  gouverne- 
ment qui  venait  de  s'établir,  parvinrent 
à  dissiper  les  troubles  que  les  factions 
espéraient  y  maintenir  encore.  Rappelô 
à  Paris,  il  fut  nommé  commandant  en  chef 
de  la  garde  consulaire-  La  guerre  s'étani 
rallumée  en  Italie ,  et  le  premier  consul 
ayant  quitté  Paris  le  16  floréal  an  8  (  6  mai 
1800  )  pour  se  mettre  à  la  tête  de  l'armée. 
Lannes  fut  chargé  du  commandement  de 
l'avant-garde ,  marcha  une  seconde  fois 
sur  Pavie ,  qu'il  avait  prise  d'assaut  deux 
ans  auparavant,  passa  le  Pô,  enleva  lu 
position  avantageuse  de  Stradella,  fit 
preuve  de  talens  à  la  bataille  de  Casteggio, 
et  se  fit  remarquer  à  celle  de  Marengo,  par 
plusieurs  faits  d'armes  auxquels  il  prit 
part  comme  général  et  comme  soldat.  Un 
sabre  d'honneur  fut  la  récompense  de  sa 
belle  ct>nduile.  Envoyé,  en  novembre  1801, 
en  qualité  de  ministre  plénipotentiaire  ,  à 
Lisbonne ,  il  sut  y  maintenir  la  dignité 
de  la  nation  qu'il  représentait ,  et  quitta 
ce  poste  à  la  suite  de  difticultés  ocrasio- 
nets  par  le  droit  q'a'ii  prétendait  avoir  de 
faire  entrer  dans  le  Tage  des  bàtimens 
chargés  de  marciiandises ,  sans  être  sou- 
mis à  aucune  visite  ni  payer  de  droits.  Il 
fut  élevé  àladignlté  de  maréchal  d'empire 
le  29  floréal  an  12  (  19  mai  1804),  puis 
créé  successivement  chef  de  la  9'  colîorle. 
grand  officier  de  la  légion-d'honneur  et 
duc  de  Montébelio.  A  la  reprise  des  hos- 
tilités avec  l'Autriche,  en  1803,  il  obtint 
le  conunandemcnt  de  l'avant-garde  de  la 
grande  armée,  se  porta  sur  Louisbourg, 


LAN 


284 


LAN 


et  pénétra  en  Bavière,  où  il  commença 
la  campagne  de  la  manière  la  plus  bril- 
lante. Il  contribua  aussi  aux  succès  du 
combat  de  Werlinf^en ,  à  la  défaite  de 
Mack ,  à  la  prise  d'Ulm  ,  et  notamment  à 
la  victoire  d'Holabrunn,  où  il  ordonna 
une  charge  de  cavalerie  qui  décida  l'af- 
faire en  faveur  de  l'armée  française. 
Chargé  du  cominandcment  de  l'aile  gau- 
che de  la  grande  armée,  à  la  bataille 
d'Austcrlit?- ,  deux  de  ses  aides-de-camp 
furent  tués.à  ses  côtés  dans  cette  iniporlanle 
journée,  qui  décida  du  sort  de  l'Autriche, 
et  au  succès  de  laquelle  le  duc  de  Monté- 
bello  contribua  par  ses  savantes  manœu- 
vres et  par  la  prodigieuse  activité  de  ses 
raouvemens.La  campagne  contre  la  Prusse 
ayant  commencé  en  octobre  1807,  le  ma- 
réchal se  signala  dans  toutes  les  affaires  : 
léna,  Eylau,  Friedland,  furent  les  nou- 
veaux théâtres  de  sa  gloire;  mais  ce  fut 
surtout  dans  la  terrible  bataille  d'Eylau 
qu'il  fit  des  prodiges  de  valeur  qui  lui  mé- 
ritèrent l'admiration  et  la  reconnaissance 
de  toute  l'année.  Lorsque  Bonaparte 
partit  pour  l'Espagne ,  le  duc  de  Monlé- 
bello  l'y  accompagna;  il  commanda  un 
corps  d'armée  à  la  bataille  de  Tudela;  il 
dii  igea  le  siège  de  Saragosse  et  obtint  di- 
vers succès  dans  cetleguerre  injuste,  puis- 
qu'elle était  dirigée  contre  l'indépendance 
et  la  liberté  d'un  peuple.  Cependant  l'Au- 
triche, toujours  vaincue,  mais  toujours  re- 
doutable, venait  de  relever  pour  la  cin- 
quième fois  contre  Napoléon  l'étendard  de 
la  guerre.  De  retour  en  France ,  où  il  était 
marié  civilement  depuis  plusieurs  années 
(  il  avait  répudié  sa  première  femme  ) ,  le 
duc  de  Montébello  jouissait  de  quelque  loi- 
sir dans  la  belle  terre  de  Maisons,  qu'il 
avait  acquise  aux  environs  de  Paris ,  lors- 
qu'il reçut  l'ordre  de  partir  pour  l'Alle- 
magne ;  il  n'abandonna  sa  retraite  qu'avec 
les  plus  funestes  pressenlimens,  embrassa 
sa  femme  et  ses  enfans,  et  versa  des  larmes 
en  quittant  son  château  ,  qu'il  ne  devait 
plus  revoir.  A  la  tcte  de  ces  braves  légions, 
qui  avaient  souvent  vaincu  sous  ses  or- 
dres, le  duc  de  iMontébello,  après  une 
suite  non  interrompue  de  victoires,  s'em- 
para de  Ratisbonne  ,  et  marchait  de  succès 
en  succès  aans  le  cours  de  cette  campagne, 
lorsqu'à  la  bataille  d'Esling,  livrée  le  22 
mai  1809,  un  coup  de  canon  lui  emporta 
la  jambe  droite  toute  entière  et  la  gauche 
au  dessus  de  la  cheville;  on  désespéra 
aussitôt  de  sa  vie,  et  l'on  se  hâta  de  le 
transporter  sur  un  brancard  auprès  de 
Bonaparte.  Quoique  occupé  à  donner  des 


ordres  que  le  sort  à  peine  assuré  de  la 
bataille  rendait  pressans  ,  il  ne  put ,  à  ce 
douloureux  aspect,  se  défendre  d'une  vive 
émotion.  Le  maréchal ,  qui  avait  perdu 
connaissance,  revint  à  lui  en  ce  moment 
et  dit  à  Napoléon  :  «  Dans  une  heure , 
»  vous  aurez  perdu  celui  qui  meurt  avec 
»  la  gloire  et  la  conviction  d'avoir  été 
»  votre  meilleur  ami.  »  Ces  mois  furent 
entendus  de  tous  ceux  qui  les  environ- 
naient ,  mais  ce  qui  ne  l'a  été  que  d'un 
très  petit  nombre  de  personnes,  et  de 
manière  à  ce  qu'il  est  impossible  d'eu 
donner  vm  récit  exact ,  c'est  la  conversa- 
tion entrecoupée  du  maréchal  avec  Na- 
poléon, et  les  conseils  qu'il  lui  donna  en 
expirant,  pour  l'engager  à  mettre  un 
terme  à  l'excès  d'une  ambition  qui,  après 
avoir  entraîné  successivement  au  tom- 
beau tous  les  compagnons  de  sa  fortune  , 
finirait  de  l'y  précipiter  lui-même.  La 
réalité  de  celle  conversation  est  hors  cio 
doute,  mais  nous  n'oserions  répondre  de 
l'exactitude  des  détails  qui  en  ont  été  doii- 
nés.  Un  petit  nombre  de  spectateurs ,  à 
qui  Bonaparte  avait  donné  l'ordre  do  s'é- 
loigner, parvhuent  seulement  à  saisir 
quelques  paroles ,  et  à  juger  par  la  chaleur 
avec  laquelle  s'expiimait  le  maréchal 
mourant ,  et  par  l'altération  sensible  de 
Napoléon,  que  ce  qui  se  passait  entre  eux 
tenait  à  de  grands  intérêts.  Le  duc  de 
Montébello  expira  le  5i  mai  1809,  après 
neuf  jours  passés  dans  les  plus  vives  dou- 
leurs, i)roduites  par  une  double  amjju- 
tation.  Son  corps,  déposé  d'abord  à  Stras- 
bourg, a  été  transporté  à  Paris  le  22  mai 
de  l'année  suivante ,  un  an  après  sa  mort 
et  inhumé  au  Panthéon  le  6  juillet ,  anni- 
versaire de  la  victoire  de  'VV'ayram.  La 
seconde  épouse  de  Lannes  ,  M"'  de  Gué- 
héneuc,  était  fille  d'un  ancien  commis- 
saire des  guerres.  Le  maréchal  a  laissé 
trois  enfans,  dont  l'ainé  a  été  créé  pair 
de  France ,  le  17  août  1815 ,  sous  le  nom 
de  Montébello.  Un  fils  de  la  première 
femme  qui  réclamait  une  part  dans  la 
succession  du  maréchal ,  avait  été  précé- 
demment déclaré  adultérin  par  les  tribu- 
naux. On  aune  Vie  militaire  de  J.  Lan- 
nes, t\.c.,  par  M.  René  Perin,  Paris,  1810, 
in-8°. 

LAKNOY  (  CHAULts  de  )  ,  général  au 
service  de  Charlcs-Quinl,  était  issu  d'une 
des  plus  illustres  maisons  de  Flandre, où 
il  naquit  vers  1470;  il  servit  d'abord 
dans  les  armées  de  l'empereur  Maiimi- 
lien ,  qui  le  fit  chevalier  delà  Toison-d'Or 
eu  liiiG,  gouverneur  de  Tournai  en  lli21. 


LAN 


28S 


LAft 


Lannoy  dc*'int  vice-roi  de  Naples  pour 
l'empereur  Charles-Quint  en  1322.  Il  eut  le 
commandement  général  dos  armées  de  ce 
prince,  après  la  mort  de  Prosper  Colonne 
en  1523,  et  s'immortalisa  à  la  journée  de 
Pavie,  en  1525,  où  François  1"  iut  fait 
prisonnier.  On  sait  que  ce  prince  ne  voulut 
ge  rendre  qu'au  vice-roi.  a  M.  de  Lannoy. 

•  lui  dit-il  en  italien,  voilà  l'épée   d'un 

•  roi  qui  mérite  d'être  loué ,  puisqu'avant 
»  que  de  la  rendre  il  s'en  est  servi  pour 
>  répandre  le  sang  de  plusieurs  des  vô- 
»  très.  »  Cela  était  vrai ,  et  le  roi  avait 
un  peu  trop  profité  de  la  certittide  où 
il  était  que  les  Impériaux  ne  voulaient 
pas  le  tuer,  pour  en  tuer  lui-même  très 
inutilement  et  impunément  plusieurs 
qui  cherchaient  à  le  faire  prisonnier. 
Aussi  de  Lannoy ,  en  prenant  son  épée , 
et  lui  en  donnant  une  autre  lui  dit  :  a  Je 
»  prie  votre  majesté  d'agréer  que  je  lui 
B  donne  la  mienne ,  qui  a  épargné  le  sang 
»  de  plusieurs  des  vôtres.  »  Le  généreux 
Lannoy  traita  toujours  François  T'^en  roi. 
Craignant  que  ses  troupes  n'entreprissent 
de  se  saisir  de  la  personne  de  ce  prince , 
pour  s'assurer  de  leur  paiement ,  il  le  fit 
mener  dans  le  château  de  Pizzighitone. 
ensuite,  pour  l'engager  à  passer  en  Es- 
pagne, il  lui  dit  qu'il  pourrait  s'aboucher 
avec  l'empereur ,  et  qu'ils  s'accorderaien) 
facilementensemble,  lui  promettant  qu'au 
cas  qu'ils  ne  pussent  convenir ,  il  le  ra- 
mènerait en  Italie.  Le  traité  ayant  été  fait 
entre  Charles-Quint  et  François  l",  ce  fut 
Lannoy  qui  conduisit  le  roi  près  de  Fon- 
tarahie ,  sur  le  bord  de  la  rivière  de  Bi- 
dassoa,  qui  sépare  la  France  de  l'Espagne. 
L'empereur  Charles-  Quint  lui  donna  la 
principauté  de  Sulmone ,  le  comté  d'Ast 
et  celui  de  la  Roche  en  Ardenncs.  Il  mou- 
rut à  Gaëte  en  1527,  d'une  fièvre  ardente 
qui  l'emporta  en  quatre  jours.  Lannoy 
était  un  général  réfléchi,  mesuré,  capa- 
ble de  décider  la  victoire  par  ses  talens 
militaires  autant  que  par  son  courage. 
Propre  au  cabirjet  comme  à  un  champ  de 
bataille  ,  il  savait  traiter  une  négociation 
et  ménager  une  affaire. 

*  LA\AOY  (  JcLiEi«iVE-Co:iNÉLiE ,  ba- 
ronne de),  née  à  Breda  en  1758,  une  des 
dames  hollandaises  qui  ont  cultivé  la 
poésie  avec  le  plus  de  succès ,  a  laissé 
trois  tragédies,  qui  ont  été  accueillies 
avec  la  plus  grande  faveur  sur  le  théâtre 
d'Amsterdam  ;  leurs  litres  sont  :  Léon  le 
Grand,  1767,  in-12  ;  le  Siège  de  Harlem, 
4770  ;  et  Cléopâtre,  1776.  La  baronne  de 
Lannoy  a  remporté ,  en  outio ,  un  grand 


nombre  dé  prix  de  poésie.  Elle  a  publié 
elle-même  deux  volumes  de  ses  produc- 
tions poétiques ,  Leyde ,  1780,  in-S".  Après 
sa  mort  arrivée  à  Bréda  ,  en  1782,  M.  de 
Bildcrdik  en  a  fait  paraître  un  troisième, 
1785,  in-8°. Celte  femme  poète  se  distingua 
principalement  dans  l'épître ,  l'ode  et  dans 
la  satire.  11  y  a  dans  ses  compositions  de 
la  verve,  souvent  de  l'originalité  »  et  tou- 
jours de  l'élégance. 

LAÎVOUE.  Voyez   NOUE. 

LAîVSBERG  (  Jeaiv  ,  en  latin  Lansper- 
gius  ),  natif  d'une  ville  de  son  nom  en 
Bavière,  se  fit  chartreux  à  Cologne,  mou- 
rut en  1559,  n'ayant  pas  encore  atteint  la 
50^  année  de  son  âge ,  avec  le  surnom  de 
Juste ,  et  laissa  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages ascétiques,  qui  respirent  une  piété 
tendre.  Ils  ont  été  recueillis  à  Cologne  en 
1693 ,  en  5  vol.  in-4".  Ses  Entretiens  de 
Jésus-Christ  avec  l'âme  fidèle,  Alloquium 
Jesu-Christi  ad  anim.am  fidelem,  Lou- 
vain ,  1572 ,  in-12 ,  ont  été  traduits  en 
français  et  dans  plusieurs  autres  langues. 
Nous  devons  citer  aussi  Enchiridion  mi- 
lUiœ  christiance ,  Paris ,  1546 ,  et  Cologne 
1507,  in-12.  L'auteur  était  un  homme  zélé 
qui  travailla  avec  ardeur  à  faire  rentrer 
dans  le  sein  de  l'Eglise  ceux  que  les  er- 
reurs de  Luther  en  avaient  fait  sortir. 

LA.\SBERG  (Matthieu.)  Fby.LAENS- 
BERGH. 

LANSBERG,  et  non  LANDSBERGHE , 
et  LANSBERGHE  (Pbilippe),  mathémati- 
cien et  astronome  protestant ,  né  à  Gand 
en  1565  (i) ,  fut  pendant  quelque  temps 
ministre  à  Anvers.  Cette  ville  étant  ren- 
trée sous  l'obéissance  de  Philippe  II ,  le 
17  août  1585 ,  il  se  vit  obligé  de  chercher 
un  asile  dans  les  Provinces-Unies.  Il  y  fut 
ministre  à  Ter-Go  es  en  Zélande,  et  se 
retira  sur  la  fin  de  ses  jours  à  Middel- 
bourg,  où  il  mourut  en  1652,  à  71  ans.  On 
a  de  lui  :  |  Progytnnasmata  astronomiee 
restitutœ,M\CiA.GVDO\xrQ,  1619,  in-i";  ibid. 
1629;  traduit  du  hollandais  en  latin  par 
Martin  Hortensius,  Middelbourg,  1650, 
in-/«.°,  et  en  français  par  N.  Goubard,  ib., 
1659,  in-fol.  ;  |  Commentationes  in  mo- 
lum  terrœdiurnum  et  annuum, etc.,  1629,"^ 
trad.  en  français  par  N.  Goubard ,  Mid- 
delbourg, 1653 ,  in-folio,  avec  des  tables. 
L'auteur  se  déclare  pour  le  système  de 
Copernic.  Uranometrice  libri  très,  Mid- 


(i)  Suivant  Foppens,  dans  sa  Bihliolhtca  Btlgiea. 
lAIais  Philippe  L.insberg  nous  apprend  lui-rat^me  dans 
la  préf.ice  de  son  Uranometria ,  tic,  (ja"il  était  ne, 
en  i56i  ,  dans  ta  Zëiande- 


LAjV 

delbourg,  1031 ,  in-i"  ;  |  Tabuîœ  tKotumn 
cœlestium  perpétua ,  Middelbourg ,  1632, 
in-fol.  On  dit  (ju'il  travailla  iO  ans  à  ces 
tables.  1  Introductio  in  quadrantcrn  tum 
astronomicwn  ^  tum  geometricum^  etc. 
Middelljourg ,  1635 ,  in-fol.  ;  une  Chrono- 
logie sacrée .  Middelbourg  ,  1623  ,  in-i"  ; 
I  Horologiographia  nova^  etc.  Tous  ces 
ouvrages,  hormis  le  premier,  ont  été  réu- 
nis à  Middelbourg,  1663,  in-folio.  —  Son 
fils  Jacques  LANSBERG  s'appliqua  aussi 
aux  mathématiques  et  publia  une  Apolo- 
gie des  ouvrages  de  son  père ,  Middel- 
bourg ,  1653 ,  'm-k°,  et  mourut  en  Hollande 
en  1657.  — Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec 
un  autre  Jacques  LAjNSBERG,  connu  par 
une  Description  de  la  ville  de  llulst^  la 
Haye ,  1687,  in-S°;  ni  avec  N.  LANSBERG. 
habile  ingénieur  hoUïuidais,  qui  publia 
La  nouvelle  manière  de  fortifier  les  pla- 
ces^ la  Haye,  1712,  in-i".  Cet  ouvrage  est 
curieux  par  la  nouveauté  du  système  que 
l'auteur  y  propose  ,  et  par  la  critique  qu'il 
y  fait  des  places  qui  paraissent  le  mieux 
fortifiées. 

LA.VSiUS,  ou  LANZIUS  (Thomas), 
jurisconsulte  allemand ,  né  en  1577  à  Ber- 
gen dans  la  haute  Autriche,  voyagea  beau- 
coup, acquit  ime  grande  connaissance  des 
mœurs  et  des  lois  des  différentes  nations 
et  devint  professeur  de  jurisprudence  à 
Tubingen,  On  a  de  lui  :  Orationes ^  seu 
Consultatio  de  principatu  inter  provin- 
cias  Europœj,  Amsterdam  ,  1656 ,  ia-8°. 
Il  faut  bien  se  garder  de  croire  toutes  les 
anecdotes  qu'il  annonce  dans  cet  ouvrage  ; 
il  y  en  a  d'absolument  fausses  et  calom- 
nieuses, en  particulier  ce  qu'il  raconte  du 
cardinal  Bembq.  Lansius  mourut  octogé- 
naire en  4657. 

•  LAIVTARA  (  Simox-Matiiuriîï  )  célè- 
bre peintre  de  paysages,  né  en  1745 ,  dans 
un  village  près  de  Montargis  était  doué  du 
talent  le  plus  vrai ,  et  de  la  plus  heureuse 
facilité  :  il  n'eut  pour  ainsi  dire  d'autre 
maître  que  la  nature.  Il  aurait  pu  acquérir 
de  la  fortune  ;  mais  la  paresse  la  plus  in- 
vétérée, et  l'insouciance  la  plus  complète 
l'empêchèrent  toujours  de  sortir  de  l'in- 
digence. Il  mourut  dans  l'hospice  de  la 
Charité  le  22  décembre  1778.  Ses  tableaux 
sont  peu  nombreux  et  très  recherchés. 
Quelques-uns  ont  été  gravés  par  P.  J.  Da- 
ret,  entre  autres  \di  rencontre  fâcheuse^ 
le  pécheur  amoureux^  l'heureux  bai- 
gneur, le  berger  amoureux ^  h  estampes 
en  long.  Piquenot  a  gravé  la  nappe  d'eau 
et  les  chasse-marées,  2  estampes  en  long  ; 
el  Lebas ,  le  premier  livre  des  p^ues  des 


286  LAN 

environs  de  Paris,  12  petites  feuilles  en 
long. 

•  LAIVTIER  (  E.-F.  de  ),  membre  de 
plusieurs  académies  Uttéraires  et  cheva- 
lier de  Saint-Louis,  naquit  à  Marseille, 
en  175/t,  d'une  famille  considérée.  Il  vint 
très  jeune  à  Paris,  où  plusieurs  poésies 
légères  le  firent  connaître  avantageuse- 
ment. Il  donna  ensuite  plusieurs  comédies 
qui  furent  jouées  ,  non  sans  succès ,  telles 
que  I  Y  Impatient ,  en  un  acte  et  en  vers  , 
1778  ;  I  Le  Flatteur,  en  cinq  actes  ,  publié 
par  Grimod  de  la  Reynière  ,  1782  ,  in-S"; 
I  Les  Coquettes  rivales,  en  5  acte»  et  en 
vers ,  1786  ;  |  L'Inconséquent,  en  trois  ac- 
tes  et  en  vers ,  1788.  Dans  cet  intervalle  . 
il  avait  publié  :  |  Le  Fakir,  conte  en  vers, 
1780  ,  in-8°,  que  la  Reynière ,  qui  en  a  été 
l'éditeur,  affirme  n'être  point  de  Lantier. 
Le  même  la  Reynière  s'est  déclaré  auteur 
de  l'ouvrage  suivant  qu'on  a  aussi  attribué 
à  Lantier  :  |  Réflexions  philosophiques  sur 
le  plaisir,  par  Un  célibataire,  ouvrage  qui 
n'a  rien  de  moral,  Paris  ,  1783  ;  |  Travaux 
de  l'abbé  Mouche,  ihid.,  1784,  in-I2  ;  |  ffer 
minie,  potme  en  3  chants,  1788,  in-12; 
I  Voyages  d'Aniénor  en  Grèce  et  en  Asie, 
Paris ,  1798 ,  3  vol.  in-8°  ;  cet  ouvrage  est 
celui  qui  lui  a  acquis  le  plus  de  réputation; 
il  a  eu  plusieurs  éditions ,  et  a  été  traduit 
en  allemand  ,  en  anglais ,  en  espagnol ,  en 
portugais  et  en  russe.  Il  paraît  que  M. 
Lantier  s'était  proposé  dedonnerune  suile 
ou  complément  à  l'excellent  ouvrage  de 
l'abbé  Barthélémy  (  Voyage  d' Anachar- 
sis  ),  mais  il  s'est  placé  bien  loin  de  son 
modèle.  Cependant,  un  style  souvent  cor- 
rect, facile  ,  quoique  un  peu  affecté  ,  dc> 
aventures  intéressantes  en  rendraient  la 
lecture  assez  agréable,  s'il  n'était  pas  en- 
tremêlé de  tableauxun  peu  trop  lubriques 
et  d'un  esprit  d'indépendance  civile  et 
religieuse  qui  ne  fait  pas  l'élogo  des  prin- 
cipes de  l'auteur.  Une  nouvelle  Aspasie , 
que  dans  l'ouvrage  on  appelle  Lasthénie, 
et  un  libertin  bel-esprit,  nommé  Phanor, 
donnent  à  l'ouvrage  de  Lantier  une  cou- 
leur plus  que  licencieuse.  Le  voyage  d'Ar. 
ténor  n'est  qu'un  roman  d'imagination  , 
dont  on  ne  peut  tirer  que  des  idées  im 
parfaites  et  souvent  même  fausses  des 
mœurs  de  l'ancienne  Grèce.  On  l'a  sur- 
nommé avec  raison  VAnacharsis  des  bou- 
doirs ;\es  passions  y  sont  mises  beaucoup 
trop  en  jeu ,  et  elles  en  rendent  la  lecture 
dangereuse.  En  résumé,  le  livre  de  M. 
Barthélémy  est  classique  dans  son  genre , 
tandis  que  loVo/age  d'  ^nténorn'esl  qu'un 
roman  rempli  de  saillies  qu'on  s'est  plu  à 


LAN 


287 


LAN 


trouver  spirituelles,  parce  qu'elles  bravent 
souvent  les  bonnes  mœurs.  On  a  encore 
de  M.  Lantier  :  |  Contes  eJi  prose  et  en  vers^ 
suivis  de  pièces  fugitives^  1801,  3  vol. 
in-18;  |  Les  Voyageurs  en  Suisse^  1803, 
5  vol.  in-8°,  1817,  in-12,  traduit  en  an- 
glais, 6  vol.  in-12  ;  ]  Voyage  en  Espagne 
du  chevalier  de  Saint-Gervqis ^  officier 
français^,  de  ses  divers  événemens ,  1809, 
2  vol.  in-8°  ;  |  Correspondance  de  made- 
moiselle  Suzette-CésaiHne  cVJrly ,  1814, 
2  vol.  in-8";  1815,  5  vol.  in-12;  |  Recueil 
ds  poésies^  1817,  in-S".  Lantier  est  mort 
à  Marseille  le  31  janvier  1826,  à  l'âge 
de  près  de  quatre-vingt-douze  ans.  Quel- 
ques mois  avant  de  mourir ,  il  donna  en- 
core son  poème  de  Geoffroi-  Rudel^  ou 
le  Troubadour^  en  huit  chants,  1825, 
in-8°,  qui  fut  son  dernier  ouvrage  et  qui 
offre ,  à  travers  beaucoup  d'imperfec- 
tions ,  un  assez  grand  nombre  de  vers 
remarquables  par  leur  élégance  et  leur 
pureté. 

LANUZA  (  Jékome-Baptiste  de  SEL- 
L AN  de),  surnommé  le  Dominique  de 
son  siècle ,  naquit  à  Ixar ,  dans  le  diocèse 
de  Saragosse,  en  1353,  se  fit  dominicain, 
et  devint  provincial  de  son  ordre.  Il  exer- 
çait cet  emploi  avec  beaucoup  de  distinc- 
tion, lorsqu'il  présenta  une  requête  à 
Philippe  III,  contre  la  doctrine  de  Molina, 
et  la  liberté  que  les  papes  laissaient  aux 
théologiens  de  l'enseigner.  Cette  requête 
peut  faire  honneur  au  zèle  de  l'auteur 
pour  la  prédétermination  physique,  mais 
elle  n'en  fait  pas  à  sa  modération.  Les 
pontifes  avaient  laissé  la  liberté,  parce 
qu'ils  voyaient  que  dans  les  questions 
controversées ,  rien  n'intéressait  la  foi. 
(  Voyez  LEMOS.  )  Ce  pieux  dominicain 
fui  élevé  en  1616,  sur  le  siège  de  Balbastro, 
en  1622,  sur  celui  d'Albarazin.  Il  mourut 
dans  cette  dernière  ville  en  1625,  après 
une  vie  remplie  par  les  devoirs  d'un 
évêque  et  par  les  exercices  ji'un  reli- 
gieux. Philippe  III  faisait  tant  de  cas  de 
sa  vertu,  qu'il  le  fit  prier,  à  son  avène- 
ment au  trône,  de  lui  indiquer  les  ecclé- 
siastiques et  les  religieux  qu'il  jugerait 
dignes  des  premières  dignités  de  l'Eglise. 
On  a  de  lui  des  ]  Traités  évangéliques , 
écrits  simplement  et  solidement;  des 
I  Homélies,  en  3  vol.,  traduites  de  l'espa- 
gnol en  latin  assez  fidèlement  ,  par  Oné- 
sime  de  Kien ,  Mayence ,  1649,  k  vol. 
in-i"  ;  et  en  français  ,  par  Louis  Amari- 
ton ,  avec  peu  d'exactitude  ;  (  la  Requête 
contre  les  jésuites.  Lanuza  était  nn  peu 
fàrhé  du  crédit  dont  ils  jouissaient  ;  s'il 


eût  été  prophète,  il  n'aurait  point  perlé 
envie  à  leur  destinée. 

*  LAIVZE  (ViCTon-AMÉDÉE  délie),  en 
français,  le  cardinal  des  Lances, 'ndi(\vi\i 
à  Turin,  le  1"  septembre  1712,  d'une  fa  • 
mille  illustre.  Il  fut  successivement  cha- 
noine régulier  de  Sainte-Geneviève  à 
Paris,  ensuite  vicaire  à  Turin.  Créé  car- 
dinal par  le  pape  Benoit  XIV,  le  10  avril 
1747,  il  fut  bientôt  après  archevêque  de 
Nicosie,  préfet  du  concile,  aumônier  du 
roi  de  Sardaigne,  et  abbé  commendataire 
de  l'abbaye  de  Saint-Benigne,  où  il  mou- 
rut le  25  janvier  1784.  Si  Lanze  fut  élevé 
au  comble  des  dignités  ecclésiastiques,  il 
le  dut  plus  encore  à  ses  talons  et  à  ses 
vertus  qu'à  sa  naissance.  A  une  érudition 
profonde,  il  joignait  une  doctrine  pure 
et  une  piété  rare ,  qu'il  relevait  encore 
par  un  caractère  généreux  et  une  ardente 
charité.  On  a  de  lui  :  |  Synodus  dicece- 
sana  Segusii  (Suse)  in  Gallia  subalpi?ia  , 
coacta  anno  1743^  a  Victoria  Amedœo  à 
Lanceis;  \  Synodus  diœcesana  insignis 
abbatiœ  fi'uctuariensis  Sancti-Benigni 
de  Sancto-Benigno ,  Turin,  1752.  On 
trouve  l'éloge  de  ce  prélat  dans  la  Storïa 
letteraria  d'Italia,  page  325,  et  dans  la 
Nuova  raccolta  degli  opuscoli ,  etc. ,  du 
célèbre  père  Calogera. 

*  LANZI  (l'abbé  Louis),  savant  ita- 
lien, naquit  à  Monte-del-Olmo ,  près  de 
Macerata,  en  1752,  étudia  chez  les  jé- 
suites ,  et  entra  dans  cet  ordre  en  1750. 
Il  professa  la  rhétorique,  la  philosophie  , 
la  théologie  :  après  la  suppression  de  son 
ordre  ,  le  grand-duc  Léopold  le  nomma 
sous-directeur  de  la  galerie  de  Florence  , 
où  il  mourut  le  51  mars  1810.  Ce  fut  sans 
contredit  un  des  plus  habiles  philologues 
et  des  archéologues  les  plus  savans  de  l'i- 
talie.  On  lui  doit  la  fondation  d'un  cabinet 
étrusque,  qu'il  disposa  dans  un  ordre  ad- 
mirable. Il  a  laissé  28  ouvrages  estimés  , 
dont  on  peut  voir  la  liste  dans  une  no- 
tice publiée  par  l'abbé  Mauro  Boni,  tra- 
duite en  français  au  tome  4  des  Annales 
eticyclopédiques ,  1817,  et  dont  nous  ci- 
terons ceux  qui  ont  contribué  le  plus  à  sa 
réputation.  |  Guide  de  la  galerie  de  Flo- 
rence, Florence,  1782  ,  in-8°  ;  |  Essai  sur 
la  langue  étrusque,  Rome,  1789,  3  vol.' 
in-8° ,  qui  fut  applaudi  par  les  savans  de 
l'Europe;  |  une  traduction  excellente  en 
vers ,  des  Travaux  et  des  Jours  d'Hé- 
siode ,  avec  des  notes,  ibid.,  1808, 
in-4°.  I  Dissertation  sur  les  vases  appelés 
communémetit  étrusques,  Florence,  1790  ; 

I  Histoire  de  la  peinture  en  Italie,  Bassano, 


1.AP 


288 


XAP 


1792, 6  vol.  in-8°,  ouvrage  supérieur  dans 
son  genre.  Tous  ces  ouvrages  sont  en 
ilalien.  Lanzi  conservait  un  si  tendre 
souvenir  de  l'ordre  auquel  il  avait  appar- 
tenu ,  qu'on  le  voyait  s'attendrir  toutes 
les  fois  qu'il  rencontrait  un  de  ses  con- 
frères. 

LA.i\ZIUS.  Voyez  LAT^SIUS. 

LANZOI>iI  (  Joseph),  médecin  et  pro- 
fesseur à  Ferrare,  membre  de  l'académie 
des  Curieux  de  la  nature j  naquit  à  Fer- 
rare  en  1665 ,  et  montra  dès  l'enfance  un 
vif  penchant  pour  l'élude.  La  réputation 
qu'il  acquit  dans  l'exercice  de  la  méde- 
cine, lui  mérita  la  confiance  de  plusieurs 
personnes  illustres.  Tout  le  temps  que 
sa  profession  n'absorbait  point ,  il  l'em- 
ployait à  la  littérature ,  ou  à  l'étude  de 
l'antiquité.  Plusieurs  académies  d'Italie 
et  étrangères  se  l'associèrent.  Il  a  été  le 
restaurateur  et  le  secrétaire  de  celle  de 
Ferrare.  Il  mourut  en  1750.  On  a  impri- 
mé en  1738,  à  Lausanne  ,  le  Recueil  de 
ses  ouvrages  manuscrits  avec  ceux  déjà 
imprimés ,  3  vol.  in-4°,  en  latin. 

*  LAOS  (  Philippe  ) ,  né  à  Bouxvillers , 
mort  à  Paris  le  7  octobre  1819.  Les  prin- 
cipaux ouvrages  qu'il  a  rédigés  sont  : 
I  Archives  des  découvertes  et  inventions 
nouvelles  faites  dans  les  sciences^  les  arts 
et  les  manufactures,  tant  en  France  que 
dans  les  pays  étrangers ,  H  vol.  in-8°, 
publiés  depuis  l'année  1808;  |  Journal 
de  la  littérature  étrangère,  année  1801  à 
1819,  formant  11  vol.  in-8°;  ]  Histoire  des 
plus  anciens  chrétiens  dans  les  déserts 
de  l'Orient,  en  allemand ,  2  vol.  in-8"  ; 
I  Encyclopédie  ,  pour  les  artistes  ,  en  al- 
lemand, 6  vol.  in-8°,  Eerlin,  1794-98. 

LAPARELLl  (  Fraivçois  ),  ingénieur 
et  architecte,  naquit  à  Cortone,  le  5  avril 
1321.  Son  application  aux  sciences  mili- 
taires et  mécaniques  le  fit  estimer  de 
Côme  r'"',  grand-duc  de  Toscane.  Il  ob- 
tint sous  Pie  IV  une  compagnie  de  200 
hommes,  avec  laquelle  il  fut  chargé  de 
garder  Civita-Vecchia  dont  il  fortilia  les 
murs  et  le  port.  Michel-Ange  Buonarotti 
lui  confia  ensuite  l'exécution  de  ses  des- 
sins pour  l'église  de  Sàint-Pierre.  Soli- 
man II,  en  1565,  ayant  résolu  de  chasser 
de  Malte,  avec  240  voiles ,  les  chevaliers 
de  Jérusalem ,  Pie  IV  y  envoya  François 
r>aparelli.  Il  travailla  à  fortifier  l'île ,  et 
donna  le  projet  d'une  nouvelle  ville,  la- 
quelle porta  le  nom  de  la  Valette,  parce 
q  ue  Jean  Parisot  de  la  Valette  était  alors 
grand-maître  de  Malte.  Dans  la  suite,  les 
Turcs  ayant  formé  des  entreprises  sur 


l'île  de  Chypre,  LaparelU  offrit  ses  ser- 
vices aux  Vénitiens  ;  et  étant  arrivé  à 
Candie,  où  toute  la  flotte  chrétienne  s'é- 
tait réunie,  il  y  mourut  de  la  peste  le  26 
octobre  1570. 

*  LAPEIROUSE  (  Philippe  PICOT  de  \ 
naturaliste,  né  à  Toulouse,  le  20  oc- 
tobre 1744^ entra  d'abord  dans  la  maf^is- 
trature  ,  et  obtint  à  24  ans  la  place  d'a- 
vocat-général près  la  chambre  des  eaux 
et  forêts  du  parlement  de  Toulouse.  Lors 
de  la  révolution  opérée  en  1771  dans  la 
magistrature  par  le  chancelier  Maupeou, 
il  se  retira  dans  les  Pyrénées  ,  où  il  se  li- 
vra entièrement  à  l'étude  de  l'histoire  na- 
turelle. Lié  avec  le  célèbre  Dolomieu ,  il 
lui  servait  de  guide  dans  ses  excursions 
sur  les  montagnes  qui  a  voisinent  Barréges, 
et  il  eut  même  le  bonheur  de  lui  sauver 
la  vie  sur  le  pic  de  l'Hierio.  A  l'époque 
de  la  convocation  des  états-généraux , 
Lapeirouse,  qui  avait  hérité  d'un  de  ses 
oncles ,  du  titre  de  baron  avec  une  for- 
tune asses  considérable ,  fut  chargé  de 
rédiger  les  cahiers  de  la  noblesse  de  la 
sénéchaussée  de  Toulouse ,  et  en  1790 ,  il 
devint  un  des  administrateurs  du  district 
de  cette  ville;  mais  deux  ans  pins  tard, 
lorsqu'il  vit  la  marche  que  suivait  la  ré- 
volution, il  se  démit  de  cet  emploi.  Peu 
après  il  fut  arrêté ,  et  il  n'obtint  sa  liberté 
qu'après  le  9  thermidor.  Il  reprit  dès  lors 
ses  occupations  scientLtiques,et  fut  nommé 
successivement  inspecteur  des  mines  ,  et 
professeur  d'histoire  naturelle  à  l'école 
centrale  de  Toulouse.  En  1800 ,  Lapei- 
rouse fut  appelé  aux  fonctions  de  maire 
de  cette  ville,  qu'il  remplit  six  années, 
durant  lesquelles  il  fonda  un  jardin  bota- 
nique, un  observatoire,  un  cabinet  do 
physique  et  de  chimie ,  plusieurs  biblio- 
thèques, un  muséum  et  une  école  de  pein- 
ture, sculpture  et  architecture.  Destitué 
en  1808,  il  fut  nommé  après  le  20  mars 
1815,  président  du  collège  électoral  du 
département  de  la  Haute-Garonne  et 
membre  de  la  chambre  des  représentans. 
Depuis  la  seconde  restauration  jusqu'à  sa 
mort  arrivée  à  Toulouse,  le  18  octobre 
1818,  il  se  livra  à  ses  études  favorites,  et 
publia  divers  ouvrages.  Le  nombre  des 
plantes  nouvelles  qu'on  lui  doit  s'élève  à 
plus  d'une  centaine.  Le  principal  objet 
de  ses  travaux,  avait  été  une  Histoire  dé- 
taillée des  plantes  des  Pyrénées  :  cet  ou- 
vrage devait  avoir  200  jdanches  in-fol., 
il  n'en  a  paru,  en  1795,  que  45.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  sont  :  |  Description  de 
plusieurs  now.'clles  espèces  d'orthocéra- 


LAP 


289 


LAP 


b'tes  et  d'ostracites^  1781 ,  in-folio,  avec 
i3  planches  coloriées  ;  |  Traité  des  mines 
et  forges  à  fer  du  co?nté  de  Foix^  Tou- 
louse, 1786,  in-S",  plusieurs  fois  réim- 
primé et  Irad.  en  allemand,  Berlin,  1789, 
in-S"  ;  I  Table  méthodique  des  mammi- 
fères et  des  oiseaux j  ftbservés  dans  le  dé- 
partement de  la  Haute-Garonne  ,  1789  , 
in-S"  ;  I  Flore  des  Pyrénées  ^  dont  nous 
avons  parlé,  Paris,  1793,  in-fol.  avec 
di\\^%;\ Monographie  des  saxifrages,  1801, 
in-folio  ;  |  Histoire  abrégée  des  plantes 
des  Pyrénées^  et  itinéraire  des  bota- 
nistes dans  cette  con^ree^  Toulouse,  1815  , 
in-S",  avec  un  supplément ,  1818.  Lapei- 
rouse  était  membre  correspondant  de  l'in- 
stitut et  faisait  partie  d'un  grand  nombre 
de  sociétés  savantes.  Plusieurs  de  ses 
Mémoires onXéiQ  insérés  dans  les  recueils 
des  académies  de  Toulouse,  de  Stockholm, 
etc.  ;  le  Journal  de  physique  contient 
aussi  plusieurs  de  ses  articles.  M.  Cuvier 
lui  a  consacré  une  notice  dans  la  Biogra- 
phie universelle  de  Michaud.  Lapeirouse 
avait  un  frère  qui  s'occupa  beaucoup  de 
littérature  dramatique.  Voyez  PICOT. 

*  LAPÉROUSE  (  Jeak-Fraxçois  GA.- 
LAUP  de),  célèbre  navigateur  français, 
né  à  Albi  en  1741 ,  d'une  famille  noble 
de  Toulouse,  entra  dans  le  corps  de  la 
marine  en  1758 ,  et  devint  eiiseigne  en 
4764.  Durant  les  14  ans  de  paix  qui  sui- 
virent ,  il  eut  l'occasion  do  parcourir 
une  grande  partie  du  globe.  Lors  de  la 
reprise  des  hostilités,  en  1778,  il  com- 
manda une  frégate  dans  l'escadre  du 
comte  d'Estaing ,  et  mérita  par  sa  belle 
conduite  le  grade  de  capitaine  de  vais- 
seau (  1780  ),  dont  il  se  rendit  de  plus  en 
plus  digneparde  nouveaux  failsd'armes. 
En  1782  il  détruisit  les  établissemens  an- 
glais de  la  baie  d'Hudson.  Louis  XVI ,  qui 
avait  reconnu  ses  talens,  lui  confia  la  di- 
rection d'un  voyage  autour  du  monde.  11 
partit  de  Brest  le  1"='  août  1785,  sur  la  fré- 
gate la  Boussole ,  avec  plusieurs  savans , 
et  les  instrumens  de  physique,  de  mathé- 
matiques et  d'astronomie  les  plus  exacts, 
pour  faire  des  découvertes,  ou  plutôt  pour 
continuer  celles  de  Cook.  Il  avait  sous 
ses  ordres  la  frégate  \ Astrolabe^  com- 
mandée par  le  capitaine  de  Langle ,  son 
ami,  officier  d'un  grand  mérite.  Les  équi- 
pages des  deux  frégates  étaient  composés 
des  hommes  les  plus  robustes ,  les  plus 
sains ,  les  plus  intelligens  qu'on  eût  pu 
trouver.  Louis  XVI,  à  qui  on  avait  pro- 
posé ce  voyage  maritime  comme  une 
expédition  qui  illustrerait  son  règne . 
7. 


en  traça  lui-même  le  plan,  et  rédigea, 
dit-on  ,  les  instructions  ,  qui  furent  don- 
nées à  Lapérouse,  commandant  en  chef 
l'expédition.  Toutes  les  sociétés  savante» 
lui  avaient  fourni  des  mémoires ,  et 
tous  les  gouvernemens  de  l'Europe  lui 
avaient  promis  la  protection  et  l'assis- 
tance de  leur  marine.  Après  avoir  visité 
la  Conception,  l'île  de  Pâques  et  les  îles 
Sandw^ith,  il  arriva  sur  la  côte  nord-ouest 
de  l'Amérique  septentrionale,  vers  le 
58"^  degré  de  latitude  nord  et  le  159"^  de 
longitude  occidentale,  où  il  découvrit 
l'entrée  d'une  baie  profonde ,  qui  n'avait 
encore  été  vue  d'aucun  navigateur.  La 
passe,  hérissée  de  brisans  sur  un  courant 
rapide  ,  était  d'un  accès  difficile  et  péril- 
leux ;  mais  l'intérieur  promettait  tout  ce 
qu'on  peut  désirer  dans  une  relâche.  Les 
deux  frégates ,  pressées  par  le  besoin 
d'eau,  de  vivres  et  de  bois,  en  hasardè- 
rent l'entrée  sans  accident,  mais  non  sans 
un  extrême  péril,  le  plus  grand,  dit  Lapé< 
rouse,  qu'il  ait  jamais  vu  courir  à  des  na- 
vires. Celte  baie  prit,  sur  la  carte  de  l'ex- 
pédition, le  nom  de  Port  des  Français  ; 
il  s'y  trouva  en  effet  un  excellent  mouil- 
lage près  d'une  petite  île  inhabitée,  mais 
abondante  en  bois,  en  eau  et  en  gibier. 
Jusque-là  ,  Lapérouse  n'avait  eu  à  bord 
ni  morts  ni  malades  ;  il  voulut,  avant  de 
quitter  l'île,  placer  des  sondes  sur  le  plan 
levé  par  ses  ingénieurs ,  et  il  y  employa 
un  grand  et  un  petit  canot  de  la  Boussole 
et  un  canot  de  lAstrolabe.  Les  trois  ca- 
nots se  séparèrent  de  leur  bord  à  6  heures 
du  matin,  et  à  10,  k':  petit  canot  revint 
seul,  avec  la  nouvelle  aussi  terrible  qu'in- 
attendue de  la  perte  des  deux  autres.  Le 
premier  canot  avait  été  emporté  sur  les 
brisans  de  la  passe  par  un  mouvement  de 
mer,  dont  il  ne  pouvait  ni  prévoir  ni  évi- 
ter l'effet,  le  second  s'y  élait  précipite  vo- 
lontairement, dans  l'espoir  de  sauver  ses 
compagnons.  Cet  accident  fut  d'autant 
plus  sensible  à  Lapérouse ,  qu'il  perdait 
six  officiers  distingués ,  dont  un  lui  était 
proche  parent ,  et  lui  tenait ,  dit-il  lui- 
même  ,  lieu  de  fils.  Il  dirigea  ensuite  sa 
route  du  nord  au  sud ,  pour  reconnaître 
la  côte  occidentale  de  l'Amérique,  et  ar- 
riva  le  3  janvier  1787,  à  Macao  où  il  eut 
la  joie  de  trouver  un  bâtiment  frsuiçais 
de  marine  royale.  Il  se  rendit  de  là  à  Ma- 
nille ,  et  il  se  reporta  au  nord  par  les 
mêmes  latitudes  qu'il  avait  parcourues 
sur  la  côte  d'Amérique  ;  mais  cette  navi- 
gation, dans  des  parages  sinueux  et  parse- 
més d'îles,  fut  plus  longue,  plus  périlleuse 

:25 


VAV  290 

el  remplie  de  bien  plus  d'événemens.  Le 
8  septembre  il  arriva  à  Avatscha  ,  dans 
la  presqu'île  du  Kamlschalka,  où  il  s'ar- 
rêta pendant  20  jours.  Il  mit  à  la  voile  le 
l*""  octobre  1787,  pour  reconnaître  les 
lies  du  Japon  et  le  détroit  qui  les  sépare, 
soit  du  continent  de  l'Asie ,  soit  entre 
elles,  opération  difficile  que  Cook  ni 
King  n'avaient  pu  effectuer.  Le  9  décem- 
bre il  était  devant  l'une  des  iles  des  Na- 
vigateurs; une  partie  de  l'équipage  vou- 
lut prendre  terre.  M.  de  Langle,  qui  com- 
mandait en  personne  l'expédition,  fut 
massacré  avec  on/.e  hommes  par  les  peu- 
ples barbares  du  pays ,  un  grand  nombre 
d'autres  furent  blessés  grièvement.  Il  pa- 
raît certain  qu'on  eût  prévenu  ce  massacre 
en  ne  laissant  pas  approcher  les  sauvages; 
mais  il  eût  fallu  recourir  à  la  force ,  et 
tous  les  chefs  de  l'expédition  s'étaient  fait 
un  point  d'honneur  de  revenir  en  Eu- 
rope sans  avoir  versé  une  seule  goutte 
de  sang  indien.  Lapérouse,  privé  du  plus 
habile  do  ses  officiers ,  d'une  partie  de 
ses  équipages  et  de  ses  chaloupes  que  les 
sauvages  avaient  mises  en  pièces  en  un 
clin  d'oeil,  prit  le  parti  de  se  rendre,  sans 
prendre  terre  nulle  part,  à  Botany-Bay, 
où  il  arriva  le  29  janvier  1788  ,  près  de 
trente  mois  après  son  départ.  Depuis 
cette  époque,  on  n'a  pas  reçu  de  ses  nou- 
velles. Dans  sa  dernière  lettre  au  minis- 
tre, dajtée  du  7  janvier  1788,  il  annonçait 
l'intention  de  remonter  aux  îles  des  Amis, 
de  passer  entre  la  nouvelle  Guinée  et  la 
nouvelle  Hollande  par  un  autre  canal  que 
celui  de  l'Endeavour ,  si  toutefois  il  en 
existait  un ,  de  visiter  le  golfe  de  la  Car- 
pentarie  et  toute  la  côte  occidentale  de  la 
nouvelle  Hollande,  jusqu'à  la  terre  de  Dié- 
men,  de  manière  cependant  à  pouvoir 
arriver  à  l'île  de  France,  au  commence- 
ment de  décembre  1788.  Il  est  probable 
qu'il  a  péri  par  un  naufrage  ,  ou  sous  les 
coups  de  quelques  hordes  barbares.  L'as- 
semblée Constituante  ordonna,  en  1791, 
que  deux  vaisseaux  seraient  envoyés  à  sa 
recherche.  D'Entrecasteaux  (  f^.  ENTRE- 
CASTEAUX)  fut  chargé  de  cette  expédi- 
tion; et,  quoiqu'il  ait  visité  avec  soin 
toutes  les  côtes  que  Lapérouse  devait 
parcourir  après  son  départ  de  Botany- 
Bay,  il  n'a  pu  trouver  aucune  trace  de 
cet  infortuné  navigateur.  Lapérouse  avait 
envoyé  depui*  son  départ ,  plusieurs  fois 
\e  journal  de  son  expédition,  le  croquis 
d'un  assez  grand  nombre  de  cartes,  quel- 
ques mémoires  sur  plusieurs  objets  de 
sciences  :  ce&  différens  matériaux  ont  été 


LAP 

recueillis  «ous  le  titre  do  Voyage  de  La- 
pérouse autour  du  monde  .  publié  et  ré- 
digé par  M.  L.  A.  Milet-Mureau  ,  général 
de  brigade  dans  le  corps  du  génie:,  Paris, 
1794,  4  vol.  in-4",  édition  exécutée  avec 
luxe,  ornée  d'un  atlas,  de  plusieurs  vues 
pittoresques  et  de  «llétails  d'iiistoire  na- 
turelle fort  bien  exécutés.  Ge  voyage  a 
été  réimprimé  en  1798  ,  en  h  vol.  in-S", 
avec  l'atlas.  Cette  édition  se  vend  souvent 
sans  atlas.  On  a  trouvé  en  1826  (\t%  lellreâ 
inédites  de  Lapérouse  sur  lesquelles  on 
peut  consulter  la  Revue  encyclopédique ^ 
lom.  1",  1^27,  pag.  523. 

LAPEYRÈllE.  Voyez  PEYRÈRE. 

LAPEYROINIE.  Voyez  PEYRONJE. 

LAPIERRE.  Voyez  MALLEROT  et 
PIERRE  (  Corneille  de  la). 

*LAPLACE  (Pieiieb-Simon),  un  dçs 
plus  grands  géomètres  de  notre  temps, 
né  le  23  mars  1649  ,  à  Beaumont-en-Auge 
dans  le  Calvados,  était  fils  d'un  culti- 
vateur. Malgré  la  pauvreté  de  ses  paceo^, 
il  sut  triompher  des  obstacles  qui  s'op- 
posaient à  son  éducation,  dont  se  chargè- 
rent plusieurs  personnes  riches  qui  avaient 
reconnu  en  lui  une  aptitude  rare  pour 
les  mathématiques.  Après  avoir  professé 
cette  science  à  l'école  militaire  établie 
dans  le  bourg  où  il  avait  pris  naissance , 
il  vint  à  Paris  où  ses  talens  et  ses  con- 
naissances lui  procurèrent  en  peu  de 
temps  d'utiles  protecteurs  :  de  ce  nombre 
furent  d'Alembert ,  qui  le  dirigea  dans 
la  carrière  des  sciences  ,  et  le  président 
Saron  qui  fit  imprimer  à  ses  frais  les  pre- 
miers Mémoires  du  jeune  auteur  qui  les 
lui  avait  dédiés.  Il  fit  de  bonne  heure 
une  découverte  importante ,  celle  de  \ In- 
variabilité des  distances  moyennes  des 
planètes  au  soleil.  Nommé  bientôt  à  la 
place  de  Beiput ,  examinateur  des  élèves 
du  corps  royal  de  l'artillerie  en  1784  ,  il 
devint  membre  de  l'académie  des  sciences, 
et  continua  de  se  livrer  avec  ardeur 
à  la  recherche  des  lois  qui  régissent  le 
système  du  monde  ;  il  publia  sur  ce  sujet, 
en  1796 ,  un  ouvrage  qui  fit  une  grande 
sensation  dans  toute  l'Eucppe  savante  ;  il 
en  fit  hommage  au  conseil  des  Cinq-cents , 
et  le  26  septembre  de  la  même  année ,  il 
vint  à  la  tête  d'une  députatipn  rendra 
compte  à  ce  conseil ,  des  travaux  (jle  l'in- 
stitut depuis  sa  création:  dans  le  discours 
qu'il  prononça  à  cette'occasion ,  il  rappela 
les  noms  de  ceux  qui  avaient  honoré  lai 
France  par  leurs  talens  et  par  leur  amour | 
des  sciences,  et,  dans  cette  liste,  de  sar| 
vans  qu'il  vouait  ediMi  ila  ref:onnfUaiajD«9 


LAP 


291 


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de  son  pays ,  il  n'oublia  point  de  rendre 
hommage  à  la  mémoire  de  son  bienfaiteur , 
le  pi-ésîdent  Saron.  Laplace  avait  adopté 
les  principes  de  la  révolution ,  mais  il 
n'occupa  aucun  emploi  public  jusqu'à  l'é- 
poque de  rétablissofuent  du  gouverne- 
ment consulaire  :  alors  il  fut  nommé 
(novembre  1799  )  ministre  de  l'intérieur  ; 
il  paraît  que  sa  capacité  pour  les  affaires 
n'égalait  point  son  habileté  dans  les 
sciences,  et  il  fut  remplacé  par  Lucien 
Bonaparte  au  bout  de  six  semaines.  Bo- 
naparte a  dit  de  lui  :  «  Géomètre  du  pre- 
»  mier  rang  ,  il  ne  tarda  pas  à  se  montrer 
»  adteiînistrateur  plus  que  médiocre.  Dès 
»  son  premier  travail,  nous  reconnûmes 
»  que  nous  nous  étions  trompés  :  Laplace 
»  ne  saisit  aucune  question  sous  son  vrai 
»  point  de  vue  ;  il  cherchait  des  subtilités 
»  partout,  n'avait  que  des  idées  problé- 
»matiques,et  portait  enfin  l'esprit  des 
r>  rr^nimetït -petits  dans  l'administration.  » 
Laplace  fut  appelé  à  la  fin  de  la  même 
année  au  sénat,  dont  il  fut  élu  vice-pré- 
sident en  juillet  1805,  et  chancelier  le 
mois  suivant.  En  180j  il  fut  chargé  de 
faire  au  sénat  un  rapport  sur  la  nécessité 
d'abandonner  le  calendrier  de  la  répu- 
blique pour  reprendre  le  calendrier  gré- 
gorien. Bonaparte  lui  donna  le  titre  de 
comte  (1806)  et  le  grand  cordon  de  la 
légion  -  d'honneur.  Laplace  devint  en 
1811  président  de  la.  Société  maternelle^ 
et  de\ix  ans  après  grand-officier  de  l'ordre 
de  la  Réunion.  Pendant  toute  la  durée  de 
l'empire  il  avait  paru  attaché  au  gouver- 
nement impérial  dont  il  avait  reçu  tant 
de  faveurs;  néanmoins  il  vota  la  déchéance 
Je  Napoléon,  et  se  prononça  un  des  pre- 
miers pour  l'élahlissemenl  d'un  gouver- 
nement provisoire.  Louis  XVllI  Téleva  à 
la  dignité  de  pair,  le  14  juin  1814,  et  lui 
donna  le  titre  de  marquis.  Laplace  ne  pa- 
rut point  aux  Tuileries  pendant  les  cent- 
jours ,  et  reprit  sa  place  à  la  chambre  des 
pairs ,  dès  que  le  trône  royal  fut  i  établi.  Il 
fut  nommé  membre  de  l'académie  fran- 
çaise en  1816  et  en  était  président  en  1817. 
Lorsque  cette  compagnie  résolut  de  mettre 
sous  les  yeux  du  roi  une  supplique  où 
seraient  exposés  les  iuconvéniens  qui  de- 
vaient, suivant  elle,  résulter  de  l'adoption 
du  projet  de  loi  sur  la  répression  des  dé- 
lits de  M  presse ,  qu'on  discutait  alors  à 
la  chambre,  le  marquis  de  Laplace  qui 
occupait  le  fauteuil,  combattit  vainement 
la  résolution  de  ses  confrères,  et  par 
suite  de  cette  circonstance,  il  se  retira. 
Il  est  mort  le  6  mars  1827  à  Paris.  Le 


3/oniteur  du  20  du  même  mois  contient 
les  discours  prononcés  par  MM.  Daru, 
Poisson  et  Biot,  au  nom  de  rinstilut ,  sur 
la  tombe  du  marquis  de  Laplace ,  et,  celui 
du  12  avril,  son  Oraison  funèbre  pronon- 
cée à  la  chambre  des  pairs  par  le  marquis 
de  Pastoret.  Les  principaux  ouvrages  de 
ce  grand  géomètre  sont  :  |  Théorie  du 
mouveinent  de  la  figure  elliptique  des 
planètes^  1784,  in  4";  |  Théorie  des  at- 
tractions des  sj}héroides  et  de  la  figure 
des  planètes^  1783,  in-4'' ;  |  Exposition 
du  système  du  monde  ^  1796 ,  2  vol.  in-8° , 
5'  édition  revue  et  augmentée  par  l'au- 
teur, 1824,  iii-4°,  avec  portraits,  en  '2 
vol.  in-S**;  |  Traité  de  mécanique  céleste. 
1798-1805  ,  S  vol.  in-4";  ]  Théorie  analy- 
tique des  probabilités .  1812,  in-4'',  5'  édi- 
tion ,  1820 ,  avec  un  Supplément  publié 
en  1823  ,  in-4°  ;  |  Essai  philosophique  sur 
les  probabilités .  1814,  in-8°,  5*  édition, 
1823;  \  Précis  de  l'histoire  de  l'astrono- 
mie^ 1821 ,  in-8"  ;  |  un  grand  nombre  de 
mémoires  dans  le  Journal  de  l'école  po- 
lytechnique. Laplace  s'est  encore  occupe 
de  chimie.  On  lui  doit  l'invention  d'un 
calorimètre ,  et  il  a  répété  les  expériences 
de  Cavendish  et  de  Monge  sur  la  décom- 
position de  l'air.  Le  résultat  de  ces  expé- 
riences a  été  inséré  dans  le  Journal 
polytype  du  26  juillet  1786.  Les  travaux  do 
Laplace  ont  rempli  sans  interruption 
plus  de  soixante  années,  et  pendant  plus 
d'un  demi -siècle  il  a  enrichi  les  recueils 
de  l'académie  ,  des  inventions  et  des  dé- 
couvertes les  plus  remarquables.  C'est 
dans  ces  recueils  qu'on  trouve  consigné 
ce  grand  résultat  de  ses  recherches ,  la 
certitude  de  la  siabiUtédu  système  solaire. 
Ses  ouvrages  sont  écrits  avec  élégance 
et  pureté,  particulièrement  son  Exposi- 
tion du  système  du  monde,  et  il  a  prouvé 
que  des  démonstrations  scientifiques  n'ex- 
cluent pas  le  mérite  du  style.  L'importance 
de  la  plupart  de  ses  travaux  a  été  sage- 
ment appréciée  par  M.  Delambre  dans 
son  Rapport  sur  le  progrès  des  sciences 
du  6  février  1808.  Laplace  était  membre 
de  presque  toutes  les  sociétés  savantes. 
La  société  d'Arcueil,  créée  pour  encou- 
rager le  progrès  des  sciences ,  le  eocaptait 
au  nombre  de  ses  fondateurs. 

LAPLACE.  f".  DELAPLAGE  et  PLACE. 

•  LAPORTE  (  Arnaud  de  ) ,  intendant 
de  la  liste  civile  sous  Louis  XVI ,  naquit  à 
Paris  en  1757 ,  étudia  au  collège  de  Louis 
le  Grand  ,  dirigé  par  les  jésuites,  et  em- 
brassa ensuite  la  carrière  administrative. 
Il  était  contrôleur  de  la  marine  à  Brest , 


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292 


LAP 


lorsque  la  mort  de  son  père,  en  1770,  le 
fit  entrer  à  la  chambre  des  comptes  de 
Paris;  mais  le  gouvernement  ,  pour  ne 
pas  rôter  à  la  marine ,  le  nomma  ordon- 
nateur à  Bordeaux ,  place  qui  lui  donnait 
des  rapports  directs  avec  le  ministre.  M,  de 
Sarline  ayant  été  appelé ,  en  177!> ,  au  dé- 
partement de  la  marine,  fit  accorder  à 
Importe  l'intendance  à  Brest,  où  il  déploya 
ses  talens  administratifs  ,  et  surtout  à 
l'occasion  de  la  guerre  d'Amérique.  M. 
de  Castries  ayant  remplacé  M.  de  Sartine 
en  1780,  appela  auprès  de  lui  Laporte, 
et  lui  conféra  le  titre  d'inlendarit-général. 
Au  commencement  de  la  révolution  ,  il 
s'était  réfugié  en  Espagne  ;  mais  en  1790, 
Louis  XVI,  qui  savait  apprécier  le  mérite 
de  Laporte ,  l'ayant  nommé  intendant  de 
la  liste  civile,  il  partit  de  Vittoria,  et 
revint  à  Paris.  A  cette  époque,  toutes  les 
I)ersorine3  probes  et  dévouées  au  roi 
étaient  l'objet  des  pamphlets  des  factieux  : 
il  en  parut  un  en  1791,  où  l'on  accusait  de 
faiblesse  et  d'incapacité  l'intendant,  qui 
pria  le  monarque  de  lui  accorder  sa  dé- 
mission.... «  Comment,  dit  cet  excellent 
■  prince,  est-ce  que  vous  voudriez  me 
•  quitter?  »  Laporte  contirma  donc  ses 
fonctions,  etmé.'-ita  constamment  la  con- 
liance  de  son  auguste  maître.  Le  21  juin 
47'Jl  ,  et  lors  du  voyage  du  roi  à  Va- 
rennes  ,  il  se  présenta  à  la  barre  de 
l'Assemblée  nationale,  et  y  déposa  la  dé- 
daralion  par  laquelle  ce  prince  faisait 
connaître  les  motifs  de  son  départ  secret. 
Cette  révélation  donna  lieu  à  plusieurs 
murmures ,  mais  Laporte  n'en  fut  pas  in- 
timidé; et,  sommé  de  produire  une  lettre 
«lîie  le  roi  lui  avait  écrite  ,  il  s'y  refusa , 
malgré  toutes  les  vociféi-ations  et  les  me- 
naces. Il  montra  le  même  courage  le  28 
mai  1792  quand  il  fut  accusé  d'avoir  livré 
aux  flammes  cinquante-deux  ballots  ren- 
fermant, disail-oh ,  la  correspondance  du 
comité  autrichien.  Laporte  répondit  que 
les  ballots  en  question  contenaient  les 
Mémoires  de  madame  de  La  Mothe  sur 
la  scandaleuse  affaire  du  collier  {voyez 
LA  MOTHE  et  ROHAN) ,  et  dont  l'édition 
tout  entière  avait  été  achetée  et  sup- 
primée. Et  en  effet ,  il  avait  été  décidé 
qu'elle  serait  brûlée  dans  les  fourneaux 
de  la  manufacture  de  Sèvres.  A  la  mal- 
heureuse journée  du  10  août  1792,  lors- 
que le  roi,  attaqué  pour  la  seconde  fois  dans 
sa  demeure,  devint  captif  de  ses  propres 
sujets,  Laporte  n'abandonna  pas  son  poste. 
Le  soir  ,  rentré  chez  lui ,  il  reçut  l'ordre 
de  se  rendre  le  lendemain  à  l'assemblée , 


pour  y  présenter  les  registres  de  la  liste 
civile.  Il  répondit  à  toutes  les  demandes 
avec  calme  ,  précision  et  clarté  ;  et ,  ce 
qui  doit  étonner ,  il  eut  les  honneurs  de 
la  séance.  Les  quatre  jours  suivans  furent 
employés  à  visiter  ses  papiers  et  les  en- 
droits les  plus  cachés  de  sa  maison.  On 
déplaça  les  plaques  des  cheminées,  on 
souleva  les  parquets,  et  l'on  ne  trouva 
aucune  pièce  qui  pût  fournir  matière 
d'inculpation  contre  lui.  Le  15  août,  cl 
au  moment  même  où  la  famille  royale 
était  transportée  de  la  salle  de  l'assemblée 
à  la  tour  du  Teniple ,  ce  serviteur  lidèla 
fut  conduit  à  l'Hôtel-de-ville  où  il  fut  in- 
terrogé par  Billaud-Varennes,  et  de  \l\ 
conduit  à  la  prison  de  l'Abbaye.  Le  2"> , 
il  comparut  devant  le  tribunal  révolu- 
tionnaire. «  Il  était  accusé  d'être  un  des 
»  agens  de  la  conspiration  de  Louis  Capel 
»  et  de  sa  famille  contre  le  peuple  français, 
»  dans  la  journée  du  10  août.  »  Il  fut  en- 
suite ,  dans  le  procès  du  roi ,  cité  «  commo 
»  ayant  fait  passer  par  ordre  de  ce  prince, 
»  de  l'argent  à  plusieurs  émigrés,  etc.,  « 
La  fermeté  de  sa  contenance  et  la  justesse 
de  ses  réponses  imposèrent  à  ses  juges, 
qui  paraissaient  ne  pouvoir  se  résoudre  à 
prononcer  sa  condamnation.  A  cette  épo- 
que d'horrible  mémoiie,  la  guillotine 
était  permanente,  et  le  peuple  accou- 
rait entendre  tous  les  arrêts  de  mort. 
Voyant  les  juges  interdits  ,  et  ne  pronon- 
çant pas  encore  celui  de  Laporte  ,  le 
peuple  s'écria  :  Une  sera  donc  pas  jugé  î 
Ce  cri  mit  fin  à  l'irrésolution  des  juges, 
et  Laporte  fut  condamné  à  mort.  Son  cou- 
rageux avocat ,  M.  Julienne ,  assura  dans 
la  suite  qu'il  n'y  eut  pas,  pour  le  con- 
damner, la  majorité  requise,  La  multi- 
tude parut  alors  s'attendrir  .  et  la  com- 
passion devint  encore  plus  visible  lorsqu'il 
fut  conduit  au  supplice.  Laporte  avait 
toujours  été  fermement  attaché  à  la  reli- 
gion ,  et  cet  homme ,  dont  l'aspect  était 
si  doux  et  si  modeste ,  montra  dans  ses 
derniers  momens,  non  le  courage  du 
désespoir,  ni  le  délire  d'une  crainte  mal 
simulée ,  mais  le  calme  de  l'homme  juste, 
et  la  résignation,  la  sérénité  d'un  chré- 
tien. 11  fut  exécuté  le  28  août  1792.  Avant 
que-  le  bourreau  fit  tomber  sur  sa  tête  le 
fatal  couteau,  il  adressa  au  peuple  ces 
paroles  ,  prononcées  d'une  voix  ferme  et 
sonore  :  Citoyens _,  je  meurs  innocent; 
puisse  mon  sang  rendre  la  paix  à  ma 
patrie  !  Il  n'a  laissé  qu'un  fils ,  qui  (  en 
1820)  était  chef  d'escadron  dans  l'artil- 
lerie de  la  garde  royale. 


LAP 


293 


LAR 


•  LAPORTE  (  Sebastien  de) ,  avocat  à 
Belfort ,  fut  nommé  député  en  1791  par 
te  département  du  Haul-Rhiu.  Il  parla  dif- 
férentes fois,  et  après  s'être  signalé  par 
l'exagération  de  ses  principes  révolution- 
naires ,  il  fut  envoyé  en  mission  près  de 
l'armée  du  général  Luckner ,  après  le  10 
août  1792  :  il  dit,  dans  son  rapport,  qu'il 
avait  trouvé  le  service  désorganisé  et  que 
cette  désorganisation  devait  être  attribuée 
à  la  trahison  du  pouvoir  exécutif.  Dans 
le  mois  de  septembre  1792,  Laporte  fut 
réélu  par  son  déparlement  à  la  Conven- 
tion ,  où  il  rota  la  mort  du  roi ,  et  fut 
ensuite  envoyé  en  qualité  de  commissaire 
à  l'armée  des  Ardennes.  Les  habitans  de 
Philippevillc  ,  refusant  d'accepter  les  as- 
signats en  paiement  des  denrées  que  con- 
sommait la  garnison ,  Laporte  menaça  de 
placer  une  potence  sur  les  remparts  ,  afin 
de  pendre  sur-le-champ  ceux  qui  s'obsti- 
neraient dans  leur  résolution  :  la  menace 
produisit  son  effet,  et  les  soldats  station- 
nés dans  cette  ville  furent  pourvus  de 
vivres.  Lors  du  siège  de  Lyon ,  il  fit  mar- 
cher contre  celte  ville  les  gardes  nationales 
du  département  de  Saône  -  et-Loire  ,  et 
proposa  le  partage  des  biens  de  ceux  qu'il 
appelait  des  rebelles,  entre  les  sans-cu- 
loUes.  Il  contribua  cependant  à  son  retour 
à  Paris  à  la  chute  du  parti  des  Monta- 
gnards, applaudit  à  la  révolution  du  9 
thermidor  et  rejeta  sur  les  terroristes 
toutes  les  atrocités  qui  avaient  été  com- 
mises. Devenu  secrétaire  de  la  Conven- 
tion, le  22  septembre  1794,  il  demanda 
peu  de  temps  après  que  les  fonctionnaires 
publics  conservés  ou  nommés  depuis  le 
9  thermidor,  rendissent  compte  de  la 
conduite  qu'ils  avaient  tenue  depuis  celte 
époque.  Il  s'éleva  avec  force  contre  ceux 
qui  se  donnaient  le  titre  exclusif  do  pa- 
triotes .  et  qui  appelaient  aristocrates 
tous  ceux  qui  n'étaient  pas  terroristes. 
Après  avoir  fait  partie  du  comité  de  sûreté 
générale  et  de  celui  de  salut  public,  La- 
porte s'opposa  de  tous  ses  efforts  aux  ten- 
tatives du  parti  démagogique  contre  la 
Convention  ,  et  le  13  vendémiaire  an  4  , 
il  fut  adjoint  à  Barras  avec  lequel  il  diri- 
gea la  force  armée  contre  les  sections 
insurgées.  Il  passa  au  conseil  des  Cinq- 
cents  ,  où  il  s'occupa  beaucoup  de  finan- 
ces ,  et  proposa  des  projets  de  loi  pour 
l'établissement  de  quelques  impôts.  Il 
vécut  depuis  l'an  7 ,  dans  l'obscurité.  II 
n'exerça  aucun  emploi  sotis  le  gouver- 
nement impérial ,  et  ne  fut  pas  aUeint 
par  le  loi  rendue  contre  les  régicides.  Il 


est  mort  an  commencement  de  18S5. 
h'Jmi  de  la  religion  et  du  roi  dit  que  : 
«  Touché  de  Dieu ,  il  a  eu  recours  aux 
»  consolations  de  la  religion ,  et  qu'il  a 
»  témoigné  son  regret  des  actes  publics 
»  qu'il  avait  à  se  reprocher  ,  notamment 
»  dans  son  vote  pour  le  procès  du  roi ,  et 
»  qu'il  a  reçu  avec  beaucoup  d'édification 
D  les  sacremensdes  niourans  ,  »  (  tome  3r! , 
page  391  )•  Laporte  était  neveu  de  l'abbé 
de  Laporte ,  auteur  du  Voyageur  Fran- 
çais  et  de  plusieurs  autres  ouvrages. 
(  rayez  PORTE.  ) 

LAPORTE.  Voyez  DELAPORTE  et 
PORTE. 

LAPPAREîVT  (  Charles    COCHON  , 
comte  de  ).  Voyex  COCHON. 

LAPPO.  Voyez  GIOTTINO. 

LAQUIIVTIiME.    Voyez    QUINTINIE. 

LARCHAND  (  Nicolas  de  Grimouville 
de  ),  principal  du  collège  de  Bayeux ,  sa 
patrie  ,  mort  en  1736  ,  cultivait  la  poésie 
latine,  mais  il  la  consacra  à  des  sujets  in- 
fâmes ,  tels  que  le  Philotamis  de  l'abbé 
Grécourt. 

*  LARGUER  (Pierre-Henri  ),  savant 
helléniste,  né  à  Dijon,  le  12  octobre  1726. 
d'une  famille  ancienne  et  distinguée  dans 
la  magistrature,  fut  destiné  à  la  carrière 
dans  laquelle  s'étaient  illustrés  ses  an- 
cêtres. Son  père,  conseiller  aubureaudes 
finances  de  D'jon  ,  lui  fit  faire  ses  pre- 
mières études  dans  cette  ville;  il  les  con- 
tinua à  Pout-à-Mousson,  chez  les  jésuites. 
Se  sentant  une  autre  vocation  que  celle 
qu'on  lui  destinait,  il  s'enfuit  de  la  mai- 
son paternelle  et  se  rendit  à  Paris,  au  col- 
lège de  Laon,  où  il  se  livra  sans  obstacle 
à  son  goût  pour  les  lettres  et  les  sciences. 
Pour  se  perfectionner  dans  la  langue  aii- 
glaise,  qu'il  avait  apprise  avec  succès,  il 
fit  un  veyage  à  Londres ,  où  il  eut  occa- 
sion de  connaître  le  chevalier  Pringle, 
savant  médecin,  dont  il  traduisit  l'ouvrage 
intitulé  :  Observations  sur  les  maladies 
des  armées.  Il  donna  dans  la  suite  d'autres 
traductions  de  l'anglais ,  dont  nous  parle- 
rons plus  bas  ;  mais  l'étude  de  cette  lan 
gue  ne  l'empêcha  pas  de  se  livrer  au  grec 
avec  assiduité ,  de  sorte  qu'il  devint  un 
des  plus  fameux  hellénisles  de  notre  épo- 
que. De  retour  à  Paris ,  il  y  mena  une 
vie  tranquille  jusqu'en  1769,  qu'eurent 
lieu  ses  querelles  avec  Voltaire.  Celui-ci 
avait  publié  sa  Philosophie  de  l'histoire  : 
Larchereni-elevade  nombreuses  erreurs 
dans  l'ouvrage  ayant  pour  tilre  :  Supplé- 
ment à  la  philosophie  de  l'histoire.  Vol- 
taire, le  plus  iiascible  des  philosophes, 
2o, 


LAR 

s'en  monlra  vivement  piqué 
cussion  prenait  une  tournure  sérieuse, 
lorsque  d'Alembert  s'en  mêla.  Il  écrivit 
à  Voltaire,  pour  le  calmer,  une  lettre  où 
il  disait  :  «  Larcher,  qui  vous  contredit 
»  sur  je  ne  sais  quelles  sottises  d'Héro- 
•  dote,  est  un  galant  homme,  tolérant, 
»  modéré  ,  motîeste.  »  Les  bons  offices  de 
d'Alembert  et  ces  éloges  ne  servirent  qu'à 
échauffer  davantage  la  bile  du  philoso- 
phe de  Ferney,  déjà  irritée  par  le  savoir 
et  le  sang-froid  de  Larcher.  Il  répliqua 
par  La  Défense  de  mon  oncle  ;  satire  vi- 
rulente ,  et  écrite  contre  toutes  les  con- 
venances littéraires.  Larcher  voulut  ri- 
poster par  un  autre  pamphlet ,  intitulé  : 
Réponse  à  la  Défense  de  mon  oncle  ;  mais 
comme  il  est  presque  impossible  qu'un 
géomètre  devienne  plaisant  et  légei\  son 
pamphlet  ne  fit  rire  personne ,  et  la  pal- 
me de  celte  polémique  resta  à  Voltaire, 
comme  le  plus  caustique  et  le  plus  im- 
j)udent.  Depuis  cette  époque,  Larcher  ne 
s'occupa  que  des  sciences  dans  lesquelles 
il  s'acquit  une  réputation  méritée.  En 
4778 ,  il  devint  associé  de  l'académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  et  y  rem- 
plaça le  célèbre  Lebeau,  auteur  de  \ His- 
toire du  Bas-Empire.  Absolument  étran- 
ger aux  affaires  politiques,  et  menant  une 
vie  solitaire,  il  n'attira  sur  lui,  pendant  la 
révolution,  les  regards  ni  de  ceux  qui 
pouvaient  lui  donner  des  emplois  lu- 
cratifs, ni  de  ceux  qui  auraient  pu  le 
perdre;  et  tandis  que  Dupuis,  GUyton- 
Morveau,  Bosquillon,  Dolomieu,  etc., 
étaient  portés  à  des  fonctions  publiques, 
il  demeura  tranquille  dans  son  heureuse 
obscurité.  Une  seule  fois  les  commissai- 
res de  sa  section  vinrent  visiter  ses  pa- 
piers ;  n'y  trouvant  que  du  grec  et  du 
latin ,  langues  qui  n'étaient  pas  bien  fa- 
milières aux  autorités  du  peuple  souve- 
rain^ ils  laissèrent  en  repos  le  pacitique 
géomètre.  Il  traversa  donc  sans  danger 
les  règnes  des  innovations ,  de  la  terreur. 
«lu  directoire,  du  consulat  etde  l'empire  , 
sous  lequel  il  reçut  la  croix  de  la  Légion- 
d'honneur.  A  celte  époque  ,  BI.  de  Fon- 
lunes,  créé  grand-maitre  de  l'université, 
nomma  Larcher  professeur  de  langue 
grecque  à  l'université  de  Paris  ;  mais  cet 
emploi  n'était  qu'honoraire,  et  Larcher 
avait  alors  plus  de  83  ans.  Peu  de  temps 
après,  il  fit  une  chute,  et  cet  accident, 
presque  toujours  funeste  dans  un  âge 
avancé ,  le  conduisit  au  tombeau  ,  le  22 
décembre  1812.  Il  avait  atteint  sa  86*  an 


29/t  LAR 

et  la  dis-  éprouva  quelques  variations:  il  fut  d'abord 
attaché  à  la  religion,  devint  ensuite  phi- 
losophe, et  mourut  avec  les  senlimens 
d'un  chrétien.  Dès  l'an  179S,  il  avait  ré- 
digé et  signé  une  rétractation;  il  la  re- 
mit à  un  ecclésiastique  qui  avait  toute  sa 
confiance  ,  nous  en  rapporterons  ici  les 
passages  les  plus  importans  :  Je  soussi- 
gné. Pierre-Henri  Larcher,  reconnais  que 
m' étant  lié  avec  quelques-uns  des  préten- 
dus philosophes,  je  résolus,  avec  plu- 
sieurs d'entre  eux ,  de  détruire ,  autant 
qu'il  serait  en  mon  pouvoir,  la  religion 
chrétienne.  Dans  cette  vue  j'ai  avancé, 
dans  mes  notes  sur  Hérodote ,  des  maxi- 
mes et  des  propositions  tendant  à  la  sub- 
version de  toute  religion.  (Dans la  seconde 
édition  d'Hérodote,  ces  notes  sont  réfor- 
mées. )  Persuadé  de  toutes  les  vérités 
qu^enseigne  la  religion  catholique  ',  apo- 
stolique et  romaine,  je  déteste  sincèrement 
et  de  cœur  ces  odieuses  maximes .  et  ces 
absurdes  opinions.  Je  voudrais  ne  les 
avoir  jamais  avancées ,  et  j'en  demande 
pardon  à  Di'U  et  aux  hommes  que  j'ai 
scandalisés.  Je  veux  vivre  et  mourir  dans 
le  sein  'le  V Eglise  catholique,  apostolique 
ri  romaine  Je  crois  toutes  les  vérités 
quelle  enseigne,  et  je  veux,  avec  la  grâce 
de  Dieu,  y  conformer  toutes  mes  actions. 
Fait  à  Paris,  ce  5  mflM793.  Signé  LAR- 
CHER Les  principaux  ouvrages  de  ce 
savant,  outre  le  Supplément  à  la  philoso- 
phie de  l'histoire .  sont  :  |  une  traduction 
à' Electre,  d'Euripide,  4750,  et  dans  lo 
Théâtre  bourgeois.  17oS,  in-12  ;  1  une  autre 
de  Charilon ,  roman  grec,  1763,  réimprimé 
dans  la  Bibliollièque  des  romans  grecs, 
tom.  8  el9  ;  I  Réponse  àla  Défense  de  mon 
oncle.  1767,  1769,  in-S".  L'auteur  y  avait 
joint  la  traduction  de  V Apologie  de  Socra- 
te,  par  Xénophon.  |  Mémoire  sur  Fénus^ 
1773 ,  in-8" ,  qui  a  remporté  le  prix  à  l'a- 
cadémie royale  des  inscriptions  et  belles- 
lettres;  I  La  retraite  des  Dix-Mille,  par 
Xénophon,  Paris,  1778,  2  vol.  in-12;  |  Hé- 
rodote, 1786,  7  vol.  in-S",  6  vol.  in-4°.  Cet 
ouvrage,  le  chef-d'œuvre  de  Larcher,  est 
remarquable  moins  par  le  style  que  par 
le  commentaire  et  l'importance  de  ses 
recherches  géographiques  et  chronologi- 
ques; deuxième  édition  ,  1812  ,  avec  des 
additions  et  corrections.  |  Des  Disserta- 
tions (dans  les  lom  43-48  de  l'académie) 
sur  les  vases  Thérocliens  et  Maroliens; 
sur  les  fêtes  des  assyriens,  sur  les  fêtes 
des  Grecs,  omises  par  Castellanus  et  par 
Meurs ius;  sur  Phidore  ,roi  d'Jrgos;  sur 


Bée.  La  croyance  religieuse  de  Larcher  '  l' /iixhontat  de  Créon  ;  sur  l'Expédition 


LAR 


295 


LAR 


de  Cyrus  le  jeune;  sur  l'Histoire  de  Cad- 
tnus;  sur  l'Ordre  équestre  chez  les 
Grecs,  etc.  ,  etc.  ;  |  il  a  traduit  de  l'an- 
glais, Essai  sur  le  blanchiment  des  toiles; 
Essai  sur  le  sénat  romain.  Ces  deux  ou- 
vrages sont  de  Home.  |  Martinus  Scrible- 
■lus,  satire  de  Pope  contre  les  érudils ,  Lon- 
dres, 1755,  in-i2  ;  le  Discours  du  même  au- 
teur sur  là.  Pastorale  ;  plusieurs  ^norcé-attr 
extraits  des  Transactions  philosophiques 
insérés  dans  la  Collection  académique. 
Larcher  a  revu  le  poème  d'IIudibras , 
traduit  en  vers  français  par  Townlay, 
et  auquel  il  a  ajouté  des  remarques,  1757  , 
3  vol.  in-12;  et  1820,  3  volumes  iu-12. 
On  peut  voir  la  liste  de  ses  nombreux 
Mémoires  dans  la  France  littéraire  de 
M.  J.  M.  Quérard ,  tome  k.  Larcher  fut 
unhomme  très  érudit  et  très  profond; 
mais  il  n'avait  pu  acquérir  les  grâces  et 
l'harmonie  du  style  sans  lesquelles  les 
plus  savantes  observations  et  les  pensées 
les  plus  justes  ne  peuvent  attacher  le  lec- 
teur. M.  Boissonnade  a  inséré  dans  plu- 
sieurs Journaux  savans  et  étrangers  une 
Notice  sur  la  vie  et  les  écrits  de  Larcher. 
Son  Eloge  a  été  prononcé  par  M.  Dacier 
à  l'académie  des  inscriptions. 

LA.RDi\EIl  (  Natuaniel  ) ,  théologien 
anglais,  naquit  àHaw^kherstdansle  comté 
de  Kent,  l'an  1684 ,  et  mourut  pauvre  le 
24  juillet  1768.  Sa  vie  offre  un  exemple 
de  plus  de  l'indigence  où  se  trouvent  sou- 
vent les  gens  de  lettres.  Nous  avons  de 
lui  des  ouvrages  estimables ,  quoique  peu 
nouveaux  pour  le  fonds  des  choses.  Le 
premier  est  intitulé  :  La  crédibilité  de 
l'histoire  de  l'Evangile^  en  8  vol.  in-12, 
publiés  en  1755, 1756,1757.  Le  deuxième  a 
pour  titre  :  Le  témoignage  des  anciens  juifs 
et  païens  en  faveur  de  la  religion  chré- 
tienne. Il  est  en  4  vol.  ,  qui  ont  paru  en 
1763, 1765, 1766  et  1767.  M  Bullet  et  le  père 
de  Colonia  l'avaient  devancé  dans  celte 
carrière.  Il  a  encore  donné  au  public  plu- 
sieurs écrits  moins  considérables,  tels  que 
\ Essai  sur  le  récit  de  Moïse  ^  concernant 
la  création  et  la  chute  de  l'homme  ,  pu- 
blié en  1753  ;  ouvrage  systématique  où 
l'auteur  donne  ses  idées  pour  celles  de 
l'Ecriture,  où  l'on  n'apprend  rien  qui  ex- 
plique les  véritables  difficultés  de  la  Ge- 
nèse. C'est  une  physico-théologie  aussi 
arbitraire  que  celle  de  Burnet. 

LARÉVELLIÈRE-LEPAUX  (  Louis- 
Mahie  ) ,  membre  de  plusieurs  législa- 
tures de  France ,  né  le  25  avril  1733  ,  à 
[Montaigu  en  Poitou ,  commença  ses  étu- 
des dans  sa  ville  natale,  les  continua  au 


collège  de  Beaupréau  en  Anjou,  et  se  fit 
recevoir  licencié  en  droit  à  l'université 
d'Angers.  Pour  complaire  à  ses  parens , 
il  se  destina  d'abord  à  la  carrière  du  bar- 
reau et  vint  à  Paris  où  il  prêta  le  serment 
d'avocat  (  1775  )  ;  mais  il  n'y  obtint  aucun 
succès,  et  il  reporta  son  application  sur  les 
sciences  morales  et  politiques.  De  retour 
dans  son  pays ,  il  y  épousa  une  femme 
d'esprit  qui  lui  inspira  l'amour  de  la  bo- 
tanique (  M"*^  Boyleau  de  Chaudoiscau)  : 
elle  lui  en  apprit  les  premiers  élémens  ,et 
plus  tard  il  en  donna  lui-même  un  cours 
public  à  Angers ,  où  il  parvint  à  popula- 
riser cette  science.  Il  avait  formé  le  projet 
de  quitter  la  France  et  d'aller  s'établit 
avec  sa  famille  et  quelques  amis  en  Suisse 
ou  aux  Etats-Unis,  lorsque  le  grand  évé- 
ment  de  révolution  de  17891e  fit  renoncer 
à  son  projet.  11  embrassa  avec  enthou- 
siasme les  principes  des  modernes  nova- 
feurs,  fut  nommé  d'abord  syndic  de  sa 
commune  et  député  aux  états-généraux 
par  le  tiers-état  de  l'assemblée  bailliagère. 
Larévellière-Lepaux  prit  part  aux  débats 
de  cette  mémorable  session  :  d'après  les 
discours  qu'il  prononça,  on  ne  peut  ca- 
ractériser d'une  manière  bien  nette  ses 
opinions  politiques  de  cette  époque  :  il 
vota  constamment  dans  le  sens  d'une 
grande  réforme,  sans  assujélir  l'indé- 
pendance de  ses  principes  à  la  marche 
d'aucun  parti.  Cependant  quoiqu'il  se  fût 
prononcé  pour  la  monarchie  ,  on  remar- 
qua la  tendance  républicaine  de  ses  opi- 
nions :  il  demanda  qu'on  privât  I-ouis 
XVI  de  ses  prérogatives  les  plus  im- 
portantes ,  que  les  membres  de  la  fa- 
mille royale  ne  portassent  pas  le  titre 
de  princes;  que  les  juges  fussent  élus  par 
le  peuple;  que  sur  les  drapeaux  aux  trois 
couleurs  l'on  inscrivît  ces  mots  la  liberté 
ou  la  mort.  Après  avoir  fréquenté  le  club 
des  Jacobins,  il  alla  pendant  quelque 
temps  à  celui  des  Feuillans  où  se  réunis- 
saient quelques  royalistes;  mais  il  revint 
bientôt  à  la  première  assemblée  démago- 
gique. Après  la  session  il  fut  juré  près  la 
haute  cour  nationale  établie  à  Orléans , 
puis  membre  de  l'administration  centrale 
de  son  département.  Il  prêcha  et  fit  prê- 
cher la  liberté  et  l'égalité  dans  la  Vendée 
qui  commençait  alors  à  s'insurger,  et 
fut  élu  député  à  la  Convention  natio- 
nale. Avant  d'aller  s'asseoir  à  cette  nou- 
velle assemblée ,  il  avait  coopéré  à  la 
création  d'un  club  et  à  la  rédaction  d'un 
journal,  dont  il  dirigea  l'esprit  dans  le 
sens  desespropres  opinions  républicaines. 


LAR 


296 


LAR 


Ce  <ul  lui  qui  fit  adopter ,  en  réponse  au 
manifeste  de  Brunswick ,  le  décret  d'en- 
couragement à  la  révolte  et  de  propa- 
gande républicaine ,  portant  que  la  na- 
tion française  viendrait  au  secours  de  tous 
tes  peuples  opprimés  qui  voudraient  re- 
couvrer leur  liberté.  A  l'assemblée  Con- 
stituante il  avait  dit  ces  paroles  mémora- 
bles :  le  jour  oi'i  la  France  cessera  d'a- 
voir un  roij  elle  perdra  sa  liberté  et  son 
repos ,  pour  être  livrée  au  despotisme 
zffrayant  des  factions  (  séance  du  18 
mai  1791  ).  Néanmoins  dans  le  procès  de 
Louis  XVI,  après  s'être  prononcé  pour 
l'incompatibililé  de  toutes  espèces  de 
fonctions  et  par  conséquent  de  celle  de 
juge ,  avec  celle  de  législateur  ,  il  vola 
pour  la  mort  el  contre  le  sursis  et  l'appel 
au  peuple.  Il  s'éleva  contre  la  Montagne^ 
se  mesura  souvent  à  la  tribune  avec  le  fé- 
roce Danton,  et  ses  efforts  contribuèrent, 
surtout  dans  la  séance  du  11  mars  1703,  à 
relarder  de  quelques  jours  le  triomphe 
de  l'anarchîe  :  il  parvint  à  empêcher  par 
une  énergique  improvisation  et  par  son 
attitude  impassible  devant  les  sicaires, 
dont  on  avait  encombré  la  salle  des 
séances  ,  que  l'on  adoptât  le  décret  en 
vertu  duquel  de  nouveaux  minisires  de- 
vaient être  pris  dans  le  sein  de  la  Conven- 
tion, c'est-à-dire  parmi  les  Montagnards. 
Moins  heureux  dans  une  discussion  pré- 
cédente, il  s'était  opposé  inutilement  à 
rélablissemeat  du  tribunal  révolution- 
naire. Pour  prévenir  les  mesures  sangui- 
naires de  ce  parli ,  il  demanda  l'appel  no- 
minal plusieurs  fois  sans  pouvoir  l'obtenir. 
Cependant  ii  avait  triomphé  des  Monta- 
gnards ^  et  en  parliculier  de  Danlon,  dans 
la  séance  où  devait  être  consommée  la 
périodes  Girondins  :  ceux-ci  abattus  par 
les  menaces  et  les  dangers  dont  ils  étaient 
environnes,  sentirent  leur  courage  se  re- 
lever alors;  mais  attaqués  de  nouveau  par 
les  démagogues  qui  avaient  juré  leur 
niort,  ils  furent  vaincus  au  31  mai  et  au 
2  juin  ,  malgré  la  défense  courageuse  de 
taréveliière ,  qui  protesta  contre  l'arres- 
tation de  26  d'entre  eux.  Dès  lors  Laré- 
velliëre  monta  tous  les  jours  à  la  tribune; 
saiis  cesse  il  demandait  l'appel  nominal 
pour  constater  son  vote  d'opposition  :  mais 
les  Montagnards .  qui  voulaient  faire 
croire  que  toutes  les  décisions  de  l'as- 
semblée étaient  prises  à  l'unanimilé 
étouffaient  ses  paroles  par  leurs  vociféra- 
tions. Dans  cette  guerre  active  et  con 
tinuelle,  ce  député    natureilement    fai- 


et  était  mkié  pat  une  fièvre  lente  ;  il  ne 
pouvait  .plus  monter  à  la  tribune  qu'ap- 
puyé sur  les  bras  de  ses  amis.  En fm  voyant 
ses  efforts  inutiles  pour  détruire  la  puis- 
sance anarchique  des  démagogues  ,  il  dé- 
clara qu'il  se  retirerait  et  qu'il  cesserait 
d'assister  aux  séances,  rie  voulant  pas 
qu'on  pût  croire  que  par  son  vote  ou  par 
son  silence,  il  avait  contribué  aux  mesures 
extravagantes  ou  atroces  que  chaque 
jour  voyait  adopter.  A  cette  déclaration, 
les  Montagnards  s'écrièrent  :  Au  tribunal 
révolutionnaire.  —  Ne  vous  gênez  pas  , 
leur  rcpondil-il  :  un  crime  de  plus  ou  de 
moins  ne  doit  pas  vous  couler  beaucoup  : 
le  président  allait  consulter  l'assemblée 
sur  la  proposition  qui  venait  d'être  faite , 
lorsqu'une  voix  qui  voulait  sans  doute  le 
sauver ,  sortit  de  la  Montagne  ^  et  dit  en 
termes  grossiers  qu'il  était  inutile  de 
s'occuper  de  Larévellière  qui  allait  bien- 
tôt mourir.  Cette  considération  empêcha 
d'aller  aux  voix  ;  mais  deux  heures  après, 
le  comité  de  sûreté  générale  lança  contre 
lui  un  mandat  d'arrêt  et  le  mit  bientôt 
liors  la  loi.  Réfugié  par  les  soins  dé  M. 
Bosc,  membre  de  l'académie  des  sciences  -, 
dans  Termitage  de  Ste.-Radegonde ,  situé 
dans  la  forêt  de  Montmorency  ,  il  cher- 
cha ensuite  à  travers  mille  dangers  ,  un 
nouvel  asile  chea  un  de  ses  amis,  M. 
Buire,  son  ancien  collègue  à  l'assemblée 
Constituante,  qui  demeurait  près  de  Pé- 
ronne,  et  y  resla  jusqu'au  9  thermidor. 
Le  8  mars  1793  ,  il  reparut  à  la  Conven- 
tion ,  devint  secrétaire  de  cette  assem- 
blée ,  puis  membre  de  la  commission 
pour  les  lois  organiques,  dont  l'idée  avait 
été  donnée  par  le  boucher  Legendre  , 
et  enfin  président.  C'est  à  cette  époque 
et  au  moment  même  qu'il  avouait  que 
le  gouvernement  républicain  ne  conve- 
nait pas  à  la  France ,  que  se  riianifesta 
toulesaliainepourlespretres.il  demanda 
que  les  prêtres  non  assermentés,  qui ,  dans 
deux  mois  ,  ne  sortiraient  paâ  du  terri- 
toire de  la  république  ^  {ussehl  assimilés 
aux  émigrés,  c'est-à-dire  punis  du  dernier 
supplice.  Le  1"  septembre ,  il  entra  au 
comité  de  salut  public ,  passa  ensuite  au  ; 
conseil  des  Anciens  ,  et ,  Ife  31 ,  il  fut  élu  ; 
membre  du  Directoire.  Carnol,  Hewbell,  i 
Barras ,  Letourneur  et  Larévellière  gou-  \ 
vernèrent  alors  la  France.  Ce  fut  dans  ,j 
ce  temps  qu'il  imagina  le  culte  bizarre  et  r 
impie  appelé  théophilanthropique  ^  cl 
dont  il  se  constitua  le  pontife.  «  Il  Voulut 
cependant  j  dit   une    Biographie,  que 


hle  épuisa  ses  forces  :  il  crachait  le  sang  I  »  celte  secte  eût  des  prctreSi  et  chacun  fleî 


LAB 


297 


LAR 


>  sectaires  dut  l'être  à  son  tour  ;  les  offi- 
»  clans  étaient  revêtus  de  robes  blanches 
«avec des  coiffures  tricolores  ^  et  ils  ré- 
»  citaient  en  chaire  des  hymnes  et  des 
j)  cantiques  philosophiques  en  invoquant 
»  If  'Heu  de  la  nature.  Ces  nouveaux  re- 
B  ligionnaires  exerçaient  leur  culte  dans 
»  les  principales  é{jlises  de  Paris  ,  con- 
B  curremment  avec  les  catholiques.  » 
Comme  ce  qui  est  nouveau  plaît  en  France 
et  surtout  à  Paris  ,  cette  secte  attira  d'a- 
bord l'attention,  et  eut  un  certain  nom- 
bre de  prosélytes  ;  mais  bientôt  elle  fut 
vouée  au  ridicule ,  et  le  culte  théophilan- 
Ihropique  eut  le  même  sort  que  celui  de 
la  /?aiso«^  inventé  par  Chaumette.  Le- 
paux  n'osa  entrer  dans  le  parti  clichien^ 
parce  qu'il  y  avait  des  royalistes  ;  il  se 
jeta  dans  celui  de  Barras,  où  la  peur  le 
rendit  un  des  plus  ardtens  proscriplcurs. 
Lareveillère  présidait  le  Directoire  dans 
la  journée  du  18  fructidor  (  y.  AUGE- 
RE  AU).  Après  ce  coup  d'état  il  continua  à 
partager  le  pouvoir  avec  Re%vbell  et  Bar- 
ras ,  mais  toujours  dans  des  travaux  de  se- 
sond  ordre.  Son  pontificat  dans  le  culte 
théoi)hilantliropique  avait  fait  croire  qu'il 
voulait  parce  moyen  arriver  au  pouvoir 
suprême  :  on  s'affermit  dans  cette  suppo- 
sition ,  en  voyant  qu'il  s'occupait  tou- 
jours de  Ihéophilanthropie,  et  il  fut  chassé 
du  Directoire  en  juin  1799  :  alors  des 
pamphlets  et  des  caricatures  sur  sa  taille 
contrefaite  tombèrent  sur  lui  de  tous 
côtés.  Lepaux  était  membre  de  l'institut; 
il  refusa  de  prêter  le  serment  à  Bona- 
parte, lorsqu'il  se  fut  fait  proclamer  em- 
pereur, et  se  relira  dans  une  petite  terre 
qu'il  avait  achetée  à  Sologne  ,  à  trois 
lieues  d'Orléans.  En  1809  ,  il  revint  à  Pa- 
ris, et  faisait  de  fréquentes  promenades 
au  Jardin  des  Plantes  ,  pour  s'occuper  de 
botanique.  Souvent  on  le  rencontrait  sur 
les  quais,  dans  un  costume  assez,  négligé, 
feuilletant  des  livres  chez  les  libraires  éta- 
lagistes. Il  ne  fut  point  atteint  par  la  loi  sur 
les  régicides,  lors  delà  seconde  restaura- 
tion, parce  qu'il  n'avait  occupé  aucun  em- 
ploi dans  les  cent-jours.  Il  est  mort  à  Pa- 
ris en  1824,  âgé  de  71  ans.  On  a  de  lui  : 
i  Réflexions  sur  le  culte ,  sur  les  cérémo- 
nies civiles  et  sur  les  fêtes  nationales,  lues 
à  l'institut  le  12  floréal  an  5  (  1"  mai  1797  ), 
dans  la  séance  de  la  classe  des  sciences 
morales  et  politiques ,  Paris ,  an  5,  in-8°  ; 
traduit  en  allemand ,  1797 ,  in-8°  ;  \  Essai 
sur  les  moyens  de  faire  pai-ticiper  l'uni- 
versalité des  spectateurs j  à  tout  ce  qui  se 
pratique  dans  les  fêtes  nationale  s  Avi  dans 


la  même  classe  de  l'institut  le  22  vendé- 
miaire an  6  (13  octobre  1797)  ,  in-8"  ;  ]  Du 
Panthéon  et  d'un  théâtre  national.  Paris, 
frimaire  an  6  (décembre  1797),  in-8°;  \J.u 
citoyen  Texier-Olivier.  membre  du  con- 
seil des  cinq-cents  ,  signé ,  N.  E.  Lacour, 
rue  Noire-Dame  Nazareth.  C'est  une 
justification  du  système  suivi  par  le 
Directoire  contre  le  parti  démocratique. 
I  Réponse  de  L.  M.  Larévellière- Lepaux 
aux  dénonciations  portées  au  corps  légis- 
latif contre  lui  et  ses  anciens  collègues^  15 
thermidor  an  8  (  3  août  1800  ) ,  in-8»  : 
I  Discours  prononcé  à  la  cérémonie  fu- 
nèbre exécutée^  en  mémoire  du  général 
floche ,  au  Champ-de-Mars .  le  iO  ven- 
démiaire an  6  ,  in-8°,  etc.  Larévellière- 
Lepaux  a  aussi  donné  quelques  articles 
dans  les  journaux  ,  et  plusieurs  morceaux, 
entre  autres  un  Essai  sur  le  patois  ven- 
déen .  dans  les  cahiers  de  l'académie 
Celtique.  M.  Mahul,  dans  son  Annuaire 
nécrologique  J  tome  5,  a  recueilli  la  liste  de 
ses  ouvrages,  qui  a  été  aussi  conservée  par 
M.  Quérard  dans  la  France  littéraire , 
tome  h. 

LAIIGILLIÈUE  (  Nicolas)  ,  excellent 
peintre  dans  le  portrait ,  naquit  à  Paris 
en  1636  :  il  fut  élève  d'Antoine  Goubeau, 
peintre  d'Anvers ,  qui  le  renvoya  lors- 
qu'il avait  à  peine  18  ans  ,  disant  n'avoir 
plus  rien  à  lui  apprendre.  Le  jeune  ar- 
tiste passa  en  Angleterre  où  son  laleiïl 
fut  vivement  apprécié  ;  mais  il  fut  obligé 
de  quitter  Londres  par  suite  de  la  loi  qui 
proscrivait  les  catholiques.  Le  célèbre  Le 
Brun  le  fixa  en  France.  L'académie  le 
reçut  comme  peintre  d'histoire  :  il  réus- 
sissait en  effet  très  bien  dans  ce  genre  : 
mais  l'occasion  le  fit  travailler  principa- 
lement au  portrait.  A  l'avènement  de 
Jacques  II  à  la  couronne  d'Angleterre , 
Largillière  fut  mandé  pour  faire  le  por- 
trait du  roi  et  de  la  reine  ;  il  retourna 
ensuite  en  France,  et  mourut  à  Paris,  en 
1746,  laissant  de  grands  biens.  Ce  maître 
peignait,  pour  l'ordinaire  ,  de  pratique  ; 
cependant  son  dessin  est  correct  ,  et  la 
nature  parfaitement  saisie.  Sa  louche  est 
libre ,  savante  et  légère  ;  son  pinceau 
moelleux  ,  sa  composition  riche  et  ingé- 
nieuse. Il  donnait  une  ressemblance  par- 
faite à  ses  têtes  ;  ses  mains  sont  admira- 
bles ,  et  ses  draperies  d'un  grand  goût. 
Le  succès  avec  lequel  ce  peintre  exécu- 
tait le  portrait  lui  mérita  le  surnom  de 
Van-Dick  français.  Il  a  fait  aussi  d'excel- 
lens  tableaux  comme  Le  repas  donné  par 
la  ville  J  en  1687,  à  Louis  XJF;  le  mariage 


lAU 


298 


LAR 


du  duc  de  Bourgogne ,  en  1697  ;  et  un 
autre  grand  tableau  représentant  le  vœu 
de  la  ville  de  Paris,  placé  à  Sainte-Gene- 
viève. Plus  de  60  de  ses  portraits  ont  été 
gravés.  —Un  de  ses  fils  ,  mort  en  1742 ,  a 
laissé  quelques  pièces  de  théâtre. 

♦  LAllIVÉ  (  J.  MAUDUIT  de  ),  célèbre 
tragédien  français ,  naquit  à  La  Rochelle 
en  1749.  Ayant  embrassé  la  carrière  théâ- 
trale, il  débuta  à  Lyon  :  il  eut  ensuite 
l'avantage  de  devenir  l'élève  delà  fameuse 
ihademoiselle  Clairon.  A  l'âge  de  21  ans,  il 
parut  au  Théâtre-Français  le  3  décembre 
1^70,  dans  le  rôle  de  Zamore  de  la  tragé- 
die àHAlzife.  Son  talent  fut  d'abord  mé- 
connu par  le  public  ,  dont  Le  Kain  s'at- 
tirait toute  l'admiration.  Larive  repa- 
rut sur  la  scène  à  Paris,  le  29  avril  177S , 
dîBfis  le  rôle  à!Oreste^  ô!  fphigénie  en  Tau- 
ride  ,  et  fut  reçu  la  même  année  pour 
doubler  Le  Kain.  Il  fit  de  grands  progrès, 
mérita  des  applaudissemens  ,  et  les  par- 
tagea pendant  six  années  avec  son  chef 
d'emploi.  La  mort  de  ce  dernier  ,  arrivée 
en  1778 ,  le  laissa  maître  absolu  du  scep- 
tre de  Melpomène.Il  brillait  surtout  dans 
les  rôles  de  Tancrède,  di' Achille  ^  de  Co- 
rioïan  ^  de  Bayard  et  de  Montaigu.  Un 
physique  d'une  beauté  rare  ,  un  organe 
sonore ,  qu'il  savait  sagement  employer  ; 
une  prononciation  pure ,  et  une  connais- 
sance profonde  de  son  art ,  établirent  ses 
succès  toujours  croissans.  Il  en  jouit  pen- 
dant dix  années  ,  lorsque  Talma  vint  les 
lui  disputer,  par  une  méthode  nouvelle. 
Les  anciennes  traditions  furent  oubliées, 
et  l'école  de  Baron  parut  céder  à  celle  du 
jeune  acteur.  (  Voyez  l'article  TALMA.  ) 
Larive  lutta  quelque  temps  avec  snn 
rival,  jusqu'à  ce  que  des  intrigues  de 
coulisse  l'éloignèrent  de  la  scène.  11  se 
retira  dans  une  terre  qu'il  possédait  à 
Molignon,  dans  la  vallée  de  Montmorency, 
et  devint  rtiaire  de  sa  commune.  Larive, 
avait  adopté  les  principes  de  la  révolu- 
tion ,  mais  avec  une  telle  modération , 
qu'il  fût  arrêté  en  1793  avec  plusieurs  de 
ses  camarades,  et  se  vit  retenu  en  prison 
|usqu'à  la  mOrt  de  Robespierre  (  en  juil- 
let 1794.  ).  Il  jouissait  dans  son  domaine 
d'une  existence  tranquille  ;  son  emploi 
de  naaire  ne  l'empêchait  pas  d'exercer 
son  art  :  aussi  il  parcourait  les  provinces 
avec  une  utilité  réelle  pour  sa  renommée 
et  ses  intérêts.  De  retour  à  Paris ,  en 
4804,  il  ouvrit  un  cours  de  déclamation, 
et,  deux  ans  après ,  Napoléon  ayant  placé 
son  frère  Joseph  sur  le  trône  do  Naples  , 
laiive  suivit  le  nouveau  roi  en  qualité 


de  lecteur.  Il  revint  en  France  ,  lorsque 
Joseph  alla  prendre  possession  de  la  cou- 
ronne d'Espagne,  usurpée  sUr  Charles  IV 
et  sur  Ferdinand  VII  son  fils.  Après  une 
absence  de  15  années ,  et  à  l'âge  de  67 
ans,  en  1816,  Larive  joua  le  rôle  de  Tan- 
crède dans  une  représentation  au  bénéfice 
d'un  ancien  acteur.  Il  réunit  tous  les  suf- 
frages ,  et ,  malgré  sa  vieillesse  et  une  si 
longue  interruption ,  on  lui  reconnut 
encore  le  même  talent  qui  l'avait  distin- 
gué dans  les  plus  heureux  temps  de  sa 
carrière  dramatique.  Depuis  ce  moment , 
il  quitta  pour  toujours  le  théâtre,  et  mou- 
rut en  novembre  1826  ,  à  l'âge  de  77  ans. 
Nous  ne  répéterons  pas  sur  le  talent  de 
cet  acteur,  ni  les  éloges  peut-être  exagérés 
de  Dazincourt ,  ni  la  sévère  critique  de 
l'auteur  de  \ Histoire  du  Théâtre  fran" 
çais.  Larive,  quoique  placé  entre  Le  Kain 
et  Talma ,  fut ,  comme  eux  ,  un  des  plus 
beaux  ornemens  de  la  scène  française, 
et  si  on  lui  reproche  un  certain  manque 
de  sensibilité,  il  remplaçait  ce  défaut  par 
d'autres  qualités  qui  lui  étaient  particu- 
lières, et  qui  le  mirent  au  premier  rang 
parmi  nos  grands  acteurs.  Larive  était 
lié  d'amitié  avec  le  général  Lafayette, 
auquel  il  fit  présent ,  le  12  février  1790  , 
de  la  chaîne  qu'avait  portée  à  son  cou  le 
chevalier  Bayard.  Il  ne  manquait  pas 
d'instruction  ,  et  était  depuis  1805  mem- 
bre de  l'académie  de  Naples  ;  il  y  fut 
réélu  en  1817,  et  le  roi  Ferdinand  IV  con- 
firma celte  élection.  Larive  est  auteur 
des  ouvrages  suivans  :  |  Pyrame  et 
Thysbè.  scène  lyriqtie,  1784 ,  in-8°,  1791 , 
irt-S"  ;  I  lîé/lexio7is  sur  l'art  théâtralASOi, 
in-8°  ;  |  Cours  de  déclamation^  divisé  en 
douze  séances  ^  1804  ,  in-8".  Cet  ouvrage 
est  aussi  bien  écrit  qu'intéressant  par 
les  anecdotes  curieuses  dont  l'auteuT  à  su 
l'embellir. 

LARIVIÈRE.  Foijez  RIVIÈRE. 

LA  ROCHE.  Voyez  ROCHE. 

LAROCHE-DU-MAINE.  V.  LUCHET. 

LAROCHEFOUCAULT.  F.  ROCHE- 
FOUCAULT. 

*  LAROCHE JAQUELEÏN  (  Henri  de  ), 
l'un  des  plus  illustres  chefs  des  armées 
vendéennes,  naquit  au  château  de  Frube- 
lières,  près  de  Châtillon-sur-Sèvres,  dans 
le  Poitou,  le  30  aoitt  1772  ;  il  était  fils  du 
marquis  de  Larochejaquelein,  colonel 
du  régiment  de  Royal-Pologne  (  cavale- 
rie ).  Destiné  à  suivre  la  carrière  de;s  ar- 
mes, il  fut  envoyé  à  l'école  militaire  de 
Sorèzè.  Il  n'avait  que  16  ans  ,  àl'époqpie 
où  la  révolution  éclata,  et  il  n'accompagna 


pas  son  père  dans  l'é migration  :  le  désir 
de  défendre  le  Irône  le  fit  entrer  dans  la 
garde  constitutionnelle  de  Louis  XVI  ; 
mais  la  terrible  journée  du  10  août  vint 
détruire  ses  espérances.  Il  dit ,  en  quit- 
tant la  capitale....  «  Je  vais  dans  ma  pro- 
K  vince,  et  bientôt  on  entendra  parler  de 
D  moi.  »  Il  se  retira  dans  la  terre  de  Clis- 
son,  auprès  de  Lescure  ,  son  ami  et  son 
parent  ;  ils  ne  tardèrent  pas  à  prendre  une 
part  active  aux  tentatives  déjà  commen- 
cées dans  leur  province  pour  le  rétablis- 
sement de  la  monarchie.  Le  mauvais  suc- 
cès du  premier  soulèvement  deBressuire 
ni;  découragea  pas  Larochejaquelein.  Le 
10  mars  1793,  un  nouveau  soulèvement 
ayant  eu  lieu  ,  un  paysan  vint  annoncer  à 
Larochejaquelein  que  les  habitans  des 
])arois3es  voisines  avaient  pris  les  armes 
pour  se  réunir  aux  insurgés ,  et  qu'ils 
l'avaient  choisi  pour  leur  chef.  (  Voyez 
LESCURE.)  Il  accourut,  et  avec  sa  troupe, 
il  se  joignit  à  Bonchamp  et  àd'Elbée.  Une 
armée  républicaine  ayant  pénétré  dans  la 
Vendée  ,  il  se  transporte  à  Châtillon  et  à 
Saint-Aubin ,  où  sont  les  propriétés  de  sa 
famille  ;  des  milliers  de  paysans  viennent 
de  toutes  parts,  et  le  proclament  leur 
chef.  Il  leur  fait  une  harangue  énergi- 
que, qu'il  termine  par  ces  mots  :  «  Je  suis 

•  encore  bien  jeune,  sans  expérience  ; 

•  mais  je  brûle  de  me  rendre  digne  de 
»  vous    commander  ;     allons     chercher 

•  l'ennemi  :  si  je  recule,  luoz-moi;  si 
»  j'avance,  suivez-moi  ;  si  je  meurs,  ven- 
1  gez-moi...  »  Les  Vendéens,  pleins  d'en- 
thousiasme, volent  à  la  rencontre  de  l'en- 
nemi, qu'ils  trouvent  retranché  dans  le 
cimetière  des  Aubiers.  Ils  attaquent  le 
bourg,  s'élanconl  sur  les  républicains,  les 
repoussent,  s'emparent  de  leur  artillerie, 
et  leur  chef  les  ramène  aussitôt  sur  Châ- 
Ullon  et  sur  Tiffauge,  où  il  partage  les 
munitions  enlevées  avec  d'autres  insur- 
gés, qui  se  rangent  sous  ses  drapeaux. 
Dans  ce  moment, le  marquis  de  Lescure, 
pressé  par  le  danger  ,  avait  envoyé  l'or- 
dre à  plus  de  quarante  paroisses  de 
prendre  les  armes,  lorsque  Larocheja- 
quelein arriva  avec  sa  troupe  ,  aux  cris 
ievive  le  Roi  !  La  château  de  Clisson, 
devenu  une  place  d'armes ,  se  remplit  do 
soldats  mal  disciplinés,  mal  armés ,  mais 
aaimês  d'an  courage  à  toute  épreuve. 
Le  corps  de  Larochejaquelein  se  réunis- 
sait ordinairement  à  la  grande  armée 
d? Anjou,  forte  d&lS,00(^  hommes  ;  aussi 
il  prit  part,  le  2  avril,  au  glorieux  combat 
de  Beaupréau ,  par  suite  duquel  les  repu- 


blicai.ns    furent    chassés   au-delà    de    Fa 
Loire.  A  l'attaque  de  ThOuars,  Laroclic- 
jaquelein,  monté  sur  les  épaules  du  brave 
Texier  de  Courlai ,  arrache  de  ses  mains 
les  pierres  des  murailles  et  commence  la 
brèche.  On  suit  son   exemple  ;  et  les  ré- 
publicains assiégés   mettent  bas  les  ar- 
mes. Il  commanda  l'aile  gauche  à  la  pre- 
mière bataille  de  Fonlenai,  perdue  par 
les  Vendéens.  A  la  seconde  bataille  ,  il 
chargea  avec  la  cavalerie ,  et  compléta  la 
déroute  des  ennemis.  Le  7  juin,  il  enleva 
le  camp   retranché  de  Varins,  et     armé 
de  son  sabre,  il  poursuivit  les  fityards  et 
tua  un  dragon   qui   venait  de  tirer  sur 
lui  et  qui  l'avait  manqué.  Il  montra  le 
même   courage  à  la  prise   de  Saumur  , 
où  il  entra  l'un  des  premiers.    En  cinq 
jours,  les  Vendéens  s'étaient  emparés  de 
80  pièces  de  canon  ,  d'une  grande  quan- 
tité de  munitions,  et  avaient  fait  12  mille 
prisonniers.  Saumur  fut   confiée  à  Laro- 
chejaquelein ;  il  n'en  sortit  qu'après  l'é- 
chec de  Nantes.  A  la  bataille  de  Luçon,  il 
commanda  l'aile  gauche  ,  et  couvrit  la 
retraite  de  l'armée  royale.  C'est  depuis 
celte  époque  que    commença  la  guerre 
d'extermination  contre  la  Vendée  ;  mais 
rien  ne  pouvait  ralentir  la  valeur  des 
héros    royalistes.  Larochejaquelein  em- 
porta, avec  Bonchamp  ,  la  forte   position 
d'Ernée;  et,  quoiqu'il  eût  le  pouce  fra- 
cassé par  une   balle  ,  il  ne  quitta  pas  le 
champ  de  bataille.   Les  armées  républi- 
caines     s'élant    concentrées  ,     Stofflet , 
Lescure  et  Larochejaquelein  essayèrent 
inutilement    de   couvrir    Châtillon.    Ils 
voulurent  attaquer  les  républicains  près 
de  Cholet;  malgré  des  prodiges  de  valeur,, 
ils  perdirent  la  bataille,  et  Lescure,  Bon-» 
champ ,    d'Elbée ,   y    furent    blessés    à 
mort.  Larochejaquelein  fut  entraîné  par 
les    fuyards  jusqu'à    Beaupréau,   et  ce 
fut  contre  son    avis  que  l'on    exécuta  le 
funeste  passage  delà  Loire.  Quatre-vingt 
mille  fuyards  arrivèrent  le  18  octobre  à 
Saint-Florent ,  pour   se  soiistraire  à  la 
formidable  artillerie  des  républicains ,  e 
gagnèrent  la  rive  droite  de  ce  fleuve.  I 
19  octobre,  une  nouvelle  armée  royale  s< 
trouva  réunie  à  Varades,  et  sur  la  rive 
droite.  D'Elbée  et  Bonchamp  n'existaient 
plus ,  et  Lescure  ,    blessé  mortellement 
comme  eux,  avait  peu  de  temps  à  vivre.  II 
désigna  Larochejaquelein  comme  le  seul 
capable  de  ranimer  le  courage  abattu  des 
Vendéens ,  et  tous  les  chefs  le  procljamè- 
rent  généralissime:  il  n'avait  que  20  ans. 
En  vain  ce  jeune  et  modeste  héros  refuse, 


LAU 


300 


LAR 


les  larmes  aux  yeux ,  cet  honneur  ;  il  est 
contraint  de  céder,  et  il  s'entend  saluer 
comme  chef  suprême  par  une  armée  de 
braves.  Elle  se  met  en  naarche  le  20  oc- 
tobre ,  vers  les  côtes  de  la  Bretagne ,  où 
les  Anglais  avaient  promis  des  secours. 
Un  corps  de  républicains  qui  couvrait 
Laval  fut  attaqué  et  dispersé  par  la  cava-" 
ierie  vendéenne.  En  poursuivant  l'en- 
nemi, Larochejaquelein  se  trouva  seul, 
sans  armes ,  et  un  bras  en  écharpe  ,  dans 
un  chemin  étroit,  et  en  face  d'un  répu- 
blicain qui  le  couche  en  joue.  Laroche- 
jaquelein évite  le  coup,  pousse  contre  lui 
son  cheval,  le  terrasse,  et  le  défend  ensuite 
contre  ses  soldats  qui  sont  accourus  et 
veulent  tuer  le  républicain.  «  Va,  lui  dit 
»  Larochejaquelein  ,  va  ,  retourne  vers 
»  les  républicains,  et  dis-leur  que  le  géné- 
»  rai  des  royalistes ,  sans  armes  et  privé 
»  d'un  bras,  t'a  terrassé  eti'alaissé  la  vie.  » 
Cependant  il  fallut  livrer  bataille  au  gé- 
néral Séchelle  ,  qui  marchait  sur  Laval. 
Celle  bataille  dura  un  jour  et  une  nuit  ; 
elle  eut  lieu  entre  celte  ville  et  le  bourg 
d'Aulrain  :  le  général  royaliste  y  déploya 
les  talens  d'un  grand  capitaine.  Les  répu- 
blicains culbutés  perdirent  beaucoup  de 
inonde ,  leur  bagage  et  leur  artillerie. 
L'armée  royaliste  se  reposa  quelques 
•ours  à  Laval.  Larochejaquelein ,  ayant 
divisé  son  armée  en  trois  corps ,  sortit 
victorieux  de  deux  autres  attaques,  et 
s'empara  d'Ernée  et  de  Fougères.  Use 
dirigea  ensuite  par  Dol,  vers  Granville  , 
que  son  armée,  forte  de  50,000  hommes, 
attaqua  sans  succès.  Ce  revers  découra- 
gea tellement  les  Vendéens  ,  qu'ils  de- 
mandèrent à  grands  cris  à  retourner 
dans  leurs  foyers  ,  et  furent  sur  le  point 
de  se  révolter.  Larochejaquelein  parvint 
à  les  calmer  ,  et  s'éloigna  de  ces  rivages. 
En  les  quittant ,  les  royalistes  perdirent 
l'espoir  de  se  réunir  aux  forces  anglaises, 
qui  les  attendaient  en  Bretagne.  Lord 
Moira,  qui  les  commandait ,  n'avait  point 
encore  mis  à  la  voile ,  à  cause  de  la  con- 
trariété de  vents.  En  se  dirigeant  vers 
Dol,  Larochejaquelein  rencontra ,  le  16 
novembre  ,  le  général  Weslermann  ;  le 
combat  dura  22  heures  ,  et  les  royalistes 
remportèrent  une  victoire  complète  : 
leur  général  eut  son  cheval  blessé,  mais  il 
força  les  républicains  à  fuir  dans  le  plus 
grand  désordre,  et  cette  victoire  lui  livra 
Eruée  et  Mayenne,  d'où  il  se  porta  sur  La- 
val. Le  S  décembre  ,  il  attaqua  Auge  ;  il 
y  éprouva  le  même  sort  qu'à  Granville. 
Contraints  de  tourner  le  dos  à  la  Loire 


et  d'éviter  le  pont  de  Ce ,  défendu  par  de 
forts  détachemens  ennemis,  les  Vendéens 
voulaient  cependant  rentrer  dans  la  Ven- 
dée ,  et  ils  suivirent  la  route  de  Bcaugé. 
Arrivés  devant  La  Flèche,  ils  trouvèrent, 
sur  le  soir ,  le  pont  coupé ,  et  de  l'autre 
côté ,  la  ville  défendue  par  une  forte  gar^ 
nison.  Larochejaquelein,  se  voyant 
placé  entre  la  rivière  et  les  ennemis , 
prend  une  détermination  digne  du  géné- 
ral le  plus  expérimenté.  Il  choisit  400  ca- 
valiers qui ,  ayant  chacun  un  fantassin 
en  croupe,  remontent  la  Loire  ;  il  trouve 
un  gué  ,  le  passe  le  premier  sur  une 
chaussée  couverte  d'eau ,  et ,  suivi  des 
siens,  surprend  et  met  en  déroute  la  gar- 
nison ,  se  rend  maître  du  faubourg  ,  s'y 
retranche ,  rétablit  le  pont ,  s'empare 
de  la  ville  ,  sauve  l'armée  ,  et  ajoute  de 
nouveaux  lauriers  à  sa  gloire.  Cependant 
l'armée  manquait  de  tout  :  pour  l'appro- 
visionner, il  se  dirigea  sur  le  Mans  et  s'en 
empara  ;  mais  le  jour  suivant,  il  se  voit 
attaqué  sur  trois  routes  différentes.  Le  15 
décembre  s'engageaune  bataille  sanglante 
qui  fut  comme  le  tombeau  d'une  ar- 
mée aussi  fidèle  qu'intrépide.  Larocheja- 
quelein ayant  rassemblé  un  peu  de  cavale- 
rie, et  rallié  un  grand  nombre  de  fuyards 
arriva  avec  ces  débris  à  Laval,  toujours 
harcelé  par  les  républicains,  qui ,  le  len- 
demain ,  entrèrent  dans  Craon.  On  mar- 
chait nuit  et  jour,  dans  l'espoir  de  passer 
la  Loire  à  Ancenis.  Les  royalistes  attei- 
gnent enfin  Pouancé,  et  ensuite  Ancenis, 
où  ils  entrent  le  16,  sans  trouver  de  résis- 
tance. Mais  la  rive  opposée  était  occupée 
par  l'ennemi,  et  il  n'y  a%ait  sur  la  rivière 
ni  pont  ni  bateaux.  On  aperçoit  de  l'autre 
côté  de  la  rivière  quatre  barques  char- 
gées :  il  faut  s'en  emparer...  qui  l'osera  ! 
c'est  l'intrépide  général.  Il  fait  enlever 
d'un  étang  voisin  im  batelet  que  l'on 
transporte  sur  un  charriot  ;  il  s'y  jette 
avec  Slofflct  et  Laville  de  Beaugé  ;  il 
tient  par  la  bride  son  cheval,  qui  suit  à  la 
nage  le  batelet.  Ce  frêle  bateau ,  sans  di- 
rection et  endommagé  ,  tantôt  s'enfonce, 
tantôt  reparaît  sur  les  flots  ,  et  parvient 
enfin  à  la  rive.  Dans  ce  moment,  l'armée, 
qui  était  arrivée  successivement ,  con- 
struisait des  radeaux  pour  passer  la  ri- 
vière. Les  royalistes  sont  interromptis 
dans  ce  travail  par  une  attaque  soudaine 
des  républicains.  Le  massacre  fut  horri- 
ble ;  ce  furent  les  derniers  efforts  de  cette 
brave  armée,  qui,  deux  mois  auparavant, 
était  maîtresse  de  la  Loire  et  victorieuse 
des  républicains  dans  le  Maine,  I^Breta- 


LAR 

çue,  et  avait  arboré  dans  plusieurs  villes 
le  drapeau  de  Henri   quatre.    Ceux  qui 
survécurent  à  cette  fatale  journée  ,  allè- 
rent périr  glorieusement  dans  Jes  plaines 
de  Savenay.  Témoin  de  ce  désastre,  La- 
rocliejaquelein  ,   qui   se   trouvait  sur  la 
rive  opposée,  suivi  de  Stofflct,deBeau,'ïé, 
de  Lanyerieet  d'une  vinjjtaine  de  soldats 
qui  avaient  pu  les   rejoindre  ,  veut  s'en- 
foncer dans  l'intérieur  du  pays.  Ils  sont 
surpris  par  une  patrouille  ;  leurs  soldats 
se  dispersent ,  et   ils  restent   seuls  ;  tous 
quatre  errent  à  l'aventure ,   le  reste  du 
jour  ,  et  arrivent  le   soir  à  une  métairie. 
On  leur  offre  un  repas   fruîjal.  Accablés 
de  fatigue  et  de  sommeil,  ils  tombent  sur 
ime  meule  de  paille.  Ils  sont   bientôt  ré- 
veillés par  leur  hôte,  qui  vient  les   aver- 
tir qu'une   patrouille   s'approche...  mais 
le  sommeil  est  plus  fort  que  l'amour  de  la 
vie  :    ils  cèdent  à  ce  besoin   impérieux. 
Los  soldats  républicains  arrivent ,  et ,  ac- 
cablés eux-mêmes  de  sommeil,  et  de  lassi- 
tude, ils  s'endorment  de  l'autre  côté  de  la 
meule,  auprès  des  quatre  Vendéens  qu'ils 
n'ont  pas    aperçus.  Larochejaquelein  et 
ses  compagnons  d'infortune  partirent  au 
point  du  jour ,  et    pendant  quarante-huit 
heures,  ils  vécurent   du  pain  qu'ils  enle- 
vaient à  des  républicains  isolés  qui  tom- 
baient sous  leurs  coups.  Ayant  parcouru 
plusieurs  chemins  de  traverse,  La  Roche- 
»aquelein  arrive  la  nuit   à  Châlillon  :  les 
républicains  y  avaient  un  poste.  II  tra- 
verse la  ville,  ne  répond  pas  au  cri  delà 
îcntinelle,  et  gagne  une  métairie,  près  de 
Saint-  Aubin   de  Beaubigny.   Il  retrouve 
dans  cette  métairie  sa  tante  ,  madame  de 
Larochejaquelein ,  qui  s'y  tenait  cachée 
depuis  quelques  jours.  Il  prend  du  repos, 
et    au  moment   du  départ,   cette  dame 
courageuse  ,  qui  partageait  la  noble  réso- 
lution de  son  neveu,  l'invite  à  combattre 
encore  pour  la   cause  royale.    «  Si    tu 
»  meurs,  lui  dit-elle  ,  tu  emporteras    mes 
»  regrets  et  mon  estime.  »  Larochejaque- 
lein reprend  sa  marche  ;   mais ,  entouré 
d'ennemis  ,  les  ruines  de  son  propre  châ- 
teau de  Frubelières,  où  il  avait  pris  nais- 
sance  et    que    les  républicains   avaient 
brûle,  lui  servirent  de  retraite  pendant 
quelque  temps.  Son  arrivée  et  le  lieu  qui 
lui  servait  d'asile,  furent  bientôt  connus. 
Un   délachement    de    républicains   vint 
fouiller    le   château  :  il  ne    se  déroba  à 
leur  vue  ,   qu'en   se  tenant   couché    sur 
f  entablement  des  mars  delà  façade  prin- 
cipale, qui  ne  s'étaient  pas  écroulés.  Dé- 
livré encore  de  ce  péril ,  et  ayant  appris 


SOI  LAK 

que  Charelte  est  entré  dans  le  Bas-Poi- 
tou ,  il  vole  auprès  de  ce   général  pour 
concerter  avec    lui  de  nouvelles  opéra- 
lions.  Il  fut  reçu  froidement,  et  lorsqu'ils 
se  séparèrent ,  Ciiarelle   dit   à  Laroche- 
jaquelein :  a  Je  pars  pour  Mortagne  ;  si 
»  vous  voulez  me  suivre,  je  vous  ferai 
«donner    un  cheval —  »  —  IMoi ,    vous 
»  suivre  !  répondit  fièrement  le  généra? 
»  en  chef  de  la  Vendée ,  sachez   que  je 
»  suis  accoutumé  à  être  suivi  moi-même, 
»  et  que    c'est  moi  qui  commande   ici.  » 
En   disant  ces   mots,  il  s'éloigna,  et,  la 
même  jour,  huit  cents  hommes  quittèrent 
Charette  ,  et   vinrent   reconnaître  Laro- 
chejaquelein pour  leur  général.  Dans  ce 
moment  les  républicains  portaient  le  fer 
et  le  feu  dans  la  Vendée,  ce  qui  fit  donner 
à  leurs  détachemens  le  nom  de  colonnes 
infernales.  La  Rochejaquelein  ne  tarda 
pas  à  avoir  trois engagemens  sérieux  avec 
le  général  Cordelier ,  qui  ne  yjut  cepen- 
dant vaincre  les  royalistes.  Mais  les  dan- 
gers se  multipliant ,  et  Larochejaquelein, 
n'ayant  pas  assez,  de  monde  pour  résister 
à  des  masses  énormes ,  se  mit  sur   la  dé- 
fensive  dans  la   forêt  de  Vezin  ;   il  y  fil 
construire  des  baraques,  s'y  cantonna  ,  et 
établit  sur  la  roule  de  Cholet  un  poste 
composé  des  plus  braves  de  sa  petite  ar- 
mée. Pendant  le  reste  de  l'hiver,  il  s'oc- 
cupa à  couper    les  communications  des 
républicains  ,  à  enlever  leurs  patrouilles, 
leurs  escortes  ,  leurs  munitions  et  leurs 
convois.  Une  circonstance  imprévue  vint 
grossir  le  nombre  de  ses  guerriers.  Il  fit 
afficher  dans  toutes  les  paroisses   un  or- 
dre,  trouvé   sur  un    adjudant  -  général 
qu'on  avait  pris  :    cet   ordre  portait  de 
donner  des  sauf- conduits  aux  paysans 
vendéens  ;  de  les  saisir   ensuite   et  de  les 
fusiller.  Les  paysans ,  n'ayant  plus  de  sû- 
reté que  dans  leur  propre  défense  ,  s'ar- 
mèrent et  accoururent  auprès   de  Laro- 
chejaquelein. A  la  tête  d'une  armée  plus 
nombreuse,  il  se  met  en  campagne  ,  me- 
nace les  cantonnemens  républicains  ,  et 
obtient  quelques  avantages  sur  le  général 
Cordelier.   La  garnison   de  Cholet  éla«t 
.sortie  pour   aller  brûler  le    village    de 
Nouaillé  ,  Larochejaquelein   l'attaqua  au 
moment  où  elle  y  mettait  le  feu...  Hélas! 
ce  devait  être   le  dernier  combat  de  eu 
héros  !  Une  partie  des  Vendéens  cerne 
les  incendiaires,  dont  plusieurs  périssent 
dans  les  flammes  qu'ils  viennent  d'allu- 
mer; d'autres  Vendéens    s'élancent  sur 
les  ennemis,  et  leur  cavalerie  en  fait  un 
massacre  Iwrrible.  Larochejaquelein.  ca 
26 


LIR 


!02 


LV!\ 


poursuivant  les  fuyards ,  aperçoit  deux  ' 
(jrenadiers  caches  derrière  une  liaie  ; 
*  Rendez-vous,  leur  dit-il,  je  vous  fais 
»  grâce.  »  Ils  se  disposent  à  obéir  ;  le  {jé- 
néral  veut  les  interro-jer  et  s'approclie 
d'eux,  maigre  les  représentations  de  ses 
ofliciers  qui  le  suivent.  On  prononce  son 
nom  ,  et  un  des  {grenadiers  se  dévoue  ; 
tandis  que  Larociiejaiiuekin  se  penche 
de  dessus  son  cheval  pour  se  saisir  de  son 
arme,  le  grenadier  l'ajusta,  et  lire  à  bout 
portant  ;  la  balle  frappe  le  front  du  {îéné- 
ral ,  qui  tombe  et  ex[)ire  dans  l'instant 
même  (  le  k  juin  1795  )  ,  lorsqu'il  n'avait 
pas  encore  atteint  sa  vingt-troisième  an- 
née. Son  meurtrier  est  massacré ,  mais 
les  royalistes  ont  perd;»  leur  chef  et  leur 
héros  !  Son  corps  fut  inhumé  dans  l'en- 
droit même  où  il  avait  rendu  le  dernier 
soupir,  et  sa  mort  excita  les  regrets  des 
royalistes  et  ceux  des  républicains.  En 
dix  mois  il  avait  remporté  seize  victoires 
avec  les  plus  faibles  moyens  ,  et  dans  les 
circonstances  les  plus  difficiles.  «  Laro- 
chejaquelein  était  d'un  tempérament  ro- 
buste, il  maniait  un  cheval  avec  grâce, 
aimait  passionnément  la  chasse ,  et  les 
exercices  violens...  Il  avait  une  physio- 
nomie pleine  de  douceur  et  de  noblesse, 
cl  un  air  guerrier  ;  ses  yeux  ,  naturelle- 
ment vifs,  devenaient  si  ardens  ,  si  tiers 
au  milieu  d'une  action,  que  son  regard 
semblait  alors  le  coup  d'œil  de  l'aigle. 
Hors  des  combats,  il  s'abandonnait  à  la 
gaité,à l'enjouement  de  son  âge,  ne  déve- 
loppant son  grand  caractère  que  dans  les 
momens  décisifs.  Dans  les  conseils  ,  il 
avait  toujours  l'avis  le  plus  sage;  mais 
ii  cédait  volontiers  à  l'opinion  des  chefs 
dont  la  maturité  semblait  annoncer  plus 
de  lumières  et  d'expérience.  Décidez  , 
tlisait-il,  et  ]' exécuterai.  Brûlant  de  l'a- 
mour de  la  gloire,  il  semblait,  tel  que  nos 
anciens  preux,  appartenir  aux  temps  hé- 
joïques  de  la  chevalerie...  »  On  exhuma 
SCS  1  estes  en  i815  ,  cl  on  les  déposa  dans 
l'église  paroissiale  de  Choîlet.  Le  7  mai 
■1817,  ils  furent  réunis  à  ceux  de  ses  ancê- 
tres, à  Saint-Aubin.  Voyez  les  Mémoires 
de  madame  la  marquise  de  Larocheja- 
oueleirij  avec  deux  cartes  du  théâtre  da 
la  guerre  de  la  Vendée,  1816,  1  vol.  in-8"; 
Mémoires  su?'  l'expédition  de  Quiùeron  , 
Paris,  Le  Normanl  ,  2  vol.  in-8".  Ces  der- 
niers Mémoires  forment  une  suite  de 
l'histoire  desguerresde  la  Vendée. 

•  L\UOCHEJAQUELEI\  (Louis  DU- 
VERGIKU  ,  marquis  de  )  ,  frère  puîné  du 
|ireccdcnt ,  né  eu  1777 ,  à  Saint-Aubin  de 


Baubigny  dans  le  Poito;j ,  suivit  son  père 
dans  l'émigration,  et  lit  à  seize  ans  ses 
premières  armes  dans  le  régiment  autri- 
chien de  Latour.  Il  passa  ensuite  au  ser- 
vice de  l'Angleterre  ,  lit  deux  campagnes 
dans  l'île  de  St.-Domingue  ,  et  rentra  en 
1801  en  France,  où  il  épousa  la  veuve  du 
général  vendéen  ,  marquis  de  Lescure.  Il 
vivait  dans  la  retraite  ,  lorsqu'en  1813  il 
entra  en  relation  avec  un  agent  de  Louis 
XVIII.  Il  prépara  dans  la  Guienne  et  la 
Vendée  les  esprits  à  la  restauration  des 
Bourbons,  et,  dès  qu'il  connut  qiie  le  duc 
d'Angoidème  était  à  St.-Jean-de-Luz ,  il 
alla  offrir  à  ce  prince  l'hoimnage  de  la 
ville  de  Bordeaux  qui  reçut  en  effet  ce 
prince  avec  enthousiasme.  Nommé  com- 
mandant des  grenadiers  royaux  de  la 
garde ,  Laroclicjaquelein  protégea  au  20 
mars  la  retraite  du  roi,  qu'il  accompagna 
jusqu'à  Gand,  d'où  il  se  rendit  en  Angle- 
terre. Il  sollicita  et  obtint  du  gouverne- 
ment britannique  quelques  secours  avec 
lesquels  il  revint  vers  la  Bretagne  et  dé- 
barqua sur  la  côte  de  St. -Gilles.  Un  grand 
nombre  d'habitans  du  pays  se  réunirent 
à  sa  voix  ,  et  d'anciens  chefs  vendéens  , 
MM.  d'Autichamps ,  Sapinaud ,  et  Suzan- 
net,  etc.,  le  reconnurent  pour  général  en 
chef.  Le  gouvernement  impérial  parvint 
à  semer  la  division  dans  les  rangs  des 
vendéens  en  proposant  une  amnistie  ,  des 
suspensions  d'armes,  etc.  Plusieurs  chefs 
licencièrent  leurs  troupes  ou  se  retirèrent 
dans  l'intérieur.  A  cette  nouvelle,  Laro- 
clicjaquelein, qui  se  trouvait  alors  auprès 
de  l'arniral  anglais  commandant  la  croi- 
sière sur  cettf  partie  des  côtes  de  France, 
s'indigne  :  il  apprend  en  même  temps  que 
le  général  Travot  arrive  avec  un  fort  dé- 
tachement de  troupes  impériales  ,  pour 
s'opposer  au  nouveau  débarquement  d'ar- 
mes et  de  numilions  qu'on  s'occupait 
d'exécuter.  Sans  calculer  les  dangers 
d'une  rencontre  ùiégale,Larochejaquclei!i 
s'avance  contre  l'armée  de  Napoléon.  Il 
rencontre  au  village  des  Matthes  ,  près  de 
Sainte-Croix  de  Vie ,  le  général  Estève  à 
la  tête  d'une  colonne  :  là  eut  lieu  u!i 
combat  durant  lequel  Larochejaquelein 
reçut  une  balle  dans  la  poitrine  ;  il  cxpini 
sur  le  champ  de  bataille,  et  samort  aclieva 
la  déroute  des  Vendéens.  Son  fils  aîné  a 
été  nommé  pair  de  France  ,  et  son  fi  ère 
Auguste  qui  fut  blessé  dans  l'affaire  que 
nous  venons  de  rapporter  ,  reçut  le  com- 
mandement des  grenadiers  à  cheval  do 
la  garde  royale. 
LAUOQUE.  Fotjez  ROQUE  (la). 


LAR 

I.AÏ\11EY  (  IsA.vc  de  )  ,  liisloricu,  né  à 
IVTonlivilIiers  ,  dans  le  pays  de  Caux  ,  de 
parons  calvinislcs  ,  en  1()58  ,  exerça  pen 
dant  quelque  temps  la  profession  d'avo- 
cat dans  sa  patrie.  Il  appartenait  à  la  re- 
li{jiou  proloslanle  ,  et  avait  élevé  ses  en- 
fans  dans  la  mcmc  croyance.  Une  ordon- 
nance de  Louis  XIV,  enlevant  aux  léfor- 
més  toute  autorité  sur  leurs  enfans  ,  dès 
([ue  ceux-ci  annonçaient  le  désir  de  so 
faire  catholiques,  une  des  filles  de  Larrey 
âjïée  de  12  ans,  profita  de  cette  loi,  el 
entra  dans  un  couvent.  Apres  d'inutiles 
efforts  pour  l'arracher  à  cet  asile,  Larrey 
voulut  s'expatrier  :  il  passa  en  Hollande, 
et  devint  historiographe  des  états-géné- 
raux. L'électeur  de  Brandebourg  l'appela 
ensuite  à  Berlin,  e(  l'y  fixa  par  une  pen- 
sion. Il  y  mourut  en  1719  ,  à  81  ans.  La 
vivacité  de  son  esprit  rendait  son  hu- 
meur inégale ,  et  le  portait  quelquefois 
uux  extrémités  opposées.  Doué  d'une  mé- 
moire excellente,  il  s'y  fiait  trop  ,  et  ne 
faisait  pas  d'extraits  de  ses  lectures.  De 
là  les  inexactitudes  qui  fourmillent  dans 
quelques-uns  de  ses  écrits.  Les  plus  con- 
nus sont  :  I  Histoire  d'Auguste  ^  Rotter- 
dam (  Berlin  ) ,  1690  ,  in-8°  ,  le  premier 
ouvrage  historique  de  Larrey  ,  écrit  d'un 
style  ferme  et  avec  beaucoup  de  vérité. 
Il  a  été  réimprimé  avec  V Histoire  des 
triumvirats ^\>tir  Cilry  de  la  Guette  (voyez 
ce  nom  ).  |  V Héritière  de  Guienne,  ou 
Histni?'e  d'Eléonore ,  fille  de  Guillaume^ 
dernier  duc  de  Guienne ,  femme  de  Louis 
VII roi  de  /''r«ntr>  Rotterdam  ,  1691,  in- 
8°  ;  lC92,in-12  :  morceau  d'histoire  écrit 
d'un  style  emphatique  ,  vif  et  un  peu  ro- 
manesque; I  Histoire  d'yingleterre^  d'Ir- 
lande et  d' Ecosse ,  en  k  vol.  in-fol.,  1707 
à  1713.  Cet  ouvrage  ,  qu'on  ne  lit  plus  au- 
jourd'hui, eut  un  grand  succès  dans  sa 
naissance  ;  mais  on  ne  tarda  pas  à  reve- 
nir de  ce  préjugé.  |  Histoire  des  sejJt 
sages^en  2  vol.  in-S**,  ibid.,  1715-16,  com- 
posée pour  amuser  les  oisifs,  et  qui  ne  par- 
vient pas  toujours  à  son  but.  Larrey  parut 
aussi  sur  la  scène,  en  qualité  de  contio- 
versiste.  Il  donna,  en  1709,  |  une  Réponse 
à  l'Avis  aux  réfugiés^  réimprimée  à 
Rouen,  in-i2,  1714  et  1715  ;  |  Histoire  de 
Louis  XIV.  1718,  3  vol.  in-i"  ,  et  9  vol. 
in-12  :  compilation  de  gazettes  infidèles  , 
sans  agrément  dans  le  style  et  sans  exac- 
titude dans  les  faits,  les  dates  et  les  noms 
propres  :  dans  une  infinité  d'endroits,  c'est 
une  répétition  des  calomnies  des  protes- 
tans ,  auxquelles  l'auteur  en  ajoute  de 
nouvelles.     Les  trois  derniers  volumes 


LAR 

jri'.    ()n  remarqua  des 


503 

sont  de  la  Marlii 

différences  essenlielics  entre  Larrey  écri- 
vant la  Vie  de  Louis  XI V^  et  Larrey 
écrivant  les  Pies  de  Ciiarles  II,  Jacques 
ÎI  el  Guillaume  III. 

*  LA.UII  F.Y  (  Alexis  ) ,  chirurgien,  né  à 
Baudéan  (Basses-Pyrénées  )  en  1750,  fit 
son  éducation  à  Toulouse  et  entra  à  l'hos- 
pice de  St.- Joseph-de-la-Grave  pour  se 
former  dans  l'art  de  guérir.  Ses  heureu- 
ses disposilioilS  lui  valurent  la  protection 
'de  son  maître,  M.  Bonnet ,  alors  chirur- 
gien-major de  cet  établissement.  Aprèa 
la  mort  de  ce  dernier  ,  un  concours  fut 
ouvert  pour  son  remplacement;  Larrcv 
fut  le  vainqueur,  et  il  épousa  la  fille  de 
son  prédécesseur.  Nommé  intendant  de 
chirurgie  des  deux  hospices  de  Toulouse, 
il  déploya  dans  ce  poste  difficile  tous  les 
trésors  de  sa  vaste  expérience.  A  l'épo- 
que de  la  dispersion  des  écoles  sous  le 
régime  de  la  terreur ,  il  fonda  des  cours 
publics  pour  l'enseignement  de  la  méde- 
cine et  de  la  cliirurgie,  desquels  sont 
sortis  [)lusieurs  hommes  habiles,  Delpech, 
Rumèbe  et  son  neveu  le  baron  Larrey.  Il 
devint  directeur  de  l'école  de  médecine 
de  Toulouse  ,  dès  sa  création  ,  et  il  fit  en 
même  temps  le  cours  d'an«tomic.  Lors- 
que l'académie  des  sciences,  inscriptions 
et  belles-lettres  fut  rétablie ,  Larrey  en 
devint  membre  honoraire  et  il  reçut  le 
même  titre  dans  la  société  de  médecine, 
cliirurgie  et  pharmacie  de  Toulouse.  Il 
est  mort  dans  cette  ville  après  une  longue 
et  douloureuse  maladie  ,  le  17  décembre 
1827.  On  a  de  Larrey  plusieurs i/^mozV(?« 
et  Observations  intéressantes,  qui  furent 
envoyées  avec  des  pièces  pathologiques  , 
à  l'académie  royale  de  chirurgie.  —  LAR- 
REY (CLAUDE-Fr.ANÇois-Hn.AiRE),  chi- 
rurgien ,  né  aussi  en  177i  à  Bodéan ,  près 
Bagnères-de-Bigorre ,  fut  d'abord  chi- 
rurgien-major dans  un  régiment .  et  fit 
en  cette  qualité  plusieurs  campagnes.  Ad- 
mis à  la  retraite  ,  il  fut  nommé  chirur- 
gien en  chef  de  l'hôpital  militaire  et  civil 
de  Mmes  ,  et  se  fit  connaître  avantageu- 
sement surtout  par  une  opération  césa- 
rienne qui  fut  couronnée  de  succès;  l'en- 
fant et  la  mère  survécurent  tous  deux.  Il 
contribua  de  tous  ses  efforts  à  la  propa- 
gation de  la  vaccine  dans  son  déparle- 
ment. Quoiqu'il  fût  très  occupé,  il  trouva 
toujours  le  temps  de  donner  ses  soins  aux 
pauvres  des  campagnes  environnantes  , 
et  sa  mort,  arrivée  en  octobre  1819.  et 
qui  fut  causée  par  une  affection  du  cœur, 
fut  sans  doute  avancée  par  son  trop  grand 


LAR 

zèle  pour  l'exercice  de  son  arl.  Il  u  fait 
un  {jrand  nombre  de  rapports  à  rinstiliU 
du  Gard  ,  cl  publié  quelques  ouvrages, 
parmi  lesquels  nous  cilerons  :  |  Discours 
sur  les  précautions  que  doivent  prendre 
les  mères  pour  procurer  une  bonne  con- 
stitution à  leurs  enfans.  suivi  de  quelques 
réflexions  sur  les  accouchernens ,  Niines 
1805,  in-8°;  |  une  ihèse  sur  V Application 
Uu  trépan ,  1805,  in-8°,  à  Montpellier  , 
OÙ  il  était  venu  se  faire  reeevoir  docteur 
en  médecine  ;  |  Larrey  aux  habitons  de 
Ntmes .  Nîmes  ,  1801 ,  in-8°  ,  opuscule  en 
faveur  de  la  vaccine.  Ces  deux  chirurgiens 
appartiennent  à  la  même  famille  que  le 
célèbre  médecin  du  même  nom  ,  collabo- 
rateur, pour  la  partie  médicale,  du  grand 
ouvrage  sur  l'Egypte. 

*  LARU 1  ÈRE  (  NoEi,-CASTERA  de  ) ,  né 
à  Aillas  ,  près  Bazas  ,  en  1755  ,  s'occupa 
toute  sa  vie,  quoique  laïc,  de  matières  ec- 
clésiastiques ;  élevé  dans  les  principes  des 
appelans ,  il  s'occupa  particulièrement 
de  défendre  leurs  démarches ,  et  prit  la 
plus  grande  part  aux  querelles  du  temps. 
Il  avait  été  envoyé  en  Hollande  par  le 
parti ,  et  il  y  travailla  long-temps  sous  les 
yeux  de  l'abbé  Arnauld  ,  qui  lui  faisait , 
dil-on ,  une  pension.  Il  se  montra  favo- 
1  able  à  la  révolution  ,  sans  cependant  en 
approuver  les  crimes,  et  défendit  avec 
un  zèle,  particulier  la  constitution  civile 
du  clergé.  Il  a  publié  en  ce  sens  :  |  Préser- 
vatif contre  le  schisme  ou  Questions  rela- 
tives au  décret  du  27  novembre.  1790 ,  in- 
8°  ;  I  Préservatif  contre  le  schisme  accusé 
et  non  convaincu  de  graves  erreurs .  en 
réponse  à  l'écrit  du  P.  Lambert  contre  ccf 
ouvrage,  1791  {voijez  LA.MBERT);  |  la 
Suite  du  préservatif  ou  Nouveau  déve- 
loppement des  principes  qui  y  soiit  éta- 
blis.  1792,  in-8'';  |  une  Lettre  à  l'auteur 
de  l'autorité  de  l'église  et  de  ses  mi- 
nistres défendus  ;  \  et  trois  Lettres  en  ré- 
ponse à  la  critique  de  Vauvilliers.  Lar- 
lière  a  aussi  travaillé  aux  Nouvelles  ecclé- 
siastiques ^  on  il  a  inséré  plusieurs  arti- 
cles en  faveur  de  ses  ouvrages.  Il  a  rédigé 
quelque  temps  les  Annales  de  la  religion 
de  l'évéque  constitutionnel  Desbois  de 
Rochefort;  et  il  essaya  en  1798,  de  créer 
un  nouveau  journal  sous  le  titre  à! An- 
nales religieuses  ;  mais  il  n'eut  que  huit 
nmnéros ,  et  fut  supprimé  par  le  Direc- 
toire. Larrière  assista  ,  en  1797  ,  au  con- 
cile des  constitutionnels ,  et  appuya  leur 
cause  de  toutes  les  ressources  de  son  es- 
prit et  de  ses  connaissances.  La  persécu- 
tion du  Directoire  l'obligea  de  retourner 


LAR 

il  mourut  d'une   apoplexie 


504 

à  A  illas  ,  où 

l'oiidroyante ,  en  sortant  de  table  ,  le  i 
janvier  1805.  Outre  les  ouvrages  que  nous 
avons  cités,  il  a  publié  :  |  Entretiens  d'Eu- 
sèbe  et  de  Théophile  sur  le  sacrifice  de  la- 
messe,  brochure  in-12  .  1779  ;  |des  Obser- 
vations sur  le  pastoral  de  M.  de  Juigné, 
archevêque  de  Paris,  au  nombre  de  trois, 
1786  et  1787,  in-12;  |  la  Vie  d: Arnaud. 
Lausanne,  in-i",  jointe  à  l'éditicn  des 
œuvres  de  ce  docteur ,  donnée  par  les 
soins  de  l'abbé  de  Bellegarde.  On  lui  at- 
tribue des  Principes  sur  l'approbation 
des  confesseurs .  1785. 

LVRROQUE  (Matthiko  de),  minis- 
tre protestant,  né  à  Leirac  ,  près  d'Agen, 
en  1019,  de  parens  calvinistes,  prêcha  à 
Charenlon  avec  applaudissement.  La  du- 
chesse de  la  Trimouille  l'ayant  entendu, 
le  choisit  pour  ministre  à  Vitré  en  Bre- 
tagne. Après  avoir  servi  cette  église  pen- 
dant 27  ans  ,  il  alla  exercer  le  ministère  à 
Rouen  ,  où  il  mourut  en  {(tSk  ,  à  Ou  ans. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  |  une  His- 
toire de  l'euchaiistie,  Amsterdam,  Elzé- 
vir ,  1G69  ,  'm-k°  ,  et  lG7i  ,  in-8°  :  malgré 
l'érudition  qu'il  y  étale,  c'est  l'un  des 
écrits  les  plus  faibles  que  les  prolestang 
aient  publiés  contre  ce  mystère  ,  qui , 
comme  les  autres  dogmes  chrétiens,  peut 
bien  prêter  à  des  difiicullés  de  raisonne- 
ment ,  mais  contre  lequel  il  n'est  pas  pru- 
dent de  chercher  des  preuves  dans  l'his- 
toire, la  tradition  et  la  doctrine  des  Pè- 
res. I  Réponse  au  livre  de  M.  de  Meaux 
(Bossuet),  de  la  Communion  sous  les 
deux  espèces.  1G85,  in-12;  (  un  Traité 
sur  la  régale.  Rotterdam,  1685,  in-12; 
I  deux  Dissertations  latines  sur  Photin 
et  Libère  ;  |  plusieurs  autres  Ecrits  de 
controverse ,  estimés  dans  son  parti.  On 
trouvera  la  liste  de  ses  autres  ouvrages 
dans  le  Dictionnaire  de  Bayle  et  les  Mé' 
moires  de  Nicéron. 

LARROQIIE  (  Daniel  de  )  ,  fils  du  pré- 
cédent ,  né  à  Vitré  en  Bretagne  ,  vers 
1660 ,  quitta  la  France  après  la  révoca- 
tion de  redit  de  Nantes  ,  passa  à  Londres, 
de  là  à  Copenhague  ,  ensuite  à  Amster- 
dam ,  et  enfin  revint  à  Paris  pour  em- 
brasser la  religion  catholique.  Un  écrit 
satirique  contre  Louis  XIV  (à  l'occasion 
de  la  famine  de  1695) ,  auquel  il  avait  eu 
part ,  fit  pendre  l'imprimeur  ,  et  le  con- 
duisit au  Chàtelot ,  d'où  il  fut  transféré 
au  château  de  Saumur  Etant  sorti  de  sa 
prison  ,  cinq  ans  après  ,  par  la  protection 
de  l'abbesse  de  Fonlevrault ,  il  obtint  un 
poste  dans  le  bureau  des  affaires  étran- 


LAS 


5ÔS 


LAS 


{^ères ,  cf  ensuite  uno  retraite  de  4. 000 
liv.  dans  le  temps  de  la  régence.  Il  mou- 
rut en  17il ,  à  70  ans.  On  a  de  lui  :  |  Vie 
de  l'imposteur  BJahmnet ,  traduite  de 
l'anglais  du  savant  Prideaux  .Amsterdam, 
1698,  et  Paris,  1G99 ,  in-12;  |  deux  mau- 
vais romans  satiriques,  l'un  sous  le  titre 
de  Véritables  motifs  de  la  conversion  de 
Ilcmcé ,  abbé  de  la  Trappe,  Cologne, 
1085,  in-12;  l'autre  sous  celui  de  Vie  de 
Mézerai  Vhistmien  .  in-12.  L'auteur  était 
jeune,  dit  l'abbé  d'Olivet,  lorsqu'il  lit  ce 
dernier  ouvrage  :  mais  l'était-il  lo'-squ'il 
le  publia  en  1720?  |  Traduction  de  l'Mis- 
toire  romaine  d'Ecbard  ,  retoucbée  et  pu- 
bliée par  l'abbé  des  Fontaines.  (  Voi/.  ce 
nom.)  I  L'abbé  d'Olivet  lui  attribue  .^vi.s 
mix  réfugiés.  1690,  in-12.  On  crut  cepen- 
dant dans  toute  la  Hollande  que  Bayle 
était  l'auleur  de  ce  livre;  on  le  croit  en- 
core coiniminément  aujourd'hui.  L'au- 
teur ,  quel  qu'il  soit,  y  donne  de  très  bons 
conseils  aux  réfugiés,  dont  les  déclama- 
tions contre  la  France  ne  rendaient  pas  la 
cause  meilleure.  Il  travailla  aux  Nou- 
velles de  la  république  des  lettres  ^  pen- 
dant une  maladie  de  Ravie. 

•  LASAIISSE  (  Jeax-Baptiste),  ecclé- 
siastique ,  né  à  Lyon  ,  le  22  mars  1740 , 
f'Tt  successivcmt;nt  directeur  du  sémi- 
naire de  la  congrégation  de  Sainl-Sulpice 
à  Tuile  et  à  Paris.  C'est  à  tort  que  la 
Biographie  des  hommes  vivans  et  celle 
des  contempo7-ains  ont  avancé  qu'il  a  été 
grand-vicaire  deLamourette;  c'estun au- 
tre ecclésiastique  du  même  nom  et  de  la 
même  ville.  L'abbé  Lasausse  accompa- 
gna à  l'échafaud  Cbâlier,  surnommé  le 
Marat  de  Lyon  ,  et  parvint  à  exciter  en 
lui  quelques  sentimens  religieux  et  lui  lit 
baiser  le  crucitix  avant  l'exécution.  Il  a 
publié,  peu  de  temps  après,  l'exposé  des 
principales  circonstances  qui  accompa- 
gnèrent la  mort  de  Cbâlier  et  la  lettre 
qu'il  en  avait  reçue  à  la  suite  de  sa  con- 
damnation. Lasausse  est  mort  le  2  novem- 
bre 1S26  ;  il  avait  composé ,  abrégé  ,  tra- 
duit ,  ou  édité  un  grand  nombre  d'ouvra- 
ges qui  sont  :  |  Cours  de  méiUtations 
ecclésiastiques.  Tulle  ,  1781 ,  2  vol.  in-12  ; 
2*^  édition,  5  vol.  in-i2  ;  |  Cours  de  médi- 
tations religieuses^  ibid.,  2  vol.  in-12; 
j  Cours  de  méditations  chrétiennes,  ibid., 
2  vol.  in-12  ;  |  Retraite  du  père  Cataneo , 
traduite  de  l'italien,  in-18  ,  Paris  ,  1783  ; 
{  le  Vrai  pénitent,  traduit  de  l'italien , 
în-12,  Tulle,  ensuite  Lyon,  1783;  nou- 
velle éd'it.,  1788,  sous  ce' titre  :  Le  vrai 
Pénitent  formé  sur  le  modèle  de  David  on 


Motifs  et  moijcns  de  conversion ,  ouvrage 
très  utile  aux  simples  chrétiens  et  à  ceux 
qui  sont  spécialement  consacrés  à  Dieu. 
Cette  édition  est  augmentée  de  \ Abrégé 
de  la  vie  du  bienheureux  Benoit- Joseph 
Labre.  \  V Ecole  du  Sauveur,  traduction 
libre  de  l'ouvrage  latin  intitulé  :  Schola 
Christi.  Paris,  1791  ,  7  vol.  in-i2;  |  Le- 
çons quotidiennes ,  7  vol.  in-12.  Il  y  a 
une  leçon  pour  chaque  jour  de  l'année 
et  de  courtes  réflexions  sur  le  saint  du 
jour.  I  Tableau  de  la  vraie  religieuse ,  1 
vol.  in-12,  2*^  édition;  |  Psautier  des 
amans  de  Jésus,  oii  l'on  trouve  le  nom 
de  Jésus  après  chaque  verset .  in-12  et 
in-18;  |  Soupirs  d'un  chrétien,  in-12, 
I  Vie  sacerdotale  et  pastorale ,  suivie  de 
méditations  pour  chaque  jour  du  tnois , 
petit  in-12,  2*^  édition;  |  Jésus  et  Marie 
parlant  au  cœur ,  avec  13  lig.  2'  édition 
encadrée;  ]  Doctrine  de  l'évangile,  in- 
18;  I  Dévotion  au  Saint-Sacrement ,  in-18, 
2'^  édition';  |  Dialogues  entre  deux  chré- 
tiens sur  les  grandes  vérités  du  salut , 
in-18;  \  les  Chrétiens  catholiques,  in-18; 
I  V Amante  du  Sauveur  avec  des  figures 
sur  la  passion  ,  in-18  ;  |  le  Présent  utile  à 
tous ,  in-2('i  ;  |  le  Fervent  chrétien ,  nou- 
velle édition  considérablement  augmen- 
tée ,  in-18  et  in-ô2  ;  |  Etrennes  pour  les 
fidèles,   in -32;    |  Pieux  fidèles,   in -52; 

1  Science  de  l'oraison,  {  vol.  in-12;  |  le 
Chrétien  brûlant  d'amour  pour  Jésus  c?'u- 
cifié ,  1  vol.  in-12;  |  Conversations  in- 
structives et  intéressantes  sur  la  religion. 
in-12  ;  |  Dialogues  chrétiens  sur  la  ?-eli- 
gion ,  les  commandernens  de  Dieu  et  les 
sacremens,  Lyon,  1802  ,  3  vol.  in-8°,  dont 
le  fonds  est  tiré  des  conférences  préchées 
par  M.  de  Laforest,  ancien  curé  de  Lyon  ; 
(  Cours  amiuel  de  sujets  de  piété,  Paris, 
180S  ,  3  vol.  in-8°;  |  Vie  deJésus-CJvist. 
suivie  de  réfiexions  après  chaque  lecture, 

2  vol.  in-12  ;  |  Doctrine  de  Jésus-Christ 
puisée  dans  les  épitres  des  apôtres,  Pa- 
ris ,  1807,  2  voL  in-12;  |  Entretiens  in-' 
structifs  et  pieux  sur  la  confession  et  la 
communion ,  Paris ,  1808  ,  in-lS  ;  |  les  Pé' 
cheurs  pensant  à  l'éternité ,  Paris,  1811, 
in-32;  |  le  Sage  réfléchissant  sur  l  éter- 
nité ,  etc.,  in-24. ,  Paris ,  1815  ;  \le  Fervent 
ecclésiastique ,  in-12.  Il  y  a  des  réllexioris 
pour  chaque  jour  de  l'année,  |  Explica- 
tion du  catéchisme ,  avec  des  traits  his- 
toriques après  chaque  explication ,  Paris, 
1814,  édition  stéréotype.  Cet  ouvrage  a 
donné  lieu  à  quelques  critiques;  |  Y  Heu- 
reuse amiée  ou  Année  sanctifiée,  traduc- 
tion libre    de  l'ilalicn ,   Tulle ,    ensuite 

23. 


LAS  5 

Rouen,  1814  ;  |  l'y/mi  zélé  donnant  des 
conseils  à  son  ami  chaque  jour  de  l'an- 
née, Paris,  1815,  in-2/«.  ;  |  VJyni  zélé  des 
pécheurs  ,  où  après  de  courtes  réflexions 
se  trouvent  des  anecdotes,  Paris,  1817, 
in-12  ;  j  Homélies  sur  la  liberté ,  l'égalité 
ei  la  philosophie  moderne,  traduites  de 
l'italien  de  M.  Gr.  Turchi,  évèque  de 
Parme  ,  avec  le  texte  original  en  regard, 
Paris,  1816,  in-12;  |  le  Chrétien  sanc- 
tifié, nouvelle  édit.  1819  ,  gros  vol.  in-12  ; 
I  V Imitation  du  sacré  cœur  de  Jésus,  ou- 
vrage calqué  sur  l'Imitation.  Il  y  a  de 
même  quatre  livres,  et  dans  chaque  livre 
autant  de  chapitres ,  dont  chacun  ren- 
ferme une  effusion  de  cœur,  et  ensuite 
une  leçon  sur  un  sujet  de  piété  qui  a  rap- 
port à  celui  de  l'Imitation,  Lyon,  1819, 
in-12  ;  |  Plaintes  et  complaisances  du  Sau- 
veur, in-52  ,  avec  beaucoup  de  figures, 
plusieurs  éditions  ;  |  Plaintes  rt  complai- 
sances de  la  sainte  Vierge  ,Wï'^ ,  in-18, 
avec  ou  sans  ligures.  Chaque  page  con- 
tient une  plainte  ou  une  complaisance  , 
une  plainte  à  la  sainte  Vierge  et  un  avis 
du  saint  du  jour,  qui  peut  servir  pour  la 
méditation;  |  V Amant  de  Jésus  en  orai- 
son ,  nouvelle  édition  ,  1820  ,  in-52  ;  |  Dé- 
votion aux  mystères  de  Jésus-Christ  et 
de  Marie ,  connue  sous  le  nom  de  la  dé- 
votion des  quinze  samedis .  5'  édition  , 
in-18,  augmentée  de  prières  pour  la 
messe,  et  des  leçons  de  Jésus-Christ  sur 
les  moyens  d'obtenir  un  grand  amour 
l)Our  Dieu.  Il  y  a  aussi  des  prières  pour 
la  communion;  |  le  Solitaire  chrétien, 
ouvrage  divisé  en  deux  volumes;  le  pre- 
mier a  pour  titre  :  le  Solitaire  chrétien 
réfléchissant  et  priant  pour  exciter  les 
fidèles  à  faire  oraison  et  apprendre  à  la 
bien  faire  ;  le  second  est  intitulé  ;  le  So- 
litaire chrétien  instruisant  et  exhor- 
tant,  etc.  Ce  volume  renferme  des  entre- 
tiens du  solitaire  avec  des  personnes 
de  différentes  conditions  ,  et  ensuite  des 
réflexions  du  même  pour  chaque  jour  du 
mois.  I  Les  Chrétiens  instruits  à  l'école 
de  la  sagesse^  1  vol.  in-12;  |  le  Prêtre 
cité  au  tribunal  de  Dieu  au  ?noment  de  sa 
7nort ,  1  vol.  it»-12.  On  y  trouve  une  suite 
de  méditations  pour  une  lelraite  eccié- 
siasli(iuo.  Lasausse  a  encore  publié  :  Vie 
et  œuvres  spirituelles  de  M.  Cormeaux , 
3  vol.  in-12  ;  Doctrine  spirituelle  des  Pères 
Jlerlhier,  Surin .  Saint- Jure  ,  de  M.  d'Or- 
léans de  la  Motte  ,  et  de  sainte  Thérèse  , 
in-12,  plusieurs  éditions;  et  le  Prédicateur 
de  l'amour  de  Dieu  ,  ouvrage  posthume 
du  père  Surii^i ,  2*=  édit.,  1  vol.  in-12. 


06  LAS 

LASCA.  T'oijcz  GRAZZINI. 

LASt.ARIS  (TiiKODonE),  prince  da 
Bas-Empire  ,  d'une  ancienne  famille  grec- 
que ,  avait  épousé,  en  1200,  Anne  ,  fille 
d'Alexis  L'Ange,  sur  qui  son  frère  Isaac 
venait  d'usurper  le  sceptre.  A  l'époque 
du  siège  de  Constantinople  par  les  Croi- 
sés, il  chercha  en  vain  à  s'opposer  à  leur 
débarquement,  et  après  la  prise  de  celte 
ville  par  les  Lalins,  il  passa  dans  la  Na- 
tolie  et  prit  le  litre  de  despote.  11  s'unit 
aux  Bulgares  et  au  sultan  d'Iconiuin  pour 
combattre  les  Français.  L'empire  grec 
était  déchiré  de  toutes  parts,  Lascaris 
profita  de  l'état  de  faiblesse  où  il  était, 
pour  se  faire  déclarer  empereur  à  Nicée 
en  120G.  Devenu  veuf  une  première  fois, 
et  ayant  répudié  sa  seconde  femme ,  il 
épousa  en  troisièmes  noces  Marie,  lille  de 
Pierre  de  Courteuay,  empereur  français 
à  Constantinople.  Après  avoir  donné  di- 
verses preuves  de  valeur,  il  mourut  en 
1222.  C'était  un  prince  estimable,  qui 
retarda  par  son  courage  et  sa  prudence 
la  chute  de  l'empire  d'Orient.  —  Jean 
Ducas  Vataco  ,  son  successeur  et  son  gen- 
dre ,  eut  un  fils  nommé  aussi  TnÉoDOUE 
LASCARIS  ,  dit  le  jeune.  Ce  dernier  ré- 
gna à  Nicée  depuis  12;i5  jusqu'en  12o9. 
Après  quelques  exploits  assez  marquan» 
contre  les  Bulgares  et  les  Tartarcs,  ce 
prince  fut  atteint  d'une  mélancolie  fu- 
rieuse ,  et  ressentit  plusieurs  attaques  d'é- 
pilepsie.  Celte  maladie  affaiblit  son  juge- 
ment et  augmenta  son  penchant  à  la  co- 
lère :  en  sorte  qu'il  ternit  par  des  actions 
cruelles  et  extravagantes  un  règne  dont 
les  comincncemens  avaient  donné  les  meil- 
leures espérances.  Il  laissa  un  fils  nommé 
Jean.  Voij^z  JEAN  LASCARIS. 

LASCAUIS  (André-Jeaîs),  dit  Jlhyn- 
dacenus.  parce  qu'il  était  de  Rhyndacus, 
ville  située  entre  la  Phrygie  et  l'Helles- 
pont,  de  la  même  famille  que  le  précé- 
dent ,  né  vers  1445 ,  passa  en  Italie,  après 
la  i)rise  de  Constantinople.  La  Grèce  était 
devenue  la  proie  des  Ottomans  et  le  sé- 
jour de  la  barbarie.  La  maison  de  Lau- 
rent de  Médicis,  l'asile  des  gens  de  let- 
tres, fut  celui  de  Lascaris.  Ce  seigneur 
florentin ,  occupé  alors  à  former  sa  vaste 
bibliothèque,  l'envoya  deux  fois  à  Con- 
stantinople pour  chercher  des  manuscrits 
grecs.  A  son  retour,  il  vint  en  Franc* , 
sous  le  règne  de  Charles  YIII  ;  il  y  donna 
des  leçons  de  grec  à  Budé  et  à  Danes. 
Louis  XII  l'envoya  deux  fois  à  'N'eni'se 
comme  ambassadeur;  fonction  à  laquelle 
il  était  moins  propre  qu'à  celle  de  biblio* 


LAS 


507 


LAS 


Ihécaire.  Quelque  temps  après  ,  le  cardi- 
nal de  Mcdicis  ayant  été  élevé  au  ponli- 
licat  sous  le  nom  de  Léon  X,  Lascaris, 
son  ancien  ami,  passa  à  Rome,  el  obtint 
de  ce  pape  la  direction  du  collège  des 
Grecs  ,  que  ce  pontife  venait  de  fonder. 
En  1515  il  le  chargea  d'une  mission  im- 
portante près  de  François  I"'.  Ce  prince 
lui  confia  le  soin  de  former  avec  Budé  sa 
bibliothèque  de  Fontainebleau  et  l'envoya 
de  nouveau  à  Venise  où  il  resta  jusqu'en 
1535.  Il  reprit  alors  le  chemin  de  Rome  , 
sur  les  instances  de  Paul  III.  Avant  d'ar- 
river près  de  ce  pontife  ,  il  mourut  de  la 
goutte  en  1555  ,  à  90  ans.  On  imprima  à 
Eàle  en  1557 ,  et  à  Paris ,  en  lljkk  ,  in-i" , 
quelques  Epigrammes  de  Lascaris  en 
grec  et  en  latin,  car  il  possédait  parfai- 
tement ces  deux  langues.  Son  style  a  de 
la  vivacité  et  de  l'harmonie.  Une  des 
grandes  obligations  qu'on  lui  a  ,  c'est  d'a- 
voir apporté  en  Europe  la  plupart  des 
beaux  manuscrits  grecs  que  nous  avons. 
La  bibliothèque  de  ce  savant  fut  dans  la 
suite  transportée  en  Espagne,  et  forme 
une  des  plus  rares  collections  de  la  Biblio- 
thèque de  l'Escurial.  On  lui  doit  la  tra- 
duction latine  de  quelques  traités  de  Po- 
lybe  sur  l'art  militaire.  Le  savant  Lasca- 
ris ne  dédaigna  pas  de  remplir  les  fonc- 
tions de  correcteur  à  Florence ,  ensuite  à 
Rome  :  c'est  à  lui  qu'on  est  redevable  des 
éditions  aussi  précieuses  que  rares  des 
ouvrages  suivans  :  |  Anthologia  epîgram- 
matum  grœcorum .  libri  VII ,  graece, 
Florence,  1494  111-4";  |  Callirnachihijmni 
grœci,  cum  scholiis  grœcis ^  ibid.,  1492, 
10-4°;  I  Scholiagrœca  in  Iliadem,  in  inle- 
grum  reslituta^  Rome  ,  1517  ,  in-folio,  etc. 
M.  Villemain  a  publié  un  ouvrage  aussi 
intéressant  qu'instructif,  sous  le  titre  de 
Lascaris  ou  les  Grecs  du  15'  siècle^ 
Paris  ,  1825  ,  in  -8". 

LASCARIS  (CoxsTAXTix)  quitta  Con- 
Slantinople  ,  sa  patrie  ,  en  1454  ,  lorsque 
les  Turcs  s'en  furent  rendus  maîtres,  et  se 
réfugia  en  Italie,  où  ses  talens  reçurent 
l'accueil  qu'ils  iriéritaient.  Il  enseigna  les 
belles-lettres  à  Milan,  ensuite  à  Naples  , 
et  enfin  à  Messine.  De  son  école  sortirent 
Bembo  et  d'autres  hommes  illustres.  Il 
laissa  sa  bibliothèque  ,  qui  contenait  beau- 
coup de  manuscrits  précieux  qu'il  avait 
apportés  de  Conslantinople  ,  au  sénat  de 
Messine,  qui  l'avait  honoré  du  droit  de 
bourgeoisie  en  1465  ,  et  qui  lui  fit  élever 
un  tombeau  de  marbre.  On  a  de  lui  une 
Grammaire  grecque ,  en  grec  seulement, 
Milan  ,  147G,  in-4".  C'est  la  première  pro- 


duction grecque  de  liinprimcrie;  elle  a 
été  rcimj)rimce  avec  quelques  autres  trai- 
tés de  grammaire,  Venise  ,  1557  ,  in-4". 

LAS-CASAS  (  Bauthéleju  ).  Foyex 
CASAS. 

LASCÈNE.  Voyez  LASENA. 

LASCUS,  ou  LASCO  (Jean),  d'une 
famille  illustre  de  Pologne,  fut  prévôt  de 
Gnesne,  puis  évéque  de  Vesprin  en  Hon- 
grie. Il  abandonna  la  foi  catholique  pour 
embrasser  la  prétendue  réforme,  qu'il 
prêcha  en  Hollande  et  en  Angleterre  ;  en 
ayant  été  chassé  parla  reine  Marie,  il 
parcourut  l'Allemagne,  le  Danemark,  et 
mourut  en  Pologne  l'an  1560.  Ses  princi- 
paux ouvrages  sont  :  |  Tractàtus  de  sa^ 
cramenWs ,  Londres ,  1552,  in-S";]  For- 
ma ministerii  in  peregrinorum  ecclesia  , 
instituta  Londini^  an.  V6b0  ,  per  Eduar- 
dum  VI ^  in-S". 

•  LASCY  (Joseph-François-Madrice, 
comte  de),  né  en  1725  à  Pétersbourg, 
était  fils  du  comte  Pierre  de  Lascy,  qui 
s'était  illustré  au  service  de  la  Russie  sous 
Pierre  le  Grand,  et  qui  mourut  en  1751 
gouverneur  de  Livonie.îl  embrassa  la  car- 
rière des  armes ,  dans  laquelle  ses  ancê- 
tres s'étaient  déjà  distingués,  el  marcha 
noblement  sur  leurs  traces.  En  1744,  il 
passa  au  service  de  l'Autriche ,  commença 
par  être  aide-de-camp  du  comte  de  Bro- 
\vn,fit  sa  première  campagne  en  Italie 
et  eut  trois  chevaux  tués  sous  lui  au  com- 
bat de  Velletri.  Aussi  heureux  que  brave, 
on  le  vit  se  signaler  au  siège  de  Maëstricli 
en  1748 ,  et  monter  au  grade  de  colonel. 
En  1756,  il  sauva  à  Lowositx  l'armée  au- 
trichienne, et  fut  fait  général-major  pour 
prix  de  sa  valeur  et  d'une  blessure  grave 
qu'il  avait  reçue.  Le  22  novembre  1757,  il 
prit  une  grande  part  à  la  bataille  de  Bres- 
lau,  et  fut  nommé  lieutenant-général  et 
chef  d'élat-major.  Ce  fui  à  ses  sages  dis- 
positions que  le  mî»échal  Daun  fut  rede- 
vable de  la  victoire  ■*&  Hochkirch.  Elevé 
au  grade  de  lieutenant  général  d'artil- 
lerie en  1759,  il  pénétra  l'année  suivante 
jusqu'à  Berlin,  à  la  télé  de  quinze  mille 
honuTies,  et  reçut  de  Marie -Thérèse  le 
collier  de  commandeur  de  son  ordre,  et 
le  grade  de  maréchal  d'empire  en  1762. 
La  paix ,  qui  survint  peu  de  temps  après, 
ne  le  laissa  point  dans  l'inaction  :  il  lit 
fortifier  les  frontières  delà  Bohème,  et 
réparer  plusieurs  forteresses.  Dans  le 
conseil  aulique ,  où  il  était  admis  ,  on  lui 
dut  des  avis  très  sages,  qui  furent  sou- 
vent utiles  à  l'Autriche,  et  tirent  taire 
l'envie  que  son  mérite  lui  avait  suscitée 


LAS 


508 


LAS 


par  des  acJions  qui  n'appartiennent  qu'à 
une  prande  âme  entièrement  dévouée  au 
service  de  son  souverain.  Marie-Thérèse 
ne  réfjnait  plus  :  Joseph  ÏI ,  qui  la  rem- 
plaçait sur  le  trône,  avait  entrepris  en 
4788  une  guerre  contre  les  Turcs,  dans 
laquelle  ni  la  valeur  de  l'empereur  ni  ses 
propres  conseils  n'en  avaient  pu  empê- 
cher les  mauvais  succès.  Lascy  n'hésita 
point  en  celte  circonstance  de  proposer 
Laudon ,  son  ennemi  ,  comme  le  seul  qui 
pût  réparer  l'honneur  des  armes  autri- 
chiennes. Parvenu  à  un  à^c  avancé,  il 
continua  d'éclairer  de  ses  conseils  le  sou- 
verain qu'il  ne  pouvait  plus  défendre  cala 
tète  des  armées  ,  et  mourut  à  Vienne  ,  le 
50  novembre  1801.  Général  actif ,  d'une 
constance  à  toute  épreuve,  et  surtout 
d'une  valeur  très  brillante,  le  maréchal 
de  Lascy  aurait  encore  plus  de  droit  à  la 
reconnaissance  de  l'Autriche,  s'il  ne  s'é- 
tait pas  fait  un  système  de  lignes  et  de 
cordons  qui  a  occasioné  de  grands  dé- 
sastres dans  la  guerre  contre  les  Turcs, 
et  dans  les  premières  campagnes  contre 
la  France.  On  trouve  sur  lui  d'amples 
détails  dans  les  Mémoires  du  prince  de 
Ligne. 

LASE^'A  ou  LASÈNE  (  Pierre),  avo- 
cat né  en  1590,  àNaples,  originaire  de  Nor- 
mandie, habile  dans  les  belles-lettres  et 
dans  la  jurisprudence ,  mourut  à  Rome,  le 
5  septembre  1636 ,  à  iô  ans.  On  a  de  lui  : 
I  Nepanthes  Homeri ,  seu  De  aholendo 
luctu,^  Lyon,  i62/i. ,  in-'8"  ;  |  Cleombrotus . 
sive  De  i/s  qui  in  aqais  pereunt^  Rome, 
1637,  in-8°;  |  Dell'  antico  gymnasio  na- 
^ofcfa??o,  Naples,  1688,  in-ii.". 

LASilJS.  Voyez  LAZIUS. 

L.\S.\E  (  Michel  ) ,  dessinateur  et  gra- 
veur, né  à  Caen,  l'an  1596,  mort  en  1667, 
âgé  de  72  ans,  a  donné  quelques  planches 
au  burin ,  d'après  Raphaël ,  Paul  Véro- 
nèse,  Josepin,  Rubens,  Annibal  Carra- 
che,  Vouet,  Le  Rrun  et  autres.  Il  a  aussi 
fait  beaucoup  de  morceaux  de  génie ,  dans 
lesquels  on  admire  son  talent  pour  expri- 
mer les  passions.  Il  a  imité  avec  succès 
la  manière  de  Villamena  et  C.  Blomaert. 
Son  œuvre  se  compose  de  600  pièces  pres- 
que toutes  très  recherchées  des  amateurs, 
et  dont  les  prip.cipales  sont  un  Christmorl 
étendu  sur  une  pierie  et  pleuré  par  la 
Vierge^  1641;  la  Visitation  d'après  Louis 
Carrache  ;  la  Vierge  assise  dans  les  nues 
sur  un  cj'oissant ,  d'après  l'Albanc;  un 
portrait  de  Louis  XIII  à  cheval^  pro- 
clamé par  la  Reiiommée. 

LASSA.LA  d'abbé  Manuel),  jésuite  es- 


pagnol, né  à  Valence  en  1758,  pTofessail 
la  rhétori(}ue  au  séminaire  des  Nobles  de 
cette  ville,  lorsqu'il  fut  obli;jé  d'en  sortir 
à  l'époque  de  la  dispersion  de  la  société. 
Il  passa  en  Italie ,  se  fixa  d'abord  à  Bolo- 
gne ,  puis  se  rendit  à  Ferrare  ,  où  il  en- 
seigna la  philosophie.  Lors  de  l'avcne- 
ment  au  trône  de  Charles  IV,  il  rentra  en 
Espagne  et  mourut  dans  sa  ville  natale ,  le 
22  mars  1806.  Il  a  laissé,  en  espagnol  : 
I  Essai  sur  l'histoire  générale  ancienne 
et  moderne  ,\A\encs  ,  17;5'),3  vol.  in-i°; 

I  Notice  sur  les  poètes  castillans .  ihid., 
1757,  in -4.°;  [plusieurs  Traductions  des 
tragédies  de  Sophocle  et  d'Euripide, 
ibid.,  1758-1760  ;  |  Joseph  présenté  à  ses 
frères j  tragédie  en  5  actes,  en  vers,  Va- 
lence ,  1762  ;  I  Don  Sancho  Aharea .  idetn, 
ibid.,  1765.  On  a  de  lui  en  italien  les  tra- 
gédies suivantes  :  |  Iphigénie  en  Atdide ^ 
imitation  d'Euripide  et  de  Racine ,  Bolo- 
gne ,  178Ô  ;  I  Ormisinda ,  en  5  actes ,  ibid. , 
1783  ;  I  Lucia  Miranda .  en  5  actes ,  ibid., 
1784.  Le  sujet  de  cette  tragédie  est  tiré  de 
l'histoire  des  Espagnols  dans  le  Paraguay. 

II  a  publié  en  latin  :  |  Rhenus  Emnianue^ 
lis  Lassale  ^  'ihid.,  1781;  poème  composé 
à  l'occasion  du  débordement  du  Rhin, 
rivière  qui  traverse  la  ville  de  Bologne, 
et  qu'on  appelle  communément  le  petit 
Rhin  ;  |  Tabulœ  Lochmani  sapieniis.^  ex 
arabica  sermone  latinis  versibus  inter- 
pretatœ,  ibid.,  1781,  dédiées  à  son  ami  don 
François  Perez  Bayer,  savant  espagnol. 
Tous  les  ouvrages  de  l'abbé  Lassala  eu- 
rent un  grand  succès.  Raymi- Diosdado 
Caballero,  son  compatriote  et  son  con- 
frère, a  donné,  pages  175-76  de  son  pre- 
mier Supplément  cà  la  bibliothèque  de 
Sotivell .  la  liste  des  divers  écrits  de  ce 
jésuite. 

LASSEMTJS  (Jean),  né  l'an  1636 ,  à 
V/aldau,  en  Poméranie,  voyagea  avec  un 
jeune  seigneur  de  Dantr,ick,  en  Hollande, 
en  France,  en  Angleterre,  et  visita  les 
bibliothèques  et  les  savaus  de  ces  pays, 
avec  lesquels  il  forma  des  liaisons.  Etanî 
à  Nuremberg,  il  se  lit  des  affaires  fâcheu- 
ses, en  publiant  un  libelle  intitulé  ClaS' 
sicumbelli  turcici ,  contre  deux  jésuites, 
les  pères  Olton  d'Augsbourg  et  Ntmhau- 
sen  de  Ralisbonne,  et  contre  le  docteur 
Jaeger.  On  l'enleva  secrètement,  et  on 
l'enferma  dans  une  prison  en  Hongrie. 
Ayant  obtenu  sa  liberté,  il  fut  nommé 
pasteur  de  diverses  églises  lutliériennes 
en  Allemagne,  puis  professeur  de  théolo- 
gie à  Copenhague,  où  il  mourut  en  1692. 
Il  a  laissé  un  grand  nombre  d'ouvrages 


LAS  JÎ09 

en  allemand,  peu  connus,  même  des  ki- 
Ibrricîis. 

L ASSIIS ,  ou  L ASUS ,  musicien  et  poêle 
dithyrambique,  né  à  Hcrmione,  dans  le 
Péloponèse ,  l'an  500  avant  J.-C,  l'un  des 
sept  sages  de  la  Grèce,  après  la  mort  de 
Périandre ,  fut  le  premier  qui  écrivit  sur 
la  théorie  de  la  musique,  et  qui  donna 
des  règles  de  composition  et  de  chant. 
Quelqu'un  lui  demandant  ce  qui  était  le 
plus  capable  d'inspirer  la  sagesse,  il  ré- 
pondit :  c'est  l'expérience. 

L.VSSUS,  ou  di  LASSO  (Orlaxoo), 
célèbre  musicien  du  seizième  siècle  ,  né 
aîMons,  en  1520,  et  mort  à  Munich  le 
d5  juin  1595  ,  était  le  premier  homme  de 
son  art ,  dans  un  temps  où  la  musique  n'é- 
tait pas  ce  qu'elle  est  aujourd'hui.  Il  fit 
briller  ses  talens  dans  les  cours  de  France, 
d'Angleterre ,  de  Bavière  ,  etc.,  fut  maître 
de  musique  à  Naples,  chef  et  maître  de 
la  chapelle  de  Saint -Jean -de- Lai  ran  à 
Rome.  On  a  de  lui  un  grand  nombre  de 
pièces  de  musique  sur  des  sujets  sacrés  et 
profanes ,  sous  le  titre  de  Mélanges  d'Or- 
lando  LassuSj,  Paris,  1576;  et  Continua- 
tion des  3Iélanges^  1584.  On  doute  de 
l'existence  des  autres  ouvrages  que  lui  at- 
tribuent communément  les  bibliographes, 
tels  que  Thcatrum  musices ,  Patrocinium 
musarunij,  Motetorum  et  madrigalium 
lihri.  Liber  missarum ,  etc.  Ses  contem- 
porains le  vantèrent  comme  la  merveille 
de  son  siècle ,  et  le  mirent  au-dessus  d'Or- 
phée et  d'Ampliion.  Un  poète  a  dit  de 
lui  : 

Hic  illc  est  Lassus  lassum  qui  reerctt  orbem, 
Discordemque  sua  copalat    harmoDia. 

*  LASSUS  (  Pierre  ),  chirurgien  de 
Paris ,  né  en  1741 ,  se  livra  dès  l'âge  de  24 
ans ,  avec  succès ,  à  l'enseignement  parti- 
culier :  il  fut  ensuite  nommé  professeur 
de  l'histoire  de  la  médecine  ;  et  peu  de 
temps  après ,  il  obtint  la  place  de  démons- 
trateur ,  dans  laquelle  il  se  distingua  par 
une  méthode  et  une  clarté  remarquables. 
En  1770,  il  fut  nommé  chirurgien  ordi- 
naire des  dames  de  France  ,  filles  de  Louis 
XV,  auxquelles  il  demeura  toujours  atta- 
ché et  qu'il  accompagna  lorsque  les  évé- 
nemcns  politiques  le  contraignirent  de  se 
retirer  en  Italie.  Après  sa  rentrée  en 
France ,  il  trouva  moyen  d'échapper  à  la 
loi  contre  les  émigrés ,  en  montrant  les 
travaux  dont  il  s'était  occupé  à  l'étranger, 
et  dont  il  rapportait  les  fruits  dans  sa  pa- 
trie. Lorsque  les  nouvelles  écoles  de  mé- 
decine eurent  été  rouvertes,  Lassus  fut 


LAT 

nommé  successivement  professeur  de 
l'histoire  de  la  médecine,  professeur  de 
pathologie  externe,  inembre  de  la  pre-  , 
mière  classe  de  l'institut,  secrétaire  et 
bibliothécaire  du  même  corps  savant.  Il 
est  mort  le  17  mars  1807.  Il  a  publié  plu- 
sieurs ouvrages  ;  les  principaux  sont  :  |  un 
Traité  élémentaire  de  médecine  opéra-' 
taire .  Paris,  17'J3 .  2  vol.  iii-8";  |  Patholo- 
gie chirurgicale .  Paris ,  1805 ,  ISOti ,  2  vol. 
in-S";  I  jjlusieurs  Mémoires  insérés  dans 
le  recueil  de  l'inslilut.  MM.  Tho'uret ,  Pel- 
lelan,  Pierre  Sue  et  Cuvier  ont  chacun 
publié  l'éloge  de  Lassus. 

'LATVPiE  (Fra\çois-ue-Paule),  bota- 
niste,  né  à  Bordeaux  le  8  juillet  1739,  d'un 
arpenteur  feudisle  de  Troyes,  attaché  à 
Montesquieu,  commença  son  éducation 
sous  les  auspices  de  ce  grand  écrivain,  et 
devint  le  secrétaire  de  son  fils,  qu'il  accom- 
pa'ïiia  dans  ses  voyajjes  en  Italie  et  en 
d'autres  contrées  de  l'Europe.  Il  y  prit  le 
goût  de  l'histoire  naturelle  et  de  la  tech- 
nologie, et  fut  nommé,  à  son  retour  à 
Bordeaux ,  inspecteur  des  arts  et  manu- 
factures de  la  province  de  Guyenne.  En 
1783 ,  l'académie  des  sciences  de  cette  ville 
le  chargea  de  faire  un  cours  de  botanique 
dans  le  jardin  des  plantes  créé  par  elle,  et 
depuis  celte  époque,  il  se  livra  continuel- 
lement à  l'enseignement  de  l'histoire  na- 
turelle et  de  la  littérature  grecque ,  dans 
différens  élablissemens  d'instruction  pu- 
blique à  Bordeaux,  jusqu'à  sa  mort  arri- 
vée le  8  octobre  1825.  Il  a  laissé  par  son 
testament  à  la  commune  de  la  Brède  une 
propriété  du  revenu  de  500  fr.  pour  doter 
la  lille  la  plus  vertueuse  de  l'endroit,  et  a 
fait  en  outre  plusieurs  legs,  pour  réta- 
blissement de  prix  à  distribuer  dans  di- 
verses écoles  publiques  de  Bordeaux.  On 
a  de  Latapie  :  }  M  Art  de  former  les  jar- 
dins  modernes  ou  VJrt  des  jardins  an- 
glais de  If^hateley .  traduit  de  l'anglais , 
Paris,  1771,  in-8";  |  Hortas  Burdigalen- 
sis  ou  Catalogue  du  jardin  des  plantes  de 
Bordeaux.  1784,  in-12;  |  Description  de 
la  commune  de  la  Brède  j  dans  le  t.  5  des 
F'ariétés  bordelaises,  et  plusieurs  articles 
dans  le  Journal  d'agriculture  de  l'abbé 
Rosier.  On  a  encore  de  lui  une  Notice  sur 
les  arts  et  manufactures  en  Guyenne .  de 
plus  de  300  pajîes  in-4'',  conservée  en  ma- 
nuscrit à  la  bibliothèque  de  Bordeaux,  On 
trouve  une  notice  sur  Latapie,  dans  le 
Musée  d' Aquitaine,  tome  2,  page  250. 

'  LATASSE  (  Claude  ) ,  né  à  Nancy  en 
1743,  fit  son  cours  de  théologie  chez  les 
jésuites,  à  Pont -à- Mousson,  où  il  obtint 


LAt  5 

le  boMnct  (le  docteur.  Elevé  à  la  dignité 
sacerdotale ,  son  évêque ,  M.  Drouas  ,  vou- 
lant tirer  avantage  de  ses  talens  ,  l'agré- 
gea à  la  compagnie  des  missionnaires  de 
Nancy.  Il  devint  successivement  curé,  et 
ensuite  prcbendier  à  la  catlicdrale  de  cette 
ville.  Quoique  cette  dernière  place  ne  l'o- 
iiligeât  quà  l'assislance  au  chœur ,  son 
zèle  ardent  pour  la  religion  lui  faisait  par- 
tager les  fatigues  du  miuislère  pastoral. 
Souvent  il  allait  prêcher  les  habilans  des 
campagnes,  leur  donner  des  retraites  et 
des  missions.  Ce  fut  pour  eux  qu'il  rédi- 
gea la  Bonne  journée  j  ouvrage  précieux, 
qui  leur  apprend  à  sanctifier  leurs  peines  : 
c'est  aussi  vers  ce  temps  qu'il  fit  paraître 
la  Famille  sainte .  ou  Tobie.  Cette  his- 
toire peut  être  présentée  pour  modèle  aux 
familles  chrétiennes  ;  l'auteur  a  trouvé  le 
moyen  d'y  faire  des  réflexions  utiles  et 
intéressantes;  il  a  obtenu  un  très  grand 
nombre  d'éditions,  qui  prouvent  son  uti- 
lité mieux  que  tous  les  éloges  qu'on  en 
pourrait  faire.  A  l'époque  de  la  révolu- 
tion, Latasse  fidèle  à  sa  conscience,  re- 
fusa courageusement  toute  espèce  de  ser- 
ment, et  il  émigra  en  Allemagne.  i)ès 
que  l'on  connut  son  mérite,  on  lui  donna 
une  chaire  de  théologie.  Toujours  occupé 
du  salut  des  âmes,  il  employa  ses  loisirs 
à  combattre  les  impies  et  les  hérétiques 
dans  un  petit  ouvrage  intitulé  :  Le  Catlio- 
lique  instruit.  Sous  la  forme  simple  du 
dialogue  il  expose  les  principales  vérités 
de  la  religion,  et  il  répond  aux  diverses 
objections  que  l'on  a  faites  jusqu'à  ce  jour. 
De  retour  dans  son  diocèse  ,  il  fut  nommé 
supérieur  du  séminaire  ;  mais  il  occupa 
peu  de  temps  cette  charge.  Il  resta  néan- 
moins attaché  à  cet  établissement,  donnait 
des  conférences  sur  la  religion  et  sur  le 
gouvernement  des  paroisses.  Il  mourut 
d'une  hydropisie  de  poitrine,  le  6  janvier 
4SiG,  sincèrement  regretté  de  tous  ceux 
qui  l'ont  connu.  C'était  un  pasteur  zélé. 
un  directeur  sage  et  éclairé ,  aussi  scru- 
ï)uleusement  observateur  des  principes 
sur  le  déclin  de  l'âge  que  dans  la  ferveur 
de  la  jeunesse;  il  avait  surtout  le  rare 
talent  de  rendre  ses  auditeurs  attentifs ,  et 
de  faire  désirer  au  sortir  d'un  de  ses  exer- 
cices le  retour  du  suivant.  Ouvrier  infa- 
tigable et  propre  à  tout,  il  a  laissé  beau- 
coup de  sennons  manuscrits  et  un  grand 
nombre  d'extraits  des  saints  Pères ,  dont 
ses  amis  ont  hérité. 

LATERANUS  (  Plautius  ) ,  fut  désigné 
consul  l'an  65  de  Jésus-Christ.  Avant  de 
prendre  possession  de  son  consulat,  il  fut 


10  LAT 

tue  par  ordre  de  Néron,  pour  être  entré 
dans  la  conjuration  de  Pison  contre  co 
prince.  C'est  de  Plautius  Lateranus  que 
le  célèbre  palais  de  Latran  a  tiré  son  nom, 
parce  que  c'était  autrefois  la  maison 
qu'habitaient  ceux  de  cette  famille.  Les 
auteurs  contemporains  mettaient  cette 
maison  au  nombre  des  plus  magnifiques 
de  Rome. 

LATES  (BoxKTde).  Voy.  BONET. 

LATIIBER  (Ji:,v!v),  cordelier  anglais 
du  15' siècle,  a  fait  des  Commentaires 
estimés  sur  les  Psaumes ,  sur  Jérdmie  et 
sur  les  u-ïctes  des  Âpôtrcs.  Il  a  lini  celui 
sur  Jérémie  en  1406. 

LATÏÎMI  (  Latixo  )  vit  le  jour  à  Viterba 
en  1515.  Il  fut  employé  à  la  correction  du 
Décret  de  Gralien ,  et  mourut  à  Rome  en 
1593,  après  avoir  publié  des  remarques 
et  des  corrections  sur  l'ertullienj  et  sur 
plusieurs  autres  écrivains,  et  une  savante 
compilation,  sous  le  titre  de  Bibliotheca 
sacra  et  profana.  Ce  recueil  d'observa- 
tions, de  corrections,  de  variantes,  de 
conjectures,  fut  imprimé  à  Rome  en  1607 
par  les  soins  de  Dominique  Macri ,  qui 
l'enrichit  delà  l^ie  de  l'auteur.  C'est  faus- 
sement qu'on  a  accusé  celui-ci  d'avoir 
supprimé  les  pièces  des  anciens  qui  ne 
s'accordaient  pas  avec  ses  sentimens. 
Juste-Lipse  l'appelle  Probissimus  senex ^ 
et  omnilitlerarum,  génère  instructissimus. 
Quoiqu'il  eût  une  santé  très  délicate,  il  la 
ménagea  si  bien  qu'il  poussa  sa  carrière 
jusqu'à  80  ans.  Il  fut  successivement  se- 
crétaire des  cardinaux  Rodolfo  Pio  ,  del 
Pozzo  et  Colonne. 

LATLM  rBnuNETTo).  V.  BRUNETTO. 

L ATLMJS  PACATUS  DREPANIUS  , 
orateur  latin,  né  à  Drépane  dans  l'Aqui- 
taine, dont  nous  avons  wvi  Panégyrique 
de  Théodose  le  Grand .  prononcé  devant 
ce  prince  en  389 ,  après  la  défaite  du  ty- 
ran Maxime.  Il  y  en  a  une  édition  de  1651, 
in-8°  ;  et  on  le  trouve  dans  les  Panegyrici 
veteres ,  1677,  in-i". 

L\TL\US  (Jean),  nom  sous  lequel  est 
connu  un  célèbre  Ethiopien  ,  disciple  du 
fameux  Clénard,  est  célèbre  dans  le  monde 
savant.  Il  développa  un  génie  et  des  con- 
naissances qu'on  était  bien  loin  de  soup- 
çonner dans  un  Africain  du  16"^  siècle  ,  et 
donna  des  leçons  publiques  de  musique  , 
de  poésie  et  de  langue  latine  dans  un  col- 
lège de  Grenade.  Sa  réputation  était  ex- 
traordinaire,  et  tous  les  curieux  accou- 
raient pour  voir  un  Nègre  briller  dans^  les 
connaissances  des  beaux  esprits  de  l'Eu- 
rope,  et   les  enseigner   aux   Européens 


LAT 


311 


LAT 


mîmes,  tt  Nouvelle  preuve,  après  tant 
»  d'aulres,  dit  un  physioloîïue ,  que  la  rai- 
»>  son  de  l'iioiiuiie  est  à  elle-même  ;  que 
»  c'est  un  feu  céleste ,  comme  s'exprime 
»  un  ancien  ,  qui  se  développe  partout  où 
»  il  peut,  divinœ  particula  aurœ j.  et  que 
»  si  des  circonsiances  locales  ou  organiques 
»  mettent  des  obstacles  à  son  essor,  ou  lui 
p  donnent  des  facilités,  elles  ne  peuvent 
•  jamais  en  être  la  cause  productive.  » 
Lalinus  mourut  vers  1590.  On  a  de  lui  un 
petit  poème  intitulé  :  De  navali  Joannis 
Justriaci  ad  Echinadas  insulas  Victo- 
ria ,  etc. 

LATOMl'S  (Jacques),  savant  théolo- 
gien scoiaslique,  né  à  Cambron  ,  dans  le 
Hainaut ,  vers  1475,  était  docteur  de  Lou- 
vain  ,  chanoine  de  Saint-Pierre  de  la 
même  ville  et  de  la  cathédrale  de  Cam- 
brai ,  et  inquisiteur  de  la  foi.  Il  écrivit 
contre  I-uther,  et  fut  l'un  des  meilleurs 
controversistes  de  son  temps.  Il  mourut  en 
1544.  T^)us  ses  ouvrajjes  furent  recueillis 
et  donnés  au  public  en  15 jO,  in-fol.  Les 
luthériens  furent  si  sensibles  aux  coups 
que  leur  porta  Latomus,  qu'ils  le  déchi- 
rèrent de  son  vivant  et  après  sa  mort ,  par 
des  satires,  des  romans  ,  et  par  les  termes 
les  plus  injurieux.  — Jacques  LATOMUS, 
son  neveu,  né  à  Cambron,  au  commen- 
cement du  16'  siècle ,  chanoine  de  Saint- 
Pierre  à  Louvain,  mort  le  129  juillet  1.596, 
s'était  appliqué  à  la  poésie  latine  ,  et  a 
donné  Vsalmi  omnes  Davidis  m  carmen 
conversi,  Anvers  ,  1587,  in-S".  Buchanam 
et  le  père  Commire  l'ont  surpassé  dans  ce 
genre. 

LATOMUS  (  Bartuélemi  ),  né  à  Arlon, 
dans  le  duché  de  Luxembour^j,  en  1485, 
fut  un  des  hommes  de  son  siècle  les  plus 
versés  dans  les  belles-lettres.  Il  professa 
la  rhétorique  à  Cologne,  fut  principal  au 
collège  de  Fribourg  en  Brisgau ,  et  passa 
ensuite  à  Paris,  où  François  I"  le  nomma, 
l'art  1554,  pour  remplir  le  premier  une 
chaire  d'éloquence  latine  dans  le  Collège 
royal  de  France,  qu'il  venait  d'établir. 
Sur  la  lin  de  la  même  année,  les  sacra- 
mentaires  avant  eu  l'audace  d'afficher  des 
écrits  insolens  contre  l'auguste  sacrement 
de  nos  auîels  et  contre  le  roi,  on  en  ac- 
cusa les  Allemands  qui  étaient  à  Paris  ,  et 
on  se  souleva  contre  eux  indistinctement, 
Latomus  craignit  d'être  enveloppé  dans 
ce  soulèvemeni  ;  mais  François  I"  ayant 
fait  faire  ime  exacte  recherche  des  auteurs 
de  ce»  libelles  ,  trouva  qu'ils  étaient  tous 
Français  :  il  y  en  eut  au  moins  vin-;l- 
q[uatre  qui  périrent  par  le  dernier  sup- 


plice. Latomus  enseigna  jusqu'à  l'an  1542.. 
avec  distinction  ;  puis  il  se  retira  à  Co- 
blentz,  où  il  fut  fait  conseiller  de  1  élec- 
teur de  Trêves.  Les  hérétiques,  et  en  par- 
ticulier Martin  Bucer,  ratta(juèrent  dans 
sa  retraite;  il  se  tira  de  ces  disputes  avec 
honneur,  et  en  homme  bien  instruit  de 
sa  religion,  La  réputation  qu'il  se  lit  par 
ses  ouvrages  de  controverse  engagea 
Charles-Quint  à  l'envoyer  au  colloque  de 
Batisbonne,  tenu  en  1546,  pour  y  assister 
en  qualité  d'auditeur  du  coté  des  catho- 
liques. Il  mourut  à  Coblenlz  en  1566.  Nous 
avons  de  lui  un  grand  nombre  d'ouvrages 
de  littérature,  entre  autres  des  Notes  sur 
une  grande  partie  des  ouvrages  de  Cicé- 
ron.  Ces  notes  ont  été  rassemblées  dans 
une  édition  de  Cicéron,  donnée  par  Jean 
Oporin  ,  Bàle  ,  1553,  in-fol. 

LITOUCIÎÎÎ.  Foyez  CBEUZÉ-LA- 
TOUCllR. 

L ATOIICIIE-TRÉVILLE.  T^oijes  TRÉ- 
VILLE. 

LATOUCIIE.  rorjez  GUIMOND  de  la 
TOUCHE. 

•  LATOUR-D'AIJVERGÎVE  (  TuÉo- 
puiLE-MALO  CORRET  de'^ .  surnommé  le 
■premier  grenadier  de  f tance ,  naquit  le  25 
novembre  1743,  à  Carhaix  en  Bretagne ,  et 
descendait  de  l'illustre  maison  de  Bouil- 
lon. La  légitimité  de  sa  libation  lui  fut 
contestée;  mais  un  arrêt  de  la  cour  du 
parlement  l'autorisa  à  en  prendre  le  nom 
et  les  armes.  Après  avoir  étudié  au 
collège  de  Quimper,  puis  à  l'Ecole-IMili- 
taire,  où  il  se  distingua,  il  entra  au  régi- 
ment d'Angoûmois  et  continua  de  consa- 
crer à  l'élude  tous  les  momens  dont  il 
pouvait  disposer.  Aussi  la  plume  et  l'épêe 
lui  furent  également  familières.  Il  est  au- 
teur d'un  Traité  estimé  des  origines 
gauloises  (Paris,  1792),  d'un  Glossaire 
en  quarante-cinq  langues  et  d'un  Diction- 
naire français-celtique ^  et  il  possédait 
presque  tous  les  idiomes  connus.  Latour- 
d'Auvergne  servit,  durant  la  guerre  d'A- 
mérique, sous  le  duc  de  Crillon.qui  corn- 
inandait  l'armée  espagnole,  et,  au  siège 
de  Mahon ,  il  coula  une  frégate  anglaise 
sous  le  feu  de  la  mousqueterie  et  du  ca- 
non de  la  place,  et  brûla  les  bâtimcns 
munilionnaires  de  l'ennemi.  Le  roi  d'Es- 
pagne lui  envoya  avec  une  pension  do 
mille  flancs  qu'il  refusa,  la  croix  de 
l'ordre  de  Calatrava.  Capitaine  à  l'époipia 
où  éclata  la  rêvolulion  française,  Lalour- 
d'Auvergne  se  dévoua,  un  des  premiers, 
à  la  défense  du  territoire,  et  prit  en  qualité 
du  plus  ancien  capitaine,  le  conimand©- 


LAT 


512 


LAT 


ittcnl  de  toutes  les  compagnies  de  grena- 
diers réunies  sous  le  nom  de  Colonne  in- 
fernale. Le  trait  suivant  donnera  uneidée 
del'intrépidité  de  celui  qui  la  conduisait  : 
devant  Saint-Sébastien  situé  sur  un  rocher 
au  milieu  de  la  nier,  il  se  jette  dans  un 
esquif  avec  une  seule  pièce  de  huit,  arrive 
sous  la  place  ,  et  feignant  que  les  Français 
ont  amené  toute  leur  artillerie ,  il  par- 
vient à  intimider  le  commandant  qui  ré- 
pond :  u  Mais,  capitaine,  vousn'aveï  pas 
r  fait  tirer  un  seul  coup  de  canon  sur  la 
»  ciladelle  ;  faites-moi  du  moins  l'honneur 
»  de  la  saluer,  sans  cela  je  ne  puis  vous  la 
»  rendre.  «Latour-d'Auvergne  retourne  à 
son  esquif  où  il  fait  jouer  la  pièce  de  huit, 
puis  revient  à  ia  ciladelle  dont  les  clefs 
lui  sont  aussitôt  remises.  Sa  conduite, 
j)endant  le  reste  de  la  campagne  répondit 
à  ce  brillant  début;  son  chapeau  et  son 
manteau,  qu'il  avait  l'habitude  de  tenir 
sous  son  bras  gauche  en  combattant,  fu- 
rent vingt  fois  criblés  de  balles,  sans 
qu'il  fût  blessé  «  Notre  capitaine  a  le  don 
i>  de  charmer  lesballes,»  disaient  ses  grena- 
diers. liOrsqu'on  voulut  le  destituer  comme 
noble,  ses  braves  s'y  opposèrent  avec  tant 
d'énergie  que  les  représenlans  furent  obli- 
gés de  le  respecter.  Après  l'expiration  de 
la  guerre ,  Latour  d'Auvergne  fut  pris  par 
les  Anglais  sur  le  vaisseau  qui  le  rame- 
nait, et  pasca  sur  les  pontons  dix-huit 
mois,  au  bout  desquels  il  revint  à  son  ré- 
giment; mais  on  avait  disposé  de  sa  place. 
Il  se  Ilxa  alors  au  village  de  Passy,  avec 
une  pension  de  retraite,  et  il  se  livrait  à 
ses  studieuses  et  paisibles  occupations, 
lorsqu'il  apprit  la  triste  situation  de  Le 
liiigant  (voyez  ce  nom)  à  qui  la  réquisi- 
tion allait  enlever  ledernier  de  vingt-deux 
lils ,  le  seul  qui  lui  restât  pour  consoler  sa 
vieillesse.  Latour-d' Auvergne ,  alors  âgé 
de  53  ans,  se  présente  aussitôt  au  Direc- 
toire, et  obtient  de  remplacer  le  jeune 
homme  qu'il  rend  à  son  père.  11  se  signala 
sur  les  bords  du  llhln  par  de  nouveaux 
exploits,  jusqu'à  l'époque  du  traité  de 
Campo-Formio,  qui  lui  permit  de  ren- 
trer dans  ses  foyers.  11  les  quitta  de  nou- 
veau, bientôt  après,  pour  rejoindre  en 
Suisse  ses  compagnons  d'armes.  Il  conti- 
nua ainsi  de  servir,  sans  vouloir  accepter 
d'autre  récompense  que  celle  du  beau 
surnom  que  nous  avons  énoncé  en  com- 
mençant cet  article  ,  et  qui  lui  fut  donné 
par  Bonaparte  .  avec  im  sabre  d'iionneur, 
dont  il  ne  voulut  point  se  parer  avant  de 
l'avoir  (-prouvé  contre  l'enneiui.  Lalour- 
d'Auvargiie  tiouva  la  murt  sur  ie  champ 


de  bataille  de  Neubourg,  où  un  coup  de 
lance  de  hulan  lui  perça  le  coeur  (27  juin 
1800  ).  Sur  la  demande  de  ses  cauiaradcs, 
son  coeur  fut  placé  dans  une  urne ,  et 
porté  par  un  fourrier  à  la  tête  de  sa  com- 
pagnie. Le  général  DessoUe  laissa  son 
poste  vacant;  à  chaque  appel,  le  sergent 
commençait  par  ce  nom  illustre,  et  le 
fourrier  répondait  :  Mor(  au  champ  d'hon- 
neur. L'armée  porta  son  deuil  pendant 
trois  jours.  La  terre  où  le  grand  'Turenne 
et  son  petit-neveu  avaient  marché  en 
vainqueurs  a  reçu  ses  restes;  le  Moniteur^ 
en  rendant  compte  des  Origines  gauloises^ 
avait  dit  que  l'auteur  descendait  de  Tu- 
renne  ;  Lalour-d' Auvergne  s'empressa  de 
répondre  qu'il  n'était  sorti  que  d'une 
branche  bâtarde  de  la  maison  de  Bouillon. 
Il  se  trouva  quelquefois  dans  un  assez 
grand  dénuement.  Tandis  qu'il  était  en 
Espagne,  im  rcprésenlant  du  peuple  lui 
vantait  un  jour  son  crédit,  dont  il  lui  of- 
frait d'user  :  «  Eh  bien,  dit  Latour-d'Au- 

»  vergne,  demande/,  pour  moi — Un 

«bataillon?  un  régiment?  —  Non,  une 
»  paire  de  souliers.  » 

"  L\TOUîl-M\UBOURG  (MAnm-Vic- 
TOR  FAY,  marquis  de  ),  lieutenant  géné- 
ral, né  le  il  février  1756,  d'une  ancienne 
famille  du  Vivarais ,  entra  en  1782  avec  le 
grade  de  sous-lieuteuant  dans  le  régiment 
de  Beaujolais  (infanterie),  et  devint  en 
1786 ,  capitaine  dans  le  régiment  d'Or- 
léans (cavalerie),  puis  en  1789,  sous- 
lieutenant  des  gardes  du  corps  du  roi.  Il 
donna  le  o  octobre  1789,  des  preuves  do 
son  dévouement  à  Louis  XVI ,  près  du- 
quel il  était  de  service.  Il  émigra  à  la 
suite  des  événemens  du  10  août  1792,  et 
ne  rentra  en  France  qu'après  le  18  bru- 
maire. A  idc-de-camp  de  Kléber,  dans  l'ex- 
pédition d'Egypte,  il  était  parvenu  au 
grade  de  colonel  lorsqu'il  fit  la  campagne 
d'Austerlitz.  Il  se  signala  dans  cette  jour- 
née mémorable ,  reçut  le  grade  de  géné- 
ral de  brigade ,  et  fit  les  campagnes  de 
Prusse  et  de  Pologne.  Il  fut  blessé  au  com- 
bat de  Deypen,  fut  nommé  le  10  juin 
1807,  général  de  division,  et  fut  blessé  de 
nouveau  à  la  bataille  de  Friedlaiid .  Le  mar- 
quis de  Latour-Maubourg,  comaïaïuia  en 
1808  en  Espagne  ,  la  cavalerie  de  l'armée 
du  Midi ,  et  prit  part  à  un  grand  nombre 
d'affaires.  Sa  conduite  dans  ce  royaume 
lui  avait  attiré  l'affection  des  Espagnols, 
et  dans  plusieurs  occasions,  il  en  reçut 
des  témoignages,  notamment  dans  la^  re- 
traite de  Cordoue.  F.n  18 j -2,  il  }assa  n  la 
grande    aruu'e  de    Rusiie .    se  conduisit 


LAT  3 

d'une  manière  brillante  à  la  bataille  de 
Mojaisk,  et  opéra  sa  retraùte  dans  le  meil- 
leur ordre  à  la  tête  de  son  corps.  Chargé 
en  1815  du  commandement  du  i"  corps 
de  cavalerie ,  il  se  couvrit  de  gloire  à 
Dresde  (27  septembre  ),  et  à  Leipsick  (i), 
où  un  boulet  de  canon  lui  emporta  une 
cuisse  (  18  octobre  ).  En  1814  ,  le  marquis 
de  Latour  -  Maubourg  adhéra  à  la  dé- 
chéance de  Napoléon,  fut  nommé  par  le 
comte  d'Artois  membre  d'une  commis- 
Bion  chargée  de  la  réorganisation  de  l'ar- 
mée ,  et  fut  appelé  par  le  roi ,  le  2  juin,  à 
la  chambre  des  pairs.  Il  ne  remplit  pen- 
dant les  cent  "jours  aucune  fonction, 
rentra,  sous  la  seconde  restauration,  à  la 
chambre  des  pairs,  et  en  1820  fut  chargé 
du  portefeuille  de  la  guerre.  Après  la 
mort -du  maréchal  duc  de  Coigny,  il  de- 
vint gouverneur  des  Invalides  ;  il  est 
mort  dans  ce  poste  en  1831.  Bonaparte 
l'avait  nommé  successivement  comte  de 
l'empire ,  et  grand-croix  de  la  légion- 
d'honneur  :  Louis  XVIII  le  fit  comman- 
deur de  l'ordre  de  St. -Louis ,  et  plus  lard 
chevalier  de  l'ordre  du  St .-Esprit. 

'  LA.TREILLE  (  Pierre-André),  natu- 
raliste, né  à  Brives  (  Corrèze)  le  29  no- 
vembre 1762,  fit  ses  études  à  Paris  au  col- 
lège du  cardinal  Lemoine,  où  il  s'attira 
la  bienveillance  du  célèbre  minéralogiste 
Haijy,  et  fut  destiné  à  l'état  ecclésias- 
tique. A  la  mort  du  baron  d'Espagnac  son 
protecteur,  qui  l'avait  appelé  dans  la  ca- 
pitale en  1778 ,  il  retourna  à  Brives  (  1786  ), 
après  avoir  reçu  la  prêtrise ,  et  consacra 
tous  ses  loisirs  à  des  recherches  sur  les 
insectes.  Quelques  plantes  curieuses  dont 
il  lit  hommage  au  célèbre  Lamarck,  dans 
un  nouveau  voyage  à  Paris ,  lui  procu- 
rèrent la  connaissance  de  ce  grand  natu- 
raliste, auquel  il  succéda  dans  la  chaire 
de  professeur  au  muséum  d'histoire  na- 
turelle {voij.  LAMARCK).  Arrêté  à  Brives, 
sous  le  régime  de  la  terreur,  comme  étant 
prêtre,  il  fut  conduit  et  enfermé  au  fort 
du  Ha  à  Bordeaux,  et  là,  condamné,  lui 
soixante-treixième,  à  la  déportation.  Au 
milieu  de  ses  infortunes  ,  il  chercha  dans 
la  science  ses  consolations ,  et  elle  fut  pour 
lui  une  occasion  de  salut.  Le  médecin 
des  prisons  de  Bordeaux  s'étonnant  im 
jour  de  voir  un  prisonnier  absorbé  dans 


(l)  Pendanl  qu'on  le  (ranipnrtAÏt  jiir  un  brancard, 
■on  domestii^uc  marchant  à  ci'ité  de  lui,  ne  put  s'im- 
pScber  de  pleurer  :  «  Contole-toi  ,  mon  ami  ,  lui  dit 

•  Latoor-lMaubourg,  IVre'nemf  nt  n'e.it  pat  si  malhcu* 

•  ren«  pour  loi  que  lu  pourrai»   le  croire  ;  deturmait 
■   tu  n'fiirai  >ilu<  iju'uue  botle  i  tirer.  • 

7. 


13  LAT 

la  contemplation  d'un  insecte ,  quand  sa 
tête  est  menacée  :  C'est  un  insecte  très- 
rare,  répond  Latreille  aux  question»  ' 
qu'il  lui  adresse.  L'insecte  est  demandé  et 
obtenu  pour  un  naturaliste  de  Bordeaux 
(  M.  Bory  de  Saint-Vincent  ).  Ce  dernier, 
flatté  de  tenir  ce  don  d'un  entomologiste 
déjà  connu  par  d'honorables  travaux 
s'impose  le  devoir  de  soustraire  Latreille 
au  danger  qui  le  menace,  et  bientôt» 
malgré  les  obstacles  qu'offrait  cette  noble 
tentative,  le  prêtre  naturaliste  est  rendu 
à  la  liberté.  M.  Martignac  contribua  aussi 
beaucoup  à  son  élargissement.  Il  fut 
proscrit  de  nouveau  en  1797  ;  mais ,  en- 
touré de  l'estime  de  ses  concitoyens,  ij 
put  revenir  l'année  suivante  dans  la  ca- 
pitale. Peu  de  temps  après,  il  fut  nommé 
correspondant  de  l'institut  et  obtint  une 
place  au  muséum  d'histoire  naturelle  où 
il  fut  chargé  de  l'arrangement  métho- 
dique des  insectes.  En  1814,  il  remplaça 
sou  ami  Olivier  à  l'académie  des  sciences, 
et  Louis  XVIII  le  nomma  en  1821  cheva- 
lier de  la  légion-d'honneur.  Lalreille  s'est 
placé,  de  l'aveu  même  de  ses  rivaux,  au 
premier  rang  des  entomologistes  ,  et 
presque  toutes  les  académies  de  l'Europe 
s'empressèrent  de  s'associer  un  écrivain 
aussi  distingué.  Il  est  mort  le  6  février 
1833,  laissant  les  ouvrages  suivans  :  |  Con-' 
sidér citions  sur  l'ordre  naturel  des  ani- 
maux composant  les  classes  des  crusta-' 
cées  j  des  arachnides  et  des  insectes j  avec 
un  tableau  méthodique  de  leurs  genres , 
disposés  par  famille  s, V&v'is,  Schœll,  1810, 
in-S"  ;  I  Cours  d'entomologie ,  ou  de  l'his- 
toire naturelle  des  crustiicécs  ^  des  ara- 
chnides ^  des  tnyriapodes  et  des  insectes  ^ 
à  l'usage  des  élèves  du  muséum  d'histoire- 
naturelle,  première  année,  Paris,  1831, 
in-8",  avec  un  cahier  de  24  planches, 
I  Esquisse  d'une  distribution  générale  du 
règne  animal,  Paris,  1824 ,  in-S»  ;  i  Essai 
sur  l'histoire  des  fourmis  en  France^ 
Brives,  1798,  in-12  ;  |  Familles  naturelles^ 
du  règne  animal,  exposées  succincte- 
ment et  dans  un  ordre  analytique ,  avec 
l'indication  de  leurs  geJires,  Far'is,  1825, 
in-8°  ;  I  De  la  formation  des  ailes  des  in- 
sectes et  de  l'orga7iisation  extérieure  de 
ces  animaux  comparée,  en  divers  points,, 
avec  celle  des  arachnides  et  des  crusta- 
cées,  Paris,  1820,  in-8°;  1  Gênera  crus^ 
taceorum  et  insectorum  secundàm  ordi~ 
nem  naturalem  in  farnilias  disposila,  ico- 
nibus  exemplisque  plurimis  explicata , 
Parisiis  ,  et  Argentorali,  1S06-180J,  4  voU 
,  in  8°.  C'est  de  toutes  les  productions  de 
27 


LAT 


3U 


LAT 


M,  Latreille  la  plus  importante  et  la  plus 
estimée.  |  Histoire  naturelle  des  fourmis^ 
fit  recueil  de  mémoires  et  d^ observations 
sur  les  abeilles ,  les  g.raignées  ^  les  fau- 
cheurs t  et  autres  insectes  ^  Paris ,  1802 , 
in-8**  avec  12  planches  ;  |  Histoire  natu- 
relle des  reptiles^  avec  figures  dessinées 
d'après  nature,  Paris,  1802,  k  vol.  in- 
48;  —  Nouvelle  édition,  Paris,  1826, 
h  vol.  in-18.  (Avec  Sonnini.  )  Cet  ou- 
vrage fait  partie  de  l'édition  de  Buffon, 
dite  de  Castel.  |  Histoire  naturelle  des  sa- 
lamandres de  France ,  précédée  d'un  ta- 
bleau méthodique  des  autres  reptiles  in- 
digènes^ avec  figures  coloriées,  Paris, 
Crapelet,  4800,  in-8'';  |  Histoire  naturelle 
des  singes^  faisant  partie  de  celle  des  qua- 
drupèdes de  Buffon,  présentée  sous  un 
ordre  dans  lequel  les  supplémens  sont 
confondus  avec  le  premier  texte,  et  aug- 
mentée de  notes,  d'additions  considé- 
rables ,  avec  79  figures ,  gravées  sur  des 
dessins  neufs  de  Barraband,  Paris,  1801, 
2  vol.  in-8°;  |  Histoire  naturelle^  et  icono- 
graphie des.insectes  coléoptères  d'Europe^ 
Paris,  1822,  et  années  suivantes,  in-8'', 
ligures  (  avec  le  comte  Dejean  ),  Cet  ou- 
vrage a  été  promis  en  14  à  16  volumes 
avec  planches ,  il  n'y  a  encore  que  le  pre- 
niicr  qui  ait  paru,  j  Histoire  naturelle^  gé- 
nérale et  particulière  des  crustacées  et 
insectes,  Paris ,  1802  — 1803 ,  14  vol.  in-8° 
iig.  faisant  partie  du  Buffon ,  édit.de  Son- 
nini; I  Mémoires  sur  divers  sujets  de  l'his- 
toire naturelle  des  insectes .  de  géogra- 
phie ancienne  et  de  chronologie^  Paris, 

4819,  in-S";  |  Observations  sur  le  système 
métrique  des  peuples  anciens  les  plus 
connus,  appliqué  aux  distances  itiné- 
raires, Paris ,  1817,  in-8°  ;  |  Passage  des 
animaux  invertébrés  aux  vertébrés,  Paris, 

4820 ,  in-8°  ;  |  Précis  des  caractères  géné- 
riques des  insectes,  disposés  dans  un 
ordre  naturel ,  Brives,  1796,  in-S";  |  Re- 
cherches g  éographiqu,es  sur  l'Afrique  cen- 
trale, d'après  les  écrits  d'Edrisi  et  de 
Léon  l'africain  ,  cornparés  avec  les  rela- 
tions modernes ,  Paris ,  1824 ,  in-8";  |  Re- 
cherches sur  les  zodiaques  égyptiens , 
Paris,  1821 ,  in-6**;  1  Le  règne  animal  dis- 
tribué d'après  son  organisation,  j^our 
servir  de  base  à  l'histoire  naturelle  des 
animaux,  et  d'introduction  à  l'anatomie 
comparée,  par  le  baron  Cuvier  (  et  La- 
treiUe),  Paris,  4816,  4  vol.  in-8°  avec  45 
planches.  —  Nouv.  édit.  revue  et  aug- 
inentée  par  Latreille,  Paris,  4829,  5  vol. 
111-8"  avec  20  planches.  Outre  les  ouvrages 
Uéjà  cités  ,  Latreille  est   encore  auteur 


d'un  nombre  considérable  de  mémoires  ^ 
dont  il  a  enrichi  le  Magasin  encyclopé- 
dique, le  Bulletin  de  la  société  philoma- 
thique,  les  Annales  et  mémoires  du  mU*- 
séum  d'histoire  naturelle.  Il  a  contribué- 
par  un  grand  nombre  d'articles  à  la  pu- 
blication d'ouvrages  importans,  et  a  tra- 
vaillé 9M  Dictionnaire  d'histoire  naturella 
de  Déterville,  à  Y  Encyclopédie  métho-^ 
dique ,  pour  la  partie  de  l'entomologie ,  au 
Recueil  d'observations  de  zoologie  et  d'a-^ 
natomie  comparée  du  Voyage  de  M.  Hum- 
boldt  et  Bonpland. 

LA.TTAIGIVANT  (  Gabriel  -  Charle» 
de  )  né  en  1697,  à  Paris ,  fut  chanoine  de 
Beims ,  et  mourut  en  cette  ville  en  1778. 
Il  s'adonna  d'abord  à  la  poésie  légère ,  et 
enfanta  un  grand  nombre  de  chansons  où 
il  paraît  oublier  la  décence  de  son  état.  11 
faut  cependant  lui  rendre  cette  justice , 
que  jamais  il  ne  se  permit  de  ces  trans- 
ports qu'on  appelle  philosophiques  ;  tou- 
jours il  respecta  dans  ses  vers  la  religion». 
On  peut  même  dire  à  sa  gloire  qu'il  ré- 
para les  légèretés  de  sa  muse  par  des  pro- 
ductions plus  dignes  de  ses  talens.  Ses 
cantiques  spirituels  lui  feront  plus  d'hon- 
neur dans  les  esprits  sages ,  que  ses  ou- 
vrages de  galanterie  ne  lui  ont  attiré  d'ap- 
plaudissemens  de  la  part  des  esprits  fri- 
voles. Millevoie  a  donné  un  choix  des 
poésies  de  l'abbé  Lattaignant,  en  4810V 
in-18.  Ses  principales  productions  ont  été 
publiées*  collectivement  par  l'abbé  de  la 
Porte ,  4757, 4  vol.  in-12 ,  auxquels  il  faut 
joindre  un  5'  vol.  publié  en  1779,  sous  la 
titre  de  chansons  et  poésies  fugitives. 

♦LATUDE  (Henri  MASERS  de),  connu 
par  sa  longue  captivité,  naquit  en  1725  à 
Montagnac ,  en  Languedoc ,  d'une  famille 
honorable  de  ce  pays,  et  fut  destiné  à 
l'arme  du  génie.  Tourmenté  du  désir  de 
faire  fortune,  il  vint  à  Paris  à  l'âge  de  20^^^ 
ans,  et  crut  avoir  trouvé  le  moyen  de  se 
rendre  fort  important ,  en  donnant  à  ma- 
dame de  Pompadour,  alors  maîtresse  en* 
litre  de  Louis  XV,  l'avis  d'un  prétendu 
complot  formé  pour  l'empoisonner.  Pour 
cela,  il  s'agissait  de  se  servir  d'une  boil& 
qui  devait  parvenir  à  la  favorite ,  et  que 
Latude  avait  préparée  lui-même.  L'affaire 
fit  grand  bruit ,  mais  l'intrigue  ne  tarda 
pas  à  être  découverte,  et  le  donneur  d'a- 
vis ayant  été  arrêté ,  fut  d'abord  enfermé 
à  Bicctre ,  d'où  il  tenta  de  s'échapper ,  c& 
qui  le  fit  transférer  à  Vincennes.  De  nou- 
veaux efforts  pour  se  procurer  la  liberté 
le  firent  traiter  encore  plus  sévèrement  r 
il  fut  enfermé  à  la  Bastille.  Dix-huit  mois 


LAT 


31» 


LAU 


«près  il  fui  transporté,  du  cachol  dans  le- 
quel on  l'avait  jeté,  dans  une  chambre 
«ù  il  eut  pour  compagnon  d'infortune 
«n  jeune  homme  nommé  d'Alègre ,  que 
M""*  de  Pompadour  retenait  aussi  dans 
cette  prison.  Il  s'échappa  aveclui  en  1736, 
fut  arrêté  à  Amsterdam  et  ramené  à  la 
Saslille  (i).  On  lui  mit  les  fers  aux  pieds 
«t  aux  mains  :  malgré  la  gène  de  sa  posi- 
tion, il  finit  par  s'habituer  à  son  état,  el 
£oûta  même  des  momens  de  satisfaction. 
Il  apprivoisait  des  rats ,  rêvait  des  projets 
^'utilité ,  et  se  consolait  toujours  par  l'es- 
poir d'être  un  jour  libre.  Cependant  Içs 
années  s'écoulaient  sans  apporter  le  moin- 
dre changement  à  son  sort  :  il  tomba  dans 
le  désespoir,  et  il  avait  résolu  de  se  lais- 
ser mourir  de  faim,  si  ses  gardiens  n'eus- 
sent adouci  les  rigueurs  de  sa  captivité. 
La  mort  de  M*"'  de  Pompadour  n'apporta 
aucun  adoucissement  à  son  sort.  Trans- 
féré à  Vincennes  en  1764  ,  il  s'évada  une 
-seconde  fois ,  el  fut  encore  repris  ;  ra- 
mené à  Vincennes ,  il  fut  conduit  à  Cha- 
renton  où  ses  ennemis  le  firent  traiter 
pendant  2  ans  pour  une  folie  qu'il  n'avait 
pas.  Enfin  en  1777  il  recouvra  la  liberté  , 
sous  la  condition  de  rester  dans  sa  ville 
natale.  Lalude  enfreignit  cet  ordre,  fut 
arrêté  de  nouveau  el  enfermé  à  Bicêtre  ; 
il  y  languit  plusieurs  années  au  milieu 
des  malfaiteurs  de  tout  genre.  En  1784 , 
tin  mémoire  qu'il  fit  pour  le  président  de 
<iourgues ,  tomba  entre  les  mains  de  M™' 
I.e{;ros ,  marchande  à  Paris ,  qui  s'inté- 
ressa à  son  sort  et  parvint  à  intéresser 
■également  en  sa  faveur  le  cardinal  de 
Hohan,  MM.  de  Latour-Dupin ,  de  Saint- 
Priest ,  etc. ,  et  par  leur  protection  à  le 
faire  sortir  de  sa  prison.  En  1790,  l'as- 
semblée nationale  accorda  une  pension 
alimentaire  à  Latude ,  mais  en  1791  ,  l'as- 
semblée Constituante  rejeta  une  pétition 
dans  laquelle  il'  demandait  des  secours , 
«t  il  était  sans  ressources ,  lorsqu'en  1793 
II  obtint  une  pension  par  un  jugement, 
contre  les  héritiers  de  madame  Pompa- 
dour et  de  M.  Amelot,  auteurs  de  sa  cap- 
tivité. Il  est  mort  à  Paris  le  1"  janvier 
4803,  à  l'âge  de  80  ans.  M.  Thierry,  avo- 
cat, a  publié  le  Despotisme  dévoilé  ou 
Mémoires  de  Latude  rédigés  sur  les  pièces 
originales,  Paris ,  1791 ,  1792,  3  vol.  in-18  ; 
i793,2  vol.  in-8". 


(i)  D'Alègre,  qui  était  parti  le  premier,  déguisé 
«D  paysan  ,  fut  arrêté  à  Bruxellei ,  AH  <on  arrivée 
^ans  celte  ville  ,  et  reconduit  à  la  Bastille  ,  et  de  là  à 
<.'harentoo,  oà  Latude  le  retrouva  vingt  années  plus 
âard,  enfermé  avee  les  font. 


LAU  (  Théodore-Louis  ) ,  fameux  spl- 
nosiste  du  18'  siècle,  conseiller  du  duc  de 
Courlande ,  s'est  malheureusement  fait 
connaître  par  un  traité  imprimé  à  Franc- 
fort, en  1717,  sous  ce  titre  :  Meditationes 
philosophicce  de  Deo  ,  mundo  >  homine , 
in-8"  de  48  pages ,  sans  date  ni  lieu  de 
publication  (  Francfort ,  1717  ).  Ce  livre 
fut  proscrit ,  ce  qui  l'a  rendu  fort  rare. 
Il  a  été  reproduit  en  1770  avec  la  tra- 
duction française ,  sous  la  rubrique  de 
Kœnigsberg,  et  forme  le  lom.  7'  de  la  Bi- 
hliûîhèque  de  Bon  sens.  Lau  y  dit  (  para- 
gr.  4  )  :  Deus  est  maieria  simplex  ;  ego 

materia  modificata Dcus  oceawjLZ  ;- 

ego  fluvius....  Deus  terra  ;  ego  gleba 

Tels  sont  les  délires  où  s'engage  l'altière 
et  imprudente  raison ,  quand  elle  se  sé- 
pare de  la  révélation,  fidèle  conservatrice 
de  ses  lumières.  II  a  fait  aussi  quelques 
traités  de  politique  qui  ne  valent  pas 
mieux  que  ses  traités  théologiques. 

LAUBANIE  (TRIER  DE  MAGONTHIER 
de  ) ,  né  en  1641 ,  dans  le  Limousin ,  par- 
vint par  ses  services  au  grade  de  lieute- 
nant général ,  et  s'en  rendit  digne  parles 
preuves  de  courage  qpi'il  donna  dans  quan- 
tité d'occasions.  Nommé  gouverneur  de 
Landau  en  1704 ,  il  y  fut  assiégé  par  deux 
armées ,  commandées  par  le  prince  Louis 
de  Bade  et  le  prince  Eugène  ,  soutenues 
par  l'armée  d'obse  r  vallon  de  mylord  Mari- 
borough;  il  défendit  la  place  durant  69 
jours ,  et  obtint  la  plus  honorable  capitu- 
lation. Il  fut  fait  grand'-croix  de  l'ordre 
de  Saint-Louis ,  el  se  retira  à  Paris ,  où  il 
mourut  en  1706. 

L'AUBESPIXE.  Voyez  AUBESPINE. 

LAUBRUSSEL  (  Ignace  de  ) ,  jésuite, 
né  à  Verdun  en  1663 ,  professa  avec  dis- 
tinction dans  son  ordre  ,  fut  provincial 
de  la  province  de  Champagne  et  ensuite 
préfet  des  éludes  du  prince  Louis  de» 
Asluries  ;  et  lorsque  ce  prince  se  maria , 
il  devint  confesseur  de  la  princesse.  I] 
mourut  au  Port-Sainte-Marie  en  Espa- 
gne ,  l'an  1740 ,  après  avoir  publié  quel- 
ques ouvrages.  Les  plus  connus  sont  : 
I  Traité  des  abus  de  la  critique  en  ma- 
tière de  religion.  Paris,  1710,  2  vol.  in-12, 
dédié  à  M.  de  Rohan ,  depuis  cardinal  ; 
I  la  Vie  du  père  Charles  de  Lorraine, 
jésuite,  Nancy ,  1733 ,  in-8°.  Son  but  était 
de  venger  la  religion  des  coups  impuis- 
sans  que  lui  portent  les  incrédules  et  les 
hérétiques  ;  il  y  a  de  bonnes  choses ,  mais 
elles  pourraient  être  énoncées  avec  plus 
de  dignité  et  de  force. 

LAUD  (  Guillaume  ) ,  archevê<iue  do 


LAU 


316 


LAU 


Cantorbéry ,  et  ministre  d'clat  sous  Char- 
les 1",  illustre  par  ses  talons  et  par  sa 
constance  dans  ses  malheurs ,  naquit  à 
Beading  en  Angleterre,  l'an  1373.  Il  prit 
le  bonnet  de  docteur  à  Oxfort,  fui  d'a- 
bord chapelain  de  Jacques  1" ,  puis  suc- 
cessivement évêque  de  Saint-David,  de 
Balh,  et  de  Laodes  ;  après  la  mort  d'A- 
boot,  son  adversaire,  il  obtint  le  siège 
de  Canlorbéry.  On  l'accusait  de  persécu- 
1er  les  puritains^  qui  depuis  causèrent 
sa  perte.  Il  succéda  dans  le  ministère  au 
fameux  duc  de  Buckingham.  On  lui  attri- 
bue le  règlement  fait  en  1622 ,  par  le  roi 
Jacques ,  pour  défendre  aux  prédica- 
teur» de  traiter  en  chaire  les  questions  de 
la  prédestination  et  de  la  prérogative 
royale.  Il  engagea  le  roi  à  faire  réimpri- 
mer les  treijle-neuf  articles  de  la  confes- 
sion anglicane;  et  son  désir  était  de  ren- 
dre le  rit  anglican  commun  à  toutes  les 
églises  britanniques,  et  de  rétablir  dans 
le  culte  la  pompe  des  cérémonies  ro- 
rnaines ,  afin  de  devenir  le  primat  uni- 
\'ersel  de  la  religion.  Sou  attachement  à 
Charles  I'""  lui  fut  funeste.  Les  ennemis 
de  ce  prince  firent  mettre  l'archevêque  à 
la  Tour  de  Londres.  Il  fut  accusé  par  le 
parlement  d'avoir  voulu  introduire  la  re- 
ligion catholique,  d'avoir  entrepris  de 
réunir  l'église  romaine  avec  l'anglicane. 
Charles  ayant  été  entièrement  défait ,  et 
les  séditieux  n'ayant  plus  rien  à  craindre, 
on  fil  couper  la  tête  à  cet  illustre  prélat, 
en  1G44  :  il  avait  alors  72  ans.  On  a  de  lui 
une  Apologie  de  l'église  anglicane  contre 
Fischer,  Londres,  1659,  in-fol.  C'est  l'a- 
pologie du  schisme  et  de  l'hérésie ,  qui 
prouve  assez,  que  c'est  sans  fondement 
-qu'on  l'accusa  d'avoir  fait  des  démarches 
en  faveur  de  l'Eglise  catholique.  Warthon 
pviblia  en  169S ,  in-fol. ,  la  Vie  de  cet  ar- 
chevêque. Elle  est  curieuse  et  recherchée. 
On  y  trouve  l'histoire^du  procès  de  Laud, 
composée  par  lui-même  dans  la  Tour  de 
Londres,  avec  beaucoup  de  vérité. 

•  LAUDENOT  (Louise),  dite  aussi, 
«près  sa  profession  religieuse ,  la  Mère 
de  Saint-Jacques ^  était  fille  d'un  méde- 
cin du  roi,  et  recommandable  par  sa  piété. 
Ayant  pris  la  résolution  de  renoncer  au 
monde,  elle  entra  chez.  leS'bénédiclines 
>de  l'abbaye  de  Montmartre ,  y  fit  profes- 
sion ,  et  s'y  distingua  par  sa  régularité  et 
ses  vertus.  Elle  avait  reçu  une  éducation 
-soignée  ,  avait  du  talent ,  et  écrivait  avec 
iacilité.  Louise  fit  tourner  à  la  gloire  de 
Dieu  ces  heureuses  dispositions ,  en  com- 
posant divers    ouvrages  de  spiritualité 


propres  à  l'édification  du  prochain.  On 
lui  doit:  |  Catéchisme  des  vices  et  des 
vertus  ;  i  Méditation  sur  les  Vies  des 
saillis  pour  toutes  les  fêtes  de  l'année .  et 
sur  les  principales  fêtes  de  Notre-Sei- 
gneur  et  de  la  Vierge;  \  Exercices  pour  la 
sainte  commu7iion  et  pour  la  inesse ^  etc. 
Celte  pieuse  fille  mourut  saintement  dans 
son  couvent,  le  27  niai  J636. 

LAUDON  (  GiîDÉoN- Ernest,  baron 
de  ),  propriétaire  d'un  régiment  d'in- 
fanterie allemande,  grand-croix  de  l'or- 
dre militaire  de  Marie  -  Thérèse  ,  feld- 
maréchal  des  armées  autrichiennes ,  un 
des  plus  habiles  et  des  plus  heureux, 
capitaines  du  18'  siècle,  naquit  à  Toot- 
zen  en  Livonie ,  en  1716 ,  d'une  ancienne 
famille  du  pays.  Il  fil  ses  premières  cam- 
pagnes sous  le  maréchal  Munich ,  dans 
la  guerre  de  1738,  et  se  trouva  à  la 
prise  d'Oczakow ,  aux  batailles  de  Cho- 
czim  et  Slawutschane ,  où  les  Turcs  fu- 
rent entièrement  défaits.  En  1736,  étant 
à  peine  entré  au  service  de  la  maison 
d'Autriche  avec  le  grade  de  lieutenant- 
colonel  ,  il  se  fraya  tellement  le  chemin 
à  la  gloire,  qu'en  moins  d'une  année  il  se 
vit  général  d'artillerie  et  en  trois  ans  com- 
mandant en  chef  d'une  armée  entière.  Il 
délivra  Olmulz  du  siège  des  Prussiens, 
battit  le  roi  à  Kunesdorf ,  près  de  Franc- 
fort-sur-l'Oder,  et  après  avoir  fait  pri- 
sonnier le  général  Foucquet  à  Landshut, 
il  emporta  d'assaut  Glatz  etSchweidnilz, 
et  arrêta  enfin  les  progrès  de  Frédéric 
dans  une  guerre  qui  aurait  pu  être  fa- 
tale à  la  maison  d'Autriche.  Ce  fui  lui 
également  qui ,  l'année  1778 ,  ayant  été 
fait  maréchal  et  misa  la  tête  de  60,000 
hommes,  empêcha  que  le  prince  Henri 
de  Prusse  ne  réunît  son  armée  à  celle  du 
roi  son  frère  en  Bohème.  En  1788  et  1789, 
il  se  rendit  maître  de  Dubitza,  de  Novi, 
Gradisca  et  Belgrade.  Ayant  été  nommé 
en  1790  commandant-général  en  Bohème 
et  en  ftloravie,  il  mourut  le  14  juillet, 
dans  son  quartiei'-général  de  Neu-Dist- 
chen ,  dans  la  7b'  année  de  son  âge.  Fré- 
déric II  estimait  ses  talens  militaires ,  en 
même  temps  qu'il  redoutait  sa  vigilance 
et  son  extrême  activité.  Il  l'appelait  sa 
sentinelle  et  disait  qu'il  estimait  les  diS' 
positions  des  autres  généraux^  mais  qu'il 
craignait  les  batailles  de  Laudon.  La 
carrière  de  ce  grand  général  n'a  pas  tou- 
jours été  également  brillante,  et  il  y  a  eu 
plusieurs  époques  où  il  restait  comme 
dans  le  plus  parfait  oubli  ;  car ,  pour  ce 
qui  regarde  la  faveur  de  la  cour,  il  no 


LAU  317 

put  s'en  assurer  que  dans  les  derniers 
mois  de  sa  vie.  Simple  dans  toutes  ses 
manières,  ennemi  de  l'adulation  et  de 
l'intrigue ,  privé  de  tous  les  moyens 
qu'ont  les  riches  de  se  faire  valoir  dans 
la  capitale  ,  et  tout  isolé  au  milieu  de  ses 
rares  qualités ,  Laudon  se  refusa  toujours 
à  la  moindre  démarche  pour  gagner  l'ami- 
tié des  courtisans ,  pour  lesquels  son  grand 
mérite  ne  fut  qu'un  objet  d'étonnement , 
■comme  il  était  celui  de  l'admiration  des 
ministres  et  de  tous  les  citoyens.  Il  avait 
«té  élevé  dans  la  religion  luthérienne; 
mais  il  se  fit  catholique  avec  pleine  con- 
naissance de  cause ,  et  fut  fidèle  à  tous 
les  devoirs  que  la  religion  prescrit.  Il  re- 
çut, avant  de  mourir,  les  saints  sacre- 
mens  avec  beaucoup  de  piété.  Il  avait 
donné  le  même  exemple  en  partant ,  en 
4788 ,  pour  le  camp  de  Dubitza,  et  sortit 
<le  l'église  pour  aller  directement  à  l'ar- 
mée. Arrivé  au  camp ,  il  remarqua  qu'on 
négligeait  la  prière  du  matin  et  du  soir , 
€t  n'eut  rien  de  plus  pressant  que  de  ré- 
tablir cette  pratique  chrétienne.  L'armée 
le  pleura  comme  un  père,  comme  le 
gage  et  le  garant  de  ses  victoires.  Dans 
■ses  derniers  momens ,  voyant  les  officiers 
•qui  environnaient  son  lit  fondre  en  lar- 
mes, il  les  consola  et  les  raffermit  par  des 
paroles  puisées  dans  la  vraie  philosophie  : 
il  leur  recommanda  d'unir  toujours  la 
religion  à  la  valeur  guerrière ,  de  se  dé- 
fendre de  ce  qu'on  appelle  les  maximes 
des  esprits  forts ,  ajoutant  ces  paroles  re- 
iiuarquables  :  «  Je  dois  à  ma  confiance  en 
»  Dieu  tous  les  succès  que  j'ai  eus,  comme 
»  les  consolations  que  je  goûte  dans  le 
»  moment  de  paraître  devant  lui.  »  C'est 
d'un  témoin  oculaire  qu'on  tient  ces  dé- 
tails. Il  a  donné  lui-même  pour  inscrip- 
tion à  mettre  sur  son  tombeau  :  Com- 
memoratio  mortis  optima  philosophia. 
M.  de  Pe7,z.l  a  publié  sa  Vie  en  allemand, 
€t  elle  a  été  trad.  en  français  par  M.  de 
Bock ,  1  vol.  in-12. 

LAUDUIV.  Voyez  DELAUDUN. 

LAUGIER  (  Marc-Antoine)  ,  né  à  Ma- 
nosque  en  Provence,  en  1713,  entra  de 
bonne  heure  chei  les  jésuites.  Use  con- 
sacra à  la  chaire,  et  prêcha  à  la  cour 
avec  applaudissement.  Ayant  quitté  la 
compagnie  de  Jésus ,  il  se  tourna  du  côté 
<les  beaux-arts.  Son  Essai  sur  l'archi- 
tecture.  Paris,  1753,  in-12,  1755,  in-8°, 
prouva  qu'il  était  né  pour  les  cultiver.  Il 
y  a  sans  doute  quelques  réflexions  hasar- 
dées dans  cet  ouvrage  ;  mais  on  y  trouve 
encore  plus  de  vues  justes   et  d'idées 


LAU 

saines.  Il  est  d'ailleurs  bien  écrit.  Quel» 
que  temps  après ,  il  publia  des  Observa^ 
fions  sur  l'architecture^  1763,  in-12,  et 
Manière  de  juger  des  ouvrages  de  pein^ 
ture ,  1771 ,  in-12 ,  qui  achevèrent  de 
prouver  qu'il  avait  le  talent  de  saisir  les 
principes  et  les  finesses  de  ces  arts.  Soo 
Histoire  de  la  république  de  ftfnwtf,  qu'il 
publia  en  12  vol.  in-12 ,  1759  et  années 
suivantes  (i) ,  et  celle  de  la  paix  de  Bel' 
grade ^  en  2  vol.  in-12,  1763,  lui  assu- 
rent un  rang  honorable  parmi  les  his- 
toriens. Il  réunit  dans  l'une  et  dans  l'au- 
tre, à  quelques  endroits  près,  le  carac- 
tère de  la  vérité  au  mérite  de  l'exacti- 
tude. On  pourrait  désirer  un  style  plus 
soigné  dans  certains  morceaux,  moins 
ampoulé ,  moins  surchargé  de  traits  plus 
oratoires  qu'historiques,  et  de  comparai- 
sons amphigouriques.  Eugène  Labaume 
a  publié  en  1812,  l'abrégé  de  l'histoire 
de  la  république  de  Venise  de  Laugier,  2 
vol.  in-8°,  et  depuis,  M.  le  comte  Daru  a 
traité  le  même  sujet  avec  une  grande  su- 
périorité, Paris,  1819,  7  vol.  in-8»,  2'  édit., 
1820,  8  vol.  in-8°.  On  a  encore  de  lui  :  \  Pa- 
raphrase du  MisererCj  trad.  de  l'italien 
du  P.  Segneri ,  in-12  ;  |  Voyage  à  la  mer 
du  Sud,  traduit  de  l'anglais,  1756,  in-i",  et 
in-12  ;  |  Apologie  de  la  musique  fran- 
çaise ,  contre  J.-J.  Rousseau ,  1754 ,  in- 
8°  ;  I  Oraison  funèbre  dû  prince  de  Bom- 
bes ,  pleine  de  beautés  d'une  vraie  élo- 
quence. Cet  écrivain  estimable  mourut 
au  mois  d'avril  1769.  M.  François  de  Neuf- 
château  a  publié  Vêlage  de  Laugier. Voyez 
le  Nécrologe  des  hommes  célèbres ,  an- 
née 1770. 

•  LAUGIER  (André)  ,  habile  chimiste, 
professeur  du  jardin  du  roi,  né  à  Lisieux 
au  mois  d'août  1770,  étudia  la  chimie 
sous  le  célèbre  Fourcroy,  son  cousin-ger- 
main. Son  père,  ayant  perdu  la  plus 
grande  partie  de  sa  fortune  par  des  cir- 
constances malheureuses ,  André  Laugier 
ne  se  fit  point  un  établissement  de  phar- 
macie,  comme  il  en  avait  eu  d'abord  le 
projet.  Nommé  pharmacien  de  2'  classe,  et 


répétiteur  des  cours  de  chimie  et  de  phar- 
macie à  l'hôpital  militaire  d'instruction 
de  Toulon ,  il  y  fit  ensuite  un  cours  élé- 
mentaire de  botanique  qui    commença 


(i)  Celle  Histoire  était  U  plut  coniplite  qui  cdt 
paru  lur  la  republique  de  Veniie ,  avant  celle  de 
Daru  \toytt  DARU  ).  Le»  Italien»  euï-mèmt»  fai- 
laient  cas  de  cette  biitoirc  ,  qui,  raal'ré  quelque* 
défauts  de  style ,  plaît  surtout  par  son  e«actitude. 
Elle  a  été  traduite  en  ilaltco ,  et  imprimée  plusieur» 
fois  i  Vcnitw  ,  notamment  va    1778,  is  vol.  i«-8**. 

27. 


LAU  5 

sa  rêpulation  ,  et  qui  lui  valut  d'être  ap- 
pelé à  la  chaire  de  chimie  à  l'école  cen- 
trale du  département  du  Var.  Fourcroy 
l'amena  en  1802,  de  Toulon  à  Paris,  et  le 
choisit  pour  son  suppléant  au  muséum 
d'histoire  naturelle.  A  la  mort  de  Four- 
croy, Laugier  devint  titulaire.  Il  a  enrichi 
la  science  d'un  grand  nombre  d'analyses 
toutes  remarquables  par  leur  précision 
et  leur  exactitude.  Ses  travaux  ont  été 
consignés  dans  les  Atmales  de  chimie^  le 
JSulletin  de  la  société  philomathique ,  les 
Annales  et  mémoires  du  Muséum  d'his- 
toire naturelle ,  etc.  On  peut  en  voir  la 
liste  dans  la  France  littéraire  de  M.  Qué- 
rard ,  à  l'article  Laugier.  On  doit  à  ce  sa- 
vant un  Cours  de  chimie  générale  :  ce 
sont  les  leçons  qu'il  faisait  au  jardin  du 
roi ,  et  qui  ont  été  recueillies  par  une  so- 
ciété de  sténographes,  Paris,  1828,  5  vol. 
in-8**,  avec  atlas.  Laugier  a  donné  aussi 
plusieurs  articles  au  Dictionnaire  Tech- 
nologique. Plusieurs  de  ses  analyses,  telles 
<que  celles  des  gramatiles  blanches  et  grises, 
de  l'aplome,  etc.,  ont  été  citées  par  M. 
Berzelius ,  dans  son  Traité  de  minéralo- 
gie,  comme  ayant  des  résultats  conformes 
aux  proportions  définies  et  démontrées 
par  le  calcul ,  quoiqu'elles  aient  été  faites 
avant  que  ce  système  parût.  I-augier  était 
directeur  de  l'école  centrale  de  pharma- 
cie ,  et  membre  de  l'académie  de  méde- 
cine. Il  est  mort  du  choléras-morbus  à 
Paris,  dans  le  mois  d'avril  J852. 

*LAUJOIV  (Pierre),  poète,  né  à  Pa- 
ris, le  3  janvier  1727,  fut  lié  avec  Piron, 
£ollé.  Panard,  et  tous  les  hommes  facé- 
tieux de  son  temps ,  dont  il  imita  fort 
bien  les  saillies  ,  qui  dégénéraient  parfois 
en  traits  mordans  et  satiriques.  Il  fut 
membre  de  l'académie  française,  doyen 
des  chansonniers ,  et  président  du  ca- 
veau moderne.  Il  mourut  à  Paris  le  15 
juillet  1811,  et  a  laissé  :  ]  Jsmène  et  Jsmé- 
nias^  tragédie  en  trois  actes ,  1770  :  |  l'/n- 
£07iséquent  ou  les  Soubrettes^  comédie  en 
cinq  actes,  en  prose,  jouée  en  1777;  |  L'E- 
£ole  de  l'amitié;  La  Nouvelle  Ecole  des 
jnèreSj  comédies  en  un  acte  chacune  ;  |  Le 
Couvents  comédie  en  un  acte  ,  1790  ;  c'est 
un  tribut  qu'un  vieillard  de  65  ans  crut 
devoir  àlarévolution  ;  |  desopéras  comme 
Sylvie^  en  trois  actes ,  1770  ;  des  opéra- 
comiques,  tels  que  L'Amoureux  de  quinze 
<ans,  en  trois  actes;  Le  Poète  supposée  en 
trois  actes,  le  ballet  d'Eglé^elc,  etc.; 
des  parodies ,  des  ballets,  et  un  recueil  de 
chansons  publié  sous  le  titre  d' A-propos 
■de  société.  1776  ,  3  vol.  in-12  On  remar 


18  LAU 

que  dans  les  poésies  de  Laujon  delà  faci- 
lité, de  la  chaleur  et  beaucoup  d'imagina- 
tion. On  a  recueilli  ses  OEuvrea.  Paris, 
1811 ,  U.  vol.  in-8°. 

*  LA.ULAII1\IER  (  Michel-Joseph  de), 
évéque  d'Egée  in  partibus ,  né  au  Chey- 
lard  dans  le  Vivarais  en  1718  ,  fut  sacré 
évêque  en  1776.  Il  consacra  son  temps  et 
sa  plume  à  la  défense  de  la  i  eligion,  et  pu- 
blia, sous  le  nom  d'un  ancien  militaire , 
plusieurs  ouvrages  contre  les  philoso- 
phes modernes.  On  a  de  lui  :  |  Essai  sur 
la  religion  chrétienne  et  sur  le  système 
des  philosophes  modernes ,  accompagné 
de  quelques  réflexions  sur  les  campagnes, 
par  un  ancien  militaire  retiré,  Paris, 
Pierre,  1770,  in-12  de  311  pages;  \  Pensées 
sur  différens  sujets,  Langres ,  Jean  Bon- 
nin,  et  Paris,  Humblot,  1773,  in-12  de  551 
pages  :  |  Réflexions  critiques  et  pa^ 
trioliques  pour  servir  princiimlement  de 
préservatif  contre  les  maximes  de  la  phi- 
losophie,  3*  édition,  revue,  corrigée  et 
augmentée  ,  Nyon  l'aîné,  1780,  in-12  de 
410  pages.  L'auteur  du  Dictionnaire 
des  anonymes  pense  que  les  deux  pre- 
miers ouvrages  ont  été  fondus  dans  le  der- 
nier, et  que  c'est  pour  cela  qu'il  est  pré- 
senté comme  une  troisième  édition.  On 
croit  que  cet  évêque  mourut  vers  la  fin 
de  1788. 

LAUNAY  (PiEHRE  de  )  ,  écrivain  de  la 
religion  prétendue  réformée,  né  à  Blois 
en  1573,  quitta  une  charge  des  finances , 
le  titre  de  secrétaire  du  roi,  et  toutes  les 
prétentions  de  fortune  ,  pour  se  livrer  à 
l'étude  des  livres  sacrés.  Les  protestans 
de  France  avaient  en  lui  une  confiance 
extrême.  II  fut  député  à  tous  les  synodes 
de  sa  province ,  et  à  presque  tous  les 
synodes  nationaux  qui  se  tinrent  de  son 
temps;  et  mourut  en  1662,  à  89  ans,  très 
regretté  de  ceux  de  sa  communion.  On 
a  de  lui  :  |  des  Paraphrases  sur  les  Epl- 
tres  de  saint  Paul,  sur  Daniel,  l'Ecclé- 
siaste,  les  Proverbes  et  l'Apocalypse  ;  |  des 
Remarques  sur  la  Bible,  ou  Explication 
des  mots,  des  phrases  et  des  figures  dif- 
ficiles de  la  sainte  Ecriture,  Genève, 
1667,  in-4°.  Ces  deux  ouvrages  sont  esti- 
més des  calvinistes. 

LAUNAY  (François  de  ),  publiciste, 
né  à  Angers  en  1612,  reçu  avocat  à  Paris 
en  1658,  suivit  le  barreau,  plaida,  écrivit 
et  consulta  avec  un  succès  égal.  Il  occupa 
le  premier  la  chaire  de  droit  français, 
fondée  en  1680  au  collège  de  Cambrai,  et 
fit  l'ouverture  de  ses  leçons  par  un  dis- 
cours, dans  lequel  il  prouva  «  que  le  droit 


LAU  519 

•  commun  romain  n'est  pas  le  droit  de  ' 
»  France.  »  Du  Gange,  Bigot,  Coutelier, 
Ménage  et  plusieurs  autres  savans,  se  fai- 
saient un  plaisir  de  converser  avec  lui. 
Jls  trouvaient  dans  ses  entreliens  un 
fonds  inépuisable  des  maximes  les  plus 
<:ertaines  de  la  jurisprudence  ancienne  et 
moderne.  Ses  mœurs  relevaient  beau- 
coup son  savoir;  elles  étaient  douces  et 
pures,  sa  piété  solide  ,  sa  charité  bien- 
faisante. Il  ne  savait  rien  refuser  ,  mais 
«n  secourant  les  misérables,  surtout  ceux 
qui  mendiaient  plutôt  par  paresse  que 
par  besoin,  il  leur  disait  :  ^  Vous  pourriez. 

*  bien  travailler  pour  gagner  votre  vie  ; 
»  je  me  lève  à  cinq  heures  du  matin  pour 
»  gagner  la  mienne.  »  Cet  homme  esti- 
mable mourut  en  1693,  à  81  ans.  On  a  de 
lui  :  I  un  traité  du  Droit  de  chasse  j.  1681, 
in-12  ;  |  des  Remca'ques  sur  l'imtibition  du 
droit  romain  et  du.  droit  français^  in-i", 
1686;  I  Commentaire  sur  les  Jnstitutes 
coutumières  d'Antoine  Loysel,  i688, 
in-8°. 

♦  LAIIINAY  ou  LAUNEY  (  Berîvaud- 
Resé  JOURDAN  de  ),  naquit  à  Paris  le 
9  avril  1740,  à  la  Bastille,  dont  son  père 
était  gouverneur.  Il  succéda  dans  cette 
cliarge  en  177G  au  comte  de  Jumilhac  de 
Cubjac,  et  la  remplit  jusqu'en  1789,  épo- 
que de  la  destruction  de  cette  forteresse. 
Son  nom  est  devenu  fameux  à  cause  de 
cet  événement,  dans  lequel  on  vit  le  peu- 
ple de  Paris  se  porter  à  des  excès  jusque 
là  inouïs,  par  lesquels  il  préludait  aux  ex- 
cès plus.grands  encore  de  la  révolution.  De- 
puis quelque  temps  on  représentait  la 
Bastille  coir.nie  luic  forteresse  dauge- 
veuse  pour  la  ville  de  Paris ,  et  ceux  qui 
y  étaient  enfermés  comme  des  victimes 
de  l'arbitraire  et  du  despotisme.  On  avait 
plusieurs  fois  parlé  de  l'abattre,  et  en  cas 
de  refus  de  la  part  du  gouvernement  et  du 
gouverneur,  de  la  prendre  de  force,  et 
de  rendre  à  la  liberté  les  individus  que 
l'on  y  retenait.  Sur  le  bruit  que  Launay 
était  déterminé  à  se  défendre  jusqu'à  la 
dernière  extrémité,  et  que  le  ministre  de 
la  guerre,  dans  la  nuit  du  12  au  13  juillet, 
y  avait  fait  transporter  les  poudres  qui 
étaient  à  l'Arsenal,  on  résolut  de  s'en  em- 
parer. Le  14  juillet  au  matin,  plusieurs 
députations  de  l'hôlel-de-ville ,  sous  pré- 
texte de  parlementer  avec  le  gouverneur, 
Ainrenl  examiner  l'état  de  la  place  et  les 
forlifications,  Launay  montra  les  inten- 
tions les  plus  pacifiques ,  et  jura  de  ne 
faire  feu  qu'en  cas  d'attaque  :  tnaisle  peu- 
ple avait  déjà  devancé  les  vœux  du  dis- 


LAU 

trid;  tiéjà  lo  premier  pont  était  abattu^ 
et  ie  second  tout  près  de  l'être.  Launay 
crut  devoir  faire  tirer,  comme  il  l'avait 
annoncé.  Celte  décharge  intimida  un  in- 
stant le  peuple ,  qui,  revenant  de  sa  pre- 
mière frayeur,  essaya  de  briser  à  coups 
de  haches  les  portes  du  quartier  ,  et  mit 
le  feu  au  corps-de-garde  avancé  de  l'hôtel 
du  gouverneur  et  aux  cuisines.  Ce  l\it 
alors  que  l'on  (ira  un  coup  de  canon  à 
mitraille  ,  le  seul  qui  ait  été  tiré  pendant 
quatre  heures  que  dura  l'attaque.  En  ce 
moment  arrivent  au  secours  des  révoltés 
les  gardes  françaises  avec  des  mortiers  et 
des  canons  :  les  assiégés ,  alarmés ,  ou 
peut-être  vendus  en  partie ,  veulent  se 
rendre;  le  gouverneur  s'y  oppose,  et 
voyant  son  autorité  méconnue,  veut  met- 
tre le  feu  aux  poudres,  et  faire  sauter  la 
forteresse  et  une  partie  du  fauboui'g  ; 
mais  il  en  est  empêché  par  deux  sous- 
ofJiciers.  Cependant  le  tumulle  augmen- 
tait dans  la  garnison  :  le  gouverneur 
voulait  que  l'on  continuât  la  défense  et 
que  l'on  dispersât  à  coups  de  canon  cette 
populace  qui  n'auraitpas  manqué  de  s'en- 
fuir. Mais  M.  de  Flue ,  commandant  des 
Suisses,  qui  conservait  plus  de  sang-froid, 
au  milieu  de  tout  ce  trouble,  propose  de 
capituler,  et  adresse  la  parole  aux  assié- 
geans  ;  il  demande  que  la  garnison  se  re- 
tire avec  les  honneurs  de  la  guerre.  Sur 
leur  refus ,  il  propose  de  mettre  bas  les 
armes,  si  on  promet  de  ne  pas  massacrer 
la  troupe,  et  il  ajoute  :  Nous  avons  vingt 
milliers  de  poudre  ;  nous  ferons  sauter 
la  garnison  et  tout  le  quartier^  si  vous 
n'acceptez  pas  nos  propositions,  abais- 
sez le  2'Oni^  s'écria-t-on,  il  ne  vous  sera 
rien  fait;  et  le  nommé  Elie,  un  des  chefs 
des  assiégeans,  ajouta  :  Foi  d'officier, 
nous  l'acceptons;  baissez  les  ponts.  !>&% 
ponts  se  baissent,  et  la  multitude  furieuse 
se  précipite  en  insensée  dans  la  forte- 
resse. On  cherche  d'abord  le  gouverneur, 
que  l'on  trouve  difficilement.  Un  nommé 
Cholat, marchand  de  vin,  s'empara  le  pre- 
mier de  lui,  et  deux  gardes  françaises 
l'escortèrent  jusqu'à  l'hôtel  de  ville,  où  il 
arriva  criblé  de  coups  de  sabres  et  de 
baïonnettes ,  et  il  expira  enlre  l'arcade 
Sainl-Jcan  et  le  pont  de  l'hôtel.  Les  têtes 
du  gouverneur,  de  M.  de  Losmc  de  Sal- 
bray  ,  major,  tué  à  la  Grève  ;  de  M.  de 
Miray,  aide-major  ;  de  M.  Person ,  lieu- 
tenant des  invalides  ,  de  M.  de  FlesseUe, 
prévôt  des  marchands,  massacrés  dans  la 
même  journée,  furent  promenées  en 
:  triomphe  dans  les  rues  de  Paris,  dont  les 


LAU  520 

babitans  commencèrent  à  s'accoutumer  à 
ces  horribles  spectacles.  Les  corps  furent 
tous  transportés  à  la  morgue,  excepté 
celui  du  gouverneur,  qui  ne  fut  point  re- 
trouvé. La  Bastille ,  au  moment  où  elle 
fut  attaquée ,  avait  pour  sa  défense  qua- 
tre cents  biscaïens ,  quatorze  coffrets  de 
boulets  rames,  quinze  mille  cartouches  ; 
trente-un  milliers  de  poudre  renfermés 
dan»  cent  vingt-cinq  barils;  les  tours 
Étaient  armées  de  quinze  canons,  qui 
n'avaient  d'autre  destination  que  de  ser- 
vir aux  réjouissances  ;  et  le  gouverneur 
avait  fait  entrer  douze  fusils  de  rempart , 
portant  chacun  une  livre  et  demie  de 
balles.  Non  contente  de  s'exercer  sur  les 
assiégés,  la  fureur  du  peuple  se  tourna 
contre  la  forteresse  elle-même ,  qui  dis- 
parut en  peu  de  jours ,  et  dont  les  débris 
furent  dispersés  dans  les  départemens, 
avec  un  plan  gravé  incrusté  dans  une 
pierre  provenant  des  démolitions  de  la 
forteresse. 

*  LAUNAY  (  Nicolas  et  Robert  de  ), 
graveurs  ,  nés  à  Paris,  le  premier  en  1739 
et  le  second  en  1754.  Le  premier  mourut 
le  2  avril  1792  ;  le  second  en  1814.  Ils  ont 
gravé  avec  succès  plusieurs  sujets  d'his- 
toire et  un  grand  nombre  de  vignettes 
pour  les  libraires.  On  cite  parmi  les  ou- 
vrages de  Nicolas  la  marche  de  Silène, 
d'après  Rubens  ;  la  partie  de  plaisir,  d'a- 
près Wœninx  ;  la  bonne  mère  et  Vescar- 
polette.  d'après  Fragonard.  Parmi  ceux 
du  second ,  nous  remarquons  le  malheur 
imprévu,  d'après  Greuze  ;  les  adieux  de 
la  nourrice,  d'après  Aubry,  etc. 

••LAUNAY  (Jeam-Baptiste),  célèbre 
fondeur,  né  à  Avranches  le  20  mars  1768  , 
fit  ses  études  chez  les  jésuites  dans  l'in- 
tention d'embrasser  l'état  ecclésiastique. 
Les  évcnemens  de  1789  changèrent  ses 
projets  :  rappelé  chez  ses  parens  à  cette 
époque,  il  se  voua  avec  passion  à  l'exer- 
cice des  arts  mécaniques  jusqu'au  mo- 
ment où  la  réquisition  le  plaça  sous  les 
drapeaux.  De  simple  soldat ,  il  ne  tarda 
pas  à  devenir  capitaine.  Attaché  au  ma- 
tériel de  l'armée ,  il  fut  chargé  de  la  di- 
rection de  la  fonte  des  canons  et  projec- 
tiles. En  1802 ,  Launay  suivit  les  travaux 
de  la  fonte  du  Pont-des-Arts ,  en  1805 , 
celle  du  pont  d'Austerlitz ,  et  en  1806, 
celle  des  bronzes  de  la  colonne  de  la 
place  Vendôme  qui  fut  terminée  le  15 
août  1809.  Mais  abreuvé  de  dégoûts  et 
d'injustices,  il  cessa  bientôt  de  concourir 
aux  travaux  projetés  par  le  gouverne- 
ment ,  et  ce  ne  fut  pas  lui  qui  éleva  la 


LAU 

coupole  de  la  Halle  au  blé  de  Paris, 
dont  le  modèle  lui  était  dû  sous  le  dou- 
ble rapport  de  l'invention  et  de  l'exécu- 
tion. Une  maladie  longue  et  douloureuse 
l'enleva  le  23  août  1827.  Il  a  laissé  en 
manuscrit  :  Manuel  du  fondeur  sur  tous 
les  métaux  ou  Traité  de  toutes  les  opé- 
rations de  la  fonderie ,  contenant  tout  ce 
qui  a  rapport  à  la  fonte  et  au  moulage 
du  cuivre,  à  la  fabrication  des  pompes  à 
incendie  et  des  machines  hydrauliques  f 
la  manière  de  construire  toutes  sortes 
d'établissemens  pour  fondre  le  cuivre  et 
le  fer  ;  la  fabrication  des  bouches  à  feu 
et  des  projectiles  pour  l'artillerie  de  terre 
et  de  mer  ;  la  fonte  des  cloches,  des  sta- 
tues, des  ponts,  etc..  avec  des  exemples 
de  grands  travaux  propres  à  aplanir  les 
difficultés  du  moulage  et  de  la  fonte,  2 
vol.  in-18,  avec  un  grand  nombre  de 
planches.  Cet  ouvrage  fait  un  complé- 
ment indispensable  à  l'ouvrage  du  célè- 
bre Monge  sur  la  fonte  des  canons  ,  et  il 
est  d'un  intérêt  d'autant  plus  réel  pour 
les  officiers  d'artillerie,  qu'ils  trouveront, 
dans  les  expériences  faites  par  M.  Launay, 
une  discussion  toujours  raisonnée,  et  sou« 
vent  la  solution  des  questions  que  l'on  a 
de  tout  temps  agitées  sur  les  fontes. 

LAITNOY  (  Matthieu  de  ),  prêtre  de  la 
Ferté-Alais,  au  diocèse  de  Sens,  se  fit  pro- 
testant en  1560 ,  et  exerça  le  ministère  à 
Sedan,  où  il  se  maria.  Une  scène  scanda- 
leuse qu'il  donna  dans  cette  ville  l'obligea 
de  fuir.  Il  redevint  catholique ,  et  fut 
pourvu  d'un  canonicat  à  Soissons.  Ayant 
embrassé  le  parti  de  la  ligue,  il  se  mit  à 
la  tête  de  la  faction  des  Seize ,  et  fut  le 
promoteur  de  la  mort  du  président  Bris- 
son.  Le  duc  de  Mayenne  ayant  fait  pour- 
suivre les  meurtriers  de  ce  magistrat, 
Launoy  passa  en  Flandre  ,  et  y  mourut. 
On  a  de  lui  :  les  Motifs  de  sa  conversion, 
et  une  Réponse  aux  calomnies  qu'il  pré- 
tendait que  les  ministres  avaient  semées 
contre  lui,  et  quelques  Ecrits  de  contro- 
verse. 

LAUNOY  (Jean  de),  né  à  Valdéric , 
village  de  Normandie,  près  de  Yalognes, 
(  dans  le  diocèse  de  Coutances  ) ,  en  1603, 
prit  le  bonnet  de  docteur  en  1634.  Un 
voyage  qu'il  fit  à  Rome  augmenta  son 
érudition,  et  lui  procura  l'amitié  et  l'es- 
time d'Holstenius  et  d'AUatius.  De  retour 
à  Paris,  il  se  renferma  dans  son  cabinet , 
recueillant  les  passages  des  Pères  et  des 
auteurs  sacrés  et  profanes  sur  toutes  sortes 
de  matières.  Les  Conférences  qu'il  tint 
chez  lui  tous  les  lundis  furent  une  espèce 


LAU 


521 


LAU' 


tVécole  académique ,  t>ù  l'on  trouvait  à 
s'instruire  ,  et  quelquefois  aussi  à  s'éga- 
rer ;  et,  comme  elles  prenaient  l'air  de 
conventicules ,  où  se  rendaient  des  gens 
d'une  humeur  dogmatisante,  le  roi  les 
interdit  en  1636.  On  s'y  occupait  beaucoup 
de  Richer  ,  de  ses  opinions,  et  ou  cher- 
chait à  établir  un  système  démocratique 
et  anarchique,  qui ,  ne  convenant  à  au- 
cune société  ,  renverserait  par  ses  bases 
l'autorité  de  l'Eglise  catholique.  Pour  dé- 
tourner l'attention  du  public,  on  faisait 
la  guerre  aux  légendes ,  en  attaquant  les 
fables  qu'elles  renferment ,  et  en  même 
temps  plusieurs  faits  vrais  ou  probables, 
que  la  critique  de  Launoy  ne  distinguait 
pas  des  faits  supposés.  C'est  ce  qui  le  fit 
surnommer  Launoy  le  Dénicheur  de 
saints.  Aussi  le  curé  de  Saint-Roch  di- 
sait :  «  Je  lui  fais  toujours  de  profondes 
«révérences,  dans  la  crainte  qu'il  ne 
»  m'ôte  mon  saint  Roch.  »  M.  le  président 
de  Lamoignon  le  pria  un  jour  de  ne  pas 
faire  mal  à  saint  Yon ,  patron  d'un  de 
ses  villages:  «  Comment  lui  ferais-je  du 
«mal,  répondit  le  docteur,  je  n'ai  pas 
»  l'honneur  de  le  connaître.  »  Il  avait  rayé 
de  son  calendrier  sainte  Catherine^  mar- 
tyre ;  et  le  jour  de  sa  fête,  il  affectait  de 
dire  une  messe  de  requiem^  comme  si 
le  défaut  d'authenticité  dans  les  actes 
d'une  sainte  honorée  dans  l'Eglise  de 
Dieu  pouvait  conclure  contre  son  exis- 
tence ou  sa  sainteté.  (  Voyez  CATHE- 
RINE. )  Soit  goût,  soit  affectation,  il  vé- 
cut toujours  pauvrement  et  simplement, 
ennemi  du  cérémonial.  11  aima  mieux  se 
faire  exclure  de  la  Sorbonne  que  de  sou- 
scrire à  la  censure  du  docteur  Arnauld , 
condamné  par  Rome  et  par  l'Eglise  de 
France.  Il  fit  plus,  il  écrivit  contre  le 
FORMULAIRE  de  l'assemblée  du  clergé 
de  1036.  Il  mourut  en  1678  dans  l'hôtel 
du  cardinal  d'Estrées.  L'abbé  Grand  a 
donné  une  édition  de  ses  ouvrages,  Ge- 
nève, 1731-2-5,  en  5  tom.  ou  10  vol.  in-fol.; 
il  y  a  joint  la  Vie  de  l'auteur ,  et  plusieurs 
do  ses  écrits  qui  n'avaient  poirt  encore  vu 
le  jour.  Ce  critique  n'écrit  ni  avec  pu- 
reté ni  avec  élégance  :  son  style  est  dur 
et  forcé.  Il  s'explique  d'une  manière 
toute  particulière,  et  donne  des  tours 
singuliers  à  des  choses  très  communes. 
Ses  citations  sont  fréquentes  ,  cxtraordi- 
nairement  longues  ,  et  d'autant  plus  ac- 
cablantes, qu'il  ne  craint  pas  de  les  ré- 
péter :  il  faut  bien  s'en  défier  :  quand  un 
passage  le  gênait ,  il  le  corrompait ,  et  le 
rapportait  tel  qu'il  l'avait  créé,  avec  une 


impudence  incroyable  ;  l'édileur  mémo 
de  ses  œuvres  en  rapporte  un  exemple 
frappant.  Dans  le  dessein  de  prouver 
que  l'adultère  rompt  le  lien  conjugal ,  il 
allègue  une  lettre  du  pape  Jean  YIII,  où 
il  est  dit  ;  Nulla  ralione  prorsus  illi  con- 
ceditur  aliam  vivente  priore  conducere; 
et,  ajustant  la  lettre  à  son  système,  il  re- 
tranche les  mots  nulla  ralione  prorsus^ 
et  s'en  tenant  aux  paroles  illi  conceditur, 
il  conclut  d'une  manière  triomphante  en 
s'écriant:  quid  clarius ,  vel  expressius  ? 
Et  ce  n'est  pas  la  seule  altération  de  ce 
genre  dans  cette  même  lettre  de  Jean  VIII. 
(  Voi/.  le  Journ.  hist.  et  litt.,  i"  novem- 
bre 1787,  page  338,  et  le  huitième  volume 
des  Recl.  Belg.,  page  193.)  La  plupart 
de  ses  raisonnemens  ne  sont  pas  plus 
justes  que  ses  citations,  et  il  semble  quel- 
quefois avoir  eu  d'autres  vues  que  celles 
qu'il  annonce.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  1  De  varia  Jristotelis  fortuna  in 
academia  Parisina  {V.  ARISTOTE);  |  De 
duobus  Dionysiis  ;  \  Regii  Nwarrœ  His~ 
toria  gymnasii  Parisiensis,  Paris  ,  1677 , 
2  part.,  in  -  4",  pleine  de  savantes  re- 
cherches ;  I  Inquisitio  in  chartam  immu- 
nitalis  Sancti-Germani-a-Pratis,  ouvrage 
très  abondant  en  citations  ;  |  De  commen- 
titio  Lazari,  Magdalenœ ,  Marthœ  et 
Maximini  in  Pronnciam  appulsu  >  où  il 
réprouve  absolument  la  tradition  des 
Provençaux,  touchant  l'arrivée  de  Lazare, 
de  Madeleine  et  de  Marthe  en  Provence; 
tradition  à  laquelle  les  boUandisles  onl 
paru  plus  favorables  ;  |  De  auctoritate 
negantis  argumenti.  Launoy  donne  trop 
de  force  à  cet  argument  ;  mais  il  en  fai- 
sait un  si  grand  usage  dans  ses  critiques  > 
qu'il  ne  pouvait  s'empêcher  de  le  faire 
valoir.  |  De  veteribus  parisiensium  basi- 
licis.  savant  et  curieux  ;  |  Judicium  de 
awtore  libroi-um  DE  IMITATIONS 
CHRISTI  {voyez  AMORT  );  [  De  fréquent  i 
confessîonis  et  eucharistice  usu  ;  \  De 
cu7-a  Ecclesiœ  pro  sanctis  et  sanctorum 
reliquiis,  ouvrage  judicieux;  [  De  cura 
Ecclesiœ  pro  miseris  etpauperibus,  plein 
d'érudition;  |  De  veteri  ciborum  délecta 
in  jejuniis,  qui  mérite  le  même  éloge  que 
le  précédent.  L'auteur  y  montre  qu'on 
pourrait,  absolument  parlant,  jeûner  avec 
de  la  viande  ;  il  le  fit  au  sujet  du  siège  de 
Paris.  Dans  ces  dernières  années,  des 
esi)rits  sujjcrficiels  en  abusèrent  pour 
renverser  la  discipline  de  l'EgUse.  |  De 
scholis  celebrioribus ,  seu  a  Carolo  Ma- 
gnoj,  seu  post  Carolum  per  occidentem 
imtaiiratis   liber.  Taris ,  1672,  in-8°;  ii 


LAU 

y  a  des  recherches;  |  De  sacramento 
unctionis  '  extremœ  ;  |  Romance  Eccle- 
site  traditio  circa  simoniam  ;  la  matière 
y  esl  épuisée;  |  De  vero  auclore  fidei 
frofessioïiis  qtue  Pelagio^  jàugustino  et 
Hieronxjmo  tribut  solet;  \  des  Lettres. 
imprimées  séparément,  Camhridge,  1689, 
in-fol.  ;  I  plusieurs  écrits  sur  la  véritable 
tradition  de  l'Eglise^  touchant  la  grâce  ^ 
et  sur  divers  points  de  critique  histori- 
que ,  etc.  ;  I  Regia  in  matrimonium  po- 
iestas^  1  vol.  in-4"  ;  ouvrage  où  le  mariage 
chrétien  devient  une  affaire  purement 
civile ,  puisque  l'auteur  ôte  à  l'Eglise  le 
droit  d'élahlir  des  empéchemens  diri- 
mans,  et  l'attribue  exclusivement  aux 
princes ,  contre  la  doctrine  expresse  du 
concile  de  Trente  :  car  tel  est  certaine- 
ment le  sens  du  canon  qui  dit  anathème 
à  ceux  qui  nient  que  l'Eglise  ait  le  pou- 
voir de  poser  des  empéchemens  diri- 
mans.  Les  écrivains  orthodoxes  de  toutes 
les  nations  en  conviennent.  «  Jamais ,  dit 
»  le  cardinal  archevêque  de  MaUnes,  dans 
»  sa  déclaration  de  1789,  il  ne  s'est  élevé 

>  à  ce  sujet  aucune  dispute  entre  les  doc- 
»  teur»  catholiques  ;  ils  ont  soutenu 
»  comme  une  vérité  constante  très  as- 
»  surée ,  que  l'Eglise  avait  reçu  de  Jé- 

*  sus-Christ  le  pouvoir  d'établir  des  em- 
»  pêchemens  dirimans  du  mariage ,  et  ont 
»  placé  cette  doctrine  parmi  les  points 
»  définis  dans  le  concile  de  Trente ,  de 

>  sorte  que,  dans  tous  les  pays  catholiques, 
»  on  fut  saisi  d'étonnement  et  d'indigna- 
»  tion,  lorsque  le  docteur  Launoy  eut  la  té- 
»  mérité  de  contester  ce  pouvoir  à  l'Eglise. 
»  Cette  témérité  excita  d'abord  les  récla- 

>  mations  des  écrivains  contemporains,  et 
»  attira  sur  l'auteur  le  blâme  des  évêques 
»  de  sa  nation  et  de  toute  la  chrétienté.  Son 

>  étrange  système  ne  produisit  aucune  ré- 
»  volution,  ni  dans  la  théologie ,  ni  dans  la 
»  jurisprudence  :  l'ouvrage  déféré  à  Rome 
»  y  fut  relégué  parmi  les  livres  perni- 
»  cieux ,  d'où  il  tomba  dans  l'oubli  et  le 
»  mépris.  Lorsqu'on  ressuscita,  sur  la  fin 
»  du  dix-huitième  siècle ,  la  prévention 
»  de  Launoy,  elle  rencontra,  dans  les 
p  écoles  chrétiennes,  les  mêmes  opposi- 

>  tions  qu'elle  avait  éprouvées  au  dix- 
)•  septième  ;  et  l'Eglise  romaine  ,  la  mère 

>  et  la  maîtresse  de  toutes  les  églises,  tou- 
»  jours  attentive  à  conserver  le  dépôt 
»  commun  de  la  doctrine  ,  dont  la  garde 
*lui   est  spécialement  confiée,   n'a   pas 

*  manqué  de  se  déclarer  contre  cette 
k  vieille  nouveauté,  ainsi  qu'il  en  conste 
»  par  plusieurs rescrits  du  pape  régnant.» 


522  LAU 

Indépendamment  de  ces  observations, 
on  peut  dire  que  le  sentiment  de  Launoy 
conduit  à  la  destruction  totale  des  mœurs 
chrétiennes  :  car  si  la  validité  des  ma- 
riages dépend  uniquement  de  l'autorité 
profane ,  qui  empêchera  les  chrétiens 
d'épouser  leurs  sœurs  ,  comme  les  illus- 
tres Ptolémée.  et  avec  eux  toute  l'Egypte  ? 
d'établir  la  communauté  des  femmes, 
comme  le  voulait  l'incomparable  Platon , 
et  comme  le  pratiquait  le  grave  Caton  ? 
de  devenir  polygames  par  l'avis  du  pro- 
phète arabe  ?  de  renouveler  les  noces  abo- 
minables de  Néron  et  Sporus....?Et  qu'on 
ne  parle  pas  de  la  loi  naturelle  comme 
opposée  à  ces  infamies  :  la  connaissons- 
nous  mieux  ,  celte  loi  naturelle,  que  les 
Platon ,  les  Caton ,  les  Socrate ,  etc.  ?  Ne 
savons-nous  pas  que  l'on  fait  ce  que  l'on 
veut  de  la  nature,  ainsi  que  de  la  raison, 
lorsque  ces  éternelles  pupilles  ne  se  trou» 
vent  pas  sous  la  tutelle  de  la  religion.'  On 
voit  par  là  à  quelles  conséquences  Lau- 
noy se  laissait  entraîner  par  le  goût  des 
paradoxes  et  l'amour  de  la  singularité , 
les  grands  mobiles  et  la  règle  de  ses  opi- 
nions. Cet  ouvrage ,  proscrit  par  sa  na- 
ture même  et  son  but  au  tribimal  de 
tout  lecteur  chrétien ,  fut  condamné  à 
Rome  par  un  décret  du  10  décembre 
1688.  On  peut  voir  sur  cette  matière  le 
traité  de  l'autorité  des  deux  puissances  , 
seconde  édition,  1788  et  1791,  tome  3, 
page  158  et  suivantes  ;  VJpologie  du  ma- 
riage chrétien^  1788  /  Recueil  des  repré^ 
sentations  belqiqucs.  tome  6 ,  page  179 
(  Voyez  DOMINIS,  ESPENCE ,  GERBAIS, 
Jea\,  GIBERT,  Jean-Pierbe.  )Un  autre 
écrit  dont  on  a  beaucoup  parlé  a  été 
brûlé  avant  sa  mort.  Un  lexicographe 
soutient  qu'il  roulait  sur  la  prétendue  al- 
tération du  dogme  par  la  scolastique. 
Mais  il  est  certain  que  l'ouvrage  qui  rem- 
plit ce  but  absurde  existe ,  et  qu'il  n'est 
pas  de  Launoy,  mais  de  Faydit.  L'écrit 
brûlé  était  contre  le  père  Alexandre.  Lau- 
noy avait  eu  de  vifsdémêlés  avec  les  do- 
minicains ;  et  c'est  le  canif  de  ces  pères 
(et  non  celui  des  jésuites,  comme  M. 
Chaudon  l'insinue)  qu'il  feignait  de  crain- 
dre. Il  le  dit  clairement  dans  sa  Confira 
matio  dissertât,  de  vera  plenarii  apuâ 
jiugusl,  concilii  notione  ,  tome  2,  part.  2, 
pag.  141  et  169  ;  mais  cette  crainte  simulée 
était  une  injure  atroce  à  l'égard  des  uns 
comme  des  autres  religieux.  Launoy  av^it 
dans  le  caractère  quelque  chose  de  sinis- 
tre, qui  se  décelait  sur  sa  physionomie. 
Arien  de  Valois  le  peint  comme  une  âme 


LAU  523 

lûche  et  adulatrice ,  comme  un  parasite 
importun  et  de  la  plus  ferme  contenance. 
Quotidien  dit-il,  ad  opttmatum  mensas 
non  invitatus  accedis^  quotidie  procenim 
patinas  lingis,  et  tu  quidem  eosamicos  ac 
etiam  admiratores  tuos  arbilraris .  cum 
pie  tique  te  adversentur  ^  spernantque  et 
irrideant;  improvisa  venientem  excipiant 
inviti^  quoniatn  honeste  excludere^  do- 
move  expellere  nequeunt.  fforum  e  pro- 
cerum  convivatorumque  tuorum  numéro 
quidam^  magno  vir  ingenio^  magnaque 
virtute  ^  nuper  interrogatus  ab  amico  ^ 
quid  ita  Launoium  petulantis  linguœ  et 
caîami  scriptorem  mensa  sua  dignare- 
tur^  ita  respondit  ;  Quid  faciam  ?  hune 
ego  hominemainare  non  possem,  sedmo- 
lestum,  effugere  nonvaleo;  discedenlem 
e  curia  in  extremis  gradibus  stans  dili- 
çenter  observât.  Adr.  Val.  Def.  dissert, 
de  basilicis.  On  trouve  le  même  passage 
dans  le*  Œuvres  de  Launoy,  t.  k,  part. 
2,  fol.  36t. 

♦  LAURAGUAIS  (  Louis-Léon-Féli- 
ciTÉ,  duc  de  BRANCAS  ,  comte  de  ),  pair 
de  France,  né  à  Paris,  le  3  juillet  1733, 
s'est  rendu  célèbre  par  les  services  qu'il 
a  rendus  au  lettres  et  aux  sciences ,  et  par 
la  piquante  originalité  de  son  esprit.  Il 
était  lils  du  duc  de  Villars-Brancas ,  pair 
de  France  et  lieutenant-général  des  ar- 
mées du  roi.  Après  avoir  débuté  dans  la 
carrière  militaire,  par  la  campagne  de 
4757  qu'il  fit  avec  le  grade  de  colonel,  et 
dans  laquelle  il  se  distingua  par  sa  valeur, 
il  quitta  les  armes  pour  se  livrer  à  la  cul- 
ture des  lettres  et  des  arts.  Son  nom  restera 
attaché  à  la  suppression  des  banquettes 
placées  sur  la  scène  du  Théâtre-Fran- 
çais, et  qui  étaient  occupées  par  les  pe- 
tits-maîtres de  la  cour.  Voltaire  avait  de- 
mandé vainement  qu'elles  fussent  enle- 
vées :  Lauraguais  obtint  cette  réforme  en 
])ayant  une  somme  considérable ,  et  l'au- 
teur de  VEcossaise  lui  dédia  sa  pièce 
à  cette  occasion.  Ce  seigneur  publia  iui- 
mémc  deux  tragédies  :  Clytemneslre  ^ 
4764,  in-S",  ciJocaste.  1781,  in-8°  :  elles 
n'ont  point  été  représentées  et  il  n'en  est 
resté  que  le  mot  de  Grimm  sur  la  se- 
conde :  ce  qu'il  y  a  déplus  clair  dans  cette 
piècCj,  disait-il,  c'est  l'énigme  du  Sphinx. 
Lauraguais  s'occupa  aussi  de  chimie  et 
d'anatomic,  et  on  lui  doit  la  découverte 
de  la  décomposition  du  diamant  qu'il  fit 
avec  son  ami  Lavôisier.  Il  contribua  de 
sa  fortune  à  la  propagation  de  l'inocula- 
tion, en  faveur  de  laquelle  il  écrivit,  fut 
nommé  adjoint  mécanicien  à  l'académie 


LAU 

des  sciences  en  1758,  et  endevint  associé 
vétéran  en  1771.  Son  goût  pour  les  plai- 
sirs et  les  grandes  dépenses  qu'il  fit  pour 
diverses  expériences  dérangèrent  sa  for- 
tune et  le  forcèrent  de  vendre  en  1770  la 
magnifique  bibliothèque  qu'il  possédait  : 
les  bibliographes  en  recherchent  encore 
le  catalogue,  qui  est  intitulé  :  Catalogue 
d'une  collection  de  livres  choisis  prove- 
nant  du  cabinet  de  M.***,  Paris,  1770, 
in-8°.  La  révolution  acheva  la  ruine  du 
comte  de  Lauraguais  ;  il  en  avait  adopté 
les  principes  avec  modération,  mais  il  en 
maudit  les  excès,  en  les  persifflant.  Ce  fut, 
dit-on ,  pour  le  punir  de  ses  sarcasmes , 
que   les    démagogues    envoyèrent    son 
épouse  à  l'échafaud.  Il  fut  lui-même  jeté 
dans  les  prisons  de  la  Conciergerie ,  où 
il  fut  oublié  jusqu'au  9  thermidor.  Il  con- 
serva son  caractère  gai  et  frondeur  sous 
la  république  et  sous  l'empire ,  et  enga- 
gea une  lutte  avec  Geoffroy.  En  1814,  il 
fut  élevé  àla  pairie  par  Louis  XVIII  avec  le 
titre  de  duc  de  Brancas.  Il  n'y  parutguère 
que  pendant  la  première  session,  où  il  se 
prononça  pour  la  liberté  de  la  presse;  ses 
infirmités  le  forcèrent  ensuite  de  rester 
chez  lui.  Un  accès  de  goutte  qui  se  fixa 
sur  la  poitrine,  l'enleva  après  quelques 
jours  de  maladie ,  le  9  octobre  1824.  Le 
comte  de  Lauraguais  sentant  sa  fin  ap- 
procher, voulut  recevoir  les  secours  de 
la  religion,  et  il  s'y  prépara  dans  les  sen- 
timens  d'une  vive  piété  :  chaque  événe- 
ment ,    chaque  progrès  dans  les  arts  fu- 
rent pour  lui  l'occasion  d'une  foule  de 
brochures  plus  ou  moins  spirituelles.  Na- 
turellement frondeur,  on  le  vit  toujours 
dans  les  rangs  de  l'opposition.  Parmi  ses 
différens  écrits,  nous  citerons  |  Mémoires 
sur  l'inoculation^  1763,  in-12  ;  |  Du  droit 
des  Français,  177L  in-4°;  |  Mémoire  pouf 
moi,  par  moi  Louis  de  Brancas,   etc. 
Londres,  1775,  in-8°;  |  Lettres  de  L-B. 
Lauraguais  à  M.'**,  Paris,  1802,  in-8°  ; 
I  Lettres  à  l'abbé  Geoffroy,  1802,  in-8°  ; 
jdes  Observations  sur  le  mémoire  de  M. 
Guettard ,    concernant    la    porcelaine , 
1766,  in-12;  \  un  Mémoire  sur  la  compagnie 
des  Indes,  précédé  d'un  discours  sur  le 
commerce  en  général,  1769,  in-4°;  |  Becueil 
de  pièces  historiques  sur  la  convocation 
des  états-généraux  et  sur  l'élection  de 
leurs  députés^{7S8,   in-8°;  |  Dissertation 
sur  les  assemblées   nationales  sous  les 
trois   races  des  rois  de   France,  1788. 
in-S";   I  Dissertation  sur  l'ostracisme, 
Paris,   an   6,  in-8°;    |  Lettres   aux    ci- 
toyens le  Breton  et  Cuvicr^  à  l'occasion  de 


LAU  5 

T éloge  (lu  citoyen  Darcet  ^  1802  ^  in-S"  ; 
I  Lettres  à  M.  l'abbé  Geoffroy,  rédacteur 
du  feuilleton  du  Journal  des  débals , 
1802,  in-8°;  ]  Lettres  des  consonnes  B  R 
à  la  voxjelle  E,  1819 ,  in-8°  ;  |  Expériences 
sur  les  mélanf/es  qui  donnent  l'élher.  et 
Mémoire  sur  la  dissolution  du  souffre 
dans  l'esjjrit  de  vin.  dans  les  Méjnoires 
de  l'académie  des  sciences,  et  plusieurs 
Lettres  eX  Discours  sur  différens  sujets. 
On  trouve  aussi  diverses  pièces  de  lui 
dans  les  Mémoires  secrets,  la  Correspon- 
dance de  Grimm.  etc.  Mahul  a  recueilli 
le  titres  de  ses  diverses  productions  dans 
son  Annuaire  nécrologique  de  1824.  On 
cite  un  grand  nombre  de  bons  mots  du 
comte  de  Lauraguais  ;  nous  ne  rapporte- 
rons que  le  suivant:  comme  on  lui  deman- 
dait un  jour  pourquoi  il  n'allait  plus  chez 
une  certaine  dame  où  l'on  dînait  mal,  et 
où  l'on  médisait  beaucoup ,  il  répondit  : 
Je  ne  veux  pasmangermon  prochain  sur 
du  pain  sec. 

LAURATI.  Voyez  LORENZETTI. 

LAURE.  Voyez  NOVES. 

LAUREA.  Voyez  LAURIA. 

LAURENS  (  André  du  ) ,  natif  d'Arles  , 
disciple  de  Louis  Duret,  devint  professeur 
de  médecine  à  Montpellier,  et  premier 
médecin  du  roi  Henri  IV.  On  a  de  lui , 
entre  autres ,  un  bon  Traité  d'anatomie. 
en  latin ,  in-fol.  qui  a  été  traduit  en  fran- 
çais. Du  Laurens  mourut  en  1609. 

LAUREIVS  (  HoivoRÉ  du),  frère  du  pré- 
cédent, et  avocat-général  au  parlement 
de  Provence,  se  distingua  dans  Je  parti  de 
la  ligue.  Devenu  veuf,  il  embrassa  l'état 
ecclésiastique,  et  Henri  lY  lui  donna  l'ar- 
chevêché d'Embrun.  Il  gouverna  son  dio- 
cèse avec  sagesse ,  et  mourut  à  Paris  en 
1612.  On  a  de  lui  :  |  un  Traité  sur  l'édit 
de  Henri  III  pour  réunir  les  protestans  à 
l'Eglise  catholique  ,  1588,  in-8°  ;  |  la  Con- 
férence de  Surène.  entre  les  députés  des 
états  généraux  et  ceux  du  roi  de  Navarre, 
4593,  in-8°. 

LAURENS  (  He\ri-Josepu  du  ).  Voy. 
DULAURENS. 

LAURENS.  Voyez  LORENS. 

LAURENT  (  saint  ),  diacre-  de  l'Eglise 
romaine  sous  le  pape  Sixte  II ,  adminis- 
trait en  celte  qualité  les  biens  de  l'Eglise. 
L'empereur  Valérien  ayant  allumé  le  feu 
de  la  persécution  par  un  édit  cruel,  Sixte 
fut  mis  en  croix ,  et  du  haut  de  son  gibet 
il  promit  à  Laurent ,  impatient  de  le  sui- 
vre, qu'il  recevrait  dans  trois  jours  la 
couronne  du  martyre.  On  l'arrêta  bientôt 
»près,  et  le  préfet  de  Rome  lui  demanda. 


^^  LAU 

au  nom  de  l'empereur,  les  trésors  qui 
lui  avaient  été  confies.  Laurent  ayant  ob- 
tenu un  délai  de  trois  jours ,  pendant  le- 
quel il  rassembla  tous  les  pauvres  chré- 
tiens qu'il  présenta  au  préfet.  Voilà,  lui 
dit-il ,  les  trésors  de  l'Eglise.  Ce  barbare 
le  lit  étendre  sur  un  gril  ardent,  après 
l'avoir  fait  déchirer  à  coups  de  fouet.  Le 
héros  chrétien,  tranquille  sur  les  flammes, 
dit  à  son  tyran  :  «  J'ai  été  assez  long- temps 
«sur  ce  côté,  faites-moi  retourner  sur 
»  l'autre ,  afin  que  je  sois  rôti  sur  tous  le? 
»  deux.  »  Le  préfet,  d'autant  plus  furieux 
que  Laurent  élait  plus  intrépide ,  le  fit 
retourner.  «  Mangez  hardiment,  dit  le  gé- 
»  néreux  martyr  à  cet  homme  de  sang,  et 
»  voyez  si  la  cliair  des  chrétiens  est  meil- 
»  leure  rôtie  que  crue.  »  Il  pria  ensuite 
pour  ses  persécuteurs, pour  ses  bourreaux , 
pour  la  ville  de  Rome  ,et  expira  le  10  août 
258.  Sa  mort  fit  beaucoup  de  chrétiens. 
Plusieurs  païens,  touchés  de  sa  constance,^ 
ne  tardèrent  pas  d'embrasser  la  religion 
qui  la  lui  avait  inspirée.  Quelques  criti- 
ques pensent  que  les  actes  qui  existent 
sous  le  nom  de  saint  Laurent  sont  l'ou- 
vrage d'un  moine  du  moyen  âge. 

LAURENT,  évêque  dc  Novare  ,  trans- 
féré au  siège  de  Milan,  s'est  illustré  dans 
le  cours  du  6'  siècle ,  par  ses  vertus  et 
son  zèle  pastoral.  On  trouve  quelques-unes 
de  ses  Homélies,  dans  la  Bibliotheca Pa- 
trum.  tom.  9.  Voy.  D.  Cellier,  XVI,  175. 

LAURENT  (  saint  ) ,  moine  et  prêtre 
de  Rome,  envoyé  par  saint  Grégoire  le 
Grand  ,  avec  saint  Augustin  ,  pour  con- 
vertir les  Anglais  ,  en  baptisa  un  grand 
nombre.  Il  succéda  à  saint  Augustin  dan» 
l'archevêché  de  Cantorbéry,  et  termina 
ses  travaux  apostoliques  en  619.  —  Il  ne 
faut  pas  le  confondre  avecsaint  LAURENT 
issu  du  sang  royal  d'Irlande ,  qui  fui  abbé 
de  Glindale,  puis  archevêque  de  Dublin. 
Il  mourut  dans  la  ville  d'Eu  en  Norman* 
die,  l'an  1181. 

LAURENT  de  LIÈGE,  religieux  béné> 
dictin  du  monastère  de  Saint-Laurent , 
près  de  Liège ,  d'où  il  lire  son  nom ,  passa 
de  là  dans  le  monastère  de  Saint-Vannes 
et  composa  une  Chronique  des  évêques  de 
Verdun  et  des  abbés  de  Saint- Vannes ,  de- 
puis l'an  1040  jusqu'en  iiliU. ,  insérée  dans 
le  12*  tom.  du  Spicilége  de  dom  d'Achery 
et  dans  le  1""  tom.  de  V Histoire  de  Lot- 
raine  de  dom  Calmet.    . 

LAURENT  de  la  RÉSURRECTION  (  la 
frère),  convers  de  l'ordre  des  carmes-dé- 
chaussés,  né  à  Hérimini  en  Lorraine  ^ 
mourut  à  Paris  en  1691 ,  à  80  ans.  Fcné- 


LAU 


523 


LAU 


Ion,  archevêque  de  Cambrai,  qui  avait 
été  fort  lié  avec  lui ,  le  peint  comme  un 
homme  gai  dans  ses  plus  grandes  mala- 
dies ,  et  eu  tout  et  partout  un  homme  de 
Dieu.  On  a  publié  sa  Vie  à  Châlons  en  1694 
sous  le  titre  de  Mœurs  et  Entretiens  du 
frère  Laurent. 

LAUREI^iT  de  BRINDES  (  le  Bienheu- 
reux) ,  supérieur  général  de  l'ordre  des 
capucins,  né  à  Brindes  dans  le  royaume 
de  Naples ,  en  1559  ,  se  rendit  illustre  par 
sa  piété ,  sa  mortification ,  son  zèle  et  ses 
connaissances.  Il  jouit  de  la  plus  grande 
considération  auprès  de  l'empereur  Ro- 
dolphe II,  de  Philippe  III,  roi  d'Espagne, 
de  l'électeur  de  Bavière ,  et  de  tous  les 
princes  catholiques  ;  il  confondit  les  héré- 
tiques dans  plusieurs  occasions,  et  rendit 
à  l'Eglise  les  plus  grands  services.  Il  avait 
été  nommé  nonce  apostolique  et  résident 
du  roi  d'Espagne  à  la  cour  de  Bavière  ; 
appelé  successivement  à  Milan,  à  Gènes, 
à  Venise  et  à  Rome,  il  parvint  à  main- 
tenir la  paix  entre  des  puissances  que  leur 
position  rendait  rivales.  Il  mourut  à  Lis- 
bonne en  I619.Un  auteur  connu  en  a  tracé 
le  portrait  suivant  :  a  Sous  le  pauvre  et 
»  austère  habit  de  capucin ,  sous  les  de- 
»  hors  et  dans  l'impression  de  l'humilité 
»  chrétienne  profondément  sentie ,  le  père 
»  Laurent  de  Brindes  avait  un  grand 
»cœur,  un  esprit  vaste,  un  jugement 
»sùr,  une  sagesse  agissante ,  et  ces  ver- 
»  tus  fécondes  qui  en  engendrent  d'autres 
»  et  répandent  au  loin  ce  que  la  vivacité 
»  de  la  foi  et  du  zèle  ne  saurait  circon- 
»  scrire  dans  les  bornes  d'un  espace  quel- 
»  conque.  Les  pontifes  et  les  rois  l'ont 
»  écoulé  avec  respect  ;  il  fut  le  père  et  le 
»  protecteur  des  peuples ,  la  terreur  des 
»  hérétiques ,  et  le  grand  défenseur  de  la 
»  foi  dans  la  Germanie  ;  en  un  mot ,  c'était 
»  un  saint  et  un  grand  homme ,  attributs 
6  qui  se  réunissent  si  aisément  et  si  na- 
>  turellement  quand  les  circonstances  fa- 
»  vorisent  ou  provoquent  le  développe- 
j>  ment  des  qualités  du  vrai  chrétien.  »  Ses 
ouvrages,  qu'il  laissa  manuscrits,  consis- 
tent en  des  SeTTnons  et  des  Traités  de 
Controverse.  Pie  VI  l'a  mis  au  nombre 
des  bienheureux  (  1783).  Sa  Fie,  impri- 
mée à  Paris ,  1787,  in-12,  est  diffuse,  mais 
édifiante  et  instructive.  On  trouve  à  la 
fin  le  Catalogue  de  ses  ouvrages,  qu'on 
conserve  en  manuscrit  au  couvent  des 
capucins  de  Venise, 

LAURENT  (  Jacques),  fils  d'un  tréso- 
rier de  l'extraordinaire    des  guerres  en 
France,  porta  long-temps  Thabit  ecclé- 
7. 


siaslique,  qu'il  quitta  dans  un  âgeassex 
avancé.  Il  fut  secrétaire  du  duc  de  Riche- 
lieu ,  père  du  maréchal  vainqueur  de  Ma- 
hon.  Laurent  cultivait  la  poésie  :  mais  il 
est  moins  connu  par  ses  vers,  qui  sont 
très  médiocres,  que  par  la  traduction  de 
\ Histoire  de  l'empire  Ottoman  de  Sagredo, 
en  6  vol.  in-12 ,  Paris ,  1724.  Le  traduc- 
teur, après  avoir  poussé  sa  carrière  jus- 
qu'à 85  ans ,  fut  brûlé  dans  l'incendie  de 
sa  maison ,  arrivé  le  6  mars  1726. 

•  LAIIRE]\T(  Pierre  ),  graveur,  naquit 
à  Marseille  en  1759,  fut  5  mois  élève  de 
Balechou;  mais  il  travailla  ensuite  de  pré- 
férence d'après  Berghem,  Lauterbourg 
et  le  Poussin.  Il  coHçut  le  premier  l'idée 
de  publier  la  gravure  des  principaux  chefs- 
d'oeuvres  que  contenait  la  galerie  du 
musée  ;  travail  qu'il  fut  obligé  d'abandon- 
ner ,  après  y  avoir  consacré  son  temps 
et  une  partie  de  sa  fortune  :  la  première 
série  fut  cependant  publiée  de  son  vivant. 
Cette  entreprise  a  été  continuée  par  son 
fils  M.  Henri  Laurent  avec  un  succès  mé- 
rité. MM.  Hubert  et  Rost  donnent  la  no- 
menclature de  dix-huit  pièces  de  ce  tra- 
vail ,  parmi  lesquelles  on  remarque  sur- 
tout la  mo7-t  du  chevalier  d'Assas^  d'a- 
près Casanova.  Mais  le  travail  qui  fait  le 
plus  d'honneur  à  Laurent,  c'est  la  gravure 
du  Déluge  d'après  le  Poussin ,  qu'il  com- 
posa dans  toute  la  maturité  de  l'âge  et  du 
talent ,  et  qui  vaut  seule  beaucoup  d'ou- 
vrages. L'exécution  de  Laurent  est  pleine 
de  feu  et  de  rapidité;  il  a  surtout  réussi 
dans  le  genre  des  paysage?  etdes  animaux. 
Cet  artiste  est  mort  k  Paris ,  le  50  juir» 
1809,  des  suites  d'une  attaque  d'apo- 
plexie. 

LAURENT  JUSTINIEN.   Voyez  JU&- 
TINIANI. 
LAURENTIA.  Voyez  ROMULUS. 
LAURENT  d'UPSAL.  Voyez  GOTH. 
LAURENT  de  MÉDICIS     Voyez  MÉ^ 
DICIS. 

LAURENTIEN  (  Laurent),  professeur 
en  médecine  à  Florence  et  à  Pise  dans  le 
15'  siècle,  traduisit  en  latin  le  Traité  de 
Galien  surles  fièvres .  commenta  les  Pro" 
nostica  d'Hippocrale ,  Lyon ,  1550  ,  in-12.. 
Ses  bonnes  qualités  étaient  obscurcies  par 
une  noire  mélancolie  ,  qui  le  rendait  in- 
supportable à  lui-même.  Il  finit  par  se 
précipiter  dans  un   puits. 

LAURÈS  (  Antoine  ,  chevalier  de  ) , 
poète  languedocien,  né  à  Gignac  dans  le 
diocèse  de  Montpellier,  d'une  bonne  fa- 
mille, s'appliqua  avec  succès  à  la  littéra- 
ture, et  surtout  à  la  poésie.  Il  remporta 
28 


LAU  526 

jjualre  fois  le  prix  au  jeux  floraux  et  fut 
quatre  fois  aussi  couronné  à  l'académie 
française.  Il  est  connu  par  sa  traduction 
ou  plutôt  son  imitation  en  vers  de  la  Phar- 
sale  de  Lucain ,  1  vol.  in-S" ,  1775.  On 
trouve  dans  le  tom.  3  de  l'esprit  des  Jour- 
naux (  mai  1779  )  une  lettre  d'Imbert  sur 
ce  poète.  Laurès  mourut  à  Paris  en  1778. 

LAURI  ou  plutôt  LAUR  (  Philippe  ), 
peintre,  né  à  Rome  en  1623,  mort  dans 
cette  ville  en  1694 ,  a  excellé  à  peindre  en 
petit  des  sujets  de  Métamorphoses^  des 
Bacchanales  et  des  morceaux  &' histoire. 
Sa  touche  est  légère,  ses  compositions  gra- 
cieuses ,  son  dessin  correct;  mais  son  co- 
loris, rarement  dans  le  ton  convenable, 
est  tantôt  faible  et  tantôt  outré.  Il  a  fait 
quelques  paysages  où  l'on  remarque  beau- 
coup de  fraîcheur  et  de  goût.  Le  musée 
du  Louvre  possède  de  cet  artiste  un  ta- 
bleau représentant  saint  François  d'As- 
sise malade^  écoutant  avec  extase  un 
chœur  d'esprits  célestes. 

LAIJIIIA  (  François-Laurent  de  ),  ti- 
rait ce  nom  de  la  ville  de  Lauria,  dans  le 
royaume  de  Naples,  où  il  était  né,  car 
son  nom  de  famille  était  Brancati.  Il  se 
fit  cordelier,  et,  de  dignité  en  dignité,  il 
parvint  à  la  pourpre  romaine  en  1G87 , 
sous  Innocent  XI.  Ce  cardinal  mourut  à 
Rome,  en  1693,  à  82  ans,  laissant  plu- 
sieurs ouvrages  de  théologie ,  dont  celui 
qui  est  intitulé  De  prœdestinatione  etre- 
probationej.  in-i°,  Rome,  1688,  Rouen, 
d70o ,  a  eu  de  la  célébrité  parles  critiques 
et  les  éloges  qu'on  en  a  faits. 

LAURIÈKE  (  Eusèbe-Jacob  de  ),  avocat 
au  parlement  de  Paris,  y  naquit  en  lCo9. 
Il  suivit  le  barreau  pendant  quelque 
temps  ;  mais  son  goût  pour  les  travaux  du 
cabinet  l'obligea  de  l'abandonner.  Il  fouilla 
toutes  les  parties  de  la  jurisprudence  an- 
cienne et  moderne  ;  il  débrouilla  le  chaos 
de  l'ancienne  procédure  et  porta  la  lu- 
mière dans  la  nuit  obscure  des  Coutumes 
particulières  de  diverses  provinces  de  la 
France,  et,  par  des  recherches  épineuses 
il  se  rendit  l'oracle  de  la  jurisprudence. 
Les  savansles  plus  dislinguésde  son  temps 
se  firent  un  honneur  et  un  plaisir  d'être 
liés  aveclui.  Laurière  fut  associé  aux  étu- 
des du  jeune  d'Aguesseau,  depuis  chance- 
lier de  France.  Cet  habile  homme  mourut 
à  Paris,  en  1728  ,  à  69  ans.  On  a  de  lui  : 
(  De  l'origine  du  droit  d'amortissements 
1692,  in-12;  l'auteur  y  traite  aussi  du 
Droit  des  francs-fiefs  ^  qui  est  fondé  sur 
les  mêmes  principes  ;  ]  Texte  des  Coutu- 
xnes  de  la  prévôté  de  Paris ,  réimprimé 


LAU 

avec  beaucoup  de  notes  nouvelles,  1777y 
Paris,  3  vol.  in-12;  |  Bibliothèque  des 
coutumes  s  in-/».",  avec  Berroyer.  Cet  ou- 
vrage ,  qui  n'est  proprement  que  le  plaa 
d'un  édifice  immense ,  renferme  la  Pré- 
face d'un  nouveau  Coutumier  général ,  et 
une  Dissertation  profonde  sur  l'origine 
du  droit  français  ;  |  Glossaire  du  droit 
français^  in-i",  17 O/»-.  Ce  Dictionnaire  do 
tous  les  vieux  mois  des  ordonnances  des 
rois  de  France  et  des  autres  titres  anciens' 
avait  été  donné  d'abord  par  Ragueau, 
Laurière  le  mit  dans  un  meilleur  ordre  : 
I  Institutes  coutumières  de  Loisel ,  avec 
de  savantes  notes,  2  vol.  in-!2 ,  Paris; 
le  l'='"et  2*  tom.  du  Recueil  curieux  et  im 
mense  des  Ordonnances  des  rois  de  Fran^ 
ce,  qui  forme  aujourdlmi  11  vol.  in-fol. 
(  Voyez  SECOUSSE  )  ;  |  Table  chronologi- 
que  des  ordonnances  s  in-i",  avec  deux  de 
ses  confrères;  |  une  édition  des  Ordon- 
nances compilées  par  Néron  et  Girard, 
1720,   2  vol.   in-fol. 

*  LAURISTOA  (  Aiexandre-Jacques- 
Bernard  LAW,  marquis  de  ),  maréchal  et 
pair  de  France  ,  né  à  Pondichéry,  le  1"' 
février  1768,  était  fils  d'un  gouverneur-gé- 
néral des  établissemens  français  au-delà 
du  cap  de  Bonne-Espérance ,  et  petit-fils 
du  fameux  Law,  dont  le  système  finan- 
cier bouleversa  tant  de  fortunes  sous  la 
régence  (  Voyez  LAW  ).  IL  entra  dans  le 
corps  royal  d'artillerie  en  1784,  après  avoir 
fait  toutes  ses  études  en  France ,  et  était 
déjà  colonel  d'un  régiment  d'artille- 
rie légère  en  1793.  Bonaparte ,  dont  il 
avait  fixé  l'attention ,  en  fit  un  de  ses 
aides-de-camp  à  l'époque  du  consulat,  et 
en  1800,  il  l'éleva  au  grade  de  général  do 
brigade,  et  de  commandant  en  chef  de 
l'école  d'artillerie  de  Lafère  ;  en  même 
temps,  il  le  chargea  de  la  défense  de  Belle- 
Ile  en  mer.  En  1801 ,  après  avoir  rempli 
une  mission  diplomatique  à  Copenhague, 
dont  il  seconda  les  efforts  contre  les  Anglais 
qui  la  bombardaient ,  Laurislon  fut  en- 
voyé à  Londres  pour  y  porter  la  ratifica- 
tion du  traité  de  paix  conclu  à  Amiens ,. 
entre  la  France  et  l'Angleterre.  Il  fui 
accueilli  à  Londres  avec  des  transports  de 
joie  et  le  peuple  détela  même  les  chevau» 
de  sa  voiture  pour  la  traîner.  Une  discuS' 
sion  qu'il  eut  avec  Caulaincourt  au  sujet 
de  l'arrestation  du  duc  d'Enghien ,  contre 
laquelle  il  s'exprimait ,  fut  la  cause  d'une 
disgrâce  momentanée.  On  lui  donna  pour 
l'éloigner  le  commandement  d'un  dé^ot 
d'artillerie  à  Plaisance.  Peu  de  temps  aprè» 
Laurislon  fut  nommé  général  de  divisioa 


LAU 

et  commandant  en  chef  de  l'armée  eni- 
larquée  à  Toulon  sur  l'escadre  de  l'amiral 
de  Villeneuve ,  pour  se  rendre  sur  les 
côtes  d'Espagne.  Après  la  bataille  de  Tra- 
falyar  ,  à  laquelle  il  n'assista  point ,  ayant 
reçu  auparavant  l'ordre  de  rejoindre  la 
grande  armée  d'Allemagne  ,  il  fut  nommé 
commissaire  impérial  pour  prendre  pos- 
session de  Venise ,  de  la  Dalmalie  et  des 
Bouches  du  Cattaro.  Cette  dernière  opé- 
xation  ayant  rencontré  des  obstacles,  Lau- 
riston  fut  chargé  de  s'emparer  de  Ragusc 
(  180G  ).  A  peine  y  fut- il  entré,  qu'il  fut 
attaque  par  1500  Russes  et  une  foule  de 
Monténégrins.  Quoique  ses  troupes  fussent 
bien  inférieures  en  nombre  à  celles  de 
l'ennemi,  il  leur  résista  long-temps  avec 
vigueur  ,  et  fut  enfin  secouru  par  le  gé- 
néral Molilor.  Bonaparte,  qui  connaissait 
toute  l'importance  de  ce  poste,  ordonna 
à  Lauriston  d'y  rester  pendant  la  cam- 
pagne de  Prusse.  11  concourut  à  l'attaque 
de  Casiel-Nuovo  ,  et ,  dans  cette  expédi- 
tion difficile  ,  il  se  plaça  au  rang  des  plus 
habiles  généraux  de  l'armée  française. Peu 
de  temps  après  il  fut  nommé  au  gouver- 
nement de  Venise.  En  1808  il  accompagna 
Napoléon  à  la  grande  conférence  d'Erfurlh 
et  dans  les  états  de  la  confédération  du 
Rhin  ;  il  le  suivit  en  Espagne,  et  contribua 
à  la  prise  do  aiadrid.  En  1809  il  lit  partie 
de  l'armée  d'Italie,  qu'il  suivit  en  Hongrie, 
et  il.se  signala  encore  dans  plusieurs  affai- 
res, à  celle  de  Landshutt,  à  la  bataille  d'Ess- 
liug ,  à  la  bataille  do  Raab  et  au  siège  de 
celte  ville  dont  il  s'empara.  Bonaparte  le 
rappela  pour  lui  confier  le  commande- 
ment de  l'artillerie  de  la  garde,  à  la  tête 
de  laquelle  il  combattit  à  Wagram.  Lau- 
riston fut  nommé  la  même  année  comte 
de  l'empire.  Après  cette  campagne,  il  fut 
chargé  d'une  mission  en  Autriche  ,  et  six 
mois  après  il  suivit  l'archiduehesse  Marie- 
Louise,  qui  venait  s'unir  à  Napoléon. 
Lauriston  fut  nommé  ambassadeur  en 
Russie,  en  février  1811,  en  remplacement 
de  Caulaincomt  ;  il  quitta  ce  poste  l'année 
fiuivante  et  rejoignit  la  grande  armée  à 
Smolensk.  Après  le  désastre  de  Moscow, 
il  conclut  un  armistice  avec  le  général 
Koutusof,  commanda  l'arrière-garde  pen- 
dant la  retraite,  et  alla  organiser  àMag- 
debourg  le  5*^  corps  d'armée.  Durant  la 
campagne  de  1813,  il  s'empara  de  Lei- 
psick,  battit  les  Russes  et  les  Prussiens 
réunis  à  "Wessig ,  commanda  la  gauche  de 
l'armée  à  la  bataille  de  Bautzcn ,  et  s'em- 
para de  Bresla\v.  Chargé  ensuite  du  cmn- 
inandemenl  provisoire  des  5*  et  11'  corps 


527  LAtr 

d'armée  ,  il  battit  le  général  Blucher  sur 
les  hauteurs  de  Goldberg,  et  se  distingua 
à  Dresde  et  à  Leipsick.  Dans  celte  der- 
nière affaire  qui  mit  Leipsick  au  pouvoir 
des  ennemis  (  19  octobre  1813  ) ,  il  se  re- 
tirait par  le  pont  de  Lindenau  ;  le  trou- 
vant rompu,  il  s'élança  à  cheval  dans  la 
rivière  ;  mais  il  fut  fait  prisonnier  sur 
l'autre  bord.  Conduit  à  Berlin,  il  ne  ren- 
tra en  France  qu'après  la  restauration. 
Louis  XVIII  l'accueillit  avec  distinction, 
le  décora  de  la  croix  de  St-Louis  et  du 
grand  cordon  de  la  légion  d'honneur,  et 
après  la  mort  du  général  comte  de  Nan- 
souty,  il  le  nomma  capitaine-lieutenant 
des  mousquelaires-gris  (26  février  1815  ) 
Au  20  mars ,  Lauriston  accompagna  le 
roi  jusqu'à  Béthune ,  et  se  relira  ensuite 
dans  sa  terre  de  Bichemont  où  il  ne  fut 
point  inquiété.  Louis  XVIII,  à  son  retour, 
réleva  à  la  dignité  de  pair  de  France,  et 
le  chargea  du  commandement  de  la  pre- 
mière division  de  la  garde  royale.  Le  3  mai 
1816,  Lauriston  fut  créé  commandant  de 
l'ordre  du  Saint-Esprit.  En  1820,  il  devint 
ministre  de  la  maison  du  roi ,  quitta  ce 
portefeuille  en  1823  pour  recevoir  le  bâton 
de  maréchal,  et  fit  partie  de  l'armée  d'Es- 
pagne. Ce  général  est  mort  d'une  attaque 
d'apoplexie,  le  11  juin  1828.  Il  avait  été 
nommé,  en  1827,  grand-croix  de  la  lé- 
gion-d'honneur. 

LAURO  (  ViKCENT  ),  né  à  Tropea  en 
Calabre,  cultiva  de  bonne  heure  la  m.é- 
decine,  et  joignit  à  cette  science  une 
grande  capacité  pour  les  affaires.  Pie  V , 
qui  connaissait  tout  le  mérite  de  ce  sa- 
vant ,  lui  conféra  l'évêché  de  Mondovi  en 
Piémont.  Sous  le  pontificat  de  Grégoire 
XIII ,  Lauro  fut  envoyé  nonce  en  Pologne. 
Il  remplit  cette  nonciature,  successive- 
ment auprès  de  Sigismond  Auguste ,  de 
Henri  de  Valois,  duc  d'Anjou,  et  d'Etienne 
Battori.  A  sa  persuasion  ,  Jean  III,  roi  de 
Suède  ,  reçut  à  sa  cour  le  jésuite  Antoine 
Possevin,  qui  ramena  Sigismond,  fils  de 
ce  prince ,  à  la  religion  catholique.  Gré- 
goire XIII,  en  reconnaissance  des  services 
de  Lauro,  le  décora  de  la  pourpre  romaine 
en  1583.  Dans  cinq  conclaves  consécutifs, 
Lauro  eut  un  grand  nombre  de  voix  pour 
être  placé  sur  la  chaire  de  saint  Pierre. 
Il  mourut  à  l'âge  de  70  ans,  en  1592  ,  avec 
la  gloire  de  n'avoir  dû  son  élévation  qu'à 
son  mérite. 

LAURO  (  Jean-Baptiste  ) ,  né  à  Pé- 
rouse  en  1381,  devint  camérier  d'Urbain 
VIII,  chanoine  de  Sainte-Marie,  secré- 
taire du  consistoire ,   etc.  On  a  de  lui  : 


LAU 


328 


LAU 


I  Poemata.  1623,  in-l2  ;  I  Epistolœ.  I6-2i, 
in-S"  ;  i  lin  Eloge  abrégé  des  savcuis  qui 
vivaient  à  Rome  de  son  temps,  Rome,  i625, 
in-S".  Il  mourut  en  1629 ,  âgé  de  48  ans. 

*  LALTH  (  TeosAS  )  ,  professeur  d'a- 
natomie  et  de  physiologie  à  la  facuké  de 
Strasbourg,  membre  de  la  légion-d'hon- 
neur et  de  plusieurs  sociétés  savantes ,  né 
dans  cette  ville  le  19  août  1738 ,  était  fils 
de  Jean-Georges  Lauth,  médecin  et  ac- 
coucheur distingué.  Thomas  Lauth  était 
déjà  avant  la  révolution  professeur  d'ana- 
tomie  ,  de  physiologie  et  de  chirurgie  à 
l'ancienne  université  de  Strasbourg.  A  de 
vastes  connaissances  il  réunissait  une  pro- 
fonde érudition,  et  joignait  au  plus  grand 
«èle  pour  les  sciences  et  renseignement 
une  humanité  qui  lui  mérita  d'être  sincè- 
rement regretté.  Il  est  mort  à  la  suite  dun 
voyage  qu'il  venait  de  faire  en  Allemagne 
à  Bergzabern ,  le  16  septembre  1826.  Ses 
ouvrages  principaux  sont  relatifs  à  la  mé- 
decine :  I  Des  élémens  de  myologie  et  de 
iyndesmologie ,  1798,  2  vol.  in-8°;  |  plu- 
sieurs dissertations  sur  le  scorbut,  lesam- 
putahons  à  lambeaux,  sur  l'urine,  etc.; 
]  un  premier  volume  de  l'Histoire  de  Va- 
natomie,  qui  va  jusqu'à  Harvey  et  que 
son  fils  Em.-^Vlex-  Lauth  se  propose  de 
continuer,  1815,  1  vol.  in-8°  ;  1  la  rie 
'de  Jean  Hermann,  Strasbourg,  1802, 
în-8°  ;  I  Nosologia  chirurgica,  Strasbourg, 
1788,  ia-8*;  I  de  l'Esprit  de  l'instruction 
publique,  1816,  in-8*',  dont  l'auteur  fit 
hommage  à  la  chambre  des  députés  en 
1816 ,  in-8*  ;  j  plusieurs  Dissertations  en 
latin  et  quelques  autres  ouvrages;  j  Scrip- 
torum  latinonun  de  anevrismatibus  col- 
lectio,  1783,  in-4**;  1  Uberden  Einfluss  des 
tnondes  aufdie  fieber,  von  Baflour.  A.  D. 
E.  miteiner  Vorrede  von  Th.  Lauth,  1786  ; 
J  P^om  ausziehen  fremder  Kœrper  aus 
Sekusswwiden  von  Percy,  A.  D.Fr.  Uber- 
seztung  mit^nmerkungen  herausgegeben 
von  Th,  Lauth,  1789  ;  |  Fom  IVitterangs 
Zustand,  dem  scharlach  friefelund  detn 
bosen  Hais,  M.  V. ,  1800. 

LALTREC.  Voyez  FOIX  [  Ocdet  de  ). 

LAUZUX  (  Aîrro.vix-î<oMPAR  de  CAU- 
MOXr,  duc  de),  né  vers  1652,  sut  s'atti- 
rer les  bonnes  grâces  de  Louis  XIV.  On 
peut  voir  ,  sur  le  caractère  de  ce  favori  et 
l'histoire  de  sa  vie ,  des  particularités  re- 
marquables dans  les  Mémoires  du  duc  de 
Saint-Simon  :  le  résultat  ue  donne  pas  de 
lui  une  idée  favorable.  Mais  il  se  corrigea 
beaucoup  dans  les  dernières  années  de  sa 
vie,  fini»  par  une  mort  très  édifiante  au 
couvent  des  Petit5-Augu5tins  à  Paris ,  en 


1723,  âgé  de  91  ans.  11  ne  laissa  point  de 
postérité  de  son  mariage  avec  la  fiUe  du 
maréchal  de  Lorges ,  qu'il  avait  épousée 
après  la  mort  de  mademoiselle  de  Mont- 
pensier.  La  charge  de  grand-maître  de 
l'artillerie  étant  devenue  vacante,  en  1669, 
par  la  démission  du  duc  de  Mazarin  ,  le 
roi  la  promit  à  J.auzun;  mais  Louvois  sut 
persuader  au  monarque  de  ne  pas  la  lui 
accorder.  Lauzim  eut  l'audace  de  sommer 
Louis  XIV  de  tenir  sa  promesse  :  il  osa 
même  briser  son  épée  en  sa  présence ,  en 
disant  «  qu'il  ne  servirait  jamais  un  prince 
»  qui  manquait  à  sa  parole.  »  Le  roi ,  jus- 
tement irrité,  leva  sa  canne;  mais  il  la 
jela  par  la  fenêtre,  en  s'écriant:  ■  Ja'uraii 
»  trop  de  regret,  si  j'osab  frapper  un  gentii- 
B  homme.»  Lauzun  fut  mis  à  la  Bastille  et 
ce  ne  fut  qu'après  plusieurs  mois  de  né- 
gociations qu'il  consentit  à  accepter,  en 
échange  de  la  charge  qu'il  convoitait ,  le 
grade  de  capitaine  des  gardes. Il  rentra  tel- 
menten  faveur,  qu'en  1670,  le  roi  autorisa 
son  mariage  avec  mademoiselle  deMont- 
pensier  ,  petite-fille  de  Henri  IV.  Lauzun 
prétendit  donner  à  cette  union  un  grand 
éclat  ;  mais  pendant  les  délais  nécessaires 
aux  préparatifs  qu'il  fit  à  ce  sujet ,  ma- 
dame de  Montespan  (qui aimait  Lauzun), 
et  les  princes  du  sang ,  obtinrent  du  roi 
qu'il  révoquât  son  consentement.  Anque- 
til  cependant  assure  que  le  mariage  eut 
lieu  secrètement ,  et  qu'après  la  mort  de 
Mademoiselle ,  Lauzun  en  porta  le  deuil. 
Quoi  qu'il  en  soit ,  Louis  XIV  nomma  son 
favori  maréchal  de  France.  Depuis  cette 
époque ,  madame  de  Montespan  étant  de- 
venue l'objet  des  injures  de  Lauzun , 
s'unit  à  Louvois,  et  tous  les  deux  parvin- 
rent à  le  faire  disgracier.  Il  fut  arrêté  le 
23  novembre  1671 ,  et  enfermé  pendant 
plusieurs  années  dans  un  cachot  du  châ- 
teau de  Pijnerol  :  il  y  trouva  le  surinten- 
dant Fouquet ,  qui  y  était  depuis  1663. 
Lauzun  tenta  inutilement  deux  fois  de 
s'évader;  enfin,  on  lui  permit  de  passer 
en  Angleterre.  Lorsde  la  révolution  contre 
Jacques  II,  ce  monarque  confia  à  Lauzun 
la  reine  et  le  prince  de  Galles  pour  les 
amener  en  France ,  où  Louis  XIV ,  par 
une  lettre  écrite  de  sa  main ,  lui  permit 
de  rentrer.  Il  fut  admis  à  la  cour,  mais  il 
ne  jouit  plus  de  la  bienveillance  du  mo- 
narque. Jacques  II  le  décora  de  Tordre  de 
la  Jarretière ,  et  obtint  pour  lui  le  titre 
de  duc  en  1692.  Mademoiselle  de  Mont- 
pcDsier  lui  avait  fait  don  de  plusieurs 
fiefs ,  et  entre  autres  du  duché  de  Saint- 
Fargeau  et  de  la  baronie  de  Thiers. 


LAV  5 

LAVAL  ( Gilles  de;,  seigneur  de H^u, 
maréchal  de  France ,  d'une  maison  illus- 
;rede  Bretagne,  féconde  en  hommes  11- 
listres,  se  ?iignala  par  son  courage  sous 
Charles  VI  et  sous  Cîiarles  VII.  Il  contri- 
bua beaucoup  à  chasser  les  Anglais  de  la 
France.  Les  services  qu'il  rendit  à  sa  pâ- 
li ie  lauraient  iiamortâlisé,  s'il  ne  les  avait 
pas  ternis  par  des  meurtres,  des  impiétés 
tl  des  débauches  effrénées.  Ayant  ajouté 
à  ses  autres  crimes  celui  de  félonie  et  de 
trahison  envers  le  duc  de  Bretagne ,  il  fut 
condamné  à  être  brûlé  vif  dans  la  prairie 
de  Nantes  en  14i0.  Le  duc ,  témoin  de 
cette  exécution  ,  permit  q\i'on  létranglât 
iiuparavant,  et  qu'on  ensevelit  son  corps. 
Le  duc  de  Laval  était  d'une  prodigalité 
extrême.  Il  consuma  en  folles  dépenses 
deux  cent  mille  écus  d'or  comptant ,  dont 
il  hérita  à  20  ans  ,  et  plus  de  50,000  liv. 
de  rente,  qui  en  valadenl  dans  ce  temps- 
là  500,000  de  celui-ci.  Quelque  part  qu'il 
Lillàt,  il  avait  à  sa  suite  un  sérail ,  des  co- 
n^édiens.  une  musique  ,  des  instrumens. 
des  devins,  des  magiciens,  une  compagnie 
de  cuisiniers ,  des  meutes  de  chiens  de 
toute  espèce,  et  plus  de  200  chevaux  de 
riiain.  Méieray  dit  qu'il  entretenait  des 
sorciers  et  des  enchanteurs  pour  trouver 
des  trésors:  et  corrompait  de  jeunes  gar- 
çons et  de  jeurtes  filles  quil  tuait  après, 
pour  en  avoir  le  sang ,  afin  de  faire  ses 
cliurmes.  De  telles  abominations  seraient 
iiicrovalîes  si  on  ne  connaissait  pard'au- 
ti  t.-  L  xe  I  le?  de  quel  excès  de  corruption 
Li  de  sctl'  ialesse  le  cœur  humain  est  ca- 
pable. î^'avons-nous  pas  vu  dans  le  18'  siè- 
cle une  dame  hongroise  immoler  plus  de 
rlx  cents  lilles  à  la  cliimérique  idée  de 
^'embellir  par  leur  sang,  et  se  nourrir 
enfin  de  leur  cliair?  On  peut  voir  cette 
histoire  incontestable  dans  lélégant  ou- 
vrage du  père  Turoczi,  Exuigaria  cum 
suis  regionibus,  p.  189.  T'oyez  TUROCZI 
(Laoisl4s). 

L.W'AL  (  A\DRÉ  de),  seigneur  de  Lo- 
héac  et  de  Ret»  ,  deuxième  fils  de  Jean 
de  MonlTurt  ,  seigneur  de  Kergorlay,  et 
d'Anne  de  Laval,  dont  il  prit  le  nom  et  les 
armes,  rendit  des  services  signalés  au  roi 
Charles  VII,  qui  le  fit  amiral ,  puis  maré- 
chal de  France.  Il  fut  suspendu  de  sa 
charge  au  commencement  du  »*gne  de 
Louis  XI  ;  mais  ce  prùicc  le  rétablit  peu 
de  temps  aprè-S,  et  lui  donna  le  collier  de 
l'ordre  de  Saint-Michel  en  1469.  Il  mourut 
en  ii86  ,  à  75  ans,  sans  laisser  de  posté- 
rité, et  plus  riche  en  réputation  qu'en 
biens.  Lnvoye  en   1455  contre  JcanV, 


29  LAV 

comte  d'Armagnac,  qui  était  excommunié 
pour  avoir  épousé  publiquement  sa  pro- 
pre sœur,  il  l'avait  poussé  si  vivement, 
qu'en  une  seule  campagne  il  l'eut  dé* 
pouillé  de  ses  états. 

LAVAL  (  Urb%ix  de),  marquis  de  Sablé 
et  de  Bois-Dauphin  ,  maréchal  de  France 
et  gouverneur  d'Anjou  ,  se  signala  en  di- 
vers sièges  et  combats.  Il  suivit  le  parti 
de  la  b'gue  ,  fut  blessé  et  fait  prisonnier 
à  la  bataille  d'Ivry  en  1590.  Il  fit  ensuite 
son  accommodement  avec  Henri  IV.  Son 
crédit  augmenta  sous  le  règne  suivant. 
Lorsque  le  prince  de  Condé  et  beaucoup 
d'autres  méconlens  se  furent  unis .  pour 
empêcher  le  mariage  de  Louis  XIII  avec 
l'infante  d'Espagne ,  la  reine  Marie  de 
Médicis  ,  et  le  marquis  d'Ancre  son  con- 
fident, firent  commander  à  Laval  l'armée 
qu'ils  mirent  sur  pied  pour  combattre 
celle  des  mutins  :  mais  il  ne  répondit  pas 
à  lopinioa  qu'on  avait  de  ses  tâlens.  A  la 
fin  de  ses  jours,  il  se  relira  dans  mie  terre, 
où  il  mourut  tranquillement  en  1629. 

LAVAL  (  AxTOixE  de),  sieur  du  Belair, 
maître  des  eaux  et  foréls  du  Bourl>onnaig, 
puis  capilaine  des  châteaux  de  Beauma- 
noir-les-Moulins ,  était  savant  dans  les 
langues,  l'hbtoire  et  la  théologie.  Il  a 
laissé  un  grand  nombre  d'ouvrages.  Le 
plus  considérable  est  :  Desseins  de  pro- 
fessions nobles  et  publiques j.  contenant 
entre  autres  V Histoire  de  la  maison  de 
Bourbon,  Paris,  1603,  in-4°.  On  peut 
consulter  sur  ces  ouvrages  la  bibliothè- 
que de  Bourgogne.  Il  mourut  en  1631 ,  à 
80  ans. 

LAVAL-MO\TMOREXCY  (  François 
de),  premier  évéque  de  Québec,  était  fib 
de  Hugues  de  Laval ,  seigneur  de  Monti- 
gni.  Il  fut  d'abord  archidiacre  d'Evreux, 
et  ensuite  nommé  au  siège  nouvellement 
érigé  à  Québec,  qu'il  alla  remplir  en  1675. 
Il  fonda  un  séminaire  ,  s'y  fit  estimer  de 
tout  le  monde  par  sa  vertu  et  par  son 
éminente  piété,  et  y  mourut  en  1708.  à  80 
ans.  après  s'être  démis  de  son  évéché. 
Labbé  de  la  Tour  .  doyen  du  chapitre  de 
Montauhan,  a  écrit  sa  T'ie ,  in-12. 

LAVARDIX.  Vouez  BEAUMA>Om, 
MASCARON  et  HILDEBERT. 

LAVATER  (Locis),  controversiste pro- 
testant, né  à  Kybourg ,  dans  le  canton  de 
Zurich,  en  1327,  mort  clianoine  et  pasteur 
de  cette  dernière  ville ,  en  1586 ,  a  laissé 
une  Histoire  sacramentaire ,  des  Com^ 
mentaires  et  des  Homélies.  Ces  divers 
ouvrages  sont  lus  par  les  gens  de  son  parti. 
Mais  son  curieux  traité  De  spectrii  le~ 
28. 


LAV 


350 


LAV 


wnuribus.  et  magnis  atque  insolilis  frago- 
ribus  et  prœsagitionibus  quce  obitum  ho- 
minum  ^  clades ,  mutationesque  irnperio- 
rum prœcedunt,  Zurich,  1370,  in-12,  Ge- 
nève, IbSO  ,  in-8°,  et  Leyde  ,  1687,  in-12 , 
•est  recherché  de  tout  le  monde.  Il  a  été 
Iraduit  en  français  en  1571,  in-8°. 

•  LAVATER  (  Jeaîv-Gaspard),  célèbre 
physîognomoniste  et  ecclésiastique  pro- 
testant, naquit  à  Zurich  le  15  novembre 
4741  ;  tout  en  étudiant  la  théologie ,  son 
imagination  ardente ,  encore  enflammée 
par  la  lecture  du  poème  de  Klopstock ,  et 
des  ouvrages  philosophiques  de  Jean- 
Jacques  Rousseau,  se  portait  sur  d'autres 
objets  :  son  premier  ouvrage  qu'il  publia 
avant  d'avoir  terminé  ses  cours  ,  fut  un 
libelle  virulent  contre  un  bailli  qui  s'était 
rendu  coupable  de  quelques  abus  de  pou- 
voir. Afin  d'apaiser  l'effervescence  de  son 
imagination,  ses  parens  crurent  devoir  le 
faire  voyager  en  Allemagne.  Lavaler  se 
rendit  à  Berlin  en  1763  avec  Hess  et 
Fucssli,  depuis  peintre  célèbre,  et  se  lia 
avec  le  vertueux  Spalding  auquel  il  avait 
«té  recommandé  ,  et  chez  lequel  il  de- 
meura long-temps.  De  retour  dans  sa  pa- 
trie, il  fut  nommé  diacre  en  1769,  ît  quel- 
ques années  après  pasteur  de  l'église  pro- 
lestante de  Saint-Pierre  à  Zurich.  Il  se 
livra  avec  succès  à  la  prédication  ;  et  prit 
part  à  des  discussions  théologiques  qu'il 
soutint  d'abord  avec  modération ,  mais 
qu'il  poussa  dans  la  suite  jusqu'à  l'into- 
lérance. Quoiqu'il  fût  au  reste  d'une 
grande  douceur  de  caractère,  il  fit  exiler 
quelques-uns  de  ses  compatriotes  ,  entre 
autres  M.  Meister,  le  plus  spirituel  de  ses 
panégyristes,  qui  se  vengea  plus  tard 
en  comblant  d'éloges  l'ennemi  dont  il  ne 
regardait  point  la  faute  comme  celle  du 
cœur.  En  1798,  lorsqu'eut  lieu  l'invasion 
des  Français  en  Suisse,  il  crut  que  celte 
époque  allait  voir  réformer  un  grand 
nombre  d'abus  ,  et  que  notre  Directoire 
n'était  mudans  celte  circonstance  que  par 
des  sentimcns  généreux  :  mais  une  triste 
expérience  lui  ayant  appris  que  le  bien- 
être  de  la  nation  helvétique  était  loin 
d'être  le  mobile  qui  faisait  agir  le  gou- 
vernement français ,  il  ne  craignît  pas 
d'écrire  au  représentant  Rewbell,  une 
lettre  pleine  de  patriotisme  et  de  dignité, 
dans  laquelle  il  protesta  avec  force  contre 
les  mesures  vexatoires  dont  les  prétendus 
amis  de  la  liberté  accablaient  la  patrie  de 
Guillaume-Tell.  L'année  suivante,  lors 
-de  la  reprise  de  Zurich  par  les  Français, 
SI  eut  une  légère  dispute  avec  un  soldat 


logé  chez  lui,  qui  lui  lira  dans  le  bas  ven- 
tre un  coup  de  fusil ,  et  lui  fit  une  bles- 
sure dont  il  mourut  après  43  mois  de 
douleurs  aiguiis  (  en  1801  ) ,  sans  avoir 
voulu  que  l'auteur  de  cet  assassinat  fût 
recherché  (i).  Lavaler  a  composé  plu- 
sieurs écrits.  Deux  ouvrages  en  plusieurs 
volurnes  intitulés,  l'un  Ponce-Pilate  et 
l'autre  Bibliothèque  manuelle^  renfer- 
ment le  développement  de  ses  opinions 
particulières  en  théologie  et  en  morale, 
dont  plusieurs  ont  paru  fort  minutieuses, 
d'autres  fort  paradoxales,  et  sur  lesquelles 
les  adversaires  de  l'auteur  n'ont  cessé 
de  l'attaquer  avec  l'arme  du  ridicule.  Ses 
compositions  en  prose  réunissent,  dit  uti 
biographe,  l'ascétisme  de  M"*  Guyon, 
l'esprit  paradoxal  de  J.  J.  Rousseau ,  le 
style  dvux  de  Fénclon  et  l'illuminisme  de 
Boehm.  Lavaler  a  aussi  composé  des 
vers  d'une  philosophie  douce  et  conso- 
lante ,  mais  négligés  pour  le  mécanisme 
et  diffus  pour  le  style  :  la  nouvelle  Mes- 
siade^  Joseph  d'Arimathie ,  le  Cœur  hu- 
main^ esquisses  où  l'on  trouve  de  nom- 
breuses beautés ,  mais  qui  sont  imparfai- 
tes ;  et  une  foule  de  drames  religieux  et  de 
poésies  détachées  qui  offrent  une  facilité 
rare ,  mais  dont  la  facture  est  peu  soi- 
gnée. Ses  Vues  sur  l'éternité^  ou  Considé- 
rations sur  l'état  de  la  vie  future  (1768) , 
offrent  le  plan  et  pour  ainsi  dire  le  com- 
mentaire d'un  poème  qu'il  avait  projeté. 
L'auteur  y  a  déposé  le  germe  de  concep- 
tions très  élevées  et  très  poétiques.  On 
distingue  encore  ses  Chansons  helvéti- 
ques (  1767  ),  hymnes  populaires  qui  sont 
répétées  maintenant  par  les  paysans  et 
par  les  pâtres  de  Morat,  de  Lucerne  et  de 
l'Oberland.  Mais  l'ouvrage  qui  a  fait  sa 
réputation  en  Europe  est  le  suivant  :  |  JSS' 
sais  phrjsiognomoniques .  Leipsick,  1772,2 
vol.  in-8**  ;  ouvrage  reproduit  et  augmenté 
sous  le  titre  de  :  Fragmens  physiogno- 
moniques  pour  propager  les  connais^ 
sances  des  hommes  et  la  bienveillance  en- 
vers  leurs  semblables^  ib.jkvo].,  in-ii'*,  de 
1775  à  1788.  Il  en  parut  un  Abrégé^  pu- 
blié par  Michel  Amubrusler,  Zurich,  1785 
et  178/i ,  2  vol.  in-8''.  Lavaler  ne  se  borna 
pas  à  son  ouvrage  en  allemand;  il  en  fit 
publier  une  édition  en  français,  d'après 
un  nouveau  manuscrit,  avec  des  dessins 


(i)  Od  lit  dan»  la  Biographie  dcf  Contrmporalm  que 
tel  assajtinat  fut  un  acte  de  vengeance  parliculiirc 
d'un  compatriote  de  Lavaler,  et  elle  regirde  comme 
une  calomnie  ,  l'imputation  qu'on  en  a  faite  à  uo  ioU 
dat  franf.iis. 


LAV 


331 


LAV 


plus  soignés  et  plus  nombzxux ,  imprimés 
sous  ce  titre  :  De  la  j)hysiognonionie , 
ou  l'Art  de  connaître  les  hommes  et  de 
les  faire  aimer ^  la  Haye,  1783,  5  vol. 
in-4°.  Les  éditions  les  plus  estimées  sont 
celles  publiées  par  Prudhomme,  à  Paris , 
1806,  10  vol.  in-r,  et  1807,  10  vol.  in-8°, 
avec  ce  titre  :  L'art  de  connaître  les 
hommes  par  la  physionomie ,  par  Gas- 
pard Lavater,  précédé  d'une  notice  histo- 
rique sur  l'auteur,  et  avec  les  opinions 
de  La  Chambre ,  de  Porta,  de  Cooper, 
de  Gall ,  sur  la  physionomie,  etc.  M.  Mo- 
reau  y  a  ajouté  une  histoire  anatomique 
de  la  face ,  et  plusieurs  articles  nouveaux 
sur  les  caractères  des  passions,  des  ma- 
ladies, etc.;  le  tout  orné  de  600  gravures. 
Lavater  s'était  proposé  de  créer  une 
science  aussi  diflicile  qu'extraordinaire , 
qui  avait  attiré  son  attention  dès  sa  jeu- 
nesse ,  mais  dont  il  avait  été  distrait  par 
<l'autres  études.  Cette  science  consiste  à 
connaître  par  les  traits  du  visage  et  la 
physionomie ,  non-seulement  les  inclina- 
tions et  le  caractère  d'une  personne  ;  mais 
encore  à  deviner  son  heureux  ou  funeste 
Avenir.  Zopire ,  Hippocrate  et  Aristote , 
parmi  les  Grecs,  et  parmi  les  modernes , 
Porta,  Buffon.  Lebrun,  La  Chambre, 
avaient  déjà  fait  sur  la  physiognomonie 
iXQS  recherches  et  des  observations.  Mais 
c'est  Lavater  qui  le  premier  a  cherché  à 
y  fixer  des  règles  et  des  principes.  Il  com- 
mença par  observer  la  physionomie  des 
animaux  en  la  rapportant  à  l'instinct  par- 
ticulier qui  distingue  chacune  de  leurs 
espèces.  Il  tourna  ensuite  ses  observa- 
tions sur  les  images  sculptées  des  grands 
hommes  et  des  grands  criminels.  Il  crut 
voir  le  talent  et  la  malignité  peinis  sur  la 
physionomie  de  Voltaire ,  qui  tenait  à  la 
foLs  de  l'aigle  et  du  singe  ;  dans  celles  de 
Néron  et  de  Caligula,  il  remarqua  l'en- 
semble monstrueux  des  vices  les  plus  cra- 
puleux et  de  la  cruauté  la  plus  raffinée  ; 
l'image  de  Corneille  lui  représentait  le 
^énie  créateur,  et  celle  de  Bossue t, 
J'homme  grand  et  vertueux.  Ces  premiè- 
res observations  faites,  il  s'appliqua  à 
connaître  les  différens  caractères  des 
hommes  et  des  femmes,  qu'il  tâchait  de 
-comparer  à  leur  physionomie  respective  ; 
et  après  un  grand  nombre  d'examens  et 
de  recherches,  après  une  étude  constante 
de  plusieurs  années ,  il  se  persuada  qu'il 
pouvait  lire  dans  les  traits  extérieurs  les 
secrets  les  plus  cachés,  et  en  déduire  des 
résultats  non  équivoques.  11  publia  pour 
]a  première  fois  ses  idées  dans  une  espèce 


de  prospectus  ou  dissertation  qu'il  pré- 
senta à  la  société  de  Zurich.  Ses  autre» 
ouvrages  sur  la  même  matière,  ayant  ré- 
pandu son  nom  par  toute  l'Europe ,  on 
venait  de  toutes  parts  pour  consulter  ce 
nouvel  oracle.  Parmi  plusieurs  anecdotes 
qu'on  raconte  à  ce  sujet ,  nous  soumet- 
trons les  suivantes  à  la  sage  critique  du 
lecteur.  —  Un  seigneur  allemand  ,  aima- 
ble et  bel  homme  ,  se  présenta  dans  la 
société  de  Lavater;  lorsqu'il  sortit  de  la 
salle ,  quelques  dames  s'écrièrent  :  Foilà 
une  physionomie  heureuse!  Vous  n'y 
avez  rien  à  redire,  M.  Lavater?  «  J'en 
»  suis  fâché  pour  lui,  répondit-il,  mais  je 
»  remarque  quelques  lignes  qui  annou- 
1)  cent  un  caractère  emporté,  et  je  crains 
»  qu'il  ne  finisse  malheureusement.  » 
Trois  mois  après,  dit-on,  sur  une  réponse 
malhonnête  que  lui  fit  un  postillon,  le 
seigneur  allemand  lui  brûla  la  cervelle  : 
on  l'arrêta,  et  il  fut  pendu.  — Le  fameux 
Mirabeau  se  présenta  chez  Lavater  d'ua 
air  cavalier  et  de  persifflage  (  il  venait  de 
Paris  ) ,  et  débuta  par  ces  mots  :  «  Mon- 
»  sieur  le  sorcier,  j'ai  fait  le  voyage  tout 
»  exprès  pour  savoir  ce  que  vous  pensez 
B  de  ma  physionomie.  Regardez-moi,  je 
»  suis  le  comte  de  Mirabeau  ;  si  vous  ne 
»  devinez  pas  juste,  je  dirai  que  vous  êtes 
»  un  charlatan.  —  Votre  conduite ,  mon- 
»  sieur,  est  très  inconsidérée,  je  ne  suis 
»  pas  un  nécromancien.  »  Mirabeau  in- 
siste, et  alors  Lavater  lui  dit  :  «  Votre 
»  physionomie  annonce  que  vous  êtes  né 
»  avec  tous  les  vices  ,  et  que  vous  n'avez 
»  rien  fait  pour  les  réprimer.  »  a  Ma  foi , 
»  vous  avez  deviné,  »  répondit  Mirabeau, 
et  il  se  retira  un  peu  déconcerté  (i).  Ce 
jugement  n'était  pas  difficile,  pour  peu 
que  l'on  connût  le  nom  du  personnage. 
L'anecdote  suivante  est  encore  plus  ex- 
traordinaire. Une  dame  de  Paris  vint 
consulter  Lavater  sur  le  sort  d'une  fille 
chérie  :  le  physiognomoniste  la  regarde 
et  refuse  de  s'expliquer.  Cédant  aux  in- 
stances de  la  mère,  il  lui  promet  une 
lettre,  la  lui  donne,  à  condition  qu'elle  ne 
la  décachètera  qu'au  bout  de  six  mois. 
Au  bout  de  cinq ,  cette  dame  voit  mourir 
sa  fille ,  ouvre  alors  la  lettre  du  devin, 
qui  était  conçue  en  ces  termes.  «  Mada- 
»  me  ,  lorsque  vous  ouvrirez  cette  lettre, 
»  je  pleurerai  avec  vous  la  perte  que  vou« 
»  avez  faite.  La  physionomie  de  voire 


(i)  La  Biographie  que  noui  avoi 
pre'cédenle  dit  que  I. avaler  devin 
sirnfU  lilhouetlt. 


cite'e  dïns  ta  note 
Miraheati  $ur  unt 


LAV 


552 


LAV 


>  fille  est  une  des  plus  parfaites  que  j'aio 
»  encore  vues  ;  mais  j'ai  remarqué  des 
»  traits  qui  annoncent  qu'elle  mourra 
■»  dans  les  six  mois  qui  s'écouleront  de- 
»  puis  l'instant  que  j'ai  eu  le  plaisir  de 
»  vous  recevoir.  »  Nous  ne  nous  arrête- 
rons pas  à  démontrer  lin  vraisemblance 
des  faits  contenus  dans  ce  récit ,  et  nous 
nous  bornerons  à  faire  observer  que  le 
système  nouveau  que  professait  Lavater, 
et  ses  prétendus  pronostics  sur  l'avenir  , 
étaient  peu  dignes  d'un  homme  éclairé, 
et  encore  moins  convenables  à  un  chré- 
tien et  à  un  ecclésiastique.  Il  ne  pouvait 
i{ïnorer  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  blâmable 
«!l  de  plus  ijrésomptueux  pour  la  créa- 
ture, que  de  voxdoir  prédire  le  sort  de  ses 
semblables,  qui  dépend  immédiatement 
de  la  volonté  de  Dieu;  et  que  cette  raison 
que  l'homme  en  a  reçue  en  partage,  doit 
exclure  toute  idée  de  fatalisme,  que  d'ail- 
leurs des  signes  extérieurs  pourraient  mal 
annoncer.  Le  système  de  Lavater  a  pro- 
bablement fait  naître  celui  du  docteur 
Gall  :  ce  dernier  borne  ses  recherches  au 
crâne;  Lavater  les  étend  à  toutes  les  par- 
ties du  corps ,  et  surtout  aux  différens 
traits  de  la  physionomie.  L'un  et  l'autre 
système  pourraient  avoir  le  même  fond 
de  vérité  que  ces  jeux  de  cartes  où  les 
gens  crédules  vont  lire  leur  destinée.  La- 
vater était,  comme  nous  l'avons  dit,  d'un 
caractère  doux  et  bienveillant  :  son  com- 
merce était  facile  et  instructif;  il  ne  disait 
lien,  et  ne  faisait  rien  qui  ne  décelât  le 
désir  le  plus  vrai  d'être  agréable  et  utile 
à  tout  le  monde.  Mais  ses  démarches  po- 
litiques lui  attirèrent  l'animadvei'sion 
d'une  partie  du  gouvernement  helvéti- 
que :  il  fut  déporté  à  Baie,  d'où  il  put 
bientôt,  grâce  aux  réclamations  du  parti 
modéré,  revenir  à  Zurich.  Lavater  a  écrit 
lui-même  l'histoire  de  sa  déportation  , 
2  vol.  1800.  On  lui  a  reproché  durement 
son  penchant  à  croire  l'extraordinaire, 
qui  le  rendit  l'enthousiaste  et  la  dupe  des 
charlatans  de  son  temps. 

*L.VVAU  (PiEuv.E- Fraxçois),  né  à 
Neuilly,  en  175/».,  cl  mort  à  Versailles  en 
J823,  fut  un  des  professeurs  les  plus  dis- 
tingués des  écoles  centrales  de  Seine-et- 
Oise.  Il  était  surtout  versé  dans  le  grec, 
et  il  a  traduit  avec  succès  le  Songe  de 
Lucien^  la  f aide  des  Alcrjons,  et  le  Misan- 
thrope, du  même  auteur,  1801,  in-8°.  On 
lui  doit  encore  une  traduction  en  vers  des 
OEuvres  lyriques  d' Horace ,  1810,  in-12, 
©ù  l'on  trouve  plus  de  fidélité  que  d'élé- 
gance ;  et  un  volume  de  divers  morceaux 


littéraires,  etc.  Lavau,  ami  de  Leuliette, 
connaissait,  comme  ce  savant  écrivain, 
tout  ce  que  la  littérature  ancienne  offre 
de  remarquable.  Quoique  déjà  âgé,  lors-' 
qu'il  fut  attaché  comme  professeur  à  l'in- 
stitution qui  s'était  formée  à  l'Hermitagc- 
Saint-Antoine ,  il  traduisit  cependant  avec 
une  énergie  d'expression  rare  les  Catili- 
naires  de  Cicéron.  Lavau  était  membre 
de  plusieurs  académies.  Il  a  laissé  de 
nombreux  manuscrits ,  entre  autres  une 
traduction  de  la  Cyropédie  de  Xénophon. 

LAVAU.  Voyez  FLONCEL. 

LA\  AUR  (  Guillaume  de  ) ,  avocat  au 
parlement  de  Paris,  mort  en  1750  à  Saint- 
Ceré,  dans  le  Quercy,  sa  patrie,  âgé  de 
7G  ans ,  fut  l'oracle  de  son  pays  par  ses 
connaissances.  Il  joignait  à  un  cœur  bon 
et  généreux,  une  mémoire  prodigieuse 
et  une  vaste  littérature.  Ou  a  de  lui  : 
I  Histoire  secrète  de  Néron ,  ou  le  Festin 
de  Trimalcion j  traduit  de  Pétrone,  avec 
des  remarques  historiques,  in-12 ,  1726; 
I  Conférence  de  la  Fable  avec  l'Histoire 
sainte ,  1730, 2  vol.  in-12.  L'auteur  prouve 
que  les  grandes  fables,  le  culte  et  les  mys- 
tères du  paganisme  ,  ne  sont  que  des 
altérations  des  usages,  histoires  et  tra- 
ditions des  anciens  Hébreux.  Il  y  a  beau- 
coup d'érudition  dans  ce  livre  ;  mais  les 
conjectures  n'y  sont  pas  toutes  également 
heureuses.  Huet  avait  eu  la  même  idée 
avant  l'auteur;  il  n'est  pas  difficile  de  s'a- 
percevoir que  Lavaur  a  profité  de  sa  Dé- 
monstration évangélique.  L'abbé  Guérin 
du  Rocher  a  répandu  beaucoup  de  lu- 
mière sur  cet  objet  dans  sa  savante  His- 
toire des  temps  fabuleux,  vainement 
attaquée  par  messieurs  Laharpe  ,  de  Gui- 
gnes et  du  Voisin,  et  défendue  avec  feu 
par  M.  l'abbé  Chapelle.  On  doit  voir  aussi 
Hérodote,  historien  du  peuple  hébreu j, 
sans  le  savoir,  par  l'ahbé  Bonnaud ,  Liège, 
1790,  in-12.  Il  est  certain  que  les  Grecs 
ont  pu  facilement  avoir  communication 
des  Livres  saints,  soit  par  les  Juifs  qu'ils 
faisaient  esclaves,  comme  on  le  voit  dans 
le  prophète  Joël ,  soit  par  les  Phéniciens, 
qui  ont  fait  transpirer  dans  la  Grèce, 
comme  dans  les  autres  parties  de  l'Eu- 
rope et  de  l'Afrique,  tant  de  connais- 
sances utiles.  «  Les  philosophes  de  ce 
«siècle,  dit  un  critique,  ont  une  aver- 
j)  sion  décidée  de  cette  espèce  de  combi- 
»  naisons.  Ils  ne  peuvent  souffrir  que 
»  l'Ecriture  ait  servi  de  fonds  aux  écrits 
»  historiques  et  mythologiques  des  an'- 
»  ciens.  Un  Gcbelin,  un  Bailly,  ont  mieux 
»  aimé  faire  des  romans  puérils  de  chio- 


LAV 


535 


LAV 


»  nologic,  de  géographie,  ilc  pliysique  et 
»  d'histoire ,  que  d'adhérer  à  une  obser- 
»  vation  simple  el  préremptoire.  »  Voyez 
OPHIONÉi-. 

LAVEAUX  (  Jean  -  Charles  THIE- 
BAULT de),  homme  de  lettres,  né  à  Troyes 
le  17  novembre  1749,  commença  ses  études 
dans  sa  ville  natale  et  les  termina  à  Paris. 
Au  sortir  de  ses  humanités,  il  accepta 
*me  place  de  professeur  de  langue  fran- 
çaise à  Bàle.  S'élant  rendu  ensuite  à 
Sluttgard,  il  y  fut  nommé  professeur  de 
littérature  française  et  membre  de  l'uni- 
versité Caroline.  Enfin  sur  l'invitation 
de  Frédéric ,  il  alla  occuper  une  chaire  à 
l'université  de  Berlin,  où  il  fut  accueilli 
par  tous  les  savans  de  cette  ville ,  et  par 
les  littérateurs  qui  fréquentaient  la  cour 
du  roi  philosophe.  A  l'époque  où  éclata 
la  révolution  française  ,  Laveaux  qui  en 
adopta  sur-le-champ  les  principes,  ne 
voulut  pas  rester  étranger  aux  événe- 
mens  qui  se  préparaient  el  dont  il  pou- 
vait espérer  quelques  changemens  avan- 
tageux pour  sa  fortune.  Il  rentra  donc  en 
France,  et  vint  à  Strasbourg  où  il  se  char- 
gea de  la  rédaction  du  journal  que  le  li- 
braire Treuttel  venait  d'y  créer ,  sous  le 
titre  de  Courrier  de  Strasbourg.  Ses  opi- 
nions politiques  indisposèrent  plusieurs 
personnes  contre  lui ,  entr'autres  le  maire 
Diétrich  qui  le  fit  arrêter  ;  mais  Laveaux 
fut  remis  en  liberté  peu  de  temps  après, 
et  se  rendit  à  Paiis  avant  la  fameuse 
journée  du  10  août  1792.  Il  occupa  divers 
emplois ,  fut  membre  du  tribunal  insti- 
tué le  17  août ,  pour  juger  ceux  qui  avaient 
été  pris  en  défendant  le  roi ,  et  se  con- 
duisit avec  modération  dans  celte  circon- 
stance. Le  14  août  de  l'année  suivante ,  il 
accusa  le  maire  de  Strasbourg  de  l'arres- 
tation arbitraire  dont  il  avait  été  l'objet. 
Quelque  temps  après  il  devint  rédacteur 
en  chef  du  Journal  de  la  Montagne; 
mais  ses  articles  sur  les  généraux  el  les 
députés  en  mission  lui  altirèrent  quel- 
ques désagrémens  :  ceux-ci  ennuyés 
d'être  dénoncés  à  chaque  instant,  par- 
vinrent à  le  faire  arrêter.  Relâché  par 
suite  de  la  recommandation  de  la  société 
des  Jacobins ,  il  fut  dénoncé  par  Hébert 
et  arrêté  de  nouveau.  La  même  société 
obtint  encore  sa  mise  en  liberté.  Fatigué 
de  tant  de  désappoinfemens  ,  il  renonça 
au  rôle  de  journaliste,  retourna  à  ses  tra- 
vaux littéraires ,  professa  les  langues  an- 
ciennes, et  devint  ensuite  chef  du  bureau 
militaire  du  département  de  la  Seine. 
Après  rétablissement  du  gouvernement 


lonstilaire,  il  sort  il  des  biu'caux  de  la  pré- 
fecture pour  remplir  les  doubles  fonctions 
de  chef  de  division  des  prisons  el  hospices 
du  département  de  la  Seine  ,  cl  il  les  con- 
serva jusqu'cà  la  seconde  restauration.  La- 
veaux est  mort  à  Paris  le  15  mars  1827. 
Parmi  les  ouvrages  qu'a  laissés  ce  labo- 
rieux écrivain  ,  nous  citerons  :  |  OFuvres 
du  chevalier  Charles  Hedlinger  ou  Re- 
cueil de  s  médaille  s  de  ce  célèbre  artiste, 
2  parties ,  l'une  de  planches ,  l'autre  d'ex- 
plications (celle-ci  rédigée  par  Laveaux), 
Bâle  ,  1776  et  1778,  2  vol.  in-fol.  ;  |  Entre- 
tiens  avec  les  enfans  sur  quelques  his- 
toires de  la  Sible  ^XrSiduHs  de  l'allemand, 
1782,  in-S";  |  Leçons  de  langue  française 
données  à  quelques  académiciens  et 
autres  auteurs  français  de  Berlin  j,  Franc- 
fort, 1782,  in-12;  [  Défense  de  l'abbé 
Raynal  et  de  Borelli  contre  les  attaques 
clandestines  de  quelques  chenilles  litté' 
raires^  1783,  in-8''  ;  |  les  Nuits  champêtres ^ 
1783  et  1784 ,  in-S"  ;  |  le  Maître  de  langue 
ou  Remarques  instructives  sur  quelques 
ouvrages  français  écrits  en  ^llemagne^ 
4783,  in-8°;  |  Cours  théorique  et  pratique 
de  langue  et  de  littérature  française^ 
ouvrage  entrepris  par  ordre  du  roi  de 
Prusse^  Berlin,  1784,  in-8°;  1  de  V:^rt  de 
penser^  1784 ,  in-8°  ;  |  Dictionnaire  fran- 
çais-allemand et  allemand -français, 
1784-85,  2  vol.  in-8°;  4'  édit. ,  1789  ,  en- 
trepris également  à  la  demande  du  roi  de 
Prusse  ;  |  Musarion  ou  la  Philosophie  des 
grâces,  poème  en  3  chants,  traduit  de 
l'allemand  de  Wieland,  Kell,  1784,  in-8°; 
I  Histoire  des  Allemands ,  traduite  de 
Schmidt ,  1784  ,  9  vol.  in-8"  ;  ]  Eusèbe  ou 
les  Beau:»;  profits  de  la  vertu  dans  le  siècle 
où  nous  vivons,  Amsterdam ,  1785 ,  in-8''; 
I  Essais  sur  le  peuple,  trad.  de  l'allemand, 
de  Gossler,  1786,  in-8°  ;  |  Réponse  à  M.  le 
président  de  Renberau  sujet dunouvel or- 
dre judiciaire  établi  en  Prusse,  1786,  i  n-8°  ; 
I  les  Vrais  principes  de  la  languie  fran- 
çaise, 1787,  in- 8°  ;  !  Tactique  pure  pour 
'l'infanterie,  la  cavalerie  et  V artillerie^ 
trad.  de  l'allemand,  deMullcr,  1787;  [  Ta- 
bleau des  gvLcrres  de  Frédéric  le  Grand, 
traduit  de  l'allemand,  de  Louis  Muller, 
Strasbourg  et  Paris,  1788,  in-4°;  des 
exemplaires  portent  la  date  de  Berlin  ; 
I  Vie  de  Frédéric  II.  roi  de  Prusse,  Stras- 
bourg, 1788 ,  4  vol.  m-8°.  On  y  joint  or- 
dinairement l'ouvrage  suivant  :  |  Lettres 
sur  Frédéric  II,  roi  de  Prusse,  Stras- 
bourg, 1789,  5  vol.  in-8°  et  in-12;  |  Fré- 
déric II.  Voltaire,  J.-J.  Rousseau,  S'A- 
lembert  et  l'académie  de  Berlin  vengés 


LAV  ^: 

du  secrétaire  perpétuel  de  celte  acadéinir 
(  Formey  ),  Paris,  i789 ,  pctit-i)i-8"; 
j  Grammaire  de  Jf^ailly  pour  les  Alle- 
mands ^  1790,  in-8°;  |  Histoire  des  pre- 
miers peuples  libres  qui  ont  habité  la 
France,  1798,  3  vol.  in-S";  |  Histoire  des 
origines,  des  progrès  et  de  la  décadence 
des  sciences  dans  la  Grèce ,\raùu\[c  de 
l'allemand,  de  Meincrs,  1798,  3  vol.  in- 
8°  ;  I  Histoi7'e  de  Pierre  III.  empereur  de 
Russie ,  suivie  de  l'histoire  secrète  des 
ainours  et  des  principaux  amans  de  Ca- 
Iherine  IL  Paris  ,  1799 ,  5  vol  iii  8°  ;  |  Bic- 
tionnaire  de  l'académie  française,  nouv. 
Mit.  augmentée  de  plus  delOMOai'ticles, 
où  l'on  trouve  les  mots  et  les  locutions 
adoptés  dejmis  la  dernière  édition  de 
4762  ;  l'explication  des  termes  et  des  ex- 
pressions synonymes;  les  termes  des 
sciences,  des  arts  et  des  métiers ,  et  par- 
ticulièrement ceux  de  la  nouvelle  nomen- 
clature chimique  ,  Paris  ,  1802,  2  vol.  in- 
h'*.  MM.  Bossange  et  Masson  ,  qui  étaient 
propriétaires  du  Dictionnaire  de  l'acadé- 
mie ,  poursuivirent  les  édileui-s  de  cette 
nouvelle  édition  comme  contrefacteurs, 
et  gagnèrent  leur  procès,  particulière- 
ment par  rapport  au  titre  qu'on  n'aurait 
pas  dû  copier.  Depuis ,  Laveaux  en  a 
donné  une  2*  édition  avec  des  augmenta- 
tions considérables,  intitulée  :  nouveau 
Dictionnaire  de  la  laxigue  française,  où 
l'on  trouve  le  recueil  de  tous  les  mots  de 
la  langue  usuelle  ;  les  étymologies  néces- 
saires; un  grand  nombre  d'acceptions 
non  indiquées  jusqu'à  présent  ;  l'éxplica- 
iion  détaillée  des  synonyma;  des  remar- 
ques sur  la  prononciation  et  Vorthogra- 
phe;les  noms  des  outils  et  instrumens 
des  arts  et  métiers  avec  l'indication  de 
leurs  usages  divers  ;  les  termes  des  arts 
et  des  sciences  ;  la  critique  de  plusieurs 
mots  recurillis  ou  insérés  mal  à  propos 
dans  quelques  dictionnaires  modernes, 
etc.  On  a  public  ,  en  1828  ,  une  5'  édition 
de  ce  livre  qui  areçu  encore  d'importantes 
améliorations;  |  Dictionnaire  raisonné 
des  difficultés  grammaticales  et  littérai- 
res de  la  langue  française  ,  1818 ,  in-8°  ; 
2*  édition  considérablement  augmentée, 
4822,  2  vol.  in- 8";  1  Dictionnaire  de 
la  langue  française,  extrait  du  nou- 
veau Dictionnaire,  etc.,  1825  ,  2  vol.  'vn- 
8°i  1  Nouveau  Dictionnaire  portatif  de  la 
langue  française ,  1823,  in-16;  |  Diction- 
naire synonymique  de  la  langue  fran- 
çaise, 182G  ,  2  vol.  in-S*".  Laveaux  a  publié 
encore  :  OEuvres  complètes  de  Frédéric 
JJ.  roi  de  Prusse  ,  Berlin,  1788,  13  vol. 


Vi  LAV 

ia-S".  et  il  a  coopéré  à  la  7tIonarchie 
prussienne  sous  Frédéric  le  Grand,  par 
le  comte  de  Mirabeau ,  Londres ,  1788 , 
4  vol.  Iw-k"  ou  8  vol.  in^"  et  atlas. 

*  LAVILLEHEURNOÏS  (  Berthelot 
de  ),  naquit  en  17i!i0,  se  fixa  à  Paris  où  il 
occupa  différentes  places  et  devint  maître 
des  requêtes.  Il  ne  quitta  pas  la  capitale 
pendant  nos  orages  politiques.  Attaché  à 
la  l'oyauté,  il  ne  partagea  pas  les  princi- 
pes de  la  révolution  ;  il  s'efforça  au  con- 
traire partons  les  moyens  d'être  utile  à 
la  cause  légitime.  Il  imagina,  vers  1796, 
de  former  en  France  plusieurs  compa- 
gnies, à  l'instar  de  celles  des  chouans,  et 
de  les  faire  soulever  ensuite,  afin  de  re- 
placer les  Bourbons  sur  le  trône.  Il  s'é- 
tait associé  Duverne  de  Presie  et  l'abbé 
Brotior;  mais,  trahi  par  le  colonel  Malo,  à 
qui  il  avait  fait  part  de  son  projet ,  il  fut 
traduit  devant  un  conseil  de  guerre  de- 
vant lequel  il  parla  avec  courage,  et  fut 
condamné  au  mois  d'avril  à  une  année 
de  détention  ;  après  le  18  fructidor ,  les 
membres  duDirecloire  le  firent  compren- 
dre dans  la  déportation  du  18  fructidor  à 
Caïenne  ;  il  y  fut  conduit  avec  Pichegru 
et  autres  ,  et  y  mourut  en  juillet  1799. 

LA.VIROTTE  (  Louis- An xe  ) ,  méde- 
cin, né  à  Nolay,  diocèse  d'Autun,  mort 
le  3  mars  1739 ,  dans  la  34"  année  de  son 
âge,  était  bon  physcien  et  observateur 
habile.  Il  a  traduit  de  l'anglais  :  1  Observa- 
tions sur  les  crises  par  le  pouls ,  de  Ni- 
hell,  in-12  ;  |  Dissertation  sur  la  transpi- 
ration, in-i^;  ]...  sur  la  chaleur,  in-12,- 

I  Méthode  pour  pomper  le  mauvais  air  des 
vaisseaux,  1740,  in-S**  ;  i  Découvertes  phi- 
losophiques de  Newton,  par  Maclaurin, 
1749,  in-4"  ;  1  Nouvelles  observations  mi- 
croscopiques de   Needham ,    1730  ,  in-8". 

II  a  donné  de  son  propre  fond,  des  Obser- 
vations sur  une  hydrophobie  spmitanée, 
suivie  de  la  rage,  in-12 

*  L  VVOISIER  (  Antoiîve-  Laurent)  , 
célèbre  chimiste,  né  à  Paris  le  16  août  1743, 
fil  ses  études  au  collège  Mazarin,  et  ob- 
tint ensuite  de  son  père  qui  avait  acquis 
dans  le  commerce  une  honorable  fortune, 
la  permission  de  se  livrer  à  son  goût  pour 
les  sciences.  Il  les  étudia  toutes,  les  ma- 
thématiques et  l'astronomie  avec  La- 
caille,  la  chimie  avec  Rouelle,  la  botani 
que  avt'C  Bernard  de  Jussieu.  Il  n'avait 
pas  encore  vingt-trois  ans  lorsqu'il  rem- 
porta ,  en  1766,  le  prix  proposé  par  l'aca- 
démie des  sciences,  sur  un  meilleur  niode 
d'éclairage  à  donner  à  la  ville  de  Paris. 
On  assure  que  ce  jeune  savant ,  qui  s'c- 


LAV  33 

tait  assujéti  à  ne  se  nourrir  que  de  lait, 
et  qui  n'avait  d'autre  société  que  celle  de 
ses  maîtres  et  de  quelques-uns  de  ses  plus 
laborieux  condisciples ,  s'enferma  pen- 
dant six  mois  dans  une  chambre  tendue 
de  noir  pour  rendre  ainsi  ses  yeux  plus 
sensibles  aux  divers  degrés  d'intensité  de 
la  lumière  des  lampes.  Lavoisier  présenta 
ensuite  à  la  même  académie  plusieurs 
mémoires  intéressans ,  un  entre  autres 
sur  les  couches  des  montagnes  :  ses  tra- 
vaux sur  Vair  et  sur  les  fluides  élastiques 
le  firent  admettre  en  17G8  à  l'académie, 
eu  qualité  d'associé  à  la  place  de  Baron 
qui  venait  de  mourir  :  il  avait  alors  à 
peine  23  ans.  Il  continua  ses  recherches  ; 
mais,  jugeant  que  de  grands  moyens  pé- 
cuniaires étaient  nécessaires  à  ses  expé- 
riences ,  il  demanda  et  obtint  en  17G9  la 
place  de  fermier-général,  et  épousa  en 
■1774,  m"'  Paulze,  dont  le  père  exerçait  la 
même  charge.  Sa  fortune  et  les  revenus 
de  cet  emploi  furent  consacrés  au  pro- 
grès des  sciences  :  il  encourageait  les 
jeunes  gens  et  leur  donnait  les  moyens  de 
se  perfectionner  dans  la  carrière  scienti- 
fique qu'ils  voulaient  parcourir  ,  et  réu- 
nissait chez  lui  les  savans  :  dans  leurs 
discussions,  auxquelles  prenaient  part  les 
géomètres  et  les  chimistes,  les  uns  s'ha- 
bituaient àl'observation  des  faits  particu- 
liers, les  autres  à  la  rectitude  du  raisonne- 
naent.  Tout  en  rendant  d'immenses  ser- 
vices aux  sciences  d'observation ,  il  ne  né- 
gligeait nullement  ses  fonctions.  Nommé 
en  1776  régisseur  des  poudres  et  salpê- 
tres, il  en  perfectionna  la  fabrication. 
Ayant  été  appelé  à  la  trésorerie  nationale 
en  1791,  il  publia  sur  les  finances  un  ou- 
vrage qui  éclaira  d'un  jour  effraj^ant  leur 
élal  véritable  ;  il  mil  aussi  dans  la  comp- 
tabilité un  ordre  exact  et  sévère ,  par  le- 
quel on  pouvait  vérifier  chaque  soir  l'é- 
tat de  toutes  les  caisses.  La  révolution  ne 
lui  permit  pas  de  s'occuper  en  paix  de  sa 
science  favorite  :  ceux  qui  battaient  mon- 
naie avec  leséchafauds  sur  les  places  pu- 
bliques, savaient  qu'il  était  riche  :  il  pos- 
sédait en  effet  des  terres  considérables 
dans  l'Orléanais,  où  ses  bienfaits  ont 
rendu  sa  mémoire  chère  aux  habilans. 
Dénoncé  par  un  misérable  qui  devait 
tout  à  la  générosité  de  M.  Paukc  son 
beau-père,  et  traduit  au  tribunal  révolu- 
tionnaire il  fut  condamné  à  mort  avec  28 
collègues.  Une  des  imputations  qui  lui 
élaient  faites,  était  celle  d'avoir  trop  for- 
tement humecté  le  tabac  mis  en  vente  par 
la  fi^nuc  générulo.  Il  demanda  à  ses  juges 


5  LAV 

de  différer  de  quinze  jours  l'exécution  de 
son  jugement ,  pour  qu'il  pût  terminer 
des  expériences  utiles  pour  l'humanUé  : 
«  Je  ne  regretterai  point  alors  la  vie,  s'é-i 
»  cria-t-il,  et  j'en  ferai  avec  joie  le  sacri- 
»  fîce  à  ma  patrie.  »  Le  farouche  prési- 
dent du  tribunal  (  Coffinhal  )  lui  répon- 
dit :  «  La  république  n'a  pas  besoin  de  sa- 
»  vans  et  de  chimistes  ;  le  cours  de  la  jus- 
»  lice  ne  peut  être  interrompu.  »  Il  monta 
àl'échafaud  d'un  pas  ferme,  le  8  mai 
17%,  et  mourut  sans  montrer  aucune 
faiblesse.  On  regrette  d'autant  plus  qu'il 
n'ait  pu  obtenir  un  sursis  au  jugement, 
qu'un  délai  de  quelques  semaines  pouvait 
le  conduire  à  l'époque  où  les  échafauda 
furent  renversés.  Lavoisier  renversa 
l'existence  du  2^hlogistiqu^ ^  prétendu 
principe  de  combustion  que  l'autorité  de 
Beckcr  et  de  Stahl  avait  accrédité  dans  le 
monde  savunl  :  il  démontra  jusqu'à  l'évi- 
dence que  îa  calcinatiou  des  métaux  est 
due  à  leur  combinaison  avec  l'air,  puis- 
que cette  partie  de  l'air  ainsi  absorbée 
est  respirable.  Cavendish avait  découvert 
que  la  combustion  de  l'air  inflammable 
donne  de  l'eau  pour  produit  :  suivant 
cette  idée  féconde ,  Lavoisier  établit  par 
de  belles  expériences  que  l'eau  peut  se 
décomposer  en  air  inflammable  et  en  air 
respirable ,  et  il  appliqua  bientôt  cette 
donnée  à  tous  les  êtres  des  trois  règne» 
naturels.  Après  cette  importante  décou- 
verte, Lavoisier  qui  venait  de  s'ouvrir 
une  route  nouvelle ,  écrivit  un  grand 
nombre  de  mémoires  qu'il  présenta  à  l'a- 
cadémie des  Sciences.  M.  Quérard,  dans 
la  France  littéraire^  tome  h,  en  compte 
soixante-trois,  depuis  1768  jusqu'à  sa 
mort,  sans  parler  de  ceux  qui  furent  h\- 
sévés  dAns  les  Jnnales  de  chimie  j  et  de 
quelques  autres  que  l'on  imprima  à  la 
suite  de  la  Traduction  de  l'ouvrage d'Her- 
manu  sur  la  fusion  à  l'aide  de  l'air  ^  etc. 
Ses  écrits  sont  :  |  Opuscules  chimiques  et 
classiques,  Paris ,  1773, 2  vol.  in-S"  ;  |  iVow- 
velles  recherches  sur  l'existence  d'un 
fluide  élastique^  1775,  in-8°.  C'est  l'ou- 
vrage qui  a  le  mieux  établi  sa  réputation. 
I  Rapport  des  commissaires  chargés  de 
Vexamen  du  magnétisme  animal.,  1783; 
I  Instructions  sur  les  nitricres  et  la  fabri- 
cation du  salpêtre^  1777  ,  in-8"  ;  nouvelle 
édition,  1794  ;  |  Méthode  pour  la  nomen- 
clature chiinique  ^  in-S"  ,  très  souvent 
réimprimée;  |  Traité  élémentaire  de  chi- 
mie. 1789,  2  vol.  in-S",  et  1800  ,  3  vol.  in- 
8"  ;  I  De  la  reproduction  et  de  la  consom- 
mation comparées  à  la  population^  in -8*^ 


LAAV  5 

I  Traité  de  la  richesse  territoriale  de  la 
France A791 ,  in-8°.  Ce  n'est  qu'un  extrait 
d'un  grand  ouvrage  ,  auquel  l'auteur  tra- 
vaillait depuis  long-temps,  et  dont  les  ma- 
tériaux étaient  rassemblés ,  mais  qui  est 
perdu  pour  nous,  ainsi  que  plusieurs 
autres  fruits  du  génie  de  Lavoisier.  Son 
éloffc  a  été  prononcé  par  Fourcroy  dans 
tme  séance  publique  du  Lycée  des  arts  ; 
et  M.  de  Lalande  a  publié  une  Notice  sur 
la  vie  de  ce  savant  illustre  et  modesle,  qui 
réunissait  toutes  les  qualités  bienfaisantes 
du  cœur  à  toutes  les  richesses  de  l'esprit. 

LAW  (  Jban  ),  écossais,  célèbre  par 
le  ruineux  système  de  finances  qu'il  éta- 
blit en  France ,  naquit  en  avril  1671  à 
Edimbourg,  d'un  orfèvre -banquier  et 
selon  d'autres,  en  1668  ou  1681.  Ayant  sé- 
duit à  Londres  la  fille  d'un  lord ,  il  tua 
le  frère  de  sa  maîtresse ,  et  fut  condamné 
à  être  pendu.  Obligé  de  fuir  de  la  Grande- 
Bretagne  (  1694  ) ,  il  passa  en  Hollande, 
et  de  là  en  Italie.  Il  avait ,  depuis  long- 
temps ,  rédigé  le  plan  d'une  compagnie 
qui  paierait  en  billets  les  dettes  d'un  état, 
et  qui  se  rembourserait  par  les  profits. 

II  proposa  cet  établissement  au  duc  de 
Savoie,  depuis  i"  roi  de  Sardaigne  (  Vic- 
tor-Amédée  ),  qui  répondit  qu'î7  n'était 
pas  assez  puissant  pour  se  ruiner.  Il  vint 
proposer  son  plan  au  contrôleur-général 
de  France  (  Desmarets  )  en  1709  ou  1710, 
et  ne  réussit  pas  mieux.  Enfin  il  fut  ac- 
cueilli sous  la  régence  du  duc  d'Orléans, 
et  obtint  en  1716  des  lettres-patentes  : 
deux  milliards  de  dettes  à  éteindre ,  un 
prince  et  un  peuple  amoureux  des  noù- 
Acautés,  voilà  les  circonstaiiccs  qui  favo- 
risèrent son  entreprise  financière.  Il  éla- 
Llit  d'abord  une  banque  en  son  propre 
nom ,  l'an  1716  ;  elle  devint  bientôt  un 
bureau  général  des  recettes  du  royaume. 
On  y  joignit  une  compagni»j  du  Mississipi, 
compagnie  dont  on  faisait  espérer  de 
grands  avantages.  Le  public,  séduit  par 
l'appât  du  gain ,  s'empressa  d'acheter 
avec  fureur  des  actions  de  cette  compa- 
gnie et  de  cette  banque  réunies.  Les  ri- 
chesses ,  auparavant  resserrées  par  la  dé- 
fiance ,  circulèrent  avec  profusion  ;  les 
billets  doublaient ,  quadruplaient  ces  ri- 
chesses. La  banque  fut  déclarée  banque 
du  roi  en  1718  ;  elle  se  chargea  du  com- 
merce du  Sénégal,  des  fermes-générales 
du  royaume  ,  et  acquit  l'ancien  privilège 
de  la  compagnie  des  Indes.  Celle  banque 
étant  établie  sur  de  si  vastes  fondemens, 
ses  actions  augmentèrent  vingt  fois  au- 
Wlelà  de  leur  première  valeur.  En  1719, 


36  LAW 

elles  valaient  quatre-vingts  fois  tout  l'ar- 
gent qui  pouvait  circuler  dans  le  royaume^ 
Le  gouvernement  remboursa  en  papier 
tous  les  rentiers  de  l'élat  ;  et  ce  fut  l'épo- 
quo  de  la  subversion  des  fortunes  les 
mieux  établies.  L'on  donna  alors  à  Law 
(  en  1720  )  la  place  de  contrôleur  des  fi* 
nances.  On  le  vit  en  peu  de  temps  d'écos- 
sais devenir  français  par  la  naturalisation; 
de  protestant,  catholique;  d'aventurier, 
seigneur  des  plus  belles  terres ,  et  de  ban- 
quier, ministre  d'état.  Le  désordre  était 
au  comble.  Le  parlement  de  Paris  s'op- 
posa ,  autant  qu'il  le  put ,  à  ces  innova- 
tions ,  et  il  fut  exilé  à  Pontoise.  Enfin, 
dans  la  même  année,  Law,  chargé  de 
l'exécration  publique  ,  fut  obligé  de  quit- 
ter le  pays  qu'il  avait  voulu  enrichir, 
et  qu'il  avait  bouleversé.  Il  se  retira 
d'abord  dans  une  de  ses  terres  en  Brie  ; 
mais  ne  s'y  trouvant  pas  en  sûreté,  il 
parcourut  une  partie  de  l'Allemagne  ,  et 
descendit  en  Italie  par  le  Tyrol.  Après 
avoir  entrepris  quelques  autres  courses 
de  Hollande  en  Angleterre,  en  Dane- 
marck,  Law  se  fixa  enfin  à  Venise  ,  où  il 
mourut  l'an  1729,  l'esprit  plein  de  projets 
imaginaires  et  de  calculs  immenses.  Le- 
jeu  avait  commencé  sa  fortune  ,  et  cett& 
passion  servit  à  la  détruire.  Quoique  son 
état  ne  fût  guère  au-dessus  de  Tindigcnce, 
il  joua  jusqu'à  sa  mort.  Trayez  l'Histoire 
du  système  des  finances  par  du  Haut- 
Champ,  la  Haye  ,  1754  ,  6  vol.  in-12,  et 
les  Mémoires  de  la  régence,  5  \o\.  in-12, 
1749.  En  parlant  du  système  de  Law,  un 
auteur  s'exprime  en  ces  termes  :  «  Il  se- 
i>  rait  difficile  de  peindre  l'espèce  de  fré- 
i>  nésie  qui  s'était  emparé  des  esprits,  à  la 
»  vue  des  fortunes  aussi  rapides  qu'énor- 
»  mes  qui  se  firent  alors.  Tel  qui  avait 
»  commencé  avec  un  billet  d'état,  à  force- 
»  de  trocs  contre  de  l'argent ,  des  actions 
»  et  d'autres  billets,  se  trouvait  avoir  des 
»  millions  en  quelques  semaines.  La  rue 
»  Quincampoix  était  le  rendez-vous  de 
»  tous  les  actionnaires,  elle  théâtre  de  leur 
I)  manie.  La  foule  s'y  pressait  au  point  que 
»  plusieurs  personnes  y  furent  étouffées. 
i>  11  n'y  avait  plus  dans  Paris  ni  commerce 
»  ni  société.  On  ne  s'occupait  que  du  pria 
»  des  actions.  Les  fortunes  les  plus  consi- 
»  dérables  furent  renversées ,  et  il  s'en 
»  éleva  de  prodigieuses.  Le  désordre  trou- 
»  vait  des  alimens  dans  les  obstacles 
»  mêmes  qu'on  tenta  d'y  opposer.  Tel 
»  fut,  par  exemple  ,  l'effet  de  la  défense 
»  faite  aux  habitans  de  Paris,  de  garder 
1  »  chez,  eux  des  espèces  monétaires.  »  Oa 


hWV  5 

a  publié  les  OEuvres  de  Law^  c'est-à- 
dire,  ses  Principes  sur  le  numéraire  ,  le 
commerce,  le  crédit  et  la  banque,  trad. 
de  l'anglais  par  de  Senovert,  Paris  ,  1790, 
in-8°.  Voyez  l'arlicle  de  M.  Thiers  sur  le 
système  de  Law,  dans  Y  Encyclopédie  p?'o- 
gressive^  année  1826. 

LAW  DE  LAURISTON.  Voyez  LAU- 
RISTON. 

LAW  (Edmond),  f^.  KING,  Guillaume. 

*  LAYA  (Jean-Louis),  professeur  de 
littérature  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris, 
et  membre  de  l'académie  française ,  na- 
quit à  Paris,  le  k  décembre  1761 ,  d'une 
famille  originaire  d'Espagne ,  et  étudia  au 
collège  de  Lixieux ,  où  Dumoustier  ,  Col- 
lin-d'Har  le  ville  ,  Legouvé,  etc.  furent  ses 
condisciples.  En  sortant  du  collège,  il 
publia  avec  ce  dernier  un  recueil  d'iié- 
roïdes  intitulé  :  Essai  de  deux  amis.  Il 
était  parent  de  madame  Dufresnoy  à  qui 
il  inspira,  dès  l'âge  de  seize  ans,  le  goût 
des  vers ,  et  dont  il  dirigea  long-temps 
les  pas  dans  la  carrière  poétique.  Laya 
publia  ,  en  1789  ,  des  considérations  poli- 
tiques sous  le  titre  de  Voltaire  aux  Fran- 
çais sur  leur  constitution^  et  un  écrit  in- 
titulé :  La  Régénération  des  comédiens 
en  France  j,  ou  leurs  droits  à  l'état  civil. 
Tous  les  hommes  de  nos  jours  qui  vivaient 
à  l'époque  désastreuse  de  1793,  se  rap- 
pellent encore  l'immense  sensation  que 
produisit  Vudmi  des  lois^  œuvre  coura- 
geuse qui  fut  représentée  pour  la  pre- 
mière fois  le  3  janvier  1793,  au  milieu 
des  débats  du  procès  de  l'infortuné  mo- 
narque. Cette  pièce ,  où  l'auteur  s'était 
rendu  l'interprète  hardi  des  protesta- 
tions de  tous  les  honnêtes  gens  contre  le 
système  de  la  terreur ,  excita  un  enthou- 
siasme prodigieux  dans  les  départemens 
comme  à  Paris  (i).  A  Marseille ,  elle  fut 

(i)  On  recooDut  Robespierre  dans  le   rôle  de   JSo- 
T.ophagf,  et  Marat  dans  celui  de  Duricrane.  Non»  ci- 
Serons   les    vers    suivans    qui   donneront  à  la  fois  «ne 
■Je'e  et  de  la   noble  andace  qui  a  inspire'  celte  pièce, 
fcl  de  la  versification  de  l'auteur  : 
Ce  sont  tous  ces  jongleurs,  patriotes  de  places, 
IVun  faste  de  civisme  entourant  leurs  giimaces , 
Prêcheurs  d'iigalite'  pétris  d'ambition  j 
Ces  faux  adorateurs  ,  dont  la  dtfvotioD 
N'est  ({u'ui^  dehors  plâtre' ,  n'e-»t  qu'une  hypocrisie  ; 
("es  bon»  et  francs  croyans  dont  l'âme  apostasie, 
Oui,  pour  faire  haïr  le  plu»  beau  don  de»  cieuz , 
Nous  font  la  liberté  sanguinaire  comme  eux.. 
JYÎais  non  ;  la  liberté  chez  eux  méconnaissable 
A  fondé  dan»  dos  coeurs  son  trône  impérissable. 
<^iie  ton»  cet  charlatans  ,  populaire»  larron» , 
Kt  Ae  patriotisme  insolent  fanfarons, 
Ptirgent  dï  leur  aspect  cette  terre  affranchie  ! 
Guerre  ,  guerre  éternelle  aux  fauteur»  d'anarchie! 
7. 


57  LAW 

représentée  deux  fois  en  un  jour  sur  le 
môme  théâtre.  La  commune  de  Paris, 
alarmée  de  l'effet  de  la  pièce  sur  le  public, 
essaya  vainement  d'en  arrêter  la  repré- 
sention ,  à  laquelle  assistait  chaque  fois 
une  foule  immense.  Elle  fit  même  avan- 
cer (12  janvier  1795)  des  canons  contia 
la  salle.  Mais  la  Convention ,  craignant 
les  suites  d'une  pareille  démonstration  , 
cassa  l'arrêté  de  la  comumne ,  et  les  ac- 
teurs purent  jouer  devant  deux  mille 
spectateurs,  dans  une  salle  qu'environ- 
naient trente  mille  citoyens.  Le  général 
Santerre ,  s'élant  montré  sur  le  théâtre 
pour  haranguer  le  peuple ,  fut  couvert  de 
huées.  Au  troisième  acte ,  un  des  assis- 
tans  s'écria  :  Mlons  murer  les  jacobins 
dans  leurs  repaires^  et  le  public  accueil- 
lit avec  joie  celte  proposition.  Peut-être 
(ainsi  que  le  remarqua  M.  le  duc  de 
Lévis ,  dans  sa  réponse  au  discours  de 
réception  de  M.  Laya  dans  l'académie 
française),  ne  manqua-t-il  à  cette  mul- 
titude si  noblement  exaltée  qu'un  chef, 
pour  empêcher  le  crime  qui  devait  se 
consommer  le  21  janvier.  Louis  XVI,  in- 
formé de  .ces  circonstances,  fit  prier 
l'auteur  de  lui  faire  connaître  son  ou- 
vrage ,  et  Laya  le  lui  fit  parvenir  dans  sa 
prison.  Marseille  avait  envoyé  une  dépu- 
tât ion  à  l'auteur  de  VAmi  des  lois;  cet 
hommage  voté  par  les  sections ,  et  con- 
signé dans  le  registre  des  séances  que 
Fréron  rapporta  de  cette  ville  au  comité 
de  salut  public  ,  le  lit  jeter  dans  les  pri- 
sons ,  où  il  resta  15  mois.  Plusieurs  per- 
sonnes furent  même  envoyées  à  la  mort , 
par  le  seul  motif  qu'on  avait  trouvé  chez 
elles  un  exemplaire  de  l'ouvrage.  Laya 
eut  le  bonheur  de  se  soustraire  à  l'écha- 
faud.  Il  reparut  le  9  thermidor.  Le  Rapport 
qu'il  rédigea  sur  les  papiers  trouvés  chez 
Robespierre ,  rapport  que  l'abbé  Mulot  et 
Courtois  modifièrent  dans  le  sens  révolu- 
tionnaire [voy.  COURTOIS) ,  le  fit  porter 
au  coiTiilé  de  sûreté  générale  (i).  Sous  le 
gouvernement  consulaire ,  Laya  voulut 
embrasser  la  carrière  administrative  ; 
mais  un  des  trois  consuls  lui  refusa  obsti- 
nément la  sous-préfecture  de  Fontaine- 
bleau,/?arce  qu'il  avait  cultivé  leslettrei 
et  fait  des  tragédies.  Plus  tard ,  il  suivit 
M.  Alexandre  de  la  Rochefoucault  à  son 
ambassade  de  Dresde,  puis  fut  nommé 


(!)  On  attribue  aussi  i  Laya  la  motion  d'ordre  da 
Courtois  ,  qui  fit  fermer  le  club  anarthiqiie  eu  IMa- 
nége  ,  ainsi  que  l'opinion  prononcée  à  la  tribune  par 
ce  conventionnel  ,  pour  la  rettitution  des  bisns  des 
coadamnéf . 

29 


LAW  3 

smppléant  de  M.  de  Saint- Ange  à  la  chaire 
de  belles-lettres  du  lycée  Charlemagne , 
d'où  il  passa,  en  1809,  à  celle  du  lycée 
Napoléon  (  collège  de  Henri  IV  ).  La 
même  année ,  il  fut  appelé  à  remplir  la 
chaire  d'histoire  littéraire  et  de  poésie 
française  de  la  faculté  des  lettres  que  la 
mort  de  Delille  avait  laissée  vacante.  Les 
noms  de  MM.  Casimir  Delavigne,  Cousin 
(le  Wailly,  Patin  ,  qui  furent  ses  élèves , 
attestent  assez,  les  succès  de  l'enseigne- 
ment de  Laya,  qui  remplaça,  le  6  août 
i8l7  ,  à  l'académie  française  M.  de  Choi- 
seul-Gouffier  (  voyez  CHOISEUL-GOUF- 
FIER  ).  Laya  est  mort,  à  l'âge  de  soixante- 
treize  ans  ,  au  mois  d'août  1853.  Les  titres 
de  ses  ouvrages  sont  ■;  \  Essais  de  deux 
amis,  Paris ,  1786 ,  in-8°  (avec  Legouvé)  ; 
!  La  régénération  des  comédiens  en 
France^  ou  leurs  droits  à  l'état  civile 
Paris ,  1789 ,  in-16  ;  I  Voltaire  aux  Fran- 
çais sur  leur  constitution^  Paris,  1789, 
in-8°;  |  Jean  Calas,  tragédie  en  cinq 
actes  et  en  vers ,  précédée  d'une  pré- 
face historique  sur  Jean  Calas,  Paris, 
1791 ,  in-8°  ;  |  Discours  qui  devait  être 
prononcé  par  le  citoyen  Laya,  auteur 
de  l'Ami  des  lois ,  à  la  barre  de  la  Con- 
vention ,  Paris ,  1793 ,  in-8°  ;  |  Les  dan- 
gers de  l opinion ,  drame  en  5  actes  et 
en  vers ,  Paris ,  1790 ,  in-8°.  Ce  drame  où 
l'auteur  attaquait  le  préjugé  des  peines 
infamantes,  eut  beaucoup  de  succès. 
I  L'ami  des  Lois,  comédie  en  5  actes  et  en 
vers,  Paris  ,  1822  ,  in-8''  {voy.  plus  haut); 
I  Les  derniers  momens  de  la  présidente 
de  Tourvel,  héroïde  ,  Paris,  1799,  in-8°; 
j  Epitre  à  un  jeune  cultivateur  nouvelle- 
ment élu  député,  1799,  1818,  in-8°,  dont 
le  but  est  de  prouver  que  les  demi-con- 
naissances ,  si  dangereuses  dans  tous  les 
arts  ,  le  sont  surtout  dans  la  législation  , 
et  que  le  simple  bon  sens  y  est  préfé- 
rable au  faux  savoir.  |  Essai  sur  la  sa- 
tire.  Paris,  1800,  in-12 ,  morceau  ex- 
trait des  Veillées  des  muses,  tiré  à  un 
petit  nombre  d'exemplaires  qui  n'ont  pas 
été  destinés  au  commerce;  [  Eusèbe , 
hérdide,  Paris,  1807,  in-8°,  réimprime 
sous  ce  titre  :  Lettre  d' Eusèbe  à  son  ami, 
Paris,  181S  ,  in-8°;  |  Discours  prononcés 
dans  la  séance  publique  tenue  par  l'aca- 
démie française ,  pour  la  réception  de 
M.  Laya,  le  30  novembre  1817,  Paris, 
1817,  in-4°;  |  Un  mot  sur  M.  le  directeur 
de  l'imprimerie  et  de  la  librairie,  ou  Jbus 
de  la  censure  théâtrale,  Paris,  1819, 
in-8°;  |  Falkland,  ou  la  conscience,  drame 
,en  cinq  actes  et  en  prose  ,  représenté  en 


38  LAZ 

1799,  Paris  ,1821,  in-8°.  Laya  a  fourni  en 
outre  ,  des  poésies  à  l'Almaiiach  des 
Muses  :  il  a  coopéré  aux  Veillées  des 
Muses  (avec  Arnault,  Legouvé,  Vigée, 
etc. ,  1799  - 1802  ) ,  à  VObservateur  des 
spectacles,  à  la  Nouvelle  bibliothèque  des 
Romans  ^  et  il  a  été  chargé  pendant  15 
ans  de  la  partie  critique  littéraire  du 
Moniteur.  Laya  a  encore  composé  une 
comédie  en  deux  actes  ,  intitulée  une 
Journée  du  jeune  Néron,  qui,  représen- 
tée en  1799  ,  n'a  pas  été  imprimée. 

LAYMAIV.  Voyez  LAIMAN. 

LAZARE,  frère  de  Marie  et  de  Marthe, 
demeurait  à  Béthanie.  Jésus ,  qui  l'aimait, 
allait  quelquefois  loger  chez  lui.  Le  Sau- 
veur vint  en  cette  ville  quatre  jours  après 
la  mort  de  Lazare ,  se  fit  conduire  à  son 
tombeau,  et  en  ayant  fait  ôter  la  pierre,  il 
lui  rendit  la  vie.  Ce  miracle  éclatant, 
opéré  aux  portes  de  Jérusalem,  et  dont 
l'objet  sensible  et  subsistant  repoussait 
tous  les  doutes  ,  ayant  été  rapporté  aux 
princes  des  prêtres  et  aux  pharisiens,  ces 
ennemis  de  la  vérité  prirent  la  résolution 
de  faire  mourir  Jésus-Christ  et  Lazare. 
Ils  exécutèrent  leur  mauvais  dessein  en- 
vers le  Sauveur  ;  mais  à  l'égard  de  Lazare, 
l'histoire  sainte  ne  nous  apprend  pas  ce 
qu'il  devint.  Les  Grecs  disent  qu'il  mou- 
rut dans  l'ile  de  Chypre ,  où  il  était 
évéque,  et  que  ses  reliques  ont  été  trans- 
portées à  Constantinople  sous  l'empe- 
reur Léon  le  Sage.  Quelques  anciens 
martyrologes  d'Occident  semblent  confir- 
mer cette  tradition.  Il  parait  que  l'on  n'a 
parlé  qu'assez  tard  de  son  voyage  en  Pro- 
vence avec  Marie-Madeleine  et  Marthe, 
ses  sœurs,  et  que  l'on  a  supposé  qu'il  est 
mort  évoque  de  Marseille.  Voyez  MA- 
DELEINE. 

LAZARE ,  pauvre,  véritable  ou  sym- 
bolique ,  que  le  Fils  de  Dieu  nous  repré- 
sente, dans  l'Evangile  ,  tout  couvert  d'ul- 
cères, couché  devant  la  porte  d'un  riche, 
où  il  ne  désirait  que  les  miettes  qui  tom- 
baient de  sa  table ,  sans  que  personne  les 
lui  donnât.  Dieu,  pour  récompenser  la 
patience  de  Lazare ,  le  retira  du  monde, 
et  son  âme  fut  portée  dans  le  sein  d'Abra- 
ham. Le  riche  mourut  aussi,  et  eut  l'enfer 
pour  sépulture.  Lorsqu'il  était  dans  les 
tourmens,  il  vitd«  loin  Lazare,  et  lui 
demanda  quelques  rafraîchissemens  ;  mais 
Abraham  lui  répondit ,  qvJ ayant  été  dans 
les  délices  pendant  que  Lazare  souffrait, 
il  était  juste  qu'il  fût  dans  les  tourmens 
petidant  que  celui-ci  était  dans  la  joie. 
Quelques  interprètes  ont  cru  que  ce  q^e 


LAZ 


339 


LAZ 


le  Fils  de  Dieu  rapporte  ici  de  Lazare  et 
du  mauvais  riche  est  une  histoire  réelle  ; 
d'autres  prétendent  que  ce  n'est  qu'une 
parabole;   et  enfin  quelques-uns,  tenant 

10  milieu,  veulent  que  ce  soit  un  fond  his- 
torique, embelli  par  le  Sauveur  de  quel- 
ques circonstances  paraboliques. 

LAZARE  (  saint  ),  religieux  grec,  qui 
avait  le  talent  de  la  peinture,  consacra 
son  pinceau  à  des  sujets  de  piété.  L'em- 
pereur Théophile,  iconoclaste  furieux, 
lit  déchirer  le  peintre  à  coups  de  fouet, 
et  lui  fit  appliquer  aux  mains  des  lames 
ardentes.  Lazare,  guéri  de  ses  plaies,  con- 
tinua de  peindre  Jésus-Christs  la.  sainte 
Vierge  et  les  saints.  Il  mourut  à  Rome  en 
867,  où  l'empereur  Michel  l'avait  envoyé. 

11  a  été  mis  au  nombre  des  saints  ;  le  Mar- 
tyrologe romain  met  sa  fêle  au  25  février. 

LAZARE.  Vo7/ez  PONCE  DELAZARE. 

LAZARELLI  (  Jean-François  ),  poète 
italien  ,  né  en  1710,  à  Gubio,  d'abord  au- 
diteur de  rote  à  Macerata,  ensuite  prévôt 
de  la  Mirandoîe,  mourut  en  1791,  âgé  de 
plus  de  80  ans.  On  a  de  lui  un  poème 
singulier,  intitulé  :  La  Cocceide  legitlima. 
La  deuxième  édition,  qui  est  augmentée, 
est  de  Paris,  sans  date,  in-12,  et  a  été 
réimprimée  une  troisième  fois.  C'est  un 
recueil  de  sonnets  et  de  vers  mordans 
contre  un  nommé  Arrighini  ^  son  collè- 
gue à  la  rote  de  Macerata. 

LAZER3IE  (  Jacques  ),  professeur  de 
médecine  en  l'université  de  Montpellier^ 
mort  au  mois  de  juin  1736  ,  âgé  de  plus 
de  80  ans,  est  auteur  d'un  ouvrage  inti- 
tulé :  I  Tractatus  de  morbis  internis  ca- 
pitiSj  1748,  2  vol.  in-12;  ouvrage  qui  n'a 
été  mis  au  jour  que  par  le  désir  d'être 
utile  aux  jeunes  médecins.  M.  Didier  des 
Marèts  l'a  traduit  en  français.  II  a  été 
imprimé  à  Paris ,  en  1754,  sous  ce  titre  : 
Traité  des  maladies  internes  et  externes 
de  la  tête,  2  vol.  in-12.  On  a  encore  de 
lui  :  I  De  suppiirationis  eventibus ,  1724, 
in-8°  ;  |  De  febre  tertiana  intermittente ^ 
1731,  in-8°  ;  j  Curationes  morborum,  1731, 
2  vol.  in-12,  mises  en  français  sous  ce 
titre  :  Méthode  pour  guérir  les  maladies^ 
traduite  du  latin  de  M.  Lazerme,  Paris, 
1753,  2  vol.  Cet  ouvrage  est  un  peu  su- 
perficiel. 

LAZIUS  (  WoLFGANG  ),  professeur  de 
belles-lettres  et  de  médecine  à  Vienne 
en  Autriche,  sa  patrie,  naquit  en  1514,  et 
mourut  en  1565,  avec  le  litre  d'historio- 
graphe de  l'empereur  Ferdinand  I",  ot 
avec  la  réputation  d'un  homme  fort  la- 
borieux, mais  mauvais  critique.  On  a  de 


lui  :  I  Viennœ-Austriœ,  seu  rerum  Vien^ 
nensiumCommentariisBà.\e,  1646,  in-fol., 
savant,  mais  semé  de  fautes.  Les  états  de 
Vienne  jugèrent  cependant  son  travail 
digne  d'une  récompense  honorable.  |  Geo- 
graphia  Pannonice  j  dans  Ortelius  ;  \  un 
savant  traité  De  gentium  aliquot  migra- 
tionibuSs  sedibus  fixis,  reliquiis^  etc.  libri 
X7/,Bâle  ,  1557  ,  1572  ,  in-fol.  et  Franc- 
fort, 1600,  in-fol.  Il  roule  principalement 
sur  les  émigrations  des  peuples  du  Nord. 
I  Commentariorum  reipublicce  romance» 
in  exteris  provinciis  bello  acquisitis  con- 
stitatœ  libri  XI I^  1398  ,  in-fol.  pleins  de 
lecherches  et  d'inexactitudes  ;  |  In  genea- 
logiam  austriacam  Commentarii^  1394, 
in-fol. ,  etc.  La  plupart  des  ouvrages  de 
Lazius  ont  été  recueillis  à  Francfort, 
1698,  en  2  vol.  in-fol. 

*LAZO\VSKI,  né  en  Pologne,  vers 
1730 ,  quitta  sa  patrie  à  l'époque  de  la  ré- 
volution de  France,  et  vint  se  fixer  à 
Paris;  il  y  obtint,  bientôt  après,  une 
place  d'inspecteur  des  manufactures,  qu'il 
perdit  ensuite.  Entraîné  par  un  caractère 
ardent  et  ambitieux  ,  il  sacrifia  tout  au 
désir  de  se  faire  remarquer,  quitta  le  cos- 
tume élégant  qu'il  avait  porté  jusqu'a- 
lors, se  travestit  en  sans-culotte,  devint 
capitaine  de  quartier  de  la  garde  natio 
nale  de  Paris,  et  dirigea  le  10  août  1792 
l'artillerie  des  fédérés  contre  le  châteai 
des  Tuileries.  On  le  vit  au  nombre  des 
principaux  acteurs  des  massacres  de  sep- 
tembre ,  tant  dans  la  capitale  qu'à  Ver- 
sailles. Quelques  mois  après,  il  dirigeait 
les  proscripteurs  qui  venaient  sans  cesse, 
au  nom  des  jacobins  et  de  la  commune, 
demander  à  la  barre  de  la  Convention  la 
tète  des  députés  fidèles  ,  qui  leur  furent 
enfin  livrés  le  2  juin  1793.  Décrété  d'ar- 
restation au  mois  de  mars  1793,  sur  la 
proposition  de  Vergniaud,  il  fut  vivement 
défendu  par  ceux  de  ses  complices  qui 
siégeaient  à  la  Montagne.  Il  fut  attaqué 
peu  de  temps  après  d'une  fièvre  inflam- 
matoire, et  cet  égorgeur  finit,  dans  son  lit, 
une  vie  qu'il  aurait  dû  perdre  par  la 
main  du  bourreau.  Les  jacobins  lui  ren- 
dirent des  honneurs  funèbres,  €t  Ro- 
bespierre ne  dédaigna  pas  de  prononcer 
son  éloge.  Le  corps  de  ce  misérable  fut 
déposé  au 'pied  du  l'arbre  de  la  liberté, 
alors  planté  sur  la  place  du  Carrousel ,  et 
journellement  arrosé  du  sang  des  vic- 
times. Il  en  fut  retiré  et  jeté  à  la  voi- 
rie, lorsqii'après  le  9  thermidor  onaballil 
l'espèce  de  monument  qu'on  lui  avait 
élevé  sur  cette  place. 


LEB 


540 


LEB 


LEANDRE  (  sainl  ) ,  fils  d  un  gouver- 
neur de  Carthagène ,  vers  le  milieu  du 
e'^  siècle,  embrassa  d'abord  la  vie  mo- 
nastique ,  et  fut  ensuite  archevêque  de 
Séville  ,  où  il  célébra  un  concile.  Il  tra- 
Jvailla  avec  beaucoup  de  succès  à  la  con- 
version des  ariens  de  son  diocèse ,  opéra 
plusieurs  conversions,  entr'autres  celle 
d'Herménégilde  ,  et  fut  condamné  à  l'exil 
par  le  roi  Leuvigilde  qui  fit  mourir  le 
jeune  prince  Herménégilde.  Mais  ce  mo- 
narque rappela  bientôt  l'archevêque  à 
Séville,  et  lui  recommanda  d'instruire 
dans  la  religion  catholique  Récarède  son 
fils.  Il  assista  avec  éclat  au  concile  de 
Tolède  en  589 ,  qu'il  présida ,  et  mourut 
le  27  février  596.  Quelques-uns  lui  attri- 
buent le  Rite  mozarabîque.  (  V.  ORTIZ 
Alphonse.  )  Saint  Grégoire  le  Grand  lui 
dédia  ses  Morales  sur  Job ,  qu'il  avait  en- 
treprises à  sa  persuasion.  On  a  de  saint 
léandre  une  Lettre  à  Florentine  sa  sœur , 
qui  renferme  des  avis  fort  utiles  pour  les 
religieuses.  On  la  trouve  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pères  ,  ainsi  que  son  Discours 
sur  la  conversion  des  Goths  ariens ,  in- 
séré aussi  à  la  fin  des  Actes  du  3'  concile 
de  Tolède. 

LÉANDRE  (le  Père),  capucin,  mort 
à  Dijon  ,  son  pays  natal ,  en  1667,  com- 
posa plusieurs  ouvrages  qui  lui  firent  un 
nom.  Les  plus  accueillis  sont  :  ]  les  Vérités 
de  l'Evangile ,  1661  et  1662  ,  Paris ,  2  vol. 
in-fol.  I  et  un  Commentaire  sur  les  Epitres 
de  saint  Paul,  1663,  2  vol.  Ce  dernier 
est  en  latin. 

LABACICCÏ.  Voyez  BACICCI.. 

*  LEBARBIER  (  Jean-Jacques-Fran- 
çois),  peintre  distingué,  membre  de  la 
classe  des  beaux-arts  de  l'institut,  et  de 
plusieurs  académies  et  sociétés  savantes , 
né  à  Rouen,  le  11  novembre  1738,  mort 
à  Paris  lo  7  mai  1826 ,  à  87  ans ,  avait 
appris  les  élémens  de  la  peinture  dans  les 
écoles  royales  de  Normandie,  et  rem- 
porté en  1755  et  1756,  les  prix  au  con- 
cours de  l'académie  de  Rouen.  Il  reçut 
ensuite  à  Paris  les  leçons  et  les  conseils 
de  M.  Pierre,  premier  peintre  du  roi,  et 
directeur  de  l'académie.  Lebarbier  alla 
passer  quatre  ans  à  Rome ,  et  pendant  ce 
temps  il  recueillit  une  fou\e  de  beaux 
dessins  d'après  les  grands  maîtres,  dont 
presque  tous  ont  été  gravés.  En  1776,  le 
gouvernement  le  chargea  d'aller  lever  en 
Suisse,  des  vues  et  des  dessins,  pour  le 
magniiique  ouvrage  de  M.  Zurlauben, 
qui  a  pour  titre  Tableaux  topographi- 
ques, etc.,  de  la  Suisse,  1780-88,  4  vol. 


in-folio  ;  c'est  pendant  ce  voyage ,  qu'il 
fit  la  connaissance  du  poète  Gessner  ;  a 
son  retour,  il  publia  une  édition  fran- 
çaise des  œuvres  de  cet  illustre  étranger, 
Paris ,  Barrois  aîné ,  1786-1793 ,  3  vol.  in- 
k° ,  qu'il  orna  de  ses  dessins.  Parmi  les 
tableaux  de  Lebarbier ,  nous  citerons  le 
Siéffe  de  Beauvais^  1772,  qui  le  fit  ad- 
mettre à  l'académie  de  peinture  et  lui 
valut  le  titre  de  citoyen  de  la  ville  de 
Beauvais  qui  possède  cette  composi- 
tion :  le  Siège  de  Nancy  >  placé  dans 
l'Hôlel-de-Ville  de  celte  cité  ;  Jupiter  sur 
le  Mont-Ida^  dans  la  galerie  de  Ver- 
sailles; Aristomène  ^  dans  le  château  de 
Compiègne;  saint  Louis  prenant  l'ori- 
flamme^ et  V Apothéose  de  saint  Louis  j 
tous  deux  à  saint  Denis;  un  Christ^  au- 
dessus  du  maître-autel  de  la  cathédrale 
de  Sens  ;  Sully  aux  pieds  de  Henri  IV ^ 
aux  Gobelins;  Le  Tombeau  des  Cana- 
diens, etc.  Cet  artiste  avait  autant  d'in- 
struction que  de  modestie ,  et  fut  un  des 
premiers  peintres  de  notre  nouvelle 
école  ,  qui  s'attachèrent  aux  règles  inva- 
riables du  bon  goût.  On  a  aussi  de  lui 
l'opuscule  suivant  :  Des  causes  physiques 
et  morales  qui  ont  influé  sur  les  progrès  de 
la  peinture  et  de  la  sculpture  chez  les 
Grecs,  1801,  in-8°.  On  a  publié  le  Cata- 
logue des  tableaux ,  dessins ,  etc.,  prove- 
nant de  la  bibliothèque  de  feu  M.  Lebar- 
bier, membre  de  l'institut,  par  Piéri-Bc- 
nard ,  Paris,  1828,  in-8°  de  62  pages ,  pré- 
cédé d'une  courte  notice  sur  ce  peintre. 
*  LEBAS  (Pierre)  ,  né  à  Frévent  en 
1760,  d'une  famille  estimable,  venait 
d'être  reçu  avocat  lorsque  la  révolution 
française  éclata  :  il  en  adopta  les  prin- 
cipes, et  fut  nommé  en  1790,  adminis- 
trateur de  son  département.  Elu  député 
du  Pas-de-Calais  à  la  Convention  na- 
tionale ,  il  y  vola  la  mort  de  Louis  XVI , 
sans  appel  et  sans  sursis,  et,  s'il  ne  se 
prononça  en  faveur  des  attentats  des  51 
mai,  1*""  et  2  juin,  qu'avec  une  sorte  de 
réserve,  celte  apparente  modération  te- 
nait beaucoup  moins  à  la  droiture  de  sa 
raison  qu'à  des  formes  naturellement 
timides  et  réservées.  Le  14  septembre 
1793,  il  fut  nommé  membre  du  comité 
de  sûreté  générale.  Lié  d'une  amitié 
étroite  avec  Sainl-Just  et  Robespierre, 
il  puisa  dans  ces  âmes  atroces  cette  fé- 
rocité qui  n'était  point  lo  caractère  de 
la  sienne.  Chargé  successivement  de  mis 
sions  dans  les  départemens  du  Pas-de- 
Calais,  de  la  Somme,  du  Haut  et  du  Bas- 
Rhin,  sa  tpannic  devint  si  épouvanta- 


LEB 


34i 


LEB 


Lie  ,  qu'un  grand  nombre  d'Alsaciens  se 
réfugièrent  dans  la  Forêt-Noire ,  que  les 
cIiaiTips  et  les  ateliers  furent  abandonnés, 
et  que  plusieurs  communes  demeurèrent 
désertes.  Quoique  ami  de  Robespierre  et 
de  Sairit-Just,  il  aurait  peut-être  échappé 
à  l'arrêt  de  condamnation  qui  les  frappa , 
bI  son  fanatisme  aveugle  ne  l'avait  en- 
traîné à  sa  perte.  A  peine  eut-il  entendu 
décréter  l'arrestation  de  ces  deux  révolu- 
tionnaires ,  qu'il  s'écria  «  qu'il  ne  vou- 
*  lait  pas  partager  l'opprobre  de  ce  dé- 
»  cret ,  et  qu'il  demandait  la  même  me- 
»  sure  contre  lui-même.  »  Elle  fut  en 
effet  portée  à  l'instant.  Arrêté  et  conduit 
avec  ses  collègues  dans  une  des  prisons  de 
Paris,  il  fut  délivré  avec  eux,  et  entraîné 
à  la  commune  insurgée  contre  la  Conven- 
tion, et  qui  se  préparait  à  marcher  contre 
elle.  Dans  la  séance  du  9  thermidor ,  il 
fut  mis  hors  la  loi  ;  mais  au  moment  où 
il  allait  être  arrêté  par  la  troupe  con- 
ventionnelle, commandée  par  Beurnon- 
ville ,  il  se  tua  d'un  coup  de  pistolet ,  dans 
la  nuit  du  24  juillet  1794 ,  pour  ne  point 
tomber  au  pouvoir  de  ses  ennemis. 

LEBAUD  (  Pierre  ).  Ployez  BAUD. 

LEBBÉE.  yoyez  JUDE  (saint). 

LEBEAU.  royez  BEAU. 

*LEBERRIAYS  (  RÉxÉ  ),  agronome,  né 
àBrecey,prèsd'Avranchesen  1722,  mort 
à  Avranches  le  7  janvier  1807 ,  était  issu 
d'une  famille  de  propriétaires  cultiva- 
teurs, et  étudia  à  Avranches  et  à  Vire.  On  le 
destinait  à  l'état  ecclésiastique.  Mais  il  n'en 
reçut  que  les  premiers  ordres.  On  a  de  lui 
un  Traité  des  jardins^  ou  le  nouveau  La 
Qmntinie^V&vis,  1773,  2  vol.  in-8°,dorit  il 
donna  lui-même  un  abrégé  sous  le  titre  de  : 
Le  petit  La  Quintinie  ^  Avranches ,  1791 , 
in-18.Leberriays,  s'occupa  presque  exclu- 
sivement d'agriculture ,  et  surtout  des 
soins  à  donner  aux  arbres  fruitiers  ;  on 
lui  doit  presque  en  entier  le  Traité  des 
arbres  fruitiers ,  qui  parut  en  1768  ,  sous 
le  nom  de  Duhainel-Dumonccau.  Joi- 
gnant la  théorie  à  la  pratique ,  il  fit  une 
foxile  d'expériences  curieuses  ,  et  parvint 
à  obtenir  plusieurs  variétés  de  fruits,  et 
notamment  des  cerises  remarquables  par 
leur  grosseur  et  leur  goût  délicieux.  Il 
taillait  lui-même  ses  arbres  ,  et  soignait 
ses  It  gumes.  Il  avait  composé  un  Traité 
sur  les  haricots^  orné  de  49  planches  en- 
Imninées,  dont  il  avait  fait  présent  à 
M.  Barcnton,  d' Avranches,  et  qui  est 
resté  manuscrit.  Pendant  les  orages  de  la 
révolution,  il  fut  obligé  de  se  cacher  à 
Rouen;  il  revint  en  1794  ,  au  Bois-Guérin, 


et  reçut ,  en  1800 ,  l'hommage  honorable 
des  médailles  d'or  décernées  par  la  so- 
ciété d'agriculture  de  Paris ,  à  ceux  qui 
avaient  été  le  plus  éminemment  utiles  à 
quelques  parties  de  cet  art.  M.  Lair  se- 
crétaire de  l'académie  de  Caen,  a  publié 
son  Eloge ,  Caen ,  1808 ,  in -8°. 

LEBEUF.  royez  BŒUF. 

LEBID  ,  le  plus  ancien  des  poètes  ara- 
bes qui  ont  vécu  depuis  l'origine  du  ma- 
hométisme.  Mahomet  employa  sa  muse  à 
répondre  aux  chansons  et  aux  satires 
que  les  poètes  arabes  lançaient  contre  lui. 
Ce  prophète  disait  que  la  plus  belle  sen- 
tence qui  fût  sortie  de  la  bouche  des  Ara- 
bes était  celle-ci  de  Lebid  :  Tout  ce  qui 
n'est  pas  Dieu^  n'est  rien.  Celle  de  saint 
François,  Deus  meus  et  omnia^  est 
néanmoins  plus  énergique  et  plus  simple. 
Le  versificateur  arabe  mourut  âgé  ,  dit- 
on  ,  de  140  ans. 

LEBLANC.  F.  BEAULIEU  et  BLANC 
(le). 

LEBLANC  (Marcel),  jésuite  ,  né  à 
Dijon  en  1653 ,  fut  un  des  14  mathémati- 
ciens envoyés  par  Louis  XIV  au  roi  de 
Siam.  Il  travailla  à  la  conversion  des  Ta- 
lapoins ,  et  s'embarqua  pour  la  Chine  ; 
mais  le  vaisseau  sur  Içcpiel  il  était ,  ayant 
été  battu  i>ar  la  tempête ,  le  père  Leblanc 
reçut  un  coup  à  la  tête  ,  dont  il  mourut 
en  1693  ,  à  Mozambique.  On  a  de  lui  : 
Y  Histoire  de  la  révolution  de  Siam  en 
1688,  Lyon  ,  1692,  2  vol.  in-12,  avec  un 
détail  de  l'état  présent  des  Indes.  Cette 
relation  est  exacte  ;  le  2'  vol.  offre  plu- 
sieurs remarques  utiles  aux  navigateurs. 

LEBLANC  DE  BEAULIEU  ,  évêque  de 
Soissons ,  Voyez  BEAULIEU. 

*  LEBLOND  (  Auguste  -  Savinieiv  )  , 
mathématicien,  mort  à  Paris,  le  22  février 
1811.  Il  fut  im  de  ceux  qui  contribuèrent 
le  plus  à  l'adoption  des  nouvelles  mesu- 
res ,  et  proposa  le  premier  en  1790  de 
désigner  les  mesures  linéaires  par  le  nom 
de  mètre.  Il  inventa  aussi  un  cadran  lo- 
garithmique adapté  aux  poids  et  mesures  ; 
mais  \'arithmo(jraphe  ^  autre  instrument 
dans  le  même  genre ,  inventé  par  M.  Gat- 
ley,  a  obtenu  la  préférence.  On  a  de  lui, 
outre  divers  ouvrages  sur  les  mesures  : 
I  Le  Portefeuille  des  enfans,  mélange  in- 
téressant d'animaux ,  de  fleurs  ,  fruits , 
habillemens,  cartes  ,  etc. ,  avec  de  courtes 
explications  et  divers  tableaux  élémen- 
taires, Paris,  1784,  in-4°.  Cet  ouvrage, 
très  estimable ,  publié  par  cahiers ,  dont 
le  22"  était  sous  presse  en  1798 ,  n'a  pas 
été  terminé.  Le  texte  a  été  imprimé  à 
29. 


LEB  5 

part,  sous  le  litre  de  Livret  du  Portefeuille 
des  enfans,  1798 ,  2  vol.  in-18  ;  \  Dic- 
tionnaire abrégé  des  hommes  célèbres  de 
l'antiquité  et  des  temps  modernes^  1802, 
2  vol.  in-12. 

LEBLOND.  T^oyez  BLOND. 

•  LEBLOND  (  Gaspauo-Michel  ),  savant 
antiquaire,  rué  à  Caen,  le  2i  novembre 
1758,  embrassa  l'état  ecclésiastique,  et 
ne  tarda  pas  à  se  faire  connaître  par  des 
travaux  importans,  sur  des  médailles,  et 
quelques  autres  objets  d'antiquités.  En 
1772  ,  il  fut  reçu  à  l'académie  des  inscrip- 
tions. Nommé  peu  auparavant  sous-biblio- 
thécaire du  collège  Mazarin  ,  il  remplaça 
pendant  la  révolution,  dans  la  place  de 
conservateur  en  chef  de  cette  biblio- 
thèque ,  l'abbé  Hooke,  qui  a";aît  refusé  en 
17'J1  ,  le  serment  que  l'on  exigeait  des 
fonctionnaires  publics.  Leblond  fut  char- 
gé, en  qualité  de  membre  de  la  commission 
des  arts ,  du  dépouillement  des  archives 
et  des  bibliothèques  des  anciennes  maisons 
religieuses,  et  enrichit  la  bibliothèque  Ma- 
r.arine  d'environ  50,000  volumes  (i).  Lors 
de  la  première  organisation  de  l'institut , 
il  devint  membre  de  la  classe  des  anti- 
quités. L'abbé  Leblond  quitta  Paris,  à 
l'époque  de  l'établissement  du  gouver- 
nement impérial ,  et  se  retira  dans  la  pe- 
tite ville  de  l'Aigle  .  où  il  est  mort  le  17 
juin  1809.  On  a  de  Leblond  des  mémoires 
insérés  dans  le  Recueil  de  l'académie  des 
Inscriptions,  et  dans  celai  de  l'institut. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  |  Obser- 
vations sur  quelques  médailles  du  cabinet 
de  M.  Pellerin.  Paris,  1771,  in-4"  ;  la 
bibliothèque  du  roi  possède  un  exemplaire 
de  cet  ouvrage ,  enrichi  de  notes  parti- 
culières de  M.  Pellerin  lui-même  ;  |  avec 
l'abbé  Lachau  ,  Description  des  princi- 
pales pierres  gravées  du  cabinet  du  duc 
d'Orléans .  Paris,  1780-84,  2  vol.  in-4°, 
ouvrage  précieux  et  très  estimé  des  sa- 
vans;  |  dans  le  Journal  de  Paris,  plu- 
sieurs ZeWres  en  faveur  des  inscriptions  en 
langue  latine  ;!  un  index  poin-  le  Mémoire 
sur  yénuSj.  par  Larcher,  in-12,  et  autres 
opuscuks.  Imbu  des  désolantes  doctrines 
de  l'athéisme  ,  il  consacra  plus  d'une  fois 
son  érudition  au  développement  de  ses 
principes  irréligieux  ,  et  a  eu  une  grande 
part  à  la  puJblicalion  du  livre  de  V Origine 
de  tous  les  cultes,  de  Dupuis;  il  passe 
pour  l'éditeur  des  Motiumens  de  la  vie 
privée  des  douze  Césars  et  des  dames 


(i)  Voyer  la  R,»,!i' , 

»&►>.  »îH,  :i6i> 


c!ope\îi'j':c  dti 


42  LEB 

romaines,  recueils  infâmes  ,  Caprée 
(  Paris  ) ,  1780  et  1784.  Il  avait  composé 
plusieurs  autres  ouvrages  qui  étaient  en 
manuscrit ,  mais  il  les  a  brûlés  quelques 
jours  avant  sa  mort ,  dans  un  accès  de 
lièvre  violente. 

•  LEBOIV  (  JosEPu)  ,  membre  de  la 
Convention  ,  un  des  plus  cruels  révola- 
tionnaires ,  naquit  à  Arras ,  en  1765  , 
d'une  famille  pauvre,  et  fit  de  bonnes 
études  dans  sa  ville  natale.  Son  éducation 
fut  toute  chrétienne  ;  Lebon  entra  dans 
la  congrégation  de  l'Oratoire  ,  reçut  les 
ordres  ,  et  se  fit  remarquer  par  la  régula- 
rité de  ses  mœurs,  et  sa  ferveur  religieuse. 
Après  avoir  professé  la  rhétorique  à  Dijon, 
il  eut  avec  ses  supérieurs  quelques  dé- 
mêlés ,  à  la  suite  desquels  il  quitta  sa 
congrégation.  Il  fut  nommé  curé  consti- 
tutionnel de  Neuville  ,  et  il  recueillit  chez 
lui  ses  parens  qui  étaient  sans  ressources. 
Lorsque  la  révolution  éclata  ,  il  s'en 
montra  zélé  partisan,  et  se  lia  d'une  étroite 
amitié  avec  Robespierre  ,  Guffroy  ,  Saint- 
Just,  Lebas,  etc.  Cependant  Lebon  n'an- 
nonça pas  d'abord  le  caractère  féroce,  qu'il 
montra  dans  la  suite.  On  le  vit,  à  Arras 
dont  il  avait  été  nommé  maire,  en  1791 ,  se 
prononcer  ,  après  le  10  août ,  contre  les 
attentats  de  cette  journée.  En  septembre 
suivant,  il  fit  chasser  de  la  ville  les  com- 
missaires envoyés  par  la  commune  de 
Paris ,  pour  justifier  les  massacres  commis 
dans  les  premiers  jours  de  ce  mois,  et 
inviter  les  départemens  à  en  faire  autant  ; 
et  dans  plusieurs  autres  fonctions  qu'il 
remplit,  quoique  l'on  vît  toujours  en  lui  un 
partisan  des  mesures  nouvelles,  il  donna 
des  preuves  d'une  modération  qui  était 
loin  de  faire  pressentir  ce  qu'il  deviendrait 
plus  tard.  Lebon  avait  été  nommé  succes- 
sivement procureur -général -syndic  du 
département  du  Pas-de-Calais  ,  et  député 
suppléant  à  la  Convention  nationale;  il 
ne  siégea  toutefois  dans  cette,  assemblée  , 
qu'après  la  mort  de  Louis  XVI.  Lebon 
remplit  ensuite  deux  missions  différentes 
dans  les  départemens  de  la  Somme  et  du 
Pas-de-Calais.  Dénoncé  par  son  collègue 
Guffroy ,  comme  un  modéré  et  comme 
incapable  d'exécuter  des  mesures  de  salut 
public^  il  fut  mandé  au  comité  de  ce 
nom ,  on  il  reçut  de  vifs  reproches  sur 
sa  conduite  pusillanime,  fut  traité  da 
patriote  sans  énergie ,  et  menacé  de  la 
haine  du  comité ,  si  désormais  il  proté- 
geait les  conspirateurs  et  les  ennemis  Je 
la  république.  Ces  reproches  produisirent 
I  leur  effets  Lebon   fut   renvoyé  à  Arras 


LEB  5 

pour  y  mettre  â  exécution  le  système  ré- 
volutionnaire adopté  par  les  décemvirs  ; 
et  ce  prêtre  apostat  ne  fut  plus  qu'une 
bête  féroce  altérée  de  sang.  H  établit  dans 
cette  ville  un  tribunal  révolutionnaire  , 
dans  lequel  furent  nommés  par  lui  juges 
et  jurés  son  beau-frère  ,  trois  oncles  de 
sa  femme  (  Lebou  fut  un  des  premiers 
ecclésiastiques  qui  rejetèrent  le  célibat  ), 
et  tous  les  hommes  sanguinaires  qu'il  put 
trouver.  Il  annonçait  d'avance  la  mort 
inévitable  des  accusés ,  et ,  quelque  sou- 
mis que  fussent  les  juges  qu'il  avait  choi- 
sis ,  il  lui  arriva  souvent  de  casser  leurs 
arrêts  quand  il  les  trouvait  trop  doux  ,  et 
d'envoyer  le  soir,  à  l'échafaud,  ceux 
qu'ils  avaient  acquittés  le  matin,  il  était 
vêtu  comme  un  homme  de  la  lie  du  peu- 
ple ,  et  armé  de  pistolets  et  d'im  sabre 
nu ,  n'ayant  point  de  maison  à  lui ,  il 
s'installait  successivement  dans  celles  des 
plus  riches  citoyens  qu'il  avait  fait  con- 
damner à  mort.  Un  des  plus  paisibles 
habitans  fut  envoyé  à  l'échafaud ,  parce 
qu'il  avait  un  perroquet ,  dans  le  jargon 
duquel  les  agens  de  Lebon  avaient  cru 
reconnaître  les  mots  de  Vive  le  roi.  On 
parla  sérieusement  de  guillotiner  le  per- 
roquet lui-même ,  que  la  femme  de  Lebon 
pût  seule  sauver,  en  promettant  de  lui 
apprendre  à  dire  :  Vive  la  montagne!  Il 
lit  tout  à  la  fois  parade  d'apostasie ,  de 
libertinage  ,  de  cruauté  ,  et  se  vanta 
d'avoir  acquis  une  réputation  incompa- 
rable de  scélératesse  parmi  les  commis- 
saires de  la  Convention.  Chaque  jour , 
après  son  diner ,  il  se  plaçait  sur  son 
balcon,  et  assistait  au  supplice  de  ses 
victimes.  Un  jour,  il  fit  suspendre  l'exé- 
cution de  l'une  d'entre  elles  ,  déjà  liée 
sur  l'échafaud  ,  pour  lui  faire  donner 
lecture  des  nouvelles  qu'il  venait  de  re- 
cevoir de  l'armée  ,  «  afin  ,  dit-il,  qu'elle 
»  allât  annoncer  chez  les  morts  les 
»  triomphes  de  la  république.  »  Il  fit  pla- 
cer des  musiciens  près  de  l'échafaud  ,  et 
ordonna  au  tribunal  qu'il  avait  formé , 
de  juger  tous  ceux  qui  étaient  distingués 
par  leurs  richesses  ,  leurs  vertus  ou  leurs 
talens.  Dans  les  spectacles  ,  il  publiait  la 
loi  agraire ,  le  sabre  à  la  main ,  et  excitait 
le  peuple  au  meurtre  et  au  pillage.  Do 
jeunes  filles  ,  contraintes  de  se  livrer  à  sa 
lubricité ,  passèrent  de  ses  bras  sur  l'é- 
chafaud. Il  enseignait  aux  valets  à  dé- 
noncer leurs  maîtres  ;  aux  femmes,  leurs 
maris  ;  aux  enfans,  leurs  pères,  et  me- 
surait ses  récompenses  sur  l'importance 
de  lo  dénonciation.  En  un  mol,  il  n'est  pcut- 


43  LEB 

être  pas  de  forfait  dont  ce  monstre  n'ait  eu 
la  pensée  ,  et  de  la  pensée  à  l'exécution  il 
n'y  avait  point  d'intervalle.  Il  fut  dénoncé 
plusieurs  fois  ;  mais,  toujours  protégé  par 
ses  confrères ,  il  échappa  trois  fois  à  la 
peine  due  à  ses  crimes  ;  le  9  thermidor 
vint  mettre  fin  à  ses  fureurs  :  à  peine 
était-il  entré  dans  le  sein  de  l'assemblée , 
qu'une  députalion  des  habitans  de  Cani- 
brai ,  vint  l'accuser  à  la  barre  :  aussilô 
un  grand  nombre  de  membres  se  levèrent, 
et  prirent  la  parole  contre  lui.  Lebon 
chercha  à  se  justifier ,  en  rejetant  sur 
tous  ses  collègues  ,  les  crimes  dont  il 
disait  n'avoir  été  que  l'agent  :  un  pareil 
moyen  de  défense  ne  put  être  accueilli. 
Décrété  d'accusation  le  27  juillet  1795  , 
il  fut  traduit  au  tribunal  criminel  du  dé- 
partement de  la  Somme ,  et  y  fut  con- 
damné à  mort  le  13  vendémiaire  an  4 
(  5  octobre  1795  ) ,  le  jour  même  où  son 
parti  triomphait  à  Paris,  et  lorsqu'une 
amnistie  prononcée  par  la  Convention  , 
allait  l'absoudre  de  tous  ses  forfaits.  Ivre 
d"eau-de-vie  à  l'instant  où  on  le  conduisit 
au  supplice  ,  ce  misérable  avait  conservé 
encore  assez  de  présence  d'esprit  pour 
s'écrier  lorsqu'on  le  revêtit  de  la  chemise 
rouge  :  a  Ce  n'est  pas  moi  qui  devrais 
»  l'endosser  ;  il  faudrait  l'envoyer  à  la 
»  Convention ,  dont  je  n'ai  fait  qu'exé- 
n  cuter  les  ordres.  »  Il  n'était  encore  âgé 
que  de  50  ans.  Guffroy  a  publié  les  Mé- 
moires secrets  de  /,  Lebon  et  de  ses  com- 
plices ^  Paris  3  vol.  in-S". 

LEBOSSU.  P^oi/ez  BOSSU. 

LËBOUCIIER  (Odet-Jolien),  cheva- 
lier de  la  i.égion-d'honneur ,  naquit  le  13 
juin  17/i/t  ;  il  est  mort  au  commencement 
d'octobre  182(3 ,  laissant  une  Histoire  de 
la  dernière  guerre  entre  la  Grande-Bre- 
tagne et  les  Etats-Unis  de  l'Amérique . 
la  France^  l'Espagne ,  etc.  Paris.  1787, 
in-4°. 

LEBOUCQ.  Voyez  BOUCQ. 

*  LEBRASSEUR  (  J.-A.  )  ,  intendant  de 
Saint-Domingue  et  des  deux  conseils  su- 
périeurs du  cap ,  né  en  4745  à  Rambouil- 
let ,  entra  en  1762  dans  l'administration 
de  la  marine  et  des  colonies.  Son  zèle  et 
ses  talens  le  portèrent  successivement  aux 
places  de  commissaire  des  colonies  ,  d'or- 
donnateur à  Gorée  ,  d'administrateur 
général ,  et  enfin  de  commissaire  en  1774. 
En  4779  il  fut  élevé  à  l'tnlendance  dy 
Saint-Domingue  ,  et  à  la  présidence  des 
deux  premiers  conseils  supérieurs  du 
cap.  En  1784,  on  le  nomma  commissaire- 
général  des  colonies  ,  et ,  peu  de  temps 


LEB  5U 

après ,  ordonnateur  faisant  les  fonctions 
d'intendant.  Le  1"  avril  1788 ,  Lebrasseur 
obtint  le  titre  d'intendant -{jénéral  des 
fonds  de  la  marine  et  des  colonies ,  et 
remplit  cette  place  importante  jusqu'à  sa 
suppression  par  l'assemblée  Constituante. 
Il  avait  été  choisi,  en  1792,  par  Louis  XVI, 
j)Our  ministre  de  la  marine  ;  mais  le  con- 
seil, ennemi  des  nouveaux  principes ,  fit 
tomber  le  choix  du  monarque  sur  Lacoste. 
Lebrasseur  qui  possédait  de  grandes 
connaissances  sur  la  marine ,  aurait  pu 
faire  un  bon  ministre.  Il  fut  plus  tard 
arrêté  comme  suspect ,  et  condamné  à 
mort  le  i5  juin  1794.  On  a  de  lui  :  |  De 
l'étal  de  la  marine  et  des  colonies ^Varis, 
1792,  in-S";  |  De  l'Inde,  ou  Réflexions 
sur  les  moyens  que  doit  employer  la 
France .  relativement  à  sespossessiojis  en 
^siô.  Paris,  1790-1793 ,  in-8°. 

•  LEBRETON  (  JoACHiM  ) ,  ancien  se- 
crétaire de  la  classe  des  beaux -arts  à 
J'uietitut ,  né  à  Saint-Méen  en  Bretagne  , 
le  7  avril  1760  ,  d'un  maréchal-ferrant 
qui  avait  une  famille  nombreuse ,  fit  ses 
études  d'une  manière  brillante  ,  dans  un 
collège  où  on  lui  avait  fait  obtenir  une 
bourse ,  et  entra  dans  l'ordre  des  théa- 
tins  qui  l'envoyèrent  professer  la  rhé- 
torique dans  un  de  leurs  collèges  à 
Tulle  ;  il  était  prêtre  depuis  plusieurs 
années  lorsque  la  révolution  l'éloigna  du 
ministère  ecclésiastique.  Il  s'occupa  d'a- 
bord uniquement  de  science  et  de  litté- 
rature ,  épousa  la  fille  aînée  de  M.  d'Ar- 
cet ,  directeur  des  monnaies ,  et  occupa  la 
place  de  chef  de  bureau  des  beaux-arts  au 
ministère  de  l'intérieur.  II  fît  ensuite  partie 
du  tribunal  où  il  resta  à  peu  près  inconnu, 
et  enfin  devint  secrétaire  de  la  classe  des 
beaux-arts  de  l'institut.  Ces  fonctions  le 
mirent  en  rapport  avec  beaucoup  d'ar- 
tistes célèbres  dont  il  se  concilia  l'amitié 
Lebreton  était  aussi  membre  de  la  classe 
de  littérature  et  d'histoire  ancienne.  Exclu 
de  l'une  et  de  l'autre  à  la  seconde  restau- 
ration ,  il  partit  en  1816  pour  le  Brésil  avec 
une  colonie  d'artistes ,  peintres  ,  sculp- 
teurs, architectes  et  graveurs  ,  afin  d'in- 
troduire le  goût  des  beaux-arts  dans  le 
Nouveau  Monde  ;  mais  il  mourut  à  Rio- 
Janeiro  ,  le  9  juin  1819  :  sa  mort  dérangea 
les  espérances  de  ses  compagnons  de 
voyage ,  qui  sont  rentrés  pour  la  plupart 
en  France.  Ses  principaux  ouvrages  sont: 
!  Z  ogiqxie  adaptée  à  la  rhétorique ,  in-B", 
impriuiée  à  Tulle  ,  pendant  son  profes- 
sorat ;  I  Rapport  sur  l'état  des  beaux  arts. 
ii'iO,  pour  le  concours  des  prix  décen- 


LEB 

naux  ;  [  plusieurs  Notices  qu'il  a  rédigées 
comme  secrétaire  de  la  classe  de  l'institut 
à  laquelle  il  appartenait ,  et  des  Eloges 
historiques  qu'il  a  prononcés  à  l'occasion 
de  la  mort  d'un  grand  nombre  de  ses 
membres.  On  a  encore  de  lui  une  Notice 
sur  Raynal  dans  la  Décade  philosophique, 
et  beaucoup  d'articles  dans  différons  jour- 
naux. Barbier  lui  attribue  aussi  V Accord 
des  vrais  principes  de  l'Eglise,  de  la  mo- 
rale et  de  la  raison  sur  la  constitution 
civile  du  clergé  par  les  évéques  constitu- 
tionnels. 1791  ,  in-8°  , 

LEBRIGANT.  Voyez  BRIGANT. 

LEBRIXA.  Voyez  ANTOINE  NEBRIS- 
SENSIS. 

LEBRUN.  FbytfjîBRUN. 

•  LEBRUN  (  Ponce  -  Denis  ECOU- 
CHARD  ) ,  poète  lyrique  ,  né  à  Paris  en 
1729 ,  fit  ses  études  au  collège  Mazarin  ;  il 
dut  sa  première  éducation  aux  soins  du 
prince  de  Conti  (le  grand  prieur),  dans 
la  maison  duquel  il  était  né  ,  et  à  la  per- 
sonne duquel  son  père  était  attaché.  Ce 
prince  le  nomma  de  bonne  heure  secré- 
taire de  ses  commandemens.  Marié  à  une 
épouse  aimable ,  vertueuse  et  spirituelle  , 
qu'il  a  célébrée  sous  le  nom  de  Fanny  . 
Lebrun  aurait  pu  jouir  pendant  toute  sa 
vie  du  bonheur  qu'il  goùla  auprès  d'elle 
pendant  14  ans  ;  mais  il  ne  sut  point  mé- 
nager assez  long-temps  cette  bonne  intcl- 
Ugence.  En  1774,  son  épouse  le  quitta 
et  plaida  en  séparation  ;  il  eut  la  douleur 
de  voir  sa  mère  et  sa  sœur  déposer  contre 
lui  dans  ce  procès.  Le  jugement  de  sépa- 
ration fut  rendu  par  le  Châtelet ,  et  con- 
firmé en  1781  par  le  parlement.  Né  avec 
un  caractère  fier  et  irascible  ,  le  poète 
se  vengea  de  ses  juges ,  et ,  ce  qui  est 
plus  impardonnable  encore,  de  ses  parens 
par  les  épigrammes  les  plus  mordantes. 
Le  prince  de  Conti  mourut  peu  de  temps 
après.  Il  ne  resta  à  Lebrun  pour  toute 
fortune  qu'une  faible  pension  de  1500  fr., 
qui  fut  bientôt  réduite  à  1000  francs,  La 
banqueroute  du  prince  de  Rohan  ,  sur 
lequel  il  avait  placé  le  reste  de  ses  fonds, 
qui  consistait  en  une  somme  de  18,000  fr., 
acheva  de  le  ruiner.  La  fortune  ,  long- 
temps cruelle,  lui  sourit  enfin.  M.  de 
Calonne ,  nouvellement  appelé  au  con- 
Irôle-général  des  finances,  et  à  qui  le 
comte  de  Vaudreuil  avait  recommandé 
Lebrun,  lui  fil  accorder  par  le  roi  une 
pension  de  2000  livres,  et  reçut  de  la 
reconnaissance  du  poète  des  éloges  et  des 
vers.  Louis  XVI  lui-même  fut  à  celte  épo- 
que le  noble  sujet  de  ses  chants;  mais  l'on 


LEB 


545 


LÈB 


vit  bienlôt  que  la  muse  de  Lebrun  s'atta- 
chait plus  au  bienfait  qu'au  bienfaiteur. 
La  révolution  vint ,  et  Lebrun  en  fut  un 
des  partisans  les  plus  exaltés  ;  il  ne  perdit 
pas  son  enthousiasme ,  même  au  temps 
de  la  terreur.  Il  fut  le  poète  de  la  déma- 
gogie, etobtintdela  Convention  un  loge- 
ment au  Louvre.  Il  modéra  ses  opinions 
lorsque  les  temps  furent  eux-mêmes  plus 
modérés ,  et  finit  par  brûler  son  encens 
devant  le  premier  consul,  après  avoir 
vomi  mille  diatribes  contre  la  tyrannie 
des  rois ,  et  célébré  en  vers  pleins  d'en- 
thousiasme et  d'énergie  ce  qu'il  appelait 
la  liberté.  En  1800  ,  il  obtint  une  pension 
de  6,000  fr.,  entra  à  l'institut  lors  de  sa 
formation  ,  et  fut  un  des  deux  membres 
choisis  par  le  Directoire  pour  former  la 
section  de  poésie  dans  la  classe  de  litté- 
rature et  beaux-arts  ;  il  fut  aussi  créé 
membre  de  la  légion-d'honneur.  Depuis 
long-temps  sa  vue  s'affaiblissait  considé- 
rablement: et  il  était  devenu  presque 
aveugle,  lorsqu'il  succomba  le  2  septembre 
1807.  Lebrun  possédait  au  suprême  degré 
l'énergie,  l'enthousiasme  ,  l'élévation  , 
et  surtout  ce  que  Von  nomme  la  couleur 
poétique  ;  mais  son  élévation  tient  quel- 
quefois de  l'enflure ,  et  sa  hardiesse  du 
néologisme.  Il  s'était  déclaré  poète  de 
bonne  heure  :  à  l'âge  de  douze  ans,  étant 
encore  au  collège  Mazarin ,  il  fit  des  vers 
qui  annonçaient  déjà  ce  qu'il  serait  un 
jour.  Il  reçut  les  conseils  du  fils  du  grand 
Racine ,  et  il  les  suivit ,  en  ne  prenant 
pour  modèles  que  les  anciens.  C'est  en 
marchant  par  cette  route  qu'il  s'est  élevé 
au  rang  de  nos  premiers  lyriques,  et  a  mé- 
rité le  surnom  de  Pindare  finançais.  Parmi 
ses  œuvres  ,  on  remarque  VOde  qu'il 
adressa  au  jeune  Racine  qui ,  désespérant 
de  pouvoir  suivre  les  traces  de  son  aïeul, 
avait  quitté  la  carrière  des  lettres  pour 
celle  du  commerce  :  le  poète  lui  reproche 
cette  espèce  d'apostasie  dans  une  pièce 
élincelante  de  beautés,  quoique  inférieure 
à  celle  dans  laquelle  il  déplora  peu  de 
temps  après  la  mort  de  ce  même  ami , 
englouti  à  Cadix ,  dans  un  débordement 
de  la  mer  ;  désastre  occasioné  par  le 
terrible  tremblement  de  terre  qui  ren- 
versa une  partie  de  la  ville  de  Lisbonne 
en  1755.  Lebrun  marchant  sur  les  traces 
de  Til)ulle  chanta  ses  peines  et  ses  plaisirs 
dans  des  élégies  qui  portent  l'empreinte 
d'un  grand  talent:  mais  on  a  dit  de  ce  poète, 
que  si  ses  élégies  ont  été  dictées  par  son 
cœur,  ce  cœur  était  plus  irritable  que  sen- 
sible, et  que  son  amour  ressemblait  plus 


aux  fureurs  d'Alcée  qu'à  la  tendrcsSe  de 
Sapho.  En  1760,  il  adressa  une  Ode  à  l-^ol- 
taire.^OMi  lui  recommander  une  nièce  de 
Corneille  :  on  sait  que  Voltaire  écouta  la 
voix  éloquente  du  poète,  et  qu'une  édition 
des  deux  Corneille  rendit  l'aisance  à  l'hé- 
ritière du  nom  de  l'un  de  ces  écrivains. 
Lebrun  avait  commencé  un  Poème  inti- 
tulé La  Nature ^  qui  ne  fut  point  achevé; 
il  n'en  reste  que  des  fragmens.  Il  en  avait 
encore  entrepris  un  autre ,  qui  avait 
pour  titre  les  Feillées  des  muses  ^  et  qui 
ne  fut  pas  non  plus  terminé.  Les  odes 
et  les  épigrammes  de  Lebrun  sont  ses 
principaux  titres  de  gloire.  On  aime 
surtout  à  citer  parmi  les  premières  YOde 
sur  le  vaisseau  le  Vengeur^  les  deux 
odes  à  Buffon,  sa  traduction  de  l'ode 
Pindarum  quisquis^  celle  de  XExegimo- 
numentum^  etc.  Lebrun  sera  sans  doute 
mieux  jugé  lorsque  les  passions  politiques 
qu'il  partageait  et  qu'il  a  contribué  peut- 
être  à  enflammer  par  quelques-unes  de 
ses  productions,  seront  éteintes,  lorsqu'il 
aura,  comme  Milton,  d'autres  lecteurs 
que  ses  contemporains.  Quel  que  soit  le 
rang  qu'on  lui  accorde  par  rapport  à  J.  B. 
Rousseau,  qu'il  n'égala  pas  toujours,  et 
qu'il  surpassa  quelquefois,  chacim  con- 
vient qu'il  approche  de  lui  dans  le  genre 
épigrammalique.  On  compte  dans  le  re- 
cueil de  ses  OEuvres  jusqu'à  636  épi- 
grammes.  Si  l'on  veut  avoir  celles  dont 
le  génie  de  Lebrun  peut  s'honorer,  il 
faut  en  retrancher  un  grand  nombre , 
soit  parce  qu'elles  sont  relatives  à  la  ré- 
volution ,  soit  parce  qu'elles  portent  sur 
des  faits  controuvés,  soit  enfin  parce 
qu'elles  blessent  les  mœurs.  Ses  OEuvres 
ont  été  réunies  par  M.  Ginguené,  son 
ami,  à  Paris,  1811,  k  vol.  in-8°,  avec 
une  notice  sur  sa  vie.  Le  premier  volume 
contient  six  livres  d'Odes;  le  second, 
quatre  livres  d'Elégies  ^  deux  d'Epîtres  ^ 
des  fragmens  des  Veillées  du  Parnasse 
et  du  Poème  de  la  nature^  des  Traduo- 
tions  en  vers^  et  enfin  quelques  Pièces 
de  la  jeunesse  de  l'auteur;  le  troisième, 
six  livres  d! Epigrammes  et  les  Poésies 
f/2Vc7'5^5;  le  quatrième  enfin,  la  Carres-^, 
pondance  de  Lcb»un  avec  Voltaire ,  Buf- 
fon, du  Belloy,  etc.,  et  plusieurs  mor- 
ceaux en  prose  sur  divers  sujets  de  litté- 
rature. L'éditeur  a  cru  devoir  supprimer 
plusieurs  productions  écrites  pendant  la 
révolution  ,  et  dont  la  mémoire  n'est 
point  assez  honorable  pour  Lebrun.  Il  eût 
peut-être  niicux  fait  d'en  supprimer  en- 
core un  grand  nombre  qui,  sans  nuire  à 


LEB 


546 


LEB 


la  mémoire  de  l'auteur ,  pourront  peut- 
être  faire  quelque  tort  à  sa  gloire  litté- 
raire. On  a  publié  en  1821  les  OEuvres 
choisies  de  Lebî-un ,  Vdsïs ,  2  vol.  in-18. 
l^'Eloge  funèbre  de  Lebrun  a  été  pro- 
noncé par  Chénier ,  qui  lui  a  donné  de 
nouvelles  louanges  dans  son  Tableau  de 
la  littérature  française. 

•LEBRUIV  (Pierre),  naquit  à  Mont- 
pellier, en  1761 ,  et  y  remplit  une  charge 
de  conseiller  à  la  cour  des  aides  ,  qui  fut 
supprimée  sous  la  révolution.  Il  vint  en 
4791 ,  se  fixer  à  Paris ,  et  fut  nommé  juge 
à  la  cour  d'appel.  Il  mourut  le  17  novem- 
bre 1810.  Il  a  publié  un  Recueil  pério- 
dique de  causes  célèbres ,  et  une  traduc- 
tion de  Salluste^  Paris,  1809,  2  vol.  in-12, 
qui ,  sous  le  rapport  de  l'exactitude  et  de 
la  précision,  est  une  des  meilleures  que 
l'on  connaisse.  II  a  aussi  coopéré  au  Jour- 
nal du  barreau.  C'est  lui  qui ,  dans  la  tra- 
duction en  vers  français  des  poésies  d'Ho- 
race^ publiée  par  M.  Daru,  son  beau-frère, 
a  fourni  la  version  de  l'art  poétique. 

•  LEBRUIV  (Charles-François),  duc 
de  Plaisance,  naquit  à  Saint-Sauveur-Lan- 
delin,  près  de  Coutances,  d'une  famille 
originaire  de  Bretagne ,  le  19  mars  1759. 
Charles-François,  un  des  sept  enfems  qu'a- 
vait eus  Lebrun  de  la  Senière,  vint  à 
Paris,  et  entra  comme  pensionnaire  dans 
le  collège  des  Grassins.  Ses  heureuses 
dispositions  et  son  amour  pour  l'étude  lui 
gagnèrent  l'amitié  de  M.  Le  Beau ,  son 
professeur.  Mazéas ,  à  qui  l'on  doit  l'ex- 
cellent ouvrage  des  JElémens  de  géomé- 
trie^ fut  *on  maître  de  philosophie  au 
collège  de  Navarre.  Il  y  connut  un  neveu 
du  père  Berthier,  jésuite  et  rédacteur  du 
fameux  Journal  de  Trévoux.  Le  jeune 
Berthier  mit  Lebrun  en  relation  avec  son 
oncle ,  qui ,  à  ce  qu'il  paraît ,  dirigea  ses 
études ,  et  lui  donna  le  conseil  de  s'ap- 
pliquer au  droit  naturel.  Lebrun  se  con- 
sacra entièrement  à  ce  travail  :  il  s'occupa 
aussi  de  l'examen  de  l'Esprit  des  lois  du 
célèbre  Montesquieu.  Cet  ouvrage,  si  rem- 
pli d'éloges  pour  le  gouvernement  anglais, 
fit  entreprendre  à  Lebrun  le  voyage  de 
Londres  ;  mais  la  France  se  trouvant  alors 
en  guerre  contre  la  Grande-Bretagne ,  il 
passa  par  la  Hollande,  dont  il  étudia  le 
commerce,  les  mœu.i  et  les  lois,  et  se 
rendit  ensuite  en  Angleterre ,  où  il  fit  les 
mêmes  observations.  Pressé  par  sa  famille 
de  prendre  un  état ,  il  choisit  le  barreau , 
et  fit  ses  cours  sous  M.  Lorry,  qui  lui  pro- 
cura la  protection  de  Maupeou  ,  dont  le 
fils  était  condisciple  de  Lebrun,  et  devint 


ensuite  son  protecteur.  La  famille  Mau- 
peou jouissait  d'une  grande  considéra- 
tion. Le  père  était  vice-chancelier  et 
gardc-des-sceaux ,  et  le  fils  président  à 
mortier  au  parlement  de  Paris.  Le  pre- 
mier prit  Lebrun  pour  secrétaire  ;  mais 
les  discussions  qui  s'élevèrent  entre  lu 
cour  et  le  parlement  dégoûtèrent  Lebrun 
de  la  carrière  des  lois  ;  il  n'abandonna 
pas  cependant  la  place  qu'il  occupait  au- 
près de  Maupeou  ;  on  le  crut  même  l'au- 
teur des  Discours  prononcés  par  le  prési- 
dent lors  des  querelles  du  duc  d'Aiguillon 
avec  le  parlement.  Lebrun  avait  été  nom- 
mé successivement  censeur  royal,  payeur 
des  rentes,  et  inspecteur-général  des  do- 
maines de  la  couronne.  Il  perdit  ces  em- 
plois sôus  le  ministère  du  duc  d'Aiguillon, 
qui  remplaça  Choiseul ,  et  fut ,  après  la 
mort  de  Louis  XV ,  remplacé  à  son  tour 
par  Maurepas.  Au  milieu  de  ces  change- 
mens  diplomatiques  ,  Maupeou,  qui  était 
devenu  chancelier ,  fut  disgracié.  Lebrun 
s'était  marié  en  1773,  avec  m"'  de  La- 
goutte  ;  il  se  retira  dans  sa  terre  de  Gril- 
lon, qui  avait  appartenu  au  poète  Re- 
gnard,  et  y  demeura  pendant  15  années. 
En  1789 ,  et  au  commencement  de  la  ré- 
volution ,  il  publia  un  écrit  intitulé  La 
voix  du  citoyen^  où  il  se  prononce  pour 
une  monarchie  constitutionnelle;  après 
avoir  prédit ,  en  quelque  sorte  ,  les  fu- 
nestes événemens  d'une  révolution  où 
l'on  s'éloignerait  de  ce  principe,  il  montre 
l'anarcliiedans  toutes  ses  horreurs,  et  s'é- 
crie :  a  Bientôt  s'élèvera  un  homme  au- 
»  dacieux,  un  nouveau  Eevellerdéiermi- 
»  né,  qui,  sur  les  débris  de  vos  anciennes 
»  formes ,  établira  une  constitution  nou- 

»  velle Le  vœu  général  remettra  dans 

»  ses  mains  toute  la  pubsance  publique  ; 
»  alors  sera  établi  un  despotisme  légal,  et 
»  nos  fers  à  tous  seront  rivés  au  titre 
»  même  de  la  constitution.  «Nommé  dans 
la  même  année  ,  par  la  noblesse  du  bail- 
liage de  Dourdan  ,  aux  états-généraux ,  il 
y  montra,  ainsi  que  dans  l'assemblée  Con- 
stituante, une  modération  qui  ne  pouvait 
plaiAi  aux  novateurs.  Il  parla  sur  les  di' 
mesj  sur  les  biens  du  clergé  et  sur  les  as- 
signats.  Après  la  session  ,  il  fut  nommé 
membre  et  président  du  directoii-e  du  dé- 
partement de  Seine-et-Oise,  en  présida  le 
directoire,  et  parvint  à  calmer  les  trou- 
bles que  la  disette  des  grains  amena  dans 
ce  département,  où  le  peuple  massacra  le 
maire  d'Etampes.  Il  en  fit  le  rapport  à  la 
barre  de  l'assemblée  Législative,  et  signala 
cet  événement  comme  un  résultat  de  l'a- 


LEB 


547 


LEO 


narehie.  Après  la  journée  du  10  août 
1792  {voyez  LOUIS  XVI) ,  il  se  déiixit  de 
toute  fonction  publique,  vécut  dans  la  re- 
traite jusqu'au  1"  septembre  1793,  époque 
où  il  fut  arrêté  comme  suspect  d'aristo- 
cratie, et  enfermé  dans  la  maison  des  Ré- 
collets de  Versailles  ;  six  mois  après  il  fut 
relâché.  Emprisonné  de  nouveau  en  juin 
!79i,  il  ne  dut  la  vie  qu'à  la  chute  de  Ro- 
J)espierre ,  qui  fut  exécuté  le  28  du  mois 
suivant  (le  10  thermidor).  Cependant  Le- 
brun ne  sortit  de  prison  que  trois  mois 
après  celte  mémorable  époque.  Il  présida 
encore  une  fois  le  directoire  de  Seine- 
el-Oise  ;  et ,  nommé  au  conseil  des  An- 
ciens, il  devint  membre  de  diverses  com- 
missions de  finances ,  fit  en  leur  nom  des 
rapports  sur  la  trésorerie  nationale  ,  sur 
les  monnaies ,  sur  les  parens  des  émi- 
grés, etc.  Au  18  brumaire, il  présidait  le 
conseil  des  Anciens,  et  il  parait  qu'il  n'eut 
aucune  part  aux  événemens  de  cette  jour- 
née. Cependant,  soit  que  Bonaparte  vou- 
lût donner  au  parti  royaliste  un  gage  de 
sa  modération  à  venir ,  soit  qu'il  comptât 
sur  la  souplesse  et  la  timidité  du  carac- 
tère de  Lebrun,  il  le  choisit  pour  son  troi- 
sième consul.  Dans  ce  poste  élevé,  Le- 
brun laissa  la  politique  à  ses  collègues 
poiu"  s'occuper  exclusivement  des  finan- 
ces, et  c'est  à  lui  que  l'on  doit  le  rétablis- 
sement de  la  cour  des  comptes.  Bona- 
parte devenu  empereur  (en  1804), le  nom- 
ma ,  dans  vn  court  espace  de  temps ,  ar- 
chitrésorier ,  duc  de  Plaisance ,  et  prince 
de  l'empire.  En  1803,  il  fut  envoyé  à 
Gènes  pour  organiser  les  nouveaux  dé- 
partcmens.  Plusieurs  communes  de  ces 
pays  se  révoltèrent.  Lebrun  dut  alors  sor- 
tir de  son  caractère,  et  montrer  une  éner- 
gie qui,  sans  répandre  une  goutte  de  sang, 
produisit  un  bon  effet.  Il  resta  deux  ans 
dans  ces  départemens ,  avec  le  titre  de 
gouverneur-général,  et  parvint  à  se  faire 
aimer  des  Génois.  Il  présida  en  1809  le 
conseil  électoral  du  Rhône  ,  et  fonda  ,  à 
l'académie  de  Lyon,  un  prix  annuel  pour 
encourager  l'industrie.  Louis  Bonaparte, 
roi  de  Hollande,  ayant  abdiqué  en  1811, 
Napoléon  nomma  Lebrun  gouverneur- 
général  de  ce  pays.  Il  y  demeura  jusqu'à 
la  fin  de  1813  ,  lors  de  la  marche  des  sou- 
verains alliés  contre  Napoléon ,  laquelle 
donna  lieu  à  l'insurrection  des  villes  de 
Rotterdam  ,  d'Amsterdam  et  de  la  Haye , 
contre  les  Français.  Lebrun  revint  à  Pa- 
ria,-et  quoiqu'il  ne  prît  aucune  part  à 
l'acte  du  Sénat  qui  prononça  la  déchéance 
de  Bonaparte,  il  signa  le  rappel  des  Bour- 


l)ons.  En  iSUi ,  il  présida  le  collège  élec- 
toral de  Seine-et-Oise.  Au  retour  de  Na- 
poléon ,  il  fut  nommé  grand-maître  de 
l'université  et  pair  de  France.  Louis  XVIII 
étant  remonté  su-r  son  trône  en  1815  ,  ex- 
clut Lebrun  de  la  pairie,  mais  l'y  rétablit 
en  1819.  Il  présida  le  conseil  des  prisons, 
qu'on  venait  d'établir  ,  et ,  à  l'âge  de  80 
ans ,  il  y  prononça  un  discours  fort  re- 
marquable. Lebrun  est  mort  en  1824  :  il 
faisait  partie  de  l'institut  (  académie  des 
inscriptions  et  académie  française).  Les 
titres  de  ses  ouvrages  sont  :  |  la  Jérusalem 
délivrée,,  traduite  de  l'italien,  Paris,  1774, 
2  vol.  in-8°  (anonyme),  souvent  réim- 
primée ,  nouvelle  édition  précédée  de  la 
Vie  du  Tasse  (par  M.  Suard  ),  Paris,  1813, 
2  vol.  în-8°  ;  |  V Iliade  d'Homère^  traduc- 
tion nouvelle  en  prose ,  Paris,  1776,  2  vol. 
in-12  (anonyme);  la  même  presque  en- 
lièrement  refaite ,  Paris,  1809,  2  volumes 
in-12  ;  |  X Odyssée  d'Homère,  Paris ,  1819 , 
2  vol.  in-12  (anonyme).  Le  genre  de  tra- 
duction adopté  par  Lebrun  est  libre  et 
poétique  :  il  s'attache  bien  moins  à  la  let- 
tre qu'à  l'esprit  de  l'auteur  :  mais  aucune 
idée  principale  n'est  omise,  et  le  caractère 
particulier  de  l'ouvrage  original  se  ré- 
fléchit tout  entier  dans  sa  copie  :  quand 
on  a  lu  les  traductions  de  Lebrun,  on  peut 
se  former  une  idée  générale  du  génie 
de  l'écrivain  qu'il  a  traduit. 
LEGAT.  Voijez  CAT  (le). 

♦  LEC VRPEATIER  (C.-L.-F.),  pein- 
tre et  liltérateur ,  fils  d'un  architecte  de 
Rouen  (  voxjez  CARPENTIER  AiVT.-Mi- 
CDEL  ),  naquit  en  1730  ,  et  devint  profes- 
seur à  l'école  des  arts  de  Rouen  :  il  dut  à 
son  mérite  la  place  de  membre  corres- 
pondant de  l'institut  et  de  plusieurs  au- 
tres sociétés  littéraires  et  savantes.  Il  est 
mort  dans  le  mois  de  septembre  1822, 
après  avoir  publié  les  ouvrages  suivans  . 

1  Galerie  des  peintres  célèbres  ,  avec  dei 
remarques  sur  chaque  maître ,  i8i0-i82l, 

2  vol.  in-8°  ;  1  Itinéraire  de  Rov^n  ou 
Guide  des  voyageurs  ,  pour  visiter  avec 
intéi-ét  les  lieux  les  plus  remarquables 
de  cette  ville  et  des  environs  ,  1816,  in-S", 
2'  édit.  1819 ,  in-18  ;  i  Essai  sur  le  pay- 
sage,  dans  lequel  on  traite  des  diverses 
méthodes  pour  se  conduire  dans  l'étude 
du  paysage  ,  suivi  de  courtes  notices  sur 
les  plus  habiles  peintres  en  ce  genre  ^ 
Rouen,  1817,in-8°. 

♦  LECARPEINTIER  (Jean-Baptiste)  , 
fameux  conventionnel,  naquit  à  HeslcviUe 
près  de  Cherbourg  (Manche),  et  était 
huissier  à  Valogne ,  lorsque  la  révolution 


LEC 


5&8 


LEC 


6ilata.  Dans  le  mois  de  septembre  1792, 
le  département  de  la  Manche  le  nomma 
député  à  la  Convention,  où  il  vota  la  mort 
du  roi  en  prononçant  un  discours  où 
se  révélait  un  caractère  cruel.  Il  marcha 
constamment  avec  le  parti  de  la  Monta- 
gne ^  fut  envoyé  dans  les  départemens  de 
la  Manche  ,  d'Ile-et-Vilaine  et  des  Côtcs- 
du-Nord,  et  se  rendit  la  terreur  de  ces 
contrées.  Pabry  donne  sur  lui  d'assez 
grands  détails  dans  ses  Missionnaires  de 
1793  ;  Montgaillard  dans  son  Histoire  de 
France,  page  43,  le  cite  après  Lcbon,  qui 
fut  la  terreur  d'Arras;  Maignet,  l'incen- 
diaire du  Comtat;  Collot-d'Herbois  cl 
Fouché  de  Nantes ,  les  assassins  de  Lyon , 
etc.  Après  la  révolution  du  9  thermidor 
an  2  (  27  juillet  1794  ) ,  Lecarpentier 
resta  confondu  parmi  les  membres  silen- 
cieux de  la  Convention,  et  no  se  remit  en 
évidence  qu'à  l'époqpie  de  l'insurrection 
du  premier  prairial  an  3  (20  mai  1793  ). 
Accusé  d'être  un  des  principaux  chefs  de 
ce  soulèvement ,  il  fut  arrêté  et  conduit 
au  château  du  Taureau ,  situé  à  l'entrée 
du  port  de  Morlaix  dans  le  département 
du  Finistère  :  il  fut  compris  dans  l'am- 
nistie du  3  brumaire  an  4,  et  vécut  depuis 
dans  l'obscurité.  Après  la  seconde  restau- 
ration il  dut  sortir  de  France  ainsi  que 
les  autres  régicides  qu'atteignait  la  loi 
portée  contre  eux  en  1816  ;  il  fut  arrêté  à 
la  fin  de  1819,  et  conduit  dans  les  prisons 
de  Cherbourg.  La  cour  royale  de  Caen 
renvoya  Lecarpentier  devant  les  assises 
de  Coutances  :  il  se  pourvut  en  cassation 
centre  cet  arrêt;  le  pourvoi  fut  rejeté  le 
G  janvier  1820 ,  et  Lecarpentier  fut  com- 
damné  le  13  mars  suivant,  à  la  peine  de  la 
déportation,  comme  ayant  signé  l'acte 
additionnel,  et  enfreint  son  ban.  Enfermé 
dans  la  maison  centrale  du  Mont-Saint- 
Michel  ,  il  est  mort  dans  ce  lieu  de  déten- 
tion le  27  janvier  1829. 

*  LECCHl  (  Jean-Aîvtoine  ) ,  jésuite  et 
mathématicien  célèbre ,  né  à  Milan  le  17 
novembre  1702 ,  fut  professeur  de  belles- 
lettres  et  d'éloquence  aux  universités  de 
Pavie  et  de  Milan,  où  il  remplit  ensuite 
une  chaire  de  mathématiques.  L'impéra- 
trice Marie-Thérèse  le  nomma  mathéma- 
ticien de  la  cour  en  1739  ;  il  obtint  le 
même  emploi  du  pape  Clément  XIII,  qui 
le  chargea  de  l'inspection  des  fleuves  des 
trois  légations  de  Bologne,  de  Ferrare  et 
de  Uavenne.  Ce  savant  et  pieux  religieux, 
après  avoir  survécu  à  la  suppression  de 
son  institut ,  mourut  le  24  août  1776.  On 
cite   parmi    ses   nombreux    ouvrages  : 


I  Theoria  lucis,  opticam,  perspectivatn, 
catoptricam  ^  dioptricam ,  compleclens , 
Milan  ,  1739  ;  |  Jwertenze  ^  etc. ,  ou  Avis 
contre  l'histoire  du  probabilisme  du  père 
Gabriel  Concina.  Einsilden ,  1744,  in- 
4°,  etc.  ;  I  Arithmetica  univer salis  Isaact 
Netvionis ,  sive  de  compositione  et  reso- 
lulione  aiithmetica  ^  perpetuis  commen- 
tariis  illustrata  etaucta,  ibid. ,  1732,  3 
vol.  in-8°  ;  |  Elementa  geomelricœ  theo- 
ricce  et practicœ  ^  ibid.  1755,  2  vol.  in-8°; 

1  Elementa  trigonoTnetrice,  theorico-prac- 
ticœ ,  plance  et  sphericœ .  ibid.,    1756, 

2  vol.  in-8°  ;  |  De  sectionibus  conicis , 
Milan,  1738,  in-8°  ;  \  lUroslalica.  etc., 
ou  Hydrostatique  examinée  dans  ses 
principes,  et  rétablie  dans  ses  règles . 
sous  le  rapport  des  eaux  courantes .  Mi- 
lan, 1765,  in-4°;  |  Trattato .  eic. ,  ou  Traité 
des  canaux  navigables,  ibid.,  1776,  in-4°. 

*  LEGIIAPELIER  (Isaac-Réivé-Gdi), 
né  à  Rennes  en  1754 ,  d'un  avocat  dis- 
tingué qui  avait  obtenu  des  lettres  de  no- 
blesse sur  la  demande  des  états  de  sa  pro- 
vince ,  acquit  lui-même  une  grande  ré- 
putation au  barreau.  Il  se  fit  remarquer 
dans  les  troubles  qui  éclatèrent  entre  la 
cour  et  les  parlemens ,  et  fut  député  par 
le  tiers-état  à  l'assemblée  Constituante. 
Doué  d'une  grande  facilité  à  s'énoncer , 
d'un  organe  sonore  et  de  beaucoup  de 
lucidité  dans  les  idées ,  il  fut  mis  au  rang 
des  meilleurs  orateurs  de  cette  assemblée, 
et  se  déclara  l'ennemi  de  la  magistra- 
ture ,  de  la  noblesse  et  des  anciennes  in- 
stitutions. Le  13  mai  1789,  il  proposa  de 
sommer  les  deux  ordres  privilégiés  de  se 
réunir  au  tiers-état.  Le  13  juillet  suivant, 
veille  de  la  prise  de  la  Bastille ,  il  s'éleva 
contre  le  rassemblement  des  troupes  ap- 
pelées vers  Paris,  provoqua  la  formation 
des  gardes  nationales  ,  et  se  prononça  en 
faveur  de  Necker  et  des  autres  ministres 
disgraciés.  Nommé  membre  du  comité  de 
constitution  ,  il  s'opposa  à  la  violation  du 
secret  des  lettres  ;  et  le  même  jour  il  fit 
créer  le  fameux  comité  des  recherches.  - 
Il  demanda  que  les  députés  de  tous  les 
ordres  et  des  différentes  provinces  ne  fus- 
sent plus  regardés  comme  les  représen- 
tans  de  leur  ordre  ou  d'une  province , 
mais  comme  les  représentans  de  la  nation 
entière.  Pendant  les  années  suivantes  il 
continua  d'attaquer  les  anciennes  institu- 
tions, fut  accusé  d'avoir  causé  par  &t% 
lettres  l'incendie  do  plusieurs  châteaux 
de  Bretagne,  et  rédigea  le  décret  portant 
abolition  de  la  noblesse.  Il  obtint  pour 
les  protestons  d'Alsace  Je  libre  exercice  de 


LEC 


549 


LÉO 


leur  culte  et  les  droits  de  citoyens  actifs , 
présenta  le  plan  d'organisation  de  la  haute 
cour  nationale  et  du  tribunal  de  cassation, 
et  prit  part  à  un  grand  nombre  de  dé- 
crets sur  l'organisation  judiciaire.  Vers 
la  fin  de  la  session,  il  parut  se  repentir 
d'avoir  trop  contribué  à  ébranler  l'édifice 
de  la  monarcliie;  il  voulut  revenir  sur  ses 
pas,  et  tenta  de  mettre  des  bornes  à  la 
trop  grande  influence  des  clubs  ou  socié- 
tés populaires.  Mais  le  mal  était  fait ,  et 
le  torrent  révolutionnaire  trop  impétueux 
pour  pouvoir  être  contenu.  Le  rapport 
fait  par  Lechapelier  à  ce  sujet  fut  dans  la 
suite  le  prétexte  de  sa  condamnation.  Après 
la  session  il  passa  en  Angleterre,  et  revint 
bientôt  à  Paris ,  à  l'occasion  du  décret  qui 
mit  le  séquestre  sur  les  biens  des  absens. 
Il  y  fut  arrêté ,  traduit  devant  le  tribunal 
révolutionnaire,  et  condamné  à  mort  le 
22  avril  1794,  comme  ayant  conspiré  de- 
puis 1789  en  faveur  de  la  royauté.  Il  fut 
exécuté  avec  ses  collègues  Thouret  et  d'E- 
préménil  («oyez  EPRÉMÉNIL).  Lechape- 
lier a  concouru,  avec  Condorcet,  à  la  ré- 
daction de  la  Bibliothèque  d'un  homme 
public.  1790-92,  28  vol.  in-8°. 

LECHE  (N.),  mort  en  1764,  membre 
de  l'académie  des  sciences  de  Stockholm, 
professeur  d'histoire  natm-elle  à  Abo ,  a 
été  le  rédacteur  d'un  ouvrage  entrepris 
par  l'ordre  du  roi  de  Suède,  et  qui  a  paru 
peu  après  la  mort  de  l'auteur ,  sous  ce  ti- 
tre :  Instruction  sur  la  plantation  des  ar- 
bres et  arbrisseaux  sauvages ^  etc.  C'est 
un  extrait  des  ouvrages  de  Linnée  et  de 
plusieurs  autres  savans  naturalistes,  re- 
latifs à  cette  matière. 

*  LECHELLE  (A.-B.) ,  général  des  ar- 
mées républicaines  ,  était  maître  d'ar- 
mes à  Saintes,  et  vivait  dans  la  pauvreté, 
.lorsque  la  révolution  commença.  Il 
>'enrôla  dans  les  gardes  nationales  de  la 
Charente-Inférieure,  où  son  talent  pour 
l'escrime  lui  procura  d'utiles  protecteurs 
parmi  les  militaires.  Nommé  chef  d'es- 
cadron du  même  corps ,  il  fut  employé 
dans  les  armées  en  activité  ;  de  grade  en 
grade  il  devint  général  de  brigade .  et  en- 
suite général  de  division.  Lechelle  n'a- 
vait pour  tout  talent  que  l'audace  d'un 
îventurier  qui  affronte  tous  les  périls 
pour  faire  fortime.  Le  ministre  Bou- 
chotle,  qui  le  protégeait ,  le  fit  nommer , 
malgré  son  incapacité  reconnue,  général 
en  chef  de  l'armée  de  la  Vendée.  Il  rem- 
porta quelques  avantages  à  Mortagne  et  à 
Chollet  contre  des  paysans  sans  officiers 
et  sans  discipline  mais  bientôt  après, 
7. 


ayant  affaire  à  des  chefs  expérimentés,  u 
fut  défait  à  Laval,  où  il  perdit  plus  de  dix 
mille  hommes.  La  Convention,  pour  se 
venger  de  cet  échec,  fit  arrêter  Lechelle  ; 
il  fut  conduit  à  Nantes,  et  mis  eu  prison , 
où  il  mourut  de  chagrin  ,  ou  par  suite  du 
poison  qu'il  avait  avalé ,  ainsi  qu'on  le 
prétendit  dans  le  temps. 

LECRZIKSKA.  Foyez  MARIE  LEC- 
ZINSKA. 

LECKZmSKI.  r.  STANISLAS  LEC- 
ZINSKI. 

LECLAIR  (Jean-Marie),  né  à  Lyon 
en  1697,  d'un  père  musicien,  obtint  la  place 
de  symphoniste  de  Louis  XIV,  qui  l'ho- 
nora de  ses  bontés.  Après  un  voyage  en 
Hollande,  il  se  fixa  à  Paris ,  où  le  duc  do 
Grammont,  dont  il  avait,  été  le  maître,  lui 
donna  une  pension.  Leclair  jouissait  et» 
paix  de  sa  réputation  et  de  l'estime  des 
honnêtes  gens,  lorsqu'il  fut  assassiné  dans 
la  nuit  du  22  au  23  octobre  1764.  Il  amé- 
liora le  premier  l'art  du  violon  ,  il  en  di- 
minua les  difficultés ,  en  fit  ressortir  les 
beautés,  et  il  fut  le  créateur  de  celle  exé- 
cution brillante  qui  distingue  nos  orches- 
tres. Ses  ouvrages  sont  :  |  quatre  livres 
de  sonates^  dont  le  premier  parut  en  1720  : 
I  deux  livres  de  duo;  \  deux  de  trio; 
I  deux  divertissemens  sous  le  titre  de  Hé- 
créations;  \  l'opéra  de  Scylla  et  Glaucus. 
où  l'on  a  trouvé  des  morceaux  d'harmo- 
nie du  premier  genre. 

LECLERC.  roy.  BRUÈRE ,  BUFFON , 
JUIGNÉ  et  SEPTCHÊNES. 

LECLERC.  Foyez  CLERC  (le),  LES- 
SEVILLE  et  le  père  JOSEPH. 

LECLERC.  Foyez  JOSEPH  LECLERC 
DUTREMBLAY. 

•  LECLERC  D'OSTIN  (Chahles-Emma- 
NUEL ),  général  français,  que  son  expé- 
dition à  l'île  Saint-Domingue  a  surtout 
rendu  célèbre ,  naquit  en  1772 ,  à  Pon- 
toise,  et  appartenait  à  une  famille  de 
riches  commerçans  de  farines.  Entre 
jeune  au  service ,  il  se  distingua ,  en 
1792,  par  quelques  traits  de  bravoure,  et 
surtout  par  son  enthousiasme  révolution- 
naire. Adjudant-général  en  1793 ,  il  se  lia 
très  intimement  avec  Bonaparte  au  siège 
de  Toulon.  Lorsque  cette  ville  eut  été  re- 
prise par  les  Français ,  il  fut  nommé  gé- 
néral de  brigade,  et  envoyé  à  l'armée  du 
Rhin.  Le  17  octobre  1794,  il  fit  partie 
de  la  commission  du  gouvernement  en- 
voyée dans  le  Midi ,  et  fut  nommé  com- 
mandant de  Marseille  lorsque  le  général 
Brune,  qui  occupait  ce  poste,  fut  rappelé 
à  Paris.  Il  accompagna  Bonaparte  en  Ita- 
30 


LEG 


550 


LEC 


lie,  et  s'y  dislingua  dans  les  différentes 
batailles  qui  y  furent  données ,  entre  au- 
tres à  Mîncio  et  à  Rovéredo.  Envoyé  à 
Bordeaux  pour  commander  en  chef  Tar- 
inée  d'observation  de  la  Gironde ,  après 
qu'il  eut  formé  et  organisé  cette  année  , 
il  fut  ensuite  un  de  ceux  qui  contribuè- 
rent le  plus  au  succès  de  la  révolution  du 
<8  brumaire.  Après  avoir  paru  à  l'armée 
du  Rhin,  et  s'être  distingué  à  Landshutt, 
il  fut  chargéde  conduire  celle  qui  traversa 
l'Espagne  pour  aller  soumettre  le  Portu- 
gal, et  il  força  le  prince  du  Brésil  de  signer 
à  Badajoz  ,  un  traité  humiliant,  en  vertu 
duquel  le  Portugal  paya  vingt  millions  à 
Bonaparte.  Cette  stipulation,  qui  resta  se- 
crète ,  enrichit  Lucien  Bonaparte  et  Le- 
clerc.  En  novembre  1801 ,  Leclerc  obtint 
le  commandement  de  l'expédition  en- 
voyée à  Saint-Domingue.  Après  de  longs 
et  sanglans  combats  et  des  négociations 
difficiles  avec  les  chefs  de  l'insurrection, 
il  venait  d'en  désarmer  une  grande  partie 
lorsqu'une  cruelle  épidémie  le  força  de  se 
retirer  à  l'île  de  la  'Tortue ,  où  il  succom- 
ba, le  3  novembre  1802,  à  la  maladie  qui 
avait  déjà  moissonné  un  grand  nombre 
de  Français.  Son  corps,  rapporté  en  Eu- 
rope, a  été  inhumé  dans  sa  terre  de  Mont- 
gobert ,  près  Soissons.  Le  général  Leclerc 
avait  épousé,  cnlSOl,  Pauline  Bonaparte, 
mariée  depuis  au  prince  Camille  Bor- 
ghèse.  Leclerc  avait  deux  frères  plus  âgés 
que  lui  ;  Louisraîné,  fut  agent  consulaire, 
membre  du  corps  législatif,  et  préfet  de 
la  Meuse.  Il  mourut  en  1821.  Le  cadet 
Loxjis-Nicoi:-as-Ma.riïv  ,  se  distingua  dans 
la  carrière  des  armes.  Il  mourut  le  16  mai 
1820,  après  avoir  mérité  par  ses  services 
tes  grades  de  maréchal-de-camp,  comman- 
deur de  la  légion-d'honneur  et  .chevalier 
de  Saint-Louis. 

*  LECLERC  (Jea\-Baptiste),  conven- 
tionnel, né  à  Chalonne,  vers  1753,  fut  en- 
voyé à  la  Convention  en  1792  par  le  dé- 
partement de  Maine-et-Loire ,  et  vota  la 
mort  du  roi  sans  appel  et  sans  sursis  ;  il  ne 
prit  aucune  part  à  la  proscription  des  Gi- 
rondins le  31  mai  1793,  donna  sa  démis- 
.sion  au  mois  d'août  suivant ,  et  se  retira 
dans  ses  foyers.  Leclerc  vivait  étranger 
aux  affaires  politiques ,  lorsqu'en  179 j  ,  il 
fut  élu  par  son  département  au  conseil 
des  Cinq-cents.  Il  se  fit  remarquer  dans 
cette  assemblée  par  le  zèle  qu'il  mit  à  la 
propagation  de  la  religion  théophilanthro- 
pique, et  proposa  en  1797  d'adopter  ce 
culte;  mais  après  de  nombreuses  et  vives 
discussions,  sa  proposition  fut  rejetée 


Président  de  l'assemblée  le  21  janvier  1709. 
il  prononça  en  celte  qualité  un  discours 
où  il  prêcha  le  régicide ,  et  en  déclamant 
contre  les  parjures,  menaça  le  roi  de  Ka- 
ples  du  sort  de  Louis  XVI.  Au  mois  de 
mai  de  la  même  année ,  il  sortit  du  con- 
seil, entra  au  Corps  législatif ,  après  le  18 
brumaire,  et ,  lorsque  ses  fonctions  légis- 
latives eurent  cessé,  il  se  retira  pour  ne 
plus  reparaître  sur  la  scène  politique.  Il 
n'accepta  sous  l'empire  aucun  emploi  : 
pendant  les  cent-jours  il  ne  signa  point 
l'acte  additionnel,  et  il  dut  à  cette  circon- 
stance de  n'être  point  atteint  par  l'ordon- 
nance du  2i  juillet  1816.  Leclerc  mourut 
à  Chalonne  ,  dans  le  mois  de  novembre 
1826.  Il  était  correspondant  de  la  classe 
d'histoire  et  de  littérature  ancienne  de 
l'institut  de  France  depuis  son  établisse- 
ment. On  a  de  lui  :  |  Mes  Promenades 
champêtres  ou  Poésies  pastorales  ^  178C, 
in-8°;  2"=  édition,  1798,  2  vol.  in-12  ;  trad. 
en  allemand  par  L.-H.  Heydenreich, 
Leipsick,  in-8°;  |  Essai  sur  la  propagation 
de  la  musique  en  France ,  1796,  in-8°: 
I  divers  opuscules,  insérés  avec  ceux  de  la 
Reveillère-Lepaux ,  sous  ce  titre  :  Opus- 
cules moraux  de  X.  M.  Lareveillère- 
Lepaux  et  J.  B.  Leclerc;  Abrégé  de 
l'histoire  de  Spa  (  anonyme  ),  Liège, 
1818,  in-18. 

LÉCLUSE.  royez  ECLUSE. 

*  LEGOAT  ou  LECOUT  (Yvës-Marie- 
Gabriel-PierkeJ,  baron  de  Saint-Haouen, 
contre-amiral  et  chevalier  de  St.-Louis  , 
né  en  1756  ou  1757 ,  d'une  famille  distin- 
guée de  la  Bretagne ,  entra  très  jeune  au 
service  de  la  marine,  et  fit  plusieurs  cam- 
pagnes dans  les  mers  de  l'Amérique  et 
de  l'Inde.  Nommé  bientôt  enseigne  de 
vaisseau,  il  passa  de  grade  en  grade  jus- 
qu'à celui  de  chef  de  division  des  armées 
navales  qu'd  obtint  en  1796.  Jeté  pendant 
la  terreur  dans  la  prison  de  l'Abbaye, 
il  recouvra  la  liberté  au  9  thermidor.  Il 
était  en  1800  chef  d'étai-major  de  l'amiral 
Latouche  Tréville.  Il  fut  chargé  de  mis- 
sions importantes,  s'en  acquitta  avec  hon- 
neur et  mérita  d'être  choisi  pour  diriger 
la  grande  expédition  projetée  contre  l'An- 
gleterre. Parmi  les  services  importans 
qu'il  rendit  alors ,  on  cite  la  manœuvre 
brillante  et  hardie  par  laquelle  il  parvint 
à  réunir  les  divisions  de  Dunkerque  et 
de  Calais,  à  l'armée  combinée  dans  le  port 
de  Bologne,  et  le  combat  naval  où  il  força 
les  Anglais  à  la  retraite ,  quoique  ceux-ci 
fussent  supérieurs  en  nombre.  L'année 
suivante,  Lecoat  se  distingua  de  nouveau 


LEC  5 

par  son  intrépidité  contre  les  Anglais  qui 
lançaient  des  brûlots  incendiaires  contre 
la  flottille  :  il  les  attaqua,  les  surprit  elles 
contraignit  encore  de  se  retirer.  En  1814 
Lecoat  fut  chargé  d'aller  présenter  à  Louis 
XVIII  à  Hartwel  les  hommages  de  la  ma- 
rine française.  Il  se  relira  durant  les  cent- 
jours  dans  une  campagne  de  Normandie, 
et  après  la  seconde  restauration,  Louis 
XVIII  le  nomma  contre-amiral,  préfet  ma- 
ritime, et  major-général  au  port  de  Brest. 
11  fut  mis  à  la  retraite  en  1817,  et  mourut 
le  7  novembre  1826  ,  à  Calais,  où  il  avait 
eu  le  commandement  du  port  pendant 
plusieurs  années.  Lecoat  est  connu  par- 
ticulièrement comme  inventeur  d'un  nou- 
veau système  de  télégraphes.  Son  inven- 
tion fut  d'abord  approuvée  par  une  com- 
mission nommée  par  l'institut ,  mais  elle 
fut  peu  goûtée  en  France.  Ses  fonctions 
l'empêchèrent  pendant  quelque  temps  de 
donner  suite  à  son  projet;  mais  il  s'en 
occupa  sérieusement,  lorsqu'il  fut  mis 
hors  du  service  ,  et  en  1823  ,  après  plu- 
sieurs expériences  faites  à  Paris  et  au  Ha- 
vre, il  reçut  l'ordre  de  former  une  bri- 
gade télégraphique ,  qui  fut  placée  à  la 
suite  du  duc  d'Angoulême  dans  la  campa- 
gne d'Espagne.  Lecoat  espérait  tirer  de 
son  système  les  moyens  de  diminuer  con- 
sidérablement le  nombre  des  naufrages. 
Il  allait,  dit-on,  partir  pour  l'Angleterre, 
d'après  une  invitation  de  capitalistes, 
pour  mettre  à  exécution  son  grand  et  utile 
projet  de  télégraphie  universelle  de  terre 
el  de  mer,  de  jour  et  de  nuit ,  lorsqu'il 
mourut.  Le  télégraphe  dont  il  est  l'inven- 
teur est  le  premier  dont  on  se  soil  servi 
la  nuit,  et  l'usage  en  est  si  économique 
que  chacun  de  ses  fanaux  ne  consume  que 
pour  cinq  centimes  d'huile  par  heure.  Il 
est  extrêmement  simple,  et  un  de  ses  prin- 
cipaux avantages  est  de  faire  connaître 
aux  navigateurs ,  pendant  la  imit,  le  point 
précis  où  ils  se  trouvent. 

*  LECOIÎVTE  -  PlIIRAVAUX  (Mat- 
TuiEu),  membre  de  plusieurs  législatures, 
exerçait  à  l'époque  de  la  révolution  la 
profession  d'avocat  à  Saint-Maixent.  S'é~ 
tant  prononcé  avec  empressement  pour 
le  nouvel  ordre  de  choses  il  obtint  la  place 
d'administrateur  du  département  des 
Deux-Sèvres ,  puis  fut  nommé  député  à 
l'assemblée  Législative  en  1791.  Le  10  dé- 
cembre de  cette  année,  des  habitans  de 
Paris  avaient  présenté  une  pétition  con- 
tre les  ministres.  Lecoinle  la  soutint  vi- 
vement el  dénonça  lui-même  le  ministre 
Dujwrtail.  Après  avoir  attaqué  avec  achar- 


31  LEC 

nément  l'évcque  de  Mcnde,  il  s'éleva 
avec  véhémence  contre  les  prêtres  inser- 
mentés ,  et  contribua  de  tous  ses  efforts 
à  faire  rendre  le  décret  de  déportation  qui 
fut  prononcé  contre  eux.  Réélu  dans  le 
mois  de  septembre  par  le  même  déparle- 
ment à  la  Convention  nationale,  il  lit  dé- 
créter que  les  ministres  ne  pourraient 
être  choisis  parmi  les  membres  de  l'as- 
semblée. Sa  dénonciation  contre  Marat, 
le  14  octobre  ,  à  l'occasion  des  massacres 
de  septembre  ,  le  lit  accuser  d'être  d'in- 
telligence avec  le  parti  des  Girondins  : 
lui-même  parut  confirmer  cette  supposi- 
tion en  votant,  dans  le  procès  du  roi,  en 
faveur  de  l'appel  au  peuple  ;  mais  il  se 
prononça  ensuite  pour  la  mort  sans  sursis. 
Il  se  montra  encore  plusieurs  fois  en  op- 
position avec  la  Montagne^  et  appuya  la 
proposition  qui  avait  été  faite  d'appeler 
contre  les  efforts  réunis  de  Robespierre 
et  de  Danton  une  force  militaire  qui  as- 
surât l'indépendance  de  la  représentation 
nationale  :  les  J/on?«j7narc?s remportèrent 
dans  cette  occasion.  Lecointe-Puiravaux, 
envoyé  en  mission  dans  le  département 
des  Deux-Sèvres ,  dans  le  mois  de  mai 
1773 ,  n'y  resta  pas  long-temps  :  témoin 
des  succès  des  Vendéens  à  Fontenay,  il 
se  hâta  de  revenir  à  la  Convention  ,  où  il 
j'.islifia  la  destitution  de  Rossignol  ,  dé- 
fendit le  général  Biron,  el  s'opposa  avec 
vigueur  à  l'adoption  de  la  proposition  de 
déclarer  suspects  les  marchands  qui  ven- 
draient à  des  prix  élevés  les  denrées  de 
première  nécessité  :  aussi  faillit-il  être 
proscrit  avec  les  restes  du  parti  de  la  Gi- 
ronde.  Appelé  au  conseil  des  Cinq-cents, 
il  provoqua  des  mesures  rigoureuses  de 
répression  contre  les  magistrats  qui 
avaient  refusé  de  prêter  le  serment  de 
haine  à  la  royauté  ;  contre  les  émigrés, 
dont  il  voulait  que  les  biens  et  même  ceux 
de  leurs  parens  fussent  séquestrés  ;  contre 
les  marchands  qui  introduisaient  des 
marchandises  anglaises  ;  contre  les  écri- 
vains et  la  liberté  de  la  presse,  etc.  Le- 
coinle présida  l'assemblée  en  1797  :  il 
en  sortit  la  même  année  pour  occuper  la 
place  de  commissaire  du  Directoire  exé- 
cutif dans  son  déparlement,  et  rentra  an 
conseil  des  Cinq-cents  en  1798  :  à  peine 
fut-il  de  retour  dans  l'assemblée,  qu'il  parla 
contre  les  émigrés  et  les  chouans,  et  pro- 
voqua les  visites  domiciliaires  qui  furent 
faites  dans  Paris  et  dans  toute  la  France , 
dans  le  but  de  les  rechercher.  Porté  de 
nouveau  au  fauteuil  le  20  juillet ,  il  pré- 
sida les  fêtes  du  9  thermidor   cl  du  IQ 


LEC  5 

aoûl,  el  les  discours  qu'il  prononça  dans 
Ces  deux  occasions  furent  imprimés  par 
ordre  du  conseil  :  il  s'opposa  avec  succès 
en  1799  à  la  mise  en  accusation  de  Merlin, 
Laréveillèr«-Lepaux  et  Rewbell ,  mem- 
bres éliminés  du  Directoire  exécutif.  A 
la  suite  de  la  révolution  du  18  brumaire 
(9  noyembre  1799),  il  fut  envoyé  en  mis- 
sion extraordinaire  dans  les  départcmens 
de  l'Ouest,  où,  de  concert  avec  le  général 
Hédouville,  il  parvint  à  négocier  un  traité 
de  pacification  qui  fut  signé  à  Angers. 
Tendant  son  absence  il  avait  été  nommé 
membre  du  tribunat.  Il  y  siégea  peu  de 
temps  et  fut  nommé  commissaire  général 
de  police  à  Marseille.  En  1805,  le  gouver- 
nement consulaire  lui  offrit  la  place  d'ad- 
ministrateur de  la  Louisiane  que  Lecointe 
refusa.  Il  vécut  éloigné  des  affaires  jus- 
qu'en 1815 ,  époque  à  laquelle  Bonaparte 
le  nomma  lieulenant-général  de  police 
pour  plusieurs  déparlemens  du  midi  : 
il  était  à  Lyon  lorsqu'il  apprit  le  désas- 
tre de  Warterloo,  et  il  y  fut  exposé  à  de 
grands  dangers.  Le  gouvernement  royal 
le  maintint  dans  ses  fonctions  ;  mais  Le- 
cointe ayant  jugé  prudent  de  fuir  et  de 
s'embarquer  ,  fut  arrêté  en  mer  par  la 
flotte  de  lordExmouth,  et  jeté  ensuite 
par  la  tempête  sur  les  côtes  de  la  Pro- 
vence; il  erra  dans  les  montagnes,  fut  ar- 
rêté de  nouveau  et  conduit  à  Marseille. 
Il  parvint  à  s'évader  et  s'enfuit  à  Bruxel- 
les, où  il  est  mort  dans  le  mois  de  janvier 
1827. 

LECOINTE.  Voyez  COINTÉ. 

•  LECOINTRE  (Laurext),  connu  sous 
le  nom  de  Lecointre  de  Versailles  j  révo- 
lutionnaire subalterne,  exerçait,  avant 
les  troubles  de  1789 ,  la  profession  de 
marchand  de  toiles  à  Versailles ,  sa  patrie. 
Il  embrassa  les  idées  des  novateurs  avec 
ime  véhémence  extrême,  et  contribua 
puissamment  à  les  propager  dans  une 
ville  où  son  commerce  et  sa  fortune  lui 
donnaient  beaucoup  d'influence.  Lors  du 
fameux  serment  du  Jeu  de  paume  (  voy, 
BAILLY  ),  il  se  forma  dans  la  capitale  une 
société  patriotique  qui  prit  le  nom  de  cet 
événement,  et  dans  laquelle  Lecointre  fut 
admis.  On  le  voyait  tous  les  jours  assister 
à  ses  séances,  puis  retourner  à  Ver- 
sailles ,  où  il  en  répandait  les  doctrines. 
On  sait  que  cette  société  ne  tarda  pas  à 
se  réunir  au  club  des  jacobins.  A  l'époque 
de  la  formation  de  la  garde  nationale  de 
Versailles,  Lecointre  en  fut  nommé 
commandant  en  second ,  sous  le  comte 
d'Estaing   {^voyez  ESTAING3;   il   fut  le 


^2  LEC 

premier  dénonciateur  du  malheureux 
repas  des  gardes-du-corps ,  qui  servit  de 
prétexte  aux  attentats  des  5  et  6  octobre 
1789,  et  il  épouvanta  le  comte  d'Estaing 
lui-même  par  ses  déclamations.  La  mu- 
nicipalité de  Versailles  s'étant  dissoute  , 
Lecointre,  au  lieu  de  calmer  l'irritation 
du  peuple,  lui  fit  distribuer  des  armes 
et  des  munitions ,  et  excita  à  la  révolte 
le  régiment  de  Flandre ,  qu'on  avait  fait 
venir  à  Versailles  pour  empêcher  les 
émeutes  occasionées  en  apparence  par 
la  cherté  des  vivres  (  voyez  DUPORT  el 
THÉROIGNE  ).  Il  fit  ensuite  un  si  grand 
nombre  de  dénonciations ,  que  personne  , 
peut-être ,  depuis  1789  jusqu'à  la  disso- 
lution du  Directoire  n'a  plus  dénoncé  que 
lui.  Lors  de  la  formation  des  autorités , 
en  1791 ,  il  devint  président  du  départe- 
ment de  Seine-et-Oise,  et  ce  même  dé- 
partement le  choisit  pour  son  député  à 
l'assemblée  Législative.  Au  mois  de  dé- 
cembre de  cette  année ,  il  dénonça  l'an- 
cienne municipalité  de  Versailles  comme 
ennemie  de  la  révolution.  En  1791 ,  et 
1792 ,  Lecointre  dénonça  le  ministre  de 
la  guerre  Duportail ,  et  ne  cessa  de  dé- 
clamer contre  les  officiers  de  l'ancienne 
armée,  contre  le  ministre  Narbonne,  et 
contre  plusieurs  particuliers  qu'il  fît  tra- 
duire à  la  haute  cour  d'Orléans.  Il  dé- 
nonça aussi  Théobald  Dillon,  au  moment 
même  que  l'assemblée  décernait  des  hon- 
neurs à  la  mémoire  de  ce  général,  assas- 
siné à  Lille ,  et  proposa  de  mettre  hors  do 
la  loi  tous  les  prêtres  qui  refuseraient  de 
prêter  serment  à  la  constitution  civile  du 
clergé.  Apres  la  journée  du  10  août  1792 , 
dans  laquelle  il  ne  figura  point ,  Le- 
cointre fut  envoyé  en  qualité  de  com- 
missaire dans  le  département  de  la  Seine- 
Inférieure.  Député  à  celte  époque  à  la 
Convention  par  son  département,  on  l'y 
vit  s'acharner  contre  la  famille  royale.  Le 
15  décembre ,  il  demanda  que  Louis  XVI 
ne  pût  communiquer  qu'avec  ses  enfans , 
et  que  ceux-ci  ne  pussent  voir  leur  mère 
ni  madame  Elisabeth ,  leur  tante,  qu'après 
le  supplice  de  leur  père ,  dont  il  vota  la 
mort  sans  appel  au  peuple  et  sans  sursis. 
Il  reprit  ensuite  le  cours  de  ses  dénoncia- 
tions, et  le  12  août  1793 ,  il  demanda  que 
la  Convention  accélérât  le  jugement  de  la 
reine,  qu'il  appelait  insolemment  ^a^rm»ifi 
Capetj  et  contre  laquelle  il  fut  ensuite 
appelé  à  déposer.  Lecointre  se  déclara 
contre  Robespierre,  et  il  le  poursuivit 
plusieurs  fois  de  ses  accusations  et  de  ses 
invectives,  notamment  le  jour  où  celui- 


LEC  33 

ci  vial  déclarer  du  haut  d'une  montagne 
factice,  élevée  dans  le  jardin  des  Tuile- 
ries ,  que  la  nation  française  reconnais- 
sait l'Etre  suprême  et  l'immortalité  de 
l'âme  (juin  179/».).  Lecointre  l'apostropha 
continuellement  durant  celte  cérémonie 
du  cri  :  A  bas  le  tyran  !  et  après  le  9  ther- 
midor, il  accusa  devant  la  Convention  ses 
complices  CoUol-d'Herbois ,  Billaud- Va- 
rennes,  Barrère  et  Vadier.  Sa  dénoncia- 
tion qui  présentait  vingt-six  chefs  d'ac- 
cusation ,  après  trois  jours  de  discussions, 
fut  déclarée  calomnieuse;  lui-même  fut 
obligé  de  quitter,  sur  la  demande  des  re- 
présentans  Bernard  et  Duhem,  le  bureau 
des  secrétaires  qu'il  occupait ,  et  les  jaco- 
bins l'éliminèrent ,  ainsi  que  Fréron  et 
Tallien ,  de  leur  club ,  où  l'avaient  dé- 
noncé Carrier  et  Lacombe.  Le  50  no- 
vembre ,  il  combattit  une  proposition  qui 
tendait  à  faire  emprisonnner  les  prêtres 
qui  se  trouveraient  dans  les  lieux  où  il  y 
aurait  émeute.  Au  mois  de  mars  1793, 
lorsqu'une  nouvelle  accusation  fut  inten- 
tée contre  Billaud  Varennes,  Collot- 
d'Herbois,  etc.,  on  le  vit  avec  surprise 
prendre  la  défense  de  ces  mêmes  hommes 
qu'il  avait  poursuivis  avec  tant  d'animo- 
sité.  Il  s'opposa ,  mais  sans  succès ,  à  la 
rentrée  des  proscrits  du  31  mai  dans  la 
Convention,  et  accusa  peu  de  temps  après, 
Louvet,  Pétion  ,  Buxot ,  Barbaroux  ,  et 
Guadet  d'avoir  signé  un  serment  pour  le 
rétablissememt  de  la  royauté.  Accusé, 
le  5  avril,  par  Tallien,  d'avoir  pris  part 
à  un  mouvement  qui  avait  éclaté  contre 
la  Convention ,  il  fut  décrété  d'arresta- 
tion ,  puis  dut  sa  liberté  à  la  loi  d  am- 
nistie du  k  brumaire  an  k.  Après  l'orga- 
nisation des  deux  conseils  ,  n'ayant  point 
fait  partie  des  deux  tiers  réélus,  il  tenta, 
plusieurs  fois,  aux  époques  des  élec- 
tions ,  de  gagner  les  suffrages  des  élec- 
teurs ,  en  couvrant  d'une  multitude 
d'affiches,  signées  de  lui,  les  murs  de 
Paris  et  de  Versailles.  Il  fut  compromis 
dans  l'affaire  de  Babeuf  {voyez  ce  nom) 
et,  après  la  chute  du  Directoire,  quand 
le  gouvernement  consulaire  soumit  à 
l'acceptation  publique  l'acte  constilu- 
lionel  de  l'an  8  ,  il  fut  le  seul  des  habitans 
de  Versailles  qui  inscrivit  un  vote  né- 
gatif. Exilé  de  celte  ville  pour  quelque 
temps,  il  y  revint  ensuite  et  mourut  à 
Guignes,  dans  un  âge  fort  avancé,  le  4 
août  180S.  On  a  de  lui  :  ]  Les  crimes  des 
sept  membres  des  anciens  comités  de  sa- 
lut public  et  de  sûreté  générale  ,  ou  Dé- 
nonciation formelle  à  la  Cons^ention  na- 


5  LEC 

tionale  contre  Billaud-P^arenncs  ^  Bar- 
rère.  Collot-d' Herbois^  Vadier.  Vouland. 
Amar  et  David,  an  3  ,  iu-S".  M.  Dulaure 
a  publié  un  Supplément  aux  crimes  des 
anciens  comités  du  Gouveimement  j  etc. 

I  Les  abus  illimités  ^  avec  des  réflexions 
sur  l'état  présent  de  la  république  ,  1793, 
in  -  8°  ;  |  Laurent  Lecointre  au  peuple 
souverain^  an  2,  in-8'' ;  c'est  une  réfuta- 
tation  de  quelques  repooches  absurdes 
que  lui  avaient  adressés  Bourdon  et  Bil- 
laud-Varennes.  |  Conjuration  formée  dès 
le  6  prairial  par  neuf  représentans  du 
peuple  contre  Maximilien  JRobespierre 
pour  l'immoler  en  plein  sénat ,  an  2  ,  in- 
8°;  les  neuf  conjurés  étaient  Lecointre, 
Barras,  Fréron,  Courtois,  Garnier  de 
l'Aube,  Rovèro,  Tallien,  Thirion  et 
Guffroy. 

LFXO.^TE.  Voyez  CONTE. 

LECOUUAYER.   Voyez    COURAYER. 

*  LECOURBE  (  Claude-Joseph  ) ,  lieu- 
tenant-général des  armées  françaises  ,  na- 
quit à  Lons-le-Saulnier  ,  en  1739 ,  d'un 
ancien  officier  d'infanterie  retiré  du  ser- 
vice. Il  abandonna  ses  études  pour  s'en- 
rôler dans  le  régiment  d'Aquitaine  dans 
lequel  il  servit  pendant  8  ans ,  et  après 
avoir  obtenu  son  congé,  il  était  rentré 
dans  le  sein  de  sa  famille,  à  l'époque  où 
éclata  la  révolution.  Nommé  commandant 
delà  garde  nationale  du  canton  deRuffey, 
puis  chef  du  7^  bataillon  de  volontaires 
du  Jura ,  il  joignit  avec  ses  soldats  l'armée 
du  Haul-Rhin,  et  ensuite  celle  du  Nord. 

II  se  distingua  ,  avec  son  bataillon,  au 
combat  de  Hondscoote  où  il  lutta  contre 
doux  escadrons  hanovriens,  dont  l'un 
resta  prisonnier.  Il  entra  le  premier  ,  un 
fusil  à  la  main  ,  lors  du  déblocus  de  Mau- 
beuge ,  dans  les  lignes  de  Watignies,  et 
reçut  le  grade  de  chef  de  brigade.  Il  com- 
mandait à  la  bataille  de  Fleurus  trois  ba- 
taillons avec  lesquels  il  soutint  pendant  7 
heures  l'attaque  d'une  colonne  de  10,000 
Autrichiens.  Lecourbe  passa  successive- 
ment avec  le  grade  d'oflicier-généial  dans 
les  armées  de  Sambre-et-Meuse,  de  Rhin- 
et-Moselle ,  du  Danube  et  d'Helvélie  ,  et 
actiuit  par  les  talens  qu'il  déploya  une 
grande  réputation.  Il  avait  combattu  avec 
Moreau  :  après  la  paix  de  Lunévillc  lors- 
que ce  général  fut  mis  en  jugement ,  Le- 
courbe se  déclara  pour  lui ,  et  s'attira  la 
disgrâce  de  Bon  aparté  cpii  l'exila  à  Lons-le- 
Saulnier  et  ensuite  à  Bourges.  Il  ne  reprit 
d'activité  que  sous  la  restauration  :  Louis 
XVIII  lui  conféra  successivement  les  t  itres 
de  grand-officLer  de  la  légion  d'honneur 

.50. 


LEC 


35/t 


LEC 


cl  de  comte.  Ce  prince  venait  de  le  nom- 
mer inspecleuT  général-d'infanterie,  lors- 
que Bonaparte  débarqua  en  France.  D'a- 
l)ord  il  se  refusa  aux  instances  du  maré- 
chal Ney  qui  l'invitait  à  se  ranger  du  côté 
de  l'empereur  :  il  vint  même  à  Paris 
prendre  les  ordres  du  roi.  l^Ius  tard  cepen- 
dant il  reçut  de  Napoléon  le  commande- 
ment du  corps  d'observation  du  Jura  dont 
le  quartier  général  était  à  Béfort.  L'ar- 
mée de  l'archiduc  Ferdinand  vint  l'atta- 
quer; beaucoup  plus  nombreuse  que  ses 
troupes,  elle  lui  enleva,  à  la  fin  du  mois 
de  juin ,  sa  première  ligne  de  défense  : 
maisLecourbe  conserva  auprès  de  Béfort 
la  position  de  son  camp  retranché.  Il  fit 
un  des  premiers  sa  soumission  au  roi ,  et 
mourut  dans  celte  ville ,  le  23  octobre 
1815. 

*LECOURT  (Hk\ri),  occupait  avant 
1789  un  emploi  à  Versailles.  Durant  les 
premières  années  de  la  révolution,  il  se 
livra  avec  un  nouveau  zèle,  peut-être 
parce  qu'il  avait  plus  de  loisir,  à  son  goût 
dominant,  qui  était  l'élude  de  l'instinct 
des  animaux.  Il  observa  en  particulier  les 
mœurs  de  la  taupe,  à  cause  de  l'utilité 
qu'il  espérait  tirer  de  ses  remarques  pour 
les  cultivateurs.  En  1800,  une  digue  de  re- 
tenue ayant  fait  eau,  venait  d'clre  réparée 
d'une  manière  insuffisante,  et  elle  né- 
cessitait tous  les  jours  de  nouvelles  répa- 
rations ,  lorsque  Lecourt  constata  la  pré- 
sence de  quelques  familles  de  taupes  qui 
s'étaient  établies  dans  les  terres  de  levée , 
et  qu'il  fallait  détruire  avant  tout.  Il  y 
réussit,  et  ce  service  éveilla  l'attention  de 
l'autorité ,  qui  le  mit  à  même  de  former 
une  école  pratique  de  l'art  du  taupicr.  M. 
C.adet  de  Vaux  a  publié  les  observations 
de  ce  praticien  consommé,  dans  un  ou- 
vrage ayant  pour  litre  :  De  la  taupe  ^  de 
ses  mœurs  et  des  moyens  de  la  détruire^ 
1802,  in-12.  Lecourt  est  mort  à  Ponloise, 
en  1823. 

LECOQ.  Voyez  COQ  (  le  )  et  NAN- 
QUIER. 

*LECOUVREUR(  AouiEXXEJ.néeen 
1G90 ,  à  Fismes  ,  en  Champagne  ,  est  une 
des  plus  célèbres  actrices  qui  aient  paru 
sur  la  scène  française.  La  nature  ne  l'a- 
vait pas  douée  des  avantages  extérieurs  ; 
mais  elle  sut  s'en  passer  à  force  d'âme  et 
de  talent.  Elle  savait,  comme  le  fameux 
Baron ,  parler  naturellement  la  tragédie, 
en  évitant  également  le  ton  d'une  fami- 
liarité triviale,  et  l'emphase  de  la  décla- 
mation. Elle  jouait  aussi  dans  la  comédie  ; 
mais  c'est  par  la  tragédie  qu'elle  s'est  il- 


lustrée. Elle  excellait  dans  presque  tous 
les  rôles,  surtout  dans  celui  de  Phèdre. 
Elle  mourut  d'une  violente  hémorragie 
d'entrailles,  le  20  mars  1730.  On  a  cru 
qu'elle  avait  été  empoisonnée.  Elle  a 
écrit  des  lettres  pleines  de  noblesse  et  do 
sentiment.  On  cite  aussi  d'elle  des  vers 
agréables  et  des  réparties  fort  ingénieuses. 
*  LECOZ  (  Claude  ) ,  archevêque  de 
Besançon ,  membre  de  l'académie  de  cette 
ville  et  de  l'académie  celtique,  naquit  à 
Plounevez-Porzai,  au  diocèse  de  Quimper, 
le  22  décembre  1740,  et  fut  professeur  au 
collège  de  celte  ville,  dont  il  devint  en- 
suite principal.  A  la  révolution,  il  en  em- 
brassa les  principes,  et  se  montra  patriote 
ardent.  Ce  zèle  pour  le  nouvel  ordre  de 
choses  fut  récompensé  lors  des  élections 
pour  les  sièges  épiscopaux ,  établis  par  la 
constitution  civile  du  clergé.  Lecoz  fut 
nommé  évêque  constitutionnel  d'Ile-et- 
Vilaine,  etsacré  en  cette  qualité  le  10  avril 
1791.  Son  dévouement  lui  valut  une  autre 
distinction.  Après  la  clôture  de  l'assem- 
blée Conslituante,  son  département  l'élut 
membre  de  l'assemblée  Législative  ,  et  il 
vint  y  siéger.  Le  3  février  1792,  il  de- 
manda la  suppression  des  associations  de 
religieux  séculiers  j  qui,  dit-il,  ont  fait 
de  tous  les  séminaires  des  repaires  d'a- 
ristocraties ecclésiastiques  ;  mais,  en 
attaquant  les  congrégations  séculières , 
assurément  bien  à  tort ,  il  fit  l'éloge  des 
congrégations  régulières  enseignantes, 
notamment  de  celle  des  doctrinaires.  Daiis 
la  séance  du  19  octobre  1791 ,  il  avait  pris 
la  défense  du  célibat  des  prêtres,  et  dans 
celle  du  Ui  novembre  de  la  même  année, 
Isnard  déclamant  contre  les  prêtres  mser- 
mentéSj  Lecoz,  quoique  assermeiue,  s'é- 
leva contre  lui,  et  qualifia  son  discours 
de  code  d'athéisme.  Enfin ,  il  désapprouva 
hardiment  la  conduite  d'un  de  ses  suffra- 
gans  qui  avait  fait  donner  la  bénédiction 
nuptiale  à  un  prêtre.  Il  fut  mis  en  prison 
sous  le  règne  de  la  terreur.  En  1793,  il 
reprit  ses  fonctions  épiscopales,  et  adhéra 
aux  deux  lettres  encycliques  des  évêques 
réunis.  Il  assista  au  concile  qui  s'ouvrit  le 
13  août  1797  dans  la  cathédrale  de  Paris, 
et  le  présida.  Il  tint  un  synode  en  1799, 
préliminaire ,  sans  doute ,  au  2*  concile 
constitutionnel,  ouvert  le  29  juin  1801, 
et  qu'il  présida  encore.  Il  s'y  opposa  au 
projet  d'un  sacramenlaire  français^  d'un 
abbé  Poinsignon,  et  mit  la  mémeopposi-' 
lion  à  une  motion  de  Desbois,  évêque  de 
la  Somme  ,  pour  que  le  comité  adojiiàl  et 
proclamât  une  des  proposilions  condani- 


LEC 


55S 


LEC 


nées  par  la  bulle  Unigenitus.  Un  concor- 
dat ayanl  été  signé  avec  le  pape  la  même 
année,  et  rendu  public,  en  1802,  Lecoz 
donna  sa  démission  ,  et  fut  nommé  à  l'ar- 
chevêché de  Besançon.  En  changeant  de 
siège ,  il  ne  changea  point  de  senlimens  ; 
il  ne  fil  point  faire  les  rétractations  que 
dans  d'autres  lieux  on  demandait  aux  prê- 
tres constitutionnels,  et  gouverna  son 
diocèse  d'après  ses  anciens  principes. 
Il  consigna  même  dans  un  écrit  l'apo- 
logie de  la  constitution  civile  du  clergé, 
et  l'éloge  de  ceux  qui  s'y  étaient  soumis. 
Cependant ,  en  1804,  lorsque  le  pape  était 
à  Paris  ,  il  se  rendit  chez  le  saint  Père 
comme  les  avitres  constitutionnels ,  et  il 
signa ,  dit-on ,  un  acte  d'adhésion  et  de 
soumission  aux  jugemens  émanés  du 
saint  Siège  et  de  l'Eglise  catholique  ^ 
apostolique  et  romaine,,  sur  les  matières 
ecclésiastiques  de  France.  On  ajoute 
que ,  dans  un  entretien  particulier  avec 
le  souverain  pontife ,  il  protesta  avec  lar- 
mes de  sa  sincérité.  Lecoz  ne  vit  point, 
dit-on  ,  la  restauration  avec  plaisir  et  la 
défense  qu'il  reçut  de  paraître  devant  un 
de  nos  princes  qui  passait  à  Besançon  a 
accrédité  cette  opinion.  En  mars  1813  ,  il 
fut  un  des  premiers  à  se  déclarer  pour  Na- 
poléon. On  assure  qu'il  cherchait  à  soule- 
ver le  peuple  contre  les  alliés ,  lorsqu'il 
mourut  le  3  mai  1813 ,  à  Villevieux ,  dans 
le  Jura.Ona  delui:  Accord desvvais prin- 
cipes de  V  Eglise ,  de  la  morale  et  de  la  rai- 
son, sur  la  constitutio7i  civile  du  clergé 
1791,  in-12.  Quelques  uns  le  disent  auteur 
de  cet  ouvrage  ,  quoique  le  Dictionnaire 
des  Anonymes  .  t.  2.  p.  492,  l'alliibue  à 
M.  Lebreton.  \  Lettre  pastorale,  1797. 
L'auteur  y  déclame  d'une  manière  indé- 
cente et  outrageante  contre  Pie  VI,  el 
l'accuse  d'avoir  provoqué  une  guerre  de 
religion;  |  des  Statuts  et  P.èglemens  pour 
sou  diocèse  dllle-et-Vilaine,  1  vol.  in-12: 
ils  avaient  été  dressés  dans  le  synode  de 
1799;  I  un  Avertissement  pastoral  sur 
l'état  actuel  de  la  religion  catholique  ; 
I  des  Observations  sur  les  zodiaques  d'E- 
gypte ,  1802  ;  I  Défense  de  la  révélation 
chrétienne,  et  preuves  de  la  divinité  de 
J.-C,  contre  le  Mémoire  en  faveur  de 
Dieu,  de  Delisle  de  Sales,  in-8";  |  une 
Instruction  pastorale  du  20  décembre 
1813,  sxxr  l'amour  de  la  patrie  ,  etc.  ;  |  Ob- 
servations sur  le  décret  de  l'assemblée 
pour  la  constitiition  civile  du  clergé,  adres- 
sées aux  citoyens  du  Finistère ,  1790  : 
Lecoz  était  alors  procureur-syndic  du  dis- 
trict de  Quimper.  L'abbé  Barruel  réfuta 


ces  observations  dans  son  Journal  ecclé- 
siastique, novembre  1790.  Il  parut  aussi 
cinq  lettres  contrôles  Observations. \Lettre 
aux  auteurs  de  la  réponse  aux  Observa- 
tions. (  Voyez  la  Collection  ecclésiastique 
de  M.  Guillon,  tome  T).\Letlre  à  M.  l'évéque 
de  Rennes,  2  mars  1791.  Il  lui  annonçait 
son  élection  ,  parlait  de  sa  perplexité  ,  se 
jetait  aux  pieds  de  l'évéque ,  et  le  conju- 
rait de  revenir  à  son  troupeau.  Réponse 
de  M.  de  Girac,  du  7  mars,  dans  la  Coll. 
ecclés.  de  M.  Guillon,  tom.  11  ;  |  Deuxième 
lettre  au  même ,  publiée  par  Lecoz.  (  Voy 
VOiylonnance,  de  M.  de  Girac ,  du  27  avril 
1791  ).  I  'DQs3Iandemens,en  1791  et  1792; 
\  Préservatif  contre  l'impiété,  dans  le  ca- 
rême de  1793  ;  I  Lettre  sur  le  célibat  ecclé- 
siastique :  c'est  probablement  la  lettre 
adressée  au  club  de  Rennes  en  septembre 
1793  ;  elle  n'a  pas  été  imprimée.  Lecoz 
assure  qu'elle  était  très  forte.  C'est  peu 
après  que  l'auteur  fut  arrêté  ,  enfermé  à 
Rennes,  puis  au  IVIont-Saint-Michel;|Z<?f?r(j 
à  la  Convention,  24  floréal  an  2,  en 
lui  dénonçant  un  arrêté  de  Carpentier. 
Elle  est  signée  Lecoz.  évéquc  d' llle-et-Vi- 
laine ,  ci-devant  membre  de  l'assemblée 
législative,  incarcéré  par  l'ordre  de  Car- 
rier. Elle  est  insérée  dans  les  Annales  du 
9  avril  1796;  |  Lettre  sur  son  élargissement  ; 
nous  croyons  qu'on  l'a  confondue  avec  \i\ 
suivante  ;  I^ettre  aux  prêtres  non-asser- 
mentés du  diocèse  de  Rennes ,  sur  leur 
élargissement  ;  14  pages  in-4".  Elle  est 
dans  les  Annales  des  Constitutionnels  du 
4  juUlet  1793  ;  |  Accordde  la  religion  catho- 
lique avec  le  gouvernement  républicain  . 
1793 ,  79  pag.  in-S".  A  la  fin  est  une  ré- 
ponse au  sieur  Lefranc,  qui  avait  attaqué 
laletlre  précédente.  \  Aux  Amis  de  la  vé- 
rité,  de  l'humanité  et  de  la  religion,  ou 
Lettre  au  citoyen  M...  é  sur  sa  déclara- 
tion d'être  soumis  aux  lois  de  la  républi- 
que,  14  juillet  1793;  43  p.  in-S".  C'est  un 
plaidoyer  contre  les  prêtres  insermentés. 
I  Lettre  à  Real,  au  sujet  d'un  article  du  n° 
164  du  Journal  des  Patriotes  de  1789, 
Rennes,  10  février  an  4.  C'est  une  apo- 
logie de  lareligion  contre  les  déclamations 
de  ce  Journal.  Il  y  a  un  post-scriptum  eu 
réponse  au  n°  181  du  même  journal  :  elle 
est  insérée  dans  les  Annales  des  Constitu- 
tiomiels,  n"  20  et  21  ;  |  Réflexions  sur  la 
lettre  de  Rallier  à  Grégoire,  20  pages. 
C'est  encore  une  apologie  de  la  religion 
contre  le  .philosojjhe  Rallier.  Annales  . 
tom.  5;  I  Lettre  à  Bénézech,  ministre  de 
l'intérieur  ,  29  prairial  an  4.  Elle  n"a  que 
3  pages,  et  a  pour  but  de  demander  que 


LEC  5 

Ton  remie  aux  communes  les  presbytères 
et  les  cloches,  annales,  t.  3  ;  [  Lettres  aux 
Catholiques  sur  la  réti'actatioii  de  Panis- 
set  ;  17  pag.  Annales^  t,  5  ;  |  Lettre  à  Ral- 
lier j  20  août  1796 ,  14  pag.  C'est  une  ré- 
l>lique  à  Rallier  qui  avait  répondu  aux 
Réflexions  précédentes  ;  |  Réponse  à  une 
lettre  cTun  auteur  célèbre  sur  la  rétracta- 
tion de  Panisset ,  15  janvier  1797 ,  27  pa- 
pes. Il  y  a  des  détails  curieux  sur  sa  vie. 
L'auteur  célèbre  était  M.  l'abbé  de  Bou- 
logne. Annales,  t.  i  ;  ]  Lettre  au  rédacteur 
>ie s  Annales  catholiques.  Voy.  celles-ci, 
tom.  2,  pag.  363  ;  |  Lettre  à  M.  de  Lorry , 
évêque  d'Angers ,  pour  l'invitera  repren- 
dre ses  fonctions  ;  [Lettre  pastorale  pour 
ordonner  un  l'e  Deum  pour  les  victoires 
de  la  république ,  citée  dans  les  Annales 
cathol..  tom.  3  ,  pag.  331.  Le  pape  y  est 
iiidignemeni  Ivadlé.Les  Annales  des  Const. 
n'en  parlent  pas  ;  ]  Coup-d'œil  philosophi- 
que sur  les  affaires  du  moment.  Cet  opus- 
cule était  anonyme ,  et  avait  rapport  aux 
élections.  Annales,  tom.  6  ;  |  Lettre  à  Gré- 
goire sur  sa  lettre  au  grand  inquisi- 
teur,  10  pag.  Elle  roule  sur  le  mouvement 
de  la  mer.  Grégoire  y  répondit.  Voy.  An- 
nales, totn.  7,  pag.  717  ;  I  Observation  sur 
le  dimanche  et  le  décadi,  30  frimaire  an 
7  ;  18  pag.  Voy.  Annales,  tom.  8.  pag.  liS  ; 
I  Justification  de  plusieurs  vérités  chré- 
tiennes. 26  prairial  an  7,  30  p.  C'est  une 
lettre  au  journaliste  Perly.  Annales,  t.  9; 
I  Statuts  et  règlemens  d'un  synode  te7iu  à 
Rcirnes  en  août  1799  ,  avec  deux  mande- 
mens.  Le  tout  forme  IGO  pages  ,  in-8°.  On 
imprima  à  part  un  extrait  du  synode  sur 
la  nécessité  et  le  moyen  de  perpétuer  le 
sacerdoce  ;  |  Sur  une  instruction  relative 
aux  indulgences,  insérée  au  tom.  9  des 
Annales.  La  lettre  de  Lecoz  est  du  12 
octobre  1799  :  elle  a  12  pages ,  et  relève 
quelques  erreurs  deMauviel,  auteur  de 
V Instruction.  Celui-ci  répondit.  La  lettre 
et  la  réponse  ne  sont  point  dans  les  An- 
nales; mais  elles  sont  imprimées  à  la  suite 
du  Précis  historique  et  dogmatique  sur 
les  indulgences,  publié  sous  le  nom  des 
Réunis,  en  1800  ;  |  Aver'tissement pastoral 
sur  l'état  actuel  de  la  religion  catholique. 
avec  des  notes  ;  46  pages  sans  les  notes. 
Une  des  noies  a  été  réimprimée  à  part, 
sous  le  titre  à' Hoinmages  rendus  à  la  re- 
ligion par  des  philosophes  modernes.  Dé- 
claration contre  l'emploi  de  la  langue 
vulgaire  dans  la  liturgie.  3  décembre  1799, 
ime  page.  Annales,  t.  10,  p.  121  ;  |  Lettre 
au  clergé  de  Nantes,  pour  annoncer  qu'il 
a  été  nomme  à  ce  siège.  Elle  est  aussi  très 


o6  LEC 

courte.  Les  Annales  reprochent  à  Lecoz 
de  n'avoir  pas  rempli  les  sièges  de  Nantes 
et  d'Angers;  |  Réflexions  sur  les  causes  des 
mécontentemens  des  peuples  de  l'Ouest, 
adressées  à  Bonaparte,  16  pages.  Annales. 
t.  10^  p.  307  ;  I  Lettre  particulière  sur  les 
troubles  de  l'Ouest.  16  janvier  1800  ;  8 
p.  Annales  .  1. 10,  p.  358  ;  |  Observations 
sur  le  décadi,  U  pages.  Annales,  loni.  10, 
p.  465  ;  1  Lettre  sur  l'assassinat  de  l'évéque 
Audrein  .  5  frimaire  an  9.  C'était  Lecoz 
qui  avait  sacré  Audrein  à  Quimper,  le  22 
juille  1798.  Audrein  périt  le  10  novembre 

1800  :  il  avait  voté  la  mort  de  Louis  XVI  ; 
[  Sur  le  Manuel  des  missionnaires,  5  mai 
1801,  2  pages.  Annales,  tom.  13  ;  |  Lettre 
du  synode  de  Rennes  aux  prêtres  incom- 
municans.  16  juin  1801;  15  pages  in-8*'; 
I  Instruction  sur  la  soumission  due  à  la 
puissance  civile,  au  nom  du  concile  de 

1801  ;  52  pages.  Annales  t.  13 ,  p.  433  ; 
I  Discours  pour  la  clôture  du  concile  de 
1801, 16août;  [Réflexions  sur  le  divorce, {ô 
août,  1801  ;  10  pages.  Annales,  t.  15  ;  |  Sur 
le  Défi  général  à  l'incrédulité.  Préambule 
de  Lecoz  à  cet  écrit ,  qui  avait  paru  en 
1737,  et  qu'il  lit  réimprimer.  Son  préam- 
bule a  Hj  pag.  ;  le  Défi  en  a  14.  Annales  . 
t.  14,  p.  1;  [Réponse  à  M.  Spina,  sur  le 
bref  du  pape,  16  octobre  1801.  Annales , 
t.  14,  p.  68.  11  parut  depuis,  dans  les  An- 
nales ,  une  lettre  de  Lecoz  à  Godet,  juge 
à  Rennes ,  pour  assurer  qu'il  ne  s'était 
point  rétracté.  La  Réponse  est  assez  im- 
pertinente ;  I  Motifs  de  sa  conduite  sur  le 
refus  de  sépulture  fait  à  un  prêtre  marié 
mort  sans  sacremens ,  à  Rennes ,  17  mai 
1801  ;  21  pages.  Lecoz  se  montre  très  sé- 
vère dans  cet  le  lettre  :  il  dit  que  si  le  prêtre 
marié  eût  demandé  et  reçu  les  sacremens, 
il  eût  fallu  lui  refuser  encore  les  prières 
de  l'Eglise  ,  dans  le  cas  où  après  avoir  ma- 
nifesté l'intention  de  réparer  le  scandale, 
il  n'en  aurait  pas  eu  le  temps.  L'auteur 
s'appuie  de  l'autorité  de  Durand  de  Mail- 
lanne  lui-même  ;  |  Observations  sur  une 
lettre  de  Fournier  touchant  les  zodiaques, 
18  pages.  Annales,  \.  14,  p.  435;  |  Lettre 
pastorale  pour  son  entrée  à  Besançon, 
22  prairial  an  10;  2  pag.  Il  y  prêchait 
Tunion  ;  |  Lettre  au  maire  de  Salins ,  10 
messidor  an  10;  2  pages.  Annales .  tom. 
15,  p.  579  ;  I  Lettre  aux  prêtres  de  son  dio- 
cèse.ô])a.ges.  Annales,  t.  15,  p,  494  ;  |  Let- 
tre sur  la  désertion  des  conscrits,  I  page. 
Annales,  tom.  16..  page  138  ;  ]  Lettre  sur  la 
réduction  des  fttes.  7  pages.  Annales , 
t.  16,  p.  596;  [Instruction  pastorale  pour 
l'organisation  de  son  diocèse  •  elle  est  fort 


LEC 


557 


LED 


éleniîiic.  Voy.  un  extrait  dans  les  Anna- 
les, t.  17,  p.  104  ;  I  Lettre  aux  ecclésiasti- 
ques sur  la  vaccine  j  de  9  pages.  On  s'en 
moqua  dans  les  deux  camps.  Les  Annales 
disent  à  ce  sujet  que  Lccoz  parlait  souvent 
de  ce  (ju'il  ne  connaissait  pas  assez  bien. 
I  Défense  de  la  révélation  chrétienne  et 
preuve  de  la  divinité  de  Jésus-Christ^ 
contre  le  Mémoire  en  faveur  de  Dieu^  de 
Delisle  de  Sales ,  1802,  in-S";  |  Sur  la  con- 
stitution civile  du  clergé;  \  Observations 
sur  une  lettre  de  l'abbé  Babey,  son  grand- 
vicaire  ;   I  Lettre  aux  non-assermentés  ; 

I  Aux  auteurs  de  la  réponse  imprimée  aux 
observations  sur  la  constitution  ;  |  Lettre 
à  MM.  Marion^  Rabaut^  et  Mestrezat  ^  8 
novembre  1804,  de  12  pages,  dans  laquelle 
il  leur  proposait  de  travailler  à  la  réunion 
des  deux  communions  ;  |  Lettre  à  M.  de 
Beaufort  sur  son  projet  de  réunion  ,  2o 
mars  1807,  de  loi  pages,  in-8°;  |  Lettre  aux 
catholiques  de  son  diocèse,  ou  Réflexions 
sur  une  réponse  de  M  de  Beaufort,  1808 , 
de  216  pag.  in-8°;  |  Lettres  pastorales  des 
26  avril  et  19  mai  1814;|  Mandement  pour 
le  retour  de  Bonaparte  en  181.^.  La  collec- 
tion des  mandemens  de  Lecoz  forme,  dit- 
on  ,  5  volumes  in-8°.  On  peut  voir  dans  la 
Chronique  i-eligieuse,  tome  !"■  page  407  , 
une  lettre  d'un  de  ses  amis  écrite  en  sa 
faveur.  L'abbé  Grappin  son  secrétaire , 
publia  après  la  mort  de  Lecoz ,  une  pro- 
duction de  cet  archevêque  intitulée  : 
Quelques  détails  sur  Latour-D' Auvergne 
Corretj,  1815,  de  trois  feuilles  in-8". 

LECTIUSou  LECT  (Jacques),  juris- 
consulte, né  à  Genève  en  1560,  fut  quatre 
fois  syndic  de  Genève,  et  jouit  d'une  grande 
considération  dans  sa  petiîe  république. 

II  fut  l'élève  du  célèbre  Cujas.  Ses  compa- 
triotes l'envoyèrent  auprès  de  la  reine 
Elizabeth  pour  réclamer  sa  protection  en 
faveur  des  proteslans.  Il  obtint  aussi  du 
prince  d'Orange  14,  000  liv.  pour  le  réta- 
blissement de  l'académie  de  Genève.  Il 
ranima  le  courage  des  habitans ,  lors  de 
la  guerre  avec  le  duc  de  Savoie,  qui  fut 
repoussé  avec  une  perte  considérable  des 
siens  (1602).  On  a  de  lui  :  |  édition  des 
Poetœ  grœci  veteres  heroici,  Genève, 
1606,  in-fol.;  1  des  Poésies  en  latin,  ib.  1609, 
in-8°;  (  des  Discours  dans  la  même  lan- 
gue ,  1615 ,  in-I2.  Les  Poetœ  grœci  veteres 
tragici^  ont  paru  en  1614,  in-fol.  Leclius 
mourut  le  23  août  1611 ,  à  51  ans.  Ses  Ou- 
vrages sur  le  droit  se  trouvent  dans  le 
tome  1""  du  Thésaurus  juns  romanis 
Leyde,  1725. 

hEDM^.yoyez  DAIN. 


LEDESMii  (Pierre),  dominicain,  na- 
tif de  SalaiTianque ,  mort  en  1616,  ensei- 
gna à  Ségovie ,  à  Avila  et  à  Salamanque. 
On  a  de  lui  un  Traité  du  mariage,  une 
Somme  des  sacremens,  et  divers  autres 
ouvrages.  —  Il  ne  faut  pas  le  confondre 
avec  Diego  de  LEDESMA,  jésuite  espa- 
gnol, natif  de  Cuellar,  qui  s'acquit  l'estime 
du  pape  Grégoire  XIII ,  et  qui  mourut  à 
Rome  en  1575  :  on  a  de  lui  divers  écrits. 
—  Il  y  a  eu  deux  autres  dominicains  de  ce 
nom,  tous  les  deux  théologiens  scolasti- 
qucs,  le  premier,  Barthélejui,  né  à  Niéva, 
près  de  Salamanque,  mourut  évéquo 
d'Oxaca  en  1604  ;  le  2',  M.vrti.v  ,  finit  ses 
jours  en  1584  :  l'un  et  l'autre  laissèrent 
des  ouvrages. 

LEDESM  A.  (  A^PQONSE  ) ,  né  à  Ségovie , 
appelé  par  les  Espagnols  le  Poète  divin  ; 
il  est  cependant  peu  connu  des  étrangers. 
Il  mourut  en  1623 ,  à  71  ans.  On  a  de  lui 
diverses  Poésies  sur  des  sujets  sacrés  et 
profanes.  On  y  trouve  de  la  force  et  de  la 
noblesse  ;  mais  l'auteur  s'est  trop  aban- 
donné à  son  imagination ,  et  n'a  pas  assez 
consulté  le  goût.  Au  reste  le  nom  de  divin 
bii  fut  moins  donné  à  cause  de  la  subli- 
mité de  son  génie ,  que  parce  qu'il  s'ap- 
pliqua à  traiter  en  vers  des  sujets  pris  de 
l'Ecriture  sainte. 

•  LEDOUX  (  Claude-  Nicolas  ) ,  ar- 
chitecte ,  naquit  en  1736 ,  à  Dormans  en 
Champagne,  et  étudia  les  premiers  élé- 
mens  de  l'architecture  sous  la  direction 
de  Blondel.  Passionné  pour  le  genre  grec, 
il  forma  son  goût  par  une  étude  appro- 
fondie de  son  art  dans  les  anciens,  et 
commença  à  se  faire  connaître  par  plu- 
sieurs ouvrages  qu'il  fit  pour  de  riches 
particuliers.  La  ville  de  Besançon  lui  con- 
fia l'exécution  de  son  théâtre  ;  et  la  fer- 
me générale  ayant  obtenu  du  ministre  des 
finances  la  permission  d'entourer  Paris  de 
murs ,  chargea  Ledoux  de  la  construction 
des  barrières.  Le  plan  qu'il  en  fit  était 
magnifique  ;  mais  il  se  vit  forcé  de  le  res- 
treindre, à  cause  des  dépenses  qu'en  au- 
rait entraînées  l'exécution.  Néanmoins  on 
regardera  toujours  comme  des  monumens 
remarquables  les  barrières  de  la  Villette, 
des  Champs-Elysées ,  de  Mouceaux .  d'f- 
talie^  de  Charonne,  et  surtout  les  colonnes 
triomphales  de  la  barrière  du  Trône. 
Après  avoir  enriclii  Paris  de  toutes  ces 
constructions,  il  consacra  une  grande 
partie  de  sa  fortune  à  faire  graver  par  les 
meilleurs  artistes  le  recueil  de  ses  csuvrei 
et  de  ses  projets,  sous  le  titre  d'Archilec^ 
ture  de  C.-N.  Ledoux.  Cet  ouvrage  devait 


LED 


r 


former  cinq  volumes  ;  le  prèirûer  seul  a 
paru;  il  a  pour  litre  :  L' Arclntectute  con- 
sidérée sous  le  rapport  de  l'art,  des  mœurs 
et  de  la  législatio7i ,  Paris,  1804,  in-fol., 
ornée  de  125  planches.  L'exécution  en  est 
magnifique;  mais  le  texte,  rédigé  en  en- 
lier  par  Ledoux ,  est  d'une  emphase  qui 
le  rend  quelquefois  inintelligible.  Invio- 
lablement  attaché  à  la  famille  des  Bour- 
bons et  à  la  monarchie,  il  éprouva  en 
1793  une  longue  et  honorable  détention, 
et  mérita  autant  par  ses  sentimens  que 
par  ses  travaux  l'hommage  que  lui  a  con- 
sacré Delille  dans  son  poème  de  l'Imagi- 
nation. Ledoux  mourut  à  Paris  le  20  no- 
vembre 1806.  Ses  i)rincipaux  ouvrages 
ont  été  gravés  dans  les  Annales  du  Mu- 
sée par  M.  Landon." 

LEDRAIN"  (  Henri-François  ) ,  parisien, 
chirurgien  fameux ,  surtout  pour  la  li- 
thotomie,  mort  à  Paris  le  17  octobre  1770, 
à  85  ans,  brilla  également  par  la  dextérité 
de  la  main  et  par  l'étendue  des  lumières. 
On  a  de  lui  :  |  Parallèle  des  différentes 
manières  de  tirer  la  jnerre  de  la  vessie^ 
Paris ,  1750  et  1740 ,  in-8°  ,  avec  fig.,  trad. 
eu  allemand,  Berlin,  1757,  in-8°  ;  en  an- 
glais, Londres,  1758,  in -8".  Il  a  donné 
une  ?uite  à  cet  ouvrage  en  1756  ;  |  Obser- 
vations de  chirurgie^  Paris,  1731,  2  vol. 
in-12 ,  et  1751 ,  même  format  ;  |  Traité  des 
opérations  de  chirurgie j  Paris,  1731  et 
i742,in-8°  ,  Londres ,  1749 ,  in-8'' ,  avec  des 
notes  et  additions  de  Chcselden;  |  Réfle- 
xions pratiques  sur  les  plaies  d'armes  à 
/eu, Paris,  1757,  1740,  1759,  in-12;  tra- 
duit en  allemand,  Nuremberg,  1740,  in- 
8°;  I  Consultations  sur  la  plupart  des  ma- 
ladies qui  sont  du  ?-essorl  de  la  chirurgie, 
Paris ,  1765 ,  in-8"  ;  |  Traité  économique 
de  Vanatomie  du  corps  humain^  1768,  in- 
12  ;  ouvrages  moins  estimé  que  les  autres 
productions  de  cet  habile  homme,  qui 
ont  mérité  les  suffrages ,  non  seulement 
des  Français ,  mais  aussi  des  étrangers  :  la 
plupart  ont  été  traduits  en  allemand  et  en 
anglais.  Il  était  chirurgien-major  et  dé- 
monstrateur d'analomie  à  la  Charité^ 
membre  de  l'académie  royale  de  chirur- 
gie ,  et  associé  de  la  société  royale  de  Lon- 
dres.—  Son  père,  Henri  LEDRAN,  fut 
un  des  plus  grands  opérateurs  de  son 
siècle  ;  il  s'acquit  cette  réputation  surtout 
dans  les  armées  et  à  la  cour.  Il  mourut 
l'an  1720. 

LEDROU  (  Pierre -Lambert),  natif 
de  Huy,  religieux  augustin,  docteur  de 
Louvain,  professa  la  théologie  dans  l'uni- 
versité de  celle  ville  avec  beaucoup  de 


.558  LEP 

ùtation.  Innocent  XI,  histruit  de  son 
te ,  le  fit  venir  à  I^mc,  et  lui  donna 
la  préfecture  du  coUégeVie  la  Propagande. 
Les.  papes  )llexandre  VIll,  Innocent  XII 
et  Clément  XI ,  n'eurent  pas  moins  d'es- 
time pour  lui.  Innocent  le  nomma  à  l'é- 
vêché  m  partibus  de  Porphyre.  Ayant  eu 
quelque  désagrément  à  1  occasion  de  l'af- 
faire du  père  Quesnel ,  dans  laquelle  il 
avait  été  nommé  consulleur,  il  se  retira 
à  Liège  avec  la  qualité  de  vicaire-général 
de  ce  diocèse.  Il  y  mourut  le  6  mai  1721 , 
à  81  ans.  On  a  de  lui  k  Dissertations  sur 
la  contrition  et  l'altrition^  Rome,  1707, 
et  Munich  ,1708. 

*  LEDRU  (  Nicolas -Philippe  ),  plus 
conim  sous  le  nom  de  Cornus .  physicien, 
naquit  à  Paris  en  1731.  Il  se  livra  d'abord 
à  la  physique  expérimentale ,  et  voyagea 
en  1751  dans  les  provinces  et  dans  les 
pays  étrangers ,  où  il  se  fit  une  réputation 
par  ses  Récréations  physiques  et  mathé- 
matiques. Il  étudia  avec  beaucoup  de  soin 
le  corps  humain  et  la  physiologie ,  et  ac- 
quit dans  cette  partie  des  connaissances 
très  profondes.  De  retour  à  Paris ,  il  fut 
placé  par  Louis  XV  auprès  du  duc  do 
Bourgogne ,  en  qualité  de  physicien ,  et 
nommé  professeur  de  mathématiques  au- 
près des  enfans  de  France.  Etant  à  Lon- 
dres en  1766,  il  fit  coiistruirc  par  Nairn 
des  boussoles  verticales  et  horizontales, 
et  plusieurs  autres  instrumcns  de  physi- 
que. Ce  fut  Ledru  qui  donna  le  modèle  de 
l'aiguille  d'inclinaison  dont  se  servit  le 
capitaine  Phipps  dans  son  voyage  au  pôle 
boréal.  Afin  d'encourager  ses  travaux, 
Louis  XV  lui  accorda  un  brevet  pour  con- 
vertir le  fer  en  acier  à  la  manière  de 
Knight  et  des  Anglais ,  et  lui  permit  de 
compulser  les  dépôts  des  cartes  de  la  ma- 
rine et  les  cartons  qui  renfermaient  lea 
observations  magnétiques,  pour  en  ex- 
traire ce  qu'il  croirait  convenable  à  ses 
projets.  Ce  recueil  d'extraits  fut  immense. 
Ledru  les  mit  en  œuvre  pour  composer, 
d'après  un  autre  système  que  celui  de 
Halley,  des  cartes  nautiques,  dont  il 
remit  en  présence  de  Louis  XVI,  le  22 
mai  1785  ,  des  exemplaires  manuscrits  à 
Lapérouse,  dont  le  voyage  a  confirmé  en 
grande  part-ie  le  système  du  laborieux 
physicien.  En  1772 ,  il  avait  commencé  à 
montrer  les  effets  de  la  catoptrique  ou 
fantasmagorie,  qu'il  s'attacha  depuis  à 
perfectionner.  L'empereur  Joseph  II  as- 
sista en  1777  à  deux  de  ses  séances  par- 
ticulières. L'électricité  était  alors  fort  à  la 
mode.  La  médecine  avait  voulu  s'en  en»- 


LEE 


359 


iSi'' 


LEF 


parer,  et  Ledruj  pour  en  démontrer  les 
efffts,  l'appliqua  aux  affections  nerveu- 
ses ,  notamment  à  l'épilepsic  et  à  la  cata- 
lepsie. En  1782 ,  la  faculté  de  médecine 
nomma  une  commission  de  sept  mem- 
l;res  pour  examiner  ses  traitemens.  Le 
rapport  en  fut  très  avantageux  ,  et  Ledru 
obtint  jjour  lui  et  ses  deux  fils  le  titre  de 
physicien  du  roi.  Ce  rappoi't  fut  imprimé 
la  même  année ,  in  -  8° ,  précédé  d'un 
npeiçu  du  système  de  l'auteur.  Ledru  fut 
mis  en  arrestation  sous  le  régime  révo- 
lutionnaire, et  après  sa  détention,  il  se 
étira  à  Fonlenay-aux-Roses ,  où  il  se  li- 
vra à  la  botanique.  Il  mourut  à  Paris  le 
6  octobre  1807. 

•  LEDYARD  (  Jean  ) ,  voyageur  amé- 
ricain, du  18'  siècle,  né  dans  les  provin- 
ces anglaises  de  l'Amérique  septentrio- 
nale, est  connu  pour  le  plus  intrépide 
marcheur  qui  ait  existé.  Il  fut  tourmenté 
dès  son  enfance  du  désir  de  visiter  les  pays 
inconnus,  et  alla  passer  plusieurs  années 
parmi  les  Indiens  sauvages  pour  éludier 
leurs  usages  et  leurs  mœurs.  Après  avoir 
fait  le  tour  du  monde  avec  le  capitaine 
Cook,  comme  caporal  des  troupes  de  ma- 
rine, il  résolut  de  traverser  à  pied  toute 
l'Europe  septentrionale,  dans  l'intention 
de  passer  le  détroit  de  Behring  pour  ga- 
gner les  établisscmens  anglais  de  la  baie 
d'Hudson.  Il  ne  put  exécuter  que  la  pre- 
mière partie  de  son  projet  et  fut  ensuite 
chargé  de  voyager  en  Afrique  pour  faire 
des  découvertes;  mais  il  périt  au  Caire 
vers  la  fin  d'octobre  1788.  On  a  publié  les 
renseignemens  qu'il  avait  recueillis  en 
cette  ville,  dans  les  Mémoires  de  la  so- 
ciété instituée  pour  encourager  les  dé- 
couvertes dans  l'intérieur  de  l'Afrique  j. 
Londres,  1790,  in-i",  réimprimés  en  1810, 
"i  vol.  in-8°.  Ces  Mémoires  ont  été  tra- 
duits de  l'anglais  par  Lallemand ,  sous  le 
titre  de  Voyages  de  Lcdyard  et  Lucas ^ 
en  Afrique^  Paris,  1804,  1  vol.  en  deux 
parties  in-8°.  —  Il  ne  faut  pas  le  confon- 
dre avec  Thomas  LEDYARD,  auteur  dune 
F'ie  de  Marlhorough .  en  anglais,  Lon- 
dres, 1755,  2  vol.  in-8°,  et  d'une  Histoire 
navale  d'Angleterre ,  Londres,  2  vol.  in- 
folio, traduite  en  français  par  de  Pui- 
sieux,  Lyon,  1751,  3  vol.  in-4°. 

LEE  (Nathaniel),  poète  dramatique 
anglais,  du  17*  siècle,  élevé  dans  l'école 
de  Westminster,  puis  au  collège  de  la 
Trinité  à  Cambridge ,  a  laissé  seize  Pièces^ 
représentées  avec  succès  sur  le  théâtre 
anglais.  Les  sujets  n'en  sont  pas  toujours 
bien  choisis,  ni  lea  intrigues  bien  con- 


duites ,  mais  il  y  a  de  beaux  vers.  Il  mou- 
rut en  1691  ^  1692  dans  un  état  de  dé- 
mence. Addisson  lui  a  donné  des  louan- 
ges. Ses  pièces  ont  été  réunies  et  publiées 
à  Londres ,  1734 ,  5  vol.  in-8°. 

LEEU  (  GÉRARD  ) ,  se  fit  une  grande  ré- 
putation dans  le  15*  siècle  par  son  im- 
primerie ,  qu'il  établit  vers  1477  à  Goudc, 
en  Hollande ,  et  qu'il  transporta  vers  1484, 
à  Anvers,  où  il  mourut  l'an  1492.  Il  sortit 
un  très  grand  nombre  de  livres  de  ses 
presses.  C'était  un  homme  qui  avait  beau- 
coup de  connaissances. 

LEEUWEÎV  (  SinoN  Van  ),  juriscon- 
sulte hollandais,  né  à  Leyde  en  1625, 
exerça  long-temps  la  profession  d'avocat 
avec  beaucoup  de  réputation  dans  sa  ville 
natale ,  et  mourut  à  la  Haye ,  le  13  janvier 
1682.  Il  était  veraé  dans  le  droit  romain, 
mais  encore  plus  dans  celui  de  son  pays. 
Ses  ouvi-ages  seraient  estimés  plus  qu'ils 
ne  le  sont ,  s'il  avait  mieux  possédé  les 
belles-lettres.  Il  a  donné  :  |  Pratique  à  l'u- 
sage des  notaires ,  en  flamand,  etc.,  Rot- 
terdam ,  1741 ,  2  vol.  in-8°  ;  |  Censura  fo- 
rensis .  Leyde,  1741,  2  vol.  in-fol.  ;  |  une 
Edition  du  Corps  de  droit  civil,  grec  et 
latin,  avec  les  notes  d'un  grand  nombre 
de  savans,  Leyde,  1663,  in-fol.,  belle 
édition.  |  De  origine  et  progressu  juris 
civilis  romanis  1672,  ia-8°;  |  Description 
de  la  ville  et  de  l'université  de  Leyde ^  en 
flamand,  Leyde ,  1672  ;  [  Traité  de  l'ori- 
gine ^  des  usages^  etc.^  des  anciens  Ba- 
tavcs ^  en  flamand,  la  Haye,  1685,  in- 
fol.,  etc. 

•  LEFEBVRE  (  François-Joseph  ) ,  duc 
de  Dantzick ,  maréchal  pair  de  France , 
naquit  le  25  octobre  1755,  à  Ruffach, 
en  Alsace,  d'un  simple  hussard,  qui 
après  avoir  quelque  temps  servi,  comman- 
dait la  garde  bourgeoise  de  cette  ville. 
Il  perdit  son  père  dès  l'âge  de  18  ans ,  et 
fut  confié  aux  soins  d'un  oncle  paternel, 
qui  était  alois  curé-recteur  de  Guémar. 
Le  jeune  Lefebvre  avait  été  de  bonne 
heure  destiné  à  l'état  ecclésiastique  ;  mais 
il  renonça  à  suivre  celte  carrière,  lorsqu'il 
eut  appris  que  son  frère  venait  d'être 
nommé  officier  au  régiment  de  Stras-^ 
bourg.  Il  s'enrôla  le  10  septembre  1773 
dans  les  gardes  françaises,  où  il  parvint 
le  9  avril  1788,  au  grade  de  premier 
sergent  (  compagnie  de  Vaugiraud  )  ;  il  se 
trouvait  encore  dans  le  même  poste,  à 
l'époque  du  licenciement  de  cette  troupe, 
fut  incorporé  avec  la  moitié  de  sa  com- 
pagnie ,  dans  le  bataillon  des  Filles-St.- 
Thomas,  et  chargé  de  l'instruction  des 


LEF 


560 


LEF 


soldais  de  ce  corps.  Lefebvre  avait,  dès  le 
commencement  de  la  révolution ,  donné 
des  preuves  de  son  courage  et  de  son 
amour  de  l'ordre  :  le  12  juillet  1789,  il 
avait  saiivé  la  vie  à  plusieurs  officiers  do 
sa  compagnie ,  attaqués  par  une  multi- 
tude furieuse  qui  voulait  enfoncer  la  porte 
de  la  caserne ,  et  les  massacrer  ;  on  le  vit 
encore  protéger  à  la  tête  d'un  détache- 
ment de  son  bataillon ,  la  i-entrée  au  châ- 
teau des  Tuileries ,  de  la  famille  royale 
qui  avait  tenté  vainement  de  se  rendre  à 
St.-Cloud  ;  plus  tard  il  favorisa  le  départ 
pour  Rome,  de  Mesdames,  tantes  du  roi. 
En  1792,  son  courage  et  son  sang- froid 
préservèrent  du  pillage  la  caisse  d'es- 
compte. Dans  ces  diverses  circonstances, 
Lefebvre  qui  plusieurs  fois  avait  été  blessé, 
montra  des  talens  remarquables  ;  du  grade 
de  capitaine  d'infanterie  légère  il  s'éleva 
à  celui  de  général  de  brigade  (  2  décem- 
bre 1793  )  ;  et  le  10  janvier  1794 ,  il  fut  fait 
général  de  division,  à  la  suite  des  combats 
de  Latnbach  et  de  Gicsberg.  Dès  lors  son 
nom  se  rattache  à  tous  les  exploits  des  ar- 
mées des  Vosges ,  de  la  Sarre ,  de  la  Mo- 
selle ,  du  Rhin-et-Moselle ,  de  Sambre-et- 
Meuse ,  du  Danube ,  et  dont  il  commanda 
presque  toujours  l'avant-garde.  Chargé, 
en  1794,  du  commandement  des  quatre 
divisions  qui  eurent  ordre  d'assiéger  le 
fort  Vauban ,  il  entra  à  leur  tète  dans  le 
palatinat ,  et  bloqua  le  pont  de  Manheim 
sur  la  rive  gauche  du  Rhin.  Victorieux  à 
Anspach,  à  Sainte-Croix  près  d'Arlon,  à 
Nadelange ,  à  Dinant ,  il  prépara  par  ses 
succès  les  glorieux  résultats  de  la  bataille 
de  Fleurus  (  8  messidor  an  2  )  ;  le  général 
Lefebvre  y  commandait  la  droite  de  l'ar- 
mée française  ;  et  il  contribua  puissam- 
ment par  son  sang-froid,  sa  bravoure 
et  ses  bonnes  dispositions,  à  l'éclatante 
victoire  que  les  Français  gagnèrent  dans 
cette  journée.  La  campagne  de  cette  an- 
née se  termina  par  les  combats  de  Mar- 
mont ,  de  Nivelles ,  de  Florival  et  de  Fri- 
mont,  auxquels  il  prit  une  part  très  ac- 
tive. L'année  suivante ,  sa  division  com- 
battit seule  à  Ept  et  à  Ochtrup  ;  elle  con- 
courut aux  affaires  de  la  Roër  et  du  Welp; 
le  20  fructidor ,  il  franchit  le  Rhin  ;  ce  fut 
le  premier  passage  de  ce  fleuve ,  entre- 
pris par  les  armées  de  la  révolution  :  il 
Vopéra  avec  autant  d'intrépidité  que  de 
bonheur ,  près  d'Eichelkamp  ;  il  força  en- 
suite Spick,  et  Angerbach,  et  se  porta 
$ur  Angermund  ,  après  avoir  chassé  l'en- 
nemi de  Koranne.  Ces  succès  furent  sui- 
vis du  combat  d'Enef,  où  le  géaéral  Le- 


febvre donna  seul  avec  sa  division,  et 
repoussa  les  Autrichiens  jusque  sur  les 
hauteurs  d'Anilshorn ,  d'où  il  les  débus- 
qua de  nouveau.  En  novembre  1796,  il 
marcha  sur  la  Sieg,  combattit  à  Niddael 
à  Oberdiefenbach ,  et  se  replia  ensuite  sur 
son  point  de  départ,  pour  tenir  en  échec 
la  colonne  ennemie  du  général  Boroz.  Un 
armistice  vint  suspendre  les  hostilités  ; 
mais  elles  recommencèrent  dès  le  prin- 
temps de  l'année  suivante,  par  l'attaque 
de  Siegberg,  qui  fut  enlevé  par  le  gé- 
néral Lefebvre.  Il  poursuivit  l'ennemi 
jusqu'à  Altenkirchen,  et  là  il  eut  à  sou- 
tenir le  combat  le  plus  disputé  et  le  plus 
glorieux  de  cette  campagne.  Il  prit  pari 
ensuite  aux  journées  de  Kaldeich,  de 
Friedberg ,  de  Bamberg  et  de  Sulibach , 
pendant  la  campagne  de  l'an  7  (  1798  ).  Le 
général  Lefebvre  reçut ,  après  la  mort  du 
général  Hoche,  le  commandement  pro- 
visoire de  l'armée  de  Sambre  et  Meuse , 
et  fut  désigné  pour  commander  l'expédi- 
tion projetée  contre  l'électoral  de  Hano- 
vre. Cette  entreprise  n'ayant  pas  eu  lieu, 
il  fut  employé  ,  en  l'an  8  (  1799  ) ,  à  l'ar- 
mée du  Danube ,  sous  les  ordres  de  Jour- 
dan  ;  et  le  30  ventôse ,  il  opposa  une  vi- 
goureuse résistance  à  56,000  Autrichiens 
qui  l'avaient  attaqué  à  Slockach,  où  il 
n'avait  que  8,000  hommes.  Grièvement 
blessé  d'un  coup  de  feu  au  bras ,  il  quitta 
l'armée  et  revint  en  France ,  où  il  reçut 
du  Directoire  tme  armure  complète  en 
récompense  de  ses  services,  et  obtint  le 
commandement  de  la  division  militaire 
dont  Paris  était  le  chef-lieu.  Le  18  bru- 
maire ,  il  était  présent  à  la  fameuse  séance 
de  l'orangerie  de  St.-Cloud,  et  il  rendit 
dans  cette  journée  des  services  très  grands 
au  général  Bonaparte ,  qui ,  pour  l'en  i  é- 
compenser ,  lui  conserva  le  commande- 
ment de  la  division  qui  lui  avait  été  con- 
fiée. Lefebvre  concourut  depuis  à  la  paci- 
fication des  départemens  de  l'Eure ,  de  la 
Manche ,  du  Calvados  et  de  l'Orne  ;  fut  ad- 
mis au  sénat ,  le  H  germinal  an  8  (  i"  avril 
1800  ) ,  sur  la  proposition  du  premier  con- 
sul, et  fut  nommé  préteur  de  ce  corps, 
avec  Clément  de  Ris  ;  fonctions  qu'il  a  con- 
servées jusqu'à  la  dissolution  du  sénat. 
Elevé ,  le  19  mai  1804 ,  à  la  dignité  de  ma- 
réchal d'empire ,  il  fut  nommé  successive- 
ment chef  de  la  5'  cohorte,  grand-officier 
et  grand-aigle  de  la  légion  d'honneur.  Lors 
de  la  reprise  des  hostilités  avec  l'Autri- 
che, en  1805,  il  fut  chargé  du  comman- 
dement général  des  gardes  nationales  de 
la  Iloër,  du  Rhin -et- Moselle,  du  Muni- 


LEF  561 

Tonnerre,  et  rupanit,  en  1806,  à  la  tête 
d'une  division,  contre  les  Prussiens.  Il 
commandait  la  garde  à  pied ,  à  la  bataille 
de  léna ,  le  14  octobre  ,  et  protégea  avec  le 
premier  corps  les  derrières  de  l'armée ,  à 
Thorn,  sur  la  gauche  de  la  Visttile,  jus- 
qu'après la  victoire  d'Eylau  (  8  février 
1807),  époque  à  laquelle  il  reçut  l'ordre 
d'aller  investir  Dantzick,  avec  l'armée  po- 
lonaise ,  l'armée  saxonne  et  le  contingent 
de  Bade.  La  place  fut  attaquée  le  10  mars  ; 
le  premier  bombardement  eut  lieu  le  23 
avril  ;  la  garnison  prussienne ,  qui  avait 
fait  des  sorties  vigoureuses  et  multipliées, 
se  rendit  le  26  mai,  après  51  jours  de 
tï-anchée  ouverte  ;  et  le  général  Kalkreuth, 
qui  la  commandait,  obtint  la  même  capi- 
tulation que  celle  qu'il  avait  accordée  14 
ans  auparavant  à  la  garnison  française 
de  Mayence.  Le  28  mai ,  le  maréchal  Le- 
febvre  reçut  le  titre  de  duc  de  Dantzick. 
Employé  en  Espagne,  en  1808,  à  la  tète 
du  4'  corps  ,  il  soutint  dans  cette  guerre 
injuste  et  désastreuse ,  la  réputation  mili- 
taire qu'il  avait  précédemment  acquise. 
Le  51  octobre ,  il  gagna  la  bataille  de  Du- 
rango  sur  les  généraux  Blacke  et  la  Ro- 
mana.  Le  4"  novembre,  il  entra  dans 
Bilbao,  et  triompha  encore, le  15  novem- 
bre, à  Espinosa.  Rappelé  en  Allemagne 
lors  de  la  guerre  de  1809,  il  y  fut  chargé 
du  commandement  de  l'armée  bavaroise, 
ayant  sous  ses  ordres  le  prince  royal  de 
Bavière  et  les  généraux  de  Wrède  et  de 
Roi;  il  combattit  à  Tann,  à  Abenberg,  à 
Eckmulh,  à  Wagram,  et  dans  l'intervalle 
de  ces  opérations .  il  parvint  à  soumet- 
tre le  Tyrol  insurgé.  Cette  campagne, 
dans  laquelle  la  Russie  fut  axixiliaire  de 
la  France,  se  termina  par  la  paix  de 
Vienne ,  en  octobre  1809.  La  paix  ne  fut 
pas  de  longue  durée,  et  dans  la  campa- 
gne de  Russie,  où  l'Autriche,  à  son  tour, 
unit  momentanément  ses  armes  à  celles 
des  Français,  le  duc  de  Dantzick  com- 
manda en  chef  la  garde  impériale.  Les 
chances  de  la  guerre  ayant  ramené  sur  le 
territoire  français  les  débris  de  cette  ar- 
mée naguère  si  florissante  et  si  redouta- 
ble ,  le  maréchal  en  dirigea  l'aile  gauche, 
et  cosnbattit  à  Montmirail ,  à  Arcis- sur- 
Aube,  à  Champ-Aubert,  et  ne  rentra  dans 
la  capitale  qu'après  l'abdication  de  Bo- 
naparte. Il  fut  créé  pair  de  France  le  2 
juin  1814.  Après  le  débarquement  de  Bo- 
«japarte,  échappé  de  l'ilc  d'Klbe,  le  duc 
de  Dantzick  siégea  dans  la  chambre  des 
pairs,  et  aida  de  ses  conseils  Napoléon, 
qxi'il  ne  pouvait  p!as,  à  cause  de  son  grand 


LEF 


âge,  accompagner  dans  les  combats. 
Après  la  deuxième  restauration ,  il  fut 
compris  dans  la  loi  d'exclusion  du  24  juil- 
let 1815;  mais  il  fut  confirmé,  en  181G, 
dans  son  titre  de  maréchal  de  France,  et 
reçut  le  bâton  des  mains  du  roi.  Resté 
depuis  cette  époque  sans  fonctions  et  sans 
commandement ,  le  duc  de  Dantzick  a  été 
rappelé  à  la  cliambre  des  pairjs  par  l'or- 
donnance royale  du  5  mars  1819.  Un  cou- 
rage réfléchi,  un  coup-d'œil  juste,  une 
expérience  consommée,  ont  acquis  au 
duc  de  Dantzick  la  réputation  d'un  des 
meilleurs  généraux  de  l'armée  française. 
A  d'éminentes  qualités,  comme  guerrier, 
il  joignait  toutes  les  vertus  du  citoyen,  et 
surtout  une  simplicité  de  mœurs  qui  ne 
s'est  jamais  démentie,  avec  un  noble  dé- 
sintéressement,  et  une  grande  modestie. 
La  France  le  perdit  le  14  septembre  1820. 
Son  éloge  a  été  prononcé  à  la  chambre 
des  pairs,  par  le  maréchal  duc  d'Albu- 
fera. 

*  LEFEîiVRE  DES  NOUETTES  (  Cuar- 
LES ,  le  comte  j ,  lieutenant  général ,  né  à 
Paris  le  14  décembre  1775 ,  d'un  marchand 
de  draps,  s'enrôla,  en  1792,  à  l'armée  de 
Dumourier.  Il  était  capitaine  à  Marengo, 
colonel  à  Austcrlitz,  et  passa  en  1806  au 
service  de  Jérôme,  roi  de  Westphalic. 
Rentré  bientôt  dans  les  caxlres  de  l'armée 
française,  il  fut  nommé  le  28  août  1808, 
général  de  division,  puis  colonel-comman- 
dant des  chasseurs  à  cheval  de  la  gaide 
impériale  :  il  fut  en  cette  qualité  en- 
voyé en  Espagne,  y  fut  blessé,  fuit  pri- 
sonnier et  conduit  en  Angleterre.  S'élant 
échappé  de  la  ville  qui  lui  servait  de  pri- 
son ,  il  reprit  du  service  au  commence- 
ment de  la  campagne  de  1809 ,  pendant 
laquelle  il  commandait  les  chasseurs  de  la 
garde.  En  1812 ,  il  suivit  Napoléon  en  Rus- 
sie ,  et  l'accompagna  dans  la  retraite  sur 
un  des  traîneaux  qui  formaient  son  es- 
corte. L'année  suivante,  il  contribua  aux 
succès  de  la  bataille  de  Bautzen,  fut  vaincu 
à  Altenbourg,  le  29  septembre  1813,  et 
répara  peu  de  jours  après  cet  échec,  en 
mettant  en  déroute  un  corps  de  cavalerie 
russe.  Lefebvre-Des-Nouctles  se  distingua 
par  sa  bravoure  à  la  bataille  de  Erienne 
en  1814,  où  il  reçut  plusieurs  coups  de 
lance,  et  un  coup  de  baïonnette  ;  et  lorsque 
Bonaparte  eut  abdiqué  à  Fontainebleau,  il 
prit  le  commandement  de  l'escorte  qui  le 
conduisit  jusqu'à  Roanne.  Louis  XVIII  lui 
donna  la  croix  de  St. -Louis,  et  le  com- 
mandemeitl  des  chasseurs  royaux.  Néan- 
moins, lorsque  Bonaparte  revint  de  l'iie 
51 


LEF 


362 


LEF 


d'Elbe,  il  tenta  de  soulever  les  chasseurs 
ci)!itrc  l(î  monarque  et  cherclia  avec  les 
frères  Lallemant  à  s'emparer  de  Lafèrc. 
Napoléon  le  nomma  membre  de  la  cham- 
bre des  ])aîrs.  Après  avoir  combattu  à 
FIcurus  et  à  Waterloo,  il  se  vit  oblifré  de 
quitter  la  France.  Comme  il  avait  été  un 
des  premiers  à  se  déclarer  en  faveur  de 
Bonaparte,  il  fut  compris  dans  l'article 
1"  de  l'ordonnance  royale  du  24  juillet 
181S,  et  condanmé  par  contumace  à  la 
peine  de  mort ,  par  le  deuxième  conseil 
ilv.  guerre  permanent  de  la  première  di- 
vision militaire;  mais  il  était  parvenu  à 
s'embarquer  pour  l'Amérique  septentrio- 
nale, et  il  vivait  tranquillement  dans  les 
Etats-Unis,  lorsqix'en  1822,  le  désir  de 
rentrer  dans  sa  patrie,  et  de  voir  sa 
femme  qui  l'attendait,  le  détermina  à  faire 
voile  pour  la  Belgique.  Le  paquebot  qu'il 
montait  fut  battu  par  la  tempête,  et 
échoua  contre  les  côtes  de  l'Irlande.  Le- 
febvre  des  Nouettes  périt  dans  ce  nau- 
frage, le  22avriH822. 

•  LEFÈVIIE-GIIVEAU  (le  chevalier 
Louis)  ,  membre  de  l'institut  et  de  la  lé- 
•ïion-d'honneur,  naquit  en  i754,  dans  le 
département  des  Ardennes.  Il  fit  de  rapi- 
des progrès  dans  l'étude  des  sciences 
exactes ,  et  fut  d'abord  attaché  à  la  biblio- 
thèque du  roi.  On  lui  donna  en  1786 ,  la 
chaire  de  professeur  de  mécanique  au 
collège  de  France,  qui  convenait  plus  à 
ses  goûts,  et  qui  devint  plus  tard  celle  de 
physique  expérimentale.  Lefèvre-Gineau 
fil,  peu  de  temps  après  ,  l'expérience  de 
la  combustion  du  gaz  hydrogène,  et  acheva 
de  démontrer  que  l'eau  n'est  pas  un  élé- 
ment ou  corps  simple.  Nommé  trois  fois 
électeur  de  Paris  pendant  les  quatre  pre- 
mières années  de  la  révolution,  il  devint 
aussi  memt)re  du  conseil  de  la  commune  , 
ofUcier  municipal,  et  administrateur  des 
subsistances  dans  des  temps  où  ce  dernier 
emploi  n'était  pas  sans  difficultés.  Après 
la  journée  du  10  août  1792 ,  il  fut  dénoncé 
et  frappé  de  trois  mandats  d'arrêt  sous 
l'étrange  et  contradictoire  dénomination 
de  modéré  oulré.  Lefèvre-Gineau  se  ca- 
cha et  ne  reparut  qu'après  la  journée  du 
9  thermidor  an  2.  En  1795,  il  avait  été  du 
nombre  des  physiciens  envoyés  dans  les 
départemens  pour  s'y  occuper  de  recher- 
ches minéralogiques ,  et  le  Journal  des 
mines  de  cette  époque  renferme  plusieurs 
de  ses  rapports.  Devenu  membre  de  l'in- 
stitut national  qui  fut  établi  en  l'an  3,  il  fit 
partie  de  la  co^nmission  des  poids  et  me- 
.  ture?,  et  fut  particulièrement  chargé  de 


la  détermination  du  kilogramme.  Lefèvre- 
Gineau  contribua  puis-^ammenl  avec  Du- 
reau  de  Lamalle  ,  du  Theil ,  IMorellet .  du 
Prony,  etc.,  au  rétablissement  de  l'instruc- 
tion pul)U<iue,  et  succéda  à  Delambre 
{voyez  DELAMBRE),  comme  inspecteur- 
général  des  études.  Au  commencement  de 
l'an  12,  la  décoration  de  la  légion-d'hon- 
neur lui  fut  donnée ,  et  lors  de  la  fonda- 
lion  de  l'université,  il  fut  investi  de  la 
double  fonction  d'inspecteur-général  el 
de  conseiller  ordinaire.  Nommé  par  le 
département  des  Ardennes  candidat  au 
corps  législatif,  il  devint  dans  cette  as- 
semblée membre  de  la  commission  des 
finances,  y  rentra  en  1813,  cl  fit  plus 
tard  partie  de  la  chambre  des  députés , 
où  il  vola  avec  l'opposition.  Le  11  mai 
1814,  Lefèvre-Gineau  avait  porté  la  pa^-ole 
devant  le  roi ,  comme  président  de  la 
première  classe  de  l'institut.  Il  perdit,  efi 
1827,  sa  place  de  professeur  au  collège  do 
France ,  et  mourut  à  Paris  le  8  février 
1830.  Il  avait  fait  paraître,  en  1780  ,  uno 
nouvelle  édition  des  Infiniment  petits  , 
du  marquis  de  l'Hôpital,  qu'il  enrichit  de 
notes  ,  et  qu'il  dédia  aux  professeurs  du 
collège  de  France ,  dont  il  avait  été  l'élève. 
L'auteur  des  Trois  règnes  de  la  nature 
assistait ,  afin  d'en  tirer  profit  pour  son 
poème,  aux  cours  de  Lefèvre-Gineau,  qui 
concourut  avec  Cuvier  à  la  rédaction  des 
notes  qui  accompagnent  cette  production 
poétique.. 

•  LEFÈVRE  (  Pierre  -  François  - 
Alexa:«due),  peintre  et  poète  dramatique, 
naquit  le  29  septembre  1741  à  Paris,  et  de- 
vint en  1804  professeur  de  belles-lettres 
au  prytarjée  de  Saint-Cyr,  transporté  de- 
puis à  la  Flèche,  où  ce  professeur  mou- 
rut le  8  mars  1813.  Il  s'était  destiné 
d'abord  à  la  peinture ,  sous  le  célèbre 
Doyen;  mais,  entraîné  par  son  goût  pour 
les  lettres  ,  il  s'adonna  au  théâtre  ,  et  com- 
posa 5  tragédies  ,  dont  4  furent  représen- 
tées au  Théâtre-Français  :  |  Cosroé's  qui 
obtint  10  représentations;  ]  Florinde^pièa 
romanesque  et  mal  conçue  qui  tomba  à 
première  représentation  (1770)  ;  |  Zutn^ 
qui  eut  un  brillant  succès  et  lui  valut 
l'emploi  de  lecteur  du  duc  d'Orléans  avec 
une  pension  de  1,200  livres;  ]  Elizabeth 
de  France  ou  don  Carlos^  fils  de  Phi- 
lippe II.  La  cour  d'Espa^jne  s'opposa  à  ce 
que  cette  pièce  fût  représentée  sur  un 
théâtre  public  ;  mais  l'auteur  la  fit  jouer 
sur  un  théâtre  de  la  chaussée  d'Antin  qui 
appartenait  au  duc  d  Orléans  son  protec- 
teur celle  fut  vivement  lippi.uiJic.  IVlitol 


LEF  56 

l'a  insérée  dans  k  tome  6  de  son  Théâtre 
français ^  hWiXonda  1818,  avec  une  no- 
lice  sur  la  vie  el  les  ouvrajjes  de  l'auteur  ; 
j  Hercule  au  mont  OEta.qni  n'oblinl  au- 
cun succès  (  4787)  ,  el  l'cloigna  pour  tou- 
jours de  Ja  scène.  Lefèvre  a  laissé  en  outre 
des  poésies  diverses,  la  plupart  inédites,  et 
un  poème  de  plus  de  10,000  vers  intitulé  : 
Stockholm  sauvé  ou  Gustave  Jfasa , 
qui  n'a  jamais  été  imprimé  et  qui  offre, 
dit-on ,  de  grands  défauts  dans  le  plan  el 
beaucoup  d'inégalité  dans  le  style;  mais 
des  beautés  supérieures  dans  les  détails. 
On  trouve  en  lui ,  dit  un  biographe  mo- 
derne ,  les  talens  et  les  défauts  qui  tien- 
nent à  une  imagination  exallée  :  pensées 
fortes,  rendues  avec  précision  et  énergie  , 
mais  revêtues  d'un  style  bicarré  et  incor- 
rect. Il  était  de  la  famille  de  Taiiuegui 
Lefèvre,  père  de  la  célèbre  M™"^  Dacier, 
et  fils  d'un  marchand  mercier  établi  sur 
le  pont  Saint-Michel  avant  la  destruction 
des  maisons  qui  encombraient  ce  pont. 

LEFEVRE.  Vorjez  FÈVRIÎ. 

*  LEFORT  (FuANÇois),  général  et  ami- 
ral de  Russie,  né  à  Genève  en  I65(i,  où  son 
père,  Jacques  Lefort ,  était  membre  du 
grand-conseil ,  n'avait  pas  quatorze  ans 
lorsqu'il  alla  servir  en  qualité  de  volontaire 
dans  la  citadelle  de  Marseille.  Il  devint  en- 
suite cadet  dans  un  régiment  des  gardes- 
suisses  en  France,  passa  de  là  sous  les  dra- 
peaux du  duc  de  Courlande  qui  avait  un 
régiment  à  la  solde  des  Hollandais ,  puis 
se  rendit  en  Russie  ,  où  il  fut  nommé  ca- 
pitaine par  le  cxar  Fédor  Alexicwilch. 
Lefort  fit  avec  distinction  les  campagnes 
de  1678  à  1681  contre  !cs  Turcs,  el  obtint 
après  cette  guerre ,  un  congé  .  dont  il  pro- 
fita pour  venir  dans  sa  patrie.  A  son  re- 
tour, il  trouva  l'empire  russe  ensanglanté 
par  la  guerre  civile  qu'avaient  allumée 
après  la  mort  de  Fédor,  la  princesse  So- 
phie et  ses  deux  frères  I\an  el  Pierre.  Ce 
dernier  prince  qui  avait  été  désigné  par 
le  czar  défunt  pour  lui  succéder,  quoiqu'il 
fût  le  plus  jeune ,  distintjua  Lefort  auijuel 
il  donna  le  grade  de  m;ijor,  et  en  lit  son 
favori  et  son  conseiller.  On  assure  que 
c'est  à  cet  oftîcier  qu'il  faut  allribuer  la 
plupart  des  pensées  géuéreuscs  qui  pré- 
sidèrent au  gouvernement  de  Pierre  l*""  : 
Lefort  lui  inspira  ces  grandes  idées  dont 
l'accomplissement  changea  la  face  de  la 
Russie ,  et  fit  dune  nation  presque  sau- 
vage ,  un  des  peuples  les  plus  puissans.  Il 
fut  nommé  lieutenant-général  et  amiral. 
Chef  de  l'année  russe  ,  il  la  réorganisa  : 
les  troupes  russes  avant  lui  n'étaient  com- 


3  LEF 

posées  que  de  réunions  de  soldais  plus 
ou  moins  nombreuses  ,  souvent  indépen- 
dantes et  nullement  façonnées  à  la  disci- 
pline. Cinquante  hommes  exercés  et  ha- 
billés à  l'allemande,  formèrent  le  noyau 
de  ces  arniées  qui  devaient  battre  Charles 
XII  à  Pulta\va,  et  qui  ont  paru  avec  tant 
d'avantage  sur  les  bords  de  la  Vistule,  de 
l'Elbe  et  du  Rhin.  Lefort  contribua  aussi 
puissanmicnl  à  former  la  marine  de  l'ea»- 
pire  russe  qui ,  à  cette  époque,  n'avait  pas 
une  barque,  et  ce  fut  par  ce  moyen  qu'il 
s'empara,  eu  101)6,  d'Azof ,  aprts  un  se- 
cond siège  contre  cette  ville,  le  premier 
ayant  été  sans  résultat.  Lefort  enseigisa 
à  Pierre  \"  les  élémens  de  la  science  fi- 
nancière et  de  la  diplomatie  ,  cl  j)résida  la 
fameuse  ambassade  de  1697  ,  dont  le  c/.ar 
faisait  lui-même  partie,  et  qui  devait  se 
rendre  dans  les  cours  de  l'Europe  pour 
faciliter  l'exécution  des  projets  formés. 
Après  avoir  administré  toutes  les  riches- 
ses de  Russie  et  avoir  fait  porter  au  trésor 
commun  tous  les  piésens  qu'il  avait  re- 
çus des  différens  souverains  de  l'Europe . 
Lefort  mourut  à  Moscou,  le  12  mars  1699. 
ne  laissant  pas  de  quoi  faire  les  frais  de 
ses  funérailles  :  elles  furent  toutefois  cé- 
lébrées avec  une  grande  pompe ,  et  hono- 
rées de  la  présence  du  czar  qui  s'était 
chargé  des  obsèques  d'un  serviteur  si  utile 
et  si  dévoué.  Ce  ministre  avait  su  con- 
server pendant  toute  sa  vie  la  confiance 
do  Pierre  l*^"",  quoiqu'il  lui  eût  souvent 
dit  de  dures  vérités;  il  n'avait  même  pas 
craint  de  lui  reprocher  les  vices  dégra- 
dans  auxquels  il  se  livrait  et  dont  il  se 
souilla  encore  davantage  ,  lorsqu'il  eut 
perdu  ce  solide  appui  de  sa  gloire.  Les 
historiens  n'ont  pas  rendu  à  Lefort  toute 
la  justice  qu'il  méritait.  Basseville  a  écrit 
sa  We  d'une  manière  assez  exacte,  mais 
un  pi'u  emphatique.  On  trouve  aussi  sur 
ce  sujet  des  détails  dans  XUistoire  de 
Pierre  7=^  par  M.  de  Ilallend,  1805  (en 
allemand),  cl  dans  les  Favoris  russes, 
1809 ,  dans  la  même  langue. 

*  LEFORTIEU  (  Ji:a\-Fkaxçois),  lit- 
térateur, né  vers  1771.  à  Paris ,  professa 
les  belles-lettres  en  1798,  à  l'éeolo  cen- 
trale du  Morbihan.  L'année  suivante  il 
obtint  au  concours  la  chaire  de  littérature 
à  l'école  centrale  de  Seine-et-Marne,  et  en 
1805 ,  il  passa  à  l'école  militaire  de  Fon- 
tainebleau, puis  à  celle  de  Saint-Cyr.  où 
il  remplit  les  mêmes  fondions.  Mis  à  !.i 
retraite  en  1814,  il  est  mort  à  Paris  le  21 
octobre  1825.  Lefortier  s'était  occupé  eu 
i79a ,  pendant  quelques  mois ,  de  la  rédac- 


LEG  o 

lion  d'un  journal  intitulé  Correspondance 
politique  et  littéraire  :  il  coopéra  depuis 
à  la  rédaction  du  Journal  général,  et  au 
Journal  des  maires  ;  on  lui  doit  aussi 
quelques  opuscules;  un  Discours  pro- 
noncé à  l'ouverture  de  l'école  centrale 
de  Vannes;  Aperçu  sur  les  causes  des 
progrès,  et  de  la  décadence  de  l'art  di'a- 
matique  en  France,  une  Traduction  de 
l'ouvrage  du  père  Jouvency,  intitulé  : 
Ratio  discendi  et  docendi .  1803,  in-12; 
ou  lui  attribue  aussi  la  Géographie  du 
premier  âge .  dont  la  7'  édition  a  paru  en 
1814,  in-18  ;  cependant  d'après  la  Biblio- 
thèque de  la  France^  les  lettres  L.-B.B., 
seraient  les  initiales  du  nom  de  l'auteur 
de  cet  ouvrage. 

*  LEFRAiVC  (N...  ) ,  supérieur  du  cou- 
vent des  eudistes  de  Caen  ,  fut  massacré 
avec  les  autres  prisonniers  renfermés  au 
couvent  des  Carmes  à  Paris,  le  2  septem- 
bre 1792  :  il  avait  publié  :  ]  Le  voile  levé 
pour  les  curieux .  ou  Secret  de  la  révolu- 
tion révélé  à  l'aide  de  la  franc-maçonne- 
rie.  Paris,  1791 ,  in-S";  |  Conjuration  con- 
tre la  religion  catholique  et  les  souve- 
rains. 1792,  in-8°-  Il  avait  composé  un 
poème  intitulé  Les  abus,  qui  n'a  pas  été 
imprimé ,  et  avait  en  outre  préparé  un 
ouvrage  sur  les  hommes  célèbres  du  Co- 
tenlin. 

LEFRANC.  rogez  FRANC  (  le  )  de 
POMPIGNAN. 

*  LEGALLOÏS  (  JuLiE:t-JEAX  Cksar  ) , 
médecin,  né  à  Cherneix,  près  de  Dol  en 
Bretagne,  vers  l'an  1775,  était  fils  d'un 
cultivateur  aisé ,  et  faisait  ses  cours  de 
médecine  à  la  faculté  de  Caen ,  lorsqu'il 
prit  en  1793 ,  les  armes  avec  le  parti  fédé- 
raliste contre  les  démagogues  de  la  Con- 
vention. Obligé  de  se  cacher  pour  éviter 
les  poursuites  dirigées  contre  lui ,  il  trouva 
un  asile  dans  les  hôpitaux  de  Paris ,  où  il 
resta  confondu  avec  les  nombreux  élèves 
qui  les  fréquentaient.  Le  comité  des  pou- 
dres et  salpêtres  ayant  besoin  d'hommes 
capables  de  présider  à  l'exploitation  des 
nitrières ,  il  se  présenta  comme  candidat, 
subit  avec  distinction  les  examens  voulus, 
et  fut  envoyé  par  le  comité  de  sûreté  gé- 
nérale dans  son  déparlement  pour  y  cire 
ciiargé  de  la  fabrication  des  poudres. 
Bientôt  trois  écoles  de  médecine  furent 
établies  en  France  :  Legallois  fut  choisi 
par  l'administration  de  son  district,  pour 
être  un  des  élèves  de  celle  de  Paris.  Il  se 
lit  recevoir  docteur  en  1801  :  on  remar- 
qua sa  thèse  inaugurable  qui  traitait  cette 
question  importante  :  Le  sang  est-il  iden- 


C4  LEG 

tique  dans  tous  les  vaisseaux  qu'il  par- 
court? Ce  livre  qui  est  resté  un  ouvrage 
classique,  n'était  que  l'introduction  d'un 
ouvrage  plus  important ,  qui  l'a  placé  au 
premier  rang  des  physiologistes.  11  porte 
le  litre  de  :  Expériences  sur  le  principe 
de  la  vie  et  notamment  sur  celui  des  mnu- 
vemens  du  cœur,  et  sur  le  siège  de  ce  prin^ 
CJ>(?,  Paris,  1812,  in-S".  Devenu  Tannée 
suivante  médecin  de  la  maison  de  Bicc- 
tre ,  Legallois  mil  tant  de  zèle  dans  lac- 
complissement  de  ses  devoirs ,  qu'il  fut 
atteint  au  mois  de  février  1814  d'une  pc- 
ripncumonie  à  laquelle  il  succomba.  Le- 
gallois, dans  ses  Expériences  sur  le  prin^ 
cipe  de  la  vie.  a  rectifié  quelques-iuies 
des  erreurs  de  Bichat  :  il  a  déterminé  le 
siège  ou  principe  de  la  vie  qu'il  place  dans 
la  continuité  de  la  moelle  épinière  ;  et 
cette  doctrine  entièrement  neuve  ,  il  u 
cherché  à  la  démontrer  par  une  foule 
d'expériences  faites  sur  des  animaux  vi- 
vans  ,  sous  les  yeux  des  professeurs  de  la 
faculté  de  médecine,  et  des  menibres  do 
la  faculté  des  sciences.  Legallois  a  fait  en 
outre ,  un  grand  nombre  de  Mémoires 
sur  des  objets  importaas  de  physiologie  , 
qui  ont  été  pour  la  plupart  insérés  dans 
différens  recueils  et  lus  à  l'institut.  On  lui 
doit  la  Partie  anatomique  et  phgsiologi- 
quede  l'excellent  article  Cccurûu  Diction- 
naire des  sciences  médicales.  Ses  OEuvres 
ont  été  publiées  avec  des  notes  de  E.  Pa- 
riset,  Paris,  1824,  2  vol.  in-8''. 

'  LEGAY  (Louis-Pierre-Phudent), 
né  à  Paris  ,  le  15  avril  1744  ,  remplit  d'a- 
bord divers  emplois  en  province  ,  et  entra 
ensuite  à  l'époque  de  la  révolution,  dans 
l'administration  des  subsistances  mili- 
taires, dont  il  devint  directeur.  Chargé, 
en  celte  qualité,  d'opérations  assez  im- 
portantes, telles  que  l'achat  des  grains  à 
l'étranger,  l'approvisionnement  des  pla- 
ces de  guerre  ,  etc.,  il  ne  voulut  point  pro- 
filer pour  sa  fortune ,  du  désordre  que  les 
troubles  politiques  jetèrent  souvent  dans 
celte  partie  de  l'administration.  Lorsqu'il 
perdit  sa  pJace  de  directeur  de  l'adminis- 
tralion  des  vivres  ,  Legay  s'occupa  de  la 
culture  des  lettres ,  et  publia  un  grand 
nombre  de  romans,  où  malheureusement 
la  décence  est  trop  souvent  blessée.  Mais 
comme  ils  sont  dépourvus  de  talent,  ils 
ne  peuvent  guère  trouver  de  lecteurs. 
Sous  la  restauration  ,  il  obtint  un  modique 
emploi  dans  les  bureaux  de  l'université, 
et,  malgré  son  grand  âge ,  il  en  remplit  les 
devoirs  avec  assiduité,  jus(iu'à  sa  mort , 
survenue  le  4  janvier  182G.  Il  a  laissé  : 


LEG  o 

)  Jgatlte,  ou  la  destinée,  Paris,  1825, 
k  \ol.  in-12;  1  Le  comiétahle  de  Bour- 
bon  et  la  duchesse  d' Angouléme ,  Paris , 
1818,  2  vol.  in-12;  |  Le  duc  de  Guise, 
Paris,  ISii  ,  in-12  ;  |  L'envieux  et  sa  vic- 
time, Vnris,  1818,  5  vol.  in-12;  |  Le  fils 
chéri  et  le  fils  abandonné ,  ou  le  Mentor 
moderne,  Paris,  1809.  5  vol.  in-12; 
I  L'hermile  de  la  vallée  de  Lwz ,  Paris , 
1816,  3  vol.  in-12;  |  Mes  souvenirs  et  au- 
tres opuscules  poétiques,  Caen,  1788,  2 
vol.  in-12,  etc.,  etc. 

•  LEGEIVDRE  (Louis),  historien,  na- 
quit à  Rouen  en  1655.  Sa  famille  étant 
pauvre .  l'archevêque  de  cette  ville,  M.  de 
Harlay,  lui  lit  faire  ses  études.  Après 
avcftr  einhrassé  l'état  ecclésiastique,  il 
suivit  à  Paris  son  généreux  protecteur  , 
qui  lui  procura  un  canonicat  à  Notre- 
Dame.  L'abbé  Legendre  consacra  toute  sa 
vie  à  rétude  et  à  ses  exercices  de  piété  , 
et  mourut  le  i"  février  1755.  Il  a  laissé  : 

1  Mœurs  et  coutumes  des  Français  ^  Pa- 
ris ,  1712  ;  deuxième  édition,  1755,  in-12; 
ce  volume  est  extrait  de  l'ouvrage  sui- 
vant dont  il  forme  la  partie  la  plus  cu- 
rieuse :  Nouvelle  Histoire  de  France  jus- 
qu'à la  mort  de  Louis  XIII ,  Paris,  1718, 

2  vol.  in-fol.,  1719,8  vol.  in-12;  ouvrage 
estimé;  |  Vie  du  cardinal  d'Amboise  mi- 
nistre de  Louis  XII,  1724,  2  vol.  in-12  ; 
I  Essai  du  règne  de  Louis  le  Grand.  Cet 
ouvrage  eut  cinq  éditions  consécutives  ; 
I  Deux  Eloges  de  l'archevêque  de  Har- 
laij  (dont  l'un  en  latin)  ;  |  la  Vie  de  ce 
même  prélat.  1720,  in-i**  ;  \  deux  Eloges  en 
Jatin  ,  pour  Claude-Joly  et  pour  Cl.  Thé- 
venin  .  chanoine  de  Paris  ,  etc.  La  Vie  du 
cardinal  d'Amboise  de  l'abbé  Legendre 
fui  vivement  critiquée  par  le  Journal  de 
Trévoux.  Néanmoins,  cet  auteur  écrivait 
d'un  style  élégant,  correct;  sa  critique 
est  judicieuse,  impartiale,  elles  faits  qu'il 
rapporte  sont  toujours  appuyés  de  preu- 
ves convaincantes  ;  enfin  l'abbé  Legendre, 
sans  être  un  historien  du  premier  rang , 
offre  toujours  de  l'intérêt  et  de  l'instruc- 
lion, 

•  LEGEIVDRE  ( Gilbert- Charles )  , 
marquis  de  Saint-Aubin-sxu'-Loire ,  na- 
quit à  Paris  en  1688.  Il  fut  conseiller  au 
parlement,  puis  devint  en  1714  maître 
des  requêtes  de  l'hôtel  du  roi ,  charge 
qu'il  abandonna  bientôt  pour  se  livrer  à 
la  littérature.  Il  mourut  à  Paris  ,  le  8  mai 
1746,  âgé  de  58  ans.  On  a  de  lui  :  |  Traité 
de  l'opinion  ou  Mémoires  pour  ser'nr  à 
l'histoire  de  l'esprit  humain.  Paris,  1755, 
6  voL  ia-12;  quatrième  édition,  1758,  9 


vol.  in-12.  L'auleur  a  tiré  son  sujet  du  li- 
vre italien  intitulé  Délia  opinione  regina 
del  mondo.  Pascal  lui  en  lit  venir  l'idée, 
parle  désir  que  cet  éloquent  écrivain  té- 
moignait de  lire  le  livre  italien.  Au  reste, 
le  principal  but  du  marquis  de  Saint- 
Aubin  ,  en  entreprenant  cet  ouvrage , 
était  d'abaisser  l'orgueil  de  l'homme^  et 
il  y  réussit  complètement.  |  Des  antiqui- 
tés de  la  maison  de  France  et  des  mai- 
sons mérovingienne  et  carlovîngieiine , 
Paris  ,  1759  ,  in-4°.  Le  système  de  l'auteur 
sur  la  descendance  d'Hugues-Capet  offre 
la  même  obscurité  qui  règne  dans  la  Chro- 
nique d'Helgaud ,  moine  de  l'abbaye  de 
Fleury-sur-Loire  ,  sur  un  passage  très 
vague  de  laquelle  Legendre  l'a  fonde. 
I  Antiquités  de  la  nation  et  de  la  mo^ 
narchie  françaises,  ibid. ,  1741,  in-4". 
L'auteur  fait  descendre  les  Francs  de  la 
Scythie,  suivant  l'opinion  de  Goropius 
Becanus  ,  et  les  Gaulois ,  des  Celtes  ,  dont 
il  établit  la  généalogie  depuis  les  enfans 
de  Noé.  I  Dissertation  sur  le  temps  et  Vau- 
thenticité  de  Roricon  (  Mercure  ,  octobre , 
1741).  Legendre  prétend* que  ce  moine, 
auteur  d'une  Chronique  qui  va  presquà 
la  mort  de  Clovis  ,  fut  contemporain  de  ce 
roi,  tandis  que  l'abbé  Lebeuf  le  place, 
avec  plus  de  raison,  au  IT  siècle.  (Acad. 
des  Inscriptions  tom.  17  ,  page  228.) 

•  LEGEi\DKE  (Louis) ,  memb0  de  la 
Convention,  né  à  Paris,  en  1736,  avait 
été  matelot  pendant  dix  ans  lorsqu'il  re- 
vint dans  la  capitale  et  y  établit  une  bou- 
cherie. Sans  avoir  acquis  aucune  instruc- 
tion, il  avait  dès  son  enfance  annoncé  des 
dispositions  naturelles  à  f éloquence,  et 
s'était  fait  par  la  lecture  des  romans  un 
jargon  qu'il  maniait  facilement.  On  l'a 
surnommé  le  Paysan  du  Danube.  Dans  les 
soirées  des  1"  et  2  juillet  1789,  il  était  à 
la  tête  des  niouvemens  populaires  dans 
lesquels  les  bustes  du  duc  d'Orléans  et  de 
M.  Necker  furent  portés  en  triomphe  et 
promenés  dans  Paris.  Le  14  juillet  an 
malin,  il  harangua  le  peuple  de  la  sec- 
tion qu'il  habitait  pour  l'engager  à  le  sui- 
vre et  à  forcer  l'hôlel  des  Invalides,  à 
s'emparer  des  armes  et  des  canons  ,  et  à 
marcher  sur  la  Bastille.  On  a  dit  que  Le- 
gendre était ,  sans  s'en  douter,  l'agent  de 
certains  meneurs  qui  n'avaient  point  as- 
sez d'audace  pour  se  mettre  en  évidence 
dans  les  premiers  mouvemens  pojju- 
laires.  Il  se  lia  successivement  avec  Dan- 
ton, Camille  Desmoulins.  Fabre  d'K- 
glanline ,  qu'il  avait  rencontrés  dans  les 
prenùères  assemblées  des  di«tri(!s.  Dià 
5i, 


LEG 


366 


LEG 


-lors  il  s'éloigna  peu  à  peu  de  ses  premiers 
protecteurs,  devint  lui-même  une  sorte 
de  puissance,  et  fut  un  des  fondateurs 
du  club  des  cordulicrs ,  qui  s'érigea  en 
autorité  rivale  de  celle  des  jacobins.  Le- 
gendre  cependant  ne  cessa  point  de 
fréquenter  ces  derniers,  qui  bannirent 
successivement  de  leur  assemblée  tous 
fes  premiers  amis  de  la  liberté.  Il  fut 
obligé  de  prendre  la  fuite  pour  se  sous- 
traire aux  différens  décrets  d'arrestation 
prononcés  contre  lui ,  soit  à  raison  des 
discours  violens  qu'il  avait  tenus  contre 
le  décret  qui  consacrait  l'inviolabilité  du 
roi ,  soit  à  la  suite  des  événemens  ar- 
rivés au  Champ-de-Mars,  le  17  juillet 
4791.  Il  reparaissait  de  temps  en  temps 
dans  la  capitale ,  jusqu'à  ce  que  de  nou- 
veaux motifs  vinssent  encore  le  contrain- 
dre de  fuir  ou  de  se  cacher,  et  fut  un  des 
provocalmirs  et  des  auteurs  des  journées 
des  20  juin  et  10  août  1792  ;  mais  il  refusa 
constamment  de  prendre  aucune  part  aux 
massacres  des  2  et  3  septembre  ,  dont  il 
eut  néanmoins  plus  tard  la  lâche  faiblesse 
de  provoquer,  l'impunité.  Nommé,  en 
septembre  de  la  même  année ,  député  de 
Paris  à  la  Convention  nationale  ,  il  s'y 
montra  l'un  des  ennemis  les  plus  ardens 
de  Louis  XVI  ,  et  s'écria  ie  11  décembre  , 
au  moment  où  ce  prince  allait  paraître  à 
la  bar/e ,  «  qu'il  fallait  que  les  députés 
»  ainsi  que  les  tribunes  gardassent  le  plus 
»  profond  silence  quand  le  coupable  entre- 
»  rait  dans  la  salle,  alin  que  le  calme  des 
»  tombeaux  l'effrayât.  »  Le  16  janvier 
4793 ,  il  vota  la  mort  du  roi ,  en  rappe- 
lant qu'il  avait  été  l'attaquer  au  10  août, 
dans  son  château  des  Tuileries  ;  et,  le  20, 
veille  de  l'exécution ,  il  proposa ,  à  la 
tribune  des  jacobins,  découper  son  corps 
en  quatre-vingt-quatre  morceaux  pour  les 
envoyer  aux  quatre-vingt-quatre  dépar- 
tcinens.  Nommé  membre  du  comité  de 
sûreté  générale  le  jour  môme  de  la  mort 
du  roi  (21  janvier) ,  il  fut  un  des  provo- 
cateurs les  plus  ardens  des  crimes  du  31 
mai ,  et  dans  la  séance  du  28  de  ce  mois,  il 
prit  à  la  gorge  et  tenta  de  précipiter  de 
la  tribune  Lanjuinais  ,  qui  s'efforçait  de 
rappeler  les  proscripteurs  à  la  justice  et  à 
l'humanité.  Envoyé  en  mission  à  Lyon  , 
il  y  prépara  par  sa  faiblesse  et  son  igno- 
rance du  véritable  état  de  ce  pays,  les 
voies  aux  forfaits  que  CoUot-d'Herbois  vint 
y  consommer  quelques  mois  après.  Rap- 
pelé à  la  Convention  ,  il  fut  chargé  d'une 
mission  nouvelle  à  Dieppe.  A  une  épo- 
que où  les  suisisîarucs  élaicnt  rares,  il 


répondit  pliis  d'une  fuis  au  peuple  qui  lui 
dciuaiidait  du  pain  :  fous  manquez  ds 
pain  ?  hé  bien  .  mangez  les  aristocrates. 
De  retour  dans  la  Convcnlion,  son  an- 
cienne intimité  avec  Danton  se  resserra 
de  plus  en  plus,  et  celui-ci  qui ,  dès  long- 
temps ,  ne  le  désignait  plus  que  sous  le 
nom  de  son  lieutenant ,  l'associa  à  tous 
ses  projets.  Peu  de  caractères  ont  pré- 
senté dos  contrastes  plus  remarquables 
que  celui  de  Lcgendre  :  énergique  cl  in- 
trépide en  certains  momens  ,  il  paraissait 
en  dautres  momens  ,  irrésolu  et  timide. 
Robespierre  exerçait  sur  lui  un  asceiidanl 
terrible;  ainsi  ,  après  avoir  défendu  Dan- 
ton, il  annonça  lui-même  son  arrestation 
à  l'assemblée,  dans  la  séance,  du  10 ger- 
minal an  2  (50  mars  1794).  Après  avoir  dé- 
claré qu'il  regardait  ce  député  connue 
aussi  pur  que  lui-même  ,  après  avoir  rai>- 
pelô  qu'en  1792  il  avait  fait  lever  lu 
France  entière,  et  demandé  qu'il  fût  en- 
tendu à  la  barre  ,  il  se  rétracta  de  toutes 
ses  assertions  et  de  sa  demande ,  du  mo- 
ment où  Robespierre,  en  lui  répliquant, 
lui  eut  fait  entendre  que  les  amis  de  Dai> 
ton  pourraient  bien  partager  son  sort.  Dès 
ce  moment,  ce  révolutionnaire  ,  autrefois 
si  terrible,  se  vil  sans  cesse  menacé  de 
l'échafaud,  et  se  crut  atout  instant  près 
d'être  arrêté.  Blâmé  par  Coulhon  peu  de 
temps  après  pour  avoir  pris  la  défense  de 
Danton,  il  déclara  «  que  s'il  avait  com- 
»  mis  une  erreur,  elle  était  involontaire.  » 
Ayant  été  averti  qu'il  devait  être  arrêté, 
il  adjura,  dans  l'assemblée,  quiconque 
aurait  quelque  fait  à  alléguer  contre  lui 
de  le  déclarer  à  l'instant.  Toujours  plus 
lâche  à  mesure  que  ses  terreurs  redou- 
blaient ,  il  dénonça  les  prétendus  conseils 
anonymes  qui  lui  avaient  été  donnés  d'as 
sassiner  Robespierre  et  Saint-Just ,  et  dé- 
clara quil  ne  doutait  plus  que  Danton 
n'eût  dt's  complices  dans  lu  prison  du 
Luxembourg,»  protestant  qu'il  était  main- 
»  tenant  convaincu  de  la  réalité  de  la  ron- 
»  spiration  pour  laquelle  ce  député  avait 
»  péri,  et  avouant  qu'il  avait  été  sou 
»  jouet.  »  Il  y  a  peu  d'exemples  d'hommes 
«ur  lesquels  la  frayeur  ait  exercé  un  plus 
grand  empire.  A  aucune  époque ,  Legen- 
dro  n'avait  pensé  sur  Danton  ce  que  la 
terreur  lui  arrachait  alors,  et  il  en  a  sou- 
vent fait  l'aveu  après  le  9  thermidor.  Peu 
de  temps  avant  la  chute  de  Robespierre , 
il  avait  annoncé  aux  jacobins  qu'il  ferait 
à  ce  député  un  rempart  de  son  corps. 
Lorsque  la  jeune  et  infortunée  Cécile  Re- 
naud ,  âgée  de  20  ans,  fut  mi.i  à   uunt , 


LEG 


367 


LECr 


comme  ayant  voulu  assassiner  Robes- 
pierre ,  Lcgcutlre  s'écria  à  la  tribune  des 
jacolnns  :  «  La  main  du  crime  s'était  levée 
v  pour  assassiner  la  vertu  ,  mais  le  Dieu 
»  de  la  nature  n'a  pas  souffert  que  le  crime 
»  fût  consomme.  *  Après  la  mort  du  dé- 
puté d'Arras,  Lcyendre,  qui  toutefois 
n'avait  pris  aucune  part  active  aux  glo- 
rieux événemeus  qui  délivrèrent  la  Con- 
vention et  la  république  de  la  tyrannie  la 
plus  horrible  qui  ait  jamais  existé ,  devint 
ui\  des  accusateurs  les  plus  ardens  des 
complices  de  celte  tyrannie  ;  et  l'on  doit 
avouer  que  de  grands  dangers  existaient 
encore  pour  ceux  qui  poursuivaient  les 
licritiers  du  sanglant  système  qui  venait 
d'être  détruit  :  mais  Robespierre  n'était 
plus  là,  et  Legendre  n'était  plus  frappé  du 
prestige  de  terreur  imprimé  à  ce  nom.  Elu 
membre  du  comité  de  sûreté  générale,  le 
ik  thermidor  an  2  (l*^*^  août  l'/'J'i-; ,  aucun 
de  ses  collègues  n'a  signé  en  moins  de 
lemps  un  plus  grand  nombre  de  mises  en 
liberté.  La  Convention  ayant  décrété,  le 
22  brumaire  an  3(12  novem])re  d794), 
sur  le  rapport  de  ses  trois  comités  de  sa- 
lut public,  de  sûreté  générale  et  de  léga- 
lisation ,  que  la  salle  des  jacobins  serait 
fermée ,  ce  fut  Legendre  qui  se  chargea 
de  l'exécution  du  décret,  et  rapporta  à  la 
Convention  les  clefs  de  cet  antre  de  l'anar- 
chie. Dans  le  cours  du  procès  de  Carrier, 
contre  lequel  il  lit,  comme  membre  du 
comité  de  sûreté  générale ,  prendre  toutes 
les  mesures  propres  à  prévenir  sa  fuite  , 
il  parla  plusieurs  fois  contre  ce  monstre  , 
déroula  l'effroyable  tableau  de  ses  crimes, 
et  on  remarquadans  ses  discours  des  traits 
qui  produisirent  une  impression  pro- 
fonde sur  l'assemblée  et  les  tribunes.  Bil- 
laud-Yarennes  ayant  témoigné  des  crain- 
tes hypocrites  sur  les  résultats  de  la  mise 
en  liberté  de  madauie  deTourzel,  Le- 
gendre invita  la  Convention  «  à  frapper 
»  cette  poignée  d'hommes  de  joroie  qui 
»  obscurcissaient  l'horison  politique  par 
»  les  vapeurs  du  crime ^  »  et  prit  le  peu- 
ple à  témoin  qu'il  voudrait  que  l'auteur 
lie  la  nature  les  condamnât  à  ne  mourir 
jamais.  Elu  président  de  la  Convention 
le  17  brumaire  an  5(7  novembre  1794) , 
il  rentra  le  13  frimaire  (5  décembre  179i) 
au  comité  de  sûreté  générale  ,  dont  il  était 
sorti  le  mois  précédent.  Après  avoir  con- 
tribué plus  puissainment  qu'aucun  de 
ses  collègues  à  conduire  Cari  ier  à  l'écha- 
faud ,  Legendre  attaqua  Maignet  avec 
non  moins  d'énergie  ,  mais  avec  moins 
Uc  succès,  car  Maigaet  ne  fut  point  pour- 


suivi. Liunt  îilors  riiiipuiiilé  de  ce  der- 
nier avec  cclliî  des  membres  des  anciens 
comités  de  salut  public  et  de  sûreté  géné- 
rale ,  alors  en  état  de  prévention  devant 
la  Convention  nationale  :  «  Il  y  a  des 
n  hou)mes,  s'écria-t-il ,  qui  voulant  tou- 
»  jours  mener  la  Convention  nationale, 
»  lancent  en  avant  des  légions  de  lieute-- 
»  nans.  Ce  sont  ces  hommes  qui  ont  fait 
»  charrier  dans  l'Océan  la  preuve  de  leurs 
»  crimes ,  et  qui  ont  rougi  la  mer  par  le 
»  reflux  ensanglanté  de  la  Loire;  ceux 
»  qui  ont  porté  l'incendie  et  la  dévasta- 
»  tion  dans  les  départemcns  ;  ceux  qui 
»  ont  mis  les  jacobins  en  feu  ,  et  qui  en 
»  ont  fait  un  théâtre  où  chacun  joue  un 
»  rôle  plus  ou  moins  odieux.  L'histoire 
»  est  sur  les  planches  ^  et  Robespierre  est 
»  au  trou  du  souffleur.  »  C'était  presque 
toujours  avec  cette  bizarrerie  d'images  , 
qui  ne  pouvait  produire  d'effet  que  dans 
sa  bouche  ,  et  unie  à  son  geste ,  que  Le- 
gendre était  constamment  assuré  de  pro- 
duire plus  d'impression.  Lors  des  insur- 
rections anarchiques,  des  12  germinal  an 
5  (  1"  avril  1795),  i"  prairial  (20  mai  de 
la  même  année  ) ,  et  13  vendémiaire  an  k 
(5  octobre  1793)  ,  Legendre  montra  un 
courage  et  une  activité  infatigables;  il 
marcha  plusieurs  fois  à  la  tète  des  trou- 
pes qui  délivrèrent  la  Convention,  et 
contribua  à  son  triomphe.  Devenu  mem- 
bre du  conseil  des  Anciens,  il  y  prit 
plus  rarement  la  parole ,  parce  que 
son  genre  d'éloquence  avait  dû  trouver 
nécessairement  moins  d'occasions  de  ^e 
faire  remarquer ,  et  perdre  beaucoup  de 
son  effet,  à  mesure  que  la  tourmente  ré- 
volutionnaire s'apaisait ,  et  que  les  esprils 
commençaient  à  se  calmer.  Après  la  dé- 
couverte de  la  conspiration  de  Drouet  et 
Babeuf,  il  vota  leur  accusation,  et  de- 
manda même  l'expulsion  de  Paris  dt'S 
ex-conventionnels,  ses  anciens  collègues. 
«  Que  les  conspirateurs,  dit-il  alors,  ne 
»  vantent  pas  les  services  qu'ils  ont  pu 
»  rendre  en  d'autres  temps  ;  ce  n'est  point 
»  pour  ses  services  passés,  mais  pour  ses 
»  crimes  actuels  que  Manlius  fut  préci- 
»  pité  de  la  roche  tarpéienne.  »  Il  est  hors 
de  doute  qu'avec  de  l'instruction  et  une 
éducation  soignée ,  Legendre,  qui  fui 
quelquefois  cruel  dans  ses  discours,  mais 
qui  montra  d'une  manière  non  équivo- 
que, après  le  9  thermidor  ,  qu'il  y  avait 
beaucoup  plus  de  lâcheté  dans  son  cœur 
que  de  fermeté  dans  son  caractère ,  eu*, 
été  l'imdes  personnages  les  i)luséloqu<ns, 
peul-éire  même  l'un  des  plus  importuns 


LEG 


568 


LEG 


de  la  révolulioa  française.  Dans  les  der- 
niers temps  de  sa  carrière  convcnlio- 
nclle,  il  prenait  des  leçons  de  grammaire, 
et  s'clait  décidé  à  apprendre  la  langue  la- 
tine. Il  avait  toujours  conservé  pour  sa 
demeure  l'ancien  local  de  son  établisse- 
ment, rue  de  Beaune.  Leyendre  est  mort 
à  Paris  le  15  décembre  1797,  âgé  de  41 
ans ,  et  a  légué  son  corps  à  la  faculté  de 
médecine ,  alin ,  dit-il  dans  son  testa- 
ment ,  d'être  encore  utile  aux  hommes  , 
inèuic  après  sa  mort. 

*  LEGEXDUE  (Adrien-Marie),  de 
Toulouse,  savant  mathématicien,  membre 
de  l'académie  des  sciences ,  fut  d'abord 
professeur  de  malhémaliques  à  l'école  mi- 
litaire de  Paris,  et  se  lia  avec  Lagrange 
et  Laplace  qui  lui  confièrent  des  calculs 
de  la  plus  haute  importance.  Lorsqu'il  fut 
question,  en  1787,  de  vérifier  la  position 
des  observatoires  de  Londres  et  de  Paris, 
Legendre  fut  choisi  avec  Cassini  et  Mé- 
chain  pour  procéder  à  celte  opération ,  à 
laquelle  prirent  part  des  géomètres  anglais. 
On  fit  usage  à  celte  occasion  pour  la  pre- 
mière fois  des  grands  moyens  trigonomé- 
triques  et  dun  graphomètre  ,  tel  que  ce- 
lui dont  on  se  sert  aujourd'hui.  On  trouve 
les  détails  de  cette  mensuration  dans  un 
rapport  intitulé  :  Exposé  des  opérations 
faites  en  France ,  en  1787,  et  description 
d'un  nouvel  instrument  propre  à  donner 
la.  mesure  des  angles,  à  la  précision  d'une 
seconde^  Paris,  1792.  Legendre  publia,  en 

1794 ,  un  Mémoiî'e  sur  les  transcendantes 
elliptiques,  et  il  donna  la  même  année  son 
traité  des  Elémens  de  géométrie^  in-8" 
avec  des  notes  dont  la  deuxième  édition 
parut  en  1799,  augmentée  de  la  trigonomé- 
trie. Cet  ouvrage,  devenu  classique,  était 
parvenu,  en  1827,  à  sa  treizième  édition. 
L'auteur  a  constamment  suivi  dans  ce 
livre  la  iT>éthode  des  anciens  ,  qu'il  s'est 
appropriée  ,  et  qui  lui  a  semblé  plus  à  la 
portée  de  rintelligence  des  commençans , 
que  rebuterait  la  sévérité  de  l'analyse.  En 

1795,  Legendre  fut  nommé  membre  de 
\  Agence  temporaire  des  poids  et  mesures, 
et  il  conserva  celle  place  jusqu'en  1805, 
époque  à  laquelle  l'agence  fut  réunie  au 
ministère  de  l'intérieur.  Peu  d'hommes 
ont  fourni  une  carrière  aussi  fructueuse 
pour  la  science;  les  Mémoires  de  l'acadé- 
mie des  sciences  renferment  un  grand 
nombre  de  ses  découvertes.  Ses  recher- 
ches sur  l'attraclion  des  sphéroïdes  ellip- 
tiques qu'il  counuença  en  1782,  ont  été 
très  utiles  à  Laplace,  qui  en  a  déduit  des 
lois   importantes   pour  son  système  du 


monde.  Legendre  a  démontré  le  premier 
que  la  ligure  elliptique  peut  seule  conve- 
nir à  l'équilibre  d'une  masse  fluide  ho- 
mogène ,  engagée  dans  un  mouvement  de 
rotation,  pendant  que  toutes  les  molé- 
cules dont  elle  se  compose  s'attirent  en 
raison  inverse  du  carré  des  distances.  11 
fut  désigné  comme  le  seul  homme  capable 
do  faire  tous  les  développemens  de  cal- 
culs que  Lagrange  n'avait  fait  qu'indiquer 
dans  sa  Mécanique  anal  g  tique  ^  el  il  s'en 
acquitta  avec  une  patience  égale  à  son 
habilelé.  En  1789,  une  ai)plicalion  des 
transformations  indiquées  par  Eulcr  et 
Lagrange  pour  siinplilier  l'intégration 
des  differenlioilcs  partielles,  prises  suc- 
cessivement par  rapport  à  diverses  va- 
riables, le  conduisit  à  démontrer,  sans  le 
secours  des  séries,  que  si  deux  sphé- 
roïdes elliptiques  ont  leurs  trois  sections 
principales  décrites  d'un  jnême  foyer, 
les  attractions  qu'ils  exercent  sur  un 
même  point  extérieur  auront  une  même 
direction,  et  seront  entre  elles  dans  la 
proportion  des  masses  qui  les  produisent. 
Peu  de  temps  après,  en  1790,  Legendre 
présenta  à  l'académie  le  résultat  de  ses 
recherches  sur  les  sphères  des  hétéro- 
gènes, dont  il  découvrit  les  lois,  en  s'ai- 
dant  de  l'équation  différentielle  partielle 
que  Laplace  avait  employée  le  premier. 
Lorsque  on  s'occupa  de  la  division  du 
cercle  en  quatre  cents  degrés,  afin  de 
compléter  le  système  des  mesures  déci- 
males, Legendre  concourut  avec  M.  de 
Prony  à  la  confection  des  nouvelles  tables 
trigonométriques  que  nécessitaient  les 
changemens  apportés  dans  la  longueur 
des  arcs ,  et  il  imagina  des  formules  très 
élégantes  pour  déterminer  les  différences 
successives  des  sinus.  En  1808,  ce  savant 
modeste  fut  nommé  conseiller  à  vie  ho- 
noraire de  l'université,  et  membre  de  la 
commission  d'instruction  publique.  Il  fut 
plusieurs  fois  chargé  de  l'examen  des  can- 
didats pour  l'école  polyteclmique.  Sur  la 
fin  de  sa  vie ,  dont  il  passa  les  derniers 
temps  dans  la  retraite,  il  se  vit  privé 
momentanément  de  sa  place  et  de  sa  pen- 
sion ,  qui  étaient  à  peu  près  son  unique 
ressource.  Mais  sa  pension  lui  fut  bien- 
tôt rendue.  Legendre  est  mort  à  Paris  le 
9  janvier  1835  ;  ses  restes  furent  transpor- 
tés sans  pompe,  comme  il  l'avait  de- 
mandé, dans  le  village  d'Auteuil,  où  lis 
ont  été  ensevelis.  Outre  ceux  de  ses  ou- 
vrages que  nous  avons  déjà  mentionnés, 
on  a  de  lui  :  |  Essai  sur  la  théorie  des 
nombres^  179i>;  2"  édition,  1808,   hi-4"; 


LEO  5 

plus  deux  sui)plémens  dont  l'un  a  paru 
en  18iG,  et  le  second  en  182o.  Cet  ou- 
vrage,  dans  lequel  l'auteur  a  traité  une 
matière  des  plus  épineuses,  est  celui  où 
il  a  déployé,  au  plus  haut  degré,  son  ha- 
bileté dans  la  science  de  l'analyse.  |  Nou- 
velle théorie  des  parallèles  ^  1803,  in-8" ; 
I  IVouvelle  méthode  pour  la  détermination 
des  orbites  des  comètes^  I8O0  ,  in-8",  plus 
deiyî  supplémens,  dont  le  second  a  i)aru 
en  1820.  Cette  niélliode  est  entièrement 
fondée  sur  des  principes  d'analyse  ptire. 
Dégagée  de  toute  considération  géomé- 
trique ,  elle  a  été  jugée  assez  sévèrement 
dans  le  rapport  qui  en  fut  fait ,  en  1808 , 
à  l'institut,  et  dans  lequel  on  lit  les  phrases 
suivantes  :  «  Elle  a  les  avantages  et  quel- 
»  ques  uns  des  inconvéniensde  toutes  les 
«solutions  analytiques,  c'est-à-dire,  la 
»  longueur  des  calculs ,  le  grand  nombre 
»  de  lettres  et  de  symboles  dont  il  est 
»  presque  impossible  de  retenir  la  signi- 
»  lication;  enlin  l'espèce  d'obscurité  qui 
»  fait  que  le  calculateur  ne  sait  pas  lou- 
»  jours  ce  qu'il  fait  et  où  il  va.  »  Legendre 
reçut  avec  docilité  les  reproches  adressés 
à  sa  méthode ,  qu'il  a  depuis  beaucoup 
améliorée.  Il  n'a  plus  dédaigné,  comme 
auparavant,  de  faire  concourir  l'observa- 
tion à  la  correction  de  ses  calculs ,  et  il 
l'appelle  à  son  secours  comme  moyen  de 
vérification.  L'usage  des  indéterminées 
dans  le  calcul  logarithmique  est  entre  les 
innovations  dont  il  est  l'auteur,  celle  qui 
intéresse  le  plus  les  astronomes.  Il  en 
avait  essayé  l'introduction  ,  dèsl788,  dans 
I)lusieurs  mémoires.  |  Exercices  du  colciU 
intégral;  |  Cousiruclion  des  tables  ellip- 
tiques, 1818-1819.  5  vol.  hi-W  ;  cet  ouvrage 
qui  a  été  publié  par  cahiers ,  est  un  des 
plus  utiles  que  Legendre  ait  composés. 

'  LKGEINTIL  (Labahbinais),  voyageur 
français  du  18*  siècle,  né ,  à  ce  qu'il  pa- 
rait en  Bretagne,  partit  de  Cherbourg  en 
1714  pour  se  rendre  au  Chili,  et  visita 
plusieurs  des  colonies  espagnoles,  diffé- 
rens  ports  de  la  Chine ,  l'ile  Bourbon ,  le 
Brésil;  il  revint  par  Gènes  en  France,  et 
publia  la  relation  de  ses  voyages  sous  ce 
litre  :  Nouveau  voyage  autour  du  monde, 
avec  une  description  de  la  Chine ,  Paris  , 
1728,  5  vol.  in-12,  cartes  et  fig.  Amster- 
dam, 1728  et  1731,  3  voL  in-12,  %.  :  ce 
voyage  ,  rédigé  en  forme  de  lettres ,  est 
Écrit  d'une  manière  agréable ,  mais  l'au- 
leur  s'abstient  de  toutes  remarques  nau- 
tiques; et  l'on  voit  même  en  plusieurs 
endroits  qu'il  n'avait  que  des  notions  assex 
communes  de  la  gc ograpliic  générale  ;  il 


69 


LKO 


se  borne  à  décrire  les  lieux  qu'il  a  vus  et 
les  ujoeurs qu'il  a  observées;  on  y  trouve 
cependant  des  particularités  intéressantes 
sur  le  port  d'Einouï  peu  fréquenté  parles 
Européens,  sur  plusieurs  petites  iles  du 
détroit  de  la  Sonde  et  sur  la  colonie  de  l'ild 
Bourbon  ,  alors  nommée  Mascarin.  L'au- 
teur de  l'Histoire  des  Voyages  dit  que 
«  il  néchappe  à  Legenlil  rien  qui  puis'-e 
»  faire  mal  juger  de  son  esprit  et  de  sa 
»  bonne  foi.  » 

*  li:ge\til  de  l\  galmsîèbe 

(  GL'illaume - Joseph-Hvac.ixti!i;-Jea\- 
Baptîste),  astronome  et  voyageur,  na- 
quit à  Coutances,  le  12  septembre  1725. 
Il  devait  embrasser  l'état  ecclésiastique  ; 
mais,  ayant  assisté  aux  leçons  de  Delisle  , 
il  se  passionna  pour  l'astronomie,  science 
qu'il  cultiva  avec  succès,  et  dans  laquelle 
il  eut  pour  maître  le  célèbre  Cassini.  En 
175.3,  il  fut  admis  à  l'académie,  qu'il  en- 
richit de  plusieurs  savans  Mémoires.  Il 
fut  du  nombre  des  astronomes  voyageurs 
qui  allèrent  observer  le  passage  de  Vénus 
sur  le  disque  du  soleil.  Destiné  pour  Pon- 
dichéri,  les  mauvais  temps  et  la  guerre 
qui  éclata  entre  la  France  et  l'Angleterre 
l'empêchèrent  d'arriver  dans  cette  viile  , 
qui  tomba  au  pouvoir  des  Anglais.  Ce  fui 
en  pleine  mer  qu'il  vit,  le  6  juin  1761 ,  le 
passage  de  l'émis  sur  le  soleil.  Un  second 
passage  de  Vénus  devant' avoir  lieu  huit 
ans  après,  savoir  le  5  juin  1769,  il  ré- 
solut de  rester  dans  les  Indes  jusciu'à 
celle  époque.  Il  visita  les  îles  de  France 
et  de  Bourbon,  de  Rodrigue  et  de  Mada- 
gascar, les  Philippines  et  la  côte  Coro- 
mandel.  S'étant  rendu  à  Manille,  en 
août  1766 ,  il  alla  ensuite  à  Pondirhéri ,  et 
y  lit  ses  préparatifs  pour  observer  le 
passage  de  Vénus;  mais  ce  jour  là  le  ciel 
devint  nébuleux,  et  l'astre  passa  sans 
qu'il  pût  faire  ses  observations  :  le  même 
contre-temps  arriva  aux  Anglais  à  Ma- 
dras; mais  deux  de  ses  amis  qu'il  avait 
laissés  à  Manille,  où  d'abord  il  avait 
eu  le  projet  de  faire  ses  observations, 
furent  plus  heureux  que  lui.  Legeatil  re- 
vint en  France,  où  l'attendaient  d'autrei 
désagrémcns.  Ses  héritiers,  le  croyaric 
mort ,  s'étaient  partagé  ses  biens  ;  il  pai- 
vinl  à  les  recouvrer  ;  mais  son  procureur, 
bas  Normand ,  fut  volé  au  moment  qu'il 
allait  lui  rendre  ses  comptes.  Legentil 
plaida,  perdit  son  procès,  et  fut  cou- 
damné  aux  dépens.  Il  se  consola  par  l'é- 
tude,  s'occupa  de  ses  ouvrages  et  d'un 
grand  nombre  de  Mémoires  qu'il  fournit 
encore   à  l'académie.  Lcgi-nlil   est  mori 


LEG  5 

à  Paris,  le  22  octobre  1792,  âgé  de  67 
ans.  Il  a  laissé  :  |  Mémoire  sur  le  pas- 
sage de  Vénus  sur  /éJio/eiYavecTrébuchel 
{Journal  des  Savons,  mars  1760);  |  Voyage 
dans  les  mers  de  l'Inde^  à  l'occasion  du 
passage  de  Vénus  sur  le  disque  du  soleil. 
Paris,  1779-1781 ,  2  vol.  in-i",  %.,  caries 
et  plans  ;  —  Jd.,  Hcidelberg ,  1782  ,  8  vol. 
in-8°,  fig.  On  trouve  dans  cet  ouvrage  de 
précieux  renseignemeiis  sur  les  mers  des 
Indes,  cl  sur  tout  ce  qui  concerne  les  In- 
diens. Legentil  rapporta  en  France  la 
connaissance  du  zodiaque  des  Indous  et 
de  l'astronomie  des  Brames,  selon  lui 
très  conforme  à  celle  des  anciens  Chal- 
déens.  Ce  ne  fut  pas  sans  peine  qu'il  put 
se  procurer  des  Brames  les  tables  qui 
leur  servent  à  calculer  les  éclipses,  et 
apprendre  d'eux  la  manière  d'en  faire 
usage.  II  découvrit  que  le  nombre  prodi- 
gieux d'années  que  les  Chaldéens  don- 
naiciil  à  chaque  âge  du  monde  n'est  qu'une 
combinaison  des  révolutions  de  1  équi- 
noxe  et  que  les  quatre  iougains,  ou  âges 
du  monde,  dont  les  Brames  parlent  avec 
tant  d'emphase,  ne  sont  que  des  périodes 
astronomiques  du  mouvement  des  étoiles, 
en  longitude  que  l'on  peut  varier  et  re- 
monter à  l'inihii.  Le  voyage  de  Legentil 
a  été  abrégé  et  traduit  en  allemand  avec 
d'autres  relations  semblables,  Hambourg, 
1780-1782,  5  vol.  in-8".  M.  T.-D.  Cassini 
a  publié  V Eloge  de  Legentil,  Paris,  1810  , 
in-8°. 

LÉGER  (saint),  Leodegarius ^  évêque 
d'Autun,  né  vers  l'an  616,  fut  ministre 
d'élat  sous  la  minorité  de  Clotaire  III,  et , 
suivant  quelques  auteurs,  maire  du  palais 
sous  Cbildéric  II.  Il  n'était  encore  qu'abbé 
de  Saint-Waxent  en  Poitou,  lorsqu'il  fui 
appelé  à  la  cour  par  sain'e  Mathilde , 
mère  du  roi,  pour  former,  avec  saint 
Lloi  de  Noyon  et  saint  Ouen  de  Rouen , 
une  espèce  de  conseil  de  régence  pendant 
la  minorité  du  jeune  prince.  L'évéché 
d'Autun  fut  la  récompense  des  services 
de  saint  Léger.  Après  la  mort  de  Clotaire 
III,  il  contribua  puissamment  à  l'élection 
de  Childéric,  roi  d'Austrasie.  Il  ne  s'oc- 
cupa qu'à  faire  régner  ces  princes  avec 
justice  et  humanité.  Les  courtisans  l'ayant 
rendu  suspect  à  Childéric ,  il  se  retira  à 
Luxeuil ,  mais  sa  retraite  ne  le  mit  pas  à 
l'abri  de  la  persécution.  Ebrpïn  lui  fit 
souffrir  des  tourmens  horribles  ;  enfin  cet 
évéque  fut  décapité  Tan  678.  dans  la  forêt 
de  Lucheu  en  Picardie ,  diocèse  d'Arras. 
Il  nous  reste  de  lui  des  Statuts  synodaux , 
dans  les  Conciles  du  père  Laijbe,  et  une 


70  LEG 

Lettre  de  consolation  .  à  Sigrade .  dans  la 
liihliothèque  des  manuscrits .  du  père 
Labbe.  On  trouve  la  vie  du  saint  Prélat 
dans  la  Collection  des  historiens  de  France 
et  dans  les  vies  des  saints  de  l'ordre  de 
Saint- Benoit. 

LÉCLU  (ANTOINE),  théologien  protes- 
tant, né  à  Ville-Sèche,  dans  la  vallée  de 
Saint-Martin  en  Piémont,  l'an  159 V,  alla, 
en  qualité  de  chapelain  de  l'ambassadeur 
des  états-généraux  ,  à  Constantinople.  Il  y 
lia  une  étroite  amitié  avec  le  patriarche 
Cyrille  Lucar,  qu'il  confirma  dans  les  er- 
reurs de  Luther,  et  dont  il  obtint  une 
Confession  de  foi.  que  les  Grecs  ont  hau- 
tement désavouée.  De  retour  dans  les 
Vallées,  il  y  e;cerça  le  ministère  :  mais  le 
duc  de  Savoie  l'ayant  fait  condamner  à* 
mort  comme  fanatique  et  séditieux  ,  il  se 
retira  à  Genève  où  il  obtint  une  chaire 
de  théologie.  Il  y  mourut  en  1661  ,  à 
soixante-sept  ans.  On  a  de  lui  une  Edi- 
tion du  nouveau  Testament  en  grec  ori- 
ginal et  grec  vulgaire,  2  vol.  in-i".  —  A;v- 
ToixE  LÉGER,  son  fils  ,  né  à  Genève  eu 
1652 ,  mourut  dans  cette  ville  en  1680.  On 
a  de  lui  5  volumes  de  Sermons  imprimes 
après  sa  mort.  Il  publia  diverses  Disserta- 
tions, sur  des  su^els  phgsiques  et  théolo- 
giques, imprimées  de  1705  à  1715;  et  quel- 
ques Traités  de  Théologie.— Jea\LÈGEI\, 
né  en  1625,  neveu  d'Antoine  Léger,  mi- 
nistre de  l'Eglise  de  Saint- Jean  ,  obtint  de 
Louis  XIV,  après  la  destruction  des  Vau- 
dois,  et  sur  la  recommandation  de  Crom- 
well ,  la  permission  de  faire  en  France 
une  quête  en  leur  nom.  Ayant,  en  1655, 
assisté  aux  conférences  qui  se  tinrent  à 
Sigueros ,  il  eut  à  ce  sujet  des  démêlés 
avec  le  duc  de  Savoie,  qui  fit  raser  sa 
maison,  et  le  déclara  criminel  de  lèse- 
majesté.  Il  devint  ensuite  pasteur  de  l'E- 
glise wallone  à  Leyde,  et  il  remplissait 
encore  cette  place  en  1665.  Il  a  laissé 
Vilistoire  des  Eglises  évangèliques  des 
vallées  du  Piémont,  in-fol.  ;  c'est  le  fruit 
du  ressentiment  uni  à  l'esprit  de  secte. 

LÉGER  (Claude),  né  à  Atticbi,  petite 
ville  du  diocèse  de  Soissons ,  en  1609, 
embrassa  l'état  ecclésiastique ,  et  en  eut 
toutes  les  vertus.  Devenu  curé  de  Saint- 
André-des-Arcs ,  à  Paris,  il  gagna  l'es^ 
time  et  le  respect  de  tous  les  gens  de  bien 
par  sa  charité ,  son  zèle ,  son  désintéres- 
sement. Il  mourut  à  Paris  en  1774 ,  re- 
gretté surtout  d'un  grand  nombre  de  pré- 
lats qui  avaient  été  ses  élèves  dans  les 
sciences  du  saint  minisîère.  A  l'occasion 
du  iiioaument  «]Ui  liii  fut  érigé  en  1781, 


LEO  5 

l'évèque  de  Sôiioz  (M.  de  Reauvuisj  pro- 
nonça son  éloge  funèbre  ,  vrai  chef- 
d'œuvre  en  ce  penre  ;  et  en  incme  temps 
excellent  traité  des  obligations  et  des  ver- 
tus pastorales,  écrit  avec  chaleur  et  avec 
acnliment,  et  animé  par  les  applications 
et  les  citations  les  plus  heureuses.  L'il- 
lustre orateur  ne  fait  point  difliculté,  en 
appliquant  à  ce  respectable  curé  un  pas- 
sage de  saint  Hilaire.  de  dire  que  les 
évoques  mêmes  auraient  cru  s'élever 
trop  haut  s'ils  s'étaient  mis  à  côté  de 
ce  simple  prêtre  :  Nenio  unquam  epis- 
coporum  sibi  tantum  assumpsit ,  ut  se 
prtshi/teri  illius  collegam  computaret. 

*  LKGEH  (  F.  P.  A.  ) ,  comédien  et  au- 
teur né  vers  1757,  avait  embrassé  l'état 
d'instituteur  et  pour  se  donner  quelque 
relief,  portait  le  petil  collet,  mais  jamais 
il  n'entra  dans  les  ordres.  La  révolution 
le  jeta  dans  une  carrière  tout  opposée  : 
secrétaire  de  la  muiiicipalilé  de  Sainl- 
Denis,  il  débuta  ensuite  dans  le  mois  de 
janvier  1792 ,  comme  acteur  au  tliéâtre 
du  Vaudeville  ,  et  se  mit  en  1799,  à  la  tète 
de  la  troupe  des  Troubadours  qui  jouait 
dans  la  salle  de  la  rue  Louvois;  mais  sa 
gestion  ne  fut  pas  heureuse.  Il  dirigea 
dans  ses  dernières  aimées,  le  théâtre  de 
Nantes  et  mourut  le  27  mars  1823.  On 
trouvera  la  liste  do  ses  nombreux  ou- 
vrages dans  le  4^  vol  de  V  Jnyiuaire  né- 
crologique de  M.  Mahul.  Nous  citerons 
seulement  :  \  L'homme  sans  façon  ou  le 
Vieux  cousin  j  comédie  en  5  actes  et  en 
prose  ,  représentée  au  Théâtre-Français  ; 

I  Marie  ou  la  Demoiselle  de  compagnie . 
jouée  à  rOdéon  :  |  le  Corsaire  comme  il 
n'y  en  a  points  au  théâtre  de  la  rue  de 
Bondy ,  et  un  grand  nombre  de  l^aude- 
villes,  seul  ou  en  société  avec  Barré, 
Chazet ,  Deschamps,  Désaugiers  et  autres. 

II  est  encore  auteur  [d'une  Rhétorique  épis- 
tolaire^  ou  Principaux  élémens  de  l'art 
oratoire^  appliqués  au  genre  épistolaire  j 
suivis  d'un  traité  sur  la  manière  de  lire 
et  de  réciter  à  haute  voix,  1804,  in-i2; 
î  do  John  Bidl  ou  Voyage  à  Vile  des  Chi- 
mères, 1818,  3  vol.  in-12,  et  de  Poésies 
et  Chansons  erotiques,  etc.,  Paris,  1819, 
in-18. 

LEGET  (Antoine) ,  né  dans  le  diocèse 
de  Fréjus,  fut  supérieur  du  séminaire 
d'Aix  sous  le  cardinal  de  Grimaldi.  On  a 
de  lui  :  ]  une  Retraite  de  dix  jours, 
in-12  ;  |  la  Conduite  des  confesseurs  dans 
le  tribunal  de  la  pénitence,  in-12;  |  Véri- 
tables Maximes  des  saints  sur  l'amour  de 
Dieu.  Il  mourut  en  1728,  à  soixante-on/.e 


7i  LEG 

ans ,  directeur  de  la  maison  de  Sainte- 
Pélagie. 

•  LEGIER  (Piehre)  ,  littérateur  franc- 
couitois ,  né  en  1734  ,  à  Jussey,  fit  de 
bonnes  études ,  et ,  ayant  embrassé  la  car- 
rière des  armes,  alla  combattre  en  Bo- 
hème. La  faiblesse  de  sa  santé  l'obligea 
de  renoncer  au  service  ,  et  il  vint  étudier 
le  droit  à  Paris ,  où  il  dut  à  quelques  vers 
agré^ables  l'entrée  des  cercles  les  plus 
brillans.  Il  s'essaya  aussi ,  mais  avec  peu 
de  succès ,  dans  le  genre  dramatique  ,  re- 
vint dans  sa  famille  et  obtint  la  charge  de 
maire  et  de  lieutenant-général  de  police. 
Légier  est  mort  d'une  maladie  de  poitrine, 
à  Jussey,  le  7  janvier  1791 ,  laissant  les 
productions  suivantes  :  |  Le  Rendez-vous, 
opéra  en  un  acte  et  en  vers ,  représenté 
en  1763;  |  Les  Protégés,  comédie,  en  3 
actes  et  en  vers,  Paris,  1769,  in-12;  où 
l'on  trouve  une  versification  facile,  mais 
peu  d'originalité  et  d'intérêt  ;  |  ^muse- 
mens poétiques .  Londres  (Orléans) ,  1769, 
in-12  ;  c'est  un  recueil  de  contes ,  épî- 
tres,  etc.  On  y  trouve  le  jargon  mis  à  la 
mode  par  Dorât  ;  mais  Légier  n'en  a  pas 
du  moins  outré  les  défauts;  |  L'influence 
du  luxe  sur  les  mœurs  et  les  arts,  dis- 
cours en  vers ,  prononcé  le  jour  de  sa  ré' 
ception  à  l'académie  de  Besançon,  1780, 
in-8°  ;  |  L'orateur,  poème ,  à  l'abbé  de 
Talbert ,  1784  ,  in-S",  où  l'on  rencontre  de 
bons  passages  ;  |  Susky,  conte  moral  ;  ce 
morceau ,  le  seul  en  prose  qu'on  ait  do 
Légier,  a  été  imprimé  dans  les  affiches 
de  Franche-Comté,  année  1783;  |  Le 
Berger,  fable,  présentée  à  M.  l'évèque 
de  Chàlons  (Mgr.  de  Clermonl-Tonnerre), 
Besançon,  1782,  in -8°;  |  Epilre  à  un 
amateur  des  beaux  arts ,  Besançon ,  1782 , 
in-8".  M.  Weiss,  bibliothécaire  de  Besan- 
çon, a  consacré  une  Notice  à  Légier  dans 
les  Mémoi7-es  de  la  société  d'agriculture 
du  département  de  la  Haute-Saône. 

LEGIONENSIS.  Voy.  LÉON  Aloysius. 

•LEGIPOAT  (dom  Olivieu  ) ,  bénédic- 
tin de  la  congrégation  de  Bursfeld  ,  naquit 
à  Soiron,  village  dans  le  duché  de  Lim- 
bourg,  diocèse  de  Liège,  le  i"  décembre 
1698.  Ses  études  furent  des  plus  brillantes  ; 
et ,  le  1"  mars  1720 ,  il  entra  dans  l'ab- 
baye de  Sain:~Martin  de  Cologne,  prit  le 
grade  de  licencié  dans  l'université  de  celte 
ville,  et  professa  la  philosophie  dans  son 
monastère,  dont  il  devint  prieur.  Ayant 
étudié  le  droit ,  il  l'enseigna  à  ses  co-re- 
iigleux  par  une  méthode  nouvelle  et  fa- 
cile. Doué  d'une  pénétration  rare,  d'une 
mémoire  prodigieuse,  et  infatigable  dans 


LEG  5 

et  travail ,  dom  Olivier  parcourut  presque 
toutes  les  branches  des  sciences  et  de  la 
lilléralure,  même  des  arts  :  il  était  phi- 
losophe, historien,  canoniste,  juriscon- 
sulte, théologien,  helléniste,  latiniste, 
bihliogiajjhe ,  philologue,  numismate, 
orateur,  poète,  peintre,  musicien ,  et  con- 
naissait plusieurs  langues  modernes.  Il  se 
lia  d'amitié  avec  dom  Bernard  Pèse ,  cé- 
lèbre religieux  de  l'abbaye  de  Molk,  qui 
lui  inspira  son  goût  pour  les  recherches 
savantes.  II  visita  les  bibliothèques  et  les 
chartriers  de  l'Allemagne,  où  il  puisa  la 
connaissance  de  monumens  littéraires  et 
historiques  jusqu'alors  inconnus ,  et  mit 
en  œuvre  plusieurs  archives  et  biblio- 
thèques, dont  il  dressa  les  catalogues.  Ce 
savant  religieux  mourut  à  l'abbaye  de 
Saint  -  Maximien  de  Trêves,  le  16  juin 
4758,  âgé  de  60  ans.  Dom  Juan-François, 
de  la  congrégation  de  Saint-Maur  ,  donne, 
dans  sa  Bibliothèque  générale  des  écri- 
vains de  l'ordre  de  Saint-Benoît ,  la  liste 
des  ouvrages  de  dom  Olivier,  dont  dix- 
neuf  ont  été  publiés  et  cinquante-un  sont 
restés  inédits.  Nous  citerons  les  plus  con- 
nus :  I  Dissertationes  philologico-bibho- 
graphicœ  de  ordinanda  et  omanda  bi- 
blioiheca  ,  Nuremberg ,  1726  ,  in  -  4°  ; 
I  Uibliographiœ  benedictince  corïspectus , 
Mayence  ,  1738  ;  |  Monaslicum  moguntior 
num,  sive  succincta  motiasteriorum  in 
ejiiscopalu  nxoguntino  notitia .  Prague, 
17/i6,  in-/t**;  |  Nolum  anonesmi  submis- 
saque  mediorum  insinuatio  pro  semi- 
nario  benedictino^  una  cum  academia 
nobilium  Ileidelbergœ  eligendo,  Colonfœ 
in  semilanio,  1748,  in-8°  ;  |  Sacrœ  metro- 
poleos  coloniensis  anttquitas  et  prœroga- 
tivœ  adversus  illius  gloriœ  œmulos  as- 
sena ,  Cologne ,  1748  ;  |  Introductio  ad 
studiam  numismatum  roinanorum  pro 
illustri  jw^entute  ,  Wurtzbourg  ,  1737, 
in-8";  |  Methodus  studiorum^  Ratisbonne, 
4752  ;  I  Systeyna  engendœ  societatis  litte- 
rariœ, elc. ,  Vienne  et  Wurlzbourg  ,  1754, 
Kcmplon  ,  1758,  irj-S";  |  flistoria  rei  litte- 
rarice  ordinis  sancti  Bénédictin  in  qua- 
P.ior  partes  distributa  ^  aie. ,  Vienne  et 
\Vurl7.bourg,  1754  (  K.  ZIEGELBAUER)  ; 
J  une  nouvelle  Bibliographia  benedic- 
iina,  etc.,  12  vol.  in-fol. 

LEGOBIE.X;.  royczGOBIEN. 

•  LEGOUVÉ  (Gabriel  -M AuiE  -  Jean- 
Baptiste),  littérateur  et  membre  de 
l'institut ,  naquit  le  i'3  juin  i7()4,  à  Paris; 
il  était  lils  d'un  avocat  distingué,  et  re- 
çut les  premières  leçons  de  poésie  de  son 
père ,  qui  cultivait  en  secret  les  muses,  et 


72  LEG 

aucfiicl  on  doit  une  tragédie  intitulée  Ai- 
tilie  qui  n'a  pas  été  rt^prcsentée ,  mais 
qui  fut  imprimée  deux  fois.  Se%  premiers 
essais ,  laborieusement  produits  ,  étaient 
d'une  désespérante  médiocrité.  Mais  il 
produisit  ensuite  successivement  de  meil- 
leures compositions,  qui  lui  ouvrirent  les 
portes  de  l'institut  en  1798;  lorsque  De- 
lille  ne  put  plus  continuer  son  cours  de 
poésie  latine  au  collège  de  France,  Le- 
gouvé  fut  chargé  de  suppléer  cet  illustre 
écrivain.  Dans  ses  dernières  années,  la 
mort  d'une  épouse  qu'il  chérissait  tendre- 
ment, et  des  circonstances  non  moin» 
affligeantes  qui  en  furent  la  suite,  al- 
térèrent ses  facultés  mentales  et  détrui-  ■ 
sirent  en  peu  de  temps  sa  santé.  A  ces 
causes  de  dépérissement  se  joignirent  les 
suites  d'une  chute  qu'il  lit  dans  la  maison 
de  campagne  de  mademoiselle  Contât ,  et 
il  y  succomba  dans  une  maison  de  santé  à 
Montmartre,  le  50  août  1812.  Legouvé  avait 
lame  naturellement  aimante  et  sensible: 
elle  le  portait  à  peindre  les  affections 
douces  et  mélancoliques  :  il  débuta  dans 
la  carrière  littéraire  par  une  Iléroide  de 
la  mère  des  Brut  us  à  B?-utus  son  mari, 
revenant  du  supplice  de  ses  fils  ;  ce  tte  pièce, 
où  se  trouvent  quelques  beaux  vers  qui 
rachètent  ce  que  le  fonds  a  de  défectueux  , 
a  été  insérée  avec  deux  autres  du  même 
genre  par  M.  Laya ,  dans  les  Essais  de 
deux  amis  {voyez  LAYA),  Paris ,  1786, 
in-8".  On  lui  doit  plusieurs  poèmes  :  la 
Sépulture  ^  les  Souvenirs ^  la  Mélancolie  ,  le 
Mérite  des  femmes.  Ces  poèmes  sont  peu 
remarquables  sous  le  rapport  de  l'inven- 
tion, mais  ils  offrent  un  grand  mérite  de 
style  :  une  versification  pleine  de  char- 
mes y  rajeunit  sans  cesse  des  idées  peu 
nouvelles ,  et  le  coloris  le  plus  agréable 
vient  rafraîchir  des  tableaux  déjà  connus. 
Son  poème  sur  la  Mélancolie  est  plein  de 
charme  et  de  sentiment  :  les  mêmes  qua- 
lités se  font  remarquer  dans  ses  pièces  de 
vers  qui  ont  pour  objet  les  souvenirs  et 
les  sépultures.  Mais  celui  de  ses  ouvrages 
qui  a  obtenu  le  plus  de  célébrité  est  son 
poème  intitulé  :  Le  Mérite  des  femmes^ 
qui  parut  pour  la  première  fois  en  1801 , 
in-12.  Il  s'y  est  particulièrement  attaché 
à  rendre  hommage  au  généreux  dévoue- 
ment et  à  l'héroïque  résignation  que  mon- 
trèrent tant  d'épouses,  de  mères,  de 
sœurs  et  d'amantes,  pendant  le  règne  af- 
freux de  la  terreur.  Nous  ajouterons  à 
cette  nomenclature  *ine  Nouvelle  en 
prose  intitulée  :  Elisabeth  et  Blanche, 
ainsi  que  (lUi^lc^Vits  pièces  fugitives^  parmi 


LEG 


57! 


LEG 


lesquelles  on  reiuarquc  un  pelil  nombre 
d'ôpigramines ,  que  d'injustes  attaques 
arrachèrent  à  sa  douceur  naturelle.  Le- 
gouvé  a  aussi  composé  des  pièces  de 
théâtre.  La  Mort  d'Abel  (1792),  dont  il 
puisa  le  sujet  dans  l'Ecriture  ,  et  les  traits 
principaux  dans  le  poème  de  Gessner, 
révéla  un  talent  supérieur  :  on  y  remar- 
qua la  peinture  touchante  et  fidèle  du 
berceau  du  monde  ;  le  caractère  de  Caïn 
est  tracé  avec  énergie  ,  et  plusieurs  scènes 
sont  du  plus  puissant  intérêt.  Celte  pièce 
obtint  un  grand  succès,  mais  non  le  suf- 
frage de  Laharpe ,  qui  la  censura 'vive- 
ment dans  le  Mercure  de  France.  Epi- 
charis  et  Néron,  son  second  ouvrage , 
représenté  en  1794  ,  obtint  aussi  un  bril- 
lant succès ,  dû  sans  doute  en  partie  aux 
circonstances  politiques,  qui  ne  pou- 
vaient manquer  de  concourir  à  la  réussite 
d'un  ouvrage  dont  l'objet  était  de  retracer 
le  triomphe  de  la  liberté  sur  la  tyrannie  ; 
mais  le  mérite  intrinsèque  de  cette  pièce 
suffisait  pour  la  faire  accueillir  favora- 
blement. Le  personnage  d'Epicharis  est 
dessiné  avec  autant  de  vigueur  que  d'ori- 
ginalité; l'intrigue  est  habilement  con- 
duite ,  et  le  cin«{uicme  acte .  que  remplit 
presque  seul  Néron ,  caché  dans  le  sou- 
terrain où  il  se  dérobe  à  la  vengeance  des 
Romains,  offre  la  peinture  aussi  vraie 
que  terrible  des  fureurs  impuissantes  et 
des  lâches  terreurs  du  tyran  abattu.  Le 
style  de  cette  pièce  est  vraiment  celui  de 
la  tragt  die ,  et  il  s'y  rencontre  quelques 
traits  qui  paraissent  inspirés  par  le  génie 
de  Tacite.  La  Mort  de  Henri  IV,  dernier 
ouvrage  de  Legouvé,  et  dont  la  lecluye  fut 
faite  par  Talma  à  Napoléon ,  dans  une 
réimion  à  laquelle  assistait  l'impératrice 
Joséphine ,  malgré  les  critiques  dont  elle 
fut  l'objet ,  ne  nuisit  point  à  sa  réputation. 
On  pourrait  encore  citer  son  Etéocle  et 
Poîynice,  dans  lequel  il  s'efforça  d'imi- 
ter l'énergique  simplicité  des  tragiques 
grecs  ;  et  Quintus  Fabius  ^  où  il  essaya  de 
peindre  la  sévérité  du  caractère  romain. 
Aucune  de  ses  pièces  n'est  restée  au 
théâtre.  Choisi  pour  reprendre  le  cours 
de  poésie  latine  au  collège  de  France, 
qu'avait  interrompu  Delille  par  son  émi- 
gration, il  composa  son  Cours  de  poésie  la- 
tine. On  lui  doit  en  outre  divers  morceaux 
de  prose  et  de  vers,  insérés  dans  les  Veil- 
lées des  muses.  Il  a  travaillé  avec  dix  ou 
dou7.e  autres  auteurs  à  deux  pièces  d'un 
mauvais  genre  intitulées ,  M.  de  Jiièvre 
ou  YJbus  de  l'esprit,  en  un  acte ,  1799, 
in-S",  et  Christophe  Marin  ou  Que  je  suis 


fâché  d'être  riche,  1801 ,  in-8**.  Il  a  aussi 
fait  un  nouveau  troisième  acte  à  l'opéra 
de  Montano  et  Stéphanie  de  Dejaure. 
MM.  Bouilly  et  Charles  Malo  ont  publié 
les  OEuvres  complètes  de  Legouvé,  Paris, 
1826-1827,  3  vol.  in-8»  :  le  dernier  volume 
contient  ses  OEuvres  posthumes  :  M. 
Bouilly  a  placé  en  tête  de  cette  édition 
une  Notice  sur  Legouvé^  dont  \ éloge  a 
été  prononcé  à  l'institut  par  M.  Regnaud 
de  Saint-Jean  d'Angely. 

LECRAND,  LEGRAS,  et  autres.  Voyez 
la  lettre  G. 

*  LEGRAVEREND  (  Jean  -Marie-Eh- 
manuel)  ,  savant  jurisconsulte ,  né  à  Ren- 
nes, dans  le  mois  de  mai  1776,  fil  d'excel- 
lentes études  dans  cette  ville  et  fut  nommé 
en  1792 ,  à  l'âge  de  16  ans,  secrétaire  en 
chef  de  l'administration  du  département 
d'Ile-et-Vilaine.  Trois  ans  après  il  quitta 
cet  emploi,  et  alla  occuper  à  Paris  celui 
de  chef  de  bureau  dans  le  ministère  de  la 
justice.  En  1813,  il  y  <ievirit  chef  de  divi- 
sion des  affaires  criminelles.  Louis  X"VIII 
le  nomma  l'année  suivante ,  membre  de  la 
légion -d'honneur,  et  directeur  des  af- 
faires criminelles  et  des  grâces  à  la  chan- 
cellerie de  France.  Pendant  les  cent-jours, 
le  département  de  l'Ile-et  "Vilaine  l'élut 
à  la  chambre  des  représentans ,  et  en 
1817  le  même  département  le  nomma 
membre  de  la  chambre  des  députés. 
Sans  cesser  de  demeurer  attaché  au  mi- 
nistère de  la  justice,  il  se  fit  inscrire  en 
1819,  sur  la  liste  des  avocats  aux  conseils 
du  roi  et  à  la  cour  de  cassation.  Nommé 
en  1819  maître  des  requêtes  ,  en  service 
extraordinaire,  il  passa  ensuite  conseiller 
à  la  cour  royale  de  Rennes ,  et  se  con- 
sacra dès  lors  entièrement  au  travail 
du  cabinet.  Legraverend  est  mort  le  24 
décembre  1827.  Il  siégea  à  la  chambre 
sur  les  bancs  de  la  minorité  dite  consti- 
tutionnelle. Il  ne  fut  point  réélu  depuis 
1822.  Ses  ouvrages  de  droit  criminel  lui 
ont  fait  une  réputation  européenne;  ce 
sont  :  I  Traité  de  la  procédure  criminelle 
devant  les  tribunaux  militaires  et  mari" 
timcs  de  toute  espèce  ,  1809,  2  vol.  in-8"*; 

1  Traité  de  la  législation  criminelle  en 
France,i8l6,  2  vol. in-8";  2"  édition,  1823, 

2  vol.  in-8°;  |  Observations  sur  le  jury  ^ 
1819,  in-8°;  2*  édit.  1827  ,- revue  et  aug- 
mentée ,  etc.  I  des  Lacunes  et  des  besoins 
de  la  législation  française  en  matière po- 
litique  et  en  matière  criminelle  ou  du  dé' 
faut  de  sanction  dans  les  lois  d'oi'dre 
puhlic,  Paris,  1824,  2  vol.  in-8";  |  Uti  mot 
sur  le  projet  de  loi  relatif  au  sacrilège, 

52 


LEG  3 

Paris,  182o  ,  in-8";  1  Lettre  à  M  le  comte 
de  Montlosier.  18'26  .'in-S". 

•  LEGRIS  -DUVAL  (  Réxé  -  Michei), 
ecclésiastique,  prédicateur  ordinaire  du 
roi,  né  le  16  août  1765,  à  Laudernau  en 
Bretagne,  lit  ses  études  au  collège  Louis- 
Ic-Grand.  Il  entra  au  séminaire  de  Saint- 
Sulpicc,  où  son  oncle  le  pèrg  Qoerbcuf, 
ancien  jésuite,  lui  avait  fait  oLl«nir  une 
bourse,  et  s'y  lll  remarquer  par  ses  ta- 
lens.  II  fut  ordonné  prêtre  le  20  niars 
1790.  La  révolution  venait  d'éclater  en 
France,  et,  quoiqu'elle  n'eût  point  dé- 
ployé ce  caractère  terrible  qu'elle  prit 
I)eu  de  temps  après ,  les  malheurs  qui  se 
préparaient  pour  l'Eglise  et  la  monarchie 
ne  tirent  qu'enflammer  le  zèle  de  l'abbé 
Lcgris-Duval ,  qui  n'avait  d'aulre  ambi- 
tion que  celle  de  travailler  au  salut  des 
âmes,  et  d'autre  désir  que  celui  de  ré- 
pandre sou  sang  pour  la  foi.  Il  respirait 
encore  toute  la  ferveur  de  son  ordination, 
lorsque  les  mesures  sévères  dirigées 
contre  les  ecclésiastiques  insermentés 
vinrent  à  être  mises  en  vigueur.  Vivement 
affecté  du  sort  des  fidèles  que  lafulted'un 
grand  nombre  de  pasteurs  laissait  sans 
ressources,  l'abbé  Legrls-Duval  ne  quitta 
point  la  France  ,  et ,  secondé  par  un  de 
ses  amis  ,  il  se  relira  à  Versailles ,  où  il 
exerça  avec  zèle  les  fondions  du  saint 
ministère.  Lorsqu'il  apprit  que  Louis 
XVI  avait  été  condamné  ,  l'abbé  Legris- 
Duval ,  bravant  tous  les  dangers,  partit 
de  celle  ville  le  20  janvier  au  soir,  se 
rendit  à  la  commune  de  Paris,  et  s'a- 
dressant  aux  membres  qui  la  compo- 
saient :  Je  suis  prêtre  .  dit-il ,  j'ai  appris 
que  Louis  Xf^^J  venait  d'être  condamné 
à  mort  ;  je  viens  lui  offrir  les  secours  de 
mon  ministère.  Tant  de  courage  et  de 
{générosité  étonna  les  membres  de  la 
commune  :  cependant  Us  allaient  lui  faire 
])ayer  cher  celle  généreuse  démarche  ,  si 
l'un  d'entre  eux,  nommé  Matthieu  ,  qui 
avait  été  son  camarade  de  collège,  ne 
l'eût  pris  sous  sa  protection ,  et  n'eût 
répondu  de  lui.  Moins  Intimidé  do  l'air 
farouche  avec  leciuel  son  offre  avait 
été  reçue,  que  content  dappiendre  que 
le  roi  n'avait  pas  besoin  de  ses  secours,  il 
retourna  à  Versailles,  où  il  continua, 
pendant  lu  terreur  ,  à  exercer  dans  la 
ville  et  les  environs ,  les  périlleuses  fonc- 
tions auxquelles  il  s'était  dévoué.  Lors- 
que l'orage  révoluUonnalre  commença  à 
s'apaiser,  l'abbé  Lcgrls-Duval  fut  un  des 
premiers  à  faire  entendre  sa  voix  apo- 
stolique, r.a  iJ'JG,  M.  le  duc  tle  Doudenu- 


74  LEG 

ville  lui  confia  l'éducalion  de  son  fils  So- 
Ihènes  de  la  Rochefoucauld.  L'abbé  Le- 
gris-Duval  ne  cessa  pas  néanmoins  d'ac- 
comj)lir  dans  toute  leur  intégrité  les  fou- 
lions du  sacerdoce.  etil.se  montrait  surtout 
infatigable  dans  ses  exercices  de  charité. 
Pendant  la  révolution  il  avait  fait  des  col- 
lectes ponr  les  émigrés.  En  1810,  lorsqu'un 
grand  nombre  de  cardinaux  furent  pro- 
scrits en  France,  ces  prelals  exilés  durent 
j\  son  zèle  et  à  ses  soins  des  secours  très 
abondans.  L'abbé  Legrls-Dnval  s'était 
livré  aussi  à  la  prédication  ,  et  sa  parole 
produisit  le  plus  grand  bien.  La  cour  vou- 
lut connaître  celte  éloquence  qui  opérai» 
partout  tant  de  merveilles.  L'abbé  Legris- 
Duval  y  prêcha  plusieurs  fois ,  et  y  rem- 
porta des  suffrages  auxquels  sa  modestie 
était  loin  de  prétendre.  Le  roi  voulut  ré- 
compenser ses  travaux  en  1817 ,  en  lui  of- 
frant un  évèché;  mais  11  refusa  cette  di- 
gnité ,  ainsi  que  la  charge  d'aumonier 
ordinaire  de  Monsieur  et  de  grand-vicaire 
de  Paris,  Il  accepta  seulement  une  modi- 
que pension  de  l,oOO  fr.,  dont  il  ne  jouit 
que  très  peu  de  temps.  Il  fui  promoteur 
d'une  association  en  faveur  des  pauvres 
Savoyards,  d'une  autre  pour  la  visite  des 
malades  dans  les  hôpitaux,  el  d'une  troi- 
sième pour  l'Instruction  des  jeunes  pri- 
sonniers. Il  ne  se  faisait  point  dans  Paris 
une  bonne  œuvre  dont  11  ne  fût  ou  l'insti- 
gateur ou  le  protecteur;  et,  quoiqu'il  fût 
lui-même  sans  ressource  ,  n'ayant  jamais 
eu  que  le  simple  nécessaire,  il  animait, 
pour  ainsi  dire,  tout  lé  bien  qui  se  faisait 
dans  cette  immense  capitale.  Il  succomba 
aux  travaux  multipliés  de  son  zèle  et  de 
sa  charité  le  18  janvier  1819,  pleuré  des 
pauvres  dont  il  était  le  père,  des  grands 
dont  II  était  l'orateur,  el  du  clergé  dont  li 
était  la  gloire  et  l'ornement.  Ses  dépouil- 
les mortelles  furent  portées  à  l'église  des 
Carmes,  au-dessous  de  cette  chaire  où  il 
avait  peu  de  temps  auparavant  fait  en- 
tendre sa  voix,  pour  célébrer  la  glorieuse 
mort  des  prêtres  et  des  évéques  massa- 
crés en  1792.  Ses  Sermons  ont  été  publiés 
après  sa  mort,  en  2  vol.  in-12.  Le  premier 
vol.  ,  précédé  d'une  notice  Intéressanle 
sur  sa  vie  ,  par  M.  le  cardinal  de  Bausset, 
contient  son  Jvent^  qu'il  prêcha  devani 
le  roi  en  1816.  Cette  station  est  la  seule 
qu'il  ait  remplie,  le  mauvais  état  de  sa 
santé  ne  lui  permettant  pas  de  prêcher 
des  carêmes.  Les  sermons,  au  nombre  de 
six,  sont  remarquables  par  l'élégance  et 
la  pureté  du  slyle,  par  la  justesse  des 
pensées ,  par  la  sagesse  des  conseils,  et 


LEG 


575 


LEH 


par  ce  ton  d'oncfion  cl  de  piété  qui  n'a- 
bandonnait jamais  l'orateur.  Le  second 
volume  ne  renferme  que  des  sermons  dé- 
tachés, qui  avaient  été  faits  pour  diffé- 
rentes cérémonies,  pour  des  assemblées 
de  charité,  pour  des  réunions  pieuses. 
On  y  remarque  le  discours  qu'il  prêcha 
en  présence  du  roi  le  ik  mai  181/i,  lors 
du  premier  service  solennel  célébré  pour 
Louis  XVI;  le  discours  qu'il  prononça  la 
même  année  dans  l'é^flise  des  Carmes,  sur 
le  triomphe  des  martyrs  dans  la  dernière 
persécution  ;  et  un  sermon  sur  la  Cène^ 
qui  fit  une  vive  impression  par  les  no- 
bles sentimens  dont  il  est  rempli.  C'est  le 
dernier  discours  qu'il  prêcha  devant  le 
roi.  Les  autres  sermons  de  ce  volume  ne 
sont  pas  tous  également  travaillés  :  il  y 
en  a  que  l'auteur  n'a  prêches  qu'une  seule 
fois  et  qu'il  n'a  pas  retouchés.  On  doit 
avoir  de  l'indulgence  pour  les  taches  lé- 
gères qu'on  pourrait  y  apercevoir,  el 
qu'une  composition  moins  rapide  aurait 
fait  aisément  disparaître.  Son  éloquence 
était  entraînante  et  persuasive.  Il  avait 
une  facilité  prodigieuse  à  parler  sur  toutes 
sortes  de  sujets  sans  préparation.  Mais  il 
excellait  particulièrement  dans  ceux  où  il 
fallait  attendrir  les  spectateurs  sur  le  sort 
des  malheureux.  D'immenses  aumônes 
étaient  chaque  année  le  prix  de  ses  infa- 
tigables travaux.  Dans  un  salon  où  l'on 
devait  faire  une  faible  quête ,  deux  dis- 
cours non  préparés  produisirent  plus  de 
40,000  fr. ,  tant  était  séduisant  et  irrésis- 
tible le  charme  de  ses  paroles.  On  a  en- 
core de  lui  le  Mentor  chrétien ,  ou  Calé- 
chisme  de  Fénélon  j,  ^yCW.  composa  pour 
l'éducation  du  jeune  de  La  Rochefou- 
cauld. Cet  ouvrage  devait  avoir  3  vol.  Il 
n'a  publié  que  le  preinier.  où  il  se  borne 
à  exposer  les  principes  de  la  religion  na- 
turelle ;  le  second  devait  offrir  les  preuves 
de  la  religion  révélée,  et  le  troisième,  les 
caractères  de  la  religion  catholique.  Il 
existe  encore  de  ce  pieux  ecclésiastique, 
\AM%\\;\x\'^pièccsmanuscriles,  entre  autres 
un  Traité  sur  l'immortalité  de  l'àrne , 
dont  les  amis  de  la  religion  désirent  vi- 
vement la  publication. 

*  LEGROS  (  Joseph  ;,  l'une  des  plus 
belles  hautes-contre  qu'on  ait  entendues 
à  l'opéra,  né  le  7  septembre  1739  ,  à  JMo- 
uampteuil,  village  du  diocèse  de  Laon  , 
fut  d'abord  enfant  de  chœur  à  la  cathé- 
drale de  celle  ville.  La  beauté  de  sa  voix 
le  lit  appeler  à  l'académie  royale  de  mu- 
sique, où  il  débuta  le  i"  mars  1764,  avec 
le  plus  brillant  succès    II  donna,  en  1775, 


l'acte  d'ff/las  et  Sylvie  .  dont  il  refit  la 
musique  en  société  avec  Desormcry  père. 
Son  embonpoint  excessif  l'obligea  de. 
quitter  le  théâtre  en  1783,  avec  sa  pen- 
sion de  retraite.  Depuis  1777,  il  s'était 
chargé  de  l'entreprise  du  Concert  spiri- 
tuel, qu'il  continua  de  diriger  jusqu'à  la 
suppression  de  cet  établissement  en  1791. 
II  mourut  à  la  Rochelle,  le  20  novembre 
1793.  , 
LEGROS.  rayez  GROS. 

*  LEGUAT  (  François),  né  dans  la 
Bresse,  vers  Tan  i638,  l'ut  contraint  de  se 
réfugier  en  Hollande  en  1689,  par  suite 
de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes.  Les 
états-généraux  de  ce  piys  ayant  formé  sur 
la  proposition  de  Henri  Duquesne,  fils  du 
célèbre  marin  de  ce  nom  ,  le  projet  d'en- 
voyer une  colonie  de  protestans  français 
à  l'île  de  IMascarin  ou  Mascarègne,  aujour- 
d'hui l'ile  Bourbon  ,  Léguât  en  fit  partie. 
Le  M  mai  1691,  il  fut  abandonne  par  le 
capitaine  avec  huit  de  ses  compagnons 
dans  l'îlo  Rodrigue.  Après  deux  ans  de 
séjour  dans  cette  île  sauvage,  ils  parvin- 
rent à  se  sauver  à  l'île  de  France  où  de 
nouveaux  malheurs  les  attendaient  :  le 
gouverneur  leur  lit  subir  mille  mauvais 
traitemens,  auxquels  plusieurs  succom- 
bèrent ;  Léguât  et  deux  de  ses  compagnons 
seulement  y  survécurent.  De  retour  en 
Europe ,  Léguât  se  fixa  à  Londres,  où  il 
mourut  en  1733 ,  après  avoir  publié  : 
Voyages  et  aventures  de  François  Léguât 
et  de  ses  compagnons  en  deux  (les  déser- 
tes des  Indes  orientales,  avec  la  relation 
des  choses  les  plus  remarquables  qu'ils 
ont  observées  dans  Vile  Maurice^  à  Bata- 
via ,  au  cap  de  Bonne-Espérance,  dans 
l'ile  Sainte-Hélène  et  en  d'autres  endroits 
de  leur  j-oute ,  Londres,  1708,  2  vol.  in- 
12  ,  avec  cartes  et  figures,  1720,  2  vol.  in- 
12  ;  et  Amsterdam  ,  1708.  Ce  livre  .  écrit 
avec  simplicité,  ne  manque  pas  d'intérêt, 
et  plusieurs  fois  il  a  été  cité  comme  au- 
torité. On  ne  sait  ce  qui  a  pu  déterminer 
Brn/.endela  Martinière  à  le  traiter  de  fa- 
buleux. On  l'a  réimprimé  plusieurs  fois 
en  hollandais,  en  allemand  el  en  anglais. 
Un  bibliographe  français  cite  celle  der- 
nière traduction  qui  parut  à  Londres  1708, 
2  vol,  in-8°,  comme  l'ouvrage  original. 

•  LEHOC  (  Louis-GRÈGOinE  ) ,  diplo- 
mate et  littérateur  français,  naquitàParis, 
en  1743,  d'un  médecin  distingué,  qui  fit  pa- 
raître plusieurs  écrits  contre  l'inoculation. 
Il  fut  nommé  en  1778  par  Louis  XVI  com- 
missaire-général de  la  marine  pour  l'é- 
change des  prisonniers  faits  dans  la  guerre 


LEH 


576 


LEI 


d'Amérique  ,  cl  le  cartel  d'échange  qu'il 
rédiiïea  fut  regardé  comme  un  modèle 
en  son  genre.  11  suivit  le  comte  de  Clioi- 
seuI-Gouffier  dans  son  ambassade  à  Con- 
stantinople  avec  le  titre  de  premier  se- 
crétaire de  légalion,  et  alla  visiter  les 
ruines  d'Athènes  avec  Delille  (  Voxjez 
CHOISEUL-GOUFFIER  et  DELILLE  ). 
Rappelé  en  1787  par  M.  de  Calonne,pour 
concourir  aux  travaux  préparatoires  de 
l'assemblée  des  notables,  il  fut  ensuite 
intendant  des  finances  du  duc  d'Orléans, 
pendant  les  années  1788  et  1789.  Elu  pré- 
sident de  sa  section,  et  chef  d'un  des  ba- 
taillons de  la  garde  nationale  ,  il  reçut  de 
l'assemblée  Constituante,  après  le  voyage 
de  Varennes,la  mission  de  garder  le  jeune 
dauphin  :  il  s'acquitta  de  ce  pénible  de- 
voir avec  délicatesse,  et  par  l'étendue  de 
ses  connaissances ,  par  l'aménité  de  son 
esprit,  il  parvint  à  donner  quelque  con- 
solation à  la  famille  royale.  Louis  XVI, 
rendu  un  moment  à  la  liberté ,  le  nomma 
en  1791  son  ministre  à  Hambourg.  Dis- 
gracié peu  do  temps  après  par  la  Conven- 
tion, il  fut  incarcéré  pour  avoir  donné 
des  conseils  au  roi,  dans  un  mémoire  qui 
fut  trouvé  dans  la  fameuse  armoire  de 
fer  :  mais  oublié  dans  sa  prison ,  où  il 
resta  9  mois,  il  recouvra  la  liberté  après 
le  9  thermidor.  En  1795,  le  Directoire  le 
nomma  ambassadeur  extraordinaire  en 
Suède,  et  il  occupa  ce  poste  jusqu'après 
la  révolution  du  18  brumaire.  Depuis 
cette  époque  il  vécut  paisiblement  dans 
une  terre  qu'il  possédait  à  quelques  lieues 
de  Paris  ,  devint  membre  du  conseil-gé- 
néral du  département  de  l'Oise,  puis 
président  du  même  conseil.  Il  se  livrait 
aussi  à  la  culture  dos  lettres  ,  et  il  fit  re- 
présenter eu  1807  uno  tragédie  intitu- 
lée Pyrrhus ,  qui  fut  jouée  avec  succès 
au  Théâtre-Français,  et  qui  obtint  une 
mention  du  jury  des  prix  décennaux  ; 
mais  elle  fut  défendue  peu  de  temps  après 
par  la  police  impériale ,  (jui  redoutait  les 
allusions  et  les  applications  qui  naissaient 
du  fonds  du  sujet,  puisqu'il" s'agit  d'un 
prince  légitime  qui  vient  réclamer  sa 
couronne.  Lehoc  est  mort  à  Paris,  d'une 
maladie  de  poitrine  .  le  la  octobre  1810. 
Dès  sa  jeunesse  il  s'était  occupé  de  litté- 
rature :  il  avait,  à  différentes  époques 
de  sa  vie,  traduit  des  contes  de  l'anglais, 
et  un  grand  nombre  de  sonnets  de  Pétrar- 
que; il  avait  aussi  composé  deux .  opéras 
et  fait  l'éloge  du  chancelier  de  l'Hôpital. 
•  LEHODEY  de  SAULT-CHEVREUIL, 
(Exu:nne),  homme  de  lettres,   né  en 


1754  à  Saull-Chcvreuil  en  basse  Norman- 
die, assistait  régulièrement  aux  séances 
des  états-généraux  à  Versailles  ;  le  désir 
d'en  faire  connaître  les  résultats  au  public 
lui  inspira  l'idée  de  publier  une  feuille 
qu'il  intitula  Journal  des  élals-généraux, 
puis  Journal  de  V Assemblée  nationale; 
Rabaud  Saint-Etienne  en  fut  le  principal 
rédacteur.  L'Assemblée  nationale  s'étanl 
transpoilée  à  Paris ,  le  libraire  Panckou- 
cke  publia  le  Moniteur  universel .  qui  lit 
tomber  le  journal  de  Lehodey.  Celui-ci 
fît  alors  paraître  le  Logographe ,  loiinvàX 
que  Louis  XVI  favorisa  et  puur  lequel 
la  liste  civile  lui  fournit  des  sommes  con- 
sidérables. Les  discours  y  étaient  rappor- 
tés textuellement  et  avec  fidélité  :  pour 
les  obtenir,  Lehodey  avait  attaché  à  sou 
entreprise  un  grand  nombre  de  jeunes 
gens  qui  recueillaient  sur  des  feuilles 
éparses  et  numérotées  ,  au  moyen  d'une 
écriture  tachygraphique,  tout  ce  qui  était 
dit  dans  l'Assemblée.  Ce  journal  fut  sup- 
primé dans  le  mois  de  septembre  1792, 
sur  la  dénonciation  de  Thuriol ,  et  plu- 
sieurs fois  Lehodey  fut  dénoncé  lui-même 
et  obligé  de  paraître  à  la  barre  de  la  Con- 
vention. On  sait  qu'un  des  chef  daccusa- 
tion  qui  furent  articulés  plus  tard  contre 
Louis  XVI  était  d'avoir  fourni  des  fonds 
a.u  Logographe.  Lehodey  obtint  en  1799  la 
place  de  chef  du  bureau  chargé  de  sur- 
veiller les  journaux  et  l'esprit  public  à  la 
police  générale,  et  en  1800  il  passa  en  qua- 
Utéde  secrétaire-général  à  une  préfecture 
de  la  Belgique.  Il  occupa  peu  de  temps  ces 
fonctions.  De  retour  à  Paris ,  il  se  livra 
à  l'enseignement ,  et  professa  la  rhétori- 
que dans  l'institution  Labbé.  A  l'époque 
de  la  restauration,  il  devint  un  des  rédac- 
teurs de  la  Quotidienne  à  laquelle,  malgié 
ses  infirmités  ,  il  travaillait  encore  sur  la 
fin  de  sa  vie.  Il  est  mort  à  Paris  le  k  avril 
1830.  Il  a  publié  :  |  De  la  conduite  du 
Sénat  sous  Napoléon  Bonaparte^  ou 
les  causes  de  la  journée  du  51  mars  [8iU; 
I  Ilisloire  de  la  régence  de  l'impératrice 
Marie-Louise,  et  du  gouvernement  provi- 
soire^ 1814,  in -8°  ;  |  Pai'alléle  et  critique 
impartiale  des  traductions  des  Bucoliques 
en  vers  français,  de  MM.  Tissot  et  Henri 
de  Villodon,  Paris,  1820,  in-8". 

LEIBMTZ  (Gdillaumb-Godefroi,  Ba- 
RO!W  de  ),  philosophe  et  mathématicien,  né 
à  Leipsick  le 3  juillet  1646,  du  professeur 
Frédéric  Leibnilz.  Après  avoir  fait  ses  pre- 
mières études ,  il  s'enferma  dans  la  nom- 
breuse bibliothèque  que  son  père  lui  avait 
laissée,  et  s'abandonna  entièrement  aux 


LEI  S 

ScicMiccs.  Poètes,  orateurs,  hisloriens,  ju- 
riscousulles  ,  tliéologiens ,  philosoplies  , 
inalhématiciens,  furent  l'objet  de  ses  élu- 
des ;  il  ne  donna  l'exclusion  à  aucun  {jenrc 
de  lillératiire.  Dès  Vînç'^c  de  20  ans  ,  il  fut 
nommé  docteur  en  droit ,  et  l'université 
d'Altorf  lui  offrit  une  chaire  dans  cette 
faculté.  Il  préféra  se  rendre  à  Nuremberg, 
où  étaient  réunis  beaucoup  de  savans. 
Là,  il  s'attacha  au  baron  de  Boineboury, 
chancelier  de  l'électeur  de  Maycnce , 
le  prince  de  Neubour;; ,  et  fut ,  par  le 
crédit  de  son  protecteur,  nommé  conseil- 
ler de  la  chancellerie  en  1669.  Tout  en 
remplissant  les  fonctions  de  cette  place,  il 
se  livrait  avec  ardeur  à  l'étude  et  pu- 
bliait sur  le  droit ,  la  politique ,  la  théolo- 
gie et  la  physique,  des  ouvrages  qui  prou- 
vaient qu'il  était  également  propre  à  se 
distinguer  dans  ces  sciences  diverses. 
Trois  ans  après  (  1672  ),  il  accompagna  à 
Paris,  comme  gouverneur,  le  fils  de  M. 
de  Boinebourg,  et  trouva  ainsi  l'occasion 
d'entrer  en  relation  avec  les  savans  les 
plus  distingués  de  l'époque.  L'académie 
des  sciences  lui  proposa  de  l'admettre 
dans  son  sein,  .s'il  voulait  se  faire  catho- 
lique ,  ce  qu'il  refusa.  De  Paris  il  se  ren- 
dit à  Ix)ndres,  où  l'on  s'empressa  de  l'ad- 
Tneltre  dans  la  société  royale.  Les  prin- 
ces de  Brunswick,  instruits  de  ses  lalcns 
pour  l'histoire,  lui  conlièrenl  celle  de  leur 
maison.  Il  parcourut  l'Allemagne  pour 
ramasser  les  matériaux  de" cet  ouvrage,  et 
passa  de  là  en  Italie,  où  les  ducs  de  Tos- 
cane, de  Liijurie  et  d'Est,  sortis  de  la 
nu'me  souche  que  les  princes  de  Bruns- 
wick, avaient  leurs  principautés.  De  re- 
tour de  ce  voyage  en  1G90 ,  il  commença 
à  faire  part  au  public  de  la  récolte  abon- 
dante qu'il  avait  faite  dans  ses  savantes 
excursions.  Son  mérite ,  connu  bientôt 
dans  toute  l'Europe  ,lui  procura  des  pen- 
sions et  des  charges  honorables.  L'élec- 
teur Ernest- Auguste  le  fit ,  en  1696  ,  son 
conseiller  privé  de  justice;  il  l'était  déjà 
de  rélecteur  de  Mayence  et  du  duc  de 
Brunswick-Lunebourg.  En  1699,  il  fut 
mis  à  la  tête  des  associés  étrangers  de  l'a- 
cadémie des  sciences  de  Paris  ;  il  n'avait 
tenu  qu'à  lui  d'y  a  voir  place  beaucoup  plus 
tôt,  et  avec  le  titre  de  pensionnaire.  Dans 
un  voyage  qu'il  fit  en  France,  on  voulut 
l'y  fixer  fort  avantageusement ,  pourvu 
qu'il  quittât  le  luthéranisme;  mais,  tout 
tolérant  qu'il  était,  il  rejota  cette  condi- 
tion. Il  inspira  à  l'électeur  de  Brande- 
bourg le  dessein  d'établir  une  académie  des 
sciences  à  Berlin  ,  cl  en  fut  fait  président. 


77  LE! 

Un  champ  non  moins  vaste  et  non  moins 
glorieux  s'ouvrit  à  lui  en  1711.  Le  czar  le 
vit  à  Torgau ,  et  ce  législateur  de  barbares 
traita  Leibnitz  avec  la  considération  qu'un 
sage  couronné  a  pour  un  sage  qui  mérite- 
rait la  couronne.  Il  lui  fit  un  n)agnilique 
présent,  luidonnale  litre  de  son  conseiller 
privé  de  justice  ,  avec  une  pension  con- 
sidérable. L'empereur  d'Allemagne  ne  le 
traita  pas  moins  généreusement  que  ce- 
lui de  Russie  ;  il  lui  donna  le  titre  de 
conseiller  auliqueavec  une  forte  pension, 
et  lui  fit  des  offres  considérables  pour  le 
fixer  dans  sa  cour.  La  vie  de  Leibnilz  ne 
fut  marquée  que  par  des  évcnemens  flat- 
teurs, si  l'on  en  excepte  la  dispute  de  la 
découverte  du  Calcul  différentiel.  Celte 
querelle'couvait  sous  la  cendre  depuis 
1699;  elle  éclata  en  1711.  Les  admirateurs 
de  Newton  accusèrent  le  philosophe  alle- 
mand d'avoir  dérobé  à  celui-ci  l'invention 
de  ce  calcul.  La  chose  n'était  pas  aisée  à 
prouver  ;  Keill  l'en  accusa  pourtant  à  la 
face  de  l'Europe.  Leibnilz  commença  par 
réfuter  celle  imputation  avec  beaucoup 
d'impétuosité  dans  les  journaux  de  Leip- 
sick,  et  finit  par  se  plaindre  à  la  société 
royale  de  Londres,  en  la  demandant  pour 
juge.  L'examen  des  commissaires  nom- 
mes pour  discuter  les  pièces  de  ce  grand 
procès  ne  lui  fut  point  favorable.  La  so- 
ciété royale  donna  à  son  concitoyen  l'hon- 
neur de  la  découverte  ;  et  pour  justifier 
son  jugement,  elle  le  fit  imprimer  avec 
toutes  les  pièces  qui  pouvaient  servir  à 
appuyer  l'arrêt.  Les  autres  tribunaux  de 
l'Europe  savante  jugèrent  Leibnilz  avec 
moins  de  sévérité  ,  et  peut-être  avec  plus 
de  justice.  Bien  des  gens  pcnstrenl  que  le 
philosophe  anglais  et  le  philosophe  alle- 
mand pouvaient  avoir  saisi  chacun  la 
même  lumière  et  la  même  vérité.  Ce  qui 
les  confirma  dans  leur  opinion,  c'est  qu'ils 
ne  se  rencontraient  que  dans  le  fond  des 
choses  ;  ce  que  l'un  appelait  fluxions, 
l'autre  le  nommait  différences.  L'infini-' 
ment  petit  éiaLil  marqué,  dans  Leibnilz, 
par  un  caractère  plus  commode  et  d'un 
plus  grand  usage  que  le  caractère  em- 
ployé par  Newton.  Leibnilz  n'apprit  qu'a- 
vec un  chagrin  mortel  la  perte  de  son 
procès  ;  et,  par  vme  faiblesse  qui  fait  bien 
voir  le  peu  de  ressource  de  la  philoso- 
phie ,  ce  chagrin  le  consuma  peu  à  peu, 
et  hàla,  dit-on,  sa  mort,  arrivée  à  Haiio- 
vrc  le  ii  novembre  1716,  dans  sa  70*^  an- 
née.  Ce  philosophe  no  s'était  point  marié, 
et  la  vie  qu'il  menait  ne  lui  permettait 
guère  de  l'être.    Il  ne  prenait  point  ses 

S9. 


LEI 


578 


LEI 


repas  à  des  heures  réglées,  mais  selon  ses 
éludes  ;  il  n'avait  pas  de  ménage ,  et  était 
peu  propre  à  en  avoir.  Il  était  toujours 
d'une  humeur  gaie,  mais  il  se  mettait  ai- 
sément en  colère;  il  est  vrai  qu'il  reve- 
nait aussitôt.  On  l'a  accusé  de  n'avoir  été 
qu'un  rigide  observateur  de  la  loi  natu- 
relle, et  d'avoir  aimé  l'argent.  Quoiqu'il 
eût  un  revenu  très  considérable ,  il  vécut 
toujours  assez  mesquinement.  Sa  mémoire 
était  admirable  :  toujours  prêt  à  répon- 
dre sur  toutes  sortes  de  matières ,  il  mé- 
rita que  le  roi  d'Angleterre  l'appelât 
son  Dictionnaiî'e  vivant.  C'était  le  sa- 
vant le  plus  universel  de  l'Europe  ;  mais 
il  poussa  l'amour  de  cette  universalité  si 
I  in  ,  qu'il  se  fit  de  fausses  idées  sur  une 
infinité  de  choses  qu'il  n'avait  pu  appro- 
fondir assez  pour  en  avoir  de  justes.  Ce 
goût  qu'il  avait  pour  l'universalité  des 
talens,  et  peut-être  l'ambition  d'être  ré- 
puté pour  un  homme  qui  n'ignorait  rien, 
l'engagea  à  joindre  à  ses  autres  titres  de 
gloire  celui  de  poète.  Il  fit  sur  la  con- 
quête de  la  Terre-Sainte  un  poème  qui 
ne  servit  qu'à  lui  donner  un  ridicule ,  et 
à  prouver  la  réflexion  de  l'abbé  Desfon- 
taines, touchant  la  difliculté  d'allier  une 
grande  étude  de  la  géométrie  ,  avec  les 
richesses  de  l'imagination  et  le  génie  des 
belles-lettres  ;  de  même  que  ses  idées  ro- 
manesques et  paradoxales  vérifient  l'ob- 
servation de  Pascal  et  de  Scaliger,  tou- 
chant l'influence  de  la  géométrie  sur  les 
autres  facultés  intellectuelles.  (  Voyez 
CHRISTIAN  WOLFF.  )  Nous  avons  de 
Leibnilz  :  |  Scriptorcs  ret^m  brunswica- 
riun.Z  vol.  in-fol.  1707;  recueil  utile  pour 
l'Histoire  générale  de  l'empire  et  l'His- 
toire particulière  d'Allemagne  ;  |  Codex 
juris  Pentium  diplomaticus  .  avec  le  sup- 
plément, publié  sous  le  titre  de  Mantissce 
Codicis juris.  etc.,  Hanovre,  1693,  2  vol. 
in-fol.  C'est  une  composition  de  différens 
traités  pour  servir  au  droit  public,  précé- 
dés d'excellentes  préfaces.  Il  y  remonte 
aux  premiers  principes  du  droit  naturel 
et  du  droit  des  gens;  |  Dejuresuprematxts 
ac  legationis  principum  Germaniœ,  1687, 
sous  le  nom  supposé  de  César  Furstner  ; 
ouvrage  composé  pour  faire  accorder  aux 
ambassadeurs  des  princes  de  l'empire  , 
non  électeurs ,  les  mêmes  prérogatives 
qu'aux  princes  d'Italie  ;  |  le  i"  vol.  des 
Mémoires  de  l'académie  de  Berlin ,  en 
latin,  in-i",  sous  le  titre  de  Miscellanea 
berolinensia  ;  \  Notifia  oplicce  promotce  . 
dans  les  ouvrages  posthumes  de  Spinosa  ; 
\  De    artc  comhinatoria ,    1690,   in-4°  ; 


I  une  foule  de  Questions  de  physique  et 
de  mathématiques,  résolues  ou  projiosécs 
dans  les  journaux  de  France,  d'Angleterre, 
de  Hollande  et  surtout  de  Leipsick.  Ce  fut 
dans  ce  dernier  journal  qu'il  inséra,  en 
1684 ,  les  Règles  du  calcul  différentiel  ; 
I  Essais  de  Théodicée  sur  la  bonté  de 
Dieu,  la  libellé  de  l'homme j  Amsterdam, 
1747,  2  vol.  in-12  ;  fruit  d'une  métaphysi- 
que singulière  et  fausse  à  plusieurs 
égards,  mais  qui  ne  manque  pas  de  vues 
justes  et  profondes.  Il  y  a  de  bonnes  ré- 
flexions contre  les  manichéens;  mais  l'au-» 
teur  semble  donner  dans  l'extrémité  con- 
traire, en  niant  l'existence  du  mal,  ou  U 
défigurant  de  manière  à  ne  pas  s'y  re- 
connaître. Son  Optimisme  a  donné  à  un 
philosophe  moins  amateur  de  systèmes 
l'occasion  de  faire  les  réflexions  suivan- 
tes :  «  1°  L'on  ne  peut  nier  que  ,  par  rap- 
»  port  à  Dieu  ,  tout  ne  soit  bien  ,  parce 
»  que  Dieu  ne  saurait  rien  faire  qui  soit 
»  mal,  quoiqu'il  puisse  augmenter  le  bien 
»  et  le  perfectionner  à  l'infini;  2°  par  rap- 
»  port  à  l'homme,  considéré  dans  cette 
I)  vie  précisément  et  sans  espérance  de 
»  l'avenir,  il  est  certain  que  tout  n'est  pas 
»  bien,  et  c'est  insulter  à  ses  maux  que 
»  d'oser  lui  dire  le  contraire;  5°  le  système 
»  de  l'optimisme^  qui,  pris  dans  le  sens 
»  de  ses  partisans,  n'est  qu'un  raffinement 
»  métaphysique,  né  dans  une  imagination 
»  plus  riante  que  vraie  ,  se  vérifie  en 
»  quelque  sorte  dans  la  personne  de 
»  l'homme  juste,  dont  les  vertus  s'accrois- 
»  sent  dans  le  malheur  ,  et  chez  qui  l'al- 
»  tente  du  bien  avenir  est  toujours  un 
»  soulagement  aux  maux  présens.  Dans 
»  l'une  et  dans  l'autre  fortune  ,  il  jouit  en 
»  paix  de  son  Dieu  ,  comme  il  jouit  de 
j>  lui-même  ;  il  jouit  avec  transport  de 
»  toute  la  nature  ;  il  jouit  sans  crainte  et 
»  sans  envie  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  bon 
»  dans  les  autres  :  il  supporte  sans  ai- 
»  greur  ,  sans  amertume  ,  le  mal  qui  s'y 
»  rencontre  et  qu'il  ne  peut  y  corriger  ; 
»  il  prête  à  tout  ce  qu'il  voit  le  jour  le 
»  plus  favorable  ,  il  embellit  tout  ce  qu'il 
»  touche  ;  il  sait  que  Dieu  a  placé  dans 
»  les  souffrances  même  le  germe  de  la  fé- 
«licitédeses  enfans.  Les  senlimens  de 
»  patience,  de  paix,  de  consolation,  d'es- 
»  pérance  ,  qui  accompagnent  cette  con- 
»  naissance  ,  font  de  cette  vie  même  une 
»  vie  heureuse.  La  paille  est  séparée  du 
»  grain  sous  la  main  du  batteur.  L'huile 
»  coule  épurée,  après  avoir  passé  sous  la 
»  meule  qui  a  brisé  l'amande  et  ses  enve- 
»  loppes.  La  même  main  qui  s'appesantit 


LEI 


579 


LE! 


»  snr  le  juste,  l'éprouve  et  le  purifie,  tan- 
»  dis  que  le  pécheur  se  désespère  et  se 
»  damne.  Ci'eatura  enim  libi  factori  de- 
»  setvtens ,  exardescit  in  tormentum  ad- 
»  versuis  injuslos^  et  lenior  fit  ad  benefa- 
»  ciendum  us  qui  in  te  confidunt.  Sap. 
»  16.  Diligentibus  Deum   omnia  coope- 

>  ranturin  bonum.  Rom.  8.  Una  eadem- 
»  que  vis  irruens  bonos  probat .  purifient, 
B  cliquât  ;  malos  vastat,  damnât ^extenni- 
»  nat.  August.  »  [Plusieurs <?cnÏ5  deméta- 
vhysiquCj.  sur  l'espace,  sur  le  temps,  sur  le 
•vide,  sur  la  matière  ,  sur  l'union  du  corps 
et  de  l'âme  ,  et  d'autres  objets  qu'il  dis- 
cute quelquefois  en  homme  d'esprit  plu- 
lot  qu'en  philosophe  profond.  Il  semble 
moins  chercher  à  expliquer  la  manière 
dont  les  choses  existent  réellement,  qu'à 
proposer  d'ingénieuses  hypothèses  ,  pro- 
pres à  embarrasser  ceux  qui  voudraient  les 
attaquer,  ce  que  l'on  voit  surtout  dans  ses 
Monades ,  imaginées  pour  donner  une 
idée  des  premiers  élémens  de  la  matière  ; 
et  dans  son  Harmonie  jjrèétablie ^  des- 
tinée à  rendre  compte  de  l'union  du  corps 
et  de  l'âme. Du  reste,  si  Leibnitz  a  échoué 
dans  ces  recherches  ,  il  est  dans  le  cas  de 
tous  les  savans  qui  ont  essayé  de  remon- 
ter aux  principes  des  choses,  et  à  franchir 
les  barrières  qui  environnent  le  sanc- 
tuaire de  la  nature.  «  Plus  on  avance  en 
»  l'observant ,  dit  un  physicien  ,  plus 
»  elle  semble  de  venir  secrète,  et  repousser 
»  ceux  qui  l'approchent  de  trop  près.  » 
(  Voy.  le  Catéch.  phil.,  t.  5,  n"  418.  )  Les 
idées  politiques  de  Leibnilz  peuvent  être 
mises- à  côté  de  ses  idées  métaphysiques. 
Il  voulait  réduire  l'Europe  sous  une  seule 
puissance  quant  au  temporel  ,  et  sous  un 
chef  unique  quant  au  spirituel.  L'empe- 
reur et  le  pape  auraient  été  les  chefs  de 
ces  deux  gouvernemens,  l'un  du  premier, 
et  l'autre  du  second.  Rajoutait  à  ce  projet 
celui  d'une  langue  universelle  philoso- 
phique pour  tous  les  peuples  du  monde  ; 
projet  imaginé  long-temps  avant  lui ,  et 
proposé  encore  après  lui ,  mais  que  ni  la 
philosophie  ni  la  politique  ne  parvien- 
dront à  réaliser.  «  Ne  doutons  pas,  a  dit 
»  quelqu'un  à  celte  occasion  ,  que  la  di- 
»  versilédes  langues  ne  soit  l'ouvrage  de 

>  celui  qui  répandit  la  confusion  parmi 
fc  les  hommes,  lorsqu'ils  étaient  encore 
».  réunis  dans  l'usage  d'une  seule,  et 
»  qui  ,  en  répartissant  sur  la  terre  ces  tri- 
»  bus  éparses ,  les  différencia  par  leur 
»  langage  autant  que  par  les  bornes  de 
i>  leurs  habitations,  comme  dit  l'Apôtre  , 
»  et  le  temps    circonscrit  de  leur  gloire 


»  et  de  leur  durée.  Definiens  staluta  fem- 
»pora  et  terminos  habitationis  corum. 
»  Acl.  17.  »  I  Theoria  motiis  abstracti 
et  motus   concreti j,    conTre    Dcscarlcs; 

I  Jccessiones  historice.'i  vol.  in-k°;  recueil 
d'anciennes  pièces  ;  |  De  origine  Fran- 
corum  disquisitio  ,  réfutée  par  le  père 
Tourneminejésuile,  et  par  dom  Vaisselle, 
bénédictin;  |  Sacro-Sancta  Trinitas ,  per 
nova  iiïventa  logica  defensa ,  contre  Wis- 
sovalius,  neveu  de  Socin,  Il  y  a  de  1res 
bonnes  idées.  L'auteur  prouve  que  non 
seulement  une  bonne  logique  n'est  pas 
contraire  à  la  croyance  do  ce  mystère, 
mais  qu'elle  fournit  des  argumens  propres 
à  repousser  victorieusement  les  attaques 
des  sociniens.  Effectivement ,  il  en  est  de 
ce  mystère  comme  des  autres  que  la  ré- 
vélation nous  a  manifestés  ,  et  que  Dieu 
nous  ordonne  de  croire.  La  raison  ne  les 
enseigne  pas ,  ne  les  prouve  pas  ,  mais 
elle  les  défend  du  reproche  de  contra- 
diction et  d'impossibilité.  (  Voyez  CLAY- 
TON,  MALEZIEU.  )  |  Des  Lettres  à  Pé- 
lisson,  sur  la  tolérance  civile  des  religions, 
Paris  ,  1692  ,  in-12  ,avec  les  réponses  de 
Pélisson  ;  |  plusieurs  volumes  de  Lettres^ 
recueillies  par  KORTHOLT  (  voyez  cet 
article  )  ;  |  des  Poésies  latines  et  françai- 
ses ;  elles  prouvent  la  justesse  de  l'obser- 
vation que  nous  avons  faite  sur  le  peu 
de  talent  qu'il  avait  pour  ce  genre  de 
composition.  Malgré  une  cerlaine  origi- 
nalité de  caractère,  et  un  penchant  assez 
marqué  pour  les  idées  extraordinaires  , 
ou  même  bizarres,  Leibnilz  avait  des 
principes  auxquels  il  tenait.  Né  dans  une 
religion  qui  n'a  point  de  base  assurée,  il 
vécut  dans  une  espèce  de  fluctunlion  qui 
lui  fit  former  le  projet  de  se  réunir  aux 
catholiques  ;  projet  pour  lequel  il  fui 
quelque  temps  en  correspondance  avec 
Bossuet  (  I  ).  Voy.  MOLANUS  ,  GÉRAno.  ) 

II  fut  toujours  zélé  pour  le  christianisme. 
Il  ne  parlait  des  Livres  saints  qu'avec 
respect.  «  Ils  sont  remplis,  disait-il,  d'une 
»  morale  nécessaire  aux  hommes.  »  0:i 
ne  croyait  pas  encore  de  son  temps  que 
le  verbiage  philosophique  ou  philanthro- 
pique pouvait  remplacer  l'Evangile.  li 
parlait  presque  toujours  honorablement 
de  l'Eglise  romaine  et  de  ses  pontifes  ;  il 
reconnaissait  hautement  les  avantages 
qu'elle  avait  sur  les  sectes  séparées  de  sa 


(i)  La  Biographie  universelle  aUribue  à  Boisiict  la 
ruplare  dit»  négociatioDi  commencées  avec  Leiboitz  , 
dans  la  note  Ji  la  pag.  634,  tom.  33  ;  mais  1  la  page 
599  ,  elle  CD  a  assigne  le*  ve'ritabU-i  motifs  dans  leâ 
dépositions  de  l'clecteur  de  Hanovre. 


LEI 


580 


LEI 


cnmniunion.  «  Voilât  dit-il  dans  une  d.e 
>  ses  lettres  ,  la  Cliine  ouverte  aux  jé- 
»  suites,  le  pape  y  envoie  nombre  de 
»  missionnaires.  Notre  peu  d'imion  ne 
»nous  permet  pas  d'entreprendre  ces 
»  grandes  conversions.  »  Quelques-uns 
ont  écrit  qu'il  était  mort  dans  le  sein  de 
l'Eglise  romaine  ;  mais  cela  ne  paraît  pas 
fondé.  Cependant  M.  de  Murr ,  savant 
protestant  ,  dans  son  Journal  pour  les 
arts  et  lilter.,  septième  part.  ,  fait  men- 
tion d'un  manuscrit  de  Leibnilx  ,  qu'on 
çjarde  dans  la  bibliothèque  électorale  de 
Hanovre,  «  où,  dit-il ,  la  doctrine  catholi- 
»  que,  dans  les  points  même  auxquels  les 
»  protestans  sont  le  plus  opposés,  est  dé- 
j>  fendue  avec  tant  d'ardeur,  que  si  on  ne 
»  connaissait  pas  l'écriture  de  Leibnitz 
»  par  mille  et  mille  feuilles  écrites  de  sa 
»  main,  on  ne  pourrait  le  croire  l'auteur 
I)  de  cet  ouvrage.  »  La  collection  la  plus 
étendue  des  Œuvres  de  Leibnilz,  due  aux 
soins  de  Louis  Dutens,  a  été  publiée  sous 
ce  litre  :  Opéra  omnia  LeihnUii  collecta 
studio  Lud.  DutenSj  Genève,  1768,  6  vol. 
ia-k°,  fig.  On  y  joint  ordinairement  les 
OEuvres  philosophiques,  latines  et  fran- 
çaises, publiées  par  Lud.  Eric  ,  que  Du- 
tens  a  exclues  de  sa  collection.  Ces  deux 
collections  ne  renferment  passes  ouvrages 
historiques ,  tels  que  Scriplores  ?'erum 
hrunstvicarum,  etc.  L'abbé  Emery  a  pu- 
blié l'Esprit  de  Leibnitz ,  Lyon  ,  1772  ,  2 
vol.  in-12  ,  réimprimé  en  1803,  sous  le 
titre  de  Pensées  de  Leibnitz  sur  la  reli- 
{]ion  et  la  morale,  2  vol.  in-S",  et  Expo- 
zition  de  la  doctrine  de  Leibnitz  sur  la 
religion,  suivie  de  pensées  extraites  des 
ouvrages  du.  niiîme  auteur^  Paris,  1819, 
in-S".  C'est  la  traduction  française  du 
Systema  theologicum  de  Leibnitz,  ouvrage 
qui  était  resté  manuscrit  dans  la  biblio- 
thèque de  Hanovre.  M.  Emery  ayant  ap- 
pris l'exislence  de  ce  manuscrit,  en  sol- 
licita l'envoi  lorsque  les  armées  françaises 
se  furent  emparées  de  cet  ville.  Ce  fut 
par  I  intermédiaire  du  constitutionnel 
Grégoire,  avec  qui  M.  Emery  avait  des 
rapports  de  science,  qu'il  obtint  la  com- 
munication de  ce  précieux  manuscrit  , 
qui,  suivant  M.  de  Murr,  devait  faire  plus 
de  sensation  que  fous  les  autres  écrits  de 
Leibnitz.  M.  Emery  en  ayant  fait  une 
copie  exacte,  se  proposait  de  la  publier, 
mais  la  mort  l'en  empêcha.  M.  Garnicr, 
son  héritier,  l'a  conliéc  depuis  à  M.  Mol- 
levault ,  à  qui  nous  devons  la  traduction 
du  Sijstcma  theologicum.  M.  do  Genoude 
en  a  éié  l'éditeur.  Parmi  les  ouvrages 


posibumes  de  Leibnitz,  nous  citerons 
son  Plan  d'invasion  et  de  colonisation  de 
l'Egypte ^  publié  en  anglais  ,  Londres, 
1803,  in-8".  Son  Projet  de  langue  philo- 
sophique  a  été,  en  18H  ,  l'objet  d'un  con- 
cours qu'avait  proposé  l'académie  de  Co- 
penhague. La  Vie  de  ce  savant  a  été 
écrite  par  son  intime  ami  Eckham  ,  qui 
fournit  à  Fontenelle  des  matériaux  pour 
son  Eloge  de  Leibnitz.  Le  premier  de  ces 
ouvrages  a  été  inséré  dans  le  tome  VII 
du  Journal  pour  l'histoire  des  arts ,  par 
M.  de  Murr,  Berlin,  1747. 

LEICII  (  Jean-Heivri  )  ,  professeur 
d'humanités  et  d'éloquence  à  Leipsick , 
où  il  était  né  en  1720,  travailla  au  Jour- 
nal et  aux  Nouvelles  littéraires  de  cette 
ville,  et  y  mourut  en  1750.  Ses  ouvrages 
sont  :  I  De  origine  et  incrementis  topo- 
graphice  lipsiensis  /  |  une  Edition  du 
Thésaurus  eruditionis  scholasticœ s  par 
Basile  Faber,  Francfort,  1749,  2  vol. 
in-fol.  ;  I  DevitaetrebusgestisConstan- 
tini  Porphyrogeneti ;  \  De  diptychis  vete- 
rum.  et  de  diptycho  Emin.  Card.  Quiritti 
diatriba ,  Leipsick ,  1743,  in-4°;  |  De  Pho- 
tii  Bibliothecâ ,  etc.  Au  nombre  de  ses 
amis  ,  Leich,  comptait  les  cardinaux  Pas- 
sionei  et  Quirini.  Il  était  en  correspon- 
dance avec  la  plupart  des  savans  de  l'Eu- 
rope et  avait  formé  une  collection  pré- 
cieuse de  tableaux  et  de  pierres  gravées. 
L'éloge  de  ce  savant  se  trouve  dans  les 
Acta  Eruditorwn,  1732. 

LEIDRrlDE  ,  40"=  archevêque  de  Lyon  , 
bibliothécaire  de  Charlemagne  ,  né  à  Nu- 
remberg vers  736  ,  mort  en  816  ,  dans  le 
monastère  de  Sainl-Médard  de  Soissons  , 
après  s'être  démis  de  son  archevêché,  eut 
une  grande  réputation  de  savoir  et  de 
piété.  Il  fut  un  des  missi  Dominici  de 
Charlemagne,  c'esl-à-dire  un  des  person- 
nages que  ce  souverain  envoyait  dans  les 
différentes  parties  de  son  vaste  empire 
pour  écouler  les  plaintes  des  peuples,  el 
s'assurer  de  l'exacte  administration  de  la 
justice.  Ce  prélat  combattit  avec  succès 
les  doctrines  de  Félix  d'Urgel,  et  d'Elipand 
de  Tolède.  Il  fonda  deux  écoles  dans  son 
église  métropolitaine.  Il  nous  reste  de  lui 
un  Traité  sur  le  baptême  ;  quatre  Lettres 
qu'on  trouve  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères,  et  divers  Opuscules  dans  les  Ana- 
lecles  de  dom  Mabillon.  Baluze  a  donné 
une  édition  de  ses  OEuvres  avec  celles 
d'Agobard, 

LEIGII  (Edouard  ),  clicvalier  anglais, 
né  en  1602  dans  le  comté  de  Leiccsler, 
s'est  fait  un  nom  par  plusieurs  oavraijes, 


LEI  5 

dans  lesquels  règncnl  la  connaissance  des 
langues  et  une  critique  sage.  Les  princi- 
paux sont  :  I  des  réflexions  en  anglais 
sur  les  cinq  livres  poétiques  de  l'ancien 
Testament,  Job,  les  Psaumes,  les  Prover- 
bes ,  l'Ecclésiaste  et  le  Cantique  des  can- 
tiques, à  Londres,  1C57,  in-fol.  ;  |  un  Com- 
vicntaire  sur  le  nouveau  Testament , 
1650,  in-fol.  ;  )  un  Dictionnaire  hébreu 
et  un  Dictionnaire  grec ,  qui  se  joignent 
ensemble  sous  le  titre  de  Critica  sacra. 
in-fol.,  à  Amsterdam,  1696.  Le  premier  a 
paru  en  français  en  1703  ,  par  les  soins 
de  Wolzogue,  sous  ce  titre  :  Dictionnaire 
de  ta  langue  sainte  ,  contenant  ses  origi- 
nes, avec  des  obsejvations  ;  \  un  Traité 
de  la  liaison  qu'il  y  a  entre  la  religion  et 
la  littérature,  matière  mieux  traitée  de- 
puis par  l'évêque  du  Puy,  Lcfranc  de 
Pompignan,  sous  le  titre  de  La  dévotion 
réconciliée  avec  l'esprit .  Paris,  1753  ;  et 
dans  un  excellent  discours  de  M.  de  la 
Tour  du  Pin,  Alliance  des  sciences  avec 
ta  religion.  Ce  savant  mourut  en  t671. 

LEIGH  (  Charles  )  ,  né  à  Grange,  dans 
le  ducbé  de  Lancastre  pratiqua  avec 
beaucoup  de  succès  la  médecine  en  An- 
gleterre ,  et  particulièrement  à  Londres, 
où  il  fut  fait  membre  de  la  société  royale. 
Il  parcourut  presque  toute  l'Angleterre 
en  habile  naturaliste,  étendit  ses  observa- 
tions jusqu'en  Amérique ,  et  mourut  au 
commencement  du  18*  siècle.  Les  fruits 
de  ses  recherches  sont  :  |  Histoire  natu- 
relle des  provinces  de  Lancastre  ^  de 
Chester  et  de  Derbi^  avec  le  détail  des  an- 
tiquités qu'on  trouve  dans  ces  provinces, 
Oxford,  1630,  in-fol.  ;  Londres,  1700,  avec 
fig.,  en  anglais  ;  |  Exercitationes  de  aquis 
rnineralibus,  Londres,  1697,  in-8°  ;  |  His- 
toire de  la  Virginie.  Londres,  1703,  in-12; 
ouvrage  superficiel. 

•  LEISSEGL'ES(  ConENTiN-URBAiN- 
Jacques  -  Bertrand  de  ) ,  vice  -  amiral , 
commandeur  des  ordres  de  la  légion- 
d'honneur  et  de  Saint-Louis,  né  près  de 
Quimper  (  Finistère  )  le  29  août  1758, 
entra  comme  volontaire  dans  la  marine 
royale  en  1776,  et  lit  les  campagnes  de 
mer  du  règne  de  Louis  XVI.  Il  était  par- 
venu, en  1792  ,  au  grade  de  capitaine  de 
vaisseau,  et  commanda  le  brick  le  Furet 
pendant  la  campagne  du  banc  de  Terre- 
Neuve.  Nommé  capitaine  de  vaisseau 
l'année  suivante,  il  conduisj'.  aux  Iles-du- 
Vent  les  commissaires  de  la  Convention 
et  un  bataillon  de  troupes  de  ligne,  et  con- 
courut, avec  400  marins,  à  la  prise  de  la 
Guadeloupe,  qui,  après  un  siège   de  qua- 


81  LEI 

tre  mois  cl  demi ,  tomba  au  pouvoir  des 
Français.  Il  continua  de  commander  les 
troupes  navales  de  cette  île  avec  le  grade 
de  contre-amiral  ,  et  soutint  avec  hon- 
neur et  succès  plusieurs  sièges  dirigés  par 
les  Anglais.  Il  fut  chargé  ,  en  1799,  de 
l'inspection  des  côtes  depuis  Flessingue 
jusqu'à  Saint-Malo  ,  pour  y  constater  la 
situation  des  bâtimens  de  guerre  ainsi  que 
le  nombre  de  petits  bâtimens  disponibles. 
Le  contre-amiral  de  Leissègues  comman- 
dait les  ports  d'Anvers ,  Flessingue  et 
Ostende  ,  lorsque  le  gouvernement  lui 
confia  le  commandement  des  forces  na- 
vales françaises  et  bataves  réunies  dans 
l'ile  de  Walcheren,  qu'il  mit  dans  un  état 
de  défense  respectable.  Il  parcourut ,  en 
1802  avec  deux  vaisseaux  et  trois  cor- 
vettes les  principaux  ports  d'Afrique  , 
obtint  du  dey  d'Alger  les  satisfactions  exi- 
gées par  le  gouvernement  français  ,  et  la 
délivrance  d'un  grand  nombre  d'esclaves 
pris  en  Sardaigne  lors  d'une  descente  de» 
Barbaresques.  Le  dey  le  chargea  de  nom- 
breux présens  pour  le  premier  consul,  et 
Leissègues  alla  chercher  à  Tunis  un  am- 
bassadeur extraordinaire  que  le  prince 
d'Alger  envoyait  à  la  république.  Le  con- 
tre-amiral ,  chargé  de  transporter  dans 
l'Orient  l'ambassadeur  Brune  (  voyez 
BRUNEj  et  divers  autres  envoyés,  se  ren- 
dit ensuite  à  Malte,  où  il  se  convainquit  de 
l'inexécution  du  traité  d'Amiens  ,  qui 
stipulait  la  remise  de  cette  lie  à  l'ordre 
qui  en  avait  pris  le  nom.  Au  mois  d'oc- 
tobre 1804,  Leissègues ,  qui  était  à  la  tète 
d'une  des  escadres  de  l'armée  navale  de 
Brest,  prit  le  commandement  en  chef  de 
cette  armée  pendant  l'absence  de  l'ami- 
ral Ganlheaume.  Chargé  en  1808,  de 
transporter  à  Saint-Domingue  ,  des  trou- 
pes et  des  munitions  ,  il  partit  de  Brest 
le  13  décembre  et  arriva  à  sa  destination 
après  avoir  beaucoup  souffert  d'une  tem- 
pête qui  le  surprit  à  la  hauteur  des  îles 
Açores.  Son  escadre  eut  à  subir  dans 
une  baie  de  cette  île  contre  l'amiral  an- 
glais Duckworth  {voyez  DUCKWORTfl  ) 
un  combat  où  le  contre  amiral  Leissègues 
lit  preuve  de  beaucoup  de  bravoure  et 
d'habileté  ,  et  que  Napoléon  regarda 
comme  un  des  plus  beaux  faits  d'armes 
de  la  marine  française.  Leissègues , 
forcé  de  se  jeter  à  la  côte,  après  avoir, 
malgré  l'infériorité  de  ses  forces,  extrê- 
mement maltraité  l'ennemi,  emporta  avec 
lui  l'aigle  impériale  et  les  pavillons  qu'il 
avait  si  vaillamment  défendus.  En  1809 , 
il    fut  chargé  de   défendre   Venise ,   de 


LEÎt  o 

concert  avec  l'armée  de  terre,  et  le  25 
août  1811,  un  décret  impérial  l'investit  du 
commandenMUt  des  forces  navales  fran- 
çaises, italiennes  et  napolitaines  dans  les 
îles  Ioniennes.  Promu,  en  1816,  au 
grade  de  vice-amiral ,  mis  à  la  retraite 
l'année  suivante,  Leissègues  est  mort  à 
Paris  au  mois  de  mars  1852. 

LEJAY.  Voyez  JAY. 

LE  JEUNE.  Voi/ez  JEUNE  (  le  ). 

'LEltAïN  (  He.vri-Louis  ) ,  acteur  cé- 
lèbre, né  à  Paris  le  11  avril  1728,  d'un  or- 
fèvre, qui  le  destinait  au  même  état.  Il 
était  déjà  recherché  pour  la  perfection  de 
son  travail  ;  mais  entraîné  par  une  pas- 
sion irrésistible  pour  le  théâtre,  il  renonça 
bientôt  à  ses  oulils  et  à  son  atelier  pour 
jouer  la  comédie.  Voltaire  ,  qui  aperçut 
en  lui  le  germe  d'un  grand  talent ,  solli- 
cita pour  Lekain  un  ordre  de  début  à  la 
comédie  française,  et  il  y  fut  reçu  après 
17  mois  d'applaudissemens  publics  et  de 
contradictions  particulières.  H  m'a  fait 
pleurer^  dit  Louis  XV,  moi  qui  ne  pleure 
guères.  Par  reconnaissance  pour  son  pro- 
tecteur ,  il  s'adonna  particulièrement  à 
l'étude  de  ses  pièces  ,  et  il  assura  le  suc- 
cès de  plusieurs.  Son  premier  rôle  avait 
été  le  Z'iiws^dans  le  Brutus  de  Voltaire, 
et  le  dernier  où  il  ait  paru  fut  celui  de 
Vendôme  dans  Adélaïde  Duguesclin.  Il 
mourut  d'une  inflammation  de  poitrine 
le  8  février  1778.  D'après  le  jugement  de 
Voltaire,  qui  est  un  bon  juge  en  ce  genre, 
l'art  de  la  représentation  théâtrale  a  été 
porté  par  Lekain  plus  loin  que  par  aucun 
de  ses  prédécesseurs,  et  personne  ne  l'a 
remplacé.  Il  était  tellement  identifié 
avec  le  caractère  des  personnages  qu'il 
représentait, qu'il  était  tour  à  tour  Oreste, 
Néron,  Genghiskan  ,  Mahomet.  Son  en- 
trée sur  la  scène,  dans  ce  dernier  rôle, 
était  surtout  admirable.  Il  provoqua  dif- 
férentes réformes  utiles ,  entre  autres  la 
sui)pression  des  banquettes  qui  garnis- 
saient les  deux  côtés  du  théâtre,  et  qui 
étaient  destinées  pour  la  classe  de  specta- 
teurs la  plus  distinguée  ,  mais  qui  défi- 
guraient la  scène.  Il  fit  aussi,  de  concert 
avec  m"'  Clairon  ,  disparaître  des  cos- 
tumes turcs,  romains  et  grecs,  les  paniers, 
les  queues,  la  poudre,  les  bourses,  les  cha- 
peaux et  les  souliers  à  talon  rouge.  Sa  taille 
était  épaisse ,  il  avait  le  col  gros  et  court , 
l'air  dur,  la  figure  peu  agréable  ;  mais 
tous  ses  traits  étaient  fortement  pronon- 
cés, une  âme  de  feu  les  animait  ,  et  leur 
mobilité  était  un  véritable  pliénoinène. 
Mole  a  donné  une  notice  sur  ses  Mémoires^ 


i52  tËL 

1801 ,  in-8°.  On  a  publié  en  1816  Lekain 
datis  sa  jeunesse,  ou  Détails  historiques 
de  ses  premières  années,  écrits  par  lui- 
même,  in-8°.  Le  fils  aîné  de  Lekain  a  pu- 
blié :  Mémoires  de  H.  L.  Lekain  ,  suivis 
d'une  Co7-respondance  de  Voltaire,  Gar- 
rick,  Colardeau,  Lebrun,  etc.,  1801,  in-8", 
réimprimée  en  1826  dans  la  Collection  des 
Mémoires  sur  l'art  dramatique ,  précédés 
de  réflexions  sur  Lekain  et  l'art  théâtral , 
parTalma. 

LELAND  (  Je,\x  ) .  né  à  Londres  au 
commencement  du  16'  siècle  ,  obtint  du 
roi  Henri  VIII ,  dont  il  était  chapelain, 
le  titre  d'antiquaire  et  une  forte  pension. 
Il  parcourut  toute  l'Angleterre  et  fit  une 
ample  moisson  ;  mais  il  ne  put  pas  pro- 
fiter des  matériaux  qu'il  avait  amassés. 
Sa  pension  ne  lui  étant  point  payée  ,  il 
perdit  l'esprit  de  chagrin  ,  et  mourut  fou 
en  1552.  On  conserve  ses  manuscrits  dans 
la  bibliothèque  Bodléïennc.  Le  plus  es- 
timé de  ses  ouvrages  imprimés  est  un  sa- 
vant Traité  des  écrivains  de  la  Grande- 
Bretagne,,  en  latin  ,  Oxford^  1709,  2  vol. 
in-8°.  Il  passe  pour  exact.  On  accuse 
Cambden  d'en  avoir  beaucoup  profité , 
sans  en  rien  dire.  On  a  encore  de  lui  : 
I  V Itinéraire  d'Angleterre  ,  en  anglais , 
Oxford,  1710,  in-8°,  9  tomes  ;  |  De  rébus 
britannicis  coUectanea,  Oxford  ,  1715  ,  6 
vol.  in-8°.Lelaad  était  catholique,  et  en- 
tra dans  le  luthéranisme  pour  plaire  à 
Henri  VIII,  qui  protégeait  celte  nouvelle 
religion  ;  cela  fit  soupçonner  que  les  re- 
mords avaient  pu  contribuer  à  lui  trou- 
bler l'esprit. — 11  ne  faut  pas  le  confondre 
avec  Jean  LELAND  ,  né  à  Wigan  en  An- 
gleterre,  en  1691,  ministre  puriiain  à 
Dublin,  auteur  |  de  \ Avantage  et  néces- 
sité de  la  révélation  chrétienne .  2  vol. 
in-/*";  Irad.  en  français, 4  vol.  in-12.  C'est, 
au  jugement  deLaharpe.un  des  ouvrages 
qui  ont  assuré  jusqu'ici  à  l'esprit  anglais 
la  palme  en  cette  espèce  de  lutte  du 
christianisme  contre  l'incrédulité.  |  De 
V Examen  des  écrits  des  déistes.  Ces  dif- 
férens  ouvrages  firent  regarder  Leland 
comme  un  des  plus  forts  adversaires  de 
l'incrédulité.  Us  sont  pleins  de  reclierches 
et  de  critique ,  et  en  même  temps  de  sa- 
gesse et  de  modération. 

*  LELAND  (  TnoMAS  ) ,  savant  théolo- 
gien et  historien  anglais ,  né  à  Dublin  en 
1722.  En  1768  ,  il  fut  nommé  chapelain  de 
lord  Townsend,  lord-lieutenant  d'irlapde, 
et  ses  amis  ne  doutaient  pas  qu'il  n'ob- 
tint bientôt  un  évêché,  lorsqu'il  monrn» 
en  1782.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 


LEJL 


583 


LE3Î 


t  les  naraïujuesde  Démoslhcnes,  traduites 
en  anglais,  avec  des  noies  critiques  et  his- 
toriques, d756-i6-70,3  vol.  in-h°.  Celte 
traduction  est  estimée,  |  Histoire  de  la  vie 
et  du  règne  de  Philippe,  roi  de  Macédoine, 
Dublin,  17o8,  2  vol.  h\-h"  ;  Londres,  1806, 
2  vol.  in-8";  |  Histoire  d' Irlande  depuis 
l'invasion  de  Henri  II,  a^^ec  un  discours 
préliminaire  sur  l'ancien  état  de  ce 
roi/awnCjUnhVm,  1773,  5  vol.  in-i"  ,  tra- 
duite en  français,  Macslricht,  1770,  7  vol. 
in-12,  ouvrage  plus  estimé  pour  l'élé- 
gance du  style  que  pour  rexactilude  ; 
I  Discours  et  semions  ^  Dublin  ,  1788,  5 
vol.  in-8'',  avec  une  nolice  sur  la  vie  de 
teland. 

LELIO.  royez  CAPÎLUPI. 

*  LELLI  (  Hercule  ) ,  peintre  ,  arclû- 
lecte,  sculpteur  et  anatomiste  ,  né  à  Bolo- 
gne vers  l'année  1700,  mort  en  1766,  s'est 
acquis  une  grande  réputation  par  les  pré- 
parations anatomiques  en  cire  qu'ilfitpour 
l'institut  de  sa  ville  natale  et  qui  consis- 
tent en  statues  et  en  tableaux  :  il  a  re- 
présenté avec  la  plus  grande  exactitude 
tout  ce  qui  est  relatif  à  l'anatomie.  Non 
moins  habile  dans  la  perspective  linéaire, 
il  inventa  une  machine  au  moyen  de  la- 
quelle il  réduisait  et  arrêtait  avec  pré- 
cision les  contours  des  portraits  qu'il 
voulait  graver.  Léonard  de  Vinci  et  Al- 
bert Durer  avaient  déjà  mis  en  usage  un 
pareil  procédé  ;  mais  les  améliorations 
qu'y  apporta  Lelli,  peuvent  faire  regar- 
der la  machine  qu'il  employa  comme  une 
invention  nouvelle.  On  a  reproduit  de  nos 
jours  un  moyen  analogue ,  sous  le  nom 
de  Phijsionotrace  (  voyez  CHRÉTIEN  , 
Gilles-Louis  ).  Il  a  aussi  publié  quelques 
estampes  ,  parmi  lesquelles  on  dislingue 
Agar  et  Ismaè'l  dans  le  désert,  la  Vierge, 
\ Enfant  Jésus  et  saint  Joseph ,  saifite- 
Thérèse  en  prières,  etc.  Ses  gravures  sont 
marquées  des  lettres  E  et  L.  Il  a  composé 
pour  l'instruction  de  la  jeunesse ,  Com- 
pendio  Jnatomico  per  uso  de  pittori  e 
scultori^  ouvrage  qui  ne  fut  pubUé  qu'a- 
près sa  mort. 

LELLLS  (  saint  CAMILLE  de  ) ,  né  à 
Bacchiano  danslAbruîze  en  1530,  entra, 
après  une  vie  fort  déréglée  et  très  vaga- 
bonde,  dans  l'hôpilal  de  Saint-Jacques 
des  Incurables,  à  Rurae.  Devenu  économe 
de  cette  maison,  ilse  proposa  de  prendre, 
pour  soulager  les  malades ,  des  moyens 
plus  eflicaces  que  ceux  qu'on  avait  em- 
ployés jusqu'alors.  Son  état  de  laïque  lui 
faisant  craindre  de  grands  obstacles  pour 
son  projet,  il  se  mit  au  rudimcnl  à  32  ans, 


et  parvint  dans  peu  de  temps  au  sacer- 
doce. C'est  alors  qu'il  jeta  les  fondemens 
d'une  congrégation  de  clercs  réguliers  . 
ministres  des  infînïies.  Les  papes  Sixte 
V,  Grégoire  XIV ,  et  Clément  VIII  ap- 
prouvèrent ce  nouvel  ordre,  digne  en  ef- 
fet de  tous  les  suffrages  et  de  tous  les  en- 
couragemcns  qu'on  a  vu  prodiguer  à  des 
associations  moins  utiles.  Le  cardinal  de 
Mondovi  lui  laissa  tous  ses  biens  à  sa 
mort ,  arrivée  en  1592 ,  après  l'avoir  pro- 
tégé pendant  sa  vie.  Lellis  voyant  son 
ouvrage  affermi  et  sa  congrégation  ré- 
pandue dans  plusieurs  villes,  se  démit  de 
la  supériorilé  en  1G07,  et  mourut  sainte- 
ment en  1614.  Benoit  XIV  le  béatilia  en 
1642  et  le  canonisa  en  1646.  Cicatello,  son 
disciple,  a  écrit  sa  Vie  en  italien.  Le  père 
Halloix,  jésuite,  en  a  donné  une  bonrjo 
traduction  latine,  Anvers,  1632. 

LELOXG.  Voyez  LONG. 

LELORîlAIxN.  Voyez  LORRAIN. 

LELY  (Pierre  van  der  FAES,  surnom- 
mé le  chevalier) ,  peintre  ,  né  en  1618  à 
Soest  en  WestphalieT  mort  à  Londres  en 
1680.  Il  s'appliqua  d'abord  au  paysage  ; 
mais  le  talent  de  faire  des  portraits  le  fixa, 
Lely  passa  en  Angleterre ,  à  la  suite  de 
Guillaume  II  de  Nassau,  prince  d'Orange, 
et  peignit  toute  la  famille  royale. 

*  LEMAIRE  (NicoLAS-Ei.oi),  profes- 
seur de  poésie  latine  à  la  faculté  des 
lettres  de  Paris,  né  le  i""  décembre  1767, 
à  Triancourt ,  près  de  Bar-le  Duc  (Meuse), 
fit  ses  études  au  collège  de  Sainte-Barbe 
où  ses  succès  lui  valurent  une  bourse. 
En  1787,  il  eut  le  prix  d'honneur  au  con- 
cours général  comme  vété?'a?i,  et  il  obtint 
tous  les  prix  du  collège  Duplessis  ainsi 
que  tous  ceux  de  Sainte-Barbe.  Après  ses 
deux  années  de  philosophie ,  il  fut  reçu 
maître-ès-arts ,  et  concourut  en  1789, 
avec  un  brillant  succès  pour  l'aggréga- 
tion  dans  les  hautes  classes.  Binet  ayant 
été  nommé  recteur  de  l'université  en 
1790  ,  Lemaire  âgé  de  25  ans  fut  chargé 
de  remplacer  dans  la  chaire  de  rétliori- 
que  son  professeur  ,  et  deux  ans  après  il 
fut  nommé  professeur  titulaire  au  collège 
du  cardinal  Lemoine.  Obligé  en  1793  ,  do 
demander  un  certificat  de  civisme  à  sa 
section  dite  des  sans-culottes ,  présidée 
par  Henriot ,  celui-ci  lui  reprocha  d'être 
toujours  V enfant  de  la  fille  ainée  des  rois 
(l'université).  Lemaire  qui  avait  em- 
brassé les  principes  de  la  révolution, 
n'eut  pas  de  peine  à  se  laver  de  cette  ac- 
cusation. Nommé  président  tempoiaire, 
puis  juge  suppléant  du  tribunal  civil  du 


LEM 

6*   arrondissement  de    Paris,    il   rendit 
quelques  services  à  des  savans  poursuivis 
par   la  fureur  des  démagogues.   De  ce 
nombre  furent  les  professeurs  du  Jar- 
din des  plantes  ,  notamment  Daubenlon  , 
qu'il  fit  passer  pour  un  berger  de  mou- 
tons de  Monlbard.  Le  10  novembre  1793, 
il  présenta  à  la  Convention,  comme  ora- 
teur de  la  section  des  sans-culottes ,  huit 
prêtres  apostats ,  et  il  prononça  en  cette 
occasion  un  discours  parfaitement  ana- 
logue à  la  circonstance.  Le  27  mars  17% 
il  demanda  la  suppression  du  costume 
des  juges,  qui  retraçait,  disait- il,  le  sou- 
venir des   nobles  et  des  prêtres  :  ses  ex- 
ploits révolutionnaires  ne  l'empêchèrent 
pas  d'être  accusé  d'avoir  épousé  une  prin- 
cesse de  Lorraine  :  l'accusation,  pour  être 
ridicule ,    n'en   était  pas  moins  dange- 
reuse ;  comme  il  venait  d'épouser  la  fille 
d'un  notaire  d'un  village  voisin  du  sien, 
la  dépulation  de  la  Meuse  fut  obligée  de 
certifier  le  fait.  Pendant  les  quatre  an- 
nées qui  survinrent ,  Lemaire  fut  étran- 
ger aux  affaires  publiques  ;  en  l'an  7  il 
fut   nomrné  commissaire  du  gouverne- 
ment près  le  bureau  central  de  police  à 
Paris.  Chargé  de   former  la  société  du 
Manège  qui  voulait  encore  une  fois  pro- 
clamer la  patrie  en  danger,  il  parvint  à 
en  disperser  les  membres ,  et  il  mérita , 
par  le  courage  qu'il  montra  dans  cette 
affaire,    les   suffrages  des    gouvernans 
d'alors  qui  songèrent  à  lui  donner  le  mi- 
nistère de  l'intérieur  ou  celui  de  la  po- 
lice :  sa  nomination  fut  même  annoncée 
dans    les  ■  journaux  ;    mais  sur   ces  en- 
trefaites Bonaparte,    revenu   d'Egypte, 
fit    disparaître    le  Directoire    (18  bru- 
maire an  8);  il  supprima  même  la  place 
de  commissaire  près  le  bureau  central , 
qui  ne  fut  rétablie  que  plus  tard ,  sous  le 
nom  de   préfecture  de  police.  Lemaire 
rentra  alors  daris  la  vie  privée ,  et  eut 
pour   ennemi    Constant  Fouché  qui    le 
desservit  auprès  de  Bonaparte.  Il  occupa 
pendant  quelque  temps   un  emploi   au 
ministère  de  l'intérieur  ;   puis  il  se  vit 
contraint  d'abandonner  une  position  qui 
devenait  de  jour  en  jour   plus  dange- 
reuse. Il  voyagea  en  Italie  où  il  improvisa 
publiquement  en  vers  latins ,  comme  le 
font  si  habilement  dans  leur  langue  les 
improvisateurs    italiens.     Après    avoir 
excité  l'admiration  à  Milan  ,  à  Parme  et 
à  Turin ,  il  visita  le  lac  de  Côme  et  les 
ruines  de  la  maison  de  Pline  :  ce  fut  là 
qu'il  forma  le  projet  de  publier  les  clas- 
siques   latins ,    projet   qu'il    commença 


384  LEM 

d'exécuter  en  1819.  La  Collection  des 
classiques  latitis  ,  présente  quelques 
taches  et  des  négligences ,  mais  elle  est 
encore  la  plus  importante  de  toutes  celles 
qui  ont  paru,  et  les  commentaires  en 
sont  supérieurs ,  en  général ,  à  ceux  des 
éditions  dites  Variorum.  Les  Anglais  pu- 
blient sur  le  modèle  de  ce  grand  ouvrage 
une  pareille  collection  ;  si  ceMe  de  Le- 
maire lui  est  inférieure  sous  le  rapport 
de  l'exécution  typographique  et  de  la 
beauté  du  papier  ,  elle  lui  est  bien  préfé- 
rable pour  le  plan ,  et  même  pour  la  cor- 
rection :  Louis  XVIII  en  avait  accepté  la 
dédicace  :  YEpitre  dédicatoire  qui  est 
écrite  en  vers  latins  est  un  modèle  de  ta- 
lent et  de  goût.  Lemaire  remplaça ,  en 

1811,  Luce  de  Lancival,  comme  profes- 
seur de  poésie  latine  à  l'académie  de 
Paris.  II  composa  en  l'honneur  de  Napo- 
léon et  sur  la  naissance  du  roi  de  Borne  des 
vers  latins ,  faits  avec  le  plus  grand  art 
de  mots,  d'hémistiches,  et  même  de  ti- 
rades ,  empruntées  à  l'auteur  de  l'Enéide, 
et  qui  prouvent  qu'il  connaissait  parfaite- 
ment toutes  les  richesses  de  la  langue  de 
Virgile.  Ces  productions  sont  intitulées  : 
I  Carmen  in  proximum  et  auspicatissi- 
mum  Jugustœ  prœgnantis  partum  ^  1811, 
in-i"  ;  |  Premier  anniversaire  de  la  nais- 
sance de  S.  M.  le  roi  de  Rome .  ou  Vir- 
gile expliqué  par  le  siècle  de  Napoléon^ 

1812,  in-4°.  Lemaire  fut  long-temps 
membre  et  même  président  du  conseil- 
général  de  son  département  (  Meuse  ).  Il 
est  mort  à  Paris  le  h  octobre  1832,  d'une 
maladie  de  foie.  M.  Patin ,  ancien  maître 
de  conférences  à  l'école  normale ,  connu 
par  des  discours  que  l'académie  française 
a  couronnés,  a  été  nommé  pour  le  rem- 
placer à  la  faculté  des  lettres. 

LEMAIRE.  Voxjez  MAIRE. 

LEMAISTRE.  Voyez  MAISTRE. 

•LEMERCIER  (N.),  dit  la  Vendée, 
né  d'un  aubergiste  à  Château-Gontier ,  se 
mit  dans  les  rangs  de  l'armée  vendéenne 
lorsqpi'elle  passa  dans  sa  ville  natale ,  et 
se  lia  d'une  amitié  particulière  avec 
Georges  Cadoudal.  11  se  distingua  par  son 
courage  et  se  trouva  au  siège  de  Gran- 
villc,  aux  batailles  de  Dol  et  du  Mans, 
et  à  la  déroute  deSavenay.  Il  rentra  avec 
Cadoudal  dans  le  département  du  Morbi- 
han ,  fut  fait  prisonnier  avec  lui ,  et  en- 
fernié  dans  les  prisons  de  Brest ,  d'où  ils 
s'évadèrent  en  1794.  Ils  parvinrent  à  for- 
mer une  armée  de  chouans  ,  dite  division 
des  côtes,  qui  protégèrent  la  descente  de» 
émigrés  à  Quiberon.  Devenu  général  oa 


LEM  585 

chef  sous  Georges,  Lemercicr  fui  envoyé  à 
rUe  Dieu  pour  communiquer  avec  le  comte 
d'Artois,  qui ,  après  l'avoir  embrassé,  le 
créa  chevalier  de  Saint-Louis.  Lemer- 
cier  retourna ,  plein  d'un  nouveau  zèle  , 
auprès  de  son  ami ,  qu'il  seconda  dans 
toutes  ses  opérations,  et  accompagna 
dans  tous  les  combats.  Il  fut  un  des  pre- 
miers moteurs  de  l'insurrection  de  1799. 
Le  1"  janvier  ,  il  prit  Saint-Brieuc ,  mais 
il  n'y  demeura  que  trois  heures.  Etant 
parti,  après  la  dernière  pacification, 
pour  aller  en  Angleterre  avec  une  mis- 
sion de  Cadoudal ,  il  fut  tué  près  de  Lou- 
déac  dans  les  Côtes-du-Nord ,  au  mo- 
ment où  il  se  portail  sur  la  côte.  On  lui 
prit  ses  papiers ,  qui  firent  connaître  les 
projets  des  chouans  sur  Brest  et  Belle- 
Isle.  Doué  d'un  esprit  vif,  d'une  péné- 
tration peu  commune,  et  surtout  d'une 
intrépidité  à  toute  éprouve,  il  fut  très 
regretté  de  son  parti,  dont  il  était  un  des 
principaux  chefs  et  l'un  des  meilleurs 
généraux.  Il  est  mort  à  la  fleur  de  son 
âge. 

*  LEMERE  (  Ignace  ) ,  ecclésiastique  , 
né  à  Marseille  en  1697 ,  fit  d'abord  partie 
de  la  congrégation  des  Oratoricns  de 
Marseille ,  qu'il  quitta  pour  venir  se  fixer 
dans  la  capitale ,  où  il  se  livra  tout  en- 
tier à  la  composition  de  ses  bons  ou- 
vrages, et  à  la  pratique  des  bonnes 
œuvres.  On  a  de  lui  :  |  Pensées  chré- 
tiennes et  morales  sur  la  Genèse^  1734  , 
2  vol.  in-12  ;  une  traduction  des  Homélies 
de  saint  Chrysostôme^  1741,  4  vol.  in-8°, 
et  une  traduction  du  Traité  de  la  Pro- 
vidence,  de  Théodoret,  1740,  in-8°.  Il 
mourut  à  Paris  en  1752. 

LEMERY  (Nicolas),  célèbre  chimiste 
et  médecin,  né  à  Rouen,  en  1645  ,  d'un 
I)rocureur  au  parlement ,  se  consacra  à 
l'étude  de  la  chimie ,  et  parcourut  toute 
la  France  pour  s'y  perfectionner.  Cette 
science  était  alors  une  espèce  de  chaos, 
où  le  faux  était  entièrement  mêlé  avec 
le  vrai.  Lemery  les  sépara  ;  il  réduisit  la 
chimie  à  des  idées  plus  nettes  et  plus 
simples,  abolit  la  barbarie  inutile  de 
son  langage ,  semblable  à  la  langue  sa- 
crée de  l'ancienne  théologie  d'Egypte  et 
aussi  vide  de  sens;  il  ouvrit  des  cours 
publics  de  cette  science ,  lesquels  furent 
fréquentés  par  une  foule  d'élèves ,  et  par 
quarante  Ecossais,  qui  quittèrent  leur 
patrie  pour  venir  suivre  ses  leçons. 
Comme  il  était  calviniste ,  on  lui  ôta  son 
brevet,  et  il  se  rendit  alors  en  Angle- 
terre, où  Charles  II  agréa  la  dédidace 
7. 


LEM 

de  la  5"^  édition  de  son  Cours  de  Chimie, 
De  retour  en  France ,  il  dut  en  sortir  en- 
core par  suite  de  la  révocation  de  l'édit 
de  Nantes;  mais  ne  pouvant  vivre  loin 
de  son  pays  et  de  sa  famille  ,  il  y  rentra 
une  seconde  fois ,  et  se  fit  catholique  en 
1686.  L'académie  des  sciences  se  l'associa 
en  1699,  et  lui  donna  ensuite  une  place 
de  pensionnaire.  Elle  le  perdit  en  1715, 
à  70  ans.  C'était  un  homme  infatigable, 
bon  ami ,  d'une  exacte  probité,  et  d'une 
simplicité  de  mœurs  assez  rare.  Il  ne 
connaissait  que  la  chambre  de  ses  ma- 
lades ,  son  cabinet ,  son  laboratoire  et 
l'académie.  Il  fut  une  preuve  que  qui  ne 
perd  point  de  temps  en  a  beaucoup.  On 
a  de  lui  :  |  un  Cours  de  Chimie ,  dont  la 
meilleure  édition  est  celle  de  M.  Baron  , 
en  1756,  in-4° ,  avec  de  savantes  notes. 
La  première  édition  de  ce  livre,  traduit 
dans  toutes  les  langues  de  l'Europe,  se 
vendit  comme  un  ouvrage  de  galanterie 
ou  de  satire.  |  Un  Traité  universel  des 
drogues  simples  j,  1697,  in-4'>  :  ouvrage 
qui  est  la  base  du  suivant ,  et  qui  est  tout 
aussi  estimé;  ]  une  Pharmacopée  uni- 
verselle^ 1697,  in-4°.  C'est  un  recueil 
tiès  exact  de  toutes  les  compositions  des 
remèdes  décrits  dans  les  meilleurs  livres 
de  pharmacie.  |  Un  Traité  de  l'antimoine, 
:  in-8".  Lemery  s'était  beaucoup  enrichi 
par  le  débit  de  blanc  d'Espagne,  qu'il 
posséda  seul  pendant  long-temps. 

LEMERY  (Louis),  fils  du  précédent, 
et  digne  de  lui  par  ses  connaissances  en 
chimie  et  en  médecine ,  fut  pendant  53 
ans  médecin  de  l'Hôtel-Dieu  de  Paris  , 
acheta  une  charge  de  médecin  du  roi , 
et  obtint  une  place  à  l'académie  des 
sciences.  Il  mourut  le  9  juin  1743 ,  à  46 
ans,  aimé  et  estimé.  On  a  de  lui  |  un 
Traité  des  aliinens  ,  1702  ,  in-12  ;  ouvrage 
clair  et  méthodique,  réimprimé  en  2 
vol.  ;  I  lin  grand  nombre  d'excellens  Mé' 
moires  sur  la  chimie  ,  insérés  dans  ceux 
l'académie  des  sciences;  |  trois  Lettres 
contre  le  Traité  de  la  génération  des  vers 
dans  le  corps  de  l'homme ,  par  Andry , 
1704 , in-12. 

*  LEMIERRE  (Antoine-Marix)  ,  do 
l'académie  française ,  né  à  Paris  en  1721, 
et  selon  plusieurs  biographes ,  en  1733, 
était  fils  d'un  simple  employé  aux  finan- 
ces ,  et  tenait  par  sa  mère  à  la  famille  du 
cardinal  Duperron.  Il  étudia  au  collège 
des  jésuites  ,  sous  le  célèbre  père  Porée  , 
dont  la  mémoire  lui  fut  depuis  si  chère 
que,  dans  les  dernières  années  de  sa  vio, 
il  en  parlait  encore  avec  attendrissement. 
53 


LEM  386 

Son  api)lication  au  travail  et  son  amour 
pour  l'élude  inspirèrent  aux  jésuites  le 
désir  d'acquérir  un  sujet  qui  donnait  de  si 
belles  espérances  :  Lemierre,  un  moment 
incertain ,  sans  doute  par  atiachement 
pour  ses  maîtres  ,  se  détermina ,  après 
y  avoir  réfléchi  quelque  temps ,  à  entrer 
dans  le  monde.  Ses  qualités  charmèrent 
M.  Diipin ,  fermier-général,  ami  parti- 
culier de  son  père ,  qui  se  l'attacha  comme 
secrétaire  et  qui  aurait  assuré  sa  for- 
tune, si  la  passion  des  vers  n'eût  eia- 
])êclié  ce  jeune  poète  de  profiter  de 
l'occasion  qui  lui  était  offerte  de  s'en- 
lichir.  C'est  chez  M.  Dupin  qu'il  composa 
ses  premiers  ouvrages.  Son  poème  sur  la 
Tendresse  de  Louis  Xiy  pour  sa  fa- 
mille fut  couronné  en  1755  par  l'académie 
française.  Ceux  qu'il  composa  sur  la 
Sincérité^  et  V Utilité  des  découvertes 
faites  sous  le  règne  de  Louis  XV ^  rem- 
portèrent également  la  palme  à  l'acadé- 
mie de  Pau  en  1754  et  17o6 ,  et  ceux  de 
\ Empire  de  la  mode  ^  1754,  et  du  Com- 
merce, l'obtinrent  à  l'académie  française. 
Aspirant  à  des  triomphes  pUis  éclatans , 
Lemierre  entreprit  sa  tragédie  à.'Hyperm- 
nestre^qjixï  fut  représentée  au  Théâtre- 
Français  en  1758.  Le  brillant  succès  qu'il 
obtint  ne  lui  permit  plus  de  se  partager 
entre  la  finance  et  les  lettres,  et,  malgré 
les  sollicitations  d»  M.  Dupin,  qui  lui 
offrit  de  nouveaux  avantages,  il  aban- 
donna tout ,  pour  ne  plus  songer  qu'à 
ses  vers  :  il  s'occupa  de  composer  qnc\- 
ques  poésies  légères ^  et  donna  successi- 
vement les  pièces  intitulées  Térée  , 
(1761),  IJonénée  (1764),  Artaxerxe 
(  1766  ) ,  GaUlaume  Tell  (  1766  ) ,  Céramis 
(  1785  ) ,  et  Bai-nevell  (  1790  )  ;  |  sa  Fleuve 
de  Malabar  (1770).  eut  40  représenta- 
tions non  interrompues.  Térée,  joué  en 
1761 ,  et  Jdoménée  qui  le  fut  trois  ans 
après ,  furent  reçus  froidement  du  pu- 
blic; il  en  fut  à  peu  près  de  rnéme 
à.' Artaxerxe j  quoique  cet  ouvrage  soit 
rempli  d'un  intérêt  puissant  et  que  la 
position  soit  originale  ;  mais  Guillaume 
Tell .  malgré  l'effroyable  dureté  du  style , 
dont  on  trouva,  sous  ce  rapport,  la  cou- 
leur locale  beaucoup  trop  prononcée , 
excita  un  vif  intérêt,  auquel  ne  contribua 
pas  peu  (  surtout  lors  de  la  reprise  de 
cette  pièce  en  1790)  l'esprit  d'audace  et 
de  liberté  dont  est  empreint  ce  sujet ,  el 
qu'avait  conservé  la  touche  naturelle- 
ment mâle  et  sauvage  de  Lemierre.  De 
belles  scènes ,  un  ton  général  de  vigueur, 
mci  Itèrent  à  .BamevcU  rapprobalioii  des 


connaisseurs,  malgré  la  longueur  des 
premiers  actes  et  de  nomlsreux  vices  de 
diction.  La  fleuve  de  Malabar,  dont  lo 
dénoûmenl  n'est  pas  moins  piltorosquo 
que  celui  d'Hypermnestrc ,  obtint  Ici} 
plus  vifs  applaudissemens.  Les  littérateurs 
jugèrent  néanmoins  que  les  personnages 
étaient  en  général  trop  discoureurs  ,  le 
style  trop  tendu  ,  et  habituellement  l'o- 
cailleiix;  ce  fut  le  terme  dont  se  servit 
Fréron  pour  le  caractériser,  el  on  le 
trouva  plaisant.  On  prétend  que  ma- 
demoiselle Clairon  disait  qu'elle  était 
obligée  de  cracher  les  vers  de  Lemierre. 
Le  même  défaut  domine  dans  son  poème 
de  la  Peinture^  en  trois  chants,  1769,  in- 
8".  Ce  poème,  qui  n'apprend  pas  grand' 
chose  aux  jeunes  peintres,  et  qui  n'est 
qu'une  déclamation  en  vers  ,  manque 
souvent  de  variété,  d'élégance  et  d'har- 
monie. Plusieurs  beaux  morceaux  animés 
de  l'esprit  poétique  ,  tels  que  V Invocation 
au  soleils  l'origine  de  la  Chimie ^  la  Fic- 
tion allégorique  de  l'ignorance ^  etc.. 
font  regretter  qu'il  n'en  ail  pas  fini  un 
plus  grand  nombre  d'autres  qu'il  n'a  fait 
qu'ébaucher,  o  Lemierre  ,  dit  M.  de  La- 
»  harpe,  trouva  le  moyen,  en  s'appuyant 
»  fort  adroitement  sur  un  poète  lalin 
»  moderne ,  qui  lui  fournissait  les  idées 
»  et  les  images  ,  de  faire  un  poème  sur  la 
»  peinture ,  dont  la  versification  est  gé- 
»  néralement  beaucoup  plus  passable  qu» 
»  celle  de  ses  tragédies,  et  de  temps  en 
»  temps  beaucoup  meilleure  qu'à  lui  n'ap- 
»  partient.  Il  était  difficile  de  profiter  da- 
»  vantage  de  son  modèle  ;  sa  marche  est 
I)  exactement  la  même  que  celle  de  l'ou- 
n  vrage  de  l'abbé  de  Marsy  {voy.  M  ARSY;  ; 
j>  il  traite  ,  comme  lui ,  du  dessin ,  ensuilti 
»  des  couleurs,  puis  de  l'invention  et  de 
»  ce  qu'on  appelle  la  poésie  d'un  tableau  ; 
»  il  donne  les  mêmes  préceptes  et  cite 
«les  mêmes  exemples;  les  pensées,  les 
»  transitions ,  les  images ,  sont  presque 
1)  partout  celles  du  poète  latin  ;  enfin  la 
»  version  est  souvent  littérale  dans  des 
j)  morceaux  de  40  à  50  vers.  »  Ce  qu'on 
vient  de  dire  du  Poème  de  la  peinture 
peut  s'appfiquer  avec  plus  de  raison  à 
celui  des  Fastes  et  des  usages  de  l'an- 
née  en  seize  chants,  1779,  in-8°.  C'est  là 
qu'on  trouve  la  description  la  plus  com- 
plète des  coutumes  et  même  des  amuse- 
mens  populaires,  faite  d'une  manière 
dont  les  deux  vers  suivans,  sur  la  lan- 
terne magique,  pourront  donner  l'idro  : 

Opéra  jur  roulette  ,  et  qu'on  porte  i  do«  d'horotno , 
Où  Ton  voit  par  ua  Ircu  les  héro»  qu'on  renomme , 


Quelques  beautés  de  détail  semées  çà  ci 
là,  entre  autres  la  description  du  clair  de 
lune  j  n'empêchent  pas  que  l'oreille  ne 
soit  cruellement  blessée  par  le  ton  géné- 
ral de  la  versilicalion  de  l'auteur.  Person- 
ne ,  ce  semble  ,  ne  devait  posséder  moins 
le  vrai  style  des  pièces  fugitives  que  Le- 
mierre;  il  en  a  cependant  donné  un  Re- 
cueil en  1782.  Si  l'on  n'y  remarque  pas  la 
facilité  et  les  grâces  du  genre  ,  on  y  trouve 
de  la  variété,  des  images,  des  pensées, 
et  quelquefois  de  l'originalité,  ainsi  qu'un 
heureux  emploi  de  la  fable.  En  compa- 
rant ses  poésies  légères  à  celles  de  Vol- 
faire ,  Lemierre  disait  assez  plaisamment; 
«  Entre  Voltaire  et  moi  il  n'y  a  qu'un 
»  saut  de  loup.  »  Ce  poète  avait  une  ima- 
gination vive  et  féconde  ,  il  connaissait 
l'art  de  produire  de  grands  effets  sur  la 
scène  par  des  dénoùmens  pittoresques  ;  on 
trouve  dans  ses  poésies  des  figures  rian- 
tes, et  des  comparaisons  toujours  justes. 
On  a  peine  à  concevoir  que  le  même 
homme  ait  pu  flatter  quelquefois  Toreillc 
par  les  accords  les  plus  doux  et  la  déchirer 
bien  plus  souvent  encore  par  les  sons  les 
plus  discordans.  Ce  défaut  venait  peut- 
être  de  la  répugnance  qu'il  ressentit  dès 
sa  jeunesse  ,  pour  cette  littérature  froide 
et  décolorée  qui  met  tout  son  art  à  noyer 
quelques  idées  dans  un  déluge  de  mots 
harmonieux.  Du  reste,  il  possédait  un 
Jugement  sain  et  il  fut  souvent  consulté 
par  des  hommes  qui  depuis  sont  devenus 
célèbres.  L'abbé  Maury  lui  soumettait 
tous  ses  discours  :  il  était  rare  qu'il  ne 
mît  pas  ses  observations  à  profit ,  et  c'est 
peut-être  à  Lemierre  qu'il  a  dû  de  s'être 
préservé  de  cette  éloquence ,  de  ce  fracas 
de  mots  que  Thomas  et  quelques  autres 
académiciens  avaient  mis  à  la  mode. 
Lemierre  travaillait  avec  une  étonnante 
facilité.  Jamais  on  ne  le  vit  pensif  ou 
préoccupé;  en  quelque  moment  qu'on 
lui  parlât ,  on  ne  paraissait  pas  l'interrom- 
pre ;  son  cabinet  était  partout ,  partout 
il  s'occupait  de  ses  vers,  parce  qu'il  s'en 
occupait  sans  efforts.  C'est  en  déjeunant 
au  Palais- Royal ,  que  remarquant  l'allure 
de  ces  petits  oiseaux  qui  viennent  bec- 
queter autour  des  tables  ,  il  fit  ce  joli  vers 
dont  l'idée  est  si  gracieuse  : 

Même  quand   l'oiieaa  marche  ,  on  sent  «ju'il  a  des 
»îl".  (Faste»  ,  liv.  I.) 

Il  avouait  sincèrement  qu'il  croyait  ses 
pièces  supérieures  à  celles  de  tous  les 
autres  poètes.  Ses  amis  ,  entrant  un  jour 
avec  lui  au  théâtre    où  l'on  devait  don- 


37  LEM 

ner  une  de  ses  tragédies ,  lui  dirent  : 
a  Mais ,  Lemierre ,  il  n'y  a  personne  ?  — 
»Tout  est  plein,  leur  répondit-il;  mais 
»  je  ne  sais  pas  où  ils  se  fourrent.  »  Dans 
une  autre  circonstance ,  voyant  la  salle 
également  dégarnie  :  «  Société  peu  noni- 
»  brcuse  ,  s'écria-t-il ,  mais  bien  choisie.» 
On  raconte  qu'on  le  trouva  un  jour  seul 
sur  la  scène  ;  on  lui  demanda  ce  qu'il  y  fait 
sait  :  «  Je  prends,  réponclit-il,  la  mesuie 
»  d'une  tragédie.  »  Il  disait  en  parlant  de 
ce  vers  qui  se  trouve  dans  son  poème  sur 
le  Commerce  : 

Le  Trident  de  Neptune  est  le  tceptre  du  mondt; , 

«  c'est  le  vers  du  siècle.  »  Comme  ce  vers , 
dont  l'idée  est  réellement  très  belle, 
se  trouvait  perdu  dans  un  grand  nom- 
bre de  choses  bi/.arrcs  ou  insignifiantes  , 
on  l'appela,  par  un  .calembourg  assez 
plaisant,  le  vers  solitaire.  On  raconle 
(ju'un  de  ses  confrères  de  l'académie  fran- 
çaise ,  à  laquelle  ses  diverses  productions 
l'avaient  fait  admettre,  l'ayant  rencontré 
dans  les  bureaux  de  la  marine ,  lui  de- 
manda ce  qu'il  faisait  là  :  «  Eh  !  mon  vers,» 
répondit  le  poète  avec  le  sérieux  le  plus 
divertissant.  Il  déclarait  franchement  ce 
qui  lui  paraissait  bon  dans  ses  écrits; 
mais  il  ne  cherchait  pas  à  lever  im  tribut 
sur  l'admiration  de  personne,  et  recevait 
avec  simplicité  toutes  les  observations 
qu'on  jugeait  à  propos  de  lui  faire  ;  ja- 
mais on  ne  lui  a  vu  un  seul  moment  dai- 
greur  pour  toutes  les  critiques  dont  ii 
était  l'objet,  et,  quoiqu'il  ftîl  naturelle- 
ment enjoué ,  il  no  se  serait  pas  permis  de 
laisser  échapper  un  bon  mot  qui  pût 
blesser  quelqu'un.  Tout  le  monde  connaît 
ce  trait  de  piété  filiale  qui  montre  com- 
bien il  y  avait  de  candeur  et  de  simpli- 
cité dans  son  âme.  Pendant  plusieurs  an- 
nées il  se  rendit ,  à  pied  ,  chaque  luois  , 
de  Paris  à  Villiers-le-Bel ,  pour  porter  à 
sa  mère  le  fruit  des  économies  qu'il  faisait 
en  se  bornant  au  plus  strict  nécessaire. 
Lemierre  avait  pour  la  religion  le  respect 
et  l'attachement  le  plus  sincère  :  chrétien 
par  conviction  ,  il  ne  craignait  pas  d'en 
pratiquer  les  devoirs ,  et  dans  un  temps 
où  l'impiété  faisait  toutes  les  renommées, 
et  disposait  de  toutes  les  réputations  lit- 
téraires ,  il  eut  le  noble  courage  de  rester 
constamment  fidèle  à  la  foi  de  ses  pères. 
On  trouve  dans  un  exemplaire  de  ses 
poésies  légères ,  qui  faisait  partie  de  sa 
bibliothèque,  une  preuve  touchante  de 
la  délicatesse  de  sa  conscience,  et  de  la 
sincérité  de  sa  foi  :  c'est  une  note  sur  son 


LEM 


J588 


LEM 


épître  à  M""^  de  "",  (la  comtesse  de  Bois- 
roget)  sur  la  mort  de  son  fils;  le  dernier 
vers, 

Quelque  part  qu'il  soîl ,  il  repose  ; 

est  ainsi  chauffé , 

Au  tein  de  Dieu  mi>ine  il  repose. 

Ensuite  on  lit  cette  réflexion  écrite  et 
signée  de  sa  main  :  Quoique  cette  pièce 
soit  religieuse  ,  je  ne  la  trouve  pas  chré- 
tienne ,  et  je  désavoue  les  vers  qui  ne  sont 
pas  dans  cet  esprits  faisant  profession 
de  vivre  et  de  mourir  chrétien.  Chacun  a 
retenu  ce  vers  sublime  d'une  de  ses  tra- 
gédies. Le  fils  de  Barneveldt  lui  conseille 
de  se  soustraire  à  l'ignominie  par  la 
mort  et  lui  dit  : 

CatoQ  se  la  donna.... 

Barneveldt  lui  répond  : 

Socrale  l'attendît..  ,  ! 

Lemierre  resta  toujours  étranger  aux  in- 
trigues et  aux  cabales.  Il  se  maria  peu 
de  temps  après  sa  réception  à  l'académie 
française,  où  il  avait  succédé  à  l'abbé 
Balteux,  en  1781 ,  après  s'être  mis  précé- 
demment en  concurrence  d'abord  avec 
Ducis  (à  la  mort  de  Voltaire  ) ,  puis  avec 
Chabanon,  qui  passèrent  avant  lui. 
Il  fut  aussi  bon  époux  qu'il  avait  été 
bon  fils.  Les  excès  de  la  révolution  firent 
une  telle  impression  sur  l'âme  sensible 
de  Lemierre  que  sa  santé  en  fut  altérée, 
et  qu'il  en  tomba,  dit-on,  dans  une  sorte 
de  stupeur.  Après  six  mois  de  maladie  il 
expira ,  soutenu  par  les  secours  de  la  re- 
ligion, à  laquelle  il  s'était  empressé  de 
recourir.  Il  mourut  à  Saint-Germain  en 
Laye,  le  29  juin  1795.  Les  OEuvres  de 
A.-M.  Lemierre ,  de  l'académie  française, 
précédées  .d'une  Notice  sur  la  vie  et  les 
ouvrages  de  cet  auteur ,  ont  été  recueil- 
lies par  René  Périn ,  Paris,  1810,  3  vol. 
in-8". 

*  LEMIERRE  D'ARGY  (  A-.J.) ,  neveu 
du  littérateur  précédent,  et  traducteur- 
interprète  auprès  de  différens  tribunaux 
et  ministères ,  naquit  vers  1760.  Il  possé- 
dait plusieurs  langues ,  et  ne  manquait 
pas  de  talens  ;  mais  une  conduite  déré- 
glée le  faisait  souvent  manquer  du  né- 
cessaire. Il  embrassa  les  principes  de  la 
révolution;  heureusement  pour  lui,  il 
n'y  joua  pas  un  grand  rôle  ;  il  consacra 
cependant  à  ses  faux  principes  plusieurs 
de  ses  écrits.  Souffrant  d'une  maladie 
honteuse  ,  et  plongé  dans  la  misère  ,  il  fut 
contraint  de  se  réfugier  dans  un  hôpital , 
où  il  se  fit  inscrire  sous  un  faux  nom ,  et 
OÙ  il  mourut  le  12  novembre  1813  ,  à  l'âge 


de  53  ans.  Il  a  laissé  :  |  Olivia,  romon 
traduit  de  l'anglais ,  Paris  ,  1787,2  vol. 
in~12;  |  L'Elevé  du  plaisir,  traduit  de 
l'anglais ,  ibid. ,  roman  mauvais  et  très 
immoral  ;  |  Nouveau  Code  criminel  de 
l'empereur  Joseph  II ^  traduit  de  l'alle- 
mand ,  ibid. ,  1788  ;  c'est  le  fameux  Code 
où  ce  monarque  innovateur  remplace  la 
peine  de  mort  par  une  détention  à  vie , 
pendant  laquelle  le  coupable  expiait  ses 
crimes  par  une  torture  continuelle  plus 
terrible  peut-être  que  la  mort.  La  prison 
dite  Pizzighettone,  établie  près  de  Milan, 
où  les  grands  criminels  étaient  enfermés, 
inspirait  plus  d'horreur  que  le  dernier 
suppUce  par  lequel  le  coupable ,  en  rece- 
vant sa  punition  méritée ,  cessait  en  peu 
d'instans  de  souffrir.  |  Calas  ou  le  Fa- 
natisme^ drame  en  4  actes  et  en  prose  , 
joué  pour  la  première  fols  au  théâtre  du 
Palais-Royal  (  les  Français  ) ,  le  17  dé- 
cembre 1790.  Le  lendemain,  M.  Laya 
donna  sur  un  autre  théâtre  un  autre 
Jean  Calas.  Sept  mois  après,  le  7 
juillet  1791,  Chénier  fit  représenter  sur 
le  Théâtre  dit  de  la  République  une  tra- 
gédie en  5  actes  ,  intitulée  Calas.  La  fu- 
reur avec  laquelle  ces  trois  auteurs  sem- 
blaient s'arracher  un  sujet  où  les  prêtres 
n'étaient  pas  ménagés  ,  faisait  peu  d'hon- 
neur à  leur  générosité ,  au  moment  où 
les  ministres  de  l'autel  souffraient  la  plus 
cruelle  persécution.  |  Les  cent  Pensées 
d'une  jeune  Anglaise  { en  anglais  et  en 
français),  avec  des  Mélanges,  dos  Apo- 
logues moraux  et  une  Desciiption  allé- 
gorique des  Voyages  d'iai  jeune  homîne 
au  pays  du  Bonheur j  Paris  ,  1798,  in-12; 
I  Poésies  de  Gray ,  trad.  de  l'anglais  ; 
I  Joscelina  ^  de  madame  Kelly,  trad.  de 
l'anglais,  ibid.,  1799  ,  2  vol.  in-12  ;  |  Code 
général  pour  les  Etats  prussiens,  avec 
MM.  Brosselard  et  Weis  ,  trad.  de  l'alle- 
mand, ib.,  1801,  2  tom.  en  5  vol.  in-8°;  |  le 
Château  de  l'Indolence, -par  Thomson, 
avec  deux  autres  poèmes,  tous  trois  tra- 
duits de  l'anglais,  ibid.,  181/i;  \  Mémoires 
de  la  reine  d'Etrurie,  écrits  par  elle- 
même ,  trad.  de  l'italien,  ibid.,  181/t, 
in-8°.  Ces  Mémoires ,  que  la  reine  d'Etru- 
rie n'a  jamais  écrits ,  sont  d'une  fausseté 
manifeste,  et  nous  doutons  tnéme  qu'ils 
existent  en  italien.  |  Relation  authentique 
de  l'assaut  donné  le  &  juillet  1809  au  pa- 
lais Quirinal ,  et  de  l'enlèvement  du  sou- 
verain Pontife  (Pie  VII)  trad.  de  l'italien 
1814,  in-8°;  \  La  femme  errante,  pav 
miss  Burney,  trad.  de  l'anglais  (  avec 
M.  Breton).  Lemierre  d'Argy  a  laissé  ma- 


LEM  5 

nnscrîle  une  Iragédie  intitulée  Maza- 
niello. 

•  LEMIUE  (Noël)  ,  célèbre  graveur, 
naquit  à  Rouen  en  1724  et  fut  élève  de 
Lcbas.  Il  a  laissé  plusieurs  ouvrages  dont 
les  connaisseurs  font  beaucoup  d'éloges  , 
pour  la  correction ,  l'exactitude  et  la  grâce: 
ils  estiment  surtout  ceux  qui  font  partie 
de  la  magnifique  galerie  de  Florence.  On 
recherche  particulièrement  les  Portraits 
du  grand  Frédéric^  de  Henri  IV^  de 
Louis  XV ^  de  Joseph  II ^  de  JVashing- 
ion^  etc.  Son  chel-d'œuvre  est  le  Partage 
de  la  Pologne  ou  le  Gâteau  des  Rois^  qu'il 
a  signé  Erimel  qui  est  l'anagramme  de 
son  nom.  Il  était  membre  des  académies 
de  Lille  ,  de  Rouen  et  de  Paris  ,  et  mourut 
dans  cette  dernière  ville  en  1801. 

LEMXIUS  ou  LEMMENS  (Lievewou 
LcBvinus  )  ,  médecin  hollandais  ,  né  à 
Ziriczée  en  Zélande,  l'an  1505,  acquit  de 
la  réputation  dans  l'exercice  de  son  art. 
Il  avait  été  disciple  de  Vesale  ,  de  Dodo -■ 
née  et  de  Conrad  Gesner.  *  près  la  mort 
de  sa  femme  ,  il  fut  élevé  au  sacerdoce  , 
et  devint  chanoine  de  Ziriczée,  où  il 
mourut  en  1568.  On  a  de  lui  :  |  De  occul- 
tis  naturœ  miracalis ^  lib.  II,  Anvers, 
{■m,  in-12;libri  IV;  ibid.  1504,  in-12  ; 
ouvrage  curieux  et  savant  pour  le  temps 
où  il  parut;  |  De  astrologia,  in-8°  ;  |  De 
plantis  biblicis  ,  Francfort ,  1591 ,  in-12. 
Lemnius  est  le  premier  qui  ait  traité  des 
plantes  dont  il  est  fait  mention  dans  l'E- 
criture ,  mais  il  en  parle  d'une  manière 
assez  superfi'^iello  et  inexacte  ;  Scheu- 
chzeramieux  fait  dans  sa  Pliysica  sacra. 
On  a  donné  un  Recueil  des  ouvrages  de 
Lemnius,  Francfort,  1628,  auquel  on  a 
ajouté  le  traité  De  gemmis  de  Rucus.  Le 
latin  de  Lemnius  est  estimé  des  connais- 
seurs. A  ces  ouvrages  de  Lemnius  il  faut 
ajouter  :  [  De  vita  animce  et  corporis  7-ecte 
instituenda ,  ioSl  ;  |  De zelandis  suis  coin- 
tnentariolus  ^  dans  la  Batavia  illastrata, 
du  père  Scriverius;  \  Dionysius  libyens 
poeta  j  de  situ  kabitabilis  orbis^  à  Simo?ie 
Lemnio^  poeta  laureato ,  nuper  latinus 
/acfus,  Venise ,  1545  ,  in-12.  C'est  le  poème 
de  Denys,  intitulé  Periegète.  On  trouvera 
la  liste  de  ses  ouvrages  dans  la  Biogra- 
phie médicale  publiée  par  C.-L-F.  Pan- 
ckouke.  —  Guillaume  LEMNIUS,  son  fils, 
né  vers  1550 ,  à  Ziriczée ,  fut  premier  mé- 
decin d'Eric  XIV,  roi  de  Suède.  On  le  fit 
mourir  lorsque  ce  prince  fut  détrôné  en 
1568. —  Il  y  a  un  poète  de  ce  nom  ,  Simon 
LEMNIUS  ,  qui  vivait  en  1550 ,  et  dont  on 
a  de  mauvaises  Epigrammes  ^  in-8". 


89  \.VM 

LEMOINE.  Voyez  MOINE. 

LEMONIVIER  (Pierpe),  né  àSt.-Sevef, 
auprès  de  Vire,  en  1675,  d'une  famille 
honnête,  mérita  par  ses  talens  une  chaire 
de  philosophie  au  collège  d'Harcourt  à 
Paris  (  1725  ).  L'académie  des  sciences  se 
l'associa  en  1757 ,  et  le  perdit  la  même 
année.  On  a  de  de  lui ,  |  Cursus  philoso- 
phicuSj.  1750,  en  6  vol.  in-12.  Ce  cours  a 
eu  du  succès  ;  on  l'a  dicté  dans  plusieurs 
collèges  de  province.  L'on  y  trouve  non- 
seulement  les  notions  géométriques  né- 
cessaires à  tout  physicien ,  mais  encore 
les  questions  de  physique  traitées  avec 
assez  d'étendue,  et  pour  l'ordinaire  avec 
méthode  et  clarté.  Son  système  général 
est  le  cartésianisme  corrigé,  étayé  de 
faits  supposés ,  si  communs  à  tous  les 
faiseurs  d'hypothèses ,  qui  supposent  tou- 
jours ce  qu'il  faudrait  démontrer,  et  qui 
élèvent  souvent  des  colosses  dont  les  pieds 
sont  d'argile  ,  semblables  à  ccikc  de  la 
statue  que  Nabuchodonosor  vit  en  songe. 
L'académie  ,  dont  Lemonnier  était  mem- 
bre ,  lui  doit  aussi  des  Mémoires.  Il  a  en- 
core laissé  :  Premiers  traités  élémentaires 
de  mathématiques  ^  dictés  en  l'université 
de  Paris ,  ouvrage  posthume  et  ano- 
nyme ,  1758 ,  in-8'*. 

•  LEMO.MVIEU  (PiERRE.Cn.\RLEs),filsdu 
précédent,  célèbre  astronome ,  de  l'acadé- 
mie des  sciences  et  de  l'institut,  né  à  Paris, 
le  23  novembre  1713,  n'avait  pas  seize  ans 
lorsqu'il  lit  en  1731  ses  premières  observa- 
tions sur  l'opposition  deSalurne.  Reçu  en 
1756  à  l'académie  des  sciences,  il  suivit 
Mauperluis  dans  son  voyage  au  Nord  pour 
mesurer  un  degré  du  méridien.  A  son 
retour  il  se  signala  presque  chaque  année 
par  quelque  découverte  ou  quelque  tra- 
vail important.  Nommé  professeur  de 
physique  au  collège  de  France  ,  il  eut  La- 
lande  pour  élève.  A  la  formation  de  l'ins- 
titut ,  Lemonnier  fut  membre  de  la  section 
d'astronomie  ;  il  est  mort  à  Héril  près  de 
Bayeux ,  en  1799 ,  des  suites  d'une  attaque 
de  paralysie.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  \Inslitations  astronomiques  ^  1746, 
in-4° ,  un  des  meilleurs  ouvrages ,  dit 
Lalande,  qu'on  ait  faits  en  français  sur 
l'astronomie  élémentaire  ;  |  .'astronomie 
nautique  lunaire  ,  où  l'on  traite  de  la  la- 
titude et  de  la  longitude  en  mer ,  1771 . 
in-8°;  |  Essai  sur  les  marées  et  leurs  effets 
aux  grèves  du  mont  Saint-Michel .  1774  , 
in-S";  I  Description  et  usage  des  prin- 
cipaux instrumens  d'astronomie^  1774. 
in -fol.  C'est  un  des  cahiers  de  la  grande 
Desci'iption  des  arts  et  métiers.\Mémoii-ef 
53. 


concernant  diverses  questions  d' astrono- 
mie et.de  physique ,  178i  el  1784,  in-4"; 
î  Histoire  céleste  ^  1741 ,  in-4°;  |  Théorie 
des  comètes  j.  1743,  in-8°  ;  |  le  TVbupeoM 
zodiaque  réduit  à  l'année  I7b5, 175o,  in-8"; 
\  Lois  du  magnétisme..  1776,  in-S".  2* 
partie  1778  i  in-S";  |  une  Traduction  du 
Traité  de  la  construction  des  vaisseaux , 
par  le  suédois  Chapman  ,  1779,  in-fol.  Le 
ioma  oàts  Mémoire  s  àe  l'institut  (sciences 
phys.  ef  math.  ) ,  contient  l'éloge  de  Le- 
monnier,  par  Lefebvre  Gineau.  Voyez  sur 
ses  ouvrages  la  Bibliothèque  astronomi- 
que de  Lalande. , 

•  LEMOMVIER  (Louis  -  GurtLAUME  ) , 
frère  du  précédent,  de  l'académie  des 
sciences  ,  el  premier  médecin  du  roi ,  né 
en  1717,  mort  le  21  fructidor  an  VII  (7 
septembre  1799  ) ,  s'appliqua  particulière- 
ment à  la  physique ,  et  fut ,  avec  l'abbé 
Nollet,  un  de  ceux  qui  inspirèrent  le 
îjoùt  de  la  physique  expérimentale ,  dont 
tous  deux  donnaient  des  cours.  Il  se  dis- 
tinjjua  surtout  par  des  expériences  cu- 
rieuses sur  l'électricité,  de  l'air,  expé- 
riences qui ,  jointes  à  celles  que  Dalibard 
fil  à  Marly-la-Ville  ,  ont  démontré  pour 
la  première  fois  à  l'Europe,  l'identité  du 
fluide  électrique  et  de  la  foudre.  Il  culti- 
vait aussi  avec  succès  la  botanique.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  |  Leçons  de 
Physique  expérimentale  sur  Véquilihre 
des  liqueurs^  et  sur  la  nature  et  les  pro- 
priétés de  l'air.,  traduit  de  V anglais  de 
R.  Cotes,  1742  in-S";  |  Observations  d'his- 
toire naturelle.  1744,  in-4°;  |  une  édi- 
tion de  la  Phai-macopée  de  Charas;  |  Lettre 
sur  la  culture  du  café .  ilTh ,  in-12  ;  |  beau- 
coup de  mémoires  dans  le  recueil  de  l'a- 
cadémie des  sciences  ;  |  plusieurs  articles 
dans  l'Encyclopédie  :  Jlimant ,  Electri- 
cité .  etc.  On  a  de  M.  Challan  un  Eloge 
historique  sur  sa  vie ,  1799 ,  in-8°. 

•  LEMONNIER  (  Pierre-René  ),  né  à 
Paris  en  1731,  fut  secrétaire  du  maréchal 
de  Maillebois,  puis  commissaire  des  guer- 
res, et  mourut  à  Metz  le  8  janvier  1796. 
Il  a  donné  plusieurs  pièces  de  théâtre 
écrites  avec  élégance,  dont  plusieurs  ont 
eu  quelque  succès  ,  entr'autres  :  |  le  Ma- 
riage clandestin,  comédie  en  3  actes  et  en 
vers  libres ,  imitée  de  Garrick  ,  représen- 
tée en  1775  et  non  imprimée  ;  |  le  Maître  en 
droit,  opéra  comique  en  2  actes,  1760, 
in-8°;  |  le  Cadi  dupé,  el  Renaudd'Jst.  co- 
médie en  2  actes  molée  d'ariettes,  4765, 
in-8°  :  le  même  sujet  a  été  traité  avec 
plus  de  bonheur  en  1787  ,  par  M.  Radet. 

•  LEMOANÎEîl  (  Gi:iîJ.AUME-A\  roiNE  , 


90  LEM 

l'abbé  ) ,  directeur  de  la  musique  de  la 
Sainte -Chapelle,  né  à  St. -Sauveur-le- 
Vicomte,  en  1721 ,  fit  ses  éludes  au  col- 
lège de  Coutances ,  et  vint  ensuite  à  Pa- 
ris, où  il  fut  nommé  en  1743,  chapelain 
de  la  Ste.-Chapelle.  Il  obtint  plus  lard 
dans  la  basse  Normandie  une  cure,  dont  la 
révolution  le  priva.  Pendant  la  terreur  , 
Lemonnier  fui  renfermé  dans  les  prisons 
de  Sainte-Marie-du-Mont ,  puis  amené  à 
Paris  à  Sainte-Pélagie.  Rendu  à  la  liberté 
après  le  9  thermidor,  la  Convention  le 
comprit  dans  la  liste  des  gens  de  lettres 
à  qui  elle  accorda  des  secours.  Quelque 
temps  après  il  fut  nommé  bibliothécaire 
du  Panthéon ,  et  mourut  le  4  avril  1797. 
On  lui  doit  :  |  une  traduction  fidèle  et  élé- 
gante des  comédies  de  Térence.  1770  ,  5 
vol.  in-8°,  avec  le  texte  en  regard  et  des 
notes  ;  réimprimée  en  1831,  dans  le  Théâ- 
tre complet  des  Latins,  publié  par  Levée; 
I  une  traduction  des  Satires  de  Perse, 
1771,  in-8'',  avec  des  notes;  |  Fables, 
contes  et  épitres ,  1773  ,  in-8"  ;  1  quelques 
pièces  de  théâtre  dont  une  seule  a  é4é 
jouée,  le  Bon  fils.  Il  existe  une  Notice 
sur  la  vie  de  G. -A.  Lemonnier,  par  Mulot, 
Paris ,  1797,  in-8°. 

•  LEMONMER  (  Amcet-  Charles-Ga- 
briel), peintre  d'histoire,  né  lu  6  juin 
1743,  à  Rouen,  fut  un  des  élèves  de  Vien, 
et  après  avoir  remporté,  en  1770.  le  grand 
prix  de  peinture ,  se  rendit  à  Rome  eu 
1774  ,  en  qualité  de  pensionnaire  de  l'a- 
cadémie de  France.  Son  séjour  en  Italie 
fortifia  son  talent  :  parmi  I«s  productions 
de  cet  artiste ,  on  admire  surtout  le  ta- 
bleau de  St.-Charles  Bo7'romée  portant 
les  secours  de  la  religion  aux  pestiférés 
de  Milan,  qui  fut  exposé  au  salon  de  1783, 
et  celui  de  Cléombrote .  qui  parut  au  sa- 
lon de  1787,  tous  deux  recommandables 
par  le  goût  de  la  composition,  l'expres- 
sion des  personnages,  la  fermeté  du  pin-« 
ceau  :  nommé  à  l'académie  royale  de 
peinture  en  1789,  Lemonnier  prit  dans 
la  mort  d'Antonin  le  sujet  de  son  mor- 
ceau de  réception.  Pendant  la  révolu- 
tion, Lemonnier  fit  partie  de  la  com- 
mission des  monumens;  c'est  en  partie 
à  ses  soins  qu'est  duc  la  conservation 
d'un  grand  nombre  d'objets  précieux, 
que  le  vandalisme  révolutionnaire  vou- 
lait détruire.  Nommé  en  1810,  adminis- 
trateur de  la  manufacture  des  tapisse- 
ries de  la  couronne ,  il  fit  exécuter  des 
ouvrages  très  beaux ,  notamment  la  peste 
de  Jaffa,  d'après  le  baron  Gros.  Le- 
monnier fut  destitué  en  1816  :  la  ville  de 


LEM 


391 


LEM 


Rouen  le  dédotnmafjea  de  la  perle  de  son 
emploi,  par  une  pension  de  3,000  fr.  Il 
continua  de  consacrer  à  son  art  les  der- 
nières années  de  sa  vie,  et  mourut  à  Pa- 
ris, en  182i.  Au  nombre  des  bonnes  com- 
positions qu'on  lui  doit ,  on  remarque  une 
Lecture  chez  M""  Geoffririj  QT&\ée  par 
Jazel  ;  François  I"  recevant  à  Fontai- 
nebleau la  Ste.- famille  de  Pi.aphacl; 
Louis  XIV  assistant  dans  le  parc  de 
Versailles  à  l'inauguration  de  la  statue 
de  Miloji  de  Crotone,  du  Pu^et  ;  ces  trois 
tableaux  qui  rassemblent  les  personnages 
les  plus  illustres  du  dernier  siècle  ,  ont 
tléac(xuis  par  le  prince  Eugène,  pour  la 
yalerie  de  Municb.  On  distingue  aussi  les 
.ambassadeurs  romains  venant  deman- 
der à  VJrèopage  la  communication  des 
lois  de  Solon.  Les  tableaux  de  Lemon- 
nicr  se  font  surtout  remarquer  par  la 
lidélité  des  attributs,  la  belle  expression 
des  tètes  ,  et  un  grand  art  do  draper.  Le 
musée  de  Rouen  possède  12  de  ses  pro- 
ductions. Son  fils  a  publié  une  Notice 
sur  sa  vie  et  ses  ouvrages  ^  Paris ,  182i  , 
in-S". 

'  LEMONTEY  (  Pierre -Edouard  ), 
membre  de  l'académie  française,  naquit 
le  \k  janvier  1763  ,  à  Lyon,  d'une  famille 
respectable  de  négocians.  Après  avoir 
fait  d'excellentes  études  dans  sa  ville  na- 
tale, il  suivit  la  double  carrière  du  bar- 
reau et  des  lettres,  et  en  même  temps  qu'il 
se  distinguait  par  ses  plaidoyers ,  il  rem- 
portail  des  couronnes  pour  ses  discours 
littéraires;  il  eut  en  1783,  le  prix  d'élo- 
quence à  l'académie  de  Marseille ,  pour 
X Eloge  de  Fabry  de  Peyresc,  et  fut  en- 
core couronné  en  1788  pour  \ Eloge  du 
capitaine  Cook.  Le  premier  de  ces  dis- 
cours est  imprimé  dans  les  Mémoires  de 
celle  académie,  le  second  le  fut  à  Paris 
en  1792  ,  in-8".  La  convocation  des  états- 
généraux  en  1789  changea  la  direction 
des  idées  de  Lemontey  :  il  embrassa  la 
carrière  de  la  politique.  Son  premier  ou- 
vr.age  dans  ce  g[enre  fut  V Examen  im- 
partial des  réflexions  sur  la  question  de 
savoir  si  les  protestans  peuvent  être  élec- 
teurs ou  éligibles  pour  les  états-géné- 
raux. L'édit  de  1787,  avait  accordé  aux 
protestans  l'état  civil,  mais  les  avait  ex- 
clus des  places  de  l'administration  :  la 
question  des  droits  électoraux  était  resiée 
indécise  ;  malgré  l'avis  d'un  grand  nom- 
bre d'écrivains,  Lemontey  fit  triompher 
la  cause  des  protestans  :  ceux  de  Lyon 
en  voyèretil  un  député  aux  états  généraux. 
Cbanjé  de  la  rédaction  du  cahier  de  l'as- 


semblée électorale  de  Lyon  ,  extra  mn- 
ros,  Lemontey  fit  paraître  ime  brochure 
qui  a  pour  tilre  ,  Quelques  demandes 
pour  les  campagnes,  et  l'année  sxxivante. 
Réflexions  sur  les  devoirs  des  conseils 
des  accusés,  et  avis  aux  électeurs  sur  le 
choix  des  juges.  A  l'époque  de  la  forma- 
tion des  municipalités,  il  fut  nommé  sub- 
stitut du  procureur  de  la  commune  de 
Lyon,  et  dans  plusieurs  occasions  impor- 
tantes ,  il  parla  au  nom  de  cette  grande 
cité.  Elu  en  1791 ,  député  à  l'assemblée 
Législative ,  il  se  rangea  du  côté  des 
constitutionnels,  devint  membre  du  co- 
mité diplomatique  ,  secrétaire  et  prési- 
dent de  l'assemblée  ,  et  exerça  cette  der- 
nière fonction  pendant  une  grande  partie 
de  la  session  :  ce  qui  l'éloigna  plusieurs  fois 
de  la  tribune.  Néanmoins  il  s'opposa  aux 
lois  contre  l'émigration  ,  et  s'il  ne  réussit 
pas  dans  ses  efforts  sur  ce  point ,  il  par- 
vint du  moins  à  faire  excepter  de  cette 
loi  de  proscription ,  les  sa  vans,  les  artistes 
et  les  voyageurs.  Obligé,  en  qualité  de 
secrétaire,  de  faire  part  à  l'assemblée  des 
dépêches  arrivées,  il  ne  put  retenir  ses 
larmes  et  ses  sanglots ,  lorsqu'il  lut  le  ré- 
cit des  massacres  d'Avignon  ;  et  fut  forcé 
de  descendre  de  la  tribune.  Il  présidait 
l'assemblée  Législative,  lorsque  Louis 
XVI  s'y  présenta,  en  1791  :  on  venait  d« 
décréter  subitement  qu'il  ne  serait  ré- 
pondu au  discours  du  monarque  que  par 
écrit ,  en  sorte  que  le  président  ne  put 
faire  au  roi ,  qui  n'avait  point  été  pré- 
venu et  qui  fut  étrangement  surpris,  que 
cette  réponse  sèche  :  Sire,  VAssemblée 
nationale  décidera  sur  les  propositions 
que  vous  venez  de  lui  faire .  et  vous  in- 
struira par  un  message  de  ses  résolu- 
tions. Le  lendemain,  Lemontey  voulut 
exprimer  dans  son  projet  de  message  la 
peine  que  lui  avait  fait  éprouver  le  si- 
lence de  la  veille  ;  l'assemblée  s'y  opposa 
et  le  força  d'effacer  cette  partie  de  son 
discours.  Après  la  fin  de  la  session,  pen- 
dant laquelle  il  s'était  fait  remarquer  en 
général  par  la  modération  de  ses  vues  et 
par  ses  connaissances  en  droit, Lemontey 
se  retira  dans  sa  ville  natale.  La  terreur 
le  força  de  se  cacher ,  et ,  lorsque  Lyon 
s'insurgea  contre  la  Convention,  il  se 
rangea  parmi  ses  défenseurs.  Après  avoir 
vu  périr  presque  tous  les  membres  de  sa 
famille,  il  n'échappa  lui-même  à  la  mort 
qu'en  se  réfugiant  en  Suisse  ,  sous  le  dé- 
guisement d'un  soldat.  Il  ne  revint  en 
France  qu'en  1793 ,  fut  nommé  adminis- 
trateur du  district  de  Lyon ,  et  s'efforça 


LEïff 


592 


LEM 


de  faire  rappeler  les  exilés.  En  1797, 
Lyon  ayant  été  en  proie  à  la  disette  ,  il  fut 
chargé  d'aller  demander  des  secours  au 
gouvernement.  Après  avoir  rempli  cette 
mission ,  il  parut  avoir  renoncé  enlière- 
nient  aux  affaires  publiques,  fil  un  voyage 
en  Italie ,  et  vint  se  fixer  à  Paris ,  où  il 
jouit  en  paix  des  douceurs  de  l'amitié  et 
de  l'élude.  En  1798  ,  il  fil  jouer  l'opéra  de 
Palma  ou  le  voyageur  en  Grèce,  en  deux 
actes ,  qui  eut  plus  de  cent  représenta- 
tions ;  en  faisant  paraître  sur  la  scène 
les  barbares  qui  démolissaient  les  chefs- 
d'œuvre  des  arts  dans  la  Grèce,  l'auteur 
se  proposait  de  vouer  à  la  haine  publique 
les  vandales  révolutionnaires  qui  avaient 
détruit  les  monumens  de  la  France.  Quel- 
que temps  après  il  donna  l'opéra  de  Roma- 
gnesi,  qui  eut  plus  de  20  représentations. 
L<jrsque  l'ordre  des  avocats  fut  rétabli, 
Lcmontey  se  fît  inscrire  sur  le  tableau  de 
ceux  de  Paris,  et  dévint  membre  du  con- 
seil de  Tadministration  des  droits  réunis. 
En  1804,  le  gouvernement  ayant  voulu 
confier  la  censure  des  pièces  de  théâtre 
à  un  jury  composé  de  trois  hommes  de 
lettres,  Lemontey  fut  le  chef  de  cette 
commission  ;  il  s'acquitta  honorablement 
de  cette  tâche  difficile ,  et  la  remplit  al- 
ternativement sous  divers  titres,  après  la 
restauration  et  pendant  les  cent-jours.  En 
^819,  il  fut  élu  membre  de  l'académie 
française,  où  il  remplaça  l'abbé  Morellet. 
Il  mourut  le  27  juin  1826,  et  eut  pour 
successeur  dans  ce  corps  savant  M.  Fou- 
rier.  Outre  les  ouvrages  que  nous  avons 
cilés  ,  outre  d'imporlans  manuscrits  dont 
l'ensemble  devait  former  une  Hisloii-e 
critique  de  la  France  depuis  la  rnorl  de 
Louis  XIV ,  quelques  articles  signés  le 
Frileux^  dans  le  Journal  général,  en  1814 
et  1815,  diverses  notices  dans  la  Minerve 
littéraire ,  V Abeille,  la  Revue  orcyclopé- 
dique,  etc.,  ses  discours  et  ses  mémoires 
lus  à  rinstilut ,  Lemontey  a  laissé  :  |  Rai- 
son-Folie, chacun  son  mot^  petit  cours 
'Je  morale  à  la  portée  des  vieux  enfans . 
Paris,  1801,  in-8»,  ouvrage  rempli  d'es- 
prit et  de  grâce,  qui  obtint  2  éditions  dans 
la  même  année;  3' édition  augmentée, 
1816,  2  vol.  in-S";  |  Récit  exact  de  ce 
qui  s'est  passé  à  la  société  des  observa- 
teurs de  la  femme ,  le  mardi  2  novembre 
1802,  Paris,  1803,  in-18,  production  dans 
le^genre  de  la  préfcédente,  mais  qui  lui 
est  bien  inférieure  ;  ]  La  vie  d'un  soldat 
français ,  ou  trois  dialogues  composés 
par  un  conscrit,  Paris,  180S,  in-S"»; 
I  Irons-nous  à  raris  ou  la  Famille  du 


Jura,  Paris,  1804,  in-12,  brochure  de 
circonstance  qui  eut  4  éditions  la  mémo 
année  ;  |  Thibault  ou  la  naissance  d'un 
comte  de  Champagne ,  poème  en  quatre 
chants,  sans  préface  et  sans  notes,  tra- 
duit de  la  langue  maure,  sur  l'original 
composé  en  1230,  jiar  Robert  de  Sor- 
bonne,  clerc  du  diocèse  de  Reims,  Paris, 
1811,  in-12.  (  Essai  sur  V établissement  mo" 
narchiquede  Louis  XI F  et  sur  les  altéra- 
tions qu'il  éprouva  durant  la  vie  de  ce 
prince,  qu'il  publia  en  1818,  à  la  suite  de 
nouveaux  Mémoires  de  Dangeau.  Ce  mor- 
ceau devait  servir  d'introduction  à  une 
histoire  critique  de  la  France  pendant  le 
18*  siècle,  ouvrage  important  qui  n'a  pas 
été  publié.  On  a  reproché  à  Lemontey  de 
montrer  beaucoup  de  partialité,  quand 
il  s'agit  des  grands  noms  de  la  monarchie 
française ,  et  d'avoir  faussé  l'histoire  par 
des  systèmes  ;  \  De  la  peste  de  Marseille 
et  de  la  Provence  pendant  les  années  1720 
et  1721 ,  fragment  de  l'Histoire  critique 
de  la  France  indiquée  ci-dessus ,  Paris , 
1821 ,  in-S**  ;  |  Etude  littéraire  sur  la  par- 
tie historique  du  roman  de  Paul  et  Vir- 
ginie .  accompagnée  de  notes  officielles 
relatives  au  naufrage  du  vaisseau  le 
Saint-Géran,  Paris,  1823,  in-S°  et  in-18; 

1  Fables  russes  tirées  du  recueil  de  M. 
Kriloff,  précédées  d'une  introduction 
française  de  Lemontey,  et  imitées  en  vers 
français  et  italiens ,  par  divers  auteurs. 
publiées  par  le  comte  Orloff,  Paris,  1825, 

2  vol.  in-8";  |  Eloge  historique  de  Vicq 
d'Jzir,  1823  ,  in-4"  ;  |  des  Bons  effets  de 
la  caisse  d'épargne  et  de  prévoyance,  ou 
les  trois  visites  de  M.  Bruno,  Lille  ,  1821, 
in-12  ;  2*^  édition  :  petit  écrit  ingénieux 
qui  a  beaucoup  favorisé  rétablissement 
des  caisses  de  prévoyance.  Il  a  été  réim- 
primé un  grand  nombre  de  fois  dans  di/- 
férentes  villes.  On  a  placé  en  tête  dei 
Mémoires  de  l'abbé  Morellet,  1821-1822. 
2  vol.  in-8°,  V Eloge  de  cet  académicien 
par  Lemontey,  et  en  tête  des  Poésies  de 
Chaidieu,  une  notice  biographique  et 
littéraire  sur  ce  poète,  dont  Lemontev 
est  aussi  l'auteur.  En  vertu  d'une  ordon- 
nance rendue  en  juillet  1826 ,  par  le  pré- 
sident du  tribunal  de  première  instance, 
confirmée  par  un  arrêt  de  la  cour  royale 
de  Paris,  les  copies  et  extraits  faits  par 
Lemontey  des  pièces  originales  à  lui  con- 
fiées en  1808,  par  le  ministère  des  rela- 
tions extérieures,  ainsi  que  ceux  dqscs 
manuscrits  contenant  des  citations  de  ces 
mêmes  pièces,  ont  été  mis  en  dépôt  chez 
le  notaire  Chodron.  M.  ViUemain,  alors 


LEM 


59:^ 


le:*i 


directeur  de  racadémie  française,  a  fait 
X Eloge  funèbre  de  Lemontey. 

LEMOINE.  rotjez  MOINE. 

LEMOS  (  Thomas  ) ,  dominicain ,  né  de 
parons  nobles  à  Rivadavia  en  Galice ,  en 
i5i5  selon  Moréri,  vers  1559  selon  le  père 
Quétif ,  est  célèbre  par  le  zèle  avec  lequel 
il  combattit  pour  saint  Thomas  contre 
Molina.  Il  entra  fort  jeune  dans  l'ordre  de 
Saint-Dominique.  Il  professait  la  théolo- 
gie à  Valladolid  en  15%,  quand  le  moli- 
nisme  commença  à  troubler  les  écoles.  Le 
cnapitre  général  de  son  ordre  ,  convoqué 
à  Naples  en  1600,  le  chargea  d'aller  à 
Rome  pour  défendre  la  doctrine  des  écoles 
dominicaines  ou  thomistes.  On  était  à 
examiner  le  livre  de  Molina,  de  la  Con- 
corde du  libre  arbitre  et  de  la  grâce  :  le 
père  Lemos  excita  les  juges  de  cet  ou- 
vrage de  vive  voix  et  par  écrit.  Il  parut 
avec  éclat  dans  les  congrégations  de  auxi- 
lits  ;  les  papes  Clément  VIII  et  Paul  V, 
qui  les  avaient  convoquées,  applaudirent 
plusieurs  fois  à  sou  éloquence  et  à  son  sa- 
voir. Le  jésuite  Valencia,  si  on  en  croit 
les  dominicains ,  fut  terrassé  par  cet  ha- 
bile homme,  et  mourut  peu  de  temps 
après,  consumé  par  le  chagrin.  Pierre 
Arrubal,  son  confrère,  le  remplaça,  mais 
il  ne  put  tenir  contre  le  dominicain.  Ou- 
tre que  la  nature  avait  fait  naître  celui-ci 
avec  une  poitrine  de  fer ,  il  était  envi- 
ronné d'une  gloire .  en  manière  de  cou- 
ronne,  qui  éblouissait  ses  adversaires^  et 
les  cardinaux  même.  C'est  ïe  R.  père 
Chouquet ,  dominicain ,  qui  nous  atteste 
ce  prodige  dans  son  curieux  livre  des 
Entraille  s  maternelle  s  de  la  sainte  Vierge 
pour  l'ordre  des  frères  prêcheurs.  On 
sent  bien  que  les  jésuites  se  donnent  éga- 
ment  l'avantage  dans  ces  disputes.  (  Voyez, 
Jlistoria  controversiarum  de  auxiliis  di- 
vines gratiœ  ^  a  Ligino  Meyer.  )  Elles  fu- 
rent terminées,  comme  l'on  sait,  par  une 
permission  donnée  aux  deux  parties  d'en- 
seigner et  de  défendre  leurs  sentimens  ; 
ce  qui  prouve  assez  que  les  papes  ont  jugé 
qu'il  n'y  avait  ni  dans  les  uns  ni  dans  les 
autres  rien  qui  intéressât  essentiellement 
la  foi.  Effectivement,  les  dominicains  et 
les  jésuites,  en  raisonnant  diversement 
sur  la  prédestination  et  la  grâce,  se  réunis- 
saient pî^rfaitement  dans  les  conclusions 
générales  que  l'Eglise  oppose  aux  héréti- 
ques. (  Voy.  MOLINA.  )  Le  roi  dEspagne 
offrit  à  Lemos  un  évcché  qu'il  refusa.  Il 
se  contenta  d'une  pension,  dont  il  jouit 
jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  1629,  à  SA  ou 
a  70  ans.  Il  était  depuis  long-temps  con- 


suîteur-gcnéral  de  liiiquisilion  et  s'était 
relire  au  couvent  de  la  Minerve  On  a  de 
lui:  I  Panoplia  gratiœ^  2  vol.  in -fol., 
1676,  à  Béziers,  sous  le  nom  de  Liège.  Il 
y  traite  à  fond  des  matières  de  la  grâce 
et  de  la  prédestination;  mais  après  avoir 
lu  tout  ce  qu'il  en  dit,  on  finit  par  où 
les  théologiens  devraient  commencer , 
par  cette  exclamation  si  sage  de  l'apôtre 
des  gentils  :  O  altitudo  diviliai-nm!  elc. 
I  Un  Journal  de  la  congrégation  de 
Auxiliis,  Reims,  1702,  in-fol.  ,sou3  le 
nom  de  Louvain  ;  |  un  grand  nombre 
d'autres  Ecrits  sur  les  questions  de  la 
grâce,  qu'on  ne  demande  pas  assez,  et 
sur  laquelle  on  dispute  trop.  En  tète  de 
cet  avant  -dernier  ouvrage  se  trouve  la 
vie  de  Lemos,  par  l'éditeur,  le  père 
Serry. 

•LEMOT  (le  baron  Fra\çois-Fuédé-| 
Ric  ),  statuaire ,  membre  de  l'institut ,  pro- 
fesseur à  l'école  royale  des  beaux-arts  de 
Paris,  officier  de  la  légion  d'honneur, 
chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Michel,  na- 
quit à  Lyon  ,  le  ii.  novembre  1771.  Il  était 
fils  d'un  menuisier  de  cette  ville,  qui  étant 
venu  se  fixer  à  Paris  ,  l'emmena  avec  lui, 
à  l'âge  de  douze  ans,  et  le  fit  recevoir  à 
l'école  gratuite  de  dessin  pour  lui  faire 
apprendre  la  géométrie  pratique  et  l'or- 
nement. Un  jour  que  l'enfant  était  allé 
visiter  le  parc  de  Sceaux ,  le  célèbre  sta- 
tuaire Dejoux  l'y  rencontra ,  dessinant, 
dans  le  bosquet  d'Eole  et  de  Scylla ,  le  fa- 
meux Hercule  gaulois  de  Pierre  Pujet ,  et, 
charmé  de  l'ébauche  ,  il  lui  proposa  d'en- 
trer à  son  école.  Le  jeune  Lemot  accepta 
avec  joie  cette  proposition.  Il  fit  des  pro- 
grès immenses,  et  après  quatre  années 
d'études ,  il  osa  concourir  pour  le  grand 
prix  de  sculpture  (1790),  dont  le  sujet 
proposé  par  l'académie  ,  était  le  jugement 
deSalomon.  Lemot,  âgé  alors  de  19  ans, 
offrit  son  bas-relief  qui  fut  admiré  et  ob- 
tint le  prix.  Présenté  à  la  reine  Marie- 
Antoinette  et  au  Dauphin  ,  il  alla  ensuite 
à  Rome ,  comme  pensionnaire  du  roi  ;  il 
se  formait  dans  cette  ville  depuis  trois  ans 
à  l'art  si  difficile  du  statuaire  ,  lorsque  la 
révolution,  en  1793,  étendit  ses  désastreux 
effets  jusqu'en  Italie.  Le  jour  de  l'assassi- 
nat de  Hugon  de  Basse  ville  (  voyez 
BASSEVILLE),  ambassadeur  de  la  répu- 
blique ,  la  populace  romaine  se  porta  à 
l'académie  de  France,  y  mit  le  feu ,  pour- 
suivit et  maltraita  les  élèves  qu'elle  y 
trouva.  Lemot  et  ses  confrères  cherchèrent 
un  asile  à  Naples  et  ensuite  à  Florence. 
Les  secours  qu'ils  obtinrent  de  l'envoyé 


6-ançais  auprès  du  grand  duc  furent  si 
insuffisans ,  que  Lemot  se  décida  à  venir 
à  Paris  pour  solliciter  du  gouvernement 
une  pension  qui  permît  aux  élèves  de 
l'académie  d'achever  leurs  études  en  Ita- 
lie, nfut  alors  atteint  par  la  réquisition, 
et,  après  avoir  à  peine  eu  le  temps  d'at- 
teindre le  but  qu'il  s'était  proposé  en  re- 
venant en  France  ,  il  partit  pour  l'armée 
du  Rhin  ,  commandée  par  le  général  Pi- 
chegru.  Il  servait  comme  artilleur  aux 
avïiat-postes,  lorsqu'en  179S  la  république, 
voulant  ériger  une  statue  colossale  en 
bronze  ,  représentant  le  peuple  frauçais 
sous  les  traits  d'Hercule ,  le  rappela  dans 
la  capitale  :  cette  statue ,  de  cinquante 
pieds  de  proportion  qui  devait  être  pla- 
cée sur  le  terre-plein  du  Pont-Neuf,  et 
pour  la  confection  de  laquelle  la  Conven- 
tion avait  appelé  le  concours  de  tous  les 
artistes,  ne  fut  point  exécutée.  Mais  Le- 
mot en  fit  le  modèle  qu'il  présenta  au 
jury  nom^mé  pour  cet  objet.  Ou  le  chargea 
de  faire ,  pour  la  salle  du  conseil  des  Cinq- 
cents  ,  le  modèle  en  plâtre  de  la  statue  de 
Numa-Pompilius,  et,  sous  le  consulat,  il 
exécuta  poiir  la  salle  du  tribunat,  au  Pa- 
lais-Royal ,  ime  statue  en  marbre  de  Cicé- 
ron ,  que  l'artiste  a  représenté  au  moment 
où  cet  orateur  fait  tonner  dans  le  sénat  sa 
Catilinaire.  Sous  le  consulat,  il  fut  chargé 
de  faire  le  modèle  en  plâtre  d'une  statue 
de  Léonidas  aux  Thermopyles ,  pour  la 
salle  des  délibérations  du  sénat  conserva- 
teiur,  et ,  pour  le  vestibule  du  palais ,  celui 
d'un  bas  relief  représentant  deux  Renom- 
mées .  dont  on  admire  le  style  et  le  dessin. 
Du  temps  de  l'empire ,  il  fit  des  modèles 
en  plâtre  des  statues  de  Lycurgue  et  de 
BrutuSj  pour  la  salle  des  séances  du  corps 
législatif.  Lemot  fit  encore  pour  la  tribune 
du  corps  législatif  un  bas-relief  allégo- 
rique en  marbre,  d'une  belle  ordonnance; 
Le  buste  de  la  liberté ,  posé  sur  un  socle 
élevé,  occupe  le  milieu  de  cette  composi- 
tion ,  et  au-dessous  est  un  médaillon ,  pré- 
sentant l'image  de  Janus  ;  deux  figures  de 
femmes,  de  grandeur  naturelle,  là.  Re- 
nommée et  Y  Histoire ,  se  voient  lune  à 
droite  et  l'autre  à  gauche,  et  deux  en- 
seignes militaires ,  ornent  le  fond  de  ce 
bas-relief,  qui  est  tout-à-fait  dans  le  goût 
du  célèbre  Goujon.  L'institut  lui  ouvrit 
ses  portes  en  1805.  Lemot  est  de  plus  au- 
c'eur  du  char  et  des  deux  figures  de  la 
Victoire  -et  de  la  Paix ,  qui  accompa- 
gnaient sur  l'arc  de  triomphe  du  Carrou- 
sel le  célèbre  quadrige  de  bronze  du  por- 
tail de  l'église  Saint-Marc  à  Venise.  Ces 


trois  morceaux,  er.  plomb  doré,  furent 
mis  en  place  sur  la  fin  de  1808.  En  1810. 
Lemot  termina  l'immense  bas-relief  qui 
remplit  le  tympan  du  fronton  du  Louvre, 
du  côté  de  Saint-Germain  l'Auxerrois ,  su- 
perbe ouvrage ,  désigné  par  le  jury 
pour  le  prix  décennal,  et  qui  offre  vingt- 
quatre  mètres  de  longueur  sur  cinq  do 
hauteur.  La  même  année ,  il  succéda  à 
Chaudet  [voyez  CHAUDET )  dans  la  place 
de  professeur  de  sculpture  à  l'école  des 
beaux-arts  de  Paris,  et  fut  nommé  membre 
associé  de  l'académie  de  Lyon.  Parmi  le» 
autres  compositions  de  Lemot  nous  cite- 
rons le  buste  colossal  de  Jean  Bart  exécuté 
pour  Dunkerque;  la  sculpture  de  l'arc-de- 
Iriomphe  sur  le  pont  de  Chàlons-sur- 
Marnc,  qui  a  été  détruite  par  l'ennemi 
en  1814;  la  statue  équestre  de  Henri  IV 
sur  le  Pont-Neuf  à  Paris,  dont  l'exécution 
lui  fut  confiée  en  1814,  et  qui  fut  inau- 
gurée le  25  août  1818,  en  présence  du  roi; 
la  statue  équestre  de  Louis  XIV  qui  fut 
mise  en  place  le  4  novembre  1823  sur  la 
place  Bellecour  à  Lyon  ;  elle  valut  à  l'ar- 
tiste ce  compliment  du  roi  de  Prusse,  qui 
l'avait  vue  dans  ses  ateliers  :  quand  on  fait 
un  si  bel  ouvrage ,  on  coule  sa  réputation 
en  bronze.  Une  Hébé  en  marbre ,  versant 
le  nectar  à  Jupiter  changé  en  aigle  ;  enfin 
Lemot  a  fait  l'esquisse  entière  d'un  groupe 
de  la  Religion  et  de  la  reine  de  France , 
Marie- Antoinette  j-gonr  la  chapelle  expia- 
toire construite  à  Paris,  dans  la  prison 
de  la  conciergerie.  Cet  habile  sculpteur 
est  mort  à  Paris,  le  6  mai  1827,  des  suites 
d'une  chute  qu'il  fit  à  la  pose  de  sa  statue 
de  Henri  IV.  Ses  restes  ont  été  transférés, 
comme  il  l'avait  demandé ,  à  son  beau 
château  de  Clisson,  qui,  la  veille  même 
de  sa  mort,  avait  été  érigé  en  majorât,  li 
possédait  des  connaissances  variées,  et 
son  style  était  pur  et  élégant.  On  a  de  lui 
une  Notice  (  anonyme  )  publiée  à  Paris , 
en  1817,  sur  la  trille  et  le  château  de 
Clisson^  imprimée  chez  Didot,  et  faisant 
suite  au  Voyage  pittoresque  dans  le  Bo- 
cage  (Vendée)  par  Thiénon,  peintre, 
1817,  in-4°.  On  trouve  une  notice  sur  Le- 
mot dans  le  Voyage  de  Clisson,  par  M. 
Edouard  Richer,  Nantes ,  Mellinet-Ma- 
lassis,  5=  édition,  1818,  in-8". 

LEMOYNE.  Voyez  MOINE. 

•  LEIVIPRIBRE  (John),  ecclésiastique 
et  littérateur  anglais ,  né  dans  l'île  de  Jer- 
sey ,  fut  d'abord  maître  de  grammaire  à 
l'école  d'Exeter ,  puis  obtint  la  place  de 
recteur  de  Meeth  dans  le  comté  de  Devcn, 
qu'il  occupait  encore  lorsqu'il  mourut  en 


LEIV 


S9S 


LEN 


182â.  On  lui  Joil  :  |  le  premier  volume 
(tune  Traduction  d'JJéi-odote .  qu'il  ne 
«■oatinua  pas ,  à  cause  du  succès  mérité 
qu'obtint,  dans  le  même  temps,  la  tra- 
duction complète  du  même  historien  ,  par 
M.  Beloe  ;  |  Bibliothèque  classique ,  ou 
Dictionnaire  classique ,  1789 ,  in-8",  ou- 
vrage composé  en  grande  partie  d'après 
les  Siècles  littéraires  de  Sabatier  de  Cas- 
tres, nouv.  édit.  fort  augmentée ,  1  vol. 
in-4°,  trad.  en  français  par  Christophe, 
1S04;  I  Biographie  universelle .  1808,  in- 
4",  dont  il  a  donné  un  abrégé  in-8".  Il  a 
aussi  laissé  plusieurs  Sermons. 

LENCLOS  (  Anne  ,  dite  NINON  de  ) , 
naquit  à  Paris  en  1616,  de  parens  nobles. 
■Sa  mère ,  qui  était  de  la  famille  des  Abra 
de  Raconis,  de  d'Orléanais,  voulait  en 
faire  une  fille  vertueuse  ;  son  i)ère ,  sei- 
gneur Tourangeau,  homme  dissipé  et 
frivole ,  réussit  beaucoup  mieux  à  en  faire 
une  épicurienne.  Ninon  perdit  ses  parens 
à  l'âge  de  15  ans.  Blaitresse  de  sa  destinée 
dans  une  grande  jeunesse ,  elle  se  forma 
toute  seule.  Son  imagination  s'étaitxxal- 
tée  et  égarée  sur  plus  d'un  article  essen- 
tiel par  la  lecture  des  ouvrages  de  Mon- 
taigne et  de  son  copiste  Charron  ;  lecture 
que  le  célèbre  Malebranche  croyait  la 
plus  propre  à  corrompre  les  jeunes  gens- 
Elle  était  déjà  connue  dans  Paris  par  ses 
bons  mots,  sa  philosophie,  et  la  parade 
qu'elle  faisait  d'une  manière  de  penser 
tout-à-fait  particulière.  Un  goût  décidé 
pour  le  libertinage  l'empêcha  de  se  prêter 
à  aucun  engagement  solide.  Ayant  mis 
son  bien  à  fonds  perdu,  elle  jouissait  de 
huit  à  dix  mille  livres  de  rente  viagère.' 
Le  plan  de  vie  qu'elle  se  traça  n'avait 
point  eu  d'exemple.  Elle  ne  voulut  pas 
faire  un  trafic  honteux  de  ses  charmes , 
mais  donner  à  son  libertinage  un  air  de 
décence ,  et ,  s'il  est  permis  de  le  dire  ,  un 
air  de  dignité.  Ce  dessein  extravagant  ne 
lui  réussit  que  trop  bien,  la  corruption 
humaine  accueillant  avec  empressement 
tout  ce  qui  semble  dénaturer  le  vice  et 
lui  donner  part  aux  honneurs  de  la  vertu. 
Sa  maison  fut  le  rendez- vous  de  ce  que  la 
cour  et  la  ville  avaient  de  plus  poli.  Scar- 
lonla  consultait  sur  ses  romans,  Saint- 
Evremont  sur  ses  vers,  Molière  sur  ses 
lomédies,  Fontenelle  sur  ses  dialogues. 
Car  telle  est  la  lâche  lé  des  beaux  esprits 
et  des  philosophes ,  prétendant  à  la  célé- 
brité, que  le  jugement  d'une  courtisane 
l)eut  les  flatter  assex  pour  la  faire  l'arbitre 
de  leurs  pensées  et  de  leurs  talens.  Les 
Coligni,  les  Villarceaux,  les  Se  vigne,  le 


grand  Condé,  le  duc  de  la  Rochefoucauld, 
le  maréchal  d'Albret ,  Gourville ,  Jean 
Bannier,  la  Châtre,  furent  successive- 
ment ses  amans  ;  mais  tous  reconnurent 
que  Ninon  n'était  pas  susceptible  d'atta- 
chement. Le  dernier  l'éprouva  surtout 
d'une  façon  singulière.  Obligé  de  rejoin- 
dre l'armée,  incrédule  aux  sermens  lef 
plus  tendres ,  Ninon  le  rassura  par  un 
billet  signé  de  sa  main ,  dans  lequel  elle 
lui  donnait  sa  parole  d'honneur  que, 
malgré  son  absence ,  elle  n'aimerait  que 
lui.  A  peine  eut-il  disparu,  qu'elle  se  jeta 
dans  les  bras  d'un  nouvel  amant.  Madame 
de  Maintenon  voulut ,  dit-on ,  l'engager  à 
vivre  en  femme  honnête  et  chrétienne, 
et  l'invita  même  à  venir  la  voir.  Ninon , 
asservie  à  un  long  désordre ,  préféra  sa 
voluptueuse  indépendance  à  la  gêne  d'être 
vertueuse  en  si  bonne  compagnie.  En  vain 
des  directeurs  sages  voulurent  la  ramener 
à  la  religion ,  elle  n'en  fit  que  plaisanter. 
Ninon  n'aimait  point  pourtant  qu'on  fit 
parade  de  l'irréligion.  Un  de  ses  amis  re- 
fusant de  voir  son  curé  dans  une  maladie, 
elle  lui  mena  ce  prêtre  :  «  Monsieur ,  faites 
»  votre  devoir;  je  \qias  assure  que,  quoi- 
»  qu'il  raisonne ,  il  n'en  sait  pas  plus  que 
»  vous  et  moi.  »  Elle  définissait  elle-même 
parfaitement  la  passion  à  laquelle  elle  sa- 
crifiait son  honneur  et  sa  conscience ,  en 
disant  que  c'était  «  une  sensation  plutôt 
»  qu'un  sentiment  ;  un  goût  aveugle ,  pu- 
»  rement  sensuel  ;  une  illusion  passagère 
»  que  la  satiété  détruit  ;  un  plaisir  ma- 
»  chinai,  commun  à  l'homme  et  à  la  brute, 
»  qui  ne  suppose  aucun  mérite ,  ni  dans 
»  celui  qui  le  donne ,  ni  dans  celui  qui  le 
»  reçoit.  »  Ninon  tâchait  de  mettre  tant  de 
décence  dans  sa  conduite  extérieure ,  que 
des  dames  du  plus  haut  rang  furent,  dit- 
on ,  liées  avec  elle  d'une  amitié  intime, 
comme  mesdames  de  la  Suze,  de  Castel- 
neau,  de  la  Ferté,  de  Sully,  de  Fiesque, 
de  la  Fayette,  etc.  La  reine  Christine 
voulut  l'emmener  avec  elle  à  Rome ,  mais 
Ninon  n'était  pas  disposée  à  quitter  ses 
voluptueuses  habitudes.  On  a  fait  beau- 
coup d'éloges  de  sa  probité  à  garder  in- 
tact un  dépôt  d'argent  que  lui  avait  laissé 
son  amant  Gourville ,  et  qu'elle  lui  rendit 
à  son  retour ,  après  de  longues  années  ; 
mais  en  agir  autrement  aurait  été  com- 
mettre un  vol,  et  ne  pas  s'en  rendre  cou- 
pable ,  ce  n'est  qu'avoir  une  probité  assea 
commune.  Ce  trait  a  servi  à  Voltaire  de 
sujet  pour  sa  comédie  du  Dépositaire. 
Il  avait  été ,  au  sortir  du  collège ,  présenté 
à  Ninon  pcr  l'abbé  de  Chàteauueuf  j  et 


LEN 


596 


LEIV 


elle  lui  laissa  deux  mille  francs  pour  ache- 
ter (les  livres.  Cette  épicurienne  si  char- 
mante aux  yeux  des  hommes  mous  et 
lâches,  mais  si  coupable  aux  yeux  de 
Dieu,  mourut  le  17  octobre  1706 ,  suivant 
les  uns,  comme  elle  avait  vécu,  suivant 
d'autres ,  dans  des  sentimens  plus  chré- 
tiens. Elle  avait  alors  90  ans  et  cinq  mois. 
Elle  laissa  quelques  enfans.  L'un  de  ses 
fils  est  mort  ofûcier  de  marine.  Avant 
qu'il  vînt  au  monde ,  un  militaire  et  un 
ecclésiastique  se  disputèrent  le  criminel 
honneur  de  la  paternité.  La  chose  était 
douteuse ,  le  sort  en  décida.  On  prit  des 
dés,  et  l'abbé  perdit  cette  funeste  gloi*-e. 
Un  autre  fils  de  Ninon  finit  ses  jours  d'une 
manière  bien  tragique.  Il  devint  amou- 
reux de  sa  mère,  à  qui  il  ne  croyait  pas 
appartenir  de  si  près  ;  mais  dès  qu'il  eut 
découvert  le  secret  de  sa  naissance,  il  se 
poignarda  de  désespoir  :  tous  les  genres 
d'horreur  paraissent  devoir  se  réunir 
dans  cette  longue  scène  de  prostitution. 
Sa  manie  était  d'avoir  l'air  et  les  manières 
d'un  homme ,  et  de  disputer  à  ce  sexe  les 
avantages  qu'il  a  sur  le  sien.  «  A  la  bonne 
»  heure ,  a  dit  à  cetteoccasion  J.-J.  Rous- 
»  seau  ;  mais  je  ne  voudrais  pas  plus  de 
»  cet  homme-là  pour  mon  ami  que  pour 
»  ma  maîtresse.  »  Deux  auteurs  nous  ont 
donné  la  Vie  de  cette  nouvelle  Laïs  :  M. 
Bret  en  1751 ,  in-12  ;  et  M.  Damours ,  à  la 
tête  des  Lettres  qu'il  a  supposées  écrites 
par  Ninon  au  marquis  de  Sévigné ,  1764 , 
2  vol.  in-12,  dans  lesquelles  il  y  a  beau- 
coup d'esprit,  des  sentimens  exaltés  et 
romanesques,  qui  eu  prouvent  la  sup- 
position. En  1790,  on  a  donné  la  Corres- 
pondance secrète  entre  Ninon  de  Lenclos^ 
le  marquis  de  Villarceaux  et  madame  de 
Maintenon.  Il  n'est  pas  possible  de  s'y 
méprendre ,  ce  n'est  ni  le  ton ,  ni  le  style 
de  cette  époque  qui  n'était  point  encore 
celle  du  brillant  persiflage.  Il  n'existe  que 
7  ou  8  lettres  qui  soient  vraiment  de  Ni- 
non de  Lenclos.  Elles  ont  été  insérées  dans 
les  OEuvres  de  Saint-Evremont.  Ce  sont 
des  espèces  de  billets  écrits  sans  préten- 
tion. Plusieurs  critiques  lui  ont  attribué 
un  petit  écrit  intitulé  la  Coquette  cor- 
rigée^ 1659,  in-12  de  48  pages;  cet  opus- 
cule est  une  critique  de  l'ouvrage  do 
Fr.  Jouvenel,  qui  a  pour  titre  Portrait 
de  la  Coquette.  Voyez  les  n"  3052  et 
10, 105  du  Diclonnaire  des  anonymes.  On 
peut  consulter  pour  plus  de  détails  :  Mé- 
'  moires  sur  Ninon  par  Bret,  Paris,  1751, 
ln-12,  ouvrage  dont  nous  avons  parlé. 
LE\ET  (  Philibert  -  BER?iARD  ),   cha- 


noine régulier  de  Sainte-Geneviève,  né  à 
Dijon  en  1677,  professa  la  théologie  à 
l'abbaye  de  Saint- Jacques  de  Provins,  et 
y  prononça  l'oraison  funèbre  de  François 
d'Aligre ,  qui  en  était  abbé  commenda- 
taire.  Lenet  fut  aussi  abbé  du  Val-dcs- 
Ecoliers.  Il  est  auteur  de  quelques  ouvra- 
ges qui  ont  eu  de  la  célébrité ,  et  lui  ont 
mérité  une  place  parmi  les  écrivains  ec- 
clésiastiques du  18*^  siècle.  On  a  de  luî, 
outre  l'oraison  funèbre  ci-dessus  ,  Paris , 
1712 ,  in-4°  :  Traité  de  V amour  de  Dieu , 
nécessaire  dafis  le  sacrement  de  péni' 
tence  ;  ouvrage  posthume  composé  en  la- 
tin par  Bossuet ,  évcque  de  Meaux ,  avec 
la  traduction  française  (  par  le  père  Le- 
net ) ,  publié  par  M.  Bossuet ,  évêque  de 
Troyes,  Paris,  1736,  in-12;  [  Traité  des 
principes  de  la  foi  chrétienne j  par  Du- 
guet,  avec  un  avertissement ^  par  le  père 
Lenet ,  génovéfain ,  Paris,  1756,  3  vol.  in- 
12  ;  I  Conférences  ecclésiastiques  de  Du- 
guet  (  rédigées  par  le  père  Lenet,  cha- 
noine régulier  ) ,  Cologne ,  1742  ,  2  vol. 
in-4°.  Le  père  Lenet  n'avait  point  mis  son 
nom  à  ces  divers  ouvrages  rapportés  dans 
le  Dict.  des  anonymes.  Il  travailla  au 
Missel  de  Troyes ,  sur  l'invitation  de  Bos- 
suet, évêque  de  cette  ville,  dont  il  était 
parent.  Il  mourut  en  mars  1748.  Il  était 
de  la  même  famille  que  le  suivant. 

LENET  (  Pierre),  fils  et  petit -fils  de 
deux  présidens  du  parlemerU  de  Dijon,  a 
été  lui-même ,  en  1657 ,  conseiller  dans  co 
corps,  ensuite  procureur  -  général ,  et 
enfin  conseiller  d'état.  Il  fut  pendant  le 
siège  de  Paris,  en  1649,  l'un  des  inlen- 
dans  de  justice,  de  police  et  des  finances. 
Le  siège  fini ,  il  retourna  à  la  cour ,  où 
l'on  se  servit  de  lui  en  beaucoup  d'occa- 
sions importantes.  On  a  imprimé  ses  Mé- 
moires ,  contenant  V histoire  des  guerres 
civiles  des  années  1649  et  suivantes,  prin- 
cipalement de  celles  de  Guienne.  Ils  ont 
paru  en  1729  ,  en  2  vol.  in-  12  ,  sans  nom 
de  ville  ni  d'imprimeur.  Ces  Mémoires 
ne  sont  pas  bien  écrits ,  mais  ils  contien- 
nent quelques  faits  intéressans.  L'auteur 
n'y  dit  presque  rien  que  ce  qu'il  a  vu,  et 
il  a  eu  part  à  la  plus  grande  partie  des 
choses  qu'il  raconte.  Il  mourut  on  1671. 

LEIVFANT  (  David  ) ,  dominicain  pa- 
risien, mort  dans  sa  ville  natale  en 
1688,  à  85  ans,  publia  plusieurs  com- 
pilations, dont  les  principales  sont  : 
I  Biblia  hemardiniana ,  Biblia  augusti- 
niana,  Biblia  Thomœ  Jquinatis ,  en  3 
vol.  in  -  4°.  Ces  ouvrages  renferment 
tous  les  passages  de  l'Ecriture  expliques 


LEjV 


597 


LEIV 


par  ces  Pères.  |  Un  recueil  des  Sentences 
de  saint  Augtistin ,  sous  le  titre  de  Concor- 
dantice  augustinianœ.  2  vol.  in-fol.  \  '  une 
Histoire  générale^  superficielle  et  mal 
écrite,  en  6  volumes  in -12,  1684.  Une 
sin(jularité  de  cet  ouvrage  ,  c'est  que  l'au- 
teur observe  ce  qui  s'est  passé  de  parti- 
culier dans  l'univers ,  chaque  jour  de  l'an- 
née, depuis  la  naissance  de  Jcsus-Cluist. 
Le  père  d'Avrigni  y  a  relevé  plusieurs 
fautes  dans  les  dates. 

LEi\FAIVT  (  Jacques  ) ,  né  à  Bazoches 
dans  la  Beauce ,  l'an  1661 ,  d'un  père  qui 
était  ministre  protestant ,  fit  ses  études  à 
Saumur  et  à  Genève.  Il  passa  à  Heidel- 
berg  en  1681 ,  et  y  obtint  les  places  de  mi- 
nistre ordinaire  de  l'église  française ,  et 
de  chapelain  de  l'élect-rice  douairière  pa- 
latine. L'invasion  des  Français  dans  le 
Palatinat,  en  1688,  l'ayant  obligé  de  se 
retirer  à  Berlin ,  il  y  fut  prédicateur  de 
la  reine  de  Prusse,  Sophie-Charlotte,  et 
chapelain  du  roi  son  fils ,  Frédéric-Guil- 
laume. Lenfant  fut  agrégé,  en  i710,  en 
Angleterre,  à  la  société  de  Xtk propagation 
de  la  foi,  et  devint  membre  du  Consis- 
toire français  établi  pour  diriger  les  af- 
faires des  réfugiés.  Il  mourut  d'une  pa- 
ralysie en  1728 ,  à  67  ans.  Les  plus  connus 
de  ses  ouvrages  sont  :  |  Histoire  du  con- 
cile de  Constance,  Amsterdam,  17 Ht,  in- 
k°',  ibid.  2  vol.  in-4°,  1727;  celle  du  con- 
cile de  Pise,  ibid.,  2  vol.  in-4°,  1724; 
Utrecht,  1731 ,  2  vol.  in-4°;  celle  du  co7i- 
cile  de  Bâle,  1731,  même  format  et  même 
nombre  de  volumes.  Ces  trois  histoires, 
défigurées  par  l'esprit  de  parti  et  de  secte 
qui  animait  l'auteur ,  ont  été  réunies  en 
i73i ,  en  6  vol.  in-4''.  |  Nouveau  Testa- 
ment, traduit  en  français  sur  l'original 
grec,  avec  des  notes  littérales,  conjoin- 
tement avec  Beausobre ,  en  2  vol.  in-4**. 
Dartis ,  ministre  de  Berlin ,  a  accusé  les 
traducteurs  d'avoir  affaibli  les  preuves 
de  la  divinité  deJ.-C.  |  VHistoire  de  la 
papesse  Jeanne ,  1694 ,  in-12.  Lenfant  re- 
vint dans  la  suite  de  ses  préjugés  au  sujet 
de  celte  fable  si  ridiculement  inventée; 
mais  Desvignoles  donna  une  nouvelle  édi- 
tion de  son  ouvrage  en  1720 ,  en  2  vol. 
hi-12,  avec  des  augmentations  considé- 
rables, dans  lesquelles  il  fit  de  vains 
efforts  pour  appuyer  ce  roman.  (  Voyez 
BENOIT  IIL  )  i  Une  Traducticm  latine  du 
livre  de  la  Becherche  de  la  vérité,  du 
père  Malebranche,  en  2  vol.  in-4°;  |  Pog- 
giana,  en  2  vol.  in-12  :  ouvrage  aussi 
inexact  que  toutes  les  productions  de  ce 
genre.  C'est  ime  Vie  du  Pogge,  avec  un 


recueil  de  ses  bons  mots  et  quelques-uns 
de  ses  ouvrages.  |  Des  Sermons .  2  vol. 
in-12;  [  Des  Ecrits  de  controverse.  Le 
plus  connu  est  intitulé  :  Préservatif  contre 
la  réunion  açec  la  siège  de  Rome ,  1725, 
en  o  vol.  in -8®.  Il  y  prétend  réfuter  ut» 
ouvrage  de  mademoiselle  de  Beaumonl, 
qui  met  au  néant  les  raisons  de  la  sépa- 
ration des  proteslans  d'avec  l'Eglise  ro- 
maine. I  Traduction  des  I-ettres  choisies 
de  saint  Cyprien  aux  confesseurs  ot  aux 
martyrs ,  avec  des  reinai'ques  historiques 
et  morales ,  in-12  ;  [  plusieurs  Pièces  dans 
la  Bibliothèque  choisie  et  dans  la  Biblio- 
thèque germanique /&\di(\ue\\Q  il  eut  beau- 
coup de  part,  et  qui  par  là  se  ressentent 
de  ses  préjugés. 

'  LENFAIVT  (  Alexandhe-Charles- 
Amve  ),  célèbre  prédicateur  jésuite,  né 
à  Lyon ,  le  6  septembre  1726 ,  d'une  fa- 
mille noble  du  Maine ,  fit  ses  premières 
études  dans  cette  ville,  chez  les  pères  de 
cette  compagnie,  et  fut  admis,  en  1741 ,  au 
noviciat  d'Avignon.  Charj^é  de  l'enseigne- 
ment de  la  rhétorique  à  Marseille ,  il  so 
livra  en  même  temps  à  la  prédication,  et 
obtint  dans  la  chaire  tant  de  succès  quo 
ses  supérieurs  le  fixeront  dans  cette  car- 
rière. Il  prêcha,  jusqu'à  la  suppression 
de  cet  ordre  en  1775 ,  dans  plusieurs 
villes  de  France  ,  et  partout  son  éloquen- 
ce excitait  l'admiration.  Elle  opéra  même 
d'éclatantes  conversions ,  particulière- 
ment à  Malines ,  celle  d'un  anglais  pro- 
testant,  qui  était  l'ami  d'Young,  auteur 
des  Nuits.  Lorsque  la  Société  de  Jésus 
fut  abolie  en  France  ,  le  père  Lenfant 
avait  47  ans  :  il  continua  ses  travaux 
apostoliques  et  fit  entendre  la  parole  de 
Dieu,  notamment  à  "Vienne  devant  Jo- 
seph II. Parmi  ses  auditeurs  on  remarqua 
plus  d'une  fois  des  hommes  qui  faisaient 
profession  d'incrédulité  ;  Diderot  et  d'A- 
lembert  assistèrent  à  ses  sermons  pendant 
tout  un  carême.  On  raconte  qu'après 
avoir  entendu  un  de  ses  discours  sur  la 
foi  .  Diderot  dit  à  son  ami  :  Quand  on  a 
entendu  un  sermon  semblable ,  il  devient 
difficile  d'être  incrédule.  Le  père  l-icn- 
fant  se  faisait  remarquer  par  la  force  de 
sa  composition  plus  que  par  les  charmes 
de  son  style.  Sans  avoir  un  débit  pom- 
peux ,  il  avait  de  l'harmonie  dans  la  voix, 
et  surtout  un  ton  de  conviction  profonde. 
En  1791,  il  prêchait  un  carême  à  la  cour 
de  Louis  XVI ,  lorsque  le  refus  qu'il  fit  de 
prêter  le  serment  à  la  constitution  ,  le 
força  d'interrompre  la  station  Conduit  à 
la  prison  de  rAl)baye ,  le  50  août  1792 ,  i) 
34 


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39S 


LEN 


prévit  que  sa  fin  n'était  pas  éloignée.  Le 
lendemain  il  donna  à  un  huissier  tout 
l'argent  qu'il  avait  sur  lui,  et  se  pré- 
para à  la  mort.  «  Le  père  Lenfant  et  l'ab- 
»  bé  de  Rastignac  parurent  dans  la  tri- 
»  bune  de  la  chapelle  qui  nous  servait  de 
»  prison  ;  ils  annoncèrent  que  notre  der- 
»  nière  heure  arrivait ,  et  nous  invitèrent 
K  à  nous  recueillir  pour  recevoir  leur  bé- 
»  nédiction.  Un  mouvement  électrique 
»  qu'on  ne  peut  définir  nous  précipita 
»  tous  à  leurs  genoux  ,  et,  les  mains  join- 
»  tes  ,  nous  la  reçûmes.  «  Le  témoin  au- 
quel nous  devons  ce  récit ,  échappa  par 
hasard  au  massacre  qui  eut  lieu  le  même 
jour  sur  les  prêtres,  sur  le  comte  de  Mont- 
morln  et  sur  les  vSuisses.  L'arrestation  de 
«e  digne  ecclésiastique  excita  un  vif  in- 
térêlchezles  personnes  sensibles. Maillard 
lui-même  consulta  les  administrateurs  de 
police  et  de  surveillance  sur  le  sort  de 
l'abbé  Lenfant.  Ceux-ci  lui  répondirent 
de  la  Mairie  :  «  Nous  déclarons  au  peuple 
»  qu'il  importe  beaucoup  à  T  intérêt  public 
»  que  l'abbé  Lenfant  soit  conservé,  mais 
j>  qu'il  ne  soit  pas  mis  en  liberté,  au  con- 
»  traire ,  très  étroitement  gardé.  »  Ces 
bonnes  intentions  ne  purent  se  réali- 
ser .  et  les  cannibales  de  cette  époque  ne 
voulurent  pas  laisser  échapper  cette  in- 
nocente victime.  Quand  le  peuple  vit  ar- 
river l'abbé  Lenfant  devant  le  tribunal 
révolutionnaire,  il  demanda  à  grands 
cris  qu'il  fût  épargné.  Les  bourreaux  qui 
devaient  l'immoler  l'ayant  relâché  ,  on 
entendit  de  toul-',s  parts  lui  dire....  Sau- 
vez-vous....! Il  avait  traversé  la  foule, 
qui  lui  ouvrait  un  passage,  et  était  déjà 
dans  la  rue  de  Bussy ,  lorsque  quelques 
femmes  s'écrièrent ,  innocemment  peut- 
être,  mais  bien  indiscrètement  :  C'est  le 
confesseur  du  roi!  ....  et  par  ces  mots  le 
désignèrent  aux  satellites  du  tribunal  san- 
guinaire ,  qui  le  saisirent  et  l'amenèrent 
(le  nouveau  à  l'Abbaye.  Arrivé  dans  la 
cour ,  il  lève  les  mains  au  ciel ,  et  mon- 
trant une  résignation  chrétienne ,  il  dit 
ces  dernières  paroles  :  3fon  Dieu  !  je  vous 
remercie  de  pouvoir  vous  offrir  ma  vie  ^ 
comme  vous  avez  offert  la  vôtre  pour 
moi!  Il  se  met  à  genoux  ,  et  tombe  ex- 
pirant sous  les  coups  de  ses  bourreaux. 
C'était  le  3  septembre  1792.  L'abbé  Len- 
fant a  laissé  :  |  Oraison  funèbre  du  dau- 
phin :, -pcre  de  Louis  XVI  (prononcée  à 
INancy  ) ,  1766  ;  |  Sermons  pour  Vavent  et 
pour  le  carême^  Paris,  1818,  8  vol.  in-12  ; 
I  Oraison  funèbre  de  M.  de  Belzunce  ^ 
évéque  de  Marseille,  prononcée  en  latin 


et  imprimée  avec  une  traduction  fran- 
çaise ,  4756 ,  in-8°.  On  a  publié  le  Recueil 
de  ses  sermons ^  Paris,  1818,  8  vol.  in- 
12.  On  trouve  en  tète  de  cette  collection, 
une  Notice  sur  l'auteur  par  M.  N.  S.  Guil- 
Ion. 

LE\GLET  (Pierre),  natif  de  Beau- 
vais  ,  professeur  royal  d'éloquence ,  fut 
recteur  de  l'université  de  Paris  en  1660, 
et  mourut  en  1707.  On  a  de  lui  un  Recueil 
de  poésies  héroïques  ,  où  il  y  a  du  goût , 
un  style  aisé  et  pur  ,  intitulé  :  Pelri  Len- 
gleti  carmina  ^  1692  ,  in-S". 

LENGLET  du  FRESNOY  (Nicolas), 
savant  ecclésiastique  ,  naquit  à  Bcauvaia 
en  1674.  Après  le  cours  de  seg  premières 
études,  qu'il  fit  à  Paris,  la  théologie  fut 
le  principal  objet  de  ses  travaux  ;  à  22  ans 
il  débuta  par  quelques  ouvrages  qui  fi- 
rent croire  qu'il  s'occuperait  exclusive- 
ment de  cette  étude  ;  il  la  quitta  ensuite 
pour  la  politique  et  la  diplomatie.  En 
1703  ,  le  marquis  de  Torcy ,  ministre  des 
affaires  étrangères  ,  l'envoya  à  Lille  ,  où 
était  la  cour  de  l'électeur  de  Cologne  , 
Joseph-Clément  de  Bavière.  Il  y  fut  ad- 
mis en  qualité  de  premier  secrétaire  pour 
les  langues  latine  et  française.  Il  fut 
chargé  en  même  temps  de  la  correspon- 
dance étrangère  de  Bruxelles  et  de  Hol- 
lande. L'abbé  Lenglet  avait  eu  occasion 
de  connaître  le  prince  Eugène  après  la 
prise  de  Lille  ,  en  1708.  Dans  un  voyage 
qu'il  fit  à  Vienne  en  1721,  il  vit  de  nou- 
veau ce  prince ,  qui  le  nomma  son  biblio- 
thécaire ;  place  qu'il  perdit  bientôt  après. 
Son  séjour  dans  ce  pays  porta  ombrage 
à  la  cour  de  France,  qui  le  fit  arrêter  à 
son  retour ,  en  1723  ;  et  il  fat  détenu  pen- 
dant six  mois  dans  la  citadelle  de  Stras- 
bourg. L'abbé  Lenglet  ne  sut  jamais  pro- 
filer des  circonstances  heureuses  que  la 
fortune  lui  offrit,  et  des  protecteurs  puis- 
sans  que  son  mérite  et  ses  services  lui  ac- 
quirent. Il  voulut  écrire  ,  penser  ,  agir  et 
vivre  librement.  Il  dépendit  de  lui  de 
s'attacher  au  cardinal  Passionei ,  qui  au- 
rait voulu  l'attirer  à  Rome,  ou  à  Le  Blanc 
ministre  de  la  guerre  :  il  refusa  tous  les 
partis  qui  lui  furent  proposés.  Liberté^ 
liberté  :  telle  était  sa  devise.  Cet  éloignc- 
ment  pour  la  servitude  s'étendait  jusqua 
sur  son  extérieur.  Il  était  ordinairement 
assez  mal  vêtu,  mais  il  ne  le  croyait  pas. 
Malgré  cela,  on  le  recevait  avec  plaisir 
dans  plusieurs  maisons ,  parce  qu  il 
avait  beaucoup  de  feu  et  d'agrément 
d'esprit,  et  surtout  une  mémoire  admi- 
rable. Ce  don  de  la  nature  lui  inspira 


LEN 


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LEIV 


le  goût  des  ouvragées  d'érudition.  Tou- 
tes ses  études  étaient  tournées  du  côté 
des  siècles  passés  ;  il  en  affectait  jusqu'au 
langage  gothique.  Il  voulait ,  disait-il , 
être  franc  Gaulois  dans  son  style  comme 
dans  ses  actions  :  aussi  serait-'on  tenté  de 
le  prendre,  dans  quelques-uns  de  ses  ou- 
vrages, pour  un  savant  du  16'  siècle, 
plutôt  que  pour  un  littérateur  du  18'.  Il 
y  a  dans  ses  notes  et  dans  ses  jugemens 
une  causticité  mordante.  C'est  ce  qui  lui 
occasiona  tant  de  querelles  avec  les  cen- 
seurs de  ses  -manuscrits.  Il  ne  pouvait 
souffrir  qu'on  lui  retranchât  une  seule 
phrase  ;  s'il  arrivait  que  l'on  rayât  quel- 
que endroit  auquel  il  fût  attaché ,  il  le  ré- 
tablissait toujours  à  l'impression.  Il  a  été 
mis  à  la  Bastille  dix  ou  douze  fois  dans 
le  cours  de  sa  vie  :  il  en  avait  pris  en 
quelque  sorte  l'habitude.  Depuis  plusieurs 
années ,  il  s'appliquait  à  la  chimie ,  et 
l'on  prétend  même  qu'il  cherchait  la 
pierre  philosophale.  Parvenu  à  l'âge  de 
82  ans,  il  périt  d'une  manière  funeste,  le 
16  janvier  1735.  Il  rentra  chez  lui  sur  les 
six  heures  du  soir  ,  et  s'étant  mis  à  lire 
un  livre  nouveau,  il  s'endormit  et  tomba 
dans  le  feu.  Ses  voisins  accoururent  trop 
tard  pour  le  secourir.  Il  avait  la  tête  pres- 
que toute  brûlée  lorsqu'on  le  tira  du  feu. 
Les  principaux  fruits  de  sa  plume  vive, 
féconde  et  incorrecte,  sont  :  |  un  Nou- 
veau Testament  en  latin,  enrichi  de  notes 
historiques  et  critiques  ,  ni  trop  longues  , 
ni  trop  courtes ,  mais  assez  claires ,  à 
Paris  ,  1703 ,  2  vol.  in-16 ,  réimprimé  en 
i73S ,  même  format  ;  |  le  Rationarimn 
temporum  du  savant  Petau,  continué  de- 
puis 1631  jusqu'en  1701,  2  vol.  in-12 , 
Paris  ,  1700.  Cette  édition  est  incorrecte , 
et  ce  que  l'abbé  Langlet  y  a  ajouté  est 
d'une  latinité  assez  médiocre.  |  Com- 
mentaire de  Du  Puy  sift  le  Traité  des  li- 
bertés de  V Eglise  gallicane  de  Pierre 
Pithou,  1713  ,  2  vol.  in-4°:  édition  belle 
et  correcte.  Cet  ouvrage  essuya  de  grandes 
contradictions.  |  limitation  de  J.-C.^ 
traduite  et  revue  sur  l'ancien  original 
latin  ^  d'où  l'on  a  tiré  un  chapitre  qui 
manque  dans  les  autres  éditions ,  Ams- 
terdam ,  1731 ,  in-12  ;  |  Jrresta  armo- 
rum  cum  commentariis  Benedicti  Cur- 
tiiAl^i,  en  2  vol.  in-12.  Cette  édition, 
devenue  rare ,  est  d'une  grande  beauté, 
la  préface  offre  des  endroits  curieux  et 
piquans.  |  Réfutation  des  erreurs  de 
Spinosa  ^  par  Fénélon ,  Lami  et  Bou- 
lainvilliers .  1731  in-12  ;  |  OEuvres  de  Clé- 
mente Jean  et  Michel  Marot^  la   Haye , 


1729,  en  4  vol.  în-4° ,  édition  plus  ma- 
gnifique qu'utile,  sur  le  plus  beau  papier, 
chaque  page  encadrée;  et  en  6  vol.  in-12, 
édition  très  inférieure  à  la  précédente , 
étant  l'une  et  l'autre  pleines  de  fautes. 
Des  diverses  pièces  qui  grossissent  ce 
recueil ,  les  unes  offrent  des  observations 
curieuses  et  fort  justes ,  les  autres  des 
plaisanteries  d'un  mauvais  ton  ,  des  obs- 
cénités dignes  de  la  plus  vile  canaille,  des 
déclamations  satiriques ,  qui  méritaient 
un  châtiment  exemplaire.  L'abbé  Len- 
glet  se  cacha  sous  le  nom  de  Gordon  de 
Percel.  \  Les  Satires  et  autres  OEuvres 
de  Régnier  e  1733  ,  grand  in-Zt"  :  édition 
qui  plaît  autant  aux  yeux  qu'elle  déplaît 
au  cœur  et  à  l'esprit.  L'abbé  Lenglet 
éclaircit  un  texte  licencieux  par  des  no- 
tes plus  licencieuses  encore.  Il  avait  du 
goût  pour  tout  ce  qui  avait  rapport  à  la 
plus  sale  lubricité.  On  lui  a  attribué  (  et 
ce  n'est  pas  tout  à  fait  sans  fondement) 
des  éditions  de  VJloysia  Sigea  ,  du  Cabi- 
net satirique ,  et  de  plusieurs  autres  in- 
famies. I  Une  Edition  du  Roman  de  la 
RosCj  avec  d'autres  ouvrages  de  Jean  de 
Meun  ,  Paris  (Rouen) ,  1733,  3  vol.  in- 
12.  On  y  trouve  une  préface  curieuse ,  et 
des  notes ,  dont  beaucoup  sont  com- 
munes ,  et  par  conséquent  inutiles  ,  quel- 
ques-unes  ridicules ,  d'autres  obscènes  , 
et  un  glossaire  très  abrégé  et  très  super- 
ficiel. I  Une  Edition  de  Catulle ,  Pro- 
perce et  Tibulle  ,  comparable  à  celle  des 
Elzévirs  pour  la  beauté  et  la  correction, 
à  Leyde  (  Paris  ,  chez  Cpusteliçr  ) .  1745 , 
in-12;  |  le  6'  volume  des  Mémoires  de 
Condée  1745,  in-4°  ,  Londres  (Paris), 
belle  édition ,  mais  pleine  de  traits  si 
vifs  et  de  réflexions  si  hardies  ,  que  l'é- 
diteur en  fut  puni  par  un  assez  long  sé- 
jour à  la  Bastille  ;  |  Journal  de  Henri  III, 
ilhk  ,  en  3  volumes  in-8*  ,  Paris  ,  sous  le 
nom  de  Cologne  ,  avec  un  grand  nombre 
de  pièces  curieuses  sur  la  ligue  ;  |  Mé- 
moires de  Commines ,  1747  ,  4  vol.  in-4° 
{voy.  COMMINES  );  |  une  Edition  de 
Lactance  (  voy.  LACTANCE  )  ;  |  Mémoi- 
res de  la  régence  de  M.  le  duc  d'Orléans^ 
1749  ,  en  3  vol.  in-12.  L'abbé  Lenglet  n'a 
été  que  le  réviseur  de  cet  ouvrage  ,  qui 
est  de  M.  Piossens.  Il  a  ajouté  des  mor- 
ceaux essentiels  ,  surtout  la  conspiration 
du  prince  de  Cellamare  et  l'abrégé  dxi 
fameux  système.  |  Métallurgie  d'Al- 
phonse Barba ,  traduite  de  l'espagnol  en 
français ,  1751  ,  2  vol.  in-12  :  le  2'  vol. 
est  de  Lenglet;  |  Cours  t^e  chimie  de  Nicolas 
Le  Fèvro,   1751,5  vol.   in-12,  dont  les 


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400 


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deux  derniers  sont  de  l'éditeur  ;  ]  Mé- 
thode pour  étudier  V histoire^  avec  un 
Catalogue  des  principaux  historiens  ^  en 
12  vol.  in-12  ,  et  en  7  vol.  in-/i.°  ;  le  meil- 
leur ouvrage  que  nous  ayons  en  ce  genre. 
L'auteur  y  établit  les  principes  et  l'ordre 
qu'on  doit  tenir  pour  lire  l'histoire  utile- 
'ment  ;  il  discute  plusieurs  points  histo- 
riques inléressans  ;  il  fait  connaître  les 
meilleurs  historiens ,  et  accompagne  le 
litre  de  leurs  ouvrages  de  notes  histori- 
ques ,  littéraires ,  critiques ,  et  le  plus  sou- 
(Vent  satiriques.  Ce  livre  serait  plus  esti- 
mé si  l'auteur  n'avait  pas  encombré  son 
Catalogue  de  tant  d'historiens  inconnus  , 
<;t  s'il  s'était  borné  à  faire  un  ouvrage  de 
goût  plutôt  qu'une  compilation.  La  cin- 
quième édition,  de  1729,  attira  l'atten- 
tion du  ministère ,  qui  y  fit  mettre  un 
grand  nombre  de  cartons.  Le  recueil  de 
ces  morceaux  supprimés  forme  un  in-4° 
assez  épais  ,  qui  se  vendit  séparément  et 
sous  le  manteau ,  à  un  prix  considérable. 
Cet  ouvrage  a  été  réimprimé  en  1772 , 
en  15  vol.  in-12 ,  avec  des  additions  et  de 
prétendues  corrections  qui  se  ressentent 
étrangement  de  la  coruption  que  l'his- 
toire a  subie  dans  ce  siècle  ;  |  Méthode 
pour  étudier  la  géographie.  Elle  est  re- 
cherchée ,  malgré  quelques  inexactitudes. 
On  y  trouve  un  Catalogue  Ats  meilleures 
cartes  et  un  jugement  sur  les  difterens 
géographes.  La  dernière  édition  est  de 
1767,  10  vol.  in-12,  avec  les  augmenta- 
tions et  corrections  nécessaires.  |  De  l'u- 
sage des  romans  ^  où  l'on  fait  voir  leur 
utilité  et  leurs  différens  caractères^  avec 
une  bibliothèque  des  romans,  1754 ,  2  vo- 
lumes in-12  ;  ouvrage  proscrit  par  tous 
les  gens  sages  comme  un  livre  scanda- 
leux. I  L'Histoire  justifiée  cojitre  les  ro- 
mans ^  1755,  in-12.  C'est  le  contre-poi- 
son du  livre  précédent,  que  l'auteur  n'a- 
vait pas  intérêt  qu'on  lui  attribuât  ;  mais 
l'antidote  est  plus  faible  que  le  venin.  Les 
auteurs  qui  se  rétractent  par  des  considé- 
rations humaines  ont  toujours  soin  de  lais- 
ser subsister  leurs  erreurs ,  et  de  ne  les 
combattre  que  par  des  coups  qui  ne  les 
abattent  pas.  |  Plan  de  l'histoire  géné- 
rale et  particulièt^e  de  la  monarchie 
française.  Il  n'en  a  donné  que  5  voL,  et  il 
a  fort  bien  fait  de  ne  pas  continuer  ,  car 
ce  livre  est  mal  fait  et  mal  écrit.  |  Lettre 
d'un  pair  de  la  Grande-Bretagne  sur  les 
affaires  présentes  de  l'Europe .  1745  ,  in- 
12  ;  elle  est  curieuse  ;  |  L'Europe  pacifiée 
par  l'équité  de  la  reine  de  Hongrie  j  par 
M.  Albert   van  Heussen ,  etc.,  Bruxelles , 


1745 ,  în-12  :  ouvrage  recherché  à  cause 
des  traits  hardis ,  mais  vrais ,  qu'il  ren- 
ferme ;  I  Calendrier  historique ,  oit  l'on 
trouve  la  généalogie  de  tous  les  princes 
de  l'Europe^  1750,  in-24.  Ce  petit  ou- 
vrage le  fit  mettre  à  la  Bastille.  |  Diurnàï 
romain,  latin  et  français,  2  vol.  in-12, 
1705.  Il  fit  cette  version  à  la  sollicitation 
de  madame  la  princesse  de  Condé ,  qui 
disait  tous  les  jours  son  bréviaire. 
I  Géographie  des  enfans  >  en  un  petit  vol. 
in-12  ;  |  Principes  de  l'histoire  ^  1736  et 
années  suivantes,  6  vol.  in-12  :  ouvrage 
faible  ,  écrit  incorrectement ,  et  dont  les 
faits  ne  sont  pas  toujours  bien  choisis  ; 
l'auteur  l'avait  composé  pour  servir  à 
l'éducation  de  la  jeunesse  ;  |  Histoire  de 
la  philosophie  hermétique  ,Z  vol.  in-12, 
Paris,  1742.  Cette  mystérieuse  philoso- 
phie y  est  traitée  de  façon  à  ne  pas  faire 
connaître  la  manière  de  penser  de  l'au- 
teur sur  son  objet.  |  Tablettes  chronologi- 
ques ^  publiées  pour  la  première  fois  en 
1744  ,  en  2  vol,  in-8°,  de  nouveau  en  1778, 
avec  les  corrections  et  les  augmentations 
dont  cet  ouvrage  très  instructif  avait  be- 
soin. On  n'a  pas  tout  corrigé  ,  à  la  vérité, 
mais  comment  le  pourrait-on  dans  des 
livres  si  chargés  de  noms  et  de  dates? 
I  Traité  historique  et  dogmatique  sur  les 
apparitions^  les  visions,  etc.,  1751,2 
vol.  in-12;  curieux,  mais  mal  digéré, 
presque  sans  ensemble  et  sans  résultat. 
Le  jugement  de  l'auteur  n'égalait  pas  ,  à 
beaucoup  près,  sa  mémoire;]  Recueil 
de  Dissertations  anciennes  et  nouvelles 
sur  les  apparitions^  les  visions,  les 
songes,  etc. ,  4  vol.  in-12,  1752  ,  collec- 
tion plus  ample  que  bien  choisie  ;  il  n'a 
pas  fait  difficulté  d'y  insérer  l'absurde 
dissertation  d'un  nommé  Meyer ,  qui 
prétend  que  les  chevaux,  les  boeufs  morts 
peuvent  plutôt  revenir  en  ce  monde  que 
les  hommes.  |  Histoire  de  Jeanne  d'Arc  » 
1753,  in-12,  en  trois  parties,  composée 
sur  un  manuscrit  d'Edmond  Richer.  Ou 
l'a  lue  avec  plaisir.  Le  style  est ,  comme 
celui  de  ses  autres  productions,  vif,  fa- 
milier et  incorrect.  |  Traité  historique 
et  dogmatique  du  secret  inviolable  de  la 
confession.  Paris,  1713,  in-12;  livre 
utile  ,  et  lun  des  meilleurs  de  ce  fécond 
écrivain.  Michault,  de  Dijon,  a  publié, 
en  17()1  ,  des  Mémoires  curieux  pour  ser- 
vir à  l'histoire  de  la  vie  et  des  ouvrages 
de  l'abbé  Lenglet.  On  lui  attribue  aussi 
d'autres  ouvrages  qui  ne  sont  pas  de 
lui ,  comme  V Histoire  de  la  philosophie 
pdienne^(l\xi  est  de  Buvigny  (1724). 


LEN 


401 


LEN 


•  LENKOX  (  Charlotte  ),  dame  auteur, 
naquit  à  New-Yorck  en  1720.  Elle  vint  à 
l'âge  de  15  ans  en  Angleterre,  et  ses  liai- 
sons avec  Johnson  lui  donnèrent  du  goût 
pour  les  lettres.  On  ignore  à  quelle  épo- 
que elle  se  maria  avec  M.  Lennox  et  quelle 
était  la  profession  de  son  époux.  Les  ou- 
vrages qu'elle  publia  eurent  presque  tous 
du  succès.  Les  principaux  sont  :  |  Le  Von 
Quichotte  femelle^  1752  ;  traduit  libre- 
ment en  français,  Lyon,  1773,  2  vol 
in-12;  |  Les  Héros  de  Shakespeare ,  o\x 
Shakespeare  éclairci .  1753-54,  3  vol. 
in-12,  où  l'auteur  donne  les  histoires  ou 
contes  où  le  tragique  anglais  a  pris  le  su- 
jet de  ses  pièces  ;  |  Mémoires  d'Harriot 
Stuart^  1751  ;  \  Mémoire  de  la  comtesse 
de  Berry  ;  \  plusieurs  Comédies^  comme 
La  Sœur ^  Les  mœurs  de  la  vieille  cité. 
représentées  en  1773;  |  une  Traduction 
des  Mémoires  de  Sully  ;  [  une  Traduction 
du  Théâtre  grec  du  père  Brumoy.  Char- 
lotte Lenuox,  malgré  le  succès  de  ses 
ouvrages,  mourut  dans  \\n  état  voisin  de 
l'indigence,  le  h  janvier  1804. 

•LE\OELE  (Pierre-Madeleine),  com- 
missaire ordonnateur  des  guerres,  naquit 
à  Autun  en  Bourgogne,  en  1772.  Il  adopta 
les  principes  de  la  révolution,  et  les  pro- 
pagea dans  un  journal  intitulé  le  Cosmo- 
polite. En  1792,  il  fut  nommé  commissaire 
des  guerres ,  et  employé  à  l'armée  de  la 
Belgique  commandée  par  Dumouriez. 
L'année  suivante  ,  il  passa  aux  armées  de 
rOuest,  et  il  se  signala  dans  cette  malheu- 
reuse contrée  par  plusieurs  traits  d'huma- 
nité. Enl794,  il  fut  nommé  commissaire- 
ordonnateur,  et  plus  tard  il  passa  dans  le 
corps  des  intendans  militaires.  Lenoble  est 
mort  le  28  mai  1824,  à  Paris.  Il  était  cheva- 
lier des  ordres  de  Saint-Louis  et  de  la  lé- 
gion d'honneur.  On  a  de  lui  :  |  Projet  de  loi 
vour  les  mariages .  présenté  à  l'assem- 
blée nationale.  1790,  in-8°;  |  Projet  sur 
l'établissement  des  greniers  d'abondance. 
1792  ;  I  Mémoire  sur  la  panification,  1798  ; 
I  Découverte  sur  le  galvanisme .  comme 
cause  des  sensations  de  l'organe  deVouie 
et  des  effets  de  la  voix.  1803;  |  Mémoire 
sur  la  formation  d'un  dépôt  de  l'admi- 
nistration de  la  guerre.  1815  ;  I  Considé- 
rations générales  sur  l'état  actuel  de 
l'administration  militaire  en  France  au 
i^^  janvier  1816,  Paris,  in-4°;  |  Projet  de  loi 
ou  d'ordonnance  pour  l'institidion  d'une 
magistrature  militaire.  Paris,  1817,  in-4°; 
I  Mémoires  sur  les  opérations  militaires 
des  français  en  Galice ,  en  Portugal  et 
dans  la  vallée  du  Tage.  en  1809 ,  Paris , 


1821,  in-S"  et  atlas,  in-folio  ;  |  Examen  gé- 
néral et  détaillé  des  récoltes  et  des  con- 
sommations de  blé  en  France .  avec  indi- 
cation des  moyens  propres  à  remédier  à 
la  surabondance  et  aux  disettes.  Paris, 

1822 ,  in-8°. 

*  LENOIR  (  Nicolas  ) ,  architecte ,  né 
en  1726 ,  fut  élève  de  Blondel ,  remporta 
le  grand  prix  au  concours  de  l'académie 
de  Paris,  et  fut  envoyé  par  le  gouverne- 
ment français  à  l'école  de  Rome.  Il  y  de- 
meura plusieurs  années,  y  étudia  les 
beaux  modèles  de  l'antiquité  avec  tant 
de  soin  que  ses  camarades  l'appelaient  le 
Romain.  Lenoir,  ccmme  tous  les  artistes 
chez  lesquels  l'imagination  domine,  est 
toujours  heureux  dans  ses  compositions; 
mais  les  détails  manquent  de  correction. 
Il  s'est  créé  un  style  particulier  qui  n'ap- 
partient qu*à  lui  seul.  Sa  facilité  était 
extrême.  Après  l'incendie  de  l'opéra  ,  au 
Palais-Royal,  il  dessina  et  éleva  en  moins 
de  cinquante  jours  la  salle  de  la  porte 
Saint-Maj'tin.  Paris  lui  doit  plusieurs  de 
ses  édiiiccs  et  des  rues  entières ,  qui  ont 
contribué  à  son  embellissement.  Son 
nom  a  été  donné  à  l'une  des  rues  qui 
aboutissent  au  marché  de  Beauveau , 
construit  d'après  ses  plans  et  sous  sa  di- 
rection. Lenoir  mourut  le  50  juin  1810, 
à  Paris,  à  l'âge  de  83  ans. 

•  LENOIR  (Jean-  Charles- Pierre  ) , 
ancien  lieutenant  de  police  de  Paris  ,  na- 
quit dans  celte  ville,  en  1732  :  son  père 
avait  été  lieutenant-particulier  au  Châ- 
telet  :  le  fils  occupa  le  même  emploi  après 
avoir  été  conseiller,  et  fut  ensuite  suc- 
cessivement lieutenant-criminel,  maître 
des  requêtes  et  intendant  de  Limoges.  Il 
obtint  en  1774  la  place  de  lieutenant-gé- 
néral de  police  à  Paris;  en  1775,  celle  de 
lieulenant-civii  et  de  conseiller  d'étal,  et 
en  1783  il  fut  président  de  la  commission 
des  finances  et  bibliothécaire  du  roi.  Dans 
toutes  ces  charges  et  principalement  dans 
celle  de  lieutenant  de  police ,  il  montra 
un  désintéressement ,  une  philanthropie 
et  un  zèle  à  toute  épreuve  ;  il  créa  plu- 
sieurs ctablissemens  utiles  et  s'occupa 
avec  le  plus  grand  soin  des  hôpitaux,  des 
prisons  et  des  approvisionnemens.  Sa 
sagesse  et  sa  prudence  se  manifestèrent 
en  diverses  occasions.  Chargé,  en  sa  qua- 
lité de  conseiller  ,  du  rapport  de  la  com- 
mission établie  pour  juger  le  président 
LaChalotais,  il  remplit  cette  fonction  dé- 
licate avec  la  plus  grande  cii-conspecticn, 
puisqu'il  parvint  à  calmer  les  ressenti- 
mens  d'un  minisire  qui  se  croyait  offensé, 

54. 


LEIV 


402 


LEIV 


el  sauva  l'honneur  du  magistrat  pour- 
suivi. Son  opposition  au  système  de 
Turgot  (  il  s'ayissait  des  approvision- 
nemens  ,  de  Paris  )  l'éloigna  pour  un 
instant  des  affaires  ;  mais  les  essais  de  ce 
ministre  n'ayant  point  été  heureux,  il 
fut  bientôt  rappelé  et  il  continua  jusqu'en 
1790  de  rendre  les  plus  importans  ser- 
vices à  la  capitale.  On  doit  à  cet  habile 
administrateur  l'établissement  d'une  école 
de  boulangerie  ,  la  couverture  des  halles 
aux  blés  et  aux  toiles ,  l'instilution  du 
Mont -de -Piété,  l'éclairage  non  inter- 
rompu des  rues  de  la  capitale ,  la  sup- 
pression des  vaisseaux  de  cuivre  des  lai- 
tières et  des  comptoirs  de  plomb  des 
marchands  de  vin ,  la  construction  des 
halles  aux  veaux,  aux  cuirs  et  à  la  marée, 
lu  suppression  du  cimetière  desinnocens 
el  l'établissement  des  piliers  dans  les  car- 
rières qui  régnent  principalement  sous 
la  partie  sud  de  Paris.  La  police  inté- 
rieure était  entre  ses  mains  un  refuge  de 
paix  ;  il  serait  impossible  d'énumérer  les 
désordres  qu'il  a  prévenus  par  sa  pru- 
dence ,  les  larmes  qu'il  a  taries  par  sa 
bonté,  les  services  qu'il  a  rendus  aux  fa- 
milles, le  plus  grand  nombre  ayant  été 
enseveli  dans  les  ombres  du  silence  ;  et, 
ce  qu'il  y  a  de  bien  étonnant,  c'est  la  mo- 
dicité des  sommes  qu'il  employait  pour 
une  police  aussi  bien  faite.  Fouché ,  qui 
le  consultait  souvent  pendant  son  minis- 
tère ,  eut  peine  à  le  croire ,  lorsqu'il  lui 
en  donna  les  détails.  Lenoir  fut  un  de 
ceux  qui  contribuèrent  le  plus  à  l'aboli- 
tion de  la  torture.  On  peut  consulter  pour 
bien  connaître  son  administration  un  ou- 
vrage rédigé  par  lui,  el  q-ui  a  pour  titre  : 
Détails  sur  quelques  établissemens  de  la 
ville  de  Paris,  demandés  par  sa  majesté 
impériale,  la  reine  de  Hongrie,  à  M.  Le- 
noir conseiller  d'état  et  lieutenant-géné- 
ral de  police.  Paris,  1780,  in-S".  En  1790, 
Lenoir  quitta  la  France,  se  retira  en 
Suisse  et  de  là  à  Vienne  :  les  progrès  de 
l'armée  française  lui  firent  souvent  chan- 
tier de  retraite.  Pendant  qu'il  était  en  Au- 
triche ,  l'empereur  Paul  \"  lui  fit  des  of- 
fres avantageuses  et  chercha  à  le  fixer  à 
sa  cour  :  Lenoir  répondit  qu'il  n'avait 
pas  renoncé  à  revoir  sa  patrie,  mais  qu'il 
offrait  à  l'empereur  de  lui  consacrer  une 
ou  deux  années  de  sa  vie.  Cette  négocia- 
tion fut  rompue  par  la  mort  de  Paul  1""  et 
Lenoir  revint  en  France  en  1802.  Comme 
sa  fortune  avait  été  détruite  pendant  la 
révolution,  Bonaparte  permit  au  Monl- 
de-Piété  dont  il  était  le  fondateur ,  de  lui 


faire  une  pension  de  i.OOO  francs.  Un 
homme  qu'il  avait  obligé  et  qui  était  de- 
venu riche,  lui  donna  une  petite  campa- 
gne ,  près  de  Paris,  où  il  passa  tranquil- 
lement ses  derniers  jours.  Il  venait  sou- 
vent à  Paris,  où  il  mourut  en  1807,  à 
l'âge  de  75  ans. 

* LENOm-LAROCnE  (Jean-Jacques, 
le  comte  ),  né  à  Grenoble,  le  29  avril  1749, 
fils  d'un  avocat  distingué,  suivit  la  même 
carrière ,  où  des  éludes  profondes  sur 
Cochin ,  d'Aguesseau  et  Montesquieu  ,  le 
firent  bientôt  distinguer  et  lui  procurè- 
rent d'honorables  patrons;  admis  dans 
la  société  intime  de  Servan  ,  il  reçut  les 
conseils  de  ce  magistrat  qu'il  prit  pour 
modèle.  Lenoir  exerçait  son  état  à  Gre- 
noble, lorsque  une  circonstance  inatten- 
due l'amena  à  30  ans  dans  la  capitale.  Le 
barreau  de  Grenoble  ayant  cru  avoir  à  se 
plaindre  du  parlement,  se  retira  par  une 
délibération  unanime,  et  pendant  une 
année  les  avocats  ne  se  firent  point  en- 
tendre devant  cette  cour.  Lenoir  profita 
de  ce  temps,  pour  venir  soutenir  au  con- 
seil d'état,  les  affaires  qu'il  avait  gagnées 
dans  la  capitale  du  Dauphiné.  Il  retourna 
ensuite  dans  sa  ville  natale  ;  mais  en  1783, 
de  nouveaux  intérêts  le  ramenèrent  dans 
la  capitale  où  il  se  fixa.  Bientôt  il  fut 
chargé  par  les  états  du  Dauphiné  de 
présenter  au  gouvernement  un  mémoire 
où  ils  demandaient  la  restitution  de  leurs 
droits  politiques,  qu'ils  avaient  perdus  de- 
puis plus  d'un  siècle  :  ils  s'étaient  réunis 
pour  dresser  les  articles  de  leurs  an  ciennes 
constitutions,  mais  ils  étaient  sans  ordre 
et  sanspreuve.  Lenoirdéveloppa  les  prin- 
cipes d'après  lesquels  ils  avaient  été  éta- 
blis ,  et  à  cette  occasion  il  traita  plusieurs 
questions  importantes  qui  fixaient  déjà 
tous  les  esprits  :  ce  mémoire,  qui  formait 
une  brochure  in-8°,  était  intitulé  :  Consi' 
dérations  sur  la  constitution  des  états  du 
Dauphiné  applicables  aux  états-géné- 
raux, 1788 ,  (  anonyme  )  ;  l'auteur  fut  élu 
membre  des  états-généraux  par  la  pré- 
vôté et  vicomte  de  Paris  ,  extra  muras. 
Lenoir  ne  parut  point  à  la  tribune  d'où 
réloignait  d'ailleurs  la  faiblesse  de  son 
organe;  il  fit  connaître  les  travaux  de 
l'assemblée  dans  un  journal  qui  parut 
alors  sous  le  titre  de  Journal  de  Perlet. 
Après  la  session,  il  travailla  dans  le  Mer- 
cure et  dans  le  Moniteur  ,  et  il  défendit 
constamment  les  principes  républicains  , 
tout  en  combattant  les  démagogues  et  les 
royalistes.  L'article  qu'il  écrivit  dans  le 
Mercure  sur  l'abus   des  mots  et  de  leur 


LEN 


405 


LEN 


influence  dans  la  révolution  ,  fut  traduit 
par  les  journaux  étrangers.  A  l'époque 
du  procès  de  Louis  XVI ,  il  osa  élever  la 
voix  en  faveur  de  ce  monarque  :  dans 
trois  Lettres  qu'il  publia  sous  le  nom 
d'un  anglais,  il  défendit  cette  cause  ,  en 
l'appuyant  sur  la  constitution  qui  ne 
prononçait  que  la  déchéance ,  et  sur  les 
véritables  intérêts  de  la  France ,  que  ses 
ennemis  cherchaient  à  perdre.  Lenoirfit 
paraître  aussi  diverses  brochures  de  cir- 
constance. Echappé  au  glaive  des  terro- 
ristes, il  professait  la  législation  à  l'école 
centrale  du  Panthéon  ,  lorsque  le  Direc- 
toire l'appela  au  ministère  de  la  police  en 
remplacement  de  Cochon.  Mais  il  nccon- 
Berva  cette  place  que  huit  jours,  le  direc- 
toire ayant  compris  la  nécessité  d'avoir 
à  la  police  un  homme  d'énergie  ,  et  non 
un  homme  timoré  et  amoureux  de  belles 
doctrines.  Il  alla  reprendre  sa  chaire 
dans  laquelle  il  chercha  à  montrer  la  né- 
cessité de  l'union  de  la  morale  avec  la 
politique.  Ses  leçons  et  ses  articles  pali- 
tic[ues  lui  firent  une  grande  réputation 
parmi  les  partisans  du  gouvernement  ré- 
publicain ,  aussi  fut-il  nommé  membre 
du  conseil  des  Cinq-cents.  Lenoir  con- 
courut à  la  révolution  du  18  brumaire, 
et  entra  au  sénat  conservateur,  où  il  sié- 
gea jusqu'en  181i,  sur  les  bancs  de  la 
minorité.  Il  adhéra  à  la  déchéance  de 
Bonaparte,  et  fut  ensuite  nommé  pair  de 
France,  titre  qu'il  conserva  après  la  se- 
conde restauration.  Il  est  mort  le  17  fé- 
vrier 1825.  Son  éloge  a  été  prononcé  à  la 
tribune  par  M.  le  comte  Lemercier.  Ou- 
tre l'ouvrage  que  nous  avons  déjà  cité  et 
les  articles  nombreux  qu'il  inséraau  Mer- 
cure et  au  Moniteur,  Lenoir-Laroche  a 
publié  :  I  de  l'Esprit  de  constitution  qui 
convient  le  mieux  à  la  France ,  1795, 
in-S"  ;  I  Coup-d'œil  raisonné  sur  les  as- 
semblées primaires  de  Paris Al'è'S,  in-8°; 
j  Discours  prononcé  au  cercle  constitu- 
tionnel sur  la  constitution  de  l'an  '5  ,  et 
sur  les  motifs  qui  doivent  y  attacher  tous 
les  citoyens,  1798.  in-8°.  —  Sa  femme, 
M™*  Claire  REGUIS  ,  née  à  Grenoble  en 
1762 .  morte  à  Paris  en  1821 ,  s'est  fait 
connaître  par  l'exaltation  de  ses  idées 
mystiques,  et  a  publié,  sous  le  voile  de 
Vanonyme  :  |  La  Grèce  et  la  France  ou 
Réflexions  sur  le  tableau  de  Léonidas, 
de  David,  Paris,  1815,  in-8°  ;  |  Description 
du  Calvaii-e  des  Lauriers^  1820,  in-S". 
Elle  a  laissé  plusieurs  manuscrits,  parmi 
lesquels  on  cite  une  Interprétation  mysti- 
que de  la  fable  de  V  Amour  et  Psyché. 


LENONCOIJRT  (  Robert  de  ) ,  d'une 
des  plus  anciens  maisons  de  Lorraine , 
fut  archevêque  de  Reims.  Il  se  distingua 
tellement  par  son  éminente  piélé  et  par 
sa  charité,  qu'il  s'acquit  le  titre  de  Père 
des  pauvres.  Il  sacra  le  roi  François  I" 
et  mourut  en  odeur  de  sainteté  l'an  1531. 

LEÎSO^ COURT  (  Robert  de  ).  neveu 
du  précédent,  fut  évêque  de  Châlons-sur 
Marne,  puis  de  Metz.  Paul  III  l'avait  fait 
cardinal  en  1538.  Lenoncourt  fut  aussi 
archevêque  d'Embrun,  d'Arles,  etc.  Il 
mourut  à  Charité-sur-Loire  en  1561.  Les 
huguenots,  ayant  pris  cette  ville  l'année 
suivante  .  portèrent  la  fureur  jusqu'à  ou- 
vrir son  tombeau  et  en  tirer  son  corps. 
Il  avait  assisté  à  quatre  conclaves  pour 
l'élection  de  Jules  IV,  de  Marcel  II,  de 
Paul  IV,  et  de  Pie  IV. 

LENONCOURT  (  Philippe  de  ) ,  neveu 
du  précédent,  cardinal  et  archevêque  de 
Reims,  s'acquit  l'estime  et  la  confiance 
de  Henri  III  et  de  Henri  IV,  et  du  pape 
Sixte  V.  Il  mourut  à  Rome  en  1591,  à 
soixante-cinq  ans.  Il  avait  autant  d'esprit 
que  de  piété. 

LEÎVOSTRE.  Fbye^  NOSTRE. 

LE.\S,  ou  LENSEI  (  Arxoul  de  Lensœus) 
naquit  au  village  de  Bel-Œil ,  près  A  th. 
dans  le  Hainaut.  Après  avoir  fait  un 
voyage  dans  les  Pays-Bas,  il  passa  en  Mos- 
covie,  devint  médecin  du  czar,  et  périt  à 
Moscou  lorsque  celle  ville  fut  brûlée  par 
les  Tarlares  ,  l'an  1575.  Nous  avons  de 
lui  une  introduction  aux  Elémcns  d'Eu- 
cJide,  imprimée  à  Anvers,  sous  ce  titre  : 
Isagoge  in  geomelrica  Elementa  Eucli- 
diSj  imprimé  à  Anvers. 

LE\S  (  Jea\  de  ) ,  frère  du  précédent, 
chanoine  de  Tournai ,  et  professeur  de 
théologie  à  Louvain,  né  à  Bailleul  dans  le 
Hainault ,  en  1541 ,  mourut  en  1593.  Il  n 
laissé  plusieurs  ouvrages  de  controverse. 
11  fut  un  de  ceux  qui  composèrent,  en 
1588  ,  la  Censure  de  l'université  de  Lou- 
vain contre  Lessius ,  sur  la  doctrine  de 
la  grâce.  (  Voyez  LESSIUS.  )  Il  se  dis- 
tingua plus  honorablement  contre  Baïus, 
et  composa,  par  ordre  de  la  faculté  de 
théologie ,  une  formule  de  doctrine  con- 
tradictoire aux  propositions  condamnées 
de  ce  novateur. 

*  LENS  (  AwDRÉ-CoRSEiLLE  ) ,  peintre, 
né  à  Anvers,  le  31  mars  1739,  étudia  son 
art  dans  sa  patrie  et  à  Rome.  Il  devint 
professeur  de  dessin  ,  à  l'académie  de  sa 
ville  natale ,  et  fit  un  grand  nombre  de 
bons  élèves.  Il  contribua  puissamment 
aux  progrès  de  la  peinture  en  Belgique, 


LEN 


404 


LEX 


auquel  il  adressa  à  ce  sujet  des  réclama- 
tions, que  les  peintres  ne  fussent  plus  as- 
sujélis,  comme  ils  l'avaient  été  jusqu'a- 
lors, à  la  maîtrise.  L'empereur  Joseph II, 
dans  un  voyage  qu'il  fit  en  Belgique  ,  lui 
lit  les  offres  les  plus  brillantes  pour  l'at- 
tirer à  Vienne  ;  mais  cet  artiste  les  refusa. 
Il  quitta  Anvers  en  1781,  pour  se  rendre 
à  Bruxelles,  où  il  se  maria  et  où  il  resta 
jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  le  50  mars  1822. 
Lens  produisit  un  grand  nombre  de  ta- 
bleaux de  chevalet,  qui  sont  répandus 
dans  les  diverses  contrées  de  l'Europe  , 
et  particulièrement  en  Angleterre.  Ses 
ouvrages  les  plus  estimés  sont  plusieurs 
tableaux  qui  ornent  l'église  de  Lierre,  et 
dont  les  sujets  sont  tirés  de  l'Ecriture 
sainte;  plusieurs  autres  tableaux  pour 
l'église  de  la  Madeleine  à  Gand ,  dont  les 
sujets  sont  pris  dans  l'histoire  de  cette 
sainte  ;  une  Annonciation  pour  l'église  de 
Saint-Michel  à  Gand  ;  quelques  tableaux 
représentant  différens  sujets  mythologi- 
ques ,  qui  ont  été  transportés  à  Vienne  ; 
des  peintures  à  fresqua  qui  ornent  les 
salles  d'une  maison  de  Bruxelles.  La 
grâce,  la  simplicité,  et  une  certaine  svia- 
vité  dans  le  coloris,  distinguent  les  diffé- 
rentes compositions  de  Lens.  On  lui  doit 
en  outre  :  le  Costume  ou  Essai  sur  les 
habillemens  et  les  usages  de  plusieurs 
peuples  de  l'antiquité  ^  prouvé  par  les 
»;jonum(?ns  ^  Liège  ,  1770  ,  in-8° ,  avec  37 
figures;  nouvelle  édition,  revue  par 
G.  A.  Martin,  Dresde,  1783,  m-k" ;  \  Du 
Ben  goût  ou  de  la  Beauté  de  la  peinture^ 
considérée  dans  toutes  ses  parties^ 
Bruxelles,  1811  ,  in-8°,  figures. 

LENTULUS-GETULICUS  (  Cnésus  ) , 
d'une  famille  consulaire  illustre  et  an- 
cienne, fut  élevé  au  consulat  l'an  26  de 
Jésus-Christ.  Il  était  proconsul  dans  la 
Germanie,  lorsque  Séjan  fut  tué  à  Rome. 
II  fut  accusé  d'avoir  eu  dessein  de  donner 
sa  fille  en  mariage  au  fils  de  ce  ministre  : 
Lenlulus  s'en  défendit  par  une  lettre  si 
éloquente,  qu'il  échappa  au  danger  qui 
le  menaçait,  et  fit  exiler  son  délateur; 
mais  l'affection  des  soldats  pour  Lentulus 
ayant  donné  ensuite  de  la  jalousie  à  Ti- 
bère ,  ce  princÈ  le  fit  mourir.  Suétone 
parle,  dans  la  F'ie  de  Caligula,  d'une  His- 
toire écrite  par  ce  consul.  Martial  dit 
aussi ,  dans  la  préface  du  premier  livre 
de  ses  Epigrammes ^  qu'il  était  poète. — 
Un  sénateur  de  même  nom  fut  mis  à 
mort  en  prison ,  pour  être  entré  dans  la 
conjuration  de  Catilina. 

LE\TULUS  (Scipion),  napolitain,  né 


diias  le  15'  siècle,  se  retira  dans  le  pays 
des  Grisons,  où  il  embrassa  le  calvinisme 
et  exerça  le  ministère  à  Chiavenne.  Il  est 
connu  par  son  Apologie  d'un  édit  des 
Ligues-Grises  contre  des  sectaires  ariens, 
in-8°,  1570  :  et  par  une  Grammaire  ita- 
tienne j  publiée  à  Genève  en  1568.  Baylo 
remarque  ,  à  l'occasion  de  son  Apologie  » 
«  que  les  apostats  affichent  un  grand  zèle 
»  pour  la  religion  qu'ils  ont  embrassée  , 
»  et  que  ,  quoiqu'ils  aient  grand  besoin  de 
»  tolérance,  ils  sont  ordinairement  très 
1)  intolérans.  »  Cette  Apologie  ^  d'ailleurs, 
ne  fait  que  mieux  remarquer  l'inconsé- 
quence des  protestans,  qui  s'élèvent  contre 
les  ariens,  après  avoir  secoué  eux-mêmes 
le  joug  de  l'Eglise.  Car  si  les  protestans 
ont  le  droit  de  s'en  tenir  à  l'Ecriture  sainte 
et  de  l'expliquer  même  par  Vesprit privée 
pourquoi  les  ariens  n'auraient-ils  pas  le 
môme  privilège?  Et  si  l'on  peut  expliquer 
arbitrairement  contre  l'autorité  de  l'Eglise 
la  tradition  et  les  saints  Pères ,  les  passa- 
ges de  l'Ecriture  touchant  la  présence 
réelle,  pourquoi  ne  prendrait-on  pas  la 
même  licence  à  l'égard  des  passages  qui 
regardent  la  divinité  de  Jésus-Christ?  On 
peut  voir  cette  observation  établie  avec 
autant  de  force  que  d'évidence  dans  un 
petit  traité  du  jésuite  Kaprinay,  publié 
contre  les  calvinistes  de  Hongrie  :  P'el 
Christus  est  in  Eucharistia.  vel  non  est 
Deus.  On  la  trouve  aussi  très  bien  discu- 
tée dans  la  Perpétuité  de  la  foi .  tom.  1, 
pag.  i7  ,  48  ,  50  ,  etc.  (  Voyez  SERVET  , 
MÉLANCHTHON  ,  VORSTIUS  Conrad.  ) 
*LEO  (LÉONARD  ),  l'un  des  plus  grands 
compositeurs  harmo^nistes,  né  à  Napîes 
en  1694  ,  ou  selon  Piccini  en  1701,  étudia 
la  musique  sous  Alexandre  Scarlatti ,  de- 
vint maître  du  conservatoire  de  Santo- 
Onufrio  et  composiieur  particulier  de  la 
chapelle  du  roi.  C'est  lui  qui  a  employé 
le  premier  ,  dans  la  composition ,  ces  ac- 
compagnemens  expressifs  et  variés,  ce 
style  grandiose  et  plein  d'effet,  qui  carac- 
térisent sa  musique  et  qui  ont  servi  de 
modèles  à  ses  successeurs.  Il  a  laissé  de  la 
musique  d'église,  deux  oratorio,  Santa 
Elena  et  la  Morte  di  Ahele  ;  un  Miserere 
à  huit  voix  qui  passe  pour  son  chef-d'œu- 
vre ;  un  Ave  Maris  Stella  .  et  un  grand 
nombre  d'opéras,  Sophonisbe^  1781  ;  O/mt- 
piade  j  Demofonte^  Cajo  Grâce o  ^  1720; 
Tam.erlaneAl^'i;  Timocrate ,  1723;  Ca- 
tone  in  Utica,  1726;  la  Clemenza  di  Tito 
1755;  Achille  in  Sciro.  1740  ;  il  Cioè /etc. 
Léo  mourut  en  1 742,  selon  Burney ,  en  1 743, 
selon  Piccini ,  ou  selon  Gerber,  en  1745. 


LEO 


LEON  (  saint  ) ,  surnommé  le  Grand. 
premier  pape  de  ce  nom ,  vit  le  jour  à 
Rome  suivant  les  uns,  et  enToscane  sui- 
vant d'autres.  On  ne  sait  rien  de  particu- 
lier sur  ses  premières  années.  Les  papes 
saint  Céleslin  {'"^el  Sixte  III  l'employèrent 
dans  les  affaires  les  plus  importantes  et 
les  plus  épineuses,  lors  même  qu'il  n'était 
que  diacre.  Après  la  mort  du  dernier  de 
ces  pontifes,  en  440,  il  fut  élevé  sur  le 
saint  Siège  par  le  clergé  de  Rome.  Le 
peuple  apprit  son  élection  avec  transport 
et  le  vit  sur  le  trône  pontifical  avec  ad- 
miration. Léon  réprima ,  par  sa  fermeté, 
les  progrès  des  hérétiques  ,  et  en  ramena 
plusieurs  à  la  foi  par  sa  douceur.  Ayant 
découvert  à  Rome  un  nombre  infini  de 
manichéens  ,  il  fit  contre  eux  une  infor- 
mation juridique  etpublique,  mil  au  grand 
jour  les  infamies  ténébreuses  de  leurs 
mystères,  et  livra  les  plus  opiniâtres  au 
bras  séculier.  Il  s'arma  du  même  courage 
contre  les  pélagiens  et  les  priscillianisles, 
et  extermina  entièrement  les  restes  de 
ces  hérétiques  en  Italie.  Son  zèle,  non 
moins  ardent  contre  les  eutycliiens,  le 
l)orla  à  protester  par  ses  légats  contre  les 
actes  du  Brigandage  d'Jiphèse  ^  oix  Yer- 
rcur  avait  été  préconisée  en  449.  L'em- 
pereur Marcien  ayant  assemblé ,  à  la  sol- 
licitation de  Léon  ,  un  concile  œcuméni- 
que à  Clialcédoine  en  451,  saint  Léon  y 
envoya  quatre  légats  pour  y  présider.  La 
2'  session  fut  employée  à  lire  une  lettre  du 
saint  pape  à  Flavien,  patriarche  de  Con- 
stanlinople  ,  dans  laquelle  il  développait 
d'une  manière  admirable  la  doctrine  de  l'E- 
glise catholique  sur  l'incarnation.  Le  con- 
cile lui  donna  tous  les  éloges  qu'elle  méri- 
tait. L'erreur  fut  proscrite,  et  la  vérité  prit 
sa  place.  Dans  le  temps  qu'on  tenait  ce 
concile  en  Orient.  Attila  ravageait  l'Occi- 
dent et  s'avançait  vers  Rome  pour  la  ré- 
duire en  cendres.  L'empereur  Valentinien 
choisit  saint  Léon  pour  arrêter  ce  guer- 
rier terrible  et  pour  faire  des  pro;)osilions 
do  paix.  Le  pontife  lui  parla  avec  tant  de 
majesté,  de  douceur  et  d'éloquence  ,  qu'il 
amollit  son  caractère  féroce.  Ce  roi  bar- 
bare sortit  de  l'Italie  et  repassa  le  Danube 
emportant  dans  son  cœur  de  l'amitié,  du 
respect  et  de  l'admiration  pour  le  pontife 
romain.  Gcnséric  fit  ce  qu'Attila  n'avait 
pas  fait.  Il  surprit  Rome  en  4o5  et  l'aban- 
donna au  pillage  ;  ses  troupes  saccagèrent 
la  ville  pendant  14  jours  avec  une  fureur 
inouïe.   Tout   ce  que  put  obtenir  saint 


kOn  LEO 

Léon  fut  qu'on  ne  commettrait  ni  meur- 
tres ni  incendies ,  et  qu'on  ne  toucherait 
point  aux  trois  principales  basiliques  de 
Rome,  enrichies  par  Constantin  de  pré- 
sens magnifiques.  L'illustre  pontife,  en 
veillant  aux  biens  spirituels ,  ne  négligea 
point  les  intérêts  temporels  des  peuples, 
et  mourut  en  461 ,  avec  la  réputation  d'un 
saint  et  d'un  grand  homme.  Sun  pontificat 
embarrasse  étrangement  ceux  qui  rappor- 
tent la  grande  autorité  des  papes  aux  faus- 
ses décrétales.  Jamais  le  siège  de  Rome  ne 
fut  pl'us  respecté,  ni  ses  décrets  d'une  force 
plus  marquée  que  sous  le  pape  Léon.  (f^og. 
GRÉGOIRE  le  GRAND,  INNOCENT  V\ 
ISIDORE  MERCATOR,  LUTHER,  saint 
PIERRE.  )  C'est  le  premier  pape  dont  nous 
ayons  un  corps  d'ouvrage.  Il  nous  reste 
de  lui  96  Sermons  ^  et  141  Lettres.  Plu- 
sieurs savans  lui  attribuent  aussi  les  livres: 
De  la  vocation  des  gentils,  Epître  à  Dé- 
métriade  :  mais  le  pape  Gélase  ,qui  vivait 
à  la  fin  de  ce  siècle,  cite  ces  livres  comme 
étant  d'un  docteur  de  l'Eglise,  sans  les 
attribuer  à  saint  Léon;  quelques-uns, 
parmi  lesquels  se  trouve  l'abbé  Anthelmi, 
les  attribuent  à  saint  Prosper,  mais  le  style 
n'est  pas  favorable  à  cette  opinion  ,  car 
c'est  réellement  celui  de  saint  Léon  ;  slylo 
poli,  coulant,  nombreux,  plein  de  dignité 
et  de  force  ,  d'une  latinité  pure  et  riche. 
Toutes  ses  périodes  ont  une  certaine  ca- 
dence mesurée ,  qui  surprend  sans  dé- 
plaire. Il  est  semé  d'épilhètes  bien  choi- 
sies et  d'antithèses  très  heureuses  ,  mais 
un  peu  trop  fréquentes.  Le  père  Quesnel 
a  donné  une  édition  des  ouvrages  de  ce 
saint  père,  laquelle  parut  à  Paris ,  en  1675 
en  2  vol.  in-4",  ensuite  à  Lyon,  l'an  1700, 
in-fol.  Baluze ,  Anthelmi ,  Jean  Salinas  et 
dom  Constant  ont  reproché  au  père  Ques- 
nel un  grand  nombre  de  falsifications  ;  il 
paraît  avoir  pris  à  tâche  d'affaiblir  dans 
plus  d'un  endroit  l'impression  de  l'auto- 
rité pontificale ,  plus  forte  dans  les  ouvra- 
ges de  saint  Léon  que  dans  ceux  de  la  plu- 
part des  papes  postérieurs ,  comme  Ca- 
saubon  lui-même  l'a  marqué.  On  prétend 
même  que  c'est  dans  ce  dessein  que  le 
père  Quesnel ,  intéressé  à  combattre  l'au- 
torité du  cliefde  l'Eglise,  a  entrepris  cette 
traduction.  Les  OEuvres  de  saint LéoTiont 
été  publiées  de  nouveau  à  Rome  en  1733, 
en  2  vol.  in-fol.  par  le  père  Cacciari,  carme, 
et  à  Venise  en  1755  par  les  frères  Bal- 
lerini;  l'une  et  l'autre  éditions  sont  en  5 
vol.  in-fol.  Le  père  Cacciari  a  fait  paraître 
en  1751-55-53,  une  nouvelle  édition  avec 
des  ExercHationes  in  Opcra  sancti  Léo- 


LEO 


A06 


LEO 


niSj  in-fol.  Ce  sont  des  dissertations  d'un 
style  assez,  négligé,  mais  pleines  de  choses. 
L'abbé  de  Bellegarde  a  donné  une  traduc- 
tion française  des  sermons  de  ce  saint 
père ,  Paris,  1701 ,  et  M.  l'abbé  Guillon  en 
a  donné  dans  sa  Bibliothèque  choisie  des 
pères  de  l'Eglise  grecque  et  latine  une 
analyse  très  distinguée  par  l'élégance  de 
sa  traduction  et  par  le  goût  qui  a  présidé 
aux  choix  qu'il  a  faits  des  morceaux  les 
plus  remarquables  qu'ils  renferment.  Le 
père  Maimbourg  a  écrit  l'histoire  de  son 
pontificat,  in-i",  ou  2  vol.  in-12.  Voyez 
saint  Hilaire  d'Arles.  L'Eglise  honore  la 
mémoire  de  ce  saint  pontife  le  11  avril. 

LEON  II  (  saint  ) ,  sicilien ,  successeur 
du  pape  Agathon  en  682 .  envoya  l'année 
suivante  le  sous-diacre  Constantin  ,  réli- 
gionnaire  du  saint  Siège  ,  à  Constantino- 
ple ,  en  qualité  de  légat.  Il  le  chargea  d'une 
lettre  pour  l'empereur,  dans  laquelle  il 
confirma  par  l'autorité  de  saint  Pierre ,  la 
définition  du  sixième  concile,  et  disait 
anathème  à  Théodore  de  Pharan,  à  Gyrus 
d'Alexandrie,  à  Sergius,  à  Pyrrhus,  à 
Paul  et  Pierre  de  Constantinople ,  à  Ma- 
caire  ,  à  Etienne  et  Polychrone ,  et  même 
au  pape  Honorius  :  «  parce  que,  comme 
»  il  s'en  explique  dans  une  lettre  aux  évé- 
»  ques  d'Espagne,  Honorius  n'a  point 
»  éteint  dans  sa  naissance  la  flamme  de 
»  la  doctrine  hérétique  comme  il  conve- 
>  nait  à  son  siège.  »  {Voyez  HONORIUS.) 
Léon  II  mourut  le  23  du  mois  de  mai  684, 
après  avoir  tenu  le  bàlon  pastoral  avec  au- 
tant de  fermeté  que  de  sagesse.  Il  institua 
le  baiser  de  paix  à  la  messe  ,  et  l'asper- 
sion de  l'eau  bénite  sur  le  peuple ,  perfec- 
tionna le  chant  grégorien ,  et  composa 
plusieurs  hymnes  pour  l'office  de  l'Eglise. 
On  lui  attribue  quatre  Epilres  ,  que  Ba- 
ronius  croit  supposées.  L'Eglise  honore  sa 
fêle  le  28  juin,  jour  auquel  il  fut  enterré. 

LÉON  III ,  romain ,  monta  sur  la  chaire 
de  saint  Pierre  après  Adrien  l",  le  26  dé- 
cembre 795.  Une  de  ses  premières  dé- 
marches fut  d'envoyer  à  Charlemagne  des 
légats  chargés  de  lui  présenter  les  clefs 
de  la  basilique  de  Saint-Pierre  et  l'éten- 
dard de  la  viUe  de  Rome ,  en  le  priant  de 
députer  un  seigneur  pour  recevoir  le 
serment  de  fidélité  des  Romains.  Il  se 
forma,  peu  de  temps  après,  une  conju- 
ration contre  Léon.  Elle  éclata  le  23  avril 
799 ,  le  jour  de  saint  Marc.  Le  primicier 
Pascal ,  et  Campule,  sacellaire ,  ou  sacris- 
tain ,  tous  deux  neveux  du  dernier  pape, 
à  qui  ils  n'avaient  pu  succéder  ,  étaient  à 
la  tête.  Après  avoir  assailli  le  pontife  avec 


une  troupe  de  scélérats ,  tandis  qu'il  sor- 
tait à  cheval  du  palais  de  Latran  pour  se 
rendre  à  la  procession  des  grandes  lita- 
nies ,  ils  le  jetèrent  par  terre ,  le  maltrai- 
tèrent avec  fureur ,  et  firent  tous  leurs 
efforts  pour  lui  arracher  la  langue  et  les 
yeux.  De  la  rue  il  fut  traîné  au  monas- 
tère de  ^Saint-Silveslre,  où  ils  réitérèrent 
leurs  cruautés,  pour  s'assurer  que  jamais 
il  ne  ferait  usage  de  la  vue  ni  de  la  pa- 
role. Il  ne  perdit  néanmoins  ni  l'un  ni 
l'autre  ;  ce  que  les  auteurs  et  les  plus 
grands  personnages  du  temps  regardèrent 
comme  un  miracle.  Dans  la  nuit,  on  vint  à 
son  secours.  Albin,  son  camérier ,  et  quel- 
ques gens  l'enlevèrent  du  monastère ,  le 
firent  descendre  par  la  muraille  de  la  ville, 
et  le  conduisirent  en  France  auprès  de 
Charlemagne.  Ce  monarque  lui  donna  une 
escorte  pour  retourner  en  Italie.  Il  rentra 
à  Rome  comme  en  triomphe,  au  milieu  de 
tous  les  ordres  de  la  ville ,  qui  vinrent  au 
devant  de  lui  avec  des  bannières.  Charle- 
magne passa  en  Italie  l'an  800,  le  pape 
l'y  couronna  empereur  d'Occident  le  jour 
de  Noël  de  la  même  année ,  et  obtint  de 
lui  la  grâce  de  Pascal  et  de  Campule , 
que  ce  prince  avait  condamnés  à  mort. 
Les  ennemis  de  Léon  ayant  de  nouveau 
conspiré  contre  lui  après  la  mort  de  Char- 
lemagne ,  il  en  fit  péiir  plusieurs  par  le 
dernier  supplice ,  en  815.  11  mourut  le  11 
juin  816,  regardé  comme  un  pontife  poU- 
tique.  On  a  de  lui  treize  Epltres^  Helms- 
tadl,  1G55,  in-4°.  On  lui  attribue  mal  à 
propos  VEnchiridion  Leonis  papoe ^  petit 
livre  de  prières  contenant  les  sept  psau- 
mes et  diverses  oraisons  énigmatiques , 
dont  les  alchimistes  font  cas ,  et  que  les 
curieux  recherchent  par  cette  raison.  Il 
a  été  imprimé  à  Lyon  en  1601  et  1607, 
in-24 ,  et  à  Mayence  en  1623.  Mais  l'édi- 
tion recherchée  est  celle  de  Rome,  en  1525 
in-24  ;  et  la  meilleure  après  celle-là  est 
celle  de  Lyon,  en  1584,  aussi  in-24. 

LÉON  IV  (  saint) ,  romain ,  pape  élu  le 
12  avril  847 ,  après  Sergius  II ,  mourut 
saintement,  le  17  juillet  855.  Il  illustra  le 
pontificat  par  son  courage  et  par  ses  ver- 
tus. Il  eut  la  douleur  de  voir  les  Sarra- 
sins aux  portes  de  Rome ,  prêts  à  faire 
une  bourgade  mahomélane  de  la  capitale 
du  christianisme.  Les  empereurs  d'Orient 
et  ceux  d'Occident  semblaient  l'avoir 
abandonnée.  Léon  IV,  plus  grand  homme 
qu'eux,  prit  dans  ce  danger  l'autorité 
d'un  souverain ,  d'un  père  qui  défendîmes 
cnfans.  Il  employa  les  richesses  de  l'E- 
glise à  réparer  les  murailles,  à  élever  dts 


LEO  407 

tonrs,  à  tendre  des  chaînes  sur  le  Tibre. 
Il  arma  les  milices  à  ses  dépens  ;  il  en- 
gagea les  habitans  de  Naples  et  de  Gaëte 
à  venir  défendre  les  côles  et  le  port  d'Oslie  ; 
11  visita  lui-même  tous  les  postes,  et  reçut 
les  Sarrasins  à  leur  descente ,  non  pas  en 
écpiipage  de  guerrier,  mais  comme  un 
pontife  qui  exhortait  un  peuple  chrétien, 
et  comme  un  roi  qui  veillait  à  la  sûreté 
de  ses  sujets.  Il  était  né  romain.  «  Le  cou- 
»  rage  des  premiers  âges  de  la  république 
»  (dit  l'auteur  de  V Histoire  générale)  re- 
»  vivait  en  lui  dans  un  temps  de  lâcheté 
»  et  de  corruption,  n  Son  courage  et  ses 
soins  furent  secondes.  On  reçut  les  Sarra- 
sins courageusement  à  leur  descente  ;  et 
la  tempête  ayant  dissipé  la  moitié  de  leurs 
vaisseaux,  une  partie  de  ces  conquérans, 
échappés  au  naufrage,  furent  mis  à  la 
chaîne.  Le  pape  rendit  sa  victoire  utile , 
en  faisant  travailler  aux  fortifications  de 
Rome  et  à  ses  embellissemens  les  mêmes 
mains  qui  devaient  la  détruire.  Il  enferma 
ensuite  d'une  bonne  muraille  tout  le  mont 
Vatican,  où  il  se  forma  un  nouveau  quar- 
tier, ou  une  nouvelle  ville,  qui  prit  le  nom 
de  Cité  Léonine.  Il  s'appliqua  fortement 
6  la  réformation  des  mœurs  et  au  réta- 
blissement de  la  discipline  ecclésiastique, 
tint  à  ce  sujet  un  concile  à  Rome  en  833 , 
et,  pour  faire  un  exemple,  déposa  Anas- 
tase,  cardinal  -  prêtre  de  Saint-Marcel, 
pour  n'avoir  pas  résidé  dans  sa  paroisse. 
C'est  le  même  Anastase  qui  disputa  la  pa- 
pauté à  Benoît  III.  Nous  avons  de  Léon 
iV  une  Homélie  adressée  aux  évêques  et 
aux  pasteurs  sur  leurs  devoirs.  Elle  a  été 
publiée  par  le  P.  Labbe ,  et  se  trouve  dans 
le  Pontifical  romain.  Cinq  jours  après  sa 
mort ,  Benoît  III  fut  élu  pape  :  ce  qui  dé- 
truit l'opinion  fabuleuse  de  ceux  qui  ont 
p'.acé  le  pontificat  prétendu  de  la  papesse 
Jeanne  entre  ces  deux  pontifes.  Voyez 
BENOIT  III  et  Jean  VII. 

LÉOISi  V  ,  natif  d'Andréa ,  succéda  au 
pape  Benoît  IV  en  903.  Il  fut  chassé  et  mis 
en  prison  environ  un  mois  après  par 
Christophe ,  qui  s'empara  de  son  siège. 
Léon  y  mourut  de  chagrin  le  6  décembre 
de  la  même  année. 

LÉON  VI ,  romain ,  succéda  au  pape 
Jean  X  ,  le  6  juillet  928  ,  et  mourut  au 
commencement  de  février  929.  Quelques- 
uns  prétendent  que  c'était  un  intrus^ 
placé  sur  le  saint  Siège  par  les  ennemis  de 
Jean  X.  Etienne  VII  fut  son  successeur. 

LÉOIV  VII ,  romain ,  fut  élu  pape  après 
la  mort  de  Jean  XI ,  en  936 ,  et  n'accepta 
cette  dignité  que  njalgré  lui.  Il  fit  paraître 


LEO 

beaucoup  de  zèle  et  de  piété  dans  sa  con- 
duite, et  mourut  en  959.  Il  est  appelé  Léon 
VI  dans  plusieurs  catalogues.il  eut  Etienne 
VIII  pour  successeur.  On  a  de  lui  une 
Lettre  à  Hugo ,  abbé  de  Tours ,  insérée 
dans  le  Spicilége  de  dom  d'Achery.  Elle 
est  une  preuve  de  son  zèle  pour  la  disci- 
pline monastique. 

LÉON  VIII  fut  élu  pape  après  la  dé- 
position de  Jean  XII ,  le  6  décembre  963, 
parTautorité  de  l'empereur  Othon.  Fleury 
en  parle  comme  d'un  pape  légitime  ;  mais 
Baronius  et  le  père  Pagi  le  traitent  d'm- 
trus  et  d'antipape.  Au  reste ,  ce  fut  la 
grande  probité  de  Léon  qui  détermina 
les  suffrages  en  sa  faveur  ;  et  quoique  pen- 
dant la  vie  de  Jean  XII  on  n'ait  pu  le  re- 
garder comme  canoniquement  élu ,  rien 
n'empêche  qu'il  ne  puisse  être  considéré 
comme  pape  légitime  après  la  mort  de  ce 
pontife,  surtout  lorsque  Benoît  V,  qui 
avait  été  élu  pour  succéder  à  Jean  XII , 
eut,  pour  finir  le  scandale ,  acquiescé  à 
sa  propre  déposition,  quoique  injuste. 
Enfin ,  en  le  plaçant  dans  le  catalogue  des 
papes  légitimes ,  on  ne  fait  que  suivre 
tous  les  anciens  qui  lui  ont  accordé  cet 
honneur.  Il  mourut  au  inois  d'avril  965  ; 
et  le  5  juillet  de  cette  année ,  Jean  XIII 
fut  élu  pape  après  la  mort  de  ces  deux 
pontifes. 

LÉON  IX  (  saint  ) ,  appelé  auparavant 
Brunon  ,  fils  du  comte  Egisheim ,  né  en 
Alsace  le  21  juin  1002,  passa  du  siège  de 
Toul  à  celui  de  Rome  le  11  février  10i9, 
par  le  crédit  de  l'empereur  Henri  III ,  son 
cousin  ,  qui  le  fit  élire  à  Worms  par  les 
évêques ,  les  grands  de  l'empire  et  les  lé- 
gats de  l'église  romaine.  Elevé  au  pontifi- 
cat malgré  lui,  il  partit  pour  Rome  en  habit 
de  pèlerin  ,  et  ne  prit  celui  de  souverain 
pontife  que  lorsque  les  acclamations  de  joie 
du  peuple  romain  l'eurent  déterminé  à 
accepter  la  tiare.  Le  nouveau  pontife  as- 
sembla des  conciles  en  Italie  ,  en  France, 
en  Allemagne  ,  soit  pour  remédier  au 
mal,  soit  pour  introduire  le  bien.  En  1050, 
il  tint  à  Rome  un  concile  où  les  erreurs 
de  Bérenger  sur  l'eucharistie  furent  con- 
damnées. La  simonie  et  le  concubinage 
étaient  alors  les  deux  plus  cruels  fléaux 
de  l'Eglise  ;  mais  la  vigilance  sévère  avec 
laquelle  les  souverains  pontifes  les  repous- 
sèrent prouve  assez  que  le  mal  n'était  ni 
général ,  ni  toléré.  Léon  IX  porta  un  dé- 
cret ,  dans  un  concile  tenu  à  Rome  en  1051 , 
où  il  était  dit,  que  «  les  femmes  qui,  dans 
»  l'enceinte  des  murs  de  Rome,  se  se- 
n  raient  abandonnées  à  des  prêtres ,  se- 


LEO 


408 


LEO 


•  raient  h  l'avenir  adjugées  au  palais  de 
»  Latran  comme  esclaves.  »  C'est  sous  son 
pontificat  que  le  schisme  des  Grecs ,  dont 
Pholius  avait  jeté  les  premiers  fondemens, 
éclata  par  les  écrits  de  Michel  Cerularius, 
patriarche  Constantinople.  Léon  réfuta 
solidement  ces  écrits,  et  fit  une  belle 
apologie  de  la  discipline  observée  parmi 
les  Latins.  En  1053  ,  il  se  rendit  en  Alle- 
magne pour  demander  du  secours  contre 
les  Normands,  et  en  obtint.  Ayant  armé 
contre  ces  guerriers,  il  fut  battu  et  pris 
près  de  Bénévént,  qui ,  sous  son  pontifi- 
cat, avait  été  donné  au  saint  Siège  par 
l'empereur  Henri  IlL  Après  un  an  de 
prison ,  il  fut  conduit  à  Rome  par  ses  vain- 
queurs, et  mourut  le  19  avril  1054.  Il  avait 
passé  le  temps  de  sa  captivité  dans  les 
exercices  de  la  pénitence.  L'archidiacre 
Wibert  a  écrit  en  latin  sa  Vie ,  que  le  père 
Sirmond  a  mise  au  jour  ,  Paris,  1615 ,  in- 
8°,  et  qui  se  trouve  dans  le  Thésaurus 
Anecdotorum  de  dom  Martène.  On  a  de  ce 
saint  pontife  des  Sermons  dans  les  Œuvres 
de  saint  Léon ,  des  Epitres  décrétales 
dans  les  conciles  du  père  Labbe ,  et  une 
Vie  de  saint  Hidulphe  j  dans  le  Thés, 
anecdot.  de  dom  Martène. 

LÉON  X  (  Jean  et  non  Julien  de  MÉ- 
DICIS  ) ,  fils  de  Laurent  de  Médicis ,  na- 
quit à  Florence  le  11  décembre  1475.  Il  fut 
créé  cardinal  à  13  ans,  par  Innocent  VIII, 
et  devint  dans  la  suite  légat  de  Jules  II.  Il 
exerçait  cette  dignité  à  la  bataille  de  Ra- 
venne,  gagnée  par  les  Français  en  1512, 
et  il  y  fut  fait  prisonnier.  Les  soldats  qui 
l'avaient  pris ,  charmés  de  sa  bonne  mine 
et  de  son  éloquence ,  lui  demandèrent 
humblement  pardon  d'avoir  osé  l'arrêter. 
Après  la  mort  de  Jules  II ,  il  obtint  la 
tiare  ,  le  5  mars  1513.  Léon  X  fit  son  en- 
trée à  Rome  le  11  avril,  le  même  jour 
qu'il  avait  été  fait  prisonnier  l'année  pré- 
cédente ,  et  monté  sur  le  même  cheval. 
Ce  pontife  avait -reçu  l'éducation  la  plus 
brillante  :  Ange  Politicn  et  Démétrius 
Chalcondyle  avaient  été  ses  maîtres.  Sa 
famille  était  celle  des  beaux-arts  ;  elle  re- 
cueillit les  débris  des  lettres  chassées  de 
Constantinople  par  la  barbarie  turque ,  et 
mérita  que  ce  siècle  s'appelât  le  siècle  des 
Médicis.  Léon  X  joignait  au  goût  le  plus 
fin  la  magnificence  la  plus  recherchée.  Le 
nouveau  pontife  vécut ,  si  on  en  croit 
quelques  auteurs,  en  prince  voluptueux  ; 
mais  Paul  Jove ,  qui  d'ailleurs  ne  lui  est 
pas  favorable ,  en  condamnant  ses  dé- 
penses excessives  et  ses  profusions  ,  rend 
le  plus  beau  témoignage  à  la  pureté  de 


ses  mœurs.  Dans  le  sein  de  la  magnifia 
cence  et  des  plaisirs  fastueux ,  Léon  X 
n'oublia  pas  les  intérêts  du  pontificat.  Il 
termina  les  différends  que  Jules  II  avait 
eus  avec  Louis  XII,  et  conclut  en  1517  le 
concile  de  Lalran.  Il  choisit  ses  secrétaires 
parmi  les  plus  beaux  esprits  de  l'Italie. 
Le  style  barbare  de  la  daterie  fut  aboli 
et  fit  place  à  l'éloquence  douce  et  pure  des 
cardinaux  Bcmboet  Sadolet.  Il  fit  fouiUer 
dans  les  bibliothèques ,  déterra  les  anciens 
manuscrits,  et  ne  ménagea  aucune  dé- 
pense pour  se  les  procurer  ;  il  acheta  500 
sequins  (  5,500  fr.  )  un  seul  exemplaire 
des  cinq  premiers  livres  de  Tacite ,  qui 
furent  trouvés  dans  l'abbaye  de  Corwey, 
en  Westphalie  ;  il  se  procura  des  éditions 
exactes  des  meilleurs  auteurs  de  l'anti- 
quité. Les  poètes  étaient  surtout  les  objets 
de  sa  complaisance  ;  il  aimait  les  vers  ,  et 
en  faisait  de  très  jolis.  Dans  le  temps 
qu'il  préparait  aux  hommes  des  plaisirs 
purs,  en  faisant  renaître  les  beaux-arts, 
il  se  forma  une  conspiration  contre  sa  vie. 
Les  cardinaux  Petrucci  et  Soli ,  irrités  de 
ce  que  ce  pape  avait  ôté  le  duché  d'Ur- 
bain à  un  neveu  de  Jules  II ,  corrompi- 
rent un  chirurgien  qui  devait  panser  un 
ulcère  secret  du  pape  ;  et  la  mort  de  Léon 
X  devait  être  le  signal  d'une  révolution 
dans  beaucoup  de  villes  de  l'état  ecclé- 
siastique. La  conspiration  fut  découverte  ; 
il  en  coûta  la  vie  à  plus  d'un  coupable.  Les 
deux  cardinaux  furent  appliqués  à  la  ques- 
tion et  condamnés  à  la  mort.  On  pendit 
le  cardinal  Petrucci  dans  la  prison  en  1517; 
l'autre  racheta  sa  vie  par  ses  trésors.  Léon 
X,  pour  faire  oublier  le  supplice  d'un  car- 
dinal mort  par  la  corde  ,  en  créa  51  nou- 
veaux. 11  méditait  depuis  quelque  temps 
deux  grands  projets  :  l'un  était  d'armer 
les  princes  chrétiens  contre  les  Turcs, 
devenus  plus  formidables  que  jamais  sous 
le  sultan  Sélim  II  ;  l'autre  d'embellir  Rome 
et  d'achever  la  basilique  de  Saint-Pierre 
commencée  par  Jules  II,  le  plus  beau  mo- 
nument  qu'aient  jamais  élevé  les  hommes. 
Iliit  publier  en  1518  des  indulgences  plé- 
nières  dans  toute  la  chrétienté ,  pour  con- 
tribuer à  l'exécution  de  ces  deux  projets. 
Il  s'éleva  à  cette  occasion  une  vive  que- 
relle en  Allemagne ,  entre  les  dominicains 
et  les  auguslins.  Ceux-ci  avaient  toujours 
été  en  possession  de  la  prédication  des 
indulgences;  ils  virent  avec  peine  la  pré- 
férence donnée  aux  dominicains.  Luther 
se  fit  l'organe  de  leur  mécontentement. 
C'était  un  moine  ardent ,  infecté  des  er- 
reurs de  Jean  Huss.  {Voyez  LUTHER.  ) 


LEO 


409 


LEO 


ses  prédications  et  ses  livres  enlevèrent 
des  peuples  entiers  à  l'Eglise  romaine, 
Léon  X  tenta  Tainement  de  ramener  l'hé- 
résiarque par  la  douceur  ;  il  fut  enfin  forcé 
de  l'anathématiser  par  deux  bulles  consé- 
cutives ,  l'une  en  1520,  l'autre  en  1521. 
Le  feu  de  la  guerre  s'alluma  vers  le  même 
temps  dans  toute  l'Europe.  François  1"  et 
Charles-Quint  recherchant  l'alliance  de 
Léon  X,  ce  pontife  flotta  lon^j-temps  entre 
ces  deux  princes;  il  fit  presque  à  la  fois 
un  traité  avec  l'un  et  avec  l'autre;  en  1520 
avec  François  l'',  auquel  il  promit  le 
royaume  de  Naples,  en  se  réservant  Gaëîe; 
et  en  1521  avec  Charles-Quint,  pourchas- 
ser les  Français  de  l'Italie  ,  et  pour  livrer 
le  Milanais  à  François  Sforce ,  fils  puîné 
de  Louis  le  Maure ,  et  surtout  pour  donner 
au  saint  Siège  Ferrare,  qu'on  voulait  tou- 
jours ôter  à  la  maison  d'Est.  On  a  ridicu- 
lement prétendu  que  les  malheurs  de  la 
France  dans  cette  guerre  lui  causèrent 
tant  de  plaisir  qu'il  fut  saisi  d'une  fièvre 
dont  il  mourut  le  1""  décembre  1521 ,  à  46 
ans  moins  dix  jours.  Mais  il  parait  plus 
probable  que  le  poison  termina  sa  vie.  Son 
talent  était  de  manier  les  esprits  ;  il  s'em- 
para si  bien  de  celui  de  François  1"^  dans 
une  entrevue  qu'ils  eurent  à  Bologne  en 
1515,  que  ce  prince  consentit  à  l'abolition 
de  la  Pragmatique.  {Voy.  FRANÇOIS  1".  ) 
Le  goût  du  luxe  ,  goût  plus  convenable  à 
un  prince  qu'à  un  pontife ,  les  moyens 
qu'il  employa  pour  élever  sa  famille ,  son 
humeur  vindicative  ,  ternirent  l'éclat  de 
ses  bonnes  qualités,  et  celui  que  les  beaux 
arts  avaient  répandu  sur  son  pontificat. 
II  ne  faut  pas  croire  cependant  tous  les 
bruits  répandus  sur  Léon  X  par  les  pro- 
testans ,  qui  l'ont  peint  comme  un  athée 
qui  se  moquait  de  Dieu  ^des  hommes. 
Ces  bruits  scandaleux  ne  sont  fondés  que 
sur  de  prétendues  anecdotes ,  et  sur  des 
propos  qu'il  est  impossible  qu'il  ait  tenus. 
On  sent  assez  que  ces  sectaires  ont  dû  se 
déchaîner  contre  le  pontife  qui  avait  lan- 
cé la  première  excommunication  sur  le 
patriarche  et  ses  adhérens.  Un  auteur 
moderne ,  calviniste  anglican  ,  rend  à 
Léon  X  plus  de  justice  que  ses  coreligion- 
naires. Voici  comment  il  le  juge  après 
avoir  balancé  les  opinions  etlesjugemens 
divers  des  historiens.  «  Il  nous  reste  les 
»  témoignages  les  plus  satisfaisans  sur  la 
9  pureté  de  mœurs  qui  distingua  ce  pape 

•  tant  dans  sa  première  jeunesse  que  lors- 

•  qu'il  parvint  au  souverain  pontificat  ; 
»  et  l'exemple  de  chasteté  et  de  décence 
»  qu'il  a  donne  est  d'autant  plus  remar- 

7. 


»  quable  qu'il  était  plus  rare  dans  le  sièciâ 
»  où  il  a  vécu.  »  «  Le  gouvernement  d« 
B  Léon  X,  dit  un  écrivain  judicieux,  est 
»  le  tableau  d'un  siècle  entier,  auquel  il 
»  a  eu  la  gloire  d'imposer  son  nom.  »  Non 
seulement  ce  siècle  fut  celui  des  grands 
hommes ,  mais  des  femmes  aussi  s'y  dis- 
tinguèrent, telles  que  Constance  d'Avalos, 
Tullie  d'Aragon  ,  Laure  Baltiua,  Victoire 
Colonne  ,  Véronique  Gambara ,  Gaspara 
Stampra.  Léon  X  ne  dédaignait  pas 
d'admettre  à  sa  table  les  beaux  esprits  do 
son  époque.  C'était  son  délassement  après 
les  soins  assidus  qu'il  donnait  à  ses  étals. 
Protecteur  éclairé  des  lettres,  il  avait 
choisi  ses  secrétaires  parmi  les  bons  écri- 
vains de  l'époque.  Il  rétablit  le  gymnase 
de  l'université  de  Rome ,  et  lui  rendit  ses 
revenus,  employés  depuis  long-temps  à 
d'autres  usages  ;  des  professeurs  y  furent 
appelés  de  toutes  parts  pour  y  enseigner 
la  théologie,  le  droit  canon  ,  le  droit  civil, 
la  philosophie  morale ,  la  rhétorique ,  la 
logique,  les  iTiathématiques,  la  médecine, 
la  langue  grecque ,  etc.  On  ne  connaît  do 
ce  prélat  qu'une  jo/èci?  de  vers  latins,  com- 
posée pendant  son  cardinalat ,  sur  une 
statue  de  Cléopàtre  qu'on  venait  de  dé- 
couvrir. On  peut  consulter  V Histoire  de 
Léon  X  \}B.TWi\\.  Roscoë,  Londres,  1805, 
k  vol.  in-i",  traduite  en  français  parP.-F. 
Henry,  Paris  ,  1808 ,  4  vol.  in-8°. 

LÉOîV  XI  (  Alexandre-Octavien  ,  de 
la  maison  des  Médicis,  cardinal  de  Flo- 
rence), fut  élu  pape  le  l"  avril  1605  ,  et 
mourut  le  27  du  même  mois ,  à  70  ans , 
infiniment  regretté.  Ses  vertus  et  ses  lu- 
mières présageaient  aux  Romains  et  à 
l'Eglise  un  règne  glorieux. 

LÉON  (Pierre  de),  antipape.  Foyez 
INNOCENT  II. 

*LÉON  XII  (le  cardinal  Anwibal  délia 
GENGA),  né  le  2  août  1760  ,  dans  la  terre 
de  ce  nom,  ancien  fief  de  sa  maison,  situé 
dans  le  diocèse  de  Spolette,  fut  promu  par 
Pie  VI  à  l'archevêché  deTyr  {in  partibus). 
en  1793 ,  et  envoyé  nonce  à  Cologne  ;  plus 
tard ,  Pie  VII  lui  confia  la  mission  impor- 
tante de  nonce  extraordinaire  à  la  diète  de 
Ratisbonne ,  pour  pourvoir  aux  besoiûs 
des  églises  d'Allemagne ,  après  les  sécula- 
risations et  les  envahissemens  de  1803.  Il 
eut  à  ce  sujet  plusieurs  conférences  à  Ra- 
tisbonne en  1804,  et  il  y  déploya  beau- 
coup de  zèle  et  de  talent,  mais  il  ne  put 
triompher  de  la  difficulté  des  circonstan- 
ces ;  au  bout  de  quelques  années ,  il  se 
vit  obligé  de  quitter  l'Allemagne  et  de  re- 
tourner en  Italie.  Délia  Genga  y  fut  témoin 
55 


LEO 


MO 


LEO 


de  la  persécution  suscitée  par  Napoléon 
contre  Pie  VII,  et  après  que  ce  pontife  eut 
été  arraché  de  sa  capitale,  il  se  relira  dans 
sa  famille.  Le  pape ,  en  rentrant  dans  ses 
états,  en  ISli,  le  nomma  nonce  extraor- 
dinaire à  la  cour  de  France ,  et  le  chargea 
de  complimenter  Louis  XYIII  sur  son  re- 
tour. L'archevêque  de  Tyr  reviht  à  Rome 
sur  la  fin  de  la  même  année ,  et  fut  le 
premier  cardinal  nommé  dans  la  nom- 
breuse promotion  du  8  mars  1816.  Il  suc- 
céda ,  en  1820 ,  au  cardinal  Lilta  dans  les 
fonctions  de  cardinal-vicaire  de  sa  Sain- 
telé  ,  et  était  de  plus  préfet  des  congréga- 
tions de  la  résidence  des  évêques,  des 
immunités  ecclésiastiques ,  et  du  spirituel 
du  collège  et  séminaire  romain,  lorsqu'il 
fut  élu  pape  après  la  mort  de  Pie  VII  le 
27  septembre  1823;  alors  il  prit  le  nom  de 
Léon  XII.  Son  couronnement  eut  lieu  le 
5  octobre.  Il  s'occupa  d'abord  du  soula- 
gement des  pauvres  et  remit  en  vigueur 
une  ancienne  coutume  introduite  par 
saint  Grégoire  le  Grand,  qui  voulait  que 
tous  les  jours  douze  pauvres  trouvassent 
è  dîner  dans  son  palais.  Léon  s'occupa 
aussi  des  besoins  de  l'Eglise,  et  s'empressa 
de  pourvoir  aux  évêchés  vacans.  Le  5 
février  1829,  il  commença  à  ressentir  les 
atteintes  de  la  maladie  qui  devait  l'em- 
porter :  il  rendit  le  dernier  soupir  le  10  du 
même  mois ,  vers  les  10  heures  du  matin , 
après  unelongue  et  tranquille  agonie.  Léon 
XII  excita  le  zèle  des  fidèles  pour  la  recon- 
struction de  l'église  de  St-Paul  ;  délivra  les 
environs  de  Rome  des  malfaiteurs  qui  les 
infestaient;  embellit  Rome,  encouragea 
les  sciences  et  les  arts ,  enrichit  la  biblio- 
thèque du  Vatican  et  les  musées ,  donna 
des  soins  particuliers  à  l'instruction  et 
aux  études ,  fit  des  règlemens  très  sages 
sur  l'administration  publique,  la  justice 
et  le  commerce,  favorisa  les  établissemens 
do  charité  et  remplit  tous  les  devoirs  de 
pontife  ,  de  prince  et  de  père  commun.  Il 
aidait  de  ses  conseils  tous  ceux  qui  avaient 
en  lui  quelque  confiance.  L'élection  de 
Léon  XII ,  dit  le  Mémorial  catholique  de 
mars  1829 ,  avait  été  une  marque  de  la 
protection  divine  sur  l'Eglise.  Les  plus 
touchante»  vertus  s'alliaient  en  lui  à  la 
prudence  et  à  la  fermeté,  si  nécessaires 
aujourd'hui.  Ses  hautes  lumières  égalaient 
sou  zèle.  11  connaissait  les  besoins  du 
siècle ,  et  méditait ,  dans  sa  sagesse ,  les 
grands  devoirs  que  le  nouvel  état  du 
•nonde  prépare  à  la  souveraineté  spiri- 
tuelle. Qu(jique  la  courte  durée  de  son 
poaliflrai  ne  lui  ait  pas  permis  de  dé- 


ployer ses  salutaires  desseins,  entourés 
d'ailleurs  d'obstacles  de  tout  genre ,  quel- 
ques-uns de  ses  actes  font  connaître 
quelles  étaient  ses  vues.  Il  croyait  que, 
sans  changemens  brusques  et  violens, 
l'autorité  spirituelle  devait  tendre  à  se 
dégager  des  Uens  politiques,  et  à  exercer, 
avec  une  pleine  liberté,  là  puissance  qui 
lui  appartient.  C'est  ce  que  montre  sa 
conduite  à  l'égard  des  républiques  de 
l'Amérique  méridionale.  Au  lieu  de  subor- 
donner à  des  considérations  d'un  ordre 
inférieur  les  intérêts  de  la  religion,  il  s'é- 
leva au-dessus  des  questions  agitées  par 
la  diplomatie,  et  remplit  avec  indépen- 
dance le  premier  devoir  d'un  pape  ,  ce- 
lui de  pourvoir  en  tout  état  de  choses,  à 
la  perpétuité  du  ministère  pastoral.  Le 
même  Mémorial  nous  apprend  que  les 
derniers  jours  de  la  vie  de  ce  pontife  ont 
été  attristés  par  l'abus  que  l'on  a  fait  en 
France  de  la  lettre  écrite  par  le  ministre 
secrétaire-d'état  du  gouvernement  pon- 
tifical au  sujet  des  ordonnances  relatives 
aux  séminaires  ;  mais  que  la  vérité  n'a 
pas  tardé  à  percer  à  travers  toutes  les  in- 
trigues, et  il  cite  un  passage  de  la  réponse 
du  pape ,  qui  prouve  que  ce  pontife  n'a 
pas  approuvé  une  circulaire,  rédigée  par 
quelques  évêques  ,  et  adressée  à  M.  Feu- 
trier,  laquelle  reconnaissait  au  gouverne- 
ment des  droits  de  surveillance.  Le  pape 
souligna  ces  mots  ,  et  y  joignit  les  obser- 
vations suivantes  :<i.  Cette  note  tombe  sur 
»  cette  expression  qui ,  dans  le  sens  si 
»  large  qu'elle  peut  présenter  ici ,  ne  doit 
»  certainement  pas  être  soufferte  dans 
»  l'église  du  Christs  et  a  été  re jetée  d'une 
»  voix  unanime  dans  plus  d'u7i  concile. 
»  La  même  expression  ne  peut  être  ad- 
D  mise  et  employée  maintenant  par  un  il- 
»  lustre  corps  d'évêques  ;  car  elle  ne  peu\ 
»  l'être  sans  un  grave  scandale  et  au  dé' 
»  triment  de  l'Eglise.  »  Nous  terminerons 
cet  article  en  citant  ce  passage  de  la  Quo' 
tidienne  du  19  février  :  o  Léon  XII  a  vécu 
»  orné  de  vertus  et  de  science;  c'était  un 
»  des  esprits  les  plus  grands  de  son  siècle; 
»  son  caractère  était  doux  et  ferme ,  il  sa- 
»  vait  les  hommes  et  les  choses  de  son 
»  temps  ;  rien  ne  manquait  à  ce  pontife 
»  pour  gouverner  l'Eglise  de  Dieu,  de  ma- 
»  nière  à  la  faire  sortir  triomphante  du 
»  milieu  des  tempêtes.  L'Italie  a  béni  la 
»  douceur  de  son  sceptre  ,  et  le  monde  a 
»  admiré  la  prévoyance  de  son  autorité  ;  il 
»  a  calmé  des  irritations  profondes  et 
»  apaisé  des  haines  furieuses.  L'église  de 
>  Belgique    commençait   i    jouir  de   sa 


LEO 


&il 


LEO 


»  sainte  et  souveraine  intervention  ;  les 
»  états  dissidens  cédaient  à  l'ascendant  de 
»  son  génie  ;  l'Allemagne  s'étonnait  de 
»  voir  plusieurs  de  ses  grands  princes 
»  passer  sous  l'autorité  de  la  foi  divine, 
»  dont  il  leur  présentait  le  flambeau.  De 
»  grandes  conquêtes  ont  illustré  son  court 
p  pontificat.  Le  catholicisme  s'étendait  de 
»  toutes  parts.  L'Amérique,  agitée  parles 
»  usurpations  ,  gardait  l'antique  lumière 
»  et  le  lien  vénérable  de  la  religion  ;  et 
»  pour  mêler  à  ces  sacrés  devoirs  du  pon- 
»  tifîcat  des  bienfaits  d'un  ordre  moins 
»  imposant ,  la  culture  des  sciences  et  des 
»  beaux-arts  donnait  du  charme  à  l'aus- 
»  tère  dignité  de  son  commandement. 
»  L'Italie  présentait  le  doux  exemple  d'un 
»  peuple  gouverné  comme  une  famille  ; 
»  l'autorité  des  patriarches  se  rendait  vi- 
»  vante ,  et  le  monde  pouvait  savoir  ce 
»  que  c'est  que  le  sceptre  de  la  royauté, 
»  lorsqu'il  est  adouci  par  la  religion  et 
»  sanctifié  parles  vertus,  i» 

EMPEnEURS. 

LÉON  r%  le  Grand  ou  l'Jnct'gn^  empe- 
reur d'Orient,  monta  sur  le  trône  après 
Marcien,  l'an  457.  On  ne  sait  rien  de  sa 
famille  ;  tout  ce  qu'on  connaît  de  sa  pa- 
trie ,  c'est  qu'il  était  de  Thrace ,  et  qu'il 
fut  d'abord  simple  soldat.  Il  s'avança  ra- 
pidement dans  les  grades  de  l'armée  par 
la  faveur  d'Aspar  qui  commandait  en  chef 
les  troupes  de  l'empire.  Il  était  à  la  tête 
d'un  corps  sous  les  murs  de  Selymbria  , 
lorsqu'il  fut  proclamé  empereur.  Ce  choix 
fait  par  Aspar  fut  confirmé  par  le  sénat, 
et  Léon  reçut  la  couronne  des  mains  d'A- 
natole, patriarche  de  Conslanlinople  :  ce 
qui  ne  s'était  point  encore  pratiqué  jus- 
qu'alors. Il  signala  les  commencemens 
de  son  règne  par  la  confirmation  du  con- 
cile de  Chalcédoine  contre  les  eutychiensj 
et  parla  paix  qu'il  rendit  à  l'empire,  après 
avoir  remporté  de  grands  avantages  sur 
les  Barbares.  La  guerre  avec  les  Vanda- 
les s'élant  rallumée ,  Léon  marcha  contre 
eux ,  mais  il  ne  fut  pas  heureux ,  ayant 
été  trahi  par  le  général  Aspar.  Cet  hom.me 
ambitieux  l'avait  placé  sur  le  trône,  dans 
l'espérance  de  régner  sous  son  nom.  Il 
fut  trompé ,  et  dès  lors  il  ne  cessa  de  sus- 
citer des  ennemis  à  l'empereur.  Léon  fit 
mourir  ce  perfide  ,  avec  toute  sa  famille, 
en  471.  Les  Goths,  pour  venger  la  mort 
d'Aspar,  leur  plus  ferme  appui  dans  l'em- 
pire ,  ravagèrent  pendant  près  de  deux 
ans  les  environs  de  Constantinople ,  et 
firent  la  paix  après  divers  succès.  Léon 


mourut  en  474,  loué  par  les  uns  ,  blàm^ 
par  les  autres.  Son  zèle  pour  la  foi,  la  ré- 
gularité de  ses  mœurs,  lui  méritèrent  des 
éloges.  L'avarice  obscurcit  ces  vertus  ;  il 
ruina  les  provinces  par  des  impôts  oné- 
reux ,  écouta  les  délateurs ,  et  punit  sou- 
vent les  innocens. 

LÉON  II,  ou  le  Jeune  ^û\a  de  Zenon  dit 
Vlsaurien^  et  d'Ariane  ,  fille  de  Léon  I", 
succéda  à  son  aïeul  en  474.  Mais  Zenon 
régna  d'abord  sous  le  nom  de  son  fils ,  et 
se  fit  ensuite  déclarer  empereur  au  mois 
de  février  de  la  même  année.  Le  jeune 
Léon  mourut  au  mois  de  novembre  sui- 
vant ,  et  Zenon  demeura  seul  maître  de 
l'empire.  Léon  avait  environ  16  ans,  et 
non  pas  6  ;  il  avait  ruiné  sa  santé  par  des 
débaiiches  qui  hâtèrent  sa  mort. 

LEOi\  III,  l'Isaurien  ^  empereur  d'O- 
rient ,  était  originaire  d'Isaurie.  Ses  pa- 
rens  vivaient  du  travail  de  leurs  mains, 
et  étaient  cordonniers.  Léon  s'enrôla  dans 
la  milice  comme  simple  soldat.  Justinien 
II  l'incorpora  ensuite  dans  ses  gardes ,  et 
Anastase  II  lui  donna  la  place  de  général 
des  armées  d'Orient,  après  diverses  preu- 
ves de  valeur  :  c'était  le  poste  qu'il  occu- 
pait lorsqu'il  parvint  a  l'empire  en  717. 
Les  Sarrasins  ,  profitant  des  troubles  de 
rOrient,  vinrent  ravager  la  Thrace,  et 
assiéger  Constantinople  avec  une  flotte 
de  80  voiles.  Léon  défendit  vaillamment 
cette  ville,  et  brûla  une  partie  des  vais- 
seaux ennemis  par  le  moyen  du  feu  gré- 
geois. Ses  succès  l'enorgueillirent  ;  il 
tyrannisa  ses  sujets,  et  voulut  les  forcer  à 
briser  les  images  ;  il  chassa  du  siège  de 
Constantinople  le  patriarche  Germain ,  et 
mit  à  sa  place  Anastase  ,  qui  donna  tout 
pouvoir  au  prince  sur  l'église.  Léon  , 
ayant  en  vain  répandu  le  sang  pour  faire 
outrager  les  tableaux  des  saints  ,  tâcha 
d'entraîner  dans  son  parti  les  gens  de 
lettres,  chargés  du  soin  de  la  bibliothèque. 
N'ayant  pu  les  gagner  ni  jjar  promesses 
ni  par  menaces ,  il  les  fit  enfermer  dans 
la  bibliothèque,  entourée  de  bois  sec  et 
de  toutes  sortes  de  matières  combustibles, 
et  y  fit  mettre  le  feu.  Des  médailles ,  des 
tableaux  sans  nombre  ,  et  plus  de  50.000 
volumes,  furent  consumés  par  cet  inreii  • 
die.  Le  barbare  fut  excommunié  par  Gré- 
goire II  et  par  Grégoire  III.  (^oyez  GRE- 
GOIRE Il  ).  Il  équipa  une  flotte  pour  se 
venger  du  pape  ;  mais  elle  fit  naufrage 
dans  la  mer  Adriatique,  et  le  tyran  mou- 
rut peu  de  temps  après,  en  741,  regardé 
comme  un  fléau  de  la  religion  et  de  Ihu- 
manité.  Son  règne  fut  de   24  ans.  On  a 


LEO  412 

quelques  roédailles  en  or  à  l'effigie  de 
cet  empereur  :  elles  attestent  l'anéantisse- 
ment total  des  arts  du  dessin  à  celte 
époque. 

>  LEOIM  IV  ,  surnommé  Chazare .  fils  de 
^Constantin  Copronyme ,  naquit  en  751,  et 
'succéda  à  son  père  en  775.  C'était  un 
temps  où  les  disputes  des  iconoclastes  ou 
briseurs  d'images  agitaient  tout  l'Orient. 
Léon  feignit  d'abord  de  protéger  les  ca- 
Itioliques  ;  mais  ensuite  il  se  moqua  éga- 
lement de  ceux  qui  honoraient  et  de  ceux 
qui  détruisaient  les  images.  Son  règne  ne 
{ut  que  de  5  ans  ,  pendant  lesquels  il  eut 
Je  bonheur  de  repousser  les  Sarrasins  en 
Asie.  Il  mourut  en  780 ,  d'une  maladijj 
pestilentielle,  dont  il  fut  frappé,  disent  le^ 
historiens  grecs,  pour  avoir  osé  porter 
une  couronne  ornée  de  pierreries  qu'il 
avait  enlevées  à  la  grande  église  de  Con- 
stantinople.  Il  avait  épousé  la  fameuse 
Irène.  Voyez  ce  nom. 

LÉON  V,  V  Arménien^  ainsi  appelé  parce 
qu'il  était  originaire  d'Arménie ,  né  vers 
la  fin  du  8'  siècle,  devint  par  son  courage 
général  des  troupes  sous  Nicéphore  ;  mais 
ayant  été  accusé  de  trahison  contre  cet 
empereur,  il  fut  battu  de  verges,  exilé ,  et 
obligé  de  prendre  l'habit  monastique.  Mi- 
chel Rhangabé,  devenu  empereur,  l'ayant 
rappelé,  lui  donna  le  commandement  de 
l'armée  ;  mais,  profitant  de  l'imprudence 
et  du  malheur  de  son  maître  ,  il  s'éleva  à 
sa  place,  et  en  fut  jugé  digne.  Ce  fut  à  la 
noblesse  de  son  extérieur,  tout  petit  qu'il 
était,  à  un  air  ferme  et  imposant,  à  une 
voix  de  tonnerre,  très  utile  dans  un  jour 
de  bataille,  à  l'hypocrisie  même  et  à  l'art 
du  déguisement,  talent  d'importance  dans 
h  nation  qu'il  avait  à  gouverner,  qu'il 
dut  les  suffrages  des  gens  de  guerre.  Les 
troupes  le  proclamèrent  empereur  en 813, 
après  avoir  destitué  Michel  dit  le  Bègue. 
Il  remporta  l'année  d'après  une  victoire 
signalée  sur  les  Bulgares ,  et  fit  avec  eux, 
en  817,  une  trêve  de  50  ans.  Ce  qu'il  y  eut 
de  singulier  dans  ce  traité ,  c'est  que  l'em- 
pereur chrétien  jura  par  les  faux  dieux 
de  l'observer;  elle  roi  Bulgare,  qui  était 
païen,  appela  à  témoin  de  son  serment  ce 
«lue  le  christianisme  a  de  plus  sacré.  La 
rruauté  de  Léon  envers  ses  paren«  et  les 
défenseurs  du  culte  des  images  ternit  sa 
gloire  et  avança  sa  mort.  Les  conjurés 
s'étaient  déguisés  en  prêtres  et  en  clercs, 
et  se  rendirent  à  la  chapelle  du  palais, 
où  Léon  assistait  habituellement  aux  ma- 
tines. Ce  prince  fut  massacré  la  nuit  de 
Noël,  en  820,  comme  il  entonnait  une 


LEO 

antienne  :  le  patriarche  Nicéphore ,  qui 
avait  été  persécuté  et  exilé  par  Léon  ,  en 
apprenant  sa  mort,  s'écria...»  La  reli- 
»  gion  est  délivrée  d'un  grand  ennemi  ; 
»  mais  l'état  peçd  un  prince  utile.  »  Ce 
jugement  a  été  confirmé  par  l'histoire. 
LÉOÎV  VI ,  le  Sage  et  le  Philosophe . 
fils  de  Basile  le  Macédonien ,  monta  après 
lui  sur  le  trône  en  886.  L'empire  était  ou- 
vert à  tous  les  Barbares  :  Léon  voulut 
dompter  les  Hongrois ,  les  Bulgares ,  les 
Sarrasins  ;  mais  il  ne  réussit  contre  aucun 
de  ces  peuples.  Les  Turcs ,  appelés  à  son 
secours,  passèrent  en  Bulgarie,  mirent 
tout  à  feu  et  à  sang,  enlevèrent  des  ri- 
chesses immenses ,  et  firent  un  nombre 
prodigieux  de  prisonniers  qu'ils  vendirent 
à  Léon.  En  se  servant  des  armes  des 
Turcs ,  Léon  leur  ouvrit  le  chemin  de 
Constantinople ,  et  après  en  avoir  été 
les  soutiens,  ils  en  furent  les  destruc- 
teurs. Il  se  montra  meilleur  politique  en 
chassant  de  son  siège  le  patriarche  Pho- 
tius.  Un  des  successeurs  de  cet  homme 
fameux,  le  patriarche  Nicolas ,  excommu- 
nia l'empereur,  parce  qu'il  s'était  marié 
pour  la  quatrième  fois  ;  ce  que  la  disci- 
pline de  l'église  grecque  défendait.  Il 
trrmina  cette  affaire  en  faisant  déposer 
le  patriarche.  Léon  mourut  de  la  dyssen- 
terie  en  911,  à  l'âge  de  16  ans.  Il  fut  ap- 
pelé le  Sage  et  le  Philosophe  par  des  flat- 
teurs qui  distribuaient,  comme  aujour- 
d'hui, la  célébrité  selon  leurs  intérêts. 
«  Ce  prince,  surnommé  le  Philosophe,  je 
I)  ne  sais  pourquoi  (  dit  le  traducteur  des 
»  Jlvis  de  l'empereur  Basile  à  Léon  son 
h  fils  et  son  collègue  ),  ne  fut  qu'un  pé- 
»  dant  sans  vertus ,  qui  fit  des  livres  ,  se 
»  laissa  battre  par  ses  ennemis,  et  donna  à 
»  ses  sujets  l'exemple  d'un  libertinage 
»  scandaleux.  »  Il  se  plaisait  à  composer 
des  Sermons,  au  lieu  de  s'occuper  de  la 
défense  de  l'empire.  Nous  en  avons  55 
pour  différentes  fêtes  dans  la  Bibliothè- 
que des  Pères.  Combefis  ,  Savil,  Maffei  et 
Gretser  en  ont  publié  quelques-uns.  L'é- 
loquence de  ce  prince  tenait  beaucoup  de 
le  déclamation.  Il  nous  reste  encore  de 
lui  :  I  Opus  BasilicoUj  dans  lequel  on  avait 
rassemblé  toutes  les  lois  des  empereurs 
grecs.  Les  Basiliques  (  Opus  Basilicon) 
avaient  été  compilés  par  Basile  :ils  furent 
retouchés  par  les  soins  de  Léon  VI;  ils 
étaient  en  60  livres  ,  dont  kl  ont  été  pu- 
blics en  1647  ,  par  G.-A.  Fabrot  ;  k  autres 
ont  été  pubUés  depuis  par  Reiz ,  avec  une 
version  latine  de  Ruhnkenius,  sous  ce  litre: 
Operis   Basilici  Fabroliani  suppletnen 


LEO 


413 


LEO 


twn^  Leyde,  1765,  in-fol.  ]  Novellce  consti- 
tutioiies^  au  nombre  de  113,  avec  des  Epi- 
tome,  pour  corriger  plusieurs  nouveautés 
que  Justinien  avait  introduites.  Leuncla- 
vius  les  a  données  à  la  fin  de  son  abrégé 
du  Basilicon.  Bâle ,  1573.  |  Un  Traité  de 
tactique,  publié  par  Meursius,  Leyde, 
1612.  C'est  le  plus  intéressant  de  ses  ou- 
vrages. On  y  voit  l'ordre  des  batailles  de 
îon  temps,  et  la  manière  de  combattre  des 
Hongrois  et  des  Sarrasins.  Ce  livre ,  im- 
portant pour  la  connaissance  du  Bas-Em- 
pire ,  a  été  traduit  en  français  par  M.  de 
Maizeroy,  Paris  ,  1771 ,  2  vol.  in-8°.  On  a 
encore  de  cet  empereur  un  Cantique  sur 
le  jugement  dernier^  traduit  en  latin  par 
Jacques  Ponlarus  ;  17  Prédictions  sur  le 
sort  de  Constantinoplej  publiées  par  Geor- 
ge Codinus  dans  son  ouvrage  De  impera- 
toribus  constantinopolitaniSj,  Paris,  16S5, 
et  une  lettre  à  Omar,  pour  prouver  la 
vérité  de  la  religion  chrétienne  et  l'im- 
"  piété  de  celle  des  Sarrasins  ;  on  la  trouve 
dans  les  nouvelles  éditions  de  la  Biblio- 
thèque des  Pères.  Léon  VI  avait  la  pré- 
tention de  prédire  l'avenir,  et  il  nous 
reste  de  lui  17  Oracles  obscurs  ,  qui  ne 
trouvèrent  de  croyance  que  chez  les 
Grecs  superstitieux.  Rutgersius  a  publié 
les  16  premiers  avec  une  version  latine, 
et  Leunclaviiis  y  a  ajouté  le  17'  qui  était 
resté  inédit.  Les  bibliothèques  de  Flo- 
rence et  du  Vatican  possèdent  plusieurs 
autres  ouvrages  manuscrits  de  Léon.  L'on 
trouve  de  lui  27  vers  rétrogrades  en  grec, 
dans  les  Excerpta  grœc.  rhet. ,  de  Léo 
Mlatius.  Rome,  1641 ,  in-8°  ,  p.  398. 

LÉOÎV  deBYZANCE.  natif  de  cette  ville, 
3e  forma  à  l'école  de  Platon.  Ses  talens 
pour  la  politique  et  pour  les  affaires  le 
firent  choisir  par  ses  compatriotes  dans 
toutes  les  occasions  importantes.  Ils  l'en- 
voyèrent souvent  vers  les  Athéniens,  et 
vers  Philippe,  roi  de  Macédoine,  en  qua- 
lité d'ambassadeur.  Ce  monarque  ambi- 
tieux, désespérant  de  se  rendre  maître 
de  By/.ance  tant  que  Léon  serait  à  la  tète 
du  gouvernement,  fit  parvenir  aux  Byzan- 
tins une  lettre  supposée ,  par  laquelle  ce 
philosophe  promettait  de  lui  livrer  sa  pa- 
trie. Le  peuple,  sans  examiner, court  fu- 
rieux à  la  maison  de  Léon  ,  qui  s'étrangla 
pour  échapper  à  la  frénésie  de  la  popu- 
lace. Cet  illustre  infortuné  laissa  plusieurs 
écrits  d'histoire  et  de  physique ,  mais  ils 
ne  sont  pas  parvenus  jusqu'à  nous.  Il 
florissait  vers  l'an  ôfJO  avant  J.-C. 

LÉOIV  (  saint  ),  évoque  de  Bayonne,  et 
j         apôtre  des  Basques,  était  de  Carcntan  en 


Basse -Normandie.  Il  fut  chargé  d'une 
mission  apostolique  par  le  pape  Etienne 
V,  pour  le  pays  des  Basques,  tant  en-deçà 
qu'au-delà  des  Pyrénées  ;  mais  pendant 
qu'il  exerçait  son  ministère  ,  il  fut  mar- 
tyrisé vers  l'an  900  par  les  idolâtres  du 
pays. 

LEON  le  Grammairien,  qai  vivait  dans 
le  IS"^  siècle,  composa  une  Chronique  de 
Constantinople,  sous  le  titre  de  Chrono- 
graphia  res  à  récent,  imperator.  gestas 
complectens  :  elle  comprend  l'histoire  des 
empereurs  depuis  813  jusques  à  929,  c'est- 
à-dire  ,  depuis  Léon  l'Arménien  jusqu'à 
Constantin  VIL  Elle  est  jointe  à  la  Chro- 
nique  de  saint  Théophane ,  imprimée  au 
Louvre  en  1655,  in-fol  ,  et  fait  partie  de 
la  Byzantine  ;  elle  a  été  traduite  en  la- 
lin  par  Jacques  Goar  et  en  français  par 
Cousin. 

LÉ0Xd'0RVIÈTE(Z(70  Urbevetanus), 
natif  de  cette  ville,  dominicain  suivant  les 
uns,  et  franciscain  suivant  d'autres,  laissa 
deux  Chroniques^  l'une  des  papes,  qui 
finit  en  1314,  et  l'autre  des  empereurs  , 
qu'il  a  terminée  à  l'an  1308.  Jean  Lami 
les  publia  tputes  deux  en  1737 ,  en  2  vol. 
in-S".  Le  style  de  Léon  se  sent  de  la  bar- 
barie de  son  siècle.  Il  adopte  plusieurs 
fables  que  la  lumière  de  la  critique  a  dis- 
sipées. A  ces  défauts  près  >  son  ouvra^je 
est  iitile  pour  l'histoire  de  son  temps. 

LEON  (Jean)  ,  surnommé  l'Africain. 
habile  géographe  arabe  du  16*  siècle, 
était  natif  de  Grenade  ,  et  s'appelait  pri- 
mitivement Alkaçan-ebn  Moha7nmedAl- 
vazas  Alfasi.  Il  fut  élevé  à  Fez ,  suivit  à 
l'âge  de  16  ans  son  oncle  dans  une  ambas- 
sade envoyée  vers  le  roi  deTombuth, 
et  ne  revint  qu'au  bout  de  quatre  ans. 
Après  avoir  long-temps  voyagé  en  Eu- 
rope ,  en  Asie  et  en  Afrique ,  il  fut  pris 
sur  mer  par  des  pirates.  Il  abjura  le  ma- 
hométisme  en  1513,  sous  le  pape  Léon  X, 
auquel  les  pirates  en  avaient  faut  présent. 
Le  pape  l'avait  fait  instruire  dans  le  ca- 
tholicisme, et  il  lui  donna  des  marque, 
singulières  de  son  estime.  Léon  apprit 
le  latin,  l'italien,  et  ouvrit  un  Cours  A& 
langue  arabe.  Son  disciple  le  plus  cé- 
lèbre fut  le  cardinal  Antonini ,  ex -général 
des  Augustins.  Il  ne  tarda  guère  à  donner 
des  preuves  d'une  conversion  peu  sin- 
cère. Il  prit  de  nouveau  le  turban ,  et 
mourut  vers  1526.  Nous  avons  de  Jean 
Léon  les  Vies  des  philosophes  arabes, 
que  Hottinger  fit  imprimer  en  latin  à  Zu- 
rich en  1664  ,  dans  son  Bibliothecarius 
quadri-parCitus.  On  les  a  insérées  aussi 
3j. 


LEO 


AJA 


LEO 


dans  le  tome  13  de  la  Bibliothèque  de 
Fabricius ,  sur  une  copie  que  Cavalcanli 
avait  envoyée  de  Florence.  Il  composa  en 
arabe  la  Description  de  l'Afrique .  qu'il 
traduisit  ensuite  en  italien.  Elle  est  assez 
curieuse  et  assez  estimée  ;  il  y  traite  prin- 
cipalement des  arbres,  herbes  et  racines 
de  cette  partie  du  monde.  Jean  Tempo- 
ral la  traduisit  en  français ,  et  la  fit  im- 
primer à  Lyon  en  i556,  en  2  vol.  in-fol. , 
sous  le  titre  de  Historiale  description  de 
T Afrique.  Il  y  en  a  une  mauvaise  Tra- 
ductionldXma  par  Florian. Louis  Marmol, 
qui  ne  cite  jamais  Léon ,  Ta  copié  presque 
partout. 

LÉON  DE  MODÈNE  ,  célèbre  rabbin  de 
Venise  au  17'  siècle  ,  dont  le  véritable  nom 
était  Juda  Arié ^  est  auteur  d'une  excel- 
lente Histoire  des  rites  et  coutumes  des 
Juifs  j  en  italien.  La  meilleure  édition  de 
cet  ouvrage  est  celle  de  Venise ,  en  1638. 
Richard  Simon  a  donné  une  traduction 
française  de  ce  livre,  Paris  ,  1674 ,  in-12  , 
qui  instruit  en  peu  de  mots  des  coutumes 
des  Juifs ,  et  surtout  des  anciennes,  aux- 
quelles l'auteur  s'attache  plus  qu'aux  mo- 
dernes. Le  traducteur  a  enrichi  sa  version 
de  deux  morceaux  curieux  ,  sur  la  secte 
des  Caraïtes.  l'autre  sur  celle  des  Sama- 
ritains d'aujourd'hui.  On  a  encore  de 
Léon  un  Dictionnaire  hébreu  et  italien  ^ 
Venise  ,  1612 ,  in-4",  2*  édition  augmentée , 
Padçue ,  1640. 

LÉON  (  Louis  de  ) ,  Aloysius  Lcgio- 
nensis.  religieux  augustin ,  professeur  de 
théologie  à  Salamanque ,  se  rendit  très 
habile  dans  le  grec  et  dans  l'hébreu.  Il 
fat  mis  à  l'inquisition  pour  avoir  com- 
menté d'une  manière  assez  inconsidérée 
le  Cantique  des  cantiques.  Il  y  donna  des 
exemples  héroïques  de  patience  et  de 
grandeur  d'âme,  et  sortit  de  son  cachot 
ay  bout  de  deux  ans.  On  le  rétablit  dans 
sa  chaire  et  dans  ses  emplois.  Il  mourut 
en  1591 ,  à  64  ans.  Il  avait  le  génie  de  la 
poésie  espagnole ,  et  ses  vers  avaient  de 
la  force  et  de  la  douceur  ;  mais  il  est  plus 
connu  par  ses  livres  théologiques.  Son 
pricipal  ouvrage  est  un  savant  traité  en 
latin  ,  intitulé  :  De  utriusque  Agni .  tij- 
pici  et  veri ,  immolationis  legitimo  tem- 
pore.  Le  père  Daniel  a  donné  ce  livre  en 
français,  1695,  in-12,  avec  des  réflexions. 
L'original  et  la  copie  sont  également  cu- 
rieux. Son  Commentaire  sur  le  Cantique 
des  cantiques  parut  à  Venise  en  1G04 , 
in-8°,  en  latin. 

LÉON  (PiEBRE  CIEÇAde),  voyageur 
espagnol ,  passa  en  Amérique  à  l'âge  de 


15  ans,  et  s'y  appliqua  pendant  17  ans  â 
étudier  les  mœurs  des  habitans  du  pays. 
Il  composa  Y  Histoire  du  Pérou ,  et  l'a- 
cheva à  Lima  en  1550.  La  première  partie 
de  cet  ouvrage  fut  imprimée  à  Se  ville 
l'an  1555 ,  in-fol. ,  en  espagnol  ;  et  à  Ve- 
nise ,  en  italien ,  in-8°,  1555  et  1557  : 
elle  est  estimée  des  Espagnols,  et  elle 
mérite  de  l'être. 

LÉON  (  dit  l'Hébreu  ,  ou  JUDA  le  rab- 
bin), fils  aînéd'Isaac  Abrabanel ,  célèbre 
rabbin  portugais  (  voyez  ABRABANEL), 
né  dans  le  royaume  deCastille,  suivitson 
père  qui  se  réfugia  à  Venise,  après  l'ex- 
pulsion des  Juifs  par  Ferdinand  le  Ca- 
tholique. On  a  de  lui  trois  Dialogues  sur 
l'amour^  Rome ,  1555,  traduit  de  l'italien 
en  français  par  Denys  Sauvage  et  Pon- 
tus  de  "Thiard  :  cet  ouvrage  a  été  sou- 
vent imprimé  in-S"  et  in-12 ,  dans  le  16* 

LÉON  de  SAINT-JEAN ,  carme ,  né  à 
Rennes  l'an  1600,  était  appelé  ,  avant  son 
entrée  en  religion ,  Jean  Macé  :  il  fut 
élevé  successivement  presque  à  toutes 
les  charges  de  son  ordre,  dont  il  devint 
provincial ,  et  s'acquit  l'estime  de  Léon  XI , 
d'Alexandre  VII ,  de  plusieurs  cardinaux, 
et  des  grands  hommes  de  son  siècle.  Il 
prêcha  devant  Louis  XIII  et  Louis  XIV 
avec  applaudissement.  Ami  intime  du  car- 
dinal de  Richelieu ,  il  recueillit  les  der- 
niers soupirs  de  ce  ministre.  Il  mourut 
le  30  décembre  1671 ,  à  Paris,  après  avoir 
publié  un  très  grand  nombre  d'ouvrages  ; 
les  principaux  sont  :  |  P^ie  de  François 
d'Amboise,  Paris,  1634;  |  Fie  de  sainte 
Madeleine  de  Pazzi,  Paris,  1636,  in-8°  ; 
I  Histoire  de  la  province  des  Carmes  de 
TourSj  en  latin ,  Paris,  1640,  in-4°  ;  |  Jour- 
nal de  ce  qui  s'est  passé  à  la  maladie  et 
à  la  mort  du  cardinal  de  Richelieu ,  Paris, 
1642,  in-4*;  I  plusieurs  ouvrages  ascé- 
tiques ;  et  quelques-uns  pour  soutenir  la 
prétendue  antiquité  de  son  ordre;  [  Stu- 
dium  sapicntiœ  universalis .  3  vol.  in-fol.  : 
le  premier  parut  à  Paris  en  1657  ;  il  com- 
prend les  sciences  profanes;  les  deux 
autres  ont  été  imprimés  à  Lyon ,  en  1664  ; 
ils  ont  pour  but  la  science  de  la  religion  : 
on  estime  principalement  ce  qui  regarde 
la  théolotjjie  dogmatique.  Le  style  de  cet 
ouvrage  est  pur  et  coulant.  ]  La  Somme  des 
sermons  parénétiqucs  et  panégyriques , 
k  vol.  in-fol. ,  Paris,  1671-75. 

LÉON.  Voyez  LÉONTIUS. 

LÉON  de  CASTRO  Voyez  CASTRO. 

LÉONARD  (  saint  ),  solitaire  du  Limou- 
sin, mort  vers  le  milieu  du  6*^  siècle,  a 


LEO 


ki\ 


LEO 


donné  5on  nom  à  la  petite  ville  de  SL- 
Léonard-le-Noblet ,  à  5  lieues  de  Limoges. 
Il  avait  été  baptisé,  dit-on,  par  saint 
Rémi ,  qui ,  après  l'avoir  cliar^jé  de  prê- 
cher la  foi  aux  peuples  ,  le  présenta  à  la 
cour  de  Clovis.  Léonard  demanda  pour 
toute  faveur  la  permission  de  visiter  les 
prisonniers,  et  de  délivrer  ceux  qui  sem- 
bleraient mériter  leur  grâce.  Après  s'être 
acquitté  de  ce  devoir,  il  revint  dans  sa 
retraite.  Le  concours  de  néophytes  qui 
l'y  suivirent  fut  si  grand,  qu'il  donna 
naissance  à  la  petite  ville  de  St-Léonard- 
le-Noblel,  à  cinq  lieues  de  Limoges.  'L'His- 
toire de  sa  vie ,  écrite  par  un  anonyme , 
est  pleine  de  faussetés  et  de  fables  ab- 
surdes :  on  estime  celle  de  l'abbé  Oroux, 
imprimée  à  Paris,  chez  Barbou ,  en  1760, 
et  dans  Baillet ,  au  6  novembre ,  jour  où 
l'Eglise  honore  sa  mémoire. 

LÉONARD  de  PISE  {Leonardo  Fibo- 
nacci)j  mathématicien,  est  le  premier 
qui  fit  connaître  en  Italie ,  au  commen- 
cement du  13*  siècle,  les  chiffres  arabes 
et  l'algèbre ,  et  qui  y  enseigna  la  manière 
d'en  faire  usage.  On  conserve  à  Florence, 
dans  la  bibibliothèque  de  Magliabecchi, 
un  traité  d'Arithmétique  ,  en  latin ,  inti- 
tulé :  Liber  abaci^  compositus  a  Leo- 
nardo  filio  Bonacci .  Pisano^  in  anno 
1202.  L'auteur  y  dit,  dans  la  préface, 
qu'étant  à  Bugie,  ville  d'Afrique,  où  son 
père  était  facteur  pour  des  marchands 
pisans,  il  avait  été  initié  dans  la  manière 
de  compter  des  Arabes,  et  que  l'ayant 
trouvée  phis  commode ,  et  de  beaucoup 
préférable  à  celle  qui  était  en  usage  en 
Europe  (en  quoi  il  disait  bien  certaine- 
ment vrai  ),  il  avait  entrepris  ce  Traité 
pour  la  faire  connaître  en  Italie.  C'est  de 
là  que  les  chiffres  arabes  et  l'algèbre  se 
répandirent  ensuite  dans  les  autres  pays 
de  l'Europe ,  à  l'égard  de  laquelle  Léo- 
nard de  Pise  peut  presque  passer  pour 
inventeur ,  ayant  enseigné  le  premier  les 
règles  de  celte  science,  et  l'ayant  même 
perfectionnée.  Il  est  encore  auteur  d'un 
Traité  d'arpentage  ^  que  l'on  conserve 
dans  la  même  bibliothèque.  Léonard  pré- 
K'nd  que  les  chiffres  arabes  pourraient 
bien  nous  venir  plutôt  des  Grecs  que  des 
Indiens. 

LÉONARD  MATTHEID'UDINE,  domi- 
nicain du  15' siècle  ,  ainsi  nommé  du  lieu 
de  sa  naissance,  enseigna,  en  1428,  la 
théologie  avec  réputation ,  et  fut  l'un  des 
plus  célèbres  prédicateurs  de  son  temps. 
En  1435  il  prêcha  à  Florence  devant  Eu- 
gène IV  ;  puis  il  parut  avec  éclat  à  Ve- 


nise, à  Rome,  à  Milan,  etc.»  et  devint  suc- 
cessivement prieur  du  couvent  de  St. -Do- 
minique de  Bologne,  ensuite  provincial  de 
toute  la  Lombardie.  Il  mourut  vers  l'an 
1470.  On  a  de  lui  un  grand  nombre  de 
Sermons  latins ,  dont  le  mérite  est  très 
médiocre  ;  mais ,  comme  les  éditions  en 
sont  anciennes,  quelques  curieux  les  re- 
cherchent. Les  principaux  sont  :  ceux  De 
sanctis,  1473,  ceux  du  Carême ,  Quadra- 
gesimale  aureum^  Paris,  1478,  in-fol.  ;  il 
a  laissé  aussi  un  Tractatus  mirabilis  de 
sanguine  Christi^  iniriduo  mortis  effuso  : 
anfueritunitusDivinitatil  Venise,  1627, 
in-4°.  Cette  question  théologique  occu- 
pait les  écoles  d'Italie  ,  en  1465. 

LÉOI^ARD.  royez  VINCI  et  MALES- 
PEINES. 

*  LÉONARD  (Nicoi.as-Germain),  poète 
pastoral ,  naquit  à  la  Guadeloupe  en  1744. 
Etant  venir  fort  jeune  en  France ,  il  y  fit 
ses  études  avec  honneur.  Protégé  par  le 
ministre  Chauvelin,  il  embrassa  la  car- 
rière diplomatique,  et  obtint,  en  1772,  la 
place  de  chargé  d'affaires  à  Liège.  Quoique 
Léonard  fût  d'un  caractère  mélancolique , 
il  était  ennemi  du  repos  :  fatigué  de  Liège 
et  de  la  diplomatie  ,  il  quitta  cette  ville  et 
les  affaires,  et  revint  à  Paris.  Tourmente 
d'ennui ,  et  ne  se  plaisant  nulle  part ,  il 
retourna  dans  sa  patrie  ;  il  n'y  resta  pas, 
et  revint  encore  en  France,  croyant  y 
trouver  aussi  une  tranquillité  durable. 
Il  se  trompa,  tt  bientôt  après  il  allait 
encore  entreprendre  le  voyage  de  la 
Guadeloupe,  lorsqu'il  succomba  à  une 
maladie  de  langueur.  Il  mourut  à  Nantes, 
le  26  janvier  1794,  âgé  de  50  ans.  On  a 
de  lui  :  |  Le  Temple  de  Gnids ,  imité  de 
Montesquieu ,  1772  ,  in-8°  ;  ce  fut  sa  pre- 
mière production.  Il  en  donna  deux 
autres  éditons  augmentées  de  |  L'Jmour 
vengé,  i77c>,  in-4'';  1775,  in-8";  |  Lettres 
de  deux  amans  de  Lyon,  1773,  2  vol. 
in-l2.  Ce  roman ,  traduit  en  amgîais  et  en 
italien,  eut  beaucoup  de  vogue  et  un 
grand  nombre  d'éditions  ;  il  est  du  même 
genre  que  l'ancienne  et  la  nouvelle  //é~ 
loïse,  le  Werther  de  Goethe  (traduit  ds 
l'allemand)  et  les  Lettres  de  Jacopo  Or~ 
tis  (trad.  de  l'italien ).  Inférieur  à  ces 
deux  ouvrages,  sous  le  rapport  du  style 
et  des  autres  qualités  littéraires,  la  lecture 
n'en  est  pas  moins  dangereuse  pour  la 
jeunesse ,  en  ce  qu'elle  y  puise  le  délire 
effréné  des  passions.  ]  La  Nouvelle  Clé- 
mentine,  ou  Lettres  d'Henriette  de  lier' 
ville,  1774,  in-13  et  in-S":  [Idylles  et  Poèmes 
champêtres,   1775,    ia-8°,   Paris,   1782, 


LEO 


416 


LEO 


prnnd  in-18.  C'est  le  meilleur  ouvrage  de 
Léonard;  |  Alexis,  roman  pastoral ,  où 
les  mœurs  sont  aussi  simples  que  pures  ; 

I  Lettres  sur  un  voyage  aux  Antilles , 
1790.  L'auteur  y  décrit  avec  exactitude 
les  sites  de  la  Guadeloupe  et  les  mœurs 
de  ses  habitans.  |  Les  saisons ,  poème 
ïmilé  de  l'anglais  de  Thompson.  Léonard, 
lors  de  son  retour  en  France ,  publia  la 
quatrième  édition  de  ses  ouvrages,  Paris, 
1787,  5  vol.  in-8°.  Son  neveu,  M.  Cam- 
penon  ,  en  a  donné  aussi  une  édition  com- 
plète, Paris,  1798,  3  vol.  in-S". 

LEOîVARDI  (Jean),  instituteur  de  la 
congrégation  des  Clercs-Réguliers  de  la 
Mère  de  Dieu,  de  Lucques,  né  à  Décimo 
en  1541 ,  érigea  cette  association  en  1583. 

II  avait  d'abord  éludié  la  pharmacie  à 
Lucques  ;  il  s'associa  ensuite  à  un  artisan 
de  celte  ville  qui  consacrait  le  produit  de 
son  travail  au  soulagement  des  pauvres 
religieux  et  pèlerins.  Au  bout  de  dix  ans 
il  commença  ses  études  théologiques  et 
fut  ordonné  prêtre  en  1571.  Après  avoir 
ouvert  des  conférences ,  il  engagea  ses 
plus  assidus  auditeurs  à  faire  parSie  de 
sa  congrégation.  Le  but  de  cet  institut 
est  de  consacrer  une  vie  pauvre  et  labo- 
rieuse à  l'instruction  de  la  jeunesse.  Le 
pieux  instituteur  essuya  des  contradic- 
tions à  Lucques  ;  mais  il  en  fut  dédommagé 
par  l'eslime  du  pape  Clément  VIII ,  et  du 
grand-duc  de  Toscane,  Il  mourut  à  Rome 
en  1609,  à  soixante-neuf  ans.  On  a  de  lui 
quelques  ouvrages  peu  connus,  et  il  est 
plus  recommandable  comme  fondateur 
que  comme  écrivain.  Sa  Fie  a  été  dormée 
en  italien  par  Maracci ,  prêtre  de  sa  con- 
grégation, Venise,  1617,  in-fol.  On  en 
trouve  un  extrait  dans  VUist.  des  ordres 
religieux  du  père  Hélyot,  tom.  /j.  ;  une 
autre  Vie  de  Léonardi  a  été  publiée  par 
le  père  Ch.  Ant.  Erra,  Rome  ,  1759,  in-8". 

LEONCE,  philosophe  athénien ,  est  prin- 
cipalement célèbre  parce  qu'il  dorma  le 
jour  à  Athénaïs,  qui  devint  impératrice 
d'Orient.  Voyez  EUDOXIE,  femme  de 
Théodose  le  Jeune. 

LÉONCE  (saint),  né  à  Nîmes  en  Lan- 
guedoc, évéque  de  Fréjus  en  361 ,  se  fit 
un  nom  par  son  savoir,  et  édifia  par  le 
spectacle  des  plus  éminentf  s  vertus.  C'est 
lui  qui  engagea  saint  Honorât ,  son  ami , 
qui  voulait  mener  la  vie  solitaire ,  à  se 
fixer  dans  son  diocèse,  et  lui  désigna  l'île 
de  Lérins,  où  il  bâtit  le  célèbre  monastère 
de  ce  nom.  Cassien ,  fondateur  de  l'ab- 
baye de  Saint-Victor  de  Marseille  .  dédia 
à  saint  LéQncc ,  vers  l'an  423,  le»  dix  pre- 


miers livres  de  ses  Conférences.  Quelques 
auteurs  ont  cru  qu'elles  furent  dédiées  à 
un  évèque  nommé  aussi  Léonce,  mais 
autre  que  le  saint  dont  nous  parlons  ;  ce 
sentiment  n'est  point  appuyé  sur  des 
preuves  satisfaisantes.  Saint  Léonce  mou- 
rut ,  suivant  la  commune  opinion ,  vers 
450;  mais  Anthelmi,  dans  son  ouvrage 
De  initiis  Ecclesice  Forojuliensis ,  parait 
prouver  solidement  qu'il  mourut  vers 
l'an  432  ou  433.  On  compte  ce  saint  évéque 
parmi  ceux  des  Gaules  auxquels  les  papes 
Boniface  et  Céleslin  écrivirent  pour  des 
affaires  importantes.  La  lettre  du  pre- 
mier concernait  les  mesures  à  prendre 
dans  la  cause  de  Maxime  de  Valence, 
contre  lequel  on  avait  porté  des  plaintes 
graves  au  saint  Siège.  Il  s'agissait ,  dans 
celle  de  Célestin,  d'imposer  silence  aux 
semi-pélagiens,  qui  attaquaient  la  doc- 
trine de  saint  Augustin  sur  la  grâce.  On 
a  quelquefois  donné  à  cet  évéque  le  titre 
de  martyr,  mais  sans  fondement. 

LÉONCE  le  Scholastique ,  prêtre  de 
Constantinople  dans  le  6'  siècle ,  a  laissé 
plusieurs  livres  d'histoire  et  de  théologie  , 
entre  autres  un  Traité  du  concile  de 
Chalcédoine,  qu'on  trouve  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pères,  et  dans  le  quatrième 
volume  à.QS  Anciennes  leçons  de  Canisius, 
in-4^ 

LÉONCE,  Leontius,  empereur  d'Orient, 
né  dans  le  7'  siècle ,  d'une  famille  origi- 
naire d'Isaurie,  entra  jeune  dans  la  mi- 
lice de  l'Empire ,  et  parvint  aux  premiers 
grades.  Il  donna  des  preuves  de  son  cou- 
rage sous  Justinien  II.  Le  père  de  Justi- 
nien  (  Constantin  Pogonat),  fut  son  bien- 
faiteur et  l'avança  dans  la  carrière  des 
armes  ;  il  jouit  même  d'une  grande  faveur 
dans  les  commenccmens  de  l'empire  de 
Justinien;  mais  cet  empereur,  prévenu i 
ensuite  contre  lui  par  ses  envieux  ,  le  tint] 
trois  ans  dans  une  dure  prison.  Léonce, 
ayant  eu  sa  liberté ,  déposséda  Justinien ,  ! 
et  se  mit  sur  son  trône  en  695.  Il  gouverna 
l'empire  jusqu'en  698,  que  Tibère  Absi- 
mare  lui  fit  couper  le  nez  et  les  oreilles, 
et  le  confina  dans  un  monastère.  Justi- 
nien ,  rétabli  par  le  secours  des  Bulgares, 
condamna  Léonce  à  perdre  la  tête  ,  ce  qui 
fut  exécuté  en  705.  Le  soin  que  cet  usur- 
pateur avait  eu  de  conserver  la  vie  à  Jus- 
tinien donne  une  idée  assez  avantageuse 
de  son  humanité  ,  et  peut-être  Justinien 
l'eût-il  traité  avec  plus  de  douceur  s'il 
avait  pu  le  faire  sans  danger. 

LEONICENUS  (Nicolas),  célèbre  mé- 
decin ,  né  en  1428,  à  Lonigo,  en  latin  Léo- 


LEO 


ki7 


LEO 


nicum.  dans  le  Viceîilin,d'où  lui  est  venu 
son  nom,  professa,  pendant  plus  de  60 
ans  la  médecine  à  Ferrare  avec  beau- 
coup de  succès.  C'est  à  lui  qu'on  doit  la 
première  traduction  latine  des  Œuvres 
de  Galien.Il  parvint  à  un  âge  fort  avancé, 
et  mourut  en  1524,  dans  sa  96'"  année, 
emportant  les  regrets  des  savans  et  du 
peuple.  Paul  Jove  lui  ayant  demandé 
par  quel  secret  il  avait  conservé  si  long- 
temps une  mémoire  sûre  ,  des  sens  en- 
tiers, un  corps  droit  et  une  santé  pleine 
de  vigueur,  il  lui  répondit  que  c'était  l'ef- 
fet de  l'innocence  des  mœurs,  de  la  tran- 
quillité d'esprit  et  de  la  frugalité:  Plvi- 
ilum  ingenium  jierpetiia  vitœ  innocentia, 
salubre  vero  corpus  hilari  frugalitatis 
prœsidio.  facile  luemur.{  Voij.  HASECH, 
TOSCHEL,  )  Le  duc  et  le  sénat  de  Fer- 
rare  firent  élever  un  monument  à  sa  mé- 
moire. Il  ne  s'attacha  que  très  peu  à  la 
pratique  de  la  médecine,  «  Je  rends ,  di- 
»  sait-il ,  plus  de  services  au  public  que 
»  si  je  visitais  les  malades ,  puisque  j'en- 
»  seigne  ceux  qui  les  guérissent.  »  On  a 
de  lui  plusieurs  ouvrages.  Les  principaux 
sont  :  1  une  Gj-ammairc  latine  ^  1473, 
in-4°  (  1 };  I  une  Traduction  latine  des  Apho- 
rismes  d'Hippocrate  ;  |  celle  de  plusieurs 
Traités  deGalien  ;  |  un  traité  curieux  :  De 
Plinii et  plurixmi  alioi'urn  média,  in  me- 
dicinaerroribus,  Bàle,  1532,  in-fol. ,  ou- 
vrage rare  ;  I  des  versions  italieiines  de 
l'Histoire  de  Dion  et  de  celles  de  Procope; 
1  une  autre  des  Dialogues  do  Lucien  ; 
1  trois  livres  à' Histoires  diverses .  in-fol, 
en  latin.  On  les  traduisit  en  italien, et  cette 
version  parut  à  Venise ,  in-8° ,  en  1544  ; 
I  De  morbo  gallico  liber ^  Eàle,  1536, 
în-4°.  On  voit  par  ces  différentes  produc- 
tions que  Leonicenus,  en  cultivant  la  mé- 
decine, n^'avait  pas  négligé  la  littérature  et 
l'étude  de  l'antiquité.  Ses  ouvrages  furent 
recueillis  à  Bàle,  1535,  in-fol. 

LEOMCUS  THOM^US  (  Nicolas  ),  sa- 
vant philosophe  vénitien  et  originaire 
d'Albanie,  étudia  le  grec  à  Florence,  sous 
Démélrius  Chalcondyle.  Il  rétablit  le  goût 
des  belles-lettres  à  Padoue,  où  il  expliqua 
le  texte  grec  d'Arislote.  Il  mourut  en  1551 


(i)  'NicoU»  Leonicenu»  n'est  poinl  auteur  d'une 
grammaire  latine.  L'abbé  Ftller  a  confondu  ici  cet 
écrivain  avec  Leonicenus  (Omnibonus)  ,  tjui  a  com- 
posa Ici  trois  ouvrage»  «uivans  :  |  Liber  de  oi'o  par- 
lihus  oralionis  ,  Venise  ,  i473  ,  in-4";  |  Dr  rersu  'ie- 
reTco  lihfr,  ïMilan,  1473,  in-4''î  |  Tractulus  ad  scan- 
dcndum,  in-4",  imprime  de  1470  à  i48o.  Ces  troi» 
ouvrages  ont  i.\r.  réuni»  sous  ce  titre  :  Grammalicet 
rudimfnla,  cum  liheHo  de  nrie  metricd,  Vicence,  i5o6. 


à  75  ans.  On  a  de  lui  une  Traduction  du 
Commentaire  de  Proculus  sur  le  Timée 
de  Platon,  et  d'autres  F'ersions  italiennes 
et  latines. 

LÉOXIDAS  l",  roi  des  Lacédémoniens, 
de  la  famille  des  Agides ,  s'acquit  une 
gloire  immortelle  en  défendant,  avec  trois 
cents  hommes  d'élite,  le  détroit  desTher- 
mopyles  contre  l'armée  de  Xerxès ,  roi 
des  Perses ,  dix  mille  fois  ,  dit-on  ,  plus 
notnbreuse,  l'an  480  avant  Jésus-Christ. 
Les  Spartiates,  accablés  par  le  nombre, 
périrent  dans  cette  journée  avec  leur  mo- 
narque. Xerxès  lui  ayant  demandé  ses 
armes,  il  ne  lui  répondit  que  ces  mots  : 
f'^iens  les  prendre.  Comme  quelqu'un  lui 
rapporta  que  l'armée  ennemie  était  si 
nombreuse  que  le  soleil  serait  obscurci 
de  la  grêle  de  leurs  traits  :  Taiit  mieux, 
dit  Léonidas  ;  nous  combatt7'ons  à  l'om- 
bre. Lcouidas  avait  sept  mille  hommes 
aux  Thcrmopyles  ;  car  son  armée  s'était 
grossie  en  roule.  Xerxès  craignant  ces 
hommes  déterminés  à  vaincre  ou  à  mou- 
rir, offrit  à  Léonidas  la  souveraineté  de 
toute  la  Grèce  s'il  voulait  se  ranger  sous 
ses  drapeaux.  Léonidas  ayant  repoussé 
avec  indignation  cette  offre  ,  l'impérieux 
Xerxès  le  lit  attaquer  deux  fois,  et  deux 
fois  les  Perses  furent  repoussés.  Mais  un 
habitant  delaTrachinie,  appelé  Ephialtes, 
indiqua  au  roi  im  sentier  par  lequel  il 
pomrait  entrer  dans  la  Phocide  sans  pas- 
ser par  les  Thermopyles.  Léonidas  apprit 
cette  trahison  et  se  vit  abandonné  par  la 
plupart  de  ses  soldats.  Il  ne  resta  qu'avec 
trois  cents  Spartiates  qui  périrent  les  armes 
à  la  main.  Le  barbare  Xerxès  fit  attacher 
à  une  potence  le  cadavre  de  ce  héros.  Le 
vainqueur  de  Platée,  Pausanias,  fit  trans- 
porter, quarante  ans  après ,  les  ossemens 
de  Léonidas  à  Lacédénjone.  Les  lettres  et 
les  arts  se  sont  exercés  sur  ce  beau  fait  de 
Léonidas.  L'anglais  Glover  et  M.  de  Fon- 
tanes  y  ont  puisé  chacun  le  sujet  d'un 
poème  épique  :  celui  de  M.  de  Fontau'-s 
est  resté  inédit.  David  en  a  fait  le  per- 
sonnage principalde  son  beau  tableau  des 
Thermopyles^  et  sa  statue  par  Lemot  est 
un  des  ornemens  de  la  galerie  du  Luxem- 
bourg. 

LÉONIDAS  II,  roi  de  Sparte,  vers  l'an 
256  avant  Jésus-Christ,  fut  chassé  par 
Cléombrote  son  gendre,  et  rétabli  ensuite. 
Il  était  petit-fils  de  Cléomène  II,  et  suc- 
cesseur d'Arée  II, 

LÉOIMÎV  ou  LEEW  (  Elbert  ou  Ex- 
GELBERT  ) ,  de  l'ilc  de  Bommel ,  dans  lu 
Gueldre ,    enseigna  le  droit  à  Louvain 


LEO 


U8 


LEO 


avec  un  succès  extraordinaire.  Il  eut  la 
ronliance  la  plus  intime  du  prince  d'O- 
range, qui  l'employa  beaucoup  dans  l'é- 
tablissement des  Provinces-Unies.  Léonin 
fut  chancelier  de  Gueldre  après  le  départ 
de  l'archiduc  Mathias  ,  en  4581 ,  et  l'un 
des  ambassadeurs  que  les  états  envoyè- 
rent à  Henri  III,  roi  de  France.  Cet  ha- 
bile politique  mourut  à  Arnheim  en  1598, 
à  79  ans.  Il  ne  fut  point  prolestant ,  et  ne 
voulut  jamais  prendre  part  aux  desseins 
des  mécontens  contre  la  religion  catholi- 
que. On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages,  entre 
autres  :  |  Centuria  conciliorum  ^  Anvers, 
1S84,  in-fol.  I  Emendationum  septem  li- 
hrij,  Arnheim,  1610,  in-4°.  Les  juriscon- 
sultes se  sont  beaucoup  servis  autrefois 
de  ces  deux  productions. 

LEONIUS,  poète  latin  de  Paris,  célèbre 
dans  le  42*  siècle  par  l'art  de  faire  rimer 
l'hémistiche  de  chaque  vers  avec  la  fin, 
dont  voici  un  exemple,  dans  un  apologue 
qui  ne  peint  que  trop  bien  les  pénitences 
tardives  et  forcées  : 

Dacmon  langaebat ,  mon.ichu$   tune  esse  volebat. 
Ast  ubi  coDvaluit ,  manslt  ut  aote  fuit. 

Voici  comme  ces  deux  vers  ont  été  tra- 
duits en  français  : 

Iic'ctzebud  Unguissaît  trîjte  et  blême  ; 
Lort  vers  le  froc  il  tourne  tous  ses  voeux  ; 
Mais  ,  revenu  de  cet  e'tat  piteux  , 
Le  fin  matoii  resta  toujours  le  même. 

ou  bien 

Le  diable  est-îl  malade,  il  se  fait  solitaire  ; 
L'ir.nrmilc  le  quitte;  il  quitte  aussi  la  haire. 

En  voici  un  autre  sur  la  providence  et  la 
justice  de  Dieu  : 

Vos  malegaudetis  ,  qnia  tandem  perclpîetis 
Nequiti»!  fructiim  ,  lenebras,  ioeendia  ,  luctum  , 
Nara  pius  indullor,  justusque  tamen  Deus  ullor, 
Qua;  tua  sunt  munit ,  qu£   sunt  hostilia  punit. 

Il  mit  en  vers  de  ce  genre  presque  tout 
l'ancien  Testament.  Ces  vers ,  un  peu 
barbares ,  mais  qui  souvent  exprimaient 
d'utiles  vérités,  furent  appelés  ?(?onm5^ 
non  parce  que  Léonins  en  fut  l'inventeur, 
mais  parce  qu'il  y  réussit  mieux  que  les 
autres.  L'abbé  Le  Beuf  a  donné  une  Dis- 
sertation pour  détruire  lopinion  com- 
mune qui  fait  Léonins  chanoine  de  Saint- 
Benoit  de  Paris;  il  prétend  qu'il  était 
chanoine  de  Notre-Dame.  Sa  plus  forte 
preuve  est  que  Léonins,  dans  une  de  ses 
pièces,  invite  uii  de  ses  amis  à  venir  à  la 
fête  des  Fous  (pieuse  farce  qui  ne  se  fai- 
sait alors  que  dans  l'église  de  Paris  ),  pour 
y  déposer  l'office  de  bâtonnier,  et  le  trans- 
mettre à  un  autre  avec  la  nouvelle  année. 


Il  parle  de  cet  ami  comme  d'un  de  ses 
confrères ,  et  par  conséquent  ils  étaient 
l'un  et  l'autre  chanoines  de  INotre-Dame. 
Comme  cette  discussion  n'est  pas  bien 
importante,  et  que  d'ailleurs  les  preuves 
du  savant  dissertateur  ne  sont  que  des 
conjectures ,  on  ne  s'y  arrêtera  pas  da- 
vantage. 

LEOA'OR,  évêque  régionnaire  en  Bre- 
tagne, au  6*  siècle,  était  du  pays  de  Galles. 
Ses  travaux  apostoliques  et  ses  vertus 
l'ont  fait  mettre  au  nombre  des  saints. 

LÉOXORE.  Voyez  ELÉONORE. 

LEOrVTIUM  ,  courtisane  athénienne  , 
philosopha  et  se  prostitua  toute  sa  vie  • 
Epicure  fut  son  maître ,  et  les  disciples  do 
ce  philosophe  ses  galans.  Métrodore  fut 
celui  qui  eut  le  plus  de  part  à  ses  faveurs  ; 
elle  en  eut  un  fils ,  qu'Epicure  recom- 
manda en  mourant  à  ses  exécuteurs  tes- 
tamentaires. Léontium  soutint  avec  cha- 
leur les  dogmes  de  son  maître ,  qui  avait 
été  aussi  son  amant.  (  Voyez  EPICURE.  ) 
Elle  écrivit  contre  Théophraste  avec  plus 
d'élégance  que  de  solidité.  Son  style,  sui- 
vant Cicéron  {De  nat.  Deor.^  lib.  4.), 
était  pur  et  attique.  Léontium  eut  aussi 
une  fille  nommée  Danaé  ,  héritière  de  la 
lubricité  de  sa  mère.  Cette  fiUe  fut  aimée 
de  Sophron  ,  préfet  d'Ephèse  ;  ayant  fa- 
vorisé l'évasion  de  son  amart  condamné 
à  mort ,  elle  fut  précipitée  d'un  rocher. 
Elle  fit  éclater  dans  ses  derniers  momens 
des  sentimens  extravagans  et  impies,  tels 
qu'on  devait  les  attendre  d'une  prosti- 
tuée ,  disciple  d'Epicure. 

LÉOIVTIUS-PILATUS,  ou  LÉON  ,  dis- 
ciple de  Barlaam  ,  moine  de  Calabre ,  est 
regardé' comme  le  premier  de  ces  savans 
grecs  à  qui  on  est  redevable  de  la  renais- 
sance des  lettres  et  du  bon  goût  en  Eu- 
rope. C'est  lui  aussi  qui  enseigna  le  pre- 
mier le  grec  en  Italie  vers  le  milieu  du 
li*  siècle  :  Pétrarque  et  Boccace  furent 
au  rang  de  ses  disciples.  Il  passa  dans  la 
Grèce  pour  en  rapporter  des  tuanuscrits  ; 
mais  il  fut  tué  d'un  coup  de  tonnerre  sur 
la  mer  Adriatique  ,  en  retournant  en  Ita- 
lie. Ce  moine,  très  versé  dans  la  littéra- 
ture grecque,  ne  connaissait  que  médio- 
crement la  latine.  Voyez  sa  Vie  dans  l'ou- 
vrage de  Humfroi  Hody,  De  Grcecis  il- 
lustribus jin-8'*,  Londres,  1742  ^ 

LÉOPARD  (  Paul  ),  humaniste  d'Isem- 
bcrg,  près  de  Fumes,  aima  mieux  passer 
sa  vie  dans  un  petit  collège  à  Bergues- 
Saint-Vinox,  que  d'accepter  une  chaire 
de  professeur  royal  en  grec  qu'on  lui  of- 
frit à  Paris.  U  mourut  en  1567,  à  57  ans. 


LEO 


419 


LEO 


On  a  de  lui  en  latin  des  Remarques  cri- 
tiques ^  divisées  en  vingt  livres.  Les  dix 
premiers  ont  été  imprimés  à  Anvers , 
1568,  in-4°.  Les  dix  derniers  ont  paru 
pour  la  première  fois  en  1604  dans  le  5"^ 
vol.  du  Fax  artium  de  Gruter,  On  con- 
vient généralement  que  ces  Remarques 
sont  pleines  de  savoir,  de  bon  sens  et  de 
bon  goût.  Il  a  donné  encore  une  Traduc- 
tion assez-  fidèle  de  quelques  Vies  de  Plu- 
tarque,  Anvers,  1556,  in-8°.^ —  Il  y  a  eu 
encore  de  ce  nom  JÉnoaiE  LÉOPARD,  ou 
plutôt  Léopardi ,  poète  florentin  peu 
connu. 

LÉOPOLD  (saint),  fils  de  Léopold  le 
Bel,  marquis  d'Autriche,  succéda  à  son 
père  en  1096.  Sa  vertu  lui  mérita  le  titre 
iePieux.  Pénétré  des  maximes  de  l'Evan- 
[jile,  dont  il  avait  fait  de  bonne  heure  une 
étude  particulière ,  il  sentit  que  la  reU- 
gion  était  la  même  pour  les  princes  et 
pour  les  particuliers;  il  mortifia  ses  pas- 
sions, renonça  aux  plaisirs  du  monde, 
nourrit  son  âme  de  la  prière ,  pratiqua 
toutes  sortes  de  bonnes  œuvres,  et  répan- 
dit surtout  des  aumônes  abondantes  dans 
le  sein  des  malheureux.  Les  Autrichiens 
étaient  alors  aussi  grossiers  que  supersti- 
tieux ;  il  travailla  à  adoucir  leurs  mœurs, 
à  les  former  aux  œuvres  et  au  véritable 
esprit  du  christianisme.  Ces  entreprises 
réussirent  au-delà  de  ses  espérances.  Léo- 
pold fil  le  bonheur  de  ses  sujets,  diminua 
les  impôts,  traita  avec  une  égale  bonté  le 
pauvre  et  le  riche ,  et  fit  rendre  à  tous 
une  justice  très  exacte.  Sa  valeur ,  égale 
à  sa  piété,  éclata  sous  l'empereur  Henri 
!V  ,  et  se  soutint  sous  Henri  V  ,  qui  lui 
donna,  en  1106  ,  Agnès  sa  sœur  en  ma- 
riage. Après  la  mort  de  ce  prince ,  il  eut 
plusieurs  voix  pour  lui  succéder  à  l'em- 
pire ;  mais  Lothaire  l'ayant  emporté,  Léo- 
pold se  fit  un  devoir  de  le  reconnaître. 
Après  un  règne  glorieux,  ce  prince  mou- 
rut saintement  en  1136  :  il  avait  fondé 
plusieurs  monastères.  Innocent  VIII  le 
canonisa  en  1485.  Il  avait  eu  d'Agnès  18 
enfans,  8  garçons  et  10  filles,  qui  se  mon- 
trèrent dignes  de  leurs  illustres  parens. 

LÉOPOLD,  duc  d'Autriche,  fit  la  guerre 
aux  Suisses  ,  qui  avaient  secoué  le  joug 
de  sa  maison  :  il  fut  vaincu  et  tué  à  la 
bataille  de  Sempach  ,  le  7  juillet  1586.  On 
conserve  encore  son  armure  dans  l'arse- 
nal de  Luceme. 

LÉOPOLD  1",  empereur,  second  fils  de 
Ferdinand  III  et  de  Marie-Anne  d'Espa- 
gne, né  le  9  juin  1640,  roi  de  Hongrie  en 
1663 ,  roi  de  Bolième  en  1656  ,  remplaça 


son  père  sur  le  trône  impérial  en  i6j8,  à 
l'âge  de  18  ans.  Un  article  de  la  capitula- 
lion  que  les  électeurs  lui  firent  signer  en 
lui  donnant  la  couronne  impériale,  fut 
qu'il  ne  donnerait  aucun  secours  à  l'Es- 
pagne contre  la  France  dans  les  guerres 
dltalie.  Le  jeune  empereur ,  qui  s'était 
déjà  signalé  par  sa  valeur  ,  dirigea  ses 
armes,  mais  sans  de  grands  succès,  contre 
la  Suède.  Les  Turcs  menaçaient  alors 
l'empire.  Ils  battirent  les  troupes  impé- 
riales et  ravagèrent  la  Moravie ,  parce 
que  l'empereur  continuait  de  soutenir 
le  prince  de  Transylvanie ,  qui  avait 
cessé  depuis  six  ans  d'envoyer  un  tribut 
annuel  de  200,000  florins ,  que  ses  pré- 
décesseurs avaient  promis  de  payer  à 
l'empire  ottoman.  MontécucuUi ,  général 
de  Léopold,  soutenu  par  un  corps  de  6,000 
français  choisis  ,  sous  les  ordres  de  Coli- 
gni  et  de  la  Feuillade  ,  les  défit  à  Saint- 
Gothard  en  1664 ,  après  un  combat  san- 
glant, où  la  victoire  fut  long-temps  dou- 
teuse. Les  Turcs  n'en  furent  guères  affai- 
blis, et  firent  une  jjaix  avantageuse;  ils 
retinrent  leurs  conquêtes,  et  on  consentit 
que  le  prince  de  "Transylvanie  fût  leur 
tributaire.  L'Allemagne  et  la  Hongrie  dés- 
approuvèrent ce  traité;  mais  le  minis- 
tère impérial  avait  ses  vues.  Les  finances 
étaient  en  mauvais  état.  On  songeait  à  as- 
sujettir absolument  les  Hongrois,  et  à  ter- 
miner les  troubles  qui  s'élevaient  sans 
cesse  dans  ce  royaume.  La  paix,  ou  plutôt 
la  trêve  ,  fut  conclue  pour  20  années. 
Bientôt  après  la  Hongrie  occupa  les  ar- 
mes de  l'empereur.  Les  seigneurs  de  ce 
royaume  voulaient  à  la  fois  défendre 
leurs  privilèges  et  recouvrer  leur  liberté  ; 
ils  songèrent  à  se  donner  un  roi  de  leur 
nation.  Ces  complots  coûtèrent  la  tête  à 
Sereni,  à  Frangipani,  à  Nadasli  et  à  plu- 
sieurs autres  ;  mais  ces  exécutions  ne  cal- 
mèrent pas  les  troubles.  Tékéli  se  mit  à 
la  tête  des  mécontens  ,  et  fut  fait  prince 
de  Hongrie  par  les  Turcs,  moyennant  un 
tribut  de  40,000  sequins.  Cet  usurpateur 
appela  les  Ottomans  dans  l'empire.  Ils 
fondirent  sur  l'Autriche  avec  une  armée 
de  200,000  hommes ,  et  mirent  le  siéger 
devant  Vienne  en  1685.  Cette  place  était 
sur  le  point  d'être  prise ,  lorsque  Jean 
Sobieski  accourut  à  son  secours  ,  tandis 
que  l'empereur  se  sauvait  à  Passau.  Se- 
condé de  l'armée  impériale  sous  la  con- 
duite du  duc  Charles  de  Lorraine ,  le  roi 
de  Pologne  attaqua  les  Turcs  dans  leurs 
retranchemens  et  y  pénétra.  Une  ten-cuc 
panique  saisit  le  grand-visir  Mustapha , 


LEO 


420 


LEO 


qui  prîl  la  fuite  et  abandonna  son  camp 
aux  vainqueurs.  Après  celle  défaile ,  les 
Turcs  furent  presque  toujours  vaincus,  el 
les  Impériaux  reprirent  toutes  les  villes 
dont  ils  s'étaient  emparés.  Léopold  regar- 
dant les  rebelles  de  Hongrie  comme  la 
cause  des  maux  qui  avaient  menacé  l'em- 
pire ,  ordonna  qu'ils  fussent  punis  avec 
rigueur.  On  éleva  dans  la  place  publique 
d'Eperies,  en  1687,  un  échafaud,  où  l'on 
immola  les  victimes  qu'on  crut  les  plus 
nécessaires  à  la  paix.  Les  principaux  no- 
bles hongrois  furent  convoqués;  ils  dé- 
clarèrent au  nom  de  la  nation  que  la 
couronne  était  héréditaire.  Léopold  eut 
d'autres  guerres  à  soutenir.  Ce  prince  , 
qui  ne  combattait  jamais  que  de  son  ca- 
binet ,  ne  cessa  de  s'opposer  à  l'humeur 
conquérante  de  Louis  XIV,  premièrement 
en  1671 ,  d'abord  après  l'invasion  de  la 
Hollande,  qu'il  secoiu-ut  contre  le  mo- 
narque français  ;  ensuite  ,  quelques  an- 
nées après  la  paix  de  Nimègue,  en  1686, 
lorsqu'il  fit  celte  fameuse  ligue  d'Augs- 
bourg ,  dont  l'objet  était  d'accabler  la 
France  et  de  chasser  Jacques  II  du  trône 
d'Angleterre  ;  enfin  en  1701 ,  à  l'avéne- 
ment  du  duc  d'Anjou  (Philippe  V),  petit- 
fils  de  Louis  XIV  ,  à  la  couronne  d'Espa- 
gne ,  Léopold  soutenait  les  prétentions 
de  son  frère  Charles  (depuis  Charles  VI) 
fils  comme  lui  d'une  infante  espagnole. 
Charles  ne  fut  guères  reconnu  en  Espa- 
gne que  par  les  Catalans,  qui  le  proclamè- 
rent sous  le  nom  de  Charles  III.  (  Vorjez 
CHARLES  VI.  )  Léopold  sut  intéresser 
l'empire  germanique  à  toutes  ces  guerres, 
et  les  faire  déclarer  ce  qu'on  appelle 
guerres  de  l'empire.  La  première  fut  assez 
malheureuse ,  et  l'empereur  reçut  la  loi 
à  la  paix  de  Nimègue,  en  1678.  L'intérieur 
de  l'Allemagne  ne  fut  pas  saccage ,  mais 
les  frontières  du  côté  du  Rhin  furent  mal- 
traitées. La  fortune  fut  moins  inégale 
dans  la  2""  guerre ,  produite  par  la  ligue 
d'Augsbourg,  La  5'  fut  encore  plus  heu- 
reuse pour  Léopold.  La  mémorable  ba- 
taille dHochsledt, donnée  en  1704 ,  chan- 
gea tout ,  et  ce  prince  mourut  l'année 
suivante  le  6  mai,  à  63  ans,  avec  l'idée 
que  la  France  serait  bientôt  accablée  ,  et 
que  l'Alsace  serait  réunie  à  l'Allemagne , 
ce  qui  effectivement  serait  arrivé  si  on 
avait  profité  de  l'humiliation  de  la  France 
pour  conclure  à  Gertruidenberg  la  paix 
à  laquelle  elle  était  prête  à  souscrire.  Ce 
qui  servit  le  mieux  Léopold  dans  toutes 
ces  guerres ,  ce  fut  la  grandeur  de  Louis 
XIV,  qui  «'étant  produite  avec   trop  de 


faste ,  irrita  tous  les  souverains.  L'empe- 
reur allemand,  plus  doux  et  plus  modeste, 
lut  moins  craint,  mais  plus  aiiné.  Il  avait 
été  destiné  dès  son  enfance  à  l'état  ecclé- 
siastique, et  son  éducation  avait  été  con- 
forme à  celle  résolution  prématurée  :  on 
lui  avait  donné  de  la  piété  et  du  savoir; 
mais  on  négligea  de  lui  apprendre  l'art 
de  gouverner.  Il  régna  cependant  avec 
succès  ;  ses  sujets  furent  heureux  et  l'ai- 
mèrent comme  leur  père,  tant  la  religion 
a  de  ressources  pour  tenir  lieu  de  toute 
autre  science.  Ses  ministres  le  gouver- 
nèrent quelquefois,  mais  leur  rôle  était 
difficile  à  soutenir  :  dès  que  le  prince  s'a- 
percevait de  sa  subjectioujune  prompte 
disgrâce  le  vengeait  d'un  ministère  im- 
périeux. Cependant  presque  tous  ses  choix 
furent  heureux,  et  si  le  ministère  de 
Vienne  commit  des  fautes  pendant  un 
régne  de  46  ans  ,  il  faut  avouer  qu'avec 
une  lenteur  prudente  il  sut  faire  presque 
tout  ce  qu'il  voulut.  On  lui  a  reproché  de 
s'être  ligué  avec  les  ennemis  de  Jacques 
II,  et  d'avoir  par  là  détruit  les  espérances 
que  ce  prince  avait  fait  naître  en  Angle- 
terre en  faveur  de  la  religion  catholique  ; 
mais  Jacques  étant  intimement  lié  avec 
la  France,  ennemie  de  l'Espagne  et  de 
l'Allemagne,  il  n'était  pas  au  pouvoir  de 
Léopold  de  prendre  des  arrangemens  dif- 
férens.  D'ailleurs  Louis  XIV  fomentait 
continuellement  les  mouvemens  des  Hon- 
grois, et  par  là  favorisait  les  Turcs,  contre 
lesquels  l'empereur  ne  pouvait  se  flatter 
d'avoir  des  succès  durables,  sans  occuper 
la  France  ailleurs.  Léopold  fut  marié 
trois  fois,  d'abord  à  Marguerite-Thérèse , 
fille  de  riiilippe  IV,  roi  d'Espagne,  et  qui 
mourut  en  couches  ;  ensuite  à  Claude- 
Félicité  d'Autriche ,  que  la  passion  pour 
la  chasse  conduisit  au  tombeau  en  1676; 
enfin  à  Eléonore- Madeleine -Thérèse, 
princesse  palatine  de  la  branche  de  Neu- 
bourg,  qui  survécut  à  son  époux  et  mou- 
rut en  1720.  Elle  avait  traduit  du  français 
en  allemand  un  grand  nombre  d'ouvrages 
ascétiques,  entre  autres  le  livre  intitulé  : 
Réflexions  pieuses  pour  tous  les  jours  du 
mois.  On  a  la  Vie  de  cette  princesse  cé- 
lèbre par  ses  vertus.  Les  fils  de  Léopold 
qu'il  avait  eus  de  cette  dernière  prin- 
cesse  ,  Joseph  1"  et  Charles  VI ,  rempli- 
rent successivement  le  trône  impérial. 
François  Wagner,  jésuite,  a  écrit  l'histoire 
de  Léopold  en  latin.  Vienne,  1719-1754, 
deux  volumes  in-fol.  ;  elle  est  estin^ée. 

LÉOPOLD  II ,  grand-duc  de  Toscane 
et  empereur  d'Allemagne ,  second  fils  de 


LEO  A 

l'empereur  François  l"  et  de  Marie-Thé- 
rèse d'Autriche,  naquit  à  Vienne  le  5  mai 
-174.7,  tt  succéda  à  son  père  dans  le  duché 
de  Toscane,  en  1765.  Il  gouverna  d'abord 
cette  province  d'une  manière  paisible  et 
heureuse  pour  lui  et  pour  les  peuples  ; 
mais  ayant  adopté  le  système  des  philo- 
sophistes, jansénistes,  économistes,  il 
forma  des  projets  qui  mécontentèrent  la 
multitude.  Le  peuple  se  souleva  à  diffé- 
rentes fois  ,  surtout  à  Pistoic  et  à  Prato. 
M.  Ricci ,  qui  avait  ces  deux  évêchés , 
ayant  tenu  un  synode  presbytérien  en 
1786,  pour  abolir  la  discipline  actuelle  de 
l'Eglise  universelle ,  et  introduire  des 
nouveautés  singulières,  fut  condamné  au 
concile  de  Florence  en  1787  :  mais  le 
grand-duc  supprima  les  actes  du  concile, 
et  les  fit  ensuite  paraître  avec  de  pro- 
lixes commentaires  qui  en  combattaient 
les  décisions.  L'empereur  Joseph  II  étant 
mort  le  20  février  1790  ,  Léopold  se  ren- 
,dit  à  Vienne  pour  prendre  le  gouverne- 
ment de  ses  états  :  le  mécontentement 
des  Toscans  éclata  alors  d'une  «lanière 
terrible  ;  pour  les  apaiser, on  leur  accoi'da 
le  redressement  de  leurs  griefs  ;  mais 
bientôt  ils  furent  sévèrement  punis  ,  et 
plus  de  600  furent  condamnés  aux  ga- 
lères. Son  second  fils  ,  Ferdinand ,  ayant 
été  déclaré  grand- duc  en  1791 ,  chassa 
l'évêque  di?  Pistoie  ,  qui  fut  remplacé  par 
un  prélat  sage  et  orthodoxe  ,  anéantit 
toutes  les  opérations  de  son  père,  et  ren- 
dit le  calme  à  la  Toscane.  Léopold  ,  cou- 
ronné empereur  le  9  octobre  1790  ,  con- 
clut, l'année  suivante,  la  paix  avec  les 
Turcs  en  rendant  Belgrade  et  presque 
toutes  les  places  conquises.  Il  voulut  pa- 
cifier les  Pays-Bas  insurgés  par  suite  des 
innovations  que  Joseph  II  y  avait  faites. 
Il  offrit  de  les  détruire,  toutes  ;  mais  les 
deux  partis  aristocrate  et  démocrate, 
conduits  l'un  par  Vander-Noot  et  Van- 
Espen,  et  le  second  par  l'avocat  Vorck  et 
le  général  Vander-Mergch  ,  refusèrent  de 
se  soumettre.  Trente  mille  Autrichiens 
entrèrent  alors  dans  les  Pays-Bas  ,  qui 
furent  pacifiés  au  bout  d'un  an.  Léopold 
était,  dit-on ,  sur  le  point  de  prendre  un 
parti  quelconque  dans  les  affaires  de 
France ,  lorsqu'il  mourut  à  Vienne  ,  le  2 
mars  1792  ,  à  l'âge  de  44  ans  ,  après  trois 
jours  de  maladie.  Les  hésitations  qu'il 
avait  montrées  jusqu'alors  ,  et  dont  était 
cause  la  crainte  que  lui  avait  inspirée  son 
ministre  Kaunltz ,  de  se  voir  enlever  les 
Pays-Bas  par  la  France  ,  ne  laisse  pas 
c!  oire  qu'il  eût  poussé  celte  entreprise 
7, 


■n  LEO 

avec  une  grande  activité.  On  est  d'ail- 
leurs persuadé  qu'il  approuvait  la  plu- 
part des  effets  de  la  révolution  française  5 
mais  il  eût  voulu  les  concilier  avec  l'au- 
torité royale  :  comme  si  cette  autorité 
pouvait  subsister  quand  ses  fondemens 
et  sa  sanction  n'existent  plus.  Il  avait 
épousé ,  eu  1765  ,  Marie-Louise  ,  infante 
d'Espagne,  dont  il  eut  16  princes  et  prin- 
cesses. François,  son  fils  aîné,  lui  succéda 
dans  ses  étals  héréditaires  sous  le  nom  da 
François  II  ;  mais  ayant  échangé  depuis 
ce  litre  d'empereur  d'Allemagne  contre 
celui  d'empereur  d'Autriche,  il  fut  appelé 
François  l".  Mallet-du-Pan,  qui,  dans  ses 
notices  historiques  ,  met  pour  l'ordinaire 
beaucoup  de  modération ,  et  n'exagère , 
quand  certains  préjugés  ne  l'égarent  pas  , 
ni  en  louanges  ni  en  blâme  ,  parle  ainsi 
de  Léopold  II  dans  son  Mercure  français. 
du  24  mars  1792  ,  pag.  218.  «  Ce  monar- 
»  que,  enlevé  à  l'Allemagne  dans  la  force 
»  de  l'âge  et  de  l'expérience  ,  gouverna 
»  vingt-chiq  ans  lo  grand- duché  de  Tos- 
»  cane  ,  où  sa  mémoire  ne  périra  point. 
»  Quoique  au  milieu  des  innombrables 
»  ordonnances  par  lesquelles  il  adminis- 
»  tra  ce  petit  état,  on  découvre  un  amoiv 
»  excessif  du  régime  réglementaire  ,  une 
»  attention  exagérée  à  des  détails  fort  au- 
»  dessous  du  souverain  ,  un  penchant  à 
»  des  innovations  dont  l'utilité  n'a  pas 
»  toujours  été  reconnue  ;  ses  lois  sur  la 
»  détention  des  débiteurs ,  ses  encourage- 
»  mens  aux  défricliemens,  et  plusieurs 
»  autres  actes  de  son  administration  ,  mé- 
»  ritèrent  à  ce  souverain  des  éloges  qui 
»  allèrent  jusqu'à  l'enthousiasme,  surtout 
»  en  France,  où  les  nouveautés  quelcou- 
»  ques  ont  des  admirateurs  tout  prêts.  Ou 
»  lui  a  reproché  une  trop  grande  écono- 
»  raie,  la  passion  de  gouverner  dans  cha- 
»  que  détail ,  une  \igilance  fatigante  sur 
»  les  actions  même  indifférentes  du  ci- 
»  toyen;  des  imitations  peu  heureuses  de 
»  changemens  qui  offensaient  non  seule- 
»  ment  les  préjugés  du  peuple  ,  mais  en- 
»  core  ses  sentimens  ;  telles  ,  par  exem- 
»  pie,  que  cette  ordonnance  bientôt  reti- 
0  rée  pour  les  sépultures  communes.  En- 
»  fin ,  on  a  paru  craindre  que  l'habitude 
»  de  gérer  trop  minutieusement  les  affaires 
»  d'un  petit  état,  l'empereur  ne  l'appor- 
»  tàt  dans  l'administration  d'une  grande 
»  monarchie.  » 

LEOPOLD- GUILLAUME  ,    archiduc 
d'Autriche  ,  évêque  de  Passau,  de  Stras- 
bourg ,   etc. ,    grand-maître    de    l'ordre 
teutonique  et  gouverneur  des  Pays-Bas , 
56 


LEO 


A22 


LEO 


fils  de  l'empereur  Ferdinand  II,  com- 
manda les  armées  autrichiennes  contre 
les  Suédois  et  les  Français ,  durant  la 
guerre  de  30  ans  ,  que  sa  maison  soutint 
pour  le  maintien  de  la  religion  catholique 
en  Allemagne.  Il  eut  de  grands  succès  et 
de  grands  revers.  C'était  un  prince  sage, 
doux  et  pieux  ;  il  ne  manquait  ni  de  cou- 
rage, nidetalens  militaires  ;  mais  il  n'é- 
lait  pas  le  maître  de  ses  opérations,  et 
ceux  dont  il  dépendait  le  secondaient  mal. 
Il  mourut  à  Vienne  en  16.o2. 

LÉOPOLD,duc  de  Lorraine,  fils  de 
Charles  V  et  d'Eléonore  d'Autriche ,  na- 
quit à  Inspruck  en  1679.  Il  porta  les  ar- 
mes dès  sa  plus  tendre  jeunesse ,  et  se 
signala  en  1695  à  la  journée  de  Témes- 
war.  Le  duc  Charles  V  son  père  ,  ayant 
pris  parti  contre  la  France  ,  avait  vu  la 
Lorraine  envahie ,  et  elle  était  encore  au 
pouvoir  de  la  France  à  sa  mort,  arrivée 
en  1690.  Léopold  fut  rétabli  dans  ses  états 
par  la  paix  de  Ryswick  en  1697,  mais  à 
des  conditions  auxquelles  son  père  n'a- 
vait jamais  voulu  souscrire.  IL  ne  lui  était 
pas  seulement  permis  d'avoir  des  rem- 
parts à  sa  capitale.  Quelque  mortification 
mie  dût  lui  donner  la  perte  d'une  partie 
des  droits  régaliens  ,  il  crut  pouvoir  être 
utile  à  son  peuple  ,  et  il  ne  s'occupa  dès 
lors  que  de  son  bonheur.  Il  trouva  la 
Lorraine  désolée  et  déserte ,  il  la  repeu- 
pla et  l'enrichit.  Aussi  grand  politique 
que  brave  guerrier ,  il  sut  conserver  la 
paix,  tandis  que  le  reste  de  l'Europe  était 
ravagé  par  la  guerre.  Sa  noblesse,  réduite 
à  la  dernière  misère  ,  fut  mise  dans  l'o- 
pulence par  ses  bienfaits.  Il  faisait  rebâ- 
tir les  maisons  des  gentilshommes  pau- 
vres, il  payait  leurs  dettes,  il  mariait  leurs 
filles.  Protecteur  des  arts  et  des  sciences , 
il  établit  un  collège  à  Lunéville  ,  eJt  alla 
chercher  les  talens  jusque  dans  les  bou- 
tiques et  dans  les  forêts,  pour  les  mettre 
au  jour  et  les  encourager.  «  Je  quitterais, 
»  disait-il,  demain  ma  souveraineté,  si  je 
»  ne  pouvais  faire  du  bien.  j>  Il  mourut 
en  1726  à  Lunéville ,  à  50  ans.  Il  laissa 
son  exemple  à  suivre  à  François  l"  son 
fils,  depuis  empereur,  et  jamais  exemple 
n'a  été  mieux  imité. Léopold  avait  épousé 
Elizabeth  ,  fille  du  duc  d'Orléans  ,  morte 
en  1744  ,  femme  sage  et  vertueuse  ,  qui 
conspirait  avec  son  époux  à  faire  le  bon- 
heur de  leurs  sujets. 

*  LÉOPOLD  (Charles-Guillaume de), 
secrétaire  d'état  de  Suède  un  des  18  de 
l'académie  suédoise,  naquit  le  2  avril  1766 
À  Stockliolm.  Son  père  alors  simple  con- 


trôleur des  douanes,  n'aurait  pu  lui  don- 
ner qu'une  éducation  incomplète,  si  un 
Français  instruit  ne  se  fût  aperçu  de  ses 
heureuses  dispositions  et  ne  lui  eût  ap- 
pris sa  langue.  On  le  plaça  à  l'école  de 
Soder-Koping  et^  ensuite  à  l'université 
d'Upsal,  et  bientôt  il  publia  une  disser- 
tation latine  De  origine  idearam  mora- 
lium.  1773,  et  une  Ode  sur  la  naissance 
du  prince  royal  Gustave-Adolphe ,  1778. 
Léopold  réduit  à  se  créer  par  son  travail 
les  moyens  de  continuer  ses  éludes,  par- 
vint, à  force  d'économie  ,  à  se  procurer 
ce  dont  il  avait  besoin  pour  se  rendre  à 
l'université  de  Greifsw^ald  ;  il  y  reçut  le 
grade  de  docteur  en  philosophie,  après 
avoir  soutenu  une  thèse  sur  cette,  ques- 
tion :  De  origine  juste  introductœ  pro- 
prietatis ^  ilM.  Il  traita  aussi  un  autre 
sujet  :  Causée  cur  tôt  vete?-um  scriptape- 
rierint.  et. fut  nommé  agrégé  à  cette  uni- 
versité. Quelques  tentatives  furent  faites 
auprès  de  ce  jeune  savant  pour  le  fixer 
en  Poméranie  et  l'attacher  à  la  bibliothè- 
que de  Ij  régence  de  Stralsund  ;  mais  il 
revint  en  Suède  en  1784  ,  et  devint  con- 
servateur de  la  bibliothèque  donnée  par 
le  savant  Liden  à  l'université  d'Upsal. 
Guillaume  III  le  fit  venir  à  Stockholm , 
paya  les  dettes  qu'il  avait  faites  pendant 
ses  études  ,  et  lui  donna  un  appartement 
dans  son  palais.  Léopold  fit  partie  de  l'a- 
cadémie suédoise,  et  futundes  cinq  mem- 
bres appelés  en  1786  à  compléter  le  nom- 
bre de  dix-huit  dont  elle  se  composa  au 
moment  de  sa  fondation.  En  1787  il  fut 
chargé  de  labibliofhèque  de  Drontingholm 
et  en  1788  il  devint  secrétaire  particulier 
du  roi.  Il  suivit  le  monarque  à  l'armée 
et  chanta,  comme  les  anciens  bardes,  les 
exploits  des  Suédois.  Son  Ode  sur  la 
Ficfoire  de  Hogland,  son  Epître  en  vers 
sur  la  bataille  de  Uttis  et  sur  le  combat 
naval  de Freidrikshamn.etc.  iureni  faites 
au  milieu  du  tumulte  des  camps ,  ainsi 
que  sa  tragédie  d'Oden  qui  fut  repré- 
sentée en  1790  au  théâtre  de  Stockholm. 
Après  la  représentation ,  le  roi  lui  écrivit 
la  lettre  suivante ,  en  lui  envoyant  una 
bague  de  prix  et  deux  branches  de  lau- 
rier cueillies  sur  le  tombeau  de  Virgile. 
«  L'auteur  de  Siri  Drahe  j.  en  présentant  | 
n  ses  complimens  à  celui  d'Oden,  le  pria 
n  de  vouloir  bien  lui  procurer  un  billet 
»  de  parterre  pour  demain .  et  lui  offre 
»  ces  feuilles  de  laurier  cueillies ,  il  y  a  six 
»  ans,  sur  le  tombeau  du  plus  grand  poète 
»  du  siècle  d'Auguste  :  elles  se  sont  un 
»  peu  fanées  entre  ses  mains,  mais  elles 


LEO 


425 


LEP 


<»  reprendront  une  nouvelle  fraîcheur , 
>»  lorsquelles  seronl  placées  sur  la  têle  du 
»  poète,  n  Après  la  mort  de  Gustave  III , 
qui  entraîna  la  suppression  de  l'académie 
de  Suède ,  Léopold  s'éloigna  de  la  capitale 
jusqu'au  rétablissement  de  l'académie  par 
le  roi  Gustave-Adolphe  IV.  Dès  lors  il  re- 
çut les  distinctions  les  plus  flatteuses  ; 
chevalier  de  l'Eloile  polaire  en  1798,  con- 
seiller de  la  chancellerie  en  179'J  ,  mem- 
bre de  l'académie  des  belles-lettres ,  de 
l'histoire  et  des  antiquités  en  1803,  mem- 
bre de  l'académie  des  sciences  en  d804 , 
il  fut  anobli  en  1809,  devint  commandeur 
de  l'Etoile  polaire  en  1815 ,  et  reçut  le 
titre  de  secrétaire  d'état  en  1818.  Il  no 
jouit  pas  du  bonheur  qu  il  méritait  de 
goûter  sur  la  fin  de  sa  carrière  :  son 
épouse  ,  dont  la  raison  s'altéra  dans  ses 
dernières  années ,  mourut  en  mai  1829  ; 
il  était  devenu  aveugle  depuis  long-temps 
lorsqu'il  expira  le  5  novembre  suivant. 
Les  OEuvres  de  Léopold  sont  imprirnées 
en  5  vol.  in-S**.  Parmi  ses  œuvres  drama- 
tiques^ Oden  et  Virginia  ont  été  traduites 
en  français  et  se  trouvent  dans  le  tome  IV 
des  Théâtres  étrangers.  Léopold  a  laissé 
aussi  des  manuscrits. 

LÉOPOLD.  Voyez  BRUNSWICK. 

LEORÏER  DEL'ISLE  (Pierre-Alexan- 
dre), célèbre  manufacturier,  né  à  Valence 
en  1744,  avait  d'abord  suivila  carrièi'e  mi- 
litaire, et  étaitlieulenant  dans  un  régiment 
de  dragons  ,  lorsqu'«ne  affaire  d'honneur 
avec  un  de  ses  chefs  l'obligea  de  quitter 
le  service.  Ayant  été  chargé  de  la  direc- 
tion de  la  fabrique  de  papier  de  Langlée 
près  deMontargis,  qui  se  trouvait  dans  un 
état  de  décadence  déplorable  ,  il  parvint , 
par  l'activité  qu'il  déploya  et  par  ses 
connaissances  étendues ,  à  la  relever,  et 
à  y  ramener  la  prospérité.  Léorîer  de 
risle  inventa  de  nouveaux  procédés  :  il 
fit  du  papier  avec  les  plantes  ,  les  écorces 
et  les  végétaux  les  plus  communs  ,  et  on 
en  trouve  des  modèles  dans  le  Supplé- 
ment aux  loisirs  des  bords  du  Loing , 
par  Pelée  de  Varennes.  1784 ,  in-18.  Ils 
sont  annoncés  dans  YEpitre  dédicatoire 
des  œuvres  du  marquis  de  Villette^  1786 , 
in-16.  Les  136  premières  pages  sont  im- 
primées sur  papier  de  guimauve  ;  après 
quoi  l'on  y  trouve  des  feuillets  composés 
de  diverses  substances,  savoir  :  ortie, 
houblon,  mousse,  roseaux,  écorce  d'osier, 
de  saule,  de  peuplier,  elc.  Il  quitta  ensuite 
cette  fabrique  pour  celle  qvi'il  créa  lui- 
même  non  loin  de  Langlée,  à  Buges;  puis 
il  acheta  celle  de  Langlée  elle-même  ,  et 


fit  longtemps  fabriquer  les  papiers  des 
assignats  et  du  timbre.  Malgré  l'ordre 
qu'il  mettait  dans  ses  affaires,  les  dépen- 
ses énormes  qu'entraînait  l'entretien  de 
ces  fabriques  le  mirent  dans  la  gène,  et  il 
s'ensuivit  un  procès  qui  s'est  terminé  par 
une  expropriation  forcée.  Léorier  de 
risle  mourut  à  Montargis  lo  25  aoxit 
1826,. 

LÉOTAUD  (  Vincent  ),  jésuite,  né  dans 
le  diocèse  d'Embrun  en  1395  ,  habile  ma- 
thématicien ,  professa  pendant  14  ans  à 
Dole  en  Franche-Comté  ,  et  ensuite  à 
Lyon,  Il  mourut  le  13  juin  1672  ,  après 
avoir  publié  un  ouvrage  savant,  oii  il 
montre  que  l'on  travaille  vainement  à  la 
démonstiation  de  la  quadrature  du  cer- 
cle. Il  a  pour  titre  Etgmon  circuli  qua^ 
draturce.  Lyon  ,  1633 ,  in-4°.  On  lui  doit 
aussi  Geometriœ practicœ  elem,enta.  Dole 
1631,  in-16  ;  Magnelologia  .  Lyon  ,  1648 , 
in-4";  Cyclomalhia,  ibid..  1663,  in-4°  ; 
Institutionum  arit/mieticarum  libri  IV  , 
ib.  1660,  in-4''. 

LÉOTYCIIIDES,  roi  de  Sparte  ,  et  fîh 
de  Ménaris  ,  monta  sur  le  trône  en  rem- 
placement de  Démocrate  son  cousin  ,  dé- 
claré illégitime  par  l'oracle  de  Delphes  , 
défît  les  Perses  dans  un  grand  combat 
naval  près  de  Mycale,  l'an  479  avant  J.-C. 
Dans  lasuite,  ayant  été  accusé  d'un  crime 
capital  par  les  éphores  ,  il  se  réfugia  à 
Tégée  dans  un  temple  de  Minerve  ,  où  il 
mourut  l'an  473  avant  J.-C.  Archidamus, 
son  petit-fils,  lui  succéda. 

LÉOWITZ  (  Cyprien  ) ,  en  latin  Leo- 
vitiuSj  habile  astronome  bohémien  ,  né  à 
Leonicia  près  de  Hradisch  en  Bohème  : 
il  eut,  en  1569,  une  conférence  sur  l'astro- 
nomie avec  Tycho-Brahé,  qui  fit  un 
voyage  exprès  pour  le  voir.  Il  finit  ses 
jours  à  Lawingen ,  en  1374,  âgé  d'environ 
30  ans.  On  a  de  lui  :  \Description  des  éclip- 
ses An-îol.;  \d.QS  EphémérideSj,  in-fol.  ; 
i  Prédictio7is  ûexiMh  1564  jusqu'en  1607, 
in-8"  ,  1363  ;  |  De  indiciis  natiçitatum, 
in-4° ,  et  d'autres  ouvrages  en  latin.  Il 
donnait  dans  l'astrologie  judiciaire,  et  on 
lui  attribue  des  prédictions  que  l'événe- 
ment ne  justifia  point  :  ainsi  il  avait  an- 
noncé pour  l'an  1384  la  fin  du  monde  par 
un  nouveau  déluge. 

♦  LEPAGEde  LIIVGERVÏLLE(  Louis- 
Piehre-Nicolas-Marie  ),  docteur  en  mé- 
decine né  à  Montargis  ,  dans  le  départe- 
ment du  Loiret,  en  1762  ,  fut  député  à  la 
Convention  nationale  ,  où  il  vota  la  dé- 
tention de  Louis  XVI,  et  son  bannissement 
à  la  paix.  En  septembre  1792,  l'assemblée 


LEP 


424 


LEP 


l'envoya  à  Orléans  pour  calmer  un  mou- 
vement populaire  ,  qu'avait  occasioné  la 
suspension  de  la  municipalité,  accusée 
d'avoir  laissé  accaparer  les  grains  ,  et 
d'avoir  montré  du  dévouement  à  la  cour. 
Le  20  mars  1793 ,  Lepage  osa  dénoncer  à 
la  convention  les  troubles  de  Montargis , 
où  l'ex-député  Manuel  avait  été  couvert 
ide  blessures  pour  avoir  voté  en  faveur 
ide.  Louis  XVI,  et  improuvé  l'exaltation 
qui  régnait  à  cette  époque.  Apres  la  ses- 
sion conventionnelle,  Lepage  obtint  dans 
les  bureaux  de  l'administration  de  la  lo- 
terie une  place  de  chef  qu'il  remplit  du- 
rant quinze  années.  Il  est  mort  le  7  sep- 
tembre 1823 ,  d'une  attaque  d'apoplexie 
foudroyante.  Lepage  était  très  versé  dans 
les  langues  latine  et  grecque.  On  lui  doit  : 
I  Traité  de  la  médecine  par  CcUe,  lalin- 
français  en  re/jard ,  texte  conforme  à 
celui  de  l'édition  de  Léonard  Targa, 
traduction  de  Henri  Nititun  ^  revue  et 
corrigée  par  M.  L  ***  docteur  en  méde- 
cine, Paris  ,  1821  ,  2  vol.  in-12. 

*  LEPAIJTE  (  Jean-Aîvdré  ) ,  horloger 
célèbre  ,  naquit  en  1709  ,  à  Montmcdi. 
C'est  à  lui  que  l'on  doit  la  plupart  des  hor- 
loges qui  décorent  les  édifices  publics  de 
Paris ,  entre  autres ,  celle  que  l'on  voit 
aux  Tuileries,  les  horloges  du  Palais- 
Iloyal ,  du  Jardin  du  Roi ,  et  l'horloge 
horizontale  qui  a  été  placée  en  1755,  au 
palais  du  Luxembourg,  la  première  de 
ce  genre  qu'on  ait  vue  dans  la  capitale.  Il 
présenta  la  même  année,  à  l'académie 
des  sciences  ,  une  pendule  à  une  seule 
roue  de  son  invention.  Lalande  fut  un  des 
commissaires  chargés  de  l'examiner  ,  et 
cette  circonstance  établit  entre  eux  une 
amitié  durable  qui  tourna  au  profit  de 
tous  deux.  Lepaute  a  composé  quelques 
écrits  sur  son  art ,  entre  autres  :  |  un 
Trente  d'horlogerie  >  publié  en  1755 ,  in- 
k^  ;  I  Supplément  au  traité  d'horlogerie^ 
Paris,  1760  ;  il  renferme  la  description 
d'une  pendule  polycamératique  ,  ainsi 
nommée  parce  qu'elle  peut  marquer 
l'heure  dans  différentes  pièces  d'un  pa- 
lais ou  d'un  château ,  et  d'une  pendule  à 
secondes  qui  marque  le  temps  moyen  et 
le  temps  vrai  avec  plus  de  justesse  que 
les  pendules  à  équation.  Lalande  a  eu 
part  à  la  rédaction  de  cet  ouvrage;  \  Des- 
cription de  plusieu7's  ouvrages  d horlo- 
gerie ,  1764 ,  in-12.  Il  mourut  à  Sahit- 
Cloxid,  le  11  avril  1789.  — Jeax-Baptiste 
LEPAUTE ,  son  frère  et  son  associé ,  se 
distingua  aussi  dans  l'art  de  l'horlogerie. 
On  cite  de  lui  la  belle  horloge  de  l'Hôlel- 


de- ville  de  Paris,  posée  en  1786.  Jean- 
Baptiste  mourut  à  Paris  ,  en  1802. 

•  LEPAllTE  (  Nicole-Rei:«e  ETABLB 
de  LABRIÈRE  ),  épouse  de  Jean- And  ré 
Lepaute,  naquit  à  Paris  le  5  janvier  i7l>.">. 
Elle  manifesta,  dès  sa  jeunesse,  beaucoup 
lie  goût  pour  les  sciences  ;  mariée  à  un  ar- 
tiste habile  ,  elle  lui  révéla  une  partie  des 
secrets  de  son  art ,  et  coopéra  à  son  Traité 
d'horlogerie.  Liée  avec  tous  les  savans 
de  son  temps  ,  elle  concourut  avec  Clai- 
raut  et  Lalande  au  travail  que  ces  astro- 
nomes avaient  entrepris  pour  calculer 
l'attraction  de  Jupiter  et  de  Saturne  sur 
la  comète  annoncée  par  Halley  ,  aQn  de 
prédire  exactement  son  retour  ;  elle  tra- 
vailla à  la  Connaissance  des  temps  ,  aux 
Ephémérides.  calcula  en  1764  ,  pour  tout  a 
l'étendue  de  l'Europe,  l'éclipsé  annulaire 
du  soleil,  prédite  pour  le  1"  avril  de  cette 
année,  et  publia  une  carte  où  l'on  voyait 
de  quart  d'heure  en  quart  d'heure  la  mar- 
che de  l'éclipsé  et  ses  différentes  pbases. 
A  l'occasion  de  plusieurs  éclipses  qu'elK; 
avait  calculées,  elle  sentit  l'avantage  d'un  j 
table  des  angles  parallactiques,  et  elle  eu 
fît  une  très  étendue  qui  parut  dans  la 
Connaissance  des  temps  en  1763,  et  dans  le 
livre  intitulé  :  Exposition  du  travail  as- 
tronomique. On  a  encore  d'elle  plusieurs 
mémoires  intéressans  pour  l'académie  do* 
Béziers,  dont  elle  était  associée.  Madame 
Lepaute  mourut  à  Paris  le  6  décembre 
1788,  à  l'âge  de  05  ans.  Cette  femme  sa- 
vante fut  aussi  un  modèle  de  dévouement 
conjugal  :  pendant  sept  ans  elle  soigna 
elle-même  son  mari  atteint  de  la  maladie 
qui  termina  sa  laborieuse  carrière  ;  elle 
mourut  quelques  mois  avant  lui.  Lalande 
a  inséré  VEloge  de  M""'  Lepaute  dans 
son  Histoire  de  l'asti-onomie,  année  178«. 

LEP  AUTRE,  LEPAYS  et  autres.  Voy, 
à  la  lettre  P. 

*  LEPÉKUIN  (Iwan),  savant  méde- 
cin russe  ,  né  vers  le  milieu  du  dix-hui- 
tième siècle  ,  étudia  à  Saint-Pétersbourg 
et  vint  se  faire  recevoir  docteur  en  mé 
decine  à  l'université  de  Strasbourg.  Après 
son  retour  en  Russie,  il  fut  nommé  en 
1771  ,  membre  de  l'académie  impériale 
dans  la  classe  d'histoire  naturelle.  Il  mé- 
rita par  l'étendue  de  ses  connaissances 
dans  celle  partie,  d'être  mis  à  la  tête 
d'une  société  de  savans  chargée  de  par- 
courir l'empire  russe  pour  en  étudier  et 
décrire  les  productions  naturelles ,  et  d'ob- 
server les  grands  phénomènes  physiques 
qui  s'y  renouvellent  le  plus  souvent.  Le- 
pékhin  fut  nommé ,  eu  1783 ,  secrétaire 


LEP 

perpt'lucl ,  el  reçut  de  Callierliie  II  une 
médaille  d'honneur.  Il  reçut  aussi  le  lilre 
de  membre  correspondant  de  la  société 
des  scrutateurs  de  la  naliu-e  de  Berlin,  et 
fut  fait  conseiller-d'état  peu  de  temps 
avant  sa  mort  arrivée  le  18  avril  d8G2.  On 
a  de  Lcpékhin  ,  outre  quelques  opuscules 
séparés  et  plusieurs  mémoires  insérés 
dans  les  collections  de  l'académie  des 
sciences  de  Saint-Pétersbourg,  un  ou- 
vrage important  sur  l'histoire  naturelle 
de  son  pays  ,  intitulé  :  Journal  (  en  lan- 
gue russe  )  des  Voyages  en  plusieurs 
parties  de  la  Russie  ;  ce  Journal  a  été 
liaduit  en  allemand  par  Hase,  Alten- 
bourg,  177/i.,  3  vol.  in-/t.°,  avec  figures. 

*  LEPEL  (HEivni,  comte  de) ,  homme 
d'état  et  savant ,  né  en  Prusse  vers  1755  , 
exerça  jusqu'en  1790  les  fonctions  d'am- 
bassadeur de  Prusse  en  Suède  ;  il  s'oc- 
cupa beaucoup  depuis  cette  époque  des 
sciences  et  des  arts  :  l'académie  de  Berlin 
lui  doit  une  belle  collection  de  médailles 
et  de  dessins  ,  qu'il  avait  recueillis  avec 
le  plus  grand  soin  pendant  toute  sa  vie , 
et  qu'il  lui  a  donnée  avant  sa  mort  arrivée 
à  Berlin  le  20  janvier  1826.  Lepel  publia  à 
Dresdo,  en  180G,  les  OEuvres  de  Claude 
Gelée.  On  lui  doit  encore  le  Catalogue 
des  estampes  exécutées  d'après  Raphaël, 
qu'il  a  donné  sous  le  nom  de  Tansicus 
eubœus^  et  un  Catalogue  des  ouvrages 
originaux  des  grands  maîtres.  Il  a  laissé 
en  manuscrit  un  ouvrage  sur  la  numis- 
matique. 

LÉPICïÉ  (Bernard),  graveur,  né  à 
Paris  en  1698,  mort  dans  la  même  ville  le 
17  janvier  1753,  âgé  d'environ  57  ans, 
maniait  parfaitement  le  burin.  Ses  gra- 
vures sont  d'un  beau  fini ,  et  traitées  avec 
beaucoup  de  soin  et  d'intelligence.  On  a 
de  lui  un  Catalogua  raisonné  des  tableaux 
du  roi  ^  2  vol.  in-i";  ouvrage  curieux  et 
instructif  pour  les  peintres  el  les  ama- 
teurs. —  Son  fils ,  professeur  de  l'acadé- 
mie de  peinture  et  sculpture  de  Paris ,  a 
composé  plusieurs  tableaux  qui  sont  loin 
d'être  sans  défaut ,  mais  qui  cependant 
méritent  des  éloges.  Il  a  peint  aussi  les 
scènes  familières  dont  nous  citerons  :  la 
Douane^  la  Halle,  le  Repos  d'un  vieil- 
lards le  Braconnier.  Il  mouruf  le  17  sep- 
tembre 1784. 

LÉPIDÏIS  (  M.  ^MiLius  ),  triumvir  avec 
Octave  et  Marc-Antoine,  naquit  l'an  70o 
de  Bome  ou  48  avant  J.-C.  Il  était  d'une 
des  plus  anciennes  et  des  plus  illustres 
familles  de  Rome,  et  parvint  aux  pre- 
miers emplois  de  la  répuldique.  11  fut 


A.2S  LEP 

grand  pontife ,  maître  de  la  cavalerie 
(  magister  equitum  ) ,  et  obtint  deux  fois 
le  consulat  les  années  42  et  46  avant  J.-C. 
Il  contribua  à  faire  nommer  Jules-Cégar 
dictateur,  et  celui-ci  à  son  départ  pour 
l'Espagne  lui  laissa  le  commandement  de 
Rome.  Pendant  les  troubles  de  la  guerre 
civile,  excités  par  les  héritiers  elles  amis 
de  Jules-César ,  Lépidus  se  mit  à  la  tête 
d'une  armée  et  se  distingua  par  son  cou- 
rage. Marc-Antoine  et  Auguste  s'unirent 
avec  lui.  Ils  partagèrent  entr'eux  l'uni- 
vers. Lépidus  eut  l'Afrique.  Ce  fut  alors 
que  se  forma  cette  ligue  funeste  appelée 
triumvirat.  Lépidus  lit  périr  tous  ses  en- 
nemis ,  et  livra  son  propre  frère  à  la  fu- 
reur des  tyrans  avec  lesquels  il  s'était  as- 
socié. Il  eut  part  ensuite  à  la  victoire 
qu'Auguste  remporta  sur  le  jeune  Poni- 
pée  en  Sicile.  Comme  il  était  venu  du 
fond  de  l'Afrique  pour  celte  expédition , 
il  prétendit  en  recueillir  seul  tout  le  fruit, 
et  se  disposa  à  soutenir  ses  prétentions 
par  les  armes.  Auguste  le  méprisait , 
parce  qu'il  savait  qu'il  était  méprisé  par 
ses  troupes.  Il  ne  daigna  pas  tirer  l'épée 
contre  lui.  Il  passa  dans  son  camp,  lui 
enleva  son  armée,  le  destitua  de  tous  ses 
emplois ,  à  l'exception  de  celui  de  grand 
pontife ,  et  le  relégua  à  Circeïes  ,  petite 
,  ville  d'Italie ,  l'an  36  avant  J.-C.  Lépidus 
était  d'un  caractère  à  pouvoir  supporter 
l'exil.  Plus  ami  du  repos  qu'avide  de  puis- 
sance ,  il  n'eul  jamais  cette  activité  opi- 
niâtre qui  peut  seule  conduire  aux  grands 
succès  et  les  soutenir.  Il  ne  se  prêta  qvi'a- 
vec  une  sorte  de  nonchalance  aux  circon- 
stances les  plus  favorables  à  son  agran- 
dissement ,  et ,  pour  nous  servir  des  ex- 
pressions de  Paterculus ,  il  ne  mérita 
point  les  caresses  dont  la  fortune  le  com- 
bla long-temps. 

*  LEPITRE  (Jacques-François),  né 
en  1764 ,  fut  d'abord  professeur  de  rhétt> 
rique  ,  puis  maître  de  pension  à  Pai-is  :  il 
était  membre  de  la  commune  de  cette 
ville  en  1792,  et  fut  chargé  du  soin  de 
surveiller  la  famille  royale  au  Temple  (i). 
Ses  manières,  bien  différentes  de  celles 
de  plusieurs  de  ses  collègues,  lui  gagnè- 


(i)  Lepîlre  ,  se  trou.ant  un  jour  de  garde  avec  un 
de  «es  collrguc»  auprès  de  Louii  XVI  ,  demanda  au 
roi  11  permission  de  prendre  un  Viigile  qui  était  tiir 
sa  cluinirn-e.  •  Vous  savez  donc  le  lalin  ?  lui  .iit  ce 
»  prince    Oui  sire  , 

I  Non  rgo,  cuni  Daiiait  trojanam  cxscindere  g^nlctn 

>  Aiiiile,juiavi.  . 
Un  rcgairt  du  roi  lui   fa  entendre  qu'il    l'av.iit  corn- 
pri..  .^^ 


LILÏ^  426  LER 

la  coriiiancc  du  roi.  Se-    son  inslriiment,  suspendirent  le  pillago 


Tcnl  facilemen 

ronde  par  un  autre  commissaire  ,  nommé 
Toulan ,  et  de  concert  avec  le  chevalier 
de  Jarjayes  ,  il  procurait  à  ce  prince  les 
journaux  cl  les  livres  dont  on  le  privait  : 
il  avait  même  conçu  le  projet  de  faire 
évader  la  famille  royale ,  et  tout  était  prêt 
pour  l'exécution,  lorsqu'un  soulèvement 
qui  fut  excité  dans  Paris  le  jour  même  où 
l'évasion  devait  avoir  lieu ,  déconcerta 
toutes  les  mesures,  et  fit  même  deviner 
le  complot.  Toulan  péril  sur  l'échafaud  ; 
tepitre,  envoyé  à  Sainte-Pélagie,  et  tra- 
duit devant  le  tribunal  révolutionnaire  , 
n'échappa  à  la  mort  que  par  un  bonheur 
inespéré.  En  iSik,  il  fut  présenté  à 
M""^  duchesse  d'Angoulême  et  nommé 
professeur  de  rhétorique  au  collège  royal 
de  Rouen.  Il  est  mort  dans  le  mois  de 
janvier  1822  à  Versailles.  On  a  de  lui  : 
I  Histoire  des  dieux  j.  des  demi-dieux  et 
des  héros  adorés  à  Rome  et  dans  la  Grèce j 
nouvelle  édition,  1814,  in-12 ,  et  1819, 
in-12;  |  Cinq  romances  composées  en 
1793  et  i7%^  pour  les  illustres  prisonniers 
du  Temple ,  musique  de  M™'  Cléry ,  Pa- 
ris, 1814;  I  Quelques  souvenirs  ou  notes 
fidèles  sur  mon  service  au  Temple,  etc. 
1814  ,  et  1817  ,  in-8°. 

LEPOIS.  roijez  POIS. 

•  LEPRINCE  (  Jean  ) ,  peintre  naquit  à 
Metz  en  1753.  Il  était  frère  de  madame 
Lcprince  de  Beaumont.  (  Votjez  BEAU- 
MONT.  )  11  vhit  à  Paris  jeune  encore,  et 
se  lit  connaître  par  son  talent  sur  le  vio- 
lon. Il  fut  élève  do  Boucher,  et  commença 
par  graver  à  la  pointe  des  paysages  très 
bien  exécutés.  Il  s'adonna  ensuite  à  la 
peinture  et  lit  plusieurs  tableaux  dans  le 
genre  de  Téniers  et  de  Wauwermans, 
qui  sont  assez  estimés.  Il  s'était  marié  ,  et 
il  quitta  bientôt  sa  femme  pour  passer  à 
Saint-Pétersbourg,  où  il  peignit  les  pla- 
fonds du  palais  impérial.  Après  la  mort 
tragique  de  Pierre  III,  Leprince  revint  en 
France  ,  et  fut  reçu  à  l'académie.  Cet  ar- 
tiste était  surtout  renommé  pour  les  des- 
sins lavés  à  l'encre  de  la  Chine,  Il  mou- 
rut à  Denis-du-Port  près  de  Lagny  en 
1781 ,  âgé  de  47  ans.  Son  talent  sur  le  vio- 
lon le  tira  une  fois  d'une  assez  mauvaise 
affaire.  En  passant  par  mer  en  Hollande, 
pour  se  transporter  à  Pétersbourg  ,  son 
vaisseau  fut  pris  par  des  corsaires  anglais, 
qui  se  partagèrent  aussitôt  les  dépouilles 
de  leurs  prisonniers;  Leprince,  sans  se 
troubler,  prit  son  violon,  et  se  mit  à 
jouer  avec,  le  plus  grand  calme  :  les  cor- 
saires, charmés  des  sons  mélodieux  de 


et  lui  rendirent,  dit-on^  tout  ce  qu'ils  lui 
avaient  pris. 

LE  QUESNE  et  autres.  Voyez  à  la  let- 
tre Q. 

LERAC.  Vorjez  CAREL. 

LERA\BERT  (Louis),  peintre  et 
sculpteur  ,  né  en  1614  à  Paris  ,  reçu  à  la- 
cadémie  de  peinture  et  de  sculpture  en 
16G3  ,  mort  en  1670  ,  s'est  acquis  un  grand 
nom  par  ses  ouvrages.  Il  avait  appris  la 
peinture  à  l'école  de  Vouet  et  la  sculp- 
ture sous  Sarraz.in.  Il  succéda  à  son  père 
dans  la  place  de  garde  des  antiques  et 
marbres  du  roi,  qui  lui  fut  ôtée  en  166"). 
Ceux  de  ses  ouvrages  qu'on  voit  dans  le 
parc  de  Versailles ,  sont  un  groupe  d'une 
Bacchante  avec  un  Enfant  qui  joue  des 
castagnettes,  deux  Satyres,  une  Dan- 
seuse, des  Enfans,  et  des  Sphinx. 

LERI  (  Jea\  de) ,  ministre  protestant , 
né  en  1554,  à  la  Margelle,  village  de 
Bourgogne,  fit  en  1356  le  voyage  du  Brésil 
avec  deux  ministres  et  quelques  autres 
proies  tans,  que  Charles  Durand  de  Villcga- 
gnon,  chevalier  de  Malle  et  vice-amiral  de 
Bretagne,  avait  appelés  pour  y  former  une 
colonie  de  huguenots,  sous  la  protection 
de  l'amiral  de  Coligny.  Cet  établissement 
n'ayant  pas  réussi,  Léri  revint  en  France. 
Il  essuya  dans  son  retour  tous  les  dan- 
gers du  naufrage  et  toutes  les  horreurs  do 
la  famine.  Il  se  vit  réduit  avec  ses  com- 
pagnons à  manger  les  rats  et  les  souris , 
et  jusqu'aux  cuirs  des  malles.  On  a  de  lui 
une  Relation  de  ce  voyage ,  imprimée 
in-S",  en  1378,  et  plusieurs  fois  depuis. 
Elle  est  louée  par  de  Thou.  Léri  se  trouva 
dans  Sancerre  lorsque  colle  ville  fut  as- 
siégée par  l'armée  catholique  en  1373,  et 
il  publia  l'année  suivante ,  in-8" ,  un  Jour- 
nal curieux  de  ce  siège  et  de  la  cruelle 
famine  que  les  assiégés  y  endurèrent.  Il 
mourut  à  Berne  en  1611. 

LÉRIDANT  (Pierre),  avocat  au  par- 
lement de  Paris ,  né  en  Bretagne  ,  fut  un 
de  ces  jurisconsultes  du  18' siècle  qui  con- 
tribuèrent le  plus  par  leurs  écrits  à  cor- 
rompre les  notions  du  droit ,  et  surtout  h 
renverser  les  antiques  principes  qui  font 
la  base  d©  la  société  civile  et  religieuse  ; 
tels  sont  :  |  l'Examen  de  deux  questions 
importantes  sur  le  mariage ,  1733 ,  in-4° , 
qui  n'est  qu'un  petit  plagiat  fait  à  Launoy, 
tout  comme  celui-ci  avait  dépouillé  le 
fameux  de  Dominis  :  car  ces  hétérodoxes 
docteurs  n'ont  pas  même  le  mérite  de 
l'originalité.  M.  Jacques  Clément ,  cha- 
noine de  Gand ,  a  réfuté  cet  examen  dans 


LER 


427 


LER 


son  Traité  du  pouvoir  de  l'Eglise  sur  le 
mariage  des  catholiques j  Liège,  1768, 
in-i";  {Toyez  LAUNOY.)  |  Consulta- 
tion sur  le  mariage  d'un  Juif^  1758 ,  in-i"; 
I  Code  matrimonial  ^  \n.-h° ,  infecté  de 
diverses  erreurs.  Il  a  écrit  encore  sur 
d'autres  matières,  comme  \l' Antifinancier 
1764,  in-12;  |  Institutiones  philosophicœ^ 
1761 ,  5  vol.  iu-12.  Il  mourut  le  28  novem- 
bre 17GS. 

LERME  (FuANçois  de  ROXAS  de  SAN- 
DOVAL,  duc  de)  ,  l''"  ministre  de  Phi- 
lippe III ,  roi  d'Espagne ,  fut  le  plus  chéri 
lie  SCS  favoris.  Il  était  d'un  caractère  plu- 
tôt indolent  que  pacifique.  Il  avait  les 
qualités  d'un  bon  particulier  ,  mais  non 
les  talons  d'un  ministre.  Il  négocia  avec 
l'Angleterre  ,  fit  une  trêve  avec  la  Hol- 
lande ,  pacifia  l'Aragon ,  et  lâcha  d'en- 
courager l'agriculture  ;  mais  il  mit  le  plus 
grand  désordre  dans  les  finances.  Il  semble 
qu'un  gouvernement  ami  de  la  paix ,  et 
qui  n'établissait  point  d'impôt  odieux, 
aurait  dû  le  faire  aimer  des  peuples; 
mais  le  maître  était  faible,  livré  à  ses 
favoris,  elle  ministre,  également  inca- 
pable ,  se  laissait  gouverner  par  des  com- 
mis insolcns  et  avides; c'est  ce  qui  rendit 
lie  Lerme  l'objet  de  l'horreur  et  du  mé- 
])ris.  Les  moyens  de  le  décrier  manquè- 
rent; on  eut  recours  à  la  calomnie.  Il 
fut  accusé  d'avoir  fait  empoisonner  la 
reine  Marguerite  par  Rodrigue  Caldéron  , 
sa  créature  et  son  confident.  Quelque 
éloignée  que  celte  action  fût  de  son  ca- 
ractère ,  le  roi  ne  pul  tenir  contre  la  haine 
des  courtisans.  De  Lerme  fut  disgracié 
en  1618.  Il  était  entré  dans  l'état  ecclé- 
siastique, après  la  mort  de  sa  femme, 
et  Paul  V  l'avait  honoré  de  la  pourpre. 
Le  cardinal  de  Lerme  mourut  quatre  ans 
après  avoir  été,  en  1625  ,  dépouillé  de  la 
plus  grande  partie  de  ses  biens  par  Phi- 
lippe IV.  Le  ducd'Uzéda,  son  fils  ,  s'était 
montré  son  plus  cruel  ennemi ,  et  lui 
avait  succédé  dans  le  ministère;  mais  sa 
faveur  avait  cessé  trois  ans  avant  la  mort 
de  Philippe  III ,  arrivée  en  1621.  Le  ca- 
raclère  de  ce  ministre  a  été  dépeint  dans 
le  roman  de  Gil-Blas  ^  de  Lesa^e,  liv.  8 
et  9. 

LERXUTIUSouZ^mouf  (  Jean)  ,  poète 
ne  à  Bruges  en  1545  ,  après  avoir  achevé 
ses  études  ,  voulut  connaître  les  princi- 
pales universités  de  France ,  d'Italie  et 
d'Allemagne;  il  entreprit  ces  voyages 
avec  Juste-Lipse.De  retour  dans  son  pays, 
malgré  les  embarras  de  quelques  charges 
dont  il  y  fut  honoré,  il  n'abandonna  point 


les  muses,  dont  il  faisait  ses  délices  :  il 
mourut  le  29  septembre  1619.  On  a  re- 
cueilli ses  poésies  sous  ce  titre  :  Jani 
Lernutii  Basia ,  Ocelli  et  alla  poemata  , 
Leyde  ,  Elzévir,  1612.  Elles  lui  assurent 
un  rang  parmi  les  Ijons  poètes  latins. 

*  LEROUX  (  Jea\-Jacques)  ,  cheva- 
lier de  la  légion-d'honneur,  professeur  de 
la  faculté  de  médecine,  membre  titulaire 
de  l'académie  royale  de  médecine  ,  et  de 
plusieurs  sociétés  savantes,  naquit  à  Sèvres 
le  17  avril  1749.  11  s'était  fait  recevoir 
bachelier  de  l'ancienne  faculté  de  méde- 
cine en  1776,  et  docteur-régent  en  1778, 
et  exerçait  la  médecine  à  Paris  avec  suc- 
cès quand  la  révolution  éclata.  En  1792 
il  fut  nommé  ofiicier-municipal ,  et  en- 
suite administrateur  des  élablissemens 
publics.  Il  se  trouva  le  10  août  auprès  do 
la  personne  du  roi ,  qu'il  accompagna  à 
l'assemblée  Législative,  et  se  retira  ensuite 
à  Senteny,  village  près  de  Brie-cemte-Ro- 
bert.  Trois  mandats  d'arrêt  furent  lancés 
contre  lui  ;  mais  son  ami  Fourcroy  les 
lit  lever ,  et  obtint  pour  lui  une  chaire  de 
professeur  à  l'école  de  sauté  en  1793. 
Leroux  conserva  cette  place  quand  l'éta- 
blissement devint  successivement  école 
de  médecine  ,  et  faculté  de  médecine.  En 
1810  il  en  fut  nommé  doyen,  titi-c  qu'il 
possédait  depuis  douze  ans ,  lorsque  les 
ordonnances  rendues  en  1822,  supprimè- 
rent la  faculté  ,  et  pourvurent  à  la  réor- 
ganisation de  la  nouvelle.  Leroux  est 
mort  ducholéra-morbus  en  1852 ,  laissant 
les  ouvrages  suivans  :  |  Compte  rendu  à 
l'école  de  médecine,  Paris,  1807,  in-4''; 
I  Cours  sur  les  généralités  de  la  médecine 
pratique  et  sur  la  philosophie  de  la  mé- 
decine, Paris,  1825-26,  8  vol.  in-8°; 
I  Discours  prononcé  à  la  séance  publique 
de  la  faculté  de  médecine  de  Paris ,  le  14 
novembre  1810  .  Paris ,  1810 ,  in-4°;  |  Dis- 
cours prononcé  le  30  juillet  1816  ,  pour 
l'inauguration  des  salles  de  clinique, 
Paris,  1816,  in-4'*;  |  Discours  prononce 
sur  la  tombe  de  Leclerc  ,  en  1808,  sur  la 
tombe  de  Baudelocque  <?n  18 1 0 ,  sur  celle  de 
Touret,  e«  1810, — sur  celle  de  Corvi- 
sarten  1821  ;  — sur  la  tombe  de  Halle,  en 
1822,  in-8";  I  Instruction  sur  le  typhus, 
fièvre  des  camps,  fièvre  des  hôpitaux , 
fièvre  des  prisons,  Paris,  1814,  in-4''; 
I  Mémoire  et  plan  d'organisation  pour  la 
médecine  etla  chirurgie , par  MM.  Leroux 
et  Dupuytren ,  Var'is ,  1816,  in-4'';  |  Rap- 
port fait  à  l'école  de  médecine  de  Paris 
sur  la  clinique  d'iJwculationparMM.  Pine 
et  Leroux,  Vdivis,  1800,  in-S";  |  Rapport  sur 


LES 


423 


LES 


le  cimetière  de  la  ville  de  la  Ferte-sous- 
Jouan-e ,  par  MM.  le  baron  Desgenettes 
et  Leroux^  Paris  ,  1820,  in-8°;  i  2'able  indi- 
cative des  matières  ^  et  table  des  auteurs 
pour  lés  65  premiers  volumes  du  journal 
de  médecine  ^  1788,  in-4°.  Leroux  a  été 
pendant  dix  ans,  le  rédacteur  principal  du 
Journal  de  médecine  de  Bâcher,  et  ensuite 
propriétaire  éditeur  du  Joumalde  méde- 
cine chirurgie  ^  pharmacie  j  par  Cor vi- 
sart ,  Leroux  et  Boyer  ;  il  a  été  aussi  un 
des  rédacteurs  du  Codex  medicamenta- 
rius.  Outre  ces  divers  écrits,  dans  la  plu- 
part desquels  se  reproduisent  les  vues 
justes  et  étendues  du  médecin  qui  possède 
bien  son  arl,  on  doit  encore  à  Leroux  les 
ouvrages  litléraires  suivans  :  |  J  rassem- 
blée nationale  ^  ou  réflexion  sur  le  choix 
d'un  instituteur  du  dauphin^  Paris ,  1791, 
in-S";  \  Au  diable  le  meilleur.  coniQ,  Paris, 
1820 ,  in-8'';  |  Essais  de  littérature,  Paris, 
1830,  2  vol.  in-8°.  Ces  essais  se  compo- 
sent d'idylles,  de  stances,  d'épîtres,  de 
fables,  etc.  \Le  Factionnaire ,  1790 ,  in-8°  ; 

I  la  Journée  de  Salaminey  tragédie, 
Paris ,  1819 ,  ou  1822  ,  in-8";  |  Rapport  sur 
l'opéra,  présenté  au  corps  municipal  le 
il  août  1791 ,  Paris ,  1791 ,  in-8°. 

LERUELZ.  Voyez  LAIRUELS. 

LEÎ5.Y.  Voyez  LERL 

LESAGE  (  Hervé -Julien  ).  Voyez 
SAGE. 

LESAGE.  Voyez  SAGE  (Alain-René). 

LESBONAX  ,  orateur  et  philosophe  de 
Milylène  au  premier  siècle  de  l'ère  chré- 
tienne, enseigna  la  philosophie  dans  cette 
ville  avec  beaucoup  d'applaudissement. 

II  avait  été  disciple  de  Timocrate ,  mais 
il  corrigea  ce  qui  lui  paraissait  trop  aus- 
tère dans  les  mœurs  et  dans  les  leçons 
de  son  maître.  Ses  compatriotes  eurent 
tant  de  considération  pour  lui  qu'ils  firent 
frapper  sous  son  nom  une  médaille. 
Elle  avait  échappé  jusqu'à  nos  jours  aux 
recherches  des  antiquaires.  Cary,  membre 
de  l'académie  de  Marseille,  l'ayant  recou- 
vrée, la  lit  connaître  dans  ime  Disserta- 
lion  curieuse ,  publiée  en  174i ,  in-12 ,  à 
Paris,  chez  Barrois.  Lcsbonax  avait  mis 
au  jour  plusiexus  ouvrages  ,  mais  ils  ne 
sont  pas  parvenus  jusqu'à  nous.  On  lui 
attribue  néanmoins  |  deux  Harangues. 
que  nous  avons  dans  le  Recueil  des  an- 
ciens orateurs  d'Aide,  Venise,  li>15,  5  vol. 
in- fol.  ;  et  Paris,  Henri  Etienne,  1575  ; 
I  De  figuris  grammaticis ,  publié  pour  la 
première  fois,  à  la  suite  du  traité  d'Am- 
monius;  |  De  ad  finium.  vocabiUorum  dif- 
ftretuiâj  gr.,  par  Valkenaer,  Leyde,  i759, 


2  part.  in-4°  (i).  Potamon,  son  ûls  ,  fui  un 
des  plus  grands  orateurs  de  Mitylène. 

LESCAILLE  (  Jacques  ) ,  poète  et  im- 
primeur hollandais  ,  natif  de  Genève,  fit 
des  vers  heureux ,  et  donna  des  éditions 
très  nettes  et  très  exactes.  L'empereur 
Léopold  l'honora  en  1663  de  la  couronne 
poétique.  Il  mourut  en  1677,  à  67  ans. 

LESCAILLE  (  Catherine  )  ,  surnom- 
mée la  Sapho  hollandaise  et  la  dixième 
Muse,  était  fille  du  précédent.  Née  à 
Amsterdam  vers  1649 ,  elle  était  d'origine 
genevoise.  Elle  surpassa  son  père  par  ses 
vers.  Le  libraire  Ranck,  son  beau-frère, 
recueillit  ses  Poésies  en  5  vol.  in-i°,  1728. 
On  trouve  dans  cette  collection  7  tragé- 
dies qu'on  ne  doit  pas  juger  avec  rigueur. 
Les  règles  y  sont  souvent  violées  ;  mais 
on  y  aperçoit  de  temps  en  temps  des 
étincelles  de  génie.  Catherine  Lascaille 
mourut  le  8  juin  1711. 

LESCARBOT  (  Marc)  ,  avocat  au  par- 
lement de  Paris  ,  natif  de  Vervins  ,  alla 
dans  la  Nouvelle-France  ou  Canada,  et  il 
y  séjourna  quelque  temps.  A  son  retour, 
il  publia  une  Histoire  de  cette  vaste  par- 
lie  de  l'Amérique  ,  1609  ,  in-8°  ;  seconde 
édition  augmentée  ,  1611  ;  avec  de  nou- 
velles additions  ,  1618,  in-8°,  Paris.  Cette 
histoire  était  assez  bonne  pour  sou  temps  ; 
celle  du  père  Charlevotx  l'a  entièrement 
fait  oublier.  Lescarbol  aimait  à  voyager  ; 
il  suivit  en  Suisse  l'ambassadeur  de 
France,  et  il  publia  le  Tableau  des 
treize  cantons,  en  1618  ,  in-4",  en  vers 
fort  plats  et  fort  ennuyeux. 

LESCHASSIER  (  Jacques  ),  avocat 
et  substitut  du  procureur  général  au  par- 
lement de  Paris,  sa  patrie  ,  né  en  1550  , 
mort  en  1625  ,  à  75  ans  ,  se  lia  d'amitié 
avec  Pibrac ,  Pithou ,  Loisel,et  d'autres 
savans  hommes  de  son  siècle.  Pendant 
la  guerre  de  la  ligue  ,  il  sortit  de  Paris 
pour  suivre  Henri  III  et  Henri  IV.  La 
plus  ample  édition  de  ses  OEuvres  est 
celle  de  Paris  en  1652 ,  in-4.°.  Son  petit 
Traité  de  la  liberté  ancienne  et  canoni- 
que de  l'Eglise  gallicane  a  été  plus  ap- 
plaudi des  protestans  que  des  catholiques. 
Sa  Consultation  d'un  Parisien  jtn  faveur 
de  la  république  de  Venise  ,  lors  de  ses 
différends  avec  le  pape  Paul  V,  1606, 
in-A.°,  lui  valut  une  chaîne  d'or.  Leschsis- 
sier  avait  acquis  une  si  grande  réputa 


(i)  L'abbe  Ftllcr  se  In.mpe  en  altribiianl  cercu- 
vrage  à  Lc&bonax  <le  IMilyli'nc.  Il  est  d'un  autre 
graiDmairit^n  fie  mi-rnc  nctn  ,  poslrrictir  »  crAui-CÎ ,  cl 
qui  floiiisji:  i  Cori'.Ui.iiaople. 


LES 


429 


LES 


lion,  qu'il  était  toujours  consulté  sur  les 
matières  civiles  et  canoniques.  Il  a  écrit 
sur  le  droit  de  nature ^  sur  la  loi  saliquej 
etc. 

♦  LESCIIENAULT  de  la  TOUR  (Louis- 
TiiÉODORB  )  ,  voyageur  naturaliste ,  né  à 
Châlons-sur-Saône,  où  son  père  était  pro- 
cureur du  roi,  le  13  novembre  1773,  partit 
l'an  1800,  sur  la  corvette  le  Géographe. 
avec  le  capitaine  Baudin,  Il  ne  revint  pas 
avec  ses  compagnons  de  voyage ,  en  1804, 
ayant  été  laissé  malade  à  Timor;  il  ne  re- 
vit la  France  que  très  long-temps  après, 
rapportant  avec  lui  ime  riche  collection 
et  des  observations  intéressantes.  Son 
Mémoire^  sur  la  végétation  de  la  Nou- 
velle-Hollande et  de  la  terre  de  Van-Die- 
men ,  qui  a  été  imprimé  dans  le  second 
volume  du  Voyage  aux  terres  australes 
de  Pérou  et  Frcycinet,  est  un  des  résultats 
de  ce  premier  voyage  qu'il  termina  i)ar 
une  excursion  aux  Etats-Unis.  Plusieurs 
autres  récits  de  lui  ont  été  publiés  dans  les 
Mémoires  du  Muséum  d'histoire  natu- 
relle. En  1814  ,  Leschenault  partit  pour 
l'Angleterre,  aiin  de  solliciter  de  la  com- 
pagnie des  Indes  la  permission  de  visiter 
rindostan  atlantique  et  Ceylan.  Sir  Jo- 
seph Banks  lui  obtint  toutes  les  recom- 
mandations dont  il  avait  besoin,  et  il  partit 
pour  Calcutta.  Son  séjour  à  Ceylan  a 
procuré  aux  sciences  des  découvertes  in- 
téressantes ;  à  l'île  Bourbon  la  possession 
du  cannelier  le  plus  estimé  ;  et  au  jardin 
du  roi  de  Paris  une  multitude  d'objets 
nouveaux.  Il  procura  aussi  au  Sénégal  un 
très  bel  arbre  de  l'Inde,  qui  a  l'avan- 
tage de  croître  dans  les  sables.  Ce  second 
voyage  dura  quatre  ans.  Dans  un  troi- 
sième entrepris  en  1820  ,  il  vit  le  Brésil, 
Cayenne  ,  et  la  Guyane  hollandaise.  Il  est 
mort  le  14  mars  182G.  On  lui  doit  encore 
une  Notice  sur  l'épizootie  qui  a  régné 
en  1812  sw  les  troupeaux  de  bêtes  à  laine 
des  départemens  méridionaux  de  l'eîn- 
pire,  Paris,  1813  ,  in-S". 

LESCOT  (  Pierre  de  ) ,  seigneur  de 
Clagny  et  de  Clermont  ,  conseiller  au 
parlement  et  chanoine  de  Paris  ,  né  dans 
cette  ville  en  1310,  se  rendit  célèbre  dans 
l'architecture,  qu'il  cultiva  sous  les  règnes 
de  François  1*"^  et  de  Henri  II.  C'est  à  lui 
qu'on  attribue  l'architecture  de  la  Fon- 
laine  des  Saints-Innocens  ^  rue  Saint-De- 
nis, admirée  des  connaisseurs  pour  sa 
belle  forme ,  son  élégante  simplicité ,  ses 
ornemens  sages  et  délicats ,  et  ses  bas-re- 
liefs, dont  le  fameux  Goujon  a  été  le  sculp- 
teur. L'un  et  l'autre  ont  aussi  travaillé 


de  concert  au  Louvre.  1,0.  façade  de  l'hor- 
loge.  seule  partie  de  son  ouvrage  qui 
subsiste  encore,  est  regardée  comme  un 
chef-d'œuvre.  Il  mourut  à  Paris,  en  1571, 
âgé  d'environ  GO  ans. 
LESCUN.  Voyez  FOIX  (Thomas  de  ) 
*  LESCURE  (  Louis-Marie  ,  marquis 
de), général  des  armées  vendéennes,  né 
le  13  octobre  1766,  d'une  famille  distin- 
guée du  Poitou  et  originaire  de  l'Albi- 
geois ,  fut  élevé  à  l'école  militaire  et  en 
sortit  à  l'âge  de  16  ans.  Nommé  comman- 
dant d'une  compagnie  de  cavalerie  du 
régiment  de  Royal-Piémont,  il  resta  dans 
ce  corps  jusqu'en  1791,  époque  à  laquelle, 
suivant  l'exemple  des  gentilshommes  qui 
émigraient,  il  se  rendit  au-delà  des  fron- 
tières ;  mais  à  peine  les  eut-il  dépassées, 
qu'il  rentra  en  France  et  revint  à  Paris. 
Le  spectacle  des  crimes  dont  il  était  té- 
moin allait  le  déterminer  à  émigrer  de 
nouveau  lorsque  Louis  XVI  le  retint  dans 
la  capitale.  Cet  infortuné  monarque  ,  me- 
nacé des  plus  grands  dangers,  avait  be- 
soin de  serviteurs  lidèles,  et  malheureu- 
sement il  n'en  voyait  pas  un  grand  nom- 
bre autour  de  lui.  Dans  la  journée  du  10 
août  ce  fut  en  vain  que  Lescure ,  secondé 
de  Larochejaqueiein  [voy.  ce  nom)  et  de 
quelques-uns  de  ses  amis  ,  donna  des 
preuves  du  dévouement  le  plus  héroïque 
Le  meilleur  des  rois  fut  obligé  de  cher- 
cher un  refuge  au  milieu  de  ses  ennemis, 
qui  le  conduisirent  dans  une  prison ,  et 
de  là  sur  l'échafaud.  Le  marquis  se  retira 
alors  dans  son  château  de  Clisson  près 
deBressuire.  Peu  de  temps  après,  le  gou- 
vernement révolutionnaire  ayant  ordonné 
une  levée  de  500  mille  hommes,  les 
paysans  du  Poitou  se  révoltèrent,  et  l'in- 
surrection éclata  à  Saint  -  Florent.  Elle 
n'eut  pas,  pour  le  moment ,  des  suites  sé- 
rieuses ;  mais  le  mécontentement  général 
fermentait ,  se  propageait,  et  finit  par 
porter  les  paysans  à  se  choisir  leurs  sei- 
gneurs pour  chefs,  afin  de  combattre  les 
républicains.  Larochejaqueiein  se  trouvait 
chez  son  cousin  Lescure  ,  dont  les  pro- 
priétés touchaient  presque  aux  siennes  ^ 
lorsque  les  paysans  vinrent  le  proclamer 
leur  chef.  Il  n'hésita  point  sur  le  parti 
qu'il  devait  prendre,  et  Lescure  l'y  encou- 
ragea .  Larochejaqueiein  se  rendit  vers 
Chàtillon;  mais  les  paysans  des  environs 
de  Clisson  se  soumirent  aux  républicains 
et  des  troupes  inondèrent  bientôt  le  pays. 
Le  marquis  de  Lescure  et  sa  famille  fu- 
rent retenus  prisonniers  dans  le  diàteau 
de  Brcssuire  ;  au  bout  de  quelques  jours 


LES 


450 


LES 


une  armée  vendéenne  vint  le  délivrer  ; 
elle  précéda  celle  de  Larochejaquelein, 
qui  venait  de  triompher  à  Chàtillon.  Pro- 
clamé un  des  principaux  chefs  de  l'armée 
royaliste,  Lescure  donna  des  preuves  du 
courage  le  plus  brillant.  Les  républicains 
gardaient  un  point  devant  Thouar s  ;  Les- 
cure s'y  précipite  le  premier,  les  siens  le 
«uivent,  et  ils  mettent  en  fuite  les  répu- 
blicains. Peu  de  temps  après  ,  afin  de  dé- 
livrer des  prisonniers  vendéens  ,  il  entra 
seul  dans  Fontenay  ;  son  exemple  encou- 
ragea ses  soldats ,  et  ses  compagnons  d'ar- 
mes furent  sauvés.  ASaumur,  il  reçut 
une  blessure  assez  grave  :  au  combat  de 
Torfou  il  montra  une  valeur  héroïque  et 
battit  l'ennemi  ;  ce  fut  le  dernier  succès 
des  Vendéens  sur  la  rive  gauche  de  la 
Loire.  Cependant  ils  parvinrent  à  repous- 
ser pendant  dix  à  douze  jours  les  troupes 
de  Klcber.  Au  dernier  combat  contre  ce 
général  ,  Lescure  ,  voyant  que  l'ennemi 
allait  leur  arracher  la  victoire  ,  mit  pied 
à  terre,  et  cria  aux  paysans  découragés  : 
«  Y  a-t-il    quatre  cents    hommes     assez 

»  braves  pour  venir  périr  avec  moi ? 

»  —  Oui  ,  monsieur  le  marquis.... ,  »  ré- 
pondirent les  paysans  de  la  paroisse  des 
Ecliaubroignes.  Il  se  mit  à  leur  léte  ,  et 
tint  ferme  pendant  deux  heures,  tandis 
que  le  reste  de  l'armée  se  retirait  en  bon 
ordre.  A  la  malheureuse  affaire  de  la 
Tremblaye,  après  s'être  battu  comme  un 
lion,  il  fut  atteint  d'uxie  balle  qui  le  ren- 
versa de  cheval.  Relevé  par  un  de  ses  do- 
mestiques ,  il  fut  obligé  de  suivre  sur  un 
brancard  l'armée  vendéenne  ,  qui  ,  après 
la  défaite  de  Chollet  (  voyez  LAROCHE- 
JAQUELEIN ) ,  se  vit  forcée  de  passer  la 
Loire.  Sur  le  point  de  descendre  au  tom- 
beau, Lescure  aida  de  ses  conseils  et  de  son 
exemple  ses  vaillans  compagnons  :  il  con- 
tribua puissamment  à  faire  nommer  son 
cousin,  Larochejaquelein ,  généralissime 
de  l'armée.  Le  passage  de  la  Loire  ayant 
éfé  effectué,  non  sans  de  grands  obstacles, 
Lescure  fut  contraint  de  suivre  la  mar- 
che précipitée  des  «troupes  vendéennes. 
Lo6  revers  multipliés,  le  manque  de  re- 
pos ,  et  parfois  de  secours ,  envenimè- 
rent sa  blessure  ,  déjà  très  grave,  et  pen- 
dant une  marche  de  l'armée  entre  Ernée 
et  Fougères ,  ce  valeureux  chef  rendit  le 
ticrnier  soupir,  le  3  novembre  1793  :  il 
n'avait  que  27  ans.  Sa  mort ,  digne  à  la 
fuis  d'un  fidèle  royaliste  et  d'un  vérita- 
ble chrétien  ,  fut  accompagnée  des  lar- 
me» de  toute  l'armée.  Son  épouse  ,  M"' 
^e  Donnissan,  au  désespoir,  l'assista  dans 


ses  derniers  momens.  Elle  a  publié  des 
Mémoires  sur  son  brave  et  vertueux 
époux,  l'un  des  plus  héroïques  défen- 
seurs de  la  cause  des  Bourbons.  Lescure 
était  aussi  humain  que  brave;  et,  au 
moment  où  les  deux  armées  se  per- 
mettaient le  terrible  droit  des  repré- 
sailles, que  chaque  général  combattait 
son  ennemi  corps  à  corps  comme  un  sim- 
ple soldat ,  et  que  lui-même ,  Lescure , 
donnait  des  preuves  de  la  valeur  la  plus 
insigne ,  il  ne  laissa  jamais  péiùr  ni  même 
mallraiterun  prisonnier,  et  ne  tua  jamais 
un  seul  homme.  Le  trait  suivant  peindra 
mieux  que  tous  les  éloges  la  générosité 
de  son  caractère.  Un  républicain  tire  un 
jour  sur  lui  à  bout  portant  :  il  écarte 
froidement  le  fusil,  et  dit  aux  siens  : 
«  Emmenez  ce  malheureux....  »  Mais 
aussitôt,  et  à  son  insu,  les  paysans  le  mas- 
sacrèrent ;  il  court  pour  les  en  empêcher; 
il  étail  trop  tard.  Alors  cet  homme ,  na- 
turellement doux  et  pacifique,  jure  et  se 
livre  à  la  plus  violente  colère  :  on  ne 
l'avait  jamais  vu  aussi  irrité.  C'était  la 
première  fois,  disait-il,  qu'il  s'était  permis 
des  juremens ,  et  il  en  parut  confus  et  re- 
pentant Tous  les  chefs  de  l'armée  ven- 
déenne ont  immortalisé  leurs  noms  par 
leur  fidélité  et  leurs  exploits.  Ceux  de 
Larochejaquelein,  de  Charette,  etc. ,  pa- 
raîtront peut-être  encore  plus  brillans  que 
celui  de  Lescure  ,  mais  aucun  ne  s'est  ac- 
quis une  gloire  plus  pure  et  plus  digne 
d'un  soldat  chrétien.  Lescure  avait  fait 
de  très  bonnes  études  militaires,  c'était 
sans  contredit  l'officier  le  plus  instruit 
de  l'armée  vendéenne.  Il  était  naturelle- 
ment pieux  et  avait  des  mœurs  aus- 
tères 

LESDIGUIÈRES  (François  de  BONNE, 
duc  de  ) ,  l'un  des  principaux  capitaines 
de  Henri  IV,  né  à  Saint-Bonnet  de  Champ- 
saur,  dans  le  ïlaul-Dauphiné  ,  en  1545, 
d'une  famille  ancienne,  porta  les  armes 
de  fort  bonne  heure  ,  et  avec  beaucoup 
de  valeur.  Simple  archer  en  -1562,  ses 
grandes  qualités  pour  la  guerre  le  firent 
choishr  pour  chef  par  les  calvinistes,  après 
la  mort  de  Montbrun  en  1573.  Il  fil 
triompher  leur  parti  dans  le  Dauphiné, 
et  conquit  plusieurs  places.  Henri  IV, 
qui  faisait  grand  cas  de  lui  lorsqu'il  n'é- 
tait encore  que  roi  de  Navarre,  lui  donna 
toute  sa  confiance  lorsqu'il  fut  monté  sur 
le  trône  de  France.  Il  le  fit  lieutenanl^gé- 
néral  de  ses  armées  de  Piémont ,  de  Sa- 
voie et  de  Dauphiné.  Lesdiguières  rem- 
porta de  grands  avantages  sur  le  duc  de 


LES  ho 

Savoie,  qu'il  défit  aux  combats  d'Espar- 
roii  en  1591,  de  Vigort  en  1592,  de  Gresl- 
lane  en  1597.  On  raconte  un  fait  qui  fait 
lionneur  à  la  sagacité  de  ce  général.  Le 
duc  de  Savoie  bâtissait  le  fort  de  lîarraux 
sur  les  terres  de  France  et  en  face  de 
l'armée  que  commandait  Lesdiguières  , 
sans  que  celui-ci  y  mît  la  moindre  oppo- 
sition. En  ayant  reçu  des  reproches  de  la 
part  du  roi,  il  répondit  :  «  Puisque  le  duc 
r  veut  faire  la  dépense  de  ce  fort ,  il  faut 
»  le  laisser  faire  ;  quand  il  sera  fini,  je 
»  m'engage  à  le  prendre.  »  Il  tint  parole  , 
et  en  deux  heures  le  fort  tomba  au  pou- 
voir des  Français.  Ses  services  lui  méri- 
tèrent le  bâton  de  maréchal  de  France 
en  1608.  Sa  terre  de  Lesdiguièrcs  fut  éri- 
gée en  duché-pairie.  Quelque  temps  après 
la  mort  de  Henri  IV  ,  il  servit  utilement 
Louis  XIII  contre  les  huguenots,  dont  les 
rébellions  continuelles  lui  étaient  enfin 
devenues  odieuses.  Il  assiégea  en  1G21 
Saint-Jean-d'Angély  et  Montauban.  Ce 
grand  général  s'y  exposa  en  soldat.  Ses 
amis  le  blâmant  do  cette  témérité  :  «  Il 
»  y  a  soixante  ans,  leur  dit-il,  que  les 
»  mousquetades  et  moi  nous  nous  con- 
»  naissons.  »  L'année  d'après,  il  abjura  le 
calvinisme  à  Grenoble ,  et  reçut  à  la  fin 
de  la  cérémonie,  des  mains  du  maréchal 
de  Créqui  son  gendre,  des  lettres  de  con- 
nétable, /;oz«r«voîV  toujours  été  vainqueur 
et  n'avoir  jamais  été  vaincu.  En  1625  , 
il  prit  quelques  places  sur  les  Génois;  il 
se  signala  à  la  bataille  de  Bestagne ,  et  fit 
lever  le  siège  de  Vérue  aux  Espagnols.  Les 
huguenots  du  Vivarais  avaient  profité  de 
son  absence  pour  prendre  les  armes  ; 
Lesdiguièies  parut ,  et  ils  tremblèrent. 
Ayant  mis  le  siège  devant  Valence,  il  fut 
attaqué  d'une  maladie  dont  il  mourut  en 
1626  ,  à  ^k  ans.  Sa  répvitation  était  si 
grande  en  Europe,  que  la  reine  Elizabeth 
d'Angleterre  disait  que  «  s'il  y  avait  deux 
»  Lesdiguières  en  France,  elle  en  deman- 
»  derail  un  à  Henri  IV.  »  Les  lecteurs  qui 
voudront  connaître  plus  particulièrement 
ce  grand  homme  ,  peuvent  consulter  sa 
Kte ^  par  Louis  Videl ,  son  secrétaire, 
in-fol.,  1638  ;  ouvrage  curieux  et  intéres- 
sant, quoique  écrit  d'une  manière  ampou- 
lée. L'auteur  ne  dissimule  point  les  vices 
4le  son  héros,  tels  que  son  avidité  pour  les 
richesses ,  ses  débauches  publiques  avec 
la  femme  d'un  marchand  ,  les  mariages 
incestueux  qu'il  fit  faire  dans  sa  famille 
pour  y  conserver  ses  terres,  etc. 

LESDIGUIÈRES.  Foyez  CRÉQUI 
CCbarles.) 


1  LES 

LESEUR.   Voyez  JACQUIER. 

LESLEY  (on  prononce  LELIE) ,  Zg*. 
lœus  (  Je,v\  ),  évêque  de  Ross  en  Ecosse, 
né  en  1527,  était  d'une  des  plus  nobles 
familles  de  ce  royaume  ;  il  fut  ambassa- 
deur, en  1571,  de  la  reine  Marie-Stuart  à 
la  cour  d'Angleterre,  et  y  souffrit  de 
grandes  persécutions.  Il  rendit  di.s  ser- 
vices imporfans  à  cette  princesse  ,  et  u(v 
gocia  pour  sa  liberté  à  Rome,  à  Vienne 
et  dans  plusieurs  autres  cours.  Il  fonda 
trois  séminaires  pour  les  Ecossais  ,  l'un  à 
Rome  ,  l'autre  à  Paris  ,  et  le  troisième  à 
Douai  ,  et  exerça  pendant  sept  ans  les 
fonctions  épiscopales  dans  le  diocèse  do 
Mafines.  Il  mourut  à  Bruxelles,  le  51  mai 
1596.  On  a  de  lui  une  Histoire  d'Ecos-ie 
en  latin,  sous  ce  titre  :  De  origine ^  mo~ 
ribus  et  rébus  gestis  Scotorum^  Rome  , 
lo78  ,  1  vol.  in-4°  ;  et  quelques  écrits  en 
faveur  du  droit  de  la  reine  Marie  et  de 
son  fils  à  la  couronne  d'Angleterre.  Les 
protestans  ont  accusé  son  Histoire  de 
partialité;  mais  elle  ne  pouvait  manquer 
d'essuyer  ce  reproche  de  leur  part,  à 
moins  d'en  arracher  les  faits  les  plus 
vrais  et  les  plus  connus.  Voyez  KING. 

LESLEY  (  Charles  )  Lelie  ,  évêque  de 
Carlisle ,  mort  en  1722  ,  fut  tout  à  la  fois 
zélé  défenseur  du  christianisme  ,  et  zélé 
partisan  de  la  maison  de  Stuart.  Il  est 
auteur  de  plusieurs  traités  estimés  des 
anglicans  :  |  Méthode  courte  et  facile 
contre  les  déistes^  h»-8",  traduite  en  la- 
tin, in-/j."  ;  I  Méthode  courte  et  facile  con- 
tre les  Juifs^  plus  étendue  que  la  précé- 
dente, et  tirée  en  partie  de  l'ouvrage  de 
Limborch,  intitulé  :  Arnica  coUatio  cum 
e7'udito  Judœo  (  voyez  LIMBORCH  ) 
I  Défense  de  la  méthode  contre  les  dé/s-- 
tes  ;  I  Lettre  sur  le  dieu  des  Siamois , 
Satn7nonochodon  ;  \  Lettre  à  un  déiste 
converti;  \  La  vérité  du  christianisme 
démontrée,  dialogue  entre  un  chrétien  et 
un  déiste  ,  1711,  in-8°;  |  Dissertation  sur  le 
jugement  particulier  et  sur  l'autorité  en 
matière  de  foi.  Tous  ces  écrits,  excepté 
le  sixième  ,  traduits  de  l'anglais  par  le 
père  Houbigant  de  l'Oratoire,  ont  parti 
à  Paris,  l'an  1770,  en  un  vol.  in-8**. 

LESMAN  (Gaspard),  habile  graveur 
en  pierres  fines,  vivait  à  la  fin  du  16' 
siècle,  sous  l'empereur  Rodolphe  II ,  dont 
il  était  valet  de  chambre.  Il  a  découvert 
une  nouvelle  méthode  de  graver.  C'est  à 
cette  pratique  ,  conservée  dans  les  fabri- 
ques de  Bohème ,  qu'on  doit  ces  ouvrages 
de  verre  dont  la  délicatesse  et  le  grand 
fini  étonnent  même  les  connaisseurs. 


LES 


452 


LES 


Î.ESSEVILLE(EcsTAcnE  le  CLERC  de), 
d'î  Paris ,  d  une  famille  noble,  se  signala 
lellcment  dans  ses  études ,  qu'il  fut  choisi 
recteur  de  l'université  de  celte  ville  avant 
I  âge  de  20  ans.  Il  devint  docteur  de  la 
maison  et  société  de  Sorbonne  ,  l'un  des 
aumôniers  ordinaires  du  roi  Louis  XIII , 
conseiller  au  parlement,  et  enfin  évoque 
de  Coutances.  Il  s'acquit  l'estime  et  l'a- 
mitié de  ses  diocésains,  et  fut  l'arbitre 
des  affaires  les  plus  importantes  de  la 
province.  Une  connaissance  profonde  de 
la  théologie  et  de  la  jurisprudence  le  ren- 
dirent particulièrement  recommandable. 
Cet  illustre  prélat  mourut  à  Paris  en  I6GS, 
pendant  l'assemblée  du  clergé ,  à  laquelle 
il  était  député. 

*  LESSIAG  (Gotthold-Ephraim)  ,  un 
des  écrivains  allemands  qui  ont  rendu  le 
plus  de  services  à  la  littérature  de  son 
pays ,  naquit  à  Kamcnz  dan^  la  Lusace , 
le  22  janvier  1729,  et ,  après  avoir  reçu 
les  premières  leçons  de  son  père ,  minis- 
tre luthérien,  fut  confié  aux  soins  d'un 
précepteur  nommé  Mylius,  dont  le  frère 
devint  plus  tard  l'ami  intime  de  Leissing. 
Les  succès  précoces  de  l'enfant  exigeant 
un  plus  grand  développement  dans  l'in- 
struction qui  lui  était  donnée  ,  il  fut  en- 
voyé au  collège  de  Meissen ,  puis  acheva 
ses  études  à  Leipsick  où  il  se  rendit  en 
17i6.  Il  suivit  les  conférences  du  célèbre 
Kaeslner ,  demeura  quelque  temps  à  Ber- 
lin, et  se  rendit  ensuite  à  Wittenberg, 
où  il  fut  reçu  maître-ès-arls.  Plus  tard  il 
fut  chargé  à  Leipsick  de  l'éducation  du 
fils  d'un  riche  négociant,  qu'il  accompa- 
gna dans  ses  voyages  en  Saxe  et  en  Hol- 
lande. Après  avoir  séjourné  quelque 
temps  à  Leipsick  ,  après  son  retour ,  il  se 
fixa  à  Berlin,  où  il  fut  nommé  membre 
honoraire  de  l'académie  des  sciences  en 
1760  ;  peu  après  il  quitta  la  capitale  de  la 
Prusse  ,  pour  aller  occuper  à  Breslau ,  la 
place  de  secrétaire  du  gouvernement  au- 
près du  général  Faunzein.  Il  conserva  ce 
poste  pendant  cinq  ans  ,  au  bout  desquels 
il  revint  à  Berlin  en  1767  ,  et  s'établit  à 
Hambourg ,  où  une  société  d'amis  de  l'art 
dramatique  l'appela ,  en  lui  offrant  des 
conditions  avantageuses.  En  1770,  il  fut 
nommé  bibliothécaire  de  Wolfenbuttel  et 
conseiller  aulique.  Ayant  ensuite  obtenu 
en  1773  la  permission  de  voyager,  Les- 
sing  alla  à  Vienne  ,  où  il  trouva  le  prince 
Lcopold  de  Brunswick,  avec  lequel  il 
partit  pour  l'Italie.  Mais  il  ne  put  visiter 
que  le  nord  de  cette  terre  classique  des 
boaux-arts,  et  au  bout  de  8  mois  il  revint  à 


Wolfenbuttel ,  où  il  termina  le  13  février 
1781 ,  à  l'âge  de  52  ans  ,  une  carrière  qui 
n'avait  pas  été  sans  chagrins.  Il  avait  été 
surtout  profondément  affecté  de  la  perle 
de  sa  femme  morte  en  1778.  Lessing  était 
très  versé  dans  les  belles-lettres,  la  philo- 
sophie ,  les  mathématiques  ,  les  langues 
anciennes  cl  modernes.  Ses  nombreux 
ouvrages  ont  exercé  la  plus  grande  in- 
fluence en  Allemagne  ,  et  la  plupart  sont 
regardés  comme  classiques.  La  langue  al- 
lemande lui  doit  cette  précision ,  celte 
élégance  et  même  cette  douceur  dont  on 
ne  la  croyait  pas  susceptible.  J.  Ad. 
Schlegel ,  Mylius ,  Zachariae ,  Wcisse  , 
Kaeslner ,  etc.  furent  ses  amis.  Ses  prin- 
cipales productions  sont  :  I  Mémoires  pour 
servir  à  l'histoire  et  aux  progrès  du  théâ- 
tre^ Berlin  ,  175 ;  |  des  Fables  avec 

une  Théorie  sur  l'jpologue;  elles  ont 
été  traduites  en  français  par  d'Antelmy, 
Paris,  1764,  in-12.  Le  principal  tort  de 
ces  fables  est  d'être  en  prose  ,  et  l'au- 
teur parait  l'avoir  reconnu  lui-même 
quand  il  écrivait  :  «  J'ai  mieux  aimé 
B  prendre  une  route  différente  et  plus 
B  mauvaise ,  que  de  m'exposer  au  dan- 
B  ger  d'une  comparaison  défavorable  avec 
»  les  Gleim  et  les  Lafonlaine  »  |  La  Fie  de 
Sophocle  ;  \  Lettre  sur  la  Littérature  ; 
I  Laocoon^  ou  des  limites  respectives  de 
la  peinture  et  de  la  poésie  ,  Berlin,  1765. 
Cet  ouvrage  est  très  estimé  ;  il  a  été  tra- 
duit en  français  par  M.  Vandcrbourg, 
Paris ,  1802  ;  |  De&  Images  de  la  mort 
chez  les  anciens.  1763.  Cet  écrit,  ainsi 
que  le  précédent,  traite  de  la  théorie  di» 
beau  dans  les  arts.  On  trouve  une  tra- 
duction de  ce  dernier  ouvrage  dans  le 
Recueil  de  pièces  intéressantes  concer- 
nant les  antiquités  >  Paris  ,  1786.  Lessiiij 
engage  les  peintres  à  offrir  l'image  de  la 
mort  sous  la  figure  d'un  ange ,  et  non 
sous  celle  d'un  squelette,  fondé,  entre 
autres  choses,  sur  un  passage  de  l'Ecii- 
ture  qui  parle  d'un  ange  de  la  mort. 
I  Dramaturgie ,  ou  Préceptes  sur  l'art 
dramatique  :  cet  ouvrage  parut  par  nu- 
méros à  Hambourg  en  1767  et  1768.  L'au- 
teur prétend  que  les  Français ,  dans  leul 
théorie  dramatique  ,  ont  mal  compris  les 
Grecs  :  il  critique  sévèrement  les  prin- 
cipales pièces  de  Voltaire  et  de  plusieurs 
autres  auteurs  français  ;  et ,  sans  attaquer 
Racine  ,  il  semble  présenter  la  correction 
de  cet  illustre  poète  comme  sa  qualité  do- 
minante. Cet  ouvrage  de  Lessing,  où  l'on 
remarque  beaucoup  de  prévention  natio- 
nale ,  est  cependant  plein  d'éloquence  et 


LES  4 

d'érudition.  Il  a  été  traduit  en  français 
par  Cacaiilt,  revu,  corrigé  et  ptiblié  par 
G.-A.  Junker,  Paris,  1783,  2  vol.  in-8". 
I  Mémoires  historiques  et  littéraires  ^  ti- 
rés des  trésors  de  la  Bibliothèque  ducale 
de  TFolfenbuttel ,  1773  ;  |  Fragmens  d'un 
inconnu;  \  Pope  métaphysicien,  ou  Exa- 
men du  système  de  ce  poète  philosophe  ; 
I  Ernest  et  Falk.  dialogue  pour  les  francs- 
maçons.  Lessing  a  fait,  en  outre  ,  en  al- 
lemand ,  les  traductions  suivantes  ;  |  Exa- 
man de  los  Ingénias,  ou  Examen  des  es- 
p?its . propres  aux  sciences,  par  D.-J. 
Huartc ,  espagnol  ;  |  Histoire  des  Arabes 
sous  les  califes  ,  par  l'abbé  Marigny  ; 
I  Système  de  philosoj)hie  morale,  par 
l'anglais  Hutcheson  ;  |  Le  théâtre  de  Di- 
derot. On  cite  parmi  ses  pièces  :  Le  Jeune 
Sav^ant  ;  Les  Juifs ,  Le  Misogyne  (ou  En- 
nemi des  femmes) ,  IJ esprit  fort.  Lessing 
a  donné  ces  comédies  à  l'âge  de  20  à  22 
ans.  Le  Trésor,  imité  de  Plaute  ;  Miss  Sara 
Samson,  1773,  première  tragédie  bour- 
geoise allemande;  Philofas,  tragédie, 
i7b9',  Emilia  Galottt,lTasédie,  1772;  Âfin- 
nade  Barnhelm,  comédie  en  prose,  1763, 
imitée  par  Rochon  de  Chabanne ,  sous 
le  titre  des  Amans  généreux ,  in k-,  Na- 
than le  Sage,  1779 ,  pièce  trop  longue  pour 
être  représentée  ,  mais  qui  eut  à  la  lecture 
un  prodigieux  succès  ;  elle  est  tirée  d'une 
Nouvelle  de  Boccace  ,  et  a  été  imitée  par 
Chénier;  Minna  de  Barnhelm,  Nathan 
le  Sage  ,  et  Emilia  Galotti,  ont  été  tra- 
duites par  M.  de  Barante ,  dans  les  chefs- 
d'œuvre  des  Théâtres  étrangers  ,  publiés 
par  Ladvocat.  Les  OEuvres  de  Lessing 
ont  été  imprimées  à  Berlin  par  Voss  ,  50 
vol.  in-18  ,  1771-1794.  Ils  se  terminent  par 
la  Correspondance  de  l'auteur  avec  les 
littérateurs  les  plus  renommés  de  l'Alle- 
magne. Parmi  les  Notices  écrites  sur  Les- 
sing, la  plus  étendue  est  celle  qui  se 
trouve  dans  le  Dictionnaire  des  poètes  et 
prosateurs  allemands,  de  Joerdens,  tome 
4*.  Quoiqu'il  lût  avec  une  espèce  de  pré- 
dilection les  écrits  de  Diderot ,  Lessing  le 
considérait  cependant  «  comme  un  de  ces 
»  philosophes  qui  cherchent  beaucoup 
»  plus  à  rassembler  qu'à  dissiper  les  nua- 
■  ges  :  partout  où  ils  portent  leurs  yeux , 
»  dit-il ,  on  voit  s'ébranler  les  bases  des 
»>  vérités  les  mieux  établies...  »  Malgré 
cet  aveu,  Lessing  mérita  le  même  repro- 
che dans  ses  fameux  Fragmens  d'un  in- 
connu, ouvrage  qui  lui  suscita  de  justes 
critiques  de  la  part  des  théologiens....  «  Il 
»  était  convaincu,  dit  un  de  ses  biogra- 
*  phes ,  que  la  publication  de  ses  f rag- 
f. 


3  LES 

»  mens  devait  cire  utile  à  la  religion ,  en 
»  provoquant  l'examen  et  la  réfutation 
I)  des  objections  qu'ils  contenaient  contre 
»  plusieurs  points  du  christianisme,  tels 
D  que  la  révélation ,  la  résurrection ,  le 
»  but  de  Jésus-Christ  et  de  ses  disci- 
i> pies,  etc..  »  Ce  moyen  de  faire  triom- 
pher les  dogmes  de  la  religion  chrétienne 
parait  tout-à-fait  étrange  :  c'est  comme  si 
l'on  blessait  de  plusieurs  coups  de  poi- 
gnard un  homme  innocent  et  respecta- 
ble, pour  avoir  ensuite  le  plaisir  ,  d'ail- 
leurs incertain,  de  le  voir  guérir  et  jouir 
d'une  meilleure  santé.  Les  Fragmem 
d'un  inconnu  furent  vivement  réfutés  par 
Semler,  Dœderlein.  le  ministre  fjoëze,  etc. 
Quelque  temps  auparavant ,  Lessing  avait 
publié  un  ouvrage  de  Bérenger  sur  V Eu- 
charistie,  qu'il  avait  trouvé  manuscrit 
dans  la  bibliothèque  de  Wolfenhutlel.  Il 
y  joignit  une  Préface  où  il  explique  les 
nombreuses  variations  du  fameux  archi- 
diacre d'Angers;  il  tâche  de  combattre 
l'autorité  des  anathèmes  lancés  contre 
l'auteur,  et  quelques  synodes  ou  conciles 
tenus  à  ce  sujet ,  dont  même  il  révoque 
en  doute  l'existence  ;  il  veut  prouver  en- 
fin que  l'ouvrage  sur  l'eucliaristie  est  pos- 
térieur aux  autres  ouvrages  de  Bérenger. 
Dans  sa  Dramaturgie  (  T'  part. ,  p.  24  ) , 
il  semble  indigné  contre  un  vers  d'une 
tragédie  dont  le  sens  est  qxie  le  ciel  par- 
donne ,  mais  qu'un  prêtre  ne  pardonne 
jamais  ;  et  il  ajoute  :  «  Dans  toutes  les  re- 
n  ligions  ,  des  prêtres  ont  fait  du  mal , 
»  non  comme  prêtres ,  mais  comme  scé- 
»  lérals ,  et  ils  auraient  profité  ,  pour  sa- 
I)  tisfaire  leurs  passions,  des  privilèges 
»  de  tout  autre  état.  »  Le  mélange  de  poi- 
son et  d'antidote  que  renferme  cette 
maxime  n'en  écarte  pas  la  n-ortelle  amer- 
tume ,  et  il  aurait  mieux  valu ,  pour  la 
réputation  de  Lessing  et  pour  sa  propre 
tranquillité ,  qu'il  eût  mieiix  connu  ou 
plus  respecté  les  vérités  concernant  l'E- 
glise. Mais  il  voulait  dogmatiser  à  tous 
risques  et  périls.  Aussi  en  même  temps 
qu'il  reproche  (t.  30  ,  p.  537  )  aux  ortho- 
doxes {\\\'(hi'v\&n%)leur intolérance ,  il  dit 
être  convaincu  que  les  théologiens  de  la 
nouvelle  école,  si  on  leur  permet  de  pren- 
dre le  dessus,  finiront  par  tyranniser  plus 
que  n'ont  jamais  fait  les  premiers  Voilà 
les  théologiens  luthériens  accusés  d'into- 
lérance par  un  de  leurs  sectaires ,  eux 
qui  ont  accusé  les  théologiens  catholiques 
d'être  des  despotes  inlolérans.  Au  reste  , 
ce  n'est  point  à  ceux  de  ses  écrits  qui 
contiennent  ces  principes  que  Lessing 
37 


LES 


434 


LES 


doit  sa  célébrité,  il  était  là  comme  hors 
de  sa  roule  ,  et  ne  pouvait  que  s'égarer. 
On  peut  consulter  sa  vie  par  son  frère  ; 
le  T^écrologe  de  Schmid ,  etc. 

LESSIUS  (  LÉONARD  ) ,  né  à  Brechtan , 
village  près  d'Anvers  ,  en  1554,  prit  l'ha- 
bit de  jésuite  l'an  1572,  et  professa  avec 
distinction  la  philosophie  pendant  sept 
ans  à  Douai ,  et  la  théologie  à  Louvain 
depuis  l'an  1583  jusqu'en  460S.  Il  fit  sou- 
tenir ,  de  concert  avec  Hamélius ,  son  con- 
frère ,  en  1586 ,  des  Thèses  qui  parais- 
saient opposées  aux  senlimens  de  saint 
Thomas.  La  faculté  de  théologie  de  Lou- 
vain censura  34  propositions  tirées  des 
thèses  de  Lessius.  Elle  crut  voir  que  le 
jésuite,  en  combattant  le  hàianisme ^  s'é- 
tait jeté  dans  le  semi-pélagianisme.  Sta- 
pleton  ,  professeur  à  Louvain,  se  déclara 
contre  cette  censure  dans  une  lettre  à  i'é- 
vèque  de  Middelbourg,  insérée  dans 
l'Histoire  des  congrégations  De  auxiliis 
du  père  de  Meyer,  p.  32.  L'université  de 
Douai  se  joignit  à  celle  de  Louvain.  Il 
1  ègne  dans  la  censure  de  Douai  un  air  de 
vivacité  qui  montre  un  peu  de  passion. 
Lessius  en  ayant  appelé  à  Rome,  Sixte  V 
lit  examiner  dans  une  congrégation  la 
doctrine  condamnée  dans  Lessius,  et 
après  un  rigoureux  examen ,  ses  propo- 
sitions furent  déclarées  sanœ  doctrinœ 
articuli.  La  censure  fut  cassée  et  le  juge- 
ment pontifical  publié  à  Louvain ,  par 
ordre  du  nonce  Octavio,  évêque  de  Ca- 
jazzo  en  1388.  Quesnel  et  Gerberon  pu- 
blièrent chacun  une  Apologie  historique 
de  la  Censure  ;  mais  ces  deux  apologies 
furent  condamnées  par  Iimocent  XII  en 
1097.  Lessius  fil  déclarer  pour  lui  les  ufii- 
versités  de  Mayence,  de  Trêves  et  d'In- 
golsladt.  On  peut  voir  ce  qui  regarde 
cette  affaire,  amplement  détaillé  par  Ha- 
bert ,  évêque  de  Vabres  ,  dans  son  livre 
De  la  défense  de  la  foi  sur  la  grâce^ 
chap.  14,  §  3.  On  sait  que  Habert  n'était 
pas  favorable  aux  jésuites  ,  et  sa  relation 
acquiert  par  là  une  considération  particu- 
lière :  elle  est  toute  à  la  décharge  de  Les- 
sius. Ce  jésuite  célèbre  mourut  en  1623, 
à  69  ans.  Il  savait  la  théologie ,  le  droit , 
les  mathématiques,  la  médecine  et  l'his- 
toire ;  ses  ouvrages  en  sont  un  témoi- 
gnage. Les  principaux  sont  :  \  De  justifia 
et  jure  actionum  humanarum  Aibri  IV , 
Anvers,  1021,  Lyon,  1033,  in-fol.  Saint 
François  de  Sales  eslimail  beaucoup  cet 
ouvrage  ,  comme  il  paraît  par  une  lettre 
qu'il  lui  écrivit,  et  dont  l'original  fui 
gardé  jusqu'en  1775  au  collège  des  jésuites 


à  Anvers.  C'est  dans  la  même  lettre  qua 
le  saint  évêque  se  déclare  pour  les  senli- 
mens de  Lessius  sur  la  prédestination  et 
la  grâce  (  i  ).  |  De  potestate  summi  poU' 
tificis,  ouvrage  solide  et  bien  écrit  ;  mais 
dans  lequel  l'auteur  paraît  tenir  encore  à 
l'opinion  de  la  puissance  temporelle  des 
papes  ;  |  Hxjgiaslicon^  seu  ver  a  ratio  va' 
letudinis  bonce  et  vitce^  una  cum  sen- 
suum  et  judicii  et  memoriœ  integritate 
ad  extremam  senectutem  conservandœ  ; 
Anvers  ,  1613  et  1014,  in-8°,  avec  le  traité 
de  Louis  Cornaro  sur  la  même  matière , 
traduit  de  l'italien  par  Lessius ,  Cam- 
bridge ,  1654 ,  in-8°.  Ces  deux  traités  ont 
été  traduits  en  français  par  Séb.  Hardi , 
Paris ,  1646 ,  et  enrichis  de  noies  par  de 
la  Bonnodière  ,  Paris ,  1701  ;  |  plusieurs 


(i)  Le  père  Graveson  {voyet  ce  nom)  ayant  nié  la 
réalité  de  cette  lettre,  on  fit  graver  l'original  en 
1729,  avec  la  plus  grande  exactitude  cbatcograpbi- 
que  ,  et  des  copiei  imfiriraées  aa/ac  simile  en  furent 
répandues  partout.  C'est  sur  une  de  ces  copie»  qui 
deviennent  rares,  que  nous  la  traoscrivons  ElU  est 
S'  propre  i  faire  connaître  le  saint  prélat  et  1".  savant 
religieux,  qu'on  ne  sera  pas  fâché  de  la  trouver  ici. 
•  Admodum  révérende  in  ClirUto  Paler  ,  Ailulit  mi'i 
Palernilalia  Vestrcg  lilleras  dileelissimus  no&it  ma- 
gisler  Gabriel  ,  tjiice  ni  perhonorifica  ,  ila  tl  jucundis- 
simce  mihi  fuerunl .  Amabam  jam  pridem ,  imo  eiiarn 
venerahar  te  nomenque  luum,  mi  Fater,  non  soliim  quia 
toleo  quidijuid  ex  vestfa  illa  SocirtaU  proadit  ma- 
gni/acere ,  led  etiam  quia  sigillatim  de  vêtira  rt«e- 
rentia  multa  audivi  prceclara  primum  ,  deinde  tidi , 
inspexi  et  suspcxi.  P'idi  namque  ante  aliquot  annot 
opus  illud  utilissimum  :  De  justitia  et  juie ,  in  quo  et 
hrcvlter  sirnul  et  lucuienler,  di/ficullales  ilhus  partit 
Iheologiœ,  prce  calerii  autoribus  quos  viderim,  egregit 
solvis.  Vidi  postea  consilium  quod  a  magni  consilii 
angelo  per  le  morlalibus  dalum  est  De  vera  religione 
eligcnda  ,  ac  demum  ohilcr  vidi  in  hibliotheca  cotlegti 
lugdunensis  Iraclalum  De  prœdestioalione  ;  et  quam- 
vis  non  nisi  sparsim,  ut  fi/,  ociilos  in  eum  injicere  con- 
tigerit,  cognovi  tamen,  Falernilalem  ^es/ram  senten- 
tiam  illam,  antiquitale  ,  suavitale  ,  ac  Scriplurarum 
naliva  aulorilate  iiobilissimam.  De  prsdestioatioac  ad 
gluriam  posl  praevisa  opéra  ampUcli  ac  tueri  ;  ,quod 
tara  mihi  gratissimum/uil  qui  nimirum  eam  sempir , 
ut  Dei  misericordice  ac  graliœ  magis  consentaneam  , 
veriorem  ac  amabiliorem  exislimavi ;  quod  eliam 
tanlisper  in  libella  lie  araore  Dei  indicavi.  Cum  igitut 
ila  erga  Falernilalii  Veslrce  merila ,  quam  dudum 
laudaveranl  apud  me  opéra  ejus ,  affectus  essem  ,  m»» 
rifice profecIO  gavisus  sum,  me  libi  vicissim  utrumque 
etiam  earum  esse  ;  quod  ut  semper  conlingat  ,  et  dic- 
lum  magistrum  Gabrielcm  sommmdalissimum  habee, 
et  si  quid  unquam  polero  q/iod  tibi  plactre  cognoscam, 
id  cxequar  quam  impemissime,  Valeal  intérim  reve- 
renda  Faternilas  tua  ,  et  te  Deus  usque  in  tenectaii  tt 
senium  numquam  derelinquat ,  sed  canos  lues  biiiedic 
tionibus  calesllbus  omet  et  tompleal,  Annessi  (iilru- 
ninsium  ,  26  Augnsti  i6i3.  Admodum  Revrrendir  Pa- 
lemilatis  yestrcf  humitlirnus  et  addictiisimus  f rater  tt 
strvus  in    Chrisio    l'ianciscut     episeopus  Gibenneif 


LES 


455 


LES 


Opuscules  recueillis  en  2  vol.  in-fol. , 
pleins  de  lumières  et  de  sentimens,  écrits 
avec  beaucoup  de  clarté ,  d'éléyance  et 
d'intérêt.  On  y  dislingue  le  petit  traité 
De  capessenda  vera  religione^  ouvrage 
qui,  dans  sa  brièveté,  fait  un  excellent 
traité  de  controverse  ,  par  lequel  beau- 
coup d'hérétiques  ont  été  ramenés  à  l'E- 
glise; et  celui />er  Providentia  Numinis  ; 
plein  de  pensées  justes,  profondes  et 
touchantes.  La  vie  de  ce  jésuite  a  paru 
sous  ce  titre  :  De  vita  et  moribus  L.  Lessù\ 
Paris  ,  1644  ,  in-12.  On  garde  dans  la  bi- 
bliothèque de  l'archcvêclié  de  Malines  les 
Informations  manuscrites  sur  sa  vie  et 
5es  vertus.  On  les  avait  prises  d'abord 
après  sa  mort ,  dans  la  croyance  que  l'on 
travaillerait  un  jour  à  sa  béalilication. 
Lessius  possédait  le  grec,  l'histoire,  le 
droit  canon ,  le  droit  civil ,  les  malhéma- 
tiques  et  la  médecine.  Juste-Lipse  fait 
les  plus  grands  éloges  de  ce  savant. 
Voyez  la  Fie  de  Lessius  par  Foppens , 
Bibl.  Belg. 

LESTAIVG  (François  et  Christophe 
de),  dont  le  premier  fut  président  à  mor- 
tier au  parlement  de  Toulouse ,  et  le  se- 
:;ond,  évêque  de  Lodève,  puis  d'Alet  et 
de  Carcassonne.  Ils  furent  l'un  et  l'autre 
attachés  à  la  ligue  ;  mais  lorsque  la  paix 
eut  élé  rendue  à  la  France,  ils  servirent 
utilement  Henri  IV  et  Louis  XIII.  Fran- 
çois mourut  en  1617,  à  76,  ans,  laissant 
quelques  ouvrages  de  pieté  et  de  litiéra- 
lure;  et  Christophe  en  1621. 

'  LESTIBOIJDOIS  (  JEA?f-B.\PTiSTE  ) , 
médecin  ,  né  en  1713  ,  à  Douai ,  cultiva 
la  botanique  avec  succès,  devint  en 
i759  ,  pharmacien  en  chef  de  l'armée 
française,  et  décrivit  les  plantes  qui  crois- 
sent dans  les  pays  de  Brunswick  et  de 
Cologne.  Nommé,  en  1770,  professeur 
do  botanique  à  Lille ,  il  conserva  cette 
chaire  jusqu'à  sa  mort  arrivée  dans  la 
même  ville,  le  20  mars  1804.  En  1707,  il 
avait  publié  un  mémoire  sur  la  pomme 
de  terre  (  Solanum  taberosum) ,  à  l'usage 
de  laquelle  l'ignorance  avait  attribué  une 
épidémie  qui  était  survenue.  Lestiboudois 
fut  le  premier  qui  indiqua  tous  les 
avantages  qu'on  peut  tirer  de  ce  précieux 
végétaLIlfut,en  1772,  le  principal  ré- 
dacteur de  la  Nouvelle  Pharmacopée 
de  Lille,  et  composa  en  1774  ,  une  Carte 
de  Botanique  ^  qui  offre  la  combinaison 
de  la  méthode  de  Tournefort  avec  le  sys- 
tème de  Linnée ,  et  qui  est  accompagnée 
d'un  Abrégé  élémentaire  de  botanique. 
Valmont  de  Bomare  s'en  est  servi  pour 


la  partie  phytologique  de  son  Dictionnaire 
d'histoire  naturelle.  Il  ne  faut  pas  con- 
fondre ce  médecin  comme  l'ont  fait  quel- 
ques biographes  ,  avec  son  fils ,  Fraî«- 
çois  Joseph  LESTIBOUOOIS  qui  fut  aussi 
médecin  et  professeur  de  botanique  à 
Lille.  Celui-ci  est  auteur  d'une  Bofano- 
graphie  Belgique,  i  voL  in-8°,  1781;  1* 
édition  ,1796,  4  vol.  in-8°,  et  d'une  zoolo- 
gie élémentaire  „  ou  Abrégé  de  l'histoire 
naturelle  des  animaux,  à  l'usage  des 
com.mençans ,  Lille,  1803,  în-8°.  Il  était 
né  à  Lille  ,  et  il  y  mourut  en  1813 

LESTOIVAC  (  Jeanne  de  ) ,  fondatrice 
de  l'ordre  des  Religieuses  bénédictines 
de  la  compagnie  de  Noti'e-Dame ,  naquit 
à  Bordeaux  en  1536.  Elle  était  fille  de 
Richard  de  Lestonac,  conseiller  au  par- 
lement de  cette  ville ,  et  nièce  du  cé- 
lèbre Michel  de  Montaigne.  Après  la 
mort  de  Gaston  de  Mont-Ferrand,  son 
mari,  dont  elle  eut  sept  enfans  ,  elle 
institua  son  ordre  pour  l'instruction  des 
jeunes  filles  ,  et  le  fit  approuver  par  le 
pape  Paul  Y  en  1607.  Quand  ce  pontife 
eut  donné  sa  bulle  ,  il  dit  au  général  des 
jésuites  :  «  Je  viens  de  vous  unir  à  de 
»  vertueuses  filles ,  qui  rendront  aux 
»  personnes  de  leur  sexe  les  pieux  ser- 
»  vices  que  vos  pères  rendent  aux  hommes 
»  dans  toute  la  chrétienté.  »  Madame  de 
Lestonac  ,  en  se  consacrant  à  la  vie  reli- 
gieuse ,  avait  sacriiié  tous  les  agrémens 
de  la  figure  et  les  avantages  de  la  nais- 
sance. Sa  congrégation  se  répandit  en 
France ,  et  y  eut  un  grand  nombre  de 
maisons  ,  que  la  révolution  de  1789  n'é-. 
pargna  pas  plus  que  les  autres  élablisse- 
mens  édifians  et  utiles.  Voyez  l'Histoire 
des  religieuses  de  Notre-Dame  ,  par  Jean 
Bouzonie  :  et  la  Vie  de  madame  Lesto- 
nac,  par  le  père  Beaufils  ,  jésuite,  Tou- 
louse, 1742,  in-12. 

•  *  LESTRAI>iGE  (  le  père  Augustin 
de  )  ,  abbé  de  la  Trappe ,  un  des  plus  il- 
lustres réformateurs  de  l'ordre  de  Cîteaux, 
né  vers  1730  ,  entra  jeune  encore  dans  un 
des  couvens  de  cet  ordre  :  à  l'époque  de 
la  révolution  ,  il  était  maitre  des  novices 
dans  la  province  du  Perche.  En  1790, 
des  commissaires  du  déparlement  de 
l'Orne  vinrent  signifier  à  ces  bons  céno- 
bites la  suppression  de  leur  maison ,  dé- 
crétée par  l'Assemblée  nationale.  Les 
religieux  de  la  Trappe  sous  la  conduite 
de  leur  chef,  se  rendirent  au  canton  du 
Fribourg  en  Suisse.  Il  paraît  qu'ils  clioi- 
sirent  cet  asile  afin  d'être  à  portée  de 
suivre  les  évenemens  de  la  révolution  et 


LET 


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LET 


d'attendre  l'occasion  de  rentrer  en  France. 
Cet  espoir  ne  se  réalisa  qu'en  1817,  époque 
où  une  partie  des  religieux  trapistes 
levinrent  sur  le  sol  natal ,  ayant  à  leur 
ttte  le  père  Lestrange,  dont  les  vertus 
l'avaient  élevé  à  la  dignité  d'abbé,  II 
trouva  que  tous  les  biens  de  la  Trappe 
jflvaicnt  été  vendus  ;  d'autres  obstacles 
^vinrent  s'opposer  au  rétablissement  de 
ison  ordre;  mais  sa  piété  fervente,  et 
j  activité  de  son  zèle  parvinrent  à  les  sur- 
{Ofionter.  En  peu  d'années,  il  établit  la 
nnaison  mère  à  Soligni  (  département  de 
fl'Orne  ) ,  et  il  fonda  plusieurs  succursales 

Laval,  à  ChoUet ,  à  la  Meilleraie,  à  Lyon 
tl  à  Aiguebelle ,  en  Savoie.  On  a  aussi 
érigé  (  en  1818) ,  et  par  ses  soins  ,  à  Soli- 
t'ni,  un  collège  séparé  du  monastère, 
qui  compte  un  grand  nombre  d'élèves. 
De  temps  en  temps,  l'abbé  de  Lestrange 
venait  voir  ses  succursales  :  c'est  dans 
une  de  ces  visites  qu'il  est  mort  à  Lyon , 
le  16  juillet  1827  ,  âgé  de  plus  de  76  ans. 

LESUEUR.  roïjez  SUEUR. 

LESIJIVRE.  Foijez  SUIVRE. 

LETELLIER.  Foyez  TELL  1ER  (le). 

•  LETIIIÈRES  (  GuiLLAU»iE-45uii.LON  ) , 
célèbre  peintre  d'bistoire ,  né  en  1760  à 
la  Guadeloupe,  au  quartier  Ste,- Anne, 
vint  en  France  en  1774  ,  et  suivit  pendant 
3  ans  les  leçons  de  M.  Descamp ,  profes- 
seur de  peuiture  à  l'académie  de  Rouen. 
Il  remporta  plusieurs  prix  dans  cette 
école ,  et  entra  ensuite  chez  M.  Doyen , 
peintre  du  roi ,  où  il  continua  ses  études , 
jusqu'en  1786.  Ayant  remporté  cette  même 
année  le  grand  prix  de  peinture ,  il  se 
rendit  à  Rome  comme  pensionnaire  du 
roi.  Pendant  son  séjour  dans  la  capitale 
des  beaux-arts ,  il  envoya  à  l'académie , 
les  éludes  d'usage  parmi  lesquelles  on 
distingua  son  Junius  Brutus.  De  retour 
à  Paris  ,  en  1792  ,  Lethières  continua  de 
travailler  avec  succès  jusqu'à  l'époque 
où  M.  Suvé,  directeur  de  l'acadéiiiie  de 
iiome ,  étant  venu  à  mourir ,  Lethières 
lut  désigné  par  l'académie  de  Paris  pour 
lui  succéder.  Il  remplit  cette  place  pen- 
dant 9  ans.  Lorsque  la  k^  classe  de  l'in- 
stitut l'admit  au  nombre  de  ses  membres, 
en  1813,  le  roi,  auprès  de  qui  on  avait 
"  desservi  le  peintre,  n'approuva  point  l'é- 
lection. Louis  XVIII  bientôt  mieux  éclairé, 
agréa  le  choix  de  l'académie  ,  et  nomma 
Lethières  professeur.  Parmi  les  belles 
productions  de  ce  peintre ,  on  dislingue 
son  grand  tableau  de  Junius  Brutus  con- 
damnant ses  fils .  qui  se  voit  dans  la 
grande  galerie  du  Luxembourg  ;  Enèe  et 


Didon  fuyant  Vo7-age  ^  exposé  au  salon 
de  1819  ;  Philoctète  gravissant  les  rochers, 
de  Lemnos^  placé  au  corps  législatif; 
VActe  héroïque  de  St.-Louis  pétulant  la 
peste  de  Tunis ^  au  musée  de  Bordeaux; 
le  passage  du  pont  de  Vienne  par  les 
troupes  françaises  :  François  I"  au  mi- 
lieu des  savons  et  des  artistes  de  son 
temps  .  ax:cordant  l'établissement  du  col- 
lège de  Frayice  ;  Homère  chantant  ses 
rhapsodies  ;  le  Jugement  de  Pâtis  ;  une 
Scène  religieuse  dans  les  Catacombes  ;  le 
Christ  apparaissant  sous  la  forme  d'un 
Jardinier^  dans  l'église  de  St.  -  Roch. 
Lethières  voyagea  beaucoup  pour  étudier 
son  art.  Artiste  désintéressé,  il  cherchait 
plutôt  des  amis  pour  lui  donner  des  con- 
seils ,  que  des  protecteurs  qui  lissent  sa 
fortune  ,  ou  des  flatteurs  qui  lui  prodi- 
guassent des  éloges.  Il  est  mort  à  Paris , 
le  22  avril  1832  ,  d'une  maladie  chronique 
dont  il  était  atteint  depuis  plusieurs 
années. 

LÉTI  (Grégoibe)  ,  né  à  Milan  en  1630 , 
d'une  famille  bolonaise,  montra  de  bonne 
heure  beaucoup  d'esprit  et  peu  de  vertu. 
Après  avoir  fait  ses  études  chez  les  jé- 
suites ,  à  Cosenza  et  à  Rome,  il  se  mit  à 
voyager ,  ot  se  fil  connaître  pour  un 
homme  d'un  caractère  ardent.  L'évêque 
d'Acquapendente ,  son  oncle,  qu'il  alla 
voir  en  passant ,  fut  si  choqué  de  la  liar- 
diesse  de  ses  propos  sur  la  religion  ,  qu'il 
le  chassa ,  en  lui  prédisant  qu'il  se 
laisserait  infecter  du  poison  de  l'héré- 
sie. Ses  craintes  n'étaient  pas  sans  fon- 
dement. Léli  vit  à  Gènes  un  calviniste 
qui  lui  inspira  ses  principes.  Il  passa  de 
là  à  Lausanne ,  où  il  fit  profession  de  la 
nouvelle  religion.  Un  médecin  de  cette 
ville  lui  fit  épouser  sa  fille.  De  Lausanne 
il  alla  à  Genève  en  16C0  ;  mais  une  hu- 
meur querelleuse  l'ayant  obligé  de  sortir 
de  cette  ville ,  après  y  avoir  demeuré 
environ  vingt  ans,  il  se  réfugia  d'abord 
en  France.  A  son  arrivée  à  Paris  ,  il  s'y 
fit  connaître  en  présentant  à  Louis  XIV 
son  ouvrage  cité  :  £a  Renommée  jalouse 
de  la  Fortune;  mais  les  protestans  étant 
mal  vus  à  la  cour ,  il  quitta  bientôt  la 
France  d'où  il  se  rendit  à  Londres. 
Charles  II  le  reçut  avec  bonté,  et  dès  la 
première  audience  il  lui  fit  un  préseul 
de  mille  écus ,  et  lui  promit  la  charge 
d'historiographe.  Ce  bienfait  n'empccha 
pas  qu'il  n'écrivit  VBistoire  d'Angleterre 
avec  une  licence  qui  lui  fit  donner  son 
congé.  Amsterdam  fut  son  dernier  asile. 
Il  y  mourut  en  1701,  à  71  ans ,  avec  le 


LET 


457 


LET 


litre  d'hisloriographe  de  cette  ville.  Léli 
était  un  historien  famélique,  qui,  en 
écrivant ,  consultait  plus  les  besoins  de 
son  estomac  que  la  vérité.  Il  offrit  ges 
services  à  tous  les  potentats  de  l'Europe. 
Il  leur  promettait  de  les  faire  vivre  dans 
la  postérité  ;  mais  c'était  à  condition  qu'ils 
ne  le  laisseraient  pas  mourir  de  faim 
dans  ce  monde.  Sa  plume  est  toujours 
flatteuse  ou  passionnée.  Plus  soijîueux 
d'écrire  des  faits  extraordinaires  que  des 
choses  vraies,  il  a  rempli  ses  ouvrages 
de  mensonges,  d'inepties  et  d'iuexacfi- 
ludes.  Son  style  est  assez  vif,  mais  diffus, 
mordant ,  hérissé  de  réflexions  pédantes- 
ques  et  souvent  très  mauvaises  ,  et  de 
digressions  accablantes.  On  a  de  lui  un 
grand  nombre  d'ouvrages  en  italien. 
Paruïi  ceux  qui  ont  été  traduits  en  fran- 
çais, on  cite  :  ]  la  Monarchie  universelle 
du  roi  Louis  Xir.  1689,2  vol.  in-12. 
Il  y  eut  une  réponse  à  cet  ouvrage  ,  sous 
le  titre  de  L'Europe  ressuscitée  du  tom- 
beau de  M.  Léti,  Utrecht,  1690,  in-12  ;  j  Le 
Népotisme  de  Rome ^  in-12,  1667,  trad. 
en  franc,  en  1C69  ,  2  tom.  in-12  ;  |  la  Fie 
du  pape  Sixte-Quint ,  traduite  en  fran- 
çais en  2  vol.  in-12  ,  Paris ,  1683  ;  et 
plusieurs  fois  réimprimée  depuis.  L'au- 
teur répondit  à  une  princesse  qui  lui  de- 
mandait si  tout  ce  qu'il  avait  écrit  dans 
ce  livre  était  vrai  :  «  Une  chose  bien 
»  imaginée  fait  plus  de  plaisir  que  la  vé- 
»  rite  dépourvue  d'oruemens.  »  Excepté 
quelques  propos  prêtés  sans  doute  à  Sixte 
V ,  et  sûrement  très  contestables ,  c'est 
peut-être  la  seule  histoire  où  Léti  se  soit 
le  plus  approché  de  la  vérité.  Quant  aux 
interprétations  qu'il  donne  à  des  faits 
certains,  elles  ressemblent  à  toutes  celles 
des  sectaires  ennemis  de  Rome.  Le  tra- 
ducteur y  fit  des  relrauchenicns,  et  en 
eût  dû  faire  davantage.  |  La  Fie  de  Phi- 
lippe 11^  roi  d'Espagne.  Elle  a  été  traduite 
en  1734  ,  en  6  vol.  in-12.  L'auteur  ne  s'y 
montre  ni  catholique  ni  prolestant.  Si , 
pour  être  bon  historien ,  il  suflisait  de 
n'avoir  ni  religion  ni  amour  pour  sa  pa- 
trie, Léti  l'aurait  été  à  coup  sûr.  |  La 
Fie  de  Charles-Quint ,  traduite  en  fran- 
çais, en  4  vol.  in-12,  par  ks  filles  de 
l'auteur  :  compilation  ennuyeuse;  |  la 
Fie  d'Elizabeth  ^  reine  d'Angleterre^ 
1694  et  1741 ,  2  vol.  in-12.  Le  roman  y  est 
mêlé  avec  Thistoire.  |  U Histoire  de  Crom- 
u;eW,i694  et  1705,  2  voL  in-12,  ramas 
confus  de  tout  ce  qu'il  a  lu  ou  entendu  ; 
celle  de  l'abbé  Raguenet  est  d'un  tout 
autre  goût,  et  incomparablement  mieux 


écrite.  I  La  Fie  de  Pierre  Giron ,  duc 
d'Ossone^  1700,  Paris,  3  vol.  in-12, 
assez  intéressante,  mais  trop  longue; 
I  Le  syndicat  d'Jlexandre  Fil .  avec 
son  Foyage  en  l autre  mon: le j  1669,  in-12; 
satire  emportée,  telle  qu'on  devait  l'at- 
tendre d'un  apostat.  Ce  n'est  pas  la  seule 
qu'il  ait  publiée  contre  Rome,  les  papes 
et  les  cardinaux  ;  mais  de  telles  horreurs 
ne  doivent  pas  même  être  citées.  |  Critique 
histoîique^  politique .  morale^  économique 
et  comique  sur  les  loteries  anciennes  et 
nouvelles^  en  2  vol.  in-12.  C'est'un  fatras 
satirique ,  où  il  maltraite  beaucoup  de 
personnes.  Parmi  ses  ouvrages  italiens  , 
on  distingue  :  |  son  Histoire  de  Genève. 
L'auteur  n'y  ménage  pas  cette  ville.  |  Son 
Théâtre  de  la  Grande-Bretagne^  1684, 
qui  le  fit  chasser  d'Angleterre.  L'un  et 
l'autre  sont  en  5  vol.  in-12.  [Le  Théâtre  de 
la  France  j  7  vol.  in-4°,  fig.,  mauvais  ou- 
vrage ;  I  le  Théâtre  de  Belgique ,  2  vol. 
in-8",  aussi  mauvais  que  le  précédent  ; 
I  V Italie  régnante^  4  vol.  in-12;  |  \ His- 
toire de  l'empire  romain  en  Germanie  ^ 
4  vol.  in-4°;  j  le  Cardinalisme  de  la 
sainte  Eglise.  1G68 ,  3  vol.  in-12  :  c'est 
une  satire  basse  et  sans  esprit  ;  |  La  juste 
balance  dans  laquelle  on  pèse  toutes  les 
maximes  de  Rome  et  les  actions  des  car- 
dinaux vivans  ^  4  vol.  in-12;  libelle  du 
même  genre  et  dans  le  même  goût  que 
le  précédent  ;  |  le  Céfrémonial  historique  . 
6  vol.  in-12;  \  Dialogues  politiques  sur 
les  mojens  dont  se  servent  les  républiques 
d'Italie  pour  se  conserver  ,  2  vol.  in-12. 
I  Abrégé  des  vertus  jmtriotiques .  2  vol. 
in-8";  |  La  Renommée  jalouse  de  la  For- 
tune ;  i  Panégyrique  de  Louis  XIF,  in-4°  ; 
I  Eloge  de  la  chasse  j,  in-i2  ;  |  des  Lettres . 
1  vol.  in-12 ,  où  il  avoue  lui-même  que 
sa  vie  n'élait  pas  fort  réglée  ,  et  qu'il  me- 
nait celle  d'un  débauché  (part.  I,  pag.  14, 
lett.  5,  pag.  26.,  letl.  5);  \X Itinéraire 
de  la  cour  de  Rome ,  5  vol.  in-S"  ;  |  His- 
toire de  la  maison  de  Saxe .  4  vol.  in-4''; 
I  de  celle  de  Brandebourg ,  in-4°  ;  [  Le 
carnage  des  réformés  innocens ,  in-4*'; 
I  Les  précipices  du  siège  apostolique.  1672. 
in-12,  etc.  Léli  avait  encore  fait  divers 
autres  ouvjages  qu'il  a  eu  raison  de  dés- 
avouer. Tous  ceux  qui  portent  son  nom 
ont  été  généralement  condamnés  à  Rome 
le  22  octobre  1700.  Léti  a  écrit  plus  de 
cent  ouvjages  qu'il  doit  pîulôl  à  son  ima- 
gination quà  l'histoire,  qu'il  consultait 
rarement.  Voyez  le  Diclioimaire  de  AIo- 
réri .  les  Mémoires  de  JSicéron.  tom,  2 
et  3  et  le  Dictionnaire  de  Chauffepié. 
57. 


LET  & 

•  LETOURNEUR  (  Charles-François- 
Louis-HoxoRÉ  ) ,  connu  sous  le  nom  de 
Leloumeur  de  la  Manche^  né  à  Grand- 
ville  en  1751  d'une  famille  aisée,  se  dis- 
tingua dans  l'étude  des  sciences  mathé- 
matiques ,  et  entra  dans  le  génie  militaire 
€ti  1768.  Il  était  capitaine  dans  cette 
arme  à  Cherbourg,  et  avait  obtenu  la  croix 
(le  Saint-Louis  quand  la  révolution  éclata. 
Partisan  du  nouvel  ordre  de  choses,  il  fut 
député  par  le  département  de  la  Manche 
à  l'assemblée  Législative,  où  il  tit  quel- 
ques rapports  sur  la  marine.  Sur  la  fin 
de  l'année  1792 ,  il  fut  chargé  de  la  direc- 
tion des  travaux  du  camp  ,  que  l'invasion 
des  Prussiens  forçait  à  établir  sous  les 
murs  de  Paris.  Réélu  à  la  Convention,  il 
vola  dans  le  procès  du  roi  d'abord  pour 
l'appel  au  peuple  :  puis  il  se  prononça 
pour  la  mort.  Ses  rapports  avec  l'armée 
l'occupèrent  ensuite  presque  exclusive- 
ment au  comité  militaire  dont  il  faisait 
partie.  Letourneur  fut  nommé  président 
de  la  Convention,  dans  le  mois  de  janvier 
1795,  et  quitta  peu  après  le  fauteuil  pour 
aller,  en  qualité  de  commissaire  de  la 
Convention,  sur  la  flotte  de  la  Méditerra- 
née, où  il  remplaça  Jean-Bon-Saint-An- 
dré. A  son  retour  à  Paris  il  fut  nommé 
membre  du  comité  de  salut  public  près 
du  Directoire  exécutif.  Lorsqu'il  sortit 
par  la  voie  du  sort  le  30  floréal  an  5, 
(  19  mai  1797  ),  il  fut  appelé  à  exercer 
les  fonctions  d'inspecteur  général  de  l'ar- 
tillerie ,  et  fut  choisi  ensuite  pour  traiter 
des  conditions  de  la  paix  avec  lord  Mal- 
mcsLury  :  il  se  rendit  à  Lille  pour  enta- 
mer les  négociations  ;  mais  les  journées 
des  18  et  19  fructidor  les  ayant  interrom- 
pues, il  revint  à  Paris,  et  fut  nommé 
après  la  révolution  du  18  brumaire,  pré- 
fet de  la  Loire-inférieure  (1800).  Desti- 
tué en  1804 .  il  resta  sans  fonctions  jus- 
qu'en 1810 ,  époque  à  laquelle  en  le 
uomma  conseiller  à  la  cour  des  comptes, 

I  11  perdit  cette  place  sous  la  première  res- 
tauration ,  la  recouvra  pendant  les  cent 
jours  et  fut  exilé  par  la  loi  du  12  janvier 
1816.  Il  mourut  à  Lacken  près  de  Bruxel- 
les le  k  octobre  1817. 

LETOUR\EUR.  (Pierre)  F.  TOUR- 
NEUR. 

*  LETOURKEUR  (  Antoixe-Pierre, 
le  marquis),  lieutenant-général,  né  à  Paris 
en  17o2,  était  issu  d'une  des  plus  an- 
ciennes familles  du  royaume,  dont  le  vrai 
nom  était  Lctowneux ,  provenant  d'un 
lief  qtii  lui  fut  enlevé  pendant  les  guerres 
de  la  ligue,  et  qui  lui  fut  restitué  40  ans 


o8  LEt 

apiès.  Le  marquis  Letourneur  commença 
sa  carrière  militaire  en  1765  ,  dan»  la  2* 
compagnie  des  mousquetaires,  et  deux  ans 
après  il  devint  capitaine  de  cavalerie.  En 
17G9  sa  bravoure  lui  valut  le  litre  de  ma- 
réchal-généial  des  logis  de  l'armée,  et 
en  1775  le  grade  de  colonel.  A  l'époque 
de  la  révolution,  il  était  major  des  gardes 
du  comte  d'Artois,  depuis  Charles  X.  Il 
resta  en  France  par  ordre  de  ce  prinre  , 
et  courut  de  grands  dangers  à  cause  de 
son  atlacheujent  à  la  famille  royale.  Lcuis 
XVI  fut  même  obligé  de  lui  défendre  de 
rester  auprès  de  sa  personne,  parce  que 
son  dévouement  pouvait  le  compromet- 
tre. Letourneur  se  relira  à  Chantilly; 
mais  il  se  trouvait  au  château  lors  de  la 
scène  dite  des  poignards^  et  il  était  prêt  à 
défendre  le  roi  et  à  favoriser  sa  fuite. 
Instruit  par  madame  Elisabeth  du  pro- 
cliain  départ  de  Louis  XVI  pour  Varennes, 
il  précéda  ce  prince  de  2Ï  heures,  et  ce 
ne  fut  qu'après  avoir  failli  deux  fois  être 
arrêté,  qu'il  parvint  à  Deux-Ponis.  De  là 
il  se  rendit  à  Bengen,  ensuite  à  Coblentz, 
auprès  de  Monsieur  comte  de  Provence 
depuis  Louis  XVIII.  Letourneur  fut  char- 
gé d'organiser  les  gardes  du  corps  des 
princes  ;  en  même  temps  il  remonta  leur 
cavalerie  dans  laquelle  on  lui  donna  uu 
commandement  important.  Dans  les  cam- 
pagnes de  1792  et  de  1795  il  commanda 
les  avant-postes.  Après  le  licenciement  de 
l'armée  des  émigrés,  il  passa  en  Anglo- 
terre  ,  entra  dans  le  régiment  de  Royal- 
Louis  qui  était  en  garnison  àLindsors, 
et  fut  chargé  de  le  recruter  et  de  l'in- 
struire. Letourneur  fit  partie  de  la  mal- 
heureuse expédition  de  Quiberon  et  de 
l'Ile-Louis.  Nommé  en  1797  maréchal  de 
camp  par  Louis  XVIII,  il  servit  depuis 
continuellement  auprès  de  Monsieur  avec 
lequel  il  est  rentré  en  France  en  1814,  et 
qu'il  accompagna  en  1815  dans  la  Belgi- 
que. Sous  la  seconde  restauration  il  a 
reçu  le  titre  de  lieutenant-général  et  le 
cordon  de  commandeur  de  Saint-Louis. 
Il  était  encore  major  des  gardes  du  corps 
du  comte  d'Artois  ,  lorsqu'il  mourut  en 
1824. 

LETOURNEUX  (  Nicolas  ).  royez 
TOURNEUX. 

'  LETROSNE  (Goillaome-Fraîwçois  ) , 
avocat  dû  roi  et  conseiller  honoraire  au 
bailliage  et  présidial  d'Orléaris,  né  dans 
cette  ville  ,  le  13  octobre  1728,  fut  élève  de 
Polh'er  et  mourut  à  Paris  le  20  mai  Ùii\). 
Il  était  lié  avec  Turgot ,  Gerbier  ,  labbé 
Beaudeau  et  plusieurs  autres  personnages 


LET  / 

célèbres. On  a  de  lui  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages parmi  lesquels  on  dislingue  :  |  Me- 
thodica  juris  naturalis  cuni  jure  civili  col- 
^tï/jo^l7oO,in-i°;  |  la  Liberté  du  commerce 
des  grains  toujours  utile  et  jamais  nui- 
sible^ 1764  et  17G5,  in-12  ;  [  Recueil  de  plu- 
sieurs morceaux  économiques  ^  Amster- 
dam, (Paris),  17G8,  in-12  ;  \Eloge historique 
dcM.Polhier,  1773,  in-12  ;  |  de  l'Ordre  so- 
cial, 1777,  in-8°;  |  de  l'Intérêt  social,  suite 
du  même  ouvrage;  |  T^ues  sur  la  justice 
criminelle,  Paris,  1777  ,  in-8°;  |  Les  Ef- 
fets de  l'impôt  indirect  prouvés  par  les 
deux  exemples  de  la  gabelle  et  du  tabac  , 
1770,  in-12,  réimprimé  en  1777  sous  ce 
litre  :  Examen  de  ce  que  coûtent  au  roi 
et  à  la  nation  la  gabelle  et  le  tabac  ; 

I  Réflexions  politiques  sur  la  guerre  ac- 
tuelle de  l'Angleterre  avec  ses  colonies , 
Orléans,  1777,  in-S";  |  de  l'Administration 
provinciale  et  de  la  réforme  de  l'impôt , 
suivi  d'une  Dissertation  sur  la  féodalité^ 
Bâle ,  1779  ,  in-ii.°  ,  ouvrage  important , 
couronné  par  l'académie  de  Toulouse.  Il 
fut  un  des  collaboi-ateurs  du  Journal  d'a- 
griculture,  commerce  et  finances,  Paris  , 
1779»  15  vol.  in-12 ,  et  des  Ephémérides 
du  citoyen. 

*  LETTSOM  (John-Coakley),  médecin 
anglais  ,  né  vers  17/i.7  dans  une  petite  île 
située  près  de  la  Tortola ,  dans  les  pa- 
rages de  Sl.-Domingue,  fut  envoyé  en 
Angleterre  à  l'âge  de  six  ans  par  ses  pa- 
rens  pour  faire  son  éducation.  Il  étudia 
les  belles  lettres  au  collège  de  Warington, 
et  s'appliqua  à  la  pharmacie,  à  Yorkshire, 
puis  à  la  médecine  à  Londres  ,  où  il  eut 
pour  maître  le  docteur  John  Fothergill. 
La  mort  de  son  père  l'obligea  de  retourner 
aux  Indes  occidentales ,  pour  y  régler  les 
affaires  d'une  succession  qui  consistait 
en  partie  en  esclaves;  Lettsom  s'empressa 
de  donner  la  liberté  à  tous  ses  nègres. 

II  revint  à  l'âge  de  23  ans  en  Europe , 
dont  il  visita  les  différentes  parties ,  se 
lit  recevoir  docteur  à  l'université  de 
Leyde  ,  et  alla  se  fixer  à  Londres ,  où. 
il  fut  nommé  licencié  du  collège  royal 
de  médecine  et  membre  de  la  société 
royale.  Son  nom  était  inscrit  sur  les 
dyptiques  de  presque  tous  les  corps 
savans.  Sa  bienfaisance  n'avait  pas  de 
bornes,  et  souvent  il  aida  de  sa  bourse 
les  pauvres  qui  s'adressaient  à  lui.  Pen- 
dant une  partie  de  l'année ,  il  résidait 
dans  une  maison  de  campagne  délicieuse, 
appelée  Grove-lJill ,  près  Camber\vc-1,  à 
quelques  milles  de  Londres  ,  qui  a  été 
chantée  dans  un  poème  de  ce  nom  par 


59  LEU 

M,  Maurice,  et  par  plusieurs  autres  po'étes, 
tels  que  Jean  Scot  et  Jones  Boswel.  Il 
est  rnorl  à  Londres  le  1"  novembre  1815, 
à  l'âge  de  72  ans ,  après  avoir  publié 
d'exceilens  ouvrages  sur  la  médecine,  la 
botanique  et  l'économie  politique.  Les 
principaux  sont  :  |  Observationes  ad  his- 
toiiam  theœ  pertinentes ,  Leyde,  17C9, 
in-4°  ;  |  Histoire  naturelle  de  l'arbre  à 
thé,  Londres,  1772,  in-4° ,  ouvrage  es- 
timé, traduit  en  français,  Paris,  1775, 
in-12.  L'auteur  y  combat  avec  force  l'usage 
du  thé  ;  I  Le  Compagnon  du  naturaliste 
et  du  voyageur,  1772  ,  in-8*',  5'  édition, 
1800,  traduit  en  français  par  le  marquis 
de  Lézay-Marnésia,  sous  le  titre  de  Voya- 
geur naturaliste  ;  \  Réflexions  sur  le  trai- 
tement général  et  la  guérison  des  fièvres, 
ïlTi  ,  in-S"  ;  ]  Mémoires  sur  la  médecine 
du  dispensaire  général  de  Londres  , 
mil,  in-8'* ,  traduit  en  français  Paris, 
1787,  in-8"  ;  |  Amélioration  de  la  mé- 
decine à  Londres ,  basée  sur  le  bien  pu- 
blic ,  1773  ,  in-S"  ;  ]  Observations  prépa- 
ratoires à  l'usage  des  remèdes  du  doc- 
teur Mayerbach  ,  1776 ,  in-8°  ;  |  Histoire 
de  l'origine  de  la  médecine  et  de  son  état 
avant  la  guerre  de  Troie,  \11%  ,  in-i" , 
discours  prononcé  devant  la  société  royale 
de  Londres;  i  Sur  la  culture  et  l'usage 
de  la  racine  de  disette,  traduit  du  fran- 
çais de  l'abbé  Commerel  ;  |  Observations 
sur  les  dissections  humaines .  1788,  in-8"  ; 
!  I  Histoire  de  quelques-uns  des  effats  de 
l'ivrognerie ,  in-4°  ,  1789  ;  |  Essai  sur  les 
I  malheurs  du  pauvre,  1794  ,  in-8°;  |  Essai 
pour  la  fondation  d'une  société  de  bien- 
\f aisance,  1796,  in-8°;  |  Essai  on  projet 
\  pour  répandre  la  bienfaisance ,  la  tem- 
pérance et  la  science  médicale  ,  in-8'' , 
de  1797  à  1802  ;  |  Observations  sur  la 
persécution  religieuse  ,  1800  ,  in-8°.  Il  en 
a  encore  fourni  plusieurs  morceaux  cu- 
rieux dans  les  Transactions  philoso- 
I  phiques ,  dans  les  recueils  des  sociétés 
!  de  médecine  de  Londres  ,  de  Bath  ,  etc. , 
I  et  il  a  publié  une  Echelle  de  santé,  pour 
j  faire  connaître  les  effets  des  liquides  sur 
:  la  santé  de  l'homme  et  les  suites  funestes 
de  l'excès  des  boissons.  Lettsom  s'était 
montré  attaché  aux  quakers ,  avec  lesquels 
cependant  il  se  brouilla  vers  la  fin  de  sa 
vie. 

LEU  (saint),  appelé  aussi  saint  Loup  . 

évèque  de  Sens  ,  succéda  à  saint  Artè:ne 

I  l'an  609  ,  se  fit  estimer  du  roi  Clotaire  II , 

'  et  aimer  de  son  peuple  ;  il  mourut  le  1" 

;  septembre  623,  après  l'avoir  édifié  par 

ses  vertus. 


LEU 


440 


LEU 


LKUCIPPBj  philosophe  grec  du  4* 
siècle  avant  J.-C,  disciple  de  Zenon,  était 
d'Abdcre ,  suivant  la  plus  commune  opi- 
nion. Il  inventa  le  fameux  système  des 
atomes  et  du  vide ^  développé  ensuite 
parDémocrite  et  par  Epicure.  Les  livres 
que  ce  philosophe  a  composés  ne  sont 
I)oint  parvenus  jusqu'à  nous;  mais  Dio- 
gène  Laërce  nous  a  transmis  sa  doctrine. 
L'hypothèse  des  tourbillons^  perfectionnée 
par  Descartes,  est  aussi  de  l'invention 
de  Leucippe ,  comme  le  savant  Huet  l'a 
prouvé.  On  a  cru  trouver  dans  le  sys- 
tème de  Leucippe  le  germe  de  ce  grand 
principe  de  mécanique  que  Descartes 
emploie  si  efficacement  :  Les  corps  qui 
tournent  s'éloignent  du  centre  autant 
qu'il  est  possible  ;  parce  que  le  philosophe 
grec  enseigne  que  les  atomes  les  plus 
subtils  tendent  vers  V espace  vide  comme 
en  s'élançant.  Mais  ce  n'est  pas  à  raison 
du  tournoiement  que  les  atomes  les  plus 
subtils  tendent  vers  l'espace  vide  ;  par 
cette  raison,  les  moins  subtils  y  tendent 
davantage.  Les  deux  principes  sont  donc 
très  différens  et  en  quelque  sorte  opposés. 
Il  paraît  néanmoins  que  Keppler  et  ensuite 
Descartes  ont  suivi  Leucippe  à  l'égard 
des  tourbillons  et  des  causes  do  la  pesan- 
teur, et  ont  été,  comme  l'on  sait,  ac- 
cusés de  n'être  que  les  copistes  du  sys- 
témateur  grec;  mais  il  se  peut  que  le 
reproche  ne  soit  pas  juste.  Les  idées  de 
Leucippe  n'étoient  pas  assez  merveilleuses 
pour  croire  qu'elles  n'aient  pu  venir  à 
l'esprit  de  ceux  qui  auraient  ignoré  la 
doctrine  de  ce  philosophe.  Leucippe  vi- 
vait vers  l'an  428  avant  Jésus  -  Christ. 
Ce  philosophe  avait  aussi  adopté  le  prin- 
cipe que  la  terre  portée  comme  dans  un 
chariot ,  tourne  autour  du  centre  ;  ce  qui 
se  rapproche  du  système  de  Galilée,  sur 
le  mouvement  de  la  terre. 

LEUFROI  (saint),  premier  abbé  de 
Madrid,  dans  le  diocèse  d'Evreux ,  où  il 
était  né  d'une  famille  noble,  mourut  l'an 
738.  Ce  monastère,  nommé  anciennement 
en  latin  Madriacense  ^  du  nom  du  village 
où  il  était  situé ,  s'appela  dans  la  suite 
la  Croix  Saint  -  Chien ,  puis  la  Croix 
Saint- Leuf roi.  Sa  raense  conventuelle 
fut  unie  au  petit  séminaire  d'Evreux,  par 
décret  de  l'ordinaire ,  au  mois  de  mars 
1741 ,  confirmé  par  lettres-patentes  du 
mois  d'avril  de  la  môme  année. 

•  LEULIETTE  (  Je\n-Jacques),  écri- 
vain français,  né  à  Boulogne,  le  50 
novembre  1767 ,  fut  d'abord  garçon  ser- 
rurier :  il  se  lia  avec  Mercier  ,  oblint  une 


place  subalterne  dans  l'administration , 
et  se  livra  à  l'élude  des  lettres.  Après  la 
révolution  de  1789 ,  dont  il  avait  embrassé 
les  principes  avec  ardeur  ,  il  fut  nommé 
professeur  de  littérature  à  l'école  centrale 
de  Seine -et-Oise,  et  donna  ensuite  des 
leçons  à  l'Athénée  de  Paris  :  elles  ont  été 
imprimées.  Leulietle  a  laissé  les  ou- 
vrages suivans  :  |  Des  émigrés  français^ 
ou  Réponse  à  M.  Lally-Tollendal ,  Paris , 
1797  ,  in-8°.  L'auteur  y  établit  la  diffé- 
rence de  criminalité  politique  qu'il  y 
avait  à  faire  entre  les  émigrés  avant  le  3i 
mai  ,  et  les  émigrés  après  le  31  mai; 
il  absout  ceux-ci  et  condamne  ceux-là. 
I  Réflexions  sur  la  journée  du  18  fructi- 
dor^ et  réponse  à  Richer-Cerizy ,  Paris  , 
1798,  in-S";  |  Essai  sur  la  cause  delà 
supériorité  des  Grecs  sur  les  Romains 
dans  tes  arts  d'imagination  ,  ibid  ,  1805  ; 
I  Discours  sur  l'abolition  de  la  servitude  ^ 
i  vol.  in-8°  ;  |  De  l'influence  de  Luther 
sur  le  siècle  où  il  a  vécu  .  Paris  ,  1804  , 

I  vol.  in  8''(i);  |une  Vie  de  Richardson  . 
traduit  de  l'anglais,  de  madame  Barbaul , 
Paris ,  1808,  in-8°  ;  |  Histoire  de  la  Grèce , 
traduction  de  l'anglais  de  Gillies  ,  Gold- 
smith  et  Gast ,  1808 ,  2  vol.  in-8°  ;  Leu- 
liette  n'a  fait  que  revoir  dans  cette  tra- 
duction le  travail  de  M.  Villeroy  ;  |  Ta- 
bleau de  la  littérature  en  Europe  depuis 
le  16'  siècle  jusqu'à  la  fin  du  18',  et 
examen  des  causes  politiques  ,  morales 
et  religieuses  qui  ont  influé  sur  le  génie 
des  écrivains  et  sur  le  caractère  de  leurs 
productions  ,  Paris,  1809  ,  in-S".  Des 
Mémoires  littéraires  ^  quelques  ouvrages 
anglais,  etc.  Il  travailla  aussi  à  plusieurs 
journaux  ,  notamment  à  la  Sentinelle. 
Leuliette  est  mort  à  Paris  le  23  décembre 
1808,  des  suites  du  choc  d'une  voiture 
qui  le  renversa  violemment,  au  moment 
où  il  se  disposait  à  professer  un  cours 
de   littérature  à  la  chaire  de  l'Athénée. 

LEUIVCLAVIUS  (  Jean),  en  allemand 
Lœwenklau ,  né  en  1553,  à  Amelbeuern. 
en  WestpliAlie  ,  d'une  famille  noble  , 
voyagea  dans  presque  toutes  les  cours  de 
l'Europe.  Pendant  le  séjour  qu'il  fit  en 
Turquie ,  il  ramassa  de  très  bons  maté- 
riaux pour  composer  l'histoire  ottomane  ; 
et  c'est  à  lui  que  le  public  est  redevable 
de  la  meilleure  connaissance  qu'on  en  ait. 

II  joignit  à  l'intelligence  des  langues  sa- 
vantes celle  de  la  jurisprudence.  Cet 
érudit  mourut  à  Vienne  en  Autriche  en 


(i)  Ce  discours  fut  placé  par    l'Institut  en    «eeondc 
ligne  de  celui  de  Charles  ^'iIle^s,  qui  obtint  le  pri». 


LEU  kk{ 

1593,  à  60  ans.  Ses  mœurs  n'étaient  pas 
trop  pures,  si  on  en  ci'oit  Scaliger ,  qui 
dit  :  Ilabebat  scorta  secum .  mais  cet 
écrivain  satirique  peut  l'avoir  calomnié. 
On  a  de  lui  :  j  l'Histoire  Tnusulmane _. 
i591 ,  in-fol.  ;  |  les  Annales  des  sultans 
othomanides .  in-fol.  qu'il  Iraduisii  en 
latin,  sur  la  version  que  Jean  Gaudier  , 
autrement  Spiegel ,  en  avait  fait  de  turc 
en  allemand  ;  la  Suite  de  ces  Annales  ,  qu'il 
continua  jusqu'en  I088,  sous  le  liUc  de 
Pandectœ  turcicœ  ;  on  trouve  ces  deux 
ouvrages  à  la  lin  du  Chalcondyle  du 
Louvre.  On  peut  proiUer  de  ses  recher- 
ches, mais  en  les  rectifiant,  cumme  a 
fait  le  père  Nicolas  Schinit.  {Votjez  ce 
nom.  )  I  Des  Versions  latines  de  Xéno- 
l)hon  ,  de  Zozime ,  de  Constantin  Manas- 
sès ,  de  Michel  Glycas  ,  de  l'Abrégé  des 
Basiliques  :  celle-ci  parut  en  1596 ,  2  vol. 
in-fol.  ;  I  Commentatio  de  Moscovitarum 
bellis  adversus  finitinios  gestis  ^  dans  le 
Uecueil  des  liistoriens  polonais  de  Pisto- 
rias ,  Bàle,  io81 ,  3  vol.  in-fol.  ;  |  De  jure 
grœco-romano  >  Francfort ,  1596  ;  |  un 
Abrégé  du  Basilicon  de  l'empereur  Léon 
VI,  avec  les  Novellce  Constitutiones^  Bàlc, 
1575.  On  trouve  une  notice  sur  sa  vie 
dans  Mclchior  Adam ,  ^itce  germanor. 
philos. 

L  E  U  P  0  L  D  (  Jacques  ) ,  ingénieur 
saxon,  né  en  1674  ,  à  Planitz,  conseiller 
et  commissaire  des  mines  du  roi  de  Po- 
logne ,  membre  de   la  société  royale  de 


LEU 

gt'cis^  1672,  in-8°;  j  Clavis  hehraica  et 
pliilologica  veleris  Teslanienti^  1685,  in-4°; 
I  Onomasticon  sacrum,  Ulrecht,  1G84, 
in-8**  ;  |  Compendiuin  biblicum  veteris  Tes- 
tatnenli  ,i&SS,  in-8°;  |  Compendium  grce- 
cum  novi  Testamenti ,  dont  la  plus  ample 
édition  est  celle  de  Londres  en  1688,  in-12; 
I  Philulogus  hebrœus.  1593 ,  in-i°  ;  |  Phi- 
lologus  hebrœo-grœcus ,  1693,  in-4°; 
I  Philulogus  hebrœo-mixtus ,  1699,  in-i*; 
I  des  Notes  sur  Jonas.  Joël  et  Ozée,  etc. 
I  C'est  à  lui  qu'on  est  redevable  des  Edi' 
fions  correctes  de  Bochard,  de  Lighfoot 
et  de  la  Synopse  des  Critiques  de  Polus  : 
)  on  lui  doit  aussi  la  meilleure  Edition 
de  la  bible  d'Athias ,  imprimée  à  Amster- 
dam, en  2  vol.  in-S",  1703,  et  du  nou- 
veau Testament  syriaque,  1708,2  vol. 
ia-4".  Voyez  pour  la  liste  complète  de 
ses  ouvrages  la  Bibliothèque  sacrée  du 
père  Lelong,  et  de  Urscs  Parental  Leus- 
den.  —  Rodolphe  LEUSDEIS  ,  son  liis,  a 
donné  une  Edition  du  nouveau  Testament 
grec. 

LEUTARD,  paysan  fanatique  du  Louig 
de  Vertus ,  dans  le  diocèse  de  Châlons- 
sur-Marne,  vers  la  lin  du  10"=  siècle  ,  bri- 
sait les  croix  et  les  images ,  prêchait  qu'il 
ne  fallait  pas  payer  les  dîmes,  et  sou- 
tenait que  les  prophètes  avaient  dit  di-s 
choses  répréhensibles.  Il  se  faisait  suivre 
par  une  multitude  innombrable  de  per- 
sonnes qui  le  croyaient  inspiré  de  Dieu. 
Gibuin,   évéque   de    Chàlons,   désabusa 


Berlin,  et  de  diverses  autres,  fut  un  des  et  convainquit  ces  pauvres  gens.  L'héré- 
~  siarque  désespéré  de  se  voir  abandonné  , 

se  précipita  dans  un  puits.  Ses  erreurs 
ont  aujourd'hui  des  partisans  en  France, 
et  Leutard  aurait  passé  pour  un  pro- 
phète ou  un  apôtre  dans  les  clubs  et  dani 
l'Assemblée  nationale. 

LELITIAGER  (Nicolas),  historien  et 
voyageur ,  né  en  1347 ,  à  PoUich  dans  le 
Brandebourg,  professeur  de  belles-lettres 
et  minisire  luthérien  mourut,  àWitten- 
berg  en  1612,  à  64  ans.  On  a  de  lui  une 
Histoire  de  Brandebourg ,  depuis  1499, 
jusqu'en  1594;  elle  parut  avec  ses  autres 
ouvrages  et  sa  Vie^  à  Francfort,  en  1729, 
2  vol.  in-4°. 

LEXJWEN.  Voijez  LEEUWEN. 

LEUWî.MIOECR  ou  LEEUWEN- 
HŒCK  (  Antoine  de  ) ,  célèbre  pbysicien 
et  naturaliste,  né  à  Delft  en  1632,  ex- 
cellait à  faire  des  verres  pour  des  mi- 
croscopes et  pour  des  lunettes.  Ses  dé- 
couvertes lui  ont  fait  un  nom  distingué  ; 
plusieurs  sont  utiles  et  réelles ,  mais  d'au- 
tres sont  parfaitement  chimériques.  Scm 


plus  habiles  hommes  de  l'Europe  pour 
les  instrumens  de  mathématiques.  Ce 
mécanicien  imagina  une  marmite  plus 
simple  que  celles  de  Papin  ;  il  perfec- 
tionna la  pompe  pneumatique  de  Hauks- 
bée  ,  et  lit  beaucoup  d'expériences  sur 
les  miroirs.  Il  mourut  à  Leipsick  en 
1727 ,  après  s'être  rendu  célèbre  par  son 
grand  ouvrage  intitulé  :  Theatrum  ma- 
chinarum^  Leipsick,  1724,  3  volumes  in- 
folio. Cette  compilation  est  utile  et  re- 
cherchée. 

LEUSDEX  (  Jevx)  ,  savant  philologue 
hollandais  naquit  à  Ulrecht,  en  1624,  fut 
professeur  d'hébreu  dans  sa  pairie,  et 
s'y  acquit  avec  justice  une  grande  répu- 
tation. 11  mourut  en  1699,  à  75  ans. 
Quoique  cet  écrivain  n'ait  point  fait  do 
nouvelles  découvertes  dans  la  critique 
grammaticale  ,  il  la  connaissait  bien  ,  el 
il  l'enseignait  avec  autant  de  clarté  que 
de  méthode.  On  a  de  lui  plusieurs  ou- 
vrages estimés:  |  JSovi  Testamenti  clavis 
grtzca  t    cum    annoiatioîiibiis    philolo- 


LEV 


khi 


LEV 


système  des  vers  spermatiques,  dont  il 
faisait  le  principe  de  la  génération ,  n'a 
eu  d'autre  vogue  que  celle  de  la  nou- 
veauté ;  croyant  étruirc  l'ovarisme ,  il  lui 
substitua  une  hypothèse  beaucoup  plus 
défectueuse ,  et  qui  ne  soutient  point  le 
premier  regard  d'un  homme  judicieux.  Ce 
qui  l'excuse  ,  en  quelque  sorte ,  c'est  l'im- 
puissance reconnue  où  sont  tous  les  phy- 
siciens de  rien  dire  de  satisfaisant  sur  ce 
profond  mystère  de  la  nature.  Le  moyen 
qu'il  crut  a  voir  d'y  parvenir  était  illusoire, 
comme  l'a  très  bien  remarqué  M.  Fabre 
dans  son  Essai  sur  les  facultés  de  l'âme  . 
Paris  ,  1783.  «  Ce  n'est  pas ,  dit-il,  dans  le 
»  développement  du  germe  que  consiste 
»  le  mystère  de  la  génération  ,  mais  dans 
»  sa  formation  ;  et  c'est  là  où  les  observa- 
»  tions  microscopiques  ne  sauraient  at- 
»  teindre.  »  (  Voyez  GRAAF  ,  KIRCHER, 
MUYS.  )  Le  goût  sûr  qui  décide  de  la  soli- 
dité d'une  observation  lui  manquait  abso- 
lument, aussi-bien  que  la  littérature  ,  qui 
porte  la  lumière  dans  toutes  les  sciences. 
On  doit  cependant  lui  savoir  gré  d'avoir 
contribué  à  la  découverte  des  germes, 
qui  suivant  un  philosophe  de  ce  siècle , 
suffit  seule  pour  anéantir  l'athéisme  ;  il 
l'anéantirait  en  effet,  si  les  sectateurs 
d'une  si  monstrueuse  opinion  pouvaient 
saisir  la  justesse  d'une  conséquence.  Il 
mourut  en  1723,  à  91  ans  ;  on  lui  a  élevé 
un  beau  mausolée  à  Delft,  dans  la  vieille 
église,  avec  une  épitaphe  emphatique.  Il 
a  publié  différens  ouvrages  en  hollandais, 
qui  ont  été  traduits  en  latin,  et  ont  paru 
sous  le  titre  à'Jrcana  nalurœ  délecta . 
Dclfl,  1695  à  1719,  4  vol.  in-4".,  Leyde  1722. 
On  a  imprimé  en  1722.  in-i",  ses  Lellres  à 
la  société  royale  de  Londres,  dont  il  était 
membre  ,  et  à  divers  savans. 

LEVAILLA.IVT  (  François  ).  Voijez 
VAILLANT. 

•  LEVASSEUR  (C.-J-A.  ) ,  naquit  en 
4723  ,  à  Rouen  ,  d'une  famille  distinguée 
dans  le  commerce.  Il  suivit  d'abord  cette 
profession  ,  fut  ensuite  nommé  adminis- 
trateur des  hospices  civils,  puis  échevin, 
membre  delà  chambre  de  commerce,  et 
président  de  la  juridiction  consulaire.  Le 
lièle  et  la  probité  avec  lesquels  il  remplit 
ces  divers  emplois  lui  attirèrent  l'atten- 
tion du  gouvernement  :  et  Louis  XVI ,  de 
son  propre  mouvement ,  lui  envoya  des 
lettres  de  noblesse.  A  l'époque  de  la  ré- 
volution ,  il  fut  successivement  nommé 
officier  municipal ,  et  administrateur  de 
la  Seine-Inférieure.  Il  ne  figura  cepen- 
dant dans  aucun  parti,  et  on  ne  lui  re- 


procha jamais  aucun  crime.  En  1792  ,  il 
devint  président  du  tribunal  de  com- 
merce ,  et  entra  en  1800  au  sénat  conser- 
vateur. Il  est  mort  à  Paris,  le  8  août  1802. 
—  Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  un 
autre  LEVASSEUR,  ancien  avocat  au 
parlement,  et  mort  en  1808 .  connu  par 
plusieurs  ouvrages,  tels  que  Manuel  des 
nouvelles  justices  de  paix;  Explication 
de  la  loi  du  k  germinal  an  S  ^  sur  la  fa- 
culté de  tester  et  de  disposer  entre-vifs , 
1  vol.  in-8°;  —  ni  avec  LEVASSEUR 
(  RENÉ  ) ,  chirurgien ,  et  membre  de  la 
Convention,  où  il  vota  la  mort  de  Louis 
XVI ,  et  dont  M.  Achille  Roche  a  fait  les 
Mémoires^  pour  lesquels  cet  écrivain  a 
été  condamné  à  quatre  mois  de  prison  et 
1,000  francs  d'amende.  On  peut  consulter 
à  cet  égard  VJmi  de  la  religion^  du  15 
mai  1830. 

*  LEVAVASSEUR  (Bernard -Marc- 
Francis  ) ,  membre  du  conseil-général  du 
déparlement  de  l'Oise,  né  à  Bretcuil 
(même  département)  le  15  septembre 
1775 ,  mort  en  1830 ,  manifesta  dès  sa  pre- 
mière jeunesse  un  goût  décidé  pour  la 
poésie.  Dès  l'âge  de  dix-huit  ans,  il  s'y 
était  essayé  en  composant  quelques  piè- 
ces fugitives ,  des  odes,  et  une  tragédie 
qui  ne  fut  point  imprimée.  Il  s'occupa 
aussi  avec  succès  des  utiles  et  honorables 
travaux  de  l'agriculture,  dans  laquelle 
son  père  s'était  distingué.  Introducteur 
de  divers  procédés  nouveaux  dans  la  cul- 
ture de  ses  fermes,  il  fut  appelé  à  coopé- 
rer aux  travaux  du  conseil  royal  d'agri- 
culture comme  membre  correspondant. 
Levavasseur  qui  n'avait  pas  renoncé  pour 
cela  aux  lettres,  fît  des  livres  de  l'Ancien 
Testament,  et  principalement  du  livre 
Job,  l'objet  principal  de  ses  recherches 
et  de  ses  méditations.  Ce  fut  comme  il  lo 
dit  lui-même,  aune  source  féconde,  qu'il 
puisa  l'enthousiasme  et  la  chaleur  poéti- 
que qui  brillent  dans  deux  odes  qu'il  a 
publiées  sur  des  sujets  religieux  ,  notam- 
ment dans  VOde  à  l'Eternel.  Il  n'avait 
toutefois  fait  paraître  encore  que  quelques 
opuscules  ,  lorsque  il  mit  au  jour  sa  tra- 
duction complète  en  vers  français  du  li- 
vre de  Job.  Cette  noble  entreprise  dont 
les  difficultés  n'avaient  pu  être  vaincues 
par  des  hommes  d'un  génie  supérieur,  fut 
exécutée  par  lui  avec  un  succès  remar- 
quable. Les  plus  sévères  critiques  ont 
rendu  hommage  au  savoir  de  l'auteur  ,  à- 
l'érudition  qu'annoncent  sa  préface  et  ses 
notes ,  et  surtout  au  talent  du  poète.  La 
iraduclion  de  Levavasseur  est  intitulée  : 


LEV 


&43 


LEV 


Le  livre  de  Job .  traduit  en  vers  français, 
avec  ie  texte  de  la  Vulgale  en  regarda, 
suiVÙ  de  notes  explicatives ,  etc.,  Paris, 
182^  in-8°.  Plusieurs  sociétés  savantes 
s'empressèrent  d'admettre  Tauteur  dans 
leur^sein. 

LÈVE,  ou  plutôt LEYVA  (Antoine  de), 
Navarrois,  prince  d'Ascoli,  diié^e  Terre- 
Neuve  ,  général  'des  arnUes  de  Charles- 
Quint,  naquit  vers  1480,  dans  l'obscurité, 
et  fut  d'abord  simple  soldat.  Il  parvint  au 
commandement  par  d'utiles  découvertes, 
et  par  une  suite  d'actions  la  plupart  heu- 
reuses et  toutes  hardies.  Un  extérieur 
ignoble  ne  lui  ôtait  rien  de  l'autorité  qu'il 
devait  avoir ,  parce  qu'il  joignait  au  ta- 
lent de  la  parole  une  audace  noble  à  la- 
quelle les  hommes  ne  résistent  pas.  Il  se 
signala  d'abord  dans  le  royaume  deNaples, 
sous  Gonsalve  de  Cordoue,  et  ensuite 
dans  le  Milanais ,  d'où  il  chassa  l'amiral 
Bonnivet  en  1523.  Il  se  signala  à  la  ba- 
taille de  Rebec  en  1524 ,  et  défendit  Pavie 
l'année  suivante  contre  François  I"  ,  qu 
y  fut  pris.  Uno  sortie  qu'il  fit ,  dans  la 
quelle  il  attaqua  vigoureusement  les 
Français,  détermina  la  victoire.  Ses  suc- 
cès lui  procurèrent  des  distinctions  flat- 
teuses. Charles -Quint  s'étant  rendu  en 
Italie ,  le  fit  asseoir  à  côte  de  lui ,  et ,  le 
voyant  obstiné  à  ne  pas  se  couvrir ,  il  lui 
mit  lui-même  le  chapeau  sur  la  tête  ,  en 
disant  :  «  qu'un  capitaine  qui  avait  fait 
»  soixante  campagnes ,  toutes  glorieuses , 
•  méritait  bien  d'être  assis  et  couvert  de- 
»  vant  un  empereur  de  50  ans.  »  Ce  grand 
général  soutint  sa  réputation  en  Autriche, 
où  il  fut  envoyé  en  1529  ,  contre  Soliman 
qui  assiégeait  Vienne ,  et  en  Afrique  ,  où 
il  suivit  l'empereur  en  1535.  L'année  d'a- 
près, il  fut  témoin  du  mauvais  succès  de 
l'expédition  de  Provence  ,  et  en  mourut 
de  douleur  en  1536  ,  à  76  ans  ;  il  fut  en- 
terré à  Saint-Denis,  près  de  Milan.  On 
a  raconté  de  lui  des  anecdotes  romanes- 
ques qui  ne  méritent  aucune  croyance. 
«  Il  était,  dit  Brantôme ,  goutteux ,  mala- 
»  dif ,  toujours  en  douleurs  et  en  lan- 
»  gueurs ,  mais  il  combattoit  porté  en 
»  chaise ,  comme  s'il  eût  été  à  cheval.  » 
—  Ses  fils ,  Sancbe  et  Antoine  de  LÈVE , 
servirent  l'Espagne  avec  zèle ,  et  se  si- 
gnalèrent en  divers  combats.  Le  premier 
eut  deux  fils ,  Alphonse  et  Sanche ,  qui 
se  distinguèrent  sous  le  duc  de  Parme , 
aux  Pays-Bas. 

*  LÉVÊQUE  (Pierre)  ,  célèbre  mathé- 
maticien ,  naquit  à  Nantes  (  Loire-Infé- 
rieure), le  3  septembre  1746.  Il  étudia 


chez  les  pères  jésuites  de  sa  ville  natale 
et  se  livra  particulièrement  aux  mathé» 
matiques ,  dans  lesquelles  il  fit  de  grands 
progrès.  Désirant  connaître  par  pratique 
ce  qu'il  avait  appris  par  théorie  sur  la  na- 
vigation, il  s'embarqua  à  l'âge  de  18  ans, 
avec  un  emploi  fort  modeste,  sur  un 
vaisseau  de  l'état.  En  moins  de  deux  ans, 
il  apprit  ce  qui  concerne  la  construction, 
la  manœuvre  navale  et  le  pilotage.  Après 
ses  voyages  maritimes,  il  revint  en 
France  ,  et  enseigna  les  mathématiques  à 
Mortagne,  à  Breteuil  et  ensuite  à  Nantes, 
où  il  obtint ,  en  1772 ,  la  chaire  royale 
d'hydrographie.  Il  fut  le  premier  qui 
donna,  dans  cette  ville,  le  spectacle  d'un 
aérostat.  On  lui  doit  aussi  une  des  pre- 
mières machines  à  vapeur  qui  aient  été 
construites  en  France.  Il  possédait  l'his- 
toire ,  les  langues  anciennes  et  modernes, 
les  sciences  naturelles ,  l'administration  , 
le  commerce ,  etc.,  et  joignait  à  ces  con- 
naissances un  jugement  profond  et  solide.' 
Depuis  1786 ,  il  était  examinateur  royal 
de  la  marine,  lorsque  survint  la  révolu- 
tion ,  dont  il  n'adopta  pas  les  principes 
subversifs.  La  protection  de  quelques  amis 
put  le  faire  respecter  jusqu'à  l'époque  de 
la  terreur.  Obligé  alors  de  fuir  pour 
échapper  à  la  mort ,  il  ne  reparut  qu'a- 
près la  chute  de  Robespierre.  Il  fut  nom- 
mé ,  en  1797  ,  membre  du  conseil  des  An- 
ciens, et  lors  delà  révolution  du  18  fruc- 
tidor (  4  septembre  1797  ) ,  il  fut  proscrit 
de  nouveau.  (  T^oyez  AUGEREAU.  )  Les 
temps  étant  devenus  plus  calmes,  il  re- 
vint à  Paris.  En  1801 ,  il  fut  admis  à  l'in- 
stitut, à  la  place  de  Cousin,  et  reçut,  peu 
de  temps  après  ,  la  croix  de  la  légion- 
d'honneur.  Modeste  dans  ses  goiits  et  ses 
désirs,  il  menait  une  vie  heureuse  et 
tranquille  ,  lorsqu'il  perdit  un  fils ,  âgé 
de  27  ans,  officier  distingué  dans  le  corps 
du  génie.  Cette  mort  hâta  la  sienne ,  et  il 
succomba  à  une  attaque  d'apoplexie ,  au 
Havre,  le  16  octobre  1814 ,  âgé  de  68  ans. 
L'Eloge  de  Lévêque^  prononcé  le  8  jan- 
vier 1815  à  l'institut,  par  Delambre,  sa 
trouve  dans  les  Mémoires  de  ce  corps  sa- 
vant pour  1818.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  I  Tables  générales  de  la  hauteur  et 
de  la  longitude  du  nonagésime  ^  Avignon, 
i776 ,  2  vol.  in-8° ,  avec  des  tables  de- 
hauteur  et  d'azimut,  calculées  par  Tre- 
buchet.  Les  tables  que  Ptolémée  n'avait 
calculées  que  pour  sept  climats  ,  Lévêque 
les  a  étendues  sur  tout  le  globe  ,  et  elles 
sont  même  plus  estimées  que  celles  de  La- 
grange  -,  l  Le  Guide  du  navigateur.  Nantes, 


LEV 


444 


LEV 


I7T9,  1  vol.  in-8°,  fig.  On  y  trouve  les 
tables  nécessaires  pour  la  navigation. 
Lalande  a  jvigé  cet  ouvrage  supérieur  à 
ceux  qui  ont  paru  sur  ce  sujet  ;  |  Examen 
marithne ,  ou  Traité  de  la  mécanique 
appliquée  à  la  construction  et  à  la  ma- 
nœuvre des  vaisseaux ,  Nantes  ,  1782 ,  2 
vol.  in-i".  C'est  une  traduction  de  l'ou- 
vrage de  D.  George  Juan ,  savant  espa- 
gnol (  V.  ce  nom  ) ,  entreprise  par  ordre 
du  ministre  de  la  marine,  et  enrichie  de 
Notes  par  Lévêque ,  qui  en  a  donné  une 
2'  édit.,  intitulée  :  De  la  construction  et 
de  la  manœuvre  des  vaisseaux  ^  etc., 
Paris,  1792,  2  vol.  in-i".  |  Rapport  à 
l'institut^  sur  les  observations  astronomi- 
ques et  nautiques  de  don  Joseph  Joachim 
de  Ferrer  (  astronome  espagnol  ) ,  1798  ; 
I  Mémoire  à  l'occasion  d'un  ouvrage  de 
Afaingon^  ayant  pour  titre  :  Mémoire  con- 
cernant des  explications  théoriques  et 
pratiques  sur  une  carte  trigonométrique 
servant  à  réduire  la  distance  apparente 
de  la  lune  au  soleil,  ou  à  une  étoile,  en 
distance  vraie,  et  à  résoudre  d'autres 
questions  de  pilotage.  Paris ,  1798.  Sui- 
vant Lalande ,  «  ce  rapport  contient  une 
grande  érudition  et  des  réflexions  im- 
portantes sur  la  méthode  ingénieuse, 
exacte  et  facile,  proposée  par  l'auteur 
du  Mémoire ,  pour  faire  usage  d'une 
seule  carte,  au  lieu  du  grand  nom- 
bre de  celles  qui  ont  été  publiées  par 
Margetts.  »  |  Rappoî-t  (  à  l'institut  )  sur 
un  nouveau  système  de  mâts  et  d'assem- 
blage pour  les  vaisseaux,  1799;  |  Mé- 
moire  sur  l'usage  qu'on  peut  faire  des 
cartes  horaires  de  Margetts,  1802.  La- 
lande fait  un  grand  éloge  de  ce  Mémoire, 
qui  a  été  inséré  dans  la  Connaissance 
des  temps  pour  4802  ;  |  Mémoire  sur  les 
observations  qu'il  est  important  de  faire 
sur  les  marées  dans  les  divers  ports  de  la 
France»  1805  ;  |  Description  nautique  des 
côtes  orientales  de  la  Grande-Bretagne  et 
des  côtes  de  Hollande,  du  Jutland  et  de 
Norwége,  Faris,  1801,  in-4°.  (Cette  des- 
cription, extraite  de  l'anglais,  a  été  publiée 
par  le  dépôt  général  de  la  marine.  )  Par- 
rai  les  ouvrages  inédits  de  Lévêque ,  et 
qu'il  n'a  pu  achever ,  on  cite  :  |  Traité 
théorique  et  pratique  de  la  construction 
et  de  l'usage  de  tous  les  instrumens  nau- 
tiques; I  Traité  pratique  de  la  manœuvre, 
enrichi  des  morceaux  les  plus  intéressans 
de  la  Tactique  de  Mazzaredo  (  amiral  es- 
pagnol), de  Clarke  et  autres  auteurs; 
I  des  matériaux  pour  un  Dictionnaire  po- 
lyglotte de  tous  les  termes  de  marine; 


I  des  notes  pour  un  ouvrage  sur  les  ma- 
rées;  \  et  un  grand  travail  sur  le  Jau- 
geage des  vaisseaux.  Lévêque  a  traduit , 
suivant  Lalande,  l'ouvrage  anglais  mti- 
tulé  :  Traité  de  la  Perspective  (de  Fer- 
gusson  ).  Lalande  lui  attribue  en  outre 
des  OpusciUes  nautiques.  Quand  la  mort 
le  surprit  ,x^êaiie  préparait  une  nou- 
velle édition,  revue  et  augmentée,  de  son 
Guide  du  navigateur. 

LÉVESQUE  de  GRAVELLE  (Michel- 
Philippe  ),  conseiller  au  parlement  de 
Paris,  mort  en  17S2,  avait  le  goût  des 
beaux-arts.  On  lui  doit  un  Recueil  de 
pierres  gravées  antiques,  1752  et  1757,  2 
volumes  in-/».° ,  curieux  et  recherché. 

LÉVESQUE  de  POUILLY  (  Locis- 
Jeax  ) ,  né  à  Reims  en  1691 ,  d'une  famille 
ancienne,  membre  de  l'académie  des  in- 
scriptions ,  se  consacra  d'abord  aux  ma- 
thématiques, et  à  vingt -deux  ans  il  en- 
treprit d'expliquer  les  principes  de  la 
philosophie  naturelle  de  Newton  ;  mais  sa 
mauvaise  santé  le  fit  renoncer  à  cette 
étude.  Il  voyagea  en  Angleterre  ,  où  il  fut 
bien  reçu  par  lord  Bolingbroke  et  par 
Newton.  De  retour  dans  sa  patrie ,  il  fut 
élu  lieutenant -général  de  la  ville  de 
Reims  en  1746.  Il  fit  venir  dans  cette  ville 
des  eaux  de  fontaine  plus  salutaires  que 
celles  de  puits,  qui  incommodaient  beau- 
coup les  habilans,  et  mourut  en  1750,  à 
39  ans.  De  Pouilly  est  surtout  connu  par 
sa  Théorie  des  sentimens  agréables,  petit 
ouvrage  imprimé  pour  la  i'  fois  en  177i, 
in-8°  :  c'est  la  production  d'un  esprit  net 
et  délicat,  qui  sait  analyser  jusqu'aux 
plus  petites  nuances  du  sentiment.  Il  y  a 
quelques  propositions  auxquelles  on  pour- 
rait donner  un  mauvais  sens,  mais  un 
lecteur  sage  doit  toujours  choisir  le  plus 
favorable  :  le  mieux  serait  sans  doula 
qu'on  ne  pût  leur  en  donner  d'autre. 

•  LÉVESQUE  de  POUILLY  (  Je\«- 
SiMOJW  )  ,  fils  du  précédent  ,  naquit  à 
Reims,  en  1754.  Son  père  lui-même  avait 
dirigé  son  éducation,  et  les  succès  du 
jeune  Lévesque  furent  tels  qu'à  l'âge  de  13 
ans  il  était  déjà  très  instruit  dans  les  belles- 
lettres  anciennes  et  modernes.  S'étant 
rendu  très  jeune  à  Paris,  il  y  trouva  de 
puissans  protecteurs ,  et  fut  successive- 
ment président,  lieutenant-général,  com- 
missaire enquêteur  et  examinateur  hono- 
raire. En  1768,  il  devint  membre  de  l'a- 
cadémie royale  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  de  Paris ,  et,  le  20  février  1782, 
les  habitans  de  la  ville  de  Reims  le  choi- 
sirent pour  leur  lieutenant.  En   1790,   il 


LEV 


44S 


LEV 


était  conseiller  d'état.  Il  cniigra  trois  ans 
après,  et  se  réfugia  en  Allemagne,  mais 
il  rentra  bientôt  en  France  ,  et  vécut  dans 
ses  terres  pendant  plusieurs  années.  Lé- 
vesque  de  Pouilly  était  aussi  membre  ho- 
noraire de  l'académie  de  Chàlons- sur- 
Marne.  Il  mourut  le  24  mars  1820 ,  âgé  de 
86  ans.  Il  a  laissé  :  |  Eloge  de  M.  Royier 
de  Mavelin^  lieutenant  de  la  ville  de 
Reims,  1755;  |  Vie  de  Michel  de  l'Hôpi- 
tal, Londres  (  Paris  ) ,  17u/4. ,  in-12  ;  |  Eloge 
de  Charles-Bonnet  (  imprimé  en  Allema- 
gne )  ;  I  Théorie  de  V Imagination  ,  Paris, 
1803,  1  vol.  in-i2.  Cet  ouvrage  ne  man- 
que pas  de  mérite  ,  mais  il  est  inférieur  à 
la  Théorie  des  sentimens  agréables.  \  Plu- 
sieurs Mémoires  insérés  dans  la  collec- 
tion de  ceux  de  l'académie  de  Paris.  V  An- 
nuaire de  la  Haute-Marne  a  donné  une 
notice  sur  Lévesque  de  Pouilly.  Ce  litté- 
rateur avait  un  style  correct  et  élégant. 

*  LÉVESQUE  (  PiEKRE-CiiAhLES  ) ,  his- 
torien et  traducteur ,  membre  de  l'acadé- 
mie des  inscriptions,  né  à  Paris  le  20 
mars  i736 ,  fit  ses  études  avec  distinction 
uu  collège  Mazarin ,  et  fut  obligé  de  vivre 
à  Paris  du  produit  de  son  travail  comme 
graveur  et  dessinateur:  car  ses  parens  en 
quittant  la  capitale  où  la  médiocrité  de 
•  leur  fortune  ne  leur  permetlait  pas  de 
rester,  l'avaient  destiné  à  la  carrière  des 
beaux-arts.  La  passion  du  jeune  Lévesque 
pour  les  lettres ,  sa  bonne  conduite  et  ses 
succès  dans  les  différens  ouvrages  dont  il 
fut  chargé ,  lui  méritèrent  des  protecteurs 
parmi  des  personnages  très  distingués  et 
des  écrivains  très  connus.  Diderot  le  re- 
commanda à  l'impératrice  Catherine  II, 
et  cette  princesse  lui  offrit  une  place  de 
professeur  de  belles-lettres  dans  son  école 
des  cadets -nobles.  Lévesque  partit  pour 
la  Russie  en  1773 ,  et  ne  revint  en  France 
qu'en  1780.  Pendant  son  séjour  dans  ce 
pays,  il  recueillit  les  matériaux  d'une 
histoire  des  Russes  qu'il  publia  à  son  re- 
tour dans  sa  patrie ,  et  qui  lui  ouvrit  les 
portes  de  l'académie  des  inscriptions.  Il 
fut  obligé  de  consulter  les  chroniques  na- 
tionales, et  par  conséquent  d'étudier  à 
fond  le  russe  et  le  slavon.  Cette  histoire 
fut  accueillie  avec  empressement  en 
France  et  en  Russie ,  et  dans  ce  dernier 
pays  elle  était  classique  :  maintenant  on 
Jui  préfère  l'histoire  qu'a  publiée  Karam- 
zin  (  voyez  ce  nom  ).  Lévesque  fut  nom- 
mé professeur  de  morale  ,  et  ensuite  d'his- 
toire au  collège  de  France.  En  1793  il 
«ntra  à  l'institut  et  mourut  à  Paris  le 
12  mai  1812,  âgé  de  76  ans.  Léves- 
7. 


que  avait  une  vaste  érudition  ;  mais  il  a 
trop  écrit  pour  que  ses  ouvrages  aient  pu 
approcher  de  celte  perfection  qu'on  n'ob- 
tient que  par  un  travail  assidu.  La  mul- 
titude des  matières  qu'il  embrassait  l'em- 
pêchait de  réfléchir  assez  sur  chacune 
d'elles ,  et  surtout  de  donner  à  son  style 
cette  facilité,  cette  correction  dont  il  e^l 
parfois  dépourvu.  Il  fut  lié  avec  les  phi- 
losophes ,  dont  il  partageait  les  sentimens, 
comme  on  peut  en  juger  par  ses  écrits  : 
I  Les  Rêves  d'Aristobute,  philosophe  grec, 
suivis  d'un  abrégé  de  la  Vie  de  Formose, 
philosophe  français,  Paris,  1761,  1  vol. 
in-12;  Carlsruhe,  1762;  îc/^m^ traduits  en 
italien  par  la  comtesse  Guillelmine  d'An- 
halt,  et  publics  par  Frédéric- Auguste, 
prince  de  Brunswick,  Berlin,  1768; 
I  Choix  des  poésies  de  Pétrarque,  tradui  tes 
de  l'italien,  Paris,  1774, 1  vol.  ia-S"  ;  1787,  2 
vol.  in-18  ;  |  L'Homme  moral,  ou  l'Home 
me  considéré  tant  dans  l'état  de  pure  na^ 
ture  que  dans  la  société,  Amsterdam, 
1775, 1  vol.  in-12;  4*  édition  sous  le  tilru 
Aq L'Homme  moral,  ouïes  Princiiies  des 
devoirs ,  suivis  d'un  aperçu  sur  la  civi- 
lisation, Paris,  1784,  xm  vol.  in-12; 
[  L'Homme  pensant  ou  Essai  sur  l'his- 
toire de  l'esprit  humaiii,  Amsterdam, 
1779,  1  vol.  in-12;  |  Histoire  de  Russie, 
Paris,  1785,5  vol.  in-i2  ;  Iverdun,  idem, 
6  vol.  in-12.  )  Histoire  des  différens  peu- 
ples soumis  à  la  domination  des  Russes , 
ou  Suite  de  l'Histoire  de  Russie,  2  vol. 
in-12.  Ces  deux  ouvrages  ont  été  réunis 
ensemble  sous  le  premier  titre  d'Histoire 
de  Russie,  augmentée  et  conduite  jusqu'à 
la  fin  du  règne  de  Catherine  II ,  Paris  et 
Hambourg,  1800,  8  vol.  grand  in -8"; 
autre  édition  ,  continuée  jusqu'à  la  mort 
de  Paul  I",  avec  des  notes  de  BIM.  Malte- 
Brun  et  Depping ,  Paris  ,1812,8  vol.  in-8° 
et  atlas.  |  Eloge  historique  de  VabbédeMa^ 
bly,  Tar'is,  1787,  in-8°.  Cet  éloge  ])artagea 
le  prix  extraordinaire  de  l'académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres.  |  La  France 
sous  les  cinq  premiers  Valois ,  ou  His- 
toire de  France  depuis  la  mort  de  Phi- 
lippe de  Valois  jusqu'à  celle  de  Charles 
VII ^  précédée  d'une  introduction  dans 
laquelle  on  suit  les  révolutions  et  les  pro- 
grès de  la  monarchie ,  depuis  le  règne  de 
Pépin  jusqu'à  la  mort  de  Philippe  le  Bel, 
Paris,  1787,  4  vol.  in-12.  Col  ouvrage  a 
mérité  les  élogesdeM.  Dacier.  On  y  trouva 
la  même  exactitude  et  la  même  solidité 
des  recherclies  que  dans  l'Histoire  do 
Russie.  I  Dictionnaire  des  arts,  de  pein- 
ture, sculpture  et  gravure  .  de  concert 
38 


LEV 


446 


LEV 


avec  Watelcl,  de  l'académie  française, 
Taris,  1792,  5  vol.  {;rand  in-8°;  |  Histoire 
de  Thucydide^  Iraduile  du  grec,  Paris, 
1795,  4  vol.  in-i**  et  in-8°.  Cette  Iraduc- 
lion  fit  beaucoup  d'honneur  à  Lévesque 
et  le  fit  connaître  pour  xxn  profond  hel- 
léniste. I  Etude  de  l'Histoire  de  la  Grèce. 
1811 ,  4  vol.  il»  -  8°  ;  |  différens  Mémoires 
dans  le  Recueil  de  l'institut ,  et  autres  ou- 
V rages  insérés  dans  la  Collection  des  mo- 
ralistes anciens,  publiée  par  Didot  l'aîné 
et  Dcbure,  savoir  :  [  Pensées  morales  de 
Confucius^  il^'i,  1  vol.;  |  Pensées  tno- 
rales  de  divers  auteurs  Chinois,  1782,  1 
vol.  ;  I  Caractères  de  l'héophraste  ,i7S^  , 

I  vol.;  I  Sentences  de  Tliéognis ,  Phocy- 
lide ,  etc.,  1785,  1  vol.  ;  |  Pensées  morales 
de  Cicéron  .  1782 ,  1  vol.  ;  |  Jpophtheymes 
des  Lacédémoniens,  extraits  de  Plutar- 
»{ue,  1794,  1  vol.;  |  Fies  et  Jpophtheg^ 
tues  des  philosophes  grecs,  1795,  1  vo!., 
etc.  On  lui  doit  aussi  des  mémoires  ,  des 
discours ,  des  notices,  des  articles  biogra- 
phiques et  d'autres  opuscules. 

LÉVI.  Voyez  PHILIPPE  LÉVI. 

LÉVI,  5*  fils  de  Jacob  et  de  Lia,  naquit 
eu  Mésopotamie  l'an  1748  avant  J. -C. 
Ces*,  lui  qui ,  voulant  venger  avec  son 
frère  Siméon  ,  l'injure  faite  à  Dina  leur 
sœur,  passa  au  fil  de  l'épée  tous  les  ha- 
bitans  de  Sichem.  Jacob  en  témoigna  un 
déplaisir  extrême,  et  prédit  au  lit  de  la 
tnort  qu'en  punition  de  cette  cruauté,  la 
famille  de  Lévi  serait  divisée  et  n'aurait 
point  de  portion  fixe  au  partage  de  la 
terre  promise.  En  effet  elle  fut  dispersée 
dans  Israël,  et  n'eut  pour  partage  que 
quelques  villes ,  qui  lui  furent  assignées 
dans  le  lot  des  autres  tribus.  Lévi  descen- 
dit en  Egypte  avec  son  père,  ayant  déjà 
ses  trois  fils  Gerson,  Caath  et  Merari, 
dont  le  deuxième  eut  pour  fils  Amram, 
de  qui  naquirent  Moïse,  Aaron  et  Marie. 

II  y  mourut  l'an  1012  avant  J.-C,  à  137 
ans.  Sa  famille  fut  toute  consacrée  au  ser- 
vice de  Dieu;  et  c'est  de  lui  que  les  prê- 
tres et  les  lévites  tirèrent  leur  origine. 
Ceux  de  sa  tribu  s'alliaient  souvent  à  la 
maison  royale ,  ainsi  que  le  prouve  la  gé- 
néalogie des  parens  de  J.  -  C.  selon  la 
chair.  Dans  un  des  livres  de  l'Ancien  Tes- 
lanaent  (  le  Léviiique  ) ,  ce  patriarche  pro- 
phétise que  le  Messie  naîtra  de  lui  et  de 
Judas,  et  il  dépeint  l'horrible  scandale 
que  l'iniquité  des  prêtres  répandra  sur 
le  sanctuaire  par  la  condamnation  du 
Christ. 

:  LÉVI  de  GERSOM ,  rabbin ,  a  composé 
les  Guerres  du  Seigneur  eu  hébreu ,  "VVal- 


lenstadt,  1560,  in-fol.,  et  des  Commen- 
taires imprimés  séparément  et  dans  les 
grandes  bibles.  C'était  un  esprit  singu- 
lier, qui  a  rempli  tous  ses  livres  de  vai- 
nes subtilités  métaphysiques.  On  ignore 
le  temps  où  il  a  vécu. 

LEVI  (Raphaël).  Voyez  BYZANCE. 

LÉVIS,  ou  LEVI  (Guy  de),  d'une  il- 
lustre maison  de  France ,  fut  le  chef  de 
toutes  les  branches  que  l'on  en  connaît 
aujourd'hui.  Il  se  croisa  contre  les  albi- 
geois, et  fut  élu  maréchal  des  croisés. 
C'est  en  mémoire  de  cette  charge  que  sa 
postérité  a  toujours  conservé  le  titre  de 
Maréchal  de  la  Foi.  Il  se  signala  dans 
cette  guerre ,  et  eut  la  dépouille  de  ces 
rebelles  fanatiques ,  la  terre  de  Mirepoix 
et  plusieurs  autres  situées  en  Languedoc. 
Il  mourut  en  1250;  il  avait  fondé  en  1190 
l'abbaye  de  la  Roche.  Ses  successeurs  ont 
joint  au  nom  de  Lévis  celui  de  seigneurs 
de  Mirepoix. 

*  LÉ  VIS  (  François  ,  duc  de  ),  maré- 
clial  de  France,  né  en  1720,  au  château 
d'Ajac  en  Languedoc,  d'une  famille  très 
ancienne,  entra  de  bonne  heure  au  ser- 
vice ,  sous  le  nom  de  chevalier  de  Lévis  ,  \ 
et  s'y  fit  remarquer  par  une  bravoure 
calme  et  un  grand  sang-froid,  qui  con- 
trastait sin[;ulièrement  avec  la  vivacité 
de  son  caractère.  Seul  avec  le  maréchal 
de  Lévis -Mirepoix,  son  cousin,  dont  il 
était  aide-de-camp ,  il  fit  deux  bataillons 
prisonniers.  Sa  conduite  dans  le  Canada 
lui  attira  des  applaudisseujens  ;  mais  il  ne 
put  couservor  cette  importante  colonie  à 
la  France.  A  son  retour,  il  fut  nommé  lieu- 
tenant-général, et  rendit  de  nouveaux 
services ,  surtout  au  combat  de  Johannis- 
berg.  A  la  paix  de  Versailles ,  il  obtint  la 
gouvernement  de  la  province  d'Artois,  tt 
sut  se  concilier  l'affection  des  troupes  et 
celle  des  citoyens.  Lorsque  l'on  forma ,  eu 
1771,  la  maison  militaire  de  Monsieur  (i), 
il  eut  le  commandement  d'une  compagnie 
de  ses  gardes ,  devint  maréchal  de  France 
en  1785 ,  et  fut  fait  duc  en  1784.  Il  mourut 
en  1787  à  Arras,  où  il  s'était  rendu  pour 
tenir  les  états  de  cette  province.  On  trouve 
des  détails  sur  le  maréchal  de  Lévis  dans 
les  Souvenirs  et  po7traits,  Paris,  1813, 
in-8",  publiés  par  son  fil*,  M.  le  duc  de 
Lévis. 

*  LEVIS  (  M.  A.,  duc  de  ) ,  grand  bailli 
de  Senlis ,  naquit  à  Paris  en  1759.  Nom- 
mé député  de  la  noblesse  aux  état:<-géné- 
raux  de  1789,  il  se  réunit  au  tiers  état,  et 


(i)  Dcpaii  Louis  XVIII. 


LEV 


44^ 


LEY 


siégea  à  l'Assemblée  nationale ,  le  i"  août. 
Il  présenta  ses  réflexions  sur  l'inutilité 
de  la  déclaration  des  droits ,  consentant 
néanmoins  qu'on  la  mit  à  la  suite  de  la 
constitution.  Il  s'opposa  quelque  temps 
après  à  l'emprunt  demandé  par  Necker , 
et  appuyait  son  opinion  sur  l'aveu  des 
caliiers  qui  défendaient  aux  députés  d'en 
consentir  de  nouveaux.  Dans  la  même 
année ,  il  proposa  qu'on  établît  des  rcgle- 
mens  sur  la  liberté  de  la  presse,  et  à  l'oc- 
casion de  la  dédicace  des  Œuvres  de  Vol- 
taire, que  Palissot  présenta  à  l'Assem- 
blée ,  il  fit  décréter  .qu'on  n'en  recevrait 
aucune.  li  vota  le  18  mai  1790  pour  qu'on 
n'accordât  le  recours  contre  les  auteurs 
de  détentions  arbitraires,  qu'aux  pri- 
sonniers contre  lesquels  il  n'y  aurait  pas 
de  plaintes  légales.  Dans  les  différends 
qui  eurent  lieu  entre  l'Angleterre  et  l'Es- 
pagne, il  fit  déclarer  que  la  France 
n'entreprendrait  aucune  agression  ,  mais 
qu'elle  saurait  défondre  ses  droits. Quelque 
modération  que  le  duc  de  Levis  eût  mise 
dans  sa  qualité  de  député ,  il  n'avait  pas 
moins  adopté  ,  en  partie,  les  principes  ré- 
volutionnaires. Il  revint  bientôt  de  son  er- 
reur ,  et* eut  sa  part  des  persécutions.  Le 
règne  de  la  terreur  arriva;  il  devint  sus- 
pect, et  fut  enfermé  au  Luxembourg, 
comme  complice  d'une  de  ces  conjura- 
lions  qui  servaient  souvent  de  prétexte 
aux  factieux  pour  immoler  des  victimes. 
Le  duc  de  Levis  fut  de  ce  nombre.  Con- 
damné par  le  tribunal  révolutionnaire,  il 
fut  exécuté  le  k  mai  1794 ,  âgé  de  53  ans. 
—  Son  épouse  subit  le  même  sort  le  10 
juillet  suivant  :  on  l'accusa  d'avoir  pris 
part  à  la  prétendue  conjuration  du  Luxem- 
bourg, où  elle  était  détenue. 

LE  YDE  (  Philippe  de  ) ,  né  d'une  famille 
noble  de  la  ville  dont  il  porte  le  nom ,  fut 
conseiller  de  Guillaume  de  Bavière ,  comte 
de  Hollande,  puis  grand -vicaire  et  cha- 
noine d'Utrecht,  où  il  mourut  en  1580. 
On  a  de  lui  :  De  7-epubltcœ  cura_,  et  sorte 
principantis  .  nonnulli  alii  tractatus , 
Leyde,151ô,  in-fol.,  et  Amsterdam,  1701, 
in-Ji." ,  avec  une  Vie  de  l'auteur.  Ce  qu'il 
a  écrit  sur  le  gouvernement  civil  ne  vaut 
pas  ce  qu'il  dit  du  gouvernement  domes- 
tique. Il  avait  professé  le  droit  à  Orléans 
et  à  Paris ,  et  laissa  d'autres  ouvrages  ou- 
bliés aujourd'hui. 

LEYDECKER  (  Melchior  ),  théologien 
calviniste ,  né  à  Middelbourg  en  1642 , 
professeur  de  théologie  à  Utrecht  en  1678, 
mort  en  1721 ,  à  79  ans,  était  un  homms 
dur  et  passionné ,  qui  ne  savait  réprimer 


ni  sa  langue  ni  sa  plume.  On  a  de  lui  plu- 
sieurs ouvrages  pleins  d'érudition  ,  mais 
qui  manquent  souvent  de  criliquc.  Les 
principaux  sont:  |  Traité  de  la  république 
des  Hébreux,  2  vol.  in-fol.,  Amsterdam, 
1704  et  1710  :  recueil  curieux,  semé  d'a- 
necdotes sur  le  judaïsme  moderne.  Il  y  a 
joint  une  réfutation  de  Y  Archéologie  de 
Burnet.  Ce  traité  de  la  république  des 
Hébreux  n'a  pas  fait  oublier  celui  de  Si- 
gonius  sur  la  même  matière.  |  Un  Com- 
mentaire latin  sur  le  Catéchisme  d'Hei- 
delberg  ;  |  une  Dissertation  contre  le 
Monde  enchanté  de  Becker  ;  |  une  Ana- 
lyse de  l'Ecriture  avec  la  Méthode  de 
prêcher;  |  une  Histoire  du  janséiùsme , 
Utrecht,  1695,  in -8";  |  Fax  veritatis . 
Leydo.  1677,  in -8";  |  la  Co?itinuation 
de  l'Histoire  ecclésiastique  de  Hornius, 
Francfort,  1704,  in-8°;  |  Histoire  de  l'E- 
glise d'Afrique ,  in-4°;  |  Synopsis  contro- 
versiarum  de  fœdere.  Tous  ces  ouvrages 
sont  écrits  en  latin,  d'un  style  dur,  et 
dans  les  préjugés  de  l'auteur. 

LEYDCA'  (Jean  de).  Voyez  JEAN. 

LEYDEN  (  Jean-Geubiiaxo  de  ),  airjsi 
nommé  parce  qu'il  était  de  la  ville  de  ce 
nom,  se  fit  carme,  s'appliqua  avec  une 
grande  assiduité  à  toutes  les  fonctions  do 
la  vie  apostolique ,  et  consacra  ses  mo- 
mens  de  loisir  à  l'élude  de  l'histoire  de 
son  pays.  Il  mourut  l'an  1504.  On  a  de 
lui  :  I  Chronicon  Hollandiœ  comilum  et 
episcoporum  ultrajectensium ,  a  S.  JVil- 
lebrordo  adannuin  1417,  Francfort ,  1520, 
in-fol.;  I  Chronicon  egmondanum,  sive 
Annales  abbatum  egmondensiurnj  publié 
par  Antoine  Matthieu,  Leyde,  1698,  in- 
4".  On  lui  attribue  une  Histoire  de  l'ordre 
des  carmes  ;  ce  n'est  qu'une  répétition  de 
celle  d'Arnold  Bostius. 

LEYDE\  (  Jea\  de  ) ,  ainsi  nommé  du 
lieu  de  sa  naissance  (  et  dont  le  nom  est 
BULCOLD  ou  BEROLD  ),  n'est  connu  que 
par  son  fanatisme.  Il  était  tailleur.  Il  s'as- 
socia avec  un  boulanger  et  un  ministre 
protestant,  nommé  Rotman,  et  devint 
chef  des  anabaptistes.  Le  boulanger,  ap- 
pelé Jean  MATTHIEU ,  changea  son  nom 
en  celui  de  Moïse.  Il  envoya  douze  de  ses 
disciples,  qu'il  appela  ses  apôirts,  se 
vantant  d'être  envoyé  du  Père  éternel, 
pour  établir  une  nouvelle  Jérusalem.  Ces 
fanatiques  se  rendirent  maîtres  de  Muns- 
ter en  1554,  et  y  exercèrent  des  indi- 
gnités et  des  atrocités  incroyables.  Les 
magistrats  et  autres  citoyens  honnêtes  s'é- 
lant  opposés  à  leur  fureur ,  furent  mas- 
sacrés ou  expirèrent  dans  des  tourmens 


LEZ 


US 


LEZ 


raffinés.  Cet  imposteur  insensé  prenait  le 
norh  lie  Roi  de  Jérusalem  et  cTIsraël^  et 
no  régnait  que  par  des  massacres ,  des 
cruautés  et  des  abominations  inouïes.  II 
espérait  établir  sa  puissance  sur  les  débris 
de  celle  des  potentats  de  l'Europe  ;  mais 
Vcvéque  de  Munster  l'ayant  pris  avec  les 
j)rincipaux  ministres  de  sa  frénésie ,  il  les 
lit  mourir  par  de  rigoureux  supplices  en 
<a5G,  après  les  avoir  promenés  quelque 
temps  dans  les  pays  circonvoisins  ,  pour 
répandre  la  terreur  dans  l'âme  des  fana- 
tiques qui  troublaient  alors  tous  les  états 
de  l'Europe ,  mais  particulièrement  l'Alle- 
m.agne.  Voyez  MUNSTER. 

LEZAIVA  (  Jean-Baptiste  de),  carme, 
naquit  à  Madrid  le  23  novembre  1586.  Il 
enseigna  avec  réputation  à  Tolède,  à 
Alcala  et  à  Rome  ;  Urbain  VIII  le  fit  as- 
sesseur de  la  congrégation  dell'  Indice , 
et  Innocent  X  de  celle  des  Rites.  Il  mou- 
rut à  Rome  le  29  mars  1659 ,  à  73  ans.  On 
a  de  lui  :  ]  Summa  qucestionum  regida- 
rium^  Lyon,  1665,4  vol.  in -fol.;  c'est 
une  théologie  qui  a  pour  objet  principal 
les  devoirs  des  religieux  ;  |  Summa  theo- 
loffice  sacrcBj  Rome,  1651,5  vol.  in-fol.; 
)  j4nnales  sacri^  prophetici  et  Eliani  or- 
diniSjClc,  Rome,  165 1-1656, i  vol.,  in-fol. 
pleins  de  fables  ridicules  sur  l'origine 
de  cet  ordre;  |  De  regulai-ium  reforma- 
tione ,  Rome ,  1646 ,  in-4°. 

*  LEZAY-MARi\EZIA  (  Claude-Fra\- 
çois-Adriew  ,  marquis  de  ) ,  naquit  à  Metz 
en  1735.  Il  suivit  d'abord  la  carrière  des 
armes  ,  et  servit  dans  le  régiment  du  roi. 
Le  marquis  de  Marneiia  avait  fait  de  très 
bonnes  études  ,  et ,  jeune  encore  ,  il  quitta 
l'état  militaire  dont  les  nouveaux  règle- 
mens  lui  déplurent,  et  se  livra  entière- 
:nent  à  la  littérature;  il  se  fixa  à  la  cam- 
pagne ,  où  il  s'occupa  d'adoucir  le  sort 
de  ses  vassaux ,  et  abolit  dans  ses  domai- 
nes, plusieurs  années  avant  la  révolution , 
.  la  corvée  et  la  main-morte.  La  noblesse 
du  bailliage  d'Aval  le  nomma  son  député 
aux  états-généraux  de  1789  ,  et  fut  un  de 
ceux  qui  parmi  les  nobles  passèrent  à  la 
chambre  du  tiers-élat,  et  favorisèrent  les 
premières  innovatioiis.  Le  marquis  de 
Marnciia  avait  de  bons  principes  ,  un  ju- 
gement sain ,  et  aimait  le  roi.  Il  ne  tarda 
,cis  à  apercevoir  le  but  où  tendaient  les 
factieux,  et  rectifia  ses  opinions.  D'après 
le  sentiment  de  J.-.I.  Rousseau  lui-même, 
ii  s'opposa  vivement  à  ce  que  les  comé- 
diens fussent  admis  aux  droits  de  ci- 
toyens actifs.  Pendant  la  session  de  la 
première  assemblée,  il  montra  des  prin- 


cipes sages  et  modérés.  Pour  fuir  les 
nouveaux  troubles  qui  menaçaient  son 
pays,  et  ceux  qui  y  avaient  occupé  un 
certain  rang,  il  se  réfugia  en  Amérique, 
ou  il  s'établit  sur  les  bords  du  Scioto , 
avec  le  dessein  de  former  un  vaste  éta- 
blissement dans  l'Amérique  septentrio- 
nale. Il  emmena  à  cet  effet  des  cultiva- 
teurs ,  des  ouvriers ,  des  artistes  ;  mais  la 
compagnie  du  Scioto ,  de  laquelle  il  avait 
acheté  un  vaste  terrain  pour  le  faire  dé- 
fricher, n'ayant  pas  rempli  ses  engage- 
mens,  et  plusieurs  de  ses  compagnons  s'é- 
tant  dispersés ,  il  se  _  décida  à  revenir  en 
Europe ,  et  il  rentra  en  France  en  1792. 
Il  se  rendit  aussitôt  dans  sa  terre  de  Saint- 
Julien,  où  il  espérait  vivre  ignoré,  au 
milieu  des  habitans  dont  il  avait  été  ron> 
slamment  l'ami  et  le  bienfaiteur.  C'é- 
tait le  règne  de  la  terreur.  Son  arrivée 
irattendae  le  rendit  aussitôt  suspect,  et  il 
fut  arrêté  et  mis  en  prison  :  il  eut  le  bon- 
heur d'y  être  oublié  pendant  onze  mois, 
et  en  sortit  après  la  chute  de  Robes- 
pierre. Il  retourna  à  la  campagne,  où  il 
reprit  ses  anciennes  habitudes.  Son  fils 
aîné  ayant  été  compris  dans  la  proscrip- 
tion du  18  fructidor,  il  conçut  des  crain- 
tes pour  sa  propre  sûreté,  et  se  réfugia 
dans  le  pays  de  Vaud ,  où  il  fut  bien  ac- 
cueilli de  M.  Necker  et  de  sa  famille  ;  ce- 
pendant dès  qu'il  crut  le  danger  passé,  il 
revint  à  Besançon,  pour  y  travailler  à  un 
grand  ouvrage  sur  V  Accord  des  principes 
de  la  religion  et  de  la  véritable  philoso- 
phie. Atteint  d'une  maladie  dont  il  avait 
puisé  le  germe  dans  la  prison ,  il  y  suc- 
comba enfin  en  avril  1800  dans  les  senti- 
mens  d'un  chrétien ,  qu'il  avait  toujours 
conservés.  On  a  de  lui  :  |  Essais  sur  la 
nature  champêtre  ,\iohmQ  avec  des  notes, 
Paris,  1787  et  1800,  in-8°.  Il  contient  des 
vers  heureux  et  des  détails  intéressans. 
I  Essai  sur  la  minéralogie  du  bailliage 
d'Orgelet  en  Franche-Comté .  1778 ,  in-8°; 
I  Le  bonheur  dayis  les  campagnes .  Neuf- 
châtel,  1784  ,  1788  et  1790,  in-8°.  Cet  ou- 
vrage est  écrit  avec  grâce  et  simplicité. 
I  Plan  de  lecture  pour  une  jeune  dame  , 
Paris,  1784,  in-12,  Lausanne,  1800 ,  in-8°  : 
livre  instructif  et  bien  écrit;  |  La  famille 
Heureuse  est  du  petit  nombre  des  romans 
qu'on  peut  lire  avec  utilité ,  vu  les  bonnes 
leçons  de  morale  qu'il  contient ,  1785 ,  in- 
12  ;  I  trois  Lettres  sur  le  Scioto,  in- 8»; 
I  Le  Voyageur  naturaliste  j  ou  Instruc- 
tion sur  les  moyens  de  rassembler  les 
objets  d'histoire  naturelle  et  de  les  bien 
conserver^  traduit  de  l'anglais  de  John- 


LEZ 


449 


LUO 


Coakley,  Lettsom,  Amslerdam  (Paris  ), 
1773 ,  in-12.  Il  a  laissé  en  outre  plusieurs 
pièces  fugitives,  au  nombre  desquelles  on 
distingue  l'E pitre  à  mon  curé,  dont  tous 
les  amateurs  ont  retenu  ce  vers  : 

L'>ge  d'or  éuil  l'âge  oîi  l'cr  ne  régnait  pas. 

Le  marquis  deMarnez,ia  écrivait  avec  une 
égale  facilité  en  prose  et  en  vers.  Son 
style  est  agréable  et  pur,  et  sa  versifica- 
tion pleine  d'élégance  et  d'harmonie. 

•  LKZ\Y-M/VRi\EZIA  (  Adkieji  ,  le 
comte  de),  administrateur  et  publiciste , 
tils  aîné  du  précédent  ,  né  à  Saint-Julien 
en  1770,  entra  au  service  de  très  bonne 
heure,  et  fit  partie  du  régiment  du  roi, 
dans  lequel  avait  aussi  servi  son  père  ;  au 
bout  de  quelques  années,  il  quitta  cette 
carrière,  pour  aller  à  Brunswick,  étudier 
la  diplomatie.  La  révolution  ne  lui  per- 
mettant pas  de  rentrer  en  France,  il  voya- 
gea en  Angleterre  et  en  Allemagne ,  et 
ne  revint  à  Paris ,  qu'après  le  9  thermi- 
dor. Plusieurs  écrits  qu'il  publia  à  celte 
époque  contre  les  anarchistes,  et  de  nom- 
breux articles  Insérés  dans  le  Journal  de 
Paris,  le  firent  proscrire  après  le  15  ven- 
démiaire. Proscrit  de  nouveau  après  le 
18  fructidor ,  Lezay-Marnezia  quitta  le 
village  de Brelte  ville,  dans  la  Normandie, 
où  il  s'était  réfugié  d'abord,  et  se  rendit 
avec  son  père  dans  le  canton  de  Vaud  en 
Suisse.  Après  l'établissement  du  gouver- 
nement consulaire  ,  M™"  Bonapai  te  le  fit 
nommer  ambassadeur  près  de  l'électeur 
de  Saltzbourg.  Lezay-Marnezia  obtint,  en 
1806,  la  préfecture  de  Rhin-et-Moselle ,  et 
en  1810,  celle  du  Bas-llhin ,  où  sa  con- 
duite le  fit  chérir  de  ses  administrés.  Il 
contribua  efficacement  à  la  prospérité  de 
Strasbourg,  et  fut  conservé  sous  la  res- 
tauration. Le  duc  de  Berry  étant  venu 
visiter  l'Alsace  ,  Lezay-Marnezia  alla  à  la 
rencontre  de  ce  prince;  ses  chevaux  ef- 
frayés du  bruit  de  la  inousqueterie  ne  pu- 
rent être  retenus  par  celui  qui  les  guidait. 
Le  comte  de  Lezay  fut  précipité  de  sa 
voiture ,  et  mourut  des  suites  de  celte 
chute  peu  de  jours  après  ,  le  9  octobre 
1814.  Outre  plusieurs  brochures  politi- 
ques, il  a  publié  :  |  les  Ruines  ou  Voyage 
en  France  pour  servir  de  suite  à  celui  de 
la  Grèce ,  Paris,  1791,  in-8°,  qui  eut  4 
éditioBS  la  même  année,  et  fut  traduit  en 
anglais  et  en  allemand.  C'est  ime  pein- 
ture énergique  des  excès  de  celte  faction 
qui  détruisit,  en  quelques  mois,  tout  ce 
que  la  sagesse  et  l'expérience  avaient 
créé  durant  14  siècles  ;   |  Pensées  choi- 


sies du  cardinal  de  Retz.  1797,  in-l»? 
I  Lettres  à  un  Suisse  sur  lu  fiow^elle 
constitution  helvétique.  Neuchâtel,  1797  , 
in-8°  ;  |  Don  Carlos  ,  infant  d Espagne. 
tragédie  traduite  de  l'allemand  de  Schil- 
ler ,  Paris,  1799,  in-8°,  avec  des  notes  et 
remarques.  Celte  traduction  est  estimée, 
et  l'on  regrette  que  l'auteur  n'ait  pas  tra- 
duit les  autres  pièces  du  poète  allemand. 

LEZIN  (  saint  ),  Zîcm/u5.  évêque  d'An- 
gers en  586 ,  mort  le  1"  novembre  605. 
Le  pape  saint  Grégoire  lui  écrivit  la  Xett^<? 
52  du  livre  9". 

L'IIÉRITII  R  DE  BRUTELLE.  Voyez 
HÉRITIER. 

L'UÉUITIER  DE  VILLANDON.  Voijez 
HÉRITIER. 

*  LIIOMOND (Charles-François),  pro- 
fesseur de  l'université,  né  à  Chaulnes, 
diocèse  de  Noyon,  en  1727  ,  entra  comme 
boursier  au  collège  d'Inville  ,  et  y  fit  de 
bonnes  études.  Nommé  principal  de  ce 
collège,  il  le  fut  ensuite  à  une  chaire  de 
professeur  d'une  classe  inférieure  ,  dans 
celui  du  cardinal  Lemoine.  S'étant  attaché 
aux  jeunes  enfans,  il  interrompit  sa  li- 
cence et  renonça  à  tout  projet  d'avance- 
ment. Il  refusa  des  places  et  des  chaires 
aussi  honorables  que  lucralives;  et,  aux 
instances  que  lui  faisaient  ses  amis  de  les 
accepter,  il  répondait  toujours  qu'il  n'a- 
bandonnerait jamais  ses  sixièmes.  Beau- 
coup de  douceur,  un  jugement  sain ,  la 
modestie,  la  piété,  formaient  les  bases  de 
son  caractère,  et  ces  qualités  brillent  dans 
les  livres  d'enseignement  qu'il  composa 
pour  ses  jeunes-  élèves.  Cependant  à  l'é- 
poque de  la  révolution ,  cet  homme  esti- 
mable n'ayant  pas  voulu  prêter  le  ser- 
ment alors  exigé,  fut  arrêté  en  avril  1792, 
avec  d'autres  prêtres  ,  et  enfermé  avec 
eux  à  Saint  -  Firmin  ,  l'une  des  église» 
que  les  révolutionnaires  avaient  trans- 
formées en  prisons.  Tallien,  qui  avait  été 
son  élève  ,  lui  fit  obtenir  la  liberté  ;  mal- 
gré cette  puissante  protection  ,  quelques 
mois  après,  sous  le  régime  de  la  terreur, 
l'abbé  Lhomond,  ne  croyant  pas  sa  vie  en 
sûreté,  résolut  de  sortir  de  Paris.  Arrivé 
sur  le  boulevard  de  la  Salpétriere  ,  il  se 
vit  attaqué  par  deux  brigands  qui  lui  en- 
levèrent son  argent,  et  le  laissèrent  pour 
mort.  On  découvrit  un  des  voleurs;  et 
M.  Guyot,  qui  avait  beaucoup  de  respect 
pour  l'abbé  Lhomond,  parvint  à  lui  faiie 
rendre  ce  qui  lui  avait  été  pris.  Comme 
on  le  pressait  de  poursuivre  son  assassin 
devant  les  tribunaux  :  Je  n'en  ferai  rien, 
répontiit-il  :  si  vous  vouliez  lui  faire  tenir 
38. 


Lno  4 

!a  moitié  de  la  somme  qu'il  m'a  rendue^ 
vous  m'obligeriez  ;  il  peut  en  avoir  besoin. 
^a  tranquillité  de  M.  Lhomoadne  fut  plus 
Iroublée  :  il  cultiva  la  botanique,  et  devint 
1res  habile  dans  cette  science,  dont  il 
donna  les  premières  leçons  au  célèbre 
Haiiy.  Ses  mœurs  étaient  aussi  simples 
que  sa  conversation  était  aimable  et  spi- 
rituelle ;  il  faisait  tous  les  jours  quelque 
temps  qu'il  fit,  une  promenade  à  Sceaux, 
ei  c'est  à  cet  exercice  qu'il  fut  redevable 
de  sa  santé.  L'abbé  Lhomond  est  mort 
le  51  décembre  1794,  âgé  de  soixante- 
sept  ans.  On  a  de  lui  les  ouvrages  sui- 
vans,  plusieurs  fois  imprimés,  et  à  plu- 
sieurs desquels  on  a  fait  des  additions  qui 
ne  sont  pas  touies  heureuses  :  |  De  vi- 
'ris  illustribus  urbis  Romce^  in- 24;  |  JSlé- 
jnens  de  la  Gi'am,m.aire  française,  in-12; 
I  Elémens  de  la  Grammaire  latine,  i  vol. 
in-12;  ]  Epitome  historiée  sacrœ,  in-12; 
I  Doctrine  chrétienne,  en  forme  de  lec- 
tures de  piété,  oii  l'on  expose  les  preuves 
de  la  l'eliyion,  les  dogmes  de  la  foi,  les  rè- 
gles de  la  morale,  ce  qui  concerne  les  sa- 
cremens  et  la  prière,  in-12  ;  on  y  trouve 
les  plus  solides  et  les  plus  touchantes  in- 
structions. Tout  y  respire  la  plus  tendre 
piété  ;  tout  y  est  mis  à  la  portée  de  la  jeu- 
nesse à  qui  il  était  destiné,  et  à  qui  il  suffit 
avec  les  deux  suivans,  pour  connaître  ce 
que  c'est  que  la  religion,  comment  elle 
est  parvenue  jusqu'à  nous,  et  ce  qu'elle 
nous  ordonne  de  croire  et  de  pratiquer  : 
I  Histoire  abrégée  de  l'Eglise ,  <m  l'on 
expose  ses  combats,  ses  victoires  dans  les 
temps  de  persécution ,  d'hérésie  et  de 
scandale,  et  où  l'on  montre  que  sa  con- 
servation est  une  oeuvre  divine  ainsi  que 
S071  établissement,  in-12  ;  |  Histoire  abré- 
gée de  la  religion  avant  la  venue  de  Jé- 
sus-Christ, où,  l'on  expose  les  promesses 
f/ue  Dieu  a  faites  d'un  Rédempteur,  les 
figures  qui  Vont  représenté,  les  prophé- 
ties qui  l'ont  annoncé,  et  la  suite  des  évé- 
nemens  temporels  qui  lui  ont  préparé  les 
voies,  et  où  l'on  démontre  l'antiquité  et 
la  divinité  de  la  religion  chrétienne,  1''' 
édit.,  1791.  Lhomond  fil  paraître  le  pre- 
mier ouvrage  ,  atin  que  la  jeunesse  ap- 
prîlde  bonne  heure  combien  la  religion 
est  belle  dans  son  origine  et  dans  ses  dé- 
veloppemens  ;  combien,  en  raison  de  son 
anticpiité  et  de  sa  certitude  ,  elle  mérite 
notre  croyance  et  notre  respect,  et  com- 
bien sont  méprisables  ceux  qui  la  calom- 
nient pour  la  détruire.  Mais  comme  son 
ouvrage  eût  été  imparfait ,  s'il  ne  leur 
eût  montré  que  cette   religion  subsistait 


»0  LtA 

encore  sur  la  terre,  il  composa  l'histoire 
de  l'Eglise ,  et  retraça  ,  dans  un  petit  vo- 
lume, son  origine  et  ses  progrès  ;  il  fit 
connaître  les  personnages  qui  l'ont  illus- 
trée, et  les  combats  qu'elle  avait  eus  à 
soutenir,  et  contre  les  païens  qui  la  per- 
sécutèrent pendant  trois  siècles,  et  contre 
les  hérétiques  qui  l'ont  si  souvent  divisée, 
et  contre  les  scandales  qui  ont  tant  de 
fois  déchiré  son  sein;  enfin,  il  montra 
l'Eglise  triomphant  de  tous  ses  ennemis  , 
et  tandis  que  tout  passe,  tout  périt  autour 
d'elle, demeurait  immobile  et  inébranlable 
au  milieu  des  plus  violentes  tempêtes. 
Ces  deux  ouvrages,  très  souvent  réimpri- 
més, ayant  été  altérés  pendant  le  règne 
de  la  terreur,  on  doit  rechercher  les  an- 
ciennes éditions ,  et  à  leur  défaut ,  celles 
qui  ont  été  réimprimées  depuis  le  retour 
de  Louis  XVIII,  et  par  des  maisons  con- 
nues par  leurs  principes  religieux. 

LnOPITAL.    Voyez  HOPITAL. 

LnOSTE.  Voyez  HOSTE. 

LHOTSKI  (  Georges  ),  jésuite  ,  né  à 
Zbirow  en  Bohème  l'an  1724,  mourut  en 
1732  ,  étant  recteur  du  collège  de  Telcz, 
après  avoir  enseigné  les  lettres  et  les 
sciences  avec  réputation.  On  a  de  lui  : 
I  Controversia  philosophica  de  systemate 
philo sophice  me chanicœ ,  idest,  Mecha- 
nismo  cosmico  et  individuali,  Prague, 
1748,  in-8°  ;  |  Doctrina  theologica  de  gra- 
tta, justifie  atione,merito,  virtutibus,  vitiis 
etpeccatis,  1753,  in-4°;  |  Doctrina  theolo- 
gica de  fide ,  spe  et  charitate ,  ibidem , 
1733,  m-k", 

LIIOYD.  Voyez  LLOYD. 

LIIUILLIER.  VoyezLVlLLlER. 

LIA  ,  fille  aînée  de  Laban,  fut  mariée 
avec  Jacobpar  la  supercherie  de  son  père, 
qui  la  substitua  à  Rachel,  que  Jacob  de- 
vait épouser  :  cependant  Jacob  vécut  bien 
avec  elle  ,  et  en  eut  six  fils,  Ruben,  Si- 
méon  ,  Lévi,  Juda  ,  Issachar,  Zabulon ,  et 
une  fille  nommée  Dina. 

LIA-\COURT  (  Jeakne  de  SCHOM- 
BERCt,  duchesse  de  ),née  en  1600.  fille  du 
maréchal  Henri  de  Schombcrg  et  femme 
de  Roger  du  Plessis ,  duc  de  Liancourt, 
connue  par  les  deux  lettres  que  lui  écrivit 
le  docteur  Arnauld.  Elle  détacha  du  monde 
son  mari  par  ses  leçons  et  par  ses  exem- 
ples. Les  deux  époux  se  lièrent  étroite- 
ment avec  les  solitaires  de  Port-Royal, 
et  montrèrent  beaucoup  d'ardeur  pour  la 
défense  de  Jansénius.  Ils  moururent'  en 
1G74.  Le  duc  ne  survécut  que  deux  niois 
à  son  épouse.  On  a  d'elle  un  ouvrage  édi- 
fiant sur  l'éducation  des  enfansdc  l'un  et 


LIA  kM 

de  l'autre  sexe.  L'abbé  Boileau  le  publia 
en  1698 ,  sous  ce  titre  :  Règlement  donné 
paritne  femme  de  haute  qualité  à  sa  pe- 
tite-fille^ pour  sa  conduite  et  pour  celle  de 
sa  maison^  ih-12 ,  réimprimé  à  Paris  en 
1779.  L'éditeur  joignit  à  cet  ouvrage  un 
règlement  qxie  la  duchesse  de  Liancourt 
avait  fait  pour  elle-même,  avec  un  ta- 
bleau des  vertus  de  cette  dame  ;  on  sent 
jiien  qu'on  n'y  trouve  pas  l'humilité  et 
la  docilité  d'esprit  qui  opèrent  la  soumis- 
sion aux  décisions  de  l'Eglise.  La  duchesse 
de  Liancourt  possédait  plusieurs  langues, 
la  musique  ,  le  dessin,  et  faisait  des  vers 
cssez  agréables.  Sa  vie  se  trouve  dans  les 
T'aies  intéressantes  et  édifiantes  des  Reli- 
gieux de  Port-Royale  Cologne ,  17S0 ,  4 
vol.  ln-12.tom.  1. 

LIANCOURT.  y  oyez  ROCHEFOU- 
CAULT. 

•  LLVRD  (  Joseph),  né  à  Rosières-aux- 
Salines,  département  delà  Meurthe,  le  17 
décembre  1747,  était  fils  d'un  architecte 
de  Stanislas ,  duc  de  Lorrauie ,  et  entra  à 
l'ancienne  école  des  ponts  et  chaussées  en 
1769.  En  1775  il  fut  chargé,  en  qualité  de 
sous-ingénieur,  des  travaux  importans 
que  l'on  exécutait  dans  la  Picardie  et  le 
Hainault.  Appelé  en  1784  par  les  états  de 
Bretagne,  il  devint  ingénieur  en  chef 
lie  la  navigation  qu'ils  voulaient  créer , 
dans  leur  province ,  et  en  1786 ,  Liard 
fut  envoyé  par  le  gouvernement  fran- 
çais dans  la  Hollande  ,  dont  il  visita 
les  travaux  hydrauliques.  Après  avoir 
été  attaché  pendant  quelque  temps  au 
port  du  Havre  et  avoir  construit  le 
beau  pont  de  Roanne ,  il  fut  nommé  en 
1791  ingénieur  en  chef,  place  dont  il  exer- 
ça les  fonctions  dans  le  département  du 
Doubs.  C'est  à  lui  que  ce  département 
doit  ses  belles  routes  et  des  communica- 
tions plus  faciles  dans  un  pays  de  mon- 
tagnes. Promu  au  grade  d'inspecteur  di- 
visionnaire en  1803,  Liard  fut  chargé  de 
rédiger  les  projets  de  jonction  du  Rhône 
au  Rhin  par  le  moyen  d'un  canal  :  il  en  a 
dirigé  tous  les  travaux  qui,  malgré  toutes 
U'S  difficultés  que  présentaient  les  diver- 
ses natures  de  terrain ,  ont  été  heureuse- 
ment conduits  à  leur  fin  en  1852.  Ce  ca- 
nal a  porté  successivement  les  noms  de 
canal  ÎVapoléon  et  de  canal  Monsieur ^  et 
jiorle  aujourd'hui  (1834)  celui  de  co/îa/ 
de  jonction  du  Rhône  au  Rhin.  Liard  fut 
nommé  connnandant  de  la  légion  d'hon- 
neur. Lors  de  la  première  invasion  des 
alliés,  il  avait  été  chargé  du  commande- 
ment du  génie  de  la   garde  nationale  de 


LIB 

Paris ,  avec  le  titre  de  général  de  brigade. 
L'Athénée  de  la  langue  française  l'avait 
nommé,  le  2a  août  1808,  membre  corres- 
pondant. Il  est  mort  le  22  avril  1832,  à 
l'âge  de  84  ans ,  dans  une  campagne  au- 
près de  Besançon. 

LIBAJ\IUS,  fameux  sophiste  d'Antio- 
che,  où  il  naquit  en  514,  fut  élevé  à  Athè- 
nes, professa  la  rhétorique  à  Constanti- 
nople  et  dans  sa  patrie.  Saint  Basile  et 
saint  Jean-Chrysostôme  furent  les  disci- 
ples de  ce  maître ,  qui ,  quoique  païen , 
faisait  beaucoup  de  cas  des  talens  et  des 
vertus  de  ses  deux  élèves.  On  prétend 
qu'il  aurait  choisi  Chrysostôme  pour  son 
successeur,  si  le  christianisme  ne  le  lui 
avait  enlevé.  L'empereur  Julien  n'oublia 
rien  pour  engager  Libanius  à  venir  à  sa 
cour  ;  mais  il  ne  put  y  réussir,  même  en 
lui  offrant  la  quatité  de  préfet  du  prétoire. 
Libanius,  qui  n'était  pas  plus  modeste  que 
les  autres  sages  de  l'antiquité  païenne, 
répondit  constamment  à  ceux  qui  le  sol- 
licitaient, que  la  qualité  de  sophiste  était 
fort  au-dessus  de  toutes  les  dignités  qu'on 
lui  offrait.  Julien ,  irrité  contre  les  ma- 
gistrats d'Antioche  ,  avait  fait  mettre  en 
prison  le  sénat  de  cette  ville.  Libanius 
vint  parler  à  l'empereur  pour  ses  conci- 
toyens, avec  une  liberté  courageuse.  Un 
homme  de  cour  pour  qui  ce  ton  ferme 
était  apparemment  nouveau,  lui  dit  : 
«  Orateur,  tu  es  bien  près  du  fleuve 
»  Oronte,  pour  parler  si  hardiment.  »  Li- 
banius le  regarda  avec  dédain,  et  lui  dit  : 
«  Courtisan,  la  menace  que  tu  me  fais  ne 
»  peut  que  déshonorer  le  maître  que  tu 
»  veux  ine  faire  craindre  ;  »  et  il  conti- 
.  nua.  On  ignore  le  temps  de  sa  mort , 
quelques-uns  la  placent  à  la  fin  du  qua- 
trième siècle  (  390  ).  Libanius  avait  beau- 
coup de  goût  lorsqu'il  jugeait  les  produc- 
tions des  autres,  quoiqu'il  en  manque  quel- 
quefois dans  ses  écrits.  Julien  soumettait 
à  son  jugement  ses  actions  et  ses  ouvra- 
ges ;  le  sophiste ,  plus  attaché  à  la  per- 
sonne qu'à  la  fortune  de  ce  prince ,  le 
traitait  moins  en  courtisan  qu'en  juge  sé- 
vère. La  plupart  des  Harangues  de  ce 
rhéteur  ont  été  perdues ,  et  ce  n'est  pas 
peut-être  un  grand  mal  :  sans  parler  des 
citations  multipliées  d'Homère ,  de  la  fu- 
reur d'exagérer,  d'un  luxe  d'érudiliov 
très  déplacé,  il  gâte  tout  par  l'affectation 
et  l'obscurité  de  son  style,  qui  ne  manque 
d'ailleurs  ni  de  force  ni  d'éclat.  On  esti- 
me davantage  ses  Lettres,  dont  Wolf  a 
donné  une  excellente  édition  à  Amslcr- 
dani  en  1738,  in-fo'   Ce  recueil  offre  plo. 


LIB 


432 


LIB 


de  1600  EpîtreSj  dont  la  plupart  no  ren- 
ferment que  des  complimens.  On  en  lit 
plusieurs  autres  curieuses  et  intéressantes 
qui  peuvent  donner  des  lumières  sur 
rUisloirc  civile  ,  ecclésiastique,  littéraire 
de  ces  temps-là.  Antoine  Bonjjiovanni  a 
publié  à  Venise,  en  1755, 17  Harangues  de 
Libanius,  en  un  vol.  iii-fol.,  tirées  de  la 
bibliotiièque  de  Saint-Marc,  il  faut  join- 
dre ce  recueil  à  l'édition  de  ses  OEuvres. 
Paris  ,  1606  ,  et  4627,  2  vol.  in-fol.  Reiske 
a  publié  aussi  les  OEuvres  oratoires  de 
Libanius,  Altenbourg,  1791-1797,  k  volu- 
mes in-8°.  On  trouve  dans  les  ouvrages  de 
Libanius  de  fréquentes  invectives  contre  la 
religion  chrétienne,  et  contre  l'empereur 
Constantin,  qu'il  avoue  ncanmoms  avoir 
été  plus  vertueux  que  tous  les  empereurs 
romains  qui  ont  régné  avant  lui.  On  met 
au  nombre  des  prédictions  de  la  mort  de 
Julien  uneréponse  ingénieuse  d'un  gram- 
mairien chrétien  d'Antioche  à  Libanius. 
Ce  sophiste ,  pour  se  moquer  de  la  reli- 
gion, lui  demanda,  tandis  que  Julien  était 
dans  l'expédition  où  il  péril  :  Que  fait 
tnaiiitcnant  le  fils  du  charpentier^  il  fait 
un  cercueil,  répondit  le  graujmairieu. 

LtB.\VlUS(  AsiDRÉ),  docteur  en  mé- 
decine, né  à  Hall  en  Saxe  ,  mourut  l'an 
1616,  après  avoir  professé  à  léna  l'his- 
tuirc  et  la  poésie,  en  1588  ,  et  avoir  été 
recteur  du  gymnase  de  Cobourg  en  Fran- 
conie.  Il  publia  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages sur  la  chimie,  et  chercha  toutes 
les  occasions  de  réfuter  les  rêveries  de 
Paracelse  et  de  ses  sectateurs.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  sont  :  |  Syntagma  selec- 
torum  alchimice  arcanonwi  ^Fr&nciort, 
1613,  2  tomes  in-fol.  en  1  vol.  ;  |  Âppen- 
dix  syntagmatîs  arcanorum,  1615,  in-fol.; 
I  Epistolarum  chimicarum  libri  très  ^ 
1595.  La  chimie  a  fait  tant  de  progrès  de- 
puis Libavius  ,  que  ses  ouvrages  ne  sont 
plus  recherchés.  Il  est  le  premier  qui  ait 
parlé  de  la  transfusion  du  sang  :  opéra- 
lion  qui  a  fait  tant  de  bruit  dans  le  \T 
siècle ,  et  qui  a  dû  être  prohibée  par  les 
lois ,  à  raison  de  l'abus  étrange  qu'on  en 
faisait.  (  Voyez  DENYS  Jeaîv -Baptiste 
MERKLIN.  )  On  conserve  dans  les  phar- 
macopées sous  le  nom  de  liqueur  fumante 
de  Libavius  ,  la  composition  d'un  puis- 
sant caustique ,  qui  n'est  autre  chose  que 
du  muriate  suroxigéné  d'élain. 

LIBERAT  (saint),  abbé  du   monastère 

de  Capse  en  Afrique  ,  souffrit  le  martyre 

avec  six  de  ses  compagnons,  le  2  juillet 

485,  pendant  la  persécution  d'Hunéric. 

LIBERAT,   diacre  de  l'église  de  Car- 


tilage au  6'  siècle,  l'un  des  plus  zélés  dé- 
fenseurs des  Trois  Chapitres AxJX  employé 
dans  diverses  affaires  importantes,  et  fut 
envoyé  à  Rome  l'an  535.  On  a  dé  lui  un 
livre  intitulé  :  Breviarium  de  causa  Nés- 
torii  et  Eutychetis  .  que  le  père  Garnier 
donna  au  public  en  1675,  in-ô",  à  Paris, 
avec  des  Commentaires  qui  corrigent  ce 
qu'il  yade  défectueux  dans  le  texte. 

LIBÈRE  (  saint  ),  romain,  fut  élevé  sur 
la  chaire  de  saint  Pierre  le  24  mai  352, 
après  le  pape  Jules  P^  Il  la  mérita  par  sa 
piété  et  par  son  zèle  pour  la  foi.  L'empe- 
reur Constance ,  ayant  tenté  vainement 
de  le  faire  souscrire  à  la  condamnation  de 
l'illustre  Athanase,  le  relégua  à  Bérée 
dans  la  Thrace.  La  rigueur  avec  laquelle 
on  le  traita  dans  son  exil ,  et  la  douleur 
de  voir  son  siège  occupé  par  l'antipape 
Félix ,  ébranlèrent  sa  constance.  Il  con- 
sentit enfin  à  la  condamnation  d'Atha- 
nase,  et  signa  la  Formule  de  Sirmium, 
non  pas  celle  du  dernier  concile,  qui  était 
visiblement  hérétique,  ni  celle  du  second, 
qui  était  également  répréhensible  et  qui 
fut  rédigée  par  Valens  et  Ursace  en  357, 
mais  celle  du  premier,  dressée  en  351  avec 
beaucoup  d'art  par  les  ariens,  et  qui  pou- 
vait à  la  rigueur  être  défendue  ,  comme 
elle  le  fut  par  saint  Hilaire.  Par  cette  fai- 
blesse ,  il  rentra  dans  la  communion  des 
Orientaux.  On  lui  lit  approuver  dans  le 
concile  d'Ancyre ,  en  558,  un  écrit  qui 
rejetait  le  mol  consubstanfie h  mais  ïi  pro- 
testa en  même  temps  qu'il  anathémati- 
sait  ceux  qui  disaient  que  le  Fils  n'était 
pas  semblable  au  Père  en  substance  cl 
en  toutes  choses.  L'empereur  lui  permit 
de  retourner  à  Rome,  où  le  peuple  la 
reçut  assez  froidement.  Cet  accueil  le  fit 
rentrer  en  lui-même  :  il  reconnut  sa  faute, 
la  pleura,  fit  ses  excuses  à  Athanase ,  re- 
jeta la  confession  de  foi  du  concile  de  Ri- 
mini  en  559  ,  et  mourut  saintement  le  24 
septembre  366.  C'est  ainsi  que  ce  pape  ter- 
mina sa  carrière  avec  la  gloire  qui  avait 
illustré  la  très  grande  partie  d'un  ponti- 
ficat de  plus  de  14  ans ,  et  que  sa  chute, 
quelle  qu'elle  ait  été,  n'a  pu  flétrir.  Cette 
faiblesse  passagère  se  trouve  réparée  par 
tant  de  traits  d'un  courage  parfaitement 
soutenu  depuis  son  repentir,  que  presque 
tous  les  Pères  l'ont  qualifié  de  bienheu- 
reux. Son  nom  se  lit  dans  les  plus  anciens 
Martyrologes  latins.  On  a  de  lui  des  E pi- 
tres qui  se  trouvent  dans  celles  des  papo-j 
par  dom  Constant.  L'abbé  Corgne  a  publié 
en  1726  une  J)issertation  critique  et  his- 
torique sur  le  pape  Libère,  et  le  P.  Slili iny 


LIB 


455 


Lie 


a  fait  un  commentaire  critique  et  histori- 
que sur  saint  Libère,  inséré  dans  los  Acta 
sanctontm  des  bollandistes,  23 septembre. 
La  chute  de  ce  pape  a  toujours  servi  d'ar- 
gument aux  gallicans  contre  l'infaillibi- 
lité du  pape.  L'ouvrage  cité  montre  la 
faiblesse  des  conclusions  qu'on  en  tire. 
Saint  Libère  eut  pour  successeur  saint 
Damase. 

LIBERGE  (Marin),  jurisconsulte,  né 
à  Belon-le-Trichard  près  du  Mans ,  pro- 
fesseur de  droit  à  Poitiers,  fut  élu  éclic- 
vin  perpétuel  de  celte  ville,  pour  avoir 
apaisé  deux  séditions  du  peuple  au  com- 
mencement de  la  ligue.  Il  professa  aussi 
à  Angers  et  harangua  Henri  IV,  lorsqu'il 
passa  dans  cette  ville  en  1S9S,  et  ce  prince 
fut  si  charmé  de  son  discours,  qu'il  l'em- 
brassa, et  accorda  à  l'université  d'Angers 
le  droit  d'apétissement  des  pintes^  pour 
servir  de  gages  aux  professeurs  en  droit. 
Il  fut  dans  la  suite  député  aux  états  de 
Blois.Liberge  mourut  en  1599.  Nous  avons 
de  lui  la  Relation  du  siège  de  Poitiers,  où 
il  était  présent,  sous  ce  titre  :  Ample  dis- 
cours de  ce  qui  s'est  fait  et  passé  au  siège 
de  Poitiers.  Rouen ,  1369,  in-S",  2*=  édit. 
augmentée,  Paris  même  année  ;  Poitiers, 
1570,  in-i";  Rouen,  162S,  in-12;  et  quel- 
ques Traités  de  droit. 

LIBERIUSA  JESU,  carme,  natif  de 
Novarre ,  enseigna  la  controverse  pen- 
dant 38  ans  à  Rome,  et  fut  préfet  de  la 
Propagande.  Il  mourut  l'an  1719,  après 
avoir  publié  :  Controversiœ  dogmnticœ  ^ 
Rome,  1701,  in-fol.  Cette  édition  fut  dé- 
fendue, parce  que  l'auteur  y  était  favo- 
rable au  jansénisme  ;  mais  l'ayant  corri- 
gée, et  s'étant  rétracté,  on  permit  l'édi- 
tion qui  fut  faite  l'an  1710.  Liberius ,  qui 
avait  promis  3  vol.  in-fol.  ,  quand  il  en 
publia  le  premier ,  augmenta  tellement 
l'ouvrage,  qu'on  l'a  imprimé  à  Milan  en 
11  vol.  in-fol.,  l'an  1742. 

LIBERTINLS  (  Charles  ),  né  à  Mul- 
hausen  en  Bohème ,  l'an  1658,  entra  chez 
les  jésuites  en  1654,  et  mourut  à  Klattau 
en  1683,  après  avoir  enseigné  les  belles- 
lettres  et  la  langue  grecque,  et  avoir  prê- 
ché avec  réputation.  On  a  de  lui  le  traité 
de  Grenade,  ou  Georges  Scholarius,  sur 
la  prédestination ^  traduit  en  latin,  avec 
de  fort  bonnes  notes,  Prague,  1673,  in-8°. 
Il  a  publié  encore  Franciscus  Xaverius. 
Indiarum  apostolus .  elogiis  illustratus, 
Breslaw,  1681  ;  Prague ,  1771 ,  in-4°.  —  Il 
ne  faut  pas  le  confondre  avec  Jean  LI- 
BERTINUS,  aussi  jésuite,  né  à  Leutnie- 
tilz  en  1654,  mort  vers  1724,  dont  on  a  un 


ouvrage,  en  langue  bohémienne,  sur  l'é- 
ducation de  la  jeunesse .  Prague,  171î), 
iul2  ;  et  un  traité  Delà  conformité  de 
la  volonté  de  l'homme  avec  celle  de  Dieu, 
dans  la  même  langue,  Prague,  1710,  in-12. 

*  LIBES  (  Antoine  ),  savant  professeur 
de  physique,  né  vers  1760  à  Toulouse, 
mort  à  Paris  le  25  octobre  1832 ,  enseigna 
sa  science  dans  les  écoles  centrales  de 
cette  dernière  ville.  Quoiqu'il  ne  fût  mem- 
bre d'aucune  société,  il  n'en  a  pas  moins 
fait  des  découvertes  précieuses.  Libes  a 
trouvé  l'électricité  positive  et  l'électricité 
négative ,  l'électricité  à  contact  exécutée 
parla  soie,  et  qui  paraît  avoir  donné  lieu  à 
l'invention  de  la  pile  sèche.  Il  a  d'ailleurs 
composé  plusieurs  ouvrages  importans 
qui  ont  été  traduits  dans  presque  toutes 
les  langues  de  l'Europe  :  |  Physicœ  con- 
j'ectwalis  elementa.  1788,  in-12  ;  |  Leçons 
de  physique  chimique^  ou  Application  de 
la  chimie  moderne  à  la  physique .  1796, 
in-S"  ;  I  Théorie  de  l'électricité  appuyée 
sur  des  faits  .  confirmée  par  le  calcul. 
1800,  in-4°  ;  |  Traité  élémentaire  de  phy- 
sique^ présenté  dans  un  ordre  nouveau, 
d'après  les  découvertes  modernes j  1802 , 
in-8°;  1808,  5  vol.  in-S° -,  \  Nouveau  dic- 
tionnaire de  physique^  1806,  4  vol.  in- 
8°  ;  i  Histoire  philosophique  des  progrès 
de  laphysique^  1810  ,  1813,  4  vol.  in-8'^'; 
Le  monde  physique^  et  le  monde  moral, 
ou  Lettres  à  M'"''  de*'"*,  1815,  in-8''. Li- 
bes est  encore  auteur  des  articles  de  physi- 
que du  Dictionnaire  d'histoire  naturelle. 
publié  par  DéterviUe  ,  1800.  Il  a  joint  des 
notes  au  poème  des  7'rois  règnes  de  la 
Nature,  de  l'abbé  Delille,  et  inséré  diffé- 
rens  Mémoires  dans  le  Journal  encyclo- 
pédique. 

LIBON  ,  célèbre  architecte  grec,  né  en 
Elide ,  florissait  458  ans  avant  J.-C.  (  80' 
olympiade.  )  C'est  lui  qui  bâtit  le  fa- 
meux temple  de  Jupiter,  auprès  de  Pise  ou 
Olympie,  si  renommé  par  les  jeux  olym- 
piques qu'on  y  célébrait  tous  les  quatre 
ans.  Pausanias  nous  a  laissé  la  description 
de  ce  temple;  il  n'en  reste  plus  aucun 
vestige.  Voyez  l'ouvrage  de  M.  Quatre- 
mère  de  Quincy ,  intitulé  Jupiter  ohjm- 
pien. 

LICETI  (  FoRTUNio  ),Licetus,  péripaîé- 
ticien  moderne,  fils  d'un  célèbre  médecin 
et  médecin  lui-même  ,  naquit  à  Rapalo , 
dans  l'état  de  Gènes  ,  en  1577 ,  dans  le  7* 
mois  de  la  grossesse  de  sa  mère.  Son  père 
le  fit  mettre  dans  une  boite  de  coton,,  et 
réleva  avec  tant  de  soin,  qu'il  jouit  d'ime 
santé  aussi  parfaite  que  s'il  ne  fût  pas  veuu 


Lie 


454 


Lie 


au  monde  avant  le  temps.  Il  professa  la 
philosophie  d'Aristote  à  Pise,  et  ensuite 
(  1643  )  ia  médecine  à  Padoue,  avec  beau- 
coup d'applaudissement.  Il  mourut  en 
IG57,  à  79  ans.  On  a  de  lui  un  très  grand 
nombre  de  Tfuilés.  Les  principaux  sont: 
!  De  mon.ftrorum  causiSj  natura  et  diffe- 
rentiis  hbri  II,  Padoue,  4616,  in-4°  ;  Ams- 
terdam, 1665,  in-i".  On  y  trouve  quelques 
contes  populaires,  mais  il  y  a  de  bonnes 
vues  et  des  principes  sa{jes.  |  De  cometa- 
rum  aUributisAn-h°;  \  De  his  qui  diii  vi- 
Vunt  sine  alimento,  librilF^  Padoue,  1612, 
in- fol.;  I  Mxindi  et  hominis  analogia,  in-i"; 
I  De  annuh's  a7itiquis^Vd'me ,  1645,  in-4°; 
Denovii  astris  et  cometis^  Venise  ,  1622, 
in-i";  |  De spontaneo  viventium  ortulibri 
IV,  Vicence  ,  1618 ,  in-fol.  ;  |  De  animo- 
rum  rationaliîim  immortalitate .  Padoue, 
1620,  in-fol.  ;  ]  Defulminum  natura  ^  in- 
i";  I  De  ortu  animœ  humance^  Venise  , 
1603,  ia-k";  \  Hydrologia  ^  sive  De  maris 
tranquillitate  et  orlu  fluminum^  Udine, 
1355,  in-4°  ;  [  De  lucernis  antiquorum 
reconduis  /jôn  F/, Venise,  1621,  in-4°, 
Udine,  1652,  in-fol. ,  etc.  Dans  ce  dernier 
traité,  il  soutient  que  les  anciens  avaient 
des  lampes  sépulcrales  qui  ne  s'éteignaient 
point  ;  mais  les  sa  vans  croient  communé- 
ment que  ces  prétendues  lampes  éter- 
nelles n'étaient  que  des  phosphores  ,  qui 
s'allumaient  pour  quelques  instans  après 
avoir  été  exposés  à  l'air.  C'est  le  senti- 
ment de  Ferrari  dans  sa  dissertation  De 
veterum  lucernis  sepulchralibus .  qu'il 
publia  en  1683,  in-Zt",  dans  son  livre  De 
re  vestiaria.  {  Voyez  les  Scriptores  Ligu- 
rin.  de  Mich.  Giusliniani,  les  Mémoires  de 
Nicéron ,  et  le  Dictionnaire  de  Chauffe- 
pié.  )  —  Joseph  LICETI  ,  père  de  Fortu- 
nio ,  est  auteur  d'un  livre  intitulé  :  No- 
bilita  de  principali  menibri  delV  uomoj 
Bologne,  1590,  in-8". 

LICHTENAU.  rotjez  RIETZ 
LICIITEIVAW;  on  appelait  de  ce  nom 
CONRAD,  connu  aussi  sous  le  nomd'^6- 
bas  Uspergcnsis.  Voyez  CONRAD. 

♦  LICIITEXBERG  (  Georgks-Chuis- 
topue),  physicien  et  moraliste  allemand, 
naquit  à  Ober-Ramstaedt,  près  de  Darm- 
stadt,  le  1"  juillet  1742.  Son  père,  pasteur 
de  ce  village,  lui  apprit  les  premiers  élé- 
mens  des  sciences,  dans  lesquelles  le  jeune 
Lichtenberg  se  perfectionna  d'abord  à 
Darmstadt ,  puis  à  l'université  de  Gottin- 
gue ,  sous  les  célèbres  professeurs  Holl- 
mann ,  Hcyne,  Galtcrer,  Kaestner  et 
Meister.  Il  prononça,  en  (juitlant  le  gym- 
nase de  Elarmsladt,  un  discours  en  vers 


allemands  sur  la  véritable  Philosophie  et 
le  Fanatisme  philosophique,  qui  lui  fit 
beaucoup  d'honneur  et  lui  prépara  une 
brillante  carrière  dans  l'enseignement  pu- 
blic. Après  avoir  achevé  ses  études  ,  il  se 
mit  à  voyager  et  visita  l'Angleterre.  Il 
lit  dans  son  bas-âge  une  chute  qui  lui 
courba  l'épine  du  dos,  et  cet  accident 
qui  devint  la  cause  d'une  difformité ,  in- 
flua peut-être  beaucoup  sur  son  caractère  , 
malgré  ses  grandes  connaissances ,  Lich- 
tenberg  avait  beaucoup  de  penchant  poui 
la  superstition.  Il  interrogeait  les  astres, 
croyait  être  sous  la  sauvegarde  d'un 
esprit,  ou  génie,  comme  celui  de  Socralc,; 
et  tâchait  de  communiquer  avec  les  in- 
telligences célestes.  Il  écrivit  plusieurs 
fois  à  son  génie.  Cependant  il  occupa  les 
chaires  de  mathématiques  (  1770  )  et  de 
physique  expérimentale  (1771  )  à  Gottin- 
gue,  et  eut  quelques  démêlés  avec  le  fa- 
meux Lavaler  (  voyez  ce  nom  ) ,  au  sujet 
d'un  écrit  de  ce  physiognome,  intitulé 
Recherches  de  Ch.  Bonnet  sur  les  preu- 
ves du  christianisme.  Lichtenberg  y  ré- 
pondit par  une  satire  assez  violente,  sous 
le  titre  de  Revue  (  1773  ).  Non  content  de 
cette  attaque,  quelques  années  après  ,  en 
1778,  il  publia  contre  Lavater,  en  tête  de .-, 
Y  Almanach  de  Gottingue,  une  satire  plus^ 
violente  encore  que  la  première ,  inti- 
tulée la  Physiognosique  contre  les  phy- 
siognomes.  Lavater  répondit  à  son  ad- 
versaire avec  beaucoup  de  modération,  et 
même  avec  des  éloges.  Le  mordant  Lich- 
tenberg ,  aussi  injuste  que  peu  généreux, 
publia  une  parodie  amère  et  burlesque 
de  l'ouvrage  de  Lavaler:  Essais physio- 
gnomiques  s  et  à  laquelle  il  donna  le  titre 
de  Physionomie  des  Queues.  Il  mourut 
le  24  fé-vrier  1799,  âgé  de  47  ans. 
Pendant  toute  sa  vie  ,  il  parut  balancer 
dans  sa  croyance  religieuse ,  et  finit  pa  r 
avouer  «  que  la  doctrine  de  l'Evangile  est 
»  le  moyen  le  plus  sûr  et  le  plus  efficace 
»  de  répandre  un  repos  et  un  bonheur 
»  durables  sur  la  terre.  ■  Parmi  ses  ou- 
vrages, ceux  qui  firent  le  plus  d'honneur 
à  Lichtenberg,  furent  V Explication  de& 
Tableaux  ou  Romans  moraux  du  célè- 
bre peintre  anglais  Hogarth,  1794-1809, 
9  livraisons  in-folio.  Il  n'a  publié  que  les 
4  premières.  |  Une  espèce  de  Journal  de 
sa  vie ,  où  il  écrivait  toutes  ses  pensées. 
Ce  recueil  est  riche  en  observations 
psychologiques,  en  données  également 
importantes  pour  le  moraliste  et  le  litté- 
rateur ;  mais  on  y  trouve  aussi  des  vue« 
paradoxales  et  l'esprit  dominant  du  £i&- 


Lie 


A5S 


Lie 


clc.  qui  tend  à  un  scepticisme  froid  et  dé- 
daifjncux.  La  collection  des  OEuvres  de 
Liclilcnberg  a  été  publiée  après  sa  mort, 
par  les  soins  de  son  frère  et  de  M.  Kriès, 
à  Gottingue  ,  1800-1806,  9  vol.  in-8".  Elle 
renferme  le  journal  dont  nous  avons  par- 
lé, et  la  plupart  des  écrits  qu'il  avait 
insérés  dans  les  ^Imanachs  et  dans  le 
Magasin  de  Gottingue.  On  ne  peut  re- 
fuser à  Lichtenberg  beaucoup  d'esprit, 
de  gaîté  et  même  de  sensibilité  ;  mais 
les  analyses  auxquelles  il  soumet  les  pen- 
sées et  les  seutimens  sont  souvent  trop 
subtiles.  Il  eut  le  tort  de  s'opposer  à  la 
restauration  de  la  cliimie  par  Lavoisier  ; 
mais  l'ouvrage  où  il  le  combat  {Expo- 
sition des  idées  de  M.  Deluc  sur  la  for- 
mation de  la  pluie,  1800 ,  in-8°  )  est  écrit 
d'une  manière  si  gracieuse ,  que  l'on  ou- 
blie la  frivolité  et  même  la  fausseté  des 
argùmens  pour  admirer  la  richesse  et  l'é- 
légance du  style  avec  lequel  il  les  expose. 
Kaestner  a  écrit  VEloge  de  Lichtenberg 
{Mém.  de  l'académie  de  Gottingue.  1799, 
in-i"),  et  un  anonyme  a  donné  dans  la 
Nécrologie  de  SchUchtegroll ,  10^  année, 
2'  volume ,  Gotha ,  1805 ,  in-12  ,  quelques 
détails  sur  sa  vie. 

LICIITE\STEL\(Joseph-Wei«ceslas), 
prince  de  ) ,  duc  de  Troppau  et  de  Jse- 
gerndorf  en  Silésie  ,  chevalier  de  la  Toi- 
son-d'Or ,  feld-maréchal  au  service  de 
l'impératrice  Marie-Thérèse,  directeur- 
général  de  l'artillerie,  naquit,  à  Vienne,  le 
iO  août  1696.  Il  entra  au  service  delà  mai- 
son d'Autriche  en  1714,  et  fut  fait  colonel 
d'un  régiment  de  dragons  en  1723.  Il  se 
signala  dans  les  campagnes  de  1753  et 
de  1754,  et  fut  nommé  successivement 
général-major ,  lieutenant-général  et 
feld-maréchal.  Charles  VI  l'envoya  en 
1738,  en  qualité  d'ambassadeur ,  à  la  cour 
de  Versailles  ;  emploi  qu'il  remplit  pen- 
dant trois  ans  avec  distinction.  Il  com- 
manda en  chef  les  armées  en  1746 ,  et 
gagna,  le  20  juin,  la  bataille  de  Plaisance, 
qui  mil  les  affaires  de  sa  souveraine  dans 
un  état  très  avantageux  en  Italie.  En  1760, 
il  fut  nommé  ambassadeur  extraordinaire 
à  la  cour  de  Parme ,  pour  épouser  par 
procuration  l'infante  Isabelle,  au  nom  de 
l'arcliiduc  Joseph ,  depuis  empereur. 
(Quatre  ans  après ,  il  remplit  à  Francfort 
la  dignité  de  commissaire  impérial  pour 
r élection  du  roi  des  Romains  ,  et  mourut 
à  Vienne,  le  10  février  1772  ,  âgé  de  75 
ans.  Lichtenstein  est  encore  considéré 
comme  ayant  été  le  plus  fidèle  ministre 
<^t  le  plus  zélé  sujet  de  Marie-Thérèse  dans 


des  temps  très  difficiles ,  et  comme  le 
restaurateur  de  l'artillerie  autrichienne 
qui,  sous  sa  direction,  devint  un  des  plus 
formidables  ressorts  de  la  tactique  mo- 
derne. L'auguste  princesse  le  regarda 
comme  un  des  soutiens  de  son  trône,  dans 
les  circonstances  où  il  s'ébranlait  de  toutes 
parts ,  et  lui  fit  élever  un  beau  monument 
en  bronze  dans  l'arsenal  de  Vienne.  Les 
artistes  perdirent  en  lui  un  protecteur, 
les  infortunés  un  appui,  et  les  pauvres 
un  père.  Il  est  le  créateur  de  la  belle  ga- 
lerie de  tableaux  qui  porte  son  nom ,  et 
qui  est  devenue  comme  un  fidéi-comrois 
ou  un  majorât  dans  sa  famille. 

LICirVilA,  vestale,  fut  punie  de  mort 
avec  deux  autres,  Emilie  et  Marcia,à 
cause  de  leurs  déréglemens,  vers  l'an  112 
avant  J.-C. 

LICLMUS  (  Caius  ) ,  surnommé  Stolo, 
tribun  du  peuple  romain,  d'une  famille 
des  plus  considérables  de  Rome  entre  les 
plébéiennes,  fut  choisi  par  le  dictateur 
Manlius  pour  général  de  la  cavalerie.  Li- 
cinius  fut  le  premier  plébéien  honoré  de 
cette  charge.  On  le  surnomma  Slolo,  c'est- 
à-dire  rejeton  inutile  ^  à  cause  de  la  loi 
qu'il  publia  avec  Sextius  pendant  son  tri- 
bunat  (576  avant.  J.-C.  ),  par  laquelle  il 
défendait  à  tout  citoyen  romain  de  pos- 
séder plus  de  500  arpens  de  terre,  sous 
prétexte  que  ceux  qui  en  avaient  davan- 
tage ne  pouvaient  cultiver  leur  bien  avec 
soin.  Ces  deux  tribuns  ordonnèrent  en- 
core a  que  les  intérêts  qui  auraient  été 
»  payés  par  les  débiteurs  demeurassent 
»  imputés  sur  le  principal  des  dettes  ,  et 
»  que  le  surplus  serait  acquitté  en  trois 
»  diverses  années,  »  ce  qui  était  une  vio- 
lation manifeste  de  la  propriété  ;  enfin , 
a  que  l'on  ne  créerait  plus  de  consul  à 
»  l'avenir ,  que  l'un  d'eux  ne  fût  de  fa- 
»  mille  plébéienne.  »  Ils  furent  tous  les 
deux  consuls ,  en  conséquence  de  cette 
dernière  loi,  Sextius  l'an  565  avant  J.-C  , 
et  Licinius  deux  ans  après.  On  a  toujours 
remarqué  que  l'ambition,  la  cupidité  et  la 
jalousie  cherchaient  à  flatter  la  multitude 
et  à  gagner  la  faveur  populaire  pour  par- 
venir à  leur  but.  Koyez  GRACCHUS. 
Licinius  fut  condamné,  en  556  avant  J.-C. 
à  une  amende  de  10,000  asses  (6,700  fr.), 
pour  avoir  trjunsgressé  une  des  lois  dont 
il  avait  été  le  provocateur,  en  possédant 
jusqu'à  mille  journaux  de  terre ,  tant  en 
sou  nom  qu'en  celui  de  son  fils ,  qu'il  avait 
fait  émanciper  pour  colorer  sa  contra- 
vention. 

LICL\IUS-TEGULA  (Publ.),  célèbre 


Lie  A 

poêle  latin,  vers  l'an  200  avant  J.-C.  Li- 
catius,  cité  par  Aulu-Gelle,  lui  donne 
le  4'  rang  parmi  les  poètes  comiques, 
fliais  comme  il  ne  nous  reste  de  lui  que 
des  fragmens  dans  le  Corpus  poetarum  de 
Maittaire ,  il  est  difficile  de  dire  s'il  mé- 
ritait le  rang  qu'on  lui  assigne.  On  pré- 
sume qu'il  est  le  même  que  C.  Licinius 
Imbrex. 

LICINIUS-CALVUS.  f^oijez  CALVUS. 

LICI]\IUS  (  Flavius-Valérius-Liciivia- 
NDS),  empereur  romain,  fils  «l'un  paysan 
de  Dacie,  parvint  du  rang  de  simple  sol- 
dat aux  premiers  emplois  militaires.  Il 
était  né  vers  l'an  263.  Galère-Maximien, 
qui  avait  été  soldat  avec  lui ,  et  auquel  il 
avait  rendu  des  services  importans  dans 
la  guerre  contre  les  Perses ,  l'associa  à 
l'empire  en  307 ,  et  lui  donna  pour  dé- 
l)artement  la  Pannonie  et  la  Rhétie.  Con- 
stantin, voyant  son  crédit,  s'unit  étroite- 
ment avec  Licinius  ;  pour  resserrer  les 
nœuds  de  leur  amitié ,  il  lui  fit  épouser 
Conslantia,  sa  sœur,  en  313.  Cette  année 
fut  célèbre  par  les  victoires  de  Licinius 
sur  Maximin.  Il  le  battit,  le  30  avril,  en- 
tre Héraclée  et  Andrinople,  le  poursuivit 
jusqu'au  mont  Taurus,  le  força  à  s'em- 
poisonner ,  et  massacra  toute  sa  famille. 
Enorgueilli  par  ses  succès,  et  jaloux  de  la 
gloire  de  Constantin ,  avec  lequel  il  par- 
tageait l'empire,  il  persécuta  les  chré- 
tiens pour  avoir  un  prétexte  de  lui  faire 
la  guerre.  Les  deux  empereurs  marchè- 
rent l'un  contre  l'autre ,  à  la  tête  de  leurs 
armées.  Ils  se  rencontrent  auprès  de  Ci- 
bales  en  Pannonie ,  combattent  tous  les 
deux  avec  valeur ,  et  Licinius  est  enfin 
obligé  de  céder.  Il  répara  bientôt  cette 
perle  ,  et  en  vint  une  seconde  fois  aux 
mains  auprès  d' Andrinople.  Son  armée , 
quoique  vaincue  une  deuxième  fois , 
pilla  le  camp  de  Constantin.  Les  deux 
princes ,  las  de  cette  guerre  ruineuse  et 
si  peu  décisive,  résolurent  de  faire  la 
paix  :  Licinius  l'acheta  par  la  cession  de 
rillyrie  et  de  la  Grèce.  Constantin  ayant 
passé  sur  ses  terres  en  323,  son  rival  ir- 
rité viola  le  traité  de  paix.  On  arma  des 
deux  côtés ,  et  le  voisinage  d' Andrinople 
devint  encore  le  théâtre  de  leurs  combats. 
L'armée  de  Licinius  y  fut  taillée  en  pièces, 
il  prit  la  fuite  du  côté  de  Chalcédoine,  où 
le  vainqueur  le  poursuivit.  Craignant 
d'être  obligé  de  donner  bataille,  et  n'ayant 
que  très  peu  de  troupes,  Licinius  demanda 
la  paix  à  Constantin ,  qui  la  lui  accorda  ; 
mais ,  dès  qu'il  eut  reçu  du  secours ,  il 
rompit  encqre  le  traité.  Il  y  eut  une  nou- 


J>6  Lie 

velle  bataille  près  de  Chalcédoine,  où 
Licinius  fut  derechef  vaincu  et  contraint 
de  fuir.  Constantin  le  suivit  de  si  près , 
qu'il  l'obligea  de  s'enfermer  dans  Nict)- 
médie.  Licinius ,  dans  cette  extrémité , 
se  remit  à  la  clémence  de  son  vainqueur. 
Conslantia,  sa  femme,  employa  les  larmes 
et  les  prières  pouc  toucher  son  frère  ;  Li- 
cinius se  joignit  à  elle,  et  se  dépouilla  de 
la  pourpre  impériale.  Constantin,  après 
lui  avoir  accordé  son  pardon  et  l'avoir 
fait  manger  à  sa  table,  le  relégua  à  Thes- 
salonique  ,  où  apprenant  qu'il  ne  cessait 
d'intriguer,  et  qu'il  traitait  secrètement 
avec  les  Barbares  pour  renouveler  la 
guerre,  il  le  fit  étrangler  l'an  324.  Il  avait 
un  fils  que  Constantin  prit  d'abord  chez 
lui,  et  qu'il  fit  mourir  un  an  après.  (  F^oy. 
l'article  suivant.  )  Licinius  se  distingua 
par  son  courage  ;  mais  celte  vertu  était 
balancée  par  beaucoup  de  vices.  Il  était 
avare ,  dur  ,  cruel ,  impudique  ;  il  persé- 
cuta les  chrétiens,  pilla  ses  sujets,  et 
leur  enleva  leurs  femmes  ;  son  incons- 
tance et  son  ambition  lui  faisaient  rom- 
pre à  la  première  occasion  les  traités  les 
plus  solennels. 

LICINIUS  (  Fi,avi€sValeriusLicii«ia- 
Mus),  surnommé  le  Jeune  ^  était  fils  du 
précédent  et  de  Constantia ,  sœur  de 
Constantin.  Il  naquit  en  315 ,  et  fut  dé- 
claré César  en  317,  ayant  à  peine  20  mois. 
Constantin  le  fit  élever  sous  ses  yeux  à 
Constant inople.  Mais  sa  jeunesse  ne  lui 
permettant  pas  de  cacher  les  saillies  de 
son  imagination,  il  lui  échappait  des  traits 
qui  faisaient  connaître  ses  désirs  ambi- 
tieux et  les  troubles  qu'il  causerait  dans 
l'empire.  On  en  fit  des  plaintes  à  Con- 
stantin,  et  Fausta  sa  femme  lui  peignit 
si  vivement  le  danger  de  l'état,  qu'il  fit 
mourir  le  jeune  prince,  en  326,  lorsqu'il 
était  dans  sa  douzième  année. 

LICINIUS.  royez  LEZIN. 

LICINIUS  DE  SAINTE-SCHOLAS- 
TIQUE,  carme,  né  à  Saumur,  mort  à 
Paris  dans  le  couvent  dit  des  Billettes , 
le  IS  février  1674  ,  après  avoir  publié  : 
I  De  scientiis  acquirendis  tam  divtnis 
quam  humanis  j  1664  ;  |  Preuves  de  l'in- 
fidélité des  jansénistes  dans  la  traduction 
des  saints  Pères  ;  \  Vie  du  père  Philippe  . 
Thibault,  auteur  de  la  réforme  des  Car- 
mes de  l'observance  de  Rennes  >  Paris , 
1673  ;  I  un  grand  nombre  ^'ouvrages  as- 
cétiques. C'était  un  homme  appliqué,  et 
qui  ne  cherchait  qu'à  se  rendre  utile ,  à 
confondre  l'erreur ,  à  démasquer  l'hypo- 
crisie, et  à  nourrir  la  piété. 


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LIEBAULT  (  Jban  ),  médecin  et  agro- 
nome, né  à  Dijon ,  mort  à  Paris  en  1596 , 
laissa  divers  Traités  de  médecine,  eut 
part  à  la  Maison  rustique ,  ouvrage'  dont 
Charles  Etienne ,  imprimeur ,  son  beau- 
père,  est  le  premier  et  le  principal  auteur. 
Ce  livre,  qui  ne  formait  d'abord  qu'un 
volume,  en  compose  à  présent  deux  in-4°. 
On  a  encore  de  lui  :  |  Thésaurus  sanitatis^ 
etc.,  1578,  in-8°  ;  |  des  Scholies  sur  Jac- 
ques HoUérius,  en  latin,  1579,  in-8°,  etc.  ; 
I  des  Traités  sur  les  maladies  :,  la  santé , 
et  la  fécondité  des  femmes^  1582,  3  vol. 
in-S";  1  De  prœcavendis  curandisque  ve- 
nenis  commentarius. 

LÏEBE  (Chrétien-Sigismond),  savant 
antiquaire  allemand,  né  en  1687  à  Frau- 
enstein  (  Misnie  ),  mort  à  Golha  en  1756  , 
à  l'âge  de  49  ans,  fut  successivement  doc- 
teur en  l'université  de  Leipsick  (1714  ), 
gradué  en  théologie  (  1717  ) ,  prédicateur 
à  l'église  Saint-Paul,  bibliothécaire  ad- 
joint de  l'académie,  et  enfin  conserva- 
teur du  cabinet  des  antiques  du  duc  de 
Saxe-Gotha.  11  s'est  principalement  fait 
connaître  par  son  ouvrage  intitulé  :  Go- 
tha nummaria.  Amsterdam,  1730,  in- 
fol.  I  Roma  Babylonexnummis^Leipsick, 
1714,  in-4°,  réimprimée  sous  ce  titre  ? 
(  Nummi  Ludovici  XII  Galliœ  regiSj  Epi- 
graph.  :  perdam  babylonis  nomeiv  vel 
PEBDA!»i  BABYLONEîw,  insiçncs^  Ulustroti 
ac  contra  Harduinum  defensi.  Leipsick , 
1717  ,  in-S".  Il  fut  un  des  principaux  col- 
laborateurs des  Acta  eruditor.  Lipsen- 
sium. 

LIËBICH  (Jean),  né  àGlogau  en  Silésie, 
en  1681 ,  entra  che»  les  jésuites ,  où  il  en- 
seigna diverses  sciences  avec  succès ,  fut 
pendant  dix  ans  chancelier  de  l'univer- 
sité d'Olmutz  ,  et  mourut  dans  cette  ville 
en  1757.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
j  Queestiones  theologicœ  de  fide,  spe  et 
charitate,  Olmutz ,  1728 ,  in-S"  ;  |  Brevia- 
rium  scripturisticum  in  evangelia  adven- 
tûs  et  plures  dominicas  seqaentes  usque 
ad  dominicam  septuagesimce  ^  Olmutz, 
1731,  in-8°  ;  |  Pœnitentiœ  sacramentum 
per  resolutiones  speculativo-practicas  ad 
munus  confessariorum  se  disponentibus 
servituras  discussum  ^  Troppav. ,  1752, 
in-8°;  |  Quœstio  juris  et  facti  historico- 
tJieologica  de  conciliis  sanctœ  romance 
Ecclesiee^  TToipl>aiU ,  1732,  in-12. 

LIEBKNECHT  (Jean-Georges),  ma- 
thématicien, antiquaire  et  célèbre  profes- 
seur de  Giessen,  né  à  Wasungen  vers 
■1680 ,  devint  membre  de  la  société  royale 
de  Londres,  de  l'académie  des  sciences 
7. 


do  Berlin,  et  de  la  société  des  Curieux  de 
la  nature ,  et  mourut  à  Giessen  en  1729. 
On  a  de  lui  un  grand  nombre  de  Disserta- 
tions théologiques^  philosophiques  et  lit- 
téraires^ estimées,  et  divers  autres  ou- 
vrages. Il  crut  découvrir,  en  1725 ,  une 
nouvelle  étoile  dans  la  grande  Ourse; 
parmi  ses  ouvrages ,  qui  sont  au  nombre 
de  dix,  on  cite  une  Dissertatio  cosmo- 
graphica  de  harmonia  corporum  mundi 
totalium.  nova  ratione  in  numeris  perfec- 
tisgeneratim  definita^  Giessen,  1718,  in-4°. 
Goetenn  a  donné  la  vie  de  Liebknecht 
dans  le  Gelehrie  Europa,  2*^  partie. 

LIEMACKER  (Nicolas  de),  surnom- 
mé Roose.  peintre  renommé ,  naquit  à 
Gandenl576,  fut  élève  de  Guéraer  et 
d'Ottovenius  ,  et  rivalisa  de  talent  avec 
Rubens,  qui  savait  l'apprécier.  Il  tra- 
vailla plusieurs  années  à  la  cour  du 
prince-évêque  de  Paderborn.  Il  s'établit 
ensuite  à  Gand ,  et  y  exécuta  d'excellens 
tableaux  qui  ornent  la  plus  grande  partie 
des  églises  de  cette  ville.  La  confrérie 
de  Saint-Michel  avait  demandé  Rubens 
pour  peindre  une  chute  des  anges  ;  mais 
cet  habile  artiste  conseilla  de  choisir 
Roose.  «  Quand  on  possède  une  rose  si 
»  belle,  on  peut  se  passer  des  fleurs  étran- 
»  gères.  »  Ce  tableau ,  qui  existe  dans  la 
paroisse  de  Saint-Michel,  passe  pour  un 
de  ses  chefs-d'œuvre.  Parmi  ses  autres 
ouvrages ,  on  cite  un  saint  Nicolas  dans 
l'église  de  ce  nom^  le  plafond  d'une  cha- 
pelle de  l'église  de  Saint-Baron,  et  un 
tableau  d'autel  représentant  la  Vierge 
avec  'l'enfant  Jésus  ^  au  milieu  d'une 
gloire  de  saints.  Il  a  reproduit  ce  même 
sujet  dans  l'église  des  Bernardines.  Roose 
avait  un  grand  talent  pour  la  composition, 
était  bon  dessinateur ,  et  se  distinguait 
surtout  par  l'expression  de  ses  figures; 
il  péchait  cependant  quelquefois  par  trop 
de  noir  dans  ses  ombres,  et  trop  de  rouge 
dans  ses  chairs.  Il  eut  toujours  des  mœurs 
pures,  et  mourut  en  1646. 

LIENIIART  (Georges),  savant  abbé 
de  l'ordre  de  Prémontré  à  Roggenburgh, 
et  comme  tel  prélat  de  l'empire  ,  naquit 
le  29  janvier  1717 ,  à  Uberlinghen  en 
Souabe,  de  parens  nobles  et  d'une  fa- 
mille sénatoriale.  Il  quitta  les  avantages 
que  lui  présentait  sa  naissance  pour  em- 
brasser la  vie  canonique ,  et  choisit  pour 
l'exécution  de  ce  dessein  l'abbaye  de  Rog- 
genburgh, ordre  de  Prémontré,  où  il  fit 
profession  en  1741.  Après  avoir  fait  ses 
études  à  Constance  et  à  Dillingen  ,  il  en- 
seigna dans  sa  n:aison  la  philosophie  et 


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la  théologie.  Il  y  avait  sept  ans  qu'il  exer- 
çait l'office  de  prieur  lorsque  l'abbaye  va- 
qua. Tous  les  suffragfes  se  réunirent  sur 
iui ,  et  il  fut  élu  abbé  le  17  juillet  1755.  En 
4768,  le  collé^je  impérial  des  prélats  de 
Souabe  le  choisit  pour  être  un  de  ses  co- 
directeurs. Il  est  auteur  des  ouvrages 
suivans  :  |  Ogdoas  erolhomatum  ex  Olto- 
nis  iheosophiœ  scolasticce  tractatibus ..  pu- 
blicœ  luciet  concertationi  exposita^  Ulm, 
i746 ,  in-8°  ;  ouvrage  approuvé  par  l'uni- 
versité de  Dillingen,  attaqué  néanmoins , 
mais  défendu  par -son  auteur  d'une  ma- 
nière qui  lui  valut  lès  applaudissemens 
de  l'université  de  Saltabourg  ;  |  Exhorta- 
tor  dornesticus  rcligiosam,  animam  ad 
perfectionem  excilans ,  en  deux  parties  , 
l'une  imprimée  à  Lintz ,  47Si ,  in- 4° ,  l'au- 
tre à  Augsbourg,  1761,  même  format; 
I  Dissertatio  theologica  sub  titulo  :  B.  M. 
f^irginis  originaria  immunitas  a  seriori- 
busLa^nindi  Pritanii  censuris  vindicata\. 
Augsb.,  17o6,  in-/i°;  |  Causa  sanguinis  et 
sancto7-um  ^  seu  cultus  débitas  résidais  in 
terra  SS.  sanguinis  et  sanctœ  Crucis  par- 
ticulis  j  necnon  sanctorum  re.liquiis ,  dis- 
sertatione  assertus ^  Augsbourg,  1758, 
in-/i°  ;  1  Ephemerides  hagiologicœ  ordinis 
prœmonstratensis:,  etc.  Augsbourg ,  i76i , 
in-4°.  Il  en  a  paru,  en  1767,  un  supplé- 
ment sous  le  titre  û'Jucîarium  ^  etc.  ; 
j  Spiritus  litterarius  Norbertinus .  seu 
Sylloge  viros  ex  vrdine  prœmonstratensi 
scriptis  et  doctrina  célèbres ,  nec  7ion 
eorumdetn  vitas^  res  gestas^  opéra  et 
scripta  tum  édita,  perspicue  exhibens.  etc. 
Augsbourg,  1771,  in-4°.  L'auteur  y  prouve, 
contre  Casimir  Oudin ,  déserteur  de  sa 
profession  et  de  sa  foi ,  que  l'ordre  des 
Prémonlrés  n'a  pas  manqué  d'écrivains 
et  de  personnages  célèbres  qui  l'aient  il- 
lustré. La  liste  qu'en  donne  l'abbé  de  Rog- 
genburgh  est  de  plus  de  six  cents ,  dont 
les  écrits  embrassent  toutes  sortes  de  ma- 
tières. (  Foyez  OUDIN  ,  Casimir,  et  COL- 
BERT,  Michel.)  |  Des  Sermons^  des  Pa- 
négyriques et  des  Oraisons  funèbres. 
L'abbé  Lienhart  est  mort  en  1783. 

*  LÏENHART  (Tuibaud),  ancien  bé- 
nédictin et  professeur  en  théologie ,  né  le 
i"  septembre  1765 ,  de  parens  cultiva- 
teurs, à  Truchtersheim,  village  près  de 
Strasbourg ,  fit  avec  distinction  ses  étu- 
des au  collège  de  Molsheim ,  en  Alsace ,  et 
se  fit  ensuite  recevoir  dans  l'abbaye  des 
bénédictins  de  Marmoûlier,  dans  la  même 
province.  Il  y  passa  quelques  années  livré 
aux  études  de  la  théologie  jusqu'au  mo- 
ment de  la, révolution  de  1793;  ce  fut  pen- 


dant ce  temps  qu'il  reçut  la  prêtrise.  Lien- 
hart refusa  de  prêter  le  serment  de  la 
constitution,  et  se  rendit  dans  le  cou- 
vent des  bénédictins  àSchuttern  (dans  le 
grand-duché  de  Bade),  où  il  enseigna  la 
théologie.  Ses  supérieurs,  appréciant  les 
dispositions  qu'il  avait  pour  les  langues 
orientales ,  l'envoyèrent  à  l'université  de 
Fribourg ,  en  Brisgaw  ,  où  il  prit  le  grada 
de  docteur  en  théologie.  Il  passa  ensuite 
en  Autriche,  dans  le  célèbre  couvent  des 
bénédictins  de  Kremsmiinster,  près  do 
Vienne,  où  il  fut  encore  chargé  d'ensei- 
gner la  théologie,  et  il  y  resta  jusqu'après 
la  révolution  française.  L'évêque  de  Stras- 
bourg le  rappela  alors  dans  son  pays  et 
Uii  confia  l'éducation  des  clercs.  Il  eut 
beaucoup  de  difficultés  à  surmonter  pour 
donner  de  jeunes  prêtres  à  l'église  d'Al- 
sace. Il  reçut  les  jeunes  aspirans  en  qui 
il  remarquait  de  la  vocation,  fit  lui  seul 
pour  eux  les  différens  cours  de  théologie , 
aida  les  plus  pauvres  en  argent ,  livres  et 
habits,  et  parvint  ainsi  à  fonder  le  sémi- 
naire. L'abbé  Lienhart  fut  nommé  cha- 
noine titulaire  de  la  cathédrale  de  Stras- 
bourg, et  chanoine  honoraire  de  Saint- 
Denis.  Il  avait  été  supérieur  du  grantl 
séminaire  de  Strasbourg  pendant  25  ans  , 
quand  la  révolution  de  juillet  de  1850  vint 
interrompre  sa  longue  et  honorable  car- 
rière. Un  changement  si  subit  de  vie  et 
d'habitudes  ne  tarda  pas  à  altérer  sa  santé  r 
il  mourut  le  22  mars  1831 ,  après  avoir 
passé  iO  ans  dans  l'enseignement  de  la 
théologie.  Ce  respectable  ecclésiastique 
rendît  de  grands  services  à  la  religionpar 
les  différens  ouvrages  qu'il  publia.  Sa 
théologie  dogmatique  en  3  vol.  et  son 
1""  vol.  sur  les  liturgies  lui  valurent  deux 
brefs  des  souverains  pontifes  Pie  VII  et  Pie 
VIII,  qui  font  un  grand  éloge  de  son  éru- 
dition, de  sa  piété  et  de  l'orthodoxie  do 
ses  principes.  Il  parut  encore  de  lui  : 
I  Dissertatio  critica  in  librum  Judith  ; 
1  Anahjsis  studii  biblici;  \  Analysis  theo' 
logice  dogmaticœ ;  |  en  langue  allemande, 
un  Avertissement  aux  catholiques  sur  la 
lecture  de  la  bible  traduite  par  van  Ess  ; 
I  et  en  latin  un  manuel  pour  les  séniina~ 
ristes.  Il  s'occupait ,  dans  les  derniers 
temps  de  sa  vie,  à  retoucher  plusieurs 
ouvrages. qui  sont  restés  manuscrits,  tels 
que  le  T  vol.  sur  les  liturgies ,  presque 
achevé  ;  la  morale ,  et  le  Studium  hibli- 
cum  qui  était  la  partie  dans  laquelle  il 
excellait  principalement.  Les  courtes 
prières  qu'il  fit ,  peu  d'instans  avant  de 
consommer  son  douloureux  sacrifice  ,  ex- 


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priment  d'un  seul  trait  toute  sa  vie.  Après 
une  léthargie  de  plusieurs  jours ,  il  parut 
revenir  à  lui,  et  rassemblant  ses  forces  il 
dit  d'un  ton  plein  d'amour  et  de  confiance  : 
Bone  Jesu^  amavi  te  ^  laudavi  te  ^  labo- 
ravi  inte^  laboravi pro  te^  moriar  in  te.... 
et  vivam  in  te.  L'abbé  LLenhart  avait  ac- 
compagné son  évèque  au  concile  de  Paris, 
en  1811 ,  en  qualité  de  théologien ,  et  fut 
cause  que  ce  prélat  ne  signa  aucun  des 
actes  attentatoires  aux  droits  ou  à  la  di- 
gnité du  saint  Siège.  Ses  vastes  connais- 
sances en  théologie  lui  assurèrent  la  même 
influence  sur  d'autres  membres  du  con- 
cile ;  aussi  Napoléon  avait  lancé  contre 
lui  un  mandat  d'arrêt,  qui  ne  resta  sans 
exécution  que  parce  que  l'abbé  Lienbart 
avait,  par  un  heureux  hasard ,  quitté  Pa- 
ris, vingt-quatre  heures  auparavant. 

LIEUÏAUD  (Jacques),  né  à  Arles, 
vers  1600,  mourut  à  Paris  en  1733,  mem- 
bre de  l'académie  des  sciences  ,  à  laquelle 
il  avait  été  associé  eu  qualité  d'astronome. 
On  a  de  lui  27  volumes  de  la  Connaissance 
des  temps ^  depuis  1703  jusqu'en  1729 ,  in- 
12,  et  les  Ephémérides  ^  in-4°,  1704-1711. 
Voyez  la  Bibliographie  astron.  de  Lalan- 
de ,  p.  349. 

LIEUTAUD  (Joseph),  premier  méde- 
cin du  roi  de  France ,  président  de  la  so- 
ciété royale  de  médecine ,  naquit  à  Aix 
en  Provence ,  en  1703.  On  a  de  lui  :  |  Es- 
sais anatomiques  contenant  la  descrij)- 
tion  exacte  de  toutes  les  parties  qui  com- 
posent le  corps  humain^  Paris,  1772,  2 
vol.  in-8°.  M.  Portai  en  a  donné  une  nou- 
velle édition  en  1777 ,  avec  des  notes  et 
dos  observations  ;  |  Elementa  Physiolo- 
giœ,  Paris,  17/*.9,  in-8";  |  Précis  de  la 
médecine  pratique ,  1776,  2  vol.  in-8°,  et 
3  vol.  in-12  ;  |  Précis  de  la  matière  médi- 
cale AllQ,  1771,  2  vol.  in-8",  et  3  vol.  in-12  ; 
(  Historia  anatomico-mcdica ^  1767,  2  vol. 
in-8",  avec  des  observatioas  de  Portai. 
Ce  célèbre  médecin  mourut  à  Versailles 
l^iiQ  décembre  1780.  Plusieurs  de  ses  con- 
frères ,  rassemblés  autour  de  son  lit ,  pro- 
posaient différens  remèdes.  «  Ah  !  leur 
»  dit-il,  je  mourrai  bien  sans  tout  cela.  » 

LIGARIUS  (QuirwTUs),  lieutenant  de 
Caïus  Considius,  proconsul  d'Afrique,  se 
fit  chérir  des  Africains.  Ils  le  demandèrent 
et  l'obtinrent  pour  leur  proconsul ,  lorsque 
Considius  fut  rappelé.  Il  continua  de  se 
faire  chérir  dans  son  gouvernement,  et 
ces  peuples  voulurent  l'avoir  à  leur  tête 
lorsqu'ils  prirent  les  armes  ,  au  commen- 
cement de  la  guerre  civile  de  César  et  de 
Pompée;  mais  il  aima  mieux  retourner  à 


Rome.  Il  embrassa  les  intérêts  de  Pom- 
pée ,  et  se  trouva  en  Afrique  dans  le  temps 
de  la  défaite  de  Scipion  et  des  autres  chefs 
qui  avaient  renouvelé  la  guerre.  Cepen- 
dant César  lui  accorda  la  vie  ,  mais  avec 
défense  de  retourner  à  Rome.  Ligarius  se 
vit  contraint  de  se  tenir  caché  hors  de  l'I- 
talie. Ses  frères  et  ses  amis ,  et  surtout 
Cicéron,  mettaient  tout  en  oeuvre  pour 
lui  obtenir  la  permission  de  rentrer 
dans  Rome ,  lorsque  Tubéron  appuyé  par 
C.  Pansa,  se  déclara  dans  les  formes  l'ac- 
cusateur de  Ligarius.  Ce  fut  alors  que  Ci- 
céron prononça  pour  l'accusé  cette  haran- 
gue admirable  qui  passe  avec  raison  peur 
un  chef-d'œuvre,  et  par  laquelle  il  obtint 
de  César  l'absolution  de  Ligarius ,  quoique 
ce  prince  n'eût  pas  dessein  de  l'absoudre. 
Tubéron  fut  si  fâché  de  l'issue  de  sa  cause, 
qu'il  renonça  au  barreau.  Cependant  Li- 
garius devint  dans  la  suite  un  des  com- 
plices de  la  conjuration  où  César  fut  as- 
sassiné ;  tant  il  est  vrai  que  les  usurpateurs 
du  pouvoir  et  les  violateurs  des  lois  pu- 
blicfues  ne  sont  jamais  assurés  de  l'impu- 
nité, lors  même  qu'ils  se  signalent  par 
des  actes  de  justice  ou  de  bonté.  Ligarius 
ne  fut  cependant  pas  parmi  les  assassins 
de  César  :  le  jour  de  ce  grand  événement 
(15  mars,/ti  ans  avant  J.-C),  il  était 
retenu  au  lit  par  une  maladie ,  et  il  ne 
survécut  au  dictateur  que  peu  de  temps. 

LIGER  (Louis),  auteur  d'un  grand 
nombre  d'ouvrages  sur  l'agriculture ,  le 
jardinage  et  l'économie  domestique,  na- 
quit à  Auxerre  en  1658,  et  mourut  à 
Guerchi,  près  de  cette  ville,  en  1717.  Il 
était  fort  honnête  homme  ;  mais  c'était  un 
auteur  médiocre ,  rebattant  cent  fois  les 
mêmes  choses  dans  ses  différens  ouvra- 
ges. Les  meilleurs  sont  :  |  La  Nouvelle 
Maison  rustique .  2  vol.  in-4°,  avec  fig., 
dont  la  onzième  édition  est  de  1777.  La 
dernière  édition,  entièrement  refondue 
par  J.  F.  Baslien,  a  été  publiée  à  Paris, 
1798-1804 ,  3  vol.  in-4°  ;  |  Les  amusemens 
de  la  campagne :,  ou  Nouvelles  ruses  inno- 
centes qui  enseignent  la  manière  de  pren- 
dre aux  pièges  toutes  sortes  d'oiseaux , 
quadrupèdes,  etc.,  Paris,  4'  édition,  avec 
fig.,  1753,  2  vol.  in-12;  |  Le  Jardinier 
fieujHste,  in- 12.  {Voyez  LIEBAULT.)  Il 
s'attachait  plus  à  compiler  qu'à  réfléchir 
sur  les  matières  qu'il  traitait. 

LIGHTFOOT  (Jeaiv),  l'un  des  plus 
habiles  hommes  de  son  siècle  dans  la  con- 
naissance de  l'hébreu ,  du  Talmud  et  des 
rabbins ,  né  en  1602 ,  à  Stoke ,  dans  le 
comté  de  Stafford,  mort  à  Cambridge  en 


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1675,  à  soixante-treize  ans,  fut  vice-chan- 
celier de  l'université  de  cette  dernière 
ville,  et  chanoine  d'Ely,  La  meilleure  édi- 
tion de  ses  OEuvres  est  celle  d'Utrecht , 
1699,  en  3  vol.  in-fol.,  mise  au  jour  par 
ies  soins  de  Jean  Leusden.  Ses  principaux 
ouvrages  sont  :  [  Horce  hebraicœ  et  tal- 
muddicœ  in  geographiam  Terrœ-Sanctœ. 
On  y  trouve  des  observations  propres  à 
rectifier  les  erreurs  des  géographes  qui 
ont  travaillé  sur  la  Palestine  ;  ]  une  Har- 
monie de  l'ancien  Testament;  \  des  Com- 
mentaires sur  une  partie  du  nouveau. 
Ils  respirent  l'érudition  la  plus  recher- 
chée ,  ainsi  que  ses  autres  ouvrages.  Il  a 
fait  un  usage  heureux  des  connaissances 
talmudiqties  pour  l'explication  des  usages 
des  Juifs  modernes.  Strype  a  publié  à 
Londres  en  1700,  in -8°,  de  nouvelles 
Œuvres  posthumes  de  Lightfoot.  On 
trouve  dans  ses  écrits  quelques  senti- 
mens  condamnables ,  savoir  :  que  les  Juifs 
étaient  entièrement  rejetés  de  Dieu  ;  que 
les  clefs  du  royaume  des  cieux  n'avaient 
été  données  qu'à  saint  Pierre;  que  son  pou- 
voir ne  regardait  que  la  doctrine  et  non 
la  discipline ,  etc.  ;  erreurs  qui  n'ont  rien 
de  surprenant  dans  un  calviniste.  Light- 
foot a  pris  part  à  la  Polyglotte  de  Lon- 
dres et  au  Lexique  heptaglotton  d'Edm. 
Castel.  Sa  vie  se  trouve  à  la  tète  de  l'édi- 
tion de  ses  OEuvres  de  1686  et  celle  de 
1689.  Voyez  Mém.oires  de  Nicéron ,  Dic- 
tionnaire de  Chauffepié ,  et  Nouvelles  de 
la  république  des  Lettres^  année  1686. 

LIGIVAC  (JosEPH-AoRiEivleLARGEde) 
naquit  à  Poitiers  d'une  famille  noble.  Il 
passa  quelque  temps  chez  les  jésuites,  qu'il 
quitta  pour  entrer  dans  la  congrégation  de 
l'Oratoire.  On  lui  confia  divers  emplois , 
dont  il  s'acquitta  avec  succès.  Dans  un 
voyage  qu'il  lit  à  Rome ,  Benoît  XIV  et  le 
cardinal  Passionei  l'accueillirent  avec  cette 
bonté  et  cette  familiarité  nobles  qui  leur 
étaient  ordinaires  envers  les  savans. L'abbé 
de  Lignac  mourut  à  Paris  en  1772,  après 
être  sorti  de  l'Oratoire.  Il  s'appliqua  spé- 
cialement à  la  métaphysique,  pour  la- 
quelle il  suivit  les  principes  de  Malebran- 
che  et  de  Descartes.  Nous  avons  de  lui  : 
I  Possibilité  de  la  présence  corporelle  de 
l'homme  en  plusieurs  lieux  ^  1754 ,  in-12. 
L'auteur  y  montre,  contre  M.  Boullier, 
que  le  dogme  de  la  Transsubstantiation 
n'a  rien  d'incompatible  avec  les  idées  de 
la  saine  philosophie  ;  il  y  a  cependant 
d'autres  moyens  plus  simples  peut-être  de 
mettre  ce  mystère  à  l'abri  des  chicanes 
de  l'erreur.  {Foy.  le  Catéch.  philos.  n°/i41 


etsuiv.  )  \  Mémoire  pour  servir  à  commen- 
cer l'histoire  des  araignées  aquatiques , 
en  1748,  in-8",  1799,  in-12  ;  |  Lettres  à  un 
américain  sur  V Histoire  naturelle  de  M. 
de  Z?M/7bn,  1751-56,  9  vol.  in-12,  pleines 
d'observations  sensées  ;  mais  quelques- 
unes  sont  minutieuses  ;  ]  Le  témoignage  du 
sens  intime  et  de  l'expérience  ^  opposé  à 
la  foi  profane  et  ridicule  des  fatalistes 
modernes^  3  vol.  in-12,  1760;  |  Elémens 
de  métaphysique  tirés  de  l'expérience ^ 
1753,  in-12;  |  Examen  sérieux  et  comique 
du  livre  de  l'Espnt^  1759 ,  2  vol.  in-12. 
Ouvrages  pleins  de  raison  et  d'excellentes 
observations,  quoiq[ue  le  dernier  soit  quel- 
quefois superficiel  et  contienne  des  choses 
mal  vues ,  en  particulier  une  espèce  de 
roman  touchant  la  condamnation  de  Ga- 
lilée. L'abbé  de  Lignac  travaillait  à  exé- 
cuter le  plan  des  preuves  de  la  religion 
que  Pascal  avait  conçu  ,  quand  la  mort  le 
surprit.  Son  style  à  la  vérité  était  fort  in- 
férieur à  celui  de  cet  homme  célèbre , 
mais  il  pensait  profondément ,  surtout  en 
métaphysique,  et  tous  ses  ouvrages  en 
sont  la  preuve.  S'il  a  eu  des  liaisons  peut- 
être  trop  marquées  avec  les  gens  du  parti, 
il  n'a  pas  perdu  son  temps  à  défendre 
leurs  opinions.  On  en  voit  cependant  ça  et 
là  quelques  symptômes  dans  ses  ouvrages, 
mais  faiblement  prononcés ,  et  suscepti- 
bles, pour  l'ordinaire,  d'une  interpréta- 
tion favorable. 

*  LIGNE  (  Charles-Joseph,  prince  de  ) , 
né  à  Bruxelles,  en  1735,  fils  aine  du  prince 
de  Ligne,  général  d'artillerie  au  service 
d'Autriche,  et  petit-fils  d'un  feld-maré- 
chal  au  service  du  mémo  pays ,  était  issu 
d'une  des  plus  anciennes  et  des  plus  il- 
lustres familles  des  Pays-Bas  ;  il  fut  élevé 
au  milieu  des  dragons  du  régiment  de  son 
père  ,  qui  le  portaient  dans  leurs  bras,  et 
lui  racontaient  les  campagnes  qu'ils 
avaient  faites  sous  le  prince  Eugène.  A 
l'âge  de  huit  ans  ,  il  avait  déjà  été  témoin 
d'une  bataille,  s'était  trouvé  dans  une 
ville  assiégée  et  avait  vu  trois  sièges  des 
fenêtres  du  château  de  Beiœil.  Passionné 
pour  les  armes,  il  s'enrôla  en  1752 ,  dans 
le  régiment  de  son  père,  à  l'âge  de  17  ans. 
D'abord  enseigne,  il  fut  4  ans  après  capi- 
taine et  l'année  suivante  (  1757  )  il  fil  sa 
première  campagne  :  alors  la  Prusse  et 
ses  alliés  faisaient  la  guerre  à  Marie- 
Thérèse  ,  reine  de  Hongrie ,  puis  impé- 
ratrice d'Allemagne.  Le  jeune  prince  de 
Ligne  se  signala  par  sa  valeur ,  aux  affai- 
res de  Breslaw,  de  Leuthen  et  de  Hochkir- 
chen.  Chargé,  dans  cette  dernière  bataille 


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461 


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en  l'absence  du  major,  du  commande- 
ment de  son  bataillou ,  il  s'empara  d'un 
poste  important,  et  mérita  d'être  élevé  au 
grade  do  colonel.  Durant  les  dernières 
campagnes  de  la  guerre  de  7  ans,  il  se  dis- 
tingua de  la  manière  la  plus  brillante,  et 
mit  peut-être  même  trop  de  témérité  dans 
sa  bravoure.  Un  jour  Marie-Tliérèse  lui 
annonçant  sa  nomination  à  un  nouveau 
prade  lui  dit  :  «  En  prodiguant  votre  vie, 
0  vous  m'avez  fait  tuer  luie  brigade  l'an- 
»  née  dernière  :  n'allez-pas  m'en  faire 
«)  tuer  deux  pendant  celle-ci ,  conservez- 
0  vous  pour  l'état  et  pour  moi.  »  La  guerre 
de  7  ans  avait  eu  pour  résultat  la  conquête 
par  Marie-Thérèse  des  états  héréditaires. 
A  l'époque  du  couronnement  de  Joseph 
II,  le  prince  de  Ligne  fut  nommé  général 
major  ;  il  inspira  une  grande  confiance 
à  cet  empereur,  qu'il  accompagna  à  son 
entrevue  avec  Frédéric  II,  roi  de  Prusse, 
en  1770.  Ontrouve  dans  sa  Correspondance 
d'intéressans  détails  sur  le  caractère  des 
deux  souverains  ^et  sur  les  circonstances 
de  cette  entrevue.  En  1771,  le  prince  de 
Ligne  obtint  le  grade  de  lieutenant-général, 
et  il  fit  toutes  les  campagnes  depuis  cette 
époque  jusqu'à  l'an  1778,  où  fut  signée  la 
paix.  Pendant  la  dernière  guerre  qui  avait 
lieu  pour  la  succession  de  la  Bavière  ,  il 
comujanda  l'avant-garde  sous  les  ordres 
de  Laudon  :  quoique  cette  guerre  ait  été 
peu  féconde  en  événemens  ,  le  prince  de 
Ligne  trouva  occasion  de  déploya r  de 
nouveaux  talens  militaires  et  d'ajouter 
à  sa  réputation,  il  se  Uvra  alors  à  l'étude, 
perfectionna  son  éducation  et  voyagea  en 
Italie  ,  en  Suisse  et  en  France ,  pays  pour 
lequel  il  avait  une  prédilection  marquée  : 
déjà ,  en  1759 ,  il  avait  été  envoyé  à  la  cour 
de  Versailles ,  pour  porter  à  Louis  XV  la 
nouvelle  de  la  victoire  de  Maxen,  et  il 
avait  reçu  l'accueil  le  plus  distingué.  Dans 
ce  second  voyage ,  il  ne  fut  pas  moins  bien 
reçu ,  surtout  de  la  reine  Marie-Antoi- 
nette ,  aux  vertus  de  laquelle  il  rend  de 
touchans  hommages  dans  sa  correspon- 
dance. Ce  fut  avec  un  vif  regret  qu'il 
quitta  la  France  ,  lorsque  la  cour  le  rap- 
pela pour  le  charger  d'une  nouvelle  mis- 
sion. Il  fut  envoyé  en  Russie  (  1782  ),  au- 
près de  Catherine  II ,  qui  lui  témoigna  la 
plus  vive  affection,  le  nomma  feld-maré- 
chal ,  et  lui  donna  la  propriété  d'une  vaste 
terre  en  Crimée  :  elle  voulut  nuhuc  qu'il 
l'accompagnât  dans  ie  voyage  qu'elle  fit 
avec  Joseph  II,  dans  cette  province  (  foy. 
CATHERINE  II.  )  Sur  ces  enti  efailcs  ,  la 
Russie  déclara  la  guerre  à  la  Porte;  le 


prince  de  Ligne  était  parvenu  à  déterminef 
le  cabinet  de  Pétersbourg  à  cette  grande 
résolution,  prise  dans  l'intérêt  de  l'Au- 
triche ,  sa  nouvelle  alliée.  En  1788 ,  il  re- 
çut de  l'empereur  le  grade  de  général 
d'artillerie ,  et  fut  chargé  d'une  mission 
à  la  fois  militaire  et  politique  auprès  du 
prince  Potemkin ,  qui  faisait' le  siéga 
d'Oczakow.  Il  remplit  cette  mission  avec 
le  plus  grand  succès,  et  après  avoir  parta- 
gé les  périls  du  siège,  il  contribua  l'année 
suivante  avec  Laudon  à  la  prise  de  Bel- 
grade (  1789).  Ce  fut  là  sa  dernière  cam- 
pagne, où  ses  services  lui  avaient  valu  le 
titre  de  commandeur  de  l'ordre  de  Marie- 
Thérèse.  Alors  éclata  la  révolte  des  Pays- 
Bas,  causée  par  différentes  réformes  reli- 
gieuses ,  que  Joseph  II  avait  voulu  y  in- 
troduire ;  le  prince  de  Ligne  était  né 
dans  les  pays  insurgés,  il  y  passédait  la 
plus  grande  partie  de  ses  biens,  et  l'un  de 
ses  fils  était  à  la  tète  des  rebelles.  Toutes 
ces  circonstances  firent  naître  contre 
Un  des  soupçons  que  rien  ne  justifiait. 
Joseph  II,  qui  connaissait  à  fond  son  ca- 
ractère ,  lui  rendit  bientôt  toute  sa  con- 
fiance ,  et  lui  dit  en  mourant  :  «  Je  vous 
»  remercie  do  votre  fidélité  :  allez  aux 
»  Pays-Bas  ;  faites-les  revenir  à  leur  sou- 
»  verain,  et  si  vous  ne  le  pouvez,  restez-y  : 
»  ne  me  sacrifiez  pas  vos  intérêts  ,  vous 
»  avez  des  enfans.  »  Cette  exhortation  de- 
venait inutile  pour  le  prince  de  Ligne , 
qui  s'était  montré  contraire  à  la  rébellion 
des  Belges.  Ce  n'est  pas  que  leur  chef ,  le 
fameux  Vander-Noot ,  ne  lui  eût  écrit 
pour  l'intéresser  à  leur  cause  ;  mais ,  au 
lieu  d'y  consentir ,  il  lui  donna  le  conseil 
salutaire  de  se  soumettre  à  l'instant,  pour 
éviter  une  mauvaise  fin.  La  mort  de  Jo- 
seph II  (  en  1690  )  causa  au  prince  de  Ligne 
une  vive  douleur,  qu'il  ne  dissimulait  pas 
devant  le  nouvel  empereur,  Léopold  II. 
Ce  souverain,  au  moment  qu'il  faisait  la 
paix  avec  les  Turcs,  éloignait  de  sa  cour 
presque  toutes  les  créatures  de  son  frère. 
Le  prince  de  Ligne  fut  de  ce  nombre.  Ce- 
pendant les  troubles  de  la  Belgique  ayani 
été  apaisés,  il  se  relira  dans  ce  pays,  et 
présida  les  états  du  liainault.  Voici  com- 
ment il  raconte  la  manière  dont  il  désap- 
prouva, devant  les  députés,  le  dernier 
soulèvement.  «  Je  trouvai,  dit-il,  un  reste 
»  d'aigreur  et  d'indépendance,  qyi  me 
»  donna  de  l'humeur;  j'en  témoignai  un 
«jour  plus  qu'à  l'ordinaire,  dans  uno 
»  assemblée  do  mes  itères  conscrits .  el 
»  voyant  qu'on  me  la  rendait ,  je  leur  dia 
«  que  si  je  n'avais  pas  été  en  Ciiméeavec 


LIG 


462 


LIG 


•  l'empereur  Joseph  et  l'impcralrlce  de 
»  Russie  ,  lorsque  leur  rébellion  éclata, 
»  je  l'aurais  arrêtée ,  ou  en  leur  parlant 
»  en  citoyen  fidèle,  zélé  et  raisonnable, 
»  ou,  si  je  n'avais  pas  réussipar  ce  moyen, 

•  en  général  autrichien,  à  coups  de  canon 
Bsans  boulet,  mais  qui  les  eussent  fait 
B  mourir  de  peur...  »  Lorsque  les  Fran- 
çais firent  une  invasion  en  Belgique,  le 
prince  de  Ligne  perdit  ses  biens;  un  cha- 
grin bien  plus  vif  vint  accabler  son  âme, 
quand  il  apprit  que  son  fils  aîné  avait  péri 
dans  un  combat  lors  de  l'expédition  des 
Prussiens  en  Champagne,  le  14  septembre 
1792.  La  cour  d'Autriche  oublia  entière- 
ment ses  services,  et  lorsque  Laudon  et 
Lascy  furent  morts ,  elle  ne  songea  point 
à  les  remplacer  par  le  prince  de  Ligne , 
qui  était  cependant  le  plus  ancien  des  gé- 
néraux autrichiens ,  et  le  plus  recomman- 
dable  par  ses  services.  En  1796,  il  ne  put  ob- 
tenir le  commandement  de  l'armée  d'Italie, 
dont  le  ministre  Thugut,  qu'il  avait  blessé 
par  quelques  épigrammes,  le  tenait  éloi- 
gnée. Aussi  le  prince  de  Ligne  disait-il 
souvent  avec  amertume,  je  suis  mort  avec 
Joseph  II.  Sa  fortune  était  loin  aussi  de 
prospérer,  et  il  fut  même  obligé  pour 
vivre  de  vendre  une  partie  de  ses  pro- 
priétés. Il  eut  recours  à  l'étude  pour  dis- 
siper ses  chagrins  :  il  s'occupa  de  mettre 
on  ordre  ses  divers  écrits,  qu'il  publia 
à  Vienne  et  à  Dresde ,  en  1807  ,  50  vol. 
in-12.  L'empereur  François  II  se  souvint 
enfin  du  prince  de  Ligne,  et  le  nomma, 
en  1807,  capitaine  des  trabans  de  sa  garde 
et,  l'année  suivante  ,  lui  conféra  le  grade, 
de  feld-maréchal.  Par  fois  on  le  consul- 
tait sur  quelques  opérations  militaires , 
mais  on  ne  lui  confiait  plus  aucun  corps 
d'armée,  et  son  occupation  la  plus  habi- 
tuelle était  do  présider  le  conseil  de  l'ordre 
de  Marie-Thérèse.  Aucun  étranger  de 
marque  ne  passait  par  Vienne  sans  le  vi- 
siter; les  Français  surtout,  qu'il  aimait  de 
préférence,  le  recherchaient  avec  empres- 
sement. Les  souverains  de  l'Europe,  réu- 
nis à  Vienne  au  congrès  de  1814  ,  l'hono- 
rcrent  de  leur  visite,  et  parurent  charmés 
de  sa  gaieté ,  de  ses  saillies  et  de  la  pré- 
sence d'esprit  qu'il  conservait  malgré  son 
grand-âge.  Pour  se  délasser  des  affaires 
politiques  qui  les  occupaient  quelques 
heures  du  jotrr ,  les  souverains  passaient 
le  reste  du  temps  en  bals  et  en  fêles;  ce 
qui  fit  dire  au  prince  de  Ligne  :  «  Le  con- 
»  grès  danse ,  il  ne  marche  pas  ;  quand  il 
a  aura  épuisé  tous  les  genres  de  spccta- 
»  clés  ,  je  lui  donnerai  celui  de  l'enlerre- 


B^mcnt  d'un  feld-maréchal...  »  Il  tint  pa- 
role, et  mourut  le  13  décembre  1814,  âgé 
de  79  ans.  Une  laissa  pas  de  fortune  ;  mais 
comme  il  voulait ,  selon  l'usage ,  faire  un 
legs  à  sa  compagnie  de  trabans,  il  lui 
donna  la  Collection  de  ses  manuscrits , 
qu'il  avait  évaluée  à  100,000  florins;  mais 
ses  héritiers  la  cédèrent  à  un  libraire 
pour  un  bien  moindre  prix".  Le  comte  de 
CoUorédo ,  qui  lui  succéda  dans  le  com- 
mandement des  trabans,  réclama  contre 
cette  vente  ,  qui  les  frustrait  du  legs  du 
testateur  ;  les  parties  ,  à  ce  qu'il  paraît , 
s'arrangèrent  à  l'amiable,  et  les  OEuvres 
posthumes  du  prince  de  Ligne  parurent 
à  Vienne  et  à  Dresde  en  1817,  6  volumes 
in  -  8°.  Le  prince  de  Ligne  comptait 
beaucoup  sur  le  succès  de  ses  écrits , 
et  disait  :  «  J'ai  lieu  de  croire  q^ue  les 
»  bontés  paternelles  du  respectable  em- 
»  pereur  François  I",  maternelles  de  la 
»  grande  Marie  -  Thérèse ,  et  quelquefois 
»  presque  fraternelles  de  l'immortel  Jo- 
»  seph  II  ;  la  confiance  entière  du  maré- 
»  chai  Lascy  et  presque  entière  du  maré- 
»  chai  Laudon  ;  la  société  intime  de  l'a- 
»  dorable  reine  de  France  ;  l'intimité  de 
»  Catherine  le  Grande  mon  accès  chez 
»  elle  ,  presque  à  toutes  les  heures  ;  les 
»  bontés  distinguées  du  grand  Frédéric  , 
»  rendront  mes  Mémoires  bien  intéres- 
»  sans...»  Ses  oeuvres  sont  écrites  en  fran- 
çais et  divisées  en  deux  parties  ;  la  pre- 
mière contient  :  |  Essai  sur  les  jardins  et 
sur  la  terrti  du  Bel-OEil ,  ou  Coup  d'œil 
sur  le  Bel-OEil  et  sur  une  grande  partie 
des  jardins  de  l'Europe;  \  Dialogues  des 
morts;  |  Lettres  à  Eulalie  sur  les  théâ- 
tres ;  I  Mes  écarts^  ou  nia  télé  eii  liberté; 
I  Mélanges  de  poésies  ^  pièces  de  théâtre; 
1  Mémoire  sur  le  comte  de  Bonneval;  sur 
la  correspondance  de  la  Harpe  ^  etc.  La 
seconde  partie  a  pour  titre  :  OEuvres  mi- 
litaires et  sentimentales  ;  elle  comprend  : 
I  Préjugés  et  fantaisies  militaires  ;  |  Mé-' 
moires  sur  les  campagnes  du  prince  Louis 
de  Bade  ^  sur  les  campagnes  du  comte 
Bussy-Rabutin^  sur  la  guerre  des  Turcs, 
sur  les  deux  maréchaux  de  Lascij  ^  sur 
Frédéric  II ;  \  Instructions  du  roi  de 
Prusse  à  ses  officiers;  |  Journal  de  la 
guerre  de  sept  ans  ;  de  sept  moiSj  en  1 778, 
et  de  sept  jours,  aux  Pays-Bas^  en  1784  ; 
I  Mé7noire  sur  les  généraux  de  la  guerre 
de  t?ente  ans;  |  Relation  de  ma  campagne 
de  1788  à  1789;  |  Catalogue  raisonné  des 
livres  militai?'es  de  ma  bibliothèque.  En 
1809,  il  publia  encore  un  ouvrage,  sous 
le  titre  de  Fie  du  prince  Eugène  de  Sa- 


LIG 

voie  ^  écrite  par  lui-même.  L'espèce  de 
culte  qu'il  rendait  à  ce  fameux  général 
lui  fit  attribuer  cet  écrit  dont  lui,  le  prince 
de  Ligne  ,  était  l'auteur.  Il  croyait ,  par 
cette  petite  supercherie ,  accroître  l'in- 
térêt du  public  pour  son  héros.  Le  style  , 
dans  ses  ouvrages,  est  par  fois  incorrect 
et  diffus  ;  on  n'y  trouve  ni  ordre  ni  mé- 
thode, et  comme  il  ledit  lui-même ,  il 
écrivait  les  choses  à  mesure  qu'elles  lui 
venaient  dans  la  pensée ,  qui  n'était  pas 
toujours  juste  ou  régulière.  Cependant , 
l'esprit  qui  y  brille  à  chaque  pas,  les  idées 
originales,  les  saillies  piquantes,  la  cir- 
constance rare  d'avoir  été  le  témoin  des 
choses  qu'il  raconte  ;  des  portraits  d'après 
nature ,  comme  ceux  de  Joseph  II  et  de 
Frédéric  le  grand;  la  chaleur  de  son  style, 
la  foule  des  événemens  qui  se  succèdent, 
contribuent  à  faire  oublier  les  défauts  de 
ses  écrits,  qu'on  ne  saurait  quitter  quand 
on  en  a  une  fois  commencé  la  lecture.  Le 
prince  de  Ligne  a  fait  des  vers  en  plu- 
sieurs occasions ,  mais  ils  sont  à  peine 
médiocres.  Il  a  paru  plusieurs  ouvrages 
sur  cet  homme  célèbre,  même  de  son 
vivant.  M""  de  Staël,  un  de  ses  admira- 
teurs, publia  :  Lettres  et  Pensées  du  ma- 
réchal prince  de  Ligne  j.  1809,  in-S".  On 
regrette  qu'elle  n'ait  pas  retranché  quel- 
ques opinions  que  ce  prince  avait  rétrac- 
tées. MM.  de  Propiac  et  Malte-Brun  ont 
aussi  donné  à.ts  Extraits  àç.s  ouvrages  du 
prince  de  Ligne,  qu'il  a  hautement  désap- 
prouvés. On  doit  à  M.  A.  A.  Barbier,  la 
nouvelle  édition,  revue,  corrigée  et  aug- 
mentée des  Mémoires  sur  le  comte  de 
Bonnevalj  parle  prince  de  Ligne ,  Paris, 
4817 ,  1  vol.  in-8». 

*  LIGKE  (  Charles  ,  prince  de  )  ,  fils 
aîné  du  précédent,  fut  employé  dans  la 
guerre  contre  les  Turcs  ,  et  se  distingua 
surtout  dans  la  prise  d'Ismaïlow.  Séduit 
par  les  idées  de  liberté  alors  en  vogue 
dans  toute  l'Europe  ,  il  prit  quelque  part 
à  l'insurrection  du  Brabant  contre  l'em- 
pereur ;  mais  il  ne  tarda  pas  à  en  recon- 
naître les  abus ,  et  il  se  dévoua  plus  que 
Jamais  à  la  défense  de  son  souverain.  Il 
se  signala  contre  les  Français  en  1792,  et 
fut  tué  le  Kh  septembre  de  la  même  an- 
née, en  attaquant  une  redoute  avec  trop 
d'audace. 

LIGNIÈRE.  Voyez  LTNIÈRE. 

*LIGi\IVILLE  (  Philippe  -  Emmanuel 
de),  comte  du  Saint-Empire,  seigneur  des 
villes  et  prévôtés  de  Darney  en  Vosges  , 
de  Tuméjus,  d'Houëcourt,  etc.,  maréchal- 
général  des  camps  et  armées  de  Lorraine 


465  LIG 

et  du  Palatinat  du  Rhin  ,  feld-maréchal- 
lieutenant  de  celles  de  l'empereur  Léo- 
pold ,  parvint  à  ces  postes  éminens  après 
avoir  passé  par  les  grades  de  capitaine  et 
colonel  de  cavalerie  ,  de  sergent  de  ba- 
taille ,  de  général  d'artillerie  ,  etc.,  etc.  Il 
se  trouva  en  1634  à  la  première  bataille 
de  Nortlingiie  où  il  fît  prisonnier  le  comte 
de  Horn ,  général  des  Suédois  ,  et  con- 
tribua ensuite  à  reprendre  ou  à  défendre 
plusieurs  places  en  Lorraine.  Il  fut  fait 
en  1641  bailli  de  Nancy ,  en  récompense 
de  ses  services  ;  se  signala  contre  le  ma- 
réchal de  Gassion  à  J'attaque  du  camp 
d'Armentièrcs,  et  pénétra  le  premier  dans 
Courtrai ,  dont  la  garnison  aima  mieux 
périr  les  armes  à  la  main  que  d'implorer 
la  clémence  du  vainqueur.  De  retour  en 
Lorraine  ,  Philippe-Emmanuel  défit  Roz- 
Vorms  qui  y  était  entré  avec  un  corps  de 
troupes  allemandes  ;  il  fit  prisonnier  tout 
ce  qui  ne  périt  pas  dans  le  combat ,  et 
après  cette  victoire ,  se  rendit  maître  d'E- 
pinal,  Neufchâteau,  Châtel ,  Mirecourt , 
Bar,  et  des  forteresses  de  Ligny,  Ha- 
roué ,  Tonnoi  et  Savigny.  Il  fut  ensuite 
surpris  près  de  Saint-Mihiel  par  le  mar- 
quis de  Laferté ,  depuis  maréchal  de 
Fiance ,  sans  que  cet  échec  ait  affaibli  sa 
réputation.  En  16S0  ,  le  comte  de  Ligni- 
ville,  envoyé  à  la  tête  des  troupes  de 
Lorraine  au  secours  du  vicomte  de  Tu- 
renne,  se  distingua  à  la  bataille  de  Rhétel, 
et  y  fut  mortellement  blessé  d'un  coup  de 
mousquet  au  bas-ventre.  On  l'enleva  de 
la  mêlée  et  on  l'emporta  sans  connais- 
sance à  Stenay.  Sa  guérison  fut  lente  et 
miraculeuse  (  i  ).  L'allégresse  publique 
célébra  son  retour  à  la  vie ,  et ,  les  of- 
ficiers qui  avaient  servi  sous  lui  firent 
frapper  une  médaille  que  tous  portè- 
rent à  la  boutonnière ,  témoignage  tou- 
chant d'amour  et  de  vénération.  Quel 
général  en  reçut  jamais  de  plus  flat- 
teur !  Sa  réputation  fut  telle  que  le  grand 
duc  de  Toscane  le  fit  prier  de  recevoir  au 
nombre  de  ses  élèves  le  jeune  comte  de 
Bentivoglio,  et  que  plusieurs  seigneurs 
étrangers  s'empressèrent  de  venir  appren- 
dre sous  un  si  grand  maître  le  grand  art 
de  la  guerre.  Deux  fois ,  pour  l'attirer  à 
son  service  et  le  détacher  de  celui  de 
l'Espagne  auquel  le  retenait  l'ordre  de 
Charles  IV,  alors  prisonnier  à  Tolède, 
Louis  XIV  lui  offrit  le  bâton  de  maréchal 


(t)    Philippe-Emmanutl  ,    »u$ii     pieu*   »;n"il    ^[jit 
brave  ,  s'était  voui;  à  N.  D.  Benoît  de  Vnu\  •  sa  C^(ô- 
l  rUon  inallenduc  fat  .-«.'.ifibui't  Ji  ce  vo-u. 


Lia 


464 


LIG 


de  France  :  le  comte  de  Lignl ville  préféra 
son  devoir  à  la  fortune ,  et  le  ravage  de 
ses  terres  fut  la  punition  d'une  iidélité 
qui  ne  méritait  que  des  éloges.  Mais  dès 
que  la  loi  du  devoir  ne  s'opposa  plus  à 
sctti  inclination,  il  ramena  en  France  l'ar- 
mée de  Lorraine.  La  retraite  était  dan- 
pereuse.  Cette  armée  peu  nombreuse,  que 
la  déliance  espagnole  avait  dispersée  dans 
des  quartiers  éloignés ,  était  pour  ainsi 
dire  à  la  discrétion  des  troupes  de  cette 
nation,  bien  supérieures  en  nombre  et  qui 
l'environnaient  de  toutes  parts.  A  force 
de  secrets  et  de  sages  précautions,  il  sur- 
monta tous  les  obstacles  et  se  couvrit  de 
gloire  en  effectuant  une  retraite  si  dif- 
ficile. Il  avait  sacrifié  à  son  devoir  les  of- 
fres séduisantes  de  la  cour  de  France  ;  en 
quittant  le  territoire  espagnol,  il  sacrifia 
de  nouveau  la  fortune  à  son  devoir  en 
abandonnant  des  sommes  considérables 
qu'il  avait  dans  la  banque  d'Anvers,  ainsi 
que  les  pensions  qu'il  recevait  de  la  cour 
de  Madrid  et  qui  étaient  son  unique  res- 
source. Il  lui  eût  suffi  de  retarder  sa  re- 
traite d'une  heure  pour  retirer  de  son 
quartier  2,000  doublons  qu'il  y  avait,  mais 
il  connaissait  le  prix  du  moment,  et  s'ou- 
bliant  lui-même  ,  une  seule  chose  l'occu- 
pait, le  salut  de  l'armée  confiée  à  son  com- 
mandement. Après  une  marche  de  trois 
jours  et  trois  nuits  sans  prendre  aucun 
repos ,  celle  armée  composée  de  27  régi- 
mens ,  arriva  en  France ,  exténuée  de 
faim  et  de  fatigue.  A  la  tête  de  ces  trou- 
pes, familiarisées  avec  les  périls,  Phi- 
lippe -  Emmanuel  fit  dans  l'aruiée  de 
Turenne  les  campagnes  de  1056,  f6o7 
et  1658,  se  couvrit  de  gloire  aux  sièges 
de  Valenciennes ,  de  Saint-Venant,  de 
Dunkerque,  de  Gravelines,  de  plusieurs 
autres  places  et  à  la  bataille  des  Dunes. 
Turenne ,  trop  grand  pour  ne  pas  rendre 
justice  au  mérite  des  autres,  peignit  à 
Louis  XIV  le  comte  de  Ligniville  comme 
un  dos  premiers  généraux  de  son  temps, 
et  le  monarque  fit  l'accueil  le  plus  gra- 
cieux à  un  guerrier  fidèle  qui  avait  ré- 
sisté à  ses  offres  quand  il  n'avait  pas  dû 
les  accepter,  mais  qui  venait  de  lui  ren- 
dre d'imporlans  services.  C'est  dans  ce 
temps  que  ,  pour  l'indemniser  de  la  ruine 
de  ses  terres,  de  la  perte  de  sa  fortune  et 
de  tant  de  sacrifices  multipliés  pour  le 
service  de  ses  princes,  le  duc  François  de 
Lorraine  donna  à  lui  et  à  ses  çnfans  mâ- 
les ,  el  à  leur  défaut  aux  enfans  de  IIe;ui- 
Gaspard  de  Ligniville  son  frère,  les  ville , 
terres  et  seigneurie  de  Darncy,  en  Vos- 


ges. La  paix  conclue  entre  la  France  et 
l'Espagne  en  1659,  rendit  inutiles  à  son 
souverain  les  lalens  militaires  de  Philippe- 
Emmanuel.  L'électeur  de  Bavière  qui  mé- 
ditait de  grands  desseins  ,  profita  de  ce 
moment  pour  l'attirer  à  son  service  et  lui 
dotmer  le  commandement  de  son  armée. 
En  j063  ,  Charles  IV  l'envoya  à  la  diète  de 
Ratisbonne  pour  y  défendre  ses  intérêts. 
Le  comte  de  Ligniville  y  déploya  des  ta- 
lens  qu'on  ne  devait  pas  attcidre  d'un 
guerrier  qui  avait  passé  50  ans  de  sa  vie 
dans  les  camps.  Peu  de  temps  après  ,  ce 
duc  le  nomma  gouverneur  du  jeune  prince 
Charles  ,  son  neveu ,  héritier  présomptif 
de  ses  états.  Philippe-Emmanuel  accom- 
pagna son  illustre  élève  dans  la  guerre 
contre  les  Turcs,  et  comme  il  n'avait 
aucun  grade  dans  l'armée  impériale,  l'em- 
pereur ne  voulant  pas  que  celui  qui  tant 
de  fois  avait  commandé  en  chef,  fût,  ré- 
duit à  la  qualité  de  simple  volontaire, 
réleva  au  rang  de  feld-maréchal-lieu- 
tenantdeses  armées.  Il combattitla  même 
année  1664,  à  la  bataille  do  Saint-Godard 
ou  de  Raab ,  à  côté  du  jeune  duc  dont  il 
dirigea  l'impétueuse  ardeur,  et  contribua 
essentiellement  à  la  victoire  par  sa  valeur 
et  ses  conseils.  L'empereur  le  félicita  de 
la  gloire  qu'il  avait  acquise  dans  cette 
mémorable  journée  et  lui  écrivit  :«  Cher 
»  comte  de  Ligniville,  j'ai  été  sufiisam- 
»  ment  informé  de  la  valeur  et  généro- 
»  site  que  vous  avez  fait  paraître  contre 
»  les  Turcs  dans  la  dernière  bataille.... 
»  Vous  y  avez  acquis  une  gloire  immor- 
»  telle,  de  sorte  que  je  ne  manquerai  pas 
»  l'occasion  do  reconnaître  vos  belles  ac- 
»  lions,  cl  demeure  votre  affectionné. 
»  Signé  LÉOPOLD.  »  Il  reçut  aussi  une 
lettre  non  moins  honorable  que  lui  écrivit 
de  sa  propre  main  le  duc  François  de  Lor- 
raine, père  du  jeune  prince  Charles,  de- 
puis Charles  V  :  «  M.  le  comte ,  je  loue 
»  Dieu  de  la  bonne  nouvelle  d'une  si  heu- 
»  reuse  bataille,  et  d'avoir  conservé  mon 
»  fils  dans  cette  occasion  ,  en  lui  faisant 
B  acquérir  tant  d'honneur  ,  où  vous  avez 
»  eu  une  grande  part,  dont  je  vous  re- 
n  mercie  de  tout  mon  cœur ,  et  vous  prie 
»  de  croire  que  je  vous  témoignerai  ma 
»  gratitude  en  toutes  les  occasions  qui 
»  s'en  présenteront ,  en  vous  faisant  con- 
»  naître  que  je  suis  du  meilleur  de  mon 
»  cœur,  votre  tiès  affectionné  ami.  Signé 
»  FRANÇOIS  de  LORRAINE.  »  Le  comte 
de  Lignivillesurvécul  peu  à  cette  dernière 
action;  il  mourut  à  Vienne  la  même  an- 
née avec  la  réputation   de  la  plus  haute 


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46S 


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valeur  accompagnée  d'un  désintéresse- 
ment rare  et  d'une  fidélité  inviolable  pour 
ses  souverains.  C'est  ce  qu'atteste  l'hono- 
rable épitaphe  que  l'empereur  fit  graver 
à  Vienne  sur  son  tombeau.  Le  prince 
Charles  regretta  vivement  la  perte  d'un 
homme  si  capable  de  le  former  dans  l'art 
des  héros.  Il  écrivit  de  sa  main  à  Henri 
Gaspard  de  Ligniville,  son  frère  :  «M.  le 
»  comte ,  il  serait  superflu  de  vous  dire 
»  combien  je  suis  touché  de  la  mort  de 
»  feu  M.  le  comte  de  Ligniville  votre  frère, 
»  puisque  chacun  sait  l'estime  que  j'en 
«faisais,  et  par  conséquent  vous  devez 
»  croire  que  je  le  suis  à  l'excès.  ..Les  grands 
»  et  notables  services  qu'il  a  rendus  à  ma 
»  maison  et  à  moi  en  particulier,  m'obli- 
»  gent  d'avoir  de  tels  sentimens ,  lesquels 
»  s'étendront  jusqu'aux  siens,  dont  vous 
»  formez  la  première  branche  ,  espérant 
»  un  jour  leur  faire  connaître ,  à  vous  sur- 
j>  tout,  que  je  suis  véritablement,  M.  le 
»  comte ,  votre  bien  affectionné.  Signé  le 
K  prince  CHARLES  de  LORRAINE.  » 

*  LIGNY (  François  de  ) ,  jésuite,  né  à 
Amiens  le  k  mai  1709,  était  compatriote 
de  Gresset ,  et  entra  comme  lui,  à  l'âge  de 
16  ans,  chez  les  Pères  de  la  compagnie; 
il  resta  toujours  attaché  à  cet  ordre  jus- 
qu'à sa  suppression.  Après  avoir  professé 
les  humanités  pendant  quelques  années , 
il  se  livra  à  la  prédication,  et  s'y  distingua 
par  une  éloquence  touchante  et  une  con- 
naissance profonde  dans  les  sciences  théo- 
logiqpies.  Il  se  fit  bientôt  une  grande 
réputation  et  fut  désigné  pour  prê- 
cher à  la  cour  ;  mais  la  suppression  de 
son  ordre  le  priva  de  cet  honneur.  Il  se 
rendit  alors  à  Avignon ,  dans  le  comtat 
Venaissin,  qui  faisait,  à  cette  époque, 
partie  des  états  romains  ;  malgré  une 
santé  chancelante  ,  il  continua  de  s'occu- 
per à  la  fois  de  la  prédication ,  du  soin 
des  âmes  ,  et  d'études  littéraires.  Il  mou- 
rut dans  cette  ville ,  en  1788 ,  âgé  de  79 
atis.  Il  a  laissé  :  |  Pie  de  saint  Ferdi- 
nand^ roi  de  Castille  et  de  Léon,  dé- 
diée à  Ferdinand,  prince  de  Parme  ,  Pa- 
ris ,  1759 ,  in-d2.  Alban  Butler  cite  ce  livre 
avec  éloge  ;  |  Histoire  de  la  vie  de  Jésus- 
Christ,  oii  l'on  a  conservé  et  distingué  les 
paroles  du  texte  sacré  selon  la  Vulgate, 
Avignon ,  1774  ,  3  vol.  in-S"  ;  1776  ,  in-i"  ; 
Paris ,  1804  ,  2  vol.  in-i",  avec  73  gravu- 
res :  Paris  ,  1813  ,  3  vol.  in-8°,  avec  3  figu- 
res. On  doit  considérer  cet  excellent  ou- 
vrage comme  une  ample  concordance  his- 
torique et  ascétique.  L'auteur,  en  y  mê- 
lant les  explications  ou  les  réflexions  qui 


se  lient  naturellement  entre  elles,  a  form« 
du  texte  des  Evangiles  une  histoire  exacte 
et  suivie.  Des  notes  éclaircissent  et  déve- 
loppent les  d  ifficultés  du  sens  prophétique, 
dogmatique  ou  moral.  Le  père  Daire  ,  en 
parlant  de  cet  ouvrage ,  dit  «  que  les  cho- 
»  ses  excellentes  qu'on  y  trouve  font  pas- 
»  ser  quelques  saillies  d'un  zèle ,  par  fois 
»  un  peu  ardent ,  qu'on  a  cru  pouvoir 
»  reprocher  à  l'auteur...  »  Le  père  Ligny 
avait  été  chargé  d'écrire  l'histoire  de  la 
province  du  Nivernais,  mais  il  mourut 
avant  d'avoir  terminé  ce  travail. 

LIGUORI  ou  LIGORIO  (Alphonse-Ma- 
rie de),  évèque  de  Ste. -Agathe  des  Goths 
au  royaume  de  Naples,  et  fondateur  de  la 
congrégation  des  missionnaires  du  Saint- 
Rédempteur  ,  naquit  à  Naples  d'une 
famille  noble  et  ancienne  ,  le  26  septem- 
bre 1696.  Porté  naturellement  à  la  piété 
dès  son  enfance ,  et  doué  des  plus  heu- 
reuses dispositions ,  il  eut  le  bonheur  de 
les  voir  secondées  par  le  soin  que  pri- 
rent ses  vertueux  parens  de  lui  assurer 
une  excellente  éducation.  Ils  le  mirent 
de  bonne  heure  entre  les  mains  d'habiles 
maîtres ,  et  il  profita  si  bien  de  leurs  le- 
çons ,  qu'à  l'âge  de  17  ans  il  avait  fini 
toutes  ses  études ,  après  y  avoir  obtenu 
de  brillans  succès.  Il  s'appliqua  alors  à  la 
jurisprudence  ,  et  embrassa  la  profession 
d'avocat,  qu'il  exerça  pendant  quelque 
temps  à  Naples  avec  assez  de  réputation  ; 
mais  en  1722  ,  un  accident  qui  lui  arriva 
dans  une  cause  importante  le  dégoûta  de 
cette  carrière  et  le  décida  à  y  renoncer. 
Il  lui  sembla  alors  qu'un  sentiment  in- 
térieur l'appelait  à  l'état  ecclésiastique 
Avant  d'en  arrêter  la  résolution ,  il  vou- 
lut la  mûrir.  Le  31  août  de  la  même  an- 
née ,  après  y  avoir  bien  réfléchi ,  il  prit 
l'habit  ecclésiastique.  Pour  lors  il  tourna 
ses  études  et  toutes  ses  pensées  vers  ce 
qu'exigeait  cette  nouvelle  profession.  Il 
s'appliqua  à  la  théologie ,  il  lut  les  saintes 
Ecritures  et  les  Pères.  La  méditation  , 
les  jeûnes  ,  les  bonnes  oeuvres ,  furent  ses 
exercices  de  tous  les  jours.  C'est  au  milieu 
de  ces  saintes  occupations  qu'il  prit  les 
ordres  sacrés.  Dès  qu'il  fut  prêtre ,  il  s'at- 
tacha à  la  congrégation  de  la  Propagande 
et  s'adonna  à  la  prédication  etaux  travaux 
des  missions  avec  un  zèle  vraiment  apo- 
stolique. L'onction  avec  laquelle  il  annon- 
çait la  parole  évangélique ,  son  austère 
pénitence ,  la  sainteté  de  sa  vie ,  produi- 
sirent une  infinité  de  conversions.  Il  avait 
remarqué  que  c'étaient  surtout  les  cam- 
pagnes qui  manquaient  dlastruction.  Il 


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forma  le  projet  de  subvenir  au  besoin 
qu'elles  en  avaient  ;  et  ce  fut  cette  idée 
qui  lui  suggéra  le  dessein  d'instituer 
une  congrégation  de  missionnaires  des- 
tinés à  ce  ministère.  Ayant  réuni  quel- 
ques compagnons ,  il  en  jeta  les  premiers 
fondemens  dans  l'ermitage  de  Ste. -Marie 
de  la  Scala  >  et  lui  donna  le  nom  de  con- 
grégation du  Saint-Rédempteur.  Cet  éta- 
blissement éprouva  d'abord  des  contra- 
dictions; maisLiguori,  à  force  de  patience, 
parvint  à  les  vaincre.  Sa  congrégation  fut 
approuvée  par  le  saint  Siège  ,  et  se  ré- 
pandit bientôt  dans  diverses  villes  du 
royaume  de  Naples,  de  la  Sicile  et  même 
de  l'état  romain.  Tant  de  mérite ,  tant  de 
services  rendus  à  la  religion  ne  pouvaient 
demeurer  ignorés  et  sans  récompense  : 
Clément  XIII,  en  juin  1762,  nomma  Li- 
guori  évéque  de  Sainte-Agathe  des  Goths. 
Ce  ne  fut  pas  sans  peine  qu'on  parvint  à 
lui  faire  accepter  cette  dignité  éminenle  j 
mais  le  chef  de  l'Eglise  l'ordonnait  :  il 
obéit ,  et  se  livra  entièrement  à  ses  nou- 
veaux devoirs.  Il  rechercha  les  abus  qui 
pouvaient  s'être  glissés  parmi  son  clergé, 
et  il  les  réforma.  11  fonda  des  monastères 
et  d'autres  établissemens  pieux ,  et  ne 
cessa  d'édifier  son  diocèse  par  ses  prédi- 
cations, par  des  instructions  familières 
ou  des  lettres  pastorales  ,  par  ses  écrits  , 
et  surtout  par  l'exemple  de  ses  vertus. 
Après  treize  années  d'épiscopat ,  et  une 
longue  vie  passée  tout  entière  dans  les 
travaux-  du  ministère  et  les  austérités 
de  la  pénitence  ,  Lignori  exténué  de  fa- 
tigues ,  devenu  sourd  et  presque  aveu- 
gle, tourmenté  d'une  maladie  cruelle  , 
demanda  au  pape  Pie  VI  et  obtint,  en 
juillet  1775  ,  d'être  déchargé  du  gouver- 
nement de  son  église  ;  il  avait  près  de  80 
ans.  Il  se  retira  à  Nocera  de  Pagani^  dans 
une  maison  de  sa  congrégation.  Il  y  vé- 
cut encore  près  de  H  ans  dans  le  recueil- 
lement ,  la  prière  et  autres  exercices  de 
piété,  et  mourut  saintement  le  1""  août 
J787  ,  âgé  de  90  ans  et  dix  mois.  Le  père 
liguori  a  été  béatifié  le  6  septembre  1816, 
et  le  décret  nécessaire  pour  procéder  à 
sa  canonisation  a  été  donné  par  le  pape 
rie  VIII  le  16  mai  1850.  (  Voyez  VJmi  de 
la  religion  qui  rapporte  le  décret  de  S. S. 
n°  1657,  10  juin  1830.)  On  croirait  que 
tant  de  travaux  avaient  consumé  tous  les 
momens  de  Liguori  ;  ils  ne  l'empêchè- 
rent pas  néanmoins  de  composer  un  très 
grand  nombre  d'ouvrages.  On  a  de  lui  : 
\  Theologia  moralis  concinnata  a  R.  P. 
Mphonso   Ligorio   per    appendices    in 


medullam  R.  P.  Hermannis  Busembaum 
soc.  Jesu^  Naples,  1755,  2  vol.  in-i°. 
Quoique  Liguori,  dans  cette  théologie, 
ait  travaillé  d'après  Busembaum,  dont 
il  admirait  bien  plus  la  méthode  qu'il 
n'admettait  les  opinions,  il  ne  suit  qu'eu 
partie  ses  principes,  et  avec  une  sage  ré- 
serve: s'il  embrasse  le  probabilisme  ,  ce 
n'est  pas  dans  toute  l'étendue  que  lui  ont 
donnée  certains  auteurs.  On  sera  d'ail- 
leurs parfaitement  rassuré  à  cet  égard 
quand  on  saura  que  son  livre  a  été  non 
seulement  loué  et  approuvé  par  Benoît 
XIY,  mais  que  ce  célèbre  et  savant  pape 
l'a  même  cité  dans  son  grand  ouvrage 
De  synodo  diœcesana;  ce  qu'il  n'aurait 
sans  doute  pas  fait  si  la  doctrine  en  avait 
été  répréhensible.  Cette  théologie ,  re- 
produite sous  un  nouveau  titre  et  avec 
des  corrections  de  l'auteur ,  a  eu  plusieurs 
éditions,  entre  autres  celle  de  Bassano, 
1816,  onzième  édition,  3  vol.  in -4°, 
de  Malines,  1828,  et  celle  de  Besançon, 
1832-1833,  9  vol.  in-8<>  et  9  vol.  in-12  ; 
I  Homo  apostolicus  j  instruclus  in  sua 
vocatione  ad  audiendas  confessiones , 
Venise  ,  1782  ,  5  vol.  in-4''  ;  et  Besançon  , 
Gauthier,  1853  ,  3  vol.  in-8"  ,  et  in-12; 
I  Directorium  ordinandorum  ^  dilucida 
brevique  m.ethodo  explicatum  .  Venise  , 
1758  ;  I  Institulio  catechistica  adpopulum 
in  prœcepta  Decalogi^  Bassano,  1768; 
I  Istruzione  pratica per  i  confessori.  etc.. 
Bassano,  1780,  3  vol.  in-12;  ouvrage 
plein  d'onction  ,  de  modération,  de  dou- 
ceur, de  cette  charité  qui  ne  cherche  que 
le  salut  des  âmes.  C'est  le  contre-poison 
du  livre  imprimé  à  Venise  chez  Occhi , 
sous  le  titre  &' Istruzione  dei  confessoria 
dei  penitenti.  \  Praxis  confessarii  ad  ins- 
tructionem,  confes»ariorum  ab  italico  in 
latinum  sermonem,  ab  ipsomet  auctore 
reddita  et  aucta ^  Venise,  1781;  |  Dis- 
sertazione  circa  l'uso  moderato  deWopi- 
nione  probabile ,  Naples,  1754;  |  Jpo~ 
logia  delta  dissertazione  circa  l'uso  tno- 
dei'ato  dell'opinione  probabile  contra  le 
opposizioni  faite  dal  P.  Lettore  Adelfo 
Dositeo ,  Venise  ,  1765.  C'est  une  réponse 
au  père  Jean-Vincent  Patuzzi ,  domini- 
cain ,  antagoniste  zélé  des  défenseurs  du 
probabilisme.  (  T^oyez  PATUZZI.  )  Li- 
guori pensait  qu'au  confessional  il  fallait 
éviter  une  indulgence  poussée  trop  loin, 
et  un  rigorisme  désespérant,  suivant 
ce  principe  de  saint  Bonaventure  :  Pri- 
ma sœpe  salvat  dam.nandum;  secunda 
contra  damnât  salvandum.  \  Verilà  dél- 
ia fedes  ossia  confutazione  de  materia- 


i67  LIL 

recueil  d'observalions  importantes  qu'il 
lit  paraître  en  suédois  dans  une  suite  do 
Mémoires.  Gustave  III  étant  monté  sur  la 
trône  et  voulant  régénérer  les  finances 
fixa  son  choix  sur  Westerman  ,  à  qui  il 
confia  l'exécution  de  son  plan  ,  et  qu'il 
nomma  secrétaire  d'état  pour  les  finances, 
après  l'avoir  anobli  sous  le  nom  de  Lilie- 
cranlz.  Ce  ministre  sut  profiter  habile- 
ment des  circonstances  de  la  guerre  d'A- 
mérique ,  pendant  laquelle  la  Suède  ,  sous 
les  auspices  de  la  neutralité  armée ,  fit 
un  commerce  très  lucratif ,  pour  procu- 
rer au  gouvernement  les  matières  d'or 
et  d'argent.  Liliecrantz  vint  à  bout  d'opé- 
rer la  réalisation  au  moyen  de  laquelle 
les  anciens  papiers  furent  retirés  de  la 
circulation ,  et  le  crédit  des  nouveaux 
billets  de  la  banque  de  Stockholm  se 
trouva  fondé  sur  une  base  solide ,  qui  n'a 
été  ébranlée  depuis  que  par  les  guerres 
dispendieuses  survenues  dans  les  der- 
niers temps.  En  se  retirant  du  ministère, 
Liliecrantz  entra  dans  le  sénat  ;  lors  de  la 
suppression  de  ce  corps  ,  il  devint  pré- 
sident au  conseil  de  commerce ,  en  con- 
servant le  titre  de  sénateur  et  le  rang 
qui  y  était  attaché.  Commandeur  et  chan- 
celier des  ordre;»  du  roi,  il  fit  aussi  par- 
tie de  l'académie  des  sciences  de  Stock- 
holm ,  à  laquelle  il  a  fourni  plusieurs  mé' 
moires.  Liliecrantz  parlait  avec  beaucoup 
de  facilité  le  français  ,  l'allemand  et  l'an- 
glais, et  ses  diverses  qualités  morales  et 
physiques  rendaient  sa  société  agréable. 
Il  abandonna  tout-à-fait  les  affaires  dans 
les  dernières  années  de  sa  vie ,  et  mou- 
rut en  1813,  laissant  plusieurs  fils  qui 
suivent  la  carrière  des  arnnes. 

LIL1E^THAL  (Michel)  ,  savant  phi- 
lologue ,  né  à  Liebstadt  en  Prusse  ,  l'an 
1G86  ,  s'établit  à  Koenigsberg,  où  il  fut 
pasteur  et  professeur  de  théologie  jusqu'à 
sa  mort ,  arrivée  en  1730.  On  a  de  lui  ; 
I  Acta  Borussica  ecclesiastica  j.  civilia  , 
litteraria^  1730-32,  3  vol.  in-8°;  (plusieurs 
bonnes  Dissertations  académiques  ;  |  Se- 
lecta  historica  et  lilteraria^  Koenigsberg, 
1713-1719,  2  vol.  in-8°  ;  |  De  machiavelis- 
mo  litterarioAbid.  1713,  in-8°.  Cetouvrage 
roule  sur  les  petites  ruses  dont  les,  gens 
de  lettres  se  servent  pour  se  faire  un  nom; 
ruses  auxquelles  presque  tous  les  grands 
hommes  de  nos  jours  doivent  leur  célé- 
brité. I  Annotationes  in  Struvii  Intro- 
ductionem  ad  notitiam  rei  litterariai  j, 
,  ,  r     •  j  D  •.    •       .1     .        ,     ■      .  i      Leipsick ,  -1729 ,   in-8°.  Il  a  aussi  publié 

{\)  Laminde  FntoniusttX  -le  aAmiqufavait  prit  le      ,      '^  ,  .        , 

r:lfbrt  iWuratori  .  dao.  uo  ouvrage  contre  le  prote5-  !  d  autrCS  OUVragCS  SUr  leS  ttUteUrS  qut  Ont 

int  LecUrc,  i  écrit  sur  la  Prusse;  sur  les  théologiens 


LIL 

Usti,  deistie  settarjj,  etc.  Venise,  1781 ,  2 
vol.  in-8"  ;  |  La  vera  sposa  di  Chrisio 
cio  è  la  monacha  santa,,  Venise  ,  1781 ,  2 
\  ol.  in-12  ;  |  Scella  di  materie  predicabili 
l'd  istrutlive,  etc.  Venise,  1779,2  vol. 
in-8°  ;  I  Lcglorie  di  Maria  ^  etc.  Venise  , 
1784,  2  vol.  iu-8°.  Cet  opuscule  fut  attaqué 
dans  un  écrit  intitulé  :  Epistola  parene- 
tica  di  Lamindo  Pritanio  redivivo  (i).  Li- 
guori  y  répondit  par  un  autre ,  sous  ce 
titre  :  Risposta  ad  unautore  che  ha  cen- 
surato  il  libro  del  P.  D.  Alfonso  di  Li- 
guori,  sotto  il  titolo  Glorie  di  Maria.  \ 
Opérette  spirituali ,  ossia  l'amor  delV  a- 
nime  e  la  visita  al  Santissimo  Sacramento^ 
Venise,  1788,  2  vol.  in-12  ;  |  Discorsi sa- 
cro-morali  per  tutte  le  domeniche  deV- 
amiOj.  Venise  ,  1781  ,  in-4"  ;  |  Jstoria  di- 
tutte  l'eresie  con  loro  confulazione ,  (  His- 
toire de  toutes  les  hérésies  avec  leur  ré- 
futation), Venise,    1773,   5   vol,  in-8°  ; 

1  Vittorie  de'martiri .  ossia  la  Vita  di 
moltissimi  santi  martiri,  Y enise  ,  1777, 

2  vol.  in-12;  |  Opéra  dogmatica,  contra 
gli  eretici  prête  si  risformati^  Venise,  1770. 
I  Silva  ou  choix  de  sujets  destinés  à  ser- 
vir de  matériaux  aux  prédicateurs  ^  3 
vol.  in-18  :  l'Ami  de  la  religion  en  rend 
compte  dans  sonN"  du  13  décembre  1831 , 
n"  1879  ;  |  l'Horloge  de  la  passion.  Tous 
ces  ouvrages  ,  et  d'autres  moins  considé- 
rables ,  ont  été  plusieurs  fois  réimpnimés 
cliez  Remondini  à  Venise.  Ils  rendent  de 
suflisans  témoignages  à  la  doctrine ,  au 
zèle  ,  à  la  vie  saintement  et  laborieuse- 
ment occupée  de  Liguori.  Ils  ont  été  re- 
connus pour  être  sans  tache  à  Rome  ,  où 
l'on  a  terminé  les  procédures  pour  la  béa- 
tification de  ce  savant  et  pieux  évèque. 
Sa  Vie  a  été  publiée  par  Jean  Card,  1828, 
1  vol.  in-8°.  On  peut  voir  l'Ami  de  la  re- 
ligion .  tom.  36 ,  pag.  161 ,  n°  1446. 

•  LILlECRAINiTZ  (Jea\,  comte  de), 
ministre  des  finances  de  Suède ,  où  il 
était  né ,  vers  l'année  1730  ,  d'une  con- 
dition obscure ,  sous  le  nom  de  "Wester- 
man, montra  de  borme  heure  des  dispo- 
sitions pour  les  sciences  économiques.  Il 
obtint  des  états  du  royaume  une  somme 
pour  voyager  dans  les  principaux  pays  de 
l'Europe ,  et  recueillir  des  renseignemens 
sur  les  manufactures  et  le  commerce. 
L'Allemagne,  l'Angleterre,  la  France  et 
l'Italie  furent  successivement  le  théâtre 
de  ses  investigations,  et  il  revint  avec  un 


LIM 


468 


LIM 


protestans  ;  sur  les  médailles  modernes 
depuis  Charles-Quint  ^  etc.  Il  a  eu  en  outre 
la  principale  part  au  journal  de  Kœnlgs- 
berg  intitulé  :  Erleuterte  Preussen.  Les 
^cta  Borussica  déjà  cités  en  étaient  une 
espèce  de  continuation.  Ces  écrits  sont 
pleins  de  savantes  recherches.  Il  était 
membre  de  la  société  royale  de  Berlin ,  et 
de  l'académie  de  Pétersbourg. 

LILIO  (Louis).  Koy.  GRÉGOIRE  XIII. 

LILLY  ou  LILY  (  Gdilllaome  )  ,  astro- 
logue anglais ,  né  en  1602 ,  à  Dicervorth, 
comté  de  Leicester ,  fut  d'abord  domes- 
tique :  ses  prédictions  le  firent  sortir  de 
cet  état  et  lui  acquirent  une  fortune  con- 
sidérable. On  a  de  lui  Merlinus  anglicus 
junior^  en  anglais ,  Londres ,  1644  ,  in-4°; 
I  Le  messager  des  étoiles^  1645  ;  |  Recueil 
de  prophéties^  1646.  Il  se  fit  une  espèce  de 
réputation,  en  publiant  l'horoscope  du 
malheureux  Charles  I",  au  moment  où  il 
fut,  en  1633,  couronné  roi  d'Ecosse.  Ce 
prince  le  consulta  plusieurs  fois  et  lui  fit 
de  riches  présens.  Lilly  était  très  lié  avec 
Ashmole,  qui  en  fait  mention  dans  le 
Journal  de  sa  Vie.  Leurs  goû4s  et  quel- 
quefois l'état  de  leurs  têtes  étaient  les 
mêmes.  Il  mourut  en  1681. 

LILLY  (Guillaume)  ,  né  en  1468,  à 
Odyham  dans  le  Hampshire,  voyagea 
dans  la  Terre-Sainte ,  dans  l'Italie ,  et  fut 
le  premier  maître  de  l'école  de  Saint-Paul 
de  Londres,  fondée  par  Colles  en  1312. 
On  a  de  lui  des  Poésies^  et  une  Grammaire 
latine^  Oxford,  1673  ,  in^".  Il  mourut  en 
1523 ,  à  55  ans. 

LIMBORCH  (  Philippe  van  ) ,  théolo- 
gien remontrante  né  à  Amsterdam  en  1633, 
d'une  bonne  famille,  étudia  dans  cette 
ville,  puis  à  Utrecht,  de  1632  à  1654,  fut  mi- 
nistre à  Gouda  en  1657 ,  puis  à  Amster- 
dam en  1667.  Il  obtint  la  même  année  en 
cette  ville  la  chaire  de  théologie ,  qu'il 
remplit  jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  en  1712 , 
à  79  ans.  Il  était  grand  partisan  de  la  tolé- 
rance ,  et  avec  cela  il  a  rempli  ses  écrits 
du  fiel  le  plus  amer  contre  l'Eglise  catho- 
lique. Jean  Le  Clerc  en  fait  un  grand  élo- 
ge ;  mais  le  socinianisme  qui  réunissait 
les  deux  auteurs  par  l'attachement  aux 
mêmes  opinions,  rend  cet  éloge  fort  su- 
spect. On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages  esti- 
més des  protestans.  Les  principaux  sont  : 
I  De  veritate  religionis  christiance  amica 
coîlatio  cum  erudito  Judœo  j.  in-12;  l'é- 
dition de  Gouda,  in-4°,  1687,  n'est  pas 
commune.  On  en  a  fait  une  à  Bâle ,  in-8°, 
1740  Le  juif  avec  lequel  Limborch  eut 
cette  conférence ,  est  Isaac  Orobio  de  Sé- 


ville,  qui  savait  ergoter  et  nullement  dis- 
tinguer le  vrai  du  faux.  11  n'était  pas  diffi- 
cile à  Limborch  de  repousser  les  faibles 
traits  de  cet  adversaire,  mais  il  l'aurait 
fait  avec  plus  d'avantage  dn  accordant 
moins  à  son  juif ,  et  en  omettant  les  di- 
gressions qu'il  fait  contre  les  catholiques, 
digressions  qui  donnent  lieu  de  croire  qu'il 
avait  plus  d'envie  de  déclamer  contre  eux 
que  de  triompher  de  son  antagoniste.  As- 
servi lui-même  aux  erreurs  de  Calvin 
et  de  Socin,  il  ne  pouvait  réfuter  celles 
des  Juifs  avec  cette  raison  vigoureuse  et 
conséquente  qui  n'appartient  qu'à  ceux 
qui  embrassent  la  vérité  tout  entière.  |  Un 
Coips  complet  de  théologie  ^  1715 ,  Am- 
sterdam ,  in-fol. ,  selon  les  opinion»  et 
la  doctrine  des  remontrans.  L'auteur  y 
rejette  toutes  sortes  de  traditions  ;  mais 
lorsqu  'il  s'agit  de  discerner  les  livres 
canoniques  d'avec  les  apocryphes,  il  a 
recours  à  la  tradition  de  l'Eglise ,  sans 
se  mettre  en  peine  d'une  contradiction  si 
manifeste.  |  Flistoria  inquisitionis ^  Ams- 
terdam ,  1692 ,  in-fol.  On  ne  doit  point 
s'attendre  d'avoir  une  histoire  bien  exacte 
de  ce  tribunal  par  un  protestant ,  ni  même 
de  certains  catholiques  (  voyez  LLO- 
RENTE).  M.  Le  Clerc  et  le  père  Nicéron 
disent  que  Limborch  l'a  tirée  des  ouvrages 
mêmes  des  inquisiteurs  ;  mais  Limborch , 
dans  la  liste  qu'il  donne  des  écrivains  dont 
il  s'est  servi ,  y  place  Fra-Paolo,  protes- 
tant déguisé  sous  le  froc,  et  Dellon,  au- 
teur de  la  Relation  de  l'inquisition  de  Goa, 
qui  est  également  protestant,  etc.  D'ail- 
leurs ,  Limborch  n'a  pris  dans  les  écrits 
des  inquisiteurs  que  ce  qu'il  a  voulu  ,  et 
combien  de  fois  n'a-t-il  pas  tronqué  les 
passages!  Pour  s'en  convaincre  ,  il  n'y  a 
qu'à  faire  attention  à  sa  manière  de  citei  ; 
souvent  ce  ne  sont  que  de  petits  lambeaux 
des  dernières  phrases.  C'est  dans  cet  ou- 
vrage ,  dans  l'abrégé  qu'en  a  fait  l'abbé 
Marsollicr  ,  dans  madame  d^Junoy^  dans 
les  Délices  d'Espagne  ^  dans  V Histoire 
générale  de  Voltaire ,  etc. ,  que  l'on  puise 
l'idée  affreuse  que  l'on  se  forme  de  l'in- 
quisition :  les  amateurs  du  vrai ,  qui  vou- 
dront s'en  former  une  plus  juste,  doivent 
consulter  M.  l'abbé  de  Vayrac ,  qui  a  écrit 
sur  cette  matière  en  homme  judicieux , 
exact  et  très  instruit  {Etat  présent  de 
l'Espagne^  édition  d'Amsterdam,  1719, 
tom.  2,  page  381)  ;  et  Lettres  à  un  gen- 
tilhomme russe  e  sur  l'inquisition  espa~ 
gnolCj,  par  M.  le  comte  de  Maistre ,  IParis, 
1822.  Une  observation  qu'il  ne  faut  point 
omettre,  c'est  que  les  nations  aui  ont  le 


LOI 


469 


LIM 


plus  déclamé  contre  l'inquisilion  ont 
exercé  envers  les  catholiques  des  atrocités 
que  les  inquisiteurs  n'ont  jamais  imagi- 
nées contre  les  hérétiques  et  les  apostats. 
«  Les  Anglais  ,  dit  un  des  grands  adver- 
n  saires  de  l'inquisition  ,  ont  été  plus  su- 
»  perslitieux,  et  sont  encore  plus  intolé- 
w  rans  que  les  papistes  ;  eux  qui  dé- 
1)  crientavec  tant  de  chaleur  l'inquisition, 
»  en  ont  surpassé ,  par  des  lois  réfléchies , 

»  la  barbarie  et  l'iniquité L'inquisi- 

»  tion ,  même  dans  ses  cruautés ,  suppose 

•  des  formes  :  elle  admet  des  différences, 
»  tant  dans  les  délits  que  dans  les  peines  ; 
»  ce  qu'elle  punit,  c'est  moins  le  malheur 
»  d'avoir  été  engagé  dans  un  culte  erroné 
»  que  l'obstination  à  y  persister  ;  les  pre- 
»  mières  chutes  ne  sont  châtiées  que  par 
»  des  pénitences  ecclésiastiques  ;  elle  n'ap- 
»  pelle  le  bras  séculier  et  les  supplices 
»  que  contre  les  relaps  ;  ses  principes 
»  sont  de  ménager  le  sang  des  hommes 
»  en  corrigeant  leurs  méprises  ;  ce  que  les 
»  passions  de  ses  ministres  y  ont  ajouté 
»  de  défectueux  dans  la  pratique,  n'est 
»  pas  dans  l'esprit  de  son  institution. — En 
»  Angleterre ,  la  proscription  dupapis'me  ^ 
r>  la  peine  de  mort  prononcée  contre  ses 

•  ministres,  ne  sont  susceptibles  ni  de 
»  modification ,  ni  d'adoucissement  ;  il 
»  suffit  qu'un  prêtre  catholique  soit  con- 
»  vaincu  d'avoir  exercé  quelqu'une  de 
u  ses  fonctions ,  pour  être  dévoué  et  cn- 
»  voyéau  gibet.  Cette  législation  est  atroce: 
»  nos  chapelains  sont  les  mailres  sans 
»  doute  de  ne  pas  venir  dire  la  messe  à 
"  Londres  ;  mais  la  loi  qui  attache  un  sup- 
»  plice  ignominieux  à  un  délit  de  cette  na- 
»  ture  est  une  loi  plus  qu'inquisitorlale  ; 
»  il  sied  mal  à  ceux  dont  la  religion  pré- 
»  sente  des  potences  pour  prix  d'un  zèle 
»  indiscret,  de  trouver  à  redire  aux  caro- 
»  chas  et  aux  san-benito  des  Auto-da-fé.  » 
On  peut  consulter  encore  un  petit  ou- 
vrage imprimé  en  1782  à  Liège ,  sous  le 
nom  de  Rouen  ,  intitulé  :  Eclaircissement 
sur  la  tolérance.  (  Voy.  ISABELLE  DE 
CASTILLE,  LUCIUS  III,  NICOLAS  EYME- 
RICH,  TORQUEMADA,  VAYRAC.  )  On 
a  encore  de  Limborch  des  Sermons.  Le 
père  Nicéron  dit  qu'ils  sont  méthodiques  j. 
solides  et  édifians  :  jugement  qui  ne  fait 
guère  honneur  à  ce  critique.  Le  Clerc  lui- 
même  en  parle  moins  favorablement  ;  il 
dit  que  les  sermons  de  Limborch  étaient 
peu  travaillés  et  qu'il  y  paraissait  peu 
d'éloquence.  Limborch  a  aussi  procuré 
la  plupart  des  éditions  des  ouvrages  du 
fameux    Egiscopius ,    son    grand  -oncle 

7. 


maternel,  des  écrits  duquel  il  avait  hé- 
rité. 

LIMBOURG  (  Robert  de  ) ,  docteur  en 
médecine ,  membre  de  l'académie  de  Bru- 
xelles ,  mort  à  Theux ,  bourg  dans  le  pays 
de  Liège,  le  20  février  i792,  était  né 
dans  le  même  bourg,  le  1"" décembre  1731 
d'une  famille  qui,  depuis  près  de  trois 
siècles ,  avait  produit  plusieurs  médecins 
très  versés  dans  leur  profession.  Il  se  fit 
de  l'étude  un  plaisir  plutôt  qu'une  occu- 
pation ,  et  s'arrêta  particulièrement  sur 
l'histoire  naturelle.  Etant  sur  le  point  de 
partir  pour  Montpellier  pour  y  faire  ses 
études  en  médecine ,  il  publia  une  dis- 
sertation sur  ce  sujet  :  Quelle  est  Vin.' 
fluence  de  l'air  sur  les  végétaux  ?  que 
l'académie  des  belles-lettres ,  sciences  et 
arts  de  Bordeaux ,  avait  proposé  pour  la 
seconde  fois ,  et  l'an  1757 ,  il  remporta  le 
prix.  Après  avoir  demeuré  quelque  temps 
à  Montpellier,  il  fut  reçu  docteur  en  mé- 
decine le  12  août  1760.  Associé,  en  1773, 
à  l'académie  impériale  et  royale  des  scien- 
ces et  belles-lettres  de  Bruxelles ,  il  com- 
posa diverses  Dissertations  qui  ont  été 
insérées  dans  les  Mémoires  de  cette  com- 
pagnie ;  une  autre ,  où  il  a  proposé  des 
vues  sur  l'hydraulique ,  a  été  présentée  à 
l'académie  des  sciences  de  Paris ,  qui  en 
fit  mention  honorable ,  en  invitant  l'au- 
teur à  la  perfectionner  ultérieurement. 
Il  avait  rassemblé  un  cabinet  d'histoire 
naturelle  qui ,  sans  être  vaste ,  ni  en  ap- 
parence fort  précieux ,  contenait  des  ob- 
jets remarquables  et  propres  à  fixer  l'œil 
d'un  observateur. 

LIMIERS  (Hexri- Philippe  de)  ,  doc- 
teur en  droit,  et  membre  des  académies 
des  sciences  et  arts,  né  en  Hollande 
de  parens  réfugiés ,  mort  en  1725  à 
Utrecht,  rédigea  la  Gazette  de  cette  ville, 
et  passa  sa  vie  à  compiler  de  mauvais  jour- 
naux. Il  publia  ses  recueils  sous  différens 
titres  :  |  Histoire  de  Louis  XIV,  Amster- 
dam ,  1717,  7  vol.  in-12;  1719,  12  vol, 
in-i2  ;  Rouen  1720 ,  2  vol.  in-i»  ;  |  Annale» 
de  la  monarchie  française^  Amsterdam, 
1721 ,  in-fol.;  |  Abrégé  chronologique  de 
V histoire  de  France  ^  pour  servir  de  suite 
à  Mézerai:,  Amsterdam ,  2  ou  3  vol. 
in-12  ;  |  Mémoires  de  Catherine  ^  impéra^ 
trice  de  Russie  ;  \  Histoire  de  Charles  XI T, 
roi  de  Suède ,  6  volumes  in-12  ;  |  Annales 
historiques ,  3  vol.  In-fol.  ;  |  Histoire  de 
l'institut  des  sciences  et  des  arts  établi  à 
Bologne  en  1712,  Amsterdam ,  1723,  in-8"  ; 
I  Traduction  de  Piaule,  grossièrement 
travesti,  10  vol.  in-12.  Les  productions 
40 


LIM  47 

(le  Limiers  sont  sans  exactitude  et  sans 
agrément.  On  le  compare  au  fécond  et 
intarissable  Caraccioli,  et  le  parallèle  est 
juste  quant  aux  productions  ridicules  et 
gazetières  du  marquis  auteur.  Mais  il 
faut  convenir  que  les  premières  brochures 
de  celui-ci  annonçaient  un  fond  de  ré- 
flexion et  des  lalens  que  Limiers  n'eut  ja- 
mais ,  et  que  son  imitateur  n'eut  pas  long- 
temps. On  a  encore  de  Limiers  une  T^er- 
si'on  française  j.  des  Explications  latines 
des  pierres  antiques  gravées  de  Stosch  , 
Amsterdam,  i724,  et  des  Notes  et  re- 
marques pour  l'intelligence  du  poème  de 
Fènélon  (Télémaque)  dans  lesédit.  d'Am- 
sterdam, 1719  et  1723,  in-12.  M.  Barbier 
lui  attribue  une  part  à  la  Magna  Biblioth. 
eccles.^  Cologne ,  1734  ,  in-fol.  ,  qui  ne 
contient  que  la  lettre  A  et  n'a  pas  été 
continuée. 

LIMN^US  ou  LIMNÉ  (Jean),  célèbre 
jurisconsulte  allemand ,  né  en  1892 ,  à  léna 
où  son  père  professait  les  mathématiques. 
Limnaeus  fut  chargé  successivement  de 
l'éducation  de  plusieurs  jeunes  seigneurs 
avec  lesquels  il  voyagea  dans  presque 
toutes  les  cours  de  l'Europe.  Enfin,  Albert, 
margrave  de  Brandebourg ,  qu'il  avait  ac- 
compagné en  France  ,  le  fit  son  chambel- 
lan et  son  conseiller  privé  en  1639.  Lim- 
naeus exerça  ces  emplois  jusqu'à  sa  mort 
arrivée  le  15  mars  1663.  On  a  de  lui  divers 
ouvrages.  Les  principaux  sont  :  |  De  jure 
imperii  romano-germanici.,  Strasbourg , 
1629et ann.  suiv.,  5  vol.  in-4° ;  compilation 
savante  ,  mais  assez  mal  digérée  ;  |  Com- 
menlarias  ad  Bullam  auream^  \n~k° , 
1666,  et  Leyde,  1690.  Celte  dernière  édi- 
tion est  la  meilleure  :  |  Capitulât ione s 
imperatorum  (  en  allemand  ) ,  Strasbourg , 
1631 ,  la-W;  \  De  academicis^  in-4";  |  No- 
titia  rcgni  Galliœ.  libri  ^7//.  165S,  2  vol. 
in-/t°. 

LJMOJOA  de  SAINT-DIDIER  (  Alexan- 
dre Toussaint  de)  ,  né  à  Avignon  vers 
1630,  suivit,  en  qualité  de  gentilhomme, 
J.  Ant.  de  Mesme,  comte  d'Avaux,  dans 
son  ambassade  en  Hollande ,  après  avoir 
assisté  au  congrès  de  Nimègue  (1672). 
Quelques  années  après  (1689),  il  suivit 
ce  même  seigneur  en  Angleterre,  et  pé- 
rit dans  la  traversée  en  venant  rendre 
compte  à  Louis  XIV ,  de  la  position  cri- 
tique de  Jacques  II.  Il  était  chevalier  du 
Mont-Carmel  et  de  Saint-Lazare  de  Jéru- 
salem. Il  s'était  fait  un  nom  par  sa  pro- 
fonde connaissance  de  la  politique  euro- 
péenne. On  en  a  des  preuves  dans  \  V His- 
toire des  négociations  de  Nimègue^  Paris , 


0  LfM 

1680,  în-l2  ,  ouvrage  estimé;  dans  le 
livre  intitulé  :  |  La  Fille  et  la  République 
de  Venise  ,  Amsterdam  (Elzévir)  ,  1680, 
in-12.  On  a  encore  de  lui  :  \Le  Triomphe 
hermétique,  ou  la  pierre  philosophale 
victorieuse,  ibid. ,  1683  ,  in-12.  Cette  der- 
nière production  est  curieuse ,  et  ne  con- 
tient que  133  pages  ;  mais  on  préfère  les 
deux  autres.  Il  était  oncle  du  suivant. 

LIMOJO\  (Ignace-François  de)  ,  co- 
seigneur  de  Venasque  et  de  Saint-Didier , 
neveu  du  précédent ,  naquit  à  Avignon  en 
1688  ,  et  y  mourut  en  1739.  Il  cultiva  la 
poésie  provençale  et  la  française  ,  et  réus- 
sit assez  bien  dans  l'une  et  dans  l'autre, 
surtout  dans  la  première.  Il  fut  dans  sa 
jeunesse  le  Pindare  de  l'académie  des 
jeux  floraux,  qui  le  couronna  trois  fois. 
L'académie  française  lui  décerna  aussi 
ses  lauriers  en  1720  et  1721.  Saint-Didier 
enhardi  par  ses  succès ,  voulut  s'élever 
jusqu'au  poème  épique.  Il  publia  en  1723 
in-S" ,  la  première  partie  de  son  Clovis, 
qui  ne  fut  pas  suivie  d'une  seconde.  Il 
n'en  a  paru  que  8  chants  :  l'auteur  en  fit 
plus  tard  3  autres  qui  n'ont  pas  été  im- 
primés. Le  public  trouva  qu'il  avait  pé- 
ché dans  le  dessein  de  l'ouvrage ,  et  qu'il 
avait  plus  de  génie  pour  trouver  des  rimes 
et  des  épithètes  que  pour  marcher  dans  la 
carrière  des  Homère  et  des  Virgile.  Il  y  a 
cependant  des  beautés  de  détail  et  de  très 
beaux  vers;  tels  sont  ceux  de  la  descrip- 
tion du  siècle  de  Louis  XIV.  La  Baumelle 
lui  a  appliqué  ce  mot  d'un  ancien  : 

Dum  fiutret  latolentus,  erat  qood  tollere  Tcllei  ; 

et  donne  pour  exemple  ces  vers  sur  la 
Trinité  : 

De  leurs  perfection»  naît  leur  amour  immente  ; 
Ils  ont  tous  même  esprit,  même  feu,  même  CMrnce 
Ces  trois  divins  soleils  unissant  lenr  clarté' , 
Forment  de  l'Eternel  l'ineffable  unité. 

Voltaire  a  dit  depuis,  peut-être  avec 
moins  d'exactitude  tiiéolôgique  : 

La  Puissance,  l'Amour,  avec  l'Intelligence, 
Unis  et  divise's ,  composent  son  essence. 

Comparant  ces  vers  avec  ceux  de  Limo- 
jon  ,  la  Baumelle  observe  qac  divisés  man- 
que de  justesse  ;  il  faudrait  distingués; 
mais  cela  n'irait  pas  encore ,  parce  que 
distingué  répond  théologiquemenl  à  un , 
et  non  à  unis.  Nos  mystères  ne  sont  pas 
faits  pour  la  rime.  On  a  encore  de  Saint- 
Didier  un  ouvrage  satirique ,  mêlé  de  vers 
et  de  prose  contre  La  Motte ,  Fontenelle 
et  Saurin,  partisans  des  modernes,  sous 
le  titre  de  Voyage  au  PatTiasse  ,  Ilotter- 
dam  (Chartres)  ,  1716,  in-12.  Ces  trois 
académiciens  n'y  sont  pas  ménagés. 


UN  (saint),  successeur  immédiat  de 
saint  Pierre  sur  le  siège  de  Rome,  sui- 
vant saint  Irénée ,  Eusèbe ,  saint  Epi- 
phane ,  saint  Optât ,  saint  Augustin ,  etc.  ; 
mais  Tertullien  dit,  dans  son  livre  Z)<? 
prœscript.^  cap.  52,  que  le  prince  des 
apôtres  désigna  saint  Clément  pour  le 
remplacer.  On  concilie  ces  passages  en 
supposant  que  saint  Clément  refusa  cette 
dignité  jusqu'après  la  mort  de  saint  Lin 
et  de  saint  Ciel.  On  ajoute  que  ce  qui  a 
fait  placer  par  quelques  auteurs  saint  Clé- 
ment immédiatement  après  saint  Pierre, 
c'est  que ,  du  vivant  de  cet  apôtre  et  pen- 
dant un  de  ses  voyages  apostoliques,  il 
avait  été  son  vicaire  et  avait  administré 
pour  lui  les  affaires  de  son  siège.  Quoi  qu'il 
en  soit ,  selon  l'opinion  générale ,  saint  Lin 
monta  sur  la  chaire  de  saint  Pierre  lorsque 
ce  premier  vicaire  de  J.-C.  eut  été  mar- 
tyrisé; il  l'occupa  depuis  l'an  65  jusqu'à 
l'an  7G,  et  gouverna  l'Eglise  avec  le  zèle 
ie  son  prédécesseur.  C'est  durant  son 
pontificat  qu'arriva  la  ruine  de  Jérusa- 
lem ,  l'an  70.  Il  est  nommé  parmi  les 
martyrs,  dans  le  canon  de  la  messe  de 
l'Eglise  romaine ,  qui  est  d'une  plus  haute 
antiquité  que  le  sacramentaire  de  Gélase, 
et  d'une  plus  grande  autorité  sur  ce  point. 
On  voit,  d'ailleurs,  par  de  très  anciens 
pontificaux  ,  qu'il  versa  son  sang  pour  la 
foi  ;  Stilting  a  réfuté  l'opinion  contraire 
de  Tillemont.  Ce  pape  fut  enterré  sur  le 
mont  Vatican  ,  près  du  tombeau  de  saint 
Pierre.  Sa  fête  est  marquée  au  25  sep- 
tembre, dans  le  martyrologe  romain.  On 
lui  a  attribué  faussement  l'ouvrage  in- 
titulé :  D.  Lini ,  pontificum  secundi^  de 
sut  prcecessoris,  D.  Pétri  apostoli pas- 
sione  libellus  ;  item  de  passione  D.  Paidi 
lihellus  alter,  Paris.  iJjOG,  et  dans  la  Bi- 
blioth.  Patrum  maxim.  t.  2.  p.  1 — 67. 

LIA  ACRE,  ou  LINACER  (Thomas), 
médecin  anglais,  né  l'an  1460  à  Rochesler, 
suivant  Frcind  ;  et  à  Cambridge  ou  à  Can- 
torbéry,  selon  d'autres  ,  étudia  à  Florence 
sous  Démétrius  Cbalcondyle  et  sous  Poli- 
tien,  et  se  distingua  tellement  par  sa  po- 
litesse et  par  sa  modestie,  que  Laurent  de 
Médicis  le  donna  pour  compagnon  d'é- 
tude à  ses  cnfans.  De  retour  en  Angle- 
terre ,  il  devint  précepteur  du  prince  Ar- 
Ihus,  lils  aîné  du  roi  Henri  VII;  ensuite 
médecin  ordinaire  de  Henri  YIII ,  frère 
d'Arlhus.  Il  mourut  en  1524 ,  à  l'âge  de 
64  ans  :  il  s'était  fait  prêtre  sur  la  lin  de 
sa  vie.  C'est  à  Linacre  que  l'on  doit  la  fon- 
dation du  collège  des  médecins  de  Londres. 
Il  en  fut  le  premier  président ,  et  légua 


71  LIN 

sa  maison  à  ce  nouvel  établissement. 
Avant  lui,  les  médecins  étaient  reçus  à 
la  licence  par  les  évèques.  Il  entra  dans 
les  ordres  et  fut  nommé  chantre  dans  l'é- 
glise d'Yorck.  On  a  de  lui  :  |  De  emendata 
latini  sermonis  structura  lib.  VI ^  Leip- 
sick,  1545,  in -8°  ;  Paris,  1552, 1550,  in-8°; 
I  Galienimetliodus  medendi,  in-8"  ;  |  quel- 
<iues  autres  ouvrages  de  Galien ,  traduits 
du  grec  en  latin  ;  |  liudimenta  gramma- 
tices,  Paris,  1555,  in-8**,  et  d'autres  écritg 
qui  sont  estimés  Ati  sa  vains.  Son  style  est 
pur,  mais  il  sent  trop  le  travail ,  suivant 
Erasme  et  Paul  Emile. 

LINANT  (Michel),  né  à  Louviers  en 
1708 ,  fut  précepteur  du  fds  de  madame 
du  Châtelet  dans  le  temps  où  Voltaire  de- 
meurait à  Cirey  près  de  cette  dame ,  et 
il  en  reçut  plusieurs  conseils.  Il  rem- 
porta trois  fois  le  prix  de  l'académie 
française  en  1759,  1740  et  1744 ,  temps  où 
le  choix  des  sujets  se  prétait  peu  au  dé- 
veloppement des  talens,  et  où  cette  com-i 
pagnie  s'éloignait  déjà  de  l'esprit  de  son 
institution ,  sans  adopter  encore  le  fana- 
tisme philosophique ,  dont  elle  fut  dans  la 
suite  une  zélée  propagatrice.  Linant  com- 
posa quelques  Tragédies  avec  des  succès 
divers  {Alzdide ,  1745,  Vanda,  17 kl). 
On  a  encore  de  lui  des  Odes  et  des  Epîtres. 
Voltaire  lui  rendit  des  services  que  Linant 
célébra  dans  ses  vers  avec  l'enthousiasme 
de  la  reconnaissance  ;  cependant  il  ne  tint 
pas  à  lui  que  le  protecteur  ne  renonçât  à 
sa  manie  anti-tliéologique ^  et  il  lui  prédit 
tous  les  désagrémens  qu'elle  répandrait 
sur  sa  vie.  Linant  mourut  en  1749 ,  à  40 
ans.  Il  donna  une  édition  des  OEuvres  de 
Voltaire,  Amsterdam,  1758-1759,  S  vol. 
in-8°.  On  trouve  une  Notice  sur  Linant 
dans  le  deuxième  snpplément  du  Par- 
nasse français^  par  Titon  du  Tillet. 

LIIVCIv  (Henri),  célèbre  jurisconsulte 
du  17'  siècle  ,  natif  de  Misnie,  et  profes- 
seur en  droit  à  Altorf,  laissa  un  Traité  du 
droit  des  temples^  où  il  y  a  des  choses 
curieuses. 

LI\DA\US  (Guilladme-Daaiase),  théo- 
logien,  né  à  Dordrecht  en  1525,  étudia 
d'abord  à  Louvain,  puis  à  Paris  sous 
Turnèbe  et  Mercier.  Ayant  ensuite  reçu 
les  ordres  et  le  bonnet  de  docteur  en  théo- 
logie à  Louvain,  il  fut  professeur  d'Ecri- 
ture-Sainte  à  Dillingen,  puis  grand-vi- 
caire du  diocèse  d'Ulrechl,  et  inquisiteur 
de  la  foi  dans  la  Hollande  et  dans  la  Frise. 
Philippe  II ,  roi  d'Espagne ,  le  nomma  eu 
1562  à  lévêché  de  Ruremonde ,  qui  ve- 
nait d'être  érigé,  et  dont  il  ne  prit  pos- 


LI!V 


47Î 


Lm 


session  (pi'en  V6ù9.  Il  y  eut  beaucoup  à 
souffrir  dans  le  temps  des  troubles.  Il  fil 
deux  voyages  à  Rome ,  se  fît  estimer  du 
pape  Grégoire  XIII ,  fut  tranféré  à  l'évé- 
ché  de  Gand  en  1588,  et  mourut  trois  mois 
après,  à  63  ans.  On  a  de  lui  un  grand 
nombre  d'ouvrages  très  estimés,  entre 
autres  :  |  De  optimo  génère  interpretandi 
Scripturas^  Cologne,  I5S8,  in-8  ;  [  Ta- 
bulée analyticœ  oinnium  hœreseon  hujus 
seculi;  \  Panoplia  evangelica^  Cologne, 
1590,  in-fol.  ;  |  Psalterium  vêtus,  à  men- 
dis  600  repurgatum  et  de  grœco  atque 
hebraico  fotitibus  illustratum ^  Anvers, 
4S67,  I  grand  nombre  d'Ecrits  de  contro- 
verse. On  lui  doit  aussi  une  Edition  de  la 
Messe  apostolique,  faussement  attribuée 
à  saint  Pierre  :  elle  parut,  accompagnée 
d'une  Apologie  et  de  Cojnmentaiî-es^  à 
Anvers,  en  1588,  in-8°,  et  à  Paris,  en  1595. 
La  première  édition  est  la  moins  com- 
mune. Ce  prélat,  non  moins  éclairé  que 
vertueux ,  possédait  les  langues,  les  Pères, 
et  l'antiquité  sacrée  et  profane.  Il  avait 
d'excellens  principes  de  théologie  et  de 
morale  ,  et  autant  d'élévation  dans  l'esprit 
que  de  force  dans  le  raisonnement.  Fuit 
vir  ille ^àW  le  cardinal  Baronius, non  tan- 
tàm  omnis  generis  lilterarum  eruditione 
darissimuSj,  vericm  ctiam  egregii  confes- 
soris  fidei  nobilitatus  insignibus,  quippe 
qui  exilia  ^  proscriptiones .  œrumnas  in- 
credibiles.  ac  mortes  ferè  fréquentes^  in- 
concusso  robore  ^  fidei  causa ,  sustinuit. 
Sa  vie  a  été  écrite  par  Havensius  dans 
son  ouvrage  :  De  erectione  novorum  in 
Belgio  episcopatuum  ,  et  on  a  donné  le 
catalogue  de  ses  ouvrages  à  Bois-le-Duc, 
1584, in-8". 

LINDA^US,  ou  LINDEN.  F^oyez  VAN- 
DER-LINDEN. 

LIADKiiORN  (Jkan),  né  à  Deventer 
vers  1636,  fut  curé  à  Utrecht,  et  provi- 
caire de  l'évèché  de  Deventer.  Il  remplit 
toutes  les  fonctions  d'un  pasteur  zélé, 
pendant  iO  ans,  sans  cesser  de  donner  ses 
ir.omens  de  loisir  à  l'étude.  Il  mourut  le 
6  août  1696.  Il  était  fort  versé  dans  la 
théologie  et  les  sciences  qui  y  ont  rap- 
port. Il  avait  aussi  de  grandes  connais- 
sances dans  l'histoire  profane.  Nous  avons 
de  lui  :  |  Historia  seu  notitia  episcopatiïs 
DavenlriensiSj  Cologne ,  1670 ,  in-12  ,  es- 
timée ;  I  Tractatus  de  efficacia  sacrifi- 
ciorum  quœ  obtulit  lex  divino-mosaica  ^ 
Anvers ,  1677,  in-12  ;  j  Notœ  catecheticœ 
in  bapiismatis^  pœnitenticBj  extremce-unc- 
iionis.  ordinis,  matrimonii ,  sacramenta, 
Cologne,  1G7,5,  1684,  5  vol.  in-12,  savant 


et  curieux  ;  ]  Explication  littérale  des  cir- 
constances de  la  Passion  de  Notre-Sei- 
gneur.  Cologne  ,  1684-1690,  3  vol.  in-12. 

LINDEMiRlICK  ,  ou  LINDENBROC,  ou 
LINDENBROGIUS  (EnroLous  ),  né  vers 
1540,  à  Brème,  et  chanoine  (luthérien) 
de  Hambourg ,  a  publié  V Histoire  ecclé- 
siastique d'Adam  de  Brème  :  son  His- 
toria compendiosa  Daniœ  regum ,  ab  in- 
certo  auctore  conscripta^  Leyde,  1595, 
in-4°  :  (cette  histoire  va  jusqu'au  règne 
de  Christiern  IV),  et  une  Histoire  sur  les 
Ecrivains  de  la  Germanie  septentrionale, 
Hambourg,  1595,  in-fol.  furent  réimpri- 
mées avec  d'autres  livres  par  Jean-Al- 
bert Fabricius,  Hambourg,  1706,  in-fol. 
Lindenbruck  mourut  dans  sa  76'  année  , 
le  20  juin  1616. 

LlNDENBIllJCK  (Frédéric)  ,  fils  du 
précédent,  fut,  comme  son  pèri-,  cha- 
noine de  Hambourg ,  où  il  naquit  en  1573  : 
il  étudia  en  Hollande  où  il  se  lia  avec  le 
fameux  Jules  Scaliger.  Il  enseigna  le 
droit,  et  mourut  à  Hambourg  le  6  sep- 
tembre 1648 ,  et  selon  d'autres  1647.  Il 
donna  des  Editions  de  Virgile ,  de  Té- 
renre ,  d'Albinovanus,  d'Ammien  Marcel- 
lin  ,  etc.  Ce  qu'il  a  fait  sur  ce  dernier  se 
trouve  dans  l'édition  de  cet  historien  par 
Adrien  de  Valois.  L'histoire  et  le  droit  pu- 
blic l'occupèrent  ensuite.  On  lui  doit  en  ce 
genre  un  livre  curieux ,  intitulé  :  Codex 
legum  antiquarum^  seu  Leges  IVisi- 
gothorum.^  Burgundiorum ,  Longobar- 
dorum^  etc.  Francfort,  1613,  in-fol.  Ce 
livre  devient  rare.  L'édition  des  Priapeia 
prouve  que  l'amour  des  bonnes  mœurs 
et  de  la  décence  n'entrait  pour  rien  dans 
ses  goûts. 

LIIVDENBRUCK  (Henri)  ,  frère  puîné 
du  précédent,  né  en  1570,  fut  directeur 
de  la  bibliothèque  que  Jean  Adolphe ,  duc 
de~Holstein,  avait  formée  à  Gollorp  en 
1606.  On  a  de  lui  des  notes  sur  Censorin  : 
De  die  natali^  Hambourg,  1614,  in-4°,  et 
une  édition  de  Polycraticus,  de  J.  de  Sa- 
lisbury,  Leyde,  1595,  in-8'*.  Colomiès  et 
Crenius  accusèrent  Henri  Lindeubruck 
d'avoir  volé  ,  étant  à  Paris,  des  livres  ma- 
nuscrits de  la  bibliothèque  de  Saint-Victor. 
On  ajoute  que,  sans  le  crédit  de  MM. 
Calignou  et  Dupuy  l'ainé ,  il  eût  encouru 
risque  d'être  pendu;  car  on  l'avait  déjà 
fait  conduire  tête  nue  au  cachot.  Lui  et 
Jean  Wovv^er  (  celui  de  Hambourg,  et  non 
celui  d'Anvers)  étaient  nommés  commu- 
nément les  corsaires  de  Hambourg.  Mais 
Jean  Burchard  Mencken  attribue  ces  vols 
à  Frédéric  Lindenbruck.  Quelques  lexico- 


LIN  4 

(>raphes ,  entre  autres  Chaudon ,  ont  con- 
fondu ces  trois  Lindenbruck ,  et  en  ont 
fait  un  seul  personnage  ;  ce  qui  a  répandu 
dans  la  notice  biographique  de  tous  les 
tTois  des  obscurités  et  des  antilogies  diffi- 
ciles à  débrouiller.  Nous  ignorons  l'année 
de  la  mort  de  Henri. 

'  LI\DET  (Robert-Thomas),  conven- 
tionnel, né  à  Bernay,  en  17i3,  était  curé 
dans  cette  ville  à  l'époque  de  la  convoca- 
tion des  états-généraux  de  1789.  Appelé  à 
y  siéger  par  les  suffrages  du  clergé  du 
bailliage  d'Evreux,  il  ne  s'y  fit  remar- 
quer que  par  son  adhésion  à  la  constitution 
civile  du  clergé  :  il  fut  ensuite  nommé 
tivêque  constitutionnel  du  département 
da  l'Eure  ,  dans  le  mois  de  mais  1791,  et 
donna,  l'année  suivante,  le  scandaleux 
exemple  de  son  obéissance  aux  lois  de  l'é- 
poque ,  en  se  mariant  ;  Lindet  fut  le  pre- 
mier évéque  qui  renonça  au  célibat. 
Réélu  membre  de  la  Convention  ,  il  y  vota 
la  mort  du  roi,  et,  le  7  novembre  1793, 
il  renonça  à  l'épiscopat  :  le  16  du  même 
mois,  il  remit  à  la  Convention  les  lettres 
de  prêtrise  de  plusieurs  ecclésiastiques  du 
département  de  l'Eure  ,  qui  avaient  mar- 
ché sui  ses  traces.  Après  avoir  fait  partie 
du  conseil  des  Anciens,  d'où  il  sortit  en 
1798,  il  rentra  dans  l'obscurité,  dont  il 
n'aurait  pas  dû  sortir.  La  loi  de  1816  le 
força  de  quitter  la  France ,  où  la  clé- 
mence royale  lui  permit  bientôt  de  ren- 
trer. Lindet  se  retira  à  Bernay,  où  il 
mourut  en  1823.  Ses  restes  furent  portés 
au  cimetière  sans  aucune  cérémonie  reli- 
gieuse ,  et  sans  l'assistance  d'un  prêtre. 
Outre  les  discours  qu'il  prononça  dans  les 
différentes  assemblées  législatives  dont  il 
fut  membre,  on  a  de  lui  deux  lettres  pas- 
torales adressées  l'une  au  clergé  de  son 
diocèse^  1792 ,  in-8°  ;  l'autre  aux  reli- 
gieuses des  monastères  de  son  diocèse^ 
rn^-me  année ,  et  même  format. 

*  LINDET  (Jean-Baptisïe-Robert), 
connu  sous  le  nom  de  Robert  LINDET , 
frère  cadet  du  précédent ,  était  avocat  à 
Bernay  (Eure),  en  1789,  et  fut  nommé 
procureur  syndic  du  district  de  Bernay  ; 
il  fut  ensuite  appelé  à  l'assemblée  Légis- 
lative, puisa  la  Convention ,  où  il  vota 
la  mort  du  roi  sans  sursis  :  ce  fut  Lindet 
qui  fit  le  rapport  au  nom  de  la  Commis- 
sion des  vingt  et  un^  sur  les  crimes  im- 
putés à  Louis  XVL  Le  10  mars  1793  il 
proposa  un  projet  d'organisation  d'un  tri- 
bunal révolutionnaire  qui  ne  fut  point 
adopté;  ce  projet  portait  entre  autres 
clioscs  que  les  juges  ne  seraient  soumis  à 


7  3  LIN 

aucune  forme  dans  l'instruction  des  pY>- 
cès ,  et  que  dans  ce  tribunal  où  il  ne  devait 
point  y  avoir  de  jurés,  les  poursuites  pour- 
raient être  dirigées  contre  tous  ceux  qui , 
par  les  places  qu'ils  avaient  occupée* 
sous  l'ancien  régime,  rappelaient  des 
prérogatives  usurpées  par  les  despotes. 
Lindet  se  montra  un  des  ennemis  les  pluJ 
acharnés  des  Girondins^  et  Brissot  l'avait 
surnommé  la  Hyène.  Devenu  membre 
du  comité  de  salut  public ,  à  la  place  de 
Jean  Debry  {voyez  DEBRY),  il  parut 
changer  de  système,  et  revenir  à  des 
principes  de  modération.  Lindet  fut  en- 
voyé dans  les  départemens  du  Calvados, 
de  l'Eure  et  du  Finistère  ,  pour  réprimer 
les  fédéralistes,  et  il  rendit  des  services  im- 
portans  à  quelques  communes,  poursui- 
vies pour  avoir  favorisé  l'insurrection 
vendéenne.  Les  membres  de  la  munici- 
palité de  Couches ,  malgré  la  promesse 
d'amnistie  qui  leur  avait  été  faite,  ayant 
été  arrêtes  sous  prétexte  qu'ils  avaient 
fourni  des  boulets  aux  royalistes  ven- 
déens, Lindet  prit  leur  défense  au  sein  de 
la  Convention  et  parvint  à  les  sauver.  Il 
resta  neutre  dans  la  lutte  qui  s'éleva 
entre  les  deux  factions  de  la  montagne  qui 
s'était  divisée  ;  mais  après  le  9  thermidor, 
il  prit  vivement  la  défense  de  Collot , 
Biilaud-Varennes  et  Barrer»,  et  demanda 
avec  instance  qu'au  lieu  d'isoler  les  pré- 
venus, on  jugeât  à  la  fois  tous  les  membres 
qui  avaient  eu  part  au  gouvernement. 
Cette  proposition  tendait  à  les  sauver 
tous  ;  aussi  les  thermidoriens  ne  pour- 
suivirent d'abord  que  quelques-uns  de» 
chefs  les  plus  abhorrés.  Dénoncé  à  la  suite 
de  la  journée  du  l*""  prairial  an  3  (20 
mai  1793  ),  comme  l'un  des  auteurs  de  l'in- 
surrection tentée  contre  la  Convention  . 
il  fut  décrété  d'accusation  :  des  pétitions 
nombreuses  arrivèrent  en  sa  faveur  do 
Caen,  du  Havre,  de  Nantes,  de  Couches 
et  de  presque  tous  les  lieux  qu'il  avait 
parcourus  en  qualité  de  commissaire  de 
la  (Convention  en  1793.  L'amnistie  de  1796 
le  rendit  à  la  liberté.  Lindet  se  trouva  en- 
core impliqué  dans  la  conspiration  déma- 
gogique de  Babeuf,  et  fut  jugé  par  con- 
tumace, par  la  haute  cour  nationale  de 
Vendôme  ,  qui  l'acquitta.  jAprès  la  jour- 
née du  30  prairial  an  7,  le  Directoire  l'ap- 
pela au  ministère  des  finances,  qu'il  con- 
serva jusqu'au  18  brumaire.  Alors  il  so 
retira  et  vécut  dans  l'obscurité,  jusqu'à 
sa  mort  arrivée  à  Paris,  le  17  février  1821), 
N'ayant  pris  aucune  part  au  gouverne- 
ment des  cent-jours,  ii  ne  fut  pas  attehit 


LIN  47 

j)ar  la  loi  de  1816.  On  a  de  lui  :  Rapport 
sur  les  crimes  imputés  à  Louis  Capet. 
fait  au  nom  de  la  commission  des  vingl- 
iin,  dans  la  séance  du  10  décembre  1792, 
in-8°  ;  trad.  en  allemand ,  Hambourg  , 
1793 ,  in-S",  et  en  anglais ,  179^ ,  in-8"  ; 
j  Rapport  sur  la  situation  intérieure  de 
la  République  ^  179i,  in-S";  traduit  en  al- 
lemand, 1793,  in-S";  et  en  hollandais, 
aussi  1793,  in-8". 

*LIÎVDSAY  ( sir  Dvvid),  poète  écossais, 
né  à  Garmylton  eu  1400,  d'une  famille 
noble,  fut  d'abord  page  d'honneur  de  Jac- 
ques V,  et  rempli»  quelques  emplois  à  la 
cour.  Nommé  roi  d'armes,  puis  héraut 
d'armes  il  fut  chargé  de  plusieurs  négocia- 
tions en  1331  et  1356.  Il  embrassa  sous  la 
régence  la  cause  des  réformés  qu'il  essaya 
de  servir  par  ses  ouvrages,  et  mourut  en 
1537  ou  selon  plusieurs  biographes  en  1567. 
Quelques  écrivains  ont  regardé  Lindsay 
comme  le  premier  auteur  de  drames  en 
Ecosse  ;  mais  avant  sa  naissance  on  jouait 
dans  ce  pays  des  ouvrages  de  ce  genre 
sous  le  nom  Ae  moralités  (moralilies) . 
mais  il  les  perfectionna  beaucoup,  et  eut 
le  mérite  de  donner  le  premier  des  pièces 
à  peu  près  régulières.  Le  recueil  de  ses 
OEuvres  qui  ont  été  souvent  imprimées, 
a  été  publié  par  Chalmcrs  en  1806,  3  vol. 
iR-8°  ;  il  se  compose  d'une  tragédie .  d'un 
drame  intitulé  les  Trois  états,  de  divers 
poèmes  parmi  lesquels  en  remarque  le 
Rêve^  15S28  ;  la  Complainte  au  roi,  1529  ; 
la  Complainte  de  Papingo.  satire  contre  le 
clergé ,  1330  ;  Histoire  et  testament  de  l'é- 
cwjer  Meldram,  et  d'un  grand  ouvrage 
intitulé  la  Monarchie  et  achevé  en  1335. 
Ces  diverses  productions  ont  joui  dans  le 
temps  d'une  grande  réputation  :  en  géné- 
ral le  ton  de  Lindsay  est  mélancolique  et 
attachant ,  sa  versification  est  correcte,  et 
il  y  a  de  la  variété  dans  ses  tableaux.  Au 
reste,  dit  M.  EUis,  il  dut  sa  popularité 
fceaucoup  plus  à  ses  opinions  qu'à  son 
mérite  poétique.  —  Robert  LINDSAY  de 
Petscoltie,  contemporain  du  précédent, 
est  auteur  d'une  Histoire  d'Ecosse  qui 
s'étend  de  l'an  1436  à  l'an  1363  ;  elle  a  été 
publiée  par  Jean  Graham  Dalyell,  sous 
le  titre  de  Chronique  d'Ecosse^  2  vol. 
in-8".  —  John  LINDSAY,  savant  théolo- 
gien ,  a  publié  un  Histoire  abrégée  de  la 
succession  royale^  1720,  in-S",  et  une 
Traduction  de  la  Défense  de  l'Eglise 
d'Angleterre  parMason,  1726, 1727, 1728  : 
il  est  mort  à  Londres  en  1768,  à  l'âge  de 
82  ans, 
*LL\DSAY  (Mistress),  dame  anglaise 


4  LIN 

fixée  en  France,  est,  suivant  M.  A.  A. 
Barbier,  Dictionnaire  des  anonymes . 
tomfe  5,  n°  19,103,  2*  édition,  l'auteur 
d'une  Traduction  française  de  l'ouvrage 
anglais  de  miss  Knight ,  fie  privée  ^  po- 
litique et  militaire  des  Romains  sous 
Auguste  et  Tibère,  Paris,  1801,  in-8". 
Elle  est  morte  à  Angoulème  en  1820. 

•  LL\DSEY  (Théophile),  fondateur 
et  premier  ministre  de  la  secte  religieuse 
des  unitaires,  né  en  1723 ,  à  Middlewhich 
dans  le  Cheshire  ,  fit  des  éludes  brillantes 
au  collège  de  Saint-Jean  de  Cambridge  , 
et  se  voua  à  l'état  cccléblasti(iue.  Il  avait 
obtenu  successivement  des  bénéfices  dans 
plusieurs  lieux ,  auxquels  il  renonça  par 
suite  de  scrupules  qui  lui  étaient  sur- 
venus sur  les  doctrines  et  les  cérémonies 
de  l'église  anglicane.  Il  refusa  même  la 
place  de  chapelain  du  duc  de  Northum- 
berland ,  alors  vice-roi  d'Irlande ,  et  se 
rendit  à  Londres ,  où  il  fonda  en  1772  la 
congrégation  dite  des  Unitaires.  Cette 
congrégation,  qui  adopta  la  liturgie  an- 
glicane telle  qu'elle  a  été  réformée  par 
le  docteur  Clarke,  tint  d'abord  ses  as.- 
semblées  dans  une  maison  louée  à  col 
effet  ;  et  en  1778  elle  fit  construire  la 
chapelle  particulière  d'Essex-Street ,  où 
Lindsey  exerça  son  ministère  pendant  20 
ans.  Il  fut  remplacé  par  son  beau-frère  , 
le  docteur  Disney ,  et  mourut  dans  la  re- 
traite en  1808.  Lindsey  était  d'une  bien- 
faisance peu  commune ,  et  sa  femme , 
belle-liile  du  docteur  Blackburn  ,  le  se- 
condait dans  la  distribution  de  ses  bien- 
faits. Parmi  les  nombreux  ouvrages  qu'il 
a  publiés  en  anglais ,  nous  citerons  :  ]  Apo- 
logie pour  résigner  la  cure  de  Catterick  . 
1774,  in-8°,  avec  une  suite  ,  1776  ,  in-S"  ; 
(  Livre  de  prières  ,  d'après  les  réformes 
du  doctexir  Clarke  ^  à  l'usage  de  la  cha- 
pelle d'Essex-Street ,  avec  des  hymnes , 
1774,  in-S";  |  Adresse  d'adieu  aux  pa- 
roissiens de  Catterick^  1778  ,  in-8";  |  Dis- 
sertation sur  l'évangile  de  saint  Jean  et 
sur  les  prières  adressées  à  Jésus-Christ  ^ 
1779,  in-8'';  ]  Le  Catéchiste,  on  Recherches 
co7icernant  le  seul  vrai  Dieu  et  l'objet  du 
cidte ,  1781 ,  in-8''  ;  |  Essai  historique  sur 
l'état  de  la  doctrine  et  du  culte  des  uni- 
taires, 1783,  in-8°;  |  Examen  des  preuves 
alléguées  par  M.  Robinson ,  en  faveur 
de  la  divinité  de  Jésus-Christ ,  1783  .  in- 
8°  ;  I  Liste  de  leçons  et  d'interprétations 
fausses  des  Ecritures;  \  Findiciœ  Priest- 
lianœ ,  ou  Adresses  aux  étudians  d'Ox- 
ford et  de  Cambridge,  i788-i790,  2  part., 
in-8"  ;  j  Conversations  sur  le  çoaverna- 


LI?f 


475 


LllV 


ment  divin,  montrant  que  toutes  choses 
viennent  de  Dieu,,  et  sont  pour  Dieu  en 
faveur  de  tous,  1802 ,  in-8°  ;  |  Enfin  Con- 
sidérations sur  la  nécessité  de  révérer 
la  liturgie  par  un  protestant  d'accord 
avec  lui-même.  M.  Belsham  a  publié  des 
Mémoires  sur  la  vie  et  les  écrits  de  Lind- 
set/s  1812,  in-12. 

LINECK  (  Mathias  ) ,  né  à  Prague  en 
1722 ,  entra  chez  les  jésuites ,  où  il  se 
distingua  par  son  érudition ,  et  particu- 
lièrement par  la  connaissance  de  l'anti- 
quité ecclésiastique;  il  mourut  à  Prague 
en  1784 ,  après  avoir  publié  :  Commen- 
tationes  theologicœ  de  fuie  ^  spe  et  cha- 
ritate^  Prague  ,  1763 ,  in-i° ,  suivi  de 
])lusieurs  autres  traités  théologiques  , 
imprimés  successivement  dans  la  même 
ville.  Sa  dissertation  :  De  festis  quinque 
primorum  sœculorum ,  Olmutz,  1758, 
111-4°,  lui  a  mérité  les  éloges  des  savans 
par  les  recherches  et  la  bonne  critique 
qui  la,  distinguent. 

LIKGELBACK  (Jeaiv),  né  à  Franc- 
fort en  1625 ,  a  peint  avec  beaucoup  d'in- 
telligence des  marines,  des  paysages, 
des  foires,  des  charlatans,  des  ani- 
maux j  etc.  On  remarque  dans  ses  ta- 
bleaux un  coloris  séduisant ,  une  touche 
légère  et  spirituelle,  des  lointains  qui 
semblent  échapper  à  la  vue.  Il  a  gravé 
quelques  paysages,  et  mourut  à  Amster- 
dam ,  en  1687.  Le  musée  de  Paris  possède 
de  ce  peintre  un  marché  aux  herbes.  Les 
six  tableaux  suivans  du  même  maître  en 
ont  été  enlevés  en  1813  ;  un  port  de  mer, 
V arrivée  de  la  flotte  hollandaise  aux 
Dunes,  une  fête  publique ,  les  tJ^ois  juifs, 
une  sainte  famille ,  des  paysans  7'amas- 
sant  du  foin.  On  voyait  dans  les  galeries 
de  Saint-Cloud  un  autre  tableau  du  même 
auteur ,  et  qui  fut  volé  de  nuit  en  juillet 
1813  ;  il  représentait  l'arrivée  des  voya- 
geurs à  l  hôtellerie. 

LINGENDES  (  Claude  de  ) ,  né  h  Mou- 
lins en  1591 ,  jésuite  en  1607 ,  fut  pro- 
vincial et  ensuite  supérieur  de  la  maison 
professe  à  Paris  ,  où  il  mourut  en  1660  , 
âgé  de  69  ans.  On  a  de  lui  3  vol.  in-4.°  ou 
in-8°  do  Sermons,  qu'il  composait  en  la- 
tin, quoiqu'il  les  prononçât  en  français. 
L'applaudissement  avec  lequel  il  avait 
rempli  le  ministère  de  la  chaire  fut  un 
augure  favorable  pour  ce  recueil ,  très 
bien  reçu  du  public.  Les  vérités  évangé- 
liques  y  sont  exposées  avec  beaucoup 
d'éloquence;  le  raisonnement  et  le  pa- 
thétique s'y  succèdent  tour  à  tour.  On 
le  regarde  comme  un  de  ceux  qui  ont  le 


plus  contribué  à  bannir  de  l'éloquencfl 
de  la  chaire  les  pointes  ,  les  jeux  de  mots 
et  le  mauvais  goût  qui  souvefit  régnaient 
dans  les  sermons  du  celte  époque.  Son 
extérieur  répondait  à  ses  talens.  On  a 
traduit  quelques-uns  de  ses  sermons  en 
français  sur  l'original  latin  ,  en  profitant 
néanmoins  des  manuscrits  de  plusieurs 
copistes  qui  avaient  écrit  les  discours  du 
père  de  Lingendes ,  tandis  qu'il  les  prê- 
chait. Ses  autres  ouvrages  sont  :  |  Con- 
seils pour  la  conduite  de  la  vie;  |  Foti- 
vum  monumentum  ab  urbe  Molinensi 
Delphino  oblatum  ,  in-i".  Ce  dernier  fut 
fait  dans  le  temps  qu'il  était  recteur  du 
collège  de  Moulins. 

LL\GE\DES  (Jea\  de),  parent  du 
précédent,  né  à  Moulins  en  1393,  fut 
précepteur  du  comte  de  Moret ,  fils  natu- 
rel de  Henri  IV ,  aumônier  de  Louis  XIII, 
évéque  de  Sarlat ,  puis  de  Mâcon;  il 
mourut  en  1663.  Il  prêcha  avec  beaucoup 
d'applaudissement  sous  Louis  XIII  et 
sous  Louis  XIV.  Il  n'emprunta  point  l'art 
imposteur  de  la  flatterie,  et  ne  craignit 
pas  d'attaquer  le  vice  sous  le  dais  et  sous 
la  pourpre.  On  a  de  lui  l'oraison  funèbre 
de  Victor  Amédèe ,  duc  de  Savoie ,  1627  , 
et  celle  de  Louis  XIH .  prononcée  en 
1643. 

LI.XGCNDES  (  Jea\),  poète  français  , 
né  à  Moulins  ,  vers  1380  ,  florissait  sous 
le  règne  de  Henri  le  grand.  On  se  plait 
encore  à  la  lecture  de  ses  Poésies,  qui 
sont  faibles  à  la  vérité,  mais  qui  ont  de 
la  douceur  et  do  la  facilité.  Ce  poète  a 
particulièrement  réussi  dans  les  stances. 
Il  mourut  en  1616,  à  la  fleur  de  son  âge. 
Ses  productions  sont  en  partie  dans  le 
Recueil  de  Barbin,  5  vol.  in-12.  La  meil- 
leure est  son  Elégie  pour  Ovide.  Lin- 
gendes fut  l'ami  d'H.  d'Urfé,  de  Davity, 
deBerthelot,  etc.,  qui  lui  rendirent  am- 
plement les  éloges  qu'il  leur  prodiguait. 

LI\(iER VILLE,  rayez  LEPAGE  DE 
LINGERVILLE 

*  LIA'GUET  (Simoiv-Nicolas-Hewri), 
avocat  et  publiciste ,  né  à  Reims  le  14 
juillet  1756  ,  étudia  d'abord  au  collège  de 
Beauvais  à  Paris ,  où  son  père  avait  été 
professeur,  et  obtint  en  1751  les  trois 
premiers  prix  de  l'université.  Un  succès 
aussi  brillant  attira  sur  lui  l'attention  du 
duc  de  Deux-Ponts  qui  l'emmena  avec 
lui  en  Pologne.  Lo  jeune  Linguet  revint 
bientôt  en  France ,  se  rendit  à  Lyon  et 
chercha  à  y  établir  une  fabrique  d'une 
espèce  de  savon  de  suif,  fait  à  froid  d'a- 
près des  procédés  au'il  avait  trouvés  lui- 


LIN 


476 


hîH 


même.  N'ayant  pu  réussir,  faule  de  fonds, 
il  vint  à  Paris  où  il  se  lia  avec  plusieurs 
gens  de  lettres,  notamment  avec  d'Alem- 
bert ,  qui  devint  son  ami  et  lui  fit  obtenir 
la  place  de  secrétaire  ,  ou  d'aide-de-camp 
du  prince  de  Beauvau  pour  la  partie 
du  génie.  Linguet  suivit  ce  général  en 
Espagne  pendant  la  guerre  de  Portugal , 
et  profita  de  son  séjour  dans  la  Pé- 
ninsule pour  en  apprendre  la  langue , 
ayant  déjà  conçu  le  projet  de  faire  con- 
naître plus  tard  le  théâtre  de  cette  nation 
cpii  n'avait  pas  encore  été  traduit  en  fran- 
çais. Revenu  en  France,  à  l'âge  de  2G 
ans ,  il  se  mit  à  étudier  la  jurisprudence  , 
sans  toutefois  renoncer  à  la  litlérature.  Il 
débuta  avec  éclat  dans  le  barreau  :  trois 
causes  célèbres  qu'il  défendit  et  qu'il 
gagna  lui  firent  une  grande  réputation  : 
son  orgueil  lui  persuada  qu'il  pouvait 
se  permettre  impunément  toutes  sortes 
de  sarcasmes  contre  ses  confrères,  sur 
la  plupart  desquels  il  l'emportait  par 
ses  connaissances  littéraires  et  par  ime 
diction  claire  ,  facile  et  élégante.  Ainsi , 
d'un  côte  Linguet  eut  des  admirateurs , 
et  de  l'autre  beaucoup  d'ennemis.  Sa  dé- 
fense du  duc  d'Aiguillon  arracha  ce  dernier 
à  la  poursuite  des  tribunaux  :  ce  grand 
seigneur  devenu  ministre ,  se  montra  peu 
reconnaissant  du  service  que  lui  avait 
rendu  son  avocat ,  qui  se  plaignit  de  son 
ingratitude  avec  toute  la  vivacité  de  son 
caractère;  et  jamais  le  duc  d'Aiguillon  ne 
lui  pardonna  d'avoir  écrit  publiquement 
qu'il  l'avait  empêché  d'aller  à  l'échafaud. 
Son  caractère  autant  que  ses  succès  contri- 
buèrent à  lui  faire  fermer  les  portes  du 
barreau  :  il  fut  rayé  du  tableau  des  avo- 
i;ats.  Remis  sur  le  tableau  après  la  réin- 
tégration de  l'ancien  parlement ,  Linguet 
ne  put  échapper  à  la  haine  opiniâtre  de 
ses  confrères  qui  l'expulsèrent  du  bar- 
reau une  seconde  fois.  Ses  réclamations 
auprès  de  Malesherbes  restèrent  sans 
fruit,  tant  l'opinion  avait  été  prévenue 
sur  son  compte.  Après  avoir  exhalé  sa 
bile  et  mis  par  ses  emportemens  les  torts 
les  plus  graves  de  son  côté,  il  rédigea 
mie  feuille  qu'il  intitula  Journal  politi- 
que. En  même  temps  il  publia  diverses 
brochures  dans  lesquelles  se  décelait  un 
esprit  novateur  :  sa  Théorie  des  lois  fit 
beaucoup  de  bruit ,  à  cause  de  la  singula- 
rité des  opinions  de  l'auteur  ainsi  que  de 
celle  de  son  style.  Linguet  mil  contre  lui 
le  ministre  Maurcpas  qui  fit  supprimer 
son  journal.  Craignant  pour  sa  liberté , 
il  passa  à  l'étranger,  visita  la  Suisse,  la 


Hollande,  l'Angleterre ,  et  se  fixa  quel- 
que temps  à  Bruxelles.  Après  la  mort  de 
Maurepas,  le  ministre  comte  de  Ver- 
gennes  lui  permit  de  rentrer  en  France  : 
mais  sur  de  nouvelles  plaintes  auxquelles 
on  croit  avec  assez  de  fondement  que  lo  . 
duc  d'Aiguillon  ne  fut  pas  étranger ,  Lin>| 
guet  fut  arrêté  et  enfermé  à  la  Bastille  :" 
ce  ne  fut  qu'au  bout  de  deux  ans  qu'il  ' 
put  en  sortir ,  dans  le  mois  de  mai  1782  , 
après  avoir  promis  toutefois  d'être  plus 
modéré,  et  avoir  indiqué  le  moyen  de 
faire  passer  en  deux  heures  un  avis  de 
Brest  à  Paris.  Exilé  à  Rhétel ,  il  ne  resta 
pas  long-temps  dans  cette  ville  ,  et  repassa 
en  Angle  terre  où  il  fit  de  nouvelles  bro- 
chures ;  puis  revint  à  Bruxelles  où  il 
continua  son  journal  inlihilà ^  annales 
politiques.  Les  éloges  qu'il  donna  à  l'em- 
pereur Joseph  II  lui  valurent  une  grati- 
fication assez  considérable  et  la  permis- 
sion de  se  rendre  à  Vienne.  Linguet  qui 
avait  le  talent  de  se  faire  des  ennemis 
même  de  ses  protecteurs ,  se  montra  in- 
grat envers  l'empereur  qui  l'avait  ac- 
cueilli avec  tant  de  bonté  ,  et  se  prononça 
en  faveur  des  révoltés  des  Pays-Bas.  Mais 
il  ne  conserva  pas  long-temps  l'amitié  des 
rebelles  qui  le  soupçonnèrent  de  vou- 
loir leur  nuire ,  et  dirigèrent  contre 
lui  des  poursuites  auxquelles  il  parvint 
difficilement  à  se  soustraire.  Forcé  de 
quitter  les  Pays-Bas  à  l'époque  de  l'inva- 
sion de  ce  pays  par  les  Autrichiens ,  il 
revint  en  France.  En  1791  il  défendit  à  la 
barre  de  l'assemblée  Constituante  l'as- 
semblée coloniale  de  Saint-Domingue ,  et 
y  plaida  la  cause  des  Noirs.  Dans  le  mois 
de  février  171)2,  il  dénonça  à  l'assemblée 
Législative  Bertrand  de  Molleville ,  mi- 
nistre de  la  marine  :  sa  dénonciation 
ayant  été  accueillie  avec  mépris,  il  dé- 
chira son  mémoire  en  présence  de  ras-.| 
semblée.  A  l'époque  de  la  terreur,  Lin-l 
guet  se  réfugia  à  la  campagne  ;  découvert! 
et  arrêté,  il  fut  traduit  devant  le  tri- 
bunal révolutionnaire ,  qui  le  condamna 
à  mort  le  27  juin  1794  ,  pour  avoir  encensé 
dans  ses  écrits  les  despotes  de  F'ienne  et 
de  Londres.  Il  alla  au  supplice  avec  cou- 
rage. Parmi  ses  nombreux  ouvrages,  qui 
sont  de  genres  fort  différens  ,  et  qui  sont 
généralement  écrits  avec  chaleur ,  on  re- 
marque trop  souvent  la  manie  du  para- 
doxe et  une  véhémence  inexcusable  :  il 
y  a  toujours  de  l'exagération  dans  ce  qu'il 
dit ,  soit  en  bien  soit  en  mal  :  nous  cite- 
rons :  I  Voyage  au  labyrinthe  du  jardin 
du  roi^  1753,  in-12;  |  Les  Femmes-FilU's , 


LIN 


477 


LIN 


parodie  de  la  tragédie  AUTijpermnestre , 
Paris,  1759,  in-12;  ]  Histoire  du  siècle 
d'Alexandre .  Amsterdam  (Paris),  1762  , 
in-12.  L'auteur  composa  cet  écrit  pendant 
son  séjour  en  Espagne.  Le  style  en  est 
élégant,  mais  trop  é.pigrammalique  pour 
le  genre  de  l'histoire.  |  Mémoire  sur  ut 
objet  ifitéressant  pour  la  province  de  Pi- 
cardie ,  ou  Projet  d'un  canal  et  d'un  port 
sur  les  côtes.  i764,  in-S";  ]  Lettre  du 
mandarin  Hoeit-Ching  à  son  ami  I/oeit- 
Chang  ^  1762,  in-8°;  cette  brochure  a 
rapport  aux  affaires  des  jésuites;  |  Epître 
en  vers  d'un  G.  de  D.  à  un  de  ses  amis, 
supplément  aux  Mémoires  d'une  fameuse 
acadéînie ,  Liège ,  1764 ,  in-S"  ;  on  trouve 
dans  cette  épttre  quelque  talent  poétique. 
I  Le  fanatism,e  des  philosophes .  Abbe- 
ville ,  4764,  in-8°;  |  Nécessité  d'une  ré- 
forme dans  l'adtninistration  de  la  justice 
et  des  lois  civiles  de  France.  Amsterdam, 
1764 ,  ln-8°  ;  [  Socrate  .  tragédie  en  S  actes 
qui  n'eut  aucun  succès,  quoi  qu'il  y  ait 
des  vers  heureux  ;  |  La  Diîne  royale  avec 
tous  ses  avantages,  1764  ,  nouvelle  édit., 
Londres  et  Paris,  4787,  in-8°;  |  L'aveu 
sincère .  ou  Lettre  à  une  mère  sur  les 
dangers  que  court  la  jeunesse .  en  se  li- 
vrant à  un  goût  trop  vif  pour  la  littéra- 
ture,  Vat-tis ,  1768,  in-12;  |  Lettre  sur  une 
nouvelle  traduction  de  Tacite  par  M.  L. 
D.  B.  (  La  Bletterie  ) ,  1768 ,  in-12  ;  |  His- 
toire des  révolutions  de  l'empire  romain, 
1766,  2  vol.  in-12. Linguet  s'attache,  dans 
cet  ouvrage,  à  justifier  la  conduite  de 
quelques-uns  de  ces  empereurs  que  Tacite 
et  Suétone  nous  ont  peints  sous  de  si 
noires  couleurs.  On  lui  a  reproché  d'être 
l'apologiste  de  la  tyrannie;  maison  au- 
rait pu  faire  le  même  reproche  à  Dureau 
de  la  Malle  (  dans  son  excellent  Discours 
préliminaire  de  la  traduction  de  Tacite), 
qui  est  de  son  avis  sur  bien  des  points. 

1  Théorie  des  lois  civiles  .  Londres ,  1767, 

2  vol.  in-S".  La  dernière  édition  est  de 
1774,  3  vol.  in-12.  |  Histoire  impartiale 
des  jésuites ,  1768,  in-8°.  Cet  ouvrage 
que  la  nécessité  avait  inspiré  à  l'auteur , 
dans  le  temps  que  venant  d'être  reçu  au 
barreau,  les  Intrigues  de  ses  confrères 
ne  lui  laissaient  encore  aucune  cause  à 
plaider,  fut  brûlé  par  arrêt  du  parlement 
de  Paris  ,  au  pied  du  grand  escalier  du 
Palais.  I  Mémoires  sur  la  Bastille.  Lon- 
dres, 1783,  in-8°;  (  Les  Canaux  navi- 
gables pour  la  Picardie  pour  la  France. 
4769 ,  in-12  ;  |  Continuation  de  V Histoire 
universelle  de  Hardion.  Cette  continuation 
forme  les  tomes  19  cl  20.  —  Théâtre  espa- 


gnol. 1770, 4  vol.  in-12.  Cette  traduction  esl 
élégante  et  correcte.  |  Théorie  du  libelle , 
ou  L'Art  de  calomnier  avec  fruit .  Am- 
sterdam (Paris) ,  4775  ,  in-12  ,  en  réponse 
à  la  Théorie  du  paradoxe .  écrit  polémi- 
que et  plein  de  force ,  où  Linguet  avait 
été  vivement  attaqué  par  l'abbé  Morel- 
let.  \Du  plus  heureux  gouvernement. 
ou  Parallèle  des  constitutions  de  l'Asie 
avec  celles  de  l'Europe.  1774,  2  vol.  in- 
12.  On  y  trouve  peu  de  profondeur  dans 
les  recherches,  mais  des  aperçus  poli- 
tiques qui  ont  eu  leur  exécution ,  et  des 
faits  intéressans  sur  l'établissement  des 
ordres  religieux.  |  Réflexions  des  six 
corps  de  la  ville  de  Paris  sur  la  suppres- 
sion des  jurandes .  1776;  |  Essai  philoso- 
phique sur  le  m.onachistne,  1777 ,  in-S"  ; 
[Lettre  au  comte  de  Vergennes.  Londres, 
1777,  in-18;  |  Aiguilloniana.  Londres , 
1777,  in-S".  (  Voyez  le  Journal  de  la  li- 
brairie. 1816,  page  54.)  |  ylppel  à  la 
postérité,  1779,  in-8''  ;  |  Réflexions  sur  la 
lumière,  1787,  in-8'',  où  l'on  trouve 
des  aperçus  et  des  idées  très  remar- 
quables ;  I  Considérations  sur  l'ouverture 
de  l'Escaut,  1787,  2  vol.  in-8°;  |  La 
France  plus  qu'anglaise .  1788 ,  in-8''  ; 
{Examen  des  ouvrages  de  f^ol taire  consi- 
déré comme  poète,  cotnme  prosateur, 
comme  philosophe.  Bruxelles  ,  1788  ,  in- 
8°  ;  I  Point  de  banqueroute,  plus  d'em- 
prunt, et  si  l'on  veut,  bientôt  plus  de 
dettes  en  réduisant  les  impôts  à  un 
seul,  i7S9,  in-8";  |  Discours  sur  l'utilité 
et  la  prééminence  de  la  chirurgie  sur  la 
médecifie .  Bruxelles  et  Paris ,  1787  , 
in-8°;  |  Onguent  pour  la  brûlure,  i788, 
in-S°  ;  I  Lettre  à  Joseph  II  sur  la  ré- 
volution du  Brabant,  1789  ,  in-8''  ;  ]  Lé- 
gitimité du  divorce ,  1789  ,  ih-8"  ;  |  Code 
criminel  de  Joseph  II.  1790 ,  in-S"  ; 
\La  Prophétie  vérifiée.  1790,  in-8'';  |  Col- 
lection des  ouvrages  relatifs  à  la  révolu- 
tion du  Brabant,  1791,  in-8'';  {Recueil 
des  Mémoires  judiciaires,  7  vol.  in-12 
On  y  trouve  une  logique  pressante ,  de 
l'adresse  dans  les  développemens  ,  un  ta- 
lent marqué  pour  l'art  oratoire.  |  Jour- 
nal politique  et  littéraire  :\\  parut  depuis 
1774  jusqu'en  1778;  {Annale  s  politique  s.  ci- 
viles et  littéraires  du  dix-huitième  siècle  ; 
elles  commencèrent  en  1777  ,  furent  in- 
terrompues ,  reprises  à  diverses  époques  , 
et  très  répandues.  Dans  ces  annales, 
écrites  avec  chaleur,  l'auteur  attaque 
sans  cesse  et  sans  ménagement  tantôt 
l'un ,  tantôt  l'autre ,  et  tranche  sur  tout. 
Elles  eurent  la  plus  grande  vogue  ;  179 


Lïi\ 


h7S 


LIi\ 


numéros  forment  19  volumes  in-S", 
1777-1792.  M.  Gardaz,  avocat  à  Lyon  a 
publié  un  Essai  historique  sur  la  vie  et 
les  ouvrages  de  Linguet  ^  et  M.  Alexandre 
De  vérité  a  fait  paraître  une  Notice  pour 
servir  à  l'histoire  de  la  vie  et  des  écrits 
de  S.  N.  H.  Linguet.  On  a  aussi  Lingue- 
tiana  ou  Recueil  des  reparties  ingénieuses 
et  bons  mots  de  cet  auteur ,  in-18. 

LmiEIlE  (François  PAYOTde  ),  poète 
français,  né  à  Paris  en  1628,  mort  en 
1704,  à  76  ans,  entré  de  bonne  heure  au 
service  ,  et  moins  connu  aujourd'hui  par 
ses  vers  que  par  ses  impiétés.  On  l'appe- 
lait \ Athée  de  Sentis  >  et  il  avait  mérité 
ce  nom ,  non  seulement  par  ses  propos , 
mais  par  plusieurs  chansons  abominables. 
C'est  sans  raison  que  madame  des  Hou- 
lières ,  dont  le  sort ,  dit  un  auteur ,  fut  de 
donner  au  public  de  bonnes  choses ,  et 
de  prendre  toujours  le  parti  des  mau- 
vaises, a  voulu  justifier  Linière,  dans 
une  de  ses  premières  pièces,  intitulée 
Portrait  de  Linière.  Ce  blasphémateur 
mourut  comme  il  avait  vécu.  Il  se  brouilla 
avec  Boileau ,  qui  lui  reprocha  son  irré- 
ligion. Uni  avec  Saint-Pavin ,  autre  im- 
pie ,  il  fit  des  couplets  contre  le  satirique , 
qui  s'en  vengea  à  sa  manière ,  et  lui  dit 
qu'i7  n'avait  de  l'esprit  que  contre  Dieu. 
Le  libertinage  de  l'esprit  avait  commencé 
dans  Linière ,  comme  dans  presque  tous 
les  incrédules ,  par  celui  du  cœur.  Le  vin 
et  l'amour  remplirent  toute  sa  vie,  et  ne 
lui  laissèrent  pas  le  temps  de  faire  des 
réflexions.  Il  avait  le  talent  de  traiter  fa- 
cilement un  sujet  frivole.  Ses  vers  sati- 
riques ne  manquaient  pas  de  feu  ;  mais 
ils  lui  attirèrent  plus  de  coups  de  bâton 
que  de  gloire.  On  cite  de  lui  :  Dialogues^ 
en  forme  âe  satire^  du  docteur  Méta- 
phraste  et  du  seigneur  Albert ,  sur  le 
fait  du  mariage ,  1  vol.  in-12 ,  46  pages. 
Il  paraît  que  c'est  à  torl  que  Charpentier 
lui  a  attribué  la  parodie  de  Chapelain  dé- 
coiffé. On  croit  communément  qu'elle  est 
de  Furetière. 

•  LIjNN  (  John-Blair  ),  poète  et  minis- 
tre américain,  né  en  1777,  à  Shippen- 
sbourg  en  Pensylvanie ,  étudia  d'abord 
au  collège  deNew-Yorck,  puis  à  celui  de 
Colombie,  où  il  développa  et  fortifia  son 
goût  pour  la  poésie  et  la  critique  litté- 
raire. Il  se  livra  ensuite  à  l'étude  des 
lois  ;  mais  les  travaux  sur  la  jurispru- 
dence étaient  souvent  mis  de  côté  par  le 
jeune  poète  qui  s'essayait  dans  le  genre 
dramatique.  Des  applaudissemens  ac- 
cueillirent la  représentation  de  sou  pre- 


mier drame ,  et  ses  amis  crurent  que  ce 
succès  déciderait  sa  carrière,  et  que Linn 
suivrait  celle  des  lettres.  Ils  s'étaient 
trompés;  ce  jeune  auteur  étudia  la  théo- 
logie à  Shenectady ,  sous  le  docteur  Ro- 
meyn,  prit  ses  licences ,  se  livra  à  la  pré- 
dication ,  fut  attaché  à  l'église  presbyté- 
rienne de  Philadelphie,  et  devint  ensuite 
ministre  adjoint  au  docteur  Ewing.  Linti 
s'occupait  presque  uniquement  de  ses  de- 
voirs de  pasteur,  lorsque  Priestley  fil  pa- 
raître son  traité  dans  lequel  il  comparait , 
de  la  manière  la  plus  absurde ,  J.-C.  à 
Socrate.  Linn  attaqua  cet  ouvrage  ;  mais 
dans  cette  controverse  il  écrivit  avec  tant 
d'amertume  qu'il  en  rougit  lui-même  ; 
son  repentir  lui  dicta  une  lettre  qu'il 
adressa  à  son  antagoniste  ;  Prestley  mou- 
rut avant  de  l'avoir  reçue.  Après  avoir 
ainsi  combattu  les  sociniens ,  Linn  ter- 
mina sa  carrière  à  Philadelphie,  en  1804. 
Outre  des  Mclaj^ges  poétiques  qu'il  publia 
sous  le  voile  de  l'anonyme ,  et  son  drame 
du  Château  de  Bourville  ^  on  a  de  lui  : 
I  la  Mort  de  JP^ashington  ^  poème  dans 
la  manière  d'Ossian,  Londres,  1800  ;  |  La 
Puissance  du  génie  j  poème,  1803;  |  le 
fragment  d'un  poème  intitulé,  Va- 
lérien^  dans  lequel  l'auteur  se  proposait 
de  décrire  les  premières  persécutions 
contre  les  chrétiens,  et  l'influence  du 
christianisme  sur  la  civilisation,  Nevv- 
Yorck,  180o,  iu-i**.  Cet  ouvrage  est  pré- 
cédé d'un  Essai  sur  la  vie  de  Lixm  ,  par 
Brown.  Tous  ces  poèmes ,  écrits  d'un 
style  pur,  sublime,  renferment  des 
beautés  du  premier  ordre,  et  sont  surtout 
remarquables  par  la  sagesse  du  plan. 
I  Deux  Traités  de  sa  controverse  avec 
Priestley. 

LIIMNÉE  ( Charles  von),  onLinnœus^ 
botaniste  célèbre,  naquit  le  24  mai  1707  , 
à  Roeshult ,  village  de  Smolande ,  en 
Suède ,  de  Nils  ou  Nicolas  Linnseus,  curé 
de  ce  lieu.  Il  fut  un  des  hommes  les  plus 
iflustres  du  18"^  siècle.  Jusqu'à  sa  mort , 
son  génie  n'a  cessé  de  porter  la  lumière 
dans  l'histoire  naturelle  et  dans  la  médt 
cine.  Il  a  été  l'un  des  fondateurs  de  l'a- 
cadémie de  Stockholm  ;  il  en  fut  le  pre- 
mier président,  et  a  aussi  procuré  undj 
grande  célébrité  à  l'université  d'Upsc 
par  ses  leçons  de  botanique.  Son  père,1 
peu  favorisé  des  dons  de  la  fortune,  le 
fit  d'abord  étudier  dès  l'âge  de  10  ans 
dans  la  petite  ville  de  Vexiœ,  pour  y  ap- 
prendre le  latin  ;  mais,  voyant  qu'il  aban- 
donnait la  classe  pour  aller  chercher  des 
fleurs  à  la  campaguy,    et  s'ctanl   formé 


LIIV  hl 

«ne  fausse  idée  desdisposllions  de  l'éiève, 
il  le  mit  en  apprentissage  chez  un  cor- 
donnier (1724):  Linnée  y  trouva  occa- 
sion d'étudier  le  livre  de  Tournefort.  que 
lui  prêta  un  médecin  nommé  Rothman. 
Ce  même  médecin  le  plaça  chez  Kilian 
Stobaeus,  professeur  d'histoire  naturelle 
à  l'université  deLund.  Linnée  étudia  en- 
suite à  l'université  d'Upsal,  où  il  vécut 
long-temps  dans  la  gêne  et  les  privations, 
entra  de  là  chez  Olaiis  Celsius ,  profes- 
seur de  théologie  ,  qui  l'employa  pour  la 
composition  de  son  ffiero-botanicon^iiuis 
chez  Olaiis  Rudbeck,  professeur  de  bota- 
nique ,  à  Upsal ,  qui  lui  confia  la  direc- 
tion du  jardin,  et  se  fit  quelquefois  rem- 
placer par  lui  dans  ses  cours.  Très  jeune 
encore,  il  fut  envoyé  en  1752  en  Lapon ie 
pour  en  recueillir  et  en  décrire  les  plantes. 
Il  voulut  ensuite  donner  des  leçons  à 
Upsal;  mais  les  intrigues  du  professeur 
Rosen  qui  redoutait  sa  supériorité,  l'obli- 
gèrent de  se  retirer  à  Fahlun  dans  la 
Dalécarlie.  Delà  il  se  rendit  à  Hambourg, 
où  ses  ressources  pécuniaires  se  trouvè- 
rent épuisées.  Il  réussit  néanmoins  à  ga- 
gner la  Hollande  et  se  présenta  au  célè- 
bre Boërhaave,  qui,  après  l'avoir  aidé  de 
tous  ses  moyens,  le  recommanda  à  Georges 
Cliffort,  riche  amateur  de  botanique,  qui 
le  retint  auprès  de  lui  pendant  trois  an- 
nées. C'est  à  cette  époque  qu'il  publia 
ses  premiers  ouvrages,  qui  lui  donnèrent 
en  peu  de  temps,  une  renommée  euro- 
péenne. Cependant,  s' étant  rendu  peu 
de  temps  après  en  Angleterre,  il  y  fut 
accueilli  avec  froideur  par  Sloane  et  Dil- 
lenius,  alors  les  plus  fameux  naturalistes. 
H  se  rendit  à  Paris,  où  il  se  lia  avec  Ber- 
nard de  Jussieu,  et  revint  en  Suède,  où 
il  éprouva  encore  bien  de^  désagrémens. 
Enfin  la  protection  du  comte  de  Tessin 
aplanit  tous  les  obtacles  ,  et  il  fut  nommé 
successivement  médecin  de  la  flotte,  pro- 
fesseur de  botanique  à  Stockholm  (1758  ), 
médecin  du  roi,  et  président  de  l'acadé- 
mie des  sciences  (1759),  et  enfin  (1741) 
professeur  de  botanique  à  Upsal,  emploi 
qu'il  occupa  pendant  57  ans.  Le  Sysiema 
natures  et  la  Philosophia  botanica^  ont 
élé  réimprimés  en  plusieurs  pays ,  tra- 
duits en  plusieurs  langues,  et  commentés 
par  les  naturalistes  les  plus  fameux.  Ano- 
bli et  décoré  de  l'ordre  de  V Etoile  po- 
laire de  Suède ,  il  fut  demandé  par  le  roi 
d'Espagne  Charles  HI,  et  par  celui  d'An- 
gleterre Georges  III  ;  Louis  XV  lui  en- 
voyait des  graines  recueillies  de  sa  main; 
mais  ces  honneurs  ne  l'enorgueillirent 


9  Lî!V 

pas,  otses  mœurs  furent  toujours  simples 
et  pures.  Les  attaques  de  ses  antagonistes 
ne  pouvaient  le  troubler,  et,  suivant  en 
cela  un  conseil  que  Boërhaave  lui  avait 
autrefois  donné,  il  ne  prit  jamais  la  peine 
de  leur  répondre ,  quoiqu'il  en  eût  ce- 
pendant de  bien  puissans  :  Buffon ,  Hal- 
1er,  Adanson,  qui  l'ont  souvent  traité  avec 
injustice.  Linnée  mourut  en  1778,  à  l'âge 
de  71  ans.  Gustave  III,  pour  éterniser  la 
mémoire  de  ce  savant,  a  fait  frapper  une 
médaille  représentant  d'un  côté  son  buste, 
et  de  l'autre  la  déesse  Cybèle,  symbole  de 
la  nature,  affligée  et  entourée  des  attri- 
buts du  règne  minéral,  de  plantes  et  de 
quadrupèdes.  On  lit  à  l'entour  :  Deam 
luctus  angit  amissi  :  et  à  l'exergue  :  Post 
obitum^  Upsaliœ^  D.  10  januarii  ^  M. 
DCC.  LXXVIII,  Rege  jubente.  Réfor- 
mateur de  la  méthode  de  Tournefort, 
Linnée  en  a  imaginé  une  nouvelle  pour 
lu  division  des  plantes  en  classes ,  en 
genres  et  en  espèces.  Les  différentes 
parties  qui  servent  à  la  fructification  lui 
ont  fourni  les  règles  qu'il  a  suivies. 
Il  a  proposé  vingt-quatre  classes  de 
plantes  différenciées  avec  tant  de  jus- 
tesse et  de  discernement,  qu'elles  vien- 
nent, pour  ainsi  dire ,  se  ranger  d'elles- 
mêmes  dans  la  place  qui  leur  convient. 
Les  botanistes  ont  trouvé  beaucoup  d'a- 
vantages dans  la  iiiélhode  de  Linnée,  et 
elle  est  aujourd'hui  presque  universelle- 
ment reçue.  Ce  savant  a  donné  au  public 
un  très  grand  nombre  d'ouvrages  ,  pres- 
que tous  écrits  en  latin,  qui  feront  vivre 
son  nom  aussi  long-temps  que  l'on  cul- 
tivera l'histoire  naturelle.  Il  n'y  a  point 
de  physicien  qui  ait  montré  plus  d'appli- 
cation à  suivre  la  nature  dans  Ses  plus 
petits  détails,  et  qui  ait  fait  plus  d'obser- 
vations longues  et  pénibles,  pour  former 
des  résultats  aussi  sûrs  que  curieux.  Ses 
principaux  ouvrages  en  latin  sont  :  |  Sys- 
tema  natures^  seu  régna  tria  naturcB^ 
Leyde,  1755,  in-fol.,  et  1756,  2  volumes 
in-8°.  Ce  fut  par  cette  production  remar- 
quable qu'il  débuta  pour  la  réforme  de  la 
botanique.  Cet  ouvrage  a  été  réimprimé 
avec  des  augmentations  considérables  ;  la 
l""'  édition  consistait  en  5  tableaux  chacun 
d'une  feuille ,  et  contenant  une  division 
synoptique  des  trois  règnes  :  la  2*^,  1740, 
in-8° ,  a  80  pages  ;  la  G'',  1748 ,  in-8°,  en  a 
252;  la  10%  1757,  est  de  3  vol.  in-8°;  la 
12%  1766,  en  a  4  ;  la  14'  donnée  par  Gme- 
lin ,  en  a  10  :  on  a  encore  celles  de  Leip- 
sick,  1788-95,  et  de  Lyon,  1789-96,  10  vol. 
in-8°.  1  Bibliotheca  botanica^  Amsterdam, 


LIN 


480 


LIO 


1756,  174i  et  1751 ,  in-8°.  Il  y  donne  une 
notice  de  plus  de  mille  ouvrages  sur  les 
plantes.  |  Hortus  Cliffortianus  ^  Amster- 
dam, 1737,  in-fol.  avec  fîg.  C'est  une  des- 
cription des  plantes  rares  que  George 
Cliffort  cultivait  à  Hortecamp  en  Hol- 
lande. I  Critica  botanica^  Leyde,  1737, 
in-S".  Il  y  fait  voir  la  nécessité  de  chan- 
ger les  noms  dans  les  genres  et  les  espèces 
des  plantes.  |  Flora  Laponica  ^  Amster- 
dam, 1737,  et  Londres ,  1792,  in-8°.  C'est 
le  fruit  d'un  voyage  qu'il  fit  en  Laponie 
en  1752,  d'où  il  rapporta  536  plantes  ; 
I  Gênera  plantarum^  secundùm  nume- 
runij  figtirarrij  silum  et  proportionem 
omnium  fructificationis  partium^  Leyde , 
1737  ,  in-S" ,  8*=  édition,  Francfort,  1789  et 
1791  (  voyez  TOURNEFORT  ).  |  Flora 
Suecica,  Leyde,  174S.  C'est  le  tableau 
des  plantes  de  la  Suède.  |  Fauna  Suecica. 
Stockholm,  1746,  in-8",  avec  fig.  On  y 
trouve  les  quadrupèdes,  oiseaux,  poissons, 
insectes,  etc.,  de  la  Suède.  [  Flora  zey- 
lanica^  Stockholm,  1747,  in-8°.  Ce  sont 
les  plantes  de  l'île  de  Ceylan ,  dont  Paul 
Hermann  avait  donné  la  description ,  ar- 
rangées selon  le  système  de  Linnée. 
\  Ifortus  upsalte?isis  j  Stockholm,  1748, 
in-8",  avec  fig.  C'est  le  catalogue  des  plantes 
étrangères  que  Linnée  a  procurées  pour 
le  jardin  botanique  d'Upsal,  depuis  1742 
jusqu'à  1748.  |  Amœnilates  academ,icœ. 
Stockholm,  1749-1763,  6  vol.  in-8°,et  178S- 
1790,  9  vol.  in-8°,  avec  fig. ,  dissertations 
intéressantes  en  forme  de  thèses;  |  Philo- 
sophia  botanica^  Stockholm,  1751 ,  in-8°. 
Cet  ouvrage  a  été  réimprimé  un  grand 
nombre  de  fois  dans  diverses  villes ,  et 
il  y  en  a  eu  plusieurs  contre-façons  de 
qui  ont  peu  de  valeur.  Il  a  été  traduit 
en  français  par  Quesné ,  Paris  ,  1788 , 
in-8°,  avec  fig.  |  Materia  medica  ^  Stoc- 
kholm, 1765,  in -8°;  |  Animaliam  specie- 
ru?n  in  classes  ^  Leyde  ,  1759 ,  in-8°  ; 
I  Oratio  de  incrementis  telluris  habitabilis^ 
Leyde,  1744,  in-S".  Par  la  raison  que  la 
terre  a  été  entièrement  couverte  d'eau 
dans  les  jours  de  la  création ,  et  que  cet 
amas  d'eau  s'est  retiré  pour  laisser  la 
terre  à  découvert,  il  prétend  que  les  mers 
continuent  de  se  retirer  insensiblement. 
Système  qui  n'a  point  augmenté  sa  répu- 
tation, et  qui  est  suffisamment  réfuté  par 
l'état  de  l'ancienne  géographie ,  compa- 
rée avec  la  moderne.  Buffon  lui  a  donné 
plus  d'étendue ,  et  y  a  attaché  des  consé- 
quences qui  paraissent  opposées  à  l'his- 
toire de  la  création  de  Moïse  ,  et  à  toutes 
les  notions  reçues.  On  en  trouve  une  ré- 


futation détaillée  dans  V Examen  impar^ 
liai  des  Epoques  de  la  nature  ^  i  volume 
in-8°,  Luxembourg.  1780,  Embrun ,  1781  , 
Maëstricht,  1792.  \Nemesisdivina,  recueil 
d'observations  pour  prouver  que  Dieu 
punit  les  impies  et  les  scélérats  ,  même 
en  ce  monde  ;  ouvrage  qui,  pour  le  fonds  ; 
des  choses ,  ressemble  en  partie  à  celui 
de  Salvien,  De  Providentia.  Son  nom  doit, 
être  inscrit  dans  la  liste  des  philosophes  ; 
qui  ont  été  amis  de  la  religion.  Il  avait 
fait  mettre  sur  la  porte  do  son  cabinet  ce 
fragment  d'un  vers  connu  : 

looocui  vivite,  Namen   adcit. 

On  a  publié,  en  1789,  ime  Revue  gêné" 
raie  des  écrits  de  Linnée;  ouvrage  dans 
lequel  on  trouve  les  anecdotes  les  plus  in- 
téressantes de  sa  vie  privée^  un  abrégé  de 
ses  systèmes  et  de  ses  ouvrages  ^  un  extrait 
de  ses  Aménités  académiques  ^  etc.  par 
Richard  Pulteney  ;  traduit  de  l'anglais  par 
Millin  de  Grandmaison,  avec  des  notes  et 
des  additions  du  traducteur ,  2  vol.  in-S". 

LINTII.  Foyez  ESOiER  de  la  LINTH. 

LIO\NE  (  Pierre  de  ) ,  célèbre  capi- 
taine du  14'  siècle ,  d'une  des  plus  an- 
ciennes maisons  du  Dauphiné,  rendit  de 
grands  scrvi-ces  aux  rois  Jean ,  Charles  V 
et  Charles  VI,  contre  les  Anglais  et  contre 
les  Flamands.  Il  se  signala  surtout  à  la 
journée  de  Rosbecq  en  1382 ,  et  mourut 
en  1599. 

LIOIViNE  (  Hugues  de  ) ,  de  la  même  fa- 
mille que  le  précédent ,  ministre  secré- 
taire d'état  sous  Louis  XIV  ,  naquit  à  Gre- 
noble en  1611.  Il  fut  d'abord  premier 
commis  d'Abel  Servien,  son  oncle;  mais 
celui-ci  ayant  été  disgracié ,  il  refusa  les 
offres  de  Richelieu ,  partit  pour  l'Italie , 
où  il  s'acquit  l'amitié  et  la  confiance  du 
cardinal  Mazarin,  et  se  distingua  plus  tard 
dans  ses  ambassades  de  Rome ,  de  Madrid 
et  de  Francfort.  Il  devint  ministre  d'état, 
et  fut  chargé  des  négociations  les  plus 
difficiles.  Lionne  termma  les  différen» 
qui  existaient  entre  le  pape  et  le  duc  de 
Parme;  et,  en  sa  qualité  d'ambassadeur 
extraordinaire  auprès  du  saint  Siège ,  il 
assista ,  en  1655 ,  au  conclave  qui  élut  Ale- 
xandre VII ,  et  parvint  à  le  faire  pro- 
noncer en  faveur  de  la  France.  Il  suc- 
céda ,  en  1661 ,  au  cardinal  Mazarin ,  dans 
le  ministère  des  affaires  étrangères,  et 
après  la  démission  de  M.  de  Brienne,  il 
fut  nommé  secrétaire  d'état.  Ce  fut  Lionne 
qui  ménagea  l'acquisition  de  la  ville  do 
Dunkerque.  Il  mourut  à  Paris  ,  en  1671 ,  à 
60  ans.  Ce  ministre  était  aussi   dis-iipé 


LIO 


481 


LIP 


lîans  la  société  que  laborieux  dans  le  ca- 
binet. Prodigue  à  l'excès ,  il  ne  regardait 
les  biens  et  les  richesses  que  comme  un 
moyen  de  se  procurer  tous  les  plaisirs.  Il 
se  livra  sans  ménagement  à  ceux  du  jeu, 
de  l'amour  et  de  la  table  :  sa  santé  et  sa 
fortune  en  souffrirent  également.  On  a 
ses  Négociations  à  Francforts  in-4*  ;  et  des 
Mémoires  imprimés  dans  un  recueil  de 
pièces,  1668,  in-d2;  ils  ne  sont  pas  com- 
muns. Sa  Fie  se  trouve  dans  les  Mélan- 
ges curieux  qui  font  suite  aux  oeuvres  de 
St-Evremond,tom.  i,  page  161.  —  Arthus 
de  LIONNE ,  l'un  de  ses  fils ,  fut  évêque 
de  Rosalie,  et  vicaire  apostolique  dans  la 
Chine.  Il  mourut  à  Paris,  le  2  août  1713, 
à  58  ans ,  avec  ime  grande  réputation  de 
verlu  et  de  zèle.  Il  a  eu  part  à  divers 
écrits  des  missionnaires  sur  les  supersti- 
tions des  Chinois. 

LIOKNET.  Voyez  LYONNET. 

*  LIONNOIS  (  l'abbé  ) ,  principal  du  col- 
lège de  Nancy,  né  dans  cette  ville  en  1730, 
est  principalement  connu  par  son  Traité 
de  la  mythologie .  ou  Explication  de  la 
fable  par  V histoire  ^  6^  édition  ^  augmen- 
tée des  hiéroglyphes  des  Egyptiens ,  vé- 
ritable source  de  la  fable  ^  ornée  de  216 
gravures  en  taille-douce ^  Nancy,  1816. 
C'est  le  meilleur  traité  de  mythologie  que 
nous  ayons  et  le  plus  complet.  On  doit 
encore  à  l'abbé  Lionnois  une  Histoire  des 
villes  vieille  et  neuve  de  Nancy  ^  2  vol. 
in-8°,  et  plusieurs  TVa/fi?'*  pour  différentes 
branches  d'enseignement.  L'abbé  Lionnois 
8sl  mort  à  Nancy,  le  Ujuin  1806. 

LIONS  Voyez  DESLYONS. 

*  LIOTARD  (  Jeaw-Etiexne  ),  peintre 
et  graveur,  né  à  Genève  en  1702,  réus- 
sissait très  bien  dans  la  miniature,  le 
dessin,  la  perspective  et  la  peinture  en 
émail  :  il  excellait  surtout  dans  l'art  de 
saisir  la  ressemblance.  Il  demeura  trois 
ans  à  Constantinople ,  où  il  avait  adopté 
le  costume  levantin ,  qu'il  conserva  tou- 
jours; ce  qui  le  fît  surnommer  le  Peintre 
turc.  Il  visita  aussi  l'Italie,  l'Allemagne, 
l'Angleterre,  la  Hollande;  et  ses  portraits 
lui  acquirent  une  grande  réputation.  Il  a 
essayé  de  donner  à  ceux  qu'il  a  faits  en 
émail  des  dimensions  inusitées  jusqu'a- 
lors. On  connaît  de  lui  des  émaux  qui  ont 
jusqu'à  un  pied  et  demi  de  hauteur  sur 
un  pied  de  large.  Plusieurs  artistes  ont 
gravé  d'après  lui.  Il  a  gravé  lui-même  à 
l'eau  forte  quelques  -  uns  de  ses  por- 
traits. Il  mourut  vers  177G. — Jevn- Mi- 
chel LÎOT ARD ,  sou  frère ,  un  des  meil- 
leurs élèves  de  Benoit  Audran,  fut  appelé 

7. 


en  Italie  pour  graver  les  sept  grands  car- 
tons que  Cignani  avait  exécutes  pour 
le  duc  de  Parme ,  ainsi  (pie  sept  grands 
tableaux  tirés  de  l'histoire  sainte  ,  peints 
à  Venise  par  Ricci.  Ces  gravures  ont  été 
publiées  à  Venise  sous  ce  titre  :  Car.  Cig- 
nani monochi'omata  septem,  17 A3,  in- 
fol.  ;  Opus  Sebast.  Ricci  Bellunensis  ab- 
solutissimum ,  ab  J.  M.  Liotard Geneve7is. 
œre  expressum ,  1743,  grand  in -fol.  U 
mourut  à  Genève  vers  1760. 

LIPEKIUS  (MAKTiiv  ),  luthérien  alle- 
mand, né  à  Gortze,  dans  le  Brandebourg . 
en  1650 ,  mort  en  1692,  à62  ans ,  épuisé  da 
travail ,  de  chagrins  et  de  maladies ,  était 
un  laborieux  compilateur  et  un  savant 
bibliographe.  On  a  de  lui  :  |  un  Traité 
curieux  sur  les  étrennes^  Luipsick,  1670, 
in -4°;  |  Bibliotheca  realis  theologica . 
Francfort,  1685,2  volumes  in-fol.  Biblio- 
theca realis  juridica^  ibid.  1679,  in-fol.  ; 
Bibliotheca  realis  philosophica ^  ibid. 
1682,2  vol.  in-fol.;  Bibliotheca  realii 
medica.  ibid.  1679,  in-fol.,  en  tout  6  vol. 
in-fol.  C'est  une  table  universelle,  mais 
très  inexacte,  des  matières  pour  les  dif- 
férentes sciences,  avec  le  nom  et  les  ou- 
vrages des  auteurs  qui  en  ont  traité.  La 
liste  complète  des  OEuvres  de  ce  savant 
est  dans  le  tom.  19  des  Mémoires  de  Ni- 
céron. 

LIPMA.N ,  rabbin  allemand  ,  dont  on  a 
un  Traité  contre  la  religion  chrétienne, 
qu'il  composa  en  hébreu  en  1599.  II  est 
intitulé  Nitsachon  s  c'est-à-dire  Victoire. 
Mais  rien  n'est  moins  victorieux  pour  les 
Juifs  que  ce  pitoyable  ouvrage.  Théo- 
doric  Hakspan  le  publia  en  1644 ,  à  Nu- 
remberg, in -4°.  On  trouve  dans  Têtu 
ignea  Satanœ  de  "Wagenseil ,  un  abrégé 
de  cet  ouvrage,  avec  la  réfutation. 

LIPPI  (  fra  FiMPPO  ) ,  peintre ,  né  a 
Florence,  vers  1412,  mourut  âgé  de  57 
ans,  en  1469,  avec  la  réputation  d'un 
homme  qui  avait  plus  de  talent  que  de 
mœurs.  Il  eut  beaucoup  de  partisans  dans 
sa  patrie,  et  le  jour  de  son  enterrement 
toutes  les  boutiques  furent  fermées.  Il 
n'avait  eu  d'autre  maître  que  lui,  et 
d'autre  guide  que  les  ouvrages  de  Mas- 
saccio.  On  voit  au  musée  du  Louvre  un 
tableau  de  ce  peintre,  représentant  le 
Saiyit-Espiit  présidant  à  la  naissance  de 
J.-C.  Les  mœurs  de  Lippi  étaient  si  dé- 
pravées, qu'après  avoir  enlevé  une  no- 
vice d'un  couvent  de  Prato ,  près  de  Fio- 
rence,  et  obtenu  une  dispense  du  pape 
pour  l'épouser ,  il  l'abandonna ,  et  la  jeûna 
fille  fut  encore  admise  dans  le  couvent. 
41 


LIP 


482 


LIP 


—  Il  1  lissa  un  fils,  nommé  aussi  Philippe 
LIPPI,  qui  fut  peintre  comme  lui.  Il  l'a- 
vait eu  d'une  jeune  pensionnaire  qu'il 
corrompît  dans  un  monastère  de  Flo- 
rence, où  il  avait  été  appelé  pour  son  art. 
Ce  fils,  aussi  réglé  dans  sa  conduite  que 
Sun  père  avait  été  débauché,  mourut  en 
•loOo,  à  kU  ans. 

LIPPI  (LoRENZo),  peintre  et  poète  de 
1" lorence,  où  il  naquit  en  1606,  est  auteur 
d'un  poème  burlesque,  intitulé  :  IlMal- 
mantile  racquistato,  imprimé  à  Florence 
en  1676  ,  et  1688 ,  in-4°,  sous  le  nom  de 
Perlons  ZipolL  qui  est  l'anagramme  de 
Lorenzo  Lippi.  On  l'a  réimprimé  en  1731, 

2  vol.  in-4°,  à  Florence ,  avec  des  notes 
<le  Salvin  et  de  Biscioni.  Lippi  est  plus 
connu  par  cette  production  de  sa  muse 
que  par  celles  de  son  pinceau,  quoique 
SCS  tableaux  relevassent  au-dessus  du 
commim.    Il  mourut  en  1604. 

*  LîPPIUS  (  Nicolas  ) ,  célèbre  méca- 
nicien ,  né  à  Bàle  ,  lit  en  1398  l'horloge 
remarquable  de  l'église  de  St-Jean  de 
Lyon,  et  ensuite  celle  de  Strasbourg,  et 
mourut  bienlot  après. 

LIPPOMAiM  (  Louis  )  ,  évêque  de  Ber- 
game,  savant  Vénitien  ,  né  en  1500,  fut 
chargé  des  affaires  les  plus  importantes , 
et  parut  avec  éclat  au  concile  de  Trente, 
fi  fut  l'un  des  trois  présidens  de  ce  con- 
<:ile  sous  le  pape  Jules  III ,  dont  il  était 
l'im  des  secrétaires.  Paul  IV  l'envoya 
îivec  la  qualité  de  nonce  en  Pologne  ,  l'an 
i5j6  ,  et  le  lit  son  secrétaire ,  ensuite  évê- 
que de  Modon  ,  puis  de  Véronne,  et  enfin 
de  BergaiTie.  Il  mourut  en  1559.  Ce  prélat 
l)Ossédail  les  langues,  l'histoire  ecclésias- 
tique ,  sacrée  et  profane,  et  surtout  la 
thét)logie,  et  ne  s'acquit  pas  moins  d'es- 
time par  l'innocence  de  ses  mœurs  que 
par  sa  doctrine.  Il  s'opposa  fortement 
itux  Juifs  et  aux  hérétiques  pendant  sa 
nonciature  en  Pologne.  On  a  de  lui  :  |  huit 
volumes  de  couipilation  de  J^ies  des 
saintSj.  1568,  in-fol. ,  recueillies  sans  cri- 
tique et  sans  choix  :  \Catenam  Gene- 
sim,  in  Exodiim^  et  in  aliquot  Psalmos  ^ 

3  vol.  in-fol.  ;  |  Confirmatio  dogmatum 
calholiconim  ;  |  i:xposilio  v^dyuj-is 
Syniboli  apostolici  et  Orationis  domi- 
niae. 

LIPPOMAM  (JÉiiôjiE  ),  noble  véni- 
tien, tour  à  tour  ambassadeur  à  Turin, 
à  Dresde,  à  Naples  ,  à  Conslanlinople  , 
s'acquitta  des  corrunissions  les  plus  im- 
portantes avec  beaucoup  de  succès..  Mais 
«\'ont  été  accusé,  devant  les  inquisiteurs 
dcial,  d'avoir  vendu  le  secret  de  la  patrie 


auxprmces  avct  lesquels  il  avait  eu  à 
traiter,  il  fut  arrêté  à  Conslanlinople,  e* 
conduit  à  Venise.  Lippomani  prévint  son 
supplice  par  sa  mort  :  un  jour,  ayant  amusé 
ses  gardes,  il  se  jeta  dans  la  mer  pour  se 
sauver  à  la  nage.  Les  mariniers  le  repri- 
rent; mais  il  mourut  deux  heures  après, 
en  1591. 

UPSE  (  Juste),  célèbre  philologue  hol- 
landais, né  à  Ober-Isque  (Overyssche  j, 
village  près  de  Bruxelles  ,  le  18  octobre 
1547,  commença  à  écrire  lorsque  les  au- 
tres enfans  commencent  à  lire.  A  9  ans  il 
fit  quelques  poèmes  ,  à  12  des  Discours  . 
à  19  son  ouvrage  intitulé  Varice  lertiones. 
Il  étudia  successivement  à  Bruxelles,  à 
Ath ,  à  Cologne  et  enfin  à  Louvain.  Le  car- 
dinal de  Granvelle ,  surpris  et  charmé  de 
son  génie,  le  mena  à  Rome,  en  qualité  de 
son  secrétaire,  et  Lipse  passa  deux  ans 
auprès  de  ce  prélat.  Après  son  retour, 
il  s'arrêta  en  Allemagne  ,  et  prit  du  goiit 
pour  les  opinions  des  protestans  ;  il 
professa  avec  beaucoup  d'applaudisse- 
ment l'histoire  à  léna  (  1572-1574),  et 
à  Leyde  (  1579-1591  ).  Mais  les  remords 
le  ramenant  vers  la  religion  qu'il  avait 
abandoniiée ,  il  se  rétracta  solennelle- 
ment ,  et  fut  depuis  celte  époque ,  un 
excellent  catholique,  tant  par  sa  foi  que 
par  sa  conduite.  En  1593 ,  il  enseigna  à 
Louvain  avec  tant  de  réputation  ,  que 
l'archiduc  Albert  et  l'infante  Isabelle  son 
épouse  allèrent  entendre  ses  leçons  avec 
toute  leur  cour,  et  le  firent  conseiller  iïé- 
tat.  Philippe  II  l'honora  du  titre  d'histo- 
riographe. Henri  IV  ,  Paul  V  ,  les  Véni- 
tiens ,  voulurent  l'enlever  à  Louvain,- 
mais  ils  ne  purent  le  gagner  ,  ni  par  les 
présens,  ni  par  les  promesses.  Scaliger  , 
Casaubon  et  lui  passaient  pour  les  Trium- 
virs de  la  république  des  lettres.  On  n« 
se  contentait  pas  d'admirer  Lipse ,  tous 
li;s  jeunes  gens  cherchaient  à  l'imiter.  L« 
goût  du  public  a  été  de  tout  temps  uno 
vraie  machine,  qui  s'est  élevée  et  qui 
s'est  abaissée  au  gré  des  auteurs  célèbres. 
Juste  Lipse  eut  assez  de  réputation  dans 
son  temps  pour  être  pris  universellement 
pour  modèle.  Sa  latinité  est  effectivement 
belle ,  riche  et  en  général  pure  ;  mais 
qu  Iquefois  un  peu  obscure  et  gênée  ; 
ce  qui  parait  être  l'effet  d'une  trop  grande 
attention  à  vouloir  imiter  Tacite.  Il  savait 
par  cœur  cet  historien,  et  il  s'obligea  u:i 
jour  à  réciter  mot  par  mot  tous  les  en- 
droits de  ses  ouvrages  qu'on  lui  marque- 
rait. 11  mourut  à  Louvain,  le  24  mars 
iOUi),  à  58  ans,  entre  les  bras  du  père  Léi^ 


i 


nard  ticssuis.  Comme  dans  ses  douleurs 
on  lui  parlait  de  îa  force  sloïque  dont  il 
avait  paru  faire  l'éloge  dans  un  de  ses  Trai- 
tés, il  répondit  :  f^anasunt  ista  ;  et  mon- 
trant l'image  du  Sauveur  crucifié  :  llœcest 
ve'^a  patientia.  Les  ouvrages  de  Lipse  ont 
été  recueillis  en  6  vol.  ia-fol.  ,  à  Anvers  , 
4GÔ7  ;  et  cette  collection  n'est  guère  feuil- 
letée que  par  des  savans.  Elle  a  été  im- 
primée aussi  à  Wesel ,  1675  ,  k  vol.  in-8". 
Les  principaux  écrits  qu'elle  renferme 
sont  :  I  un  Commentaire  sur  Tacite,  es- 
timé. Muret  prétend  que  ce  qu'il  y  a  de 
mieux  dans  cet  ouvrage  a  été  tiré  de  ses 
écrits  ;  mais  cette  prétention  ne  se  sou- 
tient pas  à  l'examen.  Les  savans  de  ce 
tinnps-là  s'accusaient  mutuellement  de 
plagiat,  et  s'inquiétaient  par  toutes  sortes 
de  querelles ,  peu  convenables  et  peu  ho- 
norables au  paisible  règne  des  lettres. 
I  Ses  Saturnales  ;  \  Traité  De  militia  ro- 
mana;  \  Electcs,  ouvrage  d'une  critique 
raisoimable;  |  Traité  delà  constance  ;  son 
meilleur  ouvrage,  suivant  quelques  criti- 
ques, qu'il  seml)le  avoir  fait  pour  s'affer- 
mir et  affermir  les  autres  dans  la  vertu, 
dont  ilavail  manqué  lorsqu'il  s'était  laissé 
séduire  par  les  protestans  ;  |  Diverses  le- 
çons, ouvrage  do  sa  tendre  jeunesse,  écrit 
d'une  manière  plus  naturelle  et  plus  agréa- 
ble que  les  productions  de  ses  derniers 
jours  ;  I  Monita  et  exempta  politica  ;  re- 
cueil utile  aux  maîtres  et  administrateurs 
des  états,  et  propre  à  les  garantir  de  bien 
des  erreurs  funestes  à  eux  et  aux  peuples; 
I  Politico7-um  sive  civilis  doctrinœ  libi'i 
sex.  qui  ad  principatum  maxime  spec- 
tant.  On  y  lit  ,  entre  autres  avis  impor- 
lans,  celte  réponse  d'une  sage  politique  : 
De  religione  curam  principi  esse  ^  unarn 
illi  retinendam  ;  puniendos  .  nisi  aliter 
expédiât,  qui  disse ntiunt;  falsam  pacem 
esse  toleratttismuni  ;  hune  esse  divini 
numinis  irrisionetn,  publicte  felicitatis  et 
legum  destruciorem.  \  De  una  religione  ; 
c'est  là  qu'il  exprime  particulièrement 
son  attachement  à  la  seule  religion  caiho- 
Uque,donl  il  établit  l'exclusive  vérité; 
J  De  diva  Virgine  Hallensi  ;  De  diva  Fir- 
gine  Sichemiensi ,  sive  de  Aspricolle.  Ce 
sont  des  histoires  de  l'image  de  Notre- 
Dame  à  Halle  et  à  Montaigu  ;  elles  sont 
bien  écrites,  et  avec  discernement,  quoi 
qu'en  paissent  dire  les  esprits  forts.  Juste 
Lipse  n'était  ni  crédule  ni  enthousiaste. 
Dans  un  petit  livre  écrit  postérieurement 
avec  autant  de  candeur  que  de  bon  sens  , 
touchant  l'image  de  Notre-Dame  de  Mon- 
taigu ,  on   trouve  137  guérisons  surnalu- 


3  Lïil 

relies  ,  attestées  par  la  justice  munici^^'ale 
de  différens  endroits  ,  examinées  par  la 
sage  et  judicieux  Miraeus,  évéïjue  d'An- 
vers, approuvées  par  le  grave  el  prudent 
Hovius,  archevêque  de  Malines.  U  en  est 
plusieurs  dont  on  ne  saurait  lire  les  dé. 
tails  sans  une  pleine  conviction.  Mais  si 
de  ces  157  faits  miraculeux  il  n'en  est 
qu'un  seul  vrai,  l'incrédulité  est  tout 
aussi  bien  confondue  que  s'ils  étaient  vrais 
tous.  I  De  cruce  libri  très,  Leyde  ,  tfiOa, 
in-12,  plein  d'érudition  et  de  bonne  cri- 
tique ;  I  De  crucis  supplie io  apud  Roma- 
nos  usitato.  dans  les  Antiquités  romaines 
de  Kippingius  ;  |  De  amphitheatris.dan» 
les  Antiquités  romaines  de  Grévius,  et 
beaucoup  d'autres  ouvrages  ,  recherché.i 
et  consultés  par  les  savans.  Les  huit  f/a- 
rangues  qui  ont  paru  à  lénasous  son  nom 
sont  une  production  du  mensonge  et  do 
la  calomnie  ,  comme  il  l'a  prouvé  hii- 
méme  péremptoirement.  Aubert  Le  Mire 
a  écrit  sa  Fie  en  latin ,  Anvers ,  1609.  On 
a  encore  :  Defensio  Lipsii  posthuma, 
écrite  avec  autant  de  vérité  que  d'élé- 
gance par  le  père  Charles  Scribani. 
Jusle-Lipse  a  défendu,  par  son  testament, 
que,  hors  une  partie  de  sa  Correspondance. 
ou  n'imprimât  aucun  do  ses  manuscrits 
Voy.  Nicéron,  tom.  2i  de  ses  Mémoires., 
qui  lui  attribue  ol  ouvrages,  el  le  Diction- 
naire des  Anonymes  où  l'on  trouve  l'in- 
dication de  plusieurs  ouvrages  de  Juste 
Lipse  traduits  en  français.  Son  Traité  De 
re  numeraria  se  garde  en  manuscrit  dans 
la  bibliothèque  de  Besançon. 
LIRE  Voyez  NICOLAS  de  LYRE 
LIR01\  (  dom  Jean  ),  bénédictin  de  la 
congrégation  de  St.-Maur,  naquit  à  Char- 
tres en  1665 ,  et  mourut  au  Mans  en  1748, 
Nous  avons  de  lui  deux  ouvrages  :  [  la 
Bibliothèque  des  auteurs  chartrains.  Pa- 
ris, 1719,  in-i".  Une  foule  d'évéques  , 
de  chanoines,  de  curés,  de  petits  écri- 
vains ,  connus  seulement  par  «ne 
chanson  non  imprimée,  y  font  une  figure 
inutile  :  les  éloges  y  sont  prodigués  à  des 
écrivains  qui  en  méritent  bien  peu.  |  Lis 
Singularités  historiques  et  littéraires. 
Paris,  1734-1740,  4  vol.  in-12.  Ce  sont  des 
faits  échappés  aux  plus  laborieux  compi- 
lateurs, des  noms  tirés  de  l'oubli,  des 
points  de  critiques  éclarcis  .  des  bévue,'^ 
d'écrivains  célèbres  relevées  ,  des  opi- 
nions combattues  ,  d'autres  établies.  Li- 
ronaida  le  Nourry  à  terminer  son  Appa- 
ratus  ad  Bibliothec.  SS.  Palrmn  ;  et 
mit  en  ordre  les  archives  de  la  célèbrei 
iibbaye  de   Marmoulicrs.   On  le   regarde 


LÎS 


484 


LIS 


ronriiiie  un  dos  principaux  coUaboraleui  s 
♦ie  Y  Histoire  littéraire  de  la  France^  Paris, 
i7ô8. 

LISIAS.  Voyezl.YS\\S. 

MSIE€X.  royez  ZACIIARIE  de  Li- 
sicux. 

LïSLE  (  Claude  de),  naquît  à  Vaucou- 
leurs  en  Lorraine,  en  1614.  11  était  fils 
il'un  médecin  ,  et  se  fil  recevoir  avocat  ; 
mais  l'étude  de  la  jurisprudence  n'étant 
l)as  de  son  goût,  il  se  livra  tout  entier  à 
l'histoire  et  à  la  géographie.  Pour  se  per- 
fectionner ,  il  vint  à  Paris  ,  et  s'y  fil  bien- 
tôt connaître.  Il  y  donna  des  leçons  par- 
ticulières d'histoire  et  de  géographie  ,  et 
compta  parmi  ses  disciples  les  principaux 
seigneurs  de  la  cour,  et  le  duc  d'Orléans, 
depuis  régenl  du  royaume.  DeLisle  mou- 
rut à  Paris ,  le  2  mai  1720  ,  à  7G  ans,  lais- 
sant quatre  fils  et  une  lille.  On  a  de  lui  -, 
I  une  Relation  historique  du  royaume  de 
Sianiji&Sk,  in-12,  assez  exacte  ;|  \\n 
Abrégé  de  l'histoire  universelle^  de- 
puis la  cré.ition  du  monde  jusqu'en 
1714,  Paris,  1731, 7  vol.  in-12.  Cetouvrage, 
ennuyeux  et  superficiel ,  est  le  fruit  des 
leçons  que  de  Lisle  avait  faites  sur  l'his- 
toire. Il  y  a  cependant  quelques  singula- 
rités qui  le  firent  rechercher  dans  le 
temps.  I  Une  Introduction  à  la  géogra- 
phie^ avec  un  Traité  de  la  sphère,  2  vol. 
in-12  ,  Paris  ,  1746  :  livre  publié  sous  le 
nom  de  son  fils  aîné ,  le  géographe. 

LîSLE  (  Guillaume  de  ) ,  fils  du  précé- 
dent, naquit  à  Paris  en  1675.  Dès  l'âge  de 
huit  ou  neuf  ans  il  commença  à  dessiner 
des  cartes,  et  ses  progrès  dans  la  géogra- 
])hie  furent  tous  les  jours  plus  rapides.  A 
la  fin  de  1699  ,  il  donna  ses  premiers  ou- 
vrages, une  Mappemonde^  quatre  Cartes 
des  quatre  parties  de  la  terre ,  et  deux 
Globes^  l'un  céleste,  l'aulre  terrestre,  qui 
curent  une  approbation  générale.  Ces 
ouvrage  furent  suivis  de  plusieurs  autres, 
qui  lui  méritèrent  une  place  à  l'académie 
des  sciences  en  1702,  le  litre  de  i)remier 
géographe  du  roi,  el  une  pension  en  1718. 
Choisi  pour  montrer  la  géographie  à  Louis 
XV,  il  entreprit  plusieurs  ouvrages  pour 
l'usage  de  ce  jeune  monarque  ;  il  dressa 
une  Carte  générale  du  monde ,  et  une  de 
la  fameuse  Retraite  des  dix  mille.  L'illus- 
tre élève  profita  de  ses  leçons,  el  composa 
avec  succès  un  Traité  du  cours  de  tous 
les  fleuves.  La  réputation  de  de  Lisle  était 
si  répandue  et  si  bien  établie,  qu'il  ne  pa- 
raissait presque  plus  d'histoire  et  de 
voyage  qu'on  ne  voulût  l'orner  de  ses 
caries.  Il  travaillait  à  ctllc  de  Malle  pour 


l'histoire  de  l'abbé  de  Vertot  ,  lorsqu'il 
fut  emporté  par  une  apoplexie,  en  1726, 
à  51  ans.  Ses  cartes  sont  en  très  grand 
nombre  et  très  estimées  ;on  peut  en  voir 
la  liste  dans  le  Mercure  de  mars  1726.  li 
devait  donner  une  Introduction  à  la  géo- 
graphie ,  dans  laquelle  il  aurait  rendu 
compte  des  raisons  qu'il  avait  eues  de 
faire  des  changemens  aux  cartes  ancien- 
nes (î);  mais  sa  mort  prématurée  priva  le 
public  de  cette  utile  production. 

LISLE  (  JosEPH-NrcoLAS de ) ,  frère  du 
précédent ,  naquit  à  Paris  en  1688.  Après 
avoir  fait  de  bonnes  études  au  collège 
iMazarin  ,  il  se  consacra  tout  entier  aux 
mathématiques.  L'astronomie  avait  sur- 
tout des  attraits  puissans  pour  lui.  L'é- 
clipse  tolale  du  soleil  arrivée  le  12  mars 
1706  fui  comme  le  signal  que  la  nalure 
sembla  donner  à  son  génie.  La  place  d'é- 
lève que  l'académie  des  sciences  lui 
donna  en  1714  fut  un  nouveau  lien  pour 
le  jeune  astronome.  Les  mémoires  de 
cette  compagnie  furent  bientôt  ornés  de 
ses  réflexions  et  de  ses  dissertations.  Il 
proposa,  en  1720,  de  déterminer  la  figure 
de  la  terre  en  France  ;  et  ses  vues  à  ce 
sujet  furent  mises  en  exécution  avec  des 
résultais  diffcrens ,  et  dont  on  n'a  p\i 
donner  encore  une  théorie  bien  sûre. 
(  Voyez  CONDA>IINE.  )  Il  fil ,  en  1724  , 
le  voyage  d'Angleterre,  el  y  fut  très  bien 
accueilli  par  Newton  et  Halley.  La  société 
royale  et  successivement  d'autres  compa- 
gnies savantes  de  l'Europe  s'empresscrenl 
de  s'associer  M.  de  Lisle.  Appelé  en  Rus- 
sie en  1726,  il  y  obtint  une  pension  con- 
sidérable el  un  observatoire  vaste  et  com- 
n)ode  ,  et  ne  revint  dans  sa  patrie  qu'en 
1747  :  il  y  termina  sa  longue  carrière  en 
1768.  Une  piété  vraie,  des  mœurs  douces  , 
une  société  tranquille,  le  désintéressement 
le  plus  grand ,  telles  étaient  les  qualilcs 


(i)  «  La  Mi-diterraoc'e  ,  dit  Fontenelle  ,  dans  tes 
éloge»  ,  U  Méditerranée  ,  mer  connue  de  toul  temps 
par  Us  nations  savantes,  toujourt  couverte  de  leurs 
vaissiaiix,  traversée  dans  tous  les  sens  possibles  par 
une  inimité  de  navigateurs,  n'avait  (  dans  les  cartel 
de  (juiliaunie  de  Lisie  )  que  860  lieues  d'occidcat 
•  Q  orient  ,  au  lieu  de  1 160  qu'on  lui  donnait  :  errecr 
presqut.  incroyable.  L'Asie  était  pareillement  rac- 
courcie de  5oo  lieues  ;  ta  position  de  la  terre  d'Ytito, 
changée  de  1700.  Une  infinité  d'autres  correctiuiis 
moins  frappantes  el  moins  sensibles,  ne  surpre- 
naient que  les  yeux  des  savans  :  encore  M.  de  Lisle 
avail-it  jugé  à  propos  de  respecter  jusqu'à  un  certain 
point  les  préjugés  établis ,  et  de  n'user  point  à  t<iute 
rigueur  du  droit  que  lui  donnaient  set  décoarertei  • 
tant  le  faut  s'attire  d'égards  par  une  certaine  p<k>- 
scsîior  où  il  se  trouve  toujours!  • 


LIS 


485 


LIS 


de  r.cl  aslronome.  La  dioiUire  de  son  àmc 
éclata  datis  toute  sa  conduite  ;  et  s'il  ne 
fut  pas  toujours  cominunicatif,  il  ne  con- 
nut pas  non  plus  ces  aigreurs,  ces  jalou- 
sies qui  divisent  quelquefois  les  savans. 
Il  a  laissé  un  grand  nombre  de  porte- 
feuilles, renfermant  plusieurs  collections 
qui  peuvent  être  ulilt-s  aux  astronomes, 
aux  {jcographes,  aux  navigateurs  Nous 
avons  encore  de  lui  :  |  d'excellens  Mé- 
moires pour  servir  à  l'histoire  de  l'as- 
ironomie^  1758  ,  en  2  vol.  in-4°  ;  |  divers 
Mémoires  insérés  dans  ceux  del'acadé- 
niiedes  sciences  et  dans  quelques  jour- 
naux ;  I  Nouvelles  Cartes  des  découvei'tes 
de  l'amiral  de  Fonte.  1753  ,  in-i.". 

LISLE  Y)2  LA  DREVETIÈRE  (  Louis - 
Fr.wçois  do),  né  à  Zuzela-Rousse  en 
Dauphlné,  mort  au  mois  de  novembre 
1756,  est  auteur  de  plusieurs  comédies. 
On  a  encore  de  lui  :  1  Essai  sur  l'amour 
propre,  i)oème ,  1758  ,  in-S"  ;  |  la  Décou- 
\'erte  des  longitudes ,  in-12,  1740  ;  |  Da- 
naiis,  tragédie,  1732. 

LISLE  DE  SALES  f  Jean-Baptiste- 
C.LAUDE  ISOARD  de  ).   Ployez  DELISLE, 

LÏSOLA  (  François-Paul,  baron  de), 
né  à  Salins  en  1G15  ,  fit  ses  éludes  à  Dole  , 
en  Franriie-Comté  ,  et  commença  par 
exercer  la  profession  d'avocat  à  Besançon. 
Il  était  parvenu  en  1638  à  se  faire  élire 
membre  du  conseil  annuel  ;  cette  nomi- 
nation fut  cassée,  parce  qu'elle  n'avait  pas 
été  faite  librement.  Lisola,  craignant  d'ê- 
tre poursuivi,  s'enfuit  en  Allemagne  ,  où 
il  se  fit  remarquer  par  ses  talens.  Il  n'a- 
vait pas  plus  de  trente  ans  lorsque  l'em- 
pereur Ferdinand  III  le  nomma  son  mi- 
nistre à  la  cour  d'Angleterre,  puis  à  celle 
de  Pologne  ,  de  Madrid,  où  il  conclut  le 
mariage  de  Léopold  I""  avec  une  infante 
d'Espagne.  Il  signa  ,  en  1668  ,  le  traité  de 
Portugal,  et  eut  part,  dans  la  même  année, 
à  la  paix  d' Aix-la-Cliapelle.  Il  fut  employé 
dans  tous  les  traités  les  plus  célèbres ,  et 
mourut  en  1677 ,  un  peu  avant  les  confé- 
rences de  Nimègue.  On  a  de  lui  :  |  un  ou- 
vrage intitulé  :  Bouclier  d'état  et  de  jus- 
tice, dans  lequel  il  réfute  les  droits  que  la 
France  s'attribuait  sur  divers  états  de  la 
monarcbie  d'Espagne.  Cet  ouvrage  plut 
beaucoup  à  la  maison  d'Autriche  ,  et  fut 
naturellement  très  désagréable  à  la 
France.  Verjus,  l'un  des  plénipotentiaires 
au  traité  de  Ryswich  ,  en  1697,  écrivit 
contre  cet  auteur  avec  jilus  de  vivacité 
que  de  raison.  Lisola  lui  réponditpar  une 
brochure  qu'il  intitula  :  La  sauce  au 
verjus,  (sous  le  noiii  de  Warendorp  ),  Co- 


logne, 1674,  in-!2,  faisant  allusion  au  nom 
de  son  adversaire.  Louis  XIV  semble 
avoir  décidé  ce  procès  en  faveur  de  Li- 
sola ,  lorsqu'il  se  repentit  de  ses  guerres 
légèrement  entreprises ,  et  qu'il  exhorta 
son  successeur  à  ne  pas  l'imiter  en  ce 
point.  I  Bouclier  d'Etat  et  de  justice 
contre  le  desseinmanifestement découvert 
delà  monarchie  universelle,  1667,  in-12  ; 

I  Lettres  ci  Mémoires,  in-12.  Voyez  pour 
plus  amples  détails  la  Bibliothèque  histo- 
rique d",  France,  du  père  Lelosig. 

*  LISSOJ  II  (  Remacle)  ,  abbé  de  la  Val- 
dieu,  ordre  de  Prémontré,  né  à  Bouil-i 
Ion,  le  12  février  1730,  entra  dans  ce  mo- 
nastère et  y  fit  profession,  en  1749.  Il  de- 
vint successivement  maître  des  novices , 
professeur  de  théologie,  prieur,  et  enfin 
abbé  en  1766.  Il  augmenta  la  bibliothèque 
de  son  monastère,  refondit  les  livres  li- 
turgiques des  Prémontrés ,  et  fut  très 
utile  à  son  ordre  ,  dont  les  chapitres  na- 
tionaux l'avaient  nommé  visiteur.  Lors 
de  la  révolution,  il  perdit  son  abbaye  et 
fut  nommé  en  1791  curé  constitutionnel 
de  Charleville.  Enfermé  pendant  la  ter- 
reur, quand  il  recouvra  sa  liberté,  il  vint 
dans  la  capitale,  s'attacha  au  Journal  de. 
Paris,  et  assista  au  concile  des  constitu- 
tionnels, en  1797.  Après  le  concordat  ,  il 
obtint  une  place  d'aumônier  des  invalides, 
et  mourut  le  13  mai  1806  ,  âgé  de  76  ans. 

II  avait  publié  un  ouvrage  intitulé  :  De 
Vétat  de  l'Eglise,  et  de  la  puissance  légi- 
time du  pontife  romain.  Wurtzbourg 
(  Bouillon  ) ,  1766  ,  2  vol.  in-12.  C'est  un 
abrégé  du  Febronius  de  Hontheim ,  où 
Lissoir  conteste  au  pape  le  pouvoir  sur 
toutes  les  églises ,  sur  la  convocation  des 
conciles,  etc.  Il  s'exprime  ainsi  dans 
son  avertissement  :  Je  le  dis  sérieuse- 
ment, si  j'étais  théologien  ultramontain, 
je  ti'oserais  seulement  pas  sourciller  en 
présentée  de  l'auteur  d'Emile.  Lissoir 
avait  de  l'instruction  ,  était  exact  à  rem- 
plir ses  devoirs  ,  et  eût  mieux  mérité  de 
la  religion  s'il  avait  été  un  peu  plus  juste 
envers  la  cour  de  Rome. — Il  ne  faut  point 
le  confondre  avec  un  autre  LISSOIR,  son 
neveu  ,  curé  dans  le  diocèse  de  Sens.  Jl 
fut  élu  évêquc  de  Samana  (Saint-Domin- 
gue )  au  concile  de  1797  ;  mais  il  n'a  point 
été  sacré. 

LISTER  (Martix),  médecin  et  nalu- 
raliste  anglais ,  né  à  Radelissc  ,  dans  le 
Buckingham,  vers  1638,  fut  nommé  par 
Charles  II  membre  du  collège  de  St.-Jean 
de  Cambridge  (1660),  voyagea  en  France , 
puis  re\inl  en  Angleterre  (1670).  et  se  fi:.a 
41. 


LIT  48 

ilan>  !o  comlc  d'Yorck  où  il  s'appliqua  aux 
.''Cienccs  nalurelles  et  à  la  pratique  de  la 
médecine.  Lister  suivit,  en  1698,  le  comte 
dePorlland  envoyé  comme  ambassadeur 
en  France,  sous  le  rè{;i)c  de  Guillauuie  d'O- 
range. 11  fut  médecin  ordinaire  d'Aune, 
reine  d'An jlclerre,  sous  le  règne  de  la- 
ijuelle  il  mourut  au  couunencemeut  du 
!i8'=siccle,  pratiqua  la  médecine  avec 
lieaucoup  de-  succès,  cl  en  exposa  la 
ilicoriedans  plusieurs  ouvrayes.  Il  écri- 
xit  aussi  beaucoup  sur  rhislohenaluielle. 
Ses  livres  fes  plus  connus  sont  :  |  IJistoriœ 
sive  Synopsis  conchtjliorum  lihri  IF  cum 
appendice^  Londres  ,  1683  à  1695,  5  tom. 
en  2  vol.  in-fol.  Ce  ne  sont  que  des  fi{ju- 
res,  au  bas  desquelles  se  trouve  le  nom 
de  la  coquille  qui  y  est  représentée.  Il  y 
a  1057  planches.  On  en  a  donné  une  nou- 
velle édition  à  Oxford,  1770,  in-fol.,  avec 
des  Tables  de  Guillaume  Huddesford. 
I  ExcrcUatio  analomica  de  buccinis  fla- 
vialilibus  et  marinis  cum  exercitatione 
de  variolis,  1693  ,  in-8"  ;  |  Voyage  de  Pa- 
ris, en  anglais,  Londres,  1699,  in-8"  :  il 
•  st  curieux  ;  (  Tractatus  de  araneiz  cl  de 
cochleis  AnrjUœ  ;  accedit  Tractatus  de 
(apidibus  ejusdcm  insuice  adcochleamm 
quamdam  imaginern  fujuratis  ,  1678  ,  in- 
4'  ;  I  De  morbis  chronicis  disscrtatio  ; 
I  Exercitatio  analomica  de  cochleis, 
maxime  terre  si  ribas ,  et  limacibus,  1078 , 
iii-4"  ;  I  une  Edition  du  traité  d'Apicius 
De  opsoniis  el  condimentis  ,  1709 ,  in-8"  , 
avec  des  remarques  ;  1  Exercitatione  s  et 
descriptiones  thermarum.  ac  fontium 
Angliœ,  in-12. 

LLSZI\SRI  (Casimir),  gcnlilliomme 
polonais,  fut  accusé  d'alhéisme  à  la  diète 
«le  Grodno,  en  1688 ,  par  l'évéque  de  Pos- 
iiauie.  On  trouva  chez  lui  des  écrits  où  il 
avançait ,  entre  autres  propositions ,  cette 
assertion  abominable ,  ou  plutôt  ce  délire 
«l'impiété ,  que  Dieu  n'était  pas  le  créa- 
teur de  l'homme ,  mais  que  V homme  était 
le  créateur  d'un  Dieu  qu'il  a<,mil  tiré  du 
néaixt.  Commentaire  di[fue  de  l'absurdité 
]>élronicnne  :  Primus  in  orbe  deos  fccit 
iimor.  Liszinski  fut  arrêté  :  il  tâcha  de 
s'excuser,  en  disant  qu'il  n'avait  écrit  ces 
extravagances  que  pour  les  réfuter  ;  mais 
on  ne  l'écouta  point.  Il  fut  condamné  à 
jiérir  dans  un  bûcher,  cl  la  sentence  fut 
exécutée  le  50  mars  1689. 

LITLE  ou  LE  PETIT  (  Guillaume)  ,  sur- 
nommé de  ^'EUBRIDGK  (  Neubrigensis), 
du  nom  du  collège  où  il  demeurait ,  né  en 
1156,  à  Bridlinlon,  dans  la  province 
d'Yorck,  était  chanoine  régulier  de  Saint- 


6  LIT 

Au[;usiin  en  Air;k>lerre,  el  mourut  verîi 
1208  ou  1220.  Il  laissa  une  Histoire  d'An 
gleterre,enb  livres,  dont  la  meilleure 
édition  est  celle  d'Oxford  par  Ilearne, 
1719,  en  5  vol.  in-8",  avec  des  .Xotes  de 
plusieurs  savans,  et  trois  /lomélies  aiUi- 
biiées  au  même  Lille.  Elle  commence  en 
1066 ,  et  finit  en  1197.  Les  historiens  trou- 
veront dans  cet  ouvrage  des  matériaux 
utiles,  en  les  débarrassant  de  quelciues 
faits  faux  ou  exagérés. 

LÎTOLPHI-51AUOM  (  IIiîtvri  ) ,  évêque 
de  Bazas,  était  de  la  famille  des  marquis 
de  Suzarre  Lilolphi-Maroni ,  originaire  de 
Manloue.  Il  naquit  à  Gauville  ,  à  une  lieue 
d'Evreux  ,  devint  aumônier  du  roi ,  et  fut 
nommé  par  Louis  XIII  à  révéché  de 
Bazas.  Lilolphi  fut  très  attaché  aux  soli- 
taiies  de  Port-Royal ,  et  prit  Singlin  pour 
son  directeur.  Il  se  distingua  dans  l'as- 
semblée du  clergé  de  France  qui  con- 
damna les  maximes  des  casuistes  relâ- 
chés, et  mourut  en  1643  à  Toulouse,  où 
il  était  allé  pour  se  rendre  à  l'assemblée 
du  clergé,  qui  allait  se  tenir.  Godeau , 
évêque  de  Vence,  fit  son  Oraison  funcbi'c. 
On  a  de  lut  une  Ordonnance  pour  pi  ou- 
ver  l'utilité  des  séminaires  ;  il  la  composa 
lors  de  l'érection  du  sien  :  elle  fut  impri- 
mée ln-4°,  1646,  chez  Vitré,  et  réimpri- 
mée avec  la  traduction  des  livres  du  Sa- 
cerdoce de  saint  Jean-Chrysostôme. 

•  LITTA  (  Lauhext  de  ) ,  cardinal ,  na- 
quit à  Milan  le  15  février  1756.  Il  étudia 
à  Rome ,  au  collège  Clémentin ,.  fut  suc- 
cessivemenl  protonotaire  apostolique, 
membre  de  la  consulte ,  archevêque  de 
Thèbes  et  nonce  en  Pologne.  Ariivé  le 
24  mais  1794  à  Varsovie,  il  fut  témoin  de 
la  révolution  opérée  par  Kosciuszko.  Il  se 
conduisit  avec  autant  de  prudence  que  de 
courage  dans  des  circonstances  aussi  dif- 
ficiles, et  s'attira  le  respect  et  l'estime  des 
Polonais,  par  la  juste  mesure  qu'il  sut 
observer.  Il  obtint  la  grâce  de  l'évéque 
de  Chelm ,  qui  avait  été  condamné  à  mort. 
Pie  VI  satisfait  de  sa  conduite,  l'envoya, 
en  avril  1797 ,  à  Moscou ,  pour  assister,  eis 
qualité  d'ambassadeur  du  saint  Siège  ,  au 
couronnement  de  Paul  l".  De  là,  et  en 
cette  même  qualité,  il  alla  à  Pèlersbourg, 
où  il  obtint  de  l'empereur  la  conservation 
de  six  diocèses  du  rit  latin,  et  de  trois 
diocèses  du  rit  grec -uni.  De  retour  en 
Italie,  il  se  trouva  au  conclave  tenu  à 
Venise  pour  l'élection  de  Pie  VII,  qui  le 
nomma  trésorier  de  la  chambre  en  1800, 
et,  l'année  suivante,  îui  accorda  le  cha- 
peau de   cardinal  ^25  février  1801,  et  la 


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487 


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place  de  ptcfel  de  Yinder.  Lors  de  l'in- 
vasion des  Français,  il  quitta  Rotno  avec 
les  autres  cardinaux,  et  fut  conduit  sous 
escorte  à  Milan.  Mandé  à  Paris,  en  1809, 
il  en  fut  exilé  en  1810  ,  avec  dou7,e  autres 
cardinaux ,  à  cause  de  leur  refus  d'assis- 
ter au  mariage  de  Napoléon  avec  l'archi- 
duchesse Marie- Louise.  On  leur  relira 
leurs  pensions  ,  et  ils  reçurent  la  défense 
de  porter  les  marques  de  leurs  dignités. 
Le  cardinal  Lilla  fut  relégué  à  Saint- 
Quentin  jusqu'en  1813,  qu'on  l'appela  à 
Fontainebleau  auprès  du  pape  ,  et,  l'an- 
née suivante,  on  lexila  à  Nîmes.  A  la 
chute  de  Napoléon ,  il  retourna  à  Rome , 
où  Pie  VU  le  nomma  préfet  de  la  Propa- 
(jande ,  et  le  fit  entrer  dans  l'ordre  des 
cardinaux-évcques,  sous  le  titre  de  Sain- 
te-Sabine. Quand  Murât,  alors  roi  de  Na- 
I)lcs,  envahit  Rome,  en  1815,  Litta  suivit 
le  pape  à  Gènes,  d'où  il  adressa,  le  26 
avril  1816  ,  un  rescrit  au  vicaire  apostoli- 
que de  Londres,  au  sujet  du  veto  royal 
relatif  à  la  nomination  des  évêques.  On  a 
publié  une  Lettre  du  même  cardinal,  du 
16  mai  suivant,  sur  le  serment  et  les 
jirières  demandés  aux  ecclésiastiques  fran- 
çais par  Bonaparte ,  lors  de  son  retour  de 
l'île  d'Elbe  à  Paris.  La  seconde  abdication 
de  celui-ci  ramena  le  pape  et  les  cardi- 
naux dans  la  capitale  de  l'Eglise,  d'où 
Litta  alla  à  Milan  complimenter  l'empe- 
reur d'Autriche.  A  son  retour  à  Rome, 
le  pape  lui  accorda,  en  1818,  la  dignité  de 
grand-vicaire.  Comme  il  faisait,  en  avril 
1820 ,  la  visite  de  son  diocèse ,  il  fut  sur- 
j»ris  par  luïe  forte  pluie  qui  lui  occasiona 
la  fièvre.  Il  était  achevai,  dans  un  en- 
droit monlagnoux,  et  éloigné  de  tout  vil- 
lage. Transporté  dans  une  pauvre  ca- 
bane ,  ce  vertueux  prélat  y  mourut  deux 
jours  après,  le  1""  mai  1820,  âgé  de  66 
ans.  Son  corps  fut  transporté  à  Rome  ,  et 
inhumé  avec  de  magnifiques  obsèques.  Il 
parut  presque  aussitôt  une  Notice  sur  sa 
A  ie.  On  attribue  au  cardinal  Litta  un  ou- 
vrage fort  bien  écrit  en  français ,  qui  a  eu 
trois  éditions ,  et  qui  a  pour  titre  :  Lettres 
(  au  nombre  de  vingt-neuf)  sur  les  quatre 
tn-ticles  dits  du  clergé  de  France  ;  troi- 
sième édition ,  revue .  corrigée  et  augmen- 
tée par  l'auteur ,  Bruxelles  (  ou  plutôt 
Lyon),  1818,  ia -8°,  de  142  pag.  Le  car- 
dinal Litta  s'y  prononce  pour  la  suprême 
autorité  du  pape  dans  presque  toutes  les 
matières  ecclésiastiques;  mais  il  ne  pense 
pas  que  le  pape  seul  tienne  immédiate- 
ment son  anlorilé  de  Dieu;  que  les  évê- 
ques soient  les  simples  vicair'cs  du  pape  ; 


qu'il  n'y  ait  que  lui  qui  ait  le  droit  de  di' 
cider  les  questions  de  foi.  ni  qu'il  puisse 
faire  des  lois  ecclésiastiques.  Voyez  le 
tom.  24,  p.  113  de  l'Ami  de  la  religion, 
qui  lui  a  consacré  ime  intéressante  no- 
tice. 

LITTLETON  (Ai>\m),  savant  Imma- 
nisle,  né  en  1G27,  à  Halles-Ovcn  dan»;  le 
Shropshire ,  fit  ses  études  dans  l'école 
de  Westminster,  et  en  devint  le  second 
maître  on  1658.  Ses  vastes  connaissances 
le  firent  surnommer  le  grand  dictateur 
de  la  liltéraiure.  Il  enseigna  ensuite  à 
Chelsea,  dans  le  Middlesex,  et  fut  fait 
curé  de  cette  église  en  1GG4.  Eniin  il  de- 
vint chapelain  ordinaire  du  roi,  chanoine, 
puis  sous-doyen  de  Westminster,  et  mou- 
rut à  Chelsea  en  1694.  Son  principal  ou- 
vrage est  un  Dictionnaire  latin-anglais , 
1685,  in-4°,  qui  est  d'un  grand  usage  en 
Angleterre.  Il  en  avait  commencé  un 
pour  la  langue  grecque ,  qu'il  n'eut  pas  le 
temps  d'achever.  Le  littérature  orientale 
et  rabbinique ,  les  historiens ,  les  orateurs, 
les  poètes  anciens,  lui  étaient  très  fami- 
liers. La  préface  latine  des  ouvrages  de 
Cicéron,  publiés  à  Londres  en  1G81,  en  2 
vol.  in-fol.,  est  de  lui.  11  est  encore  au- 
teur d'une  dissertation  latine  De  jura- 
iwmto  mcdicorutn,  in -4°,  1693;  d'une 
Traduction  anglaise  du  Janus  Anglorum 
de  Scldcn  ;  de  Sermons  en  sa  langue ,  in- 
fol.,  etc.,  etc. 

LITTLETON  ou  LYTTLETON  (  Geor- 
ges ),  né  en  1709 ,  fit  ses  études  à  Oxford  , 
voyagea  en  France,  en  Italie,  et  à  son  re- 
tour fut  député  au  parlement ,  et  se  distin- 
gua dans  le  parti  de  l'opposition,  du  temj)s 
que  Robert  Walpole  était  principal  mi- 
nistre d'Angleterre.  Le  prince  de  Galles, 
ayant  quitté  la  cour,  choisit  Litlletoa 
pour  son  secrétaire.  Il  devint  ensuite  tré- 
sorier de  l'épargne,  conseiller  privé,  et 
mourut  le  22  août  1773.  On  a  de  lui  :  I  La 
Religion  chrétienne  démontrée  par  la 
conversion  et  l'apostolat  de  saint  Paul j 
1747  :  ouvrage  traduit  en  français  par 
l'abbé  Guénée,  Paris,  1754,  in -12.  On 
voit  par  cet  ouvrage  que  Littleton,  en- 
traîné dans  le  déisme,  a  été  ramené  ou 
christianisme  par  les  réflexions  qu'il  a 
faites  sur  la  conversion  de  saint  Paul , 
telle  qu'il  la  rapporte  lui-même  dans  Us 
Actes  des  Apôtres  et  dans  les  Epîtres.  Il  y 
a  des  vues  profondes  et  parfaitement  con- 
vaincantes :  il  est  à  regretter  que  l'auteur 
ait  fait  contraster  avec  les  meilleurs  rai« 
sonnemens  les  ]»réjugés  de  sa  secte,  jus- 
qu'à a--slnuler  Ijs  niirades  de  l'Eglise  eu- 


LIV 


488 


LIV 


Iholiqnc  aux  scènes  honteuses  de  Saiut- 
Médard  ;  |   Dialogue  sur  la  mort ,  in-8"; 

1  Histoire  de  Henri  II .  176/»,  3  vol. 

LITTLETO.X'  (,Tiio>ias),  jurlsconsulle 
anglais,  naquit  à  Frank-Ley,  dans  le 
Wurcesler,  vers  l'i20  ,  fut  créé  chevalier 
de  Balh,  et  l'un  des  ju{jes  des  communs 
plaidoyers  sous  le  règne  d'Edouard  IV. 
Il  mourut  en  1482.  On  a  de  lui  un  livre 
célèbre  :  Tenures  de  Liltleton^  IGO/i  ,  in- 
8",  qui  selon  Cambden  ,  son  commenta- 
teur ,  est  à  l'égard  du  droit  coutumier 
anglais .  ce  qu'est  Justinien  par  rapport 
au  droit  civil.  Cet  ouvrage  a  beaucoup 
servi  à  M.  Da\id  Ilouard,  auteur  des 
Anciennes  lois  des  Français  conservées 
dans  les  coutumes  anglaises,  Rouen,  1766, 

2  vol.  in-i",  suivis,  en  1776,  de  k  autres 
vol.  in-i". 

LITTRE  (Alexis  ),  né  à  Cordes  en  Al- 
bigeois, l'an  1658,  se  lit  une  réputation 
à  Paris  par  ses  connaissances  anatomi- 
ques.  L'académie  des  sciences  se  l'associa 
en  1690,  et  il  fut  choisi  quelque  temps 
après  pour  être  médecin  du  Chàtelet.  Il 
mourut  d'apoplexie  en  1725.  La  facilité 
de  parler  lui  manquait  absolument  ;  mais 
il  avait  en  revanche  beaucoup  de  préci- 
.sion,  de  justesse  et  de  savoir.  On  re- 
marquait ces  différentes  qualités  dans  les 
ouvrages  qu'il  lisait  à  l'académie ,  et  dont 
elle  a  orné  ses  Mémoires.  Ses  princi- 
paux ouvrages  sont:  Observations  sur  une 
nouvelle  espèce  de  hernie,  1700.  Descrip- 
tion de  l'urètre  de  l'homme  ^  ibid.  Obser- 
vation sur  lin  fœtus  humain,  etc. 

*LIVEIlPOOL  (  Chaules  JENKINSON, 
baron  de  HAWKESBURY,  premier  comte 
de),  né  dans  le  comté  d'Oxford  ,  le  10  mai 
1727,  était  fils  du  colonel  Charles  Jenkin- 
son.  Il  étudia  à  Burford,  puis  à  Oxford,  et 
se  fit  bientôt  connaître  par  des  vers  qu'il 
composa  sur  la  mort  du  prince  de  Galles , 
par  plusieurs  articles  insérés  dans  le 
journal  Monthlxj  Revietv  ^  et  par  plu- 
sieurs brochui'es  politiques  ;  une  entre 
autres  intitulée  :  Dissertation  sur  l'éta- 
blissement d'une  force  natioiiale  et  con- 
stitutionnelle ^  indépendante  d'une  armée 
permanente.  Son  Discours  sur  la  con- 
duite du  gouvernement  de  la  Grande- 
Bretagne  à  l'égard  des  puissances  neu- 
tres,  pendant  la  guerre  présente  (  17u8  ), 
fixa  sur  lui  l'attention  publique;  il  iil 
alors  quehîues  couplets  en  l'honneur  de 
sir  Edw.  Turnei';  celui-ci  le  présenla  à 
lord  Bule  qui  en  fil  daboi  d  son  secrétaire 
particulier  ,  et  le  nomma  ensuite  sons- 
bccrclairc  d'étal,  lorsque  lui-même  fui 


arrivé  au  nfiinislère  en  1761.  Elu  l'année 
suivante  membre  du  parlement,  par  le 
bourg  de  Cockermouth  ,  Charles  Jenkin- 
son  devint  trésorier  de  l'artillerie,  puis 
secrétaire -adjoint  de  la  trésorerie.  En 
1763  ,  il  perdit  toutes  ses  places  par  suite 
de  l'élévation  du  marquis  de  Rockin- 
giiam  à  ce  ministère.  Cependant  il  ne 
tarda  pas  à  obtenir  un  honorable  emploi: 
la  reine-mère  le  nomma,  la  irième  année, 
auditeur de's  comptes.  Après  la  retraite  de 
son  protecteur,  lord  Bule,  il  fut  le  cheÉ 
du  parti  que  l'on  appelait  les  amis  du  roi. 
Jenkinson  devint  en  1766  secrétaire  de  la 
trésorerie  ,  en  1767  lord  de  l'amirauté  ; 
en  1772  vice-trésorier  d'Irlande  et  mem- 
bre du  conseil  privé  ;  en  1775  secrétaire 
des  rôles  en  Irlande;  en  1776  grand-maître 
de  la  moimaie  ,  et  en  1778  secrétaire  d'é- 
tal de  la  guerre.  Après  avoir  soutenu  un« 
lulfe\ive  et  prolongée  contre  l'opposition, 
il  succomba  en  1782  avec  tout  le  minis- 
tère. Tiit  le  rappela  en  1786  et  le  lit  nom- 
mer chancelier  du  duché  de  Lancaslre  , 
puis  baron  de  Hawkesbury,  et  plus  lard 
(  1796  )  pair  ,  comte  de  Liverpool ,  prési- 
dent du  conseil  de  commerce  et  receveur 
des  douanes.  En  1801 ,  ses  infirmités  le 
forcèrent  de  renoncer  aux  affaires  publi- 
ques. Il  est  mort  à  Londres  le  17  décem- 
bre 1808  ,  laissant  toutes  ses  dignités  à  son 
:  fils.  L'Angleterre  lui  doit  son  traité  de 
commerce  avec  l'Amérique,  et  la  créa- 
lion  de  la  pêche  de  la  baleine  dans  la 
mer  du  Sud.  On  a  de  lui ,  outre  les  bro- 
chures dont  nous  avons  parlé  ,  une  Col- 
lection des  traités  de  1G48  à  1785,  trois 
vol.  in-8",  1783,  et  un  Traité  sur  les  mon- 
naies dans  une  lettre  au  roi,  1803,  in-4". 
'  LIVERPOOL  (  Robert-Baxks  JEN- 
KINSON, deuxièmecomlede),  ministre  cé- 
lèbre d'Angleterre,  né  le  7  juin  1770,  était 
fils  du  premier  comte  de  Liverpool  qui  fait 
le  sujet  de  l'article  précédcnl  :  il  fil  de  bril- 
lantes éludes,  et  acquit  des  connaissance» 
très  étendues  dans  les  langues  anciennes, 
le  commerce,  les  manufactures  et  le.« 
finances.  II  vint  ensuite  en  France  sui 
vanl  l'usage  des  Anglais  de  dislinctici 
qui  terminent  communément  leur  édu 
cation  par  un  voyage  sur  le  conlinenl,  el 
il  se  trouvait  à  Paris  à  l'époque  de  la  dcs- 
truclion  de  la  Bastille.  De  nouveaux  per- 
sonnages ayant  paru  sur  la  scène  politi 
que  ,  le  jeune  Jenkinson  les  fit  connaître 
à  son  gouvernement ,  el  donna  une  sorte 
de  statistique  morale  de  la  France ,  dans 
laquelle  il  peignit  tous  les  hommes  qui 
exerçaient   alors  quoique   influence.   Ce 


LIV 


489 


LIV 


premier  essai  donna  une  haulc  idée  de 
son  esprit  d'observation  et  do  discerne- 
ment à  toutes  les  personnes  qui  virent 
son  travail  ,  et  notamment  au  premier 
ministre.  Il  fut  élu  en  1790  à  sou  retour 
en  Angleterre  membre  du  pai  Icment , 
par  le  bourg  de  Rye  ;  mais  n'ayant  pas 
l'âge  requis  parla  loi  électorale,  il  revint 
Gur  le  continent  et  ne  prit  place  à  la  cham- 
bre des  communes  qu'en  1791.  En  1792 
il  défendit  le  ministère  attaqué  par  M. 
H'ithbread,  qui  lui  reprochait  d'avoir  dé- 
claré la  guerre  à  la  Russie.  Il  traça  un 
tableau  très  frappant  de  la  situation  de 
l'Europe  relativement  à  l'Angleterre,  et 
n'hésita  pa.s  à  dire  :  «  La  force  et  lapuis- 
»  sance  du  royaume  de  France  sont  à 
»  leur  déclin  :  cette  nation  si  long-temps 
»  notre  rivale  n'est  plus  à  craindre  ;  il 
»  est  une  autre  puissance  dont  il  faut  sur- 
»  veiller  la  politique  inquiète  et  l'ambi- 
»  tion  menaçante;  c'est  la  RUSSIE,  »  Son 
discours  fut  remarquable  par  la  force 
de  ses  raisonnemens ,  et  par  la  facilité 
de  son  élocution,  qui  firent  présager 
qu'il  serait  un  jour  \m  des  orateurs  les 
plus  distingués  de  la  Grande-Rretagne. 
Nommé  le  22  juin  1793  l'un  des  commis- 
saires pour  les  affaires  de  l'Inde,  il  reçut 
l'année  suivante,  le  commandement  de 
la  cavalerie  des  Cinq-Ports.  Plus  tard  il 
devint  intendant  de  la  monnaie,  membre 
du  conseil  privé,  président  du  conseil  de 
commerce  et  des  colonies.  Réélu  en  1796 
par  le  même  bourg  de  Rye,  Jenkinson 
fut  un  des  éloquens  et  des  plus  habiles 
défenseurs  du  ministère  de  Pilt,  et  s'op- 
posa de  toutes  ses  forces  à  la  reforme  par- 
lementaire, sollicitée  déjà  à  celte  époque 
par  l'opposition  libérale.  Le  ministère 
anglais  ayant  été  changé  en  1801 ,  Jen- 
kinson, devenu  lord  Hawkesbury,  fut 
norïimé  secrétaire  d'état  pour  les  affaires 
étrangères.  La  part  active  qu'il  prit  aux 
troubles  de  l'Irlande  serait  à  peine  re- 
marquée ,  si  ce  ministre  n'eût  pas  con- 
tribué, comme  il  le  fit,  à  l'acte  de  réu- 
nion des  deux  royaumes.  Il  signa  en  1801 
la  paix  d'Amiens.  Jusqu'à  cette  époque, 
il  avait  souvent  manifesté  à  la  tribune, 
dans  les  termes  les  plus  virulens,  la  haine 
qu'il  portait  à  la  France  et  à  la  révolu- 
tion de  ce  pays.  Son  langage  devint  plus 
modéré  ;  mais  ce  changement  n'eut  d'au- 
tre durée  que  celle  de  la  paix  :  le  traité 
d'Amiens  fut  bientôt  rompu  et  les  hosti- 
lités recommencèrent.  Lord  Hawkesbury 
se  prononça  contre  Bonaparte  :  de  con- 
cert avec  Pitt  il   ne  cessa  d'ajTiir  contre 


l'ambition  démesurée  de  ce  conquérant. 
Apres  la  mort  de  Pitt,  arrivée  en  1806, 
lord  Hawkesbury  refusa  de  lui  succéder, 
et  fut  nommé  gouverneur  des  Cinq-Ports; 
sous  le  ministère  de  Fox ,  il  se  rangea  du 
côté  de  l'opposition,  et  après  la  mort  de 
ce  ministre  survenue  en  1807  il  rentra 
au  ministère,  avec  le  portefeuille  de  l'in- 
térieur. Pendant  son  administration,  il 
présenta  au  parlement  le  bill  destiné  à 
réprimer  les  insurrections  nouvelles  de 
l'Irlande  ,  et  combattit  le  projet  que  l'op- 
position présentait  pour  l'émancipation 
des  catholiques,  et  qui  a  été  enfin  adop- 
té le  50  mars  1829  :  lord  Hawkesbury 
succéda  à  lord  Castlereagh  dans  le  secré- 
tariat de  la  guerre  en  1809  ,  et  prit  celte 
même  année,  où  son  père  mourut,  le 
titre  de  comte  de  Liverpool.  Il  fut,  après 
la  mort  de  Perceval,  nommé  en  1812  pre- 
mier lord  de  la  trésorerie  ,  et  continua  de 
se  montrer  l'ennemi  de  Napoléon,  des 
fautes  duquel  il  sut  adroitement  tirer 
parti.  La  capitulation  de  Paris  en  1814  et  en 
1815  le  fit  triompher.  Liverpool  conserva 
le  ministère  jusqu'au  mois  de  janvier 
1827,  époque  à  laquelle  une  attaque  d'a- 
poplexie le  força  de  renoncer  aux  af- 
faires. Pendant  cet  intervalle  il  profila 
habilement  de  la  paix  pour  remédier 
à  quelques-unes  des  plaies  que  la  guerre 
avilit  faites  aux  finances  de  l'état  et  à  l'in- 
dustrie des  trois  royaumes  :  il  s'occupa 
d'un  grand  nombre  d'améliorations  finan- 
cières et  commerciales,  fit  d'utiles  re- 
formes dans  la  législation  et  l'administra- 
tion ;  et  parvint,  par  les  économies  di- 
verses qu'il  fit ,  à  daniimer  quelques-uns 
des  impôts  et  à  supprimer  les  plus  oné- 
reux. C'est  à  ce  ministre  qu'on  doit  l'a- 
bolilion  de  la  traite  des  noirs ,  mesure 
d'humanité  à  laquelle  toutes  les  puis- 
sances de  l'Europe  ont  adhéré  ,  excc]):é 
le  Portugal.  Lord  Liverpixjl  mourut  ie 
premier  décembre  1827  à  CoInbe^voo.l. 
Il  était  très  versé  dans  la  connaissance  (ie 
la  constitution  du  royaume ,  entendait 
fort  bien  les  questions  commerciales  et 
politiques,  et  parlait  facilement  et  avec 
précision.  C'était,  après  Pitt,  dit  un  jour- 
nal anglais,  l'homme  le  plus  capable  ,  par 
ses  talens  et  ses  ressources  intellectuelle^, 
de  faire  face  aux  difficultés  saiiS  nombre 
de  l'époque  où  il  dirigea  les  affaires.  Il 
est  vrai,  dit  un  biographe  français,  «  qu'il 
»  fut  secondé  dans  toutes  ses  opérations 
»  par  les  autres  membres  du  ministère; 
»  mais  il  faut  convenir  qu'une  grande 
n  partie  de  la  gloire  de  ee.lie  administra- 


»  tîon  lui  revient  de  droit;  car  c'est  lui 
»  qui  a  donné  l'impulsion,  et  qui  a  été 
»  en  quelque  sorte  l'intermédiaire  entre 
»  les  divers  clémens  de  l'oligarcliie  an- 
p  glaise ,  dont  le  concours  était  indispen- 
V  sable  pour  la  réussite  des  plans  combi- 
»  nés  pour  l'avantage  de  la  nation. 

LIVIE  DRt  SILLE  (  Livia  Drusiila 
AucusTA  ),  de  l'illustre  famille  Claudia, 
lille  de  làvius  Drusillus  Claudianus ,  née 
en  l'an  de  Rome  693 ,  épousa  Tibère 
Claude  Néron ,  préteur  et  ensuite  pon- 
tife, dont  elle  eut  deux  enfans,  l'empe- 
reur Tibère,  et  Drusus,  surnommé  Ger- 
manicus.  Elle  avait  les  grâces  de  la  figure 
et  tous  les  talens  de  l'esprit.  Auguste  en 
devint  passionnément  amoureux.  Il  l'en- 
leva à  son  mari,  et  quoiqu'elle  fût  grosse 
de  Tibère ,  il  ne  laissa  pas  de  l'épouser , 
de  l'aveu  des  prêtres  de  Rome  ,  plus  ef- 
frayés de  la  puissance  du  triumvir  qu'at- 
tachés aux  lois  et  à  l'équité.  L'esprit  vif 
et  insinuant  de  Livie  lui  donna  beaucoup 
d'empire  sur  Auguste,  qui  partagea  avec 
elle  ses  soins  et  sa  puissance.  Son  ambi- 
tion ne  se  borna  pas  à  être  la  femme  d'un 
empereur ,  elle  voulut  en  être  la  mère. 
Elle  fit  adopter  par  Auguste  les  enfans 
(lu'elle  avait  eus  de  son  premier  nriari  ; 
et  pour  combler  l'espace  qui  était  entre 
le  trône  et  eux,  elle  fit  périr,  dit-on, 'tous 
les  parens  d'Auguste  qui  auraient  pu  y 
prétendre.  On  l'accusa  même  d'avoir  hâté 
la  mort  de  son  époux,  dans  la  crainte 
qu'il  ne  désignât  Agrippa  Posthume  pour 
son  successeur  au  préjudice  de  Tibère. 
Ce  fils,  le  motif  de  tous  ses  crimes,  la 
traita  avec  la  plus  noire  ingratitude ,  et 
pendant  sa  vie  et  après  sa  mort ,  arrivée 
l'an  29  de  Jésus-Christ ,  à  83  ans.  Il  ne 
prit  aucun  soin  de  ses  funérailles ,  cassa 
son  testament ,  et  défendit  de  lui  rendre 
aucun  honneur.  Cette  femme  intrigante 
a  été  mise  au  rang  des  plus  grands  politi- 
ques, c'est-à-dire,  dans  le  sens  du  monde , 
des  plus  habiles  scélérats.  Claude ,  petit- 
fils  de  Livie  par  Drusus,  lorsqu'il  fut  par- 
venu à  l'empire  ,  lui  fit  décerner  les  hon- 
neurs divins.  Livie,  que  Caligula,  son 
arrière  petit-fils ,  nommait  un  Ulysse  en 
jupe,  avait,  suivant  Tacite,  une  partie  de 
la  dissimulation  de  son  fils  Tibère^  com- 
binée avec  toute  l'adresse  d'Auguste  son 
mari  :  cum  artibus  mariti ,  siniulatione 
fllii  bene  composita.  Annal.  \ih.  V.  cap.  i. 

LIVINEIUS  (  Jean  ) ,  natif  de  Dender- 
monde ,  était  originaire  de  Gand.  Lévi- 
uus  Torrentius,  évéque  d'Anvers,  son 
oncle  maternel ,  lui  inspira  le  goût  de  la 


A9Ô  tîV 

littérature  sacrée.  Etant  allé  à  Rome,  il  y 
trouva  les  savans  cardinaux  Guillaume 
Sirlet  et  Antoine  Caraffa,  qui  l'associè- 
rent à  leur  travail  sur  la  Bible  des  Scp' 
tante  qui  parut  en  1387  avec  l'autorisa- 
tion de  Sixte  V.  Il  profita  de  son  séjour 
à  Rome  pour  tirer  des  copies  de  divers 
manuscrits  grecs  de  la  bibliothèqtie  du 
Vatican  et  de  quelques  autres.  Livinéius 
a  donné  des  f^ersionsde  plusieurs  opus- 
cules des  Pères  grecs,  qu'il  a  accompa- 
gnées de  notes  qui  prouvent  qu'il  était 
bon  critique;  mais  son  latin  est  dur.  Ili 
fut  ensuite  chanoine  et  chantre  d'Anvers, 
et  y  travailla  avec  Guillaume  Cantcrus  à 
examiner  et  à  confronter  quelques  ma« 
nuscrits  de  la  version  des  Septante ,  et 
leurs  observations  servirent  à  la  partie 
grecque  de  la  Polyglotte  de  Plantin  :  d'a- 
près son  épitaphe,  il  mourut  en  1399,  âgé 
de  32  ans.  Nous  avons  de  lui  :  |  une  pre- 
mière Edition  latine  et  grecque  des  Li- 
vres de  la  Virginité ,  de  saint  Grégoire  de 
Nysse ,  et  de  saint  Jean-Chrysostôme , 
qui  ont  passé  toutes  les  deux  dans  le  re- 
cueil des  OEuvres  de  ces  deux  saints 
Pères ,  par  le  père  Fronton  du  Duc  ; 
I  Panegyrici  vetei'es^  Anvers,  1399,  in-8'*, 
I  une  première  J^ersion  des  Sermons  de 
saint  Théodore  Studite  ,  et  des  Homélies 
de  saint  Eucher ,  Anvers,  1602,  1  vol. 
in-8°. 

LIVOXIÈUE  (  Claude  POQUET  de  ) , 
jurisconsulte,  né  à  Angers  en  1632,  se  fit 
recevoir  avocat.  Après  avoir  servi  pen- 
dant quelque  temps,  il  suivit  le  barreau 
à  Paris ,  où  il  se  distingua.  L'amour  de 
son  lieu  natal  le  fit  revenir  à  Angers  ;  il 
y  occupa  une  place  de  conseiller  au  pré- 
sidial,  et  une  de  professeur  en  droit, 
qu'il  céda  à  son  fils  en  1720.  Il  mourut  en 
1726,  à  Paris,  où  il  était  revenu  suivre  un 
procès.  On  a  de  lui  :  |  un  bon  Recueil  des 
commentaires  sur  la  Coutume  d'Anjou  , 
Paris ,  1725 ,  2  vol.  in-fol.;  |  Traité  des 
fiefs  ^  1729,  in-i"  ;  |  Règles  du  droit  fran- 
çais ^  1730  et  1738  ,  1  volume  in-12,  qu'on 
attribue  avec  plus  de  raison  à  son  fils 
aîné.  Le  père  et  le  fils  connaissaient  bien 
les  lois  romaines  et  la  jurisprudence  fran- 
çaise. Ils  furent  souvent  consultés. 

LIVOY  (TiMOTHÉE  de) ,  barnabite,  né, 
vers  1713  ,  à  Pithiviers  ,  devint  membre 
de  l'académie  des  Arcades ,  et  mourut  en 
1777.  Il  avait  professé  les  humanités 
dans  différens  collèges  et  voyagé  en 
Italie.  Sur  la  fin  de  ses  jours  il  s'occupa 
particulièrement  de  littérature.  Il  est 
auteur  du  DicUonnaire  des  synonymes 


HZ 

français .  Paris  ,  1767 ,  in-S"  ,  plusieurs 
fois  réimprimé  et  assez  utile-  Livoy 
a  traduit  de  l'italien  :  |  Tableau  des  révo- 
lutions de  la  littérature ,  de  Denina , 
17G7 ,  2  vol.  in-12  ;  |  Traité  du  bonheur 
public ,  de  Muratori ,  i772 ,  2  vol.  in-12  ; 
(  L'homme  de  lettres  ,  du  père  Bartoli, 
1768  ,  2  vol.  in-12  ;  |  L'exposition  des  ca- 
ractères de  la  vraie  religion ,  du  père 
Gerdil,  in-12;  |  Voyage  d'Espagne ^  fait 
en  1755  ,  avec  des  notes  historiques ,  géo- 
graphiques et  critiques,  1772,  2  vol. 
in-12. 

L1ZET(  Pierre),  né  dans  la  Haute-Au- 
vergne, fut  d'ahord  avocat-général,  puis 
premier  président  au  parlement  de  Paris; 
ayant  eu  le  malheur  d'indisposer  contre 
lui  lamaison  de  Lorraine,  alors  toute-puis- 
sante à  la  cour  de  France ,  il  se  vit  con- 
traint de  donner  sa  démission,  en  1550  , 
obtint  en  considération  de  sa  pauvreté 
l'abbaye  de  Saint-Yictor ,  et  y  reçut  la 
prêtrise.  Il  mourut,  en  1554,  à  72  ans. 
il  a  publié  des  Ouvrages  de  controverse, 
en  2  vol.  On  voit  qu'il  avait  lu  beau- 
coup, et  qu'il  était  animé  d'un  zèle  ar- 
dent pour  la  défense  de  la  vraie  foi  ; 
mais  comme  il  n'était  pas  théologien  ,  il 
ne  raisonne  pas  toujours  juste  :  ce  qui 
fournit  matière  à  Bèze  de  le  ridiculiser 
dans  une  satire,  d'ailleurs  très  mauvaise. 
'  LIZOT  (  Piekre-.Teaîv- Charles-Flo- 
rent ) ,  membre  de  la  cliambre  des  dé- 
putés ,  naquit  à  Brionnê  dans  la  Norman- 
die ,  le  1"  novembre  1768,  d'un  avocat  au 
parlement  de  Rouen  ,  et  était  avocat  lui- 
même  au  commencement  de  la  révolu- 
tion. En  1790,  il  refusa  de  plaider  devant 
les  tribunaux  nouvellement  organisés.  Re- 
tiré au  bourg  de  Montfort,  il  fut  mis  en 
état  d'arrestation  en  1795,  et  fut  traduit  en 
179/1.,  devant  le  tribunal  criminel ,  pour 
avoir  outragé  les  insignes  de  la  liberté  : 
il  échappa,  par  la  fuite,  mais  non  sans 
peine ,  à  ces  persécutions.  Sous  le  gou- 
vernement de  Bonaparte,  Lizot  devint 
procureur-impérial  près  le  tribunal  de 
Bernay  ,  place  qu'il  conserva  après  le  re- 
tour des  Bourbons  ,  et  même  pendant  les 
cent-jours,  quoique  le  22  mars  1815  il  eût 
requis,  en  sa  qualité  de  procureur  du  roi, 
l'enregistrement  de  l'ordonnance  royale 
qui  déclarait  Bonaparte  traître  et  rebelle. 
Dans  le  mois  d'août  1815,  il  fut  nommé 
secrétaire  du  collège  électoral  de  l'Eure 
et  élu  député  par  ce  même  département; 
il  y  présida  les  élections  en  1816,  et,  de- 
puis celle  époque  jusqu'à  sa  mort,  il  lit 
toujours  partie  de  la  chambre  des  dépu- 


491  LLO 

tés,  où  il  siégeait  sur  les  bancs  ministé- 
riels. Il  était  juge  de  paix  du  10'  arron- 
dissement de  Paris,  lorsqu'il  mourut  le 
ôi  janvier  1827. 

*  LLOREXTE  (don  Joan-Axtonio )  , 
ex-chanoine  de  Tolède  et  littérateur  es- 
pagnol ,  secrétaire  du  saint-office ,  con- 
seiller de  .Joseph  Bonaparte,  naquit  à 
Rincon  del  Solo ,  près  de  Calahorra ,  dans 
la  vieille  Castille  ,  le  30  mars  1756,  d'une 
famille  pauvre ,  mais  honnête  et  noble. 
Elevé  par  les  soins  de  deux  ecclésiastiques 
respectables  ,  don  Gonzalès  de  Mendiza- 
bal ,  son  oncle  maternel ,  et  de  don  Emma- 
nuel de  Medrano ,  il  fit  ses  éludes  avec 
tant  de  succès  à  Tarragone  où  il  avait 
suivi  ce  dernier,  qu'à  l'âge  de  18  ans  il 
obtint  la  tonsure,  ce  qui  le  rendait  habile 
à  posséder  des  hénéiices  patrimoniaux. 
On  l'envoya  en  1773  à  Saragosse  pour  y  étu- 
dier le  drdit,  et  il  alla  ensuite  compléter  ses 
études  à  Madrid  où  il  fut  reçu  bachelier 
en  1776.  A  la  même  époque  Llorente  ol)- 
lint  un  bénéfice  patrimonial,  re«;ut  en 
1779  la  prêtrise,  et  fut  admis  en  1780  doc- 
leur  en  droit  canon  à  Valence.  Il  concou- 
rut la  même  année  avec  succès  pour  im 
canonicat  de  la  cathédrale  de  Tarragone  , 
se  fit  recevoir  avocat  au  conseil  suprême 
de  Caslille  et  devint  membre  de  l'acadé- 
mie canonique  de  Saint-Isidore  à  Madrid , 
puis  en  1782  procureur-fiscal  et  vicaire 
général  de  l'évéché  de  Calahorra.  Il  fixa 
sa  résidence  dans  cette  ville ,  et  y  prêcha 
la  moitié  d'un  carême.  En  1785  Llorente 
fut  nommé  commissaire  du  saint-office  de 
la  ville  de  Logrono  ,  et  trois  ans  après  le 
nouvel  évoque  de  Calahorra  le  choisit 
pour  examinateur  syndical  des  prêtres  de 
sou  diocèse  en  matières  théologiques.  A 
la  même  époque  ayant  conçu  le  projet  de 
substituer  un  corps  de  jurisprudence  na- 
tionale à  l'étude  des  lois  romaines,  il  en 
fit  part  au  comte  de  Florida-Bianca  ;  mais 
ce  ministre  éclairé  le  fit  renoncer  à  ce 
projet  intempestif  dont  l'exécution,  faite 
d'après  les  idées  de  Llorente  ,  aurait  mis 
en  combustion  toute  l'Espagne.  Appelé  à 
Madrid  en  qualité  d'avocat  consultant 
auprès  de  la  duchesse  de  Sotomayor ,  il 
resta  dans  la  capitale  jusqu'en  1801  et  fut, 
à  la  mort  de  celte  dame ,  chargé  par  lo 
roi  de  la  tutelle  du  jeune  duc,  neveu  et 
hériiier  de  la  défunte.  A  cette  occasion  , 
il  se  livra  à  l'élude  de  la  généalogie  de  la 
maison  Solo-Mayor  et  écrivit  poui  éclair- 
cir  des  quesn'ons  de  droit  l'ouvrage  inti- 
tulé :  Histoire  du  procès  de  la  7naison  de 
Solo-Mayor  j  concernant  plusieurs  droits 


LLO 

seigneiuiaux  depuis  le  15*  siècle.  Il  com- 
posa aussi  quelques  Mémoires  sur  des 
sujets  de  localilés  ecclésiastiques,  sur  La 
prééminence  des  ambassadeurs  d'Es- 
pagTie  .sur  ceux  de  France  ^  auprès  des 
conciles  généraux  de  la  cour  de  Rome  et 
les  autres  assemblées  diplomatiques,  etc. 
Kn  178*)  il  fut  nommé  secrétaire  de  l'in- 
quisiteur de  la  cour,  puis  chanoine  de  la 
cathédrale  de  Calahorra  :  c'est  à  cette 
époque  qu'il  fut  chargé  d'un  travail  fort 
inipoi  tant  sur  le  saint-office,  travail  pour 
lequel  le  grand  inquisiteur  lui  avait  con- 
fié des  papiers  très  précieux  ;  il  fut  ac- 
cusé davoir  abusé  de  cette  confiance 
pour  révéler  dans  une  correspondance 
philosophique  les  secrets  de  l'inquisition. 
Llorente  perdit  ses  litres  inquisiloriaux  et 
fut  envoyé  dans  un  couvent  de  recollets, 
dans  le  désert  de  Calahorra.  Cette  espèce 
d'exil  ne  dura  pas  long-temps  :  des  let- 
tres pleines  de  soumission  et  de  repen- 
tir, et  des  amis  qu'il  s'était  ménagés  au- 
près du  prince  de  la  Paix ,  parvinrent  non 
seulement  à  lui  faire  rendre  la  liberté  , 
mais  encore  à  lui  faire  obtenir  plus  tard 
le  titre  de  chanoine  écolàtre  de  Tolède  et 
la  croix  de  l'ordre  de  Charles  III.  A  l'é- 
poque où  les  Français''  envahirent  l'Es- 
pagne ,  il  s'était  attaché  à  la  cause  des 
Bonaparte  ;  nommé  par  le  grand  duc  de 
Berg  (  Muratj  pour  faire  partie  de  l'as- 
semblée des  notables  qui  devaient  donner 
une  nouvelle  constitution  à  l'Espagne,  il 
se  rendit  à  Bayonne,  et  fut  un  des  pre- 
miers et  des  plus  zélés  courtisans  du  roi 
Joseph,  qui  le  choisit  pour  son  conseiller 
intime ,  et  le  fit  ensuite  garde  des  ar- 
chives de  l'ancienne  inquisition.  Alors  on 
vit  deux  ecclésiastiques  espagnols  suivre 
des  routes  tout  opposées  (  voyez  ESCOI- 
QUITZ).  Le  saint-office  avait  été  suppri- 
mé par  un  décret  du  nouveau  roi  (1809); 
un  ordre  du  même  prince  fit  mettre 
à  la  disposition  de  Llorente  les  papiers 
des  différens  tribunaux  de  l'inquisition 
répandus  en  Espagne,  et  le  chargea 
d'en  écrire  l'histoire.  Llorente  publia 
plusieurs  brochures  ou  Mémoires  desti- 
nés à  préparer  les  esprits  à  l'histoire  à  la- 
quelle il  travaillait  ;  il  avait  déjà  attaqué 
dans  plusieurs  écrits  le  saint  Siège , 
notamment  dans  sa  Collection  diplo- 
matique sur  les  dispenses  matrimo- 
niales. Pendant  qu'il  s'occupait  ainsi 
de  son  ouvrage  sur  l'inquisition  ,  il  fai- 
sait paraître  des  brochures  politiques  en 
faveur  de  Joseph  ;  il  se  chargea  de  l'exé- 
cution de  l'ordre  qui  supprimait  les  cou- 


A92  LLO 

vens,  accepta  la  place  de  directeur  gé- 
néral des  biens  nationaux  ,  et  ayant  pria 
à  tâche  de  se  rendre  agréable  à  son 
maître ,  il  se  multipliait  et  se  trouvait  par- 
tout où  il  y  avait  un  service  à  rendre  à 
la  cause  de  l'usurpation.  Lorsque  Ferdi- 
nand VII  «ut  recouvré  sa  couronne ,  Llo- 
rente qui  était  venu  chercher  un  asile  ea 
France  ,  lors  de  l'évacuation  de  la  Pénin- 
sule par  l'armée  française ,  reçut  du  gou- 
vernement espagnol  défense  de  rentrer 
dans  sa  patrie.  A  l'époque  de  la  restaura- 
tion française  en  1814  il  se  rendit  eu  An- 
gleterre; mais  il  revint  bientôt  en  France 
où  il  publia  un  Mémoire  pour  servir  à 
l'histoire  de  la  révolution  d'Espagne  s 
I  vol.  in-S",  qui  eut  beaucoup  de  succès. 
Llorente ,  n'ayant  plus  rien  à  attendre  de 
la  famille  Bonaparte,  voulut  rendre  un 
hommage  à  l'antiquité  de  celle  des  Bour- 
bons ,  en  faisant  paraître  V Illustration  de 
l'arbre  généalogique  du  roi  d'Espagne 
Ferdinand  VII.  1815,  in-folio.  Il  prouve 
que  ce  monarque  est  le  5i'  descendant  en 
ligne  directe ,  de  Sigerdus,  roi  des  Saxons, 
mort  en  G53.  Celte  adroite  soumission  au 
pouvoir  existant  en  Espagne  n'ayant  pro- 
duit aucun  effet,  Llorente  écrivit  des 
lettres  à  Ferdinand  VII ,  et  au  chapitre 
de  Tolède ,  dans  lesquelles  il  tâchait , 
non-seulement  de  faire  excuser,  mais  de 
faire  approuver  sa  conduite  passée  ;  ces 
lettres  restèrent  sans  réponse.  A  la  même 
époque  il  traduisit ,  dit-on ,  en  espagnol , 
le  roman  intitulé  :  le  Chevalier  Faublas, 
ouvrage  rempli  de  grossières  turpitudes. 
Le  député  M.  Clausel  de  Coussergues 
ayant  dit  à  la  tribune,  le  28  février 
1817,  que  le  saint-office  avait  adopté  de- 
puis long-temps ,  en  Espagne ,  un  système 
de  modération ,  les  amis  de  Llorente  le 
lancèrent  dans  la  lice ,  et  il  répondit  au 
député  par  une  lettre  traduite  en  fran- 
çais ,  et  imprimée  le  30  mars ,  dans  la- 
quelle il  prétendait  que ,  outre  les  vic- 
times déjà  immolées,  l'incpiisition  en  avait 
fait  périr  dans  les  flammes  mille  cinq 
cent  soixante-dix-huit ,  depuis  1700  jus- 
qu'à 1808 On  a  défié  tous  les  partisans 

de  Llorente  de  citer  une  preuve  légale 
de  ce  fait ,  preuve  d'autant  plus  difficile, 
que  depuis  que  la  maison  de  Bourbon 
règne  en  Espagne,  c'est-à-dire  depuis 
1709  ,  on  ne  se  souvient  pas  que  ce  tribu- 
nal ait  fait  brûler  aucune  victime.  Il  est 
avéré  que  de  grands  coupables  enfermés 
dans  les  prisons  s'accusèrent,  en  dernier 
ressort,  de  crimes  imaginaires  contre  la 
religion  ,  afin  qu'on  les  Iranspoilàt  dana 


LLO 


&.9o 


LLO 


ces  terribles  cachots  du  saint-oflicc ,  où 
ils  lecovaicnl  un  traitement  plus  doux.  Il 
est  certain  aussi ,  qu'en  i799,  une  soi-di- 
sant sorcière,  qui  avait  empoisonné  avec 
des  philtres  trois  jeunes  gens,  fut  unique- 
ment condamnée  par  ce  tribunal  à  une 
détention  perpétuelle  dans  une  maison 
de  réclusion.  Quelque  sévère  que  puisse 
avoir  été,  dans  les  siècles  passés,  le  saint- 
oflice,  il  est  indubitable  qu'il  délivra  l'Es- 
pagne de  ces  guerres  de  religion  qui 
désolèrent  la  France  et  l'Alhunagne,  et 
où  périrent  miile  fois  plus  de  victimes 
qu'il  n'en  est  péri  par  los  lois  rigoureuses 
de  l'inquisition.  Peu  de  temps  après 
sa  lettre  à  M,  de  Coussergues,  Llorente 
publia  l'Histoire  de  ce  tribunal ,  que  des 
journaux  mirent  en  vogue ,  et  pour  la- 
quelle ils  prodiguèrent  des  éloges  à  l'au- 
teur. Lorsque  les  corlès  d'Espagne  furent 
rétablies  momentanément ,  Llorente  pu- 
blia un  ouvrage  sur  les  papes  et  commit 
quelques  imprudences  qui  le  firent  ren- 
voyer de  France  par  le  gouvernement  . 
Il  se  rendit  à  Madrid,  où  il  mourut 
quelque  temps  après  son  arrivée,  le  25 
février  1823,  à  l'âge  de  67  ans.  Llorente 
était  instruit  dans  les  droits  civil  et  canon. 
Il  connaissait  peu  la  littérature  de  son 
pays  ;  mais  il  en  possédait  la  langue ,  dans 
laquelle  il  écrivait  avec  pureté  et  avec 
élégance.  C'est  la  seule ,  excepté  le  latin , 
qu'il  connût  ;  il  parlait  fort  mal  le  fran- 
çais ,  et  tous  ses  ouvrages  publiés  à  Paris 
furent  écrits  en  espagnol  et  traduits  en 
français  par  M.  Pallier  et  autres.  Llorente 
aurait  pu  être  utile  aux  sciences  et  à  la 
religion;  mais  de  mauvais  conseils,  des 
encouragemens  perfides,  une  ambition 
sans  bornes,  lui  firent  oublier  ce  qu'il  de- 
vait à  son  caractère ,  et  il  se  laissa  égarer 
par  de  fausses  opinions.  Indépendam- 
ment de  quelques  ouvrages  de  peu  d'im- 
portance ,  on  a  de  lui  :  |  Mémoire  sur 
un  cirque  romain  à  Calahorra  ^  Madrid , 
1789 ,  in-i°  ;  |  Dissertation  sur  la  situa- 
tion géographique  de  l'ancienne  Segobia  ^ 
dédiée  à  l'académie  de  Séville  dont  il  était 
membre  honoraire,  ibid.  1790 ^  in-8°; 
I  Notices  historiques  sur  les  provinces 
dAlava,  Guipuscoa  et  Biscaye^  avec 
l'origine  de  leurs  lois  fondamentales, 
Madrid,  1790,  5  vol.  m-8°;  cet  ouvrage 
n'a  pas  été  terminé;  |  Mémoire  héral~ 
dique  sur  les  armes  d  Espagne  ^  avec  un 
nouveau  projet  d'armoirie^  Madrid ,  1809, 
dédié  au  roi  Joseph  Napoléon  ;  |  Collec- 
tion diplomatique  de  plusieurs  écrits  an- 
ciens et  modernes  sur  les  dispenses  ma- 
7. 


trimoniales,  ibid.,  1810,  in-8°  :  c'est  une 
violente  attaque  contre  les  droits  du  saint 
Siège.  I  Quelle  a  été  l'opinion  générale 
sur  l'inquisition,  ibid.,  1811 ,  hi-S"  ;  |  Sur 
l'opinion  nationale  en  Espagne ,  relative- 
ment à  la  guerre  contre  la  France ,  Sa- 
ragosse,  1813,  in-4°;  |  Observations  sur 
les  dynasties  (  qui  ont  régné  )  en  Espagne. 
Valence  ,  1812;  et  Saragosse,  1813,  in-4**. 
L'auteur  soutient  dans  cet  écrit  que  toutes 
les  familles  qui  ont  régné  en  Espagne  ont 
été  d'origine  française.  |  Mémoires  pour 
servir  à  l'histoire  de  la  révolution  d'Es- 
pagne .  par  M.  Nellerlo  (  anagramme  do 
Llorente  )  Paris,  181o  et  1816 ,  3  voL  in-8**; 
I  Dissertation  sur  une  constitution  reli- 
gieuse^ Paris,  1819,  in-12;  cet  ouvrage 
fut  censuré  par  l'autorité  ecclésiastique 
de  Barcelone.  |  OEuvres  complètes  de 
Barthélémy  Las-Casas  ^  1822,  2  vol.  in- 
8°  ;  I  Lettre  à  M.  de  Coussergues  sur  l'in- 
quisition d'Espagne,  Var'iS,  1817,  in-S", 
I  Histoire  critique  de  l'inquisition  d'Es' 
pagne  (  traduite  en  français  par  M.  Pellier) 
Paris  ,  1818 ,  4  vol.  in-8°.  C'est  une  froide 
compilation,  sans  ordre,  sans  méthode, 
écrite  d'un  style  lourd,  prétentieux,  et 
souvent  obscur.  Nous  avons  déjà  fait  re- 
marquer que  ce  fut  par  ordre  de  Joseph 
Napoléon  que  Llorente  entreprit  cet  ou- 
vrage ;  ce  qui  suffit  pour  rendre  très  s>is- 
pecte  la  véracité  de  l'auteur.  Il  cite  des 
textes,  des  faits  ;  mais  ces  textes  et  ces 
faits  sont  la  plupart  altérés  par  cet  histo- 
rien, qui  semble  vouloir  qu'on  le  croie 
sur  parole.  Depuis  près  d'un  siècle ,  au 
moins,  le  saint-oflice  n'avait  plus  ni  de 
tortures  ni  de  bûchers,  et  la  plupart  de 
ses  prisonniers  étaient  enfermés  pour  des 
délits  politiques,  et  par  ordre  du  gouver- 
nement, qui  voulait  éviter  ainsi  le  scan- 
dale d'une  procédure.  Si  le  saint-office 
avait  encore  eu  la  force  et  le  pouvoir  que 
Llorente  suppose ,  il  n'aurait  point  vou- 
lu perdre ,  comme  il  l'avait  fait ,  de  ses 
prérogatives  en  devenant  comme  un  tri- 
bunal de  police,  ou  d'état,  soumis  aux 
volontés  d'un  ministre  (voyez  l'article 
LIMBORCH).  On  a  fait  plusieurs  extraits 
de  cet  ouvrage,  en  français,  en  allemand 
et  en  anglais,  j  Dissertation  sur  la  divi- 
sion des  évêchés  en  Espagne,  attribuée  au 
roi  Tf^amba,  au  T  siècle;  \  Ilisloiî-e  d'An- 
toine Ferez,  premier  secrétaire  d'état  du 
roi  Philippe  II;  \  Dictionnaire  topographi- 
que de  l'Espagne ,  avec  les  noms  anciens 
et  mode7-nes  ,^  vol.  in-8°  ;  ces»trois  der- 
niers ouvrages  sont  manuscrits.  |  Défense 
canonique  ctpcUtique  de  D.Jean  Jittoine 


LLO  A9/t 

Llorenle  contre  les  injustes  accusations 
ifc  crimes  supposés ,  et  qui  appartiennent 
à  plusieurs  Espagnols  réfugiés  en  France^ 
Taris,  4818,  in-8°.  Celle  brochure  est 
moins  une  défense  pour  l'aulcur  qu'un 
libelle  contre  différens  Espagnols  respec- 
tables ,  qui  ne  pouvaient  pas  admirer  la 
conduite  de  Llorenle  ,  lors  de  l'invasion 
lies  Français  ;  |  Portraits  politiques  des 
yapes ,  1822 ,  2  vol.  in-8''.  Dans  ce  der- 
nier ouvrage  l'auteur  déploie  plus  d'éru- 
<U:ion  que  de  jugement,  de  critique  cl 
de  droiture  d'intention  ;  pour  donner  une 
juste  mesure  de  la  confiance  qu'il  mérite, 
il  sufiil  de  dire  qu'entre  antres  faits  apo- 
cryphes et  absurdes  ,  on  y  trouve  repro- 
duite l'histoire  de  la  prétendue  papesse 
Jeanne.  |  Il  donna  aussi  une  nouvelle 
édition  des  Lois  promulguées  en  Espa- 
gne par  les  rois  Goths;  \  Notice  biogra- 
phique de  D.  Jean-Jnioine  Llorente  ^  ou 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  sa 
vin  .  écrits  par  lui-même  ,  Paris  ,  Bobée  , 
18 IS,  avec  le  portrait  de  l'auteur;  |  06- 
sejvations  ci'itiques  sur  le  roman  de  Gil 
nias  de  Santillane.  Paris,  1822,  in-8°  ; 
I-lorcnte  avait  déposé  le  manuscrit  de  cet 
ouvrage  au  secrétariat  de  l'académie  fran- 
çaise. C'est  d'après  ce  manuscrit,  auquel 
l'auteur  a  fait  des  changemens  avant  l'im- 
pression, que  François  de  Neufchâteau 
publia ,  dans  le  47*^  n°  de  VJlbum,  une 
réfutation  de  l'opinion  systématique  de 
LIorentc.  (  Voyez  FR7VNÇOIS  DE  NEUF- 
CHATEAU  ,  ISLA.  )  Llorenle  était  mem- 
bre de  l'académie  royale  de  Madrid  de- 
puis 1791.  Il  fut  "un  des  fondateurs  et 
des  membres  les  plus  zélés  des  sociétés 
dites  des  Méthodes  et  de  la  Moi'ale  chré- 
tienne de  Paris.  M.  Mahul  a  donné  une 
Notice  sur  sa  vie  dans  la  Revue  encyclo- 
pédique,  t.  1",  page  23  ,  et  dans  son  An- 
nuaire nécrologique  ^  5*  année.  Il  parait 
que  les  mœurs  de  Llorente  étaient  bien 
loin  d'élre  sans  reproche  ;  coipme  on  l'a- 
vait  accusé, durant  son  séjour  à  Paris  ,  d'a- 
voir des  relations  illicites  avec  une  com- 
tesse ,  ses  amis  prétendaient  le  justifier  , 
en  assurant  qu'il  était  marié  avec  cette 
dame,  et  Llorente  était  prêtre 11  s'oc- 
cupa, comme  on  l'a  vu,  de  traductions 
d'ouvrages  peu  chastes,  et  fit,  outre  celle 
dont  nous  avons  parlé,  la  traduction 
des  animaux  parlans  {voyez  CASTI)  qui 
est  restée  inédite.  Des  amis  intéressés 
lui  ont  donné  le  surnom  de  vénérable, 
mais  on  peut  douter  qu'il  lui  soit  confir- 
mé par  la  postérité. 
U.OYD  (GtiLL/vuKE)  ,  savant    prélat 


LLO 

anglais,  naquit  à Tylchurst,  dans  le  Bcrk- 
sliire,  en  1627;  il  fut  successivement 
ciiréde  Saint-Martin-des-Champs  de  Lon- 
dres, chapelain  du  roi  d'Angleterre  en 
IGGG,  docteur  de  théologie  en  1G67  ,  puis 
évèquede  Sainl-Asaph  en  1680.  Lloyd  fut 
un  des  six  prélats  qui,  avec  l'archevêque 
vSancroft ,  s'élevèrent  contre  YEdit  de  to- 
lérance publié  par  Jacques  II.  Cette  con- 
duite déplut  au  roi ,  et  les  sept  censeurs 
mitres  furent  mis  à  la  tour  de  Londres. 
Aussitôt  après  la  révolution,  Lloyd  se 
déclara  pour  le  roi  Guillaume  et  la  prin- 
cesse Marie.  Il  fut  nommé  aumônier  du 
roi,  puis  évêque  de  Cowentry ,  de  Licht- 
fidld  en  1002  ,  et  de  Worcesler  en  1699 , 
où  il  résida  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en 
1717,  à  90  ans.  C'était  un  prélat  incon- 
stant ,  qui  de  la  tolérance  avait  passé  à  l'in- 
tolérance lapins  outrée  ;  car  il  avait  pen- 
sé d'abord  qu'on  devait  souffrir  les  ca- 
tholiques ,  cl  opina  depuis  à  les  opprimer 
sans  ménagement.  En  général,  la  tolé- 
rance des  sectaires  n'est  qu'en  faveur  de 
l'erreur ,  et  la  vraie  foi  seule  leur  paraît 
intolérable.  On  a  de  lui  :  |  une  Descrip- 
tion du  gouvernement  ecclésiastique ,  tel 
qu'il  était  dans  la  Grande-Bretagne  et  en 
Irlande ,  lorsqu'on  y  reçut  le  christianis- 
me ,  1684 ,  in-8"  ;  |  Séries  chronologica 
olympiadumj  dans  le  Pindarc  de  l'édition 
d'Angleterre,  1697  et  1700,  in-fol.  ;  |  une 
Histoire  chronologique  de  la  viedePytha- 
gore,  1699,  et  d'autres  auteurs  contem- 
porains de  ce  philosophe.  On  comprend 
que  c'était  fouiller  dans  les  matières  les 
phis  obscures  de  l'antiquité,  rien  n'étant 
plus  incertain  que  tout  ce  que  l'on  raconte 
de  ce  philosophe  ,  des  gens  et  des  choses 
de  la  même  date. 

LLOYD  (Nicolas),  né  en  1634  àHolton, 
devint  pasteur  deNewinglon-Sainte-Ma- 
rie  ,  près  de  Lambeth,  où  il  mourut  en 
1G80  ,  à  46  ans,  regardé  comme  un  littéra- 
teur doux  et  poli.  On  a  do  lui  un  Dic" 
lionnairc  historique ,  géographique  el 
poétique  ,  dont  Hoffman  et  Moréri  se  sont 
beaucoup  servis.  Cet  ouvrage  fut  impri- 
mé pour  la  pre.nière  fois  à  Oxford  ,  1G70, 
in-fol.  La  meilleure  édition  est  celle  de 
1695,  in-4".  Le  fonds  de  ce  lexique  ap- 
partient à  Charles  Etienne  ;  Lloyd  y  a  fait 
des  corrections  et  des  additions,  mais  il 
n'a  pas  supprimé  toutes  les  fautes  ,  et  il  y 
en  a  mis  de  nouvelles.  — 11  ne  faut  pas  liJ 
confondre  avec  Humphkey  LLOYD  ou 
LHOYD ,  savant  antiquaire  el  médecin 
anglais  du  16*  siècle,  natif  de  Debinga , 
daîis  la  province  de  Galles,  do:Jt  un  a  De 


m 


MonUi  Druidian  insula  ,  anliqailati  suœ 
estitula,  in-i",  et  plusieurs  aulies  ou- 
raye«;  ni  avec  Edouard  LLOYD  ou 
JUYD,  g-arde  du  cabinet  d'Ashmol  à 
xford,  mort  en  i709 ,  dont  on  a  :  |  un 
bon  ^ôr^i"?  del'iiisfoire  des  pierres,  in- 
titulé :  LUhophijlacii  brilannici  ichono- 
graphia^  Londres ,  iG09 ,  in-8"  ;  ]  Archœo- 
loyia  britannica _.  Oxford,  1707,  in-fol.; 
I  des  Mémoires  sur  la  botanique^  dans 
les  Transactions  philosophiques. 

LLOYD  (Sylvestre),  évèque  catho- 
lique de  Killaloë,  et  ensuite  de  Waler- 
ford  en  Ixlande ,  en  1739  ,  est  connu  par 
une  Traduction  en  anglais  du  Catéchis- 
me de  Montpellier,  contre  laquelle  écri- 
vit le  père  Manby ,  jésuite.  L'évêque 
Lloyd  mourut  à  Paris  vers  la  fin  de  1747. 
LOAYSA  (Gaucias  de),  cardinal  espa- 
gnol, né  vers  1479,  à  Talavera  en  Cas- 
tille,  se  fit  dominicain  à  Salamanque  , 
et  parvint  par  son  mérite  à  la  place  de 
général  de  sonordreet  àl'évêché  d'Osma 
Ciiarles-Quint  le  choisit  pour  son  confes- 
seur, le  fit  président  du  conseil  des  Indes, 
\rj  transféra  au  siège  archiépiscopal  de 
Scville,  et  lui  obtint  le  chapeau  de  car- 
dinal en  1530.  Ce  prélat  mourut  à  Madrid 
en  i546,  dans  un  âge  avancé,  laissant 
une  mémoire  respectable.  Lorsqu'on  dé- 
libéra au  conseil  de  Charles-Quint ,  sur 
la  conduite  qu'on  devait  tenir  à  l'égard 
de  François  I",  fait  prisonnier  à  la  ba- 
taille de  Pavie ,  le  généreux  Loaysa  fut 
d'avis  quon  lui  rendit  la  liberté  sans 
rançon  et  sans  condition.  L'é\êncment 
justifia  qu'on  avait  eu  grand  tort  de  ne 
pas  suivre  ce  conseil ,  inspiré  par  la  po- 
litique autant  que  par  la  majjuaninnlé; 
car  François  \"  ayant  manqué  de  parole, 
ne  céda  point  la  Bourgogne  qu'on  avait 
mise  pour  prix  à  sa  liberté,  et  l'Espagne 
ne  retira  aucun  fruit  de  sa  prison ,  sans 
que  le  prisonnier  lui  sût  gré  de  son  élar- 
gissement. C'est  faussement  que  quelques 
lexicograplies  attribuent  à  Loaysa  ,  évè- 
que d'Osma  ,  Concilia  hispanica,  Madrid, 
1595,  in-fol.;  ouvrage  de  Giron  Garcias 
de  Loaysa,  archevêque  de  Tolède.  Voyez 
GIRON. 

LOBEL  (Matuias  de),  né  en  1538  à 
Lille,  médecin  et  botaniste  de  Jacques  l", 
avait  étudié  la  médecine  à  Montpellier; 
il  exerça  à  Anvers  et  à  Dclft,  fut  médecin 
du  prince  d'Orange,  après  la  mort  du- 
quel il  passa  au  service  des  états-géné- 
raux. Il  mourut  à  Highathe,  près  de 
Londres,  en  KilG,  à  78  ans.  On  a  de  lui  : 
I  Planfarum  seu  stirpium  historia^  An- 


9.;  LOB 

vers,  157G,  in-ful.  ;  ]  Diiucidœ  simpliciiini 
medicamentorum  expUcdtiones  et  slir- 
piuin  adversaria  nova,  etc.,  Londres, 
1(505,  in-fol.;  |  Icônes  stirpium,  1581.  in- 
4°  ;  I  Balsami  explanatio.  Londres ,  1598  , 
in-4'';  |  Stirpium  illustrationes^  Londres, 
1655,  in-4".  Plumier  a  donné  le  nom  d« 
Lobelia  à  un  genre  de  la  famille  des  Cain^ 
panulaçées. 

LOBEUE  (Aiv\E),  plus  connue  sous  le 
nom  D'ANNE  de  JÉSUS,  née  à  Médinîi 
delCampo,  d'une  famille  illustre,  eu  1545, 
embrassa  l'institut  de  sainte  Tliérèse ,  et 
fut  la  fidèle  adjulrice  de  ses  travaux  pour 
la  réforme  du  Carmel.  Après  avoir  fondé 
divers  monastères  en  Espagne,  elle  fut 
appelée  en  France  pour  la  iijcme  fin  ,  et 
de  là  aux  Pays-Bas  ,  où  les  archiducs  Al-- 
bert  et  Isabelle  l'honorèrent  de  leur  con- 
fiance intime.  Elle  mourut  à  Bruxelles  en 
odeur  de  sainteté,  le  4  mars  1621,  dans 
sa  7^^  année.  Lorsque .  sous  le  règne  de 
Jost'pli  II,  les  caruiélitcs  des  Pays-Bas 
cherchèrent  un  asile  en  France,  elles  em- 
portèrent le  corps  d'Anne  avec  celui  de 
saint  Albert,  et  celui  d'Anne  de  Sainl- 
Barthélenii ,  autre  compagne  de  sainte 
Thérèse,  et  les  placèrent  dans  l'église  des 
carmélites  de  Saint-Denis ,  où  ils  restè- 
rent ju-squ'en  1790,  que  la  révolution  des 
Pays-Bas  rappela  ces  vertueuses  filles 
dans  leur  patrie,  avec  les  respectables 
dépôts  qu'elles  avaient  emmenés.  L'abbé 
de  Montis  a  écrit  la  Vie  d'Anne  de  Jésus. 
Paris,  1788,  in-12.  Voyez  le  Joum.  hist 
etlitt.,  15  mars  1791,  p.  421. 

LOBLVEAU  (Gui-AiExis  ),  savant,  né 
à  Rennes  en  1G66,  fut  bénédictin  en  1685, 
et  mourut  en  1727,  à  (ti  ans,  à  l'abbaye  de 
Saint- Jagut ,  près  de  Sainl-lMalo.  Ses  ou- 
vrages roulent  sur  l'histoire,  à  laquelle  il 
consacra  toutes  ses  éludes.  On  lui  doit  : 
I  V Histoire  de  Bretagne.  Paris  (Rennes}., 
1707,  en  2  vol.  in-fol.  dont  le  second  est 
utile  par  le  grand  nombre  de  titres  qua 
l'auteur  y  a  rassemblés.  L'abbé  de  Yer- 
tot  et  l'abbé  Moulinet  des  Thuileries  l'at- 
taquèrent vivement.  L'un  et  l'autre  pré- 
tendirent que  dom  Lobineau  s'était  plus 
livré  aux  préjugés  et  à  l'amour  de  sa  pa- 
trie qu'à  celui  de  la  vérité.  Ils  tâchèrent 
de  conserver  à  la  Normandie  des  droits 
que  l'historien  breton  s'était  efforcé  de 
lui  enlever.  Lobineau  a  un  style  un  peu 
sec  ,  et  il  est  avare  d'ornemons  ;  mais  il 
a  de  la  netteté ,  et  il  évite  autant  la  ru- 
desse que  l'affectation.  L'histoire  de  dom 
Morice  est  plus  estimée;  depuis,  M.  Daru 
a  fait  une  excellente  Histoire  des  ducs  de 


LOB 


496 


LOC 


Bretagne  {V  DARU).  V Histoire  des  deux 
conquêtes  d'Espagne  par  les  Maures^ 
1708,  in-fS  :  ouvrage  moitié  roman esqiie, 
moitié  historique,  traduit  de  l'espagnol 
de  Bligûel  Luna;  |  Histoire  de  Paris  ^ 
Paris,  1725,  en  li  vol.  in-fol. ,  commencée 
par  dom  Félibien,  achevée  et  publiée  par 
dom  Lobineau  qui  en  a  fait  les  trois  der- 
niers volumes.  (  Voyez  FÉLIBIEN  ,  dom 
MicHKL.  )  On  trouve  à  la  tête  du  1^"^  vol: 
une  savante  Dissertation  sur  l'origine  du 
(orps  municipal,  par  Le  Roy,  contrôleur 
<'es  rentes  de  l'Hôtel-de-ville.  |  U Histoire 
des  Saints  de  Bretagne^  Paris  (Rennes) , 
1724,  in-fol.  Ce  livre  a  de  l'exactitude,  mais 
il  manque  d'onction.  |  Les  Ruses  de  guerre 
de  Pollen  ,  traduites  du  grec  en  français, 
Paris,  1738,  2  vol.  in-12,  version  estimée. 
L'auteur  avait  beaucoup  de  goût  pour  la 
littérature  grecque,  et  il  avait  traduit  plu- 
sieurs comédies  d'Aristophane;  mais 
cette  version  n'a  pas  vu  le  jour,  et  ce  n'est 
pas  une  perte.  Enfin,  on  a  attribué  à  tort 
à  dom  Lobineau  les  Aventures  de  Pompo- 
nius ^  chevalier  romain^  ouvrage  satiri- 
que, in-12,  qui  est  de  dom  Labadie.  Voyez 
\q  Dictionnaire  des  Anonymes ^n.  1455. 

LOBKOWITZ  (  BoHUSLAsde  HASSEN- 
STEIN ,  baron  de  ) ,  issu  d'une  des  plus 
illustres  maisons  de  Bohème,  entreprit 
de  longs  voyages  afin  de  se  perfectionner 
dans  les  sciences,  pour  lesquelles  il  avait 
beaucoup  de  goût.  A  son  retour ,  il  prit 
le  parti  des  armes ,  où  il  se  signala  ,  mais 
son  amour  pour  l'étude  l'emportant  sur 
toute  autre  passion,  il  préféra  l'état  ecclé- 
siastique, et  fut  secrétaire  d'état  en  Hon- 
grie, et  grand-chancelier  de  Bohème.  Ces 
emplois  ne  l'empêchèrent  pas  de  se  livrer 
à  son  goût  dominant.  Il  était  juriscon- 
sulte, historien,  poète,  littérateur.  Ce  sa- 
vant mourut  dans  son  château  de  Has- 
senstein  en  1510,  laissant  des  Poésies  la- 
tines ,  et  différens  Traités ,  imprimés  à 
Prague  en  1563  et  1570.— De  la  même  fa- 
mille était  le  prince  Georges-Chrétieiv 
de  LOBKOWITZ,  mort  en  1753,  dans  sa 
68*  année,  après  avoir  commandé  long- 
temps les  troupes  autrichiennes  sous  l'im- 
péralrice-reine  de  Hongrie.  Voyez  FOU- 
QUET,  Charles-Louis. 

LOCROWr/Z.  Voyez  CARAMUEL. 

LOBO  (  JÉRÔME  ),  missionnaire  portu- 
gais, naqriit  à  Lisbonne,  en  1593,  et  fut 
envoyé  en  1621  dans  les  missions  des 
Indes  ;  il  pénétra  jusque  dans  l'Ethiopie 
ou  Abyssinie  ,  et  y  demeura  plusieurs 
années.  De  retour  dans  sa  patrie ,  il  sol- 
licita vaineiTKîn»:  l'établissement  de  plu- 


sieurs comptoirs  dans  ce  pays,  et  y  fil  un 
nouveau  voyage.  Lorsqu'il  revint,  il  fut 
fait  recteur  du  collège  de  Coïmbre  ,  où  il 
mourut  en  1678 ,  âgé  d'environ  83  ans. 
On  a  de  ce  missionnaire  une  Relation  cu- 
rieuse de  V Abyssinie.  Il  y  entre  dans  des 
détails  satisfaisans  sur  la  source  du  Nil 
et  d'autres  objets.  {Voyez  PAIS.  )  L'abbé 
Joachini  Le  Grand  en  publia  une  tra- 
duction française  en  1728  ,  in-4°  ,  avec 
des  Dissertations  ^  des  Lettres,  et  plu- 
sieurs Mémoires  très   instructifs. 

LOBO  (  Rodriguez-François  ) ,  poète 
portugais,  né  à  Leiria,  se  noya  en  reve- 
nant dans  un  esquif  d'une  maison  de 
campagne  à  Lisbonne.  Ses  Poésies  ont 
été  recueillies  en  1721 ,  in-fol.  Sa  meil- 
leure pièce,  ou  du  moins  la  plus  applau- 
die par  les  Portugais,  est  sa  comédie 
à.'Euphrosine. 

*  LOCATELLI  (Antoine),  célèbre 
sculpteur,  né  à  Vérone  en  1725,  et  mort 
à  Milan  en  1805,  a  été,  après  Canova,  un 
des  plus  habiles  artistes  qu'ait  produits 
l'Italie  dans  le  dernier  siècle.  On  a  de  lui 
plusieurs  groupes  d'un  fini  parfait,  une 
Vénus j  une  Diane ^  une  Latone  avec  Apol- 
lon, qui  excitent  l'admiration  des  con- 
naisseurs. Il  passa  plusieurs  années  à 
Rome,  et  y  obtint  une  pension  de  l'archi- 
duc Ferdinand,  gouverneur  de  la  Lom- 
bardie  autrichienne. 

*LOCATIouLOCATO  (frère  Humbert) 
naquit  à  Plaisance  vers  1520  ;  il  entra 
dans  l'ordre  des  prédicateurs ,  fut  inqui- 
siteur à  Pavie  et  ensuite  à  Plaisance, 
commissaire-général  de  l'inquisition  à 
Rome  (1566  ) ,  confesseur  de  Pie  V  ,  puis 
(15C8  )  évéque  de  Bagnarea.  En  1581,  il 
se  démit  de  son  évêché  et  se  retira  au 
couvent  des  Dominicains  de  Plaisance , 
où  il  est  mort  en  1587.  Il  a  laissé  quelques 
ouvrages  dont  le  plus  remarquable  esl 
Italia  travagliata,  etc.  ou  Des  guerres, 
des  révolutions,  épidémies ,  etc.  qui  ont 
eu  lieu  en  Italie  depuis  Eriée  jusqu'à  Jios 
jours,  Venise,  1576,  in-i". 

LOCCENIUS  (Jean),  historien  sué* 
dois,  né  en  1399,  à  Itzchoe  en  Holsleiu, 
Il  fut  professeur  royal  à  Upsal,  et  publia 
une  Histoire  de  Suède,  depuis  l'origine 
de  la  monarchie  jusqu'au  règne  de 
Charles XI,  Upsal,  1554,  in-8°,  et  plusieurs 
Ecrits  sur  les  lois  ,  la  politique  et  les  an- 
tiquités de  son  pays.  Ses  ouvrages  sont 
en  latin.  Il  a  aussi  laissé  des  Notes  sur 
quelques  auteurs  anciens  ,  Cornélius-Ne- 
pos,  Qiiinlc-Curce,  etc. ,  dont  il  a  dopné 
des  (vî  il  ions. 


LOC  49 

LCCIION  (Etiek\e),  cliarlrain,  doc- 
leur  de  la  maison  de  Navarre ,  fut  pen- 
dant quelques  années  curé  de  Bretonvil- 
liersjdans  le  diocèse  de  Chartres.  Sa  mau- 
vaise santé  l'obligea  de  quitter  cette  cure. 
Il  mourut  à  Paris  vers  i720,  après  avoir 
publié  plusieurs  ouvrages  de  pieté  et  de 
morale.  Les  principaux  sont  :  \Jbrégé  de 
la  discipline  de  l'Eglise  pour  l'instruc- 
tion des  ecclésiastiques  ^  en  2  vol.  in-S"  ; 
I  Les  Entretiens  d'un  homme  de  cour 
et  d'un  solitaire  sur  la  conduite  des 
grands,  1715,  in-12.  C'est  une  fiction 
rieuse,  dans  laquelle  l'auteur  fait  con- 
verser le  fameux  réformateur  de  la 
Trappe  avec  le  comte  de***  |  Traité  du 
iecret  de  la  confession^  in-12,  ouvrage 
propre  à  instruire  les  confesseurs  et  à 
rassurer  les  pénitens ,  in-12.  C'était  le 
meilleur  Traité  sur  cette  matière  im- 
portante ,  avant  que  celui  de  l'abbé  Len- 
glet  n'eût  paru. 

LOCKE  (Jean),  naquit  à  Wrington, 
près  de  Bristol ,  en  1032.  Son  père  était 
capitaine  dans  l'armée  que  le  parlement 
leva  contre  Charles  \" .  Le  jeune  Locke 
fit  ses  études  à  Westminster ,  puis  à  Ox- 
ford, et  obtint  dans  cette  ville  un  bénéfice 
(chaire  sans  fonction)  au  collège  de  Christ- 
Chiirch.  Après  avoir  fait  les  études  or- 
dinaires ,  il  se  dégoûta  des  universités  et 
surtout  de  la  philosoi)hie  scolaslique,  et 
s'enferma  dans  son  cabinet  pour  lire  et 
méditer.  Il  s'attacha  pendant  quelque 
temps  à  la  médecine  ;  la  faiblesse  de  sa 
santé  ne  lui  permit  pas  d'exercer  cet  art. 
Après  deux  voyages,  l'un  en  Allemagne 
et  l'autre  en  France,  il  se  chargea  de  l'é- 
ducation du  fils  demilord  Ashley,  depuis 
comte  de  Sliaflesbury.  Ce  lord ,  devenu 
grand-chancelier  d'Angleterre,  lui  donna 
la  place  de  secrétaire  de  la  présentation 
des  bénéfices,  qu'il  perdit  l'année  suivante 
par  suite  de  la  disgrâce  de  son  prolecteur 
(ir)75).  La  crainte  de  tomber  dans  la 
pîithisie  l'obligea  d'aller  à  Montpellier 
en  IG74  ;  de  là ,  il  vint  à  Paris,  d'où  il  fui 
rappelé,  en  1679,  par  son  prolecteur,  qui 
venait  d'élre  nommé  président  du  con- 
seil ;  mais  celui-ci  ayant  été  bientôt  dis- 
gracié, il  passa  en  Hollande,  et  Locke  l'y 
suivit.  Ce  fut  dans  ce  pays  qu'il  acheva 
son  Essai  sur  l'entendement  humain , 
ouvrage  qu'il  avait  commencé  depuis  l'an 
1670  et  qui  a  fait  beaucoup  de  bruit.  Il 
n'y  avait  pas  un  an  que  Locke  était  sorli 
d'Angleterre ,  lorsqu'il  fut  accusé  d'avoir 
fait  imprimer  en  Hollande  des  libelles 
contre  le   gouvernement  anglais.    Cette 


7  LOC 

affaire,  dans  laquelle  on  reconnut  a^- 
pendant  plus  tard  son  innocence ,  lui  {il 
per-dre  sa  place  dans  le  collège  de  Christ 
à  Oxford.  Jacques  II  le  fit  demander  aux 
étals-généraux  de  Hollande,  et  Locke  fut 
obligé  de  se  caclier  jusqu'à  ce  que  le 
monarque  anglais  fut  délrônê  par  le 
prince  d'Orange,  son  gendre  (1G89).  Il 
retourna  alors  danssa  patrie  sur  la  flotte 
qui  y  conduisit  la  princesse  depuis  reine 
d'Angleterre,  et  devint  commissaire  du 
commerce  et  des  colonies  anglaises;  placo 
dont  le  traiU-ment  était  de  mille  livres 
sterling,  et  qu'il  remplit  jusqu'en  1707. 
Il  s'en  démit,  parce  que  l'air  de  Londres 
lui  était  absohimeiit  contraire ,  et  se  re- 
tira à  dix  lieues  de  celte  ville,  chez  le 
chevalier  Marsham,  son  ami.  Pendant  le 
reste  de  ses  jours,  il  partagea  son  temps 
entre  la  prière  et  l'étude  de  l'Ecriture 
sainte  :  occupation  bien  remarquable 
dans  un  homme  qui  avait  essayé  d'attri- 
buer la  pensée  à  la  matière.  11  mourut 
en  philosophe  chrétien  on  1704,  à  72  ans. 
Il  nous  reste  de  lui  un  grand  nombre 
d'ouvrages  en  anglais  ,  dans  lesquels  on 
voit  briller  Tesprit  géométrique,  quoîq;:e 
l'auteur  n'eût  jamais  pu  se  soumettre  à 
la  fatigue  des  calculs ,  ni  à  la  sécheresse 
des  vérités  mathématiques.  Ils  ont  été 
recueillis  à  Londres,  en  5  vol.  in-fol.,  1714 
1725,1752;  et  4  vol.  in-4°,  1768,1777. 
1784;  l'édition  de  1801,  10  vol.  in-8", 
est  la  plus  estimée.  Les  principaux  ou- 
vrages de  Locke  sont  :  Essai  philosojjhi- 
que  concernant  l'entendeînent  humain, 
dont  la  meilleure  édition  en  anglais  est 
celle  de  1700,  in  fol.  Il  a  été  traduit  tu 
français  par  Cosle,  sous  les  youx  de  l'au- 
teur, 1729,  iii-4°,  réimprimé  en  4  vol. 
in-12.  Cette  version  a  élé  abrégée  en  i 
vol.  in-12.  Il  aurait  élé  à  souhaiter  que 
l'auleur  n'eût  pas  t(jujours  consulté  la 
physique  dans  une  matière  que  son  flam- 
beau ne  peut  éclairer.  En  voulant  déve- 
lopper la  raison  humaine,  comme  un 
analomiste  explique  les  ressorts  du  corp» 
Iiumain  ,  il  a  fait  presque  une  machine  de 
l'être  spirituel  qui  l'anime.  Son  idée,  que 
Dieu  par  sa  toute-puissance  pourrait 
rendre  la  matière  pensante,  a  paru, avec 
raison,  d'une  dangereuse  conséquencs, 
ainsi  qu'elle  est  en  elle-même  fausse  et 
contraire  à  toutes  les  lumières  dune 
saine  métaphysique.  11  n'est  pas  vrai  ce- 
pendant, comme  quelques  écrivains  plus 
zélés  qu'intelligens  l'ont  avancé ,  que 
cette  erreur  de  Locke  renverse  le  dogmo 
de  riaimorlalitc  de  l'ûaie  ;  car  il  faudrait 


LOC 


498 


LOC 


f  our  cela  prouver  qu'une  matière  capa- 
li.'o  d'intelligence  n'est  pas  capable  de 
I  imniorlalité,  et  qu'il  est  plus  impossi- 
Me  de  concevoir  une  matière  immortelle 
qu'une  matière  pensante.  Si  la  matière 
pouvait  être  élevée  jusqu'à  la  pensée, 
pourquoi  n'atteindrait-elle  pas  à  l'immor- 
talité? Il  y  a  plus:  les  éiéinens  de  la 
matière  sont  réellement  indestructibles, 
à  raison  de  leur  simplicité  (ou  exemp- 
tion de  mélange  )  et  de  leur  incorrupti- 
bilité; pourquoi  notre  âme,  supposé 
qu'elle  fût  de  même  nature,  n'aurail-cUe 
pas  la  même  propriété?  C'est  ce  qui  a 
fait  dire  à  un  lionmie  de  génie  :  «  Il  n'y  a 
»  qu'un  intérêt  secret  et  honteux  ,  con- 
»  traire  à  l'amour  naturel  que  nous  avons 
»  pour  l'existence  ,  qui  puisse  nous  faire 
»  excepter  notre  âme  du  sort  éternel  des 
»  matières  brutes  et  inanimées.  »  Non.  la 
spiritualité  de  l'âme  n'est  pas  la  -seule 
preuve  de  son  immortalité,  i"  La  religion 
chrétienne  est  un  fait  établi  par  des 
preuves  victorieuses  :  celte  religion 
m'enseigne  que  je  suis  immortel  ;  il  faut 
la  convaincre  de  fausseté  avant  de  cor- 
riger ma  croyance.  2°  L'existence  de  Dieu 
est  une  vérité  à  laquelle  un  homme  sensé 
ne  peut  se  refuser;  et  cette  vérité  est  évi- 
demment liée  avec  l'imiuortalité  de  nos 
âmes.  L'univers  est  un  fait  qui  suppose 
une  cause  ;  et  nous  déduisons  du  fait 
l'existence  et  les  attributs  de  la  cause  :  or, 
parmi  ces  attributs,  il  y  en  a  qui  sup- 
jiosent  évidemment  la  conservation  de 
i'àme  humaine ,  quelle  qu'elle  soit  de  sa 
nature.  3°  La  distinction  du  vice  et  de  la 
vertu  n'est  pas  une  chose  arbitraire, 
mais  née  avec  les  hommes,  gravée  dans 
leur  âme  avec  des  caractères  ineffaça- 
bles; et  cette  distinction  serait  abolie  ,  si 
l'âme  de  l'homme  n'échappait  pas  à  la 

ruine  du  corps Du  reste  l'ouvrage  de 

Locke  est  estimable  pour  la  clarté,  la  mé- 
thode et  l'esprit  d'analyse  qui  le  carac- 
térisent. M.  Tabaraud ,  dans  son  I/is- 
toire  du  philosophisme  anglais^  pré- 
sente un  examen  sévère ,  mais  bien  fait 
de  la  philosophie  de  Locke.  Nous  avons 
aussi  en  français ,  par  Martin  Roche ,  un 
Traité  de  la  nature  de  l'âme  et  de  l'ori- 
fjine  de  ses  connaissances  contre  le  sys- 
tème de  Locke,  2  vol.,  1739.  |  Un  traité 
intitulé  :  Du  gouvernement  civil ,  en  an- 
glais, qui  a  été  assez  mal  traduit  en  fran- 
çais, in- 12,  1724;  il  y  a  une  édition  de 
1780.  Le  philosophe  y  combat  fortement 
le  pouvoir  arbitraire,  et  semble  même 
ébranler  les  principes  de  tout  gouverne- 


ment monarchique.  \'\  y  o\%  Lettres  szcr  ia 
tolérance  en  niaticre  de  religion;  \  quel- 
ques Ecrits  sur  la  monnaie  et  le  com- 
merce ;  I  De  l'éducation  des  enfans.  Ce 
livre,  estimable  à  beaucoup  d'égards, 
mais  dont  plusieurs  endroits  ont  été  cri- 
tiqués avec  raison  ,  a  été  traduit  en  fran- 
çais, en  allemand,  en  hollandais  et  en  fla- 
nuuul.  I  Un  traité  intitulé  :  le  Christia- 
nisme 7'aisonnable .  traduit  aussi  en  fran- 
çais, et  imprimé  en  17i5,  en  2  vol.  in-12. 
Quelques  propositions  de  ce  livre,  pris'JS 
à  la  rigueur,  pourraient  le  faire  soup- 
çonner de  socinianisme.  Il  y  soutient  que 
J.-C.  et  les  apôtres  n'annonçaient  d'au- 
tres articles  de  foi  que  de  croire  que  J.-C. 
était  le  Messie.  Il  s'excusa  ou  tâcha  de  se 
justilier  dans  des  lettres  au  docteur  Slit- 
linglleet.  M.  Coste  a  traduit  La  défense 
de  Locke^  et  l'a  ajoutée  à  celle  du  Chris- 
tianisme raisonnable. l\  y  a  du  reste  dans 
cet  ouvrage  d'excellentes  choses  et  de 
solides  réfutations  du  philosophisn)e  ;  on 
y  trouve  même  des  observations  sur  la 
convenance  et  la  nécessité  de  l'autorité 
suprême  du  chef  de  l'Eglise ,  qui  seules 
suffisent  pour  confondre  les  richérisles  . 
les  jansénistes  et  fébroniens.  {Voyez  G  RO- 
TI US,  MÉLANCTHON.  )  |  Des  Para- 
phrases sur  quelques  Epîtros  de  saint 
Paul;  I  des  OEuvres  diverses ,  1710,  en  2 
vol.  in-12.  Elles  renferment  une  Méthode 
très  commode  pour  dresser  des  recueils  : 
plusieurs  savans  l'ont  suivie.  |  Des  ÛCm- 
vres poslhumes^qmcontiennenl  des  mor- 
ceaux sur  divers  sujets  de  philosophie. 
M.  Thurot  a  récemment  publié  une  tra- 
duction qui  renferme  les  ouvrages  philo- 
sophiques et  politiques  de  Locke,  Firmin- 
Didot,  1821,  1823,  8  vol.  in-S".  Locke  avait 
une  grande  connaissance  des  mœurs  du 
monde  et  des  arts.  Il  avait  coutume  dd 
dire  qjie  «  la  connaissance  des  arts  méca- 
»  niques  renferme  plus  de  vraie  philoso- 
»  phie  que  tous  les  systèmes ,  les  hypo 
»  thèses  et  les  spéculations  des  philoso- 
»  phes.  »  Jugement  qui  lui  fait  honneur, 
et  qui  est  d'une  vérité  aussi  sensible  qu'in- 
téressante. Son  style  n'a  ni  la  force  de 
celui  de  la  Bruyère.  lù  le  coloris  de  celui 
de  Malebranche  ;  mais  il  a  beaucoup  da 
justesse,  de  clarté,  et  de  netteté.  Sa  con- 
versation était  enjouée.  Il  savait  plusieurs 
contes  agréables,  qu"'il  rendait  encore 
plus  piquans  par  la  manière  dont  il  les 
racontait.  Son  humeur  était  portée  à  la 
colère  ;  mais  ses  accès  n'étaient  que  pas- 
sagers, et  il  était  le  premier  à  reconnaître 
ses  torts.  L'ouvr.'igc  de  Locke  intitulé. 


LOC 


499 


LOC 


Du  gouvernement  civil,  a  beaucoup  servi 
à  J.J.  Rousseau  pour  son  Contrai  social; 
et  ses  Lettres  ou  Pensées  sur  l'éducation 
n'ont  pas  été  non  plus  inutiles  au  piiiloso- 
phe  (le  Genève  dans  son  Emile  ;  mais  on 
(rouve  chez  Locke  plus  de  profondeur  et 
de  modération. 

LOCMAN.ou  plutôt  LOKMAN,  fameux 
philosophe  d'Ethiopie  ou  de  Nubie.  Les 
Arabes  en  racontent  mille  fables.  Ils  pré- 
tendent qu'il  était  esclave,  et  qu'il  fui 
vendu  aux  Israélites  du  temps  de  Salomon. 
Quelques-uns  lui  donnent  jusqu'à  500  et 
même  1000  ans  d'existence.  Ils  en  rappor- 
tent plusieurs  choses  que  les  Grecs  ont  at- 
Iribuces  à  Esope.  Nous  avons  un  livre  de 
Fables  et  de  Sentences  que  les  Arabes 
disent  être  l'ouvrage  de  Locman;  mais  l'on 
«  roitquc  ce  livre  est  moderne.  S'il  est  vrai 
que  Locman  soit  le  même  qu'Esope,  il 
j)araît  que  les  Grecs  ont  forgé  l'histoire  de 
celui-ci  sur  celle  du  premier,  et  que  dans 
ce  cas ,  comme  dans  beaucoup  d'autres , 
ils  se  sont  approprié  avec  diverses  alté- 
rations les  hommes  et  les  événemens  cé- 
lèbres qui  ont  illustré  l'Asie  (  i  ).  Les  fa- 
bles et  les  apologues  altribués  à  Locman 
sont  trop  conformes  au  génie  des  peuples 
où  l'on  prétend  qu'il  a  vécu  ,  pour  croire 
([ue  les  Arabes  aient  ici  pillé  les  Grecs. 
Les  historiens  peignent  Locman  comme 
un  homme  également  estimable  par  ses 
connaissances  et  par  ses  vertus.  C'était 
un  philosophe  taciturne  et  contemplatif , 
occupé  de  l'amour  de  Dieu,  et  détaché  de 
celui  des  créatures.  Des  savans  ont  pré- 
tendu que  Locman  était  Salomon  ,  et 
que  ses  apologues  étaient  ceux  de  ce  phi- 
losophe roi.  «  L'histoire  des  premiers 
»  philosophes  dont  les  Grecs  se  glorifient 
»  (  dit  un  critique  célèbre  ) ,  et  dont  la 
»  patrie  n'est  nullement  certaine,  contient 
K  un  grand  nombre  d'altérations  de  nos 
•  divines  Ecritures;  et  spécialement  quel- 
»  ques-uns  des  livres  de  Salomon  {le  Sage 
»  par  excellence  )  ont  eu  l'influence  la 
»  plus  marquée  dans  les  ouvrages  des 
B  philosophes  de  la  Grèce  ,  sous  différens 
»  noms  ,  traduits  de  nos  livres  saints.  Le 
»  Locman  des  Orientaux,  loin  d'avoir  été 
»  l'Esope  des  Grecs,  selon  le  préjugé  com- 
»  mun,  reprendra  son  vrai  nom  de  Salomon 
»  lequel  signifie  sage  en  hébreu,  et  a  été 
»  traduit  par  celui  do  Locman  ,  qui  a  le 
B  même  sens  en  arabe.  Les  auteurs  orien- 
»  taux  parlent  beaucoup  de  la  sagesse  de 


(t)  Voyei  VHlst.  vr'rit.  des  temps  fameux ,  tora.  5  , 
r*8    ^7  '  >  *'  '"  arsiclci  FiciN,  Lavaub,  Piatou,  etc, 


»  Salomon.  De  ce  personnage,  qu'il'?  on!  al- 
»téré,  isea  ont  fait  plusieurs,  un  enlreau- 
»  très  sous  le  nom  de  Locman.  Locman  est 
»  formé  ordinairement  de  l'article  arabe  i7f. 
»  et  du  mot  echm,  qui  signifie 5fl^e.  Dius 
»  la  Bibliothèque  orientale  de  M.  d'Hei  !i;;. 
»  lot,  on  tiouve  ,  sur  le  mot  LOCMAN 
»  ALHAKIM  LOCMAN,  LOCMAN  le  Sage. 
n  C'est  exactement  le  surnom  de  Salomon 
»  traduit  en  arabe.  Quelques-uns  ont  pré- 
»  tendu  qu'Esope  était  le  même  person- 
i>  nage  que  Locman  et  Bidpay  ,  appelé 
»  vulgairement  Vilpaxj^  et  ont  par  consé- 
B  quent  mis  sur  le  compte  de  Locman  les 
»  fables  d'Esope.  Si  Salomon  a  été  masqué 
»  sous  le  nom  de  Locman  ,  cette  décou- 
»  verte  conduirait  à  un  doute  très  grave 
»  sur  quelques  fables  attribuées  à  Esope, 
»  confondu  avec  Locman.  En  attendant 
»  des  éclaircissemens  sur  un  fait  aussi 
»  important ,  nous  ferons  observer  que 
»  l'on  trouve  dans  les  Proverbes  de  Salo- 
»  mon  (  VI,7),  la  fable  de  la  Fourmi {i')^ 
»  et  celle  du  Pot  de  terre  et  du  Pot  de 
V  fer  dans  l'Ecclésiastique  (  XIII,  3).  Ce 
»  ne  sont  pas  les  seuls  apologues  qu'on 
»  rencontre  dans  l'Ecriture  sainte.  On  y 
»  lit  la  fable  des  Arbres  qui  se  choisissent 
»  un  roi  (  Judic.  IX  ,  8  ) ,  celles  du  Riche 
»  et  du  Pauvre  ^  et  des  Deux  Fils,  2  Reg., 
»XII,  {  ),  du  Cèdre e\  du  Chardon{k  Reg. 
»  ik,  9,  et  2  Parai.,  2a,  18).  Ainsi  les  écri- 
»  vains  sacrés  ont  évidemment  l'honneur 
»  de  l'invention  de  l'apologue,  puisque 
»  Hésiode,  qui ,  long-temps  avant  Esope, 
»  avait  donné  la  fable  de  VEpervier  et 
»  du  Rossignol  (  Opéra  et  Dies,  1,  200  ), 
a  est  mohis  ancien  que  l'auteur  du  livre 
»  des  Juges  ,  où  nous  trouvons  la  fable 
»  des  Arbres.  »  On  pourrait  citer  ,  à  l'ap- 
pui de  ces  dévoileinens  sur  Locman  ,  un 
ouvrage  intitulé  :  J'ie  des  écrivains 
étrangers  ^  tant  anciens  que  modernes  , 
par  M.  Le  Prévôt,  d'Exmes,  à  Paris,  chcB 
la  veuve  Duchesne ,  1784 ,  où  sont  rap- 
prochés les  grand.»  traits  de  ressemblance 
quise  trouvent  entre  Salomon  et  Locman, 
On  pourrait  citer  encore  Les  nouveaux 
Contes  Arabes,  ou  Supplément  aux  Mill^ 
et  une  Nuits,  suivis  de  Mélanges  de  litté- 
rature orientale  et  de  Lettres ,  par  M, 
l'abbé*"*, â.  Paris,chezPrault,in-i2de42.'i 
pages.  Dans  les  lettres  qui  terminent  cet 


(i)  L'Ecriture  nou»  dit  expret$ciaent  qu'il  composa 
3,oco  paraboles  ou  apologues,  et  too5  pormes.  Locu. 
lus  Salomon  Irta  milita  parabolas,  el/ueninl  carmma 
fjus  Kfuinque  et  mille,  m.  Rïg.  IV,  3a.  Les  Sepla-ite 
ont  quinquies  mille;  mai»  l'bcbrea  cl  le  chiljeert 
sont  couformes  à  1»  Vulgalc. 


LOC 


500 


LOD 


ouvrage,  on  prouve  presque  jusqu'à  l'c- 
vidence  que  le  Locman  des  Arabes  est  le 
premier  fabuliste  ;  que  l'Esope  des  Grecs 
n'en  est  que  le  traducteur,  et  que  son 
histoire,  publiée  par  le  moine  Planude  , 
est  fabuleuse  et  conlrouvée,  ainsi  que  le 
recueil  d'apolojjues  qu'il  a  coitipilés  très 
maladroitement.  De  plus ,  dans  les  Pen- 
sées et  Adages  .  traduits  de  l'arabe ,  on 
trouve  plusieurs  maximes  de  nos  auteurs 
sacrés.  Le  premier  adage  est  celui-ci  : 
La  crainte  de  Dieu  est  le  commencement 
de  la  sagesse.  Ces  rencontres  singulières 
paraissent  embarrasser  le  traducteur.  Il 
les  attribue  à  l'influence  éternelle  de  la 
nature,  toujours  uniforme  dans  ses  opé- 
rations j  soit  morales,  soit  physiques. 
Mais,  sans  critiquer  l'espèce  de  phébus 
qu'on  croit  apercevoir  dans  cette  influence 
éternelle  de  la  natwe ,  et  sans  demander 
au  traducteur  pourquoi  cette  influence 
éternelle  n'a  pas  produit  les  mêmes  adages 
chez  tous  les  philosophes  et  chez  toutes 
les  nations ,  nous  nous  bornerons  à  re- 
marquer que  cette  ressemblance  des  mo- 
ralistes arabes  avec  ceux  de  l'Ecriture 
reçoit  une  explication  aussi  simple  que 
satisfaisante  des  observations  que  nous 
venons  de  faire.  Erpénius  a  publié  les 
fables  de  Locman  en  arabe  et  en  latin  , 
4615  ,  1636  et  1656,  ïn-k"  ;  et  M.  Caussin 
en  a  donné  une  édition  meilleure  et  plus 
estimée,  en  1818.  Le  jésuite  Lassala  les  a 
traduites  en  vers  latins,  et  Galland  en 
français,  avec  celles  de  Bidpay,  Paris,1714, 
2  vol.  in-12;  elles  l'ont  été  aussi  par  Gueu- 
lelle.  en  {Tîh ,  et  par  M.  Marcel,  1799, 
in-ii";  1805,  in-12,  avec  4  nouvelles  fables. 
roxjez  ESOPE ,  PLANUDES  ,  MÉZIRIAC. 

LOCi\ERUS  ou  LOCHNER  (  Michel- 
FRÉDÉnic  ),  né  à  Furth,  près  de  Nurem- 
berg en  1662,  mort  à  Nuremberg,  en  1720, 
à  58  ans,  était  très  versé  dans  l'antiquité 
et  dans  l'histoire  naturelle.  On  a  de  lui  : 
j  Papaverex  antiquitate  e^-u/wm,  Nurem- 
berg ,  1715,  in-4°  ;  \  Heplas  disserlalio- 
num  ad  hisloriam  naturalem  pertinen- 
tium,  1717,  in-4°;  |  Rariora  musœi  besle- 
riani,  1716,  in-fol.,  et  plusieurs  autres  ou- 
vrages sur  les  simples  exotiques. 

LOCRES  (  Ferry  de  )  ,  né  à  saint-Paul 
ou  Saint-Pol,  ville  de  l'Artois  ,  en  1571  , 
curé  de  Saint-Nicolas  d'Arras ,  mort  en 
1614,  partagea  son  temps  entre  les  devoirs 
de  son  ministère  et  l'élude  des  antiquités 
de  son  pays.  Nous  devons  à  ses  recher- 
ches :  I  Discours  de  la  noblesse,  oii  il  fait 
mention  de  la  piété  et  de  la  vertu  des 
rois  de  France,  Arras,  1605,  in-8°-,  [  His- 


toire des  comté .  pays  et  ville  de  Saint- 
Paul  ,  Douai  ,  1613  ,  in-i"  :  ouvrage  es- 
timé ;  I  Chronicum  belgicunt  ab  anno  258 
ad  annuni  1600,  DoUai,  1616;  Arras,  1618, 
in-4".  C'est  plutôt  une  chronique  du  pays 
d'Artois  que  des  Pays-Bas.  La  critique  y 
manque,  surtout  pour  les  premiers  temps. 

LOCUST/V ,  fameuse  empoisonneuse  , 
vivait  à  la  cour  de  Néron  ,  l'an  00  de  Jé- 
sus-Christ. Ce  prince  barbare  se  servait 
de  cette  misérable  pour  faire  périr  les 
objets  de  sa  haine  et  de  sa  vengeance." 
Tacite  dit  qu'il  craignait  si  fort  de  la  p(!r- 
dre,  qu'il  la  faisait  garder  à  vue.  Il  em- 
ploya son  ministère  lorsqu'il  voulut  sfi 
défaire  de  Britannicus.  Comme  le  poisorl 
n'opérait  pas  assez  tôt ,  il  allait  ordonne! 
qu'on  la  fit  mourir.  Locusta  donna  dem 
doses  de  poison  au  malheureux  Britanni* 
eus  :  la  première  n'opérant  pas  assez  su 
bitement ,  Néron  frappa  Locusta ,  et  me- 
naça de  nouveau  de  la  faire  périr.  Elle 
prépara  alors  un  autre  dose,  si  forte,  que 
Britannicus  tomba  mort  sur-le-champ  : 
elle  fut  sauvée.  Suétone  rapporte  que  Né- 
ron lui  faisait  préparer  ses  poisons  dans 
son  palais,  et  que  pour  prix  de  ses  abo- 
minables secrets,  il  lui  pardonna  non  seu- 
lement tous  ses  crimes ,  mais  qu'il  lui 
donna  de  grands  biens  et  des  élèves  pour 
apprendre  son  métier. 

♦  LODOLI  (  Charles  de  CONTI  )  de 
l'ordre  de  saint  François  ,  né  à  'Veniso 
en  1690 ,  cultiva  avec  distinction  les 
sciences  et  les  arts.  Après  avoir  occupé 
les  chaires  de  belles-lettres  et  de  théolo- 
gie ,  il  devint  chronologiste  général  des 
écrivains  de  son  ordre,  et  censeur  des 
livres  delà  republique  de  Venise.  Il  s'est 
fait  connaître  plus  particulièrement  par 
son  goûtpour  les  beaux-arts  II  avait  re- 
cueilli divers  morceaux  d'architecture  , 
de  peinture,  sculpture  et  gravure,  dont 
la  suite  mettait  sous  les  yeux  les  progrès 
successifs  de  ces  arts  ;  mais  un  accidi-nt 
a  fait  périr  tous  ses  manuscrits  et  ses  des- 
sins. Il  mourut  à  "Venise  le  27  octobre 
1771.  Cette  ville  lui  doit  une  école  patri- 
cienne, d'où  sont  sortis  des  sujets  du  plus 
grand  mérite.  Les  principes  de  Lodoli 
ont  été  développés  dans  un  ouvrage  ita- 
lien intitulé  :  |  Elémens  d'architecture, 
ou  l'Art  de  bâtir  avec  une  solidité  scien- 
tifique, et  une  élégance  non  capricieuse» 
Rome.  1780.  ix\-k°.  Ces  élcmcns  renfer- 
ment une  connaissance  profonde  de  l'arl, 
beaucoup  de  goût,  et  des  vues  utiles 
au  perfectionnement  de  l'archilccturc. 
i  Apologhi.  etc.  Bavano,  1787,  in-8'*.  Dans 


LOE 


501 


LOE 


ces  apolo[;ucs,  qui  ne  furent  îuipriniés 
qu'après  la  mort  de  l'auteur,  et  auxquels 
on  pourrait  reprocher  d'être  un  peu  trop 
satiriques  ,  on  trouve  une  morale  saine  : 
ils  sont  en  prose  ,  mais  écrits  d'une  ma- 
nière tout-à-fait  poétique. 

LOEBER  (CiiRisriAN),  théologien  alle- 
mand, né  à  Orlamunde  en  1683  ,  mort  en 
47A7,  fut  surintendant  général  à  Allen- 
bourg.  On  a  de  lui  des  Dissertations  aca- 
démiques et  un  Abrégé  de  théologie  on 
latin.  II  eut  un  fils ,  Gothilf  Friedman  ,  et 
une  fille  ,  Christine-Dorolliée  ,  qui  se  dis- 
tinguèrent par  leurs  poésies. 

LOER  (Thierry  ),  appelé  aussi  Lœrius 
deStratiS:,  parce  qu'il  était  natif  d'Hoog- 
straten  en  Brabant ,  se  fit  chartreux  à  Co- 
logne, et  mourut  à  Wurtzbourgen  foo4  , 
après  avoir  composé  sur  les  hosties  mi- 
raculeuses conservées  à  Bruxelles,  im 
ouvrage  imprimé  à  Cologne  en  155^,  peu 
de  temps  après  la  maladie  de  la  suclte  _, 
qui  avait  fait  de  grands  ravages  à  Bru- 
xelles en  1529.  C'est  le  premier  ouvrage 
qui  ait  été  imprimé  sur  ces  hosties  si  cé- 
lèbres dans  la  Belgique.  Il  a  pour  titre  : 
Prœstantissima  quœdam  ex  imm7neris 
miracula^  quce  Bruxellis^7iobiliapudB7-a- 
bantos  oppido  ^  circa  venerabilem  Ëu- 
charistiam  hactenus  midlis  ab  annis  ad 
Christigloriamfiant,  etc.  Quoique  jusqu'à 
présent  il  n'y  ait  aucun  autre  imprimé 
connu  avant  cette  époque  ,  le  fait  histori- 
que est  authentiqueruent  prouvé,  tant  par 
les  lettres  originales  de  1570  (époque  du 
miracle  )  ,  que  par  d'autres  manuscrits 
rédigés  par  des  témoins  oculaires  et  cori- 
temporains,  joints  à  une  constante  tra- 
dition et  un  culte  non  interrompu  jus- 
qu'à nos  jours  ;  cidte  qui  n'a  essuyé  de 
critique  que  de  la  part  des  hérétiques  , 
vers  la  fin  du  16^  siècle.  On  peut  voir  la 
Dissertation  \\\s{ov\([nc  imprimée  à  Bru- 
selles,  chez  Lemaire  ,  1790,  in-8",  ou  le 
précis  qui  s'en  trouve  dans  le  Joum.  hist. 
ï?//i«..l"' septembre  1790  ,  p.  7. 

LOERIUS.  Foyez  LOYER. 

LOESEL  (Jean),  médecin  et  botaniste, 
né  à  Brandebourg  ,  en  1G07  ,  a  vécu  jus- 
qu'au milieu  du  17*  siècle  à  Kœnigsberg, 
Il  avait  préparé  sur  les  plantes  indigènes 
de  Prusse  un  grand  ouvrage  qui  fut  pu- 
blié par  son  fils  sous  le  titre  de  Catalo- 
ffus  plantarum  in  Borussia  nascentium^ 
Kœnigsberg,  1654,  in-/i°  ;  puis  par  Golls- 
ched,  sous  celui  de  Flora  prussica  ^  etc. 
Kœnigsberg,  1703 ,  in-i.".  Georges-André 
Helwig  en  a  donné  le  Supplément  ^  Dant- 
aick,1712,  in-4". 


LOi:\VEi\D/VL  (Ulkk:  FRÉr.ÉpjcWOL- 
DF.MARD,  comte  de  ) .  né  à  Hambourg  . 
en  1700  ,  était  arrière-pet il-llls  d'un  lils 
naturel  de  Frédéric  I!I  ,  roi  do  Danc- 
marck.  Il  commença  à  porter  les  armes 
en  Pologne  en  1713,  commesimple  soldat; 
et  ,  après  avoir  passé  par  les  grades  de 
bas-oflicier,  d'enseigne  et  d'aide-major, 
il  devint  capitaine  en  171/i.  L'ernpire 
alors  n'étant  point  en  guerre  ,  il  alla  ser- 
vir comme  v(jlontaire  dans  les  troupes 
de  Danemarck  contre  la  Suède,  et  s'y  dis- 
tingua par  son  activité  et  par  son  cou- 
rage, La  guerre  étant  survenue  en  Hon- 
grie, il  y  passa  en  1716,  et  se  signala  à  la 
bataille  de  Pcterwaradin  ,  au  siège  de 
Témeswar,  et  à  la  bataille  et  au  siège  de  v*. 
Belgrade.  Le    roi  Auguste  de   Pologne,  •' 

au  service  duquel  il  entra  ensuite,  le  créa 
maréchal-de-camp  et  inspecteur-général 
de  l'infanterie  saxonne.  Il  lit  les  campa- 
gnes de  1734  et  de  1735 ,  sur  le  Rhin.  La 
czarine  l'ayant  attiré  à  son  service ,  elle 
fut  si  contente  de  la  manière  dont  il  se 
conduisit  dans  la  Crimée  et  dansl'Ukraine, 
qu'elle  le  nomma  chef  de  ses  armées.  La 
grande  réputation  que  sa  valeur  lui  avait 
faite  engagea  le  roi  de  France  à  se  l'atta- 
cher. Il  obtint,  en  1743  ,  le  grade  de  lieu- 
tenant-général ,  et,  dès  l'année  suivante, 
il  se  signala  aux  sièges  de  Mcnin,  d'Ypres, 
de  Fumes,  et  à  celui  de  Fribourgen  1744. 
Dans  la  camp-igne  de  1745,  il  commanda 
le  corps  de  réserve  à  la  bataille  de  Fon- 
tenoy,  et  partagea  la  gloire  de  la  victoire. 
Il  prit ,  dans  la  même  campagne ,  Gand  , 
Oudenarde ,  Oslcnde  ,  Nieuport.  Il  com- 
mença la  campagne  suivante  par  les  siè- 
ges de  l'Ecluse  et  du  Sas-de-Gand,  et  la 
linit  par  celui  de  Berg-Op-Zoom  ,  qui  fut 
prise  d'assaut  le  16  septembre  1747.  Le 
duc  de  Parme  avait  échoué  devant  cette 
place  en  1588,  etSpinola  en  1622.  Depuis 
CCS  sièges,  elle  avait  été  forlitiée  par  le 
fameux  Coehorn ,  le  Vauban  des  Hollan- 
dais, qui  la  regardait  comme  son  chef- 
d'œuvre.  Mais  des  intelligences  secrètes 
secondèrent  la  valeur  française  ;  et  la 
brèche,  à  peine  praticable,  s'élant  trouvée 
en  plein  midi,  sans  défenseurs,  les  assié- 
geans  y  entrèrent  sans  résistance.  Un  ré- 
giment écossais  qui  tenta  de  les  en  chas- 
ser ,  fut  bâché  en  pièces.  Le  lendemain 
de  cette  journée,  le  comte  de  Loewendal 
reçut  le  bâton  de  maréchal  de  France.  IJ 
ne  survécut  pas  long-temps  à  sa  gloire. 
Un  petit  mal  qui  lui  sursint  au  pied  ,  et 
qui  fut  suivi  de  la  gangrène  ,  l'emporta 
en  1753  .  à  55  ans.  Il  avait  été  constam- 


LOF 


502 


Lon 


1 


mcnl  attaché  à  la  rdigion  catholique  , 
dont  il  pratiquait  les  devoirs  ,  et  laissa 
un  fil?  élevé  dans  les  mêmes  sentimens, 
nommé  François-Xavier- Joseph. 

•  LOFFICIAL  (  Louis-  Prospère  )  , 
membre  de  l'assemblée  Constituante  ,  de 
la  Convention  et  du  conseil  des  Cinq-ccnls, 
était,  avant  la  révolution,  lieutenant-gé- 
néral du  bailliage  et  juge  royal  de  Vur- 
vanl ,  séant  à  la  Châtaigneraie  ,  en  Poi- 
tou. Après  avoir  fait  partie  de  l'assem- 
blée Constituante ,  dans  laquelle  il  ne  se 
lit  remarquer  qu'au  jeude  paume,  il  fut 
appelé  aux  fonctions,  électives  alors,  de 
juge  au  tribunal  du  district  de  Parlhenai, 
département  des  Deux-Sèvres.  A  la  Con- 
vention ,  il  se  distingua  par  la  modéra- 
tion et  la  droiture  de  ses  principes ,  et 
surtout  par  le  courage  dont  il  fit  preuve 
dans  plusieurs  occasions  importantes, 
l'imagination  se  repose  en  parcourant 
ces  temps  désastreux,  lorsqu'elle  trouve 
des  hommes  humains  et  courageux:  Lof- 
flcial  fut  de  ce  nomhre.  Nous  citerons 
avec  plaisir  ce  trait  qui  mérite  d'être 
connu.  Profondément  affecté  du  sort  ré- 
servé au  malheureux  Louis  XVI,  et  ayant 
entendu  dire  dans  la  salle  ,  avant  l'appel 
nominal,  qu'il  n'y  avait  qu'une  voix  de 
plus  pour  la  mort ,  il  s'empressa  d'aller 
trouver  M.  Duchâtel,  son  ami,  retenu  dans 
son  lit  par  une  maladie  grave  :  celui-ci 
vint  voter  en  robe-de-chambre  et  la  tête 
enveloppée  de  flanelle  :  aussitôt  plusieurs 
voix  s'élevèrent  pour  demander  «  quel 
»  était  le  royaliste  qui  était  allé  chercher 
j>  un  spectre  pour  sauver  le  tyran  ?  » 
Lofficial  se  leva  en  disant  :  «  C'est  moi;  » 
mais  heureusement  et  par  un  élan  géné- 
reux, Jard-Panvilliers  et  plusieurs  autres 
membres  qui  partageaient  ses  opinions^ 
se  levèrent  en  même  temps ,  et  firent  la 
même  déclaration.  Ainsi  on  ne  put  con- 
naître et  condamner  l'homme  courageux 
qui  avait  voulu  sauver  son  roi ,  et  Loffi- 
cial fut  sauvé.  Celui-ci  s'était  borné  à 
voler  la  détention  comme  mesure  de  sû- 
reté générale.  On  peut  voir  la  lettre  dans 
laquelle  il  raconte  lui-même  ce  fait  avec 
des  détails  intéressans  et  qui  est  adressée 
à  l'auteur  de  la  Vie  politique  des  députés 
à  la  Convention;  elle  se  trouve  aussi  dans 
la  Biographie  des  Coîitemporains,  à  l'ar- 
ticle LOFFICIAL.  Il  parut  rarement  à  la 
tribune  ;  mais  il  travailla  aux  comités  de 
judicaturo  et  dans  toutes  les  occasions  il 
s'opposa  aux  mesures  de  rigueur,  trop 
souvent  admises  par  la  majorité.  Ce  fut 
lui  qui  osa  le  prciiuer,  dans  la  séance  du 


8  vendémiaire  an  5,  appeler  Taltention  do 
l'assemblée  sur  les  crimes  de  Carrier  ,  et 
qui  fit  adopter  le  décret  d'accusation  pro- 
noncé contre  ce  monstre  :  Lofficial  à 
cette  occasion  fil  le  tableau  des  atro- 
cités par  lui  commises  dans  la  Vendée, 
et  à  plusieurs  reprises  il  excita  des  mou- 
vemens  d'horreur  dans  l'assemblée  et 
dans  les  tribunes.  Les  habitans  de  Nanlea 
s'empressèrent  de  lui  envoyer  ,  à  l'appui 
de  sa  dénonciation  ,  123  pièces  qu'il  dé- 
posa au  comité  de  salut  public ,  el  qui  no 
se  retrouvèrent  plus  à  l'époque  du  procès 
de  Carrier.  Lofficial  envoyé  en  décem- 
bre 1793 ,  avec  quelques  membres  de  la 
Convention  pour  pacifier  la  Vendée,  lit 
mettre  en  liberté  les  détenus.  Parmi  eux 
se  trouvait  madame  de  Bonchamp,  qui 
avait  été  condamnée  à  mort,  et  pour  la- 
quelle il  avait  obtenu  un  sursis  au  juge- 
ment qu'il  fit  expédier  sur-le-champ  à 
Nantes  par  voie  extraordinaire,  el  qui 
arriva  heureusement  avant  l'exécution. 
De  retour  au  sein  de  la  Convention,  il 
dénonça  les  opérations  révolutionnaires 
des  déi)Utés  Hentz  et  Francastel.  Réélu 
au  conseil  des  Cinq-cents  par  plusieurs 
départemens,  il  fit  partie  de  cette  assem- 
blée jusqu'en  l'an  7  (1798  ).  Depuis  cette 
époqiie  jusqu'à  sa  mort  arrivée  en  1815  , 
Lofficial  a  exercé  les  fonctions  de  juge 
au  tribunal  civil  d'Angers  ,  puis  de  con- 
seiller à  la  cour  royale  de  cette  ville. 

LOGOTHÊTE.    Voyez  ACROPOLITE. 

LOIIÉAC.  /^oycjs  LAVAL  (  André  de). 

LOIIEASTEIN  (  Damel-Gaspar  de  ), 
poète  allemand,  né  l'an  1C53,  à  Nimplsch 
en  Silésie,  fut  conseiller  de  l'empereur 
Joseph  I",  et  premier  syndic  de  la  ville 
de  Breslaw  (  1666).  Après  avoir  fait  de 
bonnes  éludes,  il  voyagea  dans  toutes  les 
parties  de  l'Europe,  où  il  s'acquit  l'es- 
time des  savans.  11  mourut  en  IG83 ,  à  i8 
ans.  Son  génie  avait  été  précoce  ;  à  l'àga 
de  la  ans  ,  il  donna  trois  Tragédies  qui 
furent  applaudies.  Il  est  le  premier  qui 
ait  tiré  la  tragédie  allemande  du  chaos. 
On  a  encore  de  lui  :  |  Le  généreux  capi- 
taine Anninius^  vaillant  défenseur  de  la 
liberté germanique^Leipsick,  1689  el  1690, 
en  2  vol.  in-4°.  C'est  un  roman  moral, 
assez  ennuyeux,  dont  le  but  est  d'inspirer 
de  l'ardeur  pour  les  sciences  aux  person- 
nes destinées  aux  emplois  publics  |  Des 
Poésies  diverses,  Breslaw,  1680,  et  1755; 
I  des  Réflexions  poétiques  sur  le  55*  cha- 
pitre d'Isaïe.  Tous  les  critiques  ne  sont 
pas  d'accord  sur  le  mérite  de  Lohenstein; 
quelques-uns  l'accusent  d'avoir  fondé  dans 


LOI  5 

f.x  patrie  une  école  de  inauvais  goùl,  et 
(lavoir  fait  faire  des  pas  rétrogrades  à  la 
poésie  à  peine  tirée  du  chaos  par  Opitz, 
mais  qui  déjà  commençait  à  èlre  corrom- 
pue par  Hofmanswalldau. 

F.OIR  (  P^icoLAS-PiKRr.E  ),  peintre,  né 
h  Paris ,  en  10^24,  (it  une  élude  si  particu- 
lière des  ouvrages  du  Poussin,  et  les  co- 
jjiait  avec  tant  d'art,  qu'il  est  difficile  de 
distinguer  la  copie  d'avec  l'original.  Louis 
XIV  le  gratifia  d'une  pension  de  4,000 
livres.  Loir  s'attacha  au  coloris  et  au  des- 
Bin.  Il  avait  de  la  propreté  et  de  la  faci- 
lité. Il  peignait  également  bien  les  ligu- 
res, les  paysages,  l'architeclure  et  les  or- 
lîcmeus  ;  mais  il  excellait  à  peindre  des 
femmes  et  des  enfans.  Il  fut  reçu  à  l'aca- 
démie en  1663  :  son  chef-d'œuvre  est  le 
tableau  de;  Cléobis  et  Btto?i  traviant  le 
char  de  leur  mère.  On  a  aussi  de  lui  150 
gravxires  à  l'eau-forte.  Il  motirut  à  Paris 
en  1G79.  —  Alexis  LOIR,  son  frère  ,  s'est 
distingué  dans  la  gravure.  Ou  estime 
beaucoup  sa  Descente  de  croix  .  d'après 
Jouvenci,  ci  nn  Massacre  des  Innocens 
d'après  Lebrun. 

*  LOÏSEAU  (  J!-.\\-SiMO>'  ),  juriscon- 
sulte distingué,  né  le  10  mai  1776,  à  Frasne 
en  Franche-Comté ,  fit  ses  études  au  collège 
de  Pontarlier,  puis  à  l'école  centrale  de 
Besançon,  et  fit  sous  le  célèbre  Prou- 
dhon  ses  cours  de  droit  à  Dijon,  où  il  fut 
i  eçu  docteur.  Etant  venu  à  Paris,  il  s'y  fit 
connaître  avantageusement  par  sa  coopé- 
ration à  un  journal  de  jurisprudence  esti- 
mé, intitulé  Jurisjinidence  du  Code  civiL 
in  -8°,  qu'il  entreprit  en  1804.  avec  M. 
lîavoux  :  ce  journal  cessa  de  paraître  en 
1812  :  il  en  était  au  19^  vol.  Loiseau  acheta 
en  1807  un  office  d'avocat  à  la  cour  de 
cassation.  Loiseau  est  mort  à  Paris,  le 
S2  décembre  1822,  âge  de  46  ans  ,  et  a 
laisse  :  |  Cause  célèbre  d'un  enfant  égaré 
dans  la  Vendée,  1809,  2  vol.  in-8°  ;  |  Dic- 
tionnaire des  Jrrêts  modernes.  1809  ,  2 
vol.  in-S'';  |  Traité  des  enfans  naturels, 
adultérins  .  incestueux  et  abandonnés , 
Paris,  1811,  in-S";  \  Appendice  au  Traité 
des  enfans  naturel  s.  ibid.  ,  Bavoux,  1819, 
in-8".  Ces  deux  ouvrages  sont  très  estimés; 
I  De  la  juridiction  des  7naires  de  village^ 
ou  Ti-aité  des  co7itraventions  de  -police, 
d'après  les  Codes  pénal  et  d'instruction* 
criminelle,  ibid.,  1815,  in-12,  deuxième 
édition  ,  1816  ;  |  Mémoire  sur  le  duel,  ibid., 
1819,  in-8°,  de  quatre  feuilles  et  demie: 
(  Traité  élémentaire  des  fromageries , 
Pontarijcr,  1821.  in-S"  de  80  pag.  MBI.  de 
Giraidin  et  Dallu/.  ont  prononcé  des  dis- 


03  LOI 

cours  sur  sa  tombe,   et  le  Moniteur  du 
22  décembre   1822  lui  a  consacré    une 
Notice. 
LOiSEAU.  Voyez  LOYSEAU. 

LOIS  EL  (  Ai\roi.\E  ),  avocat  au  parle- 
ment de  Paris,  né  à  Beau  vais  en  155(3, 
d'une  famille  féconde  en  personnes  de 
mérite,  étudia  d'abord  à  Paris  sons  le  fa- 
meux llamus,  qui  le  fit  son  exécuteur  tes- 
tamentaire, ensuite  à  Toulouse  et  à  Bour- 
ges ,  sous  Cujas.  Il  s'acquit  une  grande 
réputation  par  ses  plaidoyers ,  et  fut  re- 
vêtu de  plusieurs  emplois  honorables  dans 
la  magistrature.  Il  mourut  à  Paris  en 
1617,  à  81  ans.  On  a  de  lui  :  |  huit  Dis- 
cours intitulés  :  La  Guienne  de  M.  Loisel, 
parce  qu'il  les  prononça ,  étant  avocat  du 
roi,  dans  la  chambre  de  justice  de  Guien- 
ne ,  Paris,  IGOd,  in-8°;  |  le  Trésor  de  l'his- 
toire g  énéî'ale  detiotre  temps,  depuis  1610 
jusqu'en  1628,  ouvrage  médiocre  qui  n'est 
pas  de  lui,  mais  de  son  fils  Charles  Loisel, 
Paris,  1656 ,  in-8°;  |  Pasquier  ou  Dialogue 
des  avocats  du  parlement  de  Paris,  Paris , 
1052  ;  I  les  Règles  du  droit  français  ;  |  les 
Mémoires  de  Beauvais  et  Beawoisis . 
1717,  in-4°,  pleins  de  recherches  curieu- 
ses; (  les  Institutes  coutumières ,  1710, 
eri  2  vol.  in-12  ,  réimprimées  plusieurs 
fois,  dernière  édition,  1785  ;  ]  des  Poésies 
latines  ;  \  Opuscules  divers  .  in-4°  ,  1656 
Ils  furent  publiés  par  l'abbé  Joly  son 
neveu ,  chanoine  de  Paris ,  qui  les  orna 
de  la  Vie  de  l'auteur. 

LOISEL.  Voyez  LOESEL. 

LOISOAf.  Voyez  LOYSON. 

*  LOIZEROLLES  Jeax-Sihon  AVED 
de  ),  né  à  Paris ,  en  1733  ,  d'une  famille 
noble,  était  conseiller  du  roi  et  lieute- 
nant-général du  bailliage  de  l'artillerie  à 
l'arsenal  de  Paris  ,  lorsque  la  révolution 
éclata.  Il  ne  prit  aucune  part  à  nos  trou- 
bles politiques  ;  mais  ses  anciens  emplois, 
et  surtout  sa  naissance,  étaient  des  titres 
plus  que  sufflsans  pour  le  rendre  suspect. 
Il  fut  arrêté  comme  tel  en  1793  ,  et  ren- 
fermé avec  son  fils  dans  la  maison  de 
Saint-Lazare.  Les  lieux  dedétention,  quoi- 
que prodigieusement  augmentés  ,  ne  suf- 
fisant plus  pour  contenir  les  porîonnesqul 
donnaient  quelque  ombrage,  on  imagina, 
à  défaut  de  preuves  pour  les  faire  périr, 
les  conspirations  des  prisons.  Le  7  ther- 
midor (  25  juillet  1794  ), deux  jours  avant 
la  chute  de  Robespierre,  l'huissier  du  tri- 
bunal révolutionnaire  se  présente  à  Saint- 
Lazare  avec  la  liste  de  ceux  qui  devaient 
(lie  mis  en  jugement,  et  nomme  Loize- 
roiie^Iili;  il  doruiail  en  ce  moment.  Le 


Î.GL 


504 


LOL 


père  n'hésita  point  à  sacrifier  sa  vie  pour 
conserver  celle  de  son  fils  :  il  suivit  l'huis- 
sier et  parut  à  l'audience,  où  Coffinhal 
fini  ne  voulait  que  des  victimes  ,  sans  dis- 
tinction. 86  borna  à  effacer  sur  l'acte  d'accu- 
sation le  mot  de  fils,  pour  y  substituer 
celui  de  père.  Ainsi,  ce  généreux  vieillard, 
contre  lequel  il  n'existait  pas  de  chef  d'ac- 
cusation, fut  conduit  à  la  mortel  exécuté 
le  27  juillet  17%.  On  dit  qu'en  montant  sur 
la  fatale  charrette ,  il  s'écria  avec  trans- 
port :  «  Dieu  soit  loué,  j'ai  réussi  !  »  Mais 
cet  acte  héroïque,  qui  n'étonne  cependant 
pas  dans  un  père,  serait  peut-être  de- 
venu inutile  sans  la  révolution  qui  eut 
lieu  le  lendemain  9  thermidor  (27  juillet), 
et  qui  renversa  Robespierre  avec  ses 
principaux  complices. 

LOKMAN.  Voyez  LOCMAN. 

LOLLARD  ,  ou  LOLHARD  (  Walter), 
hérésiarque  anglais ,  prêcha  ses  erreurs 
en  Allemagne,  enseigna ,  vers  l'an  i3iS, 
que  les  démons  avaient  été  chassés  du 
ciel  injustement,  et  qu'ils  y  seraient  réta- 
blis un  jour,  Saint-Michel  et  les  autres 
anges  coupables  de  cette  injustice  devaient 
êtie  (  selon  lui  ),  damnés  éternellement 
avec  tous  les  hommes  qui  n'étaient  pas 
dans  ces  sentimens.  Il  méprisait  les  céré- 
monies de  l'Eglise,  ne  reconnaissait  point 
l'intercession  des  saints,  et  croyait  que 
les  sacremens  étaient  inutiles.  Le  ma- 
riage, selon  lui,  n'était  qu'une  prostitu- 
tion jurée ,  etc.  Ce  fanatique  se  fit  un 
grand  nombre  de  disciples  en  Autriche, 
en  Bohème,  etc.  Il  établit  douze  hommes 
choisis  entre  ses  disciples,  qu'il  nommait 
ses  apôtres,  et  qui  parcouraient  tous  les 
ans  l'Allemagne  ,  pour  affermir  ceux  qui 
avaient  adopté  ses  sentimens.  Les  inqui- 
siteurs firent  arrêter  LoUard,  et,  ne  pou- 
vant vaincre  son  opiniâtreté  ,  le  condam- 
nèrent. Il  fut  hrùlé  à  Cologne  en  1522 , 
sans  donner  aucune  marque  de  repentir. 
On  découvrit  un  grand  nombre  de  ses 
disciples,  dont  on  fit,  selon  Trithéme,  un 
grand  incendie.  Les  lollards  se  propagè- 
rent en  Allemagne  ,  passèrent  en  Flandre 
et  en  Angleterre.  Ces  enthousiastes  sé- 
duisirent beaucoup  d'Anglais,  et  leur  secte 
fit  des  progrès  dans  ce  royaume.  Ils  se 
réunirent  aux  wicléfites,  et  préparèrent 
la  ruine  du  clergé  d'Angleterre  et  le 
schisme  de  Henri  VIII,  tandis  que  d'autres 
lollards  disposaient  les  esprits  en  Bohème 
IK)ur  les  erreurs  de  Jean  Huss ,  et  pour  la 
guerre  des  hussiles.  Tant  il  est  vrai  que 
laisser  germer  des  sectes,  c'est  non  seule- 
ment préparer  drs  maux  inévitables  à  la 


religion ,  mais  ébranler  encore  la  consti- 
tution des  états. 

LOLLIA- PAULIN  A,  impératrice  ro- 
maine, petite-fille  du  consul  Lollius ,  était 
mariée  à  C.  Memmius  Régulas  ,  person- 
nage consulaire,  gouverneur  de  Macé- 
doine ,  quand  l'empereur  Caligula  fut 
épris  de  sa  beauté.  Afin  de  l'épouser  dans 
les  formes ,  il  obligea  Memmius  de  se  dire 
le  père  de  cette  dame  ,  dont  il  était  le  vé- 
ritable mari.  Elle  ne  porta  pas  long-temps 
le  titre  si  envié  et  si  dangereux  d'impé-i 
ratrice.  Caligula,  dégoûté  bientôt  de  la 
beauté  de  LoUia,  la  répudia  sans  motif  ni 
prétexte,  mais  de  sa  seule  volonté.  Après 
la  mort  de  Messaline  ,  femme  de  Claude, 
successeur  de  Caligula,  Lollia  brigua  l'hon- 
neur de  devenir  l'épouse  de  Claude  ;  mais 
Agripplne  l'emporta  par  les  intrigues  da 
Pallas ,  accusa  sa  rivale  de  sortilège  ,  et 
sous  ce  prétexte  la  fit  bannir  par  l'em- 
pereur, puis  assassiner  par  un  tribun, 
l'an  49  de  Jésus-Christ. 

LOLLIEIN  (  Spurids  Servilius  Lollia- 
Ntjs  ),  soldat  de  fortune,  né  dans  la  lie 
du  peuple,  s'avança  dans  les  armes  par 
son  intelligence  et  sa  bravoure.  Il  fut 
revêtu  de  la  pourpre  impériale  par  les 
soldats  romains  qui  venaient  de  massa- 
crer Posthume  le  Jeune.  Ce  fut  dans  le 
commencement  de  l'an  207.  L'usurpateur 
se  défendit  à  la  fois  contre  les  troupes  de 
Gallien  et  contre  les  Barbares  d'au-delà 
du  Rhin.  Après  les  avoir  contraints  de 
retourner  dans  leur  pays,  il  fit  rétablir 
les  ouvrages  qu'ils  avaient  détruits. 
Comme  il  faisait  travailler  ses  soldats  à 
ces  travaux  ,  ils  se  mutinèrent  et  lui  ôtè- 
rent  la  vie  après  quelques  mois  de  règne. 

LOLLIUS  (  Marcus  ) ,  consul  romain, 
fut  estimé  d'Auguste.  Cet  empereur  lui 
donna  le  gouvernement  de  la  Galatie,  de 
la  Lycaonie,  de  l'Isaurie  et  de  la  Pisidie, 
23  ans  avant  Jésus-Christ.  Il  le  fit  ensuite 
gouverneur  de  Caïus  César,  son  petit-fils, 
lorsqu'il  envoya  ce  jeune  prince  dans  l'O- 
rient pour  y  mettre  ordre  aux  affaires  de 
l'empire.  Lollius  fit  éclater  dans  ce  voyage 
son  avarice  et  d'autres  mauvaises  qua- 
lités qu'il  avait  cachées  auparavant  avec 
adresse.  Les  présens  immenses  qu'il  ex- 
torqua de  tous  les  princes  pendant  qu'il 
fUt  auprès  du  jeune  César,  découvrirent 
ses  vices.  Il  entretenait  la  discorde  entre 
Tibère  et  Caïus  César,  et  l'on  a  cru  même 
qu'il  servait  d'espion  au  roi  des  Parlhes 
pour  éloigner  la  conclusion  de  la  paix. 
Caïus,  ayant  appris  celte  trahison  ,  l'ao 
cusa  auprès  de  l'emperuur.  Lollius,  crai- 


LOL 


b'05 


LOM 


gnant  d'être  puni  romuie  il  le  méritait , 
s'empoisonna,  laissant  des  biens  immen- 
ses à  MarcusLoUius,  son  fils,  qui  fut  consul 
et  dont  la  fille  LoUia  Paulina  épousa  Cali- 
pula.  C'est  ce  dernier  Lollius  auquel  Ho- 
race adresse  la  2"  et  la  8"^  épitre  de  sou 
premier  livre,  et  qu'il  appelle  Maxime 
Loin. 

'  *  LOLME  (Jean-Louis  de  ) ,  né  à  Ge- 
nève en  1740,  exerça  d'abord  la  profes- 
sion d'avocat,  qu'il  abandonna  pour  aller 
examiner  les  coutumes  et  les  constitutions 
des  différens  états  de  l'Europe.  Il  fixa 
d'abord  ses  regards  sur  le  gouvernement 
anglais,  et  se  rendit  à  Londres  pour  l'é- 
tudier. Vers  177S  ,  il  revint  à  Genève  et 
y  fut  membre  du  conseil  des  Deux-Cents; 
mais  dans  la  suite  il  retourna  à  Londres 
et  ne  revint  en  Suisse  que  sur  la  fin  de 
ses  jours.  Il  est  mort  à  Seven  sur  le  Ruf- 
fiberg,  canton  de  Schwitz,  en  juillet  1806. 
II  publia  :  |  Parallèle  du  gouvernement 
anglais  et  de  l'ancien  gouvernement  de 
Suède^  contenant  'quelques  observations 
sur  la  dernière  révolution  an*ivée  dans 
ce  royaume^  etc.  en  anglais;  |  Constitu- 
tion de  l'Angleterre ,  ou  Etal  du  gouver- 
nement anglais,  dans  lequel  il  est  com- 
paré à  la  fois  avec  la  forme  républicaine 
de  gouvernement,  et  avec  les  autres  mo- 
narchies de  l'Europe,  en  français ,  Am- 
sterdam, 1771,  in-8°,  souvent  réimprimé. 
Ce  livre  fut  bien  accueilli  en  France. 
L'auteur  améliora  son  plan,  et  publia  une 
édition  anglaise  en  octobre  1775.  Son  ou- 
vrage est  estimé  des  anglais,  quoiqu'il  soit 
loin  d'être  complet  et  irréprochable.  Il  a  été 
vivement  critiqué  par  l'auteur  de  l'Exa- 
men dugouvememeyit  d' Angleterre ,  com- 
paré aux  constitutions  des  Etats-Unis ,  et 
surtout  dans  les  notes  ajoutées  par  l'édi- 
teur. On  ne  peut  se  dissimuler  que  plu- 
sieurs des  reproches  qu'il  lui  fait  ne  soient 
fondés  :  |  Histoire  des  flagellans,  ou  Mé- 
moires sur  la  superstition  humaine,  1777, 
in-i",  en  anglais.  C'est  une  paraphrase 
du  livre  de  l'abbé  Boileau,  et  l'on  repro- 
che à  de  Lolme  de  n'avoir  pas  gardé  la 
mesure  convenable.  Le  style,  d'ailleurs, 
n'en  est  pas  estimé.  |  Observations  rela- 
tives aux  taxes  sur  les  fenêtres,  les  bou- 
tiques, et  à  l'impôt  sur  les  merciers  am- 
bulans,  etc.  Elles  sont  pleines  de  sens  et 
de  jugement.  |  Observations  sur  l'em- 
barras national,  et  sur  la  manière  dont 
le  parlement  a  procédé  à  ce  sujet.  Il  a 
ciiiis  la  même  opinion  que  Pitt ,  qui  fut 
adoptée  par  le  parlement  et  partagée  par 
la  grande  majorité  de  lanation.  La  vie  pri- 
7. 


vée  de  Lolme  est  remplie  de  singularités; 
il  recherchait  la  société  des  classes  infé- 
rieures et  changeait  souvent  de  nom.  11 
était  presque  sans  moyens  d'existence  et 
sa  fierté  l'empêcha  toujours  de  solliciter 
pour  en  obtenir.  11  vivait  de  peu  ;  son  ex- 
térieur ^  ainsi  que  ses  habitudes,  étaient 
devenus  presque  repoussans. 

LOM  ou  LOMMIUS  (Josse  van),  savant 
médecin,  né  à  Burin,  dans  le  duché  de 
Gueldre,  vers  1500  ,  exerça  sa  profession 
principalement  à  Tournai  et  à  Bruxelles, 
et  mourut  vers  l'an  1362.  Nous  avons  de 
lui  :  I  Commentarii  de  sanitate  tuenda  in 
primum  lib.  De  re  medica  C.  Celsi,  Leyde, 
1761  ;  I  Observationum  medicinalium  libri 
très.  On  en  a  fait  un  grand  nombre  d'édi- 
tions ;  la  plus  récente  est  celle  d'Amster- 
dam, 1761,  in-12.  Il  a  été  traduit  deux  fois 
en  français,  Paris,  1712  et  1739;  |  Decuran- 
dis  febribus,  Amsterdam,  1761.  Le  latin 
de  Lommius  est  pur  et  élégant.  On  pré- 
tend qu'aucun  médecin  de  son  siècle  n'a 
fait  mieux  connaître  les  maladies,  ni  pres- 
crit une  pratique  plus  judicieuse  et  plus 
sûre.  Ses  observations  sont  sages  et  soli- 
des. En  parlant  des  avantages  de  la  so- 
briété ,  il  remarque  que  le  précepte  que 
fait  l'Eglise  de  la  quarantaine  qui  a  lieu 
au  commencement  du  printemps  est  par- 
failemoiil  conforme  aux  lois  de  l'hygiène, 
et  qu'étant  observée  avec  régularité ,  elle 
prévient  plusieurs  maladies.  Tous  les  ou- 
vrages de  Lommius  ont  été  imprimés  à 
Amsterdam  en  1745  et  1761,   3  vol.  iu-12. 

LOMAZZO  (  Jean  -  Paul  ) ,  peintre  et 
savant  italien,  né  à  Milan  en  1538,  de- 
vint habile  dans  la  peinture  et  dans  les 
belles  -lettres.  La  littérature  lui  fut  d'un 
grand  secours  quand  il  eut  perdu  la  vue 
à  la  fleur  de  son  âge  (  35  ans  ) ,  suivant  la 
prédiction  que  lui  en  avait  faite  Cardan. 
Il  mourut  en  1598.  On  a  de  lui  deux  ou- 
vrages peu  communs  :  |  un  Traité  de  la 
peinture  en  italien,  Milan,  1584,  1585, 
1590,  in-4°;  ouvrage  excellent  :  le  pre- 
mier livre  de  ce  traité  a  été  traduit  en 
français  sous  le  litre  de  Traité  de  la  pnh 
portion  naturelle,  Toulouse,  1649,  in-fol. 
fig.;  I  Idea  del  tempio  délia  pittura,  1590 , 
in-4°.  Plusieurs  poètes  et  savans  ont  cé- 
lébré Lomazxo  dans  leurs  écrits,  scit 
comme  littérateur ,  soit  comme  peintre. 
Ses  Poésies  sont  encore  très  estimées,  et 
ses  tableaux  ornent  les  églises  et  les  palais 
d'Italie. 

LOMBARD  (  Pierre  ).  J^oyez  PIERRE 
LOMBARD. 

LœiBARD  (  Lambert  ) ,  né  à  liège  en 
43 


LOM 

s'appliqua  avec  succès  à  la 


Îi06 


LOM 


4506,  s'appliqua  avec  succès  à  la  pcin 
lure.  Il  se  perfectionna  dans  son  art  en 
Allemagne,  en  France,  et  surtout  en  Ita- 
lie, où  il  passa  à  la  suite  du  célèbre  car- 
dinal Polus.  De  retour  dans  sa  patrie ,  il  y 
établit  le  bon  goût  dans  la  peinture  et 
l'architecture,  et  forma  des  élèves  qui 
tirent  de  grands  progrès  dans  cet  art. 
Hubert  GoUzius  publia  la  f^ie  de  Lom- 
bard par  Dominique  Lampson,  sous  ce 
titre  :  Lambertî  Lombardi  apud  Ehuro- 
nes  pictoris  celeberrimi  Vita^  Bruges, 
1565,  in-8".  Goll7,ius  y  donne  un  témoi- 
(jnage  éclatant  de  sa  reconnaissance  pour 
les  leçons  qu'il  avait  reçues  de  Lombard. 
Ce  peintre  était  encore  en  vie  l'an  1565  ; 
on  ignoré  l'année  de  sa  mort. 

LOMBERT  (  Pierre  ) ,  avocat  au  parle- 
ment de  Paris ,  où  il  est  né ,  fut  uni  aux 
solitaires  de  Port-Royal ,  et  demeura  quel- 
que temps  dans  leur  maison.  Il  traduisit 
les  Ecrits  des  saints  Pères^  et  mourut  en 
4710,  après  avoir  publié  plusieurs  ver- 
sions. Les  plus  estimées  sont  :  |  V Expli- 
cation des  premiers  chapitres  du  Canti- 
que des  cantiques  par  saint  Bernard ,  Pa- 
ris, 1670,  in-8°  ;  |  le  Guide  du  chemin  du 
ciel,  ou  Principes  de  la  vie  chrétienne , 
écrit  en  latin  par  le  cardinal  Bona  .  Paris, 
4681  ;  I  les  Ouvrages  de  saint  Cyprien^ 
Paris,  1672,  2  vol.  in-i"  ,  Rouen ,  1716, 
même  format  accompagnés  de  notes, 
d'une  nouvelle  VieAe.  ce  Père,  tirée  de  ses 
écrits ,  et  la  traduction  de  l'ancienne  par 
le  diacre  Ponce ,  etc.  ;  |  une  Traduction 
des  Commentaires  de  saint  Augustin  :  De 
sermone  Christi  in  monte ,  Paris ,  1683  et 
4701,  in- 18;  |  euiin  la  Traduction  de  la 
Cité  de  Dieu  du  même  docteur  ,  avec  des 
notes,  en  2  vol.  in-S",  4675;  réimprimée 
en  1818,3  vol.  in -8°,  avec  la  vie  de  saint 
Augustin  et  une  analyse  de  ses  œuvres, 
le  tout  extrait  des  f^ies  des  Pères  de 
Godescard.  On  peut  reprocher  à  Lombert 
ce  qu'on  a  reproché  à  Dubois ,  autre  tra- 
ducteur de  Port- Royal.  Saint  Bernard, 
saint  Augustin  et  saint  Cyprien  ont  chez 
lui  à  peu  près  le  même  style ,  les  mêmes 
tours  et  le  même  arrangement. 

LOMBES,  rayez  AMBROISE  de. 

LOMEIER  (  Jean  ) ,  ministre  réforme , 
né  en  4636,  à  Zulphen,  mort  dans  le 
même  lieu  en  4699,  s'est  distingué  par 
son  Traité  historique  et  critique  des  plus 
célèbres  bibliothèques  anciennes  et  mo- 
dernes, imprimé  à  Zulphen  en  1669,  et 
Ulrccht  4680,  in- 8°.  De  tous  les  livres 
que  nous  avons  sur  cette  matière,  c'est  le 
plus  savant,  mais  non  pas  le  mieux  écrit; 


et  depuis  qu'il  a  été  publié,  il  y  aurait 
bien  des  additions  à  y  l'aire. 

LOMENIE  (  Heivri-Auguste  de),  comte 
de  Brienne,  naquit  à  Paris  en  1594.  I^ 
roi  Louis  XIII  le  fit  capitaine  du  château 
des  Tuileries ,  en  4622,  et  l'envoya  eu 
\ngleterre  deux  années  après,  pour  ré- 
gler les  articles  du  mariage  de  Henriette 
de  France  avec  le  prince  de  Galles.  II 
suivit  le  roi  au  siège  de  la  Rochelle,  dans 
le  commencement  du  règne  de  Louis 
XIV ,  et  eut  ensuite  le  département  des 
affaires  étrangères.  Il  se  conduisit  avec 
beaucoup  de  prudence  durant  les  troubles 
de  la  minorité ,  et  mourut  en  1666 ,  à  71 
ans.  Il  a  laissé  des  Mémoires  manuscrits, 
depuis  le  commencement  du  règne  de 
Louis  XIII  jusqu'à  la  mort  du  cardinal 
Ma/.arin.  On  en  a  pris  les  morceaux  les 
plus  intéressans  pour  composer  l'ouvrage 
connu  sov  le  titre  de  Mémoires  de  Lo- 
ménie,  imprimés  à  Amsterdam ,  1719, 
4723,  en  3  vol.  in -12.  L'éditeur  les  a 
poussés  jusqu'en  1681.  Ils  offrent  quel- 
ques déttils  curieux  et  des  anecdotes 
utiles  pour  l'histoire  de  son  temps.  Ces 
mémoires  ont  été  réimprimés  avec  une 
notice  par  M.  Pelitot  dans  la  2^  série  des 
Mémoires  relatifs  à  l'histoire  de  France, 
lom.  55  et  36.  Le  père  Senault  de  l'Ora- 
toire a  fait  \ Oraison  funèbre  du  comte 
de  Brienne. 

LOMÉiME  (Louis -Henri  de),  comte 
de  Brienne ,  fils  aîné  du  précédent ,  né  en 
1635  ,  fut  pourvu  en  1651 ,  dès  l'âge  de  16 
ans ,  de  la  survivance  de  la  charge  de  se- 
crétaire-d'état qu'avait  son  père,  et  com- 
mença à  l'exercer  à  23  ans,  après  avoir 
voyagé  en  différentes  contrées  d'Europe. 
Mais  l'affliction  que  lui  causa  la  mort  de 
sa  femme,  Henriette  de  Cliavigni,  en 
1665,  aliéna  son  esprit.  Louis  XIV  fut 
obligé  de  lui  demander  sa  démission. 
L'ex-ministre  se  retira  chez  les  pères  de 
l'Oratoire,  après  avoir  vainement  teiilô 
d'entrer  chez  les  chartreux.  Il  vécut  d'a- 
bord avec  sagesse,  et  reçut  même  les 
ordres  sacrés;  mais  il  ne  tarda  pas  à  se 
dégoûter  d'une  vie  qui  lui  paraissait  trop 
uniforme.  Il  reprit  ses  voyages  ,  passa  en 
Allemagne ,  s'enflamma ,  dit-  on  -,  pour  la 
princesse  de  Mecklembourg,  et  lui  dé- 
clara sa  passion.  Louis  XIV,  à  qui  cette 
princesse  en  porta  des  plaintes ,  ordonna 
à  Loménie  de  revenir  à  Paris,  et  le  fil 
enfermer  dans  l'abbaye  de  Saint-Gcrrriain. 
On  fut  obligé  de  le  confiner  ensuite  à 
Saint-Benoît-sur-Loire,  puis  à  Saint- La- 
zare. L'écrit  qui  loccupa  le  plus  dans  sa 


LOM  !î 

prison  fut  une  Histoire  du  jansénisme, 
sous  le  titre  de  Roman  véritable,  on 
l'ITistoire  secrète  du  jansénisme ,  dialo- 
gues de  la  composition  de  M.  de  MÉLO- 
DIE (Loinénie),  siî'e  de  Nebrine ,  etc., 
d68!).  Cet  ouvrage  n'a  point  été  imprimé; 
r,'est  un  mélange  de  prose  et  de  vers  en 
9  livres.  Les  portraits  d'Arnauld ,  de  Lan- 
celot  et  de  quelques  autres  y  sont  peints 
avec  beaucoup  de  feu.  L'auteur  y  ménage 
peu  les  solitaires  de  Port-Royal ,  dont  les 
partisans  ne  l'ont  pas  ménagé  à  leur  tour. 
Lorsqu'il  pouvait  calmer  les  agitations  de 
son  esprit,  il  était  aimable;  son  cœur 
était  sensible  et  généreux.  Quelques  an- 
nées avant  sa  mort,  il  eut  ordre  de 
se  retirer  à  l'abbaye  de  Saint-Séverin 
de  Château- Landon,  où  il  mourut  en 
•iG98.  Outre  son  Roman  véritable^  dans 
lequel  on  recueillerait  quelques  anec- 
dotes, si  l'on  pouvait  en  séparer  le  sé- 
rieux des  plaisanteries  qui  y  dominent, 
on  a  de  lui  :  |  les  Mémoires  de  sa  vie  en» 
3  vol.  in -fol.;  |  des  Satires  et  des  Odes; 
I  un  Poème ^  plus  que  burlesque,  sur  les 
fous  de  Saint-Lazare.  Les  ouvrages  pré- 
cédens  sont  manuscrits.  |  V Histoire  de 
ses  voyages  j  in-8°,  écrite  en  latin  avec 
assez  d'élégance  et  de  netteté ,  1660 ,  in- 
12;  1662,  in-8°,  revue  par  Ch.  Patin;  |  la 
Traduction  des  Institutions  de  Thaulcre, 
1665 ,  in-8°  ;  1  un  Recueil  de  poésies  chré- 
tiennes et  diverses^  1671 , 3  vol.  in-12.  On 
y  trouve  plusieurs  de  ses  propres  ouvra- 
ges. L'auteur  avait  de  la  facilité  et  de  la 
vivacité  ;  mais  son  imagination  n'était  pas 
toujours  dirigée  par  un  goût  sûr.  |  Les 
Règles  de  la  poésie  française,  qu'on 
trouve  à  la  suite  de  la  Méthode  latine  de 
Port-Royal.  C'est  un  canevas  qui  a  servi 
à  tous  ceux  qui  ont  écrit  sur  la  même  ma- 
tière. I  La  Vie  et  les  révélations  de  sainte 
Gertrude.  Paris,  1673,  in-8°. 

*  LOMÉNIE  de  BRIENNE,  (  Etienne- 
Charles  de),  cardinal .  de  l'illustre  famille 
de  ce  nom ,  naquit  à  Paris  en  1727.  Il  em- 
brassa l'état  ecclésiastique ,  pour  se  con- 
former  aux  désirs  de  ses  parens.  Attaché 
dès  sa  jeunesse  au  parti  philosophique ,  il 
commença  sa  carrière  d'une  manière  qui 
faillit  être  scandaleuse.  Il  soutint  en  Sor- 
i>onne,  le  50  octobre  1751 ,  une  thèse  que 
celle  de  l'abbé  de  Prades  fit  depuis  ou- 
blier, mais  dans  laquelle  l'abbé  Mey  si- 
gnala plusieurs  propositions  hasardées.  Il 
paraît  cependant  que ,  par  égard  pour  sa 
famille,  il  ne  fut  soumis  à  aucune  cen- 
sure. Il  reçut  de  l'archevêque  de  Rouen 
des  lettres  de  grand-  vicaire  ;  et  sa  liaison 


07  LOM 

avec  l'évéque  d'Orléans,  alors  chargé  de 
la  feuille  des  bénéfices,  lui  fit  obtenir  eu 
1760  l'évêché  de  Condom,  et  en  1765  l'ar- 
chevêché de  Toulouse.  Il  se  distingua 
dans  ce  dernier  poste  par  une  application 
constante  aux  affaires  et  aux  intérêts  de 
la  province  de  Languedoc,  et  s'attira  la 
bienveillance  de  la  cour.  Il  s'y  fit  remar- 
quer par  sa  bienfaisance  et  quelques  éta- 
blissemens  utiles.  On  le  citait  même  com- 
me un  évêque  administrateur ,  sorte  de 
mérite  dont  on  faisait  alors  beaucoup  de 
cas.  Aussi  fut-il  nommé  de  toutes  les  as- 
semblées du  clergé,  où  il  acquit  mal- 
heureusement trop  d'influence.  Chargé 
des  mesures  à  prendre  pour  le  bien  de  la 
religion ,  il  parut  plus  occupé  à  arrêter  le 
zèle  de  ses  confrères ,  qu'à  provoquer  de 
sages  règlemens.  On  eut  un  exemple  de 
la  légèreté  avec  laquelle  il  traita  les  af- 
faires, dans  le  rapport  qu'il  fit  le  25  mai 
1766  sur  le  concile  d'Utrecht,  et  qui 
est  plein  d'inexactitudes.  Un  arrêt  du 
conseil  l'ayant  nommé,  la  même  année, 
membre  d'une  commission  créée  pour  la 
réforme  des  ordres  religieux,  il  fut  le 
principal  agent  de  cette  commission ,  et 
on  l'accusa  d'avoir  attisé  des  divisions 
dans  les  monastères,  d'avoir  excité  les 
inférieurs  contre  leurs  supérieurs,  et  d'a- 
voir contribué  à  dégoûter  de  leur  état 
des  hommes  que  l'esprit  du  siècle  en 
éloignait  déjà.  Les  assemblées  du  clergé 
de  1773  ,  de  1773  et  de  1780  ,  se  plaigni- 
rent de  ces  efforts  sourds;  et  quelques 
parlemens  même  reprochèrent  à  la  com- 
mission de  s'arroger  une  autorité  exces- 
sive, et  de  n'avoir  su  que  détruire,  tan- 
dis qu'elle  avait  été  créée  pour  conserver. 
Effectivement  des  maisons  furent  sup- 
primées, des  ordres  détruits,  d'autres 
sécularisés,  et  nulle  part  une  meilleure 
discipline  ne  fut  introduite,  parce  que  ce 
n'était  point  ce  que  l'on  scuhailait.  A  la 
mort  de  M.  de  Beaumont,  archevêque  de 
Paris,  les  partisans  nombreux  de  M.  de 
Brienne  firent  leurs  efforts  pour  le  faire 
nommer  à  ce  siège;  mais  le  choix  du 
roi  tomba  sur  M.  de  Juigné.  L'arche- 
vêque de  Toulouse  ouvrit  plus  tard  un 
synode  diocésain,  où  l'on  s'occupa  prin- 
cipalement des  portions  congrues  et  des 
secours  à  accorder  aux  ecclésiastiques 
vieux  et  infirmes  ;  et  les  mesures  que  l'on 
prit  sur  ces  deux  points  parurent  sages. 
On  fit  aussi  d'utiles  règlemens;  on  publia 
un  abrégé  du  rituel ,  et  l'archevêque  pré- 
sida toutes  les  séances.  On  n'eut  garde 
d'oublier  celte  nouvelle  occasion  de  van- 


LOIVi 


»08 


LOM 


ter  le  zèle  du  prélat  que  l'on  voulait  porter 
au  ministère.  Habile  à  se  ménager  tous 
les  genres  de  succès ,  Loménie  avait  placé 
en  qualité  de  lecteur ,  auprès  de  la  reine, 
une  de  ses  créatures  les  plus  dévouées , 
et  qui  ne  tarda  pas  à  prendre  un  trop 
grand  ascendant  sur  l'esprit  de  cette 
bonne  et  confiante  princesse.  C'était  l'abbé 
de  Vermont,  homme  intrigant,  actif, 
présomptueux,  mais  qui  se  montra  dans 
toutes  les  circonstances  fidèle  à  la  recon- 
naissance qu'il  devait  à  l'archevêque.  En- 
nemi déclaré  de  Galonné,  alors  contrô- 
leur-général des  finances,  Loménie, 
après  avoir  réussi  à  surmonter  le  pen- 
chant de  la  reine  pour  ce  ministre,  qui 
trouvait  en  elle  son  principal  appui,  ne 
fut  pas  moins  heureux  à  soulever  contre 
le  rival  qu'il  voulait  renverser  les  nota- 
bles du  clergé  et  de  la  magistrature  ,  et  à 
le  faire  tomber  dans  la  disgrâce  la  plus 
absolue  du  roi ,  qui  lui  retira  la  direction 
des  finances,  lui  ôta  le  cordon  de  ses 
ordres,  et  l'exila  en  Lorraine  (voyez  GA- 
LONNE). Fourqueux,  qui  n'avait  occupé 
qu'un  moment  le  contrôle-général,  ayant 
pris  sa  retraite  en  décembre  1787,  l'ar- 
chevêque de  Toulouse  devint  principal 
ministre  (  le  litre  de  premier  ministre  ne 
lui  fut  jamais  donné),  et  fut  nommé  dans 
le  même  temps  à  l'archevêché  de  Sens, 
vacant  par  la  mort  du  cardinal  de  Luynes, 
il  parut  bientôt  forbau-dessous  des  fonc- 
tions qu'il  avait  briguées  avec  tant  d'ar- 
deur et  de  persévérance.  On  jugea  ses 
vues  courtes ,  ses  opérations  mesquines , 
sa  marche  inconséquente  et  mal  assurée. 
Après  avoir  attaqué  les  plans  de  Galonné 
et  décidé  la  disgrâce  de  ce  ministre,  il  se 
rattacha  à  ses  projets ,  et  voulut  les  faire 
exécuter  ;  mais  il  se  vit  dans  l'impuis- 
sance de  surmonter  les  obstacles  qu'il 
avait  suscités ,  et  le  parlement  de  Paris 
s'élant  constamment  opposé  à  l'enregis- 
trement de  l'impôt  territorial  et  de  celui 
du  timbre,  sur  lesquels  reposait  tout  le 
système  financier  de  l'archevêque,  il  reçut 
l'ordre  de  cesser  ses  fonctions  et  de  se 
rendre  en  exil  à  Troyes.  Ces  violences 
furent  de  peu'de  durée  :  l'opinion  publi- 
que se  prononça  avec  une  telle  force ,  et 
les  pamphlets,  les  satires ,  les  épigram- 
mes  accablèrent  tellement  le  principal 
ministre,  que  le  2/i.  août  1788  ,  après  une 
administration  de  huit  mois ,  il  reçut  sa 
démission.  Le  IS  décembre  suivant ,  il 
obtint  le  chapeau  de  cardinal.  Le  roi  lui 
avait  donné  plusieurs  riches  abbayes  et  il 
s'était  retiré  du  ministère  avec  800,000 


francs  de  héncfices.  La  révolution  ayant 
éclaté  peu  après,  le  cardinal  de  Loménie, 
mécontent  de  la  cour,  dont  il  accusait  la 
faiblesse  et  l'instabilité,  se  déclara  le  par- 
tisan de  ce  grand  soulèvement  politique, 
et  se  vanta  même  de  l'avoir  préparé  ; 
mais,  dominé  par  l'inconstance  de  son 
caractère,  il  mit 'dans  les  affaires  delà 
religion  la  même  incertitude  et  la  même 
flucluation  qu'il  avait  apportée  dans  celles 
de  l'état,  et  après  avoir  prêté  le  serment 
prescrit  par  la  constitution  civile  du 
clergé ,  il  refusa  de  sacrer  les  premiers 
évêques  constitutionnels.  Ayant,  depuis 
lors,  parlé  avec  "mépris  de  cette  constitu- 
tion, il  changea  de  nouveau  de  langag.î 
et  jura  de  l'observer.  Il  chercha  néan- 
moins, à  la  suite  de  cette  dernière  dé- 
marche, à  s'excuser  auprès  du  pape  ;  mais 
bientôt  après ,  livré  à  ses  incertitudes  et  à 
son  inconstance  habituelle ,  il  lui  renvoya 
le  chapeau  de  cardinal  qui  ne  lui  fut  pas 
rendu.  Pie  VI  lui  adressa  de  vifs  reproches, 
à  l'occasion  de  son  serment,  dans  son  bref 
du  23 février  1791.  Depuis  cette  époque, 
toujours  tremblantpour  ses  jours  ,  il  s'é- 
tait retiré  à  Sens.  Arrêté  le  9  novembre 
1793  ,  et  jeté  dans  la  prison  de  cette  ville , 
il  mourut  la  veille  du  jour  où  l'on  devait 
le  transférer  dans  un  autre  lieu  de  déten- 
tion, le  16  février  1794,  d'une  attaque  d'a- 
poplexie foudroyante.  On  a  dit  qu'il  s'é- 
tait eiTipoisonné  ;  mais  rien  n'a  justifié  ce 
bruit  public.  Il  aimait  beaucoup  les  li- 
vres, et  ne  passait  dans  aucune  ville  sans 
entrer  chez  tous  les  libraires  pour  y  dé- 
couvrir quelques  ouvrages  rares,  propres 
à  enrichir  sa  nombreuse  bibliothèque.  Sa 
malheureuse  famille  devint,  quelques 
mois  après ,  victime  de  sa  funeste  célé- 
brité, et  périt  presque  tout  entière  sur 
l'échafaud,  le  21  floréal  an  2  (  10  mai 
1794),  le  même  jour  que  l'infortunée 
sœur  de  Louis  XVI.  Considéré  comme 
évêque,  on  pourrait  juger  le  cardinal  de 
Loménie  non  moins  sévèrement  que 
comme  homme  d'état.  Austère  dans  ses 
mandemcns  ,  il  était  très  relâché  dans  ses 
mœurs.  Ce  fut  à  ses  liaisons  avec  les 
hommes  dont  s'enorgueillissaient  alors  la 
philosophie  et  les  lettres,  bien  plus  qu'à 
ses  titres  littéraires  personnels ,  qu'il  dut 
son  admission  à  l'académie  française, 
Beaulieu ,  dans  ses  Essais  historiques  sur 
la  révolution  de  Fi-ance .  le  peint  ainsi 
dans  le  tableau  qu'il  fait  des  principaux 
ministres  de  Louis  XVI.  «  Galonné  fut 
»  remplacé  par  Loménie  de  Bricnne, 
»  alors  archevêque  de  Toulouse ,  prêtre 


LOM 


509 


LOM 


V»  philosophe,  ayant  la  répulalion  d'être 
»  alliée,  ami  de  la  liberté  par  principes 
D  et  despote  par  caractère,  professant 
»  les  opinions  de  J.-J.  Rousseau,  et  se 
»  conduisant  comme  le  cardinal  de  Ri- 
»  chelieu;  courant  après  la  pourpre  ro- 
n  maine ,  et  se  moquant  avec  ses  amis  des 
p  statuts  de  Rome  et  de  ce  que  la  reli- 
»  gion  a  de  plus  sacré  ;  discutant  avec 
»  habileté  sur  les  affaires  publiques ,  et 
»  ne  connaissant  point  les  hommes;  esprit 
•  superficiel,  enfin,  considéré  comme 
o  homme  de  gériie ,  dont  il  n'était  que  la 
»  caricature.  »  Beaulieu  ajoute  que  ce  ne 
fut  qu'avec  beaucoup  de  peine,  et  après 
plusieurs  tentatives  infructueuses  de  la 
part  aes  personnes  qui  étaient  les  plus 
chères  au  roi,  qu'on  put  enfin  le  dé- 
terminer à  donner  sa  confiance  à  M.  de 
Brienne.  Cet  homme  ne  croit  pas  en  Dieu, 
disait  ce  religieux  monarque  à  ceux  qui 
le  lui  proposaient.  Pour  vaincre  cette  ré- 
pugnance, le  rusé  prélat  feignit  la  vertu 
et  cacha  ses  vices.  Outre  ses  rapports  et 
discours  insérés  dans  les  procès-verbaux 
des  assemblées  du  clergé,  il  a  successive- 
ment publié  :  Oraison  funèbre  du  dau- 
phin ;  Compte  rendu  au  roi^  mars ,  1788  ; 
Le  Conciliateur  ou  Lettres  d'un  ecclé- 
siastique à  un  magistrat ,  Rome ,  1754  ; 
enfin  plusieurs  Lettres  pastorales  et  Man- 
demenSj  qui  sont,  peut-être,  ce  qu'il  a 
écrit  de  mieux. 

LOMER  (saint),  Launomarus^  abbé 
au  diocèse  de  Chartres,  mourut  le  19  jan- 
vier 59i.  Ses  reliques,  portées  dans  le 
diocèse  de  Blois ,  donnèrent  lieu  d'y  fon- 
der au  10'  siècle  une  abbaye  cpii  porte 
son  nom. 

•  LOMET  (  Antoine-François  ,  baron 
de  FOUCAUX),  né  à  Chàleau-Tliierry 
(Aisne),  le  6  novembre  17S9,  entra  en 
1777,  à  l'école  des  ponts-et-chaussées  ,  et 
devint  en  1782  ingénieur  dans  la  généra- 
lité de  Bordeaux.  Il  se  fixa  à  Agen  et  fut 
envoyé  en  1790  auprès  de  l'assemblée 
Constituante  pour  faire  quelques  réclama- 
tions au  nom  de  cette  ville.  Lomet  fut  re- 
quis en  1792 ,  pour  se  rendre  à  Bayonne  , 
afin  de  seconder  en  sa  qualité  d'ingénieur, 
Garrau  ,  Lamarque  et  Carnot  chargés  de 
faire  la  reconnaissance  de  la  frontière  des 
Pyrénées.  D'abord  adjoint  à  l'état-major, 
puis  aide-de-camp  du  général  Servan,  il 
passa  l'hiver  de  1793  sur  les  bords  de  la  Bi- 
dassoa,  où  l'armée  était,  faute  d'abri,  expo- 
sée à  beaucoup  de  souffrances  et  de  mala- 
dies. Lomet  proposa  et  entreprit  de  l'abri- 
ter tout  entière ,  et  il  exécuta  son  projet  en 


moins  de  lo  jours  :  475  baraques  s'é'levêf- 
rent  avec  une  célérité  merveilleuse  à  la- 
quelle l'armée  dut  son  salut.  Il  eut  un 
jour  une  conversation  assez  remarquable 
avec  Bonaparte  :  celui-ci  ayant  montré 
en  1794  un  Mémoire  qu'il  avait  composé 
et  écrit  de  sa  main  sur  les  moyens  de  de- 
venir souverain  de  l'île  de  Corse  :  a  Mais  . 
»  lui  dit  Lomet,  ce  nouveau  Théodore 
»  courrait  la  double  chance  d'être  cou- 
»  ronné  ou  pendu.  »  Après  quelques  rao- 
mens  de  silence  ,  Bonaparte  lui  dit  :  «  Vous 
»  ne  connaissez  pas  le  monde ,  vous  n'a- 
»  vez  étudié  que  les  arts  ;  la  véritable 
»  science  est  de  vouloir  bien  ce  que  l'on 
»  veut ,  et  de  savoir  employer  les  hommes 
ï)  comme  les  arithméticiens  emploient 
»  leurs  chiffres  ;  m'entendez-vous  ?  —  Oui, 
»  fort  bien  :  je  comprends  même  que  ,  si 
B  vous  aviez  quelque  autorité  sur  moi , 
»  j'aurais  à  craindre  de  n'être  bientôt  que 
»  le  chiffre  barré  d'une  multiplication 
»  complexe.  »  Lomet  fit  à  l'école  poly- 
technique, que  Carnot  et  le  Prieur  orga- 
nisaient alors  sous  un  autre  nom ,  nn 
cours  de  mécanique  et  de  topographie  ; 
mais  à  l'époque  de  la  disgrâce  de  Carnot , 
il  fut  renvoyé.  Il  retourna  à  Agen,  où  il 
professa  la  physique  et  la  chimie  à  l'école 
centrale  de  Lot-et-Garonne ,  et  refusa 
d'aller  en  Egypte.  Avant  le  retour  du  gé- 
néral en  chef  qui  s'était  rendu  en  Orient , 
il  fut  attaché  par  Bernadolte  au  conseil 
central  des  opérations  des  armées ,  présidé 
alors  par  le  général  Dupont.  Bonaparte , 
devenu  consul,  l'accueillit  froidement; 
toutefois,  comme  il  connaissait  son  mé- 
rite ,  il  ne  tarda  jias  à  lui  confier  les  fonc- 
tions de  chef  de  la  division  des  opérations 
militaires  et  du  ministère  de  la  guerre. 
En  1803 ,  Lomet  fit  partie  de  l'état-major- 
général  de  l'armée  d'Allemagne  comme 
sous-chef,  et,  en  1807,  il  fut  nommé 
commandant  de  la  place  de  Braunau  sur 
l'Inn  ,  l'une  des  clefs  de  l'Autriche.  Ce  fut 
pendant  son  séjour  dans  cette  ville  qu'il 
s'occupa  de  l'art  lithographique  qui  pre^ 
nait  alors  naissance  en  Allemagne.  Il  par- 
vint à  découvrir  les  secrets  des  procédés 
de  cette  invention  que  l'on  tenait  cachés, 
et  après  avoir  continué  les  recherches  svir 
la  lithographie  ,  et  avoir  été  gouverneur 
du  Haut-Aragon ,  en  1808 ,  il  vint  à  Pa- 
ris apporter  les  résultats  de  sa  précieuse 
découverte  ;  mais ,  soit  que  la  pierre  qu'il 
employa  fût  mauvaise  ou  mal  préparée, 
soit  que  l'on  ne  connût  pas  les  moyens 
de  tirer  convenablement  les  épreuves, 
on  n'apprécia  pas  ses  lithographies;  et 
45. 


LOM 


SJO 


LON 


la  pierre  qu'il  avait  apportée  fut  relé- 
guée dans  un  coin  du  Muséum  d'his- 
toire naturelle^  où  elle  se  trouve  encore 
classée  parmi  les  échantillons  de  son  or- 
dre, c'est-à-dire,  parmi  les  calcaires  com- 
pactes. Lomet  alla  en  Espagne ,  où  il  prit 
possession  de  la  forteresse  de  Jaca ,  puis 
demanda  et  obtint  sa  retraite  en  1809.  Il 
était  commandant  de  la  légion  d'honneur, 
depuis  la  bataille  d'Austerlitz  (1803)  ;  et 
reçut  la  croix  de  Saint-Louis ,  en  1814. 
O'était  un  mathématicien  très  ingénieux  : 
il  osa  mystifier  l'académie  des  sciences 
par  un  mémoire  qu'il  envoya  à  l'un  des 
principaux  savans ,  sous  le  nom  de  Ever- 
Ung  Slauberg  ^  chimiste  allemand-  Ce  mé- 
moire ,  dans  lequel  il  développe  avec 
adresse  les  procédés  les  plus  singuliers  et 
et  les  plus  impraticables  ,  captiva  les  sa- 
vans auxquels  il  était  dédié  ,  et  fut  inséré 
dans  les  mémoii'es  de  l'académie.  Lomet 
est  mort  à  Paris,  le  10  novembre  1826. 
Il  a  publié  :  |  Mémoire  sur  les  eaux  miné- 
rales et  sur  les  établissemens  thérm.aux 
des  Pyrénées ,  1793  ,  in-8°  ;  |  l'Invention 
d'un  nouveau  sextant ^  1799;  |  Théorie  et 
pratique  du  nivellement  et  son  applica- 
iion  au  calcul  des  terrasses  ;  \  Traité  de 
'a  construction  ^  de  l'équipement  et  des 
manœuvres  des  machines  de  théâtre^  fai- 
sant suite  aux  7'ecueils  de  charpenterie 
de  Krafft .  grand-in-folio,  texte  en  trois 
langues.  Le  dépôt  de  la  guerre  possède  de 
lui  en  manuscrit  un  excellent  Traité  du 
baraquem,ent  des  troupes.  «  On  pourrait , 
>  dit  un  biographe  en  parlant  de  Lomet, 
»  le  nommer  le  Rabelais  de  la  mécanique 
»  et  le  Sterne  de  la  science.  t> 

LOMONOSSOFF  (  Michel  -  Vasilie- 
viTSCu),  célèbre  poète  russe,  naquit  en 
4711 ,  à  Denissofka  près  de  Kholmogori , 
sur  la  mer  Blanche.  Fils  d'un  pêcheur  il 
partagea  d'abord  les  occupations  de  son 
père.  La  lecture  de  quelques  livres  que 
lui  avait  donnés  un  ecclésiastique  en- 
flamma sa  jeune  imagination  :  n'écou- 
lant plus  que  son  désir  de  s'instruire  ,  il 
s'enfuit  de  la  maison  paternelle  et  se 
rendit  à  Moscou  ,  où  il  fut  admis  à  l'école 
de  Zaikonospask.  11  y  étudia  les  langues 
grecque ,  latine  ,  allemande ,  française  et 
les  belles-lettres.  Envoyé  en  Allemagne 
en  1736,  aux  frais  du  gouvernement,  il  y 
apprit  la  chimie  ,  les  mathématiques , 
l'histoire,  etc.,  d'abord  à  Marbourg  et  en- 
suite en  Saxe.  Lomonossoff  remplit  à 
Pétersbourg  et  à  Moscou  les  chaires  de 
ces  diverses  sciences ,  fut  membre  de  l'a- 
çttdçnùe  de  cette  viUe,  de  celle  de  Stock- 


holm ,  de  l'institut  de  Bologne  ,  etc.,  ef 
devint  conseiller  d'état,  sous  l'impératrice 
Elizabeth  ;  il  publia  dans  la  langue  du 
pays ,  en  1760 ,  un  Abrégé  des  annalei 
de  Russie  ^  depuis  l'origine  de  la  nation 
russe  jusqu'à  la  mort  du  grand  duc  Ja- 
roslaw  r\  en  1734.  Cet  ouvrage  a  été  Ira 
duit  en  allemand  par  le  baron  de  Holbach 
et  imprimé  à  Leipsiak,  et  en  français,  Pa- 
ris, 1769,  in-12.  L'auteur  l'aurait  poussé 
plus  loin,  sans  sa  mort  arrivée  le  4  avril 
1763.  Ses  principaux  ouvrages,  comme 
poète,  sont  la  Pétréide ,  en  deux  chants  ; 
deux  tragédies,  et  plusieurs  Morceaux 
lyriques.  Il  publia  aussi  un  Cours  de  Rhé- 
torique, une  Grammaire  russe  j  un  Essat 
de  physique  et  de  métallurgie  ;  Médita- 
tions du  soir  et  du  matin  sur  la  grandeur 
de  Dieu.  On  a  traduit  en  différentes  lan^ 
gués  la  plupart  des  ouvrages  de  Lomo- 
nossoff. Sa  vie  a  été  écrite  en  russe  par 
l'amiral  Schithkoff. 

*  LOi\CHAMPS  (Charles  de),  auteur 
dramatique  ,  né  en  1767 ,  à  l'ile  Bourbon  , 
fut  envoyé  dès  son  enfance  en  Europe ,  et 
fit  ses  études  à  Rennes ,  d'où  sa  famille 
était  originaire.  Il  retourna,  en  1786, 
dans  son  pays  natal,  pour  y  recueillir 
l'héritage  de  son  père ,  et ,  après  deux 
années  passées  dans  les  plaisirs,  il  se  mit 
à  parcourir  les  Indes  ,  sans  autre  but  que 
de  satisfaire  sa  curiosité.  Il  se  lia  à  Chan- 
dornagor  avec  M.  de  Jouy,  et  il  s'y  trou- 
vait ,  en  1791 ,  lorsqu'une  insurrection 
éclata  dans  celte  colonie  ,  qui  participait 
ainsi  aux  effets  de  la  révolution  française. 
Lonchamps  prit  parti  pour  les  insurgés. 
Le  gouverneur  ayant  été  pris  dans  le  foit 
où  il  s'était  retiré ,  fut  envoyé  en  France , 
et  Lonchamps  fut  ensuite  député  à  l'Ile- 
de-France  ,  pour  faire  approuver  par  le 
gouvernement  général  la  conduite  de  la 
ville  de  Chandernagor,  mission  qu'il  rem- 
plit avec  succès  et  à  ses  frais.  Il  repassa  en 
France,  en  1792  où  il  ne  tarda  pas  à  être 
désabusé  de  l'idée  qu'il  se  formait  du  nou- 
vel ordre  de  choses.  Arrêté,  en  1793,  comme 
suspect,  il  fut  détenu  7  mois  à  Saint-La- 
zare. En  sortant  de  prison,  il  fut  nommé 
adjoint  à  l'adjudant-général  Jouy,  son 
ami.  Ses  dépenses  excessives  ayant  dé- 
rangé sa  fortune ,  Lonchamps  se  fit  une 
ressource  d'un  talent  qu'il  n'avait  CAllivé 
que  pour  son  plaisir,  et  composa  pour  le 
théâtre  du  Vaudeville  :  |  l'Arbitre^  ou  les 
Consultations  de  l'an  sept.  1793;  |  àom- 
ment  faire  ?  ou  les  Epreuves  de  misan- 
thropie et  repentir,  1799;  |  £a  Fille  en 
loterie,  1800.  Il  fit  quelques  autres  pièces 


LON 


811 


LON 


avec  MM.  Dieu-la- Foy  et  Jouy,  telles  que 
les  suivantes  :  |  Dans  quel  siècle  sommes- 
nous  ?  1800  ;  I  le  Tableau  des  Sabines , 
1799,  etc.,  et  en  composa  seul  plusieurs, 
telles  que  I  Ma  tante  Awore,  1803 ,  opéra- 
bouffon,  en  3 actes,  qui  fut  sifflé  et  réduit 
ensuite  à  deux  actes  ;  |  le  Duel  nocturne  j 
opéra-comique ,  en  deux  actes  ,  1805  ;  I  Le 
Séducteur  amoureux^  1803,  comédie  en 
5  actes  et  en  vers ,  qui  obtint  du  succès 
au  Théâtre-Français ,  quoiqu'elle  appar- 
tienne à  l'école  de  Marivaux  et  de  Dorât; 
\la  Fausse  honte^  comédie  en  cinq  actes, 
et  en  vers,  qui  ne  put  se  soutenir,  etc. 
Lonchamps ,  dégoûté  de  la  carrière  dra- 
matique, accepta  la  place  de  secrétaire 
des  commandemens  de  Caroline  Bona- 
parte, épouse  de  Joachim  Murât,  alors 
grand-duc  de  Berg  ;  fit ,  avec  ce  dernier, 
la  campagne  d'Austerlitz ,  en  qualité 
d'officier  d'état-major,  et  obtint,  à  son 
retour,  la  décoration  de  la  légion-d'hon- 
neur. Murât,  devenu  roi  de  Naples,  lui 
donna  celle  de  l'ordre  des  Dcux-Siciles  , 
avec  les  tilres  de  chambellan  et  de  surin- 
tendant des  théâtres  de  sa  capitale  ,  en 
4809.  Dans  ses  dernières  années,  Lon- 
champs se  retira  dans  la  famille  de  sa 
fexTime  à  Louviers  (Eure),  et  écrivit  en- 
core quelques  ouvrages  dramatiques  , 
qui  n'ajoutèrent  rien  à  sa  réputation.  lia 
laissé  en  outre  deux  vol.  in-12  de  Poésies 
diverses  et  de  chansons,  1821 ,  où  l'on  dé- 
sirerait peut  être  que  l'auteur  se  fût  mon- 
tré plus  sévère  sur  ce  qui  concerne  les 
mœurs.  On  y  trouve  de  la  facilité  et  du 
mouvement.  Nous  en  citerons  ce  couplet, 
où  le  poète  a  pcinl  sa  propre  situation  : 

Adieu  donc,  stcrili;  éliquelle  ! 
Adieu  pelilp  vanilc  , 
Graves  riens  ,  noble  ennui  ,  toilelle  , 
Fl  grandes  frics  sans  gailé  ! 
Adieu,  clef  dVir  <iu'ont   a>i  derrière, 
Mes  colli'^Kiie»  les  chambellans. 
Pour  vivie  enfin  à  ma  manière , 
Ma  foi  ,  j'ai  pris  la  clef  des  champs. 

Lonchamps  est  mort  à  I-ouviers  le  19  avril 
1832. 

LONDE  (FRA.NÇo:s-RrcH.\RD  de  la),  né 
à  Caen  en  1683,  mort  en  176b,  se  livra 
à  la  poésie ,  à  la  musique ,  à  la  peinture , 
au  dessin  eî  au  génie.  Il  a  laissé  :  |  le  Plan 
et  les  vues  de  Caen,  exécutes  avec  beau- 
coup de  netteté;  |  Paraphrases  en  vers 
des  sept  Psaumes  de  la  pénitence,  1748, 
in-8°  ;  |  Mémoires  concernajit  le  com- 
merce de  la  Basse-Normandie ,  manus- 
crits ;  I  Recherches  sur  l'antiquité  du 
château  de  la  ville  de  Caen,  aussi  en  ma- 


nuscrit ;  I  diverses  Pièces  de  poésies ,  lea 
unes  manuscrites ,  les  autres  insérées  dans 
des  recueils  ou  journaux. 

LONDOiXDERIlY.  Voyez  CASTLE- 
REAGII. 

*  LONDRES  (  Théophile-Igwace-Aw- 
KER  de) ,  naquit  à  Quimper  le  1"  octobre 
1728.  Il  entra  chez  les  jésuites,  et  survé- 
cut à  leur  suppression.  Il  est  connu  par 
quelques  ouvrages ,  dont  voici  les  litres  : 
I  Description  historique  de  la  tenue  du 
conclave  et  de  toutes  les  cérémonies  qui 
s'observent  à  Rome  depuis  la  mort  du 
pape  jusqu'à  l'exaltation  de  son  succes- 
seur, Paris ,  Després ,  1774  ,  in-S".  Quoi- 
que dans  le  Dictionnaire  des  anonymes , 
tome  1",  cet  ouvrage  soit  attribué  à  l'abbé 
de  Londres,  il  paraît  néanmoins  qu'il  n'est 
pas  de  lui ,  mais  do  Pons-Augustin  AUets , 
ex-oratorien  et  homme  de  lettres.  Voyez 
à  cet  égard  le  même  Dictionnaire,  tome 
4,  page  262,  et  tome  1,  page  70,  article 
ALLETS  ;  |  Variétés  jjhilosophiques  et 
li t lé rai7-es ,  Londres  et  Paris,  Duchesne, 
i7G2,  in-12.  Il  est  l'éditeur  des  Sermons 
du  père  Le  Chapelain,  1768 ,  in-12.  On  ne 
sait  pas  l'époque  précise  de  sa  mort  ;  mais 
il  n'existait  plus  en  1806. 

LOi\G  (  Jacques  le  )  ,  prêtre  de  l'Ora- 
toire, né  à  Paris  en  1665,  fui  envoyé 
dans  sa  jeunesse  à  Malte  pour  y  être  ad- 
mis au  nombre  des  clercs  He  St.-Jean-dc- 
Jérusalem.  A  peine  fut-il  arrivé  ,  que  la 
contagion  infecta  l'île.  Il  rencontra  par 
hasard  des  personnes  qui  allaient  enter- 
rer un  homme  mort  de  la  peste  :  il  les 
suivit;  mais  dès  qu'il  fut  rentré  dans  la 
maison  ou  il  logeait,  on  en  fil  murer  les 
portes  ,  de  peur  qu'il  ne  communiquât  le 
poison  dont  on  le  croyait  attaqué.  Cette 
espèce  de  prison  garantit  ses  jours  et 
ceux  des  personnes  avec  lesquelles  il  était 
enfermé.  Le  jeune  Le  Long  ,  échappé  à  la 
contagion  ,  quitta  l'ile  qu'elle  ravageait , 
et  revint  à  Paris,  où  il  entra  dans  la  con- 
grégation de  l'Oratoire  en  1686.  Après 
avoir  professé  dans  plusieurs  collèges ,  il 
fut  nommé  bibliothécaire  de  la  maison 
de  St.-Honoré  à  Paris.  Celte  bibliothèque 
augmenta  de  plus  d'un  tiers  sous  ses 
mains.  L'excès  du  travail  le  jeta  dans  l'é- 
puisement ,  et  il  mourut  d'une  maladie 
de  poitrine  en  1721,  à  56  ans,  regardé 
comme  un  savant  vertueux.  Ses  princi- 
paux ouvrages  sont:  1  une  Bibliothèque- 
sacrée  ,  en  latin ,  réimprimée  en  1725 , 
en  2  vol.  in-fol.,  par  les  soins  du  père 
Desmolels  ,  son  confrère  et  son  succes- 
seur dans  la  place  de  bibliolhécairc.  Elle 


LON 


S12 


LON 


est  divisée  en  deux  parties;  dans  la  pre- 
mière ,  il  donne  un  catalogue  des  manu- 
scrits et  des  textes  originaux  de  la  Bible 
avec  leurs  éditions  et  versions  ;  dans  la 
seconde  ,  il  donne  une  notice  des  auteurs 
et  des  ouvrages  faits  sur  l'Ecriture  sainte, 
irne  nouvelle  édition  avait  été  commen- 
cée par  les  soins  de  A.  G.  Marsch,  avec 
des  augmentations.  Il  n'en  a  paru  que 
deux  parties  en  5  vol.  in-h.° ,  Halle, 
1778-90.  I  Bibliothèque  historique  de  la 
France^  in-fol.  Cet  ouvrage,  plein  d'é- 
rudition et  de  critique,  coûta  bien  des 
recherches  à  son  auteur  :  il  est  d'une 
grande  utilité  à  ceux  qui  s'appliquent  à 
l'histoire  de  la  nation  fran«;aise ,  et  un 
homme  d'esprit  ne  balance  pas  de  l'ap- 
peler un  véritable  monument  du  règne  de 
Louis  XIV.  On  y  trouve  ,  ainsi  que  dans 
l'ouvrage  précédent,  quelques  inexac- 
titudes ;  mais  quel  ouvrage ,  surtout  de 
ce  genre  ,  en  est  exempt?  De  Fontelte  en 
a  donné ,  en  1768  et  années  suivantes , 
une  nouvelle  édition  en  5  vol.  in-fol. , 
corrigée  et  considérablement  augmentée. 
I  Un  Discours  historique  sur  les  Bibles 
jJolygloites  et  leurs  différentes  éditions , 
1715,  in-S". 

•  LONGCUAMPS  (  PiERKE  de  ) ,  né  ,  à 
es  qu'on  croit,  à  la  Rochelle,  vers  le 
milieu  du  18*  siècle,  embrassa  l'état  ec- 
clésiastique ;  il  porta  du  moins  le  liire 
d'abbé.  Il  resta  constamment  étranger 
aux  affaires  publiques  pendant  la  révolu- 
t  ion ,  fut  membre  de  l'académie  de  la 
Rochelle  et  mourut  à  Paris  le  22  avril 
1812.  On  a  de  lui  :  |  Malagrida^  tragédie 
en  trois  actes  ,  1765  ,  in-12  (  Voyez  Mala- 
grida);  \  Tableau  historique  des  gens  de 
lettres^  ou  Abrégé  chronologique  et  cri- 
tique de  Vhistoire  de  la  littérature  fran- 
çaise ,  considérée  dans  ses  diverses  révo- 
lutions ^  depuis  son  origine  jusqu'au  18*^ 
siècle,  1767-1770,  6  vol.  in-12;  ce  n'est 
qu'un  abrégé  de  V Histoire  littéraire  de 
la  France^  par  les  bénédictins  {voyez 
RIVET) ,  qui  n'y  est  pas  citée  une  seule 
fois.  L'auteur  a  cependant  indiqué  .  par 
des  notes,  les  sources  ou  autorités  de  ce 
«juil  dit;  mais  il  a  pour  cela  copié  les 
citations  faites  dans  l'ouvrage  des  béné- 
dictins, et  comme  ceux-ci  ne  sont  pas 
au-delà  du  Ireizièmo  siècle,  c'est  aussi 
là  que  s'arrête  Longchainps.  Son  travail 
qui  ne  convient  pas  aux  gens  du  monde 
ne  suffit  pas  aux  gens  de  lettres.  |  Elégies 
de  PrcpercC'^  traduites  en  prose,  1772, 
in-8°;  nouv.  édition  augm. ,  1802  ,  2  vol. 
in-8";  quoique  cet  ouvrag?,  dans  lequel 


l'abbé  de  Lonchamps  fut  aidé  par  son 
père  ,  soit  sa  meilleure  production  ,  on  y 
trouve  plusieurs  endroits  où  Properc'e 
est  loin  d'avoir  été  rendu.  |  Elégies  de 
Tibulle j,  traduites  en  prose,  1776,  in-8°; 
I  Histoire  impat'tiale  des  événemens  mi- 
litaires et  politiques  delà  dernière  guerre 
dans  les  quatre  parties  du  monde  ,  1785  , 
3  vol.  in-12  ;  ce  livre  est  tombé  dans  l'ou- 
bli, et  mérite  d'y  rester.  Longchamps  a 
travaillé  à  la  Nouvelle  bibliothèque  de 
Campagne ,  et  est  encore  auteur  de  deux 
mauvais  ouvrages ,  l'un  intitulé  :  |  Aven- 
tures d'un  jeune  homme  pour  servir  à 
l'histoire  des  amou7'S.  1768 ,  in-12  ;  l'autre 
Mémoires  d'une  religieuse^  1766,  2  vol. 
in-12. 

LONGCHAMPS  (Chaules  de).  Voyez 
LONCHAMPS. 

LOXGEPIERRE  (Hilaiue-Bernard  de 
ROQUELEYNE,  seigneur  de)  ,  né  à  Dijon 
en  1659  d'une  famille  noble  ,  fut  secré- 
taire des  commandemens  du  duc  de  Berry , 
et  eut  quelque  réputation  comme  poète 
et  comme  traducteur.  Il  se  fit  un  nom 
dans  le  genre  dramatique  par  trois  tragé- 
dies :  Médée,  Electre  et  Sésostris  ;  cette 
dernière  n'a  pas  été  imprimée.  La  pre- 
mière est  restée  au  théâtre ,  et  les  ama- 
teurs la  voient  toujours  jouer  avec  plaisir. 
Ces  pièces  sont  dans  le  goût  de  Sophocle  et 
d'Euripide  ;  les  détracteurs  de  l'antiquité 
se  servirent  des  copies  pour  dépriser  les 
originaux.  On  a  encore  de  Longepierre  : 
I  des  Traductions  prolixes  et  faibles  en 
vers  français  ,  ou,  pour  mieux  dire  ,  en 
prose  riméo ,  d'Anacréon ,  de  Sapho ,  de 
Thcocrite  ,  1688,  in-12  ;  de  Moschus  et  de 
Bion,  Amsterdam,  1687,  in-12.  L'auteur 
les  a  enrichies  de  notes  qui  prouvent 
qu'il  connaissait  l'antiquité,  quoiqu'il  ne 
sût  en  faire  passer  dans  la  langue  fran- 
çaise ni  les  beautés  ni  la  délicatesse;  |  un 
Recueil  d'Idylles  .  Paris  ,  1690 ,  in-12  La 
nature  y  est  peinte  de  ses  véritables  cou- 
leurs ,  mais  la  versification  en  est  prosaï- 
que et  faible.  Il  mourut  à  Paris  ,  en  1721. 

LONGÏAA'O  (  Fausto  de) ,  auteur  ita- 
lien du  16'  siècle,  dont  on  a  |  un  Traité  des 
duels  (  en  italien  ) ,  Venise  ,  1552 ,  in-8''  ; 
I  des  Observations  sur  les  Oraisons  de  Ci- 
céron,ibid.,  1556,  in-8"  ;  |  une  Traduction 
de  Dioscoride  en  italien,  Venise,  1542, 
in-8". 

LO^'GIN  (saint),  Longinus ;  c'est  ainsi 
qu'on  a  appelé  le  soldai  qui  perça  d'un 
coup  de  lance  le  côié  de  Nolre-Scigncur , 
lorsqu'il  était  en  croix.  Ce  nom  semble 
n'avoir    d'autre   fondement  que  le   mol 


grec  d'où  il  est  dérivé,  lequel  sÎQuiTie  \  notes  ^  dont  quelques-unes  peuvent  être 


latice.  Le  texte  sacré  n'est  pas  absolument 
favorable  à  l'opinion  qui  confond  ce  sol- 
dat avec  le  centurion  qui  s'écria  ;  Vrai- 
ment cet  homme  était  le  Fils  de  Dieu.  Il 
ne  faut  cependant  pas  s'élever  avec  trop 
de  zèle  ou  de  confiance  contre  ces  sortes 
de  traditions,  appuyées  des  martyrologes, 
et  peut-être  d'autres  témoignages  qui  ne 
sinit  pas  parvenus  jusqu'à  nous. 

LONGIN  (  Denys  ) ,  nommé  par  les  an- 
ciens auteurs  Zon^mus  Cassius  et  Diony- 
sius  Longinus^  philosophe  et  littérateur, 
né  à  Athènes,  et  originaire  de  Syrie, 
eut  une  grande  réputation  dans  le  3' 
siècle  par  son  éloquence  et  par  sa  philo- 
sophie. Il  fut  disciple  d'Ammonius  Sac- 
cas  ,  et  ami  de  Plotin.  Ce  fut  lui  qui  ap- 
prit le  grec  à  Zénobie  ,  femme  d'Odénat 
et  reine  de  Palmyre.  Cette  princesse  le  fit 
sou  ministre.  L'empereur  Aurélien  ayant 
assiégé  sa  capitale ,  Longin  lui  conseilla 
de  résister  autant  qu'elle  pourrait.  On  dit 
qu'il  lui  dicta  la  réponse  noble  et  fière 
qu'elle  fit  à  cet  empereur,  qui  la  pressait 
de  se  rendre.  Longin  fut  la  victime  de  son 
zèle  poTir  Zénobie.  Palmyre  ayant  ou- 
vert ses  portes  à  Aurélien ,  ce  prince  le 
fil  mourir  en  273.  iKjngin  souffrit  les  plus 
cruels  tourmens  avec  constance ,  et  con- 
sola même  ceux  qui  pleuraient  autour  de 
lui.  Cet  homme  illustre  avait  un  goût  dé- 
licat et  une  érudition  profonde.  On  disait 
de  lui  qu'il  était  une  bibliothèque  vi- 
i  vaiite  ^  et  on  disait  vrai.  Il  avait  composé 
en  grec  des  Remarques  critiques  sur  tous 
les  anciens  auteurs.  Cet  ouvrage  n'existe 
plus ,  ainsi  que  plusieurs  autres  produc- 
tions de  philosophie  et  de  littérature , 
dont  il  ne  nous  reste  que  le  Traité  du  su- 
blime. L'auteur  y  donne  à  la  fois  des  le- 
çons et  des  modèles  ;  il  y  rend  justice  aux 
beautés  de  l'Ecriture  sainte ,  et  admire 
en  particulier  les  expressions  vives  et 
énergiques  dont  se  sert  Moïse  dans  l'his- 
toire de  la  création.  Cet  opuscule  est  ad- 
mirable par  la  justesse ,  et  la  profondeur 
des  aperçus,  la  délicatesse,  l'élégance,  la 
simplicité  et  la  force  du  style.  C'est  sans 
contredit  le  meilleur  de  tous  les  critiques 
de  l'antiquité.  Boileau  l'a  traduit  en  fran- 
çais :  sa  traduction  est  élégante,  mais  un 
peu  froide  ;  les  morceaux  poétiques  y 
sont  rendus  en  très  beaux  vers.  Il  en 
existe  une  autre  traduction  par  Lance- 
lot.  ToUius  a  fait  imprimer  celle  de  Boi- 
leau à  Utrecht ,  en  1694  ,  in-i" ,  avec  les 
remarques  de  différens  savans.  Boileau  a 
accompagné  sa  traduction  de'^plusiemrs 


utiles.  Il  y  en  a  une  édition  en  grec,  latin, 
italien  et  français,  de  Vérone,  1753,  in-i". 
La  meilleure  est  celle  de  'Weiske  ,  Leip- 
sick,  1809.  Il  nous  reste  aussi  de  Longin 
quelques  Fragmens  des  Scholies  sur 
Ephestion  ;  la  préface  du  Traité  des  fins  ; 
quelques  endroits  d'une  rhétorique  en 
fouis  dans  celle  d'Apsine  ;  un  passage  du 
livre  de  l'àme,  et  une  portion  de  lettre  à 
Porphyre. 

LOI\GIIV  (  CÉSAR  LoNGiNUS  ) ,  est  auteur 
d'un  livre  singulier  et  peu  commun,  in- 
tulé  :  Trinum  medicum^  Francfort,  1616, 
1630  ou  1673 ,  in-12. 

LOXGINÏJS.  Foyt  s  CASSIUS. 

LONGO  (Georges)  ,  docteur  et  premier 
garde  de  la  bibliothèque  ambrosienne  de 
Milan,  vivait  au  commencement  du  16' 
siècle.  11  laissa  un  Traité  en  latin,  plein 
d'érudition ,  touchant  les  cachets  des  an- 
ciens^ Milan,  1615,  in-8°.  On  le  trouve 
aussi  dans  le  recueil  des  divers  traités  De 
annulis  ^  publié  à  Leyde  en  1671. 

LONGO  (PiETRo).  Voyez  AARSENS. 

♦  LOAGOBAllDI  (Nicolas  )  ,  jésuite  et 
supérieur  des  missions  étrangères  à  la 
Chine,  naquit  en  156S,  à  Calata  Girone  , 
en  Sicile.  Il  sollicita  la  faveur  d'être  en- 
voyé dans  les  missions  de  l'Orient ,  et  il 
s'embarqua  en  1596  x^our  la  Chine.  Il  de- 
meura plusieurs  années  dans  la  province 
de  Kiang-si ,  où  il  opéra  de  nombreuses 
conversions  qui  excitèrent  la  jalousie  des 
bonzes.  Accusé  par  eux  d'adultère ,  il 
prouva  son  innocence  ,  et  pardonna  à  ses 
calonmiateurs.  Il  gagna  la  bienveillance 
de  l'empereur,  et  ne  fut  plus  inquiété.  Le 
père  Ricci  l'ayant  désigné  pour  lui  suc- 
céder dans  son  emploi  de  supérieur-gé- 
néral des  missions  à  la  Chine,  il  le  rem- 
plit avec  autant  de  zèle  que  de  succès.  Le 
père  Longobardi  mourut  à  Pékin,  le  11 
décembre  16o3 ,  âgé  de  88  ans.  Il  connais- 
sait à  fond  la  langue  chinoise  ,  et  a  laissé  ; 
{Annu^  litterœ  e  Sinis  anni  ib98,  Mayence, 
1601 ,  in-8°  ;  |  Prières  journalières  de  h 
sainte  loij  écrites  en  chinois,  et  très  ré- 
pandues dans  les  missions  de  la  Chine. 
La  bibliothèque  du  roi  en  conserve  plu- 
sieurs exemplaires  ;  |  des  Livres  de  piété  ; 
I  un  Traité  de  l'âme;  \  un  autre  sur  le 
Tremblement  de  terre  j  arrivé  à  Pékin,  en 
1624  ;  1  De  Confucio  ejusque  doctrinatrac- 
tatus  j  traduit  en  français,  sous  le  titre 
de  Traité  de  quelques  points  de  la  doc- 
trine des  Chi?iois  ,  1701 ,  en  espagnol,  par 
le  père  Navarrète ,  et  inséré  dans  ses 
Tî-atados  ^  ou  Traités  historiQues  sur  la 


L03V  5 

Chine.  Leibnilz  a  donné  une  nouvelle 
édition  de  l'ouvragfe  du  père  Longobardi 
dans  son  Recueil  des  anciens  traités  sur 
les  cérémonies  chinoises. 

LONGOLIUS.  J^oyez  LONGUEIL. 

LONGOMONTANUS  (Christian),  as- 
Uonome  danois  ,  né  à  Langsberg  ,  village 
du  JuUand,  dans  le  Danemaick,  en  4562, 
était  flls  d'un  pauvre  laboureur.  Il  essuya 
dans  ses  études  toutes  les  incommodités 
de  la  mauvaise  fortune,  partageant, 
comme  le  philosophe  Clcantlie,  tout  son 
temps  entre  la  culture  de  la  terre  et  les 
leçons  que  le  ministre  du  lieu  lui  don- 
nait. Il  se  déroba  du  sein  de  sa  fa- 
mille à  l'âge  de  ik  ans  ,  pour  se  rendre 
dans  un  collège.  Quoiqu'il  fût  obligé  de 
gagner  sa  vie  ,  il  s'appliqua  à  l'étude  avec 
tant  d'ardeur,  qu'il  se  rendit  très  habile , 
surtout  dans  les  mathématiques.  Longo- 
montanus  étant  allé  à  Copenhague ,  les 
professeurs  de  l'université  le  recomman- 
dèrent au  célèbre  Tycho-Brahé ,  qui  le 
reçut  très  bien  en  1589.  Longomontanus 
passa  huit  ans  auprès  de  ce  fameux  astro- 
nome ,  et  l'aida  dans  ses  observations  et 
dans  ses  calculs.  Entraîné  par  le  désir  d'a- 
voir une  chaire  ,  il  quitta  Tycho-Brahé  , 
et  devint  professeur  de  mathémaliqiies  à 
Copenhague  ,  en  1605 ,  emploi  qu'il  rem- 
plit avec  beaucoup  de  réputation  jusqu'à 
sa  mort ,  arrivée  en  1647.  On  a  de  lui  plu- 
sieurs ouvrages  estimables.  Les  princi- 
paux sont  :  I  Astronomia  danica  ^  Ams- 
terdam ,  1640  ,  in-fol.  L'auteur  y  propose 
un  nouveau  système  du  monde,  composé 
de  ceux  de  Ptolémée ,  de  Copernic  et  de 
'Tycho-Brahé  ;  ce  système  n'a  pas  eu  beau- 
coup de  sectateurs ,  quoiqu'il  semble  réu- 
nir les  avantages  de  tous  les  autres.  Il 
servit  à  montrer  combien  on  avait  tort 
de  vouloir  établir  un  système  certain  sur 
une  chose  qui  pouvait  être  expliquée  de 
tant  de  manières  diverses.  (  Voy.  SCHEI- 
NER,  COPERNIC,  TYCHO,  etc.)  |  Sys- 
icma  mathematicuin  ^  in-8";  |  Proble- 
vxata  geometrica ,  in -4°;  |  Disjmialio 
ethica  de  aniniœ  humanœ  morbis  ^  in-i". 
Parmi  les  maladies  de  l'esprit  humain , 
l'auteur  ne  compte  pas  cette  manie  qui 
dévorait  les  philosophes  de  son  temps, 
comme  ceux  du  nôtre ,  de  vouloir  faire 
chacun  un  système  ,  et  de  chercher  sans 
cesse  ce  qu'on  ne  peut  trouver.  Longo- 
montanus y  était  sujet  comme  les  autres. 
Il  croyait  bonnement  avoir  trouvé  la 
quadrature  du  cercle;  il  consigna  cette 
prétendue  découverte  dans  sa  Cyclomé- 
trie.  1612,  in-i",  et  réimprimée  en  1617 


14  LON 

etl66i  ;  mais  Pell ,  mathématicien  angla 
lui  prouva  que  sa  découverte  était  un" 
chimère.  Voyez  les  Mémoires  de  Nice- 
i-on.  tome  8. 

LONGUEIL  (Richard-Olivier  de), 
archidiacre  de  Rouen  ,  puis  évèque  du 
Coulances,  était  d'une  ancienne  famille 
de  Normandie.  Le  pape  le  nomma  pour 
revoir  le  procès  de  la  pucelle  d'Orléans, 
et  il  se  signala  parmi  les  commissaires 
qui  déclarèrent  l'innocence  de  cette  hé- 
roïne et  l'injustice  de  ses  juges.  Char- 
les VII  l'envoya  ambassadeur  vers  le 
duc  de  Bourgogne  ,  le  fit  chef  de  son  con- 
seil, premier  président  de  la  chambre 
des  comptes  de  Paris,  et  lui  obtint  la 
pourpre  romaine  du  pape  Calixte  III,  en 
l/».56.  Le  cardinal  de  Longueil  se  relira  à 
Rome  sous  le  pontificat  de  Pie  II ,  qui  lui 
confia  la  légation  d'Ombrie  ,  et  lui  donna 
les  évê<;hés  de  Porto  et  de  Sainte-Rufinc, 
réunis  ensemble  ,  comme  un  gage  de  son 
estime.  Il  mourut  à  Pérouse  en  1170 ,  re- 
gretté du  souverain  pontife  et  des  gens 
de  bien. 

LONGUEIL  (Christophe  de),  Longo- 
lius,  littérateur  célèbre ,  selon  Scévole  de 
Sainte-Marthe ,  était  fils  naturel  d'An- 
toine de  Longueil,  évêque  de  Léon,  et 
naquit ,  en  1470 ,  à  Malines ,  où  son  père 
était  ambassadeur  de  la  reine  Anne  de 
Bretagne ,  qui  l'avait  fait  déjà  son  chan- 
celier. Selon  Erasme  (  qui  l'assure  sur  la 
foi  de  Pierre  Longueil ,  oncle  paternel  de 
Christophe),  il  était  Hollandais,  de  la 
ville  de  Schoonhove.  Il  montra  de  bonne 
heure  beaucoup  d'esprit  et  de  mémoire  , 
et  embrassa  toutes  les  parties  de  la  litté- 
rature :  antiquités  ,  langues  ,  droit  civil , 
droit  canon,  médecine,  théologie.  Le 
succès  avec  lequel  il'  exerça  à  Paris  la 
profession  de  jurisconsulte  lui  valut  une 
charge  de  conseiller  au  parlement.  Il  fut 
professeur  de  droit  à  Poitiers.  Pour  don- 
ner encore  plus  d'étendue  à  son  génie,  il 
parcourut  l'Ilalie,  l'Espagne,  l'Angleterre, 
rAllemagr»e ,  la  Suisse ,  où  il  fut  retenu 
captif  par  le  peuple  ,  irrité  contre  les 
Français  vainqueurs  à  la  bataille  de  Mari- 
gnan,  qui  venait  de  se  donner.  L'évêque 
de  Sion ,  dans  le  Valais ,  le  délivra  des 
mains  des  Suisses,  et  lui  donna  de  l'ar- 
gent pour  aller  à  Rome ,  où  il  fut  bieo 
accueilli  par  le  pape  et  les  cardinaux.  Il 
mourut  à  Padoue  en  1522 ,  à  52  ans.  On  a 
de  lui  des  Epîtres  et  des  Harangues, 
avec  sa  Vie  par  le  cardinal  Polus ,  Flo- 
rence, 1524,  in-4°  ;  Paris,  1753 ,  in-4°.  La 
dif tioa  CD  est  pure  et  élégante ,  mais  le 


LOIV 


SIS 


LOIV 


f  )iids  n'en  est  pas  toujours  assez  fourni.  Il 
(lait  du  nombre  des  savans  qui  imitaient 
avec  succès  le  style  de  Cicéron.  Dans  ses 
jireaiières  productions,  il  a  peut-être 
trop  accordé  à  une  imagination  abon- 
dante et  vigoureuse  ;  mais  le  jugement 
et  la  réflexion  réparèi'ent  bientôt  cet  abus 
lit'  richesses.  L'auteur  de  la  vie  du  cardi- 
nal Polus  (  voyez  PHILIPS  Thomas)  fait 
de  Longolius  le  plus  grand  éloge,  et  l'on 
ne  peut  disconvenir  que  cet  éloge  ne 
soit  bien  mérité.  Bembo  lui  fit  une  épila- 
pJie  en  latin ,  et  Marot  une  en  français. 

LOINGUEIL  (  Jeaîv  de) ,  sieur  de  Mai- 
sons ,  de  la  famille  des  précédens ,  fut 
président  aux  enquêtes  au  parlement  de 
Paris  ,  cl  ensuite  conseiller  d'état  en  1549, 
sous  Henri  II.  Il  se  rendit  célèbre  dans 
ces  emplois  par  son  habileté  et  sa  pru- 
dence, et  laissa  un  Recueil  curieux  de 
271  Arrêts  notables  rendus  de  son  temps. 
Il  mourut  le  i"  mai  13ol. 

LOXGUEIL ,  ou  LONGOLIUS  (  Gilbert 
de) ,  né  à  Utrecht  en  1507  ,  fut  médecin 
de  Herman  ,  archevêque  de  Cologne  ,  et 
mourut  dans  cette  dernière  ville  en  doi3. 
Comme  il  avait  paru  attaché  au  luthéra- 
nisme ,  on  ne  voulut  pas  l'enterrer  à  Co- 
logne ,  et  ses  amis  furent  obligés  de  trans- 
porter son  corps  à  Bonn.  On  a  de  lui  : 
I  Lexicon  grœco-latinum  ^  in-8°,  Colo- 
gne, 1553;  I  des  Remarques  sur  Ovide, 
Plaute,  Cornélius-Népos ,  Cicéron ,  Lau- 
rent Valla,  etc.,  Cologne,  U,  vol.  in-8°; 
I  une  Traduetionlatine  de  plusieurs  opus- 
cules de  Plutarque  ,  Cologne  ,  4542 ,  in-8°  ; 
I  une  Version  latine  du  deuxième  con- 
cile de  Nicée  ;  |  une  Edition  grecque  et 
iatine ^  avec  des  notes,  de  la  Vie  d'Apol- 
lonius de  Tyanes,  par  Philostrate,  Colo- 
gne, 1552,  in-S"  ;  |  Dialogus  de  avibus  et 
earumdem  nominibus  grcecis  ,  latinis  et 
germanicis  ^  Cologne ,  \^lik  ,  in-8°.  Voyez 
Nicéron ,  tom.  17  et  20. 

LOi\GUERUE  (Louis  DUFOUR  de), 
savant  abbé  de  Sept-Fontaines  et  du  Jard, 
naquit  à  Charle ville  ,  d'une  famille  noble 
de  Normandie,  en  1652.  Son  père  n'épar- 
gna rien  pour  son  éducation.  Kichelet  fut 
son  précepteur;  d'Ablancourt ,  son  pa- 
rent, veilla  à  ses  études,  et  ne  manqua 
pas ,  en  bon  calviniste ,  de  lui  donner  du 
goût  pour  les  erreurs  de  sa  secte.  A  \k 
ans  ,  il  commença  à  s'appliquer  aux  lan- 
gues orientales;  il  savait  déjà  une  partie 
des  langues  mortes,  et  quelques-unes  des 
vivantes:  c'est  cette  précocité,  sans  doute, 
et  cette  surcharge  d'idées  qui  dérangea 
son  jugement ,  qui  ne  fui  jamais  au  même 


degré  que  sa  mémoire.  L'histoire  fut  la 
partie  de  la  littérature  à  laquelle  il  se 
consacra  ,  sans  négliger  pourtant  la  théo- 
logie ,  l'Ecriture  sainte  ,  les  antiquités  et 
les  belles-lettres.  Ne  connaissant  d'autre^ 
délassemens  que  le  changement  de  tra- 
vail et  la  société  de  quelques  amis,  il 
leur  ouvrit  libéralement  le  trésor  de  ses 
connaissances ,  et  composait  souvent  pour 
eux  des  morceaux  assez  longs  ;  mais  ces 
services  n'étaient  pas  assaisonnés  de 
bonne  grâce.  Des  traits  trop  vifs  et  sou- 
vent brusques,  des  saillies  d'humeur, 
des  critiques  téméraires ,  une  liberté  cy- 
nique ,  un  ton  tranchant  et  souvent  trop 
hardi  :  voilà  le  caractère  de  sa  conversa- 
tion. C'est  aussi  celui  du  Longueruana , 
recueil  publié  après  sa  mort.  On  l'y  voit 
en  déshabillé  ,  et  ce  déshabillé  ne  lui  est 
pas  toujours  avantageux.  Ce  savant  mou- 
rut à  Paris  en  1753  ,  à  81  ans.  On  a  de 
lui  :  I  Dissertation  latine  sur  Tatien,  dans 
l'édition  de  cet  auteur,  Oxford,  1700, 
in-8°  ;  j  Description  historique  et  géogra- 
phique de  la  France  ancienne  et  mo- 
derne.  Paris,  1719,  in-fol.,  1722,  in-fol. 
C'est  le  texte  d'un  atlas  de  Danville  avec 
les  cartes  de  ce  géographe  ,  et  publié  par 
l'abbé  Béraud.  Les  exemplaires  non  car- 
tonnés sont  rares  et  recherchés.  Voyez , 
sur  cet  ouvrage  ,  le  n°  5560  du  Dict.  des 
Anonymes  de  Barbier.  L'auteur  n'y  pa- 
raît ni  géograj)he  exact ,  ni  bon  citoyen. 
Il  y  rapporte  quantité  de  faits  contre  le 
droit  immédiat  des  rois  de  France  sur  la 
Gaule  transjurane  et  sur  d'autres  pro- 
vinces; I  Annales  Arsacidarum^  Stras- 
bourg, 1732,  in-4°;  |  Traité  d'un  auteur 
romain  sur  la  transsubstantiation  ^  Lon- 
dres,1686,  in-12,  que  l'on  faisait  faussement 
passer  sous  le  nom  du  ministre  Allix  son 
ami,  et  qui  n'est  point  favorable  à  la  foi 
catholique.  Il  paraît  par  quelques  endroits 
du  Longueruana  qu'il  pensait  sur  cer- 
tains points  de  doctrine  comme  les  pro- 
testans ,  entre  autres ,  sur  la  confession 
auriculaire  ;  il  y  vante  le  Bellum  papale 
de  Thomas  James ,  comme  un  ouvrage 
utile  et  important.  Cet  abbé ,  léger  dans 
ses  critiques  et  facile  à  se  prévenir,  n'a- 
vait pas  vu  ,  sans  doute ,  la  réfutation  du 
père  Bukentop.  (  Voyez  ce  nom  et  BIAN- 
CHINI.  )  j  Quelques  Dissertations  sur  les 
antiquités  françaises  et  romaines;  |  plu- 
sieurs ouvrages  manuscrits^  dont  on  peut 
voir  la  liste  à  la  tète  du  Longueruana 
par  l'abbé  Guyon  et  publié  par  Desma- 
rets,  Berlin  (Paris),  1754,  2  part,  in-12. 
On  trouve  une  notice  des  Manuscrits  de 


LOBÎ 


516 


LON 


Longuerue,  ainsi  que  de  ses  autres  ou- 
vrages ,  dans  le  recueil  de  pièces  inté- 
ressantes^ par  l'auteur  lui-même.  On 
peut  consulter  aussi  le  Dictionnaire  de 
Moréri  et  les  Mélanges  historiques  et  phi- 
losophiques de  Michault ,  tom.  2,  p.  290. 

LONGUEVAL  (Jacques),  historien, 
né  près  de  Péronne  en  1680  ,  d'une  fa- 
mille obscure ,  fit  ses  humanités  à  Amiens 
et  sa  philosophie  à  Paris  avec  distinction. 
Il  entra  ensuite  dans  la  société  des  jé- 
suites, où  il  professa  avec  succès  les 
belles-lettres ,  la  théologie  et  l'Ecriture 
sainte.  S'étant  retiré  dans  la  maison  pro- 
fesse des  jésuites  de  Paris,  il  y  travailla 
avec  ardeur  à  V Histoire  de  l'Eglise  gal- 
licane ,  dont  il  publia  les  huit  premiers 
volumes.  Il  continuait  ce  travail  avec  ar- 
deur, lorsqu'il  mourut  d'apoplexie  le  li 
janvier  1755  ,  à  54  ans.  Cette  Histoire 
(Paris  ,  1730-1749  ,  18  vol.  in-4°  ;  Nîmes, 
1782,  18  vol.  in-8°  et  in-12,  souvent 
réimprimée),  est,  dit  Sabatier,  un  chef- 
d'œuvre.  L'intérêt  et  l'utilité  y  fixent  tour 
à  tour  l'esprit  du  lecteur ,  que  l'historien 
sait  intéresser  par  un  mélange  de  mé- 
tliode ,  de  clarté,  de  critique  et  d'élégance. 
Tous  les  objets  sont  présentés  sous  un 
jour  qui  aide  autant  le  jugement  que  la 
mémoire.  On  aime  voir  les  événemens 
racontés  sans  enthousiasme  et  dévelop- 
pés avec  impartialité.  Les  Discours  préli- 
minaires (jui  ornent  les  quatre  premiers 
volumes  prouvent  une  érudition  pro- 
fonde et  une  critique  judicieuse.  Les 
pères  Fontenay ,  Brumoy  et  Bertier  l'ont 
continuée ,  et  l'ont  poussée  jusqu'au  18^ 
volume  in-/».** ,  et  jusqu'à  l'an  1559.  On  a 
encore  du  père  Longue  val  :  |  un  Traité 
du  schisme^  in-12  ,  Bruxelles  ,  1718  ;  |  une 
Dissertation  sur  les  miracles^  in -4°  ; 
I  d'autres  Ecrits  sur  les  disputes  de  l'E- 
glise de  France ,  dans  lesquels  on  trouve 
de  l'esprit  et  du  feu  ;  |  une  Histoire  éten- 
due du  semi-pélagianisme  ^  en  manu- 
scrits. On  trouve  l'éloge  de  Longueval  par 
Fontenay  en  tête  de  la  continuation  de 
l  Histoire  de  V Eglise  gallicane. 

LONGUEVILLE ,  nom  d'une  famille 
célèbre  dont  la  tige  fut  François  I"  d'Or- 
léans, comte  de  Dunois  et  de  Longue- 
ville  ,  gouverneur  du  Dauphiné  et  grand 
chambellan  de  France.  Voyez  DUNOIS . 
—  LONGUEVILLE  (  Ansîe- Geneviève 
de  BOURBON,  duchesse  de),  née  au 
ciiùteau  de  Vincennes  en  1619  ,  était  fille 
de  Henri  II ,  prince  de  Condé ,  et  de 
Marguerite  de  Montmorency.  Elle  était 
sœur  du  grand  Condé  et  du  prince  de 


Conli.  Lors  de  sa  naissance  ,  son  père 
était  prisonnier  d'état  à  Vincennes.  Elle 
épousa  à  l'âge  de  vingt-trois  ans  Henri 
d'Orléans,  duc  de  Longueville;  elle  alla 
le  rejoindre  à  Munster  en  1646,  et  fut 
reçue  partout  avec  une  grande  magni- 
ficence. Revenue  en  France,  elle  se  jeta 
dans  le  parti  opposé  à  Mazarin.  Son 
époux,  qui  s'était  signalé  comme  pléni- 
potentiaire au  congrès  de  Munster,  et  qui 
avait  le  gouvernement  de  Normandie, 
embrassa  aussi  le  parti  de  la  Fronde ,  et 
ensuite  la  faction  de  Condé  et  de  Conti, 
dont  il  partagea  la  prison  en  1650.  Dès 
qu'il  eut  recouvré  sa  liberté ,  il  renonça 
pour  toujours  aux  partis  qui  troublaient 
l'état.  La  duchesse  de  Longueville  futj 
moins  sage.  Ardente  ,  impétueuse ,  nco  j 
pour  l'intrigue  et  la  faction,  elle  avait  tâ- 
ché de  faire  soulever  Paris  et  la  Norman- 
die; elle  s'était  rendue  à  Rouen,  pour 
essayer  de  corrompre  le  parlement.  Se 
servant  de  l'ascendant  que  ses  charmes 
lui  donnaient  sur  le  maréchal  de  Turenne, 
elle  l'avait  engagé  à  faire  révolter  l'ar- 
mée qu'il  commandait.  Pour  gagner  la 
confiance  du  peuple  de  Paris  pendant  le 
siège  de  celte  ville,  en  1648,  elle  avait  été 
faire  ses  couches  à  l'Hôtel-de-Ville.  Le 
corps  municipal  avait  tenu  sur  les  fonts 
de  baptême  l'enfant  qui  était  né,  et  lui 
avait  donné  le  nom  de  Charles-Pains  ;  ce 
prince,  d'une  grande  espérance,  fut  tué 
au  passage  du  Rhin ,  en  1672  ,  avant  d'ê- 
tre marié.  C'est  dans  son  appartement 
que  tout  se  discutait  et  se  décidait.  Tou- 
tefois, peu  ferme  de  caractère  ,  elle  sem- 
blait plutôt  viser  à  la  célébrité  qu'à  tout 
autre  but  ;  et ,  après  la  journée  des  barri- 
cades ,  on  la  vit  hésiter  sur  le  parti  qu'il 
convenait  de  prendre.  La  paix  ayant  été 
signée  en  1649 ,  elle  reparut  à  la  cour  ; 
mais  elle  y  fut  reçue  froidement.  Lorsque 
les  princes  furent  arrêtés  (1650  ),  madame 
de  Longueville  évita  la  prison  par  la  fuite, 
et  ne  voulut  point  imiter  la  conduite  pru- 
dente de  son  époux.  Elle  se  retira  en  Nor- 
mandie ,  puis  à  Rotterdam  ,  à  Stenay. 
Elle  se  concerta  avec  Turenne  qu'elle 
avait  conquis  au  parti  des  frondeurs  pour 
entrer  en  France ,  et  délivrer  les  princes; 
mais  enfin  la  reine  ayant  consenti  à  leur 
rendre  la  liberté ,  la  duchesse  vint  de 
nouveau  à  la  cour ,  et  tout  sembla  oublié. 
Quelque  temps  après  de  nouvelles  bi-ouil- 
leries  eurent  lieu  entre  la  reine  et  la  du- 
chesse. Celle-ci  alla  à  Bourges ,  puis  à 
Bordeaux  :  les  troubles  recommencèrent  ; 
mais   la  mésintelligence   s'étant   glissée 


LOIS 

parmi  les  chefs  ,  Mazarin  trouva  moyen 
de  les  amener  à  la  paix.  Cependant  le  feu 
de  la  guerre  civile  étant  éteint ,  elle  re- 
vint en  France;  et  comme  il  fallait  un 
aliment  à  sa  vivacité  et  à  son  inquiétude 
naturelle  ,  elle  se  jeta  dans  les  affaires  du 
jansénisme.  Elle  y  mit  la  même  ardeur 
qu'elle  avait  fait  paraître  dans  les  guerres 
civiles.  Après  la  mort  du  duc  de  Longue- 
ville  ,  en  1065  ,  elle  quitta  la  cour  pour  se 
lier  plus  étroitement  avec  le  parti,  jit 
construire  à  Port-Royal-des-Champs  un 
bâtiment  pour  s'y  retirer ,  et  se  partagea 
entre  ce  monastère  et  celui  des  Carmé- 
lites du  faubourg  Saint-Jacques.  Elle 
mourut  dans  ce  dernier  le  15  avril  1G79 , 
et  y  fut  enterrée.  Son  cœur  fut  porté  à 
Port-Royal.  Ce  fut  elle  qui  forma  le  pro- 
jet de  la  paix  de  Clément  IX,  qui  se  donna 
tous  les  mouvemens  nécessaires  pour  la 
faire  conclure  ,  et  qui  n'y  réussit,  comme 
l'on  sait ,  que  d'une  manière  illusoire , 
sans  aucun  bien  durable.  (  Voyez  CLÉ- 
MENT IX.  )  Son  hôtel  fut  l'asile  des  écri- 
vains de  Port-Royal  ;  elle  les  déroba  à  la 
poursuite  de  l'autorité  tant  ecclésiastique 
que  civile ,  soit  par  son  crédit ,  soit  par 
les  moyens  qu'elle  trouvait  de  les  sous- 
traire aux  arrêts  qui  tendaient  à  la  des- 
truction de  cette  secte  naissante.  On  a  de 
la  duchesse  de  Longueville  un  écrit  im- 
primé dans  le  Nccrologe  de  Port-Royal , 
où  elle  peint  ses  sentimens  religieux. 
"Villefore  a  donné  sa  Vie^  Amsterdam, 
1739  ,  2  volumes  petit  in-8"  ;  panégyrique 
dicté  par  l'esprit  de  parti.  L'on  trouve 
une  notice  sur  sa  Fie  par  Lémonley, 
dans  la  'o''  livraison  de  la  Galerie  fran- 
çaise. 

LONGUEVILLE  (Antoinette  d  OR- 
léans  de).  Foijez  ANTOINETTE. 

LOXGUS,  rhéteur  grec,  dont  on  ignore 
le  véritable  nom ,  fameux  par  son  roman 
intitulé  :  Pastorale  de  Daphnis  et  de 
Chloé  ^  en  '«.  livres.  Comme  les  auteurs 
anciens  ne  parlent  point  de  Longus,  il  est 
difficile  de  fixer  avec  certitude  le  temps 
auquel  il  a  vécu;  on  croit  cependant  que 
c'est  vers  le  milieu  du  4*  siècle.  Les  meil- 
leures éditions  de  Longus  sont  celles  de 
Columbani ,  Florence  ,  1S98;  de  Junger- 
man ,  1605,  et  celle  de  Franeker  en  1660 , 
in-4°,  et  celle  de  1654,  Paris,  m-k°  ;  de  Bo- 
den  ou  Variorum.Leipsick,  1777  ;du  doc- 
teur Bernard  ,  Paris  ,  1754  ;  de  Dulens  , 
Paris,  1776  ;  de  Bodinio ,  Parme,  1786  ;  de 
M.  Cora'i,  1802  ;  de  ViUoisin ,  de  Schaefer, 
Leipsick,  1803.  Toutes  ces  éditions  étaient 
déparées  par  une  longue  lacune  au  i" 
7. 


517  LON 

livre;  mais  en  1810,  Paul  Courier  (vir/. 
son  article)  découvrit  dans  un  manuscrit 
de  Florence  le  passage  qui  manquait  de- 
puis si  long-temps,  et  donna  une  édition 
complète  de  Longus,  1810-  Ce  fragment 
grec  a  été  réimprimé  depuis  dans  le  Clas- 
sical  journal  de  M.  Passow^ ,  Leipsick, 
1811  ,  et  dans  les  éditions  et  traductions 
postérieures  à  cette  date.  Longus  a  été 
traduit  en  anglais,  par  Thornley,  1657, 
et  par  Craggs,  1764;  en  allemand  par 
M.  Passow;  en  italien  par  Ann.Caro, 
Manzzini  et  Gozzi ,  et  en  français  par 
Amyot,le  Camus,  Debure,  Saint- Fauxbhi, 
l'abbé  Mulot,  enfin  par  le  père  Blanchard, 
1798,  in-12;  la  meilleure  est  celle  d'A" 
myot.  Courier  l'a  publiée  plusieurs  fois  ,, 
en  1810  ;  il  y  a  en  outre  intercalé  la  tr»  • 
duction  du  fragment  nouvellement  dé- 
couvert. En  1813 ,  il  corrigea  ou  refondit 
le  texte  d'Amyot ,  en  imitant  toujours  le 
genre  et  les  formes  de  style  de  cet  auteur. 
On  en  a  donné  deux  autres  éditions  avec 
29  figures  dessinées  par  le  régent,  et  gra- 
vées par  Benoit  Audran.  L'ouvrage  de 
Longus  est  en  prose.  Son  pinceau  est  di 
rigé  par  une  imagination  sans  retenue  , 
mais  le  style  est  d'une  élégance  qui  dégé- 
nère rarement  en  affectation. 

LOiMCERUS  ou  LONICER  (  Jean  ),  né 
en  1499  à  Orthern ,  dans  le  comté  de 
Mansfeld ,  s'appliqua  à  l'étude  avec  une 
ardeur  extrême  ,  et  se  rendit  habile  dans 
le  grec,  dans  l'hébreu  et  dans  les  scien- 
ces. Il  enseigna  ensuite  avec  réputation , 
à  Fribourg ,  à  Strasbourg,  en  plusieurs 
autres  villes  d'Allemagne,  et  surtout  à 
Marpurg,  où  il  mourut  en  1569,  à  70  ans. 
Mélanchthon  et  Joachim  Camerarius  le 
choisirent  pour  mettre  la  dernière  main 
au  Dictionnaire  grec  et  latin  auquel  ils 
avaient  travaillé.  On  a  de  lui  plusieurs 
Traductions  d'ouvrages  grecs  en  latin, 
entre  autres  des  poèmes  Theriaca  et 
Alexipharmaca  de  Nicandre ,  Cologne  , 
1S31,  in-4°;  et  une  Edition  de  Dioscoride 
d'Anazarbe,  Marpurg,  1543,  in-fol.  Sa  vie, 
écrite  en  latin  par  son  petit-fils  Lonicer  , 
a  été  insérée  dans  la  Bibliotheca  chalcO' 
graphica  de  J.-J.  Boissard. 

LOMCERLS  ou  LONICER  (Adam),  fils 
du  précédent,  né  à  Marpurg  en  1528,  fui 
un  habile  médecin,  professa  les  belles- 
lettres  à  Freyberg,  1547-1551 ,  revint  à 
l'étude  de  la  médecine  à  Mayence,  occupa 
la  chaire  de  mathématiques  à  Marpurg,  y 
reçut  le  doctorat  (1534),  fut  nommé  mé- 
decin pensionnaire  du  sénat  de  Francfort- 
sur-le-Meiu.  et  y  mourut  en  1586,  à  58 


44 


LOP 


518 


LOR 


ans ,  après  avoir  rempli  ce[te  place  pen- 
dant 32  ans.  On  a  de  lui  plusieurs  ou- 
vrages d^histoire  naturelle  et  de  méde- 
cine :  I  Methodus  rei  herbariœ  ^  Franc- 
fort ,  1550 ,  in-ft**  ;  |  Historia  naturalis 
plantarunij  animalium  et  met  allô  rum  ^ 
Francfort,  1551  -  1555,  en  2  vol.  in-fol.  ; 
I  Methodica  explicatio  omnium  corporis 
humant  affectuum  ;  \  Hortus  sanitads  de 
Jean  Cuba ,  dont  la  dernière  édition  est 
d'Ulm  ,  1715 ,  in-fol. ,  fig. ,  etc.  —  Il  y  a 
encore  un  Philippe  LONICERUS  ,  auteur 
d'une  Chronique  des  Turcs.,  pleine  de  re- 
cherches, écrite  en  latin,  avec  élégance  , 
exactitude  et  intérêt,  1  vol.  in-fol. 

LOOS  (  CoRNEHxE  ),  théologien  ,  né  à 
Gouda  vers  1546 ,  et  chanoine  de  cette 
ville  selon  Yalère- André ,  quoiqu'il  ne 
soit  nullement  certain  qu'il  y  ait  eu  une 
collégiale  ,  se  retira  à  May  en  ce  pendant 
les  troubles  de  sa  patrie.  Sa  façon  de  pen- 
ser sur  les  sorciers  ,  dont  il  niait  la  réa- 
lité, lui  causa  des  chagrins.  Il  s'en  ouvrait 
dans  ses  conversations ,  et  travaillait  à 
établir  son  sentiment  dans  un  livre  qu'il 
imprima  sous  ce  titre.  Traité  sur  la  vraie 
€t  la  fausse  magie  .  lorsqu'il  fut  empri- 
sonné. Il  se  rétracta  pour  avoir  sa  liberté; 
mais  ayant  de  nouveau  enseigné  son  opi- 
nion, il  fut  arrêté.  Il  sortit  cependant  en- 
core de  prison,  et  il  y  aurait  été  mis  une 
troisième  fois  ,  si  la  mort  ne  l'eût  enlevé 
à  Bruxelles  en  1595.  Il  blâmait  ouverte- 
ment la  pratique  des  exorcismes ,  aussi 
ancienne  que  l'Eglise  ,  qui  l'approuve. 
(  Voyez  DELRIO.  )  On  a  de  Loos  :  |  De 
iumultuosa  Belyarum  seditione  sedanda., 
Mayence  ,  1582 ,  in-8°  ;  |  Aniiotationes  in 
Ferum  super  Joannem;  il  y  relève  plu- 
sieurs fautes  de  Férus  ;  |  Illustrium  Ger- 
maniœ  utriusque  scriptonan  catalogus , 
Mayence,  1581,  in-8°.  C'est  une  notice  de 
89  écrivains  belges  fort  sèche  et  peu 
exacte.  |  Institutionum  sacrœ  theologiœ 
libri  h,  Mayence,  in-i2;  c'est  un  abrégé 
de  Melchior  Canus,  et  plusieurs  ouvrages 
de  controverse  et  de  piété.  On  en  trou- 
vera la  liste  complète  dans  la  Biblioth. 
Belgic.  de  Foppens. 

LOPEZ.  Voyez  FERDINAND  LOPEZ. 

LOFEZ  DE  GOMARA  (François),  ec- 
clésiastique et  historien  espagnol,  naquit 
à  Séville  en  1510.  Il  demeura  quatre  ans 
«•n  Amérique,  et  à  son  retour  en  Espagne, 
il  publia  Primera,  secunda parte ^  etc. , 
ou  Histoire  générale  des  Indes^  en  3  par- 
ties. Médina,  1558,  in-fol.  ;  Anvers,  155/i, 
în-S",  traduite  en  italien,  Venise,  1574,  et 
tn  français  par  Irénce  de  Génillc,  Paris  > 


1587.  Cette  histoire,  qui  eut  dans  le  temps 
beaucoup  de  vogue  ,  renferme  plusieurs 
inexactitudes;  elle  tomba  en  oubli  dès 
que  parut  V Histoire  de  la  Nouvelle  Espa- 
gne de  Diaz  del  Caslillo ,  publiée  p:ir 
Alonzo  Raimond  (Madrid  ,  1652  ),  que  la 
Conquête  des  Indes  de  Solis  (  1684  )  fit  ou- 
blier à  son  tour.  Lopez  de  Gomara  mou- 
rut vers  1584. 

LOPEZ  de  VEGA.  Voyez  YEGA. 

*  LOllDELOT  (Bénigne),  avocat  au 
grand  conseil ,  naquit  à  Dijon  le  12  octo- 
bre 1639.  Il  était  avocat  au  parlement  de 
cette  ville,  lorsque  M.  de  Brulard,  qui  en 
était  premier  président ,  et  qyi  avait  un 
procès  au  grand  conseil ,  amena  Lordelot 
à  Paris  pour  y  plaider  sa  cause.  Non  seu- 
lement il  la  gagna,  mais  il  plaida  avec  un 
talent  si  marqué,  que  M.  de  Lamoignon, 
premier  président  du  parlement  de  Paris, 
l'engagea  à  se  fixer  dans  la  capitale.  Il  y 
fut  chargé  de  différentes  causes  impor- 
tantes qui  donnèrent  lieu  à  un  grand 
nombre  de  plaidoyers,  pour  l'impression 
desquels  il  avait  obtenu  un  privilège  dtj 
M.  le  chancelier,  excepté  deux  qui  furent 
imprimés  séparément.  Lordelot  s'était 
marié  à  Paris  ;  il  y  mourut  le  l"'  mai  1720, 
âgé  de  plus  de  80  ans.  Il  est  auteur  d'un 
grand  nombre  douvrages,  qui  tous  prou- 
vent sa  piété  et  ses  sentimens  religieux. 
Ce  sont  :  |  Devoir  de  la  vie  damcstique . 
par  un  père  de  famille^  Paris,  1706,  in-i2  ; 
I  Noéls  pour  l'entretien  des  âmes  dévotes^ 
Dijon,  1660,  in-i2  ;  j  Pensées  chrétiennes 
tirées  des  psaumes  ..avec  une  pri/;re  pour 
le  roi  et  pour  la  paix,  Paris,  1706  ,  in-i2, 
et  1708,  in-16  ;  |  De  la  charité  qu'on  doit 
exercer  envers  les  en  fans  trouvés^  in- 12, 
avec  une  gravure  analogue  au  sujet, 
Paris,  1706  ;  |  Lettres  «ur  les  devoirs  d'un 
véritable  religieux.,  écrites  par  un  père  à 
son  fds  nouvellement  religieux  profès 
da?is  la  congrégation  de  Saint-Augustin. 
Paris,  1708,  in-12  ;  |  Entretien  du  juste  et 
du  pécheur  ^  sur  cette  proposition.  Que 
l'homme  souffre  beaucoup  plus  de  maux 
et  de  peines  pour  se  damner  que  pour  se 
sauver,  Paris,  1709»  in-12  ;  |  Nouvelle  tra- 
duction de  V office  de  la  Vierge,  avec  des 
explications  et  des  réflexions.  Paris,  1711 
et  1712,  in-12  ;  |  Lettres  importantes  pour 
arrêter  les  irrévérences  qui  se  commet- 
tent dans  les  églises.  Paris,  sans  date 
(  1712)  ;  I  Lettre  écrite  par  un  particulier 
à  son  ami  (  l'abbé  de  Vallemont),  sur  les 
désordres  qui  se  commettent  à  Paris  j 
touchant  la  comédie,  et  sur  les  représevr 
talions  qui  s'en  font  dans  les  maisons 


LOR 


519 


LOR 


particulières.  Paris,  1710,  in-12  ;  |  Lettre 
écrite  par  un  particulier  à  sonSami  sur 
les  désordres  du  carnavals  in-12,  de  44 
pages,  1711. 

LOREDANO  (  Jean-Fb ançois  ) ,  dit  le 
Jeune ^  sénateur  de  Venise  au  17*^  siècle  , 
né  en  1606,  mort  en  166i,  s'éleva  par  son 
mérite  aux  premières  charges,  et  rendit 
de  grands  services  à  la  république.  Sa 
maison  était  une  académie  de  gens  de 
lettres.  Ce  fut  lui  qui  jeta  les  fondemens 
de  celle  degli  Incogniti.  On  a  de  lui  : 
I  Bizzarrie  academichc  ;  |  Vila  del  Ma- 
rini;  \  Morte  del  Valslein;  \  Rayyuagli 
di  Pamasso  ;  \  une  Fie  d'Jdam^  traduite 
en  français  ;  |  V Histoire  des  rois  de  Chy- 
pre (Lusignan),  sous  le  nom  de  Henri 
Giblet;  \  plusieurs  Comédies  en  italien. 
On  a  recueilli  ses  OEuvres  en  7  volumes 
in-24  ,  et  16S3  ,  6  vol.  in-12.  Sa  vie  a  été 
écrite  par  Antoine  Lupis ,  Venise ,  1663. 
—  Le  doge  Fraxçois  LOREDANO,  élu  en 
1752,  mort  dix  ans  après,  âgé  de  87  ans, 
était  de  sa  famille. 

LORENS  (  Jacques  du),  né  à  Château- 
neuf  en  Thimerais  dans  le  Perche ,  et 
mort  en  165b,  à  75  ans,  et  suivant  d'autres 
en  1648,  fut  le  premier  juge  du  bailliage 
de  cette  ville.  Il  était  fort  versé  dans  la 
jurisprudence,  bon  magistrat,  d'une  pro- 
bité incorruptible  ,  et  l'arbitre  de  toutes 
les  affaires  de  son  pays.  Il  possédait  les 
auteurs  grecs  et  latins ,  et  surtout  les 
poètes  et  les  orateurs.  Il  n'avait  pas  moins 
de  goût  pour  les  beaux-arts  ,  et  en  parti- 
culier pour  la  peinture.  Ses  Satires  furent 
imprimées  à  Paris  en  1624 ,  in-S"  ;  ibid. , 
1646 ,  in-4'»  ;  elles  sont  au  nombre  de  26. 
La  versification  en  est  plate  et  rampante. 
Son  siècle  y  est  peint  avec  des  couleurs 
assez  vraies,  mais  grossières  et  dégoû- 
tantes. C'est  à  du  Lorens  qu'on  attribue 
cette  épitaphe  si  connue  : 


Ci-gît  I 
Pour  s( 


a  femme....  Oh  !  qu'elle  ett  biea, 
I  repoi  c>  pour  le  aieo. 


On  a  encore  de  lui  :  Notes  sur  les  cou- 
tumes du  pays  chartrain^  Paris,  1645, 
in-4''. 

•  LOREIVZ  (Jean-Michel),  historio- 
graphe, chanoine  de  Saint -Michel  de 
Strasbourg,  naquit  dans  cette  ville  en 
1723.  Il  était  instruit  dans  la  théologie  , 
les  mathématiques,  l'histoire  ,  la  philoso- 
phie, le  droit ,  et  possédait  les  langues  la- 
tine ,  grecque  et  hébraïque.  Il  avait  été 
l'élève  de  Schœpflin  :  il  fut  successive- 
rncnt  professeur  d'histoire  et  d'éloquence, 
chanoine  du  chapitre  luthérien  de  Saint- 


Thomas  en  1763 ,  et  l'année  suivante , 
bibliothécaire  de  l'université  de  Stras- 
bourg, où  il  mourut  le  2  avril  1801.  On  a 
de  ce  savant  ecclésiastique  :  |  Urbis  Ar- 
gentorati  brevis  historia.  ab  A.  C.  1456 , 
Strasbourg,  i789 ,  5'  édition,  in-4'*;  i  Ta- 
bules temporum  fatorwmque  Germaniœ 
ab  origine  gentis  ad  nostra  tempora, 
Strasbourg.  1761,  in-4°;  1773,  in-fol.;i78o, 
in-8''  ;  j  Elementa  historiée  universœ.  1775, 
in-8°,  cum  tabulis  ;  \  Elementa  historiée 
Germaniœ.  1776,  in-8" ,  cum  tabulis f 
\Summa  historiée  Gallo-Francice civilis et 
sacrte ,  1793,  4  vol.  in-8°,  etc.,  etc.  Une 
érudition  profonde,  une  précision  exacte, 
et  un  style  correct  et  élégant ,  sont  les 
qualités  qui  distinguent  presque  tous  les 
ouvrages  de  cet  auteur.  Il  a  laissé  plu- 
sieurs manuscrits  que  l'on  conserve  dans 
la  bibliothèque  de  Strasbourg.  M.  Oberlin 
a  donné  une  Notice  sur  la  vie  et  les  écrits 
de  J.  M.  Lorenz  dans  le  mag asin  encyclo- 
pédique.  6*^  année  ,  pag.  220. 

*  LOREIVZANA  (  François  -  Antoine 
de),  cardinal-archevêque  de  Tolède,  na- 
quit à  Léon,  en  Espagne,  le  22  septembre 
1722.  Sa  famille  ,  une  des  plus  anciennes 
de  cette  province ,  comptait  parmi  ses 
ancêtres  saint  Vincent  de  Lorenzana  et 
saint  Toribio  de  Mongrovejo.  Après  avoir 
étudié  chez  les  PP.  jésuites  de  sa  ville 
natale,  où  il  eut  pour  maître  le  pieux  et 
savant  Pierre  Zarate  ,  il  professa  la  phi- 
losophie dans  un  monastère  de  bénédic- 
tins, suivit  les  cours  de  droit  canonique 
àSalamanque,  et  de  théologie  dans  le 
grand  collège  d'Oviédo ,  d'où  il  passa  à 
Valladolid.  Un  concours  (  comme  c'est 
l'usage  en  Espagne),  ayant  été  ouvert 
pour  une  prébende  dans  la  cathédrale  de 
Siguenza,  Lorenzana  se  mit  sur  les  rangs, 
et  obtint  la  prébende.  Ses  talens  et  sa 
bonne  conduite  lui  méritèrent  l'estimo 
du  père  François  Ravago,  confesseur  de 
Ferdinand  VI,  qui  le  fit  nommer  chanoine 
de  Tolède,  puis  grand-vicaire,  et  enfin 
abbé  de  Saint- Vincent.  Devenu,  en  1765, 
évêque  de  Placencia,  il  fut  nommé,  l'an- 
née suivante,  à  l'archevêché  de  Mexico, 
où  II  fonda  un  hôpital  pour  les  enfans 
trouvés  ;  et,  le  27  janvier  1772,  il  fut  ap- 
pelé au  siège  de  Tolède,  le  plus  riche  de 
la  catholicité.  Simple  et  frugal  dans  ses 
{ïoûts  et  ses  habitudes ,  il  employa  ses 
immenses  revenus  à  protéger  les  lettres 
et  à  secourir  les  malheureux.  Il  fonda  à 
Tolède  une  magnifique  bibliothèque,  une 
université ,  et  fit  publier  à  ses  frais  une 
superbe"  édition  des  OEuvres  des  PP.  de 


LOK 


520 


LOIl 


Tolède.  La  même  ville  lui  doit  aussi  une 
maison  de  charité  ,  et  celle  de  Madrid  une 
maison  de  retraite  pour  servir  d'asile  aux 
pauvres ,  en  les  occupant  à  des  travaux 
utiles.  Lorenzana  fit ,  en  outre,  rétablir 
un  hôpital  ruiné  ,  avec  une  maison  et  une 
église  pour  les  frères  de  la  Charité,  appe- 
lés en  Espagne,  Frères  de  Saint- Jean  de 
Dieu.  Une  caserne  fut  également  bâtie  à 
ses  frais  pour  recevoir  les  militaires  et 
soulager  les  habitans ,  qui  jusqu'alors 
avaient  été  contraints  de  les  loger  chez 
eux.  Il  faisait  des  provisions  de  vêtemens, 
de  toile,  de  quinquina  et  autres  remèdes, 
pour  les  distribuer  aux  pauvres.  Quand 
les  ouvriers  manquaient  de  travail,  sur- 
tout dans  les  années  de  disette ,  il  les  oc- 
cupait à  la  réparation  des  routes  ou  à 
d'autres  travaux  publics.  Tous  les  ecclé- 
siaisliques  et  les  personnes  recommanda- 
bles  recevaient  chez  lui  un  généreux  ac- 
cueil ;  aussi  le  nom  de  Lorenzana  était 
révéré,  non  seulement  dans  son  diocèse  , 
mais  dans  toute  l'Espagne.  Il  présida  à 
l'éducation  de  Louis  de  Bourbon  ,  depuis 
infant  d'Espagne  et  cardinal  (  voyez 
BOURBON  ) ,  et  le  fit  archidiacre  de  son 
église  de  Tolède.  Lorenzana  reçut  le  cha- 
peau de  cardinal ,  le  50  septembre  1789  , 
et,  cinq  ans  après,  il  fut  nommé  grand 
inquisiteur  et  conseiller  d'état.  La  révo- 
lution française  ayant  conduit  en  Espagne 
un  nombre  considérable  de  prcires ,  de 
religieux  et  de  religieuses ,  Charles  IV 
chargea  le  cardinal  de  Lorenzana  de  leur 
procurer  un  asile.  Ce  vertueux  prélat 
})arlagea  ce  soin  avec  le  pieux  évêque 
(l"Orense,  et  entretint  à  lui  seul  cinq  cents 
de  ces  respectables  proscrits.  Il  se  trou- 
vait à  Madrid  lors  du  mariage  du  prince 
de  la  Paix  avec  mademoiselle  de  Valla- 
briga,  cousine  du  roi.  On  assure  qu'ayant 
refusé,  ainsi  que  le  cardinal  Despuig,  de 
bénir  cette  union,  parce  que  le  bruit 
courait  que  Godoy  était  déjà  marié  avec 
une  demoiselle  Tudo  ,  il  fut  exilé  de  Ma- 
drid avec  Despuig.  On  disait  aussi  dans 
le  public  que  les  deux  prélats  étaient  par- 
tis ,  par  ordre  du  roi,  avec  M.  Musquiz, 
archevêque  de  Séleucie ,  pour  aller  offrir 
des  consolations  à  Pie  VI.  Lorenzana  sui- 
vit ce  pontife  dans  les  différentes  ex- 
cursions qu'on  lui  fit  faire ,  pourvut  aux 
besoins  de  cette  auguste  victime ,  à  ceux 
des  divers  cardinaux  et  prélats  proscrits 
«'t  dispersés  dans  toute  l'Italie.  Le  refus 
<le  passeports  l'ayant-  empêché  d'accom- 
pagner Pie  VI  en  France ,  il  parvint  à 
lui  faire  tenir  secrètement  des  secours. 


Il  allait  retourner  en  Espagne,  lorsque 
les  mouvemens  des  armées  lui  en  fer- 
mèrent le  chemin,  et  il  se  trouva  au 
conclave,  tenu  à  Venise,  on  fut  élu 
Pie  VII.  Il  donna,  en  1800  ,  sa  démission 
de  son  siège  de  Tolède,  qui  fui  donné  à 
l'infant  D.  Louis  de  Bourbon.  Le  cardinal 
de  Lorenzana  établit  alors  sa  demeure  à 
Rome.  Pendant  son  séjour  à  Florence , 
un  de  ses  neveux,  chanoine  de  Tolède  et 
archidiacre  de  Calatrava,  le  fil  son  léga- 
taire universel.  Toujours  bienfaisant ,  le 
cardinal  fit  deux  parts  de  cette  succes- 
sion :  il  en  consacra  une  partie  pour  doter 
des  jeunes  filles,  et  donna  l'autre  au  grand 
hospice  de  Madrid.  Un  jour,  il  venait  d'a- 
dresser une  exhortation  pieuse  aux  reli- 
gieuses du  couvent  des  Quatre -Saints- 
Couronnés,  lorsqu'il  se  sentit  tout  à  coup 
gravement  indisposé  :  il  reçut  les  secours 
de  l'Eglise  ,  et  mourut  le  lendemain  47. 
avril  1804,  âgé  de  quatre-vingt-deux 
ans.  M.  Faust  in  Are  valo,  qui  l'avait  se- 
condé dans  ses  travaux  littéraires  ,  pro- 
nonça, en  latin,  son  Eloge  funèbre  à  l'a- 
cadémie de  la  religion  catholique.  Il  a 
laissé  :  |  diverses  Lettres  pastorales  ; 
I  un  nouveau  recueil  de  Lettres  de  Fer- 
nand  Cortèz ,  Mexico ,  1770  ,  in-i".  11  a 
donné  à  ses  frais  de  magnifiques  éditions 
des  ouvrages  suivans,  savoir  :  |  Sancto- 
ram  Palrum  Toletanorum  guotquot  ex- 
sta?it  opéra ^  Madrid,  5  vol.  in-fol.,  carac- 
tères dlbarra ,  avec  des  préfaces  et  des 
notes  savantes.  L'éditeur  y  a  réuni  les 
écrits  dQ  ses  prédécesseurs.  Montâmes, 
Eugène,  saint  Ildefonse,  saint  Julien, 
saint  Euloge ,  etc.  avec  l'abrégé  de  leurs 
Fies.  I  Sancti  Martini ^legionensis  près- 
byteri  et  canonici  regularis  ^  opéra  nunc 
primum  in  lucem  édita  ^  Ségovie ,  U  vol. 
in-fol.  L'archevêque  distribua  gratuite- 
ment des  exemplaires  de  ces  ouvrages,  et 
en  envoya  à  M.  l'abbé  de  Saint-Léger,  qui 
les  répartit  entre  les  bibliothèques  de 
Paris, savoir  :  Sainte-Geneviève,  la  Sor- 
bonne,  Saint-Germain-des-Prés  et  le  col- 
lège Mazarin.  1  OEuvres  de  saint  Isidore 
de  Séville^  revues  sur  les  manuscrits  du 
Vatican,  et  imprimées  à  Rome  ;  [  Missale 
gothicum  secundum  régulant  B.  Isidori 
in  usum  Mozarabum ,  Rome,  1804,  in- 
fol.  ,  fig.  Le  cardinal  de  Lorenzana  reçut, 
par  un  bref  très  flatteur,  les  félicitations 
de  Pie  VII  pour  son  zèle  à  reproduire 
ainsi  les  monumens  de  l'antiquité,  si 
utiles  pour  l'Eglise. 

LORENZETTI  (   Ambbosio  ) ,  peintre, 
ne  à  Sienne  en  1237,  mort  vers  1340, 


LOR 


521 


LOR 


âgé  de  85  ans,  apprit  de  Glotto  les  se- 
crets de  son  art  (  i  ).  Mais  Lorenzetli  se 
fit  un  genre  particulier,  dans  lequel  il  se 
distingua  beaucoup.  Il  fut  Iç  premier  qui 
«'appliqua  à  représenter  en  quelque  sorte 
les  vents,  les  pluies,  les  tempêtes,  et  ces 
temps  nébuleux  dont  les  effets  sont  si  pi- 
quans  en  peinture. 

LORENZETTI  (  Pietko  ) ,  peintre  ,  na- 
tif de  Sienne,  était  frère  du  précédent 
dont  il  reçut  les  leçons.  Cet  artiste  a  tra- 
vaillé à  Sienne  et  à  Arer.zo  ;  il  réussissait 
principalement  dans  le  jet  des  draperies, 
et  à  faire  sentir  sous  l'éloffe  le  nu  de  ses 
figures.  Il  a  aussi  excellé  dans  les  parties 
qui  regardent  la  perspective.  Lorenz.etti  a 
clé  aidé  dans  plusieurs  ouvrages  par  son 
frère  Ambrosio,  célèbre  par  son  tableau^ 
qui  est  dans  laMaison-de-Ville  de  Sienne, 
représentant,  par  autant  de  figures  ana- 
logues, les  vices  d'un  mauvais  gouver- 
nement. Des  vers  placés  sous  chaque  per- 
sonnage, en  expliquent  le  caractère  et  le 
dessein.  Pietro  vivait  encore  en  13o5. 

•  LOREA'ZI  (  l'abbé  Barthélémy  ),  im- 
provisateur italien,  né  à  Vérone  vers  1730, 
mort  dans  la  même  ville,  le  H  février 
1822,  à  l'âge  de  quatre-vingt-dix  ans,  est 
auteur  d'un  poème  en  quatre  chants ,  sur 
la  culture  des  montagnes  (  deîla  Coltiva- 
zione  de'  monti),  Vérone,  3""^  édition, 
J811 ,  in-4°.  On  a  encore  de  lui  un  poème 
intitulé  Le  Berger  (  Il  Paslore  )  qu'il  com- 
posa à  l'âge  de  88  ans.  Les  Italiens  l'esti- 
maient beaucoup  comme  improvisateur. 
Peu  d'instans  avant  de  mourir,  il  impro- 
visa et  récita  dos  vers  consacrés  à  pleurer 
la  mort  d'un  ami. 

LORET  (Jean),  poète  français  de  Ca- 
rentan  en  Normandie,  mort  en  1665 ,  âgé 
d'environ  65  ans,  se  distingua  par  son  es- 
prit et  par  sa  facilité  à  faire  des  vers  fran- 
çais. 11  avait  commencé,  vers  1650,  une 
Gazette  burlesque  en  vers,  qu'il  continua 
jusqu'en  16G5  en  partie.  Il  l'avait  dédiée  à 
mademoiselle  de  Longueville,  qui  lui 
faisait  une  gratification  annuelle  de  2,000 
liv.  ,  même  depuis  qu'elle  fut  duchesse 
de  Nemours.  Cette  Gazette  rimée  ren- 
fermait les  nouvelles  de  la  cour  et  de  la 
ville.  Lorel  les  contait  d'une  manière  naïve 
et  assez  piquante  dans  la  nouveauté  ,  sur- 
tout pour  ceux  qui  faisaient  plus  d'atten- 
tion aux  faits  qu'à  sa  versification  lâche , 
prosaïque  et  languissante.  On  a  recueilli 


(i)  Suivant  quelque»  biographi-j  ,  ce  fut  jon  pf-re  , 
nommé  Lorenro,  et  par  iliminulif  Zor<'»j.-f /// ,  peiolre 
lui-m2nK  ,  qv\  cDseigni  soo  arl  à   AmLrojio. 


ses  Gazettes  en  3  vol.  in-fol.  ,  1630,  1660' 
et  1663,  avec  le  portrait  de  l'auteur,  gravé 
par  Nanteuil.  On  y  joint  un  autre  le- 
cueil  périodique  intitulé  Lettres  en  vers 
à  Madame...,  ou  Gazette  ^  etc.  ,  depuis 
1665  jusqu'au  27  décembre  1670,  et  conti- 
nué jusqu'en  1678  par  Dulaurens  (  Charles 
Robinet),  2  tom.  in-fol.  Il  reste  encore  de 
Loret  de  mauvaises  Poésies  burlesques. 
imprimées  en  1646,  in-4". 

LORGES  (GuY-ALDONCEdeDURFORT, 
duc  de  ),  lils  puîné  de  Guy-Aldonce  de 
Durfort,  marquis  de  Duras,  et  d'Elizabeth 
de  la  Tour,  naquit  en  1630 ,  et  fit  ses  pre- 
mières armes  sous  le  maréchal  de  Tu- 
renne,  son  oncle  maternel.  S'étant  signale 
en  Flandre  et  en  Hollande,  et  surtout  au 
siège  de  Nimègue  ,  dont  il  obtint  le  gou- 
vernement, il  s'éleva  par  ses  services  au 
grade  de  lieutenant-général.  Il  servait  en 
cette  qualité  dans  l'armée  de  Turenne. 
lorsque  ce  grand  homme  fut  tué  près  de 
la  viUe  d'Acheren,  le  25  juillet  1675. 
Alors,  faisant  trêve  à  sa  douleur,  et  cher- 
chant plutôt  à  sauver  une  armée  décou- 
ragée par  la  perte  de  son  chef,  qu'à 
acquérir  de  la  gloire  en  livrant  témérai- 
rement bataille,  il  fit  cette  retraite  admi- 
rable qui  lui  valut  le  bâton  de  maréchal 
de  France  en  1676.  Il  commanda  depuis 
en  Allemagne ,  prit  Hcidelberg  et  chassa 
les  Impériaux  de  l'Alsace.  Ses  exploits  lui 
méritèrent  les  faveurs  de  la  cour.  Le  roi 
érigea  en  duché  la  ville  de  Quintin ,  en 
Basse-Bretagne ,  pour  lui  et  ses  succes- 
seurs mâles,  sous  le  titre  de  Lorges-Quin- 
tin.  Il  fut  capitaine  des  gardes~du-corps, 
chevalier  des  ordres  du  roi ,  et  gouver- 
neur de  Lorraine.  Il  mourut  à  Paris  en 
1702,  à  72  ans,  et  fut  regretté  comme  un 
digne  élève  de  Turenne,  et  de  plus, 
comme  un  homme  foncièrement  ver- 
tueux et  un  parfait  chrétien.  «  On  na 
B  point  connu  ,  dit  le  duc  de  Saint-Simon, 
»  une  plus  belle  âme ,  ni  un  cœur  plus 
n  grand  ni  meilleur  que  le  sien,  et  cette 
»  vérité  n'a  poinJ  trouvé  de  contradicteur. 
»  Jamais  il  n'exista  un  plus  honnête 
«homme,  plus  droit,  plus  égal,  plus  uni, 
»  plus  simple ,  plus  aisé  à  servir  et 
»  prompt  à  obliger,  et  bien  rarement  au- 
»  cun  qui  le  fût  autant.  D'ailleurs,  son  ca- 
D  ractcre  était  la  vérité,  la  candeur  même, 
i>  sans  humeur,  sans  fiel,  toujours  porté  à 
n  ])ardonner.  »  Il  eut  de  Geneviève  de 
Frén)ont  quatre  filles  et  un  fils  ,  dont  la 
postérité  soutient  la  gloire  du  maréchal 
de  Lorfîes.  Voyez  DURAS. 

LORÎC!!  (GÉP.AKD  ),  Lo7icfnus.  dlla- 
hh. 


LOR 


522 


LOR 


damar  en  Wétéravie,  publia  divers  ou- 
vrages. Le  plus  célèbre  est  un  Commen- 
taire latin  sur  l'ancien  Testament,  Colo- 
gne, 1546,  in-fol.  Le  Commentaire  sur  le 
nouveau  avait  vu  le  jour  cinq  ans  aupa- 
ravant, en  1541,  aussi  in-fol. 

LORIIV  (  Jean  ),  jésuite  ,  né  à  Avignon 
en  1559,  enseigna  la  théologie  à  Paris  ,  à 
Rome  ,  à  Milan  ,  etc. ,  et  mourut  à  Dôle 
en  1634  ,  à  75  ans.  On  a  de  lui  des  Com- 
mentaires en  latin  sur  le  Lévilique  ,  les 
Nombres,  le  Deuléronorae  ,  les  Psaumes, 
î'Ecclésiaste,  la  Sagesse ,  sur  les  Actes  des 
apôtres,  et  les  Epîtrcs  catholiques.  Il  y 
explique  les  mois  hébreux  et  grecs  en 
critique,  et  s'étend  sm- diverses  questions 
d'histoire,  de  dogme  et  de  discipline.  Mais 
plusieurs  de  ces  questions  pouvaient  être 
traitées  d'une  manière  x)lus  concise,  et 
quelques-unes  n'ont  qu'un  rapport  éloi- 
gné à  leur  sujet.  C'est  de  lui  qu'est  venu 
Vusage  de  faire  à  Avignon  toutes  les  se- 
maines une  instruction  aux  Juifs  ;  ce  qui 
en  a  converti  un  grand  nombre. 

LORIOT  (  Julien  ),  prêtre  de  l'Ora- 
toire, né  à  Laval  en  1653,  se  consacra  aux 
missions  sur  la  fin  du  17'  siècle.  Ne  pou- 
vant plus  supporter  la  fatigue  de  ces  pieux 
exercices,  auxquels  il  s'était  livré  pendant 
14  ans,  il  donna  au  public  les  Sermons 
qu'il  avait  prêches  dans  ses  courses  évan- 
géliqucs.  Ils  forment  9  vol.  de  Morale^  6 
de  Mystères,  3  de  Dominicales  ;  en  tout 
18  V.  in-12,  1695  à  1713.  Le  style  en  est 
simple ,  la  morale  exacte,  et  toujours  ap- 
puyée sur  l'Ecriture  et  sur  les  Pères.  Il 
^lourutà  Paris  en  1715. 

LORITI  (  Henri  ) ,  surnommé  Glarea- 
nus,  du  bourg  de  Claris  en  Suisse ,  où  il 
était  né  en  1488.  Il  y  mourut  en  1563,  âgé 
de  75  ans.  Il  se  rendit  célèbre  par  ses 
lalens  pour  la  musique  et  pour  les  belles- 
lettres,  el  fut  ami  d'Erasme  et  de  plusieurs 
autres  savans.  Son  nom  est  plus  connu 
que  ses  ouvrages.  Lorili  possédait  pres- 
que toutes  les  sciences,  les  belles-lettres, 
et  était  un  des  meilleurs  poètes  de  son 
temps.  Il  a  écrit  sur  les  anciens  classiques 
et  sur  d'autres  savans.  L'empereur  Maxi- 
inilien  T'  décerna  à  Loriti  le  laurier  poé- 
lique  en  1512.  Il  était  d'un  caractère  doux 
f  t  très  enjoué  . 

LORME  (PuiLiBERTde),  natif  de  Lyon, 
mort  en  1577,  se  distingua  par  son  goût 
pour  l'architecture.  Il  alla,  des  l'âge  de  14 
ans,  étudier  en  Italie  les  beautés  de  l'anti- 
que. De  retour  en  France  ,  son  mérite  le 
lit  rechercher  à  la  cour  de  Henri  III,  et 
dans  celle  des  rois  ses  fils.  Ce  fut  de  Lorme 


qui  fil  le  fer  à  cheval  de  Fontaîneblcatl 
et  qui  conduisit  plusieurs  magnifiques  bâ- 
timens  dont  il  donna  les  dessins  ;  comme 
le  château  de  Meudon^  celui  d'Anet,de 
Saint-Maur,  le  palais  des  Tuileries  ,  et  qui 
orna  et  rétablit  plusieurs  maisons  roya- 
les. Il  fut  fait  aumônier  et  conseiller  du 
roi ,  et  on  lui  donna  l'abbaye  de  Saint - 
Eloi  et  celle  de  Saint-Serge  d'Angers. 
Ronsard  ayant  publié  une  satire  contre 
lui,  de  lorme  s'en  vengea  en  faisant  re- 
fuser la  porte  du  jardin  des  Tuileries,  dont 
il  était  gouverneur ,  au  satirique ,  qui 
crayonna  sur  la  porte  ces  trois  mots  : 
Fort.  Révèrent.  Habe.  L'architecte  ,  qui 
entendaitfort  peu  le  latin,  crut  trouver 
une  insulte  dans  ces  paroles  ,  et  s'en  plai- 
gnit à  la  reine  Catherine  de  Médicis.  Ron- 
sard répondit  que  ces  trois  mots  étaient 
latins,  et  le  commencement  de  ces  ver» 
du  poète  Ausone  ,  qui  avertissaient  les 
hommes  nouvellement  élevés  par  la  for- 
lune  à  ne  point  s'oublier. 

Fortunam  rcrerrnter  L«be ,  quiciiraque  repente 
Divei  a.l   exili  progrederere  loco. 

On  a  de  de  Lorme  :  |  Dix  livres  d'arc  ht' 
lecture ,  1668,  in-fol.  ;  |  un  Traité  sur  la 
manière  de  bien  bâtir,  et  à  peu  de  frais. 
LORME  (Charles  de),  né  à  Moulins  en 
1584  de  Jean  de  Lorme,  premier  méde- 
cin delà  reine  Marie  de  Médicis,  prit  des 
degrés  en  médecine  à  Monli?ellier,  fut  re- 
çu licencié  en  1608,  et  soutint  pour  cette 
cérémonie  quatre  thèses.  Il  examina  dans 
la  l'^''  si  les  amoureux  et  les  fous  pou- 
vaient être  guéris  par  les  mêmes  rcmè~ 
des.  et  il  décida  pour  l'affirmative.  Ce  cé- 
lèbre médecin  passa  de  Montpellier  à 
Paris,  devint  médecin  ordinaire  du  roi, 
et  fut  très  recherché  par  les  malades  et 
par  ceux  qui  se  portaient  bien  :  il  don- 
nait la  santé  aux  uns  et  inspirait  la  gaieté 
aux  autres.  Il  s'était  fait  admirer  à  Pa- 
doue  et  à  Venise.  Cette  dernière  ville  lui 
conféra  gratuitement  le  tiire  de  Noble 
T^éniiien.  que  cette  république  faisait 
payeralors  cent  mille  écus.  Il  exerçait  sa 
profession  avec  beaucoup  de  désintéres- 
sement, et  se  signala  surtout  dans  la  peste 
de  Paris  en  1619.  L'abbé  de  Saint-Martin 
raconte  l'invention  singulière  qu'il  em- 
ploya en  cette  occasion.*  Il  se  fit  faire, 
y  dit-il,  un  habit  de  maroquin ,  que  le 
»  mauvais  air  pénètre  très  difficilement  : 
»  il  mit  en  sa  bouche  de  l'ail  et  de  la  rue  ; 
»  il  se  mit  de  l'encens  dans  le  nex  et  dans 
«  les  oreilles,  couvrit  ses  yeux  de  besicles, 
»  et  en  cet  équipage  assista  les  malades,  el 


LOR 


823 


LOR 


»  il  en  guérit  presque  autant  qu'il  donna  de 
t  remèdes.  »  Le  même  Saint-Martin  cite 
le  moyen  qu'il  employa  huit  ans  après  au 
siège  de  la  Rochelle  pour  faire  cesser  le 
flux  de  sang.  «  Une  infinité  de  soldats  de 
»  l'armée  du  roi  mouraient  de  celle  ma- 
»  ladie  :  de  Lorme  en  guérit  plus  de  dix 
»  mille  en  faisant  faire  du  feu  de  vieilles 
»  savates  sous  des  sièges  sur  lesquels  il  les 
»  faisait  seoir  tout  nus,  et  il  arrêta  tout 
»  à  fait  le  cours  de  ce  mal  dangereux.  »  Il 
mourut  à  Moulins  en  1678,  à  94  ans.  Il 
avait  épousé  à  86  ans  une  jeune  fille  à  la- 
quelle il  survécut  encore.  On  a  de  lui 
Laureœ  apoUinares.  in-S",  Paris,  1608. 
C'est  un  recueil  des  différentes  thèses 
qu'il  avait  soutenues. 

LORRAIN  (  le  ) ,  peintre.  T^oyez  GE- 
LÉE (  Claude  ). 

LORRAIN  (  Jean  le),  vicaire  deSaint- 
lo  à  Rouen,  son  pays  natal ,  se  distingua 
par  la  solidité  de  ses  instructions  et  par 
lu  force  de  ses  exemples.  Son  érudition 
ne  le  rendit  pas  moins  recommandable  ; 
il  avait  une  mémoire  heureuse,  une  vaste 
lecture  et  beaucoup  de  jugement.  Il  prê- 
chait quelquefois  jusqu'à  trois  fois  par 
jour  des  sermons  différens,  et  on  l'écou- 
tait  toujours  avec  utilité.  Il  devint  chape- 
lain titulaire  de  la  cathédrale  de  Rouen, 
où  il  mourut  en  1710,  âgé  de  59  ans.  L'abbé 
le  Lorrain  avait  fait  une  étude  profonde 
des  rites  ecclésiastiques.  Nous  avons  de 
lui  un  excellent  traité,  De  l'ancienne  cou- 
tume d'adorer  debout  les  jours  de  diman- 
ches et  de  fêtes,  et  durant  le  temps  de 
Pâques^  ou  Abrégé  historique  des  céré- 
monies anciennes  et  modernes.  Ce  der- 
nier titre  donne  une  idée  plus  juste  de 
cet  ouvrage,  qui  est  en  effet  un  savant 
traité  des  cérèmionies  anciennes  et  mo- 
dernes, et  plein  de  recherches  peu  com- 
munes. Il  est  en  2  vol.  in-i2  ,  et  parut  en 
1700.  On  a  encore  de  lui  les  Conciles  gé- 
néraux et  parliculie7-s ,  cl  leur  histoire, 
m><?c  des  remarques  sur  leurs  collections, 
Cologne,  1717,  2  vol.  in-8°.  Les  ouvrages 
de  cet  auteur  ne  sont  pas  communs.  — Il 
ne  faut  pas  le  confondre  avec  Pierre  le 
LORRAIN,  connu  sous  le  nom  de  Vabbé 
de  Vallemont.  Voyez  ce  nom. 

LORRAIN  (  Robert  le) ,  sculpteur,  né 
à  Paris  en  1666,  mort  dans  la  même  ville 
en  1743,  fut  élève  du  célèbre  Girardon.  Ce 
grand  maître  le  regardait  comme  le  plus 
iiubile  dessinateur  de  son  siècle.  Il  le 
chargea ,  à  l'âge  de  18  ans ,  d'instruire  ses 
enfans  et  de  corriger  ses  élèves.  Ce  fut 
lui  et  le  Nourrisson    qu'il  choisit   pour 


travailler  au  mausolée  du  cardinal  de  Itî- 
chelieu  en  Sorbonne.  Ses  ouvrages  sont 
remarquables  par  un  génie  élevé ,  un 
dessin  pur  cl  savant,  une  expression  élé- 
gante, un  choix  gracieux  ,  des  têtes  d'une 
beauté  rare.  Sa  Galatée  est  un  morceau 
fini.  On  voit  de  lui,  à  Versailles,  un  Bac- 
chus,  un  Faune  qui  était  à  Marly,  et  une 
Andromède  en  bronze,  justement  estimés 
des  connaisseurs;  mais  les  ouvrages  qui 
lui  font  le  plus  d'honneur  sont  dans  le 
palais  de  Saverne ,  qui  appartenait  aux 
évêques  de  Strasbourg.  Cet  artiste  mou- 
rut rccleur  de  l'académie  royale  de  pein  ■ 
ture  et  de  sculpture. 

LORRAINE.  Voyez  GUISE,  CHAR 
LES,  FRANÇOIS,  LÉOPOLD,  etc. 

LORRANS   (le).  Voyez  GARIN. 

LORRIS  (Guillaume  de),  l'un  des 
plus  anciens  poètes  français  ,  mort  vers 
l'an  1200  (  i  ) ,  avait  été  ainsi  nommé  de 
Lorris  sur  la  Loire  (près  de  Montargis  ), 
sa  patrie  ;  il  composa  le  Roman  de  la 
Rose,  qui  comprend  22,000  vers  de  huit 
syllabes,  et  dont  la  meilleure  édition  était 
celle  de  l'abbé  Lenglet,  Amsterdam,  1753, 
3  vol.  in-i2  (  voy.  LENGLET  ),  avant  que 
M.  Méon  publiât  la  sienne  ,  Paris,  1814, 
4,  vol.  in-8".  Cet  ouvrage  ,  imité  du  poè- 
me de  l'Art  d'aimer  d'Ovide,  est  fort-au- 
dessous  de  son  modèle.  Il  a  eu  un  conli- 
nuateur  :  40  ans  après  Guillaume  de  Lor- 
ris, Jean  de  Meung  y  ajouta  la  fin.  L'au- 
teur y  a  mêlé  des  moralités  auxquelles 
son  style  naïf  et  simple  donne  quelque 
prix.  On  l'entendra  plus  facilement  par 
le  moyen  d'un  Glossaire,  publié  en  1737, 
in-12.  Voyez  CLOPINEL. 

LORRY  (  Paul-Charles  ),  avocat  au 
parlement ,  et  professeur  en  droit  dans 
l'université  de  Paris  ,  né  dans  celte  ville 
en  1719,  mort  le  4  novembre  1766,  à  47 
ans,  était  un  jurisconsulte  éclairé  et  pro- 
fond, cslimé  des  magistrats  et  du  public. 
Il  a  mis  au  jour  le  Commentaire  latin  de 
son  père  (  François  LORRY  )  sur  les 
Institutes  de  Justinien,  1757,  in-4*',  et  un 
Essai  de  dissertations  ou  Notes  sur  le 
mariage,  1760^  in-12.  Il  embrasse  dans  ce  t 
ouvrage  les  opinions  jansénistes.  La  vie 
de  Lorry  se  trouve  dans  la  Galerie  fran- 
çaise, Paris,  1772,  2  vol.  in-fol. 

LORRY  (  A'vxe-Cuarles  ),  né  à  Cros- 
ne, à  quelques  lieues  de  Paris  en  1726,  fui 
fait  docteur  régenl  de   la  faculté  de    mé- 


(i)  ÏM.  R;«ynùu.irii  .i  prouvé  que  (îuil'sume  des 
Lorii»  est  mort  en  \'j\o ,  et  non  virs  i-i6o  (  Vayet 
le    Journal  des  savans  Je  i  3  ^  G  ,  p3g   G^  et  ;o,) 


LOS 


S2& 


LOT 


decine  de  Paris  en  17i8(i).  Il  donna  au  tra- 
vail du  cabinul  tout  le  temps  qu'il  pou- 
vait dérober  à  une  pratique  aussi  bril- 
lante qu'étendue ,  et  prouva  par  ses  ou- 
vrages qu'il  était  aussi  versé  dans  les 
belles-lettres  que  dans  la  médecine.  Cet 
habile  homme  ,  qui  avait  autant  de  mo- 
destie que  de  talent ,  répétait  souvent  : 
«  Je  ne  me  permettrai  jamais  de  dire  : 
»  J'ai  guéri,  mais  ,  J'ai  donné  mes  soins  à 
»  tel  malade  ,  et  sa  maladie  s'est  tenni- 
>  née  heureusement.  »  Il  mourut  le  18 
septembre  1783 ,  à  Bourbonne-les-Bains  , 
après  avoir  publié  :  |  Essai  sur  Vusage 
des  aliînens.  Paris  ,  1754,  in-12.  Cet  ou- 
vrage ,  qui  lui  fit  beaucoup  d'honneur, 
traite  de  l'aliment  en  général.  Il  fut  suivi, 
en  1757,  d'un  second  volume, où  il  parle 
de  l'usage  des  alimens  considérés  dans 
leurs  rapports  avec  les  mœurs,  les  climats, 
les  différens  sujets,  les  lieux,  les  saisons, 
etc.  La  théorie  la  plus  satisfaisante  y  est 
jointe  aux  lumières  de  la  plus  saine  chi- 
mie. On  préfère  cet  ouvrage  à  ceux  que 
Lemery  et  Arbuthnot  ont  donnés  sur  la 
même  matière.  |  De  melancholiaetmor- 
bis  melancholicis.  Paris  ,  1765  ,  2  vol,  in- 
8**  :  tout  y  est  intéressant,  le  style  plaît, 
la  théorie  est  solide  et  lumineuse.  |  Trac- 
tatus  de  moi'bis  cutaneis ,  1777,  in-i".  Il  y 
ramène  aux  principes  les  plus  reconnus 
de  l'art  le  traitement  des  maladies  de  la 
peau,  qui  ont  si  long-temps  été  soumises 
à  l'empirisme.  |  Une  Edition  latine  des 
OEuvras  de  Richard  Mead,  avec  une  pré- 
face. 1751  et  1758.2  vol.  in-8'';  \xine  Edi- 
tion  de  l'ouvrage  de  Sanctorius,  intitulé  : 
De  medicina  statica  aphorismi.  avec  des 
commentaires ,  1770  in-12  ;  |  une  Edition 
des  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de 
la  faculté  de  médecine  de  Montpellier, 
par  Astruc,  1767,  in-i",  avec  une  j5r^/ace 
et  l'éloge  historique  de  l'auteur  ;  |  Apho- 
rismi  Ilippocratis ,  grcece  et  latine.  1750, 
in-8°.  Son  Eloge  a  été  écrit  par  Vicq 
d'Aiir. 

LOSERTn  (Philippe  ).  né  à  Fulneck 
en  Moravie  en  1712,  entra  chez  les  jésuites 
en  1729 ,  et  mourut  à  Fulneck  en  1776, 
après  avoir  enseigné  avec  réputation  les 
belles-lettres,  la  philosophie  et  la  théolo- 


(  I  )  A.-Ch.  Lorry  fut  dirigé  dans  jet  hnmaDilé»  par 
IMluWre  Rollin  ,  cl  justifia  les  soins  de  «on  maître 
par  »ci  succfs.  On  avait  proposé  pour  «ujet  d'un 
concours  le»  embarras  du  jour  de  l'an  ,  et  le»  vers 
«uivaai  de  Lorry  furent  jugt'i  digoes  du  premitr 
pri,  : 

Hiccr.st  illa  dies  q>iî  plcls  ve^ana  furcnsque  , 
Se  fu|;icAdo  pitit,  sc'iiic  pe'.endo  fagit. 


gie.  On  estime  son  Traité  De  potentia 
audiliva  cum  ejtis  objecta ,  sono  et  voce. 
Olmutz ,  1748,  in-8",  et  un  autre  De  po- 
tentia olfaciiva  et  tactiva  ,  Olmutz ,  1749, 
in-8°;  quoiqu'on  y  remarque  quelques 
idées  péripatéticiennes,  souvent  les  meil- 
leures pour  exprimer  ce  qu'on  ne  com- 
prend pas.  On  a  encore  de  lui  :  De  infal- 
libilitate  papœ.  et  facultate  concedendi 
i7idulg enti as.  Olmnlz,  1745. 

LOTH,  fils  d'Aran,  petit-fils  de  Tharé, 
suivit  son  oncle  Abraham  ,  lorsqu'il  sortit 
de  la  ville  d'Ur,  et  se  retira  avec  lui  dans 
la  terre  de  Chanaan.  Comme  ils  avaient 
l'un  et  l'autre  de  grands  troupeaux ,  ils 
furent  contraints  de  se  séparer,  pour 
éviter  la  suite  des  querelles  qui  commen- 
çaient à  se  former  entre  leurs  pasleurs, 
l'an  1920  avant  J.-C.  Loth  choisit  le  pays 
qui  était  autour  du  Jourdain,  et  se  relira 
à  Sodome,  dont  la  situation  était  riante  et 
agréable.  Quelque  teinps  après,  Chodor- 
lahomor,  roi  des  Elamites,  après  avoir  dé- 
fait les  cinq  petits  rois  de  la  Pentapole , 
qui  s'étaient  révoltés  contre  lui ,  pilla  So- 
dome, enleva  Loth,  sa  famille,  et  ses  trou- 
peaux, l'an  1912.  Abraham  en  ayant  été  in- 
formé ,  poursuivit  le  vainqueur,  le  défit , 
et  ramena  Loth  avec  ce  qui  lui  avait  été 
enlevé.  Celui-ci  continua  de  demeurer 
à  Sodome  ,  jusqu'à  ce  que  les  crimes  de 
cette  ville  infâme  étant  montés  à  leur 
comble,  Dieu  résolut  de  la  déiruire  avec 
les  villes  voisines.  Il  envoya  trois  anges  , 
qui  vinrent  loger  chez  Loth  sous  la  forme 
de  jeunes  gens.  Les  Sodomiles,  les  ayant 
aperçus,  voulurent  forcer  Loth  à  les  leur 
abandonner  ;  mais  les  anges  les  f  rappèren  t 
d'aveuglement,  et  firent  sortir  Loth  de  la 
ville  avec  sa  femme  et  ses  deux  filles.  So- 
dome, Gomorrhe,  Adama  et  Séboïm  furent 
consumés  par  le  feu  du  ciel.  Les  païens, 
comme  les  juifs,  ont  conservé  la  mémoire 
de  ce  terrible  événement.  Diodore  de 
Sicile,  Slrabon,  Tacite,  Justin,  Solin, 
rapportent  la  tradition  qui  a  toujours 
subsisté  ,  que  le  lac  Asphallite  a  été  for- 
mé par  ua  embrasement ,  dans  lequel 
plusieurs  villes  avaient  été  détruites. 
(  y  oyez  le  Journ.  hist.  etlitt.  ,  l*""  mars 
1792 ,  p.  343.  )  Loth  se  retira  d'abord  à 
Ségor,  qui  fut  conservé  à  sa  prière ,  et  en- 
suite dans  une  caverne  avec  ses  filles  (  car 
sa  femme  ,  pour  avoir  regardé  derrière 
elle ,  contre  la  défense  expresse  de  Dieu, 
avait  clé  changée  en  statue  de  sel  ).  Les 
filles  de  Loth,  s'imaginant  que  la  race  des 
hommes  était  perdue ,  enivrèrent  leur 
père.  Dans  cet   état ,  elles  conçurent   de 


LOT 


S25 


LOT 


lui  chacune  un  fils  :  Moab,  d'où  sorti- 
rent les  Moabites ,  et  Amraon ,  qui  fut  la 
lige  des  Ammonites.  On  ne  sait  ni  le  temps 
de  la  mort ,  ni  le  lieu  de  la  sépulture  de 
Lotb,  et  l'Ecriture  n'en  dit  plus  rien.  On 
a  donné  bien  des  manières  d'expliquer  le 
changement  de  sa  femme  en  statue  de  sel; 
mais  il  est  tout  simple  de  dire  qu'elle  a 
été  entièrement  pénétrée  d'une  vapeur 
chargée  de  soufre,  de  bitume,  de  sels  mé- 
talliques et  nitreux.  Heidegger  parle  d'un 
tremblement  de  terre  où  des  hommes  et 
des  animaux  furent  étouffés,  et  demeu- 
rèrent sans  vie  et  sans  mouvement  comme 
des  statues.  Cela  n'empêche  pas  que  la 
transmutation  de  la  femme  de  Loth  ne  fût 
miraculeuse  et  un  effet  direct  de  la  co- 
lère de  Dieu ,  qui ,  par  un  monument 
terrible  et  subsistant ,  voulait  avertir  les 
hommes  des  châtnnens  préparés  à  l'indo- 
cilité et  à  la  désobéissance.  Quelques  an- 
ciens ,  comme  saint  Irénée ,  attestent 
qu'elle  conservait  de  leur  temps  la  forme 
de  femme ,  et  qu'elle  ne  perdait  rien  de 
sa  grosseur,  quoiqu'on  en  arrachât  toujours 
quelque  morceau.  Ils  ajoutent  d'autres 
circonstances  prodigieuses  et  incroyables, 
mais  moins  absurdes,  et  surtout  moins 
contraires  au  respect  dû  aux  Livres  saints, 
queles  lurlupinades  d'un  carme  hébraï- 
sant,  nommé  Taddée  de  Saint-yidam^ 
qui,  par  des  finesses  grammaticales,  a  ré- 
duit ce  grand  événement  à  un  simple 
orage.  (  Voyez  le  Joum.  hist.  et  litt.  ^  15 
octobre  1784 ,  p.  237  ;  1"  mai  1783 ,  p. 
257.  )  Nous  finirons  cet  article  par  un 
avis  utile ,  qu'un  homme  versé  dans  les 
saintes  Ecritures  donne  aux  herméneutes 
et  autres  commentateurs  légers  et  témé- 
raires. «  Il  est  aisé  de  voir  que  tout  ce  faux 
»  appareil  d'une  science  grammaticale  et 
»  pédantesque  est  dirigé  contre  la  réalité 
»  et  la  croyance  des  miracles,  cette  grande 
»  voie  que  la  Providence  a  tracée  à  la  foi 
»  des  peuples  ;  celle  que  J.-C.  a  employée 
»  pour  prouver  sa  divinité ,  et  par  la- 
»  quelle  les  deux  lois  ont  commencé.  Ce 
»  sont  surtout  les  miracles  de  l'ancien  Tes- 
»  tament,  sur  lesquels  s'acharnent  nos  her- 
»  méneutes.  Il  n'y  a  point  d'absurdités 
»  qu'ils  n'imaginent  pour  ôterrinlerven- 
»  tion  de  l'Eternel  dans  les  événemens  où 
»  il  a  déployé  sa  puissance  avec  le  plus 
•  d'éclat,  et  s'est  montré  d^une  manière 
»  plus  convaincante  et  plus  sensible.  Le 
»  Penlateuque  ,  et  surtout  la  Genèse,  qui 
»  sont  remplis  de  faits  de  cette  nature, 
»  sont  devenus ,  entre  les  mains  desinter- 
»  prêtes  tudesques,  des  espèces  de  romans 


»  de  cabaret ,  où  la  licence  et  l'ivresse  font 
»  assaut  d'impertinence  et  d'ineptie.  Mais 
»  ce  sont  précisément  ces  livres  et  ces  faits 
»  qui  attachent  particulièrement  l'atten- 
»  tion  du  chrétien ,  qui  fixent  ses  réflexion* 
»  les  plus  sérieuses  et  les  plus  touchantes, 
t>  et  où  il  trouve  le  plus  riche  fonds  d'in- 
»  struction.  Malheur  àl'homme  qui  ne  sent 
»  rien  au  récit  de  ces  apparitions  si  fré- 
»  quentes  dans  les  premiers  temps ,  de  ce 
i>  commerce  si  inappréciable  de  la  Divi- 
»  nité  avec  les  hommes ,  de  cette  théo- 
0  cratie  familière ,  pour  ainsi  dire  ,  et  do 
»  mestique  ,  où  Dieii ,  comme  un  bon 
»  père  de  famille ,  se  manifestait  et  parlait 
»  à  ses  enfans;  où  sa  conduite  personnelle 
»  (que cette  expression  me  soit  permise  ) 
»  était  assortie  à  la  simplicité  et  à  l'inno- 
»  cence  des  moeurs  du  temps  ;  où ,  pour 
»  former  à  la  vertu  le  monde  dans  l'en- 
»  fance ,  il  voulaitl'insfruire  par  lui-même 
»  avant  de  lui  envoyer  les  docteurs  et  les 
»  prophètes  ;  où  il  agissait  avec  une 
»  promptitude  et  une  force  toujours  pré- 
»  sentes,  pour  récompenser  et  punir, 
»  pour  épouvanter  et  encourager  !  Quelles 
»  scènes  que  celles  du  paradis  fermé  à 
»  l'homme,  de  la  mort  d'Abel ,  et  de  tout 
»  ce  que  dit  Dieu  à  cette  occasion  !  Quellfs 
»  leçons  profondes  et  terribles  !  Que  dire 
»  de  la  catastrophe  du  déluge,  de  Noésor- 
»  tant  de  l'arche ,  d'Abraham  et  des  Anges 
»  ses  convives  ,  du  même  patriarche  ar- 
»  rêté  par  une  main  céleste  au  moment 
»  d'un  sacrifice  douloureux ,  de  Moïse 
»  devant  le  buisson  ardent ,  de  ce  désert 
»  si  fécond  en  prodiges  et  en  avertisse- 
»  mens  redoutables...  ?0  pauvres  criti- 
»  ques ,  qui  vous  exercez  sur  de  tels  sujets, 
»  qui  cherchez  à  convertir  en  fables  arides 
»  et  stériles  des  choses  si  propres  à  nour- 
»  rir  l'âme ,  à  la  fortifier,  à  l'avertir  de 
»  ce  qu'elle  est  devant  Dieu  même  !  Oui, 
»  vous  avez  raison  de  dégrader  et  d'avilir 
»  la  Bible  ;  elle  n'est  pas  faite  pour  vous. 
»  Votre  condamnation  s'y  trouve  à  cha^ 
»  que  page.  Si  elle  pouvait  s'accorder  avec 
»  vos  goûts ,  vos  sophismes ,  votre  fac- 
»  tice  et  théâtrale  érudition ,  vos  igno- 
»  rantes  et  herméneutiques  innovations, 
»  elle  serait  l'ouvrage  de  l'enfer.  ■ 

LOTH  (  Jeax-Charles  ) ,  appelé  Car- 
lotto  par  les  Italiens,  peintre,  né  à  Mu- 
nich, en  1632,  mort  à  Venise  en  1G98.  Son 
père,  sa  mère,  et  puis  le  chevalier  Pierre 
Liberi,  peintre  vénitien,  furent  ses  maî- 
tres pour  la  peinture.  Loth  était  grand  co- 
loriste ,  et  possédait  aussi  plusieurs  autres 
parties  do  son  art.  Il  composa  un  grand 


lOT 


^26 


LOT 


nombre  de  bons  tableaux  pour  les  villes 
de  Milaa ,  Florence ,  Vérone ,  Venise  ,  qui 
se  le  disputaient.  On  regarde  comme  son 
chef-d'œuvre  AduTn  et  £>e, pleurant  sur 
le  corps  d'jibel.  tableau  qui  a  été  parfai- 
tement gravé  par  Porporati. 

LOTII AIRE  I",  3"=  empereur  d'Occident 
depuis  Charlemagne ,  fils  de  Louis  le  Dé- 
bonnaire et  d'Ermengarde  ,  fille  de  Hu- 
gues, comte  d'Alsace,  naquit  vers  l'an 
793.  Il  fut  associé  à  l'empire  par  son  père, 
on  817,  à  l'assemblée  d'Aix-la-Chapelle, 
et  nommé  roi  des  Lombards  en  820.  L'am- 
bition l'emporta  chez  lui  sur  la  recon- 
naissance. Il  s'unit  avec  les  grands  sei- 
gneurs pour  détrôner  l'empereur,  se  sai- 
sit de  sa  personne  ,  et  l'enferma  dans  le 
monastère  de  Saint-Médardde  Soissons. 
Nous  faisons  connaître  les  suites  de  cet 
attentat  dans  l'article  du  prince  détrôné. 
Louis  le  Débonnaire  étant  sorti  de  sa 
prison  par  la  discorde  entre  ses  fils ,  les 
deux  cadets  voulant  faire  augmenter  leur 
portion ,  se  déclarèrent  contre  Lothaire  , 
et  l'obligèrent  à  demander  pardon  à  leur 
père  commun.  Après  la  mort  de  ce  prince, 
Lothaire  s'arrogea  la  supériorité  sur  deux 
de  ses  frères ,  et  voulut  les  restreindre , 
l'un  à  la  seule  Bavière,  et  l'autre  à  l'A- 
quitaine. Charles ,  depuis  empereur  ,  et 
Louis  do  Bavière ,  s'unirent  contre  lui , 
et  remportèrent  une  célèbre  victoire  à 
Fontenai,  l'an  841.  Cette  journée  fut  san- 
glante ;  il  y  périt ,  dit-on ,  près  de  100,000 
hommes.  Les  trois  frères  se  disposaient  à 
lever  de  nouvelles  troupes,  lorsqu'ils 
convinrent  d'une  trêve ,  suivie  d'un  traité 
de  paix  conclu  à  Verdun ,  en  845.  La  mo- 
narchie française  fut  partagée  en  trois 
parties  égales ,  et  indépendantes  l'une  de 
l'autre.  Lothaire  eut  l'empire,  l'Italie  et 
les  provinces  situées  entre  le  Rhin  et  le 
Rhône,  la  Saône,  la  Meuse  et  l'Escaut. 
Louis  ,  surnommé  le  Germanique  ^  reçut 
toutes  les  provinces  situées  sur  la  rive 
droite  du  Rhin ,  et  quelques  villes  sur  la 
rive  gauche ,  comme  Spire  et  Mayence  , 
propter  vint  copiam^  disent  les  annalistes; 
et  Charles  devint  roi  de  toute  la  France , 
excepté  de  la  portion  cédée  à  Lothaire.  Ce 
t  raité  est  la  première  époque  du  droit  pu- 
blic d'Allemagne.  (  Pépin  était  mort  en 
838).  Dix  ans  après  cette  répartition,  Lo- 
thaire,  fatigué  des  troubles  de  son  vaste 
empire ,  et  craignant  la  mort ,  abdiqua  la 
couronne.  Il  alla  expier,  dans  le  mona- 
stère de  Prum  ,  à  12  lieues  au  nord  de 
Trêves ,  les  fautes  que  l'ambition  loi  avait 
fait  comijneltre  contre  son  père  et  contre 


ses  frères.  Il  prit  l'habit  monastique  el 
mourut  six  jours  après ,  le  28  septembre 
855,  à  l'âge  de  60  ans.  Il  laissa  trois  fils, 
Louis ,  Charles  et  Lothaire,  entre  lesquels 
il  divisa  ses  états.  Louis  eut  en  partage  le 
royaume  d'Italie  ou  de  Lombardie  ,  avec 
le  titre  d'empereur;  Charles  ,  la  Provence 
jusque  vers  Lyon  ;  et  Lothaire  ,  le  reste 
des  domaines  de  son  père-en  deçà  des 
Alpes ,  jusqu'aux  embouchures  du  Rhin 
et  de  la  Meuse.  Cette  partie  futnommée  le 
royaume  de  Lothaire.  C'est  de  ce  dernier 
qu'est  venu  le  nom  de  Lotharinge  ou 
Lorraine  (  Lohier- règne  ,  royaume  de 
Lothaire  ou  Lohier).  Voyez  LOTHAIRE, 
roi  de  Lorraine. 

LOTHAÎRE  II,  empereur  d'Occident 
et  duc  de  Saxe  ,  né  en  1075.  Il  était  fils  de 
Gebhard,  comte  deSupplembourg;  il  fut 
élu  roi  de  Germanie  après  la  mort  de 
l'empereur  Henri  V  en  1127.  En  1129, 
Rome  était  divisée  en  dcuxparti>  pour  le 
choix  d'un  pape.  L'un  de  ces  partis  élut 
Innocent  II,  et  l'autre  Anaclet.  Innocent, 
réfugié  en  France ,  alla  ensuite  à  Liège 
trouver  Lothaire ,  1g  couronna  empe- 
reur (  1130  ),  et  excommunia  ses  compé- 
titeurs. Lothaire  reconduisit  le  pape  à 
Rome ,  et  obligea  Anaclet  à  s'enfermer 
dans  le  château  Saint- Ange.  Le  pape  sacra 
Lolhaire  une  seconde  fois  dans  cette  ville, 
et  lui  céda  l'usufruit  des  terres  de  la  com- 
tesse  Mathilde.  Ce  prince  remercia  lu 
pontife,  en  lui  baisant  les  pieds  et  en 
conduisant  sa  mule  quelques  pas.  Il  avait 
juré  auparavant  de  défendre  l'Eglise ^  et 
de  conserver  les  biens  du  saint  Siège. 
L'empire  avait  été  disputé  après  la  mort 
de  Henri  V;  Lolhaire  ,  par  l'éloquence  do 
Suger,  fut  préféré  à  Conrad  de  Franconie 
et  à  Frédéric  de  Souabe ,  fils  d'Agnès , 
sœur  du  dernier  empereur  ;  ce  qui  causa 
de  grands  troubles.  Ce  fut  en  1135  que  col 
empereur  convoqua  à  Magdebourg  une 
diète  célèbre,  afin  d'établir  ses  rcglemciis 
pour  la  police  de  l'Allemagne.  Plusieurs 
ambassadeurs  et  des  princes  étrangers  y 
assistèrent.  Deux  ans  après ,  Lothaire  ren- 
tra en  Italie  pour  défendre  Innocent 
contre  Roger,  roi  de  Sicile  ,  qui  soutenî 
le  pape  Anaclet  ;  il  le  vainquit  et  rer 
Innocent  sur  son  siège.  Il  mourut  sans  ( 
fans  le  4  décembre  1137,  dans  le  villa 
de  Brçtten ,  près  Trente.  Ce  règne  fut  l'é^ 
poque  de  la  police  établie  en  Allemagne , 
vaste  pays  livré  depuis  long-temps  à  la 
confusion.  Les  privilèges  des  églises ,  des 
évèchés  el  des  abbayes  furent  confirmés, 
ainsi  que  les  hérédités  el  les  coutumes  des 


LOT 


S27 


LOT 


fief»  et  arrière-fiefs.  Les  magistratures 
des  bourgmestres ,  des  maires ,  des  pré- 
vôts, furent  soumises  aux  seigneurs  féo- 
daux. On  se  plaignait  des  injustices  de  ces 
magistrats,  et  on  eut  bientôt  à  se  plaindre 
de  la  tyrannie  de  ceux  dont  ils  dépendi- 
rent. Conrad,  duc  de  Franconie,  ancien 
compétiteur  de  Lothaire  ,  lui  succéda. 

LOTHAIRE,  roi  de  France,  fils  de 
Louis  d'Outremer  et  de  Gerberge,  sœur 
de  l'empereur  Olhon  ^^  naquit  en  941, 
fut  associé  au  trône  en  952 ,  et  succéda  à 
son  père  en  93i.  Jl  fit  la  guerre  avec  suc- 
cès à  l'empereur  Olhon  II ,  auquel  il  céda 
la  Lorraine  en  980 ,  pour  la  tenir  en  fief 
de  la  couronne  de  France.  Il  avait  cédé 
aussi  à  Charles  son  frère  le  duché  de  la 
Basse-Lorraine;  ce  qui  déplut  à  tous  les 
grands  du  royaume.  Il  mourut  à  Com- 
piègne  en  986 ,  dans  sa  45*  année ,  empoi- 
sonné ,  à  ce  qu'on  croit ,  par  Emme  sa 
femme,  fille  de  Lothaire  II,  roi  d'Italie. 
Ce  prince  était  recommandable  i»ar  sa 
bravoure  ,  son  activité  ,  sa  vigilance  ,  ses 
grandes  vues  ;  mais  il  était  peu  exact 
à  tenir  sa  parole,  et  finissait  presque 
toujours  mal ,  après  avoir  bien  com- 
mencé. 

LOTHAIRE,  roi  de  Lorraine,  fils  de 
l'empereur  Lothaire  I",  abandormaTheut- 
berge  sa  femme  ,  pour  épouser  Valdrade 
sa  maîtresse.  Ce  divorce  est  approuvé  par 
deux  conciles ,  l'un  assemblé  à  Metz , 
l'autre  à  Aix-la-Chapelle ,  soit  que  par  de 
vaines  raisons  Lothaire  eût  persuadé  aux 
évêques  que  son  mariage  n'était  pas  légi- 
time ,  soit  que  dans  ces  temps  d'ignorance 
la  doctrine  de  l'indissolubilité  ait  souffert 
quelque  obscurcissement.  Le  pape  Nicolas 
I*""  cassa  les  décrets  des  deux  conciles,  et 
Lothaire  fut  obligé  de  quitter  la  femme 
qu'il  aimait  pour  reprendre  celle  qu'il 
devait  aimer.  Ce  décret,  contre  lequel 
personne  ne  réclama,  prouve  combien 
l'autorité  du  chef  de  l'Eglise  était  alors 
solidement  établie  en  France.  Le  pape 
Adrien  II  ayant  été  élevé  sur  le  trône 
pontifical ,  le  roi  de  Lorraine  passa  en 
Italie  au  secours  de  l'empereur  Louis  l" 
son  frère  ,  contre  les  Sarrasins ,  espérant 
Obtenir  la  dissolution  de  son  mariage. 
Mais  le  pape  lui  fit  jurer,  en  lui  donnant 
ia  communion,  qu'il  avait  sincèrement 
quitté  Valdrade  ;  et  les  seigneurs  qui  ac- 
compagnaient ce  prince  firent  le  même 
serment.  Ils  moururent  subitement  pres- 
que tous  ;  Lothaire  lui-même  fut  attaqué 
à  Plaisance  d'une  fièvre  violente,  qui 
l'emporta  le  8  août  869,  un  mois  après  ce 


sacrilège  parjure.  Foyez  LOTHAIRE  T* 
et  LOUIS  m. 
LOTICIIIUS ou LOTICH  (Pierre),  né 

en  1501,  dans  le  comté  de  Hanau,  y  de- 
vint abbé  de  Schluchtem^  l'an  1534.  Il  in- 
troduisit dans  son  abbaye  le  luthéranisme, 
dont  il  fut  un  des  plus  fanatiques  secta- 
teurs ,  mourut  en  i567,  laissant  quelques 
ouvrages  imprimés  à  Marbourg,  1640, 
in-12  ;  ils  sont  aujourd'hui  sans  intérêt. 

LOTICHIUS  (  Pierre  ) ,  médecin  et 
poète,  neveu  du  précédent,  se  fit  sur- 
nommer Secundus.  pour  se  distinguer  de 
son  oncle.  Il  narpiil  en  1528  à  Schluchtern; 
et  après  avoir  fait  ses  éludes  en  Allemagne 
sous  Mél issus  ,  Mclanchthon  et  Caméra- 
rius  ,  il  prit  le  parti  des  armes  en  1546,  et 
combattit  sous  les  drapeaux  de  la  ligue  de 
Smalkalde  ;  mais  il  quitta  bientôt  le  ser- 
vice militaire ,  voyagea  en  France  et  en 
Italie ,  se  fit  recevoir  docteur  en  méde- 
cine à  Padoue,  et  alla  professer  celle 
science  à  Heidelberg,  où  il  mourut  de  fré- 
nésie en  1560,  par  suite  d'un  philtre  qu'il 
avait  préparé  pour  un  autre  et  qu'il  avala 
lui-même.  C'était  un  habile  médecin ,  et 
l'un  des  meilleurs  poètes  que  l'Allemagne 
ait  produits.  Ses  Poésies  latines ,  et  sur- 
tout ses  Elégies^  recueillies  pour  la  pre- 
mière fois,  Paris,  1551,  in-8°,  réimpri- 
mées par  Camerarius ,  en  1580,  in-8°,  ont 
quelque  mérite.  La  dernière  et  la  meil- 
leure édition  de  ses  ouvrages  est  d'Am- 
sterdam, 1754 ,  2  vol.  in-4°.Sa  candeur  et 
sa  bonté  lui  firent  des  amis  illustres.  On 
trouve  sa  Fie  à  la  têle  de  ses  Poésies, 
publiées  par  Jean  Hagius ,  médecin. 

LOTICHIUS  ou  LOTICH  (Christian), 
frère  puiné  du  précédent ,  mort  en  1568 , 
est  auteur  de  plusieurs  pièces  de  vers  la- 
lins,  estimées.  Elles  ont  été  imprimées 
séparément  et  avec  celles  du  suivant , 
Francfort ,  1620,  in-8°. 

LOTICHIUSouL0TICH(Jeak-Pierre), 
petit-fils  de  Christian,  né  à  Francfort- 
sur-le-Mein  en  1398 ,  professa  la  méde- 
cine avec  distinction  à  Rinteln  en  Wesl- 
phalie,  ne  dédaigna  pas  les  muses,  et 
mourut  en  1652.  Il  publia  un  Conv- 
mentaire  sur  Pétrone,  1629,  in-4°.  On 
a  de  lui  divers  autres  ouvrages  en  vers  el 
en  prose  (  voyez  l'article  précédent  ), 
Son  recueil  de  poésies  latines,  composé 
principalement  d'Epigrammes,  a  été  im- 
primé à  Francfort ,  1620,  in-8°.  On  a  en- 
core de  lui  des  Livres  de  médecine,  une 
Histoire  des  empereurs  Ferdinand  II  el 
III  (  Rerum  çermanicarum^ctc.)¥T&nc- 
fort ,  1646 ,  4  tom   in-fol.  fig. 


LOU 

LOtJAIL  (Jean),  autetkf  appelant^ 
naquit  à  Mayenne  dans  le  Maine  vers  le 
milieu  du  \T  siècle.  Après  avoir  demeuré 
quelque  temps  avec  l'abbé  le  Tourneux 
au  prieuré  de  Villiers ,  que  celui-ci  pos- 
sédait, il  fut  mis  auprès  de  l'abbé  de 
Louvois  pour  diriger  ses  études.  Son  élève 
étant  mort ,  Fabbé  Louail  se  relira  à  Paris, 
où  il  se  donna  bien  du  mouvement  pour 
le  parti  de  Jansénius.  Il  mourut  en  1724. 
Il  était  prêtre  et  prieur  d'Aurai.  On  a  de 
lui  :  I  la  I"  partie  de  V Histoire  du  livre 
des  Réflexions  morales  sur  le  nouveau 
Testament  et  de  la  constitution  Unigeni- 
lus ,  servant  de  Préface  aux  flexaplca  j 
en  6  vol.  in-12,  et  en  un  gros  vol.  in-i", 
Amsterdam,  1726.  On  peut  considérer  cet 
ouvrage  comme  la  base  et  le  modèle  des 
Nouvelles  ecclésiastiques.  Il  est  écrit  dans 
le  même  goût,  la  même  véracité  et  la 
même  modération  que  les  feuilles  du 
Scélérat  obscur^  comme  l'appelle  M.  d'A^ 
lembert.  (  p^oy.  ROCHE  Jacques.  )  L'abbé 
Cadry  a  continué  celle  prétendue  Histoire 
en  3  vol.  in-/i°,  et  l'a  conduite  presque 
jusqu'au  temps  où  ont  commencé  les 
Nouvelles  ecclésiastiques  ;  |  Réflexions 
critiques  sur  le  livre  du  Témoignage  de 
la  vérité  dans  l'Eglise  ^  par  le  père  de  la 
Borde,  1740;  |  Histoire  abrégée  du  jansé- 
nisme ^  et  des  Remarques  sur  l'ordon- 
nance de  l'archevêque  de  Paris  ^  1698, 
in-12 ,  avec  mademoiselle  de  Joncoux , 
dont  il  revit  aussi  la  traduction  des  notes 
de  Nicole  sur  les  Provinciales. 

LOUBÈRE  (  Simon  de  la  ) ,  né  à  Tou- 
louse en  1642,  fut  d'abord  secrétaire 
d'ambassade  auprès  de  Saint- Romain  , 
ambassadeur  français  en  Suisse.  Ses  ta- 
lens  pour  les  négociations  déterminèrent 
Louis  XIV  à  l'envoyer  à  Siam  en  1687,  en 
qualité  d'envoyé  extraordinaire.  Il  n'y 
resta  qu'environ  trois  mois ,  pendant  les- 
quels il  s'occupa  à  rassembler  des  Mé- 
moires sur  l'histoire  civile  et  naturelle  du 
pays ,  sur  l'origine  de  la  langue ,  le  ca- 
ractère et  les  mœurs  des  habilans.  De  re- 
tuur  en  France,  il  fut  envoyé  en  Espagne 
et  en  Portugal  pour  y  exécuter  une  com- 
mission secrète.  On  croit  que  c'était  pour 
détacher  ces  deux  cours  de  l'alliance  qui 
avait  produit  la  révolution  d'Angleterre. 
Son  dessein  transpira.  Il  fut  arrêté  à  Ma- 
drid ,  et  n'obtint  sa  liberté  qu'avec  beau- 
coup de  peine.  La  Loubère,  rendu  à  la 
France ,  s'attacha  au  chancelier  de  Pont- 
chartrain,  alors  contrôleur-général  des 
finances-  Ce  fut  par  le  crédit  de  ce  mi- 
nistre qu'il  obtint  une  place  à  l'académie 


528  LOU 

française  en  1693.  Il  se  retira  pcn  de 
temps  après  à  Toulouse,  y  rétablit  Icg 
jeux  floraux^  autrefois  si  célèbres,  et 
alors  si  dégénérés.  Après  s'être  montré 
citoyen  zélé  et  savant ,  il  mourut  en  1729, 
à  87  ans.  La  Loubère  savait  non  seulement 
le  grec  et  le  latin ,  mais  encore  l'italien, 
l'espagnol  et  l'allemand.  Il  cultivait  à  la 
fois  la  poésie  ,  les  mathématiques  ,  la 
politique  cl  l'histoire  ;  mais  il  n'excella 
dans  aucun  genre.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  ;  I  Poésies  répandues  dans 
différens  recueils  ;  |  une  Relation  curieuse 
de  son  voyage  de  Siam,  en  2  vol.  in-i2  ; 
un  traité  de  la  Résolution  des  équations, 
in-4°,  1729 ,  peu  connu ,  etc.  |  L'Eloge  de 
La  Loubère  par  de  Boze  a  été  inséré  dans 
le  tom.  7  des  Mémoires  de  l'académie 
des  inscriptions.  On  peut  consulter  aussi 
les  Mémoires  de  Nicéron ,  tom.  26  et  le 
tom.  2,  pag.  56,  de  l'Histoire  de  l'aca- 
démie des  jeux  floraux  de  M.  Poitcvin- 
Peitavi,  1812,  in-S** 

LOUCn.\LI ,  ou  ULUZZALI ,  ou  OC- 
CHIALI ,  fameux  corsaire ,  né  dans  la  Ca- 
labre  en  Italie ,  fut  fait  esclave  par  les 
Turcs  dès  sa  jeunesse  ,  et  fut  mis  en  li- 
berté en  renonçant  au  christianisme.  La 
fortune  et  sa  valeur  rélevèrent  jusqu'à  la 
vice-royauté  d'Alger.  Lorsque  les  Turcs 
se  préparaient  au  siège  de  Famagouste, 
l'an  1570,  après  s'être  rendus  maîtres  do 
Nicosie  dans  l'île  de  Chypre,  Louchali  alla 
joindre  leur  flotte  avec  son  escadre,  com- 
posée de  9  galères  et  de  30  autres  vais- 
seaux. A  la  bataille  de  Lépante  ,  en  1571 , 
il  commandait  l'aile  gauche  de  l'armée 
des  Turcs ,  et  était  opposé  à  l'escadre  de 
Doria  ,  qui  le  mit  en  fuite.  Cependant  il 
rentra  comme  en  triomphe  dans  Constan- 
tinople  ,  parce  qu'il  mena  avec  lui  quel- 
ques bâtimens  chrétiens  qu'il  avait  pris 
dès  le  commencement  du  combat.  Le 
grand-Seigneur  donna  de  grands  éloges 
à  sa  valeur ,  et  le  nomma  pacha  de  la  mer 
à  la  place  d'Hali.  Ce  renégat  se  distingua 
dans  plusieurs  autres  occasions  ,  surtout 
à  la  prise  de  la  Goulette  en  Afrique  ,  l'an 
1574  ,  et  mourut  à  la  fin  du  16*^  siècle. 

LOUET  (  Georges  ) ,  jurisconsulte  , 
d'une  nobleet  ancienne  famille  d'Anjou, 
conseiller  au  parlement  de  Paris  ,  et 
agent  du  clergé  do  France  en  1584  , 
s'acquit  une  grande  réputation  par  sa 
science ,  par  ses  talens ,  par  sa  prudence 
ot  par  son  intégrité.  Il  fut  nommé  à 
l'évêché  de  Tréguier;  mais  il  mourut  en 
1608,  avant  que  d'avoir  pris  possession 
de  cet  évêché.  On  a  de  lui  :  |  un  Recueil 


LOU 


S29 


LOtJ 


da plusieurs  notables  arrâls .  publiés  pour 
la  première  fois ,  ca  1G02  ,  et  dont  la 
meilleure  édition  est  celle  de  Paris,  1742, 
2  vol.  in-fol. ,  avec  les  Commentaires  de 
Julien  Brodeau;  |  un  Commentaire  sur 
l'ouvrage  de  Dumoulin ,  des  Règles  de 
ta  chancellerie  ,  Paris  ,  1656,  in-4°. 

EMPEREURS    d'OCCIDENT. 

LOUIS  I",  le  Débonnaire .  ou  le  Faible, 
fils  de  Charlemagne  et  d'Hildegarde  ,  sa 
seconde  femme ,  naquit  à  Casseneuil  , 
dans  l'Agénois,  en  778 ,  fut  roi  d'Aqui- 
taine à  trois  ans  et  associé  à  l'empire 
on  815.  Il  parvint  à  la  couronne  de 
France  en  814,  et  fut  proclamé  empereur 
la  même  année ,  âgé  de  36  ans.  Ce  prince 
signala  le  commencement  de  son  règne 
par  la  permission  qu'il  accorda  aux 
Saxons  transportés  en  des  pays  étrangers , 
de  retourner  dans  leur  patrie.  Louis  ne 
continua  pas  comme  il  avait  commencé. 
Ce  prince  obligea  ses  sœurs  à  se  retirer 
dans  des  couvens  ,  fit  crever  les  yeux  à 
plusieurs  de  leurs  amans  ,  et  consacra  à 
la  vie  religieuse  les  derniers  fils  de  Char- 
lemagne ;  tout  cela,  afin  d'éviter  les  in- 
trigues et  les  factions.  Le  zèle  de  Charle- 
magne pour  la  religion  avait  fortifié  sa 
puissance ,  et  la  dévotion  mal  entendue 
de  son  fils  l'affaiblit.  Trop  occupé  de  la 
réforme  de  l'Eglise  ,  et  peu  du  gouverne- 
ment de  son  état ,  il  s'attira  la  haine  des 
ecclésiastiques ,  et  perdit  l'estime  de  ses 
sujets.  Ce  prince ,  jouet  de  ses  passions 
et  dupe  de  ses  vertus  mêmes ,  ne  connut 
ni  sa  force  ni  sa  faiblesse  ;  il  ne  sut  ni 
inspirer  la  crainte  ni  se  concilier  l'amour, 
et  avec  peu  de  vices  dans  le  cœur  ,  il  eut 
toutes  sortes  de  défauts  dans  l'esprit.  Le 
mécontentement  du  clergé  ne  tarda  pas  à 
éclater.  Une  cruauté  de  Louis  en  fut  l'oc- 
casion. Bernard ,  roi  d'Italie  (  enfant  illé- 
gitime de  Pépin  ,  dit  le  Bossu  .  fils  aîné 
de  Charlemagne),  irrité  de  ce  que  Lo- 
thaire  ,  son  cousin  ,  lui  avait  été  préféré 
cour  l'empire  ,  prit  les  armes  en  818. 
L'empereur ,  ayant  marché  contre  lui , 
l'intimida  tellement  par  sa  présence , 
que  Bernard ,  abandonné  de  ses  troupes  . 
vint  se  jeter  à  ses  pieds.  En  vain  il  de- 
manda sa  grâce  ;  Louis  lui  fit  arracher  les 
yeux  ,  et  ce  jeune  prince  mourut  des 
suites  de  cette  cruelle  opération.  Ce  ne 
fut  pas  tout  :  Louis  fit  arrêter  tous  les 
partisans  de  Bernard,  et  leur  fit  éprouver 
le  même  supplice.  Plusieurs  ecclésias- 
tiques lui  inspirèrent  des  remords  sur  ces 
exécutions  barbares.  Les  évêques  et  les 
7. 


abbés  lui  imposèrent  une  pénitence  pu- 
blique. Louis  s'y  soumit  ,  et  parut  en 
822,  dans  l'assemblée  d'Atligni  couvert 
d'un  cilice.  «  Il  crut,  dit  le  président 
»  Hénault ,  devoir  donner  cette  marque 
B  de  repentir  au  mécontentement  des 
»  évêques.  Nous  sommes  surpris  aujour- 
»  d'hui  de  voir  une  si  grande  autorité  aux 
»  évêques  ;  mais  c'est  faute  de  se  souve- 
»  nir  que  c'était  cette  même  autorité  qui 
»  fut  si  favorable  à  nos  rois  dans  l'or:- 
»  gine.  »  Les  évêques ,  dit  l'abbé  du  Bos , 
avaient  grande  part  au  gouvernement 
d'alors  >  et  jjrésidaient  aux  délibératiom 
des  peuples  et  à  leurs  entreprises,  non 
comme  chefs  de  la  religion,  mais  comme 
premiers  citoyens.  Dès  l'an  817 ,  Louis 
avait  suivi  le  mauvais  exemple  de  sou 
père ,  en  partageant  son  autorité  et  ses 
états  à  ses  trois  fils,  Lothaire,  Pépin  et 
Louis  le  Germanique.  Il  associa  le  pre- 
mier à  l'empire ,  proclama  le  second  roi 
d'Aquitaine  ,  et  le  dernier  roi  de  Bavière. 
Il  avait  épousé  en  secondes  noces  Judith 
de  Bavière;  un  quatrième  fils  lui  survint 
(823);  ce  fut  Charles  le  Chauve  qui  fut 
depuis  empereur.  Louis  voulut ,  après  le 
partage,  ne  pas  laisser  sans  étal  cet  enfant 
d'une  seconde  femme  qu'il  aimait,  et  lui 
donna,  en  829,  ce  qu'on  appelait  aloi'S 
l'Allemagne,  en  y  ajoutant  une  partie  do 
la  Bourgogne.  Judith  de  Bavière ,  mère 
de  cet  enfant,  nouveau  roi  d'Allemagne, 
gouvernait  l'empereur  son  mari,  qui 
avait  pour  ministre  un  Bernard,  comte 
de  Barcelone  ,  que  Judith  (  voyez  ce 
nom),  avait  mis  à  la  tête  des  affaires. 
Les  trois  fils  de  Louis,  indignés  de  sa 
faiblesse  ,  et  encore  plus  de  ce  qu'on  ava  t 
démembré  leurs  états,  armèrent  tous  troi» 
contre  leur  père.  Quelques  évoques,  ex- 
cités par  Ebbon ,  archevêque  de  Reims, 
et  plusieurs  seigneurs  se  joignirent  à  eux, 
et  abandonnèrent  le  parti  de  l'empereur. 
Les  fils  de  Louis  le  reléguèrent  dans  un 
monastère;  mais  une  diète  tenue  à  Nimc- 
gue  le  rétablit  la  même  année  (  829  ).  Les 
mêmes  causes  amènent  les  mêmes  effets  : 
Louis  rétablit  l'ancien  partage  ;  ses  fils 
reprennent  les  armes.  Le  pape  Grégoire 
IV  vint  en  France,  à  la  prière  de  Lo- 
thaire, et  ne  put  mettre  la  paix  entre  le 
père  et  les  enfans.  (  Koy.  GRÉGOIRE  IV.) 
Au  mois  de  juin  de  l'année  833,  Lothaire 
se  mit  à  la  tête  d'une  puissante  armée , 
augmentée  bientôt  par  la  défection  pres- 
que totale  des  troupes  de  son  père.  Ce 
malheureux  prince  ,se  voyant  abandonné, 
prit  le  parti  de  passer  au  camp  de  ses 
45 


LOU  5 

onfans ,  retranchés  entre  Bàle  et  Stras- 
bourg ,  dans  une  plaine  appelée  depuis 
le  Champ  du  mensonge  ^  entre  Brisacli  et 
la  rivière  d'Ill,  se  déclara  déchu  de  la 
dignité  impériale ,  qui  fut  déférée  à  Lo- 
Ihaire.  On  partagea  de  nouveau  l'empire 
entre  ses  trois  tils ,  Lothaire ,  Pépin  et 
Loxiis.  A  l'égard  de  Charles,  cause  inno- 
cente de  la  guerre,  il  fut  renfermé  au 
monastère  de  Prum.  L'empereur  fut  con- 
duit dans  celui  de  Saint-Médard  de  Sois- 
sons  ,  et  l'impératrice  Judith  menée  à 
Tortone ,  dans  le  Piémont ,  après  que  les 
vainqueurs  l'eurent  fait  raser.  Louis  n'é- 
tait pas  à  la  fin  de  ses  malheurs  :  on  tint 
une  assemblée  à  Compiègne ,  où  ce  prince 
fut  engagé  à  se  soumettre  à  la  pénitence 
publique  ,  comme  s' avouant  coupable  de 
tous  les  maux  qui  affligeaient  l'état.  On 
le  conduisit  à  l'église  de  Notre-Dame  de 
Soissons  ;  il  y  parut  en  présence  des  évo- 
ques et  du  peuple  ,  sans  les  ornemens 
impériaux  ,  et  tenant  à  sa  main  un  papier 
qui  contenait  la  confession  de  ses  fautes. 
11  quitta  ses  vêtemens  et  ses  armes  ,  qu'il 
mit  au  pied  de  l'autel  ;  et  s'étant  revêtu 
d'un  habit  de  pénitent  et  prosterné  sur 
un  cilice,  il  lut  la  liste  de  ses  délits. 
Alors  les  évéques  lui  imposèrent  les 
mains  ;  on  chanta  les  psaumes  ,  et  on  dit 
les  oraisons  pour  l'imposition  de  la  péni- 
fence.  Les  auteurs  ont  parlé  diversement 
de  cette  action  :  les  uns  ont  prétendu 
que  c'était  un  trait  de  la  politique  de 
Louis,  qui  crut  devoir  cette  satisfaction 
aux  évoques  et  aux  seigneurs  de  son 
royaume  ;  d'autres  l'ont  regardée  comme 
l'effet  de  sa  vertu.  Quoi  qu'il  en  soit ,  il 
sera  toujours  vrai  de  dire  que  c'était  pous- 
ser la  vertu  ou  la  politique  plus  loin 
qu'elle  ne  devait  aller.  Louis  fut  enfermé 
un  an  dans  une  cellule  du  monastère  de 
Saint-Médard  de  Soissons  ,  vêtu  du  sac 
de  pénitent.  Mais  la  désunion  de  ses  trois 
tils  lui  rendit  la  liberté  et  la  couronne. 
Louis  ayant  été  transféré  à  Saint-Denis  , 
deux  de  ses  fils,  Louis  et  Pépin,  vinrent 
le  rétablir ,  et  remettre  entre  ses  bras  sa 
femme  et  son  fils  Charles.  L'assemblée  de 
Soissons  fut  condamnée  par  le  concile  de 
Thion ville  en  853.  Louis  y  fut  réhabilité  ; 
Ëbbon  ,  archevêque  de  F»eims  (  voyez  ce 
nom),  qui  avait  présidé  à  l'assemblée  de 
Compiègne  ,  et  quelques  autres  évéques , 
furent  déposés.  On  a  donc  tort  d'imputer 
la  déposition  de  Louisau  clergé  de  France  : 
ce  ne  fut  le  crime  que  de  quelques  sei- 

fneurs  et  prélats.  Une  grande  partie  des 
vêques  réclama  contre  cet  excès,  de- 


50  LOU 

meura  attachée  à  Louis,  et  le  clergé  eu 
corps  improuva  la  conduite  des  factieux 
en  déposant  Ebbon  et  en  rétablissant 
Louis.  -Bientôt  après  ,  un  de  ces  mêmes 
enfans  qui  l'avaient  rétabli,  Louis  de  Ba- 
vière, se  révolte  encore;  mais  il  est  mis 
en  fuite.  Le  malheureux  "père  mourut  en 
840  ,  de  chagrin ,  dans  une  île  du  Rhin  , 
au-dessus  de  Mayence,  en  disant  :  Je  par- 
domie  à  Louis,,  mais  qu'il  sache  quil 
m'arrache  la  vie.  On  prétend  qu'une 
éclipse  totale  de  soleil,  qui  survint  pen- 
dant qu'il  marchait  contre  son  fils ,  ef- 
fraya son  esprit,  que  les  malheurs  avaient 
affaibli ,  et  bâta  sa  mort.  Il  est  difficile 
d'accorder  ce  récit  avec  les  connais- 
sances astronomiques  que  plusieurs  his- 
toriens lui  ont  attribuées  :  la  chose  ce- 
pendant n'est  pas  impossible  ,  si  on  veut 
adopter  cette  réflexion  du  père  Pctau  ; 
Sed  nec  absurdum  existimem ,  insignes 
potissimum  solis  éclipses  ita  dispositas 
a  Ûeo  ,  ac  suis  spatiis  definitas,  ut  in  ea 
temporum  momenla  caderent^  quibus  il- 
lustrium  eventuum  indicia  darc  possent. 
Quoi  qu'il  en  soit,  la  faiblesse  de  Louis  et 
ses  inconséquences  firent  les  malheurs  do 
son  règne  et  ternirent  ses  autres  qualités. 
Il  connaissait  les  lois  anciennes  et  mo- 
dernes, et  il  en  fit  observer  quelques- 
unes.  Il  rendit  au  clergé  de  son  royaume 
la  liberté  des  élections^  et  se  réserva 
seulement  le  droit  de  les  confirmer.  Le 
pape  Pascal  I"  s'étant  fait  sacrer  sans 
avoir  obtenu  ,  suivant  l'usage,  l'appro- 
bation de  l'empereur,  Louis  menaça  Us 
Romains  des  plus  grands  châtimens,  si 
jamais  ils  se  portaient,  d'après  son  expres- 
sion ,  à  de  semblables  attentats.  Les  pré- 
lats avaient  jusqu'alors  été  obligés  d'alhr 
à  la  guerre.  Louis  1""  le  leur  défendit , 
et  les  contraignit  à  déposer  leurs  armures. 
S'étant  rendu  ennemis  le  clergé  et  la  no- 
blesse ,  il  se  livra  à  des  ministres  tirés 
du  néant  ;  ce  fut  Adhelard  ,  un  de  se3 
favoris,  qui  dirigea  toutes  ses  actions, 
et  fut  la  principale  cause  de  ses  mal- 
heurs. On  peut  consulter,  sur  Louis  le  Dé- 
bonnaire ,  Astronome  ,  Vita  Ludovic,  pii 
imp..  Ermoldi  Nigelli  Cannen  ;  Thegani 
(archiepiscopi  Trevirensis)  de  gestis  Lur 
dovici  piij  les  Chroniques  de  S^Dcnis, 
ch.  8  et  suiv.;  Nittrard.  histor.;  Paschalis 
Ratberti  vita  Venerab.  Walœ  abbat.\ 
ylnnales  Bertiniani  ;  Pagicritica;  Script. 
Francic.  t.  VII,  etc.  En  déplorant  les  tristes 
dissensions  qui  déchirèrent  son  règne, 
on  ne  peut  s'empêcher  d'admirer  les  ef- 
fets dtt  christianisme  ,  qui,  dans  le  tu- 


LOU  S  5 

liulte  même  des  passions,  fait  respecter 
*  un  certain  point  la  voix  de  la  nature. 
Sous  le  règne  du  paganisme,  ces  divisions 
eussent  élé  terminées  par  des  assassinats 
ci  des  parricides ,  et  c'eût  été  un  tableau 
d'horreurs  de  plus  ajouté  à  ceux  qui  com- 
posent l'histoire  des  prédécesseurs  de 
Constantin  ,  et  qui  forme  encore  aujour- 
d'hui les  annales  des  nations  qui  ne  con- 
naissent point  l'Evangile. 

LOUIS  II ,  le  Jeune  ^  empereur  d'Oc- 
cident ,  fils  aine  de  Lothaire  l"  ,  créé  roi 
d'Italie  en  8kk  ,  monta  sur  le  trône  impé- 
rial en  853.  Les  guerres  civiles ,  sous  le 
règne  de  Louis  le  Débonnaire  :,  avaient 
Duverl  l'empire  aux  Sarrasins,  qui  d'a- 
bord s'emparèrent  du  duché  de  Bénévent, 
Ils  défirent  l'armée  de  Louis  près  de  Gaele, 
en  845  ;  mais  il  les  battit  trois  ans  après. 
Défait  de  nouveau  par  les  Sarrasins,  dans 
la  Fouille  ,  il  les  vainquit  en  868 ,  870  et 
871,  et  les  chassa  de  la  Calabre.Dans  cette 
même  année  ,  Adelgise  ,  prince  de  Béné- 
vent ,  fit  arrêter  Louis  I"  dans  son  propre 
palais  ;  mais  craignant  la  juste  vengeance 
des  Carlovingiens,  il  lui  rendit  la  liberté  ; 
et  enfin  le  pape  Jean  YIII  raccommoda 
Adelgise  avec  l'empereur.  Louis  ne  laissa 
qu'une  fille ,  Ermengarde  ,  qui  épousa 
Boson  ,  lequel  fonda  le  royaume  d'Arles  , 
eut  un  différend  avec  les  souverains  de 
Constanlinoplo ,  qui ,  méprisant  sa  fai- 
blesse, lui  disputaient  le  titre  d'empereur. 
Il  se  défendit  assez  mal  ,  et  n'allégua 
contre  eux  que  la  possession.  Louis  le 
Jeune  mourut  le  12  août  875. 

LOUIS  III ,  dit  l'Ji.>eugle.  né  en  880  , 
de  Boson  ,  roi  de  Provence  ,  et  d'Ermen- 
garde,  fille  de  l'empereur  Louis  le  Jeune, 
n'avait  que  10  ans  quand  il  succéda  à 
son  père.  Il  passa  en  Italie  l'an  900  ,  pour 
défendre  ses  droits  contre  Bérenger,  qui 
lui  disputait  l'empire  ;  et  après  l'avoir 
battu  deux  fois,  il  se  fit  couronner  empe- 
reur à  Rome  par  le  pape  Benoit  IV.  Il  ne 
tint  que  5  ans  le  sceptre  impérial.  S'élant 
laissé  surprendre  dans  Vérone  par  son 
rival,  celui-ci  lui  fit  crever  les  yeux  ,  et 
le  renvoya  en  Provence  ,  où  il  mourut 
l'an  928  ,  ou  au  commencement  de  929. 

LOUIS  IV,  à\\.l'Enfa7it.  fils  de  l'em- 
pereur Arnoul ,  fut  roi  de  Germanie  après 
la  mort  de  son  père  en  900,  à  l'âge  de  7 
ans.  L'Allemagne  fut  dans  une  entière 
désolation  sous  son  règne.  Les  Hongrois 
la  ravagèrent  ;  on  ne  parvint  à  les  faire 
retirer  qu'à  prix  d'argent.  A  ces  incur- 
sions étrangères  se  joignirent  des  guerres 
civiles  entre  les  princes  et  le  clergé.  On 


1  LOU 

pilla  les  églises  :  les  Hongrois  revinrent 
pour  avoir  part  au  pillage  :  Louis  lY  s'en- 
fuit à  Ralisbonne,  où  il  mourut  le  21  janv. 
912.  Il  fut  le  dernier  prince  en  Allemagne 
de  la  race  des  Carlovingiens.  La  cou- 
ronne ,  qui  devait  être  héréditaire  dans 
la  maison  de  Charlemagne ,  devint  élec- 
tive. Les  états  de  la  nouvelle  monarchie 
profitèrent  de  cette  révolution.  Les  Alle- 
mands ,  maîtres  de  disposer  du  trône  ,  se 
donnèrent  des  privilèges  excessifs.  Les 
duchés  et  les  comtés,  administrés  jus- 
qu'alors par  commission,  devinrent  des 
fiefs  héréditaires.  Peu  à  peu  la  noblesse 
et  les  états  des  duchés ,  qui ,  dans  les 
premiers  temps  ,  ne  reconnaissaient  que 
la  souveraineté  du  roi  seule ,  furent  ré- 
duits à  dépendre  absolument  de  leur» 
ducs  ,  et  à  tenir  en  arrière-fief  des  terres 
qui  mouvaient  auparavant  en  droiture 
de  la  couronne.  D'un  autre  côté  ,  l'Italie 
commença  à  être  asservie  à  l'Allemagne, 
et  ce  fut  la  source  de  plusieurs  diffé- 
rends funestes  entre  les  papes  et  les  em- 
pereurs. 

LOUIS  V  ,  nommé  ordinairement 
Louis  de  Bavière ,  fils  de  Louis  le  Sévère , 
duc  de  Bavière  ,  et  de  Malhilde .  fille  do 
l'empereur  Rodolphe  I"  ,  naquit  l'an 
1286,  et  fut  élu  empereur  à  Francfort  en 
15U ,  à  l'âge  de  moins  de  trente  ans.  Il  fut 
couronné  à  Aix-la-Chapelle  par  l'arche- 
vêque de  Mayence ,  tandis  que  Frédéric 
le  Bel ,  fils  de  l'empereur  Albert  ^^  était 
sacré  à  Cologne  ,  après  avoir  été  nommé 
à  l'empire  par  une  partie  des  électeurs. 
Ces  deux  sacres  produisirent  des  guerres 
civiles  d'autant  plus  cruelles  ,  que  Louis 
de  Bavière  était  oncle  de  Frédéric,  son 
rival.  Les  deux  empereurs  consentirent , 
après  avoir  répandu  beaucoup  de  sang  , 
à  décider  leur  querelle  par  trente  cham- 
pions :  usage  des  anciens  temps,  que  la 
chevalerie  a  renouvelé  quelquefois.  Ce 
combat  ne  décida  rien ,  et  ne  fut  que  le 
prélude  d'une  bataille  dans  laquelle  Louis 
fut  vainqueur.  Cette  journée  ,  suivie  de 
quelques  autres  victoires  ,  le  rendit 
maître  de  l'empire.  Frédéric  ayant  été  fait 
prisonnier ,  y  renonça  au  bout  de  trois 
ans  pour  avoir  sa  liberté.  Le  pape  Jean 
XXIi  avait  observé  jusqu'alors  la  neutra- 
lité entre  les  deux  concurrens  ,  espérant 
que  Louis,  dont  il  connaissait  les  mau- 
vaises qualités  et  le  peu  de  religion , 
scraitobligé  Je  céder  l'empire  à  Frédéric, 
])rince  sage  et  vertueux  ;  mais  après  la 
bataille  décisive  de  Muhldorf,  en  1322 , 
il  ordonna  à  Louis  Y  de  suspendre  l'cxer- 


LOU 


S52 


LOU 


cice  do  ses  droits,  et  de  les  soumettre  au 
jugement  du  pape.  Il  donna  contre  lui 
plusieurs  monitoires  ,  dans  lesquels  il  lui 
reprochait  de  favoriser  les  hérétiques  et 
les  ennemis  du  saint  Siège,  et  alla  jus- 
qu'à déclarer  l'empire  vacant.  (  Voyez . 
au  sujet  de  ces  procédés  des  papes,  les  ar- 
ticles FRÉDÉRIC  BARBEROUSSE .  FRÉ- 
DÉRIC II ,  GRÉGOIRE  VII ,  etc.)  L'empe- 
reur appela  du  pape  mal  instruit  au  pape 
mieux  instruit^  et  enfin  au  concile  géné- 
ral. Ayant  été  excommunié ,  il  entra  en 
Italie,  enlrepril  de  placer  de  son  autorité 
des  évêques  sur  plusieurs  sièges  d'Italie  , 
et  de  chasser  ceux  qui  y  avaient  été  nom- 
més par  le  pape  ;  entra  dans  Rome,  s'y  fil 
couronner,  fit  élire  l'antipape  Pierre  de 
Corbière  ou  Corbario  ,  prononça  une 
sentence  de  mort  contre  le  pape  et  son 
défenseur  le  roi  de  Naples ,  et  les  con- 
damna tous  les  deux  à  être  brûlés  vifs  : 
trait  qui  donne  une  plus  mauvaise  idée 
de  ce  prince  que  toutes  les  bulles  de 
Jean  XXII.  Comment ,  après  de  tels  excès 
des  empereurs,  les  écrivains  modernes 
out-ils  pu  s'attacher  à  inculper  exclusi- 
vement les  papes  ,  dont  les  torts  sont 
toujours  restés  beaucoup  en  deçà  de  si 
élrangcs  emportemens?  (  V.  GELASE  II.) 
iS^e  serait-il  pas  plus  sage  de  jeter  un 
voile  réciproque  sur  les  fautes  des  pon- 
tifes et  des  rois,  et  de  louer  la  modéra- 
ration  dont, au  moins  les  premiers  donnent 
aujourd'hui  le  consolant  spectacle  ?  Les 
fureurs  de  Louis  irritèrent  tout  le  monde  ; 
les  Romains  conspirèrent  contre  lui.  Le 
roi  de  Naples  arrive  avec  une  armée  aux 
portes  de  Rome;  l'empereur  et  son  anti- 
pape sont  obligés  de  s'enfuir.  Celui-ci 
demande  pardon  au  pape  la  corde  au  cou. 
Clément  VI  marcha  sur  les  traces  de 
Jean  XXII ,  son  prédécesseur.  Il  lança  les 
foudres  ecclésiastiques  sur  Louis  ,  en 
r>46.  Cinq  électeurs  élurent  roi  des 
Romains ,  Charles  de  Luxembourg ,  mar- 
quis de  Moravie.  L'ancien  et  le  nouvel 
empereur  se  firent  la  guerre  ;  mais  un 
accident  arrivé  en  1347  termina  ces  que- 
relles funestes.  Louis  tomba  de  cheval 
en  poursuivant  un  ours  à  la  chasse,  et 
mourut  de  sa  chute  à  soixante-trois  ans. 
D'autres  disent  qu'il  fut  empoisonné.  Ce 
]) rince  est  le  premier  empereur  qui  ail 
résidé  constamment  dans  ses  états  héré- 
ditaires ,  à  cause  du  mauvais  élat  du 
domaine  impérial,  qui  ne  pouvait  plus 
suffire  à  l'entretien  de  sa  cour.  Avant 
lui ,  les  empereurs  avaient  voyagé  con- 
linuellement  d'une    province  à  l'autre. 


Louis  est  aussi  le  premier  qui ,  dans  ses 
sceaux,  se  soit  servi  de  deux  aigles  pour 
désigner  les  armes  de  l'empire.  Ils  furent 
changés  sous  Wenceslas ,  et  réduits  à  un 
seul  à  deux  tètes.  C'est  par  la  protection 
qu'il  accorda  aux  Suisses  révoltés,  pour 
affaiblir  la  puissance  d'une  maison  rivale, 
qu'il  a  contribué  à  fonder  la  république 
helvétique.  Voyez  TELL 

ROIS  DE  FRANCE. 

LOUIS  V\  roi  de  France.  Voy.  LOUIS 
le  Débonnaire. 

LOUIS  II,  le  Bègue  ^  ainsi  nommé  à 
cause  du  défaut  de  sa  langue,  était  fils 
de  Charles  lo  Chauve  ,  né  en  8i6.  Il  fin 
couronné  roi  d'Aquitaine  en  867  ,  succéda 
à  son  père  dans  le  royaume  de  France  . 
le  6  octobre  877,  reçut  honorablement  le 
pape  Jean  VIII ,  et  se  fit  couronner  par 
lui  roi  de  France  au  concile  de  Troyes , 
l'an  878.  Il  fut  contraint  de  démembrer 
une  grande  partie  de  son  domaine  en  fa- 
veur de  Boson,  qui  s'était  fait  roi  de  Pro- 
vence ,  et  de  plusieurs  autres  seigneurs 
mécontens,  et  mourut  à  Compiègne,  le 
10  avril  879  ,  à  33  ans.  Il  eut  d'Ansgardc, 
sa  première  femme  qu'il  fut  obligé  de  ré- 
pudier par  ordre  de  son  père ,  Louis  et 
Carloman,  qui  partagèrent  le  royaume 
entre  eux  ;  et  laissa  en  mourant  Adélaïde 
sa  seconde  femme,  grosse  d'un  fils,  qui 
fut  Charles  le  Simple.  On  peut  voir  pour 
ce  règne  Annales  Bertinianiann.  877-87;!  ; 
Annales  Fuldenses  ;  Frodoardi  lîist.  Ec- 
oles. Rhcm.  lib.  îll  cap.  24  ;  Hincmari 
Archiep.  Rhem.  opéra;  Johannis  VIII 
Epistolœ  ;  Script.  Francic.  tom.  2. 

LOUIS  lïl ,  fils  de  Louis  le  Bègue  ,  et 
frère  de  Carloman ,  partagea  le  royaume 
de  France  avec  son  frère ,  et  vécut  tou- 
jours uni  avec  lui.  II  eut  l'Austrasie  avec 
la  Neustrie  ,  et  Carloman  l'Aquitaine  et 
la  Bourgogne.  Louis  III  défit  Hugues  le 
Bâtard ,  fils  de  Lolhaire  et  de  Valdrade  , 
qui  revendiquait  la  Lorraine;  marcha 
contre  Boson  ,  roi  de  Provence  ,  et  s'op- 
posa aux  courses  des  Normands  ,  sur  les- 
quels il  remporta  une  grande  victoire  dans 
le  Vimeu  ,  à  Saucourt ,  en  882.  Il  mourut 
sans  enfans ,  le  4  août  suivant  à  22  ans. 
Après  sa  mort,  Carloman,  son  frère  ,  fut 
seul  roi  de  France.  On  peut  consulter 
Annales  Bertiniani  ;  Annales  Fuldenses. 
Chronic.  de  geslis  Normannorum  ;  Fro- 
doardi Hist.  eccles.  Rhem.  lib.  II I^  cap. 
30  ;  Annales  Vadastini;  Script.  Francic. 
tome  2. 

LOUIS  IV  ou  d'Outremer,  ainsi  nommé 


M 


LOU 


533 


LOU 


à  cause  (îe  son  séjour  pendant  treiîe  ans 
en  Angleterre ,  où  la  reine  0(jLve  sa  mère 
l'avait  conduit,  était  tîls  de  Charles  le  Sim- 
ple. Il  succéda  à  Raoul ,  roi  de  France  , 
en  936.  Hugues  Capet,  dit  le  Grand,  et 
Herbert,  comte  de  Vermandois  ,  s'accor- 
dant  pour  renoncer  à  la  couronne  de 
France ,  après  en  avoir  dépossédé  Char- 
les le  Simple,  tirent  élire  Louis,  qui  choi- 
sit Hugues  pour  premier  ministre  ;  el  dès 
lors  celui-ci  marcha  à  l'égal  de  son  souve- 
rain ,  et  après  sa  mort  il  devint  roi.  Louis 
voulut  s'emparer  de  la  Lorraine;  mais 
l'empereur  Othon  1"  le  força  de  se  retirer. 
Les  grands  de  son  royaume  se  révoltèrent 
plusieurs  fois,  et  il  les  réduisit  avec  peine. 
S'élant  emparé  de  la  Normandie  sur  Ri- 
chard ,  fils  du  duc  Guillaume ,  il  fut  dé- 
fait et  fait  prisonnier  par  Aigrold ,  roi  de 
Danemarck,etpar  Hugues  le  Blanc,  comte 
de  Paris,  en  944.  On  lui  rendit  la  liberté 
l'année  suivante  ,  après  l'avoir  obligé  de 
rendre  la  Normandie  à  Richard ,  et  de 
céder  le  comté  de  Laon  à  Hugues  le  Blanc. 
Celle  cession  occasiona  une  guerre  opi- 
niâtre entre  le  comte  el  le  roi  ;  mais  Louis 
d'Outremer  étant  soutenu  de  l'empereur 
Othon,  du  comte  de  Flandre  et  du  pape, 
Hugues  le  Blanc  fut  enfin  obligé  de  faire 
la  paix ,  et  de  rendre  le  comté  de  Laon  en 
950.  Louis  d'Outremer  finit  ses  jours  d'une 
manière  funeste  :  il  fut  renversé  par  son 
cheval  en  poursuivant  un  loup,  el  mourut 
à  Reims  de  celte  chute  ,  le  10  septembre 
954  ,  à  56  ans.  Il  laissa  de  Gerberge ,  fille 
de  l'empereur  Henri  l'Oiseleur ,  deux  fils, 
Lothaire  el  Charles.  Lotliaire  lui  succéda, 
et  Charles  ne  partagea  point  la  couronne, 
contre  la  coutume  de  ce  temps-là,  tant  à 
cause  de  son  bas  âge  que  parce  qu'alors  il 
.ne  restait  plus  que  Reims  et  Laon  en 
propre  au  roi.  Depuis,  le  royaume  ne  fut 
plus  divisé  également  entre  les  frères; 
i'ainé  seul  eut  le  titre  de  roi,  et  les  cadets 
n'eurent  que  de  simples  apanages.  Ce  lut 
ce  qui  rendit  à  l'état  une  partie  de  son 
ancienne  grandeur.  Louis  d  Outremer 
était  un  grand  prince  à  plusieurs  égards  ; 
mais  il  ne  se  défiait  pas  assex  des  hommes , 
et  il  fut  souvent  trompé.  Les  auteurs  à  con- 
sulter pour  cette  époque  sont  ff^illelmi 
Gemetensis  Ub.IlL  cap.  3  et&eq.;  Cliro- 
nic.  T^irdun.  Ilugonis  Flaviniacensis  ; 
Ifugonis  Floriacensis  libellus  ;  Frodoardi 
'Chronic;  Lxtitprandi  Chronic.  ;  Ordevici 
Vital.  Eccles.  Ifist.  ;  Ludovici  Transma- 
rini  diplomata,  lom.  9. 

LOUIS  V,  le  Fainéant,  roi  de  France 
îsprès  Lolhaire,  son  père,  en  986,  se  rendit 


maître  de  la  ville  de  Reims,  cl  fil  paraître 
beaucoup  de  valeur  dès  le  commence  ment 
de  son  règne. Il  fut  empoisonné  par  la  rein  e 
Blanche  ,  sa  femme,  le  21  mai  de  l'année 
suivante  987,  âgé  d'environ  vingt  ans, 
Louis  était  d'un  caractère  lurbulcid  el  in- 
quiet :  le  nom  de  Fainéant  ne  lui  convi 
nait  point.  Il  paraît  que  ce  nom  ne  lui  a 
été  donné  que  parce  que  son  règne  n'offre 
rien  de  mémorable  ;  mais  que  pouvait-il 
faire  dans  le  peu  de  temps  qu'il  occupa  h- 
Irône?  C'est  le  dernier  des  rois  de  Franco 
de  la  seconde  race  des  Carlovingiens ,  la- 
quelle a  régné  en  France  236  ans.  Après 
sa  mort,  le  royaume  appartenait  de  droil 
à  Charles ,  son  oncle,  duc  de  la  Basse-Lor- 
raine ,  el  fils  de  Louis  d'Outremer  ;  mais 
ce  prince  s'étant  rendu  odieux  aux  Fran- 
çais ,  il  fut  exclu  de  la  succession ,  el  la 
couronne  fut  déférée  à  Hugues  Capet ,  duc 
de  France  ,  le  prince  le  plus  puissant  du 
royaume.  Les  causes  de  la  ruine  de  la  SQr 
conde  race  sont  particulièrement  les  sui- 
vantes :  1°  la  division  du  corps  de  l'état  en 
plusieurs  royaumes,  division  suivie  né- 
cessairement des  guerres  civiles  entre  les 
frères  ;  2°  l'amour  excessif  que  Louis  le 
Débonnaire  eut  pour  son  trop  cher  fils 
Charles  le  Chauve  ;  5°  la  faiblesse  de  la  plu- 
part des  rois  ses  successeurs  :  à  peine  en 
compte-l-on  cinq  ou  six  qui  aient  eu  à  la 
fois  du  bon  sens  et  du  courage  ;  4°  les  ra- 
vages des  Normands ,  qui  désolèrent  la 
France  pendant  près  d'un  siècle,  et  favo- 
risèrent les  révoltes  des  grands  seigneurs 
LOUIS  VI,  le  Gros,  fils  de  Philippe 
I"  et  de  Berthe  de  Hollande,  né  en  1081 
(  quelques  chronologistes  disent  en 
1078  ) ,  parvint  à  la  couronne  en  H08. 
Le  domaine  qui  appartenait  immédiate- 
ment au  roi  se  réduisit  alors  au  duché 
de  France.  Le  reste  était  en  propriété  aux 
vassaux  du  roi,  qui  se  conduisaient  en 
tyrans  dans  leurs  seigneuries,  et  qui  ne 
voulaient  point  de  maître.  Ces  seigneurs 
vassaux  étaient  presque  tous  des  rebelles. 
Le  roi  d'Angleterre ,  duc  de  Normandie  , 
ne  manquait  pas  d'appuyer  leurs  révoltes; 
de  là  ces  petites  guerres  entre  le  roi  et  ses 
sujets  :  guerres  qui  occupèrent  les  der- 
nières années  de  Philippe  I"  et  les  pre- 
mières de  Louis  le  Gros.  Ce  prince  s'aper- 
çut trop  tard  de  la  faute  que  l'on  avait  faite 
de  laisser  prendre  pied  en  France  aux 
Anglais,  en  ne  s'opposant  point  à  la  con- 
quête que  Henri  l"  fil  de  la  Normandie 
sur  Robert  son  frère  aîné.  Le  monarque 
anglais  étant  en  possession  de  cette  pro- 
vince, refusa  de  raser  la  forteresse  de 
45. 


LIM 


5'S& 


LOU 


Gisors ,  comme  on  en  était  convenu.  La 
guerre  s'alluma ,  et  après  des  succès  di- 
vers, elle  fut  terminée  en  1114  par  un 
Irailé  qui  laissait  Gisors  à  l'Angleterre, 
sous  la  condition  de  l'hommage.  Elle  se 
ralluma  bientôt.  Louis  le  Gros  ayant  pris 
sous  sa  protection  Guillaume  Clilon ,  fils 
de  Robert ,  dit  Courte-Cuisse  j  qui  avait 
elé  dépouillé  de  la  Normandie  ,  voulut  le 
rétablir  dans  ce  duché  ;  mais  il  n'était  plus 
temps  :  Henri  était  devenu  tiop  puissant, 
et  Louis  le  Gros  fut  battu  au  combat  de 
Brenneville,  en  H 19.  L'année  suivante  ,  la 
paix  se  fit  entre  Louis  et  Henri ,  qui  re- 
nouvela son  hommage  pour  la  Norman- 
die. Le  roi  d'Angleterre  ayant  perdu 
toute  sa  famille  et  la  fleur  de  sa  noblesse, 
qui  périt  à  la  vue  du  port  de  Harfîeur , 
où  elle  s'était  embarquée  pour  passer  en 
Angleterre  ,  cet  événemenl  renouvela  la 
guerre.  Guillaume  Cllton ,  soutenu  par 
plusieurs  seigneurs  normands  et  français, 
que  Louis  le  Gros  appuyait  secrètement , 
profita  de  ce  temps  funeste  à  Henri  pour 
l'attaquer;  mais  le  monarque  anglais  vint 
à  bout  de  soulever  l'empereur  Henri  V 
rontre  le  roi  de  France.  Henri  lève  des 
troupes  et  s'avance  vers  le  Rhin;  Louis  le 
Gros  lui  opposa  une  armée  considérable, 
etr'empereur  fut  bientôt  obligé  de  reculer. 
Le  monarque  français  aurait  pu  aisément 
•marcher  tout  de  suite  contre  le  roi  d'An- 
gleterre et  reprendre  la  Normandie  ;  mais 
les  vassaux  qui  l'avaient  stiivi  contre  le 
prince  étranger  l'auraient  abandonné  s'il 
eût  fallu  combattre  le  duc  de  Normandie, 
par  l'intérêt  qu'ils  avaient  de  balancer  ces 
deux  puissances  l'une  par  l'autre.  Louis 
le  Gros  est  le  premier  qui  ait  entrepris  de 
donner  un  gouvernement  à  la  France. 
Avant  lui,  depuis  que  les  nobles  avaient 
forcé  le  roi  de  déclarer  leurs  titres  héré- 
ditaires, il  n'y  avait  aucune  puissance 
publique  ;  la  majesté  royale  était  avilie. 
Dès  que  Louis  fut  en  état  de  monter  à 
cheval ,  il  poursuivit  les  seigneurs  et  les 
gentilshommes  qui,  du  haut  de  leurs  don- 
jons ,  se  répandaient  pour  piller  dans  les 
campagnes  sans  défense,  sur  les  grands 
chemins  et  sur  les  rivières.  Toute  sa  vie 
il  eut  les  armes  à  la  main ,  courant  par- 
tout où  les  opprimés  réclamaient  son  se- 
cours ,  et  payant  de  sa  personne  comme 
m\  simple  cavalier.  Quand  il  eut  mis  à  la 
raison  la  plupart  de  ces  petits  tyrans,  il 
entreprit  de  rétablir  l'ordre;  il  accorda 
aux  villes  des  chartes  de  communes,  qui 
en  les  déclarant  libres,  leur  permettaient 
de  se  choisir  des  maires  et  des  cchevins 


pour  juger  leurs  procès  et  maintenir  la 
police.  Devenues  ainsi  de  petites  démo- 
craties, les  villes  fournissaient  au  roi  un 
certain  nombre  de  gens  de  guerre.  Chaque 
paroisse  combattait  pour  lui  sous  la  ban- 
nière de  son  saint.  La  jurisprudence  oc- 
cupa également  ce  monarque.  Les  justices 
royales,  long-temps  négligées  et  mécon- 
nues, refleurirent.  Le  monarque,  garant 
des  chartes  de  communes,  prononça  sur 
les  différends  qui  survinrent  entre  les 
villes  et  les  seigneurs;  il  institua  l'usage 
d'appeler  en  plusieurs  cas  à  ses  juges  ,  do 
sentences  rendues  par  les  officiers  sei- 
gneuriaux. Il  envoya  des  commissaires 
pour  éclairer  la  conduite  des  juges.  A  la 
vérité,  ce  fut  moins  son  ouvrage  que  celui 
de  l'abbé  Suger  ,  son  principal  ministre  ; 
mais  comme  on  impute  aux  rois  tout  le  y. 
mal  qui  se  fait  sous  eux ,  on  doit  aussi  f 
leur  tenir  compte  de  ce  qui  se  fait  de  bien. 
Cette  entreprise  importante  fut  confinuée 
sous  Louis  le  Jeune,  son  fils.  Les  der- 
nières années  de  Louis  le  Gros  furent 
occupées  à  venger  le  meurtre  de  Charles 
le  Bon,  comte  de  Flandre,  et  à  éteindre 
le  schisme  entre  le  pape  Innocent  II  et 
Anaclet.  Une  dyssenterie  l'enleva  le  I'"^ 
août  1157.  Il  mourut  en  chrétien,  couché 
sur  un  tapis  qu'il  avait  fait  étendre  à  terre 
et  couvrir  de  cendre  en  forme  de  croix. 
Les  dernières  paroles  de  ce  monarque 
sont  une  belle  leçon  pour  les  rois  :  «N'ou- 
»  bliez  jamais ,  dit-il  à  son  fils  ,  que  l'au- 
B  torité  royale  est  un  fardeau  dont  vous 
»  rendrez  un  compte  très  exact  après  votre 
i>  mort.  i>  Sa  veuve,  Alix  de  Savoie,  épousa, 
en  secondes  noces ,  Matthieu  de  Montmo- 
rency, connétable;  elle  mourut  en  iVok. 
Louis  était  un  prince  recommandable  par 
la  douceur  de  ses  mœurs,  dit  le  président 
Hénault,  et  par  toutes  les  vertus  qui  font 
un  bon  roi.  Il  est  le  premier  roi  de  France 
qui  ait  été  prendre  à  Sain l-Denys  l'or/- 
flam.ine ,  espèce  de  bannière  do  couleur 
rouge,  fendue  parle  bas,  et  suspendue 
au  bout  d'une  lance  dorée.  La  vie  de 
Louis  le  Gros  a  été  écrite  par  Suger.  On 
peut  encore  consulter  ïllist.  ecclésias- 
tique d'Onleric  ^Ital,  les  grandes  Chro- 
niques de  Saint-Denis,  ch.  9,10,  etc.;  V His- 
toire de  Normandie  de  Guillaume  de  Jxi- 
miéges,  etc. 

LOUIS  VII,  le  Jeune,  fils  du  précédent, 
né  en  1120  ,  succéda  à  son  père  en  1137, 
après  avoir  régné  avec  lui  quclques'an- 
nces.Il  eut  au  commencement  de  son  règne 
un  différend  avec  Innocent  II,  et  avec  Tlii- 
baud  lY ,  comte  de  Champagne.  Innocent 


LOU 


535 


LOU 


ayant  nommé  à  l'archevêché  de  6oarges,et 
ne  croyant  pas  devoir  approuver  l'éleclion 
que  le  clergé  avait  faite ,  Louis  se  déclara 
d'une  manière  violente  contre  le  pape , 
qui  l'excommunia  et  mit  son  domaine  en 
interdit.  Le  roi  s'en  vengea  sur  Thibaud, 
qui  était  dévoué  au  pontife,  et  mit  en  1141 
la  ville  de  Vitri  à  feu  et  à  sang.  Les  tem- 
ples mêmes  ne  furent   pas  épargnés ,  et 
1300  personnes  réfugiées  dans  une  église 
périrent  comme  tout  le  reste  dans  les 
llammes.  Saint  Bernard  lui  en  fit  de  vifs 
reproches  :  le  prince  en  fut  louché ,  mais 
beaucoup  trop  tard,  et  se  réconcilia  avec 
le  pontife.  Le  même  saint ,  chargé  par  le 
pape  Eugène  de  prêcher  une  croisade  ,  y 
engagea  Louis,  contre  l'avis  de  l'abbé  Su- 
ger ,  qui ,  sans  désapprouver  la  croisade  , 
s'opposait  au  départ  du  roi.  (  Voyez  SU- 
CER. )  Cette  seconde  croisade  ne  répon- 
dit point  aux  efforts  de  Louis,  mais  elle 
eut  d'ailleurs  de  très  bons  effets  ;  ce  fut 
une  nouvelle  époque  de  la  liberté  que  les 
villes  achetèrent  du  roi  ou  de  leurs  sei- 
gneurs ,  qui  faisaient  argent  de  tout  pour 
se  croiser.  Depuis  long-temps  il  n'y  avait 
plus  en  France  que  la  noblesse  et  les  ec- 
clésiastiques qui  fussent  libres;  le  reste 
du  peuple  était  esclave ,  et  même  nul  ne 
pouvait  entrer  dans  le  clergé  sans  la  per- 
mission de  son  seigneur.  Le  roi  n'avait 
d'autorité  que  sur  les  serfs  des  terres  qui 
lui  appartenaient.  Mais  quand  les  villes 
et  les  bourgs  eurent  acheté  leur  liberté  , 
le  roi ,  devenu  leui    défenseur  naturel 
contre  les  entreprises  des  seigneurs ,  ac- 
quit en  eux  aulant  de  sujets.  Cette  défense 
occasiona  de  la  dépense  ;  il  fallait  qu'ils  la 
])ayassent ,  et  ils  devinrent  ainsi  contri- 
iïuables  du  roi ,  au  lieu  de  l'être  de  leurs 
seigneurs.  Ds  ne  firent  donc  que  changer 
de  maîtres;  mais  la  servitude  du  roi  était 
gi  douce  ,  qu'on  vit  dès   lors  renaître  en 
France  les  sciences  ,  l'industrie  et  le  com- 
merce. Ce  qui  donna  lieu  à  la  croisade  , 
ce  fut  la  prise  d'Edesse  par  Noradin.  Le 
roi  partit  en  1147,  avec  Eléonore  sa  femme 
et  une  armée  de  80,000  hommes.  Il  fut 
défait  par  les  Sarrasins.   Il  mit  le  siège 
devant  Damas,  et  fut  obligé  de  le  lever 
en  1149,  par  la  trahison  des  Grecs.  C'est 
ainsi  du  moins  qu'en  ont  parlé  la  plupart 
des  historiens  d'Occident  ;  les  Orientaux 
ne   conviennent  pas  de  cette   trahison. 
Louis  le  Jeune  ,  en  revenant  en  France  , 
fut  pris  sur  mer  par  des  Grecs ,  et  dé- 
livré par  le  général  Roger,  roi  de  Sicile. 
Ce  monarque ,  après  tant  de  malheurs,  ne 
fut  pas  dégoûté  des  croisades  :  à  peine  fut- 


il  arrivé  'qu'il  en  médita  une  nouvelle  ; 
mais  les  esprits  étaient  si  refroidis  qu'il 
fut  obligé  d'y  renoncer.  Suger  entreprit 
d'en  faire  une  à  ses  dépens  ;  mais  la  mort 
le  prévint.  [Voyez  GODEFROIde  BOUIL- 
LON, saint  BERNARD,  PIERRE l'ERiMITE, 
saint  LOUIS,  etc.  )  L'épouse  de  Louis, 
Eléonore  ,  héritière  de  la  Guienne  et  du 
Poitou ,  qui  l'avait  accompagné  dans  sa 
course    aussi  longue  que  malheureuse, 
s'était,  dit-on,  dédommagée  des  fatigues 
du  voyage  avec  Raimondd'Anlioche,  son 
oncle   paternel,   et  avec  un  jeune  Turc 
d'une  rare  beauté,  nommé  Saladin.  Louis 
crut  laver  cette  honte  en  faisant  casser  en 
1152  son  mariage,  pour  épouser  en  qua- 
trièmes  noces    Alix,   fille  de  ce   même 
Thibaut ,  comte  de  Champagne  ,  son  an- 
cien ennemi.  C'est  ainsi   qu'il  perdit  la 
Guienne.  Eléonore  répudiée  se  m'kria  six 
semaines  après   avec  Henri  II ,  duc  do 
Normandie,  depuis  roi  d'Angleterre,  et 
lui  porta  en  dot  le  Poitou  et  la  Guienne. 
La  guerre  éclata  entre  la  France  et  l'An- 
gleterre en  1156,  au  sujet  du  comté  de 
Toulouse.  Louis,  tantôt    vaincu,  tantôt 
vainqueur,  ne  remporta  aucune  victoire 
remarquable.  La  paix  conclue  entre  les 
deux  monarques,  1161 ,  fut  suivie  d'une 
nouvelle  guerre,  terminée  en  1177,  par 
la  promesse  de  mariage  du  second  fils  de 
Henri  II  et  de  la  fille  cadette  de  Louis  le 
Jeune.  Ce  prince  mourut  en  1180  à  60  ans, 
d'une  paralysie  qu'il  contracta  en  allant 
au  tombeau  de  saint  Thomas  de  Cantor- 
béry ,  auquel  il  avait  donné  une  retraite 
dans  sa  fuite.  Il  entreprit  ce  voyage  pour 
obtenir  la  guérison  de  Philippe  son  fils  , 
dangereusement  malade.  Louis  le  Jeune 
était  pieux,  bon,  courageux, mais  presque 
sans  succès ,  ce  qu'on  attribua  aux  excès 
qui  marquèrent  le  commencement  de  son 
règne ,  et  que  saint  Bernard  regarda  dès 
lors  comme  une  source  de  calamités.  Ne 
pouvant  extirper  de  son  royaume  lesfillej 
de  mauvaise    vie,  il  voulut  au    moins  " 
qu'elles  fussent  marquées  par  un  sceau 
caractéristique  d'avilissement:  il  défendit 
par  un  édit  qu'elles  portassent  des  cein-  - 
tures  dorées  comme  les  honnêtes  femmes, 
ce  qui  donna  lieu  au  proverbe  :  Bonne 
7'enommée  vaut  mieux  que  ceinture  dorée. 
LOUIS  VIII ,  roi  de  France,  que  sa  bra- 
voure a  fait  surnommer  Cœur  de  Lion,  fils 
de  Philippe-Auguste  et  d'Isabelle  de  Hai- 
naut,  naquit  le  5  septembre  1187.  Il  se  si- 
gnala en  diverses  expéditions  sous  le  règne 
de  son  père,  et  monta  sur  le  trône  en  1223. 
Avant  la  mort  de  son  père  Philippe-  Au- 


LOtJ 

gusle ,  ce  prince ,  sollicité  par  les  Anglais 
révoltés  contre  Jean ,  passa  à  Londres  , 
où  il  avait  été  proclamé  roi.  Il  vainquit 
les  partisans  du  monarque  détrôné  ;  mais 
Jean  étant  mort ,  les  Anglais  se  pronon- 
cèrent en  faveur  de  son  fiFs.  Louis  fut 
assiégé  dans  Londres,  et  n'obtint  sa  liberté 
qu'en  promettant  que  Philippe-Auguste 
rendrait  aux  Anglais  ce  qu'il  leur  avait 
pris  en  France.  C'est  le  prétexte  sur  lequel 
Henri  III  d'Angleterre,  au  lieu  de  venir  au 
sacre  de  Louis,  se  fonda  pour  le  sommer 
de  lui  rendre  la  Normandie.  Louis  VIIl  s'y 
refusa  et  partit  avec  une  nombreuse  armée, 
résolu  de  combattre  les  Anglais  et  de  les 
chasser  de  la  France.  Il  prit  sur  eux  Niort, 
Saint-Jean-d'Angely ,  le  Limousin ,  le  Pé- 
rigord ,  le  pays  d'Aunis  ,  etc.  Il  ne  restait 
plus  q\f.e  la  Gascogne  et  Bordeaux  à  sou- 
mettre pour  achever  d'éloign  er  les  Anglais, 
lorsque  Louis  se  vit  obligé  de  faire  la 
guerre  aux  Albigeois,  qui  portaient  avec 
le  poison  de  l'erreur  les  dégâts  les  plus  san- 
glans  dans  les  provinces  méridionales  du 
royaume.  Il  fit  le  siège  d'Avignon  ,  à  la 
prière  du  pape  Honoré  III ,  et  prit  cette 
ville  le  12  septembre  4226.  La  maladie  se 
mit  ensuite  dans  son  armée,  le  roi  lui- 
même  tomba  malade,  et  mourut  à  Mont- 
pensier  en  Auvergne,  le  8  novembre  1226, 
à  39 ans.  Thibaut  VI,  comte  de  Champagne, 
éperdument  amoureux  de  la  reine,  fut 
soupçonné  de  l'avoir  empoisonné;  mais 
cette  accusation  est  dénuée  de  fondement. 
La  valeur  de  Louis  VIII,  sa  chasteté  et  ses 
vertus  ont  rendu  son  nom  immortel.  Il  lé- 
gua par  testament  cent  sous  à  chacune  des 
2000  léproseries  de  son  royaume.  La  lèpre 
était  alors,  comme  l'on  voit,  une  maladie 
fort  commune.  Il  légua  encore  50,000  li- 
vres une  fois  payées,  c'est-à-dire  environ 
S'iO.OOO  liv.  de  la  monnaie  d'aujourd'hui , 
à  sa  femme,  la  célèbre  Blanche  de  Castille. 
Cette  remarque  fera  connaître  quel  était 
alors  le  prix  de  la  monnaie.  C'est,  dit  un 
historien,  le  pouls  d'un  état,  et  une  ma- 
nière assez  sûre  de  connaître  ses  forces. 
Louis  VIII  est  le  premier  roi  de  la  trui- 
sicme  race  qui  ne  fut  pas  sacré  du  vivant 
de  son  père. 

LOUIS  IX  (  saint),   fils  de  Louis  VHI 
et  de  Blanche  de  Caslille  ,  né  le  25  avril 


4215  ,  parvint  à  la  couronne  en  1226,  sous 
la  tutelle  de  sa  mère  :  ce  fut  la  première 
fois  que  les  qualités  de  tutrice  et  de  ré- 
gente se  trouvèrent  dans  la  même  per- 
sonne. La  minorité  du  jeune  roi  fut  occu- 
ltée à  soumettre  les  barons  et  les  petits 
jt^rinces,  toujours  en  guerre  entre  aux,  et 


536  LéU 

qui  ne  se  reunissaient  que  pour  boule-' 
verser  l'état.  Le  cardinal  Romain,  légal 
du  pape  ,  aida  beaucoup  la  reine  par  ses 
conseils.  Thibaut  VI ,  comte  de  Cham- 
pagne ,  depuis  long-temps  amoureux  de 
Blanche,  fut  jaloux  de  l'ascendant  que 
prenait  Romain ,  et  arma  contre  le  roi. 
Blanche,  qui  avait  méprisé  jusqu'alors 
son  amour,  s'en  servit  avec  autant  d'ha- 
bileté que  de  vertu  pour  ramener  le  comte 
et  pour  apprendre  de  lui  les  noms,  les  des- 
seins et  les  intrigues  des  factieux.  Louis, 
parvenu  à  l'âge  de  majorité ,  soutint  ce 
que  sa  mère  avait  si  bien  commencé ,  et 
ne  s'occupa  que  du  bonheur  de  ses  sujets. 
Il  se  conduisit  avec  beaucoup  de  prudence 
durant  les  différens  de  Grégoire  IX  et  de 
Frédéric  II,  et  ne  voulut  pas  que  son  frère 
Robert  acceptât  la  couronne  impériale, 
que  le  pape  lui  offrait.  Il  condamnait 
hautement  la  conduite  de  Frédéric  :  mais 
il  ne  croyait  pas  qu'on  pût  lui  ôfer  la 
couT'onne^  s'il  n'était  condamné  dans  un 
concile  général.  Ce  qui  prouve  quelle 
était  sur  ce  point ,  même  dans  les  cours  , 
la  jurisprudence  de  ce»  temps  reculés  , 
relativement  aux  rois,  et  combien  l'on  a 
eu  tort ,  de  nos  jours ,  de  s'élever  à  ce  su- 
jet contre  les  papes.  (  T^oycz  FRÉDÉRIC 
II ,  GRÉGOIRE  VII,  GRÉGOIRE  IX ,  etc.  ) 
Après  l'excommunication  de  ce  prince  au 
concile  de  Lyon ,  et  sa  déposition  ,  qu'il 
semblait  ne  pas  approuver,  quoiqu'il  en 
reconnût  la  légalité ,  il  travailla  à  le  ré- 
concilier avec  le  pape;  mais  Frédéric  ne 
répondit  pas  à  ses  vues.  Louis  leva  des  trou- 
pes cont;e  le  roi  d'Angleterre  Henri  III, 
et  contre  les  grands  vassaux  de  la  cou- 
ronne de  France  ,  unis  avec  ce  monarque. 
Il  les  ballil  deux  fois ,  la  première  à  la 
journée  de  Taillebourg  en  Poitou ,  l'an 
1241  ;  la  deuxième  ,  quatre  jours  après  , 
près  de  Saintes  ,  où  il  remporta  une  vic- 
toire complète.  Henri  fut  obligé  de  faire 
une  paix  désavantageuse.  Le  comte  de  la 
Marche  et  les  autres  vassaux  révoltés  ren- 
trèrent dans  leur  devoir ,  et  n'en  sorti- 
rent plus.  Louis  n'a\ail  alors  que  27  ans. 
Il  quitta  son  royaume  bienlôt  après,  pour 
passer  dans  la  Palestine.  Dans  les  accès 
d'une  maladie  violente ,  dont  il  fut  atta- 
qué en  1244,  il  crut  entendre  une  voix 
qui  lui  ordonnait  de  prendre  la  croix  con- 
tre les  infidèles  ,  de  faire  restituer  aux 
chrétiens  les  belles  provinces  que  les  Sar- 
rasins leur  avaient  enlevées  ,  et  de  les  dé- 
livrer du  plus  cruel  esclavage  qui  fût  ja- 
mais :  il  fit  dès  lors  vœu  de  passer  dans 
la  Terre-Sainte.  La  reine  sa  mère ,  la  reine 


LOU 


537 


LOU 


sa  femme  ,  le  prièrent  de  différer  jusqu'à 
ce  qu'il  fût  enlièremeiit  rétabli;  mais 
Louis  n'en  fut  que  plus  ardent  à  demander 
la  croix.  L'évéque  de  Paris  la  lui  attacha, 
fondant  en  larmes  ,  comme  s'il  eût  prévu 
les  malheurs  qui  attendaient  le  roi  dans 
la  Terre-Sainte.  Louis  prépara  pendant 
quatre  ans  cette  expédition ,  aussi  illustre 
que  malheureuse  ;  enfin ,  laissant  à  sa 
mère  le  gouvernement  du  royaume,  il 
s'embarqua  en  12/i.8  à  Ai(jues-Mortes ,  avec 
IVTarguerile  de  Provence  sa  femme  ,  et  ses 
trois  frères.  Presque  toute  la  chevalerie 
de  France  l'accompagna.  Arrivé  à  la  rade 
de  Damiette,  il  s'empara  de  celte  ville 
en  1249.  Il  avoit  résolu  de  porter  la  guerre 
en  Egypte ,  pour  attaquer  dans  son  pays  le 
Bultan  ,  maître  de  la  Terre  Sainte  ;  il  passa 
le  Nil  à  la  vue  des  infidèles ,  remporta 
deux  victoires  sur  eux ,  et  fit  des  pro- 
diges de  valeur  à  la  journée  de  Massoure 
en  1250.  Les  Sarrasins  eurent  bicnlôl  leur 
revanche  :  la  famine  et  la  maladie  conta- 
gieuse ayant  obligé  les  Français  à  repren- 
dre le  chemin  de  Damiette ,  ils  vinrent 
les  attaquer  pendant  la  marche  ,  les  mi- 
rent en  déroute  et  en  firent  un  grand  car- 
nage. Le  roi ,  dangereusement  malade  , 
fut  pris  près  de  Massoure  avec  tous  les 
seigneurs  de  sa  suite  et  la  meilleure  partie 
de  l'armée.  Louis  parut  dans  sa  ])rison 
aussi  grand  que  sur  le  trône.  Les  musul- 
mans ne  pouvaient  se  lasser  d'admirer 
sa  patience  et  sa  fermeté  à  refuser  ce 
qu'il  ne  croyait  pas  raisonnable.  Ils  lui 
disaient  :  «  Nous  te  regardions  comme 
»  notre  captif  et  notre  esclave  ,  et  tu  nous 
»  traites,  étant  aux  fers,  comme  si  nous 
»  étions  tes  prisonniers  !  »  On  osa  lui  pro- 
poser de  donner  une  somme  excessive 
pour  sa  rançon  ,  mais  il  répondit  aux  en- 
voj'és  du  sultan  :  «  Allez  dire  à  votre  maî- 
»  tre  qu'un  roi  de  France  ne  se  rachète 
»  point  pour  de  l'argent.  Je  donnerai 
B  cette  somme  pour  mes  gens ,  et  Damiette 
y>  pour  ma  personne.  »  Il  paya  en  effet 
400,000  liv.  pour  leur  rançon,  rendit  Da- 
miette pour  la  sienne ,  et  accepta  du  sultan 
une  trêve  de  dix  ans.  Son  dessein  était  de 
repasser  en  France;  mais  ayant  appris 
que  les  Sarrasins,  au  lieu  de  rendre  les 
prisonniers,  en  avaient  fait  périr  un 
grand  nombre  dans  les  tourmens ,  pour 
les  obliger  de  quitter  leur  religion  ,  il  se 
rendit  dans  la  Palestine,  où  il  demeura 
encore  quatre  ans ,  jusqu'en  1254.  Le 
temps  de  son  séjour  fut  employé  à  forti- 
fier et  à  réparer  les  places  des  chrétiens , 
à  mettre  en  liberté  tous  ceux  qui  avaient 


été  faits  prisonniers  en  Egypte ,  et  à  tra- 
vailler à  la  conversion  des  infidèles.  Ar- 
rivé en  France ,  il  trouva  son  royaume 
dans  un  meilleur  état  qu'il  n'aurait  dû 
naturellement  espérer.  La  Providence 
avait  veillé  sur  un  pays  qu'il  n'avait  aban- 
donné que  par  les  motifs  les  plus  chré- 
tiens. Son  retour  à  Paris,  où  il  se  fixa,  fit 
le  bonheur  de  ses  sujets  et  la  gloire  de  la 
patrie.  Il  établit  le  premier  la  justice  du 
ressort;  et  les  peuples,  opprimés  parles 
sentences  arbitraires  des  juges  des  baro- 
nies  ,  purent  porter  leurs  plaintes  à  quatre 
bailliages  royaux  ,  créés  pour  les  écouter. 
Sous  lui,  les  hommes  d'études  commen- 
cèrent à  être  admis  aux  séances  de  ses 
parlemens ,  dans  lesquelles  des  chevaliers, 
qui  rarement  savaient  lire,  décidaient 
de  la  fortune  des  citoyens.  Il  diminua 
les  impôts ,  et  révoqua  ceux  que  l'avidité 
des  financiers  avait  introduits.  Il  porta 
des  édits  sévères  contre  les  blasphéma- 
teurs et  les  impies ,  bâtit  des  églises , 
des  hôpitaux ,  des  monastères ,  et  publia 
une  Pragmatique- Sanction  en  1269  ,  pour 
conserver  les  anciens  droits  des  églises  ca- 
thédrales et  la  liberté  des  élections.  Le 
sixième  canon  défend  de  payer  les  sommes 
que  la  cour  de  Rome  pourrait  exiger. 
Mais  Fleury  observe  «  que  ce  canon  man- 
»  que  dans  beaucoup  d'exemplaires  ;  dans 
»  les  autres  canons ,  il  n'est  nullement 
»  fait  mention  de  la  cour  de  Rome ,  et  on 
»  croit  que  le  saint  roi  n'y  a  eu  en  vue 
»  que  les  entreprises  des  seigneurs  et  des 
»  juges  laïques  sur  les  bénéfices.  »  Le 
président  Hénault  doute  que  cette  Prag- 
matique soit  de  saint  Louis.  Ce  monar- 
que reçut  en  1264  un  honneur  qu'on  ne 
peut  rendre  qu'à  un  monarque  vertueux  : 
le  roi  d'Angleterre  Henri  III  et  les  barons 
le  choisirent  pour  arbitre  de  leurs  que- 
relles. Ce  prince  était  venu  le  voir  à  Paris 
au  retour  de  son  voyage  en  Palestine ,  et 
l'avait  assuré  quil  était  son  seigneur  et 
qu'il  le  serait  toujours.  Le  comte  d'Anjou, 
Charles  son  frère  dut  à  sa  réputation  et 
au  bon  ordre  de  son  royaume  l'honneur 
'd'être  choisi  par  le  pape  pour  roi  de  Si- 
cile. Louis  augmentait  cependant  ses  do- 
maines de  raC(iuisition  de  Pcronne ,  d'A- 
vranches,  de  Mortagne,  du  Perche.  Il 
pouvait  ôter  aux  rois  d'Angleterre  tout 
ce  qu'ils  possédaient  en  France  :  les  que- 
relles de  Henri  III  et  de  ses  barons  lui  en 
facilitaient  les  moyens  ;  mais  il  préféra  la 
justice  à  l'usurpation.  Il  les  laissa  jouir 
de  la  Guienne ,  du  Périgord,  du  Limousin, 
en  les  faisant  renoncer  pour  jamais  à  la 


LOU 


558 


LOU 


Touralne ,  au  Poitou ,  à  la  Normandie  , 
réunie  à  la  couronne  par  Philippe-Au- 
guste son  aïeul.  Voyant  la  France  floris- 
sante et  son  gouvernement  bien  affermi , 
il  partit  pour  la  sixième  croisade  en  l!270. 
Il  assiégea  Tunis  en  Afrique  ;  huit  jours 
après  il  emporta  le  château ,  et  mourut 
dans  son  camp  le  25  août  de  la  même 
Cinnée ,  d'une  maladie  contagieuse  qui  ra- 
vageait son  armée.  Dès  quil  en  fut  atta- 
qué ,  il  se  fit  étendre  sur  la  cendre ,  et 
expira,  à  l'âge  de  55  ans,  avec  la  fer- 
veur d'un' 'anachorète  et  le  courage  d'un 
héros,  et  avec  la  satisfaction  d'avoir  fait 
aux  ennemis  du  nom  chrétien  une  guerre 
sage  et  juste ,  quoique  avec  des  succès 
variés  et  d'éclalans  revers.  (  Voyez  l'ex- 
cellent discours  sur  le  troisième  âge  de 
l'Eglise,  à  la  fin  du  ik"  tome  de  l'Histoire  ec- 
clésiastique de  l'abbé  Béraull,  et  les  articles 
LOUIS  VII,  PIERRE  l'ERMITE  ,  etc.  )  Bo- 
niface  VIII  le  canonisa  en  1297.  La  bulle  de 
canonisation  du  saint  roi  est  \m  éloge  ma- 
gnifique  et  très  étendu,  fondé,  comme  il 
y  est  dit,  sur  une  certitude  entière  de  la 
jjurelé  de  ses  moeurs ,  de  la  régularité  et 
de  l'austérilé  de  sa  vie,  de  son  amour 
pour  la  justice,  de  son  zèle  généreux 
pour  le  progrès  de  la  foi,  de  sa  charité 
envers  les  pauvres,  les  infirmes,  les  gens 
sans  appui  et  de  toute  nation  ,  en  un  mot 
de  toutes ises  vertus  chrétiennes,  royales, 
héroïques.  On  avait  reçu  à  ce  sujet  la  dé- 
position sous  serment  de  plus  de  300  té- 
moins, et  l'on  avait  vérifié  jusqu'à  63 
miracles.  Saint  Louis  a  été,  au  jugement 
du  père  Daniel  et  du  président  Hénaull , 
un  des  plus  grands  princes  qui  aient  ja- 
mais porté  le  sceptre  :  compatissant  comme 
s'il  n'avait  été  que  malheureux  ;  libéral , 
sans  cesser  d'avoir  une  sage  économie; 
intrépide  dans  les  combats ,  mais  sans  em- 
portement. Il  n'était  courageux  que  pour 
de  grands  intérêts.  Il  fallait  que  des  ob- 
jets puissans,la  justice  ou  l'amour  de 
son  peuple,  excitassent  son  âme,  qui 
hors  de  là  paraissait  faible,  simple  et  ti- 
mide. Prudent  et  ferme  à  la  tête  de  ses 
armées  et  de  son  conseil,  quand  il  était 
rendu  à  lui-même  il  n'était  plus  que  par- 
ticulier. Ses  domestiques  devenaient  ses 
maîtres,  sa  mère  le  gouvernait,  elles 
pratiques  de  la  dévotion  la  plus  simple 
remplissaient  ses  journées.  Il  est  vrai  que 
ces  pratiques  étaient  ennoblies  par  des 
vertus  solides  et  jamais  démenties  ;  elles 
formaient  son  caractère.  C'est  à  ce  règne, 
suivant  Joinville ,  que  se  doit  rapporter 
l'institution  des  maîtres  des  requêtes  :  ils 


n'étaient  d'abord  que  trois;  ils  furent 
portés  à  quatre- ving^ts  par  l'édit  de  1732, 
qui  les  fixa  à  ce  nombre.  Saint  Louis  pro- 
scrivit aussi  des  terres  de  son  domaine 
l'absurde  procédure  des  duels  judiciaires, 
et  y  substitua  la  voie  d'appel  à  un  tribu- 
nal supérieur  :  ainsi  il  ne  fut  plus  per- 
mis, comme  auparavant,  de  se  battre 
contre  sa  partie  ni  contre  les  témoins 
qu'elle  produisait.  Joinville ,  La  Chaise . 
l'abbé  de  Choisy  Bury  et  l'abbé  Vély  on  1 
écrit  sa  Vie.  Voyez  leurs  articles.  On  peut 
consulter  en  outre  la  Vie  de  saint  Louii 
par  le  confesseur  de  la  reine  Marguerite; 
V /lis foire  d'Angletei're  de  Matthieu  PcU 
ris  ;  la  Chronique  de  Guillaume  de  Naii- 
gis  ;  les  Chroniques  de  St.-Denys;  V His- 
toire de  saint  Louis  par  un  moine  de  St.- 
Denys;  Observations  de  Ménard  sur 
l'Histoire  de  saintLouis  ;  les  Etablisse- 
mens  de  ce  prince ,  publiés  en  1786,  par 
l'abbé  S  t. -Martin;  Essai  sur  les  institu- 
tions de  saint  Louis  par  Beugnot;  les  in- 
stitutions de  saint  Louis  par  Mignet.  etc. 
Ce  monarque  a  été  le  sujet  de  divers  ou- 
vrages de  poésie  parmi  lesquels  nous  cite- 
rons le  poème  épique  du  pèi-e  Lemoyne , 
et  la  tragédie  de  M.  Ancelot  jouée  en  1819. 
LOUIS  X ,  roi  de  France  et  de  Na- 
varre,  surnommé  Hutin^  c'est-à-dire 
mutin  el  querelleur^  né  le  h  octobre  1289, 
succéda  à  Philippe  le  Bel  son  père  le  29 
novembre  1514,  étant  déjà  roi  de  Navarre 
par  Jeanne  sa  mère ,  et  s'étant  fait  cou- 
ronner en  celte  qualité  à  Pampelune  le 
1"  octobre  1308.  Veuf  de  Marguerite  de 
Bourgogne,  il  différa  son  sacre  jusqu'au 
mois  d'août  de  Tan  1315,  à  cause  des 
troubles  de  son  royaume  ,  et  parce  qu  il 
attendait  sa  nouvelle  épouse,  Clémence, 
fille  de  Charles,  roi  de  Hongrie.  Pendant 
cet  intervalle,  Charles  de  Valois ,  oncle 
du  roi,  se  mit  à  la  tête  du  gouvernement, 
et  fit  pendre  Enguerrand  de  Marigni  à  j 
Monlfaucon,  au  gibet  que  ce  ministre  j 
a\  ait  lui-même  fait  dresser  sous  le  feu 
roi ,  dont  il  était  ministre.  Louis  X  rap- 
pela les  Juifs  dans  son  royaume ,  fit  la 
guerre  sans  succès  contre  le  comte  de 
Flandre ,  et  laissa  accabler  son  peuple 
d'impôts ,  sous  le  prétexte  de  cette  guerre. 
Il  contraignit  encore;  le  reste  des  serfs  de 
ses  terres  de  racheter  leur  liberté  :  ce 
qu'ils  firent  avec  peme.  En  remplissant 
un  devoir  connu,  ils  étaient  tranquilles, 
et  ils  ignoraient  ce  qu'on  exigerait  d'eux, 
quand  ils  seraient  libres.  L'édit  du  roi 
portait  que,  selon  le  droit  de  nature, 
chacun  doit  naître  franc  ^  el  il  faisait 


LOU  î)3 

acheter  ce  droit  de  nature.  «  On  a  remar- 
»  que  en  tout  temps,  dit  un  philosophe, 
»  que  les  prôneurs  de  la  liberté  ne  la  con- 
»  naissaient  {îucre;  et  que  s'ils  en  saisis- 
»  salent  quelques  traits ,  c'était  tou- 
»  jours  à  leur  profit.  »  Le  dernier  acte  du 
règne  de  Louis  X  fut  la  punition  de  plu- 
sieurs exacteurs,  surnommés,  avec  jvis- 
tice  ,  loups  dévorons ,  et  dont  cependant 
on  ne  pendit  que  les  plus  pauvres.  Louis  X 
mourut  à  Vincennes  le  8  janvier  iôlô,  à 
26  ans.  Il  eut  de  Clémence  un  fils  post- 
hume nommé  Jean,  né  le  15  novembre 
4316  ;  mais  ce  jeune  prince  ne  vécut 
que  huit  jours.  Il  s'éleva  une  grande  dif- 
ficulté au  sujet  de  la  succession.  Jeanne, 
fille  du  roi  et  de  sa  première  femme  ,  de- 
vait régner,  selon  le  duc  de  Bourgogne. 
Les  états  généraux  décidèrent  que  la  loi 
salique  excluait  les  femmes  de  la  cou- 
ronne. Leur  avis  prévalut ,  et  ce  fut  Phi- 
lippe le  Long,  2"^ fils  de  Philippe  le  Bel, 
qui  monta  sur  le  trône  de  France.  Jeanne 
eut  pour  sa  part  la  couronne  de  Navarre, 
qu'elle  porta  en  dot  à  Philippe  ,  petit-fils 
de  Philippe  le  Hardi.  Voyez  pour  le  rè- 
gne de  Louis  X  les  Ordonnances  des  rois 
de  France  ;  le  Continuateur  de  Nangis  ; 
Pauli  Ai^milii  Feronensis  hist.  lib.  VIII; 
les  Chroniques  de  Saint-Denys  ^  Rymer. 
acta^  etc.  etc. 

LOUIS  Xi ,  fils  de  Charles  VII  et  de 
Marie  d'Anjou,  fille  de  Louis  II,  roi  titu- 
laire de  Naples ,  naquit  à  Bourges  le  5 
juillet  1423.  A  l'âge  de  17  ans,  il  se  ré- 
volta contre  son  père,  par  haine  contre 
Agnès  Sorel  et  contre  les  ministres  du 
roi.  Il  s'enfuit  à  Niort,  où  il  devint  chef 
d'une  faction  connue  sous  le  nom  de  la 
Praguerie.  Charles  VII  marcha  contre 
lui ,  le  défit  el  lui  pardonna.  Le  Dauphin 
alla  combattre  les  Anglais ,  et  se  signala 
aux  sièges  de  Ponloise ,  de  la  Réole  et  de 
Dieppe  (  1443  ).  L'année  suivante  ,  il  vain- 
quit les  Suisses.  De  retour  auprès  de  son 
père ,  il  intrijpia  de  nouveau ,  et  de  nou- 
veau il  quitta  la  cour;  et,  poursuivi  par 
les  troupes  de  son  père,  il  se  sauva  en 
Bourgogne,  où  il  fut  bien  reçu  par  le  duc 
et  le  prince  héréditaire,  le  duc  de  Charo- 
lais.  Ce  prince  lui  assura  une  retraite 
agréable  à  Genapp ,  en  Hainaut ,  et  pour- 
vût a  tous  ses  besoins.  C'est  dans  cette  re- 
traite qu'il  recueillit  les  cent  Nouvelles 
nouvelles ,  et  qu'il  lui  naquit  un  fils  d'une 
princesse  de  Savoie  ,  qu'il  avait  épousée 
malgré  son  père  ;  et  malgré  les  invitations 
de  celui-ci ,  il  ne  revhit  en  France  qu'à 
Vépoque  de  sa  mort.  Se  croyant  trahi  par 


9  LOU 

le  cardinal  de  la  Balue  ,  il  le  tint  en  pri- 
son plusieurs  années.  On  ne  le  crut  paâ 
étranger  à  la  mort  d'Agnès  Sorel.  Les 
dernières  années  de  Charles  VII  furent 
remplies  d'amertume;  son  fils  causa  su 
mort.  Louis  XI,  parvenu  à  la  couronne, 
en  1461 ,  par  la  mort  de  Charles  VII,  prit 
un  plan  de  conduite  et  de  gouvernement 
entièreiTient  différent.  Il  ôla  aux  officiers 
et  aux  magistrats  leurs  charges,  pour  les 
donner  aux  rebelles  qui  avaient  suivi  ses 
retraites  dans  le  Dauphiné ,  dans  la  Fran- 
che-Comté, dans  le  Brabant.  Il  traita  la 
France  comme  un  pays  de  conquête ,  dé- 
pouilla les  grands ,  accabla  le  peuple  d'im- 
pôts ,  et  abolit  la  pragmatique-sanction  ; 
mais  le  parlement  de  Paris  la  soutint  avpr 
tant  de  vigueur  ,  qu'elle  ne  fui  totalemen 
anéantie  que  par  le  concordai  fait  entre 
Léon  X  et  François  I".  Ses  violences  exci- 
tèrent contre  lui  tous  les  bons  citoyens. 
11  se  forma  une  ligue  entre  Charles  ,  duc 
de  Berry,  son  frère,  le  comte  de  Cliaro- 
lais ,  le  duc  de  Bretagne,  le  comte  de  Du- 
nois ,  et  plusieurs  seigneurs  non  moins 
mccontens  de  Louis  XI.  Jean  d'Anjou 
duc  de  Calabre ,  vint  se  joindre  aux  prin- 
ces confédérés ,  etleur  amena  500  Suisses, 
les  premiers  qui  aient  paru  dans  les  ar- 
mées françaises.  La  guerre  qui  suivit 
cette  ligue ,  formée  par  le  mécontente- 
ment ,  eut  pour  prétexte  la  réformation 
de  l'état  et  le  soulagement  des  peuples  : 
elle  fut  appelée  la  Ligue  du  bien  public. 
Louis  arma  pour  la  dissiper.  Il  y  eut  ui^n^^ 
bataille  non  décisive  à  Montlhéri,  le  l'ô!, 
juillet  1465.  Le  champ  resta  aux  troupes 
confédérées;  mais  la  perte  fut  égale  des 
deux  côtés.  Le  monarque  français  ne  dés- 
unit la  ligue  qu'en  donnant  à  chacun  des| , 
principaux  chefs  ce  qu'il  demandait  :  la 
Normandie  à  son  frère  ;  plusieurs  places, 
dans  la  Picardie ,  au  comte  de  Charolais  \ 
le  comté  d'Etampes  au  duc  de  Bretagne, 
et  l'épée  de  connétable  au  comte  de  Saint- 
Pol.  La  paix  fut  conclue  à  Conflans ,  le  ^ 
octobre  delà  même  année. Le  roi  accorda 
tout  par  ce  traité ,  espérant  tout  ravoir 
par  ses  intrigues.  Il  enleva  bientôt  la 
Normandie  à  son  frère  ,  et  une  partie  de 
la  Bretagne  au  duc  de  ce  nom.  L'inexé- 
cution du  traité  de  Conflans  allait  rani- 
mer la  guerre  civile  :  Louis  XI  crut  l'é- 
teindre en  demandant  à  Charles  le  Té- 
méraire ,  duc  de  Bourgogne  ,  une  confé- 
rence à  Péronne ,  dans  le  temps  même 
qu'il  excitait  les  Liégeois  à  faire  une  per- 
fidie à  ce  duc  et  à  prendre  les  armes 
contre  lui.  Charles ,  instruit  de  cette  ma- 


LOU 


540 


LOU 


nœavrc,  relînt  Louis  XI  prisonnier  dans 
le  château  de  Péronne,  le  força  à  conclure 
un  traité  fort  désavanlayeux  ,  et  à  mar- 
cher à  sa  suite  contre  les  Liégeois  mêmes 
qu'il  avait  armés.  Le  comble  de  l'humi- 
liation pour  lui  fut  d'assister  à  la  prise  de 
leur  ville,  et  de  ne  pouvoir  obtenir  son 
retour  à  Paris  qu'après  avoir  prodigué 
les  bassesses  et  essuyé  mille  affronts.  Le 
duc  de  Berry,  son  frère,  fut  la  victime 
de  cet  élargissement.  Louis  XI  le  força 
de  recevoir  la  Guienne  en  apanage ,  au 
lieu  de  la  Champagne  et  de  la  Brie  :  il 
voulut  l'éloigner  de  ces  provinces ,  dans 
la  crainte  que  le  voisinage  du  duc  de 
Bourgogne  ne  fût  une  nouvelle  source  de 
division.  Louis  XI  n'en  fut  pas  plus 
tranquille.  Le  duc  de  Bourgogne  fit  of- 
frir sa  fille  unique  au  nouveau  duc  de 
Guienne;  mais  celte  alliance  ne  se  fit 
pas  :  le  duc  de  Guienne  mourut  em- 
poisonné avec  sa  maîtresse  ,  par  une 
pêche  qui  leur  fut  donnée,  non  sans  soup- 
çon^ dit  le  président  Hénault ,  ro72^re  le 
roi  lui-même.  Odet  d'Aidie,  favori  du 
prince  empoisonné ,  voulut  venger  la 
mort  de  son  maitre.  Il  enleva  l'empoison- 
neur, et  le  conduisit  en  Bretagne,  poxir 
pouvoir  lui  faire  son  procès  en  liberté  ; 
mais  le  jour  qu'on  devait  prononcer  l'ar- 
rêt de  mort ,  on  le  trouva  étouffé  dans 
son  lit.  Cependant  le  duc  de  Bourgogne 
se  prépare  à  tirer  une  vengeance  plus 
éclatante  de  la  mort  d'un  prince  qu'il 
voulait  faire  son  gendre.  Il  entre  en  Pi- 
cardie ,  met  tout  à  feu  et  à  sang  ,  échoue 
devant  Beau  vais,  défendu  par  des  fem- 
mes ,  passe  en  Normandie ,  la  traite  comme 
la  Picardie ,  et  revient  en  Flandre  lever 
de  nouvelles  troupes.  Cette  guerre  cruelle 
fut  terminée ,  pour  quelques  instans  , 
par  le  traité  de  Bouvines  ,  en  iU7k  ; 
mais  ,  cette  même  année ,  il  y  eut  une 
ligue  offensive  et  défensive  formée  par 
le  duc  de  Bourgogne,  entre  Edouard  IV  , 
roi  d'Angleterre,  et  le  duc  de  Bretagne  , 
contre  le  roi  de  France.  Le  prince  anglais 
débarque  avec  ses  troupes  :  Louis  peut 
le  combattre ,  mais  il  aime  mieux  le  ga- 
gner par  des  négociations.  Il  paie  ses 
principaux  ministres  ;  il  séduit  les  pre- 
miers officiers ,  au  lieu  de  se  mettre  en 
état  de  les  vaincre  ;  il  fait  des  présens  de 
vin  à  toute  l'armée  ;  enfin  il  achète  le 
retour  d'Edouard  en  Angleterre.  Les  deux 
rois  conclurent  à  Amiens, en  1473,  un  traité 
qu'ils  confirmèrent  à  Picquigni.  Ils  con- 
vinrent d'une  trêve  de  sept  ans  :  ils  y  ar- 
rêtèrent le  mariage  entre  le  Dauphin  et 


la  fille  du  monarque  anglais  ;  et  Louis 
s'engagea  de  payer  jusqu'à  la  mort  de  son 
ennemi  une  somme  de  50,000  écus  d'or. 
Le  duc  de  Bretagne  fut  aussi  compris 
dans  ce  traité.  Celui  de  Bourgogne,  aban- 
donné de  tous  et  seul  contre  Louis  XI, 
conclut  avec  lui  àVervins  une  trêve  de 
neuf  années.  Ce  prince,  ayant  été  tué  au 
siège  de  Nancy  en  1477 ,  laissa  pour  hé- 
ritière Marie  sa  fille  unique ,  que  Louis  XI, 
par  une  politique  mal  entendue ,  refusa 
pour  le  Dauphin  son  fils.  Cette  princesse 
épousa  Maximilien  d'Autriche  ,  fils  de 
l'empereur  Frédéric  III,  et  ce  mariage 
fut  l'origine  des  querelles  que  la  Franco 
ne  cessa  de  faire  à  la  maison  d'Autriche  , 
souveraine  des  Pays-Bas.  La  guerre  entre 
l'empereur  et  le  roi  de  France  commença 
peu  de  temps  après  cette  union.  Louis  XI 
s'empara  de  la  Franche-Comté  parla  va- 
leur de  Chaumont  d'Amboise.  Il  y  eut 
une  bataille  à  Guinegate ,  où  l'avantage 
fut  égal  des  deux  cotés.  Un  traité ,  fait  à 
Arras  en  1482 ,  termina  cette  guerre .  On 
y  arrêta  le  mariage  du  Dauphin  avec 
Marguerite  ,  fille  de  Marie  de  Bourgogne. 
Louis  XI  ne  jouit  pas  long-temps  de  la 
joie  que  lui  dévoient  inspirer  ces  heu- 
reux événemens.  Sa  santé  dépérissait  de 
jour  en  jour  ;  enfin ,  sentant  la  mort  ap- 
procher ,  il  se  renferma  au  château  du 
Plessis-lès-Tours ,  où  l'on  n'entrait  que 
par  un  guichet ,  et  dont  les  murailles 
étaient  hérissées  de  pieux  de  fer.  Inac- 
cessible à  ses  sujets,  entouré  de  gardes, 
dévoré  par  la  crainte  de  la  mort,  par  la 
douleur  d'être  haï,  par  les  remords  et 
par  l'ennui,  il  fit  venir  de  Calabre  un 
pieux  ermite  ,  révéré  aujourd'hui  sous  le 
nom  de  saint  François  de  Paule.  Il  se  jeta 
à  ses  pieds ,  et  le  supplia  en  pleurant  de 
demander  à  Dieu  la  prolongation  de  ses 
jours,  o  Mais  le  saint ,  dit  un  orateur  cé- 
»  lèbre  ,  lui  parla  en  prophète ,  et  lui  dit 
»  comme  un  autre  Isaïe  :  Dispone  dojnui 
»  tuce ,  quia  morieris  tu ,  et  non  vives. 
»  Sire ,  mettez  ordre  à  votre  état ,  et  à  ce 
»  que  vous  avez  de  plus  précieux  dans 
»  votre  état ,  qui  est  votre  conscience  : 
»  car  il  n'y  a  pas  de  miracle  pour  vous  ; 
»  votre  heure  est  venue ,  et  il  faut  mou- 
»  rir.  C'était  une  parole  bien  dure  pour 
»  tout  homme ,  encore  plus  pour  un  roi , 
»  mais  surtout  pour  un  roi  si  attaché  à  la 
»  vie.  »  Cependant  Louis  écouta  François 
avec  respect ,  le  pria  de  le  disposer  à  la 
mort ,  et  expira  entre  ses  bras  le  31  août 
1483 ,  à  60  ans  :  heureux  si  de  vifs  et  sin- 
cères repentirs  ont  effacé  les  iniquités  de 


LOU  541 

sa  vie.  Les  chroniques  du  temps  comp- 
tent 4000  sujets  (nombre  sans  doute  exa- 
géré) exécutés  sous  son  règne,  en  pu- 
blic ou  en  secret.  Les  cachots ,  les  cages 
de  fer ,  les  chaînes  dont  on  chargeait  les 
victimes  de  sa  barbare  défiance,  sont  les 
monumens  qu'a  laissés  ce  monarque. 
Tristan  l'ermite ,  prévôt  de  son  hôtel , 
était  le  juge  ,  le  témoin  et  l'exécuteur  de 
ses  vengeances;  et  ce  roi  cruel  ne  crai- 
gnait pas  d'y  assister  ,  après  les  avoir  or- 
données. Lorsque  Jacques  d'Armagnac, 
duc  de  Nemours ,  accusé  peut-être  sans 
raison  du  crime  de  lèse-majesté ,  fut  exé- 
cuté en  1477  par  ses  ordres,  Louis  XI  fit 
placer  sous  l'échafaud  les  enfans  de  ce 
prince  infortuné,  pour  recevoir  sur  eux 
le  sang  de  leur  père.  Ils  en  sortirent  tout 
couverts ,  et  dans  cet  état  on  les  conduisit 
à  la  Bastille ,  dans  des  cachots  faits  en 
forme  de  hotte ,  où  la  gêne  que  leur  corps 
éprouvait  était  un  continuel  supplice.  Ce 
monarque  inhumain  eut  pour  ses  confi- 
dens  et  pour  ses  ministres  des  hommes 
dignes  de  lui.  Il  les  lira  de  la  boue  :  son 
barbier  devint  comte  de  Meulan  et  am- 
bassadeur, son  tailleur,  héraut-d'armes; 
son  médecin,  chancelier.  Il  abâtardit  la 
nation  en  lui  donnant  ces  vils  simulacres 
pour  maîtres  :  aussi  sous  son  règne  il  n'y 


eut  ni  vertu  ni  héroïsme.  L'obéissance  et 
la  bassesse  tinrent  lieu  de  tout;  et  le  peu- 
ple fut  enfin  tranquille,  dit  un  historien 
ingénieux ,  comme  les  forçats  le  sont  dans 
une  galère.  Sa  dévotion  aurait  dû,  par 
un  effet  même  naturel ,  adoucir  son  cœur 
dur ,  et  corriger  son  caractère  incon- 
stant ,  bixarre ,  inquiet  et  perfide  ;  mais 
sa  dévotion  n'était  que  la  crainte  servile 
d'une  âme  basse,  pusillanime  et  égarée. 
Toujours  couvert  de  reliques  et  d'images, 
portant  à  son  bonnet  une  Notre-Dame  de 
plomb,  il  lui  demandait  pardon  de  ses 
assassinats,  et  en  commettait  toujours  de 
nouveaux.  Il  fit  solliciter  auprès  du  pape 
le  droit  de  porter  le  surplis  et  l'aumuce, 
Bt  de  se  faire  oindre  une  seconde  fois  de 
l'ampoule  de  Reims ,  au  lieu  d'implorer 
la  miséricorde  de  l'Etre  suprême ,  de  la- 
ver ses  mains  souillées  de  tant  de  meur- 
tres commis  avec  le  glaive  de  la  justice. 
Si  la  nature  le  4it  naître  avec  un  cœur 
pervers ,  elle  lui  donna  de  grands  talens 
dans  l'esprit.  Il  avait  du  courage  ;  il  con- 
naissait les  hommes  et  les  affaires.  Il 
avait,  suivant  ses  expressions  (i),<ouf507i 


(i)CcUe  parole  eitg^aéralemcDtaUribaée  an  comte 
dt   Dammertin  ,  qui  dit  uo  jour  a«  roi ,  en  cbevau- 

7. 


LOU 

conseil  dans  sa  tête  :  maxime  conforme 
d'ailleurs  à  son  humeur  ombrageuse  et 
défiante.  Prodigue  par  politique,  autant 
qu'avare  par  goût,  il  savait  donner  en  roi. 
Paris,  désolé  par  une  contagion,  fut  re- 
peuplé par  ses  soins;  une  police  rigou- 
reuse y  régnait.  S'il  avait  vécu  plus  long- 
temps ,  les  poids  et  les  mesures  auraient 
été  uniformes  dans  ses  étals.  Ce  fut  lui 
qui  établit  les  postes  jusqu'alors  incon- 
nues en  France  (i).  Deux  cent  trente 
courriers ,  à  ses  gages ,  portaient  les  or- 
dres du  monarque  et  les  lettres  des  par- 
ticuliers dans  tous  les  coins  du  royaume. 
Il  est  vrai  qu'il  leur  fit  payer  chèrement 
cet  établissement  ;  il  augmenta  les  tail- 
les de  trois  millions,  et  leva,  pendant 
vingt  ans,  4  millions  700,000  liv.  par  an  : 
ce  qui  pouvait  faire  environ  25  millions 
d'aujourd'hui;  au  lieu  que  Charles  VU 
n'avait  jamais  levé  par  au  que  1,800,000 
francs.  En  augmentant  son  pouvoir  sur 
ses  peuples  par  ses  rigueurs,  il  augmenta 
son  royaume  par  sa  politique.  L'Anjou,  le 
Maine,  la  Provence,  la  Bourgogne,  le 
Roussillon  et  quelques  autres  grands 
fiefs,  furent  réunis  sous  lui  à  la  couronne. 
Ce  prince  a  fai  l  recueill ir  les  Cent  Nouvelîes 
nouvelles^  ou  histoires  contées  par  diffé- 
rons seigneurs  de  sa  cour ,  Paris ,  Ve  - 
rard ,  in-fol. ,  1486,  mais  dont  la  belle 
édition  est  d'Amsterdam,  1701,  2  vol. 
in-8° ,  figures  de  Hoogue  :  quand  les  figu- 
res sont  détachées  de  l'imprimé,  elles 
sont  plus  recherchées.  (  Voyez  MAR  - 
GUERITE  DE  VALOIS.)  Si  l'on  en  croit 
quelques  auteurs ,  c'est  sous  son  règne. 


chani    de  compagnie    avec    lai  :  <   Sire,    j'admire  ta 

•  force    prodilgitiise    de  votre   cheval.   Et  pourquoi? 
>  demanda  Louis.  C'est  qu'il  p^rle  le    roi   et  tout  soa 

•  conseil.  • 

(i)  Il  est  faii  mention  des  chevaux  de  poste  dans  \f 
Code  Theodosien,  au  titre  De  cursu  publico  ,  en  la  l.-i 
3,6,  7  ,  1  5  ,  etc.  ;  mais  ces  postes  n'étaient  pas  éta- 
blies de  la  m:inirre    'juVIIes  le  sont  aujourd'hui  dans 


toufe.rF.uropr  ;  c'étaient  seulement  des  chevaux  pu- 
blics. Selon  Hérodote,  ce  fut  Cyrns  ou  Xerxf's,  i]ui 
le  premier  ctatlit  des  courriers  et  des  chevaux  de 
poste,  afin  d'jtre  instruit  avec  plus  de  diligence  de 
tout  ce  qui  pourrait  se  passer  dans  toute  l'étzadue  de 
l'empire.  Le  mot  de  posie  vient  de  ce  que  les  chevaui 
sont  posés  iposifi)  d'intervalle  en  intervalle,  et  l'on 
attribue  à  Louis  XI  d'avoir  ordonné  le  changement 
des  chevaux  de  deux  lieues  en  deux  lieues,  pour  un« 
plus  grande  promptitude  :  au  lien  que  les  Perses  o'e» 
plaçaient  qu'au  bout  de  l'espace  de  chemin  qu'un  che- 
val pouvait  faire  par  jour.  L'ordre  n'était  pas  si  boa 
dans  l'empire  romain  ;  les  courriers  élnient  réduits  i 
contraindre  1rs  villes  nu  les  particuliers  à  leur  four- 
nir des  chevaux.  Ce  fut  l'empereur  Adrien  qui  dé- 
chargea te  peuple  de  cette  nécessité. 

46. 


LOtJ 


55.2 


XOU 


en  1469 ,  que  le  prieur  de  SorLonne  fit 
venir  des  imprimeurs  de  Mayçnce  ;  Cliar- 
les  VII  avait  déjà  tâché,  quoique  sans 
succès ,  d'introduire  cet  art  en  France. 
(  Voyez  JENSON.)  On  doit  encore  à 
FiOuis  XI  Rozier  des  guerres ,  Paris  (  vers 
1521),  in-4°;  ibid. ,  1616,  in-8°.  {Voyez 
le  Dictionnaire  des  anonymes  ^  n"'  2178  , 
16,706  et  16,707.  Voyez  sur  le  règne  de  ce 
prince  les  Mémoires  de  Philippe  de  Com- 
viines;  la  Chronique  scandaleuse  par 
Jean  de  Troyes  ;  Rerum  gallicarum  com- 
mentarii  ab  amto  \kGl  ad  aimum  1480,  de 
Beaucaire  ;  V Histoire  de  Louis  XI ,  par 
Duclos ,  historiographe  de  France  (Voy. 
DUCLOS).  Il  y  en  a  une  autre  par  ma- 
demoiselle de  Lussan,  en  6  vol.,  et  quel- 
ques autres  encore  qu'on  doit  lire  avec 
défiance.  On  doit  à  M.  Mely-Jeannin  une 
Comédie  historique  de  Louis  XI ^  jouée 
avec  succès  en  1827.  On  trouve  un  excel- 
lent portrait  de  Louis  XI  dans  le  roman 
de  Quentin  Duîivard^  par  Walter-Scott. 
LOUIS  XII ,  roi  de  France ,  naquit  à 
Blois ,  le  27  juin  1462 ,  de  Charles ,  duc 
d'Orléans ,  et  de  Marie  de  Qèves ,  et  par- 
vint à  la  couronne  en  1498 ,  après  la 
mort  de  Charles  VIII.  Louis  XI,  avant  de 
mourir  ,  avaiJ  déclaré  sa  fille  ,  madame 
de  Beauj eu,  régente  du  royaume  ,  pen- 
dant la  minorité  de  Charles  VIII.  Le  duc 
de  Bourbon  et  le  duc  d'Orléans  (depuis 
Louis  XII  )  disputèrent  l'autorité  à  la  du- 
chesse ;  mais  le  roi  ayant  été  déclaré  ma- 
jeur par  ses  états  tenus  à  Tours  ,  le  duc 
d'Orléans  n'obtint  que  la  présidence  du 
conseil  :  il  était  marié  avec  Jeanne ,  se- 
,conde  fille  du  feu  roi.  Ayant  à  subir 
[plusieurs  désagrémens  de  la  part  de  la 
régente  ,  il  quitta  la  cour  ,  suivi  de  plu- 
sieurs seigneurs,  et  se  réfugia  en  Breta- 
gne, où  il  devint  amoureux  de  la  célèbre 
Anne  de  Bretagne ,  fille  et  héritière  du 
duc  François  II.  La  princesse  de  Beaujeu 
convoqua  un  lit  de  justice ,  et  fit  déclarer 
rebelle  le  duc  d'Orléans  ,  qui  leva  bientôt 
une  armée  ;  mais  il  fut  battu  par  la  Tri- 
mouille  et  fait  prisonnier.  Trainé  de  pri- 
son en;prison,  le  duc  Louis  fut  enfermé 
à  la  tour  de  Bourges  dans  iine  cage  de 
fer  où  il  demeura  trois  ans.  Enfin  les 
prières  de  sa  femme  auprès  de  Charles 
VIII  lui  obtinrent  la  liberté.  Il  coopéra  en- 
suite, et  malgré  sa  passion,  au  mariage  de 
Charles  avec  Anne  de  Bretagne  ,  et  suivit 
ce  monarque  en  Italie,  où  il  se  distingua 
dans  Novare ,  par  sa  valeur  et  son  intel- 
ligence. A  son  retour  en  France ,  Charles 
yill  mourut ,  et  le  duc  d'Orléans  monta 


sur  le  trône  sous  le  nom  de  Louis  XII. 
Son  caractère  bienfaisant  ne  tarda  pas 
d'éclater  ;  il  soulagea  le  peuple  et  par- 
donna à  ses  ennemis.  Louis  de  la  Tri- 
mouille  l'avait  fait  prisonnier  à  la  bataille 
de  Saint- Aubin;  il  craignait  son  ressen- 
timent ;  il  fut  rassuré  par  ces  belles  pa- 
roles, a  Ce  n'est  point  au  roi  de  France  à 
»  venger  les  querellas  du  duc  d'Orléans.  » 
Epris  de  l'esprit  de  conquête ,  il  jeta  ses 
vues  sur  le  Milanais,  sur  lequel  il  préten- 
dait avoir  des  droits  par  son  aïeule  Va- 
lenline  ,  sœur  unique  du  dernier  duc  de 
la  famille  des  Visconti.  Ludovic  Sforce 
en  était  possesseur.  Le  roi  envoya  une 
armée  contre  lui  en  1499 .  et  en  moins  de 
vingt  jours  le  Milanais  fut  à  lui.  Il  fit  son 
entrée  dans  la  capitale  le  6  octobre  de  la 
même  année;  mais,  par  une  de  ces  révo- 
lutions ordinaires  dans  les  guerres  d'I- 
talie ,  le  vaincu  rentra  dans  son  pays , 
d'où  on  l'avait  chassé ,  et  recouvra  plu- 
sieurs places.  Sforce  ,  dans  ce  rétablisse- 
ment passager ,  payait  un  ducat  d'or  pour 
ciiaque  tête  de  Français  qu'on  lui  appor- 
tait. Louis  XII  fit  un  nouvel  effort  ;  il  ren- 
voya Louis  de  la  Trimouille ,  qui  recon- 
quit le  Milanais.  Les  Suisses  qui  gardaient 
Sforce  le  livrèrent  au  vainqueur.  Maître 
du  Milanais  et  de  Gènes ,  le  roi  de  France 
voulut  avoir  Naples  ;  il  s'unit  avec  Fer- 
dinand le  Catholique  pour  s'en  emparer. 
Celte  conquête  fut  faite  en  moins  de  qua- 
tre mois  ,  l'an  1301.  Frédéric  ,  roi  de  Na- 
ples, se  remit  entre  les  mains  de  Louis  XII, 
qui  l'envoya  en  France  avec  une  pension 
de  120,000  livres  de  notre  monnaie  d'au- 
jourd'hui. A  peine  Naples  fut-il  conquis, 
que  Ferdinand  le  Catholique  s'unit  avec 
Alexandre  VI  pour  en  chasser  les  Fran- 
çais. Se«  troupes,  conduites  par  Gonzalve 
de  Cordoue ,  qui  mérita  si  bien  le  titra 
de  grand  capitaine^  s'emparèrent  en 
1305  de  tout  le  royaume,  après  avoir 
gagné  les  batailles  de  Séminara  et  de  Cé- 
rignole.  Cette  guerre  finit  par  un  traité 
honteux,  en  1505.  Le  roi  y  promettait  la 
seule  fille  qu'il  eût  d'Anne  de  Bretagne 
au  petit-fils  de  Ferdinand  ,  à  ce  prince  de- 
puis si  terrible  à  la  France  sous  le  nom 
de  Charles-Quint.  Sa  dot  devait  être  com- 
posée de  la  Bourgogne,et  de  la  Bretagne, 
et  on  abandonnait  Milan  et  Gènes,  sur 
lesquels  on  cédait  ses  droits.  Ces  condi- 
tions parurent  si  onéreuses  aux  états  as- 
semblés à  Tours  en  1506 ,  qu'ils  arrêtè- 
rent que  ce  mariage  ne  se  ferait  point. 
Les  Génois  se  révoltèrent  la  même  année 
contre  Louis  XII.  Il  repassa  les  monts, 


LOU 


543 


tou 


îes  défit,  entra  dans  leur  ville  en  vain- 
queur ,  et  leur  pardonna.  L'année  1508 
fut  remarquable  par  la  ligue  de  Cambrai, 
formée  par  JULES  IL  (  Voyez  l'arlicle  de 
ce  ponlife. )  Le  roi  de  France  y  entra, 
et  défit  les  Vénitiens  à  la  bataille  d'Ai- 
gnadel ,  lo  14  mai  1509.  La  prise  de  Cré- 
mone ,  de  Padoue  et  de  plusieurs  autres 
places,  fut  le  fruit  de  cette  victoire.  Jules 
il ,  qui  avait  obtenu  parles  armes  de  Louis 
XII  à  peu  près  ce  qu'il  voulait,  n'avait  plus 
d'autre  crainte  que  celle  de  voir  les  Fran- 
çais en  Italie.  Il  se  ligua  contre  eux.  Le 
jeune  Gaston  de  Foix ,  duc  de  Nemours  , 
repoussa  une  armée  de  Suisses ,  prit  Bo- 
logne ,  et  gagna ,  en  151 1 ,  la  bataille  de 
ilavenue ,  où  il  perdit  la  vie.  La  gloire 
»îes  armes  françaises  ne  se  soutint  pas  ; 
le  roi  était  éloigné ,  les  ordres  arrivaient 
trop  tard,  et  quelquefois  se  contredisaient. 
Son  économie  ,  quand  il  fallait  prodiguer 
l'or,  donnait  peu  d'émulation.  L'ordre  et 
la  discipline  étaient  inconnus  parmi  les 
troupes.  En  moins  de  trois  mois,  les 
Français  furent  forcés  de  sortir  de  l'I- 
talie. Le  maréchal  Trivulce ,  qui  les 
commandait ,  abandonna ,  l'une  après 
l'autre ,  les  villes  qu'ils  avaient  prises ,  du 
fond  de  la  Romagne  aux  confins  de  Savoie. 
Louis  XII  eut  la  mortification  de  voir 
établir  dans  Milan,  par  les  Suisses,  le 
jeune  Maximilien  Sfoxce,  fils  du  duc, 
mort  prisonnier  dans  ses  états.  Gênes,  où 
il  avait  étalé  la  pompe  d'un  roi  asiatique, 
reprit  sa  liberté  et  chassa  les  Français. 
Elle  fut  soumise  de  nouveau  ;  mais  la  perte 
de  la  bataille  de  Novare ,  gagnée  par  les 
Suisses  contre  la  Trimouille,  le  6  juin 
1513,  fut  l'époque  de  la  totale  expulsion 
des  Français.  L'empereur  Maximilien, 
Henri  VIII  et  les  Suisses^  attaquèrent  à  la 
fois  la  France.  Les  Anglais  mirent  le  siège 
devant  Térouane,  qu'ils  prirent  après  la 
journée  de  Guinegate,  dite  la  Journée 
des  éperons,  où  le-s  troupes  françaises 
furent  mises  en  déroute  sans  presque  li- 
vrer de  combat.  La  prise  de  Tournai  sui- 
vit celle  de  Térouane.  Les  Suisses  assié- 
gèrent Dijon ,  et  ne  purent  être  renvoyés 
qu'avec  20,000  écus  comptant ,  une  pro- 
messe de  i.OOO  ,  et  sept  otages  qui  en  ré- 
pondaient. Louis  XII,  battu  de  tous  côtés, 
a  recours  aux  négociations;  il  fait  un 
traité  avec  Léon  X ,  renonce  au  concilia- 
bule de  Pise ,  et  reconnaît  le  concile  de 
Latran  ;  il  fait  un  autre  traité  avec 
Henri  VIII,  et  épouse  sa  sœur  Marie, 
pour  laquelle  il  donne  un  million  d'écus. 
Il  avait  alors  53  ans,  et  était  d'une  santé 


fort  délicate.  Il  mourut  au  bout  de  deux 
mois  de  mariage,  en  1515.  Si  Louis  XII 
fut  malheureux  au  dehors  de  son  royaume, 
il  fut  heureux  au  dedans.  On  ne  peut  re- 
procher à  ce  roi  que  la  vente  des  charges. 
Il  en  tira  en  dix-sept  années  la  somme  de 
1,200,000  livres  dans  le  seul  diocèse  de 
Paris  ;  mais  les  tailles  et  les  aides  fu- 
rent modiques.  Il  aurait  été  plus  loué  si . 
en  imposant  des  tributs  nécessaires ,  il  eût 
conservé  l'Italie,  ou  plutôt  si,  renonçant 
à  des  conquêtes  lointaines,  incertaine» 
et  peu  justes,  il  avait  épargné  le  sang  de 
ses  sujets,  et  donné  ses  soins  à  la  bonne 
administration  d'un  beau  et  grand  royau- 
me ,  qui  pouvait  suffire  à  son  ambition. 
Mais  on  peut  en  quelque  sorte  pardonner 
ses  fautes  ,  en  faveur  de  ses  qualités  pré- 
cieuses de  bon  roi ,  de  prince  humain  et 
équitable.  Lorsqu'il  allait  à  la  guerre,  il 
se  faisait  suivre  de  quelques  hommes 
vertueux  et  éclairés,  chargés,  même  en 
pays  ennemi ,  d'empêcher  le  désordre  et 
de  réparer  le  dommage  lorsqu'il  avait  été 
fait.  Ces  principes  de  probité  furent  sur- 
tout remarqués  après  la  prise  de  Gènes  , 
qui  avait  secoué  le  joug  de  la  France. 
Son  avant-garde  ayant  pillé  quelques 
maisons  du  faubourg  Saint-Pierre  d'A- 
rena ,  le  prince  ,  quoique  personne  ne  se 
plaignit ,  y  envoya  des  gens  de  confiance 
pour  examiner  à  quoi  se  pouvait  monter 
la  perte ,  et  fit  donner  ensuite  de  l'argent 
pour  payer  la  valeur  de  ce  qui  avait  été 
pris.  L'Alviane,  général  des  Vénitiens, 
ayant  été  pris  à  la  bataille  d'Aignadel,  fut 
conduit  au  camp  français  ,  où  on  le  traita 
avec  toute  la  distinction  possible.  Ce  gé- 
néral ,  plus  aigri  par  l'humiliation  de  sa 
défaite ,  que  touché  de  l'humanité  de  son 
vainqueur,  ne  répondit  aux  démonstra- 
tions les  plus  consolantes ,  que  par  une 
fierté  brusque  et  dédaigneuse.  Louis  se 
contenta  de  le  renvoyer  au  quartier  où 
l'on  gardait  les  prisonniers.  «  Il  vaut 
»  mieux  le  laisser,  dit-il  ;  je  m'emporterais, 
»  et  j'en  serais  fâché.  Je  l'ai  vaincu ,  il 
»  faut  me  vaincre  moi-même.  »  Cepen- 
dant il  avait  quelquefois  des  accès  de  co- 
lère où  il  n'était  plus  maître  de  lui-même, 
et  n'écoutait  plus  que  la  fougue  de  cette 
passion  aveugle.  {Voyez  JULES  II.)  Son 
édit  de  1499  a  rendu  sa  mémoire  chère  à 
tous  ceux  qui  administrent  la  justice  et  a 
ceux  qui  l'aiment.  Il  ordonne  par  cet  édit 
qu'on  suive  toujours  la  loi,'  malgré  les 
ordres  contraires  que  Viriiportunilé  pour' 
rait  arracher  du  monarque.  Louis  XII  fut 
le  premier  des  rois  qui  mil  le  laboureur  à 


LOU  5 

rouvert  de  la  rapacité  du  soldat ,  et  qui  fit 
punir  de  mort  les  gens-d'armes  qui  ran- 
çonnaient le  paysan.  Les  troupes  ne  fu- 
ient plus  le  fléau  des  provinces  ;  et  loin 
de  vouloir  les  en  éloigner ,  les  peuples 
les  demandèrent.  Il  était  affable  ,  doux  , 
raressant;  il  égayait  la  conversation 
par  des,  bons  mots,  plaisans  sans  être 
malins.  On  lui  reproche  avec  raison  d'a- 
voir répudié  la  reine  Jeanne  ,  après  un 
long  mariage  ,  quoique  le  pape  Alexandre 
VI  ait  paru  admettre  ses  raisons  de  nul- 
lité. (  Voyez  JEANNE  DE  FRANCE.  )  On 
a  imprimé  ses  Ze«rtf5  au  cardinal  d'Am- 
boise  ,  Bruxelles,  1712,  4  vol.  in-12.  Louis 
XII  a  eu  un  grand  nombre  d'historiens. 
On  peut  consulter  Saint-Gelais  ^  Jean 
(l'^uton^  les  Louanges  de  Louis  XII ^ 
par  Cl.  Seyssel .  Philippe  de  Comniines^ 
Cuichardin  ^  3Iéinoire  de  la  Trimouille , 
de  Bayardj  etc.,  l'Histoire  de  la  ligue 
de  Cambrai  par  Dubos  ;  l'Histoire  de 
Louis  XII  jyar  Varillas  ,  1688 ,  in-i", 
ou  3  vol.  in-12 ,  à  laquelle  on  préfère  la 
Vie  de  ce  prince  par  l'abbé  Tailhé,  Paris, 
175S,  3  vol.  in-12.  M.  Rœderer  a  publié  : 
Mémoires  pour  servir  à  une  nouvelle  his- 
toire de  Louis  XII ^  Paris,  1820,  in -8°; 
cet  ouvrage  a  été  réimprimé  en  1826 , 
sous  le  titre  suivant  Louis  XII  et  Fran- 
çois r"",  ou  Mémoires  pour  servir  à  l'his- 
toire de  leurrègne^  2  vol.  in-8°.  Louis  XII 
avait  pris  pour  devise  le  porc-épic  avec 
ces  mots  :  Cominus  et  e minus  ^  qui  en 
étaient  Tàme.  L'académie  française  ayant 
proposé  en  1787,  pour  prix,  l'éloge  de 
Louis  XII ,  la  mémoire  de  ce  prince  fat 
barbouillée  par  tous  les  lieux  communs 
du  philosophisme  ;  il  n'y  eut  qu'une  pièce 
écrite  d'une  manière  digne  de  la  vérité  et 
de  l'histoire,  et  ce  ne  fut  pas  celle  que 
l'académie  couronna. 

LOUIS  XIII,  surnommé  le  Juste  ^  né 
à  Fontainebleau  le  27  septembre  IGOl,  de 
Henri  IV  et  de  Marie  de  Médicis,  monta 
sur  le  trône  en  1610 ,  après  l'assassinat 
de  son  père  ,  sous  la  tutelle  et  la  régence 
«le  sa  mère.  Cette  princesse  changea  le 
système  politique  du  règne  précédent,  et 
dépensa  en  profusions ,  pour  acquérir  des 
rréalures ,  ce  que  Henri  le  Grand  avait 
amassé  pour  rendre  sa  nation  puissante. 
Les  troupes  à  la  tête  desquelles  il  se  dis- 
posait à  combattre,  furent  licenciées; 
son  lidèle  ministre ,  son  ami ,  Sulli ,  se 
retira  de  la  cour  ;  l'état  perdit  sa  considé- 
ration au  ^chors  et  sa  tranquillité  au  de- 
dans. Les  princes  du  sang  et  les  grands 
teigueurs  ,  le  maréchal  de  Bouillon  à  leur 


/i4  LOU 

tête,  remplirent  la  France  de  factions.  On 
apaisa  les  mécontens  par  le  traité  de 
Sainte-Ménehould ,  le  15  mai  1614;  on 
leur  accorda  tout,  et  ils  se  soumirent 
pour  quelque  temps.  Le  roi,  ayant  élé  dé- 
claré majeur  le  2  octobre  de  la  même  année, 
convoqua  le  27  les  états-généraux.  Le  ré- 
sultat de  celte  assemblée  fut  de  parler 
beaucoup  d'abus,  de  disserter  sur  les 
maux  publics,  sans  remédier  presqu'à 
aucun.  La  France  resta  dans  le  trouble  , 
gouvernée  par  le  Florentin  Concini,  connu 
sous  le  nom  de  maréchal  d' Ancre.  (  Voy. 
ce  nom.  )  Cet  homme  obscur  ,  parvenu 
tout  à  coup  au  faite  de  la  grandeur  ,  dis- 
posa de  tout  en  ministre  despotique  ,  (  t 
fit  de  nouveaux  mécontens.  Henri  II, 
prince  de  Condé ,  se  retire  encore  de  la 
cour,  publie  un  manifeste  sanglant,  se 
ligue  avec  les  huguenots,  toujours  prêts 
à  prendre  les  armes.  Ces  troubles  n'em- 
pêchèrent point  le  roi  d'aller  à  Bordeaux, 
où  il  épousa  Anne  d'Autriche ,  infante 
d'Espagne.  Cependant  il  avait  armé  con- 
tre les  rebelles;  ces  préparatifs  et  des 
combats  partiels  n'ayant  aucun  résultat 
définitif,  on  eut  recours  aux  négocia- 
tions. Le  roi  conclut  avec  Condé  la  paix 
à  Loudun  en  1615  ;  mais  apprenant  qu'il 
tramait  de  nouveaux  projets,  il  le  fit 
mettre  à  la  Bastille  peu  de  temps  après. 
Les  princes ,  à  la  nouvelle  de  cet  empri- 
sonnement, se  préparèrent  à  la  guerre; 
ils  la  firent  avec  peu  de  succès,  et  elle 
linit  tout  à  coup  par  la  mort  du  maréchal 
d'Ancre.  Le  roi ,  mécontent  de  la  dépen- 
dance où  son  ministre  le  tenait ,  el  con- 
duit par  les  conseils  de  Luynes  son  favori, 
consentit  à  l'emprisonnement  de  Concini. 
Vitry ,  chargé  de  l'ordre  ,  voulut  l'exécu- 
ter ;  et  sur  la  résistance  du  maréchal ,  il 
le  tua  sur  le  pont  du  Louvre  ,  le  24  octo- 
bre 1617.  L'éloignement  de  Marie  de  Mé- 
dicis ,  reléguée  à  Blois ,  suivit  ce  meur- 
tre. Le  duc  d'Epernon  ,  qui  lui  avait  fait 
donner  la  régence  ,  alla  la  tirer  de  celle 
ville ,  et  la  mena  dans  ses  terres  à  An- 
goulème.  On  l'avait  haïe  toute-puissante, 
on  l'aima  malheureuse.  Louis  XIII,  voyant 
les  dispositions  du  peuple  ,  chercha  à  se 
raccommoder  avec  sa  mère  ,  et  y  réussit 
par  le  moyen  de  l'évéque  de  Luçon ,  si 
connu  et  si  craint  depuis  sous  le  nom  de 
cardinal  de  Richelieu.  La  paix  se  fit  à 
Angoulême  en  1619  ;  mais  à  peine  fut-elle 
signée ,  qu'on  pensa  à  la  violer.  La  reine, 
conseillée  par  l'évcque  de  Luçon ,  qui 
voulait  faire  acheter  sa  médiation  ,  prit 
de  nouveau  les  armes  ;  mais  elle  fut  obli- 


I 


LOU 


S43 


LOI! 


gée  de  les  quitter  bientôt  après.  Le  roi, 
après  s'être  montré  dans  la  Normandie 
pour  apaiser  les  mécontens  ,  passa  à  An- 
(jers,  où  sa  mère  s'était  retirée,  et  la 
força  à  se  soumettre.  La  mère  et  le  fils 
en  se  voyant  à  Brissac  versèrent  des  lar- 
mes ,  et  se  brouillèrent  ensuite  plus  que 
jamais.  La  nomination  de  Richelieu  au 
cardinalat  fut  le  seul  fruit  de  ce  traité. 
Louis  XIII  réunit  le  Béarn  à  la  couronne 
par  un  édit  solennel.  Cet  édit,  donné  en 
1620 ,  restituait  aux  catholiques  les  églises 
dont  les  protestans  s'étaient  emparés,  et 
érigeait  en  parlement  le  conseil  de  cette 
province.  Ce  fut  l'époque  des  troubles 
que  les  huguenots  excitèrent  sous  ce 
règne.  Rohan  et  Soubise  furent  les  chefs 
des  factieux.  Le  projet  des  calvinistes  était 
de  faire  de  la  France  une  république  ;  ils 
!a  divisèrent  en  huit  cercles,  dont  ils 
comptaient  donner  le  gouvernement  à 
des  seigneurs  de  leur  parti.  Ils  offrirent 
à  Lesdiguières  le  commandement  de 
leurs  armées  et  100,000  écus  par  mois  ; 
Lesdiguières  aima  mieux  les  combattre, 
et  fut  fait  maréchal  général  des  armées 
du  roi.  Luynes,  devenu  connétable,  mar- 
cha contre  les  rebelles  vers  la  Loire,  en 
Poitou ,  en  Béarn  ,  dans  les  provinces 
méridionales.  Le  roi  était  à  la  tête  de 
cette  armée.  Presque  toutes  les  villes  lui 
ouvrirent  leurs  portes  ;  il  soumit  plus  de 
.'JO  places.  Ses  armes,  victorieuses  dans 
tout  le  royaume  ,  échouèrent  devant  Mon- 
tauban,  défendu  par  le  marquis  de  la 
Force  ;  le  roi  fut  obligé  de  lever  le  siège , 
quoiqu'il  y  eût  mené  six  maréchaux  de 
France.  Le  nombre  des  chefs  fut  nuisible 
par  le  défaut  de  subordination.  Luynes 
étant  mort  le  13  décembre  de  la  même 
année  162i  ,  Louis  XIII  n'en  continua  pas 
moins  la  guerre.  Les  avantages  elles  dés- 
avantages furent  réciproques  de  part 
et  d'autre.  Le  roi  donna  une  grande  mar- 
que de  courage  en  Poitou,  lorsqu'à  mi- 
nuit à  la  tète  de  ses  gardes,  i.l  passa  dans 
i'île  de  Riez  (que  quelques  auteurs  ont 
rnal  à  propos  confondue  avecl'ile  de  Ré), 
et  en  chassa  Soubise  ,  après  avoir  défait 
les  troupes  qui  défendaient  ce  poste.  Il 
ne  se  signala  pas  moins  au  siège  de  Royan 
en  Sainlonge  ;  il  monta  trois  ou  quatre 
fois  sur  la  banquette  pour  reconnaître  la 
place,  avec  danger  évident  de  sa  vie.  Ce- 
pendant les  huguenots  se  lassaient  de  la 
guerre  ;  on  leur  donna  la  paix  en  1G23. 
Pendant  celle  courte  paix ,  Louis  XIII 
rétablit  la  tranquillité  dans  la  Vallelinc 
en  iG24 ,  et  secourut  eu  1625  le  duc  de 


Savoie  contre  les.  Génois.  Les  troupes 
françaises  et  les  piémontaises  firent  quel- 
ques conquêtes  ,  qu'elles  perdirent  près  - 
qu'aussitôt.  Les  huguenots  ,  toujours  in- 
quiets et  rebelles,  avaient  recommencé 
la  guerre,  continuant  à  vérifier  le  mot  de 
Chai-les  IX  :  «  D'abord  vous  ne  deman- 
»  diez  qu'une  petite  liberté ,  bientôt  vous 
»  voudrez  être  les  maîtres  et  nous  chasse  i 
»  du  royaume.  »  La  Rochelle ,  le  boule- 
vard des  calvinistes  ,  reprend  les  armes, 
et  est  secondée  par  l'Angleterre.  Les  vais- 
seaux anglais  furent  vaincus  près  de  l'île 
de  Ré;  et  cette  île,  dont  les  rebelles  s'é- 
taient rendus  maîtres ,  fut  de  nouveau  à 
la  France.  Richelieu  méditait  un  coup 
plus  important,  la  prise  de  la  Rochelle 
même.  Une  femme  (c'était  la  mère  du 
duc  de  Rohan ,  chef  des  hérétiques  ré- 
voltés) défendit  cette  ville  pendant  un  an 
contre  l'armée  royale,  contre  l' activité 
du  cardinal  de  Richelieu  et  contre  l'in- 
Irépiditè  de  Louis  XIII,  qui  affronta  plus 
d'une  fois  la  mort  à  ce  siège.  La  ville  se 
rendit  enfin  le  28  octobre  4628,  aprè* 
avoir  souffert  toutes  les  extrémités  de  lu 
famine.  On  obtint  la  reddition  do  celle 
place  par  une  digue  de  747  toises  de  long, 
que  le  cardinal  fit  construire,  à  l'exemple 
de  celle  qu'Alexandre  le  Grand  fil  autre- 
fois élever  devant  Tyr  ,  et  Alexandre  de 
Parme  devant  Anvers.  Cette  digue  dompta 
la  mer ,  la  flotte  anglaise  et  les  Rochel- 
lois.  (  royez  GUITON  et  flIÉTEZEAU.  ) 
Les  Anglais  travaillèrent  en  vain  à  la 
forcer  ;  ils  furent  obligés  de  retourner  en 
Angleterre ,  et  le  roi  entra  enfin  dans  la 
ville  rebelle,  qui  depuis  Louis  XI  jus-, 
qu'à  Louis  XIII ,  avait  été  armée  contre 
ses  maîtres.  Ce  dernier  siège  coûta  40  mil- 
lions. Les  fortifications  furent  démolies, 
les  fossés  comblés ,  les  privilèges  de  la 
ville  anéantis ,  et  la  religion  catholique 
rétablie.  Les  philosophisles  de  nos  jours 
déclament  contre  cette  expédition  ,  deve- 
nue indispensable  au  repos  du  royauine. 
Un  écrivain  judicieux  et  équitable  a,  ré- 
futé leurs  déclamations,  en  s'adressant 
aux  huguenots  eux-mêmes,  a  Les  temples 
»  sont  profanés,  dit-il,  les  choses  saintes 
j>  outragées  et  brûlées  ,  l'asile  des  cloîtres 
»  violé ,  les  vierges  saintes  sont  déshono  - 
»rées,  l'autel  est  ébranlé,  le  trône  lui- 
»  même  est  menacé.  De  sourdes  conspi- 
»  rations  ont  été  découvertes,  et  la  révolte 
»  a  éclaté.  Il  est  temps  de  mettre  fin  a 
»  tant  d'excès  ;  trop  long-temps  on  les  a 
B  dissimulés.  C'est  par  l'impunité  que 
r  s'est  accrue  votre  audace.  Contre  de* 
k'6. 


LOU 

*  muux  aussi  grands ,  il  faut  employer 
»  des  remèdes  violens.  Subissez ,  il  en  est 
»  temps  ,  la  peine  due  à  tant  d'attentats; 
»  et  qu'an  exemple ,  terrible  mais  néces- 
»  saire ,  arrête  enfin  les  progrès  du  mal 
f  qui  ne  pourra  s'accroître  sans  entraîner 
»  la  ruine  entière  ,  non  pas  de  l'Eglise 
»  seulement ,  mais  de  l'état  entier.  Ce- 
»  pendant  vous  pouvez  encore  éviter  le 

•  cliâliment.  Si  nous  armons  contre  vous 
»  des  soldats  pour  arrêter  et  punir  vos 
>  excès,  nous  vous  envoyons  des  rnission- 
»  naires  zélés  pour  éclairer  vos  conscien- 
»  ces.  Ouvrez  les  yeux  à  la  vérité  ;  ab- 
»  jurez  vos  erreurs  ;  rentrez  dans  le  sein 
»  de  l'Eglise  ,  et  vous  nous  verrez  oublier 
»  vos  fureurs  passées  ,  et  vous  embrasser 
f  comme  des  frères.  Croyez ,  au  fond  du 
»  cœur,  tout  ce  qu'il  vous  plaira  ;  coiifor- 
»  mez-vous  seulement  à  l'extérieur,  au 
»  euUe  dominant.  En  introduire  un  autre, 
»  c'est  troubler  l'harmonie  et  la  tranquil- 
»  lité  de  l'état.  Nous  avons  la  possession 
»  et  la  vérité  pour  nous;  et  si  vous  per- 
»  sistez  à  vouloir  nous  dépouiller  ,  n'esl-il 
»  pas  juste  que  nous  songions  enfin  à 
»  nous  défendre ,  et  à  repousser  la  force 
>•  par  la  force  ?»  La  prise  de  la  Rochelle 
fut  suivie  d'un  édit  appelé  Védt't  de  grâce  ^ 
dans  lequel  le  roi  parla  en  souverain  qui 
pardonne.  Après  cet  événement,  si  fu- 
neste au  calvinisme  et  si  heureux  pour  la 
France ,  le  roi  partit  et  alla  secourir  le 
duc  de  Ne  vers ,  nouveau  duc  de  Mantoue, 
contre  l'empereur  qui  lui  refusait  l'inves- 
titure de  ce  duché.  Arrivé  en  Piémont , 
il  força  le  Pas  de  Suze  en  IC29  ,  ayant 
sous  lui  les  maréchaux  de  Créqui  et  de 
Kassompierre  ;  battit  le  duc  de  Savoie,  et 
s  i,<îna  un  traité  à  Suze,  par  lequel  ce  prince 
lui  remit  cette  ville  pour  sûreté  de  ses 
t-ngagemens.  Louis  XllI  fil  ensuite  lever 
le  siège  de  Casai,  et  mit  son  allié  en  pos- 
session de  son  état.  Le  duc  de  Savoie 
n'ayant  rien  exécuté  du  traité  de  Suze  , 
la  guerre  se  renouvela  en  Savoie,  en  Pié- 
mont et  dans  le  reste  de  l'Italie.  Le  mar- 
«{uis  de  Spinola  occupait  le  Monlferrat, 
avec  une  armée  espagnole.  Le  cardinal 
de  Richelieu  voulut  le  combattre  lui- 
nicme  ,  et  le  roi  le  suivit  bientôt  après. 
L'armée  française  s'empare  de  Pigrterol 
et  de  Chambéry  en  deux  jours  ;  le  duc  de 
Montmorency  remporte  avec  peu  de  trou- 
pes une  victoire  au  combat  de  Veillane 
sur  les  Impériaux  ,  les  Espagnols  et  les 
Savoisiens  réunis,  en  juillet  IGôO.  La 
même  armée  défit,  peu  de  temps  après, 
les  Espagnols  au  pont  de  Carignan,  et 


546  LOU 

délivra  Casai.  Ces  succès  amenèrent  le 
traité  de  Quérasque ,  conclu  en  1651 ,  et 
ménagé  par  Mazarin ,  depuis  cardinal 
Le  duc  de  Nevers  fut  confirmé ,  par  ce 
traité,  dans  la  possession  de  ses  états. 
Louis  XIII  et  Richelieu,  de  retour  à  Pa- 
ris ,  y  trouvèrent  beaucoup  plus  d'intri- 
gues qu'il  n'y  en  avait  en  Italie ,  entre 
l'Empire  ,  l'Espagne,  Rome  et  la  France. 
Gaston  d'Orléans  ,  frère  unique  du  roi ,  et 
la  reine-mère ,  tous  deux  méconlens  et 
jaloux  du  cardinal ,  se  retirèrent ,  l'un  en 
Lorraine  et  l'autre  à  Bruxelles.  Se  voyant 
sans  ressource  eu  Lorraine,  Gaston  porta 
le  malheur  qui  l'accompagnait  en  Lan- 
guedoc, dont  le  duc  de  Montmorency 
était  gouverneur.  Montmorency,  engagé 
dans  sa  révolte,  fut  blessé  et  fait  prison- 
nier à  la  rencontre  de  Castelnaudari ,  le 
1"  septembre  1631.  Le  moment  de  la 
prise  de  ce  général  fut  celui  du  découra- 
gement de  Gaston  et  de  tout  son  parti.  Le 
procès  fut  fait  au  prisonnier  selon  la  ri- 
gueur deç  lois  ,  et ,  le  50  octobre  suivant, 
il  eut  la  tête  tranchée  à  Toulouse ,  sans 
qtie  le  souvenir  de  ses  victoires  pût  le 
sauver.  Gaston,  toujours  fugitif,  avait 
passé  du  Languedoc  à  Bruxelles  ,  et  de 
Bruxelles  en  Lorraine.  Le  duc  Charles  IV 
fut  la  victime  de  sa  complaisance  pour 
lui.  Le  roi  réunit  le  ducbé  de  Bar  à  la 
couronne  ;  il  s'empara  de  Lunéville  et  de 
Nancy  en  1655 ,  et  l'année  suivante  de 
tout  le  duché.  Gaston  ayant  fait  cette  an- 
née un  traité  avec  l'Espagne ,  fut  invité 
à  se  réconcilier  avec  le  roi ,  et  accepta  la 
paix  qu'on  lui  offrit.  Les  Espagnols,  irri- 
tés contre  la  F'rance ,  qui  protégeait  ou- 
vertement la  révolte  des  Hollandais,  sur- 
prirent Trêves  le  26  mars  1633 ,  égorgè- 
rent la  garnison  française  ,  et  arrêtèrent 
prisonnier  l'électeur ,  qui  s'était  mis  sous 
la  protection  du  monarque  français,  au 
mépris  de  ce  qu'il  devait  à  l'empereur  et 
au  corps  germanique.  La  guerre  fut  aus- 
sitôt déclarée  à  l'Espagne  ;  il  y  eut  un 
ligue  offensive  et  défensive  entre  la 
France ,  la  Savoie  et  le  duc  de  Parme 
Victor-Amédée  en  fut  fait  capitaine  géné- 
ral. Les  événemens  de  cette  nouvelle 
guerre  ,  qui  dura  13  ans  contre  l'empe- 
reur ,  etSo  contre  l'Espagne ,  furent  mêlés 
de  bons  et  de  mauvais  succès.  L'alliance 
que  fit  le  roi  avec  les  Suédois  et  les  pro- 
testans  d'Allemagne  porta,  contre  ses  in- 
tentions ,  un  grand  coup  à  la  religion  ca- 
tholique. On  se  battit  en  Alsace  ,  en  Lor- 
raine ,  en  Franche-€omlé  et  en  Provence, 
où  les  Espagnols  avaient  fait  une  des- 


LOU 


5/1.7 


LOU 


ccnle.  Le  duc  de  Rolian  les  défit  siu*  les 
bords  du  lac  de  Cosme  le  8  avril  1G36  ; 
mais  d'un  autre  côté  ils  prenaient  Corbie. 
Cet  échec  met  l'effroi  dans  Paris  ;  on  y 
lève  20,000  hommes  ,  laquais  pour  la  plu- 
part ou  apprentis.  Le  roi  s'avance  en  Pi- 
cardie ,  et  donne  au  duc  d'Orléans  la 
lieutenance  générale  de  son  armée,  forte 
(le  50,000  hommes.  Les  Espagnols  furent 
obKgés  de  repasser  la  Somme  ;  et  les  Im- 
périaux qui  avaient  pénétré  en  Bourgo- 
gne se  virent  repoussés  jusqu'au  Rliin 
par  le  cardinal  de  la  Valette  et  parle  duc 
de  Weimar ,  avec  perte  de  près  de  8,000 
hommes.  L'année  suivante,  1637,  fut  en- 
core plus  favorable  à  la  France.  Le  comte 
d'Harcourt  reprit  les  îles  de  Lérins ,  que 
les  Espagnols  occupaient  depuis  deux  ans. 
Le  maréchal  de  Schomberg  les  battit  en 
Roussillon ,  le  duc  de  Savoie  cl  le  maré- 
chal de  Créqui ,  en  Italie  ,  tandis  que  le 
cardinal  de  la  Valette  prenait  Landrecies 
et  la  Chapelle,  le  maréchal  de  Châlillon 
Yvoi  et  DamvIUiers ,  et  que  le  duc  de 
Weimar  battait  les  Lorrains.  Ce  général 
soutint  la  gloire  des  armes  françaises  en 
1638.  Il  gagna  une  bataille  complète,  dans 
laquelle  il  fit  quatre  généraux  de  l'empe- 
reur prisonniers  ,  entre  autres  le  fameux 
Jean  de  Wert.  Louis  XIII  eut  l'année  sui- 
vante, 1639,  six  armées  sur  pied,  l'une 
vers  les  Pays-Bas ,  une  autre  vers  le 
Luxembourg ,  la  troisième  sur  les  fron- 
tières de  Champagne  ,  la  quatrième  en 
Languedoc,  la  cinquième  en  Italie,  la 
sixième  en  Piémont.  Celle  de  Luxem- 
bourg, commandée  par  le  marquis  de 
Feuquières,  qui  assiégeait  Thionville, 
fut  défaite  par  PIccolominl.  La  fin  de  l'an- 
née 1640  fut  plus  heureuse  :  la  France  fit 
naître  une  révolte  en  Catalogne ,  et  en- 
vahit cette  province.  Cependant  le  Por- 
tugal s'était  révolté  contre  l'Espagne ,  et 
avait  donné  le  sceptre  au  duc  de  Bra- 
gance.  On  négociait  toujours  en  faisant  la 
juerre  ;  elle  était  au  dedans  et  au  dehors 
le  la  France.  Le  comte  de  Soissons,  in- 
quiété i)ar  le  cardinal  de  Richelieu,  signa 
un  traité  avec  l'Espagne,  et  fit  des  rebelles 
dans  le  royaume;  Il  remporta,  le  6  juillet 
1641  ,  à  la  Marféc ,  près  de  Sedan,  une 
victoire  qui  aurait  été  funeste  au  cardi- 
nal, si  le  vainqueur  n'y  avait  trouvé  la 
mort.  Le  maréchal  de  la  Meilleraie  et  le 
maréchal  de  Brézé  eurent  quelques  suc- 
cès en  Allemaijne.  La  guerre  y  fut  conti- 
nuée eu  1G4;2  avec  désavantage  ;  mais  on 
fut  plus  heureux  ailleurs.  La  Meilleraie 
fit    la   conquête   du  Roussillon.    Tandis 


qu'on  enlevait  celle  province  à  la  maison 
d'Autriche  ,  il  se  formait  une  conspira- 
tion contre  le  cardinal.  Pendant  ces  intri- 
gues sanglantes,  Richelieu  et  Louis  XIII, 
tous  deux  attaqués  d'une  maladie  mor- 
telle ,  étaient  près  de  descendre  au  tom- 
beau :  ils  moururent  l'un  et  l'autre ,  le, 
ministre  le  4  décembre  1642  ,  et  le  roi  le 
14  mai  1643,  dans  la  42'  année  de  son  âge, 
après  un  règne  de  53  ans,  et  à  pareil  jour 
que  Henri  IV  son  père.  Ce  fut  le  pèra 
Dinet  qui  l'assista  à  ses  derniers  momens  ; 
il  avait  été  choisi  pour  confesseur  au 
commencement  de  1645,  à  la  place  du 
savant  père  Sirmond,  que  son  âge  de  84 
ans  et  sa  surdité  rendaient  moins  propre 
à  cette  fonction.  Il  eut  ordre  de  se  f^endre 
à  St.-Germain  ,  le  mercredi  18  mars  1643. 
et  trouva  le  roi  debout,  et  occupé  à  con- 
sidérer im  grand  nombre  de  reliques 
qu'il  montra  en  détail  à  son  confesseur. 
Il  lui  fit  voir  aussi  des  livres  de  piété,  et 
parla  ensuite  de  se  confesser.  Le  lende- 
main jour  de  St.-Joseph ,  il  fit  une  con- 
fession générale ,  et  se  trouva  mieux  pen- 
dant quelques  jours.  Le  jour  de  l'Annon- 
clatioude  la  Sainte- Vierge,  Use  réconcilia, 
put  entendre  la  messe  à  genoux  dans  sa 
chapelle ,  et  communia  des  mains  de  son 
premier  confesseur  qui  l'exhorta  à  avoir 
confiance  en  Dieu.  Il  reprit  courage, 
baisa  des  médailles  pieuses ,  prononça  la 
nom  de  Jésus,  et  dit  Vin  manus...  Après 
cela  II  perdit  l'usage  de  la  parole  et  do 
l'ouïe  ,  mais  conserva  encore  quelque 
tenjps  la  connaissance ,  et  l'indiqua  par 
un  signe  qu'il  fit  à  son  confesseur.  Il 
entra  ensuite  en  agonie,  et  rendit  le 
dernier  soupir  sans  efforts,  et  presque 
sans  qu'on  s'en  aperçût.  Les  vues  de 
ce  prince  étaient  droites,  son  esprit  saga 
et  éclairé ,  ses  mœurs  pures  ;  mais  so:i 
caractère  faible  et  timide.  Il  n'eut  point 
à  se  reprocher  ces  passions  qui  désho- 
norent le  trône  d'un  si  grand  nombre 
de  princes.  «  Ses  amours,  dit  un  histo- 
»  rien  ,  étaient  purement  spirituels  d'àme 
«à  âme,  et  les  jouissances  en  étaient 
»  vierges.  Jamalsil  n'usa  de  la  moindre  11- 
n  berté  envers  les  femmes.  La  reine  ayant 
»  un  jour  reçu  un  billet,  l'attacha  à  la  ta- 
»  pisserie  de  sa  chambre ,  afin  de  ne  pas 
»  oublier  d'y  répondre.  Le  roi,  auquel  e!!e 
»  en  voulait  faire  un  mystère,  étant  eulré, 
»  elle  dit  à  mademoiselle  d'Hautefoi  t  de 
»  prendre  et  de  serrer  ce  billet  ;  ce  qu'elle 
»  fit  :  le  roi  voulut  le  lui  ôter,  et  ils  se 
B  débattirent  assez  long-temps  en  badi- 
»  nant  ;  mais  mademoiselle    d'IIautefort 


LOU 

•  ne  pouvant  plus  se  défendre ,  nait  le 
»  billet  dftDS  son  sein  ,  et  le  jeu  finit ,  le 
»  roi  n'ayant  pas  osé  porter  sa  curiosité 
»  plus  loin.  »  Louis  XIII  eut  deux  maî- 
tresses, ou  plutôt  deux  amies,  mademoi- 
selle d'Haulefort  et  mademoiselle  ta 
Fayette;  mais  ces  liaisons  étaient,  comme 
on  l'a  déjà  dit,  pures  et  dignes  de  son 
cœur.  Après  avoir  été  long-temps  éloigné 
de  la  reine ,  il  se  rapprocha  d'elle  par  un 
simple  hasard.  Mademoiselle  La  Fayette 
portant  ombrage  au  cardinal  ministre , 
celui-ci  était  parvenu  à  l'éloigner  de  la 
cour.  Elle  se  retira  au  couvent  des  Visi- 
landines  de  Paris.  Louis ,  peu  de  jours 
après,  se  trouvant  à  la  cliasse  à  Grosbois, 
s'écarta  de  sa  suite,  et  vint  seul  voir  ma- 
demoiselle La  Fayette ,  avec  laquelle  il 
s'entretint  quatre  heures.  Il  est  à  croire 
qu'elle  lui  conseilla  de  se  rapprocher  de 
la  reine.  Louis  la  quitta  fort  tard ,  et  ne 
pouvant  plus  se  rendre  à  Grosbois  ,  vint 
au  Louvre  ,  où  il  ne  trouva  pour  lui  ni 
table  ni  lit  (le  Louvre  n'était  pas  son 
habitation  ordinaire  ).  La  reine  ,  ayant 
appris  ce  qui  se  passait,  lui  proposa  à 
souper  et  à  coucher,  et  de  cette  rencon- 
tre imprévue  naquit  Louis  XIV ,  qui 
trouva  déjà  préparé  par  Richelieu  le 
grand  siècle  qui  l'a  illustré.  Il  n'imaginait 
point,  mais  îl  jugeait  bien,  et  son  mi- 
nistre ne  le  gouvernait  qu'en  le  persua- 
dant. Fils  et  père  de  deux  des  plus  grands 
rois  que  la  France  ait  eus ,  il  affermit  le 
trône  encore  ébranlé  de  Henri  IV  ,  et  pré- 
para les  merveilles  du  règne  de  Louis  XIV. 
Les  catholiques  lui  ont  reproché  les  ef- 
forts qu'il  lit  pour  maintenir  ou  rétablir 
les  protestans  d'Allemagne  contre  les  ef- 
forts de  l'empereur;  mais  des  vues  poli- 
tiques lui  cachèrent  sans  doute  dans  cette 
circonstance  les  intérêts  de  la  religion.  Il 
écrivit  au  pape  ,  qui  s'en  plaignait ,  qu'il 
était  prêt  à  abandonner  ses  alliés ,  si  l'Es- 
pagne voulait  l'aider  à  détruire  le  hugue- 
iiotisme.  Mais  est-il  vraisemblable  que 
l'Espagne  et  l'empereur  surtout  n'eussent 
pas  accepté  une  telle  offre,  si  elle  avait 
été  faite  sérieusement?  Bassompierre  di- 
sait que  sous  le  règne  de  Louis  XIII  ,  le 
litre  de  favori  était  une  charge.  Aux  des- 
jjoliques  Concini  et  Luynes  succéda  Ri- 
chelieu. Plus  puissant  que  ses  prédéces- 
seurs ,  il  fut  au  moins  utile  à  la  France. 
La  vie  de  Louis  XIII  a  été  écrite  par  Le 
Vassor  ,  le  père  Griffet ,  Dupin  ,  M.  de 
Bury  :  celle-ci  est  en  k  vol.  in-12.  Un 
protestant  publia,  en  164.5^  le  prétendu 
Codicile  de  Louis  XIII ^  o  petits   vol 


1 


548  LOU 

in-i8.  C'est  un  recueil  rempli  d'absur- 
dités ,  et  si  rare  qu'il  a  été  vendu  jusqu'à 
90  livres.  Voyez  le  Mercure  de  France  , 
septembre  4  754  ,  pag.  78  et  suiv. 

LOUIS  XIV,  né  à  Saint-Germain  en 
Laye  le  16  septembre  1658  ,  fils  de  Louis 
XIH  etd'Anne  d'Autriche,  fut  surnommé 
Dieu-Donné ,  parce  que  les  Fiançais  le 
regardèrent  comme  un  présent  du  ciel 
accordé  à  leurs  vœux ,  après  22  anS  da 
stérilité  de  la  reine.  La  gloire  de  son  rè- 
gne lui  acquit  ensuite  le  surnom  de 
Grand.  Il  parvînt  à  la  couronne  le  ik 
mai  1643  ,  sous  la  régence  d'Anne  d'Au- 
triche sa  mère.  Cette  princesse  continua 
la  guerre  contre  le  roi  d'Espagne  Philippe 
IV,  son  frère.  Le  duc  d'Enghien ,  depuis 
le  grcaxd  Condé,  général  des  armées  fran- 
çaises ,  gagna  la  bataille  de  Rocroy ,  qui 
entraîna  la  prise  de  Thionvillc.  Le  maré- 
chal de  Bréxé  battit  peu  de  temps  après 
la  flotte  espagnole  à  la  vue  de  Cartba- 
gène,  tandis  que  le  maréchal  de  la  Molhe 
remportait  plusieurs  avantages  en  Cata- 
logne. Les  Espagnols  reprirent  Lérida 
l'année  d'après  ,  1644  ,  et  firent  lever  le 
siège  de  Tarragonc  ;  mais  la  fortune  était 
favorable  aux  Français  en  Allemagne  et 
en  Flandre.  Le  duc  d'Enghien  se  rendit 
maître  de  Philisbourg  et  de  Mayence 
Roze  prit  Oppenheim  ;  et  le  maréchal 
de  Turenne  conquit  Worms,  Landau,  Neu- 
stadt  et  Manheim.  L'année  suivante , 
1645  ,  fut  encore  plus  glorieuse  à  la 
France.  Elle  étendit  ses  conquêtes  en  1 
Flandre,  en  Artois,  en  Lorraine  et  en  Ca- 
talogne. Torstenson,  général  des  Suédois, 
alliés  de  la  France,  remporta  une  victoire 
sur  les  Impériaux  dans  la  Bohème.  Tu- 
renne  prit  Trêves  et  y  rétablit  lélectenr, 
devenu  libre  par  la  médiation  du  roi.  Le 
duc  d'Enghien  (  que  nous  nommerons  le 
prince  de  Condé)  gagna  la  bataille  de 
Nordlingue  ,  prit  Fumes  et  Dunkerque 
l'année  d'après,  et  remporta  une  victoire 
complète  sur  l'archiduc  dans  les  plaines 
de  Lens  en  1648,  après  avoir  réduit 
Ypres.  Le  duc  d'Orléans  s'était  distingué 
par  la  prise  de  Courtrai,  de  Berges  et  de 
Mardick;  la  flotte  espagnole  avait  élé 
battue  sur  les  côtes  d'Italie  par  une  flolle 
de  vingt  vaisseaux  et  vingt  galères,  qui 
composaient  presque  toute  la  marine  de 
France  ;  Guébriant  avait  pris  Rolweil  ; 
le  comte  de  Ilarcourt  s'était  rendu  maître 
de  Balaguer.  Ces  succès  ne  contribuèrent 
pas  peu  à  la  paix  conclue  à  Munster  en 
1G48,  entre  le  roi ,  l'empereur  Ferdinand 
III,  Christine,  reine  de  Suède,  et  les  étatj» 


LOU 


}ik9 


LOU 


deTEmpire.  Parce  traité  ,  Metz,  Toul, 
Verdun  et  l'Alsace  demeurèrent  au  roi 
en  toute  souveraineté.  L'empereur  et 
l'Empire  lui  cédèrent  tous  leurs  droits 
Bar  cette  province,  sur  Brisach  ,  sur  Pi- 
gnerol,  et  sur  quelques  autres  places.  Dans 
le  temps  que  celte  paix  avantageuse  faisait 
respecter  au  dehors  la  puissance  de  Louis 
XIV,  les  frondeurs,  parti  formé  contre  le 
cardinal  Mazarin  forçaient  le  roi  de  quit- 
ter la  capitale.  Il  allait  avec  sa  mère,  son 
frère  et  le  cardinal,  de  province  en  pro- 
vince, poursuivi  par  ses  sujets.  Les  Pari- 
siens, excités  par  le  duc  deBeaufort,  par 
le  coadjuteur  de  Paris  ,  et  surtout  par  le 
prince  de  Condé ,  levèrent  des  troupes  , 
et  il  en  coûta  du  sang  avant  que  la  paix 
ne  se  fit.  Les  ducs  de  Bouillon  et  de  la 
Rochefoucauld,  partisans  des  frondeurs, 
firent  soulever  la  Guienne  ,  qui  ne  fui 
calmée  que  par  la  présence  du  roi  et  de 
la  reine  régente.  Les  Espagnols ,  proli- 
tant  de  ces  troubles  ,  faisaient  des  con- 
quêtes par  eux-mêmes  ou  par  leurs  alliés 
en  Champagne,  en  Lorraine,  en  Catalogne 
et  en  Italie  ;  mais  le  maréchal  de  Piessis- 
Praslin  les  battit  à  Relliel ,  et  après  avoir 
gagné  une  bataille  contre  le  maréclial  de 
Turenne,  lié  avec  le  duc  de  Bouillon,  son 
frère,  il  recouvra  Chàleau-Porcien  et  les 
autres  villes  situées  entre  la  Meuse  et  la 
Loire.  Le  roi,  devenu  majeur,  tint  son  lit 
de  justice  en  1651  pour  déclarer  sa  ma- 
jorité. L'éloignement  du  cardinal  Maza- 
rin ,  retiré  à  Cologne ,  semblait  avoir 
rendu  la  tranquillité  à  la  France  :  son 
retour  en  1632  ralluma  la  guerre  civile. 
Le  parlement  de  Paris  avait  donné  en 
vain  plusieurs  arrêts  Gontre  lui  :  ils  fu- 
rent cassés  par  un  arrêt  du  conseil  d'état. 
Le  prince  de  Condé  se  tourna  du  côté 
des  rebelles,  et  fut  nommé  généralissime 
des  armées.  Il  défit  le  maréchal  d'Hoc- 
quincourl  à  Bléneau  ;  mais  ayant  été  at- 
taqué par  l'armée  royale  dans  le  faubourg 
Saint-Antoine,  il  aurailélé  fait  prisonnier, 
si  les  Parisiens  ne  lui  avaient  ouvert 
leurs  portes,  et  n'avaient  fait  tirer  sur  les 
troupes  du  roi  le  canon  de  la  Bastille.  On 
négocia  bientôt"  de  part  et  d'autre  ,  pour 
apaiser  les  troubles.  La  cour  se  vit  obli- 
gée de  renvoyer  Mazarin  qui  en  était  le 
prétexte.  Les  Espagnols  profitèrent  en- 
core de  ces  querelles.  L'archiduc  Léopold 
prit  Gravelines  et  Dunkerque  ;  don  Juan 
d'Autriche  ,  Barcelone  ;  le  duc  de  Man- 
loue,  Casai.  Mais  à  peine  la  tranquillité 
eut-elle  été  rendue  à  la  France ,  que  les 
étrangers  perdirent  ce  qu'ils  avaient  con- 


quis. Les  généraux  français  reprirenl 
Rethel,  Suinte-Ménehould,  Bar,  Ligny  ; 
le  maréchal  de  Grancey  gagna  une  ba- 
taille en  Italie  contre  le  marquis  de  Ca- 
racène  ;  on  eut  des  succès  en  Catalogne: 
le  vicomte  de  Turenne  battit  l'armée  es- 
pagnole en  1G54,  réduisit  le  Quesnoy  et 
lit  lever  le  siège  d'Arras.  Cet  exploit  im- 
portant rassura  la  France  et  le  cardinal 
Mazarin,  qui  était  revenu  de  nouveau ,  et 
dont  la  fortune ,  dit  le  président  Hénault, 
dépendait  presque  de  l'événement  de 
cette  journée. Le  roi  ne  s'y  trouva  point, 
et  aurait  pu  y  être.  Ce  fut  dans  cette 
guerre  qu'il  fit  sa  première  campagne  : 
il  était  allé  à  la  tranchée  au  siège  de  Ste- 
nay  ;  mais  le  cardinal  ne  voulut  pas  qu'il 
exposât  davantage  sa  personne,  sur  la- 
quelle reposait  le  sort  de  l'armée  elle  re- 
pos de  l'état.  Le  maréchal  de  Turenne 
soutint  sa  réputation  les  années  suivantes, 
et  se  signala  surtout  en  1658;  il  prit  Saint- 
Venant,  Bourbourg,  Mardick,  Dunkerque, 
Furnes  ,  Dixmude  ,  Ypres  ,  Mortagne.  Le 
prince  de  Condé  et  don  Juan  ,  ayant  ra- 
massé toutes  leurs  forces ,  tentèrent  en 
vain  de  secourir  Dunkerque  ;  Turenne 
les  défit  à  la  journée  des  Dunes.  La  paix 
fut  conclue  en  1659,  dans  l'Ile  des  Faisans, 
par  Mazarin  et  don  Louis  de  Haro,  pléni- 
potentiaire des  deux  puissances.  C'est  ce 
qu'on  nomme  îapaix  des  Pyrénées,  hm 
principaux  articles  de  ce  traité  furent  le 
mariage  du  roi  avec  l'infante  Marie-Thé- 
rèse, la  restitution  de  plusieurs  places  à 
l'Espagne ,  et  le  rétablissement  du  prince 
de  Condé.  Le  mariage  du  roi  se  fit  à  Saint- 
Jean-de-Luz  avec  beaucoup  de  magnifi- 
cence. Les  deux  époux  revinrent  trioro- 
phans  à  Paris ,  et  leur  entrée  dans  celle 
capitale  eut  un  éclat  dont  on  se  souvint 
long-temps.  Le  cardinal  Mazarin  mourut 
l'année  suivante,  1661.  Le  roi,  qui  par 
reconnaissance  pour  ses  services  n'avait 
point  voulu  gouverner  de  son  vivanf , 
prit  en  main  les  rênes  de  son  empire  ,  et 
les  tint  avec  une  fermeté  qui  surprit  dan« 
un  jeune  monarque,  chez  lequel  on  n'a- 
vait remarqué  jusqu'alors  que  du  goût 
pour  les  plaisirs.  11  vérifia  ce  que  Matarin 
avait  dit  de  ce  prince  en  confidence  au 
maréchal  de  Grammonl  :  «  11  y  a  de  l'é- 
»  toffe  en  lui  pour  faire  quatre  rois  et  un 
»  honnête  homme.  »  Tout  prit  une  face 
nouvelle.  Il  fixa  à  chacun  de  ses  minisires 
les  bornes  de  son  pouvoir,  se  faisant  ren- 
dre compte  de  tout  à  des  heures  réglées , 
leur  donnant  la  confiance  qu'il  fallait  pour 
accréditer  leur  ministère  ,  et  veillant  sur 


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530 


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eux  pour  les  empêcher  d'en  trop  abuser. 
Une  chambre  fut  établie  pour  mettre  de 
l'ordre  dans  les  linances  ,  dérangées  par 
un  long  brigandage.  Le  surintendant 
Foucquel ,  condanuié  par  des  commis- 
saires à  un  bannissement ,  eut  pour  suc- 
cesseur le  grand  Colbert,  ministre  qui  ré- 
para tout ,  et  qui  créa  le  commerce  et  les 
arts.  Des  colonies  françaises  partirent 
pour  s'établir  à  Madagascar  et  à  Cayenne  ; 
ies  académies  des  sciences,  de  peinture 
et  de  sculpture  furent  établies  ;  des  ma- 
nufactures de  glaces,  de  points  de  France, 
de  toiles,  de  laines,  de  tapisseries,  furent 
érigées  dans  tout  le  royaume.  Le  canal 
de  Languedoc ,  pour  la  jonction  des  deux 
mers ,  fut  commencé  ;  on  rétablit  la  dis- 
cipline parmi  les  troupes ,  ainsi  que 
l'ordre  dans  la  police  et  dans  la  justice  ; 
tous  les  arts  furent  encouragés  au  dedans 
et  même  au  dehors  du  royaume  ;  soixante 
«avans  de  l'Europe  reçurent  de  Louis 
XIV  des  récompenses  et  furent  étonnés 
d'en  être  connus.  «  Quoique  le  roi  ne  soit 
»  pas  votre  souverain  ,  leur  écrivait  Col- 
»  berl ,  il  veut  être  votre  bienfaiteur  ;  il 
»  vous  envoie  cette  lettre  de  change  comme 
»  un  gage  de  son  estime.  »  Un  Florentin, 
un  Danois,  recevaient  de  ses  lettres  da- 
tées de  Versailles.  Plusieurs  étrangers 
habiles  furent  appelés  en  France  ,  et  ré- 
compensés d'une  manière  digne  d'eux  et 
du  rémunérateur.  Louis  XIV  faisait  à  22 
ans  ce  que  Henri  IV  avait  fait  à  50.  Né 
avec  le  talent  de  régner,  il  savait  se  faire 
respecter  par  les  puissances  étrangères, 
autant  qu'aimer  et  craindre  par  ses  sujets. 
Il  exigea  en  i662  une  réparation  authen- 
tique de  l'insulte  faite  au  comte  d'Eslra- 
iles  ,  son  ambassadeur  à  Londres ,  par  le 
baron  de  Watteville,  ambassadeur  d'Es- 
l^agne ,  qui  prétendait  avoir  le  pas  sur 
lui.  La  satisfaction  que  lui  fît  deux  ans 
après  le  pape  Alexandre  VU,  de  l'attentat 
des  Corses  sur  le  duc  de  Créqui ,  ambas- 
tadeurà  Rome,  ne  fut  pas  moins  écla- 
tante. Le  cardinal  Chigi ,  légat  et  neveu 
du  pontife,  vint  en  France  pour  faire  au 
roi  des  excuses  publiques.  Quoique  la 
paix  régnât  dans  tous  les  états  chrétiens, 
il  envoya  au  secours  des  Allemands ,  con- 
tre les  Turcs  ,  une  petite  armée  qui  prit 
Gigeri.  Ses  troupes ,  conduites  par  les 
comtes  de  Coligni  et  de  la  Feuillade,  con- 
tribuèrent beaucoup  à  la  victoire  de  St.- 
Gothard,  en  1664.  Ses  armes  triomphaient 
sur  mer  comme  sur  terre.  Le  duc  de 
Beaufort  prit  et  coula  à  fond  un  grand 
nombre  4e  vaisseaux  algériens  ;  mais  il 


périt  dans  cette  action.  Les  Anglais  et  les 
Hollandais  étaient  alors  en  dispute  pour 
le  commerce  des  Indes  occidentales.  Le 
roi,  allié  avec  ces  derniers,  les  secourut 
contre  les  premiers.  11  y  eut  quelques  ba- 
tailles navales.  Les  Anglais  perdirent 
l'Ile  de  St.-Christophe  ;  mais  ils  y  rentrè- 
rent par  la  paix  conclue  à  Bréda  en  1667. 
Philippe  IV,  père  de  la  reine,  était  mon 
deux  ans  auparavant;  le  roi  croyait  avoir 
des  prétentions  sur  son  héritage  ,  et  sur- 
tout sur  les  Pays-Bas.  Il  marcha  en  Flan- 
dre pour  les  faire  valoir,  comptant  iilutôt 
sur  ses  forces  que  sur  la  légitimité  de  ses 
droits.  Il  était  à  la  tête  de  3S,000  hom- 
mes ;  Turenne  était,  sous  lui,  le  général 
de  celte  armée.  Louvois,  nouveau  minis- 
tre de  la  guerre ,  et  digne  émule  de  Col- 
bert, avait  fait  des  préparatifs  immenses 
pour  la  campagne.  Des  magasins  de  toute 
espèce  étaient  distribués  sur  la  frontière. 
Louis  courait  à  des  conquêtes  assurées. 
Les  Espagnols ,  qui  n'avaient  pas  même 
imaginé  que  le  roi  pût  envahir  leurs  états 
au  milieu  de  la  paix,  n'avaient  fait  aucun 
préparalif.  Il  entra  dans  Charleroi  comme 
dans  Paris.  Ath ,  Tournay  furent  pris  en 
deux  jours  ;  Furnes,  Armentières,  Cour- 
trai ,  D(  uai ,  ne  tinrent  pas  davantage. 
Lille,  la  plus  florissante  ville  de  ces  pays, 
la  seule  bien  fortifiée,  capitula  après  neuf 
jours  de  siège.  La  conquête  delà  Franche- 
Comté,  faite  l'année  suivante  1668,  fut 
encore  plus  rapide.  Louis  XIV  entra  dan» 
Dôle  au  bout  de  quatre  jours  de  siège  , 
douze  jours  après  son  départ  de  Sl.-Ger- 
main.  Enfin  ,  en  trois  semaines  ,  toute  la 
province  lui  fut  soumise.  Tant  de  fortune 
réveilla  l'Europe  assoupie  :  un  trailé 
entre  la  Hollande,  l'Angleterre  et  la  Suède, 
pour  tenir  la  balance  de  l'Europe  ,  et  ré- 
primer l'ambition  du  jeune  roi ,  fut  pro- 
posé et  conclu  en  cinq  jours;  mais  il  n'eut 
d'autre  suite  que  d'amener  la  paix ,  qui 
se  fit  avec  l'Espagne  à  Aix-la-Chapelle,  le 
2  mai  de  la  même  année.  Le  roi  rendit 
la  Franche-Comté,  et  garda  les  villes  con- 
quises dans  les  Pays-Bas.  Pendant  celle 
paix ,  Louis  ,  continua  ,  comme  il  avait 
commencé,  à  régler,  à  fortifier,  à  embellir 
son  royaume.  Les  porls  de  mer,  aupara- 
vant déserts,  furent  entourés  d'ouvrages 
pour  leurs  ornemens  et  leur  défense , 
couverts  de  navires  et  de  matelots ,  et 
continrent  bientôt  60  grands  vaisseaux 
de  guerre.  L'hôtel  des  Invalides ,  ou  des 
soldats  blessés  et  vainqueurs  trouvent 
les  secours  spirituels  et  temporels  ,  s'éle- 
vait en  1671  avec  une  magnificence  vrai- 


LOU 


55i 


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ment  royale.  L'Observatoire  était  eom- 
mencé  depuis  1665.  On  traçait  une  mé- 
ridienne d'un  bout  du  royaume  à  l'autre. 
L'académie  de  St.-Luc  était  fondée  à  Rome 
pour  former  nos  jeunes  peintres.  Les 
.raductions  des  bons  auteurs  grecs  et  la- 
fins  s'imprimaient  au  Louvre  à  l'usage 
du  Dauphin ,  confié  aux  plus  éloquens 
etaux  plus  savans  hommes  de  l'Europe. 
Rien  n'était  négligé.  On  bâtissait  des  ci- 
tadelles dans  tous  les  coins  de  la  France, 
et  on  formait  un  corps  de  troupes  com- 
posé de  400,000  soldats.  Louis  XIV  réso- 
lut de  conquérir  les  Pays-Bas,  et  com- 
mença par  la  Hollande  en  1672.  Au  mois 
de  mai ,  il  passa  la  Meuse  avec  son  ar- 
mée, commandée  sous  lui  par  le  prince 
de  Condé  et  par  le  maréchal  de  Turenne. 
Les  places  d'Orsoy,  Burick,  Wcsel,  Rhin- 
berg  ,  Emmerick ,  Groll ,  furent  réduites 
en  six  jours.  Toute  la  Hollande  s'atten- 
dait à  passer  sous  le  joug  ,  dès  que  le  roi 
serait  au-delà  du  Rhin  ;  il  y  fut  bientôt. 
Ses  troupes  traversèrent  ce  fleuve  en  pré- 
sence des  ennemis.  La  reddition  de  plus 
de  quarante  places  ,  la  plupart  mal  dé- 
fendues ou  mal  pourvues  ,  fut  le  fruit 
de  ce  passage.  Les  provinces  de  Gueldre, 
d'Utrecht  et  d'Over-Yssel  se  rendent.  Les 
états  assemblés  à  la  Haye  se  sauvent  à 
Amsterdam  avec  leurs  biens  et  leurs  pa- 
piers. Dans  cette  extrémité  ,  ils  font  per- 
cer les  digues  qui  retenaient  les  eaux  de 
la  mer.  Amsterdam  fut  comme  une 
vaste  forteresse  au  milieu  desi^  flots.  Il 
n'y  avait  plus  de  conquêtes  à  faire  dans 
un  pays  inondé.  Louis  quitte  son  armée, 
laissant  Turenne  et  Luxembourg  achever 
la  guerre.  L'Europe  ,  effrayée  de  ses  suc- 
cès, était  dès  lors  conjurée  contre  lui. 
L'empereur,  l'Espagne,  l'électeur  de 
Brandebourg ,  réunis  ,  étaient  de  nou- 
veaux ennemis  à  combattre.  Louis  XIV  , 
afin  de  s'assurer  la  supériorité  d'un  autre 
côté,  s'empara  de  la  Franche-Comté.  Tu- 
renne entra  dans  le  Palatinat  où  ses  trou- 
pes commirent  des  excès  horribles.  Le 
comte  de  Schomberg  battit  les  Espagnols 
dans  le  Roussillon.  Le  prince  de  Condé 
livra  à  Sénef  ,  au  prince  d'Orange,  une 
bataille  dont  les  deux  partis  s'attribuèrent 
le  succès.  Turenne ,  qui  avait  passé  le 
*Rhin  à  Philisbourg  ,  remporta  quelques, 
avantages  sur  le  vieux  Caprara ,  sur 
Charles  IV ,  duc  de  Lorraine  ,  sur  Bour- 
nonville.  Turenne,  qui  savait  tour  à  tour 
reculer  comme  Fabius,  et  avancer  comme 
Annibal ,  vainquit  l'électeur  de  Brande- 
bourg k  Turckeim  en  1675,  tandis  que  les 


autres  généraux  de  Louis  XIV  soutenaient 
la  gloire  de  ses  armes.  Tant  de  prospéri- 
tés furent  troublées  par  la  mort  de  Tu- 
renne. Ce  général  fut  tué  d'un  coup  de 
de  canon  au  milieu  de  ses  victoires  ,  dans 
le  temps  qu'il  se  croyait  sûr  de  vaincre 
Montécuculli.  L'armée  française  ayant 
battu  en  retraite,  les  Impériaux  passèrent 
le  Rhin  et  entrèrent  en  Alsace  ;  mais  ils 
ne  purent  s'y  maintenir.  Le  maréchal  do 
Créqui  fut  mis  en  déroute  au  combat  de 
Consarbruck,  et  fait  prisonnier  dans  Trê- 
ves. En  1676,  la  fortune  fut  entièrement 
pour  les  Français  :  le  duc  de  Vivonne  , 
secondé  par  Duquesne,  lieutenant-géné- 
ral de  l'armée  navale  de  France,  gagna 
deux  batailles  contre  Ruyter ,  amiral  de 
Hollande ,  qui  périt  dans  la  dernière  ,  et 
qui  fut  regretté  par  Louis  XIV  comme 
un  grand  homme.  Ce  monarque  était 
alors  en  Flandre  ,  où  Condé  ,  Bouchain  , 
Aire  et  le  fort  de  Linck  reçurent  ses  lois. 
La  campagne  de  1677  s'ouvrit  par  la  prise 
de  Valenciennes  et  de  Cambrai.  Philippe, 
duc  d'Orléans,  frère  lAique  du  roi,  gagna 
contre  le  prince  d'Orange  la  bataille  de 
Cassel ,  lieu  célèbre  par  la  victoire  qu'un 
autre  Philippe  ,  roi  de  France  ,  y  avait 
remportée  349  ans  auparavant.  Le  maré- 
chal de  Créqui  battit  le  prince  Charles  de 
Lorraine  auprès  de  Strasbourg ,  l'obligea 
de  repasser  le  Rhin,  et  l'ayant  repassé 
lui-même,  assiégea  et  prit  Fribourg.  Les 
succès  n'étaient  pas  moindres  en  Flandre 
et  en  Allemagne.  Le  roi  forma  lui-mftne 
en  1678  le  siège  de  Gand  et  celui  d'Ypres, 
et  se  rendit  maître  de  ces  deux  places. 
L'armée  d'Allemagne,  sous  les  ordres  de 
Créqui ,  mit  les  ennemis  en  déroute  à  k 
tète  du  pont  de  Rheinsfeld,  et  brûla  ce- 
lui de  Strasbourg  ,  après  en  avoir  pris 
tous  les  forts  en  présence  de  l'armée 
ennemie.  Cette  glorieuse  campagne  finii 
par  la  paix ,  qui  fut  signée  en  1678.  Il  y 
eut  trois  traités,  l'un  entre  la  France  et 
la  Hollande,  le  deuxième  avec  l'Espagne, 
le  troisième  avec  l'empereur  et .  ,«^eç 
l'empire  ,  à  la  réserve  de  l'électeur  de 
Brandebourg.  Par  ces  traités,  la  France 
re^ta  en  possession  de  la  Franche-Comté, 
d'une  partie  de  la  Flandre ,  et  de  la  for- 
teresse de  Fribourg.  Ce  qu'il  y  eut  de 
remarquable  dans  le  traité  signé  avec  los 
Hollandais,  c'est  qu'après  avoir  été  l'uni- 
que objet  de  la  guerre  de  1672,  ils  furent 
les  seuls  à  qui  tout  fut  rendu.  On  venait 
de  signer  cette  paix  à  Nimègue ,  lorsque 
le  prince  d'Orange ,  qui  n'en  était  pas 
encore  authentiquement  informé,  livra 


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Î)b2 


Lau 


le  sanglant  et  inutile  combat  de  Saint- 
Denys  ,  où  les  Français  et  les  ennemis 
tirent  imc  perle  à  peu  près  égale.  Louis 
XIV  ayant  dicté  des  lois  à  l'Europe  ,  vic- 
torieux depuis  qu'il  régnait,  n'ayant  as- 
siégé aucune  place  qu'il  n'eût  prise,  à  la 
fois  conquérant  et  politique  ,  mérita  le 
«urnom  de  Grande  que  l'hôtel-de-ville 
de  Paris  lui  déféra  en  1680.  Ce  monarque 
fil  de  la  paix  un  temps  de  conquête  :  l'or, 
l'intrigue  et  la  terreur  lui  ouvrirent  les 
portes  de  Strasbourg  et  de  Casai  ;  le  duc 
de  Mantoue  ,  à  qui  appartenait  cette  der- 
nière ville,  y  laissa  mettre  garnison  fran- 
çaise. Louis  XIV,  craint  partout,  ne  son- 
gea qu'à  se  faire  craindre  davantage.  Le 
pape  Innocent  XI  ne  s'étant  pas  montré 
favorable  au  dessein  qu'avait  le  roi  d'é- 
tendre le  droit  de  régale  sur  tous  les  dio- 
cèses de  sa  nomination,  ce  prince  fit  don- 
ner en  1682  une  déclaration  par  le  clergé 
de  France ,  renfermée  en  quatre  propo- 
sitions. La  première  est  que  le  pape  n'a 
aucune  autorité  sur  le  temporel  des  rois; 
la  deuxième,  que^e  concile  est  au-dessus 
du  pape  ;  la  troisième ,  que  l'usage  de 
la  puissance  apostolique  doit  être  réglée 
par  les  canons  ;  et  la  quatrième  ,  qu'iY 
appartient  principalement  au  pape  de 
décider  en  matière  de  foi^  mais  que  ses 
décisions  ne  sont  irréformables  qu'après 
que  l'Eglise  les  a  reçues.  (  Voyez  INNO- 
CENT XII,  SOARDI*  SFONDRATI.  )  Le 
différend  avec  le  pontife  fut  poussé  au 
pcJint  de  s'emparer  du  Comtat  et  à  faire 
craindre  les  dernières  extrémités.  L'af- 
faire des  franchises  ,  qu'Innocent  voulait 
abolir,  augmenta  l'animosité  réciproque  ; 
et  l'on  peut  dire  que  le  roi  s'opiniàtra 
peu  sagement  à  maintenir  un  abus  que 
l'empereur  et  les  autres  princes  avaient 
laissé  abolir  sans  répugnance.  La  con- 
duite que  Lavardin  de  Beaumanoir  tint 
à  Rome  à  cette  occasion ,  était  peu  digne 
d'un  ambassadeur  de  Fr.ance.  Louis  don- 
nait en  même  temps  son  attention  à  di- 
vers autres  objets.  Il  établit  une  chambre 
contre  les  empoisonneurs,  qui  en  ce 
temps  -  là  infectaient  la  France.  Une 
chaire  de  droit  français  fut  fondée,  tandis 
que  d'habiles  gens  travaillaient  à  la  ré- 
forme des  lois.  Le  canal  de  Languedoc 
fut  enfin  navigable  en  1681.  Le  port  de 
Toulon  sur  la  Méditerranée  fut  construit 
à  frais  immenses,  pour  contenir  60  vais- 
seaux de  ligne  ,  un  arsenal  et  des  maga- 
sins magniliques  ;  sur  l'Océan,  le  port  de 
Brest  se  formait  avec  la  même  grandeur; 
Dunkcrque  ,  le  Havre-de-Grâce  se  rem- 


plissaient de  vaisseaux  ;  la  nature  était 
forcée  à  Rochcfort  ;  des  compagnies  de 
cadets  dans  les  places  ,  de  gardes-marine 
dans  les  ports  ,  furent  instituées  et  com-  > 
posées  de  jeunes  gens  qui  apprenaient 
les  arts  convenables  à  leur  profession, 
sous  des  maiires  payés  du  trésor  public; 
60.000  matelots  étaient  retenus  dans  le 
devoir  par  des  lois  aussi  sévères  que 
celles  de  la  discipline  militaire  ;  eniin, 
on  comptait  plus  de  iOO  gros  vaisseaux 
de  guerre  ,  dont  plusieurs  portaient  cent 
canon»  :  ils  ne  restaient  pas  oisifs  dans 
les  ports.  Les  escadres  ,  sous  le  comman- 
dement de  Duquesne ,  nettoyaient  les 
mers  infestées  par  les  corsaires  de  Bar- 
barie. Alger  fui  bombardé  en  1684,  et  les 
Algériens  obligés  de  faire  les  soumissions 
qu'on  exigea  d'eux.  Ils  rendirent  les  es- 
claves chrétiens,  et  donnèrent  encore  de 
l'argent.  L'état  de  Gènes  ne  s'humilia 
pas  moins  devant  Louis  XIV  que  celui 
d'Alger.  Gènes  avait  vendu  de  la  poudre 
aux  Algériens  et  des  galères  aux  Espa- 
gnols; elle  fut  bombardée  la  même  année, 
et  n'obtint  sa  tranquillité  que  par  une 
satisfaction  bien  humiliante  :  le  doge  ac- 
compagné de  quatre  sénateurs  vint  à 
Versailles  faire  tout  ce  que  le  roi  voulut 
exiger  de  sa  patrie.  La  loi  de  Gènes  est 
que  le  doge  pei'd  sa  dignité  et  son  titre 
dès  qu'il  est  sorti  de  la  ville  ;  Louis  vou- 
lut qu'il  les  conservât.  Des  ambassadeurs 
du  roi  de  Siam  avaient  flatté ,  l'année 
d'aupawivant ,  le  goût  que  le  monarque 
français  avait  pour  les  choses  d'éclat. 
Tout  semblait  alors  garantir  une  paix  du- 
rable. Pour  l'assurer  davantage,  Louis 
résolut  d'étouffer  le  germe  des  guerres 
civiles  qui  avaient  tant  de  fois  désolé 
l'état.  Il  y  avait  long-temps  qu'il  songeait 
à  supprimer  l'édit  de  Nantes  :  ce  fut  en 
1683  qu'il  en  ordonna  la  révocation  ;  il  lit 
abattre  les  temples  des  calvinistes,  et  la 
religion  catholique  fut  rétablie  dans  tout 
le  royaume.  Cet  événement ,  qui  dans  le 
temps  où  nous  sommes  a  exalté  toutes 
les  têtes,  qui  a  fait  la  matière  do  tant  de 
satires  lancées  contre  la  mémoire  de 
Louis  XIV  ;  et  qu'après  un  siècle  révolu 
un  autre  événement,  qui  fut  la  suite  im- 
médiate du  rappel  des  huguenots ,  a  si 
terriblement  justifié,  semble  demander 
ici  une  discusion  particulière ,  plus  lon- 
gue que  ne  comporte  la  nature  de  ce  Dic- 
tionnaire, mais  trop  assortie  aux  circon- 
stances pour  qu'on  puisse  nous  en  faire 
un  reproche.  Nous  laisserons  parler  un 
auteur    contemporain     parfaitement  in- 


LOU  3 

shuil  de  lous  les  détails  de  cette  rcvoca- 
lion  fameuse,  trop  inlcressé  à  la  chose 
pour  dissimuler  les  plaies  faites  à  un 
royaume  dont  il  était  l'héritier  ;  trop 
éclairé ,  trop  présent  à  tout  pour  avoir 
ignoré  la  vérité.  Louis,  JDauphin,  père  de 
Louis  XV ,  le  sage  et  vertueux  élève  de 
Fénélon,  dans  un  Mémoire  qui  a  passé  à 
ses  descendans  ,  et  qui  était  en  1781  entre 
les  mains  du  roi  Louis  XYI,  s'exprime  de 
cette  manière  :  «  Je  ne  m'attacherai  pas  à 
»  considérer  ici  les  maux  que  l'iiérésie  a 
»  faits  en  Allemagne,  dans  les  royaumes 
»  d'Angleterre,  d'Ecosse  et  d'Irlande,  dans 
^  les  Provinces-Unies  et  ailleurs  ;  c'est  du 

•  royaume  seul  qu'il  est  question.  Je  ne 
»  rappellerai  pas  même  dans  le  détail 
»  cette  chaîne  de  désordres  consignés 
»  dans  tant  de  monumens  autlicntiques, 
»  ces  assemblées  secrètes ,  ces  sermens 
i>  d'association,  ces  ligues  avec  l'étranger, 
B  ces  refus  de  payer  les  tailles,  ces  pillages 
^des  deniers  publics,  ces  menaces  sédi- 
s  tieuses ,  ces  conjurations  ouvertes ,  ces 
j>  guerres  opiniâtres  ,  ces  sacs  de  villes  , 
B  ces  incendies  ,  ces  massacres  réfléchis , 
»  ces  attentats  contre  les  rois  ,  ces  sacri- 
B  léges  multipliés  et  jusqu'alors  inouïs  ; 
»  il  me  suffit  de  dire  que  depuis  François 
»  I""  jusqu'à  nos  jours,  c'est-à-dire  sous 
»  sept  règnes  différens  ,  tous  ces  maux  et 
»  d'autres  encore  ont  désolé  le  royaume 
»  avec  plus  ou  moins  de  fureur.  Voilà  , 
»  dis-je,  le  fait  historique ,  que  l'on  peut 
»  charger  de  divers  incidens ,  mais  que 
»  l'on  ne  peut  contester  substantiellement 
»  et  révoquer  en  doute.  Et  c'est  ce  point 
»  capital  qu'il  faut  toujours  envisager 
»  dans  l'examen  politique  de  cette  affaire. 
»  Or,  partant  du  fait  notoire,  il  m'est  peu 
»  important  de  discuter  si  tous  les  torts 
B  attribués  aux  huguenots  furent  unique- 
»  ment  de  leur  côté.  Il  est  hors  de  doute 
»  que  les  catholiques  auront  eu  aussi  les 
»  leurs,  et  je  leur  en  connais  plus  d'un  , 
»  dans  l'excès  de  leurs  représailles.  Il  ne 

•  s'agit  pas  môme  de  savoir  si  le  conseil 
»  des  rois  a  toujours  bien  vu  et  s'il  a  sa- 
»  gement  opéré  dans  ces  jours  de  confu- 

•  sion  ;  si  la  sanglante  expédition  de 
»  Charles  IX ,  par  exemple  ,  fut  un  acte 
»  de  justice,  devenu  nécessaire  à  la  sù- 
»  reté  de  sa  personne  et  à  celle  de  l'état , 
t>  comme  le  soutiennent  quelques-uns,  ou 
B  l'effet  dune  politique  ombrageuse  et 
9  une  indigne  vengeance  ,  comme  d'au- 
»  très  le  prétendent ,  que  l'hérésie  ait  été 
D  la  cause  directe,  ou  seulement  locca- 
»  sion  habituelle   et  toujours   renaissante 

7. 


33  LOU 

»  de  ces  différens  désordres  :  toujourj 
n  est-il  vrai  de  dire  qu'ils  n'auraient  ja- 
»  mais  eu  lieu  sans  Tliérésie  ;  ce  qui  suf- 
j>  fit  pour  faire  comprendre  combien  il 
»  importait  à  la  sûreté  de  l'étal  qu'elle 
»  y  fût  éteinte  pour  toujours.  Cependant 
»  on  fait  grand  bruit,  on  crie  à  la  tyrar>- 
B  nie,  et  l'on  demande  si  les  princes  ont 
B  droit  de  commander  aux  consciences,  et 
B  d'employer  la  force  pour  le  fait  de  la 
B  relip-ion  ?  Comme  c'est  do  la  part  des 
»  huguenots  que  viennent  ces  clameurs  , 
»  on  pourrait  pour  réponse  les  renvoyer 
»  aux  chefs  de  leur  réforme.  Luther  pose 
B  pour  principe  qu'il  faut  exterminer  et 
»  jeter  à  la  mer  ceux  qui  ne  sont  pas  de 
B  son  avis  ,  à  commencer  par  le  pape  t't 
n  les  souverains  qui  le  protègent  ;  et  Cal- 
B  vin  pense  à  cet  égard  comme  Luther- 
»  Nos  principes  sont  bien  différens  ,  sans 
»  doute.  Mais,  sans  donner  au  prince  des 
»  droits  qui  ne  lui  sont  pas  dus,  nous  lu- 
B  laissons  ceux  qu'on  ne  saurait  lui  cori- 
»  tester  ;  et  nous  disons  qu'il  peut  et  qu'il 
B  doit  même,  comme  père  de  son  peuple, 
B  s'opposer  à  ce  qu'on  le  corrompe  par 
»  l'erreur  ;  qu'il  peut  et  qu'il  doit  même  , 
B  comme  l'ont  fait  les  plus  grands  princes 
B  de  tous  les  temps  ,  prêter  son  épée  à  la 
n  religion  ,  non  pas  pour  la  propager  ,  ce 
»  ne  fut  jamais  l'esprit  du  christianisme, 
»  mais  pour  réprimer  et  pour  châtier  les 
»  médians  qui  entreprennent  de  la  dé- 
B  truire.  Nous  disons  enfin  que,  s'il  n'a 
B  pas  le  droit  de  commander  aux  con- 
B  sciences,  il  a  celui  de  pourvoir  à  la  sù- 
»  reté  de  ses  étals,  et  d'enchaîner  le  fana- 
»  tisme,  qui  y  jette  le  désordre  et  la  con- 
B  fusion.  Que  les  ministres  huguenots 
»  comparent,  s'ils  le  veulent,  la  conduite 
B  modérée  que  l'on  a  tenue  à  leur  égard, 
B  avec  la  cruauté  des  premiers  persécu- 
B  teurs  delà  religion  :  j'admets  la  com- 
B  paraison  ,  tout  injuste  qu'elle  est,  et  je 
»  dis  que  les  Césars  eussent  été  fondés  à 
B  proscrire  le  christianisme,  s'il  eût  porté 
B  ceux  qui  le  professaient  à  jeter  le  trou- 
»  ble  dans  l'empire.  Mais  les  chrétiens 
B  payaient  fidèlement  les  charges  de  l'é- 
»  tat,  ils  servaient  avec  affection  dans  les 
B  armées  :  on  les  éloignait  des  emplois 
»  publics,  on  les  emprisonnait,  on  mettait 
B  à  mort  des  légions  entières  ;  ils  ne  ré- 
B  sistaient  point  ;  ils  n'appelaient  point  les 
»  ennemis  de  l'état;  ils  ne  croyaient  point 
B  qu'il  fallait  égorger  les  empereurs  et 
B  les  jeter  à  la  mer.  Cependant  ils  avaient 
»  pour  eux  la  justice  et  la  vérité.  Lex:r 
»  invincible  patience  annonçait  la  bonté 
47 


LOU 


S54 


LOU 


t  de  leur  cause,  comme  les  révoltes  et 
»  i'cspril  sanjjuinaire  des  huguenots  prou- 
0  vent  l'injustice  de  la  leur.  Il  est  vrai 
^  qu'ils  ont  causé  moins  de  désordres 
»  éclatans  sous  le  règne  actuel  que  sous 
»  les  prcccdens  ;  mais  c'était  moins  la 
»  volonté  de  remuer  qui  leur  manquait, 
»  que  la  puissance.  Encore  se  sont-ils 
»  rendus  coupables  de  quelques  violences 
»  et  d'une  intinité  de  contraventions  aux 
»  ordonnances,  dont  quelques-unes  ont  été 
»  dissimulées  ,  et  k'S  autres  punies  par  la 
»  suppression  de  quelques  privilèges.  Mal- 
»  gré  leurs  protestations  magnifiques  de 
»  lîdélité,  et  leur  soumission  en  apparence 
»  la  plus  parfaite  à  l'autorité .  le  même 
»  esprit  inijuiet  et  factieux  subsistait  tou- 
»  jours,  et  se  trahissait  quelquefois.  Daii'; 
«le  temps  que  le  parti  faisait  au  roi  des 

•  offres  de  services,  et  qu'il  les  réalisait 
»  même,  on  apprenait  par  des  avis  cer- 
»  tains  qu'il  remuait  sourdement  dans  les 
»  provinces  éloignées,  et  qu'il  entretenait 
»  des  intelligences  avec  l'ennemi  du 
»  dehors.  (  Voyez  SOULIER.  )  Nous  avons 
»  en  main  les  actes  authentiques  des  sy- 
»  nodes  clandestins,  dans  lesquels  ils 
»  arrêtaient  de  se  mettre  sous  la  protec- 
»  tion  de  Cromwell,  dans  le  temps  où 
>  Ion  pensait  le  moins  à  les  inquiéter  ;  cl 
»  les  preuves  de  leurs  liaisons  criminelles 
»  avec  le  prince  d'Orange  subsistent  éga- 
»  lement.  L'animosité  entre  les  catholi- 
K  ques  et  les  huguenots  était  aussi  tou- 
»  jours  la  même.  Les  plus  sages  règlemens 
»  ne  pouvaient  pacilier  et  rapprocher 
»  deux  partis  ,  dont  l'un  avait  tant  de  rai- 
»  sons  de  suspecter  la  droiture  et  les 
»  bonnes  intentions  de  l'autre.  On  n'en- 
»  tendait  parler  dans  le  conseil  que  de 
»  leurs  démêlés  particuliers.  Les  catlioli- 
X  ques  ne  voulaient  point  admettre  les  hu- 
»  guenots  aux  assemblées  de  paroisses  ; 
5.  ceux-ci  ne  voulaient  point  contribuer 
»  aux  charges  de  fabrique  et  de  commu- 
»  nauté  ;  on  se  disputait  les  cimetières  et 
»  les  fondations  de  cliarité  ;  on  s'aigris- 
»  sait ,  on  s'insultait  réciproquement.  Les 
»  huguenots  dans  les  campagnes  où  ils 
»  n'avaient  pas  de  temples  ,  affectaient , 
»  dans  le  désœuvrement  des  jours  de  fêtes, 

•  de  troubler  l'oflice  divin  par  des  attrou- 
»  pemens  autour  des  églises ,  et  par  des 
»  chants  profanes.  Les  catholiques  ,  indi- 
»  gnés ,  sortaient  quelquefois  du  lieu  saint 
»  pour  donner  la  chasse  à  ces  pertiuba- 

•  teurs  ;  et  quand  les  huguenots  faisaient 
»  leurs  prêches ,  ils  manquaient  rarement 
»  d'user  de  représailles.  Il  arriva  un  jour 


que  les  habîlans  d'un  village  delà  Sain- 
tonge,  tous  catholiques,  mirent  le  feu 
à  la  maison  d'un  huguenot  qu'ils  n'a- 
vaient pu  empêcher  de  s'établir  parmi 
eux,  donnant  pour  raison  qu'il  ne  fal- 
lait qu'un  seul  homme  pour  répandre 
peu  à  peu  l'hérésie  dans  tout  le  village. 
Les  protecteurs  de  la  réforme  firent 
grand  bruit  de  cette  affaire  ,  où  il  s'a- 
gissait d'une  chaumière  estimée  quatra 
cent  soixante  livres  ;  et  il  en  fut  ques- 
tion dans  le  conseil.  Le  roi ,  en  condam- 
nant les  habitans  du  lieu  à  dédomma- 
ger le  propriétaire  de  la  maison,  ne 
put  s'eiTipêcher  de  dire ,  que  ses  pré- 
décesseurs auraient  épargné  bien  du 
sang  à  la  France  ,  s'ils  s'étaient  conduits 
par  la  politique  prévoyante  de  ces  vil- 
lageois ,  dont  l'action  ne  lui  paraissait 
vicieuse  que  par  le  défaut  d'autorité. 
Quoique  le  roi  sût  assez  que  les  hugue- 
nots n'avaient  pour  litres  primordiaux 
de  leurs  privilèges  que  l'injustice  et  la 
violence  ;  quoique  les  nouvelles  conlra- 
vealions  aux  ordonnances  lui  parussent 
une  raison  suffisante  pour  les  priver  de 
l'existence  légale  qu'ils  avaient  envahie 
en  France  les  armes  à  la  main  ,  Sa  Ma- 
jesté néanmoins  voulut  encore  consul- 
ter avant  de  prendre  un  dernier  parti  ; 
elle  eut  des  conférences  sur  cette  af- 
faire avec  les  personnes  les  plus  ins- 
truites et  les  mieux  intentionnées  du 
royaume,  et  dans  un  conseil  de  con- 
science particulier ,  dans  lequel  furent 
admis  deux  théologiens  et  deux  juris- 
consultes, il  fut  décidé  deux  choses;  la 
première  que  le  roi,  pour  toutes  sortes 
de  raisons,  pouvait  révoquer  l'édit  de 
Henri  IV,  dont  les  huguenots  préten- 
daient se  couviir  comme  d'un  bouclier 
sacré  ;  la  seconde,  que  si  Sa  Majesté  le 
pouvait  licitement,  elle  le  devait  et  à  la 
religion  et  au  bien  de  ses  peuples.  Le 
roi ,  déplus  en  plus  confirmé  par  celte 
réponse  ,  laissa  mûrir  encore  son  pro- 
jet pendant  près  d'un  an,  employant 
ce  temps  à  concerter  l'exécution  par 
les  moyens  les  plus  doux.  Lorsque  sa 
Majesté  proposa  dans  le  conseil  de 
prendre  une  dernière  résolution  sur 
cette  affaire ,  Monseigneur ,  d'après  un 
mémoire  anonyme  qui  lui  avait  clé 
adressé  la  veille ,  représenta  qu'il  y  avait 
apparence  que  les  huguenots  s'atten- 
daient à  ce  qu'on  leur  préparait;  qu'il  y 
aurait  peut-être  à  craindre  qu'ils  prissent 
les  armes,  comptant  sur  la  protection 
des  princes  de  leur   religion ,   et  que , 


LOU  5S5 

»  supposé  qu'ils  n'osassent  le  faire,  un 
»  grand  nombre  sortirait  du  royaume  ; 
»  ce  qui  j:iuirait  au  commerce  et  à  l'agri- 
»  culture  ,  et  par  là  môme  affaiblirait  l'é- 
D  tat.  Le  roi  répondit,  qu'il  avait  tout 
»  prévu  depuis  long-temps,  et  pourvu  à 
I.  tout ,  que  rien  au  monde  ne  lui  serait 
»  plus  douloureux  que  de  répandre  une 
»  seule  goutte  du  sang  de  ses  sujets  ;  mais 
»  qu'il  avait  des  armées  et  de  bons  géné- 
»  raux ,  qu'il  emploierait  dans  la  néces- 
»  site  contre  les  rebelles  qui  voudraient 
»  eux-mêmes  leur  perte.  Quant  à  la  rai- 
r.  son  d'intérêt,  il  la  jugea  peu  digne  de 
•  considération,  comparée  aux  avantages 
»  d'une  opération  qui  rendrait  à  la  reli- 
n  gion  sa  splendeur  ,  à  l'état  sa  tranquil- 
»  lilé ,  et  à  l'autorité  tous  ses  droits.  Il  fut 
»  conclu,  d'un  sentiment  unanime  ,  pour 
»  la  suppression  de  l'édit  de  Nantes.  Le 
»  roi,  qui  voulait  toujours  traiter  en  pas- 
»  leur  et  en  père  ses  sujets  les  moins 
»  affectionnés,  ne  négligea  aucun  des 
»  moyens  qui  pouvaient  les  gagner  en 
»  les  éclairant.  On  accorda  des  pensions , 
n  on  distribua  des  aumônes ,  on  établit 
»  des  missions  ,  on  répandit  partout  des 
»  livres  qui  contenaient  des  Instructions  à 
»  la  portée  des  simples  et  des  savans.  Le 
«  succès  répondit  à  la  sagesse  des  moyens; 
»  et  quoiqu'il  semble  ,  d'après  les  décla- 
»  mations  emportées  de  quelques  minis- 
»  très  huguenots,  que  le  roi  eût  armé  la 
»  moitié  de  ses  sujets  pour  égorger  l'au- 
D  tre ,  la  vérité  est  que  tout  se  passa 
»  au  grand  contentement  de  sa  Majesté, 
»  sans  effusion  de  sang  et  sans  désordre. 
»  Partout  les  temples  furent  démolis  ou 
»  purifiés;  le  plus  grand  nombre  lit  ab- 
»  ju ration  ;  les  autres  s'y  préj>arèrent, 
»  en  assistant  aux  prières  et  aux  instruc- 
»  lions  de  l'Eglise.  Tous  envoyèrent  leurs 
B  cnfans  aux  écoles  catholiques.  Les  plus 

•  séditieux,  étourdis  par  ce  coup  de  vi- 
»  gueur ,  et  voyant  bien  que  l'on  était 
»  en  force  pour  les  châtier  s'ils  tentaient 
»  la  rébellion,  se  montrèrent  les  plus  trai- 
»  tables.  Ceux  de  Paris,  qui  n'avaient  plus 
■  Claude  pour  les  ameuter,  donnèrent 
»  l'exemple  de  la  soumission.  Les  plus  en- 
»  tétés  de  l'hérésie  sortirent  du  royaume, 

•  et  avec  eux  la  semence  de  tous  les  trou- 
»  Mes.  El  l'Europe  entière  fut  dans  l'éton- 
p  nement  de  la  promptitude  et  de  la  faci- 
»  lilé   avec  laquelle  le  roi  avait  anéanli. 

•  par  un  seid  édit,  une  hérésie  qui  avait 
»  provoqué  les  armes  de  six  rois  ses  pré- 
»  décesseurs,  et  les  avait  forcés  de  com- 
»  poser  avec  elle.  On  a  exagéré  infiniment 


LOU 


»  le  nombre  des  huguenots  qui  sortirent 
»  du   royaume  à  cette  occasion,   et  cela 
»  devait  être  ainsi  :   comme  les  intéres- 
»  ses  sont  les  seuls  qui  parlent  et  crient, 
»  ils  aflirment  tout  ce  qui  leur  plaît.  Tin 
»  ministre  qui  voyait  son    troupeau  dis- 
»  perse  ,    publiait   qu'il  avait  passé  chea 
i>  l'étranger.  Un  chef  de  manufacture ,  qui 
»  avait  perdu  deux  ouvriers  ,  faisait  son 
«  calcul  conmie  si  tous  les   fabricans  du 
»  royaume  avaient  fait  la  même  perte  que 
»  lui.  Dix  ouvriers  sortis  d'une  ville  ,  où 
»  ils  avaient  leurs  connaissances  et  leurs 
«  amis,  faisaient  croire,  par  le  bruit  du 
n  leur  fuite ,  que  la  ville  allait   manquer 
»  de  bras  pour  tous  les  ateliers.    Ce  qu'il 
0  y  a  de  surprenant ,  c'est  que  plusieurs 
»  maîtres  de  requêtes,  dans  les   instruc- 
»  lions  qu'ils  m'adressèrent  sur  leurs  gé- 
«néralités,   adoptèrent  ces  bruits  popu- 
»  laires  ,    et  annoncèrent  par  là  combien 
»  ils  étaient  peu  instruits  de  ce  qui  devait 
»  le  plus  les  occuper.  Aussi  leur  rapport 
»  se  trouva-t-il    contredit  par   d'autres, 
»  et  démontré  faux   par  la  vérification 
n  faite  en  plusieurs  endroits.  Quand  le 
»  nombre  des  huguenots  qui  sortirent  de 
»  France  à  cette  époque  monterait,  sui- 
»  vant  le  calcul  le  plus  exagéré,  à  G7,  732 
»  personnes,  il  ne   devait   pas  se   trou- 
I»  ver  parmi  ce  nombre,  qui  comprenait 
»  tous  les  âges  et  tous  les  sexes,   assez 
»  d'hommes  utiles  pour  laisser  un  grand 
»  vide  dans   les  campagnes  et  dans  les 
»  ateliers ,  et    influer    sur    le    royaumes 
»  entier.   Il   est  certain ,  d'ailleurs  ,  que 
»  ce  vide  ne  dut  jamais  être   plus   sen- 
»  sible  qu'au  moment  où  il  se  fit.  On  ne 
«s'en    aperçut   pas  alors,    et   l'on    s'en 
»  plaint  aujourd'hui.  Il  faut  donc  en  cher- 
»  cher  une  autre  cause.  Elle  existe  en  effet, 
n  et  si  on  veut  la  savoir  ,  c'est  la  guerre. 
»  Quant  à  la  retraite  des  huguenots  ,  elle 
»  coûta  moins  d'hommes  utiles  à   l'état , 
»  que  ne  lui  en  enlevait  une  seule  année 
»  de  guerre  civile.  Il  est  bien  surprenant 
«  que     certaines    personnes    se    laissent 
»  ébranler  par  les  raisons  les  plus   fri- 
»  voles,  au  point  de  douter  s'il  n'y  aurait 
n  pas  im  avantage  à  rétablir  les  choses 
»  sur  l'ancien  pied,   et,  par  conséquent, 
r>  si  l'on  n'a  pas  eu  tort  de  faire  ce  que 
»  l'on  a  fait.  Mais  ,  dans  la  supposition  , 
»  bien  fausse  assurément,  que  l'on  ait  eu 
»  lort  de  faire  ce  que  l'on  fit,  je  main- 
»  liens  que  l'on  aurait  un  bien  plus  grand 
'■>  tort  aujourd'hui  de  le  défaire  :  ce  serait 
»  se  ruiner    à  démolir   une    forteresse, 
»  parce  qu'on  se  serait  épuisé  à  l'élever. 


LOU  5 

»  Il  y  a  des  torts  dont  il  faut  savoir  pro- 
»  liler,  des  torts  qui  ne  sauraient  se  rc- 
»  parer  que  par  de  plus  grands  torts  en- 
»  core  ;  et  cette  opération  ,  si  elle  eu  était 

•  un ,  sciait  do  ce  genre.  Rappeler  les 
»  huguenots ,  ne  serait-ce  pas  leur  dire  : 
»  Vous  nous  êtes  nécessaires  ,  nous  vous 
»  avons  fait  une  injustice,  nous  vous  en 
»  faisons  excuse?  Quel  orgueil  une  telle  dé- 
»  marche  n'inspirerait-elle  pas  à  de  pareils 
^  sujets?Nese  croiraient-ils  pas  alors  plus 
»  de  droit  que  jamais  de  composer  avec 
»  leur  souverain,  et  plus  en  état  de  lui  faire 
»  la  loi?  Rappeler  les  huguenots,  ne  sc- 
»  rait-ce  pas  rappeler  les  amis  des  ennemis 
»  de  la  France?  Et  ceux  qui  entretenaient 
»  des  correspondances  avec  ces  mêmes 
»  ennemis,  dans  le  temps  qu'on  les  laissait 
»  tranquilles,  nous  seraient-ils  plus  fidè- 
»  les  et  moins  dévoués  à  nos  ennemis ,  ac- 
»  tuellement  qu'ils  auraient  sous  les  yeux 
»  les  auteurs  de  leur  disgrâce,  et  qu'ils  se 
»  rappelleraient  avec  reconnaissance  ceux 
»  qui  les  ont  accueillis  dans  leurs  mal- 
»  heurs  ?  Rappeler  les  huguenots  ,  ce  se- 
»  rait ,  dans  une  affaire  qui  a  dû  être  et 
»  qui  fut  en  offet  le  résultat  des  plus  mû- 
»  re$  délibérations ,  offrir  à  toute  l'Eu- 
»  rope  une  variation  de  principes  pi- 
»  toyable.En  un  mot,  rappeler  les  liugue- 
»  nots,  ce  serait  s'écarter  de  cette  politique 
»  de  fermeté  qui  fait  le  soutien  des  em- 
»  pires,  ce  serait,  en  se  donnant  un  grand 
»  ridicule,  exposer  l'état  je  ne  sais  à  quels 
»  dangers.  Je  ne  parle  pas  encore  des  in- 
»  térêts  de  la  religion  :  car  ne  serait-ce  pas 
»  en  même  temps  imprimer  à  l'hérésie  le 
»  sceau  de  la  perpétuité  en  France;  ne  se- 
»  rait-ce  pas  exposer  tous  les  nouveaux 
»  convertis  aux  railleries,  aux  persécutions 
»  et  au  danger  évident  de  la  rechute?  Ne  se- 
9  rait-ce  pas  exposer  la  religion  à  se  trouver 
»  parmi  nous ,  avant  un  demi-siècle  ,  dans 
»  l'état  malheureux  où  nous  la  voyons 
»  chez  les  peuples  qui  nous  avoisinent? 
»  Je  sais  que  certains  prétendus  poli- 
»  tiques  s'imaginent  avoir  fait  une  belle 
«  découverte,  et  trouvé  le  remède  à  tous 
a  les  maux ,  dans  un  concordat  que  fe- 
»  raient  réciproquement  les  princes  ca- 
»  tholiques  et  huguenots  de  laisser  en  rc- 
»  pos  les  sujets  des  deux  religions  dans 
»  leurs  états.  Mais,  d'abord,  la  partie  ne 

•  serait  pas  égale  ,  puisqu'on  mettrait  la 
»  religion  du  ciel  en  parallèle  et  de  niveau 
»  avec  l'hérésie  Qu'à  la  bonne  heure  les 
»  luthériens,  les  zuinglicns,  les  calvinistes 
»  et  autres  novateurs  passent  entre  eux  ce 
»  concordat  ;  nouveauté  pour  nouveauté  ; 


06  LOU 

«  erreur  pour  erreur,  il  n'y  aurait  poînl 
»  de  partie  essentiellement  lésée  dans  ca 
»  pacte ,  au  lieu  que  les  catho*ques  ne 
»  pourraient  le  faire  qu'avec  un  désavan- 
»  tage  évident:  ce  serait  comme  si,  pour 
»  arranger  deux  frères  qui  seraient  en 
»  différend  sur  leur  légitime,  on  voulait 
»  obliger  celui  qui  a  le  droit  d'aînesse  à 
»  le  partager  ,  par  égale  portion,  avec  son 
»  cadet ,  lequel  aurait  encore  la  tache  de 
»  bâtardise.  En  second  lieu,  est-ce  una 
B  vérité  bien  incontestable,  qu'un  prince 
»  chrétien  puisse  permettre  que  le  mal  se 
»  fasse  dans  ses  élats  ,  pour  obtenir  que  le 
»  bien  se  fasse  dans  les  états'étrangers  , 
»  et  qu'il  puisse  dire  :  Souffrez  que  Dieu 
»  soit  honoré  chez  vous ,  je  souffrirai  qu'il 
»  soit  blasphémé  chez  moi?  En  supposant 
»  qu'il  le  puisse  ,  ce  que  je  ne  crois  pas , 
»  personne  assurément  ne  soutiendra  qu'il 
»  le  doive.  En  outre,  quand  même  tous 
-)  les  souverains  conviendraient  entre  eux 
»  de  laisser  en  repos  leurs  sujets  des  deux 
»  religions,  reste  à  savoir  s'ils  voudraient 
»  y  rester  ,  et  s'il  serait  bien  facile  de  les 
»  y  obliger.  Il  n'est  pas  question  de  sa- 
a  voir  ici  comment  les  deux  religions 
»  peuvent  compatir  dans  d'autres  pays  : 
a  l'expérience  la  plus  funeste  et  la  plus 
»  longue  n'a  que  trop  prouvé  qu'elles 
»  étaient  incompatibles  dans  ce  royaume; 
»  et  c'est,  encore  un  coup,  le  point  au- 
»  quel  il  s'en  faut  tenir ,  et  ne  jamais 
»  perdre  de  vue.  Catherine  de  Médicis  , 
»  en  suivant  précisément  l'idée  de  ce  con- 
B  cordât,  avait  prétendu  ména{?er  et  con- 
o  tenir  les  deux  partis  ;  que  résulta-t-il  de 
»  s-a  politique  ?  la  plus  grande  confusion  , 
»  qui  conduisit  entin  à  la  scène  sanglanta 
»  de  la  St.-Barthélemi,  qu'elle  crut  né- 
»  cessaire  pour  se  débarrasser  une  bonne 
»  fois  des  huguenots ,  qu'elle  n'avait  ren- 
»  dus  que  plus  insolens  et  plus  factieux 
»  en  les  flattant.  Mais  ce  qui  vient  de  se 
»  passer  dans  les  Cévennes  ne  suftit-il  pas 
»  pour  faire  toucher  au  doigt  la  sagesse 
»  de  l'opération  du  roi  et  la  nécessité  de 
»  la  maintenir?  C'est  par  les  succès  inouïs 
»  et  les  horribles  brigandages  que  les  hu- 
»  guenols  vierment  d'exercer  dans  le  Laa- 
»  gucdoc,  qu'il  faut  juger  desaulres  maux 
»  qu'ils  eussent  pu  nous  faire  pendant  la 
»  guerre  actuelle,  s'ils  se  fussent  trouvés  au 
»  point  de  puissance  où  ils  étaient  encore 
»  il  y  a  23  ans.  Et  au  moment  où  j'écris 
n  ceci,  et  où  le  parti  semble  parunemodc- 
«  ration  feinte  désavouer  les  horreurs  aux- 
»  quelles  se  sont  portés  les  Camisanîs , 
»  des  papiers  interceptés  nouf  découvrcu) 


LOU  lio7 

»  que  les  liaisons  avec  l'Anglais  subsis- 
»  tent  toujours...  »  {F.  Vie  du  Dauphin, 
père  de  Louis  XV,  tome  2  ,  page  98  et 
suivantes.  On  peut  consulter  encore  deux 
excellens  Mémoires  de  l'abbé  C. ,  intitulés 
La  voix  du  vrai  patriote  catholique  ;  et 
Mémoire  politico-critique  ^  où  l'on  exa- 
mine s'il  est  de  l'intérêt  de  V Eglise  et  de 
l'état  d'établir  pour  les  calvinistes  du 
royaume  wie  nouvelle  forme  de  se  ma- 
rier.) C'est  ridiculement  et  calomnieuse- 
sement  que  M.  de  Mayer  a  avancé  que 
Louis  XIV  s'était  repenti  à  sa  mort  de  l'o- 
pération la  plus  réfléchie  qu'il  eût  faite 
durant  son  règne;  ce  repentir  est  démenti 
par  les  preuves  les  plus  décisives.  (  Voy. 
le  Journ.  hist.  et  litt.,  i"  mars  1790,  p. 
368.  )  Bayle,  qui  ne  doit  pas  être  suspect 
aux  incrédules,  a  soutenu  que  les  calvi- 
nistes eux-mêmes  ont  forcé  ce  prince  à  ré- 
voquer redit  de  Nantes  ;  qu'en  cela  il  n'a 
fait  tout  au  plus  que  suivre  l'exemple  des 
Etats  de  Hollande,  qui  n'ont  tenu  aucun 
des  traités  qu'ils  avaient  faits  avec  les 
catholiques.  Il  a  prouvé  que  toutes  les 
lois  des  états  protestans  ont  été  plus  sé- 
vères contre  le  catholicisme  que  celles  de 
France  contre  le  calvinisme.  Il  rappelle 
ie  souvenir  des  émissaires  que  les  hugue- 
nots envoyèrent  à  Cromwell  en  1660,  des 
offres  qu'ils  lui  tirent ,  des  résolutions  sé- 
ditieuses qu'ils  prirent  dans  leurs  synodes 
de  la  Basse-Guienne.  Use  moque  de  leurs 
lamentations  sur  la  prétendue  persécution 
qu'ils  éprouvent ,  et  il  leur  déclare  que 
leur  conduite  justifie  pleinement  la  sé- 
vérité avec  laquelle  on  les  a  traités  en 
France.  (  OEuvres  de  Bayle.  t.  2  ,  p.  594.  ) 
Toutes  ces  réflexions  ont  été  vérifiées 
d'nne  manière  terrible  sous  Louis  XVI, 
le  rappel  des  protestans  n'ayant  pas  pré- 
cédé d'un  an  le  délrônement  du  roi  et  le 
renversement  de  la  monarchie.  Tandis 
que  Louis  XIV  travaillait  à  assurer  la 
paix  dans  l'intérieur  de  son  état,  une  ligue 
se  formait  secrètement  en  Europe  entre 
le  duc  de  Savoie,  l'électeur  de  Bavière, 
l'électeur  de  Brandebourg  (  depuis  roi 
de  Prusse),  l'empereur,  le  roi  d'Es- 
pagne ,  le  prince  d'Orange  et  autres 
princes  inquiets  des  projets  de  Louis 
XIV  et  de  son  esprit  de  conquêtes.  Le 
monarque  français  résolut  de  prévenir 
celte  ligue  connue  sous  le  nom  de  li- 
gue d'./ugsbourg_,el  commença  la  guerre 
en  1688,  par  la  dévastation  du  Pala- 
thiat.  Mais  l'année  suivante  les  con- 
fédérés ayant  réuni  leurs  forces,  les  Fran- 
çais abandonnèrent  à  leur  approche  plu- 


LOU 


sieurs  bourgs  et  toutes  les  places  qu'ils 
avaient  prises.  Un  malheur  plus  grand 
pour  la  France  fut  le  détrônement  do 
Jacques  II ,  et  l'élévation  du  prince 
d'Orange  sur  le  trône  d'Angleterre.  L'an- 
née 1690  fut  plus  heureuse.  Le  maréchal 
de  Luxembourg  gagna  une  bataille  contre 
le  prince  de  Valdeck,  à  Fleurus.  La  flot  le 
française,  commandée  par  le  comte  de 
Tourville,  défit  dans  la  Manche  les  flottes 
d'Angleterre  et  de  Hollande.  Catinat  se 
rendit  maître  du  Pas-de-Suse ,  prit  Nice , 
Ville-Franche  ,  et  remporta  la  victoire  do 
Staffarde  contre  les  troupes  du  duc  de  Sa- 
voie. Le  prince  d'Orange  fut  obligé  de 
lever  le  siège  de  Limerick  en  Irlande. 
Mons  dans  les  Pays-Bas  ,  Valence  en  Es- 
pagne, Carmagnole  et  Montmélian  en 
Savoie,  furent  les  conquêtes  de  la  cam- 
pagne suivante.  Ces  siiccès  furent  contre- 
balancés par  la  perte  de  la  bataille  navale 
de  la  Hogue ,  en  1692.  Le  combat  dura 
depuis  le  matin  jusqu'à  la  nuit;  50  vais- 
seaux français  combattirent  contre  84.  La 
supériorité  du  nombre  l'emporta.  Les 
Français,  obligés  de  faire  retraite,  furent 
dispersés  par  le  vent  sur  les  côtes  de  Bre- 
tagne et  de  Normandie ,  et  l'amiral  an- 
glais leur  brûla  15  vaisseaux.  Cette  dé- 
faite sur  mer,  une  des  premières  époques 
du  dépérissement  delà  marine  de  France, 
fut  compensée  par  les  avantages  qu'on 
remporta  sur  terre.  Le  roi  assiégea  Na- 
mur  en  personne ,  prit  la  ville  en  huit 
jours  et  les  châteaux  en  vingt-deux.  Lu- 
xembourg empêcha  Guillaume  de  passer 
la  Mehaigne  à  la  tête  de  80,000  hommes, 
et  de  venir  faire  lever  le  siège.  Ce  géné- 
ral gagna  peu  de  temps  après  deux  ba- 
tailles ,  celle  de  Steinkerque  en  1692 ,  et 
celle  de  Nerwinde  çn  1693.  Peu  de  jour- 
nées furent  plus  meurtrières.  L'année 
1694,  remarquable  par  la  disette  qu'on 
souffrit  en  France ,  ne  le  fut  par  aucun 
succès  éclatant.  La  campagne  de  1695  se 
réduisit  à  la  prise  de  Casai ,  dont  les  for- 
tifications furent  rasées  entièrement. 
Comme  les  recrues  se  faisaient  difficile- 
ment en  1695,  des  soldats  répandus  dans 
Paris  enlevaient  les  gens  propres  à  porter 
les  armes,  les  enfermaient  dans  des  mai- 
sons, et  les  vendaient  aux  officiers.  Ces  • 
maisons  s'appelaient  des  fours  :  il  y  en 
avait  trente  dans  la  eapitale.Le  roi,  in- 
struit de  cet  attentat  contre  la  liberté  pu- 
blique, que  le  magistrat  n'avait  osé  ré- 
primer de  crainte  de  lui  déplaire,  fit 
arrêter  les  enrôleurs,  ordonna  qu'ils  fus-  7 
sent  jugés  dans  toute  la  rigueur  des  lois^ 
47. 


LOU  S 

rendit  la  libcrlé  à  ceux  qui  l'avaient  per- 
due par  fraude  ou  par  violence ,  et  dit 
qu'il  voulait  être  svrvi  par  des  soldats, 
et  non  par  des  esclaves.  Ou  s'attendait  à 
de  grands  événeinens  du  coté  de  Tllalie 
en  1696.  Le  maréchal  de  Catinat,  qui  avait 
remporté  l'importante  victoire  de  la  Mar- 
jaille  en  1695  sur  le  duc  de  Savoie ,  était 
campé  à  deux  lieues  de  Turin.  Ce  prince, 
las  de  la  guerre  ,  conclut  un  accommode- 
ment avec  la  France  le  18  septembre  1696. 
Par  ce  traité,  Louis  XIV  lui  rendit  tout 
ce  qu'il  avait  pris  pendant  la  guerre ,  lui 
paya  4.000,000,  eut  la  vallée  de  Barce- 
ionaelte  en  échange  de  Pignerol ,  et  ma- 
ria le  duc  de  Bourgogne  avec  la  fille 
aînée  du  duc.  Cette  paix  particulière  fut 
suivie  de  la  paix  générale,  signée  à  Rys- 
wick  le  10  octobre  1697.  Les  eaux  du 
Rhin  furent  prises  pour  bornes  de  l'Alle- 
magne et  de  la  France.  Louis  XIV  garda 
ce  qu'il  possédait  en-deçà  de  ce  fleuve ,  et 
rendit  ce  qu'il  avait  conquis  au  delà.  Il 
reconnut  le  prince  d'Orange  pour  roi 
d'Angleterre.  Les  Espagnols  recouvrèrent 
ce  que  l'on  avait  pris  sur  eux  depuis  le 
traité  de  Nimègue,  qui  servit  presque  par- 
tout de  fondement  à  celui  de  Ryswick. 
Cette  paix  fut  précipitée  par  le  motif  de 
«oulager  les  peuples,  accablés  par  les  im- 
pôts et  la  misère.  L'Europe  se  promettait 
vn  vain  le  repos  après  une  guerre  si 
cruelle,  après  tant  de  sajig  répandu, 
après  les  malheurs  de  tant  d'étals.  Depuis 
long -temps  diverses  puissances  soupi- 
raient après  la  succession  d'Espagne, 
Charles  II,  mort  sans  cnfans  en  1700, 
laissa  par  testament  sa  couronne  à  Phi- 
lippe de  France,  duc  d'Anjou,  au  préju- 
dice des  princes  de  sa  maison.  Les  po- 
tentats de  l'Europe ,  alarmés  de  voir  la 
monarchie  espagnole  soumise  à  la  France, 
s'unirent  presque  tous  contre  elie.  Les 
alliés  n'eurent  d'abord  pour  objet  que  de 
démembrer  ce  qu'ils  pourraient  de  cette 
riche  succession;  et  ce  ne  fut  qu'après 
plusieurs  avantages  qu'ils  prétendirent 
oter  le  trône  d'Espagne  à  Pliilippe.  La 
guerre  commença  par  l'Italie.  L'empe- 
reur, voulant  procurer  ce  trône  à  l'ar- 
chiduc Charles,  y  envoya  le  prince  Eu- 
gène avec  une  armée  considérable.  Il  se 
rendit  maître  de  tout  le  pays  situé  entre 
TAdige  et  l'Adda,  cl  manqua  de  prendre 
Crémone  en  1702.  (  yoi/ez  EUGÈNlv.  ) 
L'année  suivante  fut  mêlée  de  succès  et 
de  revers,  mais  l'année  1704  vil  cliangcr 
f  -.la  face  de  l'Europe.  L'Espagne  fut  presque 
'conquise  par  le  Portugal,  qui  venait  d'cn- 


S8  LOU 

trer  dans  la  grande  alliance,  et  dont  les 
troupes  étaient  fortifiées  par  celles  d'An- 
gleterre et  de  la  Hollande.  L'Allemagne 
fut  en  un  moment  délivrée  des  Français. 
Les  alliés,  commandés  par  le  prince 
Eugène  ,  par  Marleborough ,  par  le  priace 
de  Bade ,  taillèrent  en  pièces  à  Hochstet 
l'armée  française ,  commandée  par  TaU 
lard  et  Marsin.  Cette  bataille,  dans  la- 
quelle 27  bataillons  et  k  régimens  de  dra- 
gons furent  faits  prisonniers,  12,000 
hommes  tués,  30  pièces  de  canon  prises, 
ôta  aux  Français  100  lieues  de  pays,  et 
du  Danube  les  jeta  sur  le  Rhin.  L'annéa 
1705 ,  plus  glorieuse  pour  la  France ,  fut 
plus  funeste  pour  l'Espagne.  Nice  et  Ville- 
Franche  furent  prises,  la  victoire  de  Cas- 
sano  fut  disputée  au  prince  Eugène  par 
le  duc  de  Vendôme,  la  Champagne  ga- 
rantie d'invasion  par  Villars.  Mais  Tessé 
leva  le  siège  de  Gibraltar,  les  Portugais 
50  rendirent  maîtres  de  quelques  places 
importantes,  Barcelone  se  rendit  à  l'ar- 
chiduc d'Autriche,  le  concurrent  de  Phi- 
lippe V  dans  la  succession  ;  Gironne  se 
déclara  pour  lui.  En  1706,  la  bataille  do 
Ramillies  fut  perdue  par  Villeroi,  mal- 
heureux en  Flandre,  après  l'avoir  été  en 
Italie  ;  Anvers,  Gand,  Ostende  et  plusieurs 
autres  villes,  furent  enlevées  à  la  France. 
Alcantara,  eu  Espagne,  tomba  entre  les 
mains  des  ennemis,  qui ,  profitant  de  cet 
avantage,  s'avancèrent  jusqu'à  Madrid 
et  s'en  rendirent  les  maîtres.  On  tenta 
vainement  de  prendre  Turin  :  le  duc 
d'Orléans  fut  défait  par  le  prince  Eugène 
devant  celte  ville,  délivrée  par  cette  ba- 
taille. Le  mauvais  succès  de  ce  siège  fit 
perdre  le  Milanais  ,  le  Modénois  ,  et  pres- 
que tout  ce  que  l'Espagne  avait  en  Italie. 
Les  Français  n'étaient  pas  pourtant  dé- 
couragés. Ils  mirent  à  contribution ,  en 
1707 ,  tout  le  pays  qui  est  entre  le  Mein  et 
le  Nccker,  après  que  le  maréchal  de  Vil- 
lars eut  forcé  les  lignes  de  Slolhoffen.  Le 
maréchal  do  Berwick  remporta  à  AI- 
manza,  le  23  avril  de  la  même  année, 
une  victoire  signalée,  suivie  de  la  réduc- 
tion des  royaumes  de  Valence  et  d'Ara- 
gon. Le  clîevalier  de  Forbin  et  Duguay- 
Trouin  se  distinguèrent  sur  mer,  bat- 
tirent les  flolles  ennemies  en  diverses 
rencontres,  et  firent  des  prises  considé- 
rables. En  1708,  la  fortune  ne  fut  favora- 
ble aux  Français  ni  en  Allemagne  ni  en 
Italie.  La  ville  de  Lille  fut  prise  par  les 
alliés,  qui  avaient  gagné  peu  de  temps 
auparavant  la  bataille  d'Oudenarde.  Les 
Impériaux,  qui  s'étaient  rendus  maîtres 


LOU  5 

du  royaume  de  Naples  l'année  précé- 
dente, s'emparèrent  du  duché  de  Man- 
toue  ,  pendant  que  les  Anglais  conquirent 
lo  Port-Mahon.  Le  cruel  hiver  de  1709 
acheva  de  désespérer  la  France.  Les  oli- 
viers ,  les  oran{jers ,  ressources  des  pro- 
vinces méridionales  ,  périrent  ;  presque 
tous  les  arbres  fruitiers  gelèrent;  il  n'y 
eut  point  d'espérance  de  récolte  ;  le  dé- 
couragement augmenta  avec  la  misère. 
Louis  XIV  demanda  la  paix;  mais  la  hau- 
teur avec  laquelle  il  s'était  conduit  à  l'é- 
gard de  ses  ennemis  vaincus  les  rendit 
tiers  à  leur  tour.  Déjà  Marleborough  avait 
pris  Tournai,  dont  Eugène  avait  couvert 
le  siège  ;  déjà  ces  deux  généraux  mar- 
chaient pour  investir  Mons.Le  maréchal  de 
Villars  rassemble  son  armée,  vole  au  se- 
cours de  cette  ville,  et  près  du  village  de 
Alalplaquet  il  livre  bataille  aux  deux  gé- 
néraux de  l'empereur;  Villars  la  perd  et 
y  est  blessé.  Le  roi,  ferme  dans  l'adver- 
sité, mais  vivement  affligé  des  malheurs 
de  ses  peuples ,  envoya  en  1710  le  maré- 
chal d'Uxelles  et  le  cardinal  de  Polignac 
pour  demander  la  paix.  Il  descendit  jus- 
qu'à promettre  de  fournir  de  l'argent  aux 
alliés ,  pom  les  aider  à  ôter  la  couronne 
à  son  petit-fils  ;  ils  voulaient  plus,  ils  exi- 
geaient qu'il  l'obligeât  d'abdiquer.  Cette 
demande  lit  dire  au  roi  :  «  Puisqu'il  faut 
»  que  je  fasse  la  guerre  ,  j'aime  mieux  la 
»  faire  à  mes  ennemis  qu'à  mes  enfans.  » 
Philippe  V,  ayant  été  battu  près  de  Sa- 
ragosse,  fut  obligé  de  quitter  la  capitale 
de  ses  étals  ;  il  y  rentra  par  une  victoire. 
Les  négociations  pour  la  paix  recommen- 
cèrent en  1711 ,  et  eurent  un  effet  heureux 
auprès  d'Anne,  reine  d'Angleterre.  Une 
suspension  d'armes  fut  publiée  entre  les 
deux  couronnes,  le  24  août  1711.  On  com- 
mença enfin  à  Utrecht  des  conférences 
pour  une  pacification  générale.  La  France 
n'en  fut  pas  moins  dans  la  consternation  ; 
des  détachemcns  considérables  ,  envoyés 
par  le  prince  Eugène,  avaient  ravagé  une 
partie  de  la  ChamjTagne  ,  et  pénétré  jus- 
qu'aux portes  de  Reims.  L'alarme  était  à 
Versailles  comme  dans  le  reste  du  royau- 
me. La  mort  du  fils  unique  du  roi ,  arri- 
vée depuis  un  an;  le  duc  de  Bourgogne, 
la  duchesse  de  Bourgogne,  leur  fils  aîné, 
enlevés  rapidement  et  portés  dans  le 
même  tombeau  ;  le  dernier  de  leurs  en- 
fans  moribond  :  toutes  ces  infortunes  do- 
mestiques, jointes  aux  étrangères,  fai- 
saient regarder  la  fin  du  règne  de  Louis 
XIV  comme  un  temps  marqué  pour  la 
calamité,  ainsi  que  le  commcnccincnt  l'a- 


S9  LOU 

~  vail  été  pour  la  fortune  et  pour  la  gloire; 
et  Dieu,  qui  l'avait  élevé  jusqu'à  en  faire 
uii  objet  d'envie  et  de  terreur  pour  les 
nations  voisines,  appesantit  son  bras  sur 
lui,  et  l'attaqua  par  les  endroits  les  plus 
sensibles.  Comme  père  et  comme  roi,  il 
fut  également  éprouvé.  Environné  d'un© 
foule  de  princes  ses  enfans,  qui  faisaient 
la  consolation  de  sa  vieillesse,  l'ornement 
de  sa  cour,  l'espérance  du  royaume,  il 
semblait  que  l'Europe  n'aurait  pas  eu 
assez  de  couronnes  pour  leur  en  donner 
à  tous  ;  et  en  moins  de  dix  mois  il  sa 
trouva  réduit  à  souhaiter  qu'il  lui  eu 
restât  un  seul  qui  portât  la  sienne.  Tout 
couvert  des  lauriers  qu'il  avait  cueillis 
depuis  qu'il  était  sur  le  trône,  il  comptait 
le  nombre  de  ses  années  par  celui  de  se^ 
prospérités;  et  il  vit  tout  à  coup  sa  puis- 
sance, auparavant  si  formidable,  deve- 
nir le  jouet  de  la  fortune  et  le  mépris  de 
ses  enneujis.  Forcé  de  demander  la  paix 
à  ceux  qui  l'avaient  attaque,  lui  qui  avait 
accoutumé  d'attaquer  les  autres  ;  à  ceux 
qui  l'avaient  vaincu,  lui  qui  avait  tou- 
jours passé  pour  invincible ,  il  la  sollicita 
sans  pouvoir  l'obtenir.  Louis,  n'ayant  do 
ressource  ni  dans  la  modération  des  vic- 
torieux ni  dans  lc3  bras  des  vaincus ,  en 
trouva  dans  sa  patience  et  dans  sa  rési- 
gnation sans  bornes.  Naturellement  fort 
sensible,  mais  assez  maître  de  son  cœur 
et  de  ses  yeux  pour  ne  point  le  paraître, 
on  le  vit  recevoir  les  plus  tristes  nouvel- 
les avec  un  visage  serein,  rassurer  mèmu 
le  courtisan  et  le  ministre  consternés.  Lo 
roi  conquérant  et  le  père  béni  comme  les 
anciens  patriarches  par  une  nombreuso 
postérité,  parurent  moins  admirables  que 
le  père  affligé  dans  sa  famille,  et  Im  con- 
quérant réduit  à  demander  la  paix,  parce 
que  les  revers  ne  luiôtèrenl  rien  de  celte 
fermeté  qui  fait  le  caractère  du  véritable 
héros.  Quelques  écrivains  rapportent  cette 
fermeté  d'âme  à  la  prédiction  qui  lui  avait 
été  faite  de  tous  ces  malhcxirs  par  un 
Jiomme  de  la  petite  ville  de  Salon  en 
Provence.  Ou  peut  voir  cette  anecdote 
décrite  d'une  manière  curieuse  et  iiiié- 
ressante  dans  la  ris  du  Dauphin,  duc  dO 
Bourgogne,  par  l'abbé  Proyart,  toin.  2, 
pug.  113.  Le  duc  de  Saint-Simon  en  parla 
aussi  dans  ses  Mémoires^  mais  d'une 
manière  plus  générale.  (  Voi^.  MARE- 
CHAL de  SALON.  )  Au  milieu  de  ces  de- 
sastres, le  maréchal  de  Villars  force  le 
camp  des  ennemis  à  Denain,  et  sauve  I;i 
France  :  cette  victoire  est  suivie  de  la 
levée  du  siège  de  Landrccicspar  le  prliice  jf*" 


LOU  5'60 

Eugène  ,  de  la  prise  de  Douai ,  de  celle  du 
Qucsnoy,  decelle  de  Bouchain.Ces  avan- 
tages, mais  plus  encore  la  défection  de 
l'Anfjleterre ,  accélérèrent  la  conclusion 
de  la  paix  générale.  Elle  fut  signée  à 
Utrecht  par  la  France  et  l'Espagne  avec 
l'Angleterre,  la  Savoie,  le  Portugal,  la 
Prusse  et  la  Hollande,  le  H  avril  1713  ;  et 
avec  l'empereur,  le  11  mars  171/t,  à  Ras- 
fadt.  Par  ces  différens  traités,  le  roi  re- 
connut l'électeur  de  Brandebourg ,  roi  de 
Prusse  ;  ou  plutôt  il  laissa  à  la  maison 
d'Autriche  quelques  villes  qu'avant  la 
guerre  il  possédait  dans  les  Pays-Bas  ca- 
tholiques; il  promit  de  faire  démolir  les 
for tilica lions  de  Dunkerque  :  les  fron- 
tières de  l'Allemagne  resicrent  dans  l'état 
où  elles  étaient  après  la  paix  de  Ryswick. 
Les  dernières  années  de  la  vie  de  ce 
prince  furent  troublées  par  l'hérésie  jan- 
senienne,  qu'il  s'efforça  en  vain  d'étouf- 
fer, en  joignant  son  autorité  à  celle  du 
pape  et  de  l'Eglise  universelle.  La  mort 
de  Louis  fut  celle  d'un  héros  chrétien, 
qui  quitte  la  vie  sans  se  plaindre,  et  les 
grandeurs  sans  les  regretter.  Le  courage 
d'esprit  avec  lequel  il  vit  sa  lin  fut  dé- 
pouillé de  cette  ostentation  répandue  sur 
toute  sa  vie.  Ce  courage  alla  jusqu'à 
avouer  ses  fautes.  Il  recommanda  à  son 
successeur  «  de  soulager  ses  peuples,  et 
»  de  ne  pas  l'imiter  dans  sa  passion  pour 
»  la  gloire ,  pour  la  guerre ,  pour  les  bàli- 
»  mens.  »  Il  expira  le  1""  septembre  1715, 
à  77  ans,  dans  la 73*^  année  de  son  règne. 
Il  avait  vu  k  rois  enDancmarck,  4  en 
Suède ,  5  en  Pologne  ,  k  en  Portugal ,  3  en 
Espagne  ,  k  en  Angleterre  ,  5  empereurs  , 
9  papes,  et  plus  de  100  autres  princes 
d'Italie  ou  d'Allemagne.  Quoiqu'on  lui  ait 
reproché  trop  de  hauteur  avec  les  étran- 
gers dans  ses  succès,  de  la  faiblesse  pour 
plusieurs  femmes,  de  trop  grandes  sévé- 
rités dans  des  choses  personnelles,  des 
guerres  légèrement  entreprises ,  l'embra- 
sement du  Palatinat,  et  les  excès  horri- 
bles commis  dans  cette  province  et  dans 
d'autres  de  ces  contrées  par  ses  ordres 
exprès,  cependant  ses  grandes  qualités, 
mises  dans  la  balance,  l'ont  emporté  sur 
ses  fautes.  La  postérité  admirera  dans  son 
gouvernement  une  conduite  ferme ,  noble 
et  suivie,  quoiqu'un  peu  trop  absolue; 
dans  sa  (^ur,  le  modèle  de  la  politesse, 
du  bon  goût  et  de  la  grandeur.  II  gou- 
verna ses  ministres,  loin  d'en  être  gou- 
verné. Il  eut  des  maltresses,  mais  elles 
n'influèrent  pas  dans  les  affaires  géné- 
rales, et  il  cessa  d'en  avoir  depuis  que 


LOU 

madame  de  Maintenon  eut  fixé  son  cœur. 
S'il  aima  les  louanges ,  il  souffrit  la  con- 
tradiction. On  sait  jusqu'où  alla  son  res- 
pect pour  les  choses  saintes ,  son  attention 
à  la  prière,  sa  modestie  dans  les  temples, 
son  attachement  à  la  foi  de  ses  ancêtres , 
sa  soumission  aux  décrets  de  l'Eglise,  sou 
zèle  contre  les  erreurs  et  les  nouveautés, 
sa  haine  contre  toutes  sortes  de  vices. 
L'impiété  n'osa  se  montrer  devant  lui  :  il 
put  faire  des  hypocrites,  il  ne  put  faire 
des  libertins;  pour  lui  plaire,  il  faWait 
être  homme  de  bien,  en  avoir  du  moins 
le  masque.  Dans  sa  vie  privée,  il  fut  à  h\ 
vérité  trop  plein  de  sa  grandeur,  mais 
affable  ;  ne  donnant  point  à  sa  mère  de 
part  au  gouvernement,  mais  remplissant 
vis-à-vis  d'elle  tous  les  devoirs  d'un  lils; 
intidèle  à  son  épouse,  mais  observant 
toutes  les  règles  de  la  bienséance  :  bon 
père,  bon  maître,  toujours  décent  en 
public,  laborieux  dans  le  cabinet,  exact 
dans  les  affaires,  pensant  juste,  parlant 
bien,  et  se  montrant  aimable  avec  di- 
gnité. On  se  souvient  encore  de  plusieurs 
de  ses  réparties ,  les  unes  pleines  d'esprit, 
les  autres  d'un  grand  sens.  Le  marquis  de 
Marivaux,  officier  général,  homme  un 
peu  brusque,  avait  perdu  un  bras  dans 
une  action ,  et  se  plaignait  au  roi ,  qui  l'a- 
vait récompensé  autant  qu'il  pouvait  le 
faire  pour  un  bras  cassé  :  «  Je  voudrais 
»  avoir  perdu  aussi  l'autre,  dit-il,  et  ne 
»  plus  servir  Votre  Majesté,  n  —  «  J'en  se- 
o  rais  bien  fâché  pour  vous  et  pour  moi,  ■ 
lui  ré])ondit  le  roi;  et  ce  discours  fut 
suivi  d'un  bienfait...  Lorsque  le  cardinal 
de  Noailles  le  vint  remercier  de  la  pourpre 
qu'il  lui  avait  fait  obtenir  :  «  Je  suis  as- 
i>  sure,  monsieur  le  cardinal,  lui  répon- 
»  dit-il ,  que  j'ai  eu  plus  de  plaisir  à  vous 
»  donnei-  le  chapeau ,  que  vous  n'en  avez 
»  eu  à  le  recevoir.  »  Il  avait  dit  quelque 
chose  d'aussi  obligeant  à  Pontchartrain, 
en  le  faisant  chancelier...  Le  prince  de 
(londé  étant  venu  ie  saluer  après  le  gain 
d'une  bataille ,  le  roî  se  trouva  sur  le 
grand  escalier,  lorsque  le  prince,  qui 
avait  de  la  peine  à  monter  à  cause  de  sa 
goutte  ,  s'écria  :  «  Sire,  je  demande  par- 
»  don  à  Votre  Majesté  si  je  la  fais  atten- 
»  dre.  —  Mon  cousin  ,  lui  répondit  le  roi, 
»  ne  vous  pressez  pas  ;  on  ne  saurait  mar- 
»  cher  bien  vile,  quand  on  est  aussi  chargé 
»  de  lauriers  que  vous  l'êtes.  »  —  Le  ma- 
réchal du  PlessiS;  qui  ne  put  faire  la  cam- 
pagne de  1672  à  cause  de  son  grand  âge, 
ayant  dit  au  roi«  qu'il  portail  envie  à  ses 
»  enfans,  qui  avaient  l'honneur  de  le  scr- 


LOU  S61 

»  vir  ;  que  pour  lui,  il  souhaitait  la  mort, 
»  puisqu'il  ne  lui  était  plus  propre  à 
•  rien,  »  le  roi  lui  dit  en  l'embrassant  : 
t  Monsieur  le  maréchal,  on  ne  travaille 
»  que  pour  approcher  de  la  réputation 
»  que  vous  avez  acquise.  Il  est  agréable 
B  de  se  reposer  après  tant  de  victoires...  » 
Dans  le  temps  que  ce  monarque  travail- 
lait à  établir  une  discipline  austère  et  in- 
violable dans  ses  troupes,  il  chercha  l'oc- 
casion d'en  donner  lui-même  un  exemple 
remarquable.  L'armée  commandée  par  le 
grand  Condé  étant  campée  dans  un  en- 
droit où  il  n'y  avait  qu'une  maison,  le 
roi  ordonna  qu'on  la  gardât  pour  le 
prince.  Condé  voulut  en  vain  se  défendre 
de  l'occuper  ;  il  y  fut  forcé.  «  Je  ne  suis 
i>  que  volontaire,  dit  le  monarque,  et  je 
»  ne  souffrirai  point  que  mon  général  soit 
s  sous  la  toile ,  tandis  que  j'occuperais 
o  une  habitation  commode.  »  Louis  XIV 
encouragea  et  récompensa  la  plupart  des 
grands  hounnes  ;  et  le  même  monarque 
i}ui  sut  employer  les  Condé  ,  les  Turerme , 
les  Luxembourg,  les  Créqui,  les  Catinat, 
les  Villars  dans  ses  armées;  les  Colbert, 
les  Louvois  dans  ses  cabinets;  choisit  les 
Boileau  et  les  Racine  pour  écrire  son 
Histoire  ;  les  Bossuel  et  les  Fénélon  pour 
instruire  ses  enfans  ;  et  les  Fléchier,  les 
Bourdaloue ,  les  Massillon  pour  l'instruire 
lui-rnéme.  «  Quel  siècle  plus  mémorable! 
»  dit  l'auteur  de  la  Décadence  des  lettres 
»  et  des  mœurs.  Que  Louis  XIV  parait 
»  grand  quand ,  du  haut  de  sa  gloire,  on 
»  le  voit  appuyé  sur  cette  multitude  in- 
»  nombrable  d'hommes  de  génie  qui  lui 
D  doivent  leur  renommée,  parce  qu'il  les 
»  a  excités,  qu'il  a  créé,  pour  ainsi  dire, 
»  leurs  talens,  comme  il  leur  doit  égale- 
>  ment  les  fondemens  inébranlables  de  sa 
»  grandeur  !  »  La  révolution  qui  se  fit 
dans  les  arts  ,  les  esprits ,  les  mœurs,  in- 
flua sur  toute  l'Europe.  Elle  s'étendit  en 
Angleterre;  elle  porta  le  goût  en  Allema- 
gne, les  sciences  en  Russie;  elle  ranima 
l'Italie  languissante.  Mais  c'est  peut-être 
aussi  ce  qui  prépara  ou  avança  les  événe- 
mens  qui ,  sous  le  second  de  ses  succes- 
seurs ,  jetèrent  la  France  dans  un  état  de 
dissolution,  et  donnèrent  de  si  étranges 
secousses  à  toute  l'Europe  :  une  trop 
grande  extension  dans  l'usage  des  lettres  , 
des  sciences  et  de  la  philosophie ,  ne  pou- 
vait que  nuire  à  la  multitude  qui  n'en  a 
aucun  besoin ,  et  dont  les  qualités  essen- 
sielles  à  la  société  s'altèrent  par  des  spé- 
culations étrangères  à  son  étal.  {Voy. 
FRÉDÉRIC -GUILLAUME  r»" ,  Lilio  GI- 


LOU 

RALDI,  J.-J.  ROUSSEAU.)  Depuis 
qu'une  fausse  philosophie  a  entrepris  d'a- 
néantir la  gloire  des  princes  religieux 
pour  relever  celle  des  héros  profanes  ;  de 
faire  des  annales  des  peuples  un  dépôt  de 
fiel  et  de  corruption;  de  travestir,  d'al- 
térer les  événemens  pour  les  diriger  vers 
le  but  d'une  subversion  générale  ,  on  a  vu 
des  écrivains  contester  à  ce  monarque  le 
titre  de  grand.  Mais  ,  en  dépit  de  la  ma- 
lignité et  de  la  calomnie,  son  nom  vivra 
dans  les  fastes  des  Français  ,  et  la  posté- 
rité le  placera  à  côté  de  Charlemagne  et 
de  Clovis.  Moins  attaché  au  centre  de  l'u- 
nité, moins  zélé  pour  la  foi  de  l'Eglise, 
il  aurait  trouvé  des  admirateurs  parmi 
ceux  qui  le  décrient,  des  panégyristes 
parmi  ses  censeurs.  Il  n'a  cessé  d'être 
grand:,  que  parce  qu'il  a  fait  servir  sa  jmis- 
sance  à  maintenir  la  foi  et  à  exterminer 
l'erreur.  (  Voyez  la  fin  des  articles  MAIN- 
TENON  et  PHILIPPE  II.)  Limiers,  Laiv- 
rei,  Rebûulet,  Lahode  et  'Voltaire  ont 
écrit  son  Histoire  ;  mais  celui-ci  est  trop 
court ,  et  a  trop  donné  à  son  imagination  ; 
les  autres  ,  trop  diffus  ,se  sont  en  quelque 
sorte  bornés  à  compiler  et  à  défigurer  des 
gazettes.  Nous  terminerons  cet  article  en 
rapportant  les  paroles  d'un  habile  histo- 
rien. «  Louis  XIV  suppléa  par  un  grand 
»  caractère  aux  dons  d'un  grand  génie  ; 
»  tout  ce  qu'il  conçut,  tout  ce  qu'il  exécuta 
»  deplusheureuï,  déplus  habile  pendant 
»  les  années  triomphantes  de  son  règne, 
»  fut  lin  développement j  une  améliora- 
»  tions  des  plans  et  des  actes  du  cardinal 
r>  de  Richelieu.  Celui-ci,  inquiet  sur  une 
»  autorité  précaire  ,  fut  souvent  sangui- 
»  naire.  Louis  XIV  fonda  bien  moins  sur 
n  la  terreur  que  sur  l'admiration  l'auto- 
»  rite  absolue  dont  il  avait  reçu  l'héritage. 
»  Les  préjugés  de  son  rang  et  de  son  siècle 
»  le  rendirent  parfois  injuste  sans  remords. 
»  Il  ajouta  mille  séductions  à  l'art  de  ré- 
»  gner  ;  il  le  purgea  des  froides  scéléra- 
»  tesses  du  machiavélisme.  On  dirait  que 
»  le  mot  de  majesté  fut  créé  pour  lui.  .11 
B  trouva  le  secret  de  tout  subordonner 
»  sans  avilir  aucun  ordre  de  l'état ,  sans 
»  dégrader  aucun  caractère.  Il  permit  à 
»  quelques  hommes  d'être  grands  et  mêuîo 
»  plus  grands  que  lui.  Le  tiers-état  ne 
»  reçut  pas  moins  de  lui  que  de  ses  prédé- 
»  cesseurs  ;  il  n'y  eut  pas  sous  son  règne  un 
»  seul  grand  emploi  auquel  les  plébéiens 
»  ne  parvinssent.  Tout  vint  figurer  sur  ce 
»  vaste  théâtre  de  gloire ,  ouvert  par  Louis 
»  XIY.  L'industrie ,  la  vieillesse  et  surtout 
»  le  génie  élevèrent  par  degrés  '-^  tiers- 


LOU 


562 


LOU 


»  état....  La  nation  française  ne  peut  ou- 
•  blier  qu'elle  lui  doit  le  rang  qu'elle  oc- 

»  cupe  dans  l'univers »  Madame   de 

Genlis  a  publié  un  Abrégé  des  mémoires 
ou  Journal  du  marquis  de  Dangeau , 
extrait  du  manuscrit  originale  contenant 
beaucoup  de  particularités  et  d'anecdotes 
sur  Louis  XJy  ^  sa  cour ,  etc.  (  f^ogez 
DANG£AU) .  On  a  un  Essai  sur  l'établis- 
sement monarchique  de  Louis  XI F , 
par  Lemontey,  Paris,  1818,  in-8°,  et  les 
OEuvres  de  Louis  XIV.  1806,  6  vol.  in-8°, 
contenant  les  instructions  pour  le  dau- 
phin et  le  roi  d'Espagne,  plusieurs  lettres 
de  Louis  XIV ,  etc.  Ils  ont  été  imprimés 
par  les  soins  de  Grimoard  et  Grouvelle. 
LOUIS  XV,  'h"  fils  du  duc  de  Bourgogne 
(depuis  Dauphin)  ,  arrière-petit-fils  de 
Louis  XIV,  et  de  Marie  -  Adélaïde  de 
Savoie ,  naquit  à  Fontainebleau  le  15  fé- 
vrier 1710,  et  fut  d'abord  nommé  duc 
de  Bretagne.  Devenu  dauphin  le  8  mars 
1712  ,  par  la  mort  de  son  illustre  père , 
il  succéda  à  Louis  XIV,  son  bisaïeul, 
le  1"  septembre  1713.  Il  avait  cinq 
ans  et  demi  lorsqu'il  monta  sur  le  trône. 
Philippe ,  duc  d'Orléans ,  son  plus  proche 
parent,  devait  être  régent  ;  mais  il  vou- 
lut devoir  cette  place  à  sa  naissance,  et 
non  au  testament  de  Louis  XIV.  Ce  tes- 
tament, qui  aurait  beaucoup  gêné  son 
administration ,  fut  cassé  par  le  parlement 
et  la  régence  lui  fut  déférée  le  2  septem- 
bre, c'est-à-dire  le  lendemain  de  la  mort 
de  Louis  XIV ,  qui  avait  bien  prévu  que 
les  choses  iraient  ainsi ,  et  qui  avait  fait  ce 
testament  sans  beaucoup  espérer  qu'il  fût 
exécuté.  «  Il  savait  très  bien  ,  dit  un  his- 
»  torien,  où  l'autorité  royale  expirait,  et 
»  que  les  affaires  d'état  sont  des  choses 
p  qu'un  roi  mort  ne  peut  plus  régler.  Il 
»  arrive  cependant  quelquefois  que  par 
»  respect  pour  le  défunt  morjarque,  sur- 
»  tout  lorsque  l'idée  de  ses  grandes  qua- 
»  lités  dépasse  le  tombeau  avec  l'affection 
»  et  les  regrets  des  peuples  ,  que  ses  der- 
»  nières  volontés  sont  adoptées  par  ses 
«successeurs  et  par  l'état,  et  suivies 
»  comme  un  tableau  de  direction  et  comme 
»  des  conseils  :  et  c'eût  été  le  cas  de  Louis 
»  XIV  ,  sans  l'opposition  du  régent  et  des 
9  parlemens.  »  Les  premiers  soins  du  ré- 
,  gent  furent  de  rétablir  les  finances,  qui 
étaient  dans  le  plus  grand  dérangement. 
Il  permit  à  Law ,  intrigant  écossais ,  de 
former  une  banque  dont  on  se  promet- 
tait les  plus  grands  avantages.  {Vogez 
l'article  LAW  ,  et  PHILIPPE ,  duc  d'Or- 
léans.) Les  suites  des  dangereuses  nou- 


veautés de  Law  furent  la  subversion  de 
cent  mille  familles,  la  disgrâce  du  chan- 
celier d'Aguesseau  ,  et  l'exil  du  parlement 
à  Pontoise.  Le  roi  ayant  été  couronné  à 
Reims  en  1722  ,  et  déclaré  majeur  l'année 
suivante ,  le  duc  d'Orléans  remit  les  rênes 
de  l'état  dont  il  avait  eu  la  conduite  pen- 
dant la  minorité.  Le  cardinal  Dubois, 
alors  secrétaire  d'état,  fut  chargé  pen- 
dant quelque  temps  de  la  direction  géné- 
rale des  affaires  ;  mais  ce  ministre  étant 
mort  au  mois  d'août  1723  ,  le  duc  d'Or- 
léans accepta  le  titre  de  premier  minis- 
tre. Ce  prince,  mort  le  2  décembre  de  la 
même  année,  eut  pour  successeur  dans 
le  ministère  le  duc  de  Bourbon  ,  qui  s'em- 
pressa de  chercher  une  épouse  au  jeune 
monarque.  Il  choisit  la  princesse  de  Po- 
logne,  Marie  Leczinska,  fille  du  roi  Sta- 
nislas. Le  mariage  fut  célébré  à  Fontai- 
nebleau le  5  septembre  1725  ;  et  une  heu- 
reuse fécondité  fut  le  fruit  de  cette  union. 
Il  avait  d'abord  été  fiancé  à  une  infanto 
d'Espagne  ,  qui  vint  à  la  cour  de  France 
à  l'âge  de  quatre  arv5  ;  mais  le  duc  de  Bour- 
bon ,  alors  ministre  ,  s'étant  brouillé  avec 
l'Espagne ,  se  permit  d'y  renvoyer  l'in- 
fanle  en  1723.  Le  nouveau  ministère 
ayant  effarouché  le  parlement ,  la  no- 
blesse et  le  peuple  par  quelques  édits 
bursaux ,  le  duc  de  Bourbon  fut  disgra- 
cié. Le  cardinal  de  Fleuri,  jadis  précep- 
teur du  roi,  et  qui  prit  la  place  du  duc  de 
Bourbon ,  substitua  une  sage  économie 
aux  profusions  dont  on  se  plaignait.  Sans 
avoir  le  titre  de  premier  ministre,  il  eut 
toute  la  confiance  de  Loxûs  XV  ,  et  il  s'en 
ser-  it  pour  faire  le  bien  et  réparer  les 
maux  passés.  La  double  élection  d'un  roi 
de  Pologne,  en  1733,  alluma  la  guerre 
en  Europe.  Louis  XV,  gendre  de  Stanis- 
las ,  qui  venait  d'être  élu  pour  la  seconde 
fois ,  le  soutint  contre  l'électeur  de  Saxe , 
fortement  appuyé  par  l'empereur  Char- 
les VI.  Ce  dernier  souverain  agit  si  effi- 
cacement pour  le  prince  qu'il  protégeait, 
que  Stanislas  fut  obligé  d'abandonner  la 
couronne  qui  lui  avait  été  décernée  ,  et  de 
prendre  la  fuite.  Louis  XV ,  voulant  se 
venger  de  cet  affront  sur  l'empereur, 
s'unit  avec  l'Espagne  et  la  Savoie  contra 
l'Autriche.  La  guerre  se  fit  en  Italie,  ej 
elle  fut  glorieuse.  Le  maréchal  de  Villars, 
en  finissant  sa  longue  et  brillante  carrière 
prit  Milan,  Tortone  et  Novare.  Le  maré- 
chal de  Coigny  gagna  les  batailles  de 
Parme  et  de  Guaslalla.  Enfin  en  1754 ,  l'em- 
pereur avait  perdu  presque  tous  ses  états 
d'Italie.  La  paix  lui  était  devenue  néces- 


LOU 


S63 


LOU 


saire,  il  la  fil;  mais  elle  ne  fut  avanta- 
geuse qu'à  ses  ennemis.  Par  les  prélimi- 
naires signés  le  5  octobre  1755,  et  le  trai- 
té délinilif  signé  le  18  novembre  1738,  le 
roi  Stanislas ,  qui  avait  abdiqué  le  trône 
de  Pologne  ,  devait  en  conserver  les  titres 
et  les  honneurs,  et  être  rais  en  possession 
des  duchés  de  Lorraine  et  de  Bar,  pour 
être  réunis  après  sa  mort  à  la  couronne 
de  France  Ainsi  la  réunion  de  cette  riche 
province,  si  long-temps  désirée  et  si  inu- 
tilement tentée  jusqu'alors  ,  fut  consom- 
mée par  une  suite  d'événemens  auxquels 
la  politique  ne  se  serait  pas  attendue. 
La  mort  de  l'empereur  Charles  VI ,  arri- 
vée en  1740 ,  ouvrit  une  nouvelle  scène. 
La  succession  de  la  maison  d'Autriche , 
quoique  garantie  à  sa  fille  Marie-Thérèse 
par  la  pragmatique-sanction ,  acceptée  et 
signée  par  les  princes  qui  pouvaient  y 
paraître  intéressés,  lui  fut  disputée  par 
quatre  puissances.  Louis  XV  s'unit  aux 
rois  de  Prusse  et  de  Pologne  ,  pour  faire 
élire  empereur  Charles-Albert,  électeur 
de  Bavière.  Créé  lieutenant-général  du 
roi  de  France ,  ce  prince  se  rend  maître 
de  Passau,  arrive  à  Lintz,  capitale  de  la 
Haute- Autriche  ;  mais  ,  au  lieu  d'assiéger 
Vienne ,  dont  la  prise  eût  été  un  coup  dé- 
cisif,  il  marche  vers  Prague,  s'y  fait  cou- 
ronner roi  de  Bolième,  et  va  recevoir  à 
Francfort  la  couronne  impériale  sous  le 
nom  de  Charles  VII.  Ces  premiers  suc- 
cès furent  suivis  de  pertes  rapides.  Prague 
fut  reprise  en  1742 ,  et  la  bataille  de  Det- 
tingue,  perdue  l'année  suivante ,  détrui- 
sit presque  toutes  les  espérances  de  l'em- 
pereur protégé  par  la  France.  11  fut  bien- 
tôt chassé  de  ses  états  héréditaires  et  er- 
rant dans  l'Allemagne ,  tandis  que  les 
Français  étaient  repoussés  au  Rhin  et  au 
Mein.  Ce  fut  dans  ces  circonstances  que 
Louis  XV  fit  sa  première  campagne  au 
printemps  de  1744.  11  prend  Courtray, 
Menin  et  Ypres.  Il  quitte  la  Flandre ,  où 
il  avait  des  succès,  pour  aller  au  secours 
lie  l'Alsace,  où  les  Autrichiens  avaient 
pénétré.  Tandis  qu'il  marchait  contre  le 
prince  Charles  de  Lorraine ,  général  de 
de  l'armée  ennemie,  qui  avait  passé  le 
Rhin,  il  fut  réduit  à  l'extrémité  par  une 
maladie  dangereuse  qui  l'arrêta  à  Metz. 
Ce  fut  à  cette  occasion  que  les  Français 
lui  donnèrent  des  témoignages  sincères 
de  leur  tendresse  alarmée  :  il  fut  surnom- 
mé le  Bien-Aimé.  A  peine  est-il  rétabli , 
qu'il  va  assiéger  Fribourg ,  et  le  prend  le 
îl  novembre  1744.  Les  batailles  de  Fonte- 
noi,  de  Rocoux  etdeLawfeld,  gagnées 


en  1745,  1746  et  1747;  la  journée  de 
Melle  suivie  de  la  prise  de  Gand ,  Ostende 
forcée  en  six  jours ,  Bruxelles  prise  an 
cœur  de  l'hiver,  Berg-Op-Zoom  emporté 
d'assaut ,  Maestricht  investi  en  présence 
de  80,000  hommes,  auraient  assuré  à  la 
France  une  paix  glorieuse  ,  si  elle  avait 
eu  partout  les  mêmes  succès.  Mais  tandis 
que  tout  lui  cédait  en  Flandre ,  les  affaires 
d'Italie  étaient  dans  le  plus  mauvais  état. 
La  bataille  de  Plaisance ,  perdue  en  1746 
par  le  maréchal  de  Maillebois ,  avait  force 
les  Français  à  repasser  les  Alpes.  Les 
troupes  du  duc  de  Savoie  et  de  la  reine 
de  Hongrie  ravageaient  la  Proverice.  Les 
Anglais,  aussi  heureux  sur  mer  que  les 
Autrichiens  l'étaient  en  Italie  ,  ruinaient 
le  commerce  de  la  France  ;  ils  s'empa- 
raient de  Louisbourg  et  du  Cap-Breton  ; 
ils  faisaient  partout  des  prises  immenses. 
La  paix  fut  conclue  à  Aix-la-Chapelle  le 
18  octobre  1748.  Le  roi  assura  Parme , 
Plaisance  et  Guastalla  à  don  Philippe  son 
gendre,  fit  rétablir  le  duc  de  Modène  son 
allié,  et  la  république  de  Gènes,  dans 
leurs  droits  ;  mais  il  rendit  toutes  les  con- 
quêtes faites  aux  Pays-Bas.  La  paix  fut 
encore  troublée  pour  quelques  terrains 
incultes  de  l'Acadie,  dans  l'Amérique 
septentrionale.  Les  Anglais  les  disputè- 
rent aux  Français  en  1755;  ceux-ci  les  har- 
celaient dans  ces  possessions  lointaines , 
tandis  que  les  Anglais  ,  pour  s'en  venger 
faisaient  de  grandes  captures  sur  mer. 
Le  roi  de  Prusse,  auparavant  allié  de» 
Français,  se  ligue  avec  l'Angleterre  tandis 
que  l'Autriche  s'unit  avec  la  France.  11.*^ 
Anglais  furent  d'abord  battus  dans  le  Ca- 
nada ,  et  craignirent  une  invasion  dans 
leurs  îles.  Ils  perdirent  le  Poi  t-Mahon ,  que 
le  maréchal  de  Richelieu  prit  d'assaut  en 
1756,  après  une  victoire  navale  remportée 
par  le  marquis  de  la  Galissonnière.  Le 
maréchal  d'Estrées  gagnait,  d'un  autre 
côlé,  la  bataille  de  Hastembeck  sur  le 
duc  de  Cumberland.  Le  maréchal  de  Ri- 
chelieu ,  envoyé  pour  commander  à  sa 
place,  poussa  l'Anglais,  et  le  força  do 
capituler  à  Closter-Séven  avec  toute  sou 
armée.  L'électoral  de  Hanovre  était  con- 
quis. Une  armée  française,  jointe  à  celle 
des  cercles,  marcha  la  même  année, 
1757  ,  contre  le  roi  de  Prusse  en  Saxe  ,  et 
fut  battue  à  la  fameuse  journée  de  Ros- 
bach,  donnée  au  commencement  de  no- 
vembre. Cette  victoire  fut  décisive  :  l'é- 
lectorat  de  Hanovre  fut  repris  par  les 
Anglais ,  malgré  la  capitulation  de  Clos- 
ter-Séven.   Les  Français   furent   encore 


LOU  5 

battus  à  Crevelt  par  le  prince  de  Bruns- 
wick en  1738  ;  mais  le  duc  de  Broglie  les 
vengea  en  remportant  une  victoire  com- 
plète à  Bergen ,  près  de  Francfort,  le  15 
avril  1759.  Enfin ,  après  diflérens  combats 
où  chaque  parti  était  tantôt  vaincu,  tan- 
tôt vainqueur,  tous  les  princes  pensèrent 
sérieusement  à  la  paix.  La  France  en 
avait  un  besoin  extrême  ;  les  Anglais 
avaient  fait  des  conquêtes  prodigieuses 
dans  les  Indes;  ils  avaient  ruiné  entière- 
ment le  commerce  des  Français  en  Afri- 
que; ils  s'étaient  emparés  de  presque 
toutes  leurs  possessions  en  Amérique.  Le 
pacte  de  famille,  conclu  en  1761  entre 
toutes  les  branches  souveraines  de  la 
maison  de  France ,  n'avait  pas  empêché 
les  Anglais  d'enlever  aux  Espagnols  la 
Havane ,  l'île  de  Cuba  dans  le  golfe  du 
iHexique,  et  les  îles  Philippines  dans  la 
mer  des  Indes.  Par  le  traité  de  paix  qui 
fut  signé  à  Paris ,  au  commencement  de 
1763 ,  ils  rendirent  quelques-unes  de  leurs 
ronquêtes  ;  mais  ils  en  gardèrent  la  meil- 
leure partie.  La  France  céda  à  l'Angleterre 
Ixiuisbourg  ou  le  Cap-Breton ,  le  Canada, 
toutes  les  terres  sur  la  gauche  du  Missis- 
sipi,  excepté  la  Nouvelle-Orléans.  L'Es- 
pagne y  ajouta  encore  la  Floride.  Les 
Anglais  gagnèrent  environ  1500  lieues  de 
terrain  en  Amérique.  On  leur  abandonna 
le  Sénégal  en  Afrique  ,  et  ils  restituèrent 
la  Gorée.  Minorque  fut  échangé  contre 
Belle-Ile.  Telle  fut  la  lin  de  celte  guerre, 
funeste  à  la  France.  Les  années  qui  sui- 
virent furent  tranquilles ,  si  l'on  en  ex- 
cepte l'affaire  du  duc  de  Parme  avec  le 
pape  Clément  XIII,  qui  engagea  le  roi  à  se 
rendre  maître  du  comtat  Venaissin,  en 
1768  la  conquête  de  la  Corse  et  les  chan- 
gemens  arrivés  dans  la  magistrature  en 
1770  et  1771 ,  l'extinction  des  jésuites  con- 
sommée en  France  en  1764 ,  et  qui  le  fut 
dans  toute  l'Europe  en  1773.  Au  commen- 
cement de  mai  1774 ,  Louis  XV  fut  atta- 
qué pour  la  seconde  fois  de  la  petite-vé- 
role, et  cette  maladie  l'enleva  le  10  du 
même  mois.  Il  était  dans  sa  65*  année ,  et 
occupait  le  trône  depuis  59  ans  8  mois  et 
quelques  jours.  Nous  ne  parlerons  pas  de 
l'accident  du  5  janvier  1757.  (  Voyez  DA- 
MIENS.)  Louis  XV  était,  à  sa  mort,  le 
plus  ancien  des  monarques  de  l'Europe. 
Par  malheur  le  règne  de  Louis  XV  fut 
celui  des  favorites  plutôt  que  celui  des 
favoris.  A  madame  de  Mailly  succédè- 
rent ses  deux  soeurs ,  dont  la  plus  jeune 
était  la  duchesse  de  Châteauroux.  Elle 
lut  remplacée  par  madame  Lenormand 


fi  4  LOU 

d'Elioles,  depuis  duchesse  de  Pompadone 
{votj.  ce  nom  ) ,  qui  gouverna  l'état,  et 
en  dispensa  les  grâces  pendant  plusieurs 
années.  La  Dubarri  fut  la  dernière  maî- 
tresse en  titre  ;  mais  elle  eut  fort  peu  d'in- 
fluence dans  les  affaires.  L'infâme  Lebel , 
valet  de  chambre  du  roi,  lui  procurait 
à  chaque  instant  de  nouvelles  conquêtes, 
et  des  courtisans  corrompus  applaudis- 
saient à  ces  basses  turpitudes.  Louis  XV 
était  cependant  juste  et  sensible;  et  ce 
fut  l'ambilion  des  courtisans  qui  cher- 
cha à  pervertir  ses  mœurs  pour  mieux 
le  dominer.  Ce  prince  avait  eu  d'abord 
le  goût  des  beaux -arts,  et  connaissait 
l'histoire  et  la  géographie.  On  a  de  lui  un 
petit  vol.  in-8"  1718,  sur  le  Cours  des 
principales  rivières  de  l'Europe^  ouvra- 
ge devenu  rare  ,  et  qu'il  avait  composé 
sous  la  direction  du  célèbre  géographe 
de  Liste.  Les  sciences  ont  été  encoura- 
gées sous  son  règne.  Le  voyage  au  pôle 
par  Mauperluis ,  et  à  l'équateur  par  la 
Condamine,  entrepris  lun  et  l'autre  à 
de  si  grands  frais,  quoique  sans  utilité 
réelle;  d'autres  voyages  aux  Philippines, 
à  la  Californie ,  en  Sibérie ,  faits  par  or- 
dre du  gouvernement,  prouvent  le  zèl« 
du  roi  et  de  ses  ministres  pour  tout  ce  qui 
avait  rapport  à  l'astronomie ,  à  la  naviga- 
tion, à  l'histoire  naturelle.  La  physique 
expérimentale  et  la  mécanique  ont  fait 
des  progrès  qui  ont  influé  sur  les  arts  né- 
cessaires. Les  étoffes  ont  élé  manufactu- 
rées à  moins  de  frais,  parles  soins  du 
célèbre  Vaucanson ,  et  de  quelques  autres 
mécaniciens.  Un  horloger  ingénieux  (M. 
Le  Roy)  inventa  une  pendule  qui  sup- 
plée en  quelque  sorte  à  la  connaissance 
qui  nous  est  refusée  des  longitudes  sur 
la  mer.  Il  faut  avouer  néanmoins  qu'il  y 
a  eu ,  surtout  vers  la  fin  de  son  règne , 
moins  de  génie  et  de  grands  talens  qua 
dans  les  beaux  jours  de  Louis  XIV.  Les 
sciences  semblent  avoir  perdu  en  profon- 
deur ce  qu'elles  ont  gagné  en  superficie; 
leur  lumière,  en  frappant  tous  les  yeux, 
a  produit  une  infinité  d'ouvrages  dans 
tous  les  genres,  mais  très  peu  qui  passe- 
ront à  la  postérité.  L'étude  de  la  naiura 
est  devenue  d'un  goût  général;  mais  l'es- 
prit de  système  et  une  multitude  de  fausses 
hypothèses  ont  rendu  presque  inutiles  les 
travaux  des  observateurs.  L'histoire ,  at- 
teinte du  soufle  brûlant  de  la  philosophie 
a  subi  une  entière  métamorphose  ;  tous 
ses  traits  ont  été  défigurés  pour  prendre 
l'empreinte  des  préventions  dominantes, 
pour  servir  d'aliment  aux  passions  cl  aux 


LOU  56 

erreurs.  Les  sources  du  beau  ont  été  né- 
gligées ,  le  grec  el  le  latin  ont  cessé  d'être 
en  honneur.  Le  goût  de  la  déclamation, 
la  manie  des  antithèses  et  des  tours  nou- 
veaux, ont  beaucoup  altéré  le  style,  en 
ont  affaibli  la  dignité  et  la  vigueur;  l'élo- 
quence a  pris  le  ton  de  la  saillie  et  cette 
délicatesse  affectée  qui  dégénère  en  sé- 
cheresse, et  qui  ramène  enfin  la  barbarie. 
Les  mœurs,  si  on  en  croit  un  écrivain 
judicieux,  ont  beaucoup  influé  sur  cette 
révolution.  La  sensibilité  pour  les  plaisirs 
ayant  en  quelque  sorte  absorbé  son  anta- 
goniste, la  sensibilité  de  l'esprit,  on  n'a 
plus  eu  cette  ardeur  et  ce  noble  enthou- 
siasme ,  quand  il  s'est  agi  de  la  vérité  et 
du  beau  littéraire.  Pour  suppléer  à  ce  feu 
divin ,  on  a  eu  recours  à  ce  qu'on  appelle 
'  de  l'esprit;  mais  il  n'a  pas  plus  fait  pour 
remplacer  la  force  du  sentiment,  que  quel- 
ques étincelles  ne  font  pour  tenir  la  place 
d'une  lumière  brillante.  Voltaire  a  donné 
le  Siècle  de  Louis  XV,  ouvrage  superfi- 
ciel et  très  inexact,  bien  inférieur  au 
Siècle  de  Louis  XIV ^  malgré  les  défauts 
de  celui-ci  :  il  y  a  des  choses  tout  uni- 
ment imaginées ,  et  nées  dans  le  cerveau 
de  l'auteur ,  qui  ne  les  a  tirées  d'aucun 
mémoire ,  d'aucune  relation  même  roma- 
nesque et  fabuleuse.  On  a  donné  aussi  sa 
Vie  privée  /  il  y  a  parmi  quelques  anec- 
dotes intéressantes,  des  preuves  trop 
vraies  de  la  profonde  corruption  des  cours, 
et  des  réflexions  de  Tauteur  qui  ne  va- 
lent pas  mieux  que  les  choses  qu'il  ra- 
conte. Il  faut  porter  le  même  jugement 
d'un  ouvrage  de  Crébillon  le  fils,  sous  ce 
titre  anagrammatique  :  Amours  de  Zeo- 
kinizul,  roi  des  Kofirans. 

*  LOUIS  XVI ,  roi  de  France  et  de 
Navarre ,  second  fils  de  Louis  dauphin  de 
France  et  de  Marie-Josèphe  de  Saxe  ,  na- 
quit à  Versailles  le  23  août  17.54,  et  fut 
baptisé  sous  le  nom  de  duc  de  Berry. 
Lorsqu'il  vint  au  monde  toute  la  cour 
était  à  Choisy.  Le  courrier  chargé  de 
porter  à  cette  maison  royale  la  nouvelle 
de  l'heureux  accouchement  de  la  dau- 
phine,  fit  une  chute  en  arrivant  et  expira 
sans  avoir  pu  remplir  sa  mission  ;  ainsi 
un  sinistre  accident  signalait  le  commen- 
cement d'une  vie  qui  devait  se  terminer 
par  la  plus  terrible  catastrophe.  Le  jeune 
prince  avait  reçu  de  la  nature  avec  une 
constitution  vigoureuse ,  d'heureuses  dis- 
positions intellectuelles  et  morales.  Son 
âme  franche  et  sans  déguisement  s'ouvrit 
de  bonne  heure  à  tous  les  sentimens 
Vertueux,  et  son  esprit  droit  et  élevé  à 
7, 


D  LOU 

toutes  les  connaissances  utiles.  Le  dau- 
phin son  père,  qui  l'aimait  tendrement, 
ne  négligea  aucun  des  moyens  qui  pou- 
vaient assurer  le  succès  de  son  éducation , 
et  il  nomma  pour  y  présider  l'évêque  de 
Limoges  el  le  duc  de  la  Vauguyon,  l'un 
estimé  pour  la  sévérité  de  ses  mœurs, 
l'autre  pour  sa  valeur  et  sa  probiié  ri- 
gide. Le-  dauphin  lui-même  se  chargea 
d'enseigner  à  son  fils  la  grammaire  et  les 
langues.  Les  progrès  du  jeune  duc  de 
Btirry  furent  rapides  ;  il  acquit  en  peu  de 
temps  des  connaissances  étendues  surtout 
dans  l'histoire  et  la  géographie.  La  bonté 
naturelle,  l'amour  de  la  justice,  la  piété 
sincère  ,  et  la  vive  sensibilité  qui  le  dis- 
tinguaient ,  firent  prévoir  de  bonne  heure 
qu'il  donnerait  à  la  France  un  de  ses 
meilleurs  rois.  En  1765  il  perdit  son  père 
qui  fut  vivement  regretté  de  la  nation , 
et  bientôt  après  sa  mère  qui  ne  put  sur- 
vivre à  son  époux.  La  douleur  du  jeune 
prince  fut  extrême  ;  il  refusa  long-temps 
de  sortir,  et  lorsqu'on  traversant  les  ap- 
partemens  il  entendit  dire  pour  la  pre- 
mière fois  :  place  à  monsieur  le  dau- 
phin !  des  pleurs  inondèrent  son  visage 
et  il  s'évanouit.  Au  milieu  d'une  cour 
licencieuse,  dont  les  désordres  ne  lui 
inspiraient  que  du  dégoût,  il  conserva 
toute  la  pureté  de  ses  mœurs.  Un  jour 
de  vieux  courtisans  lui  demandaient  quel 
nom  il  prendrait  à  son  avènement  au 
trône  :  —  celui  de  Louis  le  Sévère,  répon- 
dit-il. Mais  la  fermeté  que  ce  mot  sem- 
blait révéler  fut  loin  d'être  le  trait  domi- 
nant de  son  caractère.  La  bonté  qui  dis- 
tinguait ce  prince  ,  jointe  à  une  excessive 
défiance  de  lui-même ,  lui  enleva  cette 
vigueur  si  nécessaire  à  un  roi  dans  les 
tourmentes  populaires.  On  a  cité  de  lui 
plusieurs  traits  dignes  de  Henri  IV.  Un 
jour  qu'il  était  à  la  chasse ,  le  cocher 
du  prince ,  voulait  faire  traverser  à  sa 
voiture  un  champ  de  blé,  afin  d'arriver 
plus  vite  à  l'endroit  où  le  cerf  devait 
être  forcé.  Le  dauphin  fait  arrêter  les 
chevaux  et  ordonne  de  suivre  la  route 
ordinaire.  «  Pourquoi,  s'écrie-t-il,  mes 
«plaisirs  feraient-ils  tort  au  pauvre?  ce 
»  blé  ne  m'appartient  pas.  »  Cherchant 
avidement  l'occasion  de  soulager  les  mal- 
heureux ,  souvent  il  allait  sans  suite  vi- 
siter le  pauvre  dans  son  réduit;  et  quand 
une  admiration  indiscrète  venait  à  révé- 
ler ces  visites  mystérieuses  :  «  il  est  Lien 
«singulier,  disait-il  avec  toute  la  grâce 
»  de  la  bonté  ,  que  je  ne  puisse  aller  en 
»  bonne  fortune  sans  qu'on  le  sarhc.  » 
48 


LOU  5C6 

Après  de  longues  dissensions  la  France 
et  l'Allemagne  s'étaient  réconciliées,  et 
pour  sceller  cette  alliance ,  il  fut  résolu 
que  le  dauphin  épouserait  la  fille  de 
l'immorlelle  Marie-Thérèse ,  Marie-An- 
toinette d'Autriche.  Les  fêles  données  à 
cette  occasion  par  la  ville  de  Paris  (16 
mai  d770) ,  furent  troublées  par  un  hor- 
rible événement.  Plus  de  mille  personnes 
périrent  écrasées  au  milieu  de  la  foule 
immense  qui  encombrait  la  place  de 
Louis  XV.  Le  peuple  vit ,  dans  cette  ca- 
tastrophe, un  sinistre  présage  pour  le 
règne  du  jeune  prince.  La  nouvelle  de 
ces  déplorables  accidens  affecta  pro- 
fondément le  dauphin;  voulant  autant 
qu'il  dépendait  de  lui  réparer  ce  désastre, 
il  s'empressa  d'écrire  au  lieutenant  de 
police  :  Œ  Je  suis  pénétré  de  tant  de  mal- 
»  heurs.  On  m'apporte  en  ce  moment  ce 
»  que  le  roi  me  donne  tous  les  mois  :  je 
»  ne  puis  disposer  que  de  cela  et  je  vous 
•  l'envoie  :  hâtez-vous  de  secourir  les 
»  plus  malheureux.  »  Son  revenu  de  plu- 
sieurs mois  fut  affecté  au  même  objet,  et 
il  n'en  détourna  que  les  sommes  néces- 
saires pour  secourir  d'autres  indigens. 
De  pareils  traits  faisaient  désirer  au 
peuple  son  avènement  au  trône.  Mais 
Louis  redoutait  la  royauté  comme  un 
fardeau  trop  pesant  pour  lui,  et  lors- 
qu'en  1774 ,  la  mort  de  Louis  XV  mit  en 
ses  mains  les  rênes  de  l'état,  il  n'éprouva 
dans  celte  grande  circonstance,  qu'im 
sentiment  d'effroi ,  mêlé  de  douleur. 
O  mon  Dieu,  s'écria-t-il ,  en  levant  au  ciel 
ses  yeux  baignés  de  larmes,  secourez 
mon  insuffisance  !  Naturellement  peu 
amoureux  du  pouvoir,  il  entrevoyait 
combien  les  plaies  de  l'état  lui  rendraient 
difficile  l'accomplissement  de  ses  devoirs. 
Malade  et  appauvrie  depuis  les  dernières 
années  du  règne  de  Louis  XIV ,  la  mo- 
narchie avait  marché  rapidement  à  sa 
ruine  à  travers  les  honteux  excès  de  la 
régence,  et  l'incurie  du  règne  suivant. 
Le  commerce  languissait,  les  finances 
étaient  épuisées ,  le  découragement  ré- 
gnait dans  les  villes  et  dans  les  cam- 
pagnes ,  et  les  abus  signalés  chaque  jour 
à  l'opinion ,  avec  le  plus  fougueux  em- 
portement ,  augmentaient  le  méconten- 
tement général ,  et  fortifiaient  ce  désir  de 
changement  que  des  écrivains  impré- 
voyans  ou  ambitieux  s'efforçaient  de 
répandre  dans  la  nation.  Bientôt  une  ré- 
forme devint  le  voeu  général,  et  Louis  XVI 
sentit  lui-mctne  la  nécessité  de  l'opérer. 
Animé  d'un  z.èle  ardent  pour  le  bonheur 


LOU 

de  son  peuple ,  il  se  hâta  d'appeler  au- 
près de  lui  pour  le  seconder  dans  la  tâche 
difficile  que  son  rang  lui  imposait ,  tous 
les  hon^mes  que  l'opinion  publique  ,  in- 
terprète aveugle  et  souvent  corrompue 
des  besoins  d'une  nation,  lui  désignait 
comme  les  plus  propres  à  diriger  l'état. 
Le  comte  de  Maurepas,  vieux  courtisan 
profond  dans  l'intrigue,  et  d'une  incu- 
rable frivolité ,  dut  à  la  disgrâce  dont  il 
avait  été  frappé  sous  le  règne  précédent, 
d'être  mis  à  la  tête  de  l'administration 
nouvelle.  Le  roi  lui  adjoignit  Turgot , 
homme  droit  et  ami  du  bien  public, 
mais  partisan  de  cette  politique  maté- 
rialiste ,  qui  ne  voit  danffle  gouvernement 
des  peuples  que  de  l'argent,  du  com- 
merce ,  du  blé  et  des  impôts  ;  et  Ma- 
lesherbes ,  esprit  élevé ,  qui  joignait  des 
opinions  nouvelles  à  des  vertus  antiques. 
Le  premier  ayant  été  bientôt  écarté  , 
Louis  XVI  lui  donna  pour  successeur 
Necker,  banquier  protestant  et  genevois  , 
homme  d'affaires  plutôt  qu'homme  d'état, 
avide  de  popularité  et  voulant  régler  la 
monarchie  française  sur  le  système  d'une 
petite  démocratie.  Le  jeune  monarque 
commença  son  règne  par  des  édits  qui 
obtinrent  l'assentiment  général.  Le  pre- 
mier remit  au  peuple  le  droit  de  joyeux 
avènement  ;  par  le  second  il  rassura  les 
nombreux  créanciers  de  l'état  en  pro- 
mettant d'acquitter  la  dette  publique. 
Bientôt  il  rappela  les  parlemens  exilés 
par  Louis  XV  ;  il  établit  pour  Paris  le 
mont-de-piété  &\  la  caisse  d'escompte;  il 
supprima  les  corvées  qu'il  convertit  en 
impôt  pécuniaire  ;  il  fit  disparaître  dans 
la  Franche-Comté  un  reste  de  servitude 
territoriale  ;  il  abolit  la  torture  ou  qpies- 
tion  judiciaire  avant  la  condamnation  à 
mort  ;  enfin  il  accomplit  toutes  les  sages 
réformes  qui  pouvaient  préparer  le  re- 
tour de  la  prospérité  publique.  Le  crédit 
national  commença  à  renaître  ,  l'agricul- 
ture, le  commerce  et  les  arts  refleurirent, 
et  tout  sembla  présager  un  règne  heureux. 
Le  il  juin  1775  Louis  XVI  avait  été  sacré 
à  Reims ,  au  milieu  des  acclamations  d'un 
peuple  ivre  de  joie.  Pour  exécuter  tout 
le  bien  qu'il  voulait  faire ,  le  jeune  roi 
sentait  le  besoin  d'une  longue  paix.  Ce- 
pendant,  trois  ans  après,  la  fatalité  qui 
semblait  présider  à  son  règne  l'entraîna 
dans  une  guerre  impolitique ,  dont  les 
résultats  devaient  lui  être  funestes.  Les 
anglo -américains,  après  avoir  proclamé 
leur  indépendance  ,  sentant  que  leur 
cause   était  perdue  s'ils  n'obtenaient  la 


LOU 


567 


LOU 


secours  d'une  puissance  alliée ,  solli- 
cilèrenl  celui  de  la  France.  Louis  XVI 
Iiésitail  à  protéger  un  peuple  insurgé , 
et  à  provoquer  la  haine  et  les  terribles 
représailles  de  l'Anglelorre  ;  mais  l'élo- 
quence de  Franklin  ,  l'avis  unanime  du 
conseil,  et  la  voix  de  l'opinion  publique 
triomphèrent  de  sa  résistance.  II  recon- 
nut l'indépendance  américaine ,  et  signa 
sans  en  voir  toute  la  portée  une  déclara- 
tion où  la  souveraineté  du  peuple  sem- 
blait consacrée  par  ces  mots  :  «  Les  anglo- 
»  américains  sont  devenus  libres  du  jour 
»  où  ils  ont  déclaré  leur  indépendance.  » 
Les  armes  françaises  furent  heureuses 
dans  cette  guerre  ;  Lafayelte  et  Rocham- 
beau  sur  le  continent,  Lamothe-Piquet 
sur  les  mers  d'Amérique  et  sur  celles  des 
Indes  ,  soutinrent  l'honneur  de  notre  pa- 
villon. L'Amérique  fut  affranchie  ;  mais 
si  l'orgueil  national  peut  s'applaudir  de 
l'heureux  succès  d'une  protection  portée 
à  travers  les  mers  à  un  peuple  du  nou- 
veau Monde ,  cette  gloire  eut  une  amère 
compensation  dans  Tépuisement  des 
linances  qui  en  fut  la  suite ,  et  dans  la 
perte  de  Pondichéri.  Nos  jeunes  guerriers 
rapportèrent  des  Etats-Unis  un  amour 
exalté  de  la  liberté  et  de  l'égalité  républi- 
caines ;  et  l'Angleterre ,  animée  d'an  res- 
sentiment profond  contre  la  France, 
attendit  avec  impatience  luie  occasion  de 
se  venger,  dont  elle  ne  profita  que  trop 
durant  la  sanglante  révolution  qui  s'ou- 
vrit en  1789.  Ce  qui  est  certain  ,  c'est  qu'à 
partir  de  ce  moment ,  la  France  vit  rapi- 
dement diminuer  son  influence  continen- 
tale ,  et  son  commerce  partout  entravé 
par  de  nouveaux  ennemis  ou  par  des 
alliés  infidèles,  dépéril  à  la  fois  dans  le 
nord  et  dans  le  midi.  Louis  XVI  avait  eu 
en  1781  son  premier  fils  ;  et  cet  événe- 
ment avait  été  célébré  dans  tout  le 
royaume  avec  beaucoup  de  joie  et  de  so- 
lennité. A  Paris  la  ville  donna  un  banquet 
auquel  le  roi  assista  avec  toute  sa  famille, 
l'allégresse  publique  fut  excessive.  C'était 
Ie21  janvier  1782.  Onze  ans  plus  tard  et  le 
même  jour  ,  Louis  fut  conduit  à  l'écha- 
faud  dans  la  même  ville.  La  guerre  d'A- 
mérique avait  épuisé  les  finances.  Necker, 
empirique  heureux  un  moment ,  après 
avoir  cherché  à  les  soutenir  à  force  d'em- 
prunts ,  se  retira  en  laissant  le  trésor 
dans  la  même  détresse.  Calonne  fit  d'a- 
bord les  plus  rassurantes  promesses ,  mais 
bientôt  se  voyant  engagé  dans  un  cercle 
de  diffî-:ulté3  toujours  croissantes ,  il 
proposa  de   réunir    une  assemblée  des 


notables  ,  et  Louis  XVI  suivit  son  conseil 
(1787).  Les  notables  effrayés  du  déficit 
de  cent  dou/.e  millions  que  les  comptes 
présentés  par  Calonne  leur  firent  aperce- 
voir dans  les  finances ,  se  prononcèrent 
énergiquement  contre  ce  ministre,  qui 
fut  renvoyé  ,  et  remplacé  par  l'arche- 
vêque de  Toulouse,  M.  deBrienne,  bel 
esprit  et  homme  de  cour,  mais  sans  vues 
et  sans  fermeté.  L'assemblée  des  notables 
lui  accorda  ce  qu'elle  avait  refusé  à  son 
prédécesseur  ,  et  consentit  à  l'établisse- 
ment de  l'impôt  du  timbre  et  de  l'impôt 
territorial  ;  le  premier  pesait  sur  la  masse 
des  contribuables  ,  et  surtout  sur  les  com- 
merçans  ;  le  second  atteignait  les  classes 
élevées  de  l'état.  La  haute  magistrature 
des  parlemens  devait  avoir  une  grande 
part  à  ces  charges  ;  et  secrètement  irritée 
de  la  violation  de  ses  privilèges ,  elle  se 
décida  à  opposer  aux  projets  de  la  cour 
une  énergique  résistance.  Comme  les 
deux  éditsfurentprésenlés  simultanément 
à  son  acceptation,  elle  put,  en  feignant 
de  défendre  le  peuple  et  les  commerçans, 
déguiser  une  opinion  intéressée  sous  le 
voile  banal  de  l'intérêt  public.  Le  parle- 
ment refusa  epiniâtrément  d'enregistrer 
les  deux  édils  ;  il  récrimina  contre  la 
cour  et  dénonça  les  dépenses  et  les  pro- 
digalités qu'un  lui  imputait.  Dans  la  cha- 
leur du  débat  le  mot  d'états  généraux  fut 
prononcé,  et  cette  parole  fortuite  et  fri- 
vole ,  fut  bientôt  répétée  de  toutes  parts, 
comme  l'expression  du  vœu  public.  Ce- 
pendant un  lit  de  justice  força  l'enregis- 
trement des  édits ,  le  parlement  protesta 
et  fut  exilé  à  Troyes.  La  pénurie  des 
finances  se  faisant  sentir  de  jour  en  jour 
d'une  manière  pms  effrayante  ,  le  parle- 
ment fut  rappelé  ,  à  condition  qu'il  enre- 
gistrerait un  emprunt  de  i20  millions. 
Son  retour  devint  le  signal  d'une  nouvelle 
lutte  contre  l'autorité  royale.  Vainement 
le  duc  d'Orléans  avec  deux  conseillers 
reçurent  ordre  de  s'éloigner  de  Paris  ;  le 
génie  de  la  révolution  était  déchaîné  en 
France,  et  la  royauté  allait  se  précipiter 
vers  sa  ruine.  Necker,  qui  avait  rem- 
placé Brienne ,  se  prononça  pour  la  con- 
vocation des  états-généraux  ,  et  Louis  XVI 
adoptant  cette  idée,  assembla  une  seconde 
fois  les  notables  pour  déterminer  la  forme 
des  états  et  la  manière  d'y  voter  (1788). 
Ce  monarque  alarmé  des  embarras  crois- 
sans  de  son  règne,  et  du  progrès  de» 
mauvaises  passions  qui  menaçaient  l'ordre 
social ,  ne  trouvait  que  dans  l'affection 
de  son  peuple  un  adoucissement  à  ses 


LOU  5 

cruelles  anxiétés.  En  1786  il  avail  fait  un 
voyage  en  Normandie  et  les  transports 
de  la  joie  publique  qui  éclatait  partout 
sur  son  passage,  avaient  profondément 
ému  son  cœur  :  de  retour  à  Paris ,  en 
souvenir  du  bon  accueil  qui  lui  avait  été 
fait ,  il  voulut  que  son  second  fils ,  né 
quelques  mois  auparavant,  portât  le  nom 
de  duc  de  Normandie.  Parmi  ses  ayeux, 
Henri  IV  était  celui  qu'il  se  proposait 
pour  modèle  ,  et  comme  le  Béarnais  ,  il 
aimait  tous  les  Français  avec  la  tendresse 
d'un  père.  En  1788,  les  députés  du  tiers 
état  de  Bretagne  ayant  été  admis  à  son 
audience ,  se  jetèrent  aux  pieds  du  roi 
qui  les  releva  en  leur  adressant  ces  paroles 
touchantes  :  levez-vous,  ce  n'est  pas  à 
mes  pieds  qu'est  la  place  de  mes  enfans  ! 
Cette  affectueuse  bonté  du  monarque  ne 
devait  point  le  préserver  du  sort  tragique 
où  l'entraînait  le  cours  rapide  des  évé- 
nemens.  Le  parlement,  les  princes  du 
sang  dans  leur  mémoire  au  roi ,  insistaient 
pour  qu'on  suivît  dans  la  convocation 
des  états  -  généx'aux  les  formes  suivies 
dans  l'assemblée  de  1614.  Mais  l'engoue- 
ment des  nouveautés,  la  vanité  de  Necker, 
et  les  intrigues  des  agilaleijrs  en  ordon- 
nèrent autrement.  Le  tiers-état  fut  nom- 
mé en  nombre  double  de  chacun  des 
deux  autres  ordres  ,  et  pour  que  cet 
avantage  ne  fût  pas  illusoire  ,  il  demanda 
et  obtint  que  les  délibérations  eussent 
lieu  par  tête  et  non  par  ordre.  Les  états- 
généraux  s'ouvrirent  le  S  mai  1789  ,  dans 
la  salle  des  menus-plaisirs.  Louis  XVI 
dans  le  discours  qu'il  prononça  à  cette 
occasion ,  sut  concilier  heureusement  la 
dignité  d'un  roi,  et  la  tendre  sollicitude 
d'un  père,  a  Une  inquiétude  générale, 
»  disait  ce  monarque ,  un  désir  exagéré 
»  d'innovation  se  sont  emparés  des  es- 
»  prits,  et  finiraient  par  égarer  totalement 
»  les  opinions  ,  si  l'on  ne  se  hâtait  de  les 
»  fixer  par  une  réunion  d'avis  sages  et 
»  modérés.  C'est  dans  cette  confiance , 
»  Messieurs ,  qvie  je  vous  ai  rassemblés.... 
»  Les  esprits  sont  dans  l'agitation ,  mais 
*  une  assemblée  de  représenlans  de  la 
»  nation  n'écoulera  sans  doute  que  les 
»  conseils  de  la  sagesse  et  de  la  prudence.  » 
Les  espérances  que  Louis  avait  fondées 
sur  la  convocation  des  états- généraux 
furent  loin  d'être  justifiées.  Dès  le  lende- 
main 6,  le  trouble  et  la  division  éclatèrent 
ians  rassemblée  à  l'occasion  de  la  véri- 
fication des  pouvoirs.  Le  tiers-état  de- 
mandait une  assemblée  jjéncrale  ,  et  le 
vote  par  tète ,  qui  devait  assurer  sa  pré- 


68  LOU 

pondérance  ;  le  clergé  et  la  noblesse  s'y 
opposaient.  Cependant  après  de  longa 
débals  ,  et  des  pourparlers  qui  ne  produi- 
sirent aucun  résultat  ,  la  chambre  du 
tiers  ,  sur  la  proposition  de  Sieyès  ,  prend 
le  17  juin  la  résolution  hardie  de  se  con- 
stituer sous  le  titre  d'asse-wi/ee  nationale 
et  déclare  toute  autre  assemblée  illégale. 
C'est  en  vain  que  la  salle  des  états  est 
fermée  par  ordre  de  la  cour,  les  députes 
du  tiers  se  réunissent  au  jeu  de  paume, 
et  y  font  le  serment  de  ne  point  se  sépa- 
rer sans  avoir  donné  une  constitution  à 
la  France.  Cette  démarche  audacieuse 
qui  violait  les  lois  de  la  monarchie ,  et 
qui  outrepassait  tous  les  mandats  donnés 
aux  députés  ,  ouvrit  une  funeste  carrière 
d'innovations  où  se  précipitèrent  à  l'envi 
d'imprudens  réformateurs  qui  en  voulant 
rajeunir  les  institutions  ,  ne  surent  que 
les  détruire.  La  majorité  du  clergé ,  et 
plusieurs  membres  de  la  noblesse  ayant 
le  duc  d'Orléans  à  leur  tète,  vinrent  bien- 
tôt se  réuniraux  députés  du  tiers.  Vaine- 
ment dans  une  séance  royale  à  laquelle 
il  convoqua  tous  les  ordres  ,  Louis  con- 
jura les  députés  de  mettre  fm  à  leurs  di- 
visions j,  déclarant  que  s'ils  ne  voulaient 
pas  concourir  à  ses  projets ,  il  ferait  seul 
le  bien  de  ses  peuples .  et  se  considérerait 
seul  comme  leur  repré sentant  ;  vainement 
il  ordonna  à  tous  les  députés  de  se  séparer 
et  de  se  rendre  le  lendemain  dans  leurs 
chambres  respectives,  le  clergé  et  la  no- 
blesse seuls  obéirent  ;  le  tiers  continua 
de  délibérer ,  malgré  l'injonction  positive 
de  sortir  de  la  salle  des  séances ,  que  le 
roi  lui  fit  réitérer  par  M.  de  Bréxé.  Plu- 
sieurs orateurs  s'y  livrèrent  aux  décla- 
mations les  plus  violentes  contre  l'autorité 
royale  ;  la  majorité  des  deux  autres  ordres 
parut  vouloir  rester  soumise  à  ses  man- 
dats et  à  la  volonté  du  roi,  mais  les 
membres  de  chaque  minorité  se  rendirent 
successivement  dans  la  chambre  du  tiers. 
Alarmé  de  ces  défections,  et  de  la  fer- 
mentation qui  se  manifestait  parmi  le 
peuple  ,  Louis  XVI ,  invita  la  majorité  de 
ces  deux  ordres  à  se  réunir  au  troisième; 
et ,  comme  le  duc  de  Luxembourg  lui 
faisait  au  nom  de  la  noblesse  des  objec- 
tions contre  cette  réunion  :  «  toutes  mes 
»  réflexions  sont  faites,  répondit  le  prince; 
»  dites  à  la  noblesse  que  je  la  prie  de  se 
»  réunir  :  si  ce  n'est  pas  assez  de  ma 
»  prière  ,  je  le  lui  ordonne  ;  quant  à  moi , 
»  je  suis  déterminé  à  tous  les  sacrifices. 
T>  A  Dieu  ne  plaise  qu'un  seul  homme  pé- 
I  »  risse  jauiais  pour  ma  querelle!  »  Ainsi, 


LOU 


569 


LOU 


les  trois  ordres  se  nuiurenl  ou  plutôt  ils 
turent   confondus.  Dès  ce  moment  l'an- 
tique monarchie  française  fut  détruite  et 
la  révolution  consommée  ,  les  divisions 
s'envenimèrent;  les  passions  s'irritèrent 
par  la  lutte,  et  les  erreurs  impatientes 
lie  succès   eiifuntcreut   des   crimes.  Ce- 
pendant les  faclions  commençaient  déjà 
à  se  montrer  à  découvert  ;  celle  d'Orléans 
n'oubliait,  rien  pour  augmenter  les  trou- 
bles ,  des  clubs  s'établissaient,  des  jour- 
naux incendiaires  prêchaient  l'anarchie 
et  la  re voile,  et  insultaient  chaque  jour 
au  souverain  et  à  sa  famille.  La  position 
critique   de   Louis  XVI  lui  commandait 
une   inflexible  énergie  ,   mais  il  ne   sut 
qu'être  bon  quand  ii  fallait  être-  ferme. 
^ecker  ayant  été  éloigné  des  affaires,  son 
txil  causa  la  plus  grande   fermentation 
dans  Paris.  Au  milieu  de  l'agitation  pu- 
blique, la  cour  qui  soupçonnait  la  fidé- 
lité des  gardes  françaises,  lit  approcher 
de  Versailles  quelques  régimens.   Mira- 
beau, dans  un  discours  violent,  prononcé 
à  l'assemblée  nationale ,  demanda  le  ren- 
voi des   troupes  cl  fit  décréter  que   les 
ministres  disgraciés  emportaient  la  con- 
fiance de  la   nation  ;  c'était  là  une  véri- 
table déclaration  de  guerre  faite  au  roi 
par  l'assemblée.  Cependant  les  bustes  de 
Necker  et  du  duc  d'Orléans  sont  portés  en 
Il  iomphe  dans  Paris ,  la  ville  entière  est 
en  mouvement,  et  le  peuple  court  aux  ar- 
mes. Les  arsenaux  sont  envahis,  la  Bas- 
tille est  prise  ,  son  gouverneur  massacré, 
et  des  têtes  sanglantes  sont  promenées 
dans  Paris.  Fatigué  de  ces  désordres  ,   et 
alarmé  des  meurtres  qui  s'étaient  commis, 
Louis  XVI  se  rend  à  l'assemblée  à  pied, 
sans  armes   et  presque  sans  suite.  Placé 
debout  au  milieu  de  la  salle,  il  exhorte 
les  députés  à  rairiener  la  tranquillité  pu- 
blique. «  Je  sais,  leur  dit-il,  qu'on  cherche 
»  à  élever  contre  moi  d'injustes  préven- 
B  lions;  je  sais  qu'on  a  osé  publier  que 
s  vos  personnes  n'étaient  pas  en  sûreté  : 
D  des  récits  aussi  coupables  ne  sont-ils  pas 
»  démentis  d'avance  par  mon  caractère 
»  connu?  eh  bien!  c'est  moi  qui  me  fie 
»  à   vous.  »  Ces  paroles  simples  et  tou- 
chantes excitèrent  dans   l'assemblée  des 
transports  unanimes ,   les  députés   vou- 
lurent servir    eux-mêmes  de  gardes  au 
monarque  et  le  conduisirent  au  château. 
Dans  la  même  journée  ,  le  roi ,  pour  ne 
point  laisser  de  prétexte  aux  plaintes  et 
aux  méfiances ,  rappela  Necker  au  minis- 
tère. Cependant  il  engagea  ceux  des  mem- 
bres tic  sa  fumil'e  qui  avaient  montré  le 


plus  de  zèle  pour  la  défense  du  tr«'';nc, 
à  sortir  du  royaume,  afin  de  se  melUe 
à  l'abri  des  fureurs  j>opulaires.  D'autres 
sujets  aussi  distingués  par  leur  courage 
que  par  leur  fidélité  suivirent  cet  exem- 
ple. Louis  voulant  rétablir  le  calme  dans 
la  capitale ,  s'y  rendit  le  17  juillet.  Bailly 
en  lui  remettant  les  clefs  de  la  ville  lui 
adressa  ce  singulier  compliment  :  «  Votre 
«  aïeul  Henri  IV  avait  conquis  son  peuple  ; 
»  aujourd  luii  c'est  le  peuple  qui  a  conquis 
»  son  roi.  »  Louis  XVI  reçut  à  l'hôtel  da 
ville  la  cocarde  nationale  et  fut  accueilli 
par  des  applaudissemens  unanimes  lors- 
qu'il parut  à  la  fenêtre  avec  cette  cocarde 
à  son  chapeau.  Il  revint  le  même  jour  à 
Versailles ,  et  crut  son  repos  assuré  pour 
quelque  temps  ;  mais  les  factieux  qui 
voulaient  à  tout  prix  des  désordres  ,  par- 
vinrent bientôt  encore  à  sovdever  la  po- 
pulace de  Paris,  par  des  calomnies  qu'ils 
répandirent  contre  le- roi  et  sa  famille. 
Les  gardes-du-corps  ayant  donné  un  re- 
pas au  régiment  de  Flandre  ,  qui  venait 
d'arriver  à  Versailles  ,  on  répandit  le 
bruit  que  dans  ce  festin  la  cocarde  trico- 
lore avait  été  foulée  aux  pieds,  avec  l'ap- 
probation du  roi  et  de  la  reine  qui  avaient 
paru  un  instant  à  cette  fêle.  Les  agitateurs 
en  fai'ïant  circuler  dans  la  capitale  ces 
bruits  injurieux  ,  à  une  époque  où  la  di- 
sette s'y  faisait  sentir  ,  parvinrent  à 
opérer  des  rasscmblemens  ,  au  milieu 
desquels  retentissaient  datruccs  vocifé- 
rations. Le  5  octobre  1789 ,  des  hommes 
et  des  femmes  armés  de  piques,  et  traî- 
nant à  leur  suite  des  canons,  se  dirigèrent 
sur  Versailles.  Dans  la  nuit  qui  suivit 
celte  journée  le  palais  du  roi  fut  envahi, 
et  la  reine  fut  au  moment  d'être  égorgée 
dans  son  lit.  Le  résultat  de  celte  auda- 
cieuse expédition  ,  fut  qu'on  entraîna  à 
Paris  Louis  XVI  et  sa  famille  ;  le  mo- 
narque s'établit  aux  Tuileries  où  depuis 
plus  de  cent  ans  les  rois  n'avaient  pas 
fait  de  résidence  habituelle.  Le  duc  d'Or- 
léans fut  désigné  comme  instigateur  de 
cette  funeste  journée  ;  le  roi  se  contenta 
de  l'exiler  en  Angleterre  et  l'accueiliit 
huit  mois  après  à  son  retour  par  ces  in- 
dulgentes paroles  ;  mon  cousin  ^  que  tout 
soit  oublié!  Depuis  ce  moment  ,  Louis 
XVI  ne  compta  ses  jours  que  par  des  hu- 
miliations et  des  sacrifices  ;  on  le  força 
de  licencier  ses  gardes  fidèles,  et  d'en 
accepter  d'autres  qui  recevaient  des  ordres 
de  la  municipalité.  Le  14  février  1790  ,  il 
se  vit  obligé  d'accepter  la  nouvelle  con- 
stitution ;  bientôt  sa  liburié  personnellij 
48. 


LOU  570 

ftît  menacée.  Après  le  départ  de  ses  tantes, 
qui  donna  lieu  à  de  scandaleux  débats, 
on  craignait  aussi  le  sien.  Un  jour ,  au 
moment  où  il  partait  pour  Saint-Cloud  , 
sa  voiture  fut  entourée  par  la  populace  et 
on  l'oLligca  de  rentrer  au  château.  C'est 
alors  qu'il  dit  avec  un  sentiment  doulou- 
reux :  o  je  ne  croyais  pas  être  prisonnier 
»  au  milieu  de  mes  peuples.  »  Mais  ce  fut 
en  vain  que  le  lendemain,  il  vint  se 
plaindre  de  cette  violence  à  l'assemblée 
nationale.  «  Les  projets  des  factieux  ,  dit 
»  M.  de  Bonald  ,  se  développaient  rapide- 
»  ment  dans  cette  assemblée  sans  frein  et 
»  sans  contrepoids ,  qui  avait  au  dedans 
B  des  tribunes  pour  applaudir ,  et  au 
»  dehors  des  bras  pour  exécuter.  Les 
»  parlemens  ,  le  clergé ,  la  noblesse  , 
«l'armée,  les  finances,  les  propriétés 
»  publiques  et  particulières  ,  tout  fut 
»  détruit  ou  envahi  par  l'assemblée  na- 
»  tionale ,  et  toujours  au  nom  du  roi , 
»  réduit  à  joindre  aux  décrets  une  sanc- 
2  lion  ,  tardive  quelquefois  ,  mais  toujours 
«  obtenue  de  son  horreur  pour  le  désordre 
»  et  la  violence ,  à  force  de  massacres  et 
»  d'insurrections.  Le  malheureux  prince 
»  accordait  tout ,  espérant  sauver  quelque 
»  chose ,  et  sacrifiait  l'état  par  compas- 
n  sion  pour  des  particuliers  menacés  ou 
»  poursuivis  sur  tous  les  points  de  la 
»  France.  Des  lors  il  prit  ou  renvoya  ses 
»  ministres ,  sous  le  bon  plaisir  de  l'as- 
»  semblée  ;  et  ces  ministres  choisis  presque 
»  tous  parmi  ses  ennemis ,  étaient  forcés 
»  d'admirer  la  bonté  de  son  cœur  ,  la 
»  justesse  de  ses  vues  ,  l'étendue  de  ses 
»  connaissances.  «  De  concession  en  con- 
cession ,  le  monarque  fut  amené  à  sanc- 
tionner des  décrets  spoliateurs  de  l'église 
et  la  constitution  civile  du  clergé;  faisant 
ainsi  violence  aux  sentimens  religieux 
dont  il  avait  toujours  été  animé.  Enfin 
abreuvé  de  chagrins,  dépouillé  de  son 
autorité ,  soumis  à  une  contrainte  morale 
qui  le  poussait  incessamment  à  des  actes 
contraires  à  sa  volonté,  Louis  se  décida 
àquilter  furtivement  Paris  avec  sa  famille 
dans  la  nuit  du  20  au  21  juin  1791.  Son 
intention  était  de  se  rendre  à  Montmédy , 
où  Bouille  avait  réuni  un  petit  nombre 
de  troupes  qu'il  regardait  comme  fidèles. 
Avant  son  départ ,  il  avait  laissé  à  l'as- 
semblée une  déclaration  où  se  trouvaient 
exposés  ses  justes  sujets  de  plainte  et  les 
motifs  de  son  voyage.  Reconnu  et  arrêté 
à  Varennes,  Louis  fut  reconduit  à  Paris, 
comme  un  prisonnier  au  milieu  d'une 
OTïTiéti  de  gardes  nationaux  et  d'une  foule 


LOU 


qui  l'abreuvait  d'outrages.  La  déchéance 
du  roi  fut  mise  aux  voix  dans  l'assemblée 
nationale ,  et  repoussce  par  la  majorité  , 
qui  conservait  encore  un  reste  d'attache- 
ment à  la  monarchie.  La  plupart  des  dé- 
putés, instruits  par  une  triste  expérience, 
commençaient  à  s'effrayer  de  leur  ou- 
vrage :  n)ais  à  mesure  que  l'assemblée 
ralentissait  sa  marche  dans  la  voie  de  la 
révolution,  son  autorité  diminuait;  et 
bientôt  honteuse  et  décréditée  ,  elle  so 
sépara  sans  bruit,  et  fit  place  à  l'assem- 
blée Législative  qui  ouvrit  ses  séances  la 
l*""  octobre  i791.  La  royauté  avait  été  ren- 
versée par  la  Constituante  ;  \a.  Législative 
s'acharna  sur  ce  colosse  abattu,  et  sembla 
par  son  insouciance  approuver  lescrimes 
qui  se  multipliaient  ;  les  prêtres  inser- 
mentés furent  bannis  ,  les  émigrés  dé- 
pouillés de  leurs  biens,  et  le  monarque, 
privé  de  tout  ce  qui  pouvait  le  servir,  fut 
livré  sans  défense  à  la  fureur  de  ses  en- 
nemis. Louis  XYI  ayant  refusé  de  sanc- 
tionner des  décrets  contre  les  prêtres  et 
les  émigrés,  les  factieux  irrités  résolurent 
de  lui  ôter  le  veto^  seule  autorité  qui  lui 
restât  encore;  et  pour  y  parvenir,  ils 
préparèrent  la  journée  du  20  juin  1792. 
Vingt  mille  hommes  armés  de  piques , 
avaient  pénétré  dans  le  château  des  Tui- 
leries ,  cette  foule  furieuse  rompait  à 
coups  de  hache  tout  ce  qui  s'opposait  à 
son  passage.  Déjà  elle  était  parvenue  à  la 
dernière  porte  qui  la  séparait  de  la  fa- 
mille royale  ,  lorsque  Louis  XVI  ouvrant 
lui-même  cette  porte  se  présente  seul  et 
sans  armes  aux  fi\ctieux.  «  Je  crois  ,  leur 
n  dit-il  avec  une  dignité  tranquille,  n'avoir 
»  rien  à  craindre  de  la  part  des  Français.  » 
Tant  de  calme  étonne  les  furieux ,  et  ils 
hésitent  un  instant  ;  cependant,  excités 
par  leurs  chefs ,  ils  dépouillent  bientôt 
tout  respect  pour  la  majesté  royale ,  et 
ils  insultent  le  monarque  de  leurs  paroles 
et  de  leurs  gestes.  L'un  à  moitié  ivre  lui 
tend  insolemment  une  bouteille  en  lui 
ordonnant  de  boire  à  la  santé  de  la  nation; 
l'autre  tenant  d'une  main  un  pistolet  et 
de  l'autre  un  sabre  nu  ,  crie  à  ses  oreilles  : 
à  bas  le  veto  !  un  troisième  met  sur  sa 
tête  auguste  un  bonnet  rouge.  Pendant 
ce  temps  des  hommes  et  des  femmes 
criaient  en  brandissant  leurs  armes  :  où 
est  V autrichienne?  nous  voulons  sa  (été  ! 
Un  de  ces  brigands  somme  le  prince  de 
jurer  qu'il  ne  trahira  plus  les  Français; 
Louis  répond  avec  calme  :  le  peuple  peut 
compter  sur  mon  amour  comme  sur  celui 
de  ma  famille.  Dans  ce  moment  le  maire 


LOU 


571 


LOU 


Péthion  se  montre  ,  et  s'écrie  en  s'adres- 
Banl  au  roi  :  «  Sire  ,  vous  n'avez,  rien  à 
»  craindre  ;  —  l'homme  de  bien  qui  a  la 
»  conscience  pure  ne  tremble  jamais,  ré- 
•  pond  aussitôt  le  roi  avec  dignité  ;  il  ny 
»  a  que  ceux  qui  ont  quelque  chose  à  se 
j>  reprocher  qui  peuvent  avoir  peur  ,  »  et 
prenant  la  main  d'un  grenadier  qu'il 
place  sur  son  cœur  :  «  Diles  à  cet  hounne 
»  s'il  bat  plus  vite  qu'à  l'ordinaire.  »  Cette 
scène  effrayante  dont  le  dénouement 
pouvait  être  tragique,  se  termina  sans 
effusion  de  sang.  Quand  au  bout  de  plu- 
sieui's  heures  les  appartemens  furent 
évacués,  la  reine,  qui  jusqu'alors  avait  été 
dans  des  transes  mortelles  ,  vint  se  réunir 
au  roi  avec  ses  enfans ,  et  cette  famille 
infortunée  se  félicita  d'avoir  échappé  à 
la  mort ,  qui  depuis  quelque  temps  sem- 
blait toujours  suspendue  sur  leurs  têtes. 
Une  justice  sévère  pouvait  seule  prévenir 
le  retour  de  ces  désordres;  mais  les  in- 
stigateurs de  la  journée  du  20  juin  étaient 
au  sein  de  l'assemblée  ,  l'attentat  resta 
impuni  et  les  factieux  continuèrent  leurs 
trames.  Santerre  avait  dit  en  quittant  les 
Tuileries  :  Le  coup  est  manqué^  mais 
nous  y  reviendrons ,  et  cette  prédiction 
s'accomplit  moins  de  deux  mois  après. 
Depuis  le  20  juin ,  Louis  XVI  ne  se  lit 
plus  illusion  sur  le  sort  qui  l'attendait , 
et  l'on  croit  même  qu'il  fit  à  cette  époque 
son  premier  testament  qui  est  resté 
ignoré.  Cependant  des  hordes  de  bandits 
accourues  de  toutes  les  parties  de  la 
Fi  ance  et  particulièrement  de  Marseille  ; 
arrivent  à  Paris  ,  et  se  grossissent  de  la 
fiopulace  des  faubourgs.  Des  discours  in- 
teadiaires  circulent  dans  la  capitale,  et 
(Chauffent  les  têtes;  un  grand  mouvement 
est  préparé  par  les  factieux  pour  amener 
lu  déchéance  du  roi.  En  (in  le  10  août  le 
toesin  sonne,  un  rassemblement  immense 
se  forme  sur  la  place  du  Carousel ,  et  des 
canons  sont  tournés  contre  la  demeure  du 
loi.  Louis  XVI  n'avait  pour  défendre  sa 
vie  et  celle  de  sa  famille  qu'un  petit 
nombre  d'amis  fidèles  et  résolus,  quelques 
compagnies  de  suisses  et  quelques  batail- 
lons de  la  garde  nationale.  Le  monarque 
Ut  lui-même  la  revue  de  sa  petite  troupe, 
et  disposa  tout  pour  la  défense  du  château. 
Mais  par  une  déplorable  falaUté  ,  tandis 
que  des  serviteurs  dévoués  n'attendaient 
qu'un  ordre  de  sa  bouche  pour  dissiper 
l'insurrection,  Louis  cédant  à  un  conseil 
1  perfide,  abandonna  les  Tuileries  pour  se 
rendre  au  sein  de  l'assemblée  nationale 
&vtc  sa  famille  et  quelques  personnes  de 


sa  suite ,  au  milieu  de  mille  cris  affreux 
qui  retentissaient  sur  son  passage.  «  Je 
»  suis  venu  au  milieu  de  vous,  pour  évi- 
»  ter  un  grand  crime,  »  dit  Louis  XVI  en 
entrant.  «  Sire ,  répondit  lo  président 
B  Vergniaud ,  vous  pouvez  compter  sur 
»  la  fermeté  de  l'assemblée  nationale.  » 
Bientôt  une  décharge  d'artillerie  se  lait 
entendre  ,  Louis  tressaille  et  s'écrie  dou- 
loureusement :  «  ah  !  j'avais  donné  des 
«ordres  pour  qu'onnetirât  pas.  »Le  fraca* 
de  la  mousqueterie  redouble  et  le  tumulte 
s'accroît.  Le  bruit  se  répand  que  les  in- 
surgés sont  en  fuite  ,  et  que  les  Suisses 
secondés  par  leurs  camarades  de  Ruelle 
accourus  à  leur  secours,  sont  vainqueurs. 
Alors  on  force  le  roi  de  signer  l'ordre 
de  cesser  le  feu.  Ti'op  dociles  à  ce  com- 
mandement les  soldats  qui  défendaient  le 
château  mettent  bas  les  armes.  Cependant 
les  assaillans  qui  avaient  pris  la  fuite  à 
la  première  décharge  ,  s'apercevant  qu'on 
leur  abandonne  le  champ  de  bataille  ,  re- 
viennent sur  leurs  pas  ,  et  recommencent 
leurs  attaques  contre  le  château  qu'on  ne 
défendait  plus.  Deux  bataillons  de  gardes- 
nationales  qui  accouraient  au  secours  du 
roi ,  se  réunissent  aux  insurgés  ,  les 
Suisses  sont  presque  tous  massacrés ,  et 
le  palais  des  "Tuileries  devient  le  théâtre 
d'un  effroyable  carnage.  Le  roi,  en  proie 
à  la  plus  horrible  anxiété ,  demeura 
vingt-quatre  heures  enfermé  dans  la  loge 
du  logographe,  d'où  il  entendit  prononcer 
sa  déchéance ,  et  l'ordre  de  l'enfermer 
au  temple  avec  sa  famille.  On  le  conduisit 
le  15  août  dans  cette  prison  d'où  il  no 
devait  plus  sortir  que  pour  achever  son 
sacrifice  en  montant  sur  l'échafaud.  Ce 
prince  qui  s'était  souvent  montré  faible 
et  irrésolu  dans  des  circonstances  criti- 
ques ,  devint  dès  lors  un  modèle  de  rési- 
gnation et  de  courage.  La  religion  le 
soutint  au  milieu  des  cruelles  humiliations 
auxquelles  il  fut  soumis.  La  reine  ,  ses 
enfans  ,  M.""^  Elizabeth  partageaient  sa 
prison  et  en  augmentaient  l'amertume 
par  leurs  souffrances.  Jamais  autant  d'ou- 
trages ,  autant  de  douleurs  n'avaient  pesé 
sur  l'innocence  et  la  vertu.  Les  paroles, 
les  actions ,  les  regards  du  monarque 
étaient  soumis  à  la  plus  mituilieuse  sur- 
veillance ,  et  chaque  jour  on  inventait  de 
nouveaux  moyens  de  le  tourmenter.  On 
alla  jusqu'à  ne  lui  pernicUre  de  voir  sa 
famille  qu'aux  heures  des  repas  ,  et  peu 
avant  son  procès  il  en  fut  entièrement 
séparé.  Mais  Louis  surpassa  par  la  noble 
coaslance  et  le  calme  inaltérable  de  ôon 


LOU  H 

Ame  la  férocité  de  ses  bourreaux.  Le  der- 
nier acte  de  la  Lcf^islative  avait  été  la 
convocation  d'une  convention  nationale, 
destinée  à  juger  Louis  XVL  Cette  nou- 
velle assemblée  débuta  dans  la  sanglante 
rarrièie  qu'elle  devait  parcourir  par  l'a- 
bolition de  la  royauté  en  France  ,  et  l'é- 
tablissement de  la  république.  Cependant 
les  puissances  étrangères  comprenant  un 
peu  tard  que  la  cause  du  roi  de  France 
était  aussi  la  leur  ,  avaient  pris  les  armes 
et  avaient  envahi  le  territoire  français. 
Les  jacobins  avaient  répondu  à  ces  hosti- 
lités par  les  massacres  de  septembre,  qui 
fuient  les  préludes  du  régicide  qu'ils  mé- 
ditaient. La  Convention  décréta  le  25  du 
même  mois  que  le  roi  serait  jugé  par  elle  , 
et  le  12  du  mois  suivant  Louis  XVI  tiré 
de  sa  prison  fut  conduit  à  la  barre  de  l'as- 
semblée. Une  longue  série  d'accusations 
lui  ayant  été  présentée,  il  répondit  atout 
avec  clarté  et  précision  ,  sans  le  moindre 
trouble  ,  sans  le  plus  léger  mouvement 
d'impatience  ou  d'indignation.  Comme  on 
lui  reprochait  jusqu'à  ses  bienfaits,  il  ré- 
pondit avec  simplicité  :  «  mon  plus  grand 
■>  plaisir  fut  de  faire  du  bien  ,  mais  en  gé- 
»  néral  je  ne  me  rappelle  pas  les  dons  que 
»  j'ai  faits.  »  Pour  donner  au  jugement  de 
Louis  XVI  une  apparence  de  légalité,  on 
lui  permit  de  se  faire  assister  par  un  con- 
seil. Le  choix  du  roi  se  porta  d'abord  sur 
Target  qui  refusa  la  glorieuse  mission  de 
défendre  son  souverain.  Tronchet  le  rem- 
plaça. Malesherbes  voulut  partager  avec 
lui  ce  périlleux  honneur,  et  ils  s'associè- 
rent Desèze,  jeune  avocat  qui  donnait  les 
vlus  brillantes  espérances.  Mais  les  dis- 
cours de  Louis ,  l'éloquence  de  Desèze,  et 
les  pleurs  du  vénérable  Malesherbes  ,  tout 
fut  inutile.  L'appareil  judiciaire  qui  fut 
déjiloyé  dans  cette  circonstance  n'était 
(ju'une  dérision.  Louis  était  condamné 
irrévocablement  par  ses  ennemis  avant 
d'avoir  été  entendu.  La  sentence  fatale 
fut  prononcée  le  17  janvier  1793.  Louis 
avait  été  déclaré  par  une  décision  pres- 
qu'unanime  coupable  de  conspiration  et 
d'attentat  contre  la  sûreté  de  l'état.  La 
question  de  l'appel  au  peuple  avait  été 
résolue  négativement  à  une  forte  majorité. 
Celle  de  la  peine  i)arlagea  l'assemblée  et  5 
voix  de  majorité  décidèrent  la  mort.  Près 
de  20  membres  de  la  Convention  se  trou- 
vaient abscns  par  différens  motifs  ;  ainsi 
la  condamnation,  décidée  à  la  majorité 
des  votans,  ne  le  fut  pas  à  celle  de  l'assem- 
blée. Dequoique  manière qu'onl'envisage, 
ce  jugement  était  une  infraction  manifeste 


72  LOU 

aux  lois  du  temps  qui  exigeaient  les  deux 
tiers  des  suffrages  pour  la  condamnation 
d'un  accusé.  Les  défenseurs  du  roi  s'éle- 
vèrent avec  force  contre  cette  inique  sen- 
tence, et  en  appelèrent  au  peuple  français, 
mais  leur  appel  fut  rejeté ,  et  l'on  décréta 
que  l'exécution  aurait  lieu  dans  les  24 
heures.  Celte  précipitation  et  celte  vio- 
lence attestaient  assezia  vérité  des  paroles 
que  Desèze  avait  prononcées  dans  sa  dé« 
fense  :  «  Je  cherche  parmi  vous  des  juges, 
»  et  je  n'y  vois  que  des  accusateurs.  • 
Louis  qui,  dès  le  commencement  de  son 
procès  en  avait  prévu  le  résultat,  attendit 
sa  fin  avec  le  calme  et  la  sérénité  d'une 
conscience  pure.  Nous  citerons  ici  un 
passage  du  journal  de  Malesherbes ,  où 
se  trouvent  rapportées  les  principales 
circonstances  de  la  longue  agonie  qu'en 
fit  subir  au  malheureux  monarque. — Dès 
que  j'eus  la  permission,  dit-il,  d'entrer 
dans  la  chambre  du  roi ,  j'y  courus  :  à 
peine  m' eut-il  aperçu,  qu'il  quitta  un 
Tacite  ouvert  devant  lui  sur  une  petite 
table  ,  il  me  serra  entre  ses  bras  ;  ses 
yeux  devinrent  humides,  et  il  me  dit  : 
«  Votre  sacrifice  est  d'autant  plusgéné- 
»  reux  que  vous  exposez  votre  vie,  et 
»  que  vous  ne  sauvez  pas  la  mienne.  > 
Je  lui  représentai  qu'il  ne  pouvait  j 
avoir  de  danger  pour  moi,  et  qu'il  était 
trop  facile  de  le  défendre  victorieuse^ 
ment  pour  qu'il  y  en  eût  pour  lui.  H 
reprit  :  «  J'en  suis  sûr,  ils  me  feront  périr; 
B  ils  en  ont  le  pouvoir  et  la  volonté  :  n'im- 
»  porte;  occupons -nous  de  mon  procès 
»  comme  si  je  devais  le  gagner,  et  je  le 
»  gagnerai  en  effet ,  puisque  la  mémoire 
»  que  je  laisserai  sera  sans  tache.  Mais 
»  quand  viendront  les  deux  avocats?  »  — 
Il  avait  vu  Tronchet  à  l'assemblée  Cons- 
tituante ;  il  ne  connaissait  pas  Desèze. 
Il  me  fit  plusieurs  questions  sur  mon 
compte  et  fut  très  satisfait  des  éclaircis- 
semens  quejeluidonnai.  Chaque  jour  il 
travaillait  avec  nous  à  l'analyse  des  pièces 
à  l'exposition  des  moyens,  à  la  réfutation 
des  griefs  ,  avec  une  présence  d'esprit 
et  une  sérénité  que  ses  défenseurs  admi- 
raient ainsi  que  moi  :  ils  en  profitaient 
pour  prendre  des  notes  et  éclairer  leur 

ouvrage Les  conseils  et  moi ,   nous 

nous  crûmes  fondés  à  espérer  sa  dépor-: 
tation;  nous  lui  fîmes  part  de  celte  idée; 
nous  l'appuyâmes  ;  elle  parut  adoucir  seS| 
peines  ;  il  s'en  occupa  pendant  plusieurs' 
jours  ;  mais  la  lecture  des  papiers  publicî 
la  lui  enleva,  et  il  nous  prouva  qu'i 
fallait  y  renoncer.  Quand  Desèze  cul  fini 


fOU  873 

son  plaidoyer,  ilnous  le  lut  :  je  n'ai  rien 
entendu  de  plus  pathétique  que  sa  péro- 
raison. Nous  fûmes  touchés  jusqu'aux 
larmes  ;  le  roi  lui  dit  :  «  Il  faut  la  sup- 
»  primer;  je  ne  veux  pas  les  attendrir.  » 
Une  fois  que  nous  étions  seuls ,  ce  prince 
me  dit  :  «  J'ai  une  grande  peine  !  Desèzc 
»  et  Tronchet  ne  me  doivent  rien  ,  ils  me 
»  donnent  leur  temps  ,  leur  travail,  peut- 
»  être  leur  vie  :  comment  reconnaîtrai-je 
»  un  tel  service  ?  je  n'ai  plus  rien ,  et 

*  quand  je  leur  ferais  un  legs  ,  on  ne  l'ac- 
»  quitterait  pas.  »  «  Sire  ,  leur  conscience 
»  et  la  postérité  se  chargent  deleurrécom- 
»  pense.  Vous  pouvez  déjà  leur  en  accorder 
»  une  qui  les  comblera. — Laquelle  ? — Em- 
»  brassez-les  !  »  Le  lendemain  il  les  pressa 
contre  son  cœur  ;  tous  deux  fondirent  en 
larmes.  Nous  approchions  du  jugement  ; 
il  me  dit  un  matin  :  «  Ma  sœur  m'a  in- 
»  diqué  un  bon  prêtre  qui  n'a  pas  prêté 
«serment,  et  que  Son  obscurité  pourra 
»  soustraire  dans  la  suite  à  la  pei-sécution  : 
»  voici  son  adresse  ;  je  vous  prie  d'aller 
»  chez  lui ,  et  de  lui  parler  ,  et  de  le  prè- 
»  parer  à  venir  lorsqu'on  m'aura  accordé 
»  la  permission  de  le  voir.  »  Il  ajouta  : 
«  Voilà  une  commission  bien  étrange  pour 
»  un  philosophe  l  car  je  sais  que  vous 
»  l'êtes  ;  mais  si  vous  souffriez  autant  que 
I)  moi,  et  que  vous  dussiez  mourir  comme 
»  je  vais  le  faire  ,  je  vous  souhaiterais  les 
»  mêmes  sentimens  de  religion  qui  vous 
»  consoleraient  bien  plus  que  la  philoso- 
»  phie.  »  —  Après  la  séance  où  ses  défen- 

"*-  seurs  et  lui  avaient  été  entendus  à  la  barre, 
il  me  dit  :  «  Vous  êtes  certainement  bien 
»  convaincu    actuellement    que ,    dès   le 

•  premier  instant,  je  ne  m'étais  pas 
»  trompé  ,  et  que  ma  condamnation  avait 
D  été  prononcée  avant  que  j'eusse  été  en- 
»  tendu.  »  Lorsque  je  revins  de  l'assem- 
blée où  nous  avions  ,  tous  les  trois ,  de- 
mandé l'appel  au  peuple  ,  je  lui  rapportai 
qu'en  sortant,  j'avais  été  entouré  d'un 
grand  nombre  de  personnes ,  qui  toutes 
m'avaient  assuré  qu'il  ne  périrait  pas  ou 
au  moins  que  ce  ne  serait  qu'après  eux 
et  leurs  amis.  Il  changea  de  couleur  et 
me  dit  :  «  Les  connaissez- vous?  retournez 
»  à  l'assemblée  ;  tâchez  de  les  rejoindre , 
u  d'en  découvrir  quelques-uns;  déclarez, 
o  leur  que  j«  ne  leur  pardonnerais  jamais 
»  s'il  y  avait  une  seule  goutte  de  sang 
»  versée  pour  moi  :  je  n'ai  pas  voulu  qu'il 
»  en  fût  répandu,  quand  peut-être  il  aurait 
3  pu  me  conserver  le  trône  et  la  vie;  je 
»  ne  m'en  repens  pas.  » — Ce  fut  moi  qui  le 
premier  annonçai  au   roi  le    décret  de 


LOU 

mort  :  il  était  dans  l'obscurité ,  le  dos 
tourné  à  une  lampe  placée  sur  la  chemi- 
née ,  les  coudes  appuyés  sur  la  table  ,  le 
visage  couvert  de  ses  mains.  Le  bruit  que 
je  fis  le  tira  de  sa  méditation  ;  il  me  fixa, 
se  leva  et  me  dit  :  «  Depuis  deux  heures 
»je  suis  occupé  à  rechercher  si  dans  le 
»  cours  de  mon  règne  j'ai  pu  mériter 
»  de  mes  sujets  le  plus  léger  reproche  : 
»  eh  !  bien  ,  monsieur  de  Malesherbes ,  je 
»  vous  le  jure  dans  toute  la  vérité  de  mon 
»  cœur ,  comme  un  homme  qui  va  pa- 
»  raître  devant  Dieu;  j'ai  constamment 
»  voulu  le  bonheur  du  peuple,  et  jamais 
DJe  n'ai  formé  un  vœu  qui  lui  fût  con- 
>^  traire.  »  —  Je  revis  encore  une  fois  cet 
infortuné  monarque  ;  deux  officiers  mu- 
nicipaux étaient  debout  à  ses  côtés  :  il 
était  debout  aussi  et  lisait.  L'un  des  offi- 
ciers municipaux  me  dit  :  «  causez  avec 
lui,  nous  n'écoulerons  pas.  »  Alors,  j'as- 
surai le  roi  que  le  prêtre  qu'il  avait  désiré 
allait  venir.  Il  m'embrassa  et  me  dit  :  «  La 
«mort  ne  m'effraye  pas,  et  j'ai  la  plus 
»  grande  confiance  dans  la  miséricorde 
I)  de  Dieu.  »  —  L'abbé  de  Firmont  qui 
assista  le  monarque  dans  ses  derniers  in- 
stans  a  fait  une  relation  aussi  simple  quo 
touchante  des  circonstances  qui  précédè- 
rent immédiatement  la  mort  de  Louis 
XVI.  Nous  laissons  parler  ici  ce  digne 
ecclésiastique.  «  Louis ,  dit-il ,  avait  vu 
»  la  veille  sa  femme  et  ses  enfans ,  et  lui- 
»  même  leur  avait  annoncé  sa  condamna- 
»  tion.  Cette  séparation  avait  été  si  dou- 
»  loureuse  pour  tous ,  surtout  pour  la 
»  reine,  qu'il  ne  put  se  décider  à  la  revoir 
»  le  lendemain  ,  malgré  la  promesse  quïl 
»  lui  en  avait  faite.  En  traversant  la  cour 
»  de  la  prison  à  neuf  heures  pour  aller  au 
»  supplice  ,  il  se  tourna  deux  fois  vers  la 
»  tour  où  était  sa  famille ,  comme  pour 
»  dire  un  dernier  adieu  à  ce  qu'il  avait  de 
»  plus  cher.  A  l'entrée  de  la  seconde  cour 
»  se  trouvait  une  voiture  de  pkice  ;  deux 
»  gendarmes  tenaient  la  portière.  Al'ap- 
»  proche  du  roi ,  l'un  y  entra  et  »e  plaç., 
»  sur  le  devant.  Le  roi  monta  ensuite  ,  et 
»  mit  à  côté  de  lui  son  confesseur  dans 
»  le  fond;  l'autre  gendarme  entra  le  dernier 
»  et  ferma  la  portière  »  Le  roi,  ajoute  l'abl;  > 
de  Firmont ,  se  trouvant  resserré  dans 
une  voiture  où  il  ne  pouvait  me  parler 
ni  m'entendre  sans  témoins  ,  prit  le  parti 
du  silence.  Je  lui  présentai  aussitôt  mon 
bréviaire,  le  seul  livre  qwe  j'susse  sur  moi, 
et  il  parut  l'accepter  avec  plaisir.  Il  témoi- 
gna mèmelc  désir  que  je  lui  indiquasse  leg 
psaumes  qui  convenaient  k  mieux  à  sa  si- 


LOU 


574 


LOU 


tuation  ,  et  il  les  récitait  allernativement 
avec  moi.  Les  gendarmes  sans  ouvrir  la 
bouche  paraissaient  extasiés  et  confondus 
tout  ensemble  ,  de  la  piété  tranquille  d'un 
monarque  qu'ils  n'avaient  jamais  vu  sans 
doute  d'aussi  près.  La  marche  dura  près 
de  deux  heures.  Toutes  les  rues  étaient 
bordées  de  plusieurs  rangs  de  citoyens , 
armés  tantôt  de  piques  ,  tantôt  de  fusils. 
En  outre  la  voilure  elle-même  était  en- 
tourée d'un  corps  de  troupes  imposant , 
et  formé  sans  doute  de  ce  qu'il  y  avait 
de  plus  corrompu  dans  Paris.  Pour  comble 
de  précautions  ,  on  avait  placé  en  avant 
des  chevaux,  une  multitude  de  tambours, 
afin  d' étouffer  par  ce  bruit  les  cris  qui 
auraient  pu  se  faire  entendre  en  faveur 
du  roi.  Mais  comment  en  aurait-on  en- 
tendu? Personne  ne  paraissait  ni  aux 
portes  ni  aux  fenêtres  ;  et  ou  ne  voyait 
dans  les  rues  que  des  citoyens  armés, 
c'est-à  -  dire  des  citoyens  qui ,  tout  au 
moins  par  faiblesse ,  concouraient  à  un 
crime  qu'ils  détestaient  peut-être  dans  le 
cœur.  La  voiture  parvint  ainsi  dans  le 
plus  profond  silence  à  la  place  Louis  XV , 
et  s'arrêta  au  milieu  d'un  grand  espace 
vide  qu'on  avait  laissé  autour  de  l'écha- 
faud.  Cet  espace  était  bordé  de  canons; 
et  au-delà  ,  tant  que  la  vue  pouvait  s'é- 
tendre, on  apercevait  une  multitude  en 
armes.  Dès  que  le  roi  sentit  que  la  voi- 
ture n'allait  plus,  il  se  retourna  vers  moi 
et  me  dit  à  l'oreille  :  «  nous  voilà  arrivés, 
»  si  je  ne  me  trompe.  »  Mon  silence  lui 
répondit  qu'oui.  Un  des  bourreaux  vint 
aussitôt  ouvrir  la  porlière,  et  les  gen- 
darmes voulurent  descendre  ;  mais  le 
roi  les  arrêta  et  appuyant  sa  main  sur 
mon  genou.  «  Messieurs,  leur  dit-il  d'un 
»  ton  de  maître ,  je  vous  recommande 
»  monsieur  que  voilà  ;  ayez  soin  qu'après 
»  ma  mort ,  il  ne  lui  soit  fait  aucune  in- 
»  suite.  Je  vous  charge  d'y  veiller.  »  Ces 
deux  hommes  ne  répondant  rien,  le  roi 
voulut  reprendre  d'un  ton  plus  haut  ; 
mais  l'un  d'eux  lui  coupa  la  parole  :  «  oui, 
»  oui ,  lui  répondit-il ,  nous  en  aurons 
»soin;  laissez  -  nous  faire.  »  Et  je  dois 
ajouter  que  ces  mots  furent  dits  d'un  ton 
de  voix  qui  aurait  dû  me  glacer  ,  si  dans 
un  moment  tel  que  celui-là ,  il  m'eût  été 
possible  de  me  replier  sur  moi-même.  Dès 
que  le  roi  fut  descendu  de  voiture  ,  trois 
bourreaux  l'entourèrent  et  voulurent  lui 
ôter  ses  habits.  Mais  il  les  repoussa  avec 
lierté  et  se  déshabilla  lui-même,  il  délit 
également  son  col ,  ouvrit  sa  chemise  ,  et 
6'arrangca,  de  ses    proj)res  mains.   Les 


bourreaux  que  la  contenance  fière  du  roi 
avait  déconcertés  un  moment,  semblèrent 
alors  reprendre  de  l'audace.  Ils  l'entou- 
rèrent de  nouveau  et  voului  enl  lui  pren- 
dre les  mains.  «  Que  prétendez-vous  , 
»  leur  dit  ce  prince,  en  retirant  ses  mains 
«avec  vivacité?»  —  «Vous  lier,  répon- 
i>  dit  un  des  bourreaux.  »  —  «  Me  lier!  r&- 
I)  partit  le  roi  d'un  air  d'indignation  :  je 
»  n'y  consentirai  jamais  ;  faites  ce  qui 
»  vous  est  commandé  ;  mais  vous  ne  me 
»  lierez  pas  :  renoncez  à  ce  projet,  i»  Les 
bourreaux  insistèrent ,  ils  élevèrent  la 
voix  ,  et  semblaient  déjà  appeler  du  se- 
cours pour  le  faire  de  vive  force.  C'est 
ici  peut-être  le  moment  le  plus  affreux 
de  cette  désolante  matinée  :  une  minute 
de  plus,  et  le  meilleur  des  rois  recevait , 
sous  les  yeux  de  ses  sujets  rebelles ,  un  ou- 
trage mille  fois  plus  insupportable  que  la 
mort,  par  la  violence  qu'on  semblait  vou- 
loir y  mettre.  Il  parut  le  craindre  lui-même 
et  se  retournant  vers  moi ,  il  me  regarda 
fixement  comme  pour  me  demander  con- 
seil. Hélas  !  il  m'était  impossible  de  lui  en 
donner  un  ,  et  je  ne  lui  répondis  d'abord 
que  par  mon  silence.  Mais  il  continuait 
de  me  regarder  :  «  Sire  ,  lui  dis-je  avec 
»  larmes  ,  dans  ce  nouvel  outrage ,  je  ne 
»  vois  qu'un  dernier  trait  de  ressemblance 
»  entre  votre  majesté  et  le  Dieu  qui  va 
»  être  sa  récompense.  »  A  ces  mots  il  leva 
les  yeux  au  ciel  avec  une  expression  de 
douleur  que  jo  ne  saurais  jamais  rendre. 
«  Assurément ,  me  dit-il ,  il  ne  me  faudra 
»  rien  moins  que  son  exemple  pour  que 
»  je  me  soumette  à  un  pareil  affront  :  » 
et  se  tournant  vers  les  bourreaux  :  «  faites 
»  ce  que  vous  voudrez ,  leur  dit-il ,  je 
»  boirai  le  calice  jusqu'à  la  lie.  »  Les 
marches  qui  conduisaient  à  l'échafaud 
étaient  extrêmement  roides  à  monter  : 
le  roi  fut  obligé  de  s'appuyer  sur  mon 
bras  ,  et  à  la  peine  qu'il  semblait  prendre, 
je  craignis  un  moment  que  son  courage 
ne  commençât  à  fléchir.  Mais  quel  fut 
mon  élonnement ,  lorsque ,  parvenu  à  la 
dernière  marche  ,  je  le  vis  s'échapper 
pour  ainsi  dire  ,  de  mes  mains,  traverser 
d'un  pied  ferme  toute  la  largeur  de  l'é- 
chafaud ,  imposer  silence  par  son  seul 
regard  à  quinze  ou  vinyt  tambours  qui 
étaient  placés  vis-à-vis  de  lui ,  el  d'une 
voix  si  forte  qu'elle  dut  être  entendue  du 
Pont-Tournant,  prononcer  distinctement 
cts  paroles  à  jamais  mémorables  :  «  Jo 
»  meurs  innocent  de  tous  les  crimes  qu'on 
»  m'irnpule;  je  pardonne  aux  auteurs  de 
»  ma   mort,  et  je  prie  IMeu  que  ce  sang 


LOU 

»  que  vous  allez  répandre  ne  retombe 
X  jamais  sur  la  France.  »  Il  allait  conti- 
nuer ,  mais  un  homme  à  cheval  et  en 
uniforme  national,  fondant  tout-à-coup 
l'épée  à  la  main,  et  avec  des  cris  féroces, 
Bur  les  tambours,  les  obligea  de  rouler. 
[Voyez  SANTERRE).  Plusieurs  voix  se 
Ërent  entendre  en  même  temps  pour  en- 
courager les  bourreaux  ;  ils  parurent  s'a- 
nimer eux-mêmes ,  et  saisissant  avec 
effort  le  plus  vertueux  des  rois,  ils  le 
Jraîncrent  sous  la  hache  qui  d'un  seul 
coup  fit  tomber  sa  tête.  Tout  cela  fut  l'ou- 
vrage de  peu  d'inslans.  Le  plus  jeune  des 
bourreaux  (  il  ne  semblait  pas  avoir  plus 
de  18  ans)  saisit  aussitôt  la  tête  et  la  mon- 
tra au  peuple  en  faisant  le  tour  de  l'écha- 
faud  :  il  accompagnait  cette  cérémonie 
monstrueuse,  des  cris  les  plus  atroces 
et  des  gestes  les  plus  indécens.  Le  plus 
morne  silence  régna  d'abord  :  bientôt 
quelques  cris  de  Vive  la  république  se 
firent  entendre.  Peu  à  peu  les  voix  se 
multiplièrent  ;  et  dans  moins  de  dix  mi- 
nutes ,  ce  cri  devint  celui  de  la  multitude, 
et  tous  les  chapeaux  furent  en  l'air.  »  — 
Ainsi  périt  Louis  XVI,  le  21  janvier  1793 ,  à 
l'âge  de  58  ans  et  k  mois ,  laissant  un 
grand  exemple  à  la  postérité  ,  une  leçon 
terrible  aux  souverains  et  à  ses  bourreaux 
d'éternels  remords.  Son  corps  fut  enterré 
dans  l'ancien  cimetière  de  la  Madeleine , 
et  couvert  de  chaux  vive  par  ordre  de  la 
Convention  ,  afin  qu'il  n'en  restât  aucune 
trace.  Cependant  des  recherches  qui  furent 
faites  en  1814  ,  firent  découvrir  une  partie 
de  ses  ossemens ,  et  ces  restes  précieux 
furent  transportes  à  Saint-Denis  au  mois 
de  janvier  1815  ,  avec  ceux  de  Marie-An- 
toinette. M.  de  Boulogne  ,  évêque  de 
Troyes ,  prononça  l'oraison  funèbre  du 
roi  martyr.  Le  testament  de  cet  infortuné 
prince  ,  connu  de  tout  le  monde  ,  demeu- 
rera comme  un  monument  éternel  de  la 
bonté  de  son  âme  ,  de  sa  piété  ,  de  sa  clé- 
mence. Ses  ennemis  ont  vainement  cher- 
ché à  ternir  sa  mémoire.  «  Louis  XVI , 
»  dit  Malesherbes,  était  aussi  religieux  que 
•  Louis  IX,  aussi  juste  que  Louis  XII , 
»  aussi  bon  que  Henri  IV,  et  n'avait  aucun 
»  de  leurs  défauts.  Ses  plus  grands  torts  , 
»  ses  seuls  torts  sont  de  nous  avoir  trop 
»  aimés....  ;  de  s'être  considéré  comme 
»  notre  père ,  et  pas  assez  comme  notre 
»  roi  ;  d'avoir  attaché  son  bonheur  à  nous 
»  rendre  plus  heureux  que  nous  n'étions 
»  susceptibles  de  l'être.  »  Simple  dans  ses 
goûts  ,  il  aimait  le  travail  et  les  plaisirs 
sans  faste  ;    ses  mœurs    irréprochables 


7  S  LOU 

commandaient  l'eslime  ,  et  ses  vertus 
privées  inspiraient  le  respect.  A  toutes  les 
qualités  du  cœur  ce  prince  joignait  des 
talens  variés  ,  et  des  connaissances  rares, 
même  chez  les  savans  de  profession. 
Il  parlait  facilement  le  latin  ,  ritali<in  et 
l'anglais,  et  il  était  très  versé  dans  l'his- 
toire ,  la  géographie  et  l'hydrographie. 
Ce  fut  lui  qui  rédigea  les  instructions  d'a- 
près lesquelles  l'infortuné  La  Peyrouse 
devait  diriger  son  voyage  et  ses  travaux. 
Ces  notes  ont  été  insérées  dans  la  relation 
du  voyage  de  cet  illustre  navigateur.  On 
a  encore  de  Louis  XVI  :  Description  de 
la  forêt  de  Compiègne ^  Paris,  Lottin, 
1766  ,  in-8°  de  64  pages  ,  tiré  à  36  exem- 
plaires. I  Les  maximes  morales  et  poli- 
tiques tirées  du  Télémaque,  sur  la  science 
des  rois  et  le  bonheur  des  peuples  ^  im- 
primées en  1766  ,  par  Louis-Juguste  , 
dauphin ,  pour  la  cour  seulement  ;  réim- 
primées en  1814  ,  Paris ,  Didot ,  in-18  de 
2  feuilles .  On  peut  consulter  sur  la  vie 
de  ce  prince  les  ouvrages  suivans:  |  Louis 
XVI  détrôné  avant  d'être  roi^  et  Louis 
XVI  et  sa  vertu  aux  prises  avec  la  per- 
versité de  son  siècle  ,  par  l'abbé  Proyarl  ; 
I  Histoire  impartiale  du  procès  de  Louis 
XVI,  par  Jauffret,  1795,  9  vol.  in-8"  ; 
I  Dernières  années  du  règne  et  de  la  vie 
de  Louis  XVI,  par  M.  Hue,  2*^  édition  , 
Paris,  1816,  in-8°  ;  |  Mémoires  particuliers 
pour  servir  à  l'histoire  de  la  fin  du  règne 
de  Louis  XVI,  par  Bertrand  de  Molle- 
ville  ;  I  Histoire  complète  de  la  captivité 
de  Louis  XVI  et  de  la  famille  royale  , 
1817 ,  in-8°.  On  y  trouve  le  Journal  de 
Cléry.  Ce  Journal  a  paru  en  1800  ,  in-12 , 
sous  le  litre  de  Mémoires  de  Cléry.  Celte 
édition  est  apocryphe  ;  Cléry  la  désavoua 
hautement  dans  le  Spectateur  du  Nord. 
I  Mémoires  particuliers ,  formant  avec 
l'ouvrage  de  M.  Hue  et  le  Journal  de 
Cléry  l'histoire  complète  de  la  captivité 
de  la  famille  royale  à  la  tour  du  Temple , 
1817 ,  in-8°.  Cet  ouvrage  est  attribué  à 
la  fille  de  Louis  XVI. 

*  LOUIS  XVII,  fils  de  Louis  XVI  et  de 
Marie-Antoinette  d'Autriche,  né  à  Ver- 
sailles le  27  mars  1785 ,  reçut  à  sa  nais- 
sance le  titre  de  duc  de  Normandie,  et 
plus  tard  (4  juin  1789)  celui  de  dauphin 
que  portait  son  frère  aîné,  Louis  J.  F. 
Xavier.  La  première  éducation  de  ce 
jeune  prince  fut  confiée  aux  soins  de  ma- 
dame de  Tourzel,  qui  remplaça  la  du- 
chesse de  Polignac  comme  gouvernante 
des  enfans  de  France.  Les  inclinations 
les  plus  heureuses  et  l'esprit  le  plus  pé- 


LOU 


B7C 


LOtJ 


nétrant  s'unissaient  en  lui  à  une  physio- 
nomie charmante.  Né  au  commencement 
de  nos  troubles,  il  connut  le  malheur 
avant  de  comprendre  l'élévation  du  rang 
dans  lequel  la  providence  l'avait  placé.  Il 
n'avait  que  k  ans  lorsque ,  dans  la  terrible 
journée  du  5  octobre ,  sa  mère  le  pré- 
senta aux  furieux  qui  s'étaient  rendus  de 
Paris  à  Versailles  avec  les  plus  sinistres 
projets.  Il  entrait  dans  sa  septième  année 
lorsqu'il  fit  avec  sa  malheureuse  famille 
le  voyage  de  Varennes.  Au  20  juin  1792, 
sa  jeune  imagination  avait  été  vivement 
frappée  des  excès  de  la  populace ,  et  le 
lendemain,  dès  qu'il  entendit  battre  le 
tambour,  il  se  réfugia  tout  tremblant 
entre  les  bras  de  la  reine,  en  lui  disant 
avec  une  ingénuité  touchante  :  «maman, 
»  est-ce  qu'hier  n'est  pas  fini?..  »  Lorsque 
Louis  XVI  fut  enfermé  au  temple  avec  sa 
famille .  le  royal  enfant  partagea  sa  capti- 
vité ,  et  devint  sa  seule  consolation  par  sa 
lendresse,  son  application  et  ses  réparties 
ingénieuses.  Louis  XVI  lui  enseignait 
l'histoire  et  la  géographie,  et  trouvait  dans 
les  soins  qu'il  donnait  à  son  éducation 
une  distraction  qui  n'était  pas  sans  quel- 
que douceur,  et  dont  la  privation  l'af- 
fecta profondément.  Lorsque  le  crime  du 
21  janvier  fut  consommé ,  il  y  avait  deux 
mois  que  le  royal  enfant  était  séparé  de 
son  père.  Ayant  appris  la  condamnation 
du  roi ,  il  franchit  précipitamment  les 
premières  portes  de  la  tour  ;  et  comme 
on  lui  demandait  où  il  courait  :  a  Je  vais , 
»  dit-il,  parler  au  peuple,  me  mettre  à 
»  genoux  ,  et  le  prier  de  ne  pas  faire  mou- 
»  rir  papa.  »  Devenu  roi  par  la  mort  de 
Louis  XVI ,  le  jeune  prince  ne  s'aperçut 
du  titre  auguste  qui  venait  de  lui  échoir 
que  par  un  redoublement  de  surveillance 
et  de  barbarie  de  la  part  de  ses  impi- 
toyables geôliers  ;  et  pendant  que  Mon- 
sieur ,  depuis  Louis  XVIII ,  qui  était  alors 
en  Westphalie,  dans  la  ville  de  Hamm, 
déclarait  son  neveu  roi  de  France ,  sous 
le  nom  de  Louis  XVII ,  la  faction  régicide 
imaginait  cette  suite  d'horribles  traite- 
mens  qui  devait  conduire  à  une  mort 
prématurée  cette  innocente  victime  des 
fureurs  révolutionnaires.  Sur  un  rapport 
de  Saint-Just  à  la  Convention ,  le  jeune 
prince  fut  séparé  de  sa  mère  qu'il  ne  de- 
vait plus  revoir  ,  et  remis  entre  les  mains 
du  cordonnier  Simon ,  officier  de  la  com- 
mune, le  3  juillet  1793.  Ce  misérable,  livré 
aux  habitudes  les  plus  crapuleuses  ,  et  sa 
femme  aussi  féroce  et  aussi  corrompue  que 
M ,  reçurent  l'infâme  mission  d'altérer , 


par  tous  les  moyens  possibles ,  les  forces 
physiques  et  morales  du  royal  enfant.  Ce 
couple  exécrable  employa  pour  remplit 
les  vues  de  la  Convention ,  tout  ce  que 
leur  imagination  put  leur  suggérer 
de  plus  propre  à  altérer  les  organes, 
et  à  flétrir  le  cœur  de  leur  victime.  On 
mettait  sans  cesse  à  la  bouche  du  jeune 
prince  des  chants  impies  et  révolution- 
naires qu'il  était  obligé  de  répéter  pour 
éviter  les  traitemens  les  plus  barbares. 
Le  vin,  les  liqueurs  fortes,  les  propos 
les  plus  obscènes ,  rien  n'était  oublié  pour 
achever  de  détruire  en  lui  le  fruit  de  sa 
première  éducation,  et  changer  en  ha- 
bitudes grossières  les  dispositions  si  heu- 
reuses qu'il  avait  montrées  jusqu'alors.  Le 
malheureux  enfant  résista  souvent  à  ces 
horribles  leçons  avec  un  caractère  qui 
étonnait  ses  bourreaux,  mais  qui  ne  fit 
qu'ajouter  à  leur  cruauté.  Enfin,  au  mois 
de  janvier  1794,  Simon  retourna  siéger 
dans  le  conseil  de  la  commune  ;  mais  il 
fut  remplacé  par  deux  gardiens  plus 
atroces  encore  que  lui.  Louis  XVII  fut 
renfermé  dans  un  cachot  plus  obscur  et 
plus  infect ,  gardé  par  deux  monstres  à 
figure  humaine.  Il  ne  lui  fut  plus  permis 
de  changer  de  linge  ni  de  respirer  un  air 
frais.  Toute  communication  était  interdite 
au  prisonnier  ,  et  il  ne  voyait  pas  même 
la  main  avare  qui  lui  faisait  passer  une 
grossière  nourriture.  A  la  fin  du  jour, 
une  voix  effroyable  lui  ordonnait  de  se 
coucher;  mais  à  peine  était-il  endormi 
que  ses  bourreaux  se  faisaient  un  jeu  bar- 
bare de  l'éveiller  en  sursaut  en  lui  criant  : 
«  Capet,  où  es-tu?  dors-tu?  »  l'enfant  ef- 
frayé courait  en  chemise  se  présenter  de- 
vant ces  monstres  qui  recommençaient 
peu  d'heures  après,  lorsqu'il  s'était  de 
nouveau  abandonné  au  sommeil.  Les 
événemens  du  9  thermidor  qui  semblè- 
rent ramener  en  France  la  modératioc 
ne  furent  pas  favorables  au  jeune  prince. 
Le  parti  qui  triompha  alors,  voulait, 
comme  celui  qu'il  venait  d'abattre ,  l'a- 
néantissement de  la  famille  royale ,  et  les 
traitemens  que  les  nouveaux  comités 
firent  subir  au  jeune  roi ,  ne  furent  ni 
moins  cruels,  ni  moins  homicides.  Quel- 
ques voix  s'élevèrent  à  celte  époque  pour 
demander  qu'on  envoyât  hors  de  la 
France  ce  nouveau  Joas;  mais  Camba- 
cérès ,  dans  un  rapport  qu'il  fit  le  22  jan- 
vier 1795 ,  établit  la  nécessité  de  retenir 
captifs  ce  prince  et  sa  sœur.  Cependant 
la  santé  du  jeune  roi  dépérissait  de  jour 
en  jour.  Un  médecin,  M.  Desault,  ayant 


LOU 


877 


LOU 


été  envoyé  au  jeune  prince,  déclara 
qu'il  était  trop  tard.  Ce  même  Desault 
mourut  peu  de  jours  après,  ce  qui  donna 
lieu  à  beaucoup  de  conjectures.  Louis 
XVII  expira  dans  sa  prison,  le  8  juin 
1795,  à  l'âge  de  dix  ans  et  deux  mois.  On  a 
cru  long-temps  que  le  terme  de  ses  jours 
avait  été  hâté  par  le  poison ,  mais  rien 
ne  justifie  cette  opinion.  Pour  le  faire 
mourir ,  ses  bourreaux  avaient  employé 
des  moyens  qui  n'étaient  ni  moins  sûrs, 
ni  moins  criminels.  La  dépouille  mor- 
telle de  Louis  XVII  fut  déposée  dans  la 
fosse  commune  de  la  paroisse  Sainte-Mar- 
guerite, où  il  a  été  impossible  de  retrou- 
ver ses  restes,  lorsque  le  roi  les  a  fait 
rechercher  en  181S.  La  chambre  des  pairs, 
sur  la  proposition  de  M.  de  Chateau- 
briand ,  décida  qu'un  monument  expia- 
toire serait  consacré  à  cet  enfant-roi.  La 
chambre  des  députés  s'associa  à  ce  vote  , 
et  j)]us  tard  une  ordonnance  royale  an- 
nonça que  le  monument  serait  placé  avec 
ceux  de  Louis  XVI ,  de  Marie-Anloinctte 
et  de  madame  Elizabeth,  dans  l'église  de 
la  Madeleine.  On  peut  consulter  sur  la 
vie  de  ce  prince  :  Mémoires  historiques 
sur  Louis  XVII :.  suivis  de  fragmens 
historiques  recueillis  au  Temple,  par 
M.  de  Turgy,  et  publiés  par  M.  Eckard. 
Deux  aventuriers  se  sont  présentés  de- 
puis sous  le  nom  de  Louis  XVII ,  lun  en 
1802,  le  second  en  1818.  Tous  dvuix  ont 
été  condamnés  par  les  tribunaux. 

•  LOUIS  XVIII ,  roi  de  France  ,  qua- 
trième fils  du  daupliin,  fils  de  Louis  XV, 
naquit  à  Versailles  le  17  novembre  17o3  , 
et  reçut  avec  les  prénoms  de  Louis-%SrA- 
NiSL.\SrXAvrER  le  titre  de  comte  de  Pro- 
vence. Ce  prince  n'avait  que  dix  ans  lors- 
qu'il perdit  son  père  qui  avait  voulu 
présider  lui-même  à  son  éducation  comme 
à  celle  de  ses  autres  enfans.  Ou  lui  donna 
ainsi  qu'à  ses  frères  pour  gouverneur  le 
duc  de  la  Vauguyon,  et  pour  precepltjur 
M.  de  Coëllosquet,  évéque  de  Limoges.  Le 
jeune  comte  de  Provence,  montra  de 
bonne  heure  un  goût  décidé  pour  les 
vsciences  et  les  lettres,  et  se  distingua 
l>ientôt  par  l'étendue  et  la  variété  de  ses 
connaissances  autant  que  par  la  rectitude 
de  son  jugement.  Des  succès  littéraires 
qu'il  obtint  sous  le  voile  de  l'anonyme, 
attestèrent  tout  le.  fruit  qu'il  avait  retiré 
de  ses  études.  Bientôt  II  devint  le  pro- 
tecteur des  écrivains ,  des  savans  et  des 
artistes  ;  et  sa  maison  fut  le  rendez-vous 
d'une  foule  d'hommes  distingués  dans 
tous  les  genres.  Le  14  mai  1771 ,  il 
7. 


épousa  Joséphine  de  Savoie,  fille  de 
Victor-Emmanuel  III ,  roi  de  Sardaigne  , 
et  le  10  mai  1774,  son  frère  aîné  le  duc 
de  Berri  étant  devenu  roi  sous  le  nom  de 
Louis  XVI ,  il  prit ,  suivant  l'usage  ,  le 
titre  de  Monsieur,  Lorsque  Maurepas 
voulut  faire  rappeler  les  parlemens  exilés 
par  Louis  XV ,  le  comte  de  Provence  s'op- 
posa de  toutes  ses  forces  à  cette  mesure. 
Il  présenta  même  à  ce  sujet  un  mémoire 
énergiq~ue  dont  nous  citerons  le  passage 
suivant  :  «  Que  reslera-t-il  d'autorité  au 
B  roi ,  si  les  magistrats  liés  par  une  asso- 
»  dation  générale  ,  forment  de  nouveau 
»  un  corps  qui  puisse  opposer  une  résis- 
»  tance  combinée...?  on  me  dira  que  \v% 
»  magistrats  en  exil  ne  rentreront  que 
«sous  les  conditions  les  plus  gênantes; 
»  mais  quelle  caution  offriront-ils  au  roi 
»  de  leur  fidélité  à  les  remplir?  ils  ren- 
»  treront  doux  comme  des  agneaux  ;  ar- 
»  rivés  en  place  ils  seront  des  lions.  Ils 
»  prétexteront  les  intérêts  de  l'état ,  du 
»  peuple ,  et  du  seigneur  roi  ;  en  déso- 
»  béissant,  ils  déclareront  ne  pas  désobéir  ; 
»  la  populace  viendra  à  leur  secours  ,  et 
»  l'autorité  royale  succombera  un  jour , 
!>  accablée  du  poids  de  leur  résistance.  » 
Ces  paroles  prophétiques  frappèrent  Louis 
XVI  ;  mais  le  comte  de  Maurepas  lui  ayant 
représenté  que  la  nation  entière  désirait 
le  rappel  des  parlemens,  ce  monarque 
qui  voulait  avant  tout  se  faire  aimer  du 
peuple ,  céda  aux  instances  de  son  mi- 
nistre. En  1776 ,  le  roi  donna  le  palais  du 
Luxembourg  à  Monsieur  pour  en  faire  sa 
résidence  habituelle.  L'année  suivante  , 
le  comte  de  Provence  parcourut  les  pi;o- 
vinces  du  midi  et  fit  admirer  partout  les 
grâces  de  son  esprit  et  la  justesse  de  ses 
observations.  A  Toulouse,  il  accueillit 
avec  une  bienveillance  particulière  l'a- 
cadémie des  jeux-floraux,  assista  à  une 
de  ses  séances ,  et  se  fit  inscrire  sur  la 
liste  des  main  teneurs  du  gai  savoir.  De 
retour  à  Versailles  ,  il  se  livra  plus  assi- 
dûment que  jamais  à  l'étude ,  et  vécut 
dans  la  retraite  au  milieu  de  la  cour  la 
plus  brillante  de  l'Europe.  Mais  les  évé-* 
nemens  politiques  vinrent  bientôt  arra- 
cher ce  prince  à  ses  occupations  littéraires, 
pour  l'associer  aux  premiers  débats  de  la 
révolution.  Lors  de  la  convocation  des 
Notables  en  1787,  Monsieur  présida  le 
premier  bureau  qui  fut  appelé  le  comité 
des  sages  ^  et  il  ne  manqua  pas  un  seul 
jour  de  se  rendre  à  son  poste.  Ses  opi- 
nions étaient  sages  et  modérées.  Tout  ea 
avouant  le  bcsoiu  de  certaines  réformes , 
40 


LOU  S 

Il  redoutait  les  innovations  Imprudentes. 
Un  membre  du  comilé  qu'il  présidait 
ayant  cité  dans  une  séance  ce  vers  de  la 
tragédie  de  S^r«y7bn/,  par  le  comte  de 
Lally-To'.lendal  : 


.a  couronoe  a  ses 


droits,  tnaU  le  peuple  a  le 


Monsieur  répliqua  sur-le-champ  jmr  cet 
autre  vers  de  la  môme  pièce  : 

Renvericr  ud  étal  n'est  pas  le  reformer. 

Cependant  l'assemblée  s'étant  séparée  sans 
avoir  pu  trouver  le  remède  qu'exigeaient 
les  maux  de  l'état,  le  ministère  eut  recours 
à  des  voies  énergiques  pour  arrêter  la  pro- 
gression effrayante  du  déficit  des  finances. 
Le  6  août  1787  ,  le  roi  tint  à  Versailles  un 
lit  de  justice ,  dans  lequel  il  fit  enregistrer 
les  édits  du  timbre  et  de  l'impôt  territo- 
rial. Monsieur  ayant  été  chargé  de  les 
présenter  à  la  cour  des  comptes ,  les  ac- 
clamations du  pcujUe  l'y  accompagnèrent, 
et  sa  voiture  eut  peine  à  se  faire  jour  à 
travers  la  foule  qui  était  accourue  pour 
jeter  des  fleurs  sur  son  passage.  L'oppo- 
sition du  prince  aux  édits  était  la  cause 
de  cette  popularité  qui  devait  bientôt  s'é- 
vanouir. Des  biographes  assurent  que  ce 
fut  d'après  les  conseils  de  Monsieur,  que 
Louis  XVI  convoqua  une  seconde  fois  les 
notables  ;  et  le  vœu  pour  la  double  repré- 
sentation du  tiers-état  partit  du  bureau 
que  présidait  ce  prince.  Il  parut  aussi  se 
rapprocher  des  parlemens  qu'il  avait  si 
maltraités  dans  son  mémoire  ;  et  cédant 
à  l'eut ralnement  de  l'opinion  publique, 
il  applaudit  en  1788  au  rappel  de  Necker 
dont  il  avait  autrefois  sévèrement  blâmé 
les  innovations.  Le  comte  d'Artois,  les 
princes  de  la  maison  de  Condé,  et  le 
prince  de  Conti  ayant  adressé  au  roi ,  des 
observations  sur  les  périls  où  la  licence 
des  opinions  entraînait  la  monarchie ,  le 
comte  de  Provence  s'abstint  de  signer  ce 
mémoire.  La  prise  de  la  Bastille  fit  sur 
lui  une  impression  profonde  ,  et  il  s'unit 
au  duc  de  Larochefoucaud  -  Liancourt 
pour  décider  Louis  XVI  à  se  rendre  à 
Paris  ,  alin  d'y  appaiser  les  troubles  par 
sa  présence.  Cependant ,  malgré  les  con- 
fessions qu'il  parut  faire  au  parti  popu- 
laire, ce  prince  se  vit  en  butte  à  de  graves 
accusations  vers  la  fia  de  décembre  1789. 
Le  marquis  de  Favras,  qui  avait  fait  partie 
de  sa  maison ,  ayant  été  arrêté  pour  avoir 
tramé  un  complot  don*  le  but  était,  disait- 
on  ,  d'assassiner  Baiily  et  Lalayelte , 
Monsieur  fut  accusé  d'avoir  trempé  dans 
cette  conspiration  ,  et  se  vil  signalé  publi- 
quen^.cnl  par  les  aijitatears  à  la  vengeance 


78  LOU 

du  peuple.  Aussitôt  qu'il  eut  connaissance 
de  ces  inculpations  ,  le  prince  se  rendit 
à  l'hôlel-de.-ville  ,  et  se  justifia  avec  une 
noble  chaleur  devant  les  représenians  da 
la  commune  :  son  discours  fut  accueilli 
par  des  applaudissemens  universels.  «  Le 
»  devoir  que  je  viens  de  remplir,  dit  le 
»  prince  en  terminant,  a  été  pénible  pour 
»  un  cœur  vertueux  ;  mais  j'en  suis  bien 
»  dédommagé  par  les  sentimens  que  l'as- 
»  semblée  vient  de  me  témoigner;  et  ma 
»  bouche  ne  doit  plus  s'ouvrir  que  pour 
»  demander  la  grâce  de  ceux  qui  monl 
»  offensé.  »  Ces  paroles  émurent  rassem- 
blée, et  l'auguste  orateur  fut  reconduit  à 
son  palais,  au  milieu  des  acclamalions 
d'un  peuple  immense.  Le  succès  de  celle 
démarche  ne  mit  pas  pour  long-temps  le 
prince  à  l'abri  des  accusations  de  seà  en- 
nemis. Lorsque  mesdames  Adélaïde  et 
Victoire  quittèrent  Paris  ,  le  bruit  se  ré- 
pandit que  Monsieur  devait  les  suivre  de 
près.  Une  députation  tumultueuse  comi»)- 
sée  particulièrement  de  femmes  se  rendit 
au  Luxembourg,  pourle  détourner  de  quit- 
ter la  France.  Le  prince  répondit  qu'il 
ne  se  séparerait  jamais  du  roi.  —  ï  Mais  , 
»  reprit  une  d'elles  ,  si  le  roi  nous  quit lait, 
»  vous  nous  resteriez,  n'est-ce  pas?  »  La 
question  était  embarrassante.  Le  prince 
se  rappelant  un  mot  du  cardinal  de  Ret?:, 
la  regarda  fixement ,  et  lui  répondit  en 
souriant  :  «  pour  une  femme  d'esprit  , 
»  vous  me  faites  là  une  question  bien 
»  bête.  »  Ce  mot  provoqua  des  éclats  de 
rire  et  la  foule  évacua  les-appartemens. 
Lorsque  1q  roi  et  la  reine,  pour  échapper 
aux  outrages  dont  ils  étaient  abreuvés, 
se  décidèrent  à  quitter  Paris  dans  la  nuit 
du  20  juin  1791 ,  Monsieur  accompagné  du 
comte  d'Avaray ,  partit  une  heure  après 
le  roi  par  une  autre  route  ,  et  arriva  heu- 
reusement à  Mous  sous  le  nom  de  comte 
de  Lille.  Le  comte  de  Provence  se  rendit 
à  Bruxelles  où  le  comte  d'Artois  vint  se 
réunir  à  lui ,  et  de  là  à  Coblentz  qui  était 
devenu  le  quartier  général  de  l'émigra- 
tion, cl  où  les  deux  princes  trouvèrent 
dans  l'électeur  de  Trêves  leur  oncle  tous 
les  soins  qui  peuvent  adoucir  l'infortune. 
Ce  voyage  a  donné  lieu  à  une  brochure 
écrite  par  Monsieur  lui-même  ,  et  intitu- 
lée :  Relation  d'un  voyage  à  Bruxelles 
et  à  Coblentz ,  imprimée  à  Londres  en  ' 
1791 ,  et  à  Paris  en  1823.  Le  comte  de  Pro- 
vence ne  resta  pas  inaclif  après  avoir 
franchi  la  frontière.  Il  réclama  d'abord 
l'intervcntio:!  des  puissances  eut opécniies 
eu  faveur  de  son  frère,  provoqua  la  dé- 


LOU  5 

elaralion  de  Pilnitz,  et  adressa  ensuite 
un  long  manifeste  à  Louis  XVI  pour  l'in- 
viter à  résister  au  torrent  révolutionnaire  , 
et  à  ne  pas  donner  son  adhésion  à  l'acte 
constitutionnel,  La  publicité  donnée  à  ce 
manifeste  ne  lit  qu'empirer  le  sort  de 
Louis  XVL  L'assemblée  Législative  somma 
Monsieur  de  rentrer  dans  le  délai  de  deux 
mois,  sous  peine  d'être  censé  avoir  abdi- 
qué son  droit  éventuel  à  la  régence.  Le 
prince  résista  et  fui  déclaré  déchu  de  ses 
droits.  Le  8  août  1792,  les  frères  du  roi 
signèrent  avec  les  autres  princes  émigrés 
un  manifeste  où  se  trouvaient  exposés  les 
motifs  de  la  coalition  qui  s'était  formée 
contre  la  révolution  française.  Monsieur 
adressa  ensuite  en  son  nom  à  la  noblesse 
cmigrée  qu'il  commandait  une  proclama- 
tion dans  laquelle  il  déclarait  «  que  son 
»  intention,  en  entrant  en  France  était  de 
»  pardonner  aux  erreurs  commises.  » 
L'armée  royale  pénétra  en  France  le  29 
aoùl;  mais  la  retraite  des  Prussiens  l'o- 
bligea bientôt  de  rétrograder.  Monsieur 
se  retira  d'abord  au  château  de  la  Neu- 
ville, où  il  se  vit  réduit  à  la  nécessité  de 
licencier  l'émigration  militaire,  placée  jus- 
que là  sous  ses  ordres.  Il  passa  de  là  au 
château  de  Hamm  en  Westphalie  ;  et  c'est 
dans  cette  résidence  qu'il  apprit,  vers  la 
fin  de  janvier  1795  ,  la  mort  tragique  de 
Louis  XVI.  Le  comte  de  Provence  s'em- 
pressa dans  une  déclaration  publique  de 
reconnaître  son  neveu  roi  de  France  sous 
le  nom  de  Louis  XVII.  Il  prit  lui-même 
le  titre  de  régent,  et  nomma  son  frère  le 
comte  d'Artois  ,  lieutenant -général  du 
royaume.  Quelque  temps  après,  les  deux 
princes  se  séparèrent;  Monsieurse  rendit 
à  Turin;  puis  à  Vérone,  d'où  il  entretint 
des  relations  avec  la  France,  et  particu- 
lièrement avec  Charette  qui  chercliait  à 
relever  la  cause  royale  dans  la  Vendée. 
Un  nouveau  malheur  pour  la  famille 
royale  ,  porta  Monsieur  en  1793  de  la  ré- 
gence aii  rang  suprême.  Le  jeune  fils  de 
Louis  XVI  expira  le  8  juin  dans  la  tour 
du  Temple  ,  et  son  oncle  prenant  aussitôt 
le  titre  de  roi  sous  le  nom  de  Louis  XVIII , 
lit  notifier  son  avènement  à  toutes  les 
cours.  Cependant  les  succès  des  armées 
françaises  en  Italie  ,  alarmèrent  le  gou- 
vernement Vénitien  ,  qui  donna  ordre  au 
marquis  Carletli,  noble  véronais,  d'inviter 
le  roi  à  quitter  les  étals  de  la  république. 
Louis  XVIII  répondit  avec  dignité  :  «  Je 
»  me  dispose  à  partir  ;  mais  auparavant , 
»  il  faut  qu'on  raye  da  livre  d'or  le  nom 
»  de  ma  famille  ,  et  qu'on  me  rende  Tar- 


79  î.otr 

»  mure  dont  mon  a'icnl  Henri  ÏV  avait 
»  fait  présent  à  la  république  de  Venise.  • 
Le  sénat  ayant  insisté  avec  une  dureté 
insultante ,  le  roi  sortit  de  Vérone  le  11 
avril,  et  traversa  le  Sainl-Golhard,  pour 
aller  rejoindre  à  Rastadt  le  corps  du  prince 
de  Condé.  Mais  sa  présence  au  milieu  des 
troupes  autrichiennes  dans  lesquelles  les 
émigrés  se  trouvaient  en  quelque  sorte 
incorporés,  donna  de  l'ombrage  à  la  cour 
de  Vienne  qui  lui  fit  signifier  de  s'éloi- 
gner de  l'armée.  Le  prince  après  avoir 
fait  à  ce  sujet  de  nobles  et  énergiques  ré- 
clamations, instruit  qu'on  se  disposait  à 
employer  la  contrainte,  prit  le  parti  de 
quitter  le  corps  de  Condé.  En  passant  à 
Dillingen  en  Souabe,  il  fut  blessé  au  front 
d'im  coup  d'arme  à  feu  ,  parti  d'une  main 
inconnue....  Le  comte  d'Avaray  ,  voyant 
le  sang  couler ,  s'écrie  en  accourant  près- 
du  prince  :  ah  !  sire  ,  une  ligne  plus  bas  ! 
—  J:Jh!hien!  répondit  tranquillement  le 
roi,  une  ligne  plus  bas^  le  roi  de  France 
s'appelait  Charles  X !  La  cause  de  I^ouis 
XVIII  paraissait  désespérée;  et  ce  mo- 
narque exilé  ne  savait  plus  où  trouver  xxn 
asile...  L'égoïsme  de  la  politique  était  plus 
puissant  dans  le  cœur  des  rois  que  la 
compassion  pour  une  noble  infortune. 
Enfin  un  prince  moins  timide  ou  plus 
généreux  que  les  autres  ,  le  duc  de  Brun- 
swick lui  permit  de  résider  dans  la  petite 
ville  de  Blankcmbourg  ,  dans  le  cercle  de 
la  Basse-Saxe.  Cléry,  valet  de  chambre 
de  Louis  XVI,  et  l'abbé  Edgeworth  vin- 
rent l'y  trouver.  Le  prince  dit  à  ce  der- 
nier :  «  Je  ne  vous  commande  pasde  rester 
»  avec  moi;  mais  si  vous  n'avez  aucun 
»  aiitre  engagement  et  que  vous  puissiez 
»  disposer  de  vous-même  ,  je  vous  in  vile 
»  à  demeurer  ici.  Je  remercie  sincèrement 
i>  la  providence  d'avoir  daigné  conserver 
T)  en  vous  un  deses  plus  dignes  ministres. 
»  et  le  confident  des  dernières  pensées 
»  d'un  frère  dont  je  pleurerai  sans  cesse 
r>  la  perte  et  dont  tous  les  bons  Français 
»  béniront  à  jamais  la  mémoire  ;  d'un 
»  martyr  dont  vous  avez  le  premier  proT 
n  clamé  le  triomphe....  Dieu  veut  sans 
»  doute  qu'un  témoin  irréprochable  at- 
»  teste  à  tous  les  Français  l'amour  dont 
«leur  roi  fut  animé  pour  eux,  afin  que 
n  connaissant  toute  l'étendue  de  leur 
»  perte  ,  ils  ne  se  bornent  pas  à  de  stériles 
«  regrets ,  mais  qu'ils  cherchent  en  se 
»  jetant  dans  les  bras  d'un  père  qui  les 
•>•>  leur  tend ,  le  seul  adoucissement  que 
i>  leur  juste  douleur  puisse  recevoir.  «  La 
roi  eut  la  douleur  de  perdre  à  Blankeni- 


LOU 


580 


LOU 


bourg  le  Ijaron  de  riashlaiiden  son  idï- 
nislre  et  son  ami ,  qu'il  l'cmplaça  par  le 
comte  de  La  Chapelle.  Les  intelligences 
qu'il  entretenait  en  France  avec  Barras 
Camille-Jordan,  et  plusieurs  autres  per- 
sonnages influens,  lui  faisaient  espérer 
un  prochain  retour  dans  sa  patrie.  Mais 
dans  le  moment  même  où  il  croyait  tou- 
cher au  terme  de  ses  vœux ,  la  provi- 
dence mit  à  une  nouvelle  épreuve  son 
courage  et  sa  résignation.  Des  correspon- 
dances saisies  compromirent  plusieurs 
de  ses  agens.  Lavilleheurnois  ,  Brothier, 
Duverne-Dupresle,  furent  condamnés  à 
mort.  Barras  qui  avait  d'abord  servi  la 
cause  des  Bourbons ,  pour  repousser  les 
soupçons  de  trahison  qui  planaient  sur  sa 
tète ,  et  donner  un  nouveau  gage  à  la 
révolution  ,  hâta  le  coup  d'état  de  fructi- 
dor qui  expulsa  du  corps  législatif  la  plu- 
part des  membres  attaciiés  au  parti  loya- 
ïiste.  Louis  XVIII  se  vit  bientôt  obligé  de 
quitter  Blankembourg  et  de  s'éloigner  de 
j)lus  en  plus  des  frontières  de  France. 
Paul  1"  lui  ayant  offert ,  pour  asile  l'an- 
cien château  des  ducs  de  Courlande , 
avec  une  pension  considérable,  il  accepta 
celle  proposition  et  se  rendit  à  Miltau  , 
où  il  arriva  le  25  mars  1798  ,  accompagné 
du  comte  de  Schouvaloff ,  aide-de-camp 
de  l'empereur  de  Russie.  Marie- Joséphine- 
Louise  de  Savoie ,  qui  depuis  8  ans  était 
séparée  de  son  époux ,  vint  le  rejoindre 
dans  cette  résidence  où  il  se  forma  bientôt 
une  petite  cour  composée  de  seigneurs , 
dont  l'infortune  n'avait  pu  attiédir  le  dé- 
vouement. Là  se  firent  remarquer  le  car- 
dinal de  Montmorency  chargé  des  fonc- 
tions de  grand -aumônier,  les  ducs  de 
Guiche,  de  Villequier  et  de  ï'ieury ,  les 
comtes  d'Avarai ,  de  Cossé  et  de  Saint- 
Priest,  le  marquis  de  Nesle  et  quelques 
autres.  Ce  fut  à  Mittau  que  se  célébra  le 
mariage  du  duc  d'Angoulême  avec  ma- 
dame ,  fille  de  Louis  XVI,  le  10  juin  1799. 
Après  la  cérémonie  nuptiale  le  roi  dit  aux 
deux  époux.  <t  Si  la  couronne  de  France 
»  était  de  roses  ,  je  vous  la  donnerais  ;  elle 
»  est  d'épines,  je  la  garde....  C'est  ici  la 
»  fête  des  Français,  ajouta-t-il  ensuite  en 
t  s'adressant  aux  compagnons  de  son  exil  ; 
B  mon  bonheur  serait  complet  si  j'avais 
>  pu  y  réunir  tous  ceux  qui  se  sont  si- 
«gnalés  comme  vous,  par  une  fidélité 
»  courageuse  envers  le  roi  mon  frère.  » 
Peu  de  temps  après  cette  union,  M.  le 
duc  d'Angoulême  quitta  Mittau  ,  pour 
aller  rejoindre  l'armée  de  Condé  ,  où  se 
trouvait  déjà  son  frère  le  duc  de  Bcrry. 


A  la  fin  de  1799,  les  cardinaux  réuni»;  5 
Venise,  pour  un  prochain  conclave  ,  an- 
noncèrent à  Louis  XVIII  la  mort  de  Pi<» 
VI ,  et  peu  après  le  nouveau  pape  Pie 
VII  communiqua  son  avènement  au  mo- 
narque qui  nomma  le  cardinal  Maury  son 
plénipotentiaire  auprès  du  saint  Siège. 
Cependant  la  conduite  généreuse  de  Paid 
ï*^""  envers  la  famille  des  Bourbons  ne  tar- 
da pas  à  se  démentir.  Ce  prince  cédant  à 
ufiC  politique  versatile,  après  avoir  rompu 
en  1801  avec  l'Angleterre  ,  pour  fornier 
une  étroite  alliance  avec  Bonaparte  qui 
s'était  fait  proclamer  premier  consul , 
intima  au  roi  l'ordre  barbare  de  quitter 
ses  états  dans  les  24  heures.  Le  malheureux 
prince  se  mit  en  route  le  22  janvier,  au 
milieu  d'un  froid  glacial ,  sous  un  des 
plus  rudes  climats  de  l'Europe,  sans  savoir 
où  il  pourrait  fixer  sa  résidence.  Parmi 
tous  les  souverains  de  l'Europe  ,  Frédéric 
Guillaume  ,  roi  de  Prusse  ,  fut  le  seul  qui 
s'élevant  au-dessus  d'une  politique  méti- 
culeuse ,  voidut  accorder  un  asile  au  mo- 
narque errant.  11  lui  permit  de  s'établir 
à  Varsovie  ;  mais  malgré  ces  dispositions 
amicales  ,  il  fît  arrêter  l'année  suivante, 
à  la  demande  du  gouvernement  français , 
plusieurs  agens  royaUstes  parmi  lesquels 
se  trouvaient  Imhert-Colomès  et  Précy  le 
défenseur  de  Lyon.  Paul  I"^  ayant  été  as- 
sassiné dans  la  nuit  du  23  au  24  août 
1801  ,  son  fils  Alexandre  qui  lui  succéda , 
rétablit  la  pension  du  roi  cl  la  porta 
même  à  plus  de  deux  millions.  Louis 
XVIII  demeurait  à  Lajinka,  maison  de 
plaisance  des  anciens  rois  de  Pologne  à 
un  quart  de  lieu»  de  Varsovie  ,  et  vivait 
dans  une  retraite  profonde  avec  sa  famille 
et  quelques  serviteurs  attachés  à  sa  cause. 
En  1803,  le  général  prussien  Keller  lui 
fit  au  nom  de  Bonaparte  la  proposition  de 
renoncer  au  trône  de  France  ,  et  d'y  faire 
renoncer  les  princes  de  sa  famille  ,  lui 
promettant  en  retour  les  indemnités  les 
plus  brillantes  ,  et  lui  offrant  même  à  ce 
qu'on  assure,  quoique  indirectement,  le 
royaume  de  Pologne  L'envoyé  de  Bona- 
parte insinuait  qu'en  cas  de  refus  ,  le 
premier  consul  pourrait  faire  retirer  à  la 
famille  royale  les  secours  qu'elle  recevait 
de  certains  gouvernemens.  «  Je  ne  crains 
»  pas  la  pauvreté ,  répondit  Louis  XVIII  ; 
»  s'il  le  fallait,  je  mangerais  du  pain  noir 
»  avec  ma  famille  et  mes  fidèles  servi- 
»  leurs;  mais  ne  vous  y  trompez  pas;  je 
»  n'en  serai  jamais  réduit  là  :  j'ai  une 
«  autre  ressource  dont  je  ne  crois  pas  de- 
B  voir  user  tant   que  j'ai  des  amis  puis- 


LOU 


iSi 


Lotr 


I»  sans;  c'est  de  faire  connaître  mon  état  i  »  jusqu'au  tlcniier  soupir  le  trùne  ilenxrs 


»  CM  France,  et  de  tendre  la  main  non  au 
»  gouvernement  usurpateur  ,  cela  jamais; 
»  mais  à  mes  fidèles  sujets  ;  et  ,  croyez- 
I)  moi,  je  serais  bientôt  plus  riche  que  je 
»  ne  te  suis.  »  A  celle  réponse  verbale 
Louis  XVIII  ajouta  une  lettre  pour  le 
premier  consul ,  dans  laquelle  il  repous- 
îaitavecuncnoble  cncrgieles  i)roposilions 
qui  lui  avaient  été  faites.  (Voye?,  au 
lommencement  du  l*^""  volume  ie  Pjécis 
ile  la  révolution,  pag.  212.)  «  J'ignore  , 
»  disait  le  prince  ,  quels  sont  les  desseins 
»  de  Dieu  sur  ma  race  et  sur  lïioi;  mais 
ï>  je  sais  les  obligations  qu'il  m'a  imposées 
»  par  le  rang  où  il  lui  a  plu  de  me  faire 
»  naître.  «Louis  XYIII  s'empressa  d'in- 
struire les  divers  membres  de  sa  famille 
réfugiée  en  Angleterre  el  en  Allemagne  , 
de  la  tentative  failc  auprès  de  lui  par  l'é- 
missaire de  Bonaparte.  Tous  répondirent 
que  le  roi ,  dans  sa  réponse,  n'avait  été  que 
le  digne  organe  de  leurs  propres  senti- 
mens.  Celte  résistance  à  iaquelle  Bonaparte 
était  loin  de  satlendre  l'irrita  vivement. 
Cependanf  un  senatus-  consulte  ^  ayant 
le  10  mai  1804  ,  déféré  au  premier  consul 
le  titre  d'empereur  des  Français ,  Louis 
XVIII  adressa  de  Varsovie  à  tousles  sou- 
verains de  l'Europe  une  protestation  contre 
ce  titre  et  contre  tous  les  actes  ultérieurs 
auxquels  il  pourrait  donner  lieu.  Durant  le 
cours  de  son  exil  il  ne  démentit  pas  un 
seul  instant  cette  généreuse  fermeté,  ce 
noble  senlimenl  de  ses  droits  et  de  sa  di- 
gnité dont  il  donnait  un  témoignage  si 
éclatant.  Charles  IV  ,  roi  d'Espagne,  ayant 
envoyé  à  Napoléon  l'ordre  de  la  toison 
d'or,  Louis  XVIII  lui  adressa  celle  lettre: 
«  C'est  avec  regret  que  je  vous  renvoie 
»  les  insignes  de  l'ordre  de  la  toison  d'or, 
i>  que  sa  fJajeslé  votre  père  ,  de  glorieuse 
•  mémoire,  m'avait  confiées.  11  ne  peul 
»  rien  y  avoir  de  commun  entre  moi  el 
»  le  grand  criminel  que  l'audace  et  la  for- 
41  lune  ont  placé  sur  mon  trône,  qu'il  a 
n  eu  la  barbarie  de  teindre  du  sang  pur 
h  d'un  Bourbon  ,  le  duc  d'Enghien.  La  re- 
^  ligion  peut  m'engager  à  pardonner  à  un 
»  assassin  ;  mais  le  tyran  de  mon  peuple 
»  doit  toujours  être  mou  ennemi.  Dans 
I»  le  siècle  présent ,  il  est  plus  glorieux  de 
Il  mériter  un  sceptre  que  de  le  porter. 
»  La  providence  par  des  motifs  incom- 
»  préhensibles  peul  me  condamner  à  finir 
»  mes  jours  dans  l'exil;  iwais  ni  la  postc- 
»  rite,  ni  mes  contemporains  ne  pourront 
»  dire  que,  dans  le  temps  de  l'adversilé  , 
»jc  me  suis   montré  indigne  d'occuper 


ancêtres.  »  Cependant  l'empereur  de 
Russie  invila  Louis  XVIII  à  venir  résider 
à  Millau  ,  et  le  roi  se  décida  à  s'y  rendre. 
Mais  auparavant ,  il  voulut  avoir  en  Suède 
une  entrevue  avec  Monsieur,  comte  d'Ar- 
tois, dont  il  était  séparé  depuis  onze  ans. 
Les  deux  frères  passèrent  ensenible  queU 
ques  jours  à  Calmar  ,  d'où  Monsieur  re- 
tourna en  Angleterre  au  mois  de  novem- 
bre 1804,  tandis  que  le  roi  se  mit  eo 
route  pour  Mittau.  Il  y  vécut  paisiblement 
pendant  trois  années  ,  el  échappa  heu- 
reusement aux  tentatives  qui  furent  faites 
pour  lui  donner  la  mort.  Le  séjour  de 
quelques  prisonniers  français  à  Millau, 
lui  fournit  l'occasion  d'exercer  cette 
bienfaisance  qui  distinguait  sa  famille 
et  dont  l'exil  n'avait  pu  affaiblir  l'acti- 
vité. Le  prince  leur  prodigua  tous  les 
secours  qu'il  pouvait  leur  offrir  ;  et 
l'abbé  Edgeworlli  ,  s'associant  à  celle 
œuvre  piiuse  et  patriotique ,  s'empressa 
d'assister  les  malades,  el  do  leur  porter 
les  consolations  de  la  religion.  Mais  ce 
digne  ecclésiastique  ,  qui  dans  l'exercice 
de  son  saint  ministère,  consultait  moins 
ses  forces  que  son  zèle  ,  tomba  malade , 
et  mourut  le  22  mars  1807.  Le  roi  profon- 
dément affligé  de  cette  perle ,  choisit  pour 
lui  succéder  M,  Asseline  ,  évêque  de  Bou- 
logne. Cependant  Napoléon  ayant  triom- 
phé de  la-liguc  européenne,  et  l'empereur 
Alexandre  ayant  fait  la  paix  avec  la  France 
en  signant  le  Irailé  de  Tilsitt ,  Louis 
XVIII  se  vit  forcé  d'abandonner  le  conti- 
nent et  de  chercher  ^m asile  en  Angleterre, 
où  il  arriva  vers  le  mois  d'octobre  1807. 
Il  résida  quelque  temps  à  Gosfield,  puis 
à  Wanslead  ,  et  enfin  au  château  deHart- 
weil ,  dans  le  comté  de  Buckingham  ,  où 
il  jouit  d'une  pension  considérable  qui 
lui  fut  assignée  par  le  gouvernement  an- 
glais. Le  duc  d'Angouléme,  el  madame 
demeuraient  avec  lui  ;  Monsieur  qui  fai- 
sait son  séjour  ordinaire  à  Londres  venait 
les  voir  fréquemment.  Louis  XVIII  eut  la 
douleur  de  perdre  dans  son  exil  plusieurs 
personnes  qui  lui  étaient  chères.  La  reine 
mourut  le  15  novembre  1810 ,  et  son  corps 
fut  transporté  en  Sardaigne.  Le  comlo 
d'Avaray,  qui  possédait  toute  la  confiaurg 
du  roi ,  termina  ses  jours  le  3  juin  à 
Madère ,  où  il  était  allé  respirer  un  air 
plus  doux;  enfin  M.  Asseline,  évoque 
de  Boulogne  succomba  à  une  longue,  nia- 
ladie  le  10  juin  1815.  Cependant  un  ave- 
nir plus  heureux  se  préparait  pour  les 
descendans   de    saint    Louis.   Bonaparte 


LOU  582 

aveufîlc  par  ses  prospcrilés,  et  frappe  de 
fcl  esprit  d'imprudence,  qui  est  l'avant- 
coureur  de  la  chute  des  rois  ,  avait  attiré 
par  la  guerre  faite  à  la  Russie  les  puis- 
sances ctrangèros  au  sein  de  la  France. 
Louis  XVIil  pressentit  que  le  renverse- 
ment de  la  puissance  impériale  pouvait 
lui  rouvrir  le  chemin  du  trône  ;  mais 
français  avant  tout ,  il  pleura  sur  les 
malheurs  de  sa  patrie,  et  refusa  de  pren- 
dre part  à  une  fête  brillante  ,  donnée  par 
îo  prince  régent  à  l'occasion  de  la  destruc- 
tion de  l'armée  de  Bonaparte.  «  J'ignore  , 
»  dit-il ,  si  ce  désastre  est  un  des  moyens 
»  que  la  providence,  dont  les  vues  sont 
»  impénétrables ,  veut  employer  pour  ré- 
»  tablir  l'autorité  légitime  en  France  ; 
»  mais  jamais  ni  moi ,  ni  aucun  prince 
«  de  ma  famille  ne  pourrons  nous  réjouir 
»  d'un  événement  qui  a  fait  périr  deux 
»  cent. mille  français.  »  Profondément  af- 
fecté de  la  catastrophe  qui  termina  la 
campaijfnc  de  iMoscou,  il  écrivit  à  l'empe- 
reur Alexandre  la  lettre  suivante  :  «  Le 
»  sort  des  armes  a  fait  tomber  dans  les 
»  mains  de  votre  majesté  plus  de  150,000 
»  prisonniers  ,  ils  sont  pour  la  plus 
»  grande  partie  français  ;  peu  importe 
»  sous  quels  drapeaux  ils  ont  servi  ;  ils 
»  sont  malheureux  ;  je  ne  vois  parmi  eux 
»  que  mes  enfans.  Je  les  recommande  à 
»  la  bonté  de  votre  majesté  impériale; 
»  qu'elle  daigne  considérer  combien  un 
»  grand  nombre  d'entr'eux  a  déjà  souffert, 
»  et  adoucir  la  rigueur  de  leur  sort  !  Puis- 
»  sent-ils  apprendre  que  leur  vainqueur 
»  est  l'ami  de  leur  père?  Votre  majesté 
»  impériale  nepeutine  donner  une  preuve 
»  plus  touchante  de  ses  sentimens  pour 
«moi.  j>  Lorsqu'en  1813,  les  souverains 
alliés  pénétrèrent  sur  le  territoire  fraa 


LOU 

par  un  sénatus-œnsuUe  du  6  avril  1814. 
Le  roi  quitta  l'Angleterre  le  23  avril ,  i-l 
toucha  après  23  ans  d'exil  ce  sol  français 
dont  la  révolution  semblait  l'avoir  banni 
à  jamais.  Il  débarqua  à  Calais  ,  au  milieu 
des  cris  d'allégresse  de  la  population,  et 
partit  sur-le-c!iamp  pour  Compiègne  où 
les  maréchaux  de  France  s'étaient  réunis 
pour  le  recevoir.  A  Saint-Ouen  ,  il  reçut 
le  2  mai ,  les  félicitations  des  premiers 
corps  de  l'état,  et  publia  la  fameuse  dé- 
claration, base  de  la  charte  qu'il  promet- 
tait aux  Français.  Le  lendemain  il  fit  son 
entrée  solennelle  dans  la  capitale  où  il 
fut  accueilli  avec  enthousiasme  par  le 
peuple  heureux  de  trouver  dans  son  sou- 
vt;rain  légitime  ,  le  médiateur  qui  récon- 
ciliait la  France  avec  l'Europe.  En  effet 
Louis  XVIIl  conclut  avec  les  diverses 
puissances  belligérantes  un  traité  de 
paix  par  lequel  la  France  conservait 
l'intégrité  de  ses  limites  telles  qu'elles 
existaient  à  l'époque  du  i""  janvier  1792, 
avec  une  augmentation  de  territohc  du 
côlé  do  la  Belgique  ,  de  l'yVllemagne  et 
de  l'Italie.  La  charte  consliluHonnelle  oc- 
troyée par  le  roi  fut  solennellement  pro- 
clamée dans  le  corps  législatif  le  i  juin. 
Par  cet  acte  le  roi  garantissait  aux  Fran- 
çais rétablissement  du  gouvernement  re- 
présentatif ,  le  libre  consentemenlde  l'im- 
pôt par  les  députés  des  départemcns  , 
l'égalité  dadiWssion  aux  emplois ,  la  li- 
berté individuelle  et  celle  de  la  presse , 
sauf  la  répression  des  abus,  le  libre  exer- 
cice des  cultes  (  la  religion  catholique 
restant  celle  de  l'élat),  la  responsabilité 
ministérielle  ,  le  jugement  par  jury ,  l'in- 
dépendance du  pouvoir  judiciaire  ,  la 
consolidation  de  la  dette  publique;  enfin 
le  roi  déclarait  considérer  la  vente  des 


çais,  on  avait  lieu  de  croire  qu'ils  se  sou- 1  biens  nationaux  comme  irrévocable  ,   et 


viendraient  du  frère  de  Louis  XVI ,  de- 
puis si  long-temps  exilé  et  malheureux.  Il 
n'en  fut  pas  ainsi;  l'opiniâtreté  seule  de 
Napoléon  devait  ramener  sur  le  trône  le 
fils  de  saint  Louis.  Bonaparte  malgré  cet 
enchaînemcnl  de  désastres  qui  le  poussait 
au  précipice  que  son  ambition  avait 
creusé  sous  ses  pas.  après  avoir  deux  fois 
refusé  une  paix  honorable  à  Dresde  et  à 
Prague,  repoussa  encore  celle  que  lui 
l)r§posait  le  congrès  de  Ciiàtiilon.  La 
ville  de  Bordeaux  prenant  l'initiative  sur 
le  reste  de  la  France,  proclama  Louis 
XVIII.  Bientôt  le  nom  des  Bourbons  re- 
tentit de  toutes  parts.  Enfin  la  déchéance 
de  Bonaparte  fut  prononcée ,  et  Louis 
X\Ul  fut  rappelé   au  trône  de   France 


les  opinions  ainsi  que  les  voles  émis  du- 
rant la  révolution ,  comme  exempts  di^ 
toute  responsabilité  légale. — Le  roi  es- 
pérait par  ces  concessions  faites  à  l'esprit 
et  aux  intérêts  du  temps  parvenir  à  fer- 
mer l'abîme  des  révolutions.  Mais  de  nou- 
velles épreuves  étaient  réservées  au  roi 
législateur.  Quelques  mois  s'étaient  à 
peine  écoulés  depuis  son  retour  dans  sa 
patrie  ,  que  déjà  se  tramait  un  complot, 
dont  le  but  était  de  relever  le  trône  impé- 
rial. Daccor J  avec  les  mécontens ,  Bo- 
naparte s'échappe  de  l'île  d'Elbe  qu'on  lui 
avait  donnée  pour  prison,  traverse  rapi- 
dement la  France  ,  en  entraînant  sous  ses 
drapeaux  les  régimens  qu'il  rencontre  sur 
son  passage  ,  et  fait  son  cnlrûe  à  Paris  le 


LOU 


585 


LOU 


20  mars  181;j.  Le  roi  qui  en  était  parti 
prccipilainaient  quelques  heures  aupara- 
vant, se  rendit  à  Gand  avec  sa  famille  , 
attendant  l'issue  de  cette  invasion  que 
tout  annonçait  devoir  être  éphémère.  La 
bataille  de  Wate'rloo,  livrée  le  17  juin, 
renversa  pour  la  seconde  fois  le  conqué- 
lant  qui  avait  cru  pouvoir  fonder  sa  dy- 
nastie sur  la  victoire.  Les  alliés  péné- 
trèrent encore  dans  la  capitale;  mais  cette 
fois ,  bien  moins  généreux ,  ils  laissèrent 
eu  partant  une  armée  d'occupation  et 
exigèrent  la  remise  de  plusieurs  places 
fortes,  et  des  contributions  énormes.  On 
nous  enleva  aussi  tous  les  objets  d'art 
dont  nous  avions  dépouillé  les  nations 
vaincues.  Louis  XVIII  rentra  dans  Paris 
au  mois  de  juillet ,  et  s'occupa  de  guérir 
les  nouvelles  plaies  de  la  France.  Sa  pre- 
mière pensée  fat  de  proclamer  une  am- 
nistie générale  dont  il  n'excepta  qu'un 
petit  nombre  de  personnages  complices 
du  retour  de  Bonaparte.  Sentant  combien 
la  présence  des  troupes  étrangères  blessait 
les  senlimens  français ,  il  obtint  qu'elles 
partiraient  avant  le  terme  fixé,  et  qu'une 
réduction  serait  faite  sur  les  contributions 
imposées  à  la  France.  Cependant  ni  ses 
intentions  paternelles  ,  ni  ses  bienfaits  ne 
purent  désarmer  en  France  le  génie  révo- 
lutionnaire. Un  monstre  ,  héritier  de  la 
fureur  impie  des  Marat  et  des  Robes- 
pierre,  assassina  le  duc  de  Berry  le  13 
février  1820,  au  moment  où  il  sortait 
de  l'opéra.  Des  complots  contre  les  Bour- 
bons furent  tramés  sur  divers  poinis 
de  la  Fi-ance.  Mais  heureusement  déjoués 
ils  eurent  pour  résultat  de  raffermir  l'au- 
torité royale.  Une  révolution  démocra- 
tique s'étant  accomplie  au-delà  des  Pyré- 
nées ,  Louis  XVIII  se  crut  assez  sûr  de  sa 
puissance  pour  envoyer  en  1822 ,  une 
armée  au  secours  de  Ferdinand  Vil ,  à 
qui  les  cortès  avaient  enlevé  toute  son  au- 
torité. M.  le  duc  d'Angouléme  .  revêtu 
d!i  titre  de  généralissime,  dirigea  avec 
autant  de  fermeté  que  de  modération  cette 
guerre  qui  fut  heureusement  terminée  en 
moins  de  six  mois.  Cependant  les  souf- 
frances et  les  fatigues  avaient  altéré  la  santé 
du  roi.  Malgré  le  dépérissement  visibie  de 
ses  forces,  il  continuadese  montrer  en  pu- 
blic et  dans  les  conseils.  Au  mois  de  décem- 
bre 1823,  il  voulut  encore  ,  malgré  sa  fai- 
blesse, ouvrir  en  personne  la  session  légis- 
lative, et  y  prononcer  le  discours  de  la  cou- 
ronne. Le  23  du  mois  d'août  suivant,  jour 
de  la  Saint-Louis,  il  répondit  à  son  frère 
qui  lui  conseillait  de  ne  pas  recevoir!  «  Un 


»  roi  de  France  meurt ,  mais  il  ne  do'l  [las 
»  cire  malade.  »  Il  admit  en  effet  ce  jour-là 
auprès  de  lui,  les  grands  dignitaires  de  la 
cour  et  les  fonctionnaires  publics  ;  et  mal- 
gré son  abattement  physique  qui  ne  j)ut 
cire  dissimulé,  sa  présence  d'esprit  sa 
manifesta  encore  par  des  paroles  gra- 
cieuses qu'il  adressa  à  quelques-uns  de 
ceux  qui  passèrent  devant  lui.  Averti  pai 
un  prélat  illusîre  du  danger  de  son  état, 
le  prince  voulut  consacrer  ses  dernieif 
jours  à  la  piété.  Calme  et  résigné  sur  son 
lit  de  douleur,  il  se  joignait  aux  prières 
que  l'on  faisait  pour  lui;  enfin  le  16  se{>- 
lembre  182/r ,  il  s'éteignit  sans  effort  ù  4 
heures  du  malin ,  après  avoir  demandé 
et  reçu  les  sacremens  de  l'E-rlise.  Ses  funé- 
railles furent  célébrées  à  Saint-Denis,  ou 
Mgr.  FrayssinO'US  évêquç  d'Hermopoiis 
prononça  son  oraison  funèbre.  Qu'on  nous 
permette  de  citer  un  passage  du  discours 
de  cet  illustre  prélat  ,  qui  fut  lui-même 
témoin  des  derniers  momens  du  roi  ;  il 
servira  à  jusliller  ce  monarque  des  soûj.- 
çons  d'incrédulité  qu'un  biographe  a 
laissé  planersur  sa  tète.  «  La  carrière  poli- 
»  tique  de  Louis  XVIII ,  est  terminée. 
»  Dejmis  quelque  temps,  on  remarquait 
»  en  lui  un  affaissement,  présage  troj) 
»  certain  de  sa  Un  prochaine.  Il  conserve 
»  néanmoins  une  admirable  présence  d'es- 
»  prit  :  s'il  est  accablé,  il  n'est  pas  vaincu  ; 
»  il  lutte  avec  effort,  voulant  porter  di- 
»  gnemcnt  jusqu'au  bout  le  poids  de  la 
»  royauté.  Il  disait  qu'un  roi  peut  mourii , 
»  mais  qu'il  ne  doit  pas  être  malade.  Il 
»  semble  que  la  vigueur  de  son  âme  sou- 
»  tienne  la  défaillance  de  son  corps.  Les 
»  étrangers  comme  les  Français  admis 
«aux  pieds  de  son  trône,  sont  étonnés 
»  de  tout  ce  qu'il  y  a  encore  de  vivacité 
»  et  de  sagesse  dans  ses  discours.  Cepeii- 
»  dant  ses  forces  trahissent  son  courage  ; 
»  il  ne  lui  est  plus  permis  de  quitter  son 
»  lit  de  douleur  :  dès  ce  moment  il  désire 
»  de  recevoir  les  sacremens  de  l'Eglis-e.  Sa 
»  piété  console  en  l'édifiant  sa  famille  en 
«pleurs;  consolé,  fortifié  lui-môme  paï 
»  les  secours  divins  qui  lui  ont  été  admi- 
»  nistrés ,  il  se  recueille  pour  méditer  les 
»  années  éternelles;  bientôt  après,  il  leva 
»  un  bras  défaillant  sur  des  tètes  augustes  et 
»  chères ,  et  appelle  sur  elles  toute  l'abon- 
»  dance  des  bénédictions  célestes.  On  sait 
»  avec  quelle  sollicitude  le  peuple  entou- 
»  raitsa  royale  demeure. Non  ce  n'était  pas 
»  une  curiosité  vaine  qui  l'animait  ;  c'était 
»  un  sentiment  de  tendre  vénération  :  it 
»  gardait  un  religiewx  silence  qu'il  uil'jr- 


LOU 


584 


LOU 


•>  rompait  à  peine  pour  s'informer  de  l'étal 

•  de  l'auguste  malade  ,  comme'  s'il  avait 
I.  craint  de  troubler  son  repos.  Mais  le 
»  mal  a  fait  des  progrès  rapides.  On  croit 
h  que  le  moment  est  venu  de  reciter  les 
»  prières  touchantes  par  lesquelles  la  re- 

V  ligion  dispose  ses  enfans  à  quitter  la 
0  vie.  Il  entend  avec  résignation  cette 
»  parole  dure  à  notre  faiblesse ,  mais 
»  pleine  d'immoilalité  :«  parlez ,  âme  cliré- 
»  tienne,  parlez.  vPro/ïcisce?-e  anima  chris- 

•  tiana!  peu  à  peu  la  nature  s'épuise,  elle 
r.  succombe  :  le  roi  a  rendu  le  dernier 
»  soupir.  Ici  de  quelle  scène  de  douleur 
»  et  de  désolation  n'avons-nous  pas  été 
»  les  témoins  !  Nous  avons  vu  les  princes 
f  et  les  princesses  de  la  royale  famille  bai- 
»  gnés  dans  leurs  larmes ,  tomber  à  ge- 
»  noux  et  baiser  respectueusement  cette 
»  main  qui  a  porté  le  sceptre  ,  et  mainle- 
»  nanl  glacée  par  la  mort.  La  funeste  nou- 
»  velle  se  répand  dans  la  capitale  ;  elle 
»,  passe  dans  les  provinces  ;  partout  elle 
i>  éveille  les  mêmes  sentimens,  et  Louis 
»  XVIII  est  comme  enseveli  dans  les  re- 
»  grets  et  les  bénédictions  de  la  France.  » 
A  ce  morceau  nous  ajouterons  le  portrait 
que  l'auteur  du  génie  du  civistianisme 
a  tracé  du  même  monarque,  et  qui  nous 
parait  remarquable  par  l'élévation  et 
l'impartialité  des  jugemens.  «  Ce  prince, 
«  dit  Monsieur  de  Chateaubriand,  com- 
i>  prenait  son  siècle  et  était  l'homme  de 
»  son  temps  :  avec  des  connaissances  va- 
«  riées,  ime  instruction  rare,  surtout  en 
»  histoire,  un  esprit  applicable  aux  pe- 
n  tites  comme  aux  grandes  affaires ,  une 
«  élocution  facile  et  pleine  de  dignité,  il 
«  convenait  au  moment  où  il  parut  et  aux 
».  choses  qu'il  a  faites.  S'il  est  extraordi- 
»  naire  que  Bonaparte  ait  pu  façonner  à 
»  son  joug  les  hommes  de  la  république, 
»  il  n'est  pas  moins  étonnant  que  Louis 
»  XVIÎI  ait  soumis  à  ses  lois  les  hommes 
>  de  l'empire  ;  que  la  gloire ,  que  les  inté- 
»  rcls,  que  les  passions,  que  les  vanités 
»  même  se  soient  tues  devant  lui.  On 
»  éprouvait  en  sa  présence  un  mélange  de 
«confiance  et  de  respect;  la  bienveil- 
»  lance  de  son  cœur  se  manifestait  dans 
»  sa  parole,  la  grandeur  de  sa  race  dans 
»  son  regard.  Indulgent  et  généreux  ,  il 
«  rassurait  ceux  qui  pouvaient  avoir  des 

V  torts  à  se  reprocher;  toujours  calme  et 
f  raisonnable  ,  on  ponvait  tout  lui  dire;  il 
n  savait  tout  entendre;  pour  les  délits 
»  politiques  le  pardon  chez,  les  Français 
»  lui  semblait  moins  sur  que  l'oubli ,  sorte 
e  Ue  pardon  dépouillé  d'orgueil,  qui  gué- 


»  rit  les  plaies  sans  faire  d'autres  bles- 
B  sures »  L'auteur  de  l'annuaire  his- 
torique de  1824  ,  le  peint  ainsi  en  peu 
de  mots  :  «  Ce  prince  qui  dans  une  autre 
»  carrière  et  dans  d'aulres  circonstances , 
»  n'aurait  peut-être  paru  qu'un  homme 
»  d'un  esprit  éclairé  ,  laissait  en  mourant 
»  tout  ce  qui  peut  recommander  les  prin- 
»  ces  à  l'admiration  de  la  postérité.  Aussi 
»  grand  dans  l'infortune  que  sur  le  trône, 
»  il  avait  réconcilié  la  France  avec  l'Eu- 
»  rope  ,  et  il  avait  apporté  à  son  peuple 
»  plus  que  de  conquêtes  ,  la  liberté  ,  le 
»  crédit  public  et  les  lois  protectrices  de 
»  tous  les  droits.  Nul  monarque  n'avait 
»  pris  les  rênes  de  l'état  dans  des  circon- 
»  stances  plus  critiques  ,  au  milieu  de 
»  partis  plus  divisés  ;  nul  n'avait  laissé  le 
«pouvoir  plus  affermi,  le  peuple  plm 
»  heureux  ;  il  avait  accompli  la  restaura- 
»  lion  ;  il  était  mort  en  roi  ;  on  le  pleurait 
«comme  un  père;  voilà  qui  suflit  à  sa 
»  gloiie.  «  On  attribue  à  Louis  XV [II  les 
productions  suivantes  :  |  les  Mannequins^ 
coidc  ou  histoire  comme  on  voudra,  sans 
dale,in-12,  écrit  dirigé  principalement 
contre  Maurepas ,  Turgot  et  l'abbé  Ter- 
ray  ;  |  Description  historique d'utimonstre 
symbolique  pris  vivant  sur  les  bords  du 
lac  Fagnu  ,  1784 ,  in-8°,  brochure  allégo- 
rique, dirigée  selon  les  uns  contre  le  ma- 
gnétisme ;  suivant  les  autres,  contre  lo 
ministère  de  M.  deCalonne;  \Ecluircissc- 
ment  sur  le  livre  rouge^ence  qui  concerne 
Monsieur,  frère  du  roi,  1790,  in-8";  1  Re- 
lation d'un  voyage  à  Bruxelles  et  à  €(■ 
blentz  (  I7!)l),  Paris,  1825,  in-8°.  C'est  1 
récit  de  son  voyage  lorsqu'il  quitta  la 
France.  Il  en  parut  dix  éditions  la  même 
année.  Quelques-unes  sont  accompagnées 
de  poésies  attribuées  à  Louis  XVIII,  mais 
qui  paraissent  appartenir  au  marquis  d€ 
Fulvy  ;  |  Correspondance  et  écrits  poty 
tiques  de  sa  majesté  Louis  XVJII,  Paris, 
1824,  in- 18;  \  Lettres  éctites  d'/Iartwei, 
1824 ,  in-8°.  Elles  ont  été  imprimées ,  mais 
non  publiées.  L'ouvrage  de  M,  Hue,  inti- 
tulé :  Dernières  années  du  règne  et  de  ta 
vie  de  Louis  XVI,  a  été  revu ,  corrigé  d 
complété  par  Louis  XVIII,  Parmi  les  nom' 
breux  ouvrages  qui  ont  été  publiés  sur  ce 
prince  ,  nous  citerons  seulement  sa  Vie, 
publiée  de  son  vivant,  ])ar  M.  Alphonse 
de  Beanchamp,  Paris,  1821,  in-S";  5'  édi- 
tion, 182j,  2  vol.  in-8''.  Plusieurs  ora- 
teurs ont  prononcé  ou  publié  son  Oraison 
ou  Eloge  funèbre,  entraulres  31.  Frayssi- 
nous,  les  abbés  Liautard,  de  Bonne  vie,  dot 
Bouvens  et  M.  Rey,  évéquc  de  Pi{;ncroI. 


LOU  Hl 

LOUIS  (  saint),  pelii-neveu  de  saint 
I^uis,  roi  de  France  ,  et  neveu  ,  par  sa 
mère  ,  de  sainte  Elizabcth  de  Hongrie , 
naquit  de  Charles  II ,  surnommé  le  Boi- 
teux^ roi  de  Naples  et  de  Sicile ,  et  de 
Marie,  tille  d'Etienne  V,  roi  de  Hongrie. 
Louis  commença  dès  l'âge  de  14  ans  à  se 
Banclifier  en  Catalogne  ,  où,  pour  déli- 
vrer son  père ,  alors  prince  de  Salerne, 
il  avait  été  donné  en  otage  au  roi  d'Ara- 
gon ,  qui  l'avait  fait  prisonnier  dans  un 
combat  naval.  On  ne  remarquait  pas 
seulement  en  lui  beaucoup  d'attrait  pour 
la  prière  ,  pour  les  saintes  lectures,  pour 
la  fréquentation  des  sa,cremens  ,  une  dou- 
ceur et  une  modestie  angélique ,  une  dé- 
licatesse de  pureté,  qu'une  parole  libre 
faisait  fréinir  ;  mais  il  montra  encore  une 
force  et  une  vertu  qui  alla  jusqu'à  se  ré- 
jouir de  son  emprisonnement ,  comme 
d'un  moyen  précieux  de  sanctification. 
Il  recouvra  la  liberté  en  d!2% ,  par  le 
traité  conclu  entre  son  père  et  Jacques  II, 
roi  d'Aragon.  Charles  Martel ,  son  frère 
aine,  ayant  été  reconnu  roi  de  Hongrie, 
dont  la  possession  réelle  ne  parvint  ce- 
pendant qu'à  son  fils  Charobert,  Louis 
céda  la  couronne  de  Naples  à  Robert, 
son  cadet, après  avoir  fait  vœu  d'embras- 
ser l'humble  et  austère  profession  des 
frères  mineurs ,  voeu  qu'il  voulait  accom- 
plir avant  de  recevoir  l'ordination  épi- 
scopale.  Sa  famille  s'étant  opposée  à  son 
entrée  en  religion ,  les  supérieurs  diffé- 
rèrent quelque  temps  à  le  recevoir  parmi 
eux.  quand  Boniface  VIII  lui  accorda  une 
dispense  d'âge  pour  recevoir  la  prêtrise 
à  '22  ans.  En  vertu  d'une  autre  dispense  , 
il  fut  nominéà  l'évéclié  de  Toulouse,  et 
obligé  de  l'acceptei  par  obéissance ,  ayant 
fait  auparavant  le  voyage  de  Rome  ,  où 
il  accomplit  son  vœu  et  lit  profession  la 
veille  de  Noël  1296  ,  dans  le  couvent  d'^- 
ra  cœli.  Il  fut  sacré  évèque  l'année  sui- 
vante. «  Il  parut  dans  son  diocèse ,  dit  un 
»  historien ,  sous  l'habit  d'un  pauvre  re- 
t>  ligiejxx  ;  mais  on  le  reçut  à  Toulouse 
»  avec  le  respect  dû  à  un  saint ,  et  avec 
*  la  magniticence  qui  convenait  à  un 
»  prince.  Sa  modestie ,  sa  douceur  et  sa 
>'  piété  inspiraient  l'amour  de  la  vertu  à 
»•  tous  ceux  qui  le  voyaient.  Son  premier 
t  soin  fut  d'y  visiter  les  hôpitaux ,  et  de 
»  pourvoir  aux  besoins  des  malheureux. 
t>  S'étant  fait  représenter  l'état  de  ses  re- 
»  venus ,  il  en  réserva  une  petite  partie 
»  pour  l'entretien  de  sa  maison  ,  et  des- 
»  tina  le  reste  aux  pauvres.  Il  en  avait 
»  tous  les  jours  vingt-cinq  à  sa  lable;   il 


S  LOU 

»  les  servait  lui-même ,  et  quelquefois  un 
»  genou  en  terre.  Tout  le  royaume  de 
»  son  père  éprouvait  les  effets  de  ses  li- 
»  béralités.  Il  lit  la  visite  de  son  diocèse, 
»  et  laissa  partout  des  monumens  de  son 
»  zèle  et  de  sa  charité.  »  Effrayé  de  la 
grandeur  de  ses  obligations,  il  songeait 
à  quitter  son  évéché  lorsqu'il  mourut 
saintement  le  19  août  1297 ,  à  l'âge  de 
Ning -trois  ans  et  demi  ,  au  château  de 
BrignoUes  en  Provence,  où  il  était  allé 
pour  quelques  affaires  ecclésiastiques. 
Lorsqu'il  sentit  api)rocher  sa  lin,  il  dit  à 
ceux  qui  étaient  autour  de  lui  :,  «  Après 
»  avoir  fait  un  voyage  dangereux ,  me 
»  voilà  enfin  arrivé  à  la  vue  du  port, 
«après  lequel  j'ai  long -temps  soupiré 
«  avec  ardeur.  Je  vais  jouir  de  mon  Dieu, 
»  dont  le  monde  me  dérobait  la  posses- 
»  sion.  Bientôt  je  serai  délivré  de  ce  poids 
»  que  je  ne  puis  porter.  »  Il  fut  enterre 
chex  les  franciscains  de  Marseille,  comme 
il  l'avait  demandé.  Jean  XXÏI,  succes- 
seur de  Boniface  YIII,  le  canonisa  à  Avi- 
gnon en  1517,  et  adressa  un  bref  à  ce  su- 
jet à  la  mère  du  saint,  qui  vivait  encore. 
On  a  sa  /'7^  écrite  avec  fidélité  par  un 
auteur  qui  l'avait  connu  intimement ,  et 
publiée  en  latin  par  Sedulius  à  Anvers, 
1G02  ,  in-S",  et  en  français  par  Arnauld 
d'Andilly. 

LOUIS,  dauphin  ,  fils  de  Louis  XIV,  et 
de  Marie-Thérèse  d'Autriche ,  né  à  Fon- 
tainebleau en  1661 ,  eut  le  duc  de  Mon- 
tausler  pour  gouverneur  ,  et  Bossuet  pour 
précepteur.  Ce  fut  en  faveur  de  ce  prince, 
qu'on  nomme  communément  le  Grand 
Dauphin ,  que  furent  faits  les  commen- 
taires et  les  belles  éditions  des  bons  au- 
teurs latins,  dites  Ad  usum  Delphini. 
Il  joignait  beaucoup  de  courage  à  un  ca- 
ractère bon  et  facile.  Son  père  le  mit  à  la 
tète  des  armées  en  1688;  il  prit  Philis- 
bourg,  Heidelberg,  Manheim  ;  accompa- 
gna ensuite  Louis  XIV  au  siège  de  Mons, 
à  celui  de  Naraur ,  et  conmianda  l'armée 
de  Flandre  en  1694.  Son  second  fils ,  le 
duc  d'Anjou,  qu'il  avait  eu  de  Marie- 
Christine  de  Bavière  ,  son  épouse ,  fut  ap- 
pelé en  1700  à  la  couionne  d'Espagne.  Le 
grand  dauphin  passa  la  plus  grande  par- 
tie de  sa  vie  à  Meudon  et  à  Choisy ,  dont 
Matlemoiselle  lui  avait  donné  la  jouis- 
sance. Dans  cette  vie  retirée,  il  se  livrait 
au  plaisir  et  à  l'amour,  quoiqu'il  fût  gêné 
dans  ses  inclinations  par  le  roi  son  père. 
Il  s'attacha  en  dernier  lieu  à  Marie-Emi- 
lie de  Joly  de  Choin ,  qui  paraît  être  de- 
venue son  épouse.  (  Voyez  CHOIN  )  Ce 


LOU  586 

prince  mourut  à  Meudon  en  1711 ,  de  la 
petite- vérole,  à  cinquante  ans.  On  ra- 
conte qu'on  lui  avait  prédit  que  fils  de 
roi^  il  seî'ait  père  de  7'oi  j  et  qu'il  ne  ré- 
gnerait jamais.  Il  passa  les  dernières  an- 
nées de  sa  vie  dans  la  retraite  et  dans 
les  exercices  chrétiens.  Le  grand  dauphin 
n'avait  aucun  crédit  à  la  cour.  «  On  voyait, 
«dit  un  liistorien,  un  dauphin.,.,,  âgé 
»  de  plus  de  quarante  ans,  fils  d'un  roi 
»  de  France  et  père  d'un  roi  d'Espagne, 
»  n'osant  prétendre  à  la  plus  petite  grâce 
«pour  lui  ni  pour  les  autres...;  passant 
»  des  journées  entières  appuyé  sur  ses 
«coudes,  se  bouchant  les  oreilles,  les 
>  yeux  fixés  sur  une  table  nue ,  ou  assis 
•  sur  une  chaise,  frappant  ses  pieds  du 
»  bout  d'une   canne  pendant   toute  une 

»  après-dinée » 

LOUIS,  dauphin,  fils  aîné  du  précédent 
et  père  de  Louis  XV,  né  à  Versailles  en  i(i82, 
reçut  en  naissant  le  nom  de  du/;  de  Bour- 
gogne. Le  duc  de  Beau  villiers ,  un  des  plus 
honnêtes  hommes  de  la  cour,  et  Fénélon , 
un  des  plus  vertueux  et  des  plus  aimables, 
veillèrent  à  son  éducation,  l'un  en  qualité 
de  gouverneur ,  l'autre  en  qualité  de  pré- 
cepteur. Sous  de  tels  maîtres,  il  devint 
tout  ce  qu'on  voulut.  Il  était  naturelle- 
ment emporté;  il  fut  modéré,  doux,  com- 
plaisant. L'éducation  changea  tellement 
son  caractère,  qu'on  eût  dit  que  ses  ver- 
tus lui  étaient  naturelles.  Il  fut  général 
des  armées  d'Allemagne  en  1701 ,  généra- 
lissime de  celle  de  Flandre  en  1702 ,  et 
battit  la  cavalerie  ennemie  près  de  Ni- 
mègue.  Mais  il  se  distingua  moins  par  les 
qualités  guerrières  que  par  les  vertus 
morales  et  chrétiennes.  Les  malheurs  de 
la  guerre ,  toujours  suivis  de  ceux  des 
peuples ,  l'aflligeaient  sensiblement.  Il 
voyait  les  maux  :  il  chercha  les  remèdes 
pour  les  appliquer  lorsqu'il  serait  sur  le 
trône.  Il  s'instruisit  de  l'étal  du  royaume; 
il  voulut  connaître  les  provinces.  Il  joi- 
gnit aux  connaissances  de  la  littérature  et 
des  sciences  celles  d'un  prince  qui  veut 
régner  en  roi  sage  et  faire  des  heureux, 
La  France  fondait  les  plus  belles  espé- 
rances sur  lui ,  lorsqu'une  maladie  cruelle 
l'enleva  à  la  patrie  en  1712  avec  la  dau- 
phine.  Il  mourut  à  Marly,  le  18  février 
4712 ,  un  an  après  son  père  ,  dans  sa  .50*^ 
année,  non  sans  soupçoîi  de  poison.  On 
sait  les  bruits  qui  coururent  à  ce  sujet 
sur  le  compte  du  duc  d'Orléans.  Son  apo- 
logiste, le  duc  de  Saint-Simon,  n'a  pas 
cru  pouvoir  les  réfuter.  Il  prouve,  au 
contrsiire,  que  le  poison  donné  à  ce  prince, 


LOU 

ainsi  qu'à  son  épouse  ,  est  une  chose  très 
réelle ,  sans  néanmoins  en  accuser  nom- 
mément personne,  «  L'espèce  de  la  ma- 
»  ladie  du  dauphin  ,  dit-il ,  ce  qu'on  sut 
»  que  lui-même  en  avait  cru,  le  soin 
»  qu'il  eut  de  faire  recommander  au  roi 
»  les  précautions  pour  la  conservation  de 
»  sa  personne ,  la  promptitude  et  la  ma- 
»  nière  de  sa  fin  ,  comblèrent  la  désola- 
»  tion  ,  et  redoublèrent  les  ordres  du  roi 
»  sur  l'ouverture  de  son  corps.  Elle  fut 
»  faite  dans  l'appartement  du  dauphin 
»  à  Versailles  :  elle  épouvanta.  Fagon, 
»  Boudin  et  quelques  autres  y  déclaré- 
»  rent  le  plus  prompt  effet  d'un  poison 
»  très  subtil  et  très  violent.  »  C'est  pour 
ce  prince  que  l'illustre  Fénélon  composa 
son  Télèmaque  et  la  plupart  de  ses  au- 
tres ouvrages.  Il  avait  épousé  Marie- 
Adélaïde  de  Savoie,  qui  était  morte  six 
jours  avant  lui  :  leurs  corps  furent  portés 
ensemble  à  Saint-Denys,  (  Voij.  les  Ver- 
tus de  Louis  de  France^  duc  de  Bourgo- 
gne ^  par  lepèreMartincau,  jésuite,  1712, 
in-i";  et  son  Portrait  par  l'abbé  Fleury, 
son  sous-précepteur  ,  Paris,  1714  ,  in-12.) 
Voltaire  ne  connaissait  sans  doute  pas  ces 
ouvrages,  quand  il  a  dit  :  «  Jjous  avons, 
»  à  la  honte  de  l'esprit  humain  ,  cent  vo- 
»  lûmes  contre  Louis  XIV  ,  son  fils  Mon- 
»  seigneur  ,  le  duc  d'Orléans  son  neveu , 
»  et  pas  un  qui  fasse  connaître  les  vertus 
»  de  ce  prince  qui  auraient  mérité  d'ètro 
»  célébrées,  s'il  n'eût  été  que  parLieuLier.n 
Qui  ne  croirait,  à  entendre  parler  ainsi 
l'écrivain  le  plus  fécond  de  son  siècle , 
qu'il  va  consacrer  les  premiers  instans 
de  son  loisir  à  réparer  l'injustice  de  ses 
contemporains?  Cependant  Voltaire,  de- 
puis ce  temps-là ,  composa  trente  volu- 
mes ,  et  l'on  sait  quels  volumes  !  Et  cet 
ouvrage,  qu'il  kX'dSX  honteux  pour  l'esprit 
humain  de  n'avoir  pas  encore  jjroduil , 
n'a  jamais  occupé  sa  plume.  Du  reste  ,  ce 
passage  prouve  combien  le  mérite  de  ce 
prince  était  éminent ,  puisque  ,  malgré  sa 
religion  et  sa  piété ,  la  philosophie  la  plus 
irréligieuse  lui  rend  un  si  éclatant  hom- 
mage. L'abbé  Proyart  a  donné  depuis  sa 
Vie  éc?'ite  sur  les  Mémoires  de  la  cour^ 
2  vol.  in-12  ,  1782.  Quoique  en  général 
assez  faiblement  écrite ,  elle  a  l'avantage 
de  l'exactitude  ;  on  y  trouve  des  mor- 
ceaux curieux  et  très  intéressans ,  entre 
autres  les  réflexions  vraiment  remarqua- 
bles de  ce  judicieux  prince  sur  la,révo- 
cation  de  l'édit  de  Nantes.  (  Voyez  LOUIS 
XIV.  )  On  a  justement  appliqué  à  ce 
prince ,  qui  aur-ait  fait  le  bonheur  et  la 


gloire  de  la  France,  ces  vers  du  poète  de 
ÎCaritouc  : 

Kirnior.i  vobis  Romana  propago 
Visa  pottns,  Superi,  propria  h»c  i\  dona  fuisicnt. 

LOlilS,  daupliin,  fils  de  Louis  XV  el 
deMariedeLeckzinska,pèie  de  Louis  XA'I, 
né  à  Versailles  en  1729,  montra  de  bonne 
heure  tant  de  goût  pour  la  vertu ,  que 
la  reine  sa  mère  disait  :  «  Le  ciel  ne  m'a 
i>  accordé  qu'un  lils;  mais  il  me  l'a  donné 
»  tel  que  j'aurais  pu  le  souhaiter.  »  Il 
épousa ,  le  23  février  1743  ,  Marie-Thé- 
rèse ,  mfanle  d'Espagne.  Cette  princesse 
étant  morte  en  1746 ,  il  épousa  au  com- 
mencement de  l'année  suivante  Marie- 
Josèphe  de  Saxe ,  dont  il  a  eu  plusieurs 
fils.  Le  dauphin  accompagna  le  roi  son 
père  pendant  la  campagne  de  1763,  et  se 
trouva  à  la  baliiille  de  Fontenoy,  où  il 
donna  des  preuves  de  valeur  et  d'huma- 
nité. Il  joiîjnait  à  des  talens  naturels  des 
connaissances  étendues,  et  donnait  à  la 
France  les  espérances  les  mieux  fondées 
d'un  règne  de  sagesse  et  de  justice ,  lors- 
qu'il mourut  à  Fontainebleau  le  20  dé- 
cembre 17C5.  Sa  douceur,  son  affabiUté, 
son  ap])!icalion  constante  à  ses  devoirs, 
ont  rendu  sa  mémoire  précieuse  à  tous 
les  cœurs  français.  On  a  admiré  la  jus- 
tesse de  l'application  de  ces  paroles  de 
l'Ecriture,  mises  à  la  tête  de  son  oraison 
funèbre  :  j-ibslulit  magnificos  tiieos  Do- 
minus  de  medio  met.  Thren.  1.  Il  y  a  plu- 
sieurs traits  de  lui  qui  méritent  d'être 
transmis  à  la  postérité.  Telle  est  la  su- 
blime leçon  qu'il  lit  aux  jeunes  princes 
SCS  fils , 'lorsqu'on  leur  suppléa  les  céré- 
monies du  baptême.  On  apporte  les  re- 
gistres sur  lesquels  l'Eglise  inscrit  sans 
distinction  ses  enfans  :  «  Voyez,  leur  dil- 
»  il,  votre  nom  placé  à  la  suite  de  celui 
p  du  pauvre  et  de  l'indigent.  La  religion  et 
»  la  nature  mettent  tous  les  hommes  de 
»  niveau,  la  vertu  seule  met  entre  eux 
»  quelque  différence  ;  et  peut-être  que 
»  celui  qui  vous  précède  sera  plus  grand 
»  aux  yeux  de  Dieu ,  que  vous  ne  le  serez 
»  jamais  aux  yeux  des  peuples..,.  »  «  Con- 
»  duisez  mes  enfans  ,  disait  ce  bon  prince , 
»  dans  la  chaumière  du  paysan  :  montrez- 
ï  leur  tout  ce  qui  peut  les  attendrir;  qu'ils 
»  voient  le  ytain  noir  dont  se  nourrit  le 
»  pauvre  ;  qu'ils  touchent  de  leurs  mains 
»  la  paille  qui  lui  sert  délit....  Je  veux 
»  qu'ils  apprennent  à  pleurer.  Un  prince 
»  qui  n'a  jamais  versé  de  larmes  ne  peut 
i>  être  bon.»  Le  roi  voulait  qu'on  augmen- 
tât sa  pension.  J'aimerais  mieux  ,  dit  le 
dauphin  en  refusant  l'augmentation  ,  que 


87  LOU 

cette  somme  fût  diminuée  sur  les  tailles. 
Un  jour  qu'on  parlait  devant  lui  des  livres 
contraires  à  la  religion  et  aux  '"nœurs  ,  et 
qu'on  en  justiliait  la  circulation  comme 
celle  d'un  objet  de  commerce  :  «  Malheur, 
>.  dit-il,  au  loyaume  qui  prétendrait  s'en- 
»  richir  par  un  tel  commerce,  qui  sacri- 
»  fierait  des  richesses  vraies  et  durables  à 
»  des  richesses  factices  et  éphémères,  qui 
»  étoufferait  la  vertu  des  citoyens,  et 
»  croirait  acquérir  les  moyens  de  la  faire 
»  paraître.  »  Il  croyait  qu'il  fallait  cher- 
cher la  source  de  tous  les  désordres  pro- 
pres à  ce  siècle  dans  la  licence  effrénée 
de  parler  et  d'écrire.  «  On  n'écrit ,  disait- 
»  il ,  presque  plus  que  pour  rendre  la  te» 
»  ligion  méprisable  et  la  royauté  odieuse. 
»  Il  ne  paraît  presque  point  de  livres  où 
»  la  religion  ne  soit  traitée  de  supersti- 
»  tion  et  de  chimère,  où  les  rois  ne  soient 
»  représentés  comme  des  tyrans,  et  leur 
»  autorité  comme  un  despotisme  insuppor- 
»  table.  Les  uns  le  disent  ouvertement  et 
»  avec  audace;  les  autres  se  contentent 
»  de  l'insinuer  adroitement.  Et  à  quoi  bon 
i>  tantde  livres?  La  vie  entièredel'homme 
»  ne  sufiirait  pas  pour  lire  ce  qu'il  y  a  de 
»  mieux  écrit  en  quelque  genre  que  ce 
»  soit  :  on  ne  fait  plus  que  répéter  ce  que 
»  les  autres  ont  dit  ;  et  si  l'on  veut  s'en 
»  éloigner  pour  se  frayer  des  roules  nou- 
»  velles,  on  donne  dans  des  écarts.  Quel 
»  avantage  y  a-t-il  donc  à  espérer  ,  pour 
»  le  progrès  des  arts  et  des  sciences ,  de 
»  ce  torrent  de  volumes  ,  de  brochures  et 
»  de  libelles,  dont  le  public  est  inondé?  en 
»  deviendra-l-on  plus  savant?  Au  con- 
n  traire  ;  cette  liberté  d'écrire  à  tort  et  h 
»  travers  sur  toutes  sortes  de  sujets  ne 
»  produit  qu'une  science  légère  etsuperfi- 
»  rielle ,  qui  est  souvent  pire  que  l'igno- 
»  rance  ;  elle  n'a  servi  qu'à  mettre  au  jour 
»  des  priricipes  faux,  dangereux  ou  dé- 
»  teslables  ,  qui  enivrent  tous  les  esprits.» 
La  dévotion  du  dauphin  lui  avait  dicté 
plusieurs  prières  qu'il  s'était  rendues  fa- 
milières, et  qui  ont  une  onction  et  une 
force  dignes  de  la  véritable  piété.  Nous 
donnerons  pour  exemple  celle  qu'il  fai- 
sait tous  les  jours  pour  le  bonheur  géné- 
ral du  royaume,  en  s'adressant  à  Dieu 
par  l'intercession  de  saint  Louis  ,  le  plus 
illustre  de  ses  aïeux  ,  et  depuis  long- 
temps son  modèle.  Elle  est  en  latin ,  et 
imite  parfaitement  l'énergie  et  la  dignité 
des  anciennes  oraisons  de  la  liturgie  de 
l'Eglise  :  Alterne  Deus  ^  qui  Francorum 
irnperium  bénigne  favore  ab  initia  tuta~ 
ris.  sancti  Ludovici  p7-ecibus  exoratus 


LOU 


888 


LOU 


et  votis^  da  nepotifms  .  da  seivo  luo  .  da 
populo  virilités  tmitari .  quas  coluit;  ut 
pacem  intus .  paccm  foris  colentes^  ad 
rcgni  tsthis  lœtitiam  tota  mente   tenda- 
mus  ,  iibi  reges  et  j^opidi  tibi .  soli  pas- 
tort  et  pal  ri,  servientes,  œtei'uo  inter  se 
caritatis  fœdere  sociabuntur.  On  a  publié 
en  1777  d'excellens  MétJioires  pour  servir 
à  l'histoire  de  ce  prince  ,  recueillis  par 
le  père  Griffet,  2  vol.  In-S".  Sa  P^ie  a  élé 
écrite  par  l'abbé  Proyart,  Paris,  1778, 
in-12.  On  ne  peut  rien  voir  de  plus  lou- 
chant que  le  Récit  des  principales  circon- 
stances de  la  maladie  de  ce  prince  ,  Pa- 
ris ,  i766.  L'auteur  de  V Histoire  de  la  ré- 
volution de  France  (M.  Monljoie)  répand 
des  doutes  sur  les  causes  de  sa  mort,  et 
ne  paraît  pas  trop  disposé  à  la  croire  na- 
turelle. Quand  on  réfléchit  que  le  dau- 
phin ,  la  dauphine  et  la  reine   moururent 
dans  l'espace  de  deux   ans  et  demi ,  et 
avec  les  mêmes  symptômes  ,  ses  conjec- 
tures semblent  prendre  une  certaine  con- 
sistance, a  Peut-être,  dit-il,  faut-il  rcgar- 
»  der  comme  un  événement  qui  appar- 
»  lient  à  l'histoire   de  la  révolution  ,  la 
»  mort  prématurée  du  dauphin  ,  père  du 
»  roi  actuel.  Ce  prince,  calomnié,  tant  qu'il 
»  vécut ,  avec  un  acharnement  qui  déce- 
»  îail  des  desseins  bien  sinistres  ,  et  loué, 
»  même  par  ses  ennemis  ,  lorsqu'on  n'eut 
»  plus  à  le  redouter,  était  imbu  de  prin- 
»  cipes  bien  contraires  à  ceux  qu'on  met 
»  aujourd'hui  en  pratique;  et  tout  ce  qu'on 
«connaissait  de  sa  vie  privée  annonçait 
»  qu'il  soutiendrait  avec  fermeté  ses  opi- 
»  nions  religieuses  et  politiques.  Il  avait 
»  des  mœurs   pures  ,  l'âme   sensible   et 
B  bienfaisante  ,   du  courage  ,  l'amour  de 
»  l'élude ,    l'esprit   cultivé  ,  le  jugement 
»  sain ,  un  cœur  droit  ;  tout  annonçait  en 
»  un  mot  qu'il  serait  un  digne  successeur 
»  de  Louis  IX,  de  Henri  IV,  de  LouisXIV; 
»  et  il  est  incontestable  que  s'il  eût  ré- 
»  gné ,   la  monarchie     existerait   encore 
»  sur  ses  bases  ;   il   les    eût   affermies , 
•  et  nous  n'eussions  jamais  vu  établi  le 
»  gouvernement  populaire.  Sa  mort  fut 
»  donc  une  véritable   conquête  pour  les 
i>  novateurs.  Je  n'entends  pas  pour  cela 
»  leur  attribuer  ce  nouveau  régicide  ;  mais 
»  il  est  incontestable  que  les  forfaits  qu'a 
»  enfantés  le  désir  d'une  révolution  ne 
»  sont  pas,  tous  bien  connus  ;  il  en  est  de 
»  secrets,  et  qu'il  n'est  pas  temps  de  révé- 
»  1er.  Il  est  certain  encore  que  la  posté- 
»  rite  aura  de  grands  reproches  à  faire  au 
»  feu    duc    de  Choiseul ,    et    qu'elle  lui 
»  demandera  compte  de  son  intimité  avec 


»  les  prétendus  philosoplies ,  et  de  son  an- 
»  tipathie  pour  un  prince  qui  avait  toutes 
»  les  qualités  d'un  sage.  »  Ce  prince  ai- 
mail  beaucoup  l'étude  de  l'histoire  :  «Elle 
B  donne,  disait-il,  aux  enfans  des  leçons, 
»  qu'on  n'osait  pas  faire  aux  pères....»  Il 
avait  une  grande  effection  pour  le  ver- 
tueux comte  de  Muy,  et  il  adressait  cha- 
que jour  à  Dieu  une  prière  pour  la  con- 
servation de  sa  vie,  «  afin,  disait  le  dau- 
»  phin  ,  que  si  je  dois  porter  le  fardeau 
»  de  la  couronne ,  il  m'aide  à  le  suppor- 
»  ter.  »  Il  disait  encore  un  jour  :  «  Ce  qui 
»  rend  la  réforme  d'im  état  si  difficile , 
»  c'est  qu'il  faudrait  deux  bons  régnes  de 
»  suite,  l'un  pour  extirper  les  abus,  l'au- 
»  tre  pour  les  empêcher  de  renaître...»  Il 
eut  à  souffrir  bien  des  désagrémens  de 
la  part  de  madame  de  Pompadour  et  du 
duc  de  Choiseul.  Ce  ministre  ne  pouvait 
lui  pardonner  la  protection  qu'il  accor- 
dait aux  jésuites,  que  les  parlemens  pour- 
suivaient. Louis  XV  le  tint  presque  tou- 
jours éloigné  des  affaires. 

ROIS  DE  GERMAME. 

LOUIS  1"",  le  Pieux  ou  le  Vieux ,  roi 
de  Germanie,  troisième  fils  de  Louis  le 
Déboimaire,  et  frère  utérin  de  l'empereur 
Lolhaire  et  de  Pépin ,  fut  proclamé  roi 
de  Bavière  en  817.  Il  se  souleva  avec  ses 
frères  contre  son  père,  se  brouilla  ensuite 
avec  eux,  gagna,  avec  Charles  le  Chauve, 
son  frère  paternel,  la  bataille  de  Fonlc- 
nay  contre  Lolhaire  en  8^1 ,  étendit  les 
limites  de  ses  états,  et  se  rendit  redouta- 
ble à  ses  voisins.  Il  mourut  à  Francfort 
en  876 ,  à  70  ans.  Ce  fui  un  des  plus  grands 
princes  de  la  famille  de  Charlemagne.  I] 
n'eut  pas  toutes  les  vertus  d'un  bon  roi, 
mais  il  eut  les  qualités  des  héros.  (  Voyez 
LOTHAIRE  I"  ). 

LOUIS  II,  le  Jeune ^  fils  du  précédent, 
aussi  courageux  que  lui ,  et  son  succes- 
seur au  trône  de  Germanie ,  fut  attaqué 
par  son  oncle  Charles  le  Chauve,  qu'il 
vainquit  près  d'Andernach  en  87().  Il 
mourut  à  Francfort  en  882,  dans  le  temps 
qu'il  levait  des  troupes  pour  les  opposer 
aux  Normands ,  qui  commençaient  leurs 
ravages. 

LOUIS  III,  roi  de  Germanie.  Voyez 
LOUIS  III,  empereur. 

BOIS  DE   HONGRIE. 

LOUIS  I"  D'ANJOU,  roi  de  Hongrie  et 
de  Pologne ,  surnommé  le  Grand,  naquit 
à  Bude  en  lô26,  et  succéda  en  I3/i2,à 
Charles  Rober»  le  Boiteux  ,  son  père,  issu 


LOU  b8 

de  Charles  I",  comte  d'Anjou,  frère  de 
saint  Louis.  Il  chassa  les  Juifs  de  la  Hon- 
grie ,  fil  la  guerre  avec  succès  aux  Tran- 
sylvains, aux  Croates,  aux  Tarlares  et 
aux  Vénitiens  ;  il  vengea  la  mort  d'André 
son  frère,  roi  de  Naples,  mis  à  mort  en 
1345,  et  fut  élu  roi  de  Pologne ,  après  la 
mort  du  roi  Casimir,  son  oncle ,  en  1570. 
Il  fit  paraître  un  si  grand  zèle  pour  la 
religion  catholicjue,  que  le  pape  Innocent 
YI  le  fit  grand  gonfalonier  de  l'Eglise.  Ce 
prince  sage  et  juste  mourut  à  Tirnau  en 
1382,  à  56  ans.  «  Jamais  souverain ,  dit  un 
t>  historien,  n'a  été  regretté  comme  il  le 

•  fut,  ni  aucune  administration  si  fort 
»  exallée.  Chacun  admirait  son  habileté  à 
»  maintenir  la  paix  intérieure  et  le  talent 
»  qu'il  avait  eu  d'établir  l'union  entre  tant 
»  de  différons  peuples  soumis  à  sa  domi- 
B  nation.  Inaccessible  aux  favoris  et  aux 

•  courtisans,  il  gouverna  constamment 
»  par  lui-même ,  et  déploya  autant  de 
»  sagacité  que  de  fermeté  dans  la  distri- 
»  bution  des  charges  et  dignités,  qu'il  n'ac- 
»  cordait  qu'aux  talens,  à  la  vertu  el  au 
»  vrai  mérite.  Travesti  et  sans  aucune 
»  suite,  il  aimait  à  parcourir  les  provinces 
»  de  son  royaume  pour  éclairer  de  près 
»  la  conduite  des  officiers  et  des  magis- 
»  Irats  ,  el  pour  tirer  avantage  des  obser- 
»  valions  que  lui  faisaient  les  personnes 
»  qui  ne  le  connaissaient  pas.  Libéral  sans 
»  profusion,  il  dispensa  avec  économie 
»  les  trésors  de  l'état  ;  et  malgré  les  gucr- 
»  res  nombreuses  qu'il  eut  à  soutenir,  il 
»  n'établit  aucun  nouvel  impôt.  La  res- 
»  triction  des  peines  aux  seules  person- 
»  nés  des  coupables  date  de  son  règne, 
»  comme  il  fut  le  premier  qui  défendit 
»  l'usage  desjugemens  de  Dieu  dans  les 
»  tribunaux.  Ne  pouvant  réprimer  l'u- 
»  sure  des  Juifs ,  ruineuse  pour  le  menu 
»  peuple,  ni  faire  de  cette  nation  des  ci- 
»  loyens  utiles  à  l'élat ,  il  rendit  un  édit 
»  par  lequel  il  leur  fut  enjoint  de  sortir 
»  du  royaume.»  Sa  mort  fut  suivie  de 
gj  ands  troubles  en  Hongrie.  Foy.  GARA. 

LOUIS  II,  roi  de  Hongrie  et  de  Bo- 
lièrr.e ,  succéda  à  Ladislas  VI  son  père  en 
4.")  16.  Trop  jeune  et  trop  faible  pour  ré- 
sister au  terrible  Soliman  II,  il  s'engagea 
inconsidérément  à  la  bataille  de  Mohatz 
eu  1526,  et  y  périt  à  20  ans,  et  avec  lui 
périrent  presque  tout  le  haut  clergé  et  la 
noblesse  de  Hongrie  ,  rassemblés  contre 
l'ennemi  le  plus  redoutable  de  la  reli- 
gion et  de  l'état.  Le  roi  se  noya  en  tra- 
versant leCarasse,  petite  rivière  maré- 
cageuse, son  petit  cheval  n'ayant  jamais 
7. 


9  LOU 

pu  s'élever  jusqu'au  bord  qui  était  foii 
escarpé.  Quelques  historiens  ont  cru  que 
la  Providence  lavait  puni  de  ce  qu'il  avait 
fait  jeter  l'ambassadeur  de  Soliman  avec 
toute  sa  suite  dans  un  vivier,  où  ils  fu- 
rent mangés  des  poissons;  et  le  genre  de 
mort  qui  termina  les  jours  du  jeune  roi 
rend  cette  observation  remarquable.  Il 
est  vrai  que  dans  ce  temps  les  Turcs, 
lorsque  l'occasion  s'en  présentait,  se  por- 
taient à  des  barbaries  qui  semblaient 
étouffer  tout  sentiment  d'humanité  dans 
le  cœur  des  chrétiens;  mais  la  sainteté  de 
l'Evangile  suppose  dans  ses  sectateur» 
des  vertus  auxquelles  ce  genre  de  justi- 
fication ïie  peut  suffire.  Les  historiens 
rapportent  qu'au  moment  où  il  monta  à 
cheval  pour  aller  combattre  ,  un  aigle  qui 
couvrait  son  casque  tomba  et  le  blessa  lé- 
gèrement au  visage  ;  ce  qui  fut  regardé 
comme  un  mauvais  augure.  On  retrouva 
le  cadavre  du  prince  peu  de  temps  après 
et  on  le  transporta  avec  pompe  à  Albe- 
Royale ,  dans  le  tombeau  de  ses  ancêtres. 
Ce  mémorable  combat  est  également  dé- 
crit par  Etienne  Brodericus  (  F',  ce  nom), 
et  plus  en  abrégé  par  Isthuanfî.  On  voit 
dans  le  magnifique  arsenal  de  Vienne  la 
statue  équestre  de  ce  jeune  prince,  parée 
des  armes  qu'il  portait  le  jour  de  celte 
bataille.  On  pourrait  bien  y  mettre  pour 
épigraphe  ce  vers  de  l'Enéide  : 

lofelix  puer,  atque  impar  congrcssut  Achilli  ! 

En  1687 ,  le  duc  Charles  V  de  Lorraine, 
secondé  par  l'électeur  de  Bavière  et  le 
prince  Louis  de  Baden,  vengea  la  mort 
de  tant  de  chrétiens,  par  une  grande  vic- 
toire remportée  sur  les  Turcs  dans  celte 
même  plaine  de  Mtjhatz. 

LOUIS ,  prince  de  Tarente ,  neveu  de 
Robert  le  Bon  .  roi  de  Sicile,  né  en  1522, 
épousa,  le  20  d'août  iokl ,  Jeanne,  reine 
de  Naples ,  sa  cousine  (  voyez  JEANNE  , 
reine  de  Jérusalem),  après  la  mort  d'An- 
dré son  premier  mari ,  à  laquelle  il  avait 
contribué.  Contraint  de  sortir  du  royau- 
me par  Louis ,  roi  de  Hongrie ,  qui  s'y 
était  rendu  avec  ime  armée  pour  venger 
l'assassinat  d'André  son  frère ,  il  vint  se 
réfugier  avec  la  reine  son  épouse  en  Pro- 
vence ;  et  tous  deux  furent  déclarés  in- 
nocens  dans  un  consistoire  tenu  par  Clé- 
ment VI  à  Avignon.  Rappelés  ensuite  par 
les  Napolitains,  ils  chassèrent  les  troupes 
hongroises  restées  dans  le  royaume ,  cl  se 
firent  couronner  solennellement  à  Naples 
le  jour  de  la  Pentecôte  1552.  Louis  mou- 
rut l'an  1562,  sans  laisser  d'cnfaiia.  H 
50 


LOU  îy 

3vail  insliliic  l'ordre  du  Saint-Esprit  du 
ycEud^  qui  ne  dura  que  pendant  son 
règne.  Lorsque  Henri  III  passa  par  Ve- 
nise ,  à  son  retour  de  Pologne  ,  la  seigneu- 
rie lui  lit  présent  du  manusciit  qui  con- 
tenait les  statuts  de  cet  ordre.  Ce  prince 
s'en  servit  pour  établir  son  ordre  A\iSai7it- 
Espritj  et  commanda  au  chancelier  de 
Chiverny  de  faire  brûler  le  livre;  mais  la 
volonté  du  roi  ne  fut  pas  exécutée  en  ce 
point,  et  le  manuscrit  fut  conservé.  Il  a 
été  imprimé  dans  les  Monumens  de  la 
monarchie  française^  de  dom  Montfau- 
con,  et  depuis  séparément ,  sous  le  litre 
tle  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de 
France  du  quatorzième  siècle  ^  avec  les 
notes  de  l'abbé  Le  Fèvre ,    176/t,  in-8°. 

LOUIS  l",  duc  d'Anjou  ,  deuxième  lils 
de  Jean,  roi  de  France,  et  de  Bonne  de 
Luxembourg,  naquit  à  Vincennes,  en 
4339.  Il  se  chargea  de  la  régence  du  royau- 
me pendant  la  minorité  de  Charles  VI, 
son  neveu.  Il  se  trouva  à  la  fatale  bataille 
tic  Poitiers ,  où  le  roi  Jean  fut  fait  pri- 
sonnier. Ce  prince  ,  devenu  libre  ,  donna 
Louis  pour  ot-age;  mais  celui-ci  s'évada 
bientôt  d'Angleterre  ,  et  fui  nommé  lieu- 
tenant du  Languedoc  et  de  la  Guienne.  Il 
battit  les  Anglais  en  1573  et  en  1577; 
dans  ce  dernier  combat ,  il  fit  prisonnier 
Thomas  Filton,  leur  général.  Il  ne  s'était 
occupé ,  pendant  la  régence  que  du  soin 
de  remplir  ses  coffres,  pour  se  mettre  en 
état  d'aller  prendre  possession  du  trône 
de  Naples ,  que  la  reine  Jeanne  ,  citée 
dans  l'article  précédent ,  lui  avait  légué, 
l'an  1580  ,  i)ar  son  testament.  Ce  prince 
»e  rendit  en  Italie,  deux  ans  après,  avec 
des  trésors  immenses,  pour  faire  valoir 
ses  prétentions  :  mais  quand  il  arriva,  il 
trouva  le  trône  occupé  par  Charles  de 
Durazzo ,  parent  de  la  reine,  morte  de- 
puis peu.  Il  fit  de  vains  efforts  pour  l'en 
chasser.  Trahi  d'ailleurs  par  Pierre  de 
Craon  (  voyez  ce  nom  ) ,  qu'il  avait  ren- 
voyé en  France  faire  de  nouvelles  levées, 
et  qui  dissipa  tout  l'argent  à  Venise  avec 
des  courtisanes ,  il  viiourut  de  chagrin  à 
Biseglia,  près  de  Bari,  le  20  septembre 
458i,  Ses  descendans  tentèrent ,  à  diverses 
reprises,  de  s'emparer  de  ce  royaume, 
et  ne  purent  jamais  y  réussir. 

LOUIS  de  FRANCE,  duc  d'Orléans, 
comte  de  Valois ,  d'Ast ,  de  Blois  ,  etc. ,  se- 
,  cond  fils  du  roi  Charles  V  ,  naquit  en  1571, 
et  eut  beaucoup  de  part  au  gouverne- 
ment pendant  le  règne  de  Charles  VI  ,son 
frère.  Jean,  duc  de  Bourgogne,  oncle  du 
roi,  jaloux  de  l'autorité  du  duc  d'Orléans, 


00  LOU 

le  fit  assassiner  à  Pai  is  le  25  novembre 
1407.  Ce  meurtre  fui  l'origine  de  la  i\\- 
meuse  division  si  fatale  à  la  France  entre 
les  maisons  d'Orléans  et  de  Bourgogne. 
rotjez  JEAN  SANS-PEUR. 

LOUIS  de  BOURBON  ,  premier  prince 
de  Condé.  Voyez  CONDÉ. 

LOUIS  de  BOURBON,  second  prince 
de  Condé.  Voyez  CONDÉ. 

LOUIS  de  BOURBON ,  |f  oisième  prince 
de  Condé.  Voyez  CONDÉ. 

LOUIS- HEARI,  duc  de  BOURBON, 
prince  de  Condé.  Voyez  CONDÉ. 

LOUIS-JOSEPH,  dur.  de  BOURBON , 
prince  de  Condé.  Voyez  CO^Jit. 

LOUIS- ArVTOmE- HENRI  de  BOUR- 
BON-CONDÉ,  duc  d'Enghien.  Voyez  E^^ 
GHIEN. 

LOUIS  de  BOURBON ,  duc  de  Montpen- 
sier,  souverain  de  Dombes  ,  prince  de  la 
Roche-sur- Yon ,  fils  de  Louis  de  Bour- 
bon, né  à  Moulins  en  1513,  se  signala 
dans  les  armées  sous  François  T""  et  Henri 
II ,  rendit  de  grands  services  à  Charles  IX 
pendant  les  guerres  civiles,  soumit  les 
places  rebelles  du  Poitou  en  1574  ,  et  mou- 
rut dans  son  château  de  Champigny  en 
1583,  à  70  ans. 

LOUIS  d'ORLÉANS,  duc  d'Orléans, 
premier  prince  du  sang,  né  à  Versailles 
en  1705,  de  Philippe,  depuis  régent  du 
royaume,  reçut  de  la  nature  un  esprit 
pénétrant,  propre  à  tout,  et  beaucoup 
d'ardeur  pour  l'étude.  Sa  jeunesse  fut 
assez  dissipée;  mais  après  la  mort  de  son 
père  et  celle  de  son  épouse,  il  quitta  le 
monde  pour  se  consacrer  entièrement  aux 
exercices  de  la  pénitence,  aux  œuvres 
de  charité ,  et  à  l'étude  de  la  religion  et 
des  sciences.  En  1750,  il  prit  un  appar- 
tement à  l'abbaye  Sainte-Geneviève ,  cl 
s'yjfixa  totalement  en  174'i.  Il  ne  sortait  de 
sa  retraite  que  pour  se  rendre  à  son  con- 
seil au  Palais-Royal,  ou  pour  visiter  des 
hôpitaux  et  des  églises.  Marier  des  filles, 
doter  des  religieuses  ,  procurer  une  édu- 
cation à  des  enfans,  faire  apprendre  des 
métiers ,  fonder  des  collèges ,  répandre 
ses  bienfaits  sur  les  missions,  sur  les 
nouveaux  établissemens  :  voilà  les  œuvre» 
qui  remplirent  tous  les  inslans  de  la  vie 
de  ce  prince  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le 
4  février  1752 ,  et  ce  qui  fit  dire  à  une 
auguste  et  pieuse  princesse  :  Que  c'était 
un  bienheureux  qui  laisserait  après  lui 
beaucoup  de  malheureux.  Le  duc  d'Or- 
léans cultiva  toutes  les  sciences  ;  il  pos- 
sédait l'hébreu,  le  grec,  l'histoire  sainte, 
les   Pères  de  l'Eglise,  la  géographie,  la 


LOU  5 

physique  ,  la  peinture.  On  a  de  lui  un 
grand  nombre  d'ouvrajjcs  en  manuscrit. 
Les  principaux  sont,  suivant  l'abbé  Lad- 
^•ocat,  de  qui  nous  empruntons  ces  par- 
licularités  :  |  des  Traductions  littérales  ^ 
des  Paraphrases  et  des  Commentaires 
sur  une   partie  de   l'ancien   Testament; 

I  une  Traduction  littérale  des  Psaumes, 
faite  sur  l'hébreu,  avec  une  paraphrase 
et  des  notes.  Cet  ouvrage  est  un  des  plus 
complets  de  ce    pieux  et  savant  prince. 

II  y  travaillait  encore  pendant  la  maladie 
qui  l'enleva ,  et  il  y  mit  la  dernière  main 
peu  de  temps  avant  sa  mort.  On  y  trouve 
des  explications  savantes  et  ingénieuses, 
et  une  critique  saine  et  exacte.  Il  est  ac- 
compagné d'un  grand  nombre  de  disser- 
tations très  curieuses  et  remplies  d'éru- 
dition ,  dans  l'une  desquelles  il  prouve 
clairement  que  «  les  notes  grecques  sur 
»  les  psaumes ,  qui  se  trouvent  dans  la 
»  Chaîne  du  père  Cordier,  et  qui  portent 
»  le  nom  de  Théodore  d'HéracIée ,  sont 
»  de  Théodore  de  Mopsueste  :  b  décou- 
verte que  ce  prince  a  faite  le   premier. 

I  Plusieurs  Dissertations  conire  les  Juifs, 
pour  servir  de  réfutation  au  fameux  livre 
iiébreu  intitulé  Le  Bouclier  de  la  foi.  Le 
duc  d'Orléans ,  n'étant  point  satisfait  de 
la  réfutation  de  ce  livre  par  Gousset,  en- 
treprit lui-même  de  le  réfuter;  mais  il 
n'a  point  eu  le  temps  d'achever  celte  ré- 
futation :  I  une  Traduction  littérale  des 
Epitres  de  saint  Paul ,  faite  sur  le  grec, 
avec  une  paraphrase ,  des  notes  littérales 
et  des  réflexions  de  piété  ;  |  un  Traité 
contre  les  spectacles;  |  une  Réfutation 
solide  du  gros  ouvrage  français  intitulé 
Les  Ilexaples.  C'est  là  que  ce  prince 
donne  des  preuves  bien  précises  de  son 
attachement  à  l'Eglise ,  et  de  son  cloigne- 
ment  d'un  parti  qui  en  combattait  les  dé- 
cisions. Ceux  qui  avaient  pu  mal  inter- 
préter certaines  singularités ,  et  un  air 
de  réforme  peut-être  trop  prononcé ,  fu- 
rent détrompés,  et  jugèrent  que  si  ce 
prince  n'a  pas  assez  évité  d'être  remar- 
qué dans  un  temps  où  une  secte  insi- 
dieuse abusait  de  l'appareil  de  la  vertu 
pour  étendre  ses  conquêtes ,  c'est  qu'il 
u'a  pas  cru  qu'elle  pût  se  vanter  un  mo- 
ment de  l'avoir  rangé  parmi  ses  prosé- 
lytes. I  Plusieurs  autres  Traités  et  Dis- 
sertations curieuses  sur  différens  sujets. 

II  ne  voulut  jamais  faire  imprimer  au- 
cun de  ses  écrits. 

LOUIS-GUILLAUME ,  prince  de  Ba- 
den ,  né  à  Paris ,  le  8  avril  1655 ,  succéda 
à  son  aïeul,  s'attacha  ensuite  à  l'empe- 


91  LOU 

reur,  qui  le  nomma  général,  et  se  distin- 
gua dans  les  guerres  de  Hongrie  contre 
les  Turcs  en  1G87.  Il  se  trouvai  la  bataille 
de  Mohatx,  et  vengea,  conjointement 
avec  le  duc  Charles  V  de  Lorraine  et  l'é- 
lecteur de  Bavière,  par  une  victoire  com- 
plète, la  défaite  que  les  chrétiens  avaient 
essuyée,  le  siècle  précédent,  dans  celte 
même  plaine  de  Mohatz.  11  continua  les 
années  suivantes  à  repousser  les  infidèles, 
et  les  défit  successivement  à  Jagodna, 
près  deNissa,  ctàViddin,  qu'il  emporta, 
après  avoir  battu  un  corps  de  8,000 
hommes.  En  1G91,  il  gagna  sur  eux  une 
victoire  signalée  à  Salankemen  en  Escla- 
vonie  ;  le  grand-visir  resta  sur  le  champ 
de  bataille  avec  près  de  20,000  des  siens. 
En  1702 ,  il  y  eut  entre  lui  et  le  duc  de  A'il- 
lars  ,  à  Fridelingen  ,  une  aclion  pour  la- 
quelle on  chanta  le  Te  Deum.  à  Vienne  et 
à  Paris.  Il  commanda  sur  le  Rhin  les  an- 
nées suivantes,  et  se  trouva  à  la  bataille 
de  Hochstet  en  1704 ,  et  au  siège  de  Lan- 
dau la  même  année.  Il  fut  récompensé 
par  le  gouvernement  de  Javarin,  et  fut 
nommé ,  peu  après  maréchal  de  camp  gé- 
néral de  l'empire.  Il  mourut  le  4  janvier 
1707 ,  à  52  ans ,  avec  la  réputation  d'un 
des  plus  grands  capitaines  de  son  siècle. 

LOUIS  -  FRANÇOIS  de  BOURBON, 
prince  de  CONTI.  Foyez  CONTI. 

LOUIS  (Pierre  de  SAINT).  J^oyez 
PIERRE. 

LOUIS  le  Maure.  Voyez  SFORCE. 

LOUIS  de  LORRAINE.  Foyez  GUISE. 

LOUIS  (Antoine),  célèbre  chirurgien, 
né  à  Metz  le  13  février  1725  ,  a  su  réunir 
au  plus  haut  degré  ,  dans  l'exercice  de  la 
chirurgie ,  la  théorie  et  la  pratiqua.  Sa 
théorie,  dirigée  sur  les  principes  des 
plus  grands  maîtres,  était  fondée  sur 
une  connaissance  approfondie  des  au- 
teurs anciens  :  elle  lui  a  fourni  de  nou- 
veaux documens  sur  l'art,  consignés  dans 
ses  ouvrages ,  et  surtout  dans  le  Recueil 
de  l'académie  de  chirurgie.  Placé  très 
jeune  à  l'armée ,  en  qualité  de  chirurgien 
aide-major ,  il  s'acquit  par  ses  talens  l'a- 
mitié de  La  Peyronie ,  premier  chirur- 
gien du  roi,  fut  nommé  en  1757,  sub- 
stitut de  Dufouart ,  alors  chirurgien  en 
chef  de  l'hôpital  de  la  Charité ,  puis 
chirurgien  -  major  consxillant  de  l'ar- 
mée du  Haut-Rhin  (1761).  De  retour  à 
Paris ,  s'étant  livré  à  la  grande  pratique 
de  la  chirurgie,  il  a  toujours  opéré  avec 
sûreté  et  intelligence.  Devenu  secrétaire 
de  l'acadcniie  de  cliirurgie,  il  remplit 
cette  i)lace  autant  en  homme  d'érudition 


LOU 


K92 


LOU 


et  de  lettres  qu'en  homme  consommé  dans 
la  science  de  sa  profession.  Parmi  les  di- 
vers écrits  de  Louis,  il  en  est  qui  regar- 
dent des  différends  survenus  entre  les 
médecins  et  les  chirurgiens,  et  autres  ob- 
jcls  qui  concernent  la  partie  littéraire 
ou  légale  de  la  chirurgie.  Parmi  les  ou- 
vrages qui  ont  pour  objet  la  pratique  de 
son  art ,  on  distingue  ses  Lettres  sur  la 
certitude  des  signes  de  la  jnort  ^  1753, 
in-12 ,  ouvrage  devenu  rare  ,  et  le  Paral- 
lèle des  différentes  méthodes  de  traiter 
la  maladie  vénérienne  ^  yiubYié  en  17Ci  ; 
les  articles  de  chirurgie  qu'il  a  fournis  à 
Y  Encyclopédie  j  et  qui  ont  été  imprimés 
séparément  sous  le  titre  de  Dictionnaire 
de  chirurgie,  Paris,  1772,  in-8°;  divers  Mé- 
moires imprimés  à  différentes  époques  ; 
\  Eloges  de  Bassuel ,  Malaval  et  Ver- 
dier,  de  Bertrandi,  etc.  Il  mourut  à  Paris 
d'une  hydropisie  de  poitrine,  le  13  fé- 
vrier 1792.  Il  a  voulu  ,  par  son  testament, 
que  ses  cendres  reposassent  à  côté  de 
celles  des  pauvres  qu'il  avait  servis  dans 
un  vaste  hôpital^  la  Salpétrière),  où  il 
était  entré  en  qualité  d'élève  à  l'âge  de  21 
ans  ,  et  où  il  avait  gagné  sa  maîtrise  par 
un  travail  consécutif  de  six  années.  Ce- 
pendant le  même  homme  qui  a  voulu 
être  enterré  au  cimetière  de  l'hôpital  de 
la  Salpétrière  ,  le  même  homme,  ancien 
ami  de  l'abbé  Prévôt ,  l'abandonna  dans 
la  maladie  dont  mourut  cet  écrivain  cé- 
lèbre ,  par  celte  seule  raison  que ,  chré- 
tien éclairé ,  quoique  long-temps  égaré  , 
il  avait  jugé  devoir  consacrer  à  la  reli- 
gion ses  derniers  momens.  On  a  reproché 
aussi  à  Louis  d'avoir  débuté,  très  jeune 
encore,  par  une  Zef^re  sur  l'électricité, 
critique  amère  contre  l'abbé  NoUet,  phy- 
sicien alors  célèbre ,  dont  il  suivait  les 
leçons.  Il  fut  l'auteur  d'une  Thèse  donnée 
sous  le  nom  d'un  de  ses  élèves,  et  qui, 
par  son  sujet,  prêta  à  la  curiosité  et  à  la 
l)laisantcrie  :  Jn  certœ  sint  virginitatis 
noto,"  Au  jugement  des  vrais  sa  vans,  il 
n'y  développa  que  des  vues  superficielles 
ou  fausses.  M.  Pellelan,  membre  très 
distingué  de  l'académie  de  chirurgie , 
dans  un  éloge  nécrologique  de  Louis,  re- 
marque fort  judicieusement  que  ce  ne  fut 
pas  un  homme  de  génie  ;  mais  il  fut  abon- 
dant. Son  humeur  était  vive,  brusque  et 
souvent  emportée  ;  son  esprit  de  société 
était  parfois  celui  de  la  raillerie  ;  et  son 
caractère  ,  celui  d'une  vanité  excessive. 
Franc  et  tranchant ,  il  ne  dissimulait  ja- 
mais aucune  de  ses  opinions,  quelles 
qu'elles  fussent ,  sans  réfléchir  sur  les  con- 


séquences d'ane  véracité  imprudente,  et 
sans  jamais  douter  de  la  justesse  de  ses 
jugemens. 

LOUISE  de  SAVOIE  ,  duchesse  d'An- 
gouléme,  fille  de  Philippe,  comte  de 
Bresce,  puis  duc  de  Savoie,  et  de  Mar- 
guerite de  Bourbon,  épousa,  en  1488,  à 
l'âge  de  12  ans,  Charles  d'Orléans,  comte 
d'Angouléme ,  et  fut  mère  du  roi  Fran- 
çois I".  Veuve  à  l'âge  de  18  ans,  elle  se 
retira  au  château  de  Cognac,  revint  à  la 
cour  à  l'avènement  de  Louis  Xll ,  fut 
nommée  régente  en  1515,  au  préjudice 
de  la  reine  Claude  ,  quand  François  I", 
devenu  roi,  partit  pour  l'Italie.  Cette 
princesse  est  principalement  célèbre  par 
la  mort  du  surintendant  des  finances 
Samblançay,  auquel  elle  extorqua  six 
millions  de  notre  monnaie  d'aujour- 
d'hui, et  qui  fut  condamné  à  la  peine 
capitale  pour  ce  seul  fait ,  dont  une  con- 
séquence désastreuse  fut  la  perte  entière 
d'une  armée  en  Italie ,  qui  y  périt  de  mi- 
sère ,  faute  de  cette  somme  que  le  roi  lui 
avait  destinée.  Elle  est  encore  célèbre  par 
ses  démêlés  avec  le  connétable  Charles, 
duc  de  Bourbon  :  elle  avait  d'abord  beau- 
coup aimé  ce  prince,  et  avait  même  ob- 
tenu pour  lui  l'épée  de  connétable  :  mais, 
piquée  ensuite  de  ce  qu'il  avait  refusé  de 
l'épouser ,  son  amour  se  tourna  en  une 
haine  violente.  Elle  revendiqua  les  biens 
de  la  maison  de  Bourbon  ,  dont  elle  était 
héritière  du  côté  de  sa  mère,  et  qu'elle 
prétendait  lui  appartenir  par  la  proxi- 
mité du  sang.  Les  juges  ne  furent  pas 
assez  corrompus  pour  adjuger  cette  suc- 
cession à  la  régente;  mais  ils  furent  as- 
sez faibles  pour  la  mettre  en  séquestre. 
Bourbon,  se  voyant  dépouillé  de  ses 
biens,  quitta  la  France ,  et  se  ligua  avec 
l'empereur  Charles-Quint.  Louise  signa 
en  1529  avec  Marguerite  d'Autriche,  gou- 
vernante des  Pays  Bas,  le  traité  de  Cam- 
brai, nommé  aussi,  à  cause  de  celle  cir- 
constance, le  Traité  des  dames.  Cette 
princesse  mourut  peu  de  temps  après  à 
Grcz  en  Gatinois  en  1532 ,  à  5.'i  ans,  re- 
gardée comme  une  femme  aussi  propre 
à  une  intrigue  d'amour  qu'à  une  affaire 
de  cabinet.  On  trouva  dans  ses  coffres 
1,500,000  écusd'or.  Cette  princesse  laissa 
un  Journal  des  événemens  de  son  temps 
(  1501-1522),  qui  a  élé  inséré  par  Guiche- 
non  dans  les  preuves  de  l'histoire  généa- 
logique de  la  maison  de  Savoie  .  et  rjéim- 
primé  à  la  suite  des  Mémoiies  de  du  Bel- 
lay, et  dans  le  tome  \^>\c'i  Mémoire  s  par- 
ticnUers  relatifs  à  l'histoire  de  France. 


LOU  59 

LOUISE  -  MARGUERITE  de  LOR  - 
RAINE ,  princesse  de  Conti ,  fille  de  Henri, 
duc  de  Guise ,  et  femme  de  François  de 
Bourbon ,  prince  de  Conti ,  née  à  Blois  en 
1588,  perdit  son  époux  en  i61/t,etmourutà 
Eu,  en  4631.  On  a  d'elle  un  ouvrage  assez 
frivole  ,  les  amours  du  grand  Alcandre , 
dans  lo  journal  de  Henri  III,  1744  ,5  vol. 
in-8°.  C'est  une  histoire  des  amours  de 
Henri  IV,  avec  le  récit  de  quelques  ac- 
tions louables  et  de  quelques  paroles  de 
ce  prince. 

LOUISE-MARIE  de  GONZ AGUE ,  reine 
de  Pologne.  Voyez  GONZAGUE. 

LOUISE  de  FRANCE ,  fille  de  Louis  XV, 
née  le  14  juillet  1737,  religieuse  carmélite 
de  Saint-Denys  en  1771 ,  sous  le  nom  de 
Thérèse  de  Saint- Augustin ,  mourut  d'un 
coup  d'apoplexie ,  lo  23  décembre  1787 , 
daxis  la  50*^  année  de  son  âge.  Les  plus 
grands  sacrifices  n'avaient  rien  coûté  à 
cette  princesse  pour  suivre  les  mouve- 
mens  de  sa  piété.  Depuis  le  moment 
qu'elle  entra  au  couvent  des  carmélites 
jusqu'à  celui  de  son  décès,  elle  ne  cessa 
d'édifier  sa  communauté  par  les  senti- 
mens  les  plus  religieux  ,  ainsi  que  par  la 
pratique  la  plus  exgcte  des  règles  austères 
de  son  ordre.  Sa  mort  excita  les  plus  vifs 
regrets  de  tous  les  gens  attachés  à  la  re- 
ligion. C'était  la  mère  des  pauvres  et  des 
affligés,  toujours  prêle  à  employer  ses 
moyens  et  son  crédit  pour  toutes  les 
œuvres  saintes  et  charitables;  et  pour  ci- 
ter un  fait  entre  mille ,  c'est  à  sa  soUicifa- 
lion  et  à  son  z.èle  que  les  religieuses  des 
Pays-Bas,  expulsées  sous  le  règne  de  l'em- 
pereur Joseph  H ,  furent  reçues  et  ac- 
cueillies en  France.  «  Les  fastes  de  TE- 
^  glise ,  dit  un  auteur ,  nous  offrent  de 
»  fréquens  exemples  de  reines  et  de  prin- 
»  cesses  qui  se  sont  dérobées  à  l'éclat  et 
0  aux  délices  de  la  cour ,  pour  se  dévouer 
9  à  la  solitude  et  aux  austérités  du  cloître  : 
t>  quelque  admirables  ,  quelque  héroïques 
»  que  fussent  de  pareils  sacrifices,  ils  ont 
p  dû  paraître  moins  étonnans,  sans  doute, 
0  dans  ce  temps  où  la  piété  était  en  hon- 
t  neur,  où  le  monde  payait  un  tribut  pu- 
»  blic  de  respects  et  d'hommages  à  ces 
»  âmes  nobles  et  courageuses,  qui  se  con- 
»  sacraient  dans  la  retraite  à  la  pratique 
»  des  plus  sublimes  conseils  de  l'Evan- 
»  gile.  Mais  dans  un  siècle  tel  que  le 
»  nôtre,  où  de  vains  et  d'orgueilleux  rai- 
»  sonneurs,  incapables  de  s'élever  au-des- 
»  sus  des  froids  calculs  de  l'égoïsme , 
»  o?pnt  traiter  de  superstition  et  de  fai- 
»  blesse  les  victoires  mêmes  que  la  reli- 


5  LOU 

»  gion  remporte  sur  la  nature  ;  dans  un 
»  siècle  où  les  demeures  sacrées  qui  ser- 
»  vent  d'asile  à  la  vertu  et  à  l'innocence, 
»  contre  les  vices  et  la  corruption  de  la 
»  société,  sont  devenues  l'objet  du  mépris 
»  et  de  la  dérision  publique ,  et  regardées 
D  comme  des  monumens  du  fanatisme  et 
»  de  l'imbécillité  de  nos  aïeux  ;  quand  on 
»  voit  la  fille  du  plus  puissant  roi  de  l'uni- 
»  vers,  supérieure  aux  faux  jugemens  des 
»  hommes  ,  préférer  aux  fastes  du  trône 
»  l'obscurité  d'un  monastère  ,  s'arracher 
»  aux  plaisirs  et  aux  honneurs ,  pour  se 
»  livrer  aux  exercices  de  l'humilité  et  de 
»  la  pénitence ,  ce  trait  de  grandeur  d'âme 
»  est  assurément  le  plus  beau  triomphe 
»  de  la  foi  sur  l'incrédulité ,  et  il  semble 
i>  que  l'Etre  suprême  réservait  à  notre 
»  siècle  ce  grand  spectacle,  pour  lui mon- 
»  trer  que  la  religion  sait ,  beaucoup 
»  mieux  que  la  philosophie ,  élever  une 
»  âme  au-dessus  des  passions  et  des  fai- 
v>  blesses  de  l'humanité..  »  M.  de  Sancy  fit 
à  cette  princesse  l'épilaphe  suivante  ,  qui 
finit  par  une  espèce  de  prophétie ,  trop 
tôt  accomplie  : 

Du  iommet  dct  grandeurs  au  tommet  du  Carmcl, 
Et  des  marcfaei  du  trdoe  aux  marches  de  l'autel, 
Louise  avait  franchi  cet  immense  intervalle, 
Préférant  le  cilice  à  la  pompe  royale. 
Mais  Dieu  l'a  fait  monter,  en  ce  jour^lorieux 
Des  ténèbres  du  cloître  à  la  splendeur  des  cieuc. 
Lli ,  près  de  sain  t  Louis ,  de  son  angaite  frère ,    ' 
Elle  unira  ses  vœux,  aux  pieds  du  Tout-Puissant, 
Pour  écarter  des  yeux  d'un  prince  bienfaisant 
L'horrible  impiété  ,  les  désordres  ,  la  guerre, 
Ces  fléaux  destructeurs  d'un  état  florissant. 

M.  François,  prêtre  de  la  mission ,  dans  l'o- 
raison funèbre,  qu'il  prononça  dans  l'église 
des  carmélites  de  la  rue  de  Grenelle  ,  en 
l'honneur  de  la  pieuse  princesse ,  semble 
avoir  annoncé  ces  fléaux -dans  le  passage 
suivant  :  «  Saint  Paul,  dans  Athènes,  sen- 
»  tait  son  cœur  frémir  et  ses  entrailles  se 
»  déchirer  à  la  vue  de  ce  peuple  ,  le  plus 
»  poli  et  le  plus  aimable  de  tous  les  peuples, 
»  plongé  dans  les  ténèbre»  de  l'idolâtrie. 
»  Avec  quel  déchirement  plus  cruel  en- 
»  core ,  Thérèse  de  saint  -  Augustin  ne 
»  voyait-elle  pas  la  foi  de  ses  pères  se  re- 
»  froidir  et  s'obscurcir  dans  un  royaume 
»  où  elle  avait  répandu  autrefois  un  si 
»  grand  éclat  !  les  temples  presque  de- 
»  serts,  les  autels  abandoimcs,  le  culte 
»  négligé ,  le  refroidissement  du  zèle 
«parmi  les  minisires  de  la  religion,  le 
»  sel  de  la  terre  affadi ,  le  feu  de  la  fer- 
»  veur  éteint  dans  les  asiles  élevés  pour 
»  sa  conservation.  Avec  quelle  tristesse  et 
»  quelle  douleur  elle  voyait  encore  la  cor- 
50. 


LOU 

u  rupUon  des  mœurs  étendre  ses 
»  vages ,  la  philosophie  audacieuse  me- 
»  nacer  de  tout  envahir  ,  les  scandales  de 
»  tout  submerger,  la  débauclie  sans  honte, 
»  la  licence  sans  frein  ,  et  l'indifférence 
■  apathique,  le  dernier  de  tous  les  excès, 
»  parce  qu'elle  ne  laisse  presque  plus  au- 
»  cune  espérance,  ni  de  retour  ni  de  re- 
6  mède!  Aussi  Thcj-èse  de  Saint-Au{îuslin 
»  ne  coule  plus  ses  jours  que  dans  l'abat- 
»  tement  et  dans  la  langueur  :  c'est  Héli , 
»  qui  ne  peut  plus  survivre  à  la  prise  de 
»  l'archo  ;  c'est  Eléazar ,  qui  s'immole ,  de 
»  peur  d'être  témoin  de  la  désolation  qui 
»  menace  son  peuple.  O  France  !  ô  nation 
I)  jusqu'ici  favorisée  des  cieux!  apprends 
»  que  ce  sont  tes  abominations  qui  préci- 
»  pitent  le  cours  d'une  vie  si  précieuse  , 
»  et  que  la  fille  de  tes  rois  n'expire  que 
»  de  l'excès  de  tes  maux  ;  mais  apprends 
»  en  même  temps  à  profiter  des  derniers 
j>  momefts  qui  terminèrent  une  si  sainte 
»  carrière.  »  U  a  paru  une  Histoire  de  la 
vie  édi/imite  de  cette  princesse,  Paris, 
1788.  Elle  présente  un  tableau  de  vertus 
pures,  et  des  détails  pleins  d'intérêt  pour 
les  âmes  chrétiennes;  mais  l'auteur,  pour 
la  rendre  également  intéressante  pour  les 
gens  du  monde,  y  a  fait  entrer  bien  des 
choses  étrangères  à  son  sujet.  C'est  d'ail- 
leurs un  mélange  de  vers  et  de  prose, 
qui ,  pour  la  forme ,  fait  ressembler  cette 
Histoire  au  Voyage  de  Bachaumont. 
Quelques-uns  de  ces  vers  sont  néanmoins 
bcureusemenî  amenés,  tels  que  ces  vieilles 
euiiices  du  naïf  liacan  : 

Cet  hautes  qualités  de  tîtes  couronoe'et , 

Ce$  trône»,  ces  e'tats  pendant  quelques  années 

Contentant  notre  vanité; 
Mais  toute  celte  gloire  est  courte  et  variable; 
Il  n'en  reste  non  plus  que  d'un  songe  agréable 

Quand  on  est  dans  l'éternité. 
Là  ,  les  soupirs  des  coeurs  accablés  de  tristesse 
Seront  mieux  entendus  que  des  chants  d'allégresse, 

Qui  sortent  des  esprits  contens  ; 
Et  là  ,  les  vieux  lambeaux  qui  couvrent  l'innocence. 
Seront  plus  estimés  que  la  magnificence 

Des  habits  tes  plus  éclatans. 

Cet  ouvrage  a  été  réimprimé  à  Lyon,  en 
1817,  avec  des  augmentations  considé- 
rables. On  en  a  fait  disparaître  tout  ce  qui 
était  étranger  au  sujet,  tels  que  les  vers 
et  des  passages  tirés  de  Voltaire.  L'abbé 
Proyarl  a  publié  la  Vie  de  madame 
Louise  ;  ouvrage  estimé  et  extrait  de  mé- 
moires authentiques  ,  Bruxelles  ,  1793  , 
in-12,  k"  édition;  Lyon,  1818,  2  vol. 
jn-12 ,  augmentée  de  plusieurs  anecdotes 
curieuses,  extraites  de  mémoires  authen- 
tiques ,  des  lettres  de  la  princesse  ,  dont 


594  LOU 

ra-  le  recueil  a  été  confié  à  cet  ecclésiastique, 
et  d'une  relation  de  la  suppression  des 
carmélites  dans  les  Pays-Bas-,  sous  l'em- 
pereur Joseph  II ,  et  de  leur  translation 
au  monastère  de  Sl.-Denys  en  France , 
à  la  sollicitation  de  madame  Louise.  Cet 
ouvrage  a  été  réimprimé  à  Lyon,  1829, 
2  vol.  in-12  :  «  Il  n'est  pas  étonnant,  dit 
i>  l'Jmi  de  la  Religion^  du  8  juillet  1829, 
»  (tom.  60  ,  p.  272)  qu'on  léimprime  si 
»  souvent  un  livre  qui  présente  un  aussi 
»  grand  exemple.  La  fille  d'un  roi  s'arra- 
»  chant  aux  douceurs  et  aux  illusions  de 
I)  la  cour  pour  aller  habiler  un  cloître  , 
»  c'est  ce  qui  ne  peut  manquer  d'étonner 
»  dans  un  siècle  tel  que  le  nôtre.  On  ad- 
»  mirera  dans  celle  vie  le  courage  ,  le  dé- 
B  vouement  et  en  même  temps  la  slmpli- 
»  cité  et  la  gaieté  d'une  princesse  inspirée 
n  par  une  piété  tendre  el  éclairée.  »  Sa  vie 
est  en  effet  bien  projtie  à  ramener  les 
personnes  qui  s'effraient  au  seul  nom  de 
pénitence.  Que  peut-on  en  effet  trouver 
de  difficile,  lorsque  celle  princesse,  élevée 
dans  le  sein  des  grandeurs  ,  d'une  santé 
faible  et  languissante ,  fourtût  fexemplc 
et  le  modèle  de  toutes  les  vertus?  Parmi 
les  diverses  Oraisons  funèbres  consa- 
crées à  la  mémoire  de  cette  i)rincesse , 
on  dislingue  ,  outre  celle  dont  nous  avons 
parlé ,  celle  de  M.  l'abbé  Ainalric ,  pro- 
noncée dans  l'église  des  carn>éliles  de 
Saint-Denys  (  voyez  le  Journal  historique 
et  littéraire^  i"  novembre  1788,  page  532), 
et  celle  de  fabbé  du  Serre-Figon,  pro- 
noncée dans  l'église  des  carmélites  de 
Pontoise  (  ibidem  .  15  mai  1789,  page  103.) 

LOUISE -ADÉLAÏDE  de  BOURBON- 
CONDÉ.  Vogez  CONDÉ. 

LOUP  (saint),  en  latin  Lupus,  né  à 
Tout ,  vers  le  commencement  du  5'  siècle, 
épousa  la  sœur  de  saint  Hilaire ,  évêque 
d'Arles.  La  vertu  avait  formé  celle  union  ; 
une  vertu  plus  sublime  la  rompit.  Les 
deux  époux  se  séparèrent  l'un  de  l'autre  , 
pour  se  consacrer  à  Dieu  chacun  dans  un 
monastère;  Loup  s'enferma  dans  celui 
de  Lérins.  Ses  vertus  le  firent  élever  sur 
le  siège  de  Troyes  en  k-27.  l^nlièreinent 
occupé  des  devoirs  de  i'épiscopat ,  il 
mérita  les  respects  et  les  éloges  des  plus 
grands  hommes  de  son  siècle.  Sidoine 
Apollinaire  l'appela  le  premier  des  j'ré- 
lats.  Les  évéqucs  des  Gaules  le  dépu- 
tèrent ,  avec  saint  Germain  d'Aujierre  , 
pour  aller  combattre  les  pélagiens  qui 
infectaient  la  Grande-Bretagne.  Celle  mis- 
sion produisit  de  grands  fruits.  Loup .  de 
retour   à  Troyes,  sau^ a  cette  viilcr  de  la 


LOU  59 

fureur  d'AUila;  ce  barbare  conquérant 
s'appelait  lui-même  le  fléau  de  Dieu ,  se 
croyant  destiné  à  punir  les  péchés  des 
peuples.  Déjà  Reims,  Cambrai,  Besan- 
çon, Auxcrre  et  Langres  avaient  ressenti 
les  effets  de  sa  fureur.  Ses  coups  allaient 
tomber  sur  Troyes  :  les  habitans  de  cette 
ville  étaient  dans  la  plus  grande  conster- 
nation. Saint  Loup  intercéda  pour  son 
peuple  auprès  de  Dieu ,  auquel  il  adressa , 
durant  plusieurs  jours  ,  des  prières  fer- 
ventes, accompagnées  de  larmes,  de 
jeûne*  et  de  plusieurs  autres  bonnes 
oeuvres.  Enfin ,  mettant  sa  confiance  dans 
la  protection  du  Ciel,  il  prit  ses  habits 
pontificaux,  et  alla  trouver  Attila,  qui 
était  à  la  tête  de  son  armée.  Le  prince 
barbare,  quoique  infidèle,  fut  pénétré 
de  respect  à  la  vue  du  saint  évoque  ,  suivi 
de  son  clergé  en  procession  et  précédé  de 
la  croix.  Lorsque  le  serviteur  de  Dieu  fut 
auprès  du  roi  des  Huns,  il  lui  adressa  la 
parole ,  en  lui  demandant  qui  il  était  : 
«  Je  suis,  dit  Attila,  le  fléau  de  Dieu. 
»  — Nous  respectons,  reprit  le  saint,  ce 
»  qui  nous  vient  de  la  part  de  Dieu  ;  mais 
»  si  vous  êtes  le  fléau  avec  lequel  le  Ciel 
»  nous  châtie  ,  souvenez-vous  de  ne  faire 
»  que  ce  qui  vous  est  permis  par  la  main 
»  toute-puissante  qui  vous  meut  et  vous 
»  gouverne.  »  Attila,  frappé  de  ce  dis- 
cours ,  promit  d'épargner  Troyes.  Ainsi 
les  prières  de  saint  Loup  protégèrent  une 
ville  dépourvue  de  tout  secours,  contre 
une  armée  de  400,000  hommes,  qui, 
ayant  ravagé  la  Thrace,  l'illyrie  et  la 
Grèce,  avait  passé  le  Rhin,  et  porté  en- 
suite la  désolation  dans  les  contrées  les 
plus  fertiles  de  la  France.  Attila,  ayant 
tait  retirer  ses  troupes  de  devant  Troyes, 
s'avança  dans  les  plaines  de  Chàlons.  Il  y 
fut  attaqué  et  défait  par  les  Romains,  que 
commandait  le  brave  Aétius.  Durant  sa 
retraite,  il  envoya  chercher  saint  Loup, 
et  le  pria  de  l'accompagner  jusqu'au 
Rhin,  s'imaginant  que  la  présence  d'un 
si  grand  serviteur  de  Dieu  serait  une 
sauve-garde  assurée  pour  lui  et  pour  son 
armée.  Lorsqu'il  le  renvoya,  il  se  recom- 
manda instamment  à  ses  prières.  Cette 
action  du  saint  évêque  déplut  aux  géné- 
raux de  l'empire  :  on  le  soupçonna  d'a- 
voir favorisé  l'évasion  des  Barbares  ;  et 
il  fut  obligé  de  quitter  Troyes  pour  deux 
ans.  Mais ,  par  sa  patience  et  sa  charité  , 
il  triompha  de  l'envie  et  de  la  malice  des 
hommes.  On  lui  permit  de  revenir  dans 
son  diocèse ,  où  il  mourut  le  29  juillet  i78 
après  l'avoir  gouverné  32  ans.  On  garde 


0  LOU 

son  corps  à  Troyes  dans  l'église  qui  porte 
son  nom.  Il  y  avait  anciennement  en  Aft- 
gletcrre  plusieurs  églises  dédiées  sous 
son  invocation.  Le  père  Sir  moud  a  publié 
une  Lettre  de  cet  illustre  évêque  dans  le 
l*^""  vol.  de  sa  Collection  des  conciles  de 
France.  L'Eglise  célèbre  sa  méiuoire  le 
29  juillet.  On  trouve  dans  le  Spicilège  d« 
doui  Louis  d'Acheri,  lom.  5,  et  dans  le  1" 
vol.  de  la  Collection  des  Conciles,  ime 
Lettre  de  saint  Loup  à  Sidoine  Apolli- 
naire. —  Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec 
saint  LOUP  ou  saint  LEU  ,  évêque  de 
Lyon  ,  mort  en  542,  ni  avec  saint  LOUP 
ou  saint  LEU,  évêque  de  Baycux,  mort 
vers  465. 

LOL'P,  en  latin  Servatus  Lupiis ,  abbé 
de  Ferrières  ,  regardé  comme  l'écrivain 
le  plus  poli  de  la  France  du  neuvième 
siècle,  naquit  vers  l'an  805,  et  parut 
en  844  au  concile  de  Verneuil,  dont  il 
dressa  les  canons,  et  à  celui  de  Soissons 
en  853.  Le  roi  et  les  évêques  de  France 
lui  commirent  plusieurs  affaires  impor- 
tantes. Charles  le  Chauve  l'envoya  à  Rome 
vers  le  pape  Léon  IV  en  S/i7,  et  le  char- 
gea de  réformer  tous  les  monastères  de 
France  avec  le  célèbre  Prudence.  On  ne 
trouve  plus  de  traces  de  ce  prélat.  Loup 
mourut  vers  862.  Il  est  le  même  que  Loup 
Servat,  comme  lont  démontré  le  père 
Sirmond  et  Baluze  contre  5Iauguin.  On  a 
de  lui  plusieurs  ouvrages  :  |  Lettres  sur 
différens sujets  {liber  Epistolanim  )  ;  elles 
sont  au  nombre  de  154,  et  mettent  dans 
un  grand  jour  plusieurs  affaires  de  son 
teinps.  On  y  trouve  divers  points  de  doc- 
trine et  de  discipline  ecclésiastique  dis- 
cutés ;  elles  ont  été  publiées  par  Papire- 
Masson,  Paris,  1588,  in-8°,  insérées  dans 
les  Scriptores  Fraiicoruin  de  Duchesne  ; 
publiées  de  nouveau  par  Baluze  avec 
notes  ;  cette  édition  est  la  meilleure,  j  Un 
traité  intitulé  :  Des  trois  questions  (de  la 
prédestination ,  du  libre  arbitre  et  de  la 
rédemption  de  J.-C),  contre  Gotescalc. 
L'auteur  s'y  attache  à  la  doctrine  des 
Pères ,  et  surtout  à  celle  de  saint  Augus- 
tin. Cet  ouvrage  a  été  publié  en  1648  in-iâi, 
sans  nom  de  ville  ;  à  Paris ,  1650,  in-S**, 
par  Sirmond  dont  l'édition  est  excellente; 

1  une  Fie  de  saint  Wigbert.  Le  style  de 
Loup  est  clair  ,  élégant  et  nerveux.  Baluze 
a  recueilli  ces  différens  écrits,  Paris,  1664  , 
in-8°,  et  les  a  enrichis  de  notes  curieuses. 
On  en  a  fait  une  nouvelle  édition  avec  des 
corrections  et  des  additions,  à  Leipsirk  , 
sous  le  nom  d'Anvers,  1710.  Voyez  Vflist. 
Utlcr.  de  France .  tom .  5. 


LOU 

•  LOUTHERBOURG ,  ou  plus  exacte- 
ment LUTHERBURG  (Philippe- Jacques), 
peintre,  né  à  Strasbourg  le  31  octobre 
4740,  d'un  père  qui  était  lui-même  peintre 
et  originaire  de  Bàle  ,  fut  élève  de  Tisch- 
bein,  et  ensuite  de  Casanova,  et  devint 
membre  de  l'académie  de  Paris  en  1768. 
Ce  peintre  se  fut  bientôt  fait  connaître 
par  son  talent  à  rendre  les  batailles,  les 
chasses ,  les  paysages ,  et  surtout  les  ani- 
maux. En  1771,  il  fut  appelé  en  Angle- 
terre où  on  lui  donna  un  traitement  de 
mille  livres  sterling,  pour  y  tracer  le 
croquis  des  décorations  du  grand  opéra. 
Loutherbourg  exécuta  aussi  dans  ce  pays, 
pour  le  roman  de  Tom- Jones ,  plusieurs 
compositions  gracieuses  qui  ont  été  re- 
produites par  le  burin.  L'impératrice  de 
Russie  désirant  avoir ,  de  la  main  de  cet 
artiste ,  un  tableau  représentant  le  pas- 
sage du  Danube  par  l'armé»  russe  sous 
le  commandement  de  Romanzoff ,  Lou- 
therbourg ,  pour  mettre  plus  de  fidélité 
dans  l'exécution  des  détails ,  demanda  et 
obtint  de  cette  princesse  un  modèle  de 
chaque  espèce  d'armes  des  différentes  na- 
tions qui  dépendaient  de  son  vaste  em- 
pire :  il  se  forma  ainsi  un  des  cabinets 
les  plus  curieux  de  l'Angleterre.  Il  ac- 
compagna Cagliostro  en  Suisse ,  et  voulut 
un  moment  s'y  fixer;  mais  il  revint  à 
Londres  où  il  est  mort  vers  1814.  Le  mu- 
sée du  Louvre  ne  possède  point  de  ta- 
bleaux de  ce  maître  :  il  existe  au  château 
de  Rambouillet  une  bataille  qui  peut  être 
placée  à  côté  des  meilleures  productions 
de  Wouvermans.  Ce  peintre  avait  une 
exécution  facile,  une  touche  franche  et 
un  colorig  plein  de  fraîcheur ,  quoique  il 
fût  quelquefois  un  peu  cru.  R  a  lui-même 
gravé  avec  succès,  surtout  d'après  ses 
propres  compositions  :  l'on  cite  deux  suites 
de  soldats  >  composées  de  six  pièces  cha- 
cune; les  quatre  heures  du  jour;  \di.  Tran- 
quillité champêtre  ;  la  Bonne  petite  sœur; 
»ies  Costumes  Maronites^  etc.  On  lui  at- 
tribue l'invention  du  Théâtre  pittoresque 
et  mécanique ,  que  l'artiste  Pierre  a  mis 
depuis  en  œuvre.  Les  essais  de  Louther- 
bourg dans  ce  genre  ont  été  décrits  dans 
ie  Journal  littéraire  d'Allemagne ,  intitulé 
l'Eïdophjjsion.  Le  Magasin  encyclopé- 
dique^ année  1819,  n°4,  renferme  une 
notice  sur  Loutherbourg. 

LOUVART  ou  LOUVARD  (  dom  Fran- 
çois ),  bénédictin  de  Saint -Maur,  ap- 
pelant .naquit  en  1662,  à  Claux-Généreux, 
dans  le  diocèse  du  Mans.  Il  fut  le  pre- 
mier de  sa  congrégation  qui  s'éleva  contre 


59(^  LOU 

la  constitution  Unigenitus.  Ce  religieux , 
qui  aurait  dû  rester  dans  la  retraite  et 
dans  l'obscurité,  écrivit  à  quelques  prélats 
des  lettres  si  séditieuses ,  que  le  roi  le  fit 
enfermer  à  la  Bastille,  et  en  d'autres 
maisons  de  force.  Il  disait ,  dans  une  de 
ces  lettres ,  qu'iY  fallait  soutenir  ce  qu'il 
appelait  \a  vérité^  contre  la  fer  Je  feu  ^  le 
temps  et  les  princes....  et  dans  une  autre 
qu'u7ie  bonne  et  vigoureuse  guerre  valait 
mieux  qu'un  mauvais  accommodement. 
Il  s'évada  de  sa  prison  et  se  réfugia  à 
Schoonhove ,  près  d'Utrecbt ,  où  il  mou- 
rut, en  1739,  âgé  de  77  ans,  laissant  une 
Protestation  qui  fit  beaucoup  de  bruit, 
quand  elle  vit  le  jour  :  il  l'avait  composée 
au  château  de  Nantes,  5  mois  avant  sa 
mort.  Il  avait  publié  le  prospectus  d'une 
édition  des  OEuvres  de  saint  Grégoire  de 
Nazianze  qui  n'a  point  paru. 

*  LOUVEL  (PiERRE-Louis),  assassin 
du  duc  de  Berry,  naquit  en  1783 ,  à  Ver- 
sailles. Son  père  qui  tenait  dans  cette  ville 
une  petite  boutique  de  mercerie  le  plaça 
aux  eufans  trouvés  ;  et  en  sortant  de 
l'hospice ,  où  il  avait  été  mis,  il  apprit  l'é- 
tat de  sellier,  qu'il  exerça  ensuite  à  Paris, 
dans  les  écuries  de  Napoléon.  Dès  sa  pre- 
mière jeunesse ,  il  montra  un  caractère 
sombre  ,  mélancolique  et  atrabilaire.  Il 
fuyait  toute  société,  et,  concentré  en 
lui-même ,  il  ne  se  plaisait  que  dans  la 
solitude.  On  a  su  plus  tard  qu'il  faisait  sa 
lecture  habituelle  des  Droits  de  V homme 
et  de  \di  constitution^  peut-être  celle  de  1793. 
La  chute  de  Bonaparte ,  l'entrée  à  Paris 
des  alliés,  et  le  retour  des  Bourbons,  ex- 
citèrent dans  Louvel  une  haine  implaca- 
ble contre  la  famille  de  nos  rois.  Il  partit 
pour  Calais ,  et  y  attendit  Louis  XVIIl , 
dans  le  dessein  de  l'assassiner.  N'ayant 
pu  accomplir  son  projet,  il  revint  à  Pa- 
ris ,  et  se  rendit  de  là  à  Fontainebleau  , 
puis  à  l'ile  d'Elbe ,  mais  il  n'y  a  pas  de 
preuves  qu'il  ait  parlé  à  Napoléon.  II  alla 
s'établir  à  Chambéry ,  et  retourna  en 
France  pendant  les  cent-jours.  Plus  tard  il 
obtint  un  emploi  de  sellier  dans  les  écu- 
ries royales.  Il  fit  encore  un  voyage  à  Meta 
et  La  Rochelle ,  et  revint  pour  la  troi- 
sième fois  à  Paris.  Son  dessein  était  de 
frapper  le  plus  jeune  de  nos  prince», 
comme  celui  qui  promettait  avec  le  plus 
de  certitude  une  postérité  à  son  auguste 
famille.  Un  soir  que  le  ducde  Berry  se  trou- 
vait avec  son  épouse  au  théâtre  de  l'Opéra 
(c'était  le  13  février  1820),  lK)Uvel  s'ap- 
proche du  théâtre ,  et  tâche  de  lier  conver- 
sation avec  le  factionnaire  auquel  il  offre 


LOU 


397 


LOU 


un  verre  dé  rhum.  Celui-ci  refuse.  LouvÈÎ 
feint  de  se  relirer  ;  mais  au  moment  où  le 
duc  de  Berry  sortait  de  la  salle ,  recondui- 
sant son  éjiouse  à  sa  voilure,  il  se  glisse 
cMilrele  factionnaire  et  un  {renlillioinme 
de  la  suite  du  prince  ,  saisit  S.  A.  R.  par 
l'cpaule  gauche  ,  lui  plonge  dans  le  sein 
droit  un  poignard  qu'il  laisse  dans  la  bles- 
sure, et  prend  Ir  fuilc.  Le  duc  de  Berri 
croit  d'abord  qu'il  a  été  heurté  par  quel- 
que curieux  imprudent.  Cependant  il 
chancelle,  et  se  sent  défaillir;  il  porte  la 
main  sur  le  fer,  et  l'arrache  de  la  plaie  en 
sccriant  :  a  Je  suis  assassiné  ;  je  tiens  le 
0  poignard.  »  {J'oijez  CHARLES- FER- 
DINAND ).  On  court  après  l'assassin. 
Louvel  s'était  dirigé  vers  l'arcade  Col- 
bert  :  une  voiture  de  place  lui  barre  par 
hasard  le  passage  ;  il  l'évite  ,  et  va  heur- 
ter contre  un  garçon  limonadier;  ils  lut- 
tent ensemble  ;  un  soldat  arrive,  saisit  Lou- 
vel, et  le  mène  au  corps-de-garde.  On 
trouva  sur  lui  des  papiers  insignifians  et 
une.  alêne  de  sellier  longue  et  affilée , 
munie  de  sa  gaine.  Presque  au  moment 
même  il  subit ,  en  présence  de  M.  Déca- 
des ,  alors  ministre  de  l'intérieur,  plu- 
sieurs interrogatoires  successifs.  Il  avoua 
son  crime  ,  qu'il  attribuait  à  sa  haine  pour 
les  Bourbons,  et  déclara  que  depuis  six 
ans  il  méditait  ce  meutre;  et  que  s'il  avait 
pu  s'échapper,  il  aurait  porté  ses  coups 
sur  la  personne  du  duc  d'Angoulême,  et 
ensuite  sur  le  roi  lui-même.  Il  affirma 
obstinément  qu'il  n'avait  pas  de  com- 
plices, qu'il  avait  médité  seul  son  projet. 
Conduit  d'abord  à  la  conciergerie  ,  il  fut 
ensuite  transféré  aux  prisons  du  Luxem- 
bourg. Le  roi  ayant  ordonné  qu'il  sérail 
jugé  par  la  chambre  dos  pairs,  M.  le  pro- 
cureur-général, Bcllart ,  employa  trois 
mois  à  faire  les  plus  scrupuleuses  re- 
clierches;  il  délivra  50  commissions  ro- 
gatoires;  il  entendit  1200  témoins, et  après 
ces  informations,  il  déclara  ,  dans  sou 
acte  d'accusation,  le  12  mai,  «  Qu'il  ne 
«  s'était  point  trouvé  de  complices.  »  L'ac- 
cusé comparut ,  le  ..-i  juin ,  à  la  barre  de  la 
Cour,  présidée  par  le  chancelier  Dam- 
bray.  11  y  conservail  son  air  sombre ,  mais 
calme  ,  et  reconnul  le  poignard  ,  grossiè- 
rement travaillé,  qu'un  maître  coutelier 
déclara  n'avoir  pas  été  fabriqué  par  un 
homme  du  métier.  A  toutes  les  demandes 
que  lui  firent  M.  le  président  et  plusieurs 
pairs ,  à  toutes  les  exhortations  par  les- 
quelles ils  essayaient  d'ébranler  son  âme, 
on  ne  put  obtenir  de  lui  que  les  mêmes 
réponses  qu'il  avait  failes  dans  ses  pre- 


miers interrogatoires  ;  il  soutint  à  plu- 
sieurs reprises  ,  d'un  ton  ferme  et  déter- 
miné, qu'il  n'avait  point  de  complices, 
qu'il  n'avait  communiqué  à  personne  son 
*odieux  projet,  et  qu'il  avait  voulu  être, 
à  lui  seul ,  le  sauveur  de  la  France  ,  pour 
laquelle  il  se  sacrifiait.  Interrogé  sur  sa 
religion,  il  répondit  qu'il  avait  élé  tantôt 
catholique,  tantôt  prolestant,  tantôt  théo- 
philanirope ,  suivant  les  cii-coîistances. 
Il  avait  pour  défenseurs  IMM.  Archam- 
bault  et  Bonnet,  bâtonniers  de  l'ordre 
des  avocats,  qu'on  avait  nommés  d'office 
en  vertu  de  la  loi.  Louvel  voulut  aussi 
prendre  la  parole,  ce  qui  lui  fut  accordé, 
et  il  prononça  un  discours  que  nous  tran- 
scrivons textuellement  :  «  J'ai  à  rougir 
»  aujourd'hui  d'un  crime  que  j'ai  commis 

»  moi  tout   seul La  France  n'est  pas 

»  déshonorée  ;  pas  plus  que  ma  famille.... 
»  On  m'accuse  d'avoir  assassiné  un  prince 
»  de  la  famille  royale  :  Oui,  j'en  suis  cou- 
»  pable  ;  j'ai  voulu  détruire  les  ennemis 
»  de  la  patrie.  Je  me  suis  dévoué  pour  la 

«France Les  hommes  du  gouverne- 

»  ment  sont  plus  coupables  que  moi  :  ils 
»  ont  pris  des  crimes  pour  des  vtrtus  et 
»  des  vertus  pour  des  crimes.  Quand  les 
»  étrangers  sont  entrés  en  France,  tous 
»  les  Français  devaient  se  réunir.  Suivant 
»  moi ,  dans  mon  idée ,  un  homme  exilé 
»  est  à  plaindre  ;  mais  si  un  Français ,  qui 
»  est  obligé  de  sortir  de  Fiance ,  s'occupe 
»  de  nuire  et  porte  les  armes  contre  sa 
»  patrie,  il  n'est  plus  Français.  Je  ne  puis 
»  m'empêcher  de  penser  que  si  la  bataille 
»  de  Waterloo  a  été  perdue  c'est  que  des 
»  Français  étaient  à  Bruxelles  et  à  Gand. 
»  Suivant  moi,  dans  mon  senfluienl,l»  mort 
»  de  Louis  XVI  était  nécessaire.  La  France 
»  l'a  voulue.  Si  une  poignée  d'inlrigans  s'é- 
»  tait  présentée  aux  portes  du  château 
»  c'est  différent.  Il  est  resté  en  arrestation 

»  avec  sa  famille  long-temps Aujour- 

»  dhui ,  suivant  moi,  dans  nuja  opiniqn  , 
»  les  Bourbons  sont  coupables.  La  nation 

»  est  déshonorée Je   vous   fais   mes 

1)  adieux.  »  A  ces  phrases  où  l'on  retrouve 
les  doctrines  révolutionnaires  exprimées 
dans  un  style  grossier,  Louvel  en  avait 
ajoulé,daus  son  écrit ,  plusieurs  autr. 
non  moins  révoltantes,  que  ses  conseils 
parvinrent  à  lui  faire  supprimer.  L'accusé 
fut  déclaré  coupable,  après  deux  heures 
de  déiibéralion  et  condamné  à  mort.  La 
veille  de  son  supplice,  il  eut  la  fantaisie 
singulière  de  vouloir  coucher  dans  des 
draps  fins;  on  les  lui  donna,  et  il  passa 
une  partie  de  la  nuit  à  écrire  à  ses  pa- 


LOU 


598 


LOU 


rens ,  se  couclia  ensuite  et  dormit  d'un 
sommeil  paisible!  Louvcl  avait  refusé  d'a- 
bord un  confesseur  ;  il  se  décida  enlin  à 
recevoir  et  à  entendre  M.  l'abbé  Montés  , 
aumônier  de  la  Conciergerie.  Le  7  juin 
1820,  jour  de  l'exécution,  M.  Bellart  vint 
l'interroger  pour  la  dernière  fois ,  mais 
Bans  en  obtenir  d'éclaircissemens  nou- 
veaux. On  avait  déployé  dans  toutes  les 
rues  par  où  devait  passer  le  criminel ,  et 
sur  la  place  du  Carrousel ,  une  force  ar- 
mée imposante.  Louvel  arriva  sur  la 
place  à  six  heures  du  soir.  II  éprouva  un 
mouvement  de  faiblesse  à  l'aspect  des  ap- 
prêts de  son  supplice,  et  les  bourreaux 
furent  obligés  de  le  soutenir  pour  monter 
sur  l'échafaud.  Après  qu'il  eut  eu  un  court 
entretien  avec  le  confesseur,  l'exécuteur 
s'empara  de  l'assassin  et,  dans  moins 
d'une  seconde  ,  Louvel  avait  subi  la  pu- 
nition de  son  forfait.  On  peut  consulter 
sur  Louvel,  l'Histoire  de  son  procès  ^  pu- 
bliée par  Maurice  Mejan,  Paris,  1820,  2 
vol.  in-8°. 

LOUVENCOURT  (Marie  de),  poète, 
née  à  Paris  ,  morte  dans  la  même  ville  au 
n)ois  de  novembre  1712  ,  âgée  de  32  ans  , 
apporta  en  naissant  des  dispositions  heu- 
reuses pour  les  beaux  arts.  J.-B.  Rous- 
seau l'a  peu  ménagée  dans  ses  Epitres; 
mai»  l'on  ne  doit  pas  toujours  s'arrêter 
au  jugement  d'un  poète  piqué.  Mademoi- 
selle de  Louvencourt  a  particulièrement 
réussi  dans  la  poésie  erotique.  Ses  vers 
sont  la  plupart  des  cantates  mises  en 
musique  :  elles  ont  été  gravées.  On  a  en- 
core quelques-unes  de  ses  poésies  dans  le 
Recueil  de  Vertron. 

LOUVENCOURT  (Marie- Joachim- 
JiiLizABKTH  de),  née  en  1747  d'une  fa- 
mille distinguée,  et  morte  en  odeur  de 
sainteté  à  Amiens  en  1778,  a  donné  de 
grands  exemples  de  vertu ,  et  surtout 
d'une  active  et  courageuse  charité  envers 
e  prochain.  Sa  p^ie  a  été  imprimée  àMa- 
jnes  en  1781,  un  vol.  in-12. 

LOUVER  ouLOWER  (Richard),  né 
vers  1631  à  Tremère ,  dans  la  province 
de  Cornouailles,  disciple  de  Thomas  Wil- 
lis,  exerça  la  médecine  à  Londres  avec 
réputation.  II  était  du  parti  des  wighs , 
et  mourut  en  1091.  Ce  médecin  pratiqua 
la  transfusion  du  sang  d'un  animal  dans 
un  autre.  Il  voulut  même  passer  pour 
l'inventeur  de  cette  opération  empirique 
dont  il  promettait  de  grands  avantages , 
et  qui  n'en  a  produit  aucun  ;  mais  il  ne 
fil  que  la  présenter  sous  un  nouveau  jour  ; 
car  il  est  (Certain  que  Libavius  est  le  pre- 


mier qui  en  ait  donné  l'idée.  (  Foy.  LI- 
BAVIUS. )  Les  principaux  ouvrages  do 
Louver  sont  :  |  un  Traité  du  cœur  ^  du 
mouvement  et  de  la  couleur  du  sang  ,  et 
du  passage  du  chyle  dans  le  sang,  Lon- 
dres ,'1669;  Leyde,  1722  ,  in-8° ,  et  17i9; 
traduit  en  français,  1679,  in-8°.  Louver 
est  le  premier  qui  ait  éclairci  cette  ma- 
tière. Avant  lui,  on  n'avait  qu'une  idée 
très  vague  de  ce  viscère  ;  mais  M.  Senac 
a  depuis  étendu  les  lumières  que  Louver 
a  répandues  sur  cet  objet.  On  a  ajouté  au 
traité  du  cœur  la  dissertation  suivante  ; 
I  Dissertation  de  l'origine  du  catarrhe  et 
de  la  saignée,  Londres,  167i ,  in-8"  ; 
I  une  Défense  de  la  Dissertatiofi  de  Wil- 
lis  sur  les  fièvres;  Londres  ,  1G63  ,  in-8°. 
Ces  ouvrages  furent  recherchés  de  son 
temps ,  et  sont  utiles.  Ils  sont  en  latin. 

LOUVERTURE.  Foyez  TOUSSAINT- 
LOUVERTURE. 

LOUVET  (  Pierre  ),  avocat  du  17'  siè- 
cle ,  né  en  1369  ou  1574  à  Verderel  vil- 
lage situé  auprès  de  Beauvais ,  fut 
maître  des  req\iétes  de  la  reine  Margue- 
rite, et  mourut  dans  sa  pairie  en  1646. 
On  a  de  lui  ;  |  V Histoire  de  la  ville  et  cité 
de  Beauvais,  Rouen  ,  1613,  in-8°;  |  His- 
toire et  antiquités  du  pays  de  Beauvaisis, 
Beauvais,  1631 ,  in-8°.  Le  premier  de  ces 
deux  ouvrages  traite  de  ce  qui  concerne 
l'état  ecclésiastique  du  Beauvaisis  ;  le 
deuxième,  de  l'état  civil.  (  Voyez  SIMON 
Denys.)  I  Nomenclatura  et  chronologia 
rerum  ecclesiasticarum  diœcesis  Bello- 
vacensi$,Va.TÏ&,  1613,  1628,  111-8°;  [  His- 
toire et  antiquités  du  diocèse  de  Beauvais, 
imprimée  en  cette  ville,  1635,  in-8°;  I  uin- 
ciennes  remarques  de  la  noblesse  beau- 
vaisineet  de  plusieurs  familles  de  France^ 
1631  et  1640  ,  in-8",  très  rare.  Cet  ouvrage 
est  par  ordre  alphabétique ,  et  ne  va  que 
jusqu'à  l'N  ;  |  Abrégé  des  constitutions  et 
règlemens...  pour  les  études  et  réformes 
du  couvent  des  jacobins  de  Beauvais, 
1618.  Le  mérite  de  ces  ouvrages  consiste 
dans  les  recherclies  ;  il  serait  inutile  d'y 
chercher  les  agrémens  du  style. 

LOUVET  (  Pierre)  ,  docteur  en  méde- 
cine ,  natif  de  Beauvais  en  1617,  d'une 
autre  famille  que  le  précédent,  professa 
la  rhétorique  en  province  ,  et  enseigna 
la  géographie  à  Montpellier.  Il  surchar- 
gea le  public  ,  depuis  16o7  jusqu'en  1680, 
époque  de  sa  mort ,  d'une  foule  d'ou- 
vrages sur  l'histoire  de  Provence  et  de 
Languedoc.  Ses  matériaux  sont  si  mal  di- 
gérés, et  ses  inexactitudes  sont  si  fré- 
quentes, qu'on  ose  à  peine  le  cilcr.  On  a 


LOU  50 

de  lui  :  I  Remarqjies  sur  l'histoire  de 
Languedoc^  1657,  iu-i";  |  Traité^  en  forme 
d'abrégé  ^  de  l'histoire  d'Aquitaine  ^ 
Guienne  et  Gascogne ,  jusqu'à  présent  ^ 
Bordeaux  ,  1659 ,  in-Zi"  ;  |  la  France  datis 
sa  splendeur  j  2  vol.  in-12  ;  1  Abrégé  de 
l'histoire  de  Provence  ^  2  vol.  rn-12,  avec 
des  Additions  sur  cette  Histoire ,  aussi 
en  2  vol.  in-12  ;  |  Projet  de  l'Histoire  du 
pays  de  Beaujolais ,  in-4°  ;  |  Histoire  de 
Villefranche  ^  capitale  du  Beaujolais  ^ 
in-8°;  |  Histoire  des  troubles  de  Pro- 
vence,  depuis  1481  jusqu'en  1598,  2  vol. 
in-12.  La  moins  mauvaise  de  ses  produc- 
tions est  son  Mercure  hollandais  ^  en  10 
vol.  in-12.  C'est  une  histoire  maussade 
dos  conquêtes  de  Louis  XIV  en  Hollande, 
en  Franche-Comté,  en  Allemagne  et  en 
Catalogne  ,  et  des  autres  événemens  qui 
occupèrent  l'Europe  depuis  1672  jusqu'à 
la  fin  de  1679.  Louvet  avait  quitté  la  mé- 
decine pour  l'histoire;  il  était  aussi  peu 
propre  à  l'une  qu'à  l'autre  ,  quoique  ho- 
noré du  titie  à' historiographe  du  prince 
de  Dombes. 

*  LOUVET  de  COUVRAY  (  Jeaïv-Bap- 
TiSTE  ) ,  naquit  à  Paris  en  1764  d'un  mar- 
chand bonnetier,  et  fut  d'abord  commis 
chez  un  libraire.  Né  avec  du  talent  et 
une  imagination  heureuse ,  il  débuta 
dans  la  carrière  littéraire  par  les  Amours 
du  chevalier  de  Faublas.  dont  il  fit  pa- 
raître d'abord  la  première  partie  :  c'est 
un  roman  où  la  licence  la  plus  grande 
règne  à  côté  d'une  ignorance  complète 
des  mœurs  de  la  haute  société  ,  que  l'au- 
teur a  voulu  peindre  sans  la  connaître , 
et  surtout  sans  l'avoir  jamais  fréquentée. 
Louvet  partagea,  au  commencement  de 
la  révolution  ,  les  principes  et  l'exaltation 
des  factieux  ,  et  associa  à  ses  travaux  lit- 
téraires la  politique  qui  devint  bientôt 
son  occupation  exclusive.  Le  26  décembre 
1791 ,  il  vint  à  la  barre  de  l'assemblée  Lé- 
gislative ,  suivi  de  quelques  factieux  de  sa 
section ,  pour  demander  que  les  princes 
et  les  émigrés  fussent  décrétés  d'accusa- 
tion. On  se  fera  une  idée  de  son  style 
oratoire ,  en  lisant  une  phrase  de  la  péti- 
tion qu'il  présenta  à  cet  effet  :  «  Qu'aus- 
»  sitôt  des  millions  de  nos  citoyens-sol- 
).  dats  se  précipitent  sur  les  nombreux 
»  domaines  de  la  féodalité  ;  qu'ils  ne  s'ar- 
»  rètent  qu'où  finira  la  servitude;  que 
»  les  palais  soient  entourés  de  baïon- 
B  nettes ,  etc.  »  Le  ministre  Roland  jugea 
Louvet  digne  d'être  le  rédacteur  prin- 
cipal d'tm  joxirnal  intitulé  La  Sentinelle . 
qui  se  placardait  au  coin  des  rues,  et  qui 


9  LOU 

avait  pour  but  d'avilir  la  royauté  et  de 
préparer  la  catastrophe  du  10  août.  Le 
déparlement  du  Loiret ,  ayant  choisi  Lou- 
vet pour  le  représenter  à  la  Convention  , 
il  y  figura  parmi  les  plus  ardens  républi- 
cains du  parti  de  la  Gironde  ^  et  se  pro- 
nonça violemment  contre  Robespierre, 
dont  il  demanda ,  le  29  octobre  1792 ,  la 
mise  en  accusation.  H  n'était  pas  difficile 
de  trouver  dans  la  vie  politique  de  Ro- 
bespierre des  crimes  suflisans  pour  le 
faire  livrer  à  toutes  les  rigueurs  de  la 
justice  ;  aussi  Louvet  employa  pour  l'at- 
taquer une  éloquence  et  une  force  de  rai- 
sonnement qui  rendirent  son  discours 
célèbre  ,  mais  qui  n'empêchèrent  pas  que 
Robespierre  n'échappât  aux  poursuites  et 
aux  accusations  de  ses  ennemis.  En  1795, 
Louvet  vota  contre  l'appel  au  peuple  et 
pour  la  mort  de  Louis  XVI ,  sous  la  con- 
dition expresse  d'en  différer  l'exécution 
jusqu'à  l'établissement  de  la  constitution. 
Au  mois  de  mai  de  la  même  année  il  fut 
proscrit  avec  les  chefs  de  la  Gironde ,  et 
décrété  d'arrestation  le  2  juin  suivant.  I| 
s'échappa  ,  se  retira  à  Caen  ,  d'où  il  écri- 
vit contre  ses  persécuteurs  ,  qui  le  mirent 
hors  la  loi  le  28  juillet.  Il  erra  ensuite, 
avec  quelques-uns  de  ses  amis ,  dans  la 
Bretagne  ,  dans  le  déparlement  de  la  Gi- 
ronde ,  dans  le  midi  delà  France,  puis 
se  rapprocha  de  Paris  ,  et  se  tint  caché 
chez  un  habitant  de  Nemours  jusqu'à  la 
révolution  du  9  thermidor.  Cependant  il 
ne  rentra  à  la  Convention  que  sept  mois 
après  cette  journée  (le  8  mars  1793). 
Après  avoir  été  un  des  partisans  les  plus 
ardens  de  la  Convention,  il  s'attacha  plus 
fortement  encore  au  Directoire ,  reprit 
son  journal  La  Sentinelle,  et  ouvrit  au 
Palais-Royal  une  boutique  de  librairie, 
aux  environs  de  laquelle  se  réunissaient 
une  foule  de  jeunes  gens  qui  passaient 
leur  temps  à  le  persiffler  et  à  lancer  des 
sarcasmes  contre  sa  femme  qu'il  appelait 
sa  Lodoïska^  du  nom  d'une  héroïne  de 
son  roman.  Toujours  persécuté  et  tou- 
jours persécuteur,  Louvet  termina  ses 
jours  au  milieu  des  orages ,  des  inquié- 
tudes et  des  troubles  de  toute  espèce.  Il 
mourut  à  Paris,  le  23  août  1797  ,  à  l'épo- 
que des  violens  débals  qui  annonçaient 
la  révolution  du  18  fructidor.  Malgré  ses 
talens  naturels  et  son  incroyable  facilité, 
il  était  d'une  ignorance  profonde.  On  rap- 
porte de  lui  une  anecdote  à  peine  croya- 
ble :  il  eut  à  soutenir  une  discussion 
contre  Suard;  ce  dernier  ayant  terminé 
i!!ie  de  Si'S  réponses  par  ces  mots  latins , 


LOU 


6C0 


LOU 


Verge  ^  sequar  ;  Louvet  crul  qu'il  s'agis- 
sait d'un  nom  propre ,  et  lit  sérieuse- 
ment une  réponse  adressée  à  M.  Perge 
Sequar.  Ce  trait  de  sa  vie  n'a  point  em- 
pêché sa  réception  à  l'institut  (2'  classe  ), 
lors  de  la  foridation  de  cette  société-  On 
a  de  Louvet  :  |  Les  Amours  du  chevalier 
deFaublas,  2=  éd.,  1791,  3  vol.  in-18  ;  1798, 
A  vol-  in-S".  La  1'^''  partie  de  cet  ouvrage 
avait  été  imprimée  à  Londres  (Maes- 
tricht),  in-12,  sous  le  titre  de  :  Uiie  an- 
née de  la  vie  du  chevalier  de  Faublas. 
Quelque  temps  après  parurent ,  Six  se- 
maines de  la  vie  et  la  fin  des  amours  du 
chevalier  de  Faublas.  1788  et  1790-  Ce 
roman  a  été  traduit  en  allemand  et  en  an- 
glais ;  I  Emitie  de  f^at-mont.  ou  le  Di- 
vorce nécessaire  .  et  les  Amours  du  curé 
Sévin,  1791,  5  vol.  in-18;  1794,  k  vol. 
in-12;  ouvrage  très  médiocre  et  hideu- 
sement immoral  ;  l'auteur  y  consacre  le 
divorce  et  y  autorise  le  mariage  des  pré- 
Ires  ;  I  Paîis  justifié.  1790.  Cet  ouvrage 
a  été  dirigé  contre  la  relation  que  Mou- 
nier  avait  faite  des  forfaits  des  5  et  6  oc- 
tobre 1789  ;  I  La  Sentinelle;  \  Accusation 
contre  RobesjJierre .  1792,  in-8°,  impri- 
mée par  ordre  de  la  Convention  ;  |  le  Jour- 
nal des  Débats  (depuis  le  10  août  1792 
jusqu'au  10  mars  1793  ) ,  in-S°  ;  |  Plaidoyer 
coîitre  Isidore  Lan  g  loi  s  .  i797,  in-8"; 
I  quelques  Notices  pour  l'histoire  et  le 
récit  de  mes  périls  depuis  le  31  mai  1793, 
Paris,  1793,  in-8'';  ouvrage  traduit  en 
allemand,  en  danois  ,  et  en  suédois.  On 
y  joint  ordinairement  la  Motion  d'ordre 
d'Antonnelle ,  à  l'occasion  de  la  brochure 
de  Louvet .  in-8°de26  pages.  Cet  ouvrage 
fait  partie  de  la  Collection  des  mémoires 
sur  la  révolution ,  Paris ,  1823 ,  in-8°  ; 
I  La  grande  revue  des  armées  noire  et 
blanche .  comédie  qui  eut  peu  de  succès. 
On  a  encore  de  lui  quelques  brochures 
dont  on  trouvera  les  litres  dans  la  Notice 
sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  J.-B.  Lou- 
vet,  par  Gabriel  Villar ,  insérée  dans  les 
Mémoires  de  l'institut.  (Litt.  et  beaux- 
arts,  tome  2,  hist.,  page  27.) 

LOTJVIERS  (CaAnixs-JACQUES  de), 
écrivain  français,  vivait  dans  le  14*^ 
siècle  ,  sous  le  règne  de  Charles  V  ,  roi  de 
France.  Il  devint  niembre  du  conseil  d'é- 
tal en  1376-  On  lui  attribue  assez  com- 
munément le  Songe  de  du  Vcrgier . 
Lyon,  1491 ,  in-fol.,  et  réimprimé  dans  le 
recueil  des  Libertés  de  l'Eglise  gallicane, 
en  1731 ,  h  vol.  in-fol.  ;  Goldast  en  a  in- 
séré la  traduction  latine  dans  la  Monar- 
chia  imperii  l'omani.  cl  les  prolestans  ont 


lâché  de  lui  trouver  du  mérite,  quoiqu'il 
n'en  ail  pas  d'autre  que  de  flatter  l'aulo- 
rilé  lemporeile  en  déprimant  laspirituelle. 
Ce  traité  ne  passe  pas  universellement 
pour  être  de  Louviers  ;  car  les  uns  l'ont 
donné  à  Raoul  de  Presle ,  ou  à  Jean  de 
Vertus ,  secrétaire  de  Charles  V ,  et  les 
autres  à  Philippe  de  Maizières. 

LOIIVILLE  (Jacques-Eugène  d'AL- 
LONVILLE,  chevalier  de),  né  au  châ- 
teau de  ce  nom  en  Eeaure ,  l'an  1G71, 
d'une  famille  noble  et  ancienne,  servi 
d'abord  sur  mer,  ensuite  sur  terre.  Il  fut 
brigadier  des  armées  de  Philippe  V  ,  et 
eut  part  aux  affaires  du  gouvernement. 
La  paix  d'Utrecht  l'ayant  rendu  à  lui- 
même,  il  se  consacra  aux  mathémati- 
ques ,  et  principalement  à  l'astronomie. 
L'académie  des  sciences  de  Paris  le  reçut 
au  nombre  de  ses  membres  ,  et  la  société 
royale  de  Londres  lui  fit  le  même  hon- 
neur quelque  temps  après.  Il  mourut  en 
1732  ,  à  61  ans.  On  a  de  lui  plusieurs  Dis- 
seî'tations  sur  des  matières  do  physique 
et  d'astronomie ,  imprimées  dans  les  Mé- 
moires de  l'académie  des  sciences  ;  et 
quelques  autres  dans  le  Mercure  >  depuis 
1720 ,  contre  le  P.  Caslel ,  jésuite.  Son 
imagination  dérogeait  quelquefois  à  son 
jugement ,  et  plusieurs  de  ses  raisonne- 
mens  tiennent  plus  à  son  humeur  et  à  ses 
goûts  qu'aux  règles  d'une  bonne  logique. 
On  l'a  vu  attribuer  aux  chaleurs  de  la 
(;anicule  la  liquéfaction  du  sang  de  saint 
Janvier,  dont  il  avait  été  témoin  oculaire 
à  Naples  ;  quoique  ce  phénomène  se  re- 
produise régulièrement  le  19  septembre , 
et  qu'il  soit  contre  la  nature  d'un  sang 
durci  de  se  fondre  par  la  cl)aleur  (  Méin. 
polit,  etmilit.  de  M.  de  Noailles ,  tome  2  , 
page  42). 

LOIIVOIS    (le   marquis   de).    Voyet 
TELLIER  (François.) 

*    LOUVRELEllL   (Jean-Baptiste), 
prêtre  de  la  doctrine  chrétienne  ,  né  à 
Mende  vers  1660  ,  y  fut  directeur  du  sé- 
minaire et  professeur  de  théologie  mo- "* 
raie.  Il  s'est  fait  connaître  par  les  deux  ; 
ouvrages  suivans  :  |  Le  Fanatisme   re-  '; 
nouvelé  .  ou  Histoire  des  sacrilèges,  dei 
incendies,  des  meurtres  et  autres  atten- 
tats que  les  calvinistes  révoltés  ont  coin-' 
mis  dans  les  Cévennes.  etc.  Avignon, 
1704 ,  1706  ,  4  vol.  in-d2  ;  1  Lettre  de  l'aur 
teur  du  Fanatisme  renouvelé  à  M.  Brueijs. 
de  Monlpcllicr ,  in-4" ,  traduite  en  an- 
glais ;  I  Mémoires  historiques  sur  le  Gé- 
vavdan  et  sur  la  ville  de  Mende  .  qui  en 
est  la  capitale ,  pour  servir  au  Diction- 


LOV 


COI 


LOV 


naîre  universel  de  la  France^  Mende , 
172/1,  1  vol.  in-12. 

LOUVREX  (Matuias-Giiii.laume  de  ) , 
né  à  Liège  en  1665  d'une  ancienne  fa- 
mille patricienne  ,  rendit  à  sa  patrie  des 
services  importans  dans  les  divers  em- 
plois qu'il  occupa,  et  se  distingua  exlra- 
ordinairement  par  ses  connaissances  dans 
le  droit  civil  et  canonique.  Les  avocats 
des  nations  voisines  le  consuîlaient  fré- 
quemment ,  surtout  dans  les  matières  bé- 
néliciales ,  et  ses  décisions  étaient  ordi- 
nairement suivies  comme  des  règles 
sûres,  Fénélon  ,  ayant  appris  que  dans  un 
procès  Louvrex  défendait  la  cause  de  son 
adversaire,  voulut  lire  son  Mémoire; 
et  après  l'avoir  lu ,  non  content  de  se  dé- 
sister de  ses  prétentions  ,  il  lui  envoya  la 
colleclion  de  ses  ouvrages  ,  avec  une  let- 
tre remplie  des  sentimens  de  la  plus 
grande  estime  ,  et  lui  demanda  son  ami- 
tié. Doué  de  la  mémoire  la  plus  heureuse, 
il  connaissait  non  seulement  tous  les  li- 
vres dune  très  ample  bibliothèque,  mais 
il  désignait  souvent  l'endroit  du  passage 
dont  il  avait  besoin  :  par  ce  moyen,  après 
avoir  i)erdu  entièrement  la  vue ,  il  ne 
cessa  de  dicter  avec  la  même  présence 
d'esprit  qu'auparavant.  Louvrex  mourut 
à  Liège  le  15  septembre  iTSh. ,  estimé  au- 
tant par  la  simplicité  de  ses  mœurs ,  sa 
modestie  ,  son  désintéressement  et  sa  cha- 
rité envers  les  pauvres,  que  par  sa  pro- 
fonde science.  Nous  avons  de  lui  :  |  des 
Dissertations  canoniques  sur  l'origine  j, 
l'élection .  les  devoirs  et  les  droits  des 
prévôts  et  des  dorjens  des  églises  cathé- 
drales et  collégiales  ^  en  latin  ,  Liège  , 
1729  ,  in-fol.  ;  |  Recueil  contenant  les  édits 
du  pays  de  Liège  et  comté  de  Looz .  les 
privilèges  accordés  par  les  empereurs , 
les  concordats  et  traités  faits  avec  les  puis- 
sances voisines^  8  vol.  in-fol. ,  avec  des 
notes  utiles  et  savantes  ,  Liège  ,  1714  — 
1735.  On  en  a  donné  une  édition  augmen- 
tée par  les  soins  de  Baudouin  Hodin, 
Liège,  1751 ,  U.  vol.  in-fol.  ;  |  d'excellentes 
notes  sur  l'ouvrage  de  Charles  de  Méan,  in- 
titulé: Observationes  et  res  judicatœ^  etc. 
{Voyez  MEAN)  ;  |  le  5"=  vol.  de  VHistoria 
leodiensis^  avec  M.  de  Crassier.  (  Voyez 
FOULON.  ) 

•  LOVAT (SiHON  FRAZER,  lord  ),  pair 
d'Ecosse,  né  en  1657  ,  fut  élevé  en  France 
chez  les  jésuites.  De  retour  dans  sa  patrie, 
il  eut  quelques  démêlés  avec  les  Claïis 
voisins  de  celui  dont  il  faisait  partie,  et 
passa  au  service  de  l'Angleterre.  Il  était 
en  1692  capitaine  dans  le  régiment  de  Tul- 


lihardine.  Lord  Lovât  chef  de  sa  famille 
étant  mort  subitement ,  il  se  porta  son 
héritier ,  et  épousa  de  vive  force  sa 
veuve  sœur  du  marquis  d'Alhol.  Ac- 
cusé pour  cette  cause,  de  rapt,  il  s'en- 
fuit en  France  ,  et  vint  à  la  petite  cour  de 
Saint-Germain  où  il  parvint  à  gagner  la 
conliance  de  Jacques  III ,  prétendant  au 
trône  d'Angleterre.  Ce  prince  lui  ayant 
confié  quelques  lettres,  il  en  changea  l'a- 
dresse,et  s'en  servit  pour  accuser  de  haulo 
trahison  tous  ses  ennemis  en  Angleterre  , 
où  il  avait  repassé.  Il  revint  en  France, 
où  il  croyait  pouvoir  persuader  que  cette 
dénonciation  était  un  arlilice  pour  mieux 
servir  la  cause  des  Stuarts;  mais  Louis  XIV 
le  fit  enfermer  à  la  Bastille ,  d'où  il  ne 
sortit  que  pour  entrer  dans  un  couvent. 
Après  avoir  été  tpnsuré  et  s'être  fait  jé- 
suite, il  abandonna  cet  état  pour  suivre 
en  1715  le  prétendant  qui  faisait  une  nou- 
velle tentative  dans  le  but  de  reconqué- 
rir son  royaume.  Frazer  ne  pouvait  man- 
quer de  prendre  le  parti  du  plus  fort  ; 
aussi  après  la  bataille  d'Inverness ,  il  se 
déclara  pour  le  roi  Georges  ,  et  porta  le 
dernier  coup  aux  Jacobites  en  s'empa- 
rant  de  la  citadelle  d'Inverness.  Cette  tra- 
hison lui  valut  le  gouvernement  de  cette 
ville,  le  titre  de  lord  Lovât  et  de  pair, 
avec  des  pensions  considérables.  Ce  sei- 
gneur peu  fidèle  à  sa  parole  étant  devenu 
le  favori  de  Georges,  servit  les  intérêts 
de  Jacques  ,  et  ne  cessa  d'entretenir  des 
relations  avec  les  Stuarts.  De  concert  avec 
eux  ,  il  conçut  le  projet  et  médita  le  plan 
de  l'invasion  de  1745;  il  fournit  même  des 
secours  à  cette  entreprise  ;  et  lorsque  l'ar- 
mée fut  débarquée  ,  son  fils  partit  pour  la 
rejoindre  avec  1,500  hommes,  l'élite  de 
son  clan.  La  bataille  de  Culloden  ayant 
achevé  d'abattre  les  sluart  ,  lord  Lovât 
dont  la  conduite  avait  fait  naître  des  soup- 
çons, fut  mis  en  accusation  devant  la 
cour  des  pairs  ;  mais  il  avait  enveloppé 
ses  manœuvres  de  tant  de  mystères,  il 
avait  désapprouvé  si  haut  la  conduite  de 
son  fils  avec  lequel  il  semblait  tout-à-fait 
brouillé  ,  et  il  présenta  sa  défense  avec 
tant  d'art ,  que  les  pairs  allaient  l'absou- 
dre, lorsque  Georges  Murray  dénonça, 
dans  le  but  de  sauver  sa  propre  vie, 
4,400  fauteurs  secrets  de  la  dernière  ré- 
volte :  il  plaça  le  noin  de  Lovât  sur  cette 
liste ,  et  produisit  en  outre  contre  lui  les 
preuves  les  plus  accablantes  :  Lovât  in- 
terdit cessa  de  se  défendre  ,  et  eut  recours 
à  la  clémence  royale  ;  n'ayant  rien  ob- 
tenu du  souverain,  il  montra  le  plus  grand 
51 


LOIV 


G02 


LOW 


courage ,  el  termina  noblement  une  vie 
souillée  par  la  flatterie  et  la  trahison.  Il 
eut  la  tçle  tranchée  le  20  avril  1747.  Voyez 
les  Mémoires  de  la  vie  de  lord  Lovât , 
Amsterdam ,  1747,  in-S". 

LOWENDAL.  roy.  LŒWENDAL. 

T.O\VE^^OECK.  f^.  LEUWENHŒCK. 

LOWER.  Voyez  LOUVER. 

*  LOW^ITZ  (Georges-Maurice  ),  astro- 
nome allemand ,  naquit  en  1722  à  Furlh 
près  de  Nuremberg.  Il  étudia  sans  maître 
les  sciences  physiques  et  malhématiques, 
y  fit  des  progrès  étonnans,  et  s'associa 
d'abord  avec  les  Homann  pour  la  con- 
«truction  des  globes  et  des  cartes  géogra- 
phiques :  lui-même  exécuta  deux  globes 
de  trois  pieds  de  diamètre,  supérieurs  à 
ceux  de  Coronelli,  mais  dont  la  gravure 
ne  fut  pas  terminée,  quoiqu'elle  eut  été 
annoncée  plusieurs  fois  par  souscription, 
ta  1752,  il  devint  professeur  de  mathé- 
matiques s  Nuremberg ,  et  fut  chargé  de 
la  direction  de  l'observatoire.  Lowilz 
fut  nommé(175S)  professeur  de  mathéma- 
tiques à  Gotlingue;  mais,  mécontent  de 
n'avoir  pas  été  nommé  directeur  de  l'ob- 
servatoire de  cette  ville,  après  la  mort  de 
Mayer  en  1762 ,  il  offrit  sa  démission.  Il 
donna  ensuite  quelques  leçons  particu- 
lières, et  se  rendit  en  17C6  à  St.-Péters- 
bourg  où  il  fut  reçu  membre  de  l'acadé- 
mie des  sciences.  Il  fut  chargé  d'observer, 
en  1769,  à  Gourief,  le  passage  de  Vénus 
sur  le  disque  du  soleil,  et  de  prendre  les 
niveaux  nécessaires  pour  l'exécution  d'un 
canal  destiné  à  joindre  le  Don  et  le  Wolga. 
Lowitz,  s'occupait  paisiblement  de  ses  tra- 
vaux àDmitrefsk,  lorsque  cette  ville  tom- 
ba au  pouvoir  du  rebelle  Pougalschew  , 
qui  eut  la  barbarie  de  le  faire  élever  sur 
des  piques,  afin,  disait-il  avec  une  plai- 
santerie atroce ,  de  le  rapprocher  des 
étoiles  ,  et  qui  ordonna  ensuite  qu'il  fût 
empalé  le  2i  août  1774.  On  a  de  lui  :  |  Jvis 
sur  les  nouveaux  ylobes  terrestres  (  en 
allemand), Nuremberg,  1746,  in-fol.;  \Ex- 
j)lication  de  deux  cartes  astronomiques  ^ 
pour  l'intelligence  de  la  projection  de 
V éclipse  de  la  terre  du  25  juillet,  [an 
allemand  )  ibid.  ,  1748,  in-4° ,  traduit 
en  français  par  Delisle  ;  quelques  autres 
ouvrages  moins  importans ,  et  plusieurs 
Mémoires  insérés  dans  les  recueils  de 
Gottingue  et  de  Saint  -  Pétersbourg.  Son 
Eloge  par  BernouUi  se  trouve  dans  les 
Nouvelles  littéraires.  Berlin,  1776,  et 
supplément  de  l'année  1777.  —  Tobie 
LOWITZ,  fils  du  précédent,  né  à  Gottingue 
en  1757,  mort  le  26  novembre  1804,  fut 


professeur  de  chimie  à  Sl.-Pétersbourg  et 
membre  de  l'académie  impériale  de  cette 
ville.  Il  fit  à  pied  un  voyage  en  Italie,  er; 
France  et  en  Angleterre ,  par  la  Suisse  el 
la  Hollande;  et  cette  course  qu'il  avait 
entreprise  pour  recueillir  des  observa- 
tions d'histoire  naturelle,  le  guérit  en 
même  temps  de  l'épilepsie  à  laquelle  il 
était  sujet.  De  retour  en  Russie,  Lcwitt 
consigna  ses  observations  dans  les  An^ 
nales  chimiques  de  Crell  et  dans  le  Re- 
cueil de  l'académie  de  Sl.-Pétcrsbourg. 
En  1790  il  obtint  une  médaille  d'or,  pour 
avoir  donné  les  moyens  de  conserver  par 
le  charbon  l'eau  douce  en  mer. 

LO'WE.XDAL.  Voy.  LOEWENDAL. 

•  LOWMAÎV  (Moïse),  ministre  pres- 
bytérien, né  à  Londres  en  1679,  savait 
parfaitement  l'hébreu,  et  était  très  versé 
dans  les  antiquités  juives.  Il  était  pasteur 
d'une  congrégation  à  Clapham  (  comté  de 
Surrey)  et  s'est  fait  connaître  par  divers 
écrits,  dont  les  principaux  sont  :  |  une 
Dissertation  sur  le  gouvernement  civil  des 
Hébreux,  1745  ;  ]  des  Paraplirases  et  des 
Notes  sur  la  révélation  de  saint  Jean , 
1748,  ouvrage  estimé;  ]  Raisons  du  rituel 
des  Hébreux;  \  Traité  où  il  entieprend 
de  prouver  mathématiquement  et  à  priori 
l'unité  et  la  perfection  de  Dieu.  Ce  tfaité 
est  devenu  rare.  |  Trois  Traités  publiés 
après  sa  mort,  sur  le  Schechinah  et  le 
Logos.  Fort  tolérant  pour  toutes  les  es- 
pèces de  dissidens,  Lowman  ne  l'était 
point  pour  le  catholicisme,  et  il  s'unit  à 
Londres,  en  1755,  avec  d'autres  ministres 
presbytériens,  pour  prêcher  contre  l'E- 
glise romaine.  On  croit  qu'il  était  parti» 
san  d\iChristianis7ne  rationnel.  l\  mourut 
à  Londres,  en  1752,  âgé  de 7.3  ans. 

LOWTII  (Guillaume  ) ,  théologien  an- 
glais, pasteur  à  Buriton  ,  né  à  Londres  en 
1661,  étudia  à  Oxford  et  devint  chanoine 
de  Winchester.  Il  est  mort  dans  cette  ville 
en  1752,  après  s'être  acquis  l'estime  des 
savans  par  des  noies  qu'il  a  données  sur 
saint  Clément  d'Alexandrie,  sur  Josèphe, 
et  sur  les  historiens  ecclésiastiques  grecs, 
insérées  dans  les  éditions  de  ces  livres 
données  en  Angleterre.  11  a  publié  aussi: 
I  Défense  de  l'autorité  et  l'inspiration  du 
vieux  et  du  nouveau  Testament ,  1692, 
solidement  écrit;  mais  il  a  pu  se  con- 
vaincre ,  en  composant  ce  livre,  que  l'au- 
torité des  livres  saints  n'est  pas  une  règle 
suffisante  pour  diriger  notre  foi  ;  |  Direc- 
tion  pour  la  lecture  de  l'Ecriture  sainte  . 
1708,  in-12. 

'  LOWTÏÎ  (Robert),  fils  du  précédent, 


LOY  (30 

né  à  Winchester  en  1710 ,  étudia  d'abord 
dans  sa  ville  natale ,  puis  à  Oxford  ,  et  de- 
vint en  1741  professeur  de  poésie  à  Ox- 
ford ,  à  la  place  de  Spence.  Il  fut  silc- 
ccssivement  cuié  d'Ovinglon  et  d'Eart- 
Woodhay  (  1733  ).  Il  fut  fait  évèque  de 
St.-Daviden  1766,  puis  d'Oxford,  et  enfin 
de  Londres  en  1777.  Loiig-tetnps  aupara- 
vant, il  avait  refusé  révèché  de  Limerick, 
et  depuis  il  refusa  de  même  le  riche  siège 
de  Cantorbéry.  Lowth  mourut  en  1787. 
On  a  de  lui  un  traité  très  estimé ,  De  sa- 
cra poesi  Hebrœorum ,  q\ù  a  eu  plusieurs 
éditions  à  Oxford  et  à  GoUingue,  et  qui 
a  été  imprimé  depuis  un  grand  nombre 
de  fois  ailleurs.  !Nous  en  avons  deux 
traductions  en  français.  La  plus  estimée 
est  colle  de  M.  Sicard,  sous  le  litre  de 
Leçons  sur  la  poésie  sabrée  des  Hébreux, 
Lyon,  1812,2  vol.  in-8°.  M.  Roger  en 
a  donné  une  autre  à  Paris  en  1815  ,  même 
format.  Ses  Carmina  latina  ont  été  pu- 
bliés ,  par  l'abbé  Weissenbach ,  Bàle ,  1785, 
in-l2.  Ce  sont  des  paraphrases  de  plu- 
sieurs psaumes,  cantiques,  passages  pro- 
phétiques, etc.  On  a  publié  en  anglais, 
1787,  in-8°.  Mémoires  sur  la  vie  cl  les 
écrits  de  Vévêque  Lowth. 

LOYER  (PiERUE  le  ),Loerius,  sieur  de 
la  Brosse,  conseiller  au  présidial  d'An- 
gers, et  l'un  des  plus  sa  vans  hommes  de 
son  siècle,  dans  les  langues  orientales, 
naquit  au  village  d'Huillé ,  dans  l'An- 
jou, le  24  novembre  1550,  et  mourut  à 
Angers  en  1654 ,  à  84  ans.  On  a  de  lui  : 
I  Quatre  livres  des  spectres  ou  apparitions 
et  visions  d'esprits,  ayiges  et  démons  se 
montrant  sensiblement  aux  hommes ,  An- 
gers, 1586,  in- 4°;  Paris,  1605  ou  1C08 , 
même  format.  On  y  trouve  une  foule 
de  faits  singuliers  et  curieux.  |  Edoni, 
ou  les  Colonies  iduméennes ,  en  Europe 
et  en  Asie ,  avec  les  Phéniciennes,  Paris , 
1620,  in-8°.  On  remarque  dans  ces  deux 
ouvrages  une  érudition  et  une  lecture 
immense,  mais  des  idées  bizarres  et 
un  eulètemeut  ridicule  pour  les  étyniolu- 
gies  tirées  de  l'hébreu  et  des  autres 
langues.  Loyer  prétendait  trouver  dans 
Homère  le  village  d'IIuillé ,  lieu  de  sa 
naissance,  son  nom  de  famille,  celui  de 
la  province.  Lorsqu'on  lui  reprochait  de 
se  vanter  de  savoir  ce  qu'il  ne  pouvait  pas 
connaître,  il  répondait  que  c'était  la 
grâce  de  Dieu  qui  opérait  ces  effets  mer- 
veilleux; \  des  OEuvres  et  des  Mélanges 
poétiques  ,  Paris  ,  1579,  in-12. 

LOYSEAU  (Cdarles  ),  avocat  au  par- 
lement do  Paris,  et  habile  jurisconsulte , 


3  LOY 

né  à  Nogent-le-Roi  en  1366  ,  issu  d'une 
famille  originaire  de  la  Bauce,  fut  lieu- 
tenant particulier  à  Sens,  son  pays  natal, 
puis  bailli  deCliàteaudun,  et  enlin  avoca 
consultant  à  Paris,  où  il  mourut  en  1627, 
à  65  ans.  On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages 
estimés.  Ses  OEuvres  ont  été  recueillies , 
Genève  ,  1656  ,  2  vol.  in-fol. ,  1640,  1660  ; 
Lyon,  1701,  in-fol.  Son  Traité  du  déguer- 
pisscment  passe  pour  son  chef-d'œuvre,  à 
cause  du  mélange  judicieux  qu'il  y  a  fait 
du  droit  rou7ainavec  le  droit  français. 

LOYSEAU.  Voyez  LOISEAU. 

*  LOI  SON  (Charles)  ,  littérateur  ,  né 
en  1791  à  Chàteau-Gonthier,  manifesta  de 
bonne  heure  un  goût  très  vif  pour  la  poé- 
sie. Il  fut  répétiteur  et  maître  de  confé- 
rences à  l'école  normale  dont  il  avait  été 
lui-même  élève,  et  professa  aussi  les  hu- 
manités dans  un  des  collèges  de  Paris. 
Sa  santé  faible  ne  lai  ayant  pas  permis  de 
continuer  la  carrière  de  l'enseignement, 
il  renonça  à  la  chaire  qu'il  occupait  dans 
un  lycée ,  ne  conserva  que  sa  place  de 
maître  de  conférences  à  l'école  normale  , 
et  entra  dans  l'administration  après  le  re- 
tour des  Bourbons.  Attaché  d'abord  à  la 
direction  de  la  librairie  en  qualité  de  chef 
du  secrétariat,  il  devint  immédiatement 
aprèa^les  c^nt-jours  chef  de  bureau  au 
ministère  de  la  justice.  Loyson  est  mort 
d'une  maladie  de  poitrine  le  50  juin  1820, 
à  peine  âgé  de  29  ans.  Il  avait  coopéré  à 
la  rédaction  de  différens  recueils  périodi- 
ques, au  Journal  des  Débats ,  au  Joui'nal 
général  de  France,  aux  Archives  pliiloso- 
phiques  ,  au  Spectateur  politique  et  litté- 
raire,  au  Lycée  français ,  etc.  On  a  de 
lui  :  j  Ode  sur  la  naissance  du  roi  de 
Rome  (  dans  les  Hommages  poétiques , 
touie  1",  page  39  )  ;  |  Ode  sur  la  chute  du 
tyran  et  le  rétablissement  de  nos  rois  lé- 
giti?nes .Pan-is,  iSikAn-S"  ;  \  De  l'influence 
de  l'étude  sur  le  bonheur  dans  toutes  les 
situations  de  la  vî<?, discours  en  vers,  qui 
a  obtenu  l'accessit  du  prix  de  poésie,  dé- 
cerné par  l'académie  française,  dans  sa 
séance  du  25  août  1817,  in-8''  ;  |  Le  Bon- 
heur de  rétude,  discours  en  vers,  et  au- 
tres poésies,  Paris,  Guillaume  ,  1817,  re- 
cueil dédié  à  S.  M.  Louis  XVIII,  qui  dai- 
gna indiquer  à  l'auteur  plusieurs  correc- 
tions utiles;  |  E pitres  et  Elégies,  ibid. , 
Dclestre-Boulage,  1819,  in-12;  |  Ode 
adressée  à  M.  Casinw'-Delavigne .  auteur 
des  Vêpres  siciliennes,  1819,  in-8°  ;  |  Ode 
sur  l'attentat  du  15  /'^VnVr  (  l'assassinat 
de  Louvel  sur  le  duc  de  Berry),  Paris, 
Delugon,  1820.  En  général ,  Loyson  avait 


LUB 


604 


LUB 


beaucoup  de  sensibilité  :  la  plus  douce 
mélancolie  règne  dans  ses  éléjîics ,  et 
SCS  vers  sont  harmonieux  et  élégans. 
Il  s'est  aussi  occupé  de  politique  : 
ses  principaux  ouvrages  en  ce  genre 
sont  :  \  De  la  Conqitête  el  du  démembre- 
ment d'une  grande  nation,  on  Lettre  écrite 
par  un  grand  d'Espagne  à  Bonaparte  ^ 
ibid.,  1815;  1  Tableau  de  la  constitution 
anglaise  j  par  Georges  Custance ,  traduit 
de  l'anglais  AhiA. ,  i8i7,  in-S";  |  Guerre 
à  qui  la  cherche .  ou  Petites  lettres  sur 
quelques-uns  de  nos  grands  écrivai?is , 
par  un  ami  de  tout  le  inonde ,  ennemi  de 
tous  les  partis  ^  ibid. ,  in-S"  ;  5*^  édition  , 
1818,  in-8°  ; ,  Seconde  campagne  de  guerre 
à  qui  la  cherche^  ou  Suite  de  Petites  let- 
tres sur  quelques-uns  de  nos  grands  écri- 
vains, ibid. ,  4818  ,  in-8°  ;  |  quelques  bro- 
cJiures  politiques.  Loyson  a  laissé  ma- 
nuscrite, et  en  vers  français,  wie  traduc- 
tion de  Tibulle.  M.  Cousin,  ancien  condis- 
ciple, ami  et  collègue  de  Loyson,  prononça 
sur  sa  tombe  un  discours  ,  que  M.  Mahul 
a  reproduit  dans  le  premier  volume  de 
son  Annuaire  nécrologique  ;  on  tiouve 
aussi  sur  lui  une  autre  notice  dans  le 
Lycée  français^  tome  5,  page  63-72  ;  enfin 
M.  H.  Patin  lui  a  consacré  un  article  bio- 
graphique dans  le  tome  18 ,  page  78  du 
Répertoire  de  littérature  ancienne  el  mo- 
derne. 

LUBBERT  (Sibbaxd),  docteur  protes- 
tant ,  dans  l'université  d'Heidelberg  ,  né 
à  Langoword  ,  dans  la  Frise  ,  vers  1556  , 
devint  professeur  à  Franeker,  où  il  mou- 
rut en  1625.  On  a  de  lui  un  grand  nombre 
d'ouvrages  qui  prouvent  en  lui  un  esprit 
querelleur  et  tracassier ,  qui  se  plaisait  à 
attaquer  tout  le  monde.  Il  écrivit  contre 
les  proteslans  les  plus  raisonnables ,  avec 
la  même  fureur  que  contre  les  catholi- 
ques. Grolius,  Arminius,  Gretzer,  Bcllar- 
iTiin  ,  etc.  ,  furent  l'objet  constant  de  ses 
déclamations  et  de  ses  sophismes.  Scali- 
ger,  qui  trouvait  en  lui  un  autre  lui-même, 
le  regardait  comme  un  savant.  Son  triiilé 
De  papa  romano ,  1594,  in-8",  est  la  prin- 
cipale production  de  son  fanatisme. 

•  LUBERSAC  (l'abbé  N....  de) ,  né  en 
1750  ,  au  château  de  Palmanteau  ,  dans  le 
Limousin,  embrassa  l'état  ecclésiastique, 
dcviiil  grand-vicaire  deNarbonne,  prieur 
de  Brives~la-Gaillarde ,  et  ensuite  abbé 
de  Noirlac.  Amateur  éclairé  des  arts,  il  tint 
Mes  correspondances  très  coûteuses ,  qu'il 
étendit  jusque  dans  l'Amérique  et  l'Asie 
avec  les  plus  célèbres  voyageurs.  L'abbé 
de  Lubersàc  quitta  la  France  en  1792, 


se  rendit  dans  les  Pays-Bas,  et  de  là  en  An- 
gleterre, où  il  est  mort  en  180i,  âgé  de  74 
ans.  Il  a  laissé  :  [  Oraison  funèbre  du  ma- 
réchal de  Noailles  ^  prononcée  à  Brivcs  , 
en  17G7 ,  in-fol.  ;  ]  Monumens  érigés  en 
France  à  la  gloire  de  Louis  XV.  1772  , 
in-fol.;  I  Discours  sur  les  monumens  pu- 
blics de  tous  les  âges,  avec  la  Description 
d'un  monument  projeté  à  la  gloire  de 
Louis  XVI ^  1775,  in-fol.  On  a  reproché 
à  cet  ouvrage  d'être  superficiel  et  inexact. 
i  Discours  sur  l'utilité  des  voyages  des 
princes.  Paris,  Caillot,  1782,  1787,  in-S"; 
I  Vues  politiques  sur  les  finances  ,  1787, 
in-4°;  |  le  Citoyen  conciliateur.  1788, 
in-4"  ;  |  Hommages  religieux  .  politiques 
et  funèbres  à  la  mémoire  cfe  Léopold  J1 
et  de  Gustave  III .  avec  leurs  portraits . 
Coblenlz ,  1792.  in-8''.  Le  produit  de  cet 
ouvrage  était  destiné  au  soulagement  des 
prêtres  insermentés  et  réfugiés.  |  Rela- 
tion de  la  journée  du  20  juin,  1792,  in-8°  ; 
I  quatre  Entretiens  spirituels  .  que  l'au- 
teur prêtait  à  Louis  XVI  pendant  sa  capti- 
vité; I  Eloge  historique  de  madame  Âîa- 
rie-Elizabeth .  prononcé  à  Dusseldorf, 
dans  l'ancienne  chapelle  de  la  congréga- 
tion des  jésuites,  en  présence  de  plusieurs 
évêques  et  seigneurs  émigrés.  —  Un  abbé 
de  LUBERSAC,  que  M.  Ersch  a  confondu 
avec  le  précédent ,  a  publié  un  Journal 
historique  el  religieux  de  l'éfnigration  et 
déportation  du  clergé  de  France  en  An- 
gleterre .\.onàïQ%,  1802,  in-8°. 

*  LUBERSAC  (le  marquis  de),  lieute- 
nant-général, né  en  1731,  entra  au  service 
à  l'âge  de  11  ans  ,  fit  la  guerre  en  17/».5,  et 
se  trouva  au  siège  de  Tournay  ,  où  il  i\\\ 
blessé  ;  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  com- 
battre à  Fontenoy ,  quoique  ses  blessures 
ne  fussent  pas  encore  cicatrisées.  Il  con- 
tinua de  suivre  avec  gloire  la  carrière 
militaire;  et  pendant  la  guerre  de  sept 
ans,  il  se  fit  remarquer  de  nouveau  par 
sa  valeur.  Il  était  lieutenant-général  au 
commencement  de  la  révolution.  N'en 
partageant  pas  les  principes ,  il  sortit  de 
France  avec  ses  enfans  ,  et  fit  la  guerre 
de  l'émigration.  Deux  de  ses  fils  périrent 
àQuibcron;le  troisième  rentra  en  France 
avec  son  père.  Ce  respectable  vieillard 
mourut  dans  le  mois  de  février  1820. 
Plusieurs  lui  ont  attribué  les  écrits  sui- 
vans  que  nous  avons  mentionnés  déjà 
dans  l'article  qui  précède  :  Le  Citoyen 
conciliateur .  Paris ,  1788,  in-4.°  ;  |  lîom- 
mages  religieux,  politiques  et  funèbres  à 
la  mémoire  de  Léopold  II  et  de  Gustave 
III ^  Coblenti,  1792,  in-8'. 


LUB 


605 


LUC 


lUBIENIECKI  (Stanislas),  Luhieni- 
cius  j  gentilhomme  polonais  ,  né  à  Craco- 
vie,  en  1623,  fut  un  des  soutiens  du  so- 
cinianisme.  Il  n'oublia  rit;a  auprès  des 
princes  d'Allemagne  pour  le  faire  auto- 
riserou  du  moins  tolérer  dans  leurs  états  ; 
mais  il  n'y  put  réussir.  Il  était  pasteur  de 
Lubiin,  lorscpi'il  fut  obli{jé  de  se  réfugier 
à  Hambourg.  Il  mourut  empoisonné  en 
1675,  après  avoir  vu  périr  de  même  deux 
de  ses  lilles,  et  fut  enterré  à  Alloua,  mal- 
gré l'opposition  des  ministres  luthériens. 
On  a  de  lui  :  |  Thealrum  cometicwn  , 
Amsterdam,  1GG8,  2  volumes  in-fol.  On  y 
trouve  l'histoire  des  comètes  ,  depuis  le 
déluge  jusqu'en  1667.  |  Une  Histoire  de  la 
réfotmation  de  Pologne^  Freistadt ,  1683, 
in-8°,  fruit  de  ses  préventions  et  de  ses 
erreurs. 

LUBIEi\SKI  (Stanislas),  évêque  de 
Pioscko  ,  mort  l'an  1660  ,  à  68  ans ,  a  pu- 
blié un  grand  nombre  d'ouvrages  ,  entre 
autres  :  |  Narralio  profectionis  in  Sue- 
ciam  Siyismundi  III  ;  \  une  dissertation 
intitulée  :  De  7'ebus  silesiacis;  \  De  jure 
regni  poloidci  ad  russicas  et  moscoviti- 
cas  regiones  ;  \  VHœ  plocensiutn  episco- 
porum  j  etc. 

LUBIIV  (saint  ),  né  à  Poitiers,  deparens 
pauvres ,  devint  abbé  du  monastère  de 
Brou  ,  puis  évêque  de  Chartres  en  544.  Il 
mourut  en  556  ,  après  avoir  passé  sa  vie 
dans  les  exercices  de  la  pénitence  et  dans 
la  pratique  des  vertus. 

LUBIIV  (EiLHAR»),  philologue  alle- 
mand, né  à  Wersterstède ,  dans  le  comté 
d'Oldenbourg ,  en  1565  ,  se  rendit  habile 
dans  les  langues  grecque  et  latine.  Il  de- 
vint professeur  de  poésie  à  Rostock  ,  en 
4595  ,  et  on  lui  donna,  10  ans  après,  une 
chaire  de  théologie  daris  ia  ménie  ville. 
Il  mourut  en  1621 ,  à  56  ans,  avec  la  ré- 
putation d'un  bon  humaniste  et  d'un  mau- 
vais théologien.  On  a  de  lui  :  |  des  Notes 
sur  Anacréon  ^  Juvénal .  Perse,  Horace  ; 
I  Antiquarius j.  in-12  et  in-8°  :  c'est  une 
interprétation  assez  claire  et  assez  courte, 
par  ordre  alphabétique  des  mots  vieux 
ou  peu  usités  ;  |  un  traité  sur  la  nature  et 
l'origine  du  mal ,  intitulé  :  Phosphorus 
de  causa  prima  et  natura  ?JiaIij  Rostock , 
in -8°,  1596,  et  1601,  in-12.  L'auteur  y 
soutient  qu'il  faut  admettre  deux  prin- 
cipes coéternels,  savoir.  Dieu  et  le  néant; 
Dieu  en  qualité  de  bon  principe  ,  et  le 
néant  en  qualité  de  mauvais  principe.  Il 
prétend  que  le  mal  n'est  autre  chose  que 
la  tendance  vers  ce  néant ,  auquel  il  ap- 
plique ce  qu'Arislole  a  dit  de  la  matière 


première.  Albert  Grawer  a  réfuté  cetîë^' 
extravagance  dans  son  traité  De  natura 
niali.  I  Une  apologie  du  livre  précédent , 
intitulé  :  De  causa  peccali ,  Rostock, 
1602,  i\x-k°;  I  des  Vers  latins,  dans  le 
tome  3  du  recueil  Delicice  poetarwn  tjer- 
mannrum. 

Ï.UBLX  (Augustin),  savant  religieux 
augustin ,  naquit  à  Paris  en  i62/i.  Il  d*;- 
vint  géographe  du  roi,  et  fut  proviiscial 
de  la  province  de  France  ,  puis  assistant 
général  des  Augustins  français  à  Rome.  U 
mourut  dans  le  couvent  des  Augustins  du 
faubourg  Saint-Germain  à  Paris,  en  1G95  , 
à  72  ans.  L'esprit  de  retraite  et  l'amour 
de  l'étude  lui  donnèrent  le  moyen  d'enri- 
chir la  république  des  lettres  de  divers 
ouvrages.  On  a  de  lui  :  |  le  Mercure  géo- 
graphique,  ou  le  Guide  des  curieux, 
in-12,  Paris,  1078.  Ce  livre,  qui  fut  re- 
cherché dans  le  temps ,  ne  peut  guère 
servir  aujourd'hui.  |  Des  Notes  sur  les 
lieux  dont  il  est  parlé  dans  \ç,  Marttjrologe 
romain .  Paris,  1661  ,  in-4°;  |  le  Pouillè 
des  abbayes  de  France ,  in-12  ;  |  la  Notice 
des  abbayes  de  l'Italie ,  m-h",  en  latin  ; 
I  Orbis  augustinianus ,  ou  la  notice  de 
toutes  les  maisons  de  son  ordre ,  avec 
quantité  de  caries  qu'il  avait  autrefois 
gravées  lui-même,  Paris,  in-12  ;  |  Tabulai 
sacrœ  geographicce. ,  in-S",  Paris,  1670. 
C'est  un  dictionnaire  de  tous  les  lieux  de 
la  Bible,  qui  est  souvent  joint  avec  la  Bible 
connue  sous  le  nom  de  Léonard.  \  Une 
Traduction  de  l'histoire  delaLaponie  du 
latin  de  Scheffer,  Paris,  1678,  in-4°,  fig.  ; 
I  Index  geographicus ,  sive  in  AJinales 
Usserianos  tabulée  et  observationes  geo- 
graphicce, publiées  à  la  tète  de  l'édition 
d'Ussérius,  faite  à  Paris  ,  en  1673 .  in-fol. 
Tous  ces  ouvrages  sont  des  témoignages 
de  l'érudition  du  père  Lubin.  Il  était  versé 
dans  la  géographie  ancienne  et  moderne, 
et  dans  l'histoire  sacrée  et  profane.  Ses 
livres  ne  sont  pas  écrits  avec  agrément , 
mais  les  recherches  en  sont  utiles. 

LUC  (saint),  évangéliste,  était  d'An- 
tioche,  métropole  de  Syrie,  et  avait  été 
médecin  On  ne  sait  s'il  était  juif  ou  païen 
de  naissance.  Il  fut  compagnon  des  voya- 
ges et  de  la  prédication  de  saint  Paul  cl 
commença  à  le  suivre  l'an  51  ,  quand  cet 
apôtre  passa  de  Troade  en  Macédoine. 
On  croit  qu'il  prêcha  l'Evangile  dans  la 
Dalmalie,  les  Gaules,  l'Italie  et  la  Macé- 
doine, et  qu'il  mourut  en  Achaïe;  mais 
on  ne  sait  rien  de  certain  ni  sur  le  temps, 
ni  sur  le  lieu  de  sa  mort.  Outre  son  Evan- 
gile ,  qu'il  écrivit  sur  les  Mémoires  dos 
îil. 


LVC 


C06 


LUC 


apôtres  ,  cl  dont  le  caractère  est  d'être 
plus  historique  ,  et  de  rapporter  plus  de 
fails  que  de  préceptes  qui  regardent  la 
morale,  on  a  de  lui  les  Jetés  des  apôtres. 
C'est  l'hisioire  de  leurs  principales  ac- 
tions à  Jérusalem  et  dans  la  Judée  ,  de- 
puis l'Ascension  de  J.-C.  jusqu'à  leur 
dispersion.  Il  y  rapporte  les  voyages ,  la 
prédication  et  les  actions  de  saint  Paul , 
jusqu'à  la  fin  des  deux  années  que  cet 
îiputre  demeura  à  Rome ,  c'est-à-dire  jus- 
qu'à l'an  63  de  J.-C.  :  ce  qui  donne  lieu 
de  croire  que  ce  livre  fut  composé  à 
Rome.  C'est  un  tableau  fidèle  des  mer- 
veilleux accroissemens  de  l'Eglise ,  et  de 
l'union  qui  régnait  parmi  les  premiers 
chrétiens.  Il  contient  l'histoire  de  30  ans, 
et  saint  Luc  l'écrivit  sur  ce  qu'il  avait  vu 
lui-même.  Toute  l'Eglise  l'a  toujours  re- 
coiuiu  pour  un  livre  canonique.  Il  est 
écrit  en  grec  avec  élégance ,  la  narration 
en  est  noble  .et  les  discours  qu'on  y 
trouve  sont  remplis  d'une  douce  chaleur. 
Saint  Jérôuic  dit  que  «  cet  ouvrage,  com- 
»  posé  par  un  homme  qui  était  médecin 
»  de  profession  ,  est  un  remède  pour  une 
»  àme  malade.  »  Saint  Luc  est  celui  de 
tous  les  auteurs  inspirés  du  nouveau  Tes- 
tament dont  les  ouvrages  sont  le  mieux 
écrits  en  grec.  Il  y  règne  une  simplicité 
et  en  même  temps  une  grâce,  une  onction, 
que  la  littérature  profane  n'a  jamais  su 
rendre.  La  manière  dont  il  a  écrit  l'his- 
toire de  J.-C,  de  ses  actions  el  de  sa 
doctrine,  a,  comme  celle  des  trois  autres 
cvangélistes ,  ce  caractère  frappant  de  vé- 
rité, ce  ton  de  persuasion  et  de  convicliorj 
qui  subjugue  l'entendement  et  confond 
la  philosophie  la  plus  irréligieuse.  «  Di- 
»  rons-nous, demande  J. -J.Rousseau,  que 
>  l'histoire   de  l'Evangile  est   inventée  à 

•  plaisir?  Non,  ce  n'est  pas  ainsi  qu'on 
»  invente.  Il  serait  plus  inconcevable  que 
»  plusieurs  hommes  d'accord  eussent  fa- 
»  brique  ce  livre ,  qu'il  ne  l'est  qu'un  seul 
■  en  ail  fourni  le  sujet.  Jamais  des  au- 
»  leurs  juifs  n'eussent  trouvé  ce  ton.  El 
»  l'Evangile  a  des  caraclères  de  vérité  si 
»  grands,  si  frappans,  si  parfaileuient  ini- 
»  milûbles,  que  l'inventeur  en  sérail  plus 

•  étonnanlque  le  héros.  »(/^oyez  MAilC.) 
On  pense  que  c'est  l'Evangile  de  saint 
Luc  que  saint  Paul  appelle  son  Evangile 
dans  l'Epilre  aux  Romains.  L'Eglise  célè- 
lire  ia  fêle  de  cet  évangéliste  le  18  octobre. 
Saint  Jérôme  prétend  qu'il  demeura  dans 
\i'.  célibat,  el  qu'il  vécut  jusqu'à  83  ans. 
Vove7.  dom  Calmel,  Dictioimaire  de  la 
mhlc,  Lardner  el  Mill. 


LUC.  Voyez  LUCAS. 
LUC  (de),  royez  DELVC. 

LUC  (saint  ).  Voyez  ESPINAY. 

LUCÀ.  Voyez  SIGNORELLI. 

LUCA (  Jevx-Raptiste  de ),  savant  car- 
dinal, natif  de  Venosa,  daas  1*  Basilicate, 
mort  en  1683,  à  66  ans,  s'éleva  à  la  pour- 
pre par  son  mérite;  car  il  était  d'une 
naissance  très  obscure.  On  lui  doit  :  |  des 
IVotes  sur  le  concile  de  Trente  ;  |  une  Re- 
lation curieuse  de  la  cour  de  Rome^  1680, 
in-i."  ;  |  une  compilation  étendue  sur  le 
droit  ecclésiastique ,  en  12  volumes  in-fol. 
Elle  est  intitulée  :  Theatruin  justitiœ  et 
veritalis.  la.  meilleure  édition  est  celle  de 
Rome. 

LUCAI\  (  Anx.kus-Map.cus),  Liicanus, 
poète  latin,  naquit  à  Cordoue  en  Espagne, 
l'an  38  de  J.-C. ,  d'Annseus  Mêla,  frère  do 
Sénèque  le  philosoplie.  Il  vint  à  Rome  de 
bonne  heure ,  fut  admis  à  la  cour  de  Ca- 
Hgula,  el  s'y  fil  connaître  par  ses  décla- 
mations en  grec  el  en  latin.  Plus  tard  Né- 
ron ,  charmé  de  son  génie ,  le  fit  élever 
avant  l'âge  aux  cliarges  d'augure  el  do 
questeur.  Cet  empereur  voulait  avoir  sur 
le  Parnasse  le  même  rang  qu'il  occupait 
dans  le  monde.  Lucain  eut  la  noble  im- 
prudence de  disputer  avec  lui  le  prix  do 
la  poésie  ,  et  le  dangereux  honneur  de  le 
remporter.  Les  sujets  qu'ils  traitèrent 
étaient  Orphée  et  Niobé.  Lucain  s'exerça 
sur  le  premier ,  el  Néron  sur  le  second. 
Cet  empereur  eut  la  douleur  de  voir  son 
rival  couronné  sur  le  théâtre  de  Pompée. 
Il  chercha  toutes  les  occasions  de  morti- 
fier le  vainqueur,  en  allendanl  celle  de  le 
perdre.  Elle  se  présenta  bientôt.  Lucain, 
irrité  contre  son  persécuteur  ,  entra  dans 
la  conjuration  de  Pison,  el  fut  condamné 
à  mort.  Toute  la  grâce  que  lui  fil  le  tyran 
fut  de  lui  donner  le  choix  du  supplice.  Il 
se  fil  ouvrir  les  veines  dans  un  bain  chaud, 
el  prononça,  dit  Tacite,  dans  ses  derniers 
moinens,  les  vei'S  de  sa  Pharsale  qu'il 
avait  faits  sur  un  soldai  qui  était  mort  do 
la  sorte  ;  mais  ce  sang-froid  ne  répond; 
guère  aux  efforts  qu'il  fit  pour  se  conser-; 
ver  la  vie.  Il  accusa  sa  mère,  el  rejeta  sur 
elle  tous  les  complots.  Il  est  difficile  de 
concilier  cette  lâcheté  avec  les  senlimena 
élevés  que  ses  ouvrages  respirent  :  mais 
on  sait  que  les  leçons  des  philosophes  ne 
sont  pas  toujours  d'accord  avec  leurs  ac- 
tions. Il  expira  l'an  05  de  J.-C.  «  TeU(^  fut, 
B  dit  un  philosophe,  la  fin  tragique  de 
»  Lucain  ,  qu'une  vaine  dispute  pour  \\n 
«laurier  stérile  avança;  car  peut-être 
»  n'eùt-jl  jamais  conspiré  contre  Néron, 


LUC 

u  si  le  tyran  n'eût  pas  eu  la  folie  de  join- 
»  dre  à  ses  autres  fureurs  celle  de  vouloir 
»  être  bel-esprit.  Mais  ce  qui  doit  étonner, 
»  c'est  que  les  juges,  malgré  la  terreur  et 
»  la  crainte  qu'il  inspirait ,  aient  eu  le 
B  courage  de  déclarer  mauvais  ses  vers , 
s  en  couronnant  ceux  de  son  rival.  »  De 
tous  les  ouvrages  que  Lucain  a  composés, 
il  ne  nous  reste  que  sa  Pharsale  ^  ou  la 
Guerre  de  César  et  de  Pompée .  poème 
épique.  Lucain  n'apas  osé  s'écarter  de  l'his- 
toire dans  ce  poème,  et  par  là  il  l'a  rendu 
sec  et  aride.  En  vain  veut-il  suppléer  au 
défaut  d'invention  par  la  grandeur  des 
scnlimens  ;  il  est  fort  souvent  tombé  dans 
l'enflure  ,  dans  le  faux  sublime  et  dans  le 
gigantesque.  César  et  Pompée  y  sont  quel- 
quefois petits  à  force  d'y  être  grands.  Ce 
poète  n'emploie  ni  la  poésie  l)rillante 
d'Homère,  ni  l'harmonie  de  Virgile.  Mais 
s'il  n'apas  imité  les  beautés  du  poète  grec 
et  du  latin,  il  a  aussi  des  traits  qu'on 
chercherait  vainement  dans  l'Iliade  et 
dans  l'Enéide.  Au  milieu  de  ses  déclama- 
lions  ampoulées ,  il  offre  des  pensées 
tnàlcs  et  hardies  ,  des  maximes  sages  et 
profondément  réfléchies.  Lucain  périt  à 
îàge  de  27  ans  :  il^lail  désigné  consul 
pour  l'année  suivante.  La  4"^"  édition  de 
Lucain  est  de  Rome,  1469,  in-fol. ;  l'édi- 
lioncwm  variis  lectionibus  est  de  Leyde  , 
1669 ,  in-8"  :  celle  de  Leyde  ,  1728 ,  en  2 
vol.  in-/i.°,  est  plus  estimée  que  celle  de 
17/iO  -,  mais  toutes  le  cèdent  à  l'édition  de 
Strawberry-Hill,  1767,  in-/t.°,  gr.  pap.  Il  y 
en  a  une  jolie  édition  de  Paris  ,  Barbou  , 
i767)  in-12,  et  1765  in-fol.  (c'est  celle  de 
lionouard  tirée  à  212  exemplaires).  Bré- 
l*euf  a  traduit  la  Pharsale  en  vers  fran- 
çais ,  et  il  ne  fallait  pas  moins  que  l'ima- 
gination vive  et  fougueuse  de  ce  poète 
{)mn-  rendre  les  beautés  et  les  défauts  de 
l'original.  On  a  publié  en  1816  un  frag- 
ment sous  ce  titre  :  Traduction  libre  en 
vers  du  premier  livre  de  la  Pharsale  de 
Lucain  par  Aug.  Sirmian,  in-8°.Marinon- 
tel  et  Masson  en  ont  donné  deux  versions 
«r.  prose  :  l'ime  en  1768 ,  2  vol.  in-8",  et 
J'autre  en  1766,  2  vol.  in-12.  M.  le  cheva- 
lier de  Laurès  a  publié  en  1770  une  nou- 
velle traduction  de  Lucain  en  vers,  on 
plutôt  une  imitation,  1  volume  in-S°,  et 
M.  Amar  une  en  prose  en  1816.  La  Phar- 
sale de  Lucain  a  été  traduite  en  italien 
par  Moloncelli,  Rome,  1707,  in-Zi",  et  par 
Cristoforo  Borcella,  Pisc,  1804,  2  volumes 
iu-4°;  en  espagnol  par  D.  Juan  de  Jau- 
regui,  Madrid,  1684,  in-4";  en  anglais  par 
Nie.  Rowe,  Londres,  1708,  in-fol. 


607  LUC 

LUCAIVUS.  Voijez  OCELLUS. 

LUCAR.  Voxjez  CYRILE  LUCAR. 

LUCAS.  Voyez  LUCA. 

LUCAS  DE  LEYDE,  peintre  et  graveur, 
né  en  1494  ,  apporta  en  naissant  un  goût 
décidé  pour  la  peinture ,  et  il  le  perfec- 
tionna par  une  grande  application.  A  12 
ans ,  il  fit  un  tableau  estimé  des  connais- 
seurs. Ses  talens  lui  acquirent  l'estime  de 
plusieurs  artistes,  et  particulièrement 
d'Albert  Durer,  qui  vint  exprès  en  Hol- 
lande pour  le  voir.  S'étant  imaginé,  au 
retour  d'un  voyage  de  Flandre ,  qu'on 
l'avait  empoisonné  ,  il  passa  ses  six  der- 
nières années  dans  un  état  languissant , 
et  presque  toujours  couché.  Il  ne  cessa 
pas  pour  cela  de  peindre  et  de  graver  : 
Je  veux,  disait-il ,  que  mon  lit  me  soit  un 
lit  d'honneur.  Il  mourut  en  1533 ,  à  59 
ans.  Ses  figures  ont  beaucoup  d'expres- 
sion,  ses  attitudes  sont  naturelles,  et  il 
a  un  bon  ton  dans  le  choix  de  ses  cou- 
leurs ;  mais  il  n'a  pas  jeté  assez  de  variété 
dans  ses  tètes;  ses  draperies  ne  sont  pas 
bien  entendues  ,  son  dessin  est  incorrect, 
et  son  pinceau  n'est  pas  assez  moelleux. 

LUCAS  TUDENSIS ,  ou  LUC  DE  TUY, 
écrivain  du  13'  siècle,  ainsi  nommé 
pai'ce  qu'il  était  diacre  ,  puis  évêque  de 
Tuy  en  Galice ,  fît  divers  voyages  en 
Orient  et  ailleurs,  pour  s'informer  de  la 
religion  et  des  cérémonies  des  différentes 
nations.  Il  composa  à  son  retoxir  :  |  un 
ouvrage  contre  les  Albigeois,  écrit  d'une 
manière  exacte  et  judicieuse  ,  imprimé  à 
Ingolstadt  en  1612,  et  qui  se  trouve  dans 
la  Bibliothèque  des  Pères  ;  |  une  Histoire 
d'Espagne  ,  depuis  Adam  jusqu'en  1256  ; 
I  la  Vie  de  saint  Isidore  de  Séville , 
composée  l'an  1236,  insérée  dans  Ma- 
billon. 

LUCAS  BRUGE.\'SIS  (  François  ) ,  ou 
LUC  DE  BRUGES,  licencié  en  théologie 
à  Louvain ,  et  doyen  de  l'église  de  Saint- 
Omer  ,  mourut  en  1619  ,  à  70  ans.  Il 
possédait  les  langues  grecque  ,  hébraï- 
que ,  syriaque  et  chaldaïque.  On  a  de 
lui  :  1  V Itinéraire  de  J.-C,  tiré  dos  quatre 
évangélisles  ;  |  Commentaires  sur  les 
Evangiles;  \  Usage  de  la  Paraphrase 
chaldaïque  de  la  Bible  ;  \  Remarques  sur 
les  corrections  les  plus  notables  des  Bi- 
bles latines;  \  Notes  critiques  sur  les 
exemplaires  des  Bibles  latines  et  les  va- 
riantes ;  I  ...  sur  les  variantes  des  Evan- 
giles, tant  du  texte  grec  que  du  latin. 
Tous  ces  ouvrages  ,  imprimés  plusieurs 
fois  séparément ,  ont  été  recueillis  avec 
ordre  à  Lcydc,  1712,  o  vol.   in-fol.;  [  des 


LUC 


G08 


LUC 


Concordances  de  la  Bible  selon  la  Vul-  ' 
pate  de  Sixte  V.  Hubert  Phalésius,  béné- 
dictin de  l'abbaye  d'Afflitîliem  ,  mort  en 
1658,  dans  le  Brabant,  l'avait  corrigée  et 
augmentée,  et  une  meilleure  édition  en 
fut  donnée  à  Anvers,  en  1642,  in-fol. 
Hugues  de  Saint-Cher  est  l'inventeur  de 
cet  ouvrage  si  utile  pour  trouver  sans 
peine  tel  passage  de  l'Ecriture  que  l'on 
souhaite  ;  |  Instructions  pour  les  confes- 
seurs ;  I  des  Sermons  et  Oraisons  funè- 
bres.  Anvers,  in-8°. 

LUCAS  (  Paul  ) ,  né  à  Rouen  en  166/t 
d'un  marchand  de  cette  ville ,  eut  dès  sa 
jeunesse  une  inclination  extrême  pour  les 
voyages,  et  il  la  satisfit  dès  qu'il  put.  Il 
parcourut  plusieurs  fois  le  Levant ,  l'E- 
gypte, laTurquie  et  différens  autres  pays. 
il  en  rapporta  un  grand  nombre  de  mé- 
dailles et  d'autres  curiosités  pour  le  ca- 
binet du  roi  de  France,  qui  le  no^l^■^)a 
son  antiquaire  en  1714 ,  et  lui  ordonna 
d'écrire  l'histoire  de  ses  voyages.  Louis 
XV  le  fil  partir  de  nouveau  pour  le  Levant 
en  1723.  Lucas  revint  avec  une  abondante 
moisson  de  choses  rares,  parmi  lesquelles 
on  distingua  quarante  manuscrits  pour  la 
bibliothèque  du  roi,  et  deux  médailles 
d'or  très  curieuses.  Sa  passion  pour  les 
voyages  s'élant  réveillée  en  1756,  il  partit 
pour  l'Espagne,  et  mourut  à  Madrid 
l'année  d'après,  après  huit  mois  de  ma- 
ladie. Les  relations  de  ce  célèbre  voya- 
geur sont  en  7  vol.  Son  Voyage  au  Le- 
vant ,  en  1699  ,  Paris ,  1704 ,  est  en  2  tom. 
in-12,  qui  se  relient  en  un.  Son  Voyage 
dans  la  Turquie^,  V Asie,  la  Syrie  ^  la  Pa- 
lestine,  la  haute  et  basse  Egypte ,  en 
1704,  parut  à  Paris,  1719,  5  vol.  in-12. 
Son  Voyage  dans  la  Grèce  ,  dans  l'Asie- 
Mineure ,  dans  la  Macédoine  et  dans 
l'Afrique,  fait  en  1714,  fut  publié  à 
llouen ,  1724 ,  3  vol.  in-12.  On  assure  que 
ces  voyages  ont  été  mis  en  ordre  par  dif- 
férentes personnes  :  le  premier ,  par 
iîeaudelot  de  Dairval  ;  le  deuxième,  par 
Fourmont  l'aîné;  et  le  troisième,  par 
l'abbé  Banier.  Ils  sont  passablement  écrits 
et  assez  amusans  pour  ceux  qui,  dans  ces 
sortes  d'ouvrages,  ne  cherchent  ni  la  vé- 
rité ni  la  vraisemblance.  Dans  les  choses 
même  que  le  voyageur  était  le  plus  à 
même  de  vérifier  ,  il  n'a  mis  ni  discerne- 
ment ni  exactitude. 

LUCAS  (Richard),  théologien  anglais 
et  docteur  d'Oxford,  né  en  Ecosse,  mou- 
rut en  171!) ,  âgé  de  76  ans.  On  a  de  lui 
des  Sermons ,  nwii  Morale  sur  l'Evan- 
gile,   des  Pensées  cJuctiewie s,  \&  Guide 


des  deux  j  et   d'autres  ouvrages  en 
glais. 

*  LUCAS  (  Jeax-A\dré-Hekri)  ,  m 

raliste,  né  à  Paris  en  1780  ,  mort  da 
même   ville   le  6  février   1825  ,  était 
d'un  conservateur    des  galeries  au 
séum  d'histoire  naturelle  :  élevé  dans 
établissement ,  il  s'occupa  de  bonne  he 
de  l'histoire  naturelle  et  particulièrem 
de  la  minéralogie.  Il  contribua   à  fi 
disposer  avec  plus  de  goût  et  d'une 
nière  plus  avantageuse  pour  l'étude 
différons  échantillons  de  ce   vaste  cabi 
r\el.   Ce    fut  aussi    dans   l'intérêt  de 
science  qu'il  voyagea  dans  l'Italie ,   d'o 
il  rapporta  une   collection  des  produi: 
volcaniques  du  Vésuve  et  de  l'Etna.  0 
doit  à  Lucas  un  Tableau  méthodique  dt 
espèces  minérales,  V'^  partie,  1806, 
8";   2"  partie,  1812,   recueil  utile  pou 
ceux  qui  veulent  parcourir  avec  fruit  1( 
galeries  du  muséum  ou  ranger  facilemei 
les  collections  qu'ils   entreprennent,   o 
reconnaître  les  minéraux  qu'ils  peuvei 
rencontrer  dans  leurs  voyages  ;  Haiiy  e 
faisait  l'éloge  ;  la  seconde  édition  du  Dii 
tionnaire  d'histoire  naturelle,  publié  pa 
le  libraire  DéterviMe  ,  dont  Patrin  ava 
rédigé  la  première  édition.  Lucas  a  re( 
tifié  les  inexacliludes  de  son  prédéces 
seur,  et  il  l'a  porté  au  niveau  des  cor 
naissances  actuelles  que  celui-ci  avait  tro 
négligées.  Il  a  été  aussi  un  des  collaboré 
leurs  du  Dictionnaire  classique  d'histoii 
naturelle,   publié  sous  la    direction  d 
M.  Bory  de  Saint-Vincent.  Le  huitièin 
volume  de  ce   dernier  ouvrage   conliei 
une  Notice  sur  Lucas. 

'  LUCAS  (  Jean-Pacl)  ,  peintre  ,  né 
Toulouse,  où  il  a  créé  le  musée,  fi 
obligé ,  pour  le  fonder ,  de  lutter  contre! 
vandalisme  brutal  et  impie  des  représeï 
tans  délégués  dans  le  département  de 
Haute-Garonne,  qui  voulaient  anéa 
des  chefs-d'œuvre,  sous  prétexte  q- 
'consacraient  le  souvenir  de  la  supe 
(ion  et  de  la  féodalité.  On  a  de  ce  peint n 
qui  est  mort  à  Toulouse  en  1808,  un  Ce 
lalogue  historique  et  critique  des  ti 
bleaux  et  autres  monumens  des  arts  d 
musée  de  Toulouse  ,  5*^  édition,  l8-'6,  t 
Préceptes  sur  la  manière  d'apprendre 
6fessî;;é?/-^  Toulouse,  1804,  in-y". 

*  LUCAS  (  Fkaivçois  ),  sculpteur,  frèi 
du  précédent,  né  à  Toulouse  en  173(; 
mort  dans  la  même  ville  en  1813,  olitii 
le  grand  prix  en  1761  ,  et  fut  nommé  e 
1764  professeur  de  sculpture.  Il  se  monti 
passionné  pour  les  modèles  antiques. 


1 


LUC 


609 


LUC 


réunit  dans  une  des  salles  de  l'académie 
iutant  qu'il  put  de  ligures  moulées,  et 
recueillit  dans  un  voyage  qu'il  fit  en  Ha- 
ie ,  un  grand  nombre  de  médailles  celti- 
bériennes  ,  grecques  et  romaines  ,  de  figu- 
ines  antiques,  etc.  On  a  de  lui  en  terre 
uité ,  en  plâtre ,  en  bois  et  en  plomb , 
plus  de  150  statues  en  bas-reliefs  ,  parmi 
lesquelles  nous  citerons  les  Adoi-ateurs  ^ 
le  Mausolée  Puyvert^  la  ville  de  Toulouse^ 
VOccitanie,  et  surtout  la  Jonction  des 
deux  mers. 

LUCC.\RI  (Jeaiv),  jésuite  italien, 
né  à  Raguse ,  fut  destiné  dabord  à  l'état 
ecclésiastique ,  et  porta  pendant  quelque 
temps  le  titre  d'abbé  ;  il  florissait  vers 
1629.  Il  s'était  rendu  célèbre  dans  sa  com- 
pagnie par  son  goût  pour  la  bonne  lillé- 
rature  et  par  son  éloquence.  Il  fut 
long-temps  professeur  de  rliétorique  au 
collège  romain,  et  compta  parmi  ses 
nombreux  élèves  des  personnes  illustres, 
notamment  le  cardinal  Tolomei,  et  Jeau- 
Fran<;ois  Albani,  depuis  pape  sous  le 
nom  de  Clément  XI.  On  a  du  père  Jean 
Luccari  plusieurs  discours  éloqucns  dont 
les  principaux  sont  :  1  V Oraison  funèbre 
du  cardinal  Lugo ,  de  la  compagnie  de 
Jésus  ^  prononcée  à  Rome  ,  dans  l'église 
de  la  maison  professe  ,  Rome ,  1660  (  V. 
LUGO);  I  X Oraison  funèbre  du  cardinal 
Marie-Antoine  Francioiti ,  Rome,  1666. 
Ces  deux  oraisons  funèbres  sont  en  latin. 
I  Stanislas  Kotska  ^  drama  sacrum , 
Rome,  1709.  Le  père  Luccari  mourut  celte 
même  année ,  âgé  de  80  ans. 

LUCCHESINI  (JEAN-VisfCEXT),  sa- 
vant prélat  de  Lucqucs  où  il  était  né  en 
1660 ,  fut  secrétaire  des  papes  Clément  XI 
et  Benoit  XIV ,  et  mourut  à  Rome ,  en 
Klhk,  âgé  de  plus  de  80  ans.  On  a  de  lui  : 
I  une  Histoire  de  son  temps ,  estimée  en 
Italie,  dit  l'abbé  Lenglet ,  et  qui  le  serait 
ailleurs  si  elle  était  connue.  Elle  a  paru 
à  Rome,  en  1723,  3  volumes  \n-h.°.  |  Une 
Traduction  en  latin  des  Oraisons  de  Dé- 
mosthènes. 

•  LUCCHESmi  (le  marquis  Jérôme 
de) ,  diplomate  prussien,  d'une  des  plus 
illustres  familles  de  Lucques ,  où  il  na- 
quit en  1746  ,  y  reçut  une  éducation  soi- 
gnée. Quelques  amis  qu'il  avait  à  Berlin 
l'appelèrent  dans  cette  ville ,  où  il  plut  à 
Frédéric  le  Grand,  qui  le  nomma  son  bi- 
bliothécaire et  l'admit  dans  son  intimité. 
Le  successeur  de  ce  roi,  Frédéric-Guil- 
laume, hérita  de  son  amitié  pour  le  mar- 
quis de  Lucchesini .  et  l'envoya  ,  en  1788 , 
comme   son    ambassadeur   à  Varsovie, 


lors  de  l'ouverture  de  la  grande  diète, 
où  il  sut  flatter  adroitement  le  parti  de 
l'indépendance.  En  mars  1790  ,  il  réussit 
à  conclure  un  traité  d'alliance  entre  la 
Prusse  et  la  Pologne ,  et  trois  mois  après 
il  assista  aux  conférences  de  Reichen- 
bach,  où  se  trouvaient  les  envoyés  de  la 
Hollande  et  du  roi  d'Angleterre.  On  y 
avisa  aux  moyens  d'empêcher  la  guerre 
entre  l'Autriche  et  la  Porte-Oltomane. 
Le  traité  alors  ajourné,  fut  stipulé,  en 
1791,  à  Schistow^e.  L'année  suivante, 
Lucchesini  retourna  à  son  ambassade  de 
Varsovie  ;  mais  les  nouvelles  relations 
qui  s'établirent  entre  la  Prusse  et  la  Russie 
l'obligèrent  à  rompre  le  traité  de  1790 ,  et 
à  quitter  Varsovie  ,  les  troupes  prus- 
siennes étant  sur  le  point  d'entrer  dans 
la  Grande-Pologne.  Nommé ,  en  1793 ,  à 
l'ambassade  de  Vienne  ,  il  accompagna 
néanmoins  le  roi  Guillaume  vers  le  Rhin  , 
et  y  resta  toute  cette  campagne.  Le  1k 
juin,  il  se  trouva  devant  Mayence,  et 
signa  le  traité  d'alliance  tffensive  et  dé- 
fensive entre  la  Prusse  et  l'Angleterre 
contre  la  république  française.  Il  retourna 
à  Vienne ,  qu'il  quitta  en  1791 ,  pour  se 
rendre  auprès  de  son  roi ,  qui  était  devant 
Varsovie ,  et  dont  les  troupes  se  retirèrent 
à  la  fin  de  la  campagne.  Lucchesini  de- 
manda alors  pour  la  troisième  fois  sa  re- 
traite ;  elle  lui  fut  accordée  et  il  ne  s'oc- 
cupa jusqu'en  1797 ,  que  de  négociations 
secondaires  avec  l'Autriche.  Cependant , 
sollicité  par  son  souverain,  il  vint,  en 
1802,  à  Paris,  comme  ministre  plénipo- 
tentiaire auprès  du  premier  consul  Bona- 
parte. Sa  mission  remplie ,  il  retourna  à 
Berlin.  A  l'époque  du  couronnement  de 
Napoléon  comme  roi  d'Italie  ,  Lucchesini 
se  rendit  à  Milan  pour  présenter  à  ce  con- 
quérant l'ordre  de  l'Aigle-Noir,  au  nom 
du  roi  de  Prusse  ;  ordre  dont  il  décora 
également  plusieurs  personnages  de  la 
cour  de  Napoléon.  Envoyé  de  nouveau 
comme  plénipotentiaire  à  Paris ,  il  y 
resta  jusqu'à  la  fin  de  la  campagne  do 
1803  contre  l'Autriche ,  et  en  partit  en 
1806 ,  pour  ime  mission  secrète  relative 
aux  négociations  commencées  par  le 
comte  dHaugwitz.  Lorsque  la  Prusse  eut 
déclaré  la  guerre  à  la  France ,  Lucche- 
sini se  retira  à  Lucques  ,  sa  patrie.  Mais 
accoutumé  au  fracas  des  cours ,  il  paraît 
qu'il  n'en  sut  pas  perdre  l'habitude  même 
à  l'âge  de  70  ans  ;  aussi  il  entra,  en  qua- 
lité de  chambellan,  au  service  d'Elisa 
Bacciocchi,sœur  de  Napoléon,  alors  prin- 
cesse de  Lucques ,  et  grande-duchesse  de 


LUC 


CIO 


LUC 


Toscane.  Lors  de  la  chute  de  la  famille 
Bonaparte ,  il  abandonna  entièrement  les 
affaires.  Il  est  mort  le  19  octobre  1823- 
^  *  LUCCIIESIIVI  (CÉSAR  ),  frère  du  pré- 
cédent ,  né  à  Lacques ,  en  1736 ,  fit  ses  étu- 
des à  Modène  ,  à  Reggio ,  puis  à  Rome , 
et  s'occupait  avec  succès  d'études  litté- 
raires, lorsqu'il  fut  député  au  Directoire , 
en  1798 ,  pour  garantir  la  petite  républi- 
que de  Lucques  de  l'invasion  des  armées 
françaises.  Sa  démarche  n'eut  aucun  ré- 
iultat ,  et  il  renonça  à  toute  espèce  de 
fonctions  publiques,  pour  se  livrer  à  la 
culture  de  la  poésie ,  des  belles-lettres  ,  et 
surtout  de  la  philologie ,  science  dans  la- 
quelle il  s'était  fait  un  nom  célèbre.  Ses 
ouvrages,  sur  des  sujets  très  variés,  s'é- 
lèvent au  nombre  de  102.  Nous  citerons  : 
I  Essai  d'un  vocabulaire  de  la  langue  pro- 
vençale; j  Institution  d'économie  civile  ; 
I  Essai  sur  l'Histoire  du  théâtre  italien 
dans  le  moyen  âge  ^  1788;  |  Lettre  à  Mi- 
cali  sur  quelques  passages  d'Homère  ^ 
1819;  I  Origine  du  Polythéisme  ;  \  His- 
toire littéraire  du  duché  de  Lucques; 
I  Des  sources  des  langues  anciennes  et 
modernes.  Luccliesini  est  mort  à  Luc- 
ques ,  à  l'âge  de  75  ans  ,  le  16  mai  1852. 

LUCCHI.  rayez  LUCHI. 

LUGE,  pape.  J^o/ez  LUCIUS. 

*  LUGE  DE  LAÎVCIVAL  (  Jean-Char- 
LES-JuLiE\) ,  poète  et  professeur  de  bel- 
les-lettres, né  en  1766  à  Saint-Gobin ,  en 
Picardie ,  fit  d'excellentes  études  au  col- 
lège de  Louis  le  Grand  à  Paris ,  et  était  en 
rhétorique  lorsqu'il  composa  sur  la  mort 
de  l'impératrice  Marie-Thérèse,  un  poème 
latin  qui  lui  valut  de  la  part  de  Frédéric 
Il ,  roi  de  Prusse  ,  une  lettre  et  un  pré- 
sent. Peu  de  temps  après ,  Joseph  II  lui 
accorda  une  pension.  De  tels  eucourage- 
mens  fortifièrent  la  verve  du  jeune  poète , 
qui  avait  fait  de  Virgile  et  de  Stace  ses 
auteurs  favoris ,  et  il  donna  encore  un 
poème  latin  sur  la  paix  de  1785  (De  pace 
Carmen),  178/».,  in-i.°.  En  1783,  parut 
son  poème  sur  le  Globe.  Le  talent  que  ré- 
vélaient ces  ouvrages ,  où  brillait  un  goût 
pur  et  classique ,  fit  appeler  leur  au- 
teur, âgé  seulement  de  22  ans  ,  à  la  chaire 
de  rhétorique  du  collège  de  Navarre.  Luce 
de  I^ncival  s'était  fait  remarquer  de 
M.  de  Noë ,  évèque  de  Lescar,  dont  il  cul- 
tivait la  société.  Après  avoir  abandonné 
ses  fonctions  de  professeur,  il  embrassa 
l'état  ecclésiastique ,  et  suivit  ce  prélat 
dans  son  diocèse,  en  qualité  de  grand- 
vicaire.  Ses  sermons  attirèrent  la  foule 
depuis  17S7  jusqu'en  1790,  mais  ils  n'ont 


point  été  publiés.  Malheureusement  pfus 
tard ,  Luce  de  Lancival  ne  comprit  poiui 
toute  l'étendue  des  devoirs  que  son  ca- 
ractère  sacré  lui  imposait.  Il  renonça , 
sous  la  révolution,  à  son  ministère,  s'oc- 
cupa dans  sa  retraite  de  littérature  et  de 
poésie ,  et  ne  reparut  qu'à  la  fin  de  nos 
troubles,  pour  occuper  la  place  de  pro- 
fesseur de  belles-lettres  dans  un  lycée  de 
Paris.  Il  composa  depuis  des  discours 
destinés  à  être  prononcés  dans  les  céré' 
monies  publiques,  et  remarquables  par 
leur  style  brillant  et  soutenu.  Celui  qu'il  fit 
entendre  à  la  distribution  des  prix  du 
Prytanée,  parut  en  1800,  in-8".  Cepen- 
dant il  était  en  proie  à  des  maux  cruels 
qu'il  souffrait  avec  courage,  et,  en  1790, 
on  lui  avait  fait  l'amputation  d'mie  jambe^ 
opération  qui  fut,  dit-on  ,  la  suite  de  ses 
jnauvaises  mœurs.  Sa  tragédie  d'Hector 
lui  fit  donner  par  Napoléon ,  la  croix  de 
la  légion-d'honneur  et  une  pension  de 
6,000  francs,  et  dans  le  concours  qui  fut 
ouvert  pour  célébrer  le  mariage  de  l'em- 
pereur avec  Marie-Louise,  Luce  de  Lan^ 
cival  remporta  le  grand  prix  du  dis- 
cours lalh».  Il  était  sur  son  lit  de  mort, 
et  la  gangrène  s'était  mise  dans  la  jambe 
qui  lui  restait ,  lorquun  page  ,  accompa- 
gné des  grands  dignitaires  de  l'univer- 
sité, lui  apporta  de  la  part  de  l'empereur 
la  médaille  d'or  et  la  couronne  de  laurier. 
Il  expira  le  lendemain  ,  13  avril  1810,  à 
l'âge  de  hk  ans.  Outre  les  deux  poèmes  la- 
tinseilepoètnesicrleGlobe^qncnousavom 
déjà  cités,  cet  auteur  a  laissé  :  j  Epitre  à 
Clarisse  sur  les  danqers  de  la  coquetterie, 
suivie  d'une  Epitre  à  l'ombre  de  Caroline  ; 
I  Folliculus,  poème  en  4  chants,  dirigé 
contre  Geoffroy,  dont  les  articles  dans  la 
Journal  des  Débats  l'avaien.!  exaspéré; 
I  Eloge  de  M.  de  Noë ^  couronné  par  le 
musée  de  l'Yonne,  Auxerre,  1804  ,  in-8"} 
I  Achille  à  Scyros,  Paris,  1807,  in-8' 
poème  imité  de  l'Achilléide  de  Stace  :  1^ 
style  y  est  recherché,  l'ordonnance  défeo» 
tueuse,  l'action  farble;  mais  il  est  gêné? 
ralement  assez  bien  versifié.  |  Plusieurs 
tragédies  :  Mutins  Sccevola,  en  3  actes 
1795  ;  I  Honnisdas,  en  5  actes ,  imprimé^ 
en  1804;  |  Ar cl libald  et  Fernande z .  toutet 
deux  aussi  eu  3  actes  ;  1  Périandre,  1798, 
en  3  actes;  enfin  |  celle  d'Hector^  en  ! 
actes,  de  laquelle  M.  Villemain  a  dit 
qu'elle  était  véritablement  homérique  el 
puisée  tout  entière  dans  llliade  :  c'est  h 
seule  qui  ait  eu  du  succès  au  Ihcàtre.  Or 
a  i)ul)lié  en  1826  les  Olùivres  de  Luce  di 
Lancival  précédées  d'une  notice  par  Col' 


i 


LUC 


611 


LUC 


lin  de  Plancy,  et  des  discours  prononcés 
sur  sa  tombe  par  MM.  Dcguat ,  Lacretelle 
ft  Rojjer,  2  vol.  in-8°.  M.  Viliemain  a  pu- 
blié dans  le  Magasin  encyclopédique , 
1810,  tome  S,  pag.  138,  une  Notice  sur 
Lancival. 

LIJCEIVA  (Jea-v),  jésuite,  né  dans  le 
Portugal,  l'an  1563,  mort  en  1600,  à  33 
ans,  se  rendit  célèbre  par  ses  sermons.  li 
a  laissé  V Histoire  des  missions  de  ceux  de 
sa  société  dans  les  Indes  ,  avec  la  Fie  de 
saint  François-Xavier.  Cet  ouvrage  a  été 
tiad.du  portugais  en  latin  et  en  espagnol. 
Ll'CE\A  (  Louis  de  ),  né  à  Guadalaxara, 
dansla  Nouvelle-Caslille,  docteur  en  mé- 
decine ,  florissait  dans  le  16*^  siècle.  Il  em- 
ploya plusieurs  années  à  faire  de  longs 
voyages  pour  étudier  la  nature.  Après  di- 
verses courses  ,  il  se  rendit  à  Toulouse ,  où 
il  exerça  la  médecine.  Ce  fut  dans  cette 
ville  qu'il  écrivit  son  traité  De  tuenda , 
prœserlim  a  peste  ^  intégra  valetudine  ^ 
deque  hujus  niorbi  remediisj  imprimé  en 
1323,  in-4°.  L'auteur  mourut  à  Rome  en 
1352  ,  âgé  de  61  ans. 

*  LIJCET  (Jean-Claude),  avocat  et 
canoniste ,  naquit  en  1733  à  Pont-de- 
Veyle  en  Bresse  ;  son  père  exerçait  l'état 
de  boulanger.  Il  vint  de  bonne  heure  à 
Paris,  étudia  le  droit  civil  et  canonique, 
et  se  distingua  parmi  les  avocats  de  la 
capitale.  Plusieurs  personnages  importans 
lui  donnèrent  leur  confiance  ;  mais  Lucet 
la  trompa ,  et  fut  accusé  de  malversations. 
Ces  événemens  influèrent  beaucoup  sur 
son  repos  et  sur  sa  santé,  et  peut-être 
aussi  sur  son  esprit;  car  dans  son  déses- 
poir, il  hâta  lui-même  sa  fin ,  et  mourut 
le  11  juin  1806,  à  Vanvres,  où  il  demeu- 
rait. Les  sentimens  religieux  qu'il  avait 
toujours  professés  dans  ses  ouvrages,  ren- 
dirent cette  détermination  inexplicable 
pour  ceux  qui  le  connaissaient  :  il  est  à 
croire  que  sa  raison  avait  été  entièrement 
aliénée.  On  a  de  lui  :  |  Eloge  de  Catilina^ 
Paris ,  1780  ,  in-8''.  Ce  fut  par  cet  écrit  que 
l'auteur  se  fit  connaître  ;  j  Principes  du 
droit  canonique  et  universel  s  in-i°.  Cet 
ouvrage  lui  valut,  dit-on,  une  place  chez, 
le  garde-des-ceaux  ;  |  La  religion  catholi- 
que est  la  seule  vraie  ^  et  la  seule  qui  ré- 
ponde à  la  dignité  et  aux  besoins  de 
thomme  ;  \  Lettres  sur  différens  sujets 
relatifs  à  l'état  de  la  religion  en  France , 
in-8°  ;  |  Principes  de  décision  contre  le 
divorce  ;  \  De  la  nécessité  et  des  moyens 
de  défendre  les  hommes  de  mérite  contre 
les  calomnies  et  les  préjugés  injustes , 
Paris ,  1803 ,  in-8°  (publié  sous  le  nom  du 


jurisconsulte  Couct);  |  L'Enseignement 
de  V Eglise  catholique  sur  le  dogme  et  la 
morale ,  recueilli  de  tous  les  ouvrages  de 
liossuetj  en  conservant  partout  son  style 
noble  et  majestueux  ^  Vatis  ,  1804,  6  vol. 
in-8".  Cet  ouvrage  qui  est  précédé  d'une 
Fie  de  Bossuet  et  d'une  analyse  raison- 
née  de  ses  ouvrages ,  ne  porte  pas  l'em- 
preinte d'un  goût  extrêmement  sévère , 
et  surtout  d'une  impartialité  exempte  de 
l'esprit  de  parti.  On  a  remarqué,  entre 
autres  choses,  qie  Lucet,  en  donnant  un 
article  de  V Enseignement  de  V Eglise  sur 
le  molinisme,  se  garde  bien  de  donner  celui 
qui  regarde  le  jansénisme.  Les  yinnales 
littéraires  et  morales  ^  tome  k ,  page  383 , 
ont  parfaitement  jugé  cet  ouvrage,  qui 
eut  d'ailleurs  peu  de  succès. 

*LUCH  ET  (Jean-Pierke-Louis,  marquis 
de),  connu  d'abord  sous  le  nom  de  Laro- 
che-du-Maine ,  officier  de  cavalerie  et  litté- 
rateur, naquit  à  Saintes  le  15  janvier  1740. 
Après  avoir  embrassé  l'état  militaire,  il  fit 
quelques  entreprises  de  commerce  ,  et  se 
mit  à  la  tète  d'une  exploitation  de  mines. 
Malheureux  dans  ses  spéculations ,  il  s'en- 
fuit à  Lausanne  pour  éviter  les  poursuites 
de  ses  créanciers.  11  entreprit  dans  cette 
ville  en  1776  la  rédaction  d'un  journal  qui 
tomba  faute  d'abonnés.  Le  landgrave  de 
Hesse-Cassel ,  auprès  duquel  il  se  rendît, 
le  fit  son  bibliothécaire ,  et  la  société  des 
antiquités  de  Cassel  le  choisit  pour  son 
secrétaire  perpétueL  En  1788  le  marquis 
de  Luchet  alla  auprès  du  prince  Henri  de 
Prusse  qui  lui  fit  une  pension  de  2000 
écus.  Il  rentra  bientôt  en  France  où  il  ré- 
digea le  Journal  de  la  ville  qu'il  data  bi- 
zarrement de  Charenton.  11  mourut  à  Pa- 
ris en  179ÎJ,  après  avoir  publié  divers  ou- 
vrages parmi  lesquels  nous  citerons  |  \ His- 
toire de  l'Orléanais^  depuis  l'an  705  de  la 
fondation  de  Rome  ,  Amsterdam  (Paris), 
1766,  in-4°;  |  Histoire  littéraire  de  Vol- 
taire, 1782,  6  vol.  in-S";  1  Essai  sur  la 
secte  des  illuminés,  1789,  in-8",  etc.  Le 
marquis  de  Luchet  fut  un  écrivain  fé- 
cond ,  mais  superficiel  et  déclamateur. 

*  LUCIII  (Michel-Ange),  cardinal,  né 
à  Brescia  le  20  août  1744 ,  embrassa  Tin- 
stitut  de  Saint-Benoit,  dans  la  congréga- 
tion du  Mont-Cassin ,  et  s'y  distingua  par 
sa  piété  et  son  goût  pour  les  études  sa- 
vantes. Il  professa  la  philosophie  et  la  théo- 
logie pendant  plusieurs  années  dans  les 
monastères  de  son  ordre.  Il  avait  une 
grande  connaissance  des  antiquités  ecclé- 
siastiques, et  s'était  rendu  familières  les 
i  langues  orientales.    Il  visita  les  princi- 


LUC 


612 


LUC 


pales  bibliothèques  de  l'Italie.  Quoique  son 
jicnchant  le  portât  plus  particulièrement 
vers  l'ctude  et  le  travail  du  cabinet,  ilful 
obligé  d'accepter  divers  emplois  dans  sa 
c  )ngrégation  ,  et  devint  abbé  de  Sublac, 
monastère  célèbre  par  la  retraite  de  saint 
Benoît.  11  avait  été  lié  avec  Pie  VII ,  reli- 
gieux comme  lui  de  la  congrégation  du 
Mont-Cassin;  ce  dernier,  devenu  pape, 
créa  Luchi  cardinal  le  23  février  1801  ; 
mais  il  ne  le  fut  déclaré  que  le  28  sep- 
tembre suivant.  Ce  savant  cardinal  mou- 
rut le  29  septembre  4802 ,  dans  son  abbaye 
de  Sublac,  où  il  était  venu  pour  faire  la 
visite  ;  il  n'avait  que  58  ans.  On  a  peine  à 
concevoir  comment  il  a  pu,  pendant  une 
vie  aussi  courte ,  suffire  aux  immenses 
travaux  qu'il  a  laissés.  II  avait  rédigé  des 
Commentaires  sur  plusieurs  parties  des 
livres  saints,  et  entrepris  une  nouvelle 
polyglotte  qui  aurait  formé  50  vol.  in-fol. 
Il  y  avait  réuni  les  remarques  des  plus 
habiles  interprètes ,  et  rétabli  le  texte  hé- 
breu dans  sa  pureté  naturelle  ;  on  y  trouve 
une  nouvelle  version  grecque ,  la  plus 
conforme  à  l'hébreu  qu'il  soit  possible, 
une  seconde  version  latine  plus  littérale , 
le  texte  des  Septante ,  une  traduction  la- 
tine des  mêmes,  et  notre  Vulgate  ;  le  tout 
accompagné  de  variantes  et  d'un  com- 
mentaire approfondi.  Ses  ouvrages  ma- 
nuscrits sont  au  nombre  de  195 ,  dont  71 
en  grec ,  et  119  en  latin  sur  des  matières 
d'érudition ,  de  critique ,  de  théologie  et 
de  morale.  Par  son  testament ,  il  légua 
tous  ces  écrits  au  pape ,  qui  les  a  fait  dé- 
poser dans  la  bibliothèque  du  Vatican , 
d'où  sans  doute  ils  sortiront  un  jour  pour 
être  livrés  à  l'impression.  Outre  ce  savant 
et  inconcevable  travail,  on  a  du  cardinal 
Luchi  :  |  Venantii  Honorii  Clementiani 
Fortunati  opéra  omnia,  recens  ad  ina- 
nuscriptos  codices  vaticanos^  nec  non  ad 
veteres  editiones  collata^  Rome,  1786  et 
i787,  2  tomes  in-4°;  ]  Appiani  Alexan- 
drini  et  Herodiani  selecta  grcece  et  latine^ 
Rome,  1785;  j  Là  cause  de  l'Eglise  dé- 
fendue contre  l'iJijustice  de  ses  ennemis ^ 
1799;  I  plusieurs  Dialogues  grecs  j  impri- 
més à  Florence. 

*  LUCIII  (  BoNAVENTURE  ) ,  savaut  mi- 
nime conventuel ,  oncle  du  précédent , 
était  né  à  Brescia  le  16  août  1700.  Il  pro- 
fessa la  philosophie  à  Vérone  et  à  Vi- 
cence ,  et  devint  régent  du  couvent  de 
Saint-François-le-Grand,  à  Milan.  Après 
avoir  occupé  pendant  6  ans  la  chaire  de 
théologie  dans  cette  dernière  ville,  il  fut 
nommé  secrétaire  de  son  ordre,  et  se  ren- 


dit à  Rome,  où  cette  charge  l'appelait.  U 
y  exerça  les  fonctions  de  lecteur  dans  lei 
célèbre  collège  de  la  Sapience.  Etant  alléj 
de  Rome  à  Padoue,  il  y  professa  la  mé-1 
taphysique  à  l'université,  puis  l'Ecriture 
sainte.  Pendant  son  séjour  à  Rome  il  s'é- 
tait fait  connaître  de  Clément  XIII  qui 
appréciait  ses  rares  talens,  sa  piété  et  ses 
autres  vertus.  Clément  songeait  à  faire 
Luchi  cardinal  ;  mais  dès  lors  un  parti 
puissant  méditait  la  destruction  des  jé- 
suites, et  dressait  ses  plans  pour  parve- 
nir à  ce  grand  résultat.  Clément  aimait 
la  société  et  ne  se  doutait  nullement  de  ce 
projet.  On  le  circonvint  et  on  lui  fit  pré- 
férer à  Luchi  GanganeUi,  qui  lui  était  très 
inférieur  en  mérite  et  en  savoir,  mais  dont 
on  connaissait  les  dispositions  à  l'égard 
des  jésuites.  Il  eut  le  chapeau,  et  réalisa, 
quand  il  fut  pape ,  les  espérances  qu'on 
avait  conciles  de  sa  complaisance.  (  Voyez 
CLÉMENT  XIV.  )  Le  père  Luchi  a  laissé 
un  grand  nombre  d'ouvrages  parmi  les- 
quels on  distingue  :  |  Spinosismi  synta- 
g  ma  adinstaurandastudia  melaphysica, 
propositum  anno  1730  ;  |  Disserlationes 
duce  de  nuditate  protoplastorum  et  de 
serpente  ientatore,  Padoue,  1755  ;  |  Istru- 
zione  pratica  sopra  le  regole  e  conslitu- 
zioni  di  san  Francesco  d'elV  ordine  de 
Minori  comentuali ,  Venise,  1758;  \  De 
trajectione  maris  Idurnœi  ^  de  sacrificio- 
rum  origine  et  ritu ,  disserlationes  dxiœ 
habitœ  in  gymnasio  patavino ,  Padoue, 
1759.  Dans  la  première  de  ces  disserta- 
tions, l'auteur  combat  Spinosa  et  Leclero; 
dans  la  seconde,  Grotius  et  Spencer.  On 
a  aussi  de  lui  quelques  rfîscow?'*  imprimes. 
L'auteur  de  la  Storia  lettcraria  d'Ilalia. 
vol.  12,  pag.  273,  parle  du  père  Luclù 
très  avantageusement,  et  fait  l'éloge  de 
ses  vertus,  de  son  érudition  et  de  sespro< 
fondes  connaissances.  Ce  savant  religieux 
mourut  à  Padoue  en  janvier  1785. 

LUCIDO.   Voyez  LUCIUS  JEAN. 

LUCIDIIS  (Jean),  surnommé  5«5fwo- 
theus  ou  SamosathenuSj  se  distingua  dans 
le  15*^  siècle  par  ses  progrès  dans  les  ma- 
thématiques. On  a  de  lui  plusieurs  ou- 
yrages  de  clironologie  en  latin  :  |  De 
emendatione  temporum  ;  j  Epilomeemen- 
dationis  calendarii  romani^  etc. 

LUCIE  ou  LUCE  (sainte  ) ,  vierge  cé- 
lèbre dans  l'histoire  de  l'église  de  Sicile , 
souffrit  le  martyre  à  Syracuse  vers  l'an 
304,  sous  l'eujpire  de  Dioclétien,  en  pré- 
disant la  prochaine  tranquillité  de  rP-glise, 
qui  eut  effectivement  lieu  après  la  mort 
des  tyrans  et  le  triomphe  de  Constantin. 


LUC 


615 


LUC 


Sigebert  de  Gemblours  dit  que  l'empe- 
reur Olhon  1'=''  lit  porter  son  corps  à  Metz, 
où  il  est  honoré  dans  l'église  de  Sainl- 
Vincent.  Les  savans  ne  sont  pas  tous  dis- 
posés à  reconnaître  les  actes  de  cette 
sainte  pour  authentiques,  quoiqu'ils  soient 
anciens  ,  puisque  saint  Adiielme ,  qui  vi- 
vait dans  le  T  siècle,  les  a  cités.  (  Voyez 
les  Acta  sincera  sanctœ  Lucice  V.  M. 
ex  codice  grœco  primian  édita  et  illas- 
trata^  opéra  et  studio  Joannis  de  Jeanne 
Tauromenitani j.  Palcrmc  ,  16C1 ,  1758  , 
in-S".)  Quelque  rigueur  de  critique  qu'on 
puisse  exercer  à  cet  égard,  il  sera  toujours 
vrai  que  le  culte  de  sainte  Lucie  ,  l'idée 
générale  de  sa  foi  et  de  ses  vertus,  ont 
des  fondemens  très  solides  ,  puisque  son 
nom  se  trouve  dans  le  canon  de  la  messe, 
pièce  de  la  plus  haute  antiquité,  avec 
ceux  des  saints  les  plus  illustres  des  pre- 
miers siècles.  Voyez  sainte  CATHERINE, 
saint  ROCIL 

LUCIEN,  célèbre  sophiste  grec,  né  à 
Samosate  en  Syrie,  dans  une  condition 
médiocre,  vécut,  selon  l'opinion  la 
plus  générale,  depuis  environ  l'an  120 
de  J.-C. ,  jusqu'à  l'an  198  ou  environ. 
Il  fut  mis  entre  les  mains  d'un  de  ses 
oncles,  habile  sculpteur  ;  mais,  ne  se  sen- 
tant aucune  inclination  pour  l'art  de  son 
parent,  il  cassa  la  première  pierre  qu'on 
lui  mit  entre  les  mains.  Il  embrassa  la 
profession  d'avocat;  aussi  peu  propre  à 
la  chicane  qu'au  ciseau ,  il  se  consacra  à 
la  philosophie  et  à  l'éloquence.  Il  les  pro- 
fessa à  Anlioche,  dans  l'Ionie  ,  en  Grèce, 
dans  les  Gaules  et  l'Italie.  Athènes  fut  le 
théâtre  où  il  brilla  le  plus  long-temps. 
Commode  le  nomma  greffier  du  préfet 
d'Egypte.  Lucien  demeura  long-temps  à 
Rome,  et  les  vices  de  cette  ville  lui  inspi- 
rèrent sa  satire  intitulée  Nigrinus.  Les 
ouvrages  qu'il  écrivit  pendant  le  temps 
qu'il  exerça  la  profession  de  rliéteur,  fu- 
rcrjt  :  les  deux  Phalaris.  le  Tyrannicide^ 
\c  Médecin  déshérité  par  son  j)ère ,  les 
Dipsades.  Zeuxis ,  les  Cygnes.  Hésiode  , 
Hérodote,  les  Bains  d'Hippias,  liacchus. 
Hercule,  le  Scythe.  V Eloge  de  la  Patrie. 
V Eloge  de  la  Mouche^  etc.  A  quarante 
ans  ,  il  renonça  à  l'art  frivole  des  rhé- 
teurs ,  et  se  livra  au  pyrrhonisme  ,  qu'il 
porta  à  l'exlrcme.  Il  écrivit  alors  les  Dia- 
logues des  Dieux  et  des  Morts  ^  Ttînon. 
le  Jupiter  tragique .  le  Jupiter  confondu. 
Charon.  les  Ressuscites.  V Assemblée  des 
Dieux  .  Ménippe  ,  le  Coq  .  les  Lapithes. 
les  Vœux,  les  Sectes  à  l'encan,  les  Dialo- 
gues des  Courtisanes.  l'Ane,  la  Manière 
7. 


d'écrire  Thistotre,  traité  dédié  aux  gens 
de  lettres  ;  les  Eittérateurs  à  la  solde  det 
grands.  Chan'déme ;  le  Pérégriiius  et  lu 
Philopatris  ont  été  mis  à  l'index .  etc.  il 
avait  vécu  à  Athènes  avec  le  vieux  phi- 
losophe Démonax ,  et  il  y  fut  témoin  d(5 
l'action  du  cynique  Pércgrinus ,  apostat 
du  christianisme,  qxii  se  brûla  publique- 
ment aux  jeux  olympiques,  l'an  165  de 
J.-C.  Suidas  rapporte  que  Lucien  mourut 
dévoré  par  les  chiens ,  en  punition  de  co 
qu'il  avait  plaisanté  sur  .J.-C;  mais  le  si- 
lence des  auteurs  contemporains  peut 
rendre  celle  anecdote  douteuse.  Selon  RI. 
lioissonnade ,  Lucien  serait  mort  de  hi 
goutte,  et  cette  opinion  est  appuyée  sur 
des  raisons  très  plausibles.  On  croit  qu'il 
mourut  sous  l'empereur  Albin  ,  dans  un 
âge  fort  avancé.  Les  divers  ouvrages  de 
Lucien  sont  écrits  dans  un  style  naturel , 
vif,  plein  d'esprit  et  d'agrément.  Il  fait 
éprouver  ces  sensations  vives  et  agréa- 
bles que  produisent  la  simplicité  fine  et 
l'enjouement  naïf  de  la  plai.sanlerit:  atti- 
que.  Lucien  est  principalement  connu 
par  ses  Dialogues  des  morts.  Il  y  peint, 
avec  autant  de  finesse  que  d'enjouement, 
les  travers  ,  les  ridicules  et  la  sottise  des 
philosophes,  qui  affectent  de  mépriser 
les  richesses  et  les  honneurs,  tandis  qu'ils 
sont  dévorés  de  cupidité  et  d'orgueil;  qui 
ne  parlent  que  de  vertu  et  de  grandeur 
d'âme,  tandis  que  l'on  ne  connaît  rien  de 
plus  lâche  ni  de  plus  vicieux  parmi  les 
hommes.  «  Pour  comble  d'absurdité,  dii- 
»  il,  je  vis,  en  suivant  mes  philosophes 
»  dans  les  détails  de  leur  vie,  que  leur 
»  conduite  était  partout  en  conlradiclion 
»  avec  leurs  principes.  Ceux  qui  parlent. 
»  le  plus  du  mépris  des  richesses  sont 
»  aussi  les  plus  intéressés  ;  on  les  voit 
I)  tous  les  jours  prêter  à  usure  et  seplain- 
»  dre  sans  cesse  de  leurs  débiteurs-  Ils 
»  n'enseignent  que  pour  de  l'argent ,  el 
»  la  soif  de  l'or  les  rend  capables  des  der^ 
»  nières  bassesses.  D'autres ,  en  affectant 
»  la  plus  grande  indifférence  pour  la 
«gloire,  n'ont  qu'elle  en  vue  dans  tous 
»  leurs  travaux.  Tels  déclament  en  public 
»  contre  la  volupté  ,  qui,  dans  le  secret 
n  de  leur  vie,  en  sont  les  esclaves  les  plus 
»  soumis.  »  Lucien  insiste  particulière- 
ment sur  l'ignorance  et  les  incertitudes 
qu'il  avait  observées  dans  ceux  qui  se 
donnaient  -pour  précepteurs  du  genre  hu- 
main, et  qui  n'ont  jamais  pu  s'accorder 
un  moment  dans  les  questions  les  plus 
intéressantes  sur  l'origine,  le  gouverne- 
ment et  la  destination  du  monde  '^  L'irt- 
■61 


LUC  614 

»  rertilude  et  le  doute  accompagnèrent 
»  les  premiers  pas  que  je  fis  dans  la  con- 
■>  naissance  de  ce  que  les  philosophes  ap- 
;  pelicr^t  le  monde.  Je  ne  pouvais  conce- 
«  voir  ni  par  qui  ni  comment  il  avait  pu 
»  être  formé,  quel  avait  été  son  com- 
B  menccment  et    quelle  serait  sa  fin.  Ce 

•  fut  bien  pis  encore ,  lorsque  je  vins  à 
»  examiner  en  détail  chacune  des  parties 

•  qui  le  composent.  Le  hasard  seul  me 
»  paraissait  avoir  présidé  à  la  disposition 
x  des  étoiles,  jetées   en  apparence  sans 

►  ordre  et  sans  dessein  dans  les  espaces 
»  du  ciel  ;  la  matière  et  la  nalure  du  soleil 
»  excitaient  vivement  ma  curiosité;  les 
ft  phases  de  la  lune  et  la  vicissitude  de  ses 

►  (1  if férens  aspects  étaient  à  mes  yeux  des 

•  merveilles  aussi  étonnantes  qu'incom- 

•  préhensihles.  La  splendeur  élincelante 
7»  des  éclairs ,  le  bruit  éclatant  du  ton- 
!>  nerre,  la  pluie,  la  neige  et  la  grêle  qui 
n  se  forment  sur  nos  têtes  :  tout  cela  éJait 
»  pour  moi  autant  de  mystères  inexpli- 
»  cables,  et  dans  lesquels  je  désespérais 
»  de  pénétrer  jamais  sans  quelque  se- 
»  cours.  Pour  sortir  de  cet  état  d'ijjno- 
»  rance  et  de  perplexité  ,  je  crus  n'avoir 
.  rien  de  mieux  à  faire  que  de  recourir 
»  aux  philosophes.  Persuadé  qu'ils  étaient 

•  les  dépositaires  de  toutes  les  vérités,  et 
»  qu'ils  dissiperaient  meS  doutes  sur  ces 
»  divers  sujets,  je  m'adressai  à  ceux  d't-n- 
»  tre  eux  que  je  crus  les  plus  habiles.  Je 
»  jugeai  de  leur  mérite  à  la  gravité  de 
»  leur  extérieur,  à  la  pâleur  de  leur  visage, 
»  cl  à  la  longueur  de  leur  barbe  ;  marques 
»  infaillibles  ,  selon  moi ,  de  la  profon- 
»  deur  et  de  la  sublimité  de  leurs  con- 
»  naissances.  Lorsque  je  me  fus  mis  entre 

•  leurs  mains,  il  fallut  convenir  du  prix, 
»  qui  n'était  pas  modique  ;  encore  m'o- 
»  bligea-t-on  d'en  payer   la  moitié   d'a- 

•  vance,  avec  promesse  d'acquitter  le 
»  reste  quand  le  cours  des  leçons  sérail 
p  fini.  Je  voulus  d'abord  être  instruit  de 
»  tous  les  contes  qu'ils  nous  font  sur  ce 
I.  qtli  se  passe  dans  le  ciel,  et  savoir  com- 
»  ment  ils  s'y  prennent  pour  nous  expli- 
»  quer  l'ordre  établi  dans  l'univers.  Quel 

•  fut  mon  étonnement,  lorsque  mes  doctes 
»  maîtres  ,  bien  loin  de  dissiper  ma  pre- 
»  mière  incertitude,  me  plongèrent  dans 
»  un  aveuglement  mille  fois  plus  grand 

•  encore  !  J'avais  tous  les  jours  les 
«.  oreilles  rebattues  des  grands  mots  de 
t  principes,  de  fins,  â' atomes ^  de  vide  ^ 
»  de  muliire^  de  formes.  T.e  qu'il  y  avait 
»  de  plus  insupportable  pour  moi ,  c'est 
>  que  chacun  d'eux,  en  m'enscignantpré- 


LUC 

»  cisément  le   contraire  de  ce  que  m'a- 
»  valent  dit  les  autres,   exigeait   que  je 
»  n'eusse  confiance  qu'en  lui  seul,  et  me 
»  donnait  son  système  comme  le  seul  bon.» 
Ces  portraits,  et  beaucoup  d'autres  que 
Lucien  fait  des  anciens  philosupiies,  sont 
remarquables    par    leur     ressemblance 
avec  ceux  que  J.-J.  Rousseau  a  tracés 
des  philosophes  modernes,  et  prouvent 
que  la  fausse  sagesse  est  la  même  dans 
tous  les  temps.  Un  autre  objet  des  criti- 
ques de  Lucien  était  les  dieux  du  paga- 
nisme, et  les  délires  de  celte  religion  ab- 
surde. Mais  cette  partie  de  ses  ouvrages 
est  bien  moins  intéressante  et  moins  ori- 
ginale ;  les  chrétiens  ayant  déjà  fait  avant 
lui  presque  toutes  les  observations   sur 
les  extravagances  de  la  mythologie.  Cette 
lecture   peut  «nême  faire  de   très  mau- 
vaises impressions  sur  des  esprits  super- 
ficiels. Le  satirique  confond  le   vrai  et  le 
faux,  le  bon  et  le  mauvais,  cl  donne  à 
ses  sarcasmes  une  étendue  qui  compro- 
met les  vérités  les  plus  respectables.  Les 
chiéliens  ,  en  démolissant  le  monstrueux 
édifice  du   paganisme ,   le  remplaçaient 
par  un  bâtiment  auguste,  solide  et  excel- 
lemment assorti  dans  toutes  ses  parties. 
Lucien  ne  sait  que  détruire,  et  laisse  soa 
lecteur  dans  un    désert   qui   ne  diffère 
presque  point  d'un  néant  parfait.  On  re- 
marque aussi  que  ce  Grec  érige  en  héros 
des  misérables  que  la  police  de  nos  villes 
ne  souffrirait  point  dans  les  rues  (  Voyez 
DÉMON AX  )  ;  Lucien  lui-même  s'est  as- 
suré une  place  parmi  eux  ;  il  ne  respecte 
ni  la  bienséance  ni  la  pudeur.  Son  goût 
pour  l'épicurisme  parait  par  l'éloge  qu'il 
fait  d'Epicure ,  en  l'appelant  un  homme 
diqne  d'être  pla<:é  sur  les  autels ,  xrn  es- 
prit divin ,  un  sage  qui  a  mis  dans  les 
routes  de  la  vraie  sagesse  et  du  vrai  bon- 
heur tous  ceux  qui  ont  écouté  ses  leçons 
11  n'a  point  écrit  expressément  contre  la 
christianisme;   mais    il  a   horriblement 
maltraité  et  J.-C.  et  ses  adorateurs,  dans 
son  récit  de  la  mort  de   Pérégrin ,  qu'il 
suppose  très  faussement  avoir  joué  un 
grand  rôle  parmi  les  chrétiens.  Il  est  dif- 
ficile de  comprendre  après  cela  comment 
quelques  savans  ont  pu  croire  qu'il  a  été 
clirélien  lui-même.  Le  dialogue  intitulé 
Philopatris .  sur  lequel  ils  fondent  son 
prétendu  christianisme,    ne  peut  avoir 
été  fait  par  Lucien.  L'auteur  de  cet  ou- 
vrage, écrit  sur  la  fin  du  premier  siècle, 
dit  qu'il  avait  vu  saint  Paul,  et  qu'il  avait 
reçu  de  lui  le  bapt  ême  ;  ce  qui  ne  convient 
pas  à  Lucien,  qui  ûorissait  sous  Marc-  Au- 


LUC 


615 


LUC 


rèle ,  et  qui  mourut  un  siècle  après  saint 
Paul.  [f^oy.  les  NotesàQ  la  dernière  édilion 
de  Lucien  à  A.mslerdam  ,  et  une  savante 
Dissertation  de  Conrad  Gesner.  )  Les  ou- 
vrages de  Lucien  ont  été  traduits  dans 
plusieurs  langues,  en  allemand,  par 
Wieland ,  en  anglais  par  Franklin  ,  en 
ilalien  par  Gozzi.  D'Ablancourt  en  a  donné 
une  version  française,  Amsterdam,  2  vol. 
in-8° ,  1709  ;  mais  quiconque  ne  les  con- 
naît que  par  celte  version  lâche ,  infidèle 
et  Ironquée,  ne  peut  en  avoir  qu'une  très 
fausse  idée.  L'abbé  Massieu  en  a  donné 
une  meilleure,  Taris,  1781,  6.  vol.  in-12, 
effacée  cependant  par  celle  qui  a  paru  en 
1788  avec  des  notes  historiques  et  crili- 
«jues,  par  Belin  de  Ballu,  Paris,  6  vol. 
iu-8°.  Les  éditions  les  plus  recherchées 
des  ouvrages  de  Lucien  sont  :  celle  de 
Paris ,  in-fol.  1615  ,  en  grec  et  en  latin  , 
par  Boudelot  ;  d'Amsterdam,  1687,  2  vol. 
in-8°,  cwn  notis  variorum;  et  de  la  même 
ville,  1743 ,  3  vol.  in-/i.°,  auxquels  il  faut 
joindre  un  Index ^  Utrecht,  17i6,  in-4°; 
do  Deux-Ponts,  1789-91,  10  vol.  in-S**. 
Voyez,  la  Bibliothèque  de  Fabricius  et  la 
Préface  de  Belin  de  Baliu. 

LUCIEN  (saint),  prêtre  d'Anlioclie  cl 
martyr  ,  né  à  Samosale,  exerça  d'abord 
le  sacerdoce  à  Nicomédie.  11  évita  la  fu- 
reur d^  la  persécution  de  Dioclélien  ; 
mais  ayant  été  dénoncé  par  un  prêtre  sa- 
bellien,  il  fut  conduit  devant  Maximin  , 
surnommé  Daïa.  Au  lieu  de  blasphémer 
la  religion  chrétienne,  comme  on  voulait 
le  lui  persuader ,  il  composa  pour  sa  dé- 
fense ime  Apologie  éloquente.  Maximin 
le  fit  tourmenter  de  plusieurs  manières  , 
mais  n'ayant  pu  ébranler  sa  foi,  il  le  fit 
noyer  (selon  quelques-uns,  décapiter), 
le  7  janvier  312.  L'illustre  martyr  emporta 
au  tombeau  une  grande  réputation  de 
savoir  et  de  sainteté.  Il  avait  ouvert  à 
Antioche  une  école  pour  développer  les 
principes  de  la  religion,  et  pour  aplanir 
jes  diftlcuUcs  de  l'Ecriture.  Il  ne  nous 
reste  aucun  des  ouvrages  qti'il  avait  com- 
posés, sinon  un  fragment  de  la  lettre 
qu'il  écrivit  de  sa  prison  aux  fidèles  de 
rég)ise  d' Antioche.  Saint  Jérôme  dit  qu'il 
avait  revu  avec  beaucoup  de  soin  la  ver- 
sion des  Septante.  Toutes  les  églises  qui 
étaient  entre  Antioche  et  Constantinople 
se  servaient  de  cette  version.  On  l'accuse 
d'avoir  eu  du  penchant  pour  l'arianisme. 
Il  est  certain  que  les  principaux  chefs  des 
ariens  avaient  été  disciples  du  saint  mar- 
tyr; mais  ils  s'éloignèrent  des  vérités 
que  leur  maître  leur  avait  enseignées, 


et  se  servirent  de  son  nom  pour  répandre 
leurs  erreurs.  Saint  Alhanase  l'a  justifié 
de  façon  à  dissiper  tous  les  nuages  répan- 
dus sur  sa  foi.  —  Il  y  a  eu  trois  autres  LU- 
CIEN :  l'un,  martyrisé  sous  Dèce.l'an  250; 
l'autre,  premier  évèque  de  l'église  .de 
Beauvais;  et  im  troisième,  dont  nous 
avons  une  Lettre  sur  linvention  du  corpt 
de  saint  Etienne.  Il  a  vécu  dans  les  qua- 
trième et  cinquième  siècles,  et  écrivait 
l'aiî  /tl3.  Voyez  GAMALIEL. 

LUCIFEU  est  le  nom  qu'on  donne  or- 
dinairement au  premier  ange  rebelle , 
précipité  du  ciel  aux  enfers  ;  dénomina- 
tion fondée  sur  un  passage  d'Isaïe  [chap. 
14  ),  où  ce  prophète  parle  à  la  vérité  lit- 
téralement du  roi  de  Babylone  ,  mais  qui, 
dans  le  sens  figuré,  exprime  très  bien  la 
chute  du  premier  ange.  Aussi  les  saints 
pères  l'ont-ils  ainsi  expliqué,  elles  ex- 
pressions dont  le  prophète  se  sert  mar- 
quent assez  qu'il  prétend  retracer  cc\ 
ancien  et  mémorable  événement  à  l'occa- 
sion du  châtiment  de  ce  roi  impie  et  su- 
perbe. La  chute  des  anges  n'a  pas  été  in- 
connue aux  sages  profanes.  Voyez  le 
Caléch.  philos.,  n°*  264,  265,  les  art. 
ASI\iODÉE,  OPHIONÉE,  etc. 

LïlCIFEîl,  fameux  évêque  de  Cagliari, 
métropole  de  la  Sardaigne,  où  il  était  né 
dans  les  premières  années  du  h^  siècle, 
convaincu  que  les  ariens ,  en  attaquant 
saint  Alhanase,  en  voulaient  réellement 
à  la  foi  de  Nicée  ,  obtint  du  pape  Libère 
de  convoquer  un  concile  à  Milan,  en  355. 
11  y  soutint  la  cause  de  saint  Alhanase 
avec  tant  de  véhémence  et  d'intrépidité  , 
que  l'empereur  Constance ,  irrité  de  son 
zèle ,  l'exila  à  Germanicie  en  Syrie.  Il 
trouva  sur  le  siège  épiscopal  de  cette  ville 
Eudoxe,  l'un  des  chefs  de  l'arianisme. 
Son  ardeur  contre  cette  hérésie  ne  s'y 
ralentit  pas,  ce  qui  le  fit  transporter  à 
Eleulhéropolis  ;  il  y  trouva  également  de 
quoi  exercer  son  zèle  :  Eulychius,  fameux 
arien,  en  était  évèque.  Ce  fut  là  que  c« 
dernier  écrivit  son  premier  livre  contre 
Constance,  qui  le  relégua  dans  la  Thébaïde 
en  Egypte ,  où  il  resta  jusqu'à  la  mort  de 
ce  prince.  Lucifer,  rappelé  sous  Julien, 
en  561,  alla  à  Antioche,  y  trouva  l'église 
divisée, et  ne  fit  qu'augmenter  le  schisme 
en  ordonnant  Paulin.  Cette  ordination 
déplut  à  saint  Eusèbe  de  Verceil ,  que  le 
concile  d'Alexandrie  avait  envoyé  pour 
terminer  cette  querelle.  (  Voyez  MELÈCE 
de  Mélitine.)  "Lucifer,  inflexible  dans  set 
sentimens,  se  sépara  de  sa  communion  , 
et  ternit  j   par  celte  espèce  de  schisme , 


tue  616 

l'oclat  de  ses  triomphes  sur  rarianisme. 
Il  causa  un  autre  schisme  dont  les  consc- 
fjucnrcs  furent  pUis  funestes.  Il  refusa  de 
communiquer  non -seulement  avec  les 
Pères  de  Rimini,  qui,  après  leur  repen- 
tir public,  avaient  été  conservés  sur  leurs 
siéyes  ,  mais  même  avec  ceux  qui  les  re- 
cevaient à  la  communion ,  c'est-à-dire 
nvec  le  pape  et  toute  l'Eglise.  Il  eut  un 
grand  nombre  de  partisans  en  Orient , 
en  E{jypte  ,  en  Afrique ,  en  Espagne  et 
tn  Sardaignc,  qui  furent  appelés  lucifé- 
riens.  Use  relira  à  Cagliari,  où  il  mourut 
l'an  571.  Il  nous  reste  de  lui  :  |  cinq  Li- 
vres contre  l'empereur  Constance  ;  |  un 
Livre  contre  les  rois  apostats  ;  |  les  livres 
intitulés  :  Il  ne  faut  point  épargner  les 
j)ccheurs  ;  On  ne  doit  point  cotnnmniquer 
avec  les  héi-étiques  ;  Nous  devons  mourir 
pour  le  Fils  de  Dieu,  imprimés  à  Paris 
en  1368,  par  les  soins  de  Du  Tillet,  évê- 
que  dé  Meaux.  Le  Recueil  des  œuvres  de 
Lucifer  a  été  reproduit  dans  le  tom.  4  de 
la  Bibliothèque  des  Pères,  édit.  de  Lyon  , 
et  par  les  frères  Coletti,  Venise,  1778, 
in-fol.  édit.  complète.  Ces  ouvrages  sont 
écrits  avec  aigreur;  et,  malgré  les  éloges 
que  quelques  Pères  ont  pu  en  faire  par 
égard  au  zèle  de  l'auteur  pour  la  pureté 
de  la  foi,  on  ne  peut  disconvenir  que  son 
ouractère  n'était  pas  assez  modéré,  ni  ses 
expressions  assez  mesurées.  Lucifer  était 
recomniandable  par  des  mœurs  pures, 
l)ar  son  savoir  ,  par  son  détachement  du 
inonde.  Les  anciens  auteurs  ne  lui  repro- 
chant que  son  schisme  ,  on  ne  doit  point 
lui  imputer  les  maximes  hérétodoxes  que 
Théodoret  attribue  à  ses  sectateurs  :  ceux- 
ci  en  ont  été  les  inventeurs;  et  quant  à 
son  schisme  ,  il  peut  se  faire  qu'il  ne  l'ait 
point  envisagé  comme  une  vraie  sépa- 
ration, mais  seulement  comme  un  nrié- 
i-ontentement  marqué,  qu'il  croyait  de- 
voir témoigner  pour  ramener  les  autres 
à  une  rigueur  qui  lui  paraissait  nécessaire. 
«  Dans  ces  temps,  dit  un  auteur  moderne, 
►  cù  les  communications  entre  les  pro- 
*  vinces  et  les  évêques  étaient  peu  régu- 
»  lières  et  peu  sûres,  où  le  conflit  des 
»  opinions  et  les  rapports  contradictoires 
»  rendaient  l'état  des  choses  diflicile  à 
»  connaître ,  il  peut  se  faire  que  Lucifer 
»  ait  été  mal  instruit  de  l'affaire  de  Ri- 
»  mini,  et  des  autres  qui  ont  outré  son 
»  zèle  et  dérouté  sa  prudence.  »  On  célè- 
bre sa  fête  à  Cagliari  le  20  mai.  Les  cu- 
rieux peuvent  consullcrun  livre  imprimé 
dans  cette  ville  en  1659,  sous  ce  titre  : 
Defensio   sanctitatis  B.  Luciferi.  Voyez 


LUC 

saint  Jérôme  ,  adversiis  luciferianos  ; 
saint  Ambroise ,  De  obiiu  Satyri;  Tille- 
mont,  dom  Ceillier,  etc. 
LUCILIO.  Voyez  VANNINI 
LUCILIUS  (Caius),  lo  plus  ancien 
poète  satirique  latin  dont  il  nous  reste 
quelques  fragtnens,  chevalier  romain,  né 
à  Suessa  dans  leLatium,  vers  l'an  14.7, 
avant  J.-C. ,  était  grand-oncle  maternel 
de  Pompée.  Il  porta  d'abord  les  armes , 
suivant  quelques  écrivains,  sous  Scipion 
l'Africain,  à  la  guerre  de  Numance ,  et 
fut  intimement  lié  avec  ce  général,  que, 
par  ses  bons  mots ,  il  délassait  des  fatigues 
des  armes.  On  regarde  Lucilius  comme 
l'inventeur  de  la  satire  parmi  les  Latins  , 
parce  qu'il  lui  donna  sa  dernière  forme  , 
telle  qu'Horace  ,  Perse  et  Juvénal  l'imitè- 
rent depuis.  Ennius  et  Pacuvius  avaient 
à  la  vérité,  travaillé  dans  ce  genre;  mais 
leurs  essais  étaient  trop  grossiers  pour 
qu'on  leur  donnât  l'honneur  de  l'inven- 
tion. Lucilius  leur  fut  supérieur,  et  il  fut 
surpassé  à  son  tour  par  ceux  qui  vinrent 
après  lui.  Horace  le  compare  à  im  fleuve 
qui  roule  un  sable  précieux  parmi  beau- 
coup de  boue.  De  trente  livres  de  Satires 
qu'il  avait  composées,  il  ne  nous  reste 
que  quelques  fragmens ,  imprimés  dans 
le  Corps  des  poètes  latins  de  Maittaire. 
François  Douza  les  a  publiés  sép'arémenl 
elles  meilleures  éditions  sont  celle  d'Am- 
sterdam, 1661,  in-i",  avec  de  savantes 
remarques  ,  et  celle  des  frères  Volpi ,  Pa- 
doue  ,  Comino,  1735,  in-8°.  Lucilius  mou- 
rut à  Naples,  âgé  seulement  de  46  ans, 
vers  l'an  102  avant  J,-C.  Ce  poète  disait 
qu'î7  ne  voulait  ni  des  lecteurs  trop  sa- 
vans .  ni  des  lecteurs  trop  ignorons  ;  il  eut  «j 
ce  qu'il  souhaitait.  Ses  talens  firent  des 
enthousiastes  qui ,  le  fouet  à  la  inain 
châtiaient  ceux  qui  osaient  dire  du  mj 
de  ses  vers.  Leur  admiration  était  dérai-j 
sonnable  à  plusieurs  égards  ;  Luciliu^ 
versifiait  durement  ;  et  quoiqu'il  travail-' 
lâtavecprécipilation.sesouvrages  avaient' 
un  air  forcé.  Quintilien  en  fait  un  grand 
éloge. 

LUCILLE,  impératrice  romaine  ,  fille 
de  Marc-Aurèle  et  deFaustine,  etsœur  de 
l'empereur  Commode,  naquit  l'an  146  de 
J.-C.  Elle  ne  valait  pas  mieux  que  son  frère 
pour  lequel  elle  eut,  dit-on,  des  complai- 
sances criminelles,  et  ne  donna  pas  une 
grande  idée  de  l'éducation  qu'elle  recul 
du  philosophe  son  père.  Mariée,  à  l'âge 
de  17  ans  ,  à  un  homme  qu'elle  n'aimait 
pas  (Lucius  Verus  ),  elle  avait  donné  son 
affection  à  un  amant  qu'elle  voulait  clo- 


ley 

i 


LUC 


617 


LUC 


ver  aux  plus  hautes  dignités,  et  ne  pou- 
vait souffrir  de  se  voir  obligée  de  céder 
le  pas  à  Crispine,  épouse  de  Commode. 
Ces  raisons  la  portèrent  à  former  une 
conjuration  contre  ce  prince.  Pompéien, 
à  qui  elle  avait  fiancé  sa  iille,  fut  le  prin- 
cipal acteur  de  celte  tragédie.  Elle  y  fit 
aussi  entrer  Quadrat  et  plusieurs  autres 
sénateurs  ;  mais  elle  n'en  dit  rien  à  son 
mari.  Commode,  entrant  un  jour  dans 
l'amphithéâtre  par  un  endroit  secret  et 
obscur,  le  jeune  Pompéien,  qui  l'y  at- 
tendait ,  lui  montra  son  poignard  et  lui 
dit  :  Voilà  ce  que  le  sénat  t'envoie.  Tan- 
dis qu'il  veut  le  massacrer ,  les  gardes  de 
l'empereur  l'arrêtent;  bientôt  son  procès 
et  celui  de  ses  complices  furent  faits,  ils 
subirent  le  dernier  supplice.  Lucilie  fut 
envoyée  en  exil  à  Caprée,  et,  quelque 
temps  après,  on  la  lit  périr  (  184  )  ;  elle 
avait  environ  58  ans. 

LUCK^I  (  Louis-M,\«iE  ),  religieux  de 
l'ordre  de  Suint-Dominique  et  cardinal, 
était  né  à  Côuie  dans  le  Milanais,  en  1666. 
Plusieurs  biographies  placent  la  naissance 
du  cardinal  Lucini  en  l'an  1C69  ;  Moréri, 
tom.  3,  pag.  243,  le  fait  naître  en  16C6.  11 
était  issu  d'une  famille  illustre  ,  et  avait 
quitté  les  avantages  de  la  naissance  pour 
embrasser  la  pauvreté  religieuse.  Aux  ver- 
tus de  son  état  il  joignait  une  rare  capa- 
cité, et  jouissait  d'une  grande  estime  dans 
son  ordre ,  où  il  fut  appelé  à  remplir 
les  emplois  les  plus  honorables.  En  1724, 
il  était  commissaire  du  saint  Office;  en 
4743  ,  Benoit  XIV ,  dans  sa  première  pro- 
motion, le  créa  cardinal.  Il  est  auteur  des 
ouvrages  suivans  :  |  Esame  e  difesa  del 
décréta  puhhlicato  in  Pondicheri,  di  mon- 
signor  Carlo  Tommaso  di  Tournon  ,  etc.. 
approvato  e  confermato  con  brève  del 
sommo  ponte fice  Benedetto  XIII .  in  Ro- 
ma .  nclla  stamjyeria  T^aticana.  1723, 
in-4"  C'est,  dit  im  critique,  un  cliaos 
tl'érudilion  ;  |  Antithesis  contra  Hyacin- 
t  hxini  Serri ,  conantem  pontificiam  infal- 
l  ihilitatem  certis  teî'minis  circuinscribere 
Milan,  1756  ;  |  Privilégia  romani  pontifi- 
as, Venise,  1775.  C'était  un  homme  in- 
struit, d'un  jugement  solide,  mais  très 
attaché  aux  opinions  romaines.  Il  mou- 
rut en  1743 ,  âgé  de  79  ans. 

LlU^.îUS  VERUS ,  empereur.  Trayez 
VERUS. 

LlJCIUSl",  (saint),  monta  sur  la  diaire 
;  de  saint  Pierre  après  saint  Corneille,  le 
18  octobre  252,  et  fut  exilé  aussitôt  après 
son  élection  11  reçut  la  couronne  du  mar- 
tyre le  4  ou  le  5  de  mars  235 ,  n'ayant  gou- 


verné l'Eglise  que  cinq  mois  et  quelque* 
jours.  II  ne  reste  rien  de  lui.  Saint  Cyprien 
lui  écrivit  une  lettre  sur  sa  promotion  et 
sur  son  bannissement,  qui  ne  fut  pas  long; 
il  lui  en  écrivit  une  seconde  lorsque  le 
pape  fut  rappelé  de  son  exil ,  pour  lui  té- 
moigner la  part  qu'il  prenait  à  cet  événe- 
ment. Entre  autres  décrets  qu'on  lui  attri- 
bue ,  il  y  en  a  un  qui  ordonne  que  l'évé- 
que  sera  toujours  accompagné  de  deux 
prêtres  et  de  trois  diacres,  afin  qu'il  ait 
des  témoins  de  sa  conduite.  Saint  Etienn  • 
lui  succéda. 

LUCIUS  II  (  GÉnAUD  de  CACCf  ANE 
MICI  ) ,  natif  de  Bologne  ,  bibliolhécair  c 
et  chancelier  de  l'Eglise  de  Rome  ,  pui  •; 
cardinal,  employé  en  diverses  légations  . 
succéda  au  pape  Célestin  II  en  1144.  Il  eu  l 
beaucoup  à  souffrir  des  partisans  d'Ar- 
nauld  de  Bresse ,  et  mourut  à  Rome  le 
15  février  1143,  d'im  coup  de  pierre 
qu'il  reçut  dans  une  émeute  populaire.  On 
a  de  lui  dix  Epitres ,  qu'on  trouve  dans 
les  Annales  de  Baronius  et  dans  la  Biblio- 
thèque de  Cluny.  Il  eut  pour  successeur 
Eugène  III. 

LUCIUS  III  (  Ubaldo  ALLINCIGOLI  ), 
natif  de  I.uçques,  succéda  au  pape  Alexan- 
dre m  en  1181.  Le  peuple  de  Rome  s'é- 
lant  soulevé  contre  lui,  il  se  retira  à  Vé- 
rone ;  mais  peu  après  il  rentra  dans  sa 
capitale  et  soumit  les  rebelles  avec  le 
secours  des  princes  d'Italie.  Il  fut  ensuite 
obligé  de  se  retirer  de  nouveau  à  Vé- 
rone, où  il  mourut  en  1183.  On  a  de  lui 
trois  Epitres.  Ce  pape,  dans  le  concile 
tenu  à  Vérone  l'an  1184,  où  l'empereur 
Frédéric  fut  présent,  lit  une  Constitution 
bien  raisonnée  ,  dans  laquelle  on  voit  1« 
concours  des  deux  puissances  pourl'exlir- 
pation  des  hérésies.  On  y  entrevoit  aussi 
l'origine  de  l'inquisition  contre  les  héréti- 
ques, en  ce  que  cette  constitution  ordonne 
aux  évèques  de  s'informer  par  eux-mêmes 
ou  par  des  conmiissaires  ,  des  personne? 
suspectes  d'hérésie  ;  ce  qui  est  d'ailleurs 
un  devoir  inhérent  à  la  qualité  d'évèquo, 
et  l'on  peut  dire  que  l'inquisition  ,  sage- 
ment constituée  et  administrée,  n'est 
qu'un  supplément  de  la  vigilance  épisco- 
pale.  On  y  voit  encore  qu'après  que  l'E- 
glise avait  employé  contre  les  coupables 
les  peines  spirituelles,  elle  les  abandon- 
nait au  bras  séculier,  pour  exercer  contre 
eux  les  peines  temi)orelles.  (  Voijez  ISA- 
BELLE deCastille,  LIMBORCH,  etc.  )  (m 
comprend  que,  sous  ce  point  de  vue,  les 
hérétiques  ne  l'ont  pas  épargné.  Par  un 
plat  calembourg ,  ils  l'ont  comparé  aa 
32. 


LUC  618 

brn'"het ,  en  lalia  Lucias  .  dans  une  épi 
gramme  qui  commence  ainsi  : 


(.ucius  est  pUcis,  rex  alqui-  tyrannus  aquarutn. 
A  quo  dUcordat  Lucius  ille  parum. 

Lucius  III  eut  pour  successeur  Urbain  III. 

LUCIUS  (saint  ),  cvc^que  d'Andrinople 
vers  le  milieu  du  quatrième  siècle,  cclcbie 
dans  l'Eylise  par  ses  exils,  et  par  le  icle 
qu'il  fit  paraître  pour  la  foi  catholique 
contre  les  ariens ,  était  né  dans  les  Gaules. 
on  croit  qu'il  assista  au  concile  de  Sar- 
ili(iue  en  347,  et  qu'il  mourut  en  exil. 

LUCIUS,  fameux  arien,  fut  chassé  du 
siège  d'Alexandrie  en  377,  et  mourut  en- 
suite misérablement.  Il  avait  usurpé  le 
liège  d'Alexandrie  sur  saint   Athanase. 

LUCIUS,  LUCIDOouLUCIO  (  Jeax),  né 
dans  le  17'  siècle  à  Trau  enDalmalie,  d'où 
il  est  désigné  quelquefois  par  le  nom  latin 
«le  Tragurensis.  Issu  d'une  famille  noble 
et  ancienne,  il  fit  ses  études  à  Rome  avec 
succès  ,  et  acquit  l'estime  des  sa  vans ,  sur- 
tout d'Ugheli ,  qiii  lui  conseilla  d'écrire 
l'histoire  de  sa  patrie.  Il  suivit  ce  conseil, 
retourna  en  Dalmatie  pour  y  faire  les  re- 
cherches nécessaires,  visita  les  archives, 
les  bibliothèques  des  monastères;  mais  il 
fut  arrêté  au  milieu  de  ses  recherches. 
Un  nommé  Paul  Andronic,  jaloux  de  son 
mérite  et  de  ses  talens,  lui  suscita  des  dés- 
agrcmens  qui  l'engagèrent  à  retourner  à 
Rome  ,  où  il  travailla  à  l'histoire  projeté 
autant  que  ses  Mémoires  le  lui  permirent. 
Il  mourut  en  1G64.  Ses  ouvrages  sont  : 
]  Mémoires  historiques  de  Trau  ^  Venise, 
4673,  1G74  ,  in-4°,  en  italien;  [  Histoire 
lie  la  Dalmatie,  et  en  particulier  de  Trau , 
de  Spalatro  et  de  Sebatic o ^yenise,  iûlk 
in-4°,  en  italien;  |  Dalmatia  illustrata, 
kPu  Commenlarii  rerum  Dalmaticc .  et 
Croatiœ,  1666,  in-fol.  ;  "Vienne,  1758, 
iu-fol.  ;  et  dans  Scriptores  rei-uin  liunija- 
ricarum.  avec  la  T-^ie  de  l'auteur,  par 
Malliias  Relius.  Il  y  règne  beaucoup  de 
«ritique,  et  les  savans  regrettent  qu'il 
n'ait  pu  le  rendre  aussi  complet  qu'il  l'au- 
rait voulu;  I  Inscriptiones  Dalmaticce ^ 
etc.  ;  Addenda  vel  corrigenda  in  opère  de 
régna  Dalmaliœ  et  Croatiœ^  "Venise,  1673, 
in-r. 

LUCRÈCE  (LucRETiA  ),  dame  romaine; 
épousa  Collatin,  parent  de  Tarquin ,  roi 
de  Rome.  Un  jour  que  son  époux  était  à 
table  avec  les  fils  de  ce  monarque ,  il  pei- 
gnit la  beauté  de  sa  femuie  avec  des  cou- 
Icjirs  si  brillantes,  que  Sextus,  fils  aîné 
de  Tarquin,  prit  du  goiit  pour  elle.  Col- 
klin  l'ayant  rncnéecho?,  lui  le  mOme  jour, 


LUC 

il  vit  que  le  portrait  n'était  pas  flatté  .  et 
son  amour  naissant  devint  une  passion 
violente.  Impétueux  dans  ses  désirs,  il 
se  déroba  quelques  jours  après  au  camp 
d'Ardée  pour  voir  l'objet  de  ses  vœux  II 
se  glissa  pendant  la  nuit  dans  sa  chambre 
et  menaça  de  la  tuer,  et  avec  elle  l'esclave 
qui  le  suivait,  afin  que  le  cadavre  de  ce 
mallieureux,  placé  auprès  d'elle  dans  un 
même  lit,  fit  croire  que  la  mort  de  l'un 
et  de  Vautre  avait  été  le  châtiment  de  leur 
crime.  Lucrèce  succombe  à  celte  crainte, 
et  Sextus  ,  après  avoir  satisfait  ses  désirs , 
la  laisse  dans  l'amertume  de  la  plus  vive 
douleur.  Elle  fait  appeler  à  l'instant  son 
père,  son  mari  et  ses  parens,  leur  fait 
promettre  de  venger  son  outrage,  et  s'en- 
fonce un  poignard  dans  le  cœur ,  l'an  508 
ou  509  avant  J-.  C.  Le  fer  sanglant  dont 
elle  s'était  percée  fut  le  signal  de  la  liberté 
romaine.  On  convoque  le  sénat ,  on  expose 
à  ses  yeux  le  corps  de  Lucrèce ,  et  les 
Tarquins  sont  proscrits  à  jamais.  Le  ta- 
bleau  que  fait  Ovide  de  cette  catastrophe, 
au  2*  livre  de  ses  Fastes ^  est  touchant  et 
tracé  de  rhain  de  maître  :  cette  infortunée 
ayant  commencé  le  récit  de  sa  funeste, 
aventure  devant  ses  parens  assemblés , 
lorsqu'elle  en  fut  venue  à  l'attentat  qui 
consomma  sa  honte  :  Restahant  ultima , 
dit  le  poète...  Flevit.  Ce  dernier  trait  est 
d'une  vérité  et  d'une  simplicité  sublime. 
Cette  histoire  prouve  combien  la  foi  con- 
jugale était  sacrée  chez  les  anciennes  na- 
tions ,  aussi  long-temps  que  le  luxe  et  la 
corruption  des  mœurs  n'en  altérèrent 
point  les  principes.  (  Foij.  ABIMELECH.) 
On  a  souvent  comparé  Lucrèce  à  Su- 
sanne  ;  mais  tout  l'avantage  de  la  compa- 
raison est  à  celle-ci.  L'une  préféra  la  vie 
à  la  vertu,  et  s'en  priva  ensuite  dans  l'ac- 
cès d'uu  inutile  désespoir  ;  l'autre  aima 
mieux  mourir  et  essuyer  le  reproche  du 
crime  que  de  le  commettre.  On  connaît 
ces  beaux  vers  latins  : 

Caita  Susanna  plïcct  ;  Lucretia  ,  cède  Satano»  t 
Tu  post ,  illa  mori  maluit  aote  scelut. 

Un  auteur  moderne  a  fait  contraster  avec 
la  faiblesse  et  les  tardifs  regrets  de  Lu- 
crèce "l'intrépidité  d'une  jeune  religieuse, 
assaillie  par  cinq  ou  six  soldats  forcenés 
dans  le  pillage  d'une  ville  de  Pologne. 
«  Pâle  du  danger  que  court  son  innocence, 
i>  elle  se  prosterne  aux  pieds  d'un  de  ces 
D  furieux,  et  lui  dit:  Si  tu  veux  me  res- 
»  pecler,  je  te  rendrai  invulnérable;  ce 
»  secret  vient  de  mes  pères,  fais-en  l'es- 
.  sai  sur  moi.  Le  soldat  crédule  tire  son 


LUC 


619 


LUC 


>  sabre,  et  lui  tranche  la  tête.  «Sans  juger 
avec  rigueur  la  moralité  de  cette  action 
sous  tous  les  rapports,  il  faut  convenir 
qu'en  fait  de  courage  et  de  chasteté ,  elle 
est  bien  propre  à  confondre  les  panégy- 
ristes de, Lucrèce. 

I.UCRÈCr  (  Titus  Lucretius  Carus  ), 
poète  et  philosophe,  naquit  à  Rome  d'une 
ancienne  famille  ,  l'an  95  avant  J,-C.  Jeté 
au  milieu  des  temps  les  plus  orageux  de 
la  république  ,  témoin  des  proscriptions 
de  Marius  et  de  Sylla  et  de  toutes  les  hor- 
reurs de  la  guerre  civile,  il  ne  joua  aucun 
rôle  dans  les  scènes  sanglantes  ,  se  tint 
dans  un  sage  éloignement  des  tempêtes 
politiques,  et  chercha  dans  le  sein  de  l'é- 
tude un  asile  contre  la  turbulence  des 
factions.  Il  avait  fait  ses  études  à  Athènes, 
et  c'est  dans  cette  ville  qu'il  puisa  les 
]»riucipes  de  la  philosophie  d'Epicure.  Il 
fut  le  premier  qui  fit  paraître  dans  Rome 
la  physique ,  ornée  des  fleurs  de  la  poésie. 
Le  poète  philosophe  adopta  l'infini  d'A- 
iiaximandre  et  les  atomes  de  Démocrile. 
I!  tâche  de  concilier  les  principes  de  ces 
deux  philosophes  avec  ceux  d'Epicure , 
dans  son  poème  De  rerum  natura  ^  en 
six  livres.  Son  ouvrage  est  moins  un  poè- 
me héroïque  qu'une  suite  de  raisonne- 
iiiens,  quelquefois  bons,  mais  plus  sou- 
vent absiu'des.  Jamais  homme  ne  nia  plus 
hardiment  la  Providence,  et  ne  parla  avec 
pius  de  témérité  de  Dieu.  Il  semble  que 
son  but  n'a  été  que  de  détruire  l'empire 
de  la  Divinité,  et  d'enlever  à  l'homme 
les  consolations  que  lui  présentent  la  re- 
ligion et  une  raison  saine,  qui ,  par  la  vue 
<'t  l'usage  des  créatures,  fait  remonter 
jiîsqu'au  Créateur.  Il  croit  l'en  dédomma- 
ger par  la  jouissance  des  plaisirs  sensuels 
annoncés  dans  l'invocation  même  de  son 
poème ,  où  il  appelle  Vénus  la  seule  mère 
(les  plaisirs  dont  les  homiiies  et  les  dieux 
jinissent  espérer  de  jouir  : 

/Kneadutngcnitrix,  divumqueUominuraque  voliiplai. 

r.i-tie  brutale  philosophie  l'aveugla  au 
point  d'assurer  que  les  yeux  n'étaient  pas 
faits  pour  voir  j  mais  qu'on  s'avisait  de 
voir,  pa*  ce  qiCon  avait  des  yeux.  (  Voyez 
tl'lCURE.  )Lc  poète  ne  vaut  guère  mieux 
que  ie  philosophe.  On  a  vu  des  littérateurs 
épris  de  la  doctrine  d'Epicure,  pousser 
l'enlhousiasme  jusqu'à  préférer  son 
chantre  à  celui  d'Enée.  Ce  paradoxe  n'est 
j)as  nouveau;  un  ancien  s'en  plaignait 
déjà  :  Luciliwn  pro  Horatio .  Lucretium 
yro  Virgilio  legunt.  (  Author.  anon.  De 
\  causis  corrupUv  cloq.  )  \\  faut  convenir 


(pie  pour  cela  la  corruption  du  goût  na 
suffit  pas  ;  il  faut  encore  celle  de  l'esprit  ot 
du  cœur.  Quoique  né  avant  Auguste,  on 
prendrait  Lucrèce  pour  un  écrivain  pos- 
térieur de  trois  siècles  à  Virgile  ,  tant  son 
style  est  dur,  sa  versification  négligée,  sa 
marche  pénible  et  embarrassée.  On  a  beau 
dire  que  le  pinceau  de  la  poésie  n'est  pas 
fait  pour  les  objets  qu'il  avait  à  peindre  ; 
cette  excuse,  imaginée  par  quelques-uns 
de  ses  partisans,  est  suffisamment  réfutée 
par  les  Géorgiques,  dont  la  nature  est 
aussi  didactique  que  celle  du  poème  épi- 
curien. Lucrèce  se  fit  mourir  à  la  fleur  de 
son  âge  ,  à  h1  ans,  la  52'  avant  J.-C.  dans 
une  frénésie  causée,  dit-on ,  par  un  philtre 
que  lui  donna  sa  maîtresse  ;  mais  si  l'on 
considère  la  multitude  des  suicides  que 
la  doctrine  d'Epicure  produit  tous  les  jours 
parmi  nous ,  on  ne  sera  pas  dans  le  cas  de 
recourir  au  philire.  11  est  d'ailleurs  cons- 
tant que  sa  tête  était  depuis  quelque  temps 
dérangée  par  une  bile  noire ,  fruit  de  ses 
longues  méditations  sur  le  désespérant 
système  du  néant.  La  première  édition 
de  son  ouvrage ,  faite  à  Vérone  en  l/t86, 
est  recherchée.  On  a  encore  celle  de  Ve- 
nise, Aide,  1500-15;  celle  de  Lambin, 
Paris,  1563,  1570,  in-/*";  celle  de  Michel 
Dufay  (Fayiis).  adusum  Delphini.  1080, 
in-/i.°.  Celle  de  Gréech,  avec  la  traduction 
en  anglais,  Oxford,  1695  ,  in-8°,  est  plus 
belle  que  la  réimpression  de  1717.  Ce  tra- 
ducteur avait  si  bien  médité  l'original,  qu'il 
prit  aussi  le  parti  de  se  détruire  à  l'âge 
de  41  ans.  Nous  avons  encore  l'édition  de 
Maittaire,  Londres,  1713,  in-12;  celle  d'Ha- 
vercamp ,  Leyde,  1725;  celle  de  Benlley  et 
Wakefield ,  Londres ,  1796-97,  3  vol.  in-4°  ; 
celle  de  Glascow,  1815,  4  vol.  in-8°.  I.e 
baron  des  Coutures  (  Foijez  COUTURES  ), 
en  publia  une  traduction  française  en  IGS'i, 
avec  des  notes.  CetJe  version,  qui  n'o.çt 
pas  exacte,  et  qui  pourrait  être  mieux 
écrite ,  a  été  éclipsée  par  celle  qu'a  don- 
née M.  La  Grange,  avec  de  savantes  notes. 
Paris,  1767,  2  volumes  in-8°  et  in-12  M. 
Le  Blanc  de  Guillet  en  a  donné  en  1789 
une  traduction  en  vers,  dont  un  critiqua 
a  porté  le  jugement  qui  suit  :  «  Une  jus- 
»  tice  qu'il  faut  rendre  à  M.  Le  Blanc,  c'est 
»  qu'il  ne  contribua  point  par  les  chanuLs 
»  de  son  style  à  répandre  et  à  faire  aimer 
a  le  poison  de  cette  doctrine  scandaleuse 
»  et  impie  :  sa  poésie  est  un  puissant  an- 
»  tidote  contre  la  séduction.  »  M.  de  Pon- 
gerville  a  publié  en  1825  une  traduclioit 
envers  de  Lucrèce,  2  vol.  in-8"  ;  elle  a  eu 
d'honorables  suf.fr;>ges  ;  nous  n'osoiis  ra- 


LUC 

pcnJant  croire  qu'on  ail  voulu  les  donner 
aux  disseitalions  dans  lesqueiles  le  tra- 
ducteur essaie  vainement  de  laver  Lu- 
crèce du  reproche  d'athéisme.  Voyez 
MAROLLES,  Michel,  HÉNAULT  Jean, 
rOLIGNAC  et   MARCHETTI. 

ruCRÈCE.  Voyez  OBIZZI. 

LUCULLITS  (  Lucius  Licixics  ),  de  fa- 
mille consulaire,  naquit  vers  l'an  d  13  avant 
J.-C.  Il  montra  de  bonne  heure  des  dis- 
positions pour  la  philosophie  et  pour  l'é- 
loquence. Après  avoir  paru  avec  éclat 
dans  le  barreau,  il  fut  fait  questeur  en 
Asie  et  préteur  en  Afrique.  Il  gouverna 
ces  deux  provinces  avec  beaucoup  de  jus- 
tice et  d'humanité.  Ses  premiers  exploits 
militaires  furent  contre  Amilcar  ,  sur  le- 
quel il  remporta  deux  victoires  navales. 
Elevé  au  consulat  et  chargé  de  faire  la 
guerre  à  Mithridate,  il  dégagea  son  col- 
lègue Cotta,  que  l'ennemi  avait  enfermé 
dans  Chalcédoine ,  et  remporta  une  vic- 
toire sur  les  bords  du  Granique  ,  l'an  7i 
avant  J.-C.  L'année  d'après  ,  il  reprit  la 
Bilhynie,  à  l'exception  de  la  ville  de  Ni- 
comédie,  où  Mithridate  s'était  enfermé. 
Il  détruisit  dans  deux  journées  une  floîle 
que  ce  prince  envoyait  en  Italie.  Mithri- 
date ,  désespéré  de  la  perte  de  ses  forces 
maritimes,  se  relira  dans  son  royaume,  où 
le  vainqueur  le  poursuivit.  Les  progrès 
de  LucuUus  fuient  d'abord  assez  lents, 
mais  la  fortune  le  seconda  ensuite  au-delà 
de  ses  espérances  ,  et  le  dédommagea  bien 
du  danger  qu'il  avait  couru  d'être  assas- 
siné par  un  transfuge  vendu  à  Mithridate. 
Les  troupes  de  ce  prince ,  ayant  attaqué 
dans  un  lieu  désavantageux  un  convoi 
escorté  par  quelque  nnillicrs  de  Romains, 
furent  entièrement  défaites  et  dissipées. 
L'alarme  fut  si  vive  dans  le  camp  de  Mi- 
thridate ,  qu'il  prit  la  fuite  ,  et  se  réfugia 
chez  son  gendre  Tigrane ,  roi  d'Arménie, 
l'an  72  avant  J.-C.  LucuUus  passa  l'Eu- 
phrate  et  vint  fondre  sur  Tigrane,  qui 
lattcndait  avec  une  armée  formidable. 
Ce  lâche  monarque  fut  des  premiers  à 
tourner  le  dos,  dès  qu'il  vit  le  général 
romain  s'avancer  fièrement  à  pied  et 
l'cpée  à  la  main.  En  fuyant ,  il  perdit  son 
diadème,  qui  tomba  entre  les  mains  de 
LucuUus;  le  consul,  avec  une  poignée 
dhommes  ,  lui  tua  ou  lui  prit  cent  mille 
fantassins,  et  presque  toute  sa  cavalerie. 
La  prise  de  Tigranocerlc,  capitale  du 
royaume,  suivit  de  près  celte  victoire.  Le 
roi  d'Arménie  avait  transporté  une  partie 
de  ses  richesses  dans  cette  ville  ;  elles  de- 
vinrent la  proie  du  vainqueur.  Ces  succès 


620  LUD 

de  LucuUus  ne  se  soutinrent  pas  ;  il  n'es- 
suya personnellement  aucune  défaite, 
mais  il  aliéna  l'esprit  de  ses  soldats  par 
trop  de  sévérité  et  de  hauteur.  Cicéron 
appuya ,  par  sa  belle  oraison  Pro  legs  Ma- 
nilia,  le  vœu  public,  qui  désignait  Pom- 
pée pour  le  remplacer,  et  ce  général  vin', 
effectivement  lui  ôterle  commandement 
Cependant  le  vainqueur  de  Tigrane ,  de 
retour  à  Rome,  obtint  les  honneurs  du 
triomphe.  Sa  vie  fut  depuis  moins  bril- 
lante, mais  plus  douce  et  plus  tranquille. 
Il  reconnut,  et  il  dit  souvent  à  ses  amis, 
que  la  fortune  avait  des  bornes  qu'im 
homme  d'esprit  devait  connaître.  Livré  à 
l'étude  et  au  commerce  des  hommes  les 
plus  ingénieux  et  les  plus  polis  de  son 
siècle,  il  passait  avec  eux  les  jours  entiers 
dans  une  riche  bibliothèque  qu'il  avait 
remplie  de  livres  précieux  ,  et  destinés  à 
l'usage  de  tous  les  savans.  Il  surpassa  en 
magnificence  et  en  luxe  les  plus  grand-; 
rois  de  l'Asie,  qu'il  avait  su  vaincre.  Il 
avait  plusieurs  salons  ,  à  cFiacun  desquels 
il  donna  le  nom  d'une  divinité  ;  et  ce  nom 
était,  pour  son  maitre-d'hôtel ,  le  signal 
de  la  dépense  qu'il  voulut  faire.  Pompée 
et  Cicéron  l'ayant  surpris  un  jour  ,  il  dit 
seulement  qu'il  souperait  dans  le  salon 
d'Apollon,  et  on  leur  servit  un  rei)as  (jui 
coûta  23,000  livres.  Tl  se  fâcha  un  jour 
très  sérieusement  contre  son  maitre- 
d'hôtel  ,  qui ,  sachant  qu'il  devait  souper 
seul,  avait  fait  préparer  un  repas  moins 
somptueux  qu'à  l'ordinaire  :  «  Ne  savais-tu 
»  pas,  lui  dit-il,  qu'aujourd'hui  Lucuilu': 
»  devait  souper  chez  LucuUus  ?»  Ce  fut 
lui  qui  apporta  du  royaume  de  Pont  les 
premiers  cerisiers  que  l'on  ail  vus  en  Eu- 
rope. On  lui  attribue  aussi  l'importation 
du  parchemin.  Il  tomba  en  démence 
dans  ses  derniers  jours ,  et  mourut  à  l'âge 
de  67  à  68  ans,  avec  la  réputation  d'un 
homme  qui  égalait  Sylla  pour  le  niérilc 
militaire,  et  le  surpassait  pour  les  venus 
civiles.  Il  fut  fils  tendre,  bon  frère,  père 
indulgent,  ami  sincère,  maître  généreux, 
excellent  citoyen,  général  habile.  Il  se  pi- 
quait de  la  plus  grande  droiture, et,  malgré 
ses  profusions  ,  il  eût  clé  difficile^le  tiou- 
ver  dans  l'ancienne  Rome  un  luimme 
d'une  probité  plus  sévère.  Voy.  l'Histoire 
de  LucuUus,  dans  Plularque  et  dans  le 
premier  volume  Lies  Mélanges  historiques 
et  critiques  de  M.  le  président  d'Or- 
bessan. 

LlîDEWIG  (  Jea^-Pierre  de),  en  latin 
LudovicuSt  cônseiUer  intime  du  roi  de 
Prusse,  chancelier  du  duché  de  .Magde- 


LUD 

bourg,  professeur  en  droit,  naquit  au 
chitleau  de  Hehenhard ,  dans  la  Souabe  , 
le  l"i  août  1668.  Il  étudia  dans  les  univer- 
silcs  de  Tubintjue,  de  Wittenberg  et  de 
Halle,  devint  professeur  de  philosophie 
en  1695 ,  et  fut  chargé  quelque  temps 
aines  des  intérêts  de  l'électeur  de  Bran- 
debourg au  congres  de  Riswick.  Après 
avoir  visité  une  partie  de  la  Hollande  et 
différentes  cours  d'Allemagne,  Il  revint 
UIalle,eu  1700,  quitta  la  chaire  de  phi- 
losophie pour  celle  d'histoire,  prit  en- 
suite celle  de  droit  public,  et  devint  en 
1722,  chancelier  de  l'université  de  Halle 
et  du  duché  de  Magdebourg;  il  était  en 
outre  archiviste  et  historiographe  depuis 
i  7 0/t,  lorsqu'il  mourut  le  7  septembre  1743, 
à  75  ans.  Ludewig  a  beaucoup  écrit  en 
latin  et  en  allemand.  On  a  de  lui  :  |  Novum 
vol  amen  Scriptorum  rerum  germanica- 
7-:im  .  Francfort  etLelpsick,  1718,  2  lom. 
iîi-fol.;  I  Manuscrijyta  omnis  œvi .  diplo- 
inata  ac  monumenta  ineditaj  iTiO-HkO, 
12  vol.  In-8°;  |  la  Fie  de  Juslimen  et  de 
Tribonien,  1731;  [  OEuvres  diverses, 
1720,  2  vol.;  |  Recueil  des  écrivains  de 
l'histoire  de  l'évéché  de  Wurtzhourg , 
Francfort,  1713  ,  in-fol. ,  en  allemand  ;  la 
plupart  n'avaient  pas  encore  été  Impri- 
més ;  I  Recueil  des  écrivains  de  l'évêché 
<Is  Bamberg,  1718,  in-foi.  Ces  recueils 
sont  estimés  et  recherchés.  On  peut  Hre 
sou  Eloge  dans  le  t.  U  des  Journaux  de 
Florence.  On  trouvera  la  liste  de  ses  ou- 
vrages dans  la  Gelehrte  Europa,  de  Goet- 
len,  1735;  dans  la  Pinacotheca  script. 
nostra  œtale  litteris  illustrium,  de  Bruc- 
ker ,  et  surtout  dans  l'ouvrage  de  Frédéric 
^'•'ideburg  intitulé  :  De  vita  et  scriplis 
J.-P.  de  Ludewig^  commentarius ,  Halle, 
17,i7,  in-8°. 

fJJDGER  (saint),  né  vers  l'an  743, 
rfune  des  premières  maisons  de  Frise, 
fut  mis  de  bonne  heure ,  selon  ses  désirs , 
sous  la  conduite  de  saint  Grégoire  ,  dis- 
ciple et  successeur  de  saint  Bonifacc  , 
qui,  prenant  un  soin  particulier  de  son 
éducation,  et  charmé  des  progrès  que 
son  élève  faisait  dans  les  sciences  de  la 
vertu,  lui  donna  la  tonsxire  cléricale. 
Luilger,  voulant  se  perfectionner  de  plus 
eu  plus  dans  les  connaissances  propres  à 
rormer  son  esprit  et  son  cœur  ,  passa  en 
;  ;leterre  et  suivit  pendant  quatre  ans 
demi  le  célèbre  Alculn  ,  qui  était  à  la 
l  te  de  l'école  d'York.  Avare  de  son 
temps,  il  en  partageait  Ions  les  momcns 
riitre  les  exercicesde  la  religion  et  l'étude 
de  l'Ecriture  et  des  saints  Pères.  En  775 , 


621  LUD 

il  retourna  dans  sa  patrie  ;  et  saint  Gré~ 
goire  étant  mort  en  776,  Albéric,  son  suc- 
cesseur, éleva  Ludger  à  la  dignité  sacer- 
dotale ,  et  l'employa  plusieurs  années  à 
prêcher  TEvangile  dans  la  Frise.  Le  suc- 
cès répondit  à  son  zèle.  Il  convertit  un« 
multitude  innombrable  d'infidèles  et  de 
mauvais  chrétiens,  fonda  plusieurs  mo- 
nastères, et  bâtit  des  églises  de  toutes 
parts  sur  les  ruines  du  paganisme.  Mais 
les  Saxons  étant  venus  fondre  sur  la  Frise, 
il  fut  obligé  d'Interrompre  ses  travaux 
apostoliques  et  de  quitter  le  pays.  Peiv- 
dant  ce  temps,  il  fit  un  voyage  à  Rome , 
afin  de  consulter  le  pape  Adrien  II  sur  le 
parti  qu'il  avait  à  prendre  pour  exécuter 
la  volonté  de  Dieu.  Il  se  retira  au  Mont- 
Cassin  pendant  trois  ans,  et  y  pratiqua 
toutes  les  austérités  de  cette  maison  ,  sans 
y  avoir  fait  néanmoins  de  vœux  monas- 
tiques. Charlemagne  ayant  vaincu  les 
Saxons,  et  s'élant  rendu  maître  de  la 
Frise  en  787,  Ludger  revintdansson  pays 
et  y  continua  ses  missions.  Il  annonçai 
l'Evangile  aux  Saxons,  et  en  convertit 
un  grand  nombre  II  porta  la  lumière  de 
la  foi  dans  la  Weslphalie,  et  fonda  le  mo- 
nastère de  Werden  dans  le  comté  de  la 
Marck.  En  802  ,  Hildebaud  ,  archevêque 
de  Cologne,  sacra  Ludger^évêque  de  MI- 
migardeford ,  malgré  la  résistance  de  ce 
dernier.  Ce  fut  alors  que  la  ville  de  Mi- 
migardeford  prit  le  nom  de  Munster  ,  du 
monastère  que  Ludger  y  bâtit  pour  des 
chanoines  réguliers,  destinés  à  faire  l'of- 
fice divin  dans  la  cathédrale.  Le  nouvel 
évéque  joignit  à  son  diocèse  cinq  cantons 
de  la  Frise ,  qu'il  avait  gagnés  à  J.-C.  On 
lui  est  encore  redevable  de  la  fondation 
du  monastère  de  Hehustadt,  dans  le  du- 
ché de  Brunswick  ,  qui  depuis  fut  appelé 
de  son  nom.  Doux  et  affable  envers  les 
pauvres.  Il  était  plein  de  fermeté  et  de 
résolution  à  l'égard  des  riches  enflés  de 
leurs  trésors,  et  dune  rigueur  inflexible 
envers  les  pécheurs  impénitens.  Une 
dame  de  qualité ,  coupable  d'inceste  ,  en 
fit  l'expérience.  Elle  ne  put  rien  gagner 
sur  l'esprit  de  l'évêque  ,  et  comme  elle  ne 
se  corrigeait  pas ,  il  la  retrancha  de  la 
communion  des  fidèles.  Dans  tous  les 
temps,  la  vertu  eut  des  censeurs  et  des 
calomniateurs.  Aussi  celle  de  Ludger  n'en 
fut  pas  à  l'abri.  On  le  décria  auprès  de 
Charlemagne  ;  on  lui  reprocha  qu'il  rui- 
nait son  évéché,  qu'il  négligeait  l'em- 
bellissement des  églises  de  sa  juridic- 
tion. Le  prince  donna  dans  le  piège,  et 
ordonna  à  Ludger  de  se  rendre  à  la  cour. 


LUD 


622 


LUG 


Ladgor  obéit.  Le  lendemain  de  son  ar- 
rivée, un  officier  le  vint  avertir  quercm- 
pereur  l'attendait  ;  mais  comme  il  était  oc- 
cupé à  dire  sou  office,  il  répondit  qu'il 
irait  trouver  le  prince  aussitôt  qu'il  aurait 
fini.  L'empereur  le  fit  chercher  jusqu'à 
trois  fois,  et  dès  qu'il  fut  arrivé,  Char- 
lemagrie  lui  demanda  avec  un  peu  d'émo- 
tion pourquoi  il  le  faisait  attendre  si  long- 
temps :  «  Je  sais,  sire,  dit-il,  tout  ce  que 
■  je  dois  à  votre  majesté;  mais  j'ai  cru 
»  que  vous  ne  trouveriez  pas  mauvais  que 
»  Dieu  eût  la  préférence.  Quand  on  est 
»  avec  lui,  il  faut  oublier  toutes  les  autres 
»  choses.    D'ailleurs ,  en    agissant  de  la 

•  sorte,  je  me  suis  conformé  aux  inten- 

•  lions  de  votre  majesté,  puisque  après 
»  m'avoir  choisi  pour  évêque  ,  elle  m'a 
»  commandé  de  j)référer  le  service  de 
»  Dieu  à  celui  des  hommes.  »  Cette  ré- 
ponse fit  seule  sa  justification,  et  l'em- 
pereur le  traita  avec  distinction,  et  dis- 
gracia ceux  qui  avaient  voulu  le  perdre. 
Ludger  mourut  en  809,  aprèsavoir  exercé 
jusqu'au  dernier  moment  les  fonctions 
de  l'apostolat. 

LUDOLPilE  VAN  CEULEN.  Voyez 
VAN  CEULEN. 

LUDOLPilE  DE  SAXE,  d'abord  do- 
minicain, puis  chartreux,  était  prieur  de 
Strasbourg  en  1530.  Outre  une  Traduction 
du  livre  àQ  V Imitation  qu'il  passe  pour 
avoir  faite,  on  luidoitune  Vie  rfe  JÉSUS- 
CHRIST,  in-fol. ,  en  latin,  imprimée  à 
ce  qu'on  croit,  en  i474,  dans  son  mona- 
stère; elle  a  été  réimprimée  avec  une  ver- 
sion française  en  2  vol.  iii-fol.  Ces  deux 
éditions  sont  peu  communes. 

LUDOLPilE  ou  LUDOLF  (  Job  ) ,  sa- 
vant orientaliste,  né  en  1(124  à  Èrfurl  d'une 
famille  ancienne ,  s'appliqua  à  l'étude  des 
langues  avec  un  travail  infatigable.  Il 
voyagea  beaucoup,  visita  les  bibliothèques 
des  différens  pays ,  en  rechercha  les  curio- 
•ités  naturelles  et  les  antiquités,  et  forma 
des  liaisons  avec  les  savans.  Ludolphc 
avait  été  précepteur  des  enfans  du  duc  de 
Saxe-Gotha  avec  lesquels  il  voyagea  en 
Europe.  Il  vint  à  Paris,  et  l'ambassadeur 
de  Suède  lui  confia  l'éducation  de  ses  en- 
fans.  En  1649 ,  il  fut  envoyé  à  Rome  pour 
recueillir  \e?>  mémoires  que  J.  Magnus, 
évêque  d'Upsal,  devait  y  avoir  laissés; 
mais  ses  recherches  furent  inutiles.  C'est 
dans  cette  ville  qu'il  étudia  la  langue 
éthiopienne,  laquelle  lui  fut  très  iitiledans 
l'iiistoire  qu'il  publia  sur  cette  nation.  Il 
fut  conseiller  à  Erfurt  pendant  près  de  18 
ans ,  et  se  relira  à  Francfort-sur-ie-Mein 


avec  sa  famille  L'électeur  palatin  le  mit 
à  la  tête  de  ses  affaires ,  et  lui  confia  le 
soin  de  ses  revenus.  Ludolphe  était  aussi 
propre  aux  affaires  de  l'état  qu'aux  re- 
cherches pénibles  des  sciences.  Son  ardeur 
pour  le  travail  était  si  vive ,  que  dans  ses 
repas  mêmes  il  avait  toujours  un  livre 
devant  les  yeux.  Il  savait  vingt -cinq 
langues.  Il  mourut  à  Francfort  en  1704 , 
à  quatre-vingts  ans.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  :  I  Historia  œthiopica,  Franc- 
fort, 16dl,  in-fol.  On  en  publia  en  1084 
un  abrégé  en  français.  |  Un  Commentaire 
s^nr cette  histoire ,  1691  ,  in-fol. ,  en  latin  ; 
I  un  Âppendix  pour  le  même  ouvrage  , 
1693,  in-4°,  en  latin.  L'histoire  des  Ethio- 
piens ,  leur  religion ,  leurs  coutuaios , 
sont  développées  dans  ces  différens  éciils 
avec  beaucoup  d'érudilon,  mais  avec  peu 
d'exactitude.  L'abbé  Renaudot  en  a  relevé 
plusieurs  fautes  dans  son  Histoire  des 
patriarches  d'Alexandrie  ^  et  dans  sa 
Collection  des  liturgies  orientales  ;  \  luie 
Grammaire  et  un  Dictionnaire  abyssin  . 
1698,  in-fol.;  |  Dissertatio  de  loc  astis , 
Francfort ,  1694  ,  in-fol.  ;  j  Fasta  Ecclesice 
alexandrince ^  Francfort,  1691,  in-fot.; 
I  un  grand  nombre  d'autres  Ouvrages , 
dont  on  peut  voir  la  liste  dans  la  Fie  de 
Ludolphe  par  Juncker  ;  mais  il  ne  faut 
pas  s'en  tenir  à  l'idéa  exagérée  que  ce 
biographe  donne  des  qualités  et  des  con- 
naissances de  son  héros. 

LUDOVIC  SFORCE.   Voxjez  SFORCE. 

LUGO  (Jean  de),  cardinal,  né  à  Ma- 
drid en  1583  ,  se  disait  de  Séville,  parce 
que  son  père  y  faisait  sa  résidence.  Il  se 
fit  jésuite  en  1603;  et  lorsque  son  père 
mourut ,  il  partagea  sa  succession ,  qui 
était  fort  considérable,  entre  les  jésuites 
de  Séville  et  ceux  de  Salamanque.  Après 
avoir  enseigné  la  philosophie  et  la  théo- 
logie en  divers  collèges,  il  fut  envoyé  à 
Rome  pour  y  professer  cette  dernière 
science  ;  ce  qu'il  fit  avec  succès  pendant 
20  ans.  Le  pape  Urbain  VIII  le  nomma 
cardinal  en  1643,  et  se  servit  de  lui  en 
plusieurs  occasions.  Cette  dignité  ne  lu» 
fil  rien  perdre  de  son  humilité,  de  sa 
modestie,  ni  de  son  amour  pour  la  pau- 
vreté et  la  simplicité  religieuse;  il  ne 
souffrit  jamais  dans  son  palais  aucun  meu- 
ble brillant  ou  précieux.  Lugo  mourut  à 
Rome  en  1660 ,  à  77  ans.  On  a  de  lui  un 
grand  nombre  d'ouvrages  en  latin,  qu'on 
a  recueillis  en  7  gros  vol.  in-foï.  Lyon 
1653-1660.  Ils  traitent  tous  de  la  théologie 
scolastique  et  morale ,  et  furent  impri- 
més successivement  à  Lyon ,  depuis  1633 


LUI  65 

jusqu'en  1660.  Le  volume  qui  a  été  le 
plus  lu  par  les  théologiens,  est  le  3*  De 
virtute  et  sacramento  jyœinteiitiœ .  pu- 
blié à  Lyon  en  1638,  et  réimprimé  en 
1644  et  léol.  Ceux  qui  ont  prétendu  voir 
dans  ses  ouvrages  le  péché  philosophi- 
que ^onimis  dans  celte  accusation  une 
animosité  qui  prouve  mieux  l'esprit  de 
parti  dont  ils  étaient  animés  ,  que  l'erreur 
du  cardinal,  qui  n'a  jamais  enseigné  celte 
doctrine.  Le  cardinal  de  Lugo  était  fort 
diaritable.  Ce  fut  lui  qui  donna  le  pre- 
mier beaucoup  de  vogue  au  quinquina, 
qu'on  appela  la /?ouc?/-et/e  Lugo^ai  que  les 
Anglais  appellent  encore  aujourd'hui  la 
poudre  des  jésuites.  Il  la  donnait  gratuite- 
ment aux  pauvres,  et  multipliait  par  là 
les  occasions  de  s'assurer  des  propriétés 
de  ce  fébrifuge  .  qui  se  vendait  alors  très 
cher.  —  Son  frère  aîné  (Fraxcois  de 
LUGO) ,  jésuite  comme  lui ,  mort  en  1652 
à  72  ans,  est  auteur  d'un  Coimyie^itaire 
sur  la  première  partie  de  la  Somme  Ae 
saint  Thomas,  en  2  vol.  in -fol.  ,  d'un 
Traiié  des  sacremens ,  et  de  plusieurs 
Traités  de  théologie  ,  5  vol.  in-4," 

LUILLÏER  ou  LHUILLIER  (Jeax), 
d'une  famille  ancienne  de  Paris ,  seigneur 
d'Orville  et  maître  des  comptes,  fut  élu 
prévôt  des  marchands  en  1302.  Il  rendit 
de  grands  services  à  Henri  IV,  et  obtint 
pour  récompense  une  charge  de  prési- 
dent à  la  chambre  des  comptes,  que  le 
roi  créa  en  sa  faveur.  —  De  la  même  fa- 
mille était  JeaxLUILLÏER,  fils  de  l'a- 
vocat général  du  parlement  de  Paris , 
qui  fut  recteur  de  l'université  en  1447  , 
docteur  et  professeur  en  théologie  quel- 
que temps  après  ,  puis  évêque  de  Meaux 
en  1483,  Il  fut  aussi  confesseur  de  Louis 
XI,  et  ne  contribua  pas  peu  à  terminer 
la  guerre  du  Bien  public.  Il  mourut  le  11 
septembre  loOO ,  âgé  d'environ  soixante- 
quinze  ans. 

IIÎTXIEÎI  (Madeleiive)  ,  fille  du  pré- 
sident Jean  Luillier,  fut  mariée  à  Claude 
Le  Roux  de  Sainte-Beuve ,  conseillei  du 
parlement  de  Paris.  Ayant  perdti  son 
époux ,  elle  quitta  les  délices  du  siècle , 
dont  les  suites  sont  si  amères,  et  s'atta- 
cha à  un  bien  plus  solide ,  indépendant 
des  événemens  humains.  Api  es  avoir 
fondé  à  Paris  le  monastère  des  religieuses 
ursulines  du  faubourg  Saint-Jacques,  elle 
les  édifia  par  ses  vertus,  et  y  mourut  en 
odeur  de  sainteté  l'an  1628. 

LUILLIER  CHAPELLE  Foyez  CHA- 
PELLE 

LUINES.  roy^z  ALBERT  de  LU YNES. 


3  LUî 

LUISINO,  LUISINI ,  ou  LUINO  (Fran- 
çois), célèbre  humaniste  d'Udine  dans 
le  Frioul,  recommandable  par  son  amour 
pour  la  littérature  et  par  l'intégrité  de 
sa  vie,  enseigna  quelque  temps  les  lettres 
grecques  et  latines  à  Reggio ,  et  devint 
secrétaire  du  duc  de  Parme.  Il  mourut 
en  1368 ,  à  45  ans.  On  a  de  lui  :  |  Parergôu 
libri  très ,  in  quibus  tani  in  grœcis  quant 
in  latinis  scriptoribus  muUa  obscura 
lova  declarantur.  Cet  ouvrage  est  inséré 
dans  le  tome  3  du  i  ecueil  de  Jean  Grutcr, 
intitulé  :  Lampas  seu  fax  artium^  hoc 
est.  Thésaurus  criticus.  |  Un  Commen- 
taire latin  sur  l'Art  poétique  d'Horace, 
Venise,  1334  ,  in-4".  —  Il  ne  faut  pas  le 
confondre  avec Lours  LUISINO  {Aloysu& 
Luisinius),  natif  d'Udine ,  qui  vivait  dans 
le  même  temps ,  a  mis  en  vers  hexamè- 
tres lesAphorismes  d'Hippocrale,  Venise 
1332  ,  in-8° ,  et  a  donné  le  Recueil  des 
auteurs  qui  ont  traité  de  la  maladie  và~ 
nérienne ,  2  vol.  in-fol.  imprimés  à  Ve- 
nise ,  l'un  en  1367,  l'autre  en  1599.  Boei- 
liaave  a  donné  une  nouvelle  édition  do 
cet  ouvrage  à  Leyde ,  1728 ,  in-fol.  On 
connaît  encore  Louis  Luisino  par  son 
excellent  traité  De  compescetidis  animi 
affectibus  .  Bàle  ,  1562 ,  in-S"  ,  et  Stras- 
bourg ,  1713. 

LUITPRAND,  roi  des  Lombards,  suc- 
céda en  715  à  son  père  Ansprand.  Toute 
la  famille  d'Ansprand ,  tuteur  de  Luitbert. 
était  tombée  en  702  entre  les  mains  d'A- 
ribert  H ,  qui  avait  usurpé  sa  couronne. 
Ce  tyran  fil  mulLlerla  famille  d'Ansprand, 
excepté  le  jeune  Luitprand  ,  qui  rejoignit 
son  père  en  Bavière.  Ansprand  détrôna 
Ariberl ,  s'empara  de  la  couronne ,  à  la- 
quelle succéda  Luitprand.  Ce  roi  fit  des 
conquêtes  dans  la  Grèce  ,  secourut  Char- 
les-Martel contre  les  Sarrasins,  fit  alliance 
avec  les  Grecs  contre  le  pape  Grégoire  II; 
mais  il  conclut  la  paix  en  757 ,  et  depuis 
lors  il  se  montra  un  zélé  catholique.  Il 
fut  toujours  lié  d'amitié  avec  Charles. 
Martel ,  soumit  Thrasimond ,  duc  de  Spc- 
lettc,  et  mourut  en  743.  C'était  un  prince 
pieux  et  télé  pour  la  religion  catholique. 
Il  acheta  pour  une  somme  considérable 
le  corps  de  saint  Augustin  ,  qui  avait  été 
transporté  d'Afrique  en  Sardaigne ,  et  le 
fit  déposer  à  Pavie  avec  beaucoup  de  so- 
lennité et  de  magnificence. 

LUITPRAND,  LIUTPRAND,  ou  LI- 
TOBR AND ,  diacre  de  Pavie  ,  puis  évêque 
de  Crémone ,  fit  deux  voyages  à  Constan- 
tinople  en  qualité  d'ambassadeur ,  l'un 
en  948 ,  au  nom  de  Bcrenger  II ,  marqui» 


LUL 


624 


LUL 


dTvrce,  roi  d'Italie,  avec  qui  il  se  brouilla 
à  son  retour;  l'autre  en  9(38,  au  nom  de 
l'empereur  Othon,  auprès  duquel  il  s'é- 
tait retiré,  après  avoir  été  disjjracié  de 
Bérenjjcr.  Il  fut  l'interprète  de  cet  em- 
pereur au  concile  de  Rome  de  l'an  963. 
La  meilleure  édition  des  œuvres  de  Luit- 
prand  est  celle  d'vVnvers  en  1640  ,  in-fol. 
donnée  par  Jérôme  de  la  Higuera  et  Lau- 
rent Ramiresius.  Le  style  en  est  dur  , 
•erré  et  très  véhément.  Il  affecte  de  faire 
parade  de  grec ,  et  de  mêler  des  vers  à 
sa  prose.  On  y  trouve  une  Histoire  de 
ses  légations  à  Constatitinople ,  et  ime 
Relation  en  6  livres  de  ce  qui  s'était  passé 
en  Europe  de  son  temps.  Le  6*"  livre  n'est 
pas  entièrement  de  lui  :  le  6"  chapitre , 
inclus  le  li*^,  sont  d'une  main  étrangère. 
V Histoire  de  sa  légation  auprès  de  Ni- 
céphore  Pliocas  ,  Tan  063  ,  avait  été  pu- 
bliée par  Henri  Canisius,  Ingolstadt,  l'an 
IGOO.  Ses  réci-ts  ne  sont  pas  toujours  fidV 
les  ;  il  est  ou  flatteur  ou  satirique.  Le  prési- 
dent Cousins  a  traduit  plusieurs  morceaux 
de  Luitprand ,  qu'on  trouve  dans  son  His- 
toire  de  l'empire  d'Occident^  tom.  2.  Le 
livre  des  Vies  des  papes ,  depuis  saint 
Pierre  jusqu'à  Formose,  elles  Chroni- 
ques des  Goihs  ^  qu'on  lui  attribue ,  ne 
sont  point  de  lui. 

LL'LLE,  en  espagnol  Lclio  (le  bien- 
heureux 11ai.«o;«o  ) ,  surnommé  le  Doc- 
teur illuminée  né  à  Pal  ma  dans  l'ile  de 
Majorque  en  1236,  s'appliqua  avec  un 
travail  infatigable  à  l'étude  de  la  philoso- 
sophie  des  Arabes,  de  la  chimie,  de  la 
médecine  et  de  la  théologie.  Il  alla  plu- 
sieurs fois  annoncer  les  vérités  de  l'Evan- 
gile en  Afrique ,  et  fut  assommé  à  coups 
de  pierres  en  Mauritanie,  le  29  mars  131o , 
à  soixante-dix-neuf  ans.  Il  est  honoré 
comme  martyr  à  Majorque,  où  son  corps 
fut  transporté.  On  a  publié  plus  de  vingt 
ouvrages  de  LuUe ,  parmi  lesquels  on 
trouve  la  Cabale^  YArs  generalis  sive 
nyagna.  etc.  Lulle  a  eu  im  grand  nombre 
d'abrévialeurs  et  de  commentateurs.  Son 
Ars  generalis  est  de  tous  ses  ouvrages 
celui  qui  a  faille  plus  de  bruit  :  il  l'écrivit 
d'après  un  songe  qu'il  eut  au  pied  d'un 
arbre  où  il  s'était  endormi.  Il  fit  ensuite 
I  Art  inventif  de  la  vérité,  V Art  démons- 
tratif et  l'Arbre  de  la  science.  Il  nous 
reste  de  lui  un  grand  nombre  de  Traités 
sur  diverses  sciences ,  dans  lesquels  on 
remarque  beaucoup  d'étude  et  de  subti- 
lité, mais  peu  de  solidité  et  de  jugement. 
Quoiqu'il  y  ait   encore  aujourd'hui  des 


clef  de  Ses  mystérieux  écrits ,  on  trouvi 
des  connaissances  vraies  et  simples  ,  ilesi 
certain  que  cette  voie  d'y  parvenir  est 
pénible  et  puérile,  qu'elle  suppose  dans 
celui  qui  la  trace ,  un  esprit  tortueux  et 
faux,  et  fronde  la  première  qualité  de 
l'enseignement,  qui  est  la  clarté.  On  a 
donné  à  Mayence,  en  171 /i-,  le  catalogue 
des  ouvrages  de  cet  auteur ,  in-8°.  On  y 
trouve  des  Traités  sur  la  théologie,  la 
morale,  la  médecine,  la  chimie,  la  physi- 
que ,  le  droit ,  etc.  :  car  les  docteurs  de  ces 
siècles  embrassaient  toutes  les  sciences  , 
quoiqu'ils  n'en  possédassent  parfaitement 
aucune.  Il  n'est  cependant  pas  certain 
que  les  ouvrages  énoncés  dans  co  cata- 
logue soient  tous  de  lui;  on  peut  croire 
que  plusieurs  auteurs ,  pour  donner  de  la 
vogue  à  leurs  ouvrages,  les  ont  décorés 
de  ce  nom  célèbre  alors;  par  là  ou  con- 
cilie très  simplement  et  sans  efforts  les 
idées  contradictoires  qui  résultent  dca 
écrits  de  cet  homme  si  fameux.  On  a  en 
français  deux  Vies  de  Raimond  Lulle  : 
l'une  est  de  M.  Perroquet ,  Vendôme,  1667, 
in-S";  l'autre,  du  P.  Jean-Marie  de  Ver- 
non  ,  Paris  ,  1668 ,  in-i2.  Jordanus  Bru- 
nus  a  donné  deux  ouvrages  qui  ont  rap- 
port à  l'histoire  de  Lulle  :  Liber  de  Lam- 
pade  combinatoria R. LullijVraii^ue,  l;i88, 
in-8";  De  compendiosa  archileclura  et 
complemento  artis  Lulli,  Paris,  1582, 
in-l6.  iVIais  cet  apostat,  fanatique  forcené, 
dont  les  organes  étaient  évidemment  dé- 
rangés, ne  mérite  aucune  croyance  dans 
ce  qu'il  dit  de  Lulle.  Les  écrivains  qui  pro- 
noncent diflicilement  sur  le  caractère 
des  hommes  extraordinaires,  pour  les- 
quels le  bien  et  le  mal  semblent  plaider 
avec  une  force  à  peu  près  égale,  regai- 
dent  Raimond  Lulle  comme  un  person- 
nage presque  indéfinissable.  Sa  vie  fut 
d'abord  dissipée  cl  même  libertine;  il  se 
montra  ensuite  frère  très  fervent  da 
tiers-ordre  de  saint-François,  amateur  de 
la  solitude'  et  solliciteur  assidu  des  prin- 
ces, qu'il  vit  tous  et  pressa  jusqu'à  l'impor- 
tunité,  pour  les  faire  entrer  dans  les  plans 
de  son  zèle  ;  négociateur  d'une  activité 
unique  ,  auteur  de  plus  de  volumes  qu'un 
homme  n'en  pourrait  transcrire  et  pres- 
que lire  durant  la  mesure  ordinaire  d^ 
la  vie ,  accusé  d'hérésie  et  martyrisé  che» 
les  mahométans  d'Afrique  ,  homme  enuii 
mot  si  différent  de  lui-même  etchargédd 
tant  de  contrariétés  inconciliables,  que 
si  tout  ce  qu'on  en  raconte  est  vrai,  lei 
faits  les  plus  romanesques  ne  sont  plus 
fêns  qui  prétendent  qu'en    «iiùsissant   la  1  cliiméri«iucs.  On  lui  a  attribué  jusqu'à  la 


LUL 


625 


LUL 


découverte  du  grand  œuvre  ;  et  il  se 
l'attribue  lui-môme  ,  si  le  passage  où  il 
dit  qu'il  l'a  apprise  par  révélation  est  réel- 
lement de  lui.  On  a  cru  lui  reconnaître 
des  traits  de  ressemblance  avec  Paracelse 
et  Corneille  Agrippa  ;  mais  il  paraît  qu'il 
ne  mérite  pas  celte  comparaison.  Le  P. 
Kircher  ,  dans  son  3Iundus  subterra  - 
neus ,  prétend  que  si  Lulle  a  eu  des  tra- 
vers, il  ne  faut  pas  douter  qu'il  n'en  ail 
fait  pénitence  dans  la  vie  austère  et  édi- 
fiante qu'il  a  menée  ensuite  ;  qu'il  avait 
résolu  de  brûler  ses  livres ,  mais  que  ses 
disciples  les  ont  dérobés  à  cet  acte  de  sa- 
gesse et  de  justice. 

LULLE  de  TEURACA  (  Raimond  ),  sur- 
nommé le  Néoplujte  ^  de  juif  se  fit  domi- 
nicain, et  retourna  ensuite  au  judaïsme. 
Il  soutint  des  erreurs  monstrueuses ,  con- 
damnées par  le  pape  Grégoire  XI,  en 
1576. 

LULLI  (  Jean-Baptistë  ),  musicien,  né 
à  Florence  en  1635 ,  quitta  sa  patrie  de 
bonne  heure.  Ce  fut  un  oflicier  français 
qui  engagea  LuUi,  encore  jeune,  à  aller  en 
France.  A  peine  y  fut-il  arrivé ,  qu'il  se 
fit  rechercher  pour  le  goût  avec  lequel  il 
jouait  du  violon.  Mademoiselle  de  Mont- 
peiisier  l'attacha  à  son  service  ;  et  Louis 
XIV  lui  marqua  bientôt  après  le  cas  qu'il 
faisait  de  son  talent,  en  lui  donnant  l'in- 
speclion  sur  ses  violons.  On  en  créa 
même  une  nouvelle  bande  en  sa  faveur, 
qu'on  nomma  les  pctils-violons  ^  par  op- 
position à  la  bande  des  vingt-quatre ,  la 
plus  célèbre  alors  de  toute  l'Europe.  Les 
soins  de  LuUi,  et  la  musique  qu'il  fournit 
à  ses  élèves,  mirent  en  peu  de  temps  les 
petits-violons  dans  la  plus  haute  réputa- 
tion. LuUi  afait  dans  la  musique  plusieurs 
Innovations  qui  lui  ont  toutes  réussi.  Avant 
lui  la  basse  et  les  parties  du  milieu  n'é- 
taient qu'un  simple  accompagnement ,  et 
l'on  ne  considérait  que  léchant  du  dessus 
dans  les  pièces  du  violon;  mais  Lulli  a  fait 
chanter  les  parties  aussi  agréablement 
que  les  dessus.  Il  y  a  introduit  des  fugues 
admirables",  il  a  étendu  l'empire  de  l'har- 
monie ;  il  a  trouvé  des  mouvemens  jus- 
qu'alors inconnus  à  tous  les  maîtres.  Il  a 
fiait  entrer  dans  les  concerts  jusqu'aux 
tambours  et  jusqu'aux  timbales ,  des 
faux  accords  et  des  dissonances  ,  écueil 
ordinaire  où  les  plus  habiles  échouaient. 
liUlli  a  su  composer  les  plus  beaux  en- 
droits de  ses  ouvrages  ,  par  l'art  qu'il  a 
eu  de  les  préparer,  de  les  placer  et  de  les 
sauver.  Le  caractère  de  la  musique  de 
cet  artiste  est  une  variété  merveilleuse  , 
7. 


une  mélodie  et  tme  harmonie  qui  enchan- 
tent. Ses  chants  sont  si  naturels  et  si  in- 
sinuans ,  qu'on  les  retient ,  pour  peu 
qu'on  ait  de  goût  et  de  disposition  pour 
la  musique.  Il  obtint  la  place  de  siirin- 
tendantde  la  musique  du  Palais  (  1661  ). 
Perrin  ayant  introduit  l'opéra  en  France, 
Lulli,  qui  en  eut  le  privilège  en  1672  ,  le 
porta  à  un  haut  degré  de  perfection  et 
dans  l'espace  de  quin/.e  ans ,  il  com- 
posa les  partitions  de  dix- neuf  opC- 
ras.  Lulli  mourut  à  Paris  .  le  22  mars 
1687,  à  34  ans  ,  pour  s'être  frappé  lude- 
ment  le  bout  du  pied  en  battant  la  me- 
sure avec  sa  canne.  Le  mauvais  germe 
que  la  débauche  avait  mis  dans  son  sang 
fit  empirer  le  mal.  Au  premier  danger, 
Lulli  consentit  à  livrer  à  son  confesseur 
un  opéra  nouveau,  Achille  et  Polyxène ; 
le  confesseur  le  brûla.  Quelques  jours 
après ,  Lulli  se  portant  mieux  ,  un  prince 
qui  aimait  ce  musicien  fut  le  voir  :  «  Eh 
»  quoi  !  Baptiste ,  lui  dit-il,  tu  as  jeté  ton 
»  opéra  au  feu?  Tu  étais  bien  fou  debrû- 
»  1er  une  si  belle  musique  !  — Paix ,  paix, 
»  monseigneur ,  lui  répondit  Lulli  à  l'o- 
»  rcille,  je  savais  bien  ce  que  je  faisais  : 
«j'en  avais  une  seconde  copie.  »  Trait 
qui ,  du  premier  abord ,  ne  parait  que 
plaisant ,  mais  qui  dans  le  fond  marque 
une  âme  fausse  et  hypocrite.  Une  rechute 
lui  fit  bientôt  tenir  un  langage  différent. 
Il  se  fit  mettre  sur  la  cendre ,  la  corde  au 
cou,  fit  amende  honorable,  et  chanta  les 
larmes  aux  yeux  :  Jl  faut  mou?ir  ^  j)é- 
cheur^  etc.  Lulli  formait  lui-même  ses 
musiciens  et  ses  acteurs.  Son  oreille  était 
si  fine,  que  d'un  bout  du  théâtre  à  l'autre 
il  distinguait  le  violon  qui  jouait  faux. 
Dans  son  premier  mouvement  de  colère  , 
il  brisait  l'instrument  sur  le  dos  du  musi- 
cien :  la  répétition  faite,  il  l'appelait,  lui 
payait  son  instrument  plus  qu'il  ne  valait, 
et  l'emmenait  dîner  avec  lui.  Lulli  avait 
l'enthousiasme  du  talent ,  sans  lequel  on 
réussit  toujours  faiblement.  Il  savait  cd 
qu'il  valait  dans  son  genre,  et  le  faisait 
trop  sentir  aux  autres.  Malgré  une  ardeur 
continuelle  de  caractère ,  personne  n'ap- 
portait dans  la  société  plus  de  gaîté  que 
lui,  mais  une  gaîté  qui  dégénérait  en 
polissonnerie.  Il  était  violent  et  emporté, 
et  l'on  a  peine  à  croire  tous  les  traits 
qu'on  cite  de  sa  fureur.  La  grossesse  de 
mademoiselle  le  Rochois  retardant  la 
représentation  d'un  de  ses  opéras,  il 
donna  à  cette  actrice  un  coup  de  pied 
dans  le  ventre ,  et  hii  fit  faire  une  fausse 
couche.  Eoileau,  dans  YFpitre  au  ptiir- 


LU>Ï 

quis  de  Stgnelay,  lo  peli 


626 


LUIV 


l  par  CCS  six 


En  vain  par  îa  grimace  un  bouffon  odieux 

A  table  nous  fait  rire  et  divertit  nos  yeux  : 

Ses  bons  mots  ont  besoin  de  farine  et  de  plâtre. 

Prenez-le  lille-à-têle,  ôtez-lui  son  the'àtre. 

Ce  n'est  plus  qu'un  cœur  bas,  un  coquin  ténébreux. 

Son  visage  essuyé  n'a  plus  rien  que  d'affreux. 

On  a  de  lui  des  Opéras  j  des  Traffédies^ 
des  Pastorales  ^  des  Divertissemens.  Ou- 
tre ces  pièces  ,  LuUi  a  encore  fait  la  mu- 
sique d'environ  20  ballets,  et  de  plusieurs 
romédies  de  Molière  :  des  Trio  de  vio- 
lons et  plusieurs  Motets  à  grand  chœur, 
etc.  La  musique  de  LuUi  n'a  plus  la  ré- 
putation qu'elle  avait  autrefois  :  à  l'excep- 
tion de  quelques  morceaux  encore  écou- 
lés de  nos  jours,  ses  compositions  musi- 
cales, comme  toutes  celles  de  son  siècle, 
ne  paraissent  plus  que  froides,  inanimées 
et  sans  caractère. 

MIMAGUE  (la  vénérable  mère  MARie 
de),  fondatrice  et  institutrice  des  filles  de 
la  Providence ,  naquit  à  Paris,  le  29  no- 
vembre 1599 ,  d'une  famille  honorable. 
Ses  grâces  naturelles  étaient  rehaussées 
\vax  une  excellente  éducation  et  par  des 
vertus  précoces,  qu'elle  devait  en  grande 
partie  à  son  sage  directeur,  le  P.  Lebrun, 
célèbre  dominicain.  Recherchée  par  plu- 
sieurs personnes ,  qui  demandaient  sa 
main  ,  mademoiselle  de  Lumague  pou- 
vait faire  un  mariage  sortable  ;  mais  elle 
préféra  la  vie  solitaire  du  cloître,  et  entra 
dans  un  couvent  de  capucines ,  dont  la 
faiblesse  de  sa  santé  ne  lui  permit  pas  de 
suivre  la  règle  austère.  Sollicitée  par  ses 
parens ,  et  par  pure  obéissance ,  elle 
épousa,  en  1617  ,  François  Poilalion,  qui 
fut  nommé  résident  de  France  à  Raguse. 
MadaiTie  de  Lumague,  étant  devenue 
enceinte,  ne  put  suivre  son  époux  ;  et 
après  sa  délivrance,  lorsqu'elle  se  pré- 
parait à  le  joindre  ,  elle  apprit  la  nou- 
velle de  sd  mort.  Elle  se  consacra  entiè- 
rement à  l'éducation  de  sa  fille  ,  vivait 
dans  la  retraite,  et  n'en  sortit  que  sur 
l'invitation  de  la  duchesse  d'Orléans,  qui 
l'avait  nomiTiée  dame  d'honneur  et  gou- 
vernante de  ses  filles.  Au  milieu  de  la 
cour  la  plus  brillante  de  l'Europe,  madame 
de  Lumague  menait  une  vie  aussi  régu- 
lière que  si  elle  eût  deiTieuré  dans  un 
cloître.  Quand  l'éducation  des  jeunes 
princesses  fut  terminée  ,  elle  retourna 
dans  sa  retraite,  et  eut  le  bonheur  de  con- 
naître saint  Vincent  de  Paul  ,  dont  elle 
partagea  les  vues  charitables,  et  tint,  aus- 
Bitôl  qu'elle  eut  marié  sa  fille ,  la  pro- 


messe qu'elle  avait  faite  à  ce  vénérable 
religieux.  Elle  fonda  en  conséquence  ,  en 
1050,  rinslilut  des  Filles  de  laProvidence, 
chargées  d'instruire  les  pauvres  enfans 
de  la  campagne,  dont  elle  fixa  le  nom- 
bre à  trente-trois,  distribuées  dans  les 
villages  aux  environs  de  Paris.  La  for- 
tune de  la  vertueuse  fondatrice  était  pres- 
que épuisée  par  cette  sainte  œuvre  ;  des 
personnes  cliaritables  vinrent  à  son  se- 
cours, et  la  reine  régente  se  déclarant  en- 
fin protectrice  du  nouvel  institut ,  lui 
donna  en  1G51  xuie  maison  située  au  faa- 
bourg  Saint-Marceau.  Madame  de  Luma- 
gue, tranquille  de  ce  côté,  coopéra,  avec 
saint  Vincent  de  Paul,  à  l'établissement 
de  la  maison  des  Nouvelles  catitoTiques, 
que  le  maréchal  de  Turenne  dota  géné- 
reusement. Tourmentée  depuis  dix-huit 
ans  d'une  maladie  douloureuse ,  et  sen- 
tant sa  fin  approcher ,  elle  désira  mourir 
dans  les  bras  de  ses  chères  Filles  de  la 
Providence.  A  peine  arrivée  à  Paris  et 
dans  leur  maison ,  elle  n'eut  que  le 
temps  de  recevoir  les  secours  de  l'Eglise  , 
et  mourut  le  4  septembre  1657,  âgée  de 
58  ans.  On  a  écrit  plusieurs  Fies  de  cette 
dame  :  la  meilleure  est  celle  de  l'abbé 
Collin  ,  Paris  ,  1741 ,  in-12  ,  avec  un  por- 
trait gravé  par  Roy.  C'était  un  tribut 
de  reconnaissance  de  l'auteur,  qui,  ayant 
perdu  la  vue  ,  attribua  sa  guéiison  à  sa 
dévotion  pour  la  vénérable  Maiie  de  Lu- 
mague. 
LUMllN.  ro)/ez  LA  MARCK. 

LUi\A  (don  Alvaro  de),  gentil- 
homme espagnol ,  s'empara  de  l'esprit  de 
Jean  II,  roi  deCastille,  maitre despotique. 
Il  abusa  de  son  pouvoir,  alluma  la  guerre 
dans  le  royaume ,  persécuta  les  grands , 
s'enrichit  du  bien  d'autrui,  et  reçut  de 
l'argent  des  Maures,  pour  etnpêcher  la 
prise  de  Grenade.  Convaincu  de  ces  cri- 
tues,  il  fut  condamné  à  Valladolid ,  l'an 
1453,  à  avoir  la  tête  coupée  ;  elle  fut  ex- 
posée pendant  plusieurs  jours  avec  un 
bassin,  pour  trouver  de  quoi  faire  ei> 
terrer  son  corps.  On  assure  que  Luna 
ayant  voulu  savoir  d'un  astiologie  quelle 
serait  sa  fin ,  celui-ci  lui  répondit  qu'il 
mourrait  à  Calahalso.  C'était  le  nom 
d'une  de  ses  terres ,  et  ce  terme  signifie 
aussi  échafaud  en  espagnol.  Voyez, 
pour  de  plus  amples  détails  ,  sa  Vie  par 
Anf.  de  Castellanos  ,  Milan  ,  1546  ,  in-fol. 
Elle  a  été  traduite  en  français  Paris  , 
1720,  et  a  reparu  à  Madrid,  en  espagnol, 
1784,  \n-h°. 

LUx\DORPU  S  ou  LUNDORP  (Mk.upi^ 


LUIV 


Ôâ7 


LUN 


r.ASPARD  )  écrivain  allemand  du  17'  siè- 
cle ,  a  continué  V Histoire  de  Sleidan  ^ 
mais  d'une  manière  très  imparfaite;  cette 
Continuation  ^  (\\xi  tsl  en  3  volumes  ,' va 
jusqu'à  l'an  1609.  On  a  encore  de  lui  : 
Jeta  publica  ;  des  Notei  sur  Pétrone  , 
sous  le  nom  supposé  de  Georges  Erhard; 
elles  sont  peu  recherchées. 

LUNE (  Pierre  de).  Voyez  BENOIT 
XIII,  antipape. 

♦LUKEAU  DEBOISGERMAIX  (Pierre 
Josepu-François  ),  savant  instituteur, 
mais  écrivain  médiocre ,  naquit  à  Issou- 
dun  ,  en  iS32.  Après  avoir  terminé  ses 
éludes  à  Bourges  ,  cliez  les  jésuites  ,  il  fut 
admis  dans  leur  ordre ,  y  régenta  pen- 
dant quelque  temps  les  classes  inférieu- 
res, et  abandonna  ensuite  cette  société 
pour  venir  s'établir  à  Paris,  où  il  ouvrit 
des  cours  de  grammaire ,  d'histoire  ël 
de  géographie.  Quelques  ouvrages  élé- 
mentaires qu'il  publia  furent  favorable- 
ment accueillis.  11  donna  ensuite  une  édi- 
tion des  OEuvres  de  Racine ^Faris,  1768, 
7  vol.  in-S",  avec  une  vie  de  ce  grand 
poète,  et  des  Commentaires  qui  sont  en- 
core recherchés  aujourd'hui  ,  malgré  la 
critique  qu'en  a  faite  Laharpe;  mais  Lu- 
neau  ayant  voulu  débiter  lui-même  les 
exemplaires  de  cette  édition,  les  syndics 
de  la  librairie  lui  intentèrent  un  procès 
dans  lequel  il  succomba.  Pour  se  venger 
il  accusa  les  libraires-éditeurs  de  V Ency- 
clopédie d'avoir  frauduleusement  mul- 
tiplié le  nombre  des  volumes  ,  manqué  à 
la  plupart  de  leurs  engagemens  envers 
leurs  souscripteurs,  et  demanda  qu'ils 
fussent  condamnés  à  payer  à  chacun  de 
ceux-ci  un  dédommagement  de  500  fr. 
Cette  cause  qui  était  celle  des  gens  de 
lettres,  fit  beaucoup  d'éclat  ;  Luneau 
plaida  lui-même  devant  le  parlement; 
mais  après  avoir  passé  par  toutes  les  ju- 
ridictions ,  après  neuf  ans  d'attente  et  de 
soucis,  il  fut  condamné,  en  1778  ,  à  l'a- 
mende et  aux  frais  dans  une  affaire  où 
le  seul  objet  d'intérêt  pour  lui  avait  été 
de  recouvrer  457  francs.  Cette  lutte  opi- 
niâtre, qui  lit  honneur  à  ses  talens,  épuisa 
sa  fortune.  Alors,  il  imagina  d'établir  un 
bureau  .de  correspondance,  destiné  à 
fournir  aux  amateurs  les  articles  de  li- 
brairie ancienne  et  moderne  ,  aux  prix 
de  Paris  ;  mais  cette  entreprise  n'ayant 
eu  qu'un  succès  passager ,  il  renonça 
aux  spéculations  commerciales,  et  publia 
des  traductions  interlinéaires  ,  d'après 
le  plan  de  Dumarsais.  Il  mourut  à  Paris 
le  25  décembre  1801.   On  a  de  lui  :  ]  Les 


vrais  principes  de  la  lecture^  de  l'ortho- 
graplie  et  de  la  prononciation .  Puiis, 
1759,  in-8".  Cet  ouvrage,  dont  l'idée  et  le 
plan  appartiennent  à  Viard ,  £iit  souvent 
réimprimé.  La  huitième  édition,  1792, 
est  perfectionnée  et  considérablement 
augmentée.  |  Discours  sur  une  nouvelle 
manière  d'enseigner  et  d'apprendre  la 
géographie  :,  d'après  une  suite  d'opéra- 
tions typographiques^  ibid.,  1759,  in-12  ; 
I  Cours  d'Histoire  universelle;  Petits  élé- 
mens  ,  1768,  2  vol.  hi-8°  ;  5'=  édit.  ,  1779  ; 
I  Recueil  de  Mémoires  contre  les  libraires 
associés  de  V Encyclopédie  ^  1771-1772 
I  Jlmanach  musicale  1781-1783,  3  vol.  iu- 
12  ;  I  Cours  de  langue  italienne.  1783 ,  3 
vol.  in-8"*,  et  1  vol.  in-4^,  version  interli- 
néaire  de  la  Jérusalem  délivrée  et  des 
Lettres  péruviennes,  sur  la  traduction  de 
Deodati  ;  |  Cours  de  langue  anglaise . 
il^l  et  1800,2  vol.  in-8°ct  in-4"*,  appli- 
cation de  la  même  méthode  à  la  traduc- 
tion anglaise  de  Télémaque  et  du  Paradis 
perdu  de  Milton  ;  |  Cours  de  langue  /a- 
^m^.  1787-1789,  5  vol.  in-8°  ;  c'est  encore 
l'application  de  la  méthode  de  Dumar- 
sais sur  les  Commentaires  de  César  et 
V Enéide  de  Virgile.  Ces  trois  Cours  .  pu- 
bliés d'abord  chaque  quinzaine  ,  par  ca- 
hiers ,  sous  le  titre  de  Jownal  d'éduca- 
tion.  eurent  beaucoup  de  succès  dans  leur 
nouveauté,  et  celui  de  langue  latine .  de- 
venu fort  rare,  est  encore  très  recherché 
I  Cours  de  Bibliographie  ^  ou  Nouvelle 
pi-oduction  des  sciences  de  la  littérature 
et  des  artSj  1788,  in-8°  ;  0  cahiers ,  de  jan- 
vier à  juillet  1788,  contenant  les  litres  des 
ouvrages  français  annoncés  dans  les 
journaux  pendant  le  mois  précédent  ; 
I  Observatio7is  sur  l'amélioration  du  ser- 
vice des  postes  j  Paris,  1793,  in-8°  ;  |  De 
l'éducation  de  s  lapins^  i798,  in-S";  \  Idées 
et  vues  sur  l'usage  que  le  gouvernement 
peut  faire  du  château  de  Versailles,,  1798, 
in-8";  |  Descriptiondesaimans  artificiels 
de  Lenoble  ,  1801  ;  ]  Mémoires  pour  les 
imprimeurs  et  libi'aires  de  Paris,  ibid. 
On  a  encore  de  Lunean  une  brochure 
in-12,  intitulée  ',\Zinzolin.  jeu  frivole  et 
morale  1769.  Il  est  éditeur  de  ï Elite  des 
Poésies  fugitives.  Londres  (Paris  ) ,  1769, 
5  vol.  in-12  ,  et  il  a  eu  part  au  Diction- 
naire du  vieux  langage,  de  Lacombe. 

*  LIIXIER,  né  à  Nantes,  mort  à  Paris  , 
en  1807,  est  auteur  d'un  Dict.  estimé  des 
sciences  et  des  arts.  Paris,  1806  ,  5  vol. 
in-8°,  contenant  l'étymologie  ,  la  défini- 
tion et  les  diverses  acceptions  des  termes 
techniques    usités   dans    l'anatoaue,   )a 


LUP 


628 


LUP 


physiologie ,  la  médecine ,  la  pharmacie  , 
la  chiiviic  ,  la  botanique  ,  la  minéralogie , 
la  mécanique ,  l'hydraulique,  l'astrono- 
mie, la  pcinlure.rarcliiteclure,  la  marine, 
les  arts  et'  métiers  ,  récoriomie  domesli- 
q,ue,  l'agriculture  ,  l'économie  politique , 
la  numismatique,  etc.  ;  on  y  a  joint 
le  tableau  historique  de  l'origine  et  des 
progrès  de  chaque  branche  des  connais- 
sances humaines,  et  ime  description  abré- 
gée des  machines,  des  instrumens  et  des 
j)rocédés  anciens  et  modernes  employés 
dans  les  arts. 

LUPI  (  Axtoiîve-Marie  ) ,  jésuite  en 
1693  ,  né  à  Florence  ,  mort  à  Palerme  en 
1737  ,  a  écrit  beaucoup  de  dissertations 
savantes,  surtout  pour  éciaircir  les  anti- 
quités sacrées  et  profanes.  Le  père  Zac- 
caria  a  donné  une  Edition  des  Œuvres 
dupère.  Lupi,  son  confrère ,  à  Faenza, 
^783 .  2  vol,  in-4°  ,  avec  des  notes.  Le 
père  Laini  a  donné  la  vie  d'A.-M.  Lupi 
dans  ses  Memorabilia  Italorum  erudit. 
prœstant.  17i7.  — •  Il  ne  faut  pas  le  con- 
fondre avec  Mario  LUPI ,  camérier  du 
jiape  Pie  VI ,  et  chanoine  de  Bergame , 
mort  en  1789  ,  dont  on  a  aussi  d'excel- 
lentes dissertations  sur  les  antiquités; 
entre  autres  :  Codex  diplomaticus  civi- 
tatis  et  Ecclesiœ  bergamensis  ;  et  De  pa- 
rochiis^  ante  annuin  Chîisti  millesimum. 
Dans  ce  dernier  ouvrage,  imprimé  à  Ber- 
game en  1788 ,  1  vol.  in-4° ,  il  ruine  de 
fond  en  comble  les  prétentions  des  curés 
de  Pisloie,  qui  voulurent  s'ériger  en  évê- 
ques  dans  le  conventicule  qu'ils  tinrent 
en  1786 ,  pour  renverser  la  hiérarchie  et 
la  discipline  de  l'Eglise.  Il  prouve  que 
les  cures  et  les  curés  sont  d'institution 
moderne  ;  qu'il  n'y  avait  anciennement 
aucune  paroisse  dans  les  villes  épiscopa- 
les,  si  on  excepte  Rome  et  Alexandrie  ; 
expose  les  raisons  pour  lesquelles  il  y  en 
avait  dans  ces  deux  villes ,  et  réfute  ceux 
qui,  de  là,  ont  conclu  qu'il  y  en  avait 
uans  les  autres  ;  il  réfute  également  quel- 
ques écrivains  qui  ont  parlé  de  grandes 
paroisses  qui ,  établies  à  la  campagne  , 
avaient  sous  elles  plusieurs  paroisses 
moindres  et  dépendantes,  et  montre  qu'a- 
vant le  11'  siècle ,  il  n'y  a  point  eu  de 
telles  paroisses.  Il  prouve  enfin  que  ce 
qu'on  a  appelé  le  sénat  de  l'Eglise  ,  que 
les  prêtres  appelés  cardinaux,  que  ceux 
qui  intervinrent  avec  voix  consultative 
dans  les  conciles  généraux  ou  provin- 
ciaux ,  n'étaient  nullement  curés  ou  rec- 
teurs de  paroisses ,  et  que  ces  préroga- 
tives apparlenaicnt    dans  leur  plus  an- 


cienne origine  au  clergé  supérieur  on 
bien  aux  chanoines  des  cathédrales,  a  II 
»  est  à  souhaiter,  dit  un  critique  ,  que  les 
»  (?Urés  qui  voudraient  imprudemment 
»  s'élever  au-dessus  de  leur  état  ,  et  du 
»  rang  qu'ils  tiennent  dans  l'Eglise,  lisent 
»  cet  ouvrage  avec  attention  ,  pour  se 
»  guérir  d'une  erreur  dangereuse  ;  mais 
»  le  nombre,  grâce  à  ladivine Providence, 
»  qui  veille  sur  l'ordre  établi  dans  l'Eglise, 
»  n'en  est  pas  grand.  Si  on  excepte  ceu.s 
»  que  la  nouvelle  secte  a  su  s'associer  pour 
»  travailler  de  concert  avec  elle  à  lasub- 
»  version  de  la  foi  catholique ,  on  ne 
»  trouve  dans  cette  précieuse  classe  du 
u  sacerdoce  chrétien  aucun  membre  at- 
»  teint  de  la  ridicule  et  ambitieuse  envie 
»  de  s'égaler  aux  premiers  pasteurs.  » 

*  LIJPOT  (  François  et  Nicolas  )  ,  ha- 
biles luthiers,  tous  deux  élèves  de  Joseph 
Guarnérius ,  se  sont  fait  une  réputation 
européenne  par  la  perfection  de  leurs 
instrumens.  Nicolas  ,  qui  naquit  à  Slult- 
gard  en  1758  ,  et  mourut  à  Paris  dans  lo 
mois  de  juillet  1824,  était  établi  en  Fratice 
dans  l'année  1794  ;  nous  avons  sous  son 
nom  un  petit  ouvrage  intitulé  la  Chélo- 
nomie  ou  le  parfait  luthier  ^  Paris  ,  1806, 
in-12,dont  la  rédaction  appartientàTabbô 
Sibire.  Nicolas  Lupot  mérita  d'être  sur- 
nommé le  Stradivarius  de  son  siècle. 

LUPUS  (  CiiRÉTiEiV  ) ,  ainsi  nommé 
parce  que  son  nom  de  famille  ff^olfs'iQïii- 
fie  loup,  religieux  auguslin  ,  né  à  Ypres 
en  1612  ,  enseigna  la  philosophie  à  Colo- 
gne ,  puis  la  théologie  à  Louvain,  avec  un 
succès  distingué.  Il  exerça  ensuite  les 
premières  charges  de  son  ordre  dans 
sa  province.  Le  pape  Clément  IX  voulut 
lui  donner  un  évôché  ,  avec  l'intendance 
de  sa  sacristie  ;  mais  le  père  Lupus  pré- 
férant l'étude  et  le  repos  à  l'esclavage 
brillant  des  dignités,  refusa  constamment 
l'un  et  l'autre.  Innocent  XI  et  le  grand- 
duc  de  Toscane  lui  donnèrent  aussi  des 
marques  publiques  de  leur  estime.  Il  înï 
pendant  quelque  temps  favorable  au 
jansénisme  :  mais  il  se  détacha  de  ce 
parti,  cl  mourut  l)on  catholique  à  Lou- 
vain en  1681 ,  à  69  ans.  Il  s'était  fait  lui- 
même  une  épitaphe  dans  laquelle  il  di- 
sait modestement  qu'il  était  dignus,  no- 
mine  reçue.  Lupus...  indignus,  non  re, 
sed  solo  nomine,  doctor.  On  a  de  lui  un 
grand  nombre  d'ouvrages  en  latin.  Los 
principaux  sont  :  |  de  savans  Cominen-' 
taires  sur  l'histoire  et  sur  les  canons  des 
conciles  .  1665  ,  1675  ,  5  vol.  in-4»  ;  |  un 
Traita  des  appels  au  saint  Siège,  in-Zi", 


LUS 


629 


LUS 


contre  Quesnel.  On  y  trouve  une  bonne 
réfutation  faite  d'avance  d'un  fameux 
compilateur  de  nos  jours  (  Honlheim  )  , 
qui  a  étrangement  défiguré  cette  matière 
comme  bien  d'autres  ;  le  droit  d'appeler 
au  pape  y  est  montré  par  la  nature  de  sa 
primauté,  et  par  toute  l'histoire  ecclésias- 
tique, {roy.  ATHANASE ,  INNOCENT  I", 
ZOZIME.  )  I  Un  Traité  sur  la  contrition , 
Louvain  ,  1666  ,  in-4" ,  aussi  savant  que 
solide ,  où  il  se  déclare  pour  la  néces- 
sité de  l'amour  dans  le  sacrement  de  pé- 
nitence. Voyez  NEERCASSEL.)  j  Recueil 
de  lettres  et  de  monumens^  concernant 
les  conciles  d'Ephèse  et  de  Ckalcédoinc  ^ 
^uvain,  1682,  2  vol.  in-4"  ,  avec  des  no- 
tes ;  I  un  recueil  des  Lettres  de  saint 
Thomas  de  Cantorbéry ,  précédées  de  sa 
Fî5. Bruxelles,  1682,  2  vol.  in-/t°  ;  |  un 
Commentaire  sur  les  Prescriptions  de 
TertuUien,  Bruxelles,  1675,  in-i";  |  Opus- 
cula  posthuma,  publiés  par  le  père  Guil- 
laume Wynants,  du  même  ordre,  Bruxel- 
les, 1690,  in-4.°.  Ce  recueil  renferme  plu- 
sieurs dissertations,  entre  autres  sur  la 
simonie  des  monastères ,  contre  van  Es- 
pen  ;  sur  \ ancienne  discipline  de  la  m,i- 
lice  chrétienne,  sur  l'exposition  du  saint 
Sacrement,  sur  le  droit  des  réguliers  de 
prêcher,  contre  Steyaert ,  etc.;  |  De  l'ori- 
gine des  ermites,  des  clercs  et  des  reli- 
gieuses de  l'ordre  de  Saint- Augustin , 
Douai,  16S1,  in-8",  etc.  Ces  ouvrages, 
écrits  en  latin,  sont  remplis  d'érudition. 
Ils  ont  été  réunis  à  Venise  en  h  vol.  in- 
fol.,  1724  ,  par  le  père  Thomas  Philippi- 
rio  de  Ravenne,  du  même  ordre.  On  les  a 
aussi  en  12  vol.  in-i". 

LUPUS.  Voyez  LOUP. 

LUSCINIUS  ou  NACHTGALL  {Rossi- 
gnol^ (  Othsiar),  chanoine  de  Stras- 
bourg, lieu  de  sa  naissance,  étudia  dans 
cette  ville,  à  Paris  ,  à  Padoue  ,  à  Louvain 
et  à  Vienne;  revint  à  Strasbourg  en  1514, 
retourna  en  Italie  en  1517  ,  visita  la  Hon- 
grie, la  Transylvanie,  la  Turquie,  et  par- 
courut ainsi  presque  toute  l'Europe.  Il 
professa  la  littérature  grecque  à  Augs- 
bourg,  fut  premier  prédicateur  de  l'é- 
glise de  Bâle  ,  et  mourut  vers  1555.  Il  a 
laissé  plusieurs  écrits,  entre  autres  :  |  des 
Traductions  latines  des  Symphosiaques 
de  Plutarque ,  et  des  Harangues  d'Iso- 
crate  à  Démonicus  et  à  Nicoclès  ;  ù.' Epi- 
grammes  grecques ,  etc.  Elles  sont  plus 
tidèles  qu'élégantes.  |  Des  Commeîitait'es 
sur  l'Ecriture  sainte.  Voyez  les  Mémoires 
de  Nicéron,  tom.  32. 

LUSIGiMAN.  Voyez  LUZIGNAN. 


LIJSSAIN'  (  François  d'Esparbès  de  ) , 
vicomte  d'Aubeterre  ,  servit  sous  Henri 
IV  et  sous  Louis  XIII ,  et  se  distingua 
dans  différentes  occasions.  Il  fut  pourvu 
par  le  premier,  l'an  1590  ,  du  gouverne- 
ment de  Blaye  ,  sur  la  démission  de  son 
père;  et  par  le  second,  l'an  1620  ,  de  la  di- 
gnité de  maréchal  de  France,  après  avoir 
remis  songouvernement  de  Blaye  àBran- 
les,  frère  du  connétable  de  Luynes.  Il  se 
déclara  pour  la  reine  en  1620,  fit  le  siège 
de  Nérac  et  de  Caumont  en  1621 ,  sous  le 
duc  de  Mayenne,  et  se  retira  ensuite  à  Au- 
beterre  ,  où  il  mourut  en  1628.  Son  père, 
Jean-Paul  d'Esparbès,  s'était  maintenu 
dans  Blaye  malgré  le  maréchal  de  Mati- 
gnon ,  qui  l'y  assiégea  pour  l'en  dépossé- 
der. Il  avait  commencé  à  servir  en  Italie 
sous  Montluc,  qui  parle  avec  éloge  de  sa 
bravoure  naissante,  au  siège  de  Sienne , 
en  1554. 

LUSSAN  (  Marguerite  de  ),  fille  d'un 
cocher  et  de  la  Fleury,  célèbre  diseuse  de 
bonne  aventure,  naquit  à  Paris  vers  1682. 
D'autres  la  font  naître  dn  prince  Thomas 
de  Savoie,  frère  du  prince  Eugène,  et 
d'une  courtisane.  Il  est  certain  que  ce 
prince  eut  soin  de  son  enfance ,  de  son 
éducation  ;  qu'il  lui  légua  un  traitement, 
et  lui  fit  même  porter  les  armes  de  sa 
maison.  Le  savant  Huet,  ayant  eu  occa- 
tion  de  la  connaître  ,  goûta  son  esprit , 
et  l'exhorta,  dit  on ,  à  composer  des  ro- 
mans moraux  ;  mais  il  est  à  croire  qu'il 
n'eût  point  approuvé  tous  ceux  qui  sor- 
tirent de  sa  plume.  On  vit  d'abord  paraî- 
tre l'Histoire  de  la  comtesse  de  Gondès. 
en  2  vol.  Ignace-Louis  de  la  Serre ,  sieur 
de  Langlade,  auteur  de  quelques  opéras, 
dirigea  ce  premier  ouvrage  de  mademoi- 
selle de  Lussan ,  et  vécut  toujours  dans 
la  plus  grande  intimité  avec  son  associée- 
Elle  commença  par  avoir  pour  lui  de> 
sentimens  qui  passaient  les  bornes  de  ia 
reconnaissance.  Elle  fit  croire  ensuite . 
par  la  continuité  de  ses  attentions  ,  qu'il 
était  sou  mari  ;  on  se  trompait.  On  ai- 
tribue  à  M.  l'abbé  de  Boismorand  les 
Anecdotes  de  la  cour  de  Ph  ilippe- Auguste, 
en  6  part,  ou  2  vol.  in-12  ,  qui  virent  le 
jour  à  Paris  en  1755  ,  et  qui  ont  été  sou- 
vent réimpriinéesdcpuis.  C'est  sans  con- 
tredit le  meilleur  ouvra;;e  qui  ait  paru 
sous  le  nom  de  mademoiselle  de  Lussan. 
La  figure  de  cette  romancière  n'était 
point  agréable.  Elle  était  louche  et  brune 
à  l'excès.  Sa  voix,  son  air,  n'apparte- 
naient pas  à  sou  sexe  ;  mais  cllesuppléisit 
à  ces  défauts  par  son  esprit  et  son  am;^ 
53. 


LUT  65 

bililé  (  Voyez  GEOFFRIN  ,  GRAFFI- 
GNY,  DESHOULÏÈRES»  SUSK,  TENCIN.  ) 
Comme  elle  aimail  la  bonne  table ,  un 
excès  dans  le  manger  lui  causa  une  indi- 
gestion ,  dont  elle  mourut  à  Paris  le  51 
mai  1758,  âgée  de  76  ans.  Outre  les  ou- 
vrages dont  nous  avons  parlé,  on  a  d'elle  : 
\Les  Veillées  de  Thessalie  ^  k  part,  ou  2 
vol.  in-12.  C'est  un  recueil  de  contes 
agréables  et  de  liclions  ingénieuses. 
/  Mémoires  secrets  et  intrigues  de  la  cour 
de  France  sous  Charles  VIII ^  1741,  in- 
42  ;  I  Anecdotes  de  la  cour  de  François 
l".  1748,  3  vol.  in-12  ;  |  I/istoire  de  Ma- 
rie d' Angleterre  ^  1749  ,  in-12  ;  |  Annales 
de  la  cour  de  Henri  II ^  1749,  2  vol.  in-i2  ; 
j  on  a  vu  paraître  aussi  sous  son  nom 
V Histoire  de  la  vie  et  du  règne  de  Char- 
les VI,  roi  de  France^  1753,  9  vol.  in-12  ; 
}  V Histoire  du  règne  de  Louis  XI,  1756  , 
66  vol.  in-12  ;  et  V Histoire  de  la  dernière 
révolution  de  Naples,  1757,  4  vol.  in-12. 
Mais  ces  trois  derniers  ouvrages  sont  de 
Baudot  de  Juilli,  le  même  qui ,  en  1696, 
donna  \ Histoire  de  Charles  Vil .  2  vol. 
in-12,  réimprimée  en  1755.  |  Vie  du  brave 
Crillo7i,  i7b7 ,  en.  2  vol.  in-12:  ouvrage 
prolixe  et  mal  écrit.  Le  défaut  de  préci- 
sion est  celui  de  presque  tous  les  écrits 
de  mademoiselle  de  Lussan. 

LUTATIUS  CATULIIS  (C.vics),  con- 
sul romain  l'an  242  avant  J.-C,  comman- 
.dait  la  flotte  de  la  république  dans  le 
tombât  livré  aux  Carthaginois  entre  Dré- 
pani  et  les  îles  JE^ates.  Il  leur  coula  à 
fond  50  navires  et  en  prit  70.  Cette  vic- 
toire obligea  les  vaincus  à  demander  la 
paix  ,  et  mil  fin  à  la  première  guerre  pu- 
nique. 

LLIT.VTIUS  CATULUS  (  Qui:«tus  )  , 
tonsul  roiiiain  l'an  102  avant  J.-C,  vain- 
iuil  les  Cimbres  de  concert  avec  Ma- 
rins son  collègue.  Après  la  mort  de  Sylla, 
Catulus  voulut  maintenir  les  légions  dans 
la  possession  des  terres  que  le  dictateur 
leur  avait  données.  Lépidus  prétendit 
qu'il  fallait  les  rendre  aux  premiers  pro- 
priétaires. Cette  querelle  excita  de  nou- 
^eaux  troubles .  dans  lesquel  Lutatius 
entra  avec  chaleur.  L'impétuosité  de  son 
caractère  lui  fit  beaucoup  d'ennemis,  et 
il  périt  misérablement  dans  les  guerres 
civiles.  Ce  magistrat  fut  du  nombre  des 
orateurs  illustres.  Il  avait  fait  de  belles 
Harangues  et  l'Histoire  de  son  consulat, - 
ces  ouvrages  ne  sont  point  parvenus  jus- 
qu'à nous. 

LUTIIEU  (Martit«),  né  en  1484,  à 
ELslcLen,  dans  le  comté  de  Mansfcid.  d'un 


0  LUT 

père  qui  travaillait  aux  mines ,  fit  à 
nach  ses  études  avec  beaucoup  de  succè». 
La  foudre  tua  un  de  ses  compagnons  pen- 
dant qu'il  se  pronîenait  avec  lui.  Cette 
mort  le  frappa  tellement,  qu'après  avoir 
été  reçu  maître  en  philosophie  à  l'uni- 
versité d'Erfurt  en  1505,  il  eml)rassa  dans 
cetîe  ville  la  vie  monastique  chez  les 
ermites  de  Saint-Augustin.  Ses  talens  en- 
gagèrent ses  supérieurs  à  l'envoyer  pro- 
fesser dans  la  nouvelle  université  de 
Wittenberg ,  fondée  depuis  peu  par  Fré- 
déric ,  électeur  de  Saxe.  Il  donna  succes- 
sivement des  leçons  de  philosophie  et  de 
théologie  avec  beaucoup  de  réputation; 
on  remarqua  seulement  en  lui  un  pen- 
chant extrême  pour  les  nouveautés.  En 
1510  il  fut  chargé  des  affaires  de  son  ordre 
auprès  de  la  cour  de  Rome  ;  2  ans  après, 
on  le  voit  de  retour  en  Saxe ,  gagner  la 
protection  de  l'électeur  Frédéric  qui  vou- 
lut se  charger  des  frais  de  son  doctorat. 
Luther  était  un  de  ces  hommes  ardens  et 
impétueux,  qui ,  lorsqu'ils  sont  vivement 
saisis  par  un  objet,  s'y  livrent  tout  en- 
tiers,  n'examinent  plus  rien,  et  devien- 
nent en  quelque  manière  absolument  in- 
capables d'écouter  la  sagesse  et  la  raison. 
Une  imagination  forte  ,  nourrie  par  l'é- 
tude, le  rendait  naturellement  éloquent, 
et  lui  assurait  les  suffrages  de  ceux  qui 
l'entendaient  tonner  et  déclamer.  Il  sen- 
tait bien  sa  supériorité  ;  et  ses  succès  ,  en 
flattant  son  orgueil,  le  rendaient  toujours 
plus  hardi  et  plus  entreprenant.  Lorsqu'il 
donnait  dans  quelque  écart ,  les  remon- 
trances ,  les  objections ,  n'étaient  pas  ca- 
pables de  le  faire  rentrer  en  lui-même  : 
elles  ne  servaient  qu'à  l'irriter.  Un  homme 
d'un  tel  caractère  devait  nécessairement 
enfanter  des  erreurs.  Le  moine  augustin, 
s' étant  rempli  des  livres  de  l'hérésiarque 
Jean  Huss,  conçut  une  haine  violente 
contre  les  pratiques  de  l'Eglise  romaine, 
et  surtout  contre  les  théologiens  scolas- 
tiques.  Dès  l'an  1516,  il  lit  soutenir  des 
thèses  publiques,  dans  lesquelles  los 
hommes  éclairés  virent  le  germe  des  cr 
reurs  qu'il  enseigna  depuis.  Ainsi  il  est 
faux  que  Luther  ait  commencé  à  dogma- 
tiser à  l'occasion  des  disputes  survenues 
entre  les  dominicains  et  les  auguslins 
pour  la  distribution  des  indulgences  plc- 
nières,  qui  ne  furent  accordées  par  Léon  X 
qu'en  1517.  Seckendorf,  et  depuis  lui 
Lenfant   et    Chais,  ont    démontré   que, 

1  long-temps  avant  l'éclat  des  indulg^snces , 
!  Luther  avait  commencé  à  combattre  di- 
1  vers  poinls  de  l'Eglise  romaine.  îl  c.=t  vrai 


LUT  6 

que  les  abus  que  commettaient  les  quê- 
teurs (les  aumônes  qu'on  donnait  pour 
les  indulgences,  et  les  propositions  ou- 
trées que  les  prédicateurs  débitaient  sur 
leur  pouvoir,  lui  fournirent  l'occasion  de 
répandre  avec  plus  de  liberté  sa  bile  et 
Son  poison.  Le  luthéranisme  n'était  qu'une 
étincelle  en  1517;  en  1518  ce  fut  un  in- 
cendie. Frédéric,  électeur  de  Saxe,  et 
l'université  de  Wittenberg,  se  déclarèrent 
protecteurs  de  Luther.  Cet  hérésiarque  se 
découvrait  peu  à  peu.  D'abord  il  n'atta- 
qua que  l'abus  des  indulgences  ;  ensuite 
il  attaqua  les  indulgences  iTièmes  ;  enfin 
il  examina  le  pouvoir  de  celui  qui  les 
donnait.  De  la  matière  des  indulgences  il 
passa  à  celle  de  la  justification  et  de  l'effi- 
cace des  sacremens  ,  et  avança  des  pro- 
positions toutes  plus  erronées  les  unes 
que  les  autres.  Le  pape  Léon  X  ,  l'ayant 
vainement  fait  citer  à  Rome,  consentit 
que  cette  querelle  fût  terminée  en  Alle- 
magne par  le  cardinal  Cajelan  son  légat. 
Cajetan  avait  ordre  de  faire  rétracter  l'hé- 
résiarque ,  ou  de  s'assurer  de  sa  per- 
sonne :  il  ne  put  exécuter  ni  l'une  ni 
l'autre  de  ces  commissions.  Luther  lui 
parla  dans  deux  conférences  avec  beau- 
coup d'orgueil  et  de  morgue  ;  puis ,  crai- 
gnant d'être  arrêté ,  il  prit  secrètement 
la  fuite ,  après  avoir  fait  afficher  un  acte 
d'appel  du  pape  mal  informé  au  jyape 
mieux  infonné.  Du  fond  de  sa  retraite 
il  donna  carrière  à  toutes  ses  idées.  Il 
écrivit  contre  le  purgatoire ^  le  libre  ar- 
bitre^ les  indulgences^  la  confession  au- 
riculaire ,  la  primauté  du  pape  ,  les 
vœux  m,onasliques  ^  la  communion  sous 
une  seule  espèce^  les  pèlerinages _,  etc. 
Il  menaçait  encore  d'écrire  ;  mais  le 
pape,  pour  opposer  une  digue  à  ce  tor- 
rent d'erreurs,  anafhémalisa  tous  ses 
écrits  dans  une  bulle  du  20  juin  1320. 
L'hérésianpie  en  appela  au  futur  con- 
cile ;  et  pour  toute  répoiise  à  la  bulle 
de  Léon  X,  il  la  fit  brûler  publique- 
ment à  Wiltenberg,  avec  les  décrétâtes 
des  autres  papes  ses  prédécesseurs.  Ce 
fut  alors  qu'il  publia  son  livre  De  la 
captivité  de  Babijlone.  Après  avoir  dé- 
claré qu'il  se  repentait  d'avoir  été  si  mo- 
déré, il  expie  celte  faute  par  toutes  les 
injures  que  le  délire  le  plus  emporté  peut 
fournir  à  un  frénétique.  Il  y  exhorte  les 
princes  à  secouer  le  joug  de  la  papauté  , 
qui  était ,  selon  lui ,  le  royaume  de  Ba- 
byione.  Il  supprime  tout  d'un  coup  quatre 
sacremens ,  ne  rcconnaisr>ant  plus  que  le 
baptême,  la  péniicnce  et  le  pain.  C'est 


U  LUT 

l'eucharistie  qu'il  désigne  sous  le  nom  de 
pain.  Il  met,  à  la  place  de  la  transsubstan- 
tiation qui  s'opère  dans  cet  adorable  sa- 
crement ,  une  consubstantiation ,  qu'il 
tirait  de  son  cerveau  échauffé.  Le  pain  et 
le  vin  demeurent  dans  l'eucharistie;  rnaia 
le  vrai  corps  et  le  vrai  sang  y  sont  aussi, 
comme  le  feu  se  mêle  dans  un  fer  chaud 
avec  le  métal .  ou  comme  le  vin  est  dans 
et  sous  le  tonneau.  Léon  X  opposa  une 
nouvelle  bulle  à  ces  extravagances  :  elle 
fut  lancée  le  5  janvier  1521.  L'empereur 
Charles-Quint  convoque  en  même  temps 
une  diète  à  Worms ,  où  Luther  se  rend 
sous  un  sauf-conduit,  et  refuse  de  se  ré- 
tracter. A  son  retour,  il  se  fit  enlever  par 
Frédéric  de  Saxe,  son  protecteur,  qui  le 
fil  enfermer  dans  un  château  désert,  pour 
qu'il  eût  un  prétexte  de  ne  plus  obéir. 
Cependant  la  faculté  de  théologie  de 
Paris  se  joint  au  pape,  et  anathématise 
le  nouvel  hérétique.  Luther  fut  d'autant 
plus  sensible  à  ce  coup,  qu'il  avait  tou- 
jours témoigné  une  grande  estime  pour 
cette  faculté,  jusqu'à  la  prendre  pour 
juge.  Henri  VIII,  roi  d'Angleterre,  pu- 
blia dans  le  même  temps  contre  lui  un 
écrit ,  qu'il  dédia  au  pape  Léon  X.  L'hé- 
résiarque furieux  eut  recours  à  sa  réponse 
ordinaire  ,  aux  injures.  «  Je  ne  sais  si  la 
D  folie  elle-même,  disait-il  à  ce  monarque, 
»  peut  cire  aussi  insensée  qu'est  la  tète  du 
»  pauvre  Henri.  Oh!  que  je  voudrais  bien 
«  couvrir  cette  majesté  anglaise  de  boue 

»  et  d'ordure!  j'en  ai  bien  le  droit Ve- 

»  nez,  disait-il  encore,  monsieur  Henri, 
«je  vous  apprendrai  :  Veniatis ,  domine 
»  Henrice  j  ego  docebo  vos.  »  Sur  quoi 
Erasme  n'a  pu  s'empêcher  d'observer  que 
Luther  aurait  du  moins  dû  parler  latin, 
puisque  le  roi  d'Angleterre  lui  en  donnait 
l'exemple,  et  ne  pas  joinelre  des  solé- 
cismes  aux  grossièretés  :  Qaid  invitabat 
Lutherum  ut  diceret  :  Venialis ,  domine 
Henrice ,  ego  docebo  vos?  Saltem  regii 
liber  latine  loquebatur.  Ce  fougueux 
apôtre  appelait  le  château  où  il  était  ei>- 
fermé,  son  île  de  Pathmos.  Sans  doute 
que ,  pour  mieux  ressembler  à  l'évangé- 
liste  saint  Jean,  dit  M.  Marquer,  il  crut 
ne  pouvoir  se  dispenser  d'avoir  des  révé- 
lations dans  son  île.  Il  eut  une  conférence 
avec  le  Diable,  qui  lui  révéla  que  s'il 
voulait  pourvoir  à  son  salut,  il  fallait 
qu'il  s'abstint  de  célébrer  des  messes  pri- 
vées. Luther  suivit  exactement  ce  conseil 
de  l'ange  des  ténèbres.  Il  fit  plus,  il  écri- 
vit contre  les  messes  basses  et  les  fit  abo- 
lir à  Wiltenbeig.   Luther  était  trop  res- 


LUT  63 

serré  dans  son  île  de  Pathmos ,  pour  qu'il 
voulût  y  rester  long-temps.  Il  se  répandit 
dans  l'Allemagne,  et,  pour  avoir  plus 
de  sectateurs ,  il  dispensa  les  prêtres  et 
les  religieux  de  la  vertu  et  du  vœu  de 
continence,  dans  un  ouvrage  où  la  pu- 
deur est  offensée  en  mille  endroits*  Ce 
fut  celte  même  année  1525,  qu'il  écrivit 
son  Traité  du  fisc  commun.  Il  le  nommait 
ainsi,  parce  qu'il  y  domiait  l'idée  d'un 
fisc  ou  trésor  public ,  dans  lequel  on  fe- 
rait entrer  les  revenus  de  tous  les  monas- 
tères rentes ,  des  évéchés  ,  des  abbayes , 
et  en  général  de  tous  les  bénéfices  qu'il 
voulait  enlever  à  l'Eglise.  L'espérance  de 
recueillir  les  dépouilles  des  ecclésiastiques 
engagea  beaucoup  de  princes  dans  sa 
secte,  et  lui  lit  plus  de  prosélytes  que 
tous  ses  livres.  «  Il  ne  faut  pas  croire  ,  dit 
»  un  écrivain  ingénieux  ,  que  Jean  Huss , 
»  Luther  ou  Calvin  fussent  des  génies  su- 
»  périeurs.  Il  eu  est  des  chefs  de  sectes 
»  comme  dfs  ambassadeurs;  souvent  les 
»  esprits  médiocres  y  réussissent  le  mieux, 
»  pourvu  que  les  conditions  qu'ils  offrent 
»  soient  avantageuses.  »  Frédéric  II ,  roi 
de  Prusse  ,  appelait  Luther  et  Calvin  de 
pauvres  gens.  Si  en  effet  on  veut  réduire 
les  causes  des  progrès  de  la  réforme  à  des 
principes  simples,  on  verra  qu'en  Alle- 
magne ce  fut  l'ouvrage  de  l'intérêt,  en 
Angleterre  celui  de  l'amour,  et  en  France 
celui  de  la  nouveauté.  L'amorce  des  biens 
ecclésiastiques  fut  le  principal  apôtre  du 
luthéranisme. Cependant  Luther  lui-même 
eut  le  temps  de  voir  que  ces  biens  n'a- 
vaient point  enrichi  les  princes  qui  s'en 
étaient  emparés.  Il  trouva  même  que  l'é- 
lecteur de  Saxe  et  ses  favoris,  qui  avaient 
partagé  cette  dépouille ,  n'en  étaient  pas 
devenus  plus  riches.  L'expérience,  disait- 
il,  nous  apprend  que  ceux  qui  s'appro- 
prient les  biens  ecclésiastiques  n'y  trou- 
vent qu'une  source  d'indigence  et  de  dé- 
tresse :  Comprobat  experientia ,  eos  qui 
ecclesiastica  bona  ad  se  iraxerunt,  ob  en 
tandem  depauperari  et  mendicos  fieri.  11 
rapporte  à  cette  occasion  les  paroles  de 
Jean  Hund,  conseiller  de  l'électeur  de 
Saxe ,  auquel  il  paraissait  que  les  biens  de 
l'Eglise  envahis  par  les  nobles  avaient  dé- 
voré leur  patrimoine  :  Nos  nobiles  cœno- 
biorum,  opes  ad  nos  iraximus.  Opes  nos- 
tras  équestres  comederunt  et  consumpse- 
runt  hœ  cœnobiales  ^  ut  neque  cœnobiales, 
neque  équestres  amplius  habeamus.  Il  li- 
nit  par  l'apologue  d'un  aigle  qui,  empor- 
tant de  l'autel  de  Jupiter  des  viandes  qui 
lui  étaient   offertes,   emporta  en  liiôme 


2  LUf 

temps  un  charbon  qui  mit  l<i  feu  à  son 
nid.  (  Symposiac.,  cap.  4.  )  L'observation 
n'était  que  trop  vraie.  Des  courtisans 
avides,  des  administrateurs  infidèles,  ont 
dévoré  les  monastères,  les  abbayes,  les 
hôpitaux.  Eux  et  le  prince  dont  ils  ser- 
vaient la  passion ,  semblables  aux  harpies 
de  la  fable ,  paraissaient  par  leur  dépréda- 
tion augmenter  leurs  besoins  :  tout  s'é- 
vanouissait dans  ces  mains  voraces  (  T^oy. 

HENRI  VIII) Cependant  le  parti  se 

fortifiait  de  jour  en  jour  dans  le  Nord  ,  où 
l'ignorance  des  peuples  était  plus  grande, 
et  dès  lors  l'attachement  à  la  religion  plu* 
faible,  et  la  séduction  plus  facile.  De  la 
haute  Saxe  il  s'étendit  dans  les  duchés  de 
Lunebourg ,  de  Brunswick ,  de  Meckel- 
bourg  et  de  Poméranie  ;  dans  les  archevê- 
chés de  Magdebourg  et  de  Brème  ;  dans 
les  villes  de  Wismar  et  de  Rostock ,  et  tout 
le  long  de  la  mer  Baltique.  Il  passa  même 
dans  la  Livonie  et  dans  la  Prusse ,  où  le 
grand-maître  de  l'ordre  Teutonique  se  fit 
luthérien.  Le  fondateur  du  nouvel  Evan- 
gile quitta  vers  ce  temps-là  le  froc  d'au- 
gustin,  pour  prendre  l'habit  de  docteur. 
Il  renonça  à  la  qualité  de  révérend  père . 
qu'on  lui  avait  donnée  jusqu'alors,  et  n'en 
voulut  point  d'autre  que  celle  de  docteur 
Martin  Luther.  L'année  d'après,  1525  ,  il 
épousa  Catherine  Bora  ou  de  Bohren,  jeune 
religieuse  d'une  grande  beauté,  qu'il 
avait  fait  sortir  de  son  couvent  deux  ans 
auparavant  pour  la  catéchiser  et  la  sé- 
duire. Le  réformateur  Luther  avait  dé- 
claré dans  un  de  ses  sermons ,  qu'î7  lui 
était  aussi  impossible  de  vivre  sans  femme, 
que  de  vivre  saris  manger.  Biais  il  n'avait 
pas  osé  en  prendre  une  pendant  la  vie  de 
l'électeur  Frédéric,  son  protecteur,  qui 
blâmait  ces  alliances.  Dèsqu'i!  le  vit  morl, 
il  voulut  profiter  d'une  commodité  que  sa 
doctrine  accordait  à  tout  le  monde,  et 
dont  il  prétendait  avoir  plus  de  besoin 
que  personne.  Cette  conduite  de  Lulher 
et  des  autres  chefs  des  nouvelles  sectes 
faisait  dire  à  Erasme  que  «  les  tragédies 
»  que  jouaient  les  réformateurs  étaient 
»  de  vraies  comédies  ,  puisque  le  mariage 
B  en  était  le  dénoùment.  »  Quelques  an- 
nées après,  Luther  donna  au  monde  chrc- 
tien  un  spectacle  encore  plus  étrange. 
Philippe,  landgrave  de  Hesso,  le  second 
protecteur  du  luthéranisme  ,  voulut,  du 
vivant  de  sa  femme  Christine  de  Saxe, 
épouser  sa  maîtresse.  II  crut  pouvpir  être 
dispensé  de  la  loi  de  n'avoir  qu'une 
femme  :  loi  formelle  de  l'Evangile ,  et  sur 
laquelle  est  fondé  le  repos  des  étal^  et  Ues 


LUT  g: 

familles.  Il  s'adressa  pour  cela  à  Luther. 
Le  patriarche  de  la  réforme  «isscmble  des 
docteurs  à  Wittemberg  en  1331?,  et  lui 
dorme  une  i>ennis3ion  pour  épouser  deux 
femmes.  Rien  de  plus  ridicule  que  le  long 
discours  que  les  docteurs  du  nouvcllisme 
adressèrent  au  landgrave  à  cette  occasion. 
Après  avoir  avoué  que  le  Fils  de  Dieu  a 
aboli  la  polygamie,  ils  prétendent  que  la 
loi  qui  permettail  aux  Juifs  la  pluralité 
des  femmes  à  cause  de  la  dureté  de  leur 
cœur  ri  a  pas  été  expressément  i-évaquée. 
lis  se  croient  donc  autorisés  à  user  de  la 
même  indulgence  envers  le  landgrave,  qui 
avait  besoin  d'une  femme  de  moindre 
qualité  que  sa  première  épouse,  afin  de 
la  pouvoir  mener  avec  lui  aux  diètes  de 
l'Empire ,  où  la  bonne  chère  lui  rendait 
la  continence  impossible.  L'empereur 
Charles-Quint ,  affligé  de  ces  scènes  scan- 
daleuses, avait  tâché  dès  le  commencement 
d'arrêter  les  progrès  de  l'hérésie.  Il  convo- 
qua plusieurs  diètes  :  à  Spire  en  1529 ,  ou 
les  luthériens  acquirent  le  nom  de  protes- 
tans^  pour  avoir  protesté  contre  le  dé- 
cret qui  ordonnait  de  suivre  la  reli- 
gion de  l'Eglise  romaine  ;  à  Aiigsbourg 
en  1530 ,  où  les  protestans  présentèrent 
leur  confession  de  foi,  et  dans  laquelle  il 
fut  ordonné  de  suivre  la  croyance  catho- 
lique. Ces  différens  décrets  produisirent 
la  ligue  offensive  et  défensive  do  Smal- 
calde  entre  les  princes  protestans.  Char- 
les-Quint, hors  d'état  de  résister  à  la  fois 
aux  princes  confédérés  et  aux  armes  otto- 
manes, leur  accorda  la  liberté  de  con- 
science à  Nuremberg  en  1552,  jusqu'à  la 
convocation  d'un  concile  général.  Luther, 
se  voyant  à  la  tête  d'un  parti  redoutable, 
n'en  fut  que  plus  fier  et  plus  emporté. 
C'était  chaque  année  quelque  nouvel  écrit 
contre  le  souverain  pontife,  ou  contre  les 
princes  et  les  théologiens  catholiques, 
home  n'était  plus  selon  lui,  que  la  ra- 
caille de  Sodonie  ,  la  prostituée  de  Ba- 
bylonc  ;\q  pape  n'était  qu'un  scélérat  qui 
crachait  des  diables  ;  les  cardinaux,  i/g5 
malheureux  qu'il  fallait  exterminer.  «  Si 
»  j'étais  le  maître  de  l'Empire,  écrivait-il, 

je  ferais  un  même  paquet  du  pape  et  des 
»  cardinaux,  pour  les  jeter  tous  ensemble 
»  dans  la  mer  ;  ce  bain  les  guérirait,  j'en 
»  donne  ma  parole,  j'en  donne  J.-C.  pour 

garant.  »  L'impétueuse  ardeur  de  son 
imagination  éclata  surtout  dans  le  dernier 
ouvrage  qu'il  publia  en  15/io  ,  contre  les 
ihéologiens  deLouvain  et  contre  le  pape. 
Il  y  prétend  que  la  papauté  rotnaine  a 
été  établie  par  Satan,  et,  faute  d'autres 


>D  LUT 

preuves,  il  mit  à  la  léte  de  son  livre  one 
estampe  où  le  pontife  de  Rome  était  re- 
présente entraîné  en  enfer  par  une  légion 
de  diables.  Quant  aux  théologiens  de  Lou- 
\  ain,  il  leur  parle  avec  la  même  douceur  : 
les  injures  les  plus  légères  sont  béte,  pour- 
ceau, épicurien ,  athée,  etc.  Il  était  avec 
ses  propres  sectateurs  aussi  emporté  qu'a- 
vec les  catJioliques  ;  il  les  menaçait ,  s'ils 
continuaient  aie  contredire,  de  rétracter 
tout  ce  qu'il  avait  enseigné  :  menace  di- 
gne d'un  apôtre  du  mensonge.  Ct|l  iwmme 
trop  fameux  mourut  à  Eisleben  ,  en  1546, 
à  62  ans ,  après  avoir  vaqué  à  son  ordi- 
naire à  un  bon  repas.  Un  auteur  moderne 
en  a  fait  le  portrait  suivant  :  «  Moine 
»  apostat  et  corrupteur  d'une  religieuse 
»  apostate,  ami  de  la  table  et  de  la  taverne, 
»  insipide  et  grossier  plaisant ,  ou  plutôt 
B  impie  et  sale  bouffon,  qui  n'épargna  ni 
»  pape  ni  monarque  ;  d'un  tempérament 
»  d'énergumène  contre  tous  ceux  qui 
»  osaient  le  contredire  ;  muni ,  pour  tout 
»  avantage,  d'une  érudition  et  d'une  litté- 
»  rature  qui  pouvaient  imposer  à  son 
»  siècle  ou  à  sa  nation  ;  d'une  voix  fou- 
»  droyante  ,  d'un  air  allier  et  tranchant  : 
»  tel  fut  Luther,  le  nouvel  évangéliste,  ou, 
»  comme  il  se  nommait ,  le  nouvel  ecclé- 
»  siaste,  qui  mit  le  premier  l'Eglise  en  feu, 
n  sous  prétexte  de  la  réformer ,  et  qui , 
»  pour  preuve  de  son  étrange  mission , 
»  qui  demandait  certainement  des  mira- 
0  clés  du  premier  ordre,  allégua  les  mira- 
»  clés  dont  se  prévaut  l'Alcoran ,  c'eat-à- 
»  dire,  les  succès  du  cimeterre  et  les  pro- 
»  grès  des  armes,  les  excès  delà  discorde, 
»  de  la  révolte,  de  la  cruauté,  du  sacrilège 
»  et  du  brigandage.  »  Sa  secte  se  divisa 
après  sa  mort,  et  de  son  vivant  même, 
en  plusieurs  branches.  Il  y  eut  loa  luthé- 
ro-pajnstes,  c'est-à-dire  ceux  qui  so  ser- 
vaient d'excommunication  contre  les  sa- 
cramentaires  ;  les  lathero-zuingliens ,  les 
lutliero-calvinistes  ,  les  luthero  -  osian- 
driens,  etc. ,  c'est-à-dire  ceux  qui  mêlè- 
rent les  dogmes  de  Luther  avec  ceux  do 
Calvin,  de  Zuingle  ou  d'Osiander,  etc. 
Ces  sectaires  différaient  tous  entre  eux 
par  quelque  endroit,  et  ne  s'accordaient 
qu'en  ce  point ,  de  combattre  l'Eglise  e' 
de  rejeter  tout  ce  qui  vierit  du  pape.  C'eSi 
cette  haine  qui  leur  fit  prendre  ,  durant 
les  guerres  de  religion  du  16*  siècle,  cette 
devise  :  plutôt  turc  que  papiste  ;  devise 
qui  marque  bien  la  fureur  la  plus  extra- 
vagante, mais  qui  est  néanmoins  parfai- 
tement assortie  à  l'esprit  de  secte ,  à  qui 
rien  n'est  plus  opposé  que  l'autorité  d'uTi 


LUT 


654 


LUX 


chef  et  un  centre  d'unité.  Cependant  les 
hommes  les  plus  sensés  parmi  les  protes- 
tans,  tels  que  Mélanchthon,  Grotius  ,  etc., 
ont  toujours  regretté  l'autorité  pontificale, 
et  l'ont  regardée  comme  une  chose  sans 
laquelle  l'ensemble  du  christianisme  ne 
pouvait  subsister.  Luther  laissa  à  ses  dis- 
ciples un  grand  nombre  d'ouvrages  ,  im- 
primés à  léna,  en  1556,  k  vol.  in-fol.  ;  et 
à  Wittenberg,  en  7  vol.  in-fol.,  1572.  On 
préfère  les  éditions  publiées  de  son  vi- 
vant, parce  que  dans  celles  qui  ont  vu  le 
jour  après  sa  mort,  ses  sectateurs  ont  fait 
des  changemens  très  considérables.  On 
voit,  par  ses  écrits  ,  que  Luther  avait  du 
savoir  et  beaucoup  de  feu  dans  l'imagi- 
nation; mais  il  n'avait  ni  douceur  dans 
le  caractère  ,  ni  goût  dans  la  manière  de 
penser  et  d'écrire.  Il  donnait  dans  les 
grossièretés  les  plus  impudentes  et  dans 
les  bouffonneries  les  plus  basses.  Jean 
Aurifaber,  disciple  de  Luther ,  a  mis  en 
latin  et  publié  en  1566,  in-8°,  les  Discours 
que  cet  hérésiarque  tenait  à  table,  sous  ce 
titre  :  Sefmones  mensales  ^  ou  CoUoquia 
tnensalia.  C'est  une  espèce  d'Jna  ^  dont 
la  lecture  prouve  la  véracité  du  portrait 
que  nous  avons  tracé  du  réformateur  de 
l'Allemagne.  On  conserve  dans  la  biblio- 
tlièque  du  Vatican  un  exemplaire  de  la 
Bible,  à  la  fin  duquel  on  voit  une  prière  en 
vers  allemands,  écrite  de  la  main  de  Lu- 
ther, dont  le  sens  est  :  «  Mon  Dieu,  par 
»  votre  bonté,  pourvoyez-nous  d'habits, 
»  de  chapeaux,  de  capotes  et  de  manteaux; 
»  de  veaux  bien  gras,  de  cabris,  de  bœufs, 
»  de  moutons  et  de  génisses  ;  de  beaucoup 
»  de  femmes;  et  de  peu  d'eufans.  Bien 
»  boire  et  bien  manger  est  le  vrai  moyen 
»  de  ne  point  s'ennuyer.  »  Cette  prière, 
où  l'indécence  ,  l'impiété  ,  la  luxure  ,  la 
gourmandise  ,  disputent  qui  aura  le  des- 
sus, est  très  certainement  de  la  main  de 
Luther  ;  en  vain  Misson  a-t-il  voulu  en 
faire  douter.  Christian  Juncker,  son  his- 
torien, en  convient  et  la  rapporte  mot  à 
mot  (  Fila  LiUhert^TpaQ.  ^23 )  : 

O  Gott ,  durch  deine  Gîihle  , 
Bctcher  uns  Kleider  und  Htite; 
Hauch  Mzntel  uad  Roecke, 
Fette  Kelber  und  Boecke  ; 
Ochsen,  Schaffe  und  Kinder. 
Vicie  Weiber,  wenig  Kinder. 
Schlechte  Speise  und  Tranck 
filachen  einem  dat  Jahr  lang. 

M.  Charles  Walme^ley ,  évêque  et  vicaire 
apostolique  en  Angleterre,  a  publié  en 
*777,  sous  le  nom  de  Pasêormt,  dans  une 
flisl.  da  l'Eglise  chrétienne,  une  Histoire 


il 


abrégée  de  la  Réforme  de  Luther,  qui 
été  réimprimée  séparément  à  Malines,! 
en  1  vol.  L'auteur ,  distingué  par  son  zèle 
et  sa  piété  ,  fait  très  bien  connaître  l'es- 
prit de  la  réformalion;  il  ne  s'est  pas 
borné  à  l'Histoire  du  luthéranisme  ,  il 
retrace  aussi  les  erreurs  et  les  excès  des 
autres  branches  de  la  réforme. 

LIJTHERBL'RG.  f^oyez  LOUTHER- 
BOURG. 

LL'TTI  ou  LUTI  (Benoit),  peintre,  né  & 
Florence  en  1666  ,  mort  à  Rome  en  1726 
s'attacha  surtout  au  coloris.  11  avait  un 
graad  nombre  de  tableaux  de  chevalet, 
qui  l'ont  fait  connaître  dans  presque  tou- 
tes les  cours  de  l'Europe.  L'empereur  Id 
fit  chevalier,  et  l'électeur  de  Mayence  ao 
compagna  ses  lettres-patentes  d'une  croix 
enrichie  de  diam^ns.  Le  pinceau  de  Lutti 
est  frais  et  vigoureux  ;  il  mettait  beaucoup 
d'harmonie  dans  ses  couleurs ,  et  donnait 
une  belle  expression  à  ses  figures.  On  lui 
reproche  de  n'être  pas  toujours  correct. 
Le  miracle  de  saint  Pierre ,  qu'il  a  peint 
dans  le  palais  Albani  à  Rome  ,  passe  pour 
son  chef-d'œuvre.  Le  Musée  de  Paris  pos- 
sède de  ce  maître  deux  tableaux  :  La 
Madeleine  visitée  dans  sa  grotte  par  les 
anges  ^  et  la  m^me  sainte  considérant 
une  tête  de  mort. 

tUT\VL\  (saint) ,  né  de  parens  illus- 
tres, fonda  de  ses  biens  l'abbaye  de  Melt- 
loch,  où  il  fit  profession  de  la  vie  monas- 
tique ,  dès  que  la  mort  de  sa  femme  lui 
permit  de  renoncer  au  siècle.  La  siège 
archiépiscopal  de  Trêves  étant  devenu 
vacant  par  la  retraite  de  saint  Basin ,  on- 
cle de  saint  Lutwin,  celui-ci  fut  tiré  de 
sa  solitude  pour  le  remplir.  Il  déploya , 
pendant  18  ans  qu'il  gouverna  celte  illus- 
tre église ,  toutes  les  qualités  d'un  grand 
évêque.  L'abbaye  de  Meltloch  ,  où  il  fut 
enterré,  possède  encore  aujourd'hui  les 
précieuses  dépouilles  de  sa  mortalité. 

LUXEMBOURG,  l'une  des  plus  an- 
ciennes et  des  plus  illustres  maisons  de 
l'Europe,  a  possédé  plusieurs  souveraine- 
tés en  France,  en  Allemagne  et  en  Belgi- 
que. Elle  s'attacha  à  la  maison  de  Bour- 
gogne, et  elle  a  produit  cinq  empereurs, 
dont  trois  ont  été  rois  de  Bohème.  Elle  a 
possédé  les  premières  charges  en  France, 
et  a  donné  naissance  à  six  reines  et  à  plu- 
sieurs princesses,  dont  l'alliance  a  relevé 
l'éclat  des  familles  les  plus  distinguées. 
La  branche  aînée  de  la  maison  de  J^uxem- 
bourg  fut  fondue  dans  celle  d'Autriche 
par  \z  mariage  d'Elizabeth,  fille  de  l'em- 
pereur Sigismond ,  morte  en  ikkl,  avec 


TXX  6 

Albert  I",  archiduc  d'Autriche  cl  empe- 
reur. La  branche  cadette  de  Luxeinbourg- 
Ligny,  quoique  moins  illustrée  que  la  pre- 
mière a  produit  : 

LUXEMBOURG  LIGNY(WAT.EnAM  de), 
comte  de  Saint-Pol ,  naquit  en  15o3.  II 
accompagna  son  père  Gui  dans  l'expédition 
du  Ponthieu  ,  et  se  trouva  à  la  bataille  de 
Baeswider,  en  1731,  où  Gui  fut  tué. 
Prisonnier  des  Anglais,  il  parut  à  la  cour 
de  Richard  II ,  et  épousa  Mathilde  de 
Courtenai,  sœur  utérine  de  ce  monarque. 
Il  obtint  ensixitesa  liberté,  moyennant  120 
raille  francs  de  rançon  dont  la  moitié  lui 
fut  remise  en  faveur  de  ce  mariage.  Wa- 
leran  était  entré  au  service  de  France. 
On  lui  fit  un  crime  de  ce  mariage  ;  mais 
Charles  VI  lui  accorda  sa  grâce  :  il  ac- 
compagna ce  roi  dans  sa  malheureuse  ex- 
pédition de  Bretagne.  Il  fut  nommé  gou- 
verneur de  Gènes  en  1596 ,  et  grand- 
maître  des  eaux  et  forcis  de  France  en 
1402.  Il  fit  encore  la  guerre  aux  Anglais, 
L'empereur  Wenceslas  ne  lui  ayant  pas 
rendu  une  somme  d'argent  qu'il  lui  devait, 
il  entra  dans  le  Luxembourg,  et  brûla  120 
villages.  Il  envoya  ensuite  un  cartel  à 
Henri  II,  qui  avait  fait  assassiner  le  Roi 
Richard,  son  beau-frère.  Nommé  gouver- 
neur de  Paris,  en  lilO,  ce  fut  lui  qui  créa 
l'horrible  milice  composée  de  500  bou- 
chers ou  écorcheurs ,  qui  se  livra  à  tous 
les  excès.  En  1412,  il  battit  les  Armagnacs, 
en  NorvTiandie ,  et  prit  la  place  de  Dom- 
front.  La  disgrâce  du  duc  de  Bourgogne 
attira  la  sienne;  mais  il  ne  voulut  jamais 
rendre  l'épée  de  connétable ,  que  le  roi  lui 
avait  fait  demander.  Il  mourut  gouver- 
neur d'Ivoi,  en  1417. 

LUXEMBOURG  LIGNY  (Piekue  de), 
frère  du  précédent,  né  à  Ligny  en  1369 , 
se  fit  remarquer  dès  sa  plus  tendre  jeu- 
nesse par  une  ardeur  extraordinaire  pour 
Ea  pratique  du  bien  ,  par  son  assiduité  à 
la  prière ,  son  goût  pour  la  mortification , 
Bon  amour  pour  l'humilité ,  et  surtout  par 
sa  charité  pour  les  pauvres.  Envoyé  à 
Paris  à  l'âge  de  10  ans  ,  il  s'y  appliqua 
successivement  aux  belles-lettres ,  à  la 
philosophie  et  au  droit  canon.  En  1583, 
il  devint  chanoine  de  Notre-Dame  de  Pa- 
ris, quelque  temps  après  archidiacre  de 
Dreux,  puis  évoque  de  Metz  en  1584  ,  et 
mourut  le  2  juillet  1387 ,  âge  de  18  ans  , 
à  Avignon,  où  Clément  VII,  que  la  Fran- 
ce reconnaissait  pour  pape  légitime  du- 
rant le  grand  schisme,  l'avait  appelé. 
Pierre  avait  été  fait  cardinal  l'année  pré- 
cédente. Quoiqu'il  eût  le  gouvernement 


55  LUX 

(le  son  diocèse  ,  il  n'était  point  prrtrc  ,  sa 
prudence  et  sa  sainteté  ayant  été  jugées 
une  raison  suffisante  pour  le  dispenser 
du  défaut  d'âge.  Il  semble  cependant  qu'il 
était  diacre,  et  sa  dalmatique  se  garde  à 
Avignon.  Les  miracles  opérés  par  son  in- 
tercession portèrent  les  Avignonais  à  con- 
struire une  chapelle  sur  son  tombeau.  On 
a  depuis  bâti  un  couvent  de  célestins  au 
même  endroit.  Il  fut  béatifié  en  1527 
par  Clément  VII  (le  vrai  pontife  de  ce 
nom).  L'histoire  de  ses  miracles  a  été  pu- 
bliée par  les  bollandistes.  On  a  sous  son 
nom  deux  petits  livres  de  piété  :  livre  de 
Clergie...  translaté  de  latin  en  français, 
Paris  ,  sans  date  ,  gotliique  ,  in-4°  ;  et  la 
Diète  du  salut.  Paris,  1506,  in-4°. 

LUXEMBOURG  -  SAINT  -  POL  (  LoLiS 
de),  de  la  même  famille  ,  fut  élu  évêque 
de  Térouane,  en  1414.  Henri  VI,  roi  d'An- 
gleterre, qui  prenait  le  titre  de  roi  de 
France,  le  fit  chancelier  en  1425  ,  et  ar- 
chevêque de  Rouen  en  1436.  Il  s'était  tel- 
lement dévoué  aux  intérêts  de  ce  prince, 
qu'il  conduisait  lui-même  du  secours  aux 
places  assiégées  ,  et  ne  négligeait  rien 
pour  rétablir  ce  parti  chancelant.  Il  se  jeta 
dans  la  Bastille  lorsque  Paris  se  soumit  à 
Charles  VII ,  en  1456  ;  mais  il  fut  obligé 
d'en  sortir  par  composition,  et  se  retira 
en  Angleterre,  où  il  fut  évêque  d'Ely,  et 
cardinal  en  1456.  Il  mourut  en  1449. 

LUXEMBOURG  (Louis  de) ,  connéta- 
ble, comte  de  Saint-Pol,  neveu  du  précé- 
dent, avait  servi  sous  Charles  Vil  avec 
succès  dans  divers  sièges.  Après  sa  mort, 
il  s'attacha  au  duc  de  Bourgogne,  qui  lui 
donna  le  commandement  de  l'avant-garde 
de  son  armée  à  la  bataille  de  Montlhéri. 
Louis  XI,  pour  l'attirer  à  son  service,  lui 
donna  l'épée  de  connétable  ;  mais  pour 
se  maintenir  dans  la  ville  de  Saint-Quen- 
tin, dont  il  s'était  emparé  ,  il  trahit  suc- 
cessivement et  le  roi  et  le  duc  de  Bour- 
gogne. Ses  perfidies  furent  découvertes. 
Craignant  la  sévérité  de  Louis  XI ,  il  se 
relira  auprès  du  duc  de  Bourgogne ,  qui 
le  rendit  au  roi.  Son  procès  lui  fut  fait, 
et  il  eut  la  tête  tranchée  à  Paris  le  19  dé- 
cembre 1475. 

LUXEMBOURG  (François-Henhi  de 
Montmorenci-Boule ville,  duc  de),  maré- 
chal de  France  ,  né  posthume  en  1628  , 
était  fils  de  François  de  Montmorenci , 
comte  de  Bouteville  et  de  Lusse,  qui  eut 
la  tête  tranchée  sous  Louis  XIII,  pour 
s'être  battu  en  duel ,  dans  un  temps  où 
cette  détestable  manie  était  punie  comme 
elle  doit  l'être.  La  princesse  de  Condé 


LUX 


636 


LUX 


présenta  à  la  cour  le  jeune  Montnaorenci 
resté  orphelin  ;  elle  eut  soin  de  sa  fortune 
et  le  donna  pour  aide-de-camp  à  son  fils, 
déjà  fameux  par  ses  victoires  de  Rocroy, 
de  Fribourg  et  de  Nortlingue.  Il  se  trou- 
va au  siège  de  Lérida,  sous  le  grand 
Condé  dont  il  fut  l'élève  ,  et  qu'il  suivit 
dans  sa  bonne  et  dans  sa  mauvaise  for- 
tune. Le  jeune  guerrier  avait  dans  le  ca- 
ractère plusieurs  traits  du  héros  qu'il 
avait  pris  pour  modèle  :  un  génie  ardent, 
une  exécution  prompte,  un  coup  d'oeil 
juste ,  un  esprit  avide  de  connaissances. 
On  vit  briller  en  lui  ces  différentes  qua- 
lités à  la  conquête  de  la  Franche-Comté 
en  1668,  où  il  servit  en  qualité  de  lieute- 
nant général.  La  guerre  ayant  recom- 
mencé en  1072,  il  commanda  en  chef  pen- 
dant la  fameuse  campagne  de  Hollande , 
prit  Grool,  Deventer,  Coeworden,  Zwol, 
Campen,  etc.,  et  repoussa  les  troupes  des 
états  près  de  Bodegrave  et  de  Voerden. 
Les  historiens  hollandais  prétendent  que 
Luxembourg ,  en  partant  pour  cette  der- 
nière expédition  ,  avait  dit  à  ses  troupes  : 
n  Allez,  mes  enfans  ,  pillez,  tuez,  violez, 
»  et  s'il  y  a  quelque  chose  de  plus  ef- 
»  frayant ,  ne  manquez  pas  de  le  faire  ; 
»  afin  que  je  voie  que  je  ne  me  suis  pas 
»  trompé  en  vous  choisissant  comme  les 
j>  plus  braves  des  hommes  et  les  plus 
»  propres  à  pousser  les  ennemis  avec 
»  vigueur.  »  Il  est  impossible  de  croire 
qu'un  général  français  ait  tenu  un  dis- 
cours si  barbare  ;  mais  ce  qu'il  y  a  de  sûr, 
c'est  que  les  soldats  mirent  le  feu  à  Bo- 
degrave ,  et  se  livrèrent ,  à  la  lueur  des 
flammes,  à  la  débauche  et  à  la  cruauté; 
que  par  des  exploits  de  cette  nature  les 
affaires  des  Français  tournèrent  mal ,  et 
que  le  duc  fut  obligé  de  faire  retraite ,  ce 
qu'il  exécuta  avec  plus  de  succès  qu'on 
n'en  devait  espérer.  Louis  XIV  ayant  fait 
une  nouvelle  expédition  dans  la  Franche- 
Comté,  Luxembourg  l'y  suivit.  11  se  trouva 
ensuite  à  la  bataille  de  Senef ,  obligea  le 
prince  d'Orange  de  lever  le  siège  de  Char- 
leroi,  et  obtint  en  1675  le  bâton  de  maré- 
chal de  France.  Il  commanda  une  partie 
de  l'armée  française  après  la  mort  de 
Turenne  ,  et  ne  lit  pas  des  choses  dignes 
de  sa  réputation.  Le  grand  Condé,  quoi- 
que son  ami,  ne  put  s'empêcher  de  dire  : 
Luxembourg  fait  mieux  l'éloge  de  Tu- 
renne  que  Mascaron  et  Fléchier.  Il  laissa 
prendre  Phiiipsbourg  à  sa  vue  par  le  duc 
de  Lorraine  ,  et  essaya  en  vain  de  le  se- 
ccurir  avec  une  armée  de  50,000  hommes. 
11  fut  plus  heureux  en  combattant  Guil- 


laume d'Orange.  Ce  prince  ayant  attaqué 
le  général  français  ,  qui  ne  s'y  attendait 
point,  à  Saint-Denys  près  de  Mons  ,  cette 
surprise  n'empêcha  pas  le  maréchal  de 
Luxembourg  de  disputer  la  victoire  avec 
beaucoup  de  valeur.  Quelques-uns  même 
lui  adjugent  le  champ  de  bataille,  dont 
les  alliés  se  glorillèrent.  Luxembourg, 
quoique  aimé  de  Louis  XIV,  eut  à  souf- 
frir à  la  cour  plusieurs  désagrémens.  Il 
s'était  brouillé  avec  Louvois  ;  celui-ci  at- 
tendit l'occasion  de  le  perdre  :  elle  s'of- 
frit bientôt.  Bonnard,  clerc  du  procu- 
reur du  maréchal,  s'adressa  à  Lesage, 
intrigant  et  sorcier  de  son  métier, 
pour  découvrir  des  papiers  nécessaires 
au  maréchal  dans  un  procès.  Boimard 
avait  obtenu  du  maréchal  une  signature 
dont  on  fit  un  usage  perfide,  en  désignant 
un  simple  pouvoir  comme  une  espèce  de 
pacte  diabolique.  A  cette  époque  on 
avait  créé  (  le  7  avril  1679)  la  chambre 
ardente^  à  l'arsenal,  pour  les  crimes 
de  sorcellerie  et  empoisonnemens.  La 
Voisin  et  la  Vigoureux  y  avaient  été  ju- 
gées. Le  maréchal  l'y  fut  aussi,  étant  ac- 
cusé d'avoir  voulu  faire  périr  sa  femme, 
le  maréclial  de  Créqui  et  d'autres  ;  on  le 
confronta  avec  les  deux  misérables  ci- 
dessus  citées.  Enfin  ,  après  quatorze  mois 
de  captivité,  il  fut  déclaré  innocent. 
Dans  la  seconde  guerre  que  Louis  XIV 
soutint  contre  les  puissances  de  l'Europe 
réunies  en  1690,  Luxembourg,  nommé 
général  de  l'armée  de  Flandre ,  gagna  la 
bataille  de  Fleurus.  Il  eut  encore  l'avan- 
tage au  choc  de  Leuze  en  1691,  au  com- 
bat de  Steinkerque  en  1692 ,  et  battit  le 
roi  Guillaume  à  Nerwinde  en  1693.  Peu 
de  journées  furent  plus  meurtrières  :  il  y 
eut  environ  20,000  morts,  dont  au  moins 
la  moitié  de  Français.  C'est  à  cette  occa- 
sion qu'on  dit  qu'il  fallait  chanter  plutôt 
un  De  profiindis  qu'un  Te  Deum.  Les 
Français  avaient  été  repoussés  plusieurfi 
fois  à  la  droite  et  à  la  gauche  des  alliés 
fortement  retranchés  ;  mais  le  curé  de 
Laer ,  indigné  de  ce  que  les  troupes  du 
prince  d'Orange  avaient  exercé  quelque 
pillage  chez  lui,  indiqua  au  maréchal  un 
endroit  oiî  le  retranchement  n'était  pas 
achevé,  et  qui  était  masqué  par  des  abat- 
lis  :  une  nouvelle  attaque  décida  la  vic- 
toire. Après  la  victoire  de  Nerwinde  ,  il 
écrivit  à  Louis  XIV...  «  Vos  ennemis  y  ont 
»  fait  des  merveilles,  vos  troupes  encore 
I)  mieux.  Pour  moi ,  sire,  je  n'ai  d'autre 
»  mérite  que  d'avoir  exécuté  vos  ordres. 
»  Vous  m'avez  dit  de  prendre  une  ville  et 


LU  Y  03 

»  de  donner  bataille;  je  l'ai  prise,  et  je 
j»  l'ai  gagnée...  »  Le  maréchal  de  Luxem- 
bourg termina  sa  carrière  par  la  longue 
marche  qu'il  fit ,  en  présence  des  enne- 
mis ,  depuis  Vignamont  jusqu'à  l'Escaut , 
près  de  Tournai.  Il  mourut  l'année  d'a- 
près en  16D5,  à  67  ans,  regretté  comme  le 
plus  grand  général  qu'eut  alors  la  France. 
Sa  vie  n'avait  pas  toujours  été  édifiante  ; 
ses  écarts  allèrent  jusqu'à  donner  deux  fois 
lieu  comme  on  l'a  vu  à  une  accusation  de 
magie ,  fondée  en  partie  sur  des  liaisons 
et  des  sociétés  peu  dignes  de  lui ,  et  cela 
dans  un  siècle  où  ces  sortes  d'accusations 
n'étaient  pas  légèrement  reçues  >  surtout 
à  l'égard  d'un  homme  tel  que  lui.  Sa  mort 
(ut  très  chrétienne.  Le  père  Bourdaloue , 
qui  l'assista  dans  ses  derniers  niomens  , 
dit  :  «  Je  n'ai  pas  vécu  comme  lui,  mais 
»  je  voudrais  bien  mourir  comme  lui.  » 
On  imprima  à  Cologne  ,  en  1695 ,  in-12  , 
une  satire  contre  la  France  et  contre  lui, 
intitulée  :  Le  Maréchal  de  Luxembourg 
au  lit  de  la  mort,  tragi-comédie  en  5  ac- 
tes et  en  prose.  Ce  guerrier  est  bien  plus 
favorablement  dépeint  dans  Vllistoire  de 
lamaison  de  Montmorenci  par  M.  Desor- 
meaux ,  et  par  le  compilateur  Manuel 
dans  son  An^iée  française  ;  mais  il  faut  se 
tenir  en  garde  contre  les  panégyriques 
et  contre  les  satires  :  la  vérité  de  l'his- 
toire souffre  également  des  uns  et  des 
autres.  Son  Oraison  funèbre^  prononcée 
par  le  P.  La  Rue  a  été  imprimée  à  Paris 
en  1695,  in-i". 

LIJYCREIV(Jeaiv),  graveur  hollandais. 
On  remarque  dans  ses  ouvrages  un  feu , 
une  imagination  et  une  facilité  admira- 
bles. Son  œuvre  est  considérable  et  fort 
estimé.  Il  était  né  à  Amsterdam  en  1G49 , 
et  il  mourut  en  1712.  On  estime  sa  Bible 
en  figures  j  imprimée  dans  cette  ville  en 
1732,  in-fol.  ;  son  Théâtre  des  martyrs,  en 
lis  planches,  m-.'i."',  mériterait  également 
des  éloges,  si,  par  un  fanatisme  aussi  ab- 
surde que  dégoûtant ,  l'auteur  n'avait  as- 
socié aux  vrais  martyrs  les  enthousiastes 
dogmatisans  et  séditieux  ,  que  le  glaive 
de  la  justice  a  immolés  au  repos  des  états, 
plus  encore  qu'à  la  conservation  de  la 
vraie  foi.  «  Voilà  ,  dit  un  auteur,  où  en 
»  sont  réduites  les  sectes.  Convaincues  de 
»  la  nouveauté  de  leur  existence,  elles 
»  compulsent  les  annales  du  délire  et  de 
»  la  sédition  ,  pour  se  donner  une  appa- 
»  rence  de  continuité  et  de  succession.  » 
(  Voxjez  JURIEU.  )  —  Il  y  a  eu  un  Gaspauu 
LUYCKEN,  dont  ont  voit  de  beaux  dessins 
dans  la  Bible  de  Weigel.    Voy.  ce  nom. 


7  LUZ 

LU  YNES  (  Paul  d'ALDERT  de  ) ,  cardi- 
nal et  archevêque  de  Sens,  né  à  Versailles 
en  1705 ,  est  un  des  prélats  qui ,  pendant 
le  18'  siècle  ,  ont  le  plus  honoré  l'église 
de  France  par  leur  zèle  et  leurs  lumières. 
Formé  par  les  leçons  et  les  exemples  de 
Fénélon ,  il  a  pendant  toute  sa  vie  fait 
éclater  les  fruits  d'une  si  avantageuse  in- 
stitution. Rien  n'égalait  le  soin  avec  le- 
quel il  veillait  sur  la  pureté  de  la  doctrine, 
et  la  promptitude  avec  laquelle  il  repous- 
sait les  erreurs  qui  menaçaient  d  infecter 
son  peuple.  Assistant  un  jour  à  un  ser- 
mon où  l'on  avait  glissé  quelques  opi- 
nions favorites  de  la  secte  qui  rougit  de 
son  nom,  il  imposa  silence  au  prédicateur, 
le  fit  descendre  de  la  chaire ,  y  monta 
lui-même  ,  et  réfuta  l'erreur  avec  autant 
d'éloquence  que  d'exactitude  théologique. 
Il  mourut  à  Sens  le  23  janvier  1788 ,  à 
1  âge  de  83  ans,  regretté  des  pauvres  dont 
il  était  le  père ,  et  de  son  clergé ,  dont 
il  était  le  modèle.  L'abbé  Le  Gris  a  fait  sou 
Eloge  funèbre. 

LUYIVES.  Voxjez  ALBERT. 

LUYTS  (Jean  ) ,  philosophe  et  astro- 
nome, né  dans  la  Nord-Hollande  en  16l)u  , 
fut  professeur  de  physique  et  de  mathé- 
matiques à  Utrecht ,  depuis  1677  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  le  12  mars  1721.  lia  don- 
né :  I  Astronomica  inslitulio ,  Ulrechl, 
1689,  in-4°.  Il  y  rejette  le  système  de  Co- 
pernic. On  y  voit  un  grand  nombre  d'ob- 
servations astronomiques ,  curieuses  et 
utiles  ,  expliquées  d'une  manière  laconi- 
que, alliée  à  beaucoup  de  clarté.  |  Intro- 
ductio  ad  geographiam  novam  etveterem. 
avec  beaucoup  de  cartes,  1692,  in-i°,  es- 
timée. 

LUZERNE  (cardinal  de  la  ).  rayez  LA- 
LUZERNE. 

LUZIGAAN  (GoY  de) ,  fils  de  Hugues 
de  Luzignan,  d'une  des  plus  ancieimcs 
maisons  de  France,  fit  le  voyage  d'outre- 
mer. Il  épousa  Sybille,  fille  ainée  d'A- 
mauri ,  roi  d'3  Jérusalem.  Par  ce  mariage, 
il  acquit  le  royaume  en  son  nom,  et  le 
reperdit  en  1187,  lorsque  la  ville  se  rendit 
à  Saladin.  Luzignan  ne  conserva  que  le 
litre  de  roi  de  Jérusalem,  qu'il  vendit 
bientôt  à  Richard,  roi  d'Angleterre,  pour 
l'ile  de  Chypre.  Il  y  prit  la  qualité  de  roi, 
et  y  mourut  en  1194.  Sa  maison  conserva 
cette  ile  jusqu'en  1475.  Amauri  de  Luzi- 
gnan ,  son  frère  ,  lui  succéda.  Au  reste  , 
celte  famille  tire  son  nom  de  la  petite 
ville  de  Luzignan  en  Poitou,  dont  le  châ- 
teau passait  autrefois  pour  imprenable, 
parce  que  le  vulgaire  croyait  qu'il  avait 
54 


LYC 


638 


LYC 


été  bâti  par  une  fée  moitié  femme,  moitié 
serpent. 

LYCAMBE.  Voyez  ARCHILOQUE. 

LYCOPimON,  lils  de  Périandre,  roi  de 
Côrinthe,  né  vers  l'an  G28  avant  J.-C,  n'a- 
vait que  17  ans  lorsque  son  père  tua  Mé- 
lisse sa  mère.  Proclus,  son  aïeul  maternel, 
roi  d'Epidaure,  le  fit  venir  à  sa  cour  avec 
son  frère  nommé  Cypsèle  ,  âgé  de  48  ans, 
et  les  renvoya  quelque  temps  après  à  leur 
pèie ,  en  leur  disant  :  Souvenez-vous  qui 
a  tué  votre  mère.  Cette  parole  fit  une  telle 
impression  sur  Lycophron,  qu'étant  de 
retour  à  Côrinthe,  il  s'obstina  à  ne  point 
vouloir  parler  à  son  père.  Périandre  in- 
digné l'envoya  à  Corcyre  (aujourd'hui 
Corfou) ,  et  l'y  laissa  sans  songer  à  lui. 
Dans  la  suite ,  se  sentant  accablé  des  in- 
lirmités  de  la  vieillesse  ,  et  voyant  son 
autre  fils  incapable  de  régner,  il  envoya 
offrir  à  Lycophron  son  sceptre  et  sa  cou- 
ronne ;  mais  le  jeune  prince  dédaigna 
même  de  parler  au  messager.  Sa  sœur  , 
qui  se  rendit  ensuite  auprès  de  lui  pour 
♦àcher  de  le  gagner ,  n'en  obtint  pas  da- 
vantage. Enfin ,  on  lui  envoya  proposer 
de  venir  régner  à  Côrinthe ,  et  que  son 
père  irait  régner  à  Corfou.  11  accepta  ces 
conditions;  mais  les  Corcyriens  le  tuè- 
rent, pour  prévenir  cet  échange  qui  ne 
leur  plaisait  pas. 

LYCOPHRON,  fameux  poêle  et  gram- 
mairien grec,  natif  de  Chalcide  dans  l'Ile 
d'Eubée,  vivait  vers  l'an  504  avant  Jé- 
sus-Christ, et  fut  tué  d'xm  coup  de  flèche, 
selon  Ovide.  Suidas  a  conservé  les  titres 
de  20  tragédies  de  ce  poète.  Il  ne  nous 
reste  de  lui  qu'un  poème  intitulé  Cassan- 
dre  ;  mais  il  est  si  obscur,  qu'il  fit  donner 
à  son  auteur  le  nom  de  Ténébreux.  C'est 
une  suite  de  prédictions  qu'il  suppose 
avoir  été  faites  par  Cassandre,  fille  de 
Priam.  La  plupart  ne  méritent  pas  la 
peine  que  les  savans  ont  prise  pour  les 
expliquer.  Porter  a  donné  une  édition  de 
ce  poème,  avec  une  version  et  des  notes, 
Oxford  ,  1C97;  et  elle  a  été  réimprimée  en 
1702,  in-fol.  Lycophron  était  un  des  poètes 
de  la  Pléiade ,  imaginée  sous  Ptolémée 
Philadelphe. 

LYCOïUS,  fameuse  courtisane  du  temps 
d'Auguste,  est  ainsi  nommée  par  Virgile 
dans  sa  dixième  égiogue.  Le  poète  y  con 
sole  son  ami  Cornélius  Gallus,  de  ce  qu'elle 
lui  préférait  Marc-Antoine.  Cette  courti- 
sane suivait  le  général  dans  un  équipage 
magnifique,  et  ne  le  quittait  jamais, 
même  au  milieu  des  armées.  Cléopâtre  la 
•upplanla. 


LYCOSTnE\'ES,  en  allemand  WOLP- 
FHART  (  Conrad)  ,  né  l'an  iol8,  à  Ruf- 
fach,  dans  la  Haute- Alsace  ,  se  rendit  ha- 
bile dans  les  langues  et  dans  les  sciences, 
II  fut  ministre  ,  et  professeur  de  logique 
et  des  langues  à  Bàle,  où  il  mourut  en 
loCl.  n  fut  paralytique  les  sept  dernières 
années  de  sa  vie.  On  a  de  lui  :  |  Chroni^ 
con  prodiffiorum  ^Bèlc,  1557,  in-fol.  :  |  De 
mtdierum  prœclarè  dictis  et  factis; 
I  Compendium  bibliothecœ  Gesnerij  1557, 
in-/».°  ;  I  des  Commentaires  sur  Pline  le 
Jeune;  |  Jpophlhegmata^  1614,  in-8°.  Ce 
fut  lui  qui  commença  le  Theatrum  vifcB 
humaîiœ^  publié  et  achevé  par  Théodore 
Zwinger,  son  gendre.  Cette  compilation 
forme  8  volumes  in-fol.  de  l'édition  de 
Lyon,  1656. 

'lYCURGUE,  législateur  des  Lacédé- 
moniens,  était,  dit  on ,  lils  d'Eunome, 
roi  de  Sparte,  et  frère  de  Polydecte ,  qui 
régna  après  son  père.  Après  la  mort  de 
Polydecte,  sa  veuve  offrit  la  couronne  à 
Lycurgue,  s'engageant  de  faire  avorter 
l'enfant  dont  elle  était  grosse,  pourvu  qu'il 
voulût  l'épouser  ;  mais  Lycurgue  refusa 
ces  offres  abominables.  Content  delà  qua- 
lité de  tuteur  de  son  neveu  Charilaiis  ,  il 
lui  remit  le  gouvernement  lorsqu'il  eut 
atteint  l'âge  de  majorité,  l'an  870  avant 
Jésus-Christ.  Soit  qu'il  se  repentit  de  cette 
générosité ,  soit  qu'on  lui  attribuât  une 
inconstance  qu'il  n'eut  pas,  on  l'accusa 
de  vouloir  usurper  la  souveraineté.  Il 
quitta  sa  patrie  et  passa  en  Crète,  renûih- 
ince  par  ses  lois  dures  et  austères;* il  voit 
la  magniticencc  de  l'Asie,  et  de  là  se  rend 
eu  Egypte.  De  retour  de  ses  voyages, 
Lycurgue  donna  aux  Lacédémonicns  des 
lois  que  les  uns  élèvent  jusqu'aux  nues  , 
et  que  les  autres  traitent  de  barbares.  Les 
plus  instruits  doutent  que  ces  lois  soient 
de  Lycurgue,  et  ne  sont  point  persuadés 
de  tout  ce  qu'on  raconte  de  ce  philoso- 
phe. Plutarque ,  dans  l'Introduction  à  la 
vie  de  Lycurgue  ,  où  les  historiens  mo- 
dernes ont  pnisé  presque  tous  les  faits 
qu'ils  attribuent  à  ce  législateur,  dit  (trad. 
d'Amyot  )  :  «  On  ne  sauroit  du  tout  rien 
»  dire  de  Lycurgus,  qui  établit  les  lois  des 
»  Lacédémonicns,  en  quoi  il  n'y  ait  quel- 
»  que  diversité  entre  les  historiens...  mais 
»  moins  encore  que  toute  autre  choseï 
T>  s'accordent-ils  du  temps  auquel  il  a| 
n  vécu.  »  Il  termine  ce  paragrapl;ie ,  qu'il 
faut  lire  en  entier,  par  ces  termes  :  «  Mais 
n  toutefois  ,  encore  qu'il  y  ait  tant  de  di- 

»  versité  entre  les  historiens,    nous  ne 

T.  laisserons  pas  pour  cela  de  recueillir  et 


LYC  fi: 

»  metlre  par  escript  ce  que  l'on  trouve  de 
»  Wi  es  anciennes  hisloires,  en  élisant  les 
»  choses  où  il  y  a  moins  de  contradiction.  » 
Par  cette  dernière   phrase ,  il  avoue  de 
bonne  foi  qu'il  aime  mieux  risquer  de 
transcrire  des  faits  peu  certains  que  de 
ne  rien  dire  sur  ce  personnage.  Si  l'on 
ajoute  à  ce  témoignage  de  Plutarque,  que 
Lycuigue,  qui  a  vécu  dans  des  temps  très 
reculés  (puisque  Xénophon  prétend  qu'il 
existait  du  temps  desHéraclides),  n'a  rien 
laissé  par  écrit  chez  une  nation  où  l'igno- 
rance était  regardée  comme  une  vertu 
méritoire,   où  il  ne  s'est  trouvé  aucun 
historien,  où  le  séjour  des  étrangers  était 
fixé  à  uri  temps  très  court  par  la  loi  ap- 
pelée Xé7iélasie^  dès  lors  il  sera  évident 
que ,  malgré  l'apologie  que  Plutarque  a 
faite  de  ce  personnage  ,  il  est  fort  incer- 
tain qu'il  soit  seul  l'auteur  du  système  de 
législation  qu'on  lui  attribue.  Mais  en  l'en 
supposant  l'auteur,  comme  on  doit  juger 
de  la  bonté  des  causes  de  cette  nature  , 
1°  par  leurs  effets  nécessaires  sur  le  coeur 
humain ,  2"  par  la  confirmation  de  ces 
effets  d'après  le  rapport  de  l'histoire ,  on 
trouvera,  en  suivant  celte  règle,  que  la 
législation  de  Sparte  n'a  produit  l'admi- 
ration des  anciens  et  des  modernes ,  que 
dans  l'opinion  encore  barbare  et  sauvage 
où  ils  étaient,  que  toute  action  forte,  fùt- 
elle  contraire  aux  premières  lois  de  l'é- 
quité et  de  l'humanité  ,  était  une  action 
vertueuse.  Il  est  reconnu  généralement 
u'il  a  eu  l'intention  formelle ,  1°  d'aug- 
iCnler  la  force  naturelle  des  Spartiates  , 
r   la  force  artilicicUe  des  institutions 
iîitaires  ;  2°  de  perpétuer  l'ignorance  la 
lus  profonde  chez  ce  peuple,  en  proscri- 
anl  de  l'éducation  les  sciences  et  les  arts, 
îcepté  seulement  la  musique  guerrière  ; 
:e  sorte  que  dans  ces  temps  prétendus 
ureux,  où  ses  lois  étaient ,  dit-on ,  fidè- 
lement observées,  aucun  Spartiate  ne  sa- 
jvait   lire;    ce   qui  d'ailleurs  leur    était 
nutile,   puisque   rien  n'était  écrit,  pas 
Ttiême  les  lois  de  la  république;  5°  d'en- 
retenir  par  toute  sorte  de  moyens  la  fé- 
ocité  et  même  la  cruauté  dans  l'âme  des 
^partiales,  entre  autres  par  l'usage  de  ces 
ombals  entre  les  enfans ,  où  ii*à  se  mas- 
acraient  les  uns  les  autres  ;  par  les  fusti- 
ations  cruelles  des  enfans  devant  l'autel 
le  Diane  Orthia ,  et  surtout  par  les  bar- 
)arics  qu'il  leur  permit  d'exercer  contre 
es  Hôtes  :  car  Aristote  et  Platon  assurent 
ue ,  pour  empêcher  la  trop  grande  mul- 
iplication  do  ces  malheureux  esclaves , 
,  clablil  l'affreuse  coutume  que  les  jeunes 


>9  LYC 

Spartiates  iraient  se  mettre  la  nuit  en 
embuscade  pour  en  tuer  un  certain  nom- 
bre; ce  qui  était  véritablement  une  bou- 
cherie, puisqu'il  était  défendu  aux  Ilotes 
d'avoir  et  encore  moins  de  porter  des 
armes  en  temps  de  paix  ;  k°  de  se  servir 
du  libertinage,  pour  empêcher  la  pudeur, 
la  chasteté  ,  l'union  conjugale  ,  d'adoucir 
les  mœurs.  D'après  cet  exposé,  que  même 
les  admirateurs  de  Lycurgue  et  des  Spar- 
tiates ne  peuvent  révoquer  en  doute  ,  on 
laisse  à  juger  si  une  législation  dont  le 
but  est  d'augmenter  chez  un  peuple  la 
force ,  l'ignorance  ,  la  cruauté,  le  liberti- 
nage, et,  par  une  suite  nécessaire,  l'or- 
gueil, l'avidité,  l'injustice  ;  en  un  mot, 
dont  le  but  est  de  former  une  troupe  de 
soldats  igtiorans ,  cruels  et  sans  mœurs , 
pour  la  faire  servir  à  la  désolation  des 
laborieux  cultivateurs  et  des  peuples  qui 
l'avoisinent,  peut  être  un  ouvrage  capa- 
ble d'immortaliser  son  auteur  ,  et  si  elle 
mérite  les  éloges  que  lui  prodiguent  en- 
core des  hommes  qui  prétendent  se  con- 
naître en  législation,  tels  que  Montes- 
quieu ,  et  l'abbé  Gourcy  dans  un  amphi- 
gourique Eloge  philosophique  et  politique 
de  Lycurgue^  et  l'abbé  Barthélémy  dans 
son  Voyage  d'Anachar&is.  L'auteur  de 
la  Félicité  publique^  qxioique  ennemi 
forcené  du  christianisme,  montre  com- 
bien les  républiques  chrétiennes  les  moins 
bien  constituées  sont  plus  heureuses  que 
les  Lacédémoniens,  les  Athéniens,  et  tous 
ces  anciens  peuples  crus  libres  au  sein  de 
la  tyrannie.  Cependant  Lycurgue,  s'il  faut 
croire  ce  qu'on  en  raconte,  regardait  ses 
lois  comme  le  fruit  de  la  plus  sublime  sa- 
gesse. Pour  engager  les  Lacédémoniens  à 
les  observer  inviolablemenl ,  il  leur  fit 
promettre  avec  serment  de  n'y  rien  chan- 
ger jusqu'à  sonretour.  Il  s'en  alla  ensuite 
dans  rîle  de  Crète ,  où  il  se  donna  la  mort, 
après  avoir  ordonné  que  l'on  jetât  ses 
cendres  dans  la  mer.  Il  craignait  que  si 
on  rapportait  son  corps  à  Sparte,  les  La- 
cédémoniens ne  crussent  être  absous  de 
leur  serment.  On  voit  dans  tous  ces  an- 
ciens sages  des  traits  éclatans  de  folie  , 
presque  toujours  produits  par  la  vanité 
et  l'égoïsme.  Lycurgue  distingua  les  Spar' 
tiates^  ou  nobles  ,  du  reste  de  la  nation , 
qu'il  fit  appeler  Lacédémoniens.  11  fit  un 
nouveau  partage  des  terres  dont  50  mille 
lots  furent  pour  ces  derniers,  et  9000  pour 
les  Spartiates.  Ce  changement  causa  des 
émeutes  dans  l'une  desquelles  on  lui  creva 
un  œil  d'un  coup  de  bâton.  On  lui  livra 
le  coupable  ;  mais  Lycurgue  ayant  besoin 


LYC  C 

de  partisans ,  au  lieu  de  lui  faire  aucun 
mal,  le  reçut  chez  lui,  l'instruisit  dans  les 
sciences,  et  le  prit  sous  sa  protection. 
f'oyez  GOLLIUS,  LUCIEN,  ZENON,  SO- 
LON. 

LYCIJRGUE ,  orateur  athénien  ,  con- 
temporain de  Démostliènes ,  eut  l'inten- 
dance du  trésor  public,  fut  chargé  du 
soin  de  la  police  ,  et  l'exerça  avec  beau- 
coup de  sévérité.  Il  chassa  de  la  ville 
tous  les  malfaiteurs ,  cl  tint  un  registre 
exact  de  tout  ce  qu'il  fit  pendant  son  ad- 
ministration. Lorsqu'il  la  quitta,  il  fit 
attacher  ce  registre  à  une  colonne  ,  afin 
que  chacun  eût  la  liberté  d'en  faire  la 
censure.  Dans  sa  dernière  maladie,  il  se 
lit  porter  au  sénat  pour  rendre  compte 
de  ses  actions  ;  et,  après  y  avoir  confondu 
le  seul  accusateur  qui  se  présenta ,  il  se 
fit  reporter  chez  lui ,  où  il  expira  bientôt 
après,  vers  l'an  3S6  avant  J.-C.  Lycurgue 
était  du  nombre  des  30  orateurs  que  les 
Athéniens  refusèrent  de  donner  à  Alexan- 
dre. Ce  fut  lui  qui ,  voyant  le  philosophe 
Xénocrate  conduit  en  prison  pour  n'avoir 
pas  payé  le  tribut  qu'on  exigeait  des 
étrangers  ,  le  délivra,  et  y  fit  mettre  à  sa 
place  le  fermier  qui  avait  fait  traiter  si 
durement  un  homme  de  lettres.  Action 
souvent  louée,  mais  qui  dans  le  fond  était 
une  violence  et  une  injustice  ,  puisqu'il 
n'y  avait  aucune  loi  qui  exceptât  de  ce  tri- 
but les  gens  de  lettres.  Les  Aides  impri- 
mèrent à  Venise  en  1513,  en  2  volumes 
in-folio,  un  recueil  des  UaraTigues  de 
jjlusieurs  anciens  orateurs  grecs ,  parmi 
lesquelles  se  trouvent  celles  de  Lycurgue. 
M.  l'abbé  Auger  les  a  traduites  en  1785 , 
Paris,  1  volume  in-8°.  On  distingue  celle 
qui  regarde  un  citoyen  d'Athènes ,  nom- 
mé LéocratCj  qui  avait  abandonné  sa 
patrie  dans  le  malheur ,  après  la  bataille 
de  Chéronée ,  et  qui  y  rentra  lorsque  le 
péril  était  passé.  L'orateur  demande  qu'il 
soit  puni  de  mort  comme  un  lâche  et  un 
traître. 

LYCUS,  l'un  des  généraux  de  Lysi- 
machus,  célèbre  parmi  les  successeurs 
d'Alexandre  le  Grand ,  se  rendit  maître 
d'Ephèse  par  le  moyen  d'Andron,  chef  de 
corsaires ,  qu'il  gagna  à  force  d'argent. 
Andron  introduisit  dans  la  ville  quelques 
soldats  de  Lycus,  comme  s'ils  eussent  été 
des  prisonniers,  mais  avec  des  armes 
cachées.  Dès  qu'ils  furent  entrés  dans  la 
place ,  ils  tuèrent  ceux  qui  faisaient  la 
garde  aux  portes,  et  donnèrent  en  même 
temps  le  signal  aux  troupes  de  Lycus,  les- 
quelles s'emparèrent  de  la  place,  et  firent 


hO  LYN 

prisonnier  Enète,  qui  en  était  gouver- 
neur. Frontin  a  placé  cette  histoire  dans 
ses  Stratagèmes. 

*  LYDGATE  (  Jean  ) ,  poète  anglais  , 
moine  de  Saint -Edmond's -Bury  ,  né  en 
1580 ,  fiorissait  sous  le  règne  de  Henri  VL 
Il  fut  ua  des  premiers  qui,  dans  un  siècle 
encore  barbare,  commencèrent  à  intro- 
duire le  bon  goût  dans  la  poésie  anglaise. 
Il  était  contemporain  et  disciple  du  fa- 
meux Chaucer,  et  fort  versé  dans  la  phi-^ 
losophie  ,  les  mathématiques  et  la  théolo- 
gie ;  on  cite  de  lui  des  Eglogues,  des  Odes 
et  des  Satires,  un  poème  intitulé  la  Chul6 
des  Princes  ,  et  quelques  écrits  en  prose. 
Il  mourut  en  1440 ,  à  l'âge  de  60  ans. 

LYDI AT  (Thomas), mathématicien  an- 
glais, né  à  Okerton,  dans  le  comté  d'Ox- 
ford, en  1572,  mort  en  16/».6,  eut  le  soit 
de  plusieurs  savans.  Il  traîna  une  vie  la- 
borieuse dans  l'indigence.  Il  fut  long- 
temps en  prison  pour  dettes,  et  lorsqu'il 
eut  obtenu ,  sur  la  fin  de  ses  jours  ,  un 
petit  bénéfice,  il  fut  persécuté  par  les 
parlementaires,  parce  qu'il  était  attaché 
au  parti  royal.  Il  a  laissé  plusieurs  ou- 
vrages en  latin  sur  des  matières  de  chro- 
nologie ,  de  physique  et  d'histoire.  Les 
principaux  sont  :  |  De  variis  annorum 
formis ,  Londres ,  1605,  in-8°,  contre  Cla- 
viusetScaliger.  Ce  dernier  ayant  répondu 
avec  beaucoup  d'emportement,  Lydiat  lit 
une  Apologie  à.Q  son  ouvrage,  imprimée 
en  1607  ;  |  De  V origine  des  fontaines,  1605, 
in-8°  ;  |  plusieurs  Traités  astronomiques 
et  physiques,  sur  la  nature  du  ciel  et  des 
élémens ,  sur  le  mouvement  des  astres , 
sur  le  flux  et  le  reflux ,  etc. 

LYDIUS  (Jacques),  fils  de  Balthasar, 
ministre  protestant  à  Dordrecht,  et  auteur 
de  quelques  mauvais  ouvrages  de  contro- 
verse ,  succéda  à  son  père  dans  le  minis- 
tère ,  et  se  fît  connaître  au  17'  siècle  danî 
la  république  des  lettres  par  plusieurs  li- 
vres :  I  Sermonum  connubialium  libii 
duo,  in-4°,  1643.  C'est  un  traité  de  diffé- 
rens  usages  des  nations  dans  la  manière 
de  se  marier.  |  De  re  militari,  in-i",  1598, 
publié  par  Van-Thil,  qui  l'enrichit  de 
plusieurs  remarques;  |  Agonostica  sa^ 
cra,  etc.  Rotterdam,  1657 ,  in-12  ;  |  BeU 
gium g loriosu7n .Dordrecht,  1668,  in-i2. 

LYIVD  ou  LYNDE  (Humpurey),  cheva- 
lier anglais,  né  à  Londres,  en  1578,  mort 
l'an  1656  ,  pubiia  deux  Traités  de  contro- 
verse estimés,  dit-on,  de  ses  compatrio- 
tes, et  traduits  en  français  par  Jean  de  la 
Montagne.  L'un  traite  de  la  Foie  sûre» 
et  l'autre  de  la  Foie  égarée. 


LYO 


641 


LYS 


LYNDSAY.  VCjez  LINDSAY. 

LYNDWOODE  (Guillaume  de).  Voy. 
GUILLAUME. 

LYOj\iVET  (Pierre),  naturalisle  et 
graveur,  secrétaire  des  chiffres  des  états- 
{jénéraux  des  Provinces-Unies  ,  naquit  à 
I^îaestricht.le  21  juillet  1707  :  il  apprit  très 
l'eunehuit  langues  tant  anciennes  que  mo- 
dernes, les  sciences  exactes ,  la  sculpture, 
le  dessin,  et  fil  dans  chacune  de  ces  parties 
des  progrès  remarquables.  Il  devint  mem- 
bre de  la  société  royale  de  Londres ,  des 
académies  de  Rouen  et  de  Berlin,  de  l'a- 
cadémie impériale  de  Pétersbourg  ,  de  la 
«ociété  des  sciences  à  Harlem.  Dans  les 
momens  de  loisir  que  lui  offrait  sa  place 
de  traducteur-juré  pour  le  latin  et  le  fran- 
çais, et  de  secrétaire  des  chiffres,  il  dessi- 
nait des  insectes ,  et  devint  en  peu  de 
temps  un  des  premiers  entomologistes  de 
yEurcpe.  Ami  de  Trembley ,  qui  venait 
de  découvrir  que  le  polype  se  reprodui- 
sait par  bouture  ou  par  division,  il  l'aida 
dans  l'ouvrage  où  devait  être  exposée 
cette  découverte  importante,  et  dessi- 
nait les  ligures  que  gravait  ensuite  le  cé- 
lèbre Vandelaar  :  mais  cet  artiste  appor- 
tant des  délais  fréquens  à  son  opération, 
Lyonnet  essaya  de  la  suppléer,  et  après 
avoir  reyu  de  lui  une  heure  de  leçon ,  il 
grava  les  huit  dernières  planches  avec  un 
succès  qui  tenait  du  prodige.  Il  mourut  à 
la  Haye,  le  10  janvier  1789,  dans  la  quatre- 
vingt-deuxième  année  de  son  âge.  Ses 
travaux  sur  les  insectes  lui  ont  mérrté 
une  place  distinguée  parmi  les  amateurs 
de  l'histoire  naturelle.  Son  Traité  anato- 
■  mtque  de  la  chenille  qui  7-onge  le  bois  de 
saule  {Phalœna  cossus)^  la  Haye,  1760  , 
un  vol.  in-4°,  avec  18  planches ,  gravées 
par  l'auteur,  suppose  un  observateur 
aussi  exact  que  patient.  Quoique  ce  Traité 
ne  regarde  directement  que  cette  espèce 
d'insectes,  il  est  fait  avec  tant  de  soin, 
l'auteur  y  a  mis  tant  d'attention  et  de  re- 
cherches, qu'il  peut  diriger  l'amateur  qui 
se  livrerait  à  l'étude  des  chenilles  en  gé- 
néral. On  peut  compter  sur  l'exactitude 
des  gravures,  qui  d'ailleurs  sont  très  bel- 
les ;  l'auteur  a  gravé  sur  les  corps  mêmes, 
la  loupe  à  la  main.  Il  a  traduit  en  français 
la  Théologie  des  insectes  ^j)a.r  Lesser.  Au 
mérite  des  talens  et  de  l'application  il 
joignait  la  sagesse  des  principes,  qu'il 
amenait  et  déduisait  d'une  manière  par- 
ticulièrement satisfaisante.  On  regrette 
que  la  mort  l'ait  empêché  de  mettre  au 
jour  un  nouvel  ouvrage  qu'il  se  propo- 
sait de  publier  sur  les  insectes.  On  espé- 


rait que  son  parent,  M.  Croiset,  secrétaire 
des  postes  de  Hollande ,  à  qui  il  l'a  légué  , 
n'en  priverait  pas  le  public,  et  ferait  gra- 
ver le  reste  des  planches  qui  y  manquent 
encore  ;  mais  l'on  s'est  trompé  dans  cette 
attente.  M.  Marron  a  donné  une  Notice 
sur  Lyonnet  dans  le  Magasin  encyclopé- 
dique^ 1795.  tom.  5,  pag.  89. 

LYRE  (Nicolas  de  ).  Foyez  NICOLAS 
de  Lyre. 

LYSrVNDRE ,  général  des  Lacédémo- 
niens  pendant  la  guerre  contre  Athènes, 
détacha  Ephèse  du  parti  des  Athéniens  « 
et  fit  alliance  avec  Cyrus  le  Jeune ,  rci 
de  Perse.  Fort  du  secours  de  ce  prince,  il 
livra  à  jïlgos-Potamos  un  combat  naval 
aux  Athéniens,  l'an  40o  avant  J.-C,  défit 
leur  flotte  ,  tua  5,000  hommes  ,  se  rendit 
maître  de  diverses  villes,  et  alla  attaquer 
Athènes.  Cette  ville,  pressée  par  terre  et 
par  mer ,  se  vit  contrainte  de  se  rendre 
l'année  suivante.  La  paix  ne  lui  fut  accor- 
dée qu'à  condition  qu'on  démolirait  les 
fortifications  du  Pirée  ;  qu'on  livrerait 
toutes  les  galères,  à  la  réserve  de  douze  ; 
que  les  villes  qui  lui  payaient  tribut ,  se- 
raient affranchies  ;  que  les  bannis  seraient 
rappelés,  et  qu'elle  ne  ferait  plus  la 
guerre  que  sous  les  ordres  de  Lacédé- 
mone.  La  démocratie  fut  détruite,  et  toute 
l'autorité  remise  entr  e  les  mains  de  trente 
archontes.  C'est  ainsi  que  finit  la  guerre 
du  Péloponèse,  après  avoir  duré  27  ans. 
Le  vainqueur  alla  soumettre  ensuite  l'île 
de  Samos  ,  alliée  d'Athènes  ,  et  retourna 
triomphant  à  Sparte  avec  des  richesses 
immenses,  fruit  de  ses  conquêtes.  Son 
ambition  n'était  pas  satisfaite  ;  il  cliercha 
à  s'emparer  de  la  couronne ,  mais  moins 
en  tyran  qu'en  politique.  Il  décria  la  cou- 
tume d'hériter  du  trône,  comme  un  usage 
barbare ,  insinuant  qu'il  était  plus  avan- 
tageux de  ne  déférer  la  royauté  qu'au 
mérite  :  ce  qui  serait  bien  vrai,  si  tout  un 
peuple  pouvait  s'entendre,  sans  trouble 
et  sans  erreur ,  sur  le  choix.  Après  avoir 
tenté  en  vain  de  faire  parler  en  sa  faveur 
les  oracles  de  Delphes ,  de  Dodone  et  de 
Jupiter  Ammon,  il  fut  obligé  de  renonce? 
à  ses  prétentions.  La  guerre  s'étant  ral- 
lumée entre  les  Lacédémoniens  et  les 
Athéniens,  Lysandre  fut  un  des  chefs 
qu'on  leur  opposa.  Il  fut  tué  dans  une  ba- 
taille l'an  395  avant  J.-C.  Les  Spartiates 
furent  délivrés  parsamorld'un ambitieux 
pour  qui  l'amour  de  la  patrie,  la  religion 
du  serment,  les  traités,  l'honneur,  n'é- 
talent  que  de  vains  noms.  Comme  on  lui 
reprochait  qu'il  faisait  des  choses  indignei 


LYS 


642 


LYS 


d'Hercule,  de  qui  les  Lacédémonlens  le 
firent  descendre  par  flatterie  :  Il  fautj 
dit-il,  coudre  la  peau  du  renai'd  où  man- 
que celle  du  lion  ^  faisant  allusion  au  lion 
d'Hercule  :  maxime  digne  d'un  tyran 
fourbe  et  hypocrite.  Il  disait  qu'on  amuse 
des  enfans  avec  des  osselets ,  et  les  hom- 
mes avec  des  paroles.  Cela  n'est  que  Irop 
vrai  ;  mais  si  ceux  qui  sont  amusés  sont 
des  sols ,  ceux  qui  les  amusent  sont  de 
méprisables  imposteurs.  La  vérités  ajou- 
tait-il, vaut  assurément  mieux  que  le 
mensonge  ;  mais  il  faut  se  servir  de  l'un 
et  de  Vautre  dans  l'occasion  ;  maxime  que 
Machiavel  a  adoptée  pour  une  de  ses  plus 
favorites. 

LYSCH  ANDEU  ou  LYSC  ANDER  (  Clau- 
de-Cristophorsex  ) ,  historiographe  du 
roi  de  Danemarck  Chrisliern  IV,  né  en 
1557  et  mort  en  i623,  n'a  guère  mérité 
cette  place  que  par  l'Abrégé  des  histoires 
danoises^  depuis  le  commencement  du 
monde  jusqu'à  nos  jours ^  Copenhague, 
1662,  in -fol.,  en  danois.  Le  titre  seul 
montre  que  l'auteur  était  peu  judicieux. 
Toi'fœus  a  réfuté  cet  abrégé  ;  mais  il  n'en 
valait  pas  la  peine.  On  a  encore  du  même 
auteur  [  une  Chronique  du  Groenland  en 
vers  danois,  Copenhague,  1608,  in -8°; 
I  Electionis  Christiani  Illhistoria^  ibid. 
1623.  On  peut  consulter  poin-  plus  de  dé- 
tails le  Dictionnaire  des  savans  danois 
par  J,  Worm ,  et  les  Monumenta  inedita 
de  Westphalen ,  tom.  3. 

LYSERUS  (  PoLYCARPE  )  naquit  à  Wi- 
nendeen,  dans  le  pays  de  Wittenberg , 
en  1S52.  Le  duc  de  Saxe,  qui  l'avait  fait 
élever  à  ses  dépens  dans  le  collège  de 
Tubingen,  l'appela  en  1577  pour  être  mi- 
nistre de  l'église  de  Wittenberg.  Lyserus 
signa,  l'un  des  premiers,  le  livre  delà 
Concorde^  et  fut  député,  avec  Jacques- 
André  ,  pour  le  faire  signer  aux  théolo- 
giens et  aux  ministre  de  l'électorat  de 
Saxe.  Il  mourut  à  Dresde,  où  il  était  mi- 
nistre, en  1610,  à  58  ans.  Beaucoup  de 
querelles ,  dont  il  parait  avoir  été  ama- 
teur, ne  l'empêchèrent  pas  de  composer 
un  grand  nombre  d'ouvrages  en  latin  et 
ea  allemand.  Les  principaux  sont  :  |  Ex- 
positio  in  Genesim,  en  six  parties  in-4°, 
depuis  1604  jusqu'en  1609  ;  |  Schola  ba- 
bylonica^  1609,  in-i";  |  Colossus  babylo- 
nicus^  1608,  in -4°.  L'auteur  y  donne, 
sous  ces  deux  titres  bizarres,  un  com- 
mentaire sur  \es  deux  premiers  chapitres 
de  Daniel.  |  Un  Commentaire  sur  les 
douze  petits  prophètes ,  publié  à  Leipsick 
en  1609,  1    vol.  in -4°,  par   Polycaipc 


Lyserus,  son  pclil-iils;  |  une  foule  de 
livres  de  théologie  et  de  controverso-, 
remplis  de  préjugés  de  secte;  |  l'édition 
de  y  Histoire  des  Jésuites^  de  l'ex-jésuile 
et  apostat  Hasenmuller ,  qu'il  publia  après 
la  mort  de  celui-ci  sous  ce  titre  :  Historia 
Ordinis  Jesuiticij,  de  Societatis  Jesu  auc- 
tore^  nomine^  gradibus^  incrementis , 
ab  Elia  Ilasenmullero^cum  duplici  prœ.- 
fatione  Polycarpi  Lyseri^  Francfort,  1594 
et  1606,  in-4°.  Le  jésuite  Gretscr  réfuta 
celle  prétendue  histoire,  et  Lyserus  la 
défendit  dans  son  Strena  ad  Gretserum 
pro  honorario  ejus^  in-S",  1607.  Los  deux 
auteurs  ne  s'épargnent  point  les  injures. 
C'était  le  style  ordinaire  entre  les  savaus 
de  ce  temps-là,  et  il  n'est  pas  encore  hors 
de  mode. 

LYSEUUS  (  Jean  ) ,  docteur  de  la  con- 
fession d'Augsbourg ,  de  la  même  famille 
que  le  précédent,  fut  l'Apôtre  do  la 
polygamie  dans  le  17*^  siècle.  Sa  manie 
pour  cette  erreur  alla  si  loin,  qu'il  con- 
suma ses  biens  et  sa  vie  pour  prouver 
que  non  seulement  la  pluralité  des  fem- 
mes est  permise ,  mais  qu'elle  est  même 
commandée  en  certains  cas.  Il  voyagea 
avec  assez  d'incommodité  en  Allemagne, 
en  Danemarck,  en  Suède,  en  Angleterre, 
en  Italie  et  en  France ,  pour  rechercher 
dans  les  bibliothèques  de  quoi  appuyer 
son  opinion,  et  pour  lâcher  de  l'intro- 
duire dans  quelques  pays.  Son  entête- 
ment sur  la  pluralité  des  femmes  surpre- 
nait d'autant  plus,  qu'une  seule  l'aurail 
fort  embarrassé,  suivant  Bayle.  Après 
bien  des  courses  inutiles ,  il  crut  pouvoir 
se  fixer  en  France ,  et  alla  demeurer  chei 
le  docteur  Masius,  ministre  de  l'envoyé 
de  Danemarck.  Il  se  flatta  ensuite  de  ren- 
dre sa  fortune  meilleure  à  la  cour,  par  le 
jeu  des  échecs  qu'il  entendait  parfaite- 
ment, et  s'établit  à  Versailles;  car  tous 
ces  réformateurs  de  la  morale  chrétienno 
savent  mieux  jouer  que  raisonner.  Re- 
poussé et  méprisé  par  tous  les  gens  sen- 
sés, et  étant  tombé  malade  de  dépit,  il 
voulut  revenir  à  pied  à  Paris.  Cette  fa- 
tigue augmenta  tellement  son  mal ,  qu'il 
mourut  dans  une  maison  sur  la  route ,  en 
1684.  On  a  de  lui,  sous  des  noms  em- 
pruntés, un  grand  nombre  de  livres  en 
faveur  de  la  polygamie.  Le  plus  considé- 
rable est  intitulé  :  Polygamia  Trium- 
phatrix^  in-4°,  1682 ,  à  Amsterdam.  Brun- 
sinanus ,  ministre  à  Copenhague ,  a  réfuté 
cet  ouvrage  par  un  livre  intitulé  :  Polyga- 
mia triumphata .  1689 ,  in -8°.  On  a  du 
même  auteur  un  autre  livre  contre  Lyse- 


LYS 


645 


LYS 


rus  intitulé  :  Monogamia  Victrix ,  1689  , 
in-8°.  On  trouva  dans  les  manuscrits  de 
Lyserus  une  liste  curieuse  de  tous  les 
polygames  de  son  siècle.  Il  est  à  croire 
que  celte  liste  aurait  été  plus  longue  si 
l'auteur  y  avait  fait  entrer  tous  ceux  qui, 
n'ayant  qu'une  femme,  vivent  avec  plu- 
sieurs. Les  bons  esprits  n'ont  vu  dans  son 
égarement  que  l'effet  naturel  delà  luxure, 
qui ,  semblable  à  l'avarice^  dit  Montes- 
quieu, plus  elle  a,  plus  elle  veut  avoir. 
11  est  démontré  d'ailleurs  qu'elle  détruit 
la  population ,  et  que  les  pays  où  elle  a 
lieu  (toutes  choses  étant  d'ailleurs  égales), 
sont  déserts ,  en  comparaison  des  autres. 

LYSIAS ,  célèbre  orateur  grec ,  naquit 
à  Syracuse  l'an  459  avant  J.-C,  et  fut 
mené  à  Athènes  par  Cépbales  son  père , 
qui  l'y  fit  élever  avec  soin.  On  le  regarde 
communément  comme  le  plus  élégant ,  le 
plus  gracieux  et  le  plus  simple  des  ora- 
teurs grecs.  Il  s'est  exercé  sur  des  sujets 
bien  peu  favorables  à  l'éloquence  ;  il  ne 
plaidait  pas  lui-  même ,  mais  composait 
des  plaidoyers  pour  les  particuliers  qui 
avaient  des  procès ,  et  ces  plaidoyers  rou- 
lent presque  tous  sur  de  très  petites 
causes.  La  propriété  et  la  clarté  des  ex- 
pressions, un  tour  aisé  et  naturel,  un 
talent  admirable  pour  la  narration,  une 
prodigieuse  sagacité,  un  tact  exquis  des 
convenances,  et  par-dessus  tout,  la  grâce 
([u'on  sent  si  bien  et  qu'on  ne  peut  défi- 
nir, forment  le  caractère  distinctif  de 
Lysias.  Un  des  principaux  avantages 
qu'on  puisse  retirer  aujourd'hui  de  ses 
discours ,  c'est  la  connaissance  des  mœurs 
et  des  usages  des  Atliéniens.  On  rapporte 
que  Lysias,  ayant  donné  un  de  ses  plai- 
doyers à  lire  à  son  adversaire  dans  l'Aréo- 
page ,  cet  homme  lui  dit  :  «  La  1"^*  fois  que 
«je  l'ai  lu,  je  l'ai  trouvé  bon;  la  2*, 
»  moindre;  la  5',  mauvais.  »  Né  bien. 
répliqua  Lysias,  il  est  donc  bon  ;  car  on 
ne  le  récite  qu'une  fois.  Il  mourut  dans 
un  âge  fort  avancé,  l'an  574  avant  J.-C. 
Nous  avons  de  lui  32  Harangues  et  des 
fragmens  de  quelques  autres.  Parmi  les 
diverses  éditions  qu'on  en  a  données,  on 
dislingue  celle  de  Taylor ,  in-4°,  Londres, 
liowyer  ,  iT5^ ,  grœcè  et  latines  et  celle 
de  l'abbé  Auger,  en  grec  et  en  latin, 
avec  une  nouvelle  traduction  française, 
Paris,  1783,2  vol.  in-8°.  On  les  trouve 
aussi  dans  le  Recueil  des  orateurs  grecs 
d'Aide,  in-fol.  1513,  et  de  Henri  Etienne, 
in-fol.  1575. 

LYSIAS  (Claude  ).  F  oyez  CLAUDE. 

LYSIMAClirS,  disciple  de  Callisthè- 


nes,  l'un  des  capitaines  d'Alexandre  le 
Grand,  se  rendit  maître  d'une  partie  de 
la  Thrace ,  après  la  mort  de  ce  conqué- 
rant, et  y  bâtit  une  ville  de  son  nom  l'an 
509  avant  J.-C.  Il  suivit  le  parti  de  Cas- 
sandre  et  de  Séleucus  contre  Antigone  et 
Démétrius  ;  et  se  trouva  à  la  célèbre  ba- 
taille d'Ipsus  l'an  301  avant  J.-C.  Lysi- 
machus  s'empara  de  la  Macédoine ,  et  y 
régna  dix  ans;  mais  ayant  fait  mourir 
son  fils  Agathocle  et  commis  des  cruautés 
inouïes,  les  principaux  de  ses  sujets  l'a- 
bandonnèrent. Il  passa  alors  en  Asie, 
pour  faire  la  guerre  à  Séleucus,  qui  leuf 
avait  donné  retraite,  et  fut  tué  dans  un 
combat  contre  ce  prince ,  l'an  282  avant 
J.-C,  à  74  ans.  On  ne  reconnut  son  corps 
sur  le  champ  de  bataille  que  par  le  moyen 
d'un  petit  chien  qui  ne  l'avait  point  aban- 
donné. 

LYSIMACnUS,  Juif  .parvint  au  sou- 
verain pontificat  de  sa  nation,  l'an  204 
avant  J.-C,  après  avoir  supplanté  son 
frère  Ménélaiis,  en  payant  une  somme 
d'argent  que  celui-ci  n'avait  pu  fournir 
au  roi  Antiochus  Epiphanes.  Les  vio- 
lences, les  injustices  et  les  sacrilèges  sans 
nombre  qu'il  commit  pendant  son  gou- 
vernement portèrent  les  Juifs ,  qui  ne 
pouvaient  plus  le  souffrir,  à  s'en  défaire 
dès  l'année  suivante. 

LYSIMACHUS,  frère  d'ApoUodore,  en- 
nemi déclaré  des  Juifs,  eut  le  gouverne- 
ment de  Gaza.  La  grande  jalousie  qu'il 
conçut  contre  son  frère  (  que  le  peuple  et 
les  soldats  aimaient  et  considéraient  plus 
que  lui)  le  porta  à  le  tuer  en  trahison ,  et 
à  livrer  cette  ville  à  Alexandre  Jannée, 
qui  l'assiégeait. 

LYSIPPE,  très  célèbre  sculpteur  grec, 
natif  de  Sicyone ,  exerça  en  premier  lieu 
le  métier  de  serrurier.  11  s'adonna  en- 
suite à  la  peinture ,  et  la  quitta  pour  se 
livrer  tout  entier  à  la  sculpture.  Il  avait 
eu  d'abord  pour  maître  le  Doryphore  de 
Polyclète  ;  mais  dans  la  suite  il  étudia 
uniquement  la  nature,  qu'il  rendit  avec 
tous  ses  charmes ,  et  surtout  avec  beau- 
coup de  vérité.  Il  était  contemporain  d'A- 
lexandre le  Grand.  C'était  à  lui  et  à  Apet» 
les  seulement  qu'il  était  permis  de  reprc^ 
senter  ce  conquérant.  Lysippe  a  fait  plu- 
sieurs statues  d'Alexandre,  suivant  ses 
différens  âges,  une  entre  autres  était 
d'une  beauté  frappante,  et  l'empereur 
Néron  en  faisait  grand  cas  ;  mais  comme 
elle  n'était  que  de  bronze ,  ce  prince  crut 
que  l'or  en  l'enrichissant  la  rendrait  plus 
belle.  Cette  nouvelle  parure  Hâta  la  statue 


LYS 

au  lieu  de  l'orner  ;  on  fut  obligé  de  1  oler, 
ce  qui  dégrada  sans  douto  beaucoup  ce 
chef-d'œuvre.  Lysippe  est  celui  de  tous 
les  sculpteurs  anciens  qui  a  laissé  le  plus 
d'ouvrages.  On  en  comptait  près  de  sLx 
cents  de  son  ciseau.  Les  plus  connus  sont 
X Apollon  de  Tarente ,  de  40  coudées  de 
haut;  la  statue  de  Soc  rate ,  celle  d'un 
tîomme  sortant  du  bain,  qu'Agrippa  mit 
à  Rcme  devant  ses  thermes  •,  Alexandre 
encore  enfant,  et  les  vingt-cinq  cavaliers 
qui  avaient  perdu  la  vie  au  passage  du 
Granique.  Il  florissait  vers  l'an  364  avairt 
Jésus-Christ. 

LYS!S  ,  philosophe  pythagoricien ,  pré- 
cepteur d'Epaminondas ,  est  auteur ,  sui- 
vant la  plus  comnr.une  opinion ,  des  Fcî's 
dorés,  que  l'on  attribue  ordinairement  à 
Pythagore.  Nous  avons  sous  le  nom  de 


LYT 

Lysis  une  Lettre  à  Ilipparquc  ^  dans 
laquelle  il  lui  reproche  de  divulguer  les 
secrets  de  Pythagore ,  leur  maître  com- 
mun. Celle  lettre  est  dans  lés  Opuscuhi 
mythologica  et  philosophica  de  Thomas 
Gale.  On  croit  que  Lysis  vivait  vers  l'an 
588  avant  J.-C.  Lysis  était  si  fidèle  à  gar- 
der sa  parole,  qu'un  jour,  dit-on,  un  de 
ses  amis ,  qui  l'avait  prié  d'attendre  à  la 
porte  du  temple  de  Junon  tandis  qu'il  y 
faisait  sa  prière ,  l'ayant  oublié ,  et  étant 
sorti  par  une  autre  porte ,  Lysis  demeura 
à  sa  place  jusqu'au  lendemain,  que  son 
ami  se  ressouvint  de  lui  et  vint  le  déga- 
ger de  sa  parole.  Il  faut  avouer  que  c'était 
pousser  un  peu  trop  loin  la  délicatesse . 
et  que  la  vanité  de  se  faire  remarquer 
y  dut  entrer  pour  quelque  chose. 
LYTTELTO\.  rotjez.  LITTLETON. 


FI^  X)V  SEPTI£JEE  VOLUME. 


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